(1846) Journal du magnétisme [Tomes II et III]
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(1846) Journal du magnétisme [Tomes II et III]

1846

JOURNAL

DO

MAGNÉTISME.

JOURNAL

DU

MAGNÉTISME

RÉDIGÉ PAR

UNE SOCIÉTÉ DE MAGNÉTISEURS ET DE MÉDECINS

SOUS LA DIRECTION DE

M. LE BARON DU POTET.

La vérité, n’importe par quelle bouche; le bien, n'importe par quelles mains.

TOME II

PARIS

BUREAUX : RUE D'ANTIN, 12.

1816

JOURNAL

DU

MAGNÉTISME.

PÉRÉGRINATIONS MAGNÉTIQUES.

§ I. — besançon. — (2e article).

Lorsqu’un cerveau est plein d’idées, vraies ou fausses, des choses de ce monde ou du ciel, il est très-difficile d’y faire pénétrer, d’y loger quoi que ce soit de nouveau . Tout ce qui habite cedomicile magique se révolte, combat le nouveau venu. Cette ruche ou ce guêpier s’agite pour repousser l’étranger; tout est en désordre comme dans une académie, lorsqu’apparaît une vérité nouvelle dérangeant toutes les combinaisons, tous les systèmes que tant de grands hommes avaient adoptés. Ce n'est qu’avec du temps, de la patience surtout et par un long siège que l’on réduit la place. Il faut l'investir d’abord, y lancer des projectiles, qui sont les idées nouvelles , détruire quelques edi-lices, se créer des intelligences dans la place, tâcher de se faire ouvrir une porte, et y entrer de force ou

par surprise. II y a bien encore lutte, combat, mais tout se réorganise bientôt sous le nouveau commandant, jusqu’à ce que quelques véritésnouvelles paraissent à l'horizon.

Eh! si nous voyons, pour les choses matérielles et de pure industrie, les intelligences si rebelles, si indomptables , voulant vivre absolument avec le passé et regrettant le bienfait qu’on leur apporte, le perfectionnement de choses utiles et qui doivent éviter des fatigues et des sueurs à des millions d’hommes ; si, dis-je, nous voyons ces choses repoussées par une ou plusieurs générations , ne nous étonnons plus des difficultés que nous rencontrons; elles sont naturelles, mais non invincibles.

Il a fallu près de quarante années pour admettre les pommes de terre comme aliment ; plus de trente ans aux médecins pour reconnaître la circulation du sang qu’une seule expérience suffisait à démontrer. Ce serait une longue histoire que la nôtre, et pourtant quelques instants suffisent pour établir la vérité du magnétisme.

Bien différent des magnétiseurs qui, pour justifier de leur science, voyagent avec des sujets tout préparés , avec des instruments dont ils ont appris à connaître toutes les ressources, moi, je vais seul. Il faut que mes auditeurs me fournissent les faits nécessaires à opérer des convictions. On a beau, ensuite, torturer les faits, les instruments qui les ont manifestés sont connus ; les soupçons tombent un à un, et je suis dégagé du rang des charlatans où on m’avait d’abord placé.

Que de phénomènes merveilleux se sont développés

à Besançon, dans un petit espace servant de salle de démonstrations! Essayons d’en décrire quelques-uns.

D’abord c’est un journaliste du lieu qui, incrédule, est impressionné si vivement que je dois craindre de pousser plus avant l’opération. Sans contact, mais à petite distance, il suffoque, perd la respiration, et il ne lui reste pour faire comprendre ses angoisses que des gestes; la voix est éteinte. Démagnétisé, il ne peut plus môme rester auprès des personnes qu’on magnétise. Il faut qu’il s’éloigne au plus vite. Eh bien, celui-là croit, il fait un article où il dit ce qu’il a éprouvé, et réhabilite le principe qu’il avait nié d’abord.

Un étudiant en médecine, d’une forte constitution, magnétisé, éprouvait un besoin irrésistible de suivre le mouvement des mains du magnétiseur. Il s’inclinait comme s’il eût voulu saluer à chaque fois que la main passait devant sa tète. Lorsqu’il voulait résister le tronc était attiré, la léte s’arquait en arrière, et il avançait ainsi formant un demi-cercle.

Un troisième magnétisé était obligé de fermer les yeux au bout de quelques instants d’action , et, sans dormir , il ne pouvait cependant changer de place ni faire obéir un de ses muscles. Le rire de tous ne pouvait le faire sortir de cette impassibilité automatique.

Tous ces faits convainquirent mes auditeurs, et c'est à qui d’entre eux chercherait à les produire. Dans une séance particulière et devant une société nombreuse, M. James de Montry magnétisa un jeune homme, fort doux en apparence; mais le sommeil ne fut pas plus tôt produit qu’il donna lieu à l’observation suivante :

h

Le magnétisé se leva d’abord, repoussa son magnétiseur; celui-ci continua à le magnétiser debout, en l’invitant d'une voix forte à se câliner et à rester tranquille. Le calme désiré arrivait en effet, mais il était de peu de durée. Bientôt le magnétisé poussait des cris, gesticulait, apostrophait son magnétiseur ; puis, tournant sa haine contre les personnes qui étaient présentes, il les injuriait comme s’il eût été dans l’ivresse. On fit cesser le sommeil; il ne lui restait aucun souvenir; son cœur seulement battait avec violence; il but plusieurs verres d’eau successifs, en se plaignant d’une grande altération.

Un autre étudiant en médecine, nommé Faivre, éprouvait du magnétisme les effets les plus singuliers. C’étaient d’abord des convulsions des muscles de la face , puis du bras ; deux ou trois moments après le corps participait au mouvement convulsif et s’arquait en arrière. Le magnétisé pendant ce temps éprouvait une sensation incommode, analogue à celle produite par le voisinage d’un feu violent. Mais, sans que je changeasse de place, les effets augmentaient encore; c’est alors que, pour s’y soustraire, il bondissait avec violence et poussait devant lui tout ce qui lui faisait obstacle.

Un jour je plaçai ce jeune homme en face d’un autre étudiant, également très-sensible, que je magnétisais dans le moment, et le priai de regarder ce dernier au front. Ils étaient séparés par une distance d’environ quatre mètres. A peine quatre minutes étaient écoulées que tous les deux se levèrent en même temps, en se regardant d’un oeil provocateur; ils frappaient du pied le sol avec violence et donnaient

l image d’une contrariété extrême et d'une grande colère. Cette vive sensibilité cessa par degrés chez tous deux, et au bout de douze jours je ne pouvais plus produire qu’une apparence de sommeil magnétique.

J’avais entendu dire à un médecin anglais que le nikel métallique avait la propriété d’agir violemment sur le système nerveux des magnétisés; j’essayai devant tous mes élèves. L’effet fut aussi prompt que la pensée et se manifesta par de violentes secousses qui ne durèrent que peu d’instants, mais laissèrent après elles des douleurs dans les mâchoires et de la fatigue dans les membres. Je répétai celte expérience avec de légères différences dans les résultats.

L’attraction magnétique s’exerça sur tous les sujets impressionnables ; elle fut, dans certains cas, d’une promptitude extrême.

Ces faits étant suffisants pour qu’il ne restât aucun doute sur l’existence du magnétisme, j’arrêtai ces expériences. Désormais je devais faire comprendre l’utilité de cette puissance et déterminer mes élèves à la diriger sur des êtres souffrants et à s’en servir pour des œuvres debien. Beaucoup me comprirent, t-t, répondant à mes vœux, ils m’amenèrent beaucoup de malheureux malades dont le traitement commença sous mes jeux. Le bien qu’ils firent enflamma leur zèle, •et c’est ainsi qu’ils osèrent magnétiser des malades à l'hôpital. L’endroit était bien choisi. C’est dans ce lieu en effet que le magnétisme doit s’exercer. Mais que de temps encore avant que cette pratique si simple et si efficace y soit seulement tolérée. On se rap-

pelle (1) le sort de l’un d’eux, chassé lionleusemo.t de l’hôpital. Tout son crime était d'avoir produit un lait inexplicable pour de pauvre scerveaux. -Voici une complainte qui fut faite à ce sujet par an poëto bisontin :

HISTOIRE LAÏIEIfABIF

D'UN MAGNÉTISEUR

Ignominieusement chassé de l’hôpital Saint-Jacques

POUR AVOIR FAIT PARLER UNE MORTE.

Air de Fualdcs.

Dans la ville capitale Du département du Doubs,

U exisle un nommé Goux,

Plein d’une audace infernale, Qui d’apprenti médecin Est devenu magicien.

A l'hospice de Sainl-Jacques, Toul ù son nouveau méiier.

Cet exécrable sorcier,

Qu'on devrait brûler à Pâques, A fait un horrible coup Dont on parlera beaucoup.

Du lit d'une Irépassée Un malin il s’approcha;

Surlc front il la toucha De sa griffe ensorcelée ;

On ne sait ce qu’il lui di»,

Mais la morte répondit.

Au bruit de celle aventure, line sœur del’hôpilal

S’effraya d’un si grand mal; Puis, allongeant sa figure, l’il ce terrible sermon A ce valel (lu démon :

« Malheureux, qù’osez vous faiic?

« Vous ressuscitez les morts,

« Quand nos docteurs les plus foris

• l'ont souvent loul le contraire!

• Comment avez-vous le front « De leur faire cet affront?

« C'est d’un pouvoir diabolique

« Qu’ici vous avez usé;

« Vous avez magnétisé

« Celte femme... F.t loul s’cxpli«.'»«:

« On vous avait interdit

« Cet exercice maudit.

« Sur les gens qu’ici l’un soigne

« Plus de gestes infernaux,

« Ou je ferme leurs rideaux ;

• Et, s’il faut qu’on vous éloigne,

« On saura vous empêcher

« De jamais les approcher. »

« — Vos mesures seraient vaincs. Répondit l’audacieux :

« Par le seul pouvoir des yeux

« Je magnétise sans peines;

« Et mime au travers d'un mur

« Je puis agir à coup sûr.

(1) Tome I", page G), V.xptrknces à l'hôpital Saint-Jacquci.

« Bien plus... Ma seule pensée

4 l'eut magnétiser aussi :

A. ne plus rentrer ici

Aujourd'hui, la révérende Veut bien pardonner à Goux ;

« il n'est pas d’autorité. »

« fourrait-elle fil re forcée? o Sur sa libre volonté

Mais il faut qu’à ses genou*

Il fasse honorable amende ; El cet orgueilleux sorcier Ne veut pas s’humilier.

Ce langage abominable Rientôt met l’alarme au camp; On le traduit sur-le-champ

A révoquer la sentence,

N>us peine d’étre empoigné.

A l'abbesse redoutable, i.e rebelle est consigné.

Bonne sœur ne pensez plus; Que le malheureux exclus Meure dans l’impénilence, Et puis qu’il aille en enfer Magnétiser Lucifer.

Mais les sœurs, depuis ce jour, Chaque nuit, dans leur séjour, Où sans corps il se transporte, Sentent des esprils follets

i.e voilà mis à la porte;

Non, votre mâle énergie Ne se démentira point,

Qui ieur grattent les mollets.

El vous files, sur ce point, Plus forte que la magic : Cent culottes, j’en réponds, Ne valent pas vos jupons.

Cette complainte se vendit au profit des pauvres, elle fut ainsi utile. Si d’un côté on empêchait de soulager et de guérir quelques malheureux dans les hôpitaux, ceux qui n’habitaient point cet asile trouvaient en nous tous des dispositions plus humaines, et aucun ne fut repoussé de notre hôpital improvisé.

Dans une gravure, un artiste chercha à représenter l’effroi et l’indignation des religieuses à la vue d’une scène de magnétisme ; nous sommes fâchés de ne pouvoir la reproduire dans ce journal : elle eût été un complément à la chanson plaisante que nous venons de donner.

[La suite au prochain numéro.)

MANUEL DU MAGNÉTISEUR

( Suite.)

CAUSES QUI DIMINUENT Ot) EMPÊCHENT COMPLÈTEMENT l’efficacité DU MAGNÉTISME.

Il faut placer en première ligne l’opium et tous les narcotiques, l’onanisme, l’abus des plaisirs vénériens, l’usage immodéré des liqueurs fortes, les préparations pharmaceutiques do mercure, d’arsenic, de cuivre,, de plomb, le nitrate d’argent et toute cette série de poisons que la nouvelle médecine donne comme remèdes. Avant de soulager les malades, le magnétisme »besoin de repousser de la circulation ces produits étranges de malheureuse invention humaine.

Viennent ensuite l’abus du café, du thé, je ne dis pas l’usage seulement, et les préoccupations violentes de l’esprit.

Si vous réussissez dans ces cas, c’est que vous aurez doublé vos efTorts et que vous les aurez soutenus très-longtemps.

J’ai magrtétisé des individus pour des affections de1 la moelle épinière; je n’en ai ni guéri ni soulagé un seul. Tous, il est vrai, avaient fait usage d’extrait alcoolique de noix vomique, de strychnine ou autres-médicaments d’une action aussi violente. Peut-être serez-vous plus heureux que moi dans ces traitements.

L’embonpoint trop prononcé est aussi un obstacle,

non pas au développement des effets, mais à un rétablissement prompt.

Une grande confiance en soi-même; la foi enfin, passe par-dessus toutes les difficultés.

Avant qu’un malade ait retrouvé tout ù fait la santé, lorsqu’il l'entrevoit, lorsque déjà le poids de la maladie diminue et que les sens retrouvent par degrés une finesse qu’ils avaient'perdue, c’est alors que la reconnaissance éclate et que l’on apprécie votre œuvre. Vous voyez le convalescent jouir de ce qui ne le touchait plus; il est comme s’il entrait tout à coup dans la vie. Toutes les beautés de la nature, tous les parfums des plantes l’enivrent. Il est accessible à tous les sentiments généreux, et souvent des pleurs coulent de ses yeux qui naguère étaient encore desséchés. Vous son médecin, son sauveur, vous êtes un Dieu pour lui; il sent tout ce qu’il vous doit, et manque souvent de termes pour vous exprimer sa reconnaissance. Moment difficile pour un magnétiseur. Gardez-vous d’imprudence ; n’ouvrez votre âme qu’à moitié; ce soleil si brillant du matin, et qui doit échauffer toute cette journée, prépare souvent des orages.

Redoublez de soins et d’attentions ; ne croyez point votre œuvre accomplie; agissez encore comme si rien ne s’était passé. Les rechutes sont fréquentes, et la dernière crise peut encore être loin du temps que vous aviez imaginé. Je vous le répète, c’est une chose difficile que la cure radicale d’une affection ancienne, -quels que soient d’ailleurs la sensibilité du sujet et votre pouvoir magnétique.

Notre médecine étant d’un ordre physique et moral,

vous devez, lorsque vous avez guéri un malade, l'exhorter à fuir, à éviter les causes qui ont amené maladie, lorsque ces causes ne sont point en dehors des connaissances humaines. Souvent des rechutes pourraient être évitées si on eût rompu tout à fait avec les habitudes qui déterminèrent les premiers accidents. On vous accuse alors de n'avoir point guéri, mais seulement soulagé, et on se tait sur ses propres erreurs. Il est facile de prévoir, en étudiant un peu les habitudes et la vie d’un homme, ce qui doit lui arriver, ce qui l’attend. Soyez ferme, tâchez d’agir sur la raison, c’est votre devoir. Votre mission est presque semblable à celle du prêtre : il a besoin d’être sévère pour accomplir son devoir; soyez comme lui, imprimez certaines terreurs à l’âme. Beaucoup d’hommes ne sont que de grands énfants; ils ont besoin d’être éclairés; il faut veiller sur eux pour empêcher leurs chutes. On vous promet tout ce que vous voulez tant qu’on est malade, si on espère en vous un rétablissement; rappelez ces promesses en temps et lieux. Vous obtiendrez bien rarement ce que vous désirez, mais alors votre conscience est tranquille, et vous n’avez nul reproche à vous faire.

Méditez ce que Pline écrivait a Maximus (I) :

« Ces jours passés, la maladie d’un de mes amis « me fit faire cette réflexion, que nous sommes fort « gens de bien quand nous sommes malades ; car quel « est le malade que l’avarice ou l’ambition tourmente ? « Il n’est plus enivré d’amour, entêté d’honneurs; il « néglige le bien, et compte toujours avoir assez du

(i) Livre VII, lettre x«l.

« peu qu'il se voit surlc point de quitter. Il croit les . dieux, et il se souvient qu’il est homme; il n’envie, « il n’admire, il ne méprise la fortune de personne.

Les médisances ne lui font ni impression ni plaisir; « toute son imagination n’est occupée que de bains « et de fontaines ; tout ce qu’il se propose ( s’il en peut « échapper), c’est de mener à l’avenir une vie douce « et tranquille, une vie innocente et heureuse. Je « puis donc nous faire ici à tous deux, en peu de mots, « une leçon dont les philosophes font des volumes « entiers. Persévérons à être tels pendant la santé « que nous nous proposons de devenir quand nous « sommes malades. Adieu. »

{La suite au prochain numéro.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

ACADÉMIE ROYALE DU GARD.

Séance du 29 novembre 1845.

L'appel tant de fois fait en vain aux corps savants d’examiner les phénomènes du magnétisme animal vient d’être renouvelé par M. P. Hedde devant l’Académie du Gard, dont les membres sont, jusqu’ici, restés étrangers à la question. L’auteur a provoqué l’examen de l'Académie par la lecture d’un long mémoire dans

lequel il substitue au mot magnétisme celui de Sjm-palhisme, dont nous examinerous prochainement la valeur.

Le Courrier du Gard, qui rapporto en entier le travail do M. Hedde , résume ainsi les travaux de la séance.

« L’Académie a entendu avec le plus grand intérêt la lecture de ce mémoire.

« Un des membres de l’assemblée a fait observer que? la science devait attacher une trop grande importance à la solution des problèmessoulevés par les expériences et par les recherches de l’auteur de ce mémoire pour que l’Académie du Gard restât étrangère à ces débats scientifiques; qu’en conséquence il pensait qu’il pourrait être utile que l’auteur rendît, s’il était possible, les membres de l’Académie témoins de quelques-uns des phénomènes qu’il signale dans son travail.

« Sur les sollicitations de M. le président et deM. le secrétaire del’Académie,et après avoir cependant fait connaître dans un exposé succinct et rapide les avantages du sympathisme, considéré non-seulement comme remède, mais encore comme moyen de perfectionnement dans les branches si variées des arts, des sciencesetde l’industrie humaine; aprèsavoir signalé en même temps les inconvénients et les dangers que présente la pratique du sympathisme et la difficulté que l’on devait dès lors éprouver à rencontrer des sujets favorables au développement des phénomènes sympathiques, l’auteur du mémoire s’empresse de se mettre à la disposition de l'Académie pour renouveler quelques expériences devant un ou plusieurs de ses

membres, suivant le plus ou moins d’aptitude des sujets sur lesquels il lui sera possible d’opérer. »

ATHÉNÉE ÉLECTRO-MAGNÉTIQUE DE LYON.

Programme de la Société (1).

Félix qui potuil rerum cognoscerc causas, VlRGILC.

Toute société qui se fonde doit indiquer le but auquel elle tend; c’est là sa raison d’être.

Le titre et l’épigraphe de ce programme indiquent assez le but de notre société. Nous voulons établir un ordre de faits que la science actuelle n’a pas encore classés, parce qu’elle n’a pu les rapporter à aucune des causes connues : le moyen Age les a attribués à l’intervention des puissances surnaturelles; le XVIIIe siècle a trouvé plus commode do les nier. Comment, au milieu d’une crédulité ignorante ou d’un scepticisme railleur, la vérité aurait-elle pu surgir? Cependant ces faits existent, et chaque jour ils se présentent sous des formes multiples. Notre siècle est celui de la froide raison ; observateur analytique et enclin à l’éclectisme, il ne nie pas, il n’affirme pas, il doute; il attend que l’analyse et la raison le conduisent à la vérité; il se trouve donc dans la condition la plus favorable pour observer les faits inexpliqués jusqu’ici. L’origine des forces, causes premières de la vitalité humaine, est encore inconnue. Sont-elles

(0 Nous avons cru devoir reproduire les passages les plus saillants de celle «uvre, qui mérite d’être conservée. (Note Uu Directeur.)

produites'par le fluide magnétique ou par le fluide électrique? ces deux fluides n’en l'out-ils qu’un:1 questions auxquelles il n’a pas encore été répondu d’une manière satisfaisante, non qu’elles soient, une. barrière infranchissable pour l’esprit humain, mais parce qu’on n’a pas encore voulu les aborder. Comment alors la philosophie, la médecine, la physique progresseront-elles si on s’obstine à laisser en dehors un agent jusqu’ici mystérieux, mais dont, néanmoins, l’existence nous est révélée.............

L’histoire de toutes les sciences nous les montre d’abord comme le recueil de quelques faits que l’on abandonne à l'interprétation du vulgaire, pour qui tout est prodige; car, dans le cercle étroit où l’ignorance le retient, il ne peut voir la loi unique par laquelle tout se meut dans l’univers.

Mais, après être restés longtemps incultes et improductifs, ces faits rares et merveilleux sont recueillis par des esprits sérieux, qui les étudient, les "comparent, les jugent. Bientôt une nouvelle science est créée et avec elle un nouveau progrès de l’intelligence humaine, qui y trouve des moyens d’investigation, un essor pour son activité et un levier nouveau pour augmenter sa puissance.

Ainsi les propriétés électriques de l’ambre jaune, enseignées par Thalès, restèrent à peu près sans étude et sans application jusqu’à ce qu’un médecin du XVIIe siècle, Gibert, à force de patience et d’industrie, parvint à dresser un catalogue des corps qui partagent les propriétés de l’ambre; et de ce jour une branche importante de la physique fut constituée.

Par une loi divine de transformation et de progrès, loi évidente pour tous les hommes réfléchis et studieux, les découvertes ne sont que les reflets et les développements de quelques faits longtemps méconnus, mais que le génie est parvenu à généraliser en découvrant les caractères d’analogie et d’homogénéité qui les unissent à d’autres faits.

Dans l’ordre physique comme dans l’ordre moral, tout se lie. L’étude d’un fait isolé peut nous faire voir une confusion apparente dans la marche de la nature : pour faire disparaître cette confusion, il suffit d'élever son esprit jusqu’à l’examen non-seulement des faits, mais des causes qui les déterminent, et bientôt cette loi de solidarité qüi rend toutes les parties de l’univers dépendantes les unes des autres pourra se révéler.

Le progrès de l’homme sert au progrès des hommes, le développement d’une génération contribue au développement des générations qui la suivent ; de même les progrès d’une science déterminent les progrès d’une autre science, parce que toutes sont des anneaux d’une chaîne commune qui lie le monde moral au monde physique, l’esprit à la matière.....

Le moment est venu de partir de l’observation des faits pour s’élever à la constitution de la science. Mais pour y parvenir il faut, à des faits connus, rendus incontestables par des témoignages éclairés ou loyaux, réunir des faits méconnus ou contestés, les vérifier les uns parles autres, prouver l’existence des seconds par celle des premiers, et en faire ressortir une doctrine réelle, fondée sur des principes pouvant se résoudre en axiome.

On le voit, le cadre de cet Athenée est vaste, et il peut encore s’agrandir, car nos investigations n’auront d’autres limites que notre impuissance : tout ce qui se rattache de près ou de loin à la science des forces de la nature sera de son domaine.

L’électricité, le galvanisme et le magnétisme représentent, sous différents noms, cet agent mystérieux dont on n'a point encore précisé les limites, ni déterminé le mode d’action. On ne peut plus nier cette substance impondérable, incoercible, insaisissable, et répandue dans tout l’univers. Qu:on l’appelle éther, esprit universel, feu-élément, âme du monde, peu importe, elle existe; trop de phénomènes rappellent sa présence aux plus incrédules. De nos jours la désignation de-fluide magnétique ou électro-magnétique semble avoir prévalu. Quoi qu’il en soit de ces dénominations, elles expriment toutes un agent spécial doué de la propriété de modifier, transformer et approprier à un être les qualités essentielles d’un autre : toutes expriment cette propriété, de soumettre la nature à l’empire de la volonté humaine.

L’antiquité a-t-elle connu la puissance de cet agent, l’a-t-elle expérimenté? Nouvelle question à examiner; nous le ferons avec les règles de la critique historique.

Ainsi la mystérieuse Egypte, l’Inde, plus ancienne, la Grèce, leur brillante héritière, se sont-elles transmis le dépôt précieux des sciences occultes parla voie de l’initiation? Au nombre de ces sciences le magnétisme figurait-il? Hermès posséda-t-il le secret de la doctrine à laquelle il a donné son nom ? Qu’étaient ces prêtres de Méroé, de Memphis et de Bénarès? Les

yymnosophistes, les magiciens du Nil, qui semblaient disposer à leur gré de la nature, découvrir les choses les plus cachées, et dont les derniers furent les célèbres Simon et Apollonius de Tyanes, étaient-cc vraiment des initiés, et tous les initiés l’étaient-ils au même degré? Etaient-ce simplement des magnétistes ou savants versés dans'la connaissance de l’esprit universel? Encore une fois, ces questions font partie du programme que la société est appelée à remplir.

Nous examinerons aussi cette poétique tradition qui nous monlre un peuple nomade, les Arabes, courant de conquête en conquête et transportant la philosophie corpusculaire d’Orient en Occident, soit qu'elle leur vînt des Grecs, soit qu’ils l’eussent recueillie dans les traditions du Gange et du Sennaar. Nous verrons, au XIIe siècle de l’ère moderne, l'Espagne, la France, l’Italie, l’Ecosse, l’Angleterre et surtout l’Allemagne illustrées par des hommes profondément versés dans l’étude de celte science; mais en même temps nous les verrons accusés de magie et expiant sur des bûchers, qu’allume l’ignorance, le crime d’avoir pénétré trop avant dans la transmission et l’assimilation des qualités des êtres. C’est à la crainte des persécutions autant qu’aux dissensions politiques et aux querelles religieuses qu’il faut attribuer l’obscurité et l’oubli où retomba cette doctrine. Mais l’esprit humain a marché, et le XVIIIe siècle émancipe la pensée; Un homme paraît : l’Allemagne, ce pays des profonds penseurs, nous l’envoie. Est-ce une théorie nouvelle, éclose du génie d’un seul homme, ou bien la restitution d’une science oubliée que Mesmer apporte au monde ?

Si l’Allemagne conçoit, la France proclame. Chasseresses d’idées, la Germanie et la Gaule sont deux nobles sœurs également belles et fortes qu'un même lait a nourries, et qui, du nord au midi, poursuivent avec des tempéraments divers une œuvre commune.

Soyons justes : le nom de Mesmer doit briller parmi ceux des hommes qui ont agrandi le domaine de l'intelligence. Au milieu d’un siècle trop sceptique et qui fut une réaction violente de la philosophie contre les préjugés, siècle moqueur, qui sacrifia bien souvent au plaisir d’un bon mot ce qu’il aurait fallu respecter, et d’excès en excès, au nom de principes vrais, reconstitua le dogme sacrilège de l’intolérance au préjudice de la pensée humaine, en voulant lui assigner des limites, Mesmer fut la victime de cette intolérance philosophique. De nombreux disciples cependant, dédaignant les sarcasmes, se rangèrent à sa suite. Le plus distingué d’entre eux, le marquis de Puységur, esprit droit, âme philanthropique, fit porter de nouveaux fruits à l'arbre cultivé par les mains du docteur allemand ; il modifia les réservoirs ou baquets, pratiqua la magnétisation directe, étudia le somnambulisme artificiel, en un mot, enseigna le magnétisme tel à peu près que notre époque le comprend.

Aujourd’hui les bûchers du moyen âge sont éteints, et le pyrrhonisme voltairien est remplacé par un esprit de sage critique.

A l’œuvre donc, vous tous qui ne voulez point que le siècle s’arrête dans la voie des découvertes, vous surtout, cœurs ardents, qui chérissez dans tous les hommes des compatriotes et des frères. Le ciel vous.

olJVe un nouveau moyen d'être utiles à vos semblables, dans la connaissance de l’esprit universel qui anime la nature, et dans l’application de cette science un soulagement des maladies et des douleurs. Entrez donc dans ce merveilleux laboratoire, entrez-y aveu loi et sans crainte, pourvu que le serpent d’Esculape vous accompagne. Comme vous, nous cherchons la vérité; comme vous, nous partons du doute méthodique pour arriver à l’affirmation. Chacun de nous, seul, réduit à son analyse et à sa raison, s’est trouvé impuissant : en nous réunissant, nous multiplions nos moyens, nous apprenons à les diriger logiquement et avec ensemble.

Puisse cette œuvre obtenir le concours de tous ceux qui veulent le bien et qui ont quelque talent pour réaliser leurs bonnes intentions. Leur concours peut seul déterminer l’émancipation de l’homme, qui prend enfin la robe virile et veut accomplir sa sublime et mystérieuse destinée. Quelle plus noble lâche? Etre utile à ses semblables et faire progresser la science de tous les temps et de tous les lieux, la seule peut-être dont l’oubli arrête la marche de toutes les autres.

CLINIQUE MAGNÉTIQUE.

SECTION DU TENDON d'aCHII.LE.

On lit dans le Phare de la Manche:

Monsieur le rédacteur,

Il y a peu de temps vous avez entrenu vos lecteurs d’une opération faite avec un succès remarquable à l’aide du sommeil magnétique (I) ; aujourd'hui, une opération non moins digne d’intérét vient d'ètro pratiquée. Plusieurs personnes m’ayant témoigné le désir de la connaître dans tous ses détails, je me fais un plaisir do la leur communiquer.

Mllc A. L...., ûgée de vingt-six ans, née à Saint-Sauveur-le-Vicomte, est venue à Cherbourg pour se faire traiter d’une rétraction des doigts de la main. Il y a sept semaines, dans une chute où le pied droit supporta le poids du corps, une entorse eut lieu. Malgré l’emploi des moyens exigés en pareil cas, le membre prit un volume considérable ; des douleurs aiguës se manifestèrent, et les nuits se passaient au milieu d’une vive agitation.

A une époque antérieure, Mlle A. L..... avait été

plusieurs fois endormie du sommeil magnétique. Dans le but de calmer scs souffrances, je songeai à utiliser cette précieuse ressource. Bientôt le volume du piet diminue, les douleurs se calment, et à l’agitation des nuits succède un sommeil réparateur. Dès la pre-

(I ) Vovi i Journal du Magnit'ami, tome 1", page 591.

mièrc magnétisation j’avais obtenu une insensibilité absolue.

Plusieurs jours après, par une fâcheuse prédisposition, le pied se dévie, la plante se porte en dedans, le bord interne se creuse et la pointe se tourne vers le talon. Il devient urgent de remédier à cette difformité croissante. Deux opérations sont pratiquées pendant la veille, et, au dire de la malade, la douleur est excessive.

Plus tard la pointe du pied s’abaisse, le talon s’élève, et tout mouvement de flexion devient impossible. Une troisième opération, beaucoup plus douloureuse que les deux autres, devient urgente. Cette fois, pour rendre nulle la souffrance et épargner à la malade des frayeurs inutiles, on décide qu’elle sera magnétisée. L’opération est fixée au mercredi 10 décembre 1845, à cinq heures du soir.

Au jour et à l’heure indiqués, M,le A. L...., non prévenue de ce qui doit être fait, est magnétisée et endormie; ensuite l’insensibilité est explorée de diverses manières, et, après avoir acquis la certitude qu’elle est complète, l’opérateur procède à la section du tendon d’Achille.

Une ponction est pratiquée à la peau, à quatre centimètres environ au-dessus du talon et à la partie interne et postérieure de la jambe.

Lorsque l’instrument eut traversé les chairs, la malade fit entendre un bourdonnement sourd. Alors plusieurs des assistants, qui ignoraient qu’elle avait l’habitude de chanter pendant son état de somnambulisme, crurent que c'étaient des plaintes arrachées par la douleur; mais peu à peu la voix devint plus

claire, et à la monotonie fies premiers sons succède un chant vibrant et sonore.

L’opérateur s'arrête un instant, puis fait glisser l’instrument tranchant entre la peau et le tendon à inciser.

Pendant ce deuxième temps la voix se développe, le rhylhme est mieux observé, chaque modulation semble préparée avec plus d’art. On dirait qu en chantant la patiente s’anime et s’écoute avec complaisance; cela se remarque surtout dans les paroles suivantes :

A mes malheurs renei mcllrc un Icroie,

Sauver, Seigneur, cle.

l'ne brusque détente, occasionnée par la section du tendon, interrompt le chant tout à coup. La malade, comme si elle eût été instruite que l’opération était terminée, s’écrie : •¡.Merci, Messieurs! merci!... pour

le bien que vous me faites!......que ne puis-je à vos

genoux vous dire que je ne perdrai jamais le souvenir de vos bontés. »

Le pouls, exploré avant et après l'opération, n a point subi de changement notable dans la fréquence; la respiration se fait avec un calme si parlait que les mouvements de la poitrine sont à peine perceptibles. Un instant après le pied est ramené dans sa position naturelle et maintenu par un appareil approprié.

Cinq minutes après le pansement on demande à la malade si elle veut être éveillée ; elle répond : « Je me trouve tmp bien pour cela y laissez-moi dormir encore ! »

Au réveil, clic n’a nulle conscience de.ee qui vient •le se passer ; elle sourit à son médecin, et s’informe, en voyant autour d’elle un grand nombre de personnes, si l’opération est pratiquée. Sur une réponse négative, elle se désole, et demande avec instance à être opérée, l'n des assistants lui apprend alors que tout est terminé. A cette nouvelle, elle laisse éclater sa joie, et se livre avec abandon à sa gaîté naturelle. Elle ne regrette qu’une chose : c’est de n’avoir pas été magnétisée lors des deux opérations précédentes.

Le jour suivant la malade, curieuse do voir la plaie qui résulte de l’opération , n’a point %é magnétisée pour le pansement. Elle a éprouvé, pendant tout ce temps et après, des douleurs aiguës; les jours suivants, elle est magnétisée et n’éprouve aucune souffrance.

Dans l’intervalle de chaque pansement des douleurs se font sentir; quand elles acquièrent une certaine intensité, la malade est magnétisée et cesse de souffrir même longtemps après le réveil.

Depuis l’opération, aucun accident ne s’est manifesté, et tout annonce une guérison prochaine.

Cette opération a été pratiquée en présence de huit témoins, au nombre desquels étaient cinq médecins, ilont plusieurs assistaient pour la première fois à des phénomènes d’insensibilité magnétique. Tous se sont retirés entièrement convaincus de l’utilo emploi que l’on fait du magnétisme dans les opérations chirurgicales.

J’ai l’honneur d’être, etc.

A. Delente.

CIici bourg, 18 décembre 1845.

VARIÉTÉS.

Révélations. — Lorsque l’ignorance ou la passion mous ont conduit à faire le mal, ce que nous devons désirer le plus, après le pardon de Dieu, est l’oubli des hommes. La justice de Dieu s’exerce et nul ne sait comment. J^e souverain des hommes poursuit ù travers les siècles les persécuteurs comme les bourreaux des innocents; et cette vengeance, nécessaire, car elle est un avertissement pour les vivants, s'est exercée souvent jusque sur la cendre des morts.

II est curieux pour nous aujourd'hui d’apprendre qu’une malade somnambule lucide vient d indiquer le lieu de la sépulture du trop fameux abbé Cnuchon, évêque d’Evreux, et l’un desjuges de Jeanne d’Arc (I). Quoi! dans le sommeil magnétique aussi, une préoccupation saisirait notre esprit; le passé se présenterait à nos regards, et, doués de facultés merveilleuses, nous irions fouiller en esprit jusque dans les tombeaux pour y remuer la poussière des hommes qui furent coupables! Le fait n’est que trop vrai, mais ici ce n’est que justice encore. Jeanne d’Arc n’était-efle point somnambule? Singulier rapprochement : une autre crisiaque, évoquant son souvenir, découvre un de ses meurtriers enfoui sous la pierre d’un sépulcre depuis des siècles. Tenez-vous bien

(1) Nous donnerons les détails circonstanciés de ce fait.

provenus ; bientôt 011 lira dans vos cœurs, et moris ou vivants vous ne pourrez vous cacher.

Le tonnelier-médecin. — Un garçon tonnelier des environs de Neustadt, sur l’Orla, s’est établi à Naumbourg. Il y exerce la médecine par le procédé du magnétisme animal. Ses cures heureuses lui ont valu le titre du docteur merveilleux. Sa méthode est très-Minple : il ne se sert pas des aimants minéraux du père Hell; il guérit ses malades par ses manipulations et par insufflation. On n’a aucun charlatanisme à lui reprocher : il refuse des malades, et il ne se fait payer que par les riches. Deux notabilités, dont l’une est un docteur en droit et l’autre un docteur en méde-|'ine, ayant été rétablies par ses soins, il n’est pas étonnant que sa réputation ait beaucoup grandi, et que tout le pays veuille se faire soigner par le garçon tonnelier. (Gazette universelle de Leipzig.')

Pensées de M. de Balzac. — Imitez Moïse : dépouillez-vous de toute souillure; quittez bien complètement votre corps pour entrer dans le sanctuaire; autrement vous seriez consumé; car Dieu... Dieu c’est Ja lumière. (Les Proscrits, p. 55.)

— Comment les hommes ont-ils si peu réfléchijus-qu alors aux accidents du sommeil, qui accusent en l’homme une double vie ? (Louis Lambert, p. 77.)

— Le magnétisme, science jadis cachée au fond des Mystères d’Isis, de Delphes, dans l’antre de Tropho-nius, est retrouvé par Mesmer à deux pas de Lavater, précurseur de GaH. (Idem, p. 181.)

— Les événements qui attestent l’action de l’hu-

inanité, et qui sont le produit île son intelligence, ont des causes dans lesquelles ils sont préconçus comme nos actions sont accomplies dans notre pensée avant de se reproduire au dehors : les pressentiments ou les prophéties sont les aperçus de ces causes. (Idem, p. 25.)

— El verbum caro factum est, etc. (I). C est la formule traditionnelle de la volonté, du verbe, de l’action visible. Le Christ ne s’apercevant pas de sa mort, ayant assez perfectionné l'être intérieur par des œuvres divines pour qu’un jour la forme invisible en apparût à scs disoiples; enfin, les mystères de l'Evangile, les guérisons magnétiques du Christ, et le don des langues, confirmaient sa doctrine. (Idem, p. 224.)

— Ici-bas tout est le produit d’une substance ¿¡Itérée t base commune de plusieurs phénomènes, connus sous les noms impropres d’électricité, chaleur, lumière, fluide galvanique, magnétique, etc. L’universalité de ses transmutations constitue ce que l’on appelle vulgairement la matière.

Le cerveau est le matras où l'animal transporte ce que, suivant la force de l’appareil, chacun de ses organes peut absorber de cette substance d’où elle sort transformée en volonté, fluide qui est l’attribut de tout être doué du mouvement. En l’homme, la volonté devient une force qui lui est propre... Aussi, peut-être un jour le sens inverse de Y Et verbum car« factum est (2) sera-t-il le résumé d’un nouvel Evangile. (Idem, p. 337 et 345.)

fl) La parole ou l'esprit s'est Tait chair.

(2) C’csi-i-dire la cltair s’est fj't c-piit.

— Vous croyez à la puissance de l’électricité fixée dans l’aimant, et vous niez le pouvoir de celle que dégage rûme. (Serapliita, p. 257.)

(Extrait Je la Tribune lyonnaise.)

Revue des journaux. — Le Courrier des Ar-dennes du 2 décembre publie avec de plus longs détails la cure de Mademoiselle N., au lieu de T., que nous avons rapportée tome Ier, page 503.

La Tribune lyonnaise du 5 décembre nous fait connaître que l’auteur des expériences faites à Privas, et rapportées tome Ier, page 422, du Journal du Magnétisme, est M. Chalande, membre de l’Athénée élec-tro-magnétique de Lyon.

Le Courrier du Gard du 23 décembre contient le discours de M. Ph. Hedde à l’Académie du Gard. Ce document est le résumé, à peu près, de ceux du même genre.

L'Illustration du 3 janvier 184G contient une série de caricatures sur diverses scènes de magnétisme, et principalement sur la transposition des sens.

Le Phare de la Manche du 21 décembre 1846 contient le récit d’une section du tendon d’Achille, dans

1 état magnétique sans douleur. /.« Réforme et d’autres journaux quotidiens ont mentionné ce fait.

La Mouche de Saône-et-Loire, rapportant dans son numéro du 6 janvier les traits principaux de l'opération de MUc d’Albanel, ajoute :

• Voilà un fait incontestable, attesté par six personnes honorables. L’Acidëmie de Médecine de Paris daignera t elle reconnaître l'utilité du magnétisme? Allons donc! elle ne saurait l'expliquer, et la docte

assemblée u'accepte que cc qu'elle comprend. C'est pourquoi elle est si pauvre ri si stérile. •

L'Ami de la Religion contient un article philosophique sur la concordance des données de la religion et de la science. Le magnétisme y est envisagé *lans son double aspect physique et moral, et dans des termes qui attestent que l’écrivain sait apprécier la portée de cette science naissante.

T.e Correspondant, journal religieux, vient de publier, sous le titre de la Science funeste, un roman de Mme Anna-Marie, qui reconnaît toute la puissance du magnétisme, mais en exagère les dangers; voici sa conclusion :

• t.e premier qui -voulut diriger la foudre Tut consumé; maintenant elle obéit à la puissance de l'homme. Le magnétisme a fait déjà bien «les victimes; le connaîtra-t-on un jour tout entier? Acquerra-t-011 par lui des forces et des connaissances nouvelles et certaines?. . Qui le sait? Jusqu'alors puisse chacun n'y toucher qu'avec crainte et prudence. •

Nota. Le défaut d’espace nous oblige à renvoyer aux numéros suivants l’analyse des travaux hebdomadaires des sociétés magnétiques, l’analyse de la Somnologie, par M. le marquis Loisson de Guinau-niont, et la suite de nos Etudes préparatoires du somnambulisme magnétique.

AVIS AUX ABONNÉS.

Ceux de nos abonnés qui n’ont pas renouvelé lotir abonnement sont invités à le faire avant le 30 janvier, s’ils veulent ne point éprouver de retard dans l’envoi de leurs numéros.

Le Proprictaire-Gcrani : HÉBERT (de Gcrnov).

PÉRÉGRINATIONS MAGNÉTIQUES.

§ I. — besançoh — (3e article).

En France tout commence et finit par des chansons, et si je ne chante pas, ce n’est pas une raison pour empêcher les autres de chanter. Mais il est des circonstances où la gaieté n’est pas de mise : ce sont celles où vous avez en présence tout un cortège de malheureux que la douleur assiège, que la mort guette et poursuit. Mes élèves le comprirent, et chacun d’eux, dans un religieux silence, exerçait sur les malades le pouvoir bienfaisant que je venais de leur faire reconnaître en eux.Yéritable hôpital, notre salle de cours était remplie de paralytiques, d’épileptiques; on pouvait y considérer d’autres affections également incurables pour la science. Donnez, donnez de votre vie à ceux qui en manquent, et vous allez voir ce que ce levier va produire. Ces lampes prêtes à s’éteindre vont se rallumer, le froid de ces membres où la vie ne va plus va cesser, le mouvement va revenir, et ces affreuses attaques épileptiques vont s’évanouir aux rayons de votre âme. L’agitation fébrile aura ün but, la nature ne perdra plus de ses forces en vains combats ; renforcée, aidée, elle va retrouver scs moyens de salut, et le principe mystérieux qui veille à la conservation sortira de sa torpeur.

T. II. 2

Heureuse découverte! combien tu me rends fier! Moyen simple comme la nature, quand les hommes cesseront-ils de te dédaigner pour suivre d’aveugles ministres qui, ne sachant rien pour eux-mêmes, s’imposent aux autres comme nécessaires? Venez, vous qui doutez; accourez, interrogez ces malheureux, écoulez leur langage ; dites, dites ce que vous avez entendu de leur propre bouche : tous sont soulagés, tous renaissent à l’espérance ! Ne croyez pas, pourtant, que tous vont ou peuvent guérir. Hélas! non, il n’en peut être ainsi. Que l’on n’en accuse ni nous ni la nature. Il est des maux incurables, mais ce que nous pouvons produire surpasse de beaucoup la limite tracée par la science : lorsque la vie s’est retirée d’un membre ; lorsque tous les vaisseaux qui lui donnaient passage se sont rétrécis ; lorsque tous les tissus, ne recevant plus leur part des sucs nourriciers, ont été flétris, altérés ; lorsque, enfin, la nature a été forcée de changer la direction de*ses forces, et que, plus encore, son oubli est commandé par la nécessité, car il est des organisations malheureuses qui manquent de puissance.

Si dans d’autres cas l’altération profonde des humeurs permet la dégénérescence des tissus, et par suite encore la perte de leur substance, comme dans Tes affections cancéreuses et dans les pulmonies, pouvez-vous remplacer les organes ainsi détruits? Votre pouvoir ne va point jusque-là.

Dans les premiers cas vous pouvez espérer; tout est à sa place encore; il vous faudra du temps et de ïa patience, mais, enfin, la cause réparatrice peut agir avec efficacité ; elle reprend le chemin qu’elle avait

«quitté : c’est une source disparue qui revient vivifier le domaine qu’elle fécondait dans d’autres temps. Ne nous demandez pas l’impossible; rappelez-vous que le terrible travail qui précède la mort se fait souvent et commence peu après la naissance, et que lorsque nous sommes avertis l’édifice est miné de toutes parts.

Il y a un livre à faire pour la direction de la vie : tous les traités d'hygiène sont des ébauches; qui donc le fera ce livre? Un philosophe, un médecin, croyez-vous? Non, mais il viendra un homme qui, étudiant les lois de la vie dans le magnétisme et le somnambulisme, dira les choses encore ignorées : la destinée naturelle des êtres, son altération profonde par des transgressions ; il indiquera le but de la vie, ce qu’il faut faire pour y arriver; on ne sera plu» son propre bourreau. L’ignorance aujourd’hui peut pousser une plainte qui parait encore légitime ; un jour elle n’aura plus d’excuse , car il lui aura été donné de s’éclairer.

Citons un de ces cas malheureux où celui qui souffre n’est point l'auteur volontaire de son mal, et qui inspire par cela plus de pitié. Au milieu de tous ces infortunés qui sont là devant nous on aperçoit une jeune et forte fille épileptique ; ses accès sont affreux, inouïs. Comment sont-ils venus? Le voici. Un jour, il y a plusieurs années, elle fut poursuivie dans les champs par un homme qui, la trouvant de son goftty «voulait sur elle commettre un attentat ; elle fuit à toutes jambes, et ne dut son salut qu’à l’intervention des passants. Bientôt elle fut prise de frissons, et des convulsions violentes succédèrent à cet état; les menstrues furejut arrêtées, et ce fut en vain que la méde-

cine prodigua ses soins ù celle pauvre fille; ce qui n'était que maux de nerjs devint une véritable épi— Jepsie. On eût pu guérir cette maladie promptement à son origine en employant le magnétisme, maintenant il faut des soins prolongés. Magnétisée en présence dos élèves elle tomba en somnambulisme, prédit sa guérison; cette guérison devait être précédée pailles crises d’un nature toute particulière: une espèce de coma, de mort apparente môme. Et c’est ainsi que nous la vîmes pendant trente heures presque sans respiration , sans pouls, sans mouvement. La nature avait donc besoin de ce repos? II était donc nécessaire j)our qu’un profond travail s'exécutât duns les centres nerveux? Ce n’est pas la première fois que je vois semblables choses ; elles n’ont plus rien d’effrayant pour moi, ¿nais que de craintes elles inspirent aux magnétiseurs qui n’en sont point prévenus.

Pour l’instruction de mes élèves, outre le traitement des malades, qui étaient fort nombreux, je continuais de faire des expériences pour leur démontrer l’énergique puissance du magnétisme ; c'est surtout sur l'un d'eux, M. Faivre, que ces expériences offraient un grand intérêt. Quoique plein de force, de jeunesse et de santé, ou plutôt a cause de ce concours . de circonstances, les effets étaient extraordinaires.

Les premières passes magnétiques animaient la vue, les traits de la face prenaient bientôt un caractère singulier. A peine cinq minutes de magnétisation »’écoulent-elles qu'on le voit se lever, venir à moi dans l’attitude d’un homme furieux, levant le poing comme s’il voulait me frapper. Mais cette démonstra-iration -cesse aussitôt que je dirige une main dans Ja

direction de sa tôle, en lui disant : « Calmez-vous, n

Cette vive sensibilité est excitée, entretenue, par tous les élèves qui, pour essayer leur puissance, dirigent leurs doigts sur lui ou le magnétisent par la pensée; car il sentait parfaitement l’action tout à fait occulte du magnétisme et ne se trompait jamais lorsqu’il désignait le coupable. J’avais défendu cette magnétisation; mais comment retenir ceux qui, brûlant de désir, veulent s’assurer s’ils ont le pouvoir do produire les effets étonnants qu’on leur a révélés?

La digue est rompue, partout on magnétise; c’est à qui me racontera les phénomènes qu’il a produits et m’amènera des sujets sensibles. L’enthousiasme a pénétré; je n’ai plus qu’à régulariser, à maîtriser les élans de cette vive croyance. Et le poëte témoin de tant de faits nouveaux les saisit au passage; il s’en pénètre, et cherche à les faire comprendre par des vers qui rendent ses idées. Quelle que soit la forme qu’il emploie, citons-les. Aussi bien, nous avons dit que tout commençait et finissait par des chansons : ces vers contiennent un volume de faits; en les donnant nous abrégeons notre tâche.

LE MAGNÉTISME

DÉCRIT PAU CADET BUTEIX A SON AMI L.VTL’LIPE.

Air du Pas redoublé.

lu m’as ejpllqué l'Progrès,

T'ai oublié z-un’ cho»® :

J'eat beu I’ pus fameux d* too$ Ici a'crels, Quoiqu’ maint Jasenr en gloso. l’icoerlc d* tout, mémo du baut ma!. Comme d’un p*tlt rbumatUte;

*fa «• nomm» magnélisse animal,

. Ou tout court magnèiissc.

Pour donner co r’mèJ’ souforoln ?

Gn’y a pas fo’soln d’pbarmacic ;

Nou» l’portoni lou» au bout t’ cluqu* tnain, V n’est polnt-i-un’ facélle.

Toi-x-et moi nous r’Ia cucrissaur*.

Sant avolr prls nos grada ;

(¿a Tra bUquer bau de» docteura El rir’bondcs uia alo.‘. ;

I* n’ s'apll que d’ caelleoler D’vini la fa«’ d’un' peraonne ;

Si din» peti tu la roli •’ troubler,

T n* fiat pai qo’ c* l’Monne :

Tour corta In'* rena, an’ l'bout da nei Sufllt d' dcuz ou troia paats,

FA Vili da» tUaj’a toni r’iourBCJ Qui vomì foni dea grlmacei.

Quèqu's-uns s’endorment tout fc fall Et devlenn'ni aomnainbulM ;

D’auir'a, par an ilngaller efTei,

S' balanc’nt comm' de» pendute* ;

C‘lul-cl, cornai' »’il èiait dana P iraln. So* aaa daui piada chanealle ;

C’iul-lè •’ tornilo comma an panilo l>ont on tir» la floella.

Su’ 1» belali c'eal la mèm’ chanaon.

Et l’on peat,d' calia manièra,

Fair* meli re an In’ dana on aaloo Sa' wi deax pieds d' derrlère ;

En r'vanche onpourralt, d’on savant Oourbant la# omaplaiaa,

L'falr» marcher la téla an avant Comma on’ bfce à qualr* paitas.

Tu tali comm’ quol lea gros crapaods Et iPautr’e «Maina raplllea

Alllr’nl forcémeni dana Icari peaux D'Innocaala volatila* ;

Ti lobaoi Pollata toni palpltant Sana I' pouvolr qui l'aniralna;

Eh ben! tu peux an falra aulant Su’ quéqa’ fauvelte bumalne.

Hala P pu» beau d' l'affalr' cV»l d'avoir Quequ' comnamhul* luride :

I.uri,r veut dir' qui [>eut tout voir»

L'œil fermé soa> l’flulüe;

Tu sena comben, dan» c* l' onlveri.

Casi mervellP qu'nn’ tell* vue.

Lorsque inni d'geni, le» jeux ouvert«.

Ont toujours la berlue.

Pour ces dormauri-lk rien d'caché, illen qu'd'eui o» n* pulne apprendra: Polm d’méchant lour, p"lni d' »’cru pci-h«.

Qu' par eux on i»’ pui»-' aurprrndic ; Gare aui femm'* d'aveugle» mari»

Qu’pareil Argu» menace!

Jusque dana l'molndre iroa «P »ourla Un lucid' volt c' qui *' pa»»e.

On 11 brûl’du louire au museau.

De* pClarda a l’oreille.

Voli’ mèm' dee charbon« »u' la peau, Sanaqu1 tool c’ manòg’ Pével'le; CVndanl P dlitingu' »oui »e» doigt»

Un ch’veu d’môle oa d'femelle,

El par son estomac. quèqu'ful»,

1’ peut llr’ la ni chandelle.

SI lul-mèm’ aa Iroa»' maladif.

l’volt c’ qu’ »on ventre loge,

Et preacilt P moyen curatif I>e ('monter ion horloge.

Poar d'aulr'i malad’a, dan» certain« «ai.

Avec fruit on P coneoKe,

El le» med’eini qui n’ gnérUa’nt paa Prenn'nl ça pour una insulla.

D’ccrialni lavanti l'invention C’eel qu’ toua cae phêlomenea Vlenn'nt da Plmirlnailon Dee pauTrt «ervalPa humalnei.

Sor caa meaileora c'ait p’tètr» e* qui fall Qu' ban eoovent II arriva Que P magnetiiae en mm effet,

Fani' d'imaglnaiiva.

[La fin au prochain numéro.)

MANUEL DU MAGNÉTISEUR.

( Suite.)

RÉCAPITULATION.

Le magnétisme agit comme force physique; sou action s’exerce immédiatement sur les nerfs et nié-

diatement sur l'ensemble de l'organisme. Il pénètre de lui-même dans toutes les parties ou celles sur lesquelles on le dirige. Il ne s’échappe point de l’organisation ou du corps où on l’a déposé, comme l'électricité, après en avoir ébranlé le système nerveux : il en reste ce qui est nécessaire pour les besoins ultérieurs du corps.

Son action sur l’organisme est en général tonique et sédative.

Il augmente les forces médicatrices, favorise le développement des crises heureuses et combat celles qui ne peuvent être utiles.

Lorsqu’une forte magnétisation l'a mis en plus dans les organes, la nature trouve le moyen de se débarrasser de ce trop plein.

Il peut, par ses propriétés, non pas guérir tous les malades, mais toute espèce do maladie, car il semble être l'agent qui nous soutient dans la lutte de chaque jour. Cependant les affections qui viennent des vices semblent réfractaires (I).

Il détermine sur l’homme sain ou malade une longue série de phénomènes dont les plus tranchés peuvent être rangés en quatre groupes principaux, savoir :

Premier groupe. — Chaleur ou froid des membres, accélération de la respiration, augmentation ou diminution, en force ou en fréquence, delà respiration; pendiculation, bâillements; trismus des muscles de la face et quelquefois convulsions; céphalalgie, roi-deur des membres, dureté considérable des muscles qui servent à la locomotion, insensibilité, spasmes,

(I) Voir: Maux incurables, dans mou Huai mr Centtiguemtnl phüoio-thiqve du magniti$me.

soupirs, pleurs, rire convulsif. Difficulté de parler, déglutition fréquente et difficile, afflux considérable de salive ou sécheresse extrême de Ja gorge. La tète s’arque convulsivement en arrière ou se penche en avant; clignotements fréquents des paupières, plus rarement leur immobilité; rougeur ou extrême pâleur du visage. Transpiration souvent abondante.

Deuxième groupe. — Sommeil artificiel profond ou léger, engourdissement des membres et du tronc ; difficulté, quelquefois impossibilité de se maintenir .debout (obéissance aux lois de la pesanteur), apparence d’ivresse, trouble des sens; dans quelques cas ouverture brusque des paupières, fixité des yeux, immobilité de la pupille, qui ne se contracte pas,, même par le contact du doigt sur le globe oculaire.

Troisième groupe. — Clairvoyance, vue au travers des corps opaques, prévision de toute nature, c’est-à-dire en dehors des choses de pure conservation et souvent pour d’autres personnes. Connaissance exacte du temps écoulé pendant le sommeil, quelquefois isolement de tous les objets qui ne sont pas en rapport, c’est-à-dire fermeture d’un ou plusieurs sens, simultanément ou successivement, aux impressions extérieures, avec une extension prodigieuse, et souvent transposition de l’un d’eux vers des organes doués ou chargés d’autres facultés; ainsi on peut voir sans les yeux, entendre sans les oreilles, et se transporter en esprit à de grandes distances, prendre connaissance de ce qui s’y passe, en garder le souvenir, etc.

Les malades dans ce sommeil peuvent voir leurs maladies, syndiquer les remèdes favorables, prédire

les changements qui doivent arriver dans leur organisation^ annoncer les crises, etc., etc. Ils peuvent aussi parfois voir les maladies d’autres personnes, et devenir également leurs médecins. Dans d’autres cas, leur sommeil a quelque chose de plus étendu encore, de plus surprenant : ils peuvent vous donner des idées exactes sur le magnétisme. On doit alors les interroger avec méthode, vaincre les légères difficultés qu’ils soulèvent, et on obtient des données que la science ne pourrait encore fournir.

Voici, comme exemple à suivre en ce genre, l’entretien qu'avait dernièrement un de mes élèves, M. Laporte, avec un dormeur de cette espèce, âgé de vingt-trois ans, ignorant, éveillé, ce qu’est le magnétisme.

D. Dormez-vous?

R.Je ne dors pas.

— Définissez l’état dans lequel vous êtes.

(Il cherche)... Je-vois un mot... attendez, ana... (Il cherche encore, puis il épelle lettre par lettre), ina...go...gie... Oui, c’est cela... anagogie.

— Que signifie co mot?

— Elévation vers les choses d'en haut, vers les oho-ses célestes, vers les choses divines.

— Qu’est-ce que le magnétisme ?

— Le magnétisme , c’est la médecine de la nature •(et il écrit ces mots sur un morceau de papier que je lui ai donné).

— Pourriez-vous me donner une définition du magnétisme autre que celle que vous m’avez déjà donnée ?

— Pour définir le magnétisme tel que je le vois, il

faudrait écrire plusieurs chapitres; ce serait long. Nous le ferons plus tard.

— Donnez-en maintenant une définition abrégée.

— 'Je vais vous la dicter. Ecrivez.

« Voici le résumé du magnétisme dans son action « ordinaire :

» L’homme, créature célesle, n’a pas été tellement « abandonné de son Créateur qu'il ne lui soit resté « un reflet de la Divinité. Ce reflet, c’est ce qu’on ap-« pelle le magnétisme. C’est cet ascendant que la « volonté d’un homme peut exercer sur les sens, la « matière et la volonté d’un autre homme.

« La science, encore en enfance , à laquelle on «donne communément le nom de magnétisme, est « divisible en deux parties, que l’on confond tou-« jours, et qui, bien qu’unies dans leurs effets, peu-« vent être employées séparément.

« Ces deux parties sont : 1° l’essence éthérée, j'o-« serai môme dire immortelle de la matière, que l’on a appelle fluide magnétique ; 2° la volonté.

« Cette essence n’est que le corollaire de la volonté ; « c’est-à-dire que la volonté passe avant dans les « épreuves magnétiques, la dirige et en cause les « effets.

« La volonté peut se traduire par l’ascendant spi-« rituel qu’un individu peut exercer sur un autre.

« Avec la volonté, on a l’ascendant ; avec l’ascen-« dant, on a le pouvoir ou fluide magnétique.

« Nous établissons donc dans la nature de l’homme « la volonté, qui a son siège danslecerveau et qui for-« tement exprimée peut agir sur les sens d’un aulrc « individu , et le fluide qui sert de fil conducteur do

« celte volonté aux sens du sujot sur lequel on agit.

« La volonté est actif Q) sur le fluide. Le fluide, « passif sous la volonté , est actif sur les sens; et les

• sens, passifs sous le fluide, sont actifs sur l’ôtre.

« Il est de toute nécessité, pour l’avenir de cette « science, avenir immense, que le magnétiseur agisse, « non-seulementavec une volonté ferme, mais encore « avec l’esprit bienfaisant, c’est-à-dire désir défaire « le bien, parce que le contact du magnétiseur au « magnétisé est entier, corps et âme, cœur et tête. Il y » a entre eux deux corrélation d’idées, d’espérance et o de désir. Si le magnétiseur veut lo mal, ou agit « seulement à la légère, le magnétisé voudra le mal « ou pensera à la légère. Si le magnétiseur est mû » par de bonnes intentions, si ses principes de mo-

« ralilé sont justes et sévères , si sa conscience est « nette, le magnétisé parlera bien, pensera bien, agira « bien et sera honnête homme.»

Les forces physiques, par la magnétisation, prennent souvent un développement extraordinaire, dont j’éprouve le besoin do vous citer un exemple.

M. le docteur Foissae, magnétisant un hémiplégique devant la commission chargée de l’examen du magnétisme, on fit l’expérience suivante.

Je cite textuellement le rapport.

« Eveillé, on lui fit essayer ses forces au dynamomè-« tre. Pressée par la main droite l’aiguille marquait « trente kilogrammes et de la main gauche douze « kilogrammes. Les deux mains réunies la firent mon-« 1er à trentfe et un kilogrammes. On le magnétisa : en « quatre minutes le somnambulisme se déclara. On

(1) Le mol actif Ici signifie levier, moteur. _tj

« essaie ses forces : la main droite fait monter l'ai— « guille du dynamomètre à vingt-cinq kilogrammes (un « de moins qu’avant le sommeil) ; la main gauclie (la « paralysée), à vingt-six ( quatorze de plus qu’avant « le sommeil) , et les deux réunies à quarante-cinq « (quatorze de plus qu’avant). »

Des êtres faibles en état de veille peuvent, magnétisés , lever les plus pesants fardeaux.

II. y a une vie à part pour les somnambules. Ils ne gardent aucun souvenir da ce qu’ils ont fait ou dit.

Quatrième groupe. — Extase ou ravissement de l’esprit. Privation totale de la parole, impossibilité de communication ostensible avec le magnétiseur, c’est-à-dire interruption de tout rapport par les sens, môme par le toucher ; mais communication des pensées, vue des lieux éloignés et connaissance de ce qui s’y passe à l’instant même; mais la mémoire ne conserve que pour un temps très-court le souvenir des choses vues. La chaleur du corps diminue et le pouls cesse de battre. La volonté du magnétiseur sur le sujet est bornée. Cette criso diffère essentiellement du somnambulisme lucide et lui est supérieure.

Il est essentiel de retenir que, quoiqu’on ait assuré le contraire, les femmes ne sont pas plus susceptibles que les hommes de ressentir les effets du magnétisme.

Il en est de môme de l’état sain ou maladif. L’âge diminue les chances de sommeil lucide. La force physique n’est point un obstacle invincible. Quel que soit l’équilibre d’une balance, un petit poids mis d’un côté feranécessairement pencherleplateau.il suffît qu’on introduise dans la circulation nerveuse quelquo peu

de magnétisme pour faire jouer tout le système nerveux d’une étrange manière.

Si on magnétise toujours dans un mémo lieu et sur les mêmes sièges , les effets sont plus prompts et de plus de durée. 1

La diminution de vos forces vous avertira si vous avez agi, lorsque vos yeux n’auront rien découvert. Certains malades attirent, absorbent, s’emparent, soutirent presque toute la somme de fluide magnétique que vous avez en vous, et vous mettent dans un état de faiblesse extrême. Cette faiblesse n’est pas dangereuse, mais elle peut durôr plusieurs heures. Le bien ressenti dans ce cas par les malades est en raison directe des forces soustraites par eux. Tous les malades, heureusement, n’agissent pas ainsi; tous ne sont pas usés jusqu’à la corde, pour me servir d’une expression vulgaire. Sans cela le magnétisme, qui est une œuvre de dévouement, en serait.une de sacrifice. Ce qui, dès le principe, aurait dû faire reconnaître l’existence d’un agent, c’est cette faiblesse qui ne peut s’expliquer sans une soustraction de forces.

Combien de fois n’ai-je pas reçu cette confidence de magnétiseurs : « Depuis que je magnétise, j’ai peu

• de désirs, j’éprouve moins de besoins. »

Serait-ce, par hasard, quelques mouvements de mains qui produiraient les faits que je viens de vous signaler? Cela est impossible. C’est la vie qui a concouru à vos actes et vous a livré des forces destinées à d’autres opérations. C’est là le secret de votre puissance et la cause de votre faiblesse passagère. La foi sans la force est inutile ; vos œuvres sont le résultat de la somme de vitalité dont vous pouvez disposer.

hi

L'abstinence recommandée à certainescorporations religieuses d’hommes venait d’un observateur à pensées profondes. Ils pouvaient alors ce qu’ils ne peuvent plus : éprouver de saints transports et communiquer à ceux qui les approchaient, non-seulement la santé du corps, mais une force morale en raison de eelle qu’ils possédaient.

En résumé , il est des principes dont l’expérience démontre la certitude et qu’il faut admettre sans les expliquer et môme sans les discuter. Le magnétisme est jusqu’à ce jour de cé nombre. En attendant que les savants découvrent les lois qui le régissent, jouissons-en , appliquons-le selon ce que l’usage nous a appris.

Mais j’en ai dit assez, vous devez m'avoir compris.

[La mile auprochain numéro.)

CLINIQUE MAGNÉTIQUE.

AFFECTIONS DES VISCÈRES ABDOMINAUX.

Première observation.— M. Zanety, plâtrier,Italien, demeurant à Aubenas, se présente le‘23 décembre 1843. La somnambule (l), après s’être palpé le corps et avoir simulé les souffrances du malade, dit : « Ce malade

(f) Voir t. I, p. 497.

« éprouve une clouleurcontinue à l’épigastre etaubas-

o ventre et une céphalalgie très-inlense; son appétit est « dépravé, ses forces abattues. Il a fait un effort qui a « occasionné un fort tiraillement du péritoine sans « déchirure. La rate ne fournit pas assez de sang à « l’estomac pour la digestion, ni au foie pour lasécré-« tion de la bile. Cette maladie a été mal combattue

* dans son principe. Les saignées locales qui ont été « pratiquées ont appauvri le sang et sont cause de l’af-« fection chronique de la rato. 11 faut placer un vé-« sicaloire à l’hypocondre gauche. Il prendra pour « boisson une décoction de chiendent dans laquelle on « mettra en infusion feuilles d’aigremoine et de pim-« prenelle une bonne pincée. Il prendra en outre « deux verres de tisane de veau, une le matin à jeûn, « l'autre le soir.

« 2 janvier 1844. Doux laxatif, continuation de la « tisane de veau, décoction de racines de chiendent, de buglosse et feuilles de pimprenelle.

f 10 janvier. Amélioration, continuation de la ti-« sane, dans une verrée de laquelle on fera dissoudre

* un peu de boule de mars, qu’il prendra le matin à «jeûn, pendant trois jours consécutifs; il se repo-

* sera deux jours, et ensuite il en prendra encore « trois jours consécutifs dans deux verrées, chaque « matin, à un quart d’heure d’intervalle.

« 20 janvier. Guérison. »

Tout ce qu’a dit la somnambule sur la nature de 'a maladie et le siège des douleurs était exact. Le sieur Zanety souffrait depuis quatre ans; il avait consulté plusieurs médecins tant en France qu’en Italie, et il n’avait pu obtenir aucun soulagement.

M

Deuxième observation. — M’1' Victoire R. de Joyeuse se présente le 10 décembre 1843. La somnambule dit : « Cette demoiselle éprouve une douleur « à l’épigastre et aux lombes èt une forte céphalalgie.

. La bouche est pâteuse, l'appétit dépravé; oppres-« sion, palpitations en dessous du cœur. (Vrai.) La « rate ne fait pas ses fonctions, le foie fournit une « bile mal préparée. Cet état dure depuis quinze mois.

« Tisane de racines de buglosse, de feuilles de pim-« prenelle et de fumeterre, vésicatoire au creux de « l’estomac. »

La malade ne reparaît pas jusqu’au 28 avril sui-

* « vant, et dit : « Dans quinze jours les douleurs de « l’estomac et des lombes ont disparu ; j’ai été guérie,

• sauf des douleurs de tête. »

La somnambule lui ordonne de nouveau : « Etuves « do la tête avec une décoction do son de froment « pendant trois soirs consécutifs, mouche de Milan à « la partie postérieure du cou. »

Au bout de huit jours, guérison.

Tmisième obseivalion. — M"' Victoire J., âgée de vingt-cinq ans, de Prades, se présente pour consulter, le 23 avril 1844. La somnambule, après s’être palpé le corps et simulé la maladie, dit : « Cette demoiselle a

« une douleur continue à l’hypocondre gauche et à « l’épigastre, et une toux très-intense ; au moment de « tousser elle éprouve des douleurs aux lombes et aux « régions iliaques, une céphalalgie très-forte; elle a « uneleucorrhée à la suite des mensl rues; celles-ci sont « peu abondantes et irrégulières; M11''J. s’est mouillée

* étant en sueur; elle a fait une effort et a eu une « frayeur. » La malade répond : « Tout cela est exact; je

« souffre depuis quinze mois, et plus on m’ordonne « de remèdes, plus malade je suis.

« Traitement. Yésicatoire à l’hypoeondre gauche, « tisane de feuilles de lierre terrestre, de pimprenelle « et de chiendent, pendant quinze jours.

« 9 mai. Les douleurs ont presque disparu, la toux « a diminué, la leucorrhée persiste. Tisane de racines « de buglosse, de chiendent, et feuilles de renouée per-« sicaire rouge. A l’époque où les menstrues doivent « paraître, elle prendra une demi-verrée de décoction « de capillaire au vin dans du bouillon, pendant deux « matins consécutifs. »

30 mai. Il ne reste que quelques étourdissements momentanés. « Prendre une tasse d’infusion de ger-« mandréeetde fumeterre, chaque matin à jeûn, pen-« dant cinq jours; 6 décigrammes de rhubarbe : en « prendre dans sa première cuillerée de soupe, pen-« dant huit jours.

Guérison radicale; les menstrues deviennent plus abondantes et la leucorrhée a disparu.

Quatrième observation.—Mllc D.., de Largentière, âgée de vingt-deux ans, se présente le 28 avril 1844. La somnambule simule les souffrances et dit : « Cette de-« moiselle éprouve une douleur continue à l’épigastre,

« tirant vers Phypocondre gauche; une céphalalgie,

« une douleur le long de l’épine dorsale, se portant jus*

« que sur les cuisses. Elle a une leucorrhée; les mens-« trues sont irrégulières et manquent parfois de « paraître ; lorsqu’elles paraissent, la perte en est «très-faible; elle a des faiblesses d’estomac et des « nausées. La face est pâle, l’appétit délicat. (Tout « est exact, dit la malade.) La rate ne fait aucunes fonc-

«lions; le foie fournit une abondance de bile mal « préparée; c’est ce qui fait que la langue est toujours « chargéed’un enduit blanchâtre. Cettemaladie a pour « cause une sensation au moment de l’écoulement • des menstrues; plus tard une frayeur et ensuite un « épuisement. (Vrai.)

« 1° Tisane de veau, cinq verrées, deux le matin à « jeûn, à un quart d’heure d’intervalle, une à midi et « deux le soir, une heure au moins après le repas. On « préparera cette tisane en mettant 125 grammes de « maigre de veau dans un litre d'eau bouillante, et « on ne laissera bouillir que cinq minutes; 2° vési-« catoire à l’hypocondre gauche; 3° pendant la «journée, elle prendra au moins un litre de la tisane « suivante :

« Feuilles de pimprenelle, de fumeterre et de ca-« pillaire, de chaque une pincée pour un litre d’eau.

« A l’époque où les menstrues doivent paraître elle « prendra, pendant neuf jours, 6 décigrammes de

• rhubarbe dans la première cuillerée de soupe. »

Guérison radicale dans trois semaines. La maladie durait depuis un an.

Cinquième obseivation. — M'nc Cosle, de Charaton (Privas), se présente le 3 juillet 1844. La somnambule l’ayant examinée dit : « Cette malade éprouve » une forte douleur continue au creux de l’estomac, à

* l’hypocondre droit, au bas-ventre, et une c’&pha-« lalgie très iniense. Cette maladie consiste en une « hépatite chronique; la mauvaise qualité de la bile « a fait développer une gastro-entérite. La céphalalgie « n’est que sympathique. La maladie a été produite

« par un chaud et froid et a été mal combattue. » — La malade dit : « Tout est exact. Je souffre horrible-« ment depuis quatre mois; mon estomac ne peut rien « supporter; j’ai consulté deux médecins, et leur « traitement m’a fait plus de mal que de bien ^

« Traitement. Vésicaloire à l’hypocondre droit, « trois verrées de tisane de poulet par jour, une le « matin, une à midi et l’autre le soir, et dans le cou-« rant de la journée la tisane suivante : feuilles de « pimprenelle, de fumeterre et de lierre terrestre, de

- chaque une bonne pincée pour un litre d'eau; adou-« cir avec sirop de gomnic. »

Je propose à la somnambule de placer quelques sangsues à l’épigastre; elle répond : « On en a déjà trop « appliqué; car, dans ces sortes de maladies comme « dans bien d’autres, les saignées sont nuisibles. Le « sang ne pèche jamais par sa quantité, mais bien par

- ses qualités ou par son. défaut d’équilibre. Il s’agit « donc, dans toutes les circonstances, de reconnaître « celte vérité et de trouver des moyens pour rétablir « les qualités et l’équilibre du sang, de reconnaître « quelle est la nature de la matière morbide et de trou-« ver des agents qui possèdent une antipathie avec

* cette matière et une aflinité avec les organes af-« fectés; en introduisant ces agents dans l’économie,

« la physiologie les distribue à leur destination. Les « saignées ne font qu’affaiblir la nature et lui enlever « la force de nous seconder dans l’expulsion de la ma-« tiere morbide et dans la corroboration des parties « affaiblies par la maladie. L’inflammation n’est ja-« mais qu’un effet; il s’agit donc de remonter à la « cause et de la détruire. La cause détruite, l’effet

« cessera; d’ailleurs l’inflammation consiste dans un « défaut d’équilibre du sang, et les saignées, quoique « locales, agissent non-seulement sur la partie enflam-« niée, mais bien sur toute l’économie, et les parties ® qui n’ont pas assez d’activité se trouvent encore af-« faiblies par la saignée et môme plus propoctionnel-« lement que les parties enflammées. Or donc, si les « malades guérissent après la saignée, n’attribuez ja-« mais la guérison à la saignée, mais bien aux efforts « de la nature qui malgré la saignée triomphe de la « maladie. Ainsi, comme je l’ai dit dans le traitement « des maladies, il ne s’agit jamais que d’expulser la « matière morbide, qui agit toujours comme corps « étranger, et de fortifier lesorganes affaiblis.Dans le « cas qui nous occupe, une transpiration répercutée « a produit tous les ravages ; il aurait fallu dans le « principe rétablir la transpiration, et la malade au-« rait guéri. Aujourd’hui, le sang a perdu sa vigueur, « le foie s’est affaibli ainsi que la rate. Labile que sé-« créte le foie est mal préparée, sa mauvaise qualité « irrite la membrane muqueuse gastro-intestinale; il

i en résulte encore une pauvreté dans le chyle et par « conséquent dans le sang. Il s’agit donc de fortifier le « foie et la rate, de modérer l’irritation de l’estomac « et des intestins. Ce que je viens d’ordonner remplira « ces indications. »

Guérison radicale au bout de trois semaines.

Maurice, m. m. P.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

«

SOJ^KTÉ P1IILANTHROPICO-MAGNÉTIQUE.

Séance du 10 décembre. — M. Pércyra, croyant que M. du Potet émet un paradoxe en posant en principe que, contrairement à l’opinion générale des magnétiseurs, les personnes les plus sensibles au magnétisme sont les plus robustes et les mieux portantes, soulève une discussion sur ce sujet. On controverse longuement et sans fruit, puisque des expériences comparatives peuvent seules décider la question.

Séance du 17 décembre. — Sept personnes non encore magnétisées, les seules que toute société doive accepter pour ces sortes de démonstrations, sç soumettent à la magnétisation. Quatre éprouvent de* modifications physiologiques profondes, mais sans effets magnétiques extérieurs; deux offrent un commencement de rigidité des membres, de contraction musculaire, avec occlusion des paupières, sans perte d’audition ; une enfin dit n’éprouver absolument rien.

Séance du 24 décembre. — Rapports des fonctionnaires sur l’état et les travaux de la société. Renouvellement du bureau qui, pour 1846, est ainsi composé :

MM. Taissèire de Saint-Marc, d.-m. . Président.

Claverie, d.' Pichard.. .

| Vice-présidents.

MM. Leclcr, d. et ph.........Secrélaire-arcliiviste.

Péreyra............Srcrctaire-arijoini.

Dulacour............Trésorier.

Mille!..............

Winnen.............jCcnscurs.

Séance du 7 janvier. — Manifestation très-évidente de l'action magnétique sur plusieurs individus. L’un surtout éprouve de la suffocation par la direction do la main vers la région hypogastrique.

Séance du 14 janvier. — Plusieurs membres lisent des rapports de guérisons de malades à eux confiés. M. Pichard, examinant la relation du traitement peu fructueux d’un paralytique, se plaint de ce que l’on continue de magnétiser directement la partie paralysée, au lieu de s’adresser à l’organo central du mouvement. La discussion devenant bientôt générale, chacun cherche à faire pencher la balance en faveur du procédé qu’il a suivi en pareil cas. De tout cela il sort une vérité pour l’observateur attentif : c’est que l’agent magnétique est doué de propriétés si éminemment curatives qu’il guérit, non pas parle procédé suivi, mais malgré la défectuosité de ce môme procédé. Peu importe, en effet, qu’on magnétise avec un, deux ou plusieurs doigts, avec le pied, le regard, etc., pourvu qu'on introduise dans l’organisation malade une somme de principe vital ou magnétique capable d’arrêter les désordres morbides. L’essentiel est de trouver un moyen qui évite la déperdition des forces de l’opérateur. Si, par ce moyen, toute la force magnétique pénètre dans l’organisation malade, la guérison sera plus prompte, et ce procédé devra avoir la préférence. Dans le cas qui nous occupe, ce

procédé a été indiqué; sans vouloir qu’il soit parfait, on peut au moins assurer qu’il donne des résultats supérieurs; néanmoins on ne le suit pas. C’est qu’il est difficile de rompre avec ses habitudes. '

SOCIÉTÉ DU MESMÉRISME.

Séance du i I décembre. — Diverses personnes se soumettent à la magnétisation, et l’on observe sur elles des spasmes, des balancements de tôle, de la transpiration, l’abaissement du pouls, etc., tous effets simples, mais bien manifestes; plus, un cas de magnétisation indirecte, c’est-à-dire qu’une dame placée auprès des magnétisés éprouve des effets physiques très-marqués, comme si on avait agi sur elle.

Mademoiselle Gobin, dont il a déjà été parlé, devient de plus en plus sensible à Vinfluence volilive, action par laquelle on change la saveur et l’odeur des corps, produit des hallucinations enfin, et qui est une cause si fréquente d’erreurs en somnambulisme, cause qui a égaré bien des esprits, et qu’il est bien important d'étudier pour s’en garer. Ainsi, en lui présentant : 1° une plume avec l’intention de la brûler, elle ne l’a pas plus tôt touchée qu’elle se plaint de violentes douleurs, comme celles que produit la brûlure d’un fer chaud; 2° un crayon passé sur Je dos de la main, elle accuse la douleur d’une coupure profonde, sensation fictive qu’on avait, en effet, voulu lui faire éprouver. La même épreuve tentée avec du papier, elle dit, en se moquant du magnétiseur : Ça ne prend pas là-dessus; 3° de l’eau lui étant présentée pour qu’elle lui trouvât le goût de rhum, elle dit, en

la goûtant du bout des lèvres : « Je ne sais ce que « c’est, mais ça grise, et je n’en veux pas boire. »

Ensuite, à titre d’essai phrénomesmérique, on lui pose un doigt sur l’organe de limitation, et aussitôt elle se mit à imiter, répéter tout ce qu’elle entendait, avec une grande vélocité et une fidélité dignes de remarque. Ceci fini on chercha à reproduire le mémo phé nomène, non plus par l’application digitale sur la partie de la tête que les phrénologues ont assignée à cet organe, mais à la partie inférieure du front. Le fait plus haut observé se renouvela identiquement, ce qui sape par la base le système de Spencer-Hall (l).

Séance du 18 décembre. — M. Wamaw traite avec beaucoup de développement la question du son considéré dans sa nature, et plus spécialement de l’influence de la musique sur les magnétisés, insensibles d’ailleurs à toute autre espèce de bruit ou son.

Séance du 25 décembre. — M. du Potet, à 1 ouverture de la séance, entre dans quelques considérations sur le magnétisme.

MM. Perrody et Wailly magnétisent sans effets apparents deux jeunes gens qui disent n’éprouver autre chose qu’engourdissement général avec penchant au sommeil. M. du Potet détermine sur deux autres personnes en état de veille des effets d’attraction magnétique.

Séance du 8 janvier. — Réception de quatre membres stagiaires et examen de mesures adminstratives.

(0 Voir ce journal, tome J, pages 4:8 tl 430«

ATHÉNÉE ROYAL DE PARIS.

Samedi 24 janvier.—M. Teste a commencé aujour-j d’hui un cours de magnétisme dont le programme nous «st inconnu. Il s’est, dans cette première leçon, attaché à établir l’existence et la filiation du magnétisme, sous d’autres noms, depuis les mages jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, pour prouver qu’à Mesmer ne revient pas l’honneur de cette découverte. Quoi qu’il en soit, le magnétisme se produit partout aujourd’hui, par le discours, par le somnambulisme, par des expériences publiques ou privées, par des conférences, etc., etc.

Nous attendons que, comme les physiciens, les chimistes, comme nous, enfin, M. Teste appuiera ses discours par des expériences solides, capables de faire cesser les doutes, comme dans le même lieu nous l’avons fait, il y a quelques années, devant un public nombreux et choisi -, nous rendrons compte de chaque séance.

VARIÉTÉS.

Vœux du Congrès médical. — Un médecin magnétiste de nos abonnés apprécie en ces termes les conséquences pratiques de la délibération du Congrès, tendant à empêcher les consultations som-nambuliques : « Si les vœux de la commission étaient « exaucés, nous aurions bientôt une loi qui nouspri-

•« vernit du secours du somnambulisme pour nous « éclairer sur le diagnostic des maladies, sur les fonc-» tions de certaines parties de l’organisme encore « ignorées, et nous empêcherait d’arriver aux décou-« vertes thérapeutiques que peut nous procurer le « vrai somnambulisme magnétique. Dans son rapport » du 10 novembre, la commission propose de déclarer « illegal le traitement der- malades dirigé par des « personnes non pourvues du titre légal, lors même « que les ordonnances sont signées par un médecin.

« On voit par là que la commission était composée o en majeure partie de ces hommes qui croient tout « savoir et ont inlérêt à ce que la science reste dans « un état conjectural, pour que leur système médi-«« cal, souvent erroné, continue de dominer; par des « hommes, dis-je, qui craignent de voir tomber l’é-« chalaudage de leurs conjectures sous le poids des « vérités somnambuliques. Mais il faut espérer qui* « lors du projet de loi à la Chambre il y aura des « hommes qui sauront leur dire que l’anatomie pa-« thologique, malgré ses progrès, nous laissera tou-« jours beaucoup & désirer ; que, malgré le pcrfec-« tionnement des instruments, il sera impossible de « dire quel est l’état primitif des tubercules dans la « phthisie pulmonaire, puisqu’on ne peut seulement « se mettre d’accord sur le siège de ces mêmes tuber-« cules. Si je demandais à ces messieurs comment « s’opère la conception, la circulation sanguine, la « sécrétion des humeurs,etc., je suis convaincu qu’ils « me répondraient : Nous n’en savons rien; tandis « qu’un somnambule magnétique lucide peut répon-« dre positivement à toutes ces questions, parce qu’il

« pénètre spirituellement dans la plus petite divisi-o bilité des atomes, et que ses sens s’exercent spiri-« tuellement.

« Qu’on empêche l’exercice de la médecine par des « personnes étrangères à cet art, rien déplus sage; 0 mais qu’il soit au moins permis à un médecin d’em-« ployer tous les moyens qui n’ont rien de contraire « à la morale, pour arriver non-seulement à la con-« naissance des maladies, mais encore à la découverte o des moyens de les guérir. Que les somnambules ne « puissent être dirigés que par des médecins, rien de « plus prudent encore; mais qu’un médecin se rende » coupable d’un crime en s’en servant, rien de plus a absurde.... »

Le magnétisme en Prusse. — La défense faite en 1824, en Prusse, d’appliquer le magnétisme animal comme moyen de traitement médical, a été révoquée, du moins en faveur des médecins gradués.

(Gazette médicale de Paris, 17 janvier.)

Revue des journaux. —Le feuilleton du Journal des Débats du 19 janvier contient une longue histoire sur un mort magnétisé. Sans doute l’auteur s'est plu à rendre plaisant son récit, il a fuit une charge, pour nous servir d’une expression vulgaire. Mais le fait qu’il rapporte n’est pas tout d’invention ; bien des magnétiseurs ont pu constater des vues à distance qui ne le cèdent en rien à celles décrites par M. J. Janin. On peut rendre plaisants quelques phénomènes du magnétisme; il n’en restera pas moins pour les esprits sérieux l’agent des plus inconcevables prodiges. S’il ne peut ressusciter les morts, plus que

le galvanisme il peut du moins ranimer la vie prête à s’éteindre et la prolonger quelque temps.

I.e Correspondant du 10 janvier contient la fin du roman : la Sciencefuneste. Le magnétisme, bien entendu, est la science ainsi désignée. On signale un abus de pouvoir dont se rend coupable un misérable escroc. Et c’est sur cet abus que madame Anna-Marie a échafaudé son roman. Ainsi, d’un côté, le magnétisme rendu plaisant, ridicule, et de l’autre dangereux.

11 faut aux hommes des romans, des fictions; la réalité, ils s’en soucient peu. Ne nous plaignons pas cependant, nous sommes trop heureux que la presse veuille s’occuper de notre science. C’est par cette voie que les bons esprits démêleront le vrai du faux; c’est ainsi qu’ils seront amenés à se joindre à nous pour proclamer le plus grand des secrets que la nature se soit laissé surprendre.

La Mouche, du 13 janvier, annonçant l’arrivée à Lyon deM. l’archevêque de Reims, dit : « M. Gousset est un des prélats qui occupent dans le monde savant un rang très-distingué; c’est une des plus belles et des plus hautes intelligences de notre époque. C’est un partisan déclaré du magnétisme : c’est lui qui a fait placer dans le programme du congrès scientifique tenu à Reims cette question : « De l’état actuel du magnétisme en France. » Les sympathies d’un aussi digne prélat sont bien faites pour nous consoler du scepticisme de quelques esprits forts, sots orgueilleux qui dénient ce qu’ils ne se sont pas même donné la peine d’apprendre. »

Le Propriétaire-Gérant : HÉBERT (île Garnay)*

PÉRÉGRINATIONS MAGNÈTI

§ I. — BESANÇON — (fin).

Il n’y a plus de doute autour de moi, tous ceux qui ont voulu m'approcher sont convaincus. Non-seulement ma croyance a pénétré dans l’esprit de mes élèves, mais môme les sentiments de mon cœur ont été compris. Plein d’enthousiasme moi-méme, j’expose à leur raison une nouvelle philosophie reposant sur nos œuvres, et n’ayant dumoins rien de la sécheresse de celle qu’on enseigne, dans les écoles. Loin que l’homme se. renferme en luwnême et devienne égoïste, je fais concevoir quelque chose de plus grand, de plus élevé.

La stérilité du médecin, du philosophe, du prêtre, vient des idées fausses qu’ils ont de Dieu et de la nature.

Le médecin cherche la vie dans des cadavres en ilécomposition, et s’étonne de ne l’y point trouver.

Le philosophe se croit parvenu à la sagesse parce qu'à force d’études il a surpris le mobile qui fait agir les hommes; parce qu’ayant eu toutes leurs mauvaises passions, le besoin de se conserver, et l’âge surtout, '»nt imprimé à son âme quelques règles de conduite qui servent à le garantir de nouvelles chutes. Il croit connaître la vie, lui qui ne se connaît pas encore et t. xi. 3

ne sc connaîtra jamais ! Ce n’est qu’un enfant, rendu docile par le châtiment, et qui devient sage par contrainte. Son masque cache tous ses désirs; il paraît froid, raisonnable, et un mot suffit pour exciter sa colère. L’exemple des grands l’exalte; il croit sans doute être de la même étoffe et voudrait les imiter; mais comment le pourrait-il? Ce qu’il croit saisir fuit, ce qu’il conçoit est le néant. Attendez quelques jours encore; par un mystère que nous connaissons, s’il lui a été donné de se voir mourir, il sentira vraiment, il verra même autre chose que son ombre, et la sagesse véritable va luire a son esprit... Insensé! il est trop tard ; à quoi bon maintenant cette lampe qui t’éclaire pour un instant encore? Pourquoi l’as-tu couverte d’un crêpe? Dieu l’avait allumée pour te servir et te conduire ; qu’en as-tu fait? Réponds. Tu l’as éteinte dès tes premiers pas, voulant marcher dans l’ombre, et c’est en te secouant que la mort la

rallume (1). . -

(1) Ces philosophes ont-ils du moins le sentiment du juste et de l’injuste? Ont-ils appris, reconnu un principe de morale reçu chez tous les peuples? Voici sur ce sujet l’opinion du prince des philosophes de notre temps. Jugez,

lecteurs, de l’avenir qui vous est réservé,

• Le caractère propre, le signe du grand homme, c'est qu'il réussit. Il faut « être du parti du vainqueur, car c’est toujours celui de la meilleure cause, C celui de la civilisation et de l’humanité, celui du présent et de l’avenir, « tandis que le parti du vaincu est toujours celui du passé. Même à la ré-c flexion, on trouve toujours que le vaincu a dù l’être. La seule défaite sup-« pose déjà que le vaincu s’est trompé sur l’état du monde, qu'il a eu la vue « courte, et, il faut bien le dire, Vesprit borné et un peu faux. Un examen t attentif et impartial est très-défavorable aux vaincus.

a J’ai absous la victoire comme nécessaire et utile ; j’entreprends mainte-c nant de l’absoudre comme justet dans le sens le plus étroit du mot; j’en-« treprends de démontrer la moralité du succès. Puisque le vaincu est tou-« jours celui qui doit l’être, accuser le vainqueur et prendre parti contre la * victoire, c’est prendre parti contre l’humanité et se plaindre du progrès de

Et vous, prêtres! vous avez effacé les traditions sacrées à force de les corriger; aucun de vous n’en peut lire le texte primitif; et, comme le médecin qui, ne sachant plus rien de la véritable médecine,cherche dans son esprit ce qui peut la rappeler, vous cherchez dans votre cœur ce qui peut plaire à Dieu, er^ faire saisir l’image. Animés sans doute par le désir de bien faire, vous étudiez les Ecritures, y cherchant la loi pour vous conduire et guider les autres hommes, mais vous reconnaissez que ce n’est point assez de votre exemple. Les hommes veulent plus : ils veulent croire, car sans croyance et sans foi l'homme peut encore rester honnête, mais ne sera point éclairé. Vous voulez pourtant produire ce miracle, mais c’est une grâce d’en haut qui dépend de Dieu seul.

Ecoutez-moi.

Jésus avait dit : « Bienheureux ceux qui croiront en moi, car ils poseront les mains sur les malades, et les malades seront guéris. • Si vous croyez en lui, faites donc ce qu’il faisait. Vous avez la force, pourquoi n’agissez-vous pas? Vous doutez de vous-mêmes; mais voyez donc ce qui se produit autour de vous. Mettrez-vous en doute ces œuvres? Non, vous ne le pouvez plus. Examinez-les donc, car elles sont supérieures à toutes celles de la science. Elles ont une origine inconnue, et c’est cette origine que vous devez chercher comme nous l’avons cherchée. Comme les médecins, serez-vous sourds à notre appel j resterez-vous calmes en présence de la douleur, et ne

« la civilisation. Il faut aller plus loin : Le vaincu doit (tre vaincu, et tr

• mn!é de l'ctrc.......Messieurs, tout csl parfaitement juste en cc monde. »

(M. Cousin, Introduction à l'histoire de la philosophie.)

vous inlorposerez-vous point entre le bourreau ot la victime? Et s’il est une vérité physique qui fait croire en Dieu, qui prouve l'existence de l’âme, la laisserez-vous sur le chemin que vous parcourez sans la ramasser? Ne laissez pas surtout le médecin s’en rendre seul possesseur, car je ne vois pas les vertus qu il offrirait comme garantie d’une sage application.

Laissons de côté ces réflexions, elles attristent mes pensées. Revenons à nos élèves bisontins; ceux-ci, du moins, m’ont compris un instant. Montrons-leur de nouveaux faits, levons un peu plus le rideau qui cache la vérité, aün qu’ils la voient et qu’ils en jugent mieux.

A une de mes dernières séances, mon appartement était rempli de monde; tous les discours roulaient sur les faits de magnétisme, et tous étaient empreints d’une profonde conviction. Mais un médecin estimable de Besançon, M. Rousseau, soutenait avec constance et fermeté que les phénomènes magnétiques étaient tous dus à la volonté seule, qu’il n’y avait point d’autre agent, par conséquent de fluide magnétique ou nerveux. Moi qui ai reconnu, par des milliers d’observations, la réalité d’un agent, d’une force Jiors de la volonté, j’appuyais mon sentiment sur de nombreuses citations de phénomènes dont l’explication manquerait sans l’agent magnétique, et qui ne pourraient même se produire sans lui. Je portai ma pensée sur un élève le plus sensible, M. Faivre, pour lut demander mentalement ce qu’il pensait du docteur. Quelque chose d’étrange se passa subitement dans son esprit; il quitta sa place et vint â M. Rousseau dans l’attitude d’un homme prêt à frapper, et

lai dit : Partez, Monsieur, sortez d'ici! — Cal/nes-vous, mon ami, disait'le médecin avec une Jèmte volonté qu’il en fût ainsi; mais sa volonté était sans puissance, quoique exprimée énergiquement. Ce médecin ne savait pas vouloir. Je n’eusbesoin que de l'aire obéir le fluide qui transmet les ordre's dictés par l'intelligence pour calmer la fureur de mon élève.

Si un simple rayon de l’intelligence d’un homme peut agir sur une autre intelligence, l’appeler à soi, lui communiquer ses sentiments, ses idées, qui donc oserait nier sur nous l’action de l’intelligence divine, sa possibilité du moins lorsqu’elle n’a pas lieu?

Grands génies qui vous chargez de nous apprendre la science des écoles, votre tâche est facile ; mais je ne vois rien dans vos sublimes connaissances qui approche des faits que le magnétisme nous révèle. J'aperçois maintenant plus Clairement pourquoi vous les rejetez, ces faits; ils vous écrasent, car II vous faut de la matière, et il n’y en a point ici.

Les sens, selon vous, sont essentiels, indispensables : Nihil est in intellectu cjuod non prius in sensu. Vous dites qu’il n’entre rien dans l'intelligence que par leur secours; nous, nous supprimons le ministère de cessons, qui sont tout pour vous, et cependant l’intelligence fonctionne, et la connaissance des choses ignorées arrive à la pensée. Médecins, il vous faut des drogues, vous ne pouvez guérir sans leur secours, et nous, nous pouvons nous en passer. Prêtres, vous ne pouvez faire comprendre l’existence de l'âme que par le raisonnement ou le récit de faits passés; nous, nous la prouvons par des phénemènes qui peuvent à chaque instant se renouveler. Il vous appartient plus

qu’à nous de vous servir du moyen que nous employons; sera-ce en vain que nous vous sollicitons? L’avenir le dira.

Temps passé, tu revis pour moi en ce moment! Chers élèves de Besançon, rappelez à votre mémoire les faits qui servirent ù votre conviction et qui enflammèrent vos âmes. Est-ce en vain que je vous remis un dépôt sacré? Etait-ce pour l’enfouir ou le perdre? Ne m’en devez-vous aucun compte? Seriez-vous comme ces machines qui ne résonnent que lorsqu’on les frappe? Non, vous avez du cœur et de l’intelligence ; vous avez travaillé au soulagement de quelques malheureux, vous vous ôtes avancés dans la science ! Que ces lignes rappellent à votre souvenir l’homme que vous avez fété, honoré, çt que vous excitiez vous-mêmes au travail. En acceptant vos hommages, ¡1 pensa qu’en lui vous vouliez glorifier la vérité dont il est l’apôtre, et que vous le seconderiez dans son apostolat. Vous n’avez pu tout oublier. Le poëte est encore là; il fut votre écho; voici son chant. Je n’en ai rien oublié, mais ce n’est pas ce qu’il a dit de flatteur pour moi qui me fait répéter ses paroles : c’est pour acquitter une dette de reconnaissance et justifier oc que j’ai dit ailleurs : en France tout commence et linit par des chansons.

COUPLETS CHANTÉS AU BANQUET D’ADIEUX

Offert le 26 février 1840 A M. DO POTET DE SEBBEVOY

\

PAR SES ÉLÈVES BISONTINS.

Air du Dieu des Donnes Cens.

Il esta» monde une science oceiille ,

Divin pouvoir encor trop méconnu;

Un noble cœur en agrandit le culte.

Dans un beau zèle ardemment soutenu,

Il veut pour nous en élendre l’empire : Accomplissons ses vœux encourageants.

Quel est le Dieu qui (’échauffe et l’inspire?

Le Dieu des bonnes gens.

Vrai philanlhrope, utile ami des hommes,

Il sait guérir des maux désespérés;

Vrai philosophe, il voit ce que nous sommes : De purs esprils dans la fange égarés.

Il nous enseigne avec quelle puissance L’homme, sur l’homme aux yeux intelligents, Prouve qu’il lient son immortelle essence Du Dieu des bonnes gens.

Pour expliquer le mystère de l’âme,

Il ne va point fouiller dans des cerveaux; Souvent, par lui, cclte divine flamme S’isole.... et brille en des sentiers nouveaux. Sa douce voix d'une foule insensée Plaint les erreurs, les douies affligeants;

Et sa doctrine élève la pensée Au Dieu des bonnes gens.

« Songez, dit-il, à la conserver pure;

« Par elle, ainsi, vous deviendrez meilleurs s « Venez en aide à la faible nature, a lnicrrogez et calmez ses douleurs.

« Surtout montrez un dévouement insigne « A soulager vos frères indigents :

• C’est plaire au ciel, c’est fitre vraiment digne « Du Dieu des bonnes gens. »

De ses leçons gardons bien la mémoire;

Qu’il nous conserve un flatteur souvenir;

El jusqu’à nous, de sa modeste gloire,

Puissent les bruits fréquemment parvenir!

Qu’il vive heureux, que ses heures soient belles, Et qu'à la fin de ses soins diligents Il puisse en paix s’endormir sous les ailes Du Dieu des bonnes gens.

A vous, adversaires qui niez le magnétisme, nous livrons tous nos faits à la publicité; rejetez-les, ces faits, si vous le pouvez ; mais voici le nom des témoins de tous ceux signalés dans ce récit. Accusez-nous de mensonge, si vous l'osez, mais tenez pour certain que dans un avenir prochain nous aurons raison de vous et de vos sophismes, comme nous l’aurons de l’ignorance.

Baron du Potet.

Liste des personnes qui ont suivi mes cours à Besançon du 1er janvier au 25février 1840.

MM.Guignard. MM. Druhen, élève en médecine.

Combftte, Jules. Mayer, —

Froiidhon. Nicolas, —

Oudrt, avocat. Guyon, —

Goux, médecin. i Guilmette, —

MM. Petcy, élève en médecine. Viancin, —

Grosperrin, —

Faivre, —

Merlin, —

Santon, —

Jeunin, —

Besançon, — •

Calici, —

Feuillet, —

Courbet, —

Lâchât, —

Mminot, —

Goguely.

Jourdain.

Tissera li dot Drouhard.

James de Montry.

Bouvier, homme de lettres. Mairot, négociant.

Hering.

I.anglois, avocat.

Bruant.

Durouzier.

Labigand.

Beuque, géomètre.

«Gerbet.

Grobost, banquier.

Robbe.

Crapelet.

Bataille jeune.

Durozier.

Grenier, d.-m.

Bidal, rédacteur du Progrès. Pellarin, réd. de l'Imparlial. Bourerff, négociant.

Block.

Liigardon.

Oorival, avocat.

MM. De Chardnnnet.

Bataille aîné.

Jourdeuil.

Viancin, membre de l'Aca-démie.

Berthold.

De Lorcy.

Bernheim. i

Masson, avocat.

Colombo t.

Prevel.

Racine.

Jeannez, avocat.

Billot, —

Jaquet, géomètre.

Dessirier, prof, de musique. Viltz.

Coque.

Pelletier.

Godot, avoué.

Sainte-Agathe, imprimeur. Pctilperrin, avocat.

Barbier, —

Chanson.

Charnot. travailles.

Monnot.

Zeltner, Joseph.

Tresoret, d.-m.

Mairot, Félix.

Genot.

Bretillot jeune.

Duret, avocat.

Chalandre, imprimeur.

Grobost fils.

Courtial.

Thieulin, Alexandre.

Jeannerod.

Hcrbin, lieutenant au 39*.

CLINIQUE MAGNÉTIQUE.

AVORTEMENT enrayé par les procédés mesmériques mieux que par L'opium. - Empoisonnement par le laudanum et cessation des symptômes toxiques pendant l'injluence magnétique.

Vers la fin d’août 1845, je magnétisais souvent madame N*'\ excellente somnambule médicale, jouissant ordinairement d’une santé fort passable et de la faculté très-heureuse de voir les maladies des autres sans éprouver de douleurs sympathiques. Elle était alors enceinte d’un mois, et comme elle m’avait assuré plusieurs fois que le magnétisme ne pouvait en rien compromettre la vie de son enfant, je lui faisais souvent voir des malades et étudier un peu d’anatomie, de physiologie et de thérapeutique, bien qu’elle n’eût pas besoin de science théorique pour prescrire, très-souvent en termes techniques, des remèdes dont elle ignorait parfaitement les noms et les usages pendant son état de veille.

Le 5 septembre il se manifesta chez elle une dia-thèse hémorrhagique assez commune chez les jeunes femmes enceintes d’un premier enfant, et, suivant ses assertions, le magnétisme n’était pour rien dans la production de ce phénomène.

Elle eut d’abord une hémorrhagie vaginale qu elle

me laissa ignorer, croyant au retour de ses règles. Peu de temps après, elle eut dans le somnambulisme un épanchement interstitiel dans les parois du cœur} Elle suivit parfaitement ce travail, qui se manifesta par une douleur pongilive, des étouffements et des palpitations. Elle ne se prescrivit rien, voyunt que la lésion n’était pas grave, et que la disposition où elle se trouvait était à peu près irrémédiable. Je dois ici faire remarquer que, pour elle comme pour ses malades, elle était presque totalement dépourvue de la faculté de prévision, et incapable, partant, d’établir aucun pronostic certain.

Elle se fit réveiller, et les accidents devinrent plus apparents, mais ne tardèrent pas à se calmer spontanément.

Le lendemain il y eut une épistaxis abondante. L’indication était la saignée, la malade avait garde de se prescrire ou d’accepter un moyen dont elle avait peur.

Le surlendemain, 8 septembre, elle éprouva des douleurs pongitives dans plusieurs points du corps, et l’on vit apparaitre sous la peau des ecchymoses assez larges.

Elle se prescrivit alors de l'opium fermenté avec du miel (laudanum do Rousseau), dix gouttes au plus par jour; mais, éveillée, elle refusa de le prendre.

Le 9, nouvelle hémorrhngio vaginale. Elle se prescrit sept gouttes do laudanum, et je lui imposai l’obligation post-somnambulique de le prendre; elle s’en acquitta bien ets’en trouva mieux.

Le 20, les accidents hémorrhagiques semblant disparus, elle eut le soir une laborieuse séance dans

laquelle elle diagnostiqua plusieurs maladies avec beaucoup de lucidité. Elle se fit éveiller sentant du malaise, et sans pouvoir dire pourquoi; ce malaise sembla se calmer. Vers onze heures elle fut prise d’une nouvelle hémorrhagie cardiaque, manifestée comme la première par des étouffements, des palpitations et une douleur pongitive. La vio était en péril, il n’y avait pas à balancer; j’ouvris la veine et laissai couler deux cents grammes de sang.

Le lendemain elle s’ordonna encore une saignée semblable pour no pas mourir ou devenir folle; j’accédai à son désir.

Le soir je la trouvai dans un léger délire, accusant •une violente céphalalgie et une douleur pongitive au front. Je la mis en somnambulisme avec beaucoup de précautions. Dans cet état le délire cessa, et elle dé-«clara qu’une nouvelle hémorrhagie était produite dans •un repli des membranes qui enveloppent le cerveau au milieu du front, et s'étendant un peu vers la gauche; que cet épanchement lui causait une vive douleur sur laquelle le magnétisme avait peu d’empire, tparce que les nerfs de ces membranes si sensibles sont trop près du cerveau. Elle ajouta que cette douleur et cot épanchement offusquaient complètement sa vision. C’était une hémorrhagie méningienne.

On la réveilla. Je ne regrettai pas alors d’avoir fait cette seconde saignée, que je regardais comme devant lêtre nuisible à l’enfant qu’elle portait; car je comprenais que la vie de la mère ou sa raison étaient en péril, comme elle l’avait fort bien dit le matin.

Le lundi et le mardi elle se leva, quoique faible, et se soumit à prendre de l’opium; elle semblait conva-

lescente. (J’ai remarqué que sous l’influence du magnétisme là faiblesse causée par la saignée disparaissait rapidement.)

Le 24, je vins la voir et la trouvai au lit, accusant un malaise indéfinissable et une grande faiblesse. Elle me pria de l’endormir, pour savoir ce qu’elle aurait. Aussitôt qu’elle fut dans le sommeil magnétique, elle me dit : « Je n’aurai plus d’hémorrhngies, mais « après midi, à une heure et quart, je serai, prise de « douleurs d’accouchement, et probablement je ferai « une fausse couche ; vous pouvez la prévenir, doc-« teur. Ayez soin d’être ici à cette heure-là. — Fau-« dra-t-il prendre encore quelque remède? — Oui, « de l'opium encore, quatre ou cinq gouttes mainte-« nant. » Je lui versai alors cinq gouttes de laudanum de Rousseau, qu’elle prit sur-le-champ sans s’apercevoir de l’amertume, que je lui avais déguisée. Je la réveillai, lui promis qu’ellè serait bientôt guérie, et que je reviendrais la voir le soir. Je sortis.

A une heure et quart j’étais revenu ; les coliques d’accouchement se manifestèrent, je l'endormis; ellë me fit la description du travail qui se faisait dans l’utérus. Son embryon, disait-elle, était bien vivant; il souffrait, ses membranes étaient entières; l’utérus se contractait en frémissant'; ces contractions causaient une vive douleur; il y avait à Couverture inférieure une sensation de déchirement et une tendance visible à la dilatation. J’étais obligé de m’en rapporter à ce qu’elle voyait pour tout cela, et d’ailleurs je me serais bien gardé d’irriter le museau de tanche par des explorations intempestives. Les douleurs d’accouchement étaient très-évidentes ; elles devenaient

déplus en plus fréquentes, et maintenant revenaient de cinq en cinq minutes. L’avortement était imminent; le magnétisme me paraissait insuffisant, même pour diminuer la douleur.

Dans un intervalle, la somnambule me dit : « Je « veux encore prendre quinze gouttes de laudanum. « Je sais fort bien qu’il y a deux grains d’opium, mais « je ferai comme d’autres en pareil cas, je ne mourrai « pas; cela pourra arrêter l’avortemcnt. J’aurai du « délire à trois heures et demie, cela durera jusqu’à « minuit; vous pourrez le faire cesser. En attendant, « vous allez me mettre les jambes un peu élevées et « la tête basse. »

Tout cela futbientôt fait. Après la douleur suivante, elle reprit : « Vous n’avez pas encore deviné le moyen ode me soulager en attendant l’effet de l’opium; a c’est pourtant bien facile : il faut magnétiser d’une « manière bien claire et bien précise, savoir bien ce « que l’on veut et ne vouloir qu’une chose à la fois. « Faites comme vous en avez l’habitude. La matrice, c vous devez le savoir, vaut bien un magnétiseur; « elle neutralise chez moi, par ses contractions dou-« loureuses, tout ce que vous pouvez faire pour « m’assoupir, et son action magnétique indépendante, « remontant à mon cerveau comme chez les hystéri-o ques, produit même le somnambulisme. Commcn-« cez par remplir de votre magnétisme les nerfs com-a pris entre le cerveau' et elle ; ensuite vous mettrez « une barre que le fluide douloureux ne pourra plus « franchir, et qui arrêtera aussi le fluide de mon « cerveau, qui fait contracter mon utérus. Ainsi vous

«

« paralyserez ce dernier de sensibilité et de mou-o veinent. »

Cela arriva comme elle l’avait annoncé, et tout sembla rentrer clans l’ordre. Elle resta très-calme et demanda à être réveillée à cinq heures moins un quart. Elle avait bien prédit qu’elle serait alors dans un violent délire produit par l’opium. 11 fallait imposer à l’utérus la condition posl-somnambulique de rester immobile et insensible, et le délire n’était rien, disait-elle , on ne devait pas y faire attention ; il devait se passer seul, à minuit et demi, et aucun autre accident ne devait manifester l’action toxique de l’opium.

Aussitôt éveillée, elle resta tranquille un instant; mais le délire, d'abord calme, ne tarda pas à devenir furieux : des hallucinations, des visions étranges de voleurs, d’assassins, de brigands, vinrent bientôt la tourmenter; elle s’agita, elle poussa des cris, et le mouvement ne tarda pas à réveiller les contractions elles douleurs.

Je rentrai à cinq heures et demie et vis la nécessité de m’efforcer à tout prix de reproduire le somnambulisme, pour calmer au moins l’utérus. Quel fut mon étonnement de la voir recouvrer la raison. Dès qu’elle eut franchi le moment de résolution des membres qui séparait toujours chez elle l’état de veille de celui de somnambulisme, je calmai toutes les douleurs comme auparavant, et restai près d’elle. En cet état elle reçut deux visites et fut très-aimable. A sept heures et demie elle me pria de l’éveiller, en laissant endormi son utérus, parce que l’état de somnambulisme tontinuel lui fatiguait horriblement le cerveau.

A peine fut-elle éveillée que reparut le délire, mais encore plus effrayant que la première fois. Elle criait, vociférait ; elle voyait des ennemis partout et cherchait à les fuir. L’utérus, d’abord calmé, recouvra scs terribles propriétés. Je voulus la rendormir, mais ma force, épuisée et neutralisée par l’agitation et la violence des douleurs, ne suffisait plus, et je ne pus obtenir que la cessation momentanée du délire et la paralysie de l’utérus, effets présomnambuliques très-importants, mais peu durables. Ce furent les seuls résultats d’une heure de magnétisation ; j’étais épuisé. Un malade réclamant mes soins au dehors, il fallut partir, et quand je revins, deux heures après, je retrouvai lo délire et les coliques dans leur plus effrayante intensité. J’avais recouvré du magnétisme; je m’efforçai de la rendormir, et j’y parvins à onze heures. Aussitôt je paralysai l’utérus et l’obligeai à rester ainsi jusqu’ù sept heures du matin. Les bras et les mains se couvraient de vésicules produites par l’opium. Les douleurs, qui avaient cessé le lendemain matin à sept heures, reparurent à trois, et cessèrent presque aussitôt; mais il fallait rester tranquille, et madame N*“ était bien la plus indocile personne qu’on pût connaître; elle s’agita la nuit suivante, et vers onze heures elle fut reprise des mômes douleurs que la veille. On vint me chercher, mais, apprenant que j’étais retenu en ville pour un accouchement, on la laissa .souffrir toute la nuit, sept gouttes de laudanum ne l’ayant pas môme soulagée. Le matin elle était calme et me déclara en somnambulisme que cette nuit avait été fatale à son enfant, qui ne tarderait pas à mourir, que le 1er octobre serait son dernier jour, et

que le 6 elle le rendrait sans douleurs, sans hémor-rhagie, et enveloppé de toutes ses membranes. Ce qui arriva comme elle l'avait prédit.

Aussitôt après elle commença à avoir des extase* dont je me réserve de raconter un jour les deux premières.

Je m'abstiens de toute hypothèse sur l’état ducor-veau pendant l’effet de l’opium et sur le rôle que jouait mon fluide magnétique vis-à-vis tie son cerveauet de son âme. J’ai produit dans ce cas, comme cela arrive tous les jours aux magnétiseurs, un phénomène merveilleux, mais encore inexplicable.

E. Viancin, d.-m. I*.

Section de tendons. — J’ai hâte, mon cherdoc-teur (Elliotson), de vous communiquer le résültat d’une opération faite durant le sommeil mesmérique.

Miss K***, âgée de dix-sept ans, avait souffert.pen-dant deux ans de divers symptômes résultant ¡d’une irritation de l’épine dorsale. Le genou droit »s'était, dès le principe de la maladie, légèrement fléchi ; mais dans l’année qui précéda l’opération, cette flexion s’aggrava tellement qu’il devint totalement impossible d’écarter le talon fixé à la partie postérieure de la cuisse.

Pendant trois mois elle fut régulièrement magnétisée par M. Gardiner. Tous les symptômes se calmèrent, et beaucoup môme dispaj’urent sous l'influence de ce traitement; l’articulation du genou, cependant, •restait fermement contractée. Je crois inutile de donner les raisons qui m’ont engagé à opérer la section des tendons du jarret. Mais je dois faire remarquer

que l’opération fut faite pendant le corna mesmérique et sans aucune manifestation de douleur cl de sensibilité, et quelques instants après l’opération la patiente fut démagnétisée.

Il n’y a pas d’expression pour traduire son étonnement, point de crayon pour le retracer quand les quelques gouttes de sang qui tachaient ses draps lui révélèrent que tout était fini. L’effet qu’elle éprouva est certes bien plus facile à imaginer qu’à décrire.

Votre tout dévoué,

W.-C. Engledue, m.-d.

Splémte chronique. — Mmc L..., de Privas, se présente pour consulter pour son époux, le20 juillet.

Je magnétise la somnabule et lui ordonne de se transporter spirituellement auprès du malade. Elle s’y transporte, simule les gestes du malade absent, et dit : « Ce monsieur a une céphalalgie très-forte, « une douleur au creux de l’estomac; ses forces sont « abattues, la langue est chargée. Sa maladie consiste « en une inflammation chronique de la rate et du « grand épiploon, en une ampoule au petit lobe du « foie; tout cela est dû à une suppression de transpi-« ration qui a.été négligée. On lui fera prendre la ti-« sane suivante : Racines debuglosse, 10 grammes ; « feuilles de renouée persicaire rouge et d’orties, de «chaque une pincée,; eau, un litre. Faites bouillir «demi-heure les racines, et mettez les feuilles en « infusion; adoucissez avec sirop des cinq racines apé-« ritives. 3 AoûL : Je reconnais une amélioration, mais « une douleur lancinante s’est déclarée sous le sein

« gauche et correspond entre les deux épaules. Vési-

catoire entre les deux épaules, tisane de feuilles de « mouron rouge, de pimprenelle etdefumeterre, une « fiole do sirop de quinine en deux jours. 8 Août : le « malade va beaucoup mieux, il lui reste une pesàn-o teur de téte et un froid aux extrémités inférieures. « (Vrai.) Tisane de feuilles de fumeterre, de mouron « rouge et de millepertuis, bains de pieds tous les « deux jours, pendant huit jours. 15 Août : guérison.

Maurice aîné, m.-m. P.

MANUEL DU MAGNÉTISEUR.

( Suite.)

LE SALAIRE.

Le magnétiseur qui se charge , moyennant salaire, de magnétiser un malade, doit se pénétrer que] le bien qu’il peut faire est en raison de sa conduite et de son travail. Il doit, pour avoir des forces à sa disposition , éviter soigneusement les excès qui les dissipent; s’il s’adonne aux femmes, il n’a plus qu'une volonté sans valeur, il ne peut plus rien ; et, en supposant qu’il produise des effets, ils sont illusoires et n’opèrent aucune modification sérieuse dans les symptômes de la maladie qu’il est chargé de guérir. S’il est distrait, préoccupé, eût-il des forces, elles n’o-

laissent point ou sont perdues, car elles ont besoiu d’un désir et d’une pensée constante vers le bien.

Ce n’est que par un effort de pensée et un véritable travail moral, soutenus pendant un certain temps, «ju^on peut produire plus que des effets : la guérison. Une magnétisation est un travail sérieux , fatigant môme; votre organisation doit en souffrir un instant, car vous avez distrait de vos forces pour les faire passer en autrui. Si ce n’est pas la charité qui est votre mobile , que vous ayez mis un prix à vos soins, c’est un vol que vous faites à celui qui vous paie si vous ne remplissez pas les conditions que nous venons do vous faire connaître.

Lorsque le magnétisme sera plus généralement connu, plus étudié, on saura que nous connaissions bien toutes les conditions nécessaires pour obtenir des succès. Mais longtemps encore, nous le craignons, cet agent ne sera considéré que comme ayant peu de valeur, tandis que les instruments seuls devraient être accusés d’imperfection.

(ta tuile auproehain numéro.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

Société académique du Puy.

'M. ilfadde ayant appelé l’attention de cette société sur la question du mesmérisme, qui préoccupe au-

jourd’hui si vivement les esprits , celle-ci le chargea de faire diverses expériences qui eurent lieu dans le musée do la ville. L'Annonciateur en a publié un compte-rendu dont voici les traits les plus saillants, que nous transmet M. lledde lui-même :

« Le sujet que j'ai présenté à l’examen, Agé do qua-« torze ans, d’un tempérament lymphatico-nerveux € et somnambule naturel, s’appelle Florentin-Guil-« laumo. Doué d’une grande sensibilité, ce jeun« « homme dovint bègue en voyant son frère battre s:i « mère. Le hasard me fit reconnaitre en lui des dis-« positions au somnambulisme magnétique, telles « que , le trouvant au milieu de l'atelier de l'impri-« merie où il travaillait, je le fis asseoir et l'endormis « en une minute par les procédés magnétiques les

« plus simples. Depuis cette époque jp fis sur lui un « grand nombre d’expériences avec succès, et le pré-«sentai aux membres de l’Académie chargés de re-

« connaître l'exactitude des phénomènes magnéti-

« ques. Plusieurs séances eurent lieu. M. le docteur « Martel voulut bien se charger de diriger toutes ces « expériences , et, zélé partisan du magnétisme , « donna plusieurs séances à l’Académie et obtint des «résultats, sinon nouveaux, du moins de plus on « plus positifs. En voici le résultat :

« Florentin a été endormi à lu distance de seize

• mètres, 1° par des passes, 2° par le regard, 3° par «derrière et à son insu, en trois minutes; 4" par « l’insufflation et en présentant les mains sur le front, « en une minute. Lo mémo effet a eu lieu en trois ini-

« nutes, au moyen : 1° d’un morceau de marbre ma-« gétisé; 2° d’une pièce d’or, choisie entre plusieurs

« autres, et puis magnétisée et exposée au feu pour o prouver que le fluide magnétique est indestructible; « 3n enfin, il a été magnétisé à distance au travers « d’un mur en maçonnerie de un mètre cinquante « centimètres d’épaisseur en cinq minutes.

« Pour prouver que le sommeil n’était pas simulé, « voici les épreuves douloureuses auxquelles ce jeune « homme a été soumis et durant lesquelles il n’a pas « manifesté le moindre sentiment de douleur :

« 1° On lui a tiré fortement les cheveux , au point « de les lui arracher;]

« 2" On lui a pincé énergiquement la peau dans « les parties du corps les plus sensibles;

« 3" Un flacon d’une once d’ammoniaque liquide « concentrée lui a été maintenue sous le nez durant « trois minutes ;

« A° On lui a ensuite bourré le nez de tabac ;

« 5" Deux coups de pistolet fortement chargés lui « ont été simultanément tirés contre les deux oreilles ;

« 6° Au-dessous du poignet, la peau ayant été sou-

o levée, une aiguille la transperça en parcourant un « trajet de deux centimètres et y resta un quart-« d'heure.

« Pendant toutes ces expériences, l’enfant a con-« tinué de donner des preuves de la plupart des phé-« nomènes magnétiques et lucides qu’il serait trop

o long d’énumérer ici. Réveillé par le simple com-« mandement de son magnétiseur, il n’a été nullement « fatigué de cette séance, qui a duré plus de trois « heures. Les médecins membres de l’Académie du « Puy (llaute-Loire) qui y assislaientétaient MM. Du-« garay, Lafayette, Martel et Joyeux. »

VARIÉTÉS.

Possession. — Faute d’un terme meilleur, nous nous servons de celte expression née des croyances du moyen âge, et consacrée par le temps, pour désigner le fuit qui fait l’objet des lettres suivantes.

Vicux-Cellesoie, 28 janvltr 1856.

Monsieur,

Le Sémaphore de Marseille (l) a rendu compte de phénomènes extraordinaires qui se manifestèrent en-*-tre deux jeunes filles grecques. Les mêmes phénomènes viennent de se produire ici chez une jeune fille de quatorze ans. Cette jeune fille, qui habite le village de Bouvigny , près de La Perrière (Orne) , imprime aux objets en bois de chêne, qu’elle touche seulement avec son tablier ou sa robe , un mouvement tellement violent qu’une chaise tombe, et qu’un coffre, sur lequel- on fait monter quelqu’un et qu’une seconde personne maintient, se déplace de quatre pouces. Un des principaux habitants do La Perrière vient de conduire cette jeune fille à Mamers (Sarlhe), pour la faire examiner par des médecins. Dans son village on croit qu’elle a été ensorcelée. Je compte aussi aller voir cette jeune fille, non que je mette en doute ces faits qui m’ont été racontés par plus de vingt personnes dignes de foi, et qui avaient pris toutes les précautions possibles pour que le doute ne fût plus permis.

Barville-Cohin.

(I) Voir Essai lur l'enseignement philoso/ihiquc du Magnétisme, p. 219.

Mon cher Monsieur Iléhert,

J’ai une communication scientifique à vous faire , que je crois inutile de vous recommander.

M. Fromage, pharmacien , mon neveu, est chargé ilf vous transmettre cette petite note, sur laquelle vous êtes prié d’appeler l'attention des savants.

J’ai observé hier le phénomène électro-magnétique (je le désigne ainsi) le plus curieux et le plus extraordinaire. Angélique Cottin, âgée de quatorze ans, de la commune de La Perrière, est devenue depuis quelques jours un instrument vivant et singulier de physique. Elle fait éprouver à tous les corps qui l'approchent et avec lesquels elle est mise en contact par an conducteur, tel qu’un fil de soie ou l’extrémité de ses vêtements , de son tablier, un mouvement de répulsion qui les déplace et tend à les renverser. En même temps elle éprouve une attraction-instantanée et irrésistible qui l'entraîne vers les objets qui fuient devant elle.

Les expériences que j’ai faites, et qui sont répétées à chaque instant, ont lieu de la manière suivante :

La jeune fille s’assied devant un guéridon ou une tuble de travail. Elle y fixe un fil de soie, avec lequel elle avait l’habitude de travailler pour faire des gants de filet. Presque immédiatement le meuble s’enlève, s'éloigne et se renverse, pendant qu’elle-même éprouve une forte commotion qui l’entraîne du même côté (I).

(( ) Lorsque ces effets ont lieu, la jeune fille éprouve comme une violente c. simotion électrique dans l«'br*s gauche.

Nous avons fixé le guéridon avec nos mains, le môme phénomène a lieu. Nous avons ensuilé touché avec le bas de sa robe et son tablier, l’expérience a toujours lieu. Nous lui avons tenu les mains et les pieds : toujours le contact de ses vêlements a suffi. Le tablier posé sur une chaise où est assise une autre personne produit encore le même effet. Mais, bien plus fort, un coffre sur lequel trois hommes sont assis est mis en mouvement d»la même manière.

Avant-hier on s’aperçut qu’un grand panier d’osier, rempli de haricots, qu’on lui donnait à écaler, s’envola avec rapidité à plus de cinq pieds de distance, par le simple contact de ses robes. J’ai répété cette expérience hier deux fois, en présence de M. le curé de Saint-Martin et le chapelain do l’hospice de Bel-lesme, qui, comme moi, ont reconnu la réalité du fait. A chaque fois les pois ont été lancés en l’air avec une grande rapidité. Il reste beaucoup de choses à dire, que je pourrai, Monsieur, vous communiquer. Cette jeune fille est devenue un objet de curiosité; cela paraît si extraordinaire qu’on ne se résigne à croire qu’après avoir vu. Je suis du nombre : les plus sceptiques se rendent à l’évidence des- fait». Toutes les notabilités du pays vont visiter cette enfant. Je dois ajouter qu’elle a acquis cette propriété depuis quinze jours, aujourd’hui même et à huit heures du soir. Tous les soirs aussi les effets sont.beau-coup plus intenses; du reste, elle se porte bien, mange et dort de même. Rien ne lui est arrivé ; on ignore donc complètement la cause de ce phénomène. Elle a été présentée à tous les médecins et pharmaciens de Mamers, et à Ml Juffey, qui n’a rien obtenu

du magnétisme ; je peux en dire autant pour moi-môme. On parle déjà de la présenter à l’examen des savants. Je suis médecin de la maison, j’ai déclaré que je la prenais sous ma protection. Elle appartient à une famille pauvre. Si cet état est durable , cette petite devra intéresser les savants , et méritera', je pense, d’être recommandée à leur examen. Je lui ai promis d’écrire pour elle ; je vous choisis , Monsieur , pour mon intermédiaire.

Je n’ai pas le temps de vous en écrire davantage.

Votre tout dévoué, Verger, méd.

Salot-Marlin-du-Vieux-Bellesme, 2 février 1846.

Monsieur,

Hier au soir, à ma rentrée à la maison , on m’a remis une lettre de vous, en réponse à celle que j’ai eu l’honneur de vous adresser jeudi dernier.

Je vous remercie, Monsieur, de l’empressement et du zèle que vous témoignez à l’intéressante créature qui fait l’objet de notre correspondance ; j’étais sûr de trouver en vous un patron pour la jeune fille, qui va devenir un problème à résoudre pour la science.

Je viens de dépêcher un commissionnaire à La Perrière pour appeler ici la jeune Cottin, avec sa tante, chez qui elle demeure, ou plutôt qui l’a recueillie par humanité, attendu qu’elle a été délaissée par des parents dénaturés.

Cette jeune fille continue à présenter les phénomènes que je vous ai relatés dans ma première lettre, et qui, au besoin, pourraient être attestés par plus de

cinq cents témoins dignes de foi, par les notabilités, par messieurs les ecclésiastiques des environs, etc.; elle est devenue un objet de curiosité, et reçoit continuellement des visites, qui finiront par devenir af-fluentes. On parle beaucoup d’elle à Mamerset à Bel-lesme; plusieurs personnes de ces localités l’ont déjà vue; un grand nombre se proposent de la visiter.

Hier j ai passé à La Perrière, où j’étais appelé pour plusieurs malades; je l’ai mandée chez mon beau-père, où elle a dîné. Malheureusement je n’ai eu qu’un instant pour l’observer, ayant été obligé de repartir de suite pour un accouchement.

Chaque jour pourtant on découvre de nouvelles choses : par exemple, elle est maintenant obligée de manger debout, et ne peut plus s’asseoir sur une chaise; j’ai vérifié le fait hier par deux ou trois fois, ayant eu l’attention de la soutenir par dessous les bras, pour lui éviter de tomber par terre; car, aussitôt qu elle touche à la chaise, celle-ci se retire brusquement de dessous elle. Je croyais qu’elle n’agissait que sur les corps inanimés; plusieurs personnes m’ont assuré avoir éprouvé des commotions par le contact de ses vêtements. Je reviendrai à cet article, que je vais répéter par expériences.

M. de Farémond de Monti-Mert l’a reconduite a Mamers, chez M. Jufley; mais je viens de défendre de la magnétiser de nouveau. J’avais déjà défendu de lui faire avaler aucune drogue qui pourrait ou viendrait à lui être conseillée par les médecins qui l’ont visitée.

On sait, à La Perrière, que je m’intéresse à cette jeune fille, et que je devais écrire à Paris pour elle;

on va è!re satisfait dlavoir oommunication de la lettre que je viens d’y envoyer par le commissionnaire, «t dans laquelle je ronds compte do tout ce que vous 1110 dites.

Je prendrai garde que cette jeune fille ne tombe entre des mains indignes. Déjà quelqu’un de la loea-Jité aurait offert de l’exploiter, moyennant une somma d’argent.

Peut-être serait-il bon que vous vinssiez vous-môme pour l’examiner sur les lieux et acquérir une conviction plus gran le (1).

Je suis, avec la plus haute considération,

Votre tout dévoué, Verger, médecin.

Revue des journaux.—L'Univers religieux et la Pairie ont refusé d’insérer dans leurs annonces l’avis de l’ouverture d’un cours de magnétisme. Comme jadis, la vérité fait peur à certains esprits. Il faut aussi empêcher que l’ignorance s’éclaire : c’est une si bonne chose que l'ignorance ! Si c’était l’annonce d’un auto-da-fé, à la bonne heure! Nous sommes sorcier, et pourtant nous n’nvions pas deviné le refus que nous venons-d’éprouver. Ah! mes bons pères, trop de zèle vous ¿gare!...

(i) Nous sommes allé vérifier le fait, dont'nous ferons connaître tes dftail» dan» nuire-prochain numéro.

l.e Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Garnay).

PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-MAGNÉTIQUES-

Obseivation faite sur Angélique Cottin, du village

de la Muzerie, commune de La Perrière (Orne).

Chaque jour un nouveau fait grossit la somme des connaissances humaines. Maintenant la vie d’un homme serait trop courte, non pas pour étudier en rudiment les diverses sciences, mais pour acquérir et posséder la nouvelle langue qui sert à les faire comprendre. Et, comme tout est mobile en elles, et que ce qui fait l’objet de leurs richesses va toujours se décomposant sans que les savants trouvent ce qui les lie entre elles, sans qu’ils s’occupent de rechercher les vérités mères, il s’ensuit que l’étude vous conduit à un labyrinthe d’où, quoi que vous fassiez, vous ne pouvez plus sortir.

A force de tant diviser, les savants sont sur Je point de ne plus s’entendre; ce qu’ils rejettent est vrai, ce qu’ils adoptent est souvent faux. Les systèmes de physique et de chimie changent à peu près tous les cinq ans; des corps simples, bien reconnus simples, quelques jours après deviennent composés. Les nomenclatures sont à chaque instant bouleversées;

« l’acide muriatique est devenu bydrochlorique, et quelque temps après chlorhydrique; l’eau est maintenant un oxyde métalloïdique.

« J'ai vu soutenir que la lumière était un fluide émanant du soleil et venant impressionner directement notre œil ; puis, ou m’a dit que ses effets n’étaient dus qu’à des vibrations successives. J’ai vu, enfin, lant de contradictions hâtivement accumulées que j’aurais peine à en former la liste. Cependant, à chacune de ces phases, malheur à qui se serait fait répéter le mot d’ordre. Avisez-vous, aujourd'hui même, He douter des atomes et de leur poids! Tout au plus si M. Dumas, ce spirituel philosophe, a osé, dans sa chaire, indiquer ses incertitudes à ce sujet.

« Parmi tant d’hommes éminents qui cultivent les sciences, il eh est peu dont le génie s’isole du milieu où il agit, pour reprendre, à leur source, les hautes questions de ce grand domaine. Nous sommes évidemment dans une époque de transition. Les faits ont débordé les théories, comme au temps où parut La-voisier. On se jette, en attendant le flambeau qui viendra, dans un pêle-même de formules, nouvelle algèbre dont se hérisse la chimie, sans que cette tendance pédantesque aide en rien à l'intelligence de la belle loi des équivalents qu’elle veut traduire. On se dispute sur ce terrain, et il se compose de gros mémoires pour substituer un H* à un H8 dans l’écriture reçue. On se livre en même temps à un luxe inouï de petites mesures : nous savons, par exemple, aujourd'hui, que l'eau n’est plus incompressible, et que, sous une pression égale à celle de l’atmospère, elle peut diminuer de quarante-quatre millionièmes de son volume (de qoarante-huit selon M. Përkins)!

« N’y a-t-il pas, en tout cela, un:symptôme manifeste d’arrôt dans la marche grandiose imprimée au

«/•nie humain par les hommes illustres dont Galilée fut le précurseur? N’est-il pas juste qu’on s’en émeuve, et serait-ce inconvenance ou hardiesse que d’en parler? Il est concevable qu’en politique, dans l’histoire des peuples, se rencontrent des époques stagnantes, des calmes après l'orage ou des anéantissements à la suite de convulsions. Mais, dans cette immortelle nation scientifique, dont l’univers est la conquête promise, pourquoi ces phases de relâchement? C’est que l’esprit de détail a tout envahi, et que l’origine des grandes recherches est oubliée. Jamais, certes, les procédés d’expérimentation n’ont été si prompts ni si sûrs; jamais la science n’a donné aux intérêts humains tant de satisfactions rapides; ce qu’elle engendre de merveilles réalisées dépasse, en nos jours, les rêveries féeriques des mythologies d’autrefois, et notre forme sociale est à la veille, elle-même, d’en subir l’influence. J’admire ce mouvement magnifique qui, en déplaçant les vieilles forces morales, jette aux masses, trop lassées du renoncement, le dogme attrayant du bien-être; mais tout ébloui que je sois, comment ne pas voir aussi que le grand objet philosophique, la recherche des causes, reste un peu oublié près de ces prodiges d’application?

« L’électricité, cette lueur miraculeuse, apparue à une date si récente, et qui devait éclairer tout le champ des sciences, où en sont ses prodiges espérés? On reste à des effets partiels de décomposition, après les vieilles expériences des premiers inventeurs. Depuis Franklin, Voltaj puis Davy, puis M. Becquerel. C’est beaucoup sans doute d'avoir construit les paratonnerres, d’avoir découvert les métaux alcalins,

d'avoir obtenu, en peu d’heures, des cristaux que les siècles seuls formaient, d’avoir ingénieusement doré du cuivre; mais en sait-on mieux pourquoi et comment un morceau de résiné frotte attire les corps légers qu’on lui présente?... Là est le point de départ, et c’est de là que chacun s’éloigne. Il a fallu, pour rendre raison des faits, inventer deux fluides dont chacun se repousse lui-même; il a bien fallu mémo, après la découverte d’OErstedt, que M. Ampère imaginât des courants électriques en spirales pour expliquer les aimants. La nature m’apparaît trop simple pour s’embarrasser de telles conceptions. Mais à peine un fait est connu qu’on lui veut une explication ; «t l’on étrangle les faits nouveaux pour les forcer à se courber devant l’explication admise. Mieux vaudrait dire que l’on ne sait rien et chercher toujours. Quelque Æpinus moderne trouvera la clef de ces secrets, mais à la condition d’oublier ce qu’on lui aura pu apprendre, et de frotter un bâton de cire en réfléchissant tout seul. »

Ce préambule était nécessaire ici, car nous avons à parler de phénomènes étranges, difficiles à classer, et que l’on rejettera peut-être faute de les comprendre encore.

Dans notre dernier numéro nous avons publié les lettres qui nous furent adressées par des personnes honorables du département de l’Orne. Au reçu de ces documents, nous avons envoyé sur les lieux examiner, vérifier les faits annoncés, et nous pouvons dire que la vérité n’a point été altérée.

Identifié avec les faits, en ayant vu et vérifié la plupart; entouré de témoignages éclairés et loyaux.

écrits, verbaux et oculaires, nous allons reprendre l'historique de ce phénomène à son origine.

Le jeudi 15 janvier 1846, Angélique Cottin, figée de quatorze ans, tissait des gants de filet de soie avec

1 rois autres jeunes filles, lorsque, vers huit heures du soir, lo guéridon en chêne brut, servant à fixer l'extrémité delà trame, remua, se déplaça, sans que leurs efforts réunis pussent le maintenir dans sa position ordinaire. Elles s’éloignèrent, effrayées d’une chose si étrange. Mais le récit qu’elles en firent ne lut point cru des voisins qu’avaient attirés leurs cris.

Deux d’abord , puis une troisième, sur les représentations des assistants, reprirent en tremblant leur besogne, sans que le fait mentionné se reproduisît. Mais aussitôt qu’Angélique, imitant scs compagnes, eut repris sa trame, le guéridon s’agita de nouveau, dansa, fut renversé, puis violemment repoussé à plusieurs pieds de distance. En même temps la jeune tille, entraînée irrésistiblement à sa suite, faisait de vains efforts pour le relever, le retenir; dès qu’elle le touchait, il fuyait plus loin sans qu’elle-même pût résister au pouvoir qui l’obligeait à se précipiter dessus.

L’effroi, succédant à l'étonnement, pénétra vite en l'esprit des témoins de cette scène étrange : il n’y avait pas de doute, cette enfant était ensorcelée, on lui avait jeté un sort, et personne n’en osait approcher. Cependant il y eut intermittence dans la production de ce phénomène insolite.

La nuit fut aussi calme que si rien ne s’était passé.

Le lendemain matin les effets, faibles d'abord, augmentèrent considérablement de huit à neuf heures, après le déjeûner. Obligé d’isoler cette pauvre enfant du guéridon commun qu’elle bouleversait, en dépit de ses propres efforts pour l’assujettir, on fixa, au moyen d’un petit clou, l’extrémité du gant à une huchep leine, du poids d’environ soixante-quinze kilogrammes, que l'on supposait par cela immobile. Mais cet obstacle, opposé à l’action de la mystérieuse et terrible force, ne résista pas longtemps : la huche fut soulevée, déplacée à plusieurs reprises, quoique la communication ne fût établie que par un simple fil de soie.

Les parents, effrayés et cédant à l’opinion de la masse ignorante qui allait jusqu’à désigner ceux qui avaient jeté le sort, conduisirent au presbytère lajeune fille, très-peu touchée de son état. Le curé du lieu, en homme éclairé, refusa d’accéder à leur désir d’exorciser (1) l’enfant, même d’ajouter foi à leurs récits ; ii douta, car croire ou nier sans examen ne sont point les éléments constitutifs d’unjugement solide, non plus que la marque d’une intelligence élevée. Vérifier, appliquer ses sens était chose facile, et c’est aussi le parti auquel s’arrêta le bon curé. La jeune Cottiu fut devant lui placée dans des conditions analogues à celles où le phénomène s’était manifesté. Il ne tarda pas a acquérir la preuve matérielle , palpable, du fait annoncé, qui se reproduisit instantanément, quoique

(1) Tous les journanx, rendant compte de la séance de l’institut du 18 terrier, ont dit qu'elle avait été exoreïtet, qu’on lui arnit jet* force eau bénite. C'est une assertion fausse : ¡1 n'y a rirn dans les documents que nous a>ons fournis à M. Atago, et qu'il a communiqués i (’Académie, qui justiGc celle

assertion. -

plus faible et déjà modifié. Le guéridon, maintenu par «leux personnes, lut repoussé, mais non renversé, en môme temps que la chaise, fuyant dans une direction opposée, déplaçait sans cesse le centre de gravité de lu jeune fille, qui luisait de grands efforts pour se tenir assise.

Bien convaincu de l’existence de ce fait singulier, mais trop instruit pour admettre qu!un sorcier en fût 1« cause ou que le diable y participât, le ministre de Dieu chercha à calmer la panique du village et l’inquiétude des parents, en déclarant que ce ne pouvait être qu’une maladie rare, inconnue peut-être, qu’on devait sans retard présenter à l’observation des médecins. Cette opinion , ce conseil furent peu goûtés; comment croire malade celle qui présente les caractères les plus évidents d’une santé parfaite ?

Le soir, à la même heure, le paroxysme eut lieu, et tout se passa à peu près comme la veille.

Le samedi matin, 17, les objets en chêne, sur lesquels l’action s’était exclusivement exercéè, cessent de faire exception. Par le contact fortuit de ses vêtements, les chenets, pelles, pincettes, sont renversés dans l’àtreet les tisons éparpillés, au grand étonnement, à la stupeur de celle qui est la cause involontaire de si prodigieux effets. Des brosses, des livres et Autres objets d’un petit volume sont violemment repoussés en les touchant avec les vêtements, mais plus particulièrement par l’extrémité inférieure des jupes.

Des ciseaux suspendus à sa ceinture an moyen d’un ruban de fil ont été lancés, sans que le cordon fût brisé ni qu’on pût savoir comment il a été dénoué.

Ce fait, le plus incroyable, par son analogie avec les effets de la foudre, a fuit tout de suite penser que l’électricité devait jouer un grand rôle dans la production d© ces étonnants effets. Mais cette voie d’observation fut de courte durée : le fait ne se produisit que deux fois, dont l’une en présence de M. le curé, qui, sur son honneur, m’en a garanti la réalité.

Les effets , nuls ou presque nuls dans le milieu du jour, redoublèrent le soir à l’heure ordinaire. Il yeue alors action sans contact, et sur les corps organisés vivants, débutant par de violentes secousses ressenties dans les jarrets par l’une des ouvrières placée en face d'Angélique, la pointe de leurs sabots étant distants d’un décimètre environ. Les mêmes objets repoussés le matin par le contact le sont alors par la seule approche des vêtements; mais, comme les jours précédents, l’effet cesse pour ne plus reparaître que uois jours et demi après.

Le mercredi 21, réapparition des effets. Tout s’agite autour d’Angélique, qui ne peut même plus s'asseoir: sa chaise, maintenue par trois hommes forts, est repoussée, malgré leur résistance, à plusieurs mètres avec une rapidité prodigieuse. Toute occupation lut devient bientôt impossible ; si elle veut coudre, elle s’eufonce l’aiguille dans les chairs. Le mouvement qu’elle imprime aux objets qu'elle louche et surtout la répulsion de sa chaise l’obligent à rester à ge-noux au milieu de la maison. C’est pour occuper ses instants dans cette pénible situation qu'un panier fie haricots, dont l’histoire est connue, lui fut apporié.

Le jour suivant, (’affluence des curieux fut considérable, parce que les effets étaient continus, quoique

toujours plus intenses le matin de huit à neuf, et le »dirdecinq à six heures.

Lu curiosité, le scepticisme font faire des expériences nouvelles, répéter celles qui se sont produites for-uiitement et de toutes les manières, et toujours la même chose a lieu.

Le samedi 24, un homme d’un caractère sévère, respecté, ami des lumières et versé dans les sciences physiques, voyant que les médecins deMamers, qu’on a prévenus, ne viennent point voir la jeune Cottin, prend le parti de la leur conduire, dans la crainte que ce fait s’évanouît. Mais ces messieurs ne se rendirent point au rendez-vous qu’il leur avait donné. Il manifesta hautement son étonnement d’une telle conduite de la part d’hommes appelés, par l’art qu’ils exercent et les sciences qu’ils cultivent, à l’examen de tout ce qui peut jeter quelque lumière sur tant de phénomènes vitaux encore obscurs. Il est en effet difficile de comprendre que les représentants officiels d’une science se montrent si peu soucieux de s’éclairer sur des phénomènes rares ou mal observés.

Cependant l’enfant fut conduite chez Mmc Duvivier, où tout se reproduisit parfaitement. « La chaise, dit « M. de Farémont, à laquelle elle attachait son fil de « soie fut bouleversée. Et, dans la cuisine, au milieu « des domestiques, l’un d’eux s’asseyant sur la même « chaise fut renversé de même. »

Une heure après, deux médecins, émus de l’acuité des reproches à eux adressés, firent savoir qu’ils con-seniaieni à voir. L’expérience eut lieu chez un pharmacien, et l’effet sensible, mais très-faible, sur un tapis, fut plus marqué sur du carreau à l’encaustique.

Ces messieurs n'osèrent su prononcer, m:iis leur son-rire annonçait assez les dispositions «le leur esprit.

La remarque faite que les effets étaient moindres sur un tapis devint, pour M. de Farémont, le point de. départ de nouvelles recherches. Une élude suivie, une observation attentive, lui firent vite connaître que les conditions les plus favorables étaient le contact immédiat du sol et les objets ou meubles grossiers, que les tapis, les parquets ci/vs annulaient presque les effets, et que le carreau môme les diminuait.

« Dans le commencement, continue le môme observateur, j'attribuais cet état au fluide électrique; « mais nulle commotion n’ayant lieu ni par le contact, « ni parles bons conducteurs, j’approchai un pendule « de sureau, qui ne fut nullement attiré vers aucune « des parties. Il y a dans les remarques qu’on a pu

• faire toute opposition. Ainsi, quand, il y a quatre « jours (29 janvier), j’allai pour la magnétiser, la ré-» pulsion de la chaise lui avait repris fortement, elle

* ne put s’asseoir de la journée: la chaise était violemment repoussée aussitôt qu’elle la touchait: je “ dus la magnétiser debout. Le lendemain, mêmephé-« nomène, mais moins fort. Cette fois j’avais apporté « une toile cirée, un carton , du verre ; je l’isolai du « siège et des pieds. Cela me réussit complètement : «aussitôt qu’elle fut assise sur la toile et les pieds « éloignés du sol, la chaise ne bougea plus, et je ma-« gnétisai. Au bout de dix minutes les yeux se fer-« nièrent, et j’en restai là.

« Je crois que tous les meubles de la chambre sont » empreints de ce fluide. Le bois, le chône principale-» ment, reçoit toutes les répulsions ; les métaux, rien.

« Ce guéridon grossier et très-pesant, je l’ai tenu for-« tement dans mes mains; non-seulement il était re-« poussé de l’enfant, mais aussi, en raison de la ré-« sistance, contourné dans mes mains, et toujours de «gauche à droite. .

« La huche, aussitôt qu’elle la touchait des genoux, « était enlevée avec force subitement et retombait de « même. Je me suis assis dessus et j’ai été enlevé avec

i elle à environ deux pouces avec la même violence.

« Dans un moment qu’elle était fortement électri-« sée, appuyée contre son énorme couchette en chêne, « avec lits, paillasse, le tout pesant bien trois cents li-«vres, elle l’ébranlait d’une manière très-sensible. « Voilà ce que j’ai vu. »

On a pu voir déjà, par les lettres que nous avons publiées page 80, que, si d’un côté des médecins faisaient avec mauvaise grâce l’examen de la jeune Cot-tin, un honorable docteur suivait avec persévérance le développement des facultés singulières de cette jeune fille. La science lui .devra un tribut de reconnaissance, car, sans' lui, tous les faits que nous avons rapportés étaient perdus. Nous nous plaispnsà manifester hautement ce que nous lui devons en particulier, puisque,.sans. lui, nous n’eussions point été à même de voir, d’examiner ce prodige humain, et notre raison serait restée dans un doute cruel. Qu’il veuille bien recevoir nos sincères remerciements.

L’étude qu’il a faite de cette torpille humaine lui a valu des épithètes peu flatteuses, et il a dû se justifier du soupçon d’ignorance, et, qui plus est, de jonglerie ou de charlatanisme. Mais qu’importe que quelques hommes nient la vérité, lancent le sarcasme sur

ceux qui l’attestent sans crainte ! Ne savons-nous pas qu’il en fût et qu’il en sera toujours ainsi ? Les premiers qui virent tomber des aérolithes furent mal accueillis, bafoués même, et il en fallut, dit-on, cent trente exemples pour que l’institut commençât à y croire.

Ceci dit, reprenons notre récit, les réflexions viendront après.

Les deux lettres de M. le docteur Verger nous ont fait connaître ce qu’il a vu jusqu’au 1er février. Le 2 il l’envoya chercher pour l’examiner chez lui, dans le silence et le recueillement. Elle arriva à trois heures avec sa tante, la veuve Soisnard. « Cette petite, dit « M. Verger, ne fut pas plus tôt entrée dans notre mai-« son qu’elle y attira une affluence considérable de « curieux, qui forcèrent toutes les consignes, tant « était grande leur envie, leur ardeur de voir les « effets résultant de l’état anormal de cette enfant.

« Elle répéta maintes et maintes fois, jusqu’à mi-« nuit, les expérience. Toujours la répulsion de .la « chaise eut lieu. Celle du guéridon, avec lequel elle « était en contact au moyen de son tablier, manqua « souvent. Dans le jour, la répnlsion par-devant n’-é-« tait pas toujours sensible, et, comme à l’ordinaire, « les effets furent plus manifestes vers cinq heures.

« Chaque fois aussi qu’on touchait légèrement, par « derrière, à son insu et en détournant son attention, « ses vêtements avec un bâton de chêne, elle en était « avertie par une vive commotion , qui paraissait

ébranler tout le système nerveux, mais se faisait « particulièrement sentir à la saignéetiu bras gauche. « Le soir, sa robe touchant un chenet, celui-ci fut dé-

« placé, et dans son brusque mouvement pour le re-« tenir elle faillit tomber dans le feu.

« Cette pauvre enfant, qui ne pouvait prendre de « repos ni sur une chaise ni sur un banc, put s’as-. seoir sur une pierre que je lui fis couvrir d’un « liège.

« Le mardi 3, du matin juqu’au soir, nous fûmes « assiégés par une foule incessante, et la petite fut « soumise à des exercices pénibles et continuels.

« Plus de mille personnes l’ont ainsi visitée en moins « de vingt^quatre heures.

« Je fis la remarque qu’avec la fatigue de l’enfant « les effets subissaient une notable diminution d’ih-« tensité. Cependant, même très-fatiguée, elle ren-« versa, bouleversa, chez M®'' Guiilée , un guéridon « qui se brisa en tombant (1).

« Nous étions nous-même tellement fatigué et « bouleversé par Timportunité des visites sans cèsse « croissantes1 que nous résolûmes de fermer la porte « le lendemain aux curieux, pour n’admettre que les « savants que j’avais convoqués et ceux de mes con-« frères qui se présenteraient, mon intention étant de « dresser,de concert avec eux, procès-verbal de ce que « nous verrions, pour en faire part aux corps savants,

« dans le cas où cette faculté extraordinaire vien-« drait à s’éteindre avant qu’ils ne l’eussent étudiée.

» Mes craintes étaient d’autant pfus grandes sur ce « point que cette petite approche de la nubilité , et « que, dans mon opinion , lës phénomènes qu’elle

fâV'Noui en non» vo le« ftagiMM'.'Il notait ptrfui «« cliêne, mai» en" meriiler et terni. {Soit d» rédacteur.),

« présente ne sont que les prodrômes de la grande « crise qui sépare l'enfance de la puberté.

* Dès le matin arriva M. Olivier, ingénieur, accom-« pagné do tout le corps des ponts et chaussées de « Mortagne et de M. le docteur Beaumont aîné. Ils « soumirent la petite Cottin à diverses expériences « physiques. Il fut reconnu que le fluide ou l'agent « qui détermine le trismusdu bras gauche a sa source « dans le cervelet.

« On trouva moyen de la faire rester assise en l’iso-« lant, c’cst-à-diie que les quatre pieds de la chaise « reposant chacun dans un verre à boire, et les pieds « de l'enfant sur une bouteille, elle resta parfaite-

• ment calme sur cet isoloir improvisé. Dans cette « situation, lorsqu’on touchait du doigt le crâne à « l’endroit du cervelet, on déterminait des commo-« tions qui avaient également lieu quand on appro-« chait un bâton de cire à cacheter frottée.

« Désisolée, on lui présenta sous un prétexte un • bâton de la même cire, qu’elle rejeta brusquement

• aussitôt quelle Peut touché, disant que ça la brû-« lait. Le verre frotté produisit le même effet; et les « mêmes substances, toujours électrisées, approchées » à quelques centimètres du pli du bras, lui firent « éprouver une douleur vive qu’elle désigna sous « le nom de piqûre.

« Ces messieurs, voulant s’assurer qu’il n’y avait « point surpercherie, disposèrent à son insu du verre, « de la résine frottés, à côté d’autres morceaux qui « ne l’étaient pas, et toujours et de toutes les façons « elle reconnut, soit par le contact, soit par l’appro-« cbe au pli du bras , les fragments frottés.

« Une aiguille aimantée, ayant été suspendue liori-« zontalcmcnt à l'aide d’un fil de soie, par l’approche . du bras de celle-ci oscilla rapidement, puis enfin

resta sensiblement déviée de la direction magnéti-? que, sans que le déplacement d’air pût être admis « comme cause. Nous avions pris toutes les préoau-c lions que suggèrent la prudence et le désir des’in-« struire. La crainte d’égarer l’esprit des autres en c nous trompant nous-mêmes nous avait fait prendre « toutes les précautions.

« MM. Chéron, banquier, et Saunoy, entreposeur « des tabacs, assistèrent à plusieurs de ces expé-« riences.

« M. le docteur Beaumont jeune, arrivé ensuite, « répéta les mêmes expériences et obtint les mêmes « résultats.

« M. le docteur Bisson, de Laigle, attiré par le • rccit déjà fait en cette ville du phénomène extraor-« dinaire que nous avions sous les yeux, nous honora

• également de sa visite. Il vit les faits, et nous déclara que, dans une conférence qu’il avait eue la « veille avec son confrère, le docteur Emangard, mé-« decin distingué, professeur de pathologie interne

* et de clinique médicale à l’école de médecine du “ Caire, d’où il est arrivé récemment, ce dernier lui « avait dit connaître un fait analogue , sinon iden-« tique.

« Le reste du temps, jusqu’à quatre heures, fut « consacré à de nouvelles expériences en présence « d’une affluence de visiteurs venus de Mortagne et « deBellesine. Je citerai seulement MM. Wavasseuret « Fromage, pharmaciens; MM. les curés de Sérigny

« et de Saint-Martin. Ce dernier, ayant déjà vu avec « moi les faits relatés dans mes deux lettres à M. Iié-

• bert(do Camay), en attesta la réalité à meshono-« râbles confrères et autres personnes présentes.

o Le lendemain 6, vers midi, je revis Angélique « Cottin et ses parents, qui l’emmenaient à Mortagne « pour tirer lucre de sa faculté extraordinaire, en « l’exposant à la curiosité publique. Je leur exprimai « mon mécontentement de les voir suivre cette niar-« che, qui aurait pour infaillible résultat l’évanouis-« sement de ce phénomène avant que les savants eus-« sent examiné, mieux que je n’ai pu le faire, cet élut « pathologique dont la connaissance parfaite pourrait

• servira l’explication d’aiitfres faits incompris, avan-

• cer la science et servir l’humanité.

« Mais déjà la cupidité était entrée dans leur âme :

« ils n’écoutèrent point mon avis.

« J'appris d’eux.que laveiUeren rentrant à sondo-« mieile, les effets s’étaientmanifestés bien pluséner-« giquementqn’aiUeurs ( partie de chez moi à quatre « heures, ellea dû arriver à six, mon habitation étant « distante d’environ deux lieues de son village). « Avant qu’elle partit, je voulus voir ces prodiges « une dernière fois : la répulsion de la chaise fut « très-forte. Je voulus essayer des effets à distance, « et, en posant simplement le tablier sur le guéri-« don, au bout d'un instant il fat repoussé et ren-

• versé. Je recommandai alors beaucoup d'attention,.. « que chacun regardât bien le fttitse produire. L’ex-« périence fut répétée six ou sept fois de suite avec

• le même succès. Nous n’étions que huit- Nous avons

« examiné à notre aise, et nous avons bien vu. Elle « partit. »

L’annonce d’un fait insolite et inaccoutumé fait toujours naître en nous des doutes et des désirs, ijuelles que soient les garanties de savoir et de moralité offertes par les observateurs : le premier mouvement de la raison est hostile, et le désir de voir par nous-môme ne nous laisse bientôt ni trêve ni repos, ('.’est dans ces dispositions d’esprit que nous sommes parti, quoique la bonne foi, la science et l’esprit judicieux de M. le docteur "Verger nous fussent particulièrement connus. Et puis, qu’est-ce que cent lieues pourvoir un fait rare, inouï peut-être?

Le départ de l’enfant qui fait l’objet de cette relation avait précédé de quelques heures notre arrivée. On nous fit part de l’intention qu’avaient les parents de la conduire de ville en ville ; mais il était trop tard pour nous mettre à sa poursuite. Nous remîmes l’exécution de ce projet, et le lendemain de bonne heure nous étions à Mortagne.

Une publicité verbale ayant vite répandu le bruit de la venue de la jeune fille gynmotique, plus de cent cinquante personnes, l’élite de la société, l’avaient visitée dans la soirée même de son arrivé.

Le refus d’examen des -médecins de Mamers, l'insouciance de ceux de Bellesme, qui ne vinrent pas voir, n’étant éloignés que d’un kilomètre, contrastait singulièrement avec l’empressement de leurs confrères de Mortagne; autant les uns affectèrent de déflaîn, autant les autres se montrèrent attentifs. “Nulle prévention n’altérant l’exercice de leur esprit, ilsne négligèrent rien pour s’éclairer sur ce fait.

A notre arrivée, nous trouvâmes le docteur Beau-mont ainé occupé à l'étude des propriétés caractéristiques du sujet en question. Nous n’avions point l’honneur d’étre connu de lui; mais ceux qu'une même pensée animent se comprennent vile. Il m'expliqua ce qu'il avait l'ait, et nous poursuivîmes ensemble l’examen, les essais qu’il avait commencés. Et d’abord , ma surprise fut grande de voir cette enfant déplacer volontairement une table, des chaises, sans que ces meubles éprouvassent les mouvements annoncés ; à quoi il me fut répondu que les effets n’avaient lieu que par intermittence et plutôt.postérieurement qu'antérieurement ; ce qui est vrai, mais non la seule cause de cette anomalie, qui ne fut reconnue qu’à Paris.

Je voulus d'abord m'assurer de l'état du pouls. Mais impossible, à cause d’un mouvement rotatoire, convulsif, sorte de trismus choréique dont les doux bras étaient atteints, le gauche surtout, qui était en outre chaud et tuméfié. J’appris que ce trismus s’était communiqué uu bras droit depuis un jour seulement. II n'en fut pus de même pour celui du côté gauche , je n’ai pu savoir son origine, partunt sa durée.

Tandis qu’elle causait avec le docteur Beaumont, qui détournait à dessein son attention, je dirigeai mon doigt d’abord, puis un fragment de latte, vers la nuque, et, dans les deux cas, à plus d’un décimètre de distance, eut lieu une violente commotion suivie d’une fuite involontaire et si rapide quedans le dernier cas celte malheureuse alla se frapper violemment la tète contre le mur. Après cet accident, l’examen de--vinl plus difficile; cette pauvre enfant, inquiète,

orainlive, ne voulait plus se laisser approcher. Cependant elle reprit confiance, et je pus moi-mèine vérifier l'expérience de la chaise, dans laquelle nous reconnûmes deux mouvements, l’un d’attraction, l’autre de répulsion, mais se succédant si rapidement que le premier est presque inappréciable ordinairement, et peut-être ne l’eussions-nous pas découvert si deux lois il ne l’eût emporté sur le second.

Présupposant la cause de ces singuliers effets avoir quelque analogie avec l’électricité et le magnétisme, M. Beaumont s’élait muni d’un aimant. Il reconnut, i,*t je le vis ensuite, que l’un des pôles produisait une sensation de piqûre, de brûlure, par son contact avec l'index de la main gauche. L’effet eut lieu en ma présence, sans contact et à deux centimètres environ de distance. Mais en touchant à la fois les deux pôles avec les deux index, point de sensation particulière, l/expcrience déjà relatée du verre et de la résine frottés eut également lieu ; je n’insiste pas.

Un fait bien insignifiant en apparence attacha mon esprit tout autant que les grosses masses de matière remuées: je veux parler de l’éreetion des poils. C’est encore M. Beaumont qui m’initia. Je vérifiai à plusieurs reprises que les poils des bras fixés sur l’épi— derme au moyen d’un peu de salive se dressent rapidement quand on les approche du bras gauche de la patiente.

Plus je voyais d’effets, plus mon désir d’en voir d autres augmentait. Celte séance durait déjà depuis deux heures, la jeune lille et nous-mêmes avions besoin de prendre quelque nourriture; d’ailleurs on m’avait dit que l’intensité des effets augmentait conslam.-

m

ment après te repas. Je me conformai à l’indication, persuadé que, quand on a à observer un fait fugace, capricieux, dont la conduite ne dépend pas de noire vouloir, il faut se mettre dans des conditions reconnues lui être favorables ou ordinaires; en un mot, être à la disposition du fait et ne pas exiger qu’il soit à la nôtre.

Une dernière expérience eut lieu cependant, celle de l'isolement. J’en ai vérifié l’exactitude; on avait modifié l’appareil et reconnu que l’isolement de la chaise était inutile, qu’il suffisait que les pieds d’Angélique ne touchassent pas le sol, qu’ils reposassent sur du verre. Restait à savoir si le corps humain, bon conducteur de l’électricité, le serait aussi de cette force. A'cet effet je mis mes pieds sous ceux de l’enfant, et l’isolement fut aussi complet qu’avec le verre. Ensuite, m’étant assis, la petite fut mise sur mes genoux, ses pieds ne louchant pas la terre, et rien ne se produisit. Des individus ont dit avoir ressenti de son contact des secousses dans le dos : le fait est possible, mais moi je n’ai rien senti.

Les docteurs Ragaine et Saint-Lambert e t M. Cohu, pharmacien, avant mon arrivée s’étaient livrés aux mômes investigations; ils reconnurent l’exactitude des observations de M. de Farémont,à savoir : que les parquets, les tapis annihilent en partie les effets. MM. le sous-préfet, le président du tribunal, le procureur du roi et tout le corps judiciaire ont été témoins de la plupart des effets et proposent de l’attester légalement, si besoin est.

Tant d’hommes n’ont pu avoir la berlue, être fascinés, mystifiés,et de si nombreux, de si puissants

témoignages méritent créance. Cependant je n’étais pas encore satisfait; je voulais étudier ce phénomène à son origine, dans la chaumière de la Muzerie, où, selon le témoignage de ceux qui ont pu faire la comparaison, les effets étaient toujours plus marqués. Je demandai donc que l’enfant revînt avec moi chez sa lante, où seraient venus plusieurs médecins. Le père me promit, mais, pendant mon absence d’une heure pour aller déjeûner, les propositions lui arrivèrent de toutes parts, les spéculateurs mirent à l’enchère la faculté de son enfant, et, au moment conveuu du départ, il me déclara qu’il avait changé d’avis, que, n’étant pas riche, il voulait tirer parti de ce phénomène étrange, et qu’il en avait vendu l’exploitation à un chapelier de la ville, M. Cholet, qui devait partir le soir même pour Paris.

Mandé, peu d’instants après, chez un avocat, M. 01-livier, je m’y rendis avec, le docteur Beaumont et M. Cohu. Le notaire, embarrassé dans la rédaction de l’ncte de vente de la propriété électrique de la jeune Cottin, voulait avoir notre avisk, Après nos explications, il refusa son ministère. Cette circonstance nous fournit Foccasiond.’ une curieuse observation : la jeune lille, assise tranquillement sur un tabouret de pied el sur parquet ciré, n’éprouvait absolument rien ; priée de venir dans le vestibule» elle s’assit sur une chaise de cuisine maintenue par deux hommes : la répulsion fu t instantanée et d’une violence peucommune. Voulant alors m’assurer si le contact était nécessaire pour produire cet effet, j’attachai avec une corde le bas de ses jupes, de manière à en égaliser les plis et bien voir si l’effet aurait lieu à distance. M. le docteur Beaumont,

tenant l'enfant pur les mains, ne la laissait fléchir sur la chaise que graduellement, .le tenais cette chaise, m'attendant qu'elle allait être repoussée, mais, contre l’ordinaire, quand, la flexion du corps étant presque complète, le contact parla robe eut lien, lachni.se me fut violemment arrachée des mains et adhéra positivement aux jupes de l’enfant, qui fuyait. C’est l’cflet d'attraction lcplus manifeste que j’aie vu. J'avais vu la plus grande partie des faits, ma présence était dès lors inutile ; c'est pourquoi je partis pour La Perrière, où j'avais rendez-vous. J’y recueillis le témoignage des personnes que j'ai citées et de beaucoup d’autres. J’ni vu la huche, la couchette, le fameux guéridon, qui n’est autre chose que deux disques de trente-cinq à quarante centimètres de diamètre, le premier reposant sur trois pieds disposés en triangle , et surmonté d’une lige verticale de même bois, qui traverse et supporte le second disque, au centre duquel s’attache le fil terminal de la trame du gant, comme nous l’avons déjà dit.

Le lendemain, une lettre d’un des observateurs m’apprit que, le vulgaire s’obstinant à voir le diable dans ces faits, au moment du départ « une suite le « trois cents personnes ont reconduit la possédée jus-« que sur la route de Paris, et au bas de la ville la voi-« ture fut assaillie de pierres. »

Ce qui s’est passé à Paris fera l’objet d’un autre nr-ticle dans noire prochain numéro.

Hebert (de Garnay).

MANUEL DU MAGNÉTISEUR.

(Fin.)

DERSIER MOT.

Voulez-vous que le magnétisme soit exact et fécond? Recueillez vos observations en tenant compte îles moindres faits ; ceux qu’on a négligés parce qu’on les jugeait sans importance avaient une signification et une valeur. Sans doute, il n’appartient pas à tout le monde de rechercher les causes, d embrasser 1 ensemble , et c’est pour cela que la nature a créé des hommes spéciaux dont le génie perce les ténèbres qm les environnent et trouvent l’inconnu. Mais ces hommes rares ont besoin d’ètre précédés par des observateurs patients, infatigables, qui suivent avec constance le développement d’un fait, et qui, sans le jugei, le dégagent de toute enveloppe. C’est l’ouvrier qui de-roule le papyrus sans lire les caractères qui s’y trouvent, mais qui se garde bien d’en effacer aucun, sachant bien que son travail serait dès lors mutile. C e sont les hommes intelligents qui recherchent dans la pierre et les entrailles de la terre les fragments los-siles d’ètres qui ne sont plus,* et donnent ainsi à Cu-vier le moyen de reconstruire un monde oublié. A chacun son lot ici-bas. Lorsque chacun a bien rempli sa tâche, accompli son œuvre, Dieu ne fait pas de différence pour les récompenses qu’il accorde. Si sur

celle lerrc le haut mérite reçoit son tribut d’admiration, il achète cette faveur parla tranquillité de toute sa vio; le mérite plus obscur n’a pas à prétendre à la renommée, mais il est moins en butte à l’envie. Vous le voyez, il y a compensation, et, des deux rôles offerts à un homme sage, son choix serait longtemps incertain. Tout ceci doit empêcher, chez vous, les désirs trop prompts de surpasser vos devanciers. Connaissez-vous d’abord, entrez dans la science par le labeur, par le travail. Si vous ne devez être qu’ouvrier, contentez-vous de ce lot, car il a son utilité. Si une voix intérieure, qui n’est pas l’orgueil, vous incite, obéissez; il y aura toujours à perfectionner et à découvrir; vous serez l’instrument du progrès.

Que le calme de l'âme vous accompagne, vous ferez de grandes choses. C’est lorsque, simple et confiant, j’allais au milieu des incrédules animés de passions que j’ignorais exister, c’est dans ces circonstances que je réussissais au delà de mes espérances. Mais lorsque j’ai voulu discuter et convaincre par le raisonnement, en cherchant à montrer une sorte de supériorité, je me croyais fort, j’étais devenu faible, et une humiliation que j’eusse pu éviter me frappait instantanément. Il en était encore de même lorsque, venant de produire de grands faits, je voulais, en les expliquant, ajouter à mes œuvres, et faire pénétrer plus avant dans l’esprit do mes auditeurs la vérité que je venais de faire luire à lfeurs yeux. Une sorte de réaction avait lieu contre moi, et l’impression produite parles faits diminuait en raison de mon insistance. Il faut vous retirer à temps et laisser apprécier votre ouvrage ; on vous rendra, on votre absence, la justice

qu’au moment cpyvous refuserait. Le cœur de l’homme est ainsi fait, et vous ne pouvez le changer. Les mêmes hommes qui, aujourd’hui, vous flétrissent, vous accablent de leurs railleries et de leurs mépris, vous honoreront demain si Dieu vous rappelle à lui.

Plus que toute chose, le magnétisme demande de la modération. M. de Puységur la conserva jusqu’ù la fin de sa vie ; il avait le droit de parler en maître. Pourquoi donc ai-je eu un moment de colère, et manT qué à la règle que je cherche à imposer ? Je l’ai dit : il est des moments suprêmes où on est forcé d’obéir à des impulsions plus fortes que la raison. J’ai obéi après avoir longtemps résisté ; l’avenir dira si j’ai bien fait, mais aujourd’hui rien ne pourrait me persuader que je n’ai pas accompli un grand devoir. Qu’est-ce, au jeste, qu’un jour de plainte sur toute une vie de résignation et de souffrance ?

Je viens, dans ce petit écrit, de vous dévoiler un secret important : le pouvoir que vous pouvez exercer sur vos semblables. Étudiez-le, d’abord, comme on étudie un grand fait physique; produisez des effets; réfléchissez ensuite sur leur valeur, et rattachez-les à ce que vous connaissez déjà des lois de la vie. L’amour de la vérité pourra un jour vous saisir et vous déterminer à poursuivre. En ajoutant une connaissance à celles que vous possédez déjà, votre marche sera moins incertaine, vous aurez plus de lumière. N’est-co .donc point assez que cette assurance, qu«* vous aurez acquise de pouvoir soulager vos frères qui souffrent et que le malheur frappe, en leur donnant un peu de votre vie, un peu du superflu de votre santé ! C’est une aumône qui excitera de plus en plus en vous

le noble désir que vous avëz do voif^Vhhdrc utile aux hommes et de leur faire du bien. Faites-le, ce bien, d’abord par curiosité, pour savoir si vous pouvez le faire. Vous vous arrêterez ensuite difficilement dans cette voie, et, au milieu des amertumes de la vie, car les déceptions vous attendent comme tous, vous vous rappellerez avec bonheur que vous avez rendu en Btëri le mal que l'on vous a fait. L’ingratitude vous attendra à la porte de celui que vous aurez soulagé, sauvé peut-être!... Qu’importe? c’est pour nous que nous travaillons en opérant des œuvres de charité: car les jouissances que nous éprouvons ainsi n’apportent jamais de remords avec elles. D’ailleurs il n’y a pas que des ingrats; ne serez-vous pas ravis de faire couler de douces larmes ?

Faites donc quelques œuvres qui prouvent que Vbus n’avez pas seulement de l’esprit, mais un cœur qui comprend et qui sait compatir aux souffrances d’autrui.

Je vous ai dit ce que vous pouviez produire; ne serait-ce que pour prouver queje me suis trompé, agissez. Dites ensuite : malgré nos efforts répétés nous n’avons pu obtenir aucun effet ; le magnétisme est une illusion. Si vous arrivez à cette conclusion, elle sera encore un bienfait, car vous vous serez débarrassé d’une erreur, partagée maintenant par un grand nombre d*hommes; mais nous n’avons pas cette crainte. Ne soyez pas indolents lorsqu’il s’agit d'une vérité; peut-être celle-ci vous sera utile un jour à vous-même. Faites, quoi qu’on puisse dire ou penser de vous; n’écoutez point les hommes à préjugés ou ceux que la rouille des siècles passés semble encore couvrir;

méfiez-vous surtout ries opinions dos gens intéressés à ce que le magnétisme n’arrive point à l’état do science. Ils couvriront leur résistance d’un masque hypocrite où vous croirez voir la bonne foi, la fran-liise. On ira jusqu’à vous plaindre de partager dos rieurs communes; votre résistance passera pour déraisonnable ; soyez honnêtes hommes, ne mentez point ¿votre conscience; lorsqu’un saint enthousiasme vous prendra en apercevant la grandeur de Dieu , remerciez-le, du fond de votre cœur, d’avoir, par des moyens si simples, donné à sa créature un pouvoir si "rand qui l’élève jusqu’à lui.

Instrument de propagation, vous amènerez d’autres hommes à votre sentiment; la vérité s’étendra, vous v aurez concouru, et votre vie aura un degré de plus d'utilité.

En lisant ce petit écrit, ne le considérez que comme la préface d’un grand livre qui, pour être livré au monde, attend encore des matériaux. Vous pouvez hâter sa publication en produisant vous-même des faits et en les livrant à la publicité. Ils seront recueillis, et la doctrine se fera.

Baron Du Potet.

VARIÉTÉS.

Revue des journaux. — Sous forme d’avis au Journal de la Guillolière, la Mouche du 27 janvier

l’engage « à laisser de côté le magnétisme, dont il « parle comme un aveugle pourrait parler des cou-« leurs. Le Journal de la Guilloli'ere accueille avec « empressement tous les contes antimagnétiques qy:

« ses abonnés se plaisent à lui débiter. Heureusement « ces contes sont si bleus, si absurdes, qu’ils l'ont «sourire de pitié, et n’atteignent nullement- une « science trop au-dessus de la calomnie et de 1 i-. gnorancc pour que ces deux nobles sœurs puissent « l’atteindre.

« Que le Journal de la Guillolière poursuive de « ses sarcasmes les charlatans qui exploitent les plus « importantes des découvertes, rien de mieux ! mais » qu’il parle du magnétisme comme d’une rêverie, « c’est montrer un scepticisme qui ne peut lui faire « honneur: c’est vouloir rappeler l’histoire de ce sa-ve’ticr, voulant contredire la marche des planètes. « parce qu’il avait constamment les yeux sur son tire-

• pied. »

Le Passe-temps des 11 et 21 février adresse à une somnambule extatique deux fragments poétiques dont voici la terminaison :

« Grand Dieu! vous dont la main puissante « De miracles sans nombre a semé l’univers,

« Qui voyez en pitié, dans un siècle pervers,

« La vérité proscrite et la foi pâlissante :

« Quand le doute éveillé méconnaît votre nom,

« Vous prêtez au sommeil un magique langage,

« Comme pour nous donner l’éclatant témoignage « Du néant de notre raison ! »

Le Propriétaire* Gérant : HKBKRT (deGorua\),

PHÉNOMÈNES ÉLECTRO-MAGNÉTIQUES-

i -

Obseivation faite sur Angélique CoTTlN, du village de la Muzerie, commune de La Perrière (Orne). §»•

Les prodiges des temps passés sont des phénomènes simples aujourd'hui. Si l’explication manque encore à plusieurs, quelques hommes dn moins les soumettent à un examen consciencieux, raisonnable, et les rattachent à des ordres de faits analogues. Ainsi chaque jour nous nous rapprochons d’une époque qui sera unique dans l’histoire du monde, époque où lesscien-ces ne seront plus isolées, séparées les unes des autres, où enfin le système qui doit les relier et les faire découler toutes d’une cause unique, qui en est le principe, sera mis au jour et obtiendra la sanction universelle. Quel est le génie qui trouvera cette loi ? car elle existe; personne ne le peut dire encore, mais on prépare sa venue, et de toutes parts on rassemble avec patience et labeur les matériaux nécessaires à la construction du grand édifice.

Electricité, galvanisme, magnétisme minéral, magnétisme animal, calorique, lumière, toutes ces manifestations incompréhensibles découlent sans doute d’une cnuse unique. Pour nous, laissant de côté tout ce qui i. n. 5

n’est pas magnétisme animal, nous étudions cette force avec persévérance, abandonnant à de plus instruits, à do plus éclairés, le soin, non de classer ses nombreux phénomènes, mais de les rattacher à d’autres .sciences. Nous devions cependant examiner avec soin la jeune Cottin, chercher dans l'étude de ses propriétés si le magnétisme animal y entrait pour quelque chose, le dire, justifier notre opinion par des faits ayant une similitude avec ceux que nous produisons, ou qui sont chaque jour produits par d’autres. Eli bien, maintenant que nous avons vu, examiné, réfléchi, nous pouvons donner notre opinion. Non, la jeune Cottin n'exerce point une action magnétique animale sur les corps quelle approche ou quelle touche. Elle agit en vertu d’une propriété que nous ne possédons point, mais qui se rapproche de l’électricité; c’est pourquoi tous les phénomènes produits par elle diffèrent essentiellement de ceux dits magnétiques.

Nous avons, sans préoccupation aucune, examiné les singulières propriétés de cette jeune fille; nous avons employé le temps nécessaire, pris toutes les précautions possibles pour ne point être dupe, et nos sens, que nous n’échangerions pas contre ceux de quelque académicien que ce fût, étaient très en éveil. Nous avons varié les expériences, cherché enfin tout ce qui pouvait nous éclairer sans nous laisser surprendre. Devant nous tout ce qu’elle touchait (table, chaises, guéridon, banquettes), ou oscillait, ou était renversé. Bien mieux, par moments, au lieu d’être repoussés, les objets ci-dessus désignés étaient attirés vers elle.

Une énorme banquette avança de plus d'un pied dans sa direction.

Une table d’un poids considérable se souleva, et son tablier seul l’avait frôlée.

Une aiguille aimantée fut déviée de la direction du pôle, et un écheveau de soie touchant cette aiguille reçut des courants tels que l’on pouvait très-bien distinguer le parcours du fluide émis; tous les fils étaient agités d’un mouvement singulier : ils ondulaient, si l’on peut s’exprimer ainsi.

Le papier fuyait lorsqu’on en apprôchait des fragments à quelques centimètres du poignet gauche.

De la poudre de bois était, de la même manière, éparpillée comme si on eût soufflé dessus.

Ces émissions étaient-elles continues, constantes et d’égale force? non. Elles revenaient par instants ou plus fortes ou plus faibles, et allaient s’affaiblissant bientôt après avoir paru. La main de l’observateur, approchée de leur point de départ, pouvait facilement les sentir. Un souffle léger, un courunt d’air frais peut assez bien donner l’idée de ce que l’on éprouvait en approchant d’un petit point voisin de l’articulation du poignet, plus rarement vers la partie que l’on nomme vulgairement la saignée. La jeune Cottin était prévenue de ces émissions, elle les annonçait, car elles étaient toujours accompagnées de picotements et de sensation douloureuse. Elle redoutait tout contact, et jamais elle n’a pu devant nous maîtriser un sentiment de crainte, tant elle redoutait les commotions que chaque expérience lui occasionnait. Nous avons surveillé avec une attention soutenue tous ses mouvements, jusqu’à son souffle, et rien ne nous a échappé.

Lorsqu’elle touchait un meuble ou un guéridon avec son tablier, nous étions à genoux auprès pour mieux voir. C’est nous-môme qui tenions les objets sur lesquels parfois nous la priions d'agir.

La flamme d’une bougie, le poignet en étant approché, éprouva à plus de dix reprises les effets des courants dont nous venons de parler. On ne pouvait conserver aucun doute sur leur existence. Cette flamme cessait d’être dans sa direction naturelle, agitée violemment comme par un souffle; elle demeurait ainsi toute la durée de la présence du poignet. Nous prîmes soin de tenir dans un sens opposé la tête de la jeune fille, et d’interposer notre main entre la sienne et la bougie. Ces expériences étaient satisfaisantes pour convaincre le plus incrédule; nous demandâmes néanmoins et obtînmes la faculté de les répéter. Quatre séances furent employées à cet examen, et nous consacrâmes de une à deux heures à chacune d’elles. Nous avions vu les phénomènes le soir, nous voulûmes les voir en plein jour. Nous appelâmes plusieurs personnes pour les examiner avec nous. Nous répétâmes l’expérience de répulsion qu’une chaise éprouvait .lorsque la jeune Cottin s’y asseyait; plusieurs personnes la tinrent avec nous, et jamais nous ne pûmes empêcher qu’elle fût violemment déplacée. La main de la jeune fille aidait-elle au mouvement? en aucune manière. Nous avions trop d’intérêt à nous en assurer pour ne pas prendre toutes nos précautions.

Les faits sont donc vrais. Non-seulement nous les avons vus, bien vus, bien examinés, mais on a pu voir dans notre précédent numéro combien de gens honorables des localités voisines de La Perrière les

avaient déjà constatés. Nous voulûmes cependant,' pour plus de certitude encore, que vingt personnes les vissent avec nous au bureau du Journal du Ma-gnétisnie. Les phénomènes se sont produits dans toute leur intensité, malgré ce nombre de témoins.

Allons, messieurs nos grands hommes,s géants de la presse, rois de L'intelligence, illushvs médecins, il ne s’agit point de magnétisme ici ; rien ne vous force d’être aveugles et de nier la lumière en plein midi. Quelle bonne fortune pour vous! voilà de quoi faire éclater votre immense talent, votre judicieux esprit d'observation. Vous allez enfin pouvoir être justes et faire abnégation de toutes vos préventions ; je vous le répète, il ne s’agit point de magnétisme animal!

Mais qu’entends-je? L’Olympe est en rumeur, la foudre gronde en haut lieu! L’Académie dispute, Jupiter fait entendre sa voix, et les dieux inférieurs osent murmurer! S’agit-il de quelque grande commotion du globe? sommes-nous à la veille de quelque bouleversement? Non, c’est notre jeune fille électrique qui cause tout ce désordre. A peine a-t-elle paru dans cette grande cité que tout s’est ému. Pourquoi y es-tu venue, jeune fille? Il fallait rester dans ton village ; ta faculté s’y serait éteinte sans doute, on t’eût peut-être lapidée dans le cas contraire, mais on eût plaint ta destinée, et les gens qui vont t’accuser de jonglerie eussent été les premiers à regretter ta fin tragique, à se lamenter pour la science entière. Pourquoi es-tu venue te brûler à la chandelle académique? Nous avions prévu ton sort ; nous nous rappelions dans ce moment mademoiselle Pigeaire, mais nos avertissements n’ont point prévalu, et c’est avec

le deuil dons le cœur que ceux qui t’entourent racontent à tout venant l’histoire de tes hauts faits et

de ta faculté perdue.

L’espoir d’une fortune s’est évanoui comme un songe. Mieux eût valu pour toi que ce singulier jeu de la nature ne te fût point échu en partage, que la renommée pour toi n’eût point embouché sa trompette. Pauvre, ignorée, tu n’exciterais point de cuisants regrets, et le repos de tant de grands hommes n’eût

point été troublé.

Nous allons, pauvre enfant, suivre tes pas dans la grande cité, non pour t’épier, nous n’avons aucune méfiance, mais pour examiner d’étranges choses morales. Te voilà à la police! c’est juste, il faut te mettre en règle. Mais dans ce lieu, on affirme qu’il y a un œil qui voit tout. Comment la crainte ne te saisit-elle point? Non. Tu renverses, culbutes et mets tout ei» désordre autour de toi; l'œil de la police a beau s en-ir’ouvrir, s’écarquiller, il ne voit autre chose que ce que nous avons vu nous-même, et rend hommage a la vérité. C’est déjà prodigieux. Poursuis.

Te voilà maintenant près d’ung/vW homme connu par des découvertes sur le lait; leur importance est peu certaine; mais qu’importe, si elles 1 ont mené aux honneurs et à la fortune? N’est-ce pas le but? qu’importent les moyens ?... Enfant terrible! tout sc renverse ou fuit à ton approche chez le portier de ce grand homme; tu montes un étage, plus rien. Un génie puissant enchaîne ta faculté. On dit, je n ose le croire, que tu eus peur à son approche, qu’il te glaça le sang ; ordinairement pourtant il échauffe la bile. C’est singulier, mais poursuivons. Malgré ta bonne

envie, ta faculté refuse (Je sc manifester ; lo grand homme ne voit rien, ou si peu que ce n'est pas la jteine d’en parler.

Un autre grand homme , lu les verras tous, refuse de t'examiner. Cela ne le regarde point, dit-il; il lui faut un ordre de la préfecture. — Ah ! Monsieur Or-fila,je me rappelle très-bien qu’un jour, voulant vous «onvaincre d’un fait magnifique offert par un sujet magnétisé, vous -ne voulûtes point vous déranger ; vous médités qu’une soirée musicale devait vous retenir toute la soirée. J’avais tort sans doute, il faut à nu savant des délassements, et je sais trop bien vivre pour insister et faire laire des motifs aussi puissants. — Tu retournes à la police, jeune Cottin, tu te plains, le lamentes; on te renvoie chez M. Donné : il refuse de tenir la chaise que tu le sens capable de renverser, il t'accompagne chez son portier; mais une fatalité bien cruelle le poursuit : plus rien.

Va donc au bout de la ville, va trouver un homme illustre à plus d’un titre; s’il dit oui, on dira oui, ou plutôt on dira non, car les savants sont ainsi faits; il faut que l’un nie ce que l’autre affirme; c’est dans l’ordre, et ce sera toujours de même. L’Observatoire voit les choses annoncées, elles ont lieu en présence de M. Arago; voilà un bon juge sans doute, car qui donc jugera bien si ce n’est cet homme distingué et toujours en éveil ? L’Académie reçoit ses aveux, M. Ma-gendie conteste les faits ; c’est tout naturel, ne connaît il pas les lois de la vie, n’en a-t-il pas tracé les limites? La nature n’a point de secret pour lui; d’ailleurs, sn physiologie serait en défaut; périssent plutôt les faits contraires.

Cependant une commission est nommée, malgré l’opposition de quelques récalcitrants entêtés.Selon eux, PAcadémie ne doit point se déranger pour dt; telles futilités: ses moments sont trop précieux, etc. Enfin la jeune Cottin est convoquée ; c’est au Jardin-des-Plantes qu’elle doit se rendre, et tous nos savants vont l’examiner.

Mais vous figurez-vous que toutes ces promenades, toutes ces tribulations ne vont pas modifier ses propriétés? S’il en était autrement, c’est alors qu’il faudrait croire à quelque supercherie de sa part.

Les savants voient peu de chose dans cette séance; la chaise est repoussée, et les expériences faites avec un aimant sont tantôt positives, tantôt négatives. Aussi pourquoi lui présenter une grenouille fraîchement écorchée et vouloir la lui appliquer sur le bras .’ Elle a peur, se récrie, ne veut point de ce contact; elle a, ma foi! bien raison, elle n’est point venue ;'i Paris pour cela. Grâce à cet essai malheureux, la nuit elle rêve à cette grenouille, elle crie, elle se démène : Je ne veux pas, retirez-la, fai peur ! puis se calme enfin. Mais le lendemain, plus rien. Les chaises qui fuyaient à son approche, elle peut s’y asseoir commodément, sans rien éprouver, sans souffrir. Les émissions électriques du bras sont éteintes, et elle est dans la condition de tout lemonde.

J’oubliais de raconter qu’un jeune homme, fils d’un savant, qui marchera sans doute sur les traces de sou père, s’est avisé d’imiter la jeune fille. Que dis-je ?imi-ter ! Il a fait bien mieux qu’elle, il a renversé les chai, ses, et, si on ne l’eût arrété, H eût brisé les meubles, tant son ardeur était grande ! Mais il s’aidait des

mains. Jeune savant, prenez garde; vous trompez, ce n'est pas bien. La nature vous a fait idio-électrique; pourquoi simuler une faculté que vous n’avez point?

C’est maintenant que toute la presse va gémir, non pas verser des larmes, mais bien répandre de l’encre. Oui, non , ça existe, c’est un mensonge, et M. Léon .Foucault plaisantera comme l’eût fait M. Donné. Cependant, quelques lignes plus bas, M. Foucault admet comme réels des phénomènes observés à plusieurs milliards de lieues, et avec des instruments qui sont loin d’être parfaits ; il les admet, s’en rapporte à la parole d’un seul homme, peut-^tre à sa vision. Ce savant rédacteur compromet vraiment le journal auquel il travaille, car celui-ci ne se contredit jamais.

Du fond de notre cœur nous te plaignons, jeune fille, moins heureuse que les deuxSmyrniotes qui possédaient semblable faculté et qui la virent se perdre, en venant à Paris, ce séjour enchanteur; elles ne furent point soupçonnées, le poison de la calomnie ne se distilla point pour elles, il t’était réservé ; tu n’es pas au bout, tu seras poursuivie jusqu’au delà du trépas.

Voici un journal si grand, si grand qu’il couvrirait la lune ; il faut qu’il égaie ses lecteurs : les vérités sont tristes, il mentira : le mensonge se paie ici plus cher que la vérité ; on l’aime beaucoup mieux, l’espèce humaine s’en repaît ; et, s’il en était autrement, à quoi serviraient les feuilles publiques, je vous le demande ? Mais je m’arrête ; j’ai pris la défense d’un fait parce que je l’ai vu, bien vu ; il ne peut en rien m’é-clairer dans les recherches auxquelles je me livre tou. chant le magnétisme animal, mais néanmoins ne dois-

je pas dire (¡«’il est, ce l'ait? Le temps viendra où il en surgira d’analogues; on les discutera encore,puis en-lin on adoptera. C’est ainsi que la science s’est constituée; elle n'eut point d’aulre marche. Voyez Galilée, Harvcy, Jenner et mille autres : leur cendre était depuis longtemps refroidie lorsqu’on rendit justice ;i leur génie. Voyez à l’institut: au commencement de ne siècle, cent trente exemples de chutes de bolides existaient,et on niait encore... Le temps a fait justice, direz-vous ; sans doute, nous le savons, personne au~ jourd’hui n’oserait nier ce phénomène; mais qu’il en apparaisse un d’un autre ordre, il sera nié, et celui qui l’aura observé, conspué. Ah ! Mesmer, je sens ce que tu as dû souffrir ; mais tu seras vengé; le stigmate s’imprime au front de ceux qui t’ont condamné; la tombe ne les sauvera point du jugement sévère de la postérité.

Maintenant pouvons-nous dire, nous qui ne sommes pas savant, par quel pouvoir la jeune Cottin agissait sur les corps qui l'environnaient, d’oû lui venait une action si puissante? Si nous osions émettre une opinion, nous dirions que les courants cités plus haut sont de l’électricité non modifiée par la vie; ils prennent leur point de départ au cervelet et se portent voi s l’avant-bras gauche, rarement ailleurs. Cette déviation imprime au membre un mouvement presque convulsif et détermine un surcroîtde chaleur très-sensible. Cette force brute, en pénétrant le bois, déterminait parfois une sorte de crépitation. Un fil, un vêtement servait à la conduire , à la transmettre, et ses effets étaient alors variés comme ceux de la foudre. Mais cette force n’était point lumineuse; quelquefois clic

sortait du bras par ondées qu’on pouvait jusqu’à un certain point compter. Lorsque l’avant-bras était placé près d’uno bougie allumée, les mouvements de la flamme, son espèce d’oscillation indiquaient assez bien ces émissions par la durée de la déviation de Ia lumière.

Baron Du Potet.

-—

ÉTUDES PRÉPARATOIRES

DO '

SOMNAMBULISME MAGNÉTIQUE.

(Suite.)

§ VI. — SOMNAMBULISME.

Première observation.

Une jeune fille de dix-sept ans, orpheline de parents pauvres, et demeurant chez un fermier dont elle gardait les bestiaux, couchait dans une chambre qui n’était séparée que par une mince cloison de celle qu’occupait un ménétrier ambulant. C’était un musicien très-habile, qui passait souvent une partie de la nuit à exécuter des morceaux choisis d’une rare beauté; mais l’enfant ne trouvait dans cette musiqun qu’un bruit désagréable. Après avoir demeuré six

mois dans cetle maison, elle tomba malade; on la transporta chez une dame charitable qui en eut soin, et qui, lorsqu'elle fut rétablie de sa longue maladie, la prit à son service. Quelques années après qu’elle lut entrée chez cette dame, on entendait souvent au milieu de la nuit une musique délicieuse dans la maison; la curiosité de toute la famille était excitée au plus haut point, et l’on passait des heures entières à lâcher de découvrir le musicien invisible. Enfin on s'aperçut que les sons partaient de la chambre à coucher de la servante; on la trouva profondément endormie, mais il sortait de ses lèvres un son absolument semblable aux notes les plus suaves d’un petit violon. LV.yant épiée, on s’assura qu’au bout de deux heures qu’elle était au lit elle s’agitait et murmurait dans ses dents; puis elle proférait des sons comme ceux qu’on produit en accordant un violon; enfin, après quelques préludes, elle entamait les morceaux les plus difficiles et les exécutait avec beaucoup de clarté et de précision, en rendant des sons qui ressemblaient parfaitement aux plus fines modulations du violon. Elle s’arrêtait quelquefois au milieu de son exécution, imitait le son d’un instrument qu’on accorde, puis reprenait de la manière ïa plus correcte le morceau à l’endroit où elle Tavait quitté. Ces paroxysmes revenaient à des intervalles irréguliers, variant de vingt-quatre heures à quinze ou même vingt jours; ils étaient ordinairement suivis d’un certain degré de lièvre, accompagnée de douleurs dans diverses parties du corps.

Au bout d’une année ou deux, cette musique ne s'arrêta pas ù l’imitation du violon : elle se changeait

.souvent en sons semblables à ceux d’un vieux piano que cette fille entendait ordinairement dans la maison où elle demeurait alors. Un an plus tard el'e se lit à parler beaucoup dans son sommeil; il Ili semblait alors qu’elle instruisait une autre fille plus jeune qu’elle.

Elle discourait souvent avec beaucoup de fa. ¡,té er d’exactitude sur une infinité de sujets politiques et religieux, sur les nouvelles du jour, la partie historique des Ecritures, les hommes publ'îs, et surtout sur le caractère des membres de la famille et de leurs visiteurs. Dans ces discussions, elle montrait uj prodigieux discernement, joint à une propension nu sarcasme, et une étonnante aptitude à contrefaire toutes sortes de personnages.

Pendant toute la durée de cette affection extraordinaire, qui parait avoir continué dix ou douze ans, cette fille avait, dans l’état de veille, un air emprunté et l’esprit singulièrement bouché, bien qu’ou n’eù: rien épargné pour l’instruire. Elle était, s us le rapport de l’intelligence, de beaucoup inférieure aux autres domestiques de la maison, et n’avait surtout aucun goût pour la musique. Elle n’avait pas le plus léger souvenir de ce qui se passait dans son sommeil; mais dans ses divagations nocturnes on l'entendait souvent se plaindre de l’infirmité qu elle avait do parler en dormant. Elle disait aussi qu’il était fort heureux qu’elle ne fût pas obligée de coucher près des autres domestiques, car elles la tourmentaient déjà bien assez sans cela.

Abercrombie.— On iheintellectualpowers.

[La tuilê au prochain numéro.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DU MESMÉRISME.

Séance du 15 janvier.— Les effets dits phréno-magnétiques, gallomesmériques , qui ont fait l’objet I’une étude suivie et méritée, s’offrent de nouveau à l'attention de la Société sur deux sujets connus. Tout réussit à merveille ; «mais, dit le procès-verbal, mal-« gré la bonne foi qui présidait à ces expériences,

• tant de la part du mesmériseur que de celle des « assistants (puisqu'ils indiquaient eux-mêmes par « écrit la nature de chaque expérience), nous ne pou-« vons admettre ces phénomènes comme la prouve « irrécusable de la localisation cérébrale, la contre-« épreuve ayant été faite parmi nous. »

Séance du 2"2 janvier. — La Société adopte, sur la proposition de M. Warnaw, le principe d’un livre analogue aux Annales de Strasbourg, qui, sous le titre A'Annales pratiques, contiendra le résumé substantiel des expériences faites au sein de la Société pour éclairer les divers points do la science.

Séance du 29 janvier. — Semblables à ces corps hygrométriques puissants qui attirent les molécules aqueuses répandues en vapeurs dans l'atmosphère ambiante, il est des organisations qui absorbent, qui soutirent l'agent magnétique des corps où on l’a déposé. Ce fait, connu sous le nom de mesmérisation

indirecte, n’est pns rare quand on agit devant une assemblé nombreuse. Plusieurs exemples so sont ici présentés dans les séances dernières. Aujourd'hui un sujet sensible ordinairement, n’éprouvant rien, était sur le point d’être abandonné, quand on s’aperçut qu’une dame assise à côté pâlissait par degrés t-t d’autant plus que l’action se prolongeait. Un commencement d’occlusion palpôbrale, joint à une pâleur mortelle, fit éloigner cette dame, qui ne se sentit nullement incommodée, et voulut, au grand étonnement de tous, rester jusqu’à la fin. Mais, éloignée, l’effet inutilement cherché près d]elle se produisit très-bien alors.

Une dame étant en sommeil puységurique, M. Cos-son, « sur l’indication silencieuse des visiteurs, lui f rend le bras semi-cataleptique, et lui fait de même « ouvrir et fermer la main ad libitum. » Puis, cessant cette magnétisation locale pour une action générale, il détermine des effets d’attraction.

Pendant cela, une dame, occupant la place de celle influencée si singulièrement et indirectement au commencement, est prise de spasmes, de mouvements convulsifs, qui ne cessent que par l’éloignement de M. Cosson , qui, en voulant la calmer, la remagnétisait sans cesse par sa seule présence.

Séance du 5 février. — Suns importance scientifique.

CLINIQUE MAGNÉTIQUE..

Jaunisse. — M. C., de Privas, so présente, le 31 juillet 18Î5, pour consulter pour sa sœur. La somnambule se rend spirituellement ù la maison de la malade, simule ses souffrances et dit : « La malade pour « laquelle on me consulte éprouve une douleur à l’é-« pigastre, à la base de la poitrine et au bas-ventre. « Cette maladie consiste en un état d’asthénie de la • rate, occasionné par une répercussion de transpira-« tion. La rate ne fournissant pas assez de sang à l’es-« tomac pour la digestion ni au foie pour la sécrétion

• de la bile, les digestions sont pénibles, l'appétit est « nul, les forces sont complètement abattues. La bile « est âcre et irrite l’estomac et les intestins ; il y a, en « outre de ce, ictère. Cette maladie, qui n’était rien « dans son principe, a été aggravée par des bains. « des lavements et des sangsues. (Vrai.) Il faut qu’on « cesse les bains et les lavements, car la chandelle

« brûle des deux bouts : d’un côté la maladie affaiblit « les forces, et onles affaiblit encore par le traitement. « On lui fera prendre la tisane suivante : Racines de chi-« Corée sauvage, de buglosse,de chaque 10 grammes: « feuilles de fumelerre, une pincée; eau,un litre; adou-« cir avec siropde gomme. 6 Août : amélioration; tisane « de fumeterre, d’aigremoine, de renouée persicaire « rouge et de pariétaire. 15 Août : guérison; 6 déci-« grammes de rhubarbe pendant huit jours. »

(.elle malade étuit alitée depuis environ un mois. Les forces étaient entièrement résolues,la langue était couverte d’un enduit noirâtre; l’ictère était très-prononcé sur tout le corps; le pouls présentait cent vingt pulsations par minute.

Rhumatisme.- Le 1er septembre Î845 , M. D.,dt* Privas, se présente pour consulter pour son épouse. l,a somnambule se transporte spirituellement auprès de la malade et dit : « Cette dame est atteinte d’un « rhumatisme universel ; elle ne peut remuer aucun « membre. (Vrai.) Cette dame a en outre une pleuré-« sie. La cause de son mal est une extravasation lai-« teuse et plus tard une suppression de transpiration « en entrant dans un appartement humide. (Vrai.) « Cette maladie vient d’être aggravée par des purga-« tifs; il faut la mettre dans la laine brute chauffée au « four et l’y laisser toute la nuit. Tisane de racines de « buglosse, feuilles de persil, d’orties, et fleurs de gui-« mauve. 2 Septembre : les membres sont dégagés,

« douleur lancinante à la base de la poitrine du côté « gauche, oppression très-considérable ; la malade a « de la peine à respirer. Vésicatoireau-dessous du sein « gauche, continuation de la tisane. 3 Septembre : 1«

• douleur a diminué, la respiration est un peu plus « libre. La malade n’urine pas depuis vingt-quatre « heures; continuation de la tisane, application d’un « cataplasme de persil cru et pilé sur le Bas de l’abdo-« men. Le 4, amélioration; la langue est chargée;

« tisane de racines de bardane, de buglosse, de « guimauve et de roseau. La malade va de fcien en « mieux ; guérison le 15 octobre. »

Ophthalmie. — Le 4 septembre, M. k. de Saon

se présente pour consulter. La somnambule ne reconnaît d’autre mal qu’un engorgement des nerfs optiques. En effet, ce monsieur y voit à peine pour se conduire; cependant les veux sont beaux et ne présentent aucune apparence maladive. La somnambule ordonne un cataplasme sur le front, pendant trois nuits consécutives, de farine de grosses fèves bouillies dans moitié eau et moitié vinaigre. Guérison au bout de trois jours. La maladie durait depuis six mois et s'aggravait chaque jour.

Coliques. — Le 1er novembre 1845, MI,e F.... des Obères, se présente pour consulter pour son père âgé de cinquante ans. La somnambule se transporte spirituellement auprès du malade, simule les souffrances et dit : « Ce malade a des coliques; quelque « chose part du bas-ventre, monte à l’épigastreet pro-« duit un serrement douloureux qui fait crier le ma-« lade ; il a en outre une douleur à l'hypocondre « droit; il a la diarrhée depuis longtemps. La cause

* de ce mal est un eifort et un épuisement. Je vois une hépatite aiguë, une inflammation chronique des intestins, dei’estomac et du mésentère. Ce que le

• malade sent monter du bas-ventre à l’épigastre est « une irritation nerveuse. Le ganglion semi-lunaire « est très-irrité. J’ordonne la tisane suivante : Prenez « râpure de corne de cerf, 4 grammes; une hermodacte, « racines de petit houx , de houblon et de chiendent, « de chaque 10 grammes; eau, un litre et demi; adou-« cissez avec sirop des cinq racines apéritives. Il pren-« dra deux fois par jour et au moment des grandes « coliques une demi-cuillerée à café de la potion sui-« vante: Laudanum liquide, 4 grammes; siropdiacode,

« 12 grammes. 4 Novembre : continuez lu tisane en sup-« primant Phermodacte. Mettez, pendant deux nuits « consécutives, un emplâtre de feuilles de verveine . fraîches et pilées, broyées avec un glaire d’œuf «frais et une pincée de farine de seigle; faites-lui « prendre pendant trois matins consécutifs un peu de « boule de mars délayée dans une verrée de sa tisane. « 15 Novembre : tisane de ràpure de corne de cerf, 4 «grammes; racines de houblon et de buglosse, de

• chaque 10 grammes; graine de lin, une cuillerée

• à bouche; eau, un litre et demi. 24 Novembre, le ma-« lade va très-bien; néanmoins le mal n’est que paljié; « il faut encore la tisane de râpure de corne de cerf, « de racines de buglosse et de graines de lin. 28 No-« vembre, guérison radicale. » Le malade fait trois lieues à pied pour venir régler son compte et faire notre connaissance. Il s’exprime ainsi : « Depuis «quinze semaines je souffrais horriblement; javais

• une diarrhée continue; j’urinais avec difficulté, en « un mot je ne savais que devenir. J’endurais toutes les

• souffrances que votre somnambule a déclarées en « présence de ma fille. Les médecins que je consultais « disaient à mes enfants que j’étais perdu, que ma

• maladie était incurable. Je ne puis comprendre

• comment votre somnambule, sans m’avoir jamais

• vu, a pu si bien connaître mon mal et me guérir. Je « suis venu exprès pour vous témoigner ma recon-« naissance. » ,

Je pourrais citer une infinité de guérisons de maladies de toute nature ; sur plusieurs milliers de consultations, on n’a jamais pu signaler aucune erreur sur le diagnostic des maladies; comme aussi il n'y a pas

d’exemple de guérison des maladies que cette somnambule a déclarées incurables.

Agréez, je vous prie, l’assurance de la considération très-distinguée de votre tout dévoué seviteur,

Maurice.

Privas, ce 30 novembre 1845.

Prévisions.—J’ai déjà eu, Monsieur, l honneur de vous parler de ma somnambule et de la suprenante lucidité dont elle jouit pendant son sommeil magnétique. Permettez-moi de vous entretenir de quelques observations qui lui sont particulières et qui vous présenteront deux exemples bien remarquables de prévision.

Cette jeune personne était depuis six ans malade l’un engorgement des principaux vaisseaux du cœur, avec suppression des règles, oppression continuelle, palpitations, syncopes fréquentes, etc., etc., et depuis six ans aux prises avec la médecine, qui ne lui avait apporté aucun soulagement, lorsqu’elle eut recours au magnétisme, dans le mois de février 1841. Endormie par moi, elle devint promptement lucide, indiqua le traitement qu’elle devait suivre, se fit pratiquer deux saignées au bras gauche, et fut complètement guérie dans l'espace de quinze jours.

Enhardi par un. succès aussi inespéré, j’ai résolu d’utiliser sa lucidité en l’employant au traitement des malades qui venaient me consulter, et je possède aujourd’hui nn recueil d’observations fort curieuses que je me ferai un devoir de vous communiquer, si vous les croyez capables d'intéresser vos nombreux lecteurs.

Le 15 novembre 1842, elle fut atteinte d’une fièvre

grave présentant tout les symptômes de la fièvre cérébrale ; endormie du sommeil magnétique, elle prescrivit ce qui lui était nécessaire, et au bout de cinq jours elltt fut assez bien rétablie pour pouvoir monter en voiture et aller à quelques kilomètres d’Orléans s’occuper de la santé d’un malade auquel je donnais des soins.

Quelques jours après, lui ayant fait reproche, pendant son sommeil, de ne m’avoir pas prévenu à temps^ de la maladie dont elle était menacée, elle me répondit qu’elle n’en était pas quitte encore, et que le I !) décembre suivant elle serait prise, à quatre heures précises du soir, d’une fièvre typhoïde qui durerait quatre jours, et pendant laquelle elle aurait un violent délire et chercherait à mordre les personnes qui devaient la tenir avec moi.dansson lit. Elle m’indiqua ensuite les remèdes qu’il faudrait employer et les précautions à prendre pour qu’elle ne fit mal ni à elle ni aux autres.

Je m’adressai au docteur L’Huillier dans l’espoir de trouver quelque moyen de prévenir celte maladie, et j’endormis ma somnambule pour la mettre en rapport avec lui ; elle lui dit que tous les moyens qu’il lui proposait ne pourraient que lui être nuisibles; qu’elle voyait parfaitement que sa maladie arriverait le 19 décembre ; qu’il n’yaurait^â faire que les remèdes qu’elle avait indiqués; qu’elle entrerait en convalescence le 23, qu’elle serait rétablie le 28, et que rien au monde ne pourrait empêcher qu’il n’en fût ainsi.

Force nous fat bien d'attendre, et bon nombre de témoins pourraient attester avec M. le docteur L’Huile

lier que les choses se sont passées exactement comme elle les avait annoncées.

Sur la fin du mois d’octobre 1844, elle donnait une consultation à un malade sous la direction de M. 1« docteur Poupard; tout à coupelle s’interrompit pour se plaindre d’un point noir qui lui apparaissait sans cesse et la tourmentait, parce qu’elle ne pouvait s’en rendre compte. Quelques jour.s plus tard, ce point devenait moins obscur; il présageait, disait-elle, un malheur, mais elle ne pourrait que. dans quelques jours encore savoir quelle serait la nature de ce malheur.

Enfin, le 1er novembre 1844, interrogée de nouveau sur cotte vision, elle répondit qu’elle voyait parfaitement ce dont il s’agissait.

a Le 8 de ce mois, dit-ello, je serai très-malade des suites d’une chute que je ferai sur le dos dans l’escalier, dans laquelle je me ferai beaucoup de mal ; mais je n’en mourrai pas. Je ne saurais dire ce qui me fera tomber; mais cet accident est inévitable, et toutes les précautions que vous-pourrez prendre pour le prévenir seront tout à fait inutiles. #

En effet, le 8 novembre, à cinq heures du soir, profitant d’un instant où j’étais occupé à décoller les yeux d’une somnambule que je venais d’éveiller et l’attention que les personnes présentes apportaient à cette opération, elle sortit de la chambre, et nous fûmes bientôt attirés sur ses traces par un cri d’effroi que nous entendîmes jeter.

Nous la trouvâmes couchée sur le dos en travers des marches de l’escalier, le tronc roide comme une

barre de 1er, les mâchoires serrées et les membres agités de mouvements convulsifs.

Je la transportai sur son lit, je lui fis des passes à grands courants; après dix minutes de soins, je l'endormis (lu sommeil magnétique, et nous apprîmes alors qu’elle traversait le palier de l’escalier lorsqu’un chat s’embarrassa dans ses jambes et la lit tomber.

Elle eut beaucoup de fièvre, do larges ecchymos.se sur toute la partie postérieure du tronc et sur la face; la tète et les paupières furent enflées pendant plusieurs jours; mais, grâce au traitement fort simple qu’elle indiqua elle-même, tous ces symptômes se dissipèrent progressivement, et elle ignore encore aujourd’hui les circonstances qui ont précédé et accompagné sa chute.

Tout invraisemblables qu’ils puissent être, les faits dont j’ai l’honneur de vous entretenir sont d’une vérité incontestable, et je pourrai au besoin les faire attester par des personnes dont le témoignage ne saurait paraître douteux.

J’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très-humble serviteur,

Alluaud.

Orléans, le 6 février 184«.

Névralgie. — Il y a quinze mois, ma femme était en proie aux douleurs les plus vives, et depuis douze ans elle était affectée d’une névralgie dans la tête, qui ne lui laissait, lorsque ces accès la prenaient, de* repos ni le jour ni la nuit.

Les ressources de l’art, je les ai employées en

s ain ; partout on me répondait que la distraction, le grand air, les voyages, pourraient seuls la soulager. C'étaient de bien tristes remèdes pour moi, père do six enfants, et obligé de gagner notre vie au moyen d’un modique appointement.

Enfin un médecin qui, depuis deux ans, nous donnait ses soins de temps à autre, prit pitié de la pauvre mère de famille. 11 insinua le mot de magnétisme, donna quelques explications que nous accueillîmes par le doute, par un rire ironique; il insista, et me voilà, moi, transformé en magnétiseur. Mais il ne m’enseigna que'juste ce qu’il fallait pour guérir ma femme de cette maladie : c’étaient des passes à grands courants. Ce que j’ai appris en plus fut puisé dans l’ouvrage du bon M. Deleuze.

Le traitement fut long , parce que je n’avais pas assez d’expérience, et que pour l’acquérir il m’aurait fallu suivre un cours complet, et j’ignorais comment j’aurais pu le faire, ne connaissant personne instruit dans la science magnétique autre que rnon médecin, qui ne me répondait que par des paroles évasives. Ma femme fut cependant guérie de cette maladie terrible, elle l’est depuis huit mois; jamais, depuis cette époque, ses crises n’ont reparu. Je puis donc remercier la divine Providence de ce succès, et proclamer bien haut, à Lyon, l’heureuse influence du magnétisme, ce que je fais toutes les fois que l’occasion s’en présente.

Ram.

Ljoii, ce 15 féirier 1846.

VARIÉTÉS.

Somnambulisme semi-magnétique. — Il est

à notre connaissance qu’une dame somnambule naturelle, magnétisée seulement quelquefois, tombe assez souvent d’elle-même, et dans le jour, en somnambulisme. Dans un de ses accès de ce genre, cil» s’approcha de son enfant, pris d’une affection aiguë de poitrine et dont la médecine désespérait ; elle considéra un instant son enfant, puis le prit par les jambes et le secoua violemment sans considérer la position déclive qu’elle donnait à la tête, et continua jusqu’à ce qu’une hémorrhagie nasale considérablo se fût manifestée. Elle replaça alofs son enfant dans la couche et dit : Maintenant je suis heureuse, mon enfant est sauvé. Elle s’éveilla sans conserver aucun souvenir, et demanda ce que le médecin ou d’autres avaient fait à son enfant, si on l’avait saigné, etc.

L’enfant est parfaitement guéri, n’a point eu de rechute. C’était donc ce qu’il fallait faire que la mère pratiqua; mais qui oserait en agir ainsi sans la perception somnamuulique?

Revue des journaux. — Nous lisous dans I’a-vant-dernier numéro de VIndépendant des Pjrénées-Orientales, nouveau journal rédigé par des écrivains hommes de cœur et de conviction :

« M. Lassaigne continue avec succès ses expérien-

ces magnétiques. Des faits, de plus en plus surprenants, frappent nos yeux, mais rien absolument ne se révèle qui puisse nous expliquer la cause des plié-nomènes.

« Jeudi, dans une réunion particulière, sa somnambule s’est prêtée de la meilleure grâce à des expériences répétées. Quatre personnes l’ont successivement interrogée. A l’une elle a rappelé, avec toutes ses circonstances, un événement grave, arrivé dans sa vie, il y a vingt-cinq ans ; d’autres l’ont conduitepar-tout où ils ont voulu, même à Paris, où elle n’est jamais allée, et, lors même qu’elle connaîtrait cette ville, comment aurait-elle pu décrire, avec une précision de commissaire-priseur, des appartements où certes elle n’a jamais pénétré ? Il suffisait à l’interrogateur de fixer ses propres souvenirs sur tel ou tel point pour que la pensée de la somnambule la suivit. Nous no regardons nullement comme impossible qu’une personne magnétisée, celle par exemple que nous avons eue sous les yeux, nous rende compte à l’instant môme de ce qui se passe à cent, cinq cents lieues, dans telle localité qu’on lui désignera. »

La Silhouette du 22 février contient un long article favorable au magnétisme, avec un épisode, sur la vie de Mesmer, qui nous paraît être une pure invention.

Toute la presse parisienne a retenti des propriétés merveilleuses de la jeune Cottin. Les seuls journaux qui en aient parlé avec impartialité sont : le Constitutionnel, la Démocratie Pacifique (elle a fait à ce propos des rapprochements sur le magnétisme qui indiquent l’avancement des idées des hommes qui la dirigent) ; la Gazette des Bains, qui en a parlé cinq

jours avant les aulrcs ; enfin le Messager. L’Epoque et la Presse ont montré le plus d’acharnement et débité le plus d’absurdités.

Buste de Mesmer. — Nous recevons de la commission de souscription la lettre suivante :

Monsieur,

J’ai l’honneur de vous prévenir que la première éprouve du Buste de Mesmer, exécuté par M. Humberi (de Metz), est arrivée chez M. Aubin Gauthier, Président de la Commission, rue Bréda, 28, où vous pouvez venir la voir jusqu’au samedi soir 14 du courant.

Je vous donne également avis que le Banquet d'inauguration et de célébration du XXXI' Anniversaire aura lieu le dimanche 15 mars, dans les salons du restaurant Delîieux, boulevard du Temple. Les Souscripteurs au Buste sont seuls admis. L’inauguration du Buste sera faite avant le Banquet.

11 ne sera prononcé aucun discours après le Banquet, qui sera ouvert à six heures.

POUH LES MEMBRES DE I.A COMMISSION, BR1CE DE BEAUREGARD, Secrét.

Pari», le 10 mars 1846.

BIBLIOGRAPHIE.

Somkologie maghétiqüe, ou Recueil de faits et opinions somnambu-liques, par M. le marquis Loisson deGuihaumont, ancien député de la Marne. Un vol. ln-8°. Paris, 1845. Chez Germer Baillière.

Les magnétiseurs ne sont point, en général, grands lecteurs d écrits sur le magnétisme. Il suffit, pour

beaucoup, de savoir magnétiser et endormir; ils bornent ordinairement là leur étude, et s’arrêtent à ce pont aux ânes. Cependant on n’acquiert de solides connaissances qu'en s’initiant aux travaux des hommes qui nous ont précédés dans la carrière et en suivant attentivement le progrès que quelques magnétiseurs laborieux font faire chaque jour àlascience nouvelle. -Ne point marcher, c’est reculer. Ces réflexions, que beaucoup d’autres ont faites avant nous, doivent engager chaque magnétiseur à se composer une petite bibliothèque d’ouvrages spéciaux, à les lire surtout, afin de pouvoir comparer les œuvres de leurs mains à celles citées par les auteurs, et se rendre ainsi capables de produire des faits nouveaux en apprenant les méthodes d’expérimentation préconisées.

La découverte du magnétisme humain est si grande, si magnifique, il y a tant à apprendre encore, que nous no cesserons de faire appel à tous les magnétiseurs. Ne laissez point inculte le champ que l’on vous a donné à cultiver, leur dirons-nous; le grain que vous devez récolter doit être pur et sans mélange d’ivraie.

Nous nous proposons donc de faire une analyse de chaque ouvrage qui paraîtra, ayant trait à notre science, et nous mentionnons seulement aujourd’hui celui de M. Loisson, nous proposant d’y revenir. C’est un recueil rempli d’observations curieuses et écrit presque en entier sous la dictée de somnambules. Il offre par cela seul un intérêt toujours soutenu.

Le Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Garnay).

ÉTUDES PRÉPARATOIRES

DD

SOMNAMBULISME MAGNÉTIQUE.

conti, doeteurs, et Mazzacorati, pbwmacien-chiroiste de Bologne, a été communiquée par M. Orioli à la Gazette médicale (l), d'où noua l’extrayons. Compliqué« de catalepsie, elle est remarquable par son analogie avec la première qao publia Petétin.

« Une jeune femme de vingt-cinq ans, à la suite de chagrins profonds qui l’avaient rendue au physique et au moral extrêmement impressionnable, tomba, le 10 septembre 1832, dans un accès de sommeil cataleptique qui dura de midi à minuit. Durant quarante-deux jours de suite, cet accès revint aux mêmes heures, avec les mêmes symptômes. L’accès commençait et finissait par des soupirs et des bâillements plus profonds à la Ha qu'au commencement; mais dans les douze derniers jours, outre que la durée de l’a*-

(Suilc.)

Cette observation, recueillie par MM. Ci

§ VI. — SOMNAMBULISME. Deuxième observation.

5

(1) Page 106, 1833. T. II.

ces était diminuée, la terminaison s’nnnonçait par le retour de certains mouvements isochrones. Ainsi la malade soulevait successivement le bras gauche et le droit, le pied droit et le gauche, et les laissait retomber lourdement. Elle secouait la tête, levait les mains, les appuyait sur le lit, se levait sur son séant, puis se laissait aller à son propre poids. Elle portait de nouveau les mains sur sa tête, se frottait les cheveux et donnait un air sombre et menaçant à sa physionomie. Enfin, il survenait quelques mouvements convulsifs, et elle se réveillait sans conserver aucun souvenir de ce qui lui était arrivé durant le sommeil cataleptique et sans se plaindre d’aucune douleur ni d’aucun malaise.

« Tant que durait l’accès elle était comme paralysée, ne pouvait faire aucun mouvement, à l’exception de ceux que nous venons de décrire; elle gardait parfaitement toutes les positions qu’on lui donnait, quelque étranges ou gênantes qu’elles fussent ; il y avait en outre insensibilité complète par tout le corps, même aux impressions physiques les plus vives et les plus douloureuses.

« Dans la première moitié de cette maladie elle avait les yeux parfaitement clos; dans la seconde elle les ouvrit; mais elle les tenait habituellement immobiles, tournés vers la lumière, insensibles à toutes les impressions qu’on tentait de leur communiquer.

« M. Mazzacorati s’aperçut bientôt que des facultés singulières s’étaient développées chez la malade durant cet état, et, de concert avec M. Garnini, il tenta les expériences suivantes.

« 1° Phénomènes de fouie. — La malade ne percevait aucun des bruits, même les plus forts, qui lui arrivaient par les voies ordinaires ; mais si on lui parlait, même à voix très-basse, dans le creux de la main ou sous la plante des pieds, sur le creux de l’estomac ou le long des endroits les plus voisins du nerf sympathique, elle entendait parfaitement les mots qui lui étaient adressés. Il en était de même si, en lui parlant toujours à voix basse, on appuyait une main sur les régions ci-dessus indiquées. Bien plus, elle entendait encore, même quand la personne qui lui parlait n’était qu’en communication médiale et lointaine avec celle qui la touchait dans ces régions. Parmi une foule d’expériences qui ne laissent aucun doute sur ce fait, il suffira d’en indiquer une dans laquelle la chaîne était de quatre personnes, dont trois se tenaient par la main; la quatrième communiquait avec la troisième par l’interposition d’une très-longue bougie en eire, tandis que la première touchait la malade et se tenait seule à côté d'elle. La malade entendit très-bien les paroles dites à voix basse, et à une distance considérable, par la quatrième personne.

« 2° Phénomènes de la plèvre. — La malade laissée à elle-même gardait constamment le silence ; mais, quand on l’interrogeait par quelques-uns des moyens indiqués, elle répondait parfaitement à propos, se servant toujours du même ton de voix qu’avait pris l'interrogateur. Si pendant sa réponse on cessait le contact immédiat ou si on interrompait la chaîne, elle s'arrêtait subitement; mais du moment que la communication était rétablie, elle achevait son discours, avec cette circonstance remarquable qu’elle

m

le reprenait au point où il serait arrivé s’il n’y avait pas eu d’interruption.

« Il semble donc que la réponse se combinait dans son esprit, même lorsque les rapports étaient suspendus, et que, durant cette suspension, les organes vocaux seuls cessaient leurs mouvements et se paralysaient.

« Durant la deuxième période, c’est-à-dire à partir du vingt-deuxième jour de l’invasion, elle perdit la faculté d’articuler les sons; cependant, môme alors, on réussit à obtenir d’elle quelques réponses.

* D’abord, pendant quelques jours, elle marqua qu’elle entendait en répondant par un faible bruit du larynx; et, dans les derniers temps, ce moyen de communication étant encore devenu impossible, elle y substitua udc pression à peine sensible du bout de ses doigts sur ta main de l’interrogateur, ou bien de la première personne de la chaîne.

« 3* Phénomènes de la vision. — Quoique les yeux fussent fermés et même bandés, elle reconnaissait les corps et les eouleurs, lorsqu’on les posait sur une région qui avait conservé une sensibilité particulière. Elle indiquait au moment môme les heures et minutes de chaque montre. Elle parvint souvent, mais pas toujours, à lire correctement les mots écrits sur le papier. Plus tard cette faculté se perfectionna d’une manière prodigieuse ; il suffisait d’appeler son attention snr un objet quelconque placé dans la chambre où elle se trouvait, dans une pièce voisine, dans la rue, hors de la ville, et même à des distances énormes, pour qu’elle le décrivît comme si elle le voyait.

a En présence d’un professeur de l’Université on demanda à la malade la description d’un couvent de la ville, où ni elle ni aucun des interrogateurs n’était entré; puis la description d’un souterrain également inconnu à toutes les personnes présentes, et dépendant d’une maison de campagne. Ses descriptions furent traduites en plans dessinés, et, après avoir visité les lieux, on trouva qu’ils correspondaient exactement au dessin fait sous sa dictée. Elle avait été jusqu’à indiquer le nombre et la situation de quelques tonneaux qui se trouvaient dans le souterrain.

« Dans môme séance le professeur l’interrogea sur la distribution de son cabinet de travail, et ici encore les réponses furent de la plus grande exactitude.

« 4" Phénomènes du goût et l’odorat. — Les matières odorantes étaient reconnues par la malade avec la même promptitude et la môme précision ; au moment où on les plaçait sur une des régions sensitives, elle les nommait ou choisissait leur nom parmi beaucoup d’autres, qu’on prononçait devant elle, lorsqu’elle ne le connaissait pas.

• 1° Phénomènes du toucher, — Dès qu’an corps ¿tait posé sur une des régions sensitives, la malade le reconnaissait, et le jugeait aussi bien qu’aurait pu le faire le contact de la main la plus délioate.

« 6° Phénomènes intellectuels. —La malade, douée d'assez d’intelligence dans son état naturel, en avait beaucoup durant son somnambulisme cataleptique." Quoi qu’elle ne connût que les quatre opérations d’arithmétique, elle parvint, sous l’influence de la catalepsie, à extraire plusieurs racines de nombres, e»tre autres celles du nombre 4,965. Cependant cette

opération no lui réussit pas toujours également bien.

«Elle exposa avec beaucoup de lucidité plusieurs systèmes philosophiques, et en discuta quelques autres qui lui furent proposés. Elle devina et écrivit les phases de sa maladie. »

(La suite auprochain numéro.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

ACADÉMIE DES SCIENCES.

Séance des 2 et 9 mars. — Après le retentissement qu’a obtenu la présentation de la jeune fille dite électrique, il était difficile que la commission nommée pour l’examiner se condamnât à un silence absolu. Elle n’a pas voulu faire de rapport, mais elle s’est exprimée par l’organe de M. Arago, qui a lu une note à laquelle nous croyons devoir donner de la publicité. Elle aura sur les esprits sages autant d’action que si elle eût été consacrée par le vote, et elle ne trouvera de résistance qu’auprès de ceux qui sont avides de miracles, et qui veulent y croire quand même. (Débats.)

« Dans la séance du 10 février, l’Académie reçut « de M. Cholet et de M. le docteur Tanchou deux notes « relatives à des facultés extraordinaires qui, disait-

« on, s’étaient développées, depuis environ un mois, « chez une jeune fille du département de l’Orne, An-« gélique Cottin, âgée de quatorze ans. L’Académie, « conformément à ses usages, chargea une commis-« sion d’examiner les faits annoncés et de lui rendre « compte des résultats. Nous allons en peu de mots « nous acquitter de ce devoir.

« On avait assuré que M11' Cottin exerçait une « action répulsive très - intense sur les corps de « toute nature, au moment où une partie quelconque « do ses vêtements venait à les toucher; on parlait « même de guéridons renversés à l’aide du simple « contact d’un fil de soie.

« Aucun effet appréciable ne s’est manifesté devant » la commission.

« Dans les relations communiquées à 1!Académie, « il est question d’une aiguille aimantée qui, sous l’in-« fluence du bras de la jeune fille, fit d’abord de ra-« pides oscillations, et se fixa ensuite assez loin du « méridien magnétique. Sous les yeux de la com-« mission, une aiguille délicatement.suspendue n’a « éprouvé dans les mêmes circonstances ni déplace-« ment permanent ni déplacement momentané.

« M. Tanehou croyait que Mllc Cottin avait la faculté « de distinguer le pôic nord d’un aimant du pôle « sud,en touchant simplement ces deux pôles avec les « doigts.

« La commission s’est assurée par des expériences « variées et nombreuses que la jeune fille ne possède « pas la prétendue faculté qu’on lui avait attribuée « de distinguer par le tact les pôles des aimants.

« La commission ne poussera pas plus loin l’énu-

« mération de ces tentatives avortées. Elle se eonten-« tera de déclarer en terminant que le seul fait an-« noncé qui se soit réalisé devant elle est celui de « mouvements brusques et violents, éprouvés par les « chaises sur lesquelles la jeune fille s’asseyait. Des « soupçons sérieux s’étant élevés sur la manière dont « ces mouvements s’opéraient, la commission décida « qu’elle les soumettrait à un examen attentif. Elle « annonça sans détour que ses recherches tendraient « à découvrir la part que certaines manœuvres habi-t les et cachées des pieds ou des mains pouvaient « avoir eue dans le fait observé.

« A partir de ce moment, il nous fut déclaré que « la jeune fille avait perdu scs propriétés attractives « et répulsives, et que nous serions prévenus aussitôt « qu’elles se représenteraient. Bien des jours se sont « écoulés ; depuis lors , la commission n’a point « reçu d’avertissement. Nous avons appris cependant « que Mlle Angélique Cottin est journellement con-« duite dans des salons où elle répète ses expé-« riences.

« Dans ces circonstances, la commission est d’avis « que les communications transmises à l’Académie « au sujet de Ml,e Angélique Cottin doivent être con-« sidérées comme non avenues. »

Ainsi finit l’histoire! Mlle Cottin va dans le monde, voilà son crime, et la raison pourquoi Messieurs de ¡’Académie interrompent tout rapport. Le monde est donc bien corrompu? Le soupçon'est semé à chaque ligne de ce magnifique rapport. Nous l’avions bien dit : On ne sort pas de ce lieu, l’Académie, sans une tache, à moins que l’on n’y porte un fait quel-

conque, en tant qu'il se rapportera à un ordre de vérités reçu par nos grands hommes. Plus despotes qu’aucun des potentats du Nord, ne parlez point devant eux d’innovations; innover! mais c’est renverser. Prononcez, si vous l’oser, les mots : homœopathi«t phrénologie, magnétisme! Mais ils seraient capables de vous étrangler; ou, ne le pouvant pas, ils vous mettront au pilori; vous vous estimerez heureux de ce qu’ils n’ont pas plus de pouvoir.

Après Mlle Cottin, l’Académie s’entretient de la maladie des pommes de terre. Le dernier des paysans en sait autant là-dessus, j’allais dire plus, que nos grands hommes. Passons. Puis on parle des étoiles filantes; ici encore je dois avouer, en me rendant l’interprète de l’Académie, qu’elle y perd son latin.

Un autre savant parle des cochons, c’est-à-dire de leurs os ; il constate ce fait immense ; c’est que les os de ces animaux contiennent beaucoup de phosphate de chaux, et que, s’ils en contenaient moins, ils cesseraient d’être assez résistants, etc., etc. Mention honorable!!!... Mais comme nous ne faisons point de bulletin académique, terminons.

Maintenant, au sujet de M,lc Cottin, que l’on prenne tous les Becquerel que l’on pourra trouver, tous les Magendie du monde connu ; réunissez tous les Donné, et ils sont loin d’être rares; prenez tous les illustres, enfin, et qu’ils opposent leurs dénégations aux faits que nous avons annoncés: ils ne feront point que ces fuits n’aient pas eu lieu, et que quinze cents personnes ne soient prêtes à les attester.

SOCIÉTÉ PHILANTHROPICO-MAGNÉTIQUE,

Séance du 21 janvier. — Quelques magnétisations entreprises sur des personnes encore non magnétisées ont pour résultat des effets magnétiques faibles, mois profonds et non équivoques.

M. Millet détermine le somnambulisme lucide sur une dame déjà soumise à l’influence magnétique. Elle donne sur une affection grave quelques détails qu’on reconnaît exacts.

Séance du 28 janvier. — Un nouveau membre, M. Péreyra, de Tiflis, lit un long mémoire, dont voici les passages principaux.

Poil lenebrat lux.

« Depuis que j’ai l’honneur de faire partie de la Société, au sein de laquelle je m’estime fort heureux de me trouver, puisque je suis chaque jour à même d'acquérir de nouvelles et précieuses connaissances en physiologie, j’ai beaucoup lu, observé, médité; et ma conviction, qui dans le principe n’était pas très-forte, je l’avoue, est devenue pleine et entière. Oui, mes chers,collègues, ma foi en la sublime science que Mesmer nous a transmise est actuellement inébranlable ; et si la plupart des incrédules avaient le courage de suivre mon exemple, c’est-à-dire si, rejetant tous les préjugés dont ils sont imbus, ils ne dédaignaient pas de se livrer à la pratique du magnétisme, afin de s’assurer par eux-mêmes de la réalité d’une vérité qu’on ne saurait assez proclamer pour le bonheur du genre humain, ils ne manqueraient pas d’ouvrir leurs yeux à la lumière et de devenir de fervents

apôtres du mesmérisme, comme je me fais gloire de l’étrc en ce jour et de le publier hautement. . . .

« En vous priant, Messieurs, d’excuser cette petite digression, je m’empresse de vous faire part, et cela avec un plaisir extrême, de ce qui a particulièrement et à tout jamais déterminé ma conviction.

o Les nombreuses et intéressantes expériences dont j’ai été témoin, tant dans nos séances que dans celles de la Société du Mesmérisme, avaient bien fini par nie montrer la vérité dans tout son jour, car je puis dire y avoir vu se passer des faits des plus concluants; mais il n’en est pas moins vrai qu’il me restait encore dans l’esprit un certain vague que je ne saurais définir, et qui ne laissait pas que de me tourmenter. J’étais de plus en plus avide de voir, et plus je voyais, plus je sentais quelque chose en moi qui mo disait : Expérimente toi-même, et tes derniers doutes seront levés.

«Je cherchai donc l’occasion d’employer cet agent mystérieux, 'de mettre à profit, en un mot, cette faculté magnétique dont la nature m’a doué, par cela seul que je suis homme. L’occasion cherchée se présenta plusieurs fois, cependant je doutais encore lorsqu’un dernier fait fixa ma conviction sur les propriétés curatives de l’agent magnétique.

« Voici le fait.

« Ma femme, habituée à vivre dans un pays chaud, et se trouvant pour ainsi dire transplantée sous ce ciel dont la température est des plus humides, fut tout à coup atteinte d’une forte douleur rhumatismale à l’occiput. Qu’eussiez-vous fait, Messieurs, dans cette

occurrence ? Mais la chose est bien simple; vous auriez fait ce que vous faites toujours en pareil cas; vous auriez magnétisé!... Eli bien, moi, pourtant si fervent disciple de Mesmer, l’ulée ne m’en vint pas d’abord!

« Quelques jours se passent, et la douleur, qui s’était localisée, augmente; j’étais aux abois, je recourais à tous les expédients, lorsqu’enüu, par bonheur, mes yeux se dessillèrent. J’eus honte un moment de moi-même, et ma honte redouble maintenant que je suis obligé de vous avouer ce que j’appellerai ma déplorable myopie.

« Revenu à moi, et me rappelant les sages conseils quevoulutbien me donner un jour notre honorable exprésident, j eus recours au magnétisme direct, et pour mon coup d’essai je parvins en cinq magnétisations, de sept ou huit minutes chacune, à extirper le mal dans sa racine. J'eus ainsi l’inapréciable bonheur, par un procédé des plus simples, de guérir ma femme d’une douleur qui ne lui laissait plus de repos.

« Gloire donc à l’immortel Mesmer qui a légué à la postérité une science aussi bienfaisante, et mille actions de grâces à vous, Messieurs, qui avez été mes maîtres en me conduisant dans une voie dont je ne m’écarterai jamais. »

M. le président adresse des félicitations à M. Pé-reyra pour cette profession de foi, et l’engage à ne pas se contenter d’avoir fait le serment d’étudier le magnétisme; il faut maintenant qu’il agisse sur l’esprit des autres en donnant à chaque instant des preuves de l’existence et des propriétés de l’agent magnétique. A présent qu’il a reconnu la vérité, il doit la répandre, et, de retour en Géorgie, il devra

initier ses compatriotes au mesmérisme : c’est sa mission future et l’espoir de la Société.

Séance du 4 février. — Présente pou d’intérêt.

Séance du \ \ février. — La Société admet au nombre de ses membres titulaires M. Gréa, ancien député du Doubs et membre de la Société du Magnétisme. Il expose à la Société sa manière d’envisager la théorie du magnétisme, et, comme conséquence, son mode d’application. Il s’ensuit une assez longue discussion dans les détails de laquelle nous ne ponvons entrer.

ATHÉNÉE ROTAL DE PARIS.

Cours de M. Teste. — Nous nous proposions de rendre compte des leçons de M. le docteur Teste; déjà nous avions recueilli des matériaux, mais ce cours n’ayant pas été jusqu’à sa fin, nous avons jugé inutije de les publier. Ce que nous avons entendu, au reste, n’était point nouveau : l’histoire de la lutte de Mesmer avec les corps savants est depuis longtemps consignée dans les ouvrages spéciaux.

Les magnétiseurs ont regretté que M. Teste, animé par d’injustes préventions, se soit attaché à présenter Mesmer comme un charlatan. D’abord, c’est une odieuse calomnie; mais ensuite il va mal à on homme qui profite des découvertes de Mesmer, qui s’enorgueillit même d'être magnétiseur, de salir ainsi celui sans lequel il ne posséderait point des vérités incontestables qui lui servent à opérer des œuvres de bien.

M. Teste, aussi aventuren* dans ses expérience« que dans son dire, n’a rien justifié aux yeux de ses-nombreux auditeurs : ses expériences ont été néga-

tives. Il aurait dû amener à l’Athénée la somnambule citée dans scs écrits et annoncée dans les journaux comme la plus lucide de Paris. C’était le cas ou jamais. Mais il a préféré se servir du magnétiseur qu’il appelle « le plus intrépide de tous, M. Marcillet, dont les pusses « valent cent fois nos écrits!... » C’est un peu trop ravaler les auteurs et vous* même, Monsieur Teste. Allons donc! et malgré votre modestie, nous vous estimons plus que le tourneur de manivelle don t vous vous ôtes servi. Pourquoi faire faire par d’autres ce que nous pouvons nous-même exécuter? C’est un mauvais procédé, et le résultat était facile à prévoir. Maintenant c’est à recommencer à l’Athénée... Avis aux magnétiseurs.

—-

CLINIQUE MAGNÉTIQUE.

Dent extraite sans douleur. — J’ai cru devoir vous exposer le fait suivant dans toute sa simplicité; après la lecture, si vous ôtes disposé à le publier, je vous donne volontiers mon consentement. Et d’abord, je dois vous dire que la science du magnétisme avait toujours été pour moi un objet de prévention; aussi, cette opération n’eût-clle pas réclamé le secours de mes mains, je ne crois pas que j’eusse pu me faire illusion à la vue’de scs effets. C’est donc comme une personne parfaitement désintéressée, qui

n'avait jamais vu pratiquer lo magnétisme, que je fus appelé pour arracher une dent à une dame placée sous cette influence. J’acceptai avec plaisir, non-seulement pour la nouveauté du fait, mais pour former mon opinion sur ce sujet que de nos jours on fait sonner si haut. Avant l’arrivée de M. Garrison, célèbre magnétiseur, j’examinai la dent sur laquelle je devais opérer ; c’était la dent de sagesse (dens sapientiœ) de la mâchoire droite supérieure; elle était cariée, et, quoique la malade ait dû bien en souffrir auparavant, elle ne me paraissait pas alors sentir son mal. J’examinai de quelle manière et de quel instrument je devais me servir pour l’opération, et me préparai moi-même en conséquence. M. Garrison arriva peu après, et je crois pouvoir dire, sans crainte de contradiction, que cette singulière opération eut lieu devant soixante ou soixante-dix messieurs dont la haute autorité intellectuelle témoigne assez de la véracité du fait que j’avance. Durant les quelques minutes que M. Garrison employa à mettre cette dame sous l’influence magnétique, je m’éloignai d’elle et m’en rapprochai dés qu’on m’eut dit que tout était prêt. La partie de la salle où nous étions était séparée de manière à permettre à tous les spectateurs la vue de celte singulière extraction. M. Garrison fit quelques passes pour relâcher les muscles qui fermaient la bouche et en effectua graduellement l’extension. La tèto était tant soit peu élevée, les yeux parfaitement clos; quand je déchaussai la dent, pas le moindre mouvement d’opposition, pas le plus léger tressaillement ne se découvrit à mes regards. Quand j’introduisis la clef, la bouche se ferma un peu ; oubliant la

situation de la patiente, je lui demandai de l’ouvrir, elle m’obéit de suite. La dent fat arrachée en un instant... la bouche resta ouverte et les yeux toujours clos, et pas un frissonnement, pas la moindre contraction de muscles que je pusse observer avec tous ceux qui étaient là pour donner leur opinion à ce sujet. La dent avait trois racines dont la réunion formait une large tige un peu conique à son sommet: elle avait un peu plus de trois quarts de pouce de long. Quand on me demanda ce que je pensais à la fin de celte singulière opération, je répondis n’avoir pas encore toute la satisfaction désirable, et cela parce qu’elle avait ouvert la bouche quand je le lui avais demandé ; quand on me fit aussitôt remarquer queM. Garrison, placé derrière la dame, avait agi sur les muscles de manière & la faire obéir. Mais ce qui me paraît le plus inexplicable dans tout cela, c’est la circonstance de cette bouche restés dans la première position et tranquillement ouverte pendant l'extraction de la dent. Ce qui est encore plus contre nature, et ee que je n’ai jamais vu pendant une pratique de trente et un ans, jamais avant qu’un magnétiseur ne fît des passes sur une mâchoire, c’est que le patient attendit qu’elle fût contractée pour rejeter le sang hors de sa bouche.

Le magnétisme est une chose que je suis bien loin de comprendre. Je ne puis à présent que dire ce que j’ai vu, plein du regret de ne pouvoir mettre l’influence magnétique au profit de ceux qui ont recours à ma profession.

J.-T. Dias.

( Jamaica morning Journal. )

P. S. J’ai oublié de dire que la malade, ramené»

à son état de sensibilité, assura à tout le monde qu’elle n’avait aucun souvenir de l’opération et qu’elle n’avuit ressenti aucun« douleur.

Hydropisie. —Dans notre tome Ier, page 509, M. Dallier-Bonnette nous annonçait le commencement heureux du traitement d’une affection organique. Au 31 décembre 1845, il nous écrivait :

« La malade affectée d’anévrisme et d’hydropisie, et dont le traitement est si pénible, va bien; elle sort et travaille journellement.

* Les docteurs qui l’ont vae et soignée sont on ne peut plus étonnés de la voir sur pied; déjà ils la comptaient au nombre des morts. Dieu a exaucé mes vœux, il lui a rendu la santé par mon intermédiaire : à lui seul toute la gloire.

« Un de ses docteurs m*a promis de me donner nn petit détail des eauseset des symptômes de la maladie interne de cette personne et de son hydropisie. Ces messieurs l’ont traitée pendant plus de quinze ans, et chaque année, vers le mois de septembre, elle tombait malade jusqu’au mois de mai. Tons les remèdes de la médecine ne pouvaient arrêter cette maladie ni en abréger en rien la durée.

« Elle est donc, comme de coutume, effectivement lombée malade le 8 septembre dernier, avec tous les symptômes morbides des années précédentes. Les médecins vinrent la voir, et au bout d’un mois de fréquentes visites ils eurent assez de bonne foi pour dire que leurs remèdes étaient inutiles, qu’au lieu de diminuer l'enflure montait et augmentait visiblement, et qu’il fallait la magnétiser, ce que je fis. Et, le 3 dé-

cembre, avec la grâce et la volonté de Dieu, elle a recouvré la santé. Malgré le mauvais temps, elle va et vient dans la rue, sans éprouver la moindre difficulté.

« L'hvdropisie a entièrement disparu.

« Je vous en ferai un rapport plus détaillé quand le docteur m’aura donné le certificat qu’il m’a promis.»

Dans une autre lettre du 28 février 1846, il dit à ce sujet :

« La personne que je magnétisais pour une hydro-pisie est parfaitement guérie; je ne la magnétise plus depuis deux mois. >

Prévision. — Le 3 décembre dernier je consultais ma somnambule pour un malade. A peine mise en rapport avec lui, elle ressentit les mêmes souffrances, les mêmes malaises qu’il éprouve; il reconnut aussi de la plus exacte vérité tous les antécédents qu’elle lui rappela, sur la naissance, le progrès et les suites de sa maladie.

Cette consultation terminée, je laisse reposer ma somnambule. Dans cet intervalle, elle devint triste et pleura amèrement. Je lui demandai le motif de son chagrin; elle me répondit : « Mes pleurs sont bien « légitimes; je pense à ma sœur; je la vois dans un » bien triste état. »

Je cherchai à la calmer en lui objectant que les réflexions qu’elle me faisait ne me paraissaient pas fondées. Je crois, lui dis-je, que vous avez tort de vous attrister d’une chose qui semble ne pas exister, puisqu’on effet nous voyons que votre sœur jouit

d’une excellente santé, qu’elle est toujours active, laborieuse et assidue à son travail.

« Non, Monsieur, me répliqua-t-elle; toute bonne , que sa santé paraît, il n’en est pas moins vrai que «sa situation est bien affligeante, bien désespérée; « tout son intérieur m’effraie, me fait peur; elle tom-« bera tout à coup et sera forcée d’abandonner son « ouvrage et d’aller à l’Hôtel-Dieu, même avant la fin « de ce mois. Elle ne se relèvera jamais de cette po-« sition ; l’art de la médecine, les soins des médecins « ne produiront sur elle aucun heureux changement. « Je ne connais et ne vois aucun remède à sa mala-« die. Il faut qu’elle meure.

« Elle aura bien de la peine à passer le mois de «janvier; mais, si on lui met de larges vésicatoires « au-dessous delà poitrine, on pourra alors prolonger « son existence de trois à quatre semaines, mais ja-« mais au delà ; elle ne verra pas le mois d’avril. »

En effet, elle cessa de travailler le 19 décembre, et fut conduite à l’Hôtel-Dieu le lendemain 20.

Dans le courant du mois de janvier, on lui appliqua des vésicatoires sous la poitrine.

Le dimanche 22 février, à huit heures du soir, je magnétisai la somnambule et lui rappelai la position de sa sœur, en lui demandant si elle voyait un soulagement à sa position.

«Aucun, me répondit-elle; le mal va toujours « croissant, et dans huit jours elle n’existera plus. » Elle est effectivement morte avant-hier dimanche, à huit heures du soir, à l’âge de vingt-deux ans.

Dallier-Bonnette.

Reims, 3 mars 1846.

VARIÉTÉS.

Anniversaire de la mort de Mesmer.—À cette

occasion, M. du Potet a prononcé dans la conférence du 15 mars le discours suivant :

Messieurs,

Il yaujourd’hui trente et un ans, Mesmer rendait à Dieu l’âme ardente qu’il en avait reçue. Dire ce que Mesmer souffrit des savants, retracer ses angoisses, cela serait difficile; semblable à tous les novateurs, il ne trouva point la route unie, et dut acheter par le tourment de toute sa vie la faveur qu’il reçut du Ciel : un instant de génie. Ses persécuteurs sont tous également descendus dans le tombeau. Il ne faut point les accuser d’ignoranee, ils avaient suffisamment de lumière et de jugement pour reconnaître la vérité. Mais, revêtus du manteau de la sagesse, ils n’étaient point dignes de le porter. Leur masque est tombé maintenant, et pour de vaines jouissances d’amour-propre, pour des intérêts du moment, ils ternirent leur renommée, et leur âme, sortant de leur enveloppe, emporta une tache indélébile.

Voyez ce magnétisme condamné vingt fois par la science et toujours survivant à ces arrêts; voyez-le entrant dans les croyances et passionnant une foule d’hommes. Suivez son progrès à travers de monde;

depuis longtemps déjà n'est-,'! pas remonté à son ber-ceau. N a-t-il pas franchi les mers? N’a-t-il pas des partisans nombre« et dévoués dans le monde entier ? Et cependant, tel est l'aveuglement des corps savants telle est leur ignorance volontaire, qu'aujourd’hui môme ils ment encore avec obstination ce soleil brillant qui se montre à l’horizon.

Ne vous étonnez point, Messieurs, de ce fait inique; ce n est jamais que par le combat, que par des luttes acharnées et mille fois renouvelées que la vérité arrive enfin a régner sur la science. Les Lants sont les ennem.s-nés de tout grand principe qu’ils n’ont poin découvert, de toute vérité importante. Celle-ci les blesse trop profondément pour s’en éprendre, et ils ne pardonnent jamais la supériorité que donne parfois le génie. Celui donc enfin qui enrichit le domaine de la science doit mourir sans être récompensé de son labeur Rappelez-vous Galilée poursuivi par le fanatisme de son siècle. N’a-t-on pfe traité de visionnaire le célèbre Harvey, qui enseignait la cir-ation du sang? N’a-t-on pas persécuté Christophe Colomb qui découvrit le Nouveau-Monde? Socrate ne

J, pas ,a cîSuë? 3é™*> enfin, mourut sur la croix te sont des savants qui ont laissé mourir Kepler dans la pauvreté; ce sont des savants qui, montrant Descartes des bûchers allumés, l’ont contraint de ortir de sa retraite pour aller sous un ciel rigoureux chercher la paix et liberté. Et ne sont-ce pas des savants qui ameutèrent contre Ramus des écoliers et le firent précipiter par les fenêtres de sa maison?

Hélas. Messieurs, la liste de leurs méfaits serait op longue, c’est pourquoi je m’arrête.

Ne vous élonnez point de mon langage, car il n’esi point dicté par la haine. Mais c’est un droit acquis à celui qui défend la vérité, et qui veut en étendre l’empire, de prendre corps à corps ceux qui la combattent, et de leur ôter le masque qui cache leur hypocrisie.

Sachez-le, Messieurs, les grands génies sont condamnés à souffrir. Il semble que la terre que nous habitons ne soit point leur domaine; opprimés parce qu’on ne veut point les comprendre, leur regard se tourne sans cesse vers le ciel, car ils devinent que là est le séjour des âmes sympathiques et généreuses, la fin de tous les tourments.

Mesmer a donc eu à souffrir aussi ; attaqué dans son honneur, signalé au monde comme un vil charlatan, il eut de plus la douleur de voir sa découverte entre des mains où il ne l’avait point remise, et enfin de se voir jouer sur le théâtre.

Ombre d^ Mesmer ! si tu erres encore parmi nous, si tu assistes aux travaux des hommes qui ont compris ton génie et cherchent à établir tes découvertes, remonte maintenant vers l’Eternel, car désormais leur triomphe est assuré, quels que soient les événements qui puissent surgir dans le mondé, quelque nombreux que soient les ennemis qui restent encore à vaincre.

Mais non , tu ne te mêles plus des affaires des hommes. Ta patrie est le monde invisible, le séjour de toutes vérités. Ton temps d'épreuve a été assez prolongé. Ne fallait-il pas aussi que la lie du vase où tu bus à longs traits le poison préparé par la calomnie humectât d’autres lèvres que les tiennes? Cette

amertume était nécessaire; car, si elle nous donna des tourments, elle enflamma nos cœurs.

Honneur à Mesmer! Messieurs, que la mémoire ds cet homme de bien soit impérissable; que la vérité qu’il apporta au monde soit transmise de race en race; car c’est une vérité humanitaire, sans la possession de laquelle l’homme serait trop incomplet.

Que devons-nous donc à Mesmer, Messieurs, pour qu’il mérite ainsi nos hommages ? Vous le savez en partie. Je dis en partie, car sa découverte doit être le point de départ de beaucoup d’autres.

Nous devons à ce grand homme une nouvelle mé-décine plus certaine que celle enseignée dans les écoles; par conséquent nous empêcherons par nos travaux l’exploitation de l’homme malade. Et ce sang humain inutilement versé, ce sang dont on pourrait faire un grand lac chaque année, verra sa source diminuer et plus tard se tarir.

Nous lui devons nos plus douces jouissances, celles qui ressortent de nos œuvres de bien, car celles-ci n’apportent jamais de remords avec elles, elles élèvent l’âme et nous portent à la vertu.

Nous lui devons l’entrée du temple des merveilles; car, si jusqu’à ce jour l’homme ne s’est point connu, il le peut désormais, puisqu’il lui est possible de pénétrer en lui-même par le somnambulisme et l’extase, et qu’ainsi il surprend une partie des secrets de la vie. La matière est prise pour ce qu’elle vaut; car un esprit vit en elle; il la domine, l’asservit et peut s’en séparer. La vue à distance, la prévision existent lorsque l’on sait isoler cet esprit de son enveloppe.

Mais, Messieurs, le plus grand des bienfaits, selon

moi, que nous devons à Mesmer, c’est que, sa découverte étant connue, elle purge les sociétés des croyances du moyen âge qui restent encore sur la terre; elle nous affranchit, en nous éclairant, des vaines terreurs de nos pères, et empêche à jamais l’ignorance d’immoler de nouvelles victimes humaines. Car, vous le savez, Messieurs, notre terre fut rougie par le sang humain. Les hommes se ruèrent sur leurs frères, lorsque ceux-ci, poursuivis par des accusations vagues de sorcellerie, de magie, avouaient qu’en effet ils possédaient des facultés dont ils ne pouvaient s’expliquer la nature, celles mêmes que nous nous honorons aujourd’hui de posséder. Le nombre de ces victimes de l’ignorance eut incalculable, et jamais la justice n’en réhabilita aucune; jamais la science ne daigna sur ce point éclairer la justice; sans courage, sans vertu, les savants commentaient Aristote pendant qu’on brûlait Jeanne d’Arc et qu’on torturait Urbain Grandier.

Je viens de vous faire connaître une partie des bienfaits que nous devons à Mesmer, le temps divulguera les autres.

Laissons les savants parcourir leur carrière sans vouloir se baisser pour ramasser une vérité précieuse, qui pourrait les éclairer dans leur marche ; laissons les médecins au chevet des agoni&ants, aussi impuissants à soulager leurs maux qu’à prolonger leur vie. Mais occupons-nous, travaillons sans cesse à répandre dans le monde la connaissance du magnétisme ; faisons plus encore, prouvons l’excellence de notre découverte en guérissant les malades que la médecine abandonne, en soulageant tout au moins ceux qui ne

peuvent ôtre guéris, et enfin en perfectionnant déplus en plus notre méthode d’application.

Honneur donc à Mesmer ! Que ce jour soit par nous consacré; bientôt nous ne serons plus seuls à en rappeler la mémoire. Le magnétisme se répand, il échauffe lés âmes, et l’époque approche où la société, reconnaissante envers ce bienfaiteur des hommes, lui élèvera un monument.

Trop faible, Messieurs, pour exprimer dignement ce que nous devons à Mesmer, pardonnez-moi ma hardiesse d’avoir osé prendre la parole; mais le bien qui se fait déjà, celui plus grand que l’avenir nous promet, sont des motifs si puissants pour moi que, plus ignorant, j eusse osé de même m’exprimer avee cette liberté.

Le Voleur somnambule. — Les petits et les grands fripons mentent comme des diplomates; vous ne pouvez, même pris sur le fait, obtenir d’eux un «eu bien franc. Mais voulez-vous connaître la vérité: endormez-les; ils vous diront leurs méfaits, si vous savez les interrroger.

Voici un exemple qui s’est présenté le II de ce nois au tribunal de police correctionnelle, 6®chambre. «Maurice Legoyt, dites-nous voir, un peu, qui est-ce •qui a volé de l’or dans l’atelier, et qui l’a mis dans •des ordures?» Alors Ha répondu : «C’es« moi.» Et le jeune garçon révèle successivement tous ses méfait», il est renvoyé de l’atelier. Après quelques Pérégrinations, il entre chez un autre maître ; il y 'oie encore. Mais celui-ci, au lieu de l’endormir et s le faire jaser, le dénonce. Les juges écoutent

la déposition de son premier maître; celui-ci raconte les faits de vols', les aveux que fit l’enfani pendant son sommeil magnétique. Ils ne rejettent point cette déposition, mais basent leur jugement sur les derniers faits de vols. L’enfant, à cause de son âge, n’est condamné qu’à passer trois ans dans une maison de correction. On peut dire sans crainte qu’il en sortira avec les mêmes penchants.

N’eût-il pas été plus simple d’endormir de nouveau ce jeune homme, et de lui tenir le discours suivant:

Maurice, tu es enclin au vol; la justice te poursuivra un jour et te punira ; tu seras déshonoré, flétri et rejeté de la société ; tes compagnons ne voudront plus te donner la main. Dis-nous par quel moyen on pourrait changer tes dispositions, corriger ta mauvaise nature et faire de toi un homme de bien. Il n’est pas douteux que le somnambule n’indiquât avec justesse une règle de conduite, ne traçât avec précision ce qu’il faudrait faire pour corriger des déviations peu redressables par les moyens ordinaires. Et, au lieu de la peine, que l’on éprouve toujours en voyant un enfant devant la justice, dégradé et flétri, on éprouverait les plus douces et les plus pures jouissances, celles réservées aux bienfaiteurs des hommes, celles qui, enfin, ne sont point destinées à ceux qui les punissent.

Le magnétisme marche donc vers ses fins; chaque jour le bien qu’il peut faire se dévoile à nos yeux; encore un pas, et nous sauverons des mains de la justice des êtres qui font le mal, sans doute, mais qui peuvent être ramenés au bien, en évoquant le guide moral que Dieu a placé dans chacune de ses créatures

Revue des journaux. — Le Siècle du 17 et le

Journal des Théâtres du 18 mars rapportent que,

lo 16, « la représentation des Mousquetaires a été un a instant interrompue au théâtre de l’Ambigu. Un des « spectateurs a été pris à l’improviste d’une forte « attaque d’épilepsie, et ses cris déchirants ont, au « moment d’une des scènes les plus pathétiques, ar-

0 rêtéles acteurs et effrayé toute la salle. Heureuse-« ment qu’un jeune homme s’est de suite élancé au « secours du malade, et, par le magnétisme, l’a rap-

1 pelé presque instantanément à toute sa connais-« sance. Cette scène a ému toute la salle, et celui qui « avait donné des secours si à propos se dérobait à la « reconnaissance du malade; mais ie commissaire du « théâtre lui a demandé son nom : c’est M. Théodore « Courant, qui, dit-on, a plusieurs fois déjà rendu de « pareils services par le même procédé. »

La Quotidienne du 15 et VEsprit public ont publié une longue diatribe pour dénier iout ce qui a rapport à Angélique Cottin, dite la jeunefille électrique.

Le Passe- Temps du 21, dont le rédacteur en chef a vérifié les faits que nous avons publiés, réfute en termes énergiques les railleries de la Quotidienne et de l'Esprit public, inspirées par une partialité sans nom, une myopie volontaire ou une étroitesse de jugement. — On nie parce qu'on n’a pas vu. — Mais à quoi sert donc le témoignage des hommes rangé au nombre des moyens de connaître la vérité?

La Gazette médicale du 14 et du 21, au lieu d’examiner la jeune Cottin pour dire la vérité à ses lecteurs, s'e laisse remorquer par l’opinion des plus nombreux,

qui est contraire aux phénomènes offerts par la jeunr Cottin, et elle raille à son aise.

La Gazette des Hôpitaux dn 10 et du 17 revient sur la question de la jeunefille électrique. Elle admet les effets, et, les examinant au point de vne médical, elle cherche à les expliquer par analogie de la danse de Saint-Guy. Dans cette opinion, la jeune Cottin n’aurait qu’une chorée portée à son summum de développement. Rien ne pronve en effet qu’il n’y ait pas chez les individus atteints de cette maladie des dégagements anormaux pins faibles, mais identiques à ceux observés sur Angéliqne Cottin. C’est à expérimenter, et, comme les choréiques ne sont pas rares, la solution ne devra pas se faire longtemps attendre.

BIBLIOGRAPHIE.

Marcel de l'étudiant magnétiseur ou Nouvelle Instruction pratique sur te magnétisme; orné de gravures et suivi de la V édition des expériences de l’Hôtel-Dieu ; par M. le baron du Potet. 1 vol. in-18 jésus. Chez Germer Baillière. Prix : 3 fr. 50 c.

L’ouvrage qui parait aujourd’hui a été publié en partie dans le Journal du Magnétisme. Il peut être, en raison des corrections et des additions qui ont été faites, considéré comme le vade mecum de ceux qui étudient et pratiquent le magnétisme. Nous reviendrons sor cette importante publication.

Le Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Garnay).

ÉTUDES PRÉPARATOIRES

DO

SOMNAMBULISME MAGNÉTIQUE.

(Suite.)

§ VI. — SOMNAMBULISME.

Troisième observation.

Les somnambules sont sujets aux hallucinations. L’exemple qui suit peut être regardé comme type du genre.

« Nous avions, dit Dom Duhaget, à...... où j’ai été

prieur avant de venir à Pierre-Chatel, un religieux d’une humeur mélancolique, d’un caractère sombre, et qui était connu pour être somnambule.

« Quelquefois, dans ses accès, il sortait de sa cellule et y rentrait seul, d’autres fois il s’égarait, et on était obligé de l’y reconduire. On avait consulté et fuit quelques remèdes; ensuite les rechutes étant devenues plus rares on avait cessé de s’en occuper.

« Un soir que je ne m’étais point couché à l’heure ordinaire, occupé à mon bureau à examiner quelques papiers, j’entendis ouvrir la porte do mon appartement dont je ne retirais presque jamais la clef; et T. II. 7

bientôt je vis entrer ce religieux dans un état absolu de somnambulisme.

« Il avait les yeux ouverts, mais fixes, n’étant vêtu que de la tunique avec laquelle il avait dù se coucher, et tenait un grand couteau à la main. Il alla droit à mon lit, dont il connaissait la position, eut l’air de vérifier, en tâtant avec la main, si je m’y trouvais effectivement; après quoi il frappa trois grands coups tellement fournis qu’après avoir percé les couvertures la lame entra profondément dans le matelas, ou plutôt dans la natte qui m’en tenait lieu.

« Lorsqu’il avait passé devant moi il avait la figure contractée et les sourcils froncés. Quand il eut frappé, il se retourna, et j’observai que son visage était détendu et qu’il y régait quelque air de satisfaction. L’éclat de deux lampes qui étaient sur mon bureau ne fit aucune impression sur ses yeux, et il s’en retourna comme il était venu, ouvrant et fermant avec discrétion deux portes qui conduisaient à ma cellule; et bientôt je m’assurai qu’il se retirait directement et paisiblement dans la sienne.

« Vous pouvez juger de l’état où je me trouvai pendant cette terrible apparition. Je frémis à la vue du danger auquel je venais d’échapper, et je remerciai la Providence ; mais mon émotion était telle qu’il me fut impossible de fermer les yeux le reste de la nuit.

« Le lendemain, je fis appeler le somnambule et lui demandai, sans affectation, à quoi il avait rêvé la nuit précédente. A cette question il se troubla. « Mon Père, me répondit-il, j’ai fait un rêve si étrange que véritablement j’ai quelque peine à vous le découvrir; c’est peut-être l’œuvre du démon, et......— Je vous

l'ordonne, lui répliquai-je; un rêve est toujours involontaire, ce n’est qu’une illusion. Parlez avec sincérité. — Mon Père, dit-il alors, à peine étais-je couché que j’ai rêvé que vous aviez lue ma mère, que son ombre sanglante m’était apparue pour demander vengeance. A cette vue j’ai été transporté d’une telle fureur que j’ai couru comme un forcené à votre appurtement, et, vous y ayant trouvé, je vous ai poignardé. Puis après je me suis réveillé tout en sueur en détestant mon attentat; et bientôt j’ai béni Dieu

qu’un si grand crime n'eût pas été commis......— Il

a été plus commis que vous ne le pensez, lui dis-je avec un air sérieux et tranquille. »

« Alors je lui racontai ce qui s’était passé et lui montrai la trace des coups qu’il avait cru m’adresser. A cette vue il se jeta à mes pieds, tout en larmes, gémissant du malheur qui avait pensé arriver et implorant telle pénitence que je croirais devoir lui infliger.

«Non, nonr m'écriai-je, je ne vous punirai point d’an fait indépendant de votre volonté; mais désormais je vous dispense d'assister aux offices de la nuit, et je vous préviens que votre cellule sera fermée en dehors, après le repas du soir, et ne s’ouvrira que pour vous donner la facilité de venir à la messe de famille qui se dit à la po-inta du jour. »

«Si, dit Brillat-Suvarin, dans cette circonstance, ¿laquelle il n’échappa que par miracle, le prieur eût été tué, le ruoina somnambule n’eût pas été puni, parce que c’eût été de .sa part un meurtre involontaire. •

§ VII. — UYDROSCOPIE.

Chez tous les peuples et dans tous les temps il y a eu des crisiaques doués de la faculté d’indiquer des sources d’eau dans les entrailles de la terre. Cassio-dore nous apprend que les Grecs et les Latins en avaient fait un art,' et qu’un certain Marcellus avait écrit un ouvrage sur cette matière. Selon les temps et les lieux, ceux qui exerçaient ce genre de divination reçurent différents noms ; chercheurs d'eau, sourciers furent longtemps consacrés; aujourd'hui on dit hydroicopes (Sdcup, eau, exoWw» je vois).

La propriété hydroscopique, apanage exclusif de certains individus ordinairement doués en même temps d’autres facultés analogues, fut attribuée do tout temps à une baguette symbolique, dite divinatoire (virga divina), que nous retrouvons dans le caducée de Mercure, le bâton de Minerve, la baguette à l’aide de laquelle Circée opérait ses enchantements; laJlè-che qu’Abaris, l’Hyperboréen, si célèbre dans l'antiquité, passait pour tenir d’Apollon. C’est avec des verges que les magiciens du Mil faisaient leurs prodiges, et nous trouvons dans le prophète Osée le reproche fait aux Juifs prévaricateurs de se servir de ce moyen pour connaître l’avenir : Populus meus in ligno suo interrogavit, et baculus ejus annuntiavit ei. Moïso avait aussi une baguette, mais ce n’est pas d’elle qu’il faisait dériver le miracle de l'eau jaillissant du rocher. Au dire de Strabon, les brachmanes étaient aussi armés d’un bâton auquel ils attribuaient des propriétés merveilleuses. Enfin, les nécromans, les

magiciens de tous les temps et de tous les pays se sont servis de cet instrument; et, de nos jours encore, les bateleurs, les prestidigitateurs prétendent opérer leurs tours par la vertu d’une petite baguette.

Les sourciers, Aymard, Bléton et beaucoup d’au«-tres moins célèbres, se sont servis du même moyen, soit pour cacher leur sccrct, soit que cet auxiliaire lut réellement nécessaire à la manifestation de leur précieuse autant que singulière faculté.

Sans prétendre que sa pratique ait les mêmes raisons pour mobile, constatons que Mesmer touchait ses malades avec une baguette de fer. Un de ses élèves, mort l’année dernière à Lyon, avait même conservé cette pratique jusqu’à la fin de sa vie. M. le docteur Brillot nous apprend également que, dans son pays, avant qu’il commençât l’étude du magnétisme, il y avait des gens qui, d’après la théorie mes-mérienne, magnétisaient par une baguette de verre ou d’acier. Et, il y a un an, nous avons vu un magnétiseur belge mettre en état de somnabulisme des personnes à l’aide d’une baguette de verre qu’il prétend douée d’une vertu soporeuse.

Quoi qu’il en soit de ces différentes baguettes et de leurs usages divers, continuons notre examen.

1° Sourciers sans baguette’.

« Il y a à Lisbonne, dit le frère Lebrun, une jenne femme qui a de vrais yeux do lynx ; elle a la vue si perçante qu’elle voit dans la terre à quelque profondeur que ce soit.

« Ce qui lui fait le plus d’honneur, et qui en mêmb temps autorise le fait, c’est que le roi de Portugal

ayant besoin d’eau pour un nouvel étlifiioe,et en ayant feit chercher inutilement, celte femme a découvert plusieurs sources en sa présence sans autre secours «pie celui de ses yeux.

« L’eau est la seulo chose qu’elle peut voir à travers la terre, ainsi que la couleur des terres, depuis la surface jusqu’à l’eau. C’est en la voyant qu’elle la découvre, mais il faut qu’elle soit à jeun pour cela (1). « Cette propriété lui est entièrement naturelle. » On trouve dans le Mercure de France (2) la relation de faits identiques observés chez une demoiselle Pedegache :

« Elle voit, y est-il dit, ce qui est caché dans les entrailles de la terre ; elle discerne la pierre, le sable et les sources d’eau même à trente et quarante brasses de profondeur. »

D’autres exemples moins authentiques se trouvent de loin en loin dans l’histoire du dernier siècle, et on arrive enfin aux faits contemporains, dont la vérification est si facile. Mais les modernes sourciers, les abbés Paramelle et Chatelard, attribuent à leurs connaissances géologiques leurs talents hydroscopiques, ce qui est possible, mais nullement prouvé, Tanniger,

(1) Le jeûne aiguise singulièrement le» sens. Le» prêtres d'Egypte »u-mettaient ou jeûne ceux qui allaient dormir dans les temples. Le* anna'es île la médecine sont remplies d'observations de ce genre sur de* malades sonims i une diète prolongée. Mais le cas d’un condamné à mort, Viterbé, est «le* plus remarquables. Ayant résolu de se laisser mourir de faim, il dicia Ir» détails de son horrible et lente agonie ayec un courage inouï. A un ceriai» moment, lorsqu’il y avait déjà longtemps qu’il n'avait pris d'aliments, sa vue »»ait acquis une telle acuité qu’il distinguait les moindres aspérités des objets cl que son regard perçait le mur du cachot. (11. G-)

(î) Tome II, septembre 1755, page21ÎO.

ignorant de lu gcologic comme de loule science, arrivant au môme résultat (1).

2° Sourciers à baguette.

• On trouve, dit Fourier (2), des gens nommés sourciers, dont le corps éprouve un frémissement lorsqu’il se trouve placé sur une source cachée : on ajoute que la baguette de noisetier s’agite entre leurs mains. Cela peut être exagéré, mais il est de fait que ces hommes trouvent des sources cachées et sont affectés par l’arome émané de la source, arôme qui n’a aucune action sur le commun des hommes. »

1692 fut, en France, la plus brillante époque de la baguette divinatoire. Jacques Aymard, paysan du Dauphiné, renommé dans le pays pour découvrir les sources d’eau, les métaux et les trésors cachés, fut jnandé à Lyon par l’autorité judiciaire pour découvrir, par le même moyen, les auteurs d’un horrible assassinat dont on trouve tous les détails dans un écrit intitulé la Physique occulte ou Traité de la baguette divinatoire, par M. de Vallemont. Jacques Aymard, poursuivant les coupables, indiqua parfaitement leurs traces. Les faits furent constatés de la manière la plus authentique par les autorités civiles et criminelles de Lyon et les témoignages les plus respectables, au nombre desquels se trouve celui du philosophe Malebranche, qui étudia ce phénomène et chercha à en donner l’explication par l’intervention des esprits infernaux.

(1) Voyei, pour ce qui le» concerne respeet'ucment, ce journal, lomcl", pages 2», 281, 383.

(ï) Association domeilique agricole, tome I", page 256.

Cependant Jacques Aymard, amené à Paris, fit chez M"e de Condédes expériences qui ne furent pas aussi concluantes. En sorte que sa faculté divinatrice fut niée de la plupart des hommes qui attribuèrent à la baguette magique un don qui était le privilège de celui qui la portait.

L’assassinat de Lyon, qui avait rendu Jacques Aymard si célèbre, fit faire de nombreuses recherches, et l’on reconnut que, placés dans les mêmes circonstances, M. Grimaut, directeur de la douane, et un jeune procureur nommé Resson étaient affectés de la même manière; c’est-àrdire qu’ils avaient, selon l’expression du temps, la vertu de la baguette, et de nombreuses épreuves établirent que les baguettes qu’ils tenaient en leurs mains ne manquaient jamais de tourner.

« Je remarquai, dit l’observateur à qui on doit ces détails, des choses extraordinaires au procureur : la baguette lui tournait bien plus fortement qu’à M. Grimaut; et lorsque je mettais un de mes doigts dans chacune de ses mains, pendant que la baguette tournait, je sentais des battements d’artères tout à fait extraordinaires dans ses mains ; il avait le pouls élevé comme dans une grosse lièvre, et suait à grosses gouttes.....»

lin siècle plus tard parut un autre sourcier, Bleton. Qui ne se rappelle ses rapports avec l’Académie? Les savants se moquaient de sa baguette tout en la voyant tourner sur les conduits d’eau du parc de Versailles, de Saint-Cloud et autres lieux. Ce brave paysan fut •accusé de charlatanisme, et s’en retourna comme il était venu. La science avait jeté ses doutes, et l’opinion, qui se laisse influencer toujours par de faux

sages, avait pensé comme la science, et rejeté une faculté très-réelle, mais qui dépasse la portée des sens de nos grands hommes. Tant il est vrai de dire que l'erreur chemine rapidement, la vérité pas ù pas; mais elle arrive à son tour.

Un mot maintenant sur Dussaugc, du village de Gibbes, près La Clayette. Il est très-connu dans le Maçonnais, où il a fait, au mois d’août dernier, une excursion dont nous allons rendre compte, d’après (¡es témoins oculaires dont la science et la bonne foi ne peuvent être suspectes.

Laissons d’abord parler M. D***, de Cluny.

« U y a environ un an qu’à l’occasion d’un projet de construire une ferme nouvelle à l’extrémité de notre propriété, et de la nécessité de la pourvoir d’eau, notre domestique do confiance, vieillard plein de sens et d’observation, nous parla de la baguette divinatoire, de ce qu'il en avait vu et entendu dire dans sa jeunesse, et nous dit qu’un de nos moissonneurs, venu du Charollais, l’ayant assuré que, dans son pays, il y avait un homme doué de ce don merveilleux, il fallait le faire venir. Nous renvoyâmes bien loin cette proposition, disant qu’on chercherait de l’eau par les moyens ordinaires, et que d’ailleurs, s’il en était besoin, nous préférerions avoir recours à l’abbé Para-melle, dont la science hydroscopique était authentique. Notre homme ne se tint pas pour battu, et, réfléchissant qu’il n’y avait pas de raison pour que tel homme ne pût avoir un talent qu’on attribuait bien à tel autre, il chargea secrètement le moissonneur de nous amejier le tourneur de baguette, qui arriva en effet peu de temps après. « Mon ami, lui dîmes-nous,

« vous prétendez découvrir les cours d’eau cachés « duns les entrailles de la terre, au moyen d’une petite « baguette qui tourne dans vos mains. C’est difficile à « croire. Toutefois, à la rigueur, on peut supposer « qu’il n’est pas absolument impossible qu’il y ait « dans votre organisation certain rapport magnétique «mystérieux avec l’eau, et même avec toute antre

• substance. Nous allons vous soumettre, si cela vous « convient, à quelques épreuves, et après nous ver-

• rons. • Notre toume-baguelle répondit fort simplement qu’il trouvait notre réserve très-juste, qu’il ne pouvait pas rendre compte du don qui était en lui, et qu’il ne demandait pas mieux que d’êlro mis à l’é-prenve.

« 11 fant qu’on sache que, depuis dix-nenf ans, nous avons presque partout creusé et bouleversé le sol de notre propriété, et que, dans plus de vingt endroits, pour notre convenance ou pour l’assainissement des terrains, nous avons créé ou reconnu des conduits souterrains, canaux, toisons, etc., etc., qui ne laissent aucun indice à l’extérieur, mais dont nous connaissons avec précision , le gisement et la direction. 11 nous était donc bien facile de mettre notre sourcier à répreuve. Eh bien, à notre très-grande surprise, conduit par nous-mêmo de tous côtés et dans tous les dtens, au-dessus des cours d’eau, il n’en a échappé aucun, et en a indiqué avec précision la pluce verticale et la profondeur. »

Malgré le succès de ces épreuves, répétées dans diverses localités voisines, il y eut des gens qui nièrent la faculté de ce sourcier, plus connu sous la dénomination de Ihydroscope en sabots que sous son nom

propre. Une longue polémique, accompagnée de défis, de paris, s’ensuivit, ainsi que la comparaison outre le talent de ce simple montagnard dépourvu de toute science, ne sachant pas même lire, et celui de M. l’ahbé Chatelard. La Mouche ayant été l’arène de cette polémique, son savant rédacteur, désinté-i-essé dans la question, tenta, dans l'intérôt de la science et de la vérité, les expériences qui suivent :

« Avant d'aller sur le terrain, avant de commencer nos épreuves avec le montagnard, disons que, la semaine précédente, nous avions reçu la visite de M. l’abbé Chatelard, qui avait consenti à nous accompagner dans une propriété et à nous indiquer les sources qui pouvaient s’y trouver.

« M. Chatelard , en arrivant sur les confins de la commune de Flacé, nous a donné une preuve péremp-toire de son talent, en nous désignant une maison très-éloignée, et en nous disant : « Il existe près de « cette maison une source puissante et peu profonde.» En effet, il se trouve là une source abondante qui ne tarit jamais et alimente le lavoir de la commune.

« Il existe, dans une partie de la propriété de M. Chassipolet, une source située à une assez grande distance des habitations. Comme elle est placée sur un terrain assez élevé, on a établi souterrainement un conduit qui mène les eaux dans un jardin éloigné. Je connaissais cette source, qui est couverte de terre, et nullement apparente. J’ai prié M. l’abbé d’examiner les lieux; et, sans le prévenir de ce que je savais, je lui ai demandé s’il pourrait indiquer une source dans la vigne où je l’avais conduit. Après un moment d’examen, de marches, de contre marches, il en a indiqué

une un peu au-dessus de celle qui existe réellement. Dans un champ de luzerne voisin, il nous en a indiqué deux puissantes, et à peu de profondeur. Nous en avons marqué la place. Enfin, dans une de nos vignes, M. Chatelard nous a trouvé une source trop éloignée de l'habitation pour être utilisée; mais dans le jardin, qui manque d’eau, il n’a rien pu nous indiquer.

« Fort de ces essais, je pouvais donc mettre à l’épreuve le talent hydroscopique du montagnard à la baguette.

« Nous nous rendons à Flacé. Il cueille trois baguettes de noisetier (coudrier), et, arrivé sur les lieux, l’hydroscope commence ses explorations.

« Avant d’aller plus loin, disons la forme do la baguette magique, et le rôle qu’elle joue dans la découverte des so'urces. On choisit une pousse de l’année se bifurquant: on la coupe un peu au-dessous de la bifurcation ; on prend une des branches dans la main droite et l’autre dans la main gauche, de manière à ce que le point de réunion, formant un V, soit entre elles deux. Le sourcier marche, et dès qu’il arrive sur nn endroit où se trouve de l’eau, 1a baguetlo s'incline: la pointe du V, dirigée en haut, se tourne en bas. Plus ce mouvement de la baguette est brusque et complet, plus la source est abondante.

« La source étant trouvée, le sourcier marque l'endroit, replace sa baguette dans sa position primitive, et continue de marcher jusqu’à ce que lu baguette s’agite et tourne de nouveau. Alors il marque cette place secondaire, et la distance qui la sépare (le !»

primitive indique exactement la profondeur où se trouve l’eau.

« Ce qui peut paraître étonnant, c’est que l’effet n’a pas lieu si la baguette est en tout autre bois qu’en coudrier (1).

« Arrivés sur les lieux, notre montagnard, bien différent de l'abbé Chatelard, ne s’occupa nullement de l’examen géologique du terrain : prenant sa baguette, il se mit à marcher dans tous les sens. Il n’avait pas fait vingt pas que la baguette tourna, et il nous indiqua une source « peu abondante. » Continuant d’avancer, il parvint juste sur l’emplacement où je connaissais la source, et la baguette tourna, et il s’écria : « En voici une meilleure et moins profonde. »

«Ma foi, sa spécialité commença à lui être acquise. Je savais où passait le conduit menant l’eau de la source à un réservoir. Je priai l’hydroscope de traverser le terrain où ce canal était placé, et lorsqu’il arriva sur le conduit la baguette tourna, indiquant l’eau avec exactitude.

« Partout où l’abbé Chatelard avait indiqué des sources, notre montagnard les découvrit parfaitement. Mais ce qui tendrait à prouver que ce dernier est supérieur, c’est qu’il nous en a indiqué dans divers endroits, et particulièrement dans le jardin, où le premier nous a assuré qu’il n’en existait pas.

€ Nous sommes revenu à Mücon bien convaincu du

(1) Ccd est particulier & cet hji!rocope, car, quoique ce bois soit le plus employf, en examinant l’hfctoire de chaque sourcier, on trouve qu’il y en a qui se font serris de Uilre, d’aune et de pommier, et Jacques Aymardse scnail d’un bois quelconque. Mais ce qui est remarquable, c’est la bifurcation de la bagucl'e commune & tous. (H. G.)

talent de notre hydroscope, et nous lui rendons aujourd’hui pleine et entière justice.

« Comment expliquer cette singulière faculté? Nous l’expliquons par le magnétisme. Oui, le magnétisme fait toute la science de ce montagnard sans éducation. Son âme explore le terrain, et, lorsque son corps arrive sur le passage d’un cours d’eau, elle communique aux mains une contraction qui réagit sur la baguette.

« Pourquoi faut-il nécessairement que la baguette soit de noisetier? — Pourquoi faut-il que ce soit du fer pour que l’aimant attire ? — C’est un de ces secrets de la nature que l'homme ignore, mais que plus tard il pourra peut-être découvrir! Une preuve que l’âme joue le principal rôle dans ce genre d’exploration, c’est que la baguetto reste immobile sur les sources les plus abondantes, si celui qui la lient s'occupe de la recherche des bornes.

« Les deux hydroscopes que nous avons observés, à huit jours d’intervalle, procèdent de manières toutes différentes : l’un travaille par observation, par induction, par science géologique; l’autre par sensation, par inspiration. Lequel mérite plus de confiance? Sans hésiter, nous répondrons que c’est celui qui agit par inspiration. L’abbé Chatelard, savant, se trompera 5 le montagnard inspiré ne se trompera pas. Pourquoi l’abbé Paramelle est-il si étonnant? C’esl parce qu’il possède les deux qualités : il est géologue et inspiré. U travaille sans baguette, mais il éprouve certainement, lorsqu'il frappe du pied et s’écrie : «Creusez là, vous y trouverez une source abondante,»

une sensation nerveuse (I) qui l'avertit du lieu mémo où l’eau sort souterrainement.

(La tuile au prochain numéro.')

SOCIÉTÉS SAVANTES.

COLLÈGE DE FRANCE.

Cours de M. Magendie. — Séance d ouverture.

Nous devons, comme journaliste, recueillir ce qui se dit contre ou pour la doctrine que nous défendons. C’est pourquoi aujourd’hui nous allons vous citer les paroles de M. Magendie. M. Magendie est un homme connu de tous les magnétiseurs ; il les déteste de toute son âme; mais s’il n’est pas payé de retour, c’est que les magnétiseurs ne lui rendent pas la justice qu’il mérite.

Vraiment 1*Académie- de Médecine et la section des sciences physiques de l’institut nous semblent, à nous, deux succursales des Quinze-Vingls. Tous ces grands hommes sont tellement étrangers à ce qui se passe

(1) Nous avons assisté, à diverses époques, à nn grand nombre d'eipé-riences l.ydroscopiques ; l’opérateur nous t »«vent déclaré qu’en approchant d’une source il sentait dans tout sou corps, e« surtout dans sc» mains et à l’extrémité de ses doigt«, une certaine impression ou .sensation nerveuse, un certain fourmillement plus ou moins fort, suivant lu puissance et la profonde de, source* [Pk.B«dé.)

dans le monde; les faits qui se produisent, la science qui se répand de tous côtés, sans que leurs yeux s’ou-vrent, est un phénomène plus grand que le magnétisme lui-môme.

Assez de préambule, venons nu fait. Vous le savez, lecteurs, un congrès monstre a eu lieu dernièrement ; six ou sept cents médecins, les représentants de vingt mille, se sont assemblés à Paris. 11 ne s’agit de rien moins que d'empêcher deux sciences fécondes de s’étendre dans le monde : l’homœopalhic cl le magnétisme. On délaisse la vieille médecine, celte bonne mère dont les mamelles se tarissent chaque jour davantage; on voudrait que pas un malade n’échappât à l’exploitation industrielle fondée depuis longtemps h Paris, rue de Poitiers et sur le quai Malaquais. Le ministre a promis de venir au secours de tant de gens vertueux et de présenter une loi pour qu’à l’avenir vous, moi, tous, nous passions entre les mains do gens qui ne savent ni se gouverner ni se guérir eux-mêmes. Qu’en dites-vous? Il faut que nous soyons écorchés vifs, brûlés, empoisonnés, et que nous subissions les tourments des damnés, pour qu’aucune parcelle d’or ne soit distraite des tributs prélevés par les médecins sur la race humaine, nous allions dire sur la sottise des hommes. Or, pour cela, on ne vous demandera point votre consenlement, on se méfie de vous; d’ailleurs, on n’a pas besoin de vos conseils : les bergers ne demandent point l’avis des moutons lorsqu’il 8’agitdeles tondre. Les bouchers ne les consultent point......

Y a-t-il un homme sensé qui, en lisant le discours de M. Magendie, ne s’afflige de voir tant d’incertitude

dans l’art de guérir? Y a-t-il un seul médecin au cœur honnête qui n’appello de tous ses vœux uno réforme? Ali ! que ceux-ci no nous en veulent point de nos attaques, qu’ils nous prêtent au contraire un salutaire appui. Comment réformer sans détruire? Est-ce notre faute si la vérité que nous défendons rencontre sur son chemin la science qui n’en veut point, l’ignorance slupide qui fait la guerre à toute innovation, et la mauvaise foi, qui sait pourtant, mais qui ne veut point avouer?

Que Dieu nous protège, car nous allons nous battre un contre cent mille.

Ecoutez M. Magendie.

« Je suis depuis longtemps dans l’usage, avant de reprendre mon enseignement, de consacrer quelques instants à rechercher dans quelles conditions se trouve la médecine, et quelles modifications la théorie et la pratique de cette science ont pu subir pendant le cours de l’année précédente. Cet examen rétrospectif nous fournira aujourd’hui un certain nombre do considérations dont j’essaierais en vain de dissimuler la gravité, puisqu’elles touchent au présent et à l’avenir do notre profession.

« On s’est beaucoup occupé de la médecine durant l’année qui vient de s’écouler. Des médecins se sont réunis en congrès, des commissions ont été instituées, un ministre a pris de solennels engagements, ©t, assure-t-on, une loi qui réglera nos destinées sera prochainement présentée aux Chambres. Tout semble donc nous sourire; le vent souffle pour nous. Mais au milieu de ce concours de circonstances et de présages heureux se révèlent des symptômes alarmants. Oh

délibère sur l’avenir de la médecine : ne devrnit-on pas plutôt prendro quelque souci de son existence même? Je m’explique.

« La médecine ne peut exister qu’à la condition que.les malades aient foi en elle, et qu’ils viennent réclamer ses secours; ce n’est point par les théories qu'elle vit, c’est par la clientèle. Or, il est impossible aujourd’hui de se le dissimuler, une certaine partie du public abandonne la médecine classique, qu’on appelle ironiquement \'ancienne, la vieille médecine, et les malades vont se livrer corps et biens à ce qu’ils nomment la médecine nouvelle, croyant fermement s’associer ainsi aux progrès de l’intelligence.

« L’homœopathie, car c’est à elle que je fais surtout allusion, ne se propose rien moins que de renverser tout l’édiQce médical avec l’arme du ridicule ou du mépris. Savez-vous combien elle possède de spécifiques? plus de trois cent cinquante. Avec quelques globules d’aconit, & la dose d’un billionième de grain, elle prétend vous faire des saignées de quatre à einq palettes. Vous vous évertuez à trouver le siège «t la nature d’une maladie : vaine recherche. L’ho-mœopatfiie établit que tout symptôme morbide a pour principe la psore, espèce d’agent impondérable que les agents réduits à des proportions impalpables peuvent seuls combattre. Ainsi, ce n’est qu’avec des moyens infiniment petits qu’on pourra obtenir des effets infiniment grands.

* Mais, direz-vous, les malades qui croient de telles absurdités sont de pauvres dupes; les hommes qui exploitent de telles faiblesses sont d’effrontés charlatans. Vous avez peut-être raison. Mais, en attendant,

écoutez les gens du monde, et vous serez étonnés des eures miraculeuses que l'homœopathie opère dans les cas les plus désespérés. Sans doute il y a souvent de cruels mécomptes, mais on en parle très-peu. Et, du reste, il ne faut pas essayer de le nier, beaucoup de malades ont recouvré la santé d’une manière tout à fait inespérée, alors qu’ils étaient soumis aux pratiques de celte médecine, et on comprend que l'enthousiasme ou l’intérêt ait tiré parti de ces faits pour exalter les prodiges de l’homœopathie.

« Ceci nous ramène à une question que j’ai maintes fois soulevée, et que depuis plus de dix ans je cherche à résoudre par l’expérience ; c’est celle-ci : Quelle est l’influence du traitement sur la marche des maladies?

« Dans les hôpitaux comme dans la pratique civile,

il faut d’abord faire la parL du moral du malade. Or, nul douté que le malade qui prend un médiçament n’éprouve déjà du bien-être, par la conviction où il est d’un mieux sensible qui devra en résulter. Maintenant, si ce mieux arrive, quelle sera la part réelle du médicament? La médecine est toujours portée à attribuer la guérison aux moyens qu’elle a mis en usage; mais, sachez-le bien, la maladie suit le plus habituellement sa marche, sans être influencée par la médication dirigée contre elle. Aussi, il vous arrivera de cruels mécomptes. Tel médicament aura réussi dans un cas grave en apparence, qui échouera dans unantre cas rationnel moins dangereux, sans que vous deviez vous attribuer en aucune manière le succès ou l’échec.

« Ces considérations nous expliquent tout naturellement les cures dont rhomoeopathie est si fière.

L’homœopathe, au lieu d’employer la saignée, déposera gravement sur la langue du malade un globule d’aconit que celui-ci avalera avec confiance et componction. Puis vous voyez la maladie s’amender! C’est qu’elle se fût amendée tout aussi bien sans globules, pourvu toutefois que quelque pratique bizarre eût parlé à son imagination. Il faut quelque peu de simplicité pour croire qu’un globule, préparé d’après les formules d’Habnemann, contienne un principe actif. Mais aussi il faudrait ne point avoir observé de malades pour nier que ce même globule n’ait souvent un puissant effet moral. On ne m’accusera pas de partialité en faveur de l’homœopathie. Eh bien, je crois fermement qu’un médecin guérira plus tôt un malade avec des globules, si ce malade a foi en l’ho-mœopathie, qu’avec les médicaments les plus appropriés, si ceux-ci inspiraient de la défiance.

« La médeeine homœopathique n’est point la seule méthode de traitement qui ait la prétention de supplanter l’uncienne. Nous sommes entourés de tous côtés de prétendus guérisseurs qui trouvent moyen d’exploiter les malades en s’adressant à leur crédulité.

« Voici une femme qui rend des oracles, comme autrefois la sybille sur son trépied; seulement, nu lieu d’êtro agitée d’une divine fureur, elle dort. Et, remarquez-le bien, tant qu’elle se tient éveillée ce n’est qu’une pauvre femme ignorante, souvent grossière, qui ne sait même pas le nom d’un médicament, tandis que pendant le sommeil magnétique elle connaît les maladies, leur nom , leur siège, et tous le*

moyens qui sont les mieux appropriés pour les combattre.

• Il y a des amulettes. Beaucoup d’enfants portent un petit sachet, rempli de mercure, au-devant de î;i poitrine, pour prévenir les convulsions. Des hommes graves, au-dessus par leur esprit et leur éducation des préjugés vulgaires, ont dans la poche de leur habit cinq marrons d’Inde pour conjurer les hémor-rhoïdes.

« Ce que je dis des médicaments est applicable également à la saignée. Voici un malade pris de cet ensemble de symptômes qu’on est convenu d’appeler inflammatoirés. Il demande à être saigné ; dans sa conviction, la saignée seule pourra le guérir. Vous lui ouvrez la veine, et la soustraction d'une certaine quantité do sang est suivie d’une amélioration très-sensible. En conclurez-vous nécessairement que c'est au fait môme de la saignée qû’est dû l’amendement des symptômes? Prenez garde, il y a peut-être là un effet moral qui vous donne le change sur la nature même du résultat. Je citerai pour preuve ce que j’ai observé maintes fois dans mes salles, à l’Hôtel-Dieu.

«Un malade entre, atteint d’une maladie aiguë, d’une pneumonie, par exemple. Il a la ferme croyance qu’on doit le saigner. Je lui fais ôter du sang, mais seulement en quantité minime, soixante à quatre-vingts grammes, par conséquent à dose trop faible pour que la circulation puisse être le moins du monde influencée par une soustraction aussi insignifiante. Cependant vous voyez le malade reprendre courage et accuser du mieux. Souvent une simple saignée en éprouvette suffira pour arrêter les progrès d'une ma-

ladie que, dans un autre service, on eût combattue par d’abondantes émissions sanguines.

« Depuis plus de dix ans je n’ai pas eu besoin de recourir à des saignées plus copieuses; en d’autres termes, je me suis plutôt proposé d’agir sur l’esprit du malade que sur la circulation, et je-ne crains pas d’avancer que ma pratique n’en a pas été plus malheureuse. Si même je disais ma pensée tout entière, j’ajouterais que c’est surtout dans les services où la médecine est la plus active que la mortalité est la plus considérable.

« Remarquez, Messieurs, que je ne prétends pas exclure la saignée d’une manière absolue. Je veux seulement vous prémunir contre les conséquences qu’on peut tirer de son emploi.

« Nous avons la médecine du camphre. Ici, c’est tout un roman. Les maladies, d’après le chimiste inventeur, sont dues-à de petits vers qu’il appelle scientifiquement helminthes, de sorte que tout le traitement doit se réduire aux procédés d’asphyxie. Par les cigarettes camphrées, vous enfumez les helminthes des voies respiratoires. Avec l’eau sédative vous les tuez directement. Sont-ils réfugiés dans les cavités nasales ou autres, vous dirigez contre eux du camphre en poudre, de sorte qu’ils ne sauraient échapper à une complète destruction.

« Nous avons encore la médecine à l’ammoniaque. Son auteur fatigue périodiquement J’Académie des Sciences de mémoires sur les prétendues fonctions des plexus nerveux, et il serait bien à désirer qu’il tes étudiât sérieusement au lieu de les décrire. Tout ce que je puis vous dire de ces mémoires, c’est qu’ils sont

tous datés de châteaux royaux, ce qui prouve du moins que l’auteur est bien en cour.

« Je m’arrête, Messieurs. II m’en a coûté de vous faire cet affligeant exposé de pratiques soi-disant médicales, et malheureusement je crains que toutes les lois sur la médecine ne puissent réussir à déraciner d’aussi déplorables abus. A qui s’adresser? Le charlatan éludera toujours vos prescriptions les plus sages, car il sait que le malade a besoin d’être trompé. Oui, Messieurs, nous aimons l’erreur. Lors même qu’on nous prouve qu’on s’est joué de notre bonne foi ou de notre crédulité, nous refusons souvent de nous rendre à l’évidence elle-même. Je vous citerai comme preuve le fait suivant :

« Une dame, adepte fervente du somnambulisme, demande une mèche de cheveux i sa nièce, aGn de s’en servir pour consulter. Celle-ci, voulant mettre à l’épreuve la crédulité de sa tante, lui donne des cheveux de sa femme de chambre i la place des siens. Une somnambule en renom est consultée. Elle ne manque pas de reconnaître, par l'examen des cheveux de la femme de chambre, tous les symptômes de la maladie de la nièce; elle en raconte les moindres particularités, à la grande édification de la bonne dame. C’est alors qu’on lui apprend le stratagème dont elle est dupe. Vous croyez, Messieurs, qu’elle va reconnaître l’imposture de la somnambule ; nullement : elle aime mieux croire que la femme de chambre a la même maladie que sa nièee, et elle l’oblige, au milieu de la santé la plus florissante, à se soigner comme si réellement elle eût été malade.

« Ainsi tout concourt à jeter de l’incertitude dans

le résultat des traitements rationnels ou empiriques. Tantôt c’est le malade qui veut être trompé, tantôt c’est l’industriel qui trompe sciemment; tantôt c’est le médecin consciencieux qui, malgré toute sa probité, se laisse également induire en erreur par une fausse interprétation des moyens employés.

« Je crois qu’en face de pareils inconvénients il faut moins s’attacher à faire une loi ou un règlement qu’à donner aux études nouvelles une direction plus sérieuse. Au lieu d’exposer aux élèves des théories toutes faites, et souvent très-mal faites, il conviendrait plutôt de leur apprendre à étudier les faits et à prendre pourguide l’observation expérimentale. Nous avons vu s’élever, et, au bout de peu d’années, nous avons vu tomber un syslème qui reposait tout entier sur un seul mot non défini : l'inflammation. Ce système, opposé à toute idée de physiologie, s’appelait, par euphémisme, médecine physiologique. Et cependant son auteur ne manquait ni de talent ni de verve. Telle sera, n’en doutons pas, la destinée de ces prétendues méthodes de guérir qui n’ont le plus souvent pour objet que les spéculations, pour soutien que la vogue, pour adeptes que des dupes. »

Que vous en semble, lecteurs judicieux? Nous avons eité textuellement; nous n’aurions garde d’altérer d’aussi belles choses. Ne tenez pourtant pas trop de compte du résultat de la mèche de cheveux; nous savons par expérience que l’on ment à l'Académie; nous en avons, ma foi, plus d'une preuve en main qui pourrait vous édifier, mais nous remettons à une autre fois les citations. Vous le voyez, nos adversaires sont peu redoutables ; comme les bâtons flottants, de

loin c'est quelque chose, et de près ce n’est rien. — La vérité que nous défendons se fait jour; elle ne se défend plus, elle attaque. Tous les congrès ne pourront rien contre elle, car il est écrit : Heureux ceux qui croiront, car ilsposeivnt les mains sur les malades, et les malades seront guéris. Et vous ne trouverez nulle part dans les Ecritures qu’il faille brûler, écorcher, empoisonner, pour rendre la santé à ceux qui l’ont perdue.

Magnétiseurs, vous possédez Part de guérir; l’avenir est pour vous, marchez sans crainte dans la route tracée par Mesmer. Tenant d’une main ferme votre drapeau, que votre devise soit toujours celle de notre maître :

« LA NATURE OFFRE UN MOYEN UNIVERSEL DE GUÉRIR ET DE PRÉSERVER LES HOMMES. »

VARIÉTÉS.

One séance de magnétisme. — La séance à laquelle j’ai assisté, avec plusieurs personnes recom-mandablcs, a eu lieu à Villeurbanne (Isère), il y a peu de jours, à six heures du soir.

Le magnétiseur était M. Berlhe, ex-secrétaire particulier de PAthénée électro-magnétique de Lyon. Je dois le dire à sa louange, M. Berlhe, qui possède à un

haut (legré la faculté propre à la magnétisation, n’est point un de ces hommes à existence factice, à réputation douteuse. Non, c’est un homme qui remplit avec honneur les fonctions de sa position sociale. D'une réputation intègre, d’une conduite et d’un caractère honorables, il se livre, dans ses courts loisirs, à la science magnétique dont il se fait le rude champion par amour de la vérité et non dans un but d’intérét personnel. Ces qualités, jointes à une belle instruction, m’avaient prédisposé en sa faveur, etj’ui dû me présenter à ses expériences avec la bonne foi et l’impartialité qu’on doit apporter à l’étude des connaissances nouvelles.

Les expériences ont été faites une à une et successivement, sur la demande des membres de la société.

La première de toutes et l’indispensable, c’est-à-dire l’état de somnambulisme de Mmc Bénarde avait été obtenu par M. Berlhe en moins de quatre minutes, sans passes magnétiques, sous la seule influence d’une romance chantée par ce dernier.

Cela fait, M. Berlhe, sans proférer uile syllabe, par le seul moyen des passes attractives, a obtenu, suivant le désir manifesté par l’assemblée, le phénomène d’attraction sur chacun des membres désignés. Cette expérience a eu un plein succès, et j’ai dû, comme toutes les personnes réunies à cette séance, m’incliner devant le phénomène que, plus tard, j’ai cherché vainement à m’expliquer au moyen des fluides électriques ou d’aimantation, et qui n’en est pas moins vrai, car il eût pu nous être facultatif de nous en assurer en soumettant la somnambule à une épreuve douloureuse en apparence et nulle à son

égard, puisque le phénomène d’attraction entraînait celui de l’insensibilité.

Eh bien , je le demande, quand la science magnétique n’aurait obtenu jusqu’ici que ces résultats, je ne vois pas quels vains motifs on alléguerait pour la comprimer dans son essor par la calomnie, au lieu de la répandre et de la faire connaître, afin d’arriver à des phénomènes plus merveilleux.

La découverte du sommeil magnétique, de la catalepsie, et partant de l’insensibilité des membres magnétisés, a droit à la reconnaissance des hommes. Ce droit, de toute justice, a été hautement proclamé par les opérations difficiles qu’a réalisées avec soin la chirurgie de nos jours.

Cette séance, pleine d’intérêt, devait-elle se borner aux phénomènes dont je viens de parler? Non; notre curiosité devait être piquée plus encore, et je tiens à rendre compte de quelques autres expériences bien autrement merveilleuses.

Un des assistants, dont je sais le nom, avait apporté une mèche des cheveux d’nne personne qui lui est chère, de sa mère. Il s’agissait pour la somnambule de connaître, par le toucher et l’odorat, la maladie dont cette personne était atteinte. Quelques minutes de réflexions ont suffi, et l’affection a été dépeinte avec une minutieuse exactitude, et les remèdes les plus conformes ont été hautement indiqués. Ces remèdes seront-ils efficaces? J’en attends les résultats.

Le môme assistant, un instant après, s’est mis en rapport avec la somnambule par le toucher de la main.

Immédiatement la somnambule a reconnu les rap-

ports qui existaient entre cet assistant et la personne malade dont elle venait de décrire la maladie.

C’est extraordinaire, s’est-on écrié de toutes parts; mais cc n'en est pas moins vrai, je le proclame maintenant. Car cet assistant c’était moi; cette personne malade dont j'avais apporté les cheveux c’était ma mère, et je ne pense pas qu’on puisse attribuer cette expérience à des rapports de commérage.

Cetto expérience a enhardi l’assemblée, et bientôt tous ont voulu apprécier la faculté de la somnambule dans la définition des caractères. Chacun de nous, mis en rapport avec elle par le toucher de la main, a pu se connaître s’il s’ignorait, et se convaincre du développement que procure le magnétisme à l’intelligence.

Ce n’est pas tout. Restait le plus difficile à nos yeux du phénomène du magnétisme. Un ouvrage manuscrit est donné à la somnambule; le magnétiseur, sur l’invitation de l’auteur, ordonne à la somnambule de donner une idée du fond et de la forme.

Je ferai observer à ce propos que, depuis le commencement delà séance jusqu’au réveil, la magnétisée a eu les yeux constamment fermés, sans qu’on ait jamais pu remarquer le moindre mouvement des paupières. Cette remarque me paraît utile pour prévenir toute objection.

La somnambule, en recevant le manuscrit dans ses mains, l’a appliqué sur son estomac, tout en se croisant les bras. Après quelques minutes de réflexion, à la voix de M. Berlhe, elle a dit avec précision le fond, la forme et les principaux caractères de l’ouvrage en question.

Je crois devoir ajouter, parce que le fait me parait

extraordinaire, et pour ne pas laisser de prise au ridicule et aux railleries que pourrait provoquer ce phénomène chez des gens incrédules même sur leur propre compte, que le manuscrit décrit par la somnambule au moyen de la sensation n’a, précédemment, été lu et n’est connu de personne.

De cinq verres parfaitement identiques de forme et de grandeur, un seul a été magnétisé par M. Berlhe, au moyen de l’application de la main pendant le sommeil de,la somnambule ; ils ont tous été placés ensemble sur une table. Sur l’ordre du magnétiseur, lu somnambules’en est approchée, et sa main, après avoir été attirée machinalement par le fluide électro-magnétique que dégageait le verre, l’a saisi sans hésitation au milieu des autres, à notre grand étonnement. Le môme phénomène s’est reproduit à l’égard d’un assistant, sur le désir de l’assemblée.

Le fait principal qu’il me reste à rapporter est celui de l’invisibilité d’une ou de plusieurs personnes pour la somnambule, à son réveil, par la simple volonté du magnétiseur. J’avais là le récit d’un pareil phénomène dans le Journal du Magnétisme publié à Paris; je l’avais cru si extraordinaire que j’en avais douté jusqu’à cette séance. Eh bien, j’avoue que le phénomène d’invisibilité d’une personne quelconque désignée parmi les assistants a été reproduit par M. Berlhe ; et l’étonnement a été d’autant plus général que Mm# Bénarde n’était plus en état de somnambulisme, mais parfaitement éveillée ; qu’elle causait, comptait les membres de l'assemblée, sans s’aperce-voir qu'elle oubliait constamment de désigner celui de

nous que la volonté du magnétiseur avait rendu invisible à ses yeux.

C’est par celte expérience que la séance a été terminée.

Mes réflexions seront courtes.

Le principal effet du somnambulisme est l’isolement du magnétisé d’avec toute personne qui se meut et agit autour de lui, autre que le magnétiseur. Je tenais à avoir sous les yeux des faits, et ils ont été pleinement satisfaisants. En effet, je me suis assuré de la paralysie des membres ; je me suis convaincu de la minutieuse peinture du caractère des personnes mises en rapport avec la somnambule ; j’ai jugé de celte seconde vue que le somnambule acquiert par la sensation, à propos du manuscrit laissé entre ses mains ; toutes ces expériences enfin m’ont paru si claires que je me suis cru obligé de les avouer et de les faire connaître.

Et si j’apporte ici mon faible tribut d’hommages, c’est, croyez-moi, pour engager les indifférents, les incrédules, à assister comme moi à des séances, à voir, à juger et à croire comme moi.

Francisque Ducros.

( Tribune lyonnaise.)

Pressentiments. — M. Alexandre Dumas, déposant dans le procès Beauvallon, a dit : « Dujarrier « était si convaincu que ce duel lui serait fatal que, c comme il me devait 1000 écus, il me conseilla « d’aller les chercher avant dix heures, parce qu’à

* cette heure il serait tué ou gravement blessé. »

Nous avons consacré plusieurs articles auxpressen-

timents; nous avons dit que notre âme, en rapport avec des êtres immatériels qui lisent dans l’avenir, est souvent avertie du bien ou du mal qui nous est réservé. Nous en avons cité de nombreux exemples; nous croyons devoir y joindre celui de l’infortuné Du-jarrier, dussent les esprits forts nous traiter encore d’hallucinés. (Mouche.)

L’enfant à seconde vue présenté par Robert Hou-din n’a point la faculté annoncée ; c’est par un langage convenu, par des signes visibles au travers d’un foulard préparé, que l’enfant perçoit, prend connaissance des objets que l’on donne à son père. Mettez un autre bandeau, demandez vous-méme ce que vous avez dans la main , le tour ne réussira pas et vous découvrirez la supercherie. On montre enfin aux spectateurs un petit prodige d’habileté qui promet d’égaler en escamotage le plus rusé des gens de ce métier.

Le père, hâtons-nous de le dire, a grand soin de prévenir que son enfant n’est point en état magnétique, ce qui est vrai ; mais que cette faculté lui est naturelle, ce qui est faux. Admettre la seconde vue naturelle dans ce cas, autant vaudrait croire que le canard de Vaucanson est un véritable canard.

Mort de M. Virey. — « Vanité, tout n’est que vanité ! » Voici un homme d’un rare mérite, comme écrivain ; membre de l’Académie de Médecine, ancien député, etc., etc., etc. Il fut le plus passionné de nos antagonistes; il nous jeta l’injure à la face, nous accabla de railleries (l). Il fut fêté, embrassé, peut-être,

¿1) Voir son Examen impartial de la tniiecine magnétique.

par ses chers collègues pour avoir enterre le magnétisme; mais, ainsi inhumé, le magnétisme est ressuscité avant le troisième jour, ce qui n’arrivera certainement pas à M. Virey.

Que la terre soit légère à ce savant; il a fait la guerre à une vérité utile pour plaire à quelques hommes, et l'oubli est venu payer de tels services ! Ingrats académiciens, traiteriez-vous en rois ceux qui vous servent? Celui-ci valait deux Bouillaud, six Dubois (d’Amiens), il passait avant les Velpeau et les Gerdy; il élait au reste leur aîné. Et c’est par i/uaire lignes dans un journal que nous apprenons aujourd’hui que notre ennemi n’est plus !

Revue des journaux. — La Tribune lyonnaise d’avril inhume, avec infiniment de raison, une polémique entretenue par un magnétiseur célèbre, le docteur Despine, d’Aix en Savoie, contre un prud’homme de Lyon, M. Charnier, au sujet des scènes scandaleuses qui ont eu lieu au Congrès de Lyon en 1841, touchant la lucidité en particulier et le magnétisme. Ces sortes de luttes dégénérant toujours en personnalités, nous nous sommes abstenu jusqu’ici d’en parler, et nous félicitons la Tribune d’y avoir mis fin.

La Revue magnétique contient l’observation d’une nouvelle opération chirurgicale faite sans douleur dans l’état magnétique par M. le docteur Desbois, de Rouen. De plus, elle publie la liste des sociétés de magnétisme qui sont aujourd’hui au nombre de onze, tant françaises qu’étrangères.

Le Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Gamay).

Pari». — Imprimerie d’A* Rihb el Cemp., rue de Soinc, SI-

ÉTUDES PRÉPARATOIRES

DO

SOMNAMBULISME MAGNÉTIQUE.

(Suite.)

§ VIII. — MAGIE.

Première observation.

« Une des circonstances les plus singulières de la vie de Moïse, dit M. Léon de Laborde (I), un fait qui a mis le plus à l’œuvre l’assiduité des commentateurs ut le plus en défaut leur sagacité, c’est l’espèce de concours de miracles qui s’ouvre devant le Pharaon d’Egypte, et auquel prennent part Moïse, l'homme de Dieu, et les magiciens, que les saints Pères ont cru pouvoir appeler les hommes du démon.

• L’Ecriture, après avoir décrit les miracles opérés # par Moïse, l’agent de la volonté et de la puissance divines, ajoute : Et fecerunt etiam male/eci per incan-laliones Ægyptiacas et arcana quœdam simililer. Cette concurrence de miracles, ce combat bizarre entre forces tellement inégales, est pour l'esprit croyant

(*) Tous ces déiails sont extraits de ses Commentaires géographique, Hcchcrchts sur ta magie égyptienne, et de la Itene dei Veux-Uonde/,

T. II. 30 Avnii 18!»6. s

Sa source de graves méditations ; pour le philosophe même, c’est le sujet de profondes réflexions.

« Les magiciens qui entrent ici en concurrence avec le prophète sont nommés par saint Paul Jannes et Mambres. Ce sont les pères et les fondateurs d’une nombreuse secte dont nous n’examinons que les derniers rejetons, pour ne pas entrer trop avant dans l’histoire de la magie, sujet qu’il est aussi difficile d’épuiser qu’il est tentant de l’aborder.

« Ce serait presque entreprendre une histoire des superstitions populaires que de rapporter toutes les inventions ridicules inventées et employées en Orient, ot en Egypte plus particulièrement, contre le sort, le mauvais œil, les épidémies, la stérilité, etc. Je ne rappellerai qu’un.seul fait qui m’a paru, au milieu de toutes les pratiques d’un peuple en enfance, mériter l’attention des hommes sérieux.

« J’étais étahIiauCoiredepuisplusieursmois(1827), quand je fus averti un matin par lord Prudhoe qu’un Algérien, sorcier de son métier, devait venir chez lui pour lui montrer nn tour de magie qu’on disait extraordinaire. Bien que j’eusse alors peH de confiance dans la magie orientale, j’acceptai l’invitation. C’était d’ailleurs une occasion de me trouver en compagnie fort agréable. Lord Prudhoe me reçut avec sa bonté ordinaire et cette humeur enjouée qu’il avait su conserver au milieu de ses connaissances si variées et de ses recherches assidues dans tes contrées les plus difficiles à parcourir. Combien de gens se seraient affublés,.à moins, d’un pédantisme intraitable ! « Aehmed « le sorcier n’est pas encore ici* me dit-il, mais voici « un narguilé, et nous allons boire le café en l’atten-

« dont. » Alors nous nous assîmes el nous passâmes en revue ses projets el les miens; car c’est le propre de cette vie de voyages, si active, qu’elle se consume on projets dans les moments de repos.

« Un homme grand et beau , portant turban vert et benisch de même couleur, entra pendant ce temps; c'était l’Algérien. Il laissa ses souliers sur les bords du tapis, alla s’asseoir sur un divan en déposant près delui son benisch de plus qu’il portait sur son épaule, et nous salua tons à tour de rôle de ces formules banales en usage en Egypte.

« Il avait une physionomie douce et affuble, quoique sérieuse, un regard vif, perçant, je dirai même accablant, et qu’il semblait éviter de fixer, dirigeant ses yeux à droite et à gauche plutôt que sur la personne à laquelle H parlait $ da reste, n'ayant rien de ces airs étranges qui dénotent des talents surnaturels et son métier de magicien. Habillé comme les écrivains ou les tommes de loi,.il parlait fort simplement de toutes choses et même de sa science, sans emphase ni mystère, surtout de ses expériences qu’il faisait en public, et qui semblaient à ses yeux plutôt un jeu à côté de ses autres secretsqu’il ne faisait qu’indiquer dans la conversation. On loi apporta la pipe et le café, et, pendant qu’il pariait de son pays, do la guerre dont la Franco le menaçait, on fit venir deux enfants sur lesquels il devait opéuer.

« Le spectacle «iors commença. Toute la société so rangea en oercle autour de à’Algérien, qui fit asseoir un des enfants près de loi, lui prit la main et sembla le regarder attentivement. Cet enfant, fils d’un Européen, était Agé de onze ans. Quoique habillé à l’eu-

ropéennc, il avait été élevé dans le pays et parlait facilement l'arabe. Acliined, remarquant son inquiétude au moment où il lirait de son écritoire sa plume de jonc, lui dit : « N’aie pas peur, enfant ; je vais t’é-« crire quelques mots dans la main, tu y regarderas,

« et voilà tout. » L’enfant se remit de sa frayeur, et l’Algérien lui traça dans la main un carré entremêle bizarrement de lettres et de chiffres, versa au milieu une encre épaisse, et lui dit de chercher le reflet de son visage. L’enfant répondit qu’il le voyait. Le magicien demanda un réchaud, qui fut apporté sur-le-champ, et déroula trois petits edrnets de papier qui contenaient différents ingrédients qu’il jeta en proportion calculée sur le feu. Il l’engagea de nouveau à chercher dans l’encre le reflet de ses yeux, à regarder bien attentivement, et à l’avertir dès qu’il verrait paraître un soldat turc balayant une place. L’enfant baissa la tête, les parfums pétillèrent au milieu des charbons, et le magicien, d’abord à voix basse, puis l’élevant davantage, prononça une kyrielle de mots dont à peine quelques-uns arrivèrent distinctement à nos oreilles.

« Le silence était profond ; l’enfant avait les yeux fixés sur sa main ; la fumée s’éleva en larges flocons, répandant une odeur forte et aromatique ; et Achmed, impassible dans son sérieux, semblait vouloir stimuler de sa voix, qui de douce devenait saccadée, bruyante, une apparition trop tardive, quand tout à coup, jetant sa tête en arrière, poussant des cris et pleurant amèrement, l’enfant nous dit, à travers les sanglots qui le suffoquaient, qu’il ne voulait plus regarder, qu’il avait vu une figure affreuse ; il semblait

terrifié. L’Algérien n’en parut point étonné, et dit simplement : « Cet enfant a eu peur, laissez-le; en le « forçant on pourrait lui frapper trop vivement l’i-« magination. »

« On amena un petit Arabe au service de la maison, et qui n’avait jamais vu ni rencontré le magicien. Peu intimidé de tout ee qui venait de se passer, il se prêta gaiement aux préparatifs et fixa bientôt ses regards dans le creux de sa main, sur le reflet de sa figure qu’on apercevait même de côté, vacillant dans l’encre.

« Les parfums recommencèrent à s’élever en fumée épaisse, et les prières, en forme d’un chant monotone, se renforçant et diminuant par intervalle, semblaient devoir soutenir son attention. « Le voilà ! » s’écria-t-il, et nous remarquâmes tous l’émotion soudaine et plus vive avec laquelle il porta ses regards sur le centre des signes magiques. « Comment est-il habillé? « —11 a une veste rouge, brodée d’or, un turban . alépin et des pistolets à la ceinture. — Que fait-il? « —Il balaie une place devant une grande tente si « riche, si belle! elle est rayée de rouge et de vert, « avec des boules d’or en haut. — Regardez qui vient « à présent. — C’est le sultan suivi de tout son monde. «» Oh ! que c’est beftu! » Et l’enfant regardait à droite et à gauche, comme dans les verres d’un optique dont on cherche à étendre l’espace, et avec tout l’intérêt qu’avait pour lui ce spectacle qu’il semblait faire passer dans la vivante et naïve exactitude de ses réponses. «Comment est son cheval? — Blanc, avec « des plumes sur la tête. — Et le sultan? — II a une

* barbe noire, un benisch vert. »

«Venaitensuite une longue description du cortège* avec des détails circonstanciés, dos particularités inaperçues, enûn toute une précision apparente qui ne pouvait laisser aucun doute que le spectacle qu’il racontait était réellement là sous ses yeux. En définitive, le sultan s’était assis dans sa tente, on lui avait apporté la pipe, tout le monde était à l’entour. « Maintenant, Messieurs, dit l’Algérien tranquille-« ment, nommez les personnes que vous désirez faire t paraître; ayez soin, seulement, de bien articuler € les noms, afin qu’il ne puisse y avoir d’erreur. » Nous nous regardâmes tous, et comme toujours, dans ces moments, personne ne trouva un nom dans sa mémoire. s Shakspeare, » dit enfin le compagnon de voyage de lord Prudhoe, le major Félix. « Ordonnez a au soldat d’amener Shakspeare, » dit l’Algérien. « Amène Shakspeare, » cria le petit d’une voix de maître. « Le voilà , • ajouta-t-il après le temps né«* cessaire pour écouter quelques-unes des formules inintelligibles du sorcier. Notre étonnement serait difficile à décrire, aussi bien que la fixité de notre attention aux réponses de l’enfant. « Comment est-il? « — Il porte un benisch noir, U est tout habillé de noir, il a une barbe. — Est-ce lui ? nous demanda

• le magicien d’un air fort naturel ; vous pouvez d’ail— « leurs vous informer de son pays, de son âge, — Eh «bien, où est-il né? dis-je. -r-Dans un pays tout

« entouré d’eau. » Cette réponse nous étonna encore davantage. « Faites venir Cradoek, » ajouta lord Prud-hoeavec cette impatience d’un homme qui craint de se fier trop facilement à une supercherie. Le caouas l’amena. « Comment est-il habillé? — U a un habit

« rouge, sur sa tôle un grand tarbousch noir,etquel-« les drôles de bottes! je n’en ai jamais vu de pareilles; «elles sont noires et lui viennent par-dessus les «jambes. »

a Toutes ces réponses, dont on retrouvait la vérité sous un embarras naturel d’expressions qu’il aurait été impossible de feindre, étaient d’autant plus extraordinaires qu’elles indiquaient d’une manière évidente que l’enfant avait sous les yeux des choses entièrement neuves pour lui. Ainsi Shakspeare, avec le petit manteau noir de l’époque, qu'il appelait be-niscli, et tout le costume de couleur noire qui ne pouvait se rapporter qu’à un Européen, puisque le noir ne se porte pas en Orient, et en y ajoutant une barbe que les Européens ne portent pas avec le costume franc, était certainement une nouveauté aux yeux de l’enfant. Le lieu de sa naissance, expliqué par un pays «ntouré d’eau , est à lui seul surprenant. Quant à l’apparition de Cradock, qui était alors en mission diplomatique auprès du pacha, elle est eneore plus singulière ; car le grand tarbousch noir, qui est le chapeau militaire à trois cornes, et ces bottes noires qui se portent par-dessus les culottes, étaient des choses que l’enfant avouait n’avoir jamais vues auparavant, et pourtant elles lui apparaissaient.

« Nous fîmes encore paraître plusieurs personnes, et chaque réponse, au milieu de son irrégularité, nous laissait toujours une profonde impression. Enfin le magicien nous avertit que l’enfant se fatiguait; il lui releva la tête en lui appliquant les pouces sur les yeux et en prononçant des prières, puis il le laissa. L’enfant était comme ivre; ses yeux n’avaient point

une direction fixe, son front était couvert de sueur, tout son ôtrtf semblait violemment attaqué. Cependant il se remit peu à peu, devint gai, coûtent de ce qu’il avait vu ; il se plaisait à le raconter, ù en rappeler toutes les circonstances, et y ajoutait des détails, comme à un événement qui se serait réellement passé sous ses yeux.

Mon étonnement avait surpassé mon attente; mais j’y joignais uno appréhension plus grande encore. Je craignais une mystification, et je résolus d’examiner par moi-même ce qui, dans ces apparitions eu apparence si réelles et certainement si faciles à obtenir, appartenait au métier du cliurlatan, et ce qui pouvait résulter d’une influence magnétique quelconque. Je me retirai dans le fond de la chambre et j’appelai Bellier, mondrogman. Jetai dis de prendre à part Achmcd et de lui demander si, pour une somme d’argent qu’il fixerait, il voulait me dévoiler son secret, à la condition, bien entendu, que je m’engagerais à le tenir caché de son vivant.

« Le spectacle terminé, Aclimed, tout en fumant, s’était mis à causer avec quelques-uns des spectateurs, encore tout surpris de son magique talent; puis, après le café, il partit. Chacun se retira. J’étais à peine seul avec Bellier que je m’informai avec empressement de la réponse qu’il avait obtenue. Aclimed lui avait dit qu’il consentait à m’apprendre son secret, que je n’avais qu’à venir le lendemain chez lui, et que nous fixerions ensemble les conditions.

« Le lendemain d’assez bon malin, vêtu en simple soldat ou caouas, ainsi que Bellier, et tous deux montés sur des ânes que nous avions pris dans un quartier

turc, nous arrivâmes à la grande mosquée El Ahznr, près de laquelle demeurait Aehmed l'Algérien. Malgré les nombreuses indications que nous recevions à nos demandes réitérées, nous parvînmes à peine à nous reconnaître au milieu de ce dédale de boutiques et de ruelles encombrées de dévots, de mendiants et d’aveugles. Enfin nous entrâmes dans l’impasse au fond de laquelle était la maison de notre homme. Je tirai le cordon, et, après un instant d’attenle, la porte s’ouvrità moitié; une femme qui était occupée à laver nous dit, en se cachant de son voile la moitié de la figure, qu’Achmed avait été appelé ailleurs, et qu’il nous attendrait le lendemain après l’asr.

Nous fûmes exacts au rendez-vous; nous congédiâmes nos âniers et nous montâmes par un escalier rapide à un second bien aéré, simplement orné, mais muni d’assez bons divans et de tapis encore neufs. Achmed nous reçut poliment et avec une gaieté affable; un enfant fort gentil jouait près de lui : c'était son fils. Peu d’instants après un petit noir d’une bizarre tournure nous apporta les pipes. Au reste, tout cet intérieur respirait la tranquillité, l’aisance et le bien-être.

« Il ne fut question que de choses indifférentes tant qu’on n'eut pas apporté le café; après l’avoir bu, la conversation s’engagea sur les occupations, l’art du maître de la maison. Il nous raconta qu’il tenait sa science de deux cheicks célèbres de son pays, et ajouta qu’il ne nous avait montré que bien peu de ce qu’il pouvait faire. Et alors, au milieu d’une longue nomenclature de secrets et d’effets extraordinaires opérés par de petits papiers écrits, et les recettes les plus

saugrenues, j’en remarquai plusieurs qui se rattachaient à des connaissances de physique que je n’aurais pas soupçonnées en Egypte, et d’autres qui, à n’en point douter, étaient produits par le pouvoir (Cuit magnétisme violent. « Je puis en outre, disait-il, en-« dormir quelqu’un sur-le-champ, le fuire tomber, « rouler, entrer en rage, et, au milieu de ces accès, « le forcer de répondre à mes demandes et de me dé-« voiler tous ses secrets. Quand je veux aussi, jo fais c asseoir la personne sur un tabouret isolé, et, tour-« nant autour avec des gestes particuliers, je l’endors « immédiatement; mais elle reste les yeux ouverts, « parle et gesticule comme éveillée. » En me disant cela, il exécuta des gestes de manière à ce que je pusse remarquer que c’étaient les mômes mouvements de rotation et d’attraction qui sont employés par nos magnétiseurs. Il obtenait, disait-il, par ce moyen les résultats les plus étonnants. H eût été intéressant de suivre attentivement les. connaissances si variées de cet homme; j’en avais l’intention, mais dans ce jour H n’était question que de me confier le secret de l'apparition dans le creux de la main. »

{La tuile nu prochain numiroJ}-

CLINIQUE MAGNÉTIQUE**

Névralgie scuyiqce. — Première observation.— Le 23 juin 1S45, M. B"**, pharmacien, rue du Mar-

ché-Saint-Honoré, touchait à la fin de son sixième mois de souffrance ; le nerf sciatiquc malade lui causait des douleurs si aiguës dans la cuisse et la jambe, qu’à peine il la pouvait remuer. Sangsues, ventouses, moxas, vésicatoires, tout échoua ; plus son papier chimique, dont il s’était couvert, pour être conséquent avec lui-même. Ce papier est un spécifique admirable contre bien des choses et spécialement contre les rhumatismes ; probablement qu’il y eut exception en faveur de l’inventeur, car il conserva fort bien le mal, dont je le débarrassai en huit magnétisations. Le 23 juin je le magnétisai pour la première fois ; il se trouva mieux, mais c’était peut-être de Ff* magination. Le 25, il fléchit librement son pied, jusqu’alors indocile au bon vouloir des remèdes ; le 26, abandonnant sa canne, il se promène dans son officine en s’écriant : « Voyez, Mesdames, je marche; plus « de douleur : je Crois aü magnétisme, je marche. » Le l*c jaiîlet on vit M. B**“ savourer les délices d’une promenade champêtre, et ne portant plus sa canne que comme témoignage de l'inutilité où le magnétisme l’avait réduite.

Deuxième observation. — M. Gouatte, peintre à Auxerre, affecté de la même maladie, avait été poussé aux portes de la tombe par le traitement des exiitoires. Au bout de huit jours de magnétisation , il se promenait déjà, m’écrirait-il, quoique j’eusse été obligé de montrer à sa femme à le magnétiser, forcé quej’êtkis de partir de cette ville ; mais le bien, n’importe par quelles mains ! Cette heureuse épouse a guéri son mari. Donc, sans aucun médicament, sans médecine

même, on peut guérir une névralgie sciatique dès qu’on sait magnétiser.

E. Leger.

Paris, 3 avril 1846.

Engorgement hïdropique. — M1!r Courtois Félicité, blanchisseuse, rue de Vaugirard, 167, était atteinte d’un anévrisme, d’une aménorrhée, et, par suite, de céphalalgie intense el engorgement hydropique dans les deux jambes. Un premier médecin lui lit deux mois de visites et l’abandonna plus malade qu’auparavanl; et après les consultations des médecins les plus haut nommés, elle en était réduite à l’avis (le M. Cruveilher, c’est-à-dire, en pareil cas, à se procurer des renies, quand elle entra à la Charité dans le service de M. Andral. Après deux mois d’essais inutiles, il crut s’apercevoir que la maladie était du ressort de la chirurgie, et voilà la malade transférée chez M. Gerdy. Redoublement de sangsues, vésica-toires, ventouses, plus toute une pharmacie de remèdes. Rien. La malade ne marchait plus du tout, et chaque jour M. Gerdy répétait en passant : « Engorge-« ment hydropique des jambes, anévrisme... peu inté-« ressant... » Il y avait déjà deux mois que cela durait, quand il s'avisa de lui donner un bas lacé pour se dé-barrasser d’elle: «Ça se passera peut-être à la longue, « disait-on, nous ne pouvons plus rien. » Si M. Gerdy eût voulu se donner la peine d’essayer tous les moyens curatifs connus, sans les flétrir à l’avance d’un ignorant mépris, s’il eûl essayé le magnétisme, il eût lait comme moi : il l’eût guérie.

Le 10 juin 1845 un léger engourdissement fut le

résultat do ma première magnétisation ; le 18, plus de mal de léte, battements de cœur moins douloureux.

. C’est comme si vous me plantiez des épingles dans „ les orteils, » disait-elle; et, le 19, elle ajoutait : «Oh!

« comme ça me chatouille où on m’a posé des vésica-« toires ! » Le 20, une sueur froide mouilla ses bas comme si on les avait trempés dans de l’eau ; le 21, la même sueur froide fut si abondante qu’elle ruissela sur ses pieds; la chaleur ranima ses jambes jusqu’alors glacées et lui fit dire: « Oh ! tenez, je sens courir » mon sang dans mes jambes ; » le ‘22, elle s’écriait en courant vers sa mère: « Oh ! mon Dieu, je marche, « mais je ne sens plus rien de mon mal... je marche... « Voyez, mère, je marche; mes jambes sont désen- « fiées. »

Le 25, les jambes étaient revenues à leur état normal : plus de céphalalgie, plus de battements do cœur, u Oh ! je suis bien guérie à présent, me dit-elle; hier «je suis allée au Palais-Royal à pied et j’en revins de « même, et sans bas lacé, qui plus est. » Vers le 15 juillet je retournai la voir: elle avait repris scs occupations de tous les jours ; et comme je lui demandai l’état de sa santé, elle répondit: «Oh ! Monsieur, assez » bonne pour me marier la semaine prochaine. » Ce qui me prouva que quelques jours de passes magnétiques valaient infiniment mieux que toute espèce d’exutoire pour se débarrasser d’un engorgement hydropique.

H. Martin.

Paris, 45 mars 1848.

Ablation de tumeur. — Une curieuse et utile expérience do mesmérisme vient d’avoir lieu à la Ja-

nmïque, dans l’habitation d'un colon, où sc trouvaient plusieurs médecins et bon nombre de gentlemen de distinction. La patiente mise en sommeil magnétique par le professeur Garrison a subi en cet état une opération chirurgicale douloureuse. M. le docteur Arnold, assisté de deux autres médecins, lui a enlevé «ne tumeur, ou loupe d’un gros volume, quelle portait à la paupière supérieure. L’opération a eu un plein succès; on n’a remarqué aucun mouvement musculaire non plus que le plus petit signe de douleur. La malade désirait depuis longtemps qu’on lui fit cette opération, mais elle n’avait pas le courage de s’y soumettre; c’est pourquoi les médecins l’avaient laissée dans la plus complète ignorance du dessein qu’ils avaient de l’opérer en cette occasion. Pendant le pansement, M. Garrison lui commanda mentalement de chanter, et immédiatement elle entonna son air favori. Ensuite on réveilla s*ns qu’elle eût souvenir de ce qui s’était passé. (iamaica Dispat h.)

Avulsio.n de de.nts. — Deux Cois déjà j’ai eu occasion d’arracher des dents durant le coma mesméri-iuc. Dans le premier cas j’en arrachai une, et dans le second deux, à des dames qui non-seulement n’éprouvèrent nulle douleur, mais môme ne s’en apercevaient pas au réveil. Ces deux expériences ont peu d'importance, perse, mais c’est toujours,quelques gouttes de plus ajoutées au courant déjà si rapide de la vérité ; elles fortifieront lespreuves que l’on peut, sous l’influence magnétique, faire des opérations ordinairement très-douloureuses.

Ouverture d’abcès. — Dans un autre cas, j’ou-

vris à un garçon de douze ans environ un largo abcès qu’il avait derrière l’oreille; j’en exprimai près d’un verre de pus, introduisis la charpie et achevai le pansement sans que le patient montrât de sensibilité à la douleur • il n’avait jamais été magnétisé auparavant, et mon intention n’était pas de l’opérer en cet état ; mais la pensée m’étant venue de lui faire quelques passes, il tomba dans le sommeil en moins de cinq minutes.

Th. Carstairs.

Scbeffield, 17 novembre 1849.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DU MESMÉRISME.

Scance du 12 février. — De six personnes qui se présentent pour être soumises à l’action mesmérique, cinq en éprouvent les effets de la manière la plus manifeste. Un enfant de douze ans, devenu sourd à la suite d’une fièvre cérébrale qu’il eut à l'âge de trois ans, éprouve au bout de quelques minutes des effets qu’il s’efforce de faire comprendre par signes, et sa mère traduit qu’il a senti on bourdonnement extraordinaire dans les oreilles, qu’en outre il souffre de la tête et de la gorge.

Des trismus des muscles de la face, l'occlusion des paupières, la fréquence et la gène respiratoires sont Jes seules manifestations physiologiques observées sur M. Marchand; mais, interrogé sur son étal, il fait de vains efforts et d’horribles grimaces pour répondre: les masseters fortement contractés ne permettaient plus le jeu de la mâchoire.

Des spasmes, balancements de tête, clignotements fréquents de paupières, et de violentes secousses dans les membres thoraciques attestent que M"" Du-ménil est sous l’influence de l’agent magnétique.

Des effets d’attraction et de répulsion déterminés ad libitum s’observent ensuite sur un étudiant en médecine que, dans cet état, quatre personnes, chacune physiquement plus forte que lui, ne peuvent empêcher d’avancer ou de reculer, selon l’impulsion donnée par l’intention du magnétiseur.

Séance du 19 février. — M. Wailly donne lecture d’un feuilleton de la Démocratie Pacifique, très-favorable au mesmérisme. Diverses mesures administratives sont arrêtées, notamment celle d’employer, autant que possible, dans les actes de la Société , le mot de mesmérisme et ses dérivées, au lieu do magnétisme animal et dérivés.

Séance du 26 février. — La nécessité de donner à chaque instant des preuves do l’existence de l’agent dont nous devons la connaissance à Mesmer l'ait prendre pour sujet d’expérience préférablement des personnes bien portantes, robustes, et n’ayant point encore été soumises à l’influence de l'agent dont nous nous efforçons de démontrer la réalité par la vue des effets qu’il fait naître. Si l’on parvient à vaincre ces

dispositions, les doutes sont forcés, et des faits qui ne peuvent être simulés éclairent à la fois l’intelligence du patient et celle des assistants. C’est pourquoi appel est fait à ceux qui doutent. Trois se présentent, et le succès, presque certain quand l’opération est bien conduite, vient confirmer la règle pratique: tous éprouvent la série des premiers effets qui naissent de toute mesmérisation régulière.

M. Perrody produit ensuite des effets d’attraction sur deux jeunes gens, dont un connu par des effets cataleptiques et d’action à distance déjà manifestésau sein de la Société.

Séance du 5 mars. — Réception d’un membre stagiaire, M. Legenvre. M. Lovy lit le rapport qu’il avait été chargé de faire sur Y Essai sur F enseignement philosophique du magnétisme.

Séance du 12 mais. — En qnatre minutes M. Dubois met en sommeil magnétique M11' Gobin. Il la fait marcher en arrière ou en avant, selon l’indication tacite de ceux qui l’entourent, et lui fait éprouver fictivement la sympathie pour une personne et l’antipathie pour une autre, la vénération, pendant la manifestation de laquelle, sur ordre mental et toujours sans contact, elle entonne un chant religieux qu’on lui fait interrompre et reprendre à volonté. La même action se reportant sur des objets matériels, on lui fit trouver au même verre d’eau successivement le goût de café, de vin, d’eau-de-vie, etc., toutes expériences déjà connues, mais qui, variant à l’infini, selon les idées de l’opérateur et les dispositions morales des patients, présentent toujours quelques particularités nouvelles. Une simple citation fera mieux sentir le

degré de mobilité dont ces sortes d’expériences sont susceptibles.

M. Laurent et sa somnambule Prudence, sujets des scènes magnétiques scandaleuses de Lille et du Congrès de Lyon, se trouvaient dernièrement ¿Bordeaux. Les journaux de la localité rapportent les détails des séances. Le particulier de ces exhibitions de somnambules nomades est d’avoir un programme arrêté d’avance et qui est toujours et partout le même. C’est pourquoi nous ne les rapportons pas ; mais dans ce cas il y a quelques traits nouveaux, et notre impartialité nous fait un devoir d’en donner connaissance.

« Ce qu’il y a-de plus extraordinaire, dit le Courrier de la Gironde, c’est =fue veus-même, spectateur, en vous mettant avec la somnambule, lui faites produire tout ce que vous voulez. Vous transportez-vous par la pensée en un lieu quelconque, elle s’y transporte avec vous et le décrit de la manière la plus exacte et la plus minutieuse. Un des plus honorables armateurs de noire ville, prenant la main de Prudence, lui a demandé: « Où sommes-nous, Mademoiselle? — Nous « sommes sur l’eau. Ah ! mon Dieo, comme tout ba-« lance ; mais c’est la mer I Oh ! comme je souffre de «l’estomac; ah! Monsieur, quelle tempôto! Ne « voyez-vous pas que le bateau s’enfonce? Nous allions périr! Sauvez-moi, sanvez-moi... je suis per-« due... je me... noie! » Et elle se jeta sur lui, le tint longtemps embrassé, puis se laissa tomber à terre, les bras roidis, le «ou gonflé, l’ceil vitreux, le visage con-torsionné, pâle et cadavérique. Plusieurs médecins ont pu constater la catalepsie complète et l’absence totale de pouls et le circulation.

« Qunnt à l'armateur, qui, lui aussi, était fort pâle, et trôs-imprcssionné par cette scène, il a dit avoir voulu faire reproduire un naufrage dont il avait failli être la victime dans scs voyages.

« C'est vraiment use chose merveilleuse que de voir comment votre pensée va frapper ce cerveau> s’y refléter comme dans. un miroir, s’y incruster comme dans une cire moite, s’y graver sous l’action d’une volonté étrangère connue les traits de la physionomie humaine, sou» Faction du soleil, sur la plaque du daguerréotype. C’eaü là une sorte de communion des âmes. »

On ne prévoit pas où conduira cette perversion des divers sens, cette aberration multiple ^ans la manière de sentir, cette interversion des rapports de l’âme qui luifiiU prendre le fictif pour te réel, l’ombre pour la réalité. La psychologie'pa*aît seule appelée à en tirer (f^elque profit ; mais que d'études il fait encore pour prononcer sur ces faiis, si étranges qu’au sortir de l’état que nous venons de transcrire: « Un monsieur, «dit le M ¿monial bordelais, promenant la somnam-« bute sur un tapis, en imaginant qu’ils marchaient « sur de 1& gluce jeu de son. imagination devint tout « à coup une réalité pour la somnambule. Elles’atta-

• cha plus fortement à son bras, son visage se cou-« tracta péniblement, ses jambes hésitèrent, et elle « finit par ki dire qu’elle ae pouvait plus marcher,

• que quelque chose ¿attacha* à scs pieds. Comment

• la volonté peul-elte envahir et maîtriser à ce point « l’organisation d’une personne à qui vous n’adressez

• pas un mot ? »

Scance annuelle du- 15 mars. —- Rapport du Con-

seil d’administration. — Il résulte de ce rapport que, pendant l’année qui vient de s’écouler, le nombre des membres s’est augmenté de vingt-sept, et que deux mille personnes ont assisté aux expériences faites dans le but de propager la connaissance du magnétisme. Sur ces deux mille incrédules, soixante se sont soumis à l’action mesmérique, et quarante-sept en ont éprouvé manifestement les effets. Toutes ces personnes ont-elles été convaincues ? Non, presque toutes viennent avec des préventions, et les effets qui se sont présentés n’ont pas toujours été assez significatifs pour les faire revenir d’un jugement porté. Il est impossible de fixer même approximativement le chiffre des intelligences conquises, mais il est considérable si on en juge par l’empressement du public à demander les entrées aux séances mesméritechni-ques. C’est là un commencement, un essai bien imparfait de statistique magnétique. L’année prochaine il sera plus complet.

On procède ensuite au renouvellement du conseil d’administration. MM. les président, vice-président, secrétaire, trésorier et archiviste, sont réélus; MM. les censeur et secrétaire-adjoint sont remplacés par MM. Girollet et Lacoste.

Séance du 19 mars. — Réception de deux membres stagiaires : MM. A. Martin et J. de Clédat. ;

M. le docteur E. Vianein, candidat titulaire, présente et soutient sa thèse ayant pour titre : Nouvelle classification des phénomènes magnétiques. Passant en revue toutes les expressions dont on s’est servi jusqu’à ce jour, et ne les trouvant pas appropriées à la science mesmérilogique, il présente toute une no-

nienclature nouvelle ayant pour racine le mot grec ¿Pfírí. Il considère cet üormé, d’après Platon, comme «tant la force vitale, l’organe de transmission de nos sensations, le char de la volonté, le pose enfin comme un type matériel, dépourvu de propriétés, neutre, médiateur plastique entre l’esprit et la matière. S’appuyant sur cette base, M. Viancin ajoute que le magnétisme animal, dont on retrouve la trace dans les âges les plus reculés, doit être indépendant de tout nom d’homme, et qu’en changeant le nom on ferait admettre la chose par ses plus opiniâtres détracteurs.

M. Hébert combat cette manière de voir du préopinant, disant que ce n’est pas au mot, mais aux faits, qu’on fait la guerre, et qu’une simple substitution de mots serait insuffisante à vaincre une résistance inspirée par des préjugés et soutenue souvent par la mauvaise foi dont l’intérêt est presque toujours le mobile. Il ajoute que, dans les sciences non formées, les noms d’hommes sont préférables en ce qu’ils ne préjugent pas la question scientifique; exemple, Galvanisme; et,' pensant que Mesmer a plus que tout autre droit à la découverte, car il a réglé les manifestations magnétiques, indiqué les propriétés principales de l’agent, et surtout l'a appliqué au traitement des maladies. D’ailleurs, mesmérisme étant l’expression la plus générale, elle ne peut en rien arrêter les progrès de la science; il ne faut donc pas enléver à Mesmer sa con-ronne d’immortelles.

Après réplique, on passe au vote, et M. le docteur Viancin est admis membre titulaire.

Séance du 26 mars. — Sur sept magnétisés, cinq éprouvent des effets très-sensibles, tels que bâille-

ment, céphalalgie, palpitations, suffocations, somnolence, etc.; un autre, des effets vagues et très-peu marqués; sur le dernier enfin, dilatation extraordinaire de la pupille, qui ne se contracte pas à l'approche de la lumière la plus vive; le sujet, tombant presque aussitôt dans un coma, obéit tout entier aux lois de la gravitioa, et ensuite est sensible è l'attraction magnétique.

Séance du 2 avril. — M. Dubois lit un long mémoire sur une sorte d’obsession momentanée, d’action occulte exercée sur kù par une somnambule.

VARIÉTÉS.

Recueillant tous les matériaux curieux qui peuvent servir à l’histoire du magnétisme, nous ne pouvons passer sous silence l’article suivant, déjà ancien, sans doute; mais nos abonnés pourraient nous faire un reproche, en connaissant cette pièce, de ne pas la leur donner. C’est d’ailleurs un prospectus unique dans son genre; mais c’est trop de préambule. Je vous donnerais en dix, en cent, en mille, à deviner de quoi il s’agit. Eh bien, le voici :

« Mesmer ressuscité. — Medicinœ professons, charlatans, marchands d’orviétan, vous tous, sectateurs d’Avicenne et de GaHicn, te grand jour de fa désolation est arrivé ! La trompette de votre jugement a sonné ! Voilez-vous la face d'un crêpe noir, proster-

nez-vous dans la poussière, etjcourbez la lête devant votre vainqueur. Vous n’avez plus qu'à transformer votre diplôme en passeport et à le faire viser pour les îles Marquises, où la reine Pomaré tous attend. Se-ringuinos, Diafoirus, Figaro et tutti quanti, vous êtes dégommés! La Faculté elle-même n’a plus qu’à briser la statue d’Esculape et à crier grâce aux genoux du colosse menaçant qui apparaît!

« Voici venir le plus intrépide des disciples de Mesmer, le champion le plus échevelé des sciences occultes, M. Marcillet, qui se présente armé de toutes pièces, et arbore dans Paris môme le redoutable drapeau du magnétisme.

« Trop crédules maris dont le front #e développe aux deux extrémités, levez-vous ! L’heure de la vengeance a sonné. Dorénavant, vous n’avez plu» à redouter les nocturnes ébats d’un galant sigisbé !

« Juges trop faciles, jurés qui vous bercez dans l’illusion d’une circonstance atténuante, désormais le coupable n’échappera plus à la vindicte publique! i « Et vous tous qui vous parez chaque jour des plumes de votre voisiB, ânes qui vous revêtez de lapeau du lion; vieilles filles qui demandez au fard et aux pommades un peu de cette jeunesse qui n’est plus girouettes de tous les temps, qui élevez et encensez aujourd’hui l’idole qoe vous briserez demain; pseudonymes qui cachez on nom que l’opprobre a flétri, tremblez ! car M. Marcillet n’a qu’à vous toucher dô sa baguette magique pour mettre à nu les amtrccs que vous tendez à ia crédulité des jobards !

« Enfoncé Robert Macaire !

« Mais quelle est donc cette puissance merveilleuse

qui rend M. Marcillet si redoutable? Quel est ce dieu vengeur qui nous remplit d’étonnement et de crainte ? Un jeune homme de dix-sept ans à peine, un enfant, qui se nomme bonnement Alexis Didier, et que le magnétiseur conserve comme son plus précieux talisman. Ecoutez-le, comme le prophète parle par sa voix; prêtez l’oreille aux réponses effrayantes de vérité qu’il a fait à ceux qui vont le consulter, comme autrefois on accourait au trépied de la pythonisse de Delphes!...........>

Lecteurs, ne vous a-t-il pas semblé tenir sous vos yeux l’annonce d’une parade magnétique? En effet, c’est maintenant ainsi que s’enseigne et se prouve la découverte des Mesmer et des Puységur. Le théâtre de province sert aux exhibitions d’une foule do somnambules de Paris, mais voici de redoutables concurrents; pour trois sous, aux Champs-Elysées, on peut voir un magnétiseur èchevelé produire une série de merveilles “ magnétiques; il va sans dire que les explications se donnent pour rien.

0 Mesmer ! aurais-tu pu penser que des gens dont tu n’aurais pas voulu pour remplir d’eau tes baquets viendraient un jour ainsi salir ton nom et déconsidérer tes précieuses découvertes ?

Prix somnambulique. — Un journal de Dublin contient le défi suivant porté k la clairvoyance. C’est le pendant du prix Bourdin.

« Pour répondre aux nombreuses demandes qui ont été faites touchant le dépôt d’un billet de 100 livres sterling ( 2500 fr. ) dans la banque MM. Bail et Cc, payable à la personne qui, sous l’influence du mesmé-

risme, écrira les particularités du billet, je demande la permission de dire qu’un semblable dépôt a été fait en cette banque, et sur l’enveloppe qui le contient on lit : « Cette enveloppe renferme un billet de 100 « livres sterling, qui deviendra immédiatement la « propriété de la personne qui, sans ouvrir l’enve-• loppe, désignera, en présence de Philippe Doygnc, « Esq., et sir Philippe Crampton, Bart., ehaque par-« ticularité dudit billet, nommément : la banque d’où « il émane, sa date, son numéro, et les signatures qui « le revêtent; et, en outre, qui lira une maxime de « quelques mots anglais lisiblement écrits, contenue « dans la même enveloppe avec le billet.

« James Dudgeon. »

• Bank, Henrj-Strect, Dublin, 7 janvier 1846. •

On dit que M. Marcillet, accompagné d’Alexis, est parti pour l’Angleterre, après avoir lu l’annonce de ce défi.

On assure que M. Ricard, avec trois somnambules, suit de près M. Marcillet.

La bank-note sera donc partagée en deux, à moins toutefois que la somnambule la plus lucide de Pans ne traverse aussi le détroit; car celle-ci avalerait l’huître, laissant à MM. Richard et Marcillet chacun une coquille.

La jeune fille électrique a tout à fait perdu ses propriétés. Le 10 avril au soir, le mouvement du bras gauche, qui avait seul persisté durant les diverses suspensions de l’action sur les corps bruts, s’est arrêté, et avec lui tous les phénomènes con-

comîtants ; elle est enfin revenue ce qu’elle était naguère : une paysanne très-ordinaire. Voyez la destinée! Nous connaissons plus d’un académicien, qui, avec de petits tours de physique amusante, parvint à être décoré, pensionné, etc., tandis que notre jeune fille s'en va comme elle clait venue. Une torpille eût eu plus de succès; on l’aurait disséquée et conservée au Jardin du Roi. Quel malheur pour la jeune Cottin de s’en retourner vivante !

Autre fille électrique. — A l’appui des singuliers phénomènes électro magnétiques relatés dans le Journal du Magnétisme, nous reproduisons la première partie d’une lettre qu’un de nos abonnés, homme honorable et remplissant de hautes fonctions, nous adresse :

« J’ai lu avec un vif intérêt le feuilleton de la Mou-« che ayant trait à la jeune fille électrique qui fixe « actuellement l’attention publique. Les faits extra-« ordinaires qui y sont décrits m’ont rappelé ceux « qui ont eu lieu chez moi en 1831,1832 et 1833, et « dont je n’ai jamais voulu entretenir le public, mal-.« gré les démarches réitérées qui m’ont été faites « dans le temps. Je n’ai pas votre courage, Monsieur « le docteur ; les sarcasmes des sots, les quolibets des « esprils-forts m’ont toujours effrayé.

« En 1831, j’avais pour bonne d’enfant une jeune «m fille de quatorze ans et une cuisinière plus âgée. Un •« jour que la jeune fille passait dans la cuisine, un « petit entonnoir en fer-blanc, servant à mettre l’euu « dans les carafes, fut lancé sur elle. Elle y fit peu « d'attention, pensant que c’était la cuisinière qui le

« lui avait jeté. Le lendemain, la cuisinière étant ab-« sente, l'entonnoir, accroché au milieu d’autres us-« tcnsilos, se détacha et lui tomba sur les pieds. Elle «le remit en place, et quatre fois l'entonnoir se « détacha pour suivre la jeune fille. En raéme temps, « une casserole en rosette, placée près de l'entonnoir, « se mit k s’agiter violemment, et aurait suivi ce der-« nier si elle n’eût été solidement fixée par un cro-

• chet. La cuisinière, rentrant, fut témoin de ces fait», « et alors la frayeur s’empara des deux filles, qui la « communiquèrent à ma femme. Lorsque la jeune « fille passait dans la salle à manger, les chaises étaient « renversées, la table était projetée contre la porte. « Plus tard, une grande partie de ma vaisselle fut « brisée. Les choses allant toujours en augmentant, « ma femme m’en fit part.

« Inutile de vous dire, Monsieur, que je rejetai bien « loin de ma pensée la possibilité de pareils faits.

« J’attribuai la chute de la vaisseTle à la maladresse « des domestiques, et le surplus aux espiègleries de « la bonne.

« Des faits plus surprenants encore ayant eu lieu, « je me décidai à vouloir m’assurer par moi-mérae de « leur existence. Je demeurai convaincu. J’en fis part

« à un juge de paix de mes amis, qui voulut voir, et « ne conserva plus de doute. Pendant trois années « ces phénomènes électro-magnétiques se reprodui-« sirent à des distances plus on moins éloignées, et « s’accompagnèrent d’autres laits tellement extraor-« dinaires, tellement incroyables, que si je consens à « vous les communiquor, c’est parce que j’ai la certi-« tude que vous ne mettrez en doute ni ma bonne foi,

« ni mon intelligence; mais je crois qu’il serait pru-« dent do ne pas les faire connaître à vos lecteurs, « qui ne sauraient les admettre. »

Les faits qui nous sont communiqués sont, en effet, très-surprenants, mais ne nous étonnent pas. Ils se rattachent à l’électro-mngnétisme, qui n’est pas encore assez étudié pour être admis sans restriction. Nous nous bornons donc à publier la partie de la lettre relative à une jeune fille électrique jouissant des mêmes propriété que la jeune Cot tin. Espérons que do nouveaux faits viendront corroborer ceux que nous venons de relater, et que le scepticisme sera obligé de se rendre à l’évidence.

Ordinaire, d.-m. P.

Tribunaux. — La Gazelle des Tribunaux, la Patrie et le Journal des Débats du 24 avril annoncent le fait suivant que nous reproduisons sans commentaire.

« La justice de Privas, assistée de deux docteurs en médecine, a fait exhumer le cadavre dii nommé Cha-pus, mort il y a deux mois, à la suite d'un traitement prescrit par un officier de santé, d’aprèsjes inspirations de sa somnambule. Il paraît que Chapus , en proie depuis longtemps à une maladie cruelle, aurait «té plongé et retenu dans un tonneau contenant un bain préparé avec certaines substances qui l’auraient asphyxié. »

— Dans une affaire criminelle qui se jugeait aux assises de la Seine le 7 de ce mois, Mn>c la marquise de Lavalette, victime dn vol qui faisait l’objet de l'accusation, déposa ainsi :

« En m’expliquant les circonstances du vol, Arthur

(l’accusé Descourtils) m’a dit qu’il était allé avec ma portière consulter plusieurs somnambules, tant pour savoir par qui le vol avait été fait que pour savoir le sort de mes bijoux. Arthur m’a dépeint avec la plus grande précision mes bijoux d’après la somnambule soi-disant ; il m’a dit que le voleur était dans ma maison, que c’était un grand maigre qui donne de l’avoine à ses chevaux, signalement qui se rapporte parfaitement à mon cocher. Enfin que cette somnambule lui avait dit quels étaient les Monts-de-Piété où avaient été déposés me? bijoux. Je me rappelle qu’il m’a cité celui du faubourg Montmartre, toujours d’après la somnambule ; si je ne me trompe, il m’a dit en avoir consulté trois.»

Les objets n’ont pas été retrouvés au Mont-de-Piété indiqué par la somnambule, mais il paraîtrait que tous ont assez bien désigné le coupable, cnr la Cour a condamné l’un des accusés, celui môoie désigné.

Revue des journaux. — Le Propagateur de

i Aube du 31 mars contient un article de six colonnes consacré à la défense du magnétisme contre un journal d’Auxerre. Les preuves bien choisies, les raisonnements bien suivis attestent qu’il y a à Troyes un zélé partisan qui nous était inconnu.

La Phalange du 5 avril publie un article de M. Do-herty sur la question religieuse et la transmission du Verbe divin. C’est un morceau de psychologie très-remarquable dont nous conseillons la lecture à ceux que ces hautes questions préoccupent.

La Mouche a eu à soutenir une rude polémique à propos de phénomènes somnambuliques réels, mais

qu’il n’est pas temps de publier. Les petites haines locales ont été mises enjeu; on a beaucoup ri, beaucoup plaisanté, puis on en est venu aux gros mots, en sommant, de par la loi, l’insertion d’articles injurieux, mais qui ne détruisent pas les faits. Aussi le courageux dyptèren’en continue-t-il pas moins sa course.

Le Mémorial bordelais et le Courrier de la Gironde contiennent le récit d’expériences magnétiques faites à Bordeaux. Nous les reproduisons en partie.

Banquet mesmérien —Le temps est enfin venu de rendre un public hommage à la mémoire de Mesmer. Le jour de la naissance de cet homme illustre a été choisi par M. le baron du Potet pour cette fête, et sera désormais consacré. Cette solennité, oû sont conviés les partisans sincères el éclairés du magnétisme, aura lieu le 23 mai prochain. Le lie« sera ultérieurement désigné.

Une liste où déjà cinquante noms sont inscrits est déposée au bureau du Journal; eUe restera ouverte jusqu’au 15 mai prochain. Les personnes qui ne recevraient point de circulaire annonçant nos projet« peuvent venir ajouter leurs noms à ceux des personnes honorables qui ont répondu à notre appel.

Poésie. — Voici une gracieuse petite pièce do vers inspirée ces jours derniers à un débutant magnétiseur par la vue des merveilles du somnambulisme lucide qu’il venait de provoquer pour la première fois.

VISION.

Un doux sommeil a fermé ma paupière,

El, souriant, un bel ange au front pur Vient près de moi s’asseoir avec mystère ;

Je vois briller ses deux ailes d’azur,

El j’écoute ravie Ce qu’il me dit toul bas :

« Ma sœur, viens avec moi, le ciel esl ta patrie.... • Par pitié, je vous en supplie,

Ne me réveillez pas !

« Ici, vois-tu, le bonheur n’est qu’un révc; Plaisir, espoir, amour, toüt est trompeur;

Viens avec moi, viens là-haut où se lève Le vrai soleil de l’éternel bonheur.

Oh! viens, ma sœur chérie,

Vois, je te tends les bras ; ■

Parlons, de ses liens ton âme est affranchie.... * Par pitié, je vous en supplie,

Ne me réveillez pas !

Dieu! la splendeur se révèle à ma vue!

De l’infini les champs me sont ouverts;

Tout est ivresse en mon àme éperdue.

Plaisirs sans noms, ineffables concerts.,...

Mais une voix me crie :

« Assez, il faut lù-bas Hevenir, pauvre enfant, revenir à Ta vie.... *

Non, mourir est ma seule enviej Ne me réveillez pas!

A......x.

Paris, ce 23 avril 1848.

BIBLIOGRAPHIE.

Iæs Médecins dévoilés, par M. Dehaut, brochure grand in-6.

Paris, 18Û6 ; chez Laisné, pass. Véro-Dodat. Prix : 75 c.

Voyez, médecins, quelle a été votre incurie! Lorsque Mesmer est venu pour vous mettre en possession du magnétisme, vous avez rejeté ce qu’il vous apportait, persiflé l’homme, ridiculisé la doctrine; que dis-je, vous avez calomnié l’un et l'autre. Aujourd’hui on vous attaque à votre tour, et ce ne sont plus les magnétiseurs. On vous brave, on vous cite au tribunal de l’opinion, on vous accuse tout haut d’ignorance et d’assassinats, et vous êtes si faibles, si impuissants, qu’on vous défend de répondre. Qu’avez-vous fait? Vous pouviez donner une base à la médecine, la rendre réelle, marcher enfin; vous avez mieux aimé rester dans votre immobilité.

Nous disons ceci parce que le magnétisme grandit en dehors de vous et que nous voyons de toutes parts s’élever contre vous une formidable opposition. On ne vous croit plus ; vous inspirez la peur, ou tout au moins la défiance. Serez-vous toujours sourds? Lisez cette brochure; peut-être vos yeux se dessilleront-il«.

Le Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Garni'.' ).

Pins. — Imprimerie i'Ji. Br.sÉ el Conip., rue de Soiuc, St.

ÉTUDES PRÉPARATOIRES

DU

SOMNAMBULISME MAGNÉTIQUE

(Suite.)

§ VIII. — MAGIE.

Première observation.

(Suiie.)

« Nous réglâmes nos conditions; il demanda quarante piastres d’Espagne et lo serment sur le Koran de ne révéler ce secret à personne -, la somme fut réduite à trente piastres, et, Je serment fait, ou plutôt chanté, ¡1 fit monter son petit garçon et prépara, pendant que nous fumions, tous les ingrédients nécessaires à son opération. Après avoir coupé dans un grand rouleau un petit morceau de papier, il traça, dessus les signes à dessiner dans la main et les lettres qui y ont rapport; puis, après un moment d’hésitation, il me le donna. En voici la copie exacte :

T. u. 15 MAI 1846.

9

MAIN GAUCHE.

I.ES QUATRE DOHSTS.

LE BRAS.

« L’Algérien opéra sur son enfant devant moi. Ce petit garçon en avait une telle habitude que les apparitions se succédaient sans difficulté. Il nous raconta des choses fort extraordinaires, et dans lesquelles on remarquait une originalité qui ôtait toute crainte de supercherie.

« Je me retirai avec promesse de revenir le lendemain, sachant de mémoire les prières et les signes à tracer. Je fus donc toute la soirée occupé à me balancer sur mon divan pour atteindre, autant que possible, le ton de voix et la mesure cadencée. J’opérai moi-môme le lendemain devant Achmed avec beaucoup de succès et toute l’émotion que peut donner le pouvoir étrange qu’il venait de me communiquer. Je le quittai, en promettant de venir le trouver aussitôt

ijnp j’aurais mis en usage la recette qu’il m'avait

donnée.

• Pour retourner chez moi, je pris par différentes rues qui me menèrent au marché des esclaves, où j'achetai les trois parfums dont j’avais besoin. »

M. Léon de Laborde, lié par le serment de garder ce secret durant la vie d’Achmed, ne dit pas quels étaient ces parfums, ou plutôt il n’en donne que les noms arabes. Ce sont :

Takeh-mabachi ;

Ambar-indi ;

Kousombra-Djaou.

M. W. Lane, dans l’excellent ouvrage qu’il a publié (en anglais) en 1837 sur les mœurs des Egyptiens, confirmant le récit de M. de Laborde par des faits analogues, dit que ces substances sont la coriandre et Y encens. Reste à savoir si celte traduction est exacte; en tout cas, ça ne fait que deux au lieu de trois parfums.

« Il y avait, continue M. de Laborde, peu de jours que j’étais maître de mon secret, lorsque des nouvelles fâcheuses m’appelèrent à Alexandrie. Jo fis arrêter mie petite cange, aussi légère que possible, afin de pouvoir passer parleMahmoudièh et arriver jusqu’aux murs de la ville.

“ Déjà, sur le bateau, je fis deux expériences qui réussirent complètement, à la grande admiration de mes matelots. A Alexandrie, je m’en occupai avec plus de suite, pensant bien qu’à cette distance je ne pourrais avoir de doute sur l’absence d’intelligence entre le magicien et les enfants que j’employais; et, pour en être encore plus sûr, je les allais chercher

dans les quartiers les plus reculés ou sur les routes, au moment où ils arrivaient tic la campagne. J’obtins des révélations surprenantes qui toutes avaient un caractère d’originalité encore plus extraordinaire que l’eût été celui d’une vérité abstraite. Une fois entre autres je fis apparaître lord Prudhoe, qui était au Caire, et l’enfant, dans la description de son costume qu’il suivit fort exactement, se mit à dire : Tiens, c'est fort drôle, il a un sabre d'argent. Or, lord Pru-dhoc était peut-ôtre le seul en Egypte qui portât un sabre avec fourreau de ce métal.

« De retour au Caire, je sus qu’on parlait déjà de ma science, et un matin, à mon grand étonnement, les domestiques de M. Msarra, drogman du consulat de France, vinrent chez moi pour me prier de leur faire retrouver un manteau qui avait été volé à l’un d’eux. Cette confiance en mon pouvoir, que j’étais loin d’avoir moi-même, m’égaya fort ; mais je résistai à l’envie de rire, et leur dis d’amener un enfant, le premier venu.

« Je ne commençai cette opération qu’avec une certaine crainte; la confiance qu’on avait dans mes talents semblait me faire une obligation de ne pas la démentir; l’amour-propre s’en mêlait un peu, et j’étais sans doute aussi inquiet des réponses de l’enfant que les Arabes qui attendaient le recouvrement de leur bien. Pour comble de malheur le caouas ne voulait pas paraître, malgré force parfums que je précipitais dans le feu et les violentes aspirations de mes invocations aux génies les plus favorables; enfin il arriva, et, après les préliminaires nécessaires, nous évoquâmes le voleur; il parut. II fallait voir les têtes ten-

ducs, les bouches ouvertes, les yeux fixes de rues spectateurs, attendant la réponse de l’oracle, qui en effet nous donna la description de sa figure, de son turban, de sa barbe, à ne pas douter qu’il fût là devant lui. « C’est Ibrahim, oui, c'est lui, bien sûr, » s'écria-t-on de tous côtés, et je vis que je n’avais plus qu’à appuyer mes pouces sur les yeux de mon patient, car ils m'avaient tous quitté pour courir après Ibrahim. Je souhaite qu’il ait été coupable, car j’ai entendu parler vaguement de quelques coups de bâton qu’il reçut à cette occasion. Je n’ai pu examiner l’affaire qui se passa à Gysèh, où le manteau avait été

perdu. i

a Fort de mes succès, je retournai chez Achmed pour obtenir d’autres secrets. Mais sa porte était fermée, et j’appris dans un café voisin, où je m’arrêtai pour fumer un narguilé, une bien triste histoire. Un Turc assez considérable et fort âgé avait épousé une très-jeune femme, et, voulant remplir tous les devoirs de sa nouvelle position, s’adressa à l’Algérien, qui lui écrivit sur un petit papier, qu’il devait placer sous son oreiller, des prières conformes à la circonstance. On attribuait à la puissance magique de ce papier la mort subite du musulman; mais d’autres détails m apprirent un effet plus naturel. Achmed, comptant peu lui-môme sur l’efficacité de ses prières, y avait joint un aphrodisiaque tellement fort que le Turc fut trouvé, le lendemain matin, mort à côté de sa nouvelle épouse; et Achmed, que le papier écrit de sa main dénonça à la justice, fut arrêté et eut la tête tranchée. »

M. W. Lane, écrivant dix ans plus tard, s exprime

différemment. Selon lui, ce magicien célèbre vivait encore en 1837, et peut-être existe-t-il encore. Il se nomme Cheick-Abd-el-Kader-el-Mougreby. Il n’avait été qu’exilé pour le fait rapporté ci-dessus, et cet exil, cause fréquente de beaucoup de morts mystérieuses, avait fait courir le bruit de son exécution.

« De toute cette concordance d’observations, il résulte un fait bien positif : c’est que, sous l'influence d’une organisation particulière et par l’ensemble de cérémonies au milieu desquelles il est difficile de distinguer celles qui aident à l’opération de celles qui n’en sont pour ainsi dire que le cortège d’apparat, des enfants, sans aucune préparation, sans qu’on puisse admettre de fraude, voient dans le creux de leur main, avec la môme facilité qu’au travers d’une lucarne, des hommes se mouvoir, paraître et disparaître, qu’ils appellent et qui se produisent à leur commandement, avec lesquels ils s’entretiennent et dont ils conservent le souvenir après l’opération.

« J’ai rapporté le fait, mais je n’explique rien ; car, même après avoir produit moi-môme ces effets surprenants , je ne me rends pas compte des résultats que j’ai obtenus; j’établis seulement de la manière la plus positive, et j’affirme que tout ce que j’ai dit est vrai; et après douze années que j’ai quitté l’Oriem, je fais cette déclaration parce que, laissant de côté la réalité absolue des apparitions et môme une exactitude quelconque dans les réponses, je ne puis admettre qu’on m’ait trompé et que je me sois trompé moi-même sur des faits qui se sont répétés vingt fois .sous mes yeux, par ma volonté, devant une foule de témoins différents, en vingt endroits divers, tantôt

entre les quatre murs de ma chambre, tantôt en plein air, ou bien dans nia cange sur le Nil. »

Deuxième observation.

« La lecture ries curieuses Recherches sur la magic égyptienne, par M. Léon de Laborde, m’a vivement intéressé. Voici le souvenir d’un fait assez curieux venant à l’appui de ce qui y est rapporté. Je regrette beaucoup qu’il date d’une époque à laquelle j'étais tout à fait étranger aux connaissances magnétiques; car plus lard j’aurais pu l’observer avec plus de soin, et surtout avec plus de fruit.

« Lors de mon séjour à Orléans, c'est-à-dire en 1831, l'ai connu un individu, ouvrier de vingt-cinq ans à peine, qui, par la seule puissance de son regard, opérait, sans attouchement aucun, les plus singuliers et les plus effrayants effets sur un jeune homme d'une constitution physique beaucoup plus robuste que la sienne. Eloigné de trois ou quatre pieds de l’individu «sur lequel il devait agir, et après avoir dirigé sur lui, pendant quelques minutes seulement, un regard -sombre et fixe, on voyait bientôt se passer une scène vraiment étrange : saisi d’un tremblement convulsif, le sujet entrait dans un état tel qu’on aurait pu le croire possédé ; une fureur extrême, qui le faisait écumer, s’emparait de lui; il courait et frappait toiit ce qu’H pouvait rencontrer. Se roulant par terre, il renversait les meubles et rampait dans un état de Jolie et d’hébétement impossible à décrire. Je le vis même un jour (car plusieurs fois j'ai été témoin de ce que je rapporte ici), je le vis, dis-je, sc précipiter,

puis se fourrer dans une grande caisse remplie de charbon, et se mettre à croquer à belles dents, comme si cela eût été du sucre, d’énormes morceaux du combustible, qu’il aurait été peu prudent de vouloir lui dérober. Les crises éprouvées par ce jeûne homme duraient à peu près dix minutes; celui qui les avait produites les faisait cesser à volonté. Accablé et tout couvert de sueur, le sujet revenait promptement à son état normal, sans garder aucun souvenir de ce qui s'était passé. »

Cette courte observation de M. Am. Thuillier rentre évidemment dans le domaine des singularités magnétiques produites par le magicien du Caire.

(La suilc au prochain numéro.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

INSTITUTION ROYALE DE LONDRES.

Nous avons déjà rendu compte des belles expériences à l’aide desquelles M. Faraday a démontré que le magnétisme (aimant), en influant profondément sur la nature intime des corps transparents, modifie d'une manière essentielle la lumière polarisée qui les traverse en changeant la direction do son plan de polarisation. M. Faraday, en poursuivant ses recher-

clies, est arrivé à faire voir que tous les corps, transparents ou opaques, solides ou liquides, sont sensibles au magnétisme, mais que les uns le sont à la manière du 1er, tandis que les autres éprouvent des actions particulières, qui avaient échappé jusqu’à présent à la sagacité des physiciens. MM. Saigey, Lebaillif et Becquerel avaient bien aperçu la répulsion qu’éprouvent certains corps, comme le bismuth, en présence de forts aimants, mais leurs observations étaient restées isolées et même contestées.

Nous nous bornerons à indiquer, d’après lejournal rInstitut, les moyens généraux et les preuves matérielles à l’aide desquelles l’illustre physicien anglais s'est efforcé, dans une séance de l’institution royale de Londres, de rendre manifestes pour son auditoire les phénomènes les plus délicats de cette action nouvelle qu’il appelle diamagnétùjue.

L’électro-aimant dont il s’est servi avait la forme d’un fer à cheval ; le fér consistait en une barre courbée de trois pouces trois quarts anglais de diamètre et de quarante-six pouces de longueur ; autour étaient enroulés plus de cinq cents pieds d’un fil dè cuivre ayant environ un cinquième de pouce de diamètre. L’aimant était placé les pôles en haut, au niveau dfc la table du physicien, et deux pièces glissantes de fer en formaient les armatures mobiles, de façon qu’on pouvait régler à volonté la distance qui les séparait.

Il était excité par vingt couples d’une batterie de Grove.

M. Faraday a d’abord rendu sensibles les deux effets distincts et caractéristiques produits sur les corps magnétiques à la manière du fer, savoir : la position

axiale prise par une portion allongée de la substance quand on la place entre les pôles, et l’attraction quand le corps est voisin de l’un des pôles. Afin de laire comprendre toute la force de l’aimant et le soin qu’il faut apporter dans ces expériences , il a roulé en cylindre une feuille de papier ordinaire et a montré que ce cylindre était magnétique, puisqu'il se dirigeait entre les pôles ; ce qui rend manifeste la délicatesse de 1 e-preuve et la nature définitive de l'action.

Les corps diamagnétiques ont ensuite été soumis a l’action de l’aimant ; des barreaux de cristal, de phosphore, de bismuth, mis tour à tour en expérience, ont tous pris spontanément une position équatoriale, et quand on les mettait en mouvement ils oscillaient autour de cette position. Tous étaient suspendus par un paquet de fil de cocon,et mis à l’abri des mouvements

de l’air par une cage de verre. La répulsiop effective du

bismuth et du phosphore a été ensuite rendue évident par une sorte de disposition micrométrique dans laquelle la substance était suspendue à l’extrémité du

petit bras d’un levier équilibré, tandis qu’un grand disque de papier était attaché au long bras placé à l’abri sous un écran de verre. De cette manière on a vu le disque se mouvoir dans une étendue de quinze à vingt pouces à droite ou à gauche, à volonté, suivant que les pôles magnétiques étaient amenés près du bismuth ou du phosphore d’un côté ou d’un autre. Parmi les matières organiques, une tranche de pomme et un morceau de bois ont obéi librement à l’aimant en oscillant autour de sa position équatoriale.

M. Faraday s’est ensuite occupé de la condition magnétique de composés de métaux magnétiques,

principalement de leurs sels et des solutions qu’on en prépare. Les solutions fournissent des liquides transparents, des milieux magnétiques, capables, dans certaines limites, de s’ajuster à tous les degrés de force, en permettant d’examiner les phénomènes magnétiques sous une forme nouvelle,à savoir, comme existant dans les milieux dont les corps, soit magnétiques, soit diamagnétiques, sont entourés et affectés par eux. Pour éclaircir ce sujet, l’illustre physicien a pris l’air pour exemple, et dit qu’on ne doit pas supposer a pnori que l’air n’a pas de rapport magnétique avec les autres corps, car il a en réalité un rapport direct, et M. Faraday l’a montré d’une manière manifeste. Il a pris un tube mince de verre contenant de l’air et hermétiquement scellé ; ce tube a été suspendu entre les pôles d’un aimant par un fil de cocon et pondéré en y attachant un petit tube de mercure place exactement sous le milieu, de manière à pouvoir plonger dans l’eau quand on l’en entourait; une jarre de verre, contenant dans sa partie inférieure une solution claire de protosulfate de fer, et par-dessus de l’eau distillée, a été disposée sur un pied entre les pôles, de manière qu’on pût l’abaisser en laissant le tube à l’air libre, ou l’élever jusqu’à ce que le tube fut ou dans l’eau ou dans la solution. Pendant tout le temps que le tube à air restait dans l’air, il paraissait parfaitement indifférent à l’action des pôles; mais, du moment qu’il plongeait dans l’eau, il semblait fortement magnétique et prenait une direction axiale avec une force considérable ; d’un autre côté, quand il entrait dans la solution ferrugineuse, il ressemblait à un corps diamagnétique en prenant une direction équa-

loríale, et ëlait fortement repoussé: ainsi, suivant lu nature du milieu immédiatement ambiant, il pouvait paraître corps neutre, corps magnétique ou corps dia-magnétique. On peut faire alterner les phénomènes avec la plus grande facilité un grand nombre de fois, en relevant ou abaissant la jarre.

De la même manière, M. Faraday a montré qu’une solution faible de sulfate de fer agissait comme un corps magnétique dans l’eau, et comme un corps dia-niagnétique dans une solution plus concentrée; et, après quelques remarques sur ces phénomènes différentiels, ainsi que sur les rapports entre les phénomènes terrestres magnétiques et diamagnétiques, il a mis fin à cette brillante exposition, dont nous avons cru devoir reproduire un écho dans notre Bulletin, tant sont nouveaux et curieux les phénomènes découverts par l’illustre physicien anglais. M. Faraday a certainement ouvert à la science une voie féconde, non-seulement sous le rapport théorique, mais aussi sous le rapport pratique. Un progrès si considérable no saurait s’accomplir sans apporter quelque bienfait physique à l’humanité. (Démocratie pacifique.)

VARIÉTÉS.

Le magnétisme »Toulouse. — Nous empruntons à un journal de cette ville le récit suivant, fait par M. le docteur Campistron.

« Avant d’endormir Prudence, M. Laurent place à l’un des doigts de celle-ci une bague aimantée dans laquelle il prétend trouver un puissant auxiliaire; et après avoir fait asseoir la jeune fille, il prend, entre le pouce et l’index de chaque main, les deux pouces de la somnambule, qu’il fascine du regard, etqu’il endort ainsi en moins de deux minutes, sans recourir aux passes ou frictions dont les magnétiseurs se servent d’ordinaire. La température des extrémités et de la tête l’avertit quand la charge est suffisante. La tête acquiert un degré de chaleur fébrile, tandis que les mains et les pieds deviennent froiefê. C’est cette température donnée, toujours la même, dont il cherche ¿déterminer le degré convenable, sous peine de ne pas réussir dans ses expériences, en portant ses mains au front de Prudence, pratique que quelques spectateurs ont interprétée diféremment. Quant à celle de saisir les deux pouces de la patiente, elle a principalement pour but d’équilibrer les deux températures, selon que le recommandent quelques auteurs, quoiqu’on ne doive cependant point la regarder comme étant d'une nécessité absolue, puisqu’on peut très-bien procurer à distance le sommeil magnétique. Dès que Prudence est endormie, le magnétiseur dirige vers la tête, le long de sa colonne vertébrale, des vapeurs narcotico-balsamiqnes, fort en usage en Allemagne, auxquelles on attribue des propriétés favorables à l'exaltation des facultés oniromantiques. Ces vapeurs sont le résultats de la combustion d’un mélange à parties égales d’opium brut, de myrrhe, d’encens et de benjoin.

« Comme premier exercice, Prudence joue une par-

lie d’écarté avec un spectateur qu'on choisit d'ordinaire parmi les plus connus, afin de s’assurer qu’on n’est pas dupe d’une mystification. Elle a les yeux préalablement bandés à l’aide d’un foulard, d’un châle, et d’une étoffe noire qu'on rattache au-dessous du menton. Son adversaire est, en terme de l’art, mis en rapport, comme le feront au reste plus tard tous ceux qui la soumettront à quelque expérience. Dans celle-ci, Prudence prend, sans se tromper, connaissance de son droit de donner ou de recevoir, apprécie très-bien la carte tournée, fournit à la couleur dont on joue, donne ou prend les levées, selon qu’elle les perd ou les gagne. En un mot, chargée de toutes les formalités, elle ne manque à aucune. Nous ne l’avons vue avoir une distraction qu’une seule fois. Elle prit trois levées pour elle, au lieu de deux qui lui revenaient.

« M. Laurent se place toujours derrière elle, à la distance qui lui permet de suivre parfaitement les diverses phases de la partie. Dans une des dernières séances, on fit, après cette première expérience, passer entre les mains de Prudence divers bijoux dont elle détermina merveilleusement la forme, la couleur, la matière, l’usage et le travail. Elle porte toujours les objets à la hauteur de ses yeux. Mais nous sommes convaincus qu’elle ne peut voir en aucune manière, d’après certaines précautions prises à lu première séance par deux de nos confrères, qui placèrent eux-mêmes un appareil très-compliqué. Sa figure se trouvant ainsi comme matelassée, et l’air abordant difficilement l’entrée des voies respiratoires, quand cette expérience dure longtemps, elle la met dans un état

,l’oppression extrême. Dans les suivantes, Prudence agit ¡1 visage découvert.

« La seconde expérience consiste (le programme est toujours le môme à quelques modifications près) à placer, par. la pensée, une carte sous chaque pied de Prudence. Et puis, sur l’invitation qu’on fait à celle-ci de regarder à ses pieds et de désigner l’objet sur lequel ils reposent, elle les relève successivement, examine un peu, et répond que c’est une carte, qu’elle appartient à telle couleur, et qu’elle représente telle valeur. Quand cette valeur se trouve inférieure à celle de l’ai, elle compte sur scs doigts. Par opposition, elle ne verra pas un objet qu’on lui présentera, si son magnétiseur lui en refuse la faculté. Ainsi, trois jeunes gens ont été priés de tenir entre leurs mains, l’un son portefeuille, l’autre son lorgnon et le troisième un crayon. Quelqu’un a manifesté à M. Laurent le désir que le lorgnon restât invisible, et Prudence a pris sans hésiter les deux autres objets, tandis qu elle n'a jamais su reconnaître le lorgnon parmi les doigts de son propriétaire.

o Prudence chante ou s’interrompt, suivant un signal

qu’un tiers donne à M. Laurent; tous deux, M. Laurent et le tiers, se plaçant loin de Prudence, derrière une cloison. Cette dernière expérience surtout nous parait être de la nature de celles qui valent bien qu on réfléchisse avant de se prononcer négativement, quand nous pouvons d’ailleurs attester que le tiers que nous avons vu une fois diriger là volonté de M. Laurent est loin de mériter un soupçon injurieux.

« On place trois chaises à côté les unes des autres. L’une d’elles, à volonté, est chargée d’un poids ima-

ginaire par un des spectateurs qui désigne à M. Laurent lo poids et la chaise qu’il a fixés. Si la charge dépasse les forces de Prudence, la chaise résiste comme si elle était clouée au plancher, quelques elforts que fasse la somnambule. La même expérience est faite au moyen d’un mouchoir qu'on remet entre ses mains. Si le poids fictif dépasse certaines limites, Prudence n’a pas la force de le soutenir et le mouchoir tombe à terre. Mais il parait qu’il ne dépend pas de M. Laurent d’en diminuer le poids. Si quelqu’un demande par exemple que le mouchoir n’ait que le poids d’un égal volume d’air, Prudence accuse toujours le poids du mouchoir.

« C’est encore au signal donné par un spectateur que Prudence marche en avant ou en arrière, selon que la volonté de M. Laurent l’éloigne ou l’attire. Et telle est la force à laquelle elle est soumise qu’elle entraîne deux hommes dans son mouvement. Les personnes qui assistaient à la séance d’hier ont été témoins de celte expérience, faite alors pour la seconde fois. •

« Rien n’est plus facile à M. Laurent que de pervertir les sensations de Prudence. Un verre d'eau prend à volonté pour elle le goût du café,de l’encre, du rhum, de l’orgeat, de la limonade. Un adepte a voulu la griser par la transformation do l’eau en vin de Champagne. Elle a obéi avec répugnance; mais l’expérience a parfaitement réussi. Sa démarche est devenue tout à cotyp chancelante.. Elle serait allée deux ou trois fois le nez à terre,si on ne l’eût soutenue. Son cœur s’est v même soulevé à plusieurs reprises.

« Prudenco croit marcher sur la glace, sur la corde,

sur (les charbons ardents, sur la poix, dans l’eau, parmi des pointes acérées. Elle fait peine à voir, tant elle est vraie dans les impressions pénibles qu’elle croit éprouver.

« Un de nos jeunes élégants l’a conduite au milieu d’une des grandes forêts de la Russie pour la faire assister à une chasse à l’ours, dont il avait été témoin lui-méme. Elle a reconnu immédiatement le danger auquel elle était exposée, et elle suppliait, les larmes aux yeux, son guide de la sauver des griffes d’une grosse vilaine bête rousse qui menaçait de la dévorer.

a Comme l'ait appartenant à la première catégorie, quelqu’un a voulu que Prudence allât attacher un bouquet à la ceinture d’une dame placée vers le second banc du parquet. Elle se dirige, comme par le

111 d’Ariane, droit à la personne désignée par la cou-lëur de ses rubans, touche un objet convenu dans la pensée de son magnétiseur, afin de s’assurer qu’elle ne se trompe point, et remet le bouquet aux mains de la dame, disant de manière à être entendue de tout le monde qu’elle ne peut remplir qu’une partie de la commission, attendu que la dame n’a point de ceinture. C’était la vérité. Le mandataire avait voulu la mettre en défaut.

» Mais passons à une autre série de fâits où Prudence est bien plus extraordinaire encore. Cette fille si simple, d’une intelligence bornée, d’un esprit tout à fait inculte, d’une figure sans expression dans l’état de veille, atteint au sublime de l’art, si son magnétiseur la charge de reproduire les admirables modèles de peinture, tels que Daniel dans la fosse aux lions, Milon le Crotoniatepris par la main dans la fente d’un

arbre et dévoré par un lion, le gladiateur combattant et frappé au cœur, Jeanne d'Arc dans les tortures du bûcher, la mort de Cléopâtrc, Guillaume Tell condamné par Gosier à prendre pour but de son adresse à tirer de l’arc la téle de son fils, PArchange saint Michel terrassant le démon, la mère redemandant son fils au lion de Florence.

« Quelle est touchante surtout dans la femme en prière aux pieds de la Vierge dont elle implore le pardon de ses fautes! Que sa pose est humble, gracieuse et digne ! Quelle ferveur dans ses grands yeux levés au ciel! Que toute cette figure d’ordinaire triviale devient belle de repentir, d’amour et de foi! Et quand, au milieu dé son extase, elle croit entendre la Vierge la menacer de sa colère si elle retombe jamais dans le péché, sa physionomie change tout à coup : un sentiment de terreur donne à ses traits un ton plus admirable encore; elle se renverse en arrière, comme pour se soustraire au courroux dç sa protectrice; un cri de grâce s’échappe de sa poitrine, à travers des sanglots et des larmes abondantes qui coulent le long de ses joues. L’illusion est complète. On prie avec cette femme, on pleure avec elle. Du reste, dans toutes les scènes d’attendrissement, ses paupières ne manquent jamais de devenir Humides.

« Nous négligeons à dessein un très-grand nombre de particularités qui rentrent naturellement toutes dans les détails que nous venons de donner et dont l’omission ne saurait nuire à notre compte-rendu. Nous ajouterons seulement que, toutes les fois que M. Laurent impose sa volonté à sa somnambule, le spectateur peut très-aisément reconnaître au tressail-

lement qu’elle éprouve le moment où celte volonté devient impérieuse. Sa tète penche alors vers le côté droit et tremble comme ferait celle d’une vieille femme, les muscles de la face se crispent légèrement et elle semble se soulever aussi péniblement qu’une valétudinaire au sortir d’une longue maladie.

« Que Prudence souffre, c’est incontestable. Elle souffre mentalement, comme on souffre d’un cauchemar, et ces douleurs morales troublent l’harmonie fonctionnelle en portant le désordre dans l’innervation, épuisent rapidement l’énergie vitale, disposent aux affections mentales et amènent infailliblement une vieillesse prématurée. On devrait donc, par humanité, prendre moins de plaisir à la torturer impitoyablement de sensations pénibles, d’obsessions hideuses , d’images effrayantes. La manifestation qui témoignerait d’hallucinations agréables £ ne serait pas moins concluante pour qui se contente de chercher simplement la vérité. Mais les plaisirs calmes ne vont pas à la taille de tout le monde, dans le siècle où nous vivons. Le drame, toujours le drame. C’est bien assez pour cette pauvre fille de quatre ou cinq longues attaques de catalepsie par semaine, fort ruineuses par elles-mêmes comme tout autre état contre nature.

» Et qu'on ne vienne pas argumenter contrairement

à notre opinion de son état d’insensibilité aux maux physiques que les expérimentateurs n’épargent ni aux cataleptiques naturels ni aux cataleptiques artificiels. Quand les Orientaux se sont procuré par 1 opium un degré donné d’îvresse, on pourrait certainement les piquer jusqu’au sang sans qu’ils en eussent con-

science. On n’a moins pas reconnu l’inconvénient capital qui se rattache à l’usage de ce narcolique, et ce n’est point pour épargner la bourse de ses sujets que l’empereur de la Chine en a prohibé l’entrée dans ses États.

« Que dire maintenant de cette force inconnue qu’on appelle magnétisme? Y trouvera-t-on des applications utiles ? Sa propagation ne menace-t-elle pas plutôt la morale publique, si l’on n’arrôte pas ses tendances à devenir un objet do mode? Nous sommes tentés de nous arrêter à cette dernière hypothèse, sauf rétractation, quand la science aura bien voulu s’occuper de fixer la véritable interprétation des faits.

Campistron, d.-m. P.

Justice de Privas. — Nous avons annoncé dans notre dernier numéro l’exhumation d’un nommé Cha-pus qu’on prétendait être mort des suites d’un bain de vapeur ordonné par une somnambule. Voici ce que le médecin accusé nous écrit à ce sujet :

«Le G avril,le substitut du procureur du roi do Pri-vasme fit appelerau parquet et me demanda mon titre de médecin : je le l«i présentai, revôtu de toutes les formalités voulues. Mais comme j’ai été reçu par le jury permanent de la Faculté de Médecine de Montpellier, en vertu d’une autorisation de M. le préfet de l’Ardèche délivrée en conformité de l’article' 7 de l’arrêté du 14 juillet 1:820, ce magistrat, ignorant sans doute la législation sur cette matière, prétendit que je n’avais pas le droit d’exercer dans l’Ardèche et m'en fit la défense; jo lui dis, pour toute réponse, que sa défense était contraire à- la loi et que je la considérais comme

non avenue. Les choses en étaient là lorsque, le 17 de ce mois, les habitants de Privas ont été mis en émotion par une scène inqualifiable que je vous rapporterai tout à l’heure.

« Dans le courant de février dernier on vint me consulter somnanibuliquement pour un nommé Cha-pus, qui avait été soumis au traitement de trois médecins de la localité. La somnambule magnétisée s’exprima ainsi : « Ce malade est paralysé des quatre mem-« bres par un épanchement de sérosité dans le canal « rachidien. Cette maladie a pour première cause la « boisson d’eau froide qui a produit une suppression « de transpiration. Elle a été aggravée par un mauvais « traitement, surtout par des bains; car avant les « bains la paralysie n’était pas complète, et alors « nous aurions pu le guérir ; mais aujourd’hui je con-« sidère la maladie comme incurable, et le malade ne «tardera pas à succomber; néanmoins nous allons « faire nos efforts pour tâcher d’obtenir une amélio-« ration ; je le répète, ce n’est qu’avec un faible espoir « que j’agis. »

« Outre la paralysie, le corps du malade était couvert d’uneéruption cutanée qui produisait une démangeaison insupportable. La somnambule ordonna diverses tisanes dépurativeset apéritives. Enfin, le 4 mars, je proposai une étuve avec la vapeu^ d’eau-de-vie camphrée. La somnambule me déclara que cette étuve était inutile, mais qu’elle ne pouvait produire aucun mauvais effet.

« En conséquence, nous eûmes un tonneau de dix-huit hectolitres défoncéd’un bout. Ce tonneau,dressé, l’extrémité ouverte en haut, nous mimes au fond an

plat contenant 5(10 grammes d’eau-de-vie camphrée, à côté du plat une chaise, et sur l’embouchure du tonneau un drap plié à huit doubles; nous plaçâmes le siège du malade sur le drap, et scs pieds sur la chaise; nous lui couvrîmes le corps, sauf la tête, avec une couverture de laine retombant autour du tonneau. Ayant mis le feu à l’eau-de-vie, la vapeur s’en répandit autour du corps du malade. Chapus mourut le surlendemain, et fut inhumé.

« Voici donc le fait mentionné ci-dessus.

«Le 17 avril, le substitut, le commissaire de police, deux docteurs-médecins et quelques hommes de peine, se rendent au cimetière dans le but d’exhumer le corps de Chapus. Ils exhument d’abord le cadavre d’une femme, puis celui d’un homme, et disent reconnaître Chapus ; ils prennent ce cadavre, traversent Ta promenade publique, ensuite la ville, et se rendent à l’hospice, faisant répandre le bruit que Chapus avait été brûlé par moi. Arrivés à l’hospice, ils font l’autopsie de ce cadavre ; bientôt après ils le reprennent, le transportent encore à travers la ville et la promenade pour se rendre au cimetière, disant, à qui veut l’entendre, qu’on a reconnu que réellement Chapus avait été brûlé, que la peau avait été trouvée rôtie, résonnant sous l’instrument comme un parchemin. Notez que Chapus avait été enterré le 7 mars, et l’exhumation avait lieu le 17 avril ; jugez maintenant s il est possible, après quarante jours d’inhumalion, de reconnaître sur un cadavre une brûlure qui aurait été faite avec de la vnpeur alcoolique, en supposant qu’elle eût existé, ce qui est de toute fausseté On a fait plus encore : une note a été envoyée au rédacteur

du Journal de la Drôme et de l’Ardcclie et a été insérée dans son numéro du 21 avril el répétée par plusieurs journaux de Paris. Le journal de l’Ardèchc doit se démentir prochainement, mais en attendant cela m’est très-préjudiciable. »

Voilà donc la guerre déclarée entre les médecins-drogueu rs et les médecins-magnétiseurs. Ceux-là commencent naturellement par accuser les magnétiseurs de tuer leurs malades ; c’est apparemment pour que cette accusation ne leur soit pas faite: ils sont si innocents de meurtre ! Leur médecine est si bénigne! Tant de gens qui ne sont plus s’en sont si bien trouvés ! Tant d’autres rendent au ciel des actions do grâce pour lui avoir échappé! C’est dommage, savez-vous, de venir faire concurrence à cette brillante science ! Mais on no souffrira pas qu’il y soit rien changé... En conséquence, tous les malades qui succomberont par suite d’un traitement médical seront déclarés morts guéris; ceux qui abandonneront la médecine avant ce dernier terme seront déclarés être de mauvais citoyens. Et, quant à ceux qui mourront en cherchant un soulagement à leurs longues douleurs, et qui, arrivés au dernier terme, auraient eu recours au magnétismeou au somnambulisme, on dira qu’ils ont été assassinés, brûlés, etc. De cette manièri! plus aucune brebis ne s’échappera du bercail, il faudra qu’elles soient toutes outillées par la lancette médicale et que les infaillibles spécifiques des pharma-ciensaient produit leurs merveilleux effets. Mais, pour encourager les hommes encore sains à ne rien craindre, car la crainte prend quelquefois quand on parle du médecin, nous leur dirons un mot du dernier sys-

tèmc médical, celui de Broussais : *Il est pénible d'a-« vouer, dit le docteur Castel, membre de l'Académie

• de Médecine, que ce système a rempli la France de « funérailles et moissonné Vélite de la nation. »

Nous n’avons pas appris que le procureur du roi soit jamais intervenu pour ordonner l’exhumation de malades morts dans les mains de Broussais. Il est vrai que Broussais était un grand, un bon, un excellent médecin. 11 faut, pour être à l’abri de toute poursuite, acquérir son talent. Malheur à celui qui est soupçonné de n’avoir tué qu’un malade !

Nous tiendrons nos lecteurs au courant de l’affaire de Privas.

Chasse au magnétiseur. — Il me souvient qu’on prêcha contre moi dans quatre églises d’une ville de France; car j’exerçais un art diabolique, tout à fait contraire à la médecine, et, dans ce cas, les prêtres étaient dirigés par une Faculté de Médecine. Je n’ai pas oublié que l’Université, dans une ville toute riiédi-cale, me fit deux procès pour m’empêcher de démontrer cet art diabolique; je dis diabolique, car il fait des choses supérieures à celles que peuvent faire les plus habiles médecins. Je gagnai mes procès, et j’eus ensuite raison du fanatisme. Il paraît que de plus mauvais jours doivent venir pour les magnétiseurs. Voici à ce sujet ce^que'nous transmet de Valence un médecin appelé en cette ville pour donner ses soins à quelques malades que là' médecine classique n’avait pu ni soulager ni guérir.

« La personne qui est chez M. Rostain et qui dorine « des séances de magnétisme, ayant la qualité d’offi-

« cier de santé, ne peut, par ce motif, exercer son mi-« nistèredans le département de la Drôme, pour le-« quel elle n'a point de diplôme. Le soussigné l’invite, « en conséquence, à cesser immédiatement l’exercice «de son ministère et ù s’éloigner du département, « sous les peines prévues par la loi.

* Le capitaine; commissaire de police,

« Denu. »

D’après cola, les officiers de santé seront moins heureux que les magnétiseurs dépourvus de tout grade, car la Cour royale de Montpellier (I) a établi que, le magnétisme ne faisant pas partie de l’enseignement universitaire, chacun avait le droit de le pratiquer,, conséquemment dans quelque lieu que ce fût.

Projet de loi contre nature. — La fameuse loi sollicitée par le Congrès médical de Paris contre ceux qui s’occupent de magnétisme s’élabore-t-elle réellement? Oui. Dans la séance de la Chambre des Députés du 29 avril, sur l’interpellation de M. Glais-Bizoin, M. le ministre de l’instruction publique a dit: « J’es-« père, avant la fin de la session, déposer ce projet « dé loi, non pas avec l’espérance qu’il pourra, dans la « présente session, être converti en loi, mais avec la « certitude qu’il deviendra, pour les membres qui « s’occupent de cette matière, l’objet des plus sé-« rieuses méditations, et que nous pourrons, dans la « session suivante, entrer dans la discussion du pro-« jet et le mener promptement à bon terme. »

« En admettant, dit le Passe-Temps, que ce projet

(1) Voyez Magnétisme oppose à ta médecine, pages 101 et possim.

soit adopté par les Chambres, cette loi pourra-t-elle être appliquée ? ¡¡Nous ne le pensons pas. Comment, en effet, atteindre ceux qui parviennent à guérir les malades sans ordonner de remèdes ni administrer de médicaments? Cela nous paraît difficile, sinon impossible. Qu’on poursuive les charlatans, les empoisonneurs, les fabricants de pilules et de remèdes secrets, rien de mieux. Nous serons les premiers à applaudir aux efforts qu’on tentera à ce sujet, et aux heureux résultats qu’on obtiendra de toute mesure qui aura pour but d’empêcher la fraude et ses funestes conséquences. Mais ce que nous ne saurions trop désapprouver, c’est qu’on eût l’intention de comprendre dans les défenses projetées une foule d’hommes dont le seul tort, aux yeux dos hommes de l’art, est de soulager et guérir sans médicaments, et le plus Souvent gratuitement, par amour de l’humanité. Ce que nous ne cesserions de réprouver, ce qui indignerait les honnêtes gens, c’est qu’on voulût priver les malades nécessiteux, les pauvres ou les personnes qui ne peuvent croire aveuglément à l’infaillibilité des médecins, qu’on voulût, disons-nous, priver les familles et les individus des ressources que certains moyens naturels, dont l’efGcacité est vulgairement reconnue etqui sont utilement employés, tiennent à leur disposition. La science a sans doute beaucoup fait, mais elle est loin d’avoir tout fait, et, de nos jours aussi bien qu’autrefois, il faut qu’elle s’incline respectueusement devant la puissance et la supériorité de la nature. Non, la loi qui sera rendue ne remplira pas le but que se sont proposé les membres du Congrès médical de Paris. Non, jamais, quoi qu’on fasse, on ne pourra em-

pêcher les gens de guérir, ni de se faire guérir par des moyens qui ne sont ni du domaine de la science officielle, ni soumis aux investigations de la justice, à moins pourtant qu’on ne veuille mettre en suspicion les droits imprescriptibles et immuables de la nature.»

Danse magnétique à l’ours. — On a vu dernièrement à Paris nn magnétiseur échevelé endormir, en frappant sur un chaudron, ou en pinçant de la guitare, cinq ou six personnes, et, dans cet état de sommeil, faire danser les dormeuses qui suivaient fort liabilementlc rbythine de l’un ou l’autre de ces instruments.C’est unedanse nouvelle plus curieuse que toutes lus polkas. Mais les Parisiens ont eu le mauvais goût de ne pas encourager le chef d’orchestrc magnétiseur. M. Montius, venu de la Belgique avec cettepetite troupe «le somnambules dansantes, en a été pour ses frais de voyage. Spectacle dégoûtant, abus monstrueux du

magnétisme!____Mais, tandis que partout on élevait

des temples au Fils de Dieu, ne voyait-on pas dans ces derniers siècles, à toutes les foires, des parades où on représentait la Passion et les mystères les plus sacrés de la religion? Il n’y a donc point à s’étonner devoir aujourd’hui le magnétisme dans la boue des ruisseaux; il en sera tiré un jour, car des hommes qui le comprennent s’occupent, dans le silence, à lui préparer un avenir brillant.

Matelot électrique. — Nous avons ici, depuis quelques jours, un rival de cette fameuse fille électrique, si longtemps un objet de doutes, môme pour les hommes les plus hauts placés dans la science. Ce

nouveau phénomène est un matelot de quirfze à seize ans, nommé Cyprien Benoit. Il a fait dç\ix fois le voyage du Havre à la Havane sur le navire Havre a Guadeloupe, capitaine Touret.

C’est pendant une de ces traversées qu’il a ressenti, dit-il, les premières atteintes de ce qu’il appelle son mal. Ses camarades l’avaient surnommé la Torpille. Nous avons vu hier le jeune Cyprien dans les salons de M. N —, un des plus honorables négociants de notre ville. Vingt-cinq personnes ont pu se convaincre comme nous que les propriétés attractives et répulsives du jeune matelot sont, à peu de chose près, semblables aux phénomènes électriques observés chez Angélique Cottin. (Journaldu Havre.')

Voilà déjà six exemples récents de ce fait; il n’en fautplus, par conséquent, que cent vingl-quaire pour que l’Académie des Sciences en reconnaisse la réalité.

Banquet mesmérien. —

Rien n’est changé concernant le Banquet que nous avons annoncé dans notre dernier numéro. Nous invitons les personnes qui ont souscrit, et qui n’ont point retiré leur carte, à le faire le plus tôt. possible, pour la régularité indispensable de cette solennité. Le 17 la souscription sera close.

¡a; Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Garnay).

ÉTUDES PRÉPARATOIRES

DD

SOMNAMBULISME MAGNÉTIQUE.

(Suite.)

§ VIII. — MAGIE.

Troisième observation.

Un passage des Mémoires de Saint-Simon pourrait faire croire que quelque Levantin, initié aux mystères de la magie orientale, serait venu en France, où il aurait produit ses talents jusque chez le duc d’Orléans. Voici comment cet auteur s’exprime :

« Voici une chose, que le duc d’Orléans me raconta dans le salon de Marly, dans un coin où nous causions tête à tête, un jour que, sur le point de son départ pour l’Italie, il arrivait de Paris , dont la singularité, vérifiée par des événements qui ne se pouvaient prévoir alors, m’engage à ne la pas omettre. Il était curieux de toute sorte d’arts et do sciences, et, avec infiniment d’esprit, avait eu toute sa vie la faiblesse, si commune à la cour des enfants do Henri II, que Catherine de Médicis avait, entre autres mœurs, T. II. 30 MAI 18i|6. 10

apportée d’Italie. Il avait, tant qu’il avait pu, cherché

à voir le diable, sans y avoir pu parvenir, à ce qu’il m’a souvent dit, et à voir dos choses extraordinaires et à savoir l’avenir. La Scry avait une petite fille chez elle, de huit ou neuf ans, qui y était méc et n’en était jamais sortie, et qui avait la simplicité et l’ignorance de oei Age et rie celle éducation. Entre autres fripons de curiosités cachées, dont M. le duc d’Orléans avait bea.âïoiç vu en sa vie, 011 lui en produisit un, chez sa maîtresse, qui prétendit faire voir dans un verre d’eau tout cc qu’on voudrait savoir. Il demanda quelqu’un de jeune et d’innocent pour y regarder, et cette jeune fille s’y trouva propre. Ils s’amusèrent donc à vouloir savoir ce qui se passait alors même dans des lieux éloignés, et la petite fdle voyait et rendait ce qu’elle voyait à mesure. Cet homme prononçait tout bas quelque chose sur ce verre rempli d’eau, et aussitôt en y regardait avec succès.

? - Ives duperies que M. le duc d’Orléans avait souvent’essuyées l’engagèrent à une épreuve qui pût le rassurer. Il ordonna tout bas à l’oreille à un de ses gens d’artler Bur-le-champ à quatre pas de là, chez M“* de Nancré, de bien examiner qui y était, ce qui sty faisait, la position, l’ameublement de la chambre et Ja situation de tout ce qui 6’y. passait, et, sans perdre iun moment ni parler à personne, de le lui venir dire.à l’oreille. En un tourne-main la oammis-sion fut «exécutée, sans que personne ;s’&perçût de ce que c’était, et la petite fdle étant ¡toujours dans la chambre. Dès que M. le duc d’Orléans fut instruit,

. ¡1 dit à la petite fille de regarder, dans le verre, qui ¿tait «hez M"" do Nancré et ce qui é’y passait.

Aussitôt elle leur raconta mot pour mot tout ce qufy avait vu celui que M. le duc d'Orléans avait envoyé. La description du visage, des ligures, des vêtements dés gens qui y étaient, leur situation dans la chambre, les gens qui jouaient à deux tables différentes, ceux qui regardaient ou qui causaient assis ou debout, la disposition des meubles, en un mot tout. Dan* llnstanti M. le duc d’Orléans y envoya Nancré, qui rapporta avoir tout trouvé comme lapetite lille l’avait dit, comme le valet qui y avait été d?abord Savait rapporté a l’oreille de M. le duc.

« Il ne me parlait guère de ces; choses-là, paree que je prenais la liberté de lui en faire honte. Je pris celle de le pouiller à ce récit et de lui dire ce que je crus lb pouvoir détourner d’ajouter foi et de s’amo-ser à ces prestiges, dans un temps surtout où il devait avoir l’esppit occupé de tant de grandes choses. m€e

• B^est pas tout, me dit-il1, et je ne vous ai conté cela « que poàr venir au reste. » Et tout de suite il me conta que, encouragé par l’exactitude de ce que la petioe fille avait vu de la chambre de M"“’ de Nancré, it avait voulu* voir quelque chose de plus important, et ce qui-se passerait à la mort du roi, mais sans en rechercher' le temps, qui ne se pourrait voir dans te verre. Il le demanda tout de sniteà la petite fille, qui n’avait jamais ouï parler de Versailles, ni vu personne que loi de là cour. Elle regarda, et leur expliqua longuement tout ce qu’elle voyait'; EMe’fit avec justesse la description de la chambre' du roi b \ve-snillas eu de lfomeublemont qui s’y trouva-pu effet à sa-mort. Ella le dépeignit parfaitement dans sonIil, et céux qui étaient debout près du lit- ou dan* ïa

chambre, un petit enfant avec l’ordre, tenu par Mmc de Vantadour, sur laquelle elle s’écria parce qu’elle l’avait vue chez MUl' Sery. Elle leur fit connaître M‘"c de Maintenon, la figure singulière de Fagon, Mra,! la duchesse d’Orléans, MmcS la duchesse et la princesse de Conti; elle s’écria sur M. le duc d’Orléans ; en un mol, elle leur fit connaître ce qu’elle voyait là de princes, de seigneurs, de domestiques îu valets. Quand elle eut tout dit, M. le duc d’Orléans, surpris qu’elle ne leur eût point fait connaître Monseigneur, monseigneur le duc de Bourgogne, Mme la duchesse de Bourgogne, ni M. le duc de Berry, lui demanda si elle no voyait point des figures de telle et telle façon. Elle répondit constamment non, et répéta celles qu’elle voyait. C’est ce que M. le duc d’Orléans ne pouvait comprendre, et dontil s’étonna fort avec moi, et en rechercha vainement la raison. L’événement l’expliqua. On était alors en 1706 5 tous quatre étaient alors pleins de vie et de santé, et tous quatre moururent avant le roi. Ce fut la même chose de M. le Prince, de M. le duc et de M. le prince de Conti, qu’elle ne vit point, tandis qu’elle vit les enfants des deux derniers : M. du Maine, les siens et M. le comte de Toulouse. Mais jusqu’à l’événement cela demeura dans l’obscurité.

« Cette curiosité achevée, M. le duc d’Orléans voulut savoir ce qu’il deviendrait. Alors, ce ne fut plus dans le verre. L’homme qui était là lui offrit de le lui montrer comme peint sur la muraille de la chambre, pourvu qu’il n’eût point peur de s’y voir; et, au bout d’un quart d’heure de simagrées devant eux tous, la figure de M. le duc d’Orléans, vêtu comme il l’était

alors et dans sa grandeur naturelle, parut tout à coup sur la muraille, en peinture, avec une couronne fermée sur la têto; elle n’était ni de France, ni d’Espagne, ni d’Angleterre, ni impériale. M. le duc d’Orléans, qui la considéra de tous ses yeux, ne put jamais la deviner; il n’en avait jamais vu de semblable; elle n’avait que quatre cercles et rien au sommet. Cette couronne lui couvrait la tôte.

« De lobscurité précédente et de celle-ci, je pris occasion de lui remontrer la vanité de ces sortes de curiosités, les justes tromperies du diable, que Dieu permet pour punir des curiosités qu il défend, le néant «t les ténèbres qui en résultent au lieu de la lumière et de la satisfaction qu’on y recherche. Il était alors assurément bien éloigné d’être régent du royaume et de l’imaginer. C’était peut-être ce que cette couronne singulière lui annonçait. Tout cela s’était passé à Paris, chez sa maîtresse, en présence de leur plus étroit intrinsèque, la veiiledu jour qu’il me le raconta,

«et je l’ai trouvé si extraordinaire que je lui ai donné » place ici, non pour l’approuver, mais pour le rendre. »

,, : (La.tuUc au prochain nuwtro.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

ATHÉNÉE ÉLECTUO-MAGNÉTI QUE.

Nous avons, dernièrement, annoncé une séance publique et gratuite à VillieubaWe; un grand nombre.

de personnes, non-seulement de Lyon, mais encore de la campagne et des villes voisines, entre autres de Bourg, se sont rendues à notre appel. Malheureusement M. Berlhe n’avait pas prévu cette affluence, et le local dans lequel il opérait s’est trouvé trop petj',. on a été obligé d’ouvrir plusieurs fois lqs fe^etmp0„r renouveler l’air, et force a été de Envoyer [es retardataires.

En notre qualité de rédacteur de la Tribune lyonnaise, nous avons été indiqué pour secrétaire, et nous avons pris place au bureau, composé de MM. Cler-get, Ducros, Rim et Henry, nommés par l’assemblée. Une commission, composée de MM. Grenard, docteur-médecin, et Lenher, avait été préalablement choisie pour surveiller l’exécution du programme des expériences dont nous parlerons tout à l’heure.

La séance a été inaugurée par un discours de M. Berlhe, dont nous extrayons les passages suivants : « Depuis que le docteur Mesmer s’est immortalisé par sa vaste découverte du magnétisme, tous les hommes qui ont marché sur ses traces ont été, comme lui, guidés dans leurs travaux par la pensée généreuse du bien de l’humanité, et tous ceux qui ont écrit sur cette science l’ont fait dans le but principal de propager une vérité utile à tousles hommes indistinctement.

« En effet, le magnétisme et ses phénomènes infinis présentent toujours un côté fructueux à l’homme qui veut se donner la peine d’en apprendre la pratique, lors même qu’il ne lui serait pas donné de l’exercer

personnellement.

« Mais, ici-bas, plus une vérité est belle, grande, importante, plus elle a de difficulté à prévaloir.

« Néanmoins, de môme qu’une digue,ne peut qu'un instant retenir et faire dévier le cours d’un fleuve, l'opposition systématique à une science nouvelle ne saurait que suspendre son développement pour en doubler l’essor.

« Comme le soleil que nous cachait un brouillard, lu vérité apparaît plus éclatante après avoir été obscurcie.

a Relativement à.la science magnétique, il e^t fâcheux qu’on trouve de trop nombreuses assertions de ce fait dans les ouvrages des célèbres disciples du docteur allemand.

« Le magnétisme est dans,1a nature; il est inné avec l’homme, qui devient spiritualiste dès qu’il le comprend, parce que le plus faible phénomène magnétique présente avec lui l’idée de la Divinité, dont l’homme possède une émanation que l’auteur de la nature lui a donnée en le créant à son image.

« De même que.mesiprédéqesseurs et mescontew-porains, dès que j’&i eu compris que le magnétisme renfermait la médecine naturelle , je me ,suis livré à son étude, et quand dsheureux résultats m’eurent;pé-néfcré des bienfaits qu’on peut obtenir par sa,pratique, que la surdité, l’opbthalmie, la paralysie, et généralement toutes les affections nerveuses,, .pouvaient &re dissipées par laiinagnéU^atioii simple, alors j’ai fait vœu de le répandre autant qu’il serait en monpou voir.

,« C’est donc, en attendant queje puisse faire publier un-ffîémôire de njes, observations sur cette science, et dqs cures que j’fti obtenues depuisquatre ans, avec ou sans le secours du soqinambulisme, qu’avec le généreux et indispensable concours de Mme Bénard je me

propose aujourd’hui de vous montrer quelques-uns de ces phénomènes qui font l’admiration de lous.

« Celte séance dépasse la centième que j’ai donnée dans ce pays avec M",c Bénard, depuis que, pour la première fois, je la magnétisai le 25 avril dernier.

« En vous exprimant ma satisfaction que ces séances ont valu plus de quatre mille prosélytes au magnétisme, je dois vous dire qu’en faisant annoncer cette dernière par la presse je n’ai point eu l’idée d’une provocation, mais seulement celle de faire appel aux hommes de science en général, et en particulier aux médecins, afin qu’une fois convaincus ils puissent proposer une loi réglant le magnétisme, de manière à ce que nul ne pourra le professer ni l’employer comme moyen thérapeutique sans qu’au préalable il ait subi un examen par lequel il aurait été reconnu propre à l’actionner et apte à en poursuivre l’étude. C’est là mon plus ardent désir, parce que ce qui peut faire du bien peut faire du mal, et que la magnétisation ne peut avoir que de bien fâcheux résultats si elle est dirigée sans discernement ou appliquée mal à propos.

« Que l’homme qui a étudié l’organisation animale pratique le magnétisme, et il obtiendra des résultats dépassant ses espérances; s’il ne le peut pas, par défaut de qualités physiques, qu’il dirige une main tierce, saine et ferme, et il arrivera à la réalisation des mêmes prodiges.

« Que celui qui connaît la botanique et la chimie écoute religieusement le somnambule; qu’il contrôle les sensations et lui fasse analyser la propriété des médicaments qu’il conseille au malade lui donnant la main, et il verra bientôt s’opérer le miracle ; il

verra revenir à la vie le moribond que l’art médical avait réputé incurable.

o Eh bien, à qui donc appartient le droit de s’approprier le magnétisme, sinon aux médecins qui ont consacré leurs années aux études des organes et de toutes les parties qui composent le corps et le mouvement : la vie de l’homme ?

« Du reste, la chirurgie n’a-t-elle pas fait là un brillant héritage du magnétisme, quand, avec son secours, l’opérateur peut aujourd’hui effectuer de sang-froid l’extirpation d’une tumeur enkystée, l’amputation d’un sein cancéreux, celle d’un bras ou d’une jambe, par cela seul que les personnes étant préalablement amenées à l’état de somnambulisme artificiel ne ressentent aucune douleur pendant ces opérations?

« Depuis 1820, époque à laquelle l’illustre magné-tiste, M. le baron du Potel, fit le premier constater le fait d’insensibilité pendant ses belles expériences à l'Hôtel-Dieu de Paris, ces opérations et un grand nombre d’autres non moins douloureuses ont été bien des fois couronnées de succès à Paris, à Montpellier, à Toulouse, en Angleterre, en Allemagne, aux États-Unis, etc.

« Depuis 1842, cinq amputations ont été effectuées sur des personnes malades mises dans l’état magnétique : quatre ont eu lieu en Angleterre, et la cinquième à Cherbourg, le 2 octobre dernier, sur Mlu Dal-banel, âgée de dix-sept ans, qui n’a ressenti aucune douleur pendant l’amputation de la jambe, pas plus que pendant les quatorze jours de pansement qui ont suffi à la cicatrisation complète.

« Mais Dieu, le créateur universel çt tout-puissant,

on donnant à l'homme à la fois la propriété et la puissance magnétiques, lui a fait la révélation de cette douce vérité, que nous sommes composés de deux êtres distincts, dont l’un, l’âme, est impérissable par son essence, faisant partie de son esprit divin, qui est partout à la fois el toujours.

« Cette âme a pour faculté la volonté, sans laquelle tout phénomène magnétique de quelque importance est impossible, et quand cette volonté tend au bien, quand elle a un but d’utilité générale, Dieu n’a pas borné sa puissance à la coopération de la détermination du fait d'insensibilité; elle l’étend à des phénomènes d’un autre ordre, dont vous ave/, entendu parler si vous n’en avez été témoins. Mais, de tous ces phénomènes, les plus merveilleux sont ceux qu’offte le somnambulisme, et qui sont les fruits de ce qn’on appelle lucidité des somnambules, ou, mieux dit, de la vue de l’âme.

« Dans le cours de cette séance j’espère satisfaire votre désir à ce sujet.

« Jusqu’ici la majeure partie des magnétiseurs a dû avoir recours à des piqûres, des brûlures, des incisions, etc., pour prouver la réalité du sommeil de leurs somnambules; bien que les sujets soumis à ces barbares épreuves n’en éprouvent aucune douleur, je m’estime néanmoins heureux de pouvoir m'en dispenser en convaincant du'sommeil magnétique de Mm,‘ Bénard par de simples phénomènes de catalepsie et d’attraction partielle sans aucun contact et sirrÎes membres désignés. »

Après ce discours, lecture a été donnée du programme, divisé en deuv parties : phénomènes phjsi-

i/ues et phénomènes intellectuels. Sa longueur nous empêche de le transcrire, et nous croyons que, dans une séance publique, en présence d’une assemblée trop nombreuse pour le local, M. Berlhe aurait dû le restreindre de beaucoup, et se borner à trois ou quatre expériences. En effet, la plupart des expériences importantes ont eu lieu après le départ de la majorité des personnes, entre antres celle de Y analyse des maladies et application des remèdes à ces maladies décrites , laquelle expérience, répétée sur trois dames, M01" B..L.... tet Th..., les a complètement satisfaites, et deux autres expériences, celle de la dissection ou analy se du fond et de la forme d"un manuscrit, et celle de la redheivhe d'objets cachés, ont été retirées d« programme à raison du petit nombre d’assistants. D’ailleurs la somnambule, M'ne Bénard, était évidemment fatiguée par une séance aussi longue,dans des conditions pareilles, et il y aurait eu de l’inhumanité à'prolonger son état.

Quant aux autres expériences, trop peu compétent dans cette matière, nous ne nous permettrons pas de les juger et de déclarer si elles peuvent complètement satisfaire les hommes de science; il y aurait de la témérité de notre part à chercher, en quelque sorte, à imposer notre opinion particulière; nous attendrons le rapport de MM. les membres do la commission chargés de surveiller l’exécution du programme, et, aussitôt qu’il nous sera renais, nous nous empresserons de le communiquer aux lecteurs.

(Tribune lyonnaise.)

SOCIÉTÉ P il ILANTHROIMCO—MAGNÉTIQUE.

Séance clu 18 février. — Une (lame magnétisée par M. Millet éprouve dès l’abord un tremblement général , trouble qui s’éteint par la cessation de l’acte magnétique.

M. Delacour actionne ensuite M'"e Derrien-, qui en moins d’une minute s’agiie, crie, pleure, accusant, par des phrases entrecoupées, do vives douleurs articulaires. Ces désordres nerveux, soit par imitation, soit plutôt par contagion, comme on l’observa dans les épidémies des tremblcurs des Cevennes, des convulsionnâmes de Saint-Médard, se communiquent à quatre autres dames. Des passes à grands courants faites de la poitrine aux pieds firent disparaître promptement cet état alarmant pour les assistants, mais réellement sans danger dans des mains habiles.

Séance du 4 mars. — La présence de missBudd, la phrénomaguétiste, avait attiré un grand concours de monde. Les expériences faites à la Société du Mesmérisme ont été répétées ici avec le plus grand succès.

Séance du 11 mars. — MM. Grea, Millet, Delacour et Simon relatent des guérisons qu'ils ont obtenues.

Séance du 18 mars. — Obtention de somnambulisme lucide sur trois personnes qui donnent sur diverses choses des renseignements exacts, en partie.

Séance du 25 mars. — Le fait le plus saillant de cette séance est la présentation d’une femme de Sau-mur, affectée d'une maladie de l’œil, mieux peut-être de la vision, laquelle aurait été magnétisée dans son pays par le docteur Trézière, qui, en désespoir de

cause, l’a envoyée à Paris chercher une guérison que ses soins éclairés n’avaient pu lui procurer.

Elle jouit de la singulière propriété «le démagnétiser par sa seule présence les somnambules qui 1 approchent ou qui touchent quelque chose qui a eu son contact, lille semble être à la force magnétique ce que l'éponge est à l’eau; soustrayant, absorbant les forces des magnétiseurs au profit de son éiat qui, malgré cela, ne s'améliore que peu, elle a été abandonnée par M. Aubin Gauthier. Maintenant elle est dans les mains de M. Winnen, qui en éprouve la môme action débilitante.

Séance du 8 avril. — M. Levaillant de Florival, professeur d'arménien à la Bibliothèque royale, est reçu membre titulaire.

M. Simon relate la guérison d’une brûlure, M. Ma-haut celle de plusieurs affections graves.

Séance du 15 avril. — Coma magnétique avec insensibilité et roideur tétanique des membres thora-ciques obtenus sur une damo Agée; sur trois autres personnes effets de peu d’importance.

Séance du 22 avril. — Uelalion do cures par MM. Roustan, Winnen et Simon.

VARIÉTÉS.

Banquet mesméricn. — Quatre-vingts adeptes de la science magnétique, répondant à l’appel

de M. Je baron du Potet étaient réunis pour fêter l'anniversaire de lu naissance de Mesmer. Rien n’a manqué à cette première fôte. Animé par une sympathie véritable, pur une communauté de croyances, t:haque convié paraissait heureux «l’avoir été appelé à faire partie de cette solennité. Une touchante union s’est bientôt établie, et, on se voyant si nombreux, en sc demandait si ce n’était pas là ¡la preuve du «progrès du magnétisme, la marque certaine de son triomphe. Des médecins, des officiers (supérieurs, des hommes de lettres, des artistes distingués, beaucoup de commerçants honorables et des dames, tous pénétrés de l’existence du magnétisme, lui devant de douces jouissances, glosaient sur l’incrédulité des académies et du monde savant.

En effet, la raillerie est permise à des hommes convaincus d’une grande vérité lorsqu’ils la voient rejetée, au mépris dos droits sacrés de l’humanité. De la raillerie on a le droit de pousser jusqu’au mépris, car dans cette circonstance c’est une chose curieuse, mais insultante, que de voir la plus grande des vérités dédaignée par des gens dont elle doit faire un jour la fortune et la gloire.

L’ordre le plus parfait n’a pas cessé de régner dans cette nombreuse assemblée. Toutes les places avaient été laissées aux chances du hasard. Les dames seules avaient eu le privilège de choisir leur place. M. le baron du Potet occupait le contre de cette immense table disposée en fer à cheval. Derrière lui, sur un piédestal, était le buste de Mesmer. Cette noble et vénérable tète avait été ceinte dos emblèmes «le l'immortalité, et, dans une auréole qui l’entourait, on

lisait l’aphorisme qui résume la doctrine magnéüqtte . La nature offre un moyen universel de quérir

ET DE PRÉSERVER LES HOMMES.

Sur la face antérieure du socle étaient gravés les vers suivants :

Le voilà ce mortol dont le siiide s’honore,

Par qui sont replongés au séjour infernal Tous les fléaux vengeurs que déchaîna Pandore;

Dans son art bienfaisant il n’eut point de rival,

El la Grèce l’eût pris pour le dieu d'Kpidaure.

Vers la fin du dîner, au milieu du silence leplas profond, M. le' baron du Potet prit la parole et prononça d’une voix vibrante el sonore le discours suivant :

• Messieurs ,

« Dès la plus haute antiquité les hommes s’assemblaient pour rendre hommage à la mémoire de ceux qui avaient travaillé ài diminuer les maux de 1 humanité, de ceux qui s’étaient illustrés par de belles actions ou par l’invention d’arts utiles au genre humain. C’est ainsi qu’ils payaient la dette de reconnaissance, et qu’ils croyaient en même temps plaire aux dieux.

« Nous n’ayons pas voulu nous montrer ingrats envers Mesmer, Messieurs, et nous l’eussions sans doute été en restant plus longtemps sans nous: acquitter nous - mêmes de ce que nous devons à ce puissant génie. m 'i -ij-ii. ••• 1 -

« Nous avons choisi le jour qui le vit naître, et nous espérons que désormais il lui sera consacré.

Tous les ans, Messieurs, le lien qui vient de nous unir sera plus étroitement sorré, et nos rangs s’ouvrironl pour y recevoir une nouvelle phalange. C’est ainsi, Messieurs, que dans quelques années, au milieu de la grande cité, nous offrirons au monde un exemple nouveau de ce que peut la vérité sur des âmes élevées, sur des esprits convaincus. 11 a fallu bien du temps etbien des efforts pour orrivèrau point où nousen sommes ; il nous a fallu lutter contre la calomnie, la mauvaise foi, et nous pouvons dire contre toute la science, contre tous ceux qui s’honorent du titre desavant, contre toutes les facultés de médecine comme corps, et contre chaque médecin en particulier. C’est donc un jour glorieux que celui-ci, Messieurs, car notre triomphe commence, nous pouvons nous livrer à la joie. La vérité si puissante du magnétisme parcourt le monde, produisant à chaque instant les miracles promis, et ralliant à elle les hommes mêmes qui d’abord l’avait rejetée. Honneur à Mesmer! car les vives clartés qu’il a jetées sur le monde ont chassé devant elles les obscurités de la science, et détruit le tribut sanglant que l’odieux fanalisme et l’ignorance offraient encore au génie du mal.

« Qu’il est doux pour moi ce moment, Messieurs; car je reçois le prix de mon labeur et de ma longue persévérance; car n’ai-je pas, comme vous, travaillé puissamment à répandre la nouvelle doctrine? n ai-je pas produit les œuvres propres à la justifier? des malheureux ne me doivent-ils pas la vie ou le soulagement de leurs maux ? n’ai-je pas affronté les ennemis de tous progrès , attaqué, signalé partout les intérêts contraires? Qui donc enflamma mon zèle comme

le vôtre, si ce n’est le sublime Mesmer par les vérités qu’il a découvertes et qu'il nous a enseignées? Ue-portons-lui, Messieurs, tout le bien que nous avons lait, celui que nous ferons encore. Que Mesmer soit pour nous ce qu’était Esculape pour l'antiquité, car il nous a légué un nouvel art de guérir. Ne souffrons jamais que lesoufle impur d'hommes corrompus ternisse une aussi belle renommée.

« Nous n’avons plus qu’à poursuivre notre route, Messieurs, et nous préparerons à ceux que nous précédons dans la vie, non-seulement des jours plus heureux, mais encore nous leur ouvrirons le temple que nous avons bâti au merveilleux magnétisme. Dans ce temple il n’y aura point d’idole; la vérité y sera sans voile : tous les hommes pourront la contempler.

« Loin, bien loin de nous, dans l’avenir, je vois d’autres mœurs, d’autres lois, une autre justice; et toutes ces choses s’accompliront, car elles ressortent des faits qui se produisent maintenant, elles sont la conséquence forcée de la découverte d’un sens nouveau, c’est-à-dire du somnambulisme, et de la puissance presque divine que Dieu, dans son inépuisable bonté, a donnée à l’homme.

«Continuons donc, Messieurs; marchons en avant; une lumière divine nous guide, et cette lumière manque à nos ennemis. Mais soyons généreux; convions-les au partage de nos jouissances ; ouvrons, s’il se peut, leur esprit à la vérité nouvelle ; leur cœur alors ne sera plus sourd aux souffrances d’autrui, car ils sentiront en eux-mêmes qu’ils ont le pouvoir de les soulager.

« Plantons au milieu de la société moderne cet arbre

de vie ; ses fruits désaltéreront ceux que les mauvaises passions dessèchent; les hommes ne so croiront plus maudits; ils reconnaîtront leur divine nature et renaîtront à la vertu1. Mais que ce jour soit une réhabilitation dé. Mesmer. Comme Galilée , il fut persécuté par le fanatisme de son Siècle ; comme Socrate, on le joua'sur le théâtre pour le faire haïr du peuple. Il eut enfin le sort de tous les grands génies : il fut persécuté! Hommage à sa mémoire, Messieurs ;' que notre reconnaissante égalé tes: bienfaits que sa doctrine répand sur le monde., imitons, »11 se peut, les de Puységur ec les Deletrze' eiv initiant chaque jour ceux qui ne croient point au magnétisme, en tes rendant témoins de nos œuvres. Pénétrons-Ies surtout de nos principes; que cette puissance si merveilleuse, dont nous leur apprendrons les secrets, ne servent que pour le bien; évitons surtout drêtre confondus avec ceux qui en abusent C’est ainsi., Messieurs, que nous aurons rempli notre tâche, et qu’à notre tour nous mériterons la reconnaissance des hommes qui nous remplaceront bientôt dans notre mission’. Honneur à Mesmer? que sa mémoire soit impérissnblè comme sa découverte! »

Ce discours fut aecueilli avec enthousiasme ; on se léva pour boire à P» gloire de Mesmer, de cet homme dé'bien qui, pour prix de la vérité qu’il apportait, reçut la flétrissure d'à nom de charlatan.

La parole fut d’abord accordée aux ordonnateurs du banquet pour rendre1 compte de leur mission ; mais eette meswre était fe pure forme, car personne ne doutait de l’emploi judicieux qu’ils avaient fait des fends qui leur avaient été remis.

Un premier ¡toast fut porté par M.Hébert (deGarnay):

« A LA COMMISSION DE SOUSCRIPTION AU BUSTE DE «Mesmer, et particulièrement à M. Aubin Gauthier,

, président, pour sa généreuse pensée, son zèle, auxquels nous devons de pouvoir contempler en ce .jour solennel les traits de notre maître commun. » M. Gauthier, tout en recevant sa part méritée d é-loyes, a voulu reverser l'autre sur les souscripteurs qui l’ont aidé à réaliser sa pensée.

M. Gentil, rappelant en termes chaleureux les services de M. Gauthier, a terminé son toast de cette manière :

a A notre ami commun !

« A notre maître... à beaucoup d’entre nous!

« Au digne, aimable, savant baron du Potct !

« Promettons-lui de conserver In mémoire de ses « œuvres, et fasse Dieu qu’il nous pénètre longtemps « encore de sa sainte et courageuse philosophie. »

M. le baron du Potet se leva de nouveau pour dire à l’assemblée qu’un artiste distingué, M. lè baron de Crespy-le-Prince, l’un des convives, offrait à toutes les personnes présentes à ce banquet, comme marqoe de sa sympathie,'de sa vive satisfaction, un exemplaire du portrait de Mesmer, qu’il lithographiera.

Cet hommage fut accueilli par an tonnerre d’applaudissements.

Un autre artiste, également distingué, M. Lassagne, offrit de graver sur acier les traits de Mesmer pour tjjie médaille qui porterait La date de ce premier banquet, de cette première l'ôte, afin que chaque membre de cette réunion en possédât un exemplaire.

Il est beau, il est grand fie consacrer ainsi son talent à glorifier ce qui avait été regardé comme méprisable, et de venger les hommes injustement persécutés.

On accueillit cette offre généreuse avec enthousiasme. Seul, M. Aubin Gauthier protesta.

Un autre artiste encore voulut concourir à éterniser la mémoire de cette fête, comme si rien ne devait être laissé à désirer; il s’offrit pour rendre, par une lithographie, l’image du banquet, afin que chacun pût reconnaître la place qu’il y occupait et le faire revivre dans les souvenirs.

Ce fut bientôt après le tour des chansons et pièces de vers.

M. Cosson chanta Mesmer comme le lui avaient dicté son cœur et sa reconnaissance.

Après M. Cosson vint le tour deM. Gally, qui lut l’acrostiche suivant :

celui dont le zèle a conçu cette fête !

G n jour, de la science il atteindra le faite.

W uvons, en attendant, à sa cbère santé,

[b son esprit profond, si justement vanté....

tü angeons-nous sous le dais de sa sainie bannière ;

O n est sûr d’y trouver une douce lumière.

ü otre cause est gaguée, si nous restons unis :

fcj ieu bénit les efforts des hommes réunis!...

CJ n champ nous est ouvert, c’est un domaine immense ;

•0 lantons-y l’étendard d’une fermé alliance.

O ffrons surtout au monde un spectacle nouveau, out un corps assemblé sous un môme niveau;

H t, sans plus discourir, avant de disparaître,

»3 rinquons, trinquons encore à la santé du maître.

M. J. Lovy, écrivain et poëte, chanta sur les corps savants des couplets dont chacun rappelle une invention ou une découverte d’abord rejetée par nos grands hommes. La plus franche gaieté s’empara des convives, les couplets furent redemandés et de nouveau applaudis à outrance.

Voici cette spirituelle composition:

DM TOAST AUX CORPS SAVANTS.

Air : Les gueux, les gueux, etc.

Les corps savanis Son) bien amusants!

Quell’s drôles de gens Que les savants!

Depuis que le monde exisle,

— Pour eux j’en suis tout confus, —

Ce qu’ils ont nié subsiste,

Ce qu’ils ont prôné n'est plus....

Les corps savants, etc.

Galilée a beau décrire Les lois du glube ici-bas,

Les savanis se r’mu’nl pour dire Que le globe ne r’rau' pas....

Les corps savants, etc.

Quand Colomb ira versa l’onde,

Les savants dir’nt : « C’est un fou !

« Christoph' rêve un nouveau monde,

« Mais ce n’est pas le Pérou!... »

Les corps savants, etc.

On leur dit : « Le sang circule! »

Harvey n’était que trop franc;

Il fut trouvé ridicule,

Et se lit du mauvais sang....

Les corps 3;rvants, etc.

Un jour, d’la vapeur naissante Bicùtre étouffa la voix !...

Et devant ceUe eau bouithrtfe»

Tous les savants restèr’nt froids!...

Les eorps savants, etc.

On les voit sur l'émétique Vomir des pamphlets haineux,

Sur le quiita d’Amérique,

Lancer des arrêts fiévreux....

Les corps savants, etc.

Mesmer est bien plus'terrible!

Une ame! quel embarras!

Entre nous, »1 eét ’pOssiblfe Que ces Messieurs n'en aient pas...

Les corps savants, etc.

Contre la vue à distance Les savants sont acharnés,

Il est vrai que la science

N’y voit pas plus loin qu’ son nez..

Les corps savants, etc.

lu*' » *’ i » • !

Ils n’admâltentipas qu’on dorme, Eux dont les chaînants discours, Grâce au fond, grâce à,la forme, Nous endorment tous les jours !

Les corps savants, etc.

Survient une jeune fille ;

Son fluide est contesté....

On ne don il’ qu'à la torpille Le droit d’électricité.

Les corps savants, etc.

Matadors de la science,

Grands flambeaux dû genre humain, Recevez, au nom d’la France,

Et mon toast et mon refrain !

Les corps savants Sont bien amusants ! QueU’s drôles de gens Que les savante !

bis.

C’était le moment pour M. le baron du Potet d’appeler tous les partisans du magnétisme à concourir à une bonne œuvre. Il savait qu’un médecin, vieux et infirme, ancien ami et correspondant de Deleuze, le docteur B*** enfin, étaU dans un profond dénûment; il invita rassemblée â se montrer généreuse, Une charmante petite fille recueillit les dons de chacun. C’est ainsi que cette première fête se termina.

Le plaisir n’avait pas cessé d’y régner, un seul instant, et chaque magnétiseur, en s’en allant, était non-seulement satisfait du présent, mais semblait voir clairement que le jour d’un complet triomphe n’était pas éloigné. En effet, la science nouvelle a mainténant ses journaux, sa tribune, des sociétés créées pour la répandre. Voici ses fêtes; n est-ce pas ainsi que l’on reconnaît la marchç çte tout ce quia de la vie, de tout ce qui est vrai? Iu .,* ,

USTE DES PERSONNES COMPOSANT LE BANQUET.

M. Andrivau.

M. GillotdeLétang.

M. le colonel Mac-Sheehy.

M. Gally.

M. le baron de Crespy-le Prince. M"' Péan de Laroche-Jagu.

M. Shaw.

M"' Shaw.

Kl. Gentil.

M. Cosson.

M. Isidore Laborde.

M. Lassagne.

M” Lassagne.

M. Stassin.

M. Germer Baillière.

M. Simonrau.

M. le baron (lu Potet.

M"* la baronne du Potet.

M. de Wullès de Moutjay.

M. Pichard.

M. de Bergevin.

M“' (le Bergevin.

M'* de Bergevin.

M. Chardon jeune.

M. Chardon tils.

M. Millet.

M. Millet fils.

M. Henry.

M. Joseph Vimeux.

M. Lovy.

M. Laporte.

M. Hausey.

M. Breda.

M** Breda.

M. Hébert (deGarnny).

M. Lacoste.

M. D' rrien.

M1* Lahaye.

M. Dcl.içour.

M. Simon.

M. Mahaut.

M. Michaux.

M. le docteur Besuchet.

M. t.erler, dentiste.

M. Chartron.

M. Boullet.

M. Nivard.

M. le docteur Penoyie.

M. Burnet.

M Paillet.

M. Girollet.

M. Roustan.

M. Péreyra.

M. le docteur Philippe.

M. Maeyens.

M. Grumet.

M. Alex. Martin.

M. Bourdon, chimiste.

M. Leli lí, avocat.

M. Roy, avocat.

M. le colonel Préaux de Locré. M“ Préaux de Locré.

M. Chœnli-in.

M. F»lire.

M. Picard, dentiste.

M. Piron.

M" Piron.

M. Géniés, dentiste.

M. Leroy.

M“' Leroy.

M. Durieux (représentant la société magiiét. de Cambrai). M. Hardy.

M. Aubin Gauthier.

M. Froment de Lorimelle.

M. Logerotte.

M. Hugot. 1 M. Condor.

Récompense Impériale. — Nous recevons des nouvelles de Moscou, où on nons annonce qu’un ma-

gnétiseur vient de rendre l’ouïe, et, par suite, la parole, à une jeune fille devenue sourde-muette dès ses premiers ans, à la suite d’une grave maladie. Tous les médecins de Moscou ont constaté cette guérison, et l’empereur a nommé de suite médecin de l’hospice des orphelins l’heureux magnétiseur.

Nous reviendrons sur cette cure, dont nous espérons les détails. Lorsque nous produisîmes les mêmes laits à Dijon, à Gray, à Paris, on ne voulut pas les reconnaître. Cette huute approbation du tsar fera-t-ellc ouvrir les yeux à nos illustres académiciens?

Vision somnambulique. — Le corps du malheureux artiste Sixdeniers, que l’on avait vainement cherché dans la Seine, a été retrouvé par une somnambule consultée à ce sujet, en touchant seulement son portefeuille. Elle a indiqué, sans aucune hésitation, la place précise où se trouvait le noyé, et ceux qui suivirent l’indication de la clairvoyante n’eurent qu’à se baisser pour retirer le cadavre; il était flottant entre deux eaux.

Nous donnerons dans le prochain numéro des détails circonstanciés sur cette curieuse séance, à laquelle plusieurs de nous ont assisté. Mais nous devons dire aujourd’hui que pas un journaliste n’a voulu recueillirce fait de clairvoyance. Aucun de ces savants qui prétendent enseigner le monde, l’éclairer, n’a accueilli ce fait authentique.... Cela ne nous étonne point, quoique cela nous confonde. Heureux pays que la France! lumière des lumières! projette tes mensonges sur le globe, ils seront reçus. Ceux qui ne veulent point de votre civilisation ont bien raison,

car elle est mensongère comme vos prétendues vertus. Kurivuins au jour le jour,, êtes-vous donc aveugles?... Ail»! je vois.... Il y u, à chaque feuille, un médecin qui censure tout ce qui se «attache de près ou de loin à lu médecine;,il jette au panier tout ce qui est magnétisme ou seconde vufi. C’est bien, très-bien; mais nous leur dirons qu’jls sont des infâmes, car ils trahissent les droits de ,ce qu’il y a de plus sacré au monde : la vérité.

Sorcier électrique. — La petite Cottin a fait le tour du monde. Grâce au ridicule dont l’a couverte la presse paqisienne,J’univers en a retenti. Ça été pour les journaux étrangers le même sujet de discussion que chez nous. Los uns rejettent bien loin la réalité du fait étrange que nous avons observé; d’autres l'admettent en T-étayant de raisonnements plausibles ou de citations de ¡faits analogues. De ce nombre est lu Gazette médicale belge, qui cite le cas d’un nommé Breekmans, qui vivait à Bruxelles, en 1686, et se permettait d’être électrique. „ i,

«Cethommp brisait,,parîle seul attouchement,les objets les plus volumineux,, tels que chaises, bancs, pupitres, charrette^, etc.9 fitc. Il arciva plus d’une fois qu’au simple contact de son doigt indicateur gauche des poutres ¿énormes se crevassaient. Le .magistrat de la ville 6’.émut sur les faits et gestes.de «fit homme. JUne commission, çompcwée de MM. Gelof, Lichtzinningen et YanLirçpel, docteurs en médecine, \erspruglen et.Pilmaua, ^pothieaires-junës, fut nommée àl’effet-de constater les.flffets suçprenants manifestés par Bieekmans.il até&uUa,de cette enquête que

*

Breekmans était un sorcier. Le magistrat lança un édit contre cet homme, mais celui-ci parvint à échapper, par la fuite, aux rigueurs de lia justice; L’édit du magistrat de Bruxelles se trouve rolaté tout au long dans le troisième volume du Zwu>tei*hock, archives de la ville. »

Si cette progression continue^ les: ôldctriques deviendront' si nombreux que l’Académie, quoi qu'elfe' fasse4 ne pourra pas longtemps résister à leur action foudroyante.

La femme électrique. — Sous celte dénomination, on joue en ce moment, sur le théâtre du Palais-Royal, une pièce pleine d’espritet de scènes bouffonnes.C’est la parodie des propriétés phénoménales d’Angélique Cottin. Cette pauvre enfant, après avoir eu le triste privilège de remuer la bile académique, sert maintenant à exciter le,rire des spectateurs.

Prix Bomnambaliquei —- Aacnn somnambule lucide ne1 s'étant présenté- pour'gagner oe prix, la lanh-note a été retirée le 18 de ce mois. Les auteurs de ce défi porté à. la clairvoyance-, ennemis-déclarés du mesmérisme, se prévalent de cette-circonstance pourle flétrir des-nomsde de lus ion, oiieav, deception, errott, et«.,: etc. Sur ce thème1 le® journaux'anglais s’en donnent à cœur joie; 1 '

Chers Anglais, mettez une somme plus forte. Vous avez;, je>crois, offert 100,000 fíancsái celui qui vous apporterait un chat tricolorev /Vous estimez- trop peu, dans le cas présent, une ehoser qui est sans prix. Mais pour vous encourager, car votre offre minime prouve que vous craignez de perdre, déposez1 quelques mille

livres sterling; vous tenterez quelques hommes ; aucun ne gagnera le pari, car il y a ici des empêchements à côté (les désirs : il faut connaître les conditions de lu vision somnambulique, et les magnétiseurs échevelés les ignorent. Nous les leur ferons bientôt connaître.

Machination. — Nous sommes de nouveau menacés. C’est encore un médecin qui veut écraser le magnétisme. M. Am. L*" a mis de côté sa toque doctorale pour se coiffer du bonnet de coton du Constitutionnel. C’est dans ce journal que paraîtront bientôt les terribles attaques ; tout se prépare, dans l’ombre, pour nos funérailles!...

Nous prévenons charitablement le Constitutionnel que le magnétisme a plus d’adhérents que lui n’a d’abonnés, et que s’il agrandit son format pour venir en aide aux mauvaises passions et tromper le public, il pourra bien s’en repentir. Mais nous oublions, en ce moment, que tout ce qu’écrit ce journal n’est jamais sérieux ; on s’y abonne à cause de ses romans.

Polémique. — Nous avons reçu des réclamations touchant l’article Mesmer ressuscité, inséré dans notre numéro du 30 avril. On se plaint, d’un côté, que nous n’ayons pas enseveli ce document scandaleux ; de l’autre, on doute de son existence.

Aux premières, nous répondons que nous sommes d’avis qu’on ne doit rien cacher. En accueillant la vérité n'importe par quelle bouche, et le bien n'importe par quelles mains, nous faisons une large part « chacun, mais en revanche nous avons le droit de signaler, de flétrir même ce qui est mauvais, quelle qu’en

soit l’origine ou la forme. Le jour où nous tairions des faits qui peuvent nuire à notre cause, nous deviendrions complices de ceux qui les commettent; cessant dès lors noire rôle d’historiens consciencieux, nous serions indignes do laconiiance de nos contemporains et coupables envers l’histoire, qui personnifie la postérité. D’ailleurs, qu’on se reporte à noire profession de foi. Nous avons promis de dire la vente sur toutes choses; nous restons fidèles à notre programme.

Aux secondes, nous disons : Quand un fait vient à notre connaissance, si nous le prenons sous notre responsabilité personnelle, il est vrai. Mais, pour qu’aucun doute ne reste sur notre sincérité, nous allons indiquer la source où nous avons puisé. Cette pièce ébouriffante est extraite du Tam-Tam (neuvième année, nn 30). Par modération, nous n’en avons reproduit que la première partie; indiquer la source nous dispense d’insérer la seconde, plus édifiante encore.

Loi de santé portugaise. — Jvis à Messieurs du Congrès médical de Paris.

Vous avez, Messieurs, fait preuve d’un trop grand désintéressement dans vos demandes au ministre de l'instruction publique; un homme qui vous veut tout le bien que vous méritez vous envoie un exemple à imiter: il vient d’un peu loin, mais, si vous allez bien au Pérou chercher l’écorce qui nous guérit de la fièvre, pourquoi ne prendriez-vous pas au Portugal la petite loi de santé qui produit en ce moment de si merveilleux résultats ?

On écrit do Lisbonne, le 21 avril, au Morning-Ghronicle :

« La province de Minho était, dans ces douze jours, le théâtre des troubles dirigés contre le nouveau système de répartition des impôts, et surtout contre la perception d’une taxe très-onéreuse constituée par la loi de santé. Le premier tumulte a été occasionné par le refus que les autorités d’une localité opposèrent«! l’enterrement d’un pauvre paysan, vu qu’il n'y avait pas de certificat de médecin que la loi exige. Le médecin est autorisé à exiger pour un certificat jusqu’à

10 shillings. En vain les ami®du.décédé protestaient qu’il leur était impossible de faire cette dépense, l'autorité refusa la permission d'enterrement. Alors les femmes des environs se levèrent en masse, on dirigea des troupes contre elles, une lutte sérieuse s’engagea, dans laquelle il y eut plusieurs femmes et des enfants de tués ; mais les soldats ont été obligés dfcsere-tirer devant ces femmes exaspérées. »

Revue des journaux. — I-a Patrie du 14 conteste à la Revue magnétique l’utilité militaire du somnambulisme.

L’Echo de F Industrie s’est transformé' en' arène où M. Charnier, prud’homme de Lyon, et M. le docteur Despine, directeur dès eaux dfAix en Savoie, combattent toujours au sujet des scènes- du congrès scientifique de la cité lyonnaise : le premier contre M. Lanrdnt, qu’ii traite de charlatan, et su somnambule, qu’il accuse de jonglerie;, le second prend la défense de l'un et de l’autre» assurant que les scènes de Lyon no viennent que du mauvais vouloir des toè-

decins et de l’ignorance des OQngr-essites.iU y,a quatre ans que tout cela s’est passé, et cette lutte animée, recommençant déjà loin des,événements, ne peut porter que de mauvais fruits. Jl y aura toujours des charlatans et des incrédules.; comme les uns et les autres doivent ,être en minorité, U ne fautslon occuper qu’accidentellement, pour se idopnor entièrement à la recherche des lois du ma^nélismc^.dont la moindre fera plus de bien que des volumes.de controverse.

Un docteur Regambert, d’Escatalens,publie dans la Gazelle du Languedoc une lettre dans laquelle il dit avoir beaucoup étudié le magnétisme, e£ conclut que les faits qu’onregarde, commentais ne sont que des tours d’adresse. Il défie qu’on lui ¿o .prouve la réalité. Mais, aimable docteur, nous savons bien qu’il n’y a point de démonstration possible pour quiconque veut s’obstiner à nier. Témoin ce membre de l’Aca-démie de Médecine, M. Rochoux,, qui offre ¿jn prix de 10,000 francs à oejui qui lui prouvera l’existence de lame.

BIBLIOGRAPHTE.

Esqiète sdh l’authenticité des phénomènes électriques d'Ar-céliqde Cottin, par le docteur Tancuou. Cliez Germer Baillière, rue de l'Ecole de Médecine, 17. Prix : 1 fr. 50 c.

M. Tanehou, qui, Tan^tes'première A Paris, a examiné l’état de la jeune Cottin, qprès averirTecomra ia

réalité des phénomènes offerts àson examen, soutint la cause de la science et de la vérité devant l’institut et le public. Ses observations personnelles, jointes à de nombreux documents recueillis dans l’Orne auprèsdcs personnes les plus honorables, complètent la relation historique que nous avons donnée de cette singulière maladie. Celte brochure devant être consultée par tous ceux qui, convaincus de ces faits, veulent rechercher la nature de leur cause, nous allons mentionner un effet capital, le plus important peut-être, omis par M. Tanchou.

Dans sa note àM. Arago, l’auteur de l’ouvrage qui nous occupe dit bien qu'en approchant « deux boules « de sureau ou de plumes suspendues par un fil de « soie, elles sont agitées, attirées, et parfois s’éloi-

• gnent l’une de l’autre. » Il aurait fallu ajouter que cet effet n’avait lieu que quand le 01 était soutenu par une main étrangère; car aussitôt que la jeune Clic touchait cet électromètre improvisé, l’effet cessait. Ceci s’est plusieurs fois reproduit chez nous, et c’est ce qui nous expliqua pourquoi nous l’avions vue, à notre arrivée à Mortagne, porter des chaises, tables, etc. Il semble qu'en touchant les objets de ses deux mains il s’établissait un courant de fluides opposés se neutralisant. C’est, au moins, la seule explication qui se puisse donner de cette anomalie apparente.

Le Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Garnay). Paris. — Imprimerie d'A. Kuii et Cgmp., rue de Seine, 32.

CLINIQUE MAGNÉTIQUE.

Insensibilité a la douleur. —Tout homme, par la seule puissance de sa volonté, peut occasionner une perturbation grave dans l’état naturel d’un autre homme; et à la suite de cet état extraordinaire appelé somnambulisme artificiel, on voit apparaître un grand nombre de phénomènes intéressants qui excitent au plus haut degré l’étonnement et l’admiration de ceux qui les observent. Parmi ces phénomènes, l’un des plus utiles est assurément l’insensibilité absolue produite dans les organes par l’agent magnétique, et son heureuse application aux opérations chirurgicales.

L'insensibilité magnétique est aujourd’hui une vérité qui n’a besoin que des sens pour être reconnue et appréciée. Comment se fait-il donc que cette vérité rencontre encore un si grand nombre d’incrédules? C’est parce que l’on ne conçoit pas que la chose soit possible.

Mais d’abord connaissons-nous les bornes du possible? Est-il rationnel de condamner, a'priori, tout ce que la raison humaine ne peut pas, du premier coup d’œil, embrassér dans ses résultats, ce qui résiste à la première intuition de l’intelligence? Il est bien des choses que l’homme ne peut comprendre en faisant t. ii. 15 juin 1846. 11

appel à sa seule raison, et que cependant il est obligé d’acceplcr comme l'expression de la vérité. Tout est merveilles dans nous et autour de nous. Peut-on expliquer les effets du haschich et de la belladone? Savons-nous comment l'opium produit le sommeil ? Les phénomènes delà circulation, de la respiration, le principe de la vie, la volonté humaine, les lois de la gravitation, l’électricité, le galvanisme sont autant de mystères qui échappent à toutes les investigations des hommes les plus savants. Si parfois notre raison .se révolte contre les assertions de phénomènes nouveaux encore incompréhensibles, ne les rejetons cependant pas sans les examiner, par cette seule raison qu’ils sont inexplicables.

Ainsi donc, avant de regarder comme fabuleux les effets étonnants produits par le magnétisme, prenons la peine de les analyser avec soin, de chercher nous-mêmes à les produire, et ne portons notre jugement qu’après un rigoureux et minutieux examen. Si l’insensibilité magnétique, si la vue à travers les oorps opaques, si la communication des pensées sont des phénomènes réels, certes ils valent bien la peine d’être étudiés; si ce sont autant d’erreurs, examinons-les encore, car une erreur constatée est une vérité reconnue. Commençons par douter, cela est naturel et juste; mais apportons, dans nos recherches multipliées, cet esprit de doute méthodique et seul raisonnable, qui consiste à ne croire ou à ne nier que lorsqu’on a bien vu, bien examiné, bien appliqué ses sens. C’est la seule règle, la seule source de toute connaissance positive, et la condition indispensable de tout progrès dans les sciences.

Ces considérations nous amènent naturellement à parler d’une opération importante qui a été faite mercredi dernier 27 mai, avec une grande habileté et un succès complet, par M. le docteur Loysel, assisté de quatre autres médecins, et en présence de plus de trente témoins fort honorables, et tous très-dignes de foi, réunis dans un vaste local. Le sujet, qui est un jeune homme de dix-huit ans, avait été mis auparavant, en leur présence, dans un état d’insensibilité magnétique absolue, par M. Delente. C’est la quatrième opération de ce genre pratiquée à Cherbourg depuis sept ou huit mois, par M. le docteur Loysel. Kous ne pouvons en donner un récit plus exact qu'en joignant ici la copie du procès-verbal de celte opération, à laquelle nous avons été prié d’assister.

Opération chirurgicale.

« Le mercredi 27 mai 184G, à quatre heures quarante minutes de relevée, M. le docteur Loysel, aidé deM. le docteur Gibon, et assisté, de trois autres médecins, a pratiqué, avec un remarquable talent et une réussite complète, l’opération ci-après décrite, sur lu sieur Baysset (François), âgé de dix-huit ans, mis préalablement dans l’état de sommeil magnétique et d’insensibilité absolue par M. Delente, son magnétiseur. Cette opération a été faite en présence d’un grand nombre de spectateurs, attirés moins par la curiosité que par l'intérêt qu’inspire un moyen si utile n l’humanité.

« Dès quatre heures, le malade, assis dans un fauteuil ordinaire, est magnétisé par M. Delente, qui l’a

déjà mis plusieurs fois en somnambulisme magnétique. Après deux minutes environ, les yeux du sujet se ferment peu à peu ; les paupières supérieures, agitées d’un léger tremblement, s’appuient avec force contre le globe de l’œil, lequel paraît se convulser sous l’arcade sourcilière. Les muscles du cou se relâchent mollement; la tête s’incline en arrière et se porte sur le dossier du fauteuil. Le malade tient ses deux bras croisés sur la base de sa poitrine; son fades exprime la quiétude la plus absolue. Alors le magnétiseur fait pénétrer, à plusieurs reprises, un long stylet dans les chairs du patient, qui ne paraît point s’apercevoir de l’expérience à laquelle il est soumis.

« Cependant M. le docteur Loysel a préparé ses instruments, et les médecins dont il est assisté se sont mis en mesure de seconder l’opérateur. A quatre heures quarante minutes un premier coup de bistouri fait une longue incision qui s’étend de la partie postérieure gauche du maxillaire inférieur jusqu’au dessous de la symphyse du menton. Alors l’opérateur dissèque, avec précaution, une masse considérable qu’il ne tarde pas à extirper, et qui présente sept glandes réunies, dont la plus grosse est de la forme et du volume d’un œuf.

« Cette première dissection n’a pas duré moins de dix minutes, malgré la dextérité avec laquelle elle a été pratiquée. Pendant tout ce temps, le malade n’a pas cessé d’être d’une impassibilité absolue : nulle émotion ne s’est manifestée sur ses traits; son visage est toujours resté calme ; et, chose remarquable, il n’y a pas eu la moindre décoloration du teint, le moindre froncement des sourcils, le moindre signe enfin qui

décelât la plus légère souffrance. Et pourtant tous les assistants étaient profondément émus; quelques-uns même, effrayés à la vue de cette énorme plaie dont les bords présentaient une ouverture considérable, n’ont pu supporter un tel spectacle, et sont sortis de l’appartement.

« Le pouls , dont l’étal avait été constaté avant le commencement de l’opération, n’a aucunement varié :

il est resté après, comme il était avant, à quatre-vingt-quatre; et l’ampliation de la poitrine a continué de se faire d’une manière régulière et en rapport avec les batlements du cœur.

*

« Après un repos de dix minutes, M. le docteur Loysel a pratiqué une nouvelle incision du côté droit, et a extirpé, de la même manière, deux autres glandes. Le malade est resté exactement dans le même état que pendant la première opération, conservant un calme et une immobilité inexprimables.

« Les doux opérations ont duré ensemble vingt-neuf minutes, y compris le temps de repos. Ensuite un des spectateurs, que ce phénomène intéressait vivement , a questionné le malade de la manière suivante :

«Comment vous trouvez-vous?

— Bien, Monsieur.

— Souffrez-vous maintenant? Avez-vous souffert il y a un instant?

— ÎN’on, Monsieur, nullement. * •

« A cinq heures trente et une minutes on commence le pansement. Les bords de lu première plaie sont réunis à l’aide de cinq épingles traversant les tissus, et dont l'application a duré quatre minutes. La se-

condc plaie a été fermée par une seule épingle ; puis des bandelettes agglutinatives ont été appliquées siir l’une et sur l’autre. Le pansement a été terminé à cinq heures cinquante-sept minutes. Alors on a fait disparaître de l’appartement tous les objets dont la vue aurait pu produire une impression désagréable sur le malade, qui, après s’être lavé et habillé lui-môme, a été réveillé par son magnétiseur en moins d’une minute.

« Rendu à la vie ordinaire, le jeune Baysset, dont le calme et le bien-être se maintiennent, déclare aux nombreux témoins de l’opération, qui l’interrogent avec beaucoup d’emprèssement et une vive émotion, qu’il n’a aucun souvenir, aucune connaissance de ce qui vient de se passer; qu’il ne souffre nullement, et que, sans les bandages qui entourent sa tête, il ne se douterait pas que l’opération est faite. Il remercie affectueusement M. lo docteur Loysel, M. Delente et les médecins qui l’entourent; puis il se retire, et se dirige à pied, et sans aucun appui, vers son domicile situé à Equeurdreville, à deux kilomètres environ de Cherbourg.

« Etaient présents à cette opération, et ont certifié les faits ci-dessus:

o Messieurs

« Noël-Agnôs, sous-préfet;

« Obet, d.-m. P., membre correspondant de l’A-caxlémie royale de Médecine ;

« Gibon,d.-m. P.;

« Bordonno, chirurgien delà marine ;

« Boëlle, chirurgien de la marine;

« Rauline, aumônier de l’hôpital maritime;

« Chevrel, avoué;

« Coutance, directeur des subsistances militaires; a Durand, professeur do philosophie;

« De Roussel, ingénieur de la marine;

« Lacombe, lieutenant de vaisseau ;

« Doisnel, propriétaire ;

• Vergues, enseigne de vaisseau;

« Daragon, professeur;

« Ford, Esq"', de l’université d’Eton;

« Auguste Jean, négociant ;

« Adolphe Lambert, propriétaire ;

« L’Emprière fils, négociant;

« Ricard;

« Pesnel,

Vous croyez, lecteurs, que l’Académie de Médecine

bilité? Vous croyez que l’Académie des Sciences va rechercher la nature de l’agent puissant qui produit de semblables phénomènes? Comme vous êtes simples et candides ! Les Académies des Sciences et do Médecine étudier le magnétisme et revenir sur leur passé ! avouer que l’on s’est trompé et que l’on a flétri injustement des hommes honorables ! ce serait faire croire que l'on a quelque vertu ; mais, sur ce point, nos Académies ne veulent point mentir. Voilà pourquoi

« Lepoivre,

« Lallcmand,

« F. Grave,

« Baysset, opéré. »

(Journal de Cherbourg.)

de Paris va s’émouvoir de ce fait nouveau d’insensi-

vous serez témoins de leur indifférence affectée et do leur silence, quoiqu’elies soient peu sobres deparóles.

J’aperçois la croix d’honneur sur la poitrine des scribes et des pharisiens : c’est le prix du mensonge et de la fausse science. Ne leur en voulez point pour leurs actes de bassesse : la vérité ne rapporte rien ; celui qui la défend doit s’attendre à l’outrage et à la misère. Les honneurs et la fortune s’achètent souvent

au prix de l’infamie.

Le magnétisme triomphera pourtant ; il se fait populaire : il court les rues déjà, on l’entendra un jour crier : A bas les savants ! et, ma foi ! comme ceux-ci ne sont pas braves, vous pouvez y sans effort desprit, deviner ce qui arrivera. Le magnétisme entrera dans les Académies par les brèches que l’on aura faites à leurs vieilles murailles.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DU MESMÉRISME.

Séance du 9 avril. — On magnétise neuf personnes. Trois, dont deux pour la première fois, tombent en somnambulisme et en exécutent les actes; quatre éprouvent les divers effets qui caractérisent le commencement d’action, deux enfin ne sentent rien.

Seance du 1G avril. — M. Lovy demande si lo somnambulisme peut quelquefois revêtir les principaux caractères de l'extase; particulièrement s’il est possible d'isoler un somnambule au point qu’il n’entende plus son magnétiseur. Par analogie, la Société pense qu’on peut suspendre l'audition comme on paralyse la sensibilité ou toute autre fonction, mais il y a loin de là à la simulation de l’extase. Une expérience ultérieure, tentée pour élucider celte question, fait voir qu’il est un état qu’on pourrait dire extatiforme, où les somnambules cessent d'entendro leur magnétiseur et même d’en dépendre.

Réception d’un membre stagiaire, M. Lefébure.'

Séance du 23 avril. — M"“ Frôlon, blanchisseuse à Boulogne, affectée d’une tympanite qui avait résisté ù tous les traitements, en fut en partie guérie par le docteur Jules Guérin, qui, la sachant somnambule naturelle, la magnétisa dans l’espoir qu’elle serait accessible à son action. La tentative réussit, et ses m accès n’ont pas reparu depuis trois ans. Dans cet intervalle on a fait prédominer le somnambulisme artificiel sur le naturel, et c’est pour apprécier sa lucidité qu’elle avait été introduite à la séance d’aujourd’hui.

A peine en état magnétique elle se plaignait de vives douleurs abdominales, et en quelques minutes son ventre prit un énorme développement. Cet accident, dont nous ignorions hi cause, avait effrayé les assistants. On dirigea l’action magnétique vers le diaphragme; il s’ensuivit un hoquet avec éructation abondante ; le ventre revint à son volume normal. L’accès'se maintint en tout quatorze minutes au lieu

de trois à quatre heures qu’il durait ordinairement. Au réveil, point de souffrance, nul souvenir.

Séance du 30 avril. — M. le docteur Viancin mentionne une extraction de dent faite sans douleor snr Mlle Dubois, sœur d’un membre de la Société.

Dans la rédaction de ses statuts, la Société avait admis le principe d’une séance commémorative de la naissance de Mesmer; mais on avait jusqu’ici été arrêté dans l’exécution. Par une inconcevable lacune, le jour do la naissance de Mesmer était ignoré. La Société, sur la foi deM. du Potet, qui a fait des recherches en Allemagne pour connaître cette date, décide qu’elle fêtera cet anniversaire, pour la première fois, le 23 mai prochain.

Séance du 7 mai. — M. Navarin, magnétisé pour la troisième fois, offre le phénomène d’insensibilité. Piqué, pincé sans mot dire, on lui présente devant l’œil ouvert un flacon débouché de pommade ammoniacale de Gondret, qui n’excite ni sécrétion de larmes, ni mouvement palpébral. Précédemment on choisissait les voies respiratoires au lieu do l’œil pour cette épreuve, et l’insensibilité était aussi complète; mais le gaz délétère, entraîné des fosses nasales dans le poumon par l’inspiration, n’étant pas sans danger, on a renoncé à cette pratique qui avait pris naissance à la Salpètrière.

Séance du 14 mai. — Réception d'un membre stagiaire, M. Bourdon , chimiste , préparateur du cours de M. Bussy.

Séance du 21 mai. — MmC'Charles, magnétisée par M. Cosson, est sensible à l’attraction magnétique. D’autres personnes éprouvent des effets vagues. '

CENT DOUZIÈME ANNIVERSAIRE DE LA NAISSANCE DE MESMER.

Première célébration, 23 mai.

Conformément à un paragraphe, jusqu’ici stérile, de l'article 14 des statuts, MM. Hébert (de Camay), Yiancin et Cosson avaient été chargés :

1" De prouver que Mesmer n’a jamais été charlatan ;

2" D'exposer les progrès généraux du mesmérisme;

3 ' De résumer les travaux de la Société depuis son orgine.

ün avait invité à cette séance un grand nombre de partisans du magnétisme.

Plusieurs membres de la Société philanthropico-ma-gnitique témoignaient par leur présence de la bonne harmonie qui règne entre ces deux sociétés, qui propagent, par des moyens différents, mais avec un dévouement égal, le magnétisme dans les familles.

M. le président prit le premier la parole et prononça le discours suivant :

Messieurs ,

« Lorsqu’une découverte utile vient enrichir le monde, les hommes justes et reconnaissants en recherchent l’auteur, l’honorent s’il vit; s’il n’est plus, conservent sa mémoire comme le seul tribut qu’on puisse payer aux morts. Mais l’on n’acquitte pas toujours cette dette sacrée, et l’oubli, trop souvent, attend les novateurs. C’est pour manifester nos vives sympathies, n’étre point ingrats, que nous nous assemblons aujourd’hui, et que, portant un instant noSre-

gards vers le passif nous allons vous parler de Mesmer, qui découvrit le magnétisme et jeta les bases de la science dont nous sommes adeptes.

« Notre désir est d'éclairer vos esprits sur la vie et quoJques actes de cet homme illustre, de vous le montrer sous son véritable aspect, de vous prouver enfin qu’il ne mérita jamais l’épithète de charlatan, dont l’ont flétri ses contemporains.

« Envisagé du côté intellectuel, était-ce un homme de génie, un savant distingué, un médecin habile, un observateur profond et sagace? Oui; sur ce point tout le monde est d’accord, ses ennemis mômes sont unanimes : ailleurs réside le débat.

« Considéré au moral, alliait-il à son immense talent les sentiments élevés dont l'union avec la science enfante la sagesse et toutes les vertus qui naissent de l’harmonie, préétablie ou acquise, entre les penchants, les sentiments et l’intelligence? Y avait-il en lui un tel équilibre, une telle pondération de facultésqu on puisse dire : son esprit égalait son cœur, et son cœur valait son esprit? Non, répondent les ennemis-nés de sa découverte et le vulgaire trompé par leur exemple, non, c’était un audacieux charlatan, un fourbt adroit, dépourvu de conscience, sans moralité; ayant le cœur desséché par une soif d’or inextinguible, il n’employait ses brillantes qualités que pour mieux tromper avec son fluide chimérique.

«Mais, Messieurs, ce concert d'injures n’ajamais pu étouffer la voix de ses disciples épars, qui toujours appelèrent de ce jugement inique porté sur leur maître. Aujourd’hui, grâce à leur zèle prosélytique, le con-Ifair® arrive. Les haines se sont éteintes, les préven-

tions cessent, le magnétisme se répand, nos légions grossissent et les préjugés cèdent à nos efforts collectifs. Chaque jour de nouvelles gouttes s’ajoutent à l'océan de la vérité méconnue. Le nom de Mesmer devient populaire, et des hommes nouveaux qui se déclarent ses admirateurs effacent un à un les stigmates dont le couvrirent la mauvaise foi perfide et l’ignorance aveugle.

« 11 naquit il y a aujourd’hui cent douze ans ; sa mort date de 1815. Il est temps de rendre publiquement hommage à sa mémoire. La ferveur des adeptes, qui ne s’est jamais refroidie, inspira récemment la pensée de conserver les traits de ce grand médecin, et ce modeste buste, de fragile matière, est venu satisfaire leur désir en attendant qu’ils puissent demander au bronze de perpétuer ces traits qu’ils contemplent aujourd’hui pour la première fois.

« Enrôlés sous sa bannière avec toute la foi, l’ardeur qu’inspirent les vérités, pénétrés d’ailleurs d’un juste sentiment d’admiration pour sa personne, souffrez qu’avant de le justifier nous déposions sur son front ouiragé cette couronne emblématique de l’immortalité qu’il s'est acquise.

« Il suffit, Messieurs, à la vie d’un homme d’être distingué par son génie, son talent ou sa vertu, pour avoir droit aux hommages. Et quand, par malheur, le génie se rencontre avec un cœur corrompu, on doit oublier les torts de l’homme pour ne voir que les résultats heureux, les bienfaits apportés au monde par ses découvertes.

« Mais est-ce là le cas de l’homme dont nous vénérons la mémoire ? Le vil-on jamais dépouiller la veuve

ou l'orphelin, exiger du prolétaire qui lui devait la santé le prix du labeur destiné à le nourrir? Non assurément, et d’Eslon nous a conservé l’histoire de beaux exemples de sa générosité et de son humanité envers les malheureux qu’il guérissait.

«Sa conduite privée excita-t-elle jamais une plainte? Non encore. Différent de ceux qui l’ont outragé, on ne le vit jamais s’évader par une fenêtre ou s’avilir par la fuite.

« Se traina-t-il à la suite du pouvoir pour en obtenir des honneurs et de la fortune?Au contraire, il la refusa, celte fortune tant enviée, parce que l’on ne voulait pas accepter les conditions morales qu’il mettait lui-même en avant. C’est-à-dire qu’il voulait que sa découverte fût examinée, et qu’il subordonnait à la sanction de la science la récompense légitime due à l’auteur d’une découverte utile à tous. Il tenait tant à ce qu’on ne le crût pas sur parole que, quand ÎS. de Breteuil lui offrit, au nom du gouvernement, une renie yiagère de 30,000 livres, en lui annonçant que le roi le dispensait d’examen, il répondit au ministre :

« Les offres que vous me faites me semblent pécher « en ce qu’elles présentent mon intérêt pécuniaire, et « non l’importance de ma découverte, comme l’objet « principal. La question doit être onvisagée absolu-« ment en sens contraire; car sans ma découverte « ma personne n’est rien. J’ai toujours agi conformé-« ment à ces principes, en sollicitant l’aceueii de ma «découverte, jamais celui de ma personne. El, si « l’on ne croit point à cette découverte, on aévidem-« ment le plus grand tort de m’offrir 30,000 livres de « rente. *

« Quel noble refus ! Un charlatan eût accepté de suile, sans s’embarrasser du triomphe ou de la chute de son système; il eût ouvert les mains et saisi avec avidité la fortune qui s’offrait d’elle-même : Mesmer, lui, se détourna pour la laisser passer.

« Sa rupture avec le gouvernement ne lui laissant plus aucun espoir, Mesmer annonça son départ. Mais la reine, qui l’avait toujours protégé, lui en manifesta son mécontentement, et c’est là ce qui motiva une de ses lettres, dans laquelle il lui dit, pour se justifier de ce départ : « Je n’agis, Madame, ni par inhumanité « ni par avidité, et j’espère que Votre Majesté me « permettra d’en placer les preuves sous ses yeux. « Mais, avant toutes choses, je dois me rappeler qu’elle « me blâme, et mon premier soin doit être de faire « parler ma respectueuse soumission pour ses moin-« dres désirs.

« Dans cette vue , uniquement par respect pour « Votre Majesté, je lui offre l’assurance de prolonger « mon séjour jusqu’au 18 septembre. (Cette lettre est «du 31 mars 1781.) Je supplie instamment Votre Ma-« jesté de considérer que cette offre doit être à l’abri « de tonte interprétation recherchée. C’est à Votre « Majesté que j’ai l'honneur de la faire, mais indépen-« dante de toutes grâces, de toutes faveurs, de toute « espérance autre que celle de jouir, à 1 abri de votre « puissance, de la tranquillité et de la sûreté méritées « qui m’ont.été accordées dans vos Etats depuis que

• j’y fais mon séjour.

« Je cherche, Madame, un gouvernement qui aper-« çoive la nécessité de ne pas laisser introduire légè-« rement dans le monde une vérité qui, par son in-

« fluence sur lo physique des hommes, peut opérer « des changements que, dès leur naissance, la sa-« gesse et le pouvoir doivent contenir et diriger dans « un cours et vers un but salutaires. Les conditions « qui m’ont été proposées au nom de Votre Majesté ne « remplissent pas ces vues : l’austérité de mes prin-« cipes me défendait de les accepter.

« Dans une cause qui intéresse l’humanité au pre-o micr chef, l’argent ne doit être qu’une considéra-« tion secondaire. Depuis trois ans je reçois des « offres pécuniaires. à peine mon temps suffit-il à les «lire; et je puis dire que, sans compter, j’en ai brûlé « pour des sommes considérables.

« Ma marche, dans les États de Votre Majesté, a « toujours été uniforme. Ce n’est assurément ni par « cupidité ni par amour d’une vaine gloire que je me « suis exposé au ridicule pressenti dont votre Académie « des Sciences, votre Société royale et votre Faculté « de médecine de Paris ont prétendu me couvrir tour « à tour. Lorsque je l’ai fait, c’est que je croyais de-« voir le faire.

« Après leur refus je me suis déterminé à chercher « ailleurs ce que je ne puis raisonnablement espérer « ici. Je me suis arrangé pour quitter la France, et «c’est ce qu’on appelle inhumanité.: comme si ma « marche n’avait pas été forcée !

« Dans la balance de l’humanité, vingt ou vingt-« cinq malades, quels qu’ils soient, ne pèsent rien à « à côté de l’humanité entière ; et, pour faire l’appli-€ cation de ce principe à une personne que Votre Ma-« jesté honore de sa tendresse, ne puis-je pas dire que « donner à la seule M1“1, la duchesse de Chaulnes la pré-

a fércncc sur In généralité des hommes serait, au fond, a aussi condamnable à moi que si je n’appréciais ma o découverte qu’en raison'de mes intérêts personnels?

« 3e me suis déjà trouvé, Madame, dans la néces-« sité d’abandonner des malades qui m'étaient chers « et à qui mes soins étaient encore indispensables:

« ce fut dans le temps que je quittai les lieux de la « naissance de Vôtre Majesté : ils sont aussi ma patrie !

« Alors pourquoi ne m’accusa-t-on pas d’inhumanité?

« Pourquoi, Madame?parceque cette accusation grave a devenait superflue ; parce que l’on était parvenu,

« par des intrigues plus simples, à me perdre dans « l’esprit de votre auguste mère et de votre auguste « frère.

« Celui, Madame, qui toujours aura, comme moi,

* présent à l’esprit le jugement des nations et de fa « postérité, celui qui se préparera sans cesse à leur « rendre compte de ses actions, supportera, comme « je l’ai fait, sans orgueil, mais avec courage, un re-t vers aussi cruel ; car il saura que, s’il est beaucoup

* de circonstances où les rois doivent guider l’opinion

* des peuples, if en est encore un plus grand nombre

* où l’opinion publique domine irrésistiblement sur

- celle des rois. Aujourd'hui, Madame, m’assure-t-on,

« au nom de Votre Majesté, votre auguste frère n a « que du mépris pour moi. Eli bien, quand l’opinion « publique aura prononcé, il me rendra justice ; si ce

* n'est pas de mon vivant, il honorera ma tombo de « ses regrets.

» Quoi qu’il en soit, je partirai le jour que je vous

* ai indiqué. A cette époque, j’espère que Votre Ma- , « jesté jugera mes sacrifices assez longs, et que je ne

« leur ai fixé un terme ni par inconstance, ni par « humeur, ni par inhumanité, ni par jactance, etc. »

« Sont-cc là, nous vous le demandons, la conduite et le langage d’un charlatan ? Si vous dites oui, vous aurez contre vous l’évidence et l’élite do la nation d’alors, qui, convaincue de la droiture et de la sincérité de ses sentiments, ouvrit une souscription pour mettre son existence matérielle à l’abri du besoin, et lui permettre d’assurer le triomphe de la vérité qull avait enseignée.

« Des magnétistes pen judicieux lui ont fait un reproche, presque un crimi, de s’être entouré d’appareils qui ne sont plus nécessaires, de baquets, d’harmonica, qn’on essaie en vain de ressusciter aujourd’hui. Mais que l’on se reporte donc à cette époque! Est^oe que, malgré son génie, son expérience, celui qui comparait ses confrères à « des voyageurs hors de « leur route, qui s’égarent de plus en plus, en courant « toujours devant eux, nu lieu de revenir sur leurs

« pas ponr se reconnaître, » pouvait embrasser toute l’étendue de sa découverte, en parfaire les manifestations ? Est-ce qu’il pouvait se dégager de tous les préjugés scientifiques du temps où il vivait? Est-ce que nous ne naissons pas au sein d'une société qui a ses moeurs, ses idées, ses ridicules? Est-ce que toujours le temps et le progrès ne modifient pas les choses, à moins qu’elles soient imperfectibles? N’a-t-on pas délaissé plus tard l’arbre de Buzancy, et nous-mêmes n’abandonnons-nous pas les procédés de Deleuze, qui ont tant simplifié, tant avancé la mesméritechnie, pour en adopter d’autres qui font franchir la limite des

phénomènes décrits par ce grand maître? D’ailleurs, outre que ce qui ne progresse pas n’est point une science, si Mesmer avait légué son système complet, s'il avait tout prévu, tout indiqué, les travaux de ses successeurs eussent été stériles, et les noms vénérés de Dcleuze et de Puységur n'auraient point fait cortège à celui de l'homme illustre que nous glorifions en ce jour.

« La fausse appréciation que je relève vient de ce que, presque toujours, nous portons dans nos jugements la défaveur du passé, parce que nous n’y avons point vécu et que nous ne comprenons pas bien les idées qui faisaient agir nos devanciers. Dégageons-nous donc, si nous le pouvons, de ces errements vulgaires; soyons justes et impartiaux. Nous jouissons d’une découverte utile, immense, sans égale : à qui la devons-nous? Est-ce aux contradicteurs de Mesmer, à ses juges, à ses ennemis? Non. Eh bien, ne les imitons donc pas! Remontons jusqu’au génie créateur de cet art qui nous charme. Voyons s’il fit des fautes, s’il eut des écarts de jugement, s’il se trompa enfin sur les moyens de présenter sa découverte et propager sa doctrine, et si nous le reconnaissons, tenons compte des circonstances relatives aux hommes, au temps, ou pardonnons au génie ce qu’il a d’imparfait; car nous-mêmes sommes susceptibles d'errer bien davantage. Soyons, en toute justice, indulgents pour les autres, si nous voulons qu’on le soit pour nous; car, quand le moment sera venu de nous juger aussi, d’autres hommes diront, sans doute, de nous, ce qu’avant d’étre avancés dans la science nous disions de ceux qui en possédaient le rudiment fécond.

Plaignons du fond du cœur ces magnétiseurs ingrats qui, sans respect pour leurs maîtres, les signalent à la foule comme dépourvus de science ou déshérités de toute vertu. Bien plus, ne laissons jamais outrager la mémoire de ceux qui nous tendirent une main secourable dans les ténèbres et guidèrent nos premiers pas dans le champ de la réalité, éblouissante pour nos yeux habitués aux erreurs que la science officielle donne encore pour des vérités. Unissons-nous pour défendre ceux qui nous ouvrirent le temple des merveilles dont l’inconnu dispose; c’est un devoir sacré qu’impose la reconnaissance : 1 ingratitude décèle un mauvais cœur.

« La fin de la vie d’un homme, Messieurs, justifiant son passé, suivons Mesmer dans la retraite.

« D’abord il s’éloigne du monde, il est seul, cherchant par la méditation et le travail l’oubli de l’ingratitude des hommes et de l’injustice des savants. Mais son activité le pousse, sa destinée 1 entraîne ; il se plaint de se voir condamné à être inutile, faute d’être compris. Puis il s’écrie : « Mon existence res-« semble absolument à celle de tous les homme? qui,, « en combinant des idées fories et d’une vaste étendue, « sont arrivés à une grande erreur ou à une grande vérité; ils appartiennent à cette erreur ou à cette « vérité ; et, selon qu’elle est accueillie ou rejetée, ils « vivent admirés ou meurent malheureux. Mais quoi-« qu’ils tentent pour recouvrer leur indépendance a primitive, c’est-à-dire pour séparer leur destinée t de celle du système dont ils sont les auteurs, ils ne « font que d’inutiles efforts. Leur travail est celui de « Sisyphe, qui roule malgré lui le rocher qui l’écrase ;

« rien ne peut les soustraire à la tâche qu’ils se sont « imposée. »

« A celte époque si féconde en hommes d’énergie, en actions d’éclat et aussi en atrocités, Mesmer revint à Paris pour y surveiller l’impression de ses ouvrages. C’est dans ce voyage qu’il se distingua par un de ces traits sublimes qu’honore le genre humain tout entier, et qui montre toute la grandeur d’àme dont noire maître était doué.

« Bailly, ce savant illustre, mais juge inexorable qui avait voué Mesmer à la risée publique, était à son tour voué, par le tribunal révolutionnaire, à terminer sa carrière sur un échafaud. Une populace égarée', affamée peut-être, accompagnait au lieu du supplice l’ancien maire de Paris, en proférant des injures, à l’exemple des habitants de Jérusalem, dix-huit siècles avant. Malheur alors à ceux auxquels la-pitié ou la vue de tant de vertus profanées aurait arraché une plainte, un soupir! Cependant, oubliant l’imminence du danger qu’il affrontait et ne considérant que la grandeur de la victime, un homme se découvre et s’incline respectueusement devant elle (1).

« Cet homme était Mesmer!!!

« Retiré en Suisse durant le cours orageux de la Révolution, il s’y occupa à réformer, refondre, perfectionner son système. La fortune, si propice aux uns, si funeste aux autres dans ces temps de tumulte et de désordre, le poursuivit jusque dans sa retraite. Ua banquier lui emporta la riche souscription faite en sa faveur par ses élèves; en outre, son patrimoine fut

(1) Gaultier, Introduction nu magnétisme.

en partie enseveli dans le gouffre révolutionnaire. S’cn plaignit-il jamais, en fit il retentir le inonde? Nous ne trouvons aucune ligne écrite sur ces choses, mais nous constatons son amère douleur toutefois qu’il s’agit de son système abandonné, de sa découverte reléguée comme une vérité dont 011 peut remettre à d’autres temps l’étude.

« Mais avant cet abandon que de choses s’étaient passées ! comme son cœur avait dû souffrir ! La Révolution avait fait disparaître les hommes les plus distingués. Ses élèves, tous gens de robe ou gens de cour, avaient, les uns, fui vers des lieux plus hospitaliers, mais les chagrins de l’exil ne leur permettaient guère de préconiser le magnétisme; les autres, moins heureux, avaient payé à la fureur populaire un tribut qui n’est dû qu’à Dieu. D’autres, entraînés dans le tourbillon des passions déchaînées, se trouvaient mal placés pour parler de mesmérisme; quelques-uns seulement, comme les de Puységur, entretenaient dans l’ombre le feu sacré de la vérité mesmérienne, et appelaient de meilleurs temps pour essayer de nouveau d’en animer la nation. .

« Cependant, Mesmer, voyant de sa retaite la chute d’une monarchie et la ruine des systèmes philosophiques, enseignait, sur des bases qu’il croyait libérales , la reconstitution des corps savants, des sociétés «de médecine, qui lui avaient été opposés; écrivait des mémoires, qu’il envoyait à la Convention, sur l’extinclion des assignats et les moyens d’approvisionner Paris , que minait la famine ; plus tard il soumettait au Directoire tout mi plan nouveau d’édu-

cation pour les peuples et un système complet de médecine pour la génération nouvelle.

« Demandait-il une place pour lui, une récompense à scs longs travaux? Non ; il voulait seulement le triomphe de ses idées au profit des nations. Et comment le voulait-il ce triomphe? par l’influence de la France. Il pensait « qu’il était de sa dignité que les

o autres nations, comme de la liberté, lui fussent re-« devablcs de ce premier bienfait, de l’art infaillible « de se guérir et de se préserver. »

« Son attachement à la France est tel que, pouvant appliquer son système sous l’autorité de la république helvétique, il dit encore : « Mes projets et mes « plans ayant eu leur berceau en France, je n’ai pas « voulu les proposer ici. »

« Nous vous le demandons encore une fois, reconnaisse*-vous là un charlatan? Ne voyez-vous pas, au contraire, l’homme de bien, qui, ayant le droit de mépriser les savants et de haïr les hommes, ne s’occupe pourtant que dès moyens d'enrichir les uns et de conserver aux autres les droits imprescriptibles de se guérir et de se préserver, comme il le répète sans cesse ?

« Ah ! que ceux qui accusent encore Mesmer de charlatanerie connaissent peu ce grand homme et la bonté de son cœur! Ils le jugent, sans doute, sur les diatribes envenimées de ses contemporains; car dans aucun de ses écrits on ne trouve la base de semblable accusation. Ce qu’il a dit, il le pensait; ses erreurs mêmes sont celles d’un ami de l’humanité, qui rêve parfois un bien idéal impossible à réaliser.

« Mais, Messieurs, la preuve la plus concluante que Mesmer était un honnête homme, dans toute l’éteAdue

de ce mot, nous pouvons la tirer de la conduite de ses élèves envers lui, de celle qu’ils tinrent lorsqu ils furent dégagés do tout lien et qu'une mûre réflexion s’exerçait, déjà loin des événements et dans de% temps où il ne pouvait plus y avoir entraînement. Eh bien, nous trouvons que pas un des hommes d élite qui reçurent de sa bouche les principes du magnétisme, qui le connurent enfin ; pas un, disons-nous, ne laissa échapper une plainte, un reproche. Chez tous, au contraire, le seul nom de Mesmer faisait battre leur cœur en réveillant dans leur mémoire les grandes pensées humanitaires qu’il y avait déposées.

« Dites-nous, Messieurs, d’après tous ces témoignages, s’il reste un doute dans vos esprits, si vous n êtes point tous pénétrés d’un sentiment de vénération pour un homme de génie qui remplit jusqu au bout et si glorieusement sa longue carrière, qui, ridiculisé sur les théâtres, soutint les rires, les moqueries, les dénis de justice sans maudire l’espèce humaine, sans même désespérer de l’avenir.

« Que nos hommages, en ce jour solennel, soient dégagés de toute restrictions ! C’est ainsi qu’en donnant l'exemple de notre vénéralion nous empêcherons les hommes méchants et au cœur sec de ternir la renommée de celui dont nous suivons les leçons et qui nous enrichit d’une vérité si grande que nous manquons le mots pour la peindre, mais telle enfin que nous Pavons prise pour notre devise. »

Ensuite M. le docteur Viancin traça en termes chaleureux les progrès lents, mais constants, du mesmérisme sur tous les points du globe.

M. Cosson, secrétaire, après avoir rappelé les diverses phases de l’existence de la Société, montre son accroissement progressif, et fait connaître ses travaux, qu’il résume en ces termes :

« Nous ne procédons pas dans nos modes de traitement par le sacrifice d’une multitude d'ôtres soumis à l’influence des poisons; nous agissons sur les forces vives, en accumulant dans les organes un principe régénérateur, qui, aidant le travail de la nature, vient en augmenter la puissance médicatrice , combattre l'altération des tissus et rétablir l’état normal des fonctions. Nous interrogeons les vivants, et le somnambulisme, dégagé de tout mensonge, est, dans nos mains, un scalpel autrement assuré et intelligent que celui qui sert à disséquer les cadavres !

a Expérimenter sans aucun choix de sujets; simplifier les procédés de guérison, les rendre certains ;, instruire ses semblables et les soulager ; ne sont-ce pas là de véritables progrès pour la science et pour l’humanité? »

Après co résumé, M. Cosson termine son discours par un appel ainsi conçu :

Messieurs,

« Comme le nombre des défenseurs et des propagateurs du mcsmèritrne est très-restreint, nous demandons le concours de tout homme de bonne foi, car notre œuvre est universelle; elle est appelée à soulager le genre humain dans ses misères présentes et à le régénérer dans sa perpétuation.

« La découverte du célèbre docteur allemand doit être employée par tous et pour tous.

« La France, que Mesmer en avait dotée, parce qu’il la jugeait capable de la comprendre, cesserait-elle de donner l’exemple du dévouement? perdrait-elle sou titre glorieux de flambeau des nations? Non, Messieurs, il faut qu’elle conserve la place qu’elle a si dignement conquise !

« A l’œuvre donc, tous à l’œuvre !...

« Savants, philosophes, moralistes ! le sublime aphorisme de Mesmer est une vérité dont l’existence est reconnue ; la question est à l’étude, nous vous la signalons; soumettez-la à des lois fixes et irrévocables qui augmentent celles que nous possédons déjà, afin que nous jouissions promptement des bienfaits qu’elle recèle. Pour examiner ces nouveaux faits, renfermez-vous surtout dans leurs conditions sans les soumettre despotiquement à vos seules conaissances.

« Mais, qu’ai-je dit!... vous dédaignez celte vérité, vous la méconnaissez!... Quel mobile vous fait agir ainsi? Ce ne peut être l’ignorance, vous, savants organisés!... Ne serait-ce pas plutôt l’orgueil ou Pé-goïsme? Regardez.... cette vérité que vous rejetez avec mépris, les parias de la science la ramassent! Secouez donc vite votre indolence académique, car l’humanité vous demanderait bientôt compte de votre coupable indifférence.

« Médecins ! dont la mission est sacrée, vous qui apportez un adoucissement aux maux physiques; vous qui pénétrez au sein des familles où vous êtes témoins des scènes les plus cruelles de désolation; vous, que l’on implore comme des sauveurs, guéris-

«ez-donc complètement les souffrances physiques et morales en vous munissant de ce puissant moven sans lequel voire science resle incomplète.

« Prêtres ! venez à cet ardent foyer rallumer votre foi éteinte/Mais vous, prévaricateurs, tremblez! car sa flamme éclaire les ténèbres et peut consumer le voile dont vous couvrez la vérité.

« Historiens! préparez vos intelligences, car toute science doit avoir son histoire; commencez - la en compulsant les faits; vos successeurs continueront cc que vous aurez commencé et la postérité vous en saura gré.

« Orateurs ! prêtez-nous l’éloquence de votre parole; la cause est sublime et la récompense que vous trouverez en votre conscience est digne de la cause.

« Publicistes! qui disposez des opinions de tout un peuple, enregistrez dans vos colonnes les. noms de ceux qui sc dévouent pour le triomphe des choses utiles; les préjugés et la routine sont là et on ne les détruit pas aisément.

« Travailleurs ! les savants vous'ont dit qu’eux seuls avaient le privilège de soulager les plaies physiques et morales qui pèsent sur l’humanité, et vous savez, hélas! combien leur science est impuissante pour guérif même les maux que leur incurie perpétue. Vous les avez vus détournant les yeux lorsqu’ils ne pouvaient y apporter aucun soulagement. Et nous, nous vous dirons : Puisez dans les aspirations*de votre-Ame, cherchez dans votre cœur, dans cet ardent amour qui embrase ceux qui sentent les souffrances de leurs frères, et vous trouverez des remèdes et des consolations qui ne se feront pas longtemps

attendre. Croyez-nous, quand nous vous dirons que Dieu a donné à chaque être le pouvoir de soulager tout ce qui souffre, tout ce qui gémit. Les portes des tabernacles scientifiques sont brisées; maintenant tous doivent y pénétrer; pour cela deux choses suffisent : la force et la volonté.

« Et vous, profanateurs de la science ! qui traînez sur vos tréteaux le mesmérisme comme vous pourriez le faire d’un orviétan, continuerez-vous longtemps votre trafic infâme? resterez-vous éternellement sourds à notre appel? Oh! non, je l’espère... La honte a déjà coloré votre visage... Bien... très-bien... Quand les remords auront effacé celte flétrissure morale, revenez à nous, et nous pourrons encore fraterniser. Nous vous plaignons, car nous n’ignorons pas que 1 ordre social est tellement vicié qu’il corrompt souvent les choses les plus saintes, et que la nécessité est presque toujours la cause des désordres et des ipipuretés de ceux qui la subissent.

« Femmes ! vous qu’on éloigne de tout mouvement scientifique et humanitaire, vous qu’on a réduites à un rôle purement passif, comme nous vous possédez les propriétés que la nature a départies à toute créature humaine. Dieu ne pouvait être injuste! Relevez vos têtes courbées; pénétrez-vous du rôle sublime que vous avez à remplir. Nous avons besoin de votre aide, car vos soins, votre amour et votre instinct maternels sont indispensables pour l’accomplissement de notre lâche !...

€ Maintenant, à vous, poëtes et bardes du progrès, de préparer de nouveaux chants. Accordez vos lyres

poétiques et harmonieuses pour répéter en chœur avec nous :

a HONNEUR A MESMER ! ...a

VARIÉTÉS.

Clairvoyance. — Parmi les innombrables phénomènes que le magnétisme fuit éclore chaque jour et révèle à nos yeux, la seconde vue est peut-être la plus curieuse, si elle n’est pas la plus utile des découvertes. Déjà nous avons cité des faits incontestables, et, dans le dernier numéro, nous avons mentionné ce qui concerne le malheureux Sixdeniers. Nous revenons aujourd’hui sur ce fait, pour lui donner une sanction.de plus. Qu’on le sache bien, nous sommes pleins de défiance de nous-mêmes lorsqu’il s’agit de somnambulisme; nous craignons l’entraînement et l’erreur, et ce n’est qu’avec une grande réserve que nous parlons des propriétés singulières de cet état. Cependant nous devons dire, tout en nous tenant en garde, ce que nos recherches nous en ont appris, quelle que soit d’ailleurs l'étrangeté des révélations^

Ce fut le 10 mai, au matin, que Sixdeniers se noya, en partant pour une petite partie de plaisir, accompagné de cinq ou six amis.

Depuis ce jour, malgré toutes les recherches, le

corps n’avait point été retrouvé, et on désespérait «tu le revoir. Le 14 mai, à dix heures du soir, un ami du malheureux artiste, témoin plusieurs fois de séances magnétiques chez un honnête et respectable négociant de la rue du Bac, imagina de solliciter des somnambules une preuve de leur vision ; il remit, à cet effet, dans les mains d’une d’elles, un petit portefeuille porté plusieurs fois par Sixdeniers. Il lui demanda simplement : « Pouvez-vous nous dire où est celui à qui appartient ce portefeuille? » Il est bon qu'on sache que pas un mot touchant cette tragique histoire n'avait été prononcé. Après un quart d’heure de recherche, la somnambule dit : « Que l’on vide la Seine, et on le retrouvera.» Puis, saisie d’effroi et toute tremblante, elle raconta dans tousses détails l’événement funeste; elle ajouta que le corps était descendu sous des bateaux, qu’il s’y était accroché; puis que de nouveau, par le mouvement d’autres bateaux, il avait subi un déplacement, et qu’il lui était impossible de le suivre davantage.

Cela, quoique singulier, n’était pas satisfaisant. On voulut en savoir davantage, et on se décida a endormir une autre fdle, qui, elle aussi, a des perceptions intuitives. On lui remit comme à l:autre le portefeuille, et on lui demanda de quel côté on devait diriger les recherches. Bientôt elle éprouva les émotions de la plus profonde terreur; sollicitée de continuer ses recherches, on la vit retrousser le bas du sa robe et marcher comme si elle eût été dans l’e$u. Sa mimique exprimait de cruelles angoisses; enfin, elle dit qu’elle voyait le corps entre deux bateaux, wu peu au-dessus du pont des Arts, qu’il était am'lé.

mais non accroché, et que le mouvement de l’eau le faisait balancer; elle dépeignit exactement son costume, dit qu’il n’avait pas de chemise, mais un gilet de laine, elc.

Le lendemain, à cinq heures du matin, des amis et élèves de M. Sixdeniers, sur les indications fournies, se dirigèrent vers l’endroit indiqué, et, en y arrivant, leur surprise fut extrême; ils aperçurent le corps flottant du malheureux artiste.

Tous ces détails sont de la plus scrupuleuse exactitude, et nous pourrions au besoin faire connaître les personnes présentes aux interrogations de la somnambule, et celles qui, ainsi dirigées, ont été à la re-che du cadavre.

Baron du Potet.

Nécrologie. — M. le marquis de Puységur, fils de l’illustre magnétiseur de ee nom, est mort à Paris le 7 mai. S étant peu occupé de magnétisme, il n’intéresse guère l’histoire de oette science que par le souvenir de son père. Il était cependant membre résidant de la Société du Magnétisme.

Banquet du 23 mai. —C’est par erreur typographique que M. Fabre figure sur la liste des adhérents. Il a été remplacé par M. Poulot.

— La petite somme de 88 franes, don collectif des convives en faveur d’an magnétiseur i qui l’âge et les infirmités qui l’accompagnent ne permettent plus d’exercer son art, lui a été envoyée. 11 nous charge d’être l’organe de ses sentiments de gratitude envers ceux qui ont concouru à cette œuvre fraternelle.

— Tout les membres da banquet ont été convo-

qués pour le 15 juin, à l’effet d’élire une commission, prise dans leur sein, pour surveiller l’exécution de la médaille commémorative de cette première réunion.

*

Revue des journaux. — Le Passe-Temps du 30 mai rend compte du banquet mesmérien et en publie la lithographie, qu’il a envoyée à tous les convives.

La Quotidienne du 26 mai, en rendant compte du banquet du 23, se demande « s’il y aurait dans le magnétisme quelque chose de vrai ! » Puis, dans son numéro du 7 juin, elle répond elle-môme à cette question, en faisant suivre de commentaires on ne peut plus favorables à notre cause le récit de l’opération chirurgicale qui vient d’être faite à Cherbourg. L’attitude que prend ce journal à notre égard est un fait grave ; chacun sait que la Quotidienne, d’ailleurs si lente à porter un jugement, ne se prononce qu’avec certitude.

La Démocratie pacifique du 6 juin reproduit le procès-verbal de l’opération de Baysset.

L'Entracte du 3 juin, dans un article conforme à son esprit, rend compte du banquet mesmérien. A ceux-là d’en parler sérieusement, à celui-ci plaisamment!

L'Estafette, le Constitutionnel, la Presse, l'Akbar, publient des faits que le défaut d’espace nous empêche d’analyser aujourd’hui.

Le Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Camay)-

Ptrii. — Imprimerie i'K. Rilti et Comp., rue de Seine, 5J.

ÉTUDES PRÉPARATOIRES

DU

SOMNAMBULISME MAGNÉTIQUE.

(Suite.)

§ VIII. — MAGIE.

Etudes historiques.

Zoroaslre, législateur persan, avait le don de faire des choses merveilleuses par des moyens inconnus. Il initia ù ses mystères des hommes instruits, qui, sous le nom de mages, formèrent une secte puissante et fort honorée. Versés dans toutes les sciences, ces mages, outre leurs connaissancesmystérieuses, étaient ù la Ibis ce que sont les docteurs de nos Facultés, nos philosophes, nos sages, nos prêtres, etc. Chargés du culte des dieux, la religion était leur principale étude ; mais ils cultivaient aussi avec éclat la physique, l’astronomie, l’histoire naturelle, etc. La politique entrait dans leurs occupations, et les rois ne montaient sur le trône qu’après avoir reçu leurs leçons.

Leur haute réputation de sagesse leur attirait do t. u. 30 juin 18^6. 12

tous les pays ceux qui voulaient approfondir la religion et la philosophie; mais ils ne divulgaient leurs secrets à aucun étranger, de sorte que leur science, définie par Platon : l'art d'honorer dignement les dieux, était héréditaire dans leur tribu.

Ils vivaient dans une retraite profonde ; méprisant les richesses, ils couchaient sur le sol ; et leur austérité était telle qu'ils ne se nourrissaient que de pain, de légumes et de fromage.

Les magiciens, indignes successeurs de ces sages vénérés, héritèrent de leurs connaissances occultes, mais non de leurs vertus. Ils dégénérèrent de telle sorte qu’aujourd’hui ils sont à l’égard de leurs prédécesseurs ce que, chez nous, les plus ignobles charlatans sont aux plus savants docteurs. Fis forment plusieurs ordres de moines errants, dont les faquirs sont les plus connus pour exercer la magie et les exorcismes. Comme la possession et l’obsession sont presque endémiques aux environs d’IIispahan , ils opèrent sur les possédés des effets qui sont regardés comme des prodiges ; niais cette profession sert plus à les faire craindre que respecter.

Les mages d’Egypte, non moins célèbres que ceux de la Perse, s’appelaient plus particulièrement prêtres. Ils différaient des premiers en ce qu’ils initiaient des étrangers à leurs mystères. Platon visita l’Egypte pour profiler de leurs lumières, et Pythagore était disciple de l’un d’eux. Porphire, qui décrit leurs mœurs, dit qu’ils habitaient des temples isolés, et que leur manière de vivre était la môme que celle dos l’ersans. Le irait le plus saillant de leur histoire est l’espèce do duel de miracles qu’ils soutinrent contre Moïse, qui

avait été élevé à la cour du Pharaon alors que les sciences magiques étaient fort en usage (I).

Les Pères de l’Eglise reconnaissent que ceux qui vinrent adorer Jésus descendaient du fameux lia— laam (2), et qu'ils habitaient l’Arabie déserte, contrée qui se piquait d’avoir, comme l’Egypte sa voisine, des mages ou voyants qui prédisaient l’avenir.

Les prophètes des Hébreux étaient aussi des mages, qui vivaient au nombre de quatre à cinq cents dans des couvents situés sur les montagnes et dans des lieux solitaires. Doués d’une imagination vive et d’un raisonnement solide, ils cultivaient ces heureuses dispositions par un genre de vie extrêmement sobre : le travail, le jeûne, la prière, la méditation et l’éloigne-ment des plaisirs des sens.

Les prophètes, dans le sens de l’Ecriturc, étaient très-rares et choisis parmi les voyants par l’Esprit-Saint, qui les inspirait pour instruire le peuple hébreu dans de grandes occasions.

Tous les autres qui prophétisaient par des inspirations non divines s’appelaient spécialement voyants. On allait les consulter sur les choses ordinaires de la vie et surtout pour lçs maladies, comme les Perses faisaient à l’égard de leurs mages et nous-mêmes envers nos somnambules. De sorte qu’en allant les consulter on disait vulgairement en Iteraël : Venez, allons au voyant (3), comme chez nous, en pareille occurrence, on dit : Allons au devin.

(1) Eiode, chap. XII.

(2) Nombre, chap. XXIV.

(3) f'enite, et camui ail eidentem; qui enirn proplicta dicitur liodil io* cabalur otim vuhnj. I Reg,, eüap. IX, T. 9. ! 11

Salomon est le plus célèbre de tous; sa sagesse était en grande réputation parmi les mages des autres nations, qui venaient souvent le consulter. Ses connaissances magiques étaient fort étendues, et il avait écrit sur les secrets de la nature plusieurs livres qu’Ezéchias fit brûler, parce que le peuple, dans ses maladies, au lieu de s’adresser à Dieu, avait recours aux amulettes, talismans et phylactètes, dont ces livres contenaient les recettes. Mais la destruction des livres n’anéantit pas ce qu’ils contenaient, et, par tradition, les Juifs se servirent encore de ces moyens, ainsi qu’on en trouve un exemple dans l’historien Josèphe.

« J’ai vu , dit-il, en présence de Vespasien et de ses fils, d’un grand nombre d’officiers et d’une foule de soldats , un Juif nommée Eléazar guérir plusieurs possédés de la manière suivante : Eléazar mil sous le nez du démoniaque un anneau dans lequel était enchâssée une racine indiquée par Salomon. En même temps il prononça le nom de ce roi et des paroles ordonnées par lui. Le possédé tomba à terre et le démon ne rentra plus dans son corps.

« Pour prouver .a vérité et la force de son art, le môme Juif faisait mettre à quelque distance du malade un vase d’eau ; puis il disait au possédé de renverser le vase, et on voyait, en effet, avec étonnement, le vase se renverser et le malude être guéri. »

Ln première partie de ce curieux récit s’obtient aujourd’hui par les objets magnétisés, qui ne diffèrent que par le nom des amulettes, talismans, etc. La seconde paraît encore fabuleuse, à cause de l'obscurité où nous sommes touchant ce sujet difficile ; mais les effets

électro-magnétiques observés sur Angélique Cottin et quelques autres pourront bien nous conduire à la connaissance de ces phénomènes extraordinaires.

Les Grecs et les Romains étaient, sous le rapport des mages, beaucoup moins favorisés que les nations sus-mentionnées. Chez eux c’étaient les prêtres qui tenaient lieu de mages, et les crisiaques, dont ils recevaient les oracles, remplaçaient les prophètes ou voyants. C’est la décadence de l’art. N’ayant de la science des mages qu’une pratique aveugle et superstitieuse, ces prêtres procédaient sans règles, sans théorie.

En examinant les oracles de Delphes on reconnaît facilement que la pythie n’était qu’une extatique abandonnée à elle-même. Les prêtres, ignorant le fond de la magie, étaient inhabiles à diriger la crise prophétique; de là ces oracles ambigus et tant de divagations. Cependant, comme la même cause engendre nécessairement des effets identiques, il arrivait alors ce qui se passe aujourd’hui à l’égard des somnambules mal dirigés, c’est-à-dire que les oracles étaient d'autant plus conformes aux intentions et connaissances des consultants que ceux-ci étaient d’avantage en rapport avec les devineresses, pythies, sybilles, peu importe. Il y avait communication de pensées, et c’était moins parla cupidité des prêtres que par leur ignorance si les chefs politiques recevaient des réponses favorables à leurs projets ambitieux.'

L emploi de l’iiâoî lr,Qx:ov, qu’ils faisaient boire à la pythie avant de monter sur le trépied, pour lui faire oublier ce qu’elle aurait dit durant l’inspiration, atteste plutôt leur ignorance de la suspension de la

mémoire que leur fourberie pourcacher ce phénomène, que nous observons chez les voyants modernes ou somnambules sans qu’on leur donne de cette eau léthêe.

Peu à peu la lumière s’obscurcit, et, comme la philosophie avait passé dans les mains des sophistes, la magic futj remplacée par la nécromancie, qui donna naissance à Yalchimie et à la sorcellerie. Cette dernière va devenir, pour nous, un objet d’étude très-intéressant , à cause de son obscurité même.

[La tuile au prochain numéro.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ ¡MAGNÉTIQUE DE CAMBRAI.

Analyse ’des travaux du deuxième semestre.

Ce'semestre est beaucoup moins fécond que le précédent. Au lieu d’observations cliniques, la moitié des Archives est remplie d’extraits d’un livre qui est dans les mains de tout le monde. Nous croyons que les pratiques plus ou moins obscures des Grecs, Romains, Gaulois, etc., ne devraient pas trouver place dans un recueil aussi restreint. Toute l’activité des sociétaires devrait se porter sur la production des faits, des guérisons, qui prouvent, aux yeux des incrédules, infini-

ment plus que le témoignage de tous les historiens ensemble.

La Société tiendra de ces observations le compte qu’il lui plaira ; passons à l’examen de ses Archives.

Nous y trouvons relatée la guérison de :

1° Trois brûlures de premier et de troisième degré ;

2° Trois contusions graves, avec épanchement de sang, dont le magnétisme active prodigieusement la résorption ;

3° Une conjonctivite très-aiguë;

4° Un rhumatisme articulaire-aigu, trois rhumatismes partiels chroniques ;

5° Une chlorose rebelle ;

6° Quatre entorses ou foulures du tarse et du poignet ;

7° Une gastralgie très-ancienne ;

8° Une migraine continue, alternant de droite à gauche régulièrement, maladie très-rebelle, qui avait résisté à tous les remèdes ;

9° Une hémorrhagie traumatique du genou, arrêtée par une magnétisation locale et des compresses d eau magnétisée ;

10° Enfin un point de côté périodique et diverses névralgies légères.

THÉORIES.

DU LIBRE ARBITRE.

L’homme est-il libre d’engager sa liberté, de vendre sa vie, de s’asservir complètement à la volonté, aux caprices d’autrui? Et, en supposant qu’il y eût un moyen qui donnât à un homme le pouvoir si grand de contraindre un autre être à lui obéir, à se soumettre à ses exigences, y aurait-il crime de s’en servir?

Ecoutez, magnétiseurs, car en ce moment je soumets à votre examen la plus haute question de philosophie, le libre arbitre.

Une volonté forte, rencontrant une volonté opposée, peut-elle, dans un combat purement psychique, détruire la résistance, effacer le mo», et contraindre à obéir l’être qui ne le voulait pas? Oui, voici un fait qui le prouve.

Dans un cas grave de maladie où la tcience avait échoué, sollicité pour donner une consultation som-nambulique, je m’avisai, pour ce sujet, de m’adresser à une dame qui ne connaissait cet état que de nom, et sans réclamer autrement son consentement, dont j’avais d’ailleurs résolu de me passer. Voici ce qui arriva dans cette circonstance et quel fut mon langage

« J’ai besoin que vous dormiez, Madame; il me faut vos conseils. Rassurez-vous, au reste, car mon motif est louable : c’est pour un malheureux !

— Je n’ai point l’envie de dormir, Monsieur, répon-

dit-elle bien éveillée; cessez cette plaisanterie, ou si vous essayez de me magnétiser je vais me retirer.

— Vous dormirez, Madame, je l’exige à l’instant; ;t, pour que vous ne puissiez m'échapper, je vais fermer la porte.

— Olí ! mais vous riez, Monsieur; d’ailleurs je vous délie. Essayez de me contraindre; je suis curieuse d’apprendre enfin par moi-même si vous avez ce magnifique pouvoir.

— Déjà, Madame, il vous domine; tout me l’indique : l’altération de vos traits, la vivacité de votre regard, l'agitation convulsive de vos paupières, tout me prouve que vous allez dormir.

— Mais vous vous abusez; je ne sens rien, je n’ai nulle envie de dormir ; mais puisque vous croyez avoir un si immense pouvoir, essayez donc: je vous préviens que je ne crois ni aux charmes, ni à la magie ; je doulc même du magnétisme.

— Que m’importent vos doutes? Dormez... Madame... dormez... »

La magnétisée pousse un grand éclat de rire, se lève, marche dans le salon et fredonne une romance. Le magnétiseur ne fait point de gestes, mais il suit des yeux la rebelle ; il sait que dans un instant elle va chanceler, quelle que soit la résistance qu’elle oppose.

«Est-ce fini, Monsieur; votre épreuve est* elle terminée? Cela m’ennuie, je veux me retirer.

— Dans un instant, Madame, lorsque vous aurez satisfait à ce que j’attends de vous.

— Cette plaisanterie duro.trop pour être amusante ; ouvrez cette porte.

— Je ne l’ouvrirai pas maintenant, dussé-je perdre lu vie. »

Bientôt la magnétisée ferme les yeux, mais il n’y a point de sommeil cependant. Elle dirige ses pas vers la porte, se heurte aux obstacles qui sont sur son passage; mais le magnétiseur inflexible ne répond rien aux vives apostrophes qu’elle lui lance et ne calme point la fureur qui commence à nailre.

« Dormez, dormez ! dit-il mentalement cette fois.

— Je no sais par quel pouvoir vous enchaînez mes pas et me troublez la vue; mais, plus obstinée que vous, je ne dormirai pas. »

Mais les mouvements se ralentissent; la magnétisée sent l’engourdissement l’envahir de plus en plus ; elle s’y soustrait un instant par un violent effort, et marche cette fois dans la direction du magnétiseur, qui l’évite sans cesser d’agir. Bientôt après elle sent ses jambes fléchir et dit : Je ne veux pas dormir. Une scène muette a lieu alors; la magnétisée frotte ses yeux, fait des efforts inouïs pour les ouvrir, mais la possibilité lui en manque; comme ses membres, sa volonté est enchaînée déjà. Dominée de plus en plus elle snccombe, et dit une dernière fois en s’endormant : Jt ne veux pas dormir.

Toute résistance physique est vaine dès lors, mais l’esprit veille. Une seule chose est vaincue, e’est la chair ; il faut un nouveau combat, une nouvelle lutte contre celui-ci; mais laissez faire: dans un instant la victoire du magnétiseur sera complète. Il le faut pour que lui aussi soit convaincu de sa puissance, il le doit, car ce n’est point une pensée mauvaise qui a

dirigé ses actions : c’est pour sauver un être qu’il va commettre un abus de pouvoir.

« Eh bien, dit-il au bout d’un instant, plus fort que vous, je vous ai dominée; vous ôtes en ma puissance; nul ici ne peut détruire mon charme. Je vous avais bien dit que vous dormiriez.

— Qui que tu sois, répondit-elle en tutoyant le magnétiseur, ange ou démon, rends-moi ma liberté. Suis-je ton esclave? m’as-tu achetée? t’a-t-on vendu ma vie? Dieu a-t-il dit jamais que mon âme dépendrait de la tienne? Y a-t-il au monde une loi qui m’enchaîne à toi? Ma mère a-t-elle signé un contrat sans me consulter?.... Oui, je reconnais ton pouvoir, mais je ne veux point y obéir!... Crains la justice des hommes ou plutôt celle de Dieu, qui voit ton crime et te punira.

— Votre esprit dominé est encore dans les ténèbres. Voyez....

— Ah! cruel, que veux-tu, qu’espères-tu? Est-ce ainsi que tu abuses de ta force? La nature est donc barbare dans ses lois; elle veut donc que le faible soit opprimé au profit du puissant? Elle a donc créé des êtres que l’on peut asservir? Il ne peut en être ainsi. Homme affreux, rends-moi ma liberté....

— Vous me verrez fléchir aussitôt que la lumière aura lui à votre esprit, aussitôt que votre âme aura connu la mienne. Dieu, qui m’entend, vous ordonne par ma bouche d’obéir à ses décrets et de devenir voyante. »

Après un instant de silence, elle reprit avec douceur : « Tout s’émeut en moi; j’entends une voix inconnue qui du fond de mon cœor apaise le tumulte

de mes sens. Une lumière plus douce et plus pure que celle du soleil naît en ce moment au milieu de moi-même. Est-ce un rêve, une vision?... Votre voix me parait tendre et suppliante, vous n’êtes plus le même homme. Ali ! j’élais un« créature méchante! Pardonnez-moi mes erreurs et ce que je vous ai fait souffrir. Je vois toutes vos pensées : vous voulez que moi si folle je devienne l’instrument du bien. One voire volonté soit faite, que tous vos désirs s’accomplissent.

— Je n’ai plus do pouvoir; commandez, c’est à moi désormais d'obéir. Ma volonté sera la vôtre. »

La somnambule murmure encore quelques mots. Sa respiration est faible, et bientôt sa figure prend un caractère où se peint 1a bonté. I>e célestes rayons semblent partir de ses yeux qu’elle entr’ouvre, et son âme en ce moment paraît aller dans les cieux. Bientôt elle essaie de parler; sa parole est d’abord confuse, des mots entrecoupés, inintelligibles; enfin on peut la comprendre.

« Les cieux, rdit-ello, me sont ouverts; mon âme est dans l’espuce, du monde des esprits j’ai franchi le domaine. Quelle brillante clarté s’olfre à ma vue ravie! Oh! mais, je vois manière; elle m’approche, elle nie touche, et je ne puis la saisir. Un voile mystérieux que rien d’humain n’a formé, comme une blanche tunique, enveloppe tout son corps... Ma mère, ma bonne mère, reconnais ton enfant!... Qu’entends-je?... Tu n’es pas assez pure... Retourne sur la terre achever ton exil. Voici ta destinée : regarde de ce côté... Mais ces lettres de feu, je ne puis les déchiffrer; aide-moi, ma mère, ma tendre mère. Oh! cruel

destin, je souffrirai vingt ans, trahie, abandonnée ; du vice que je fuyais je suivrai le chemin, et, remplie de remords, c’est dans un hôpital... Ma mère... c’est affreux!... ôte-moi ce tableau. Par lambeaux mon corps est déchiré, mes membres sont souillés; puis j’excite le rire d’hommes qui n’ont rien d'humain !... Au secours, nia mère!... Ah! je la cherehe en vain, ma vue s’est obscurcie... »

L extatique s’agite, sanglotte, et tout son corps se couvre de sueur. Le magnétiseur lui place une main sur la tête et l’autre sur l'estomac en lui disant : « Calmez-vous, Madame, revenez à vous-méme et voyez des choses plus terrestres.

— Ah ! laissez-moi, je vous en prie; j’ai vu ce que vous ne pouvez voir. Détruisez ce frisson qui me glace les os, après je pleurerai. Hâtez-vous, je suffoque. »

Le magnétiseur passe les mains longitudinalement sur les membres; la somnambule cesse de s’agiter, son sommeil devient calme et tranquille; le réve qu’elle a eu est loin de ses pensées; quelques larmes tombent de ses yeux. Bientôt elle sourit : ce n’est plus le même'ôtre.

« Reconnaissez-vous le but que je voulais atteindre en vous plongeant dans le sommeil ?

— Oui,je vois : c’est un être souffrant qu’une bonne mère en alarmes presse en ce moment sur son cœur. Il est là, ici près, on attend mes conseils. Ah ! quel bonheur! je vois, je sens ce qu’il faut pour le guérir. Ecoutez : prenez delà verveine fraîchement cueillie; puis avec de l’avoine qu’elle soit mélangée; que sur un feu ardent on fasse griller le tout. Ajoutez du vinaigre, étendez sur un linge sans laisser refroidir;

puis qu'à nu, sur les reins et le ventre de l’enfant, on applique ce que je viens d'ordonner... Dites, dites que dans huit jours il sera guéri.

— Le tout sera fait-commc vous l’indiquez ; vous ne vous trompez point?

— Docteur, je suis plus infaillible que vous.

— Désormais vous laisserez-vous endormir?

— Autant que vous le voudrez; mais si, par mauvaise grâce, je refusais, mon refus n’aura jamais rien de sérieux. Que votre main soit dirigée ici (la base du cerveau, la racine du nez) ; vous me verrez fléchir. »

L’ordonnance fut suivie et l’enfant rachitique recouvra la santé.

Il n’y a rien de fabuleux ici ; les détails sont exacts, sauf quelques omissions insignifiantes. C’est un abus de puissance magnétique bien caractérisé. Qui oserait en condamner le motif, lorsque surtout la personne qui le subit rend grâce à Dieu, et, loin de se plaindre, remercie le magnétiseur d’avoir surmonté, par nne volonté à toute épreuve, une résistance, une opiniâtreté qui n’étaient point raisonnées?

Il y a donc deux êtres en nous : le génie du mal et le génie du bien; pour que celui-ci se montre il faut faire fléchir l’autre.

Un empirique.

VARIÉTÉS.

Le malade, le médecin et le magnétiseur. —

Lorsque la douleur nous assiège et que, sur notre couche, nous appelons à grands cris un moment de repos; lorsque, torturé par le mal, la soif, l’insomnie, nos amis alarmés cherchent à nous consoler : « Tout « à l’heure, nous disent-ils, l'Esculape viendra... il a « des recettes pour calmer les souffrances; la nature, « dont il a fait l’étude, n’a point de secret pour lui ; « cher ami, attendez, voici bientôt l’heure de sa ve-«nue; peut-être est-il auprès de quelques malheu-« reux. »

Une ombre d’espérance se glisse en nos pensées ; elle ne peut y rester pourtant, car un doute cruel efface cette pâle clarté. Nous demandons au Ciel un miracle nouveau ; notre pensée s’élève un instant pour retomber anéantie. Notre couche nous parait plus dure. Qu’importe la voix d’un ami, d’une femme bien-aimée?... Est-ce de leurs sentiments dont nous avons besoin?... Non. Plus ils sont sympathiques , plus ils sont déchirants, plus ils nous affaiblissent et nous laissent de regrets.

Et nous écoutons le bruit lointain des pas; notre œil se dirige sans cesse vers la porte par où doit passer notre sauveur, notre dieu. Mentalement nous Rappelons, craignant que notre voix rapproche de nous nos amis, car ce n’est pas eux que nous démon-

dons. Mais bientôt, de bouche en bouche, une télégraphie humaine signale le génie tant désiré, celui dont les arrêts sont craints et respectés.

En quelques instants il a tout vu, tout entendu, tout inspecté : la langue, le pouls et le vide dans les fioles qu’il nous avait vantées. Bientôt sa plume, courant plus vite que la pensée, trace sur le papier la formule banale d’un remède coté dans la science depuis un mois au plus.

L’Esculape essaie de nous rassurer, mais ses paroles stéréotypées dans le langage par l’usage ne calment point notre esprit. Nous voyons qu’il ne sait rien, qu’il attend comme nous, comme nos amis, que la nature ait prononcé. Puis il s’échappe, il fuit, tant il craint qu’on lui demande quelles sont ses espérances.

11 part, sa besogne est finie; plus de soins, plus d’ennuis; que le malade souffre, languisse ou meure, que lui importe ? il ne mérite aucun reproche, il a suivi son code, appliqué ¥article de la loi. Il était juge sans responsabilité, et personne n’était chargé du soin de la défense! 11 n’a plus qu’à se laver les mains et recevoir son salaire. Il peut, de cette manière, courant toute la journée sans changer d'allure, gagner une somme assez ronde. Le soir, la table, le jeu le réclament. Il se plaindra pourtant, et sa plainte sera fondée : n’est-il pas fatigant de tâter le pouls d’un malade, d’écouter ses plaintes surtout? Crovez-vous qu’il trouve du charme à avoir sous ses yeux les misères humaines et la vie aux prises avec la mort? Il n’est qu’un seul cas où l’état du médecin lui paraisse supportable : les affections nerveuses des femmes

charmantes ; parce que là il quitte son rôle, n’est plus qu’un homme du monde, ayant des saillies, des bons mots ; il fera tout ici, excepté de la médecine.

Malade, dans ton désespoir, garde-toi d’appeler plusieurs Eseulapes ; tu paierais les frais d’une comédie : il s’en joue tant de semblables sans qu’on s’en fatigue. Ton premier médecin, qui n’a pu réussir, sera approuvé, recommandé; on ne changera rien ù ses ordonnances, mais tu auras à payer les lumières de l’Ecole, les hauts et puissants seigneurs de l’art, et ils sont chers, très-chers, en raison de leur valeur.

Va, donne de l’or, donnes-en beaucoup, mais pour qu’ils ne fatiguent point leur esprit et ne quittent point leurs gigantesques travaux. 11 leur en coûte tant de se déranger, même de se rendre à 1 Académie, qu’ils n’y passent communément que pour y prendre leur jeton.

Maintenant, imite la nature qui rejette sans cesse les fluides qui l’irritent, tout ce qui porte avec soi quelque chose de malfaisant. Débarrasse-toi de toutes les drogues qui t’entourent et sont si soigneusement étiquetées. Ne les jette pas par la fenêtre : tu pourrais être cause d’un double malheur.

Que l’espoir rentre dans ton âme; cherche autour de toi,* parmi tes amis, tes parents, celui qui jouit d’une bonne santé : prie-le de te donner du superflu de sa vie; qu’il projette sur toi pendant quelques instants la force qu-’il perd sans fruit, parce qu il en ignore la vertu bienfaisante. Engage-le à promener ses mains sur tes membres roidis, sur ton abdomen gonflé, irrité par le mal et un feu intérieur; qu il te

fasse de douces frictions partout où tu souffres ; bois de l’eau qu’il aura touchée et magnétisée avec soin. Si tu n’as pas d’amis, de frère, qu'on aille chercher le premier homme de bonne volonté que l’on rencontrera, que ce soit un valet, un portefaix même. Crois-moi, lors môme que ses mains, scs habits exhaleraient une odeur capable de révolter tes sens, souffre une telle approche; pourvu que cet homme ait un cœur compatissant et qu’il sache ou devine par instinct ce que tuMui demandes, cela suffit.

Tout à l’heure ta langue cessera d’être sèche et ta bouche aride, ton pouls battra moins, tes yeux seront moins brillants, et la cruelle fièvre qui te dévore cessera de t’agiter autant. On n’a pu te procurer du sommeil : le sommeil viendra sans narcotique. Mais ce n’est pas assez d’un essai; répète pendant plusieurs jours cette simple opération, et tu rendras grâce à Dieu du secours inattendu que tu auras trouvé, non dans la science, mais dans la nature. Bientôt l’oubli d’un aussi grand bienfait viendra chez toi ; c’est juste, tu ne pourras croire que tu as dû la vie à un moyen si simple, et tes préjugés, ta fausse lumière auront le dessus sur un grand fait, sur une grande vérité. Il faut bien du temps pour guérir les hommes de leur faux savoir, il est plus facile de les guérir de leurs maladies ; mais le temps approche où le médecin lui-même rendra compte de ses œuvres; il faudra qu’il s’explique sur ce qu’il sait ou croit savoir ; son silence ne sera plus permis. Une vérité brillante comme le jour s’avance; elle éclairedéjàune foule d’hommes convaincus par l'expérience et par des faits innombrables. Ces hommes font ce que ne peut la science, ils guérissent

des malades abandonnés par elle: ils sont partout maintenant, montrant leur art avec plus ou moins d’habileté.

Ah ! nous vous le disons, dépêchez-vous, médecins, revenez à la vérité que vous avez proscrite, persécutée ! Et qu’importe pour vous que ce moyen nouveau de guérir et de soulager les souffrances soit autre que ceux indiqués par la science, s’il est plus réel, plus efficace? c’est à vous de le saisir si vous voulez prouver à tous que vous avez du cœur et de l’intelligence. Mais dépêchez-vous, car chaque jour votre faiblesse devient plus manifeste, tandis que le magétisme voit chaque jour augmenter ses prôneurs. Mais non, vous rirez de nous et nierez et notre science et nos œuvres. Peut-être la Providence le veut ainsi, afin qu’il ne vous soit plus permis de tromper les hommes; et ne faut-il pas pour cela que le magnétisme, par ses bienfaits, soit connu de tous? ne faut-il pas enfin que le inonde sache ce qu’il en doit attendre, et tous les phénomènes qu’il produit, de manière que, s’il vous prenait un jour fantaisie de guérir vos malades par les nouveaux procédés, vous ne puissiez établir une nouvelle domination, un nouveau despotisme ?

Soyez joyeux, magnétiseurs, la vérité que vous défendez courageusement est appelée à régner sur les esprits ; elle est trop élevée pour que ses ennemis puissent l’atteindre, trop bienfaisante pour être laissée dans l’oubli ; elle a trop d’attraits pour n’être point aimée et défendue. Et, s’il lui fallait des martyrs elle en trouverait maintenant; mais elle régnera sans cela, car nous sommes dans le siècle où toute discussion est permise, où tout ce qui est juste et raisonna-

ble peut s’établir sans faire couler du sang- humain.

(Un empirique.)

Néologie. —Dénommer la découverte de Mesmer est un droit que plusieurs mots revendiquent. Magnétisme fut choisi par Mesmer, et tant que le ridicule s’v attacha nul ne réclama contre l’exercice de ce privilège. Durant soixante ans on le laissa seul supporter tout le poids de la guerre; mais, aujourd’hui que la victoire se décide en sa faveur, on veut lui en ravir les fruits. On l’accuse d’être impropre, et, sans égards pour ses services passés, trois concurrents imberbes lui disputent le trône et le triomphe.

M. de Robiano d'abord lui oppose nèvrurgie! La fortune, propice aux nouveaux venus, accueille avsc faveur ce rival aux promesses brillantes. Mais à l’œuvre son prestige l’abandonne; on s’aperçoit qu'action sur et par les nerfs n’implique que l'idée d’un phénomène, exprime un moyen sans indiquer la cause qui s’en sert, ni l’effet qui en résulte.

M. Hedde vient ensuite avec son sympathisme! Les avides de nouveauté applaudissent, mais les amis de la vérité, plus calmes, cherchent et trouvent quo le nouveau prétendant qu’on salue naquit invinble, en 1818, dans les Dangers de M. Lombard. La fraude est reconnue ; dès lors les esprits désabusés doutent que la résurrection qui tire de l'oubli cette expression puisse la préserver d’un nouvel abandon. En effet, son acception restreinte, spéciale, ne comprenant que la moitié des phénomènes, s’oppose à son admission; nulle raison étant de la préférer à antipatkismo, de valeur égale.

llormé enfin paraît. Bouillant de jeunesse, riche d’expression, impétueux, sans frein, régner pour lui n’est rien ; il veut tout détruire, et dans son élan téméraire il sape l’édifice au lieu de le construire.

Magnétisme résiste. Il tient son privilège du père de l’art, et ne veut point s’en dessaisir. Les droits de ses compétiteurs étant établis, il formule ainsi les siens :

« 1° J’ai été investi par le maître et l’usage souverain a ratifié son choix ;

« 2° Je suis issu d’aïeux les plus antiques, mes titres étymologiques sont incontestables; voici ma généalogie :

« Je suis né de fwcyvTiç, qui avait pour parents deux mots phéniciens n~:n (mag-naz). Le premier jd est fort connu dans tout l’Oricnt pour avoir signifié pontife, prêtre, mage, c’est-à-dire homme élevé en dignité de puissance et de savoir. Il est aussi père de ftôyoç, magus; fiéyctç, viagnus. Le second 13 d’origine hébraïque, et maintenant naturalisé en arabe, caractérise tout ce qui (lue, tout ce qui fait sentir son influence aü dehors; NoSç, àme, esprit, en est un fils. »

D’après son sens radical, magnétisme signifie donc exactement : influence magique de l'âme.

Puisse cette signification originelle le faire sortir vainqueur de la lutte qui s’engage.

Enfance de Mesmer. — Les biographes de Mesmer nous ont transmis avec un soin minutieux l’histoire de ses démêlés scientifiques, mais nous ont laissés dans une ignorance complète sur son origine et ses premiers ans. En recherchant le jour de sa naissance nous avons trouvé quelques autres détails.

Tout incomplets qu’ils sont, nous nous empressons de les faire connaître, afin qu’outre leur nouveauté ils puissent éclairer d’autres recherches tendant à faire une histoire complète de la vie de notre maître.

Mesmer (Frédéric-Antoine) naquit d’honnôtes, mais pauvres parents, le 23 mai 1734, à Weilcr, près de Stein, sur le Rhin 5 son père était garde forestier du prince archevêque de Constance.

Il passa son enfance à la campagne, presquo toujours abandonné à lui-inènie. Dès ce moment on remarqua en lui un goût très-prononcé pour tout ce qui était recherches naturelles, ainsi que son zèle infatigable pour connaître la source et l’embouchure du plus petit ruisseau.

A seize ans, ses parents, qui l’avaient destiné à la cléricature, l’envoyèrent à Dillingen, chez les Jésuites, pour y faire ses études de théologie. II rencontra là un homme d’un grand mérite, qui le prit sous sa protection et le fit avancer rapidement. Mais bientôt il abandonna la théologie et les Jésuites pour s'occuper de médecine, qu’il commença à pratiquer six ans après, sous la direction de son protecteur.

Lion magnétisé.—Une femme, habitait avec son enfant, dans une fraction des Oulad-Thaan, une tente assise près de la forêt et un peu séparée des autres. Vers la tombée de la nuit, un lion entre sous sa tente, prend l’enfant et l’emporte. La mère saisit un bâton, et s’élançant au-devant du lion : «« Infidèle, lui crie-t-« ©lie, rends-moi mon enfant. > Le lion, en effet, laisse tomber l’enfant à terre, mais il fait un pas pour le prendre dans ses pattes et se met à rugir. « Tu ne

« saurais m’effrayer, dit la mère, qui se campe bra-« vement devant lui. Je suis la fille de ces montagnes, « et j’ai dix courages d’homme dans mon cœur. Je « ne sortirai d’ici qu* lorsque mon enfant me sera « rendu. » Le lion la regarda quelque temps ; puis s’en alla tranquillement, abandonnant sa proie. Il paraît qu’il n’avait pas faim, dit un Arabe devant qui l’on racontait cette histoire. (France algérienne.)

Un académicien ne dirait pas autrement; mais à coup sûr il y a ici une cause physique et toute magnétique. Le lion a lâché sa proie, non parce qu'il n’avait pas faim, mais parce qu’il a senti ce que sentent les animaux qu’on magnétise : la puissance d’une volonté qui leur est supérieure.

Buste de Mesmer. — La commission de souscription prévient les souscripteurs que le buste auquel ils ont droit leur sera délivré le 5 juillet, chez M. Aubin Gauthier.

Trois bustes seront tirés au sort entre les souscripteurs au-dessous de 10 francs. Le tirage aura lieu & midi; les souscripteurs sont invités à y assister.'

En même temps la Tribunelyonnaise de juin annonce qu’un de ses abonnés possède un buste de Mesmer par Pigale. C’est là une nouvelle importante, car on croyait qu’il n’en existait point. Si la commission qui s’est formée l’année dernière avait été mieux renseignée, elle aurait pu consulter cette œuvre, ou mieux encore faire copier ce modèle, qui, fait du temps de Mesmer et par un artiste célèbre, doit être ressemblant.

Cauchemar d’une hospitalière. — Une bonne

Sœur d’hôpital, d'un esprit timoré, chaque nuit croit voir le diable, depuis qu’un magnétiseur s’est avisé de faire parler devant elle une cataleptique qu’on crovait morte! Que voulez-vous? le diable est si malin qu’il nous force nous-môme à le mettre en scène. Le voici tel que le voit la bonne Sœur ; elle le reconnaîtra. Quant au magnétiseur, valût de Satan, elle l’a toujours devant les yeux sous l’aspect d’un monstre, quoique réellement ce soit un charmant jeune homme.

Sfr-**'*/!.

Aveugle somnambule. —On parle beaucoup en ce moment de M,e Durel, fille d'un ministre protestant des environs de Cambrai, qui, tombée dans un élat cataleptique, offrirait les phénomènes de la vision que le magnétisme produit chez certains sujets. Le médecin qui la soigne lui a mis dans main, à plusieurs reprises, des billets cachetés dont elle lui a tou-

jours lu le contenu. Ce médecin, désirant s’aider des conseils d’un confrère, est venu lui-même communiquer ces faits à un docteur do notre ville. Ces phénomènes sont d’autant plus concluants que cette jeune fille se trouve, par suite de son affection cataleptique, sourde et aveugle.

Puisque l’organe de la vision ne peut percevoir le contenu de ces billets, d’ailleurs cachetés; puisque l’ouïe non plus n’en peut recevoir la communication, il est incontestable qu’une vision anormale, la vision somnambulique, existe chez cette jeune personne.

(Archives de la Société magnétique.)

Revue des journaux. — Ce mois-ci toute la presse s'est émue. La première célébration de l’anniversaire de la naissance de Mesmer et le beau fait d’insensibilité qui vient d’avoir lieu à Cherbourg arrivant simultanément ont vivement impressionné les esprits.

La Mouche, muette depuis longtemps, reproduit dans son numéro du 9 juin le procès-verbal de l’opération de Baysset.

Le feuilleton de la Presse du 11 juin contient l’exposé de scènes magnétiques qui prouvent que l’auteur des Mémoires d'un Médecin n’est étranger ni ù la science de Mesmer, ni à celle de Puységur.

Le môme journal du 21 reproduit en entier le récit de l’opération chirurgicale de Cherbourg.

Le Messager de Gand du 17 relate une guérison magnétique obtenue à Mods par M. le docteur Comans.

La Gazette des Hôpitaux du 9 juin reproduit en partie la spirituelle chanson de M. Lovy, sur les corps sa-

vants. M. Amédée Latour y rend compte du banquet mesmérien en termes qui sont loin d’être hostiles. Or, c’est ce médecin qui doit nous porter de si rudes coups dans le Constitutionnel; comprendra qui pourra la raison do cotte volte-face.

L'Estafette du 26 mai public une longue lettre de Mortagne, dans laquelle il est dit que les propriétés de la petite Cottin sont revenues plus fortes qu’avant son départ de sa chaumière. Nos informations particulières ne confirment pas ce fait.

ERRATA.

Page 24, ligne 5, louvcrain, lire souvenir.

— 25, — 1, prévenus, — pervers.

_ 224, — 27, Bourdin, — Burdin.

_ 225, — 24, Richard, — Ricard.

Le Propriétaire-Gérant : HÉBEKT (de Garnay).

TABLE.

Action du magnétisme dans «n cas d'empoisonnement par l'opium. 66 Action du nikcl sur les magnétisés. 5

Avulsion de dents. 134, 214, 302 Abcès (ouverture d'). 214

Ablation de tumeur palpébrale. 213

— de "landes au cou. 295 Albéiiéc-élcctro magnétique. 13, 265

— royal de Paris. 103 Anniversaire de la mort de Mesmer.

139,160

— dosa naissance. 303 Académie du Gard. 11

Aveugle somnambule. 348

Avortement arrêté. 66

Banquet Bisontin. 03

— Mesmérien. 230, 273,310 Buste de Mesmer. 139, 347 Brûlure. 331 Citasse au magnétiseur. 256 Clairvoyance. 285, 321 Cuttin, voyez Electrique.

Collège de France, cours deM. Ma-gendie. iss

Coliques. 130

Complainte de Besançon. 6

Cauchemar d’une hospitalière. 348 Cauclion (découverte du tombeau de l’abbé). 24

Classification des effets magnél. 35 Congrès médical (vœux du). 53 Contusions. 331

Conjonctivité. 331

Chlorose. 331

Délinition du magnétisme. 37

Dieu des bonnes gens (le). 63

Beiuier mot de l'auteur du Manuel du magnétiseur. 107

Danse soinnambulique. 259

Engorgement hydropique. 212 Enfant à seconde Tue. 99

Epilepsie. 32

Electrique (la petite fille). 79, 85, 113 125, 287, 298 Enfance de Mesmer. 345

Entorses. 331

Foulures. 331

Gastralgie. 331

Hémorrliagie. 331

Hydropisie. 146,157, 212

llydroscopie. 172

Insensibilité traumatique. 20, 73, 293 Insensibilité magnétique. 141. 302 Inflammation des viscères abdominaux. 42 Institution royale de Londres. 240 Jauuisse. 128 Loi de santé portugaise. 289 Le magnétisme décrit par Cadet-Bu-teux A son ami Latulipe. 33 Le magnétisme à Besançon. 1, 29, 57

— ù Bordeaux.

— à Villeurbanne. 193

— ù Toulouse. 244 Lion magnétisé. 346 Libre arbitre (du) 332 Matelot électrique. 259 Médecins dévoilés. 232 Mesmer ressuscité. 222, 288 Magie. 201,234,261, 325 Machination du Constitutionnel. 288 Mort de M. Vlrey. 199

— de M. de Puységur. 323

Malades, médecius, magnétiseurs. 339 Migraine. 331

Névralgies. 135,331

— sciatique. 210

Nikel. 210

Néologie magnétique. 344

Opérations chirurgicales, voyez Insensibilité traumatique.

Ophlhalmie. 129, 331

Pressentiments. *98

Pensées de M. de Balzac. 25

Prévisions. 132, 15S

Prnjel tic loi conlrc nature. 257 Prix somnamhulique. 224, 287

Paralysies. 30, 50

Itbunialismc. 129, 331

Récompense impériale. 282

Société académique du Puy. 76

— magnétique de Cambrai. 330

— philanthiop.-magnét. 150,272

— (lu Mesmérisme. 120,215,300 Science funeste (la). 28 Section des tendons poplités. 72

— — d'Achille. 21 Sorcier électrique. 28« Surdi-mutité. 284

Sourciers. 175

Splenite chronique. 74

Salaire des magnétiseurs. 75

Somnambulisme naturel. 141, 10»

— magnétique. 1Î3,137 Snmnolog'e. 140

Substances médicamenteuses qui empêchent l’cfiicacité du magnét. 8 Tribunaux. 227,254

Tonnelier médecin. 25

Vision (poésie). 231

Voleur somnambule. 165

Volonté (la) n'e-t pas l’agent des phénomènes magnéliques. (il Vue à dislance. 138, 285

FIN DE Li TABLE.

Pari*. — Imprimerie d’A. Bui et Comp., rue de Seine, 3i.

JOURNAL

DU

MAGNÉTISME

RÉDIGÉ PAR

IÜE SOCIÉTÉ DE MAGNÉTISEURS ET DE MÉDECINS

SOUS Li DIRECTION DE

M. LE BARON DU POTET.

La vérité, n’importe par quelle bouche; le bien, n'importe par quelles mains.

TOME III.

PARIS

BUREAUX : HUE S'ANIIN, 12.

1846

JOURNAL

DU

MAGNÉTISME.

CLINIQUE MAGNÉTIQUE.

Avulsion de dent. — Vendredi 26 juin, à Grenoble, une opération toujours douloureuse, l'extraction d’une dent molaire, a été pratiquée sur une jeune fille magnétiquement endormie. Elle a paru n’éprouver aucune douleur, et à son réveil elle a manifesté de l’étonnement de ne plus trouver à sa place la dent qui la faisait souffrir : d’après sa déclaration elle n’aurait rien ressenti.

Ces faits sont attestés par un procès-verbal qu’ont signé MM. Humbert de Beaumont, Victor Labalie et Girard, ainsi que par un certificat délivré par M. le docteur Fournier. ( Réforme. )

Paralysie.—Mmc veuveGuitton, âgée de quarante-neuf ans, née à Chùtcaudun, département d’Eure-et-

T. III. 15 juillet 1846. 1

Loir , demeurant à Paris, rue des Maçons-Sorbonnc, n° 2i, était atteinte, depuis six ans, d’une paralysie rhumatismale des membres inférieurs. Traitée dans presque tous les hôpitaux de Paris, plusieurs méde-•cins célèbres, M. Gendrin entre autres, ont reconnu et certifié que cette paralysie la mettrait pour toujours dans l’impossibilité de gagner sa vie (I). Pauvre et seule dans sa chambre elle pouvait à peine se traîner pour faire ses aliments; assise 011 couchée, elle était obligée de frapper avec ses béquilles pour que des voisins lui Vinssent en aide; sans leur secours elle aurait élé contrainte de rester et mourir faute d’aliments. Cependant elle est guérie; voici le fait.

Elle vint chez moi le 23 juin 1846, à une heure, se traînant sur deux béquilles que le Bureau de bienfaisance de Paris lui avait fait délivrer; et nous savons tous qu’il faut que l’état soit grave pour que cette administration fasse semblable sacrifice.

A une heure et demie je la magnétisai, principalement sur les articulations. Après vingt minutes d’une action forte et soutenue elle éprouva des douleurs fort vives dans les membres inférieurs, ce quelle n’avait jamais ressenti depuis longtemps; car, avant la magnétisation, elle était complètement insensible, même à des piqûres faites à deux centimètres de profondeur avec une aiguille. La douleur des articulations alla toujours croissant jusqu’à la fin de la séance. Elle me dit avoir des insomnies qui la fatiguaient beaucoup; alors je lui engageai légèrement la tête, afin de produire le sommeil, car il y avait trois mois

(1) Ces «rlificats sont déposé* avec l'original de celle relation aui archives de la Société de Mesmérisme.

qu’elle n’avait dormi. Cependant je n’ai pas cherché à lui procurer le coma, et la magnétisation a été toute locale.

Alors elle partit, aidée de M. Commerson, de Mmc Joannard et de moi pour la remettre sur ses béquilles. Rentrée chez elle, une heure après la douleur articulaire cessa ; et, se sentant beaucoup mieux, elle se lève, prend un bâton, marche, en tenant les meubles et la muraille, une partie du reste de la journée; à huit heures elle se couche et dort du sommeil naturel jusqu’au lendemain sept heures et demie du matin.

24 juin. — Elle se lève seule, s’habille, prend son bâton, et recommence son exercice jusqu’à une heure, qu’elle vint chez moi pour être magnétisée de nouveau (elle arrive s’appuyant d’une main sur un bâton et de l’autre contre les maisons).

A une heure et demie je reprends la magnétisation. Après quinze minutes d'une action forte et un peu douloureuse pour elle, elle me dit : « Je me sens beuu-« coup mieux ; il me semble que je marcherais bien “ seule. » Elle se lève, hésite, enfin risque un pas, puis deux ; la confiance en elle-même revient ; elle marche, danse, gesticule en tous sens; sa joie était au comble. -

« Des jambes! me dit-elle; c’est un miracle ! » Je lui conseille de prendre le plus d’exercice possible ; elle va au Luxembourg faire une promenade d’une heure; sans appui aucun (car elle avait mis son bâton sous son bras), puis rentre chez elle, danse dans la cour de sa maison, montre à tous qu’elle a retrouvé

ses jambes ; à sept heures et demie se couche et dort bien.

25 juin. — A sept heures et demie du matin elle me rend visite sans bâton ; elle marche sans douleur ni roideur. Rentrée à sa maison, elle danse de nouveau, court dans la rue, et se fait voir à tous ceux qui l’avaient connue impotente ; elleétait folle de joie. A une heure et demie, je la magnétisai de nouveau. Mêmes effets que précédemment : retour des forces primitives, plus de douleurs, plus de paralysie; elle ne désire plus qu’une chose : c’est de pouvoir le dire à assez de monde pour répandre la nouvelle de celle cure inatlendue et miraculeuse dont elle est l’objet.

26 juin. — A une heure et demie je reprends la magnétisation ; rien de nouveau ; le mieux se maintient ; le sommeil est si bon qu’elle dort jusqu’à sept heures sans interruption.

27 juin. — A sept heures et demie j’ai sa visite, toujours allant bien; â une heure je recommence sa magnétisation devant M. le docteur Viancin et M. Gi-

’ rollet (députés par la Société du Mesmérisme), et plusieurs autres personnes qui ont toujours suivi le traitement avec régularité.

Alors, ils ont pu constater qu’il n’y avait plus de douleur ni de roideur dans les articulations; les digestions se font avec beaucoup de régularité ; à huit heures elle se couche.

28 juin.—A une heure elle vient pour être magnétisée; mêmes effets; elle se plaint que le sommeil que je lui procure est trop long, qu’elle voudrait se lever plus tôt. Cependant, suivant mon habitude, j’engage la tète pour lui procurer ce sommeil réparateur; elle

part après vingt minutes; car notez bien que jamuis la magnétisation n’a été plus longtemps prolongée.

29 juin. — A une heure, je la vois arriver, pouvant à peine marcher; cependant elle n’avait pas osé reprendre ses béquilles ni son bâton, dans la crainte, dit-elle, que cela ne lui portât malheur ; arrivée chez moi, elle s’assied, mais pour se relever il lui a fallu l’aide de deux personnes.

Vite, elle s’empresse de faire sa confession. Monsieur, me dit-elle, je suis bien punie pour vous avoir désobéi; je n’ai pas dormi le temps que vous m’aviez recommandé; je me suis levée à cinq heures pour travailler, car j’ai bien besoin; mais à neuf heures je me suis sentie engourdie; le sommeil m’a prise sans que je puisse résister, j’ai dormi jusqu’à midi; alors je voulus me lever, impossible; mes jambes étaient de nouveau paralysées; j’ai été obligée d’appeler à mon aide.

Après quelques minutes de magnétisation en dirigeant le fluide sur les rotules, les jambes devinrent libres, et tout se passa comme à l’ordinaire.

30 juin. — A huit heures elle me rend visite, me dit qu’elle ne me désobéirait plus, qu’elle dormirait toujours le temps que je lui prescrirais.

A une heure et demie je la magnétise, les effets sont les mômes.

Elle court devant toutes les personnes de sa connaissance. Je crois qu’elle pourrait gagner le prix de course, car je n’ai vu personne d'aussi agile.

1" juillet. — Les faits sont les mêmes; la magnétisation à une heure et demie. Rien de nouveau ; le

s

mieux continue, l’espérance ne la quitte plus ; elle est nu comble du bonheur.

2 juillet. — A une heure et demie, mes opérations ont mômes résultats : beaucoup de sensibilité dans les jambes au toucher; le mieux continue; les effets magnétiques sont puissants ; l’attraction et la répulsion se produisent à l’instant où la volonté se manifeste ; tout va bien, je crois la guérison certaine maintenant.

3 juillet. — Les faits sont les mômes ; magnétisation à une heure et demie devant M. le docteur Maréchal, qui a suivi presque tout le traitement.

A juillet. —A sept heure et demie mômes opérations, mômes résultats ; la magnétisation ne dure plus que dix minutes; nombreux visiteurs; le mieux va toujours en augmentant ; le sommèil se fait sentir jusqu’à huit heures.

5 juillet. — Mômes résultats; rien de nouveau; concours nombreux de visiteurs; car celte cure est déjà beaucoup répandue ; chacun veut voir ; mon logement peut à peine suffire.

C juillet. — Un travail fort avant dans la nuit avait occasionné une fatigue dans lçs jambes, qui cessa lors de la magnétisation ; rien de nouveau, le bien se continue.

7 juillet. — Mêmes opérations, mômes résultats ; magnétisation à une heure et demie devant quatre docteurs allemands et polonais, qui furent émerveillés de ces choses qu’ils ne connaissaient pas, et auxquelles ils ne pouvaient croire ; aussi m’ont-ils demandé a suivre toutes les magnétisations que j’aurai occasion de faire. Je produisis sur l’un d'eux la catalepsie à

l’état de veille; alors leur curiosité redoubla, et ce sont des adeptes que nous aurons bientôt à compter parmi nous.

H juillet. — A sept heures la magnétisation habituelle; rien de nouveau ; la sensibilité magnétique est développée au plus haut point; elle fait de longues promenades, se couche à huit heures et dort jusqu’à sept heures; les forces sont revenues; elle ne peut croire à tant de phénomènes.

9 juillet. — A une heure et demie la magnétisation a lieu; mômes effets, sensibilité étonnante; les docteurs allemands sont venus et se joignent à moi pour rendre hommago à Mesmer pour sa découverte. La guérison est certaine, je pense; plus de cinq cents personnes ont vu et peuvent certifier la véracité du présent compte-rendu.

L.-C. Lefébure.

Ont certifié véritable le rapport et signé :

\euve Guitton. — J. Commerson,professeur Je l'iïni-versité. — Legendre. — De Lapierrc, professeur de Université. — Sophie Raviellet. — Veuve Rie-ger- — Quinault. — Veuve Jouannard. — R. Vi-tr7- — Cassou. — Veuve Croiset. — Muller.— A. Pilou, typographe. — M",c Gagnadre. — Gentil. — Femme Voibre — Rebin. — Legrand, docteur-médecin. — Rivy, etc., etc., etc.

Y a-t-il dans notre conduite, lorsque nous attaquons la médecine classique et les médecins, le moindre désir de vengeance pour les outrages que nous avons

reçus? Y a-t-il un but d’intérêt? Non! Tous nos efforts tendent à forcer les médecins à se servir d'un puissant moyen de guérir qui est en notre possession. Vit-on jamais guerre plus généreuse ? car nous voulons nous dépouiller au profit de nos ennemis. Mais l'orgueil les aveugle, et ils ne veulent ni nous comprendre ni nous écouter; il n’y a donc aucune raison pour cesser le combat.

Voici un nouveau fait de guérison ; il est récent, attesté par un si grand nombre de témoins que les nommer tous ce serait remplir notre journal. L’incurabilité du cas de maladie a été attesté par un grand médecin;¡g crois, Dieu me pardonne, que ce savant docteur est un des plus entêtés antagonistes du magnétisme... que son témoignage aille au public avec le nôtre. C’est ainsi que nous nous vengeons de superbes dédains, et que notre parole acquerra quelque valeur lorsque nous dirons : Méfiez-vous des hommes qui sont chargés de vous guérir ; ils sont plus ignorants que sages, plus présomptueux quéclairés. Ceux qu'ils condamnent en réchappent ; ceux qu’ils absolvent périssent.

ÉTUDES PRÉPARATOIRES

SOMNAMBULISME MAGNÈTI«

(Suite.)

§ IX. — SORCELLERIE.

Rien n’est plus digne d’étude que ces faits extraordinaires qui remuèrent si profondément les peuples et qui furent attribués à la magie, à la sorcellerie, etc. Il faut l’avouer à leur honte, les savants ne firent rien pour éclairer les nations; ils partagèrent, au contraire, leurs erreurs. Aujourd’hui même, ces Académies renommées que vous voyez sur les bords de la Seine s’occupent ù des riens, à des misères scientifiques incapables d’avoir la moindre influence sur les masses et d’éclairer leur raison. Tant de questions restent à approfondir ; l'étude de l’homme est si peu avancée, ses propriétés si peu connues; les forces qui l'animent ignorées complètement! O gens coupables, qui voulez des hommages lorsque vous vous occupez de niaiseries, seriez-vous restés à l’état qui succède à l’enfance? La lumière n’a point gagné vos esprits, on en acquiert la preuve en vous voyant reculer devant des vérités qui s’avancent fièrement au-devant do vous. N’est-il pas dégradant pour vous de voir au-

ÉTUDES PRÉPARATOIRES

SOMNAMBULISME MAGNÈTI«

(Suite.)

§ IX. — SORCELLERIE.

Rien n’est plus digne d’étude que ces faits extraordinaires qui remuèrent si profondément les peuples et qui furent attribués à la magie, à la sorcellerie, etc. Il faut l’avouer à leur honte, les savants ne firent rien pour éclairer les nations; ils partagèrent, au contraire, leurs erreurs. Aujourd’hui même, ces Académies renommées que vous voyez sur les bords de la Seine s’occupent ù des riens, à des misères scientifiques incapables d’avoir la moindre influence sur les masses et d’éclairer leur raison. Tant de questions restent à approfondir ; l'étude de l’homme est si peu avancée, ses propriétés si peu connues; les forces qui l'animent ignorées complètement! O gens coupables, qui voulez des hommages lorsque vous vous occupez de niaiseries, seriez-vous restés à l’état qui succède à l’enfance? La lumière n’a point gagné vos esprits, on en acquiert la preuve en vous voyant reculer devant des vérités qui s’avancent fièrement au-devant do vous. N’est-il pas dégradant pour vous de voir au-

votre paresse; expliquez, commentez,dispute? môme, ce sera prouver que vous êtes savants, et c’est ce que nous vous demandons, afin que, si les faits que nous allons signaler revenaient, ils vous trouvassent au moins préparés à les recevoir; qu’il n’en soit point pour eux comme pour le choléra; car on dit, je n’ose le croire, que vous n’en savez sur ce sujet pas plus que le premier jour. C’est là, sans doute, une calomnie; le monde est si méchant, et vous si innocents de ce dont on vous accuse!...

Première observation.

On trouve dans la chronique manuscrite de l’abbaye de Sennones, en Lorraine, écrite par un Bénédictin nommé Richer, le récit suivant :

« Un savant et éloquent Dominicain, appelé maître Robert, originaire de Paris, ambitieux et livré à ses plaisirs, avait trouvé le secret de se composer, par un moyen inconnu, un papier qui, déposé sur la tète d’une personne, lui faisait dire, malgçé sa volonté, tout ce qu’il plaisait à maître Robert.

« Un jour, pendant un sermon, ayant aperçu une belle femme, il la mande, lui parle doucement et l'engage à céder à ses désirs. Elle refuse; il insiste, et la menace enfin de la faire passer pour hérétique et condamner au feu. Le lendemain, en effet, il fait venir cette femme, lui pose la main sur la tête, et en présence de beaucoup de monde l’interroge ainsi :

« N’ètes-vous pas de la secte des hérétiques? — Je « le suis. — Voulez-vous retourner à la foi catholi-« que. — Non. — Voulez-vous donc être plutôt brû-

« lue que d'abandonner cette secte ? — Je le veux. —

« Vous avez entendu, dit-il aux assistants, comment « celte femme u avoué sa propre turpitude. »

« Tous les spectateurs de cette scène étrange répondirent qu’ils n’avaient jamais rien entendu de pareil.! Alors cette femme fut livrée aux gardes, qui la conduisirent en prison.

« Cette femme était mère d’un jeune ecclésiastique d’un bon caractère, qui se donnait tous les mouvements chez ses parents et les voisins pour délivrer sa mère. Quelqu’un, initié sans doute au secret du moine Robert, lui dit :

« Allez demain à la prochaine assemblée, où votre « mère doit être examinée de nouveau; mettez-vous « à côté d’elle, et, lorsque maître Robert lui imposera a les mains et l’interrogera sur la foi, saisissez-les-lui « aussitôt fortement, et tirez-en le papier que vous y « trouverez ; gardez ce papier, et demandez que maî-« tre Robert interroge de nouveau votre mère sur la « foi. » •

« Le tout fut fait ainsi ; et lorsque le clerc eut arraché le papier de la main du moine, cette femme, interrogée comme précédemment, jura devant tout le monde que jamais elle n’avait entendu rien de pareil; que jamais elle n’avait été interrogée par maître Robert sur la foi; qu’elle ne lui avait répondu sur rien qui eût trait à l’hérésie.

« Le fils alors fit voir le papier, et montra par quel art diabolique ce prédicateur, avec ce papier, obtenait tout ce qu’il voulait sans aucun consentement des victimes, et les livrait ainsi à la mort.

« Le peuple voulait s’emparer du moine et le faire

mourir; mais le clergé se saisit de lui et le fit enfermera perpétuité dans une prison de pierre, pour que celui qui avait agi, par cet art secret, sur son père, sa mère et beaucoup d’autres fort innocents, qu’il avait rendus fort coupables pour voiler son iniquité, pût faire pénitence en celte vie, si Dieu lui en faisait grâce. »

Le Père Sprée, Jésuite, convaincu de l'innocence de divers sorciers qu’il avait conduits au bûcher, ne craignit pas de réclamer contre la manière dont on procédait à leur égard, et dans un ouvrage publié en 1631 il cite un cas qui a la plus grande analogie avec le précédent.

« Une personne digne de foi, dit-il, m’a raeonté dernièrement qu’un bourreau, puni du dernier supplice, et qui n’était pas étranger à la magie, avait coutume de procurer, par son art, que, parmi tous ceux qui tombaient sous sa main, il n’y en eùt^as un qui pût se soustraire à la nécessité d’avouer tout ce qu'il lui demandait, et par ce moyen avait forcé plusieurs innocents de révéler des choses qu’ils n’avaient jamais faites, auxquelles même ils n’avaient pas songé. »

(La tuile auprochain numéro.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

ASSOCIATION CATHOL1CO-MAGNÉTIQUE (1).

Une vérité physique que les sens peuvent saisir, qui est commune à tous, qui existe en tout lieu, a-t-elle besoin de se placer sous la tutelle de quelque corporation pour prendre rang dans les sciences et faire jouir les hommes du bien que par sa nature elle peut faire? Heureusement non.

Dans ce siècle de liberté et de libre examen, toutes choses vraies, toutes choses utiles marchent et progressent par des efforts individuels. Les savants sont partout débordés par des individualités qui ne prétendent à aucun titre scientifique. Tout le monde en France, devenant juge des questions quelles qu elles soient, reçoit ou rejette sans prendre conseil des corps savanis ou d’autres corporations. Les magnétiseurs, dès le principe, se sont trompés en appelant les médecins à leur secours, en les regardant comme seuls capables de généraliser le magnétisme; ils se trompent également aujourd’hui en s’adressant aux prêtres pour les mettre en possession de la découverte de Mesmer. Qu'ils se rappellent qu’ils furent mal accueillis autrefois, et.que par des mandements, des articles dans les journaux religieux, et plus encore

(1) Voir /levue magnétique, n* 17, p. 236.

par la confession, on chercha à perdre le magnétisme dans l’esprit des masses.

Les temps sont-ils changés? La lumière et la vertu sont-elles venues tout à coup pénétrer ces deux corporations? Le magnétisme leur doit-il son progrès, et le bien qui se fait est-il dû à ces directeurs spirituels ou à ces ministres de la santé? Non. C’est parce que la vérité gagne chaque jour du terrain malgré leurs entraves, c’est seulement parce qu’ils ne peuvent plus, sans passer pour ignorants ou rétrogrades, suivre le môme plan, que nous voyons aujourd’hui des sentiments plus pacifiques chez ceux qui naguère encore étaient nos pius cruels ennemis. Et, seraient-ils sincères, reconnaîtraient-ils de bonne foi qu’ils étaient dans l’erreur, ou que leur résistance était déloyale et injuste, ce ne serait pas une raison pour leur accorder d’étre les arbitres du magnétisme. Nous savons trop à quelles passions obéissent les hommes séparés de la société pour ôtre confiant ; nous connaissons la moralité des médecins, et celle des Jésuites nous est suspecto.

En voyant ces derniers envahir notre domaine, la crainte nous prend, nous l’avouons, car nous pensons que Je magnétisme s’en trouvera très-mal un jour, qu’il servira à l’espionnage plutôt qu’à des œuvres de bien ; qu’on l’emploiera plutôt à fanatiser les hommes qu’à les éclairer, et que des croyances absurdes prendront naissance dès le moment où des gens intéressés à mainlenir les peuples dans l’ignorance auront vu toutes les ressources que peut leur offrir une force occulte, presque mystérieuse comme Dieu, pour ser-

vir leurs desseins et arriver à un but d’asservissement de la pensée.

L’homme ne doit-il donc jamais quitter l’enfance? Faudra-t-il que toujours il ait à ses trousses, celui-ci pour le guérir, cet autre pour veiller sur son âme? Ne saura-t-il donc jamais qu'il n’appartient qu’à lui île prévenir scs chutes, et que Dieu agit sur toutes ses créatures, se fait comprendre à elles sans intermédiaires; que c’est de lui-méme et par lui-même qu’il doit voir, et non par les yeux d’autrui?

Oh ! race humaine, tu permets qu’on dévie des lois île la nature, et te soumets sans murmure à des conducteurs aussi aveugles que toi. Regarde donc en lace tes guides peu sincères, demande-leur le fond de leur pensée!..-. Mais ils sont trop habiles pour te dire la vérité; saisis donc au moins le disparate qu’il y a entre leur dire et leurs actes ; ou plus encore, vois leurs infirmités égales aux tiennes et leur fin plus misérable.

Magnétiseurs éclairés, ne favorisez point cet ql-liage nouveau, laissez venir d’autres temps; séparez la science de toutes croyances, car elle doit s’établir d’elle-même. Que les prêtres humains travaillent à féconder ces nouveaux germes, rien de mieux et de plus utile; leurs œuvres de bien les feront chérir et respecter. Que les médecins, amis des hommes, fassent du magnétisme un instrument de guérison , qu’ils l’étudient pour en faire comprendre les lois, rien de mieux; mais ne les rendez jamais dépositaires absolus ét seuls juges; éclairez-vous autant qu’eux, secondez-les même en les aidant de vos bras et do votre pensée, mais réservez-vous d’être hommes, n'aliénez

aucune de vos facultés ni vos libres pensées. C'est ainsi que vous préparerez pour les races futures une terre rendue féconde et que vous briserez les liens préparés dans l’ombre par des hommes à qui la liberté fait peur et qui voudraient enchaîner l’avenir, ramener les hommes en arrière lorsque Dieu lui-même les pousse en avant.

La science n’a point de limite et ne dira jamais son dernier mot. La nature a mille secrets que l’homme n'a point encore pénétrés; il reste donc à l'intelligence humaine un champ vaste à parcourir; beaucoup d’esprits se contentent du présent, le trouvent boji, en jouissent, perfectionnent ce qui a été découvert dans les temps passés; ils accomplissent leur destinée et rendent des services que nous devons reconnaître. Mais le progrès appartient à d’autres, et c’est à ceux-ci que nous devons présenter le fruit de nos recherches dans le domaine de l'inconnu, afin qu’ils suivent aussi cette loi non moins impérieuse qui porte les hommes à toujours améliorer leur sort et à se rapprocher autant que possible de la source de toutes vérités. Trop d’erreurs existent encore sur la terre, les savants eux-mêmes ne cherchent point à sortir du petit cercle qu’ils se sont tracé; ils vivent sans s’inquiéter et prendre souci de leur ignorance; ce n’est qu'en les poussant en avant qu’ils finiront par nous seconder.

Magnétiseurs, entrez donc franchement, résolument dans le monde nouveau révélé par le magnétisme ; mais surtout ne chargez aucune congrégation d’accomplir votre mission, à moins que vous ne vouliez recueillir de l’ivraie dans le champ où vous avez semé du bon grain.

VARIÉTÉS.

LE WAGHfÊTlSIUE.

ODE

A M. le baron du Potet.

V

Magnus al) intogro .sæclorum nascitur orclo.

Virgile.

Grâce! grâce! assez de victimes!

La nature s’épuise à ce tribut cruel ;

Entre elle et vous, docteurs, c’est un horrible duel : Assez de deuils, assez de crimes!

Assez de nœuds sacrés avant l’âge rompus,

De veuves, d’orphalius que la douleur accable! Ecoutez dans Rama Rachel inconsolable,

Pleurant ses üls qui ne sont plus!...

Quelle est cette clarté nouvelle Qui se lève brillante à l’horizon lointain?

Regardez, regardez, l’étoile du matin D’un éclat moins vif étincelle :

C’est l'astre précurseur, la colonne de feu Qui vers l’Enfant divin jadis guidait les Mages,

Qui, la nuit, au désert, durant ses longs voyages, Marchait devant le peuple hébreu.

Que le monde entier le contemple L’astre de vérité qui se révèle 5 nous !

Marchons à sa lumière, el, pleins d’un saint courroux, Chassons les idoles du lemple !

Les temps sont arrivés ; à ce signe certain

C'est trop longtemps fermer vos yeux et vos oreilles;

Peuples, réveillez-vous; n'est l’ère des merveilles,

C’est le salut du genre humain !

Désormais l'homme s’étudie.

S’élance, transformé, des langes du berceau,

Découvre autour de lui tout un monde nouveau, Connaît les secrets de la vie.

Dans un corps périssable, être immatériel,

¡.’homme n’est plus pour l'homme une énigme vivante, Une œuvre du hasard que la mort épouvante ;

C’est un ange exilé du ciel !

Adoptez la jeune immortelle Qui vient les bras chargés de fleurs el de présents;

Rois qui sur .vos sujets, comme sur des enfants,

Veillez d’une âme paternelle,

De vos remparts pour elle abaissez la fierté ;

Elle apporte à vos fils la force et le courage,

Peuples qui préférez au docile esclavage L’impatiente liberté.

Alais quelle fureur vous anime?

Eh quoi ! devant l’erreur toujours courber le front ! Quoi ! toujours repousser par le doute ou l'affront Une découverte sublime?

Quelle preuve faut-il à vos cœurs corrompus? te sourd entend, l’aveugle a revu la lumière,

Et le muet, charmé, murmure une prière -Comme autrefois devant Jésus! j

Un jour l’inexorable histoire,

Savants, qui trahissez l’auguste vérité,

Portera contre vous un blâme mérité,

El lernira.volre mémoire.

Ah! suivez sa bannière, il en est temps encor :

An lieu de l'accueillir d’une insulte banale,

Sonnez, hérauts, sonnez sa marche triomphale :

C’est l'aigle qui prend son essor.

Mais, après tout, que nous importe Ou leur dédain superbe, ou leur vainc. Fureur ?

Tout ce qui vient de l’homme est fragile et menteur ;

Ne faut-il pas que Dieu l'emporte ?

Oui, mon Dieu, ce qui vient de vous est éternel ;

De ces nains ameutés vous confondrez la rage ;

D'un souffle vous pouvez briser l’échafaudage De cette insolente Babel !

Voyez comme la calomnie Au mérite toujours mesure le poison ; ( line grande infortune accompagne un grand nom : C’est l’auréole du génie.

Tel fut le prix, Mesmer, de les nobles travaux,

Gloire à loi, qui portas la couronne d’épine ;

Le Christ, accomplissant sa mission divine,

N’est-il pas mort pour ses bourreaux ?

Imitons l’exemple du maître;

A son œuvre assurons de nombreux défenseurs :

Il nous faudra braver bien d’injustes clameurs,

Livrer bien des combats peut être;

Mais notre tlche est belle, à nous est l’avenir;

Mais d’une vérité grande, utile, féconde,

Quiconque veut se faire apôtre dans le monde Doit savoir en être martyr !

Paris, 1 juin 1848.

A.......v.

Seconde vue. — Les eflels du djedeb, ou danse religieuse des Aï-Ssaoua et des nègres, rappellent beaucoup ceux qu’on attribue au magnétisme animal.

Il s est passé hier, à Alger, à une deurdeba qui se célébrait au fond de l’impasse Darfour, un incident assez extraordinaire et que les indigènes expliquent par l’espèce de seconde vue que le djebed donne à ceux qui s y livrent, absolument comme on explique ' en Europe, par le magnétisme animal, les choses merveilleuses que font certains somnambules lucides. Sans nous prononcer en matière aussi délicate, nous livrons le fait au lecteur tel qu’un témoin oculaire , ‘ligne de foi nous le rapporte. Pendant que, dans la cour où se faisait le deurdeba, les nègres et les négresses se livraient avec fureur à la danse sacrée, une Mauresque, malgré le bruit de leurs trépignements et des avtales en fer, s’était endormie dans une chambre du haut. Quelque voisine, profitant de son sommeil, lui détacha un des anneaux en or, appelés redif, que les femmes portent au pied. Quand la dormeuse se réveilla et s’aperçut du vol dont elle était victime, elle se mit à pleurer. Ses gémissements furent entendus d’un des nègres qui étaient arrivés à

1 état d’extase. Il .se mit à désigner la voleuse avec tant d’exactitude que la Mauresque reconnut nu signalement une personne qui habitait la même maison qu’elle, et qui, l’ayant accompagnée à la fête, était ensuite sortie sous un prétexte quelconque. De plus, le nègre indiqua également l’endroit où était caché le redift et dit que la voleuse l’avait cousu intérieurement à cette partie de la culotte indigèné qui bouffe d’une manière si disgracieuse entre les jambes. Vérification

faite de tous ces renseignements, ils se trouvèrent d’une exactitude complète. Heureuse d’avoir retrouvé son redif, la Mauresque revint à la deurdeba et gratifia d’un douro son habile devin. (Akhbar.)

Somnambulisme spontané. — Les somnambules qui ont la faculté de se promener en dormant, tout comme s’ils avaient les yeux ouverts, sont-ils insensibles à la douleur à ce point qu’ils puissent impunément se précipiter d’un troisième étage sur le pavé du roi? C’est une question que nous soumettons aux doctes de la Faculté de Médecine. Quant à présent, nous nous contentons de citer un fait des plus authentiques qui s’est passé hier rue de l’Hôtel-de-Ville,44. Le nommé Dupont, jeune homme de vingt-deux ans, est somnambule de naissance. Hier, vers minuit, il fut pris d’un de ses accès; il se leva, ouvrit la fenêtre, et, grâce à sa seconde vue, il s’imagina sans doute qu’il pourrait marcher dans l’air. Quoi qu’il en soit, une fois la fenêtre ouverte, Dupont monta sur l’appui de la croisée, et, comme si un parquet de plein pied s’étendait au-devant de lui, il s’avança et tomba du troisième étage. Par un heureux hasard, Dupont se trouva debout sur les pieds, sans encombre ni foulure aucune; point n’est besoin de dire qu’en touchant le sol Dupont s’est réveillé. (Esprit public.)

Le docteur micrographe qui a rédigé cet article ignorerait-il qu’il y a dans l’état somnambulique naturel aussi bien que dans l’artificiel des hallucinations fréquentes? Les mots soulignés pourraient le faire croire. Quant à la chute sans accident, nous n’en sommes- point étonné, on en a déjà des exemples, et

nous en avons rapporté un tome F , page 413 de ce journal.

Nécrologie.—Il y a quelques jours, un vieillard plein de santé, le docteur Souberbielle, célèbre chirurgien, est venu nous demander de tenter la production de l'insensibilité sur quelques-uns de ses malades qu’il voulait opérer en cet état. Nous avions accepté, mais la mort est venue surprendre cet homme habile et sans préjugés; nous avons ainsi perdu une occasion précieuse.

Revue des journaux. — La France du 13 juin mentionne l’opération de Cherbourg.

M. le docteur médecin de Saint-Louis, dit, dans le Constitutionnel du 21 juin, que l’homœopathie et le magnétisme sont les deux mystifications du siècle.

L’Echo du Cantal reproduit notre narration sur la découverte du corps de Sixdeniers. Plusieurs journaux allemands l'ont aussi traduite.

J.a Quotidienne du lfl juillet relate le cas de somnambulisme naturel cité plus haut.

BIBLIOGRAPHIE.

Coins de nosologie cliniqde, par M. le docteur Euangard , professeur de pathologie interne et de clinique médicale à l’école demédecine du Caire. 1vol. in-8*, chezJ.-B. Baillière.

Le magnétisme trouve place maintenant dans tous les ouvrages de médecine. Tout auteur soucieux de

sa considération prend soin de ne pas laisser ignorer sa pensée à l’égard dece principe nouveau. Le progrès magnétique no permet plus de statu quo; il faut que chacun s’explique, fasse sa profession de foi, sous peine de passer pour ignorant. Les médecins vraiment philosophes confesseut que la découverte de Mesmer est un fait acquis; les encyclistes, dont ce principe fécond embarrasse les systèmes, le nient; mais la comparaison s’établit entre leurs raisonnements contradictoires, et la discussion qui s’ensuit est toujours favorable à la vérité.

Le livre que nous analysons vient d’étre traduit en arabe par ordre de Méhémet-Ali. C’est une puissante recommandation qui lui donne de l'importance; mais nous n’avons pas à en apprécier le mérite médical. Un chapitre ayant été consacré au magnétisme, c’est à ce seul point de vue qu’il nous intéresse ici. Et d’abord, disons qu’à part les erreurs dénominatives et de physiologie magnétique qu’il contient, cet ouvrage nous est éminemment favorable.

' Le docteur Emangard y déplore la résistance opiniâtre que la médecine oppose à l’examen du mesmérisme. « Avant de nier tous ces faits, dit-il, étudions-« les, mais portons dans cette étude le zèle et la bonne t foi. Ce n’est que d’hier que nous connaissons bien « le rôle important que joue le fluide électrique dans « le phénomène de la vie; poursuivons ces recherches, « et bientôt de prétendus miracles deviendront des « phénomènes naturels. »

Voilà, certes, les paroles d’un observateur sage, impartial; hôte charitable qui ouvre sa porte à la vérité proscrite qui lui demande asile.

Après connaissance faite avec les effets, il est naturel d’en rechercher la cause, et l’auteur du Cours de nosologie clinique croit la trouver dans le fluide électrique. Ayant assisté à une leçon de Broussais sur la question qui nous occupe, il rapporte ainsi les paroles de ce grand médecin : « Si vous songez aux attrac-« tions, aux sympathies et aux répugnances que nous « éprouvons pour certains individus de notre espèce, « lors même que nous les voyons pour la première « fois; si vous vous rappelez l’ascendant d’un homme « sur ses semblables, la fascination de l’animal car-« nassier sur sa proie, le trouble, l’accablement, « l’oppression, le tremblement universel qui saisit « celle-ci et ne lui permet pas-toujours de réagir par « la fuite ; si vous considérez l’effet des gestes mena-« çants et perturbateurs sur les enfants au berceau, « le malaise, les cris, l’agitation et les convulsions « qui peuvent en résulter ; si vous faites attention aux « effets de la déclamation et de tous les mouvements « de la musique théâtrale sur les spectateurs qui « assistent à une scène tragique et qui s’identifient « avec l’acteur qui est devant eux ; aux émotions « produites sur un auditoire de femmes par un pré-« dicateur fanatique qui leur parle d’une voix ton-« nante, avec des yeux étincelants et des gestes éner-« giques, etc., etc., vous serez porté à croire que « des émanations extrêmement puissantes ont lieu dans

« tous ces phénomènes____»

Bestc à décider quelle est la nature de ces émanations. Notre auteur, s’appuyant sur les découvertes du docteur Coudret, croit qu’elles sont purement électriques; mais toute l’école magnétique proteste,

disant que l’agent de Mesmer est autre que ceux de Thaïes et do Galvani. L’expérience peut seule trancher le nœud qui nous arrête. L’hypothèse et la vérité sont en balance, il faut des faits nouveaux pour faire pencher le plateau.

La littérature magnétique augmente sans cesse. M. l’abbé Loubert vient de publier ‘seul sa Défense tkéologique du magnétisme qui devait paraître avec un nouvel ouvrage du docteur Charpignon. Nous l’analyserons prochainement.

On annonce, comme devant bientôt paraître :

1° Les Confessions d'un magnétiseur, à l’imitation de Jean-Jacques. Cela sera curieux, à part la ressemblance. Ayant déjà les Mémoires d’une somnambule des plus lucides, nous désirons que l’ouvrage annoncé soit aussi complet que possible, que l’auteur ne cache rien : on dit qu’il sait beaucoup de choses.... nous le verrons bien;

2° Un ouvrage de M. Gerdy sur VEntendement humain. On dit que le somnambulisme y est examiné à un point de vue de psychologie matérialiste et que mademoiselle Pigeaire est l’objet des sarcasmes de l’atrabilaire professeur. Si ce dire est vrai nous on entretiendrons nos lecteurs.

Le Propriciaire-Gcrani : HÉBERT (de Camay).

MANUSCRITS DE MESMER.

AVIS.

C’est une chose curieuse aujourd’hui que do retrouver dans les manuscrits do Mesmer les idées que fit naître en lui notre première révolution. Doué d’un puissant génie, cet homme embrassait toutes les questions , voulait résoudre tous les problèmes; éducation, médecine, finances, rien ne lui était étranger. Il écrivit sur ces diverses questions des mémoires qui lurent envoyés à la Convention, et que nous avons eu le bonheur de retrouver.

Dans un moment où la grande querelle entre l’Uni-versitéet le clergé, touchant l’éducation des peuples, est sur le point de renaître et d’enflammer les esprits, il sera intéressant de lire ce que pensait Mesmer sur la grande question de l’enseignement et sur les moyens de perfectionner la race humaine. Mais, malgré l’attrait qu'offre la lecture de ce mémoire, nous l’eussions certainement laissé dans nos cartons, si des principes de médecine et d’hygiène, où le magnétisme trouve son application, n’y eussent été enseignés Nous espérons que nos lecteurs nous sauront gré de cette publication ; nous n’avons pas besoin de les prévenir que nous ne changerons pas un seul mot à ce manuscrit.

T. III. 30 JUILLET 1846. 2

iVolioi» élémentaire» sur la morale, l’éducation et la l»:Ri(tlaiou, (tour irrvlr à l'instruction publique en France, par F.-A. Mesmer.

PRÉFACE.

Le but de cet ouvrage est de mettre les hommes d’accord sur les principes et sur les objets qui intéressent essentiellement leur bonheur.

Les idées vagues et indéterminées qui mettent l'homme en contradiction avec les autres, et le plus souvent avec lui-même, deviennent, autant que l'ignorance, la source de tous les maux moraux. On commet le mal, ou parce qu’on se méprend, ou parce qu’on ne s’entend pas avec les autres sur les principes; et l’on ne préviendra pas les malheurs qui en résultent tant qu’on cherchera ailleurs que dans l’homme même les motifs et les règles pour diriger les actions humaines.

C’est donc dans la nature de l'homme, une et invariable en tous temps et en tous lieux, qu’il faut puiser les principes qui doivent le gouverner.

Mais quels seront les moyens de connaître et de constater cette nature de l’homme, qui paraît sous des formes aussi variées que les sociétés, les mœurs, les religions et les gouvernements ? Les uns ne veulent voir l’homme naturel que duns son état inculte et sauvage; les autres que dans un état modifié par les lois et les mœurs, qu’on appelle civilisé.

Ni l’une ni l’autre de ces situations ne montre

l’homme tel qu’il est par la nature. On n’a donc pas su jusqu’ici ce qu’on devait entendre précisément par la nature de l’homme.

Quoique la diversité des climats et des situations où il se (rouve placé sur le globe, les besoins à satisfaire, les obstacles à vainpre, les influences des météores et desêtres qui l’environnent, concourent à en modifier, presque à l’infini, la forme extérieure, la couleur, les habitudes, les mœurs et les caractères, il est néanmoins, dans chaque individu, une base qu’on peut dire fondamentale ou un ressort premier et général qui dirige les actions les plus variées et le# détermine vers un seul et môme but, qui ne varie jamais.

C’est la conservation ou la tendance irrésistible que tout être animé éprouve pour continuer son existence. Cette tendance forme le principe inné et commun à tons les individus de l’espèce, lequel, se faisant sentir plutôt que connaître, devient le mobile général de toutes les actions humaines, se manifeste toujours d’une manière analogue à son organisation.

L’empressement également senti pour la génération et la propagation de son espèce n’est autre ehose que le désir naturel d’éiendre son existence individuelle.

L’homme, ainsi que tout animal, se plaît à jouir des moyens par lesquels il se sent rajeunir, en recommençant, dans son enfant, la carrière que lui-même avait en grande partie parcourue, et en reculant par là le terme do sa durée au delà de celui de sa propre existence.

L’harmonie de tous les moyens, en tendant vers ce but généralement recherché par les hommes, consti-

lue, lorsque ces moyens suffisent, l'état qu’on appelle le bonheur.

C’est sur ces moyens et leurs rapports qu’il faut que les hommes s’entendent, et que les principes et les idées en soient invariablement déterminées et tellement fixées quelles iie puissent être méconnues en aucun temps, ni en aucun lieu.

Par son mécanisme l’homme est lié à 1 univers. 11 devient un chaînon essentiel à l’cncliaînement universel des êtres, auquel il tient par des lois immuables qui le gouvernent lui-même. Son organisation, comme sa conservation, étant un résultat de ces lois, ce n’est que dans le mécanisme de l'une et de l’autre qu’on peut trouver les rapports et les proportions qui déterminent proprement sa nature.

L'homme, par la nature, est destiné à vivre en société, comme l’abeille, le castor, la lourmi, etc. Il reçoit de la société dans laquelle la nature 1 avait placé des lois particulières à son espèce.

Sa première existence, ainsi que le développement de ses facultés, dépendent d’abord des rapports réciproques existants entre lui et les auteurs de ses jours.

Il suffit donc d'indiquer sommairement le mécanisme de toutes ses actions.

Après avoir reçu sur les organes des sens une impulsion du mouvement, pour laquelle l'homme est absolument pasiif, il devient actif par l’effet seul de son organisation. Cette organisation peut donc être regardée comme le principe interne. — Voici comment s’opère ce changement : Placez un homme dans un jardin, devant un arbre, devant un pommier, par exemple ; enou^n les veux il reçoit précisément l'impression de lot>j

relatif à sa position : il voit l'arbre, les fruits. D'après l'expérience et les observations qu'on suppose ici avoir précédé, il reconnaîtra l'arbre. Son imagination et sa mémoire, par les modifications que le mouvement de la première impression vient d’éprouver dans les organes qu’on appelle de l'esprit, lui rappelleront le genre, l’odeur, le goût du fruit, la propriété qu’il a d’éteindre la soif et la faim ; ce môme mouvement primitivement imprimé, ainsi modifié, est communi-niqué aux instruments de l’appétit, de là aux membres îles extrémités qui déterminent l’homme à s’approcher de l’arbre, à étendre la main, à cueillir la pomme, enfin à la manger. Et voilà l’action consommée.

Les conditions qui ont réalisé cet acte sont générales et communes à toutes les actions quelconques; et elles sont si essentielles que, en les supposant absolument égales dans deux individus, les actions qui en résultent seront aussi les mêmes.

C’est donc de la connaissance de ce mécanisme que dépend l’art déjuger et de gouvernor les actions humaines, ei c’est uniquement desdites modifications que l’éducation, ainsi que la législation, doivent s’occuper ici.

J'observe que, la législation n’étant qu’une extension de l’éducation, et la morale offrant des principes à l'une et à l’autre, je crois ces trois objets inséparables pour le but que je me suis proposé.

Les actions, comme effets, dépendent, en plus ou en moins, d’une cause interne ; elles sont aussi déterminées, en plus ou en moins, par des causes externes : de là les degrés et les diverses nuances de moralité, les notions de liberté, de volonté, etc.

Le changement que toute action produit, et leurs rapports, nous donnent l’idée du bien et du mal moral.

Les diverses relations des hommes en société vont donc être déterminées d’une manière constante et invariable.

Il y a encore des notions, qui sont autant de principes, dont l’uniformité et l’exactitude, dans l’application, sont indispensables au bonheur de la société.

L’avidité et le luxe ont porté les hommes à s’occuper des moyens d’ennoblir les races de certains animaux en perfectionnant leur génération et leur première éducation ; pourquoi ne mettrait-on pas autant d’intérêt à celles de l’espèce humaine?

Véducation des enfants est la pépinière des citoyens. Par elles sont formées les dispositions et los facultés que l’enfant doit apporter un jour dans la société civile.

Ce seront ces dispositions qui le rendront ou vicieux ou vertueux; car ce ne seront plus les lois ou les instructions tardives qui pourront changer ces dispositions primitives ; elles empêcheront tout au plus, mais d’une manière incertaine, les écarts et les irrégularités des actions individuelles.

Les premiers instants de l’existence de l’enfant sont destinés à tracer les rudiments et à former le moule du citoyen futur.

La génération, ainsi que l’éducation, seront donc les objets les plus essentiels au bonheur de la société civile.

La philosophie est parvenue dans ce siècle à faire retrouver et reprendre à l’homme les droits que lu nature avait gravés dans son cœur, mais que la su-

perstition et l’habitude de l’esclavage lui avaient fait méconnaître.

Ce sont ces droits éternels et imprescriptibles qui sont destinés à conduire l’homme vers son bonheur; mais cela ne suffit pas : car, ou il n’atteindra pas le but auquel il aspire aujourd’hui avec tant d’ardeur, ou il ne s’y maintiendra pas, s’il ne l’a fondé sur une base encore plus solide par l’éducation.

Entendez de la nature la proclamation des droits de l'enfant, dont la connaissance et l’exercice deviennent plus nécessaires encore.

La nature déclare que l’enfant a le droit de jouir de tous les moyens propres à son parfait développement pour devenir un citoyen heureux et utile dans la société.

Voici les expressions des droits que la nature réclame pour l’enfant :

1" AGn do recevoir le corps bien organisé, une constitution saine et robuste, il faut que l’enfant soit engendré par des parents sains, bien conformés, d’un âge et d’un tempérament proportionnés;

2" Que la mère, par une nourriture saine, un travail ou un exercice modéré, l’esprit tranquille et content pendant sa grossesse, se dispose pour un enfantement naturel et sans accident;

3" Que la mère, en observant les animaux doués des organes semblables, s'instruise sur la manière de traiter son enfant dès les premiers instants de sa naissance, observation que rien ne peut remplacer;

4° Que l’enfant reçoive pour première nourriture le lait maternel au premier moment de sa naissance;

5” Que la mère n’ait d’autre occupation que le soin

de nourrir son enfant, de satisfaire à tous ses besoins, de prévenir ou d’adoucir toutes ses souffrances, et enlin d’éloigner tout obstacle à son développement;

6° Que la mère, comme la première fonctionnaire de l’Etat, soit sous sa protection et sa surveillance immédiate ; que sa personne, ainsi que ses fonctions, soient regardées comme sacrées ;

7° Que l'Etat prenne des mesures telles que l’existence d’un ou de plusieurs enfants ne devienne pas une charge pour les parents, mais, au contraire, qu’ils s’en trouvent plus heureux;

8° Que la société où l’enfant prend naissance soit responsable du maintien et de l’exécution de ses droits; qu’elle supplée à tout et qu’elle prévienne les obstacles qui pourraient survenir;

9" Que l’éducation, enfin, soit tellement soignée que l’enfant, par son développement physique, par scs facultés, ses connaissances, l’habitude des vertus sociales, l’exercice de la profession mécanique qu’il aura apprise, à un certain âge puisse devenir un membre heureux et utile de la société civile.

Ce sont donc les droits de l’enfant et ceux de l’homrr.o qui formeront le code db la nature ; et ce n’est que sur la base des droits de l'enfant qu une éducation nationale est possible, et qu’on pourra parvenir à perfectionner l’espèce humaine et à justifier ainsi la nature de la perversité innée que l’ignorance et la superstition lui supposent.

Après avoir tracé le plan pour établir et pour fixer les notions élémentaires, je m'abstiendrai d entrer dans les détails des parties de l’instruction et de 15-ducation. Mon intention a seulement été de rapportai

les principes et d’indiquer les sujets sur lesquels les élèves de la nation doivent recevoir une instruction plus ou moins étendue.

Une vaste carrière est ouverte au génie et aux talents pour bien mériter de la patrie.

Dans tous les temps les hommes ont été maîtrisés pur l’opinion. Dans une lâche oisivite, sans examen et par une sorte de pusillanimité, ils l'embrassèrent et se soumirent à son empire... Il n’en est cependant pas moins important de former, dès l’enfance, une opinion qui, par la suite, devienne une source intarissable de motifs pour toutes les actions. Mais il faut que cette opinion, au lieu d’être l'effet de la persuasion ou de la condescendance aveugle pour l’autorité, soit le résultat de l’expérience et de la raison.

Les effets des actions ne se trouvent pas toujours sous nos yeux ou assez près de l’action pour les motiver.

On formera donc dans l’enfant cette opinion que « nul, impunément, ne peut enfreindre les lois que la nature lui a imposées, et que rien ne pourra le soustraire att châtiment qui l'attend tôt ou lard. »

La propre expérience, ainsi que l’observation de l'enfant, peuvent être suppléées par des exemples simples et familiers. L’intérêt personnel, ensuite, rendra cette opinion aussi puissante que salutaire. Elle sera telle que, comme une opinion sur le poison, nul n’osera même risquer l’incertitude de la supposition.

La législation n’étant, ainsi qu'il a été dit, qu’une extension ou un supplément au code de l’éducation, et d’ailleurs tout membre de la république étant dans

le cas d’administrer la justice, j’ai cru utile d’en donner également quelques notions.

On verra que l’objet de la procédure criminelle n’est pas la vengeance publique, moins encore la perte du coupable, mais plutôt la correction que la société lui doit.

Aucune société ne pouvant subsister sans dépenses ou frais nécessaires pour le maintien de la sûreté et du bon ordre, je termine par fixer, d’une manière simple et constante, le mode le plus équitable de prélever les impositions, comme aussi un moyen sûr et exempt d’abus de représenter la dette publique.

Cetle double opération doit être regardée comme pragmatique, parce que, étant prise dans la nature, elle est la seule qui convienne à tous les gouvernements, et je me (latte d’avoir trouvé le moyen de faire cesser les hasards des essais pernicieux qui ont été tentés jusqu’ici à cet égard.

Pour rapprocher les fortunes de l’égalité autant qu’il peut être permis, et pour faire fleurir lagricul-culture et les arts, j'y ai ajouté des idées sur la division des successions.

Je propose aussi des moyens propres à donner, dans les assemblées d'élection, aux citoyens, une connaissance uniforme et exacte des charges et des fonctions, ainsi que des qualités requises.

Le contraste entre le vice et la vertu, qui leur sera mis sous les yeux, relèveront dans leur cœur le prix et l’amour pour celle-ci, et l’on préviendra par ces dispositions toute influence de l’intrigue, de la séduc-tion et des passions.

Il sera prouvé, enfin, par les principes qui forment

le système des influences ou du magnétisme animal, combien il est important, pour l’harmonie physique et morale de l'homme, de s’assembler fréquemment en sociétés nombreuses, où tous les âges et les sexes soient confondus, où toutes les intentions et les volontés soient dirigées vers un et mime objet, surtout vers l’ordre de la nature, en chantant, en priant ensemble; et que c’est dans ces situations que l’harmonie qui commence à se troubler dans quelques individus peut se rétablir, et que la santé se raffermit. Un culte général et commun, dont l’objet serait la contemplation des perfections de l'auteur de la nature, sous les rapports qui intéressent notre bonheur, remplira ce but sublime.

Je désire que cet ouvrage ne soit jugé que sur l’intention que j’ai eue de mettre tous les citoyens de la république d’accord sur les notions élémentaires et sur les principes.

Ce n’est que par la conformité des principes et des idées que les hommes se rapprochent de l'égalité possible, qu’ils s’aiment, et que l’harmonie des actions qui en résulte peut établir et consolider la paix et la 'félicité publiques.

La république, fondée et gouvernée invariablement sur les principes pris dans la nature, sera éternelle comme elle.

VARIÉTÉS.

Le malade et le médecin. — Dans un mémoire sur lo magnétisme qui nous parvient, nous trouvons un dialogue entre un malade et un docteur. Nous en extrayons le fragment suivant; le reste est par trop vif; nous en ajournons la publication.

LE DOCTEUR.

Notre science est écrite en grec et en latin; elle est gravée sur des tables d'airain. Le temps, qui use tout, a conservé nos parchemins; les voici : De par droit de nos maîtres, et surtout par la peur, notre règne est établi sur les sots humains; leur vie nous appartient, car aucun ne réclame; d'ailleurs, ils le feraient en vain, la loi nous autorise et leurs plaintes seraient vaines. Quand nous demandons votre sang, votre or, c’est à vous d’obéir et de courber la tête. Les rois eux-mêmes sont nos esclaves. Obéissez, vils mortels, ou tremblez que nous n’ajoutions à nos ordonnances quelques grains de nos spécifiques.....

Songez que ceux qui composent nos délicieux breuvages jamais n’élèvent la voix ; comme les muets du sérail, ils ne savent qu’obéir.

LE MALADE.

Vous n’entendez donc point les plaintes des mourants?

LE DOCTEUR.

Pour les soulager nous avons..... des poisons.

LE MALADE.

Faut-il encore ajouter à leurs maux? Pourquoi brûler leur chair? êtes-vous donc les vengeurs des fautes des hommes? êtes-vous juges ici-bas?

LE DOCTEUR.

Je te l’ai dit, nous sommes médecins.

LE MALADE.

Craignez de Dieu la vengeance.

LE DOCTEUR.

Il n’y a point de Dieu.

LE MALADE.

Mais la justice des hommes ?

LE DOCTEUR.

Elle fléchit devant nous; jamais un tribunal n'osa nous condamner.

LE MALADE.

Vous me faites frémir ¡ Qui êtes-vous donc?

LE DOCTEUR.

Stupide animal, juge-le à nos œuvres.

LE MALADE.

Où fuir?

LE DOCTEUR.

Partout où tu porteras tes pas, nous te suivrons.

LE MALADE.

Que dois-je faire en cette extrémité?

LE DOCTEUR.

Ne va pas l’aviser de faire le mort, on pourrait te disséquer tout vivant.

MALADE.

Mais enfin, que me conseillez-vous?

LE DOCTEUR.

Ecoute. Fais comme nous-mômes lorsque nous sommes malades : garde la chambre, bois de l’eau, et attends de la nature quelle te débarrasse de ta maladie, car elle seule sait et connaît; le reste n est que mensonge et vanité.

LE MALADE.

Ah! d’un terrible poids mon âme est dégagée; vous me rendez l’espoir. Combien vous dois-je, docteur ?

LE DOCTEUR.

Cette ordonnance est salutaire, elle ne te coûtera rien. Va, et que désormais la Dature te conduise. Mais tais-toi sur ma sincérité, oar je suis responsable envers.... la rue de Poitiers.

LE MALADE.

Il y a donc encore de l’humanité parmi les hommes, puisqu’en vous je trouve un frère ?

LE DOCTEUR.

Ne t’y fie plus pourtant, car il faut que je vive. Aujourd’hui je suis clément, demain je pourrais ôtre inflexible. J’ai voulu une fois du droit de grâce connaître les douceurs, mais cela me suffit. D'ailleurs, il me ruinerait si j’en usais. Adieu.

h 3

I,E MALADE.

On ne m’y prendra plus; je vivrai d’abstinence; du grand art de guérir je suis désabusé. J’abandonne la science.

LE DOCTEUR, de loin.

J’oubliais une chose : fais-toi magnétiser . . .

Clairvoyance. — Des faits extraordinaires de somnambulisme lucide ont été fréquemment observés par des médecins qui ne croient point au magnétisme animal, on au moins ne s’en occupent pas. Ces faits, bien qu’extraordinaires, sont néanmoins incontestables, et il faut avoir le courage de les signaler malgré le soupçon de crédulité ou de mauvaise foi que leur description laisse souvent planer sur celui qui les expose ; quoi qu’il en coûte, un écrivain doit à ses lecteurs toute la vérité, et il ne peut présenter sans lâcheté, sous la forme du doute, ce dont il ne doute pas.

M. le docteur Encontre, de Montauban, vient de publier l’observation très-curieuse d’un jeune homme de quatorze ans , chez lequel le sens de la vue était déplacé et qui distinguait parfaitement les objets dans l’obscurité la plus profonde. Cet enfant, après avoir éprouvé diverses indispositions, fut tout à coup pris d’accès de somnambulisme, pendant lesquels il faisait mille extravagances. Mais les parents, en suivant avec anxiété tous les actes de leur enfant, s’aperçurent bientôt que, bien que durant ces accès il eût les yeux fermés , il voyait assez pour se conduire, et même qu’il pouvait lire et écrire dans

l’obscurité comme il le faisait en plein jour. M. Encontre , prévenu de l’existence de ce singulier phénomène, se livra à de nombreuses expériences qui ne lui permirent pas de conserver le moindre doute sur cette transposition du sens de la vue. Ce jeune homme perdait l’usage du sens de l’ouïe pendant ses accès; il ne pouvait prononcer aucune parole; de plus, il conservait les yeux fermés; mais en revanche l'odorat semblait acquérir une grande perfection, et il flairait les objets qui l’environnaient et les évitait ainsi en marchant aussi sûrement que s’il eût eu les yeux ouverts.

Pour s'assurer que cet état extraordinaire n’était point le résultat d’une coupable supercherie, M. le docteur Encontre écrivit au crayon une question sur du papier, fit emporter les bougies, et, prenant son malade par la main, il le conduisit auprès d'une table, lui présenta le papier et lui remit le crayon; celui-ci passa rapidement la main gauche sur les lignes tracées par le médecin et écrivit à l’instant la réponse avec autant de sûreté que si 1 on n eût pas été dans une obscurité complète.

Cette transposition du sens de la vue n’avait lieu que pendant les accès de somnambulisme, qui se déclaraient tout à coup et sans qu’on eût rien fait pour les provoquer. L’accès terminé, lo malade ne conversait aucune trace de sa laculté étonnante, ni même aucun souvenir de ce qui s’était passé.

( Journal île médecine de Bordeaux. )

Hydroscopie. — Partout la présence de l’abbé Paramelle est signalée par les résultats les plus sa^

tisfaisants. Dernièrement, lhubilehydroscope, appelé à Autun par délibération du conseil municipal, a exploré la montagne contre laquelle cette ville est adossée. Il y a découvert quatre sources qui donnent un volume d’eau : la première de cinq mille, la seconde de quatre mille, la troisième de deux mille et la quatrième de quinze cents litres par jour. Du milieu de la montagne M. Paramelle avait annoncé que c’était dans la prairie où se trouve cette source, et celle qui la louche, que l’on trouverait le plus d'eau (!«). (üazette de Lyon.)

Nos savants ont nié et nient encore la faculté liy-droscopique des sourciers, sans doute parce qu eux, en fait de sources, ne savent trouver que celles de la richesse et des honneurs. Eh ! mon Dieu , quand leur cécité cessera-t-elle donc? Le magnétisme est partout répandu et ils ne le voient pas. Aujourd’hui môme, un illustre médecin , M. Gerdy, qui prend son brevet de grand homme , nie la découverte de Mesmer avec un ton d'assurance qui trahit 1 infirmité qu’il a en partage avec ses confrères : une taie sur les yeux.

Nègres blancs. — A propos d’une discussion sur les superfétations, M. Gérardin a dit à 1 Académie : « Tout le monde sait cela, les enfants des nègres ne naissent

• pas noirs; ils sont blancs comme nous. » Voilà une affirmation bien positive ; cependant elle est complètement réfutée par M. le docteur Binet, qui a e« occasion de voir dans l’Inde un très-grand nombre d’enfants nègres peu d'heures après leur naissance,

(1) Vojfi loms II, page 175.

et il déclare que toujours, sans exception, les enfants nés de parents nègres sont noirs. La coloration est, à la vérité, un peu moins foncée qu’elle ne le devient plus tard, mais elle est déjà on ne peut plus manifeste.

N’csl-i! pas bien étonnant que, dans une Académie de médecine, composée de tant de savants, on soit obligé de discuter sur une question de blanc ou de noir, si facile à vérifier ? (Abeille médicale.')

Charmes. — Nul doute que nos lecteurs aient entendu parler du don bien rare qu’avait l'irlandais Sullivan d’exercer sur les chevaux, par un chuchotement . un pouvoir que nul autre maquignon du royaume-uni ait jamais possédé. Cette pratique bizarre l’a fait surnommer le Ckuchoteur , et c’est sous ce sobriquet qu’il est le plus connu dans les cercles du sport. Mais ce qu’on ignore peut-ôtre, c’est que le petit-fils de cet homme extraordinaire, Georges Church, qui exerce à Sydney l’art de dompter, dresser les chevaux, possède le secret dé charmer le noble animal qui a rendu son grand-père si célèbre.

Nous avons eu dernièrement de fréquentes occasions d’assister à ses exercices et nous pouvons en toute connaissance témoigner de son savoir. Il prend un poulain sauvage indompté, sortant des forèls, et en vingt-quatre heures le rend si docile, si obéissant, sans le battre pourtant, que l’animal à son commandement se couche sous lui, feignant le mort, et reste ainsi jusqu’à ce qu’il soit tiré, par un léger coup de baguette , de la stupeur apparente dans laquelle il a été plongé par des passes magnétiques

(à ce qui nous a semblé) et de légères manipulations sur le système nerveux. L’animal alors, à un signal donné, lèche la ligure do l’opérateur, met sa langue dans la bouche de celui-ci et lui hennit tout bas à l'oreille; ensuite Church se couche sur le dos, se place un pied de devant de l'animal sur le creux de l’estomac et un de derrière entre les dents, sans danger d'ètre pressé trop fort.

Quand le cheval est sorti de l’espèce de stupeur daus laquelle il paraît avoir été plongé, il résiste autant qu’il peut à la répétition de celle opération; mais, bientôt vaincu par l’irrésistible charme de cet homme extraordinaire, il retombe dans l’état mes-mérique et de nouveau obéit passivement à sa volonté.

(Sydney Sentinel.)

Cette simple observation , en apparence sans importance, peut donner la clef de bien des actions occultes que l’homme exerce sur des animaux. L’éducation de ces derniers n’est peut-être qu’un effet magnétique déterminé, et le secret des Martin, des Van-Amburgh et autres dompteurs d’animaux féroces, n'est probablement autre que celui qui sert à Church pour dompter et drosser ses chevaux.

L’expérience proscrite. — Toute étude méthodique se fait par deux voies opposées : l’analyse et la synthèse, qui, aboutissant au môme point, se contrôlent mutuellement. Leur concours est indispensable; il faut que les données de l’une toujours confirment celles de l’autre; en un mot, que la pratique s’accorde avec la théorie, que l’expérience sanctionne l’observation; c’est à ce titre seul qu’on acquiert des notions

positives. Cette marcho est en tout conforme à la nature de notre esprit; l’homme abandonné à lui-môme la suit par instinct, et le philosophe systématique souvent malgré soi. Tout le monde sait cela, mais n’en tient pas toujours compte. C’est pourquoi M. Deleuze, par inadvertance sans doute, a dit que le magnétisme devait être un sujet d'observation , mais jamais dW/ié-. rience.

Cette hérésie philosophique, patronée par une autorité aussi respectée, prit vite cours dans la science, et l’expérience, procréatrice de nos connaissances, fut bannie de l’étude du magnétisme ! Toute-puissante par son origine, cette erreur funeste fut acceptée sans contrôle! Les conséquences de cette adhésion irréfléchie sont incalculables; les magnétiseurs, privés de guide, s’égarèrent bientôt dans les sphères nébuleuses des hypothèses ; la thérapeutique du magnétisme n’y gagna rien, et sa physiologie y perdit beaucoup.

Cependant les expérimentateurs, qui ne voulurent pas se soumettre à l’anathème despotique du patriarche de l’art, s’ouvrirent une carrière où les attendaient de brillants résultats. L’insensibilité, l’attraction et nombre d’autres phénomènes, aujourd’hui vulgaires, couronnèrent leurs essais d’exploration dans cette voie méconnue. Leurs tentatives hardies dans les hôpitaux et autres lieux firent briller l’art d’un éclat tout nouveau, déchirèrent les langes qui le retenaient au berceau et imprimèrent à sa marche naissante une ardeur juvénile.

Cedurant,stationnaires, lesoiservaiews recueillaient les fruits de cette transformation soudaine, de ce pro-

w

grès rapide, accomplis maigri'! leurs efforts, réalisés sans leur participation. Vingt ans spectateurs oisifs de succès éclatants, on croyait leurs esprits désabusés ; mais c’était une erreur ; ils recommencent la lutte avec plus d’ardeur, en embrassant cette fois dans la môme prescription l’expérience et tous ceux qui s’y livrent.

Après avoir longtemps cherché la cause qui éternise cette dispute regrettable, nous croyons enfin l’avoir trouvée dans l’emploi de deux mots mal compris-. expérience et observation, sur lesquels roule toute l’argumentation. Protestant à l’avance que nous ne sommes entrés dans cette discussion que pour mettre d’accord des hommes qui ne devraient jamais être divisés d’opinion , nous allons fixer les esprits sur ces deux mots, dont voici l’exacte signification :

« L’observation consiste dans l’examen attentif des phénomènes spontanés, et l’expérience dans celui des phénomènes provoqués. »

D’où il suit que, pour bien s’instruire dans une science quelconque, il faut s’éclairer par de nombreuses observations et en vérifier l’exactitude par des expériences multipliées; la vérité étant d’autant plus saisissante, son évidence plus irrésistible, qu’elle pénètre en notre esprit par çes deux routes à la fois.

Revue des Journaux. — La contradiction est le propre des journaux qui ne sont pas soumis à la surveillance active d’un chef qui en maintienne l’esprit. Ainsi la Réforme, qui le 4 de ce mois publiait un cas d’insensibilité, que nous avons reproduit, dit dans son feuilleton du 22 que M. Gerdy a fait du

magnétisme une bonne et sévère justice. Ce journal, qu’on dit favorable aux idées nouvelles, est comme les autres : il se repent d’avoir été juste une fois envers notre vérité. ,

Le Journal des Vosges, du 18, appelle l’attention de ses lenteurs sur une souscription faite pour appeler l’abbé Paramelle dans ce département.

1/Avenir médical, sans doute pour dissimuler les emprunts qu’il nous fait, critique méchamment notre rédaction, dans laquelle il ne trouve « que des objections à émettre et point de réflexions à sanctionner. » Dans le même numéro pourtant il nous prend un article tout entier sans avertir qu’il ne lui appartient pas. Le procédé est au moins illogique.

BIBLIOGRAPHIE.

NÉvr.L'nciE,' ou le Magnétisme animal devenant une science physico-malhéinatique, par M. l’abbii'comle de Robiano. Bruxelles, chez Wouters Irèrcs.

•i .

Dans cet ouvrage, qui n’est autre chose que son Mesmer, Galvuni et les théologiens augmenté, M. de Uo-biano relate des expériences d’une haute importance, si elles sont prouvées. L’auteur pousse l’exactitude de ses recherches jusqu'à calculer la force et la vitesse

îles courants magnétiques ; cette marche est la plus positive qu’on puisse prendre, mais malheureusement la répétition docile de ces expériences ne nous a conduit qu’à un résultat négatif, ce qui peut être imputé à notre inhabileté, car la matière est délicate, mais aussi l’échec d’un physicien célèbre, M. Thilo-rier, non moins positif dans ses assertions, permet de supposer que le noble abbé a pu se tromper.

Nous ne voulons pas contester à M. de Robiano le mérite de ses découvertes; mais , pour laisser à chacun ce qui lui appartient, et mettre nos lecteurs à même de mieux juger, nous allons faire précéder les citations de son ouvrage par l’historique des recherches entreprises dans le même but.

« Le 10 juin 1844, MM. Thilorier et Lafontaine écrivirent à l’Académie des Sciences, lui annonçant qu’ils s’étaient livrés à une suite de recherches dont le résultat est de démontrer l’existence d’un nouveau fluido impondérable, qui prend sa place entre l’électricité et l’aimant. Ce fluide, qui comme l’aimant n’est point arrêté par l’interposition d’une lame de verre, et qui comme le galvanique jouit de la propriété d’être conduit à toute distance par un fil de cuivre ou tout autre métal, serait le fluide nerveux. II nous a paru intéressant, disent les auteurs, de vérifier si un fluide dans lequel quelques physiciens et physiologistes ont cru reconnaître de l’analogie avec l’électricité était imaginaire ou réel, et s’il était de nature à produire un effet apparent sur l’aiguille du galvanomètre; en un mot, si cette aiguille pouvait ou non obéir à l’actipn du magnétisme animal.

«Celte question leur parait résolue affirmativement

par un grand nombre d’expériences dont ils citent les suivantes :

« Première expérience.— Si, l'aiguille du galvanomètre étant sur le zéro, on touche avec les mains les deux extrémités du fil multiplicateur, l'aiguille restera stationnaire, ou marchera de quelques degrés, selon l’état d’orgasme magnétique ou selon l'état de passivité de l’expérimentateur. Si l’aiguille est mise en mouvement, sa direction sera constamment de gauche à droite.

« Deuxième expérience.. — L’aiguille du galvanomètre étant sur le zéro, si on approche magnétiquement les deux mains de la cage de verre qui recouvre l’instrument, et sans toucher le multiplicateur, à l’instant l’aiguille est d'abord déviée de droite à gauche d’un certain nombre de degrés ; mais si l’on retire les mains elle se reporte rapidement de gauche à droite, et se fixe au delà du zéro, à une distance beaucoup plus grande, c’est-à-dire au lieu même où elle s’est arrêtée dans l’expérience où l’action se fait en enlevant les deux extrémités du multiplicateur. »

En présence d’une déclaration si précise une commission fut nommée; mais deux ans se sont écoulés depuis, et elle n’a pas encore fait son rapport. La question est donc toujours pendante.

Le 17 juin, M. Thilorier adressa en son nom seul la lettre suivante sur le même sujet, l’aimantation animale :

« Dans la lettre que j'ai adressée en commun avec M. Lafontaine, et qui a été lue à la dernière séance, nous avons dit que le fluide nerveux formait une atmosphère autour du corps vivant, et de plus qu il

paraissait soumis à l'influence de la volonté qui modifiait la direction et l’intensité de ses courants.

« Un fait, qui s’est offert à moi dans mes recherches, justifie pleinement cette assertion, tout étrange qu'elle ait pu paraître au-premier aperçu. Ce fait est l’aimantation du fer doux à distance, sans qu’il soit nécessaire d’employer aucun des moyens usuels ou connus, et, ce qui est beaucoup plus remarquable, par un acte exprès de la volonté de l’expérimentateur.

« Dans un grand nombre d’expériences que j’ai faites à ce sujet, je me bornerai à citer les principales, que tous les physiciens pourront répéter, s’ils veulent se placer momentanément dans cet état d’orgasme déterminé par l’action d une volonté énergique, s’ils veulent, en un mot; condescendre aux pratiques du magnétisme animal.

« Si l’on place à quelque dislance d’une aiguille aimantée suspendue à un lil un barreau de fer doux et non aimanté, l’aiguille, comme on sait, ne sera pas sensiblement déviée; mais si le barreau est aimanté, il attirera ou repoussera l’aiguille, suivant le pôle qui sera présenté, et la force de l’aimantation sera mesurée par la force de déviation.

« Ce barreau et celte aiguille sont les instruments à l’aide desquels j'ai reconnu et mesuré les courants du fluide qui entoure les corps vivants.

« Première série d'expériences. — Io Soit un barreau de 1er doux non aimanté, ou, mieux encore, une petite clef de quatre à cinq centimètres de longueur.

« Si, la pensée restant calme et passive, on place verticalement cette clef sur l’épigastre, son anneau étant dirigé en bas, elle n’offrira aucune trace de

magnétisation, quel que soit le temps quelle occupe cette position.

« Si maintenant l’opérateur détermine dans son cerveau le mouvement d’une volonté énergique, à l’instant, en quelques secondes la clef sera aimantée, et la déviation de l’aiguille accusera dix, vingt ou trente degrés, selon que l’on aura voulu plus ou moins fortement.

« 2° Soit la clef aimantée ainsi qu’il vient d'ôtre dit; si, ayant placé verticalement celte clefsur l’épigastre, l’anneau tourné en haut, on veut fortement, il suffira de quelques moments pour qu’elle soit ramenée au zéro d'aimantation.

« 3° Dans cette position de la clef, si l’on fait avec une intention magnétique, pour employer l’expression des magnétiseurs, quelques passes rapides avec la main droite de bas en haut, les pôles seront instané-rnent transposés, et la clef présentée à l’aiguille repoussera par le côté qui attirait précédemment.

« Deuxième série d'expériences. — 1° Soit la clef non aimantée suspendue par un fil quelconque à la hauteur de l’œil do l’expérimentateur, et à vingt ou trente centimètres de distance, l’anneau do la clef étant dirigé en bas, si l’on regarde l’aiguille avec une intention magnétique pendant huit ou dix secondes, la clef sera assez aimantée pour faire dévier l’aimant do vingt à trente degrés;

« 2" Si, sans changer la distance et la hauteur de la clef ainsi aimantée, on dirige son anneau en haut, il suffit de la regarder magnétiquement durant quelques secondes pour réduire la déviation à zéro, ou du moins pour la diminuer très-sensiblement;

« 3" Dans ces deux positions tle la clef et l’expérimentateur restant à la même distance, on n'obtient aucune «action, si en môme temps qu’on regarde la clef on maintient sa pensée dans un état passif;

« 4" Les mômes phénomènes s'observent si l’on place la clef sous une cloche de verre, derrière une vitre ou un corps opaque autre que le fer.

« Par l’épreuve du barreau aimanté par le contact, il m’a été facile de reconnaître, non-sculcment la force, mais encore la direction des courants du fluide nouveau ; les trois points par lesquels il s’échappe sont les mains, l’épigastre et le front. »

Ces deux communications émurent l’Académie; M. Arago promit de répéter ces expériences avec M. Thilorier, et à la séance suivante il déclara que, sans conclure contre la réalité des faits affirmés en premier lieu par MM. Thilorier et Lafontaine, la vérification des expériences de M. Thilorier avait abouti à un résultat négatif. Peu après M. Thilorier mourut, et les choses en sont restées là, la commission attendant de M. Lafontaine la démonstration des faits primitivement annoncés.

Ces tentatives ont deux ans de date; tous les journaux scientifiques en ont parlé comme d une nouvelle défaite des magnétiseurs, et M. de Robiano, qui aujourd'hui édifie sur le môme fond, les passe sous silence. La justice voulait que nous réparassions son omission, maintenant, écoutons-le :

« Voyez!...

c Essayez!...

«Calculez!...

« Et d'abord,mon cher comte(de Saint-Julien),voici la Préparation aux expériences.

« 1" Suspendez à un fil délié quelque corps léger et d'une surface notable, par exemple une feuille de papier, une plume de quelque longueur, du taffetas gommé, du verre, du métal en feuille, etc. ;

« 2’ Attendez que ces corps soient devenus parfaitement tranquilles, et que l’air extérieur ou toute autre cause ne puisse les mettre en mouvement ;

«3° Remarquez de quel côté ces corps mobiles présentent leur côté mince, leur tranchant;

« 4" Alors vous vous placez dans l’axe de cette direction.. y demeurant dans le repos le plus complet;

o" Ayez soin que personne ne soit prés de vous, et qu’entre vous et l'objet il n’y ait point de corps volumineux, métallique surtout, comme un poêle, une lampe allumée, un tuyau de calorifère, etc ; alors vous pouvez opérer.

Première expérience.

« Les choses étant disposées comme il vient d’être dit, vous étendez le bras et un doigt vers l’objet mobile et suspendu de manière à vous présenter sa tranche, ainsi qu’il vient d’être dit.

« Après quelques instants, le corps s’ébranle, oseille de droite à gauche, finit par présenter à votre doigt son côté large, et s’arrête dans cette position jusqu’à ce que vous retiriez le bras; dès ce moment il reprend sa première position et la garde.

Seconde expérience.

«Si vousêtes un peu puissant, danslescns névrur-

gique (magnétique), n’étendez ni le bras ni le doigt : tenez-vous en repos, et regardez fixement l'objet mobile, et aussi au repos.

« L’effet sera le même que dans la première expérience.

Troisième expérience

« Au lieu du bras, dirigez une tringle de bois ou de métal, un rouleau de paille, etc., vers l’objet mobile.

» L’effet sera le môme que dessus.

Quatrième expérience.

«Au lieu d’un fil ou d’une soie de cocon, de caoutchouc, etc., employez la suspension sur châsse ou sur un axe vertical, horizontal, n’importe.

* Les effets sont les mômes, mais naturellement quelque peu amoindris parles frottements et la pression (consultez sur ce les mécaniciens).

Cinquième expérience.

« Si le papier est peint d’un côté, ou doré, argenté, ou si l’une surface est d’un métal plus galvanique (de l'argent, par exemple), l’autre moins galvanique (de l’argent faux, del’étain, etc.), c’est la surface la plus galvanique qui se présentera à votre doigt, conducteur, tube, etc.

Sixième expérience.

« Ces phénomènes se reproduisent avec des corps passablement pesants : des panneaux de bois de plusieurs pieds, des voliges de sapin de deux mètres et plus, des barreaux d’acier, etc.

Septième expérience.

« Si c’est une plume qui est le corps mobile en ques-

tion, et qu’elle soit suspendue de manière à présenter d’un côté une surface, et l’autre de l’autre côté,

« C’est la surface intérieure delà plume (le côté qui touche le corps de l’animal) qui se tournera vers votre doigt, vers vos yeux, etc.; si c’est un fétu de paille ouvert et aplati, c’est le côté intérieur du chalumeau qui s'arrêtera devant vous.

Huitième expérience.

« Après les repas ou quelque grande fatigue, cette action attractive et répulsive est ordinairement très-alfaiblie, bien que sensible encore.

«L’état atmosphérique ne paraît pas non plus étranger à ces variations.

Neuvième expérience.

«Si l’expérimentateur innerve (magnétise) en ce moment, ou sort de le faire, les effets sont généralement plus prononcés.

Dixième expérience.

« Si vous placez derrière les corps mobiles sur lesquels vous expérimentez des plaques métalliques, les effets deviennent d’autant plus prompts et plus énergiques.

Onzième expérience.

«Au contraire, si d’autres personnes sont près de vous, notamment-si elles absorbent beaucoup de votre électricité, comme les constitutions électro-négatives, les incrédules, les personnes venant de l’air froid, les effets diminuent sensiblement.

« Les faites-vous éloigner : le phénomène reprend son intensité habituelle.

Douzième expérience.

o Interposez entre le corps mobile et vous un corps qui isole, absorbe l'électricité vitrée, par exemple, un taffetas gommé : les effets sont nuls, ou plutôt ne se reproduisent pas.

« Nous reverrons plus bas cette expérience appliquée aux phénomènes connus du somnambulisme, de la lucidité et autres : preuve, pour le dire en passant, de l’identité d’action dans les deux cas.

a Voilà donc, mon aimable comte, cet agent tant décrié, tant expliqué par lesVirey, les Dubois (d’Amiens) et autres entêtés quand même; au moyen des quarante-deux suppositions si ridiculement entassées, et si arbitrairement alléguées par le plus savant de ces deux sceptiques; voilà donc, dis-je, cet agent rendu visible dans ses ondulations, dans son irradiation, son absorption, ses émissions diverses; le voilà saisissable, palpable dans des corps inertes, inanimés, privés de vie, dans des métaux et du bois, du verre et de la soie!...

« Que deviennent à présent tout ce fatras de science indigeste et de mauvaise foi? ces imaginations téméraires et si paresseusement ignares, rejetant ce qu’elles s’obstinent à ne pas vouloir voir et essayer dans le commode domaine de l’imagination ? Que deviennent ces grossièretés académiques de tel rapporteur roide d’orgueil et de morgue, pétri de déloyauté et de mensonges? Mais que deviennent toutes les magies des jésuites Fiard et Boone ; de ces prélats étourdis et qui se croyaient infaillibles avant l'examen? Et les peurs do MM. les abbés Frère ou Debreyne, du docteur Itéca-

raier et maint autre dévot personnage, que deviennent-elles?...

« Ce qu’ils étaient, mon noble ami : néant et affliction d'esprit, pétulance et vanité, une grande et honteuse confusion.

« Tant il est vrai qu'il faut étudier à fond et sans idée préconçue, sans préjugé secret, avant de se mettre en devoir de condamner, avant de se permettre de flétrir! Mais, cher comte, combien de maîtres en Israël qui devraient se remettre sur les bancs et rester encore des années écoliers, crainte de le demeurer toute leur vie!

« Je reviens à d’autres êtres mobiles et inertes, et animés si singulièrement par une action vivifiante qui leur semblait devoir être à tout jamais étrangère.

«Je vous promettais, Monsieur, dit le début de cette lettre, de montrer l’action névro-galvanique humaine non-seulement visible et palpable; je crois avoir rempli cette partie de mon engagement, mais encore appréciable en force, eu énergie, en quantité. Je vais brièvement essayer de vous fournir aussi cette démonstration. Je dis, cher comte, cl je ne me rétracte pas, une démonstration rigoureuse, complète et sans réplique. »

(l.a suite avprochain numero.)

Le Propriétaire-Gcrant : HÉBERT (de Garnay). Paris. — Imprimerie d-A. Rns* cl Comp., rue de Seine, Sî.

ÉTUDES PRÉPARATOIRES

SOMNAMBULISME MAGNÉTIQUE.

(Suite.)

§ IX. — SORCELLERIE.

Deuxième observation.

La théosophie des Orientaux ayant pénétré, par les conquêtes de l’islamisme et l’irruption des Sarrasins, jusqu’au cœur de l’Europe, on vit surgir un grand nombre d’hérésies ayant pour principe d’invoquer les démons pour en obtenir des faveurs ; Satan y étant regardé comme une puissance au moins égale à Dieu.

« C’était une calamité générale que partageaient les savants comme les ignorants, les grands comme les petits, les clercs comme les laïques. On connaît la folie do Charles VI, attribuée à un sort que Valentinc Visconti, duchesse d’Orléans, sa belle-sœur, fut soupçonnée de lui avoir jeté. En vain Renaud-Fréron améliora-t-il la santé de ce prince par des moyens rationnels; ce médecin fut disgracié et exilé pour t. iii. 15 août 1846. 3

avoir osé subjuguer son maître, et parce que, disait-on, un sortilège devait être détruit par un sortilège plus fort. On fit donc venir du Languedoc deux moines augustins qui passaient pour exceller dans les arts magiques. Ils étaient de bonne foi; mais n’ayant pu réussir, ils subirent le dernier supplice sur la place de Grève, à Paris, en 13i)8, après avoir été dégradés par l’évèque de cette ville, assisté de six autres, tous persuadés de la qualité de sorcier de ces moines. »

Quoique imbue elle-même de ces croyances, l’autorité ecclésiastique voulut réprimer tant d’abus, cl institua à cette fin le terrible tribunal permanent de

1 inquisition.

« Dès 1507 ce tribunal avait fait brûler plus de trente femmes comme magiciennes ou sorcières, appartenant à la secte des jurguinas, qui reconnaissait le diable pour maître et patron. Satan, apparaissant dans leurs assemblées, ou saLbat, sous la forme d’un bouc noir, y était l’objet d'un culte particulier, en échange duquel il donnait à ses adorateurs le pouvoir d’envoyer des maladies aux hommes et aux animaux, de nuire aux fruits de la terre, de lire dans l'avenir et de découvrir les choses les plus cachées, etc., etc. »

C’était au moyen d’onguents, de poudres, que les différents sorciers opéraient leurs maléfices et se transportaient en esprit à de très-grandes distances. Èn faisant la part de la superstition pour ne prendre que les laits authentiques, on trouve que :

«Les inquisiteurs de Logruno eurent à juger un curé qui passait pour se livrer, dans le pays de Rioja et de la Navarre, aux plus grandes opérations de la sorcellerie, au moyen desquelles il croyait fermement

avoir exécuté en peu d'heures, transporté par son démon , de grands voyages qui lui permettaient, 1° d’annoncer à Logrono et à Viana les victoires qui venaient d’être remportées, le même jour on la veille, en Italie, par Charles-Quint : ce qui était toujours constant dans les rapports apportés ensuite par les courriers; 2" de connaître les conspirations, ce qui l’avait mis en état d’avertir le pape Jules II que la nuit môme il devait être poignardé par un mari jaloux; ce service lui mérita de la part du pontife l'absolution des censures qu’il avait encourues. »

« Les mêmes voyages, faits sans sortir de chez soi (mensambulancc), étaient pareillement entrepris par un fameux médecin du temps, Torralba, dont parle Cervantes dans la deuxième partie de Don Quichotte, et qui passait pour un grand nécromancien, avant à son service un puissant génie nommé Zéquiel. Il prédisait ponctuellement ce qui devait arriver, en bien ou en mal, à de grands personnages; par exemple, au célèbre cardinal Ziménès ce qu’il devait être un jour. Il se transportait avec grande promptitude dans des lieux très-éloignés, et revenait ensuite chez lui sans que sa société ordinaire s’aperçut de son absence. De retour de Rome, où il avait été pour assister au sac de cette ville par l’armée de Charles-Quint, voyage qui n’avait duré qu'une heure, Torralba publia tout ce qu’il avait vu, et pénétra tout le monde d’étonnement et d’admiration; mais l’inquisition de Cuenta le fit arrêter, ij fut appliqué à la question, d’où son génie ne le tira point. Le Saint-Office lui laissa la vie par égard pour sa science et son grand âge (I). «

(1) Llorcnlo, Histoire critique de ('Inquisition d'Espngne.

Cardan, philosophe et médecin célèbre, né à Pavie en 1501, se flattait d’avoir, comme Socrate, un esprit familier, qu’il appelait son bon ange., par crainte de l'inquisition. Bodin dit de lui, dans sa Démonomanie des Sorciers : « Hierosme Cardan a laissé par esc rit in sua (Jenese, qu’il estoit par eestase rauy hors du corps quand il vouloit, sans qu’il demeurast aucun sentiment au corps (1). Mais ie tien que tous ceux qui souffrent ceste passion volontairement en veillant sont sorciers : aussi Cardan, in lib. de rer. varie., ad finem, confesse que son père a eu un diable familier trente ans. Et ordinairement les pères sorciers façonnent leurs enfants pour les rauir en eestase, à quoi se rapporie ce que dit Virgile au livre VI de l'Ænéide, parlant de la sorcière : Quœ se promittit soluere mentes. »

Ledit Cardan , très-tourmenté, par ses contemporains, échappa au bûcher, mais il se laissa mourir de faim en 1576, parce qu’il avait prédit, dans son extase, qu’il ne vivrait que soixante-quinze ans.

« Les expériences si fréquentes et si mémorables du transport des sorciers en esprit montrent, dit Bodin, comme en plein jour, et font toucher au doigt et à l'œil l’erreur de ceux qui ont écrit que ce transport des sorciers est imaginaire, et que ce n’est autre chose qu'une extase, et apportent pour exemple la vision d’Ezéchiel, qui fut ravi d’esprit de Babylone à Jérusalem, laquelle vision peut être une vraie séparation de l'âme et peut aussi se faire sans séparation. Il faut que ceux-là qui ne croient point que l’âme des sorciers se trunsporte confessent leur ignorance; car

fi J Voyez article Contemplatif, par M. de Monl.'gr,', dans te Dictionnaire des sciences médicales.

PIutarque écrit d’un nommé Solens, Pline d’un Iler-moniime, et Hérodote d’un philosophe athéiste de Proconèse, qu’ils étaient si bien ravis en extase que leurs corps demeuraient pour morts et insensibles; de sorte que les ennemis d’Hermontime, trouvant son corps ainsi pâmé, le tuèrent et brûlèrent. Mais nous avons des exemples de bien plus récente mémoire. Je ti ns du président de La Tourette qu'il a vu en Dau-phiné une sorcière qui fut brûlée vive : laquelle, étant couchée au long du feu, fut ravie en extase, demeurant son corps à la maison. Et parce qu’elle n’entendait rien, son maître frappait dessus à grands coups de verges; et pour savoir si elle était morte, on lui fit mettre le feu aux parties les plus sensibles. Pour 4 tout cela elle ne-s’éveilla point. El de fait le maître et la maîtresse la laissèrent étendue en la place, pensant qu’elle fût morte.

«Au matin, elle se trouva en son lit couchée; à quoi son maître ébahi lui demanda ce qu’elle avait eu. Alors elle s'écria en son langage : Ha ! mon maître! tant m’avez battue! Celui-ci ayant raconté le fait à ses voisins, qui lui dirent qu’elle était sorcière, il ne cessa qu elle ne lui eût confessé la vérité, et qu'elle avait été, de son esprit, en l’assemblée des sorciers. Elle confessa aussi plusieurs méchancetés qu’elle avait commises, et fut brûlée.

a Jacques Spranger, inquisiteur, ayant fait le procès à plusieurs sorcières, écrit qu’elles ont confessé qu’elles sont ravies en esprit quand elles veulent.

« Nous avons encore un exemple de notre mémoire advenu à Bordeaux en 1571, alois qu’on persécuta les sorciers en France. Il yeut une vieille sorcière

qui confessa devant les juges qu’elle était toutes les semaines transportée avec les autres au sabbat. Alors M. Belot, maître des requêtes, voulant faire preuve de la vérité par la sorcière, qui disait n’avoir aucune puissance si elle n’était hors de la prison, la lit élargir. Alors elle se frotta toute nue de certaine graisse, puis tomba comme morte, sans aucun sentiment; cinq heures après elle se retourna, et, se levant, elle raconta plusieurs choses de divers lieux et endroits, qui furent avérées.

«J'ai appris un autre jugement, étant à Nantes en 1509, qui n’est pas moins étrange, de sept sorciers qui dirent, en présence de plusieurs, qu ils rapporteraient des nouvelles dans une heure de ce qui se faisait dix lieues à la ronde. Soudain ils tombèrent' tous pâmés et demeurèrent environ trois heures; puis ils se relevèrent et rapportèrent ce qu’ils avaient vu en toute la ville de Nantes et plus loin alentour, ayant remarqué les lieux, les actions, les personnes, et sur-le-champ tout fut avéré. Après avoir été accusés et convaincus de plusieurs maléfices, ils furent tous brûlés.

« On pourrait dire que l'âme n'est point ravie, que ce n’est qu’une vision et illusion que le diable moyenne; mais les faits montrent le contraire. Ainsi on peut bien endormir des personnes avec la mandragore et autres breuvages narcotiques, en sorte que la personne sembleru morte, et môme il y en a qu'on endort si bien qu'ils ne s’éveillent plus. Mais les sorciers ne prennent aucun breuvage; joint aussi que ceux qui ont été endormis par breuvages narcotiques n’ont aucune mémoire de chose quelconque, tandis que les

sorciers ont une vive impression des choses qu’ils ont vues et laites au sabbat, et remarquent ceux qui y étaient, auxquels ils ont été confrontés et qui les ont confessé. Et par la confession des sorciers que Sprenger a fait brûler, il récite qu’ils confessèrent qu’ils sentaient en extase les mêmes choses que s’ils eussent été présents en corps. »

(La suite auprockain numéro.)

THÉORIES.

DU PRINCIPE DE LA SCIENCE.

Il est une foi et une raison toute d’intelligence, opposées l’une à l’autre, et éternellement inconciliables entre elles, car elles sont aussi fausses l'une que l’autre.

Cette raison qui ne spécule que sur les faits que peuvent toucher et nos yeux et nos mains, est essentiellement incomplète, et, par conséquent, impuissante à nous donner la vérité; car nous pouvons toucher très-peu de choses de ce qui existe réellement. Au-delà du monde des corps est celui des essences qui soutient le premier, qui le fait être, qui le fait vivre, dont il n’est que l’ombre grossière et passagère, et qui demeure insaisissable et invisible à nos sens matériels.

L’impuissance irrémédiable dp celle raison uni-fois constatée, le scepticisme démontré comme l’abîme irrésistible où elle vient s’anéantir, paraît alors sur les ruines de ses syllogismes et de ses hypothèses la foi avec ses traditions, son autorité, sa vérité toute formulée, auxquelles il ne reste plus, selon elle, qu’à abandonner et soumettre son esprit fatigué et déçu. Et toutes saintes que peuvent être ces traditions, toutes vraies que soient ces formules, celle foi est cependant impie, elle est fausse, elle est, selon l’expression même de l’apôtre, une foi morte, par la prétention absurde qu’elle a d’imposer la vérité, de soumettre la raison.

Car il implique contradiction que la raison se soumette; la raison ne se soumettrait jamais, s'il elle ne jugeait qu'il est des occasions où elle doit se soumettre, dit sainl Augustin. Elle ne se soumet donc que sur un jugement antérieur, une démonstration préalable qui lui persuade de se soumettre ; elle ne se soumet donc jamais.

L’homme peut laisser enchaîner ses bras, sa parole; sa pensée, il ne le peut pas; la liberté peut être vaincue dans le monde, mais dans la conscience elle est inexpugnable.

Et cette soumission, si elle était possible, ne serait que le suicide de l’intelligence, non moins immoral que celui de la vie.

Cette foi est donc aussi fausse que cette raison ; elles mènent toutes deux à la mort, et c’est pour cela qu’elles sont mortes l'une et l’autr«.

Mais assez sur elles; car si leurs cendres ennemies doivent se combattre quelque temps encore, l’avenir ne les ressuscitera pas.

Il est une autre raison , une autre foi, qui naissent «lu cœur, qui jaillissent de la charité, qui «’engendrent de l’amour divin. C'est cette foi, cette raison supérieures qui sont destinées à réunir la religion et la philosophie, Dieu et la liberté, que les deux autres avaient séparées et rendues inconciliables. El la religion et la philosophie, sous ces nouveaux auspices, ne se développeront pas seulement parallèlement sans se jalouser ou se combattre; elles se confondront en une même science, comme leurs deux véritables principes s'identifient eux-mémes en une seule faculté.

Ce sera la science de vie, et, par conséquent, le christianisme, auquel la raison ne se soumettra pas, mais que l’amour révélera à l’intelligence libre. Car celle parole venant d’un dieu d’amour, enseignant l’amour aux hommes, se fait entendra dans toutes ses célestes harmonies à l'àme ouverte à l’amour.

Voilà pourquoi l'intelligence, qui n’est pas libre de croire ou de ne pas croire à telle ou telle vérité, est rendue cependant responsable de sa foi en cette vérité, parce qu’il ne faut qu’aimer pour la recevoir et la comprendre, et qu’il n'est point de salut pour ceux qui la repoussent ; car le salut, élant la possession de Dieu, ne s’acquiert que par l’amour de Dieu et dans la mesure de cet amour.

Déterminons donc la nature de cette foi, de cette raison , comme 011 voudra l'appeler, qui doit rendre à l'intelligence humaine sa vie et sa liberté, et sa vie par sa liberté.

Tout corps éclairé projette dans une sphère plus ou moins étendue un faisceau de rayons qui repré-

«ente dans toutes les sections coniques de ce fais-•eau l'image , la for,ne extérieure de la surface dont ils jaillissent. Quand notre œil devient la base de ce cône lumineux, le phénomène de la perception a lieu. Cette image réfléchie pénètre dans l’organe, se modifie de diverses façons, en passant à travers scs divers milieux réfractaires , arrive à la réfine, et enfin tombe dans la conscience, où elle se spiritualise en idée.

Après avoir reçu l’impression du inonde extérieur, l'âme entre aussitôt en réaction contre lui. Conlrac-iée d’abord, elle se dilate et s’épanche dans ce second mouvement. Et celte réaction projette au dehors la lumière spirituelle, comme la lumière naturelle est projetée de la surface des corps dans l’espace ; et comme celle-ci, en pénétrant dans l’œil et conduite au cerveau, s’est transformée en idée, la première, en rayonnant dans l’espace , se modifie sur les objets qu’elle y rencontre, et cette impression, communiquée à la conscience, se résout de même en idée.

Ces irradiations de la lumière spirituelle produites par l’impulsion de la sensibilité, se déploient dans une sphère d’autant plus étendue que cette force réactive est énergique, mettent la conscience en pos session d’idées plus ou moins claires, plus ou moins confuses, selon que les désirs, les affections, la volonté, se répandent en effusions plus puissantes et projettent plus vivement l'intelligence hors d’elle-mème.

Le premier degré de ce développement de l'intelligence se manifeste dans cette pénétration qu’acquiert notre regard et que l’on a caractérisée en la

distinguant de notre réflexion tonte passive des objets, par ces deux mots, voir et regarder. La lumière intérieure va comme au-devant de celle qui nous apporte l’image des objets extérieurs, et ne la laisse pas arriver jusqu’à la conscience, l’arrêtant à son passage, la recueillant à la surface de l’organe, et la transmettant elle-même avec plus de netteté et de vivacité.

Un nouveau degré d’émotion dans l’âme ajoule une nouvelle puissance à la pénétration du regard; l’œil s’illumine et s’enflamme, il lance des éclairs, il fascine celui sur qui tombe sa foudre ; il semble plonger dans les profondeurs de votre être et y surprendre la pensée que vous y teniez cachée.

Enfin, une plus grande énergie encore dans l’effusion de la volonté imprime à l’intelligence une nouvelle puissance de pénétration qui lui fait abolir les limites de son propre corps comme celle des corps extérieurs avec lesquels elle se met en rapport sans avoir plus besoin de l'intermédiaire de ses organes. Dans cet état, elle voit sans le moyen des yeux, entend sans le secours des oreilles, et elle voit et entend beaucoup mieux que par cet appareil organique, qui lui est désormais inutile. Soleil intérieur, elle rayonne dans l’espace comme elle rayonnait dans les limites de son enveloppe corporelle, avant d’avoir acquis l’énergie suffisante pour les franchir.

Cet état de rayonnement et de pénétration se développe dans des circonstances très-diverses, quoiqu’elles peuvent toutes se réduire à une même cause essentielle, l’exaltation de la sensibilité, et par son

mouvement d’expansion , la projection excentrique de la lumière spirituelle.

Plutarque nous parle de «certaines exhalaisons de « la terre, qui se mêlant dans les corps, y engendrent « une température et disposition non accoutumée aux « âmes, qui ouvre ne sais quels pertuis où il y a force « imagination de l’avenir. Celle partie de notre âme « prévoyante de l’avenir s’aiguise comme le fer s’af-« line par la trempe, et rien n’empêcheque l’exhalaison « divinatrice ayant quelque chose de particulièrement « conforme aux âmes ne développe cette faculté (l).» Et il attribue la cessation des oracles à l’extinction de ces exhalaisons souterraines qui inspiraient les sibylles dans leurs crises et leurs convulsions, si ressemblantes à celles que Mesmer reproduisait de nos jours autour de ses baquets.

L’influence des astres paraît être une autre cause physique qui peut sur certaines organisations produire de semblables résultats.

Le somnambulisme, la catalepsie, etc., atlestent également qu’une réaction toute physique peut développer dans l’âme ces puissances spirituelles ou leur donner du moins une surexcitation propre à opérer le déplacement excentrique de ses sens.

Dans le magnétisme animal, c’esl encore un principe extérieur, quoique plus spirituel qui développe celle faculté, dont les forces sont projetées par une volonté étrangère, au lieu de recevoir cette impulsion de la volonté propre.

Je ne parle pas de tous ces phénomènes de fascination d’un être sur un aulre être , produits par l’a-

(1) Traduction d’Amiot.

mour, l’éloquence, le fanatisme, et en général toute énergique passion, et qui peuvènt êtro rapportés à cette action magnétique, c’est-à-dire extensive de la volonté des êtres sur d’autres êtres.

La communication de l’âme avec les esprits n’est pas plus inadmissible que les rapports immédiats de l’âme avec d’autres âmes.

Puis vient la puissance sur l'organisation de l’imagination, qui, à certains degrés d’exaltation, peut reproduire les mêmes effets que la réalité. Il est rare que son influence ne se mêle pas aux autres actions dont nous avons parlé, leur prêtant quelquefois de nouvelles forces, mais le plus souvent défigurant leurs résultats, en mêlant ses fantaisies et ses rêves à des perceptions réelles.

La puissance que l’âme exerce dans le magnétisme sur une autre âme peut à plus forte raison s’exercer sur elle-même. Un désir passionné, un puissant amour, une énergique et constante concentration de la volonté, une spiritualisation continue et progressive des forces de l’âme, les fait passer de leur état latent à celui de liberté rayonnante, qui produit alors dans ces circonstances les phénomènes connus sous le nom d’extase.

Mais si cette plénitude spirituelle, qui donne à cette faculté de pénétration intellectuelle, la clarté et la lucidité de la vision , est exceptionnelle, son état do rayonnement qui nous fait prendre conscience de l’extériorité d’une manière plus vague, plus confuse, qui ne développe que des pressentiments, des croyances , des aperceptions de foi, est non-seulement plus commun , mais même est un état habituel et normal.

I)c la foi à la vision il n’y a qu'une différence de degrés dans les développements de la môme fueulié « faculté que nous appellerons perception pénétrante, puisqu’elle pénètre en effet cl le corpsqui l’enveloppe, el les corps extérieurs sur lesquels elle projet le ses rayons, comme nous appellerons perception réfléchissante, celle qui ne fait que recueillir les images réfléchies du corps et projetées jusqu’à elle.

La foi n’est donc qu’une vue voilée, la vision qu’une loi plus nelte, plus lucide; et cette faculté dont les deux termes extrêmes de développement, sont la foi et la vision , est une véritable perception, comme celle de nos sens exléricurs, et même la seule que l’on aurait dû appeler de ce nom , comme pouvant seule nous mettre en possession de la réalité des substances extérieures qu’elle pénètre, au lieu, comme on l’a fait, de ne le donner, quà celle qui ne nous livre du monde que des surfaces, et ne nous en livre même que des images réfléchies, que des apparences, que des fantômes, comme l'avaient si bien dit les anciens philosophes.

Et c’est pour n'avoir pas attribué à cette faculté de foi le caractère d’une perception objective, c’est pour n’avoir fait des vérités qu'elle nous livrait quo des idées innées, des principes rationnels , des catégories, que le monde extérieur, ne nous arrivant plus que par ces images, ces réflexions, ces apparences, esl allé s’abîmer dans l’idéalisme et s’est évanoui coin me une ombre, que l'homme s’était plu à évoquer dans celte nuit qu il appelle le jour, dans cette rêverie qu’il appelle la vie et dont il ne doit se réveiller qu’à la mort, époque où l'homme, nous assurent nos idéalistes,

du reste les plus logiciens de tous, s’apercevra de l’illusion qui portait les intelligences grossières à croire à l’existence d’un monde matériel.

Et cette conséquence de scepticisme qui n’a été tirée que par quelques philosophes de ce système unique de perception, est, comme nous l’avons dit, d’une rigueur logique irrésistible. Si nous ne pouvons voir le monde que par les idées qui nous le représentent médinlement, nous ne le voyons réellement pas, nous ne voyons que nos idées, nous ne touchons, nous ne semons que nos idées, nous ne sommes sûrs que de l’existence de nos idées ; le monde extérieur n’est pour nous qu’une idée.

Pour sortir de ce cercle vicieux qu’avait rivé l’indélébile logique de Bercley et de Hume , les Ecossais admirent à priori el sur la simple foi de notre croyance invincible au monde extérieur, une perception immédiate qui pût nous mettre en possession de sa réalité et légitimer cette croyance. Mais ils furent timides dans leur réforme. Ils conservèrent à la raison spéculative une sphère d’activité trop étendue, et qui devait bientôt absorber l’objectivité faible,incertaine et chancelante, qu’ils avaient obtenue de leur système incomplet; leurs principes rationnels, n’étant point fournis par la perception, mais reconnus, au contraire, comme nécessaires pour servir de base à ses données, devaient en les transformant, les informant, et par conséquent les subjectivant, les faire retomber du scepticisme absolu dans le criticisme kantien, qui n’est plus seulement le moi, mais qui n’est point encore le vrai univers, celui de notre conscience ; où nous apercevons bien des objets ex-

térieurs, mais que nous ne pouvons connaître dans leur réalité, où nous touchons aux corps, mais quj ne sont encore que des phénomènes, ne pouvant dé-gager, pour parler la langue de Kant, le noumene pur de son enve'oppement subjectif.

Ce scepticisme bâtard devait bientôt retourner sous la logique plus rigoureuse de Fitche à l’idéalisme absolu, dont il avait essayé de sortir, le principe de causalité qui mène au monde extérieur ne demeurant dans ce système qu’un principe rationnel, un élément subjectif, une forme du moi.

Jacobi recommença cette œuvre de réforme dans la théorie de la perception. Mais s’il approcha plus près que Reid de la vérité , comme ce dernier , sa timidité l’empêcha de l'accomplir. En faisant tomber la raison dans la sphère de nos perceptions, ce qui était un pas immense sur l’école écossaise, il restreignit cette vue rationnelle au monde spirituel et moral, à Dieu, l’immortalité, la liberté, au lieu d’en faire une faculté objective dans toute son étendue. H eut donc besoin pour passer du sujet à l’objet de son salùo mortale qui replaçait la conscience au point de vue du sens commun, mais qui n’était en philosophie qu’un véritable avortement, qui ramena la science ontologique à son point de départ, malgré la large issue qu il avait frayée au moi pour descendre et prendre pied dans le monde.

Quand donc, à l'apparition dans notre conscience des images réfléchies des corps, surgit en elle la croyance à leur réalité substantielle, ce ne sont point nos sens qui nous élèvent à cette croyance; ils ne nous peuvent rien apprendre du monde; mais c’est la

substance même du monde que, clans le mouvement, de réaction de noire sensibilité, nous pénétrons de notre essence, que nous enveloppons des lumineuses irradiations de notre être, dont notre conscience devient en quelque sorte, dans sa sphère d’activité plus ou moins étendue, le milieu et l’espace spirituel, comme est lu conscience divine, mais dans les proportions de l’immensité, en qui vivent, se meuvent, sont lous les êtres. Notre moi s’assimile les objets de ses affections; il ne va plus au non moi; il se fait, il devient non-moi, et le non-moi devient moi, de même que notre corps s’assimile les corps environnants, dont il se nourrit et qu’il convertit en sa propre substance.

Les philosophes, pour avoir trop isolé l’intelligence de la sensibilité, comme s’il n’v avait que parallélisme et non solidarité et unité entre tous les éléments de notre être, ont été ainsi amenés à ne faire de l'intelligence qu’une faculté représentative, qui peut fort bien alors, comme l’ont prouvé les idéalistes, ne rien représenter.

Il n’y a point simple représentation de l'objet dans le sujet, il n'y a point juxtaposition du moi et du non-moi, mais une véritab'e transsubstantiation, une conversion du non moi dans la substance du moi, qui prend alors conscience de ce non-moi, comme il prend conscience de lui-même immédiatement, sans l’interposition des idées repiésenlatives el antérieurement à leur formation.

De nombreuses observations psychologiques faites sur les phénomènes de l’extase, du somnambulisme, ou produites pur le développement d’énergiques pas-

sions, établissent d’une manière positive l’existence de celte faculté de notre âme, de s’identifier aux objets de nos affections. De l’assimilation sympathique (1) qui nous fuit ressentir toutes les manières d’être de ceux sur qui se porte notre amour, à l’unification complète de deux êtres, il n'y a qu’une différence de degrés , produite par la plus ou moins grande énergie de l’amour, qui entraîne après lui ses effets; degrés qui déterminent dans 1 intelligence les variétés de la perception, depuis les obscures lueurs de la foi jusqu’aux lucides clartés de la vision.

En généralisant ces observations, en systématisant ces faits, en faisant de cet état d’excentricité morale qui développe ces phénumènes un état de l’âme, normal et naturel dans une certaine mesure, exceptionnel seulement au-delà de certaines autres limites, le principe transcendental sera enfin trouvé, la réalité substantielle devient aussi certaine empiriquement, qu’invincible est la croyance que nous avons en son existence, la conscience du non-moi égale en véracité la conscience du moi, que l’amour relie et identilio en une même essence.

Nons n’avons pas eu la puérile intention de prouver la réalité du monde; nous no l’avons fuit que pour établir la supériorité sur toutes les autres, de cette faculté que nous avons décrite, qui, pouvant seule établir l’objectivité de nos connaissances, doit être par conséquent regardée comme l’instrument, le principe constitutif de la science.

(4) Sympathie »»» txOr,, sentir arc*. Certain* somnambules dans le dérangement organique d« corps etrangiT*, avec lesquels Us sont mis en communication, ressentent ces perturbations mâiuUivvs dans la |>arlie de leur corps qui y correspond.

Car ce n’est point seulement la partie phénoménale du monde, le mécanisme physiologique des êtres qu’elle nous livre, e’est le l'ait même de la vie qu’elle surprend dans l’immense variété de ses manifestations, c’est cette force invisible, intangible à nos sens grossiers, cette essence mystérieuse qu’elle s’assimile dans son simple et indécomposable principe.

Mais l’homme n’est pas fait pour réfléchir solitairement la vérité ; il faut qu’il la communique aux autres hommes quand il l’a trouvée ; et comme il ne peut à lui seul la trouver tout entière, il faut qu’il reçoive d'eux celle dont ils sont déjà en possession.

La communion est non-seulement nécessaire à la faiblesse de l’homme, elle est surtout un état moral en elle-même. La vie de l’homme doit être une vie de charité ; il doit recevoir et donner : c’est l’aspiration et la respiration de son âme. El il n’a été créé plus faible que l’animal qui se suffît à peu près à lui-même, que pour que le premier de ses devoirs reçoive une nouvelle impulsion de son besoin le plus impérieux.

C’est donc eu donnant à cet amour universel qui l’a mis eu communion avec la nature et lui en a livré les seci’ets, les caractères de la charité, qu’il entrera en communion avec l'humanité, qu’il recevra d’elle la vérité dont elle est déjà investie, et qu’il trouvera le seeret de lui faire accepter sa vérité nouvelle. Et ce ne sera pas par voie d’autorité, de juxtaposition qu’il recevra ou qu’il donnera, mais ce sera par une assimilation organique, en quelque sorte, qu’il se fera membre vivant et libre du grand corps de l’humanité.

Enfin, l’homme ne doit pas être seulement uni avec l’homme et le monde, il faut que cette unité secon-

daire se consomme dans l’unité absolue. Et Dieu a gardé en lui la suprême lumière pour convier l’homme à celte suprême communion ; et la charité universelle, en s'élevant, se sublimant en amour divin, devient pour l’intelligence une nouvelle, une dernière révélation. Car Dieu, pur son amour infini, rayonnant dans l'immensité, se répand dans l’âme de ses créatures en raison de leurs aspiraiions. Et plus ces ardeurs sont saintes, pures, énergiques, plus elles se nourrissent de l’esprit divin, plus elles s'assimilent sa lumière, plus elles entrent en possession de son essence (l).

Du haut de cet amour, les ombres du temps et de l’espace s’enfuient, l’avenir et le passé se résolvent dans un éternel présent, l’immensité se concentre en un point, et l’homme devient prophète.

Celui qui a apporté au monde la charité universelle et l’amour divin est donc la vraie lumière du monde. Sa parole est bien plus qu’une science, qu’une révélation ; mais elle est un principe de science, une source de révélation ; elle n’est point une croyance qui s’impose à l’intelligence esclave, mais une fo; vivante qui fait jaillir dans l’âme les ondes resplendissantes de l’éternelle et infinie vérité.

Ch. Stoffels.

(1) Ce phénomène d'assimilation de l'espiit divin connu sons le nom de nraee, n'eu point un acte spontané de la pari de Dieu, dont IVfluMon dans le» Htn esi immiuentr et continue, mais seulement de l'homme qui se mel dans les conditions spirituelles nécessaire» pour entrer eu communion avec lui el prendre conscience et possession de son être.

BIBLIOGRAPHIE.

.\i>vni:nciE, on If Magni'lismc animal devenant une science physico-inalhi:>iinli|ue, par M. l'abbé comte de Roriano. Bruxelles. 1816. elle z Woulers Ircrcs, s, rue il’Assaut.

(Suile.)

« F.l d'abord supposons les expériences susdites reconnues et admises; c’est d’une facile expérimentation, la condition la plus difficile ici étant la simple tranquillité de l’air dans la pièce où l’on opère.

« Je dis condition simple, et sous le rapport de sa possibilité, et aussi sous celui de son évidence, imaginons un couloir un peu long et fermé, des fenêtres bien calfeutrées si l’on veut, une porte unique, point de cheminée ni de feu, et des spectateurs assis. —Ce sera bien tout pour la première moitié de la condition sine qud non.

« Pour la seconde, je vais vous dire comme je m'y suis pris ; vous jugerez si je concluais avec la sévérité logique voulue, quand il s’agit d'établir des faits ¡nou s, contredits à l’avance et de parti pris, fort surprenants même pour l’inventeur désirant le bonheur (l’honneur) d’avoir rencontré juste.

« Eh bien donc, voici :

>• Autourducorps mobileque je voulais essayer, interroger sur ma puissance névrurgique, je suspendais à des fils infiniment déliés de petits morceaux du papier le plus mince, de petites barbes de plumes; je l'en environnais tout entier. — Et alors:1— Alors.

le corps 'd’expérimentation faisait ses mouvements oscillatoires, allait, venait, se fixait, comme il a été dit ci-dessus, tandis que ses petits satellites, plus mobiles que lui, conservaient le plus imperturbable repos. L’air avait donc etc parfaitement tranquille.

« Je choisissais des corps dont la forme ne donnait aucune prise à l’air, comme des cylindres, des tubes suspendus par leur axe ; or, ces corps arrondis, et ne prêtant pas à tel courant d’air imaginable un flanc qu’ils n’avaient pas, ne laissaient pas de tourner sur leur axe sous faction de ma main, d’un conducteur, pourvu que la moitié de leur surface ronde fût couverte, par exemple, d’un papier doré, l’autre restant au naturel. L’air, comme on voit, ne pouvait que les faire balancer dans le sens de leur longueur, comme le balancier d’une pendule, et c’est précisément ce qui n’arrive pas : ils tournent seulement sur eux-mêmes, malgré la résistance que leur oppose dans ce mouvement étrange la torsion du fil auquel ils sont suspendus.

«Voilà deux éléments de mesure,me direz-vous,cher comte, avec votre pénétration ordinaire : la résistante de l’air en proportion des surfaces qui doivent le déplacer pour tourner, et la torsion, la rigidité des fils, cordes, comme disent les mécaniciens; plus, les frottements et la pression du poids, s’il s’agit des corps mobiles sur des axes ou sur une chape.

« Parluitemenljuste, mon cher comte, mais, vous le savez aussi, à peu près incalculable, comme l’avouent les mêmes mécaniciens en traitant des résistances dues au frottement, à la roideur des cordes et à la flexibilité des leviers ou autres éléments dos machines.

« Je crus trancher la difficulté d’un coup, mon noble ami, et abréger beaucoup le temps à obtenir un repos satisfaisant dans ces inconstances matérielles; car qui donc ignore que plus une suspension est délicate et précise, plus longtemps un mouvement, même très-faible, s’v conserve, à la grande impa-iienco de celui qui attend le résultat de l’équilibre rompu, le repos? Ne sait-on pas qu’une balance bien faite oscille jusqu’à quatre heures consécutives, si l’artiste n’a eu soin de ramener son centre de gravité, au-dessous du point d'appui de la châsse? En sorte que pour compenser l’inégalité alternative de pesanteur de chaque bras attirant dans son arc de révolution ce centre de pesanteur abaissé, le mécanicien-balancier attache un petit poids mobile au-dessous du fléau de la balance pour compenser cette petite rotation du centre de mouvement.

« C'est-à-dire, pour sortir un peu de cette théorie mécanique, que toutefois force m’était de rappeler, pour consolider mes raisonnements; c’est-à-dire que je cherchai I" une puissance à direction constante et à force connue, universelle dans la nature, par laquelle les velléités de mouvement perpétuel seraient promptement réprimées dans ces petites insurrections matérielles; et 2° la puissance humaine ( ou instrumentale) de l’action névrurgique pût être appréciée en poids, en temps et en distance.

« Le magnétisme terrestre m’offrit cette solution double, et, encore une fois, sans réplique. Nous allons le voir, monsieur le comte ; et cependant je vous prierai de remarquer combien ces expériences, encore une fois, viennent à leur tour effacer ce nom

absurde de magnétisme des phénomènes de la science dont nous nous occupons, tant elles se montrent deux actions distinctes opposées.

Treizième expérience.

« Prenez une grande aiguille de boussole, montée ;ï l'ordinaire, mais sur un pivot dépassant quelque peu lu boite.

» Présentez-lui le doigt (vous, l’homme à puissance névrurgique quelconque ).

« L’aiguille, attirée d'abord, et repoussée ensuite, oscille quelque temps, mais ne reprend sa direction au pôle que lorsque vous vous ôtes retiré.

Quatorzième expérience.

« Les mômes phénomènes, je les ai obtenus avec des baguettes, des barreaux d’acier aimantés-et suspendus à des fils.

« Ces barreaux étaient longs de plusieurs décimètres et pesaient deux à trois livres.

Quinzième expérience.

« J’ai pris une aiguille d’inclinaison, comme l'appellent les physiciens, c’est-à-dire une aiguille de boussole comme la précédente (çlle avait six pouces), suspendue sur un axe horizontal et pouvant en conséquence tourner verticalement, comme les roues de nos émouleurs, comme les ailes d’un moulin à vent.

« (Vous savez, mon cher comte, qu’abandonnée ù elle-même, cette aiguille s’incline vers la terre d’environ soixante-douze degrés.)

« A l’approche du doigt, cette aiguille a subi également des attractions et des répulsions, comme

l’horizontale, moins fortes cependant ; ce qu’explique assez la somme beaucoup plus grande de frottements à vaincre dans ce mode de suspension : j’en ai touché un mot plus haut.

« Pour rendre ces effets plus sensibles, et pour prévenir en môme temps l’objection que l’on pourrait l'aire en attribuant au calorique rayonnant delà main les mouvements de l’aiguille que je viens de dire, objection, cependant, qui disparaît devant des masses aussi volumineuses que les planches sus-mentionnées, aussi pesantes que les barreaux d’acier que je viens de dire, je lis la préparation que voici pour ma Seizième expérience.

« J’ajustai aux deux bouts de l’aiguille aimantée uu brin de paille (les arc*parcourus devenaient d’autant plus grands, plus appréciables en rigueur).

« L’instrument, à raison de la longueur beaucoup plus grande des leviers, devenait beaucoup plus sensible, impressionnable à de moindres forces. Je m é-loignai alors de plusieurs pas, et, l’appareil en repos, ¡’étendis vers lui le doigt.

. L’aiguillo ne manqua pas de montrer les mêmes attractions, répulsions et stations qu auparavant.

« Disons-en autant des barreaux d’acier aimantés.

« Dès-lors le problème était résolu.

« El à cette distance, et avec cette rapidité d’obéissance, disparaissuil l’action du calorique, dont la transmission par l’air n’est pas, on le sait, bien rapide. Mais non content de cette preuve, Voici ma Dix-huitième expérience.

« Dans les dispositions que l’on vient de voir, au

lieu de bras et du doigt étendus vers l’aiguille, je dirigeai, à pareille distance qu'auparavant, un tube de cuivre dont la nature est de conserver pour lui beaucoup plus de calorique, et partant, d’en rayonner d’autant moins.

« L’effet ne fut pas sensiblement différent pour le temps ni pour l’intensité.

« La paille, plus mauvais conducteur du calorique, donne absolument le môme résultat. Aussi, une branche carbonisée est un beaucoup plus mauvais conducteur encore de ce calorique.

Dix-neuvième expérience.

« Je remplaçai l’un des deux fétus do paille par une plaque de clinquant, un carré de papier, faisant, comme devant, équilibre avec l’autre fétu.

« Malgré la surface beaucoup plus considérable (cinquante centimètres carrés) offrant une prise notable à l’air, qu’elle devait déplacer, l’attraction et U répulsion s’exécutèrent comme devant, même au simple regard.

« Maintenant, mon cher comte, voici comme j’ai régularisé (géométrisé) ces merveilles; voici comme je les enfermai dans le cadre rigoureux d’une expérimentation précise, scientifique, comparable en force. en temps, en grandeur.

« L’extrémité d’une paille,.à l’état de repos, répond à un support portant indication du méridien magnétique terrestre.

« L'extrémité de l’autre balaie un rapporteur d’un grand diamètre, et donnant- la facilité d’apprécier jusqu’aux demi-degrés.

« L’appareil peut so pincer dans une cage de verre, fermée par une feuille de gélatine (papier glacé) à volonté.

« Voilà pour la quantité de mouvement mesurée par l'ouverture des angles décrits parla paille.

« Je note mon éloignement de l’appareil.

« Voilà pour le carré des distances.

« Je porte un aimant artificiel (ou autre) d’une force connue, ù une distance telle, que les pailles de l’aiguille décrivent le même arc que lorsque moi, vous, nous opérions.

Voilà pour la comparaison rigoureuse des puissances de l'aimant et de moi, de vous, par le rapport (inverse) de nos éloignements de l'appareil. — Je prends la précaution de ne point approcher l'aimant comparateur par moi-méme; c’est une tringle à coulisse qui l’approche ou l’éloigne sans que je bouge de place.

« Enfin, pour isoler l’action des yeux d’avec celle de la main, des conducteurs, ou de l’aimant comparateur, je fais cette dernière préparation pour ma

Vingtième expérience.

« Tout étant disposé comme pour les expériences de la plume, de l’aiguille aimantée avec ou sans prolongations, comme il est prescrit plus haut, je transporte l’appareil au milieu du salon sur un guéridon.

« Je place une lumière vive à terre, de telle manière que l’ombre du corps mobile vienne frapper le plafond de la pièce.

« Je fais l’obscurité dans le salon, et j’ugis en regardant uniquement l’ombre du corps, pour n agir aucunement sur celui-ci par les yeux, en qui de tout

temps on a reconnu une grande Torce innervante (magnétique), même chez les anciens(l).

« L’ampleur de mouvements, exagérée par la distance de son ombre, sa situation, le champ libre et blanc qu’elle parcourt, les divers objets de la décoration ou de l’ameublement qu’elle aborde ou quitte, forment un ensemble net, péremploire, peu fatigant, où l’on discerne facilement la vertu propre de chaque agent isolé de la sorte.

« J'ai tenu parole, je crois,cher et aimable comte; le fluide innervateur des phénomènes névrurgiques (sommeil artificiel, catalepsie, somnambulisme, clairvoyance, isolement, extase) est visible, tangible, rigoureusement mesurable en temps, force et étendue. »

Ainsi se résument les travaux de M. de Robiano. Nous avons fait connaître en entier ces expériences, afin que chacun put les répéter, en vérifier l’exactitude. La propriété magnétique étant commune à tous ces laits doivent se reproduire entre les mains de tous. Sinon, la science et la bo\ine foi de l’auteur étant acquises, il faudrait lui supposer une propriété particulière du genre de celle de la petite Cottin et tant d’autres.

M. IL

(1) Nescio quis Ifneros oculus milii fascinai agnos.

Viigile, Bucol.

......Cui non risere p ircnlcs.

Idem, Polito.

VARIÉTÉS.

Erreurs médicales. — Qui que vous soyez, si vous voulez que la peur ne vous saisisse, n’ouvrez jamais un livre (le médecine; car dans cet amas de contradictions et d’erreurs vous trouverez à chaque page des symptômes morbides mal définis, et toujours applicables à quelque irrégularité vitale affectant l’homme en santé.Votre esprit, s’inoculant ces erreurs, vous approprie ces symptômes, et bientôt vous ne pouvez plus jouir d’un instant de repos.

La science ne peut être dans ces ouvrages qu’un jour voit éclore, et que la discussion fait disparaître malgré les efforts, le talent oratoire de ceux qui les ont produits et la forme séduisante employée pour les faire adopter. Aucun n’a pu rester pour marquer un point de départ, nul ne contenait une vérité fixe, un principe immuable. Fruit de suppositions, ils s’ultè-rent en voyant la lumière et meurent du vivant de leurs auteurs. Leur existence éphémère néanmoins sème des germes funestes qui engendrent de monstrueuses erreurs.

Arrôtez-vous dans cette route, aveugles médecins; arrachez vous-mêmes ces plantes nauséeuses; nettoyez le temple de la science, et reconnaissez donc enfin que vous vous êtes trompés. Faites pour vos doctrines ce que Biehat lit pour la matière médicale ; c’est le premier de vos génies, ses travaux doivent

vous être familiers. Voici au reste ses paroles, si vous les avez oubliées :

• Incohérent assemblage d’opinions elles-mêmes incohérentes, la matière médicale est peut-être de toutes les sciences physiologiques celle où se peignent le mieux les travers de l’esprit humain; que dis-je? ce n’est point une science pour un esprit méthodique, c’est un ensemble informe d’idées inexactes, d’observations souvent puériles, do moyens illusoires, dp formules aussi bizarrement conçues que fastidieusement assemblées. On dit que la pratique de la médecine est rebutante; je dis plus, elle n’est pas, sous certains rapports, celle d'un homme raisonnable quand on en puise les principes dans la plupart des matières médicales (1). »

Vingt volumes ne pourraient suffire à l’examen des systèmes de médecine, et ce travail d’ailleurs n’aboutirait à rien. Mais, si nous les résumons tous, comme fit Broussais pour prouver la fausseté de chacun d’eux, nous serons obligés de dire, ce que chacun sait, que celui du grand réformateur est tombé lui-même, après avoir fait d'innombrables victimes.

Apôtres d’une science malheureuse, on vous offre aujourd’hui un nouvel art de guérir qui s’appuie suides faits incontestables, sur une puissante loi de nature, et vous détournez les yeux! Qui êtes-vous done enfin? Avez-vous donc besoin du malheur public pour vivre? Est-ce l’exploitation de l’homme malade qu’il vous faut comme industrie propre à vous enriehir? Mais c’est un crime odieux ! Quand les hommes s'éclaireront, ils maudiront vous et votre race, car fa

(1) Anatomie générale, $ II.

lumière se fait jour dans les ténèbre», et touto industrie coupable cause toujours contre elle une réaction qui en amène la chute.

Zoomagnétisme. — Une société de quinze à dix-huit personnes se trouvait réunie au château de Bily, en Plsufragan ; l’une d’elles, M. Bl..., en se penchant sur le bord de l’étang, aperçut une petite grenouille grise enlacée dans les replis d’une couleuvre, qui se disposait à l’avaler. Son premier mouvement fut de les jeter tous deux dans l’eau, où elles se séparèrent; il tua ensuite la couleuvre. Que fit lagrenouille? elle se dirigea aussitôt vers son libérateur. Celui-ci lui présenta le plat de la main à sa sortie de l’eau, et elle sauta dessus, et elle y resta pendant plusieurs minutes, puis ayant été de nouveau jetée à l’eau, six ou sept fois de suite, et à douze ou quinze pieds de distance, elle revint constamment dans la main qui lui était présentée; une fois môme elle remonta dans la manche de M. Bl..., et il eut de la peine à s’en débarrasser en la jetant très-loin.

Une heure et demie s’était écoulée, lorsqu’à la sollicitation de quelques dames de la société il revint près de l’étang, et aperçut, à une distance de vingt pieds, la môme grenouille immobile; il siffla, et aussitôt l'animal se tourna vers lui, nagea avec rapidité, et vint encore se poser sur sa main. Curieux de connaître jusqu’où cette grenouille pousserait la reconnaissance (si c’en était une de sa part), M. l!l... l’emporta chez lui et la plaça sur son bureau, dans un bocal, où elle vit encore, les yeux constamment tournés vers celui qui lui a sauvé la vie. La prend-il sur

sa mnin en lui grattant le dos, l'animal se met à coasser; entre-t-il quelque étranger ou quelque enfant, la grenouille leur tourne le dos et semble les fuir. Tout de sa part semble annoncer un sentiment de préférence marquée pour M. Bl... (Sémaphore.)

Qui ne reconnaît là une action identique avec celle que les magnétiseurs exercent sur les êtres des degrés supérieurs de l’échelle animale, connue chiens , chats, oiseaux, poissons, ainsi que cette espèce de charme que les bergers d’Italie l’ont subir aux vipères qu’ils veulent détruire? Et encore ce pouvoir que les psyles de Cyrène et les ophiogènes de Chypre exerçaient sur le céraste avec lequel ils jouaient impunément, et dont ils maîtrisaient à leur volonté et la force et le venin? La danse que les Indiens font exécuter aux najas, ou serpents à lunettes, se rattache naturellement à la même cause. L’incantation de ces derniers est même si parfaite qu’ils commencent et cessent leur danse à la volonté de l’Indien, qui lesdomine au point de les toucher sans en être mordu.

Revue des journaux. — L'Estafette du 10 contient un feuilleton sur la vie de Mesmer; il y est parlé de faits dont les biographes ne font nulle mention. Nous tâcherons de savoir la source où ils ont été puisés et quelle créance ils méritent.

Le National du 13, dans son feuilleton les Mémoires d'un Prêtre, expose d’une manière très-favorable une scène de somnambulisme.

1* Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Camay).

P»ri». — Imprimerie d'A. Rbsà cl Comp., rue de Seine, 33.

MANUSCRITS DE MESMER.

Kotion«* élémentaires sur I* morale, l'éducation et la législation, pour servir à l'instruction publique en l'rauce, jiar F.-A. iffesuier.

§ 1. — Morale.

Parmi les êtres animés, l'espèce de l’homme est une de celles destinées par la nature à vivre en société.

L’homme au milieu des êtres est en contact avec-tout co qui l’environne. Il est exposé à en recevoir des impressions et à subir des changements pur chaque mouvement qui lui est communiqué. La môme/ organisation qui le rend susceptible des affections le rend également capable de produire aussitôt, soit sur lui-même, soit sur les élres coexistants avec lui, des e ets, c’est-à-dire des changements.

Celte organisation de l’homme, qui est fondée uniquement sur l’état mécanique de son individu, constitue une faculté qui peut être considérée comme un principe interne, et le changement qu’il produit est ce qu’on appelle action humaine.

L’action humaine est donc un changement déterminé ou empêché par un principe interne de l’homme.

T. III. 31 AOUT 18i6. k

Toute action humaine nous offre trois choses à distinguer, qui sont autant de conditions qui la réalisent :

1° L’impression ou la sensation que l’homme reçoit „d’après la situation dans laquelle il existe;

2" Les modifications que ces affections éprouvent dans son organisation ;

3° L’acte ou l'exécution du changement à faire ou à empêcher.

La faculté de déterminer cet acte par un principe interne est ce qu’on appelle la liberté individuelle.

L'action par laquelle cet acte émane du principe interne est la volonté, ou plutôt le vouloir.

Les divers degrés entre ces relations constituent la moralité des actions.

Celte moralité est en raison de la liberté, et la liberté en raison de trois conditions qui réalisent l’action humaine.

Le changement qui résulte d’une action est conforme ou contraire à l’ordre dans lequel les êtres et les événements coexistent et se succèdent. Cette différence caractérise toute action bonne ou mauvaise.

L’ordre est ou naturel ou de convention. L’ordre naturel est établi par l’harmonie universelle.

L'ordre de convention est établi par la volonté des hommes. Il est positif ou d’habitude. Le premier est exprimé par les lois, l’autre est ce qu’on nomme les mœurs.

Tous ccs ordres regardent ou l’homme individuel, ou l’homme considéré en société.

L’ordre naturel doit être la règle générale ou la

mesure définitive de tous les ordres, effets ou changements dont l’homme sera la cause.

Tout être existant est organisé. L’organisation consiste dans un état de cohésion de la matière. La cohésion consiste en ce que les parties de la matière se trouvent ensemble en contact immédiat, de manière ù ne pouvoir se quitter sans y être déterminées par une force étrangère. Cet état de cohésion ne doit point être confondu avec celui d’une cohésion absolue qui représente la matière inerte. Il admet des interstices, et par conséquent le contact immédiat r.e peut s’exercer qu’au moyen des parties contiguës qui servent à rapprocher les deux idées extrêmes du plein et du vide parfait.

La résistance que tout être organisé oppose à l’effort qui tend à rompre la cohésion est le même ef^-fort qu’il manifeste pour continuer son existence, c’est-à-dire pour la conserver.

La conservation étant ainsi fondée sur la cohésion môme, tout être organisé a, par sa nature, une tendance à se conserver. Cette tendance, soit par rapport à l’individu, soit par rapport aux moyens de résister, est susceptible de diverses nuances et modifications.

La règle naturelle de chaque individu est donc de faire tout ce qui convient à sa conservation et de résister à tout ce qui lui est contraire, d’où résulte l’idée du bien et du mal.

Le bien physique ou naturel de chaque être est tout ce qui tend et contribue à le conserver.

Le mal physique, au contraire, est tout ce qui tend à le détruire, à dissoudre sa cohésion.

L’affection ou la sensation du bien physique est le plaisir. La sensation du mal physique est la douleur.

Le bien et le mal physique pesés et comparés relativement à l’individu ost l'intérêt.

Il est donc une propriété constante et commune à tous les êtres doués du sentiment de l’iutérêt : celle de chercher le plaisir et d’éviter la douleur.

Toutes ces considérations nous présentent une doctrine qu'on nomme la morale. Cette doctrine renferme l’art de diriger, et la science de juger les actions humaines.

La représentation ou la connaissance par laquelle l’homme est instruit de la conformité ou de l’opposition de l’effet de son action avec la règle de son intérêt est appelée le motif, puisque c’est celte connaissance qui détermine les organes et les instruments de ces organes à exécuter et à réaliser cet effet.

Le motif étant la représentation du bien ou du mal résultant du changement, que l’action produit, il y a deux sortes de motifs : l’un pour agir, l’autre pour empêcher l’action.

Le motif est la cause immédiate qui meut et détermine la volonté, et les actions ne sont dirigées que par les motifs.

Le motif est soumis aux lois communes du mouvement. Il agit en raison composée de la puissance et de la résistance ou de la disposition du sujet qu’il meut.

La représentation du bien et du mal peut être plus ou moins parfaite, plus ou moins distinctive ou confuse, vraie ou fausse, compliquée ou simple; elle peut avoir pour objet différents effets qui seront re-

latifs à divers ordres et à différentes règles de la perfection.

Les caractères relatifs des motifs peuvent être pesés et comparés, et leur résultat sera deux poids dans une balance à deux bassins. L’absence totale oik l’égalité de l’on et de l’autre poids produit l’équilibre ou le repos de la balance. C’est ainsi que l’ignorance des effets ou l’absence des motifs, ou môme l’égalité de la force des motifs opposés détermine l'indifférence ou l’inaction.

Placez, par exemple, dans un des bassins de la balance un poids de vingt livres. Pour contrebalancer ce poids et le tenir en équilibre, il no faut pas moins que vingt livres; pour décider son mouvement vers le côté opposé, il faut quelque chose de plus, par exemple une demi-livre, et alors la force du retour de la balance ne surpassera pas la demi-livre; et, dans tous les cas, la force qui détermine le mouvement de la balance est égale à la différence entre les deux forces opposées.

La même règle s’applique aux actions humaines.

On délibère quand on pèse et qu’on compare la force des motifs. La force de la volonté, pour déterminer une action, est égale à la différence entre les motifs opposés.

Il résulte de tout ce qui a été dit :

1° Que les actions humaines ne sont dirigées que par des motifs ;

2" Que la base générale et la mesure de tous les motifs est l’intérêt individuel ou personnel.

La sensation du bien physique étant le plaisir, et

celle du mal physique la douleur, l'intérêt individuel a deux objets :

I Rechercher le bien physique comme la source du plaisir:

2° Eviter le mal physique comme la cause de la douleur.

II faut conclure de tout cela que les principes et les règles, soit pour diriger, soit pour juger les actions humaines, doivent se prendre dans la nature de l’homme.- Or, comme la nature de l’homme est la même en tous les temps et en tous les lieux, il n’y a qu’une seule morale pour tous les hommes; elle est la même pour les nations et les individus.

§ 2. — Liberté.

Le bonheur de Vhomme consiste dans le concours de tous les moyens et conditions pour sa conservation.

Le bonheur de l'homme individuel, ainsi que de l’homme en société, est fondé sur deux principes, la santé et la liberté.

La santé consiste dans l'accord des fonctions des membres et des viscères.

L’homme jouit de la liberté quand il a en lui et par lui même, c’est-à-dire indépendamment de tout autre, tous les moyens de se rendre heureux.

La santé et la liberté vont ensemble, tant à l’égard de leurs principes que de l’intérêt. Elles sont donc inséparables pour le bonheur de l’homme, et toute législation sera vicieuse qui n’aura pas pourvu également à ces deux objets.

L’indépendance étant la mesure de la liberté, il

celle du mal physique la douleur, l'intérêt individuel a deux objets :

I Rechercher le bien physique comme la source du plaisir:

2° Eviter le mal physique comme la cause de la douleur.

II faut conclure de tout cela que les principes et les règles, soit pour diriger, soit pour juger les actions humaines, doivent se prendre dans la nature de l’homme.- Or, comme la nature de l’homme est la même en tous les temps et en tous les lieux, il n’y a qu’une seule morale pour tous les hommes; elle est la même pour les nations et les individus.

§ 2. — Liberté.

Le bonheur de Vhomme consiste dans le concours de tous les moyens et conditions pour sa conservation.

Le bonheur de l'homme individuel, ainsi que de l’homme en société, est fondé sur deux principes, la santé et la liberté.

La santé consiste dans l'accord des fonctions des membres et des viscères.

L’homme jouit de la liberté quand il a en lui et par lui même, c’est-à-dire indépendamment de tout autre, tous les moyens de se rendre heureux.

La santé et la liberté vont ensemble, tant à l’égard de leurs principes que de l’intérêt. Elles sont donc inséparables pour le bonheur de l’homme, et toute législation sera vicieuse qui n’aura pas pourvu également A ces deux objets.

L’indépendance étant la mesure de la liberté, il

somme de la portion de liberté que chaque individu y a portée.

L’homme qui s’attache ainsi à la société civile ne prétend point lui fairo le sacrifice de sa liberté, mai;? en placer tous les moyens dans l’ordre de cette société dont il se fait membre sous la seule condition qu’elle contribuera à son bonheur.

La société paternelle ou de famille est la société naturelle ou primitive. L’association d’un grand nombre de familles qui occupent une portion de la surface de la terre forme un peuple ou une nation.

La patrie est cette portion de la surface de la terre où un peuple vit et où il habite.

Cette portion de surface qui sert à la nourriture et à l’habituelle demeure d’un peuple est la patrie.

Le père ou chef de chaque famille représente la personne qui a une volonté raisonnée. La femme, les enfants, ainsi que les domestiques, ne sont à considérer que comme les membres : c’est donc ce chel seul qu'on doit appeler citoyen.

Les citoyens possesseurs d’une partie du sol de la patrie sont les citoyens naturels. Les autres chefs de famille attachés par les diverses relations à la patrie sont les citoyens adoptifs.

Le bonheur de chaque individu étant le but principal et unique, en se réunissant en société il en résulte :

1° Le droit de faire tout ce qui répond à ce but; m

2n L’obligation relative de ne pas empêcher l'e*er-cice de ce droit, et voilà la base du pacte social.

La mesure qui détermine l’accord des droits et d.©> obligation^ réciproques entre les mémbrps de la so-

ciété est la justice. Cet accord est réglé par la volonté générale, et les propositions qui expriment cet accord sont les lois.

Comme il est incertain dans une société nombreuse que les volontés se conforment dans tous les cas; par un acte tacite et primitif, la majorité ou la pluralité des voix est prise pour la volonté générale, de même qu’en mouvement nne plus grande force l’emporte sur une faible résistance.

La réunion des volontés des citoyens et de tous les moyens vers le même but est la souveraineté du peuple.

La souveraineté du peuple consiste donc dans la .somme de liberté de tous les citoyens qui est manifestée et exercée en faisant des lois et en établissant des moyens pour leur exécution.

La masse résultante de la liberté de chaque membre ou la réunion de tous les moyens nécessaires au bonheur de la société est Vautorité souveraine.

C’est cetté souveraineté qui, déléguée, est devenue le partage des rois légitimes.

' Les moyens les plus immédiats de la liberté sont la sûreté, la propriété et la santé.

La sûreté consiste dans les moyens d’empêcher que la liberté ne soit troublée.

La propriété consiste dans lés moyens d’empêcher l’usage par tout autre de ce qu’on a réservé pour soi-même.

La santé consiste dans l’accord des facultés, et des fonctions des membres et des viscères.

La sûrété renferme donc la liberté, la propriété et la santé; et l’homme attache l’une et l’autre à la s,p-eiété'dortt'fï se fait membre.

La propriété peut être appelée originaire ou naturelle, telle est ma personne et mes facultés. Elle est appelée acquise lorsqu'on s’approprie une chose qui n’appartient à personne, transmise lorsqu’on la possède pur la volonté d'autrui ou par la loi.

(La tuile prochainement.)

THÉORIES.

FASCINATIONS. — FIÈVRE IMITATIVE.

Si, grimpé sur le siège d’une voilure, quelqu’un brandit un fouet, mais sans faire claquer la lanière, et imprime à la mèche cet élan rapide qui la porte brusquement à la superGcie des muscles du cheval aussi près que possible, et toutefois sans l’atteindre, on remarquera presque toujours dans l'animal un frisson léger de la peau et des oreilles, une attention érectile des organes, comme si une émanation infiniment petite de la volonté de l’homme lui était transmise par la mèche agitée. Cependant, par la disposition respective de l’attelage et du siège, il demeure impossible au cheval de voir soit le fouet qu’on balance, soil la main qui en est armée, et le parfait silence de l’air, que la ténuité de la flamme est insuffisante à rompre, ne lui transmet ni son ni ébranlement.

Rachel joue Hermione dans Andromaque; vous entrez

dans la salle au moment où les spectateurs sont absorbés par l’ironie de la jeune tragédienne au quatrième acte; vous vous placez de manière à voir et à n’étre pas vu. On dirait que votre présence n’ajoute rien à l'émotion scénique du théâtre, aux influences locales de l’édifice, à l’idiosyncrasie actuelle des spectateurs. Cependant, dès que votre corps et votre âme ont trouvé place dans l’enceinto, une modification imperceptible a couru sur toute la foule. Un fleuve tombe dans l’Océan, un ruisseau tombe dans un fleuve, une goutte de pluie tombe dans un ruisseau. A la rigueur, l’Océan, le fleuve et le ruisseau ne se sont pas sensiblement accrus; toutefois, la goutte de pluie a grossi pour sa part le volume du ruisseau, qui lui-méme a déplacé les molécules du fleuve, dont les ondes se sont réparties entre les vagues de l’Océan. Il en est de môme de l’élément sympathique; dans l’enceinte du Théâtre-Français, vous êtes l’unité qui grossit, magnétiquement parlant, le chiffre de la foule. Maintenant choisissez des yeux la plus absorbée, la plus éplorée, la plus indignée contre Pyrrhus de toutes les femmes qui émaillent cette foule; mais, en même temps, qu’elle soit, autant que possible, la plus jeune et la plus jolie : car la fraîcheur du corps et l’harmonie de lu forme sont les auxiliaires naturels du magnétisme de la vue; concentrez alors vos regards et votre pensée sur cet objet unique dont les sentiments et les impressions semblent, pour le moment, aussi éloignés de vous que confondus dans Rachel. Que de votre part l’attention soit aussi entière pour cette femme que la sienne à votre égard est nulle! Au bout d’un intervalle de temps propor-

lionne à l'énergie de votre contemplation, la personne ainsi clouée par vos yeux sortira peu à peu de son immobilité; il sera fait pour elle équilibre au charme du spectacle par un chnrme.invisible, encore faible, mais continu ; vous la verrez d’abord rêveuse, et puis distraite, et enfin gênée; elio disputera en quelque façon le libre arbitre de ses sens au basilic inaperçu. Mais sa résistance, fixée par le dard de votre vuë comme un papillon par la pointe d’une épingle, se débattra vainement sous le réseau d'une émanation que les obstacles propagent en l’irritant et qui se les assimile pour mieux les vaincre. Tant que votre volonté sera d’attirer vers vous ses yeux, une nécessité indomptable les forcera graduellement d’obéir à cet aimant caché. Ses regards, scs émotions, sa pensée, son intelligence, et, faut-il même le dire? sùn âme, finiront par se confondre aven les vôtres!— Camille Desmoulins, détenu au Luxembourg, était séparé'de Lucile Duplessis, sa femme, qu’il aimait tendrement et qu’il ne revit plus. Avant de mourir, il reçoit une dernière lettre de madame Desmoulins, «/e me sut«-prenais à regarder le porteur de ta lettre., répondit Camille, comme s'il fût resté sur ses habits, sur toute sa personne, quelque chose de ta présence, quelque chose de toi! » etc.

Je m’arrête; il serait inutile de multiplier les citations et les exemples. Mes lecteurs ont déjà nommé la famille psychologique de ces phénomènes singuliers, tous fréquents et vulgaires, mais tous aussi distincts par leurs effets qu’inexplicables dans leurs causes. Ne croyait-on pas généralement, dans l’antiquité, que le regard de la haine était venimeux, et un personnage illustre, obligé de se montrer an peuple,

ne rentrait-il pas souvent malade dans le sanctuaire de ses dieux lares, tant les yeux de l’envie avaient dardé leurs invisibles poisons sur ses lauriers et sur son corps.

Les fascinations se classent par sympathies, antipathies, projections magnétiques et fièvre imitative. Elles s’exercent en masse et isolément, de près et à distance, au physique et au moral, sur les personnes et sur les choses, dans la vie et dans la mort. Nous avons étudié précédemment les hallucinations de la vue, du toucher et de l’ouïe dans leurs rapports avec lesplus récentes hypothèses de psychologie; nous allons, par la nouvelle théorie, rattacher aux mômes hypothèses les deux derniers sens de l’homme, le goût et l’odorat. Comme la fièvre imitativt dépend tantôt de tous les sens:réunis, tantôt particulièrement de chacun d’eux, sa monographie est une transition naturelle entre le somnambulisme général et les phénomènes du système nerveux qui unissent lecarnctère d'exaccrbation mentale aux désordres ou à l’extension de facultés plus matérielles.

« Quand uno masse d’hommes est agglomérée sur un seul point, a dit un ingénieux écrivain (1), quand elle'est mise en mouvement par un consensus énergique, par un besoin commun profondément Senti, le moi individuel disparaît, et cette multitude, composée d'éléments si divers, forme un tout homogène, nn corps unique, dont chaque membre isolé reçoit le contre-coup sympathique du membre voisin. Cette masse, animée d’une'même-vie et dirigée en quelque sorte par le même cerveau, semble être devenue le

(1) M. Le Miout.

loyer d’un fluide abondant qui rayonne vers tous les êtres placés à sa périphérie et tend à les mettre en rapport avec le centre commun. Il en résulte une influence épidémique, se propageant à distance comme par le contact, influence pouvant être exercée non-seulement par les niasses, mais par quelques personnes, mais par un seul homme, et qui produit un état nerveux dont l’exagération n’est autre chose que la fièvre imitative. »

Cette définition est fort claire, mais elle est timide. Avant de montrer toute l’étendue de sa prudence, arrêtons bien les contours du débat et précisons l’objet de notre analyse..Montaigne disait : « La vue des angoisses d’aultruy m’angoisse matériellement, et a mon sentiment souvent usurpé le sentiment d’un tiers. Un tousseur continuel irrite mon poumon et mon gosier. » Telle ne sera pas la pensée de ce travail; nous nous abstiendrons, autant que possible, de la partie médicale et externe, de la mimique pure et simple de la fièvre imitative : car les monuments de ce phénomène peuvent se diviser on deux séries, fascinations matérielles et fascinations animiques. Les dernières seules doivent trouver place dans une théorie générale où la fièvre imitative elle-même n’est admise que pour les circonstances de haut somnambulisme qui en dépendent.

Saint Alipe,disciple de saint Augustin, est entraîné malgré sa résistance au grand cirque de Rome ; il se voile d’abord la tôte avec son manteau pour ne point voir les gladiateurs aux prises. Tout à coup un immense et long cri d’allégresse rempbt le Colysée : le peuple romain salue par une acclamotion féroce'l’a-

droit combattant qui, d’une seule atteinte de son glaive, a égorgé son adversaire. Le néophyte chrétien, effrayé de ce cri dont il ne sait pas la cause, écarte son manteau, lève la tête et regarde.... Il voit les dernières convulsions du gladiateur expirant, il contemple avidement ce sang humain qui rougit l’arène, et, presque aussitôt, par un subit retour sur lui-même, détournant les yeux et se voilant encore la face, il s’aperçoit avec horreur que ce spectacle lui a communiqué une émotion rapide, pénétrante et qui n’était pas sans charme (l). Saint Alipe venait de ressentir, ù Pimproviste et sans mesure, un véritable accès de fièvre imitative. Mais la fascination était matérielle!

Un médecin, affecté péniblement de la mort récente d’un ami, se trouvait obligé de continuer un cours qu’il avait ouvert. Près d’entrer dans la salle, il s’aperçut qu'il avait oublié ses notes. En trouvant d’autres sous sa main qui avaient trait à l’aliénation mentale, il résolut d’en faire le sujet de son improvisation. Sa force intellectuelle était surexcitée par la douleur; sa mélancolie elle-même puisait dans l’aliénation mentale de tristes enseignements sur le mystère de la vie humaine. Après avoir parlé avec une facilité surprenante : « J’éprouvai, dit-il, en cc moment une sorte de terreur instinctive. 11 me sembla qu’un danger inconnu, qui se rapprochait de plus en plus sans quë je pusse l’éviter, allait fondre sur moi. Cependant la puissance surnaturelle qui jusqu’alors m’avait soutenu commençait à m’abandonner; mes idées se troublèrent, des formes étranges vinrent danser sous

(1) Confetiioni de saint Augutti".

mes yeux; les Tous dont j’avais parlé, se dessinant sur le fond de la salle comme sur un nuage, parurent s’animer à ma voix, et se rangèrent méthodiquement autour de ma chaire. Bientôt je me figure être devenu un de ces nécromanciens qui évoquaient d’un coup de baguette les morts et les vivants. Je m’arrête. Le plus profond silence régnait dans la salle ; on attendait que l’incohérence de mes paroles eût cessé : tous les regards étaient fixés sur moi. Tout à coup une idée terrible traverse mon esprit, un éclat de rire convulsif s’échappe de ma poitrine; l’œil hagard, je m’écrie : « Et moi aussi, je suis fou ! » Mon auditoire se leva comme un seul homme; une exclamation de surprise et d'horreur partit de toutes les bouches. Ce qui se pussa ensuite, je l’ignore : j’avais perdu connaissance (1). » Voilà un cas de fièvre imitative, et la fascination est animique.

Mais les deux caractères peuvent accidentellement se confondre ou rester solidaires l’un de l'autre : c’est ce qui a lieu au théâtre, dans une assemblée politique, en un mot tontes les fois qu’une idée belle ou généreuse, frappant les esprits ou remuant les cœurs, ébranle assez fortement l’âme de chaque membre isolé pour que le consensus résultant de la masse entière soit propagé du centre de la foule à sa périphérie, d’abord par les intelligences, et ensuite par les corps. L’action mystérieuse et réciproque des corps, auxiliaire physiologique de l’éloquence, fut pour beaucoup sans doute dans l’histoire de saint Alipe et dans la catalepsie du médecin ; et néanmoins, tandis que le néophyte cédait à l’irritation nerveuse puisée

(1) Dublin, Vitiveriily magasiue.

dans le cirque et clans la foule par ses oreilles et par ses yeux, le professeur était entraîné au désordre cérébral plulôt par le contre-coup d’une douleur morale assez vive que par le concours des regards haletants de l’auditoire dont sa personne était le but. Mais, nous le répétons, les deux sympathiques phénomènes peuvent se confondre. Ainsi, quand l’enseignement public fut réorganisé sous le Directoire, Bernardin de Saint-Pierre ouvrit un cours de morale à Paris; dès sa première leçon, ¡1 lui arrive de prononcer dans une phrase de son discours d’ouverture, soit à dessein * soit par hasard, un mot oublié depuis longtemps, mais qui signifie beaucoup à toutes les époques, le mot de Dieu : sur-le-champ un mouvement inexprimable circula dans l’auditoire, et le cours fut pour quelques minutes interrompu. Si. de Saint-Pierre, étonné, s’arrête, et laisse tomber des larmes sur son manuscrit; en reprenant la parole, il fut admirable d’éloquence et d'entraînement. Toutefois, si plusieurs centaines d'auditeurs ne s’étaient pas trouvés en contact physique dans le même local, bien que ce fût l’auteur de l'aul et Virginie et des Etudes de la nature qui parlât, et malgré les atteintes morales de la Révolution, qui pouvaient rendre ce vocable si différemment expressif pour chaque membre isolé de la foule, il est douteux que le mot de Dieu, dans un tête à tête, par exemple, eût provoqué un frémissement semblable.

Moïse, étendant les bras sur la montagne durant le combat des Hébreux contre les Amalécitcs, soutient par la magnificence épique de ce geste inspiré le courage dupeuple qui se battait sous ses yeux ; mais, récipro-quemfent, les milliers de regards dardés de la plaiBe

sur le prophète, regards brûlants de foi religieuse et d’ardeur guerrière, soutenaient Moïse de leur irradiation sympathique; et d’ailleurs ce geste convenu, si vraiment magnétique pour la foule, dont il suppléait la prière distraite par la bataille, ce geste n’eût probablement dit que fort peu de chose à l’esprit et au cœur d’un homme des tribus placé hors des cris, du tumulte, de la poussière, des étreintes et de toute la commotion ambiante d’une mêlée, contemplant Moïse de loin, dans un endroit solitaire et avec la rêverie d’une sentinelle perdue. Tant que les mains du prophète restaient levées, Israël était vainqueur : il voyait que sa prière n’était pas interrompue; mais aussitôt que Moïse, fatigué, baissait un peu les mains, Amalec l’emportait; car les tribus faiblissaient avec la prière, dont l’aspiration visible disparaissait à leurs yeux. Aaron et Hur soutinrent les bras du prophète des deux côtés, et Josué enfin demeura maître du terrain. Il n’y a pas, dans toute l’histoire des passions humaines, de fascination en même temps animique et matérielle, procédant de la fièvre imitative, qui soit d’une élévation plus sublime et d’un consensus mieux tranché que cet épisode de la Bible.

Cependant la fièvre imitative, dans ses fascinations purement animiques, est d’un caractère encore plus grandiose, parce qu’elle participe exclusivement du travail de la pensée. Ici, le tout homogène se compose d’éléments immatériels; ici l’homme agit sur l’homme uniquement par la communication de son principe éthéré. Tantôtc’est l’intelligence, tantôtc’est l’amouf. Un voyageur moderne, rencontrant des Bédouins au milieu du désert, s’arrête prudemment à

distance, et leur crie, en les saluant : « Mohammed ! Mohammed'. » A ce cri, les Bédouins s’arrêtent aussi pour répondre : « Napoléon! Napoléon! » Ces deux mots, Mohammed et Napoléon, consacrent une hospitalité réciproque; par l’échange de deux idées qui réveillaient un enthousiasme de même origine, les voyageurs se sont mis en rapport d’imagination et de sentiment; le culte du génie devient leur religion commune : or, dès qu’ils se comprennent par l’âme, ils s’entendent par le cœur ; il n’y a plus d’Arabes, il n’y a plus de Français : un groupe d’hommes s’est arrêté dans le désert; on n’y reconnaîtrait des civilisations opposées qu’à des costumes différents, et tant qu’ils se trouvent réunis sur un même point, la même pensée maintient leur accord.

Ce qui est vrai pour l’intelligence ne l’est pas moins dans la passion. Une charmante idée de Shaks-peare (Richard II) :

• Bctter far off, than near, be never Ihe near :

« Il vaut mieux être loin l’un de l’antre que réunis, pourn’étre jamais plus près de ce qu’on désire. • i

renferme un phénomène mélancolique de fièvre imitative. Si les sympathies en général s’alimentent par le rapprochement physique des personnes qui se correspondent par le cœur ou par la pensée, il est certain qu’elles s’affaiblissent par l’absence en proportion del’éloignement, quand elles ne s’éteignent pas tout à fait. En revanche, plus les personnes correspondantes se rapprochent, plus l’énergie du rapport devient irrésistible. On comprend donc que cette énergie soit un supplice, dès que les derniers obstacles ne

peuvent être franchis. C’est alors que les symptômes de la fièvre imitative envahissent les deux natures faites l’une pour l’autre, mais provisoirement séparées. La fascination dépend-elle de l’amour? Plus les deux organisations séparées se rapprochent, plus elles s’imposent réciproquement leurs goûts et leurs idées, leurs peines et leurs joies. Ce sont deux violons d’un orchestre qui, pour s’accorder, se donnent d’abord réciproquement le la naturel avec une dissonance pins ou moins appréciable, et confondent peu à peu leurs notes dans une môme intonation. A distance, l’imitation ne résultait que du souvenir; de près, elle exploite toutes les affinités possibles. Quand l’échange a complètement lieu, la fièvre imitative cesse par la solidarité ou le mélange des deux natures. Ces amants ne font plus qu'un, dit une expression vulgaire. C’est une admirable hyperbole, aussi vraie en psychologie qu’en morale. Réciproquement, l’absence, par une désunion continue, détruit tôt ou tard cette sympathie particulière qui est plus dans les actions que dans les sentiments, plus dans les faits que dans les paroles. Par exemple, on reste souvent amoureux de l’amour, quand môme depuis longtemps on ne l’était plus de la personne qui l’inspire; les événements ont survécu dans l’imagination, la fièvre imitative les y réchauffe encore. Byron, se trouvant à Ravenne en }:S21, pendant un hiver fort triste qui augmentait naturellement la tristesse morale de sa vie, écrivait dans unçchambre d'hôtel son journal, Je livre de. loch de son existence, comme il l’appelait lui-même, quand il entendit vn orgue de Barbarie jouer une valse dans la rue, isous ses fenêtres. C’était une valse que Byron

avait entepdue jadis à Londres, danslesbals en 1812. Aussitôt il jette la plume, il tombe dans lesirôverios. les larmes lui viennent aux yçux ; il oublie Ravenne. la forêt de pins où César, Boccace et Je Dante.«ni passé; il ne voit plus que.lep brouiUards de laTawisc et les belles années de sa je#flesse. Tout le inonde d’intrigues et d’acclamations, de mécomptes et de flatteries, qui accueillit son début au parlement, lui revient à la mémoire de l’esprit et du cœur., avecje cortège des fugitives amours et des illusions perdues. Ces mots remarquables lui échappent : « La musique est une étrange chose (1) ! »

Ce n’était pas la musique, c’était la fièvre imitative dont le caractère devait lui paraître, réellement étrange. Au reste, cette fascination n’a pas de conducteur plus énergique et plus sûr que la mélodie. Chez Byron, le moi individuel disparaissait; le contre-coup des sons de l’orgue, rapprochant les espaces et comblant la durée, était comme le foyer d’une longue vibration qui successivement ébranlait toutes les fibres du cerveau en y réveillant le souvenir des images, des circonstances et des personnes dont elles étaient naguère émues. Ce n’était plus même un homme, c’était seulement une cantilène qui exerçait l’influence épidémique. Supposez maintenant dans 1a chambre de Ravenne,:une réunion fortuite des amis que Byron fréquentait à Londres, qui s’enivraient avec le poëte dans les tavernes, ou le suivaient.aux orgies de-Neus-teed-Abbey, comme Sheüey et Ilobhouse : la fièvre imitative, communiquée d’abord‘par les tons-«dè l'orgue a«iîerveau plus-délicat ie Byron, s’étendait

(1) Mémoires «ur la fie Je lord Byron.

magnétiquement à tous les témoins de cette réminiscence, devenue contagieuse par la soudaine association de leurs mémoires et l’accord involontaire de leurs sentiments. Car la fièvre imitative peut se restreindre dans un individu , comme se répandre sur une foule entière : dahs le premier cas, elle procède de son origine, de sa cause, de son agent, pour s’arrêter bientôt dans un conducteur unique, et se borner à un seul écho ; mais alors la congestion est terrible, et cette électricité nerveuse, ne s’écoulant pas, menace d’une sorte do rupture tout l’appareil sensorial. Aussi, dit M. de Stendhal avec beaucoup de raison, les r/ens qui ont de l’âme deviendraient fous s'ils étaient toujours seuls (1).

(La suite au prochain numéro.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DU MESMÉRISME.

Séance du 28 mai. — Travaux administratifs. Admission d’un membre stagiaire, M. Marchand.

Séance du A juin. .— Huit personnes se soumettent à la magnétisation, et cinq en éprouvent les effets évidents ::attractionly occlusion palpébrale, secousses, tremblemerits, etci, etc. mi; n

Séance du il juin; —«• M. Farnault est admis membre

(1 ) De l’amour.

stagiaire. Discussions spéciales. Rapport analytique sur VHistoire du somnambulisme.

Séance du 18 juin. — Do trois personnes magnétisées avec succès, une dame Victor, jadis somnambule, présente les effels les plus remarquables. Au bout de quelques minutes de magnétisation, elle se lève et se précipite vers le magnétiseur pour le frapper; celui-ci, ayant évité le coup de poing qu’elle lui destinait, lui paralysa les bras, qui restèrent tendus. Sa fureur augmentant, elle fit, dans cette attitude, plusieurs pirouettes rapides; puis, l’œil fixe et le regard menaçant, elle s’approcha de nouveau du magnétiseur en lui disant : « A nous deux!... » Mais ce dernier, calme et jle sang-froid , épiant tous ses mouvements pour se préserver de ses coups, dirigea l’action magnétique sur les jambes de cette furieuse, qui tomba bientôt pesamment à genoux. Ainsi privée de l’usage de ses membres, elle se mit à cracher sur quiconque l’approchait; mais privée de ce dernier moyen d’agression parla paralysie de la langue, elle fit dès-lors de grands mais inutiles efforts : des cris aigus s’échappèrent seuls de sa bouche écumante. Cette scène dura dix minutes, et, démagnétisée, la patiente se plaignit d’une très-grande fatigue.

Séance du 25 juin. — M. Aubin Gauthier présente cl soutient sa thèse sur le traitement magnétique des maladies de la matrice. Il est admis membre titulaire.

Séance du 2 juillet. — M. Lefeburc lit la relation d’une cure de paralysie rhumatismale.

Séance du 9 juillet. — Admission de M. Beaudoux au nombre des membres stagiaires.

Séance du l(i juillet. — On tente de reproduire les

effets d’attraction et de répulsion annoncés parM. de Robiano. On n’obtient pas le plus faible résultat, quoiqu’avec une boussole de la plus grande sensibilité.

Séance du 23 juillet. — M. Lefcbure, à l’appui d'une cure relatée danà la précédente séance, dépose le certificat suivant :

« Nous soussignés, parents, connaissances ou voisins de madame Riéger, demeurant rue du Battoir-Saint-André, n" 6, déclarons que, depuis neuf mois, elle était uffectéed’un rhumatisme articulaire et d’une goutte sciatique dans les mains, les genoux et les pieds, qui lui occasionnaient des souffrances tellement vives, qu'il lui était impossible de dormir la nuit et île s’occuper d’aucun travail pendant le jour. La moindre marche, la moindre fatigue, augmentaient encore son mal, qui résistait à toute espèce demédi-camentation et lui ôtait ainsi tout espoir de guérir jamais.

« Enfin elle s’est soumise, le 22 juin, à la magnétisation opérée par M. Lefebure, et, dès les premiers jours, elle s’est trouvée considérablement soulagée; elle a pu dormir, marcher, vaquer à ses affaires, et maintenant elle se regarde comme tout à fait guérie. En foi de quoi nous avons signé la présente attestation.

« J. COMMERSON.—MARE3CHAL, D.-M.-P.—MoitlCE.

—Pelougo. — Morel. — Claney.—Chamfin.

—Peoyé.—Riéger.—Vitry.—Lefebure, etc.

• Nous soussignés, nommés par la Société du Mesmérisme pour examiner madame veuve Riéger, ci-dessus désignée, attestons qu’elle était véritable-

ment atteinte de goutte articulaire, avec engorgements et productions tophacées.

« Girollet, Viancin, D.-M.-P. »

VARIÉTÉS.

La petite Gottin ayant recouvré scs propriétés électriques en rentrant dans son genre de vie habituel, voici ce que M. le docteur Verger, qui continue de l’observer, nous écrit à son sujet :

«.....Elle présente toujours les mêmes phénomènes que vous avez vus avec nous, et peut-être à un plus haut degré d’intensité; mais il y a des intermittences, et comme le dégagement du fluide qui produit des effets si extraordinaires n’est point soumis à l’empire de la volonté, il s’ensuit qu’elle rencontre partout des incrédules.

« Le mouvement ondulatoire du bras gauche est passé au droit; c’est à peu près le seul changement dans son état. Elle ne peut tenir assise sans être isolée, ce qu’elle a appris à faire en se posant les pieds sur les barreaux de sa chaise. Voici, au reste, ce que j’ai vu la semaine dernière : Angélique se tenant debout en face de la huche massive que vous connaissez, ou toute autre, à la distance d’un demi-mètre environ, pieds joints et les mains croisées derrière le dos, oa

poso son Uiblier sur le couvercle de ce meuble ; elle reste quelque lemps dans cette position. Si l’effet ne se produit pas, elle attend ou se déplace au gré des assistants. Pour moi, j’attendis au moins dix minutes; elle commençait à désespérer, lorsque, tout à coup, le couvercle lut soulevé très-haut et retomba vivement et avec bruit. Le second mouvement est tellement rapproché du premier qu’il est impossible qu’il n’y ait point attraction, car le couvercle abandonné à lui-même ne tombe ni si fort ni si rapidement.

« M. le docteur Beaumont, de Mortagne, qui l’a vue chez lui dernièrement, m’écrit à ce sujet des choses surprenantes. Mise en contact avec une femme qui avait un torticolis, celle-ci en a été guérie. Et il me promet d’autres renseignements sur l’influence qu’elle aurait exercée à Seez sur une paralytique. Déjà à la Perrière elle a produit des effets sensibles sur diverses personnes, et notamment sur des malades. La médecine pourrait-elle, pur hasard, tirer parti de cette singulière propriété? »

Contracture musculaire. — Action instantanée de ' ta chaleur et du froid pour détruire cet état magnétique. — Pendant le cours de nos travaux à la Société de physiologie expérimentale du Mans, une bougie en igni-tion ayant été placée sous un bras contracturé (cata-leptisé), dans l’intention de savoir si ce membre était encore sensible à 1 action du calorique, nous le vîmes aussitôt s’affaisser, tomber sur la bougie, reprendre sa souplesse ordinaire, et cependant le somnambule ne manifester aucune douleur. Frappés de la singularité de ce résultat, nous répétâmes l’expérience, et,

chaque fois, la contracture fut détruite, môme en plaçant la bougie à 50 centimètres au-dessous du bras. L’application directe d’un corps chaud, celle de la glace ou d’un corps très-froid, produisirent Je môme effet.

Ainsi, la possibilité de faire cesser immédiatement la contracture magnétique par l’action de la chaleur ou du froid est un fait aujourd’hui démontré, dont la découverte appartient à notre Société de physiologie expérimentale, bien qu’un magnétiseur de Paris, auquel un de nos collègues avait eu l’obligeance de le communiquer, ait cherché à se l’approprier dans un écrit publié récemment.

Ce fait, soumis à de nouvelles observations, pourra conduire ultérieurement à des découvertes d’un grand intérêt par l’identité des fluides magnétique, nerveux, calorique, lumineux, électrique, etc., dans lesquels on ne verra peut-être un jour que des modifications d’un môme agent, du puissant moteur de l’univers matériel. Plusieurs expériences des plus célèbres physiciens de notre époque, notamment celles de M. Becquerel, ont déjà mis sur la voie de cette immense découverte.

Lepelletier (de la Sarthe), D.-M.-P.

BIBLIOGRAPHIE.

Des hallucinations, ou Histoire raisomtcc des apparitions, visions,

rouges, extases, somnambulisme, etc., par le docteur Brierrk dk

Boismont. Paris, 1845, 1 vol. in-8°, Ge.rmer-Baillière. Prix : 6 fr.

La bibliothèque d’un magnétiseur ne doit pas seulement se composer d’ouvrages de magnétisme; il lui faut aussi des traités où sont rassemblés, groupés les phénomènes singuliers qui naissent d’aberrations intellectuelles ayant pour cause des désordres physiques ou des déviations des facultés morales. Les divers états magnétiques ou somnambuliques ont plus de points de contact qu’on ne l’imagine avec cette série de phénomènes insolites que, sous différents noms, la médecine étudie depuis si longtemps, et, il faut l’avouer, sans en pénétrer le mystère.

L’auteur de l’ouvrage que nous signalons mérite nos éloges, et on sait que nous n’en sommes point prodigues, parce qu’il ne rejette point, qu’il étudié, commente au contraire le magnétisme et ses effets. U range, il est vrai, les facultés des somnambules au nombre des hallucinations et cherche à les expliquer de la même manière. Son erreur est évidente; il fait de vains efforts pour expliquer ainsi ces phénomènes, dont la cause est autre. Mais c’est un grand pas de fait, et son ouvrage se recommande à la méditation de tous ceux qui étudient le magnétisme.

Le Proprictaire-Gèrant : HÉBERT (de Garuay).

MANUSCRITS DE MESMER.

Notion* élémentaires xur 1» morale, l’éducation et la législation, pour servir à l'instruction publique en France, par F.-A. Mesmer.

§ 3. — Lois.

La société doit ordonner et régler tous les moyens pour la sûreté de ceux qui lui appartiennent.

Les règles que la société ou plutôt les individus en société ont établies et proposées à tous les membres qui la composent pour leur sûreté sont les lois.

Ces lois, qui émanent de la volonté de chaque membre, sont les résultats des conventions réciproques. Ces conventions deviennent ainsi la base de tous les droits et de tous les devoirs ; elles sont, comme toutes les actions humaines, fondées sur l’intérêt personnel.

Cet intérêt peut être mal entendu lorsque la représentation en est confuse ou obscure, soit :

1° Par l’ignorance;

2" Par la dépravation des sens;

3° Par les passions ;

4" Par les mauvaises habitudes.

Les lois sont donc les décisions de la raison et de TOME III. 15 SEPTEMBRE 18/|G. 5

l’expérience sur l’accord des intérêts dans la société pour les opposer aux passions et aux intérêts mal entendus des particuliers.

Les lois qui ont pour objet la sûreté des sociétés entières considérées comme dos membres individuels sont appelées la politique externe.

Les mêmes lois qui règlent les intérêts, les actions et les habitudes de tous les membres qui composent une société sont les lois civiles ou la politique interne.

L’application des lois aux actions est la justice pratiquée par les tribunaux. Elle suppose donc la connaissance exacte des uns et des autres. L’homme qui fait cette application est le juge.

Tout membre dans la société doit être juge de ses propres actions ; par conséquent il faut que les lois soient claires et précises, déterminées, suffisantes et enseignées pour être connues de tous.

Comme cette connaissance peut être susceptible d’imperfection, la société confie le ministère de la justice publique à des membres qu’elle suppose les plus éclairés et les plus sages.

Les lois seraient inutiles si elles n’étaient point exécutées. La réunion do tous les moyens pour le maintien et l'exécution des lois est l’autorité.

L’autorité consiste dans la force et le pouvoir suprême de soumettre tous les membres aux lois. Comme elle n’.est que l'exercice ou la pratique de la législation, elle n’existe, comme les lois, que par la volonté réunie des citoyens.

La loi n’étant point opposée à la liberté, mais en étant plutôt la règle, l’autorité bien entendue ne

peut jamais être regardée comme opposée à la liberté.

Il a été dit que la morale a deux objets : juger les actions humaines et les diriger; le pouvoir est donc léi/islntif. judiciaire et executif.

L’exercice de ce pouvoir est confié à une ou plusieurs personnes médiatement ou immédiatement choisies par le peuple ; c’est ce qu’on appelle gouvernement.

Le bonheur de la société et la félicité de chacun sont fondés sur deux bases inséparables :

1" La suffisance et la perfection des lois;

2' L’autorité.

Dans tous les cas, la perfection de la législation consiste en ce qu’elle soit telle qu’elle contienne également les chefs pour les empêcher d’abuser de la liberté, et enfin que personne n’ait le pouvoir d’être injuste ou d’enfreindre les lois.

Un"peuple est libre lorsqu’il a lo pouvoir de faire lui-même les lois et de déposer les moyens de leur exécution entre les mains des chefs qu’il a choisis; c’est ce qu’on appelle la liberté politique.

La forme] du gouvernement qu’il s’est choisi est la constitution.

(Lo suite prochainement.)

THÉORIES.

FASCINATIONS. —FIÈVRE IMITATIVE.

(Suilc.)

Silvio Pellico, à Venise, s’éprend d’un amour véritable pour Madeleine, femme publique, renfermée sous les mômes verrous, qu’il entendait chanter tout le long du jour avec une voix mélodieuse, et donner des avis pleins de sagesse et de remords à ses compagnes (I). Guidée par la fièvre imitative, exaltée par la solitude, l’imaginalion de Pellico prêtait successivement à la prisonnière les charmes de l’âme et du corps qui s'accordent avec le dessin gracieux d’une mélodie. Ce phénomène curieux de la sensibilité, que M. de Stendhal appelle cristallisation (2), fait comprendre pourquoi les Grecs embrassaient sous le nom général de musique toutes les opérations cérébrales, tous les arts, toutes les productions de l’esprit humain dans lesquelles entrent la mesure et l’harmonie. Ce peuple était trop philosophe pour n’avoir point observé que la musique, ou la succession mesurée, harmonieuse du son, provoquait les affections morales les plus vives, et trop artiste pour ne pas sentir que les cordes de notre âme, répondant au même clavier, vibrent toutes sympathiquement dès qu’une seule a lrémi(-$).

(1) Mes priions.— (J) De l'amour.— (3)Gcorgel, Physiologie du système nerveux.

Mais si la captive de Venise était invisible, Pcllico .lu moins entendait sa voix. Eh bien, la lièvre imitative rapproche encore des natures qui s’ignoraient complètement l’une l’autre, et ce lien mystérieux tient la place du contact le plus élémentaire des sens. Mistress Hutchinson, dans ses Mémoires, raconte comment un jeune homme s'éprit d’amour pour une femme morte, sur la description qu’on lui en lit, devint fou, et mourut lui-même de sa passion. Il ne faut pas oublier que mistress Hutchinson était une austère puritaine, que l’exagération romanesque n’avait aucune prise sur cette âme aussi candide que fière, et que ses Mémoires forment par leur authenticité un monument politique (I). H y a mieux : son mari, sir John Hutchinson, ne l’ayant jamais vue, conçut pour sa future épouse une affection si vive qu’il en tomba malade. Je crois bien qu’un portrait, assez ressemblant Justifiait en partie cette miraculeuse fascination. Quoi qu’il en soit, le portrait, à la rigueur, fournirait une preuve matérielle de l’association d’idées et de sentiments qui peut, en quelque sorte, foudroyer le cerveau sur l’unique révélation de la physionomie. En revanche, il n’est pas rare que l’imagination cherche vainement à reformer en une seule ligure, comme les lambeaux épars et divergents d’un fantôme, des lignes brisées, vagues, et pourtant sympathiques à sa nature, d’un type entrevu, dont il poursuit sans cesse-la réalisation et ne l’atteint jamais. C’est un musicien qui fredonne un motif en esprit, et ne trouve pas cependant dans sa voix les notes qui lui correspondent, et le rendraient à l’instant môme par une mélodie.

(1) Histoire de la Révolution d'Angleterre.

Dès que l’air semble venir à ses lèvres, il y expire. Le compositeur se rappelle bien le sens de la canlilène rêvée; mais l’exécution, les paroles, les signes, les sons lui manquent toujours. Une pareille impuissance est capable de durer toute la vie pour un homme, en amour comme en musique. C’est la plus douloureuse variété du phénomène de la fièvre imitative.

Les fascinations animiques de la fièvre sont nécessairement proportionnées à la force (le 1 imagination qui s’y prête ou qui les subit. Dans sa jeunesse, a vingt ans, Walter Scott passa une nuit dans le magnifique et ancien château baronial de Glammis, demeure héréditaire des comtes de Strathmore.

« Nous avions traversé, dit-il, ce que le sénéchal nommait la chambre iltt roi, appartement voûté, garni de bois de cerfs et d’autres trophées de chasse, et où la tradition a placé la scène du meurtre de Malcom, et j’avais une idée que la chapelle du manoir était dans mon voisinage. En dépit de la vérité de l’histoire, toute la scène nocturne du château de Macbeth se présenta subitement ù mon imagination et la frappa plus vivement que si mémo John Kemble et mistriss Siddons m’en eussent communiqué les terreurs par la poésie de Shakspeare. A cet instant de ma vie, je n’étais ni timide ni superstitieux, et néanmoins ma nuit fut pénible. Mais il se mêlait à mes inquiétudes une sorte de plaisir étrange queje ne saurais décrire, et dont le souvenir m’émeut encore. »

Peut-être devons-nous à celte fascination, issue de Shakspeare, la première idée des compositions les plus romantiques de Walter Scott. Ici, le phénomène était purement intellectuel ; l’accès de fièvre se pas-

sait dans l’esprit du malade; le contact humain avait manqué aux causes prédisposantes, et l’imitation se bornait ù ressusciter la vieille Ecosse autour du poëte.

Un des traits les plus célèbres de l'histoire physiologique de la pensée dans ce môme genre est la double monomanie de Jean-Jacques Rousseau , qui, allant de l’Ermitage à Eaubonne, et d’Eaubonne à l’Ermi-tage, retrouvait alternativement madame d’Houde-tot dans Julie, et Julie dans madame d’Houdetot. Le double résultat de cette fièvre imitative fut la Nouvelle Iféloïse, et le mot affreux du modèle : Jamais homme ne se montra plus aimable; mais c'est M. de Saint-Lambert que j’aime! Ce résultat singulier démontrerait au besoin que la plus passionnée de toutes les âmes ne se partage point, et que si deux types de fascination absorbent en môme temps ses facultés sympathiques, elles devront en définitive refluer toutes du côté où l’assimilation sera plus entière. Quand Jean-Jacques était aux pieds de madame d'Houdctot, vainement ses yeux brillants et ses torrents de larmes servaient-ils de conducteur magnétique aux émanations de sa belle intelligence; la plus grande partie de l’àme de madame d’IIoudetot suivait Saint-Lambert à l’armée, tandis que Julie, déjà confondue avec l’àme du poëte, y restait comme un obstacle fidèle et jaloux. Quand au contraire Jean-Jacques écrivait dans son petit jardin la Nouvelle Ilélo'ise, vainement se rappelait-il madame d’Houdetot; outre que la maîtresse de Saint-Lambert n’était point en esprit avec le romancier, encore Julie y était-elle une et indivisible, aimante et constante. Procédant de l’original à la copie, la fièvre

acceptait réellement Julie pour type et madame d’Hou dctot pour imitation (I).

Si nous rentrons maintenant dans les conditions épidémiques du phénomène, la fascination purement animique déroulera sous nos yeux l’histoire complète •lu progrès des arts. Suivant YVinckelmann, Mengs et Sclrlegel, le génie des grands statuaires de l’antiquité grecque ne nous est parvenu que sous la forme d’excellentes imitations, et les disciples de Praxitèle, de Scopas et de Myron reproduisaient l'œuvre des maîtres au point que tous, inventeurs et copistes, paraissaient jadis égaux et semblent aujourd’hui solidaires en inspiration. 11 n:est pas d’époque, de localité, de génération et de crise qui n’offre, soit dans les beaux-arts, soit en littérature, les mêmes monuments physiologiques de la fièvre. L’émotion n’a pas d’autre origine; le succès n’a pas d’autre véhicule. Qu’il s’agisse de Rousseau ou de Praxitèle, du Mariage de Figaro ou de Paul et Virginie, d’un tableau ou d’un livre, d’un fait ou d’une idée, toute propagation réside dans l’ébranlement sympathique. La fascination opère d’abord, le raisonnement vient ensuito. Il est malheureusement trop certain que la beauté intellectuelle ou morale n’a pas seule des droits à cetto voie de communication.

«Quatre mois après le jugement de Papavoine, assassin de deux enfants, Henriette Cornier coupe la téte d’une petite fille. Pendant l’instruction du procès d llenriette, une servante demande son congé à la mère d’un enfant qu’elle gardait, pour ne point céder à des tentations homicides. Dix jours après lejuge-

(1) Confessioni.

ment d’Henrictte, une veuve, dans une exaltation religieuse, étrangle sa fille unique pendant qu’elle dormait. Un mois après le jugement d’Henrietlc, le docteur Esquirol est consulté par un mari qui éprouvait le désir de tuer sa femme, consulté par une femme que poursuit l’idée de tuer un de ses enfants, consulté par une autre femme qui se croit destinée à tuer son mari ou son petit- fils. A la môme époque, le docteur Serres est appelé près d’une femme qui, depuis la lecture du procès d’IIenriette, ressent une violente envie de tuer sa fille. A la même époque, une mère de cinq enfants confie au docteur Georget que sa petite famille lui devient odieuse et qu’elle craint de sinistres inspirations. Enfin, deux mois après lejuge-ment d’Henriette, M. Barbier (d’Amiens) lit à l’Aca— démie de médecine l’histoire d’une femme qui, ayant entendu raconter l’affaire Cornier, avait aussitôt conçu le projet de tuer son enfant. Deux fois elle s’y prépare, deux fois sa main s’y refuse; cette malheureuse mère n’échappe à la troisième tentation qu’en criant, de toutes ses forces : « Au secours! au feu! » On lui arrache le fer, elle se rend d’elle-même à l'hôpital,etc.» (M. le Maout. )

Voilà donc la fièvre imitative, par l’énergie seule de la pensée, qui propage le laid comme le beau, le crime aussi bien que la vertu, la mort en môme temps que la vie. C’est dans les archives des superstitions humaines, mais surtout dans les croyances démonologiques, qu’il faut en rechercher les plus brutales épidémies. La Nouvelle-Angleterre (Etats-Unis d’Amérique) fut peuplée, vers le milieu du dix-septième siècle, par des émigrants mécontents du gouvernement

civil et religieux de Charles Ipr, avant la grande guerre du roi et des parlements. Alors la colonie ne sc composait que du Vermont, du Massaehusets, du Maine, du New-IIampshire, de tthode-lsland et du Connecticut. Les riches colons étaient presbytériens et calvinistes; les pauvres, moins nombreux, étaient quakers, anabaptistes, ou membres des autres sectes comprises sous la dénomination générale d'indépendants. Les calvinistes y portèrent d Europe le même zèle religieux, la môme stricte morale dont ils laissaient des empreintes si profondes sur le vieux continent, mais aussi le même penchant au merveilleux, la môme exagération dans leurs idées transmondaines. Un pays vierge, des forêts inaccessibles et le contact de la vie sauvage accrurent encore ces dispositions aux pratiques surnaturelles. Une contagion de sorcellerie éclata bientôt par le supplice d’une vieille Irlandaise, qui fut brûlée comme épouse du démon, et, à partir de ce bûcher, les colons restèrent persuadés à tel point de la multiplication indéfinie des sorciers, qu’un chien même fut pendu, sous prétexte de connivence avec un enchanteur. « A la fin, dit naïvement un historien anglais (I), l’expérience prouva que plus on arrêtait de sorciers, plus les persécutions du diableaugmentaient. Le nombre des aveux redoublait avec le chiffre progressif des suppliciés.... On vit qu’il fallait s’arrêter, ou que la peine capitale frapperait la génération entière du royaume de Dieu. » C’est à la suite de ces meurtres légaux que les Indiens, stupéfaits de la bêtise des émigrants, inclinèrent pour les Français du Canada,

(1) Malhcr, Magnasia christi americana.

parmi lesquels le Grand-Esprit, murmuraient les chefs sauvages, n envoyait pas de sorciers (1).

La fascination animique marqua son passage en France par trois grandes aberrations mentales, par trois classes de sympathies dont les origines furent distinctes, mais les résultats identiques : les Possédés de Loudun, les Trembleurs des Cévennes et les Convulsionnâmes de Saint-Médard. L’histoire d’Urbain Grandier est trop connue, surtout par l’admirable roman de M. Alfred de Vigny, pour la répéter ici. Jamais la fièvre imitative ne révéla une force de propagation plus terrible que l’épidémie de possession dont les religieuses de Loudun furent atteintes. Après la révocation de l'édit de Nantes, les protestants de F rance se trouvèrent en butte, principalement dans les campagnes, à tout l’acharnement de la persécution religieuse provoquée par les jésuites et par madame de Maintenon ; mais les Trembleurs des Cévennes, comme les Méthodistes, tombaient en crise à la suite de réunions fanatiques où le plus habile prêchait les moins fervents : leur fièvre rentrait nécessairement dans la catégorie des fascinations matérielles, et l’irradiation physique se joignait à l’impulsion matérielle. Quant à l’épidémie de Saint-Médard, tout le monde sait qu’elle prit naissance autour du tombeau du diacre Pàris, que les jansénistes appelants de la bulle Unigenitus révéraient comme un saint, parce qu’il avait partagé leurs opinions théologiques. En premier lieu, cette fascination était matérielle; on se rassemblait autour du tombeau du diacre, dans le cimetière de Saint-Médard; on s’exaltait par le contact, par des récits,

(1) Demonolugy (Waller Scoll).

par des prières, par la mélancolie du séjour et par les malheurs du jansénisme. Bientôt des convulsion?, éclatèrent, la contagion sc déclara. Le cimetière fut fermé et la fascination matérielle interrompue; mais l’épidémie, ne se propageant plus dans les corps, régnait toutefois dans lésâmes. La fascination animique, débordant au sein de Paris, y répandit, pendant plus de trente années, le goût des convulsions et des transports qui accompagnent l'extase. Vers la lin du dix-huitième siècle, cette contagion se perdit dans le magnétisme animal.

Les doctrines de Mesmer durent aussi une partie deleurvogueàlapuissancede la fascination matérielle qui se développait autour du baquet de la place Vendôme et sous l’arbre do M. de Puységur, à Busancy. La fièvre imitative favorisait naturellement le parcours du fluide magnétique, dont sansdouteellen’est qu’une modification remarquable. François de INeufcliâteau, étant procureur général à Saint-Domingue, en 1786, fut obligé de rendre un arrêt qui défendait aux noirs, sous peine des galères, de pratiquer le bila : c’était le nom qu’ils avaient donné aux phénomènes magnétiques, et, grâce à la fièvre imitative, toute la population nègre tombait successivement en crise.

Quant au suicide, fascination tan tôt animique, tantôt matérielle,dontune recrudescence signale maintenant notre époque, elle se rattache par des liens trop intimes à ce phénomène du système nerveux pour que sa propriété contagieuse suit même l’objet d’un débat.

« — On trouve tous les jours, dit madame Dunoyer dans ses Lettres, des personnes noyées dans la Tamise avec leurs poches pleines de plomb, afin d’atteindre

plus sûrement le fond du lit du fleuve. On apprend aux enlanls, dans les écoles, ù composer une harangue pour être récitée sur les échafauds ou au gibet; car ils sont tous préparés ù y monter et y montent sans peine, quand les crimes privés ou les révolutions de

* Etal les y conduisent, et c’est là qu’ils brillent ! La mort du duc de Montmouth n’édifia pas lo public parce qu’il n’y fut pas éloquent. Outre ces occasions de perdre la vie, ils en cherchent d’autres; car, dans la débauche, on fait partie de se battre pour une bouteille de vin, tout comme on ferait partie de la jouer ailleurs. Le gladiateur qui tue son compagnon est pendu s’il le tue sur le théâtre; ce qui fait que, dès qu il le croit blessé à mort, il lui donne un coup de pied et le jette en bas de la scène; et, pourvu qu’il meure à terre, il n’en est pas parlé. On voit là des hommes tout criblés de coups et couverts de sang, et lorsque ces malheureux s’arrêtent un moment pour reprendre haleine, le peuple leur crie : play! play! (jouez ! jouez!) Un jour que Charles II assistait à ce spectacle, un gladiateur, aprèsavoir eu la précaution de demander sa grâce, dit à son compagnon : Prends garde à ta tète! et la lui abattit d’un seul coup. Quand on pend, dans ce pays-là, ce n’est jamais pour un seul; ils vont en bandeau supplice, et chacun des criminels prie ses parents et ses amis, comme pour des noces, et les régale de son mieux. Tous les conviés le suivent à Tyburn; ils ont chacun un ruban à leur chapeau, de la couleur de celui du palient, et des gants blancs qu’il leur donne aussi. Il y en a qui ont la permission d’y aller en carrosse; et, quand ils doivent être enterrés, ils portent leur cercueil derrière le

dos, en guise de valise ; les autres sont pêle-mêle dans la charrette. Avant l’exécution, chacun boit avec ses amis; et, après avoir harangué l’assemblée et s’être bien embrassés, les criminels se laissent pendre, et leurs amis regardent tranquillement. Les femmes y accompagnent leurs maris, et leur rendent même les derniers devoirs, qui est de les tirer par les pieds, etc.»

Cet extrait curieux d’un pamphlet historique prouve à quel point la fièvre imitative se fait une arme du plus grand mystère de ce monde. La fascination de la mort n’est pas toujours volontaire, et fort heureusement, mais elle est toujours épidémique. Ici, la fièvre imitative renferme un secret calcul de la Providence. Quand l’homme parcourt d’une façon normale sa destinée complète sur la terre, autant il est ambitieux de la vie en s'élevant du berceau, autant il est désireux de la mort en s’inclinant vers le tombeau. Rappelons-nous ces heureuses phrases de M. de Chateaubriand :

« Le repos est la partie essentielle du bonheur. C’est le but vers lequel nous tendons sans cesse. On travaille pour se reposer; on marche pour goûter on sommeil plus doux ; on pense pour délasser ensuite sa pensée; un ami repose son cœur dans le cœur d’un ami ; l’amour a placé de même le comble de ses voluptés dans le repos; enfin, le malheureux qui a perdu la tranquillité sur la terre aspire encore à celle de la tombe, et la nature a élevé l’idée de la mort à l’extrémité des chagrins, comme Hercule ses colonnes au bout du monde. « (Essai sur les Révolutions.)

Et, ajouterons-nous, comme la mort n’est que le repos éternel, elle doit être pour la vie entière ce que

le repos ordinaire est pour chacune do ses fonctions. La véritable mort, la mort à terme, vient toujours comme un bienfait : pourquoi donc sa fascination ne serait-elle pas quelquefois contagieuse? Dans les affections chroniques, dans certaines maludies aiguës, dans la gangrène et la congélation, la mort n’est pas seulement un sommeil, elle est aussi une volupté. On a vu des hommes surpris par le froid demander en grâce qu’on ne les délivrât pas d’une mort délicieuse. Pour les hommes profondément religieux, la mort ne sera jamais une peine, et souvent elle est une extase. On comprend que les chrétiens de la primitive Eglise, précipités dans le cirque et livrés aux bétes, ou célébrant leurs mystères divins dans des catacombes mal éclairées, sur les cadavres mêmes de leurs frères et de leurs martyrs, avec toute l’exaltation physique et morale qui résultait de cette population souterraine agglomérée sous des cryptes fétides, des hymnes psalmodiées dans l’ombre, de l’encens brûlé par de» enfants et des jeunes filles, et des persécutions évitées à l’abri des sépulcres; on comprend, disons-nous, qu’ils aient fait de la dernière heure un objet de désir glorieux et servilement recherché la contagion du trépas. Ainsi, la fièvre imitative s’est associée, comme fascination animique et matérielle, aux plus sublimes sympathies de la civilisation moderne. Et de même, dans les temps profanes, quand les Césars et le peuple romain, échauffés par l’odeur du sang et le contact de la foule et les rayons du soleil, mettaient successivement aux prises avec les tigres de l’arène les gladiateurs, les chevaliers et les femmes aussi, quand d’ailleurs ces victimes descendaient avec joie, et

comme dans l’ivresse, des gradins du spectateur au rôle de proie vivante, on comprend encore que cet abus de la vie ou ce jeu de la mort ait de plus en plus propagé sa démence au sein d’une nation polie, et qu'il se soit rencontré un témoin spirituel, un poêle aimable, un contemporain indulgent pour dire à la postérité en beaux vers :

Belliger invictis quod Murs tibi sœvilin armis,

Non salis est, Cœsar : servit etipsa Venus!

Lors môme que la fascination delà mort n’est point soutenue par l’exaltation religieuse, elle garde un caractère épidémique; mais la fièvre imitative participe toujours de l’âme et du corps. Sous le roi d’Espagne Charles III, on avait transporté des habitants de la Suisse dans les gorges de la Sierra-Morena, d’un climat humide et froid sous un ciel sec et ardent. Des maladies vinrent décimer les colons; et ce qui augmentait l'épidémie, c’était le son des cloches, annonçant le départ de chacun des morts aux vivants. Don Pablo Olivadès, corrégidor de Séville, proscrivit la sonnerie, et les maladies s’affaiblirent parce que la contagion cessa. Nous n’aurions pas cité ce fait obscur, si le saint-office ne l’avait pas illustré en condamnant au san benito le sacrilège proscripteur des cloches (I). La pratique médicale est riche d’ailleurs en phénomènes nerveux du même ordre. » Dans mon voisinage, dit Franck (2), régnait, il y a quelques années, une fièvre puerpérale maligne qui emporta un grand

(11 Diderot, Notice lur don Pablo. — (S) Célèbre midccin ollcmaud cité par Dcleuze.

nombre de femmes en couches. Il ne se passait point de jour sans que les cloches n’annonçassent la mort île plusieurs accouchées. On croira difficilement à quel point la terreur se répandait parmi les femmes enceintes, et cela d’autant plus qu’elles approchaient du terme de leur grossesse; la moindre indisposition d’une accouchée, dès que résonnaient les cloches, prenait sur-le-champ un caractère grave. Alors la malade prédisait elle-même sa fin prochaine, quoiqu'il existât à peine une maladie, et rarement elle se trompait. » Les officiers supérieurs des Suisses qui servent en pays étrangers se sont vus dans la nécessité de proscrire, surtout quand leurs hommes étaient réunis, les airs nationaux, et notamment le Hanz des vaches, dont la mélodie rappelait aux soldats leurs montagnes, leurs parents et leurs foyers au point de rendre la désertion irrésistible (1). Mais, de ce qui précède, on ne doit pas induire que la fascination de la mort est égale pour les deux sexes. Il est évident qu’une organisation plus délicate entraîne une sensibilité plus exquise. D'ailleurs le caractère particulier d’une lièvre imitative n’entre pour aucune valeur dans la distribution de ses effets, et l’inégalité ne résulte pas du genre de la sympathie, mais des circonstances qui ont provoqué la fascination. Ainsi le contraste des idées funèbres que le fait de la mort implique et des riants tableaux que la vue de la femme réveille, de l'instinct destructeur si propre à notre espèce et du besoin réparateur si général dans la sienne, de la laideur, jamais étrangère à la pensée du néant, et de la beauté toujours présente dans faction de la vie,

(I) Moutlosicr, Mystères de la vie humaine. Georget, Physiotugie.

ce contraste est absolument dédaigné, souvent même pris à rebours par la nature dans les phénomènes de la fièvre qui se rattachent au suicide et à toutes les aberrations meurtrières. On dirait qu’elle se plaît dans un effroyable chaos. Alors, peu lui importe que les harmonies apparentes, celles que nous prétendons connaître, soient manifestement gâtées, pourvu que les harmonies secrètes, celles que probablement nous ne connaîtrons pas de sitôt, gardent en même temps et leurs privilèges, et leur mesure, et leur cours. Il y a, sous ce rapport, des ruptures d’équilibre dont la raison nous échappe, mais que la Providence ordonne. Faut-il même le dire? fascination de la mort et organisation de la femme se rapprochent parfois d’assez près pour se confondre.

Diderot, en face d’un renversement si étrange des lois naturelles, s’écrie avec plus d’esprit que de profondeur :

« Les femmes sont sujettes à une férocité épidémique : l’exemple d’une seule en entraîne une multitude. Il n’y a que la première qui soit criminelle ; les autres sont malades. O femmes ! vous êtes des enfants bien extraordinaires! »

Elles ne sont pas plus malades que criminelles; mais elles sont, comme dans toutes les variétés du somnambulisme, passagèrement investies d'un certain souffle, d’une sorte de vibration particulière, en un mot, d’un fluide nerveux, magnétique ou autre, qui agit sur l’âme comme la main sur une lyre, en ébranlant une, deux ou plusieurs cordes à la fois; et la fièvre imitative, sympathisant avec la mort, parait être la plus basse de ces cordes. Ce qui le prouve,

c’est que leur fascination se dissipe aussi promptement qu’elle s’est montrée. Tant de rapidité dans la formation et dans la disparition d’un phénomène si subversif de leur nature dénonce l’existence d’un principe caché, de ressorts inconnus, de fonctions providentielles que les recherches seules du magnétisme, à notre avis, peuvent quelque jour atteindre.

« I.e célèbre médecin Silva, se trouvant à Bordeaux, fut consulté par les plus jolies femmes de la ville, qui venaient à lui processionnellement se plaindre de maux de nerfs. Silva ne répondit rien et ne prescrivit aucun remède. Pressé longtemps de s’expliquer, il dit enfin d’un ton d’oracle : « Ce ne sont pas des maux de nerfs, c’est le mal caduc! » Le lendemain, il n’v eut plus dans Bordeaux une seule femme qui eût mal

aux nerfs (1). »

. Une épidémie de suicide poussait les filles de l’île de Milet à se pendre. Les magistrats ordonnèrent que toutes les femmes que l'on trouverait pendues seraient, après leur mort, exposées dans un état do nudité complétera corde au cou, aux veux de tout le monde. La contagion cessa à l’instant (2). »

« A l’hôpital de Haarlem, des convulsions se propageaient à toutes les femmes de la clinique de Boer-haave. Le savant docteur fait dresser des réchauds qu’on emplit d’une braise ardente et rougir des fers à cautérisation qu’il brandit aux regards des convulsionnâmes. La peur d’une brûlure arrêta sur-le-champ

le cours de l’épidémie (3). »

La vanité, la pudeur et la crainte seraient-elles,

(1) Grlmm, Correspond, - (2) Plutarque-IIecqucl. - (3) Bocrl.aaye, lnrpelum faciens.

chacune pour sa part, la cause unique, parmi les femmes, de la fièvre imitative? Nous ne le pensons pas. De si frivoles origines conviennent peu à de si grands effets. Des phénomènes terribles dans leurs développements et illimités dans leur extension supposent trop d’importance dans leurs résultats pour que la nature n’en ait point mis dans leur principe. Ce serait se moquer de la Providence que de croire qu’elle inspire contagicusement aux femmes le goût de la douleur et le besoin de la mort, dans le seul but de rendre ces créatures privilégiées moins vaines, moins hardies ou moins peureuses. Admettons plutôt jusqu’à plus ample informé, que la vanité, la pudeur et la crainte sont, dans l’histoire psychologique de notre race, ou des passions primitives dégénérées, ou des passions futures naissantes, retardées dans leur dépérissement ou poussées dans leur croissance avec une égale tendresse par la nature, attendant sans trop d'humilité ou d’orgueil qu’elles s’effacent tout à fait ou qu’elles dominent entièrement au milieu d’une civilisation nouvelle, mais révoltées de temps en temps, soit d'aventure, soit à dessein, par leurs regrets ou par leurs espérances, contre le niveau social de l'homme actuel qui ne sait pas plus ce qu’elles ont été que ce qu’elles seront. (Fourier.)

André Delrieu.

(Extrait du Commerce.)

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CLINIQUE MAGNÉTIQUE..

Catalepsie. — lin soir du mois de juillet 1833, je fus appelé chez un de mes clients, le sieur M..., pour donner des soins à un jeune apprenti qui venait d’éprouver une violente attaque de nerfs. Ne me trouvant pas chez moi dans le moment, on courut chez un pharmacien du voisinage, qui s’empressa de se rendre près du malade et essaya de lui administrer une potion calmante. J’arrivai pendant que la crise durait encore, quoique plus faiblement. Je trouvai un jeune enfant de douze à treize ans étendu par terre sur un matelas et dans un état d’immobilité cataleptique. J'appris que cet enfant, fort précoce en intelligence et en vivacité de passion, avait été toute la journée en butte aux plaisanteries des ouvriers à 1 occasion de l’enipressemenfqu’il témoignait auprès d’une polisseuse (c’était un atelier de bijouterie) plus âgée que lui et qui semblait prendre plaisir à le tourmenter. Un attribuait à celle circonstance l’état vraiment alar niant dans lequel se trouvait ce quasi-adolescent, et cela était en clTet fort probable. J’eus 1 idée de magnétiser ce jeune homme(l);je le fis tomber en somnambulisme avec la plus grande facilité, au grand étonne-

(1) Il est à remarquer que jamais le magnétisme ne m'a mieux rénssi que lorsque l’idée de l'employer m’est Tenue spontanément et pour ainsi dire

comme U’iuspiration.

ment des assistants, qui ne comprenaient point que l’on put causer aussi facilement en dormant. En effet, mon jeune homme me détailla le plus franchement du monde et le plus minutieusement la cause de son accident, qui était bien telle en effet qu’on l’avait supposée, interrogé sur les moyens propres à empêcher le retour de ses crises nerveuses, il me dit qu'il fallait que je le saignasse copieusement. L’état cataleptique ayant cessé presque aussitôt que le malade eut ressenti l’effet du magnétisme, je l’éveillai, et nous pûmes voir qu’il avait repris toute sa connaissance ; mais lorsqu’il fut question de le saigner, ce ne fut pas une petite affaire; le jeune homme se prit à pleurer, protestant contre sa propre ordonnance, et témoignant du mieux qu’il pouvait de son aversion pour une opération avec laquelle il ne se souciait point de faire connaissance. Cependant je le saignai, mais très-mo-dérément à cause de son âge et de sa faible com-plexion. La nuit se passa fort bonne; mais, vers le matin, les événements de la journée se retraçant fortement à son imagination, par suite de la maladresse d’une vieille femme qui ne cessa’ de l’en entretenir pour lui faire des remontrances, notre jeune homme éprouva une nouvelle crise nerveuse qui pourtant fut plus faible que la précédente. Lorsque je le revis il avait toute sa connaissance; je le magnétisai de nouveau et l'endormis avec la même facilité que la veille. Alors il me dit que je n’avais pas fait la saignée assez forte, et qu’il fallait recommencer. Éveillé, ce fut un nouveau combat au sujet de la malencontreuse saignée, à laquelle décidément il ne prenait point goût. Il la supporta cependant très-bien, et n’eut plus depuis,

li,3

du moins à ma connaissance, aucune atteinte du mal dont il s’était lui-même débarrassé.

Cette observation est fort curieuse en ce qu’elle offre la singularité d’un malade qui seprescrit, parce qu’il a la conscience du bien que cela peut lui faire, un moyen pour lequel il éprouve, étant éveillé, la plus grande répugnance. J'ai eu l’occasion do voir plusieurs cas semblables dans ma pratique, et cependant j’ai bien moins souvent l’occasion qu’un autre de faire des expériences magnétiques, car ce n’est que de loin en loin et par occasion toute spéciale que je mets ce môyen en pratique.

Docteur Besuchet.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ PHIfcANTROPICO-MAGNÉTIQUE.

Séance du 27 avril. — Huit personnes demandent à être magnétisées, et toutes éprouvent des effets physiologiques très-apparents, mais aucune le sommeil magnétique proprement dit.

Séance du 13 mai. — M. Pichard ouvre la séance par la lecture d’un petit discours plein de verve et d’aperçus lumineux sur le magnétisme, dont il conseille l’étude physiologique et thérapeutique aux assistants.

Différents effets apparaissent à la suite de la ma-

gnétisation d’individus forts et bien portants, expériences tendant à démontrer qu’ils sont aussi facilement magnétisables que les faibles et malades. Entr’autres effets un bien rare se présente : la non contracture des muscles des mains, tandis que les bras et les avant-bras sont dans un état d'extrême roideur tétanique.

Séance du 27 mai. — MM. Boustan, Millet, Simon, présentent différents sujets déjà magnétisés, sur lesquels on tente des expériences qui réussissent géné-lement.

Séance du 3 juin. — M. Hébert relate une guérison d’ischurie obtenue en quelques minutes par l’application de la main sur l’hypogastre.

Ensuite s’engage une vive discussion sur les Nouveaux médicaments homeeopathiques, opuscule de M.Gréa.

L’auteur, au lieu de se conformer à l’usage haline-manien, l’expérience sur un individu en santé, a procédé par voie d'investigation somnambulique, c’est-à-dire qu’il s’est fait indiquer par des somnambules les vertus homeeopathiques d’agents inexplorés.

Cette innovation compromet gravement la loi fon-mentale de la thérapeutique halinemanienne : l’expé-riencepure. Cette application du somnambulisme n’est pas moins dangereuse pour le magnétisme, en cequ’elle crée des somnambules systématiques; or, comme en médecine seulement les systèmes sont nombreux,on aurait bientôt des somnambules allopathistes, homœopa-thistes, organicistes, solidistes,humoristes,vitalistes, matérialistes, animistes, spirilualistes, etc., etc., c’est-à-dire qu’il n’y aurait plus de somnambules vraiment dignes de ce nom, parce que tous seraient l’écho des

idées, le réflecteur des pensées «le leurs magnétiseurs, comme cela a déjà lieu en religion, où l’on a des somnambules catholiques, protestants, juifs, maho-métans, etc., etc.....

Pour terminer disons qu'au nombre de ces nouveaux médicaments il y en a de vraiment tout à fait nouvea>icr.

les poux, les punaises, et, cc qui est pire, le s.....

humain ! Qui osera conseiller et qui voudra prendre pareils remèdes? Plusieurs membres pensent que ce livre sera funeste aux deux sciences que son auteur a voulu étendre.

Séance du 17 juin. — Lecture de plusieurs relations cliniques. M. Delacourt cite un trait de lucidité som-nambuliquo ayant trait à de l’argenterie et à diverses pièces de monnaie cachées dans la terre.

Séance du 2\ juin. — Magnétisation de cinq personnes, dont trois éprouvent divers effets physiologiques et une le sommeil somnambulique, l’insensibilité, etc.

Séance du \"r juillet. — Réception d’un membre correspondant, M. Clapier; admission de deux membres titulaires, MM. Derrien et Smith.

Séance du 8 juillet. — Expériences diverses sur le somnambule Charles et quelques autres personnes sans beuucoup de succès.

Scance du 11 juillet. — Réception de trois membres, MM. Thuillier, Dumont et Morot.

Séance du 22juillet. — Cette séance est une des plus complètes de l’année. On y avait réuni beaucoup de inonde à cause de la présence de deux médecins étrangers qu’on désirait convaincre, MM. les docteurs Fossati, président de la Société phrénologique, et Jéno, médecin particulier de S. A. R. le prince de

Salernc. Le grand nombre d’expériences tentées ont toutes été bien conduites: attraction, lucidité, vue à distance, tétanos, catalepsie, perversion de la sensibilité, hallucination et insensibilité étaient des phénomènes plus que suffisants pour établir l’évidence delà découverte de Mesmer : aussi les docteurs italiens ont-ils déclaré leur conviction entière, et promis de continuer l’étude d’une science qui se présente à eux si brillante.

Séa/ice du 12 août. — Magnétisations infructueuses sur quatre personnes. Attraction et obéissance au commandement mental sur une autre; enfin somnambulisme lucide, avec transposition du sens de la vue à l’extrémité des doigts.

VARIÉTÉS.

Le magnétisme à Lyon. — Le magnétisme, comme toutes les sciences nouvelles, comme toutes les vérités qui apparaissent pour la première fois, a été en butte à la coalition de l’ignorance et de l’intérêt. Il est dur, en effet, pour des hommes que la science compte au nombre de ses membres les plus haut placés, d’avouer qu’ils ignorent quelque chose. Il est plus commode, plus profitable surtout à l’amour-pro-pre, de nier une vérité révélée par des hommes nouveaux, que de venir humblement confesser la supériorité de ces hommes, qui viennent quelquefois, sans

diplôme et sans patente, sauver l’humanité de l'erreur et accélérer sa marche dans la route du progrès. Peu ont la modestie de ce philosophe disant: Que sais-je'/ et de cet autre proclamant: Ce que je. sais, c’est que je ne sais rien. Les doctes Facultés où l’on vend la science jetteraient les hauts cris si un de leurs professeurs se permettait de semblables naïvetés. Quant à l’intérêt, on conçoit qu’on tienne à l’état qui nous fait vivre, et si demain un législateur trouvait le secret, réduisant la jurisprudence à sa plus simple expression, d’anéantir les procès; magistrats, avocats, avoués, huissiers, voire même libraires-éditeurs de livres de droit, se coaliseraient pour envoyer aux gémonies, comme rêveur et perturbateur de l’ordre social, le malencontreux Lycurgue.

Ainsi a été fait de Mesmer et de ses disciples. Assujettir la médecine à la connaissance d’un agent tout-puissant qui pourrait guérir sans drogues; qui, endormant la sensibilité, permettrait à la chirurgie d’opérer simplement et à moins haut prix; soumettre la philosophie au contact de ce pouvoir supérieur qui renverse les systèmes d’une psychologie athée; donner à la religion une base en dehors du catéchisme approuvé par monseigneur, c’était une œuvre immense, et le siècle qui écoutait avec orgueil la parole émancipatrice du sceptique Voltairen’était pas encore assez mûr pour comprendre le magnétisme. Cependant tout nous prouve que le magnétisme fut connu de l’antiquité, et que l’initiation des mystères n’y était pas étrangère.

Mais la vérité finit par triompher ; et, de nos jours, un homme de cœur, M. le baron du Potet, s’est con-

l/,8

stitué l’apôtre du magnétisme. Les nombreux ouvrages de cet écrivain prouvent à la lois son zèle et son devoir. Dévoré de cc feu divin qui anime les âmes d’élite, il a jugé insuffisants les travaux du cabinet, et, laissant de côté toute fausse honte, il s’est l'air. missionnaire et voyageur, suivant en cela le précepte évangélique que Dieu adresse à tous les hommes convaincus : Aile: et instruises les nations.

Depuis longtemps les partisans du magnétisme à Lyon espéraient jouir de la présence du M. du Potet. Cette espérance s'est réalisée, et le 13 août dernier il a donné, dans la salle de l’hôtel du Nord, une séance publique d’exposition du magnétisme. Une société brillante et nombrense a répondu à cet appel ; malheureusement la chaleur a été telle que force a été d’interrompre la séance au bout d’uno heure; mais pendant ce court espace de temps, M. du Potet a su convaincre et captiver ses auditeurs. Nous pouvons citer celte séance comme un triomphe pour la cause magnétique, et nous pensons que M. du Potet accomplira sa tâche en constituant dans cette ville une société mesmérienne.

En attendant la réalisation de cette œuvre importante pour l’avenir du magnétisme, M. Du Polet a ouvert, à l’hôtel de Provence, un cours de Leçons élémentaires du magnétisme, dont nous espérons pouvoir donner un résumé dans un prochain numéro.

(Tribune Lyonnaise.)

Nouvelles. — La petite Cottin vient de revenir à Paris, mandée cette fois par l’Académie, qui va enfin . l’examiner sérieusement.

— On annonce la création prochaine d’un hôpital magnétique à Londres; il serait principalement consacré aux opérations chirurgicales en état d'insensibilité.

— Nos conférences du dimanche, suspendues à cause de l’absence de M. du Potet, recommenceront le 27 de ce mois, à une heure précise, et se continueront comme précédemment.

Revue des journaux. — Le Constitutionnel du 2 de ce mois, à propos des incendies qui désolent la Bourgogne, fait, sur la fièvre imitative, des rapprochements curieux qui corroborent l’article que nous publions sur ce sujet.

L'hostilité du Courrier de Lyon a beaucoup diminué en face des démonstrations de M. du Potet; le rédacteur, entourant son récit de ménagements, fmitcepen-dant par dire ce qu’il a vu et paraît convaincu.

La Berne des Deux-Mondes du 15 juillet contient un article sur Jeanne d’Arc, considérée comme inspirée.

La Presse continue la publication des Mémoires d'un médecin, feuilleton où les scènes magnétiques abondent et dont Cagliostro est le héros. Nous en ferons l’analyse.

BIBLIOGRAPHIE.

Essai sur le magnétisme vital, par M. Pli. Hedde, membre de plusieurs sociétés savantes. St-Elienne, 1816. Fris : 75 c.

Chaque croyant nouveau apportant son offrande sur l’autel de la vérité, on voit apparaître de toutes

parts ou des faits ou des livres qui popularisent nos croyances. L’opuscule de M. Iledde, contenant des notions élémentaires de magnétisme, s’adresse spécialement aux classes laborieuses de sa cité industrieuse. Les magnétiseurs y trouveront aussi quelques remarques judicieuses sur l'accord de la science et de la religion. Voici comment l'auteur rapporte sa conversion :

« Le hasard voulut que, par simple curiosité, je pratiquasse le magnétisme ; la personne qui s’y soumit n’était autre que mon frère (aujourd’huiattaché àl'ambassade de Chine en qualité de délégué commercial), qui n’en connaissait nullement les effets. Quel fut mon étonnement, lorsqu’au bout de quelques minutes je produisis le sommeil magnétique et les phénomènes du somnambulisme.

« Ce fut là mon premier essai et mon premier pas dans la route du magnétisme ; dès lors je commençai à comprendre que cette science si vantée par les uns, si décriée par les autres, pouvait bien exister, et que le magnétisme enfin n’était pas une chimère; je résolus dès lors de continuer mes recherches et mes expériences dans le dessein de m’éclairer sur la cause des phénomènes que je venais d’observer, et ce n’est qu’après quinze années d’études, d’essais et d’observations que je suis enfin parvenu à fixer mes idées, à asseoir mes opinions sur le magnétisme.

« J’avais souvent entendu dire que les facultés qui se développent chez les somnambules magnétiques avaient beaucoup d’analogie avec celles qui existent chez les noctambules ou somnambules naturels. Curieux de vérifier la vérité de ces assertions, j’ai essayé la pratique du

magnétisme sur «les noctambules ; les résultats que j’ai obtenus ont dépassé mes espérances. Parmi les expériences de ce genre que j’ai faites, voici la plus remarquable :

« Mllc Henriette F*", ourdisseuse chez M. ***, fabricant de rubans à Saint-Elienne, âgée de vingt ans, douée d’un tempérament lymphatique nerveux et somnambule naturelle, a été magnétisée vers la fin de l'année 1844.

« A peine soumise pendant une minute à la méthode ordinairedemagnjitisation, cette personne, que j’avais eu le soin d’isoler au moyen de verres, était complètement endormie et répondait à toutes les questions que je lui adressais, n’entendant en aucune manière les autres personnes de la société qui lui adressaient la parole ni lo bruit que l’on faisait autour d’elle.

« Quelqu’un m’avant piqué légèrement avec une aiguille, au môme instant la somnambule releva avec anxiété et comme avec l’effroi de la douleur, qui se peignit alors sur sa figure, ses mains, qui un instant auparavant paraissaient privées de mouvement et insensibles aux piqûres assez vives qu’on lui faisait avec la même aiguille ; elle avait perdu l’odorat, avait les yeux exactement fermés, et distinguait seulement par l’extrémité des doigts tous les objets qui lui étaient présentés. Après avoir constaté plusieurs autres phénomènes du somnambulisme lucide, qu’il serait trop long d’énumérer ici, je prévins M"R Henriette que j’allais la réveiller, et à peine lui -eus-je touché légèrement avec l’extrémité des doigts la partie supérieure des paupières, qu’elle se réveilla en se frottant les yeux, disant qu’elle n’était nullement

fatiguée, et ne se rappelant en aucune manière ce qu’elle avait pu dire ou faire pendant qu’elle était endormie. Ces faits ont été consignés dans le journal de Saint-H tienne du mois d'octobre 1844.

« M11' Henriette F*** a été magnétisée une seconde fois encore plus facilement ; car à peine me fus-je mis en rapport avec elle, qu’elle s’endormit et présenta plusieurs autres phénomènes lucides encore plus remarquables. Des personnes malades ayant été mises en rapport avec elle, elle décrivit parfaitement les maladies, les remèdes qu’on avait pu fai/e, et indiqua ceux que l’on pourrait employer. La somnambule, entre autres choses qui lui furent demandées, fit connaître ce qui se faisait dans une maison éloignée de celle où nous nous trouvions.

« J’ai fait diverses autres expériences sur des noctambules de sexe et d’âges différents; les résultats quej’ai obtenus m’ont confirmé dans cette opinion : que les noctambules pratiquant le magnétisme siir des noc-tambules, déterminent plus facilement que les autres personnes les phénomènes du somnambulisme. Mais à quels phénomènes plus extraordinaires ne serait-il pas possible d’arriver peut-être encore par le magnétisme de deux somnambules agissant l’un sur l’autre, sous la direction d’un tiers, soit dans l’état du noctambulisme, .soit dans celui du somnambulisme magnétique, soit enfin dans celui du cataleptisme! Ce sont des faits qui jusqu’u présent ont échappé à l’observation de la science. »

Le Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Camay).

Pari». — Imprimerie A’A. RbnÉ et Comp., rue de Seine, Zi.

CLINIQUE MAGNÉTIQUE.

Opération chirurgicale. — Je me rappelle encore le jour où, pour la première fois, je m’occupai de magnétisme. C’était, je crois, au mois de septembre 1832; je me trouvais en ce moment à Paris. Jusqu’alors j’avais été habitué à regarder cette question comme un mensonge, eteeuxquiladéfendaienteomme des charlatans ou des dupes. J’étais donc dans cette disposition peu philosophique qui juge à priori et sans examen, lorsqu’en me promenant dans le passage Vivienne j’arrêtai mes yeux sur l’affiche d’un cours de magnétisme que M. le baron du Potet de Sennevoy devait ouvrir le lendemain à l’Athénée central. Poussé par la curiosité et par ce je ne sais quoi qui s’attache à ce que l’on regarde comme merveilleux, bien qu’on n’y ajoute pas foi, j’assistai le lendemain à la première leçon du savant professeur. Dans cette séance, j’entendis le rapport d’expériences faites sur l’insensibilité, à l’Hôtel-Dieu, à la Charité et au Val-de-Grâce, devant les membres de l’Académie de médecine, par de célèbres médecins français et étrangers; et quelque absurde qu’elles me parussent au premier abord, mon scepticisme indifférent fut grandement ébranlé quand j’entendis nommer les témoins de ces belles cx-

TOME IU. 30 SEPTEMBRE 1846. 6

périences, et que je reconnus des noms vénérés et haut placés dans la science, ceux de MM. Marc, Fou-quier, Pariset, Récamier, Husson, Itard, Guéneau de Mussy, Ilufeland, Korcff, Passavant, etc. Dans ma simplicité ignorante, je fis,à part moi, cette réflexion : Est-il possible que tous ces hommes se soient trompés ou aient pu se laisser tromper? Est-il raisonnable de le supposer, est-il juste de l’admettre? Ils disent : b Nous avons vu, » et on leur répond : « Ces laits « sont impossibles. » Les uns se sont approchés pour voir, et ont vu cent fois; les autres se contentent de dire de loin : « Vous vous trompez, et vous êtes troni-«. pés. »

On nous avait parlé, dans cette même leçon, des phénomènes étonnants du somnambulisme artificiel; on nous en montra même quelques-uns, et surtout l'insensibilité absolue produite dans les organes. Le> doute succéda bientôt dans mon esprit à l’incrédulité, et je ne pus m’empêcher de faire cette réflexion : « Si ces phénomènes sont réels comme ils le paraissent, si l’on peut parvenir & les constater par des faits nombreux et bien authentiques, ils ont une immonse portée. » i i i

Je revins donc de cette première leçon avec la résolution calme, mais ferme, mais profonde, de sortir du doute; et je me dis encore : « Si c’est une vérité, elle vaut bien la peine que je la eherohe; si c’est une erreur, je chercherai encore, car uneerreur constatée est une vérité reconnue. »

Je continuai de suivre le cours, et j’acquis la conviction que le magnétisme humain avait été mal jugé par moi, et présentait* l’observation du physiologiste

et du psychologue les faits les plus extraordinaires et les plus intéressants. Je fis moi-môme des expériences importantes et curieuses, et je produisis, à mon grand étonnement, des phénomènes fort remarquables. Depuis ce temps je n’ai cessé do m’en occu-por. Les incrédules peuvent rire et nier; je ne saurais le trouver mauvais; car j’ai, comme eux, beaucoup ri avant d’avoir vu et expérimenté. Mais il a bien fallu mo rendre à l’évidence. Commençons donc par douter, cola est naturel et juste; mais que le doute nous . conduise à l’expérimentation, et rappelons-nous sans cesse cette réflexion d’un profond observateur : « Les « vérités sont quelquefois stationnaires, mais elles ne « font point des pas rétrogrades. Le temps est un « grand maître; et lorsque quelques personnes nient « un fait que la nature prouve, il est bien certain que « celle-ci finira tôt ou tard par avoir raison. »

Ces réflexions nous ont été inspirées à la vue d’une opération trè8-remarquablo et fort douloureuse qui a été pratiquée à Cherbourg samedi dernier, 19 septembre, avec une réussite complète, par M. le docteur Loysel, aidé de M. le doctour Gibon, sur une personne endormie du sommeil magnétique et insensible à la douleur. Afin d’en faire mieux connaître les détails à nos lecteurs, nous en mettons le procès-verbal sous leurs yeux. Cette opération, si intéressante pout’ la science, a été faite en présence de plus de cinquante témoins qu’elle a vivement impressionnés Comme nous. g {Journal de Ckerlourg.'f

Samedi dernier, «ne opération fortgrave et très-douloureuse a été faite, avec un succès complet, par

M. le docteur Loysel, assisté de M. Gibon, docteur-médecin, et en présence de plus de cinquante témoins. C’est la cinquième opération pratiquée à Cherbourg à l’aide du sommeil magnétique.

L’existence du magnétisme humain n’est guère contestée aujourd’hui ; le sommeil spontané qu’il détermine est généralement admis. Ce qui semble encore douteux pour beaucoup de personnes, c’est la série des phénomènes physiologiques et psychologiques qu’il produit, et qui sont si étranges qu’ils excitent souvent le rire de l’incrédulité. Parmi ces phénomènes, l’un des plus intéressants et des plus utiles, sans contredit, est l’insensibilité absolue et profonde produite dans les organes par cette force inconnue, mais réelle, que dirige une volonté puissante.

J’avoue que pour y croire pleinement il faut avoir vu ces effets extraordinaires, et, pour ainsi dire, foudroyants, dont nous avons été témoins samedi, et qui dépassent la portée de l’esprit humuin. Mais aussi, dès que la conviction est bien établie, il faut avoir le courage de soutenir son opinion avec calme et persévérance. Aux personnes qui n’ont pas eu l’avantage d’être présentes à cette belle opération, nous répéterons ce que d’autres ont déjà dit avant nous sur ce sujet : « Si quelques hommes isolés rapportaient des phénomènes d’un ordre supérieur, on pourrait avec raison contester leur témoignage, et croire qu’ils sont dans l’erreur. Mais si, de toutes parts, les mêmes faits se reproduisent constamment, s’ils sont attestés par les personnes les plus recommandables ; si des milliers d’hommes assurent qu’ils les ont vus de leurs propres yeux, il faut bien se résigner à les examiner avec

calme et sans prévention. Alors assurément on se rendra aussi à l’évidence, parce qu’ici la croyance est commandée par des faits irrécusables, et que les faits sont plus forts que tous les raisonnements. Il n’est permis à personne, si élevé qu’on soit, de rejeter sans examen ce que l’on ne comprend pas. Songeons que nous sommes entourés de merveilles, et qu’elles ne nous étonnent plus, uniquement' parce que nous avons l’habitude de les voir. « Un prodige dans la nature, a dit Buffon, n’est autre chose qu’un effet plus rare que les autres. »

Nous joignons ici le procès-verbal de cette opération, à laquelle nous avons été présents, et qui nous a vivement intéressés. (Pharedelà Manche.)

Procès-vcrhal.

L’an 1846, le 19 septembre, à trois heures et demie après midi,

Nous soussignés, habitants de Cherbourg, après avoir assisté à une opération pratiquée aujourd’hui, avec le plus grand succès, par M. le docteur Loysel, aidé de M. Gibon, docteur-médecin, sur la demoiselle Anne Le Marchand, de Portbail, âgée de trente ans, et mise auparavant, en notre présence, dans l’état de sommeil magnétique et d’insensibilité absolue, attestons et certifions ce qui suit :

A deux heures quarante minutes, la malade est magnétisée et endormie par M. L. Durand (1), à la distance de deux mètres, et en moins de trois secondes. Alors le chirurgien, pour s’assurer de l’insensibilité

(1) Professeur de philosophie, membre de la Légion-d’Honneur.

du sujet, lui plonge brusquement et à plusieurs reprises iin long stylet dans les chairs du cou ; un flacon d'ammoniaque concentrée est placé sous le nez de la patiente. Celle-ci reste immobile; aucune sensation n’est perçue, nulle altération ne sc montre sur ses traits, pas une seule impression du dehors n’arrive jusqu’à elle.

Au bout de cinq ou sixjninuies de sommeil, elle est réveillée par son magnétiseur en une seconde. Après quelques instants d’une conversation à laquelle elle prend part, elle est endormie de nouveau, comme la première fois, à une distance plus grande encore. Aussitôt les médecins sont avertis par M. L. Durand que l’opération peut être pratiquée immédiatement et en toute sécurité, ^t qu’ils peuvent également parler à haute voix sur l’eu.' de la malade, sans crainte d’être entendus par elle, tant l’insensibilité est profonde et absolue.

•A deux heures cinquante minutes, l’opérateur fait, dans le sens vertical, en arrière et au-dessus de Vapophyse mastoïde, une incision qui se dirige inférieure-ment dans une étendue de huit centimètres environ. Une couche musculaire se présente et est incisée à son tour. On aperçoit alors à nu le tissu d’une glande considérable qui* en quatre minutes et demie, est disséquée avec précaution et extirpée.

La plaie est lavée. On découvre en ce moment, chose qu’il était difficile de prévoir, deux nouvelles glandes, l’une supérieure, jetant des racines dans la profondeur des tissus, et se trouvant en contact immédiat avec l’artère principale du cou, la carotide; l’autre, moins difficile à isoler, à cause de scs rap-

ports, se perdant entre les muscles situés latéralement dans la région cervicale. Ces deux dernières glandes lurent extraites en trois minutes.

Dans la dissection des glandes, une veine d’un gros calibre fut intéressée, lin instant le chirurgien eut l’espoir d’arrêter lo sang en faisant respirer la malade de manière à dilater fortement la poitrine. Elle le fit aussitôt, sur la demande de son magnétiseur; mais ce moyen n’ayant pas été suffisant, l’opérateur dut pratiquer la ligature.

La plus grande partie des spectateurs s’approchèrent ensuite do la malade; plusieurs médecins introduisirent leurs doigts dans la plaie béante, qui avait plus do huit centimètres de profondeur, et sentirent distinctement les battements de l’artère carotide.

Pendant toute la durée de l’opération, la demoiselle Le Mnrohand n’u pas cessé d’être calme et impassible ; nulle émotion ne l’a agitée ; aucune contraction musculaire n’a eu lieu, même pendant que le couteaq pénétrait dans les chairs; elle ¿lait comme, une statue; enfin l'insensibilité a été absolue. Et pourtant rien ne paraissait changé dans l’organisme; il n’y avait ni malaise, ni syncope, ni léthargie, car la patiente a parlé à plusieurs reprises. Interrogée souvent, elle a toujours répondu qu’elle se trouvait très-bien, et qu’elle n’éprouvait aucune douleur. Nous l’avons même vue, une fois, se lever et se rasseoir sur l’invitation qui lui en était faite par M. L. Durand.

I-i plaie fut lavée de nouveau. Quelques minutes après, les bords furent rt-anis à l’aide de plusieurs épingles, dans l’intervalle desquelles furent placées dos bandelettes do diachÿlw. Au-dessus do ces derniè-

ies furent appliqués, dans l’ordre voulu, un linge troué, de la charpie, des compresses, et un bandage propre à maintenir les pièces de l’appareil.

En ce moment plusieurs personnes s’approchèrent encore delà malade. L’isolement lut détruit, pour un instant, par son magnétiseur, et elle put alors entendre diverses questions qu’on lui fit sur son état. Elle y répondit avec une aisance parfaite et un calme bien remarquable.

Quand tout eut été remis en ordre, l’opérée fut réveillée en deux ou trois secondes. Elle se met aussitôt à sourire, prend peu à peu conscience de sa position , et s’aperçoit enfin que l’opération est faite. Elle répond aux questions qu’on lui adresse avec un vif intérêt, quelle ne souffre 'pas du tout, qu'elle n a pas éprouvé la moindre douleur, et ne conserve aucun souvenir de ce qui vient de se passer. Ensuite elle se retire, et chacun peut voir sur sa physionomie le calme et le bien-

être qu’elle éprouve.

Un phénomène extrêmement remarquable que présente ce sujet, qui a été magnétisée neuf fois seulement, c’est la rapidité incroyable avec laquelle son magnétiseur la lit passer plusieurs fois, en notre présence, et immédiatement avant l’opération, de la vie ordinaire au sommeil magnétique et à l’insensibilité la plus absolue. A plusieurs mètres de distance, un coup d’œil, un seul regard, soutenu par une volonté ferme, a suffi pour la plonger dans cet état extraordinaire, aujourd’hui si intéressant pour la science, et qui a le pouvoir d’amortir toute sensibilité dans les organes et d’éteindre la douleur. Son isolement du monde extérienr est si complet qu’elle n entend per-

sonne, pas môme celui qui la magnétise, à moins qu'il ne la touche. Loin de détruire cet isolement, on l'a soigneusement conservé et fortifié, ce qui a permis à [l’opérateur, aux médecins et aux nombreux assis-lants de s’entretenir tout à leur aise et à haute voix sur l’état de la malade, sans crainte de l’impressionner, môme au plus fort de l’opération.

Les soussignés déclarent, en terminant, qu’ils sont pleinement convaincus, ù la vue d’un pareil résultat, (pie l’agent magnétique pouvant, môme en peu de séances, produire dans les organes l’insensibilité la plus profonde, est d’un précieux secours, et capable de rendre les plus grands services dans les opérations chirurgicales de toute nature, en épargnant au malheureux patient de cruelles souffrances, et, ce qui est souvent plus redoutable encore, la vue des préparatifs et les terreurs de l’opération.

M. le docteur Obet a bien voulu rester constamment assis auprès de la mrifede, afin d’examiner de nouveau et attentivement cet intéressant phénomène, et de constater l’état du pouls et de la respiration, qui n'ont subi que des altérations peu considérables.

Le présent procès-verbal a été rédigé sur les notes prises avec une scrupuleuse exactitude par M. Che-vrel, avoué, membre du conseil d’arrondissement et du conseil municipal de Cherbourg, lequel a tenu la plume pendant toute la durée de l’opération, pour en consigner ici les détails les plus circonstanciés. Suivent les signatures des témoins :

Messieurs

Lemaistre, receveur des finances, ancien sous-préfet de Cherbourg. — Obet, D.-M.-P., membre corres-

pondant de l’Académie royale de médecine. —. Cibon, D.-M.-P. —Fossev, procureur du roi.— Lefebvre, ancien directeur des constructions navales. — Chcvrel, avoué, membre du conseil d’arrondissement et du conseil municipal. — Le Seigneurial, juge d’instruction au tribunal civil, membre du conseil d’arrondissement. — L’abbé Fafin, aumônier de l’hôpital civil. — Do Viaris, capitaine d’artillerie. — De Serry, ingénieur des ponts et chaussées de l’arrondissement, membre du conseil municipal. — Des Rives, sous-intendant militaire.

— Henry, négociant, commandant de la garde nationale, membredu conseil municipal.—Ch. Loysel, notaire. — Quernel, capitaine de corvette. — Ludó, greffier du tribunal civil, membre du conseil municipal. — Mangin, ingénieur de la marine. — Coutance, directeur des subsistances militaires. — Marie, sous-principal du collège. — Hélain, propriétaire. — Marchai, capitaine d'artillerie. — Le tMagnen, négociant.— H. Loysel, avocat, docteur «n droit. — Ed. Nouet, ingénieur de la-marine. —-Delente, directeur des lits militaires. — Lebeurrier, commis principal de la marine. — Saffrey, lieutenant de vaisseau. — Le Goupil, commis de première classe de la marine. — Naudet, greffier des tribunaux maritimes. — Daragon, professeur. — Charles Chevrel fils, clero d’avoué. — Dalidan, vérificateur des douanes. — Convents, commis de marine à l’administration centrale. — A. Couturier, propriétaire. — Vardon , pharmacien de la marine. — F. Jean, propriétaire.— Arthur Mangin, étudiant en chimie. — Ch. Frigoult, profes-

seur au collège royal de Caen.—Feuardent, libraire. — A. Jean négociant. — Chausset, commis de marine.— Douesnel, propriétaire. — Chaux, négociant. — Saffrey, élève de Saint-Cyr. — Jules Néel, professeur au collège d’Avranches. —Nico las, négociant.— Monnoye, propriétaire. — Le Magnen fils. — Leroy, aubergiste. — F. Mubire. — Ilonyvet, horloger.—Level d’Yvetot. —Nicolas fils.

N. B. Aujourd'hui, 23 septembre, la plaie résultant del’opérationestcomplétementcicatrisée. Hier matin, les épingles, les fils qui l’entouraient ont été enlevés, et la malade a pu se promener pendant une partie de l’après-midi. »

THÉORIES.

De la polarité des fluides impondérables, et particulièrement du fluide magnétique animal, ainsi que de ses effets relativement aux maladies, mémoire lu à l’Athénée électromagnétique de Lyon.

La polarité des fluides impondérables occupe depuis longtemps l'attention des savants physiciens, qui, par de longues études, sont arrivés à démontrer d’une manière certaine son existence pour la plupart des fluides connus. Ainsi, ils ont reconnu et prouvé la

polarité du son, de la lumière, du calorique, du fluide électrique, du fluide galvanique, du fluide magnétique minéral; ils ont mémo pensé déjà, et probablement arriveront bientôt à démontrer que tous ces fluides ne sont que des modifications d’un fluide ou agent unique, dont les effets sont différents suivant les causes qui produisent leurs manifestations. Mesmer, dans ses aphorismes, admet la polarisation du fluide magnétique et l’existence de pôles opposés dans le corps humain. Bien que cette assertion ne soit appuyée dans ses aphorismes par aucun fait démonstratif, il en avait probablement reconnu la vérité par l’expérience; et d’ailleurs il pouvait avec raison Ja déduire par induction, puisqu’elle était déjà reconnue dans tous les autres fluides analogues, et peut-être identiques avec le fluide magnétique animal.

Les travaux de l’honorable et savant docteur Blanc tendant à démontrer par des faits l’existence de la polarité du corps humain, peut-être eût-il convenu de lui laisser le soin d’en développer toute la théorie; cependant j’ai cru devoir réunir dans cette note quelques idées qui m’ont été suggérées par l’expérience et la lecture de quelques ouvrages de physique, relativement à la polarité qui existe et peut se manifester dans les diverses parties du corps humain, dans le seul but d’appeler l’attention de l’Athénée sur l’étude d’une loi importante du magnétisme dans ses applications physiques au soulagement et à la guérison des maladies : loi qui jusqu’à présent a été méconnue ou oubliée par presque tous les magnétiseurs. Je commencerai par poser quelques bases théoriques que je ferai suivre de raisonnements aussi démon-

stratifs que me le permettront mes faibles connaissances.

Voici d’abord ce que dit Mesmer dans ses Aphorismes :

« 102. — Ces points d’écoulement ou d’entrée des courants toniques (magnétiques) sont ce que nous appelons pôles; ces pôles étant analogues à ceux que l’on observe dans l’aimant.

« 1C3. — Il y a donc des courants rentrants et sortants, des pôles qui se détruisent, qui se renforcent comme dans l’aimant; leur communication est la même; il suffît d’en déterminer un pour que l’autre apposé soit formé en même temps.

« 164. — Sur une ligne imaginée entre deux pôles, il y a un centre ou point d’équilibre où l’action est nulle, c’est-à-dire où aucune direction ne prédomine.»

Cette théorie de Mesmer est conforme à celle des physiciens les plus savants pour les courants et la polarisation du fluide magnétique minéral; mais il n’a pas démontré l’analogie des deux fluides ni la réalité de la théorie qu’il avance; c’est donc à nous de l’é-tudier.

Les travaux de MM. Malus, Arago, Biot, Brewster, Pouillet et autres savants physiciens ont démontré la polarisation du son, de la lumière et du calorique. II serait trop long de donner ici des extraits de leurs ouvrages; il suffît que ce principe soit admis et reconnu à l’égard de ces trois fluides impondérables et des autres fluides connus, pour que ceux qui admettent un fluide magnétique animal soient disposés à croire qu’il est régi par les mômes lois que les autres fluides.

La polarisation du fluide électrique est connue de tout 1c inonde, et chacun sait que c’est d’elle seule que découlent la plupart dos phénomènes électriques.

On sait aussi qu’il suffit de mettre en contact deux métaux différents pour manifester leur polarité, et que c’est sur ce principe que repose la pile de Volta.

Enfin le barreau aimanté est connu de tout le inonde, et ses effets ne sont que les résultats de la polarisation du fluide magnétique minéral. Il nous sert aussi à démontrer l’analogie du fluide magnétique et du fluide électrique, puisqu’en soumettant un barreau d’acier à des courants électriques on lui donne l’aimantation ; que par ces courants on peut changer, détruire ou renforcer la polarité d’un aimant, et même établir plusieurs pôles sur la longueur d’un même barreau.

Une autre expérience démontre aussi l’existence du fluide magnétique dans le barreau d’acier à l’éiai d’équilibre, c’est-à-dire des pôles neutres. En frappant un barreau d’acier sur une de ses extrémités, on détermine la formation ou distinction des pôles opposés, et on le constitue à l’état magnétique apparent.

Mon but étant de démontrer la polarité du fluide magnétique animal, j’ai dû indiquer celle des autres fluides, reconnue et démontrée en physique comme point de comparaison à l’appui de mes raisonnements.

Posons maintenant quelques principes ou aphorismes déjà avancés par Mesmer ou que je crois avoir reconnus par l’expérience. Nous les démontrerons plus tard.

1" L’état de santé du corps humain dépend du juste équilibré ou de la neutralisation des pôles de son fluide

magnétique ; il ne peut changer sans que cet équilibre soit rompu et sa polarité modifiée.

2° On ne peut changer l’état de polarité ou d’équilibre du fluide d’un individu sans modifier son état de santé.

3" Le corps humain est naturellement polarisé; dans l’état ordinaire ou de santé, chaque pôle a le degré de force ou d’intensité qu’il doit avoir pour être en équilibre avec le pôle opposé.

4° La polarisation a lieu pour le corps humain de la tête aux pieds (verticalement); l’estomac est le point d’équilibre ou équivalent des deux pôles. Elle a lieu horizontalement du côté droit au côté gauche. La ligne verticale médium passant par l’axe du corps est le point d’équilibre ou équateur. Cette loi s’étend également à chaque partie du corps prise séparément : ainsi, dans une main, le pouce et l’index participent à un pôle, le petit doigt et l’annulaire au pôle opposé; le doigt médium est l’équateur.

5° La même loi régit les organes intérieurs, et l’équilibre de leur pôle constitue leur état de santé.

La vérité de ces cinq propositions m’aété démontrée 1° par l’avis do plusieurs somnambules; 2° par mon expérience particulière; 3° par l’étude de la polarité des autres fluides impondérables et leur analogie avea le fluide magnétique animal.

Pour la première démonstration, je prierai MM. les membres de l’Athénée qui ont des somnambules de les interroger et de faire des expériences sur la nature du fluide émanant de chaque partie de leur corps; ils reconnaîtront par 1 h la polarité qui leur est propre.

Pour la seconde, voici quelques raisonnements à

l’appui. Je commencerai à parler de l’état du somnambulisme, et à dire mon avis sur ses causes et sa nature. Il est démontré par diverses expériences fort concluantes que le sujet magnétisé est pour son magnétiseur comme un véritable aimant, que celui-ci peut attirer ou repousser à sa volonté. Comment cela s'opère-t-il? En voici, je crois, une explication. Dans le sujet, la polarisation des extrémités est transportée sur les centres, ce qui explique la transposition des sens à 1 epigastre, point neutre ou d’équilibre à l’état ordinaire. Plus le rapprochement des pôles est grand, plus est grande la lucidité du sujet: aussi dans ce cas les extrémités sont froides. Si les pôles se rapprochent presque au point de se confondre, le sujet arrive à l’état d'extase; et si les deux pôles se confondaient en un seul, la vie du sujet serait entièrement détruite.

Chez tous les sujets la polarisation no se porte pas à repigastre ; mais il en est ainsi chez le plus grand nombre, et ce sont ordinairement ceux qui offrent les phénomènes de lucidité les plus étonnants. On peut aussi, chez un même sujet, établir plusieurs points de polarité par lesquels s’opéreront les phénomènes de l’audition, de la vision, etc.

Pour opérer les phénomènes d’attraction ou de répulsion, le magnétiseur, libre de sa volonté, change par son moyen sa propre polarité, et devient, relativement à son sujet, attractif ou répulsif, positif ou négatif, sud ou nord, expressions dans ce cas toutes synonymes.

On tirera contre ces idées quelques objections de la magnétisation mentale, qui produit des somnambules, soulage ou guérit des malades sans direction impri-

niée au fluide par l’action mécanique; cette objection sera, je pense, levée par une seule comparaison.

Si l’on veut aimanter un barreau d’acier un peu fort au moyen d’un aimant faible, il faudra le frotter longtemps dans le sens de la polarisation que l’on veut déterminer dans le barreau; si au contraire on touche seulement une aiguille ù coudre avec un fort aimant, la polarité est do suite déterminée, et l’aiguille devient immédiatement capable d’en attirer et d’en enlever plusieurs.

De même, si un magnétiseur bien constitué, ayant une force de volonté très-puissante, se constitue à l’état de polarité déterminée ou renforcée, et approche ainsi ou dirige seulement son action sur un sujet faible, malade, ou déjà soumis à son influence magnétique, il agira immédiatement, et produira plus ou moins d’effet sans avoir besoin de passer aux autres formules magnétiques.

Il est tellement certain que le magnétiseur est obligé de constituer son état de polarité avant d’agir, que le plus fort magnétiseur n’a aucune influenc» sur les sujets les plus impressionnables s’il n’a pas la volonté d’agir.

En admettant la polarité du fluide magnétique animal, c’est admettre un point de ressemblance de plus avec les fluides électriques et magnétique minéral, qui sont déjà reconnus par les physiciens les plus savants pour un seul et même fluide, ce qui'est démontré par l’aimantation au moyen de l’électricité. Ces mêmes savants sont en voie, par leurs études, de démontrer l’identité, sauf des modifications accidentelles, des fluides du calorique et de la lumière; d’autres et même

p lusieurs d’entre nous ont reconnu et démontré l’existence du fluide électrique, et même sa production dans le corps humain et dans los animaux, et même que ce fluide était, dans les corps animés, soumis aux mômes lois de polarité que dans les corps inanimés. Il ya fort longtemps déjà que l’on a reconnu la polarité dans la torpille et dans d’autres animaux électriques. En étudiant attentivement ce qui a été écrit sur tous les fluides impondérables considérés isolément, en comparant entre eux leurs divers modes d’exister et d’agir, et comparant le résultat des observations avec les résultats, le moded’existence et d’action du fluide magnéti-queanimal, nous arriverons probablementàdémonlrer l’identité de leur principe, et ainsi à la connaissance oomplète du fluide universel, reconnu avant les fluides électriques et magnétiques, et dont tous les fluides particuliers ne sont que des modifications. Nous reconnaîtrons les lois qui régissent ces modifications et la cause des différences qui ont porté les magnétiseurs à faire du fluide qu’ils emploient un fluide par* ticulier et distinct des autres fluides connus, comme de celles qui ont porté les physiciens à classer en différentes catégories Ie6 fluides électrique, galvanique, magnétique, calorique et de la lumière,etc. Nous arriverons à reconnaître que le fluide magnétique, modifié suivant la nature de l’homme, n’offre avec les autres fluides qu’une différence qui constitue peut-être lo plus bel apanage de l’humanité, c’est d’être soumis au pouvoir de sa volonté, do la volonté humaine, la première puissance sur la terre après celle de Dieu; puissance qui, dirigée par l’intelligence départie à l'homme seul, est susceptible des plus grands

résultats. Avec la volonté, aidée des connaissances acquises par l'intelligence, nous arriverons tous à ce résultat, d’employer le plus utilement possible la part de puissance qui nous a été donnée par la nature, et quelques-uns à produire ces faits extraordinaires qui, aux yeux du vulgaire, ont passé pour des miracles; avec la volonté seule, ou assistée seulement de la foi et de la charité, nous n’arriverons qu’à moitié chemin, n’ayant que la moitié des forces requises pour atteindre le but.

Mais nous nous écartons un peu de notre sujet. Reprenons donc notre première proposition.

L’état de santé du corps humain dépend du juste équilibre ou de la neutralisation des pôles de son fluide* Il ne peut changer sans que cet équilibre soit rompu et la polarité de son fluide modifiée.

Démontrons-le par des faits facilasà vérifier. Un in* dividu a de violentes douleurs de tête. Quell#qu« soit la cause, peu importe, je dis que sa polarité est dérangée; et en effet, je remarque que sa tête est brûlant« et que les extrémités sont refroidies ; j’en conolus done que le pôle de la tête a été renforcé, soit aux dépens des autres, soit par l’admission d’un fluide extérieur, ce qui arrive lorsque l’on est resté exposé nu-tête aux rayons d’un soleil brûlant, auquel cas les extrémités ne présentent pas le même refroidissement.

Si je veux magnétiser, dans l’une ou l’autre circonstance, je diminue le pôle trop renforcé, et je renforce celui qui a été diminué; je le fais au moyen de passes, insufflations ou autres procédés. Si j’étais, par rappqrtau malade, d’une grande force magnétique, je constituerais fortement ma polarité par l*ac-

tion de ma volonté, et en approchant, fixant le malade ou portant mon action sur lui à distance, je rétablirais ses pôles en harmonie des miens,c’est-à-dire en forces opposées justement équilibrées.

2mc Observation. — Supposons un mal local, par exemple une brûlure : un membre est en santé; lo fluide y circule librement d’un pôle à l’autre, suivant les lois établies par la nature; si, par accident, de l’eau bouillante, de l’huile ou un corps brûlant quelconque touche une partie de ce membre, il établit au point de contact un pôle insolite contraire aux lois de la nature; de suite l’équilibre est rompu, la partie brûlée fait éprouver une sensation de chaleur et de caisson continuelle, l’irritation se développe, jusqu’à ce que la nature, seule ou aidée par l'art-, ait détruit cett« polarisation accidentelle et rétabli la circulation naturelle du fluide (peut-être alors, si on observait bien, une sensation de fraîcheur indiquerait le pôle opposé) (1). Si je veux opérer magnétiquement sur un accident de ce genre arrivé, je suppose, au pied, en raison de ma théorie je cherche à détruire ce pôle et à empêcher son rétablissement; en conséquence, je pratique au-dessus de la partie brûlée la passe circulaire, et je dégage ensuite le fluide accumulé sur la partie brûlée. Dans ce cas, l’effet de la passe circulaire est do détruire ou changer le mouvement établi entre le pôle formé par la brûlure elle pôle opposé; cette seule opération arrête immédiatement les progrès de l’inflammation en dégageant en-

(1) Voyez l’électro-nioteur du doelciir Coudrct dans le cours du nosologie clinique du docteur Emangard (page 25 de ce volume).

suite la partie brûlée; j’enlève l’excès de fluide qui y est porté, je détruis |e pôle que la brûlure avait formé, et m’oppose à son rétablissement par le mouvement circulaire que j’imprime au fluide par la première opération, et la guérison a lieu presque immédiatement ou en peu de temps, selon la gravité du mal.

Je doute fort que, dans un accident de ce genre, l'action mentale et à distance ait une grande efficacité, quelle que soit la puissance du magnétiseur, et, parles procédés résultant de ma théorie, tous pourront obtenir des résultats très-satisfaisants. Ces procédés, ainsi que l’a fait connaître M. ledocteur Blanc, sont généralement employés par les guérisseurs dfe campagne, et le succès en est reconnu pour certain par tous ceux qui ont pris des informations à cet égard.

Je ne cite pas d’autres observations à l’appui de ce premier principe ou aphorisme, quoique je puisse en rapporter un grand nombre, ce qui deviendrait superflu, chacun pouvant vérifier par expérience d’après ces indications.

2° On ne peut déranger l’état de polarité ou d’équilibre du fluide magnétique d’un individu sans modifier son état de santé.

En effet, posez la main sur la tête d’un individu en bonne santé, même à une petite distance, et il ne sera pas longtemps sans ressentir des douleurs de tête proportionnées au temps que les mains seront restées stationnaires. Cette vérité se démontre toutes les fois que l’on magnétise des personnes en bonne santé dans le but de les rendre somnambules; elles commencent toutes à ressentir des douleurs de tête ou autres dou-

leurs locales, jusqu’à ce que, par l’opération du réveil ou dégagement, l’équilibre entre les pôles étant rétabli, elles soient restituées à leur état primitif de santé.

Cet effet se produit sur chaque partie du corps indifféremment, et établit toujours un pôle insolite qui occasionne de la douleur sous la main ou dans un« autre partie du corps formant le pôle correspondant.

U est inutile de pousser plus loin la démonstration ; die me parait évidente pour tout le monde, et c’est son appui que l’on dit avec raison que si le magnétisme est salutaire aux personnes malades, il peut étrp nuisible aux personnes en bonne santé, puisqu’il détruit l’équilibre de polarité établi par la nature.

3° Le corps humain est naturellement polarisé dans l’état de santé; chaque pôle a le degré de force et d’intensité nécessaire pour maintenir l’équilibre.

Cette proposition aurait dû être placée avant les deux autres qui précèdent; mais je l’ai placée après, parce que sa démonstration est une conséquence rigoureuse de celle des deux premières propositions; en effet, si en diminuant ou renforçant des pôles d’un individu, en formant ou détruisant des pôles établis d’une manière insolite vous modifiez sa manière d’être, l’existence de ces pôles et leur état d’équilibre se trouvent naturellement démontrés.

4° La polarisation a lieu, pour le corps humain, de la tête aux pieds; l’estomac êst le point d’équilibre ou équateur des deux pôles.

£lle a lieu horizontalement du côté droit au côté gauche; le plan vertical médium passant par le centre du Corps est l’équateur.

Elle a lieu aussi horizontalement du devant au derrière du corps ; un plan perpendiculaire au précédent et passant aussi par l'axe vertical médium est l’équa-teur.

Cette loi s’étend également à chaque partie du corps prise séparément : ainsi, dans un pied ou une main, le pouce et l’index participent ù un pôle; le petit doigt et l’annulaire au pôle opposé; le doigt médium est l’équateur.

11 en est de môme pour les organes intérieurs considérés isolément, et l'équilibre entre leurs pôles constitue leur, état de santé. Considérés simultanément, ils sont, les uns par rapport aux autres, à l’état de pôles opposés.

C’est principalement dans les ouvrages de physique médicale qu’il faut chercher la démonstration de ces vérités, quoique la première partie se trouve prouvée par ce que nous avons dit de la polarité de la tôte aux pieds.

Les physiciens qui se sont occupés de l’électricité du corps humain ont reconnu et démontré que toutes les parties qui le composent participent, selon leur nature, ou à l’électricité positive ou à l’électricité dito négative , qu'ils sont ou idioélectriques ou anélectriques; ils ont reconnu aussi que les divers organes intérieurs étaient soumis à cette règle, et que c’est d’après elle que les uns sécrètent des humeurs acides, d’autres des humeurs alcalines(1). Si cette, loi qui établit la polarité électrique, non-seulement du corps humain dans sou ensemble, mais de ohaque partie considérée isolément, est reconnue et démon-

(1) Kleclricité du corps bumuin. BcrtholOn, 1785.

trée depuis longtemps, nous n’avons, pour démontrer complètement la polarité du fluide magnétique animal dans l’ensemble ou les diverses parties du corps humain, qu’à établir l’identité ou seulement l’analogie des fluides électriques et [magnétique animal. Or, si l’identité n’est pas reconnue, l’analogie est au moins un fait constant pour tout le monde, et il serait bien étonnant, s’il existe deux fluides distincts, l’un électrique, l’autre magnétique, dans le corps humain, qu’ils fussent soumis l’un et l’autre à des lois différentes.

11 faut espérer qu’à force d’études. nous finirons par reconnaître qu’ils sont identiques, et que la différence n’existe que dans la machine qui les met en jeu, et qui, comme nous l’avons dit, est dirigée par la volonté et l’intelligence de l’homme.

Je dirai encore que la polarité des membres correspondants a été reconnue par un grand nombre de magnétiseurs, qui ont éprouvé que les effets magnétiques produits par la main droite différaient de ceux produits par la main gauche. L’honorable M. Deleute, observateur judicieux et attentif, avait reconnu, dans do nombreuses expériences, cette différence d’effet, par exemple que la main gauche avait une propriété tendant à calmer et àrafraîchir très-favorable dans les cas d’irritation, tandis que la main droite avait une propriété contraire qui tendait à réchauffer, tonifier et ranimer.

J’ai moi-même expérimenté d’après celte théorie, et la vérité m’a été démontrée par des faits-, si je n’ai pus le talent de la développer, je nesaurais néanmoins la mettre en doute.

M’est-ce pas aussi en raison de la loi de polarité que la plupart des auteurs de magnétisme recommandent de se placer en face de la personne magnétisée, alin qu’en opposant les pôles, les effets d’attraction puissent avoir lieu comme dans les aimants minéraux.

J’ajouterai encore, comme simple observation, que l’usage que l’on fait plus généralement de la main droite que de la main gauche semble indiquer autre chose qu’une habitude prise dès longtemps sans aucune loi, l’homme primitif devant être aussi fort et aussi adroit d’une main que de l’autre. Cependant, de temps immémorial, l’usage de la main droite semble avoir prévalu ; cela ne serait-il pas le résultat de la loi de polarité, et ne serait-ce pas à la nature de son pôle que la main droite devrait l’excès de force et d’adresse qu’elle a sur la main gauche, et même que le côté droit acquerrait plus de force et de développement, ainsi que cela se remarque chez presque tous les individus.

Ayant maintenant donné mes idées sur la polarité du corps humain, il me reste à la comparer avec celle des aimants, pour la dénomination de chaque pôle opposé ; plus tard nous étudierons ces dénominations, et j’espère qu’elles se trouveront justes.

La tête, relativement aux pieds, représente le pôle positif ou pôle sud, et ces derniers le pôle négatif ou pôle nord ; le côté droit représente le pôle positif ou sud, le côté gauche le pôle négatif ou nord ; le pouce et l’index le pôle positif ou sud, le petit doigt et l’annulaire le pôle négatif ou nord, et ainsi de môme pour chaque partie du corps et pour chaque organe intérieur.

Résumons maintenant les idées formant la base de ce travail, laissant aux études de l’Atllénée, et surtout aux travaux de l’honorable et savant docteur Blanc, le soin d’en reconnaître et d’en démontrer l’erreur ou la vérité. Il existe des lois qui régissent le fluide magnétique; ces lois sont analogues ou semblables ¿celles qui régissent les autres fluides impondérables. Une de ces lois est la polarité; elle est appliquée au fluide magnétique animal comme aux autres fluides. 11 existe dans le corps humain des pôles analogues à ceux de l’aimant; ces pôles peuvent être changés, détruits, modifiés ou renforcés.

La volonté, seule ou aidéede la foi eide la charité, ne suffit pas pour exercer la magnétisation et en faire un art de guérir, il faut encore l’intelligence do la nature et des lois de l’agent magnétique.

Enfin la magnétisation n’a pas lieu sans la polarisation déterminée chez le magnétiseur par l’acte de sa volonté; et si l’on agit à distance ou sans gestes, c’est on'vertu do la loi d’attraction et de répulsion des pôles, aidée de la loi de sympathie entre le magnétiseur et le magnétisé.

A.-R. Guinand.

VARIÉTÉS.

LA MORT ET LE MÉDECIN.

('.'.•si à la Mort seule que je suis redevable D’avoir recouvré la santé.

La Mort n’a pas renom d’être si charitable, J’en conviens; c’est pourtant grâces à sa bonté Que je suis ressuscité.

1.0 monstre, poursuivant sa fatale tournée, S’avisa de passer chez moi, .

Où se trouvait la fièvre, accompagnée Du tous les maux qu’elle entraîne après soi.

J’ét.iis dans un grand désarroi :

Pâle, défait, la £icedécharnée,

Enfin... prêta partir!!...

Lin prêtre à mon chevet tâchait de me résoudre A lui donner lieu de m'absoudre.

Par un sincère repentir.

.le contentai son zèle, et d’une voix mourante Je disais : Pcccavi; lorsque la Jilort parut.

En cet état elle me méconnut,

Kt, me voyant la victime inaocente De la célèbre Faculté,

D'un coup de sa faux menaçante Elle allait avancer le moment redouté. Arrête!... m’écriai-je, arrête! Mort cruelle!!! Je sus d ton empire un apprenti soutien;

A me prendre sitôt il y va trop du tien;

Car je suis médecin. —Toi, médecin ! dit-elle.

— Oui, dis-je, et de Paris,—Le pays n’y fail l ien.

Tu t’appelles?—Occido. —lié! ne me souviens gtiéres

D’avoir ouï ce nom là-bas.....

Pourquoi ne le connais-je pas Comme tous tes confrères?

A l’œuvre chaque jour ils peuplent mes Etals ;

Mais de loi

Rien ne vient chez moi !.....

— Le moyen? répliquai-je;

A moins de vingt-cinq ans,

Ai-je eu le temps De jouir de mon privilège ?

Par moi si peu de gens se laissèrent soigner,

Que, pour attirer la confiance,

J’ai dû les épargner.

Mais à présent la pratique commence;

Je puis t’être utile.....

O Mort ! écoute-moi :

Si tu consens à me laisser la vie Pour ma rançon je l’en offrirai mille!

— Mille! soit, dit la Mort, guéris;

Mais souviens toi

A quel prix je te laisse vivre!!.....

Voici d’ailleurs la règle à suivre :

Saigne, purge beaucoup : c’est la plus courte voie.

Salut! Car on m’attend! Que Dieu te tienne en joie!

MORALE :

Profitez, chers amis, d’un conseil salutaire ;

Pour n’obéir trop tôt à la commune loi,

Gardez-vous, s’il se peut, du triste ministère De mes confrères et de moi. •

Occido, D.-M.-P.

Monument mesmérien. — La Tribune lyonnaise annonça dernièrement qu’on avait découvert auprès de Lyon un buste de Mesmer. Des informations que nous avons prises , il résulte qu’il existe à Brignais, dans une propriété particulière, non un buste , mais une petite pyramide sur l’une des faces de laquelle on lit :

A LA GLOIRE DE MESMER.

Il serait très-curieux de savoir par qui et quand ce monument a été élevé. Sans doute que les magnétiseurs de Lyon, qui sont le plus à portée, feront ces recherches qui intéressent si vivement l’histoire du magnétisme.

Biographie. — Il est mort l’année dernière, à Lyon, un des derniers élèves de Mesmer, M. Lanoix, âgé de (07 ans. II avait toujours joui d’une bonne santé , et attribuait la durée de sa vie à l’action magnétique qu’il savait exercer sur lui-même. Vers la fin de sa longue carrière, ses facultés intellectuelles avaient un peu baissé ; mais on était sûr de les faire revivre dans toute leur plénitude en lui parlant du magnétisme et surtout de Mesmer. Un feu secret parcourait tous ses membres et les animait; sa prunelle devenait brillante, et tous les souvenirs des faits magnétiques se présentaient à son esprit.

Quelle science pour produire ces merveilles ! Chacun de nous ne sait-il pas qu’il y a quelque chose de magique dans la découverte nouvelle ; elle échauffe, elle brûle même ceux qui n’en ont qu’entrevu la grandeur. N’est-ce pas un pressentiment du rêle

qu’elle est appelée à jouer? N’est-ce pas la marque certaine des changements qu’elle doit produire dans l’humanité?

Publications. — Nous allons voir paraître bientôt un journal jésuitico-magnétique. Nous lo baptisons ainsi, parce qu’il est destine aux âmes pieuses et aux sacristies, Il ne coulera rien , ou presque rien. Écrit sous l'inspiration du Saint-Esprit, il sera rempli de paraboles. Ce qui naguère était diabolique sera déclaré divin. Il y aura une amnistie générale pour ceux qui jusqu’à ce jour ont magnétisé ou l’ont été, et deux siècles d’indulgences plénières pour les magnétiseurs qui prendront les principes de la nouvelle école. Il n’y aura plus d’excommuniés que ceux qui refileront de s'abriter sous la bannière des jésuites.

Congrès homœopatfcique. — Les homœopa-thes se sont réunis dernièrement en congrès scientifique pour délibérer sur diverses questions au nombre desquelles figurait le magnétisme. Il s’agissait de savoir: 1° Si tin homœopaihe peut employer le magnétisme comme moyen thérapeutique sans encourir la réprobation de scs confrères ; 2" quel est le degré d’efficacité de l'agent magnétique.

Sur lo prèmier point, le congrès s’est prononcé unanimement pour l'affirmative. Quant au second, plusieurs membres, se basant sur leur expérience personnelle et celle de Ilahnoman, qui dit que dans les maladies nerveuses le magnétisme doit passer en première ligne, ont attesté sa puissance curative. Mais la majorité était contraire, et malgré les efforts du doc-

leur renoyée, ce puissant moyen n’a été admis que comme palliatif. Du reste, la question sera de nouveau examinée en 1848, et les magnétiseurs sont invités à adresser des mémoires pour éclairer le congrès..

Espagne. — Le Conseil général de santé vient do décider qu’à l’avenir les médecins seuls ne pourront employer le magnétisme pour la cure des maladies. Cette décision, importante en ce qu’elle reconnaît implicitement le magnétisme, est due en grande partie aux efforts de M. le doctéur Camélias, membre des Sociétés du mesmérisme et philanthropico-maynétiqite, qui vient de publier à Madrid une petite brochure dont nous rendrons compte.

Revue dM journaux. — Le Charivari, qui se moque de tout, ne devait pas oublier les magnétiseurs. Il acquitte sa dette dans ses numéros des 19, 26 et

29 septembre.

L’Epoque et le Journal de Paris du 28 reproduisent le procès - verbal de la nouvelle opération faite à Cherbourg.

L’Entracte, qui a rendu compte de notre banquet mesmérieu d’une manière si plaisante, parle de nouveau de magnétisme dans son numéro du 28 de ce mois. Entre autres saillies du spirituel article, nous citerons les suivantes : « Quant à la vieille médecine, elle se meurt, elle est morte : les passes magnétiques

l’ont fuit trépasser.....Les magnéliseurs triomphent

sur toute la ligne : « Toutes les portes leur sont ouvertes, disait hier Alcide Tousez, parce qu'ils arrivent avec des passes partout. » On dit quo l’auteur anonyme de ces plaisanteries est M. J. Lovy.

Le Courrier et la Clinique de Marseille ont engagé, à propos de la présence de la somnambule Prudence une polémique magnétique. 11 paraît que la ville est partagée en deux camps, et qu’il est impossible de dire maintenant de quel côté sera la victoire. Nous en reparlerons dans notre prochain numéro.

VAmodie de Bruxelles , parodiant Hobert-lc-Diable, fait dire à un ministre à l’ouverture des Chambres législatives :

« Nobles et puissants seigneurs ! vous que rien n’électrise, o M’entendez-vous?

« La session commence.....el je vous magnétise;

o Endormez-vous!»

Dans le feuilleton de la Gazette des Hôpitaux du 29, M. Amédée Latour (Jean Baymont) relate une mystification somnambulique dont il garantit l’authenticité.

Conférences. — Nous rappelons à nos abonnés que leur entréo aux conférences , qui ont lieu le dimanche à une heure au bureau du journal, est facultative. Toute, autre personne devra être munie d’une carte d'entrée délivrée à l’avance. Le sujet de la conférence du 4 octobre est : De l'état actuel du magnétisme dans le Midi de la France, et des moyens de le généraliser «promptement.

Le Propriétaire-Gcrant : HÉBERT (de Garnay).

P*ri». — Imprimerie d'A. RB.ti et Comp., rue de Seiae, 52.

ÉTUDES PRÉPARATOIRES

DU

SOMNAMBULISME flïAGNÉTIQDE.

(Suite.)

§ IX. — soncEi.LF.rtiE.

Un antagonisme bizarre, Dieu et le diable se disputant la possession des âmes, domine toutes les croyances du moyen âge. C’est le règne de la Umo-nomanie, cruelle épidémie qui asservit les esprits les plus forts, et fait des plus savants ses vassaux. Nul ne résiste à cette contagion funeste; l'hallucination est au comble : il n’est bruit que de possédés, on ne. voit qu’œuvres diaboliques ; partout le fléau s’inocule. Ère malheureuse, affreuse, abominable, où l’homicide est œuvre pie.... Spectacle hideux! horribles auto-da-fé : partout des bûchers consument d'innombrables victimes. Duel étrange! sacrifice monstrueux : une partie du genro humain offre l’autre en holocauste... Que de noms se pressent dans ces annales sanglantes !... Comment dénombrer ces cohortes in-

TOSJE III, 15 OCTOBRE 1846. 7

noccntes (l)?Lc coeur s’émeut, saigne au récit de tant de crimes, et la vue se trouble en parcourant cette histoire lamentable; n’en prenons qu’un trait pour nous servir de

Troisième observation.

On trouve dans le résumé du procès de Marie I5u-caille, accusée de sorcellerie et condamnée à mort parle tribunal de Valogne, vers 1700, qu’elle « tombait dans des extases qui duraient ordinairement trois ou quatre heures.

« Le curé de Golleville rapporte que voulant un jour éprouver si elle avait connaissance de ce qu’on lui demandait, en s’adressant ù son ange gardien, ledit sieur curé se levant un matin, entre cinq et six heures, commande à ladite Marie de le venir trouver, s’adressant à son ange gardien pour le lui faire savoir, sans prononcer une parole; et environ une heure après il vit arriver la Bucaille, ce qui le surprit. Il lui demanda où elle allait; elle répondit : «J’obéis à « vos ordres; vous m’avez ce matin commandé de ve-« nir ici par mon ange gardien. » Lui ayant encore demandé à quelle heure, elle dit : Entre cinq et six.

« Le môme témoin dépose qu’un autre jour, étant

(1) Le signal de ces atroces persécutions fut donné par une bulle d'innocent VIII (1184). Scs dignes successeurs se faisant gloire de soutenir son œuvre, en moins de trois mois (1515), plus de 500 sorciers ou gens accusés de magie furent exécutés il Genève ; plus de 1,000 périrent à Cûine en moins d’un an. En Lorraine, Rcmigius en fait brûler 900 (1580 à 1295). Sous Charles IX, au rapport de Dodm, en Poitou seulement, 30,000 alimentent les feux de l’inquisition, qui, selon Llorentc, en fit périr plus de 100,000 eu Espagne. En Allemagne, le seul canton de Lindcn vit, en quatre ans (1050 ù 1664), enlever de cette manière le vingtième de sa population.

entré dans lu chambre du sieur de Golleville, et ayant commandé in mente à ladite IiticaiIle de le venir trouver dans la chambre où il était avec plusieurs personnes, la Bueaille, qui était à la cuisine, s’écria : « On « m'appelle, là-haut;» et aussitôt elle le vint trouver.

« Un autre témoin, le sieur de Golleville, dépose que la Bueaille étant dans une de scs extases, il lui mit une lettre dans la main, au sujet de la femme d’un de ses amis, qui était malade, et qu’aussitôt, sans avoir ouvert la lettre ni entendu ce qu’on lui voulait, elle se mit à offrir ses prières à Dieu pour cette personne qu’elle nomma. Qu'également elle a connu l’état de la conscience d’un prêtre qui disait la messe, touchant une mauvaise pensée qui lui était venue en célébrant, ce dont, ayant été averti, il était demeuré d’accord.

« Le sieur curé de Golleville rapporte encore que, pendant une de ses extases, lui ayant mis entre les mains un billet cacheté dans lequel un homme demandait éclaircissement sur plusieurs choses, elle répondit pertinemment aux demandes qui lui étaient laites, sans ouvrir le billet, et désigna par la stature la personne qui lui avait écrit.

« Deux autres témoins, Jeanne Dusaulx et Françoise de Launav, disent : la première, qu’ayant entièrement perdu l’usage d’un œil, elle avait été guérie par les prières de la Bueaille; la seconde, qu’elle a été guérie d'un mal d’yeux par la même voie, avec cette circonstance que la Bueaille, pour la guérir, s’était chargée de son mal.

« Nicolas Lecourt dépose que, voulant savoir s’il était vrai qu’elle sût et connût ce qu’on lui disait in

mente, il lui dit étant à vêpres : » Marie, le troisième « psaume est rlit ; et à la fin : Marie, vêpres sont dites.» Il ne sait s'il prononça ces paroles ou s’il ne (it que penser; mais il sc souvient qu’au retour, lui avant demandéee qu'il lui avait, mandé, elle répondit : «que le troisième psaume était dit cl que vêpres étaient finies; »et que, dans plusieurs autres occasions, elle lui a rendu compte de pareils avertissements.

D’autres témoins déposent de faits analogues, et celle pauvre fille, regardée comme sainle inspirée par les uns, comme sorcière par les autres, fut envoyée au bûcher !...

Une autre crisiaque, la dame Guyton, célèbre par ses guérisons merveilleuses non moins que par l’intervention de Fénclon dans sa défense contre Bossuet,qui, trouvant répréhensibles scs rapports avec le barnabite Laeombe, trois fois la lit enfermer par lettre de cachet, n’est pas moins intéressante au point de vue magnétique. Mais son histoire est trop connue pour la rclator ici. Il en est de même de celles de Jeanne d’Are, des convulsionnaires de saint Médard, des trembleurs des (lévennes, d’Urbain Grandier, ele., etc.

Quatrième observa lion.

L'auteur de l’article Convulsiovnaire, du Dictionnaire des sciences médicales, ne voyant dans Mesmer et ses disciples que les sorciers d’un autre âge, les assimile au Père Gérard, Jésuite, convaincu de maléfices et de sorcellerie exercée par le souffle. « Les ma-« gnétiseurs, dit-il, ne négligent point un semblable

* moyen, et M, Delcuzo recommandekdc souffler aller-

« nativement chaud ou froiil, selon l’occurrence. » La conclusion forcée de cette comparaison outrageante est que les magnétiseurs sont autant de pères Gérard ensorcelant toutes les Chdièrcs qu’ils approchent.

Celle assimilation injurieuse est aujourd’hui sans crédit, et 11e mériterait pas mention si elle ne rappelait un grand fait d’abus de la puissance magnétique. Beaucoup de inagnétistes, ignorant l'histoire des méfaits de ce Jésuite célèbre, voici le résumé de son procès fait à Toulon en 1731. Nous le devons i M. Colas, bibliothécaire à Orléans.

« Jean-Baptiste Gérard, Jésuite français, avait été nommé directeur du séminaire de la marine royale de Toulon. Parmi ses pénitentes, il distingua bientôt Catherine Cadière, âgée de dix-huit ans et douée d’une rare beauté. Il produisit en elle un changement surnaturel qui altéra bientôt sa santé. Voici les moyens qu’il mit en usage pour la subjuguer.

« Depuis quelque temps il avait pris sur elle ua grand ascendant par le charme de sa brillante élocution. Il yavait un an qu’il la dirigeait, lorsqu’un jour se trouvant avec elle au parloir, chez les Jésuites, après lui avoir adressé quelques reproches obligeants sur ce, qu'ayant ôté malade, elle ne 1 avait pas fa:t demander dans le cours de sa maladie, il lui citn « -Ne «voulez-vous pas vous livrer à moi ? » Puis, se baissant,

il approcha sa bouche de celle de sa pénitente et lui jeta un souffle qui l’impressionna si vivement, que sur-le-champ elle se sentit transportée d’amour et attirée irrésistiblement vers lui. Ce fut au confessionnal qu’il recueillit de la bouche même de sa pénitente

l’aveu des sentiments qu’il venait de faire naître en son cœur.

a Au procès, après avoir rapporté ce qu’on vient do lire, cette lille dit : « Le changement qui se lit en « moi en cet instant, ne m’a jamais paru naturel. » Plus loin elle ajoute : « Je crois no devoir pas entrer « dans les détails des différents états où je me suis « trouvée; il y en a même que je n'ai bien connus que « par le récit que m’en ont fait ceux qui en ont été « témoins, tant j’étais hors de moi-môme et sans « connaissance. »

« Dans un autre endroit de celte procédure, il est encore dit que ladite demoiselle Cadière savait le secret des consciences, et qu’elle devinait ce que chacune des personnes présentes à ses accidents ou extases pouvaient avoir l'ail chez elles et dans le plus grand secret. Le Père Grignet, Jésuite, avoue avoir reçu d’elle des avis de conscience, après qu’elle l'eut examiné. La dame Lescot, dans son récolement, dit aussi que la Cadière avait le secret des consciences et connaissait les pensées les plus cachées.

« Du propre aveu de cette lille, elle ne tombait en ces états que lorsque le Père Gérard l’approchait, lui posait une main sur la poitrine ; alors scs esprits s’embrouillaient de plus en plus jusqu’à perdre l’usage de ses sens; elle était incapable d’aucune résistance et se trouvait tout à fait à sa disposition. C’est ainsi qu’abusant du pouvoir magnétique, il avait fasciné l’esprit et le cœur de cette enfant, qu’un fanatisme aveugle rendait trop crédule.

« Elle ne fut, du reste , pas la seule qu'il mit dans cet état extraordinaire. On cite au procès les deinoi-

selles Laugier, Batarelle, Gravier, l’Allemande, Kaboul et Giol, qui avaient part à l'affection de cet infâme suborneur. »

Cinquièma observation.

« Le 8 novembre 1576, Bessine Dunlop , femme d’Anflro Jak, demeurant à Lyne,dans la baronnie de Dalry, comté d’Ayr, fut accusée de magie, de sorcellerie et de déception, pratiquées sur des gens du peuple. Ses réponses aux interrogatoires des juges ou aux questions des poursuivants lurent telles qu’il suit. Comme on lui demandait par quel art elle pouvait dire où se trouvaient certains objets perdus, ou prophétiser l’issue d’une maladie, elle répliqua que, par elle-même, elle n’avait ni connaissance ni science aucune sur de telles matières ; mais que, quand on la questionnait sur de pareils sujets, elle avait l’habitude de s’adresser à un certain Tliorne Reid, mort à la bataille de Pinkie, le 10 septembre 1547, qui lui résolvait toutes les questions qu’elle lui posait.

« Elle déclara que lorsqu’on la consultait sur les maladies des hommes et des animaux ou sur la manière de recouvrer les objets volés, elle était, en prenant l’avis de Thome Reide, toujours capable de répondre aux questions. Le conseiller, qui n’était qu’un esprit, lui enseigna en outre à surveiller l’opération des onguents qu’il lui donnait, et à présager, d’après leur effet, le rétablissement ou la mort du patient. Des guérisons furent la suite de ses médications et ses prédictions généralement accomplies. »

Waller Scott, qui rapporte ces détails dans ses

Letters on demonology and Witekcraft, n’adrnet pasl’ex-plicalion donnée par la sorcière de ses rapports avec son esprit familier. Il ne voit en cela qu’une hallucination , ce qui n’infirme ni les faits qui précèdent, ni le suivant que rapporte cet auteur, dont le témoignage n’est certes pas suspect. « J’observe, dit-il , « dans les collections de Pitcairn, que, dans le procès « de Janette Peaston , les magistrats appelèrent Jean « Kincaid, le piqueur ordinaire, à exercer son métier « sur elle, lequel trouva deux marques qu’il disait « être de la façon du diable, et qui paraissaient l’ôtre « en effet; car elle ne sentait pas l'épingle lorsqu’on « l’enfonçait dans l’uno ou l’autre desdites marques, « et le sang ne sortait point des piqûres quand on en « relirait l’épingle. Si l’on demandait à la patiente « où elle croyait qu’on la piquait, elle indiquait une « partie de son corps éloignée de la réelle. Ces épin-

* gles avaient pourtant 3 pouces de long. »

(La tuile prochainement.)

CLINIQUE MAGNÉTIQUE..

Le 19 avril 1840, je fus appelé rue Saint-Domini-que-Saint-Germain n° 24 bis, chez M"‘c Froidcour, qui, après avoir été, durant 13 ans consécutifs, traitée par la médecino allopathique , sans jamais avoir

éprouvé aucun soulagement à ses maux, se décidait à suivre un traitement magnétique.

La malade, âgée de 30 ans, me dépeignit ainsi son état :

Tous les jours migraine ou mal de tôle.

Menstrues ne paraissant que 2 ou 3 fois par an et pendant une heure ou deux seulement.

Douleurs violentes en urinant. Urines rouges et chargées de sable.

Chute de matrice très-prononcée.

Amaurosc de l’oeil droit.

Œil gauche terne, vitreux.

Indigestions fréquentes.

Une selle au plus par semaine, encore provoquée par un lavement.

Moi, je remarque les ravages extérieurs qu’a faits le mal, le teint jaune-verdâtre de la malade, et un instant, je I’avoùerai, j’hésite à accepter la tâche de réparer un tel désordre. Mais je ne tarde pas à reprendre confiance; je me sens fort des leçons de mon honoré maître, le baron du Potet, je compte sur ses conseils précieux, et immédiatement je me mets à l’œuvre.

Pendant 25 minutes, je cherche le joint où je vais poser le levier. La malade n’éprouve rien et semble douter de la vérité mesmérienne. Au moment où elle allait peut-être commencer à en rire, des battements faibles d’abord, mais bientôt intenses, violents', ont lieu à l’épigastre et dans le foie. Je continue mon action sur ces points. 11 semble à la malade que ma main, éloignée d’un pied, presse fortement les parties sur lesquelles elle est dirigée. Plusieurs fois elle

s'assure que ma main ne s’y appuie réellement pas.

A la fin de cette première séance, qui a duré en tout 40 minutes, j’essaie l’attraction magnétique. La malade ressent une forte propension à venir à moi ; elle y peut résister, mais non sans peine.

23 avril. — Môme travail dans l’épigastre et le foie que j’actionne tout spécialement. Je ne magnétise les yeux que secondairement ; car je pressens que là le mal n’est qu’une ramification de celui qui existe au foie.

J’essaie de nouveau l'attraction, et la réussite complète de l’expérience donne à la malade une liante idée de la puissance magnétique, dans laquelle, plus que jamais, elle place tout son espoir.

28 avril. — Les menstrues arrivent en abondance et ont cours pendant 6 jours. Les urines contiennent une plus forte partie de sable que précédemment, et néanmoins il n’y a plus dysurie.

Fortes douleurs dans le ventre, élancements continus. Magnétisation tous les deux jours jusqu’au

12 mai. — Ce jour, le somnambulisme se déclare, mais sans lucidité.Une clarté intérieure existe au front.

Du 13 au 21 mai. — Magnétisations quotidiennes.

La clarté frontale intérieure, que la malade appelle « ses feux, » va toujours croissant. Elle s'étend maintenant jusqu’à lu base du cou. Nulle lucidité encore. Les yeux vont mieux. La malade ne fait plus usage de ses conserves.

22, 24, 25 et 26 mai. — Il est apparu sous le sein droit une tumeur du volume d’un œuf, d’une grande dureté. Quelques insufflations la font disparaître. Elle

reparaît les 24 et 25. Le môme moyen la dissout définitivement.

Annonce des règles pour le 28.

27mai.— Première crise. Je la soutiens au lieu de chercher à la calmer. Je dégage seulement la tète où tend à se porter le sang. La crise a lieu dans l’épi— gastrc.

28 mai. — Les règles sont arrivées abondantes comme les dernières. Deux crises d’une durée chacune de 10 minutes. Je ne les calme point. Telle est d’ailleurs la volonté de la malade. L’épigastre est encore la région principalement intéressée.

Du 29 mai au G juillet. — Magnétisations de deux jours l’un. Ces 20 magnétisations ont amené 24 crises.

11 y en a eu d’âbord jusqu’à 3 clans le môme sommeil. Elles deviennent ensuite plus rares. Plusieurs ont été occasionnées par les réactions du foie et de la vessie.

Le 19 juin la malade a ressenti une vive douleur dans la tête, « comme quelque chose qui s’y brisait. » Elle a failli tomber.

De ce moment les migraines et les maux de tête, qui d’ailleurs depuis quelque temps avaient changé de nature, ne reparaissent plus.

Les menstrues, pour la troisième fois, arrivent encore le 28 et cessent le 5 juillet. Comme les précédentes, elles ont été constamment chargées de glaires.

L’estomac va beaucoup mieux. Depuis deux mois il n’y a eu aucune indigestion.

Les feux comprennent le haut de la poitrine; la lucidité n’est pas encore déclarée.

I)u 8 au 16 juillet. — Interruption dans les magnétisations directes. Obligé d’aller à Lille, je laisse à la

malade une bague magnétisée au moyen de laquelleelle s’est endormie quatre fois. Dans un de ces sommeils elle a eu une crise; elle était seule, et s’est donnée, en se débattant sous l’effort de cette crise , de fortes contusions contre un lit près duquel elle s’était endormie. Ces contusions ont laissé des ecchymoses sur les cuisses et les bras.

La lucidité somnambulique est arrivée à tel point que la malade a pu , endormie, consigner sur le papier ses diverses impressions. L’écriture est nette, hardie.

17 et 18 juillet. — De retour de mon voyage, je reprends le traitement. Je mets en rapports avec la somnambule différents malades dont elle dépeint justement l’état.

Les feux atteignent l’épigastre, où la vue est transposée.

19 juillet.—A 11 heures du soir, on vient me prier de me rendre immédiatement auprès de la malade, qui depuis deux heures est eu proie aux plus vives douleurs. J’arrive et la trouve endormie. Elle s’est mise, au moyen de sa bague magnétisée , dans l’état somnambulique pour être à môme de suivre le travail qui se fait.

La crise est des plus fortes qui se puisse voir. Le ventre est ballonné comme s’il y avait grossesse de neuf mois. Dans la vessie et le foie ont lieu des contactions violentes. La matrice, qui depuis quelque lemps était bien remise, est redescendue plus que jamais*

Mon premier soin est de la replacer. Pour cela, la main posée sur le ventre à la région ombilicale, je 1 attire magnétiquement. La malade la sent remonter peu

à peu, et enfin reprendre sa position. Le ventre, un quart d’heure après, revient à l’état normal. Je ne calme pas les contractions de la vessie et du foie; les jugeant utiles, je les soutiens.

Enfin tout est rentré dans l’ordre. La malade est calme et me donne les renseignements suivants sur les causes et les suites de cette crise :

«La matrice s’est définitivement replacée au moyen a de violentes contractions qui ont amené des dou-« leurs analogues à celles de l'enfantement.

« Le foie s’est purgé de mauvais matériaux qu’en-« traîneront les selles du lendemain.

« Dans la vessie, une partie du sable qui en garnis-« sait les parois intérieures s’est détachée par pla-« ques, et sera déjectée par les urines, qui contien-« dront en outre une forte partie de sang. »

20 juillet. — Accomplissement de ces prévisions.

27 juillet. — Toujours prédites, les menstrues apparaissent et coulent 8 jours.

12 août. — Guérison radicale de l’amaurose à la suite d’une crise toute spéciale dans l'œil droit.

Le 16. — La malade se découvre un nombre infini d’hémorrhoïdes internes dans le rectum. Elle annonce la guérison de toutes celles du côté gaucho sous trois jours. Le signe de cette guérison sera une évacuation sanguine.

Le 19a lieu cette évacuation.

Le même jour, prévision d’une crise prochaine qui doit enlever momentanément la lucidité et la sensibilité somnambuliques. S’il en est ainsi, ce phénomène sera le signe certain de la guérison radicale à 30 jours de celui de la crise.

Transpirations nombreuses presque toujours annoncées. 35 magnétisations ont eu lieu depuis le

20 juillet.

24 août. — À 5 heures du soir, la malade arrive chez moi, pâle, défaite. A une heure do l’après-midi, se trouvant indisposée, elle s’est mise dans un fauteuil, et à 3 heures elle s’est reconnue sur le carreau, ne se rappelant nullement ce qui s’était passé dans ce laps de temps. Je l’endors immédiatement. Elle a eu la crise prédite comme prochaine le 19 août. Lucidité et sensibilité, tout a disparu comme elle l’avait également annoncé. Le jour de la guérison est le 24 septembre.

Du 25 août au 24 septembre. — 31 magnétisations sont pratiquées. 10 transpirations surviennent; toujours la nuit.

Le 26 août.—Venue des règles, toujours abondantes et d’une durée de six jours.

3 septembre. —Nouvelle crise. Le 10 la lucidité commence à renaître. Do vives contrariétés viennent assaillir la malade et font porter le sang au cerveau. Pour arrêter cet effet, elle se recommande un bain de pied avec un demi-litre de vinaigre etl50grammes de moutarde. Le cerveau va mieux. Le 20, des douleurs surviennent dans les reins. Elle ordonne un lavement de 2 têtes do poireau, J’ai mal entendu, et le lendemain je fais prendre 2 pavots. Ce médicament ayant arrêté le travail critique qui se faisait dans le loieet la vessie, la guérison se trouve retardée jusqu’au 2 octobre. Pour détruire l’effet narcotique du pavot sur ces organes, la malade s’ordonne des frictions sur le ventre avec du vinaigre chaud pendant cinq jours.

25 septembre. — Le travail critique a repris. Annonce, pour le lendemain, d’une crise devant amener une lucidité merveilleuse.

26 septembre. — Cette crise se déclare dans le foie et l’épigastre ; mais au lieu de la soutenir, je ne puis songer qu’à la calmer. Le souvenir d’une vive contrariété qu’éprouve la malade a fait refluer tout le sang au cœur. Elle étouffe ; des crachements de sang surviennent; la figure est pourpre; la fièvre se déclare. Pendant une heure, je souffle à froid sur le cerveau et dégage fortement par les jambes ; de temps à autre, je pose mes mains sur les tempes pour maîtriser la folie, puis je magrtétise fortement les genoux et les pieds. Enfin je finis par devenir maître de cette double crise qui n’a pas duré moins d'une heure et demie.

La malade, revenue à elle, approuve tout ce que j’ai fait. «Il ne s’en est pas fallu d’un fil, me dit-elle, qu’il ne se déclarât une hémorragie au cerveau , ou môme que je ne mourusse étouffée. Mais si moi je suis sauvée, ajouta-t-elle, je n’en puis dire autant de ma lucidité, que je regarde comme perdue à tout jamais. Pour que je devinsse d’une lucidité étonnante comme je le disais, cette crise devait être soutenue, et il vous a fallu l’arrêter. Ah ! l’on ne sait pas toute la fâcheuse influence d’une contrariété sur le somnambulisme. »

27,28 et 29 septembre. — Une crise dépuratoire ce dernier jour. Elle intéresse l’estomac, qui se trouve définitivement purgé de toutes les glaires, de toutes les matières qui le tapissaient intérieurement. Les menstrues annoncées pour le lendemain doivent les entraîner.

30 septembre. — Arrivée des menstrues. La lucidité

de la malade revient, étonnante. J’en profite pour renouveler nies questions, que jusqu’ici elle n’avait pu résoudre, sur la cause et la marche do sa maladie.

e Je puis aujourd’hui, me dit-elle, vous satisfaire « pleinement. Tout m’est découvert. Ecoutez.

«Ma maladie date du premier jour de ma nais-o sance ; ma nourrice avait eu la (/aie dont elle n’avait «jamais été radicalement guérie ; j’ai donc sucé un « lait empoisonné... Lors de mon sevrage, l’humeur « galeuse se porta sur les yeux ; je devins aveugle... « Je restai un an dans cet état... Il me survint des « gourmes, et l’humeur trouvant une sortie au dehors, « dégagea la vue... Ces gourmes, je les gardai nom-« breuses jusqu’à l'âge de 12 ans; elles disparurent, «et avec elles ma santé... Le sang me gêna... c’est n alors qu’un animal de médecin me lit des saignées réi-« térées. Il appauvrit encore un sang déjà pauvre ; «je tombai dans un état de langueur... A 16 ans, « j’eus la petite vérole... heureusement, car sans cela «je mourais à cette époque. Cette maladie créa un « émonctoire; mes humeurs se jetant encore une fois « au dehors, je repris un peu de santé... A 17 ans, je « me mariai... Je ne tardai pas à devenir mère... La « douleur de l’accouchement attira sur l’utérus une « grande partie des humeurs qui étaient restées en « moi, et j’eus une descente de matrice que mon mé-« decin a traitée par des brùlements, des cautérisa-« tions continuelles; si bien que ce traitement a eu « pour résultat de me donner en plus un catarrhe de « vessie... Mon enfant, lui, est mort... le pauvre ançe « ne pouvait vivre !

« A 24 ans, je fis une forte maladie de poitrine...

« Al) ! je le dois dire à la gloire delà médecine, elle a « fait, en cette occasion, une bello chose... c’est ce-« pendant la môme bêle qui me soigna... Le poumon « gauche était ulcéré, engorgé de sang... j’éprou-« vais de violentes palpitations de cœur.

«Je fus celte fois très-bien guérie... Il m’est seule-« ment resté de ces palpitations une fissure dans la « cornée et l’œil droit.

«Ma maladie au foie, à laquelle j’attribue l’amau-« rose, je l’ai gagnée par la cohabitation avec mon « mari, chez qui cet organe est gravement atleint.

« Mes migraines avaient leur source dans un dépôt « d’humeur galeuse au cerveau.

o La gastrite et l’entérite avaient pour cause do « principe cette môme humeur partout répandue, et « pour cause eomplieative la maladie du foie. »

La malade prévoit pour le lendemain une douzaine de selles composées de matières ayant l’aspect de la chaux délayée, et par suite une fièvre qui la forcera de s’aliter.

Elle recommande de lui appliquer de temps à aulre sur le ventre des serviettes chaudes, et s’ordonne :

1° Deux tisanes, l’une de bourrache, l’autre de camomille, à prendre alternativement;

2" La pommade suivante pour graisser les hémorroïdes qui restent du côté droit du rectum, daus le cas où les garde-robes prédites les feraient sortir en grappe :

¥ : 1 marron en purée,

50 grammes beurre de cacao.

1er octobre. — La malade a compté 10 selles, et les matières déjectéesétaienten effet comme de la chaux. Elle a gardé le lit de midi à 6 heures. Les hémor-

roïdes ne sont pas sorties. « II est à penser, nie dit-elle, qu’elles ont crevé intérieurement ; car les dernières selles contenaient un peu de sang. »

Endormie, elle me donna l’assurance du fait. La magnétisation détermine une crise assez forte occasionnée par le travail simultané du foie et la vessie.

Prévision d’une crise terrible pour le lendemain, mais ce sera lu dernière.

2 octobre. — La crise prévue a lieu en deux pariies. Dans la première, qui dure un quart d'heure, se produisent à peu près les effets de la veille ; mais dans la seconde, d’une durée double, les contractions du foie et de la vessie prennent un caractère terrible, comme l’a prédit la malade. Les douleurs sont intolérables...

U survient uneroideur tétanique des bras puis de la jambe droite. Je dégage cette dernière, menacée d’une luxation sous l’effort de la tension musculaire.

Le laps de temps qui a séparé les deux parties de cette crise a été d’une demi heure. Dans ce moment de repos la lucidité do la somnambule a atteint le plus haut période. Elle rr.e disait ce qui se passait à l’instant même chez le concierge de la maison, et le nom de six personnes qui se trouvaient dans la loge.

Je lui demandai alors quelle avait été la marche de la guérison. « L’humeur psorique, me répondit-elle,

« a eu pour émonctoire, et dans l’ordre suivant: 1° les « urines, 2" les transpirations, 3" un vésicatoire qui « a triplement fonctionné tout le cours du traite-« ment, 4" les diarrhées.

« Les glaires de l’estomac ont été expulsées par les « menstrues ; les matériaux hétérogènes qui séjour-« naient dans le foie, par les diarrhées. »

3 octobre. — Les suites de lu crise d’hier ont été, dans la soirée et la nuit, deux évacuations alvines et des déjections par les urines du sable que restait contenir la vessie.

Maintenant les urines coulent limpides.

G octobre. — Aujourd’hui Mm® Froidcour est radicalement guérie. Son teint respire la santé la plus parfaite. Le corps , depuis deux mois, a repris de l’embonpoint, et nul ne se douterait, en la voyant, qu’elle termine à peine un long traitement.

Total des magnélisations : 122.

Tlt.AITEMENT :

§ 1. — Magnétique.

La magnétisation a été toujours locale et dirigée principalement sur l’épigastrc, le foie et le has-ven-tro, secondairement sur la partie frontale, et de temps à autre sur les reins.

Je n’ai usé de passes longitudinales qu’après des crises. La somnambule trouvait que ce genre do magnétisation donnait de la force, du ton. Quand je lui ai demandé si, en employant cette méthode, je serais arrivé à guérison, sa réponse a été négative. «Ces passes, a-t-elle ajouté, n'ont de propriété essentiellement curatives que dans les maladies où la vie est en moins. »

§ IL — Médicamenteux.

La malade a constamment fait usage d’eau magnétisée. Outre les résultats tout satisfaisants qu’a donnés ce médicament, j’en ai obtenu des effets déterminés certains. Ainsi, lorsqu’après de nombreuses garde-robes lo corps s’était resserré, comme il ar-

rive clans l’état normal, si je magnétisais de l’eau avec lu volonté de lui donner une vertu purgative, deux heures après l’ingestion du premier verre, le cours de ventre reprenait comme précédemment. J’ai tant de lois répété cette expérience, et toujours à l’insu de la malade, qu’il ne m’est plus permis de penser que le hasard pût être quelque chose dans reflet voulu.

Quelques tasses d’infusion de camomille et de bourrache ont seules été administrées durant ce long traitement. Le magnétisme direct ou par l’intermède de l’eau a fait le reste, c’est-àdirc presque tout.

EXPÉRIENCES.

Le somnambulisme de Mme Froidoour a présenté toute la série des phénomènes magnétiques : attraction, lucidité, sensibilité, catalepsie, invisibilité.

Je citerai particulièrement une expérience de ce dernier genre, qui, si elle a été obtenue, n’a pas, que je sache, été publiée,

J’avais plusieurs fois rendu invisibles à M"11' Froid-cour, lorsque je la réveillais, soit des. personnes, soit des meubles, etc. Un jour il me vint à l'idée de magnétiser le flambeau et la bougie dans cette môme intention. Ma pensée était quo sans doute elle ne verrait ni l’un ni l’autre, mais apercevrait la flamme, ou du moins la clarté répandue dans l’appartement.

M”” Froidcour, éveillée, se plaignit d’être dans une obscurité profonde. Flambeau , bougie , flamme, clarté, tout avait disparu pour elle.

Derrien,

Secrétaire général de la Société pl»ilanthroi>ico—magnétique.

VARIÉTÉS.

Le magnétisme à Lyon. — La présence de M. Ic baron du Potet ù Lyon ne sera pas, nous l’espérons, sans fruit pour le progrès du magnétisme. Nous avons parlé dans le dernier numéro de la séance publique donnée à l’IIÔtel du Nord, et suivie d’un Cours élémentaire île magnétisme en dix leçons.

Les élèves qui ont suivi ce cours voulant donner à leur professeur un témoignage d’estime et de reconnaissance, l’ont invité à un banquet qui a eu lieu le 12 septembre dernier.

Ce banquet a été présidé par M. Guinand aîné, ingénieur. Au moment du dessert, la parole a été donnée à M. Marius Cbastaing, rédacteur en chef de la Tribune lyonnaise, qui a prononcé le discours suivant :

« Messieurs,

a Réunis dans ce banquet pour offrir un dernier témoignage de reconnaissance à l’homme dévoué qui parcourt la France pour initier les populations aux bienfaits du magnétisme, au savant distingué dont le généreux apostolat ne sera pas sans fruit pour l’humanité, nous ne devons pas oublier que nous avons tous ensemble, et chacun en particulier, une mission à accomplir; l’oublier, ce serait mal répondre à ce que notre honorable convive est en droit d’attendre

île nous. Montrons-lui qu'il n’a pas semé dans une terre ingrate, et que Lyon , la ville du commerce et de l’industrie, est aussi la ville des sciences et des arts ; que notre patrie accueille toutes les idées grandes, généreuses , utiles. Ainsi il recevra le prix de ses travaux parce qu’il dira : Ma voix n’a pas été stérile , et j’ai trouvé un éclio dans l’esprit comme dans le cœur des Lyonnais.

« .Ne nous séparons donc pas sans lui promettre qu’à son retour, une école digne de lui, dont il pourra s’avouer le fondateur et le maître, existera à Lyon.

» Sachez-le bien, messieurs, les impressions du moment s’effacent, le temps engloutit les meilleures résolutions; pour maintenir les unes et les autres, il faut mettre la main à l’oeuvre.

« Soit que nous rétablissions sur des bases nouvelles et plus solides l’ancien Athénée électro-magnétique, soit que nous établissions, à l’instar de Paris, une Société de mesmérisme, il nous faut agir promptement et avec vigueur pendant que nos esprits sont encore sous le charme de l’enseignement que nous avons reçu.

« Nous devons tenir à honneur de donner au magnétisme l'importance scientifique qui lui est due; car à vos yeux, je l’espère, il est comme aux miens la science primitive, la doctrine par excellence.

« Le magnétisme est la connaissance de l’esprit vital qui, venant de Dieu môme, anime tous les êtres par une chaîne non interrompue, quoique nos sens ne puissent en percevoir les divers anneaux, les relie à l’auteur suprême de toutes choses. Quelle plus noble élude que cette doctrine, que cette science! et cest

pourquoi les fondateurs de l’Athénée commencèrent leur programme par ces mots du poëte : « Heureux qui peut connaître les principes des choses ! »

« Cette étude satisfait les plus nobles instincts de l’homme,

« Ange déchu qui se souvient des deux. »

et qu’un désir profond, insurmontable, porte toujours à chercher dans le champ de l’inconnu un aliment à l’inquiète curiosité do son âme.

«Cette étude est encore un bienfait pour l’homme considéré seulement dans sa vie physique.

« Le magnétisme est la médecine universelle dont celle qu’on enseigne dans les facultés n'est qu’une imitation grossière. Pourquoi? parce que le magnétisme est la vie même, et l’on comprend que l’art qui enseigne à augmenter la force vitale de l’être souffrant est bien plus propre à rendre la santé que celui qui ne sait combattre la maladie que par l’emploi de matières inertes, privées de tout principe de vie. On comprend que cette force vitale nouvelle, s’infiltrant par tous les pores, est bien plus puissante et aidera la nature de son travail de répulsion contre les principes morbides d’une manière bien plus efficace que tous les médicaments.

« Enfin, le magnétisme est l'auxiliaire de la chirurgie; dont les opérations douloureuses ne seront plus arrêtées par aucune crainte, puisque la partie malade aura déjà en quelque sorte été retranchée du corps par le phénomène de l’insensibilité.

« Nous vous disons donc adieu, monsieur du Potet; mais nous vous disonsaussi au revoir; caries lionsqui

es sont formés entre nous ne seront pas rompus par l’absence, et vous aurez un souvenir pour ceux qui ont été si peu de temps vos élèves , mais qui seront toujours vos amis.

« Permettez-moi, comme organe très-secondaire, il est vrai, mais consciencieux de la presse vouée au progrès, do vous offrir le juste tribut des hommages qui vous sont dus.

« J’ai cherché à me rendre compte de votre enseignement et j’en ai reconnu la sagesse.

« Vous avez pensé que. sans détruire les illusions que les esprits portés au mysticisme aiment à se faire sur l’essence divine du fluide magnétique, il fallait auparavant l’expérimenter dans sa partie curative, c’est-à-dire immédiatement applicable au soulagement de l’humanité.

«J’ai recueilli vos paroles empreintes, d’une foi vive et d’un sens profond. « Laissons au temps le soin de « faire de nouvelles découvertes ; n’abîmons pas nos « esprits dans les mystères insondables d’une psy-« chologie trop voisine do l’erreur pour qu’on l’ac-« cepte comme vérité démontrée , trop voisine peul-« être aussi delà vérité pour qu’on s’arme contre elle a d’un scepticisme inintelligent. Mais avant tout con-« stituons le magnétisme à l’état de science avouée , « et, pour accélérer son triomphe, ne laissons aucune « chance à l’incrédulité raillèuse , au charlatanisme « effronté et cupide. »

«Vous avez fait, et j’oserai le dire, dût votre modestie en souffrir, vous avez fait pour cette science nouvelle, ou pour mieux dire retrouvée par Mesmer, ce que Descartes, en introduisant le doute philoso-

pliiquc comme criterium des connaissances humaines, a fait au XVII siècle pour toutes les sciences.

« J’ai [prononcé le nom de Mesmer; il doit être invoqué avec vénération dans celte assemblée, la première qui sc soit formée à Lyon sous ses auspices.

o Je vous propose donc, messieurs, un toast :

« A Mesmer, génie méconnu jusqu’à ce jour;

g A ses disciples, et en particulier à M. du l’otet ;

« Au triomphe du magnétisme. »

Après ce discours, M. Jolv a lu les vers suivants, qui, au mérite de la pensée, joignent celui de la difficulté vaincue; car la réunion de la première lettre de chaque vers forme un acrostiche :

l'homme qui, bravant lç stupido empirismo, n temps bien long, hélas! soutien dti magnétisme,

on et compatissant aux maux du genre humain, su calmer, guérir;en imposant la main, animer le mourant! Grâce à ce Prométhéc, n croit à l’art divin; l’homme n’est plus athée, e cessant d'enseigner l'œuvre du grand Mesmer,

es sots il brave cncor plus d’un sarcasme amer, tilisons, messieurs, l'art qu'il peint avec âme, énétrés comme lui de l’ardeur qui l’enflamme... h! qu'on doit admirer sa noble mission, oui son savoir devient noire possession, nsemble ici portons plus d’un toast à sa gloire, ous en chœur, de nos vœux appelons la victoire.

M. Romano, dans une improvisation brillante et animée, s'est rendu spécialement l'interprète des élè-

vcs qui ont suivi le cours de M. du Potel, et a demandé qu’il voulût ltien accepter le titre de président d'honneur de la société mesmérienue projetée , qui prendra le titre d’Athénée magnétique.

M. le baron du Polet, dans une allocution chaleureuse prononcée avec émotion, u remercié l’assemblée et porté un toast au succès de Y Athénée magnétique, en engageant les convives à persister dans l’étude rationnelle du magnétisme suivant les principes simples et clairs enseignés par lui, et qui ont le mérite d’ôtre fondés sur la logique et l'expérience. « Une « vérité humanitaire, a-t-il dit, a besoin, comme toute « vérité, de démonstration ; opérez donc des œuvres « qui attestent votre pouvoir, soulagez ceux qui sonf-« lient tout en les instruisant. Vous forcerez une plii-« losophie orgueilleuse et ignorante à s'incliner de-« vant des faits qui prouvent l’immortalité de l’âme, « font cesser des doutes cruels et nous consolent dans a nos afflictions. » Ce discours ayant été improvisé, comme toutes les leçons de M. du Potet, nous sommes forcés de nous en tenir à ce court aperçu.

Avant de se séparer, M. du Potet a pris la parole et a porté le toast suivant à un homme que sa science recommande autant que son patriotisme, et qui, après avoir suivi constamment le cours de magnétisme et souscrit au banquet, a été forcé de s’absenter par une circonstance particulière.

« A M. le docteur Iialme.

u A cet homme vénérable, qui, dédaignant les préjugés de l’école, est venu nous témoigner, en encourageant nos efforts, que la science, pour les hommes d’élite, ne consiste pas dans uno suffisance orgueil-

Jeuse, se bornant à conserver intact et sans l’augmenter le dépôt des connaissances acquises, mais bien dans une louable émulation, dans une marche incessante et continue vers le progrès.

« A M. le docteur Balme, qui, riche lui-même d’une vaste et profonde érudition, a compris et mis en pratique le majestueux exemple de Caton, ne dédaignant pas d’aller, dans un âge avancé, s’enquérir d’une science nouvelle. »

Après le banquet, le présideut a proposé une collecte en faveur d’un brave homme dopt l'infortune lui a été signalée. Cette collecte a produit 20 fr. 30 c.

(Tribune lyonnaise.')

Revue des journaux. — La Mouche des 15 et 2!) septembre mentionne la présence de M. du Potet à Màcon, et l’opération chirurgicale faite à Cherbourg le 19 du môme mois.

La Démocratie pacifique du 2 octobre fait précéder d’un commentaire très-favorable le procès-verbal de la dernière opération chirurgicale de Cherbourg.

La Clinique de Marseille du 10 septembre continue ses attaques contre le magnétisme. Elle admet l’existence de l’agent, mais combat comme frauduleux les effets exhibés par M. Piard, qui se fait appeler docteur Laurent. Si le rédacteur de la Clinique laissait de côté l’ignorance du prétendu docteur pour examiner attentivement les phénomènes magnétiques qu’offre Prudence, il écrirait autrement. Ignore-t-il que le rapport de 1784, qu’il cite sans cesse , est mensonger, et que c’est dans un mémoire secret que les commissaires ont exprimé leur opinion véritable ? N’est-il pas temps

délaisser Bailly, Franklin, Lavoisier, avec leurs mensonges; Virey, Dubois (d’Amiens) avec leurs injures; Burdin avec son prix qui cache un piège, pour étudier enfin par soi-mômc un fait si facile à produire? Pourquoi semer l’erreur quand on peut répandre la vérité si aisément?

BiSLICGRAPHiE.

Réponse an pamphlet Ifs Médecin* dévoilés, par L. Couturier.

Brochure in- 8". Paris, chez Moquet. Prix : 75 c.

Jamais les presses ne gémirent pour donner le jour à si maigre pamphlet. La force, la vigueur, l’énergie incisive de l’attaque contrastent avec la faiblesse, l’asthénie de la défense. Autant M. Déhaut est précis dans ses accusations, autant son adversaire se montre diffus, embarrassé dans scs réfutations. Mais on lui pardonne aisément, la cause est si ingrate!

Le magnétisme, défendu énergiquement par l’auteur des Médecins dévoilés, ne pouvait trouver grâce aux yeux de M. Couturier, qui no croit mieux faire que de répéter les accusations banales qu’on nous jette à la face en dépit du bon sens.

¡.c Propriétaire-Gérant : HliliERT (de Camay).

PÉRÉGRINATIONS MAGNÉTIQUES.

§ II. — Lyon.

Le magnétisme, ce fruit de l’intelligence, sc répand maintenant de lui-même; il n'est plus au pouvoir des savants d’empêcher ses progrès.

Ce qu’il faut établir maintenant, c'est la règle judicieuse de son emploi ; ce sont les erreurs dont il est cause qu’il faut empêcher et détruire; c’est enfin l’enseignement rationneldesphénomènesqu’il produit, et surtout la loi qui préside à leur développement.

C’est une tâche plus difficile qu’on ne l’imagine; car déjà des croyances sont établies, des faits sont dénaturés, et lo somnambulisme, effet simple du magnétisme , est considéré comme en étant le but, tandis qu’il n’est au contraire qu’un des effets de son action variée qu’il faut faire rentrer dans la classe des faits généraux. Il faut aussi détruire des méthodes vicieuses nées avec Mesmer à l'enfance de la science, et que Mesmer lui-même eût considérablement modifiées. Mais il est des magnétiseurs qui n’apprennent rien, qui ne marchent pas; ils sont encore à 1784, et ne sortent point des baquets. Ce qui contribue aussi à retarder le progrès de la science magnétique, ce

TOME III. 31 OCTOBRE 18£|6. 8

sont tous les aventuriers magnétiseurs qui ne voyagent qu’avec (les somnambules, et n’ont à offrir à la curiosilé que des faits de sommeil qui, seraient-ils prouvés mille fois, n’avanceraient en rien la vérité. Ordinairement, à côté de faits vrais qu’ils présentent il s’en glisse de faux; la lumière projetée par les premiers est aussitôt éteinte par les erreurs et les faits négatifs, ce qui cause un tort irréparable-, car il est difficile de faire revenir des gens qui ont ou qui croient avoir été trompés. Robert Iloudin est bien plus habile que tous ces magnétiseurs de pacotille; il fait tout ce qu’ils font mieux qu’eux. Jamais d’erreur avec lui, et cependant il n’emploie point le magnétisme, il a la franchise de le dire; mais le dirait-il, que son assertion ne pourrait soutenir l’examen. Plus sage , il ne dit point qu'il arrêtera le vent, qu’il fera tomber la pluie; il se borne à la seconde vue; il applique des bandeaux simples, et laisse le masque de plomb et autre invention, les regardant comme superflus.

Quoi ! les hommes ne peuvent considérer froidement la vérité; il faut, pour les séduire, toujours du merveilleux et de l’incompréhensible; le réel, l’exact n’a que peu de puissance sur les communes intelligences. Et c’est ainsi que les prêtres ont pu altérer la religion du Christ, les médecins se moquer si longtemps du public. Ah! de grâce, écoutez-moi un instant. L’action simple du magnétisme est déjà une grande merveille; pourquoi donc, avant de l’avoir étudiée, vouloir tout à coup pénétrer dans un monde inconnu? L’enfant peut-il avant le temps franchir l’espace? S’il veut courir, ne fait-il pas des chutes? Ah! vous êtes comme lui, et ceux qui vous ont dit que vous pouviez

courir étaient des fous ou des enfants. Je sais bien que les enthousiastes et les professeurs de magnétisme vont trouver ridicule ma manière de voir. A leur point rie vue ils ont raison; car ils verraient leur importance et leur profit grandement diminuer. Ce n’est pas pour eux que j’écris; c’est pour vous, mes chers élèves de Lyon. Vous me comprendrez , vous entendrez mon langage; vous avez examiné les faits que j’ai produits devant vous. Sans doute vous avez reconnu que celui qui sait vraiment n’a pas besoin de grands déploiements de force pour obtenir de grands résultats; la nature semble lui obéir, car il entre de suite dans ses desseins ; tout ce qu’il fait, il le rend compréhensible, l’explique aux intelligences les plus bornées, et leur donneainsi la véritable méthode d’expérimentation, celle sans laquelle on ne peut acquérir une instruction solide. C’est donc sans crainte que je vous parle à cœur ouvert; je ne redoute point que vous condamniez ma franchise. Que voulez-vous, que re-chons-nous? la vérité surtout. Eh bien, ayant môme but, mêmes pensées, je crois être ici votre interprète, quoique n’étant plus votre maître. Il faut donc ensemble dégager le magnétisme des erreurs répandues par ceux qui l’enseignent, afin que ces professeurs bâtards arrivant parmi vous ne puissent surprendre personne. Soyez-en certains, ils y viendront avec leur dormeuse, leur masque de plomb, leur triple mouchoir, leur jeu de cartes,que sais-je? avec leur ignorance, assez osés qu’ils sont pour se présenter comme interprètes de la divine science magnétique.

Ceci, mes chers élèves, devait précéder la communication que je veux vous faire de loin; car quel que

soit u 11 enseignement, il rosie toujours quelque chose à dire, quelques conseils ù donner; vous m’avez montré tant de sympathie, que je no crains ni do vous déplaire dans mes conseils, ni de vous trop parler de magnétisme.

(La suite au prochain numéro.)

• ' M I « - l^i

CLINIQUE MAGNÉTIQUE.

Attaoue de nerfs. — Dans le courant du mois de juin 1839, je fus appelé dans un magasin de nouveautés do mon voisinage pour donner des secours à une jeune personne que l’on disait prise de convulsions. Je ne connaissais personne dans cette maison, où moi-même j étais à peu près inconnu. Je trouvai une jeune personne dedix-sept à dix-huit ans qui se débattait avec effort contre les étreintes de plusieurs personnes, parmi lesquelles se trouvaient des hommes; elle était en proie à une violente attaque de nerfs. La dame, maîtresse do la maison, me dit que cette jeune personne, habituellement fort douce, un peu railleuse de caractère, très-gaie, ayant été fort bien élevée et dans des principes religieux, était chez elle depuis près d’un an; qu’elle n’avait jamais rien éprouvé de semblable depuis qu’elle était dans sa maison, et qu’on ne pouvait soupçonner la cause d’un pareil accident, la jeune personne n’ayant, à sa con-

naissance, éprouvé aucune espèce de contrariété, (lotie dame nie dit en outre que îles revers de fortune avaient réduit le père de celle demoiselle à un état de gène assez pénible, et (pie c'était par suite de cette situation inattendue qu’il avait été obligé de placer sa fille dans une maison de commerce; que cependant celle-ci, par suite de la gaieté naturelle de son caractère, avait assez facilement pris son parti et avait eu peu de peine à s’accoutumer à sa nouvelle situation.

La pauvre jeune fille se débattait en poussant des cris plaintifs, et les efforts réunis de ceux qui la tenaient n’étaient pas toujours suffisants pour l’empêcher de sauter hors du lit sur lequel on cherchait à la maintenir. Ses mâchoires étaient tellement serrées qu'il eût été impossible d’introduire la moindre chose dans la bouche, et d’ailleurs il est extrêmement dangereux dans ces sortes de cas de faire violence aux malades pour leur faire avaler quelque liquide; la constriction du gosier est souvent telle que le mouvement de déglutition est impossible, et l’on pourrait risquer de faire passer le liquide dans le larynx et la trachée-artère, et de causer ainsi la suffocation du malade que l’on chercherait àsoulager.

L’état de cette jeune personne me fit véritablement pitié, et je regrettais sincèrement de ne pouvoir efficacement la soulager. J’allais même me retirer après avoir conseillé tout ce que je croyais le plus propre à lui faire quelque bien, lorsqu’il me vint tout à coup la pensée d’essayer sur elle l’effet du magnétisme. Je n’avais jamais eu l’occasion de voir employer l’action magnétique dans un cas semblable, et je pensais que l'état de crise dans lequel se trouvait cette malade

pouvait s'opposer à ce qu’elle reçût aucune influence du fluide magnétique; je me trompais pourtant.

Pendant que l’on tenait la jeune personne et qu’on la préservait contre elle-même des efforts désordonnés qu’elle faisait pour se précipiter à terre ou contre la muraille, je plaçai ma main droite à quelques pouces de son épigastre, et je m’efforçai de magnétiser avec une grande force de volonté. Dix minutes s’étaient à peine écoulées que la résolution complète des membres s’opéra; la contracture musculaire et les mouvements tumultueux cessèrent simultanément, et les personnes qui maintenaient la malade lurent bien surprises de sentir graduellement affaiblir sa résistance. En peu d’instants, à l’aide de. quelques passes convenablement dirigées, la malade passa de l’état le plus frénétique au somnambulisme le plus calme qui se puisse imaginer. Je ne pus toutefois la faire parler, et je jugeai convenable, puisqu’il n’y avait plus rien à craindre pour elle, de laisser la malade dans cet état, dormant paisiblement d’un sommeil doux et réparateur; seulement je priai qu’on ne la laissât pas seule, et qu'on la surveillât attentivement. Je retournai deux heures après chez la malade, et je la trouvai dans le même état; toutefois il s’était manifesté un phénomène que je n’avais pas encore eu ocasion de remarquer: les jeunes compagnes de ma somnambule, ne pouvant maîtriser leur curiosité, n’avaient cessé de l’interroger malgré ma défense; il enétait résulté que la malade, sans s’éveiller s’était mise en rapport avec chacune d’elles; de sorte qu’elle causait avec ses camarades sur toutes sortes de sujets, mais particulièrement des choses qui étaient

l'objet de ses occupations ordinaires ; elle les faisait beaucoup rire, en contrefaisant par ses gestes et surtout par ses paroles une des pratiques de la maison, personne fort exigeante, passablement ridicule, et surtout très-difficile à contenter. Je voulus faire cesser cet état et j’essayai de réveiller ma somnambule ; mais, à mon grand étonnement, je ne pus y parvenir, quelque chose que je fisse pour cela. Surpris de cet inci— déni, mais ne voyant pas grand inconvénient à laisser les choses dans cet état jusqu’au lendemain (il était alors fort tard), je me retirai en recommandant expressément qu’on laissât la malade dans le repos le plus absolu. J’appris depuis que mes conseils n’avaient point été suivis, et que pendant une grande partie do la nuit les jeunes filles, que cela amusait, n’avaient cessé de rire et de causer avec elle.

Le lendemain matin, je trouvai ma malade assise sur son lit; ses yeux étaient fermés; elle voulait, di-sait-elle, s’habiller pour descendre au magasin; une de ses compagnes lui présentait en riant un miroir, et elle était fort occupée à rassembler ses cheveux pour les fixer sur sa tête. Alors commença la plus singulière scène qui se puisse imaginer. Dès que la jeune personne connut que j’étais là, elle m’adressa les plus vifs reproches sur l’état de captivité et de dépendance dans lequel je l’avais, disait-elle, réduite, invoquant l’autorité de son père contre moi, et priant qu'on I’al-lât chercher, ce qui au reste était déjà fait sur mon avis, mais il demeurait hors Paris. « Je sais bien, « disait-elle, qu’il n’y a point de sorciers... non, je « ne crois point aux sorciers, Dieu ne le permettrait « pas... Mais cependant quel pouvoir avez-vous ? Il y

« a là quelque chose d’incompréhensible! Quel droit « avez-vous sur moi ? Pourquoi me lier, me tenir ainsi « enchaînée à voire volonté? Je ne puis ouvrir mes

« veux ; il faut pourtant que j’aille au magasin.....

« Déliez-moi, etc., etc. » Tout cela était dit avec autant de facilité que si elle eût été dans l’état le plus naturel. J’essayai de nouveau de la réveiller ; j’y parvins presque; elle ouvrit un instant les yeux, nous regarda ; mais, à mon grand étonnement, elle retomba dans son état somnauibulique. — » Vous voyez, ma-« demoiselle, que je ne vous veux aucun mal, lui dis-«je, puisque je ne demande pas mieux que de vous « voir libre et éveillée. L’état dans lequel vous êtes « n’a rien de bien fâcheux. C’est en effet moi qui vous « y ai mis, mais c’était avec l’intention de vous être «utile; et en effet je vous ai préservée d’accidents «graves et tirée d’une situation critique; vous me a devez plutôt quelque reconnaissance. — Tout cela « n’empèche pas, répondit-elle, que c’est fort mal à « vous d'abuser de ce pouvoir que vous avez pour tenir « une pauvre lille captive et l’empêcher de faire même « ses nécessités. — Mais je ne vous en empêche point, « je vais même me retirer pour vous laisser plus de « liberté. » — Je m’éloignai un peu et on lui présenta 1111 vase de nuit, sur lequel, étant descendue du lit, elle se plaça avec quelque difficulté. — « Je ne peux « pas, dit-elle, ce méchant homme m'empêche d’uri-« ner, et j’en ni pourtant bien envie.»

J étais véritablement assez embarrassé au milieu de gens qui ne savaient peut-être que penser de moi et des reproches que l’on ni adressait. Je m approchai de la malade, et faisant quelques passes magnétiques

sur lo bas-ventre et sur les reins, je veux, lui dis-je, que vous puissiez uriner. Aussitôt nous vîmes cette jeune personne, dont les habitudes de modestie n filaient pas douteuses au dire de ceux qui l’entouraient en ce moment, relever son vêtement Je nuit, comme si elle eût été en pleine campagne, se poser sur le vase et évacuer en notre présence, et à son grand contentement, une telle quantité d’urine que je crus qu’un seul vase ne suffirait pas; je n'exagère pas en disant qu’il y en avait plus de deux pintes. Cela fait, elle se remit dans son lit, exprimant tout le plaisir qu elle ressentait «le se voir débarrassée de la gêne qu’elle éprouvait; mais je ne pus encore la réveiller.

La jeune personne avait bu le malin une tasse de lait; elle aurait pu manger, j’en suis convaincu; il n’y avait donc nul inconvénient à la laisser quelque temps dans cet état et attendre tranquillement la cessation do son somnambulisme obstiné; il se serait dissipé de lui-mème, et il n’aurait d'ailleurs point eu lieu, j’en suis convaincu, si 011 eût laissé la malade tranquille pendant la nuit,ainsi que je l avais ordonné. Mais faire partager ma sécurité à des gens fort peu éclairés et manifestement mal disposés envers moi, était chose impossible. Aussi à l’arrivéo du père, qui eut lieu dans la matinée, les langues, jusque-là contenues, se délièrent,et on lui fit le récit de-ce qui sé-tait passé, sans manquer, bien entendu, de l’accom- _ pagner des ornements les plus merveilleux; sa fille n’était ni plus ni moins qu’enc/icmice ou ensorcelée. A une époque plus reculée ou dans un lieu éloigné de la capitale, cette aventure aurait pu devenir funeste pour le médecin. Le père, homme d’un sens assez étroit,

commença, lorsqu’il me vit, par me déclarer qu’il n’élait pas partisan dit magnétisme ; à coup sur il en avait bien le droit, mais il ne le connaissait certainement pas. Il me remercia pourtant de mes soins, et me dit qu’il avait envoyé chercher le médecin qui connaissait le tempérament de sa fille. Je vis clairement qu’il ne se souciait pas que je dirigeasse le traitement de la malade, et je me bornai à lui proposer de continuer, sans aucune autre espèce d’intérêt que celui de la science, à voir sa fille conjointement avec le médecin de son choix, ou tout au moins de me trouver avec ce médecin, pour lui expliquer ce qui s’était passé; il consentit à cette dernière proposition. Mais le hasard fit que je rencontrai un médecin avec lequel je ne pus m’entendre, et notre conférence ne fut pas longue. Sur le conseil de ce médecin, on plaça la malade, toujours en état de sommeil, dans une voiture et on l’emmena chez son père.

J’ai beaucoup regretté de n’avoir pu suivre cette intéressante observation; je l'eusse pu sans doute, puisque le père y consentait ; mais j’avais manqué de patience, et le mal était irréparable. J’appris depuis indirectement que l’on avait administré à la jeune malade force potions antispasmodiques, et que les choses s’étaient passées, heureusement pour elle, à peu près comme elles se seraient passées si on ne lui eût rien fait du tout; on eût bien mieux fait de la laisser absolument tranquille, ainsi que je l’avais conseillé.

Docteur Besuchet.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ MAGNÉTIQUE DE CAEN.

L'an dernier, la Revue magnétique fit le relevé des sociétés de magnétisme, qu’elle trouva être au nombre de onze, tant en France qu’à l’étranger. Mais plusieurs ne figurent que nominalement dans ce travail qui avait pour but de faire connaître la composition et les travaux de chacune d’elles. De ce nombre se trouvait celle de Caen, dont voici la composition actuelle :

MM. Abel Vautiek, député, président;

Perrier, docteur-médecin, secrétaire;

Blin, chimiste, trésorier.

Des modifications devant être apportées à sa constitution et sa base élargie, la lisle des membres et la nature des travaux seront ultérieurement publiées.

ATHÉNÉE MAGNÉTIQUE DE LYON

Appel ayant été fait aux magnétiseurs de Lyon pour créer une société qui remplaçât l’Athénée élec-fro-magnétique, dissous depuis quelques années, plusieurs y ont répondu, et la nouvelle société, après quelques réunions préparatoires, a été définitivement constituée le mercredi 7 de ce mois. Voici l’avis qui nous en est donné par M. le secrétaire :

« ....Dix-sept membres sur environ vingt souscripteurs étaient présents. On a procédé à l’élection des membres du bureau, qui est ainsi composé:

« MM. Gerraut, pharmacien, président;

« Guinand, ingénieur, secrétaire général;

o DüskigmîUU, négociant, secrétaire part.; « F.vvue, dessinateur, trésorier; v Mekauge, rentier, bibliothécaire.

« Notre règlement est un acte de société bien sim ple par lequel nous sommes engagés à une cotisation annuelle de 2i> (V. Les séances ont lieu le mercredi de chaque semaine, et provisoirement chez M. Favrc, place Croix-Pâquet, n" 11, etc., etc. »

C0 NFÉ 1! E N C ES D O SI I N1 C A L E S Au bureau du Journal du magnétisme.

11 octobre. — M. Derrien lit la relation d’une- cure d’affection chronique (voyez page 192); M. Lacoste fait verbalement un rapport sur une guérison d’hémiplégie ancienne. M. Laporte lit plusieurs relations de maladies guéries par le magnétisme et le somnambulisme. Ces divers rapports seront insérés ou analysés dans ce journal.

18 octobre. — M. du Potet tire de l’examen des rapports des conséquences pratiques que tous les nouveaux faits sanctionnent. M. Derrien magnétise M'"L‘ Froidcour, l’attire et lui imprime, à volonté, un mouvement de rotation sur elle-même semblable à une valse. Nous aurons à reparler de cette expérience

curieuse. Des tentatives d’invisibilité réussissent parfaitement. Il en est de môme pour l’intuition.

25 octobre. — M. Hébert (de Camay) expose l’état de nos connaissances sur les hallucinations morbides et provoquées magnétiquement. MM. Gentil et du Potet font quelques observations sur ce travail, qui sera publié dans ce journal lorsqu’il aura subi l’épreuve de la discussion. Des expériences démonstratives sont ensuite faites par M. du Potet.

N. B. Les questions à l’ordre du jour sont : 1° des illusions, corollaire des hallucinations j 2” de ta légalité de la pratique du magnétisme.

VARIÉTÉS.

Sympathisme.— Au mois d’avril 18-13, la demoiselle C... étant malade depuis plusieurs mois par suite d’une suppression, je songeai à employer le magnétisme pour obtenir sa guérison et le retour des règles. Dès la première magnétisation, elle tomba en somnambulisme et annonça pour une époque rapprochée le retour du flux menstruel, et par suite sa guérison. Comme elle donnait des preuves d’une grande lucidité, et que les phénomènes qu elle présentait en somnambulisme étaient d’autant plus intéressants' pour moi, que je n’avais jamais magnétisé d’autres personnes, et qu’elle était pour ainsi dire la première, somnambuleque j'eussevue, je continuai à la magnéti-

ser après sa guérison. Entre les faits curieux dont ma famille et moi avons été témoins par suite do la magnétisation de cette jeune personne, j’ai surtout remarqué comme très-intéressant celui dont suivent les détails.

Le G mai, pendant la vingt-septième magnétisation, ma somnambule m’avait présenté des faits assez curieux de lucidité. Environ dix minutes après son réveil complet, et une démagnétisation qui paraissait complète, la demoiselle C... passant dans la salle à manger, à une certaine place où elle avait pourtant passé déjà très-souvent, fut tout à coup saisie d’un spasme profond et tomba évanouie. Appelé aussitôt, je la relevai et la fis asseoir dans un fauteuil apporté sur le lieu même de sa chute, et là je la magnétisai de mon mieux, pendant que ma famille’réunie lui prodiguait tous les soins usités en pareille circonstance, et lui faisait respirer du vinaigre, de l’éther, de l’eau de Cologne, etc.; mais tous ces soins étaient inutiles. Alors nous la portâmes sur un lit dans une pièce voisine; elle y recouvra vite l’usage de ses sens, et déclara ne ressentir d’autre effet qu’une lassitude générale dans tous les membres; peu d’instants après, elle s’endormit naturellement et passa tranquillement la nuit. Le lendemain, à son réveil, elle ne ressentit nullement les suites de l’accident de la veille. Ce jour-là, qui était un dimanche, je la magnétisai un instant dans la journée; mais comme il y avait des témoins, elle ne me parla nullement de son évanouissement ni des causes qui l’avaient produit; mais le lundi, 8 mai, l’ayant magnétisée le soir, et me trouvant seul avec elle, elle me dit qu’elle avait éprouvé cet évanouisse-

ment parce qu’elle avait passé dans un endroit où il y avait du fluide de mon fluide d'un jour que j’avais été malade comme elle. Ne me rappelant aucune circonstance qui prtt se raccorder avec ce que cette phrase signifiait, je lui fis répéter plusieurs fois ces paroles, tâchant d’obtenir d’autres éclaircissements; mais elle ne fit que me répéter: Vous avez été malade, comme moi, à la même place, et il y avait du fluide de votre fluide de ce jour-là, et quand j’ai passé dessus il m'a rendu malade comme vous. Ne pouvant me rappeler la circonstance qu’elle désignait ainsi, malgré tous mes efforts pour me la remémorer, je la réveillai, en réfléchissant encore à ce qu’elle venait de me dire. Bien qu’elle eût voulu me dire cela en particulier, j'en fis aussitôt part à ma mère, afin qu’elle m’aidât à expliquer ce fait.

Ma mère ne fut pas longtemps à comprendre le sens de ces paroles, car la circonstance qu’elle rappelait l’avait affectée beaucoup plus vivement que moi. En effet, le 8 août 184*2, plus de huit mois auparavant, en coupant un morceau de bois, je m’étais fait au doigt une coupure légère en réalité, mais qui saignait beaucoup, et par un effet que je ne cherche pas à expliquer, sentant que je tombais en faiblesse, je voulus me lever d’un siège sur lequel j’étais assis dans la salle à manger pour aller me mettre sur un lit voisin; mais mes forces m’abandonnèrent tout à coup. J’étais tombé sans connaissance à la môme place et dans la môme direction où ma somnambule, que je ne connaissais nullement alors, et qui ne me connaissait pas davantage, ne l’ayant connue qu au mois de janvier 1P43, devait tomber plus de huit mois après. Ayant reconnu la vérité de ses paroles de la

veille, et craignant que le môme accident ne se répétât fréquemment, tant que la cause existerait, je questionnai le lendemain ma somnambule on état magnétique pour savoir s’il se renouvelcrait, et ce qu’il fallait faire pour l’éviter; elle me répondit qu’elle prévoyait un second accident semblable dans un temps peu reculé, mais qu’il était inévitable, quoi que l’on pût faire; que d’ailleurs ce serait le dernier, et que le seul secours à lui donner serait de la retirer immédiatement de la place fatale.

En effet, quelque temps après, sa mère s’opposant à ce qu’elle fût magnétisé!' davantage, bien qu’elle y eût consenti dans le principe, pensant sans doute en retirer un lucre qui n’arrivait pas, vint subitement la retirer de notre maison malgré scs instances vives et réitérées pour y rester. Dans un moment où, discutant assez vivement avec la mère, elle passa sur le point fatal, elle tomba évanouie, de la môme manière et dans la même direction où j’étais tombé moi-même au mois d’août précédent, et elle environ deux mois avant. Je me rappelai aussitôt sa prédiction; je la retirai de là et la transportai sur un lit, où elle reprit immédiatement ses sens. Ce fut en effet la dernière fois, ainsi qu’elle l’avait prédit; car une heure après elle quittait la maison pour ne pas y revenir de longtemps.

J1 y a dans ce fait de la sympathie, de la prévision, cl on pourrait peut-être dire de la fatalité. Je laisse à d’autres le soin d’en donner l’explication; mais ce n’est qu’en recueillant dos faits semblables ou analogues que l'on parviendra à en découvrir la véritable cause. A.-II. Güinaud.

Le ciel ouvert. — Femmes innocentes et persécutées, femmes coupables volontairement et involontairement, femmes pour qui les feux d’hymen et les feux d’amour ne peuvent plus s’allumer, fille qui se traîne à l’autel par obéissance pour ses parents, fille qu’on y voit courir malgré les siens, femmes de tous âges, de toutes conditions, que les chagrins vieillissent, et qui jouiriez de trop de félicité si vous aviez élé comprises, venez retremper vos âmes abattues dans le fluide magnétique; vous sortirez jeunes et belles de cette fontaine de Jouvence; bercées par ses flots invisibles, vous vous y endormirez; vous demanderez toutes à votre magnétiseur de ne jamais vous réveiller. Ce doux état est la béatitude mémo; c'est un état de pureté qui rend la terre indigne de vous porter : aussi l'nvez-vous quittée, cette sphère de corruption !

Vous êtes au ciel, vos extases el vos paroles le prouvent; vous y rêvez le bonheur, el c'est pour cela que vous voulez toujours dormir; ce sommeil vaut mieux, dites-vous, que toutes nos réalités d’ici-bas. Le parjure, la déception, les mécomptes sont inconnus aux régions célestes; l’ineffable félicité se peint sur les visages et embellit jusqu’aux plus laids...

Ce divin état, n’en doutez pas, est une émanation delà toute-puissance; c’est le ciel qui vous vient en aide pour les maux que vous souffrez; il vent avant de vous appeler à lui se laisser entrevoir et vous enivrer de son éclat. Aussi, à peine l’apercevez-vous, que vous voyez tout ce qui s’y passe; alors vous devenez insensibles aux maux physiques et vous n’êtes plus qu’un esprit.

On vous pique jusqu’au sang, vous n’éprouvez aucune douleur; on vous demande ce que c’est qu'une somnambule, vous répondez :

C'est la science qui vient trouver la femme.

Cette science est bien autre, ma foi, que celle des hommes, sans cesse humiliée par elle. La simple bergère comme la princesse la possède; on voit où vous souffrez. Aucun des mystères de l’organisation phy-siquè, aucun des secrets du cœur ne sont cachés à la discrète pythonisse, et c’est toujours avec cette prudence surhumaine qu’elle ne dit que ce qui peut vous soulager, et jamais ce qui peut vous blesser; elle parle toutes les langues; elle voit d’un pôle à l’autre les choses les plus opposées : c’est son amant qui lui écrit que l’absence le tue, et cela un quart d’heure avant que d’être infidèle ; c’est la banqueroute projetée d’un agent de change; c’est un député qui vendra son vote pour un portefeuille; c’est un mari qui vendra l’écrin de sa femme; c’est la chute d’un empire.

Enfin cette somnambule aperçoit aux régions célestes ceux que vous avez le plus aimés, quoiqu’elle ne les ait jamais connus, et vous rappelle quelquefois des personnes et des dates que vous ne devriez jamais oublier.

Cet état est si pur que du moment où on veut vous en tirer pour le faire servir à votre fortune, à votre ambition, vous ne répondez rien, et ce silence est la plus grande leçon de morale qu’on puisse recevoir.

Venez, accourez, quittez la tribune, le prêche, l’atelier, la boutique, les coulisses et les salons, pour contempler deux fois la semaine ces merveilles qui se

dérouleront devant vous à l’Alhénée ; vous vous en retournerez meilleurs et plus heureux, quand vous aurez acquis la douce certitude que la matière est devenue la très-humble servante de l’esprit, et que c’est enfin lui qui commande en maître.

La nature du fluide est tellement irrésistible chez le baron du Potet, que vous le verrez magnétiser à très-grande distance des hommes obligés, malgré une force prodigieuse et une volonté de fer, de venir à lui, de s’incliner même à genoux, en suivant malgré eux ce fluide qu’il dirige vers la terre, expérience qu’il répéta plusieurs fois publiquement pendant son séjour en Angleterre, et dont j’ai entendu parler dernièrement dans ce pays par les personnes de la plus haute distinction qui en ont été témoins, entre autres, les lords Ingestrie et Achbermann. Ce dernier, colonel des gardes de la reine, homme colossal et que rien n’aurait pu fléchir, était, venu, ainsi que le premier, plier le genou devant le baron...

Je ne parle pas de ces belles ladys sur qui notre magicien avait droit de vie et de mort, et qui l’appelaient leur ange; plusieurs portent encore le deuil de son absence, et si le climat de Londres eût convenu à la constitution de M. du Potet, il serait devenu millionnaire dans ce pays même, où la masse est si fort en garde contre le merveilleux, qu’elle traite communément d’imagination française.

Vous parlerai-je en dehors de la tourbe incrédule de ces êtres peu éclairés qui croient de prime-abord, et deviennent ridicules à force d’exigence.

Ici c’est un mari qui vient offrir 1,000 livres sterling pour qu’on endorme sa femme pendant deux

mois, prétendant que ce n'est pas payer trop cher ce repos dont il a grand besoin.

Là c’est un auteur dramatique qui désire que chaque fuis qu’on le joue, on magnétise son critique pour le bien endormir.

Un avare connu à Londres voulait faire magnétiser .sa cassette, afin que les voleurs se missent à ronfler au moment où ils y toucheraient, et qu’il pût les faire arrêter par les constables.

Une riche marchande de la cour, désirant corriger son mari du vice de l'ivrognerie, voulait faire magnétiser une feuillette (le Madère dont lui seul buvait, ce qui devait exciter chez lui une purgation tout le temps qu’il y puiserait.

Nous ne devons pas non plus oublier ce jaloux italien faisant magnétiser le boudoir de sa femme, pour que les séducteurs restassent endormis en touchant seulement le boulon de la porte.

Et cette belle danseuse qui aurait donné tout l’or de l’Angleterre, s’il eût été à sa disposition, pour qu’on magnétisât les jambes de Mllu Taglioni au moment où elle entrait en scène.

Enfin je finirai par ce trait peu chrétien d’un ministre protestant, qui, jaloux des succès que son confrère obtenait dans !a chaire de vérité, voulait la faire magnétiser pour qu’il restât court. Ne vous figurez pas cependant que le baron du Potet, ce grand et religieux observateur des lois de la nature, ait un privilège exclusif pour produire des enchantements; il vous prouve que, sans vous en douter, vous partagez avec lui la baguette magique.

« Essayez, dit-il, et vous réussirez; il viendra un

« temps où ces grandes vérités, connues de ions,

c permettront à chacun d'avoir, dans sa propre fa-.. mille ou parmi ses amis, un sujet cpii, dirigé avec « prudence, s’intéressera à votre santé et prescrira ce «qu’il faut pour en rétablir l'équilibre. »

Humilie-toi,ô science humaine! avoue-toi vaincue par cette toute-puissance dont aucune expression ne peut peindre la grandeur; c’est une seconde religion pour l’homme qu’elle éclaire de son flambeau; il croirait désormais blasphémer en niant ses sublimes effets.

Et vous, froids incrédules que rien ne peut tirer des glaces du philosophisme, el pour qui les femmes ne sont que des machines caressantes on des esclaves soumises, vous croyez que la fausseté est le vice inhérent à leur nature! Détrompez-vous; oserez-vous nier maintenant lctat de vérité où vous verrez une jolie somnambule, quand elle vous dira dans son sommeil l’âge qu'elle a, sans se rajeunir d'une heure, et qu’une autre somnambule, d’un blond un peu ai dent, répondra sans hésiter à cette question de son magnétiseur: «Qu'avez-vous fait ce matin? — J’ai été me faire teindre les cheveux chez Michalon. »

11 faut le dire, ce secret est le plus grand qu’ait dévoilé jusqu’à présent le somnambulisme; mais tranquillisez-vous, remines vertueuses, si vous avez un jour des faiblesses, vous ne les ferez jamais connaître, quelque grande que devienne votre lucidité.

Baron de Cbespy-le-PrINCE.

(Exil ait Aq l'Europe.)

Le magnétisme à Londres. — Nous avons annoncé dans un de nos derniers numéros l’établissement prochain d’un hôpital destiné aux opérations chirurgicales à faire en état d’insensibilité; nous apprenons aujourd’hui que cette œuvre s’exécute par les soins d’une société dont lord Ducie est président ; les docteurs Elliotson et Ashhurner, vice-présidents, et lord Morpeth un des fondateurs.

— D’autre part, on lit dans la correspondance de la Démocratie pacifique du 11 de ce mois la nouvelle suivante : «.... Peu à peu, cependant, les théories et « les faits d’un ordre supérieur attirent l’attention, et « après avoir été stupidement ignorés ils deviennent « tout à coup sujets de la préoccupation universelle. «Tel est le cas aujourd’hui pour la question du ma-«'gnétisme. Pendant un demi-siècle, les facultés de « médecine de l’Angleterre ont ridiculisé les faits de « magnétisme : aujourd’hui le plus grand seigneur du « monde médical, le plus grand détracteur du magné-« tisme et de ses partisans, vient de se déclarer, lui « et tous les siens, converti au culte nouveau, et prêt « à pratiquer les rites du nouveau dieu. M. Forbes, « rédacteur en chef d’un journal important, vient de « déclarer que le magnétisme est une vérité de plus « dans la science médicale et dans l’art de guérir, et « maintenant tout le monde a foi dans le magnétisme. « C’est un livre publié par le docteur Esdale qui a, « dit-on, opéré cette importante conversion. »

Dire les insultes qui me furent prodiguées dans ce pays, la morale Angleterre, pendant mon séjour de deux ans consacrés à l’enseignement du magné-

tisme (I), ce serait difficile. Que de fois, maudissant la vérité, je fus prêt à renoncer à toutes tentatives pour l’établir en ce pays! Aujourd’hui je ne regrette plus l’argent et les fatigues que cela m’a coûtés; mais vous verrez qu’il n’y aura pas un souvenir pour l’homme qui, le premier, osa appeler tout ce qu’il y a de gens éclairés à venir constater l’existence du nouvel agent. N’est-ce pas ainsi qu’on traite les novateurs? L’oubli les attend; c’est la récompense de leur labeur.

Somnambule actrice. — Voici un phénomène magnétique qui n’a probablement pas encore eu son pareil. Une jeune fille de Toulouse joue et chante, tout endormie, le rôle entier d’un opéra-comique. Dans cet état de sommeil, elle dit fort bien le dialogue, ne manque aucune réplique, exécute avec précision et intelligence chaque morceau du chant, fait parfaitement sa partie dans les morceaux d’ensemble, marche, agit et fait des gestes, suivant les exigences de la situation, le tout comme le ferait une personne bien éveillée. Il est inutile de dire qu’elle a les yeux fermés durant la représentation. Le rôle qu’elle joue est celui de Betly, de l’opéra du Chalet, qui est exécuté en entier par des amateurs. Des personnes qui ont assisté aux répétitions, et sur lesquelles nous avons tout lieu de compter, nous ont garanti l’exactitude des détails que nous venons de donner sur la jeune somnambule. (Journal de Toulouse.)

Le magnétisme à Truro. — La Comwall gazette nous apporte le récit détaillé d’expériences faites à

(I) Voyci mon Magnétisme opposé d la médecine, pige 186 et suivantes.

Trin o par un mngnétophilc dePIymouth, M. Johnllar-rison. Le mesmérisme étant totalement ignoré dans' cette localité, les obstacles à vaincre étaient nombreux; mais il est dans l’essence de la vérité de triompher partout et toujours. M. Ilarrison, pour disposer favorablement l’esprit de son nombreux auditoire, rappela d’abord que la nature abonde en phénomènes inexpliqués, peut-être inexplicables; puis, rangeant le magnétisme dans la môme catégorie, il fit brièvement l’historique de sa découverte et de ses progrès depuis Mesmer jusqu’à nous. L’existence du principe ainsi établie, il passa en revue les diverses manifestations mesmériques, depuis la forme la plus simple jusqu’aux degrés supérieurs du somnambulisme lucide : l’intuition, la prévision, qu’il rapprocha des phénomènes qu’on rencontre dans les conditions anormales du système nerveux. Ensuite, il énuméra les applications utiles dont le magnétisme est susceptible, et termina en disant qu’il peut guérir bon nombre de maladies, et spécialement les nerveuses; mais que son rôle est surtout important, son utilité inappréciable, dans les études philosophiques, parce qu’il met les recherches métaphysiques sur le pied d’une science démonstrative.

Une discussion régulière, sollicitée par M. Ilarri-son lui-même, devait suivre cette brillante exposition; mais l’assemblée, impatiente, avide de voir les faits merveilleux dont le tableau venait de lui être déroulé, demanda et obtint qu’il serait d’abord procédé aux expériences.

M. Nixon, somnambule, venu de Plymouth avec M Ilarrison, fut endormi en moins de cinq minutes.

La catalepsie, la rigidité tétanique des membres, pro duitesen premier lieu,surprirent étrangement,ébranlèrent tous les doutes; l’insensibilité devait faire le resta. Sûr de son fait, M. Harrison invita le docteur Kirkness à éprouver la sensibilité du patient. Deux fois ce chirurgien enfonça brusquement sa lancette sous les ongles du somnambule, sans que celui-ci manifestât le moindre signe douloureux. Ce traitement cruel révolta beaucoup de gens, et quand, éveillé, le patient en eut connaissance, il refusa de se prêter à d’autres essais.

Mais il fut remagnétisé à son insu, et l’on expérimenta les manifestations phréno-mesmériques; on le vit bientôt répondre de la voix et du geste à l’excitation magnétique des organes : estime de soi et combativité.

Cependant, et malgré la promesse de ne plus le torturer, le docteur I'addon lui arracha une pincée de cheveux sans qu’il s’en aperçût, ni que la manifestation phréno-mesmérique en lut le moindrement troublée. Non content de cet essai, le docteur s’apprêtait à recommencer; mais des cris d’indignation retentirent, et l’assemblée mit fin à ces douloureuses exhibitions.

Une discussion fort animée s’engagea alors entre les partisans et les adversaires de ces faits étranges. Le docteur Paddon prétendit que tous s’expliquaient très-naturellement, et qu’il étuit absurde d’en chercher la raison en dehors des causes connues. A l’appui de son opinion ainsi formulée, il cita plusieurs cas d’amputation supportée sans plaintes ni signes visibles de douleur, par des marins ou soldats. A son sens, la volition est cause de l’effet attribué au ma-

gnétisme. M. Bulmore, autre médecin, dit que toute personne douée de quelque force d’âme pouvant maîtriser, en s’y exerçant, ses sensations, il regarde l’épreuve de la lancette enfoncée soudainement sous les ongles comme tout à fait inconeluante. M. Kirkness, lui, ne veut pas se faire le champion du mesmérisme; mais il croit impossible de supporter impassiblement une torture pareille à celle qu’il a infligée au somnambule; il regarde l’épreuve comme décisive, et pense que ses confrères qui la nient ne la supporteraient pas.

Plusieurs autres personnes prennent encore part à ce débat, que l’assemblée écoute avec une attention et un intérêt inaccoutumés. M. Harrison réfuta les objections avec esprit et précision, et la réunion avant de se séparer, lui vota des remerciements unanimes, en le priant de vouloir bien continuer au lendemain ce sujet intéressant pour tous. Il y consentit.

Le lendemain soir, la séance commença par quelques considérations de M. Harrison sur les rêves, songes, noctambulisme, etc., etc., ensuite il magnétisa deux personnes sans succès ; mais la troisième, le petit domestique de M. Jobs, l’apothicaire, tomba presque instantanément dans le coma. La contracture musculaire des bras et des jambes essayée fut assez intense pour qu’ils restassent une bonne demi-heure sans fléchir.

M. Spry et le docteur Paddon combattirent la réalité de cet effet, le premier disant qu’il était simulé, le second que les archives médicales regorgent do faits de catalepsie et de tétanos analogues; que par conséquent le magnétisme invoqué comme cause productrice est une chimère dont M. Harrison est un cory-

pliée de bonne foi. Un assistant, voyant dans l’opposition du docteur Paddon un parti pris de nier quanti même, propose que la parole lui soit interdite. Cette motion n’est pas accueillie; mais M. Paddon se retire, et la discussion et les expériences reprennent leur allure accoutumée jusque fort avant dans lu nuit.

Il faut remarquer que M. Ilarrison n’est point un magnétiseur ambulant; il étudie la médecine, et les deux séances qu’il a données étaient gratuites, considération qui a détruit beaucoup de préventions. La propagande étant son but, la bonne loi son guide, l’expérience et la parole ses moyens, il a fait beaucoup de convictions.

Publications. — Un journal magnétique tombé va reparaître. Il sera rédigé par quelques profanes qui, à défaut des connaissances positives qu’exige la science de Mesmer, enrichie des travaux des de Puy-ségur et des Deleuze, parleront des choses de l’autre monde. Us créeront un nouveau langage. On s’entendait un peu, on ne s’entendra plus désormais. Voilà le progrès commencé; nous le constaterons s il se réalise.

Revue des Journaux. — La Quotidienne du 14 reproduit les passages principaux du procès-verbal de l’opération faite à Cherbourg.

La Mouche, silencieuse plusieurs mois durant au sujet du magnétisme, reproduit dans son numéro du 13 le procès-verbal de l’opération, déjà mentionnée, qui vient d’avoir lieu à Cherbourg. « Cette opération,

* dit-elle, qui est la cinquième dans la môme ville, ne

i sera pas la dernière, et l’Académie sera bien obli-« gée d’ouvrir enfin les yeux à la lumière, si elle ne « veut passe couvrir de honte et mériter le mépris « publie. » Dans son numéro du 20, le même journal, énumérant les découvertes dont s’honore le XIX siècle, mentionne le mesmérisme et le somnambulisme, « son héritier présomptif, » comme dit M. J. Lovy.

Le Charivari du 17 représente M. Orfila aux prises avec les carabins qui, magnétisant malgré sa défense, passent avec armes et bagages sous la bannière de Puységur en lui chantant :

11 ne veut pas que l’un dorme,

Lui dont les savants discours,

Grâce au fond, grâce à la forme.

Nous endorment îous les jours.

L'Entr'acte du 23 et le Charivari du 2!) parlent de la somnambule de Toulouse qui joue un rôle dans le Chalet d’Adam.

Dans le feuilleton de la Presse du 25, M. de Dalzac, parlant de sa Sèraphita, roman plein de scènes magnétiques, dit qu’il est initié aux mystères du magnétisme depuis 1820, qu’il a beaucoup médité ce sujet, sur lequel il se propose d’écrire encore.

La (iazette de Erance et le Journal de Paris du 19 parlent de la persécution dont un magnétiseur vénitien vient d’être l’objet en Autriche.

La Revue magnétique de septembre examine longuement la question de légalité ou d’illégalité de la pratique du magnétisme médical ; c’est un travail utile.

L’Époque du 27, à propos d’une communication de M. Gcndrin à l’Académie, parle ù plusieurs reprises

des effets magnétiques, que ce docteur explique par l’hystérie. Le travail de M. Gcndrin sera pour nous l'occasion d’un bulletin académique.

Dans la Ile rue des Deux-Mondes du 15, il est beaucoup parlé du somnambulisme ù propos d'un roman américain.

Le (ialignagni's Messenger annonce, d'après plusieurs journaux de Londres, le départ de miss Martineaii pour l'Egvpte.

BIBLIOGRAPHIE.

Taies, by Edgar A. Poe. Ncw-York and London. Wcllyand Putunm, 1845.

On trouve dans ce roman, excentrique s’il en fut, un chapitre intitulé Révélations mesmériques. Nous en empruntons l’analyse suivante à la Revue des Deux-Mondes.

« L’auteur se suppose au chevet d’un incrédule qui, arrivé au dernier période d’une maladie mortelle, se fait traiter par le magnétisme. M. Van Kirk a douté toute sa vie de l’immortalité de 1 ame. Depuis quelques jours seulement, troublé par les vagues souvenirs que lui laissent les extases des somnambules, il se demande si, dans cet état singulier, une série de questions bien faites ne pourrait pas éclairer d’un jour tout nouveau les vérités métaphysiques, devinées

peut-être, mais mal expliquées, mal commentées par la philosophie, qu’arrête l’insuffisance de ses ressources ordinaires. En effet, du moment où l’action magnétique permet à l’homme de suppléer à l'imperfection de ses organes finis, et le transporte, doué d’une clairvoyance miraculeuse, dans le domaine des créations qui échappent aux sens, n’est-il pas très-naturel que le somnambule ait, mieux que tout autre, le pouvoir de nous expliquer les réalités cachées du monde-invisible. Ce point gagné, fiez-vous au conteur pour vous donner, par demandes et par réponses, une théorie très-vraisemblable de tout ce qui se rattache à la division de l’âme et du corps, à l’essence qui constitue cette force et cet état supérieur connus sous le nom de Dieu, aux rapports de l’âme humaine, particule individualisée de la Divinité, avec cette Divinité dont elle est séparée à jamais. Il va sans dire que nous ne nous portons nullement garant, vis-à-vis les illustres représentants de la philosophie moderne, du système exposé par le conteur américain. Autant vaudrait ressusciter, pour avoir à les défendre, les théories du cardinal de Cusa (Nicolas Chripffs), avec lesquelles celle de M. Edgar Poe n’est pas sans quelques rapports éloignés. Autant vaudrait nous faire les champions de Giordano Bruno, qui semble aussi avoir une bonne part dans les ingénieuses hypothèses de M. Poe. Ce que Bruno appelait nature, à la fois principe et élément de ce qui est, comme un pilote peut être à la fois âme et partie dans le vaisseau qu’il conduit, M. Poe l’appelle Dieu. Il conteste la séparation que les hommes ont voulu établir entre l’esprit et la matière. Tout est matière, môme Dieu, composé seule-

ment de la substance la plus subtile, de celle-là même qui agit en nous sous le nom d’âme : substance à part, sublimée par delà tout ce que peut concevoir l'esprit humain, une, indivisible, et qui n’est pas formée comme les autres de particules agglomérées. Elle emplit toute chose, fait mouvoir toute choso ; elle est elle-même tout ce qui est compris en elle, c’est-à-dire l’univers entier. Au repos, cette substance-Dieu est l’âme universelle; active, elle est la faculté créatrice. Cette portion de nous-même que nous appelons notre âme est un fragment de l’âme universelle, qui, sans cesser d’en faire partie, se trouve incarnée, individualisée pour un temps. L’incarnation seule, en donnant à cette fraction de substance divine des organes bornés, limite la toute-puissance, qui serait sans cela son attribut nécessaire. L’homme, par conséquent, séparé de son corps, serait Dieu ou rentrerait en Dieu. Mais cette séparation n’est pas possible. L’homme est une créature ; les créatures sont des pensées de Dieu. Toute pensée est irrévocable par sa nature.

« Expliquez-vous! s’écrie l’interlocuteur de M. Van a Kirk ; voulez-vous dire que l’homme ne sera jamais a dépouillé de son corps? — J'ai dit, répond le som-« nambule, qu’il ne serait jamais incorporel. En effet, « il y a deux corps, l’un rudimentaire, l’autre com-« plot, dont une analogie vous fera comprendre la dif-« férence. L’un de ces corps est le ver, l’autre est le « papillon. Ce que nous appelons la mort n’est autre a chose que la pénible métamorphose qui marque le « passage de la première à la seconde de ces condi-« tions. Notre incarnation actuelle est progressive, « préparatoire, éphémère; notre incarnation iuture

m

« sera parfaite, définitive, immortelle. — Mais nous ' savons comment s’accomplit la métamorphose du « ver; nous en suivons une à une toutes les phases. « —Nous, sans doute, mais non pas le ver. Le corps « rudimentaire est une matière visible pour lui-même; « mais les organes qui le servent sont trop grossiers, « trop imparfaits pour saisir, au moment où elle s’é-« chappe, la forme intérieure, qui s’est peu à peu dé-

• veloppée sous cette enveloppe périssable. »

« M. Van Kirk explique ensuite avec une lucidité singulière ce qui se passe durant l’extase magnétique, où les organes du corps rudimentaire se trouvant paralysés, le medium clairvoyant du corps ultérieur, de ce corps trop subtil pour avoir des organes, fonctionne librement, etc., etc. »

La théorie de M. Poe, si voisine de celle de Bruno, ressuscitée dernièrement par M. Aubin Gauthier, n’est pas moins rapprochée du système de llegel et de la doctrine fusionienne de M. de Toureille. Nous avons publié (tome Ier, page 1 GO) un article de M. Meade, qui s’en rapproche également beaucoup.

Le Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Garnaj).

Paris. — Imprimerie d'A. Rbsk cl Corap., rue de Seine, 3i.

APPEL

AUX

PARTISANS DU MAGNÉTISME.

Une vérité est inféconde lorsqu’elle reste sans amants ; car son progrès, son règne, ne peuvent venir qu’après des efforts nombreux et à la suite de saeri-ces. Les esprits paresseux, les insouciants et les égoïstes seraient-ils par milliers convaincus, qu’ils n’établiraient point un principe nouveau. Il faut plusieurs générations d’hommes ardents pour généraliser une vérité; quelquefois môme des martyrs sont nécessaires : cela dépend des temps, des gouvernements el des circonstances. C’est donc vainement et sans fruit qu’on acquiert la certitude d’une découverte si elle reste enfouie dans le cerveau, «si des efforts puissants ne sont pas faits pour en étendre la connaissance, en étudier toutes les ressources ; si, plus encore, le zèle du prosélytisme ne s’empare de celui qui a découvert ou accepté.

Le magnétisme, ce qu’il y a peut-être de plus grand

TOME lit. 15 NOVEMBBE 1846. 0

au monde, après Dieu , a trouvé ses défenseurs, ses prôneurs; mais il lui manquait ce qui fait la force de toutes choses, cc qui assure le triomphe : une association puissante, composée d’hommes entreprenants, éclairés et sincères, capables enfin de défendre les nouvelles idées et les nouveaux faits. Beaucoup de magnétiseurs l’ont senti; ils se sont réunis, et maintenant persuadés qu’ils sont animés par les mêmes désirs, ils veulent marcher résolument au même but.

Qu’importe la jalousie de certains hommes qui voudraient être les premiers parmi les égaux? on laissera de côté ces orgueilleux apôtres, ('/est en nous séparant de tous ceux qui ne veulent pas marcher dans la route de nos maîtres que nous serons forts, car on ne pourra nous diviser. Nous offrirons ainsi, dégagée de toutes entraves, la vérité brillante du magnétisme, aux regards des hommes qui, trop longtemps, l’ont confondue avec les œuvres du honteux charlatanisme, ou qui ne pouvaient la reconnaître, défigurée qu’elle était par la bouche d’enthousiastes ou d’ignorants.

La manifestation du ‘23 mai dernier a été un premier pas fait dans la voie naturelle que nous suivons, et un incontestable progrès.

Voici maintenant pour l’avenir :

C’est bien, très-bien, d’avoir décidé qu’une médaille de cette première féfe en l’honneur de Mesmer serait frappée et possédée par tous ceux qui ont voulu, comme nous, honorer le génie.

Il faut qu’une société, grande par le nombre et l’intelligence, soit fondée, et que, drapeau vivant, elle puisse montrer à tous que Mesmer, en venant en

France, n’a point trouvé une nation ingrate, comme semble l'être sa propre patrie.

Il faut que cette nouvelle société ait un asile toujours ouvert, des réunions quotidiennes, scs archives et sa bibliothèque.

Il faut qu'au moins une fois par semaine ait lieu publiquement une exposition de la nouvelle doctrine et des faits qui l’appuient.

Les savants ne veulent pas de nous, ils nous dédaignent; nous allons établir notre science à côté de la leur. Les Facultés de médecine rejettent aussi notre moyen de guérir; elles disent que nous sommes des fourbes ct des trompeurs; pourquoi nous en fâcherions-nous? N’avons-nous pas la liberté d’enseigner partout le magnétisme? Ne pouvons-nous opposer fait contre fait, montrer à tous les yeux ce que leur art a de vain et d’impuissant? Usons de cette liberté, afin que les esprits les moins clairvoyants saisissent les motifs d’une opposition qui paraît stupide, mais qui n’est qu’intéressée; afin que la lumière se fasse jour, et que ce qui est juste et raisonnable prédomine sur des erreurs monstrueuses.

Maintenant notre route est tracé*:; nous allons glorifier ce qu’on a cherché à rendre méprisable, et honorer ceux qui parmi nous auront, par des ouvrages majeurs, des découvertes en l’art magnétique 011 de brillants faits, marqué leurs pas dans cette carrière nouvelle ouverte «à l’intelligence.

Nous offrirons des récompenses qu’on trouvera glorieuses , quoique modestes, et qui seront conservées comme un témoignage de sympathie que tout dévouement doit rencontrer.

Qui d’entre les magnétiseurs ne voudra se rendre digne de celle distinction? Quel esl celui qui ne voudra concourir à celte fêle nouvelle, où, au nom de Mesmer, 011 honorera le talent et la vertu?

C’est l’avenir surtout qui nous tiendra compte de nos efforts et de nos sacrifices; c’est lui qui, en (lù-Irissant les juges de la découverte de Mesmer, en les accablant de reproches, dira que sans nous, magnétiseurs de celle époque , la plus utile des vérités serait restée dans l’oubli.

Venez donc à notre aide, vous tous qui croyez au magnétisme et qui le regardez comme un moyen de guérir les maux et de moraliser les peuples; venez inscrire votre nom sur la liste des amis des hommes et de la vérité.

Nous jetons en ce moment les fondements d’un édifice qui doit défier le temps, d’où sortiront les ouvriers intelligents qui, dans un avenir prochain, seront appelés à fonder des institutions pour venir au secours des infortunés; institutions qui doivent remplacer ces hôpitaux d’où le véritable art de guérir semble être banni.

Déjà de toutes parts des hommes soulagent et guérissent ceux que la fausse science a maltraités, ceux pour qui la nature n’a point été prodigue. La vie dépensée si noblement doit trouver parmi nous des cœurs qui comprennent ces sacrifices et qui soient disposés à encourager cette vertu naissante. Lorsque l’Etat sera éclairé, il accordera aussi des encouragements. Comment pourrait-il s’y refuser? Ne le voit-on pas donner des marques de distinction aux hommes généreux qni, au risque de leur vie, sauvent celle de

leurs semblables? N’est-ce point ici 1« môme chose, et ne (luit-il pas y avoir môme faveur? •

Une commission d'hommes respectables va se charger d’ôtablir les statuts de la société projetée. Nous vous les ferons connaître. Soyez certains d’avance que tout ce qu’elle aura décidé pourra se réaliser avec votre concours.

Marchons donc de concert à cette conquôtc pacifique sur l’ignorance et les mauvaises passions; ee n’est que de cette manière que nous pourrons voir le magnétisme reconnu, et entrer triomphant dans le domaine des sciences par la porte qui s’est fermée cent fois sur lui.

Laisserait-on de nos jours Christophe Colomb annoncer en vain un nouveau monde ? Verrions-nous la vapeur d’eau bouillante se perdre dans l’espace sans tirer parti des fruits du génie? Non, sans doute. Eh bien ! ces découvertes sont moins fécondes que celle de Mesmer. Elles influeront moins sur les destinées des nations. Mais il faut commencer par l’établir à tous les yeux ; le temps en fera ressortir l’importance, el nous serons glorieux de nos efforts.

Baron du Potet.

MANUSCRITS DE MESMER,

Holious élé..»e..i»ire» .»«' 1» « «»« » «. !•«•«»**••

«. 1*..........

putilifiuc «SU Yraitce, par IVA. Me»mei.

g 4t — Éducation.

Deux intérêts absolus motivent la réunion des boni-

mes en société : . ,

La conservation et la propagation progressive de

1 tLa santé, la sûreté et la propriété sont les moyens du premier, et l’éducation du second.

L’éducation de l’homme consiste :

1» Dans le développement et la perfection de ses

facultés: ixi,

2» Dans l’harmonie de ses habitudes avec la régit

de la société. , ,

C’est donc une loi également fondamentale de la

société qui doit ordonner et régler l’éducation.

L’éducation étant l’objet immédiat de la société coniugale, le mariage doit être soumis a ses lois, et les époux contractent envers la société civile 1 engagement d’élever leurs enfants de manière à en devenir

des membres utiles et heureux.

On doit donc établir une forme d éducation qui fasse partie de la constitution de la société.

On exigera pour cet effet :

I" Que les personnes qui veulent se marier soient bien instruites de leurs devoirs et des droits de l'enfant ;

2 ' Qu’elles aient les facultés et les dispositions nécessaires pour s’v conformer; et par une suite de la même loi, s’il se trouvait des enfants abandonnés, orphelins, à l’égard desquels ces deux conditions ne fussent pas remplies, ils seraient élevés aux frais do la société.

On distingue l’éducation de l’instruction.

Les objets principaux de l’éducation nationale sont:

t" Le développement de toutes les facultés, dirigées d’abord vers l’ordre et le créateur de l’univers ;

2" L’amour de la justice ;

3° Le patriotisme ;

La pratique des vertus sociales.

Les vertus sociales sont :

L’humanité;

La bienveillance;

La charité publique et particulière, *•>.

La frugalité et l'industrie;

5" L’honnêteté et l’exactitude dans les procédés, la politesse;

C" La véracité et la probité ;

7" Ln gratitude ou reconnaissance;

8" Les sentiments généreux.

Les objets de l'instruction nationale sont :

1" La langue maternelle, l’écriture, le calcul, la musique et le dessin ;

2" La connaissance des lois du pays où l'ouest né et de son gouvernement;

3" La connaissance de la structure du corps bu-

main et du mécanisme de ses fonctions, comme aussi celle des régies à suivre pour conserver et rétablir la santé ;

4" La connaissance générale des rapports qui lient tous les êtres, c'est-à-dire de la physique universelle, et celle des propriétés des corps ;

5° La connaissance des rapports des actions, ou de la justice universelle;

(>" La connaissance particulière du globe que nous habitons, de scs parties constitutives relativement à nous;

7" La connaissance de la physique particulière;

8" Enfin la connaissance d'une profession utile à lu société.

L’éducation de l’enfant commence avec son existence, car dès cc moment il commence :

1" A exposer les organes de ses sens aux objets extérieurs, pour en recevoir l’impression ;

2° A développer et à exercer successivement tous les mouvements dont ses membres sont susceptibles.

La perfection des organes de ses sens consiste :

lu Dans leur sensibilité;

2" Dans toutes les combinaisons possibles de leur usage (1).

La perfection des mouvements de ses membres consiste :

1° Dans la facilité ;

2° Dans la justesse des directions;

3° Dans la force;

4° Dans l’équilibre (2).

(1) Physiologie, partie de la médecine el des soins physiques.

(2} Pai lie de la gymnastique.

La perfection des facultés qu’on nomme intellectuelles consiste :

1" Dans la facilité de former des idées claires et distinctes; >*

2" De les compléter ;

3" De les reproduire ;

4" De les comparer;

5" De les combiner (I).

Ce développement des facultés de l’homme n’étant qu’une progression semblable à celle de la végétation, la règle en est dans l'organisation de chaque individu.

Cette progression de la végétation de l’homme est soumise, comme son existence, à l’action du mouvement de l’influence générale et particulière ; et il s’ensuit que les règles fondamentales de l’éducation de l’enfant doivent être :

1" D’éloigner tous les obstacles qui pourraient troubler ou empêcher le développement de ses facultés ;

2" De placer successivement l’enfant dans des circonstances telles qu’il ait la liberté entière de faire tous les mouvements et tous les essais possibles de ses membres ;

3" Qu’il puisse apercevoir de nouveaux objets, les comparer, les distinguer, et former lui-même toutes ses idées par sa propre expérience.

Comme dans toute la nature les grands mouvements enveloppent,, rectifient et dirigent les mouvements particuliers, il faut de bonne heure accoutumer l’enfant à embrasser de grands objets dans ses idées, tels

(I) Partie des élude«.

quo los montagnes, les rivières, la mer, etc., et à diriger su contemplation vers les phénomènes de la nature, comme sont les nuages, les vents, les orages, les tempêtes, les météores. *

L’enfant, ainsi placé, obéissant uniquement à l’impression de la nature et aux lois de la végétation qui ont formé ses organes, trouvera seul l’ordre dans lequel il lui convient de s’instruire el de se former. Il ne faudra donc, en aucune façon, se mêler de ses es sais et de ses recherches par une instruction prématurée.

L’enfant ne peut se former pour la société à laquelle il est destiné que dans une société d'enfant».

La perfection de toute société consistant dans l’harmonie, il faut que tous les membres qui la composent soient en proportion entre eux ; par conséquent il ne faut pas confondre les âges et les forces; car on verra que cc n’est que dans celte égalité quo les relations sont justes et naturelles; que toutes les actions deviennent réciproques, et que les membres de cette société éprouvent le retour ou le reflet de toutes leurs actions sur eux-mêmes.

L’enfant, considéré en société, est en relation avec les autres :

1" Par ses idées;

2" Par ses actions.

Pour exercer scs relations par ses idées, il faut que l'homme ait des moyens de les communiquer. -

Ces moyens sont :

La langue el l'écriture; l’une et l’autre sont naturelles ou de convention.

La langue naturelle consiste daus la physionomie, la

ruix, les geste* et les diverses combinaisons de ces moyens.

\S écriture, naturelle est la faculté de dessiner tout ce qui peut parler aux yeux.

La langue et l’écriture de convention consistent dans les paroles et les lettres.

Il faut laisser à l’enfant la liberté de cultiver lui-inème, par imitation et sympathie, la langue et l’écriture naturelles, avant de lui apprendre la langue et l’écriture de convention. Il cultivera ainsi la faculté de s’exprimer par la physionomie, la voix et les gestes.

Il s'accoutumera seul à imiter les formes et les figures sur le sable, à les modeler et ù établir des relations vraies entre ses idées et celles des autres enfants.

Il faut apprendre à l’enfant la langue de convention, et lui permettre, à un certain âge, de s'en servir.

Cette langue, ayant pour objet de transmettre les idées, doit être exacte et précise.

Il faut habituer l’enfant à ne pas en abuser et à demeurer fidèle aux conventions reçues.

Comme on a dit que les seuls moyens de relation entre l’homme individuel et l'homme en société sont la langue et les actions, le premier de tous les devoirs est donc la véracité et la probité. Il faut laire sentir à l’enfant les avantages de ces deux qualités, et lui inspirer de l’horreur pour le mensonge, la calomnie et Yhypocrisie.

L’accroissement de ses connaissances se fera en raison de la progression du développement de ses organes et de l’accroissement de ses forces.

L’enfant doit apprendre à connaître les bons et les mauvais effets dos actions,

1" Par Vinstinct et lo raisonnement,

2" Par l'expérience.

Les soins que l’on prend de l’éducation des enfants doivent plus porter sur leurs facultés et leurs dispositions que sur leurs actions individuelles, pour lesquelles on peut être indulgent; c’est-à-dire qu’on doit essentiellement s'occuper d’abord à former en eux de bonnes habitudes, s’attacher à développer et à exercer progressivement leur intelligence , sans égard aux petites étourderies et aux petites fautes qui leur échappent souvent, et surtout sans les presser, ni les fatiguer du soin de mettre dans l'exécution la dernière précision.

Comme la véritable éducation ne peut, ainsi que l’instruction, avoir lieu que par l’exercice ou l’expérience, que les fautes commises par les eid’ants sont renfermées dans leur école, sans autre influence sur la société, et qu'elles sontdans leur proportion, il faut que les enfants aient parcouru et pour ainsi dire épuisé toutes les épreuves de l’expériencc avant que d’entrer dans lu société civile.

Pour cela on doit prudemment placer les enfants dans les circonstances et les situations propres à leur faire commettre des fautes, alin qu’ils apprennent (l’eux-mèmes que rien ne peut remplacer les bons et mauvais effets de leurs actions.

Cette marche est la seule qui puisse faire contracter à l’homme l’heureuse habitude de raisonner sa conduite et d’en peser les conséquences. Il acquiert ainsi la faculté si précieuse de combiner facilement et de voir sans incertitude ses rapports, ses intérêts et ses devoirs.

A mesure que les forces augmentent et que les besoins lu secours des autres diminuent, les enfants apprendront par l’expérience à jouir, dès l’âge le plus tendre, de la liberté, qui n’est autre chose que le droit naturel « de faire tout ce que l'on vent ; » mais chacun dans la société ayant son vouloir, il existe entre plusieurs vouloirs une réciprocité qui détermine et lixe des bornes à l’exécution de ces vouloirs.

C’est par l’inévitable réciprocité des effets résultant des actions des hommes, réunis en société, qu’ils sont forcés à une sorte do justice ou d’équité.

Cette justice est l’équilibre produit par la parfaite égalité de deux forces opposées, ou entre la puissance et la résistance.

Si j’avais la volonté de battre mon égal, celui-ci aurait sans doute la volonté de me rendre les coups. N’en voulant pas recevoir, je me borne à ne lui en pas donner; et comme nous sommes l’un et l’autre également intéressés à ne point être offensés, il s’établit entre nous une convention tacite de respecter mutuellement notre tranquillité.

Les propositions qui expriment la convention faite entre eux sur les bornes réciproques de leur liberté leur donneront, sans aucune instruction, les premières notions des lois, de la justice, de la liberté, de 1 égalité, de la sûreté, de la propriété. Ils parviendront, par leur propre expérience, à sentir à chaque instant celte règle de la nature fondée sur la loi éternelle de l’équilibre :

« Ne faites pas aux autres ce que vous ne voulez « pas qu’on vous fasse. »

Il est donc évident que la liberté ne peut jamais

exister sans cette égalité, et que l’égaliléest inséparable de la liberté.

Les précepteurs, ainsi que les législateurs, n’ont 1 autre objet à remplir que d’ordonner et de maintenir l’égalité entre les membres de la société, et ils auront tout l'ait pour la liberté.

Comme il est impossible d’arriver à une indépendance absolue, on ne jouit jamais d’une liberté sans bornes, il en est ainsi de l’égalité, qui ne saurait être parfaite dans tous les cas et dans toutes les conditions; il résulterait même de l’état d'un équilibre parfait un repos, une immobilité qui ressemblerait à la mort, en faisant cesser tout mouvement intestin, dans lequel consiste la vie de la société.

Effectiveinent, on ne doit pas sc proposer pour but de ramener tout à une parfaite égalité qui est chimérique, mais plutôt d empêcher la trop grande inégalité.

On fera observer seulement aux élèves que la cause des vices de presque toutes les institutions sociales se trouve dans la trop grande inégalité des forces, des laculiés et des fortunes, et qu’il est nécessaire, pour y remédier, de recourir à tous les moyens capables de diminuer ces excès et de rapprocher les hommes de

l égalité possible.

Ce sont les vertus sociales qui peuvent remplir cet objet important; ce sont elles qui doivent adoucir les disparates que le sort met entre les différentes conditions et les diverses situations où les hommes se trouvent placés.

C’est ainsi jue Vhumanité et la charité suppléent à l'inégalité de la fortune et des facultés : la générosité à l'inégalité des pouvoirs, ¡’industrie et la frugalité à

l’imîgalitâ des subsistances et des aisances. La véracité, la probité et Y exactitude, rlans les procédés rapprochent les hommes de l’égalité, de la réciprocité, de la bonne foi et de la confiance. La gratitude, enfin, diminue la distance qui se trouve entre le bienfaiteur et l'impuissance de rendre le bienfait.

On voit combien il est important pour l’harmonie de la société et pour la félicité publique et particulière, d’inspirer et de nourrir, par tous les moyens possibles, dans les individus do tout âge, l’amour de la justice ct (les vertus sociales.

Etant suffisamment prouvé que la base rie la liberté ainsi que de la félicité publique consiste dans Y égalité, il est essentiel de prévenir et d’empécher dans les enfants tout esprit de domination, d’égoïsme et de basse soumission.

Pour cet effet, il est important de former et de cultiver dans l’enfant une sensibilité et un iniérôt au sort d’autrui, qui Vaccoutument, dans toutes les occasions, à se mettre à sa place. Par ce moyen et par cette sorte de supposition, qui lo mettront à l’abri de l’égarement des passions ou de l’intérêt mal entendu, il sera en étal de juger dans tous les cas ce qui lui convient de faire.

Il est également important de lui faire exercer cette même sensibilité envers les animaux qui l’environnent, On lui fera observer qu’ils sont doués par la nature, notre mère commune, des mêmes sensations; qu’ils aiment autant que lui à se conserver et à éviter la douleur; qu’ils recherchent et se servent des mêmes moyens; qu’enfin leur organisation est trop ressemblante à la nôtre pour les croire indignes de notre

attention et de nos égards. Il doit apprécier et ne point négliger cette occasion de pratiquer les vertus sociales.

Ce n’est qu’en faisant contracter à l’enfant cette habitude qu’on préviendra la férocité dans les caractères; car il n’y a qu’un pas de l’insensibilité ou de la barbarie qu’on exerce envers les animaux et celle qu’on se permet contre les hommes. En effet, la passion de la chasse et l’ardeur insatiable de tuer le plus de gibier possible semblent inhérentes aux rois et aux conquérants.

Ce but do l’éducation sera donc rempli par l’heureuse habitude des vertus sociales et par la pratique constante de la justice. C'est cette habitude et cette pratique qui composent ce qu’on doit entendre par la dénomination de bonnes mœurs.

De la justice divine.

Ce texte sera traité ailleurs, parce qu’il se lie à des idées abstraites et sert de base à toutes les religions, à tous les.cultes. La justice divine n’agit que sur la conscience et par les voies qui y pénètrent. Elle est hors de proportion avec nos moyens rationnels; elle vient de trop haut pour la séparer des dogmes religieux et en faire l'application à la morale.

(La suite prochainement.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

CONFÉRENCES DOMINICALES.

rr novembre.— M. Hébert expose l’état de nos connaissances sur les ¡limions en général, et particulièrement sur celles produites magnétiquement.

MM. du Polet, Lovy, Derrien et Roustan, prennent successivement la parole sur la môme question, qui sera l'objet d’un article spécial.

8 novembre.— M. du Potet procède à des expériences sur un jeune homme d’une sensibilité extrême, line goutte d’eau magnétisée déposée sur sa main le plonge

dans un coma profond.

Ensuite, M. du Potet, parlant de l’urgence de créer une société nouvelle de magnétisme, s exprimeainsi :

o Voulez-vous que le charlatanisme continue de s’emparer du magnétisme, et l’exploite en le salissant de plus en plus? faites ce que vous avez fait jus-qu a ce jour : laissez subsister les choses que nous voyons sans protester. La médecine applaudira, et l’Académie des Sciences continuera tranquillement

son sommeil.

« Voulez-vous que cotte lueur qui annonce l'émancipation de l’humanité s'éloigne avant d’avoir été aperçue par la masse des peuples, quelle devrait déjà

pénétrer «le ses doux rayons? soyez muets et continuez de courber la tête en présence «les hommes qui vous accusent tout liant d’impuissance, et vous disent en face que si la vérité à laquelle vous croyez existait, elle eût déjà triomphé, car nous sommes dans un siècle où toute découverte progresse avec rapidité.

o Voulez-vous que le sommeil lucide exhumé des temples anciens continue d'ôtre profané par des ignorants ? ne vous montrez point contrariés de ces indignités; laissez en paix ces gens qui outragent ainsi la nature et qui ravalent votre science en montant sur des tréteaux; laissez ainsi ces faits merveilleux pollués par le premier venu et soyez fiers de votre vertu ; l’humanité dira que vous n’étiez pas dignes de posséder les vérités renfermées dans le magnétisme, que vous étiez des enfants.

« Non,non, vous vous montrerez hommes complets, vous joindrez votre voix à celle de beaucoup de par-tisants du magnétisme, qui gémissent du mal qui se fait ainsi, et qui, honteux de l’abaissement et de la dégradation de la plus magnifique des sciences, vont s’assembler pour relever bien haut la découverte de Mesmer. A l’œuvre donc! et que bientôt vous ayez un lieu où la vérité ait sa tribune, afin que ceux qui doutent entendent et voient; afin que les erreurs, qui comme un torrent se répandent, trouvent une digue capable d'en arrêter le cours. »

SOCIÉTÉ DU MESMÉRISME.

Séance du (i août. — De quatre personnes magné-

tisées, une seule, M. Suèves, éprouve des effets instantanés de sommeil, d’attraction, de répulsion, et d hallucinations lacliles, oculaires et auriculaires.

Séance du 13 août. — Discussions sur l'identité du Huide magnétique chez tous les individus. I.a question resle sans solution à cause de l'ambiguïté des termes de la proposition. Mais ce point de doctrine important doit être repris, cl nous le traiterons à fond.

Séance du 20 août. — Le somnambulisme, la contracture musculaire, la dilatation de l’ouverture pupillaire, l’attraction et l’insensibilité sont successivement obtenus sur cinq personnes magnétisées pour la première fois.

Séance du 27 août. —Adoption de mesures réglementaires et d’intérêt général.

Séance du 3 septembre. — M. Perrody présente un jeune homme assez sensible à l’attraction pour vaincre une puissante résistance. Deux d’abord, puis trois, quatre et enfin cinq hommes des plus forts, et tous incrédules, cherchent à le retenir pendant qu'on l’attire, mais leurs efîors réunis sont impuissants ù l’empêcher d’ohéir et de graviter vers son magnétiseur. Cette épreuve si concluante deforce musculaire quintuplée produit sur l’assemblée une impression profonde; des cinq lutteurs un seul se déclare non convaincu, et demande à recommencer seul l’expérience. Il est déféré à sa demande. Il se place, une jambe en avant, de manière à élargir sa base de sustentation ; mais, malgré ce déploiement deforce et do précautions, sa résistance ne dure pas une demi-minute; il a été renversé, mais non encore convaincu.

Cependant, sa défaite étant évidente pour tous, l’assemblée en masse demande qu’il soit passé outre.

Séance du 10 septembre. — M. Perrody cherche à démontrer que les expressions de : transmission de pensée, transmission de volonté, désignent un seul et môme phénomène qu*on a tort de dénommer par ces termes différents. M.V1. Hébert et Burnet ne partagent pas cette opinion; parce que, dans le premier cas, le phénomène se passe involontairement et môme malgré la volonté de celui qui veut murer sa pensée, tandis que dans le second, c’est un acte volontaire déterminé, un commandement positif auquel le magnétisé obéit comme si son corps n’était qu’une extension de celui du magnétiseur.

Séance du 17 septembre. — M. Suèves, magnétisé par M. Marchand, est soumis à de curieuses expériences de vue à distance et de perversion de la sensibilité générale et spéciale, consistant dans l’altération du goût, du tact et de l’odorat. Le somnambule,qui n’est magnétisé qtie pour la seconde fois, déguste avec un indicible plaisir de l’eau changée en vin de Champagne. Maisbientôl a lieu un effetaussi surprenant qu’in-attendu : l’ivresse la plus complète se produit, le patient chancelle, déraisonne et fredonne des fragments de couplets bachiques. Cette observation fortuite sert de base à des expériences de môme nature, et l’on reconnaît que tous les liquides alcooliques, imaginaires bien entendu, produisent le même effet, qu’en un mot on observe les effets de la substance qu’on a eu l’intention de donner. Ainsi l’eau magnétisée pour du café, égaie; pour des boissons acides, fait saliver; •pour des médicaments quelconques enfin, produit les

effets toxiques connus de ces substances. Tous ces phénomènes sont faciles à produire et aussi dignes de l’attention des philosophes que de l'étude des médecins.

Séance du 24 septembre. — M. Viancin fait l’analyse d’un ouvrage de M. Guyard, intitulé : la Médecine jugée par les médecins. C’est un éloquent plaidoyer en faveur des doctrines mesmérienne et hahnemanienne. M. Burnet relate la guérison d’un coup de sang par une magnétisation d’un quart d’heure, sur la voie publique. M. Lefébure, herboriste, est reçu membre titulaire à la suite d'un examen capacilaire.

Séance du V' octobre.— Ml,e Dubois, magnétisée, présente à l’observation les phénomènes d’attraction, de répulsion, de raideur tétanique du bras el de la jambe gauches, d’insensibilité à l’action d’aiguilles enfoncées dans les chairs et de papier brûlé sous le nez. Des expériences phréno-mesmériques, dont la société s’est tant occupée l’an dernier, sont répétées sur elle avec plein succès. La patiente est une enfant très-grèle. On essaie de l’attirer, retenue par trois hommes forts, qui ne peuvent l’empècher de graviter vers son magnétiseur. Cette exaltation de la puissance musculaire émeut tout le monde. Comment concevoir qu’une jeune fille de quatorze ans renverse trois hommes forts et- bien résolus à lui barrer le passage? M. le président, appelant l’attention de rassemblée sur ces faits étranges, promet de mesurer cette augmentation de puissance musculaire à l’aide d’un dynamomètre. Dans le cours de la séance, cinq personnes ont été magnétisées par irradiation ; mais les effets

observés sur elles, étant simples, ne méritent pas de mention spéciale.

Séance du 8. — Admission de M. Roigneau au nombre des membres stagiaires.

Lecture du procès-verbal de la dernière opération faite à Cherbourg. M. le président fait remarquer qu’il contient la solution d’un problème que la société a cherché relativement à l’isolement des somnambules. (Voyez séance du 16 avril.)

Séance, du 15. — M""'Morand , magnétisée pour la première fois, entre immédiatement en somnambulisme; elle est insensible à l’action des agents chimiques. On observe d’ailleurs sur elle tous les effets concomitants du sommeil puységnrique.

M. Hébert, parlant des dangers du magnétisme, établit la différence entre ceux qui sont inhérents à la nature de cet agent et ceux qui lui sont faussement attribués. Puis, faisant application de ces données aux cas de duel, il montre, sur un sujet qui n’en était pas prévenu, comment on peut être victime d'une action magnétique que l’arme sert à diriger vers les ganglions épigastriques.

Séance du22. — M. Dubois, membre stagiaire, présente et soutient sa thèse pour l’obtdntion du grade de titulaire, qui lui est conféré à 1 unanimité. Ensuite sont reçus membres stagiaires MM. Houüer, llortolan, Clerget, de Colomès, Chérier et Guyard.

Séance du 29. — M. Cruxen présente un jeune Espagnol extatique dont la sensibilité est extrême. Retenu par deux hommes forts, il les entraîne en obéissant à l’attraction magnétique dont il est l’objet. Il sent au plus haut point l’action nosogénique des raé-

taux. L’argent, le cuivre, le fer, produisent lentement sur lui leurs effets toxiques; mais si on lui met de l’or dans la main, et que l’on touche seulement son magnétiseur avec le même métal, à l’insu do l'un et de l’autre, aussitôt il se précipite comme un furieux, les traits profondément altérés, l’œil hagard, dans l’attitude d’un homme qui veut attenter à ses jours, ce qui confirme la propriété qu’ont les sels d’or do donner des idées de suicide, même à dose minime.

Séance du 5 novembre.— Discussions réglementaires. Admission comme membres stagiaires de MM. Gentil, Poullain, Lange et Schwiekardi.

M. J. Lovy, chargé de faire l'analyse de la Réponse au pamphlet : les Médecins dévoilés, s’exprime ainsi :

« Dans son dernier numéro, le Journal du Magnétisme vous a donné de cette brochure une appréciation très-succincte, qui débutait par ces mots :

«Jamais les presses ne gémirent pour donner le «jour à si maigre pamphlet. »

« C’est ce maigre pamphlet, messieurs, que vous avez bien voulu donner,en pâture à votre rapporteur affamé. Aussi (pardonnez-lui cette expression triviale) n’en a-t-il fait qu’une bouchée.

« Le factura de M. Dehaut, les Médecins dévoilés, était une œuvre pleine de verve, un manifeste énergique, où chaque article de foi s’appuyait sur des arguments vigoureux ou sur des faits irrécusables. Dans la réponse de M. Couturier, au contraire, nous n’avons vu que phrases creuses, fastidieux lieux communs, encadrés dans cette raillerie de bas étage, dans ce scepticisme de carrefour qui forme la mauvaise queue du petit journalisme parisien.

«Nous n’entreprendrons pas de suivre l’auteur de cette brochure dans sa chétive croisade contre les guérisseurs, contre les remèdes secrets, contre la méthode Raspail et autres. Nous n’avons à nous occuper ni de la médecine Leroy, ni des cigarettes camphrées. Certes, il y avait là matière à de ravissants persifflages; mais l’auteur s’est bien gardé de saisir cette bonne aubaine; il est resté croupi dans le champ des banalités : accusons-en la nature de son esprit. Comme dit feu Saint-Simon, chacun selon sa capacité.

« Notre mission doit se borner à vous entretenir des quelques paragraphes que M. Couturier daigne consacrer au magnétisme.

«Un de nos feuilletonnistes, qui ne possédait aucune notion de l’art musical, commençait un jour son article par ce spirituel paradoxe :

« Parlons musique. Je puis en parler savamment, « car je n’en possède pas le premier mot. »

« Si cette fantaisie paradoxale était une réalité, nul ne serait plus apte à parler magnétisme que M. Couturier, car il n’en sait pas le premier mot.

« Et d’abord, constatons que M. Couturier est matérialiste, comme la plupart des médecins. Ses théories contre l’existence de l’âme affectent une allure ironique et quasi voltairicnne.—Et pourquoi M. Couturier ne daigne-t-il pas croire à l’existence de l’âme?

« Parce qu’elle est soumise à toutes les altérations de la matière. » — Tous les arguments de l’auteur sont de la même force.

« M. Couturier ne craint pas ensuite de qualifier de jongleries tous les travaux et toutes les pratiques de

Mesmer; et après deux ou trois pages qui renferment la négation absolue île l'agent magnétique, l'auteur laisse échapper ces mots :

« Du reste, Vapplication du magnétisme n'est pas tout à a fait sans danger.

« M. Couturier reconnaît donc l’existence du principe magnétique, puisqu’il admet le danger de son application ; à moins de supposer que ce qui n’existe pas puisse être dangereux. N’admirez-vous pas la puissance de ce raisonnement ? « Le fluide magnéti-« que n’existe pas; d’ailleurs il peut faire beaucoup de

> mal ! »

« Remarquez, Messieurs, que presque tous les adversaires du magnétisme, surtout ceux qui ne procèdent pas avec bonne foi, commettent les mômes infractions à la logique , les mêmes inconséquences bouffonnes; dans leur haine aveugle, ils dévalisent tout l'arsenal de leur cerveau, au risque de se blesser avec leurs propres armes !... - -

a L’auteur de celte brochure couronne toutes ses aménités ppr une espèce de boutade sur la transmission de l’arsenic. Ce chapitre final a la prétention d ê-tre comique, mais il se maintient à peine dans un honorable niveau avec une parade.

« En somme, la brochure de M. Couturier, pauvre flèche moussée que cet adversaire vient de lancer contre notre drapeau, n’a pas même la valeur d un coup d’épingle. Au surplus, de bien plus rudes joûteurs se sont escrimés contre Mesmer, et Mesmer est resté ferme sur sa base ; des esprits autrement éminents queM. Couturier, tels que les Franklin, les Lavoi-sier, les Bailly, et tant d’autres de nos jours ont fui-

miné contre le magnétisme, et le magnétisme est debout !

« Poursuivons donc notre tâche, Messieurs, sans nous préoccuper de l’anàthème des corps savants ni des morsures d'un pamphlet. Le temps, plus puissant i|ue les hommes, plus sage que les académies, dissipera bien des doutes, étouffera bien des haines; le temps nous fera raison de tous nos ennemis ; et dans sa lente, mais inévitable justice distributive, il n’épargnera ni l’aréopage de la rue de Poitiers, ni le sanctuaire de M. Orfila, ni l’orgueil des savants brevetés, ni la royauté des sangsues. »

VARIÉTÉS.

Hydroscopie. — Le Moniteur industriel vient de faire un curieux parallèle entre M. Leverrier, sur qui pleuvent les décorations, et l’abbé Paramelle, dont la faculté hydroscopique est délaissée. Voici les passages saillants de cet article très-justement pensé :

« En 1827, M. Paramelle, curé de Cornac, demanda 600 francs au conseil général du Lot. C’était pour découvrir des sources, et le département manquait d’eau. M. Paramelle assurait que, d’après ses observations, on pouvait déterminer tout d’abord, sans travaux préalables, là où il fallait creuser pour faire

surgir des sources. On faillit ne pas l’écouter; on ne croyait pas la chose possible, car les académiciens mômes n’en savaient pas autant. Cependant le conseil général décida qu’une somme de (¡00 fr. serait mise à la disposition de M’. le préfet, pour être employée, sous la direction de M. Paramclle, à découvrir des cours d’eau dans la localité où il croirait devoir faire l’application de sa théorie. Cela se passait le 21 août. Le l'1' septembre, dix jours après, M. le préfet du Lot apprenait à son conseil général que M. Paramclle avait annoncé, sur cinq endroits différents, que l’on n’avait qu’à creuser jusqu’à une profondeur qu’il indiquait, et que l’on trouverait de l’eau. On avait creusé et on avait trouvé cinq sources. On faillit crier au sorcier ; car, dans le Lot, il y en a encore. Mais les nouvelles sources, sources d'eaux vives et excellentes, avaient surgi dans des localités qui n’avaient que des citernes et des mares, auxquelles môme les animaux refusent souvent de boire. On cria au miracle.

« A partir de ce jour, l'abbé Paramclle fut un grand homme à Cornac, à Saint-Céré. Chacun allait le trouver pour avoir une source, et personne ne perdait son temps à s’adresser à lui. Mais à Paris on ne savait môme pas s’il existait. Et aujourd’hui, est-ce que le gouvernement, est-ce que l’Académie des Sciences le savent? Or, cependant, voici ce qu’il a fait depuis 1827, depuis dix-huit ans.

« A peine eut-on appris dans les départements voisins du Lot que l’humble presbytère de Cornac possédait un véritable Moïse, que des députations nombreuses s’y rendirent. Manquer d’eau est une si grande misère, et avoir de l’eau une si grande richesse ! Mais

M. Paramelle n’avait pas (l’argent à n’en savoir quo faire; de plus, il n’était pas ingénieur du gouvernement, et cependant il ne voulait pas spéculer. Pour tout concilier, il se borna à demander 10 ou 15 francs par source indiquée ; un autre en eût demandé 1,000, et cela les valait. Maintenant, nous voudrions pouvoir le suivre dans tous les départements qu’il a visités; nous ne le pouvons; mais cependant il nous faut indiquer d’une manière plus précise les services qu’il a rendus.Dans le Lot, M. Paramelle a indiqué deux cent cinquante-deux sources. On a creusé, et on en a trouvé deux cent trentre-quatre, salubres, abondantes, aux profondeurs annoncées ou à des profondeurs moindres. Aujourd’hui, M. Paramelle ne se trompe même pas cinq fois par cent.

« Au Bastil (Lot), deux sources, à moins de quatre mètres sous terre, suffisent pour mille habitants. Avant, il fallait aller s’approvisionner d’eau à plus d’une lieue. A Gourdon (Lot), une source pour trois mille habitants. A Beleymas (Dordogne), M.Paramelle annonça deux filets (l’eau de la grosseur d’un tuyau de plume, formant, en se réunissant, un cours gros comme le pouce. On trouva les deux filets, et la fontaine est placée à la jonction. A Bottersack (Dordogne), il indiqua, à dix mètres, un cours d’eau de la grosseur de la cuisse d’un homme. A moins de six mètres, on trouva un volume d’eau de un mètre trente centimètres carrés. Elle suffit aujourd’hui pour faire mouvoir une fabrique de papier. On cite ces exemples par milliers. Mais M. Paramelle ne fait pas tout cela sans obstacles. Les savanis d’ici et de là sont furieux de n’avoir pas deviné des sources sur lesquelles ils ont marché toute leur vie...

« Somme toute, M. Paramelle parcourt nos départements depuis près de vingt ans. Or, tous les ans, il indique des milliers de sources; car, à lui, il faut peu de temps: une simple promenade lui suffit pour dire ou, en creusant ù telle profondeur, on trouvera une telle quantité d eau. Or estimez, en mettant même au plus bas, tous les milliers de sources qu’a trouvées M. Paramelle, et qui aujourd’hui, dans les villes et dans les campagnes, pour l’économie domestique et pour l’agriculture, pour l’industrie et pour le luxe, rendent des services nombreux, considérables, d’un prix inlini, et vous verrez que M. Paramelle n’est pas seulement un homme extraordinaire, mais encore l’un des hommes auxquels la France doit le plus.

« Mais on prétendra que M. Leverrior a fait preuve de génie, et que ce que M. Paramelle a fait, un autre aurait pu le faire.

« Là-dessus, deux mots : M. Paramelle n’est ni sorcier ni inspiré par en haut. 11 raisonne. Ah ! s’il n’avait pas raisonné, il n’en serait pas là ! Il a cherché, trouvé et déterminé sur quelles couches l'eau s’était arrêtée, glissait, existait au-dessous du sol. Il a fait beaucoup plus; il est parvenu à découvrir, seulement en examinantes terrains sur lesquels il marchait, où il fallait creuser pour avoir le plus grand volume d’eau à la surface, et les faits sont venus confirmer sa théorie, et les sources ont surgi. Or, n’esl-ce pas là de la science, de la bonne et véritable science? Si c’est de la science ordinaire, pourquoi M. Dufresnoy, pourquoi M. Elie de Beaumont, pourquoi toute la Société de géologie, les auteurs et les dépositaires de la véritable science ne sont-ils pas capables d’en faire autant?

Si un géologue de l’institut avait fait la vingtième partie de ce qu’a fait M. Paramclle, il se serait déjà lait dresser dos statues, et l’Académie dos Sciences, parce que M. Paramclle n’a pas eu besoin des livres de géologie de nos géologues pour faire plus quelle, ne l’a pas môme nommé à une de ses places de membre correspondant !

« Mais le mal est bien plus grand qu’on ne pense. On ne peut pas douter de la science de M. Paramclle, il la prouve tous les jours. Eh bien, cette science si utile, si nécessaire, si féconde, nous échappera peut-être. En effet, M. Paramclle voudrait bien fonder une école d'hydroscopie. Il ne faudrait pas, assure-t-il, plus de trois mois sur le terrain à des hommes dégrossis pour en savoir autant que lui. Mais est-il possible a un simple curé de campagne de fonder une telle institution en présence d’un corps enseignant qui prétend tout savoir, et qui cependant ne sait pas tout !

« Si nos savants ne soupiraient qu’après le progrès, et si notre gouvernement avait le temps de faire autre chose que delà politique, on aurait dit à M. l’abbé Paramelle : « Monsieur, parcourez la France du nord au midi, et de l’est à l’ouest, aux frais du pays. Il nous manque des sources, donnez nous-en autantque vous le pourrez. Mais la France ne sera pas ingrate : elle fera pour vous autant que pour un des maréchaux. »

Persécution. — On écrit de Vienne ù la Gazette Je France, du 18 octobre :

« Une arrestation entourée de circonstances assez curieuses vient d’être opérée ici par les soins de la police. L’homme qui en a été l’objet était arrivé de-

puis quelque temps dans notre capitale, affublé d’un nom aristocratique île contrebande qui cachait sa casaque d’aventurier. Il parait qu’il se proposait de renouveler au milieu de notre société les pratiques qui ont autrefois assuré en France à Mesmer et à Caglios-tro la fortune et une sorte de réputation.

« Ce charlatanisme mystico prophétique, basé d’ailleurs sur quelques faits matériels d’une étrangeté encore obscure, aura toujours beaucoup de chances de succès dans notre rêveuse Allemagne; il en aura surtout dans un pays comme l’Autriche, où les rigueurs d’un gouvernement paternel, en étouffant le mouvement libre des idées et des sentiments, jettent une sorte de voile sur la vie générale de la nation, et prédisposent les esprits aux spéculations mystérieuses.

« Ce qu’il y a de certain, c’est que le prétendu' comte de C... s’était déjà fait à Vienne une clientèle très-considérable. Des femmes de la plus haute noblesse, connues pour leur élégance et leur esprit, venaient deux fois par semaine se réunir chez lui autour du fameux baquet renouvelé des soirées de Mesmer. A Vienne, rien ne peut rester longtemps inconnu à la police, si inquiète, si vigilante.

« Les soirées du comte deC... attirèrent son attention. Elle crut d’abord avoir affaire à un émissaire de la propagande.

» Mais elle ne tarda pas à savoir toute la vérité, et elle s’assura de la personne de l’illuminé. Comme il est Vénitien, et par conséquent sujet do l'Autriche, il est probable qu’on l’enverra réfléchir pendant quelques années dans une prison d’Etat sur les inconvénients de la célébrité. »

Voilà un gouvernement paternel qui n’v vu pas de main morte. Les novateurs doivent y regarder à deux fois avant d’alier en Autriche porter leurs découvertes. Heureux peuples, vous voyez bien que les rois ne sont pas créés à l’image de Dieu, et qu’il peut s’en rencontrer d’idiots.

Mais comme les rois voient rarement par eux-mêmes, on peut être certain qu'il y a en Autriche un ministre, un conseiller que la vérité effraie autant que Ja liberté. En effet, ce sont deux sœurs qui ne marchent qu’ensemble. On peut retarder leur progrès, mais voilà tout : le monde sera un jour leur conquête.

Revue magnétique. — Miss Martineau a pour le magnétisme une espèce de culte depuis sa miraculeuse guérison. Ce n’est point assez pour elle d’avoir publié ses Letters on memerism sur les circonstances qui ont accompagné son traitement, et les faits que repoussait alors l’opinion. Elle fait plus aujourd’hui; elle consacre sa vie à la propagation et à l’étude du magnétisme. Les journaux anglais annoncent qu’elle part pour l’Egypte, afin d’étudier à cet ancien berceau des arts et des sciences ce qui reste dans les traditions, l’histoire et les pratiques mystérieuses de quelques hommes touchant la science qui nous occupe. On peut donc espérer un mémoire intéressantet à coup sûr instructif.

Le Guetteur du 25 octobre fait aux médecins de Saint-Quentin un appel que nous reproduirons dans notre prochain numéro.

Le Proprictaire-Gcrani : HÉBERT (de Camay).

Paris. — Imprimerie d'A. Renb et Conip., rue de Seine, 32.

PÉRÉGRINATIONS MAGNÉTIQUES.

§ II. — Lyoh.

(2 article.)

Que vous ai-je enseigné, qu’ai-je voulu vous apprendre? l’art de vous maintenir en santé et de contribuer à la conservation de vos frères, sans avoir besoin des ressou rces trompeuses de la pharmacie, par des moyens tout différents de ceux qu’emploie la médecine actuelle. Déjà vous saviez qu’il existait un agent puissant dont le foyer est dans nos propres organes. Vous étiez instruits des principales conditions nécessaires à son émission ; mais on ne vous avait pas dit qu’il avait des lois fixes, immuables, sans la connaissance desquelles toute pratique était incertaine, tout résultat douteux. Eh bien, j'ai attiré votre attention sur l’objet de mes études, sur une pratique ayant pour base des connaissances exactes,. Maintenant, c’est à vous de poursuivre. Un systèmàfune doctrine, doivent reposer sur une identité de résultats, et ce sont ceux-ci qu’il faut constater et faire admettre. Il faut ensuite forcer les magnétiseurs ignorants à acquérir la science nouvelle, afin qu’ils aient l’habileté qu’elle donne, puisque ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront, sans

TOME III, i" DÉCEMBRE 18Z|6. 10

tromper personne, faire un bien réel et devenir des instruments utiles au lieu d’auxiliaires dangereux qu’ils sont encore aujourd’hui.

J’entre donc do suite en matière, et vais vous signaler récueil le plus dangereux que le magnétisme ait rencontré : le somnambulismo.

Mesmer a connu cotte crise; mais son génie et sa prévoyance étaient tels, qu’il ne divulgua point à ses élèves cet état si nouveau dans la science de l'homme. Il pressentait l’abus monstrueux que l'on ne manquerait pas d’en faire et la perturbation qu’il causerait dans la science qu'il cherchait à fonder. M. de Puységur, le premier d’entre ses élèves, observa les singuliers phénomènes qui se manifestent dans le sommeil magnétique. Plein d’enthousiasme, il lit part de sa découverte, et les magnétiseurs provoquèrent la crise, qui paraissait alors surnaturelle. Mais bientôt la sagesse les abandonna ; ils laissèrent de côté l'élude de la force, cause physique du sommeil, pour ne pitjs s’occuper que de ce dernier. Qui d'entre les magnétiseurs n’endormait point son malade perdait cette sorte de prestige qui accompagnait toujours les som-nambuliseurs. Il n'était plus question de guérir par les ressources de l’agent magnétique; il fallait des remèdes indiqués par des clairvoyants. Une sorte de croyance s’établit; la ihédeoine nouvelle était révélée. L’infaillibilité étaitVapanagedes somnambules ; semblables aux oracles, ils prononçaient sur le son des malades. Bientôt encore on dirigea leurs facultés sur les affaires domestiques; 011 les interrogea sur la con-duile ù tenir pour ariver à telle 011 telle lin. Ce n’était point assez, on en dressa quelques-uns à lire dans la

pensée, à deviner les choses cachées, à prévoir l’avenir. Le doute lit des objections; on y répondit en couvrant de bandeaux les yeux des dormeurs; on mit sur leur lace des masques d’argile, de plomb, etc. Comme vous le voyez, le somnambulisme était sorti de ses voies; mais on était encore raisonnable, car c’était, en général, devant quelques amis, en présence de quelques croyants que so faisaient les expériences. C’était pour s'éclairer sur un grand fait que les magnétiseurs se livraient à ces recherches. Mais ces merveilles liront du bruit en dehors du sanctuaire; la science avait beau dire que les magnétiseurs étaient

des niais, des imbéciles, des dupes.....ce n’est que plus

tard qu’elle ajouta qu’ils étaient des fripons.

Toutes les expériences,il faut le dire, n'étaient point concluantes et ne pouvaientjustilier l’admiration sans réserve que quelques personnes conservaient pour les dormeurs en général ; mais souvent encore, à côté des erreurs matérielles, il se trouvait des faits révélés, dont l’existence inconnue des magnétisés entretenait une sorte d’exultation difficile à combattre et à faire cesser. Les quelques magnétiseurs sensés qui existaient ne pouvaient faire entendre lo langage de la raison.

> La médecine, ayant rejeté le somnambulisme, comme elle avait rejeté le magnétisme, laissa le champ libre à l’ignorance; il surgit une légion de mngnétis-tes pour qui la vérité était la moindre des choses; de là une industrie nouvelle et profitable. Qui pouvait juger de la valeur des faits ? Ce n’était point le monde, amateur du merveilleux, ni les malades, fatigués des remèdes inutiles. On parlait de quelques cures opérées

par les somnambules; c’était suffisant pour allécher un grand nombre de ces victimes de l’ignorance médicale.

L’Àcadémic de médecine n’avait point, il faut l’avouer, tous les torts qu’on lui reprochait. Sans doute elle avait apporté peu d’esprit philosophique dans l’étude des faits somnambuliques, elle s’était montrée partiale; plusieurs de ses membres, on doit le leur reprocher aujourd’hui, agirent comme s’ils eussent voulu empêcher de se produire la lumière naissante. C’était avec mauvaise grâce et le parti pris de tout nier ou de faire manquer les expériences qu’ils se rendaient à l’invitation qu’on leur faisait de toutes parts pour examiner quelques somnambules. On doit distinguer cependant de cette cohorte ennemie les honorables commissaires de 182G, à la tète desquels se trouvait M. llusson. Cette réunion d’hommes distingués et animés par la bonne foi constata et reconnut d’abord l’existence du principe physique appelé magnétisme. Il lui fut plus difficile de saisir les facultés somnambuliques. Cependant elle y parvint, et se prononça favorablement, mais sans admiration. En effet, comment aurait-elle pu s’enthousiasmer? Elle rencontra des faits négatifs qui étaient certes bien propres à la tenir en réserve.

C’est d’abord M. le docteur Chapelain qui offre l’exemple des prédictions erronées des somnambules. Une femme de sa maison, qu’il magnétisait, lui annonce qu’elle rendra tel jour un tænia; il croit à cette prédiction, et convoque la commission chargée de l’examen du magnétisme pour constater le fait annoncé. Le moment arrivé, un des médecins place le

pot, attend ce ver long d’une coudée; mais il ne vient absolument rien (1).

Un autre magnétiseur, aussi (le première farce, M. de Geslin, convoque la même commission, pour lui montrer une somnambule qui lit dans la pensée et fait cent choses plus surprenantes. Bien, très-bien; ces faits sont trop curieux pour que la commission ne se dérange point pour les examiner. — La somnambule est endormie; on écrit les choses que J’on désire qu’elle fasse; mais que voit-on ? absolument le contraire de ce que le magnétiseur avait annoncé. Lorsqu’on lui commande d’aller à la fenêtre, elle va au piano; elle lève le bras quand on lui commande de lever la jambe; pas un seul des faits ne se justifie. Cela ressemble à une mystification; nous sommes sûr cependant que ce magnétiseur malheureux était très-sincère.

Ce n’était là qu’un échantillon du savoir-faire des magnétiseurs et de leurs somnambules. On n’avait pas alors reconnu combien cette crise est variable ; on lui assignait une fixité qui n’était que dans le désir que l’on avait de la voir toujours brillante. On ignorait qu’elle ne laisse apercevoir sa lumière que dans certains moments,et personne ne savait les distinguer. Malgré tout, les somnambules se multipliaient; ils arrivèrent enfin à l’annonce, aux affiches, aux réclames,aux cartes imprimées; car déjà il s’était établi une concurrence fâcheuse pour ceux ou celles en renom. Celle-ci avait beau dire : Je suis la plus lucide de Paris et citée dans tel ouvrage ; cetle autre répondait : C’est un tel, illustre magnétiste, qui m’a

(1) Voyez le rapport de M. Huison, page 160 de mon Court en 7 leçons.

créée et mise au momie ; un troisième assurait qu’il voyait la Vierge et les anges qui l'inspiraient. Les malades ne choisissaient plus; un être, quel qu’il fût, dès qu’il était censé dormir, devait posséder le don de clairvoyance. Les magnétiseurs étaient effacés, les oracles s’endormaient seuls, avec une bague, un sachet. Quel progrès! Voyez déjà comme la science avançait! L’Académie de médecine avait de nouvoau été mise en demeure d’examiner les hautes facultés somnambuliques.

Ah ! qu’alliez-vous faire, magnétiseurs imprévoyants? Vous quittiez le terrain solide, les faits physiques, toujours constants, pour vous jeter à corps perdu dans le douteux.

Vous, Monsieur le docteur Berna, vous présentez votre programme; on vous écoute, et on vous prend au mot. Mais vous n’aviez pas songé que la plus petite infraction à son contenu allait détruire les faits vrais que vous pourriez montrer, et qu’on vous donnerait pour examinateurs les médecins qui voulaient enterrer le magnétisme. Et vous ôtes obligé, dans votre déconvenue, de faire un contre-rapport, d’en appeler au public pour vousjuslilier.

Vous, Monsieur le docteur Teste, vous montez aussi à l’assaut de la place qui refuse d’ouvrir ses portes, et sur votre étendard vous avez inscrit : somnambule infaillible !.'! Aussi malheureux que votre collègue, vous échouez et vous appelez à votre secours Fra-part ; Frapart, dont le nom était alors une épouvante pour certains esprits malveillants. Cet ami vous console; tout en vous blâmant, il répondu votre missive, missive qui témoigno de votre repentir et où vous

laites votre med culpd. Permettez-moi de citer la réprimande qu’il vous adresse :

« ... Depuis cinq mois, si j’ai bonne mémoire, vous en êtes à votre troisième mécompte: mécompte avec M. Cornac, mécompte avec M. Malgaigne , mécompte avec [’Académie ! sans parler de ceux dont je vous ai préservé. Vraiment, c’est abuser de la permission qu’un homme a de faillir, et il en sera probablement ainsi jusqu’à pe que l’expérience vous éclaire. Dans votre jeune ardeur, vous mettez sans cesse l'impatience à 1a place de la raison ; vous brûlez d’arriver d’un trait; vous voulez tout de suite entrer en jouissance ; vous ne voyez que le but, vous délaissez les moyens! Comme si la volonté qui marque l’un suffisait, et comme si l’intelligence qui trouve les autres, comme si la finesse qui les dispose, comme si la patience qui les met en œuvre étaient inutiles. Les conseils ne vous ont pourtant pas manqué, je vous en ai couvert, et vingt fois je vous ai présagé des malheurs pour

que votre prudence les écartât...........

«Soin superflu! vous n’en avez tenu aucun compte, vous avez franchi toutes les limites de l’imprévoyance, vous avez accumulé fautes sur fautes, vous avez compromis un moment notre cause, vous avez joué le sort du magnétisme, et partant, vous vous êtes relégué de vous-mème dans les derniers rangs de nos soldats. Puis vous prononcez le mot de gloire!... La gloire, au prix que vous y mettez, conviendrait ¿beaucoup de gens. Mais sachez donc que le chemin de la gloire est glissant, montueux, infini, que la vie de l’homme qui le parcourt est une lutte acharnée, que sa mission est un labeur continuel, que pour cet homme il n’y a

point de trêve, point de repos, qu’il ne touche jamais le rivage, qu’il ne trouve jamais le fond, que toujours il marche, et que presque toujours avant d’arriver il succombe. Et viendrez-vous encore me parler de gloire, vous, conscrit de cinq mais!... Mais c’est assez de reproches, ami ; d’ailleurs votre lettre d’aujourd'hui est si aimable, si doucereuse, si câline; vous vous y repentez avec tant de grâce, d’esprit, et probablement de sincérité, que je ne vous gronderai pas davantage, et que vous n’aurez pas le droit de me dire :

Eh! nionnmi, tire-moi du danger;

Tu feras après ta harangue.

Ilélas ! réprimande inutile, peine superflue : le mal était fait, et Frapart lui-même, oubliant les conseils judicieux qu’il vous avait donnés, s’élance bientôt sur vos traces. C’est avec Prudence, nom trompeur ! c’est avec Calvxte, somnambule usé par tous les contacts, qu’il espère ramener tous ceux que l'erreur d’un moment a éloignés. Une touche point le but; et, mécontent de lui comme il l’était de vous tous, la mort lo surprend au moment où il avait résolu de tourner sa plume redoutable contre ceux qui l’avaient mis dans l’impuissance et lui avaient créé des embarras.

Et vous, honnête Pigeaire ! vous vous y étiez aussi laissé prendre ; l’innocence de votre enfant, sa candeur, ne vous ont point sauvé ; son heureuse faculté diminua dans la lutte. M. Donné, connu par son lait, écrivit pour vous, puis contre vous. Vous ne le saviez pas alors si facile à changer de langage; vous ignoriez que tout homme qui vise à l’Académie doit nécessairement se montrer ennemi de notre vérité, jusqu’à ce

que la girouette ait tourné, jusqu’au jour où le veut de la fortune gonflera les voiles du vaisseau qui porte le magnétisme. Alors , seulement alors , tous ces hommes sans courage et sans vertu croiront à l’existence de ce qu’ils ont nié.

Mais voici d’autres combattants : MM. Ilicard, comme des enfants terribles, voulant tout pourfendre, et ne parlant de rien moins qu ingurgiter les visions angéliques de leurs somnambules dans les entrailles de ceux qui refusaient d’y croire. Ils échouèrent : c’était presque justice ; il eût été pénible de les voir réussir où leurs devanciers avaient échoué. L’Académie ne leur fit pas l’honneur d’écouter leurs propositions.

Cependant un prix avait été créé : trois mille francs étaient offerts à celui qui lirait au travers d’un corps opaque. Le généreux docteur Burdin faisait appel à tous les somnambulistes, leur montrant en perspective la gloire etl’urgent : aucun ne se présenta. Hortense, Calyxte, Prudence, Virginie, etc., etc., qui lisent couramment, comme chacun sait, les yeux fermés, n’étaient pas assez fous pour risquer l’entreprise. Laurent aimait mieux courir à l’aventure, et le prix resta à M. Burdin, qui, tout glorieux deson invention, conserva la somme pour ses menus plaisirs.

La risée, la moquerie des corps savants tomba sur tous les magnétiseurs indistinctement ; ceux qui n’avaient point péché contre les règles furent ainsi condamnés sans appel.

Riez, riez bien fort, chers académiciens; rira bien qui rira le dernier. Votre prix vous est resté, mais la vérité subsiste ; un jour, elle vous coûtera plus cher que vous n’en offriez. (La suite au prochain numéro.)

SOCIÉTÉS SAVANTES.

ACADÉMIE ROYALE DE MÉDECINE.

Séance du 26 octobre. —L’Académie reçoit de M. le docteur Gendrin communication d'un travail clinique sur l'hystérie, la plus fréquente des maladies nerveuses convulsives, dont ce praticien a laitune élude spéciale. Les faits qu’il résume sont de nature à modifier profondément la pathologie de ces maladies, et à jeter les fondements d’une thérapeutique rationnelle différente de celle employée jusqu’à ce jour.

D’abord il élablit que l’hystérie est une maladie continue, manifestée, mémedans l’intervalle des accès, par des symptômes pathognomoniques dont le plus caractéristique est Y insensibilité, partielle ou totale. C’est par la permanence de ce symptôme que M. Gen-drin explique comment des hystériques ont été brûlées, lacérées sans éprouver de ces tortures la moindre douleur. Cette explication charme par sa simplicité ; mais l’auteur en abuse bientôt en voulant ranger sous sa loi nombre de phénomènes nerveux qui ne sont point de son domaine. Toutes les disputes systématiques n’ont point d'autres causes que cette exagération d’un principe vrai, mais restreint. Aussi, mis en présencede l’insensibilité dont ont fait preuve les martyrs de la foi chrétienne, les convulsionnaires

de Saint-Médard, etc., M. Gendrin invoque-t-il le même principe. Mais la contradiction est manifeste; car l’hystérie est particulière aux femmes, et an nombre de ces victimes de l'ignorance et du fanatisme il y avait beaucoup {]'hommes. Les derviches, qu’on voit encore au Caire et à Constantinople, en sont la preuve vivante.

En ce qui concerne l'insensibilité des magnétisés, le médecin de la Pitié n’est pas plus heureux. Il ne voit dans toutes ces personnes que des hystériques chez qui cette insensibilité préexiste; c'est-à-dire, en d’autres termes, que le magnétisme rencontre l'insensibilité, mais ne la produit pas. Ici encore ce médecin est en opposition avec les faits; car, outre que cet état s’obtient magnétiquement sur les hommes et les femmes de tous âges et de toutes conditions, en santé comme en maladie, les magnétiseurs insensibilisent tous les organes simultanément ou successivement, et autant de temps qu’ils le veulent; en un mot, totalement à leur gré.

Evidemment M. Gendrin se trompe, son explication est insuffisante; mais il reconnaît implicitement l’insensibilité magnétique. S'il n'admettait pas le fait, il ne chercherait pas à l’expliquer. Or, c’est le premier qui soulève celte question devant l’Académie, et nous devons lui savoir gré de sa tentative; car elle est courageuse, eu égard aux dispositions des esprits académiques.

A part l’erreur que nous relevons, toutes ces propositions, aussi intéressantes par leur nouveauté que par la lumière qu’elles peuvent jeter sur le diagnostic d’une maladie jusqu’ici si obscure, acquièrent une

bien plus grande importance parleurs conséquences thérapeutiques. Les anomalies qui rendent les hystériques insensibles à l’action des agents extérieurs se montrent aussi à l’égard des médicaments. Ainsi on peut administrera ces malades l’opium à la dose effrayante de 12 à 15 grains, sans effet narcotique, sans effet vénéneux. Cette nullité d’action des médicaments les plus énergiques devient pour M. Gendrin la base d’un traitement dans lequel l’éther sull'urique entre jusqu’à la dose énorme de 30 grammes. 11 augmente la dose graduellement jusqu’à l’obtention d’effet immédiat; alors, dit-il, la maladie cède progressivement. On a la certitude que le malade est re-venuà l’état desantéquand l’opium et l’éther agissent Sur lui immédiatement et à dose ordinaire.

Il y a dans tous ces faits plus d’un enseignement pour les magnétiseurs. On peut comprendre maintenant comment l’action magnétique, en mettant le principe de vie en plus, détruit sur-le-champ l’effet desdrogueshomœopatiques, et diminue tant celui des poisons et médicaments mal ordonnés; comment, au contraire, l’action prolongée des remèdes héroïques, à dose allopathique, rend très-difficile, souvent impossible, la guérison , par le magnétisme, des malades soumis à ces doses meurtrières que la médecine actuelle emploie.

Ainsi tout se touche, s’enchaîne, se tient; les recherches de M. Gendrin éclairent les nôtres. S’il étudiait davantage les faits que nous produisons, sa marche n’en serait que plus certaine, plus assurée.

FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS.

Nous trouvons dans le discours de rentrée, par M. Dumas, les passages suivants qui ont trait à nos études :

«.....L’âme humaine, immortelle, immatérielle et

libre; les forces impondérables dont elle dispose; les matières organiques que son souffle pétrit et façonne; les matières minérales qu’elle leur associe : quatre grands aspects de la vie, quatre grands problèmes de la mort.

« L’Eglise a posé et résolu le dernier dans cette phrase terrible et sublime qu’elle inscrit sur nos fronts chaque année , quand elle y dépose cette cendre symbolique, et qu’elle répète le Memento quiapultts es et inpulverem reverteris.

* La chimie moderne a résolu le troisième quand elle a fait voir que l’air renferme tous les éléments des matières organiques ; que l’air reçoit tous les produits de leur destruction ; que les plantes sont les enfants de l’air; que les animaux dérivent tous des plantes; que toutes les matières organiques , enfin, représentent sur la terre des portions condensées de l’air proprement dit. Elle pourrait, frappant à son tour l’orgueil de l’homme, lui dire : Souviens-toi que tu n’es qu’une vaine fumée, et que tu retourneras en fumée.

« Mais que sont les forces de la vie ? Sans doute la lumière, la chaleur, l’électricité, y jouent leur rôle. Le flambeau de Prométhéc n’est pas un vain jouet de l’enfance du monde, et, sous son manteau, la fable

cache plus d’une vérité philosophique. Cependant jusqu’ici ces forces ne sauraient représenter toutes celles que la vie utilise. La force nerveuse dans les animaux supérieurs, des forces plus obtuses encore dans les animaux inférieurs et dans les plantes se dérobent à toute affirmation.

« Si de Lamennais, dans sa magnifique synthèse de l’univers, n'hésite point à conclure que l’éthcr, fond commun des êtres, est l’unité première dans laquelle tout sc résume, nous ne pouvons pas imiter ici sa hardiesse.

« Et bien qu’il soit certain aujourd’hui que le magnétisme et l’électricité ne constituent qu’un seul et même fluide; bien qu’il soit probable que la chaleur, la lumière et l’électricité soient universelles, même par des liens intimes ; ici, dans le sanctuaire de l’observation et de l’expérience, nous devons attendre, pour admettre l’unité des forces de la nature, qu'un nouvel (JErstedt, qu’un nouvel Arago, qu’un nouveau Faraday, aient produit avec de l’électricité quelque force nerveuse, qu’avec la force nerveuse elle-même ils aient régénéré de l’électricité. »

Tous les savants chérissent cette idée d’unité, d’identité des forces de la nature. Mais la physique et la chimie, tour à tour invoquées pour expliquer la vie, ont avoué leur impuissance, donné leur démission, par la raison toute simple que la même matière qui s'organise sous l’influence des lois de la vie, cristallise sous celle des forces physiques et chimiques.

CONFÉRENCES DOMINICALES.

15 octobre.—M. du Potet examine à fond la grande question de la pratique du magnétisme, que le congrès médical de Paris veut faire considérer comme exercice illégal de la médecine. Notre maître pense que les Chambres ne sanctionneront pas les prétentions du congrès; et quant à ce qui peut survenir d’ici là, il croit que les magnétiseurs peuvent exercer tranquillement. « Ce serait, dit-il, mentir à la justice, fausser la loi existante que de l’appliquer aux faits de magnétisme et de somnambulisme. On ne pouvait prévoir, lorsqu’elle fut faite, qu’il viendrait un temps où un nouvel art, une nouvelle science, apparaîtraient, où des gens ayant les sens assoupis révéleraient l’inconnu, auraient l’instinct des remèdes. Le législateur de l’an XI n'a pu deviner qu’il existait en nous une double vie, et s’il a puni, comme la société avait le droit de l’exiger, les infractions commises dans l’une d’elles, il n’a pu atteindre les actes de celle qui fait le sujet de ce débat; car la société,étant toutentière dans l’ignorance, n’a pu donner de mandat, et il faut de nouveau la consulter.

« F.n elfet, pour ne parler que du somnambulisme, qui frapperait-on? un être qui ignore ce qu’il a fait, ce qu’il a dit; car il ne se souvient pas, dans son état de veille, des mobiles qui l’ont fait agir pas plus que des sensations qu’il a éprouvées. Il est étranger, autant que vous, aux actions de son sommeil, et si, dans tous les temps, les juges ont été indulgents pour les actes répréhensibles accomplis dans l’ivresse, état qui

laisse encore une lueur de raison, ici tout étant éteint, ce n’est pas cet être qu'il faudrait punir, mais son directeur, qui seul est responsable, puisque sans lui les faits reprochés n'eussent pu avoir lieu.

» Si c’est le magnétiseur, pour des actes purement de son ministère, qu’on veut poursuivre, le délit peut encore moins être soumis à la juridiction des tribunaux; car dans ce cas tout échappe. Ce n’est point de la médecine ni rien qui lui ressemble; car qu’est-ce que la médecine? un art fondé sur l’observation attentive des maladies et l’étude des propriétés thérapeutiques des plantes ou autres substances médicamenteuses. Les médecins ont fait consister toute leur science dans l’application raisonnée de ces divers agents. Là tout est matériel, saisissable, et on peut ajouter que ces messieurs n’ont jamais rien vu au delà. Ils ont repoussé de toutes leurs forces tout autre moyen proposé, et par ce laissé le champ libre. La médecine morale, qui est une dépendance du magnétisme, a été abandonnée par eux aux prêtres de tous les temps et de toutes les religions, et ils n’ont jamais poursuivi les hommes qui usaient des facultés de,l’esprit pour soulager ou guérir.

« Qu’est-ce donc que nous faisons? Agissons-nous comme ceux qui cherchent à nous troubler ? Tout vrai magnétiseur bannit les drogues, les regardant comme plus dangereuses qu’utiles, fatales enfin. Nous nous croyons les instruments de la nature; la vie est notre agent; c’est cette force qui gît au fond de nos cœurs, et qui, par une expansion douce et bienfaisante, se porte sur les malades qui nous approchent. Voilà la médecine magnétique dans son acception

vraie et la plus simple. Trouvez-vous dans ceci rien qui ressemble aux pratiques répréhensibles que condamne la loi ? La barbarie seule trouverait dans son code des lois pour nous punir; car nos actes sont tout chrétiens etcommandés par l’Evangile.

«11 ferait beau voir une Académie de médecine citer Jésus devant un tribunal, et ses apôtres qui imitaient ses œuvres, et tous ces hommes qui de loin suivaient leurs traces, et tous ces rois francs, guérisseurs d’écrouelles,et tous ces suints qu’on allait trouver dans leurs retraites, où ils guérissaient en imposant les mains. Il faudrait aussi accuser la mère qui presse son enfant contre son sein pour calmer ses douleurs; il faudrait punir l’ami qui s’approche de son ami et lui donne la main , car ce sont des actes tout magnétiques.

« Sans doute il est douloureux, pénible pour le médecin d’être témoin impuissant des magnifiques résultats d’une puissance méconnue, lorsque surtout son lucre diminue, son industrie sc trouve menacée. Il voudrait réprimer ces odieux attentats qui diminuent sa considération non moins que sa fortune. Mais doit-on pour lui plaire étouffer tout sentiment, éteindre la chaleur de l’àme ? N’est-il pas temps que la nature outragée trouve des vengeurs, et que ses lois trop longtemps oubliées reprennent leur empire?

« C’est en vain qu’ils prétendraient qu’on ne les a point conviés au partage des droits humains ; ils ont chassé de leur sein ceux qui, pleins d’amour pour leurs frères, étaient allés leur dire : «Venez, soyez témoins de nos œnvres. »

• C’est leur procès et non le nôtre que l’on devrait

instruire aujourd’hui. C’est la justice avec son glaive vengeur qui devrait les frapper; car leur ignorance et leur orgueil perpétuent des maux que nous avons le pouvoir de détruire.

« Il est des lois pour punir l’homme qni manque à son mandat; qui plus que les médecins y manque? Ils disent qu’ils sont les ministres de la santé, les descendants d’Esculape et d’Hygie! Ah ! dons ce temps le magnétisme répandu aurait eu des autels. Us devraient se voiler la lace ; car aujourd’hui des hommes sans science, sans éludes médicales, produisent, au su de tous, la guérison de maux incurables pour eux.

« Voilà la vérité découverte par Mesmer, et que nos antagonistes veulent empêcher de se produire.

« Les loups devraient-ils être bien accueillis du berger fidèle s’ils venaient lui dire : Remets-nous ton troupeau, il sera mieux sous notre garde ; nous connaissons les meilleurs pâturages et la vertu des plantes. Donne-le-nous sans compter; car nous ne pouvons répondre de nous-mêmes ; nous avons la dent maligne, l’humeur capricieuse. Nous pourrons saigner quelques brebis, en étrangler quelques autres; mais nous te promettons de ramener toutes celles qu’un bon tempérament et la fortune auront préservées d'un funeste destin.

« Les loups seraient bien vite contraints de retourner dans leurs forêts. Vous repousserez de même ces hommes étranges qui viennent aujourd’hui avec une feinte douceur vous dire : Nous prendrons soin de la gente humaine ; mais nous ne répondons pas des épidémies qui peuvent l’atteindre, des maux qui peuvent fondre sur elle; notre habileté ne va pas jusqu'à

l'en préserver, quoique nous ayons toute la science en partage! Nous sommes les survivants naturels do ceux qui, dans tous les temps, ont veillé sur la santé humaine; nul ne peut mieux faire que nous. Ecartez donc tout homme qui viendra parler de notre imprévoyance, signaler nos erreurs et les malheurs irréparables qui en sont la suite. Punissez surtout ceux qui parlent de créer un nouvel art, plus fécond que le nôtre et qui ne fait point de victimes.

« Si semblable cause venait à se plaider devant un tribunal national, les juges montreraient que la loi n’est point établie pour protéger le mal et empêcher le bien. Ils renverraient bientôt les accusateurs et les accusés devant l'opinion publique, qui juge en dernier ressort tout ce qui l’intéresse. C’est ainsi que, tout en se montrant impartial, ce tribunal servirait la cause de la vérité. Car si nous sommes dans l’erreur, nos adversaires auront bientôt un facile triomphe; au contraire, si ce que nous faisons est conforme à la nature, un jugement inique ne ferait que retarder bien peu l’établissement du nouvel art. Mais juges et accusateurs n’en seraient pas moins flétris. »

CLINIQUE MAGNÉTIQUE.

Gastuo-entkiute. — Une femme de trente-huit ans, mariée depuis environ un an, voyant ses règles supprimées et son ventre grossi, se crut enceinte ; elle appela un médecin ; celui-ci, jugeant qu’elle de-

vait accoucher dans dix-huit ou vingt jours, la saigna. Une perte se déclara à la suite de la saignée.

Le docteur, pour l'arrêter, prescrivit de l’eau de riz ; mais la perte continuait. Je magnétisai la malado trois lois. La perte s’arrèla. Celle femme était portière de la maison que ¡’habitais; en quittant la maison je cessai de la magnétiser : je ne la croyais pas malade. Un mois, deux mois et même plus s’écoulèrent, et au lieu d’accoucher elle sentait tous les jours dans le ventre et le bas-ventre de violentes douleurs. Elle vit et consulta plusieurs médecins, entre autres un d’une grande réputation pour le traitement de certaine maladie dont les femmes se croient souvent atteintes. Elle suivit divers traitements; mais son état, au lieu de s’améliorer, empirait tous les jours. Désespérée, n’ayant plus la force de supporter ses souffrances, elle se traîna chez moi; scs larmes, que la douleur lui arrachait, inondaient son visage: Je la magnétisai ; je pris une mèche de ses cheveux, et je consultai une somnambule lucide.

Voici l’état de la malade ; Contractions au gros intestin, inflammation catarrheuse de la vessie, commencement d'hydropisie, lentilles purulentes ù la vulve, engorgement des intestins grêles, amas de matières fécales dans les reins, ventre tendu et bal-loné, picottements et cuissons insupportables (la chaleur intérieure était telle que, pour la faire comprendre, on pourrait dire que c’était un incendie général). Pas de sommeil, pas de repos nulle part;

prostration presque complète ; pas d’appétit.

Pendant le traitement prescrit par la somnambule, je magnétisais la malade, et de temps à autre, c’est-a-

dire aux époques indiquées, je mettais l’une et l’autre en rapport toujours à l’aide d’une mèche de cheveux.

Le traitement a commencé avec le mois de septembre, cl dès les premiers jours d’octobre la guérison a été complète.

Cette femme n’a jamais vu la somnambule qui l’a soignée, elle ne la connaît pas, et la somnambule ne sait qu’elle l’a traitée que lorsqu’elle est dans l’état magnétique ; d ans son état normal, elle ignore la faculté qu’elle possède.

Voici le traitement ordonné par la somnambule :

8 septembre.—Durant les six premiers jours, manger le matin, à jeun, et le soir, une heure avant dîner, une demi-botte de cresson cru.

Prendre tous les jours trois ou quatre tasses de bouillon de veau.

Le soir, do 8 à 11 heures, pendant les deux premiers jours, boire un litre de décoction de houblon. Les deux jours suivants, remplacer la décoction de houblon par môme dose de limonade cuite nitrée. Les deux derniers jours, tisane de chiendent édulcorée de sirop de groseilles. Toutes ces boissons froides. Pour boisson ordinaire, eau ferrée avec un quart de vin blanc. Régime doux.

10 septembre.—Durant trois jours, lavement de son avec 6 gouttes de laudanum. Après le lavement, appliquer sur les reins un cataplasme chaud composé de une partie de moutarde sur six de maïs. Môme régime. Eau d’orge grossulariée pour boisson. Grand bain.

21 septembre. —Tisane de riz miellée tiède. Ce jour et les, deux suivants, lavements avec du gros miel.

Lapoute.

VARIÉTÉS.

Le magnétisme à Saint-Quentin.— Le magnétisme animal a de chauds partisans et il a aussi des ennemis acharnés. Cela se conçoit. Les phénomènes qu’on lui attribue sont si extraordinaires et ils bouleverseraient si profondément tontes les traditions, tous les systèmes physiologiques, thérapeutiques, psychologiques et autres, que ('Académie ne lui ouvrira la porte qu’à la dernière extrémité. Il est certain que le charlatanisme s’en est souvent emparé pour exploiter la crédulité publique, tantôt au profit du magnétiseur, le plus souvent peut-être pour le compte de prétendus somnambules qui abusent de l’innocente confiance des expérimentateurs sans ¡liiidc. Le doute est donc très-permis, et c’est toujours une sage précaution; mais le doute ne doit pas être confondu avec le parti pris d’hostilité et d’incrédulité absolue. Nous approuvons fort cette maxime : • Si « c’est une vérité, elle vaut bien la peine qu’on la « cherche; si c’est une erreur, cherchez encore, car

• une erreur constatée est une vérité reconnue. »

Il n’est plus possible aujourd’hui de contester certains effets très-remarquables du magnétisme. Persister à dire, en face des expériences les plus concluantes, qu’il n’y a là que jonglerie ou folie, c’est s’exposer à se faire ranger dans la catégorie des gens de mauvaise foi, parmi les pires des aveugles.

Nous ne parlons ni de la seconde vue, ni des voyages d’oulre-mer, ni de ces étranges déplacements des sens qui vous séparent de la nature humaine pour vous lancer dans le monde des esprits. Tout ce que nous savons de ces mystères stupéfiants, c’est que des gens respectables ont le privilège d’y croire comme à leur existence. Nous nous contentons d’affirmer ce dont nous sommes convaincus. Or, il n’y a pas moyen de n'être pas convaincu d’une chose: c’est qu’on produit, par l’effet du magnétisme, l’insensibilité la plus complète dans les organes, ainsi que le prouvent des faits bien authentiques, et notamment l’opération chirurgicale pratiquée dernièrement, à Cherbourg, sur une femme de trente’ans, nommée Anne Le Marchand. Le procès-verbal, rédigé séance tenante, porte que la malade a été endormie, dans l’espace de trois secondes, à la distance de 2 mètres, et rendue insensible, à tel point qu’on a pu, sans qu’elle cessât d’étre calme et impassible, sans qu’elle eût le moins du monde conscience de ce qui se passait, presque sans altération du pouls et de la respiration, extirper trois glandes, opérer la ligature d'une veine de gros calibre, panser la plaie, et mener à fin une opération délicate et douloureuse. Lorsque plus de cinquante personnes notables affirment par écrit avoir vu cela, il serait ridicule de ne pas le croire.

Ce qu’on fait à Cherbourg, et ce qui a été fait maintes fois à Paris, malgré des dénégations obstinées, pourquoi ne l’essaie rai t-on pas ailleurs? Il ya ici plus qu’un objet de curiosité, il y a un immense service à rendre à l’humanité et à la science. Donner au chirurgien des moyens plus certains de succès, en lui

livrant un corps inerte au lieu d’un sujet toujours très-vivement impressionné; épargner au patient d'atroces souffrances, n’est-ce pas, en effet, réaliser un admirable progrès, ne dût-on réussir qu'une fois sur dix?

Nous connaissons à Saint-Quentin plusieurs magnétiseurs qui se flattent d’arriver aux mêmes résultats que M. Durand, de Cherbourg. Nous sommes autorisé à citer, entre autres, M. Picard, dentiste, rue du Gouvernement, 35.

Au nom de la science et de l’humanité, nous nous adressons à MM. les administrateurs, médecins et chirurgiens de l’IIôtel-Dieu, pour réclamer de leur zèle et de leur juste sollicitude la permission de procéder, dans l’établissement confié à leurs soins, à des expériences magnétiques dont le résultat peut servir à alléger de grandes souffrances et à édifier l’opinion publique. (Guetteur.)

Tribunaux.— Au mois de février dernier, M. J. de Rovère s’établit à Auxerre pour y professer et pratiquer le magnétisme. Les séances qu’il donna furent l’objet d'une critique très-amère dans L’Union. Bientôt s’engagea dans ce journal une polémique à laquelle prit part le Propagateur de Troyes, ce qui fournit à M. Pacquenot l’occasion d’un chaleureux plaidoyer en notre faveur. Les médecins d’Auxcrre croyaient avoir assomme le magnétisme ; mais la vérité ne meurt pas. Aussi vit-on bientôt une dame Lemoine, depuis longtemps malade, renaître à la santé, et proclamer que c’était au magnétisme qu’elle devait ce rétablissement inespéré. Cette guérison blessa la sus-

ceptibilité des docteurs auxerrois, 'qui virent en cela un empiétement .sur leur domaine et portèrent plainte.

Le 14 août, M. de Rovère fut traduit en police correctionnelle sous prévention d'exercice illégal de la médecine. Le tribunal le renvoya de la plainte par les motifs que, s’il avait guéri des malades par le magnétisme, il n’avait point employé de médicaments, et ne pouvait être atteint par les ar(. 36 et 37 de la loi du 19 ventôse an XL

Pendant que ce procès s'instruisait, d’autres guérisons se préparaient. L’Union du 23 août contenait une lettre de M. Baucher, huissier, déclarant que sa femme, malade depuis huit ans et inutilement traitée par la médecine ordinaire, venait d’être guérie par le magnétisme. M. de Kovère étant encore l'instrument de cette guérison, appel du jugement du 14 août fut interjeté aussitôt, et le 1G de ce mois, ce magnétiseur comparaissait devant la Cour royale de Troyes.

Là comme à Auxerre, il s’est défendu lui-même, et l’arrêt de la Cour a conjirmé le jugement du tribunal.

Ce dénouement est en tout conforme aux précédents. On voit que lajustice ne se met pas au service des haines scientifiques, et qu’on est sûr de trouver auprès d’elle un appui éclairé (1).

Revue des journaux. — I.e Ménestrel du 1er novembre contient un article comique intitulé : Fluide lyrique, dont le fond est magnétique.

Le Charivari du 3 parle encore de magnétisme dans un sens plaisant, mais favorable.

La Patrie du 21 relate une guérison obtenue par la

(1) Voyez, ]jni le Magnétiimc opposé à la médtcine, la relalion des procès que M. du Potel a eut ù soutenir 6 Montpellier.

prière. L’influence de la prière, comme on sait, est très-grande ; c’est ce qu’on appelle la médecine morale ; comme telle, elle fait partie de nos éludes.

La Mouche des 27 octobre et 3 novembre publie un curieux fait de pressentiment envisagé comme dépendance du magnétisme.

Dans le numéro du 17 courant, M. Ordinaire émet l’opinion que ceux qui se suicident ne souffrent pas, et que les actes courageux du moment suprême tiennent à un état d’insensibilité causé par l'abandon que l'âme fait des organes.

La Tribune Lyonnaise du Ie' novembre contient la première partie d’un travail de M. Ph. Hedde sur l’emploi delà clairvoyance à la découverte des mines.

La Presse du 13 dit que M. Lafontaine adonné, au profit des inondés de la Loire, une séance de magnétisme qui a produit 63 francs.

Le Commerce du 2!) relate un cas de noclainbulisme que nous reproduirons dans notre prochain numéro.

Nouvelles. — Vingt magnétisles , répondant à l’appel fait par H. du Potet pour la fondation d’une nouvelle société du magnétisme, ont déjà donné leur adhésion écrite. Cette première liste ayant été spontanément couverte de signatures, il y a lieu d’espérer la réalisation de ce projet dans un avenir prochain. Nous donnerons dans notre prochain numéro les détails nécessaires pour que les psrtisans du magnétisme éloignés de Paris puissent prendre une part active à cette entreprise.

BIBLIOGRAPHIE.

Pim.osopniE physiologique nrs sensations et de i.'istei.i.igence,

par M. Gerdy, proIVssnir do paiholosie chirurgicale à la Faculté

lc iiudccme ; l vol. Chez Lahbé. Paris, 18i(i.

Chaque animal a son ennemi, chaque savant son antagoniste : la guerre est sur la terre et dans tous les éléments. Me voici, moi qui ne suis pas savant, l’antagoniste d’un grand homme; j’intervertis l’ordre de lu nature, tant pis pour les règles.

M. le docteur Gerdy vient de livrer au monde savant un livre nouveau. Nous n’aurions pointa nous en occuper s’il ne contenait un grand nombre de pages sur le magnétisme. Cet auteur fait « bonne et sévère justice de nos rêveries. » Le magnétisme, le somnambulisme, n’existent point, et nous sommes rangés dans la classe des visionnaires. M. Gerdy devient l’égal des Bouillaud et des Dubois (d’Amiens); nous augurions mieux du savoir de ce philosophe. 11 dit : « Buflon, « Condillac, Jouffroy, ont écrit des romans.» lit no voulant pus imiter ces grands hommes, il livre cependant au monde un roman ! Que voulez-vous, lecteurs; M. Gerdy a porté, sans le vouloir, un triste jugement sur lui-méme. « L’entendement humain, dit-il, est un « des plus grands sujets qui puissent occuper nos « méditations. Si l’on y voit l’homme dans toute sa « grandeur et sa magnificence, il s’y montre aussi « dans toute sa petitesse et son avilissement; si l’on « y voit éclater sa puissance sans en apercevoir les « limites, ou y voit aussi sa faiblesse sans pouvoir en

« sonder toute la profondeur. • M. Gerdy rencontre sur sa route les phénomènes magnétiques qui le gênent ; il les nie. Une vérité magnifique existe aussi brillante quele soleil; ses yeux ne sauraient l’apercevoir. N’est-ce pas là le signe qui caractérise le grand homme? Il n’y aurait que cette seule tache dans l’ouvrage de M. Gerdy qu’elle suffirait pour en détruire la valeur; mais il y en a bien d’autres que ses collègues apercevront et réfuteront en bons camarades.

M. Gerdy a découvert en nous une vingtaine de nouveaux sens; s'il s’était considéré lui-mème, il eût vu qu’il lui en manque un très-essentiel. Mais on n’a jamais toutes les perfections.

Nous parlons de ce livre pour mémoire et pour qu’il soit classé avec les œuvres des antagonistes du magnétisme. Il est nécessaire qu’elles soient toutes ainsi rassemblées, afin que le jour où un jugement définitif aura été porté sur le magnétisme on rende pleine justice à de si bons observateurs ; car nous citons tous ces illustres au tribunal de l’avenir. Nous sommes certains qu’il ajoutera leurs noms à la suite de ceux qui ont nié le mouvement de la terre, la circulation du sang, et mille autres vérités aussi palpables.

Mais ce tribunal qui juge sévèrement le passé ne corrige jamais l’avenir. Chaque vérité nouvelle trouve des hommes nouveaux qui cherchent à l’arrêter au passage. Efforts impuissants, il faut qu’elle arrive ; car si c’est Dieu qui la révèle, c’est encore lui qui la conduit.

Le Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Gamay).

PÉRÉGRINATIONS MAGNÉTIQUES.

§ II. — L V O N.

(3* article.)

A la liste déjà trop longue des méfaits somnambuli-ques que j’ai mise sous vos yeux, j’aurais pu ajouter les grossières erreurs que commettent chaque jour des dormeuses vénales, erreurs qui, quoique moins ostensibles, éclatantes, n’en jettent pas moins une défaveur marquée sur le magnétisme.

Ici c’est une somnambule qui, recevant une touffe de poils d’ours, déclare que «e sont les cheveux d'un homme blond qui souffre de l’estomac.

Là c’en est une autre qui donne des conseils sur la hausse et la baisse, et cause ainsi la ruine de trop crédules joueurs.

En province, dans différents lieux, on fouille la terre sur des indications pareilles pour y trouver des trésors qu’un rêve a enfantés.

Partout la déraison et un sot enthousiasme acceptent sans examen les oracles menteurs de ces nouvelles prophetesses. On ne doit pourtant pas toutes les confondre, car il en est de sincères qui vivent à l’écart et que l’on distingue à leur modestie.

TOME m. lô DÉCEMBRE 18ilG. 11

On voit au cabinet de l’Ecolc de médecine de Paris le cadavre desséché d’uno femme qui exerça le triste métier d’avaler des aiguilles. C’était un lait incompréhensible pour les physiologistes d’alors. De nos jours, des magnétiseurs exposent à la foule des somnambules, et leur enfoncent dans les chairs des stylets, des aiguilles à tricoter, transpercent enfin les bras et les jambes de ces infortunés avec des pointes acérées. Toutes ces barbaries inutiles sont commises pour prouver l’insensibilité; elles la démontrent sans doute ; mais, repoussantes autant qu’elles sont cruelles, ces expériences, remplissent do dégoût ceux que l’on espère convaincre ; l’horreur quelles inspirent suffirait pour faire rejeter le magnétisme.

Vous me blâmeriez si je vous taisais ces abus monstrueux, car il faut en tout distinguer la vérité de l’erreur et de la collusion; ce journal n’est pas fondé pour autre chose. Cependant c'est sans amertume personnelle que je m’entretiens avec vous de toutes ces choses qui m’ont causé de grandes tribulations, car ce sont les insuccès des somnambulistes qui partout rendirent ma mission si difficile. Ainsi, tandis qu’à Montpellier j’établissais, en présence de la vieille Faculté de médecine et de toute la ville, la réalité du magnétisme par des guérisons éclatantes et des faits physiologiques admirables, un rapport, accablant par les faits négatifs, se lisait à l’Académie de médecine, et venait détruire en partie ce que j’avais eu tant de peine à établir. Durant mon séjour à Londres et au moment où la vérité commençait à se faire jour , nouveau rapport à (’Académie où le magnétisme est ridiculisé, conspué, et le jugement des commissaires ap-

puyé sur les erreurs matérieHes des clairvoyantes soumises à leur examen par d’imprudents magnétiseurs. La presse anglaise tout entière, s’emparant de l’arme que lui fournissaient nos antagonistes, disait, en parlant de moi : • Que vient faire ici cet étranger?

« Voilà comment, dans son pays, la prétendue science « qu’il nous apporte est envisagée par les autorités mé-« dicalcs, » Et lo rapport académique, distribué par milliers, faisait taire les voix qui parlaient déjà en ma faveur. Ma maison devenait déserte, et il me fallait recommencer laborieusement mon entreprise. C’était une année de peines, d’angoisses et des sommes considérables que me coûtaient les forfanteries de ces magnétiseurs inexpérimentés.

Ont-ils au moins réparé le mal qu’ils ont fait à la science ? La science ! qu’y a-t-il de commun entre elle et eux? Celui-ci qui traite Mesmer de charlatan fera-t-il effort pour établir sa doctrine? Attendez un peu, vous verrez scs œuvres enrichies , augmentées par un magnétistebibliomane. Tous deux ne se croient-ils pas plus savanis que Mesmer ?

Qui donc aujourd'hui égare encore l’opinion et la détourne des faits seuls propres à asseoir solidement le magnétisme ? Des magnétiseurs échevelés, aussi présomptueux, aussi sûrs d’eux-mêmes que ceux dont nous venons de parler. Ils pullulent dans Paris et se répandent en province avec les instruments vivants de leurs défaites. Croyez-vous qu’ils soient aux regrets du mal qu’ils ont fait, qu’ils cherchent à servir notre cause? Nullement. l\s battaient la grosse caisse. comme dit l’Académie, cherchant à faire beaucoup de bruit pour amasser les badauds autour do leur bouti-

que, et vous voyezque leur manège a en partie réussi. Maintenant ils travaillent, au grand contentement des oisifs, qu’ils amusent par des tours de passe-passe. Allant dans les salons comme les bohémiens d’un autre âge, ils disent l’avenir, jouent aux cartes les yeux bandés, et tendent en sortant la main pour recevoir leur salaire. Courant les foires, ils établissent leurs baraques à côté de celles des saltimbanques du plus bas étage, et prostituent ainsi le somnambulisme. Entrez, entrez tous! La nouvelle Isis va lever son voile, vous pourrez contempler la déesse.

Cessons, chers élèves, de nous occuper de tout ce désordre; cherchons ensemble quelle est la cause de tant d’insuccès; peut-ètreallons-nous la trouver dans les dispositions morales des magnétiseurs au moment de l'expérience.

Le sommeil lucide est presque toujours produit de premier jet et par des personnes étrangères à toutes connaissances magnétiques. Ce fait singulier trouve son explication. Celui qui agit ainsi est sans préoccupation; aucune combinaison ne dérange son esprit et ne vient altérer les forces dont il dispose, 'lout entier à ce qu’il fait, il ne cherche rien, car une vague idée le dirige; il ne croit ni ne doute, il ignore enlin s’il a les propriétés magnétiques. L’agent dont il pénètre l’être qu’il actionne est simple et tel qu’il devrait toujours être. Il est facile de comprendre ce qui se passe alors, nulle contrain’e n’existe, la nature n’est point forcée ; les passions qui dérangent tant le moral et réagissent si fortement sur le physique n'ont point été mises en jeu; elles n’influent que quand le néophyte a réfléchi sur letrangeté du phénomènequ’d

a fait naître ; alors commence à s’altérer la régularité de l’instrument qu’il avait formé (1).

N avons-nous pas, toute notre vie, remarqué que les passions un peu fortes, une simple émotion même, pouvaient tout a coup troubler notre entendement ? Est-ce que notre jugement est sain alors , et les déterminations que nous prenons, justifiées par la froide raison ? Ne savons-nous pas aussi que des désirs trop prononcés paralysent certaines fonctions ? Les forces vives sont donc déviées tout à coup, subissent des changements, et tout ce que nous faisons se ressentant de ces modifications, pourquoi serait-il déraisonnable d admettre que le plus grand calme d’esprit soit nécessaire à l’obtention comme à la manifestation régulière des phénomènes magnétiques? Rien, assurément, ne s’oppose à l’admission de ce principe dont j’ai reconnu la vérité, et c’est ce calme, cette sérénité d esprit que j’ai toujours cherché à posséder, qui m’a fait réussir où tant d’autres avaient échoué.

Ne trouvons-nous pas dans les Ecritures ces mots profonds : simple d'esprit, cœur simple; et n’y dit-on pas aussi que cette simplicité est nécessaire pour comprendre les vérités éternelles que Dieu révèle à l’intelligence ? ce qui doit arriver rarement lorsque le tumulte des sens ébranle la machine et que l’imagination apporte son tribut de fausses connaissances. Il faut donc, quand on magnétise, avoir la simplicité

(1) De mime, dans Ici productions de la nature, tout ce qui vient déranger ses combinaisons simples et régulières altère sa loi et produit des monstres: ainsi de même encore dans les cumliinnisons chimiques : si l'on agile le vase contenant une dissolution saline, les cristaux ne sont plus réguliers. Les sulfates de soude et de magnésie du commerce sont dans ce cas.

d’un enfant ou le calme du sage pour abandonner à l’agent seul le soin do développer la crise.

Ne trouvez pas ces faits extraordinaires? Songez que c’est l’esprit bien plus que la matière qui agit, et que c’est principalement sur l’intelligence du magnétisé que votre pouvoir se fait sentir.

Une remarque à faire, c’est que, en général, les êtres les plus voisins de la nature, les moins civilises, sont plus aptes à présenter tout à coup les étonnants phénomènes du somnambulismo lucide. Il faut se rappeler que les prêtres de l’antiquité cherchaient leurs crisia-ques parmi de jeunes vierges, et qu'ils ne les laissaient plus communiquer avec le monde. Eux-mêmes agissaient dans le silence, loin des passions qui agitent les autres hommes, car ils avaient reconnu les principales conditions nécessaires au développement de l’esprit prophétique.

Où trouverez-vous de nos jours ces dispositions physiques et morales applicables à ces opérations encore mystérieuses? Vous les chercheriez en vain chez les magnétiseurs, indignes héritiers de la science antique. Entendez leur langage, voyez leurs actos! Et s’il en est un seul qui, sans une sorte de pureté du corps et de l’esprit, produise une œuvre irréprochable signalez -le-iuoi, afin que je reconnaisse mon erreur et que j’avoue hautement que mes idées sont fausses.

Mais ne voyez-vous pas, au contraire, des guérisons éclatantes se faire par des mains désintéressées, par deshommesqui, se considérant comme instruments de la Providence, n'obéissent qu’à l’impulsion de leur cœur? Je pourrais vous citer quelques-uns de cesder-

nicrs, simples et confiants en eux-mômcs, qui, comme les apôtres, quoique pleins de foi, croient cependant qu’il leur manque encore des vertus essentielles.

Voilà les principes qu’il faut établir, ceux qui doivent nous diriger pour arrivera trouver la force, non plus celle toute brute, tonte physique, tout électrique, qui développe les nombreux phénomènes quo nous avons décrits, que chaque être possède et peut émettre lorsqu’il sait vouloir; mais une autre plus relevée, qui ne se livre à nous que dans certains moments, lorsque l’àme est amenée à y consentir; ce qui se reconnaît de suite, car elle imprime aux faits un caractère presque divin.

On s’est souvent demandé : qu’est-ce que la vie ?Ce qui la manifeste ne peut-il se présenter sous un aspect nouveau ? Connaissons-nous bien notre propre nature, en avons-nous saisi toutes les propriétés, n’avons-nous plus rien à découvrir? Les savants ont répondu : Les instruments qui composent notre machine sont depuis longtemps décrits, la connaissance en est devenue vulgaire ; la vie môme n’a pu échapper à nos investigations ; aucun de ses mystères ne reste à dévoiler.

Le philosophe, s’appuyant sur les données de la science, a jugé comme elle, et tiré de semblables conséquences morales et physiques des phénomènes intellectuels, dont le tableau si riche était placé sous scs yeux.

Mais voilà que tout à coup la limite est franchie; une vie nouvelle apparaît. L’homme n’était connu que par ses facultés de la veille , voici la nature surprise dans des moments où les organes reposent, où

toutes les combinaisons de l’esprit sont différentes, où

il obéit à d’autres impulsions, où les ressorts jugés nécessaires pour le faire agir sont rompus, où enfin les sens sont inutiles pour que la pensée s’exerce. Etat merveilleux où l’on n’a plus besoin du témoignage des sens, où l’on voit sans les yeux, entend sans les oreilles, etc., etc. Les corps opaques semblent ne rien intercepter, et, chose plus singulière encore, les actions humaines sont envisagées différemment que dans la veille ; incompréhensible état où l’on condamne souvent ce qu’on avait trouvé juste, où enfin ce qui nous est étranger, lesuctions des autres, leur pensée même, viennent se réfléchir, se peindre en nous. A la faveur de cette lampe qui brille au fond de nos organes , de ce miroir magique, si vous voulez me permettre cette expression, on peut traduire et rendre jusqu’aux sentiments les plus secrets. Ce daguerréotype nouveau ne peint pas seulement les formes; ce qu’il trace il l’anime ; mais tout s’efface bientôt; il suffit d’une pensée, d’un désir!...

Ne voyez-vous pas qu'il existe ici une force, un moteur inconnu pour l’élude duquel la science des écoles ne peut nous fournir de méthode, puisqu’elle ne le connaît point, qu’elle n'a jamais poussé ses investigations jusqu'à lui. Tous les brillants traités des sensations sont faux et incomplets puisqu’ils ne contiennent que les actes d’une partie de la vie. lit maintenant que sur ces points les savants sonl plus ignorants que nous, car nous entrevoyons la lumière, tandis qu’ils restent plongés dans l’obscurité, ne vous étonnez plus des résistances qu’ils nous opposent, de leur mauvais vouloir enfin.

r” Que voulez-vous qu’ils Passent de tant de richesses? Ils sont économes, les savants! Ils dépensent peu, ils aiment à vivre au jour le jour. Ils examinent maintenant comment les os poussent; un ciron peut-être occupe leur pensée. Ils aiment le repos; lorsqu’il s’agit d’avancer, ils marchent à petits pas, les comptant môme, et souvent, tandis que tout se déplace autour d’eux, que tout se meut, ils dorment dans leur fauteuil héréditaire pour que le lendemain les trouve comme la veille. Us ont peur des émotions, car l’étude lésa rendus caducs. Aussi toutes les grandes découvertes se font autour d’eux par des enfants perdus des sciences et qui n’ont point suivi leurs conseils. Ils perfectionnent sans doute; il faut bien qu’ils soient utiles à quelque chose.

Le somnambulisme magnétique se présente donc à ces esprits positifs avec un cortège de merveilles que l’on ne trouve point dans l’almanach de l'Académie. Le magnétisme simple, sans sommeil, serait déjà pour eux un grand embarras, car il est d’une difficile étude : aussi voyez-vous que jusqu’à présent ils lui ont refusé l’entrée de leur temple.

Ah ! si leurs yeux pouvaient apercevoir ce jeu singulier des forces qui entrent en nous ou en sortent, s’ils pouvaient suivre ces attractions secrètes qui résultent de la seule approche de deux corps organisés, ils nous expliqueraient le mécanisme de ces guérisons inespérées, comme de ces morts promptes que rien ne peut encore faire comprendre; nous-mêiiie sommes réduit à deviner, à percevoir intuitivement, et nous pouvons nous tromper dans nos appréciations;

car si nous jugeons mal ce qui est grossier, ce qui frappe nos sens habituellement, à plus forte raison quand il s’agit de choses cachées.

Pour moi, il est des existences qui se trouvent liées à d’autres existences ; elles se soutiennent mutuellement par un échange continuel des forces qui les ¡miment. D’autres êtres puisent dans ceux qui les approchent habituellement uno partie de vie nécessaire ; ceux-ci meurent-ils, ceux-là languissent et meurent bientôt. Il est une multitude d’enfants qui n’ont pu avancer dans la vie, car il leur manquait l’amour et cette exaltation de tendresse des père et mère, expansion plus nécessaire que le vulgaire ne l’imagine; voilà pourquoi la mortalité est si grande dans les hospices consacrés à l’enfance. Beaucoup de vieillards ne se soutiennent, et leur vie ne devient plus réelle que par le rapprochement de jeunes êtres chez qui le principe de vie déborde ; voici pourquoi encore ils les recherchent et aiment tant leur compagnie. L’égoïste se flétrit vite, malgré les précautions dont il s’entoure, s’il vit éloigné des corps qui rayonnent la vie. La fréquentation des assemblées nombreuses produit un effet toujours favorable; plus il y a d’effervescence, plus on se sent vivre; l'homme affaibli acquiert dans ce milieu la force nécessaire pour accomplir ce qui demande de grands efTorts, efforts bien au-dessus de sa puissance réelle.

Ce ne sont là que des aperçus. Comme vous le voyez, la mine est riche et féconde, quoique nous ne soyons qu’à la surface; que sera-ce donc lorsque nousaurons pénétré dans son fonds?

Pardonnez-moi ma hardiesse d’oser m’élever dans

ces régions inconnues, et vous inviter à m’y suivre; rappelez-vous ce que je vous ai dit : je cherche avec ardeur la vérité !

CONFÉRENCES MAGNÉTIQUES.

G décembre. — Dans les expériences auxquelles se livre M. le baron du Potet, dans nos conférences dominicales, quelques unes, faites pour prouver l’attraction magnétique, ont produit le singulier résultat que nous allons chercher à décrire.

Le magnétisé et le magnétiseur se tenant debout, face à face, à quelques pieds de distance, il arrive que si celui-ci tourne lentement sur lui-méme, celui-là, au lieu d'être attiré dans la sphère d’activité de l’opérateur et de le suivre, éprouve, au contraire, un mouvement de rotation tout à fait semblable, mais en sens inverse, comme cela a lieu à l’égard de deux cylindres et de tout engrenage.

On remarque que magnétiseur et magnétisé tournent avec une vitesse égale d’abord ; mais bientôt ce dernier perd son mouvement rotatoire et tend à s’éloigner en décrivant une courbe.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

Ces curieuses expériences, répétées sur des hommes qui n’étaient point prévenus, étrangers par conséquent à toute espèce d’influence, ont réussi pleinement, et servent de base au mémoire de M. Andriveau qu’on va lire tout à l’heure.

Une autre expérience, tentée pour confirmer la précédente, réussit pleinement. La voici :

Deux magnétiseurs étant placés, D I l’un en A et l’autre en B (figure ci-contre), attirant en même temps, avec une intensité la plus égale possible, un magnétisé placé en C, celui- A_C

ci, sollicité par deux forces perpendiculaires, chancelle, oscille, puis s’échappe par la diagonale D, résultante des forces. Si le magnétiseur A agit davantage que le magnétiseur B, ou réciproquement, le magnétisé n'arrive au point A ou B qu’en décrivant un signe plus ou moins oblique.

M. Andriveau, témoin de ces curieuses expériences, les a rattachées aux lois astronomiques, ainsi qu'on va le voir par le mémoire suivant qu’il adresse à M. du Potet.

Monsieur,

Persuadé que rien de ce qui se rapporte au magnétisme ne vous est indifférent, je vous demande la permission de vous soumettre quelques idées que m’ont suggérées de récentes expériences d’attraction. Ces réflexions seraient susceptibles d’un long développement; je me bornerai à vous les exposer dans toute

leur simplicité. Je serai court et je tâcherai d’être clair.

Au nombre des expériences faites par M. Derrien, j’ai remarqué particulièrement les mouvements de rotation et d’attraction imprimés à la personne magnétisée; j'ai observé que le mouvement de rotation avait lieu dans un sens contraire à celui du magnétiseur, et j'ai cru y trouver la raison de certains phénomènes astronomiques : je veux parler du mouvement diurne de la terre et de sa révolution annuelle autour du soleil. Le fait de ce double mouvement est parfaitement démontré depuis l’admirable théorie de Newton; Kepler en a tracé les éléments dans les célèbres lois qui portent son nom. Quant à la cause du mouvement, il faut pour l’expliquer recourir à une impulsion primitive donnée à tous les corps célestes. Examinon-s si le magnétisme ne pourrait pas fournir ici quelque lumière.

Si l’on considère lo soleil comme saturé et entouré d’un fluide dont l’influence se ferait sentir sur toutes les planètes, dont il est le centre et le régulateur; s’il est reconnu qu’il est doué d’un mouvement de rotation sur son axe, on concevra sans peine qu’il puisse imprimer aux fluides qui entourent chaque planète un même mouvement de rotation, mais dans un sens inverse. Or les notions"les plus élémentaires d’astronomie nous apprennent que le soleil tourne sur son axe en vingt-cinq jours environ, que ce mouvement, relativement aux planètes, a lieu d’orient en occident; on sait aussi que toutes les planètes sont douées de ce même mouvement, et que toutes, chose remarquable, se meuvent d’occident en orient.

Jo (lis donc que la rotation du soleil, agissant sur les planètes par la communication des fluides, est la cause probable de leur mouvement diurne, de même que la roue principale d’une machine met en jeu d’autres rouos secondaires.

Quant au mouvement de translation ou de révolution annuelle, l'explication qu'on en donne, c’est que notre globe obéit à la fois à deux forces qui se font équilibre, savoir, la force centripète, qui tend ù attirer vers le soleil la terre et toutes les planètes, et la force centrifuge, qui tend à les en éloigner; mais cotte force centrifuge, quelle est-elle? Faut-il absolument que ce soit une impulsion que les planètes auraient reçue primitivement, impulsion en vertu de laquelle elles continueraient à se mouvoir dans lu môme direction et avec la même vitesse, tant qu’une cause étrangère ne viendra pas changer cette direction, diminuer ou anéantir cette vitesse?

Ne peut-on pas encore ici admettre que ce mouvement est le résultat d’une attraction dont l’effet se fera sentir tant que la cause qui la produit existera?

En effet, si la terre n’était sollicitée que par le soleil qui l’attire avec une force supérieure, elle serait précipitée immédiatement vers lui, et son mouvement cesserait aussitôt; mais elle doit être attirée aussi dans une certaine proportiou par tous les corps de la sphère céleste, qui, quoique placés à des distances infiniment plus grandes que le soleil, empêchent cependant la terre de s’élancer vers cet astre.

Il résulte de la double attraction produite par des forces contraires que la terre ne peut ni se rapprocher du centre ni s’en éloigner. Mais comme le so-

leil qui l’attire à lui est beaucoup plus rapproché, et que la force d’attraction augmento en raison inverse du carré des distances; en outre comme le soleil, en tournant surlui-môme avec une vitesse quatre fois plus grande que la terre, imprime ce môme mouvement aux planètes qui l’entourent; de ce mouvement de rotation résulte un déplacement dans l’espace qui produit le mouvement orbiculaire des planètes.

Pour rendre plus sensible cettedénionstration, supposons une masse d’aimant fixée au centre d'un bassin rempli d’eau, et une petite boule de fer flottant à quelque distance; il est certain que le fer sera attiré avec d’autant plus de force que la masse d’aimant sera plus puissante. Mais si le bord du bassin est entouré d’un cercle de fer aimanté, le mobile flottant, étant attiré à la fois vers le centre et vers la circonférence, ne pourra se porter ni vers l’un ni vers l’autre, et restera à une distance quelconque des deux corps attirants. Si maintenant on suppose dans le plus rapproché, soit le point de centre, un mouvement de rotation assez puissant pour se communiquer au mobile, ce mouvement ne devra-t-il pas, connue la roue d’un bateau à vapeur, produire le déplacement du mobile? On conçoit alors que ce mobile ne pourra se mouvoir que dans la ligne qui représente la résultante des forces qui agissent sur lui, et décrira une courbe autour du point central.

Ainsi donc, puisqu’un effet semblable se manifeste dans certains phénomènes célestes, concluons qu’il est dû à des causes analogues, et que l'attraction est le principe du mouvement; qu’il existe un fluide qui remplit tout l’univers, par qui se transmet la force mo-

trice à îles distances infinies, et sur des masses incalculables; que ce fluide est. le point d’appui et la force inconnue qui maintient l’harmonie et l’équilibre dans la création.

Ce moteur universel se montre à nous dans les phénomènes magnétiques, mais avec de sensibles modifications. Ce n’est plus une force aveugle de corps inanimés agissant mécaniquement en vertu de leur masse et de leur pesanteur; c’est une force vive, intelligente, émanée de la volonté et de la nature humaine, et qui est aussi éloignée de la première que l’esprit l’est de la matière. De là vient sans doute que la série des phénomènes produits par le magnétisme ne présente pas toujours la même exactitude mathématique, et qu’il s’y rencontre même des anomalies apparentes, parce que la nature, toujours la môme dans son ensemble, est variée à l’infini dans ses détails.

En vous exposant ces idées, qui, je le crains, n’ont pas toute la précision désirable, je n’ai eu en vue que d’indiquer un rapprochement qui a pu échapper à d’autres esprits, et d’ouvrir un nouveau champ à la discussion. S’il en résultait le germe d’une théorie nouvelle, je m’en applaudirais comme d’une découverte due au magnétisme , et à vous, Monsieur, qui accueillez la vérité n’importe par quelle bouche, et à l’homme de génie, qui l’a peut-être pressentie, quand il composa sa fameuse thèse de IHanetarum influxu.

Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de ma haute considération et de mon sincère attachement.

J. Andriveau.

VARIÉTÉS.

Électro-magnétisme. — M. Ch. Renard nous écrit de Rambouillet, à la date du 25 novembre, la lettre suivante, dont le contenu intéressera vivement ceux de nos lecteurs qui ont suivi nos recherches sur la petite Cottin.

«.....Je crois vous faire plaisir en m’empressant

de vous signaler qu’il se passe à Clairefontaine, près de Rambouillet, des faits dans le genre de ceux de Mlli: Cottin; Rambouillet s’en est vivement entretenu. Voici ce que j’ai pu recueillir à ce sujet; je ne puis vous garantir l’exactitude des détails, mais le fond est vrai.

« M. Bottel est fermier à Clairefontaine. H y a douze ou quinze jours, trois on quatre marchands de livres toulousains se trouvaient dans ce bourg; l’un d’eux vint à la ferme offrir ses livres. La domestique, qui se trouvait seule, lui donna un morceau de pain. Quelque temps après, un second vint aussi demander du pain; la fille lui en ayant refusé; il s’en alla en la menaçant. Le soir de ce jour, la soupe étant servie, les couverts mis, au moment de se mettre à table, le bouillon tourna, devint laiteux, les couverts et la soupière s’agitèrent et furent jetés à terre; la fille allant pour mettre un chaudron sur le feu, l’anse lui resta dans la main, les oreilles s’étant rompues. La

même fille allant dans la maison, et se trouvant sur la place où avait été le marchand, fut prise de mouvements dans les membres; son cou éprouva aussi un vif mouvement de rotation, et sa frayeur était grande. Le charretier, par bravade, se mit au môme lieu; il fut tout aussitôt agité, et il étouffait ; sortant de la maison, il lut renversé dans une mare d’eau qui est au devant. On alla chercher M. le curé; mais à peine avait-il récité quelques prières qu'il fut agité comme les autres; ses lunettes en furent brisées; ses meubles craquaient et éprouvaient des oscillations. La fille fut très-mal ; elle passa même pour avoir succombé. Ces phénomène sont intermittents, ils cessent et reparaissent.

« La fille avait-t-elle des prédispositions à cette affection que la peur aura fait éclore? Cette espèce de paie n’est-elle pas contagieuse, comme le sont l’épi— lepsie, la chorepsie, la catalepsie, etc.

« J’aurais été très-curicux de voir ces faits; mais ne connaissant aucunement M. Bottel, ni personne à Clairefontaine, n’ayant ni litre ni mission pour prétexte, j’aurais eu peur d’étre éconduit. »

Noctambulisme. — Dans le courant de la nuit dernière, un locataire qui occupe, dans une maison du faubourg Montmartre, une chambre dans les mansardes, crut apercevoir l’ombre d’un corps humain qui passait devant sa fenêtre; il se leva aussitôt, ouvrit sa fenêtre, et vit distinctement une femme qui se promenait sur les toits, laquelle, après s’être arrêtée pendant quelques instants à une fenêtre voisine , continua sa promenade aérienne jusqu’à une fenêtre

plus éloignée, qu’elle ouvrit, et pénétra par cette ouverture dans la pièce qui n’était pas occupée en ce moment. Le locataire, pensant que celle femme cherchait à commettre un vol, prévint l’une de ses voisines, qui se leva, et tous deux, munis do lumière et de la clef qui ouvrait la pièce, s’y rendirent aussitôt.

Eu entrant, ils virent celle femme assise, tenant à la main un mouchoir qu’elle ourlait dans l’obscurité, et qui continuait son travail sans faire attention aux visiteurs qui l’observaient. Ceux-ci reconnurent en elle la domesliqne de M""' N., et virentqu’elle se trouvait sous l’empire d’un accès de somnambulisme auquel elle était sujelte; ils s’empressèrent de la réveiller, et lorsqu'elle fut remise do l’émotion qu’elle avait éprouvée en se voyant dans un costume très-léger en présence de deux personnes, la voisine la reconduisit dans sa chambre. Le chemin qu’elle avait parcouru dans son sommeil, c’est-à-dire la gouttière qui lui sert de chemin, a à peine 30 centimètres do largeur, et un couvreur ou un maçon n’oserait pas s’y aventurer sans prendre les plus grandes précautions. (Commerce.)

— Un autre cas de ce sommeil fut observé, il y a quelques années, rue de Grammont. En voici le récit, par une personne véraee et bien informée.

M. L‘*‘, âgé d’une trentaine d’années, prit une compagne. Tous deux d’un caractère doux, leur ménage fut d’abord très-heureux; mais à peine une année s’était écoulée que des a^cès de somnambulisme se développèrent chez M. L**‘. Chacune de ses crises enfante un drame dont il est le héros; il parle haut, gesticule, frappe. Et sur qui frappe-t-il? sur sa jeune

femme. D’abord ses coups sont peu répétés, mais assez violents cependant pour occasionner des meurtrissures. Dans d’autres accès, il s’anime davantage et sa violence augmente. Itien ne pouvait le réveiller avant la fin de son drame; il redevenait calme aussitôt qu’il était terminé. Mais une nuit il se lève plus agité encore que de coutume, et après un long monologue il s’arme d'un bâton, ouvre une porte, et va droit au lit de sa belle-mère; il frappe celte malheureuse femme de nombreux coups de son gourdin, sans s’arrêter, sans entendre les cris déchirants poussés par celle qu’il assomme; on le saisit enfin, il est furieux , mais n’en veut qu’à celle qui git presque morte à ses pieds.

Éveillé, il ne sait rien, tout est oublié. Des médecins avaient été prévenus plusieurs fois des dérangements nocturnes de M. L“‘; des saignées avaient été pratiquées, mais en vain.

La victime resta plusieurs mois sans pouvoir se lever; elle était couverte de plaies. La famille se réunit et demanda une séparation, craignant avec raison qu’un sort aussi cruel ne fût réservé à la femme de ce malheureux.

On eût pu, par le magnétisme, faire cesser ce somnambulisme, mais personne n’y songea.

Le magnétisme marche , marche ! — Le magnétisme aujourd’hui occupe tous les esprits sérieux. Nous ne sommes donc pas étonnés de le voir descendre de la chaire, lancé par un des premiers orateurs chrétiens. Dimanche, 6, les voûtes de la basilique de Paris ont, pour la première fois, retenti, servi d’écho aux

mois magiques de magnétisme, somnambulisme, f.’esl avec une avidité manifeste, le cou tendu, les oreilles ouvertes, que trois mille auditeurs ont recueilli les paroles suivantes :

« Il y a dans la nature trois choses : la substance, la force et la loi. Eh bien ! la substance, elle varie à tout moment; elle est variable de sa nature; elle change de formes, do pesanteur, de densité (pardonnez-moi ces expressions techniques); elle change à tout moment, et puis elle va se condenser ailleurs pour y produire d’autres phénomènes. A tout moment la substance et la force changent de lieu et de concentration. Il n’v a qu’une chose immobile, c’est lu loi mathématique , et c'est cette immobilité de la loi mathématique, cette impossibilité où elle est de changer qui maintient l’ordre dans la nature. Ainsi Dieu a donné à la nature une loi immuable qui ramène tout à soi, et deux éléments mobiles qui sont la substance et la force.

« Eh bien, quand Dieu fait un miracle, remarquez ce qui se passe. Touche-t-il à la loi mathématique? ce n’est pas possible. Dieu ne peut pas faire que les rayons d’un cercle ne soient pas égaux ; ils le sont en vertu d’une loi qui a son centre dans l’éternité divine. Aussi jamais Dieu ne change la loi mathématique. Sur quoi donc agit-il? En vertu de la loi de la pesanteur, mon bras, abandonné à lui-même, tombe perpendiculairement le long de mon corps. Cependant, par la seule puissance de ma pensée, je l’élève contre la loi de la pesanteur en apparence. J’use d’une loi dont je suis le centre, et je contrebalance la loi de la pesanteur qui m’appelait au centre de la

terre, et qui faisait tomber mon bras perpendiculairement à mon corps.

« Eh bien , quand Dieu , si vous voulez, arrôte le soleil, qui, en suivant une courbe mathématique, va en verlu d'une force de projection, Dieu, centre de toutes les forces, applique à cet astre une force suprême qui contrebalance celle qui le pousse, et le lient immobile par la môme raison qu’un corps suspendu entre deux forces égales demeure au repos. Dieu ne fait donc qu’appliquer au soleil une force dont, à lout moment, nous disposons nous-mêmes; seulement il est le réservoir d’une force supérieure, qu’aucune combinaison mathématique ou dynamique ne peut égaler : il est le réservoir de la force absolue ; et, par conséquent, il fait ce que nous appelons des miracles 4

« Ainsi, quand nous allons demander au médecin la santé, contrairement à toutes les lois apparentes de la nature, il pourrait nous répondre : «Est-ce «que je puis changer les lois de la nature? » 11 les change cependant. 11 vous apporte un fébrifuge, et vous recouvrez la santé. Eh bien! Dieu , en qui est la force fébrifuge, comme toutes les autres forces, vous applique la force fébrifuge qui a ses racines en vous. Il lui commande comme je commande à ma main, à qui je dis : « Baisse-toi, » et elle se baisse.

« Passons à la seconde objection.

« On a dit : « Les miracles ne prouvent rien, parce « qu’il n’y a rien d’aussi simple, d’aussi facile que les « miracles ; toutes les doctrines en ont eu. »

« Je réponds que cette assertion est complètement fausse, qu’aucune doctrine historique n’a invoqué

îles miracles dans le passé et n’en invoque dans le

présent.....Expliquez-moi pourquoi, à Paris, à la

l'ace de notre soleil, on n’a pas encore osé, sur les places publiques, comme le Christ, faire parler les muets, ressusciter les morts, faire, en un mot, le plus petit miracle?

« Un m’a répondu que c’est parce que nous avons des Académies, parce qu’on aurait cité les miracles à comparaître devant la justice savante. Mais cette objection, si elle est applicable ici, ne l’était pas du temps de Mahomet. Eh bien ! pourquoi Mahomet n’a-t-il point fait de miracles? Parce qu’il vivait dans un siècle historique, et qu’on ne fuit point de miracles dans un siècle historique, quand on n’est pas Dieu.

« Le paganisme et le rationalisme l’ont bien senti, car ilsont voulu opposer aux miracles de Jésus-Christ des miracles de leur façon. »

(L'orateur fait justice ici des prétendus miracles d’Appollonius de Tvane, et établit ensuite qu’à l’exception du peuple juif, aucune doctrine n’a eu pour elle des miracles.)

« Mais, dit-on, il est si facile de faire des miracles, qu’aujourd’hui même il s’en fait encore.

«J’aborde cette objection sans aucune espèce d’am-bage, car je no recule jamais devant aucun fait.

« On dit donc qu’il y a dans la nature des forces occultes que nous appelons aujourd’hui des forces magnétiques, et que ces forces donnent à celui qui en est doué une puissance de vision et d’opération tout à fait supérieure à ce que l’humanité peut faire, et que, par conséquent, il n’est pas étonnant qu’à des époques antérieures ce fait ait pu être découvert par

le Christ et par îles hommes qui se sont trouvés dans une situation analogue.

« Messieurs, je pourrais répondre tout simplement quo la science n’a pas encore admis jusqu’ici, constaté, reconnu l’existence des faits magnétiques. Je pourrais, par conséquent, vous dire : Vous, rationalistes, commencez par vous mettre d’accord, par constater, selon vos procédés, l’existence de ces forces occultes, et puis, quand vous serez d’accord entre vous, nous pourrons nous en occuper.

« Mais, messieurs, je ne me guide jamais d’après la science, mais d’après ma conscience; je crois donc fortement aux faits magnétiques. Eh bien , oui, je crois qu’il y a des faits; je crois que la force magnétique augmente prodigieusement la force de vision de l’homme; je crois que ces faits sont constatés par un certain nombre d’hommes très-sincères et très-chrétiens. Je crois que la généralité de ces faits sont des faits naturels, que, par conséquent, il faut en rendre compte, et que jamais l’homme n’a manqué de la connaissance do ces secrets. Je crois que tout ce que nous avons vu dans le fond des templesdu paganisme, à part la supercherie qui était manifeste, je crois que la magie et tant d’autres choses étaient tout simplement fondées sur la force magnétique.

« Eh bien, oui, par une protestation divine contre les formules de la science, qui date d’Adam, Dieu a voulu que cette force existât, pour montrer au matérialisme qu’en dehors de la foi il v a cependant sur la terre des restes de la puissance adamique, des restes du paradis terrestre qui marquent la puissance de notre âme et prouvent qu’elle n’est pas tout à fait

courbée sous le joug, qu'il y a quelque chose au delà de la mort. Oui, je crois à cela de loul mou cœur. Mais c’est là, remarquez-le tout d’abord, un phénomène de vision et non d’opération , qui appartient à l’ordre prophétique et non à l'ordre miraculeux. C’est un phénomène par lequel on voit, mais non par lequel on agit,on opère.

« Eh bien ! vous qui avec cette force magnétique, je ne vous demande pas ce qui sera dans mille ans, je vous demande : Demain, qu’arrivera-t-il relativement aux objets qui préoccupent le plus la pensée publique, sur des points dont tous les éléments sont dans vos mains? Vous ne me répondez pas, et je sais bien pourquoi : c’est que votre force est si impuissante, que la police elle-même y a renoncé, parce qu’en s’y liant, au lieu de mettre la main sur les coupables, elle l’aurait mise sur les innocents. (Sourires.)

«.....Le magnétisme n’est rien par ses résultats;

il constate le spiritualisme, mais ne produit rien. C’est comme à Babylone, sur les bords de l’Euphrate, ce débris calciné qui frappe la vue. Le voyageur le ramasse, il songe au grand édifice dont il faisait partie; mais ce débris ne dit rien et ne peut pas répondre. Ce n’est pas un principe de l’humanité: c’est une simple tuile cassée, et qui ne sert qu'à la curiosité.

a Encore un mot, et je termine.

« Vous me direz : Mais si cette puissance miraculeuse existe dans Dieu, pourquoi ne voyons-nous plus de miracles?

« Vous ne voyez plus autant de miracles qu’au tcuips de Jésus-Christ, soit; mais jamais 1 opération

miraculeuse n’a cessé dans l’Eglise ; elle y reste et produit une foule de laits.......»

Nous donnons aujourd’hui, sans faire aucune réflexion, l’opinion d’un prédicateur distingué, attendant pour réfuter ce qu’il y a d’erroné et de contraire ù la vérité dans les assertions du R. P. Lncordaire. Lorsque toute la doctrine des esprits les plus élevés de l’Eglise aura été publiée dans ïAnthropologie, journal de magnétisme qu’on va créer pour cet objet, nous dirons toute notre pensée sans nous laisser influencer par des croyances que le magnétisme semble soutenir d’un côté et attaquer de l’autre.

Publications. —Les temps prédits par les somnambules sont arrivés. Voici les jésuites qui, plus habiles que les médecins, s’emparent du magnétisme. Nous n’en sommes point surpris, car c’était écrit. Ces renards, pour mieux croquer la poule, vont se faire doux comme des agneaux! Le magnétisme, celte riche découverte, va désormais pusscr par des mains bénies; elle aura pour apôtres ceux qui ont si bien interprété les divines Ecritures. Quelle chose curieuse! La lumière va être répandue par les hommes qui, de tout temps, l’ont placée sous le boisseau. Il nous larde de voir leur programme; nous sommes certains qu’il sera tout évangélique, et qu’il n’y aura la plus petite chose à reprendre; ce sera enfin un mets bien préparé, le poison n’y sera pus encore; ce n’est que plus tard et petit à pclit qu’on l’y introduira.

Comme nous serions heureux de nous tromper et de reconnaître la fausseté de l’oracle! Attendons donc VAnthropologie magnétique. Elle est sous presse,

nous dit-on; c’est une surprise que l’on ménage au monde magnétique; c’est une étrenne qu’on va lui donner.

Médecins de toutes les académies, savants, la gloire de l’institut, nous vous avons sollicités par de nombreux appels ; vous pouviez parer les coups que l’on va vous porter; vous avez fermé les oreilles, vous serez les premiers frappés!

Tentative de meurtre. — On lit dans divers journaux quotidiens des 6 et 7 courant :

«Une tentative de meurtre a eu lieu la nuit dernière, entre minuit et une heure, rue de Bondy, derrière le théâtre de l’Ambigu-Comique.

« Le sieur C..., âgé de vingt-quatre ans, est attaché en qualité de somnambule au cabinet d’un médecin magnétiseur dont la presse a fréquemment signalé les expériences. Ce jeune homme, en sortant de la représentation de la Closeric des Genêts, à l’Amhigu, était entré au café Rosa, situé derrière le théâtre. Après y être resté une demi-heure environ, il sortit et suivit la rue de Bondy pour gagner la cité d’Orléans, où il demeure. Il passait devant la maison n° 48 lorsqu’il fut assailli par un individu qui lui porta un coup de couteau dans la région du cœur. Renversé par la violence du coup, le sieur C... alla tomber sur le trottoir sans pouvoir appeler au secours.

« Ce fut un employé de la compagnie du gaz, le sieur I)..., qui, revenant par la rue de Bondy, après, son service, le trouva gisant sur la voie publique, perdant son sang avec abondance, et saisi par le froid au point de no pouvoir d’abord articuler une parole.

Le docteur R..., habitant de la maison n" 48, devant laquelle s’était passé ce tragique événement, ayant élé prévenu, s’empressa de donner les premiers soins au blessé, et constata que lablessure, qui heureusement se trouvait un peu au-dessous du cœur, avait été laite à l’aide d’un instrument aigu et tranchant, qui, après avoir traversé les vêtements, avait pénétré à 2 centimètres de profondeur.

« Dès le premier moment où le sieur C... avait pu parler et indiquer son domicile, on avait fait prévenir sa famille, qui le fit immédiatement transporter cité d’Orléans, 3, où il demeure. Le commissaire de police fut en même temps averti et s'empressa de se rendre près de lui pour recevoir sa déclaration. D’après le dire du sieur C..., il ne se connaîtrait pas d’ennemi, bien que l’attaque dont il a été l’objet, et qui n'a été suivie d’aucune tentative de vol, semble indiquer qu’il aurait été victime d une vengeance particulière. 11 déclare n’avoir pas reconnu l’individu qui l'a frappé, individu qu’il désigne comme brun, jeune, de haute taille, coiffé d’un chapeau enfoncé sur les yeux, et enveloppé d’un manteau avec lequel il se cachait le visage. Il attribue cette criminelle agression à une rivalité de profession, ne pouvant, dit-il, donner à cet égard de détails plus explicites, mais persuadé qu'é-tant signalé par les hommes spéciaux comme un des somnambules les plus lucides, il a dû nécessairement susciter de violentes jalousies. »

Nous regrettons que le récit d’un crime semblable ait été transmis au public à la manière d’une réclame, cela produit un mauvais effet; il nous semble qu’un

récit simple eût mieux valu et n’eût point fait naître de doutes.

La justice pourrait être aidée par M. C... lui-même dans les recherches qu’elle va faire ; s’il a les facultés merveilleuses qu’on lui accorde, il doit suivre la trace de son assassin, et donner sur sa personne tous les renseignements désirables. Nous avons vu quelques somnambules, pour des choses de moindre importance, des objets qu’on leur avait dérobés, dire où ils étaient, en signaler les détenteurs, les retrouver enfin. Il n’est même aucun crime qui ne puisse être dévoilé aux yeux d’un clairvoyant lorsque celui-ci est mis en rapport avec ceux qui en sont les auteurs, quelquefois même de simples objets touchés par eux suffisent. Mais ici il faut distinguer. Le somnambulisme a plusieurs degrés, et présente, par conséquent, de grandes différences dans les résultats. Sentir les maux est la plus commune faculté. Autre chose est voir les événements et lire dans les consciences, autre chose sont la prévision et la vue à distance; ces facultés se trouvent rarement réunies chez un seul être. ¡Nous désirons vivement que M. C... mette la justice sur la trace de son assassin; ce serait un beau triomphe pour lui, et la justification complète de la haute réputation que des hommes spéciaux lui ont faite. La cause du magnétisme y gagnerait également; mais nous craignons fort que tout cela n’aboutisse à une nouvelle déception.

.Aréopage médical. — Sur la proposition du docteur Goïde, la Société médicale du sixième arrondissement vient de déclarer indignes de siéger dans son sein :

« 1" Les médecins qui servent de manteau aux em piriquesqui exercent sans aucun litre;

« 2" Ceux qui font de la médecine à l’aido des somnambules;

« 3° Ceux qui font de la prétendue médecine dite homœopatbique. »

Les docteurs Giraud, Ilurcau et Defert, atteints par ce troisième paragraphe, ont été, malgré leurs vives réclamations, exclus immédiatement.

Les deux premiers paragraphes sont restés sans application. La commission chargée de l’examen de cette grave question a môme apporté certaines restrictions à l’application du deuxième. A cet égard, elle dit, dans son rapport : « S’il y avait, dans lo sixième arrondissement, des médecins magnétiseurs, ils défendraient avec bonne foi leurs opinions. »

Le docteur Giraud, l’un des proscrits, commente ainsi ce passage, dans une brochure qu’il vient de publier pour dénoncer l’acte d'iniquité dont il est victime :

« Quo vous êtes heureux, messieurs les magnétiseurs! On vous repousse comme nous, il est vrai; mais on vous accorde au moins la bonne foi, tandis qu’on nous la refuse,à nous pauvres homœopathes !...

« On cite l’exemple de Deleuze et autres hommes honorables qui étaient convaincus de la vérité du magnétisme, et qui, par leur croyance, ont fait beaucoup de mal, et ouvert la carrière à la coupable industrie du somnambulisme.

« Vous le voyez, vous pouvez vous livrer nuit et jour au magnétisme, et être encore très-honorables,

tandis qu’on cesse de l'être dès qu’on touche à l’ho-inœopalliie ! »

Il résulte de tout ceci que lu Société a entendu frapper les médecins exploiteurs de somnambules, mais nullement ceux qui s’occupent de magnétisme ; autrement elle aurait proscrit son président, le docteur Ségalas, partisan du magnétisme, et dont la femme a été très-curieuse somnambule.

Revue des journaux. — Le Droit du 3 rend un compte détaillé du procès de M. Poulard,de Lyon.

La Gazette des Tribunaux du 6, et la plupart des journaux quotidiens du 7, parlent de l’assassinat du somnambule Ferdinand C____

L'Epoque du 8 reproduit le discours prononcé par M. Lacordaire à Notre-Dame de Paris.

Le Charivari du 11, à propos de la condamnation de M. Poulurd, poursuit de ses plaisanteries les académiciens, et particulièrement M. Orûla, qu’il appelle magnètophobe. Ce mot mérite les honneurs du vocabulaire magnétique.

La Presse du 13 dit de M. Lacordaire, à propos de sa conférence du C : « Il a mis en émoi toute l’Aca-démic des sciences, en laissant tomber du haut delà chaire catholique un bill d’adhésion au magnétisme animal.

«M. Lacordaire, à l’exemple de beaucoup de grands esprits, croit au somnambulisme. Selon lui, le phénomène de seconde vue est un des rares vestiges do la puissance adamique, demeurés chez l'homme pour attester la miséricorde divine et nous être une preuve qu’en chassant la créature du paradis d’Eden, Dieu

n’a point voulu la dépouiller entièrement de son empreinte céleste. »

La Jlevuc magnétique publie une lettre de M. le ministre do l’instruction publique qui promet d’avoir égard à la pratique du magnétisme dans le projet de loi sur l’exercice de la médecine.

Le Somnambule, journal magnétique de Lyon , annonce qu’il va continuer sa publication à Paris.

BIBLIOGRAPHIE.

Note sur le magnétisme et i.’homobopathie. par le docteur Gohgeret. Nantes, 1843. Brochure in-8°. Prix : 2fr.

Le commencement de ce petit ouvrage, exclusivement consacré à une polémique locale, est fort ennuyeux à lire. La suite mérite une attention soutenue. Un style simple, des faits nombreux, des observations concises, des vues nouvelles sur la clairvoyance, des conséquences thérapeutiques logiquement déduites des faits magnétiques, à quoi se joignent des considérations de psychologie swedenborgienne, de médecine spirituelle ou de guérison par la prière, ainsi que l’enthousiasme des musiciens et des poëtes primitifs expliqué par des analogues pris dans le somnambulisme, sont des sujets bien dignes d’intéresser les magnétiseurs.

La troisième partie de ce livre traitant de l’ho-mœopathie est étrangère à notre sujet.

Le Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Garnay).

Paris. — Imprimeried’A. Re*k ctCuinp., ruelle Seine, Si.

PÉRÉGRINATIONS MAGNÉTIQUES.

§ II. — Lyon.

(4« article.)

Maintenant, chers élèves, il faut faire adopter le magnétisme aux gens éclairés, et c’est à le leur fairo bien comprendre que tous nos efforts doivent tendre. Il faut d’abord le dégager des erreurs dont quelques faux esprits l’ont entouré, le leur présenter enfin comme il est : grand dans sa simplicité. Nous devons avoir peu souci de nos antagonistes; ils ne sout pins dangereux, et chaque jour leur aveugle opiniâtreté nous fait gagner du terrain. Des hommes que l’on croyait étrangers à nos recherches, loin de reculer devant la vérité, la lancent du haut de la chaire à une masse d’étres, avides d’en entendre le développement comme d’en saisir les moindres particularités.

Les mille voix de la presse répandent dans le monde ces paroles mâles, éloquentes, d’un des premiers orateurs chrétiens, paroles quo nous avons transcrites et qui nous ont causé une surprise mêlée de joie, car elles ont dû terrifier nos ennemis. Voyez-vous le charmant visage des Magendie, Bouillaud, Dubois (d’Amiens), Gerdy, Burdin et trente-six autres

TOUE III.— K° ao. — 30 DÉCEMBRE 1846. 12

grands hommes; ce n’est pas de rouge qu’il va se colorer, mais de jaune, car la colère ¿date dans le cœur du savant lorsque la vérité qu’il a persécutée devient assez forte, assez puissante, pour marcher d’elle-même à la conquête qui lui est réservée. Maintenant c’est du sommet où le magnétisme est arrivé en partant do bien bas, qu'il va redescendre pour envahir de toutes parts les intellige nccs. Jésus n’avait point pris scs disciples parmi les scribes ; Mesmer prouva que de notre temps les scribe^ ressemblent en tout à ceux des siècles passés. Ah! s'ils avaient le pouvoir, nous ne pourrions en liberté enseigner ce qui fera la gloire d’autres générations. Voyez-les aujourd’hui poursuivre les hommes inoifensifs qui usent du pouvoir que la nature leur a départi. C’est ainsi que cet honnête Foulard, pour des actes magnétiques, a comparu devant un tribunal qui l’a condamné. Il a payé ainsi le bien qu’il a fait. La justice protège le coupable et frappe l’innocent; que voulez-vous? c’est une réforme qu'il faut demander au pouvoir, et on l’obtiendra, non pas de suite, mais avec le temps. D’ici là bien des iniquités doivent encore être commises, car nos antagonistes se croient à l’abri de toute censure, inattaquables enfin. Mais ils se trompent; et pour mieux vous mettre à même de vous prononcer sur cette question , voyons si leurs prétentions sont fondées, sur quoi elles sc basent; en un mot, quelle est la loi qui les protège.

Cette loi a-t-elle voulu asservir les hommes et créer dansl’Etat une caste, une corporation ayant tout pouvoir, sans responsabilité de ses œuvres, «ans obligation de prouver l’utilité de ses services ? Non ; elle a

dit seulement : Nul, s’il n’est médecin, ne pourra ordonner des remèdes sans se rendre passible d’uno amende; mais celte loi n’est applicable que dans son esprit. En effet, il n’est aucun homme qui n’ait au moins cent fois dans sa vie conseillé à des gens souffrants l’emploi de remèdes dont il avait reconnu ou entendu vanter les bons effets. Il est môme très-rare de passer un jour sans être témoin d’une de ces ordonnances quelquefois verbales, quelquefois écrites. Les juges qui poursuivraient ce délit se couvriraient de ridicule, car ils devraient citer à leur tribunal la société tout entière. Eux-mêmes devraient se comprendre dans les poursuites, car il n’en est aucun qui n’ait donné quelques conseils à des amis malades. Mais je ne puis mieux établir celte universalité d’exercice de la médecine qu’en vous citant l’aventure suivante:

a On dit que le duc do Ferrare, Alphonse d’Este, mit quelquefois en propos familier de quel mestier il y avoît le plus de gens. L’un disoit de courdouaniers, 1 autre de cousturiers, urt autre des charpentiers, qui des mariniers, qui de cbicaneux, qui de laboureurs. Gonelle, fameux bouffon, dit qu’il y avoît plus de médecins que d’autres sortes de gens, et gage contre le due, son maître, qui rejetoit cela bien loin, qu’il le prouveroit dedans vingt-quatre heures. Le lendemain matin, Gonelle sort'deson logis avec un grand bonnet de nuit et un couvre-chef qui lui bandoit le menton ; puis un chapeau par-dessus, et son manteau haussé sur ses épaules. En cet équipage, il prend la route du palais de Son Excellence, par la rue des Anges. Le premier qu’il rencontre lui demande ce qu’il a ; il ré-

pond : Une douleur enragée de dents. Ali ! mon ami, dii l’autre, je sais la meilleure recette du monde con- * tre ce mal-là, et la lui dit. Concile cscrit son nom sur ses tablettes, faisant semblant d’escrire la recette. A un pas de là il en trouva deux ou trois ensemble, qui font ensemble la même interrogation, et chacun lui donne un remède. U cscrit leur nom, comme du premier. Et ainsi, poursuivant son chemin tout bellement, du long de celte rue, il ne rencontra personne qui ne lui enseignât quelque recette différente l’une de l’autre, chacun lui disant que la sienne estoit bien esprouvéc, certaine et infaillible. Il cscrit les noms de tous. Parvenu à la basse-cour du palais, le voilà environné de gens (comme il éloit connu de tous) qui, après avoir entendu son mal, lui donnèrent recettes à forces, lesquelles chacun disoit être les meilleures du monde. 11 les remercie et escrit leur nom aussi. Quand il entre dans.la chambre du duc , Son Excellence lui crie de loin: «Eh! qu’as-tu, Gonelle?» Il répond tout piteusement en marmiteux : « Mal de dents le plus cruel qui fut jamais. » A donc Son Excellence lui dit:

« Eh ! Gonelle, je sais une eliose qui te fer^passer in-« continent la douleur, encoro que la dent fust gas-« téc. Messer Antonio Musa Brassavolo n’en pratiqua « jamais une meilleure. Eais ceci cl cela, incontinent « lu seras guéri. » Soudain Gonelle jette bas sacoif-« fure et son attirail, s’escriant : « Et vous aussi, mon-« seigneur, estes médecin. Voyez-ei mon rolle, com-« bien d’autres j’en ai trouvé depuis mon logis jusques « au vôtre. Il yen a près de deux cents, et si je n’ai « passé que par une rue ; je gage d’en trouver plus « de dix mille en cette ville si je veux aller partout.

« Trouvez-moi autant de personnes d’autre^ mes-«tiers. » — Voilà bien rencontré! Et, à la vérité, chacun se mcsle de médecine, et il y a peu de gens qui ne pensent y savoir beaucoup, voire môme plus que les médecins (I). »

Ce qui so passait de ce temps a lieu également au-. jourd’hui.

Qu’a voulu la loi ? protéger la société contre l’ignorance coupable, contre ceux qui abusent de la crédulité publique. Elle a voulu punir les hommes qui trompent sciemment les malades en leur administrant des remèdes dangereux, qui souvent môme ne sont point applicables aux cas pour lesquels ils sont conseillés. C’est enfin la cupidité et l'ignorance que la loi a voulu frapper. Les législateurs d'alors pensaient qu’il existait une science médicale, et que ceux qui la possédaient offraient des garanties suffisantes à la société. Ceux-ci ont donc été chargés de veiller sur la santé publiquo et d’exercer par privilège l’art de guérir. On a créé un droit monstrueux sans s’assurer si ceux qui en allaient être revêtus avaient réellement les connaissances nécessaires et méritaient, par leur- vertu et leurs lumières, la possession d’un droit supérieur à tous ceux que l’Etat peut conférer.

Les législateurs de l’an XI n’examincrenl point, en effet, si ceux qui s’étaient courbés aux éludes exigées pour l’obtention d’un diplôme avaient, en franchissant les degrés du temple, acquis des connaissances réelles qui les rendissent supérieurs aux autres hom-

(l) Erreurs populaire/, première paille, Ht. I, clinp. ix.

mes. Ils n'ont donc fait que consacrer une usurpation, ayant pour appui une croyance aveugle, un préjugé basé sur l’ignorance des niasses crédules.

Ces magistrats suprêmes ne considérèrent point combien ce qu’ils allaient protéger était vicieux dans son fond, changeant dans sa forme, arbitraire dans son application. Ils ne virent pus qu'ils allaient établir des despotes cruels, ayant seulement leur conscience pour juge de leurs actions, et qui pourraient obéir à des caprices, à des idées fausses sans qu’aucun contrôle pût en rien les arrêter. C’est au sein d’une société avancée, en face des sciences qui progressent, parce qu'elles sont positives, qu’on établit ainsi ceux qui devaient être les arbitres de la vie. Et c’est sans réserve qu’on leur accorda ce droit! Ils pouvaient user des poisons et de tous .les agents qui détruisent sans être obligés d’en donner les motifs, sans que personne fût en droit de pousser une plainte légitime, sans que l’homme mort par l’imprudence ou l’incurie du médecin pût trouver un vengeur.

Non, cent fois non, des hommes raisonnables ne voulurent point accorder de tels privilèges et les rendre imprescriptibles; ils cherchaient à constituer, régler une profession qui présentait alors beaucoup de désordre. Mais, pour rendre la loi, ils ne consultèrent point les populations; on ne demanda point l’avis des gens qui, dégagés d’intérêts, pouvaient, en connaissance de cause, juger de l'excellence de la médecine. Les intéressés, les médecins seuls furent appelés cl donnèrent leur avis. Il eût fallu une enquête sévère, s’assurer si les avantages offerts par celte prétendue science étaient supérieurs à sesinconvénients;

rien de semblable n’eut lieu. Il faut aujourd’hui revenir sur le passé et provoquer une réforme. Le temps de libre discussion est arrivé, loul pouvoir établi contrairement aux intérêts généraux peut être attaqué, renversé, lorsque surtout il est placé en dehors do la sphère politique.

La société a droit de veiller sur la vie des êtres qui la constituent, mais non de leur imposer tel ou tel médecin, telle ou telle médecine. Aussi la loi de l’an XI, tout en créant un privilège, n’a-t-elle nullement voulu contraindre ceux qui ne croient point à la médecine à recevoir les soins du médecin. Elle a donc permis ce qu’elle ne pouvait défendre, elle a laissé chacun libre de se passer de médecin et de faire do la médecine à sa fantaisie. Ce droit est passé dans la famille, qui en use autant qu'il lui plaît; ce que le congrès médical a la prétention d’empêcher par les mesures qu’il a présentées à la sanction du ministre. Nul pharmacien, à l’avenir, ne pourrait délivrer quoi que co soit, mémo do la manne, sans l’ordonnance d’un docteur. Us sont pris d’une sorte de vertige qui exclut la prudence. IU se croient forts parce qu’ils sont nombreux; mais les yeux sont ouverts sur leurs démarches; qu’ils aillent donc jusqu’au jour où la résistance commencera.

Nous avons examiné leurs titres do propriété; voyons s’ils méritent la faveur qu’on leur a faite en les leur accordant.

Presque tous les médecins conviennent entro eux que leur art est mensonger, qu’il n’a pour appui que de vains systèmes; ils avouent même que la médecine

Ils n’auraient point cette franchise,

dont on doit leur savoir gré, que leur impuissance n’on serait pas moins manifeste. En effet, il faudrait fermer les yeux et les couvrir d’un épais bandeau pour ne point voir leurs erreurs de chaque instant, leurs pronostics démentis, et les effets funestes des moyens qu’ils emploient. Il faudrait se bouclier les oreilles pour ne point entendre les plaintes exhalées dans chaque famille, quelquefois par des groupes d’êtres, sur les douleurs cruelles qui les affligent et les ‘tenaillent, et qui trouvent la médecine' impuissante, je ne dis pas à les en guérir, mais à les soulager. Est-il une épidémie que les médecins soient capables d’arrêter à son début? Est-il une seule maladie, une seule, contre laquelle ils aient un remède certain? Non. Plaignez-les; car, tout honteux, ils avouent qu’ils ne peuvent rien pour eux-mêmes.

N’ont-ils pas eu tout le loisir d’étudier? Des millions d’êtres n’ont-ils point servi à leurs expériences? Ils ont fatigué la nature, mais elle n’a point répondu à leurs appels incessants. En remplaçant les êtres qui restent dans le chemin de la vie par de nouveaux êtres, elle a prouvé sa fécondité, mais n’a donné aucune lumière aux hommes qui cherchaient à pénétrer ses secrets par des moyens violents, qui répandaient le sang humain. L’épreuve a-t-elle été assez complète, faut-il encore des expériences? Ali ! cruels, ne saurez-vous donc vous arrêter un instant pour vous considérer et voir que vous avez fait fausse roule? Vous croyez, dans votre orgueil, que l’on ne sait point qui vous êtes, que l’on ne tient aucun compte des faits. Vous n’apercevez pas le doute autour do vous; dans vos propres familles, vous inspirez la crainte et vous, con-

tinucz de ma relier dans le môme ehcniin. Les sarcasmes, les railleries des hommes éclairés, et plus encore les cris de votre propre conscience, n’ont donc pas la puissance défaire cesser votre aveuglement? Ah! que vous importe, en effet, ce vain bruit; n'étes-vous pas semblables à ces seigneurs et possesseurs d’esclaves que l’on voyait autrefois? Les criailleries de cette canaille ne les arrêtaient point dans leurs exnclions; il a fallu des siècles de murmures et des révolutions pour leur apprendre qu’ils n'étaient ni justes ni humains, el que l'humanité avait son code et scs lois écrites par Dieu... Vous croyez que ce qui était hier doit encore être demain, et que c’est en vain qu’on se plaindra. La vérité marche à pas do géant; une découverte s’est faite, vous l’avez rejetée; qu’importe! elle progresse, vous poursuit sans faire naître en vous lo remords. Dénoncez aux tribunaux, faites punirles hommes qui la propagent, montrez dans toute sa nudité le mobile qui vous fait agir. Vous croyez la vaincre et l’anéantir cette vérité. Ah ! vous êtes les plus fous des hommes : une vérité ne meurt point, elle triomphe parce qu’elle est, et vous devez vous attendre à passer un jour sous le niveau de celle que Mesmer nous a révélée.

(/.n lulltau prochain numéro.)

THÉORIES.

DES ERREURS ET DES EXAGÉRATIONS EN MAGNÉTISME.

THESB

Soutenue devant la Sociétê'de mesmérisme, par M. Jules Lory, avocat.

La grande vérité dont nous cherchons à fixer les lois se répand dans les niasses avec plus de vigueur que nous n’osions l’espérer. Ce n’est pas encore un torrent qui, dans sa course impétueuse, entraîne et renverse tout; mais ce n’est déjà plus ce filet d’eau imperceptible, ce ruisseau furtif qui, naguère, glissait honteusement entre quelques couches de terrain privilégiées. Le flot magnétique monte de toutes parts ; il pénètre à travers toutes les fissures sociales; la marche progressive des sciences, les merveilles de nos découvertes modernes, le génie investigateur du siècle, tout vient seconder nos efforts. De proche en proche, les barrières tombent, les préjugés se dissipent, la propagande s’accomplit; l’homme du monde au milieu de sa famille, le lettré dans son cabinet, le prédicateur du haut de sa chaire, tout enfin se préoccupe des phénomènes du magnétisme. Il est très-probable que, lorsque nos corps savants seront assez

téméraires pour se prononcer, ils rencontreront la conviction solidement établie dans tous les esprits, et ils auront l’humiliant honneur, pardonnez-moi cette locution vulgaire, d’enfoncer dos portes ouvertes...

Mais ce que nos doctes corps ne veulent pas se résoudre à faire en niasse, tout à l'heure de savantes individualités vont l’accomplir goutte à goutte, et presqu’à leur propre insu. Déjà quelques physiciens de Paris et de Londres laissent échapper sur les forces électro-magnétiques certaines révélations significatives qui les conduiront, par des voies détournées, vers le principe que nous enseignons. Pcutrêtrc apprendra-t-on un jour qu’il n’existe flans la nature qu’un seul et môme fluide, susceptible do toutes les modifications possibles, en raison des formes qu’il rencontre, des directions qu’il prend, et que les agents calorique, électrique, galvanique et magnétique ne sont que les diverses phases d'un principe élémentaire, d'une force primordiale dont nous n’avons point encore arraché le secret à la nature.

Plusd’un préjugé, plus d’une erreur, se sont glissés dans certaines régions magnétiques. Les ouvragos mesmériens en abondent. Je me crois trop novice encore, messieurs, pour oser me mesurer avec ces matadores de la science, si profondément versés dans la théorie, si longuement éprouvés par la pratique ! Toutefois, qu’il me soit permis d’apporter mon humble pierre à l’édifice. Sans doute, cette humble pierre ne dépassera pas le seuil de vos archives; mais je m’estimerai heureux que vous puissiez seulement la considérer comme un modeste caillou d’où jaillit un peu de lumière.

3',8

A mon avis, messieurs, le magnétisme est si riche en merveilles qu'il serait peut-être bon d'effectuer quelques réductions, pour ne point nous donner le vertige. Si nous parvenions à diminuer la somme de nos exagérations, à restreindre le chiffre de nos vagues enthousiasmes, ce ne serait point un mal. Même en magnétisme, il n’y a pas de petites économies.

C’est dans les phénomènes sornnambuliques que se sont retranchées la plupart des erreurs que je viens combattre aujourd’hui. Là -on semble fréquemment mettre sur le compte de la volonté du magnétiseur ce qui n’est à mes yeux qu'une transmission île pensée.

La transmission de pensée, messieurs, est déjà par elle-même un fuit tellement anormal, tellement prodigieux, que mon admiration pour le somnambulisme y trouve des aliments suffisants, sans qu’il faille encore attribuer au magnétiseur la puissance occulte du nécromancien. Permettez-moi do vous citer quelques exemples.

Vous saturez de fluide un objet matériel, et vous le présentez au somnambule ; vous imprimez à cet objet une propriété quelconque; vous voulez qu’il paraisse lourd ou léger, chaud ou froid. En effet, voire sujet accuse les sensations que lui dicte votre cerveau ; mais ces sensations sont-elles réellement ducs à l’influence de votre volonté? Le sujet ne lirait-il pas plutôt dans votre pensée?

Vous présentez de l’eau magnétisée à un somnambule; vous donnez à cette eau toute espèce de qualité et de saveur; vous la changez en vin, en liqueur, etc. Mais est-ce bien par la puissance de votre volonté que vous obtenez cette altération du goût ? Ne serait-ce

pas plutôt le somnambule, qui, se trouvant lucide, et impressionné par votre pensée, reconnaît à l’eau la propriété que vous vouliez lui communiquer? Essayez d’oblenir tous ces effets sur un somnambule non lucide, chez qui la transmission de pensée n'existe pas, et il est très-probable que vous échouerez.

Soyez bien convaincus, messieurs, que toutes ces saveurs, que toutes ces qualités, que toutes ces propriétés créées par votre fantaisie, n’affectent pas physiquement les organes du sujet, et quo celui-ci n’obéit pas à des sensations réelles. Et cela est si vrai, que, dans le cas, par exemple, où vous rendez un objet plus lourd, ce surcroît de pesanteur que vous imprimez à l’objet ne saurait devenir matériellement le produit d’un fluide qui, de sa nature, est impondérable. C’est donc une sensation fictive que le somnambule puise dans votre cerveau, et que son système nerveux s’assimile fictivement.

On nous a beaucoup parlé de la transposition des sens. On nous a dit, on a écrit, que «lans certaines occasions les sens se déplaçaient; que le point de vision, par exemple, est à l’épigastre, à l’occiput, aux genoux, etc., etc. Je crois, messieurs, que vous n’admettrez pas de semblables théories. Dans le somnambulisme lucide le point de vision est partout; la vue rayonne sur toute la surface du sujet, car le sujet, pour voir; ne se sert plus de l’appareil destiné à cette fonction dans l'état normal ; il voit avec son âme, et l’âme n’admet point de localisation. Il en est de môme des organes qui président au sens de l’ouïe. Le fluide magnétique peut paralyser l’appareil auditif, abolir l’ouïe, mais non la déplacer.

On nous a dit encore, on a écrit, que certains sujets, dans l’état somnambulique , savent parler des langues qu’ils ne connaissent pas dans l’état normal. Ainsi on aurait entendu des somnambules parler latin, grec, hébreu , anglais, allemand. Je crois que c’est une erreur, messieurs. Si le sujet est lucide, si la transmission de pensée s’établit entre lui et les personnes avec lesquelles on le met en contact, il est Irès-présumablc qu’il comprendra Thébreu, le grec, l’allemand, l’anglais, et tous les idiomes possibles; mais il y répondra en français, s’il est Français, ou dans l’idiome auquel ses organes ont été façonnés. Ce sont là de pures transmissions de pensée.

A Tours, en 1840, M. Lafontaine exhibait une somnambule qui entendait, disait-on, toutes les langues. Un soir, M. Nctter, peintre de portraits, Israélite de religion, et sachant l’hébreu, glissa à l’oreille d’un de scs amis trois mots en langue hébraïque, pendant que cet ami se trouvait en rapport avec la somnambule (nommée Clarisse). « Barurh alhon Adonai, dit à Cla-« risse la personne dont elle tenait la main. — Je « vous entends bien, répondit la somnambule, mais «je ne sais pas ce que vous voulez dire; vous ne le « savez pas vous-même. Tâchez qu’on vous encxpli-« que le sens, et pensez-y fortement. » M. Netter alors remit à son ami, par écrit, l’explication destroismots hébreux: « Béni sois-tu, Seigneur! » L’ami répéta les mots en langue hébraïque: « Barueh athon Adonaï, » en pensant fortement à leur signification. « Ah oui ! «dit-elle, je comprends maintenant: vous louez f Dieu. »

Vous voyez, messieurs, que la somnambule Cia*.

risse no parlait nullement les langues étrangères : elle les entendnit. Celait déjà fort joli.

Je ne puis donc pas admettre le don des langues et la faculté de polyglotte dans l’état somnambulique, à moins que les exemples positifs qu’on nous en cite ne trouvent leur explication dans un effet de mémoire. Si le sujet parle dans un idiome qui lui est inconnu, je supposerai qu’il a lu ou entendu les paroles qui lui échappent, et que le souvtyiir s’en sera imprimé dans son âme. Car je n’ai pas besoin de vous dire quel degré de puissance acquiert la mémoire dans le somnambulisme magnétique. Du reste, vous lo savez, toutes les facultés intellectuelles prennent part à co merveilleux développement.

Nous avons dans nos rangs, messieurs, de fervents adeptes, des apôtres zélés et consciencieux. Mais quelques-uns vont trop loin. Dans leur exaltation magnétique, ils exagèrent les moyens et dépassent le but.

Ici je pourrais aborder le curieux chapitre des hallucinations; mais déjà cette fantastique spécialité a été si supérieurement traitée par notre honorable président, qu’il ne m’est plus permis d’y toucher.

Je vous parlais tout à l’beurede la transmission de pensée comme de l’un des phénomènes de la lucidité somnambulique. Eh bien, messieurs, je connais des magnétiseurs sincères et de bonne foi qui prétendent obtenir la transmission de pensée sans lo concours du fluide, et produire toute espècede phénomènes magnétiques sans magnétisme. Quant à moi, mon esprit se refuse à croire que dans l’état de veille on puisse effectuer toutes les admirables choses dont on nous entretient. Il existe dans un livre très-utile, la Cuisinièn

bourgeoise, un précepte banal que vous connaissez tous sür la théorie culinaire du civet de lièvre : Pour faire uneivet. prenez un lièvre... Si naïf que vous semble ce précepte, et par le fond et par la forme, il peut s’appliquer à toutes les choses sérieuses de la vie et s'élever à la hauteur des plus graves aphorismes. Pour obtenir des résultats magnétiques, il faut du magnétisme.

Tenez-vousen garde contre certains somnambules, messieurs. Les impalpables fantaisies de l’imagination, les suggestions de l'intérêt, l’aiguillon de l’n-mour-propro, la ruse, la fraude, mille causes accidentelles dont l’empire vous échappe, et souvent je ne sais quelle malice, viennent s’offrir à vous sous le pseudonyme de la clairvoyance , et conspirer contre votre sincérité. Il est des sujets qui, magnétisés fréquemment, s’habituent aux expériences que l’on fait sur eux, et, sans chercher à tromper, s'y prêtent autant qu’il est en leur pouvoir. Il en est qui poussent cette élasticité de l’âme, cette docilité du cœur, jusqu’aux derniers confins du ridicule. Vous connaissez la naïveté de ce somnambule dont on venait de paralyser l’ouïe, et qui, lorsqu’une personne lui demanda : . « M'entendex-vous? * répondit: « Non, je ne vous entends pas : je suis isolé... »

Sans doute une bévue de ce genre suffit pour dévoiler la fraude. Mais il est des sujets qui jouent le sommeil et la lucidité avec une effrayante persévérance, avec un infernal esprit de suite. Méfions-nous!

Enfin, messieurs, tenons-nous en garde contre nos propres entraînements, contre les transports de notre enthousiasme, contre les ineffables séductions d« la science dont nous sommes les apôtres, et des mira-

des que nous opérons. Je crois, comme vous, à Invenir lu magnétisme; je crois, comme vous, que ses sublimes cfl'ets envahiront le monde physique et moral. La puissance de ce fluide vital, si simple dans son application, si admirable dans scs résultats curatifs, cette paralysie des sens, si précieuse pour les opérations chirurgicales, celte seconde vue dans le somnambulisme, si féconde en prodiges; il y a là le germe d’un magnifique avenir, et une source de bienfaits pour l’humanité entière. Mais pour Dieu, messieurs, ne nous laissons point entraîner dans le tourbillon des impossibilités! Méfions-nous de cc splendide magni-lorama que quelques enthousiastes veulent faire passer sous nos yeux ! Ils promènent notre esprit de féerie en féerie ; pour eux, c’est tout un monde enchanté qui réaliserait, et au delà, le rêve des Mille et une ?iuits.

De grâce, messieurs, ne bouleversons pas la raison du profane qui nous écoule ! Faisons du magnétisme, ne faisons pas de magie blanche ; et sachons enfin assigner quelques bornes à celto omnipotence humaine qui veut lutter avec la puissance de Dieu !

J. Lovï.

Pari», 17 diccmlire IBM.

VARIÉTÉS.

Grossesse fictive. — Appelé dernièrement avec 11"'° Froidcour, que j’ai rendue somnambule, auprès' d’une malade, M""' Gombert, rue du faubourg Saint-Antoine, 23, nous y trouvâmes, entre autres incrédules, son ils et sa bru.

Ma somnambule, mise en rapport avec cette dame, en abandonna la main au bout de deux minutes, disant que son pouls était équilibré, battait à l’unisson de celui de la malade. Cet accord do locomotion artérielle indique d’ordinaire que la somnambule s’est inoculé le mal sur lequel on la consulte; aussi la vit-on tout à coup paralysée de tout le côté droit : la malade était hémiplégique du môme côté.

Je passe ici sur les détails de la consultation pour arriver plus vite au récit d’un fait capital, unique peut-être.

Ayant remarqué l’état de grossesse de'M“' Gombert jeune, je lui proposai de la mettre en rapport pour essayer si la somnambule pourrait indiquer le sexe de l’enfant. Elle accepta en disant qu’au moins «on mal à elle ne se communiquerait pas. Je le pensais aussi; mais bientôt nous vîmes lo ventre de Mm' Froidcour grossir peu à peu, et finalement_devenir semblable en tout à celui de la jeune femme, dont

la somnambule imitait, en outre, la pose et toutes les manières.

Les incrédules, venus pour rire, restèrent ébahis, stupéfaits, et moi - même fort étonné. Cependant M""' Froidcour considérait attentivement son ventre pour découvrir ce qu’on lui avait demandé; elle no put y parvenir, quoiqu'ellcsentîl et indiquât parfaitement les mouvements du fœtus.

Ce fait incroyable est pourtant réel, et je consens à le reproduire devant les illustres hôtes de la rue de Poitiers, pour les amener à penser que la science qui offre de tels prodiges vaut bien la peine d’élre étudiée... Mais, que dis-je? cette science, ils la reconnaissent fatale à leurs intérêts; ils savent qu’elle veut et doit renverser les hérésies qu’ils professent. L’ardeur avec laquelle ils- la repoussent ne me permet guère d’espérer qu’ils accueillent ma proposition ; aussi la fais-je plutôt à toute assemblée dont le caractère puisse garantir l’authenticité de ce fait dont le résultat certain sera d’amener bien des esprits à croire à une des facultés somnambuliques : l’assimilation désaffections d’autrui, ou tout au moins la transmission momentanée de leurs symptômes.

Derbien.

Du progrès magnétique.—L’importance d’une découverte se mesure par l’intensité de la résistance qu’elle éprouve: plus elle froisse d’intérêts, sape d a-bus, plus aussi elle a de peine à s’établir. L’histoiro montre lentes dans leur marche toutes celles qui entraînaient de grandes réformes. Le novateur, impatient d’atteindre le But, de voir sa pensée réalisée,

s’irrite de celle lenteur ; il a tort, elle est nécessaire; c’est un temps d’épreuve, une quarantaine obligée. Le triomphe, résultat du combatengagé entre le présent qui possède et l’avenir qui veut acquérir, ne se décide que lentement; mais il est assuré, toujours il arrive, car la vérité est irrésistible : l'égner. est son but et sa loi.

Rapide à son origine, le progrès du magnétisme so ralentit, s’arrêta tout à coup devant la puissante résistance des savants ligués. Luttant à forces inégales, il resta longtemps stationnaire, retranché dans quelques cerveaux d’élite, forteresses inexpugnables d’où il épiait le moment favorable de rentrer en lice. Il arriva enfin, ce jour tant désiré; la lutte s'engagea vive, et l’avantage resta au magnétisme, dont les nouvelles recrues, pleines d'ardeur, trouèrent les rangs éclaircis de scs ennemis. Ce pou de terrain gagné ouvrit une ère nouvelle, fut le point de départ de conquêtes incessantes, brillants corollaires qui fortifièrent la découverte primitive. Dans cette longue lutte, les magnétiseurs acquirent la conscience de leurs forces, perfectionnèrent leurs moyens de défense, en créèrent de nouveaux pour l’attaque. L’opposition systématique qu’ils rencontrèrent partout favorisa plutôt qu’elle n’entrava le développement du mesmérisme, qui aujourd’hui, grûees en soient rendues à ses propagateurs, marcho i\ pas de géant.

Peut-on nier ce résultat? Non, ce serait se montrer arriéré, ignorant des progrès généraux du siècle. Doit-on s’en étonner? Non encore ; car il est de l’essence de la vérité d’avancer toujours et de ne reculer point. Comme le torrent dont une digue arrête un

instant le cours, son impétuosité s’accroît de la résistance, et, l'obstacle vaincu, sa marche n’en esl que plus rapide; semblable au coursier dont une main puissante comprime l’élan, son ardeur s’augmento sous l’effort qui le domine, et, le mors brisé, il part comme un trait sans que l'écuyer désarmé puisse en maîtriser l’essor.

On place d'ordinaire en tétc des causes qui favorisent le progrès du magnétisme l’extinction graduelle des savants, contemporains de Mesmer. Je ne partage pas celle opinion, par la raison que s’ils n’ont pu foire part.igcr leurs préventions à la génération actuelle, les mêmes intérêts guident leurs successeurs. Tant que la mémo cause d’opposition subsistera, les savants résisteront. F.t c’est, par ma foi,bien naturel : car, qu’on me passe lu vulgarilé de l’expression, il y a danger pour le pot au feu ; il s’agit de la marmite, et ils ont bec et ongles pour ne la point laisser renverser.

A mon sens donc, le progrès magnétique tient surtout à la découverte de trois faits majeurs qui rendent impossible toute opposition franche, sérieuse, raisonnée. Je veux parler de : somnambulisme, insensibilité, attraction.

Du temps de Mesmer, les moyens de conviction, de démonstration, étaient restreints; c’étaient toujours des crises, des convulsions autour du baquet. Quant aux guérisons, les médecins disent qn’elles ne prouvent rien, parce que chaque système a les siennes, ei que la nature guérit 1c plus souvent. Ce naïf aveu signifie tout simplement que la médecine officielle est une chimère. Mais passons là-dessus.

Appuyé sur trop peu de preuves sensibles , matérielles, lo système de Mesmer gênait plus qu’il ne servait ; un fait brut existait, il fallait l’étudier d’abord en lui-même, indépendant de liaisons sidérales. C’est ce que comprit M. de Puvségur en abandonnant la théorie de son maître pour présenter, nu, tel qu’il s'offrait, son somnambulisme féerique, dont les révélations confondent les esprits les plus sceptiques, font tomber le voile dont la mauvaise foi s’abrite.

Par la découverte de cet état merveilleux, 1 horizon s’était agrandi, la voie élargie ; une corde de pl us vibrait à la lyre de Vharmonie. Mais les aigles humains n’ont qu'une paupière, tant do lumière les éblouit; le but était dépassé , il fallait revenir à des preuves plus à leur portée.

Mesmer venait de mourir; de Puységur déclinait rapidement; l’espoir des magnétiseurs se concentrait sur Wolfart, à Berlin ; Deleuze, à Paris. Mais ce dernier, en refusant d'admettre les profanes à ses pratiques, aliénait l’avenir, et le feu sacré menaçait de s’éteindre faute d'initiés pour l’entretenir. 11 fallait un prompt remède à ce mal; Dieu y pourvut en envoyant seul au milieu des mécréants un écolier timide, mais d’une foi vive; qui, enseignant aux médecins sa science, son art, comme jadis le néophyte chrétien prêchait aux païens sa foi, il revint de 1 Hôtel-Dieu avec un fait nouveau : l’insensibilité!... Le fer, le feu, ne causaient plus de douleurs aux magnétisés, qui respiraient le chlore, l’azoture d’hydrogène eomme l’air le plus pur. Quel pas immense! Physiologistes, physiciens,^chimistes, chirurgiens étaient à la fois désarmés.

L’incrédulité pourtant se débattait encore; poussée dans ses derniers retranchements, elle disait que celte insensibilité s’observe symptomatique do diverses névroses, et que dans les ambulances des hommes résolus supportent sans se plaindre les plus cruelles amputations. L’argument était spécieux, il fallait le résoudre; l’honneur en était réservé à l’atlraction, qui ne s’observe jamais spontanée dans l’humanité.

Cependant les procédés opératoires se perfectionnaient. Au baquctgônant, immobile, succédait la magnétisation manuelle , ambulante ; dès lors plus de salles de crises, plus do ces horribles convulsions qui duraient des heures. L’avantage qui résulta de cette simplification n’est pas apprécié à sa juste valeur; c’était une révolution profonde : l’action des corps animés était substituée à celle des corps bruts. « Le « magnétiseur portait tous ses instruments dans une « paire de gants, » et pouvait agir partout où il se trouvait. Mais, si admirable qu’il fût, ce procédé n’était pas complet : la pudeur, alarmée de certains attouchements , faisait des objections fondées. La magnétisation sans contact fut bientôt découverte; avec elle disparaissaient les craintes, augmentaient les preuves, était presque renversée l’explication des commissaires de 1784. Restait l’imagination à éloigner des épreuves, on y parvint bientôt par la magnétisation durant le sommeil. Ainsi se trouve réalisé aujourd’hui un ensemble de moyens on ne peut plus propres à convaincre les antagonistes qui se présentent ou les indifférents qui demandent simplement des preuves.

Maintenant que nous n’avons plus à discuter avee

la mauvaise foi, que nous no voulons plus répondre A la sottise, nous disons aux savants qui nient avec tin rire, un doute insultants :

Vous niez le magnétisme? J’en vais faire sortir devant vous, sur vous-mêmes, lus plus étonnant» phénomènes. *

Demandez-vous son utilité? Voici guéris nombre de malades laissés pour incurables. En voilà d’autres amputés sans douleur. Voyez comme le chirurgien, profitant de la stupeur des sens, taille avec aisance, sécurité, ces chairs vives tout à l’heure si sensibles... Que vous faut-il de plus? Vous détournez les yeux sans mot dire! Ah I je vois votre trouble, votre embarras; vous demandiez des preuves, et celles-là vous accablent... Inévitable retour des choses d’ici— bas! Vous nous aviez déversé le ridicule, et c’est sur vous qu'il retombe aujourd’hui.

Chevalier Mac Sueehy.

Tribunaux. — Le 24 novembre dernier, une foule inaccoutumée se pressait dans l'enceinte du tribunal de police correctionnelle de Lyon. Un homme honorable, M. Poulard, était traduit sous la prévention d’exercice illégal de la médecine. Pourquoi? Parce que, aidé de la seconde vue d’une somnambule, il avait guéri des malades. Deux d’entre eux sont venus témoigner que, abandonnés des médecins, ils avaient été radicalement guéris; ils rendaient aussi hommage à son désintéressement; aucune plainte pour infirmer leur déposition. Hâtons-nous de dire qu'une simple condamnation à 15 l'r. d’amende a terminé le procès «ntrepris par le ministère public C’est la loi et l’ap-

plication qui en a déjà été faite à l’illustre Raspnil, pour avoir découvert la médecine qui porte son nom. Nous sommes donc bien loin de blâmer les juges ; mais il nous sera permis de dire qu’avec cette loi Jésus-Christ et les apôtres auraient élé condamnés à 15 fr. d'amende : car, en rendant la vue aux aveugles, en faisant marcher les paralytiques, ils exerçaient illégalement la médecine. La loi seule nous paraît mauvaise, et nous avons le droit de le dire pour en solliciter la réforme.

Oui, l’exercice illégal de la médecine est non-seulement un délit, mais c’est un crime contre la société toutes les fois qu’il est le résultat d’une ignorante cupidité; qu’on sévisse alors, rien de mieux. Qu’on sévisse encore contre l’abus des remèdes secrets, lorsqu’il est démontré qu’ils ne sont qu un leurre pour arracher le denier du pauvre. Mais lorsque les malades sont guéris, où est le dommage? et si le remède secret est utile, que la société l’achète à 1 inventeur au lieu de le proscrire.

De quel droit vient-on faire comparaître le magnétisme à la barre d’un tribunal? 11 fut la science médicale révélée dans les mystères de l’antiquité ; Mesmer l’a retrouvé, béni soit à jamais le nom do Mesmer! Qu’on lo réfute si c’est possible; mais les arrêts de la justice sont impuissants. L’inquisition barbare put bien contraindre Galilée à confesser à genoux qu il s’était trompé; mais, en «e relevant, le célèbre astronome ne put s’empêcher de dire : Et cependant la terrt tourne! De même, avant comme après la condamnation de M. Poulard, les hommes éclairés et qu’aucun pré-

jugé n’aveugle, qu’aucun intérêt ne domine, diront : El cependant le magnétisme guérit! (Tribune lyonnaise.')

— Le Droit du 2 de ce mois rend compte de ce procès dans les termes suivants :

« A l’appel de la cause de la demoiselle Claudine Jacqunnd et du sieur Foulard, une très-vive curiosité se manifeste dans l’auditoire.

« La demoiselle Jacquand, qui habite la rue Saint-Jean, GO, depuis plusieurs années, est une somnambule en grande réputation; elle est connue généralement sous le nom de Claudine. C’est une personne de vingt-cinq ans, qui a été autrefois lingère, et qui a quilté cette profession par suite de fréquentes attaques de catalepsie. Sa figure ne présente rien de remarquable, si ce n’est que ses yeux sont légèrement affectés de strabisme.

« M. Poulard n’est pas médecin; mais depuis quelques années il s’est occupé beaucoup de somnambulisme, et c’est lui qui magnétise habituellement Claudine lorsqu’elle donne des consultations.

« Plusieurs témoins ont été cités à la requête du ministère public, pour établir que cette somnambule donne des consultations médicales, et qu’elle les fait payer.

• Le premier témoin appelé est un nommé Bernard, marchand de vin, rue de l’Arbre-Sec.

« M. le président: Connaissez-vous la somnambule, et vous a-t-elle donné une consultation?

« Bernard, avec un accent méridional: Parbleu ! si ze la connais ! Si ze dors dans mon lit, c’est bien à elle que za le dois. Quant à sa consultation, vous pouvez

bien dire qu’elle me l’a donnée, puisqu’elle ne me l’a lait payer que six francs.

«D. Expliquez-nous comment vous avez été guéri.

— 1t. Depuis plus dix ans ze ne pouvais pas dormir; aussitôt que z’étais dans mon lit z’étouiïais, et z’étais oblizé de passer toutes les nuits assis sur une zhniso et la tôte appuyée sur une table. (En effet, le témoin, qui jouit d’un embonpoint remarquable, présente dans sa courte grosseur tous les caractères d’une personne fortement oppressée.) Z’avais consulté les plus grands médecins; ze leur ai donné au moins 2,000 l’r. ; ils n’ont pas pu me guérir.

* D. Qu’est-ce qui vous a adressé à la demoiselle Claudine?—R. C’est un de mes voisinsqui,me voyant toujours malade, me dit un zour:« Vous devriez aller consulter la somnambule, elle vousdira mieux que les médecins tout ce que vous avez, et elle en a guéri d’aussi malades que vous. »Bloi, zelui réponds : « Tout ça, c’est des bôtises. Comment voulez-vous qu’elle voie ce que z’aidanslc corps en fermantles yeux, quand les a«tres, en les ouvrant bien, ne peuvent pas l’apercevoir? » Cependant, comme z'étais touzours malade et que z’aurais bien voulu dormir, ze suis allé un beau zour voir la somnambule. Monsieur (en montrant M. Poulard) l’a endormie, et pendant qu’elle dormait, elle m’a dit ce qu’il fallait faire pour me guérir; z’ai fait les remèdes, et maintenant ze dors bien tranquillement dans mon lit et ze me porte à merveille, comme vous voyez. (Hilarité générale. Le témoin, partageant cette hilarité, ajoute :)

« Vous pouvez bien rire ; et moi aussi z’en ai ri, mais il faut le voir pour le croire.

« D. Mais enfin quels remèdes la somnambule vous a-t-elle ordonnés pour vous guérir? — Pas grand’ chose: quelques tisanes, des lavements avec du lait; c’est pas difficile à prendre.

«On appelle un autre témoin, le sieur Jury, de Saint-Etienne, qui explique qu’il a également pris poursa femme une consultation qu’il a payée six francs.

« M. le président interroge ensuite le sieur Poulard sur le point de savoir si Claudine Jacquand est réellement somnambule.

« Pendant que le sieur Poulard donne au tribunal quelques détails sur les facultés magnétiques de Claudine et sur leur aptitude spéciale au traitement des malades, celle-ci, qui depuis un moment paraissait être dans un état de souffrance, se lève tout à coup, elle étend les bras en crispant les mains, les traits de sa figure se contractent, son regard est immobile et effrayant; bientôt elle pousse un cri comme une espèce de rugissement, et se précipite la tête sur le parquet en se roulant dans les jambes des témoins et jles huissiers.

« On s’empresse de la secourir, on la relève ; mais la crise continuant, elle s’échappe des mains qui la soutiennent et se roule de nouveau sur le parquet en se débattant, et dans un état que la pudeur nous empêche de décrire. Enfin on parvient à la faire sortir de l’audience. Le grand air et plusieurs verres d’eau bus avec rapidité lui rendent un peu de calme, et après un quart d’heure elle rentre à l’audience.

« M. le procureur du roi, qui d’abord avait considéré cette affaire sous un aspect plus grave, se borne

à demander une condamnation pour cause d’cxercico illégal de la médecine.

«M° Rappet, avocat des prévenus, fait remarquer qu’il n’existe contre eux aucune plainte de la part des malades qu’ils ont traités, bien que la police ait fait une espèce d'enquête. Il développe ensuite quelques considérations de droit pour établir que la médecine faite au moyen du magnétisme ne doit pas être soumise aux prescriptions de la loi du 19 ventôse an XI.

« Le tribunal, par son jugement, a déclaré qu’une somnambule ne peut pas faire de la médecine et donner des consultations sans être assistée d’un médecin, et il a condamné lesieur Poulard et Claudine Jacquand chacun à 15 francs d’amende et aux dépens. »

— Ce jugement diffère essentiellement de ceux qui l’ont précédé. Nous voyons dans l'Hennit (I) deux procès semblables ;_nmis la peine ne porte que sur les somnambules. Ici le magnétiseur est aussi condamné. Nous avons, page 291, montré qu’il devrait seul être atteint, car les somnambules, n'ayant pas conscience de ce qu’ils font, ne peuvent être punis.

La condamnation qui frappe M. Poulard était inévitable : la loi est formelle, et jusqu’à ce qu’elle soit réformée, tous les somnamb'ulistes doivent s’attendre à être frappés de la même peine. Il n’en est pas de même des magnétiseurs, n’ordonnant point de médicaments ; la loi ne peut les atteindre. Le jugement du tribunal d’Auxerre et l’arrêt de la Cour royale de Troyes, que nous avons rapportés page 300, en sont une nouvelle preuve.

(I) Tome I, page 99: l°nc III, page 129.

Revue des journaux. — L'Entr'Acte du 23 parle d’une scène de somnambulisme arrivée au bal de l’Opéra.

La Mouche du 10 propose une loi répressive des abus somnambuliques.

Statistique. — En 1815, à notre connaissance, 27 journaux dans 49 articles ont parlé du magnétisme favorablement.

En 184G, le nombre des journaux est de 62, et celui des articles publiés est de 153.

N’est-ce pas un progrès marqué? La presse nous fût-elle jamais aussi favorable? Non, et c’est là un heureux présage.

Avis. — Ceux do nos souscripteurs dont l’abonnement expire aujourd’hui sont priés de le renouveler avant le 10 janvier 1847, s’ils ne veulent point éprouver de retard dans l’envoi de leur journal.

On s’abonne en province chez les libraires et dans les bureaux de Messageries ; les bureaux de poste reçoivent aussi, mais à titre de simple envoi d'argent et non d’abonnement.

ERRATA,

Page 179, ligne 36, au ¡¡eu de : lut d, liseï : mis de.

Page 310, ligne 18, au liou de : un signe, lises ; une ligne.

U Propriétaire-Gérant : HÉBERT (de Camay).

TABLE

DU TROISIÈME VOLUME.

Amaurose. 197

Appel aux magnétiseurs. 245, 261 Amputations de glaudes sous-maxillaires. 154

Attaque du nerfs. 216

Attraction magnétique. 8, 262, 265 Planétaires. 315

Anthropologie magnétique. 182, 230 Athenée magnétique. 123

Aréopage médical. 333

Avulsion de deut sans douleur. 4 Charmes. 46

Cheval magnétisé. 46

Chute de matrice. 200

Contracture musculaire. 118

Contes par M. Poe. 241

Catalepsie. 9, 141, 238, 265

Congrès homœopathique. 182 Ciel ouvert (le). 229

Clairvoyance. 23, 43, 145

Confessions d'un magnétiseur. 28 Coup de sang guéri. 265

Défense Idéologique du magnétisme par M. l'abbé Loubert. 28 Discours du R. P. Lacordaire. 324 Eau magnétisée. 203, 264

Expérience et observation. 47 Erreurs médicales. 89

— magnétiques. 346

Essai sur le magnétisme vital. 143 Etudes préparatoires du somnambulisme magnét. 11, 61, 186

Emanations magnétiques. 27

Electro-magnétisme. 50, 117, 321 Exaltation de force musculaire. 263 Exagérations magnétiques. 346 Exercice de la médecine et du magnétisme comparés. 291 Fascination. 102, 124

Fièvre imitative. 102, 124, 149 Gastro-entérite guérie. 192, 201 Grenouille magnétisée. 92

Gale rentrée guérie. 192

Grossesse fictive. 334

Hydroscopie. 34, 270

Hallucinations. 120, 204, 264

Hôpital magnétique. 49, 234

Invisibilité. 204

Insensibilité magnétique. 3, 4, 154, 237, 266

— hystérique. 286 Ischurie guérie. 144 Identité des forces (de l' ). 289 Imitation. 102, 124, 149 Lucidité. (Voy. Clairvoyance.)

Le Magnétisme. (Ode.) 20

Mémoire de Mesmer sur la morale, l'éducation et la législation. 30, 93, 121, 250 Malade et le médecin (le). 40 Mort et le médecin (la). 179 Médecine jugée par les médecins (la). 265 Monument mesmérien. 181 Magnétisme 6 Lyon (le). 146, 205.

213, 277, 305, 337, 360

— en Espagne. 183

— à Londres. 234

— à Truro. 235

— à Saint-Quentin. 298

— à Alger. 23

— à Cherbourg. 154

— à Auxerre. 300

— à Vienne. 574 Meurtre (tentative de). 331 Médicaments homœopathiques, 144 Nécrologie. 25, 181 Nègres blancs. 44 Nosologie clinique. 27 Noctambulisme. 24, 43, 150, 323 Névrurgie, par M. de Robiano. 51, 81 Note sur le magnétisme. 336 Paralysie rhumatismale guérie. 3 Principe de la science (du), 67