REVUE
de
L'HYPNOTISME
et de la
PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
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de
L'HYPNOTISME
et de la
PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
REVUE DOCUMENTAIRE ILLUSTRÉE
-
PSYCHOLOGIE — PEDAGOGIE — MALADIES MENTALES ET NERVEUSES ,
¦-:-;
Directeur : Docteur BERILLON
collaborateurs fondateurs
CHARCOT; DUMONTPALLIER : LUYS ; MESNET : Au*. VOISIN: AZAM : OELBŒUF (de Liège) ; HACKTUKE (de Londres) ; LIÉBEAULT (de Nancy) : ?. de JONG (La Haye) ; SEMAL (de Mons) ; TOKARSKI |de Moscou) : TARDE ; WETTERSTRAND (de Stockholm) ; Hamilton OSGOOD (de Boslon).
principaux collaborateurs
MM. les D" BABINSKI, m éd. de la Pitié ; BAHADDIN-BEY (de Constantinople) ; BRI AND, méd. de l'Asile de Villejuif ; BRISSAUD, prof, à la Faculté ; BINET-SANGLE, prof. & l'Ecole de psychologie ; Coste de LAGRAVE ; CRUISE (de Dublin) ; L. DAURIAC, prof, à la Faculté des Lettresde Montpellier . DAMOGLOU (du Caire) ; GUIM3EAU ; GRASSET, prof. Ala Faculté de Montpellier HUCHARD, membre de l'Académie de méd. ; V. HERNANDEZ (de Seville) ; P. JOIRE (de Ulle)- JAGUAMBE (Sao-Paulo); LACASSAGNE. professeur a la Faculté de Lyon ; LADAME (de Genève) ; LEGRAIN, méd. de l'Asile de Vaucluse ; Henry LEMESLE ; LLOYD-TUCKEY (de Londres) ; MANOUVRIER, prof, à l'Ecole d'Anthropologie MASOIN, prof, à l'Université de Louvain ; Milne BRAMWELL (de Londres) ;
Paul MAGNIN, prof, à l'Ecole de psychologie; MORSELLI (de Gènes) ; DE PACKIEWICZ (de Riga); ORLITZKY (de Moscou); R. PAMART; PITRES.prof. à la Faculté de Bordeaux; RAFFEGEAU (duVéslnet); Félix REGNAULT : Charles RICHET, prof, à la Faculté de Paris ; Van RENTERGHEM (d'Amsterdam) ; Alb. ROBIN, prof, à la Faculté , Von SCHRENX-NOTZING (de Munich) ; RAYMOND, prof, a la Faculté de médecine; STADELMANN (de Dresde) ; J. VOISIN, méd. de la Salpètrière; VLAVIANOS (d'Athènes) ; WITRY (de Trèves-sur-Moselle) ; WIAZEMSKY (de Saratow) ; et MM. LIÉGEOIS, prof, à l'Univ. de Nancy ; BOIRAC, recteur de l'Univ. de Dijon ; Max DESSOIR ide Berlin) ; STUMPF. prof, à l'Univ. de Berlin ; Ch. JULLIOl ; SCIE-TON-FA (de Pékin) : POOIAPOLSKY (de Saratow) ; SWAN (de Melbourne) ; UBEYD OULLAH (de Constantinople' Secrétaire de la Rédaction : D' Paul FAREZ.
le numero : 75 cent.
Rédaction ci Administration : 4, rue Castellane, Paris (8•) Téléphone : 224-01 1909
23e Année. — ?• 1.
Juillet 1908.
BULLETIN
La dix-septième séance annuelle de la société d'hypnologie et de psychologie. — Visite à l'Etablissement médico-pédagogique de Créteîl.
La dix-septième séance annuelle de la Société d'bypnologie et de psychologie qui a eu lieu le 16 juin 1908, au Palais des Sociétés savantes sous la présidence de M. le D'Jules Voisin, médecin de la Salpétrière. avait attiré une affluence considérable.
Au début de la séance, M. le D'Bèrillon. secrétaire général, a prononcé l'éloge de M. le D' Hamilton Osgood, de Boston, membre fondateur de la société. 11 a fait ressortir la haute valeur intellectuelle et morale de ce regretté confrère et indiqué la part qu'il a prise dans les études modernes sur la psychothérapie. Le D' Hamilton Osgood, praticien renommé aux Etats Unis, avait été un des premiers â donner son adhésion au premier Congres de l'Hypnotisme tenu a Paris en 1889. Depuis lors il n'avait cessé de témoigner d'une grande fidélité aux doctrines positives sur lesquelles repose le groupement scientifique de la Société d'hypnotisme.
Ensuite la séance a été consacrée â l'étude approfondie de la question si actuelle de l'Homosexualité, envisagée aux divers points de vue de l'étiologie,dela psychologie et de la thérapeuthique individuelle et sociale. La discusion puisait son principal intérêt dans la présence du Dr Witry.de Trêves, qui a exposé la situation juridique et sociale de l'homosexuel en Allemagne. Après lui MM. les Dr Laumonier, Bèrillon, Fouineau, Chavigny, M. Guilhermet, avocat à la Cour, MM. Grollet et Lépinay, médecins-vétérinaires, ont étudié la question de l'homosexualité dans des communications se rattachant à la psychologie, à la jurisprudence, à la médecine légale, à la sociologie et à la psychologie comparée- Cette importante question a été maintenue à l'ordre du jour de la Société.
Le soir, un banquet qui comptait un grand nombre d'adhérents a réuni les membres de la Société.
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Chaque année la clôture des cours du semestre d'été de l'Ecole de psychologie est marquée par une visite à l'Etablissement médico-pédagogique de Créteil. Dimanche dernier sous la conduite du Dr Bèrillon et de M. Quinque, une centaine de visiteurs, auditeurs fidèles des cours de l'Ecole de psychologie, ont visité le magnifique établissement consacré au traitement des enfants et adolescents retardataires, instables ou nerveux des deux sexes. Ils ont pu constater l'efficacité des procédés de culture intellectuelle et physique appliqués dans rétablissement. En effet, en assistant à la représentation donnée par les élèves au théâtre de verdure de l'Etablissement, en les voyant empressés à se conformer aux instructions de leurs professeurs, personne n'aurait pu se douter qu'il s'agissait là d'enfants qualifiés d'indociles ou d'anormaux. C'est que l'éducation familliale
donnée à Créteil et les procédés psychologiques employés transforment très rapidement les esprits les plus réfractaires- Aux étudiants s'étaient joints an certain nombre de personnalités au nombre desquelles nous sommes heureux de mentionner M. Espinas, professeur à la Sorbonne, membre de l'Institut, Dr Pédébidou, sénateur, M. Jules Voisin, médecin de la Salpétrière. M. Firmin Verdier, secrétaire général de la Société française d'études islamiques et un grand nombre de professeurs de lycées de Paris. Chacun des visiteurs s'est promis de revenir à la fête qui sera donnée l'année prochaine.
Les conditions fondamentales de l'hypnotisme. Le consentement mental et le consentement organique
par M. le Docteur Bérillox professeur à l'Ecole de psychologie.
I. — Le consentement mental
Braid, dans son livre fameux, publié en 1841, sous le titre de Neurypnology. faisant ressortir les avantages du procédé par lequel il réalise l'état d'hypnotisme, déclare : « Mon procédé a encore cet avantage, c'est que personne ne peut y être soumis à aucune période, à moins de consentement libre ». Et il ajoute : « celte condition suffirait à le mettre à l'abri de tout soupçon d'immoralité.»
Les oppositions à la diffusion des vérités scientifiques proviennent de l'esprit de routine, des idées préconçues; mais elles sont surtout inspirées par la peur que beaucoup de personnes ressentent à la seule idée de faits imparfaitement expliqués. Aussi Braid insistait vivement sur la nécessité d'enseigner au grand public que l'hypnotisme a sa source dans une loi de l'économie animale. « Il faut lui apprendre, disait-il, que le sujet ne peut être influencé que d'après sa volonté et avec son consentement.» Dans un autre chapitre, il dit encore que l'hypnotiseur le plus expert s'exercera en vain, si le sujet ne s'y attend pas et s'il ne s'y prête pas de corps et d'âme.
La confiance dans l'opérateur, d'où dérive le consentement, est pour Braid, la première des conditions à réaliser.
Liébeault, en 1866, dans son livre sur le Sommeil, établit une assimilation complète entre le sommeil ordinaire et le sommeil hypnotique. Pour lui, si le consentement est un des principaux éléments de l'apparition du sommeil ordinaire, il en est de même pour la production de l'hypnotisme : « Les personnes que l'on veut endormir, écrit-il, ne sont nullement influencées si elles font un effort pour résister à la pensée de dormir ou sont convaincues qu'elles ne dormiront pas.»
Le succès d'une expérience d'hypnotisme ne peut donc être que la conséquence d'une entente préalable entre l'hypnotiseur et son sujet.
Chaque jour, des faits probants viennent démontrer qu'aucun lien de subordination n'existe entre celui qui consent à se laisser hypnotiser et celui qui l'hypnotise. Dans le fait de provoquer l'état d'hypnotisme chez
une personne il ne saurait donc y avoir comme on le répète à chaque instant lout à fait à tort, aucune violation de sa liberté morale.
Dès qu'il convient au sujet le plus hypnotisable de cesser les séances, il en a la liberté et il le prouve en renonçant au traitement.
Déjà, lors des expériences de Charcot, il n'était pas rare, sous l'influence de la plus minime contrariété, de voir des sujets de la Salpétrière émigrer dans le service de Dumontpallier,à la Pitié. Il fallait alors user de la plus grande diplomatie pour décider ces hystériques à réintégrer le service auquel elles appartenaient. Il nous est également arrivé, à Paul Magnin et à moi-même, lorsque nous collaborions aux expériences de Dumontpal-lier. de ne pouvoir décider un sujet, habituellement docile, à se laisser hypnotiser. Le fait se présentait surtout quand il y avait des visiteurs dans le service. Le plus souvent ce refus d'obéissance n'avait pas d'autre motif qu'un défaut de sympathie à l'égard de l'un des assistants. Il s'agissait cependant d'hystériques éminemment hypnotisables. Quand elles refusaient de se laisser hypnotiser, nous n'avions aucune prise sur leur esprit. Elles nous ont ainsi démontré plus d'une fois, et de la façon la plus évidente, que le consentement mental du sujet est la première des règles auxquelles il faut se conformer dans la pratique de l'hypnotisme expérimenta! .
Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de cas où un sujet ne se placera pas de lui-même dans un état analogue à L'état d'hypnotisme. Il s'agira alors, non d'hypnotisme expérimental, mais d'hypnotisme fortittt, et la volonté de celui qui aura provoqué cet état ne sera pour rien dans les effets d'inhibition qui se seront manifestés.
Un des principes fondamentaux de la pratique de l'hypnotisme consiste à ne se livrera une tentative qu'après s'être assuré que le sujet ne formule aucune opposition à l'idée d'être endormi, et qu'il ne se retranche derrière aucune objection. Son consentement doit être formel ; quand il est obtenu, on peut dire que la partie la plus difficile de l'expérience est réalisée.
En effet, le plus souvent la résistance à l'hypnotisme n'est pas fondamentale : la cause en réside souvent dans des contre-suggestions de l'entourage, dans des idées préconçues, dans des dispositions du caractère, dans des peurs injustifiées. Quand on se trouve en présence d'oppositions qui reposent sur des sentiments ou sur des erreurs de jugement, il est rare qu'on ne parvienne pas à les neutraliser par la persuasion ou par des arguments décisifs. C'est d'ailleurs dans l'application de cette dialectique, par laquelle on doit utiliser tous les éléments d'une véritable méthode philosophique, que réside l'art de l'hypnotisme.
Le meilleur argument consiste à démontrer que les procédés employés sont absolument innoffensifs, qu'ils ne comportent aucun inconvénient et surtout qu'aucune impression désagréable ne sera ressentie.
Les personnes qui ont eu l'occasion d'assister à des séances de psychothérapie hypnotique sont ordinairement convaincues par cette simple démonstration pratique. Il leur suffit de constater qu'à aucun moment de
la séance le sujet n'a accusé le moindre malaise. Elles ont pu également s'assurer que la sortie de l'état d'hypnose, le réveil en un mot, s'est toujours réalisé avec la plus grande facilité.
Dans ma pratique personnelle, il est rare, qu'après l'exposé de mon procédé, les malades n'acceptent de s'y soumettre dès la première séance. Les plus timorés, dès la deuxième séance, sont absolument rassurés.
Il n'aura pas été inutile de commencer par leur apprendre que la production de l'état d'hypnotisme constitue par lui seul un puissant agent thérapeutique. En effet, l'hypnotisme, bien manié, exerce sur le système nerveux l'action sédative la plus efficace et la plus durable. Quand les malades en ont éprouvé les effets, leur conviction est faite et ils deviennent inaccessibles aux influences contrariantes.
Il y a quelques semaines, je recevais la visite d'une dame anglaise-atteinte d'une psychonévrose dont l'aboulie, l'indécision, l'idée fixe et l'anxiété étaient les symptômes prédominants. L'application de l'hypnoti-sation était nettement indiquée. Elle refusa cependant de s'y soumettre déclarant que son médecin lui avait formellement défendu de se laisser hypnotiser, à cause des dangers que ce traitement pourrait faire courir à sa santé
Je lui demandai la permission de lui exposer en quoi consistait le traitement. Quand elle m'eut entendu, elle se trouva si complètement rassurée, qu'elle se soumit immédiatement à une première tentative.
Elle fut récompensée de sa confiance par la disparition rapide des accidents qu'aucun des nombreux traitements suivis n'avaient atténués depuis cinq années. Elle n'a pu faire autrement que de se demander à quel parti pris inexplicable obéissait son médecin quand il lui inspirait une telle défiance de l'hypnotisme.
La facilité avec laquelle le consentement mental est accordé est et» rapport avec le développement de l'intelligence. Lorsque les facultés intellectuelles sont insuffisantes ou sont profondément troublées, aucun acquiescement spontané ne saurait être obtenu. C'est ce qui arrive dans l'idiotie, dans l'imbécilité, dans la débilité mentale accentuée, dans les démences confirmées et aussi dans un certain nombre de pyschoses liées à la dégénérescence héréditaire. Dans ces cas là, l'absence de consentement formellement exprimé, doit détourner, à priori, de toute tentative d'hypnotisme, le consentement étant la première des conditions à réaliser dans la pratique de cet art.
II. — Le cossentemext organique
Si le fait d'obtenir le consentement mental marque un pas vers la réussite de l'expérience d'hypnotisme, il ne suffit cependant pas à sa réalisation. Il faut, en plus, cette disposition du système nerveux, cette adaptation somatique que je désignerai sous le nom de consentement organique.
Je veux, par ces termes, exprimer l'idée que les obstacles à la réalisation
de l'hypnotisme ne résident pas tous dans l'état d'esprit du sujet ; il faut -également les rechercher dans une manière d'être de son organisme.
Tout le monde sait que le sommeil ordinaire peut être retardé par toutes les causes capables de provoquer une certaine irritabilité de la cellule nerveuse. Par exemple, chez beaucoup de personnes, il suffira de l'ingestion, le soir, d'une tasse de thé ou de café, pour troubler le sommeil. D'autres obstacles, trouvant leurs effets dans des excitations d'origine ¦centrale ou périphérique, s'opposent de la même manière à l'apparition du sommeil. Telles sont les névralgies, les troubles de la digestion, les bourdonnements d'oreille, les palpitations de cœur, l'hypertension artérielle, le refroidissement des extrémités, le besoin d'uriner, la faim, la soif, la fièvre, l'agitation, l'énervement. le délire.
Ces obstacles ne se rencontrent pas, d'ordinaire, chez les personnes qui se présentent à une clinique ou à un cabinet de consultation. Par contre, ¦on se heurte à chaque instant à d'autres difficultés qui tirent leur source ¦d'excitations, d'ordre différent, mais également incompatibles avec la réalisation de l'hypnotisme.
Chez la plu pari des hommes, sous l'influence de la plus faible dose de vin pur. de liqueurs alcooliques, de thé, de café, de tabac, le système nerveux se trouve tellement excité, que l'état sédatif indispensable à la production de l'hypnotisme est irréalisable.
Voici, en effet, une constatation qu'il m'est donné de faire journellement, "un sujet très hypnotisable, suit régulièrement son traitement. Un beau jour, à notre grand étonnement, nous constatons que ce sujet, d'ordinaire si facile à hypnotiser, semble être devenu tout à fait réfractaire à l'hyno-tisation. Cela tient à ce que, ce jour-là, il n'est pas complètement à jeun. Au repas précédent, il a commis un petit excès ; il a bu. par exemple, quelques gorgées de vin pur, a pris un petit verre de liqueur alcoolique, ou du calé un peu plus fort que d'habitude. Ce simple excès a suffi pour modifier son impressionnabilité à l'hypnose.
La séance d'hypnotisation ne donnera ce jour-là aucun résultat utile et il convient de remettre le traitement au lendemain.
Il importe donc que les sujets se présentent à la consultation étant -à jeun de toute boisson alcoolique, de café, de thé, de tabac et même d'abus de viande. C'est un point très important. Le moindre excès alcoolique provoque une sorte d'irritabilité nerveuse qui modifie la sugges-tibilité et devient un obstacle à l'hypnotisation. Cela se rattache à des observations qui souvent ont déjà été faites par les personnes de l'entourage. Elles déclarent que le sujet, tant qu'il est à jeun, se montre parfaitement sociable ; par contre, sous l'influence du moindre excès, il devient absolument intraitable et aucun raisonnement n'a plus de prise sur lui. La disposition à être hypnotisé varie donc sous l'influence des divers excitants.
Quand je reconnais dans l'haleine d'un sujet l'émanation sui generis, ¦qui caractérise le récent usage du tabac, je sais que je vais me heurter, pour la production de l'état d'hypnose, à des difficultés plus grandes que
si le sujet est à jeun de cet excitant. ? y a beaucoup de médicaments qui produisent le même efiet ; il est donc préférable de s'en abstenir avant la séance.
^'ingestion des excitants suffit pour provoquer l'apparition d'un trouble général du système nerveux, facile à déceler par l'examen de la contrac-tilité musculaire. Voici mon procédé: Après avoir demandé au sujet de lever les bras en contractant énergiquement ses muscles, je lui commande de les laisser retomber mollement, en complète résolution. S'il est à jeun de tout excitant, il lui sera très iacile de réaliser l'ordre donné. Les bras retomberont instantanément, avec souplesse. Par contre, s'il est sous l'influence d'alcool, de vin pur, de tabac, même à faible dose, les muscles conserveront de la raideur et ne s'abaisseront qu'avec une certaine lenteur, comme si un effort volontaire était indispensable pour y arriver.
Pour qu'à la souplesse musculaire normale succède une raideur très apparente, il suffit donc de l'ingestion d'un peu de vin pur, d'un petit verre d'alcool, ou de fumer un cigare. La locution populaire par laquelle on dit qu'un individu est raîde, lorsqu'il est sous l'influence de l'alcool, trouve ici sa pleine justification.
Les faibles doses nécessaires pour provoquer l'apparition de cette rêti-veté de l'organisme sont certainement de nature à jeter quelque lumière sur les effets exercés sur le système nerveux par l'usage des excitants. Maïs ce que je veux simplement retenir aujourd'hui, c'est que cette raideur musculaire, cette réticence organique, constitue un obstacle invincible à la production de l'état d'hypnotisme.
Chez les individus doués d'une émotivité exagérée, le sentiment de la peur, l'état d'anxiété, ou même simplement une contrariété un peu vive, suffisent pour provoquer les mêmes effets.
Cetle raideur musculaire chez le plus grand nombre est transitoire. Née de l'intoxication, elle disparait avec la cause qui l'a provoquée. Comme elle est un obstacle réel à la production de l'hypnotisme, il conviendra de ne faire de tentative que dans les intervalles où elle n'existe pas.
Mais il existe diverses catégories de malades chez lesquels cette raideur musculaire se rencontre d'une façon permanente. Nous l'avons constatée chez des neurasthéniques, des psychathéniques dont l'auto-intoxication n'était pas douteuse. On l'observe chez presque tous les débiles mentaux et chez tous les aliénés atteints de démence, en proie au délire ou à l'excitation. Dans le délire chronique systématique de persécution, elle se trouve parfois portée à son maximum et il est impossible d'obtenir de ces malades qu'ils fassent preuve de la moindre souplesse musculaire (11.
(1) La réalité de ces variations de la contractilité musculaire sous l'Influence de divers excitants, ainsi que de U raideur permanente observée chez les névropathes, chez les débits mentaux, chez Les aliénés fait, depuis plus de quinze ans, l'objet de démonstrations quotidiennes au Dispensaire neurologique [49, rue Saint-André des Arts). Etant donné le nombre considérable d'étudiants qui en ont été les témoins, on peut être surpris que la recherche de ce phénomène ne soit pas plus fréquemment utilisée dans l'examen clinique des maladies mentales ou nerveuses. Notre communication d'aujourd'hui pourrait également avoir pour but d'établir & l'égard de La démonstration de ce procédé une priorité qui ne saurait être contestée..
Le consentement organique, favorable à la production de l'hypnotisme, se traduit par la possibilité, pour le sujet, de mettre spontanément et volontairement les muscles de ses membres en état de résolution complète. La constatation de cette aptitude constitue un signe des plus favorables à la production de l'hypnotisme. Quand elle n'existe pas, il convient de se demander si elle n'est pas occasion née par l'influence d'un excitant. Dans ce cas, la tentative d'hypnotisme devra être remise à une séance ultérieure.
Lorsqu'il s'agit d'une intoxication permanente, la première de toutes les indications doit consister dans la désintoxication méthodique de l'organisme. C'est ainsi que des prescriptions de régime, de cures hydro-minérales, de médioalions anti-toxiques prépareront et faciliteront la psychothérapie hypnotique.
En vertu de ces données, c'est seulement quand il se sera assuré chez son malade ou chez son sujet, non seulement de la validité de son consentement mental, mais aussi de celle de son consentement organique, que l'hypnotiseur aura réalisé les deux conditions fondamentales de la production de l'hypnotisme.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGiE ET DE PSYCHOLOGIE
Seance du mardi 19 Mai 1903- — Prêiidence de M. Jules Voki>-, aiOdecin de la Selpétriére.
La séance est ouverte à 4 h. 45.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et approuvé.
M. le secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres de MM. les docteurs Henry 1-emesle, Coste de Lagrave. Paul Magnin. Wiazemsky, de M. Scié-Ton-Fa, ainsi qu'un travail du Dr Stadelmann sur La psychopathologie et l'Art, et du D'Henry Lemesle sur Les obsessions et la psychothérapie.
Les communications inscrites à 1 ordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :
M. Wiazemsky (de Saratow Russie) : La suggestion hypnotique dans un cas d'alcoolisme : Discussion: MM. Bérillon, Demonchy, Paul Farez et Jules Voisin.
M. Henry Lemesle (de Loches) : Un bandeau hypnogène : Discussion : MM Bérillon et Félix Regnault.
M Bérillon: Idées fixes affectives en relation avec l'hémianesthésie du coté droit dans l'hystérie : Discussion : MM. Lionel Dauriac et Pamart.
M. le président met aux voix la candidature de M. le D'Chukri Pacha, professeur à la Faculté du Caire, lequel est nommé, à l'unanimité, membre titulaire de la Société.
La séance est levée à 6 heures 40.
Des raisons de l'insuccès de la thérapeutique suggestive dans un cas d'alcoolisme
par M. le Dr J. Wiazexsky, de Saratoff (Russie), président du cercle A.-A. Liébeault et médecin en chef du Dispensaire anti-alcoolique.
La plupart des auteurs qui ont traité de la psychothérapie nous décrivent toujours les cas où l'application de la suggestion hypnotique a donné des résultats favorables. La littérature médicale n'offre que très rarement des exemples d'insuccès dans le traitement par l'hypnotisme. Cependant ces échecs sont intéressants à enregistrer pour déterminer la véritable portée de la thérapeutique hypnotique. Ils peuvent donner en outre des indications précieuses sur la cause même de l'insuccès, qui peut être imputable soit au malade, soit au médecin traitant. L'analyse objective et détaillée des cas d'insuccès donnera un ensemble de faits utiles qui permettront aux médecins de mieux comprendre beaucoup de cas d'interprétation difficile.
Je vais décrire un cas où l'hypnotisme n'a pu procurer la guérison d'un malade atteint d'alcoolisme intermittent. C'est un fait bien connu que les alcooliques sont des sujets éminemment suggestibles et parmi lesquels on rencontre un fort contingent de somnambules. J'ai pu relever dans mon service, au dispensaire anti-alcoolique de Saratoff, une proportion de 56,5 % d'alcooliques somnambules (sur 420 sujets traités, 238 somnambules). Les alcooliques de ce dispensaire sont, il est vrai, maintenus pendant une heure et plus dans le sommeil hypnotique. Le malade qui fait l'objet de cet article, est un pope âgé de 29 ans. qui avait commencé à boire au séminaire dès l'âge de 16 ans. Il buvait d'abord rarement et peu à la fois, puis à 20 ans il se mit à boire beaucoup. De 24 à 25 ans il but sans relâche. A 25 ans il se maria et commença à boire moins. Son mariage ne fut pas heureux, il se querellait sans cesse avec sa femme. Son alcoolisme devint intermittent : après avoir bu trois ou quatre jours de suite il s'abstient pendant trois ou quatre semaines. Pendant la période d'alcoolisme, le malade boit à tel point que, la crise passée, il ne se souvient plus de rien. Pendant l'ivresse il est très colérique et capable de toutes les violences. Les périodes d'alcoolisme vont se rapprochant. Pendant ces périodes le malade boit seul. Lorsqu'il vint chez moi pour se faire traiter par la suggestion, je lui déclarai tout d'abord que s'il était décidé à ne jamais plus boire d'alcool, il pourrait y arriver a l'aide de l'hypnotisme ; il n'en pourra plus boire même une seule goutte. A ces mots le malade prit une mine renfrognée et me dit : « Alors je ne pourrai même plus prendre un seul verre, ça je ne le voudrais pas. » Je tâchai de convaincre le malade qu'il devait absolument renoncer à l'alcool, s'il voulait guérir, sinon, le premier verre pris pourrait amener le désir d'en prendre un second, un troisième, et ainsi de suite. Le malade se rangeant alors à mes observations me répondit : « Eh bien, soit, je consens à ne plus prendre d'alcool du tout ». Je ne pus commencer le traitement aussi-
tot : le sujet avait bu et avait eu la nuit précédente un sommeil 1res agité avec hallucinations. Je lui ordonnai de prendre toutes les deux heures une cuillerée de la solution d'hydrate de chloral 12 pour 200.
Le lendemain 31 octobre, le malade, revenu à la consultation, me dit qu'après avoir pris l'hydrate de chloral il avait très bien dormi sans avoir d'hallucinations. Il n'avait pas bu d'eau-de-vie, bien que le soir il en ait eu envie. J'essayai de l'endormir par mes procédés ordinaires (1), mais sans succès. Il ne ressentait aucune lourdeur dans les paupières et pouvait ouvrir les yeux sans difficulté. Je lui dis de fixer un de mes yeux. Les paupières clignotèrent, les pupilles se dilatèrent, mais les yeux ne se fermèrent pas d'eux mêmes ; je dus prier le malade de fixer mes doigts et c'est seulement lorsque je les approchai de ses yeux, que ceux-ci se fermèrent. Je réussis à obtenir du malade des mouvements automatiques. Au réveil le malade prétendit n'avoir pas dormi, parce que, dit-il, il avait tout entendu. Il avait seulement de la lourdeur dans les bras et les jambes. Il croit qu'il aurait pu ouvrir les yeux : s'il ne l'a pas fait, c'est uniquement qu'il ne le voulait pas ; s'il a remué les mains, c'est volontairement, parce qu'il voulait exécuter mes ordres.
ieT novembre. Le malade n'a pas bu d'eau-de-vie depuis la veille, mais •en voyant les autres boire il en avait envie. Je l'ai endormi par les mêmes procédés que la veille. Il a dormi tranquillement et a ouvert les yeux avant que je le lui ordonne Le sommeil n'était donc pas profond ; aussi les jours suivants l'ai-je endormi à l'aide des miroirs du Dr Luys qui permettent de prolonger la fixation. Pour compléter l'effet de la fixation j'ai dû suggérer tous les phénomènes précurseurs du sommeil (clignotement d'yeux, lourdeur des paupières etc .) et alors le sommeil est venu, plus profond. Le malade ne pouvait pas de lui-même ouvrir les yeux. Après cette séance, il n'eut plus envie de boire d'eau de-vie. Le soir il était irès abattu ; il douta tout à coup de sa guérison et se représenta l'accueil que lui feraient les gens qui l'avaient vu ivre. Les deux jours suivants j'inscrivis dans mon journal : aucune envie de boire, le malade est tout à fait calme, de bonne humeur, il n'est pas abattu. Après six séances de traitement je.lui prescrivis de ne revenir qu'au bout de deux mois, le -5 janvier. Il ue put attendre jusque là et je le revis le 12 décembre. Voici ce qu'il me raconta. Rentré chez lui après mon traitement il n'avait plus aucune envie de boire d'eau-de-vie. Quand il était en compagnie de gens ivres on lui proposait de boire, parce qu'on le considérait comme un buveur, et il avait honte de refuser. II s'irritait de ne pas pouvoir prendre même un seul verre de vin. I! lui semblait qu'il était l'objet d'une attention particulière et que tout le monde le regardait avec pitié. Il rentrait toujours à la maison nerveux et en colère. Peu à peu l'idée de l'eau-de-vie lui revint et elle se fit de plus en plus pressante. Après une querelle avec sa femme et une nuit d'insomnie, il prit la ferme décision de s'enivrer le lendemain, et fit eu effet ce qu'il avait résolu. On lui
(1) On trouvera cet procédé? décrit» dans : Wratsch, x-, 18, 1900. Wiuemsk?. Application dei .«ipgeitton! hypnotiques & la thérapeutique.
raconta que pendant son ivresse il était furieux se fâchait contre tous, brisait la vaisselle et les meubles. C'est trois jours après cette crise qu'il est revenu me consulter. Il ne croit plus, dit-il, à l'hypnotisme.»Pendant un mois et demi je n'ai pas pris d'eau-de-vie, mais, affirme-t-il, c'est que moi-même, je ne le voulais pas ». C'est la querelle avec sa femme qui lui a fait prendre la décision de se remettre à boire. Il est venu me demander ce qu'il doit faire désormais. Il est prêt, si je le lui conseille, à continuer le traitement hypnotique, à rester à Saratoff autant que je le voudrai. J'ai éludé cette proposition et l'ai renvoyé pour quelque temps dans un hôpital. J'ai pensé en effet que le traitement hypnotique ne convenait pas à ce malade, et voici mes raisons. C'était, contrairement à la majorité des alcooliques, un sujet très difficile à endormir. Pour obtenir le sommeil hypnotique au degré moyen il avait fallu employer successivement le procédé de Nancy et les miroirs rotalifsde Luys. La suggestibilité du malade s'accroissait avec le sommeil, ce qui n'est pas général. Quanta la difficulté de l'endormir qui le caractérisait, on pourrait y voir un effet de son individualité psychique. Mais ce serait reculer la question non la résoudre. On peut, je crois, se rapprocher de la solution en examinant les circonstances du cas. Dès notre première conversation, j'avais bien compris que le malade voulait guérir deson ivrognerie et de ses conséquences anormales, mais non pas renoncer complètement à l'usage de l'accol. Quand je lui déclarai catégoriquement que, pour le succès du traitement, l'abstinence complète était de rigueur, il n'y consentit qu'à contre cœur. Il se sentit violenté dans sa volonté et son désir ; aussi lorsque je faisais la suggestion, trouvais-je en lui une résistance volontaire ou involontaire_
Cette résistance explique bien la difficulté de l'endormir, difficulté qui n'a pu être vaincue que par des procédés spéciaux, appliqués avec insistance. On a bien pu de la sorte lui suggérer l'idée de l'abstinence complète de l'alcool, mais cette idée, étant contraire au désir et au point de vue du malade, a provoqué en lui une dualité psychique, avec d'autant plus de iacilité qu'il a été abandonné à lui-même pendant un temps assez long. On voit clairement ce qui a suivi : Le malade, rentré dans son milieu, y retrouve les personnes avec lesquelles il buvait auparavant. Comme d'habitude, celles-ci l'invitent à boire, et son refus provoque, en même temps,, qu'une profonde surprise, des sollicitations pressantes. Le malade, qui ne peut pas boire même un petit verre de vin, est gêné par les souvenirs de sa vie antérieure ; il rentre toujours à la maison nerveux et irrité ; l'idée qu'il est mal de ne pas prendre un ou deux verres, lorsqu'on est en compagnie, le harcèle, elle devient de plus en plus impérieuse, et obscurcit l'idée de l'abstinence complète que la suggestion a introduite dans son esprit. Enfin la querelle avec sa femme décide tout. Après la nuit d'insomnie, pendant laquelle le malade a été certainement en proie à une lutte morale, l'idée qui était maîtrisée par ta suggestion, mais qui ne quittait pas son esprit, a pris enfin le dessus.
Les raisons que je viens d'exposer m'ont empêché de reprendre le-traitement ; les résultats obtenus par la suggestion n'étaient pas confor-
mes aux désirs intimes du malade, elle risquait de provoquer en lui un nouveau conflit psychique. J'ai cru qu'il était préférable de le soustraire pendant quelque temps à l'influence de son milieu, en l'envoyant dans un hôpital spécial. Dans ces conditions, il reste encore quelque espoir de guérison, espoir, à mon avis, très faible.
Discussion
Dr Bérillo.w—Dans la cure des alcooliques, on remporte des succès dans la proportion d'environ 7 sur 10. 3 sur 10 sont des dégénérés héréditaires, presque des aliénés, mûrs pour l'asile. La cure de l'alcoolisme par la suggestion exige le consentement mental du sujet. Les entêtés, les orgueilleux, les gens irréductibles et à partis pris bénéficient peu ou pas delà suggestion. L'alcoolique qui veut formellement guérir ne doit êtr^i suggestionné qu'à jeun. Une fois guéri, il ne doit pas être abandonné à lui-même, mais au contraire affilié à quelque société composée de personnes tempérantes.
Dr Demonchy. — Dans le cas de M. Wiazemsky, la suggestion a eu un résultat indéniable, puisque le sujet ne pouvait plus boire. Mais, de même que. dans beaucoup de cas, on se voit obligé d'imposer au malade un régime approprié, ici, il eut fallu, à mor sens, faire des suggestions spéciales pour que le sujet, guéri du fait de boire, acceptât de suivre le régime nécessaire pour ne plus boire. 11 est des aliments qui amènent le besoin de boire, d'autres qui ne laissent pas, après eux, la sensation de soif. Selon moi, dans le cas dont il s'agit, le traitement a été, non pas impuissant, mais incomplet.
Dr Paul Farez — Les principales conditions du succès de la suggestion contre l'alcoolisme sont les suivantes : 1° la suggestion doit être renouvelée à intervalles assez rapprochés, pendant assez longtemps, afin d'accroître la résistance du sujet aux sollicitations couiumières ; 2° l'entourage devra maintenir l'ex-alcoolique dans d'excellentes conditions morales et lui épargner les soucis, les émotions, les discussions, etc., sortes de petits traumatismesqui faciliteraient une rechute ; 3» le sujet devra élre entraîné non pas à éluder avec limidilé et confusion, presque avec honte, les sollicitations de ses anciens camarades, mais à les rejeter ouvertement, crânement, courageusement, par une sorte de prosélytisme ; 4° la suggestion, sous peine d'échec, devra imposer, dèsledébui, l'abstinence alcoolique totale, d'emblée ; ce n'est pas seulement l'excès, c'est l'usage même de toute boisson alcoolique qui doit être prohibé ; 5° il est indispensable de remplacer par des toniques physiologiques énergiques l'excitation coutumière que provoquait l'alcool.
Dr Jules Voisin. — Il faut bien distinguer les alcooliques et les dipso-manes. Ceux-ci boivent par périodes ; ce sont des dégénérés mentaux. Devenus mélancoliques, déprimés, ils éprouvent le besoin de boire, boivent des quantités considérables et sont difficiles à intoxiquer. Pendant la période dépressive, on ne peut pas les empêcher de boire ; c'est pendant la période de calme qu'on doit les entrainer à ne plus boire ; de cette ma-
nière ils arrivent plus vite à l'intoxication pendant leurs accès et boivent moins.
?>! Bérillon. — En soumettant ces malades à la suggestion pendant la période de calme, on arriverait, sinon à guérir, du moins à atténuer leur dïpsomanie ; le service qu'on leur rendrait, quoique relatif, serait très appréciable.
Un bandeau hypnogène
par M. le D'Henry Lbmesle directeur de l'Etablissement hypnothérapique de Loches.
Principe — Les neurologistes allemands appellent expérience de StrOmpell (et nous devons lui conserver celte appellation,car StrOmpell est bien le premier qui l'ait réalisée), l'expérience qui consiste à obtenir chez un malade hyslérique et anesthésique le sommeil nerveux par l'occlusion des yeux et des paupières. Le professeur Raymond /in Revue de Médecine, mai et juillet 1891) rapporte l'observation d'un individu atteint d'anesthésie généralisée, qui n'avait conservé qu'une partie dessensibi-bilités auditive et visuelle et qui s'endormait quand on lui appliquait un bandeau sur les yeux. M. Raymond qui a réuni plusieurs faits analogues en a conclu que l'activité cérébrale qui constitue l'état de veille ne peut se maintenir qu'à la faveur des excitations du dehors.
Bandeau hypnogène du ]¦ Lemesle
Depuis longtemps les hypnologues avaient adopté cette théorie. Durand de Gros, Liébeaurt, Beaunis, Dumontpaltier, Bérillon, auxquels est venu se joindre le physiologiste Brown-Séquart, ont toujours considéré le sommeil nerveux comme le résultat de l'inhibition des centres cérébraux supérieurs, et la suppression de l'exercice des sens comme le moyen de provoquer cette inhibition. Devons-nous rappeler qu'en physiologie toute excitation productrice d'une sensation homogène, uniforme, continue, a,
pour produire l'inhibition, la même valeur que l'absence de toute excitation ? En pratique, supprimer aux organes des sens toute excitation est presque impossible : c'est à l'excitation particulière dont nous venons de parler qu'il faut ici faire appel, et aux moyens de la produire (miroirs rotatifs, fascination, métronome et appareils se réclamant des mêmes principes).
D'après les faits et les expériences que nous venons de rappeler, nous employons depuis plusieurs années le bandeau hypnogène que nous présentons aujourd'hui à la Société d'hypnologie.
Description. — Cet appareil est constitué par une bande de tissu souple, large de quatre travers de doigt, dont le milieu s'applique sur la région sous occipitale du malade, les deux extrémités venant se réunir et s'agrafer sur le front. Ce mode et cet endroit d'attache permettent, une fois le sommeil établi, de libérer le malade de son bandeau, sans lui infliger le déplacement de la tête. A son passage, sur les oreilles et sur les yeux, ce bandeau est renflé par des tampons qui sont adaptés aux cavités qu'ils doivent obturer.
Une plus grande fixité de l'appareil est assurée par la réunion sur le sommet de la tête, de quatre chefs partant de la région occipitale et de la région frontale du bandeau : ces chefs sont croisés, l'antérieur droit se bouclant avec le postérieur gauche et l'antérieur gauche avec le postérieur droit. Enfin, entre la partie postérieure du bandeau et le tampon pour l'oreille, de même qu'entre ce dernier tampon et celui qui doit s'appliquer sur l'œil, le bandeau est constitué par du tissu élastique qui permet de donner à ces tampons un écartement en rapport avec celui de l'oreille et de l'œil du malade.
Applications. — Tous les malades nerveux ne sont pas des hystériques et de grands anesthésiques, comme les malades dont les cas ont été cités par Strûmpell et Raymond, et nous ne prétendons pas que l'emploi de notre bandeau doive toujours et immédiatement provoquer le sommeil, mais ce que nous tenons à établir, avec l'appui d'une pratique quotidienne de trois années, c'est que l'emploi de cet appareil est un moyen précieux pour produire l'hypnose ou les états analogues et, en fermant le malade aux excitations extérieures, assurer ensuite la persistance de ces états.
L'occlusion des yeux est parfaite, l'occlusion des oreilles ne peut être réalisée assez complètement pour assurer l'abolition des perceptions auditives, mais elle est pourtant suffisante pour diminuer très sensiblement l'accès des bruits extérieurs. Le sens de l'ouïe n'est plus qu'entr'ouvert, le malade perçoit encore la voix du médecin. Pour ce qui subsiste de la fonction auditive,nous la soumettons à une excitation homogène, uniforme continue et nous achevons par les moyens usuels l'inhibition commencée.
Penser, a dit très justement Albrecht Rau, c'est lire les Evangiles des sens, en les rattachant l'un à l'autre. Toute science étant en dernière instance connaissance des sens. Avec notre bandeau hypnogène nous entravons la" constitution de nouveaux Evangiles, nous arrêtons ces excitations du dehors, qui, pénétrant par les organes de la vue et de
l'ouïe, contribuent, plus que toutes autres, à entretenir l'activité cérébrale; l'application en est un puissant moyen de réaliser soit le monoïdéisme par la concentration de l'attention, soit même la table rase et l'anidéisme. C'est ainsi qu'une fois de plus la psychophysiologie vient confirmer le postulat du précurseur que fut Condillac, lorsqu'il énonça son fameux : Nihil est in întellectu quod non prius fïierit in sensu.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance annuelle du mardi 16 juin 1903. — Présidence de M. le D' Jules Voisin
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté. M. le D' Bèrillon, secrétaire, donne lecture de lettres d'excuses de M. le professeur Raymond, retenu a Londres par une conférence à l'Association de l'Entente cordiale médicale ; de M le docteur Magnan, médecin en chef de l'asile clinique ; de M. le professeur Lacassagae de Lyon ; de M. le Dr Triboulet, médecin des hôpitaux ; de M- le D' R. Pamart ; de M. le Df Deswarte. médecin de l'asile de Mareville : de M. le docteur Ritti, médecin de l'asile de Charenton ; de M. le D' Orliztky, de Moscou ; de M. le Dr Van Velsen, de Bruxelles ; de M. le D'Damoglou, du Caire: de M le D' Jaguaribe, de Sao-Paulo : de M. le Dr Stadelmann, de Dresde ; de M. le D' Vicente Hernandez, de Seville ; de M. le D' Lingbeek, de La Haye ; de M. le D' Van Renterghem, d'Amsterdam : de M. le DT Paul Magnin, vice-président de la Société ; de M. Boirac, recteur de l'académie de Dijon ; de M. le D' Lemesle, de Loches : de M. le D' Chautemps, sénateur : de M. Muteau, député ; de M. le D' E. Mon in ; de M. le Dr Godon, directeur de l'Ecole dentaire : de M. le Dr Doyen : de Mme la D" Liptnska, de Luxeuil ; de M. le D' Bernard, de Cannes : de M. Cornejo, ministre plénipotentiaire du Pérou, de M. Scié-Ton-Fa, mandarin : de M. le D' de Torres, de Luchon ; de M. Baguer, directeur de l'Institut Départemental des sourds-muets ; de M. le D' Mercier ; de M. le Dr Ch. Bonnet; de M. le Dr Marie, médecin de l'asile de Villejuif ; de M. le D" Lus, médecin principal de l'armée, etc.
M. le Dr Voisin, président, exprime les sentiments de bienvenue aux membres de l'étranger et de la province.
M. le secrétaire général prononce l'éloge de M. le D' Hamilton Osgood, de Boston, membre fondateur de la Société, récemment décédé.
M. le D'Farez, secrétaire général adjoint, expose la situation morale et financière de la Société qui est en voie de prospérité très accusée.
Les communications sont faites dans l'ordre suivant :
D' Witbï (de Trêves) : Le type homosexuel contemporain ; sa situation juridique et sociale.
MM. Grollet et Lépixay, médecins vétérinaires : L'inversion sexuelle chez les animaux.
Dr Fociseai : L'homosexualité dans les établissements pénitentiaires. Discussion : Dr Bèrillon, Dr Chavigny, Df Jules Voisin.
M. Gcilhebmet, avocat i la Cour : Les délits et les crimes qui dérivent de l'homosexualité.
Dr Bkrillon : 1* L'homosexualité à travers les âges (avec projections) : 2° Traitement psychologique de l'homosexualité basé sur la rééducation sensorielle.
D' Chayicnv, professeur agrégé au Val-deGràce : L'homosexaali,té dans l'armée.
Dr Lacxoxiek. La thérapeutique individuelle de l'inversion sexuelle. Discussion: Dr Bèrillon, prof. Lionel Dauriac.
(La Société décide le maintien à son ordre du jour de la question de l'homosexualité).
Dr Pau. Joibe (de Lille) : L'expression des sentiments au moyen de l'hypnose (avec projections).
M. le secrétaire général fait part à la Société de l'honneur qui vient d'être fait â notre collègue M. le professeur Raymond, qui, président de la Section française de l'entente cordiale médicale, a été nommé docteur ès sciences de l'Université ¦ d'Oxford-
La Société délègue M. Paul Farez pour la représenter au Congrès des aliénistes et neorologistes, à Dijon ; MM. les D" Jules Voisin et Bérillon au Congrès de l'assistance familiale des aliénés, à Vienne ; M. le Dr Bérillon, M. Collin et M. Petit, médecin vétérinaire, au Congrès de l'Association française, à Clermont.
Les candidatures de MM. le Dr Quackenbos, de New-York et A. Petit, médecin vétérinaire à Suresnes, sont adoptées à l'unanimité.
La séance est levée à 7 heures.
Eloge du Dr Hamilton Osgood (de Boston)
par le docteur Béatixos, secrétaire général de la Société d'hypnologie et de psychologie.
Une des pariiculariiés qui dislinguent essentiellement notre Société, c'est le lien de véritable solidarité qui unit tous ses membres. Quand un nouveau collègue nous donne son adhésion, on peut êire assuré que non seulement son àme est animée de l'esprit philosophique le plus élevé, mais aussi qu'elle est dégagée des préjugés de la routine et des mesquines préoccupations, a la Société d'hypnologie et de psychologie, ce n'est pas eu vain que nous nous efforçons de mériter le titre de psychologues. C'est pour cela que nous attachons fort peu d'importance aux titres officiels, et que nous estimons les hommes, non d'après le rang qu'ils occupent dans la hiérarchie universitaire, mais d'après leur réelle valeur personnelle.
Aussi les nouveaux venus ne tardent pas à se sentir pénétrés à l'égard de leurs collègues de ce sentiment de sympathie qui unit iorcément des hommes qui se comprennent, parlent la même langue scientifique, poursuivent le même idéal et vivent sous le régime de l'égalité la plus complète.
Quand l'un de nous se rend en province où à l'étranger, l'accueil qu'il reçoit de nos collègues lui démontre immédiatement combien nos affinités et nos sympathies dépassent en puissance celles que Ton rencontre dans les autres groupements scientifiques.
Hamilton Osgood, de Boston, que nous venons de perdre, était des nôtres depuis le 2 Novembre 1891.
Venu en France pour étudier l'hypnotisme, il s'était rendu à Nancy, chez le regretté maître, le Dr Liébeault; de là, il était venu à Paris suivre l'enseignement de l'Institut psycho-physiologique.
Ce fut avec une spontanéité tout américaine qu'il nous envoya son adhésion. En effet, Hamilton Osgood, homme au cœur vaillant et généreux, ne
connaissait ni le doute, ni l'hésitation. Il était de ceux qui, quand ils ontpris une résolution, la mettent résolument à exécution. Lorsqu'il se donna à nous, ce fut d'une façon définitive. Chaque année, il était un des premiers à envoyer sa cotisation, témoignant par là de l'intérêt qu'il portait à notre œuvre.
Né le 7 juillet 1838, à Chelsea [Massachusets), il commença ses études médicales au Jefferson-Collège de Philadelphie et les termina à Harvard-Université. Ensuite, il vint étudier en Europe pendant plusieurs années. A Berlin, il suivit les leçons de Wirchow et, à Paris, il fut un des
Le Docteur Hamilton Osgood, de Boston.
élèves assidus de Pasteur. Après avoir travaillé pendant un an avec le grand savant, il repartit pour les Etats-Unis où il apporta les premiers lapins inoculés par le virus rabique. Son initiative permit à ses compatriotes de bénéficier immédiatement de la vaccination anti-rabique.
Ce fut également lui qui introduisit aux Etats-Unis la pratique de l'hypnotisme. Il se heurta, comme il fallait s'y attendre, à une opposition systématique ; mais l'esprit réellement scientifique qui inspirait ses tra-
vaux lui permit de gagner promptement l'adhésion de nombreux confrères.
Hamilton Osgood jouissait aux yeux de ses compatriotes de la plus grande autorité. Médecin principal a l'hôpital des Incurables du district de Dorchester, qu'il avait contribué à fonder avec la collaboration de Miss Harmon, il était membre du Massnchusets Medical Society etdu tioston Society for medical improvement.
Indépendamment de nombreux travaux sur divers branches de la science médicale, on lui doit une biographie de Pasteur, et un livre însiructif sur l'Hiver et ses dangers.
Ses opinions sur l'hypnotisme se trouvent clairement exposées dans des travaux intitulés :
1° The therapeutic value of suggestion during t/te hypnotic State (I890J.
2> Out corne of personal experience in the application of hypnotism and hypnotic suggestion (1891).
Eo 1894, il adressa à la Société un mémoire sur le traitement de ? eczéma et de ladermatlte par ta suggestion / dans cet important travail il démontrait l'efficacité qu'une psychothérapie bien dirigée peut avoir pour neutraliser les effets des démangeaisons dans les dermatoses et contribuer à leur guérison.
Hamilton Osgood professait à l'égard de la pratique de l'hypnotisme des doctrinesextrêmement pures. Il l'envisageait comme le facteur le plus puissant de la psychothérapie et témoignait ainsi de sa compétence approfondie dans la question. En 1889, il se joignit à ses collègues de la Société pour l'organisation du deuxième congrès international de l'hypnotisme et contribua à son succès. -
La mort d'Hamilton Osgood sera douloureusement ressentie par nous. Il semble, eu effet, que la disparition des premiers pionniers de notre œuvre laisse un vide qui soit plus difficile à combler ; mais dans la lutte pour les idées, comme dans les combats de la guerre. le courage de ceux qui succombent au premier rang fait rejaillir plus de gloire sur les combattants. Glorifions les savants dont les efforts nous ont constitué les traditions et le passé glorieux qui fait la force de la Société d'hypnologie et de psychologie; et pour les mieux honorer, poursuivons l'œuvre commune sans regrets superflus comme sans défaillance.
Le type homosexuel contemporain ; sa situation juridique et sociale,
par M. le D' Witrï (de Trèves-sur-Moselle).
Tardieu écrit dans son livre Des attentats aux mœurs : ? Aucune misère physique ou morale, aucune plaie, quelque corrompue qu'elle soit, ne doit effrayer celui qui s'est voué à la science de l'homme, et le ministère sacré du médecin, en l'obligeant à tout voir, lui permet aussi de tout dire ».
En suivant cette maxime, je me bornerai aujourd'hui à rester sur le
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terrain purement scientifique de la question de l'inversion sexuelle, et je 'laisserai «le côté, autant que possible, la chronique scandaleuse passée et contemporaine de l'homosexualité.
Comment définir cette anormalité de la vie sexuelle qui est aussi ancienne que l'histoire de l'humanité, puisqu'on la trouve chez tous les peuples, chez toutes les races, dans les deux sexes, à tous les degrés de l'échelle sociale ?
Résumons, en quelques mots, l'opinion du professeur Krafft-Ebîng de Vienne, qui est l'un de ceux qui connaissent le mieux l'homosexualité.
Le fait le plus caractéristique des phénomènes de la vie homosexuelle réside, dit-il, dans la frigidité et même l'horreur qu'inspire un sexe à l'autre. Par contre, il existe un penchant qui va jusqu'à la tendresse amoureuse entre personnages du même sexe. II arrive, le plus habituellement, que le sentiment, la pensée, tout le caractère enfin, se modifient au point de devenir absolument contraires au caractère, aux pensées et aux sentiments qui sont le fait du sexe naturel des homosexuels. Souvent, cette façon anormale de ressentir va si loin que l'homosexuel se sent irrésistiblement poussé à prendre le vêlement et à adopter les occupations des personnes du sexe qui n'est pas le sien. Voilà, à grands traits, le portrait de l'homosexuel. Nous allons, plus loin, en parler en détail.
Combien y a-t-il d'invertis sexuels par rapport à la grande masse hétérosexuelle ? Le pourcentage est très difficile à établir. Les indications varien: entre 1/10 % et 2 1/2 %. Un chiffre exact ne sera jamais déterminé. Toutefois mes observations personnelles me portent à croire que, pour les hommes, on peut en Allemagne accepter 1/4 % comme chiffre approximatif.
Le docteur Moll, qui est une autorité dans la question, écrit : « Je ne puis dire avec certitude s'il y a à Berlin, 3000 ou 10,000 homosexuels, ou plus encore ».
Le jurisconsulte Ulrichs, qui était lui-même homosexuel, et qui nous a laissé des travaux importants sur l'inversion sexuelle évalue le pourcentage de l'homosexualité à un sur 2000 personnes des deux sexes. Mais ici, comme dans bien d'autres cas, les statistiques sont très élastiques et très incertaines.
Examinons, maintenant, où nous trouvons les homosexuels.
Ils sont parsemés dans toutes les classes de la société, parce qu'il y a, partout, de la dégénérescence, laquelle est le terrain favori de l'inversion sexuelle. Il semble tout de même que diverses carrières attirent les homosexuels ou font éclore facilement, à mon avis, une prédisposition homosexuelle latente. On cite comme telles : les acteurs, les écrivains, les décorateurs de tout genre, les cuisiniers, les friseurs, les tailleurs pour dames. Il est, en tout cas, certain, que beaucoup d'homosexuels se sentent attirés vers une occupation qui correspond plus à leur caractère quasi féminin.
Le philosophe Eduard von Hartmann déclare que beaucoup de médiums spîrites sont des invertis sexuels.
Nous n'avons naturellement pas le droit de regarder tous les membres des carrières précitées comme des homosexuels. Il n'y a qu'une carrière que Moll taxe comme très suspecte à ce point de vue ; c'est celle des comiques imitateurs de dames.
L'âge des homosexuels, conscients de leur inversion, varie, d'après les observations faites jusqu'ici, entre 14 et 75 ans. La puberté, avec l'éveil du sens génésique, y joue un grand rôle. — La constitution physique et psychique des homosexuels a été, de tout temps, l'objet d'une observation attentive de la part des médecins, en particulier la formation et le fonctionnement des parties génitales. Or, dans l'immense majorité des cas, on n'a pas observé d'anormalilé des parties génitales. .
Un médecin, inverti sexuel lui-même, qui a raconté sa vie homosexuelle au professeur Knafft-Ebing de Vienne, déclare catégoriquement qu'il a fréquenté au moins 600 homosexuels et qu'il n'a jamais constaté la moindre malformation des organes génitaux.
Quelques observateurs ont trouvé un développement anormal des seins chez les homosexuels. Moi-même, qui dispose d'une série de 86 observations complètes de purs homosexuels, j'ai trouvé, très souvent, desstigmates physiques, toujours des stigmates psychiques de dégénérescence.
Coffignon et tous les autres auteurs nous citent l'amour de la musique et des beaux arts chez les homosexuels des milieux un peu élevés. Dans l'art et la science ils ont fourni à l'humanité des grands hommes comme vous l'apprendra la conférence que nous fera tout-à-l'heure le docteur Bérillon. La littérature leur doit des chefs-d'œuvre.
Chez beaucoup d'invertis l'œil perspicace du médecin peut déjà diagnostiquer le caractère de leur sexualité, d'après leur personnalité extérieure, plus ou moins efféminée. Tardieu, Hammond et Magnan ont fixé ce syndrome de l'homosexualité. Ce syndrome se montre souvent déjà dans l'enfance de l'individu, dans ses jeux, dans ses fréquentations, je ne dis pas chez tous, car il y en a beaucoup qui cachent soigneusement leur inversion ou simulent même une hyperesthésie hétérosexuelle. Taylor, Westphal, Frânkel, Krafft-Ebing. Moll, Hirschfeld, Raffolovich, Lacassagne nous citent des cas nombreux, où des hommes homosexuels aimaient à s'habiller en femmes et à en prendre toutes les habitudes. Ils portent des bracelets, des boucles d'oreille, des bagues nombreuses, des éventails, des bas de femmes, des talons Louis XV, des corsets et des toilettes de la Rue de la Paix, en se décolletant fortement sur des seins en caoutchouc. Ils aiment à se farder et à employer des parfums très forts. La barbe et la moustache sont naturellement rasées soigneusement. Leur intérieur est transformé en boudoir. Chez beaucoup d'homosexuels la voix prend,pendant la puberté,une intonation féminine qui reste. Leur allure est molle, les hanches sont fortement développées.
Il y en a qui passent toute leur vie en toilette de femme et leur sexe n'est reconnu qu'à leur mort.
D'autres ont, par suite de leurs allures et de leur caractère féminin, de. véritables romans d'amour avec des hommes hétérosexuels.
Témoin ce jeune professeur silésien qui vint, il y a quelques années, à-Paris et s'insialla dans une pension de famille. Il y fit la connaissance-d'une jeune Allemande de la dernière élégance, en devint amoureux et se-fiança avec elle. Le couple retourna à Breslau et on prépara lout pour le mariage. Un ami 1res intime le délivra de sa future, en lui prouvant qu'elle était un homme et, par surcroit, un homme homosexuel.
Quelles sont maintenant les relations des invertis sexuels avec leurs-semblables et avec les hétérosexuels ?
Considérons d'abord le moment où l'homme ou la femme homosexuels deviennent conscients de leur homosexualité.
La plupart 'des auteurs ont observé, comme moi, que chez le plus grand nombre, cette constatation est faite d'une âme tranquille et que ce qui les rend maheureux c'est la défense légale d'aimer et de devenir heureux par le moyeu qu'ils désireraient.
Le véritable homosexuel sait qu'il est ? autre que les autres », voilà l'expression presque typique du différencié homosexuel. Beaucoup cachent leur anormalité pendant toute leur vie ; d'autres sont malheureux parce qu'ils ne peuvent fonder une famille, et un certain nombre, mal ou non conseillés, se marient, puis se suicident, voyant que leur mariage est forcément une mystification. Mais le plus grand nombre, surtout dans les villes, se groupent et s'associent. Us fondent des sociétés, ont leurs restaurants attitrés, donnent des dîners et des bals. Le Dr Hirschfeld, de Berlin, a surtout étudié les mœurs des clubs homosexuels des grandes villes. Quant aux homosexuels de la campagne ils mènent, en général, une triste-vie. Ce sont eux surtout qui sont souvent dans l'obligation de se marier, pour des raisons d'héritage ou de succession. C'est dans quelques-uns de ces cas que j'ai pu intervenir avec un certain succès, en usant de l'hypnose et de la suggestion.
On trouve l'inversion sexuelle aussi chez la femme, mais le pourcentage est moindre que chez l'homme. Nous possédons, il est vrai, peu de statistiques relatives aux" femmes homosexuelles.
Les pratiques de l'amour homosexuel consistent, dans 90 pour 100 des cas, en un amour platonique, ou en des attouchements, en baisers et en imitation du coït hétérosexuel. On trouve rarement la pédicatrie chez l'inverti sexuel pur.
La littérature homosexuelle connaît les mêmes accents d'amour que celle des hétérosexuels.
Suivant la nuance active ou passive des sentiments sexuels des invertis, on distingue, chez eux, un type masculiinforme et un type féminiforme.
Voici quelques descriptions du milieu social des homosexuels de Berlin, d'après les recherches de Hirschfeld. Ces documents sont traduits dans le livre de Weindel et Fischer, livre assez bien documenté mais sans grande valeur scientifique
Il existe des bals publics, contre lesquels la police, qui les surveille de près, ne peut rien puisqu'on est en carnaval, temps qui autoriss les-travestissements, et qu'aucun acte tombant sous le coup du paragraphe
175 ne s'y commet. Le prix des entrées dans ces sortes de bals tarie de ¦2 à 10 fr.
Le bal le plus célèbre et le plus élégant de tous.le plus fréquenté aussi est celui qui se donne, le mardi gras, dans une salle luxeuse de la Dresdner-strasse. On y rencontre maints habits noirs, des travestis très riches et surtout quantité d'hommes en costumes féminins. Sans doute des prostitués mâles se mêlent à cette foule élégante, mais ce sont, si l'on peut dire, des * demi-mondains » tout à fait lancés et qui sont amenés là — certains du moins — par leur équipage ou leur automobile. Les robes que revêtent ces jeunes hommes, côtés à haut prix sur le marché de la galanterie, sont des toilettes signées parfois des noms des plus notoires couturiers de la rue de la Paix, de la place Vendôme ou de la place de l'Opéra. Paris .habille « ces demoiselles » à l'occasion de ces fêtes spéciales. Les vraies femmes, dans ce milieu où les costumes femininssontenmajorite.se -découvrent, comme bien on pense, en nombre plutôt restreint On y aperçoit quelquesjolies filles venues pour montrer leurs dents au bénéfice -de spasmodiques éclats de rire ; des théàtreusîs qui espèrent s'amuser ; -des femmes de littérateurs ou d'artistes, enfin, dont les maris ou les amants « se documentent ? tandis qu'elles satisfont de malsaines curiosités. Comme les organisateurs du bal de la Dresdnerstrasse tiennent à ce que cette fête conserve son bon renom d'élégance et deluxe, des prix sont -distribués aux homosexuels qui ont imaginé et fait exécuter les plus somptueux et les plus ingénieux travestis.
Le récit d'un bal privé, peut-être encore plus curieux par ce qu'il se -produisit en dehors de la période carnavalesque et dans un temps où les travestissements sont interdits, nous est fourni par le numéro de la Morgenpost, de Berlin, daté du 17 octobre 1899. Aussi bien, voici la -traduction de la partie essentielle de cet article, publié sous ce titre « Le bal des hommes » :
« ... Un ami nous avait procuré une invitation. Il y avait joint une carte portant ces mots : ? Ne manquez pas de venir. On s'amuse Et on s'amuse sans femmes !...
« Nous arrivons donc, à onze heures, dans la grande salle des Fêtes de l'Hôtel du roi de Portugal, dans la Burgstrasse. La salle est déjà bondée. Il y a là plusieurs centaines d'hommes tous très corrects et tous en habits. Quand nous entrons, ils causent par groupes. Tous, paraît il, sont intimement liés eutre eux. Un nouvel invité arrive. C'est un jeune homme trop joli. On se presse à sa rencontre. On lui serre les mains avec effusion.Quelques vieux messieurs l'embrassent. Lui se laisse faire avec la modestie ¦d'une jeune fille. Un monsieur s'approche dujeune homme. 11 semble appartenir à la classe la plus élevée de la société et chacun lui fait place. Il s'incline devant le jeune homme, lui offre le bras et le conduit à sa -place comme il ferait pour une dame à laquelle on doit des égards parti-euliers.
« L'orchestre attaque une valse. Un vingtaine de couples se mettent à •danser, rien que des hommes entre eux, naturellement puisqu'il n'y a
pas une femme dans la salle. Les hommes qui tiennent le-rôle de la femme sont des jeunes gens de 20 à 25 ans. Il se balancent sur les reins, envoient des œillades de droite et de gauche et s'éventent, la valse achevée, avec de fins mouchoirs de dentelle.
« Une heure plus tard, la salle a changé d'aspect. Les vraies « dames » sont arrivées. En disant « dames », nous voulons désigner de jeunes hommes en toilettes féminines et qu'accompagnent des amis en frac et chapeau à claque. Ces « dames » là se comportent exactement comme leurs « collègues a du sexe féminin. Elles sont décentes dans leur maintien, aimables dans leur parole, coquettes dans leur sourire.
? Pendant ce temps, le « Baby », un tout jeune homme, presque un gamin, reste timidement dans la porte d'entrée et n'ose aller plus avant dans la salle de bal. Malgré l'insistance de son cavalier, un vieux monsieur, très distingué et facile à reconnaître pour un ancien officier, il persiste dans sa timidité. Enfin.à pas menus, les yeux baissés, comme une très jeune fille qui opère son entrée dans le monde, la « belle », toute rougissante, se décide à franchir le seuil Le « Baby » est aussitôt entouré par une foule de galants cavaliers qui lui font la cour la plus gracieuse et la plus pressante.
« Nouvelle apparition. Sûre d'elle, le front haut, une très jolie « femme » traverse le salon avec un port de reine. Elle est moulée dans une toilette noire largement échancrée. Un chapeau Rembrandt, garni de superbes plumes d'autruche, est campé, hardiment, sur les boucles dorées de sa chevelure.
â — C'est « la Baronne » ,me glisse, à l'oreille un de mes voisins.
« Sous ce sobriquet se cache un acteur très répandu dans ces sortes de bals et qui, chaque soir, jusqu'à minuit, ravit les cœurs des spectateurs par sa belle prestance, sur la scène d'un théâtre de second rang.
« D'un chic parfait, voici deux «dames » en toilette de bal, toilettes qui arrivent certainement de chez le bon faiseur parisien. Elle ont une manière de tenir leurs adorateurs à distance qui rappelle absolument la façon dont les vraies grandes dames se comportent au Subskriptlons-
« Le mouvement, dans la salle, s'accentue.
« Une « cocotte parisienne », de la taille d'un cuirassier de la Garde, procède à une entrée sensationnelle, aux applaudissements de toute l'assistance. La * Belle Emilie », qni est accueillie avec cette faveur, se montre, dans la journée, sous les traits du coiffeur Emile F... « Elle » se jette, en riant, dans les bras d un cavalier jeune et bien pris et se met à valser avec lui, à travers la salle, comme une Ménade.
« Vers minuit, le « beau sexe » est en majorité.
? Après un quadrille, on se met à table pour souper. Des toasts piquants sont portés aux « dames », toasts auxquels succèdent des chansons plus piquantes encore. Le souper fini, on enlève les tables et le bal reprend, plus animé qu'auparavant.
(I des bals les plus mondains du Carnaval berlinois et auquel la Cour est toujours représentée.
« Il est deux heures du matin et de nouveaux invités arrivent toujours.
ß Tout à coup, un grand brouhaha se produit du côté de la porte. Tous les assistants se précipitent vers ce point.
« Une fille d'Eve — une vraie cette fois ! — vient d'entrer. Elle est bientôt suivie par d'autres véritables demi-mondaines. Nous assistons maintenant à une lutte au moins curieuse entre dames et... « dames», toutes désireuses de conquérir le sexe fort en faisant assaut de « charme féminin ».
« Nous sommes contraints d'avouer que, dans ce tournoi de beauté et de grâce, la victoire demeura incontestablement aux « hommes femmes ». - « Nous assistâmes, en outre, à des assauts d'esprit tout à fait pittoresques et imprévus entre les deux camps.
« L'aurore était largement levée quand se termina ce bal, qui se renou-velera en janvier ou en février prochain. »
En dehors des bals, les clubs d'homosexuels donnent, pendant la saison, des Herren-Abende, ou «Soirées pour messieurs ». lesquelles ont lieu, soit dans des théâtres, soit dans des salons d'hôtels, loués spécialement à cet effet. Ces soirées, qui sont d'ordre artistique, sont généralement données sur invitations. Parfois elles «ont payantes. Dans ce cas, le prix des places est fort élevé — jusqu'à 5'» fr. le fauteuil — et les femmes, en aucun cas, n'y sont admises. Le prétexîe donné est celui-ci : que les pièces qu'on joue, que les morceaux qu'on chante ou qu'on récite, ne sont point faits pour des yeux ou pour des oreilles de femmes. La vérité, c'est que ces représentations, d'ordre humoristique sont oomposéesdans le but de complaire aux homosexuels, bien que certains invités ou certains payants — dans l'un ou dans l'autre cas — soient des normaux. On y donne des parodies de chefs-d'œuvre : le Faust, de Gœthe ; le Songe d'une nuit d'été, de Shakespeare ; les Précieuses ridicules, de Molière ; Phèdre, de Raciue, Iran «posés, sur le mode gai, dans le ton homosexuel. Les acteurs, au reste, qui reçoivent de très gros cachets pour ce genre de séances, ne sont point des homosexuels, comme cela se produit dans les représentations privées de clubs d'anormaux, mais bien des artistes de véritables théâtres et môme des artistes de très grand renom: les Mounet-Sully, les Le B-trgy, les Guitry ou les Tarride de Berlin. Dans une des dernières soirées de ce genre, qui eut pour théâtre la salle des Fêtes d'un grand hôtel berlinois et où l'on avait parodié Magda, de Sudermann, le rideau se leva, pour clôturer la représentation, sur les ébats d'un quadrille fantaisiste Les quatre danseuses, en jupes de gaze, tutus et maillots de soie rose.élaient figurées par quatre trèsjolis garçons. L'orchestre attaqua les premières mesures du quadrille. Ces « demoiselles » se mirent en mouvement, avec calme. On s'étonnait, de tant de discrétion. Brusquement, ensemble, face au public, elles levèrent la jambe, et, dans la mousse légère de la gaze, on aperçut, en carton pâte et gigantesque, l'image du dieu auquel s'adressaient les femmes stériles d'Egypte, mais si naturaliste quelle eût figuré avec plus de vraisemblance dans une vitrine du musée Dupuytren que sur l'autel du temple d'Osiris.
Ce besoin de charger la nature ou de transposer la vie normale pousse parfois les homosexuels à de singuliers excès parodiques et qui peuvent, dans certains cas. leur devenir néfastes.
En décembre 1900. un grand restaurateur du quartier Moabit, à Berlin, voyait arriver chez lui deux messieurs qui lui retenaient ses salons pour une noce qui devait y réunir mariés et invités une semaine plus tard. Deux jours avant la date fixée pour cette fête, des tapissiers, puis des fleuristes, envahissaient l'un des salons qu'ils transformaient en chapelle. Au jour dit, alors que le restaurateur s'apprêtait à recevoir les invités, le commissaire de police du quartier se présenta. II révéla au patron que la noce en question était celle d'un ancien uhlan, Daniel Lin-denberg, et. . d'un jeune richissime Américain, M. Adalbert Russel Withney qui, dans ce singulier ménage, devait tenir le rôle de la femme. Le commissaire désirait qu'on laissât faire.
Les équipages arrivent donc, amenant, avec un faux pasteur. — le Dr Saal, — le fiancé, en grand uniforme de général prussien, la ¦ fiancée, Adalbert Russel Withney. en robe de soie blanche, et les couples d'invités. Les femmes y étaient seulement représentées par des hommes vêtus de très élégantes toilettes féminines. La parodie religieuse du mariage n'eut pas lieu, car on passa d'abord dans la salle à manger où était dressée une table de quarante-cinq couverts. La chère était exquise, le champagne coulait à flots, les convives montraient un rare entrain. Après le dîner, bal Cette partie des réjouisssances fut plus troublée que le repas, car la police intervint qui ? boucla » tout le monde : marié, mariée témoins et invités.
La fête, si bien commencée, s'achevait moins joyeusement que les représentations des Herren-Abenâe ou que les bals de la Dresdners-trasse. Et il en coûta cher aux homosexuels, cette fois d'avoir parodié les normaux.
Une très belle étude d'inverti sexuel, fut recueille par Zola et publiée par le Docteur Lanpts chez Masson à Paris, dans son livre : Perversion sexuelle. Là se trouve aussi une étude pathographique admirable du célèbre écrivain homosexuel anglais : Oscar Wilde. On peut recommander le livre du Docteur Lanpts comme un des plus sérieux sur la question de l'inversion sexuelle.
Que dire de l'étiologie de l'homosexualité ?
Les philosophes, les psychologies et les médecins ont tâché d'éclaircir cette question étrange. Une explication des plus inattendues est celle du grand philosophe Schopenhauer. 11 déclare sérieusement que la nature a voulu par ce moyen, éviter que les vieux messieurs (ceux au dessus de la cinquantaine), puissent procréer des enfants, parce que ces enfants ne valent généralement pas grand chose.
Binet etCondillac prétendent l'expliquer par la loi de l'associalion des idées qui dirige l'instinct sexuel au moment de la différenciation, par une irritation vive, brusque et irrésistible vers le même sexe. Chevalier
réplique, par contre, que cette hypothèse n'explique pas les symptômes homosexuels avant la puberté.
Magnan préconise la théorie du cerveau féminin dans le corps d'un mâle et inversement. Mantegazza invoque des anomalies anatomiques — qu'on n'a. d'ailleurs, pas encore trouvées.
Krafft-Ebing tlaide pour une anomalie sexuelle héréditaire.
Chevalier cite la bisexualité originaire chez les animaux et la bisexualité du fœ'us humain pendant les premiers temps de la vieintra-utérine, pour conclure à des troubles de l'évolution sexuelle. Aucune de ces théories n'a des bases sérieuses et ne dispose de preuves concluantes pour expliquer cette énigme de l'homosexualité.
L'anthropologie et la psychologie nous aident pour la diagnostic mais pas encore pour l'étiologie de l'homosexualité.
Personnellement, j'ai acquis la conviction que l'inversion sexuelle pure est congénitale, innée et basée sur une dégénérescence, sans que tout homosexuel doive nécessairement présenter des stigmates visibles de dégénérescence. Je ne crois pas à une homosexualité acquise ; celle-là, c'est une pseudo-homosexualité, une homosexualité apparente, occasio-oelle, souvent de la perversité, mais jamais de l'inversion sexuelle pure.
Comment la loi contemporaine traite t-elle les homosexuels et l'amour des homosexuels t
L'Angleterre entre tous les pays punit de la façon la plus draconienne les relations sexuelles entre hommes et femmes homosexuels. Le procès •dOscar Wilde nous en fournit un exemple récent.
L'Allemagne a le fameux paragraphe 175 : « L'impudicité contre la tnature, commise entre personnes du sexe masculin ou entre personnes et animaux, est punie de prison et peut entraîner la déchéance des droits civils ï».
Des paragraphes semblables existent en Autriche, en Hongrie, dans ¦l'état de New-York, eu Norwège,en Suède,en Russie, en Bulgarie et dans la plupart des cantons de la Suisse.
Il n'y a pas de paragraphe visant l'homosexualité dans les codes des pays suivants : France. Belgique, Hollande, Portugal, Turquie, Espagne, Italie, cantons suisses de Vaud, Tessin, Glaris et Genève, Luxembourg, Monaco et Mexique.
Les pays septentrionaux ont greffé leur paragraphe relatif à l'homosexualité sur la législation du moyen-âge, laquelle l'avait reçu du Code de Juslinien. Le droit canonique et les conciles ont soutenu fortement la poursuite de l'inversion sexuelle. Mais aujourd'hui nous voyons ce phénomène curieux : l'église catholique et l'église protestante se rangent, quant à l'homosexualité, du côté des médecius ; elles déclarent que l'inversion sexuelle est une anomalie de la nature « une maladie » et que les paragraphes contre les invertis sexuels sont injustifiés. D'autre part, des législations modernes poursuivent l'homosexualité, quoique la plupart des sommités médicales de ces pays, les psychiatres et les jurisconsultes en demandent l'abolition.
En effet les conséquences de ces paragraphes sont funestes et n'atteignent pas du tout leur but.
La liberté de l'individu est ainsi lésée, parce que l'état punit aussi les actes sexuels des invertis qui ne font pas outrage à la morale publique.
Bien que certains étals aient des policiers spéciaux pour l'homosexualité, il n'y a que très peu de cas qui soient punis. En outre il est inconséquent que la loi contre l'inversion ne vise pas les femmes homosexuelles.
En stigmatisant les homosexuels comme des infâmes, l'état en pousse un grand nombre au suicide. Moll, Hirschfeld. Raffalovich. Tardieu, Lacassagne, Laupts et nombre d'autres autorités nous fournissent des documents contre ce paragraphe. En même temps, cette loi est un danger pour les homosexuels en les exposant au chantage qui en est une des conséquences les plus funestes.
Personnellement, j'ai acquis la conviction que les lois qui punissent l'outrage public à la pudeur, l'incitation des mineurs à la débauche, ainsi que l'abus de pouvoir envers un subordonné quelconque, peuvent remplacer avantageusement les lois spéciales contre l'inversion sexuelle.
Les auteurs compétents savent que les homosexuels purs ne sont que très rarement des paidophiles ; que par conséquent les mineurs n'ont pas grand chose à craindre d'eux.
D'autre part, il n'y a que 2 à 3 % des homosexuels qui pratiquent la pédicatrie.
Zola a écrit au docteur Laupts les paroles suivantes : « J'ai rencontré des invertis dans le monde et j'éprouve à leur serrer la main une répulsion instinctive, que j'ai quelque peine à dominer. »
Voilà 1'opinion d'un homme droit, fier et combatif. Comme lui pensent la majorité des hétérosexuels. Et je dois dire que dans les dernières années cette répulsion est devenue, du moins pour l'Allemage, assez compréhensible.
Le marché littéraire allemand a élé envahi, en effet, en ces dernières années, par de tels flots de littérature homosexuelle qu'à leur lecture on eut pu croire que l'amour normal, l'amour hétérosexuel était l'état anormal.
Mais si vous songez que les médecins conseillent à beaucoup d'Anglo-Saxons riches de prendre volontairement les chemins de l'exil, vous comprendrez la fatalité tragique qu'une nature homosexuelle apporte avec elle dés le premier jour de sa création, puisque son anormalité est congénitale et innée.
Pour toutes les raisons citées plus haut, je suis personnellement d'avis que les lois draconiennes contre les invertis sexuels, peuvent et doivent disparaître des codes modernes. Je n'ose cependant pas espérer que cette abolition soit prochaine.
PÉDAGOGIE DES ENFANTS ANORMAUX
L'onychophagie est-elle un signe de dégénérescence ?
Un rédacteur de la Province médicale qui s'érige assez fréquemment en censeur de ses confrères, sans que sa notoriété, sa compétence ou même simplement sa valeur d'écrivain justifient de telles prétentions, critiquait récemment le mot à'onychophagie, créé, il y a quelques années, pour désigner les rongeurs d'ongles ei aussi l'opinion qui en fait un signe de dégénérescence.
Il considère qu'il y a là une exagération manifeste. Pour lui, le fait de se dévorer les ongles, depuis le matin jusqu'au soir, devrait être considéré comme un signe de supériorité intellectuelle II a sans doute pour cela une raison péremptoire, c'est qu'il se ronge, lui-même, le bout des doigts, ou qu'il a entendre quelques onychophages. Le Dr Galippe, membre de l'Académie de médecine, auquel on doit une étude des plus remarquables sur \Hérédité des stigmates de dégénérescence dans les familles souveraines, a provoqué naguère quelques froissements quand il a démontré que le prognatisme de la mâchoire inférieure constituait un signe indéniable de dégénérescence : un certain nombre de prognates inférieurs se sont indignés à la pensée qu'ils pouvaient être considérés comme des dégénérés.
De plus, le D' Galippe n'avait-il pas commis un véritable crime de lèse-majesté en publiant dans son livre une suite de 278 portraits qui témoignent de la constance du prognatisme inférieur dans la descendance des Habsbourg.
La moindre observation psychologique ne peut laisser de doute, non seulement sur la dégénérescence de ces prognates impériaux ou royaux, mais aussi sur la débilité habituelle de leur esprit. On se demande même comment uu dogme a pu si longtemps conserver la transmission des pouvoirs souverains à des dégénérés aussi incapables d'exercer une autorité quelconque.
Malgré l'ironie un peu lourde de notre confrère de la Province médicale, nous persistons à affirmer que l'onychophagie est non seulement un stigmate des plus caractéristiques de la dégénérescence, mais qu'elle constitue une habitude particulièrement anti-hygiénique.
Il aura quelque peine a démontrer que le lait de mordiller constamment le bout de doigts imprégnés de microbes coprolaliques. peut être une chose recommaudable. Le mot onychophagie est évidemment synonyme de coprophagie.
Quand les ordres des parents, les réprimandes des maîtres sont impuissants à guérir un enfant, un adolescent, de cette vilaine habitude ; quand il cède à son impulsion irrésistible jusqu'à un âge assez avancé ; quand un être n'arrive pas â se rendre compte des inconvénients qui en résultent et qui se traduisent : pour les mains par une diminution de la dexté-
rite, pour l'estomac et l'intestin par des intoxications fréquentes, on peut affirmer qu'on se trouve en présence d'un aboulique confirmé.
J'estime que des parents sont bien inspirés quand ils viennent demander au médecin compétent d'employer les méthodes les plus capables de guérir leur enfant de cette disgracieuse habitude. L'emploi de fa suggestion hypnotique, est d'ailleurs le seul procédé qui se montre d'une efficacité durable, quand les autres moyens pédagogiques ont échoué.
Que notre confrère de la Province médicale le veuille ou non, il faut qu'il se résigne à l'intervention de plus en plus fréquente des médecins dans le traitement de ces mauvaises habitudes, indices d'une impulsivité degenerative, quand l'intervention familiale se sera montrée impuissante. D'ailleurs, si l'onychophagie n'était pas un signe de dégénérescence, elle n'en serait que plus déplorable, car elle témoignerait d'une éducation indiscutablement inférieure et défectueuse.
Comme nous jugeons fort important d'avertir les intéressés sur les inconvénients à la fois physiques et moraux d'une habitude aussi dégoûtante que l'onychophagie, nous reviendrons fréquemment sur cette question. II ne nous sera pas difficile d'étayer notre opinion que l'onychophagie est un stigmate de dégénérescence par la publication d'observations des plus probantes. Aussi, dans ce but, j'adresse un appel aux collaborateurs et aux lecteurs de la Revue de l'hypnotisme, afin qu'ils nous communiquent le résultatde leursobservations. Le rédacteur, j'allais dire l'onychophage anonyme, de la Province médicale, ne tardera pas à être convaincu.
Dr bérillon.
CHRONIQUE ETJIORRESPONDflNCE
Programme de la section de pédagogie au congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences
Clermont-Ferrand 3 août 1908
Le congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences se tiendra à Clermont-Ferrand du 3 août au 10 août 1908.
Les travaux de la section (pédagogie et enseignement) auront lieu au lycée, sous la présidence de M. le D' Bérillon, médecin inspecteur des asiles d'aliénés, professeur à l'Ecole de psychologie, lis seront répartis de la façon suivante :
Luxdi3 Aoct. Le matin : séance d'ouverture du Congrès.
Dans l'après-midi, réunion de la section pour la constitution du bureau et l'organisation du programme définitif (visiteaux établissements d'enseignement, aux labjratoires. etc...) ?
Le soir, réception offerte par la municipalité et le comité local. Mardi 4 ???t : Le malin à 9 heures, question à l'ordre du jour : La collaboration de la famille et de l'école dans l'éducation ; Rapporteurs : Mlle Berthet, professeur a l'Ecole normale de jeunes filles de Nevers, Mlle Gèhin, directrice de l'Ecole normale de Bar-le-Duc.
Dans l'après-midi, communications diverses et visites scientifiques.
Mercredi 5 Aoct : Le matin à 9 heures, question à l'ordre du jour : Les enfants et les adolescents impulsifs et vicieucc ; mesures de préservation sociale et procédés médico-pédagogiques qui leur sont applicables ; Rapporteurs : docteur Bérillon, médecin inspecteur des asiles d'aliénés de la Seine et M. Julien Ray, maître de conférences à l'Université de Lyon.
Jecdi 6 Aoct : Excursion générale ; le soir fête àRoyat.
Vendredi 7 Août : Le matin à 9 heures, question à l'ordredujour : L'enseignement scolaire des devoirs de protection et d'assistance à l'égard des animaux ; Rapporteurs : M. André Petit, médecin-vétérinaire à Sures-nés et M. Grollet, médecin-vétérinaire à Paris.
Dans l'après-midi à 2 heures : Les manifestations anatomiques, physiologiques et psychologiques de la dégénérescence humaine. Conférence par M. le Dr Bérillon (avec projection).
Samedi 8 Aoct : Le matin à 9 heures, communications diverses. A 4 heures, Assemblée générale de clôture.
Dimanche 9, Lundi 10, Mardi 11 Aoct : communications diverses et excursion finale.
Communications déjà inscrites:
M. le Dr Paul Gallois : les réformes de l'enseignement secondaire et les associations de parents d'élèves.
Mlle Lucie Bérillon, professeur au lycée Molière : l'éducation attrayante.
M. Desnoyers : L'écriture ; 1* Son influence sur les déformations scolaires ; 2* Son rôle dans le développement de l'attention (avec projections).
Mlle Geiiin. directrice de l'école normale de Bar-le-Duc : 1- Les fêtes scolaires ; 2* De l'attention à l'école primaire et dans l'éducation en général.
M. Quinqce, directeur de l'Etablissement médico-pédagogique de Créteil: l'éducation de la parole chez les entendants atteints de mutisme.
M. Michaus : 1- Ersdè tous Suis ou chants des montagnes ; %• Essai de grammaire auvergnate ; 3' Ers dou Païsan ou chants du paysan.
M. Julien Ray, maître de conférences à la faculté des sciences de Lyon : L'éducation intellectuelle et morale do soldat.
Dr Bérillon : Le traitement psychologique des petites manies de l'enfant — Nécessité d'une Mucation spéciale pour les enfants dont la croissance est exagérée.
M. Uebyd Ouiaah, de Constantinople : L'enseignement laïque en Orient. M. Bosteacx : L'enseignement de l'histoire locale par les fouilles archéologiques.
D* Nicolas, de la Boorboole : Le spokil, langue internationale. D- Beacvisagk. de Lyon : Les classes de perfectionnement pour enfants anormaux dans les écoles publiques de Lyon.
Avis important. — Les membres de l'enseignement sont invités à collaborer aux travaux de la section. Il n'est pas nécessaire d'être membre de l'Association pour prendre part aux discussions et faire des communications au congrès.
La session du Congrès de l'Association française de Lyon présente une occasion essentiellement favorable aux membres des divers ordres d'enseignement. Elle leur permet ainsi qu'aux professeurs des école spéciales, professionnelles ou techniques, de se réunir et de délibérer en commun sur les questions qui intè-
sent tous ceux auxquels incombe la délicate mission de former les génèraiions futures.
Le banquet de clôture aura pour but de resserrer les liens de sympathie qui doivent unir tous les membres de l'enseignement.
Adresser les demandes de renseignements à M. le Dp Bèrillon. président, 4, rue Castellane, Paris.
Mythomanes et pathomimes
Qu'il s'agisse d'enfants ou d'adultes, de sujets hystériques ou non hystériques, il est des gens chez lesquels le mensonge prcn.i les proportions d'un acte pathologique. C'est un élat morbide que M. Dupré a parfaitement étudié au double point de vue psychologique et médico-légal et qu'il a dénommé mythomanie. Quel que soit le motif qui le pousse a meniir, et même sans motif avéré, le mythomane ment au delà de tout ce qu'on peut imaginer.
Mais il est des malades qui vont encore plus loin que les mythomanes : tel est lo cas d'un sujet dont M. le Pr. Dieulafoy a rapporté l'histoire a l'Académie de médecine. L'homme en question qui était intelligent, cultivé, sans tare nerveuse, eut la singulière idée de simuler une maladie qu'il n'avait pas, en se fabriquant aux deux bras et au pied des escarres à la potasse. Pendant deux ans et demie, il trompe médecins et chirurgiens : on lui parle de troubles trophiques,il laisse dire ; on lui parle de lésions dues à des névrites, il laisse dire ; on lui propose une première opération avec elongation des nerfs, il laisse faire ; on lui conseille l'amputation du bras gauche, il le laisse amputer ; son bras gauche une fois enlevé, il s'attaque à son bras droit, puis à son pied gauche, avec la même ténacité et avec la même suite dans son système de simulation. Avec beaucoup d'habileté on a fini par obtenir de lui des aveux complets.
Quelle place doit occuper la maladie de cet homme dans le cadre uosologique. et quelle dénomination lui donner ? Pour forger le mot nouveau. M. Dieulafoy s'est adressé â l'académicien Paul Bourget. lequel propose le termedepai/wwi/wiie,
M. le Pr. Dieulafoy distingue deux catégories de pathomimes : il y a ceux qui simulent une maladie avec une intention frauduleuse, parce qu'ils y trouvent un intérêt, un profit ; et ceux qui ne simulent une maladie que pour leurseule satisfaction, on dirait presque pour leur plaisir.
Mais le cas le plus typique est celui, rapporté ci-dessus, de cet homme qui se laissa couper le bras sans dévoiler son secret, alors qu'il n'avait qu'un mot à dire pour arrêter le couteau du chirurgien.
* Les pathomimes de cette catégorie, constate M. Dieulafoy, ne retirent de leurs actes aucun profit, aucun bénéfice ; mais ils éprouvent une joie intimeà se rendre intéressants et à se faire plaindre, ils ont une grande satisfaction à mystifier leur prochain, ils n'ont pas de confidents, ils gardent leur secret pour eux, avec un soin jaloux, comme un avare garde son trésor, et, une fois engrenés dans cette voie néfaste, ils s'y complaisent, ils n'en peuvent plus sortir, ils n'ont pas de volonté, ils n'ont pas leur libre arbitre ».
Depuis la guérison de son idée fixe, le simulateur s'est montré transformé. Il a repris goût à la vie et ne parait pas disposé à recommencer.
Avulsions dentaires pendant l'état d'hypnotisme
Le Popular Science Siffings de Londres mentionne le fait suivant:
Etant dans l'état d'hypnose une jeune femme de vingt-quatre ans s'est soumise
à l'avulsion de quatorze racines. L'opération fut faite avec lenieuret ne demanda pas moins de quelques minutes. Immédiatement après son réveil, la patiente dit simplement : « Quand le dentiste va-t-il commencer 1 Ne va-t-il pas m'enlever quelques dents aujourd'hui ». Les quatorze racines avaient été extraites sans douleur et sans manifestation d'un malaise quelconque, sans qu'elle en eut conscience. Il n'y eut pour ainsi dire pas d'hèmorrhagie. En signalant ce fait, M. Jay s'étonne que l'hypnotisme ne soit pas d'un emploi plus fréquent.
Nous avons déjà publié dans la Revue de l'Hypnotisme des faits d'avulsions dentaires sans douleurs dans l'état d'hypnose. C'est une des applications de l'hypnotisme qui pourrait être le plas utilement reproduite.
Combien de temps un enfant doit-il dormir ?
Ce n'est pas là une question oiseuse, car, d'après une enquête faite par une Commission suédoise dans les écoles de Stockholm, les élèves qui n'ont pas la moyenne nécessaire de sommeil, ont un quart de maladies en plus que les autres.
Cette moyenne de sommeil nécessaire est pour les enfants de 4 ans, de douze heures.
Pour les enfants de 7 ans, de onze heures.
Pour les enfants de 9 ans. de dix heures.
Pour les enfants de 12 à 14 ans, de neuf à dix heures.
Pour les jeunes gens de 14 a 21 ans. de huit à neuf heures.
Impression maternelle sur un veau
M. le D'Laloy a relevé dans les comptes rendus de la société d'anthropologie de Berlin une communication des plus inattendues.
M. Kempinski y a présenté un fragment de peau de veau qui porte en noir sur fond blanc la silhouette d'un juif polonais avec son nez crochu, sa barbe en pointe et son bonnet de fourrure.Comme la vache qui a donné naissance à ce veau vivait en Galicie, il est porté à croire que cette tache curieuse est bien due à une « envie » de la vache influencée par la vue des nombreux Israélites de la région 1
Voilà une peau de veau qui serait bien extraordiaire. Enfin, on connaît tant de cas d'« envie » dans l'espèce humaine que l'on peut tout de même admettre qu'elle n'est pas la seule à être impressionnable et impressionnée à ce point. Il faudra bien surveiller les jeunes veaux. En relatant cette communication M. Henri Parville conclut : « L'histoire est invraisemblable, ce qui, comme on sait, ne signifie pas qu'elle ne soit pas vraie »
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
La Pellagre, par leDrA. Marie, avec une préface de M. le Professeur Lombroso-1908 Paris-V. Giard et E. Brière, Editeurs-1 vol. in-18 relié. Prix... 4 fr. (Encyclopédie Internationale d'Assistance, Prévoyance et Hygiène Sociale (Hygiène. 1" série, Poisons sociaux).
L'expérience favorable d'un poison social en voie d'extinction comme la Pellagre présente un intérêt capital.
La caractéristique de notre époque se marque dans la foi en elle-même d'une humanité plus consciente de ses devoirs.
On entrevoit désermais les possibilités de s'affranchir des facteurs
dégénératifs collectifs par des mesures prophylactiques scientifiques et positives.
Les discussions relatives à l'interveutionisme d'Etat ou aux initiatives libres des individus ne sauraient empêcher révolution imminente.
La lutte rédemptrice contre les facteurs d'abâtardissement s'appuie sur la dénonciation de leurs actions néfastes bien démontrées. L'alcool, le plomb, l'opium et bien d'autres poisons sociaux restent à vaincre ; l'exemple de la Pellagre et l'histoire de ses méfaits comme des triomphes de la science peuvent puissamment aider dans la croisade moderne contre ces fléaux. C'est pourquoi l'auteur a cru pouvoir reprendre l'histoire des ravages dus au mais altéré et des efforts couronnés de succès à l'aide desquels ce fléau a été combattu. L'œuvre sociale de l.ombroso est liée à cette croisade rédemptrice et le corps médical italien y a consacré un siècle de luttes.
Il était intéressant d'en retracer l'épopée sociale pour le plus grand profit des pays non encore affranchis de ce danger ou de dangers analogues qui sont légion.
Ouvrages reçus à la Revue
Dr Bérillox : Le traitement psychologique de l'alcoolisme. ln-12, 32 p.
— Vigot. Paris 190«, 1 fr.
D' Bérillox : Le concours de l'agrégation en médecine: nécessité de ?on remplacement par l'institution des privat-docent. — In-8°, 24 pages.
— Maloine. Paris 19U8, 1 fr.
DF Grasset : L'occultisme hier et aujourd'hui. Le merveilleux préscientifique. Avec une préface de M. Faguet. — In 8", 470 pages. — Coulet, Montpellier 1908.
Ed. Malher : Etudes sur le calendrier égyptien. — ln-S°, 131 pages {An-
nales du musée Guimet). — Leroux, Paris i9J7. Sylvain Lévi : Le Népal, étude historique d'un royaume hiudou. — 224
pages in-8e. — Leroux, Paris 1908 D' Croise : Treatment by hypnotism and suggestion. — In-12, 16 pages.
— Tindall, Londres 1907.
Dr Stadelmaxx : Psychopathologie und Kunst. — ln-12, 71 pages. —
Piper, Munich 1908 Dr A. Marie : La Pellagre, avac une préface du professeur Lombroso. —
ln-12, 250 pages — Giard. Paris 1908, 4 fr. Frooment : Les méthodes de la raison. — ln-12, 106 pages. — Vigot, .paris 190S, 2 fr.
Dr Deschamps : Les maladies de l'énergie, préface du professeur Raymond.
— In-8% 50) pages. — Alcan, Paris 19JS. 8 fr
Carl du Prel : La magie, science naturelle : La physique magique. —
??-8•, 355 pages. — Vaillant, Liège 1903. Carl du Prel : La psychologie magique. — In-S*, 440 pages. — Vaillant,
Liège lyU8.
Df Escomel : Aréquipa, et sa physionomie médicale. — ln-12, 80 pages.— Maloine. Paris.
Dr Qcackesbos ; Hypnotic therapeutics in theory and practice. — 332 p. in-8°. — Hasper, Xew-York, 1908.
L'auriBSraiar : j. bérillox. i séram = obtain ???????. |t~??..
Priva*, Imp. c. Laurent, avenue du Vancl.
23e Année. — ?• 2.
BULLETIN
Août 1908.
La décoration de M. le professeur Lionel Dauriac
Le Conseil de l'Ordre national de la Légion d'honneor a, parmi ses prérogatives, celle de pouvoir corriger de regrettables oublis. Une fois encore, il vient de réparer une injustice en décernant la croix à M. le professeur Lionel Dauriac, que l'on aurait pu croire et qui aurait dû être décoré depuis de nombreuses années, bien avant qu'eût sonné pour lui l'heure de la retraite universitaire. Dans la circonstance, c'est le Conseil de l'ordre qu'il convient de féliciter, bien plus que le nouveau légionnaire.
Ancien élève très brillant de l'Ecole normale supérieure, agrégé de Philosophie et docteur es-Lettres, M. Dauriac a illustré la Faculté des lettres de Montpellier où il professa la philosophie pendant la presque totalité de sa carrière. L'éclat de son enseignement, l'autorité de sa personne, la reconnaissance de ses élèves le rendirent célèbre, même à Paris, et lui valurent d'être, pendant de nombreuses années, membre du jury de l'agrégation de philosophie.
M. Dauriac ne fut pas seulement un eminent professeur de Faculté ; il occupe une place d'honneur dans l'évolution de la philosophie en France au XIXe siècle. Depuis vingt-cinq ou trente ans, notre philosophie universitaire manifeste une étonnante vitalité ; elle le doit aux vaillants lutteurs qui lui ont conquis l'indépendance et la liberté. Parmi ceux qui ont, le plus courageusement, battu en brèche la dictature philosophique des continuateurs de Victor Cousin, il faut citer M. Dauriac qui fut le lieutenant fidèle et dévoué de Charles Renouvier dont on a pu dire, sans exagération, qu'il était le premier des penseurs français vivants, le premier par l'importance de l'œuvre accomplie, comme par l'influence exercée. Le Renouviérisme, outre qu'il affranchissait la philosophie française de la tyrannie éclectique, constituait une doctrine solidement charpentée, étonnamment féconde dans ses applications et qui tien ira autant de place, dans l'histoire, que celle d'Aristote ou celle de Descartes. Or, dans ses livres et dans ses articles, M. Dauriac a grandement contribué à répandre, à préciser, à clarifier et à taire accepter le néocriticisme français. Chose curieuse et qu'il nous est très agréable de rappeler, les Essais de critique générale donnaient, déjà en 1859, une explication scientifique des phénomènes hypnotiques, en montrant qu'ils ne sont ni étranges, ni surnaturels et que, même, ils rentrent très naturellement dans les lois générales de la psychologie (1).
Vers la fin de sa carrière, M. le professeur Lionel Dauriac est venu à nous, poussé par la logique de ses études. Etudiant la psychologie musicale, il demanda au Docteur Bèrillon de rechercher avec lui les variations affectives ou émotionnelles que produisent sur les sujets hypnotisés les variations du timbre, de la mesure, du mouvement et du rythme. 11 réalisa ainsi de curieuses expériences
(1) Paul Farez, Hetue de VBypnotisme, janvier 1901, p. 193-200.
de psychologie musicale objective, inaugurant par là une nouvelle méthode de recherches, riche en promesses scientifiques et pratiques. Depuis, il nous est resté très fidèlement attaché ; il devint un des membres les plus assidus de la Société d'hypoologie qui, pour lui prouver sa reconnaissance et son affection, le nomma vice-Président à vie.
Après avoir tout particulièrement approfondi l'esthétique musicale et éclairé par l'expérimentation hypnotique quelques uns de ses points les plus obscurs, M. Dauriac voulut l'exposer au public lettré et il inaugura un enseignement qui n'avait pas encore été donné en France. La chaire de psychologie musicale n'existait pas officiellement ; il fit comme si elle existait. Ayant quelque chose à dire, il le dit ; tout de suite il eut un auditoire nombreux et compétent ; son cours libre à la Sorbonne eut un succès et un retentissement considérables.
Lorsque, sous l'impulsion du D' Bérillon. surgit l'Ecole de psychologie, M. le professeur Lionel Dauriac se rangea avec empressement à nos cotés et fit sa partie dans ce concert de bonnes volontés ; sa collaboration nous fut un appoint précieux et réconfortant.
Toute la vie de M. Dauriac fut un incessant labeur. Quand la limite d'âge l'eut atteint, il se retira de l'enseignement universitaire, mais non de la vie active, si bien qu'à ses titres anciens s'en ajoutèrent bientôt de nouveaux. Ainsi sa décoration honore non seulement l'ancien collaborateur de la Critique philosophique, non seulement le professeur de Montpellier et de la Sorbonne, mais aussi Je rédacteur de la Revue de VHypnotisme, le vice-président de la Société d'hypnologie et le professeur de l'Ecole de psychologie. C'est pourquoi nous avons accueilli avec une très grande joie la consécration officielle des mérites éminents de celui qui, maître respecté, a voulu se donner à nous comme un ami dévoué ; et nous saisissons avec empressement cette occasion qui nous est offerte de lui renouveler, avec nos cordiales et chaleureuses félicitations, l'assurance de notre vive reconnaissance et de notre profond attachement.
La rédaction.
L'inversion sexuelle chez les animaux
par MM. Grollet et Lépinay, médecins-vétérinaires, professeurs à l'Ecole de psychologie, chefs du laboratoire
de psychologie animale.
Si nous venons vous entretenir de l'inversion sexuelle chez les animaux, ce n'est pas que nous ayons résolu la question, c'est parce qu'elle a appelé notre attention. En effet dans le procès Harden, l'accusé dit : « J'ai bien désigné le prince de Bulow comme homosexuel. Je n'ai cependant pas voulu l'offenser. J'ai simplement constaté un fait. Je ne pouvais lui en faire un grief, puisque je suis moi-même homosexuel. J'ajoute que cet instinct est infiniment répandu chez les hommes et chez les animaux.
Nous allons examiner ce que nous avons observé à ce sujet chez les animaux.
Animaux mâles. — Nous voyons des animaux mâles, vivant ensemble, et auprès desquels ne se trouvent pas de femelles, parce que partout, sauf dans les industries de reproduction, on sépare les mâles des femelles, nous voyons, disons-nous, ces animaux mâles jouer, s'exciter, se Irotter, arriver
quelquefois à l'orgasme vénérien, mais n'effectuant ainsi qu'un accouplement partiel ; l'accouplement complet n'a pas été signalé à notre connaissance. Il est néanmoins vraisemblable que si cet accouplement reste incomplet, cela est dû bien plus à la difficulté physique, surtout chez les .grands animaux, qu'à une répugnance des individus qui paraissent assurément le rechercher.
L^s singes, eux, se masturbant réciproquement et font le geste du pédéraste. Ce fait s'observe couramment dans nos jardins zoologiques ; mais .ici ces animaux ne sont pas dans les conditions normales ; ils sont excités par l'ennui, par la vue du public et encore faut-il tenir compte que beaucoup sont tuberculeux ; or chez l'homme la tuberculose semble être an facteur d'excitations génitales.
Chez les femelles on rencontre de même des inversions sexuelles, notamment chez les chiennes et chez les vaches taurellières.
Il y a des chiens et des singes qui s'excitent sur des femmes. Ainsi un jour un beau chien épagneul fut abandonné à l'un de nous. Sa propriétaire nous dit qu'il était doux, affectueux, mais qu'elle ne pouvait plus le garder, changeant d'appartement, et elle partit en pleurant. Le lendemain, alors que nous n'avions pas encore eu le temps d'observer ce chien, une personne voyant ce bel animal l'adopte, l'emmène et entre dans un grand magasin le tenant en laisse. Tout d'un coup excité le chien, en érection, se précipite entre ses jambes, relève ses jupes, se jette sur elle et il ne lui est possible de s'en débarrasser qu'avec l'aide des personnes présentes. Elle croit que le chien est enragé, elle nous le ramène et nous le gardons en observation. Nous avons constaté qu'il s'excitait chaque fois qu'il voyait une femme. Peut-être sa maîtresse précédente l'avait-elle dressé à ce genre d'exercice ?
Le mot instinct, dans le sens où il est employé par Harden, ne paraît pas pouvoir Être retenu. Qu'est-ce en effet que l'instinct ? C'est la faculté d'exécuter des actes utiles, complexes, sans apprentissage ou encore la force intérieure et involontaire qui nous porte à des actes, à des sentiments auxquels notre raison reste étrangère.
Or il est impossible de comparer ces pratiques anormales à un instinct véritable. Pourrait-on même penser un seul instant qu'il y ait, en la circonstance, un développement immodéré d'un instinct de solidarité, d'amitié pouvant s'établir chez des êtres groupés isolés du monde, n'ayant presque point de satisfactions ? Dans certains livres écrits sur l'homosexualité on semble invoquer chez les êtres qui se livrent à ces passions spéciales une exagération d'une vieille amitié qui s'est développée au plus haut point et pour laquelle il ne pouvait plus y avoir de bornes. Après les échanges affectueux on a abordé les caresses, puis tout naturellement les satisfactions sexuelles réciproques. Mais ce n'est pas de l'instinct, cela paraît être une passion aussi anormale que tant d'autres passions humaines, quand elles sont poussées à l'extrême. Peut-on, cependant, en tenant compte du perfectionnement successif des animaux dont l'homme évidemment n'est que le plus haut degré et en se rappelant qu'au bas de l'échelle
certains êtres possèdent simultanément les deux sexes, admettre que las-sexes successivement transformés, même chez l'homme, aient pu se transmettre des dispositions instinctives à adopter, le cas échéant, indifféremment n'importe quel sexe pour les satisfactions génitales ? Il faudrait, pour répondre à cette question bien délicate et bien embarrassante, étudier d'abord la psychologie particulière des animaux hermaphrodites et successivement continuer celle des différents échelons de l'échelle zoologique.
Ne trouverait-on pas plutôt dans l'embryologie, non pas une justification, mais peut-être une explication des tendances homosexuelles. Nous n'avons point la prétention de faire ici une étude complète de l'embryologie, mais simplement rappeler quelques-unes de ses particularités et notamment que le canal de Wolff ou peut-être plus exactement les ampoules qui constituent le corps de Wolff, après avoir formé le rein primitif, donnent naissance dans la cavité abdominale à i'éminence génitale et vont par le canal de Wolff s'ouvrir dans le cloaque (sinus uro-génital). Plus tard, dans l'embryon, les organes urinaires se distinguent progressivement des organes génitaux, ceux-ci continuant cependant à s'en servir comme voie d'excrétion ; mais il n'en est pas moins vrai que le corps de Wolff,, complété par le canal de Muller va former les organes génitaux et c'est ainsi que l'on voit apparaître successivement le cordon génital, l'épithé-lium germinatif et la glande génitale. Jusqu'à ce moment les glandes-génitales sont indifférentes et l'embryon est hermaphrodite. De quel côté-va-t il évoluer ? Il va devenir mâle par la formation de tubes séminiféres, d'un testicule et par l'atrophie d'organes primitifs, tels que l'épithélium germinatif et le canal de Muller ou au contraire va-t-il devenir femelle-par la transformation de la glande génitale en ovaire et le développement de l'épithélium germinatif dont les cellules épithéliales sont, en somme,, le début de la vésicule de Graff ; te canal de Muller ne va plus s'atrophier mais former la trompe de Fallope et l'utérus ; cette fois c'est le corps de Wolff qui s'atrophie et disparaît ; les voies génitales et organes génitaux externes suivent le même processus.
Mais nous venons de voir. l'homologie des organes génitaux chez le mâle et chez la femelle et leur dérivation dans les deux sexes des mêmes organes embryonnaires, ce qui nous permet d'établir entre les organes mâles et les organes femelles un parallèle très exact basé sur l'origine embryonnaire et alors il est possible de penser que ces transformations particulièrement délicates peuvent, chez certains individus, ne pas suivre d'une façon parfaite l'évolution normale et que quelques êtres tout en ayant en apparence les caractères bien nets d un sexe soient cependant plus ou moins hermaphrodites, possèdent quelques rudiments du sexe opposé, ce qui expliquerait des passions anormales et en tout cas ce qui-expliquerait, qu'ils n'aient pas, comme la généralité des êtres de leur sexe, la répugnance pour le sexe semblable. Il semble, en effet, que si les personnes normales du même sexe, ne cherchent pas ensemble les satisfactions génitales, c'est par une répulsion toute naturelle.
L'homosexualité paraît se manifester chez des sujets vivants dans des
conditions spéciales : adolescents tenus internés dans les pensionnats, militaires, marins au cours de longs voyages, et encore et peut-être surtout sujets, hommes ou femmes, vivant dans un milieu particulier et d'une façon excitant le système nerveux et incitant à rechercher des sensations nouvelles, gens dont la principale préoccupation est de rechercher les sensations génitales, ce qui se voit notamment chez les peuples orientaux ainsi que chez les femmes de certaines catégories sociales.
L'inversion sexuelle animale, à laquelle nous avons fait allusion, parait se manifester chez des animaux vivant, eux aussi, dans des conditions spéciales.
Nous livrons ces observations à l'examen de nos collègues; nous pensons toutefois que les homosexuels ont été mal venus en déclarant que cet instinct est répandu chez les animaux. Jusqu'à preuve du contraire nous sommes obligés de penser que c'est une aberration ou une augmentation anormale de certains sentiments, hormis donc que l'on veuille retenir ce que nous avons cru devoir dire du transformisme et de l'embryologie.
Les délits et les crimes qui dérivent de l'homosexualité
par M. Georges Guilhermet, avocat à la Cour d'Appel de Paris.
L'homosexualité, pour employer un barbarisme à la mode, n'est pas en soi une infraction aux lois actuelles et celles-ci ne sauraient l'atteindre que si elle est accompagnée de circonstances particulières. Aussi l'acte -d'homosexualité commis publiquement ou dans des conditions assimilées par la jurisprudence à la publicité, constitue l'outrage public à la pudeur. Commis ou tenté sans violence sur la personne d'un enfant âgé de moins de treizeans il devient attentat, à la pudeur, de même que s'il a été commis ou tenté avec violence sur un individu d'un âge indéterminé.
Les actes d'homosexualité ont-ils été commis par un majeur sur des mineurs avec cette circonstance qu'il y a eu fréquence et répétition, en un mot habitude de ces actes ? C'est le délit d'excitation habituelle de mineurs à la débauche qui sera relevé contre le pédéraste majeur.
Dans tous ces cas. l'homosexuel s'expose à l'emprisonnement, à la refusion, même aux travaux forcés.
Le législateur a-l-il eu tort de ne pas édicter une pénalité particulière contre la pédérastie pure si j'ose dire ? Evidemment non ! Hors les cas de flagrant délit qui sont rares, la preuve des actes immoraux entre individus du même sexe serait particulièrement délicate et il vaut évidemment mieux que quelques malheureux, plus à plaindre qu'à blâmer, conservent leur virginité judiciaire, plutôt que d'exposer à un chantage ou à une injuste condamnation d'honnêtes gens dont les mœurs sont normales.
D'ailleurs, tout vice porte en soi sa punition et j'ai laissé aux médecins le soin de décrire les ravages physiques et mentaux causés par l'homosexualité. La plume d'un Baudelaire pourrait seule évoquer l'enfer des
invertis et toute la poésie d'Oscar Wild célébrant « les lèvres de pourpre-faites pour la musique des chants et la folie des baisers » dissimule mal l'horreur d'un vice tyrannique et épuisant.
Que l'inverti assez habile pour ne pas marcher dans son voyage à Lesbos-ou à Sodome sur les articles du Code pénal, ne chante pas victoire 1. Il est des délits et des crimes dérivant directement de son vice et dont l'inverti peut être l'auteur ou la victime.
C'est le délit d'extorsion de fonds communément appelé chantage et auquel s'expose l'homosexuel de qualité, si un partenaire sans scrupule parvient à connaître son nom.
Faut-il indiquer quelle proie facile l'homosexuel offre au voleur ? Les-soustractions frauduleuses appelées en argot « entôlage » sont plus fréquentes qu'entre individus de sexes différents et ne sont jamais suivies de plainte, le volé préférant perdre son argent plutôt que de faire l'aveu de ses mœurs spéciales.
L'inverti s'expose encore à commettre ou à éprouver les violences, à causer ou à recevoir les blessures dont le sadique complique ses plaisirs et c'est alors l'article 311 du Code pénal qui reçoit son application.
Le vagabondage spécial même, ou métier de souteneur, comprend des hommes favorisant la prostitution d'autres hommes et en tirant profit. Le meurtre même est plus fréquent, paraît-il, parmi les invertis que parmi les souteneurs de femmes. Enfin de l'homosexualité dérivent des délits et des crimes passionnels.
Quel nom donner à ces étranges passions, écloses entre individus de-même sexe ? Et pourquoi ne pas avouer que la jalousie, cette fille malheureuse de l'amour, naît aussi de ces abominables caresses î Jalousie tyran-nique et morbide, plus intense peut-être parce qu'elle est plus exceptionnelle, jalousie sans émission ! Sans doute la « fille aux yeux d'or » a-telle obtenu d'un amant trompé, mais ému par le repentir, les larmes et la beauté, un pardon qu'une maîtresse jalouse et implacable ne-veut pas accorder.
S'il fallait indiquer les délits et les crimes qui dérivent indirectement de-l'homosexualité, c'est le Code pénal entier qu'il faudrait citer : la nature contrariée se venge toujours et l'oblitération du sens moral, qui est lacon-séquence d'un vice pareil, conduit fatalement à toutes les erreurs !
C'est l'orgueil seul qui perdit Satan, mais, même au fond de son-abîme, il éprouvait encore l'émotion des amours normales.
Satan, dit Milton, dans son Paradis Perdu, éprouva le plaisir de contempler le bocage fleuri, douce retraite d'Eve, matineuse et solitaire. Son air céleste est d'un ange, mais plus doux encore ; femme, elle joint la grâce à l'innocence ; ses gestes, ses moindres actions surmontent tout à coup la malice de Satan et, par un innocent larcin, dépouillent sa violence-de l'intention cruelle qui l'animait.
Discussion
Dr Bèrillon. — C'est une loi biologique que toute dégénérescence se.
complique de parasitisme. Le chantage est le danger le plus fréquent dont sont menacés les homosexuels. Il est rare qu'ils puissent y échapper. Ou pourrait citer des cas dans lesquels des homosexuels, occupant de hautes situations, ont laissé entre les mains des maîtres chanteurs des sommés considérables. L'un deux, sans pouvoir les assouvir a, en vingt ans, dépensé toute sa fortune s'élevant à plus de deux millions. Si des invertis nous consultent et nous demandent de les guérir, c'est, le plus souvent, pour éviter des vengeances ?? des dénonciations et surtout pour mettre un terme a des tentatives de chantage qui se reproduisent après chaque nouvelle faiblesse. Les homosexuels sont d'autant plus faciles à faire chanter qu'ils sont ordinairement des abouliques et des timides.
L'homosexualité dans l'armée
par M. le Dr Chavigny médecin-Major de 2« classe, professeur agrégé au Val-de-Gràce.
Un certain nombre de faits récemment mis en lumière, indiquent d'une façon évidente que 1 homosexualité peut se rencontrer dans les armées des différents pays. Dans les régiments de l'armée française métropolitaine, les cas en sont cependant assez rares pour qu'on n'ait presque jamais à intervenir au point de vue disciplinaire à ce sujet. D'ailleurs une sanction disciplinaire ne serait donnée que dans les cas où des actes d'homosexualité se seraient produits entre individus de grades différents en raison de la suspicion de pression.
Entre hommes, sous-officiers ou officiers du même grade. les seules sanctions applicables sont en effet, les sanctions pénales pour attentat public à la pudeur ou violence.
Les cas poursuivis en justice militaire, sont assez rares, pour que le Conseil de guerre de Paris, par exemple, n'ait pas eu depuis de nombreuses années à statuer sur des cas d'homosexualité.
Si l'on a connaissance de rapports sexuels de ce genre, on se rend vite compte que les sujets qui s'y adonnent ont importé dans le milieu militaire des habitudes contractées antérieurement.
Dans les régiments de recrutements indigènes des colonies, l'homosexualité est chose tellement courante qu'on ne peut plus guère y prêter attention. Les habitudes sont à ce point de vue ce qu'elles sont dans le milieu indigène civil, et l'autorité militaire n'intervient que dans les cas où une action judiciaire l'impose, j'ai vu par exemple autrefois une exécution à mort motivée par un meurtre ayant pour origine une jalousie intermasculine.
Dans les corps disciplinaires, les actes d'homosexualité s'observent couramment, ainsi que le relatait tout récemment un travail de M. le médecin aide-major Jude.
Ils s'expliquent là, à la fois par les conditions de milieu et par le mode
de recrutement de ces corps où se trouvent réunis, pour la majeure partie, des militaires ayant une tare mentale.
Même chose absolument en ce qui concerne les établissements pénitentiaires qui dépendent de l'administrateur militaire. Le système cellulaire serait évidemment le meilleur moyen d'éviter la propagation de l'homosexualité, mais il n'est, vu l'état actuel des choses, ni applicable, ni appliqué. En ce qui concerne la prophylaxie et la thérapeutique de l'homosexualité, je ne crois guère au pouvoir de l'éducation chez les individus aussi avancés en âge et dont la formule mentale est déjà établie. Une chose surtout me parait importante : les homosexuels vrais sont en général des dégénérés. Les dégénérés sont aussi mauvais soldats en temps de paix qu'ils le seraient en temps de guerre et l'armée, collectivité à but déterminé, a intérêt à se débarrasser de ses non-valeurs. Au point de vue militaire, l'homosexualité rentre dans la question bien plus générale de l'aliénation dans l'armée ; il y a encore beaucoup à faire pour que notre collectivité militaire sache assurer d'une façon assez précoce l'élimination des aliénés. Cette notion a besoin de pénétrer non seulement dans le corps médical de l'armée que ses études ont suffisamment éclairé, mais aussi dans le milieu militaire lui-même, puisque c'est celui-ci qui par ses commissions de réforme doit prononcer l'élimination des non-adaptables par tares mentales.
Discussion
D' Paul Joire. — L'hypnotisme étant le traitement de choix de l'inversion sexuelle, il est très regrettable qu'un règlement draconien interdise précisément l'emploi de l'hypnotisme dans l'armée.
Dr Jules Voisin — L'habitude veut que bon nombre déjeunes gens anormaux, dont on ne peut rien faire dans la vie civile, soient poussés a s'engager dès qu'ils ont dix-huit ans. Cela donne des résultats déplorables ; une vraie réforme s'impose : c'est de ne plus admettre l'engagement des anormaux. On devrait, au préalable, les soigner dans des colonies spéciales, ét ne les accepter dans l'armée que quand ils ont donné la preuve de leur aptitude à se soumettre à la discipline et à supporter les fatigues de l'entraînement.
Dr Fouineau. — Les établissements pénitentiaires où le régime cellulaire n'est pas réalisé d'une façon rigoureuse, deviennent nécessairement des écoles d'immoralité.
Le vice de l'homosexualité y est très répandu et s'y développe par contagion morale.
Une surveillance rigoureuse devrait y être instituée et il faudrait surtout arriver à ce que les individus faibles et atteints de débilité mentale ne soient pas les victimes de sujets pervertis. S'il est un fait regrettable c'est celui où l'homosexualité s'accomplit à l'aide de violences, comme le cas a été déjà signalé. Les mesures les plus rigoureuses devraient être prises dans les établissements pénitentiaires, pour mettre les débiles mentaux à l'abri de pareilles tentatives.
La thérapeutique individuelle de l'inversion sexuelle
par M. le Docteur Laumonier
En venant vous parler de la thérapeutique individuelle de l'homo-
-sexualité, j'obéis, non point à la prétention de vous en apprendre quelque
-chose, mais au désir plus naturel de provoquer vos réflexions et vos critiques, car, à cet égard, mon expérience est fort médiocre, puisque je n'ai
-suivi et traité que deux cas, dont l'un a été publié, il y a deux ans, dans le Bulletin général de Thérapeutique. L'inversion sexuelle me semble comporter généralement un traitement
double, somatique et psychique. En effet, les homosexuels sont des dégénérés, supérieurs ou non, c'est-à-dire des individus qui présentent des
insuffisances fonctionnelles, rarement limitées au système nerveux central. Beaucoup sont en conséquence des arthritiques plus ou moins notoires et quelques-uns présentent les modalités cliniques, à caractère défensif, de
cette diathèse, l'obésité, le diabète, l'état migraineux. Beaucoup souffrent également de troubles gastro-intestinaux. Certains cliniciens ont pensé — et j'ai été de ceux-là — que ces troubles interviennent par la toxémie
qu'on supposait en résulter, pour maintenir et parfois favoriser l'abaissement de la tension psychologique. Mais les recherches de Falloise et mes observations personnelles me font croire aujourd'hui que l'intoxication
digestive ne joue par elle-même aucun rôle, puisque le revêtement epithelial arrête les poisons nés dans le tube digestif. Mais cela n'empêche pas que les troubles gastro intestinaux soient l'origine de nombreuses irritations reflexes qui contribuent à déséquilibrer le système nerveux. Tous ces troubles doivent être soignés suivant, leur nature et leur ori-
gine ; je n'ai donc pas à y insister ici. Mais je crois qu'il est indispensable de faire pratiquer, le plus souvent possible, l'analyse de l'urine donnant les rapports d'échange. C'est un moyen d'information et de contrôle, suffisamment précis pour que nous en fassions état, à la condition que le régime alimentaire soit connu. D'ailleurs l'analyse urinaire permet de dépister et de suivre la déminéralisation phosphatique et alcalino-terreuse
-qui est si fréquente chez les uranistes et qui traduit objectivement les insuffisances somatiques et psychiques. Contre cette déminéralisation, le régime devrait être d un bon secours. Malheureusement, comme les homosexuels sont souvent des arthritiques, il est difficile de leur prescrire les aliments qui semblent leur convenir le mieux. On est alors obligé de •recourir aux minéralisateurs artificiels, glycéro-phosphates acides, acide phosphorique de Joulie, phytine, etc. Ce traitement est toujours fructueux. Si, à lui seul, il n'amène pas d'améliorations, cependant il conditionne la réussite de la psychotérapïe, car le neurone ne peut récupérer -son fonctionnement normal que s'il trouve, en abondance, dans le milieu intérieur, tous les éléments d'une bonne nutrition. Chez certains uranistes asthéniques, dont la tension vasculaire est
abaissée, les injections de sérum peuvent être très utiles, car elles relèvent
la pression et ont des effets d y namogé niques incontestables. On doit donner la préférence aux sérums à minéralisation complexe, tels que ceux de Chéron ou de Huchard : Quoi qu'on en ait dit, l'eau de mer isotonique n'a. pas une action meilleure, mais elle agit quelquefois par suggestion. Avec précautions, on utilisera la strychnine dans les cas d'inertie totale, la morphine quand il y a des crises douloureuses, le bromure s'il y a de l'hyperesthésie génitale accusée, et alors il faut en même temps obtenir l'hypochloruralion alimentaire.
La diététique et l'hygiène sont à peu près celles de tous les états psy-chasthéniques. En ce qui concerne le régime, on tiendra naturellement compte des troubles gastro-intestinaux et hépatiques, s'ils existent, des tendances à l'obésité ou à la maigreur, de la nature des échanges uri-naires. D'une manière générale, il faut éviter la suralimentation, même chez les maigres et les bacillaires, l'abus de la viande, qui produit une excitation trop intense, et l'alcool sous toutes ses formes. Ce qui semble convenir le mieux à la majorité des uranistes, c'est un régime mixte, avec viande ou poisson une seule lois par jour, légumes verts, pâtes alimentaires, pommes de terre, riz, fruits et laitages. Comme boissons,de l'eau faiblement alcaline ou des tisanes aromatiques chaudes.
En ce qui concerne l'hygiène générale, on insistera particulièrement sur l'hydrothérapie (douches tièdes à 25e c, avec frictions) et les exercices physiques dont on réglera la nature, la durée et la complication croissante. Il ne faut pas craindre tant à l'égard de l'hygiène qu'à l'égard du régime, d'entrer dans les détails les plus minutieux ; car ils peuvent prendre une grande importance aux yeux du malade, occuper son attention et contribuer à le détourner, au moins momentanément, de ses préoccupations sexuelles.
Une vie régulière, sans fatigue mais suffisamment remplie, le changement de milieu, les disiractions. les voyages, parfois même l'isolement, seraient nécessaires, mais le malade ne peut que rarement les réaliser. La. cure d'altitude et surtout les bains de lumière et de soleil sont aussi fort utiles, en ramenant vers la normale l'équilibre fonctionne] détruit. Mais c'est surtout l'hygiène génitale qui doit naturellement préoccuper le médecin. Comme elle est, en partie, sous la dépendance du traitement psychique, j'en parlerai à propos de ce dernier.
Bien souvent, en entrant dans votre cabinet, l'homosexuel déclare qu'il est inguérissable et rebelle à tout traitement. Il ne se croit pas ou, du moins, ne se dit pas malade. C'est seulement, comme me le déclarait un. de mes invertis, « une affaire de tempéramment ». Le premier devoir du médecin est, en conséquence, de lui prouver le contraire, c'est-à-dire qu'il est un malade guérissable et sensible à toute thérapeutique convenablement approprié. C'est de ce premier contact que dépend souvent le succès de la cure. Si l'emprise du médecin est suffisamment énergique, le malade sera, sinon guéri, du moins très amélioré. Mais il ne s'agit pas de parler* morale ; la morale n'a rien à voir dans ce cas, et y faire même allusion, serait indisposer et probablement éloigner le client.
Donc, l'inverti vous a raconté son histoire. Vous avez constaté l'idée obsédante, l'impulsion sexuelle, l'abaissement de la tension psychologique, et, par les explications fournies d'une manière claire et précise, vous avez préparé votre intervention psychothérapique. En quoi va consister ce traitement capital au point de vue curatif ?
Ici, Messieurs, deux écoles sont en présence, mais toutes deux utilisent un moyen commun qui fournit à l'une et à l'autre des résultats incontestables : c'est la suggestion et le sommeil hypnotique. Tandis que la méthode de la rééducation pure, s'efforce de développer l'attention et la volonté en imposant à l'inverti des efforts progressifs, physiques d'abord et psychiques ensuite, et n'utilise la suggestion hypnotique que comme un moyen accessoire de faciliter la tâche du médecin et de relever momentanément et dans une certaine mesure, la tension psychologique, l'autre école place au contraire au premier rang la suggestion hypnotique et l'utilise précisément pour rééduquer l'attention et la volonté de l'uraniste. Laquelle de ces méthodes est la meilleure ? Je n'ai pas à prendre part dans ce débat, mais je constate que l'amélioration est d'autant plus marquée que l'hypnose est plus vile obtenue.
C'est à ce moment, quand la suggestion est réalisable, que les prescriptions de l'hygiène génitale demandent à être formulées. La première concerne l'onanisme, car l'onanisme, avec la représentation mentale de l'homme, fixe et consolide l'inversion. Par conséquent, il faut s'efforcer, à l'aide de la suggestion, d'en obtenir la diminution puis la suppression. Mais cela est difficile. Il est souvent moins malaisé de restreindre et de supprimer les actes homosexuels, qui sont plus compliqués et demandent plus de précautions. Sur ces manœuvres, le médecin est tenu d'exercer un contrôle rigoureux au besoin en se servant du sommeil hypnotique. Sans insister davantage, on comprend les bénéfices de cette surveillance dont le malade doit se rendre compte.
En second lieu, il taut amener l'uraniste à supporter d'abord, à rechercher ensuite la société des femmes. Je m'explique. En dehors de cas exceptionnels, l'uraniste vit comme tout le monde, est obligé, par sa situation, ses occupations, et la crainte même d'être découvert, de fréquenter les femmes; quelques uns d'ailleurs sont mariés. Pour qu'il puisse agréablement supporter leur présence, il est nécessaire que l'uraniste ne se croie pas obligé d'aborder avec elles ces questions sentimentales hétérosexuelles dont il a horreur par définition. Comme d'autre part l'inverti est parfois un esprit distingue et cultivé, imaginatif et émotif, c'est dans le cercle des femmes intelligentes, même un peu pas-bleu qu'il trouvera le mieux à parler sans arrières-pensées de ces questions d'art et de littérature qui l'intéressent particulièrement. A la longue, il peut retirer de ces fréquentations de très réels avantages. Un uraniste qui, même sans évoquer encore l'idée d'un rapport sexuel normal, en arrive à aimer la société de certaines femmes est en bonne voie d'amélioration.
Ces rapports sexuels normaux, le médecin n'a pas à les provoquer. Chez l'homosexuel, il y a souvent impuissance hétérosexuelle et d'ailleurs
le coït, s'il réussit à le pratiquer, le fatigue énormément. Il faut donc attendre que le malade en arrive, de lui-même, à y penser et à le désirer, et encore, dans ce cas, est-il souvent bon d'en retarder l'exécution, car un échec alors aurait un effet désastreux Au surplus, le désir du coït normal et l'excitation préalable qu'il suppose représentent la guérison de l'uranis-me, c'est à-dire qu'il est assez rarement obtenu. Car nous devons l'avouer, l'uranisme s'améliore, ses crises perdent leur acuité et leur caractère dangereux, elles peuvent s'espacer considérablement et même disparaître, sans que l'appétit hétérosexuel reparaisse avec ses qualités ordinaires, et tant qu'il n'a pas reparu, il est bien imprudent de parler de guérison.
Enfin, pour terminer, une dernière question ? Faut-il permettre le mariage aux uranistes améliorés ? Certains peuvent en tirer avantage et, en leur refusant cette autorisation, on risque de compromettre le succès de la cure. Mais, d'autre part, le mariage comporte des charges et des devoirs bien lourds pour ces dégénérés, et une rechute a été souvent le résultat des émotions et des préoccupations qu'il fait naître. De plus, si la guérison n'est pas absolument certaine — et est-on jamais sûr qu'elle le soit ? — le médecin ne prend-il pas une grande responsabilité en autorisant une union destinée à être malheureuse ? Pour toutes ces raisons, je crois que nous devons être extrêmement prudents.
Telles sont, Messieurs, les quelques indications que je puis vous fournir sur le traitement de l'homosexualité, traitement fort long, qui demande des mois, parfois des années, et qui n'est point toujours suivi d'un succès éclatant et définitif. Mais cela ne saurait nous décourager, puisque les améliorations évidentes déjà obtenues sont un acheminement vers ces méthodes plus sûres dont vos réunions préparent la mise en jeu.
Discussion
Dr Bérillox. — L'hypnotisme est la condition inéluctable de la guérison de l'homosexualité, ainsi que des diverses perversions sexuelles. La guérison est d'autant plus facile à réaliser que l'état hypnotique a été obtenu plus promptement et plus profondément. L'hypnotisme est donc la pierre de touche de la curabilité. Les suggestions faites dans l'état d'hypnose doivent exercer une influence profonde et être formulées sur le mode impératif. Il ne faut pas oublier que les sujets portés à l'homosexualité sont le plus souvent des indécis, des abouliques et des timides. Le traitement de l'inversion sexuelle doit donc comporter concurremment le traitement de la timidité.
Le traitement psychologique de l'homosexualité basé sur la rééducation sensorielle
par M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles d'aliénés
Une analyse attentive, portant sur un grand nombre d'hommes, m'a démontré que ceux qui accordent à l'instinct sexel une satisfaction nor-
male sont doués d'un sens olfactif en bon état de fonctionnement. C'est un point essentiel sur lequel il est nécessaire d'insister.
On sait le rôle prépondérant joué par le sens olfactif dans la production du désir sexuel chez tous les mâles des espèces supérieures. C'est l'odeur pénétrante exhalée par les parties génitales des femelles, à la période du rut, qui est le principal stimulant de leur excitation génési-que.
L'homme normal n'échappe pas à cette loi générale; l'influence des perceptions olfactives domine sa vie sexuelle.
Par contre, dans l'espèce humaine, aussi bien que dans un grand nombre d'espèces animales, le choix des femelles est surtout déterminé par des impressions visuelles. Aussi, je ne crains pas de résumer, dans la formule suivante, les dispositions psycho-physiologiques qui, au point de vue sexuel, différentient les deux sexes :
Dans l'évocation des images capables de stimuler son appétit sexuel, l'homme est olfactif et gustatif ; la femme, au contraire, dans sa détermination sexuelle, est visuelle et tactile.
Or, tandis que chez l'homme dont la conduite est normale au point de vue des tendances sexuelles, l'excitation génitale a son point de départ dans des perceptions olfactives ou dans des rémémorations de perceptions olfactives, rien de pareil n'existe chez les sujets qui manifestent des dispositions marquées à l'inversion sexuelle. Ils sont privés d'odorat ou ne perçoivent les odeurs que d'une façon très atténuée.
Chez un certain nombre, l'anosmie peut s'expliquer par l'existence de rhinites atrophiques ou hypertrophiques. 11 en est chez lesquels l'atténuation de l'odorat semble de nature essentielle, sans cause apparente : on est autorisé à la considérer comme une manifestation de la dégénérescence héréditaire.
L'inversion sexuelle aurait donc une raison écologique évidente dans une altération de la fonction olfactive.
Si la première condition pour être un bon hétéro-sexuel et pour subir l'attrait du sexe opposé est d'avoir un bon odorat, l'état contraire prédispose certainement à l'homosexualité.
En même temps que j'ai constaté cette diminution de la puissance olfactive chez les homosexuels, j'ai acquis la certitude que ces mêmes sujets présentaient une prédominance des aptitudes visuelles et tactiles. Par ces caractères, ils se rapprochent de la femme qui. comme je l'ai énoncé plus haut, est déterminée dans la sélection sexuelle par la perception visuelle (1).
Lorsque je me trouve en présence d'une femme portée à l'inversion sexuelle Je puis affirmer avec certitude qu'elle est dominée par ses impressions olfactives. Toute femme homosexuelle a cessé d'appartenir au type visuel ; devenue olfactive, elle se comporte, dans le domaine des aspi-
(l)Les limites de cette communication consacrée à un exposé des notions générales ne me permettent pas d'entrer dans l'exposé des faits qui ont servi à étayer mes conclusions. J'y reviendrai dans plusieurs communications ultérieures.
rations sexuelles, comme l'homme normal dont l'excitation sexuelle est mise enjeu par des perceptions olfactives. Par contre, les homosexuels du sexe masculin appartenant au type visuel, réagissent, comme les femmes, sous l'influence d'images qui impressionnent favorablement leurs centres visuels. En résumé : pour un homme, la déviation de l'instinct gé-nésique a son point de départ dans une atténuation des perceptions olfactives et gûstalives ; chez la femme, les anomalies de l'attrait sexuel trouvent leur cause primitive dans une amplification des mêmes perceptions sensorielles. L'inversion sexuelle, ou l'homosexualité, ne serait donc, à tout prendre, dans l'un ou l'autre sexe, qu'une inversion sensorielle. De cette notion dérive,dans le traitement de l'homosexualité, l'indication formelle de placer la rééducation du sens olfactif à la base de toute intervention thérapeutique. Ici, la théorie s'est trouvée pleinement confirmée par la pratique. Les homosexuels chez lesquels j'ai procédé à la rééducation de l'olfactif, par l'emploi de la suggestion dans l'état d'hypnolisme, en l'aidant de l'intervention des divers agents physiques, ont tous bénéficié d'une modification très favorable dans l'orientation de leurs dispositions sexuelles.
Etude de l'expression des sentiments au moyen de l'hypnose
par M- le Docteur Paul Joire (de Lille) professeur correspondant de l'Ecole de psycnologie.
Le but de tout art est d'éveiller des idées capables de produire une émotion. Les arts diffèrent entre eux par les sens auxquels ils s'adressent, par les sensations qu'ils mettent en jeu pour arriver à ce but. La peinture et la sculpture donnent les sensations de couleurs, de formes gracieuses, de proportions harmonieuses dans les différentes parties. En même temps, dans une peinture, la couleur a une action directe, par laquelle elle produit une impression psychique spéciale, de sorte que la couleur dominante dans un tableau a autant d'importance que la tonalité dans un morceau de musique. Il est prouvé maintenant que le rouge n'éveille pas les mêmes idées et ne provoque pas les mêmes sentiments que le bleu, le jaune, que le violet, etc.
La musique est encore beaucoup plus complexe, ainsi que nous le verrons plus tard, mais on peut ramasser et grouper ses différents modes d'action sous deux chefs principaux : le son et le mouvement.
Tout cela doit avoir pour effet de faire naître, dans l'âme humaine, des impressions voulues et prévues à l'avance. Mais, dire que la musique ne consiste qu'à réunir des sons présentant des intervalles musicaux et à produire des successions de sons agréables à l'oreille, dans un espace de temps déterminé, cela correspondrait à dire que la peinture consiste à étendre, suivant certaines règles, de la couleur sur une surface, et la sculpture à donner une forme à la pierre.
Alors le peintre en bâtiment qui recouvre une muraille d'une couche de peinture, le tailleur de pierres qui prépare les cubes destinés au pavage de nos rues feraient des œuvres d'art. On arrive ainsi à l'absurde ; et il faut reconnaître que l'art n'est pas dans la matière, mais dans l'objet vers lequel il tend à s'élever. Le but de l'art c'est l'émotion à laquelle il arrive en mettant en jeu des éléments d'ordre affectif.
Nous allons donc examiner, au point de vue de l'art musical, de quelle manière l'auteur doit mettre en jeu ces éléments et de quelles ressources il dispose pour arriver à son but.
Pour émouvoir, la musique doit exprimer des sentiments humains. Les sentiments sont d'abord multiples dans leur nature ; de plus, pour chaque catégorie particulière de sentiments, il existe toute une gamme d'intensité et de modalité différentes qui les font varier à l'infini. Il existe, il est vrai, un ordre de succession rationnel de la sensation à l'idée et de l'idée à l'émotion; mais, si la sensation varie seulement en intensité,d'un individu à un autre, l'idée éveillée par elle peut être complètement différente et les sentiments qui en résultent peuvent se trouver tout à fait opposés. Aucun art ne s'adresse plus directement aux sentiments que la musique, et n'est plus capable d'éveiller les sentiments les plus délicats et les plus profonds, en leur donnant toute la vivacité et l'intensité qu'ils peuvent avoir ; mais aussi, aucun art n'est plus complexe dans les moyens qu'il peut mettre en œuvre et n'exige une connaissance approfondie de l'âme humaine.
L'auteur, dans toute œuvre musicale, traduit des sentiments qu'il ressent lui-même, ou ceux que le personnage qu'il met en scène est censé éprouver. Il doit donc envisager les sentiments divers qu'il doit mettre en œuvre au point de vue de trois facteurs différents :
Ie Le personnage qu'il présente au public et dont il exprime les sentiments ;
2° Le public, dont les éléments affectifs sont mis en jeu par l'expression de ces sentiments, et qui doit finir par les éprouver lui-même;
3e Enfin, la personnalité propre de l'auteur se présente ici comme le troisième facteur, qui domine et relie les deux autres, puisque c'est sa propre sensibilité qni doit animer le personnage fictif, et que c'est son art qui doit imposer au public les sentiments qu'il exprime.
Dans toute musique qui n'est pas la musique dramatique, il semble que le personnage mis en scène ait disparu ; mais en réalité c'est l'auteur lui-même qui se substitue à ce personnage. Ce sont presque toujours, il est vrai, des idées générales qui sont exprimées ; mais il faut remarquer que l'auteur personnifie même les idées les plus abstraites, en leur donnant la forme qui s'adapte le mieux à ses propres sentiments. Il en résulte que la même idée pourra être exprimée de plusieurs façons différentes par des auteurs différents.
Lorsqu'il s'agit de musique dramatique, l'auteur ne doit plus chercher à s'assimiler une idée abstraite, pour la juger, la faire aimer et s'efforcer de la traduire d'après ses propres sentiments. Il doit, au contraire, se représenter le personnage qu'il met en scène, tel qu'il serait réellement.
Pour cela, il doit lui attribuer les idées elles préjugés de sa race et de son rang, lui supposer les habitudes et les mœurs de la condition sociale dans laquelle il est placé. Mais cela ne suffit pas encore, et il ne faut pas qu'un personnage soit un type abstrait, représentant l'ensemble des défauts et des qualités d'un groupe ; chacun, dans quelque catégorie qu'il soit placé, doit avoir encore son tempérament propre, ses aptitudes, ses penchants, ses qualités et ses défauts. C'est à cette condition seulement que l'on anime d'une vie propre et que l'on présente, avec l'illusion de la-réalité, les personnages que l'on met en scène.
L'auteur doit tenir compte du public auquel il s'adresse Ce public, dans l'appréciation d'une œuvre musicale, juge aussi d'après son propre état psychique et se laisse guider par ses tendances de race, d'éducation, de goûts personnels.
Même dans les milieux civilisés et instruits et dans les populations qui ont un goût artistique pour la musique, on trouve des exceptions.
De même qu'il y a des gens que nous appelons daltoniques, qui ne distinguent pas les couleurs les plus vives et ne voient qu'une teinte grise plus ou moins uniforme, il y en a que la musique ne touche en aucune façon, parce qu'ils sont inaptes à la comprendre. Ce n'est évidemment pas pour eux, qui, du reste, forment plutôt une exception, que peut écrire le compositeur.
L'homme, en possession de toutes ses facultés psychiques normales, est sensible à la musique, captivé par ses charmes ; il comprend et éprouve les sentiments qu'elle exprime. Outre cette impression naturelle, en partie sous la dépendance du fonctionnement des centres nerveux sensoriels, il éprouve, plus ou moins, mais d'une manière très variable, une aspiration artistique vers l'idéal, qui lui fait goûter et aimer le beau.
C'est de cette façon que le compositeur doit considérer le public pour lequel il écrit et qui sera appelé à juger son œuvre.
D'autre part, l'auteur met en scène des personnages pris dans la vie réelle ; il doit les présenter à l'auditeur avec la plus grande illusion possible, c'est-à-dire comme s'ils existaient réellement. Pour cela, il doit les animer d'une activité qui ressemble à la vie réelle, donner de la vraisemblance aux situations dans lesquelles ils se trouvent, de la suite et de la-logique à tous leurs actes. Ces personnages doivent donc avoir les qualités qui appartiennent à leur race, à leur situation, à leur tempérament; mais aussi, ils ne peuvent pas être exempts des défauts qui y correspondent, sous peine de ne plus traduire fidèlement la nature humaine. Si, de ce côté, il est gorcé de montrer la nature avec toutes ses imperfections, l'auteur, qui a toujours devant les yeux le modèle parfait, créé par son imagination, se trouve entraîné par son tempérament artistique à poursuivre cet idéal. Son idéal est, pour lui, une réalité ou plutôt la possibilité, composée de parties vraies, mais formant un tout factice ; car, pour le créer, il a pris dans une foule de sujets les qualités qui lui plaisent le plus, et ces qualités il les a prises dans leur forme la plus pure et la plus élevée, fermant volontairement les yeux sur les défauts qui auraient pu les amoindrir.
Cet idéal, qui est l'image de son rêve, l'artiste le poursuit sans cesse, il peut s'en approcher plus ou moins, mais il ne l'atteint jamais. De même que rien dans la vie réelle ne satisfait jamais pleinement l'esprit; de même, dans toute œuvre artistique, dans toute scène, il y a toujours quelque chose, un défaut, une lacune, qui les sépare de la perfection ; aucune sensation n'est si complète en elle-même qu'elle procure le bonheur parfait.
L'idéal n'est donc jamais atteint ; mais l'artiste qui le prend pour modèle, qui le poursuit toujours, doit chercher à s'en rapprocher le plus complètement possible. L'idéal subit l'influence de l'auteur, puisqu'il est le reflet de l'élévation de son esprit, de la justesse de ses vues, de la puissance de son tempérament artistique ; il est aussi, jusqu'à un certain point, sous la dépendance de sa volonté, puisqu'il est formé de l'ensemble des qualités choisies et disposées par lui. Comme il ne travaille pas pour lui seul, mais a pour but de présenter son œuvre au public, il doit la lui rendre accessible, et il faut pour cela savoir rapprocher suffisamment l'idéal de la réalité C'est de la juste combinaison de ces deux facteurs que dépend la perfection de toute œuvre d'art et en particulier de toute œuvre musicale.
L'auteur qui veut arriver ainsi à traduire ses sentiments et à les faire passer dans son auditoire, ne peut pas s'en rapporter à son seul jugement. Il peut toujours en effet se demander s'il ne s'est pas trompé, s'il à bien exprimé ce qu'il ressent. S'il peut constater ce qu'il éprouve, il se demande ainsi si le public l'éprouvera de même façon lorsqu'il écoutera sou œuvre.
Pour le rassurer et lui donner la certitude qu'il a atteint son but, il faut qu'il puisse juger par lui-même de l'impression que produira son œuvre et des sentiments qu'elle éveillera dans ceux qui l'entendront.
L'auteur trouvera ce réactif parfait, qui lui montrera, sans aucun détour, les sentiments que son œuvre fait naître dans l'âme humaine, dans un sujet mis dans un certain état d'hypnose.
Dans cet état, en effet, le sujet perçoit, d'une manière infiniment plus sensible, les impressions auditives ; et, de plus, ces impressions éveillent directement chez lui les sentiments correspondants.
Chez ce sujet à l'état d'hypnose, il n'y a plus ni préjugés, ni modification conventionnelle des impressions. On voit disparaître chez lui les influences de race, d'éducation, de milieu, toutes les conventions et réticences volontaires qui, à l'état de veille, viennent, le plus souvent, modifier les rapports des impressions et des sentiments et surtout fausser leur expression. Les expériences que nous avons faites et que nous avons reproduites par la photographie, nous montrent l'expression à l'état le plus pur de tous les sentiments : La douleur, la résignation, la bonté, la pitié. Nous avons développé d'autre part, la confiance, la supplication, l'enthousiasme, la prière. Puis, dans d'autres cas, nous avons déterminé chez le même sujet et au même instant, des sentiments complexes ; la terreur, la douleur, et le regret ; puis l'orgueil, l'amour et l'angoisse. Ces sentiments complexes se manifestant d'une manière saisissante,
dans l'expression du visage, le regard, le geste, l'attitude du sujet hypnotisé et souvent uniquement l'impulsion qui provoquerait ces sentiments, par une impression auditive.
Ces faits confirmant donc d'une manière éclatante, ce que nous disions tout à l'heure, qu'à défaut de trouver dans les conditions normales de l'être humain la manifestation vraie et l'expression sincère des sentiments, c'est chez le sujet à l'état d'hypnose que l'artiste peut les provoquer et les étudier à son gré.
J'ajouterai que ces sujets ne sont pas les premiers venus et qu'il faut savoir les entraîner à cette expression délicate, de même qu'il ne suffît pas d'avoir un instrument, pour jouer un morceau de musique, mais i* faut apprendreà s'en servir.
L'artiste devra donc compléter l'étude de son art en s'adressant au psychologue et à l'hypnologiste, qui lui apprendront à étudier le développement et l'expression des sentiments daus leur état le plus vrai et le plus naturel, chez les sujets en état d'hypnose.
Un cas d'application de l'hypnotisme contre les douleurs de l'accouchement
Par M. le D' J. Wiazkmsky, de SaratofT (Russie), président du Cercle A. A. Liébeault et médecin en chef du dispensaire antialcoolique
C'est un fait bien établi que l'hypnotisme réussit à supprimer les douleurs de l'accouchement et à régulariser le travail. De nombreux travaux scientifiques en témoignent. J'ai eu moi-même l'occasion d'appliquer l'hypnotisme dans dix cas d'accouchemeut (1) et je crois pouvoir, affirmer que l'hypnose est le meilleur remède en pareil cas. D'ordinaire, lorsqu'une femme veut accoucher dans l'état hypnotique, on l'hypnotise plusieurs fois avant le terme, pour obtenir, pendant l'accouchement, le sommeil le plus profond. Mon compatriote, le Dr Matveef, (2) d'après son expérience personnelle, ne juge pas indispensable l'hypnotisation préalable des femmes enceintes. Sur 28 femmes auxquelles il a appliqué l'hypnotisme,
10 seulement avaient été soumises à l'hypnotisation préalable, 18 autres ne furent hypnotisées qu'au moment même de l'accouchement. Les résultats obtenus ont étéles suivants : 20 femmes ont accouché sans douleurs, 3 n'ont pas souffert au moment de l'ouverture du col de la matrice, mais seulement à l'expulsion de l'enfant, 5 n'ont reçu de l'hypnotisme aucun soulagement. Ainsi, sur 28 cas observés, cinq seulement ont été défavorables, soit 17 e/o, ce qui donne, pour l'hypnotisme au moment même de l'accouchement, une proportion de cas favorables égale à 821/2 pour cent.
11 est bon de remarquer que la femme sur le point d'accoucher est dans
(1) Wiazemsky. —Cas d'application de l'hypnose pendant l'accouchement. (Travaux de la société physico-médicale de Saratoû*, 1904.)
(2) Travaux du 8• Congrès en l'honneur du D' Pirogoi.
un état de sensibilité extrême, coudition des plus favorables à la suggestion. Le docteur Paul Joire a pu sans les hypnotiser, obtenir l'insensibilité chez des femmes en travail d'accouchement, par le seul emploi de certains procédés qu'il a minutieusemeutdécrits dans un article : De l'emploi de ?'a• nalgêsiehypnotique dans les accouchements (l).Ce qui précède m'a paru indipensable avant l'exposé du cas d'une malade qui, après avoir accouché •une fois sans douleur par l'effet de l'hypnose, a été hypnotisée sans succès lors d'un second accouchement, trois aus après. Cependant j'avais tout lieu d'espérer que le second accouchement s'accomplirait dans de meilleures conditions que le premier ; l'hypnotisme m'avait donné, en effet, chez une autre dame des résultats favorables dans deux accouchements successifs. Mais la première cliente se trouvait lors du second accouchement dans certaines conditions défavorables qui expliquent l'insuccès de l'hypnotisme. Voici son cas.
Madame Z... âgée de 38 ans, a eu plusieurs enfants. 121 le est venue, au -cours de sa sixième grossesse me demander de l'hypnotiser pendant son prochain accouchement. Celui-ci eut lieu au bout de quelques jours, et je n'eus que le temps de l'hypnotiser quatre fois. J'obtins le sommeil hypnotique du 2e degré. La première période de l'accouchement se passa sans -douleurs. La malade ne commença à souffrir qu'à l'expulsion de l'enfant, il suffit de lui donner un peu de somnoforme et de faire la suggestion convenable pour que toute douleur disparût. Une fois délivrée M™ Z... me déclara n'avoir jamais rien éprouvé de semblable ; elle n'avait jamais pensé, dit-elle, que l'on pût accoucher aussi facilement. Elle se releva de ses couches très régulièrement.
Trois ans après, elle était enceinte pour la septième fois. Dans la première moitié de sa grossesse, elle me pria de l'assister encore lors de son nouvel accouchement qui, d'après son calcul, devait avoir lieu le 10 octobre, ? J'ai affreusement peur, me dit-elle, que vous partiez en tournée et que vous ne soyez absent au moment de l'accouchement. Si cela arrive, je ne sais ce que je deviendrai. Ce sera pour moi un très grand malheur, car je ne supporterai pas l'accouchement. » Je m'empressai de la calmer, lui disant que je n'avais aucune tournée en vue.
Au début de septembre, j'hypnotisai trois fois Mme Z... Tout à coup, je reçus l'ordre, tout à fait inattendu, de faire immédiatement une inspection sur toute l'étendue du réseau (j'étais alors médecin en chef du chemin de fer de Rïazem-Ouralsk) et je dus quitter Saratoff pour près d'un mois. Quand la malade l'apprit, elle fut tout à fait déconcertée, ? Certainement, me dit-elle, je ne supporterai pas l'accouchement, je vais mourir ». Ne sachant pas la date exacte de mon retour, je lui laisse espérer que je serai rentré à Saratoff pour son accouchement. Dans le cas contraire, je lui conseille de recourir à mon assistant qui l'hypnotisera, lui dis je, aussi bien que moi ; je lui assure qu'elle accouchera aussi facilement que si je l'hypnotisais moi-même. M"" Z... rejette ma proposition par ces mots :
(1) Benne de l'hypnotisme 13• année ?• 2 (août 1898).
« Vous ou personne !» et me quitte très irritée. Cependant elle fait appeler mon assistant qui l'endort aussi bien que moi. Je rentre à Saratoff deux jours avant le terme et j'en avertis immédiatement Mme Z... par téléphone. Elle me répond : « Je serai maintenant très tranquille ; jusqu'à présent je n'ai cessé de me tourmenter.» Environ cinq jours après, le mari me téléphone que les eaux se sont écoulées. Comme l'accouchement n'a pas encore commencé, je ne vais pas chez la malade ; je prie seulement le mari de me prévenir aux premières douleurs. Un jour et demi après, les contractions débutent. On m'appelle. Jusqu'à mon arrivée mon assistant endormait très bien la malade. Je trouve celle-ci très agitée et très nerveuse. Elle ne peut trouver dans son lit une pose commode, elle me dit que son accouchement n'est pas régulier, qu'il est sec et qu'il sera très difficile. Je l'endors à grand peine et n'obtiens qu'un sommeil très léger. Je ne peux supprimer la douleur pendant les contractions, bien que je lui fasse prendre du somnoforme. Ces contractions sont très violentes et très douloureuses, l'accouchement est très lent ; la malade commence à perdre des forces ; il faut employer le forceps sous le chloroforme.
On voit par l'analyse qui précède que les circonstances étaient défavorables pour la malade. Jusqu'à mon départ subit, la malade était convaincue que le prochain accouchement s'effectuerait aussi bien que le précédent. Elle n'avait qu'une seule crainte, c'était de me voir quitter Saratoff. Mon départ précipité l'énerva beaucoup. Elle se persuada qu'elle ne supporterait pas l'accouchement. Elle resta près d'un mois dans cet état de désespoir et sous l'influence de ces idées noires. Vint ensuite une courte période de joie, quand elle connut mon retour. Mais l'écoulement prématuré des eaux fut pour elle, comme un coup de foudre et ramena les idées noires. Si je lui avais fait aussitôt la suggestion, elle se serait calmée, mais je ne pus aller la voir; elle resta ainsi livrée à elle-même. Quand je vins, le terrain était peu propice à l'hypnose; l'autosuggestion avait agi fortement sur la malade dans un sens contraire à mes suggestions antérieures. Cette autosuggestion est la cause évidente de l'insuccès de l'hypnose dans le cas présent ; je ne pense pas, en effet, qu'il faille-l'attribuer à l'écoulement prématuré des eaux. Sans doute l'accouchement sec est plus douloureux que l'accouchement normal. Mais il n'est pas douteux que l'hypnose peut supprimer les douleurs pendant la sortie de la tête de l'enfant, ce qui prouve bien que l'intensité des douleurs pendant l'accouchement n'est rien, puis qu'elle peut être dominée par la suggestion. Je crois que si j'avais pu obtenir le sommeil hypnotique du 2Me degré,, comme dans l'accouchement précédent, la malade aurait encore accouché sans douleur, étant donné surtout l'emploi du somnoforme qui avait eu de bons résultats dans les 2??• et 3me périodes de l'accouchement antérieur.
PÉDAGOGIE DES ENFANTS NORMAUX
L'émulation scolaire (1) Son rôle dans la formation de la personnalité
par Mlle Lucie Bérillon, professeur agrégée au lycée Molière
La question de l'émulation scolaire est à l'ordre du jour". Bien qu'elle •rallie encore la majorité des suffrages, le nombre de ses détracteurs semble croître d'année en année. Nous en avons pour preuve la crise actuelle des distributions de prix. Eu France, les prix étaient jusqu'ici un des principaux stimulants de l'éducation avec le système de notes, de compositions et de classements, dont ils sont la sanction et le couronnement.
Par une singulière contradiction, c'est justement au moment où l'on se plaint de la diminution du travail chez les enfants, et où ils ont le plus besoin d'être encouragés, qu'on veut supprimer cet usage antique et solennel, et bien d'autres formes de l'émulation.
L'importance de la question n'échappera à personne, — car elle met en cause notre système d'éducation actuel, avec sa discipline et ses sanctions du travail, — et elle rentre dans le cadre des études de l'Ecole de Psychologie.
Ce n'est pas, dit-on, le principe même de l'émulation que nous combattons, mais l'abus qu'on en fait, les mobiles intéressés auxquels on a recours pour l'exciter, et les sanctions arbitraires qu'on lui accorde.
Avant de définir l'émulation, — comme elle n'est qu'un moyen, non une fin, — prenons la question de plus haut, et demandons-nous quelle est la fin de l'instruction.
« L'instruction a pour but ». suivant Nicole, « de porter les esprits jusqu'au point où ils sont capables d'aller ». Aujourd'hui nous élargissons cette définition et nous pensons qu'elle doit surtout tendre à former les cœurs et les volontés ; à munir les enfants 'des connaissances pratiques qui leur seront nécessaires dans la vie ; à les mettre enfin en mesure de faire le meilleur emploi de leurs facultés au point de vue individuel comme au point de vue social.
L'homme est susceptible de se perfectionner, et la civilisation n'est que le résultat de cette tendance générale vers le mieux. La véritable émulation naît de ce désir du mieux de ce souci de l'idéal, et n'est pas une exaltation malsaine et condamnable de l'amour-propre. D'ailleurs l'amour-propre lui-même est défendable, car il a produit dans le monde plus de bien que de mal.
Là première condition du progrès est le travail; mais le travail rencontre un obstacle dans la distraction, et dans la disposition naturelle à d'homme d'obéir à la loi du moindre effort ; on sait qu'une tendance géné-(1) Conférence faite à l'Ecole de psychologie (semestre d'hiver 1908).
rale des êtres humains les porte à éviter l'effort mental que nécessite toute application.
Pour que l'homme s'applique, il lui faut un but; pour que son application soit soutenue, il a besoin d'un aiguillon : Ainsi se justifie l'émulation.
On a défini l'émulation : « le sentiment de rivalité qui nous porte à égaler ou à surpasser nos semblables». Cette définition est incomplète, car elle n'implique pas la notion de l'émulation par rapport à soi-même, qui nous porte à nous perfectionner et à nous améliorer ; â faire mieux aujourd'hui qu'hier et demain qu'aujourd'hui.
Il importe de distinguer l'émulation de l'envie et de la jalousie qui l'accompagnent quelquefois, mais qui existeraient sans elle. L'envie est la déviation d'un sentiment noble à l'origine, et ne doit pas être confondu avec lui.
Si La Bruyère voit dans la jalousie un vice honteux, il considère l'émulation comme une vertu, a un sentiment volontaire, courageux, sincère, qui rend l'âme féconde, qui la fait profiter des grands exemples et la porte souvent au-dessus de ce qu'elle admire ».
L'émulation ne se conçoit pas sans l'intervention de la volonté : « C'est la volonté qui s'essaie et fait son apprentissage », dit Faguet. On voit par là quel rôle l'émulation jouera dans la formation de la personnalité. Elle suscite et met en jeu les énergies latentes. Et à notre époque, où on se plaint de toutes parts de l'affaiblissement des volontés, nous croyons qu'il serait bien imprudent de renoncer à ce puissant levier.
Pascal disait déjà à Port Royal, où on voulait supprimer l'émulation, et tout attendre du secours de Dieu :
« Les enfants de Port Royal auxquels on ne donne point cet aiguillon d'envie et de gloire tombent dans la nonchalance ».
Nous trouvons dans les Mémoires de Marmonte! un passage intéressant qui montre bien comment il entendait et comment il faut comprendre l'émulation. Il avait parmi ses condisciples un camarade Amalvy, doué de toutes les qualités de l'esprit et de l'âme, et il rêvait de marcher sur ses traces :
« Je me disais a moi-même que le seul bon exemple à suivre était le sien... Je l'admirais, j'avais du plaisir à le voir, et toutes les fois que je l'avais vu, je m'en allais mécontent de moi-même. Ce n'était pas qu'à force de travail je ne fusse, dès la troisième, assez distingué dans ma classe, mais j'avais deux ou trois rivaux : Amalvy n'en avait aucun. Je n'avais point acquis dans mes compositions cette constance de succès qui nous étonnait dans les siennes, et j'avais encore moins cette mémoire facile et sûre dont Amalvy était doué. Il était plus âgé que moi : c'était ma seule consolation, et mon ambition était de l'égaler lorsque je serais à son âge. En démêlant, autant qu'il m'est possible, ce qui se passait dans mon àme, je puis dire avec vérité que dans ce sentiment d'émulation ne se glissa jamais le malin vouloir de l'envie. Je ne m'affligeais pas qu'il y eût au monde un Amalvy, mais j'aurais demandé au ciel qu'il yen eût deux, et que je fusse le second ».
Voilà une excellente analyse de la véritable émulation. Elle est bien ici « un hommage rendu à la supériorité d'autrui » et n'est viciée par aucun mauvais sentiment.
S'il importe que l'enfant travaille pour acquérir les connaissances qui lui seront utiles dans la vie. pour s'améliorer, en un mot, s'élever, comment obtenir de lui l'effort nécessaire.
Au point de vue idéal, il semble souhaitable que l'enfant travaille uniquement par devoir, sans être aiguillonné par l'idée d'une sanction ; mais nous vivons dans le domaine du réel ! Comment exiger ce labeur désintéressé de l'enfant seul (qui lui non plus n'est ni ange ni bête) alors que tant d'hommes faits sont soutenus uniquement par l'appât d'une récompense ?
Pour obtenir un travail fructueux, il faut d'abord solliciter l'attention. C'est l'applicaton volontaire de l'esprit à un objet déterminé Sans attention, le progrès est impossible. On peut même dire que la valeur de l'homme se mesure à sa capacité d'attention, à sa puissance d'application. Plus l'homme devient capable d'une attention soutenue, plus il développe ses facultés, sa personnalité.
L'attention est faible chez l'enfant. Loin d'être spontanée, elle est le résultat d'un dressage, d'une habitude lentement acquise. Il importe de créer cette habitude chez lui. puis de fixer et diriger l'attention. Pour cela, il faut d'abord éveiller la curiosité, car 1 enfant dont la curiosité n'est pas excitée se distrait facilement.
Cette concentration de l'esprit est une habitude difficile à prendre, parce qu'elle fatigue l'enfant, étant contraire à son allure naturelle. Il est presque impossible de l'obtenir chez certains entants : Les « instables » sont la plaie des classes.
Si on retient l'attention trop longtemps, elle échappe ; ou bien il y a surmenage, par exemple, quand les leçons sont trop longues, ou lorsque plusieurs cours ardus se succèdent. Dans ce cas, les professeurs savent que la dernière heure est souvent pénible ou sacrifiée.
Le; Dr Maurice de Fleury a soulevé la question dans une conférence sur Les classes d'une heure et la multiplicité des professeurs.
Pour fortifier l'attention et la fixer, il faut mesurer la tâche de l'enfant â sa capacité. On a comparé l'attention à « un vase d'étroite embouchure, où il faut verser les choses avec précaution, et pour ainsi dire goutte à goutte » (Joubert). Si on dépasse la dose, l'enfant ne retient rien. Il se rebute ou se laisse distraire, et les efforts de l'éducateur pour retenir l'attention sont vains.
Divers procédés peuvent être mis en œuvre pour stimuler l'attention et produire l'émulation.
I. L'éducation collective. — En premier lieu se place l'émulation entre camarades d'une même classe. Le fait seul d'être groupés facilite déjà le développement des facultés chez les enfants, grâce à l'esprit d'imitation, qui précède l'émulation. Si l'on compare les enfants élevés isolément, par un précepteur, à ceux de nos écoles, on reconnaît la supériorité incontestable de l'éducation en commun. Ces derniers, sauf ex-
ception, sont plus et mieux instruits que les premiers, car tous profitent non seulement de ce qu'on leur enseigne directement, mais de ce qu'on dit à leurs camarades.
Ici se pose l'intéressant problème de la coeducation.
II. La coeducation est aussi un puissant stimulant, surtout à l'étranger. Elle est pratiquée avec succès en Amérique, en Angleterre, en Norvège, en Finlande, etc.
Mais justement au moment où l'on fait des essais en Fraucc, par exemple à l'Orphelinat de Csmpuis, au Lycée Michelet et à l'Ecole Alsacienne, on en discute l'utilité de l'autre côté de l'Atlantique.
M. Baker, le distingué professeur de littérature dramatique à la Sor-bonne, me disait récemment, que dans une grande école mixte dirigée par une dame de ses amies, les jeunes gens désertent. Un étudiant anglais m'exposait un fait analogue en l'expliquant ainsi : Jusqu'à quinze ans environ, les petites filles ont plus de zèle, souvent plus de facilité que les garçons ; elles sont plus avancées, et les stimulent. Mais à cet âge, les "garçons commencent à comprendre la nécessité de travailler en vue de leur avenir. A leur tour ils dépassent leurs compagnes, qui ne peuvent les suivre sans se surmener ou qui les retardent ; alors n'ayant plus besoin d'entraînement, les garçons pratiques désirent la séparation.
La coeducation u en reste pas moins intéressante dans les premières années d'études. On l'a essayée, au lycée Michelet, jusqu'à l'âge de dix ans, et on est enchanté des résultats. Les fillettes se montrent douces et maternelles avec leurs petites camarades Elles prennent plus d'assurance (n'osant pas pleurer pour des riens devant des garçons). Les petits garçons, de leur coté, s'affinent au contact de leurs compagnes ; ils se montrent plus courtois, moins brutaux. Ainsi la coeducation contribue heureusement au développement de la personnalité.
La coeducation reparaît plus tard entre les étudiants de la Sorbonne, dans les Debating Societies. (Au moins nous en avons connu il y a quelques années). Dans ce travail, en commun. les hommes apportent des idées plus larges, plus de méthode, de logique ; les femmes mettent en œuvre leurs qualités de finesse, leur ingéniosité, leur esprit, et tous gagnent à cet échange.
Qu'il y ait éducation individuelle, collective, ou coeducation, un autre stimulant e*t dans l'intérêt, la vie des cours.
L'enfant s'instruit si on l'intéresse, je dirai plus, si on l'amuse. Il ne s'agit pas. bien entendu, « de chercher l'attrait de l'éducation dans un divertissement accessoire, mais de trouver la séduction, l'intérêt que renferme la science » (1).
Pour intéresser l'enfant, il faut mettre dans l'enseignement le plus possible de notions concrètes, d'images, d'exemples empruntés à la vie familière, et lui en faire trouver. Ces exercices stimulent ses facultés d'observation et de comparaison.
(1) Je réserve pour le moment ta question de IVdncaÎien attrayante, que Je traiterai avec toute l'étendue qu'elle comporte dans une prochaine étude.
Il faut que les leçons soient courtes, coupées par des repos bien ménagés suivant l'âge des élèves.
Les procédés qui provoquent l'attention, excitent l'émulation et développent la personnalité de l'enfant, diffèrent suivant les matières à enseigner.
Par exemple, certains élèves éprouvent une aversion marquée pour les -exercices de mémoire. Nous entendons par là la récitation de quelques pages choisies de vers ou de prose des grands maîtres. Si nous nous élevons contre l'abus de la mémoire, nous n'entendons pas la supprimer, mais l'exercer utilement. II y a là une gymnastique utile, à condition qu'on choisisse des morceaux intéressants et courts, qu'on soigne la diction, le rythme, qui fait pénétrer dans la pensée de l'auteur, et dont •certains élèves nnt un rare instinct. Il n'est pas mauvais d'orner l'esprit de quelques beaux vers de Corneille, de Racine, de Victor Hugo, elc.
Pour intéresser les élèves à ces exercices, je leur laisse parfois le choix du morceau à apprendre. Généralement, elles se piquent d'émulation et en apprennent plus que je ne leur aurais demandé. Par exemple, si on étudie ?p• de Sévigné, chaque élève choisit une lettre, etc.
Ce procédé a plusieurs avantages. Il les amène à lire un certain nombre de passages avant de choisir. Puis elles doivent justifier leur préférence, donner quelques indications biographiques sur l'auteur, et préparer un court commentaire historique, littéraire et grammatical du passage appris.
De temps en temps, on choisit de même quelques sujets de devoirs inspirés par les textes étudiés. Par exemple^ les vers de Ronsard : h Quand vous serez bien vieille », suggèrent le sujet suivant : « Quand je serai vieille ».
Cet exercice d'émulation développe chez les élèves l'initiative, l'esprit de recherche, et les intéresse. Le professeur les guide, tout en faisant appel à leur collaboration.
Un autre moyen d'exciter l'émulation, c'est de lire en classe quelque bon devoir d'une autre section ou d'un autre cours.
Il faudrait signaler les interrogations collectives, les lectures personnelles exposées en classe (pour l'hisloire, la géographie, etc 1- Tous ces procédés, variés à l'infini, entretiennent une saine émulation sans qu'il y ait rivalité.
{A suivre.) ,
PÉDAGOGIE DES ENFANTS ANORMAUX
L'onychophagie est-elle un signe de dégénérescence ? (1)
Depuis plusieurs années, nous avons eu à soigner, soit à la clinique de la rue St-André des Arts, soit en clientèle privée, au moins une centaine d'onychophages.
(1) Voir les réponses déjà faites à cette question dans les deux numéros précé-• dents de la Revue de l'Hypnotisme.
Nous avons donc une statistique personnelle qui porte déjà sur un nombre de cas suffisant pour qu'elle soit instructive.
Or l'examen méthodique et consciencieux de notre cahier de clinique, portant, avec les noms, âges, etc., de nos malades, leurs diagnostics de première visite, montre que la mention : onychophagie, est presque toujours accompagnée de mentions des plus significatives. Dans une proportion qui dépasse 90 pour 100. Nous lisons des diagnostics tels que ceux-ci :
X. Onychophagie, kleptomanie et mensonge. Y. Onychophagie, colères, crises épileptiformes. 2. Onychophagie, incontinence nocturne d'urine.
N. Onychophagie, tumeurs adénoïdes, arriération mentale, et ainsi de-suite. Et il s'agit ici seulement de diagnostics portés dès le premier examen.
Dans tous les autres cas, sauf un, dont il sera bon de dire un mot, nous avons pu constater, a posteriori, par des aveux faits après coup, que l'onychopbagie avait été accompagnée d'autres troubles, lesquels-avaient ordinairement disparu en même temps que le sujet cessait de se ronger les ongles. Ainsi, telle mère nous disait : « Depuis que mon fils ne ronge plus ses ongles, il a cessé de mentir et de battre ses frères et sœurs à tout propos ». D'autres fois, l'enfant lui-même, sous le sceau du secret médical, nous confiait, par exemple, qu'il se livrait à l'onanisme, et qu'il avait cessé dès qu'avait disparu l'Onychophagie. Un seul cas, disons-nous, dans toute notre statistique, nous montre ou semblerait nous montrer, une onychophagie isolée, sans concomittance psycho-pathologique. Orr il s'agît d'une jeune fille que sa famille nous a fait soigner dans un but purement esthétique, et qui, sans cesse accompagnée d'une gouvernante-gendarme fort rébarbative, se serait peut-être en toute autre compagnie départie d'une réserve absolument diplomatique. Son oncle est sourd-muet.
Devant l'éloquence et la constance des faits, il nous est donc bien difficile de ne pas conclure que l'Onychophagie coïncide avec d'autres tares, et que celles-ci sont à soupçonner et à rechercher dès qu'on a affaire à un onychophage. LOnychophagie aurait toute la valeur d'un symptôme révélateur d'autres anomalies, et cela de façon constante. Considérer ce symptôme comme négligeable, ou comme digne de faire simplement sourire, serait évidemment manquer de l'esprit clinique le plus élémentaire.
Dr René Pamart, professeur à l'Ecole de Psychologie.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Anesthesie chirurgicale sur une influence post-hypnotique
Nous recevons de notre excellent confrère, le Dr Courjon, directeur de l'établissement médical de Meyzieu la lettre suivante dans laquelle il nous signale
un fait curieux d'opèralion chirurgicale faite sans douleur, à l'état de veille, sous l'influence d'une suggestion faite dans un état d'bypnolismc antérieur.
Meyzieu, le 29juillet 1908-
Cher et honoré confrère, Votre dernier numéro de la Revue commente le fait, signalé par un journal de Londres, d'une jeune femme qui a subi sans douleurs, en état d'hypnose, l'avulsion de 14 racinesdentaires. 11 n'y a là rien d'extraordinaire. Tous les jours ceux qui s'occupent d'hypnotisme peuvent trouver des occasions semblables. Ainsi, je puis vous citer une observation similaire. Il s'agit de l'ablation d'un ongle incarné chez une jeune fille facilement hypnotisable. Après l'avoir endormie et lui avoir suggéré, en état d'hypnose, qu'une fois éveillée je lui enlèverais son ongle sans douleur ; elle subit cette opération à l'étal de veille, sans manifester aucune sensation sensible et les suites furent des plus heureuses. Je crois que cette pratique d'opérer, après le réveil, est préférable ; telle est la raison par laquelle je vous signale le fait.
D' Cocrjox.
Fièvre par suggestion chez les tuberculeux
On fait grand cas depuis quelque temps de certains procédés pour le diagnostic précoce de la tuberculose qui consistent à provoquer une réaction thermique passagère par l'introduction sdus la peau de toxine tuberculeuse très diluée.' Ces procédés n'ont pas la valeurqu'on leur attribue parce que le psychisme du malade apporte dans l'expérience un élément dont il est impossible de méconnaître l'importance.
M. le D'Puy, dans un sanatorium, ayant manifesté hautement son intention de faire une injection de tuberculine à un groupe de malades et ayant annoncé les manifestations qui ne manqueraient pas de se produire : soit l'élévation de température entre 6 et 8 heures du soir, se contenta de faire un simulacre d'injection. Aux uns. il injecta de l'eau, aux autres il n'injecta rien du tout, les piquant seulement avec la seringue de Pravaz vide.
Sur 40 tuberculeux ayant reçu une injection d'eau distillée, 10, soit 25 p. 100 présentèrent une élévation manifeste de température. Sur 20 autres n'ayant reçu aucune injection 6, soit 30 p. 100, réagirent, 3 faiblement mais 3 avec intensité.
Ce qui montre bien le caractère artificiel et par suggestion de cette fièvre, c'est que chez 10 des malades, ayant réagi, soit dans 63.5 0/0 des cas, l'élévation de la température atteignit effectivement son maximum entre 6 et 8 heures du soir, moment fixé par la suggestion. Généialement, cette fièvre factice ne demeura pas longtemps à cette hauteur et la température revint assez vite à son taux normal ; cependant, dans quatre cas, la descente ne commença à s'effectuer qu'après quatre, six, quatorze et même dix-huit heures.
M. le Df Puy a fait de ces recherches l'objet d'une thèse soutenue devant la faculté de médecine de Paris. Il convient de le féliciter de sa hardiesse, cas ses observations sont de nature à susciter quelques doutes à l'égard de propositions actuellement considérées comme des dogmes intangibles.
Des expériences analogues poursuivies dans toutes les branches de la thérapeutique expérimentale abouliraientà des conclusions identiques. On constaterait que la suggestion influe d'une façon prépondérante sur l'apparition de la plupart des phénomènes observés.
Les recherches si concluantes du Dr Puy n'auront qu'un faible retentissement ; elles sont trop en opposition avec les idèescourantes. Le jour où l'on consentirait
à admettre que la suggestion peut suffire à élever la température des tuberculeux, on devrait accepter que la même influence peut contribuer à calmer la lièvre, quand elle existe chez ces mêmes malades. 11 y a beaucoup de raisons pour que le corps médical ne se rallie pas à de telles doctrines. La principale c'est qu'il est plus facile d'administrer des drogues que de faire de la psychothérapie, c'est qu'il est plus facile d'être chimiâlre que d'être psychologue.
A propos des pathomimes
Nous avons relaté dans notre dernier numéro le fait communiqué à l'Académie de Médecine par M. le professeur Dieulafoy, d'un individu qui s'était laissé couper un bras plutôt que de reconnaître qu'il simulait une maladie. On pourrait rapprocher de ce cas ceux des malades qui éprouvent la plus grande satisfaction à se laisser ouvrir le ventre par des chirurgiens.
M. Mosny communiquait récemment à la société médicale des hôpitaux l'observation d'un malade qui. sur sa demande expresse, a été laparotomisé trois fois, en 1896, 1898 et 1901, parce qu'il était convaincu qu'il était atteint d'une oéritonite tuberculeuse. Il croyait ainsi, à cause de la persistance de crises douloureuses caractérisées par du tympanisme, des douleurs et des vomissements. Bien plus, il réclame, ce malade vraiment insatiable et tout à fait l'ami du bistouri, une nouvelle intervention. Cette fois, c'est la quatrième, les chirurgiens s'y opposent ! Il n'est plus possible de se tromper maintenant, car le gaillard est gros, solide, bien musclé, sans tare pulmonaire ou autre, et surtout sans tare pèritonéale ; on doit en être sûr puisque trois fois on est elle y voir. En réalité, des stigmates hystériques certains permettent d'affirmer qu'il s'agit seulement de manifestations nèvropalbiques.
Une malade qui a suivi pendant quelque temps les consultations du dispensaire neurologique (un Saint-André des arts) se plaignait de ressentir dans l'abdomen des douleurs causées par la présence d'un animal vivant. Une laparotomie exploratrice indiqua qu'elle ne présentait rien d'anormal. Depuis ce moment, elle ne cessait de harceler les chirurgiens pour obtenir qu'on recommençât l'opération. Ces cas ne doivent'pas être isolés et il serait intéressant de les signaler.
L'accroissement saturai et G accrois se ment pondéral chez le nouveau-né
M. Variot a montré qu'à la suite des troubles si habituels de la gastro-entérite chronique entraînant un arrêt de développement, un processus à'hypotrophie, l'accroissement statural était moins diminué que l'accroissement pondéral. Cette dissociation de croissance ne se manifeste pas seulement dans des conditions pathologiques : on peut aussi la rencontrer physiologiquement dans le premier mois de la vie.
Un enfant normal à la naissance, d'après les tables de croissance de Bouchard, aurait un poids de 3k250 ; une taille de 50 centimètres. Si l'on examine la courbe du poids on remarque en général, une chute de 150 à 200 grammes, dans les deux ou trois premiers jours qui suivent ïa naissance. 11 faut trois ou quatre jours, pour que l'enfant récupère son poids de naissance. Cette période initiale de la vie est donc perdue, en général, pour l'accroissement pondéral.
L'est-elle aussi pour l'accroissement statural ? C'est ce que M. Variot s'est attaché à étudier d'une part, par des mensurations directes des nourissons pesés et
toisés régulièrement durant le premier mois de la vie ; d'autre part, en confrontant les poids et les tailles moyens de groupes de nouveau-nés mesurés le premier jour et dix jours après la naissance.
De ses recherches, M. Variot conclut que la modalité staturale et pondérale de la croissance ont chacune leur individualité et qu'à l'état pathologique cette indépendance peut s'pccentuer et fournir des indications utiles au médecin.
L'accroissement de la taille est subordonné à la nutrition du squelette et au travail physiologique spécial qui s'opère dans les epiphyses. Le système osseux a donc un mode de nutrition qui lui est propre, au milieu de tous les autres tissus, il se rapproche en cela du système nerveux, qui est normalement en anticipation décroissance sur presque tous les autres organes.
La suggestion du tatouage
La mode du tatouage semble se propager sou l'influence d'une véritable suggestion collective. Quand ridée de se faire tatouer a été déposée dans le cerveau d'un être hypersuggestible, le sujet n'a de cesse qu'il ne réalise la suggestion. Quand il a cédé, il se fait propagandiste et entraine, à son tour, de nouvelles victimes. Les gens de bon sens doivent réagir de toutes leurs forces contre ces entraînements inexplicables dans une société civilisée.
u paraît que la mode de se faire tatouer a fait sa réapparition à Londres. On croyait qu'elle avait disparu, mais ilsemble qu'après une éclipse de quelques années elle est plus brillante que jamais.
a Un maître en l'art des tatouages, M. S.... de Londres, est en ce moment la fureur du jour ; on l'appelle à Berlin, à Vienne, etc., pour timbrer de beaux bras d'un écu ou d'un monogramme. Souvent il doit graver des vers pour les sentimentales, des mesures de musique pour les musiciennes, des papillons, des esquifs, des cœurs entrelacés !
Une jeune et charmante femme de Berlin fit écrire à l'aiguille sur son dos une pièce de vers fort longue.
Beaucoup d'autres jeunes femmes à Londres font inscrire à leur doigt, sous l'anneau nuptial, leur devise : c'est, paraît-il, le comble de l'élégance ! D'autres inscrivent leurs initialâs et la date du mariage : si on perd son alliance, on a ainsi une plaque d'identité.
Voilà une mode qui aura de la peine à s'acclimater chez nous, bien qu'elle nous vienne de Londres. •
11 n'y a là rien que de très exact ; les mondaines désoeuvrées ont de ces fantaisies insensées qui les rapprochent des sauvagesses de la Nouvelle-Guinée ou des prostituées qui se font décorer la peau d'images ou d'inscriptions tatouées à l'encre de Chine.
Une princesse au blason authentique est allée consulter plusieurs dermatolo-gistes de Paris, parce qu'elle voulait se débarrasser de tatouages gênants qui lui couvraient la peau des bras jusqu'au poignet.
Elle avait un se-pent parfaitement figuré s'enroulant autour de son bras gauche : le bord des écailles était tracé à l'encre de Chine et leur surface verdàtre était tatouée au vert de Schweinfurt; les yeux et la langue longue et acérée, étaient tatoués au vermillon. Cette peinture intracutanèe avait été exécutée par un artiste tatoueur anglais, au Caire, moyennant plusieurs mille francs.
La même princesse avait le portrait de son second mari coiffé d'un chapeau canotier sur le bias droit, plus un beau papillon diapré dans la région deltoi-dienne, surchargeant les armoiries de son ancienne principauté.
Enfin une guirlande de petits ibis au bec et aux pattes rouges très finement dessinés, courait sur ses poignets.
Les ibis qui ressemblaient, il faut bien le dire, à de petites grues et qui débordaient sur lo dos des mains, faisaient le désespoir de la princesse ; un médecin de Paris parvint à enlever ces oiseaux malencontreux qui n'auraient jamais dû quitter les bords du Nil.
La contagion de la crédulité.
Les passages suivants que nous extrayons d'un compte rendu des séances d'un médium connu sous le nom de Miller, paru dans l'Echo du Merveilleux, (1« juillet 1908) montrent à quel point sont insuffisants les « contrôles » exercés dans ces expériences délicates. L'état d'esprit des spectateurs est bien plutôt celui de croyants, l'attitude, celle de mystiques quelconques :
« La première séance que Miller donna à Paris fut une séance tout à fait intime, mais elle ne réussit pas, ou plutôt fut interrompue dès la première manifestation, car un docteur qui se trouvait là, plus que sceptique, iuquiéta les contrâtes de Miller, par ses agissements, et Betsy dit, d'après ce qui nous a été raconté : « que les fluides étaient brisés et qu'il n'y aurait rien ».
« . •. Miller entre avec sa chaise dans le cabinet, où il est généralement entrance : c'est à partir de ce moment que croissent, se perfectionnent les manifestations.
« Il en fut ainsi à cette séance du 18. M. Letort, tout en notant chaque incident, s'était chargé de régler la lumière ; il obéissait à Betsy (le • contrôle du médium et qui règle la marche des phénomènes), qui réclamait un peu plus de clarté ou un peu plus d'obscurité ».
« ... Un homme — on ne sait pourquoi, mais on ne pouvait douter que ce fût un homme grand, et qui paraissait jeune, sortit du cabinet. Lentement, solennellement presque, il flt quelques pas en avant ; puis, sans rien dire, il recula comme sion le retenait ; ensuite il s'avança de nouveau, tourné vers M. et Mme Bénezecli, et réussit enfin à articuler faiblement « papa et maman a ; il se pencha vers eux sans oser tout à fait les approcher. Tous les deux éclatèrent en sanglots, se penchant vers l'apparition et tendant les bras en appelant : « Est-ce toi Georges ?» « Georges mon fils ».
« L'apparition fit signe que oui, et quoiqu'elle ne put parler, on sentait qu'elle était aussi émue qu'eux. Elle avait peine à se tenir, vacillait comme la flamme d'une bougie sous le vent, et murmura cependant : « Je suis heureux, maman ». Cela dura ainsi pendant quelque temps, et ce fut tellement émotionnant que nous ne croyons pas qu'un seul de nous eut les yeux secs. Nous avons tous plus ou moins pleuré, et Léon Denis tendait en sanglotant les bras en l'air pour remercier Tau-cteaz ». On avouera dit avec raison M. Jollivet-Castellot dans les Nouvtauœ horizons de la Science, que cette émotion mystique est bien faite pour paralyser toute observation scientifique, et qu'il est permis, jusqu'à nouvel ordre, de rester sceptique devant les « phénomènes » produits par Miller, ou de les mettre sur le compte de la prestidigitation et de la crédulité réunies.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Traité de l'hypnotisme expérimental et thérapeutique,
ses applications à ta médecine, à l'éducation et à la psycholoaie. — Vigot frères, éditeurs, 23, place de l'Ecole de médecine, Paris. Un vol. in-8° écu avec 44 figures démonstratives, par le Dp Paul Joire, professeur à l'Institut Psycho-physiologique de Paris......4 fr.
Un grand nombre de personnes s'intéressent actuellement à l'hypnotisme.
Les philosophes y trouvent un merveilleux moyen d'analyse psychologi-
que, qui leur permet de scruter les replis les plus ignorés de l'âme humaine.
Les médecins y voient une méthode nouvelle, qui permet de traiter efficacement un grand nombre de maladies rebelles à la thérapeutique ordinaire.
Le médecin psychologue, ambitionnant d'aller plus avant dans le soulagement qu'il peut apporter à l'humanité souffrante, découvre dans l'hypnotisme le moyen, non seulement de soulager les souffrances physiques, mais aussi de guérir les maladies et les souffrances morales.
Le prêtre, voyant l'hypnotisme entré définitivement dans le domaine scientifique n'en blâme plus la pratique, et cherche lui-même â s'éclairer sur les bases de cette méthode scientifique nouvelle, et sur ce qu'on peut en attendre pour le soulagement des maux du corps et le développement des facultés de l'âme.
Le public enfin, le voit volontiers sortir du domaine du charlatanisme, et cherche à déchirer les derniers voiles qui l'entourent et en ont fait trop longtemps, grâce à l'ignorance, un instrument surnaturel.
A tous ceux-là, savants, chercheurs ou simplement curieux, s'adresse ce livre dans lequel l'auteur a d'abord donné l'analyse scientifique de l'hypnotisme, puis la méthode et les règles précises que doivent suivre ceux qui veulent.
Il a ensuite voulu prouver l'utilité de l'emploi de l'hypnotisme, en signalant un certain nombre des principales circonstances dans lesquelles on peut en faire usage, ce qui l'a amené à écrire les chapitres sur l'hystérie, les obsessions, l'alcoolisme, le trac des artistes, l'étude des arts, etc. Le livre de notre dévoué collaborateur est excellent à tous points de vue et nous ne saurions trop en recommander la lecture.
Préjugés d'autrefois, Carrières d'aujourd'hui, par M. Valran, professeur au Lycée d'Aix ; préface de M. Etienne, ancien ministre. (1 vol. in-12, 3 fr. 50 ; Privât, éditeur, Toulouse ; 1908).
Ce nouveau volume de la Bibliothèque des Parents et des Maîtres répond à la question qui préoccupe le plus les familles : Comment orienter nos fils et nos filles en dehors des sentiers battus ? Quelles sont par excellence les carrières d'aujourd'hui ?
M. Valran étudie successivement les courants de l'opinion, les diverses carrières et leur préparation en France et à l'étranger, au degré primaire, secondaire ou supérieur ; enfin, les institutions de patronage qui facilitent le placement des jeunes gens dans les carrières économiques.
L'auteur s'est efforcé de coordonner et de multiplier des conseils pratiques, lels que pouvait les donner quelqu'un qui a vu tout ce qu'il décrit et apporte les résultats de nombreuses missions à l'étranger et aux colonies. En honorant d'une préface ce travail d'un de ses collaborateurs. M. Eug. Etienne, ancien ministre, président de la Ligue coloniale française, a confirmé de sa haute autorité le grand intérêt qui s'attache à cet exposé précis et clair des routes nouvelles qui s'ouvrent devant les fils de la démocratie contemporaine.
Les animaux en Justice, procédure et excommunications,
par M. de Kerdaniel. (1 vol. in-18. — 1 fr. 50, H. Daragon éditeur, 98, rue Blanche ; Paris. 1908).
Les ravages causés aux campagnes par les insectese*, animaux nuisibles étaient beaucoup plus fréquents au Moyen Age que de nos jours. les travaux d'assainissement étant à peu près inconnus. Aussi pour remédiera ce détestable état de choses prit-on au XIe siècle l'étrange habitude de citer les animaux en justice. Cet usage s'est conservé jusqu'au XVIII" siècle.
Cette procédure singulière a disparu de nos codes modernes ; mais les
traces n'en restent pas moins consignées dans les archives provinciales-montrant ainsi leur curieux contraste enlre les mœurs judiciaires de l'ancien et du nouveau régime. Quoi de plus curieux, en effet, que de voir soutenir, un monitoire contre des chenilles et verpillères ; assigner des rats ou amener à la barre quelques uns des inculpés en l'espèce des sangsues. On pourrait être incrédule. Les faits sont cependant probants. De nombreux jugements ont été rendus à la matière. Certains, même, enjoignaient aux malignes bêles de se retirer des lieux qu'elles intestaient, M. de Kerdaniel a pensé qu'il serait instructif de rappeler ces pratiques superstitieuses, de nous montrer les préoccupations de nos ancêtres. L'auteur a remué les vieux dossiers fouillé les paperasses poussiéreuses et il est ainsi parvenu, à écrire un ouvrage qui ne manque pas d'intérêt.
Sociologie et Fouriérisme, par F. Jollivet Castelot ; un vol. in-18 jésus. Paris. 1908. H. Daragon, libraire-éditeur, 96-98, rue Blanche. Prix : 3 fr. 50.
Les théories remarquables de Fourier sont peu connues du public et ses ouvrages compacts, d'une lecture difficile, ne sont guère abordables. Pourtant Je système sociologique qu'ils exposent mérite d'être étudié sérieusement, car il est le précurseur de tous les autres.
Aussi M. Jollivet Castelot a-t-il pensé effectuer un travail utile en résumant, en commentant et en adaptant aux vues de notre époque le socialisme fouriériste qui repose essentiellement sur le principe de l'Association et de l'Attraction.
On trouvera dans ce petit volume, aussi clair que substantiel, l'analyse complète des géniales idées de Fourier et l'on verra quelles applications progressives il est possible d'en faire à la Société moderne dont l'évolution rapide vers un Socialisme rationel n'est plus discutable.
Ouvrages reçus à la revue
Dr Bèrillon : Letraitement psychologique de l'alcoolisme. — In-12, 32 p.
— "Vigot. Paris 1906, 1 fr. Dr Bèrillon : Le concours de l'agrégation en médecine : nécessité de son
remplacement par l'institution des privat-docent. — In-S°, 24 pages. Gaston Valras : Préjugés d'autrefois et carrières d'aujourd'hui, préface
de M. Etienne, ancien ministre, grand in-12, 460 pages, Privât, Toulouse 1908, 3 tr. 50. F. Gâche : Collégiens et Familles. Le travail de l'enfant à la maison ;
L'éducation de l'enfant par lui- même ; Les vacances d'Alais. Préface de
P. Crouzet. Frontispice de Jean Bérmjd. Privât, Toulouse. Un vol.
in-12 déplus de 400 pages 1906. Marcel Bracnschvig : L'Art et l'Enfant. Essai sur l'éducation esthétique,
professeur au Lycée de Toulouse, docteur ès-lettres. ancien élève de
l'Ecole normale supérieure. Préface de Jean Labor. Privât, Toulouse
Un vol. in-12 de plus de 400 pages 1907. Dr J.-K. Williams : L'Art d'être heureux. H. Daragon, éditeur, 96-98,
rue Blanche. Paris. Un vol 0 fr. 90 contre mandat. F. Jollivet Castelot : Sociologie et Fouriérisme, un vol. in-18 Jésus,
Paris 19J8. H. Daragon, libraire-éditeur, 96-98, rue Blanche. Prix:
3 fr. 50.
De Keroaniel : Les animaux en justice. Procédures et excommunication, 44 pages. Daragon, Paris, 1908.
Mlle Bèrillon : La timidité chez l'enfant. 24 pages in-S°. Bureaux de la Revue de l'Hypnotisme. Prix : 1 fr.
L'atolalliraiÈHr : J- BERILLON. L: Eeranl : Constant LAURENT. Privas-
Privas, Imp. c. Laurent, avenue du Vanel.
?3ß Année. — N° 3.
Septembre 1908.
BULLETIN
La mort du professeur Liégeois (de Nancy). — Hommage ft la mémoire du professeur Glard.
Nous avons le vif regret d'annoncer à nos lecteurs la mort de M. Jules Liégeois, -professeur honoraire a la faculté de droit de Nancy, qui a succombé ft Balns-les-Bains (Vosges) il ln suite d'un accident d'automobile.
Né ft Dam vil lers (Meuse), le 30 novembre 1823, M. Liégeois fut successivement chef de cabinet des préfets de la Meuse, de la Meurthe, conseiller de préfecture de l'Indre et eous-cbef de cabinet du ministre de l'intérieur. Le 19 octobre 1865 11 était nommé professeur de droit administratif ft la faculté de Nancy, qu'il n'a plue quittée depuis cette époque.
U fit paraître do nombreux ouvruges de statistique et d'économie politique. En 1884 11 publiait un mémoire sur l'hypnotisme dont 11 a le premier, parmi les jurisconsultes, recherché les applications au droit civil, au droit criminel et ft la médecine légale.
Son mémoire qui Tut discuté pendant plusieurs séances de l'Académie des sciences morales et politiques avait pour litre : Ui suggestion hypnotique. Les idées qu'il y avait soutenues sur la question des suggestions criminelles furent vivement discutées, raillées ou combattues. Elles furent reprises et développées dons un ouvrage qu'il publia sur la Suggestion et le somnambulisme dans leurs rapports avec U jurisprudence et U médecine légale.
Ces travaux eurent un grand retentissement et quand, en 1890, la cour d'assises de la Seine out ft s'occuper de l'affaire Gouffé, M* Henri Bobert, avocat do Gabrlelle Bompard, fit citer comme témoin ft décharge le professeur Liégeois qui défendit la théorie de l'école de Nancy sur l'hypnotisme, contre l'école de la Snlpêtrière. Lee théories longuement exposées et défendues par le professeur Liégeois furent combattues avec une certaine violence par le professeur Brouardel. Elles eurent cependant de l'influence sur le verdict des jurés de la Seine et valurent ft Gabrlelle Bompard les circonstances atténuantes.
Depuis cette époque, le professeur Liégeois avait continué ft défendre ses travaux et ses idées sur l'hypnotisme.
Membre correspondant de l'académie des sciences morales et politiques, chevalier de !:l Légion d'honneur et admis ft lu retraite 11 y quelques années, il uvait été nommé, professeur honoraire.
Ln Revue de l'hypnotisme perd en lui un de ses premiers collabora tours. Il avait rédigé un article pour notre premier numéro, paru il y a pins de *i~ ans, le 1 juillet 1SS6. Pendant quelques années il fut notre collaborateur assidu et se montra un vigoureux défenseur des doctrinesdu D'Liébeault dont il fut. en somme, le disciple le plus fidèle et le plue dévoué. Membre fondnteur de lu société d'hypno-logle et de psychologie. Il avait été vice président du premier congres international de l'hypnotisme (Paris 1889) ot du second congres (Paris 1900.) Noue espérions qu'il viendrait dans trois ans s'associer ft nous pour célébrer la vingt-cinquiome année de la fondation de la Revue de l'hypnotisme, à laquelle II ne cessait de prodiguer ses encouragements. La Société d'hypnologie saura honorer comme il convient, la mémoire du vaillant professeur Lorrain et nous ne manquerons pas de
rappeler la part considérable qui lui revient dims l'élude scientifique, juridique e-médico-légale de l'hypnotisme.
La mort du professeur Giurd, survenue au commencement du mois d'août, est-vcuue douloureusement surprendre ses élèves et ses admirateurs. L'Ecole de psychologie perd en lui un de ses meilleurs amis. Le professeur Giard avail été un des premiers a lui accorder l'encouragement de sa haute autorité scientifique et il ne manquait aucune occasion de lui témoigner son constant intérêt. Cette année-même, il avait présidé au mois de janvier, la séance d'ouverture de la série des-conférences psychologiques. Aussi c'est de grand cœur que tons les professeurs de l'Ecole de psychologie s'associent a l'éloge suivant qui lut rédigé par les élèves directs de l'éminent biologiste :
« Seul peut-être, a notre époque de spécialisation a outrance, A. Giard sut allier deux qualités, qui le plus sonvent s'excluent : l'amour des idées générales et le culte du détail dans toute sa minutie. Grâce à cet accord rarement réalisé dans une nature d'élite, il évita recueil si dangereux pour les hommes d'avant-garde et qui. fait qne l'on perd de vue les faits précis dans la griserie dts synthèses. Son cerveau puissant était a la fois une bibliothèque merveilleuse, meublée de toutes les-connalssances zoologiqucs et botaniques de son temps, et un instrument admirable do déduction et de raisonnement : aussi a-t-il soulevé l'enthousiasme d'élèves aux. tendances les plus diverses. Sa parole claire, gaie, familière, faisait naître la vocation de naturaliste chez ceux qui l'écoutaient. Ses élèves étaient pour lui une seconde famille : Il se plaisait an milieu d'eux et ne s© lassait jamais de leur donner des conseils féconds, des indications précieuses. Avec cela, observateur hors de-pair, il savait trouver, dans la constatation en apparence la plus banale, l'idée d'une loi originale et importante.
* Homme de combat, il a véritablement été l'introducteur en France de ridée-transformiste, a une époque où cette idée était battue en brèche par les savants-officiels. Aussi le monde scientifique, tant en France qu'à l'étranger, a-t-il unanimement appronvé la création, faite pour lui par le Conseil municipal de Paris, d'une chaire d'évolution des êtres organisés, a. la Sorbonne.
« Seuls, ceux qui ont vécu près de Inl ont pu connaître la mesure de cette rare-Intelligence. Malheureusement, en effet, cet observateur admirable, ce professeur hors ligne écrivait peu. Ses amis auraient voulu le voir consacrer à des livres de synthèse les dernières années de son activité cérébrale. Hais la maladie l'a terrassé en pleine vigueur, il y a quelques semaines. Et ses idées personnelles, qu'il a répandues a profusion, n'ont pas reçu la forme définitive qu'il eût pu seul leur donner. Ses élèves, qui pleurent en lui un maître aimé, sont doublement attristés en pensant qu'il emporte avec lui le pins pur Joyau qu'eût dû fournir à la biologie sa merveilleuse organisation ».
TRAVAUX ORIGINAUX
Considérations psychologiques sur le sommeil chloroformique
par M. P. Podiapolsky (de Saratoff, Kussle)
Dans une communication faite, le 19 octobre 1906. à la Société physicomédicale de Saratoff par M. le Dr Kouzmine, celui-ci h rapporté * un cas de mort par suite de la narcose chloroformique » ; la mort est survenue subitement, avant l'opération, après quelques inspirations de chloroforme. Je désire vous exposer quelques considérations psychologiques à propos de ce cas regrettable de mort — pendant la chloroformisation. Je
dis. avec intention, mort pendant la chloroformisation. car nous n'avons aucune raison de dire causée par le chloroforme. Il suffit quelquefois, comme on sait, de deux ou trois inspirations pour amener une mort foudroyante et incompréhensible. Le plus minutieux examen préalable du cœur a accusé un état parfait ; ni l'autopsie, ni l'examen microscopique ne font découvrir la moindre lésion qui explique la mort. On semble perdre pied sur le terrain anatomo-histologique.
Nos connaissances actuelles de la psychologie du sommeil peuvent, peut-être, fournir aux médecins quelques notions utiles a cet effet.
L'étude du sommeil en général, du sommeil naturel ou artificiel (hypnotique ou narcotique) nous apprend que c'est un état psychique propice aux suggestions de tous genres. Tant que l'intelligence n'est pas morte elle enregistre mécaniquement les excitations extérieures. L'état de sommeil est même particulièrement favorable à l'accès des influences Au dehors : l'âme du dormeur est pour ainsi dire sans défense. Mais les influences peuvent être bonnes ou mauvaises, et cela oblige la personne .qui surveille le sujet a la plus scrupuleuse attention. Elle doit préserver l'esprit du dormeur de tout danger de ce genre.
Dans un travail publié en 1889 (1) le Dp Toknrsky recherche en quoi les procédés de l'hypnotisation peuvent être dangereux. Les dangers de l'hypnotisation, d'après le D1' Tokarsky, dépendent a, la fois des suggestions données par l'hypnotiseur et des souvenirs ou des craintes de l'hypnotisé qui. à un moment donné, deviennent des autosuggestions. Dans l'immense majorité des cas, quand l'hypnotisation a des conséquences nuisibles, ces dernières doivent être attribuées à des fautes de technique.
H est très important de connaître les idées que le sujet se fait sur l'hypnotisation, car les représentations conscientes agissent avec beaucoup de force au début et vers la fin du sommeil hypnotique. Si le sujet craint d'avoir une syncope, ou des palpitations, ou des convulsions, et surtout s'il a déjà eu de telles crises, on pent affirmer presqu'avec certitude, qu'une crise de ce genre aura lieu au commencement du sommeil, au moment où les centres d'arrêt faiblissent, si toutefois l'hypnotiseur n'intervient pas h temps. La frayeur, fût-elle très intense, n'est pas une contre-indication de l'hypnotisation : bien au contraire, c'est l'hypnotisa-tion qui est peut-être l'unique moyen d'éliminer la peur. Le réveil est un des moments les (;lus importants du procédé hypnotique et doit être effectué avec précaution. L'activité psychique va revenir, le souvenir de ce qui s'est passé avant le sommeil reviendra avec la conscience, en même temps que le souvenir des émotions éprouvées, de la crainte, etc. Le sujet subira pendant un certain temps la double influence des suggestions reçues et des impressions émanant de son organisme. Enfin les idées préconçues peuvent aussi exercer une influence sur des sujets qui n'éprouvent pas de crainte proprement dite.
(1) « Zur Frage von dem st-hndllcheu Einflnss des Hypnotlsmus >. Ceutralblatt tur Nervenheilrunde, 1889.
Le Dr Tokarsky cite, à ce propos, le cas suivant : une infirmière qu'il endormait sans difficulté lui déclara après la troisième séance qu'il lui était resté une contracture des muscles fléchisseurs de l'avant bras gauche. Rien ne pouvait donner lieu pendant la séance à cette complication. Les expériences avaient pour but l'étude du développement des phénomènes hypnotiques indépendamment des suggestions données. La contracture du biceps existait réellement, et cela ne pouvait avoir d'autre cause que la connaissance de faits analogues que le sujet avait au préalable.
Il serait trop long d'énumérer ici tous les détails que l'hypnotiseur doit prévoir ou dont il doit se méfier. Qu'il me suffise de dire en passant que même le ton de la | arole de l'hypnotiseur ne doit être ni brutal, ni désagréable car il entraînerait déjà une mauvaise suggestion qui. transmise sous une forme imprécise, pourrait, pour le moins, éveiller un sentiment d'antipathie à l'égard de l'hypnotiseur. H ne faut jamais oublier de neutraliser les suggestions, si elles ne visent que la production d'états temporaires, par exemple une anesthésie.
On connaît des cas où le sommeil hypnotique a été suivi de syncope, d'hallucinations, de troubles mentaux ; d'autres où l'hypnotiseur inexpérimenté ne peut réve lier son sujet. Et toujours il ne faut accuser que des fautes de technique : on a prononcé des paroles inutiles en présence de l'hypnotisé ; on a montré des signes d'inquiétude ; on a laissé échapper des exclamations inquiétantes et suggestives, comme par exemple : « que faire s'.l ne se réveille pas ! » Souvent dans ces cas il ne suffit plus pour réveiller le sujet de lui mouiller la tête d'eau froide, il faut recourir au concours d'un médecin spécialiste et expérimenté.
J'ai retenu votre attention sur ces exemples pour insister sur l'importance des suggestions volontaires et involontaires données au sujet et des autosuggestions qui peuvent s'introduire dans son esprit par simple négligence de l'expérimentateur.
Tout ce qui concerne le sommeil hypnotique peut s'appliquer au sommeil produit par les narcotiques.
Chacun sait de quels soins scrupuleux doit être entourée l'inhalation de n'importe quelle substance. Or. la tâche de celui qui protège le sommeil d'un hypnotisé est pareille : il doit préserver le patient de toute infection psychique.
Le sommeil hypnotique ne saurait être nuisible par lui-même, pas plus que ne saurait l'être le sommeil naturel. La différence entre lo sommeil naturel et le sommeil hypnotique est plutôt quantitative que qualificative : les centres de l'ouïe ne sont pas endormis dans le sommeil artificiel, Mais les excitations auditives peuvent nuire en tant qu'elles provoquent, en passant par la subconscience, des émotions nuisibles.
Le mal peut être produit d'une manière involontaire, par un expérimentateur incompétent ou volontairement avec préméditation par une personne mal intentionnée. Il n'y a pas lieu de parler ici de ce dernier cas. Les manquements à la méthode peuvent produire un résultat nega-
tif. et il est de la plus grande importance que l'hypnotiseur qui contrôle le cours du sommeil soit attentif et bien informé. Il a la responsabilité d'un pilote qui doit éviter les écueils des suggestions et des autosuggestions.
Lorsque ces mesures si simples sont rigoureusement prises, il ne peut plus être question de conséquences néfastes de l'hypnotisme, et la suggestion directe reste une arme sûre pour obtenir un résultat très positif. Eappelons encore une fois que l'état de sommeil, quand le raisonnement est absent, est un état favorable par excellence pour la fixation de tout sentiment ou de toute représentation qui surgit chez le dormeur. Disant dormeur nous avons tout autant en vue les hypnotisés que les chloroformés.
N'oublions pas l'ancien précepte des chirurgiens qu'avant de chloroformer il faut préparer le malade moralement & cette opération. Il est urgent de lui expliquer la nécessité de la narcose, de lui Inspirer courage, de lui donner la tranquilité de l'esprit. Le chirurgien ilusetig-Moorhof dit dans son guide opératoire : « Heme lorsqu'il s'agit d'enfants nous protestons contre la narcotisation a l'insu du parient. Chez les adultes narcotises à l'improviste on observe plus souvent des crises d'asphyxie, quelquefois a issue mortelle, qui arrive comme un coup de foudre. »
Ce même coup de foudre survient parfois avant tout commencement d'opération et sans l'emploi de chloroforme.
Un exemple fort connu de ce genre est un cas rapporté par le Dr Gazenow. (1)
G? vétérinaire éclairé, doué d'une grande force morale, souffrait depuis longtemps d'un rétrécissement de l'urètre et avait la vessie très sensible. L'urine devint un jour purulente et ammoniacale: on constata Furetérolithiase. Dans l'espoir de pratiquer la lithotritie, Gazenow essaya de combattre le rétrécissement de l'urètre. Le malade supportait ses souffrances avec grand courage, mais il fut très affecté en apprenant que la lithotritie. à laquelle il s'attendait, serait remplacée par la cystos-tomie. opération qu'il redoutait beaucoup. Mais il se maîtrisa et consentit h être opéré. Tout était prêt pour l'opération ; Gazenow se disposait à introduire le cathéter, lorsqu'on vit le malade, courageux jusqu'alors, pâlir et perdre connaissance. Au bout de dix minutes il était mort.
La science a enregistré un assez grand nombre de morts occasionnées uniquement par la frayeur. Les cas qui offrent le plus grand intérêt sont ceux oil le cœur est normal et où rien ne fait prévoir la catastrophe. Une simple plaisanterie malencontreuse et inattendue produit une terreur et amène la mort. C'est que les émotions vives produisent un état de grande réceptivité aux impressions, en somme un état analogue au sommeil hypnoptique, ou à la snbeonscience. quand l'activité cérébrale de l'état de veille est suspendue.
Il n'est cependant pas facile de tuer par frayeur à l'état de veille et il
(1) Medical Timer and Gazette, 28 juin, 1886.
n'est pas facile non plus de provoquer la mort par la suggestion memo directe. J'ai assisté à une expérience insensée dans cet ordre d'idées. Un hypnotiseur de profession produisait, chez un sujet, la catalepsie de la manière suivante : « Vous êtes un criminel, vous ave» commis un crime horrible...On vous juge ; on a prononcé contre vous un arrêt de mort ; on vous exécute... Vous êtes mort ! » On ne saurait aller plus loin. Le sujet tressaillit, et se raidit dans l'état cataleptique, mais ne mourut pas malgré la suggestion, mais il aurait pu mourir des suites de la terreur provoquée.
Voici une expérience personnelle qui rentre dans le cadre des considérations exposées.
Un médecin de mes amis me pria de l'hypnotiser pour un motif de caractère intime. Le sujet n'était pas hypnotisante par des procédés ordinaires, et après plusieurs essaie il me pria de le chloroformer. Ordinairement quelques gouttes suffisent pour vaincre la résistance d'un sujet réfractaire et permettre les pratiques purement hypnotiques. J'avoue que la perspective d'employer le chloroforme me troubla considérablement. Cependant, comme je devais procéder à l'hypnotisation, d'une façon ou d'une autre, je ne voulus pas laisser deviner mes doutes, dans la crainte de compromettre l'hypnotisation. Je me suis contenté do dire négligemment : « Nous n'avons qu'à remplir une simple formalité, — invitons le docteur T. » Mon ami refusa net la présence de n'importe quel témoin anx séances pour ne pas livrer son secret. Sous un prétexte quelconque j'ai refusé de l'hypnotiser cette fois et plusieurs fois encore. Mais la situation était grave. Mon ami insistait ; refuser définitivement l'intervention, c'était lui ôter tout espoir de soulagement, puisqu'il ne voulait se fier à aucune autre personne que moi. Il a fallu recourir au chloroforme. Je dissimulai mon inquiétude, mais elle augmenta encore quand je vis que quelques gouttes de chloroforme ne suffisaient pas du tout. Je dus employer à peu près 15 grammes pour obtenir un commencement de sommeil. Je me rassurai sachant que l'arme puissante de la suggestion était entre mes mains. Je restai tout le temps en rapport avec le sujet et je pus le tenir endormi à peu près une heure sans nouvelle dose de chloroforme. Dans ces circonstances un peu exceptionnelles, mon attention était particulièrement éveillée. Aussi je saisie immédiatement une ombre d'inquiétude sur le visage du dormeur ; je vis ensuite qu'une rougeur subite fut remplacée soudainement par une grande pâleur. « Dormez tranquillement, lui ai-je dit, bien tranquillement. • Le visage changea d'expression aussitôt: c'était do nouveau le masque impassible connu des hypnotiseurs. Je lui demandai s'il avait perdu conscience, « J'ai perdu conscience entièrement » me répondit-il.
Au réveil il me raconta qu'avant de perdre conscience il avait éprouvé des sensations fort pénibles : pris do vertige il s'était senti tomber dans un gouffre, une terreur invincible l'envahissait et il eut de violentes palpitations. « Cela arrive souvent aux personnes chloroformées », ajouta-t-il.
Quelles que soient les causes de cette sensation de chute dans le som-
meil narcotique, on l'éprouve assez souvent avant de s'endormir du sommeil naturel ; et elle n'est nullement obligatoire ni pour l'une ni pour l'autre. En tout cas mes paroles vinrent à temps ; par une suggestion directe j'ai ramené la tranquillité et j'ai rendu le rove inoffeneif. Il se peut que la sensation de chute sous le chloroforme s'explique par une propriété spécifique de ce médicament, mais il se pent aussi qu'elle soit très fréquente parce que la plupart des patients savent d'avance que cette sensation peut se présenter. Quelquefois les médecins en préviennent les malades avant de les chloroformer, « Vous serez pris de vertige, leur dit-on. vous vous sentirez tomber et vous vous endormirez » Quant à moi j'ai dit à mon sujet dans l'état post-hypnotique : « cette sensation n'est pas obligatoire, vous ne l'éprouverez plus jamais, je vous ordonne de vous endormir dorénavant sans vertige et sans frayeur ». La même suggestion fut faite à la séance suivante. Je fus obligé d'employer le chloroforme plusieurs fois encore et à la même dose, le sommeil et l'inconscience arrivaient très vite et sans aucune sensation terrifiante. XI s'en suit que les deux phénomènes n'étaient pas liés l'un à l'autre et de plus qu'il était nécessaire de les disjoindre dans la pensée du sujet. Car si l'on avait laissé libre jeu à ces sensations de vertige et de frayeur elles auraient pu prendre un développement exceptionnel sans prejudice de leur action sur le cœur.
Nous ne savons pas quels sont les rêves que la frayeur peut engendrer, et il ne nous est pas permis de laisser un cerveau qui se confie à nous en proie à ces rêves et à leurs conséquences inconnues. Pendant les périodes du sommeil narcotique qui sont favorables aux suggestions, la frayeur se fixe. Il faut surtout craindre son influence néfaste dans les moments crépusculaires de la conscience, quand elle s'endort ou quand elle se réveille. Sous le chloroforme ces moments ne Ront pas limités par le commencement et la fin de l'opération, et ils alternent plus souvent que dans le sommeil naturel.
On admet trois causes de mort par le chloroforme : le choc nerveux, l'asphysie et la paralysie du cœur. Ces trois troubles peuvent avoir une cause psychique. En face de tout incident inquiétant il faut réagir et opposer sans retard à un phénomène psychique une action psychique. Si vous voulez laisser se développer un état naissant, votre arme est le silence ; si vous voulez l'annuler ou lui donner une direction déterminée, votre arme est la parole. Cette parole doit être préoiee. simple et claire ; elle doit être adaptée au niveau intellectuel du sujet.
La personne qu'on chloroforme s'endort toujours avec une certaine inquiétude indéfinissable, quelquefois dissimulée ou maîtrisée. Son attention est nécessairement fixée sur les faits et gestes de l'entourage et surtout sur ceux des médecins. Il est évident qu'au moment de s'endormir elle est en rapport ou avec tout l'entourage, ou avec l'opérateur seul, ou avec le médecin qui lui donne le chloroforme ; donc à un moment donné du sommeil les Suggestions sont inévitables. Si un ralen tissement accidentel du pouls survient, il sera facile de l'enrayer par
une simple suggestion, mais le médecin ehuchotte mystérieusement r « le pouls se ralentit ». J'ai entendu des propos bien plus irréfléchis dits en présence du dormeur : « La respiration faiblit, disait-on, le malade ne respire presque plus... la respiration est arrêtée ! » Et tous ces dires se transforment en alitant de suggestions d'épouvante.
Autre cas. l'opération est interrompue pour une raison quelconque ; le trouble général ne se produit que par des pas précipités et des manipulations hâtives des instruments, cela suffit déjà pour livrer l'esprit du dormeur à l'inconnu hasardeux ; et l'état psychique qui sen suit peut avoir des suites funestes. Pour éliminer tout incident il suffirait parfois de ces paroles : « Respirez profondément et dormez tranquillement ».
Je connais un cas où un enfant chloroformé' a commencé à bégayer et il a continué à bégayer, jusqu'à présent. Les médecins attribuent ce bégayement à une frayeur.
Pour me résumer je dirai que les différentes tonnes du sommeil, le sommeil naturel, comme les sommeils artificiels — hypnotique et narcotique — sont avant tout des états psychiques où la suggestion est possible. La frayeur peut être une principale cause de mort pendant la chloroformation.Le chloroforme donne peut-être lieu à un commencement d'asphyxie qui provoque une terreur et des palpitations, Cet état psychique, si l'on y prête nne attention sérieuse, ira en s'aggravent, tandis qu'une simple suggestion pourrait l'enrayer. La crainte de l'opération est une condition favorable à l'apparition de la frayeur pendant le sommeil, et les paroles comme les actes imprudents des assistants, avec lesquels le dormeur reste en rapport, peuvent augmenter le danger.
H se peut que l'on doive chercher dans les états psychiques subjectifs les causes du 1/80 pour cent de morts dans le cltloroforme, causes qui échappent si souvent à toute investigation objective. Celui qui a été chloroformé ayant peur du chloroforme ne peut que confirmer ce que j'avance. Du reste cela se confirme par les influences nuisibles de la peur pendant le sommeil hypnotique.
De ce qui précède, nous proposons les conclusions suivantes : 1° Chaque sommeil est un acte psychique et chaque manière d'endormir comporte des éléments psychologiques ; 2° Chaque sommeil est un état propice aux suggestions ; 3° Celui qui se sert de narcotiques doit connaître les phénomènes de la suggestibilité ; 4° Si le patient laisse paraître une crainte du chloroforme, il faut prendre soin d'éloigner cette crainte à temps par une suggestion hypnotique ; d° Avant la chloro-formation il faut tâcher d'obtenir, par suggestion directe, un état psychique qui exclut la possibilité d'autosuggestions spontanées ; 6° Il fant être très prudent en paroles et en gestes au lit du chloroformé : 7° Au besoin il faut immédiatement employer la suggestion directe formulée d'une manière précise, qui n'admet aucun double sens.
Dans ces conditions, le ehloroformi6ateur aura la maîtrise de son-sujet et dirigera ses états psychiques à son gré, éliminant la part du hasard.
Et pour finir, qu'il me soit permis de poser encore une question.
S'il est vraiment possible d'enrayer, pendant la chloroformât ion, les incidents du côté du cœur en éliminant toute frayeur, ne peut-on pas employer le chloroforme combiné aux suggestions même iaus les cas oïi une affection cardiaque interdit son emploi ? Dans les mêmes conditions l'hypnotisation était absolument interdite il y a quelque temps, et maintenantelle est pratiquée sans trace de danger avec certaines précautions. De plus la suggestion est même employée avec succès comme moyen curatif dans les troubles cardiaques.
Discussion
Dr Paul Parez. — La chloroformisation est principalement une œuvre de psychothérapie : la plupart des opérateurs ne le soupçonnent même pas, et cela explique bien des déboires. Loin d'être moralement perinde ac cadaver, le chloroformisé k une réceptivité sensorielle parfois exaltée ; une suggestion incessante est nécessaire pour assurer un sommeil calme, pour réduire ou prévenir les rêves terrifiants, pour préparer un bon réveil et même pour inhiber ou juguler les vomissements post-anesthésiques.
Mort par émotion, inhibition, suggestion, etc.
par M. le doeteur Paul ]' . '
professeur ?? l'Ecole de psychologie.
Dans la communication qu'il nous fit. il y a quelques mois, M. Clark Bell (de Xew-Tork) étudiait l'influence de la suggestion sur la longévité. Incidemment, il se demandait si et comment les impressions mentales peuvent réellement causer la mort. C'est cette question que je désire reprendre dans ses grandes lignes, en m'appuyaat sur les principaux cas cités par les auteurs. Je reconnais que bon nombre de ces relations n'ont pas toujours la précision on la rigueur scientifique d'une, bonne observation médicale ; toutefois, tels qu'ils ont été rapportés, j'estime que ces faits sont susceptibles d'enseignement a la fois théoriques et pratiques.
*
* *
On connaît l'apologue de là Peste et du Voyageur. Celui-ci rencontre la Peste : « Où vas-tu. lui dit-il ? — Je vais, répond-elle, dans la ville voisine pour y tuer cinq personnes ! » Le lendemain, le Voyageur, ayant compté plus de deux cents cadavres, rencontre à nouveau la Peste et lui reproche cette abondante hécatombe : — « Mais, riposte-t-elle, j'ai tenu ma parole et n'en ai vraiment tué que cinq ; tous les autres sont morts de peur ! »
On peut mourir véritablement de peur, par exemple,lorsque l'on croit, à tort ou à raison, que sa propre existence est en danger, tel ce commerçant qui, il y a quelques mois, à Paris, affolé par l'irruption de grévistes dans son magasin, succomba à une syncope émotive. Telle aussi cette brave paysanne qui vient à Paris voir sa fille, séparée de son
mari ; elle rencontre son gendre qui l'invective et lui fait des menaces ; elle a tellement peur qu'elle meurt subitement. De même, un vieillard est poursuivi par un de ses voisins avec lequel il est en mauvais termes ; il parvient à regagner son domicile et à fermer la porte derrière lui ; le voisin, furieux, tire dans la porte quelques coupsde revolver qui n'atteignent personne ; mais ces coups de feu ont tellement ému notre vieillard qu'il s'affaisse et meurt.
Un chirurgien-vétérinaire, à qui l'on se dispose & faire une lithoto- ; mie, manifeste une grande inquiétude ; au moment où le chirurgien Cazenave s'apprête a introduire le cathéter, le patient pâlit, tombe en défaillance et meurt.
Pelletan devait, à sa clinique, procéder a une amputation de cuisse. Voulant démontrer à ses élèves la manière de pratiquer l'incision de la peau, il s'apprêtait à faire le tour du membre avec le dos du couteau. Au moment où il plaça le fer sur le malade, celui-ci poussa un cri et mourut.
Le Dr Witry (de Trèves-sur-Moselie) rapporte un fait qui date à peine de quelques mois. Un homme de 34 ans devait être opéré d'une hernie ; il s'affaissa sans pousser un cri quand il vit entrer le chirurgien et son aide venus pour l'opérer ; on ne releva qu'un cadavre.
Carrara, condamné à mort pour avoir assassiné un garçon de recettes, comptait fermement sur une commutation de peine. Quand on vint le chercher pour le conduire à l'échafaud, il fut tellement émotionné que la peur, dit-on. l'avait tué avant le couperet et c'est nn cadavre que. paraît-il. on guillotina.
Hack-Tuke parle d'un homme à qui l'on accorda un sursis au moment où il avait la tête posée sur le billot fatal : le sursis vint trop tard : la peur de la mort avait arrêté l'action du cœur.
* *
La vue ou le souvenir d'un danger couru par l'un des siens ou même par un indifférent peut aussi provoquer la mort.
Un charpentier, de Charolles, tombé d'un toit, est transporté chez ses parents : sa grand'mère. le voyant évanoui, croit qu'il est mort ; elle tombe a la renverse, en poussant un grand cri. et, quand on la relève, on s'aperçoit qu'elle a rendu le dernier soupir.
Le 15 avril 1868, le comte Dubois, fils du Préfet de police de Napoléon I**". Président de la section du contentieux au Conseil d'Etat, apprend que son fils unique, atteint d'une maladie grave, n'a plus aucune chance d'être sauvé et que sa mort est proche. Ayant à présenter, en séance solennelle un rapport sur une question très importante, il expose ses vues avec une lucidité et nne maîtrise de soi étonnantes. Lorsqu'il a cessé de parler, un de ses collègues s'approche de lui et lui demande des nouvelles de son fils ; aussitôt, le comte Dubois porte la main à son front et s'affaisse : il était mort, (de Leymarie).
Un enfant de sept ans est témoin d'une rixe entre deux petits bohé-
miens ; au moment où la lutte devient très émouvante, il tombe subitement à la renverse et meurt au bout de quelques instants. (Cooney).
Un incendie se déclare dans une boutique de vannerie. Un homme de cinquante-huit ans aperçoit la fumée ; affolé, il se précipite chez la concierge et lui dit d'aller prévenir les pompiers : puis il s'affaisse : l'émotion l'a tué. D'après Feuchtersleben, Mmo de Guerchy, fille du comte de Fresque, mourut, en 1672, pour avoir eu, elle aussi, peur du feu.
Un tramway de l'Est-Parisien tamponne une tapissière, place de la République, en face d'un kiosque de journaux ; la tenancière de ce kiosque est prise d'une telle frayeur qu'elle tombe raide morte.
*
s s
Qu'un spectacle soit terrifiant par lui-même ou qu'il soit simplement considéré comme tel. l'effet peut être également néfaste.
Peutemann. peintre allemand, mourut, en 1641, de la frayeur qu'il ressentit en voyant remuer des squelettes agités par un tremblement de terre.
Louis de Bourbon mourut à la vue des ossements de son père qu'il avait fait exhumer.
J. L. Petit a vu un homme, blessé à la main, qui mourut subitement en voyant ses tendons à nn.
Une jeune blanchisseuse de Brookley, revenant de son travail, le soir, ' longe le cimetière de Deptford ; un homme enveloppé de blanc s'élance vers elle : apeurée, elle se sauve à toutes jambes et arrive chez ses parents ; en leur racontant sa mésaventure, elle s'affaisse et meurt d'émotion.
Dans le cas suivant, le danger n'était pas réel mais représenté par une vive imagination, pendant le sommeil : une demoiselle de Livonie rêve qu'un taureau furieux se jette sur elle à coups de cornes ; ce rêve fait tant d'impression sur son esprit qu'elle en meurt le lendemain.
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ß *
Voir mourir quelqu'un, apprendre la mort d'un proche, assister a un enterrement, lire son propre article nécrologique ont pu également, dans quelques cas, émotionner au point de tuer.
?. Tarbes, un comptable assiste à la mort d'un ouvrier qui vient d'être broyé par une machine ; il est tellement impressionné qu'il en meurt.
Un boucher, du nom de Filbey, mourut à Twickenham, après avoir été témoin de la mort d'une voisine. (Ward).
Pendant la guerre que le roi Ferdinand mène contre la veuve du roi de Hongrie, autour de Bude, un soldat se fait particulièrement remarquer pour sa bravoure ; il est tué dans la mêlée. De Raïsciac, seigneur allemand, épris d'une si rare vertu s'approche pour voir qui c'est : dès que les armes sont ôtées au trépassé, il reconnaît son fils ! « Luy seul, sans rien dire, sans sciller les yeux, se tint debout, contemplant fixement le corps de son fils : jusques à ce que la véhémence de la tristesse
ayant accablé ses esprits vitaux, le porta roide mort par terre, a (Montaigne).
L'illustre Berthelot est mort subitement au moment même où l'un des siens est venu lui annoncer que sa femme avait cessé de vivre.
M. X... va assister aux funérailles d'un ami du même âge et s'installe à l'église, en attendant l'arrivée du convoi. Le cercueil est descendu du corbillard, le clergé va le recevoir sur le porche ; on le porte vers le catafalque. Au moment où le cercueil passe près de lui, M. X... est foudroyé par son émotion.
D'après M. Clark Bell, un capitaine, il est vrai centenaire, mourut après qu'il eut lu dans un journal une notice nécrologique racontant sa mort. Cette mauvaise plaisanterie lui donna un choc si violent qu'il succomba aussitôt.
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ß *
Des états de conscience divers survenus à l'occasion de colère, de dépit, de honte, de déception, d'amour-propre blessé, de manquement aux devoirs professionnels, de chagrin, etc., ont pu provoquer de semblables méfaits.
John Hunter disait : « Ma vie est à la merci du premier gredin qui voudrait me faire mettre en colère ». Et, en effet il mourut dans un accès de colère.
Une violente colère fit expirer l'empereur Valentinien Ier devant les envoyés bulgares.
Un sentiment de dépit tua Foureroy et Chaussier.
En 1547. François Foscari, doge de Venise, mourut subitement en entendant la cioche de Saint-Marc annoncer 1 avènement de son successeur.
Le capitaine Albers, commandant du steamer Deutschland qui détenait le record de la vitesse pour la traversée de l'Atlantique, naviguait depuis trente-cinq ans sans avoir jamais eu d'accident ; au retour de New-York, le gouvernail se casse et le vieux loup de mer en ressent un tel dépit qu'il tombe foudroyé.
D'après Montaigne, « Lucullus, Ca?sar, Pompeïus. Antonius. Caton et d'autres braves hommes, furent cocus, et le sceurent. sans en exciter tumnlte ; il n'y eut, en ce temps ià, qu'un sot de Lepidus qui en mourut d'angoisse. »
Parlant de la mort d'Isocrate, Miltou dit : « C'est la nouvelle de la déshonorante victoire de Chéronée, fatale à la liberté, qui tua cet homme éloquent. »
« Diodorus le dialecticien mourut sur le champ, esprins d'une extrême passion de honte, pour, en son eschole et en public, ne se pouvoir desve-lopper d'un argument qu'on luy avait faict. » (Montaigne).
Une jeune personne mourut dans l'espace d'une heure, se croyant déshonorée par un baiser que lui avait ravi furtivement son fiancé (Feu-chtersleben).
M. L. M..sous le coup d'une condamnation pour extorsion de fonds.s'cst enfui à Genève, puis ? cru pouvoir, sans être remarqué, revenir à Paris. Deux agents de la sûreté viennent a son hôtel pour l'arrêter : il s'affaisse sans connaissance et on le transporte à l'hôpital où il expire.
Un instituteur que l'un des miens a très bien connu a des démêlés avec son inspecteur. Un jour, pondant que ses élèves font une page d'écriture, il se met à rédiger une lettre contre son inspecteur. Avant d'avoir achevé cette lettre,il se rappelle qu'il a oublié de faire une recommandation à sa femme ; il quitte un instant sa classe et se rend à son jardin où sa femme cueille des légumes pour le pot au feu. Quand il rentre dans sa classe, que voit-il Son inspecteur, assis à son bureau, en train de lire la lettre de dénonciation. Boulversé d'êtreainsi gravement pris en faute, il tombe raide mort.
Un chef de gare italien, âgé de 55 ans, est, un matin, réveillé par des gens qui lui apprennent que sa gare a été pillée ; il sent si violemment le poids de sa responsabilité qu'il meurt dans les vingt^quatre heures.
Un soldat breton, qui ne pouvait se consoler de rester éloigné du sol natal, meurt le jour même où on lui refuse son congé.
Une religieuse du Sacré-Cœur de Montpellier, figée de 75 ans, apprend qu'elle doit abandonner la maison où s'est écoulée sa longue existence ; elle en est tellement émotionnée qu'elle tombe en syncope et meurt quelques heures après.
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La joie peut tuer tout aussi bien que les sentiments douloureux.
Sophocle, arrivé à un âge avancé, composa une tragédie qui fut couronnée ; le succès en fut si grand qu'il mourut do joie.
Denys, second tyran de ce nom, mourut en apprenant que sa tragédie avait remporté le prix de poésie.
Chilon de Lacédémonemonrut en embrassant sonfils qui avait remporté le prix aux jeux olympiques.
Diagoras, athlète de Rhodes, mourut en voyant ses trois fils revenir couronnés des jeux olympiques.
Ju ventrus, Thalma à qui le triomphe avait été décerné pour avoir subjugué la Corse, tomba raide mort au pied de l'autel où il rendait les actions de grace. Montaigne a rapporté le fait en ces termes : « Talva mourut en Corsègue (Corsica. Corse), lisant les nouvelles des honneurs que le Sénat de Rome lui avait décernez. » *
* Le pape Léon dixiesme.ayant esté adverty de la prinse de Milan qu'il avait extrêmement souhaitée, entra en tel excez de joye que la fièvre l'en print, et en mourut. » (Montaigne).
Valère Maxime raconte que deux romaines moururent de joie en voyant leur fils revenir sain et sauf du combat livré près du lac de Trasimène ; l'une d'elles mourut en embrassant son fils, l'autre en voyant arriver son fils, au moment où elle se lamentait, parce qu'elle supposait qu'il avait succombé.
Une jenne fille voyage en chemin de fer un jour où se produit une collision de deux trains dans laquelle de nombrenx voyageurs sont blessés. Les nouvelles inquiétantes de cet accident parviennent a, la mère au moment où elle arrive à la gare pour attendre sa fille. Celle-ci survient peu après, saine et sauve. L'élan de joie qui remplace son anxiété est au dessus de ce que peut supporter l'organisme de la pauvre mère ; après avoir pressé sa fille dans ses bras, elle a une attaque d'apoplexie et meurt douze heures après.
Des forçats irlandais, condamnés à perpétuité, sont morts en apprenant qu'ils étaient graciés.
Pouquet, au dire de quelques auteurs, mourut subitement en apprenant que Louis XIV l'avait rendu à la liberté.
TJn homme politique anglais attend avec anxiété le résultat des élections ; en apprenant le succès de son parti, il manifeste une joie exubérante, se lève et tombe mort sur le plancher.
Un homme de 51 ans reçoit d'un notaire de Paris une lettre le priant de passer à son étude, pour « affaire le concernant ». Le notaire, l'ayant fait asseoir, lui annonce qu'un parent éloigné, dont il est le seul héritier, viout de mourir en lui laissant une somme de 600.000 francs. En apprenant cette nouvelle, notre homme pousse une exclamation, porte les mains à sa poitrine et se renverse sur le dossier du fauteuil. Le malheureux est mort de l'émotion trop intense qu'il a éprouvée.
Une ancienne gouvernante âgée de 74ans. plaide ansujetd'un héritage auquel elle prétend avoir droit. Elle est si satisfaite du plaidoyer de son avocat que la joie la tue.
La nièce de Leibnitz mourut subitement de joie en voyant ouvrir les coffres de son oncle, qui étaient remplis d'or et dont elle héritait.
C. T. A. Charpentier raconte avoir vu mourir subitement un fori de la halle de la joie d'avoir gagné une somme considérable à la loterie.
Un juge américain, ftgé de 49 ans, a essayé, sans succès, depuis quinze ans, de demander la main d'une veuve pour laquelle il a une vive passion. Toujours sa timidité l'a empêché de déclarer sa flamme, lorsqu'il était en présence de cette personne. Enfin, se croyant encouragé par cette dernière, il se décide à lui parler franchement : - Voulez-vous être ma femme, lui dit-il ? — Oui, répond-elle à voix basse. » Une telle émotion est trop forte pour le pauvre juge qui s'affaisse sur le eol et rend le dernier soupir deux heures après.
Tissot, d'après Water, raconte le cas d'un soldat qui, sur le point de posséder l'objet de ses désirs, ressentit une joie si vive qu'il mourut subitement.
(A suivre).
PSYCHOLOGIE MILITAIRE
La psychologie morbide du temps de guerre
par M. le Dr LAMOUREUX (1) médecin major au V" régiment de cuirassiers.
Les troubles des fonctions intellectuelles évoluent dans le même sens et dans les mêmes limites, au cours des guerres, que les perturbations de la sensibilité. Les perceptions sensorielles sont très souvent altérées A la foie par l'action directe des fatigues et des privations inhérentes à la guerre et par les influences des phénomènes psychiques les uns sur les autres. Les hallucinations de tous les organes sensoriels ont été tellement observées, à l'occasion de toutes les guerres, qu'elles sont devenues-banales. Le général Bonnal, dans un livre sur la bataille de Frœschwiller, constate que les chefs de patrouilles, mal préparés à leur* role au début de la guerre, étaient soumis fréquemment à l'hallucination. « C'est ainsi que les nouvelles les pins fausses furent rapportées aux avant-postes allemands, l'un disant qu'il y avait à AUenstadt, tout près de Wissem-bonrg, un gros de plusieurs milliers de Français, un autre annonçant que le Maréchal de Mac—Manon marchait avec toute son armée le long du Bhin ».
Rien n'est plus dangereux, en temps de guerre, que ces troubles hallucinatoires, qui trouvent dans l'imagination féconde des troupes, des éléments d'amplification et de propagation. Campeano a fait observer, avec beaucoup de raison, qu'une illusion d'un membre de la collectivité devient, en pareil cas, le noyau de la suggestion contagieuse pour tont le reste de la foule, et bientôt cette illusion s'impose à tous les esprits avec la force et l'évidence d'une réalité concrète.
Si, comme l'affirme G-alton, la puissance de la représentation ou de développement des images, est fonction de la race, il fant reconnaître que le Français possède ce don à un degré particulièrement marqué. II en résulte que la tendance aux hallucinations est peut-être plus fréquente parmi nos soldats que dans les troupes étrangères.
Tous les historiens de la dernière campagne franco-allemande ont insisté sur les paniques provoquées par des illusions de ce genre ; on voyait l'ennemi partout, malheureusement surtout, là où il n'était pas. Avant la fin de la campagne, les troupes commençaient déjà à être blasées sur le compte de ces alertes injustifiées, et, comme l'enfant de la fable, elles ne se gardaient plus, alors même qu'on criait au loup.
En 1848, le général G-iulay avait reçu l'ordre de protéger la ville de Trieste contre une attaque possible de la flotte piémontaise. Une nuit on prit la lune, rasant les flots, pour les feux des vaisseaux ennemis et les batteries autrichiennes canonnèrent cette lueur inoffensive.
Un marin de la Belle-Poule, croyant apercevoir au loin une embarcation désemparée par la tourmente, l'équipage tout entier se convainct
(1) Extrait d'une conférence faite au cercle militaire de Paris (Juillet 1908)•
sur le champ qu'il y a un sauvetage à opérer. On met une chaloupe à la mer ; matelots et officiers voient déjà des masses d'hommes s'agiter, tendre les mains et quand ils arrivent près du bateau sinistré... ils trouvent h sa place quelques branches d'arbres couvertes de feuilles, arrachées à la côte voisine (1).
Ces exemples qu'on pourrait multiplier par centaines, montrent l'extrême fréquence, parmi les troupes, des perversions de ces phénomènes intellectuels primordiaux, que sont les sensations : ils prouvent en outre que les perceptions erronées se diffusent avec une extrême rapidité et une autorité incroyable, donnant corps a- des jugements dénués de fondement, qui sont d'ailleurs acceptés avec la même facilité par la foule quelle que soit la qualité des esprits qui la composent. « Entre un grand mathématicien et son bottier, écrit Gustave Le Bon, il peut exister un abime au point de vue intellectuel, mais au point de vue du caractère, la différence est le plus souvent nulle ou très faible ».
Que devient la personnalité dans les remous de ces foules armées, au milieu des cataclysmes du temps de guerre. Elle existe à peine dans ces grandes agglomérations, réduite aux opérations les plus inférieures^ dans un milieu où elle est sans emploi, mais elle subit invariablement le contre-coup des événements tragiques de la guerre.
La conscience claire du moi s'obnubile pendant l'action et l'automatisme cérébral remplace les actes réfléchis.
Dans le fracas et le tumulte grandissants du champ de bataille, il n'y a réellement de place que pour des perceptions violentes et rapides, aucune pour la réflexion et le jugement ; la notion du monde extérieur s'arrête a la perception d'images successives, sans lien les unes avec les autres : la volonté n'est plus qu'un acte réflexe, sans participation de jugement. Toute la vie psychique est bornée à des sensations visuelles, auditives ou organiques, à la fois simples et violentes ; toute l'activité du moi subconscient est employé à des actes soumis à la seule influence des centres médullaire ou bulbaire. Cet état a particulièrement frappé tous les contemporains et l'un des plus remarquables écrivains russes de la nouvelle génération, Léonida Andreff, en a fait une peinture saisissante.
» Presque tous les chevaux et servants tués...
De même pour la huitième batterie. Au bout du troisième jour, la douzième, la notre, n'a gardé que trois canons, six hommes et un seul officier, moi. Voilà vingt heures que nous ne dormons plus, que nous ne mangeons pas : depuis trois jours, une trépidation infernale nous entoure d'un nuage de folie, nous éloigne de la terre, du ciel et des nôtres, et nous, quoique vivants, errons comme des spectres.
? Les morts, eux. gisaient tranquilles, mais nous, nous marchions, nous accomplissions notre devoir : nous parlions et rions même et nous étions comme dos fantômes. Nos mouvements étaient assurés et rapides, les ordres clairs, l'exécution exacte. Mais si on avait demandé subitement à
(1) Campcnno : Essai de psychologie militaire, p. 69.
quelqu'un de nous « Qui es-tu ?» il n'aurait pas trouvé de réponse dans son cerveau enfumé...
La nuit venait sans que nous en ayons conscience et nous n'avions pas le temps de nous apercevoir que déjà le soleil se levait.
C'est seulement de ceux qui venaient nous voir que nous apprîmes que la bataille continuait le troisième jour, et sans y faire attention d'ailleurs.
Il nous semblait qu'un seul jour continuait, un jour infini et sans •commencement aucun, un jour tantôt sombre et tantôt clair, mais également mystérieux, uniformément aveugle. Et personne ne craignait la mort, car pas un de nous ne comprenait, ne savait ce qu'est la mort. »
Au combat, une double personnalité semble présider successivement aux impressions psychiques et à l'activité du moi conscient ; l'une, du -temps normal, capable de contrôle sur les actes de réflexion et de décision, l'autre incomplète, diminuée de toutes les opérations supérieures de la raison, susceptible, au plus d'enregistrer les représentations actuelles, à quoi semble se restreindre toute la puissance compréhensible du moi, sur le champ de bataille.
L'alternance de ces deux personnalités, de cette double conscience bien connue des psychologues, n'est point spéciale aux seuls hystériques : elle est habituelle, elle est même la règle, dans les manifestations plus ou moins conscientes de l'activité mentale au moment des grands cataclysmes.
Ces troubles psychiques passagers peuvent survivre, pendant quelque temps, à la cause qui les a produits ; ils peuvent môme n'apparaître qu'après un laps de temps appréciable, alors que la commotion cérébrale •qui les a provoqués, semble avoir pris fin elle-même. Matignon a rapporté deux exemples de ces réactions psychiques à distance, consécutives à des explosions de mines terrestres pendant la guerre des Boxers (1).
Le 13 juillet 1900, pendant le siège des légations par les Chinois, deux mines éclataient sous les pieds des défenseurs, à la légation de France, ensevelissant jusqu'au cou. sous des décombres, un volontaire qui ne ressentit, sur le coup, que de très vives contusions au corps et de la courbature.
« Monsieur P.... dit Matignon, était un garçon froid, timide, parlant très peu. Quel ne fut pas notre étonnement quand, le lendemain de l'accident, au moment de notre repas, nous l'entendîmes tout à coup élever la voix et porter sur une de nos jeunes compatriotes dont on parlait, des appréciations aussi violentes que déplacées : * C'est une sale p... : son mari est le dernier des m... » Pendant tout le reste du déjeuner, Monsieur P... eut la même excitation et la même violence de langage sur les choses et les personnes. Il en fut de même au repas du soir. La nuit il dormit mal. Le lendemain, il me dit qu'il se trouvait dans un état d'excitation cérébrale extrême, qu'il se rendait bien compte de la violence de ses paroles, mais qu'il ne pouvait se maîtriser, que cette impuissance lui
(I) Matignon : Le Caducée, 1907, page 217.
était très pénible, et qu'il me priait de vouloir bien faire comprendre au mari de la jeune femme, qu'il avait si violemment prise à parti, qu'il était au regret de ses actes, mais qu'il se sentait tout à fait irresponsable de ses paroles ».
A cette excitation passagère fit place les jours suivants, chez le volontaire, un abattement allant jusqu'à la somnolence avec agitation nocturne et cauchemars. Au bout de quelques jours, tous ces phénomènes disparaissaient, laissant d'ailleurs une entière conscience et un souvenir très-exact de tous les actes accomplis pendant cette période d'excitation fugace.
Matignon eut l'occasion d'observer un cas identique à celui-ci chez un officier italien, qui avait été enseveli pendant deux heures, sous des décombres, au cours du siège de l'Evêché de Pékin. Cet officier, trois semaines après cette tragique aventure, se souvenait d'avoir eu une période de grande excitation cérébrale, et d'avoir tenu dos propos très violents. Après quelques jours d'irritabilité extrême, tout était rentré dans l'ordre, et il n'avait gardé de son ensevelissement qu'une courbature très ac-" centuée.
Lorsque cette intermittence de la conscience, de transitoire, devient-, permanente, lorsqu'elle survit aux conditions anormales qui l'ont fait naître, elle constitue un trouble grave, l'aliénation de la personnalité, qui comporte la suppression de la vie psychique antérieure et l'accession d'un nouveau moi. Cette altération profonde du moi procède le plus-souvent de troubles organiques graves, tels que peuvent les réaliser les événements de guerre et les exemples en sont presque innombrables.
Un soldat se croyait mort depuis la bataille d'Austerlitz où il avait été grièvement blessé. Quand on lui demandait de ses nouvelles, il répondait « Tous voulez savoir comment va le père Lambert ? Il n'est plus-II a été emporté par un boulet de canon. Ce que vous voyez, c'est une mauvaise machine qu'Us ont faite à sa ressemblance ».
La dernière expression des troubles de la conscience du moi est réalisée par la substitution de la personnalité. Ici le mal vient du cerveau ; il confine à l'aliénation mentale et sort par suite des limites assignées à cette étude, dont ia dernière partie sera consacrée aux troubles de la volonté des troupes, en temps de guerre, et aux perturbations psychiques provoquées par les maladies épidémiques. (A suirre).
PEDAGOGIE DES ENFANTS NORMAUX
L'émulation scolaire (1) Son rôle dans la formation de la personnalité
pur Mlle Lucie Beriixos, professeur agrégée au lycée Molière
(Suite)
HL La sympathie. — Les procédés scolaires, si ingénieux qu'ils soient
(1) Conférence Inito ? l'Ecole de psychologie (semestre d'hiver 1908). V. le numéro-précédent (août 1908).
réussissent d'autant mieux qu'ils sont appliqués par des professeurs joignant à la vocation de l'enseignement une réelle sympathie pour leurs élèves. H faut que l'enfant se sente aimé. La sympathie est un des stimulants les plus puissants de l'application au travail. Tout ce qu'on fait par amour est aisé, et les éducateurs devraient s'inspirer de cette parole si juste de Michelet : « L'enseignement c'est l'amitié. »
M. Bousselet rapporte le trait suivant : Un professeur se plaignait de l'indifférence de ses élèves. Quelqu'un lui demanda : « Les aimez-vous ? * — Il répondit : Je n'ai pas mis l'affection dans mon programme. » Il oubliait que l'art d'etre aimé, c'est d'aimer.
Ce ressort existe surtout chez les jeunes filles, plus sensibles et plus affectueuses en général que les garçons. Beaucoup travaillent pour faire plaisir ît leur professeur, et son approbation est déjà une récompense. L'indulgence, qui. d'ailleurs, n'exclut ni l'autorité ni la fermeté, donne de meilleurs résultats que la sévérité, car la sympathie n'ouvre pas seulement les cœurs, mais les esprits. Les maîtres qui se montrent trop sévères dans l'appréciation des devoirs et des leçons découragent les élèves.
IV. Le surmenage scolaire, — Le surmenage scolaire est un grand obstacle à l'émulation. Il ne faut jamais imposer aux élèves une tâche au-dessus de leurs forces. C'est ce qui arrive lorsque plusieurs professeurs, d'ailleurs bien intentionnés, tirent la couverture à eux. au lieu de s'entendre pour la répartition raisonnable des heures de travail. Parfois les jeunes maîtres, manquant d'expérience ou trop zélés, donnent des leçons difficiles ou très longues. Ils voudraient enseigner tout ce qu'ils viennent d'apprendre. Qu'arrive-t-il ? Les leçons ne sont pas sues, ou certaines matières se trouvent sacrifiées.
L'élève qui veut satisfaire tout le monde risque parfois de rester médiocre en tout ; n'ayant pas le temps de réfléchir, de faire des lectures personnelles, il s'applique à ce qui se voit, aux leçons de mémoire, et néglige le reste. La faute en est à nos programmes trop chargés, bien plus qu'aux professeurs contraints de les appliquer.
A la suite d'une enquête sur renseignement du français, 31. Marcel Bernés constatait dans le Bulletin de l'Enseignement secondaire (avril 1907) que les résultats étaient moins satisfaisants depuis quelques années, — au dire des professeurs. — Il se demandait si cette décadence ne tenait pas à ce qu'on donne aux élèves des sujets de plus en plus difficiles, et non en rapport avec leur capacité, avec l'idée de hater les progrès, sans se rendre compte des obstacles (1).
C'est une erreur de croire qu'on pourra remédier à cette faiblesse en excitant l'émulation, par des faveurs on des cadeaux, par exemple par
(11 On croit de même élever le niveau des examens en rendant les épreuves plus difficiles. Par exemple, en 1907, n'a-t-on pas donné pour les examens d'entrée a l'Ecole normale supérieure de Sèvres des questions de mathématiques posées deux ou trois ans avant h l'agrégation de mathématiques. La plupart des aspirantes ont manqué les compositions. Il est probable que des candidates 1res sérieusement préparées et très bien douées pour reuseignenient ont dû leur élimination a la fausse conception de ce que doit être un examen d'admission a une école.
la promesse d'un jouet, d'une bicyclette, etc.. Le devoir trop difficile rebute l'enfant. Il se rend compte que môme en s'appliquent pendant des heures a un sujet ingrat, il en tirera peu de chose. Alors il bâcle son travail et contracte la mauvaise habitude de consacrer a d'autres occupations le temps qu'il devrait donner au travail.
Evitons donc le surmenage scolaire, si nous voulons obtenir une attention soutenue et un travail utile, et ne sourions pas toujours quand on prononce ce mot à propos des écoliers. Quelques-uns se fatiguent réellement s'ils se trouvent dans une classe trop forte : ou si leur santé délicate s'accommode mal de notre régime scolaire. La paresse, pour ceux-là, est un moyen de défense, une manifestation de l'instinct de conservation.
V. Le stimulant de l'intérêt personnel. — Un stimulant naturel intervient chez les élèves plus âgés qui ont en vue un examen ou un concours d'où dépend leur avenir.
La nécessité de se créer une situation et d'assurer son existence constitue pour beaucoup l'aiguillon le plus puissant. L'apparition inopinée d'une grande application au travail chez des jeunes gens qui jusqu'alors avaient manifesté la plus grande indolence, a souvent étonné les professeurs. En y réfléchissant, on comprend qu'elle correspond à une certaine maturité du jugement qui ne résulte pas seulement des conseils ou des exhortations, mais arrive naturellement à son heure, par l'effet d'une évolution normale du système nerveux. Le développement de la faculté de jugement qui permet seule à un adolescent de se rendre compte de la valeur et de l'intérêt positif des études qu'on lui impose, constitue un des buts les plus élevés de l'éducation. Quand le discernement est apparu, le rôle de l'éducateur se trouve beaucoup simplifié, puisqu'il n'a plus pour but principal de stimuler l'esprit de l'élève, de l'entraîner au travail, mais surtout de le diriger et de lui apprendre à tirer le meilleur parti de ses efforts.
VI. Les examens de passage. — Les examens de passage deviennent aussi un stimulant efficace, surtout s'ils sont sérieux, comme en Allemagne, où ils représentent la principale sanction du travail.
On pourrait encore citer mille causes particulières, variant avec les individus, qui les stimulent ou éveillent leur vocation. Je me bornerai à choisir quelques exemples entre tous, de crainte que cet exposé ne m'entraîne trop loin :
Newton passait pour un élève paresseux. Un jour qu'il s'était assis sur « le banc des forts », un camarade le poussa rudement en lui disant : — « Tu n'as pas droit à cette place-là. » — « Nous verrons bien », répliqua l'enfant, blessé dans son amour-propre. Dès cet instant il se mit à travailler avec acharnement, afin d'arriver à supplanter "son agresseur. D y réussit. On sait à quel point le menèrent ses études. C'est le cas de rappeler que les plus petites causes produisent parfois de grands effets.
Rappelons aussi les circonstances qui déterminèrent la vocation de Maspero. Dans sa jeunesse, comme ses parents résidaient dans les colo-
nies, on le laissait pendant les vacances dans le lycée de Parie où il faisait ses études. Un jour qu'il se promenait seul avec le répétiteur chargé de sa surveillance, le hasard les amena sur la place de la Concorde. Le jeune lycéen, intéressé à la vue de l'obélisque, demanda à son maître quelques renseignements que celui-ci lui fournit complaisamment. La curiosité de Maspero fut si vivement excitée qu'il lui demanda d'interrompre la promenade et de rentrer au lycée afin de rechercher dans une encyclopédie des détails complémentaires. Cette étude le passionna à un tel point qu'il la poursuivit dans des ouvrages plus spéciaux et il devint le grand égyptologue que nous connaissons.
Ces exemples montrent bien l'infueuce d'une volonté forte résultant nécessairement d'un ensemble d'aptitudes transmises par l'hérédité. Cette volonté, cette tendance à l'action apparaissent comme le meilleur stimulant de l'application à l'étude. Mais il faut encore que de mauvaises dispositions d'esprit chez l'éducateur ne viennent pas les contrarier ou les annihiler.
Que serait-il advenu, si le répétiteur du lycéen Maspero, au lieu de se montrer un conseiller bienveillant et érudit, uvait par son indifférence étouffé abovo la soif de curiosité si naturelle et si légitime qui venait de se manifester chez son jeune élève ?
3e viens de passer en revue les moyens naturels qui stimulent l'attention et facilitent le travail : éducation en commun, coeducation, intérêt des cours ou éducation attrayante et sympathie du professeur, répartition mesurée du travail, stimulant de l'intérêt personnel, examens de passage, sans oublier les causes particulières.
Notons que les procédés varient avec la nature et l'âge des enfants : tel sera sensible à un stimulant qui laissera l'autre indifférent. En cette matière, il n'est rien d'absolu.
?. ADJUVANTS DE L ÉDUCATION
A côté de ces stimulants, qui excluent la jalousie, il en est d'autres, plus discutés, qu'on peut appeler les adjuvants de l'éducation, telles sont les sanctions et les récompenses.
Beaucoup estiment que les moyens précédemment indiqués ne suffisent pas pour vaincre la paresse innée et obtenir l'entraînement nécessaire chez un grand nombre d'enfants.
L'émulation n'existe pas, dit-on, ni le travail, là où il n'y pas de sanctions matérielles. De là les puni/ions et les récompenses.
L'éducateur ne doit ni les prodiguer ni les proscrire. En cela nous ne partageons pas l'opinion de notre collègue. Mme Vimeux, qui dans un travail récemment publié, conclut purement et simplement à leur suppression.
En Allemagne la plupart des pédagogues, se montrent théoriquement opposés à ces sanctions. En réalité, dans la pratique, il n'y a pas de pays ou l;on y ait plus recours. M. Beneke, dans son ouvrage « Education et Instruction • dit : « Les récompenses et les punitions ne sont nécessaires
que dans le cas où l'éducation ne réussit pas tout à fait. Elles ne sont que les succédanés des motifs naturels, et l'éducateur doit en être aussi économe qnc possible. Il faudrait cependant envisager les difficultés que présente la direction de classes nombreuses où tant de caractères divers se rencontrent ! »
I. Punitions- — Pour les punitions, elles sont de plus en plus rares dans notre système d'éducation. L'auteur cité précédemment pense qu'on peut abolir plus facilement les récompenses ; mais on a observé, en Allemagne même, que là où on réduisait de plus en plus les récompenses, on était souvent amené à augmenter les punitions.
?. Châtiments corporels. — Je ue parle que pour mémoire des châtiments corporels justement supprimés chez nous, (sauf dans quelques familles). Ils étaient en honneur au XVIIe siècle et Louis XIV enfant reçut assez souvent le fouet. De mémo, Bossuet faisait frapper de verges son élève le dauphin.
Au XVIIIe siècle. Delille. dans le Magister, décrit l'école et il ajoute : » Non loin croit le boulean dont les branches flexibles > servaient a la correction des élèves.
Le martinet était encore d'usage courant dans la jeunesse de 31. La-visse et semblait être alors « un insigne naturel de la fonction magistrale. »
Le fouet subsiste en Angleterre et en Allemagne. Dans certains collèges aristocratiques de la grande Bretagne, où la tradition s'est maintenue, on a le droit de refuser le fouet, mais dans ce cas il faut quitter l'établissement. D a été complètement supprimé dans beaucoup d'écoles, eu particulier dans les écoles primaires.
La punition est en général un mauvais procédé d'émulation, parce qu'elle excite la crainte. « qui déprime l'esprit et conduit l'homme au ser-vilisme », ou à hi révolte. Puis elle est souvent artificielle et ne répond pas à l'acte. Par exemple, quel résultat attendre du moyen qui consisterait à faire copier ciuq cents lignes à un enfant turbulent pour avoir, dans sa vivacité, cassé un carreau ? La logique exigerait qu'il remit le carreau. Or la chose est difficile en pratique, saof peut-être dans une école professionnelle.
Avec un peu plus d'ingéniosité, il n'est pas difficile d'imaginer des puuitions naturelles, d'autant plus admissibles, qu'elles sont inoffensives. En voici un exemple : Une petite fille, voyant sa mère entourer sa sœur, qui souffrait d'un rhume, de soins délicats, voulut, attirer l'attention sur elle afin de bénéficier des mêmes gâteries. Elle se mit à tousser d'une façon inquiétante. Le docteur appelé en consultation s'aperçoit de la supercherie. La maman trouva le moyen de donner une leçon très efficace à la fillette en la laissant au lit pendant qu'on organisait une promenade agréable pour- les autres enfants. Les punitions entre autres inconvénients présentent lo suivant : Croyant qu'il a payé sa dette l'enfant qui a encouru une punition, s'y soumet sans discussion, mais il n'éprouve aucun regret ni aucun re-
mords. Connaissant le taux d une faute, le cas échéant, après avoir mis en balance, pesé les avantages que lui procurera sa désobéissance ou sa dissipation et les inconvénients qui résulteront pour lui d'une punition légère, il n'hésitera pas à se mal conduire.
Remarquons aussi que la plupart des punitions, loin de développer la personnalité dans un sens heureux, l'entravent au contraire, en rendant les enfants dissimulés, hypocrites, capables de toutes les ruses pour s'y soustraire ; il eu est, par exemple, qui laissent volontiers accuser un camarade, un domestique, et qui éprouvent même une certaine satisfaction à détourner sur quelqu'autre l'orage dont ils se sentaient menacés.
Chez les esprits orgueilleux, elle excite la révolte : Chateaubriand raconte dans ses Mémoires la scène terrible qu'il fit au professeur qui l'avait menacé du fouet pour avoir déniché des oiseaux. Tolstoï fut très malade à la suite d'une semblable menace parce qu'il n'avait pas appris sa leçon. Il a fait le récit de ses angoisses dans ses souvenirs d'enfance. Bonaparte, à Brienne, ayant été condamné à se tenir à genoux au milieu du réfectoire se trouva mal de rage, et le directeur dut lever la punition.
Le pensum est inintelligent, anti-pédagogique et à peu près condamné. H dégoûte du travail. Or le travail fait avec ennui ne peut être profitable. Nous admettons, bien entendu, l'exercice qui consiste à refaire un devoir manqué, après explication. Cela ne constitue pas, a proprement parler, une punition.
La privation de sortie, dans les internats, est un moyen barbare et peu efficace. Comment obtiendra-t-on la discipline et l'attention d'un élève turbulent déjà condamné a rester dans des classes peu aérées, si on le prive encore de grand air et de liberté le jeudi et le dimanche ?
Il faut évidemment distinguer les cas. Il semble qu'avec certains élèves la discipline soit impossible et la classe compromise si on ne les dompte pas par tous les moyens. Alors on a vraisemblablement affaire à des malades. Us relèvent du médecin de l'établissement qui doit les éloigner de l'école, ou les faire décharger de certains cours dont ils ne tirent aucun profit par suite de leur instabilité ou de leur débilité mentale. Us se trouveront souvent fort bien d'un séjour dans certains établissements spéciaux, où l'organisation des études et des exercices manuels permet de favoriser leur évolution normale en utilisant leur* force physique surabondante (1).
Comme il n'y a rien d'absolu, il est difficile de proscrire les punitions matérielles, surtout celles qui, en rapport avec la faute commise, peuvent provoquer parfois une émotion bienfaisante, un choc moral nécessaire chez certaines natures. Mais nous ne les admettons qu'à titre exceptionnel, car leur répétition supprimerait cette émotion.
III. Réprimandes. — Si l'on a pu discuter l'utilité des punitions maté-
(1) Je signalerai l'Etablissement médico-pédagogique de Créleil (Seine), organisé sur un plan tout à fuit moderne. Les enfants retardataires, débiles, instables, nerveux, des deux sexes, s'y trouvent dans les conditions les plus favorables à leur guérison. Ils y mènent une existence familiale et reçoivent un enseignement proportionné a leurs aptitudes Intellectuelles et physiques.
rielles. par contre les punitions morales sont absolument justifiées. Au premier rang de ces punitions morales, il faut mentionner d'abord les-rêprimandes des professeurs et des chefs d'établissement, soit en particulier, soit en public, — ensuite Yexclusion temporaire ou le renvoi définitif, suivant les cas.
Ce n'est qu'à ce prix qu'on maintiendra la discipline si nécessaire surtout dans nos classes nombreuses. Un professeur, chargé de la direction de la surveillance et de l'instruction de quarante élèves, n'a pas à sa disposition les mêmes moyens que s'il n'avait à s'occuper que d'une dizaine. Il suffit d'un élève indiscipliné pour troubler une classe nombreuse, détourner l'attention et compromettre le travail de tous. Il faut s'efforcer surtout d'obtenir l'ordre, la discipline volontaire, car « l'indiscipline est pire que le manque de culture ». (Kant).
(à suivre).
PÉDAGOGIE DES ENFANTS ANORMAUX
L'onychophagie est-elle un signe de dégénérescence ? (1)
(Suite)
Mon cher Directeur, Je viens de lire avec le plus vif intérêt l'article, je devrais dire la protestation, par laquelle vous affirmez à nouveau que les onycho-phages sont souvent des dégénérés. J'en ai étudié, je dois le dire, un assez grand nombre et certains d'entre eux sont véritablement de grands malades. Beaucoup, je le veux bien, surtout dans le jeune âge, ne sont encore que des prédisposés, et ceux qui ont le bonheur d'être surveillés, compris de leurs parents et quelquefois de leurs maîtres, se corrigent de leur mauvaise habitude. Pour cela, il est nécessaire de rectifier en temps utile par une éducation générale soignée et attentive leur tendance aux déviations de tout ordre. Chez eux l'onychophagie disparaît du fait d'une hygiène physique et morale bien entendue. Mais il en est d'autres franchement tarés, porteurs d'autres stigmates, chez qui le mal progresse avec les années, en même temps que se développent les autres imperfections de leur nature maladive, pour peu qu'ils soient le moins du monde abandonnés à eux-mêmes. L'onychophagie n'est plus qu'une infirmité à ajouter à tant d'autres. J'en ai rencontré pr.ncipalement dans cette classe de malades abouliques qui passent leur temps à sejneurtrir, à se tourmenter le tégument et que j'ai rangés autrefois sous le vocable de dermatothlastes. Quelques-uns d'entre eux sont à la fois trichotillomanes et onychophages. Tous ne mangent pas, n'avalent pas complètement leurs débris d'ongles, mais ils déchiquètent et fragmentent ceux-ci comme ils lacèrent la peau qui les entoure et transforment leurs extrémités digitales en plaies-saignantes, véritables acrodermatites par traumatismes répétés. On trouve-parfois sur le reste de leur enveloppe cutanée des érosions, des pertes de
(1) Y. les numéros de juin, juillet et août 1908.
substance qui amènent chez ceux qui sont prédisposés aux transformations chéloidiennes des néoformations, des indurations qu'ils se complaisent à détruire. Ils aggravent ainsi considérablement leur mal, la principale caractéristique des chéioides étant précisément de repulluler sur place et d'augmenter en proportion même des excitations qu'elles subissent. J'ai décrit autrefois avec détails le cas d'un de ces malheureux, parfaitement dévoyé à tous les points de vue, qui courait les cabinets médicaux, éprouvant un plaisir, indicible lorsqu'il rencontrait quelque confrère qui se laissait aller à scarifier ou à- cautériser ses lésions. Cet individu qui avait dépassé la quarantaine faisait la désolation de sa famille qui le soignait avec un véritable dévouement et avait organisé autour de lui une incessante surveillance pour le soustraire à tous les dangers auxquels il s'exposait à chaque instant. Ce maniaque qui se levait tous les jours au milieu de l'après-midi était avant tout un bizarre noctambnle. Il s'embarquait, au cœur de l'hiver, vers onze heures du soir, dans un des tramways parisiens desservant l'ouest de la ville et il allait s'enfoncer ft cette heure indue, couvert d'une superbe pelisse de fourrure, porteur de bijoux brillants, fumant d'énormes cigares dans un immense fume-cigares à bout doré, dans les petits chemins du bois de Boulogne. Des gardiens le suivaient dans ses excursions étranges et c'est ft cela qu'il dut de ne pas se faire assassiner ou dépouiller. Très tard dans la nuit, il rentrait au logis, fourbu, vanné et se couchait * tout nu » pour se livrer à un sommeil le plus souvent interrompu de réveils et de cauchemars affreux.
Or ce fou, car comment l'appeler autrement, était surtout et avant tout un onychophage et il avait souvent les ongles rongés jusqu'à la racine, à tel point qu'à un moment donné il gémissait de ne pouvoir lui-même tripoter et déchiqueter son tégument selon son plaisir accoutumé. C'est alors que sa fringale de destruction de la peau le reprenait au maximum et il en était tellement préoccupé qu'il * oubliait ses ongles •, si on peut ainsi s'exprimer, et les laissait un peu repousser, beaucoup moins intentionnellement que parce qu'il était suggestionné par le désir de se tourmenter encore et d'aggraver ses blessures. C'est à ce moment là surtout qu'il frappait à la porte des médecins dont beaucoup, lassés ou prévenus, le mettaient à la porte. C'éta.t, si on peut ainsi dire, un onychophage intermittent *, mais c'était néanmoins un onychophage et en même temps, à coup sûr, un détraqué de la grande espèce.
J'ai recueilli d'autres observations où lOnychophagie s'est montrée comme un des symptômes les plus nets de la dégénérescence. Leur intérêt s'efface devant l'énormité du cas que je viens de vous résumer aussi brièvement que possible et je ne veux pas m'étendre plue longuement sur ce sujet.
Mais ce que je tiens à signaler, puisque j'ai une fois de plus l'occasion de m'occuper de lOnychophagie, c'est que cette tare est quelquefois acquise à un âge assez avancé de la vie chez des êtres qui ne deviennent de francs maniaques que sur le tard, sous le coup d'une longue vie de
misères morales, d'ennuis répétés, de chocs cérébraux amenant la lassitude et l'oubli total du sentiment de la personnalité. C'est ainsi que je l'ai vue s'installer chez des intoxiqués et en particulier chez des cocaïnomanes, venant aggraver l'œuvre de destruction déjà commencée par l'usage prolongé du poison. La cocaïne amène, par son absorption longuement pratiquée, un certain nombre de désordres qui m'ont paru jusqu'à présent mal décrits ou, au moins, à peine indiqués dans les travaux qui concernent les sujets atteints de cette toxicomanie. Je dirai même que la littérature médicale est quasi muette sur ce point tandis qu'on y trouve déjà un certain nombre d'indications sur ce que j'appellerai les à-cotés de la morphine. Or les passionnés de la cocaïne sont bien, comme beaucoup de morphinomanes, sinon des dégénérés véritables, du moins des types de malades prédisposée aux déviations des fonctions du système nerveux. Je veux bien admettre que chez eux l'onychophagie a pu être précédée par des lésions véritables des extrémités (épaississe-ments, déviations des lamelles cornées par trophonévrose),etquecesmalades ont subi de ce chef une sorte d'attraction spéciale. Mais chez certains et chez l'un d'eux qui est d'ailleurs aujourd'hui complètement guéri de sa cocaïnomanie, la funeste habitude de se ronger les ongles avec les dents a persisté, comme ont survécu d'ailleurs chez lui d'autres troubles nerveux précurseurs et dans une certaine mesure générateurs de leurs habitudes d'intoxication médicamenteuse. Peu importe, au surplus, l'interprétation. Que l'onychophagie frappe des dégénérés vrais ou des dégénérés d'occasion, elle est toujours dans ses grandes lignes l'onychophagie avec tous ses caractères de chronicité et de persistance.
J'ai voulu très rapidement vous tracer ces lignes pour répondre à votre appel, me proposant, si la question peut vous intéresser par le côté un peu nouveau que je ne fais qu'esquisser aujourd'hui brièvement, d'y revenir pour vous et vos lecteurs. Il me semble, en tous les cas, que ce point de vue particulier de l'onychophagie vaut la peine d'être examiné d'un peu près et qu'il méritait de vous être signalé.
Agréez, etc.
Docteur Henri Fournier.
Directeur du Journal des maladies cutanées*
CONGRÈS ET SOCIÉTÉS SAVANTES
La pédagogie au congrès de l'association française pour l'avancement des sciences (Clermont-FEbrand, août 1908)
Le Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences qui vient de se tenir à Clermont-Ferrand sous la présidence de M. le professeur Appell. doyen de la faculté des sciences de Paris, ne l'a cédé en éclat à aucun de ses devanciers. A la séance d'ouverture. M. Appell dans un discours d'une rare élévation a traité l'importante question de l'enseignement des sciences et de la formation de l'esprit scientifique. Nous ne pouvons mentionner que quelques-unes des grandes idées qu'il
a exprimées : « La science n'existe en réalité que dans la pensée des chercheurs qui la créent, des professeurs qui l'enseignent, des techniciens qui l'appliquent, et des jeunes générations qui se pressent, poussées par le noble désir do connaître et de découvrir. L'avenir de la science française dépend donc essentiellement de la façon dont ces jeunes générations seront guidées, imprégnées dès l'origine du véritable esprit scientifique, placées dans les meilleures conditions pour le libre développement de leur vocation.
Un savant n'est pas seulement un homme qui sait ; un vrai savant doit joindre au savoir l'esprit scientifique, c'est-à-dire l'esprit de recherche, une curiosité toujours en éveil, une patience inlassable et surtout l'initiative et encore l'initiative. L'esprit scientifique donne ainsi à la vie le but le plus élevé qui soit, la recherche de la vérité ; en même temps, il rend modeste et prudent, car cotte vérité est relative, le fond des choses, si cette expression a un sens, devant toujours échapper à l'humanité.
En vue de l'éducation scientifique, nos efforts devront porter sur doux points essentiels : d'abord le perfectionnement de l'enseignement national à tous les degrés et surtout la destruction de notre vieux système d'examens et de concours ; puis la réforme administrative des établissements d'enseignement supérieur.
Notre enseignement scientifique a fait do grands progrès par rapport à ce qu'il était sous le second Empire, mais il reste encore imprégné du pédantisme bureaucratique et de la pédagogie d'ancien régime. D'ailleurs, M. Paul Appell pense que. tonte réforme, dans le sens du développement de l'esprit scientifique, sera impossible, tant que nous laisserons, comme couronnement et sanction des études, écraser l'esprit de la jeunesse par des épreuves théoriques reposant uniquement sur l'érudition. »
* Ces concours, ces examens, comme l'a dit M. Pierre Baudin, sont des
* épreuves de mémoire, non de savoir fondamental, ni d'observation, ni « d'expérience. Partout le livre règne. C'est lui qui s'interpose entre les « faits et l'individu. Au lieu d'être le guide, il est l'évangile. Or. il n'y a
* rien au monde, ni le témoignage d'un savant, ni la parole d'un pen-« seur, qui ait une autorité supérieure, à l'observation directe, à l'expé-» rimentation et à l'analyse immédiate, en un mot, au travail personnel •.
31• Appell a exposé a exposé ensuite le rôle qui revient à chacune de nos grandes institutions nationales dans l'enseignement des sciences. Il a démontré qu'on réaliserait un grand progrès et on rendrait à choque genre d'établissement sa fonction, en supprimant ces aimées préparatoires et, en général, toas les enseignements théoriques, et en exigeant des candidats aux écoles techniques, d'avoir pris, dans les Facultés des Sciences, certains certificats et diplômes déterminés sur les matières de l'enseignement supérieur jugées indispensables. Lesécoles teehniquesconsacreraient alors toutes leurs ressources à leur objet propre : elles pourraient, en particulier, organiser ¦ les laboratoires pratiques qui leur manquent presque partout- et combler ainsi une lacune qui nous met dans un état de grande infériorité vis-à-vis de l'Allemagne.
Vous voyez, dit en terminant M. Paul Appell, aux applaudissements unanimes de l'assemblée, que je n'ai pas craint d'aborder devant vous de grands problèmes, sur lesquels je vous devais de dire, en toute sincérité, le fond de ma pensée. Si j'ai heurté quelques-unes de vos opinions, vous m'excuserez en pensant que, dans cette étude, j'ai été uniquement guidé par l'amour passionné de la France et l'ardent désir de voir dans le domaine scientifique et technique, la première place occupée par notre chère patrie ».
Dans la même séance, l'assemblée a entendu un discours de M. le professeur Bruyant, président du comité local, dont les efforts ont été couronnés du plus grand succès ; des applaudissements nourris accueillirent la présentation faite, par le professeur Gauthier, du grand chimiste, sir William Eamsay qui deux jours après devait charmer les membres du congrès dans sa conférence, si remarquablement exposée, sur les yaz rares de l'atmosphère.
Nous voudrions signaler tous les travaux du Congrès de l'Association française qui mériteraient l'attention de nos lecteurs. Nous devons nous borner à donner le compte-rendu de la section de pédagogie dont les études se rattachent à la psychologie et rentrent dans le cadre de la Eevue.
La section fut présidée par M. le Dr Bèrillon. professeur a l'Ecole de psychologie. M. Julien Ray, professeur à l'Université de Lyon fut désigné pour remplir les fonctions de secrétaire.
La première séance fut consacrée à la discussion de l'importante question de la collaboration de l'école et de la famille dans /'education. Sur ce sujet on entendit les rapports de Mlle Berthet. professeur à l'Ecole Normale de Nevers et de M. le Dr Gallois, de Paris.
Ces rapports furent complétés par une étude fort documentée de Mlle Lucie Bèrillon, professeur au lycée Molière, sur VEducation attrayante.
Le compte-rendu de la séance suivante nous est fait, il nous suffit de l'emprunter au Moniteur du Puy-de-Dôme, qui avait délégué à la Section un de ses collaborateurs :
La séance du vendredi 7 août, dit-il, a réuni de nombreuses personna-r lités : Docteur Bèrillon, président ; M. Julien Ray, directeur de l'Œuvre intellectuelle et morale du soldat ; M. le général Buey. représentant le ministre de la guerre ; M. le Colonel Clergerie, M. Auréggio, vétérinaire principal ; M. Grollet. professeur à l'Ecole de psychologie; M. le capitaine Burguet, officier d'ordonnance du général commandant le 13° Corps ; M. Menât, directeur de l'Ecole d'Enseignement professionnel ; M. de Hontricher. président de l'Académie de Marseille ; M. Girod, professeur de philosophie au lycée ; M. le directeur du petit-lycée de Clermont ; M. le professeur Grandvilliers : M. Moreau, professeur d'agriculture ; le docteur Beauvisage, professeur à la Faculté de médecine de Lyon ; Mlle Lucie Bèrillon, professeur au lycée Molière, M. le professeur Gréhant,. etc., etc.
« A, l'ordre du jour étaient inscrites plusieurs questions, dont trois particulièrement importantes : 1° Mesures de préservation sociale à regard des adolescents vicieux, par le docteur Bérillon et M. Julien Bay ; 2° L'éducation intellectuelle et morale du soldat, par M. Julien Bay ; 3° Les classes de perfectionnement pour enfants anormaux, par le docteur Beau-visage.
Après une brève communication de 31. Pierre Larue sur les « semaines d'entraînement » dans les Universités, le docteur Bérillon a pris laparole. Et ce fut une admirable causerie, ce qu'on pourrait appeler une page historique dans l'histoire de l'éducation morale. Avec une ordonnance parfaite ont défilé, dans la lumière de la vérité vécue, toutes les tares morales qui rongent notre Société par-dessous, alors que dessus s'étend un voile subtil de progrès — et montrer tout cela comme l'a montré le docteur Bérillon, c'est en même temps dicter le remède. Il ne s'agit pas, certes, d'accomplir la transmutation du vice en vertu, pas plus qu'on ne songerait Ù. régénérer des fruits pourris ; il s'agit de prévenir le mal, d'empêcher l'épanouissement de cette dégénérescence qui tous les jours éclôt sous les yeux même des parents impuissants — pour ne pas dire bénévoles — et dont l'évolution s'accomplit tout à l'aise. C'est Vadolescence qu'il faut surveiller et protéger, garçons et filles : que dire de celles-ci qui doivent créer la génération nouvelle, et qui, couramment, comme si c'était chose naturelle, sont, fillettes encore, à l'atelier même, violées, dressées à la prostitution, ensemencées pour la propagation de la dégénérescence. Or il n'y a rien, en tant que traitement social préventif ; tout est surveillé, il n'y a que l'adolescent de 13 à 20 ans qui ne le soit pas. Et le docteur Bérillon réclame un service d'inspection morale, des adolescents des deux sexes, dans les grandes agglomérations et dans les cités industrielles.
M. Julien Bay soutient également cette thèse, dans l'intérêt de l'armée, qui, par le fait de la criminalité juvénile, introduit dans ses rangs non seulement une somme sans cesse croissante de non valeurs, mais un ferment actif de démoralisation : l'éducation à la caserne, pour laquelle on travaille tant aujourd'hui, ne saurait endosser la charge de lutter contre un pareil état de choses, an contraire elle doit être préparée par une œuvre antérieure d'assainissement.
M3I. Grand villiers, Menât. Girod, de Montricher. docteur Beau visage, fort éloquemment, tour à tour, ont présenté les observations de leur expérience respective en vue d'une organisation pratique de la surveillance morale.
La conclusion est qu'il faut : 1° Créer un service d'inspection, lequel ne nuirait aucunement a la liberté individuelle ; 2° Agir sur les parents : 3° Encourager les patronages (laïques), les associations d'enciens élèves, les œuvres post-scolaires, tels les cours du soir rendus plus accessibles aux véritables intéressés. Les deux premiers moyens sont les plus importants, car ils atteignent la masse.
Ensuite M.le Dr Beauvisage,professeur à-la Facultémixte de médecine
et de pharmacie de Lyon, dans une brillante communication, a exposé les efforts qu'avait faits la municipalité lyonnaise pour l'éducation des anormaux et les résultats encourageants qu'avaient donnés les premiers essais, cette communication et suivie d'une importante discussion à laquelle ont pris part M* Grandvilliers, de Meyzieux ; M. Girod et plusieurs autres personnes.
La deuxième séance de la section peut-être considérée comme une synthèse de toutes les activités qui ont un role à jouer dans l'éducation, qui, toutes, sont représentées dans la section, et dont les efforts convergent vers un but unique, la réalisation rationnelle d'un état moral et physique conforme aux capacités du genre humain.
M. le professeur Grandvilliers ouvre la séance en décrivant d'une façon précise les conditions de l'enfance anormale : ce qu'il faut faire à cet égard, c'est une éducation de l'habileté physique, une éducation des sens, et par dessus tout un exercice de la volonté du sujet ; mais il convient d'associer traitement médical et traitement pédagogique, il importe aussi d'isoler l'enfant du milieu extérieur ordinaire, enfin on ne saurait oublier que les enfants doivent être pris au début de l'éclosion de leur anomalie et que le redressement exige du temps.
MM. André Petit et Grollet, médecins vétérinaires, exposent ensuite la question de l'enseignement scolaire des devoirs de protection et d'assistance à l'égard des animaux ; une bonne voie est celle de l'action par les Sociétés d'assistance aux animaux, mais il faudrait que tous ceux qui enseignent, les instituteurs, les vétérinaires, ne laissent échapper aucune occasion de placer un conseil qui porte. Le docteur Bérillon fait alors un tableau suggestif de la sollicitude à l'égard des animaux et de la valeur des rapports entre l'homme et l'animal : dans l'armée, par exemple, on a — et le simple cavalier lui-même — l'amour du cheval ; or, aimer le cheval, le dresser, n'est-ce pas faire œuvre de psychologie, faire apprentissage de souplesse, n'est-ce pas enfin s'élever vers un état de beauté, la beauté de l'homme a cheval — point de vue esthétique, sans doute, mais trop souvent négligé, et dont l'oubli est un facteur de dégénérescence.
M. Julien Bay traite alors le grand problème de l'Education intellectuelle et morale du soldat et de l'Enseignement à la caserne.
A la suite de cette communication un débat fort animé s'est engagé au cours duquel des idées fort utiles ont été exprimées.
M. Moreau-Bérillon, professeur d'agriculture à Reims, indique le réle du professeur d'agriculture à la caserne, le colonel Clergerie, le capitaine Burgues, d'accord avec M. Ray insistent sur l'impossibilité d'obtenir aucun résultat par la forme « conférence ». Le docteur Bérillon donne le mot de la fin : tout l'intérêt de l'enseignement et de l'éducation réside dans les aptitudes de l'homme qui professe. C'est en y mettant toute son âme, en ayant ce que les maîtres d'autrefois appelaient justement l'ignis sacer. que l'on peut intéresser, instruire et convaincre. M. Aureggio appelle avec raison l'attention de l'assistance sur le caractère
fort instructif do l'hygiène alimentaire et vétérinaire, dont ses beaux travaux ont fait un objet d'enseignement très ponctueux.
M. Bosteaux, maire de Cernay-les-Reims, couronne enfin la session par une fort belle communication qui montre l'utilité de la rédaction de monographies communales pour l'enseignement de l'histoire dans le peuple ; or, qu'y a-t-il de plus fertile que cet enseignement ? M. Bosteaux présente d'ailleurs d'excellents ouvrages monographiques.
Ayant de se séparer, la section par un vote unanime a désigné M. le professeur Beauvisage. de Lyon, comme président do la section au Congrès de Lille, au mois d'août 1909.
* *
La section de pédagogie a clôturé ses travaux par un banquet réunissant le plus grand nombre de ceux qui avaient suivi ses travaux. Il eut lieu sous la présidence de M. Bravant, professeur à la faculté de Clermont, adjoint au maire et président du comité local. A ses côtés avaient pris place M. le Dr Gréhant. professeur de Médecine et Madame Gréhant, M. le Dr Bèrillon, professeur à l'Ecole de psychologie et Madame Bèrillon ; M. Beauvisage, professeur à la faculté de médecine de Lyon ; M. Julien Ray, professeur à la faculté des lettres de Lyon ; M. le colonel Clergerie, directeur du génie ; M. le capitaine Burguet, officier d'ordonnance de commandant de corps d'armée ; M. Girod professeur de philosophie au lycée ; M. Menot, directeur de l'Ecole professionnelle ; Mlle Dïssard, directrice d'Ecole : Mlle Lucie Bèrillon, professeur au lycée Molière : M. le Dr Noury, professeur a l'Ecole de médecine de Caen ; M. le Dr Mally, professeur à l'Ecole de médecine de Clermont : M. le Dr Damoglou, du Caire ; M. Grollet, professeur à l'Ecole de psychologie Madame Grollet ; M. Moreau, professeur spécial d'agriculture à Reims ; M. Bosteaux, maire de Cernay ; M. Baud, préparateur à la Sorbonne ; Mu* Alice Bèrillon, professeur au lycée Racine ; M. le Dr Bagourd, d'Argentan ; M. Collin de Paris ; M. Lefèvre, professeur au lycée du Havre ; M. Hérichard, chef de bureau de l'association ; M. Arritti. de Buenos-Ayres ; Mme Henning ; M. Lesueur, ancien avocat a la Cour de Cassation ; M. Petit, médecin-vétérinaire à Snresnes, etc.... etc..
A la fin, des allocutions très applaudies furent prononcées par MM. les professeurs Bruyant, Bèrillon, Gréhaut et Julien Ray qui célébrèrent l'union des divers ordres d'enseignement. M. le Dr Bèrillon, expose le rôle général de l'éducateur et démontre que la section de pédagogie représentait en quelques sorte la synthèse de l'enseignement français puisque tous les ordres de renseignement y étaient amicalement groupés. Il exprime le souhait que la section continue à être la réunion non seulement des pédagogues mais aussi de tous les pychologucs de l'association française ; M. Bosteaux. dans une allocution très goûtée remercie les organisateurs de la section ; enfin M. le professeur Beauvisage, président pour l'année prochaine, invite les congressistes à se retrouver au Congrès de Lille.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Influence de la musique chez les aliénés
Le service sanitaire de Londres possède ? Witham (Essex) un asile d'aliénés, ft qui l'on impose un travail nianuol qui leur permette de gagner leur vie. Co système n'avait donné Jusqu'à présent que des résultats peu encourageants. Dernièrement on eut l'Idée de créer dans cet asile une fanfare composée des malades âgés de 18 ft 25 ans : et très rapidement on ? const'ité des résultats remarquables. Non seulement les malades ont acquis facilement les connaissances musicales nécessaires, mais les Instrument stos auraient aussi montré une tendance marquée ft G amélioration, ft tel point que plusieurs d'entre eux seraient sur le point de voir signer lenr sortie de l'asile.
Un faux miracle de Lourdes
La section de Mnnlch de l'association allemande des Monistes vient de faire publier dans la presse quotidienne un appel destiné ft mettre le peuple allemand en garde contre la véracité des guérisons de Lourdes. Cet appel a d'autant plus d'im-portanee. que les pèlerinages allemands it Lourdes sont en augmentation constante. L'appel s'adresse surtout aux médecins allemands, qui ont le devoir professionnel et nutionul de fuvoriser la démonstration qu'à Lourdes 11 n'y ? pas de miracles réels. Les deux médecins signataires do l'appel, JIM. les docteurs Hermann Paltln et Eduord Aiguer, s'appuieut principalement sur l'ouvrage du Dr BoiSSarie. médecin en chef du Bureau des constatations do Lourdes, Intitulé : * Les grandes gué-rlsons do Lourdes.
Le docteur Aiguer a constaté qu'un des cas miraculeux de cet ouvrage n'était qu'une mystification. Ce cas est celui de Madame Bouchel. de Metz, oui prétendait avoir été'subitement gnérle ft Lourdes d'nn luoni grave, lorsqu'elle était restée en réalité incurable ; une amélioration passagère est restée sans suite. Cette observation a été ft plusieurs reprises l'objet de discussions ft la Société médicale de Met» : Il n'y a aucun doute qu'il s'agisse d'une milade non guérie ; malgré cela, son cas continue à être cité parmi les miracles de Lourdes. Il serait désirable que les médecins suivent de près les cas de soi-disantes guérisons miraculeuses, et exposent véridiquement l'état véritable de ces prétendues guérisons. Ils pourraient ainsi contribuer à l'éducation morale et intellectuelle dn peuple et empocher que des sommes considérables soient dépensées, chaque année, en transporte lointains de malades qui n'obtiennent jamais aucune guérlson. It est probable que la publication de cette note, que nous trouvons dîna le numéro du ifimchencr Medicînitr.he Wo~ chenschrift du 18 août 1908, ne manquera pas, tant en Allemagne qu'en France, de provoquer de nombreux commentaires.
Le faux miracle signalé par MM. les docteurs Faltln et Aiguer n'est pas le senl. Il y en a en d'autres. Il ne serait pas Inutile qu'ils fussent dévoilés.
Ouvrages reçus à la Revue
Dr Bérillon : Le traitement psychologique de l'alcoolisme. — In-12. 32,
pages. Paris 1906, Bureaux de la Revue de l'Hypnotisme. 1 fr. Dr Bérillon : Le concours de l'agrégation en médecine : nécessité de
son remplacement par l'institution des privat^docenî. In-8°, 24 pages.
Bureaux de la Revue de l'Hypnotisme. 1 fr. Gaston Valrax : Préjugés d'autrefois et carrières d'aujourd'hui, préface
de M. Etienne, ancien ministre, grand in-12. 460 pages, Privât. Toulouse 190S. 3 fr. 50. L. Bérillon : La timidité chez l'enfant. 24 pages in-S°. Bureaux de la
Revue de l'Hypnotisme. Prix : 1 fr. Paul Simon, capitaine d'artillerie. L'instruction des officiers, l'éducation
des troupes et la puissance nationale in-S, 2° édition 1907. Charles
Lavauzelle. Paris, 510 pages. Georges Deherjie : L'Afrique Occidentale Française. In-8° 523 pages.
Blond. Paris 1908. Robert Fludd : Traité d'astrologie générale. In-12. 290 pages. Daragon
Paris 1907.
L'adialQUirateuT : J. BÉRILLON. Le Giraol : Constant LAURENT. Privas.
Priva', Imp. C Laurent, avenue du Vanel.
23e Année. — N° 4.
Octobre 1908.
BULLETIN
Eloge de M. le professeur Liégeois à l'Académie des sciences morales et politiques. — Le congrès de l'assistance aux aliénés (Vienne).
Dans la séance du 22 août, M. de Foville, président de l'Académie des sciences morales et politiques a prononcé les paroles suivantes relatives à la mort accidentelle de M. le professeur Jules Liégeois : Messieurs,
J'ai reçu et je dois vous transmettre une triste nouvelle. Un des correspondants de l'Académie des sciences morales et politiques. M. Jules Liégeois, est mort le 14 de ce mois, victime d'un de ces accidents d'automobile qui se multiplient vraiment d'une façon enrayante.
C'est dans le département des Vosges, à Bains-les-Bains, que M. Liégeois ? été mortellement frappé.
M. le professeur Liegeois.
Son élection, comme correspondant, datait de 1899. On le voyait rarement. Mais vos suffrages avaient été le Juste couronnement d'une belle carrière scientifique. En 1865, aprés quelques années passées dans l'administration active, M. Liégeois avait été nomné professeur de droit administratif à la Faculté de Nancy.
Comme tel, il a traité, dans de remarquables opuscules, des sujets qui Intéressent an même degré l'économiste et le jurisconsulte : la question du billet de banque et celle du prêt à Intérêt, et de l'usure en particulier.
Mais ses travaux les plus originaux et les plus connus sont ceux qui concernent l'hypnotisme. M. Liégeois fut l'un des membres les plus actifs de cette école de-Xancy, comme on l'appelle, qni a soumis h une enquête si pénétrante ces étranges phénomènes de magnétisme et d'hypnose où le réel semble parfois Be confondre avec le merveilleux. Ici même, nous avons entendu M. Liégeois exposer les idées qui lui étaient chères et nous n'avions pas tous été convaincus ; mais nous avions tous été vivement intéressés.
C'est parmi les correspondants de la section d'économie politique que M. Liégeois
avait pris place, U y a neuf ans. L'Académie, par un double vot«, en avait, il y a
quelques semaines, complété la liste. Et voilà que déjà un vide nonvean s'y fait.
Notre Compagnie s'associe de tout cœur au denil de la Faculté de Nancy et de la
famille qui vient d'être si cruellement éprouvée.
• * *
Le troisième congrès international de l'assistance aux aliénés se tiendra à Vienne du 6 an 11 octobre 1908. Le secrétaire du comité français, M. le ?>• A. Marie, médecin en chef de l'asile de Villejnif, a fait preuve de la plus grande activité et un certain nombre de médecins français vont se rendre a Vienne pour prendre part aux travaux du congrès. A cette occasion aura lieu, sous la présidence du professeur Tnmbnrini. la conférence Internationale ponr l'unification des régimes d'aliénés. Le ministère de l'Intérieur a délégué au congrès et à la conférence plusieurs médecins, en particulier M. le 1> Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière. II. le préfet de police a délégué, pour y représenter son administration, M. le Br Bérillon, médecin Inspecteur des asiles d'aliénés.
TRAVAUX ORIGNAUX
Psychologie de l'olfaction : La fascination olfactive chez les animaux et chez l'homme
par M. le D1 Bcaiixos, professeur ft l'Ecole de psychologie.
TJn des phénomènes les plus frappants que l'on puisse observer dans les expériences d'hypnotisme, est celui de la prise da regard.
Chez un certain nombre de sujets, on constate, en effet, une disposition particulière à réaliser un état psychologique dans lequel la fonction visuelle semble absorber toute leur puissance d'attention. Par analogie avec ce qui a été observé chez des animaux qui subissent d'une façon irrésistible l'influence fascinatrice d'animaux d'espèces différentes, je désignerai cet état sons le nom d'état de fascination.
Le nombre des sujets présentant cette aptitude est relativement assez considérable, et la manifestation de ce phénomène peut être obtenue avec une assez grande facilité chez les jeunes gens intelligents.
Si je demande, par exemple, à une personne de fixer ses yeux sur les miens avec toute l'attention dont elle est capable, je ne tarde pas à-observer dans son regard un singulier état de fixité. Ses yeux, grands ouverts, présentent un certain degré d'exorbitis ; ils brillent d'un éclat inaccoutumé ; les pupilles sont dilatées : les traits, tendus dans l'attitude d'une curiosité intense, donnent à la physionomie l'expression que l'on observe chez ceux dont l'attention est vivement sollicitée par un spectacle d'un intérêt poignant.
Devenu indifférent à tout ce qui n'est pas l'objet de sa contemplation,' le sujet est manifestement sous la dépendance d'une action fascinatrice e'exerçant par l'intervention de son attention visuelle. On dirait qu'il n'y a plus dans son esprit qu'une idée fixe, obsédante, celle de ne pas perdre de vue les yeux qu'on lui a demandé de fixer.
La fascination visuelle n'est, pas autre chose qu'un état de monoïdéisme accentué survenant chez un individu doué d'aptitudes visuelles naturellement très développées et chez lequel ces aptitudes n'ont pas cessé d'être l'objet d'un exercice constant.
Le phénomène qui apparaît spontanément chez quelques sujets sous la simple influence de la fixation du regard, ne se manifeste, en général, avec toute son intensité que par l'effet de suggestions appropriées. D faut leur affirmer, d'une façon imperative, qu'ils ne peuvent plus détourner leurs yeux de ceux de l'opérateur, et qu'ils sont obligés de les suivre' dans tous leurs déplacements. Dès ce moment, si l'hypnotiseur exécute lentement des balancements de la tête, le sujet l'imite, afin de pouvoir suivre le mouvement des yeux qu'il contemple. Si l'hypnotiseur recule, le sujet se rapproche ; s'il se retourne, le sujet se penche en s'appliquant à ne pas lé perdre de vue. Si on s'efforce de mettre obstacle à la satisfaction de la contemplation, le sujet témoigne souvent de la contrariété qu'il éprouve par des gestes de mauvaise humeur. ? est des sujets qui d'un mouvement brusque obligent l'hypnotiseur à les regarder lorsqu'il fait mine de détourner son regard. ? semble donc que l'être plongé dans l'état de fascination subisse un charme qui n'est pas sans attrait, et qu'il trouve dans la prise du regard un véritable état de satisfaction. Cette impression résulte nettement de l'expression de contrariété qui se manifeste sur son visage lorsqu'il rencontre des obstacles à sa réalisation.
La même expérience peut être provoquée sur plusieurs sujets à la fois. La lutte qui s'établit entre eux pour satisfaire plus complètement ce besoin de fixer avec intensité les yeux de l'opérateur et se maintenir au premier plan, donne un spectacle saisissant.
Dans une note communiquée en 1878 à la Société d'Hypnologie et de Psychologie, ayant pour titre : La prise du regard dans l'état de fascination, je faisais remarquer que les sujets susceptibles d'entrer dans l'état de fascination et de présenter le phénomène de la prise du regard, appartiennent au type visuel et sont doués au plus haut degré de la mémoire visuelle. La première personne surlaquelle j'avais eu l'occasion d'étudier ce phénomène, l'avait présenté d'une façon pour ainsi dire spontanée, il m'avait suffi de l'inviter à fixer un instant mes yeux pour qu'elle se trouvât plongée dans un état de fascination visuelle très marqué, se traduisant parle besoin irrésistible de suivre mes yeux dans leurs mouvements. Or il s'agissait d'une jeune femme, peintre miniaturiste d'un très grand talent, dont la mémoire visuelle atteignait des proportions peu communes. Elle pouvait peindre, avec une grande
exactitude dans les nuances, des fleurs et des objets divers, sans avoir le modèle sous les yeux.
Les personnes chez lesquelles l'hérédité a conféré l'aptitude à con server des images visuelles, l'accentuent le 'plus souvent par un exercice constant. Habituées à concentrer leur attention visuelle sur un point limité, elles ont une tendance naturelle à se fasciner d'elles-mêmes. La fixité des yeux que l'on observe chez elles lorsque l'on cherche à réaliser le phénomène de la prise du regard, n'est que' l'exagération expérimentale d'un état qui leur est familier.
Le phénomène de la prise du regard pourrait être considéré comme une polarisation momentanée de l'attention visuelle et on s'explique qu'ils se prêtent a la production de cet état, puisqu'il aboutit â la mise en jeu d'une aptitude dont la satisfaction leur est naturellement agréable.
Chez des sujets appartenant au type auditif, des phénomènes aualo gues peuvent être provoqués par l'audition de bruits agréables. Il est des personnes qui, pendant l'exécution d'une mélodie exécutée sur un instrument ù cordes, subissent une véritable fascination auditive se traduisant par des jeux de physionomie semblables a ceux que l'on observe dans le cours de la fascination v!suelle. On peut facilement se convaincre que la prise de l'audition réalise les mêmes dispositions d'esprit que la prise da regard. Quand les fascinés auditifs sont sous le charme de la musique, tout ce qui trouble leur satisfaction provoque les manifestations d'une grande irritabilité.
Dans les grands concerts et dans les théâtres lyriques, a certains instants, toute la salle subit, sans s'en rendre compte, l'effet d'une fascination auditive intense.
I. LE ????GG,??ß?? olfactif des animaux.
La vue et l'ouïe no sont pas les seules fonctions susceptibles d'être affectées de ce monoïdéwne dont la provocation constitue le phénomène fondamental de l'hypnotisme. L'odorat peut également, chez les sujets doués d'aptitudes olfactives très développées, et dans des conditions favorables, être monoïdéisé.
Il va de soi que le monoïdéisme olfactif ne peut s'observer que chez les individus dans l'olfaction et le sens prédominant. Ces conditions se rencontrent dans un certain nombre d'animaux, en particulier chez le chien, le chat, le cheval, l'âne, l'éléphant, ainsi que chez les carnivores. Chez ces animaux, dont la sensibilité olfactive est extrême, l'odorat est la porte d'entrée ouverte aux images les plus intenses. C'est donc par la voie de l'olfaction que se réalisent cette fascination, ce monoïdéisme qui placent l'animal dans des conditions absolument comparables à l'état d'hypnotisme.
Certains faits observés journellement chez les animaux dont le sens de l'odorat est extrêmement développé, démontrent l'existence de cette fascination olfactive, analogue.aux fascinations visuelles et auditives dont j'ai signalé les effets.
Dans un livre de Victor Meunier, intitulé les Singes domestiques, au chapitre HT, après avoir exposé un certain nombre de moyens de dressage, l'auteur signale une méthode très simple pour se faire suivre d'un éléphant haut d un mètre qui, par fortune de chasse, vient à. l'instant même d'être séparé de sa mère. : « D'abord, les chasseurs pourront l'empêcher d'aller la rejoindre, lui barreront le passage, ensuite, l'un d'eux essaiera de l'arrêter par la trompe, ce à quoi on ne réussira pas toujours du même coup. L'éléphanteau chargera ce téméraire et souvent le culbutera : que l'homme se relève, saisisse l'adversaire par l'organe précité, et, passant rapidement l'une de ses mains sur son propre front mouillé de sueur, frotte de cette main ainsi parfumée les deux orifices de la trompe. Telle est la formule. L'effet en est magique. La colère du jeune éléphant tombe subitement comme un grand vent, abattu par une petite pluie. Bien plus, il est apprivoisé du coup. Inutile de rattacher. ? va suivre son vaiqueur comme tout à l'heure il suivait sa mère. ? s'obstine à marcher sur ses talons, ne connait que lui et résisterait à tout autre.»
Trois fois Delegorgue a vu Henning, son conducteur, faire avec succès cette expérience.
Beaucoup d'autres exemples de l'influence intense que certaines odeurs exercent sur le système nerveux des animaux pourraient être rapprochés du fait que signale Victor Meunier. On connaît à quel degré, dans la période du rut, les individus males dans un grand nombre d'espèces subissent une sorte de fascination olfactive qui les ramène toujours, en dépit des obstacles les plus divers, auprès de l'objet de leurs désirs.
Les chasseurs expérimentés dans le choix du chien d'arrêt, se préoccupent avant tout du développement des aptitudes olfactives. Us savent que la disposition à l'arrêt est en rapport avec la puissance de l'odorat qui, chez certains chiens, est poussée à un tel point que la moindre odeur du gibier provoque chez eux une véritable fascination olfactive.
L'arrêt du chien de chasse est uniquement sous la dépendance de l'odorat. Le chien tombe en arrêt dès que les particules odorantes émanées du gibier, habituellement dissimulé par des plantes ou par des-accidents de terrain, sont perçues par ses centres olfactifs. A ce moment chez les sujets entraînés et exercés, on assiste à une véritable prise de G olfaction, analogue à la prise du regard dont nous avons fait l'exposé au début de cette communication. La fascination s'effectue parfois si brusquement qu'elle surprend l'animal dans une attitude déterminée et l'immobilise dans cette position. D demeure un ou deux membres en l'air comme le ferait un sujet humain soudainement plongé dans l'état de catalepsie.
Un chasseur qui connait bien les nuances de la sensibilité olfactive et a étudié sur son chien les expressions de mimique qui s'y rattachent arrive facilement à diagnostiquer la nature du gibier devant lequel il va se trouver. Le degré de fascination olfactive est, en effet, en rapport avec l'intensité de l'odeur du gibier. On comprend donc que le chien soit plus complètement fasciné par l'odeur d'une perdrix que par celle d'une caille. Cette fascination se traduit par des phénomènes objectifs et soma-
tiques extrêmement frappants : ainsi, par exemple, la queue du chien se tend dans une rigidité d'autant plus grande qu'il est plus fortement sous le charme. L'appendice caudal complètement tendu reste absolument immobile. Quand il s'agit d'une caille, elle n'est qu'à moitié rigide, et on continue à percevoir du mouvement dans l'extrémité terminale, le monoïdéisme olfatif n'est qu'incomplet.
?
Avec son génie si pénétrant, Buffon a admirablement fait ressortir le mécanisme de l'olfaction chez les mammifères quadrupèdes, beaucoup mieux doués que l'homme sous ce rapport :
« Bs ont le sens si parfait, dit-il, qu'ils sentent plus loin .qu'ils ne voient ; non seulement ils sentent de très loin les corps présents et actuels, mais ils en sentent les émanations et les traces longtemps après qu'ils sont absents ou passés. T7n tel sens est un organe universel du sentiment : c'est un œil qui toil les objets non seulement où ils sont, mais partout où Us ont été ».
Le limier lancé sur une piste la suit avec autant de sûreté qu'un homme suivrait la trace de pas laissés sur le sable ; il n'a pourtant pour se guider que des particules odorantes déposées par le gibier sur le sol qu'il a foulé. Mais la ténacité qu'il apporte dans la poursuite, la rapidité et la précision avec lesquelles il l'effectue, la précision ne peuvent s'expliquer que par une véritable prise de l'olfaction, réalisant le monoïdéisme olfactif, analogue au monoïdéisme visuel du sujet mis en état de fascination.
Cette systématisation de l'attention olfactive qui, lorsque l'individu a fait choix d'une odeur, ne lui permet plus de s'intéresser à une autre, permet seule de comprendre comment le chien retrouve son maître sans se laisser induire en erreur par aucune autre émanation. Sans elle, on se demande comment ce chien lancé à la poursuite d'un cerf, accompagné d'autres cerfs, retrouve la trace de celui sur lequel il a été lancé, sans être égaré par les sens de la bête cherchant à le détourner sur une autre piste.
. Bans son livre sur YEcolution mentale citez les animaux. Romanes insiste sur l'intensité de l'olfaction qu'il a lui-même observée chez les cerfs, ainsi qne chez les chiens. A ce sujet, il relate une expérience qu'il fit avec un terrier qui lui appartenait, et qui montre, mieux que tout autre fait, le développement presque surnaturel de l'odorat chez le chien.
ß Un jour de fête, dit-il, alors que la grande allée de Regent's Park regorgeait de promeneurs de toutes catégories, se promenant en tous sens, j'emmenai mon terrier, que je savais doué d'un odorat excellent, capable de me suivre à la piste pendant des milles.
A un certain moment, son attention fut attirée par un autre chien ; je fis alors un certain nombre de zigzags d'un côté à l'autre de l'allée, puis je m'assis et surveillai le terrier. Celui-ci s'apercevant que je n'avais pas continué dans la direction où il m'avait laissé lorsqu'il me quitta, revint h l'endroit où il m'avait vu pour la dernière fois et la, retrouvant ma
piste, la suivit dans tous les zigzags que j'avais décrits, jusqu'à ce qu'il arrivât à moi. Or, pour ce faire, il avait à distinguer ma piste d'au moins cent autres pistes également fraîches et de milliers d'autres pistes plus anciennes, traversant la mienne dans tous les angles possibles. » '
(A suivre).
Mort par émotion, inhibition, suggestion, etc. (1)
par M. le docteur Paul Fàkiz. professeur k l'Ecole de psychologie.
(Suite)
La suggestion est-elle capable de provoquer la mort ? Citons les «as suivants.
En 1750, à Copenhague, des médecins, voulant éprouver les effets de l'imagination sur le corps, obtinrent qu'un criminel, condamné à la Toue, périrait par le moyen plus doux d'une hémorragie. Après lui avoir bandé les yeux, on lui annonça qu'on allait le faire mourir en lui onvrant les veines. Fendant que l'on faisait des incisions insignifiantes à la peau, on lâcha, tout auprès, des robinets par lesquels de l'eau tiède s'écoulait sur son bras et lui donnait l'impression de sang sortant de ses veines. Croyant qu'il était sur le point de mourir, ce malheureux fut pris de syncopes, de sueurs froides, de convulsions et mourut au bout de 'it «? \ heures et demie : ses piqûres avaient à peine saigné. Le fait est rapporté par Liébeault (?. p. 12), Feuchtersleben (p. 106) et Hack-Tuke (p. 54).
Gratiolet raconte qu'un étudiant en médecine, au cours de son initiation à la franc-maçonnerie, fut soumis à une fausse opération de saignée. On lui banda les yeux, on lui mit une ligature autour du bras : on fit les préparatifs ordinaires d'une saignée. Quand on eut fait semblant d'ouvrir la veine, on fit couler dans un bol un filet d'eau dont le son ressemblait à celui du flot do sang que l'étudiant prévoyait. Cela fut cause qu'en peu d'instants il devint pâle et que. bientôt, il s'évanouit. (Hack-Tuke, p. 53.)
D'après Liébeault (II. p. 12), un condamné ù mort périt au moment où le bourreau venait de le frapper à la nuque avec un linge mouillé : il crut tellement que c'était le coup mortel que ce le fut en effet. Liébeault cite le cas sans antre précision ; peut-être fait-il allusion au bouffon du duc de Ferrare : dont Feuchtersleben rapporte ainsi la fin tragique :
Un duc de Ferrare, en proie à la fièvre, fut jeté à l'eau par son bouffon, et ce bain par surprise coupa les accès. En punition de sa témérité, le bouffon fut condamné à avoir la tête tranchée. A la vérité, •on se contenta de simuler l'exécution, en le frappant sur la nuque avec
(1) Ci. Rerue de l'Hypnotisme, septembre 1908.
une serviette mouillée. Quand tout fut fini, les assistants s'aperçurent,, non sans étonnement, que le bouffon était mort.
Le fait qui suit est plus récent ; il a été pnblié par Ladamo (de-Genève).
Les élèves d'un lycée détestent leur surveillant ; un jour, ils jurent de-s'en venger. Ils s'enferment avec lui dans une salle et déclarent qu'ils-vont le mettre a mort. Ils lui lient les mains derrière le dos, lui bandent les yeux et lui placent la tête sur un billot. On passe rapidement sur sa nuque le bord d'une serviette humide et froide. Comme le malheureux, ne se relève pas après ce simulacre d'exécution, on détache ses liens, on. débande ses yeux : il est mort !
Dans ces cas, le patienta cru à la réalité du supplice capital et à l'imminence de la mort : la mort s'en est suivie ; c'est la foi qui a tué.
La foi, encore, a tué dans ce cas récent. Un cuisinier, figé de cinquante-six ans, souffre d'une maladie de cœur. Comme il ne peut se livrer à aucun travail, il décide de se suicider et se porte plusieurs coups de-rasoir à la gorge ; ses blessures sont insignifiantes ; mais il les croit mortelles et meurt sur le champ.
Dans les deux cas suivants l'hétérosuggestion fut purement verbale.
Trois cambrioleurs dévalisent l'appartement d'un marchand de vin ; celui-ci porte plainte et la police arrête les coupables. Mais, craignant les représailles possibles des malfaiteurs, le commerçant refuse de répondre aux convocations que lui adresse le juge d'instruction. En présence de l'abstention systématique du plaignant, les prévenus bénéficient d'un non-lieu et sont remis en liberté. Leur première visite est pour le marchand de vin : — « C'est toi qui t'es permis de nous faire arrêter, lui dirent-ils '? Ton compte est bon ï Tu peux aller acheter ta concession au cimetière ! » Terrifié le marchand de vin se barricade chez lui : le lendemain sa boutique reste fermée ; on ouvre sa porte de force-et on l'aperçoit gisant derrière son comptoir.
Lors des dernières élections au Conseil municipal. M. L. G. qui représente un quartier excentrique de Paris sollicite le renouvellement de son mandat. Au cours d'une réunion publique, un électeur prend la parole pour le combattre et. entre autres aménités, lui adresse ces paroles : * N'est-ce pas honteux de briguer encore un mandat électoral, à voire age. alors que vous avez déjà un pied dans la tombe ! ». Bouleversé par cette apostrophe, M. L. G. meurt subitement quelques instants après.
Voici des cas de mort par suggestion à échéance.
Le grand maître des Templiers cite « de\-ant le tribunal de Dieu » le pape Clément à quarante jours et Philippe le Bel dans l'année.
D'après Feuchtersleben, une femme ayant refnsé l'aumône à un pauvre mendiant, celui-ci s'en vengea en lui annonçant qu'elle mourrait dans six mois. Quand ce temps fut écoulé, elle fut tellement obsédée par cette prédiction qu'elle mourut.
Quelques faux prophètes annoncent, de temps en temps, que la fin du monde surviendra tel jour déterminé. Or, le premier novembre 1899 une
femme est morte de peur à l'heure même qu'un certain docteur Palb avait fixée pour la * grande liquidation ».
Mme Chap..., âgée de 71 ans, habite Marly-le-Roi. En 1901. elle perd son mari. Très affectée, elle se confine dans sa donleur et refuse de recevoir toute visite. Cependant, en 1903, elle fait la connaissance d'une Mme Mar..., âgée de 56 ans, en compagnie de laquelle elle va bientôt passer toutes ses nuits à faire du spiritisme. Dans la chambre où elles se tiennent toutes deux, des tables sont disposées en forme d'autel et supportent des flambeaux allumés. Mme Mar..., est assise, enveloppée dans une sorte de péplum blanc ; elle semble dormir. A ses pieds, un réchaud allumé dégage une fumée bleuâtre. Mme Chap..., vêtue d'un accoutrement étrange, est prosternée sur le plancher, les bras en croix, Mme Mar..., qui se donne pour un médium célèbre, évoque le mari de Mme Chap.... Elle dit à cette dernière : « L'âme de ton mari vient de me pénétrer et c'est lui, maintenant, qui parle par ma bouche. H te recommande d'avoir en moi la plus grande confiance et de suivre aveuglément les ordres qu'il te donnera par mon entremise... » "Une nuit, au début de décembre 1903, Mme Mar... prononce ces paroles : « C'est moi encore, ton mari. Je suis toujours dans le Purgatoire et j'attende ma délivrance. Elle aura lieu quand tu m'auras rejoint. Les esprits ont décidé que ta ne terrais pas lu fin de 1903 ; il faut qu'A VANT NOEL tu aies quitté cette terre. Fais donc tout de suite ton testament en faveur de cette bonne Mme Mar... qui t'a si bien consolée depuis ma mort. Laisse-lui non seulement ta fortune, mais aussi ta maison. Laisse-lui tout ce que tu possèdes... viens vite, je t'attends ! Lorsque le moment sera venu, ton cœur éclatera vers moi comme un fruit mûr. » Le lendemain Mme Mar.... va k la mairie, acheter pour Mme Chap.... une concession à perpétuité. Le 21 décembre, les provisions de la maison sont épuisées. = « H est inutile de les renouveler, dit Mme Chap... à sa bonne ; bientôt, je n'en aurai plus besoin. » Le 22 décembre, à midi et demi, elle s'affaise et meurt dans les bras de sa bonne. Chose singulière, les médecins légistes commis pour pratiquer l'autopsie constatèrent que le muscle cardiaque avait éclaté et présentait de larges déchirures.
L'autosuggestion, aussi, serait capable de provoquer la mort.
Feuchtersleben rapporte que des sauvages, lorsqu'ils sont las de la vie, prennent la résolution de mourir, se couchent, ferment les yeux et cessent de vivre. Après avoir cité cet auteur, Liébeault (?. p. 12) ajoute : * S'il est permis de douter de ce fait, il n'est pas d'un sot d'y croire. »
D'après Hack-Tuke, une américaine, miss Bonney, demeurant à Aven (New-York) a la conviction que son esprit doit abandonner son corps pendant un certain temps pour revenir ensuite. Elle parvient k convaincre plusieurs de ses amies qne les choses se passeront réellement ainsi. TJn jour, sans se plaindre d'aucune indisposition, elle annonce que le moment de son départ est arrivé ; elle se met au lit et converse avec quelques amies ; au bout de peu de temps, elle s'écrie : « Oh ! c'est merveilleux ! » et cesse de respirer : elle est morte !
Marcelin Berthelot avait, plusieurs fois, dit à ses enfants qu'il ne survivrait pas à leur mère. Quand on lui apprit que sa femme venait de succomber, il s'affaissa et mourut sur le champ.
Le célèbre chirurgien anglais, John Hunter, devait assister au conseil des administrateurs de l'hôpital St— Georges et y soutenir une motion personnelle. Avant d'entrer en séance, il exprime a un de ses amis, ses eraintee de voir s'élever une discussion désagréable et sa conviction que cette discussion lui sera fatale. H va à la salle de réunion et soutient le bien-fondé de sa proposition ; un collègue le réfute aussitôt et très vivement. Hunter cesse .aussitôt de parler et, s'efforcant de contenir l'explosion de sa colère, il se hate de gagner une pièce voisine, où il pousse nn gémissement et tombe inanimé.
Le cas suivant est emprunté au Dr Foustanos. Le choléra sévissait à Athènes. Un étudiant, peureux, va consulter un pharmacien ; celui-ci lui remet un flacon contenant un liquide dont il devra se frictionner le ventre, à la moindre attaque du mal. — D'ailleurs, ajoute le pharmacien, tant que vous ne constaterez pas de cyanose, vous ne risquez rien. » Le soir, l'étudiant éprouve des douleurs abdominales ; il appelle son domestique et lui demande de le frictionner avec le médicament. Voyant son ventre devenu tout noir, il tombe immédiatement en syncope et meurt. Or. le domestique s'était trompé de flacon et avait fait sa friction avec de l'encre. (à suivre).
PSYCHOLOGIE MILITAIRE
La psychologie morbide du temps de guerre
par IL le Dr Luiocrecx, médecin major nu 1" regiment de cuirassiers.
(suite et fin)
Spencer a défini la volonté : la représentation prépondérante, presque exclusive d'un acte, représentation accompagnée d'une tendance prépondérante à remplir cet acte. Les instincts représentent les tendances innées et inconscientes de cette faculté. L'énergie, au contraire, est une volonté soutenue et réfléchie, susceptible d'éducation et capable de maîtriser les inclinaisons et les sentiments.
Elle constitue une des qualités les plus hautes de l'homme, parce qu'elle lui permet de s'affranchir de la tyrannie des sens et de l'esclavage des craintes. Elle est souveraine dans le temps de guerre pour assurer le succès des combinaisons tactiques : imposer sa volonté à l'adversaire, tel est le secret de la victoire.
fX- Tout ce qui énerve la volonté du chef de la troupe va directement à l'encontre du but de la guerre, qui est l'écrasement de l'ennemi parla victoire. Rien n'est plus important par suite pour les soldats que l'éducation de la volonté et pour les chefs que la connaissance des causes qui peuvent l'exalter ou la diminuer. La faiblesse de l'impulsion, qui se tra-
duit par l'absence d'incitation ou l'indécision du caractère, est la plus habituelle des causes de diminution de la volonté.
Le midi de la France a été le théâtre, au cours de l'été 1907, d'événements graves qui tirent leur importance des conditions voisines do l'état de guerre, au milieu desquelles ils se sont déroulés. La rébellion du 17e régiment d'infanterie, à Béziers, a été provoquée, avant tout, par l'affaiblissement de la discipline, si l'on en croit les rapports publiés dans le Journal officiel du 4 octobre 1907.
« Souvent à la cantine, on chantais l'internationale..... Pour éviter les
manœuvres en 1905, 478 hommes se présentèrent à la visite. Le départ du 17e fut déplorable. En ville même, des réservistes s'assirent sur les trottoirs, sur le seuil des portes et refusèrent de marcher. ¦ Beaucoup de gradés n'osaient plus commander, encore moins punir. C'était a qui éviterait une histoire, une responsabilité ; c'était presque la peur. »
La défaillance des chefs n'est pas seule responsable de ces fautes ; la plupart des hommes étaient entretenus dans leur inconscience de leur mauvais vouloir par.des encouragements venus du dehors, sous forme de journaux ou de subsides.
? ne faudrait pas croire d'ailleurs que cet état d'esprit soit absolument nouveau : la diminution de l'énergie des soldats et la faiblesse de l'impulsion des chefs s'accusaient déjà en 1870. Au début de la guerre, le général Ducrot ne put taire exécuter quelques travaux de défense sur la rive droite de la Sauer, qui eussent rendu sa position extrêmement solide ; personne n'y voulut consentir, sous prétexte que cela mécontenterait les soldats.
Même avant l'ouverture des hostilités, le 24 juillet, Sarazin dit avoir vu des soldats appartenant aux réserves du Bas-Rhin, mécontents d'être appelés sous les drapeaux, errer par bandes dans les rues de Strasbourg, nuit et jour, sales, ivres, grossiers, mendiant même.
L'inertie de la volonté est la plus grosse faute d'un chef ; elle est infamante pour une troupe, proclament les règlements. La force morale des troupes ne résiste point, d'ailleurs sous le feu. h une inaction prolongée. Au contraire, la mise en œuvre de l'activité de tous ramène la confiance et enlève le sentiment du danger.
•Il est assez facile, en somme, d'expliquer ce phénomène curieux. Le système nerveux est. en réalité, une machine qui ne peut que transformer les mouvements qui la mettent en branle. Au repos, les images terrifiantes du temps de guerre, déterminent dans les centres nerveux des complexus de sensations internes, qui constituent la peur et aboutissent à la fuite, c'est-à-dire à la production de mouvements : pendant l'action au contraire, la production de mouvement, accompagnée de perceptions motrices, qu'il s'agisse du chargement d'une arme ou d'une marche en avant, se substitue aux visions angoissantes du champ de bataille.
C'est ainsi que s'expliquent certaines actions étranges du- temps de
guerre, par exemple le fait qu'on ait vu un chef d'armée, le Maréchal Bazaine, déterminer lui-même l'emplacement d'une batterie d'artillerie, dans la journée du 16 août, alors que sa responsabilité et ses devoirs de commandant suprême lui imposaient,'dans des conjonctures exceptionnellement graves, d'autres devoirs et d'autres soucis ; nul doute qu'il n'ait voulu par cette occupation d'importance nulle et purement mécanique, chercher une diversion motrice au désarroi de ses pensées.
Zola (1) a rendu avec une vérité saisissante ce double effet de l'immobilité des troupes sur l'affaissement de leur énergie et l'influence de l'action sur le maintien du moral des hommes.
» Les obus continuaient à pleuvoir. Comme le régiment marquait le pas, attendant de repartir, il en éclata un sur la droite, qui heureusement ne blessa personne. Cinq minutes s'écoulèrent infinies, effroyables. On ne bougeait toujours point : il y avait la-bas un obstacle qui barrait la route. Et le colonel debout sur les étriers, regardait frémissant, sentant derrière lui monter la panique de ses hommes.
— Tout le monde sait que nous sommes vendus, reprit violemment Chouteau.
Alors des murmures éclatèrent, un grondement croissant d'exaspération, sous le fouet de la peur. »
Voici maintenant le contraste qui résulte d'une situation opposée.
« Le Capitaine, son grand corps plié en deux, vint vérifier la hausse... et les ordres furent criés par numéros, lentement ; — Première pièce, feu... Deuxième pièce, feu ! Les six coups partirent, les canons reculèrent, furent ramenés pendant que les maréchaux de logis constataient que leur tir était beaucoup trop court.
Bs le réglèrent, et la manœuvre recommença, toujours la même, et c'était cette lenteur précise, ce travail mécanique fail avec sang-froid qui maintenait le moral des hommes. »
L'affaiblissement de la volonté pent aller jusqu'à son anéantissement, lorsque par le fait de la guerre, à des fatigues considérables des troupes, s'ajoutèrent des dangers extrêmes et un effort désespéré suivi d'écrasement sous un feu meurtrier.
Le 16 août 1870, la division de Cissey, solidement établie et menaçant l'aile gauche de l'armée allemande, fut attaquée par la 38e brigade, qui venait de parcourir i2 kilomètres, pour arriver sur le champ de bataille. L'élan de cette troupe, fatiguée par une longue marche, fut brisé par une fusillade terrible.
« Dieu lui-même, dit Kœnig, n'aurait pu porter les hommes en avant. » L'accablement physique et moral de cette troupe était tel qu'elle battit en retraite, au pas, sous le feu de la division française, et que 300 hommes, incapables de remonter l'escarpement du ravin, furent faits prisonniers.
A ces conditions effroyables de choc moral, plusieurs fois renouvelé, s'ajoute l'aggravation des maladies épidémiques qui, étroitement liées
fl) E. Zola : La Débâcle, page 150 et 810.
aux vicissitudes de la guerre, préparent ou consomment la défaite, par la décadence des énergies, le typhus, la fièvre typhoïde, la dyssenterie ? La lente déchéance des organismes qu'entraînent les affections aiguës et chroniques de l'intestin, si fréquentes dans les armées de campagne, l'infection et le méphitisme, qui en résultent, annihilent les courages les mieux trempés, avant de réduire les effectifs.
Ce sont ces affections épidémiques, aggravées le plus souvent par une alimentation insuffisante et l'intensité dos épreuves morales, qui font éclore, dans les villes assiégées, les désordres psychiques connus sous le nom de fièvre obsidionale ; ces troubles faits d'hallucinations, d'émotivité exagérée, d'irritabilité et de panique, marquent le dernier degré de la décadence morale.
Tonte fermeté a ce moment est anéantie.
Il ne reste plus dans l'âme qu'un immense découragement, une infinie lassitude qui dominent toute la psychologie du vaincu.
Ecoutons parler Sarrazin. » L'observation est un instinct chez le médecin ; je cherche à me rendre compte de l'état psychologique de tous ceux qui m'entourent. Si je commence par m'étudier moi-même, je constate avec étonnement que je suis arrivé à l'indifférence. Je n'espère plus rien, je ne crains plus rien, je ne désire plus rien, je me laisse aller aux événements avec une patience apathique, et moi qui, au début de la guerre et même au début du siège de Paris, ressentais si cruellement nos désastres, c'est à peine si j'y pense. Je sens bien que l'Alsace est perdue, que je ne vivrai plus à Strasbourg, que ma position si laborieusement conquise va me manquer, que mon bonheur est à tout jamais compromis, et j'accepte mon malheur, comme je me suis fait à l'idée du malheur de ma patrie. Je fais toujours mon service régulièrement, mais machinalement et sans élan. Je me vois en passant devant une glace le képi enfoncé sur les oreilles, un foulard de couleur autour du cou, la barbe longue et tombante, l'aspect misérable d'un mauvais soldat, et je ne suis pas étonné. ,
La nuit, pendant de longues heures d'insomnie, j'écoute le bombardement de nos forts de l'Est, j'entends le coup de canon, je suis le long sifflement de l'obus qui se rapproche, puis son éclatement. Je compte les coups et je ne pense à rien, pas même à la fin du siège de Paris. Je ne suis plus moi-même ; le grand ressort est cassé.
Les officiers de l'état-major, avec lesquels je vis. me semblent dans un état très analogue au mien. Ce qui domine chez eux, c'est la lassitude et l'indifférence ; je ne les entends plus, comme au début, discuter avec ardeur les chances de la guerre et du relèvement de la France ; pins de projets généreux, plus de plans de campagne, plus d'émulation, plus de disputes. Ils font leur service très exactement, très ponctuellement- et voilà tout. L'homme, évidemment ne peut disposer que d'une certaine somme d'énergie ; quand il l'a dépensée, il lui faut du temps pour la refaire. Ceux-ci ont semé la leur sur tous les champs de bataille depuis AVissembourg, et cette série continue de sanglants désastres les a brisés.
Bs disaient de leurs soldats après Champigny : « Ils ont vidé le fond do leur sac » ; c'est leur propre histoire. Et dans leur tenue fantaisiste, avec leurs paletots de fourrures variées, quand ils sont réunis, ils ressemblent à une bande de brigands ».
Je laisse maintenant, Messieurs, à deux illustres hommes de guerre, la tâche de me disculper, à vos yeux, d'avoir si longuement parlé de la psychologie morbide du temps de guerre.
« La force morale est pour les trois quarts dans les affaires militaires, écrivait Napoléon ; la balance des forces réelles n'y entre que pour un quart. »
* Il existe à la guerre d'autres intérêts que ceux tactiques et stratégiques, disait plus tard le prince Frédéric-Charles, ceux de la supériorité morale ».
Ces grands capitaines voulaient exprimer par là, comme le remarque justement Binet-Sanglé « que ce n'est pas seulement avec ses muscles, ses poumons et son cœur que le soldat remporte des victoires ; c'est aussi et surtout avec son système nerveux ».
PÉDAGOGIE DES ENFANTS NORMAUX
L'émulation scolaire (1) Son rôle dans la formation de la personnalité
par Mlle Lucie ;'¦¦ - ? llox, professeur agrégée au lycée Molière
(Suite)
IV. Eécompeuses. — Nous arrivons aux récompenses proprement dites :
Les éloges du maître, stimulant pnissant et désintéressé, sont déjà une récompense. Reconnaître les efforts et les encourager est un des principaux devoirs de celui qui a la mission d'instruire (2).
En dehors de ces encouragements légitimes, il y a les compositions, instituées dans le but d'attribuer des places, d'assigner une sorte de hiérar-ohie entre les élèves et de leur décerner des prix. On leur reproche d'exciter la vanité, la jalousie, de cultiver l'amour-propre et de le rendre excessif. On a également, contre ces usages tiré des arguments de ce qui se passe à l'Etranger.
Les prix n'existent pas dans tous les pays, — c'est là le principal motif invoqué pour les supprimer en France. A ce sujet on cite la
(1) Conférence faite ft l'Ecole de psychologie (semestre d'hiver 1908). V. les numéros précédents (août et septembre 1908).
(2) La discipline est compatible avec la douceur, et s'établit quelquefois par les moyens les plus simples : Une ancienne élève, après quelque dix ans, me rapportait le fait suivant : Un jour, me dit-elle, une compagne ayant par mégarde fait une grosse tache d'encre sur mon livre, je poussai un cri qui troubla la classe. Je m'apprêtai à être grondée, quand la maîtresse voyant la cause de mon émotion dli : « Pauvre petite, vous qui êtes si soigneuse, cela doit bien vons ennuyer ! Dans une circonstance analogue, essayez de vous observer et de manifester moins bruyamment vos Impressions ». Ces paroles me firent beaucoup plus d'effet qu'une remontrance sévère.
Suisse, l'Angleterre, l'Allemagne, où les distributions de prix ne sont pas une institution officielle et n'existent qu'a l'état d'exception.
A cela, on pourrait répondre : que dans ces pays de même qu'en Amérique, il y a assez d'émulation sans qu'on ait besoin de recourir aux distributions de récompenses. Cependant, les concours sportifs, tout à fait en honneur, comportent des prix : objets d'art, coupes, sans compter les acclamations et les démonstrations de tontes sortes par lesquelles sont accueillis les vainqueurs. Mais il faut reconnaître que les récompenses sont souvent attribuées au groupe et non à l'individu. L'esprit de corps y est donc plus développé, et si on s'applique a cultiver l'énergie qui résulte de la mise enjeu de l'amour-propre, on le fait en vue de la vie sociale.
En ce qui concerne l'enseignement, les programmes sont moins étendus en Angleterre, mais ils ont un caractère plus pratique. Les Anglais savent que ce qu'ils apprennent en général leur sera plus utile dans la vie. H n'est donc pas aussi nécessaire de pousser les élèves à profiter de l'enseignement donné.
En Suisse, on a supprimé les distributions de prix; il est vrai que dans ce pays on ne décerne pas de décorations aux grandes personnes, mais on a conservé, à la fin de l'année scolaire, une cérémonie où les élèves sont censurés en public s'ils n'ont pas fait preuve d'assez d'application. Cette sanction produit un grand effet. Le régime des sanctions scolaires n'est pas uniforme ; il varie d'un canton à l'autre.
De même, en Allemagne, on a moins besoin du stimulant des récompenses, parce que les élèves, naturellement studieux, travaillent volontiers pour s'instruire. L'émulation n'y est guère encouragée, car on tient surtout à la moyenne* non à l'élite. L'enseignement sert ainsi les vues du gouvernement s'abstenant de mettre en évidence des sujets remarquablement doués et commençant l'œuvre de nivellement social. Remarquons-le en passant, l'exemple de l'éducation allemande démontre que le souci de l'érudition n'a aucun rapport avec la formation de la personnalité et la culture de l'indépendance individuelle.
En Norvège, au contraire, c'est la crainte de contrarier la nature qui entrave l'émulation. M. Hugues Leroux, au retour d'un voyage dans ce pays, a écrit les lignes suivantes : * Le Norvégien a le sentiment d'être isolé dans le monde et forcé à chaque instant d'appeler à son aide toute son énergie pour vaincre les forces d'une nature marâtre. L'idéal pédagogique s'en ressent. Un instituteur déclare : je ne regarde presque jamais les devoirs de mes élèves. On n'aime pas cela a l'école. Les notes ne sont fournies qu'une fois par mois. On a aboli le système des notes quotidiennes, l'enfant risquant de travailler pour obtenir de bonnes notes, ce qui lui faussait l'esprit, et le père, de devenir un. pédant avec ses observations perpétuelles. » Il y a là quelque chose de juste, mais il faudra du temps avant que ces habitudes entrent dans nos mœurs ! Les élèves Français ont besoin d'être suivis régulièrement et les encouragements leur sont évidemment nécessaires.
En France, les enfants, de même que les adultes sont plus sensibles
aux satisfactions a"amour-propre, ni ils travaillent volontiers en vue des récompenses honorifiques. Cette disposition d'esprit dénote un certain souci de conquérir l'estime publique. En Angleterre, an contraire, il semble que les satisfactions matérielles aient plus de poids. Par exemple Lord Cromer reçut pour ses services 1 million 250.000 francs. En Prance il se fût contenté d'une promotion dans la Légion d'honneur... cela ne témoigne-t-il pas d'une moralité supérieure ? (1)
Revenons à l'objection de principe : après avoir constaté que la vanité est chez nous un défaut national d'ailleurs entretenu par les parents, on nous dira : est-ce une raison pour la développer encore à l'école ? Est-ce l'affaire de l'éducation ?
Nos adversaires auraient trop beau jeu si nous nous contentions de leur répondre qu'après tout, il n'est peut-être pas mauvais d'utiliser nos défauts.
Nous ajouterons que tout système présentant des inconvénients et des avantages, ou peut entre deux maux choisir le moindre. Or je ne vois guère ce que l'on gagnerait à tuer chez nous l'amour-propre qui a provoqué tant d'actes d'héroïsme, tant de traits de générosité. Pourquoi ne pas garder un peu du panache qui est un des caractères distinctifs de la mentalité française et que les autres peuples ont plus souvent admiré que raillé ?
V. Analyse et utilisation de l'amour-propre. — L'amour-propre, s'il est comme le disait Esope de la langue, la pire des choses, peut devenir aussi la meilleure. On dispute k ce propos faute de s'entendre sur le sens dn mot.
Beaucoup de personnes ne voient dans l'amour-propre que la complaisance intéressée pour soi dans la comparaison avec les autres, ou le désir de l'emporter sur autrui et de briller à ses dépens. C'est là une forme inférieure de l'amour-propre. ? comprend autre chose que cette admiration plus ou moins justifiée pour sa personne.
Xi'amour-propre consiste aussi dans la conscience qu'on a de ses aptitudes et de sa valeur propre. Une fois qu'il a conscience de ce qu'il est capable de faire, l'homme doué d'amour-propre met son ardeur, sa volonté à le réaliser, à faire l'effort nécessaire pour arriver au succès (2).
Pasteur disait : * Donner son maximum d'effort en ce monde, c'est atteindre le but de la vie. » Or, c'est par l'émulation que l'homme est amené à donner ce maximum d'effort. ?amour-propre, principe de l'émulation est donc le grand ressort de la personnalité.
(1) Mon intention était d'abord d'élndier et de comparer les différents srstèmos d'émulation appliqués dans les divers pays ; mais j'ai reçu des renseignements tout à fait contradictoires en ce qui concerne l'Allemagne, l'Angleterre et surtout l'Amérique. Ce qui s'explique par l'extrême liberté des éducateurs en ce pays.
(2) Par exemple, La Fontaine enteudant lire nne ode de Malherbe prend conscience de ses dons littéraires ot s'écrie : * Et moi aussi, Je snis poète ! > De mémo ponr la peinture, la musique, que de vocations se sont nînsi éveillées. La comparaison de ses aptitudes avec celles d'autrui autorise a penser que l'on peut légitimement prétendre arriver, dans son art. dans sa profession ou dans son travail, a des résultats équivalents a ceux quo l'on a constatés. Victor Hugo disait : Joserai Chateaubriand ou rion ! »
S'il y a dans l'émulation une idée de lutte, c'est souvent celle d'un combat avec soi-même, et non d'une rivalité méchante avec autrui, pour vaincre une paresse naturelle, triompher d'une faiblesse dont on a honte, et fortifier sa volonté.
D'ailleurs les enfants complètement dépourvus d'amour-propre sont la plaie des classes : apathiques, indifférents, abouliques, Us vont parfois jusqu'à perdre l'instinct de conservation et de propreté. Loin de condamner absolument l'amour-propre, il faut donc l'utiliser chez l'élève et le faire servir à son amélioration physique et morale.
En France, un grand nombre d'esprits ont le travers d'aller aux solutions radicales; cela n'arrive que parce qu'ils généralisent trop vite. Ainsi, après avoir considéré longtemps les distributions de prix comme le pins efficace des stimulants scolaires, on les rejette aujourd'hui presque sans discussion. On les a supprimées dans nombre d'écoles communales, au Lycée de jeunes filles de Lyon, etc) et on va même jusqu'à considérer les distributions comme immorales !
Une consultation faite en 1906 parmi les membres de l'enseignement secondaire féminin a donné les résultats suivants : Sur lô3 établissements de jeunes filles,
65 réclamaient la suppression complète des prix,
71 se prononçaient pour une distribution sans cérémonie officielle (suivant le vœu exprimé, dès l'origine, en Conseil supérieur de l'Instruction publique); et 17 seulement demandaient une cérémonie publique. (1)
Jusqu'alors on s'était contenté de consulter les professeurs, dont l'opinion peut être inspirée par des mobiles qui n'ont rien de philosophique, car certains ne voyaient dans la correction des compositions, dans la préparation de la solennité qu'une cause de fatigue supplémentaire dont ils n'étaient pas fâchés d'être débarrassés.
L'idée m'est venue d'en appeler directement aux intéressés et de faire une consultation parmi mes élèves. J'ai obtenu une centaine de réponses écrites ou orales, motivées. J'avais donné comme sujet de devoir : Que pensez-cous des distributions de prix ?
A ma grande surprise, 90 sur 100 se sont prononcées nettement, non contre l'idée de récompense, mais contre le système actuel de répartition, surtout celles qui avaient des prix et même le prix d'excellence. Ce qui donnait aux réponses des élèves une valeur indéniable, c'est qu'elles témoignaient d'un réel esprit de réflexion.
Un de leurs principaux arguments était tiré de l'importance excessive qu'attachent les parents aux récompenses scolaires. L'une d'elles écrivait qu'elle avait appréhendé de rentrer chez elle un jour qu'elle se trouvait troisième à la seconde composition, au lieu de rester première, sachant combien sa mère en serait chagrinée.
En matière d'émulation, les parents ne se montrent pas toujours bien
(1) Dès 1904, lors d'une consultation semblable, à propos des écoles primaires Supérieures de jennes filles de Paris, les directrices de ces établissements se prononçaient contre les distributions de prix (article de l'Eclair).
inspires. Il leur arrive de surexciter l'émulation par des promesses intéressées, ou bien ils l'entravent en critiquant les sujets donnés qu'ils jugent fort difficiles ou qu'ils entendent mal.
M. Crouzet rappelait (dans une conférence sur Maîtres et parents) qu'un père de famille avait protesté contre le devoir suivant : « Il faut être content de son sort ». disant qu'un sujet pareil excluait toute idée de progrès et d'ambition et aboutissait à un fatalisme dangereux !
Certains faits démontreraient que les prix développent parfois des mauvais sentiments. Par exemple, une petite fille, au retour de la classe, s'écrie : « Je suis bien contente, mon amie M... a la scarlatine ! » Devant l'étonnement de sa mère, elle ajoute : « M... était avant moi, à la dernière composition ; maintenant j'aurai des chances pour le prix! » Evidemment il'existe parfois des rivalités fâcheuses, mais n'exagérons rien, ce sont plutôt des exceptions.Beaucoup d'émules luttent sans jalousie, se réjouissent même des succès de leurs camarades.et c'est entre eux que se nouent souvent les plus solides amitiés. — Nous en rencontrons de nombreux exemples parmi nos élèves.
La plupart demandent, avec raison, que toutes les élèves qui travaillent soient récompensées (jusqu'à douze ans au moins ; d'autres disent quinze ans). En général, les élèves et les professeurs sont d'accord pour s'élever contre le classement, trop absolu, qui consiste à classer les compositions, et les élèves par numéros d'ordre.
— Que faut-il retenir du débat ? Il n'est pas question de supprimer radicalement compositions et prix, mais de les transformer.
VI. Les compositions. — D'abord il faut maintenir les compositions. Elles obligent à des revisions nécessaires. Il est bon de s'arrêter de temps en temps pour faire le dénombrement des connaissances acquises.
La composition faite en classe, sous les yeux du professeur, a un caractère plus sérieux, exige un effort personnel plus suivi, que le devoir, pour lequel l'élève est tenté de recourir aux lumières des parents, des répétiteurs ou des camarades.
Elle contraint à condenser la pensée, à ramasser les idées dans un temps donné, et. plaçant l'élève dans les conditions qui lui seront imposées aux examens et aux concours, elle l'entraîne pour ces épreuves.
La composition permet aussi de constater les progrès de l'élève d'un trimestre à l'autre, même si on ne le compare qu'à lui-même (comme on le fait très justement à l'école normale d'Àuteuil).
On objectera que les compositions présentent des inconvénients.
Examinons-les :
1° Les élèves, dit-on. fout des revisions hâtives, ou négligent le travail général de la classe. — Il est évidemment excessif d'exiger la simultanéité des compositions et des devoirs habituels. Rien n'est plus facile que de réduire ceux-ci.
2° Les élèves s'en rapportent à la chance et préparent seulement quelques sujets. Il n'y a là encore que demi-mal s'ils savent choisir ce qu'il importe de retenir.
3° Les élèves font surtout un effort de mémoire au détriment de la réflexion. De plus, il reste trop d'aléa dans le choix des sujets. — On remédierait à cela en donnant des questions plus larges et en laissant aux élèves, dans les classes élevées, le choix entre trois sujets (comme on le fait actuellement au baccalauréat. d'après le système emprunté à l'Angleterre).
4° Certaine élèves sont entraînés à tricher pour avoir de meilleures notes et éviter les punitions ou les réprimandes des parents, — Dans ce cas, le remède consiste à redoubler de surveillance, il convient également de s'efforcer de développer dans la conscience des enfants, le sentiment Je la probité.
Remarquons qu'en Allemagne, la même où il n'y a ni compositions ni prix, on commet beaucoup plus de tricheries que chez nous, tantôt pour faire hausser les notes, tantôt sans but, pour le plaisir ! . Je crois pouvoir affirmer d'autre part que chez nous les filles trichent moins que les garçons. A ce propos, un jeune lycéen me disait récemment, en manière d'excuse : « C'est parce qu'elles sont moins habiles ! »
Un classement plus large diminuerait cette tentation. ? faut donc maintenir les compositions, qui intéressent les élèves. — et cet argument doit encore entrer en ligne de compte, — mais sans y attacher cette idée de classement rigoureux qui était la base de l'éducation chez les Jésuites, et qu'on leur a. bien à tort, empruntée. Chez eux. les premiers étaient exaltés, comblés d'honneurs. On les considérait comme les princes, les ducs d'une nouvelle féodalité, tandis que les derniers (même avec une légère différence de points), étaient regardés comme des vilains, des parias. De là des jalousies, des haines qu'on attisait au lieu de les éteindre en maintenant ces comparaisons fâcheuses pour les bons élèves moins favorisés.
(A suivre).
¦ PÉDAGOGIE DES ANORMAUX
L'onychophagie est-elle un signe de dégénérescence ? (1)
I. L'OXTCHOPHALGIE DASS ShAKSPEABE
Mon cher directeur, Il y a longtemps que Fonychophagie est considérée comme un symptôme névropathique. Shakspeare dont le génie a si bien su déceler ha signification pathologique des impulsions humaines, avait reconnu que l'onychophagie est une tare. A la scène LT du quatrième acte de la Douzième nuit, le bouffon chante des couplets dont voici le refrain :
c Adieu, pauvre lunatique, € Bouge tes ongles morbleu.
Agréez, etc. Dr E. Mosis
11) T. les numéros de juillet, août et septembre 1908.
?. L'OXYCHOPHAGIE DES ONGLES DES PIEDS
Ce n'est pas le fait de ronger ses ongles qui constitue un signe de dégénérescence. L'animal qui se trouve géné par la longueur de ses griffes les use par frottement sur un corps dur ou les rogne avec ses dents. Un homme privé de canifs ou de ciseaux peut, sans être taxé de dégénérescence, recourir à ses dents pour rogner ses ongles, quand leur longueur l'embarrasse.-
Ce qui constitue la tare, c'est l'habitude impulsive, inconsciente, irrésistible, sous l'influence de laquelle* un individu dévore ses ongles, alors qu'il connaît les inconvénients de cette pratique. Les onychophages invétérés se déclarent incapables de réagir contre leur mauvaise habitude. J'ai traité avec succès, en trois séances, par la suggestion hypnotique un homme de cinquante-six ans. Il n'avait rien négligé pour se débarrasser de son habitude et avait finalement reconnu l'inutilité de ses efforts. Les nombreux onychophages que j'ai eu l'occasion de traiter depuis la publication en 1897. de mon mémoire sur Vonycliophagie, sa fréquence chez les dégénérés, étaient tous des abouliques. Il n'y en avait aucun chez lequel je n'aie constaté des troubles névropathiques et des tendances impulsives plus ou moins accentuées. Un fait certain, c'est que la guérison de l'onychophagie est toujours accompagnée d'une amélioration très marquée dans l'état mental.
L'instabilité, l'irascibilité dont font preuve les onychophages sont des faits sur lesquels j'aurai l'occasion de revenir, aujourd'hui je veux simplement signaler plusieurs observations d'onychophages qui, la nuit, dans leur lit. cédaient, avec frénésie, à l'habitude de ronger les ongles de leurs orteils. Il faut croire que la satisfaction de cette impulsion s'accompagne d'une certaine volupté, car l'onychophagie des ongles des orteils se montre relativement assez tenace. Cette impression avait été notée par la fameuse Claudine, dont plusieurs volumes nous ont récemment relaté les exploits quelque peu licencieux. Dans Claudine à Paris, on peut lire en effet, les lignes suivantes : « comme disait la grande Anaïs, cette sale ; « Ce doit être rudement amusant de pouvoir se ronger les ongles des pieds. » Anaïs, si nous en croyons Claudine à l'école, à défaut des ongles des pieds, se rongeait copieusement ceux des mains. La description du caractère de cette personne revêche et dyspeptique correspond, dans le roman, exactement h celle de l'onychophage type.
Nous avons déjà pu étudier six cas d'onychophagie des ongles des pieds. Quatre des observations se rapportaient à des enfants au-dessous de dix ans ; deux concernaient des grandes jeunes filles de vingt et de vingt-deux ans.
Je suis le premier à reconnaître qu'une certaine souplesse de la colonne vertébrale est nécessaire pour se livrer à cet exercice. Cependant la chose est possible. Dès les temps les plus reculés, les Hindous avaient reconnu la possibilité de ce geste. En effet Sonnerai dans son livre paru en 1782. Voyage anx Indes Orientales, raconte la légende par laquelle après la
mort de Brahma, Vichcnou. prenant une feuille de figuier, se place sur cette feuille et flotte ainsi sur la mer de lait en suçant le pouce de son pied droit. Dans plusieurs temples on adore Yichnou sous la figure dont on rient de parler et a laquelle on donne, dit Sonnerat, le nom de Vata-patrachaï ; les indiens ont toujours dans leur maison un tableau qui représente ce dieu sous cette forme. Vatapairac/taï est regardé par les sectateurs de Vichnou comme l'être suprême né de la durée du temps (1).
Viclinoti enfant suçant son pros orteil droit
Nous n'allons pas jusqu'à dire que Vichnou cède à la tentation de ronger l'ongle de son orteil. Nous roulons simplement indiquer que ce geste symbolique est, en somme, assez facile à exécuter par des pédiinanes comme le sont les Hindous. Reste à savoir si lOnychophagie des ongles des orteils est plus fréquente chez eux que chez nous.
Dr Bérillos.
(1) Sous avons récemment vu nue figure de ce Dieu. A l'Age adulte, dans la même attitude, au musée de Clermont-Ferrand.
FOLKLORE ET CROYANCES SUPERSTITIEUSES
Les remèdes populaires en Auvergne (1)
par M. Léon Fixeau, professeur de linérature étrangère a l'Université de Clermont-Ferrand.
L'Auvergne, le pays de France où. de tontes parts, jaillissent les sources les plus salutaires et dont l'air, si pur en ses montagnes, est si vivifiant, possède, caché dans les discrètes chaumines, tout un ancestral trésor de recettes et remèdes, pas chers, ceux-là, mais réservés aux seuls indigènes qui, il n'en faut point douter, leur doivent leur robustesse et leur proverbiale bonne mine.
A tout seigneur, tout honneur.
Dans tous les pays du monde, le paysan -s'inquiète plus vite de la santé de ses animaux que de la sienne propre, voire même que de celle de sa femme et de ses enfants : et c'est naturel : la mort d'une bête constituant pour lui toujours une perte certaine. Aussi, se transmet-il pieusement, de père en fils, toutes les coutumes, incantations et pratiques dont l'usage a prouvé la valeur.
Si, par exemple, une vache a * l'araignée », il n'est que de faire le signe de la croix sur elle : « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit... » mais sans ajouter « Ainsi soit-il !» et de dire : « Araignée, que tu te confondes dans le corps de la... (ici on prononce le nom de la vache malade), comme le grain de sel se confond dans l'onde ! » Cela trois fois de suite. Puis, on fait le signe de la croix ainsi qu'au début. Beaucoup y ajoutent cinq Paler et cinq Ave.
Même procédé pour le météorîsme. Mais il vaut mieux prévenir celui-ci. C'est vraiment simple. On va dans le champ de trèfle, où l'on veut « parer » (mener paître) ses vaches. On y entre le pied gauche le premier ; on ramasse cinq pieds de trèfle et l'on dit : « Je te jure, te parjure, te conjure, en raison, en liberté, ne profite pas plus dans le corps de nos bêtes que tu ne profites au soleil ! » Puis, on sort du champ, toujours le pied gauche le premier, en récitant trois Pater et trois Ave.
Un propriétaire de Saint-Gervaïs, je croîs, avait une vache qui « pissait le sang ». Le vétérinaire avait vainement ordonné traitement sur traitement. Un de ses voisins lui dit : « Va prendre nn flacon d'eau bénite à Ayat. un second à Sainte-Christine et un troisième à Teilhat. Cacheté les trois flacons. Mets-les dans ton écurie et ta bête guérira ! » Le propriétaire le fit et sa vache fut guérie.
Les vaches viennent-elles à manquer de lait, malgré l'araignée suspendue dans un morceau d'étoffe au-dessus de leur tête, et si celui qui les trait a vainement entouré son sean de genêt fleuri : il y a tout lieu de croire que c'est un voisin qui le leur a enlevé. Car rien n'est plus facile que de s'approprier le lait d'autrui. Vous allez le matin, de bonne
(1) Congres de l'association française nom: l'avancement des sciences. (Clermont-Ferrand, août 1908).
heure, dans l'étable où se trouve la vache dont vous voulez avoir le lait, qnand le coq a chanté une fois, mais avant qu'il ait chanté deux fois. Vous la trayez, vous faites trois signes de croix sur son pis et vous vous en allez sans regarder derrière vous. Vous pouvez être assuré que, tous les matins, le lait de cette vache se trouvera dans votre jatte... à moins que quelqu'un ne vous ait vu. Il y a d'autres moyens. Vous mettez une paille bien percée devant votre étable à vous, avec un bout qui passe dans la porte, l'autre dans la terre ; vous faites de même a l'étable dont vous voulez tirer le lait, et vous retournez chez vous faire un signe de croix sur le. pis de toutes vos vaches. Ou bien encore, le matin, de très bonne heure, vous allez avec un baton dans un pré ; avec votre bâton, vous secouez les herbes chargées de rosée en disant : « Je veux que le lait de mes voisins vienne dans ma baratte ! »
Seulement, il y a à cela nne désagréable contre-partie.
Le voisin lésé, aussitôt qu'il s'aperçoit que le lait de ses vaches dimi* nue, en tire à toutes une égale quantité, qu'il met chauffer. Aussitôt, vous serez pris de. coliques de plus en plus violentes, et si vous ne vous hâtez de rompre vous-même votre sortilège, avant que le lait n'entre en ebullition, c'est la mort qui vous attend, au milieu d'atroces souffrances. S'il n'a plus de lait du tout, il prend des clous qu'il fait chauffer au rouge dans une marmite neuve : et vous nous direz ce que vous avez ressenti. Il en est qui attachent un os avec une ficelle et le font tremper dans l'eau bouillante. Tant que cela dure, le coupable souffre. Si la ficelle casse, il meurt.
Mais, c'est presque de la sorcellerie, cela, et je ne voulais parler que des remèdes honnêtes. Ceux-ci sont plutôt réservés a l'usage des personnes.
La médecine, même populaire, pourrait se réduire à presque rien, puisque certains remèdes, et parmi les plus simples, guérissent de tons les maux : la feuille de noyer, cueillie sur un arbre encore vierge de tout fruit, le matin de la Saint-Jean, avant le lever du soleil ; l'onguent de fleurs de genêt, ou même le saindoux — si celui-ci ne réussit pas. c'est qu'il n'est pas assez vieux.
Mais on ne pense pas à tout. et. faute de s'être précautionné, il faut un remède particulier à chaque maladie. Et Dieu sait s'il y en a des maladies d'enfant surtout ! Pour les convulsions, il suffit de brûler la chemise du petit malade. La cause du mal étant, évidemment, quelque esprit malfaisant, il est tout indiqué qu'il faut le purifier par le feu. Des vers de terre, cuits a former un onguent, sont excellents, appliqués sur le ventre, pour calmer les coliques. Pour tuer les vers, faire boire de ce bouillon, a moins qu'on ne préfère attacher au cou de l'enfant un sachet contenant des lombrics vivants et qu'on laisse jusqu'à ce qu'ils soient desséchés. Le petit bave-t-il par trop — ce qni ne serait pas, si la mère avait eu soin de jeter au feu son premier bonnet, ou si même elle lui avait fait acheter par son parrain une écuelle pour son usage à lui tout seul : il n'y a qu'à lui faire sucer une traite vivante.
Lorsqu'un enfant jette souvent la tête en arrière, il peut lui arriver 'de « tomber la luette ». Une tumeur de la grosseur d'une bille se forme sous le menton, qui, bientôt, se couvre de pustules. Il faut se hâter alors de le conduire chez la mère B.. qui à le secret de guérir ce genre de maladie. Voici comment elle procède pour * lever la luette ». Elle tâte sous le menton et fait glisser la bille en avant, en appuyant légèrement. Elle prend ensuite une forte pincée de poivre sur le manche d'une cuiller, fait ouvrir bien grande la bouche du petit patient et lui introduit ce poivre dans le gosier. L'enfant se trémousse, larmoie, hoquette. Alors la mère B. cherche « le cheveu de la luette ». Ce cheveu se trouve tout au haut de la tête. Quand elle l'a découvert, elle le tire fortement, mais ne l'arrache pas. Enfin, pour tenir la luette à sa place, elle entoure la tête de l'enfant d'un mouchoir, d'un bandage quelconque, d'un « bridon » passant sous le menton. Et voilà.
Votre enfant est-il pris du « jaguera » (maladie de la peau) ? Que son père ou sa mère, ou un de ses grands-parents, ou son parrain ou'sa marraine, fasse pendant neuf jours une quête dans sept paroisses, en ne prenant qu'un sou par maison et sans remercier, disant simplement: - Je passe pour le jaguera ! » Qu'avec le produit de cette quête il se nourrisse pendant les neuf jours ainsi que l'enfant. Si le quêteur revient lis soirs chez loi, qu'il demande l'hospitalité, comme s'il était étranger, qu'il prenne place au coin du feu sans s'occuper de rien ni de personne, et qu'on ne lui serve que sa soupe. Avec ce qui restera des aumônes on tara dire une messe.
Quant aux enfants chétifs. qui. malgré tout, restent maigres et maladifs, il faut les peser et donner leur poids de pain au plus pauvre de la commune : de plus, mettre un sou dans le bénitier de la maison pour le premier mendiant qui passera. Ou mieux : allez dans la forêt, choisissez un jeune chêne, bien vigoureux, que vous fendrez par le milieu ; vous y ferez passer l'enfant, puis vous rattacherez fortement avec du limon frais. De ce moment, la destinée du petit est liée à celle de l'arbre : si celui-ci sèche, l'enfant mourra.
U peut se faire aussi que l'enfant malingre, qui ne profite pas, soit. * touché » d'un saint. Alors il faut planter aux 'quatre coins de son berceau une bougie d'un sou et donner à chacune le nom d'un saint ou ¦d'une sainte en renom, patron ou patronne de la paroisse du père ou de la mère, du parrain ou de la marraine de l'enfant. La dernière bougie qui s'éteindra sera celle de ce saint. Si les quatre s'éteignent en même temps, il n'y a qu'à recommencer avec quatre autres saints. Lorsqu'on a découvert le bon. amasser d'aumône le prix d'une messe, qu'on lui fera dire.
Quelquefois on porte au saint ou à la vierge, avec le cierge traditionnel, une chemise du malade. Dans la chapelle de Buron des clous étaient disposés à cet effet tout autour de l'autel.
Le plus souvent, on lui conduit l'enfant en pèlerinage.
? existe, entre autres, au flanc d'une montagne dominant le villaSa
de Saint-Floret, canton de Champeix. une petite grotte, d'accès difficile, où. du rocher, jaillit une source peu abondante, niais qui ne tarit jamais. Ses eaux out le pouvoir de guérir l'entérite tuberculeuse ou * carreau », dans le langage populaire. L'enfant porté dans la grotte, on lui lave le ventre avec un linge trempé dans la source. La personne qui a procédé au lavage lance alors ce linge à la paroi supérieure de la grotte. S'il y reste collé, l'enfant guérira ; sinon, c'est bien mauvais signe. Pour plus de sûreté, on fait dire une messe ou, mieux, on fait faire une neuvaine à la chapelle de saint Flour, dans l'église paroissiale.
On vient à cette source de toutes les communes environnantes, même du Cantal.
Si l'on ne peut transporter l'enfant, on lui frictionne le ventre avec de l'eau apportée par la dernière veuve du bourg de Saint-Floret, qui aura été la quérir en cheminant sur ses genoux.
Après les pèlerinages, il reste le recours aux guérisseurs et rebouteux de toutes sortes. Certains jouissent d'une réputation vraiment étonnante! tant pour les maladies que pour les accidents. Il en est qui peuvent guérir, même à distance, hommes et bêtes, et sans les avoir vus. C'est un don, qu'ils ont comme cela, et qui se transmet de génération en génération, mais jamais entre époux.
Il y en avait un qui. pour les convulsions, étendait l'enfant complètement nu sur une table. Il suspendait alors dans la cheminée un bouquet de fleurs de sureau, cueillies le jour de la Saint-Jean. Puis, il décrivait avec la main une circonférence ayant pour centre l'enfant malade. Ensuite, il faisait force signes de croix par tout le corps, en murmurant des paroles magiques : cependant que les parents, agenouillés au pied de la table, imploraient tout les saints du Paradis. Cela fait, le sorcier, car je crois bien que c'en était un, se retirait, non sans bien recommander de ne pas toucher au bouquet de fleurs de sureau.
De toutes les maladies, il n'en est peut-être pas dont on se débarrasse plus difficilement que la fièvre. C'est évidemment pour cela qu'il y a tant de moyens pour la prévenir, tant de recettes pour la combattre.
Parmi les préventifs, par exemple, manger la première fleur de blé que l'on aperçoit.
Autrement : se couper les ongles des pieds et des mains, soulever légèrement l'écorce d'un frêne et les glisser dessous en disant : « Frêne, je te laisse mes fièvres ! » et l'on fait un signe de croix avec un morceau de frêne : ou bien couper avec les dents, et par le milieu la première fougère que l'on rencontre ; s'envelopper les poignets avec des grenouilles vivantes ; ou encore, ce qui est moins répugnant, avaler un œuf pondu le vendredi saint. D'ailleurs, les personnes nées ce jour-là ont le pouvoir de guérir toutes les fièvres. Allez-en trouver une : elle vous fera manger une omelette et votre fièvre aura disparu.
Pour la fièvre typhoïde, on met les jambes du malade dans un sac d'oignons crus, qu'on a préalablement broyés de façon à les réduire en bouillie.
S'il s’agît d'une fièvre quarte, prendre un « râle » (reinette) que l'on met vivant dans le creux de l'estomac du patient et l'y laisser jusqu'à ce que mort s'en suive, la mort de la bète, s'entend. Si cela n'agit pas. c'est que la reinette n'a pas été trouvée « la tête tournée du côte de la bise ». Alors vous n'avez qu'à vous procurer un « varthé » de serpent, que vous attacherez au cou du malade et qu'il gardera jusqu'à ce qu'il soit guéri. Ce remède-là est infaillible.
-Ignorant ce que c'était que le « varthé », voici l'explication qui m'en a été donnée. C'est un anneau, de composition douteuse, que font les couleuvres en se frottant les unes contre les autres. La dernière qui passe dedans l'entraîne avec elle. Elle le dépose toujours dans un endroit sec. à une profondeur variant de 0m70 à l mètre, lm30 de profondeur Le « varthé » a l'aspect du plomb. ? ne fond ni ne brûle dans le feu.
L'anémie est aussi une maladie très fréquente, surtout chez les femmes, et très opiniâtre.
Je crois que le meilleur remède est le suivant :
Prendre un truiton mâle, « le nez tourné du côté de la bise » et le faire mettre vivant sur la poitrine de la malade par un petit garçon âgé do moins de sept ans. qui l'y maintiendra jusqu'à ce qu'il soit mort. Alors il ira lui-même le jeter dans le cours d'eau, à l'endroit exact où on l'aura pris. Pour que le remède soit efficace, il est indispensable que l'enfant chargé de l'appliquer n'ait encore jamais embrassé de jeune fille.
Pour les maladies des yeux, on conserve dans certaines familles des bagues très anciennes en argent et portant une pierre, verdâtre taillée en pointe, ou rougeâtre taillée en rond. On la passe légèrement sur la partie malade.
TTn rebouteux de Menât guérit la « maille » en suspendant au cou de la personne qui eu est atteinte un petit sac de toile qui doit toucher la peau et dans lequel il y a une feuille d'une plante ressemblant au trèfle avec cinq folioles et blanchâtre à la face intérieure. ? faut, en outre, que le patient dise pendant neuf jours de suite et neuf fois par jour neuf Pater et neuf Are.
Si l'un des vôtres a la cataracte, vous n'avez qu'à crever l'œil d'une jeune hirondelle. La mère ira chercher dans l'océan une pierre que vous trouverez plus tard dans son nid et avec laquelle vous le guérirez.
Voici, un peu au hasard, toute une série de recettes contre les maux les pins divers :
Fluxjox de poitblxe : Trancher longitudinalement une colombe vivante, blanche autant que possible, et en appliquer les deux moitiés palpitantes sur la poitrine du malade.
Tocx : "Aller à la rivière le matin, de bonne heure, et y prendre une pierre blanche, qu'on fera bouillir dans du lait : on boira ce lait et la toux sera guérie.
Coc-CELrcBE : Voler une barbe de bouc, la plier dans un linge et la faire bouillir dans une marmite ; puis, en prendre l'eau comme une tisane ordinaire.
Douleurs rhumatismales : Même remède que pour les convulsions des enfants. Si c'est un cas particulièrement grave : écorcher une brebis vivante de façon qu'elle marche après avoir été écorchée, et s'en appliquer la peau sur la partie endolorie.
Maux de dents : Se baigner la tête dans la vapeur d'une infusion de feuilles de sureau ; ou bien dire la prière à sainte Cécile et aller, le matin, chercher une de ces mousses en boule qui croissent sur les églantiers ; la porter dans sa poche jusqu'à ce qu'elle tombe complètement en poussière.
Obstruction intestinale : Faire avaler une balle de plomb. Certaines personnes, eu possèdent une particulièrement destinée à cet usage, et qu'elles prêtent, si besoin est.
Relâchement de la vessie : Manger une fricassée de rats.
Mat, d'oreilles : Du lait de femme. Très recommandé. a son défaut, se mettre dans l'oreille un morceau de lard grillé bien chaud ou de la sève de frêne.
Colique : Prendre une taupe vivante et l'étouffer dans sa main. Lorsqu'elle sera morte, les coliques seront passées. D'ailleurs, si. la première fois que vous entendez tonner, vous avez soin de vous rouler pai- terre, ou si vous mangez, le jour de Pâques, des œufs pondus le vendredi saint, vous êtes sûr de n'en pas avoir de l'année.
Teigne : Le rremier vendredi de la lune, faire sortir du sang de l'oreille de la personne qui en est atteinte.
Tumeurs cancéreuses du visage : Y appliquer un crapaud de sept ans. Remarquez bien que tous les médecins en possèdent un ; mais ils ne veulent pas le dire.
Eczémas : Prendre trois poils de la personne, les placer entre l'écorce et le bois d'un chêne vif avant le lever du soleil, et aller ensuite soigner cette personne, mais toujours avant que le soleil ne soit levé et en prenant bien la précaution de n'être pas vu. Finalement, réciter un Paler etun Ace.
Hydropisie : Quand on a de l'eau dans le ventre, aller chercher des grillons dans les champs, les piler et en faire de la tisane.
Les dartres, autrefois si fréquentes à la campagne, sont l'objet des remèdes les plus variés. Tel rebouteux les guérit sans voir le malade, avec trois de ses cheveux, arrachés, non coupés, et en lui faisant dire pendant neuf jours de suite et neuf fois par jour neuf Pater et neuf Ate. Si l'on préfère se traiter soi-même, on n'a que le choix des moyens. Le plus simple, ce serait de frotter ses dartres' avec le premier lait que donne une chèvre. Ou bien, on s'en va à Test de sa maison, on prend une feuille du premier houx que l'on trouve et l'on en perce ses dartres, de manière à en faire sortir un peu de sang. Puis, on jette la feuille dans la haie. a mesure qu'elle sèche, les dartres s'en vont. Ou encore, on coupe sur le front de la personne qui a des dartres, nne mèche de cheveux ; on fait une entaille dans l'écorce d'un arbre et on les y met : à mesure que lèvent les emporte, les dartres disparaissent.
(à suivre).
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie
La séance de rentrée de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 20 octobre à 4 heures et demie, sous la présidence de M. le docteur Jules Voisin, médecin de la Salpétrière.
Les séances de la Société ont lieu le troisième mardi de chaque mois. Elles sont publiques. Les médecins, les étudiiiuts et les membres de l'enseignement sont invités a y assister.
Adresser les titres des communications à M. le D' Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane et les cotisations ? M. le D' Paul Farez, trésorier, 154, boulevard Haussiuunn.
Communication* déjÀ portée* À l'ordre du joor : 1° Hommage a la mémoire de M. le professeur Liégeois, de Xancy. 2° D' Bébillox : Le mécanisme psychologique des sympathies et des aversions olfactives.
3° DT Paul Farez : Un cas de sommeil hystérique avec personnalité subconscient*. 4° L1 Wiàzkmski. de Saratow : Un cas de grossesse imaginaire.
5° M. ÛjiriXQCE. directeur do l'Etablissement médico-pédagogique de Crétell : L'éducation de la parole chez les entendants atteints de luntlsme.
ß" M. Juiaiot, docteur en droit : Considérations snr la mnemonie. — Mise en valeur de la mémoire.
7° Dr ?????? (de Trèves-sur-Moselle| : Une maladie do la volonté : le lata g. Suit la discussion sur l'Homosexualité.
Inscrits : M. le professeur Lionel Dauriac : L'homosexualité antique ; l'amour socratique et le banquet de Platon. D[ Bérillon : Variétés cliniques et psychologiques de l'homosexualité.
L'opinion d'un agrégé sur le concours de l'agrégation
en médecine
Au congrès des pratriclens il Lille le concours de l'agrégation a donné lien a d'intéressants rapports qui concluaient a sa suppression pure et simple. A l'appui de leurthèse les rapporteurs out reçu une collaboration inattendue dans l'intervention du professenr Lemoine, de Lille, qui s'est exprimé ainsi :
« Vons avez entendu juaqn'a présent parler dé l'agrégation par des confrères qoi ne sont pas agrégés. Permette* A un professeur agrégé de donner ? sou tour son opinion. Pour cola, je vous dirai simplement ma propre histoire : comment je devins agrégé, ce qne je fis une fols qne je le fus.
Comment je devins agrégé : lorsque j'eus l'intention de concourir et que Je suivis des conférences, ayant montré dans ces conférences quelques-unes des qualités qnl font valoir un concurrent, je reçus la visite d'un de mes maîtres qui vint me dire : « Lemoine. vons songez A conconrir, eh ! bien, mon ami, croyez-moi, je vons le die dans votre Intérêt, ne concourez pas. — Pourquoi ? —Parce qu'il n'y a que deux places et qu'elles sont pour deux de mes élèves qui vont conconrir. Vous no sere2 pas reçu ».
Je fus cependant reçu, a condition de m'expalrler. Je vins a Lille et alors Je fus surpris de voir que la seule chose qu'il y eut il faire c'était, non pas de travailler, mais de faire de la diplomatie.
Je dos en faire comme tons les autres. Je dus, par conséquent m!assouplir le plus possible, et Je me rapelle un jour où. ayant mal voté A l'assemblée de la Facilité, deux de mes collègues rao dirent : • Lemoine, quand une chaire deviendra vacante, nous voterons certainement contre vous ».
J'ai une chance d'être titularisé directement par le ministre. Mais Je suis convaincu que si j'avais du passer par les votes de mes collègues, il y a bien long-ctnpsqueje n'appartiendrais plus A renseignement.
C'est précisément pour cette raison que je m'élève, mol. agrégé, formellement contre le principe du concours. C'est le concours qui a complètement vicié l'enseignement dans nos facultés et u produit peu ft peu l'état morbide que nous combuttonn.
Mais, 11 y a autre chose que vous ne connaissez pus et qu'il faudrait que vous connaissiez, parce que. avant de songer ft réformer les programmes, II faut songer ft réformer les hommes et les institutions. Nous sommes régis par nn décret de 1S85 qui n'a l'air de rien en apparence, et qui est tout en réalité, parce qu'il vicie tout le fonctionnement des facultés. Ce décret de 1885 dit : « Les doyens seront élus par l'ensemble des professeurs et agrégés des facultés. » Ceci veut dire que non seulement les collègues du doyen votent pour lui, mais également ceux qui sont sous sa dépendance, c'est-ft-dlre les agrégés ; et vous comprenez par conséquent, tout ce qui en résulte. II arrive que le déeaiiat. étant un mandat renouvelable tous les trois ans, le doyen n'a qu'un but : être réélu. Pour cela il cherche ft se créer une coterie qui lui assurera toujours la majorité : sur ses collègues il peut agir en distribuant des faveurs. Sur les agrégés il agit par les promesses et les menaces. Ce qu'il ne dit pas, ce qu'il ne fait pas lui-même, est fait ou dit par son entourage. Il existe deux partis en présence : le parti de ceux qui tiennent le pouvoir et le parti de ceux qui ne l'ont pas encore. C'est la cause d'une lutte Incessante au sein de chaque faculté et d'une démoralisation de tous les instants pour les agrégés, qui u'ont absolument qu'un seul souci : savoir de quel coté Us doivent se tourner ponr être titularisés, savoir quel sera le doyen de demain.
Je dépose un vœu demandant que, dans la réforme de l'enseignement on envisage non seulement la réforme des programmes, ce qui est bien peu de chose, mais qu'on envisage surtout la réforme des concours et la réforme de l'administration de telle sorte qne chez nous comme on Allemagne, U n'y ait pins un doyen éln et donnant des notes sur l'enseignement de ses collègues, mais seulement que chaque professeur ft tour de rôle, et pendant nn an, remplisse les fonctions administratives.
J'estime que c'est uniquement quand on aura résolu la question de l'enseigne-' ment par la suppression de tous les concours et la question de l'administration par la suppression dn doyen eligible ou rééllgible, qne l'on pourra aborder d'une façon vraiment utile l'étude des programmes, car alors seulement on aura relevé le niveau moral chez les maîtres et chez les élèves ».
H n'en faut pas davantage pour expliquer le degré d'abaissement auquel sont tombées les études scient! tiques et psychologiques dans nos facultés de médecine. Depuis longtemps nous savons que toutes les oppositions systématiques apportées aux études sur l'hypnotisme et la psychologie médicale émanent d'agrégés qui ne sont jusqu'Ici arrivés ft en comprendre ni l'intérêt ni la portée. Quand lie en parlent Ils le font sans . les avoir étudiées et leur enseignement devient une diffusion continuelle d'erreurs, alors qu'il n'est pas rare de rencontrer des pratrlciens sans titres officiels, qui connaissent admirablement l'hypnotisme et en parlent avec compétence. Le fait est tout à fait exceptionnel chez les agrégés.
Un acte de courage civique du professeur Liégeois
Le Journal de Montmédy dn 23 septembre courant publie nn éloquent article de M. Alfred Pierrot, maire de Montmédy, sur notre concitoyen, le professeur Liégeois, tué si malheureusement et en pleine santé, par une automobile ft Balns-les-Balns, le 14 août dernier.
M. Pierrot, le maire de Montmédy, demande que le portrait du professeur Jules . Liégeois figure dons le salon d'honneur de l'hôtel de ville de Montmédy, ft côté de ceux dn député Isidore Bnvignier et du sénateur Charles Buvignier. Enfin, M. Pierrot propose que la ville de DamvUlers, ou est né le professeur Liégeois, donne son nom ft une de ses rues.
Tons les bons citoyens, en dehors de toutes distinctions de partis, s'associeront à cette noble idée de rendre ainsi nn juste hommage ft la mémoire d'un savant, qui, par ses découvertes dans le domoine de l'hypnotisme et de la médecine légale, s'est acquis une notoriété universelle.
Mais l'article el intéressant de M. Alfred Pierrot fixe un enrienr point de notre histoire régionale it une de ses heures les plus sombres.
Ou savait bien jusqu'ici qu'Isidore Buvignier. dépnté de la Meuse, et son frère Charles Buvignier, pins tard sénateur de la Meuse, avaient échappé miraculeusement aux griffes des commissions mixtes après le coup d'Etat de 1851. On savait aussi que, pour les Buvignier plus encore que pour d'antres, l'arrestation eût été alors presque un arrêt de mort, car. par un raffinement de haine politique, la commission mixte avait décidé que les frères Buvignier n'auraient même pas la consolation de souffrir ensemble et elle avait résolu de déporter Isidore ? Cayenne, et Charles à Noumea ! Mais on ignorait tout de la façon dont ils avaient pu se soustraire a cet arrêt terrible.
Le chef de cabinet du préfet de la Meuse était alors un tout jeune homme de 19 ans. Ce jeune fonctionnaire était Jules Liégeois.
Quoique Jnles Liégeois n'ali Jamais été en relation avec les frères Buvignier et ne leur dût absolument rien, il résolut de les sauver.
Jules Liégeois, quelques heures après, allait en pleine nuit, par une lettre Jetée à la dérobée, prévenir les frères Buvignier du sort qui les attendait, et ceux-ci s'enfuyaient séance tenante en Belgique. Quelques heures s'étaient à peine écoulées depuis, que la police venait pour les arrêter en vertu de l'ordre de la commission mixte.
En sauvant ainsi les Buvignier. le tout jeune homme qu'était Jules Liégeois risquait non seulement toute carrière possible, mais même sa liberté. Cependant, la chose faite, comme il n'avait pas été vu, il n'avait qu'à garder le silence sur son action pour ne pas risquer d'être frappé ; mais, apprenant que la commission mixte soupçonnait le procureur de la République d'avoir averti les victimes désignées, Jules Liégeois n'hésita pas à aller avouer son rôle h son propre préfet, M. Lenglé, pour éviter qu'on frappât un innocent.
Plus tard, en 1882, Charles Bnvignier entrait au Parlement ou il resta sans interruption pendant plus de vingt ans, soit comme dépnté, soit comme sénateur. * Or. jamais il n'a su a qui lui et son frère avaient dû d'échapper autrefois & la déportation. En effet, tant que les frères Buvignier vécurent. Jnles Liégeois ne voulut pas que son nom fût connn d'eux, estimant ¦ qu'une bonne action ne doit rapporter à son auteur d'autre profit qne le sentiment de n'avoir pas perdu sa journée >.
Soul, Ernest Boulanger, sénatenr de la Meuse, connaissait le secret de son vieil ami Jules Liégeois : U aurait voulu proclamer son nom, mais 11 se tut devant la noble délicatesse et la volonté Inébranlable de ce dernier. Cependant Ernest Boulanger ne voulut pas passer sons silence l'acte héroïque de son ami et c'est à lui qu'il fit allusion aux obsèques de Charles Buvignier par ces phrases de son discours :
¦ L'ordre de déportation d'Isidore et Charles était arrivé avec mystère aux mains « du préfet, ou devait l'expédier le lendemain. Mais c'est l'honneur du caractère » français qne de telles proscriptions provoquent chez les esprits généreux un senti-• ment d'indignation et de révolte. Le jeune fonctionnaire qui devait faire exécuter
l'ordre était de ceux-lft. Un seul Instant suffit pour que la Justice s'élevftt dans c son âme au-dessus de son devoir. Il fit passer aux proscrits, par un écrit ano-« nyme, l'avis de l'ordre de déportation. Ils étaient sauvés. Charles Buvignier se
réfugiait en Belgique... L'auteur de cette noble action était alors et reste un de
mes meilleurs amis : il ne voulut jamais que son nom fut prononcé. » "L'Etoile de l'Est de Xancy est absolument d'accord avec le Journal de Montmédy
rUonunc privé était chez le professeur Jules Liégeois a la hauteur du savant, et II est juste que la postérité mette à l'honneur ce grand honnête homme.
Concours de résistance au sommeil
Ce concours a eu lieu a Jiew-Jersey el douze personnes y ont pris part, ayant la faculté, pendant la durée de l'épreuve, d'user du régime qu'elles considéraient
comme le meilleur. Le premier qui renonça » la lutte, après '23 heures, est un agent de police. Le vainqueur. M. Brook, gardien dans une banque,ne succomba au sommeil qu'après 23 heures et 27 minutes.
La vie psychique des aveugles On doit a M. Chalupeeky, de Prague, un Important iravall sur ce sujet. L'auteur a étudié ce problème sons un Jour tout nouveau. Il s'est attaché à observer les fonctions des sens chez les personnes atteintes de cécité, et il en a tiré des conclusions très intéressantes. Le toucher et l'ouïe leur rendent le plus de services, non, comme on le croit généralement, parce que ces orgnnessont plus développés chez eux, mais parce qu'ils savent les utiliser plus iivuntageusement. L'odorat leur fournit également des indications sur ce qui n'est pas ponr eux a la portée des mains. Le goût ne diffère pas de celui des voyants. Les aveugles-nés trouvent parfois un équivalent rudinientaire de la vision dans l'audition colorée, et c'est probablement snr ce fait one l'on croit pouvoir fonder une nouvelle méthode dont il a déjà été question ici. L'aveugle jouit en général d'une mémoire excellente, parce qu'il doit s'exercer de bonne heure a repérer les faits acquis, et qu'il apprend par suite à retenir constamment, à chaque Instant de la journée, tout ce qui frappe son audition auditive ou tactile. C'est cet exercice continuel de la mémoire qui lui permet entre autres d'exceller souvent dans lu musique. Sa faculté de se soureulr est dans certains cas vraiment prodigieuse. Sous avons connu un aveugle, professeur de géographie, qui possédait par cœur toute la nomenclature topographioae du monde entier, en précisant les distances d'un point a un antre point du globle avec une merveilleuse exactitude. C'était à sa inervelllonse mémoire qu'il devait cette érudition.
De la somnolence et de l'hyperglobuUe
M. Xelsse u communiqué, à la Société scientifique et médicale de Stettin, le cas particulièrement intéressant d'un commerçant figé de 51 ans, homme vigoureux et sain, qui commença a souffrir en 1901 d'une somnolence tonte particulière : Cet homme s'endormait partout : a l'hôtel, eu voiture et se Réveillait aussi facilement qu'il B'eudonnott. On observa en même temps, chez co malade, un gonflement très gênant de la luette, en même temps que du gonflement des muqueuses nasale, pharyngée et couj one rivale. Bientôt ce malade présenta des sueurs profnses extrêmement abondantes. Comme il s'endormait très fréquemment dans son bureau tandis qu'il examinait ses papiers d'affaires, on constata a ce moment qu'il s'endormait au moment des affaires les pins importantes : cet état insupportable se prolongea pendant? ans.
L'examen hématologique donna 9 millions de globules rouges, SSOjO hémoglobine, poids spécifique 1065, viscosité 60,5, par conséquent, état presque chlorotique, avec un nombre d'érythrocytes double, à côté d'un poids spécifique presque normal et d'une viscosité très augmentée.
L'auteur saigna le malade auquel il retira 800 grammes de sang, et 8 jours plus tard 400 grammes. A la suite de ces deux saignées, le nombre des globules rouges tomba a 4.500.000, l'hémoglobine à 65, la viscosité & 50,75. A partir de ce moment, le malade est débarrassé de son Infirmité datant de 7 ans.
Un curieux cas de suggestion
La grande cantatrice allemande, Pauline Lucca, vient de mourir. La i.Neue Freîe Presse » raconte à son sujet l'anecdote suivante :
C'est par suggestion, dit Mme Horowitz Barnay. amie de l'artiste, que Pauline Lucca perdit sa voix. C'est du moins ce qu'elle lui a affirmé, avec l'ordre de n'en parler qu'après sa mort.
Un jour que je fui demandais si elle chantait encore, elle s'écria presque violemment : « Je ne chante plusxar j'ai perdu ma voix tout d'un coup, en une heure, en une minute, par la volonté d'une autre personne, parsuggestion. » Je la regardai, étonnée. « Oui, oui, par suggestion, continuât-elle, agitée. Voici comment. Vous le savez.mon marUebaron Walhofen.fut très longtemps malade et ne m'entendait pas souvent chanter. Quand je chantais, il voulait entendre un chant insignifiant qui lui plaisait à cause du texte, mais que je ne pouvais pas souffrir. Un jour que nous avions invité quelques amis, mon mari sembla aller mieux. Il se fit porter au salon dans son fauteuil. Pour lui faire plaisir, je chantai son chant préféré. Je l'entendais sangloter de joie. Il prit mes deux mains, me caressa les cheveux" ëf lé 'visage et balbutia : * Je te remercie, je te remercie, tu es
un ange ! J'emporte ta voix avec moi dans la tombe. » Je ris et dis : « Tu me survivras et ma voix aussi. » ïl réi éta : « J'emporte ta voixdans'la tombe !.» Deux jours après le baron Walhofen était mort, et moi je ne pus jamais plus chanter.
BULLETIH BIBLIOGRAPHIQUE
La Criminalité infantile, jar le Docteur Emile Latjrext. — 1 vol. in-18,1906. 2 fr. 50.
Le Docteur E. Laurent qui depuis plus de 15 ans est médecin inspecteur des écoles à Paris, a pu observer facilement de très près un grand nombre d'enfants. « l'enfant naît méchant mais s'il n'apporte pas avec lui une tare ancestrale. son âme est une cire molle et malléable que pourra facilement façonner l'éducation. Et, c'est justement parce que son âme est malléable qu'elle ? eut être aisément entraînée sur le chemin du vice et du crime » mais il doit y avoir un remède et c'est ce que le Docteur Laurent recherche.
Il étudie d'abord l'ame de l'enfant, ses antécédents héréditaires qui peuvent la modifier, l'influence de l'éducation qui est souvent l'éducation au mal et au vice.
Les enfants, menteurs, vagabonds fumeurs, bnveurs, erotiques, vio-lents.les souteneurs précoces, les voleurs, les dégénérés, etc., sont étudiés séparément dans les chapitres spéciaux avec de nombreux faits et des observations des plus intéressantes.
Le dernier chapitre recherche le remède à cet état de choses, l'autorité du maître est insuffisante,le prêtre ne peut plus rien,le médecin pourrait intervenir, mais la sélection des écoliers, l'hypnotisme et les châtiments physiques appliqués avec mesure et intelligemment sont les remèdes préconisés par l'auteur.
Chez Maloine. éditeur, 25-27, rue de l'Ecole de Médecine, Paris.
Ouvrages reçus à la Revue
Dr Bérillox : Le traitement psychologique de l'alcoolisme. — ln-12, 32,
pages. Paris 1906, Bureaux de la Revue de l'Hypnotisme. 1 fr. j
Dr Bébillox : Le concours de l'agrégation en médecine : nécessité de
son remplacement par l'institution des privat-docent. In-8°. 24 pages.
Bureaux de la Revue de VHypnotisme. 1 fr. L. Bérillox : La timidité chez l'enfant. 24 pages in-S°. Bureaux de la
Revue de l'Hypnotisme. Prix : 1 fr. Paul Slmos, capitaine d'artillerie. L'instruction des officiers, l'éducation
des troupes et la puissance nationale in-8, 2e édition 1907. Charles
Lavauzelle. Paris. 510 pages. Ch. Yermeclers : Education de la croissance. In-8 60 pages. Steinheil,
Paris.
Dr Lemx>*axt des Chesxais : Conférence sur Ensapia Paladius. In-12
27 pages. Paris 1908. Florian ? armes- tier : La Sorcellerie dans les temps modernes. Paris in-12,
72 pages. Gastein Serge. Paris 1908. "Worcester, Mac Comb et Coriat : Religion and médecine. In-12, relié,
427 pages. Treubner. London 1908. Dr Ernest Friedrichs : La Franc-maçonnerie en Bnssie et en Pologne.
Edition française, in-12, 71 pages. Dorbon ainé. Paris 1908. Hébert : Survivances décoratives au Brésil. Broché. 9, in-8 11 pages.
61, rue de Buffon. Paris, 1908.
L'-jJcuiiir; ; : ?;?:;?:.:.« •?. Lb Gcrani : Constant LAURENT. Privas.
i3« Année. — ?• 5.
Novembre 1908.
BULLETIN
Le congrès de l'assistance aux aliénée a Vienne. — Le congres d'éducation morale et sociale de Londres.
Le 3* congrès de l'assistance aux aliénés s'est tenn à Vienne du 7 an 11 octobre sous la présidence du professeur Obersteiner. Beaucoup d'aliénistes des plus éminente, avaient répondu h l'appel du Comité. Parmi eux, nous citerons : M M. les professeurs Wagner-Jauregg. Pilez, de Vienne ; Tamburini, de Borne ; Van Deventer, d'Amsterdam ; Ferrari, d'Imola : Bleuler, de Zurich : Crocq, de Bruxelles : Frie-dcurelch, de Copenhague ; Peeters, de Gheel ; Buffet, de Luxembourg ; Bajeuoff, de Moscou ; 1)' Highet-Boblnow, délégué du Siam. Un certain nombre de savants neurologistes ont suivi les travaux du congrès, en particulier le professeur Benedict et vviuiernitz, de Vienne.
Le gouvernement français s'était fait représenter par une importante délégation composée de MM. le docteur Dublef, député, ancien ministre, rapporteur du projet de loi sur le régime des aliénés. Jnles Voisin, médecin de la Salpétrière, professeur Grasset, de Montpellier, docteur A.Marie, médecin de Ylllejulf, docteur Vigoureux, médecin de Yaucluse, M. Marc Réville, député, docteur René Charpentier. La * préfecture de la Seine était représentée par M. de La Moutte ; la préfecture de police par M. le docteur Bérillon, médecin-inspecteur des asiles. La société d'hypnologle et de psychologie comptait parmi ses délégués son président, son secrétaire-général et le docteur Tarrius. L'organisation du congrès était admirablement réglée.
Les dames des organisateurs, réunies en comité, se sont multipliées pour diriger des excursions, des visites et des réceptions. La visite dn Stelnhof, remarquable asile conçu sur les plans les plus modernes, n'a pas manqué d'émerveiller les membres du congrès. On se rendra compte de ce que représente cet établissement modèle lorsqu'on saura que son édification n'a pas coûté moins de trente millions. La visite s'est faite sous la direction de M. Bielohlavrefc, député, rapporteur des institutions de prévoyance : M. le docteur Schlob, directeur de rétablissement et Gérényi, inspecte or général des asiles d'aliénés. Le groupe français était dirigé dans sa visite par M. l'inspecteur général Gérényi, chargé de l'administration générale des asiles de la Basse-An friche. Tous ont été d'accord pour se loner de son zèle et de son inlassable courtoisie.
Les travaux dn congrès ont abouti a l'organisation d'une conférence internationale destinée à unifier le régime des aliénés. Malgré les savantes interventions de MM. les docteurs Van Deventer, Tamburini et Dublef, la question des asiles spéciaux pour aliénés criminels n'a pu être résolue. La gravité de cette qnestioo a paru mériter un supplément d'études et elle a, d'un accord unanime, été reportée au congrès de Berlin qui aura lieu en 1910. En terminant ce trop court exposé, signalons que l'Inauguration d'un buste dn professeur Kraft-Eblng fut l'occasion d'une très belle manifestation, à laquelle nous none sommes d'autant plus associés que Kraft-Eblng n'a cessé, dans le cours de sa brillante carrière, de professer sur l'hypnotisme les mêmes doctrines que celles qui Inspirent tous les collaborateurs de cette revue. On doit, en effet, a ce regretté professeur on certain nombre d'études très remarquables sur la psychologie et sur l'hypnotisme. Sous avons été également très henrenx de rencontrer au congres le savant professeur Benedikt qui pour témoigner de l'intérêt qu'il porte à nos travaux nons a adressé une note dans laquelle il
rappelle la part déjà ancienne qu'il a prise aux études sur l'hypnotisme et que noue sommes heureux de publier dans ce numéro.
Noos reviendrons sur les principales communications faites ft ce congres. Est-Il ntile d'ajouter que les fêtes, banquets, réceptions, organisées avec un éclat incomparable ont laissé l'impression la plus agréable. Mais une mention particulière cat dne au comité des dames qui s'est mnltiplié et a l'organisateur du congrès, M. le professenr Pilez ; tous les délégués ont été unanimes a le loner de son amabilité, de son zèle et dn succès complet de son initiative et de ses efforts.
Le premier congrès international d'éducation morale et sociale tenu ft Londres du 25 an 29 septembre a eu un succès aussi considérable que mérité.
Pins de mille adhérents se pressaient dans les bâtiments de l'université, éducateurs, philosophes, parlementaires, etc. A cdté de MM. les professeurs Sndlcr. Splllcr Mulrhead, Fox Pitt, Brereton, J. Adans, Graham Wallas, étaient groupée les représentants des divers paye : MM. Bayet. Ferdinand Buisson, Boutroux, Gustave Belot, Moulet, etc. pour la France, Hojo pour le Japon, Erodl et Geiesen pour In Hongrie, etc.
La vice présidence, fait ft noter, avait été dévolue ft Mrs Bryant, directrice de la plus fameuse école secondaire de Londres, et nombre de femmes distinguées prirent part aux débats, parmi lesquelles, Mlle Belugon, directrice de l'école normale supérieure de Sèvres, Mlle Allegrét, directrice du lycée de Versailles, Mlle Billotey, directrice de l'école normale de la Seine, qui exposa d'une façon remarquable une leçon type de morale, comme on les fait dons les écoles françaises ; Mme Kuntz lut un rapport snr les sociétés d'écolières établies dans le but de fabriquer des jouets pour distraire les enfante pauvres ; Mme la Doctoresse Edwards Pilliet étudia la morale sexuelle ; Mme la Doctoresse Roussel, de Bonen ; Mme Moreao-Bérillon, professeur au lycée de Be ims, etc.
A la séance d'ouverture, le président Sadler exposa éloquomment le but du Congrès : Exposer tout ce qui s'était fait de mieux dans tous les pays : 1" pour l'éducation des enfants dans les écoles de tous ordres ; 2" pour celle de l'adolescent après l'école; 8" pour la direction des réfractaîres à l'éducation normale.
On ne domandait la ni vœux, ni solutions; Il s'agiseait seulement de savoir oh en était la science de l'éducation.
Après le discours du président, M. Adler, de New-York, M. Foerster, de Berlin et M. Boutroux, de Paris, présentèrent des considerations très élevées sur les principes de l'éducation morale. Puis les délégués furent reçus an ministère des Affaires étrangères par le Secrétaire d'Etat, Lord Fltz Maurice, qui leur souhaita la bienvenue dans un discours plein d'humour, disant qu'il avait constaté, dans le programme des éducateurs, l'oubli de l'enseignement de la morale particulière aux diplomates et aux hommes de gouvernement.
M. Bayet, au nom des délégnés français glorifia l'Angleterre d'avoir donné naissance à d'illustres philosophes et éducateurs tels que Locke, Mill et Spencer. L'Angleterre elle-même, ajouta-t-il, donne une leçon vivante d'éducation morale, car outre ses belles Institutions, elle a formé un peuple fort et s»in, capable de supporter avec sérénité la bonne et la mauvaise fortune.
— Parmi les nombreuses questions traitées au Congrès nons citerons celle de la coeducation, qui trouva de brillants avocats, surtout en M. John Bussel, directeur d'une grande école mixte très prospère ft Hampstead, celle de la formation du caractère par la diteipline et te milieu, complétée par les communications de M. Albert Bayet, professeur à l'Ecole alsacienne, ennemi des récompenses et des punitions, de Mme Landolph sur l'Influence de l'exemple.
Beaucoup ont déclaré qne la discipline de la classe est trop passive pour permettre de connaître les enfants. C'est plutôt dans les récréations que s'affirment l'initiative et la personnalité.
L'Illustre romancière Mrs Humphry Ward intervint dons le débat. Initiatrice des récréations données aux enfants pauvres, elle montra tout le parti qu'on pourrait en tirer pour leur éducation, en dirigeant avec tact et habileté leurs jeux, au lieu de les abandonner aux exemples pernicieux de la rue.
On discuta les problèmes de l'instruction morale. M. Gustave Belot établit l'insuffisance des motifs faux (croyances religieuses, doctrines discutables, etc.) aussi bien que celle des sanctions ; il préconisa lu morale appuyée sur des sentiments comme le sentiment de sociabilité.
On posa la question de la morale directe, c'est-à-dire enseignée dans une suite de leçons régulières, et de la morale indirecte, enseignée a propos des diverses matières, même « en étudiant la règle de trois >. (Spiller).
Dans un éloquent discouru, M. Hojo soutint que la seule base de la morale était dans la culture intensive du patriotisme. M. Geissen, de Hongrie, et van Ovcrbergh de Belgique, défendirent la même thèse.
La discussion des rapports entre 1a religion et la morale donna lieu à un grand tournoi, entre les « théologiens > et les « libres penseurs ». L'école française avec Ferdinand Buisson soutint brillamment la théorie do la morale pure et s'Imposa par sa modération et la clarté de ses argumente.
Quelques voix anglaises l'appuyèrent fortement, mais la majorité des « Révérends • resta irréductible.
Parmi les travaux des sections, signalons le rapport de M. Maurice de Fleury snr la Psychologie morale de l'Enfance, de 31. Paul Croazet sur la Culture de l'initiative, de M. Brereton sur les Rapports inseparables entre la liberté et la responsabilité.
Toutes les communications mériteraient d'être citées, mais il faut arriver aux questions qui intéressent pins particulièrement les lecteurs de la Benne de l'Hypnotisme. Elles furent traitées dans In section dite dee Problèmes spéciaux, et présidée par M. Graham Wallas, le savant sociologue anglais, auteur d'un livre récent : La Salure humaine en politique (Human nature in politics).
Après un éloquent appel en faveur de l'éducation pour les enfants des quartiers populeux et pauvres de Londres, source de déllnqnence, par Miss Grant, ?? Président M. Wallas donna l'analyse du travail du professeur Lombroso où il préconise l'emploi de la suggestion hypnotique ponr corriger les mauvais penchants.
A ce sujet M. Wallas fit ressortir le pouvoir do U suggestion doue tons les actes de la vie, que cette suggestion s'exerce par la parole, par la musique, les spectacles, les écrits, etc., il montra l'influence exercée par la suggestion sur les mouvements politiques ; 11 félicita les auteurs français qui, comme le Dr Bèrillon, consacrent leur existence a étudier les phénomènes de l'hynotisme tant au point de vne social qu'au point de vue médical. Il rappela les succès obtenus au Dispensaire pédagogique de Paris dans le cas de traitement d'enfants vicieux ou anormaux. Dans dix ans, a-t-il ajouté, tout le monde s'occupera de l'Hypnotisme, cette science encore aujourd'hui réputée mystérieuse, mais qui Intervient dans toutes les phase» de notre existence sociale. ? invita alors Mademoiselle Alice Bèrillon. professeur au Lycée Racine et déléguée du Dispensaire pédagogique de Paris, à exposer le théorie et le mécanisme de la suggestion hypnotique telle qu'elle est appliquée au dispensaire pédagogique.
La tache lui étant facilitée par l'allocution du président, Mlle Bèrillon n'eut pas de peine a démontrer que l'hypnotisme appliqué dans un but curatlf ou moralisateur ne peut qu'exercer une influence utile sur la rééducation de la volonté. L'hypnotisme scicntifiqnement appliqué est une méthode absolument inoffensive : elle réalise pour le cerveau l'aptitude a être ensemencé par la suggestion. D'ailleurs les justifications de l'emploi de l'hypnotisme contre les tendances et les Impulsions des vicieux et dégénérés tire sa légitimité de ce fait qu'il est le senl traitement efficace.
D'ailleurs la méthode de pédagogie suggestive créée et vulgarisée par le Dr Bèrillon a donné actuellement tant de résultats favorables que les objections, nées de
l'inévitable esprit de routine, tombent d'elles-mêmes- Beaucoup pensent que-lorsqu'il s'agit de guérir un vicieux, un alcoolique on ne saurait s'arrêter aux considérations de théorie sentimentale. C'est ce qu'exprimait M. Gorjus, adjoint au maire de Lyon, souhaitant que la méthode fut appliquée chez un certain nombre de-mauvais sujets de iu ville qu'il administre.
Pour compléter cette esquisse trop rapide de la physionomie du congrès, il faudrait mentionner les fêtes, banquets et réceptions. Comme toujours, ce furent les plus intimes qui furent les plus goûtées. Telle est l'impression laissée par les réceptions faites, dans leor home, par M. l'inspecteur général et Mrs Brereton et parles autres savants anglais.
TRAVAUX ORIGINAUX
Uranisme et unisexualité. Antinous et l'empereur Adrien. (A propos des récents scandales allemands)
par M. le D' Kmile Lachest.
Filiœ laxaria tant oclo, scilicet cacitai mentit, inconsideralio, prcecîpitatio, amor sni, odium Dei, affectas prasentis sœcnli, et desperatîo futuri stecali. Sauct Thomas d Aqcis.
Avant que AYestphal, le célèbre psychiatre berlinois qui mourut morphinomane, eut décrit ce qu'il a appelé si heureusement l'inversion sexuelle (Contraire Sexnalempfindang), un magistrat allemand, atteint de cette aberration, se mit à écrire des romans où il se prenait lui-même pour un objet d'étude et où il plaidait sa propre cause. Il se nommait Karl Heinrieh Ulrichs. Substitut dans le Hanovre, c'était un homme très érudit, n'offrant aucune apparence de désordre intellectuel, très compétent en matière de statistique, bien connu dans le monde de la politique et de la magistrature comme l'auteur de plusieurs ouvrages savants. Dans une série de brochures qu'il publia de 1864 à 1869 et qui eurent un grand retentissement, il soutenait qu'un grand nombre d'hommes (1 sur 500 environ), du fait d'une constitution native, sont poussés à l'amour des hommes exclusivement, que leurs sentiments à l'égard des femmes sont l'indifférence ou une insurmontable repulsion.
Ces hommes, Ulrichs les appelait timings, sans doute par allusion à la-vénus Uranie, la venus astrale ou céleste qui personnifie l'amour pur et éthéré. Nous avons traduit par le mot uraniste, auquel on substitue souvent ceux d'unisexuels ou d'homosexuels.
Pour Ulrichs, G uraniste est une raillerie de la nature ; son organisation physique est celle d'un homme ; mais ses instincts sont ceux d'une femme. « Les manières masculines, dit-il, nous ont été données artificiellement. Nous jouons l'homme seulement ; nous le jouons comme les femmes le jouent sur le théâtre. »
Pour expliquer cette énigme, il supposait que l'âme d'une femme se trouvaitincluse, en quelque sorte prisonnière, dans le corps d'un homme : anima mntiebris in corpore virili inclusa, et cette transmutation datait delà première période embryonnaire, avant la différenciation des organes-sexuels.
En 1875, un autre allemand, H. Marx, publia à Leipzig une brochure ¦dans laquelle il proteste contre la répression des amours contre nature de certaines catégories d'individus dont il célèbre la pureté. « C'est vers l'homme maie, dit-il, que les attire invinciblement le besoin d'aimer ; c'est dans ses bras que les pousse irrésistiblement la puissance d'un premier amour ». On n'a pas le droit, selon H. Marx, de les empêcher de
Jouir de la vie. • d'être heureux selon leurs instincts dont ils ne peuvent être rendus responsables, puisque ces instincts sont nés avec eux », et il ajoute : « On n'éprouve autant de répugnance pour un uraniste que parce qu'on est habitué à le considérer comme un maie ; qu'on le considère comme une femelle, et alors tout préjugé disparaîtra. Pourquoi, au surplus, le rendre responsable d'une erreur dn Créateur qui a déshonoré son corps en lui donnant un organe tout à tait inutile ? » Parti de ce principe, Marx soutient qu'on devrait autoriser le mariage entre uranistes, que le leur refuser est une monstrueuse injustice. . Tjh uraniste écrivait au professeur B. Von Krafft-Ebing, de Vienne, c A dix-huit ans, je fis connaissance d'un garçon de quatorze ans à peine. C'était un aimable adolescent. En moins de deux jours, je l'adorais. Il
¦accepta mon amitié. Alors je l'aimai passionnément, mais sans la moindre pensée impure. Il remplissait toutes mes pensées. Quelquefois j'emportais un objet quelconque lui ayant appartenu, un morceau de ses vêtements que je cachais dans mon lit et que je baisais avec exaltation. Puis vint une période malheureuse que maintenant encore je maudis. Celui que j'aimais éperdument, mon idole, mon ange de beauté, m'apprit un jour
-que nous devions nous quitter, qu'il fallait partir». Son amour * s'écroula sous une inexprimable douleur ». Cet homme lutta alors contre sa passion, se faisant les plus grands reproches, jusqu'au jour où il lut * Le Banquet » de Platon et « L'Idiosynchrasie homosexuelle » de Jagers. « Ce fut, dit-il, comme un éclair qui fit tomber les écailles de mes yeux. J'étais comme un homme qui retrouve sa propre estime. » Alors il raisonne sa passion et s'y complaît. • J'ai peu de répulsion, écrit-il. pour les fades et longues jennes filles aux maigres poitrines ; mais les grosses femmes, aux corsages bien remplis, me dégoûtent au point de vue esthétique : je trouve laids ces seins volumineux, ces larges hanches, ces épaules rondes, ces cuisses terminées par de petits pieds, ces épais jarrets. La vue du corps féminin me fait l'effet d'une douche froide. Mais
J'adore ces jeunes éphèbes imberbes, & la poitrine plate, a la taille svelte, au bassin étroit, aux courtes épaules, aux pieds solides » (1).
1 G? p Ryner fait parler à peu près de la même façon le héros d'un de ses romans (2) : « Quelle collection de laideurs, une femme ordinaire ; les jambes sont trop basses, courtes comme les pattes d'une bête lubrique. La double saillie du ventre et des fesses, fardeau de luxure ajouté comme
-après coup, déforme ignoblement la double ligne du profil. Tels des fruits
(1) V. Krafft-Ebing. Psychopathio serualîs. Traduction Emile Laurent et S. Csnpo. V. également : Emile Laurent, L'amour morbide.
(2) La fille manquée.
lourds et pourrissants courbent une branche, les seins entraînent le buste-en avant, voûtent presque le dos. Et celles qui ne sont pas des composés de grotesques et écœurantes boursouflures, blessent par leur sécheresse anguleuse... Au Louvre, je fuis la Vénus de ililo, luxure et non beauté, tardive grecque des lies, alourdie d'Orient et de décadence. La vénusté longoe de Diane me satisfait presque. Mais c'est devant les Apollon, les Antinous, l'hermaphrodite du Velletri que m'arrêtent les joies parfaites, les joies inépuisables. C'est aussi devant les sveltesses enlacées de certains groupes de lutteurs. Parmi les femmes peintes du premier étage,, une seule m'intéresse, cette hautaine Jeanne d'Aragon dont Raphael dit la beauté sobre. Et encore mon désir la déféminise. •
TJn autre uraniste écrit, toujours à B. Von Krafft-Ebing : * Le temps que je passai avec mon ami X... fut un temps heureux : j'en paierais le retour de mon sang. La vie était alors pour moi une joie. Et maintenant encore, après les années, lorsque le hasard nous met en présence, le vieil incendie se rallume. » Ces deux hommes occupent dans la société allemande des postes élevés et jouissent de l'estime de leurs contemporaine.
TJn jeune homme appartenant à l'aristocratie de Vienne fait cette confession : « J'avais environ vingt-cinq ans, quand un capucin me regarda un jour fixement. Il devint comme un Méphisto pour moi. Enfin il me parla. Je crois encore entendre les battements de mon cœur: j'étais comme un être sans vie. Il me donna rendez-vous dans un hotel pour le soir. J'y allai : mais, arrivé au seuil, je redoutai quelque terrible mystère. Le deuxième soir, le capucin m'aborda de nouveau. Il me parla et m'emmena dans sa chambre. J'étais comme paralysé. Il me mit sur un canapé et me regarda en souriant de ses beaux yeux noirs : je perdis connaissance. Je ne saurais décrire cette volupté divine et surhumaine qui remplit notre être. TJ faudrait, je crois, les oreilles du bien-aimé pour comprendre tout le bonheur que son amour me donna et combien je fus heureux ce soir là >.
TJn autre, enfin, écrivait au docteur Servaïs de Cologne : « Quand même je serais dans le plus grand épuisement, dans le plus profond sommeil, au bord de la tombe, je ne refuserais pas la communion sodo-mico-charnelle, parce qu'elle me rendrait la force et la vie ».
Cette conception de l'amour uraniste fait involontairement évoquer certains vers de P. Verlaine, qui, cyniquement et ingénument, fait-l'état de ses péchés :
Je le croîs bien qu'ils ont la pleine plénitude. Et pour combler leurs vaux, chacun d'eux, tour à tour. Fait l'action suprême, à In parfaite extase. Tantôt U coupe ou la bouche, et tantôt le rate. Pâmé comme la nuit, fervent comme le jour. Leurs beaux ébats sont grands et gais, pas de ces crites : - Vapeurs, nerfs. Xon, des jeux courageux. Puis d'heureux Bras las autour du cou, pour de moins langoureux Qu'étroils sommeils A deux, tout coupés de reprises.
Dorme: les amoureux ! Tandis qu'autour de vous lx monde inattentif aux choses délicates. Bruit ou jit en somnolences scélérates. Sans même, il est si bêle, être de vous jaloux.
. (à suivre).
Psychologie de l'olfaction : La fascination olfactive chez les animaux et chez l'homme (l)
par M. le D' Bkbillox, professeur à l'Ecole de psychologie.
(Suite)
Des faits analogues ont été signalés par un certain uombre d'auteurs. Le docteur Galopin a connu un chien de chasse qui rapportait le mouchoir de son maître, après être allé le chercher à un kilomètre de distance. Ce mouchoir était mélangé à six autres mouchoirs, appartenant & diverses personnes, et les sept objets étaient légèrement couverts de terre. Le fidèle rapporteur découvrait la cachette, secouait le paquet et ne rapportait que l'objet qui appartenait à son maître.
Le même auteur rapporte également un autre fait, du même ordre, dont il a été témoin. Cela se passait en 1873, dans un village de la Suisse. Un incendie éclata dans un immeuble voisin de l'école communale. Bientôt tous les Suisses du plateau accoururent et combattirent l'incendie. Pour travailler plus facilement, ils avaient déposé leurs manteaux dans le préau de la maison d'école. Le propriétaire d'un chien nommé Baril (2), y avait déposé son paletot comme les antres. L'incendie éteint, chaque travailleur reprit son habit. Un vêtement manquait, celui du maître de Baril. Un simple geste, accompagné de ces paroles : « mon paletot ! », suffit au chien qui partit comme un trait à la poursuite du délinquant. Il l'atteignit dans une auberge de la montagne. L'attitude du chien fit si bien comprendre au voleur la nécessité de rapporter le vêtement, qu'il s'empressa de s'exécuter.
J'ai eu l'occasion d'observer personnellement un loulou bâtard qui présentait une remarquable disposition a l'électivité olfactive. Son propriétaire, qui était un blanchisseur, avait au nombre de ses clientes, une demoiselle dont le linge exerçait sur l'odorat du chien une fascination toute particulière. Dès que le paquet de linge était arrivé dans la boutique, il le découvrait immédiatement, au milieu d'autres paquets. Sa grande joie était de flairer les diverses pièces, de les disperser, de se rouler dessus. Comme il abîmait ce linge avec ses dents, on avait soin de le placer sur une planche hors de sa portée ; il ne se tenait pas pour battu, et ne cessait d'aboyer en s'élançant de toutes ses forces dans la direction des objets de sa convoitise. Il ne manifesta jamais de semblables affinités pour le linge d'autres personnes. Sa sympathie olfactive
(1) Voir le numéro précédent.
(2) Ce chien était Issu d'un père portant te même nom qui s'est acquis en Suisse une légitime notoriété par maintes prouesses de sauvetage.
était donc nullement systématisée à l'égard de particules odoriférantes dont la dégustation lui était particulièrement agréable.
On peut rapprocher ce fait de celui qui est mentionné par Tellement de Beaux.
« Une femme de ma connaissance, dit ce chroniqueur, avait une petite épagneule qu'elle laissa en Poitou en venant s'établir à Paris. A dix ans de là. elle envoya des hardes à celle qui avait la chienne ; elle les avait arrangées elle-même dans le coffre. Cette petite chienne se mit à baiser les hardes, à les lécher et à faire cent sauts à l'entonr. » X'y a-t-il pas là un exemple véritablement surprenant de la fidélité à laquelle peut atteindre la mémoire olfactive? Une séparation de dix années n'avait pas éteint dans le cerveau de ce chien le souvenir d'impressions qui l'avaient autrefois charmé. La fidélité des chiens, tant vantée, ne serait donc pas autre chose que la satisfaction d'une véritable gourmandise olfactive. En effet, les chiens sont d'autant pins attachés à leurs maîtres que leur odorat est plus affiné. Les races chez lesquelles l'olfaction est peu développée, comme chez les lévriers, se montrent peu susceptibles de véritable attachement.
Il est tout à fait certain que le chien pour suivre la piste de son maître, n'a pas d'autre guide que son odorat. Des expériences de MM. J. et A Piccard, relatées dans les Archives des sciences physiques et naturelles de Genève, du 15 mai 1908. le démontrent d'une façon évidente. Ainsi, le chien retrouve le caillou lancé par son maître au milieu d'autres cailloux, bien qu'il n'ait pas vu l'endroit où est tombée la pierre, cet endroit étant caché par un repli de terrain. Ce qui guide le chien, c'est la légère odeur que la main a laissé à la pierre. Ce qui le prouve c'est qu'il ne retrouve pas la pierre quand tout contact avec les substances organiques a été évité.
Les chevaux présentent la même disposition h reconnaître leur maître par l'odeur. Ils hennissent quand, la direction du vent étant favorable, ils le sentent venir de loin ; alors que la vue n'a pu leur donner encore notion de sa présence. Jacob Tullins, djins le Journal des Savants, de 1700, parle d'un cheval qui, ayant servi dans dee expéditions contre les Perses, les sentait de loin et signalait leur présence par ses hennissements.
U. L'ÉLECTIVITÉ OLFACTIVE.
L'électivité olfactive chez les animaux, et en particulier chez le chien peut être le résultat d'une affinité spontanée. Dans le plus grand nombre de cas, il faut reconnaître qu'elle est le résultat d'un véritable dressage.
Cette éducation de la fidélité des chiens, par l'utilisation de l'olfaction, se réalise ordinairement par des procédés empiriques. C'est ce que nous apprend M. de Meusignac dans uue Notice sur tes coutumes, usages, préjugés, du département de la Gironde, parue dans le Bulletin de la Société d'anthropologie de Bordeaux. Nous y trouvons les procédés populaires auxquels certaines personnes ont recours dans le Bordelais pour s'assurer de la fidélité de son chien.
Lorsqu'on désire, dit-il, qu'un chien s'attache à votre personne, il faut se couper une touffe de poils situés sous les aiselles et en frotter le nez de l'animal. On peut arriver au même résultat en passant fortement un morceau de pain au même endroit et en le faisant manger au chien.
« Par ces deux moyens, ajoute-t-il, on peut s'attacher toutes sortes d'animaux. »
i TJn de mes amis, M. Rodolphe Burgues, grand chasseur et éleveur de chiens de chasse, m'a, à plusieurs reprises, parlé d'un procédé qu'il jugeait infaillible pour fixer dans les cellules olfactives du chien le souvenir de l'odeur de e?? maître. Ce procédé consiste, lorsqu'ils sont jeunes, à leur jeter de vieilles culottes, pour les amuser. On obtient le même résultat en leur faisant flairer les chaussettes du maître.
Différents exemples tendraient à prouver que, dans l'espèce humaine, l'électivité olfactive, se traduisant le plus souvent, chez ceux qui en sont atteints, par un amour passionné, peut avoir son point de départ dans des manœuvres analogues. Kraft-Ebing en rapporte le cas suivant qu'il tenait de Most, professeur de Rostock : « J'ai appris, raconte Most, d'un jeune paysan voluptueux qu'il avait excité à la volupté maintes filles chastes, et atteint facilement son but en passant, pendant la danse, son mouchoir sous ses aisselles et en essuyant ensuite, avec ce mouchoir, la figure de sa danseuse. » Fort heureusement, la vulgarisation de ce procédé, cependant si simple, ne nous fait pas craindre qu'il puisse, dans l'état actuel de nos mœurs, devenir d'une application courante.
De la lecture de l'ouvrage très connu de Ploss sur la femme : Das "Weib ; il ressort que l'on a vu maintes fois l'odeur de la transpiration du corps exercer une sorte d'attraction sur une personne d'un autre sexe. Cette opinion serait corroborée par l'usage qui, au rapport de l'explorateur Jagor. existe chez les amoureux indigènes des lies Philippines. Lorsqu'il arrive, dans ce pays, qu'un couple amoureux est forcé de se séparer pour quelque temps, l'homme et la femme, échangent des pièces de linge dont ils se sont servie, pour s'assurer une mutuelle fidélité. Ces objets sont soigneusement gardés, couverts de baisers et renifles. Or, ne s'agit-il pas là d'une électivité olfactive provoquée et entretenue d'une façon pour ainsi dire expérimentale.
Mais il peut arriver que l'expérience se réalise d'une façon toute fortuite, comme dans le cas, tant de fois reproduit qui fut relaté par Cloquet dans son livre intitulé : Osphrésiologie. « En 1572, on célébrait au Louvre, le mariage du roi de Navarre avec Marguerite de Valois, et celui du prince de Condé avec Marie de Clèves, douée d'une singulière beauté et bonté. Après avoir dansé longtemps et se trouvant incommodée par la chaleur du bal, cette princesse passa dans une garde-robe où une des femmes de la reine mère lui fit changer de chemise. Elle venait de sortir, quand le duc d'Anjou, qui régna plus tard sous le nom d'Henri HI, y entra pour rajuster sa coiffure, et s'essuya par mégarde avec la chemise quelle venait de quitter. Depuis ce moment, ce prince conçut
pour elle la passion la plus ardente, que la mort tragique de celle qui en fut l'objet ne put surmonter ».
On raconte également que la passion d'Henri G?- pour Gabrielle d'Eetrée aurait pris naissance, parce que, dans un bal, il se serait essuyé le front arec le mouchoir de cette dame.
Dans ces faits, d'apparence si surprenante, l'électivité olfactive aurait comme point de départ une sensation constituant une véritable révélation sexuelle. Dane une note communiquée à la Société d'hypnologie et de psychologie (décembre 1906), je faisais ressortir l'influence durable que laiese dans la mémoire la première sensation rencontrée dans l'ordre sexuel. Je rappelais que, chez un certain nombre d'individus, le souvenir de la scène de l'initiation à la vie sexuelle revêt un caractère indélébile, le réflexe génital n'étant plus réveillé que par des idées se rapportant h la première sensation fortement ressentie. Chez l'homme normal, qui, comme je le disais dans une récente étude, sous le titre : L'initiation sexuelle (1), lorsqu'il s'agit d'évoquer des images capables de stimuler son appétit sexuel, est essentiellement olfactif et gustatif, il n'y a rien d'étonnant que les premières sensations voluptueuses nées d'une impression olfactive produisent une impression mentale aussi profonde. (A suivre).
Mort par émotion, inhibition, suggestion, etc. (2)
par M. le docteur Paul Fâbez. professeur h l'Ecole de psychologie.
(Suite et fin)
Dans les cas de mort par suggestion, il faut faire la part de l'influence représentative et celle de l'influence émotive. D'ordinaire, ce qui tue, ce n'est pas, à ce qu'il semble, la simple représentation mentale ; la suggestion, quelle que soit sa forme, agit ici par la réaction émotive qui lui est concomitante ou surajoutée.
Le plus souvent, ce qui fait la syncope émotive, ce n'est ni la qualité ui l'intensité de l'émotion ; c'est la soudaineté du choc physique ou psychique.
Des chocs minuscules mais brusques, inattendus, ont pu provoquer la mort, tels de légers traumatismes du larynx (Brouardel). un léger coup du revers de la main sur la région épigastrique (Cooper), un coup de pierre lancée but la région abdominale (Jacob Ehrner), la palpation d'un foie douloureux (Huchard), la simple piqûre de l'aiguille de la seringue de Pravaz, pendant, il est vrai, un accès de colère (Huchard).
Bon nombre de ceux qui succombent à une syncope émotive sont des cardiaques. On a relevé, le plus souvent, des lésions valvulaires, des plaques d'athérome, l'obstruction ou l'occlusion partielle des coronaires, des anévrismes. Qu'il s'agisse de joie ou de tristesse, le système cardioartériel, déjà touché dans ses organes ou dam sa fonction, est incapable
(1) Bébiixos. — Le traitement psychologique de l'homosexualité" basé sur la rééducation sensorielle. Revue de l'Hypnotisme, août 1908). )2) Cf. Hetae de l'Hypnotisme, septembre et octobre 1908.
de résister à une modification brusque apportée dans les conditions de la circulation.
C'est pourquoi Y état antérieur de l'appareil circulatoire devra toujours être noté avec soin dans les expertises médico-légales relatives à un accident suivi de mort. En effet, la constatation de certaines lésions cardiaques chez le traumatisé diminuera, d'une part, la responsabilité civile et, d'antre part, la responsabilité criminelle de l'auteur de l'accident. Un traumatisme minuscule, incapable de causer la mort chez un individu quelconque, pourra cependant occasionner la mort chez un cardiaque, du fait même de sa cardiopathie ; et la réparation civile à revendiquer sera, de ce fait, atténuée. De même si, par exemple, en jouant, quelqu'un donne à un partenaire un coup inattendu et que ce dernier succombe parce qu'il était cardiaque, la culpabilité du premier sera reconnue, par cela même, soit atténuée, soit inexistante.
Les émotions répétées peuvent, soit exaspérer les léeions existantes, soit finir par les créer.
Voici un exemple du premier cas :
Un de mes malades, âgé de 85 ans, est porteur d'un anévrysme de l'aorte abdominale. Depuis quelque tempe, il est réveillé, la nuit, par des crisee de dyspnée toxi-alimentaire. Gourmand et gros mangeur, il ne consent pas à restreindre son alimentation et les crises nocturnes se répètent. On décide qu'une garde très dévouée passera la nuit auprès de lui. Lorsqu'elle est, pourala première fois, témoin de cette crise dyspnéi-que, la brave femme s'affole, croit que son malade est moribond et, dès que le paroxysme s'est atténué, elle lui fait réciter les prières des agonisants. Très impressionné, le pauvre malade est pris d'une peur atroce de la mort. La seconde nuit, la même scène se reproduit, ainsi que la nuit suivante, au cours de laquelle il meurt, subitement, de la rupture de son anévrysme, pendant qu'il récite avec angoisse les dites prières des agonisante.
Une autre fois, l'émotion provoque, par exemple, une hémorragie, ei les vaisseaux sont devenus très friables, tel le cas rapporté par Brou -sais. Une femme est couchée sur une pelouse ; font a coup une grenouille échappée des pattes d'un oiseau de proie lui tombe sur la poitrine ; elle est, immédiatement, prise d'une hémorragie pulmonaire abondante, dont elle meurt en Quelques minutes.
Pour ce qui concerne les émotions, considérées comme facteurs de troubles ou de lésions de l'appareil circulatoire, on comprend que les explosions de joie provoquent des paroxysmes de suractivation circulatoire ; quant aux frayeurs elles causent des vaso-constrictions périphériques brusques.
0. Watermann et P.-L. Blum rapportent des faits très curieux de traumatismes psychiques ou physiques, parfois assez légers, à la suite desquels ils ont pu assister au développement des symptômes initiaux de lartério-sclérose ; ils ont, bien entendu, soigneusement exclu les malades atteints d'affections rénales, de cardiopathies organiques ou d'arté-
rio-scléroee primitive. Dans ces cas, il s'établit des troubles vasomoteurs qui se traduisent par des contractions spasmodiques des petites artères; ce spasme donne lieu à une élévation générale et persistante de la pression artérielle ; cette hypertension constante finit par compromettre l'élasticité des vaisseaux et aboutit, en définitive, à l'artériosclérose.
D'autre part, la tristesse est vaso-constrietive ; il n'est pas étonnant qu'à la longue les hypocondriaques, les inquiets, les anxieux présentent de l'hypertension artérielle ; les soucis, les chagrins répétés sont des facteurs d'artériosclérose. Huchard cite le cas d'un banquier chez qui des déceptions politiques et financières déterminèrent une cardiopathie artérielle dont les symptômes évoluèrent pas à pas sous ses yeux, sans qu'aucune, autre cause ait pu être incriminée.
Une hygiène morale spéciale s'impose donc à tous les cardiaques. Ceux-ci seront préservés du danger de mort par syncope émotive, si on les entraîne à éviter les émotions ou plutôt si on les immunise contre l'influence nocive de ces dernières sur l'appareil circulatoire. U va sans dire que la psychothérapie, sous toutes ses formes, principalement sous forme de suggestion hypnotique, réalisera, mieux que n'importe quel procédé, cette immunisation à l'égard des traumatisme* émotionnels ; et cette immunisation, indispensable aux cardiaques, sera aussi très avantageuse aux gens bien portants.
Ce serait une erreur de croire que la mort par syncope émotive exige la préexistence d'une cardiopathie. De nombreuses fois, l'autopsie la plus minutieuse n'a pu déceler aucune lésion circulatoire. Comment, dans ces cas, la mort est-elle possible ? Par réflexe, spasme, action d'arrêt ou inhibition.
Cioffi a observé des- enfants de un à sept ans qui succombèrent à des brûlures du premier ou du second degré, superficielles et peu étendues. Certaines de ces brûlures étaient très légères et avaient déterminé des phlyctènes peu nombreuses, disséminées sur une étendue de quelques centimètres carrés, même d'un seul centimètre carré dans un cas. Mais elles étaient survenues au milieu de circonstances particulièrement terrifiantes et le shock moral avait déterminé la mort par inhibition.
Rappelons la célèbre expérience de Goltz. réussie également par Tar-chanoff et F. Frank : on donne une brusque chiquenaude sur le ventre ou les intestins d'une grenouille et le cœur s'arrête aussitôt, par voie réflexe.
Ce cas est identique à ceux rapportés plus haut où l'on a vu qu'un coup, qu'un choc sur l'estomac ou sur le cou a exercé sur le cœur une action d'arrêt par voie réflexe, par spasme des vaso-moteurs. D'une manière générale, ces excitations périphériques provoquent l'irritation de certaines terminaisons nerveuses, laquelle irritation se propage, soit directement, soit de proche en proche, au pneumogastrique, nerf d'arrêt du cœur. Comme l'explique Huchard, de l'arrêt du cœur résultent une anémie bulbaire, c'est-à-dire un défaut d'oxygénation du sang, ainsi •qu'une accumulation d'acide carbonique ; et cette excitation du bulbe
contribue, par un cercle vicieux, a prolonger l'arrêt du cœur lui-même-
Dans un cas rapporté par Brouardel, une jeune fille de 18 ans, indemne de lésions cardiaques, est, au cours d'une discussion, saisie à la gorge par son contradicteur et meurt. Un expert de province conclut à la strangulation. Corrigeant cette interprétation. Brouardel prouve, devant la justice, qu'il y a eu mort non par strangulation, mais par inhi-bition. La jeune fille, dit-il. a succombé à une excitation violente qui, portée k la région du cou, a produit un arrêt brusque du cœur. Sans doute, si elle n'avait pas été prise k la gorge, elle ne serait pas morte, mais il n'y a pas eu strangulation. Le meurtre est donc écarté.et l'auteur indirect de cette mort n'est poursuivi que pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Dans des cas de ce genre,, le médecin-légiste devra toujours, soit pour la confirmer, soit pour l'éliminer, envisager l'hypothèse d'une mort par inhibition; et cela permettra parfois à la justice d'atténuer équitablement la responsabilité criminelle des auteurs involontaires de semblables morts.
De temps en temps, on a à déplorer un cas de mort pendant la narcose chloroformique. Aussitôt, les quotidiens ou la famille du décédé ébruitent le cas : l'autorité judiciaire fait une enquête ; elle saisit les restes du flacon employé ou des échantillons de même provenance ; on analyse le liquide... et on le trouve d'excellente qualité.
En effet, le plus souvent, le chloroforme n'est pas l'auteur de ces accidents, il n'en est que l'occasion.
Nombreux sont les cas où la syncope mortelle survient dès les premières inspirations, avant que l'organisme ait pu être * intoxiqué » ; parfois aussi. la mort survient pendant les préparatifs, le flacon de chloroforme étant encore intact. Lefort a écrit, à propos des expériences des physiologistes sur des milliers de lapins : « ... Nous ne sommes pas des lapins. C'est la peur qui, chez l'homme, constitue le plus gros danger. Le lapin lui n'a pas peur, car il ne sait pas qu'on va l'opérer. »
En dehors de la peur, il faut signaler les cas néfastes survenus sous l'influence : 1° du réflexe bucco-pharyngo-laryngé ; 2° du réflexe muco-pulmonaire.
Le chloroforme exerce une action d'abord irritante, mécanique, et non toxique, sur les expansions glottiques et laryngées du nerf laryngé supérieur, ainsi qne sur les ramifications nasales du trijumeau â la surface de la muqueuse pituitaire ; il peut en résulter une syncope laryngée.
D'autres fois, c 'est au niveau de la muqueuse pulmonaire elle-même que se produit brusquement, comme dans le cas précédent, un réflexe de défense, une apnée réflexe tout aussi redoutable.
Brat est parvenu à provoquer, chez un lapin, une mort analogue à-celle qui survient parfois, sons l'influence du shok traumatique, chez les humains chloroformisés. D'après lui, le shok constaté au cours de la chloroformisation a son point de départ dans une excitation des terminaisons des nerfs sensitifs intra-pulmonaires.
De ce qui précède, nous pouvons retenir et conclure les points suivants :
1° En dehors de toute lésion cardio-vasculaire, il peut se produire, par réflexe, spasme, action d'arrêt, ou inhibition, en outre d'une syncope cardiaque, une syncope respiratoire, — qne le cœur et les poumons soient influencés simultanément ou successivement.
2° L'une et l'autre syncope réalisent parfois un simple état de mort apparente ; on devra lutter avec énergie pour essayer de rétablir la fonction qui peut n'être que momentanément suspendue. Je n'ai pas à insister ici. ayant étudié les divers procédés de reviviscence dans mon cours de l'école de psychologie en 1907.
3° Avant de soumettre un malade à la chloroformisation. on examine avec soin l'état de son cœur et de ses poumons. Or ce qui importe, bien plus que sa circulation ou sa respiration, c'est l'état de sa « réflectivité ». Certains nerveux ont des réflexes intensifs qui peuvent se prolonger ; c'est vraisemblablement cela qui explique la mort par inhibition sous le chloroforme. Avant de tenter la narcose chez de semblables sujets on devra se mettre en garde contre les excès de leur « spamodicité » et, dans la mesure du possible, la maîtriser.
4° Pour ce qui concerne la chloroformisation, j'estime qu'elle est principalement une œuvre de psychothérapie ; quiconque administre le chloroforme doit s'appliquer, surtout par la suggestion, à inhiber ou diriger les états psychiques du sujet, tout comme on le fait pour l'hypnotisé. Les détails de cette pratique sortent du cadre de cette courte étude ; je compte y revenir très prochainement lorsque j'étudierai la psychologie de la narcose chloroformique.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance dn mardi SO octobre 1908. — Présidence de M. le D' Jules Voues. La séance est ouverte à i h. 40.
Le procès-verbal de la séance annuelle est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend une lettre par laquelle M. Liégeois, juge au tribunal d'Epinal, fait part à la Société de la mort de son père, M. le professeur Liégeois, membre fondateur de la Société.
M. le Président exprime les sentiments de condoléance que cette perte inspire à la Société et annonce que, selon l'usage, la mémoire de notre regretté collègue recevra des hommages mérités, lors de la séance annuelle de la Société.
La correspondance comprend également des lettres de if. le Dr Poula-lion ; "Witry, de Trêves ; professeur Ubeyd Oullah, de Smyrne ; Dr Jour-dan, de Marseille.
Les communications inscrites à l'ordre du jour ont lieu dans l'ordre suivant :
1. Dr Bosjour (de Lausanne) : Eloge du professeur Liégeois;
2.Dr Bérillos : Le mécanisme psychologique des sympathies olfactives ;
3. Dr JoURPAN (de Marseille) : Hystérie et suicide;
5. Dr Viazemsky (de Saratow) : TJn cas de grosseur imaginaire : Discussion : Dr Paul Magnin ; Dr Bèrillon ; Dr Paul Parez ; Dr Jules Voisin ; Demonchy ;
5* Dr AVitry (de Trè ? es-sur-Moselle) : Une maladie de la volonté. Le Latah.
Le Secrétaire général donne le compte-rendu des congres auxquels la Société a envoyé des délégués.
M. le Président met aux voix les candidatures de MM. Dr Auguste Marie, médecin en chef de l'asile de Villejuif; Dr Tarrius, directeur de la Maison de santé d'Epinay ; Dr Motais. directeur de l'Ecole de médecine d'Angers ; Lr Dorvaux, de Thiant (Nord), Dr Vicente Hernandez, de Seville ; Dr Kolbé; de Châ tel-Guy on ; Dr Constantinidis, de Constantinople ; Dr Aimé Garderie ; M. Liégeois, juge au Tribunal d'Epinal : Dr Abd el Aziz Nasmi, du Caire ; Dr Bajenoff. médecin en chef de l'Asile Préobra-jensky, à Moscou.
Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité.
La séance est levée à 6 h. 30.
Eloge du professeur Liégeois
par M. le D* Boxjocb, de Lausanne.
La science de l'hypnotisme a depuis quelques mois subi de dures épreuves ; après la perte des D™ Wetterstrand et Hamilton Osgood nous arrive la terrible nouvelle de la mort du professeur Liégeois, enlevé subitement aux siens et à ses amis par un accident d'automobile. Avec le professeur Liégeois disparait un des premiers pionniers de l'hypnotisme en même temps qu'un de ses meilleurs défenseurs. On peut affirmer, sans crainte d'être démenti, que le rôle du professeur Liégeois dans le groupe des disciples nancéens de Liébeault, ne fut pas le moindre puisqu'il eut pour but de faire introduire dans la science juridique l'idée de l'irresponsabilité du criminel ayant obéi à des idées suggérées. Liégeois a beaucoup lutté pour prouver par des faits la réalité et la possibilité du crime suggéré. Dans des brochures, dans son livre sur l'hypnotisme, devant les tribunaux, devant G Académie des sciences morales, il a exposé avec la clarté et la logique qui le caractérisent, cette idée dont la justesse le hantait.
Lors de l'affaire Eyrand-Bompard. il demanda à être entendu par le tribunal, car il était persuadé que dans ce crime la fille Bompard n'avait obéi à son amant Eyraud que comme une somnambule obéit au sugges-tionneur. Il ne put pas à cette occasion soutenir son opinion dans la mesure et. la forme qu'il aurait désirées. On suscita h son intervention les obstacles les plus inattendus. La cour fit preuve de la plus manifeste partialité en faveur des experte qu'elle avait désignés. Aussi lorsque la fille Bompard sortit de prison, le premier désir du professeur Liégeois fut de vérifier par l'expérience le degré de sa responsabilité. L'ayant eue en sa présence, il l'hypnotisa, lui fit revivre la scène du crime et put se
convaincre et convaincre cens qui en doutaient encore, que la malheureuse avait agi comme une hypnotisée.
L'on doit souhaiter que la disparition de Liégeois n'amène pas la perte de son idée, car la jurisprudence actuelle qui, comme la médecine, s'est emparée du mot suggestion et l'emploie à tout propos, n'en a pas encore compris ni le mécanisme ni la portée.
Liégeois était du nombre trop petit de ceux qui à l'heure actuelle pensent logiquement sur la suggestion et qui-l'emploient dans la mesure du possible à soulager et guérir. Il était des nôtres et bien des nôtres par ses aptitudes à provoquer l'hypnotisme et il savait appliquer la suggestion avec discernement dans les cas favorables.
Il a initié personnellement beaucoup de médecins k l'emploi de l'hypnotisme. Il était persuadé que la psychothérapie était essentiellement une œuvre de savoir pratique et de dévouement, et les raisonnements des persuadenrs actuels faisaient sourire sa logique et son bon sens. Cette communauté d'idées a été entre nous deux l'occasion qui nous a rapprochés et qui nous a unis d'une amitié que la mort brutale a rendue trop courte.
Passagers comme nous le sommes tous, nous consentons à passer mais nous voudrions que ces morts illustres qui s'en vont, suscitent des imitateurs, des continuateurs de leur œuvre. Car, il n'y a pas k le cacher, la suggestion hypnotique a subi des assauts inconsidérés et même parmi ceux qui lui accordent la place la plus efficace dans la thérapeutique psychique, il y en a qui ne l'emploient plus, parce qu'ils n'ont pas le courage de continuer à mettre en pratique ce qu'ils ont écrit ou dit. St ceux-là avaient connu le professeur Liégeois et l'avaient vu k l'œuvre, ils se seraient rendu compte que l'hypnose a tous les avantages que ses détracteurs veulent lui refuser et ils auraient appris de lui ce que c'est que la vraie psychothérapie et ce qu'elle est capable-de produire.
Dans la lutte actuelle à laquelle est soumise la psychothérapie, lutte que le récent congrès de médecine de G-enève vient de mettre de nouveau en évidence, il est d'autant plus donloureux de perdre des hommes comme Liégeois, qui se distinguent par la clarté de leur esprit, la sûreté de leur jugement et la noblesse de leur caractère, que notre tâche est loin d'être terminée et qu'elle demandera encore longtemps le concours, des plus nobles dévouements.
Hystérie et suicide
par SI. le Dr Etienne Jocnnis (de Marseille)
L'hystérie est peut-être celle des affections nerveuses dans la sympto-matologie de laquelle on a fait entrer les manifestations les plus diverses. Et cela parce que, comme l'a montré G. Ballet dans son rapport au Congrès de Clermont-Ferrand, (1) on confond les manifestations de la névrose avec celles du tempérament, de la prédisposition névropathique.
(1) Rapport de l'hystérie et de la folie (Congrès de Clermont-Ferrand 1896).
Mais il est deux caractères, la simulation et le mensonge, qu'on s'est plu à considérer comme des stigmates particuliers à l'hystérie, et, dans cette névrose, on n'a pas craint de rapporter la plupart des manifestations à ces deux caractères. C'est ainsi que, pour le suicide en particulier, on a décrit un suicide spécial à l'hystérie. Legrand du Saule a écrit « la tentative du suicide est commune ; mais il y a préparation, rarement perpétration..... cependant les tentatives de suicide ne sont pas toujours
vaines » (1) et Taguet « les tentatives de suicide sont abortives.....l'hystérique ment dans la mort comme elle ment dans toutes les circonstances de sa vie, elle est dans son rôle... un trait commun caractérise ces malades, c'est la simulation instinctive, le besoin immodéré, incessant de mentir sans but et sans objet, uniquement pour mentir et cela non seulement en paroles mais encore en action, par une sorte de mise en scène où l'imagination joue le principal rôle, enfante les péripéties les plus inconcevables et porte parfois aux extrémités les plus funestes. » (2)
L'école de la Salpétrière s'est inscrite en faux contre cette conception du suicide hystérique. Pitres a écrit « il ressort bien clairement que le suicide des hystériques est, en général, le résultat d'une détermination soudaine, irréfléchie mais que rien n'autorise à la considérer comme une comédie grossière jouée par des simulatrices pour se rendre intéressantes
ou pour alarmer leur entourage.....il s'explique mieux par la puérilité
du caractère que par le désir de jouer sciemment des comédies ridicules ou scélérates, car les hystériques sont de grands enfants qui se déterminent d'après des sentiments figurée et passent d'un instant à l'autre de la gaîté h la tristesse, de la douleur à la violence, de l'amour à la haine et vice—versa... rien ne prouve que leurs tentatives de suicide soient de simples comédies ». (3)
Quels que soient les mobiles invoqués, tous les auteurs ont signalé le suicide dans l'hystérie. 11 s'agirait de savoir si le suicide des hystériques se distingue par des caractères particuliers du suicide que l'on rencontre dans d'autres états névropathiques, si, en somme, le suicide hystérique a une existence propre. Tout d'abord, il faut distinguer le suicide-impul -sion, déterminé par une sensation soudaine, irréfléchie et irrésistible, du suicide dont la détermination est raisonnée, mûrie, réfléohie. Pas plus l'un que l'autre n'appartiennent en propre a l'hystérie. La cause, la raison d'être du suicide existe en dehors de la névrose, on la trouve, comme celle de la folie hystérique, dans le terrain, dans la prédisposition névropathique. L'hystérie peut imprimer à la tentative de suicide une modalité particulière, elle ne saurait à elle seule déterminer le suicide.
Voici un cas assez complexe où l'idée de suicide apparaît dans le champ de la conscience à l'occasion de manifestations hystériques au point que, au premier abord, cette idée semble être en rapport étroit et direct avec l'hystérie ; et cependant l'analyse psychologique permet de
(1| Legrand du Saule, tes Hystériques (p. 303).
(2) Taguet : du suicide dans l'histérie (aim. méd, psycli. t. XVII (1877).
(3) Pitres : Leçons sur l'hystérie et l'hypnotisme (t. ?, p. 282).
faire remonter cette idée à une phobie primitive qui est elle-même la signature d'une prédisposition morbide nettement héréditaire.
Madame X... ii ans ; — père suicidé par immersion — en apprenant la mort de son père, mort qne rien ne faisait prévoir : cette dame qui avait alors 17 ou 18 ans, éprouva une émotion très vive. Ce choc émotif détermina une phobie véritable qui passa inaperçue ou plutôt fut interprétée par l'entourage, comme une conséquence de la douleur produite par cette mort inattendue et que le temps ferait disparaître, Cette phobie était constituée par la peur instinctive, irraisonnée de l'eau. A partir du jour de la mort de son père, et encore aujourd'hui, toutes les fois que Madame X.... se trouve en présence d'un ruisseau, d'une rivière, de la mer. elle est prise d'une angoisse subite, d'une sensation de mal être, d'agitation qui ne cesse que lorsqu'elle a perdu de vue l'eau. A part ce phénomène dont on ne veut pas voir le caractère morbide, la mentalité de Madame X.... parait normale. Très intelligente et très cultivée elle est la véritable directrice de sa maison et des affaires de son mari. Pénétrée de son rôle de femme et de mère, elle se dépense sans compter, se surmène physiquement et moralement, et c'est en vertu de cette idée qu'elle est indispensable, que sans elle rien ne peut marcher, que, lors de son second accouchement elle se lève prématurément et a des accidents utérins pour lesquels on lui fait subir deux curetages. A la suite de cette métrite subsiste une névralgie pelvienne qu'elle va soigner a Salis de Béarn. Cette névralgie entretient un état d'excitation psychique, d'angoisse d'abord diffuse et sans objet et qui, par la suite, se résout en un état panophobique (claustrophobie, agoraphobie, dromophobie, amaxophobie. sidérodromophobie, kéronauphobie, zoophobie, anthro-phobïe, ochlophobie, etc..) qui s'accompagne bientôt de douleurs de tête, d'insommie. d'un sentiment d'incomplétude physique et morale, d'asthénie musculaire pour lequel on porte le diagnostic de neurasthénie. Malgré plusieurs cures d'isolement et d'hydrothérapie cet état ne s'amende pas. Depuis déjà longtemps Madame X.... était sujette à des crises nerveuses à point de départ génital, crises qui n'étaient calmées .que par le contact de l'eau froide et encore mieux par la masturbation. A l'époque où nous sommes arrivés, ces crises se répétaient plus fréquemment et avec une plus grande intensité. Jusque là elle avait soigneusement caché l'existence de ces crises, mais étant donné leur nombre de plus en plus grand, elle est obligée de les avouer à son mari, ce qui. pour elle, est une honte. Elle croit, par ce qu'elle a entendu dire, que ce sont des crises d'hystérie. Elle demande ce qu'est cette maladie et comme on ne lui donne pas d'explication suffisante, elle cherche dans un dictionnaire où elle trouve la vieille conception hippocratique : elle en est toute bouleversée et ne peut admettre qu'elle, honnête femme, puisse être atteinte d'une maladie qu'elle considère comme infamante. Déjà ces crises avaient éveillé en elle un sentiment de honte et de scrupule, la confirmation de ses craintes par la définition du dictionnaire, ne fait qu'exagérer encore ses sentiments.
Jusqu'ici Madame X.... avait été dans les meilleures conditions de "bonheur. Si elle avait les ennuis inhérents à toute situation sociale, préoccupation des enfants a élever, difficultés de ménage provenant de ses beaux parents avec lesquels elle vivait, du moins était-elle adorée de son mari qui ne faisait rien sans la consulter et qui était dans une situation telle qu'il pouvait dépenser sans compter. A l'époque où nous en sommes il n'en est plus de même, les affaires commerciales du mari subissent de telles difficultés que non seulement on est obligé de restreindre les dépenses, mais encore on doit envisager la faillite probable. Madame X.... était alors à Saint-Didier où elle suivait un traitement hydrothérapique. L'établissement est situé dans un très beau parc au fond duquel passe un canal assez grand. Dans les séjours antérieurs que la malade avait faits dans cet établissement elle ne pouvait s'approcher du canal tant la vue de l'eau éveillait en elle de l'angoisse. A l'époque où nous sommes, cette phobie ee transforme, elle passe de la sphère émotive dans la sphère intellectuelle et devient une obsession : la vue de l'eau ne lui fait plus peur, elle l'attire au contraire et elle n'éprouve plus de tranquillité, de détente morale que lorsqu'elle se trouve seule, assise au bord du canal dans la contemplation muette de l'eau qui coule. Et, un jour, tandis qu'elle est toute à cette contemplation, l'idée surgit tout à coup dans sa conscience, qu'elle serait tout a fait bien si elle se laissait glisser dans ce canal, que ce serait le repos absolu, l'oubli définitif. L'idée de suicide n'est pas encore nettement formulée mais elle est implicitement contenue dans cette sensation de bien être que lui donne la solitude et la contemplation de l'eau qui coule. Cette sensation est si nette qu'elle produit un changement complet dans l'état de la malade : l'éréthisme. l'angoisse disparaissent pour faire place à de l'indifférence, de l'abattement, du mutisme. Ce changement est si net que l'entourage en est péniblement affecté et, à partir de ce moment, la surveille plus étroitement.
Jusque là, la malade n'avait présenté aucun stigmate hystérique. A cette époque son médecin constate pour la première fois uno hémianes-thésie gauche totale. L'idée de suicide se précise, elle entre complètement dans le champ de la conscience et tandis qu'au début elle était contenue simplement dans l'obsession que nous avons signalée, elle s'accompagne maintenant de concomitances psychiques. Elle veut se détruire et il faut qu'elle se détruise parce que, souffrant depuis des années, elle en a assez, elle aspire au repos absolu. Ses crises qu'elle considère comme un stigmate d'une maladie infamante, ne lui permettent pas de vivre en donnant .un spectacle immoral aux siens et surtout à sa fille. Enfin sa maladie a coûté beaucoup d'argent et si, jusqu'ici, elle a pu accepter les sacrifices que son mari faisait pour elle, ce serait un crime de supporter, dans les circonstances actuelles, au milieu des embarras financiers de son mari, la continuation de ses sacrifices. De plus l'affection qu'elle avait pour les siens n'existe plus, elle ne peut plus les souffrir et les voir, et tandis qu'elle devrait être pour eux un soutien et un appui elle n'est et ne peut
être qu'un embarras. Aussi est-elle bien décidée à en finir et elle n'attend pour cela qu'une occasion propice. Mais elle est étroitement surveillée on ne la quitte pas d'un instant, on ne la laisse plus un moment seule, il faut donc tout d'abord qu'elle inspire confiance à son entourage. Pour cela elle se force, elle réagit comme elle le dit. elle sort, fait des visites, voit le monde qu'elle ne pouvait plus supporter, elle essaie de vivre de la vie commune. Or, un jour qu'elle assiste a un dîner de famille elle éprouve des douleurs vives d'estomac. Pour éviter ces douleurs elle ne mange pas aux repas suivants et elle constate alors que non seulement les douleurs d'estomac ne se font plus sentir, mais que la privation de nourriture ne la gêne pas, qu'elle n'a plus faim. Le moyen qu'elle cherche depuis longtemps est enfin trouvé, elle mourra d'inanition. Ce genre de mort concilie tout, il apparaîtra comme une mort naturelle déterminée par une affection gastrique, on ne pourra pas dire qu'elle s'est suicidée et ainsi l'honneur de la famille sera sauf. Son projet ainsi bien arrêté, elle écrit à son médecin pour lui en faire part de façon à ce qu'il ne soit pas surpris le jour où il apprendra sa mort et elle invoque auprès de lui le secret professionnel pour qu'il n'avertisse pas la famille.
C'est à cette époque (mai 1904) que je suis appelé à voir pour la première fois Mme X... L'hémiauesthésie gauche, l'anorexie, me firent penser qu'il s'agissait avant tout d'une hystérique et que l'idée de suicide qui avait snbi un commencement d'exécntion (la malade ne mangeait plus depuis une quinzaine de jours) me paraissait étroitement liée a l'anes-thésie gastrique ; autrement dit je pensais que l'idée de suicide était une manifestation purement hystérique. Je ne doutais pas qn'en faisant disparaître l'anesthésie gastrique la malade recommencerait à manger et que l'idée de suicide, de ce fait, disparaîtrait. Je soumis la malade à un isole ment complet, au repos absolu au lit et je lui fis de la resensibilisation. Au bout de quelque temps, les troubles hystériques disparurent, la faim revint et la malade se remit à manger. Mais, à mon grand étonne-ment, l'idée de suicide persistait. Et pourquoi veut-elle mourir '? parce que la vie lui fait peur. La pensée de rentrer chez elle, de se retrouver dans sa maison, au milieu des siens, lui est insupportable. Cette pensée ramène tout le cortège de phobies que nous avons décrites, l'état de mal être, d'anxiété et d'angoisse qui avait disparu du jour où la résolution de mourir avait été prise et avait reçu un commencement d'exécntion. Par la suggestion hypnotique, par la psychothérapie, l'état de la malade s'améliore progressivement, et vers le milieu d'août est suffisamment bon pour reprendre la vie commune. Le syndrome hystéro- neurasthénique a complètement dieparu : plus d'angoisse, de douleurs, de phobie ou d'obsessions, pins de troubles de sensibilité, le niveau mental s'est relevé et la malade se sent de force à reprendre ses occupations ordinaires.
Cette amélioration ou cette guérison, comme on voudra, ne se maintient pas longtemps et bientôt reparaissent tous les symptômes déjà décrits. Quelques jours d'isolement et de traitement la remettent sur pied, mais
la rechute ne ee fait jamais bien longtemps attendre. Voici comment se produisent ces rechutes : la malade rentrée chez elle se retrouve au milieu des mêmes circonstances, des mêmes soucis et des mêmes ennuis qui ont contribué à Téclosion et à l'évolution de son état morbide, aussi au bout de quelques jours elle éprouve de la fatigue physique, de l'insomnie, puis des douleurs et avec elles un sentiment d'incapacité physique et morale qui s'accompagne bientôt d'angoisse, de mécontentement de soi, d'anes-thésie. de phobie et d'obsession et. dominant tout, l'idée de suicide rendue chaque fois plus forte, plus tenace par ce fait que, malgré tous les soins auxquels elle se prête, la guérison n'est pas obtenue. « Vous voyez bien qu'il est inutile que je me soigne plus longtemps puisque je ne puis pas guérir, il vaut mieux me laisser en finir, ce sera le repos pour moi et un débarras pour les miens. » Notons encore deux causes de rechutes périodiques : le mois de janvier, époque où ont commencé les embarras financiers du mari ; le mois de mai, époque où. pour la première fois, s'est affirmée l'idée de suicide.
On peut dire que la malade qui fait l'objet de cette observation est atteinte d'hystéro-neurasthénie. Cette névrose évolue chez une désespérée, une prédisposée névropathique, chez une scrupuleuse. Et. en effet, ce qui domine l'état mental de cette malade est le scrupule. C'est lui qui est le point autour duquel évoluera la névropathie, c'est lui qui sera la cause de toutes les rechutes, c'est lui qui domine et règle l'idée du suicide.
Cette prédisposition névropathique, cet état de dégénérescence mentale est bien mis en lumière par l'analyse psychologique de la malade dans la période de sa vie qui peut être considérée comme l'état de santé. Dans cette période la personnalité de la malade est constituée par trois caractères principaux : une confiance absolue, illimitée en soi, une volonté inébranlable, la fierté et l'orgueil. Ces caractères développent et entretiennent, le sentiment de domination. C'est elle qui prend toutes les décisions et. lorsqu'une décision est prise, son entourage n'a qu'à s'incliner, elle ne peut admettre la contradiction. De plus ses décisions sont toujours rapides, elle n'a point besoin de réfléchir longtemps et quoiqu'il arrive elle ne regrette jamais ce qu'elle a fait. Dans toute cette période de sa vie, la malade donne l'impression d'un caractère admirablement trempé, et quoiqu'elle fasse, qu'elle s'occupe de sa maison ou de ses enfants, des affaires commerciales de son mari ou des affaires de famille, elle s'est révélée à son entourage comme si supérieure qu'on a une foi aveugle en elle et qu'on lui obéit. Ce résultat n'a pas été cependant obtenu sans heurts et sans secousses : si le mari s'est laissé de bonne grâce absolument dominer au point de ne rien faire sans lui demander son avis, il n'en a pas été de même de la part de certaine membres de sa famille qui n'ont pas consenti à abdiquer toute personnalité devant elle, aussi en est-il résulté des difficultés qu'elle a toujours résolues dans le sens qui lui était favorable n'hésitant pas, pour cela, à briser des affections. Elle veut être et elle est la maîtresse absolue chez elle, elle
domine tout son entourage, elle s'occnpe de tout, des événements importants comme des plus infimes et, comme tout marche à souhait, elle s'en attribue le mérite et elle est persuadée que, sans elle, plus rien ne marcherait. Cette confiance absolue en soi, ce besoin de domination, cette fierté et cet orgueil qui en sont comme les conséquences l'entraînent a des dépenses exagérées, à des actes et des paroles qui loin de lui attirer les sympathies, lui font une assez mauvaise réputation dans la ville qu'elle habite.
(A suivre).
PÉDAGOGIE DES ENFANTS NORMAUX
L'émulation scolaire (1) Son rôle dans la formation de la personnalité
par Mlle Lncie Bérii.i.on, professeur agrégée an lycée Molière
(Suite)
Le classement des élèves d'après la valeur de leurs compositions en était arrivé à fonctionner d'une façon si routinière qu'il eût été difficile de faire accepter par certains maîtres que deux ou plusieurs copies pouvaient être considérées comme d'égale valeur. Beaucoup s'ingéniaient à rechercher dans les compositions les nuances permettant de classer tel élève avant tel autre, comme s'il se fût agi d'une question absolument capitale.
D a fallu toute l'autorité de M. Léon Bourgeois, alors ministre de l'Instruction publique, pour faire admettre les ex œquo. Cette mesure, qui k un moment donné a constitué un grand progrès, nous paraît aujourd'hui tout ù fait insuffisante.
Beaucoup d'excellents esprits ont encore le tort de considérer certaines, matières de l'enseignement comme inférieures aux antres. De même qu'on distinguait autrefois les arts majeurs et les arts mineurs, ils traitent avec quelque dédain des dispositions d'esprit qui leur semblent dépourvues d'élégance ou de noblesse. Par exemple, certains élèves remarquablement doués pour le dessin et les travaux manuels se révèlent comme de futurs artistes. Ne valent-ils pas leurs camarades qui réussissent mieux dans les études classiques ?
Au lien de disperser les efforts de ces élèves et de les condamner à atteindre en tout un certain niveau, ne vaudrait-il pas mieux les pousser dans le sens de leurs aptitudes et leur permettre d'affirmer leur personnalité*? Cela nous paraît préférable pour eux, au résultat qui aboutit à rester médiocres en tout.
A coté de la pédagogie collective, dont je ne veux pas diminuer la valeur, je crois que trop de professeurs négligent de parti-pris la
(1) Conférence faite a l'Ecole de psychologie (semestre d'hiver 1908). V. les numéros précédents (août, septembre et octobre 190S).
pédagogie individuelle qui repose essentiellement sur l'étude psychologique de l'enfant. Est-ce trop demander que de proposer qu'on étudie le caractère et les aptitudes de l'élève avant de lui imposer une direction"?
On confond trop souvent la variété d'aptitudes avec l'inégalité d'aptitudes. Les enfants ayant des dispositions différentes, pourquoi demander à tous les mêmes études, les mêmes efforts, et s'obstiner k vouloir les couler dans un moule uniforme ?
Le plus célèbre des moralistes Américains, Emerson (1) disait avec humour : « L'idéal des éducateurs, maîtres et parents, est de faire des enfants qui leur sont confiés des êtres k leurpmage, comme s'il ne suffisait pas d'un exemplaire. »
Il est difficile de bien connaître les enfants dans les classes nombreuses. Les groupements de plus de trente élèves dans la même classe, sont un obstacle aussi bien k l'émulation individuel le qu'a l'éducation collective (2). Si les parents étaient meilleurs juges de la valeur de leurs enfants, ils viendraient en aide aux professeurs, mais il arrive que, faute de discerner les aptitudes de leurs enfants, ils s'ingénient k les contrarier. Un père de famille se plaignait de la différence des résultats obtenus avec ses deux fils et disait : « Je les ai pourtant élevés de la même façon ! • On lui répondit : « C'est précisément ce qu'il ne fallait pas faire ! *
En dépit des difficultés de la tâche, les bons maîtres s'efforcent de connaître les élèves et de les diriger dans la voie qui leur convient. « L art de l'éducation », dit justement William James (3(, * s'acquiert en classe par une sorte d'intuition et par l'observation sympathique des faits et des données de la réalité. »
Sans établir un emploi du temps pour chaque élève, bien qu'on le fasse à'l'étranger dans des établissements modèles, comme le Ladies College de Cheltenham, qui compte un millier d'élèves, on devrait tenir compte davantage de certaines conditions, en particulier de Vâge, et de la croissance plus ou moins pénible chez les enfants. On ne s'en préoccupe pas assez, en dépit de la Ligue des Medeclxset des Familles.qui par l'abstention des parents, a dû se transformer en Ligue d'hygiène scolaire.
On exigerait moins de ceux qui ont une évolution plus tardive, sans qu'ils soient cependant des anormaux ni des arriérés.Tout cela est affaire de tact: Dans ses cours à l'Ecole de psychologie.le Dr Bérillon a exprimé fréquemment l'idée qne les applications de la psychologie reposent essentiellement sur l'art difficile d'apprécier les nuances. B en est assurément de même des applications de la pédagogie.
Sans ralentir la classe pour ces enfants, on peut réduire leur tache. J'ai eu des élèves étrangères arrivées tard au lycée, des élèves
|1| Les principalis ouvrages d'Emerson U803-l8Sâ( sont La conduite de la Vie (I860) Société et solitude (1870). 11 a écrit de nombreux Essais.
(2) D'autre part, m. Gréard trouvait In classe de dix élevés insuffisante parce que « la variété d'aptitudes est un élément d'émulation entre les enfants et oblige le professeur a divers! fier ses moyens d'action pour trouver l'accès de toutes les intelligences. a ce point de vue. la classe nombreuse nous semble être un stimulant surtout ponr le maître.
(3) William James : « Causeries pédagogiques » (Aloan).
françaises d'intelligence lente, qui se trouvaient à seize ans avec des compagnes de douze. Je les entraînais par degrés ; elles ne faisaient d'abord qu'une partie des exercices écrits, apprenaient des leçons plus courtes, et arrivaient peu à peu à rattraper les autres. Là se justifiait le mot de Jean-Jacques Rousseau : « En matière d'éducation, le moyen de gagner dn temps, c'est quelquefois d'en perdre >. C'est dans ce cas qu'il importe de « donner la note non au devoir, mais à l'élève » et de développer l'émulation par ta comparaison avec soi-même plutôt qu'avec les antres.
Le but de l'instruction, en général, n'est pas la culture, l'entraînement excessif des « forts en thème », qui donne des résultats hâtifs, mais peu durables. Le cheval aiguillonné par le fouet court d'abord plus vite, puis il se ralentit, épuisé. Quand on demande trop à certains élèves, même bien doués, on ne doit pas être surpris de voir leurs progrès s'arrêter.
L'éducation n'a pas non plus pour but de faire des sélections de valeurs, des classements absolus. Il y aurait à ces jugements trop d'appels-On connaît les erreurs de diagnostic, commises à propos de quelques grands hommes, de Napoléon par exemple,. A l'école militaire de Brienne, son professeur d'allemand s'étonnait de ses succès en mathématiques, le jugeant incapable d'apprendre quelque chose. Mais son professeur d'histoire, mieux inspiré, disait : « U ira loin si les circonstances le favorisent * (1).
Si on veut maintenir une saine émulation, il ne faut pas que l'enseignement magistral passe par dessns la tête de la moitié des élèves, et on doit enconrager les plus faibles, grâce à G émulation par rapport à soi-même, d'après ce principe : Faire aussi bien que possible est préférable à faire mieux qu'un autre. Les faibles mêmes se sentiront heureux en classe, s'ils donnent tout ce qu'ils peuvent sans être hantés par la menace de la mauvaise note. Tous seront ainsi amenés à faire des progrès.
La majorité des élèves ne retient pas la vingtième partie de ce qu'on enseigne, à cause de la faiblesse de leurs organes.de la vue, de l'ouïe, de l'état général des centres nerveux. A ce compte, que d'efforts perdus ! Pourquoi imposer tant d'heures de classe et laisser si peu de temps pour les jeux et les sports? L'Angleterre est mieux inspirée, en accordant une heure de jeu, pour trois heures de travail environ.
M. Devinât déposait récemment au Conseil supérieur de l'Instruction publique un rapport concluant à l'enseignement obligatoire des jeux par les professeurs de gymnastique. Pourquoi n'encouragerait-on pas les élèves qui montreraient le plus d'initiative et d'entrain dans l'organisation des récréations ? Cette émulation a son intérêt au point de vue du développement physique et de l'hygiène.
C'est une erreur de croire que plus les programmes seront chargés, plus les enfants en retiendront. Il importe surtout de leur apprendre à appren-
(1) De même Parie de Chnvannes passait au college pour un élère médiocre eu dessin.
dre, — vérité banale, mais qu'on ne doit pas craindre de répéter, — pour qu'ils continuent a s'instruire au sortir de l'école et rouvrent volontiers leurs livres que tant de bacheliers, surmenés par un labeur dépourvu d'intérêt pratique, ferment délibérément et pour toujours.
L'essentiel est de leur donner de bonnes habitudes d'esprit et de leur former le jugement pour qu'ils se tirent d'affaire dans la vie. et rendent à la société les services qu'elle attend d'eux.
Le succès scolaire est en somme peu de chose, s'il n'est ratifié par le succès social. Mieux vaudrait avoir été un élève médiocre à certains égards et réussir dans la vie que d'avoir brillé comme fort en thème et de finir dans l'insuccès parmi les déclassés. On en a vu maint exemple. Si les Renan, les Berthelot, couverts de lauriers au collège, ont tenu dans l'âge mûr lee promesses de leur jeunesse, par contre Pasteur entra à l'Ecole normale dans un rang médiocre, et Claude Bernard, refusé à l'agrégation de médecine, ne se révéla qu'après trente ans.
Que l'avenir réserve ou non des surprises, l'école doit faire sa part légitime au succès et à toutes les formes de succès, grace à l'émulation, il y a aussi bien succès pour celui qui développe sa volonté.sa moralité que pour celui qui cultive son esprit. D'ailleurs la valeur intellectuelle et la valeur morale sont plus souvent associées qu'on ne pense.
Il serait illogique de refuser des récompenses matérielles aux enfants seuls, alors qu'on les multiplie pour les adultes.
Ces récompenses sont plus justement attribuées à l'école que partout ailleurs. Modestes, utiles, elles ne consistent pas en argent, mais en livres destinés en principe à la culture de l'esprit. Je reconnais qu'il conviendrait de les mieux choisir, car les distributions de prix ont donné naissance aune littérature spéciale d'un genre aussi inférieurquepeu récréatif. On pourrait même laisser le choix de ces livres aux élèves, comme je le faisais en 4e, 5" et 6° année. Ces récompenses apportent en somme a l'enfant des joies légitimes et désintéressées (i).
Pour être logique, il faudrait commencer la suppression des distinctions par en haut, supprimer les lettres de félicitations, les mentions honorables, les diplômes, les médailles, les palmes et les croix que certains éducateurs, moins sévères pour eux-mêmes que pour leurs élèves, n'hésitent pas à solliciter au nom de l'émulation !
U est chimérique et contraire a la justice de vouloir faire de l'école,où l'enfant, plus faible que l'homme a besoin d'être soutenu et encouragé, * un asile de perfection idéale » (H. Bernés).
Evidemment il en est qui n'ont que faire de l'émulation, leur supériorité naturelle les maintenant à une notable distance de leurs condisciples. Mais ceux-la sont l'exception, et ils servent précisément de modèles aux autres et les entraînent (comme Amalvy que cite Marmontel). ? n'en
(1) Je me souviens avec émotion de l'aveu que me fit une ancienne élève. Voyant vendre à la porte le mobilier de ses parents et ses livres de prix avec la bibliothèque, elle ne put résister au désir de cacher et d'emporter dans son tablier un de ces livres, celui qu'elle avait eu le plus de peine et de joie à conquérir.
faut pas moins reconnaître pour la grande majorité des élèves la nécessité et la valeur pratique de l'émulation.
Ainsi à côté des récompenses collectives qui devraient trouver leur place dans les usages universitaires : visite d'une ville, d'un musée, séances de projections, de cinématographe, voyages scolaires, excursions à la campagne, nous gardons les prix avec un classement plus large, suivant le système pratiqué au Ladies College de Cheltenham. Tous les élèves ayant obtenu une moyenne de 7 sur 10 pour l'ensemble de leur travail, pourraient recevoir des témoignages de satisfaction. Plusieurs mentions permettraient de recevoir nn prix consistant en un ou plusieurs volumes, suivant les ressources de l'établissement. On n'établirait de classement qu'entre les très bons, les bons et les assez bons. On tiendrait compte dans une large mesure des efforts et des qualités-morales ; et avec ce classement plus équitable, les reproches encourue par le système actuel disparaîtraient.
Les prix de fondation, créés par les villes, les associations d'anciens élèves, subsisteraient, et iraient par le vote des élèves à ceux de leurs condisciples qui seraient tout à fait hors de pair.
Nécessité et intérêt des fêtes scolaires. — Xous voudrions de plus que la distribution de prix restât l'occasion d'une fête scolaire car nos fêtes-laïques sont trop rares. Cette réunion tout intime, sans caractère officiel, grouperait, avec les élèves, les parents et les professeurs, trop rarement en contact pour se connaître et s'apprécier. Ces réunions développeraient le sentiment de sociabilité ainsi que l'esprit de solidarité. Point de discours d'allure trop académique ; mais qui ne souhaiterait d'avoir l'occasion d'entendre des causeries familières comme celles qui sont, chaque année, prononcées par M. Lavisse. à la distribution des prix de Nouvion en Thiérache. L'exquise allocution de M. Hubert Morand, à Bourges, dont le titre était : * Autour d'un jardin », peut être justement considérée comme un des modèles du genre. Point de palmarès interminable. On se bornerait simplement à l'appel des noms avec les mentions très bien, bien, assez bien.Le détail des matières figurerait au Bulletin envoyé à la famille.
La plupart des élèves ont protesté contre les ennuyeuses distributions actuelles et demandé une véritable fête avec de la musique et des fleurs. Elles avaient raison, car au moins ce jour-là l'école serait gaie et fleurie* La réunion pourrait utilement se terminer par des distributions de souvenirs, jouets pour les petits et livres bien choisis pour les plus âgés, afin de leur constituer le noyau d'une petite bibliothèque.
•
Nous avons essayé d'établir la nécessité de l'émulation scolaire et passé en revue les stimulants naturels et les sanctions positives qui les complètent.
Invoquons pour conclure l'autorité de M. Boirac, recteur de l'Académie de Dijon. Dans l'éloquent discours prononcé à la distribution des prix du
lycée de jeunes filles d'Auxerre (1906) il disait, en réponse aux adversaires de l'émulation :
« Est-il bien sûr que cette répugnance à l'égard de toute comparaison, « de tout classement entre les hommes ne parte pas d'une fausse idée de « l'égalité humaine et d'un sentiment d'inconsciente jalousie pour toute « supériorité, même fondée en raison '? Si les droits sont égaux entre les « hommes, les mérites ne le sont pas. Vouloir traiter de la même façon « les laborieux et les paresseux, les intelligents et les stnpides, ce ? 'est pas * justice, mais injustice. On énerve ainsi toute initiative, on anéantit toute € responsabilité. On prépare le nivellement des esprits et des caractères dans la médiocrité universelle. »
M. Boirac se prononce pour le maintien des prix, avec un classement large, qui écarte le danger du surentraînement et supprime la hiérarchie anticipée. On peut défendre avec lui la cause de l'émulation sans être accusé d'obéir à l'esprit de routine. Tant pis pour les Jaloux ! Ils sont trop peu intéressants et nous ne voyons^pas la nécessité de les ménager jusqu'à leur sacrifier la joie de tous les autres.
L'émulation apparaît donc comme légitime et salutaire. II ne s'agit pas bien entendu de l'émulation à outrance comme on l'entend quelquefois à tort, qui peut entraîner les élèves exceptionnellement doués, ayant des aptitudes particulières pour le combat, mais qui n'aurait pas les mêmes effets sur les individus d'intelligence lente, ni sur les timides, les sensibles et les nerveux, sujets aux découragements profonds. - Une saine émulation dans l'instruction de nos élèves n'exclura pas de nos préoccupations l'idée de Véducation du caractère. D'ailleurs l'instruction bien entendue a par elle-même une valeur éducative. Corneille, par exemple, enseignera à nos élèves la beauté du sacrifice et du pardon, et le pouvoir de la volonté. La Fontaine leur apprendra que s'il faut surtout compter sur soi-même,il n'est pas inutile d'obliger tout le monde. Molière les mettra en garde contre l'affectation et le pédantisme. Victor Hugo leur montrera tout ce qu'il y a de poésie et de grandeur dans les existences les plus humbles.
On ne reprochera plus à l'émulation scolaire de développer uniquement l'instinct de lutte,l'entraînement égoïste.aux dépens de qualités opposées: altruisme, esprit de sacrifice, solidarité, en un mot.
L'émulation scolaire a un but essentiellement moral et psychologique. Elle ne doit pas viser à produire des pédants ou des savants. Elle ne doit tendre qu'à rendre-meilleur, plus fort et plus utile. Tous les procédés qui n'aboutiront pas à ce résultat moral ou social et qui n'auront pour objectif que de faire des forts en thème ou des Pic de la M i randole. ou de procurer au professeur des satisfactions de vanité et des succès de convention, seront à rejeter.
M. Barrett "Wendell, le professeur américain dont nous avons entendu les enseignements à la Sorbonne. reprochait à nos étudiants, tout en admirant leur sérieux^ leur endurance au travail.de vivre un peu isolés et de négliger les qualités de sociabilité. Il ne faut plus encourir cette critique-
Avec l'émulation bien entendue, il n'y aura pas antagonisme entre l'instruction et l'éducation. Ces deux sœurs ennemies se donneront désormais la main pour marcher harmonieusement an même but: le progrès de l'individu, et par l'individu l'amélioration de la société. Sans l'émulation ce progrès serait impossible; il y aurait stagnation et mollesse; sans l'amour-propre l'instinct de conservation même disparaîtrait. On sait par les nombreux exemples de l'histoire a quel degré de déchéance l'affaiblissement de l'amour-propre national a conduit les nations les plus glorieuses et les plus prospères. Sachons méditer sur ces enseignements et faisons-en notre profit.
FOLKLORE ET CROYANCES SUPERSTITIEUSES
Les remèdes populaires en Auvergne
par M. Léok Pineau, professeur de littérature étrangère à l'Université de Clermont-Ferrand.
(Suite et fin)
Une difformité, également très répandue, ce sont les verrues.
Hommes et femmes s'efforcent à les faire passer, employant à cela les moyens les plus divers. Les uns prennent une pomme qu'ils font pourrir dans du fumier de cheval ; puis, lorsqu'elle est pourrie, ils en frottent leurs verrues trois fois par jour, le matin, au lever du soleil ; à midi, quand sonne Vangelus, et au coucher du soleil : ceci pendant cinq jours. Le cinquième jour, au coucher du soleil, les verrues doivent avoir disparu. D'autres mettent dans un vieux porte-monnaie autant de petites pierres en forme de lentilles qu'ils ont de verrues et ils posent ce porte-monnaie au millieu de la rue : la personne qui le ramasse, attrape les verrues.
Je puis vous indiquer quantité d'autres remèdes encore :
Frotter ses verrues avec un os qu'on a trouvé sans le chercher, le reposer comme il était et s'en aller sans regarder derrière soi ;
Faire à une ficelle autant de nœuds que l'on a des verrues, et la jeter: celui qui la ramassera, héritera des verrues ;
Appliquer sur ses verrues un morceau de lard volé ; aller à une maison où il y a une palissade à sauter ; faire le tour de la maison, sauter la palissade et, ce faisant, jeter son morceau de lard, puis s'en revenir sans regarder derrière soi. On pent aussi enfouir dans la terre la croûte de lard dont on s'est frotté : quand elle est pourrie, les verrues sont parties.
L'écume d'eau courante est également très bonne, mais il faut l'avoir trouvée sans la chercher, sans même y penser.
Le paysan est journellement exposé, dans son travail, à des accidents de toutes sortes. Contre tous il a remède ou prière, souvent les deux.
Est-il piqué d'une guêpe, — ce qui ne lui serait point arrivé s'il était allé à la procession de la Saint-Marc, — il se frotte vivement avec les
trois premières plantes venues qn'il aperçoit auprès de lui. et aussitôt la douleur cesse. Est-ce un serpent qui l'a mordu "? Ce serait grave, s'il ne savait la prière h saint Hubert : « Bon saint Hubert, qui est dans sa cbappellc, qui nous attend, qui nous appelle, qui nous garde des lumières (feux-follets), des serpents, des vipères, des mauvaises botes enragées, qu'elles ne s'approchent pas plus près de moi que les étoiles qui sont au ciel. Ainsi soit-il ! »
S'il s'est heurté, il trouvera toujours quelqu'un qui * lève le coup », en faisant le signe de la croix et en disant trois fois : Coup, je te lève, au nom du Père, du Fils et du St-Esprit ! » La formule n'est pas toujours la même. 11 y en a qui disent : Bon Dieu, bonne Sainte Vierge, haleincz-y trois fois avant que moi ne le dise trois foie ! » Et l'on souffle sur l'endroit blessé, en faisant le signe de la croix. ? est prudent d'ajouter à cela cinq Pater et cinq Ace au nom du bon Dieu et de la bonne Vierge.
On s'y prend de la même façon pour arrêter le sang. On fait le signe de la croix : * Au nom du Père... » sans ajouter: Ainsi-soit-il ! puis, l'on répète trois fois : « Sang, je t'arrête, au nom du Père, du Pile et du Saint-Esprit !» Et le sang ne coule plus.
Les prières pour « lever le feu » sont très nombreuses. Chacun garde jalousement les siennes. Il y a toujours, dans chaque commune, plusieurs personnes qui en connaissent, et les gens qui se sont brûlés ne manquent point de leur rendre visite.
Les uns lèvent le feu en disant sans respirer : « Saint Pierre et saint Jean revenaient de Borne. — Qu'avez-vous trouvé ? — Bien, sinon un enfant qui brûlait dans les flammes. — Qu'avez-vous fait ? — Rien. — Betournez-y ; soufflez-y trois fois dessus ; mettez-y du sillon (saindoux) de porc ! » Après quoi, ils soufflent trois fois sur la brûlure.
La formule ci-dessus est quelquefois remplacée par la suivante :
« Pierre avec Jésus-Christ se sont levés de bon matin. Un passe du côté de la ville ; l'autre, de l'autre. Lorsqu'ils se sont rencontrés, le bon Dieu dit : Pierre, qu'est-ce que vous avez vu ? — Seigneur, je n'ai rien vu qu'un enfant qui s'est brûlé le bras au vif. — Pierre, qu'est-ce que vous lui avez fait 1 -— Je ne lui ai rien fait. = Pierre, retournez sur vos pas ; soufflez-lui une fois, deux fois et trois fois ; mettez-lui de la graisse de cochon : l'enfant s'endormira. » Après quoi, il faut dire neuf Pater et neuf Ave à l'intention du bon Dieu et de saint Pierre.
Beaucoup, sans employer de formules, se contentent de faire des signes de croix, en soufflant alternativement sur la brûlure et sur le feu; ou bien, après avoir soufflé trois fois sur la brûlure, y mettent tout simplement de la graisse de porc ; ou encore ils présentent la brûlure au feu, en l'y tenant aussi longtemps qu'ils le peuvent endurer. D'autres prennent une cuvette pleine d'eau qu'ils portent derrière le feu ; avecun morceau de savon ils lavent les mains de celui qui s'est brûlé en le savonnant très fort ; puis, ils jettent la mousse du savon sur le feu. Cette opération faite trois fois; la brûlure doit être guérie.
Toutes ces pratiques et ces remèdes possèdent-ils réellement l'efficacité qu'on assure ? Je ne voudrais point m'en porter garant. Ils n'en ont pas moins l'originalité pour eux et une longue expérience. Que d'ailleurs le médecin qui n'a jamais laissé mourir un patient jette donc la première pierre à ceux qui les préconisent !
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie
La séance de rentrée de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lteu le mardi 17 novembre, à 4 heures et demie, sous la présidence de if. le docteur Jules Tolsln, médecin de la Snlpétrière.
Lee séances de la Société ont lieu le troisième mardi de chaque mole. Elles sont publiques. Les médecins, les étudiants et les membres de l'enseignement sont invités a y assister.
Adresser les titres des communications a M. le D' Bèrillon, secrétaire général, 4, rue de Castollane et les cotisations a M. le Dr Paul Ferez, trésorier. 154, boulevard Hansemann.
Communïca/ïoa* déjà portées â l'ordre du jour :
Ie Professeur Béxédikt, de Vienne : Magnéto-thérapie et suggestion.
2° M. QucvquF. directeur de l'Etabliesement médico-pédagogique de Crétell : L'éducation de la parole chez les entendante atteints de mutisme.
8° M. .1 — . docteur en droit : Considérations snr la mnemonie. — Mise en valeur de la mémoire.
Suit la discussion sur l'homosexualité.
Inscrits : M. le professeur Lionel Dauriac : L'homosexualité antique : l'amour socratique et le banquet de Platon.
D' Bèrillon : Variétés cliniques et psychologiques de l'homosexualité.
Faux miracles
La guérison de Madame Bouche!, pour n'avoir été que passagère, n'en serait pas moins une guérison due ? la fol qui guérit ; or, s'il faut en croire le D* Tenneson, -qui a dirigé longtemps l'un des services de l'nopltal SaLnt-Louls, il n'est pas douteux qu'en l'espèce II y ait eu une guérison extraordinaire (1). On ne saurait rejeter la réalité d'une guérison sous prétexte qu'il y a une rechute.
On connaît cependant bon nombre de faux miracles de guérison : Amnion, archevêque de Lyon (840-852), nous apprend que de son temps nombre do gens de rien simulaient des Infirmités et spécialement des possessions et des vexations démoniaques pour séjourner dans les églises. Xous en avons été témoin, écrit-il, lorsqu'on amenait ces misérables à notre prédécesseur (saint Agobard), il les faisait battre de verges un peu vigoureusement... Sur le champ Ils confessaient leurs artifices avouant que la misère senlç et la cupidité leur en avalent suggéré l'Inspiration. » (2)
Le Vénérable Guibert de Xogent (1058-1124) signale au XII' siècle un abbé de Beauvalsis qui ¦ séduit par le nombre des présente tolérait de faux miracles : guérison e de surdités feintes, de folies slmnlées, de doigts volontairement recourbés, de jambes artillcleusement croches. > (3)
(1) Cf. la lettre publiée par le « Journal de la grotte de Lourdes.» le 8 jnln 1908; elle est reproduite dans Bonn : Histoire critique des êténemenls de Lourdes. P. 1907, in-Ss p. 566-566.
(2) Abbé Chevàlaed : Saint Agobard. Lyon, ?8T9, in-v. p. 84.
(3) De Pignoribus Sanctorum. P. L., T. CLYI, col. 621. On trouve des remarques analogues dans Abolard son contemporain. Sermo De S. J. Baptlsta dans Opera édit. Duchesne.p. 967.
Mais rappelons un fait plus moderne. Il y avait, en 1699. une fille dont le métier consistait à être tour a tour muette et miraculeusement guérie. Guérie une première fois a Eeauvais, où l'on organisa des processions en son honneur et où elle reçnt le nom de la dévote de Beauvais, elle alla faire la même chose près de Bouen, d'où on la mena en triomphe a N.-D. de Liesse. Sa plus éclittante guérison eut lieu au tombeau de Jacques ?. ? ne fut bruit qne d'elle jusqu'au moment où ses friponneries -découvertes elle décampa sans bruit. » (1). P. -S.-. ^ .
L'hypnotisme par occlusion des paupières
Tienne. 10/10 1906.
lion cher directeur,
Dans le numéro de Juillet 1808, de la fîecui de l'Hypnotisme, je lis que la méthode de l'hypnotisation par l'occlusion des yeux et des paupières est attribuée à 31. le professeur Strumpell. Personne au monde prétendrait moins a la priorité de cette méthode que mon cher ami Strumpell lui-même. Il en eut connaissance a l'époque a laquelle J'avais l'honneur de le compter au nombre de mes élèves. Je ne songerais pas non plus réclamer la priorité de ce procédé, si elle m'appartenait h moi-même. Je l'ai décrite dans mon livre : Etectrolhérapie, paru en 1868, en l'attribuant a son véritable auteur. Lassègue, qui me l'avait Indiquée dans une conversation au Congres des naturalistes Allemands, 1867.
An point de vue historique il vous intéressera desavoir pourquoi j'ai publié mes premières études sur l'hypnotisme dans ce livre sous le titre : Expériences de Lassègue. A cette époque les procédés de cette nature étaient désignés sous le nom de magnétisme animé, et il n'y avait alors aucun médecin de renom en Allemagne, qni ent osé faire de telles expériences. C'est à cause de cette hésitation que je les avais décrits sous le titre d'Expériences de Lassègue. Plus tard, lorsque le Danois Hensen eut excité la curiosité et l'Intérêt de quelques physiologistes et neiirologistes allemands, j'ai écrit un petit mémoire ¦ Katalepsie and Mesmerismus > et je me suis servi de l'expression de metiterlsme pour la catalepsie provoquée artificiellement Le nom hypnotisme a été créé un peu plus tard en France. Je veux ajouter que J'ai complété la méthode de Lassègue par une petite pression sur les yeux, exercée avec les doigte. J'ai généralement combiné cette méthode avec des applications de l'aimant métallique sur lequel je laisse reposer les malades, après l'avoir placé dans la région de la nuque ou de la téte. et Je pratique cette association des deux procédés dans les cas où l'aimant senl ne provoque pas l'hypnotisme.
Acceptez l'assurance et l'expression du plus grand estime do la part de votre très dévoué. ,
Professeur BEXEDIKT. •
S. P. — Je voue envole en même temps une copie d'un mémoire Intitulé MagnétolhérapieetSuggestion, qui contient une réponse aux D1* Peterson et Kennelly, qui croyaient ponvoir nier la réalité des succès, qne Charcot et moi. avions obtenus par les applications thérapeutiques do l'aimant, les considérant comme un effet de suggestion. Peut-être vous trouvère* utile de communiquer mes arguments ù vos lecteurs. Il vous intéressera d'entendre que M. Peterson pendant nne visite, qu'il m'a faite l'année précédente à Vienne, confessait que depuis l'époque de la découverte de la Radiologie, il se sent disposé a reconnaître les effets physiologiques et thérapeutiques de l'aimant sur les sujets sensibles.
NOUVELLES
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie
Ecole de psychologie, 49, rue Saint-André-des-Arts. — La neuvième réouverture des cours de l'Ecole de psychologie aura lieu le lundi 11
(1) a. de (Aupaadc : Du Surnaturel P. 1896, in-12. 1, 46.
janvier, à cinq heures, 49. rue Saint-André-des-Arts, au siège de l'Ecole. Le programme des cours, des conférences hebdomadaires et des conférences pratiques sera publié dans le prochain numéro.
Cours de clinique PSYCHOTHÉRAPIQUE. — MM. les D™ Bérillon et Paul Farez ontre.ris k l'Ecole de psychologie, 49, rue Saint-André-des-Arts, le jeudi 12 novembre, à 11 heures du matin, leurs leçons de Clinique psychothérapique, avec présentation de malades ; ils les continueront le jeudi de chaque semaine, à la même heure.
Dispensaire pédagogique, 49. rue Saint-André-des-Arts. — Consultations les mardis, jeudis, samedis, de 10 heures à midi, pour les enfants anormaux (retardataires, instables, vicieux et nerveux). Les professeurs, les médecins et les étudiants sont admis aux consultations du jeudi.
Dispensaire anti-alcoolique, 49, rue Saint-André-des-Arts. — Mardis, jeudis, samedis à 10 heures.
Hospice de la Salpetriebe : Clinique des maladies nerveuses. — Les leçons du professeur Baymond ont lieu les mardis et vendredis a 10 h. Service du Dr Jules Voisin. — Leçons cliniques le jeudi k 10 heures.
Ouvrages reçus à la Revue
Musée Gudiet : Conférences. Deux volumes in-12 chacun de 3S0 pages.
Leroux, Paris, 1908. Musée Gueuet : Exposition temporaire. Catalogue in-12. 130 pages.
Leroux, Paris, 1908. Fonssagrïves : Si-Ling. Les tombeaux de l'ouest de la dynastie des
Tsing. In-4°, 180 pages, avec planches. Leroux, Paris, 1907. (Musée
G-uimet).
FouRNEREAU : Le Siam ancien. In-4°, 140 pages, avec 48 planches. Leroux, Parie, 1908. (Musée Guimet).
Dr Bérillon : Le traitement psychologique de l'alcoolisme. — In-12. 32 pages. Paris 1906, Bureaux de la Revue de l'Hypnotisme. 1 fr.
Dr Bérillon : Le concours de l'agrégation en médecine : nécessité de son remplacement par l'institution des privat-docent. ??-8•*. 24 pages. Bureaux de la Revue de l'Hypnotisme. 1 fr.
L. Bérillon : La timidité chez l'enfant. 24 pages in-8°. Bureaux de la Revue de l'Hypnotisme. Prix : 1 fr.
Porte du Trait : Histoire d'une suggestion. — L'envoûtement. Petit in-12. 64 pages. Daragon, Paris, 1908. 90 cent.
Boirac : La psychologie inconnue. In-8°. Paris, Alcan, 1908.
Valran : Préjugés d'autrefois et carrières d'aujourd'hui. In-12, 460 pages. Privât, Toulouse, 1908.
Ferdinand Gâche : Collégiens et familles. In-12, 400 pages. Privât, Toulouse, 1906.
L'atoiatSiraiEOr : j. BÉRILLON". Lb Vm : Constant LAURENT. Privas.
?3• Année. - ?• 6. 4?4?a/ Décembre 1908.
BULLETIN
Neuvième réouverture des cours de l'Ecole de psychologie. — Le cours du professeur Gley au Collège de France.
La neuvième réouverture des cours de l'Ecole de psychologie aura lieu le lundi 11 janvier, à cinq heures, sons la présidence de M. Doumer,député de l'Aisne, ancien ministre.
La leçon d'ouverture sera faite par M. Scié-Ton-Fa, mandarin. Elle aura pour snjet : L'évolntion de l'esprit militaire eu Chine.
L'année dernière, l'Ecole de psychologie, témoignant d'un sens aigu de l'actualité, avait mis ù l'ordre du jour de la séance de réouverture une leçon de M. le profes-eenr TJbeyd-Onllah, de Constantinople. En montrant le désaccord qui existtit entre la morale du Coran el la politique de l'ancien régime ottoman, notre eminent collègue avait eu In prescience de la révolution pacifique dont la Turquie vient de donner un si bel exemple.
La leçon de M. Scié-Ton-Fa témoigne du souci de l'Ecole de psychologie de soivre d'un œil attentif l'évolution psychologique des races et des peuples.
Cette année, l'enseignement de l'Ecole sera continué par MM. les V Bérillon, Paul Magnin. Paul Fnrez,Binet-Sanglé, P. Pamart, Broda; MM. Lépinay et Grollet, médecins-vétérinaires, poursuivront leurs études de psychologie comparée.
Trois professeurs. M. le D' Demonchy, M. Selé-Ton-Fa, docteur en droit et M. Gullhermet, avocat à la cour d'appel de Paris aborderont des enseignements nouveaux.
Nous avions espéré que des cours seraient professés par deux notabilités musulmanes, M. le professeur Ubed-Oullah et M. le t>r Bahaddin Chabir Bey. Tous les deux seront retenus a Constantinople, Le premier par ses devoirs de député à la nouvelle Chambre ottomane, et le second par ses fonctions au Comité Union et Progrès.
Les cours seront complétés par des conférences hebdomadaires qui auront Heu les lundis à cinq heures. Comme les années précédentes, les sujets de ces conférences se rapporteront aux questions psychologiques les plue variées et seront traitées par les personnalités les plus éclairées.
L'enseignement de l'Ecole de psychologie est public. Il s'adresse anx médecLne, aux étudiants et à tous les esprits désireux de suivre les acquisitions scientifiques réalisées dans le domaine do lu psychologie positive et de la sociologie. Les lecteurs de la Revue de l'Hypnotisme sont personnellement invités a suivre les cours et les conférences de l'Ecole de psychologie.
?
Mardi dernier, il 5 heures, au Collège de France, avait lieu l'ouverture du cours de biologie générale.
Cette chaire, nouvellement créée remplace celle de pathologie générale et comparée, supprimée après le décès de M. Charriu.
Son titulaire est M. Gley, agrégé libre de physiologie à la Faculté, le continuateur de Mathlas Duval ù la * Physiologie médicale » do Kûss.
Praticiens -et étudiants connaissent M. Gley suffisamment pour que nous n'entrions pas dans plus de détails relatifs fi sa biographie.
Dans cette leçon d'inauguration, M. Gley se proposa de définir In biologie et de donner un aperçu des questions nombreuses qn'elle embrasse.
Disons seulement le plaisir qu'elle nous a procuré : styliste d'une pureté qui de* vient rare a notre époque, critique d'un jugement très sûr, érudit comme il n'est possible de l'être qu'au directeur des ¦ Archives de physiologie », M. Gley est aussi et surtout un philosophe au sens précis dn mot. Qne deviendrait lu philosophie, maintenant que les recherches scientifiques se multiplient et aboutissent souvent a de véritables découvertes, si elle n'était pas intimement liée à la connaissance de la biologie f
Par ses nombreux travaux de psychologie expérimentale, par des études qu'il a faites sur l'hypnotisme chez les animaux, M. le Professeur Gley démontre qu'il ue séparait pas la psychologie de la physiologie. Xous sommes heureux de saluer l'entrée au College de France d'un psychologue eminent et d'un homme de bien.
TRAVAUX ORIGINAUX
Uranisme et uni sexualité. Antinous et l'empereur Adrien (A propos des récents scandales allemands)
par M. le P* Emile Lacbext.
(Suite et fin).
Filia Inxuriee sunt octo, scilicet cacitas mentis, înconsideratio, prœcipitatio, amor sut, odium Dei, affectus pratentU saculî, et desperatio futuri saculi. Saixt Thomas d Aqccc.
?. Raffalovich (1) a écrit un véritable plaidoyer en faveur des ura-nistes : « L'uraniste, dit-il, n'a-t-il pas l'excuse de se croire choisi par la nature pour rétablir l'équilibre, pour compenser les ravages de la population trop nombreuse, du surplus des femmes ! L'inverti, qui n'est pas chaste, sans être coupable d'acte délictueux (sodomie, séduction, débauche avec des impubères), ou qui n'encourage pas la prostitution mâle, peut se considérer comme utile à la marche de la civilisation, ou du moins ne l'entravant pas comme le mari débauché, le séducteur, l'amant des petites filles, le monsieur sérieux, le miche ou le souteneur ; et l'uraniste supérieur a le droit de se féliciter d'être providentiellement éloigné des soucis du mariage pour pouvoir se livrer a. un art, une science, une vocation, un idéal quelconque qui comporte le célibat et le courage de bien faire. Quant à l'homme de génie on d'action, il n'y regarde pas de si près (Frédéric, Eugène, Guillaume ?? d'Angleterre), il se contente d'être ce qu'il est eï de faire de son mieux.
« Les abeilles, les fourmis ont des travailleurs stériles qui ne se reproduisent pas et qui sont nécessaires au bien-être de la communauté. Xe peut-on pas regarder l'inverti et surtout l'uraniste comme l'effort de la nature pour arriver à un résultat pareil, l'uraniste (peut-être plus fréquent de nos jours) étant ainsi destiné à remplir une véritable fonction sociale ou. s'il n'y est pas destiné, comme des uranistes le croient, pourquoi ne pas tacher de faire passer cette croyance en une sorte de réalité.
(1) TTranisme et Cniscxualité.
pourquoi ne pas l'envisager de ce côté et l'élever pour cela ? Ce ne sera pas une utopie si les hétéro-sexuels sérieux et les invertis sérieux se reconnaissent, se comprennent et se rendent justice ». Le meilleur devrait ainsi aider celui qui a moins d'expérience, et la création d'enfants immortels, c'est-à-dire de belles actions venant de belles pensées, devrait être le but de ce mariage spirituel, auquel Platon et ses semblables donnaient une sanction céleste comparable au sacrement de mariage catholique ».
A. Raffalovich voit dans le comte Auguste de Platen-Hallermlinde, né à Ansbach, en 1796, le type de l'uraniste supérieur, le poète mâle de l'amitié enthousiaste. * Comme il l'a dit lui-même, s'il est impossible de louer sa conception de l'amour, il est téméraire de la blâmer. Il a voulu satisfaire le plus idéalement et le plus intellectuellement les exigences de sa nature délicate et ardente, recherchant toujours l'image qu'il portait en lui. cherchant à trouver ce miroir plus noble, et ne se contentant d'aucune autre consolation, quand l'amour lui manquait, que l'amitié et l'art. Car il ne faut pas confondre ses amitiés et ses amours. Ses amitiés furent durables, car elles étaient fondées sur ses vertus solides ; ses amours ne le furent pas, car elles étaient une illusion, une poursuite, les symboles d'un culte ».
Ainsi, l'uraniste, l'unisexuel mâle, comme Platen, qui est sincère avec lui-même et avec les autres, se trouve dans une situation toute particulière en ce qui concerne sa sexualité, l'âge de raison une fois atteint. « Son tempérament ardent, vif, inflammable, lui fait désirer furieusement un amour complet, sans crainte. sans retenue et sans soupçon, la sécurité dans l'amour, en même temps il a un idéal dont U ne saurait déchoir. Il ne peut faire semblant d'aimer un être qui ne lui en parait pas digne pour obtenir la douceur de l'illusion. Les efféminés, les vaniteux, les cupides, les volages, les envieux, tons ceux qui s'abandonneraient ù l'apparence pour le plaisir, ne peuvent comprendre la position de l'uraniste que la vérité, la véracité défendent des plaisirs frivoles, des voluptés sourdes, des liaisons sans durée, et qui ont trop à faire, trop à espérer, pour s'enivrer des voluptés de l'Eros des carrefours. Qu'on enseigne avant tout la vérité, la véracité, la sincérité, si l'on veut que l'homme sexuel, hétérosexuel ou unisexuel ne trébuche pas sous le poids de sa sexualité.
Comme on le voit, c'est en Allemagne que se trouve le principal foyer de l'unîsexualilé. Il existe k Berlin un « Comité scientifique et humanitaire de l'uranisme » que Baffalovich appelle plaisamment, mais très sérieusement, le « Syndicat des uranistes » et dont le ?G Magnus Hirs-chfeld est le grand maître. « autocrate surfait et surmené », toujours d'après les termes de Raffalovich (1). Il vient de publier un ouvrage qui a eu les honneurs d'une traduction française (2). Parmi les homosexuels il range : Napoléon qui ne s'y attendait certainement pas ; César un in-
II) Archives de l'anthropologie criminelle. X905 et 1907. |2( Le troisième sexe : les homosexuels de Berlin.
comparable débauché ; Elagabale, un adolescent corrompu par les prêtres Syriens ; Caligula, un sadique et un sanguinaire ; et enfin. Don Juan, l'homme au mille et une. Elle est bien bonne, et je trouve que Magnus Hirscbfeld pousse vraiment un peu loin la mystification.
Le professeur Noecke considère le syndicat des invertis comme une œuvre belle et méritoire. II invite même Paris à imiter cette organisation, cette propagande, et il ajoute : • Si l'on autorise les hétérosexuels à s'adonner a des actes hétérosexuels, il est juste d'en faire autant pour les uranistes, dès que l'on est persuadé qu'il ne s'agit pas d'un vice, comme tel. ni de dégénérescence ou de maladie, mais bien d'une variation du sens génital normal ou tout au plus d'une anomalie, — encore légère, — qui n'entraîne pas toujours la dégénérescence. Alors même, l'acte réellement sodomiqne, quoique si répugnant et condamné par la plupart des uranistes. n'est pas un vice par lui-même ».
Un autre enfant de la très vertueuse Allemagne, Benedikt Friedhender. docteur en philosophie, a écrit un fort volume sur la Renaissance de l'Eros TJranios ou l'amitié physiologique. Il voudrait être le précurseur de cette renaissance de l'Eros céleste des Grecs, de l'amour viril pour le jeune homme viril de dix-huit à vingt-cinq ans (à partir de cet âge, d'après lui, l'homme commence surtout à attirer la femme), amour qui, sexuel ou non dans ses manifestations, ce qui ne regarde ni l'Etat ni la société, a une base physiologique : la sympathie du mâle pour le mâle. Et Fried-lœnder ajoute avec la gravité sérieuse d'un savant allemand: partout où cette sympathie physiologique n'est pas entravée par les femmes et les prêtres, la civilisation fait du progrès. Comme Hirechfeld, Friedlœnder abuse vraiment de la crédulité de ses contemporains.
Singulière aberration ! Etrange état d'âme. II faut bien l'avouer : ces gens-là ne sont pas précisément des vicieux ni des débauchés. Us n'ont rien de commun avec ces Césars romains dont les monstrueuses amours forment une épopée de boue et de sang. Si César fut appelé par ses soldats, formant Bithgniœ, mœcliam caltam, la femme de tous les maris, il fut aussi appelé le mari de toutes les femmes. Ce ne fut donc pas un inverti, pas plus que îiéron, empereur amoureux d'une blessure, pas plus que les poètes erotiques de l'antiquité. Anacréon chantait alternativement et la blonde hétaïre et le bel enfant Bathyllos « dont la joue rosée a le léger duvet des prunes ». Virgile brûlait pour un jeune esclave : formosum arriebat Alexin. Ce paillard d'Horace ciselait des odes pour le beau Ligu-rinus et il avoue, qu'après boire, il ne savait plus choisir entre le jeune esclave et la jeune servante. Des invertis '? non : de simples débauchés.
Pourtant l'histoire antique nous offre un épisode touchant : l'amitié de l'empereur Adrien et d'Antinous. Les épisodes de ce « drame triste et doux » sont connus. JElius Adrianus Cesar, visitant l'Egypte, s'était fait initier aux mystères. L'hiérophante déclara que César allait périr si le plus cher de ses amis ne s'offrait lui-même en victime. Antinous se précipita dans le Xil, symbole de ia puissance vivificatrice et rénovatrice, à qui les traditions voulaient que fut présenté l'holocauste. L'empereur
attristé fit élever sur les bords du fleuve la ville d'Antinoé en mémoire de son cher Antinous qu'il fit revivre dans les treize-cent-quarante-quatre statues de ses deux voies principales.
Qnelle fut la nature de l'amitié qui unit ces deux hommes : Antinous et Adrien '? Antinous futril simplement l'ami d'Adrien ? Pausanias dit textuellement : « Antinous fut chèrement aimé de l'empereur Adrien ». Mais il emploie le mot ?«:??«?t6? qui, d'après Suidas et aussi d'après A. Giron et A. Tozzn (i), n'a aucun sens erotique, mais signifie aimer honnêtement.
Bien après Pausanias, Dion Cassius écrit : « Adrien bâtit en Egypte une ville à laquelle il donna le nom d'AntinoUs. originaire de Bithynie. Cet Antinous fut les délices d'Adrien et périt en Egypte, soit pour être tombé dans le Nil, comme l'a écrit l'empereur, soit pour avoir été immolé, ce qui est la vérité. Adrien cherchait les secrets de la divination et de l'art magique. Il honora Antinous, soit en souvenir de son amour, soit parce que ayant eu besoin pour ses opérations magiques d'une victime volontaire, Antinous s'était offert de son plein gré. A l'endroit même où s'était accompli le sacrifice, Adrien bûtit une ville qu'il nomma Antinoé. Puis il érigea des images ou plutôt des idoles à son favori dans toutes les parties de l'univers. Il assura enfin avoir vu Antinous dans le ciel sous forme d'un nouvel astre ».
Dion Cassius emploie les mots t?•?:?? (délices) et ???a% (amours) dont l'interprétation ne peut laisser de doutes.
Spartien qui écrivait sous Dioclétien, dit : « Comme Adrien naviguait sur le Nil. il perdit son cher Antinous et il le pleura avec la sensibilité d'une femme (muliebriter flevit). Les opinions sur Antinous sont partagées. Les uns affirment qu'il se dévoua pour l'empereur, les autres parce qu'il en fut le mignon, parce qu'il était beau et Adrien voluptueux ». Il est encore à noter qu'Adrien adopta et fit César Cejonius Commode Verus « que sa beauté lui avait rendu cher autrefois », dit toujours Spartien.
Malgré ces témoignages compromettants, A. Giron et A. Tozza ne veulent voir dans Adrien qu'un artiste épris de la passion du beau en même temps qu'un César au cœur compatissant. Antinous n'en fut pas moins déifié. Jusqu'aux derniers jours du paganisme,sous le règne de Théodore, les prêtres continuaient à déployer les pompes des anciens rites et k promener, comme nous l'apprend Sainte Epiphane,la barque sacrée dans le temple du dieu.
Psychologie de l'olfaction : La fascination olfactive chez les animaux et chez l'homme (2)
par M. le D' Bekillox, professeur à l'Ecole de psychologie.
(Suite)
Dès la plus haute antiquité, les poètes et les littérateurs ont reconnu
(1) V. la savante dissertation qu'ils ont placée en téte de leur bea^ livre:Axrniooc et a laquelle j'emprunte une partie de ces documents.
(2) Voir les nnméros précédents.
l'influence exercée par les parfums corporels sur l'excitation amoui'euse. Virgile, parlant de Ténus, ne dit-il pas, dans l'Enéide :
Avertens rotea certice rcfutsit Ambrosiaque coma ditinum vertice odorem.
L'opinion que certaines impressions olfactives peuvent exercer sur les animaux et sur l'homme de véritables effets de fascination se retrouve chez les auteurs les plue anciens. G-aiien, dans ses Aphorismes, indique que le moyen de capter des mâles de certaines espèces d'animaux consiste à s'imprégner de l'odeur de leur femelle en rut.
Dans l'antiquité, on désignait sous le nom d'hippomane, du grec hippos, cheval, et mania, manie, le fluide muqueux qui s'écoule de la vulve des cavales en chaleur. Ce fluide passait pour avoir la propriété de provoquer chez l'homme, au même degré que chez les chevaux, la folie amoureuse-On le faisait entrer dans la composition des philtres destinés a faire naître l'amour dans le cœur des hommes et h fixer leur attachement. Voltaire, qui parle de l'hippomane au mot enchantement du Dictionnaire philosophique, dit qu'il n'était pas autre chose qu'un peu de l'arrière faix d'une jument lorsqu'elle produit son poulain.
La connaissance des relations du sens olfactif avec l'épanouissement des fonctions sexuelles était depuis longtemps répandue, mais aucun n'a traduit avec plus de force que Cabanis l'a fait dans ses Rapports du physique avec le moral.
« Dans l'enfance, dit Cabanis, l'influence de l'odorat est presque nulle, « dans la vieillesse, elle est faible ; son époque véritable est celle de la « jeunesse, de l'amour !
« Quelle n'est pas chez l'homme, l'impression électrique que produit, surtout dans la jeunesse, l'atmosphère de certaines femmes et que la € volupté ressaisit même dans les vêtements dont elles se sont dépouillés « la veille. Le fichu qui a ceint leur cou exhale un bien autre parfum « que les sachets des sérails de l'Asie. »
Mais il faut arriver à la thèse soutenue en 1815 par Cloqnet. alors prosecteur, devant la Faculté de Paris, pour trouver une étude scientifiquement poursuivie sur les fonctions de l'odorat. Dans ce remarquable travail intitulé : Dissertation sur tes odeurs, sur les sens et les organes de l'odorat, Cloquet faisait ressortir le rôle prépondérant que l'odorat exerce sur les sentiments humains, quand il affirme que chez l'homme, il est le sens des sensations douces et délicates, celui des tendres souvenirs...
Dans la seconde édition de sa thèse parue sous le titre à'Osphrésiologie, ouvrage classique auquel tous ceux qui ont écrit sur le même sujet n'ont pu se dispenser de faire de larges emprunts. Cloquet revient avec insistance sur le rôle sexuel de l'affectivité olfactive. C'est ainsi qu'il écrit : * L'odorat semble ici le précurseur de l'amour et l'air en est le messager. ? le savait bien, ce vainqueur de Mahon et de tant de beautés du siècle de Louis XV qui avait toujours soin de s'envelopper d'une atmosphère parfumée. Souvent aussi le même effet a lieu chez les animaux. Ollina
(1) LUtré : Dictionnaire de médecine ; iu-1. Hippomnne.
conseille la civette comme propre a faire chanter les rossignols en cage, car. dit-il. les odeurs suaves stimulent les oiseaux à chanter, sans doute en augmentant leur flamme amoureuse. »
Plus loin, il ajoute : « Il suffit encore, sur ce point, d'en attester les soins mêmes que la nature a pris do faire exhaler une odeur forte et spéciale aux organes sexuels de la plupart des animaux.., Dans le temps des amours, les mâles et les femelles se pressentent et se reconnaissent de loin par l'intermédiaire des esprits exhalés de leur corps qu'amène durant cette époque une plus grande vitalité. » Dans une autre partie de son livre, il ne craint pas d'écrire ces lignes saisissantes : « A l'époque « de la puberté, les jeunes filles vierges répandent quelquefois autour « d'elles un parfum que les poètes de tous les temps n'ont point manqué
* de célébrer et que l'auteur du Cantique des Cantiques exalte avec un
enthousiasme que. de nos jours, on conçoit encore, mais rarement. » Les appréciations de Cabanis et de Cloquet,en appelant l'attention des
physiologistes et des médecins sur cette importante question, les ont amenés h des observations de plus en plus précises.
En 1830. Joseph Franck remarquait que l'invasion de l'amour, chez un sujet de santé normale, s'effectue souvent par l'orée nasale (1). Il envisageait, à tort selon nous, la passion génitale comme une sorte de maladie qui s'inoculerait dans l'économie par l'odorat.
« La muqueuse nasale, dit-il, est la surface de réception et de conduction ; les impressions reçues, si subtiles, si fugaces et si inconscientes qu'elles soient, se localisent dans le bulbe olfactif, lequel devient le ceutre conservateur et propulseur des actes reflexes caractéristiques de l'état d'amour. - >
Des Courtïlz remarque à ce sujet que « eu appréciant le pouvoir de « l'olfaction, on croira facilement que certains luxurieux ne peuvent « entrer en jouissance et s'acquitter convenablement du congrès qu'en
* respirant les émanations de la bouche, des aisselles et autres parties « du corps de la femme qu'ils caressent. » (2)
Le physiologiste Longet s'exprime ainsi : « L'odorat intervient dans « l'éveil du désir vénérien chez quelques personnes. Il est des hommes « qui trouvent dans l'influence exercée par l'odeur de la vulve sur la
* pituitaire, l'excitation indispensable pour accomplir l'acte sexuel.
« Chez les animaux, la liaison entre les fonctions olfactives et géni-» taies est aussi incontestable qu'elle est intense. A l'époque du rut, les
individus d'une même espèce doivent se rechercher mutuellemeut. Il
* leur fallait donc un moyen de se diriger les uns vers les autres, un « moyen d'excitation et la nature a pris le soin de faire exhaler, vers « cette époque, une odeur forte et spéciale aux organes sexuels de la « plupart ; rien, en effet, ne pourrait leur servir que les émanations « entraînées au loin par les courants atmosphériques. »
Althaus. dans une étude intitulée Bertrage zurphysiologie and patho-
(1) Cité par K. Monin dans les Odeurs du corps humain. Doln, Paris.
(2) DesConrtilz : Impuissance et stérilité. 1831.
logie des Olfactorius (Archives fur psychiatrie. ??- H. I). après avoir fait ressortir que les animaux de sexe différent sont attirés l'un vers l'antre par la perception olfactive et que, à la période du rut, il s'exhale de leurs parties génitales une odeur pénétrante, en déduit que le rôle du sens olfactif dans la reproduction de l'espèce est d'une importance capitale.
Une expérience faite par Schiff corrobore scientifiquement cette assertion. Ayant extirpé les nerfs olfactifs à déjeunes chiens nouveaux nés, il a constaté que ces mêmes chiens, devenus grands, n'avaient pas acquis l'aptitude a distinguer leurs congénères mâles des femelles.
Mantegazza a réalisé une expérience inverse. 11 a constaté que la production chez les lapins d'une cécité artificielle n'apportait aucun obstacle à l'accouplement de ces animaux. Cette expérience montre quelle importance paraît avoir le sens olfactif dans la vie sexuelle des animaux.
On trouve dans les œuvres de Buffon, de Cuvier, de Geoffroy Saint-Hilaire et des autres grands naturalistes, des passages où ils décrivent l'action intense exercée par l'odeur des femelles sur l'excitation sexuelle des môles. Chez les singes, ces proches parents de l'homme, cette influence a été fréquemment mentionnée.
Les vétérinaires ne pouvaient manquer de faire sur ces questions des observations analogues. Dans son traité sur la Physiologie comparée des animaux, Colin, professeur à l'Ecole d'Alfort, rappelle le fait bien connu que chez les femelles à l'époque du rut, la vulve se tuméfie et laisse suinter un liquide visqueux. Ce liquide est très odorant et son odeur attire le mâle souvent à de grandes distances. ? lui donne le moyen de distinguer les femelles en chaleur de celles qui ne le sont pas : qu'il soit muqueux ou sanguinolent, il devient pour le mâle un excitant très énergique. »
Le cheval qui flaire la jument contracte fortement la lèvre supérieure : les naseaux s'approchent et se tendent ; il semble vouloir associer aux perceptions de l'olfaction, celles de la gustation. Chez le chien, le fait est plus marqué encore. S'il renifle beaucoup, il goûte toujours un peu. Il semble que sa satisfaction soit incomplète, si en sus de la perception olfactive, il n'ait fait intervenir la dégustation.
Dans les espèces supérieures, ce n'est donc pas seulement l'olfaction qui est le facteur déterminant de l'excitation sexuelle chez le mâle. La dégustation intervient également dans nne proportion déterminée.
Ces faits sont hors de discussion. Mais ce qui ne me paraît pas avoir été assez mis en lumière, c'est que les effets produits par certains parfums sur les centres nerveux correspondent par leur intensité k une véritable fascination. En les analysant avec soin, on est en droit de rapprocher ces effets de ceux qne l'on observe dans le | hénomène provoqué expérimentalement par les hypnotiseurs chez les sujets visuels et désigné sons le nom de prise du regard. Le mâle fasciné par les effluves émanées des organes génitaux de la femelle en rut réaliserait cette fois ci. non plus ! ar la mise en jeu d'un procédé expérimental, mais d'une façon
tonte fortuite, chez des sujets olfactifs une veritable prise de l'odorat. Des expériences d'hypnotisme conduites arec méthode nous paraissent senles capables d'apporter quelque lumière dans l'étude de ces questions de psychologie sensorielle, mais avant de les aborder, il nous reste encore à examiner quelques faits intéressants relatifs à l'olfaction comparée.
(à suivre).
Hystérie et suicide
par M. le D' Etienne Jocrmx (de Marseille). (Suite et fin)
On voit, par ce court aperçu, que les caractères qui constituent la personnalité de Madame X.... comportent un certain degré d'anomalie, anomalie qui va devenir d'autant plus apparente que l'état de dépression psychique, de neurasthénie sera plus prononcé. En effet dans l'état morbide dont le début remonte à une vingtaine d'années, ce qui domine dans l'état mental de" la malade c'est une aboulie absolue, un sentiment profond d'incomplétude physique et morale. Elle ne sait plus vouloir ou du moins elle ne sait plus ce qu'elle veut ; quand une idée naît dans sa conscience, immédiatement c'est l'idée contraire qui l'attire, son caractère est suivant son expression même « celui de la contradiction » : d'ailleurs elle se sent moralement et physiquement absolument incapable de prendre une décision et de la mettre à exécution. Aussi cette indécision constante éveille en elle un sentiment d'indignité, de honte de soi; autant dans son état de santé elle était prompte à se décider, à concevoir, à exécuter, autant aujourd'hui elle est flottante, indécise, incapable. La fierté et l'orgueil ont fait place & de la honte, à du scrupule : elle n'est plus l'épouse, la mère qu'elle était et qu'elle devrait être, elle ne peut plus être qu'une charge, qu'un embarras. La caractéristique de son état mental, tant dans la période de sa vie où elle était en santé que dans la période de maladie, est l'exagération. De même qu'elle était persuadée que lorsqu'elle était bien, elle était indispensable, de même aujourd'hui elle doit être non seulement inutile, mais nuisible. Ces idées entretiennent et déterminent un état d'émotivité, d'éréthisme; d'angoisse, de douleur morale que toute impression venant d'elle-même ou du monde extérieur ne font qu'exagérer. C'est ainsi que les crises que j'ai décrites éveillent un sentiment de honte du corps au point que toute approche du mari lui fait horreur ; et cette honte s'étend à tout ce qui touche aux organes génitaux. L'échec d'un de ses enfants à un examen la met dans une angoisse extrême, tant elle croit que cet échec ne se serait pas produit si elle avait été bien portante. L'obligation dans laquelle elle se trouve de restreindre son train de vie, les difficultés d'affaires qu'éprouve son mari, la blessant dans son orgueil, la mettent dansun état d'éréthisme tel qu'elle ne peut plus voir personne, qu'elle recherche la solitude dans une chambre noire et qu'elle en arrive à ne plus aimer sinon à haïr les siens. Cet état mental se traduit objectivement au fur et à mesure que se
déroulent les événements pour un état panophobïque avec psychasténie, de la neurasthénie, de l'hystérie et, dominant le tout, un syndrome mélancolique avec idée de suicide.
Avant d'aborder la pathogénie de cette idée de suicide et d'essayer de la rattacher à sa cause véritable, il est un point sur lequel je veux attirer l'attention, c'est la nature des crises hystériformes qu'a ressenties Madame X..., les crises dont l'apparition coïncide avec le début de la maladie peuvent paraître comme des manifestations névropathiques de même nature que les phobies et les obsessions que la malade présente d'autre part, et cependant leur pathogénie et leur ét ologie est tout autre. Nous nous trouvons là en présence d'un cas typique de cet état nerveux que Freud a isolé du cadre de la neurasthénie et qu'il a appelé nécrose d'angoisse, à laquelle il a assigné des causes purement génitales. Voici comment la malade raconte la genèse de ses crises : « Après la naissance de mon second enfant, mon mari trouvant que notre famille était assez nombreuse ne voulait plus d'enfant et pour cela un seul moyen lui parut assez sûr, en dehors de l'abstention absolue qu'il était loin de vouloir pratiquer, c'était le coït réservé. Comme toutes les femmes j'avais mon petit tempérament et à partir du jour où mon mari mit en pratique ses idées, je remarquais des choses : c'est que, avant l'acte j'étais assez énervée, excitée, et jusqu'ici cet énervement était calmé après l'acte qui était suivi d'une espèce de détente survenue, d'un abattement agréable. Du jour où mon mari pratiquait le coït réservé, j'éprouvais, avaut l'acte, la même excitation, le même énervement, mais cette excitation, cet énervement loin d'être calmé par nos rapports, en était exagéré. Et ainsi j'en suis arrivée à un état d'excitation constant, à un besoin presque permanent de rapport sexuel, et chose paradoxale, ces rapports loin de me calmer, m'excitent encore, deviennent douloureux au point que bientôt je ne puis plus les supporter. C'est alors qu'apparaissent les crises que je ne puis calmer qu'en me roulant sur le parquet bien froid ou encore mieux en me jetant dans un bain ». Par cette description on voit que ces crises, en dehors de l'influence qu'elles ont sur la mentalité morbide de la malade, ont une origine purement génitale. J'insiste sur ce point et j'y attire plus spécialement l'attention des géni-tologues car plus que nous ils sont amenés à examiner les malades de ce genre qui s'imaginent, étant donné les symptômes qu'elles éprouvent, être atteintes d'une affection des organes génitaux. Et bien souvent on met sur le compte d'une hystérie plus ou moins latente, ces troubles qui ont une cause réelle à laquelle si on ne peut porter directement remède du moins peut-on donner des indications précises capables de les faire disparaître.
Arrivons en. maintenant à la patliogénie de l'idée de suicide qui est le but de cette étude, peut-être un peu longue. A n'examiner que les faits, il est facile de rapporter l'idée de suicide que nous constatons chez notre malade, à la phobie primitive, l'hydrophobie qui a été le premier symptôme d'un état mental défectueux et nous dirons alors que c'est là un de
ces cas si connus et si bien décrits, de suicide héréditaire. Mais dire qu'une idée de suicide est héréditaire cela vent simplement dire que le ou la malade soit de par ces hérédités,prédisposée au suicide. Il faut donc rechercher la cause prédominante de l'idée et ici la question se pose de savoir si la névrose ou la psychose qui accompagne l'idée de suicide est la cause déterminante de cette idée ou bien si elle n'est elle-même qu'une conséquence d'un état mental originairement taré. Revenons k l'examen de notre malade et laissant de coté toute préoccupation de diagnostic, regardons la vivre nous rappelant seulement que c'est une dégénérée, une prédisposée névropathique héréditaire.Dans tonte la première période de sa vie, elle nous apparaît comme une femme d'une énergie, d'une intelligence, d'une supériorité peu commune. Et de ces qualités elle en use et elle en abuse. Da maladie physique la terrasse et à partir de ce moment elle est incapable de remonter le couiant. L'énergie morale, la volonté inébranlable, la promptitude de décision qn'elle montrait jusque-là ont fait place progressivement à de l'aboulie, de l'indécision, un sentiment d'incomplétudc physique et morale qui ne fait que s'exagérer sous l'influence des circonstances et du milieu et qui font naître peu à peu du mécontentement de soi, de la fatigue, des douleurs, de l'angoisse et de l'anxiété. Et à un moment donné ces symptômes sont si violents que la malade cherche mais en vain un peu de calme, de détente, de repos. C'est alors que pour la première fois elle se sent attirée par l'eau qui jusque-là lui faisait si r.eur et qu'elle trouve dans sa contemplation un peu de soulagement, de détente. Et un jour qu'elle se trouve au bord du canal de Saint-Didier, sans mouvements et sans pensée, le regard perdu sur l'eau qui coule, elle voit dans cette eau et roulé par elle un cadavre qu'elle reconnaît, celui de son père. Ce n'est pas là une hallucination mais une représentation mentale inconsciente. Et elle pense alors que son père est heureux puisqu'il a le repos et l'oubli définitif; et elle se dit qu'elle-même serait bien si son corps pouvait lui aussi être ballotté par l'eau. L'idée de suicide se trouve ainsi dans la sphère inactive, elle n'est pas encore consciente, nettement formulée.Lescirconstancesl'imposerontbientôt àla conscience. En effet c'est à cette époque que les affaires du mari rentrent dans nne situation très critique. Le choc émotif qu'en reçoit la malade ne fait qu'exaspérer encore tous les phénomènes morbides qu'elle présente et d'une part la douleur normale extrême dans laquelle elle se trouve, et d'autre part le sentiment très net qu'elle a d'être incapable non seulement de venir en aide mais encore de soutenir les siens seront la cause, même, consciente, du suicide. Et ainsi on peut dire, pour résumer, qne au furet à mesure que diminue la tension psychologique,que baisse le niveau mental, plus augmente l'anxiété, l'angoisse, la douleur morale et corol-lairement, le besoin de plus en plus absolu de détcnte.dc repos. Metchni-koffdansson livre « sur la nature humaine (essai de philosophie optimiste) » nous fait concevoir la mort comme l'aboutissant normal de la vie, c'est-à-dire comme la conséquence nécessaire de l'usure organique par fonction normale et non pathologique. De sorte que loin d'être un épou van tail la
mort, alors que les modifications organiques qu'il envisage seront réalisées, sera au contraire voulue, désirée. On éprouvera alors le besoin de la mort comme après une journée de fatigue, on désire, on a besoin de sommeil. C'est là une simple vue de l'esprit, mais elle peut nous servira expliquer et à comprendre le désir et le .besoin de la mort qu'éprouvent certains névropathes. Les malades chez lesquels on trouve l'idée de suicide, présentent, à côté des concomitances psychiques qui expliquent et justifient cette idée, un ensemble de phénomènes décrits sous le nom de tœdiam mtœ caractérisé par du ralentissement de toutes les fonctions aussi bien psychiques qu'organiques. Ce ralentissement fonctionnel détermine dans certaines circonstances, lorsque l'individu a un obstacle à vaincre, un sentiment d'incapacité physique et morale qui éveille d'une part, au point de vue physique, de l'angoisse, d'antre part, au point de vue moral, de l'anxiété, dev la douleur. Cette angoisse, cette anxiété, cette douleur, s'exacerberont d'autant plus que les circonstances dans lesquelles se trouve l'individu ne changeront pas et alors le malade éprouvera un besoin d'autant plus absolu de calme, de détente, de repos,que sa douleur sera plus vive et plus angoissante. Et comme la cause même de cette douleur se trouve dans les conditions mêmes de la vie du malade et que ces conditions sont, d'une part, indépendantes de lui, que. d'autre part, il ne peut les vaincre, il ne pourra échapper à la douleur, à l'angoisse, que par un seul moyen, la mort. Ainsi l'idée de suicide nous apparaît comme une conséquence de tœdium vîiœ. du ralentissement fonctionnel, ralentissement qui est lui-même sous la dépendance d'un état cérébral défectueux soit constitutionnel, héréditaire, soit acquis. Je dirais volontiers que tout individu naît avec un pouvoir dynamogénique, un étal de tension cérébrale particulier.
Tant que les circonstances de la vie sont compatibles avec ce pouvoir dynamogénique, l'individu sera en harmonie avec lui-même. Mais du jour ou les événements demandent un effort supérieur à celui que peut fournir l'individu, l'harmonie est détruite, l'effort produit, bien qu'insuffisant, provoque, d'abord de la fatigue, puis par sa répétition de la faiblesse irritable qui se traduit au point de vue psychique par de la diminution de la tension psychologique, de l'abaissement du niveau mental et au point de vue physique de l'excitation qui est bientôt suivie d'affaiblissement, d'asthénie, de douleurs. L'individu entre alors dans le domaine des névroses. Et si les conditions vitales ne sont pas changées, par les préoccupations qu'elles entretiennent elles rendent de plus en plus conscient le sentiment d'incapacité, elles augmentent et exagèrent l'angoisse, la douleur morale au point que, pour y échapper, le malade ne trouvera plus un refuge que dans la mort.
Ainsi l'idée de suicide nous apparaît indépendante des névroses qui l'accompagnent, comme ces dernières elle est la résultante d'un trouble fonctionnel des cellules corticales constitutionnel ou acquis. Mais ce trouble à lui seul est insuffisant pour déterminer l'idée de suicide, il y
faut encore certaines circonstances qui sont réalisées par les conditions même de la vie.
Cette conception de l'idée de suicide comporte des indications pronostiques qui ont leur valeur. On peut dire que toute idée de suicide, doit être considérée en dehors de la névrose qui l'accompagne, que c'est un phénomène sérieux qui demande une surveillance attentive si on ne veut pas la voir se réaliser. Bans l'appréciation du devenir de ces malades, il faut moins considérer la névrose et l'idée de suicide en présence desquelles se trouvent ces malades, que des conditions matérielles et morales dans lesquelles ils vivent.
Une maladie de la volonté : le Latah
par M. le Dr Wirry de Treves-sur-Moselle
La maladie désignée sous le nom de « Latah » est endémique chez les Malaisiens de Java, Sumatra, Malakka et des lies voisines. La maladie n'est pas connue à Ceylan. Elle s'attaque rarement à des individus d'autres races. Elle se manifeste, dans sa forme bénigne, par une modification de la mentalité, le plus souvent l'imitation irrésistible d'un acte qui a effrayé le malade.- Celui-ci pousse tout-a-coup un cri déchirant ; il est incapable de répondre aux questions qu'on lui pose ou d'accomplir les actes qu'on lui commande.
Des individus très impressionnables, peuvent être mis dans l'état somnambulique du « Latah » par un mot, un regard, un geste. Le • Latah » ressemble, dans sa forme la plus intense, k l'état d'hypnose très profonde. Les malades peuvent être hypnotisés par une parole imperative ; ils exécutent alors tout ordre qu'on leur adresse, sans garder plus tard le moindre souvenir de leurs actes. L'attaque se termine, d'ordioaire, par un sommeil profond de quelques heures. On conçoit la grande expansion du mal parmi les Malaisiens par ce fait, qu'on trouve rarement une femme au dessus deloans qui ne souffre, plus on moins,du « Latah ». La maladie peut commencer à tout age, même dans l'enfance. Les femmes en souffrent plus que les hommes. Les Malaisiens regardent le » Latah » comme infectieux et héréditaire ; seulement, pour eux, c'est non une maladie mais une anormaiité individuelle, comme, par exemple, un grand nez, ou un menton en galoche.
La maladie devient épidémique par l'imitation et ressemble, en beaucoup de points, aux épidémies hystériques. Heureusement les cas sont rares, où les malades commettent des crimes. Mais il est déjà arrivé que des personnes, ayant commis des délits par imprudence, prétendaient qu'elles étaient atteintes de « Latah » et, par conséquent, irresponsables.
Un cas semblable arriva il y a quelques années à Malakka. Deux amis, Kassim et Aruat faisaient une promenade ensemble. Chacun était armé du « parang », le grand poignard des Malaisiens. Soudain, tomba devant eux une énorme branche d'arbre. Kassim s'effraya tellement qu'il imita
la chute de la branche et s'étendit à terre. Aniat de son côté imita le mouvement de son ami et se laissa tomber à côté de lui. En tombant le lourd « parang » s'abattit sur le bras gauche de Kassim et lui coupa net la main gauche. A mat fut jugé et condamné à ß mois de prison, quoiqu'il affirmât, qu'il s'agissait seulement d'un hasard malheureux. Il invoqua que lui et Kassim étaient tous deux malades du * Latah », qu'ils vivaient depuis des années ensemble dans le même « campoug » et que le « Latah ¦ disposait à l'imitation impérieuse. Mais le juge refusa ces arguments pour ne pas inciter à l'excuse du « Latah » en cas de crimes. "William Fleischer, médecin cantonal à Kvvala Lumpur, qni a beaucoup étudié le « Latah », fit une très intéressante expérience pour voir, si les malades de « Latah » peuvent être poussés par la suggestion à des actes criminels. Il s'agissait d'une femme qui était malade du ¦ Latah » depuis la mort d'un de ses enfants.
La séance eut lieu dans une salle de malades du « Général Hospital ». On avait choisi un jour où il pleuvait à torrents. Par ces jours de pluie les Malaisiens ont coutume de tirer la couverture du Ht par dessus leur tête et de se cacher dans le lit. On éveilla une malade et on la renvoya dans une autre salle. A l'aide de coussins et de draps, on imita les contours d'une femme adulte emmitouflée dans son lit. On fit venir alors la malade atteinte du Latah » ; on lui raconta qu'une dame très riche, parée de nombreux brillants, était couchée dans ce lit. Subitement on lui suggéra d'une voix impérieuse et forte de tuer cette femme et de lui voler ses bijoux. Le commandement fut exécuté sans hésitation, et c'est donc une preuve que les malades atteints du * Latah » peuvent être exploités par des aventuriers pour l'exécution de certains crimes.
Grossesse imaginaire chez une jeune fille de quinze ans
pur M. le 1)' Joseph Wiazeuskv, médecin en chef dn dispensaire anti-alcoolique et président dn Cercle A. A. Liébeault, do Saratow (Russie).
?"ß X... qui fait l'objet de cette communication, appartient à une famille tout à fait normale : elle est la troisième de cinq enfants ; ses parents sont pauvres et de moralité très sévère. Dès le bas âge, elle se fait remarquer par sa réserve et son humeur sauvage. Au lycée, où elle entre à onze ans, elle est toujours la première de sa classe. Peu sociable, elle n'a pas d'amies ; mais les causeries animées de ses camarades et le spectacle de leurs amitiés lui inspirent parfois de l'envie. Vers douze ans. la solitude commence à provoquer chez elle de l'angoisse ; la jeune fille, dans ses rêves, se voit brusquement abandonnée, tout à fait seule ; la sensation d'isolement lui est si pénible qu'elle se réveille tout effrayée. Souvent, depuis l'enfance, elle a été le témoin muet des conversations dans lesquelles ses parents blâment avec beaucoup de dureté la conduite des jeunes filles qui ont avec les hommes des relations un peu libres ; leur indignation est extrême quand ils apprennent qu'une jeune fille
est enceinte ou vient d'accoucher, et ils ne cachent pas leur mépris. Ces conversations impressionnent vivement leur fille ; l'idée s'installe en elle qu'il serait affreux de devenir enceinte : elle a peux* de le devenir. Dès lors elle se met à observer les femmes enceintes et h chercher sur leur figure une expression particulière, indice de leur état de grossesse ; elle leur trouve les traits fatigués, les yeux cernée ; elle pense que ces symptômes sont caractéristiques de la grossesse. Deux mois et demi avant que je ne la voie, s'approchant de la glace, elle constate avec effroi que ses yeux sont cernés. Il n'y avait pas à en douter ; elle est enceinte ! Cette découverte la bouleverse : elle se sent gênée devant les autres ; ne voient-ils pas qu'elle est grosse ? Au bout de quelques jours, elle se décide a avouer à ses parents le malheur qui lui arrive ; ceux-ci ne prennent pas la nouvelle au sérieux, et s'efforcent de persuader à leur enfant qu'il est impossible qu'elle soit enceinte ; mais ils s'aperçoivent bientôt, par les conversations ultérieures, que la jeune fille est très sérieusement affligée et tout à fait sûre de sa grossesse. « Je ne me souviens pas de l'acte lui-même, dit-elle, avec conviction, lorsque ses parents tachent de lui faire comprendre son erreur, mais j ai pu oublier ; j'ai les yeux cernés et c'est la preuve certaine que je suis enceinte ». Quelques jours s'écoulent au bout desquels la jeune fille arrive à la maison toute affligée et dit à ses parents : « Vous ne croyez pas que je suis enceinte ; eh ! bien, tout à l'heure, lorsque je traversais la conr, les gamins criaient : voilà une femme enceinte ; tout le monde parle de moi et me montre du doigt ». A ces paroles, les parents entrent dans une violente colère et reprochent vivement à la malheureuse d'avoir exposé sa famille à des propos déshonorants. Cette scène la confirme dans sa conviction, et cette conviction la rend plus insociable ; elle recherche la solitude complète, s'enferme dans sa chambre, cesse d'aller au lycée et vit dans l'angoisse, fuyant toute conversation, évitant toute rencontre. Enfin, ses parents inquiets me l'amènent.
Elle est très pâle, et parait plus jeune que son âge : elle s'efforce de dissimuler son visage, derrière le fichu dont elle est couverte ; pendant la conversation, elle regarde de côté et me répond sans empressement, comme à regret, cachant soigneusement son idée obsédante et mettant sa nervosité sur le compte d'une forte émotion qu'elle vient d'éprouver, dit-elle.
Tout k coup, tandis que je la questionne sur son état physique, elle se lève précipitamment et s'approchant de moi : * Au lieu de me questionner, me dit-elle vivement, dites-moi nettement pourquoi on a les yeux cernés, et dans quelle maladie cela arrive. On n'a les yeux cernés que dans la grossesse ; donc je suis enceinte ». — « Vous n'avez pas les yeux cernés du tout, lui dis-je, après l'avoir attentivement dévisagée, et même si vous aviez les yeux cernés, cela ne prouverait nullement que vous êtes enceinte ». — « Dites moi, docteur, reprend-elle, est-il possible que la femme puisse oublier l'acte lui-même et qu'il soit cependant suivi d'effet '? » J'essaye de lui persuader qu'il n'en peut rien être, et elle-
même me dit alors, comme pour confirmer ma démonstration : « Les règles, qui ont débuté à l'âge de 12 ans, ont été aussi régulières pendant les trois derniers mois qu'auparavant ». — c Alors vons le voyez bien, tout prouve que vous n'êtes pas enceinte ». « — Non, je suis certainement enceinte, réplique-t-elle, avec conviction, quoique je ne connaisse de près aucun homme et que je n'aie eu de relations intimes avec aucun. Au reste je ne me souviens pas du tout de cela
Sur l'assurance que la suggestion hypnotique pourra la guérir, la jeune fille consent, sans difficulté, à se laisser traiter.
25 octobre 1907. J'endors la malade ; au réveil, l'amnésie est incomplète.
26 octobre... La malade est plus calme ; elle pense rarement à sa grossesse et son esprit ne s'arrête pas longtemps sur cette idée ; elle s'efforce de ne pas rechercher si on la regarde ou non. Le sommeil a été bon, sans rêve, l'appétit est normal, la gaieté est revenue ; ??? X... désire .retourner bien vite au lycée. — Je l'endors de nouveau ; elle entre en somnambulisme.
27 octobre... L'amélioration s'est accentuée : la malade se promène librement dans la rue, ne fait aucune attention aux passants ; il ne lui semble plus qu'on la regarde ; elle ne pense plus à ses yeux cernés ni à sa grossesse. Elle ne fuit pas la société, ne s'isole pas dans sa chambre, n'entend plus aucuns propos malveillants sur son compte et n'a plus l'esprit tendre pour les recueillir. Elle songe à ses études et craint de ne pouvoir rattraper le temps perdu ; elle se demande aveo inquiétude si elle pourra apprendre aussi bien qu'avant. Je l'endors et obtiens de nouveau le somnambulisme.
28 octobre... L'obsession de la grossesse a complètement disparu ; Mllc X... se sent très bien, n'évite plus la compagnie, ne se demande pas si ses yeux sont cernés on non et n'a pas envie de regarder dans la glace pour s'en assurer ; elle est tout à fait calme et d'humeur égale ; elle est devenue plus sociable et n'a plus d'angoisses : elle mange et dort normalement, veut retourner au lycée dans deux jours et regagner le temps perdu. Elle ne doute j.as qu'elle soit capable d'apprendre aussi bien qu'avant.
Je fais une dernière suggestion, encore suivie de somnambulisme. Là s'arrête mon traitement. La malade est complètement guérie ; quatre séances d'hypnotisation ont suffi à la délivrer d'une obsession douloureuse qui durait depuis deux mois et demi.
Discussion
M. Bérjxlox. - 11 convient de distinguer les fausses grossesses et les grossesses imaginaires. Les faussos grossesses, ou grossesses nerveuses, surviennent surtout chez des hystériques lesquelles présentent très vite les signes d'une grossesse vraie : les malades sont rapidement et facilement guéries ; il suffit de leur démontrer l'inanité de leur croyance. Les grossesses imaginaires, par contre, résultent d'interprétations fausses qui sont des manifestations de la dégénérescence héréditaire ; ces malades ne
peuvent chasser elles-mêmes ces interprétations erronées ; elles en sont les victimes, tels les onychophages qui ne peuvent, à eux seuls, s'affranchir de leurs habitudes impulsives. Ces grossesses imaginaires sont très tenaces ; elles résistent aux raisonnements arec un entêtement absurde. Pour les extirper, il faut recourir à une hypnose profonde. Encore les résultats ne sont-Us pas immédiats. Â ce propos j'ai souventremarqué que le traitement psychothérapique paraissaitlongtempsneriendonneret que les résulats survenaient quelque temps après sa cessation. J'en conclus que la suggestion a besoin d'une incubation plus ou moins longue suivant les cas.
M. Paul MAfiXXX. — Je suis tout à fait de l'avis de M. Bérillon. En effet, la persuasion vigile, qu'on tend à représenter comme une panacée universelle, est incapable d'agir dans les cas analogues à celui rapporté par M. Wiazemsky ; l'hypnose profonde est tout à fait nécessaire. En outre, de même que, dans l'hystéro-traumatisme, les phénomènes morbides ne s'installent qu'après une certaine période de rumination, de même la suggestion ne produit tous ses effets qu'après un temps analogue de rumination.
M. Paul Fabez. — Certains de nos malades s'imaginent à tort qu'ils pourront, après chaque séance nouvelle, constater un progrès, peut-être lent, mais continu ; il faut systématiquement les prévenir de leur erreur. Parfois, après cinq, dix, qunze séances, on n'aobtenu aucun effet appréciable, sans que, pour cela, l'on ait perdu sa peine et son temps. La suggestion est une bonne graine que nous déposons dans un terrain rendu fécond par l'hypnotisation à ses divers degrés. Or, une graine, déposée dans le sol, germe, fait sourdre une pousse qui grandit de plus en plue et donne naissance à des feuilles, puis à des fleurs, enfin à des fruits. ; et les fruits se détachent de l'arbre, un beau jour, quand ils sont murs. Telle la suggestion subit une sourde élaboration subconsciente et ne donne ses fruits qu'après une complète maturation. Ses bons effets se manifestent souvent d'un seul coup, en bloc, même après le traitement, alors qu'on désespérait peut-être de son efficacité. Pource qui concerne les grossesses nerveuses, je les ai surtout constatées au moment de la ménopause, à l'occasion de la première suspension menstruelle, chez des nullipares qui désiraient la maternité et chez des multipares qui la redoutaient. Les phénomènes objctifs de la grossesse s'installent très facilement sous l'influence de l'auto-suggestion ou de l'imitation : tels ces maris qui présentent le curieux phénomène qu'on a appelé la * couvade » et qui sont affligés de vomissements incoercibles dès que leur femme présume qu'elle est enceinte.
M. Jules Voisrx. — Comme le dit très justement ?1. Magninl'hystéro-traumatisme comporte une période de rumination et celle-ci est principalement nocturne ; le traumatisé ne fait que rêver son accident, il le revit en imagination et il envisage toutes les regrettables conséquences qui pourraient en résulter : ce rêve tenace joue le rôle d'une mauvaise suggestion : et, pour guérir I'hystéro-lraumatisme, il faut d'abord suggérer
au malade de ne plus rêver à son accident et de dormir paisiblement. Quant aux cas analogues à ceux de M. Wiazemsky, ils intéressent des dégénérées dont l'hérédité est très chargée. Ces malades sont scrupuleuses et phobiques ; elles évolueront probablement vers la folie du doute on la folie du toucher. J'ai connu une jeune fille qui n'osait aller aux cabinets parce qu'elle craignait qu'un homme n'y fût allé avant elle et qu'à la suite de cela elle ne devint enceinte. De toute manière, très certainement, il faut obtenir une hypnose profonde pour extirper ces obsessions.
M. Dacbiac. — J'accorde que le terrain névropathique soit pour beaucoup dans la genèse de ces obsessions ; mais il faut faire intervenir aussi l'influence de l'éducation. Certains milieux familiaux, très puritains, font surgir chez l'enfant la crainte perpétuelle d'avoir mal agi et celui-ci devient scrupuleux à l'excès. D'autre part quand les enfants, intrigués et curieux, interrogent leurs parents sur le mystère de la naissance, on leur répond par des impressions desquelles ils déduisent tout de même, qu'il y faut la participation d'un homme et d'une femme. Certains s'imaginent alors qu'il suffit d'un seul rapprochement, d'un contact quelconque. Dans les Diaboliques de Barbey d'Aurevilly une jeune fille s'asseoit sur un fauteuil que vient de quitter nn jeune homme... et aussitôt, elle s'aperçoit qu'elle est enceinte !
M. Demoschy. — Cette phobie ou cette fausse conviction de la grossesse a une grande importance an point de vue médico-légal, témoin ce cas récent. Une jeune fille se croit enceinte ; pour se venger de son « séducteur », elle tue celui qu'elle désigne comme étant le père de l'enfant dont elle se prétend grosse ; or il fut reconnu que cette jeune fille était vierge."
SOCIÉTÉ D'HYPKOLOGiE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 20 octobre 1908. — Présidence de M. le Dr Panl a£àO*Ut.
La séance est ouverte à 4 h. 40.
Le procès-verbal de la séance annuelle est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres d'excuses de M. Ch: Julliot, Dr Damoylou, du Caire ; de M. le Dr Crichton-Miller, de San Remo : de M. le Dp Chavigny, professeur agrégé du Val de Grâce : de M. le professeur Ubeyd Oullah, de Constantino; le.
La correspondance imprimée comprend un travail de M. le professeur Bencdifct, de Vienne, intitulé : Magnéto-Thérapie et Suggestion.
Les communications ont lieu dans l'ordre suivant :
1« Dr Paul Farez : Un cas d'impuissance génitale.
2° Dr de Geuebstam : Sur la technique de l'hypnotisation ; Discussion: Dre Bony. Bèrillon, Demonchy, Paul Magnin.
3° Dr Béhiixos : Le mécanisme psychologique des sympathies et des aversions olfactives.
4° M. Lionel Dacbiac : L'homosexualité antique : L'amour socratique et le banquet de Platon ; Discussion : Dr Bérillon. M. Lépinay.
M. le Secrétaire Général fait part à la Société de la mort du professeur Hamy, de l'Institut et de l'Académie de médecine. D exprime les regrets qne nous inspire la perte d'un savant qui s'intéressait si vivement aux progrès de l'hypnotisme et de la psychologie.
La séance est levée à 6 h. 30.
Eloge du professeur Hamy.
Le professeur E.-T. Hamy, membre de l'Institut et de l'Académie de Médecine, est mort le mercredi 18 novembre. Voici en quels termes simples et émus M. le professeur Paul Bicher, président de la Société française de la médecine, salua son cercueil.
¦ Lorsqu'un homme comme le professeur Ernest-Théodore Hamy disparait dans sa pleine et forte maturité, non seulement on reste atterré devant le vide immense qu'il laisse dans les milieux divers où s'exerçait son activité ; mais on se demande avec amertume quel préjudice vont subir les diverses branches des connaissances humaines où il s'employait du simple fait de l'inachèvement de ses travaux et de la suppression inattendue de ces beaux fruits que son expérience de jour en jour pins complète promettait.
Hamy fut comme le bon génie de la Société française d'histoire de la médecine. Sa vaste érudition tenait en réserve une mine inépuisable de documents dont il disposait généreusement, sans compter.
D'autres que nous diront les qualités de son cœur, mais sa nature droite et entière ne savait pas séparer les qualités du cœur de celles de l'esprit. Et des relations commencées pour des raisons scientifiques devenaient bientôt des relations d'amitié. »
La bienveillance avec laquelle le professeur Hamy prodiguait ses encouragements aux études psychologiques nous fait un devoir de nous associer aux sentiments si justement exprimés par M. le professeur Paul Bicher.
Nous regretterons d'autant plus vivement sa disparition qu'il nous avait donné la promesse de présider une de nos séances annuelles et que notre président le comptait au nombre de ses amis les plus dévoués.
Quelques mots sur la technique de lhypnothérapie
par M. le D' Emanuel ai .:-¦,¦¦.>-de Gothembourg (Suède).
Des opinions très différentes ont été formulées sur la valeur thérapeutique de l'hypnotisme. Rappelons les discussions entre l'école de Nancy qui prête à l'hypnotisme une très grande valeur thérapeutique et l'école de la Salpétrière qui s'est bornée à- ne l'employer guère que dans
un but expérimental ; et tout au plus cette dernière école a-t-elle établi que Fhypnotisme peut combattre certains symptômes hystériques. L'opinion de l'école de Nancy est, aujourd'hui, admise par un nombre de savants beaucoup plus considérable qu'il y a 20 ans. Maie on ne peut dire qu'une opinion uniforme se soit établie. Au cours des conversations que j'ai eues avec les médecins suédois j'ai cru comprendre que les autorités reconnaissent l'hypnose et lui donnent, parmi nos moyens thérapeutiques, la place qui lui revient de droit. Cependant j'ai l'impression que l'hypnotisme est un fait accepté, pour la forme, comme un moyen précieux dans certaine cas, maie que, de fait, on a l'habitude de le négliger et de le passer sous silence. Or on sait que « rien n'est si désagréable que d'être pendu obscurément ».
Dans la littérature allemande d'aujourd'hui, on critique l'hypnothé-rapie avec une hostilité égale à celle qu'en leur temps ont manifestée Liebermoister et Strumpell. Ziehen, le directeur de la clinique dé Psychiatrie et de Neurologie de la Charité à Berlin, un homme dont la situation médicale est considérable en Allemagne, a écrit dans un ouvrage qu'il a publié en 1906, « Sur l'Hystérie » :
« Les procédés spéciaux par lesquels on prétend rendre l'hypnose tout à fa t inoffensive sont, pour une très grande part, de Vhumbug ; quant à 'hypnose chez les enfants, je la considère, dans tous les cas, comme un méfait ». (Compte-rendu du Nearolog. Centralblait, juin 1906).
On s'étonne de lire une pareille appréciation, car c'est un fait reconnu que la douce technique de l'hypnose moderne, sur laquelle j'insisterai plus loin, a. de fait, réussi à rendre l'hypnose thérapeutique tout à fait sans danger. Mais Ziehen considère comme une plaisanterie ces efforts pour obtenir des méthodes douces ; et chaque praticien de quelque expérience sait combien le traitement hypnotique est favorable aux enfants,
Kraepelin considère que les cas les plus justiciables du traitement hypnotique sont précisément les cas d'hystérie infantile.
Par de courtes cures d'hypnose, j'ai guéri des maux de têtes chez des enfants qui en souffraient depuis des années et qui avaient été traités sans succès par les moyens ordinaires. J'ai suivi ces enfants pendant plusieurs années sans jamais constater aucun des symptômes que l'on prétend attribuer à l'hypnose. Et Ziehen appelle cela un méfait !
Cramer se déclare également l'adversaire intraitable de l'hypnotisme. « Depuis plusieurs années, dit-il, j'ai tout à fait renoncé à traiter par l'hynose mes malades nerveux ; s'il me répugne d'employer l'hypnose dans le traitement des nerveux, c'est que l'on provoque, par toute espèce d'hypnose, une altération cérébrale » (1).
Cette critique est tellement énorme qu'elle n'a pas besoin d'être réfutée. Le même auteur prétend également que des sujets prédisposés sont devenus aliénés après dos essais hypnotiques ; il omet toutefois de dire de quelle nature étaient ces essais.
(1) Cramer. Die Xervot-Hal. ihre Ursaehen. Krscheiiwngen nnd Behanilung. Jena 1906.
La position que prend Pierre Janet à l'égard de l'hypnotisme est intéressante à examiner. (1) D'abord il ne voit pas, dans l'hypnose, d'antre phase que celle du somnambulisme. Il divise les malades en hypnotisables et non hypnotisables. Il appelle hypnotisables ceux que l'on pent mettre en somnambulisme. Il partage l'ancienne croyance que cet état n'existe que chez les hystériques. Cette opinion a été si souvent combattue et discutée jusqu'à satiété que je n'y touche qu'à titre complémentaire. Ainsi qu'on le sait, cette opinion s'appuie sur ce seul fait qu'un grand nombre d'hystériques sont hypnotisables à un haut degré et faciles à plonger en somnambulisme. Il ressort clairement des ouvrages de Janet que les seuls individus chez lesquels il a étudié l'hypnose, sont ces hystériques chez lesquels on provoque le somnambulisme avec une facilité extrême. ? utilise d'ailleurs le somnambulisme assez largement comme remède thérapeutique. Il en décrit les effets de la façon suivante. Au sortir du somnambulisme, le malade traverse, d'après lui, trois phases : d'abord, une • période de fatigue », puis une * période d'influence somnambulique » et enfin une - période de passion somnambulique ». La première phase se caractérise, en général, ainsi nue le nom l'indique, uniquement par une certaine sensation de fatigue ; cette phase d'après Janet, n'a pas grande importance. Elle disparaît ordinairement assez vite ; elle dure rarement un joui- entier ; il est encore plus rare qu'elle soit caractérisée par la présence d'autres symptômes nerveux. Il y a, sans doute, une certaine part de vérité dans cette façon de présenter les choses. Parfois on constate un peu de fatigue, de somnolence ou de lassitude mais dans un nombre très restreint des cas. D'après mon expérience,cela ne caractérise pas spécialement l'hypnose somnambulique. Dans des cas où l'hypnose avait été particulièrement difficile à provoquer ou même avait fait défaut, des malades, une fois, rentrés chez eux. se sont sentis lourds et enclins au sommeil ; on a ainsi l'impression que les procédés employés pour obtenir l'hypnose ont eu des suites. Je n'ai cependant jamais observé aucun inconvénient durable h la suite, soit de l'hypnose superficielle, soit de l'hypnose profonde : ces phénomènes ont toujours complètement disparu aprèsquelques séances tantôt spontanément, tantôt à l'aide de certaines suggestions. Je ne me souviens que d'un cas où il a fallu un travail énergique pour les faire disparaître. La malade en question était une hystérique aboulique. Elle avail éprouvé, après les premières séances, un besoin intense de sommeil pendant toute la journée et elle en avait été très effrayée. J'ajouterai d'ailleurs que, lorsque ces suites de l'hypnose eurent été supprimées, j'obtins un résultat thérapeutique très remarquable qui se maintient depuis deux ans. Mon observation touchant la période de fatigue est, en principe, la même que celle de la plupart des hypnothérapeutes de Nancy. La période d'influence et la période de passion de Janet offrent plus d'intérêt que la période de fatigue. La période d'influence est caractérisée par la disparition complète des symptômes maladifs existant avant la provocation au somnam-
1) Pierre Jaoet : Névroses et Idées Tires. Parle 1904.
bulisme. Cette période peut durer de quelques heures à quelques mois. II faut remarquer que ce résultat survient toujours après une seule séance et que les malades sur lesquels Janet a fait ses observations ont été des cas graves d'hystérie. C'est un fait connu que des améliorations remarquables peuvent survenir chez des malades hystériques très sug-gestibles après une seule séance. Cependant les hypnothérapeutes,mème les plus enthousiastes, sont étonnés des changements merveilleux survenus chez les malades de Janet après une seule séance. D'après lui, une réaction se produit, avec une exactitude mathématique, au bout d'un temps plus ou moins court et alors apparaît la période de passion somnambulique. Celle-ci est caractérisée par le retour des symptômes maladifs, par la grande désolation du malade et par le désir intensif, en présence de cette rechute,d'être hypnotisé par le même médecin qu'auparavant. Janet ne se contente pas de comparer l'aspiration de l'hystérique vers une nouvelle hypnose au besoin du morphinomane pour la morphine ; il la considère comme aussi dangereuse.
Janet montre clairement qu'il considère cette passion somnambulique comme quelque chose de spécifique à l'hypnose. ? modifie cependant quelque peu sa façon de voir en déclarant plus loin que les périodes de passion somnambulique ne sont autre chose que des rechutes caractéristiques chez les malades nerveux et qui prennent une forme particulière grâce â l'hypnose. En quoi consiste alors le spécifique dans ces rechutes ? Le somnambulisme, dit Janet, est analogue aux crises hystériques; il développe une activité automatique et subconsciente. Cette opinion est déjà vieille, elle n'en est pas moins restée sans preuves.
Or Janet reconnaît lui-même que la rechute ne doit pas être mise sur le compte de l'hypnose mais rapportée à la nature de la maladie.Le seul fait spécifique dans la période de passion serait donc le désir qu'a le malade d'être hypnotisé, à moins qu'on ne puisse considérer comme spécifique son désespoir en face de la rechute : Il n'y a d'ailleurs rien d'étonnant à ce qu'un malade, délivré par quelque traitement d'une grave maladie soit découragé en présence de la rechute. Quant à l'aspiration à être hypnotisé,est-il extraordinairequ'unmaladeéprouve le désir intense de recourir à nouveau au traitement qui l'a déjà guéri une fois ? Janet donne lui-même, sans s'en douter, un excellent argument contre les suites spécifiques nuisibles de l'hypnose lorsqu'il considère la passion somnambulique comme analogue à ce qu'il appelle « le besoin de direction » chez le douteur. Il veut signifier par là, pour ne prendre qu'un exemple, le besoin qu'a l'hypocondriaque ou le neurasthénique d'être, à chaque instant, examiné par un médecin afin d'avoir la certitude qu'il ne souffre d'aucune maladie organique. Il est calme et satisfait lorsqu'on lui donne cette certitude. Mais après un certain temps, le doute et la crainte apparaissent de nouveau : il cherche encore le médecin pour entendre l'affirmation qu'il désire,'à savoir que son corps est sain. On trouve ainsi chez un neurasthénique qui n'a jamais été hypnotisé le même phénomène psychologique que chez les malades hystériques qui ont été hypnotisés.
Janet cite également comme caractéristique que lee malades hypnotisés éprouvent pour leur hvpnotiseur une sorte d'affection exaltée qui touche à l'idolâtrie- Là non plus on ne peut voir quelque chose qui soit spécial k l'hypnotisme. Bien des médecins sont récompensés par la reconnaissance et la gratitude de leurs malades pour des services parfois bien minimes. Les malades nerveux qui, tous, ont « le besoin de direction » de Janet manifestent facilement un grand attachement k leur médecin, pour peu qu'il ait diminué leurs malaises, tout comme de l'aversion si son traitement est resté sans effet. Le médecin des hospices ou hôpitaux est toujours une sorte de dieu pour les malades nerveux qui s'y trouvent, qu'ils aient été hypnot ses ou non. Celui qui hypnotise les malades n'exerce pas sur eux une influence malsaine par cela sent qu'il les hypnotise ; on n'exerce une mauvaise influence sur un malade que si l'on a abusé de sa suggestibilité. Si le médecin impose aux malades des prescriptions qui leur sont tout a fait incompréhensibles et qu'il exige d'eux une obéissance aveugle, à des prescriptions Tides de sens, il éveille eu eux un occultisme malsain. Les charlatans ont toujours pratiqué, avec virtuosité ce mode de traitement tout comme ils ont toujours craint les médecins-hypnotiseurs, sachant bien que ceux-ci, grâce à leurs études sur la suggestion, sauront, mieux que d'autres, dévoiler le côté .cbarla-tanesque de leurs prescriptions. Quand, après une opération, le patient manifeste k son chirurgien un attachement justifié, il ne vient à la pensée d'aucune personne sensée de rapporter la cause de cet attachement à la narcose, bien que celle-ci soit, par certains côtés, analogue au somnambulisme.
Malgré ses vues théoriques, Janet emploie très souvent l'hypnose dans le traitement des hystériques. Lorsque la passion somnambulique commence à se montrer, il plonge à nouveau son malade dans le somnambulisme et en général ce traitement n'est qne palliatif. Il dit cependant que chez la plupart des malades la période d'influence tend à se prolonger. Pour ce qui concerne son emploi de l'hypnotiem'* il écrit : « Aussi croyons nous qu'il faut surveiller avec un certain soin l'intervalle qui sépare les séances et ne les rapprocher ou les écarter qu'avec certaines précautions et en tenant compte des circonstances et de l'état moral du malade ». Il espère donc quelquefois obtenir de l'hypnose plus qu'un simple effet palliatif. La première pensée qui s'offre à l'esprit quand on lit l'exposé de la méthode de Janet est la servante : lors-qu'après une seule séance on constate un résultat aussi frappant, pourquoi ne pas continuer le traitement ? Janet ne donne pas, à mon avis, une réponse satisfaisante. Il reconnaît que la période d'influence se prolonge en raison de la durée de la séance hypnotique. Il parle avec un grand respect des hypnoses prolongées de "Wetteretrand et il reconnaît qu'elles coïncident bien avec son expérience. Mais l'idée ne semble pas lui être venue d'essayer la méthode de Wetterstrand. Il raconte seulement avoir vu. dans certains cas, de véritables métamorphoses après un somnambulisme maintenu pendant plusieurs jours. On sait que, d'après
la méthode de Wetterstrand. le malade est tenu pendant plusieurs semaines dans le sommeil hypnotique. Une des indications principales de cette méthode de traitement est justement l'hystérie grave avec somnambulisme facilement provoqué. Xous voyons rarement de tels cas en Suéde : mais tous les malades soignés par Janet appartiennent à cette catégorie. Et l'on voit clairement par sa description qu'il ne prolonge le sommeil que par exception. Il ne fait point non plus d'essai relatif aux résultats que donnerait un traitement journalier. Janet ne nie cependant pas qu'il soit possible d'en retirer de bons effets :* il avoue tout simplement qu'il n'a pas eu le temps de poursuivre ce genre de traitement. En parlant des malades chez lesquels les périodes d'influence sont de courte durée, il dît : « Il en résulte que, pour les guérir, ou du moins leur donner l'apparence de la santé et de la raison, il faudrait les hypnotiser tous les jours. » Je me suis étendu longuement sur la méthode de Janet parce que je suis persuadé que sa doctrine, plus que beaucoup d'autres de date récente, est susceptible d'étayer cette opinion trop répandue que l'hypnose donne des résultats marquants mais de courte durée, qu'elle comporte certaines suites nuisibles et qu'elle ne peut s'appliquer qu'à un petit nombre d'individus.
? serait tentant d'examiner l'attitude que plusieurs autres autorités médicales ont prise à l'égard de l'hypnotisme. Toutefois, on peut conclure des relations ci-dessus qu'aucune entente ne s'est encore établie sur la valeur thérapeutique de l'hypnotisme. Quelle en est la cause ? Pour ce qui concerne l'Allemagne, cela tient à la manière dont les représentants de l'école de 2iancy se sont servis de l'hypnotisme dans ce pays pendant les 10 dernières années. Pendant les années 1892-1902 l'hypnothérapie avait en Allemagne un organe ayant pour titre : » Zeitschrift fttr Hyp-notisnms. Psychothérapie soivie undere psycho-physiotogische and psycho-palhologische Forschangen. » Il était rédigé, à l'origine, par Forel. Au bout de quelques années O. Vogt. prit en mains la rédaction. On a publié dans cette revue quelques-uns des meilleurs ouvrages écrits sur l'hypno-thérapie, et aussi beaucoup de casuistique. Dans le dernier numéro de la dixième année, publié le 2 mars 1902, Vogt fait connaître son intention de changer le programme de la revue. Il semble considérer que l'hypnotisme est maintenant aussi accepté qu'il peut l'être. A propos d'une revue neurologique assez importante, publiée à Berlin, et pour qni la psychothérapie n'existe pas, il dit que cette opinion est, de nos jours, en général, heureusement dépassée et qu'elle représente un vestige isolé du temps jadis. Il juge aussi que l'heure est veuue de faire disparaître de la revue la casuistique. Celui qui. à l'avenir, voudra s'enquérir de casuistique hypnotique, c'est à dire voudra savoir à quoi peut servir l'hypnotisme en thérapeutique, devra se reporter aux 10 premières années de la revue. Il est clair que cette décision de retrancher le casuistique a mis fin à l'influence que cette revue exerçait en matière d'hypnotisme sur les cercles médicaux. Vogt changea, en même, temps le titre du journal qui fut alors intitulé « Journal ftir Psychologie and Neurologie. Ce titre
même semble marquer que lout intérêt pour Fbyp no thérapie doit cesser et que la revue-prendra un caractère exclusivement scientifique. En d'autres termes, tout ce changement constitue uniquement une manifestation d'un nihilisme thérapeutique quasiscientifique qui. heureusement, est assez suranné. Cette tendance apparaissait déjà quelques années auparavant. Le disciple de Vogt, Brodmann, écrivait en 1898 dans une série d'articles : « Zur Méthode der hypnotischen Behandlung » que lui et Vogt n'hypnotisaient que les malades qui le proposaient eux-mêmes. C'est, en fait, une déclaration de faillite. Il est évident que l'on ne soumet pas une personne aux procédés hypnotiques sans son consentement. Si quelqu'un éprouve de la répugnance à subir un traitement hypnotique on ne doit pas trop vivement insister pour qu'il s'y soumette. Il suffit de lui montrer que ses répugnances ou ses craintes vis-à-vis de l'hypnotisme sont ?ans fondement aucun. Si toutefois il ne veut pas se soumettre à un essai, il faut lui donner le loisir d'y réfléchir et ne prendre une décision pour ou contre qu'après un certain temps. Mais il y a naturellement une grande différence entre cette façon de faire et la désinvolture avec laquelle on laisse au malade le soin de décider quel est le traitement qu'il y a lieu d'employer.
(à suivre).
PfDAGQGE DES ENFANTS ANORMAUX
La cécité congénitale pour les mots imprimés
par M. le D* Yabiot, médecin en chef des enfants assistés.
Il arrive que des enfants, parfaitement développés et ayant l'intelligence ouverte pour leur âge, souffrent d'uue infirmité très pénible pour leur amour-propre. Us n'apprennent pas à lire, ou quand ils y arrivent, c'est très tard et avec une grande peine. Le centre de réceptivité pour les mots imprimés (pli courbe) n'est pas développé chez eux, ou bien il est touché au point de vuo fonctionnel. Vers l'âge de 15 ou 16 ans. cette infirmité disparaît d'habitude.
Chez l'enfant cette difficulté de la lecture s'accompagne d'un fonctionnement normal des diverses facultés. L'enfant entend fort bien, retient ce qu'on lui dit. mais n'aime pas à lire. Voici un petit gamin de 13 ans 1/2, intelligent, affectueux, ayant une mémoire excellente ; on lui donne un livre : il en épèle les mots comme ferait un enfant de 5 ans, en y mettant l'intonation anonnante que les enfants apportent à déchiffrer les mots qu'ils ne comprennent pas. Que deviendra cet enfant dans la vie ? Sans doute il lira plus tard comme tout le monde ; il pourra même se faire une jolie situation. On cite en Angleterre un chirurgien qui dans son enfance était atteint d'une affection de ce genre.
Les médecins anglais ont les premiers décrit cette singulière maladie. Elle semble assez répandue. Certains enfants n'apprennent à lire qu'avec une difficulté incroyable. On met cette impuissance sur le compte de la
mauvaise volonté, de la paresse. C'est un trouble du centre psychique de la lecture des mots imprimés dont ils sont atteints. Dans les écoles de Londres, on compte un de ces malades sur 2.000 écoliers. Si cette fréquence se retrouvait en France, il y aurait lieu de créer des classes spéciales pour cette catégorie d'enfants. En attendant, les praticiens sauront reconnaître cette infirmité auprès des enfants qui sont confiés à leurs soins et quand ils l'auront dépistée, ils obtiendront qu'on n'impute pas au mauvais vouloir chez un enfant ce qui est l'effet d'un retard de développement dont il n'est point responsable.
COURS ET CONFÉRENCES
La crampe des écrivains (1)
par M. le Professeur Raymond.
Une femme adulte essaie d'écrire : elle ne peut pas. Un tremblement saisit ses mains, envahit le poignet et le bras. Puis survient un petit accès convulsif. La main qui tremble se contracte sur le porte-plume ; celui-ci glisse entre les doigts. Il tombe. Impossible de le reprendre, de tracer nn mot. Cette femme est atteinte d'un spasme fonctionnel avec tremblement. C'est une des variétés qui constituent la crampe des écrivains. Il est d'autres types. Parfois la crampe ne survient pas immédiatement comme dans le cas présent ; elle n'apparaît qu'au bout d'une à deux minutes ; puis les contractions intempestives apparaissent ; mais' au lieu de se localiser sur les fléchisseurs elles atteignent les extenseurs. La main s'ouvre, le porte-plnme tombe encore. Dans d'autres cas, c'est un état parétique, une sorte de paralysie qui envahit les muscles ; la plume reste inerte, n'avance pas.
On pourrait croire que cette maladie ne frappe que les personnes qui écrivent beaucoup. C'est une erreur. Cette femme écrivait fort peu. H n'est pas toujours nécessaire que la crampe atteigne les muscles fatigués ; elle se localise à des muscles sur lesquels se fixe l'attention. Ce qui est tout autre chose. C'est ainsi que sont touchés des forgerons, des violonistes, des télégraphistes, des laitières qui traient leurs vaches. Les mouvements combinés dans un geste concerté deviennent impossibles, par ce fait qu'un état psychique concomitant se met de la partie. Ces malades sont des émotifs. Un comptable pou^i* aligner ses chiffres dans le sous-sol ; il lui devenait impossible d'écrire une ligne au premier étage, dès qu'il était en présence de son patron. Les parents de la malade actuelle étaient très impressionnables, elle-même dès son enfance avait des sentiments de scrupule et de perfection exagérés ; rien n'était assez bien. Elle se levait h quatre heures du mutin, redoutait la présence d'un grain de poussière sur ses meubles. A. vingt ans, elle se mit à vouloir faire de la calligraphie. En sorte qu'employée un peu plus tard dans un magasin de couture, elle ne trouvait jamais le nom do ses ouvrières. Un
(1) Préseuintlou de malade faite a H cltuiaue des maladies du système nerveux a la Salpotrière.
excès d'attention était portée chez elle sur un fait très simple, l'inscription de quelques noms propres. Un tremblement la saisit. Jamais elle n'écrirait assez bien et la crampe se constitue, telle qu'elle existe encore aujourd'hui.
Pour guérir de tels malades, les médicaments ne font rien. Certains moyens physiques, tels que les massages des muscles antagonistes, ne jouent qu'un rôle accessoire. Ce qu'il faut avant tout, c'est organiser un traitement psychotérapique. D faut rééduquer la volonté, rendre confiance aux malades, leur certifier la guérison. Montrer à cette femme que la calligraphie importe peu, qu'il lui suffit de copier les noms, que la patronne s'inquiète peu de l'élégance des jambages qui entrent dans les lettres.
Ce qui est dit pour la crampe des écrivains s'applique également à d'autres spasmes fonctionnels qui peuvent parfois coïncider avec celle-ci. Tels les torticolis spasmodiques. Que n'a-t-on fait contre cette dernière maladie 1 Les chirurgiens s'en sont emparés, ont coupé le sterno-mastoïdien, le spinal. Un simple traitement psychique agit d'une façon bien plus sûre et sans faire courir aucun risque,
FOLKLORE ET CROYANCES SUPERSTITIEUSES
Le culte du Vaudoux
Originaire du pays d'Ajuda sur la côte d'Afrique, au dire d'Elisée Reclus, le culte du Vaudoux, qui consiste essentiellement dans l'adoration du serpent, était pratiqué à la fin du dix-huitième siècle, à Saint-Domingue, par des noirs transportés, d'après Moreau de Saint-Méry, du territoire de Juda et qui prétendaient venir du royaume d'Aradra.
Le Vaudoux, adoré sous la forme d'une inoffensive couleuvre ou d'un serpent non venimeux, est l'être surnaturel et tout-puissant qui préside aux destinées de l'univers ; c'est l'Etre suprême qui sait tout, qui connaît tont, — passé, présent, avenir, — qui voit tout, et qui est le maître absolu des événements, des choses et des hommes. Sa puissance est infinie. De lui, on peut tout obtenir. Sans lui, rien ne peut exister. La vie dépend de son caprice. Aussi, faut-il aveuglément obéir à ses ordres et à ses moindres désirs.
Les sectateurs du culte du Vaudoux forment une association essentiellement secrète. Malheur à qui révèle seulement l'existence du Vaudoux !
Dominant le groupe des zélateurs sans titre et sans prestige, des prêtres, nommés papalois. et des prêtresses, appelées matimanlois, se distinguent par la coloration plus ou moins rouge foncé des mouchoirs dont ils couvrent différentes parties de leur corps, au cours des cérémonies rituelles. Au-dessus do tous est le grand-prêtre, le roi, l'incarnation humaine du dieu Vaudoux, le dépositaire de la puissance et de la volonté divines.
Choisi par les adeptes, le roi, le chef des papalois, se reconnaît à la
splendeur, à l'intensité du coloris rouge et au nombre des mouchoirs qui enveloppent son corps. Autour de sa tête, en guise de couronne, s'enroule une étoffe du même genre, mais particulièrement belle et d'une rougeur éclatante. Le cordon bleu qui ceint ses reins est un autre emblème de sa royauté.
C'est au roi Vaudoux qu'appartient le choix de la grande-prêtresse, de la reine, de la pythonisse noire. Comme il convient, c'est l'amour qui marque au front l'élue et qui l'élève sur le trône et l'autel du Vaudoux,
Vêtue plus modestement que son royal époux, la reine rend ses arrêts, le tronc et l'abdomen simplement couverts de mouchoirs aux teintes rouges et le ventre serré avec une cordelière rouge.
Mystérieusement réunis la nuit, dans la profondeur des bois les plue épais, loin des regards des profanes, dans les temples ordinairement improvisés et plus que sommairement ornés, les adeptes du Vaudoux, les pieds chaussés de sandales, se rassemblent en prenant mille précautions.
Sur l'autel posé dans un des angles du local se trouve une caisse à claire-voie qui permet aux fidèles de contempler les traits augustes du dieu Vaudoux lui-même, la couleuvre sacrée.
Immobiles, près de l'autel, se trouvent le grand-prêtre et la grande-prêtresse.
La cérémonie débute par une muette adoration de la divinité.
Tour à tour, le roi et la reine mettent en lumière les pouvoirs surhumains du Vaudoux. son omnipotence, sa bonté envers ses fidèles, les terribles effets de sa colère et la nécessité de l'implorer pour obtenir see faveurs.
Les sectateurs se présentent successivement devant l'autel et font une prière, une demande.
Le chef des papalois écoute attentivement, lève la tête au ciel, cherche l'inspiration, puis posant rapidement le tabernacle par terre, il fait monter dessus la grande-prêtresse.
L'œil hagard, le corps électrisé, la pythonisse saisie d'un tremblement convulsif rend ses oracles. Aux uns des promesses ; aux autres des menaces.
Les frais du culte sont à la charge des fidèles. Suivant sa fortune, chacun dépose son obole dans un chapeau soigneusement recouvert. Ainsi constitué le budget du culte a des ressources illimitées et échappe à tout contrôle.
Le serment d'obéissance au Vaudoux est solennellement prononcé,, et les adhérents doivent exécuter aveuglément toutes les volontés du dieu.
Le roi, mettant le pied en contact avec la cage qui renferme la couleuvre sacrée, est saisi d'un tremblement général, mais plus marqué au niveau du tronc, des membres supérieurs et de la tête.
Le tournoiement commence en même temps qu'éclatent, rudes et brutales, les strophes barbares de l'hymne sacramental qui a été composé dans les profondeurs des forêts africaines :
Eh, eh, Bomba, hen, hen, — Canga bafiote — Canga moan di — Canga doki la — Canga doki la — Canga li.
La chanson, reprise en chœur, a des effets irrésistibles.
Têtes et épaules sont agitées de mouvements convulsifs violents, cependant que la reine secoue frénétiquement les grelots de ta cage et qne les strophes de la chanson africaine s'élèvent stridentes dans l'air, accompagnées de sanglots, de cris, de hurlements furieux, de chutes de corps qui se tordent dans des spasmes hystériformes. La folie esta son comble. Rien ne pourrait arrêter la bacchanale, entretenue par des rasades d'alcool qui amènent un délire général : ici des convulsions, là des syncopes, ailleurs des contorsions, des grincements de dents, des cris gutturaux, des actes de violence, des morsures. Finalement, la scène se transforme en un immense rut, qui épuise ces pauvres êtres dans une dernière frénésie.
Quant par hasard, dans le silence de la nuit, l'écho lointain de ces chants arrivait jusqu'aux oreilles des non-initiés, la maréchaussée était mise sur pied (d'Allaux).
Tel est le rite classique du Vaudoux. Mais à Saint-Domingue s'étaient introduites dans l'exercice de ce culte différentes pratiques, empruntées au catholicisme, qui se mariaient au cérémonial africain.
D'autre part, sous l'influence de quelques tribus anthropophages africaines, en particulier des Moudongues aux incisives limées et aiguës, des sacrifices sanguinaires s'ajoutèrent aux danses et aux excès vénériens et alcooliques.
La cérémonie comportait d'abord regorgement des coqs et de chevreaux blancs. Excités, les sectateurs buvaient le sang de ces animaux.
Mais la fête n'était complète que s'il était loisible aux adeptes du Vaudoux de se livrer à des actes de cannibalisme.
TJn chevreau blanc sans corne, c est-à-dire un enfant blanc, était dérobé puis dans le plus grand mystère conduit en pleine forêt et égorgé. Le sang encore chaud était distribué aux assistants, qui le buvaient, tandis que l'on dépeçait les membres et le tronc de la victime dont les chairs pantelantes étaient dévorées.
Ces sacrifices humains avaient lieu particulièrement à Pâques, la veille de Noël, le jour de l'An et à la fête des Rois.
Ces coutumes anthropophages ont. existé surtout à Saint-Domingue, à Cuba, à Porto-Rico. à la Nouvelle-Orléans et dans le Honduras.
Le culte du Vaudoux subsiste encore à Cuba, eu Haïti, en dépit des défenses de Toussaint-Louverture. Pierrot. Thirlonge et surtout l'ineffable Soulouque ont favorisé les pratiques cannibales. Sir Spencer Saint-John avance que la proscription du culte vaudoux a été une des causes de la chute du président Geffrard et de Boirond-Canal.
Sans doute, ces réunions absolument secrètes sont le plus souvent ignorées. Mais à Haïti, le gouvernement, les cercles dirigeants sont au courant des monstruosités qui se commettent dans les bois. On chuchote
même parfois le nom d'un sectateur haut placé, mais la consigne est de méconnaître l'existence de ces affreuses coutumes.
Malgré l'intervention de puissantes et occultes influences, de temps à autre le scandale éclate, dépasse les limites des frontières insulaires, et stn: éfie les nations civilisées.
Ne serait-il pas préférable de mettre h nu l'ulcère honteux et de tenter sa guérison par l'extirpation totale, radicale et systématique ?
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie
La séance de rentrée de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lien le mardi 19 janvier, k 1 heures et demie, sous la présidence de M. le docteur Jules Voisin, médecin de la Salpétrière.
Les séances de la Société ont lieu le troisième mardi de chaque mois. Elles sont pnbliqnes. Les médecins, les étudiants et les membres de l'enseignement sont invités ? y assister.
Adresser lee titres des communications a M. le l)1 Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane et les cotisations h M. le Dr Paul Ferez, trésorier, 1M, boulevard Îiiiti-Hiiumu.
Communications déjà portées à l'ordre du jour: 1° Professeur Bésédikt, de Vienne : Magnéto-thérapie et suggestion. 2° M. Qoqcqce, directeur de l'Etablissement médico-pédagogique de Créteii : L'éducation de la parole chez les entendants atteints de mutisme. S* Dr Bébillon : L'anorexie des adolescents.
4" D' Fap.ez : Un cas de sommeil hystérique avec personnalité subconsciente.
5° M. Bagukr, directeur de l'Institut départemental des Sourds-Muets : L'état actuel
de l'Instruction publique pour les anormaux d'école. 6° Dr Chichtox Miller, de San Remo : Climatothérapie et suggestion. 7e D[ Bodolphe Broda : Les religions nouvelles en Australie.
8».Dr "Witrv, de Trèves-snr-Moselle : Notes historiques sur l'homosexualité en France.
9° D' Bartbx de Sandïobt : L'homo-sexuallté en Chine et au Japon.
10° Dr Chavigxy : La psychothérapie des tics et les procédés adjuvants.
11° M. Boccbard. médecin dentiste : L'anesthésie hypnotique en art dentaire.
12° Dr Jnles Voisra : Education du sens musculaire ; influence de ce sens sur le développement de l'intelligence.
13° M. Lei-isaï. médecin-vétérinaire : 1° La durée de l'incnbatlon dans la réalisation des suggestions hypnotiques ; 2° Quelques phénomènes de l'olfaction chez les animaux.
14° M. A.vaetat |de Marseille): Les rapports biologiques du sommeil et de l'hypnose.
Les faux miracies
A propos des faux miracles permettez-moi de vous signaler un miracle de Lmurdes dont un jngement de tribunal vicnt.d'nne façon tout k fait inattendue,de confirmer la réalité.
Vers la fin de 1907, Alphonse Alliaurae, domestique dans une ferme normande, fut blessé grièvement par un taureau. Il obtint judiciairement sept mille francs de dommages-intérêts pour son bras gauche paralysé et pour une blessure suintante dans la région des reins.
Survint le pèlerinage national k Lourdes de 1908. Alliaurae s'en futil la grotte ; quand il revint — est-ce l'effet de la suggestion ? — son bras commençait a se mouvoir, et le temps aidant, la plaie se cicatrisait.
Alors son patron, averti, alla devant la cour d'appel et réclama un nouvel examen d'où il résulta que les dommages furent estimés par les juges à S.ÛOû francs seulement*
Le voyage de Lourdes avait conté au jeune vacher une somme assez importante. De ce qui précède il résulterait pour lui un dommage réel. Il paraît que ce n'est pas la première foie qu'un Jugement de tribunal aurait reconnu pour valable une gué-rison obtenue à Lourdes et en aurait déduit la suppression de l'indemnité accordée ponr la blessure. L" M.
Un couple de fumeurs d'opium
M. Anglade a présenté récemment à la Société de médecine de Bordeaux un couple de fumeurs d'opium. Le mari, flgé de cinquante ans, se trouvait en Indo-Chine ? l'âge de vingt-trois ans, et c'est la qn'il a commencé a fumer. Recevenr en France, U a reprie son habitude, s'est marié, et depuis 1891, mari et femme ont fumé l'opium tons les jours (10 grammes d'extrait tontes les semaines). Le mari est calme ; la femme commence à délirer, a des terreurs constantes. En fumant l'opium, le mari fume du tabac, la femme boit du vin. M. Anglade croît cependant que le délire toxique est dû à l'opium, qui a développé chez la femme un délire dont avait déjà souffert la mère de la malade.
A ce sujet M. Petit de la Villéon a fait remarquer que le malade n'a pas l'allure du fumeur d'opium, On peut expliquer l'absence de certains signée par ce fait que le sujet fume de l'extrait d'opium français, différent de l'opium indo-chlnols. Quant a la femme,elle a du délire terrifiant, or le délire de l'opium est un délire heureux, aboutit A l'ataraxie. Cela tient probablement au mélange de deux intoxications.
L'activité psychique chez les neurasthéniques
M. René Lanfer a en l'Idée d'examiner les résultats de cette activité psychique comparativement avec ceux que donne un travail intellectuel déterminé et conçu d'avance. H a étudié les réactions nerveuses (temps de réaction, sensibilité tactile épreuves de mesure de l'attention et de la mémoire) entre neuf heures et onze heures du matin chez les neurasthéniques sténographes et dactylographes, en les laissant livrés à eux-mêmes on en leur faisant exécuter us travail d'une heure. Chez le professionnel normal, ce travail • extérieur > détermine déjà une fatigue mesurable, et, chez le neurasthénique, II demande un effort marqué. Or, malgré l'apparence, les réactions du neurasthénique. livré a ses préoccupations, montrent toutes nne plus grande fatigue qne quand 11 accomplit son travail extérieur, cependant très absorbant. Pour se rendre compte de l'importance de ce travail • interne >, psychique, M. Laufer a étudié les réactions chez des sujets normaux, mais ayant des préoccupations particulières a certaines dates fixes. 11 a constaté alors, chez eux, un retard très marqué du temps de réaction et un espacement du seuil de la sensibilité au compas. La fatigue du neurasthénique est en grande partie le fait d'une trop grande dépense de force psychique. Fondamentalement, les neurasthéniques sont des neurhypersthénlquee.
Inauguration de la Clinique du cœur
M. le ! »¦ Huchard vient de fonder une Clinique spéciale pour les maladies dn cœur rue Blomet, otise presseront bientôt en foule les malades attirés par la réputation du maître.
Hons tenons à redire une dernière fois combien il est fâcheux que SI. Huchard dont les travaux sur les cardiopathies font autorité, dont Io talent comme professeur a été universellement apprécié, n'ait pas été pourvu d'une chaire officielle qu'il avait si bien méritée. Jadis, le gouvernement créait des chaires a la Faculté pour les hommes qui honoraient la science et la médecine française. Il en fut ainsi pour Rayer, pour Germain Sée, pour Charles Robin, etc. Il est regrettable que ces traditions n'aient pas été conservées par le gouvernement de la République.
Hucliard a eu quelques adversaires, mais il a eu tant d'admirateurs et aussi de si bons «mis qu'il serait mal venu a s'en plaindre. C'est ce que lui « fait entendre dans une allocution touchante le professeur Albert Bobln lors de l'Inauguration de la Clinique du cœur.
M. Albert Robin a paraphrasé le fameux vera de Boiloau :
Au Cld persécuté. Cinna doit sa naissance, lorsqu'il a dit a Huchard :
¦ Les amis, c'est de la beauté, c'est une sorte de réalisation d'un idéal .1 la fois abstrait et effectif qui satisfait un besoin luné de notre être. Mais les ennemis, c'est la libération dé la force, c'est le stimulant de l'énergie, c'est la consécration de toute valeur, puisqu'ils ne s'attaquent qu'aux choses victorieuses, et c'est enfin la plus retentissante des fanfares de la Renommée. >
¦ Les omis vous ont aidé a supporté les douleurs et les désillusions de l'existence ; Ils vous ont donné, aux heures sombres, b» douceur de leur tendresse et la confiance de leur appui. Mais les ennemis, ait ! les ennemis, ils ont eu un role plue actif, puisqu'ils vous ont forcé a développer bien des ressources latentes de votre intelligence. Leur notion a provoqué en vous la réaction créatrice, tel le puissant engrais qui affine le parfum des fleurs et double les moissons. Et n'ont-lls pas été parmi les metteurs en train, ceux qui ont le mieux aiguisé votre spontanéité ?
¦ 'Tous êtes, mon cher ami. un admirable exemple de leur utilité.' Toutes vos qualités originelles, ils ont contribné a les forger. Vous leur devez beaucoup, comme nous tous.
« Et c'est pourquai, après avoir dit ma vieille affection et mon admiration pour votre œuvre, je no puis m'empécher de songer avec un peu d'attendrissement à ces fructueux ennemis, d'autant pins que la création de cette clinique leur sera un nouveau motif de tristesse et d'acrimonie : et il est juste et 11 m'est doux, puisque c'est Justice, de leur envoyer, d'accord nvçc tous ceux qui sont loi d'accord avec vous, j'en snls sur, le salut reconnaissant de notre gratitude. Ils ont assez bien travaillé pour mériter cela, sans parler de la besogne qui leur Incombe encore. »
NÉCROLOGIE
Le professeur Alix Joffroy
Elève de Yulpian et de Charcot, le professeur Joffroy avait publié, en collaboration avec ces maîtres, d'importants travaux en neurologie ; il était resté orienté dans cette voie.
Appelé plus tard par la Faculté à la chaire des maladies mentales, à l'asile Sainte-Anne, il se montra le digne successeur de Benjamin Bail. Joffroy était un homme d'un grand savoir, mais sa modestie ne permet-lait pas d'appréc er toute sa valeur. S'intéressant vivement aux études sur l'hypnotisme, il reconnaissait qn'il ne les avait pas assez approfondies pour se fier k sa compétence. Pans tous les cas. il ne manqua jamais aucune occasion de nous prodiguer ses encouragements. Lors du banquet donné en l'honneur de notre directeur, il avait envoyé au comité son adhésion et sa cotisation. Il avait également accepté d'être membre du comité de patronage de la Société d'hypnologie et de psychologie. Xous adressons à sa mémoire un souvenu* reconnaissant. Dr B;
MlalSiraieiir : j. BÉRILLON. Lïï Emut : Constant LAURENT. Privas
Privas, Imp. C. Liureni. i.venue du Vanel.
¦ 1- iv /
?3" ANNÉE. — ?• 7. '^i^osi- Janvier 1909.
La décoration des Dre Jules Voisin et Caxnlas. — Eloge de Berthelot, par SI. Francis Charmes, a l'Académie française. — Le trac des coiffeurs )DC Paul Maguln). — Le Jubilé du professeur Gréhant. — Le banquet en l'honneur du professeur Lionel Dauriac.
Au moment de noire tirage, nous apprenons la nomination, dans l'ordre de la Légion d'honnenr. de M. le D' Jules Voisin, président de la Société d'hypnologie, et de il. le Dr Cazalas, de Bagnères-de-BIgorre, membre de cette Société. Nous célébrerons cet heureux événement dans notre prochain numéro.
*
* a
Le 7 janvier, dans son discours de réception à l'Académie Française, M. Francis Charmes a célébré l'existence glorieuse de son prédécesseur, Marcellln Berthelot. Xous voudrions reproduire les pages éloquentes dans lesquelles il expose la grandeur de l'œuvre géniale do Berthelot, mais aussi l'élévation de son caractère et la puissance de eon esprit philosophique. Mais l'étendue de ce discours ne uous le permet pas, et nous devons nous borner, en nous associant aux éloges prononcés eu l'honneur du grand français que fut Berthelot. a rappeler que M. Francis Charmes a cité les principaux passages du discours prononcé par Berthelot en janvier 18W, à la réouverture des cours de l'Ecole de psychologie.
Berthelot qui venait d'être cruellement frappé dans ses affections familiales, formula, avec une éloquence Incomparable, les doctrines qui Ini semblaient devoir servir de point d'appui aux esprits animés de l'esprit philosophique.
Après avoir affirmé une fois de plus l'antagonisme irréductible entre les religions et la raison, outre la science et le mysticisme, Il félicitait les élèves de l'école de psychologie de se cantonner avec sagesse sur le terrain solide dn relatif, convaincu que c'était la ce qu'on pouvait trouver quelques règles certaines pour améliorer les conditions physiques et morales qui président à l'organisation sociale. Enfin, après avoir défini le rule des principales phases de la vie humaine, Berthelot se félicitait de pouvoir terminer sou existence en aidant de toutes ses sympathies la jeunesse dans l'effort éternel do l'humanité vers le chemin de la vérité vers te bien, vers l'idéal.
U ne sera jamais donné aux auditeurs de l'Ecole de psychologie d'entendre des sentiments plus nobles, ni plus élevés. C'est pourquoi nous sommes infiniment reconnaissants a M. Francis Charmes d'avoir évoqué cette journée de janvier 1891, qui restera la date la plus glorieuse de notre Ecole.
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M. le professeur Régis vient de présenter k la Sociélë de Médecine de Bordeaux, on homme de trente ans d'une Impresslonnabillté- très grande, qui exerce la profession de coiffeur. Il y a deux ans et demi, après avoir rasé toute la matinée et très fatigué, Il eut dans la main un léger tremblement, perçu par un client qui lui en fit la remarque. Il en éprouva une émotion très vive. A partir de ce moment, appréhension émotive de trembler en rasant ce client, puis d'antres, et production du tremblement sous l'influence de cette crainte même.
C'est ainsi que s'est constituée chez le malade une phobie professionnelle, devenue aujourd'hui une obsession continue et des plus angoissantes, qui lui rend impossible, surfont à certains moments, l'exercice de son métier. M. Bégis a observé trois autres coiffeurs, atteints de la même obsession phobique, dont deux frères, qui se contagionnèrent l'un l'autre.
?? s'agit lù d'une phobie professionnelle. ù buse de timidité, d'appréhension, telle qu'on l'observe, entre mitres, dnns ce qu'on ? Hppellé le trne des artistes.
A ce sujet, on nous permettra de rappeler qne dnns un ouvrage intitule" : Phobia neurasthéniques envisagées .tu point de vue professionnel, para dans la Ilevue de l'hypnotisme d'août 1894. le !>' Bérillon a démontré que les phobies neurasthéniques présentent très fréquemment uu caractère professionnel. Après avoir fait remarquer que ce fnlt n'avait Jueqj'nlors pas frappé l'attention des autours. Il citait un assez grand nombre de cas dnns lesquels les phobies de ses malades se rattachaient à leurs travaux habituels. Enfin sa communication se terminait pari'observation suivante, qui nous parait mériter d'autant mieux d'être rapportée in-extenso, que les observations du professeur Régis confirment absolument ce que le Dr Bérillon disait en 18Ô4 :
* Une des dernières observations qne none avions recueillies concerne un ouvrier coiffeur âgé de Si ans dont les anxiétés neurasthéniques ont débuté en 1SSS. Il s'aperçut, en servant un de ses clients, que sa mntn tremblait. Pris de peur, il demanda à s'absenter quelques minutes, mais ne revint pas, et ce fut un de ses collègues qui fut obligé de terminer l'opération. Depuis lois la phobie est toujours allée en s'acceutuant. Ce qn'll craint, ce n'est pas de couper le client, mais que celui-ci ne s'aperçoive du tremblement. A cette appréhension s'en Joint une autre, celle de perdre sa place ? laquelle il tient beanconp.
¦ Il est employé habile, et Justement h cause de son habilité même, le patron de l'établissement oii il travaille l'a choisi pour le raser tous les matins. Or la crainte qne le patron constate le tremblement s'accroît en raison directe dn désir qn'il a de conserver sa réputation d'ouvrier exercé. Etant recherché par les bons clients, ceux qui se montrent le plus généreux, c'est Justement lorsqu'il se trouve apppelé k raser une personne qu'il considère comme un bon client qne son anxiété apparaît et détermine le tremblement tant redouté. Ln même anxiété n'existe pas. ou elle est négligeable, quand 11 s'agit d'un client inconnu ou de qualité secondaire. IA apparaît nettement l'autosuggestion. Il nons a été facile do remonter au point de départ de cette phobie professionnelle. Sans être intempérant, le malade accepte volontiers quelques apéritifs. ? en est résulté un alcoolisme latent et atténué, mais suffisant pour lui rendre la main moins sûre. Le léger tremblement l'a inquiété, il s'est demandé si sa réputation d'onvrler habile n'en serait pas compromise, et comme cette réputation n'a sa raison d'être qu'à l'égard des clients exigeants, difficiles à satisfaire qui se rencontrent le plus souvent dans les classes aisées, sa phobie,son anxiété n'apparaissent dans toute leur Intensité que lorsqu'il se trouve en présence de clients de cette catégorie.
¦ Désireox de se guérir, il s'est soumis nu traitement hypnotique. Des la première séance, bien qu'il eût présenté une résistance due à une appréhension non rnisonnée de l'hypnotisme, Il fut profondément endormi. Les suggestions appropriées ont eu un résultat satisfaisant, puisque mon confrère M. le Dr Rollin. qui me l'avait adressé, le considère comme guéri.
« Personne ne sera surpris du caractère professionnel des phobies nenrasthénl-qnes. On connaît ln tendance qne les divers spasmes fonctionnels ont h se localiser spécialement dans les muscles mis en exercice dans les diverses professions.
« Les necroses psychiques, ajoutait le B~ Bérillon, affectent les mêmes tendances aux localisations professionnelles et c'est un caractère qui permet de les distinguer des tésanies véritables. Il est en effet difficile de considérer comme un symptôme d'alié' nation mentale des sensations qui ne sont que l'exagération pathologique de sensations normales. »
Le travail publié en 1894 par le Dr Bérillon dans lequel U mettait très nettement en lumière le role joué par les préoccupations professionnelles dans Pédologie des phobies neurasthéniques n'a pas perdu de son intérêt puisqu'un observateur de la hante vnlenr de M. Régis vient en confirmer l'importance. La Hevue de l'hypnotisme renfermo dnns les vingt-deux volumes publiés jusqu'à ce jour un nombre considérable de faits nouvenux et de documents inédits auxquels il n'a manqué
probablement, pour être estimés à leur jusle valeur, que d'être publiés par des per-rsonnages investis de fonctions officielles.
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Ce fut une imposante cérémonie que celle ô laquelle nous avons en le plaisir -d'assister le 13 décembre an Muséum d'Histoire naturelle. Le professeur Gréhant nous «voit conviés a une très intéressante conféreuce sur les Bisques professionnels des mineurs de charbon. Le grand amphithéâtre était bondé d'auditeurs. M. Edmond Porrier. directeur du Muséum, assisté de la plupart des professeurs, était assis au premier rang. Lans la salle nous avons reconnu beaucoup de notabilités seientifi--qnes. en particulier M. le Dr Jules^Volsïn, président de la société de pathologie comparée, et le bureau de cette société.
Xous connaissons tous le charme de cette voix si douce et si modeste, de cette parole si correcte et si claire de ce maître délicieux. Mais cette fois le savant professeur Gréhnnt s'était surpassé et les applaudissements qui n'ont cessé de retentir du commencement a la lin de ln conférence, étaient plus mérités que jamais.
Au cours de cette conférence, le professeur a présenté les Ingénieux appareils qu'il a imaginés ponr le dosage des quantités les plus minimes du grisou.
Grace a ces appareils, on peut dire que le plue cruel ennemi des mineurs sera valncn, dés que les pouvoirs publies en exigeront l'application dans les galeries des mines de houille.
Après la conférence. M. Edmond Perricr en quelques paroles vibrantes d'émotion, a rappelé aux auditeurs que, en ce jour, M. Gréhant fêtait le trentième anniversaire de son professorat :
• La plupart des professeurs. u-t-11 dit, célèbrent do tels anniversaires en se reposant et en se réjouissant en fumille. M. Gréhant, lui, la consacre au travail et ne paraît mime pas se douter que nous fêtons son jubilé. »
Aux applaudissements de toute l'assistance, il a retracé en quelques mots toutela vie de labeur de ce savant, si sympathique a tous.
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Les professeurs de l'Ecole de psychologie voulant célébrer la promotion dans l'ordre de la légion d'honneur de leur eminent collaborateur M. le professeur Lionel Daariac, se sont réunis en un banquet le mardi 15 décembre, au Palais des Sociétés Bavantes.
A l'issue de cette cordiale réunion des toasts furent portés par ?3G. les docteurs Jules Voisin, Bérillon, Paul Jlagnln, Paul Ferez.
Chacun trouva dans sa profonde affection pour le vénéré représentant de l'école de Renouvier, les paroles qui pouvaient le mieux exprimer les sentiments de tous.
M. le professeur Lionel Daurlac, professeur honoraire à la Faculté des Lettres de Montpellier, collaborateur pendant de longues années il la Critique Philosophique, introducteur a la Sorbonne de l'enseignement de la psychologie musicale, auteur de livres réputés, bibliothécaire de la Bibliothèque CouBÎn à la Sorbonne, est de ceux dont la carrière, faite de services désintéressés, honore les distinctions. L'Ecole de psychologie a laquelle il ? apporté avec mut de bienveillance le concours de son autorité, était particulièrement désignée pour exprimer a M. Lionel Dauriae les sentiments de reconnaissance de ses nombreux élèves. On ne manqua pas d'associer à cette fête de famille, madame Danrlac, la compagne dévouée do maître.
La fête se termina par une allocution dans laquelle M. Lionel Danrlac résuma les idées philosophiques qui l'avaient Inspiré pendant sa longne carrière et les assistants se séparèrent sons le charme que laissait cette véritable fête de l'amitié et do la psychologie.
TRAVAUX ORIGINAUX
Psychologie de l'olfaction : La fascination olfactive chez les animaux et chez l'homme (1)
par m. le D' Bebillox, professeur k l'Ecole de psychologie.
(Suite)
m. L'Olfaction comparée chez l'homme et chez la femme.
Chez les animaux, les sensations olfactives et gustatives sont les premières uni se manifestent après la naissance. Des expériences poursuivies par un certain nombre d'auteurs, et en particulier par Prayer ont démontré que des mammifères nouveau-nés distinguent, peu d'heures après leur naissance, les odeurs agréables des odeurs désagréables. H faut pour cela que les impressions produites soient suffisamment fortes.
Dès les premiers jours, les substances fortement odorantes peuvent provoquer chez l'enfant des réactions de défense. Kussmanl, faisant arriver dans le nez d'enfants nouveau-nés endormis, de la vapeur d'flssa fœtida, a vu qu'ils resserrent les paupières, grimacent et se réveillent. G-enzmera noté qne de la macération d'assa fœtida étendue sur la lèvre supérieure des enfants éveillés ou endormis, produisait chez eux des mouvements de dégoût.
Dans aucune de ces expériences, les observateurs ne se sont accupés du sexe de l'enfant. Ce n'est qu'à une période assez récente que l'on s'est demandé s'il y avait une différence entre l'acuité olfactive de l'homme et celle de la femme.
Brillât-Savarin, auquel on doit tant d'ingénieuses observations sur la physiologie du goût, considère que sans la participation de l'odorat, il n'y a pas de dégustation complète. Selon sa pittoresque expression, l'odorat et le goût ne formeraient qu'un seul sens, dont la bouche est le laboratoire et le nez la cheminée. « Four parler plus exactement, dit-il, le goût sert à la dégustation des corps tactiles et l'odorat à la dégustation des gaz. » Comme corrolaire à cette première proposition il ajoute les affirmations suivantes :
1° Tout corps sapide est nécessairement odorant ; ce qui le place dans l'empire de l'odorat comme dans l'empire du goût.
2° On ne mange rien sans le sentir avec plus ou moins de réflexion et pour les aliments inconnus, le nez fait toujours fonction de sentinelle avancée, qui crie : qui ca là ?
3° Quand on intercepte l'odorat, on paralyse le goût.
Il en résulte que le parfait dégustateur devra par ce seul fait être considéré comme doué d'une acuité olfactive très développée.
S'il en est ainsi, on peut en inférer à priori, que la femme est moins bien douée que l'homme au point de vue de l'olfaction, car sa sensibilité gustative est assurément moins grande.
(1) Voir les numéros précédents.
Dans les entrepôts de vins ou dans les magasins de produits alimentaires, les dégustateurs sont toujours des individus du sexe masculin, Pour ces fonctions sédentaires qui pourraient convenir k la délicatesse féminine on n'a jamais eu l'idée de recourir à des femmes.
Si le terme de dégustateur est fréquemment employé, par contre,d'après les dictionnaires, celui de dégustatrice est inusité. La qualification de gourmet est également l'apanage exclusif de l'homme et je gage que personne n'a jamais eu l'idée, en parlant d'une dame de déclarer qu'elle était une * fine gourmète. »
C'est un fait bien connu quo la grande majorité des femmes n'apprécie que très faiblement le bouquet des vins généreux. Elles préfèrent les vins de champagne dont le pétillement charme les yeux, mais dont les différences de saveur se résument dans les trois mentions : doux, dry ou extra dry...
En Bourgogne, il m'est arrivé de voir des viticulteurs assez embarrassés pour distinguer les produits de leurs crus, fortuitement mélangés. Dans ce cas, ils avaient recours il la mémoire gustalive ou olfactive de leurs fils, souvent très exercé.
' Us n'auraient pas même eu l'idée de demander à leurs filles si elles savaient qu'il y avait une différence au goût entre divers crus également renommés.
Nos cuisiniers qui ont porté dans les pays les plus lointains la gloire de la cuisine française, le doivent a la délicatesse de leur goût qui leur permet do varier à l'infini la saveur de leurs compositions culinaires. Nos cuisinières, quel que soit leur habileté, n'ont jamais émis la prétention de soutenir la rivalité avec leurs congénères masculins..
Dans certains pays, les jeunes filles aiment à se parer de fleurs. A •Seville, vous ne rencontrerez jamais une espagnole dont la chevelure ne soit ornée d'nn bouquet. Mais en réalité, elles ne se préoccupent pas du parfum, la couleur éclatante détermine surtout leur choix, à la rigueur, elles sauraient se contenter de roses artificielles.
Chez les grecs, le dieu de l'amour. Cupidon était représenté avec un bandeau sur les yenx. Les poètes ont souvent répété qu'il se comportait comme un aveugle ; ils n'ont jamais critiqué la finesse de son odorat, ni insinué qu'il fut anosmique. Par contre, les yeux de Vénus sont figurés toujours bien ouverts et aucune tare masculine ne saurait échapper à la vivacité de son regard.
Paut-il conclure de ce qui précède que l'homme, gourmet, plus délicat et dégustateur plus habile, le doit au développement accentué de son olfaction. De graves physiologistes soutiendront qu'une telle affirmation serait prématurée. La science ne se contente pas d'aj erçus aussi sommaires. Il lui faut, pour se décider en connaissance de cause, l'intervention d'instruments plus ou moins compliqués, désignés sous le nom d'otfacio-mètres. A vrai dire, l'olfactométrie nous parait être encore dans l'enfance de l'art. Jusqu'à présent les plus habiles expérimentateurs n'ont pu trouver mieux que de faire flairer à leurs sujets des solutions odorifé-
rantes à doses progressh-ement décroissantes. Voici ce qu'ils auraient obtenu :
Eu 1884, MM. Xichols et Bailey ont communiqué k l'académie des sciences de Kansas (Etats-Unis) les recherches qu'ils avaient poursuivies chez les étudiants des deux sexes de Y Academy. Ils délayaient dans de l'eaudes matières fortement odorantes : de l'essence de girofle, de l'ailr de l'acide prussique.
Après avoir préparé une série de vases et de solutions de forces très différentes, variant de 50 °/0, ils imitaient le sujet à reconstituer la série naturelle, en se guidant par l'odorat.
Des expériences faites sur 44 hommes et 38 femmes de toutes les conditions, il ressort que les hommes ont un odorat deux fois plus fin que les femmes. L'essence de citron dissoute dans l'eau fut perçue par les hommes à une solution de -—^ ; par les femmes dans une solution deux fois plus forte. De même pour l'ail et les autres odeurs. Pour certaines substances, la différence était encore plus considérable ; l'acide prussique. par exemple, délayé dans un volume d'eau vingt mille fois supérieur, n'était plus senti par aucune femme, pendant que presque tous les hommes le sentaient dans un volume cent mille fois supérieur. Les auteurs précités* en tiraient la conclusion que le goût des femmes pour les odeurs fortes semblerait venir de ce fait que, les sentant moins, elles les supportent mieux.
Les nouvelles recherches faites par Roncoroni, daus le laboratoire de Lombroso, sur l'odorat et le goût de 15 femmes et de 20 hommes, ont donné des résultats plus concluants :
Odorat Hommes. Femmes. Sensation générale : Solution a l'huile de
girofle jusqu'au......... 1/89000 1/35600
Sensation qualifiée au ....... 1/34000 1/31400
Sensation quantitative fine...... 75 0/0 52.8 0/0
Gout Hommes. Femmes.
Doux : Solution de saccharine au. . . . 1/74500 1/82C00
Amer : Solution de sulfate de strychnine. 1/57000 1/51400
Salé : Solution de chlorure de sodium . . 0,49 0/0 0,58 0/0
D'où on peut conclure que la sensibilité du goût (sauf pour le sucre), et la finesse de l'odorat, sont plus développées chez l'homme que chez la femme.
Je dois le reconnaître, mes observations personnelles ne se présentent pas sous une apparence aussi rigoureusement scientifique. Restant sur le terrain plus modeste de l'observation clinique, je me suis borné, pendant le cours d'une année, à interroger toutes les personnes qui se présentaient à mon cabinet de consultation sur l'étendue de leurs aptitudes olfactives. On peut dire, d'une façon générale, que les hommes, aune grande majorité, déclarent qu'ils sont fortement impressionnés par les odeurs, qu'ils sont gênés par les parfums artificiels et qu'ils apprécient à
leur valeur la saveur des aliments. Beaucoup accusent une grande finesse de l'odorat et se déclarent capables, en cette matière, d'apprécier les nuances les plus délicates. Us en donnent les preuves à l'appui. Certains* par exemple, distinguent très facilement les odeurs personnelles dos femmes de leur connaissance.
Par contre, beaucoup de femmes avouent spontanément qu'elles n'ont qu'un odorat faiblement développé. Elles le témoignent d'ailleurs en s'impréguant de parfums artificiels aussi désagréables qu'excessifs, dont elles n'apprécient nullement l'iutensité. Elles affirment qu'elles ne se sont nullement parfumées, alors que les émanations qui se dégagent de leurs vêtements et de leurs fourrures imprègnent l'air k un tel degré que l'on est obligé d'ouvrir les fenêtres après leur départ. Il en est d'autres dont les vêtements dégagent une odeur si forte de naphtaline que l'on en est véritablement incommodé (1), et elles ne s'en aperçoivent même pas.
Une demi-mondaine, célèbre par la beauté de ses traits et par le charme de son esprit, se plaignait a son médecin du peu de constance de ses amants. Elle ne pouvait arriver k comprendre comment à l'ardeur du début succédait si rapidement un désir de rupture non déguisé. Notre confrère n'eut pas de peine a lui démontrer qu'il fallait eu chercher la cause dans d'extravagantes combinaisons de parfums artificiels, au milieu desquels dominait la naphtaline. Cette jolie femme, si bien avantagée à d'autres points de vue physiques, était presque complètement dépourvue d'odorat.
S'il arrive que les femmes soient mal partagées au point de vue de l'olfaction, elles ne sont pas mieux favorisées à celui de la dégustation. En dehors d'un attrait assez développé pour les sucreries, le goût est, chez un très grand nombre d'entre elles, réduit à sa plus simple expression. Elles mangent d'une façon distraite parce que cela est indispensable pour se nourrir, mais elles ne savourent pas les aliments. Il en est qui ont pu mériter d'être classées parmi les gourmandes, mais il ne faut pas confondre la gourmandise avec le sens gastronomique.
L'observation clinique s'est donc trouvée, dans nos recherches, en par-faite conformité avec l'observation générale. L'examen de plusieurs centaines d'hommes et d'un nombre à peu près égal de femmes, dont les conditions d'existence sont normales, nous a appris qu'au point de vue de l'odorat et du goût, les hommes étaient sensiblement plus favorisés que les femmes. H nous a également démontré que les altérations du sens olfactif chez l'homme ne constituaient pas des faits indifférents pour son état psychologique.
L'abolition ou la diminution du sens olfactif ont sur l'ensemble des centres nerveux les répercussions les plus inattendues. En particulier
(1) Tandis qne le nerf olfactif de l'homme éprouve » l'égard de l'odeur de la naphtaline et de colle du camphre l'aversion la plus marquée, les femmes s'accommodent nu contraire de ces odeurs nauséabondes dont le savant Bcrthetot avait démon-iré la parfaite inutilité pour la conservation des. tissus de laine et des fourrures. Nos élégnntes supportent égalemcut les odeurs de phoque ou de rat musqué dont beaucoup de fourrures sont imprégnées, témoignant par lit do la complete indifférence de leur sensibilité olfactive.
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elles apportent les perturbations les plus marquées dans l'activité des fonctions génitales : elles sont, le point de départ des perversions de l'instinct sexuel, comme nous l'avons démontré dans des communications antérieures, (à suivre).
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOG'E ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 20 novembre 1908. Présidence de M. le D' Paul SIaomx. vice-président.
' (Suite)
Quelques mots sur la technique de l'hypnotbérapie
par SI. le D' Emanuel al Gh-tehstam de Gotuembourg (Suede).
(Suite et fin).
La principale cause de l'hostilité que l'on manifeste à l'égard de l'hypnotisme réside dans ses difficultés techniques. Lorsqu'à la fin de 1880 l'hypnotisme, grace à Wetterstrand se répandit en Suède, un grand nombre de médecins suédois y eurent recours. La plupart virent leurs espérances déçues, uniquement parce qu'ils manquaient de technique. Ne pouvant obtenir eux-mêmes les résultats annoncés par les hypnotiseurs, ils se retournèrent contre l'hypnotisme; Or c'était une erreur de croire que tous les médecins devaient pratiquer cette thérapeutique qui ne réussira pleinement qu'entre les mains des médecins qui s'y consacreront plus ou moins exclusivement. Ce serait, assurément, un grand malheur si nous avions des hypnotiseurs non médecins tout comme sont en ce moment les masseurs et les gymnastes. Peut-être, dans 50 ans, l'hypnotisme sera-t-tl beaucoup plus fac.le à manier, lorsque l'opinion publique aura été modifiée.
Je n'exposerai pas les nombreuses méthodes d'hypnotisation qui ont été employées, pas plus que je ne décrirai ma technique personnelle. Quelle que soit la diversité des méthodes, elles ont, en général, ceci de commun qu'à un certain moment la séance comporte, anssi bien pour le médecin que pour le malade, une certaine anxiété. Et cela est surtout vrai pour les méthodes brusques et violentes de l'école de la Salpétrière. Dans l'école de Nancy, deux directions se font jour. Pour l'une, l'hypnose est d'autant plus efficace qu'elle est plus profonde et c'est la profondeur de l'hypnose que l'on doit toujours s'efforcer d'atteindre. Pour l'antre, l'hypnose superficielle est suffisante : l'hypnose profonde serait môme inutile et parfois dangereuse. Les champions de l'hypnose superficielle, dont van Eeden est le plus eminent, ont sans doute été amenés p cette me par le désir de retrancher des procédés hypnotiques tout ce qui présente un caractère expérimental.
L'incertitude peut être aussi pénible chez les malades peu favorables même à la production d'une hypnose en moyenne intensité. Le représen-
(1) V. Reçue de l'Hypnotisme, décembre 1908.
tant le plus intransigeant de l'hypnose superficielle, Hirschlaff.rctranehe, il est vrai, toute expérimentation de sa méthode ; il rejette aussi toute hypnose vérilable ou plutôt il croit le faire. Il cherche uniquement à provoquer chez ses ma!ades,avec un état d'esprit indifférent, la sensation de tranquillité et dejrepos. Sa manière de procéder est fort louable ; et il est fort intéressant de noter l'excellence des résultats obtenus par cette simple méthode. On comprend cependant d'après sa description qu'il emploie une hypnose beaucoup plus profonde qu'il ne le croit ou ne veut le croire. 11 raconte tout naïvement que 10 a 15 0/° de ses malades sont somnambules : ceux qu'on trouve très souvent ; et il ajoute que l'hypnose a, chez ces malades, spontanément glissé dans le somnambulisme. Malgré cela, il ne veut pas reconnaître la vérité de ce qui constitue la base fondamentale de l'école à Nancy,& savoir l'existence d'une série de transformations entre l'état de veille complète et le plus profond somnambulisme. Le somnambulisme est pour lui quelque chose de pathologique, de * sui generis ». H appelle l'hypnose superficielle la pseudohypnose. Cependant, Hirschlaff a. sans le vouloir, peut-être mieux que personne, montré la justesse de la doctrine de l'école à Nancy. Ce fait même que l'hypnose la plus superficielle a parfois une tendance à se transformer spontanément en somnambulisme constitue un principe décisif, un des points de l'hypnose. Or Hirschlaff ne paraît pas avoir compris l'importance de ce fait.
Quelle forme prendra cette technique ? J'ai dit plus haut qu'on s'est efforcé, avec raison, d'exclure des procédés de l'hypnose toute expérimentation. Cependant c'est une erreur de retrancher ces expériences comme étant en elles-mêmes nuisibles aux malades. Des expériences discrètes et raisonnables sont absolument inoffensives. U faut les exclure le plus possible pour la seule raison qu'elles peuvent empêcher l'apparition de l'hypnose. Une expérience manquée risque de rendre le malade plus ou moins réfractaire. Si le malade est facile à hypnotiser, la méthode employée joue un rôle tout à fait secondaire, pourvu que l'on agisse sans brusquerie. On n'apprécie naturellement la valeur d'une méthode d'byp-notisation que devant des individus réfractaires ; comme on ne sait jamais a l'avance si un sujet sera facilement hypnotisable ou non. on doit toujours présumer ce dernier cas. Il faut donc une méthode qui puisse être appliquée dans toutes les occasions. Cependant, on ne saurait songer k employer une méthode identique chez tous les malades, sauf pour les premières phases de l'hypnose. En effet, pour les préliminaires de l'hypnose, on pent agir, dans la plupart des cas, à peu près de la même manière. Le plus important ici est d'éviter toutes suggestions qui ne puissent être réalisées de tous et d'un chacun, ce qui signifie qu'il faut éviter toute suggestion réelle au vrai sens du mot. On doit, par dessus tout, ne pas suggérer de somnolence. On engage le malade a bien se tenir passif, à ne pas demander l'heure, k ne pas se renseigner sur les choses au dehors, k ne penser qu'au repos, à la pensée du repos. Cela tout le monde peut le réaliser et le plus réfractaire ne saurait être déçu, il n'a pas le sentiment qu'on exige de lui quelque chose qu'il ne peut exécuter, et qu'il n'est pas
justiciable de cette méthode de traitement. Malgré cela il u'est pas bien difficile de présumer si le malade sera facile [ou non. Grâce a quelque habitude, on peut en juger par l'expression du visage ; si k la demande : « Etes-vous calme et bien reposé ? » le malade répond affirmativement et sans hésiter, on peut conclure à un degré moyen de réceptivité. On peut alors suggérer la somnolence. Si le malade a eu la sensation du repos, il entre bientôt aussi dans la somnolence. Si, contre toute attente, il n'y entre pas, on lui dira que la somnolence arrivera tôt ou tard, pourvu qu'il reste toujours passif. En faisant la suggestion de repos avant la suggestion de somnolence, le malade éprouve une moindre déception si la somnolence ne vient pas. II ne se laisse pas aller au doute : il accepte l'assurance que la phase du repos glissera tôt ou tard vers la somnolence. Si, au contraire, le malade répond catégoriquement ou avec hésitation qu'il n'éprouve aucun repos bienfaisant, il doit être un réfractaire. Avec ceux-ci, voici comment j'ai l'habitude de procéder. Je fais du malade un résumé théorique de la nature de l'hypnose ; je lui montre la grande différence psychologique qui existe entre l'état d'un esprit qui s'applique k un travail et l'état passif que je viens de provoquer. J'ajoute que l'apparition de l'hypnose est une affaire de temps, pourvu que le malade se tienne passif autant que possible. La passivité est la phase primitive de l'hypnose et elle a tendance k glisser dans l'état d'engourdissement après un temps plus ou moins long. Cet état devient lui-même de plus en plus profond et finalement, il se transforme en un véritable sommeil. Il est très important de faire connaître au malade que l'on peut obtenir un bon résultat thérapeutioue en dehors d'une hypnose profonde ; le simple état passif, bien, employé par le médecin, peut guérir. En procédant ainsi, on a écarté de l'esprit du malade toute préoccupation de quelque chose qui doit se réaliser. On présente les choses de telle sorte que l'évocation de l'hypnose devient tout à fait accessoire. Ce n'est pas seulement l'hypnose, ce sont aussi les procédés hypnogéniques. Et parmi les procédés hypnogéniques, je [.lace la volonté du malade de se tenir aussi passif que possible. Cette méthode parait simple et ne semble pas comporter de complications. Alors, le malade ne pourrait-il pas la pratiquer lui-même, sans l'aide d'un hypnotiseur ? La méthode d iff ère-telle en quelque manière de ce que chaque personne fait lorsqu'elle s'étend pour se reposer ou dormir ? D'une certaine manière, toute hypnose est autohypnose ; ce qu'on appelle la * force » existe chez le malade et non pas chez l'hypnotiseur. Le rôle de celui-ci est uniquement de conduire l'état d'âme du malade dans une certaine direction. Les personnes qui ont subi un traitement hypnotique peuvent parfois, surtout si elles ont été suggérées dans cette direction, se mettre elles-mCmes dans un état d'hypnose aussi intense que celui qui a été réalisé lors du traitement. Mais il est bien probable que si les malades réfractaires essayaient tout seuls de se mettre dans un état passif ils échoueraient complètement. Ils ne pourraient jamais sans l'appui de l'hypnotiseur se tenir par exemple une heure dans une passivité complète. Je considère que le travail de
l'hypnotiseur est, dans cette méthode en apparence si simple, très difficile et très laborieuse. La manière dont l'hypnotiseur maintient l'état passif a une très grande importance. II doit formuler ses phrases de manière que l'imagination du malade soit conduite dans une direction de pins en plus calme. Il ne doit parler que de repos, de tranquillité, etc ; il doit éviter le mot engourdissement auquel le réfractaire s'oppose; il faut qu'il ait la virtuosité de varier à l'infini ce thème un peu maigre, afin que le malade ne perde pas patience. Ce qui m'a conduit à traiter les réfractaires de cette manière est le fait d'avoir obtenu des améliorations importantes chez des malades qui. pendant les séances hypnotiques ne pouvaient être influencés au-delà du calme et du repos.
Parfois, même après une hypnose même très superficielle le malade trouve que le temps a passé très vite. D'autres, qui, ordinairement ne peuvent se tenir tranquilles sont étonnés de la facilité avec laquelle ils sont restés. D'autres encore ont eu la sensation que leurs pensées ont été comme immobilisées.
Quand on a plongé le malade dans l'engourdissement, il n'est guère difficile d'approfondir cet état ou tout au moins de l'entretenir par des suggestions verbales. Celles-ci doivent ^simplement contenu* l'assurance que le malade viendra toujours à s'engourdir. On a ainsi, dans bien des cas, autant de chances de faire glisser l'engourdissement vers le somnambulisme que si l'on s'était empressé de suggérer que tous les bruits extérieurs sauf la voix de l'hypnotiseur ont disparu, puis, en cas de réussite de suggérer l'amnésie. Dès que la somnolence a été atteinte, l'hypnose expérimentale offre moins d'inconvénients qne dans la période préliminaire. Si une suggestion ne se réalise pas, la somnolence continue. Parfois, une expérience réussie peut approfondir l'hypnose. Le point capital est dene pas faire trop d'expériences. ? faut non pas s'agiter, non pas s'efforcer de provoquer une hypnose aussi profonde que possible, mais prendre le procédé entier de l'hypnose « von oben » comme si la provocation même de l'hypnose ne vous regardait pas. On obtient alors le plus souvent une hypnose profonde.
Avec cette méthode, on ne se contente pas de faire moins d'expériences, on formule aussi moins de suggestions thérapeutiques, Il faut surtout s'en méfier dans l'hypnose superficielle, car le malade s'y oppose souvent. La vraie manière de fixer un symptôme maladif est de dire une fois chaque joui- à une personne dans l'hypnose superficielle : « ce symptôme disparaîtra » Cola ne veut pas dire qn'il faille tout a fait m:glig.-'i- de se servir de La suggestibllité. Celle-ci joue un très grand rôle thérapeutique, surtout dans l'hypnose profonde. Mais j'y insiste ; plus l'augmentation de la suggestibilité passe au premier plan dans un traitement, plus on court le risque d'arriver à des résultats thérapeutiques analogues à ceux de Janet, c'est-à-dire que l'on obtiendra rapidement une guérison mais que la rechute suivra également vite. Il ne faut pas s'imaginer que l'augmentation de la suggestibilité est quelque chose qui se présente toute réalisée sitôt que l'on a obtenu l'état hyp-
notique. Ou peut développer une telle suggestibilité mais on peut aussi ne pas la développer. De nos jours on compte principalement sur les effets que l'hypnose procura en elle-même et par elle-même, on est ainsi amené à augmenter la durée des séances conformément aux idées et à ln pratique de "Wetterstrand relativement au sommeil prolongé.
Cette méthode ne saurait mériter le reproche si fréquent d'affaiblir la volonté. Àu contraire elle entraîne le sujet à s'imposer du calme et à exercer un utile empire sur soi-même.
TJn mot encore. Les malades, très réfraclaires. s'endorment parfois naturellement pendant quelques instants, surtout après des essais plusieurs fois répétés de la méthode ci-dessus. On s'aperçoit de ce sommeil par une respiration plus profonde et plus régulière ou par des ronflements, On doit alors essayer de transformer ce sommeil naturel en hypnose. On obtient rarement le somnambulisme mais souvent le sommeil naturel alterne avec l'hypotaxie.
On voit souvent, dans la littérature, exprimer le désir de trouver des méthodes douces d'hypnotïsation.mais,ce qui manque, c'est une technique douce capable de produire un sommeil profond. 0. "Vogt et son disciple Brodmann ont, il est vrai, la prétention^d'avoir réuni ces deux choses.lls ont écarté la provocation de la catalepsie ainsi que des mouvements automatiques et l'on doit bien reconnaître que leur manière d'hypnotiser constitue un progrès. A tout prendre, il me semble cependant que leur méthode est trop compliquée et, au fond, trop expérimentale, malgré leur affirmation du contraire, pour être la conclusion heureuse du problème. Celui qui, selon moi, a trouvé la meilleure solution dans la pratique est Wetterstrand. Personne n'a aussi bien que lui associé les méthodes douces à un maniement aussi efficace de l'hypnose profond.
Enfin je suis heureux de signaler avec reconnaissance la somnoformi-sation que Al. Paul Farez a introduite avec tant de succès dans l'bypno-thérapie et qui m'a personnellement rendu de très; grands services. Par ce procédé, on utilise l'hypnonarcose pour exalter la suggestibilité du malade et l'on transforme directement la narcose en hypnose. Surtout on peut suggérer au malade qu'à la prochaine séance les procédés ordinaires d'hypnotisation amèneront une hypnose profonde. Cette dernière manière d'employer le somnoforme qui m'a rendu les plus grands services surtout dans le traitement de la nervosité constitutionnelle. J'ai constaté, en outre, que la somno- formisation, en elle-même, en dehors de toute suggestion facilitait la provocation ultérieure de l'hypnose.
Impuissance génitale par rumination mentale ; traitement psychologique et guérison.
par ?. le D* Paul Farez Professeur a l'Ecole de psychologie
Un financier américain de passage à Paris, m'est envoyé, il y a quelques semaines, par un de mes confrères, pour quelques troubles gastriques d'origine névropathique.
Au cours do notre conversation, il m'apprend qu'il a de l'impuissance génitale, qu'il en est a la fois très humilié et très étonné et qu'il se désole d'en être arrivé la k son âge. C'est en effet, un grand gaillard de 32 ans, très vigoureux, bien musclé. Aucune raison organique ne semble justifier cette impuissance ; elle est d'ailleurs très récente.
Ce malade s'est marié, il y a 6 ans, en Amérique. Sa situation matérielle, ses fréquentations, son milieu l'entraînent k faire la fête. Il surmène son tube digestif, boit, plus que de raison, des alcools très variés et a bientôt des soucis à propos de ses affaires qu'il a négligées. Sur ces entrefaites, il constate sur ses épaules quelques pustulettes d'acné, il en est très frappé : que peuvent bien signifier ces boutons, se demande-t-il avec inquiétude ?
Il se rappelle que, six ans avant son mariage, il a eu un chancre ; celui-ci a duré six mois et a laissé une rétraction cicatricielle qu'on a dû attaquer avec le bistouri, pour libérer le méat. Il n'y avait plus pensé ; mais, en présence de cette acné, il se dit :.Ce chancre était certainement syphilitique et ces boutons constituent, sans aucun doute, une manifestation syphilitique. » Dès lors, il n'a plus qu'un souci, soigner énergiquement sa diathôse et empêcher qu'elle ne contamine son entourage.
De lui-même, il supprime radicalement, d'emblée, le tabac, l'alcool, le café. Il courtde médecin en médecin; à chacun il dit prérempto ire ment: » J'ai eu la syphilis ; quel traitement me conseillez-vous ?» Et il se met k suivre les prescriptions qui lui paraissent les plus sévères et les plus compliquées. '
Préoccupé de ne point avoir de rejeton avarié, il pratique le malthusianisme. Sans cesse, il surveille la santé de sa femme, k l'affût du moindre de ses malaises et y voyant uue manifestation syphiliquc. Sous les prétextes les plus divers, à force de ruses et d'ingéniosité, il parvient à faire prendre à sa femme, sous des noms déguisés toutes les drogues qu'on lui a prescrites à lui-même.
Sens l'influence de cette irritation gastrique médicamenteuse, l'acné pullule de plus belle. C'est donc, pense-t-il, que sa syphilis ne va pas mieux ; le traitement qu'il suit ne doit pas être assez énergique. Dès lors, il prend une grande décision ; sous prétexte d'affaires qui l'appellent en Europe, il viendra, k Paris, demander à un syphiligraphe renommé le traitement intensif que les médecins américains n'ont pas su lui prescrire.
H quitte l'Amérique dans un très mauvais état moral ; peut-être est-il trop profondément imprégné pour qu'aucune médication soit efficace ; si on lui dit que sa situation est irrémédiable, il n'aura plus qu'à se suicider En faisant ses adieux à sa femme, il est persuadé qu'il la voit pour la dernière fois.
Le jour même de son arrivée à Paris, il court chez ce syphiligraphe demander non pas son avis, mais un traitement énergique pour sa femme et pour lui.
Le spécialiste ne tarde pas k se rendre compte qu'il a affaire à un
obsédé ; il coupe bientôt court à ses doléances et, après un examen rapide, lui dit avec autorité: — * Mais vous n'êtes pas syphilitique ! » Notre homme en éprouve une sorte de traumatisme psychique.
Cette affirmation l'ébranlé mais ne le convainc pas. * Moi qui avais, en ce savant médecin, une confiance illimitée, comme me voilà déçu ! J'admets difficilement qu'un homme si eminent se soit trompé. Mais il m'a examiné si hâtivement, si superficiellement ! Et puis, cette acné persistante, d'où viendrait-elle, si elle n'était pas d'origine syphilitique ? L'incertitude dans laquelle je me trouve m'exaspère; je veux savoir, de façon formelle* si je suis ou ne suis pas syphilitique. »
Le soil*, par désœuvrement et aussi pour faire diversion à sa rumination mentale, il demande l'hospitalité à une professionnelle qu'il trouve à son goût: à chaque tentative, « mutisme » complet: toutefois, pendant son sommeil, il a des rêves lubriques avec spermatorhée. Le lendemain et le surlendemain, avec d'autres partenaires, mêmes essais infructueux. Désamparé par cette situation anormale il en conclut que cette impuissance, aussi, est le résultat de sa syphilis et que,* par conséquent, celle-ci continue à s'aggraver,
Je fais, avec le plus grand soin un examen minutieux, détaillé, approfondi de sa peau et de ses muqueuses : rien ne permet d'affirmer la syphilis. Son chancre d'il y a douze ans ? D'après ce qu'il en raconte, ce devait être simplement un « chancre mou ¦ Son acné '? Elle résulte du mauvais fontionnement de l'estomac et de l'intestin, par suite des médicaments nombreux dont ils ont subi l'irritation.
Ebranlé mais non convaincu, il objecta que cette acné pourrait bien, tout de même, être syphilitique.
— « Bien de plus simple, lui dis-je, que de trancher la question. Nous allons appliquer, sur quelques pustulettes. de tout petits vésieatoires : nous recueillerons la sérosité et nous en ferons faire l'examen bactériologique. La présence ou l'absence du « spirochete pâle » confirmera ou infirmera votre croyance. » Il accepte avec empressement le moyen que je lui propose.
Les vingt-quatre heures demandées pour l'analyse lui paraissent un siècle. Dès qu'elles sont écoulées, il accourt, avec anxiété, s'enquérir du résultat. Naturellement on n'a trouvé dans la sérosité aucun « spirochete pâle >. Donc, lui dis-je. il est absolument certain que vous n'êtes pas syphilitique.
Le voilà convaincu, rassuré, ravi. Il sort d'un épouvantable cauchemar. Le soir, dans un music-hall, il fait une nonvelle connaissance et, auprès d'elle, il retrouve son éloquence coutumîèrc. Le calme de l'esprit, l'absence de préoccupation et le contentement ont permis à cette fonction de recouvrer sa plénitude et son autonomie.
Entre temps, je lui ai fait subir un traitement approprié à l'état de son tube digestif. En particulier, l'effluvation statique l'a débarassé de ses troubles nerveux stomacaux ainsi que de ses insomnies. Il se dispose à retourner, sans retard, en Amérique, et se réjouit d'aller s'y occuper de
ses affaires avec une lucidité qu'il ne connaissait plus depuis plusieurs années. Il va remercier chaleureusement le confrère qui me l'a adressé i puis, au moment de quitter la France, il m'envoie de son transatlantique un mot affectueux, m'expriment toute sa vive reconnaissance : c'est une véritable délivrance pour lui-même — ainsi qne pour sa femme à qui il va cesser de faire ingurgiter force préparations iodurées ou mercurielles.
Quant à Vimpolentia cœnndi. elle s'est installée à la faveur d'une sorte de traumatisme psychique ; elle a été entretenue par une rumination mentale incessante ; elle a disparu en même temps que cette rumination elle-même.
D'autre part, la croyance de notre malade on la réalité de son infection syphilitique s'est bien installée conformément aux lois très connues de la psychologie ; en raison de son intempérance et de son surmenage, son esprit critique s'est obnubilé ; l'attribution de l'acné à la syphilis lui est apparue d'abord comme possible, puis comme vraisemblable, ensuite comme probable, enfin comme certaine ; enfin il a cédé à ce que Eenou-vier appelait le vertige du jugement ; selon la formule du Moyen-Age, a possibili ad actum valet consequentia.
Comme ce malade est bypersuggestïonnable, je continuerai a le diriger psychologiquement par lettre : et, lors d'un nouveau voyage à Paris, dans quelques mois, je m'appliquerai à combattre chez lui la prédisposition au vertige mental.
Séance du 15 décembre 1908. — Présidence de M. le ?* Jules Vours.
La séance est ouverte à 4 h. ?d. ¦ Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres de MM. les Docteurs Paul .Toire (de Lille) ; Eodolphe Broda et Bouchard, ainsi que de M. Muteau, député.
M. le président donne la parole à M. le Dr Aimé Gardette. Celui-ci présente un jeune homme qui réussit plusieurs expériences dites de lecture de pensée, à laide d'un conducteur, tantôt avec et tantôt sans contact. MM. les D1* Bérillon. Paul Farez et Demonchy montrent qu'il ne s'agit pas de lecture de pensée proprement dite et ils expliquent le mécanisme (très difficile dans sa réalisation pratique, mais très simple dans sa conception), grace auquel le sujet obtient de très remarquables résultats.
M. Axastay (de Marseille) communique une note intitulée : Les Rapports biologiques du sommeil et de l'hypnose,
et M. le Dr Witry (de Trêves) une note sur l'homosexualité en France.
M. le Dr Maurice Bloch présente un ouvrage de M. François Dujardin-Beaumetz, intitulé : Réflexions.
M. le président met aux voix les candidatures des Dra Prou, d'Alger, Mercier, de Paris et de M. Bouchard, chirurgien-dentiste. Ils sont adoptés à l'unanimité.
La séance est levée à 6 h. ?5.
Quelques notes historiques sur l'homosexualité en France
par M. le docteur Witry, de TrGves-Sur-Mosclle.
Depuis la seconde moitié du 18° siècle jusqu'en 1840 environ, il y eut à Paris des sociétés et des lieux de rendez-vous pour les homosexuels. Us se cherchaient et se trouvaient surtout dans certaines allées latérales ombragées des Champs-Elysées, de la place de la Concorde & 1' « Allée des Veuves ¦>, entre l'avenue des Champs-Elysées et le Cours la Reine. Tout ce terrain ne comportait pas alors le va et vient d'aujourd'hui et offrait beaucoup de coins obscurs. Le centre de ce marché homosexuel d'alors était G « Allée des Veuves » (aujourd'hui avenue Montaigne). Le terme « "Veuve * désignait l'homosexuel passif d'alors. Les homosexuels réclamaient ces parages pour eux pendant l'obscurité, à un tel point qu'ils plaçaient des sentinelles qui tuiïaient les passants. La police n'aimait pas à pénétrer dans ce quartier uranique.
Victor Hugo devait y faire connaissance avec l'inversion sexuelle. C'était en 1831. Il demeurait alors dans une des rues voisines, rue Jean Goujon, et accompagnait souvent, la nuit, des amis jusqu'à la Place de la Concorde. On parlait littérature, art et le célèbre poète retournait seul chez lui en composant de nouveaux vers. Or il remarquait souvent, à l'entrée de G * Allée des Veuves », des individus qui l'observaient, de loin, sans lui adresser la parole. Un soir, tout de même, un monsieur, correctement mis, sortit de l'ombre, salua Victor Hugo poliment et lui dit : « Monsieur, nous vous prions de ne pas vous attarder trop longtemps ici. Nous savons qui vous êtes et nous ne voudrions pas que quelqu'un des nôtres, ne connaissant pas votre personne, put vous causer du désagrément. « Mais que faites-vous donc là '? « demanda Hugo », je vois toutes les nuits nombre de personnes circuler et disparaître dans les allées. » L'autre répondit vivement ! « N'y faites pas attention, Monsieur ; nous n'importunons personne, mais nous voulons absolument ne pas être gênés non plus. Nous sommes là tout entre nous. « Victor Hugo comprit enfin, salua et disparut. Un peu plus tard, il voulait rentrer d'une soirée en passant par une allée parrallèle à 1' « Allée des Veuves ». D l'a trouva barrée par une foule de chaises attachées par des cordes entre elles. « On ne passe pas » cria une voix menaçante, à quoi une autre répondit d'un ton calme : « Nous prions Monsieur Victor Hugo de passer, cette fois, de l'autre côté de l'avenue des Champs-Elysées. »
L' « Allée des Veuves » fut bâtie sous le second empire, mais elle garda, néanmoins, sa vieille renommée comme rendez-vous homosexuel. Un club homosexuel, composé de courtisans de la plus haute distinction, de sénateurs, de financiers etc., se réunissait dans un hôtel splendide cette « Allée des Veuves •. Les dragons de l'Impératrice et les Cent gardes de l'empereur y fonctionnaient, contre des cadeaux magnifiques, comme amants de ces invertis distingués de la cour impériale. Leurs fonctions étaient désignées par cette expression : faire l'impératrice. Des étrangers
de distinction pouvaient y loger anssi, on passant, mais ils devaient montrer au portier une sorte de médaille d'entrée. La police secrète ferma le club et y trouva une foule de toilettes féminines ; beaucoup d'entre elles ressemblaient à celles que portait l'impératrice Eugénie pour les grandes cérémonies. On y découvrit aussi de nombreuses correspondances entre dignitaires de la cour et leurs amants de la garde de l'empereur ou de l'impératrice. On soumit le tout à l'empereur. Lorsqu'il découvrit les noms des plus hauts personnages de sa cour, il fit étouffer l'affaire en disant au procureur général : « Epargnons ce scandale à notre pays, il ne corrigerait personne et ne ferait qne pins de mal. »
Tardieu, à qui j'emprunte ce fait, nous décrit aussi un autre club, homosexuel du second empire, où des nudités et obscénités photographiques jouèrent un grand rôle.
Un rapport de la préfecture de police du 16 juin 1864 nous apprend comment les homosexuels d'alors nouaient connaissance avec des hétérosexuels. Ce document historico-médical nous raconte les aventures d'« un vieux monsieur fort bien et puissamment riche » dans les termes suivants :
* H va au café Truffaut, voit un jeune soldat qui lui plaît, lui fait offrir un rendez-vous par le garçon et s'en va sans attendre la réponse. Si le soldat accepte, il va au rendez-vous, mais toujours en compagnie, car le père C...n (le vieil homosexuel) est connu. L'homosexuel et l'hétérosexuel se rencontrent. Aussitôt de différents cotés apparaissent les amis du soldat ; ils frappent le père C..., le houspillent et le forcent à vider ses poches. Il le fait d'ailleurs de bonne grâce, en demandant pardon. On lui enlève encore sa montre et on le laisse en pleurs. Alors le père C... répète toujours ces mots : « Que je suis malheureux i » Ce vieil homosexuel était probablement aussi un masochiste ; c'était en tous cas un sujet admirable pour les maîtres chanteurs. Le rapport continue en détaillant des orgies homosexuelles avec onanie mutuelle, fellation et pratiques obscènes avec une chienne. Plus loin le rapporteur décrit deux bals homosexuels typiques : l'un a lieu dans la maison d'un homme d'affaires, E. D...d. le 2 janvier 1861, place de la Madeleine, n° 8 ; le deuxième fut donné par le vicomte de if...y, pavillon Rohan, rue de Rivoli, 172, le 16 janvier 1864. TJ y avait environ 150 homosexuels, la plupart déguisés en femme.
Les cercles et clubs homosexuels typiques n'existent pas a Paris comme à Berlin ; les homosexuels se connaissent et se réunissent aussi à Paris, mais non dans des restaurants attitrés.
Dans les dernières années du XIXe siècle les équivalents des restaurants berlinois étaient, à Paris, des établissements hydrothérapiques, tel celui qui existait, il y a une dizaine d'années, près de la place de la République. Un semblable mais très luxurieux et très cher (la douche coûtait vingt francs) existait sur les grands boulevards. Un célèbre campaniste français le fréquentait beaucoup.
La prostitution masculine et le chantage homosexuel étaient très bien organisés sous la Restauration, sous Louis Philippe et sous le second Empire. Les maisons j ubliques pour hommes masculins tlorissaient. On connaissait surtout celle de la rue du Doyenné, près dn Louvre (1820-1826). Les jeunes gens qui s'y offraient étaient même visités par un médecin dans le but de protéger leurs clients homosexuels contre les injections vénériennes. Très célèbre fut aussi, sous Louis Philippe. * la grande montre des c.ls », dans la rue des Marais.
Quant au chantage, Tardieu nous parle d'un célèbre savant parisien qui fut exploité pendant plus de 20 ans par plusieurs générations de prostitués masculins.
Littérature : 3. Bloch :. Sexeralleben a merer Zeil. Berlin. 1908.
Ambroise Tardieu : Silits contre la pudeur. Paris, I860.
Pisanus Fraxi (Neury Spencer Ashbec} : Oenturia librorum abscandi-torum. Londres, 1879.
Xoïche : Quelques détails sur les homosexuels de Paris. (Archives d'anthropologie criminelle, 1905).
Martial d'Estoc, Paris : Eros.
B. Schevaeblé : Les Détraquées de Paris. Paris. 1904.
L es rapports biologiques du sommeil et de l'hypnose
par M. E. Asastxy (de Marseille).
La connaissance des lois biologiques susceptibles d'expliquer le développement du sommeil et de l'hypnose (cette dernière étant admise comme un mode ou une variété du premier) serait très utile pour juger de l'opportunité des applications thérapeutiques de l'hypnose et même, pourrait-on dire, de la légitimité de son emploi.
Malheureusement, le praticien se heurte, dès ses premières études, à une confusion des doctrines les plus opposées qui se combattent avec acharnement les unes les autres (témoin les luttes homériques des Ecoles de Paris et de Nancy). Déplus, la symptomologie des états hypnotiques se trouve trop touffue et trop complexe^ la suggestion aidant, pour qu'un seul investigateur puisse, livré à ses propres ressources, tirer de ses observations, quelque étendues qu'elles puissent être, des conclusions fermes, capables de résoudre tous les problèmes qui se posent à ce sujet.
C'est pénétré du sentiment de ces difficultés que nous nous sommes proposé de remonter à une explication biologique du sommeil et de l'hypnose, en élargissant, dans le temps et dans l'espace, le cadre de nos observations et en nous adressant, de préférence, aux animaux comme à des précurseurs de l'homme, parce qu'on doit pouvoir trouver chez eux le germe et peut-être l'explication des facultés qu'on rencontre chez l'homme en état d'hypnose.
TJne faculté qui sortirait de rien serait, en effet, incompréhensible, et le temps des générations spontanées est passé. Si une explication biologique est possible, on doit pouvoir la suivre à la trace en fouillant dans
le passé lointain de la vie animale et en comparant ces traces avec ce que nous avons actuellement sous les yeux ; et c'est le résultat de cette comparaison que nous avons l'honneur d'apporter devant nos collègues de la Société d'hypnologie pour le soumettre à leur appréciation, comme a celle d'arbitres les plus compétents en cette matière.
Une théorie du sommeil normal devrait, en bonne règle, précéder celle des formes de l'hypnose. Kous lavons tentée ailleurs et on pourra s'y reporter pour les détails (1). Xous n'y reviendrons pas, car les résultats que nous considérons comme acquis peuvent tenir dans les quelques propositions qui suivent :
Ie Le sommeil paraît le résultat d'an ralentissement général des fonctions (sommeil des végétaux qui, eux, ? Ont pas de système nerveux), dont l'ordre a été réglé par les conditions cosmiques gui oui entouré les organismes terrestres après que tes brumes primitives ont été dissipées (Alternatives du jour et de la nuit).
2° Ce ralentissement et ces alternatives de fonctionnement ont surtout porté tears effets sur te système nerveux des animaux (leur partie ta plus délicate) qui, par le jeu de ta sélection, a de plus en plus accentué la différence entre la veille et le sommeil, au grand bénéfice de l'intelligence et de la race, ces différences portant plus sar la quantité que la qualité.
3° Les conditions organiques qui accompagnent le sommeil, mais ne le créent pas, puisque ces conditions sont variables et parfois insaisissables, sont une affaire à-débattre entre physiologistes et qui n'intéresse qne médiocrement Je psycho-thérapeute.
Ces notions, qui ne paraissent nullement révolutionnaires, portent cependant déjà en elles (surtout la seconde) le germe d'une explication biologique de l'hypnose en général, à laquelle le sommeil se rattache par des liens insensibles et impossibles à isoler.
Il ne faut pas perdre de vue qu'il ne convient pas de faire comparaître ici. pour cette confrontation, le sommeil commun, dit normal, qui n'est déjà plus un sommeil naturel, puisqu'il est le résultat d'une longue évolution dans la vie des civilisés. Le dormeur de nos jours n'a pas. en effet, à se garer des périls qui entouraient l'homme primitif et surtout l'animal des époques antérieures. ? peut dormir « à poings fermés » sans être exposé, tout au moins d'une façon courante, aux attaques des * apaches » de tous les temps. Il n'en était pas de même autrefois : l'animal avait à se préserver de multiples dangers ; il lui fallait donc ne * dormir que d'un œil >, selon l'énergique expression du vulgaire. Partagé entre le besoin, devenu nécessaire par suite d'une longue habitude (dictée, nous le répétons, par de simples conditions cosmiques) de réparer ses forces par le repos de la nuit en les accumulant pour le lendemain.et par le besoin, de la garde qui devait être vigilante pour assurer son salut immédiat, l'animal considéré laissait dormir ses principales fonctions psychiques, en en laissant toutefois assez en activité (tel le tison sous la cendre du
(1) « L'origine hiologiqae du sommeiLet de l'hypnose >. Archives de Psychologie publiées il Genève par Mil. Ch. Fonucov et Ed. Cxapabède: T. YJjJ, n° 29 (Oct.lÔôS).
foyer domestique) pour réveiller les autres fonctions en cas d'alerte on de besoin ; et c'est là le point de départ de tonte explication biologique de l'hypnose.
Aussi doit-on trouver dans les deux formes du sommeil, tout au moins à leur début, la même symptomologie : ainsi, parmi les sens dont l'affaiblissement et la chute successive finissent par constituer les états de sommeil et d'hypnose, l'ouïe qui est celui qui peut rendre le plus de services pendant la nuit est celui qui reste le plus longtemps sur la brèche et qui est le dernier à s'effacer, comme le savent tous les hypnotiseurs, C'est celui qui fait le « rapport » affectif, ou bien ordinaire, du dormeur avec les circonstances qui l'entourent (mère attentive aux troubles du sommeil de son enfant ; sentinelle aux écoutes, etc.), comme tout le monde peut aisément le constater sur un chat qui dort ou a l'air de dormir. Mais l'ouïe n'est pas le seul sens qui conserve ce * rapport » avec l'extérieur : il y a celui du toucher. Celui-ci donne lieu au phénomène de la catalepsie (cet autre symptôme constant et précoce de l'hypnose (qui n'est pas autre chose qu'un ordre donné par les centres nerveux, un réflexe, un rapport » musculaire amenant une posture utile à une défense rapide de l'animal en cas de danger pendant le sommeil,ou bien, encore, utile à une longue attente en vue d'une proie possible, tout en ménageant les forces de l'animal (chat qui attend patiemment les souris pendant dos heures ; oiseaux aquatiques : héron, butor, etc. attendant le poisson qui passe). La catalepsie est donc un processus d'ordre vital, plutôt que d'ordre pathologique et la nature en fait un très large emploi, non pas en fatiguant les animaux, mais, au contraire, pour aider à la-restauration de leurs forces (oiseaux qui dorment sur les branches; courts sommeils des chevaux, des lapins, etc.) L'hypnotiseur qui fait de la catalepsie, en plaçant son sujet raidi sur deux chaises, ne fait donc que forcer, par l'artifice, la note naturelle, car on sait, à la suite des leçons de Claude Bernard, que les symptômes de la clinique sont ceux de la physiologie grossis et déformée.
On voit aussi, par cet exemple, que nous sommes entrés de plein pied,, et sans effraction, dans le domaine de l'hypnose, tout en ayant l'air de rester sur le terrain du sommeil ordinaire. C'est avouer que celui-ci n'est que le prélude de celle-là ; que la première n'est primitivement qu'une suite, une conséquence biologique du second et que si l'art des hypnotiseurs est intervenu pour en grossir les phénomènes, il n'en est pas moins vrai que ces phénomènes ont une origine purement et simplement biologique.
Cela parait devoir trancher les difficultés des Ecoles qui se sont opposées les unes anx autres, en s'enfermant dans une vue trop incidente du sujet. Pour faire disparaître cet antagonisme et sceller une paix définitive, il nous semble qu'il n'y aurait qu'à désigner sous le nom à'/igpnose normale ou à'figpnose naturelle, cette hypnose légère, ce sommeil dont la ressemblance avec le sommeil ordinaire a été si bien mise en lumière par les observateurs de Xancy et qui est caractérisé par le phénomène
du rapport qui n'est pas autre chose que le maintien d'une légère attention, d'un reste de fonctions psychiques assoupies qui veillent, tel un corps de garde au milieu d'une garnison endormie (sommeil de la sentinelle qui dort, tout en restant aux écoutes ; du pAtro adossé à son rocher et qui Teille, tout en dormant, aux écarts de son troupeau ; sommeil du cavalier sur sa monture, etc.) ; c'est ce sommeil léger qu'utilise, la plupart du temps, pour rendre le malade sensible à son * influence », l'hypnotiseur qui, pour reprendre la comparaison du tison, souffle lui-même sur ce tison pour faire reprendre le feu dans la direction qui lui convient et dans l'intérêt du malade soumis k ses soins.
Mais il existe ù côté ou au-delà de ces états légers, très communs d'après les déclarations de Nancy et d'après l'expérience usuelle, d'autres états plus accentués mais aussi plus rares, soit parce qu'ils tiennent à une prédisposition particulière et névropathique du sujet, à une certaine •> désagrégation » de son faisceau psychique, soit à un entraînement produit par l'exercice ; et c'est cette hypnose plus franche (au point de vue médical) dont les proportions ont été réellement exagérées artificiellement par l'Ecole de la SalpOtrière, qui se trouve à cheval sur les confins de la physiologie et de la pathologie ; qui touche aux états pathologiques dont il nous reste à parler, et qui serait un peu à la première ce que les fers du forceps sont aux doigts de l'accoucheur.
Si notre vue de l'origine biologique de l'hypnose est exacte, on doit retrouver le même parallélisme dans l'examen des autres symptômes connus :
Parlons d'abord de la léthargie : Celle-ci est employée pour le moins aussi fréquemment que la catalepsie pour la sauvegarde et le salut de l'animal. On sait qu'il suffit de « bousculer » un peu un animal de petite taille : insecte, grenouille, cobaye, etc., sur une table d'expérience, pour le voir garder l'immobilité la plus complète et « faire le mort >. Les cloportes se roulent en boule : la marmotte utilise ce talent pour passer sans manger l'ingrate saison de l'hiver; des chenilles dorment lorsque la feuille de certains arbres vient à leur manquer, etc. Enfin, en cas d'attaque soudaine et de situation désespérée, la léthargie vient, selon toute vraisemblance, adoucir les affres de l'agonie et étendre à tout le système nerveux le bénéfice d'une inhibition bienfaisante, semblable à celle que la morsure du cou procure, selon Brown-Séquard. à la sensibilité de cette région. C'est la défense suprême des faibles et des vaincus : chez l'homme et surtout chez la femme, elle est souvent la suite d'une émotion violente (Léthargique de Thénelles, à la vue des gendarmes, etc.)
Quand au somnambulisme, ce troisième terme de la triade classique, il est, de tous les symptômes de l'hypnose, le plus franchement pathologique. Il résulte d'une mauvaise coordination des centres psychiques dont le faisceau est toujours moins tendu et un peu relâché dans l'état de sommeil, centres qui, sons le coup d'un réveil un peu brusque, n'ont pas le temps de s'organiser suffisamment pour parer aux exigences complètes
de la situation qui se présente. Elle peut néanmoins rendre des services en organisant une défense rapide et momentanée de ranimai, avant que des fonctions plus élevées aient le temps de se rassembler ; tels des soldats repoussant un assaut avant la présence de leurs chefs.
Ce désordre, peu durable a l'état naturel, devient plus habituel, plus prolongé et plus spontané, en cas d'altérations permanentes des centres nerveux, causées par l'intoxication ou la dégénérescence. On peut, sem-ble-t-il, le surprendre en germe chez certains malades à système nerveux débile qui, le matin au réveil, restent un certain temps, dans un état de confusion, à reprendre leurs esprits, se demandant où ils sont et mCme qui ils sont. (Nous avons conuu une de ces malades que cette crise à peine ébauchée de somnambulisme surprenait parfois dans la rue et qui avait de la peine à retrouver son domicile.)
L'Ecole de la Salpêtrière n'a donc rien créé et. bien avant elle, les animaux savaient se servir de l'hypnose pour le bien comme pour le mal. Nous avons vu le côté utile ; mais le côté nuisible n'a pas non plus été dédaigné par eux, car beaucoup d'animaux savent se servir du trouble amené par leur présence chez un autre animal, pour le faire tomber sous leur dent, en créant en quelque sorte chez lui, sous l'influence de ce trouble, une hystérie momentanée avec des symptômes exagérés et nuisibles de catalepsie, de léthargie ou de somnambulisme. (Gibier arrêté par le chien de chasse ; oiseau fasciné par un serpent (1).
L'hystérie, an cadre si vaste et qui parait le résultat d'une tendance à la désagrégation du faisceau psychique, ou plutôt à une difficulté particulière pour son groupement normal, par suite. le plus souvent, d'une dégénérescence héréditaire, semble porter en elle le germe des facultés somnambuliqnes qni en seraient l'extension la plus accentuée. Aussi, si l'hypnose thérapeutique ne crée pas l'hystérie, comme des observateurs superficiels le lui ont reproché, poussée à un certain degré ; elle la côtoie; elle la révèle même; et nous ne voyons pas pourquoi on ne pourrait pas se servir de l'hypnose comme d'un indicateur précieux, dans les cas douteux, comme on se sert de la tuberculine pour les cas de tuberculose latente, en y employant, bien entendu, la même prudence et la même légèreté de main. En tout cas, l'hypnose bien maniée, est parfaitement capable, comme tous les spécialistes le savent, de défaire ce qu'elle aurait pu favoriser, et d'améliorer l'hystérie, sinon de la guérir.
Nous avons, en faisant le tour des symptômes de l'hypnose, présenté un - spectre hypnotiqne ». allant graduellement du rouge du sommeil ordinaire, jouissant de propriétés normales et bien connues, et même de l'infra-rouge du sommeil hypnoïde, à l'ultra-violet du somnambulisme, aux allures si variées et parfois si déconcertantes. Y a-t-il au delà, d'autres « ondulations » susceptibles d'être révélées, comme pour les régions obscures et ultra-violettes du spectre, aux propriétés mystérieuse ? Nous
(1) Un chasseur provençal, ? l'affût pendant lu nuit, a vu un renard pousser l'astuce jusqu'à tourner lentement autour d'un volatile qu'il désirait faire tomber des branches, en le troublnut par la vue de sa queue dressée en l'air et hérissée ; Itraid n'a donc rien Innové.
n'avons pas à chercher ici, au delà du spectre ordinaire, dans lequel sont comprises les notions que nons venons d'exposer ; mais ces notions nous paraissent suffisantes pour ouvrir, dès maintenant, tant aux théoriciens qu'aux praticiens, des vues assess nettes pour le classement définitif et l'utilisation pratique de tous les symptômes de l'hypnose admis jusqu'ici.
Pour résumer nos conclusions, nous dirons que :
6*/ le sommeil est un repos général de l'organisme qui améliore le rendement de la « reprise c du drame de la rie, par suite d'une adaptation aux conditions cosmiques, et au bénéfice du perfectionnement de la race, des états hgpnoldes se sont produits comme une forme de sommeil destinée à parer aux dangers auxquels un sommeil trop complet aurait exposé l'animal, lors des époques primitives. Ils ne sont donc qu'une suite et un corollaire du premier.
Ce qui a pu donner le change à cet égard, ce sont les résultats, si divergents, du sommeil commun ou ordinaire des civilisés et des états hypnotiques artificiels produits par l'intervention de l'art, qui s'éloignent, en effet, beaucoup l'un de l'autre ; mais le vide est comblé entre les deux, si on les considère, comme on doit le faire à la suite de notre analyse, comme deux rameaux détachés d'une branche commune et primitive qui est le sommeil naturel ou hypnoïde que nous nous proposons d'appeler « l'hypnose normale » ou « naturelle ».
FOLKLORE ET CROYANCES SUPERSTITIEUSES
La mentalité d'un suggestionneur russe : Le père Jean de Cronstadt
La presse russe nous apporte la nouvelle de la mort d'un thaum-tturge célèbre dans toute la Russie. Le père Jean de Cronstadt. né à Soursk. était fils d'nn sous-diacre popa. Placé au séminaire, il y donna les preuves d'une grande intelligence naturelle. La Revue de l'Hypnotisme. dans son numéro de décembre 1S94, a fait connaître au public français « ce faiseur de miracles >. Xous ne pouvons mieux faire que de reproduire les détails suivants qui nous avaient été adressés par un de nos collaborateurs russes, et qui avaient été reproduits par un grand nombre de journaux :
« Parmi les guérisons miraculeuses obtenues, disent les Russes, par le Père Jean, on cite celle d'un étudiant, sorte d'esprit fort qui avait parié de lui jouer un bon tour :
Vous verrez, disait-il. que si je me couche, en faisant croire que je snis malade, il ne s'apercevra pas de la supercherie. 11 fit comme il avait dit, il se coucha. Lè Père Jean vint et dit :
Reste ainsi que tu es.
Et comme le prêtre avait tourné le dos. le jeune homme voulut se lever. Yains efforts : il était frappé do paralysie ! ? va de nouveau supplier le Père Jean, qui revient et doucement, mais avec un tonde volonté supérieure, prononce ces paroles : -
— Crois ! crois ! il faut croire !
H tombe en prières, et quand il a fini, l'incrédule étudiant est guéri !
Une autre fois, un malade vient chez le Père Jean : « Enlevez-moi ma souffrance, bon Père, lui dit-il ; ce que je sens est horrible. » Le prêtre le regarde, il lui demande s'il croit fermement, et quand le patient eut répondn « oui », il lui fait boire dans une tasse où il avait bu lui-même auparavant. Tous deux prient et, après une invocation au Seigneur, le malade part : il n'a plus souffert depuis.
A Saint-Pétersbourg, dans la Grande Morskaïa, un général très célèbre a vu mourir, coup sur coup, deux de ses filles. Son fils aîné est frappé d'un mal terrible et qui ne pardonne pas. On appelle le Père Jean, et celui-ci accourt ; il prie d'abord, puis il pose cette double question a celui qui va mourir :
— Crois-tu ? Veux-tu croire ?
Comme un souffle, sa voix répond :
Je crois.
Il est guéri.
On cite cent exemples de même nature. Le Père Jean ne guérit pas tous ceux qu'il approche, mais beaucoup sont soulagés par sa présence, et recouvrent la santé. Ce que nous venons de citer de lui prouve qu'il applique admirablemeut la suggestion.
Depuis lors d'autres de nos collaborateurs nous avaient fourni sur le père Jean des renseignements qui jettent un jour particulier sur la mentalité du père Jean. Les témoignages d'admiration dont il était l'objet d'une façon courante avaient fini par développer dans son esprit des sentiments d'orgueil exagéré. Il se croyait un être supérieur et n'admettait pas la moindre résistance à ses injonctions. Il en profitait pour taxer les riches de contributions importantes qu'ils distribuait immédiatement aux pauvres gens, sans jamais thésauriser. Par ce moyen, il se faisait attribuer, aux dépens de la bourse des autres, une réputation de générosité sans égale et sa popularité ne cessait de s'en accroître. Une de ses manies bien connues était la suivante. Quand il se trouvait en relations avec des personnes ayant à leur disposition des attelages attelés de chevaux fringants, il s'offrait sur une grande route, le plaisir d'une course à allure vertigineuse. Les chevaux étant lancés au triple galop, il se tenait debout, les cheveux flottant au vent. Du geste et de la voix il excitait les chevaux jusqu'à ce qu'ils eussent fait plusieurs kilomètres à une vitesse folle, déterminant chez ceux qui se trouvaient avec lui une inquiétude très légitime. Après ces courses, il se montrait fort satisfait, attendant l'occasion de recommencer.
Ce besoin irrésistible de vitesse accélérée a été fréquemment observé chez des automobilistes impulsifs. La Société d'hypnologie et de psychologie consacrait naguère une de ses séances à l'étude approfondie de cette griserie de la vitesse (Revue de l'Hypnotisme, juillet 1903).
Il n'est pas douteux que si le père Jean avait eu à sa disposition des automobiles de 40 chevaxix, il n'eut [ as résisté à l'impulsion de faire du 100 à l'heure.
Ces faits permettraient de supposer que le père Jean présentait à un degré assez accentué la disposition mentale propre à certains dégénérés qui les porte à céder, d'une façon irrésistible, aux impulsions qui leur traversent l'esprit. On pourrait aussi voir dans ces courses folles, un besoin de détendre un système nerveux trop souvent condamné à la contrainte.
Le corps du père' Jean, transporté solennellement au couvent de Johanowska a été l'objet de démonstrations admiratives de la part de ses adeptes. Sur tout le parcours, des milliers de personnes versaient d'abondantes larmes, déplorant la perte du saint homme dont la seule parole guérissait leurs maladies. Il est certain que le père Jean, ayant accompli de nombreuses guérisons miraca/eases, sera canonisé.
Dr BERILLON.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie
La séance de rentrée de la Société d'hypnologie ot de psychologie aura lieu le mardi 19 janvier, a 4 heures et demie, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrlère.
Les séances de la Société ont lien le troisième mardi de chaque mois. Elles sont publiques. Les médecins, les étudiante et les membres âe l'enseignement sont invités a y assister.
Adresser les titres des communications a M. le docteur Bèrillon, secrétaire général, 1, rue de Castellane et les cotisations a M", le docteur Paul Fnrez. trésorier, :'•':. boulevard Haussmann.
Communications déjà portées à l'ordre du jour:
V Professeur Béxédikt, de Vienne : Magnéto-thérapie et suggestion.
2* M. Qcixqce, directeur de l'Etablissement médico-pédagogique de Créteil :. L'éducation de la parole chez les entendants atteinte de mutisme.
S* D' ? ér p. Los : L'anorexie des adolescents. — Rapports de la suggestion lté et de la contractilité musculaire.
4° SI. Baguer, directeur de l'Institut départemental des Sourds-Muets : L'état aetnel de l'instruction publique pour les anormaux d'école.
5° D' Rodolphe Bkoda : Les religions nouvelles en Australie.
6° M. Sué-Ton-Fa : L'homo-sexualité en Chine.
7" Dr Bakthe de Saxdiort : L'homo-sexualité en Chine et nu Japon.
8° D' Cbaviosv : La psychothérapie des tics et les procédés adjuvants.
9e M. Bouchard, médecin-dentiste : L'anesthésle hypnotique en art dentaire.
10° Dr Jules Vodjis : Education du sens musculaire : Influence de ce sens sur le développement de l'intelligence.
11° M. Lkpiïav, médecin-vétérinaire : 1° La durée de l'incubation dans la réalisation des suggestions hypnotiques ; 2° Quelques phénomènes de l'olfaction chez les animaux.
Eloge de M. Liégeois à la rentrée de l'Université de Nancy
A la récente rentrée solennelle de l'Université de >"aney, M. Adam, recteur, a commémoré le souvenir de M. le professeur Liégeois.
Nous nous empressons de publier les principaux extraits de son éloquent discours :
« Le 14 août dernier, a Batns-les-Balue, dans les Vosges, un tragique accident nous enlevuit, duns sa soixante-quinzième année, un de nos professeurs honoraires,
Jules Liégeois, membre correspondant de l'Institut de France. Le deuil fut général dans l'université de Nancy. Ce professeur do droit eut le rare .liouneur d'être regretté, non seulement de ses colU-gues l ni mediate, de sa propre Fnculté, mais aussi de toutes les autres Facultés réunies. Nous perdons an des principaux auditeurs de nos cours, me disait-on aux Lettres, ou l'on tennit a son jugement comme a celui d'un maître. C'est un des savants qui ont le plus honoré l'Université de Nancy, m'écrivait un ¦ professenr de sciences, qui n'est autre qne M. Blondlot lni-mérae. C'est qu'eu effet l'activité Intellectuelle de Jules Liégeois s'étendait bien au-deU» des limites de son enseignement. Professeur de droit administratif, il l'avait d'abord pratiqué dans des fonctions officielles, ? la préfecture de la Meuse, puis de la Meurthe (en ce temps-lit), enfin nn ministère de l'Intérionr. Quant à la science juridique, rappelons que, Jeune chef de cabinet du préfet de Naney, il fit son droit tout seul, la Faculté étant à Strasbourg, et que cependant, a. l'un des eoncouri d'étudiants là-bas, Il fut le rival, et presque le rival heureux. d'Ernest Glusson, devenu depuis le maître que vous Save*. Aussi Victor Durny. un ministre qui se connaissait en hommes, nomma, en 1865, Jules Liégeois à la Faculté de Droit de Nancy, rétablie l'année précédente, et lui confia, en 1868, un enseignement tout nouveau alors. Inauguré pour la première fols à Nancy et ? Paris : l'Economie politique. Notre collègue, qui en était nn apotre, eut 6 cœnr de l'enseigner, en outre, comme un brave enfant de bi Meuse qu'il était, aux élèves-Instituteurs de l'Ecole normale de Commercy, on 11 se rendait ponr cela tous les dimanches. Plus tard, les expériences troublantes du docteur Liébeault, éveillèrent non seulement la curiosité de son esprit, mais aussi sa conscience scrupuleuse de juriste et d'honnête homme. Il suivit la clinique de Liébeault. II relit lui-même ses expériences. Il entrevit alors, disons mlenx. il vit nettement les rapports de la suggestion hypnotique avec la jurisprudence et la médecine légale. Un mémoire qu'il lut à l'Académie des Sciences morales ou 1884, un ouvrage qu'il publia en 1889. valurent ft son nom la notoriété. Il faisait d'aillenrs scandale, et on le tournait en ridicole. Pen Importe ' Jules Liégeois était, ce qui est donné à bien peu, l'homme d'une idée, et d'nne idée qui restera dans la science des psyeholoques, et dans la conscience de quiconque aura a remplir les fonctions déjuge. Aussi notre Université toute entière le revendique comme sien, et lui est reconnaissante d'avoir été l'un des créateurs de ce qn'on a justement appelé « l'Ecole de Nancy ». Nos étudiants doivent savoir cela, et antre chose encore : ce professeur, qui, toute sa vie. aima les jeunes, lorsque leur association naissante chercha une devise à inscrire sur sa bannière, trouva pour eux celle qui convenait particulièrement à Nancy, et que lui suggérait son pays mensien, la devise de Jeanne In bonne Lorraine : Vive labeur ! Et si ce vieux mot signifie aussi labour, qui doue, mieux que Jules Liégeois, a donné l'exemple de labourer notre terroir et d'y Jeter des semences fécondes î
Société française d'études islamiques
La prochaine séance de la Société française d'études islamiques aura lieu le 26 janvier 1909 à cluq heures, au palais des sociétés savantes, oti elle se réunira désormais sous la présidence du Xi' Bérillon.
Ordre du jour :
M. Féridouu Bey : L'évolution pacifique de la femme musulmane.
M. Uheyd Oullah : Le role social du Cbelk-UMslam.
Dr Bérillon : Béputation d'nne prétendue étude psychologique anr l'Islam.
M"' Markovitch : Le monde musulman.
Les musulmans résidant à Paris sont invités à suivre assidûment les travaux de la Société d'études Islamiques, Les communications relatives à l'histoire, ft la psychologie et à la sociologie, dans leurs rapports avec VIslam, y seront accueillies avec sympathie.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
La servante criminelle, étude de criminologie professionnelle, par R. de Byckere, juge au tribunal de Bruxelles.
La servante criminelle est nn livre presque d'actualité au moment où l'on s'apprête à juger ces domestiques accusés d'avoir tué leur maître (crime de la rue de la Pépinière). 31. de Byckère, un magistrat bruxellois, a rassemblé tous les crimes, les stupres, les viols et les vols dûs a des domestiques, et l'on ne sait si l'on ne doit pas y.lus admirer la patience du criminologîste à rassembler tant d'observations qu'abominer les auteurs de forfaits si divers : criminalité acquisitive qui va de la danse du panier au cambriolage des armoires bourgeoises et ventrues, crimes contre l'enfance, crimes passionnels, empoisonnements, prostitution, alcoolisme ! Dieu, quel affreux défilé ! « Il m'a fait d'autant plus horreur, dit fort justement à ce sujet notre confrère le J)v Francis Holme, que c'est nous souvent, par notre égoïsme, notre sévérité, notre manque d'humanité, en un mot, qui créons la servante criminelle. Si nous lui accordions un peu dé cette affection que nous prodiguons si facilement à, nos chiens, nos chats, voire nos oiseaux familiers, peut-être serions-nous mieux servis, moins volés. Lisez La servante criminelle, regardez autour de vous, et vous verrez si je n'ai pas un peu raison. > Le titre des différents chapitres du livre est des plus suggestifs : M. de Ryckere étudie successivement l'importance et les causes de la cruninalité ancillaire ; les maladies mentales et la responsabilité des sen-antes ; la criminalité acquisitive ; les actes de vengeance contre les maîtres, etc. Enfin le livre se termine par un chapitre intitulé prophylaxie et thérapeutique. Xous devons reconnaître que si M. de Ryckere s'est montré très expert à signaler le danger, il en reste impuissant à en formuler le remède.
Le Cœur Humain et les lois de ta psychologie positive par Astoise Batjslaxx. (1) Un vol. in-16, 3 fr. 50. — ?eß?? et Cie, éditeurs.
M. Baumann qui relève de l'école positiviste, détermine d'abord quels sont les penchants fondamentaux de la nature humaine, puis comment ils se combinent et s'équilibrent entre eux. Il examine ensuite, dans un chapitre tout rempli d'aperçus entièrement nouveaux, quelle influence nos sentiments exercent sur notre vision des faits, et sur les raisonnements — si variés suivant les individus — auxquels les mêmes faits servent de point de départ. Enfin, il aborde diverses questions spéciales dont se préoccupent les psychologues, et il les éclaire de sa propre théorie.
Ce livre est bien fait pour intéresser le public français, qui se passionne . de plus en plus pour les questions de psychologie. Composé avec la méthode d'un ouvrage de science, il est pourtant d'une lecture facile ; car
(1) Grand in-S. 460 p. Maloine, Paris. 190S.
M. Ban marin ne se sert que de la langue la plus courante, et il tire des preuves des faits de la vie journalière que tout le monde peut vérifier.
On serait tenté de recommander aux femmes la lecture du Cœur humain. L'auteur, en effet, les déclare mieux douées que les hommes pour l'observation psychologique, et il explique même quelle serait la raison de leur supériorité à cet égard.
ECOLE DE PSYCHOLOGIE
49, rue Saînt-André-des-Arts, 49
(au siège de l'Institut psycho-physiologique)
Comité de Patronnage
AIM. ?-:•.: -. dir. bon. du laboratoire de psychologie à la Sorbonne : A. Boner, dir. dn laboratoire de psychologie à la Sorbonne ; Blanchard, prof, à la Faculté de Médecine : Boirac, recteur de l'Académie de Dijon ; Bhissaud, prof. a la Faculté de Médecine ; Lionel Dauriac, prof. non. de la Faculté de Montpellier; Marcel Dubois,
Ecole de Psychologie (49. rue Saint-André-des-Arts). prof, à la Sorbonne ; Giard, prof, à la Sorbonne ; Huchard, membre de l'Académie de Médecine ; Ribot, prof. hon, au Collège de France ; Albert Robin, prof. à la Faculté de Médecine : J. Voisin, médecin de la Salpétrière.
ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE
49, rue Saint-André-des-Arts, 49
Liste des présidents et des conférenciers des séances de réouverture
21 Janvier 1931. Prof. Tarde. — Dr Bérillon et Dr Paul Magnin.
13 Janvier 1902. Prof. Albert Robin. — Dr Paul Magnin
13 Janvier 1903. Prof. Giard. — Dr Caustier, agrégé de l'Université.
12 Janvier 1901. Prof. Raphael Blanchard. — Dr Paul Farez.
10 Janvier 1905. Prof. Marcellin Brithelot. - - Dr Bérillon.
10 Janvier 1906. Dr Jules Voisin. médecin de la Sulpétrière. — Dr Paul M?gnin. 1er Février 1906. Inauguration du buste dn Dr Liébeault : ?erthelot. Bienvenu-Mar-tin et Jules Voisin. — Dr Paul Magnin. Dr Lloyd-Tuckey et Dr Bérillon. 9 Janvier 1907. M. Bienvenu-Martin. sénateur, anc. ministre. — Dr ?inet-sanglé. 9 Janvier 1908. Prof. Brissaud. — Prof. Ubeyd-Oullah et Dr Bérillon.
Programme des Cours et des Conférences de l'Ecole de Psychologie
pour l'année 1909 (9e année)
La neuvième séance de réouverture des cours, aura lien le lundi 11 Janvier, a. 5 heures, sous la présidence de M. Doumer . député de l'Aisne, ancien ministre.
ORDRE DU JOUR :
1° Dr Bérillon : Le programme de l'Ecole de Psychologie ;
2° M. Scie-Ton-fa, doeteur en droit : L'évolution de l'esprit militaire en Chine3° Allocution de m. Doumer. .....
Cours de 1909 (9e année) (Les cours et tes conférences de l'Ecole de Psychologie sont publics)
Hypnotisme thérapeutique. — Psychothérapie
Dr Bérillon, professeur.
Objet du cours : 1° Les psychopithies sexuelles (homosexualité, masochisme, fétichisme, etc...)
2° L'hypnotisme et l'orthopédie mentale : Les enfants et les adolescents anormaux : retardataires, instables, timides, indociles, parvers et nerveux. Les jeudis à cinq heures, à partir du jeudi 14 Janvier.
Hypnotisme expérimental
Dr Paul Magnin, professeur.
Objet du cours : Les psychonévroses.
Les jeudis à cinq heures et demie, à partir du jeudi 14 janvier.
Psychologie pathologique. Dr Paul Farez, professeur.
Objet du cours : La psychologie de l'alimentation : Philies et phobies alimentaires.
Les samedis à cinq heures, à partir du samedi 16 janvier.
Pathologie mentale appliquée aux religions. Dr Binet—Sàngle, professeur.
Objet du cours : Jésus de Nazareth. (Suite du cours de l'année précédente)' Les samedis à cinq heures et demie, à partir du samedi 16 janvier.
' Psychologie sociale.
Dr Broda, professeur.
Objet du cours : Les problèmes psychiques de l'humanité contemporaine. Les mercredis à cinq heures, à partir du mercredi iS janvier.
Psychologie des races.
M. Scié-Ton-Fa, professeur.
Objet du cours : L'évolution psychologique de In Chine moderne. Lés mercredis h cinq heures cl demie, A partir du mercredi IS janvier.
Psychologie expérimentale.
Dr Demonchy, professeur.
Objet du cours : Les appareils employés pour la production de l'hypnotisme. Les vendredis à cinq heures et demie, & partir du vendredi 1$ janvier.
Psychologie musicale.
Dr Bené ?aµart. professeur.
Objet du cours : L'émotion musicale et ses manifestations physiologiques. Les vendredis à six heures, à partir du vendredi 15 janvier.
Psychologie du criminel. 21. G? ::..'.•.[¦•¦¦¦ r, avocat à la cour.
Objet du cours : Les transformation sactuelles de la délinquence et de la criminalité. Les vendredis à cinq heures, A partir du vendredi 15 janvier.
Psychologie des animaux, it. Lépinay médecin-vétérinaire, professseur.
Objet du cours : Les erreurs dans l'observation psychologique des animaux. Lés mardis a cinq heures et demie, h partir du mardi 13 janvier
Anatomie et psychologie comparées. M. Grollet, médecin-vétérinaire, professeur.
Objet du cours : Le cerveau, organe de la pensée chez l'homme et chez les animaux.
Les mardis à cinq heures, à partir du mardi 12 janvier.
HORAIRE DES COURS
INSTITUT PSYCHO-PHYSIOLOGIQUE
49, rue Saint-André-des-Arts.
L'institut psycho-physlologlque de Paris, fondé en 1SS9. est destiné à fournir aux médecine et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.
l'organisation de l'Institut psycho-physiologique comporte :
I. Ecole de psychologie : (Voir le programme des cours et dos conférences).
Professeurs correspondants : D* Paul Joint: (LUle),D" JaQuaribe (Sao-Paulo,Brésil), _ Dr ?rlit??? (Moscou), dr Damoglou (Le Caire), Dr Vicente Hermandez (Seville). Dr Quaçkenbos (Sew-York), Dr Lingreek (La Haye), Ubeyd Oullah (Smyrne). Dr Bahaddin (Constantinople).
Professeur honoraire : Dr Wateau.
II. Dispensaire pédagogique et neurologique. — Dispensaire antialcoolique.
Médecins : Dr Bérillox, Dr Paul Magnin, Dr Paul Farez, Dr B. Pamart, Dr de la fouchardiere.
III. Laboratoire de psychologie expérimentale.
Chefs des travaux: Dr Bérillon, Dr Demoncht.
IV. Laboratoire de psychologie comparée. Chefs des travaux : MM. Lépisay et Grollet, médecins vétérinaires.
V. Education physique. Chef des travaux : M. Gosset.
VI. Musée de psychologie. Conférences pratiques d'hypnologie et de psychothérapie.
Les conférences cliniques sur les applications de l'hypnotisme â la psychothérapie et à la pédagogie, reprendront le jeudi 14 janvier à 10 heures du matin. Elles seront dirigées par les Dr Bèrillon, Magnin, Paul Farez. B. Pamart et de la Fouchardière. On s'Inscrit les jeudis à l'Institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts.
Consultations du Dispensaire pédagogique.
Les consultations données au Dispensaire pédagogique, sous les auspices de l'Ecole de psychologie ont lieu les mardis, jeudis, samedis de dix heures à midi, 44, me Saint-André-des-Arts.
Ces consultations sont destinées aux enfants et aux adolescents anormaux (retardataires, instables, timides, indisciplinés, pervers et nerveux).
Les médecins, les étudiants elles membres de l'enseignement sont admis aux consultations du jeudi.
Promenades et excursions psychologiques.
Les cours de l'Ecole de psychologie seront complétés par des excursions psychologiques. Des visites à la ménagerie du Muséum d'histoire naturelle et au laboratoire de psychologie comparée auront lien sous la direction de M. Léplnay. (On s'Inscrit au Cours).
Excursion pédagogique.
Une excursion pédagogique aura lien un dimanche à G Etablissement médico-pédagogique de Créteil (enfants et adolescents retardataires et nerveux), sous la direction de MM. les D'" Bérillox et Qctso.ce, directeurs. (On s'inscrit au Cours).
Conférences psychologiques.
' Les conférences psychologiques hebdomadaires portant sur toutes les branches de la psychologie. et faites par les savants les plus autorisés, ont lieu les lundis à cinq heures, à partir du lundi 11 Janvier. (Consulter le programme spécial).
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
A. BauMans : Le cœur humain et les lois de la psychologie positive. In-16. Paris.
Mlle Jeanne Desrayaux; : Hiliaton l'Adhan. In-16. Alger.
Docteurs M. Boulay et M. Le Marez-Hadour: Anesthésies pharyngées.
In-12. Bordeaux-Paris. 104 pages. Dp da Costa GuimARAES : Contribution à la pathologie des mystiques.
In-8. Paris. 52 pages. Paul Simon, capitaine d'artillerie : La morale scientifique. In-8. Paris.
29 pages.
Dr Maurice Mignon (de Nice) : L'esthétique du nez. In-12. 20 pages.
Ed. Xalher : Etudes sur le calendrier égyptien (Annales du musée Guï-met). In-8. Paris. 135 pages.
Dr J. Boxjour, de Lausanne : La suggestion hypnotique et la psychothérapie actuelle. In-12. Paris, J.-B. Baillière. 111 pages.
Dr G-. d'HOTEL, de Foix-Terrons : Essai sur la suggestion à l'état de rêve et dans la vie normale : étude de signe pupillaire. Broch. in-S 7 pages.
Dr Bérillox : Le traitement psychologique de l'alcoolisme. — In-12, 32 pages. Paris 1900, Bureaux de la Revue de l'Hypnotisme. 1 fr.
Dr Bérillox : Le concours de l'agrégation en médecine : nécessité de son remplacement par l'institution des privat-docent. In-8°. 24 pages. . Bureaux de la Revue de l'Hypnotisme, 1 fr.
L. Bérillox : La timidité chez l'enfant. 24 pages in-8. Bureaux de la
Revue de l'Hypnotisme. 1 fr. Dr Bérillox : La psychothérapie graphique : son importance dans le
traitement des psymonévroses, broch. in-12, 8 pages. Dr Bérillox : L'Œuvre de Liébault.
C. Bruyaxt : Géographie zoologiquc. In-8. Clermont-Ferrand. 46 P. Congrès de 1908 à Clermont-Ferrand.
Paul Simon : Science et morale. Lettre à M. F. Brunetière. In-8°. Paris. 32 pages.
Dr A. Nogier : Physiologie du langage. In-12. Paris. 116 pages. Dr Marage : Mesure et développement de l'audition. In-8°. Paris. 115 p. Dr Saint-Yves Mêxard : Eloge de Pierre Charlier. L'abbé E. Dambrine : Créteil. Premiers monuments de son histoire. In-12. Paris. 102 pages.
L'administrateur : j. BÉRILLON. Le Gérant : Constant laurent. Privas
Privas, Imp. C. Laurent, avenue du Vanel.
Année. — ?• 8. >^GG-?7 Février 1909.
BULLETIN
La décoration de M. le D1 Jules Voisin. — Le Banquet organisé par ses élèves et ses amie.
La nouvelle de la nomination de M. le D' Jules Voisin dans l'ordre de la Légion d'honneur a causé une bien rive satisfaction k ses nombreux élèves et k ses amis. Comme l'a dit jcstemcnt M. le D' Huehnrd. cette distinction aurait dû lui être attribuée vingt ans plus tél. Mais nous vivons a une époque où la modestie, le dévouement a la science et les services désintéressés ne sont pas tonjours comptés comme des mérites.
Eu vérité, il n'est pas possible a un médecin de réunir plus de titres a la Légion d'honneur que n'en avait le D1 Jules Voisin.
Pour le démontrer, 11 snfflra d'eu présenter l'enuruération par ordre chronologique :
— Aide-major en 1870-1871, aû ß* secteur, à la Muette (siège de Paris».
— Interne dos hôpitaux en 1871.
— Médecin adjoint du Dépôt, en 1876.
— Médecin de Blcetre en 1879.
— Médecin en chef du Dépôt, 1884.
— Médecin de la Salpétrlère, en 1884.
— Médecin de l'Ecole de réforme de la Salpétrlère, en 1892.
— Chargé dn service des enfants atteints de maladies chroniques (pavillon Ter-rillon, Salpétrière).
— Lauréat de l'Académie de Médecine (Prix Herpln).
— Lauréat de l'Académie de médecine (Prix Lallemandj.
— Président de la Sociéié médico-psychologique.
— Président de la Société de médecine du 9* arrondissement.
— Président perpétuel de la Société d'hypnologie et de psychologie.
— Président du 2* Congrès international de l'hypnotisme en 1900.
— Président de la Société l'assistance familiale.
— Président de la Société de pathologie comparée.
— Président du Patronage aux aliénés sortants, etc.. etc.
A ces fonctions et k ces titres, il convient d'ajouter la publication des traités devenus classiques sur l'Idiotie, sur I'épilepsie et des rapporte sur les Psychoses de la puberté (Congrès de psychiatrie. 1900). sur la classification et l'assistance des enfants dite anormaux intellectuels (Congrès do l'assistance aux aliénés, Milan, 1907).
Il ne faut pas oublier que le Dr Jules Voisin a été le principal initiateur, par son enseignement a la Salpétrlère et par ses travaux personnels, de la grande question, devenue aujourd'hui d'actualité, des enfants anormaux. Dès 1892. il organisait à la Salpétrlère, à côté de son service d'enfants arriérés et éplleptiques, l'Ecole de réforme destinée a l'éducation et a la morulisation des jeunes filles vicieuses on coupables de l'assistance publique. Ce ne fut qu'au prix de multiples difficultés qu'il parvint, avec des ressources budgétaires très limitées, à mettre sur pied cette école remarquable par l'ordre, la méthode qui président ? son fonctionnement, ainsi que par la bonne tenue des élèves. Eu même temps, Il ne cessait de perfectionner le service des enfants anormaux et l'école qui y est annexée. Il n'est pas inutile d'ajouter que tons ces services exceptionnels rendus a l'administration de l'Assistance publique l'ont été avec le plus entier désintéressement.
Ses leçons cliniques sur l'aliénation mentale, sur les maladies nerveuses et sur l'éducation des enfants anormaux, suivies chaque année de nombrenx auditeurs, constituent également un enseignement libéralement donné.
Aux services administratifs et officiels du I)' Jules Voisin sont donc venus s'ajouter de nombreux services exceptionnels autant que désintéressés, qui dans l'attribution des distinctions honorliiqnes devraient toujours passer au premier rang.
Tous ceux qui ont pu constater avec quel dévouement, quelle assiduité, quelle bonté, le DT Jules Voisin remplit les fouet ions qui Inl ont été confiées depuis quarante-quHtre nns, par l'Assistance publique et, depuis trente-deux uns, parl'Ad-nlulstration pénitentiaire ; ceux qui ont pu, dans les sociétés dont 11 dirige les travaux, apprécier l'autorité de son savoir et l'élévation de son caractère, se Joindront a nous pour applaudir ? la distinction si légitime dont il vient d'être l'objet
En comprenant dnns la dernière promotion les noms d'hommes aussi estimés et aussi méritants que le sont les docteurs Richelot. Jules Voisin, Campenon, Tri-boulet, il. le D' Clemenceau, président du Conseil des minUtres. s'est attiré l'approbation du corps médical tout entier.
A
La Société de pathologie comparée, ln Société d'hypnologie et de psychologie el le Syndicat de la presse scientifique ont décidé d'offrir un banquet an Dr Jules Voisin, médecin de In Salpétrière et médecin en chef dn Dépôt, a l'occasion de sa nomination dans la Légion dlionuenr.
Le banquet aura Heu le samedi 20 mars, a 7 h. et demie, au Grand-Hôtel, sons la présidence de M. le Dr Raymond, professeur il la Faculté, membre de l'Académie de Médecine, et sous la préslcence d'honneur de M. le D' Clemenceau, président du Conseil des ministres et de M. le D' Dublef, vice-président de ln Chambre des dépntés.
Le prix du banquet est fixé à 1d francs. Les amis et les élèves du D* Jules Voisin, qui ne pourraient nsslstor au banquet, sont Invités à contribuer par leur souscription an souvenir qui lui sera offert ?? cette occasion. Adresser les adhésions et les soi'scriptions h M. le i ¦¦¦ Bérillon, 4. rue Castellane. ?? M. Grollet, secrétaire général de la Société de Pnthologle comparée. 89, rue Lnurlston, et ? le D' Ton-chard, chef de clinique de ln Faculté, 79, rne d'Amsterdam.
Nous ne doutons pas que l'appel du Comité soit accueilli avec enthousiasme par les membres de ln Société d'hypnologie et de psychologie, par ceux qui ont pris part aux travaux du Congrès international de l'hypnotisme en 1900 et par les amis de l'Ecole de psychologie, il laquelle M. le D' Voisin a rendn de si grands services.
Le banquet du D' Jules Voisin sera la féte de la reconnaissance en l'honneur d'un maître universellement estimé et aimé.
Neuvième réouverture des cours de l'Ecole de psychologie
sous la présidence de M. Paul Dorant, député, ancien Gouverneur de l'Indo-Chlne.
La neuvième réouverture des cours de l'Ecole de psychologie a eu lieu le lundi 11 janvier, sous la présidence de M. Paul Doumer, député, ancien gouverneur de l'Indo-Cliine. Autour de lui avaient pris place M. le docteur Jules Voisin, médecin de la Salpétrière et les professeurs de l'Ecole, MM. les docteurs Bérillon, Paul Magnin, Paul Farez. Caustier, professeur au Lycée Saint-Louis, Grollet. Lépinay, GuUhermet, avocat à la Cour, docteur Demonchy. M. Scié-Ton-Fa, M. Louis Favre.
Parmi les personnalités que nous avons remarquées à la réouverture
des cours, nous avons noie MM. Almode-Dauwley, membre du conseil supérieur de l'Instruction publique à Téhéran, M. le docteur Yvon, médecin-inspecteur des Ecoles, Mil. les docteurs Chauchard, Beignier, Bibard, Philippe, Léon Huguenin, le cheikh Abou Naddara, docteur Kolbé (de Chatel Guyon), docteur Perez (de Mexico), M. Deniel, ingénieur des ponts et chaussées, M. Phal, professeur. M. Combes, secrétaire-général de l'Alliance scientifique universelle. M. Merlet, professeur ; docteur Toupance, docteur Spourgltis, M. Dyvrande, procureur de la République a Saint-Quentin, docteur Aimé Gardette, M. Cold, professeur, docteur Masbrenier, Raphaël Beau, vice-consul, Bapellin, explorateur, Leroy, professeur au Lycée Michelet, Tsi-Keun, étudiant en diOit et plusieurs étudiants chinois et japonnais, docteur Hafez Afifi (du Caire), M. Bossuct, notaire, docteur Maleter Istvan, M. Dunod, ingénieur, comte de Foucault, docteur Babaian Bnbaieff (de Tiflis), M. Barbelenet, professeur au Lycée de Rouen, M. Soubhi Bey (de Constantinople). M. Féridoun Bey (de Constantinople). M. El Sa^vy. membre de la mission Egyptienne, M. Jean Karakasch (de Bakou), M. Tarbouriech, Mme Markowitch, secrétaire-générale de la Société française d'études islamiques, M. le Dr Query, MM. les capitaines Durand, Echard, ainsi qu'un grand nombre de professeurs de lycées et écoles de Paris.
Plusieurs des membres de notre conseil de patronage s'étaient fait excuser, entre autres M. le docteur Hnchard, membre de l'Académie de médecine. M. le professeur Lionel Dauriac, M. le professeur Joseph Fabre, ainsi que plusieurs de nos professeurs correspondants : M. le docteur Orlitzky (de Moscou), Damoglou (du Caire), Vicente Hernaudez (de Seville), Jaguarike (de Sao Paulo), Bahaddin Chakir (de Constantinople). Paul Joire (de Lille), "Wïtry (de Tréves-sur-Moselle).
Après avoir ouvert la séance, le président donne la parole au docteur Bérillon :
L'Ecole de Psychologie
par M. le D* BÉmixos professeur h l'Ecole de Psychologie.
Avant de remplir l'agréable mission d'exposer les événements relatifs à notre école qui sont survenus depuis la dernière session, permettez-moi de vous rappeler le programme de notre dernière séance de réouverture. Cette séance eut lieu le 11 janvier sous la présidence dnDrBris-saud, professeur k la Faculté de Médecine. Ce jour-là. le professeur Ebeyd-Oullah, de Constantinople, exilé à Paris, aborda, sous le titre : Le désaccord entre la politique musulmane et la doctrine du Coran, une question de la plus brûlante actualité.
H demandait à l'Ecole de psychologie de résoudre le problème de la libération du peuple ottoman.
Vous n'avez pas oublié l'éloquente allocution que M. le professeur Brissaud, s'inspirant de la leçon du professeur LTbeyd-Oullah, adressa k ceux qui rêvaient d'une ère prochaine de justice et de liberté. En se re-
portant aux événements qui ont aboutijà la proclamation de la Constitution turque, il semblerait que ses sages conseils aient été suivis à la lettre. En mettant à l'ordre du jour la question posée par le professeur TJbeyd-Oullah, l'Ecole de psychologie a témoigné de 'sa constante préoccupation de subordonner les faits politiques aux enseignements de la psychologie sociologique.
Des relations amicales de l'Ecole de psychologie avec les savants musulmans est résultée la création de la Société française d'études islamiques qui se rattache ainsi étroitement, par son origine, au but général poursuivi par notre école.
* * *
C'est également pour rester fidèle à notre programme que la conférence de la neuvième séance de réouverture sera encore faite cette année • par un étranger. M. Scié-Ton-Fa, mandarin chinois, va nous parler de G'Evolution de l'esprit militaire en Chine. Docteur en droit de la faculté dé Paris, M. Scié-Ton-Fa ne s'est pas absorbé complètement dans l'étude des textes juridiques. ? a également appris l'histoire de notre pays. Elle lui a appris que chez nous, comme chez lui, le souci de la dignité nationale et l'amour de la patrie étaient les meilleurs legs que nous avions reçus de nos ancêtres.
Cette année, notre cadre de professeurs s'est complété par l'adjonction de trois nouveaux collaborateurs. Dans le cours de Psychologie du criminel, M. Gnilhermet, avocat à la cour, juriste de la plus haute distinction, traitera les Transformations actuelles de la délinquence et de la criminalité. Une chaire de Psychologie des races sera confiée à M. Scié-Ton-Fa. ? exposera Y Evolution psgclwlogique de la Chine moderne. Enfin, un do nos confrères qui a déjà fait preuve d'une compétence indiscutable dans les questions d'hypnologie, M. le Dr Demonchy, abordera dans le cours de Psychologie expérimentale, Y Etude des appareils employés pour la production de l'hypnotisme.
Le cadre de notre action s'étend également à l'étranger. A la liste des professeurs correspondants, M. le Dr Jaguaribe, de Sao-Paulo ; Paul Joire, de Lille ; Orlitzky, de Moscou ; Damoglou, du Caire, nous avons le plaisir d'ajouter les noms du professeur TJbeyd-Oullah.de Constantinople, du Dc Quackenbos, de New-York ; du Dr Lingbeck, de La Haye ; du Dr Vicente Hernandez, de Seville;du Dr Bahaddin Chakir, de Constantinople et du Dr Witry, de Trêves. Chacun de ces nouveaux collaborateurs nous a donné les preuves de son dévouement a nos idées et de son érudition psychologique. Plusieurs d'entre eux peuvent être considérés comme des maîtres de l'hypnotisme, car ils ont puissamment contribué à sa vulgarisation et à ses progrès.
Cette institution de professeurs correspondants est absolument spé-c.ale à notre Ecole de psychologie. Elle a pour mission d'étendre aux distances les plus éloignées les enseignements dé notre école, et de con-
server dans toute leur pureté les doctrines fondamentales que nous ont transmises les leçons des Braid, des Durand de Cros, des Charcot, des Dumontpallier, des Liébeault, etc., c'est-à-dire de ceux qui ont élevé l'hypnotisme au rang d'une science positive et qui nous ont permis de dégager de leurs recherches expérimentales les éléments d'une psychothérapie vraiment méthodique.
* *
Il me reste enfin un devoir des plus agréables à remplir, c'est celui de remercier M. Paul Doumer, député, ancien gouverneur de l'Indo-Chine, ancien président de la Chambre des députés, de l'honneur qu'il nous a fait en acceptant de présider la leçon de M. Scié-Ton-Fa.
Nul n'était mieux qualifié que M. Paul Doumer, dont la compétence sur toutes ces questions de l'Extrême-Orient s'est affirmée par tant de faits éloquents ; mais M.Paul Doumer avait encore d'autres titres à notre sympathie. Dans son remarquable ouvrage paru en 1606 : Le Livre de mes fils, il codifie, pour ainsi dire, les préceptes qui doivent servir de guide pour l'éducation morale des générations nouvelles. Avec un grand courage, auquel nous sommes heureux de rendre hommage, M. Doumer ne craint pas de s'attaquer aux prétendues théories humanitaires par lesquelles on abolit à la fois dans les nations le sentiment dn devoir, l'admiration du courage et le souci de la dignité.
A l'Ecole de psychologie, nous nous efforçons également de mettre nos auditeurs en garde contre ces mauvais états de conscience qui, tels que la veulerie, le mysticisme, le nihilisme et le sentimentalisme pathologique, représentent les formes prodromiques de la dégénérescence mentale. « N'écoutez pas les sophistes, écrivait récemment M. Doumer. qui professent un cosmopolitisme dissolvant qui nient la Patrie, et qui répudient le devoir. Ce sont des ennemis publics. Us précipiteraient la France vers la décadence et la mort, comme leurs aînés ont fait de la Grèce et de Rome. »
Déjà, le 10 janvier 1905, Berthelot. aussi noble patriote qu'il fut grand savant, présidant la cinquième réouverture des cours de l'Ecole de psychologie, nous rappelait que la science et l'amour de la Patrie constituaient à ses yeux les fondements essentiels de la moralité.
Fidèles à ces engagements, nous nous efforçons, à l'Ecole de psychologie, de réagir contre les périls qui menacent l'avenir de notre race, en mettant au premier rang, dans notre programme, les questions qui se rattachent à la formation de la volonté et à l'éducation du caractère.
L'Evolution de l'esprit Militaire en Chine
par M. Scté-Tox-Fa, docteur en droit.
Ce titre « Evolution de l'esprit Militaire en Chine » peut paraître au premier abord assez singulier et provoquer l'étomiement, puisque d'après l'opinion très répandue en occident, les Chinois n'ont jamais été animés de l'esprit militaire.
L'adage répété à tons les échos qu'avec du bon fer on ne fait pas de bons clous, et qu 'avec des honnêtes gens on ne fait pas de bons soldats tinte encore à nos oreilles, je dis à tous les éohos, car c'est le seul matériel que les écrivains d'Europe ont employé pour traiter cette question.
Or détrompez-vous ; l'esprit guerrier, l'esprit militaire a toujours ' existé en Chine, avec des variations, comme dans toutes les nations du monde. Cet esprit a été même, dès la plus haute antiquité, poussé jusqu'à un degré très avancé. Nous venons, il est vrai, de traverser une période très Fâcheuse de notre esprit guerrier, comme je le rappellerai dans le cours de cette leçon, mais jamais la disposition à jouer un rôle militaire ne nous a abandonné complètement.
Nous n'avons pas eu les mêmes systèmes militaires que les peuples occidentaux, cela est certain, mais il ne faut pas confondre système militaire avec esprit guerrier.
Nos philosophes, nos moralistes qui ont toujours prêché la paix et l'iiarmonie ne se sont jamais opposés fi l'idée que la Chine puisse être un peuple fort, bien au contraire. Ne défend-on pas en Europe, et cela d'une façon incessante, la cause de la Paix et de l'arbitrage, et pourtant des milliards sont dépensés chaque année par les budgets de la guerre des différentes nations.
Nos philosophes moralistes tels que Confucius (qui lui même était le fils d'un guerrier) Laocius, Jlencius, etc.. pour ne citer que ceux qui sont les plus connus de vous, nous ont enseigné comme devant être les premiers devoirs des bons citoyens, ceux de fonder des familles solidaires et de repousser les barbares, les étrangers qui viendraient troubler notre paix et notre concorde.
Us créèrent par leur enseignement « la responsabilité collective ». si différente de la responsabilité individuelle, et dont les effets salutaires ont fait prospérer la Chine jusqu'à nos jours. Pour nous conformer à ces enseignements, nous devons garder jalousement nos frontières contre toute attaque. Dans l'éducation des jeunes gens, les exercices physiques étaient en très grand honneur ; le sabre, l'arc et le pinceau étaient des insignes de noblesse.
« L'Art de la Guerre et l'Art des Lettres tels étaient les deux principes fondamentaux de notre peuple. Les mots OU pour la Guerre, et W'ENN pour les Lettres, ont joué en Chine un rôle prépondérant et ont été les pivots de notre histoire. Tantôt le OU remporte sur le ?????. tantôt c'est le contraire, mais ils subsistent toujours simultanément et les plus belles pages de notre vaste Histoire n'ont pas toujours été celle des WBNN !
J'analyserai très succintement l'évolution historique de cet esprit guerrier chinois ; mais avant cela je dois examiner quelles ont été les causes du non développement des systèmes militaires Chinois.
D'abord ce fut la situation géographique : à l'Est, au Sud-Est, au Nord-Est, la frontière est marquée par l'Océan immense : au Nord il n'y a, en fait de voisins, que quelques populations tartares avec lesquelles
nous n'avons cessé d'être en guerre pendant de nombreux siècles. Au Nord-Ouest et à l'Ouest il n'y a également que des Tartares et des Mongols : an Sud-Ouest et au Sud la Chine est protégée par des chaînes de montagnes interminables et d'une grande altitude. La Chine était donc isolée, ou à peu près, du reste du monde ! Elle n'eût donc pendant des siècles qu'a combattre les Tartares, les Mongols, et à soutenir des luttes intestines. Puis, plus tard, lorsque son unité fût ? peu près constituée, que la paix fût établie sur notre sol, l'armée perdit de son importance. Elle n'apparût plus que comme une milice appelée sous les armes lorsque des troubles intérieurs surgissaient. Elle joua le rôle de police comme cela se passe actuellement en Europe quand surgissent les grèves. La domination Tartare acheva son anéantissement !
Mais trois siècles de sommeil, après des milliers d'années de gloire militaire, ne sont pas faits pour annihiler le ressort d'une nation bien au contraire, ils nous ont donné un rspos salutaire, et. si la jeune Chine se réveille, si elle sent bouillir dans ses veines une activité guerrière c'est bien, comme je le disais plus haut, que nous avons un passé de gloire militaire. Un peuple n'acquiert pas une valeur guerrière du jour au lendemain, si des traditions ancestrales n'ont pas créé chez lui des aptitudes à l'action virile et a l'amour de la Patrie.
Abordons l'histoire. Sans remonter trop loin prenons la à l'époque des Tcheo m™* AD. L'Empereur Tcheo-Ou-TVang était lui-même un grand Général: son premier conseiller. Kiang-Tai-Kong, le fut également. Son grand ouvrage sur l'art de la Guerre est un monument historique d'une haute importance. Nous sommes en pleine période féodale, période qui durera jusqu'au troisième siècle. Ce ne sont que combats perpétuels ou plus de huit cents princes et leurs partisans sont engagés. Nous vivons une époque de gloire où le sang de milliers d'hommes est répandu pour l'honneur des armes. Les Princes sont tous Militaires, les élèves, les Nobles portent le sabre ou l'épée ! C'est durant cette période que naissent Confucius et Laocius. Confucius est alors conseiller du Prince du Royaume de Lou, il le dirige dans ses entreprises militaires contre les autres Princes.
Au LU* siècle A. D., Tsing-Hé-Hoang. le fameux Roi des Rois, avait conquis tous les autres royaumes et établi sa capitale à Tch'Ang-Ngan (actuellement Si-Ngan-Fon|. Il fit construire des routes militaires reliant tous les points du pays. il. édifia des forteresses et maintint sons les armes une armée de plus de 600.000 hommes. Son grand Maréchal, le fameux Li-Sse fut un héros que notre théâtre et notre littérature ont chantés à tous les échos. II donne en 214 A. D. les plans de la construction de la Grande-Muraille qui est un des plus formidables travaux de l'art militaire qui ait jamais été conçu. Tsing-He-Hoang fut le fameux empereur ennemi dos Lettrés auxquels il reprochait de mettre dans l'indolence le cerveau de son peuple. Eu 213 A. D., a la suite d'un accès de colère contre ces Lettrés qui se plaignaient de n'être pas traités- avec plus d'égards, il donna ordre de mettre le feu à toutes les bibliothèques
et tontes les librairies lu Royaume. Cette Grande-Muraille appelée en chinois "Wan-Li-Tch'Ang-Tch"Eng, ou muraille des dix milles lis, Fut construite sous les ordres du Général Moung-T'ien avec l'aide d'un corps d'armée de 300.000 hommes. Elle était destinée à servir de barrière aux envahissements des Tartares. Cette construction ne fut terminée que dix ans plus tard par le Grand rebelle Tch'Ou-Pao-Wang en -205 A. D. D'après les données de l'Histoire cette Grande-Muraille était de 25 à 30 pieds de haut, 20 pieds d'épaisseur, six cavaliers avec leurs montures pouvaient y passer de front. De distance en distance une tour carrée de 40 pieds de hauteur servait de poste de signal. La mnraille fût construite en grosse pierre de taille, en brique et en terre battue. Toutes les portes étaient en fer surmontées d'un fortin crénelé. L'extrémité Orientale entrait assez avant dans la mer où furent coulées d'énormes jonques de 5 à 600 tonneaux pour servir de pilotis.
Nous arrivons ainsi à la dynastie des Hans 138 A. D. A cette époque le Général Tchang-K'ien, visitant le pays de Tué-Ti (comprenant la Mongolie, la Dzoungarie. et la Kachgarie) y fut fait prisonnier jar les Huns (Mongols du Nord). ? revint en Chine en 126 A. D. ; mais en 122 A. D.,à la téte de 800.000 hommes il revint soumettre tont l'Empire des Huns. Ce fut cet Empire reconstitué qui sous la conduite d'Attila devait envahir une partie de l'Europe, vers le YI« siècle de votre ère. H soumit également la Boueharie, la Bactrianie, et tous les pays de l'Oxus.
Le Général Son-Ou dont la gloire et la fidélité à son souverain sont encore aujourd'hui proposées en exemple à nos enfants, fût fait prisonnier a cette époque ; les Tartares le soumirent à la torture, ils le descendirent dans un. puits, sous la neige, afin qu'il dévoilât les secrets de la mobilisation d'alors : « Jamais je n'aurai d'autre maître que mon souverain l'Empereur de Chine, qui deviendra Voire Maître », telle fut sa réponse ! L'Empereur envoya de nouveau plusieurs corps d'armée avec le général Li-Kouang-Lx pour sauver Son-Ou, malgré des efforts héroïques, il ne fut délivré qn'après dix-neuf ans de tortures et de souffrances. Tchou-Kou-Leang. conseiller de l'Empire et vaillant Général termine la dynastie des Han.
Nous sommes à la plus belle période de l'Histoire de Chine, la période des Trois-Boyaunies (San-Koué) c'est elle qui a fondé l'Ame Chinoise. Notre théâtre et notre littérature sont remplis des hauts faits d'alors. Evoquer la vaillance de nos grands guerriers ; des Généraux tels que: Ts'Ao-Ts'Ao. Tchang-Fei. Tcha-Dzou-Loung ce général de vingt ans, Koang-Ti notre saint de la Guerre, etc.... c'est faire bondir le cœur de tout jeune Chinois. Les exemples d'actes d'héroïsme de cette époque glorieuse sont innombrables. H n'y eut jamais assez de poètes pour chanter la gloire des vainqueurs. Ce fût dans le même siècle que le grand général Sse-Ma-Vi réunit 880.000 hommes sur les bords du Tang-Tsé ou plus de 1.500.000 hommes se mesurèrent jusqu'à la victoire complète de Sse-Ma-Yi (du Royaume des Weï). Il fonda une seconde fois
l'unité de l'Empire dont la dynastie prit le nom de Tsinn et régna de 265 à 419 P. D.
Les dynasties suivantes des Song, des Ts'i, des Leang, des Tch'en : des Soei n'eurent qu'une courte existence ; ce furent tout de même des temps de luttes guerrières et de compétitions à main armée.
I " p général très jeune Li-Che-Ming ramena la paix intérieure et son père fut proclamé Empereur sous le nom de T'an-Kao-Tsou. fondateur de la dynastie de T'an. Li-Che-Ming prit lui-mémes les rênes de l'Etat en 626 sous le nom de T'an T'ai Tsoung. Ce fut un de nos plus glorieux souverains, grand ami des Lettres, il ne négligea pas les armes. Ce fut peut-être la seule époque où le OU et le "WENN firent bon ménage. D. envoya de nombreuses ambassades aux Indes, en Perse et en Occident.
A la seconde dynastie des Soung, nos troupes Chinoises se mêlèrent aux Mongols et aux Tartares, aussi trouve-t-on des Chinois enrôlés dans leurs hordes.
Le grand Gengiskan est célèbre en Chine par sa grande bataille de Tangut où 700.000 hommes se ruèrent pendant deux jours contre les Kin, près de la ville de K'aï-Fong-Fou, 200.000 hommes périreut. H rebroussa chemin après un pacte d'amitié ! ayant grossi son armée d'importants contingents Chinois. Il prend Yarkand. Boukara. Samar-kande, Méri, Herrat, et tout le Krassan. En 1223, la Perse et Balck tombent en son pouvoir, il entra en Bulgarie, jusqu'au Volga; il mourut a son retour. — Qui ne connaît Yuen-T'ai-Tsoung en Chine ? (C'est le nom Chinois de Gengiskan). Je ne puis citer ici tous les grands Capitaines Chinois qui périrent sous ses ordres, ce serait trop long !
Son fils Oktrikan lui succède et combat contre le Royaume des Kin, qui s'était reformé. Durant cinq années ce ne sont que combats glorieux de part et d'autre. Ses frères, quelques années plus tard vinrent en Hongrie et en Pologne (le mot Hongrie vient de Hongre. Hogre. ou Houng en Chinois).
Sous les Yuen en 1212, nous voyons Soubouctaï-Kan s'emparer de la Géorgie, contourner la Mer Caspienne, soumettre les peuples du Volga, pénétrer en Crimée et en Bulgarie. C'est à cette époque qu'apparaît le Canon dont les Mongols apprirent l'usage des Chinois et le firent connaître à l'Occident.
Toute cette dynastie des Yuen, quoique Tartares, fut glorieuse pour le renom militaire de la Chine, il n'y avait pas de barrière entre les deux peuples ; et les Etendards Chinois, portant un Tigre comme emblème, pénétrèrent jusqu'en Europe. La Capitale Pékin s'appelait Kambalik. l'Enij ereur Cheo-Tsou détruisit les derniers vestiges des Soung avec le général Pe-Yen..En 12S1, il arma une flotte nombreuse, dans le but de tenter un débarquement au Japon, cette Armada périt dans un typhon avec plus de 80.000 hommes.
Une période de calme semblait régner depuis quelques années, lorsque vers 1368. (vous voyez que le Chinois n'aimait pas tant que cela rester inactif), un bonze nommé Tchou-Yuen-Tchang fomenta
une révolte, un réveil patriotique contre l'étranger ; ce fut comme une fusée ! la vieille ardeur guerrière Chinoise se réveilla. Tchou prit la tête des insurgés et battit les Troupes Impériales Tartares : monta sur le trône avec le nom de Houn-Ou, premier souverain de notre dernière dynastie chinoise des Ming qui devait durer jusqu'en 1644. — H réforma l'Empire et surtout l'armée que les terribles guerres lointaines avaient diminuée : il rénova l'esprit guerrier épuisé par tant de combats.
Mais les Tartares ne se tinrent pas pour battus, Young-Tsong en 1436 perdit plus de 300.000 hommes contre eux. Sous l'Empereur Ouang-Li (1573-1620) 200.000 hommes et 50.000 cavaliers se trouvèrent engagés à la bataille de Lea-Yang, au même endroit qui devait redevenir célèbre dans la dernière guerre Russo-Japonaise.
De nouveau un parti de mécontents sous les ordres de Li-Koung se souleva contre l'Empereur-Chinois Ts'ong Tchen. Le désarroi était complet. Les troupes Impériales battues en brèches se débandèrent ; l'empereur lui-même perdant la tête se pendit. C'est alors que le premier ministre Ou-San-Kouei ne sachant que faire, alla aux Grandes demander du secours aux Tartares Mandchoux, lesquels préparant la revanche des Yuen, montèrent sur le trône de Chine et fondèrent notre dynastie actuelle des Tsing.
L'éternel problème Chinois se trouva de nouveau posé en 1644 ; les OU seraient-ils les maîtres des WENN ? Les Mandchoux par un calcul très adroit gardèrent toutes les fonctions militaires, leur armée divisée en huit bannière^ occupa tous les points principaux de l'Empire Chinois. L'armée purement Chinoise formant le Lou-Kuing ou armée de la Bannière verte fut mise aux frontières. — Le gouvernement central ne s'inquiéta guère de son entretien et ne la recruta que parmi des gens sans aveu, cela à dessein ! Bref, notre belle armée n'existait plus !
Comme derniers points historiques je dois citer la fameuse rebellion des Taï-p'ing soulevés par HounG-Siou-Ts'iEun au cœur de laquelle pendant plus de quinze ans des flots de sang chinois et de sang tartare coulèrent pour une grande cause ! N'oublions pas non plus nos belles expéditions victorieuses contre les Musulmans Kachgars et Dzoun-gars !
Cet état de pacifisme systématique dure trois siècles. On sait combien il nous a valu d'humiliations. Il sera toujours pour tout chinois soucieux de la dignité de son pays de se rappeler cette période pendant laquelle les exigences arbitraires de l'étranger n'ont pas rencontré de résistance organisée.
TRAVAUX ORIGINAUX
Psychologie de l'olfaction : Les aptitudes olfactives : anosmies et hyperosmes.
par ?G. le Dr Bekillos;, professeur h l'Ecole de psychologie.
(Suite)
Les aptitudes olfactives : an os u les et hyperosjies.
Les aptitudes olfactives ne varient pas seulement d'une race ù une autre, elles présentent également dans la même race de grandes différences entre les individus.
L'hérédité des facultés perceptives se manifeste dans le développement de la fonction de l'odorat avec la même évidence que dans celui de toutes les autres fonctions. On a rapporté de nombreux exemples de transmission héréditaire de peurs instinctives, mais, il n'y en a peut-être pas de plus frappant que le suivant :
« Je tiens des gardiens d'une ménagerie, dit Laycock, que la paille employée pour servir de litière aux lions et aux tigres ne peut servir pour les chevaux, parce que, dès qu'on l'apporte dans l'écurie l'odeur les terrifie. Et cependant bien des générations se sont succédées, vivant de la vie domestique, depuis l'époque où le cheval sauvage, duquel on suppose que nos chevaux domestiques sont descendus, était exposé aux attaques de ces félins. (1) »
Dans son Anatomie comparée du système nerveux, G-ratiolet rapporte qu'un vieux morceau de peau de loup, usé jusqu'au cuir présenté k un petit chien, le jetait, par son odeur affaiblie, dans des convulsions d'épouvante ; ce petit chien n'avait jamais vu de loup. Comment donc, dit à ce sujet M. Ribot, expliquer cette terreur, sinon par une transmission héréditaire de certains sentiments, liés à une certaine perception de ' l'odorat.
L'hérédité des aptitudes olfactives se manifeste surtout dans plusieurs races de chiens. « Bon chien chasse de race » est u ? des nombreux proverbes auxquels a donné lieu la constatation de ce fait.
On dit que pendant la conquête du nouveau monde, les Espagnols ne -voulaient faire usage de fruits qui se présentaient k eux que quand les chevaux y avaient goûté. Le voyageur Levaillant, le P. Gumilla, Kolbe, racontent les services que leur ont rendus, soit en Amérique, soit en Afrique, les singes auxquels ils faisaient flairer les végétaux dont ils voulaient se nourrir, surs d'avance que ces animaux refuseraient toute substance vénéneuse.
En effet, comme le dit Conty, le traducteur d'Aristote « moult d'aus-tres bestes sont plus odorantes et ont le sens meilleur de odourer que les hommes ».
^U) Laycock : a chapter on some organic laws of personal and ancestral memory.
Quelle que soit la part de l'hérédité dans l'apparition des aptitudes olfactives, l'éducation particulière du sens de l'odorat exerce aussi son action. Je reviendrai d'ailleurs sur cette importante question dans le chapitre que je consacrerai k l'influence de la suggestion sur le développement de l'odorat.
Dans l'examen de ce problème délicat, il faut également tenir compte de l'intervention d'un grand nombre de facteurs d'ordre accidentel ou pathologique : on se rendra d'ailleurs très facilement compte de la fragilité de la fonction olfactive lorsqu'on se reporte aux conditions indiquées par M. Lermoyez comme indispensables au bon fonctionnement de l'odorat et qui sont les suivantes :
1° Intégrité du vestibule nasal qui dirige l'air inspiré vers la fente olfactive ;
2° Intégrité des fosses nasales, et absence de tout obstacle sur le passage de l'air :
3° Intégrité des muqueuses olfactives et des cellules de Schtiltze ; 4° Intégrité du nerf et des centres olfactifs.
Ajoutez it cela les perturbations qui peuvent résulter de diverses intoxications, de troubles purement fonctionnels du système nerveux et même de l'action purement psychologique de la suggestion et de l'imagination et l'on ne sera pas surpris de constater que peu de personnes puissent se prévaloir de la perfection de leur sens olfactif.
Il suffit en effet qu'une des conditions anatomiques ou psysiologiques existe.
A/iosmies et Hgperosmies. = On désigne sous le nom d'anosmie l'abolition ou l'affaiblissement de l'odorat. L'hyperosmie est caractérisée au contraire par une exagération de la sensibilité olfactive.
Je n'ai pas l'intention d'entreprendre ici l'étude des troubles de l'olfaction occasionnés par des lésions ou des inflammations, je me bornerai à rapporter les observations de divers auteurs sur les altérations purement fonctionnelles de l'olfaction.
Pitres a constaté l'anosmie sept fois sur onze, chez des malades notoirement histériques. D'après lui, l'anosmie hystérique peut-être unilatérale (4 fois sur 7) ou affecte à la fois les deux narines )3 fois sur 7). Elle est quelquefois assez profonde pour que les malades qui en sont atteints puissent aspirer fortement sur le nez des vapeurs d'ammoniaque, d'acide acétique de chloroforme sans être incommodés. D'autrefois elle est incomplète, et, dans ce cas, les malades peuvent encore sentir les odeurs fortes alors qu'ils ne perçoivent plus les odeurs douces. M. Pitres pense que l'anesthésie olfactive pent être bornée à certaines odeurs. Un de ses malades ne sentait plus l'odeur de l'essence de rose, alors qu'il percevait très distinctement celle de l'essence de violette et de l'essence de verveine.
En 1884, lorsque je poursuivais en collaboration avec le Dr Paul ilagnin, dans le service de Dumontpallier des recherches sur la sensibilité des hystériques, nous avons constaté chez deux sujets hystériques
une anosmie très complète. Elles ne manifestaient aucune réaction sous l'influence des vapeurs d'acide sulfureux, pas plus que sous celle des vapeurs d'ammoniaque.
Les anosmies passent souvent inaperçues. Le plus souvent, elles n'occasionnent à ceux qui en sont atteints qu'une incommodité relative. Les hystériques no se doutent généralement pas de la diminution ou de l'abolition de l'odorat. Elle ne leur est révéléc[que par la constatation du médecin (1).
Il n'en est pas de même des hyperosmies. Elles entraînent à leur suite une gêne très appréciable en imposant au sujet la perception des odeurs extrêmement désagréables. Ces aversions olfactives s'observent assez fréquemment chez les neurasthéniques. Elles n'ont d'ailleurs rien de commun avec les interprétations délirantes de certains mélancoliques ou des aliénés atteints de délire de persécution, qui se plaignent qu'on leur projette de mauvaises odeurs.
Bouveret mentionne le cas d'une jeune fille, devenue neurasthénique à la suite de chagrins prolongés, chez laquelle l'odorat avait acquis une sensibilité extraordinaire.De sa chambre située à l'une des extrémités de son appartement elle sentait et distinguait toutes les odeurs de la cuisine située à l'autre extrémité, à ce point que a l'heure du repas elle pouvait nommer la plupart des mets qu'on allait servir (2).
Cadet de G-assicourt a observé une jeune dame qui distinguait à l'odeur seule les hommes et les femmes ; elle ne pouvait supporter de sentir les draps de son lit, lorsqu'ils avaient été touchés par une personne autre qu'elle (3). Cette hyperosmie. considérée alors comme une simple singularité physiologie;ue, serait aujourd'hui qualifiée de phobie neurasthénique.
Nous avons observé un exemple d'hyperesthésie olfactive très marqué, à la Pitié dans le service de Dumontpallior. chez un de ses sujets, Marie C... Un matin, tors delà visite, elle déclara que l'air était embaumé par l'odeur d'un lilas fleuri. Aucune des personnes présentes ne ressentit la même impression. On se livra alors à diverses investigations, et l'on constata que dans un jardin situé à plusieurs centaines de mètres se trouvait un lilas fraîchement fleuri dont les émanations avaient impressionné les cellules olfactives de Marie C...
En dehors de oes hyperesthésies, certaines personnes présentent à l'état normal une sensibilité olfactive si délicate qu'elles savent discerner les moindres nuances de la gamme des odeurs.
D'après le poète Martial, un certain Mammura ne consultait que son nez pour savoir si ïe cuivre qu'on lui présentait était de Corinthe. Si
(l)La même observation s'applique à touies les anesthésles hystériques. Laségue, dans son étude sur l'anesthésle et l'ataxie hystérique, dit qu'il n'a jamais rencontré d'hystérique qui fit spontanément figurer l'anesthésle parmi les accidents dont elle avait à se plaindre. Et cela est vrai, aussi bien pour les anestiiésles les plus accentuées que pour les diminutions de la sensibilité.
(2) Bouveret : La neurasthénie, p. 110.
(S) Dictionnaire des sciences médicales.
l'on s'en rapporte au récit de quelques voyageurs, les marchands hindous font preuve dans certains cas d'une grande finesse d'edorat. Pour s'assurer du titre d'une pièce de monnaie, ils se contentent de la sentir. Si on leur remet une pièce de cuivre simplement argentée, ils reconnaissent la fraude par le même moyen.
Les arabes qui accompagnent le voyageur dans le trajet de Smyrne ou d'Alep à Babylone, n'ont aucun point de repère au milieu du désert pour reconnaître leur situation. Mais Us jugent avec sûreté, même au milieu des ténèbres, do la distance où ils sont de Babylone. et cela en flairant le sable. Peut-être l'odeur des petites plantes qui y poussent leur fournit-elle cet indice.
Dans une communication faite, en 1902, à la Société d'hypnologie et de psychologie on exposait que c'est un fait courant en Nubie que les nègres trouvent leur piste au désert grâce aux odeurs qu'ils sentent, et des objets volés et les voleurs grace aux traces des pas.
« Les chameliers, dit-il. égarés dans le désert dans la saison de grandes tempêtes, où toutes traces de pas sont effacées et où ils se trouvent au milieu de montagnes de sables, peuvent découvrir un puits à deux et trois heures de distance en se guidant par leur sens olfactif seulement. Je fus témoin de ce fait en traversant le désert de Souakim à Berber. Parla tempête, toutes traces de pas avaient été effacées, on était égaré et on souffrait de la soif. Dans ce désespoir, les chameliers nous déclarèrent que dans deux ou trois heures on trouverait de l'eau, car ils sentaient l'odeur d'un troupeau qui, dans les déserts, reste toujours près d'un puits. On les suivit et à l'heure indiquée, on trouva le troupeau et le puits. Arrivé h Berber, je racontai ce fait curieux aux Grecs qui me dirent que c'était un fait connu de tout le monde. » (1)
? ajoute que dans ce pays certains nègres font profession de découvrir les voleurs : ils y arrivent en suivant les traces des pas. J'ai vu. a Omdourman, retrouver ainsi des objets volés la nuit à l'insu des gardiens, le guide mena directement sans hésitation, k la maison du voleur où on retrouva les objets.
Ces faits peuvent donner l'explication de certains récits de personnes qui, dans nos pays même, sont arrivées k trouver des voleurs ou des assassins. On a donné de ces faits des explications, toutes plus merveilleuses les unes que les autres ; il ne s'agit là, comme dans les cas précédents, que d'hysperacuité des sens aidée d'nne grande habileté.
Ebcrs décrit un cas d'excitabilité exagérée du sens de l'odorat chez un homme qui était connu sous le sobriquet de « Fia ire-voleurs ». ? découvrait les voleurs en flairant l'endroit où se trouvait l'objet volé et différents individus. Toici un exemple : ou avait volé de l'argent chez une certaine personne, Flaire-voleurs ayant été appelé, flaira tous les assistants, ainsi que toutes les chambres de la maison, puis il se dirigea vers la cour et là, dans l'écurie, il trouva l'argent volé, puie saidant de l'odeur
(1) Damoolol' : Ityperacu olfactive et visuelle chez les nègres soudanais. {Revue de l'hypnotisme. 1,' minée, ?4 1. Juillet 1902.
qu'exhalait cet argent, il déclara, comme l'auteur du vol, la fille du maître de maison, ce qui se confirma par la suite. Ayant ainsi découvert, grace à son odorat, quantité de voleurs, il s'attira leur haine et ils le tuèrent en lui fendant le crâne. Ce cas fut l'objet d'une expertise médico-légale, laquelle révéla que cet homme dépistait les voleurs sans autre guide que l'odorat (1).
Dans l'espèce humaine la finesse d'odorat est beaucoup plus accentuée chez les races sauvages que chez celles qui vivent en agglomération.
Depuis les récits de Humbold on sait que les Indiens de l'Amérique méridionale sont aussi bien partagés que les animaux sous le rapport de l'olfaction.
Ces Indiens, en effet, utilisent leur flair pour suivre la trace du gibier. La race noire est douée, au point de vue olfactif, de dispositions très surprenantes. Aux Antilles les nègres marrons distinguaient au nez la trace d'un blanc de celle d'un noir.
Dans d'autres conditions l'odorat chez l'homme est susceptible d'acquérir une finesse extraordinaire et fournir au jugement des notions d'une précision surprenante. On cite partout le fait de cet aveugle sourd et muet de naissance, observé par Wardroff, le jeune James Mitchell. L'odorat était le seul moyen auquel il avait recours pour reconnaître les individus et deviner l'entrée d'un étranger. Les opinions qu'ils se formait sur les personnes résultaient des notions fournies par l'olfaction seule : l'odeur décidait de son aversion ou de sa sympathie.
(A suivre).
SOCIÉTÉ D'HYPNOLÛGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 19 Janvier 1909. — Présidence de M. le Dr Jules Yoisis.
La séance est ouverte à 4 h. 45.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres de MM. les Docteurs Mercier, Bilhant, R. Pamart, Poulalion, Coste de Lagrave, Barthe de Sandfort, Montennîs (de Nice), Van Renterghem (d'Amsterdam), Pron (d'Alger). Damoglou (du Caire), Orlitzky (de Moscou), Bahaddin (de Constantinople). Lingbeek (de la Haye), ainsi que de M. Baguer, directeur de l'Institut départemental des Sourds-Muets, Achille, conseiller municipal de Paris, Lionel Dauriac, vice-président de la Société. Caustier, professeur à l'Ecole de Psychologie Muteau, député.
La correspondance imprimée comprend : Le concours de l'Agrégation en médecine ; nécessité de son remplacement par l'institution des privat-docent. par M. le Dr Bérillon ; — La psychothérapie graphique ; son importance dans te traitement des psychonévroses, par M. le Dr Bérillon ; — La psychologie inconnue, par M. E. Boirac.
(1) de Tarchanoû* : Hypnotisme, suggestion et lectures de pensées, 1890.
M. le secrétaire-général saine, au nom de la Société, notre vice-président M. E. Boirac, recteur de l'Académie de Dijon, qni est venu prendre sa place au bureau.
if. le Dr Demonchy analyse le travail de M. le professeur Bénédikt (de Vienne), intitulé : MagnétotJiérapie et suggestion. M. le Dr Bèrillon, corrobore au nom de son expérience personnelle, l'opinion du professeur Bénédikt.
Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :
Dr Witry (de Trêves-sur-Moselle). —Une épidémie religieuse moderne, d'origine suggestive : la secte de la Resurrection à Zurich. Dr H. Crichton Miller (de San-Remo). — Climatothérapie et suggestion. Dr Bèrillon- — L'anorexie des adolescents.
Dr Jules Voisin. — Un cas d'incontinence d'urine, sous l'influence d'un rêve ; guérison par la suggestion hypnotique.
Dr Rodolphe Broda. — Les religions nouvelles en Australie. — Discussion : M. le Dr Bèrillon.
Dr'Félix Regnault. — Electromèles et pieds préhensiles. — Discussion: M. le Dr BériUon.
M. le président met aux voix la candidature de M. le Dr Mugnier qui est acceptée à l'unanimité.
La séance est levée à 6 h. 30.
L'Homosexualité antique et le Banquet de Platon.
par M. le professeur Lionel Dauruc.
M. Dauriac. — Les Sémites avaient une horreur manifeste pour l'homosexualité, témoin l'histoire de Sodome et de Gomorrho. Chez les Grecs, au contraire, l'amour homosexuel n'est pas considéré comme anormal. ? est même une source d'actions belles, viriles, héroïques ; chacun des deux amis s'efforce de mériter de plus en plus l'admiration de l'autre ; il puise dans cette passion des raisons de remplir de la manière la plus irréprochable, ses devoirs d'homme et de citoyen. Tenté par Alcibiade, Socrate lui résiste, non par horreur ou par indignation, mais tout comme il aurait résisté à la boisson, uniquement pour rester maître de lui et ne pas céder aux passions. L'épisode de Nisus et de Euryale, au 9* livre de VEnéide, fait penser aussi à un attachement homosexuel, source de vertus guerrières.
Discussion :
M. Bertllox. — Il faut distinguer les homosexuels d'occasion, dont le cas n'est pas très grave, et les homosexuels-nés ; ceux-ci sont des impulsifs et des anormaux. Leur anomalie dépasse la sphère de la sexualité ; s'ils s'adonnent à des actes contre nature en matière d'amour, ils sont souvent indélicats en matière d'argent, laches en matière d'hon-
neur ; ils manquent souvent de sens inoral, et il en est qui font preuve, en ce qui concerne leur impureté, d'un cynisme révoltant. Leur principale occupation consiste à faire du prosélytisme coupable. Par là ils se placent sur les frontières de la psychiatrie.
M.Paul Farez.— U est exact que l'on rencontre parmi les homosexuels des individus cyniques et fanfarons, se vantant, se glorifiant de leurs pratiques et éprouvant un plaisir pervers h les raconter. J'en connais un qui a fait de sa mère la confidente de toutes ses turpitudes.
Un liseur de pensée
M. le Docteur Aimé Gardette présente un jeune homme qui, devant la Société, réussit de nombreuses expériences dites de lecture de pensée. Après quelques hésitations et tâtonnements, ce sujet désigne les personnes et les objets ou accomplit les actes qui ont été décidés en dehors de sa présence. Il s'aide d'un conducteur, dont U tient vigoureusement la main ; d'autres fois, sans avoir aucun contact avec son conducteur, il demande seulement à celui-ci de fixer l'objet qu'il s'agit de trouver et d'y penser fortement.
Discussion
M. le Docteur ?e?????. — Les expériences ont, en effet, finalement très bien réussi. Toutefois si ce sujet lisait véritablement la pensée de son conducteur, il devrait se diriger, sans retard, vers l'objet dont il s'agit ; or, il n'y arrive qu'après de longues et fatigantes hésitations. Tout de même, son mérite est très grand : et il a fait preuve de réelles aptitudes psychologiques. Depuis les expériences de Cumberland et celles de Che-vreul nous connaissons l'explication de semblables phénomènes. Toute pensée est déjà un commencement d'acte ; la représentation intense d'un mouvement entraine, sinon l'exécution, au moins l'ébauche de ce mouvement. Chez le conducteur, les muscles digitaux présentent des contractions fibrillaires, aussi minimes qu'on voudra, inaperçues pourlui-méme, mais en rapport avec la pensée dont il est pleinement occupé ; ce sont ces contractions musculaires, pour ainsi dire imperceptibles, que le sujet interprète ; c'est sur elles qu'il se guide ; l'ordre de conducteur n'est pas mental, il est musculaire ; dès lors notre sujet est non pas un ¦ liseur de pensée » mais un liseur de muscles.
M. le Docteur Paul Fa ? ex. Cette explication est tout à fait exacte pour les expériences avec contact. Pour les expériences sans contact, il n'est même pas nécessaire que le conducteur pense fortement à l'objet ; il suffit qu'il le regarde. Le sujet interprète non plus les contractions fibrillaires des muscles digitaux, mais simplement la direction du regard du conducteur, pour déterminer l'endroit de la salle où se trouve l'objet, la place exacte de celui-ci et enfin l'objet lui-même. Ainsi que vous avez pu le voir, le sujet a. par de très habiles déplacements, obligé son conducteur à décrire une circonférence autour de l'objet présumé ; il lui a
été facile de trouver, au centre de la circonférence, l'objet convenu. Tous ces liseurs de pensée procèdent de la même façon, k part quelques variantes individuelles : tel cet autre soi-disant liseur de pensée, étudié h l'Ecole de Psychologie, il y a quelques années, et à propos duquel mes collègues m'avaient chargé de rédiger une relation critique : je vous conseille de vous y reporter : elle a été publiée dans la Reçue de VHypnotisme de février 1902. Dans les cas de ce genre, il y a toujours an * truc », dont la réalisation parfaite nécessite un long entraînement et une intelligente virtuosité, mais un « truc » extrêmement simple en lui-même, qui relève de la psychologie courante et non pas du domaine extra-scientifique.
M. le Docteur Demoxchy. — En pénétrant dans cette salle, le sujet va dans la direction qu'il présume être la bonne, d'après l'orientation des pieds du conducteur placé derrière lui. Or. comme vous l'avez vu. an début de l'expérience où je servais de conducteur, tandis que je maintenais ma tête en rotation forcée vers l'objet, mon corps ainsi que mes pieds étaient tournés vers une fausse direction et c'est dans cette fausse direction qu'il a commencé ses recherches.
Extériorisation de la volonté et supercherie
par M. le Docteur Paul Fâbkz, Professeur a l'Ecole de Psychologie.
Les partisans des hypothèses extra scientifiquesont.tousces temps-ci, apporté.dansles salons, une soi-disant preuve nouvelle de l'extériorisation de la volonté. Ils prétendent, non pas soulever de lourdes tables, mais provoquer le déplacement de certaines graines, en concentrant sur elles une telle force de volonté que celle-ci met les graines en mouvement. On se trouve en présence d'nne de ces nombreuses supercheries dont fourmillent les expériences de cette nature.
A la vérité, il s'agit de certains haricots du Mexique., dits haricots sautants ou jumping beans. En voici quelques échantillons. Vous constatez qu'ils remuent et sautent vigoureusement : mais ils ne sont pas mus par l'énorgique volonté de l'expérimentateur.
Ouvrons une de ces graines. Vous voyez qu'elle contient une larve blanche. Ce sont les ébats de cette larve qui provoquent les déplacements de la graine. Ces déplacements sont d'autant plus amples et faciles que la larve s'est nourrie de l'intérieur de la graine et que celle-ci se trouve, ainsi, réduite à une coque, sans doute dure, mais mince et très légère. Cette coque suit docilement les mouvements exécutés par la larve qu'elle emprisonne ; telle la carapace d'une tortue se déplace avec le chélonien qui la porte.
Ces larves, en quête de nourriture, pénètrent-elles dans la graine, alors que celle-ci est jeune et tondre, et y sont-elles retenues prisonnières, lorsque le durcissement de l'enveloppe s'oppose à leur évasion ? Ou bien, est-ce un papillon qui a déposé un œuf dr.ns une de ces graines encore
jeune, de maniera que la future larve,une fois éclose, t trouve une ample nourriture ? Ou bien, est-ce un ingénieux commerçant qui a délibérément introduit un œuf ou une larve dans cette graine, pour en faire un curieux article d'exportation '?
Quoi qu'il en soit, cette graine est une euphorbiacée : son nom est Sebastiania pahneri ; la larve s'appelle Glœocapsa saltitans. Une ou plusieurs larves vivent dans chaque graine. Comme rien, extérieurement, ne signale la présence de ces larves, les graines semblent mues par une sorte de propriété mystérieuse. Nombre de parisiens crédules ont, d'emblée, sans hésitation, sans esprit critique, accepté soit cette explication, soit l'influence d'une volonté humaine sur les déplacements des jumping beans. Aucun de ceux auxquels j'ai montré ces graines n'a en l'idée d'en* explorer l'intérieur ; or, vous m'avouerez que cette précaution était, au moins, élémentaire. Plus d'une fois nous avons été amenés à conper les ailes à quelque « canard » métapsychique. Cette nouvelle supercherie méritait d'être dévoilée au sein de notre Société.
Magnetotherapie et suggestion
par M. le professeur Morltz Bexedirt, de Vienne. Traduit de l'allemand par M. le Dr Ddioxchy
MM. Peterson et Kennelly ayant fait récemment (New-York Medical Journal, 1892), des essais avec des aimants d'une force extraordinaire dans le laboratoire d'Bdison. annoncent qu'ils n'ont pu constater avec ces aimants aucune influence sur la sensibilité, la circulation et en général sur le fonctionnement des organes des individus à l'état normal. Us en ont tiré la conclusion que les actions physiologiques et thérapeute ques qufavaient été annoncées par Charcot et par moi en Europe et par Hammond enÀmériqne reposaient sur une action suggestive exercée sur les malades et par conséquent sur une fausse interprétation.
La question doit se poser ainsi : N'existe-t-il pas des individus qui ont une sensibilité particulière vis-à-vis de cette force tandis que l'individu normal apparaît complètement insensible. Lorsque nous considérons combien faible et passagère est l'excitation produite sur beaucoup d'indivi-dns par un coup de canon tiré près d'eux et même d'une façon inattendue, tandis que la vibration d'un verre posé sur un tapis de table peut amener une convulsion chez un sujet très sensible, on ne peut pas nier de prime abord la question ci-dessus. Il faut seulement se demander, si moi, de même que mon vénéré ami, le grand maître de la Salpêrrière, nous possédons si peu de sens critique que nous ayons pris le post hoc pour le propter hoc
Moi de mon côté je n'ai pas avancé avec moins de prudence que l'auteur classique français. Cela a toujours été mon plus ardent désir d'être et de rester élève de Skoda, c'est-à-dire, avant tout, de cultiver la méthode de Kant, afin d'échapper autant que possible à la lenteur de pensée qui domine encore dans la médication d'aujourd'hui ; c'est ce que j'ai tenté dans la question précédente.
D'ailleurs la similitude d'action des aimants sur les nombreux individus qui ont été soumis à leur essai à des moments différents et à des endroits divers, va contre le soupçon d'une action suggestive. Pour prétendre d'une façon positive qu'il y a en cela une action suggestive, il faudrait comprendre le mécanisme suivant, comment le fait de savoir qu'un aimant se trouve à proximité peut donner lieu à un sommeil de muscle, avec un retard dans l'excitation de la volonté, la disparition de racliialgie, d'ovarite. Ainsi prétendre que la suggestion agit ici n'est ni scientifique ni prouvé.
J'ai établi de nombreux essais de contrôle afin do me préserver de l'action suggestive, me figurant moi-même un moment qu'il y avait suggestion lorsque j'employai un aimant induit chez un individu que je connaissais très sensible k l'aimant, et que j'obtins les mêmes effets qu'avec des aimants non-induits. Il apparut cependant que l'aimant induit avait une influence physique analogue k celle d'un aimant faible et Maggiorali avait déjà montré que des individus réagissant en général aux aimants réagissaient aussi également en présence d'aimants très-faibles.
J'employai alors l'aimant de façon telle que les individus soumis à leur influence ne se doutaient pas que quelque chose d'extraordinaire se passait avec eux en ce sens que je les menais près d'une armoire ou d'une table où se trouvait enfermé un aimant induit, et que je me mettais à converser avec eux en leur causant de leur amnésie et de leur état actuel. Avec des personnes sensitives les phénomènes retracés précédemment se manifestèrent ; elles s'écriaient : « Que so passe-t-il en moi? Mes jambes s'endorment *, et elles tombaient en hypnose, etc. Une femme qui avait été traitée par moi dix ans auparavant par la méthode magnéto-thérapeutique, vint me voir en se plaignant à nouveau. Je prescrivis un médicament et je la persuadai de revenir les jours suivants. Elle prit place au même endroit que la dernière fois. J'avais disposé un aimant dans le tiroir fermé de ma table. Au moment où elle s'assit, la malade s'écria : « D va un aimant près de moi. -• Elle reconnaissait le même effet et la même sensation déjà éprouvés autrefois.
Une autre dame était atteinte de chorée laryngée ; elle fut soignée sans le savoir au moyen de l'aimant, et avec succès. Mais l'approche de l'aimant provoquait chez elle un cri de coq. Je la priai de venir à la Polyclinique et je la plaçai à côté de la table sur laquelle se trouvait le registre d'inscription ; dans le tiroir fermé de cette table se trouvait l'aimant: immédiatement la malade ressentit l'effet ordinaire, et elle fit la remarque qu'il devait y avoir un aimant dans le voisinage.
J'ai fait les mêmes essais et les mêmes recherches physiologiques et thérapeutiques que Cautel en grand nombre et de façons variées, et je me suis démontré qu'il y avait là réellement un phénomène physico-biologique.
Le fait est certainement encore plus démonstratif si l'on considère que chez beaucoup d'individus l'action de l'aimant ne peut s'exercer que sur
certaines parties du corps ; par exemple, un malade a un gonflement de la paume de la main, et par une pression voulue on accidentelle sur ce gonflement il y a production de douleur et même convulsion. A cet endroit seulement le malade peut être influencé d'une manière magnéto-physiologique et thérapeutique, et la guérison eut lieu. Chez Une autre malade atteinte de névralgie sciatique d'origine syphilitique, l'influence magnétique n'eut lieu que sur le trajet du nerf sciatique.
Les essais des auteurs américains comparés avec ce qui a lieu pour les individus sensibles montrent seulement combien sont différentes l'excitabilité et les possibilités chez les malades, et les différences ne doivent pas être moins fortes que celles existant entre l'imperméabilité de certains tissus de caoutchonc et la force d'attraction hygroscopique de l'acide sulfurique concentré. Il serait néfaste que, par suite des résultats négatifs observée chez des individus normaux, on arrivât à soustraire même un petit nombre de malades au souverain bienfait de la magnéto-thérapie. L'étude des grandes possibilités du système nerveux et des moyens d'excitation sortant de l'ordinaire, est d'une importance fondamentale : et cette étude renferme ce danger, que celui qui étudie vienne à perdre son équilibre moral et critique par suite de l'examen et de la fixité des phénomènes qui se produisent. C'est pourquoi nous devons toujours essayer et contrôler à nouveau ; nous devons employer contre ce danger tontes les mesures de sûreté d'une méthode exacte. Mais nous ne devons pas éluder les dangers comme un lâche pharisien.
Je me rappelle à cette occasion qne la production d'un son amena un effet de couleurs irradiées extraordinaires, et j'ai remarqué qu'unphéno-mène peut exister chez desjersonnes très sensitives et que ce phénomène peut ne pas exister chez des milliers d'autres. ? est à noter, en terminant, que l'action thérapeutique bienfaisante se manifeste chez beaucoup d'individus même lorsque les actions pharmaco-dynautiques manquent ; que j ai toujours fait des expériences avec des aimante en forme de fer à cheval, et que par suite je ne puis rien avancer sur les actions différentes des deux pôles.
Les religions nouvelles en Australie
pur M. le I>[ Rodolphe Broiu
B y a peu de problèmes qui déchirent la conscience moderne à un plus haut degré que l'antithèse qui existe entre le besoin logique de l'âme humaine, qui la pousse vers la conception scientifique de l'univers, et le besoin religieux de cette même âme par lequel elle aspire à une élévation au dessus des mesquines préoccupations quotidiennes, vers la consolation des petites douleurs de la vie matérielle. Cette antithèse a mené, en Europe, la bataille de la science et la religion ; il n'y a en que quelques tentatives, sans aucun succès, pour réaliser une synthèse ou une solution. L'Australie, le pays de tant d'innovations sociales, le pays qui marche vers la réalisation de l'idéal socialiste, et qui a
brûlé tant d'étapes avec plein succès, a aussi essayé de résoudre ce grave problème. Les conditions générales étaient favorables ; en effet, en Australie, comme dans tous les pays où domine la culture anglaise, on remarque parmi les sectes protestantes une tendance à concevoir la religion plus libre et plus moderne.
D'un coté, une conception nouvelle et scientifique des questions théologiques s'introduit de plus en plus dans les diverses confessions, même parmi les conservateurs (Anglicans, Presbytériens, Méthodistes). On entend des sermons consacrés en grande partie à l'examen des questions sociales et pratiques. D'autre part, les communautés à tendances progressistes, en particulier les Unitairiens. qui ont pour but religieux, le développement de l'humanité d'après le grand exemple humain du Christ, acquièrent chaque jour plus d'influence.
C'est surtout à Sidney, sous la direction du révérend docteur "Walters, à Melbourne, sous celle du révérend docteur Charles Strong, homme plein d'intelligence qui se sépara de la secte presbytérienne, et à "Wellington, avec le docteur Tudor Jones, que se sont constituées des congrégations qui, tout en maintenant rigoureusement le culte extérieur du protestantisme libéral, proclament une conception toute moderne et scientifique de la vie. Considérons de plus près ces entités religieuses. Nous y voyons, en ce qui concerne le culte, un double service dominical, comme dans toutes les sectes protestantes. Ce service a lieu le matin à il heures et le soir à 7 dans la grande salle du temple. On commence par la musique et le chant ; les hymnes sont chantés par tous les fidèles. Leur texte est très significatif des idées progressistes de la congrégation. Leur gravité impressionne profondément les fidèles et les prépare à saisir le discours du pasteur tout imprégné de vie spirituelle. Celui-ci prend comme sujet, soit un des plus grands problèmes métaphysiques, soit une question de morale, ou de sociologie à tendance progressiste. Les associations les plus avancées se passent même de toutes les théories particulières qui appartiennent à la religion chrétienne. Elles ne se préoccupent qne de la lutte engagée par l'esprit humain sur le terrain scientifique, pour la découverte de la vérité. L'orateur passe en revue devant l'auditoire les évolutions scientifiques, les réformes sociales et politiques. Il intéresse cet auditoire au développement et au progrès de l'espèce humaine ; il lui montre l'homme primitif, faible, isolé, menant une vie précaire, qui prend peu k peu conscience de son énergie latente et triomphe, par la pensée, de l'ambiance brutale. En s'intéressent aux questions qui touchent à l'humanité tout entière, l'homme finira par se rendre compte de ce qui fait la beauté de sa propre vie. Ses sentiments s'élargiront et s'ennobliront; son âme deviendra grave et religieuse. — A côté des assemblées collectives et régulières, dans les groupes dont nous parlons, il y a place pour des réunions particulières d'hommes, de femmes et d'enfants dans des dépendances dn temple. Les enfants vont à l'école du dimanche, comme dans les autres congrégations protestantes. Mais on ne se contente pas des théories religieuses pour leur ensei-
gner la vie ; la morale chrétienne seule, parait insuffisante. On leur inculque des idées modernes. Les femmes, de leur côté, forment des groupes d'assistance sociale. Les hommes se réunissent pour étudier les réformes sociales et politiques.
Pour mener taction vers la victoire et pour aider à sa réalisation concrète, un tel s'intéresse surtout aux réformes pédagogiques ; il se joint aux comités s'occupant surtout de ces questions ; il participe à ses travaux. Un autre est intéressé a la production ouvrière ; il se réunit avec des personnes qui pensent comme lui, il se forme un comité qui fait des enquêtes, puis des appels au Parlement. Tous ces comités restent tout de même au sein de la grande communauté religieuse qui fait fonction de centre d'activité ; elle reconnaît et aide tous ces groupements qui sont nées d'elle. Ainsi, le besoin d'activité utile est satisfait par ces œuvres de réforme : et, de même, les réunions dominicales satisfont les aspirations religieuses et éveillent chez ceux qui les suivent le sentiment profond et joyeux de la participation aux grands problèmes de l'humanité. Les membres de ces communautés ne font pas seulement œuvre utile, ils élèvent leur Ame, deviennent heureux et plus raffinés. Tous les buts des anciens religieux sont réalisés sur une échelle supérieure.
Incontinence nocturne d'urine sous l'influence d'un rêve ; guérison parla suggestion hypnotique.
par M. le Docteur Jules Voisin*, médecin de la Salpétrlère.
L'incontinence nocturne des enfants et des jeunes gens a toujours excité la sagacité du médeciu, car nous savons tous comme elle est difficilement curable.
Trousseau l'a divisée en deux classes : l'ncontinence par faiblesse musculaire de la vessie et l'incontinence par excitabilité musculaire de la vessie. Dans le premier cas, il donnait de la strychnine, dans le second cas des antispasmodiques, de la valériane, du bromure, des douches ; mais le résultat n'a pas toujours été satisfaisant.
Dans ces derniers temps, j'ai traité un jeune adolescent de 13 à 14 ans, qui a toujours présenté de l'incontinence nocturne d'urine quotidienne.
Cette incontinence chez mon jeune malade présentait deux modalités différentes.
Tantôt il urinait son lit parce qu'il rêvait qu'il urinait contre un mur.
Tantôt il urinait sans rêve.
J'essayai l'hypnotisme chez cet enfant.
Je l'endormis assez difficilement. L'enfant a\-ait de la répulsion pour ce moyen thérapeutique. Enfin au bout de 3 séances je l'endormis avec facilité.
Je lui suggérai d'abord de ne plus rêver qu'il urinait et, par conséquent, de ne plus uriner au lit.
Le résultat fut presque instantané : la 2e fois, j'obtins la disparition de l'incontinence pendant 6 jours de suite : mais l'incontinence reparut.
Le rêve était inhibé ; restait son autre modalité d'incontinence, celle qui est bien plus difficile à guérir. Je l'hypnotise à nouveau. Je lui suggère de sentir le besoin d'uriner même quand il ne rêve pas, et de résister'& ce besoin : il reste deux ou trois jours sans uriner au lit puis recommence.
Je lui fais alors une injection épidurale de sérum artificiel a 3 reprises différentes et je continue l'hypnotisme une fois par semaine, peudant un mois. Voilà plus d'une année que le jeune homme ne présente plus d'accident.
Comment a agi l'injection épidurale ? a-t-elle eu un effet direct sur la queue de cheval ou a-t-elle agi par suggestion (suggestion armée) ? Cette dernière hypothèse est bien probable.
Quoi qu'il en soit la guérison chez notre petit jeune homme persiste depuis plus d'une année ; il a été guéri successivement de ses deux formes d'incontinence, d'abord celle qui était sous la dépendance d'un rêve, puis celle qu'on est convenu d'appeler l'incontinence essentielle.
Climatothérapie et suggestion
pnr M. le docteur H. Crichtôx Mille». de San Remo.
S'il est un axiome qui doit être admis sans conteste en thérapeutique, c'est celui qui considère que toute méthode de traitement qui ne repose que sur l'action des agents physiques est limitée dans son action, de même que tout traitement qui ne s'appuiera que sur des moyens exclusivement psychologiques devra être également limité. Le premier traitement pem\ suffire à- consolider une fracture, le deuxième à enlever une hallucination' mais la grande majorité des maladies humaines comprennent un facteur mental aussi bien qu'un facteur physique et, par conséquent, seront mieux guéries par un traitement s'appliqnant à la fois à l'esprit et au corps. Par exemple, un médecin qui voudrait traiter la mélancolie par la suggestion hypnotique et oublierait de donner un laxatif approprié k la désintoxication du malade serait dans l'erreur aussi bien que celui qui traiterait un neurasthénique par l'électricité sans faire la rééducation nécessaire à la guérison.
Quand nous utilisons l'influence d'un cLmat pour guérir nne maladie, cet agent agit d'une façon particulière sur les deux côtés de notre nature et, par conséquent, nous trouvons que. parmi les maladies pour lesquelles la climatothérapie est applicable, beaucoup ont a la fois un côté physique et un côté psychique, et beaucoup sont simplement psychiques.
Avant de passer aux variétés de maladies sur lesquelles la suggestion du climat peut agir, examinons les différentes manières par lesquelles un changement de climat avec tout ce qu'il comprend, peut influencer l'esprit du malade.
Le premier élément est l'éloignement du milieu familial ; dans beaucoup de cas cela est extrêmement bienfaisant comme, par exemple, quand une jeune fille neurasthénique est soignée par une mère nerveuse. Dans un
cas pareil on peut dire que n'importe quel changement fera du bien, car c'est le milieu psychique et non physique qui devra être changé. Une telle malade, disons de Londres, pourra aussi bien être envoyée à Paris ou à Rome qu'à la Côte-d'Azur. La tension mentale est soulagée aussitôt que la malade est éloignée de sa famille et qu'elle sait que par ordre du médecin elle doit y rester pour une période de temps prescrite et limitée.
Dans d'autres cas — je veux dire dans des cas de pure hystérie — l'éloignement de la maison est presque toujours désastreux. A la maison on connaît la malade, on la comprend, on écoute ses plaintes avec une sympathie modérée ; son attitude dramatique n'en impose pas: l'auditoire en a vu assez et n'y fait plus attention. Une malade de ce genre est, il est vrai, presque toujours mieux, au début, d'un changement de milieu : mais aussitôt qu'elle a gagné son auditoire dans le nouvel endroit, elle recherche leur sympathie, se pose en martyr et elle devient pire que si elle était restée chez elle.
Le deuxième élément est l'entourage. J'ai connu une jeune fille qu'on avait envoyée ici parce qu'elle était anémique. Elle n'avait rien de grave. Elle ne pouvait venir seule, on lui donna donc une demoiselle de compagnie qui faisait aussi mal l'affaire que possible; le résultat fut que la malheureuse jeune fille ne pouvait plus manger, dépérit et alla de mal en pis. Il devint enfin évident qu'il ne pourrait y avoir d'amélioration que si la dame de compagnie s'en allait, et, de fait, aussitôt après son départ, la jeune fille alla vite mieux et reprit ses forces. Dans ce cas, de nouveau, les avantages physiques du climat étaient neutralisés par le milieu ambiant défavorable. Mais ce sont des faits que nous ne pouvons toujours contrôler. Par exemple, une patiente peut venir, dans l'espoir d'une amélioration; mais dans son hotel elle peut rencontrer une de ces vieilles dames morbides dont le seul plaisir consiste à parler des scandales de la ville, de la santé du prochain, etc. ; elle régalera notre malade d'histoires de ses connaissances qui ont souffert de maux de têtes pendant toute la durée de leur séjour à la Bivièra ou qui dormaient très bien au commencement de leur séjour mais qui. peu à peu. devinrent victimes d'insomnies qui les forcèrent à quitter l'endroit.
L'état de notre malade ne s'améliore pas, elle se plaint souvent de maux de tête et enfin nous demande si nous n'avons pas eu des cas on la malade qui dormait bien à son arrivée, n'a pas peu à peu perdu le sommeil. Si nous devinons la situation, nous chercherons à pénétrer les causes de ce changement d'idée et, par des contre-suggestions appropriées, nous chercherons à détruire les effets psychiques de la conversation morbide de la vieille dame.
Une autre influence plus subtile encore est celle des cas semblables aux leurs. Bien n'impressionne plus les névrosés que des récits sur des cas se rapprochant du leur. Une malade nerveuse sujette aux migraines vient à la Cote-d'Azur, elle fait connaissance de quelqu'un qui commence par sympathiser avec elle et lui raconte : « Ma sœur souffrait
exactement comme vous, son docteur 1 avait envoyée à la Riviera, mais son mal augmenta et elle ne se remit qu'après un séjour en Suisse. » Bien entendu notre malade va plus mal jusqu'à ce que quelques suggestions bien définies lui soient faites par son docteur ou quelqu'un d'autre ou jusqu'à ce... qu'elle aille en Suisse.
Nous arrivons maintenant au troisième facteur qui est la prescription des médecins. Quand un médecin conseille à un malade de changer de climat pour sa santé, son premier devoir est de faire tout ce qu'il peut pour assurer l'avantage psychologique du changement aussi bien que l'avantage physiologique. Il doit lui expliquer clairement, pourquoi le changement lui profitera; il doit être précis dans ses ordres et expliquer pourquoi le malade tirera plus d'avantage de sa résidence dans une ville que dans une autre; il doit, dans certains cas, tenir compte des goûts du malade, dans d'autres cas il doit faire l'inverse. S'il connaît le docteur qui prendra soin du malade, il devra inspirer la confiance du patient dans la valeur et la science de ce médecin. Dire à un malade qu'il peut essayer la Côte-d'Azur ou la Riviera et voir si cela lui réussit c'est, dans la plupart des cas parler en pure perte, car la malade viendra l'esprit inquiet; elle guettera continuellement ses propres sensations et notera, en les exagérant, toutes ces petites manifestations malencontreuses.
Passons maintenant aux classes de maladies pour lesquelles la clima-tothérapie est indiquée. Sans doute toute maladie peut avoir une influence plus ou moins grande sur le système nerveux: mais, écartons d'abord ces maladies pour lesquelles les avantages du climat sont surtout physiques à savoir : la phtisie, les bronchites, les maladies cardio-organiques, la goutte, les rhumatismes, l'artério-sclérose, etc.
D'un antre côté, les maladies dans lesquelles le facteur psychique entre le plus largement sont : l'hystérie, la neurasthénie, l'insomnie, les cas d'asthme, de nombreuses formes d'indigestions et des irrégularités dans la menstruation chez certaines femmes.
Je vous parlerai seulement de deux cas en détail. Le premier est un cas d'asthme. Je vis la malade pour la première fois en Ecosse; elle était alors en assez mauvaise santé et avait de fréquents étouffements. Les troubles ne s'étaient manifestés que deux ans auparavant.
Elle avait passé l'hiver précédent dans une autre station balnéaire de cette côte et elle avait souffert beaucoup pendant toute la saison. J'appris qu'elle était venue de la Côte-d'Azur pensant qu'elle pourrait peut-être y recouvrer la santé; mais il était facile de voir qu'elle n'avait pas une confiance absolue dans la cure, ne comprenant pas pourquoi cela pourrait ou non lui faire du bien. De plus, le docteur qui la soignait n'avait pas réussi à lui inspirer confiance.
Je lui conseillai de venir à San Remo où, à ma connaissance, des cas d'asthme comme le sien avaient été guéris. Elle vint en novembre et partit en avril, sans avoir eu à me demander une consultation ; en fait-elle n'avait pas eu d'oppression pendant ces six mois. Il n'y a rien d'extraordinaire dans ce cas, mais je le cite simplement pour insister sur
l'importance, dans nn cas de cette sorte, de venir à une station balnéaire avec confiance.
Le deuxième cas que je citerai est un cas d'aménorrhée chez une demoiselle de de 30 ans, venue a la Riviera, pour la première fois, comme dame de compagnie d'une dame âgée et malade. La malade avait eu ses époques très régulièrement jusque-là. mais pendant les six mois qu'elle passa à San Remo elle eut une aménorrhée complète. C'est un fait bien connu que quelques femmes du nord n'ont plus d'époques régulières dans un climat méridional. Mais dans le cas particulier dont je veux vous parler ici, je suis porté à écarter les influences purement physiques du changement de climat. La vieille dame que la demoiselle accompagnait était venue à la Rivièra de nombreuses fois et avait une tournure d'esprit morbide.
Elle n'était heureuse que lorsqu'elle pouvait décrire l'état pathologique de ses amies et elle avait collationné un nombre considérable d'exemples d'irrégularités menstruelles chez les jeunes filles anglaises à la Riviera. Elle avait raconté tous ces cas avec insistance à sa malheureuse demoiselle de compagnie, qui était très suggestible, et le résultat fut celui que j'ai relaté. Pour être tout à fait exact, la malade eut ses menstrues dans le train en venant de Paris à Marseille au milieu de novembre ; les règles suivantes apparurent au milieu de mai dans le train entre San Remo et Gênes. Le climat en lui-même peut avoir eu quelque chose à faire avec ce phénomène, les vibrations du train peuvent avoir provoqué l'arrivée des périodes, mais je ne puis pas ne pas croire que les six mois d'aménorrhée ont été dus simplement à la suggestion.
En résumé, l'intinence du climat est psychique aussi bien que physique. Cette influence varie selon la nature de la maladie et le caractère du malade. Le role des médecins qui envoient leurs malades aux stations balnéaires et de ceux qui les y traitent est d'entretenir dans l'esprit du malade l'attente dominante d'une amélioration et d'amener celle-ci par la patience et la croyance en l'efficacité du traitement médico-moral.
Une épidémie religieuse moderne, d'origine suggestive : la secte de la résurrection à Zurich.
par M. le doelenr Witrv, de Trèves-sur-Moselle.
En automne 1908 eut lieu, à Zurich, la curieuse exposition des objets en or et en argent qui servaient au culte d'une secte religieuse dans le village d'Oetwyl, sur le lac de Zurich. Le tout représentait une valeur de plus de 200,000 francs et fut vendu à des amateurs suisses, allemands ou français. Le savant archéologue suisse, Messikomer en acheta la plus grande partie. On apprit par lui que le trésor avait appartenu à une dame Dorothée Boiler, qui prétendait avoir des visions célestes et avait fondé une secte religieuse, laquelle lui fournissait des sommes importantes pour se procurer des parures en or et en argent. Elle avait en outre fortifié ses adeptes dans la croyance qu'elle ressusciterait le troisième jour après
sa mort. La dame Boiler mourut en 1895. Ses disciples attendirent le miracle de sa résurrection pendant quatorze ans. en vain, et ce ne fui qu'au bout de ce temps que le trésor en or et en argent massif put être admiré à Zurich, à savoir: une couronne d'or ornée de brillants, un glaive» en or, des peignes et des bagues, des assiettes etdes cuvettes, des lunettes ornées de diamants, etc. La plupart de ces objets furent fabriqués en Suisse, quelques-uns par un joaillier de Zurich, qui ne sut jamais quelle devait être leur destination. C'était une'paysanne très simple qui venait lui faire la commande ; elle apportait un modèle en porcelaine et payait comptant, lors de la livraison de l'objet précieux: elle avait demandé au joaillier de n'en parler à personne. Il avait cru que ces objets, d'un goût rudimentaire et rustique, étaient destinés à un couvent quelconque d'nn canton voisin ; aussi fut-il très étonné,en les revoyant, d'apprendre que c'étaient les objets du culte de la dame Dorothée Boiler et de ses fidèles.
La fondatrice de la secte. Dorothée Boiler, naquit en 1811 ; c'était une fille de petit paysan. Elle reçut l'instruction de l'école du village et se mit à tisser dans la maison paternelle. Ses idées religieuses étaient déjà un peu extravagantes vers sa dix-huitième année. Elle prétendit être la mère de « Ziou ». Elle avait un certain talent oratoire, grâce auquel elle sut grouper bientôt autour d'elle un certain nombre de prosélytes. Elle jouissait, tout de même, auprès des villageois, d'une assez mauvaise réputation, aussi bien à cause de son exaltation religieuse qu'à cause du luxe de ses vêtements. Ses premiers adeptes furent deux sœurs d'un village voisin qui versèrent chacune une grosse fortune dans « la caisse de Ziou ». L'usufruit appartenait entièrement à Dorothée Boiler. Les deux sœurs prirent ensuite demeure dans la maison Boiler, où elles durent tisser jour et nuit pour augmenter « la caisse de Ziou ». Peu à peu arrivèrent d'autres adeptes qui s'établirent dans la maison agrandie de Mme Boiler. Elle choisissait toujours des gens aisés. La maison fut baptisée : Maison de la résurrection. Dorothée Boiler s'était mariée une première fois, sans avoir des enfants. Son mari mourut subitement vers I860. Elle épousa, quelques années plus tard, un homme divorcé, avec lequel elle avait eu déjà des relations intimes du vivant de son premier mari. L'ascétisme n'était pas sa première vertu. Entre temps, tous ses adeptes travaillaient avec acharnement dans la vaste maison commune, pour entasser argent sur argent. Dorothée Boiler s'appliqua à donner à sa secte une expansion lucrative. Elle prêchait avoir des visions divines. Pour s'attacher de plus en plus fortement ses fidèles, elle leur annonçait qu'elle avait des visions divines et que Dieu lui avait prédit qu'elle sortirait vivante de son tombeau, trois jours après sa mort. Elle promit, en outre, à ses adeptes, qu'elle aurait la force de les ressusciter.
Ces soi-disant visions et promesses firent considérer Dorothée Boiler aux yeux de sa communauté comme un personnage mystérieux et divin. Elle n'avait ses visions qu'en présence de ses fidèles ; elle s'étendait alors sur le dos dans le pré de sa propriété, restait immobile pendant une heure,
comme dans une extase, et se levait subitement pour annoncer ce que Dieu lui avait révélé. Le nombre de ses fidèles s'accrut d'année en année. Les versements à la caisse de Ziou s'élevèrent à des centaines de mille francs, les métiers travaillaient incessamment, l'or affluait de plus en plus. Avec le temps cette « Madame Humbert » religieuse eut d'autres idées sur le mariage. Elle défendit, d'abord, qu'il y eut un coq parmi les poules de la maison de la résurrection. Le poulailler devint désert. Le mariage était bien permis à ses adeptes, mais le coït était défendu sous des peines sévères. Une brave fidèle ayant péché contre cette loi Boiler dut coucher pendant quinze jours sur des bûches pointues.Une autre dut aller se placer, pendant trois mois, pieds nus dans la neige, une heure par jour. La soumission de ses adeptes était absolue, les menaces les plus terribles les obligèrent au silence, sans cela les autorités se seraient occupées de ce groupement religieux et communiste, Le deuxième mari de la Boiler l'aida savamment. Un beau joui- il prédit à toute la communauté la fin du monde en leur annonçant, toutefois, que la maison de la résurrection seule resterait intacte et qu'on devrait s'empresser d'y sauver le plus de biens possible. Les fidèles obéirent et entassèrent dans les caves et greniers tout leur mobilier qu'ils avaient chez eux. Comme la maison de la résurrection se remplissait de plus en plus de bien-être, Mme Boiler et son mari s'adonnaient & une vie luxueuse. Mme Boiler aimait surtout à se rendre dans la station thermale de Moenchalsdorf pour y faire admirer ses robes de soie et ses bijoux. Le trésor d'objets en or fut acheté de 1880 à 1892. Dorothée Boiler usait de ces objets du oulte pendant les après-midi sereines et claires. Elle mettait alors sur ses cheveux blancs la couronne d'or ornée de ses pierres scintillantes ; elle ceignait le glaive d'or, mettait tous ses autres bijoux et montait ainsi sur la terrasse supérieure de la maison pour s'y entretenir en plein air avec Dieu, tandis qu'en bas ses fidèles la regardaient avec des yeux extasiés. Lors des grandes fêtes,tous les fidèles se réunissaient dans la grandesalle; la Boiler avait devant elle une brebis toute blanche. Elle la tuait de son glaive d'or.pour se baigner ensuite dans ce sang versé devant ses adeptes.
Dorothée Boiler mourut en février 1895 et ses fidèles en furent très émus ; toute la colonie des ressuscites s'attendait fermement ?? la résurrection de son chef, trois jours après sa mort. On fit des préparatifs pour fêter le miracle, mais Dorothée Boiler resta morte dans son cercueil comme tout autre mortel et dut être enterrée sur l'ordre des autorités publiques. Une vive déception gagna un certain nombre des fidèles et Us vinrent réclamer leur argent au mari survivant. ? le leur rendit. ? mourut en novembre 1895 et laissa la maison de résurrection ainsi que la caisse de Ziou à son fils, enfant idiot, qui reçut un tuteur. C'est celui-ci qui fit vendre le trésor en or et en argent. Tout de même une grande partie des adeptes de Dorothée Boiler croient encore à sa résurrection prochaine et continuent à attendre le miracle, malgré tout le ridicule qui entoure cette exploitation du sentiment religieux par une femme habile et rapace.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie
La séance de rentrée de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 16 février, a 1 heures et demie, sons la .présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpétrlère.
Les séances de la Société ont lieu le troisième mardi de chaque mois. Elles sont publiques. Les médecins, les étudiante et les membres de l'enseignement sont invités à y assister.
Adresser les titres des communications ft M. le docteur Bèrillon, secrétaire général, 4, rue de Castellanc et les cotisations ? M. le docteur Paul Farez, trésorier, 154. boulevard Haussmann.
Com ma nicut îo ni déjà portées à l'ordre dv jour:
(° D* Bèrillon : Le signe de la'détente musculaire. Sa valeur en neuropathologie et en psychiatrie.
•2" M. Bagukk. directeur de l'Institut départemental des Sourds-Muets : L'état actuel do l'instruction publique pour les anormaux d'école. 3° 31. Scté-Ton-Fa : L'homosexualité eu Chine.
4° D' Babtue de Saxdfoht : L'homo-sexualité en Chine et au Japon.
5° D' Chavigsy : La psychothérapie des tics et les procédés adjuvants.
6° ST. Bouchard, médecin-dentiste : L'anesthésle hypnotique en art dentaire Ipré-sentation de malades).
7° M. Lkfisay. médecin-vétérinaire : 1° La dnrée de l'incubation dans la réalisation des suggestions hypnotiques ; 3* Quelques phénomènes de l'olfaction chez les animaux.
Pratiques médicales populaires de la Guadeloupe.
Le recueil des formules grotesques pourrait être Inépuisable ; elles constituent nn arsenal qui serait fort comique s'il n'était souvent malpropre et parfois dangereux. En voici quelques exemples tirés d'un article publié par le DT Chouqckt, dans les Archives de Médecine coloniale.
Signalons en passant quelques exemples de cette thérapeutique. Contre les maux d'oreilles, sans aucun souci d'ailleurs de leur cause véritable, versez dans le conduit auditif externe quelques gouttes d'huile ordinaire qu'on aura fait bouillir, après y avoir jeté un ver de terre. Le moyen est souverain.
Faites infuser des crottes de rat dans de l'eau, filtrez, adoucissez le liquide filtré avec du miel, parfumez-le avec un peu de rhum : vous avez ainsi obtenu un remède incomparable contre les coliques utérines de la menstruation.
Le rat est donc un animal précieux : ses productions n'ont pas seules d'heureuses propriétés et il paye de sa personne dans certains cas. Si quelqu'un a commis une de ces Imprudences redoutables, si par exemple U a, dans un moment d'oubli, posé ses pieds chauds sur un parquet de bois du Sord, il conviendra, pour lui éviter les graves complications qui le menacent, de lui faire manger le soir même quelque morceau de rat. Dans ce but, on dissimule au dîner dans une fricassée de poulet on de lapin un cuissot de rat que l'imprudent mange sans défiance. Par bonheur il n'est pas nécessaire d'absorber le rat en entier,
Pour donner le sommeil ? un malade que la douleur tient éveillé, pour donner l'endormi » comme disent les nègres, il faut placer près de sa tète, sous l'oreiller ou sous le matelas, un sachet contenant quelques os humains pris au cimetière.
Mettez au cou des jeunes enfants un collier de corail, vous faciliterez leur première dentition. Enfin, nous connaissons nn moyeu Infaillible de faire pousser les
efaevenx. Pins de chauves ! II suffit de se faire couper l'extrémité des cheveux rares qui subsistent encore, trois Jours avant ou trois jours après la pleine luue.
yaus avons vu employer conlre les ulcères phagédéniques un traitement qui conduisait avec sûreté aux désordres les plus graves. Un morcean de cuivre était porté au rouge et vivement plongé dans l'eau froide. De nombreuses petites paillettes de enivre se déposaient au fond du liquide, y formant une sorte de dépôt pulvérulent. Ce dépôt, recueilli, séché a petit feu, était ensuite étendu tel quel sur la plaie. Dans nn cas que nous avons observé, le résultat de cet Ingénieux pansement fut l'obligation d'ampnter un gros orteil.
La fièvre paludéenne est combattue avec succès par l'ingestion quotidienne de trois petits verres d'un rhum dans lequel on a fait macérer une poignée de terre prise a la croisée de deux chemins. Ce remède porte bien évidemment la signature du sorcier. C'est de la thérapeutique par sortilège.
La morsure d'un chien est guérie par l'application sur la plaie de trois poils du chien en cause. Pas un poil de plus, pas un de moins. Comme dans notre pharmacie, le dosage est ici des plus délicats. Eu médecine vétérinaire on pourrait aussi recueillir des médicaments curieux.
Par exemple, les chevaux sont souvent atteints de coliques dues sans donto à la mauvaise qualité des herbages pendant la saison des pluies. Ces coliques, dites coliques rouges, sont heureusement arrêtées en faisant prendre ft la bete une boulette de suif ou de mie de pain dans laquelle on a incorporé In fine poussière d'un culot de vieille pipe soigneusement écrasée. On peut encore éviter de préparer cette composition pourtuut simple, car certaines personnes ont le don surprenant d'obtenir le même résultat en regardant simplement le cheval malade.
Les herbes de la Saint-Jean
Voila une locution bien souvent employée, mais dont peu de personnes, assurément, pourraient dire l'origine. On en trouve l'explication dans un article de la France ••lédicafe par M. le Dr de Blbler (de Cbfttel-tïiiyon), d'après des documents qni Ld ont été fournis par M. Rhodes, avocat à Murât, sur les Vieux remèdes auvergnats usités vers 1750.
H n:DE la SaPCT-JlÂA'
'Composition d'une eau très bonne pour les rhumatismes, contusions, vieilles douleurs, faiblesses de nerfs et autres maux, universellement composée de simples ; on la nomme ordinairement eau rouge.)
II faut prendre deux poignées de feuilles de lavande. — Une poignée de feuilles de thym. — Une poignée de feuilles de marjolaine. — Une poignée de feuilles de sauge. — Une poignée de feuilles de baume. — Une poignée de feuilles de mélisse. — Une poignée de feuilles d'hysope. — Une poignée de feuilles de basilic, — Uno poignée de feuilles de romarin. — Une poignée de feuilles de laurier. — Une poignée de feuilles de fenoieil. — Une poignée de feuilles d'absinthe.
Menez le tout dans uue cruche neuve de trois pintes et achevez de l'emplir de la meilleure eau-de-vie de Cognac, bien boucher la cruche et l'exposer au soleil d'été pendant toute ?a canicule, puis la passer dans un linge et la mettre en bouteilles. Lorsqu'on voudra se servir de cette eau pour frotter quelques parlies malades, II faut faire fondre un morcean de savon blanc gros comme le pouce avec une cuillerée d'huile d'olive et y mêler une cuillerée de cette eau, et lorsque le tont aura été chauffé ensemble, il en faut frotter la partie malade devant le feu et après mettre par-dessus une feuille de papier brouillard et par-dessus un linge.
Cotte eau est bonne pour la colique, les indigestions et les vers, en buvant une cuillerée pure.et ensuite, si elle n'opère pas, en prendre encore une cuillerée avec de l'eau chaude. Elle fortifie la vue en s'en frottant les paupières.'
NOUVELLES
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie
Ecole de psyobologd3. 49, rue Saint-André-des-Arts. — Les coure de l'Ecole de psychologie ont lieu tous les jours à cinq heures jusqu'à fin mars. Des conférences hebdomadaires sont faites les lundis à cinq heures.
Cours de cltsiqce psychothérapique. — MM. les Drs Bébillox et Paul Farez continuent,- à l'Ecole de psychologie, 49, rue Saint-André-des-Arts, les jeudis à 11 heures du matin, leurs leçons de Clinique psycho-thérapiqne, avec présentation de malades.
Dispensaire pédagogique, 49. rue Saint-André-des-Arts. — Consultations les mardis, jeudis, samedis, de 10 heures à midi, pour les enfante anormaux (retardataires, instables, vicieux et nerveux). Les professeurs, les médecins et les étudiants sont admis aux consultations du jeudi.
Dispensaire asti-alcoolique, 49, rue Saint-André-des-Arts. — Mardis, jeudis, samedis à 10 heures.
Hospice de la Salpétbtere : Clinique des maladies nerveuses. — Les leçons du professeur Raymond ont lieu les mardis et vendredis à 10 h.
Service du Dr Jules Voisin. — Leçons cliniques le jeudi à 10 heures.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
D1" J. Bosjoub. de Lausanne : La suggestion hypnotique et la psychothérapie actuelle. In-12. Paris, J.-B. Baillière. 111 pages.
Paul Docmer : Livre de mes fils. In-8. 340 pages. Vuibert et Nouy. Paris 1906.
Dr Pierre Jaxet : Les névroses. In-12. 397 pages. Bibliothèque de philosophie scientifique. Flammarion. Paris. 1909. 3 fr. 50.
Dr Geraud ???n?t : Les merveilles de l'hypnotisme; In-12, 28 pages. Rousset. Paris. 1905. 3 fr. 50.
Dr Bertllox : Le traitement psychologique de l'alcoolisme. — In-12, 32 pages. Paris 1906, Bureaux de la Revue de l'Hypnotisme. 1 fr.
Dp BÉRILLON : Le concours de l'agrégation en médecine : nécessité de son remplacement par l'institution des privat-docent. In-8°. 24 pages. Bureaux de la Revue de l'Hypnotisme. 1 fr.
L. Berillos : La timidité chez l'enfant. 24 pages in-8. Bureaux de la Revue de l'Hypnotisme. 1 fr.
D* Berixlon : La psychothérapie graphique : son importance dans le traitement des psythonévroses, broch. in-12, 8 pages.O fr.50.
Dr Bebillos : L'Œuvre psychologique du Dr Liébault. In-8. 40 pages. Revue de l'hypnotisme. 1 fr.
L'adminiStrateur : j. BÉRILLON. Le Gérant : Constant LAURENT. Privas
Priva», Imp. C. Laurent, «Tenue du Vanel.
23* Année. — ?• 9. Mars 1909.
BULLETIN
X'Eeole de psychologie devant la commission de l'Enseignement supérieur an Sénat. — Les médecins Inspirateurs de Molière-Dans ln séance du 2? lévrier, la commission de l'Enseignement supérieur dont M. Charles Dupuy est le président et M. Bienvenu-Martin, vice-président, a entendu M. le Dr Bérillon, représentant de l'Ecole de psychologie. Désireuse do connaître les services rendus a l'enseignement supérieur par le3 grands établissements libres, la commission avait tenu ii connaître le but et le fonctionnement de l'Ecole de psychologie. Dans un entretien qui n'a pas duré molus d'une heure et quart, le docteur Bérillon a exposé les services rendue par l'Ecole de psychologie. H a également indiqué quels avantages il y aurait a favoriser, en matière d'enseignement supérieur, l'initiative privée. Il en résulterait pour l'enseignement officiel ce stimulant •qui trouve toujours sa principale source dans la concurrence. Par la mémo occasion, loD' Bérillon a montré que les canses de la crise qui sévit actuellement dans l'enseignement médical a son point de départ dans le mode de recrutement du personnel enseignant. Le concours de l'agrégation, mettant seulement en relief les efforts de mémoire, éloigne de l'enseignement les esprits qui se trouvent plus naturellement forts vers les recherches scientifiques. 11 en résulte un abaissement du niveau général des études et la disparition du prestige qui entourait autrefois les professeurs.
La déposition du Dr Bérillon ayant été sténographiée in-extenso. nous ne manquerons pas de faire part a nos lecteurs de ce document intéressant.
Ou croyait généralement que Molière, dans la création de ses types de médecins, s'était laissé entraîner ù des créations toutes de fantaisie. Au contraire, Il faut penser qu'il a voulu dépeindre des types réels et qu'il a été Inspiré par des eavants de bonne marque, désireux d'émanciper la médecine de l'influence des esprits ronti-nlers aussi nombreux alors qu'ils lo sont a notre époque.
Jiorre savant confrère, le D( Cabanes, u donné récemment lecture, a l'Académie Je médecine, d'une étude sur « les médecins Inspirateurs de Molière ». ? en est trois, parmi ceux-ci, dont le nom brille d'un vif éclat dans les annales scientifiques dn xvm* siècle. Ce sont Gassendi, Bernier et Rohnult.
Molière — on en a la preuve — suivit les cours de Gassendi, qui fut plutôt un physiologiste et un anatomfste. Son nom est mêlé λ l'historique de lit circulation dn sang. De plus, il provoqua beaucoup à provoquer les recherches de Pecquet sur le chyle humain.
Bernier venait de rentrer eu France, lorsque Molière introduisit dans le Bourgeois gentilhomme, la fameuse cérémonie du Mamamouchi. Il n'est pas douteux, pour le D' Cabanes, qu'il faille voir la un résultat de l'influence de Bernier.
Molière était en outre eu commerce d'amitié avec Jacques Robault, physicien plus que médecin : ce fut lui qui tint Molière si bien au courant des découvertes de Harvey sur ?a circulation.
L'Evolution de l'Esprit Militaire en Chine
(suite et fin)
par M. Scm-Tos-Fi. docteur en droit.
?
La Chine a donc une histoire guerrière, une grande histoire militaire ! La Grande-Muraille, les remparts formidables qui entourent chaque ville chinoise ; le réseau extraordinaire, gigantesque de canaux et de digues témoignent d'une aptitude incomparable à la conception des grands travaux militaires. Et, si les Tartares, les Mongols, les Huns vinrent en Europe et en Syrie, ce n'est que grace aux nombreux contingents chinois et à leurs grands capitaines. Hs n'ont jamais pu se rendre, eux-mêmes, maîtres de la Chine par les armes ! Nous avons vu comment la poudre et le canon, inventés-par les Chinois, furent apportés par eux en Occident. La boussole permit à nos flottes de guerre de sillonner les mers jusqu'en Amérique, en Australie, en Arabie et à Madagascar ! Nous eûmes des levées d'hommes par voie de conscription, même le service militaire fut rendu obligatoire pendant un certain temps ; ce sont la, je crois, de grands concepts militaires !
On a nié le patriotisme chinois. Mais toutes nos guerres, nos grandes révolutions furent patriotiques, des soulèvements de la nation entière contre l'Etranger.
Les Chinois ont été demilitarises temporal rement, mais leur âme est restée guerrière. Les soldats, les officiersf devenus des illettrés, furent méprisés. Ce n'était pas l'armée, l'Ame guerrière, que l'on méprisait mais les gens qui la composaient. Le Chinois a toujours honoré la gloire des armées : Koang-Ti, ce fameux général de la grande période chinoise des Trois-Royaumes, n'est-il pas eu quelque sorte notre saint de la guerre ? Mais nous avons un culte de la valeur militaire, un culte du drapeau, car les Chinois connaissent et savent ce que c'est qu'un drapeau. Tous ces sentiments reprennent leur force d'autrefois. Nos hommes de guerre ne sont plus les mêmes ; l'armée n'est plus recrutée de vagabonds ni de déclassés : elle a reconquis l'estime nationale.
Le soldat chinois est un guerrier remarquable avec des qualités rares. Tous ceux qui ont vu ces hommes au feu. au Tonkin, en Corée en 1900, sont unanimes à reconnaître leur valeur militaire. Gordon a dit lui-même : « H serait temps d'en finir avec la légende de la poltronnerie du Chinois ; autant il est tranquille et bon citoyen en temps de paix, autant, quand il est bien commandé, il est. en temps de guerre, audacieux et même téméraire. » Lord Woïselcy disait aussi : « H n'y a pas de vertu militaire que le Chinois ne possède. » Et beaucoup d'autres qui les ont vus de près ont exprimé la même opinion : consultez ce qu'ont dit à ce sujet plusieurs de vos Taillants officiers tels que les Frey.les de Pélacot, les d'Ollone.
Le Chinois a donc des qualités militaires remarquables : son mépris de la mort est légendaire. Des cavaliers chinois, au nombre de quelques centaines seulement, tinrent pendant plusieurs heures a la bataille de Ping-Yang en 1891 contre deux corps d'armée japonais et se firent tuer jusqu'au dernier sans une seconde de découragement ou de recul. La fameuse « Ever victorious army » contre les rebelles en est une autre preuve, avec ce beau titre : « Armée toujours victorieuse » ; quel stimulant pour les hommes ! Et combien d'autres exemples à citer : il faudrait des Toluraes entiers pour le faire ! Nos soldats sont désignés par un titre caractéristique : on les appelle : « Les braves ». Notre discipline militaire est très ferme ; dès notre plus tendre enfance, nous sommes entraînés & cette discipline sévère par la discipline familiale que tout Chinois respecte profondément. Nous obtenons de nos hommes tous les réflexes qui correspondent à des ordres ou des commandements indispensables sur le champ de bataille. Le soldat chinois est robuste, vigoureux, bien musclé, d'une sobriété très grande et d'une endurance à toute épreuve ; il est très gai, jovial ; à cela il faut ajouter la bravoure, la témérité et l'initiative. Que faut-il réunir de plus pour être un bon guerrier ?
La Chine se réveille de tous eûtes. Les Jeunes gens forment des sociétés de gymnastique, des associations sportives. A Singapour, quelques-unes se sont mesurées avec des équipes de foot-ball anglaises et les ont battues. On organise également dans tout le pays des compagnies auxiliaires de volontaires. Dans la rue, même les enfants jouent aux soldats ; chose remarquable : il y a toujours deux camps, et l'un d'eux représente le parti nippon : il est d'ailleurs toujours battu. Sur les murs de toutes les écoles primaires, secondaires et supérieures ce ne sont que gravures ou photographies représentant les armées européennes, les portraits de grands généraux avec des anecdotes. Napoléon, César, Alexandre sont populaires et même admirés des lettrés. TJn volume très répandu porte ce simple titre : * Na-P'o-Leunn » (Napoléon). Dans les casernes, les écoles de sous-officiers, les écoles spéciales, nous retrouvons également toutes ces gravures ou photographies, les nnes représentent nos ancêtres victorieux sur les champs de bataille, d'autres n'hésitent pas a rappeler que nos pères furent honteusement battus par les Japonais ou les Occidentaux. Elles ont pour but d'aiguillonner notre orgueil national.
On admire le militaire, car il devient un savant, un homme de science. Notre grand Etat-Major de Lien-Ping-Tch'ou a fait preuve d'un grand esprit militaire par cette refonte totale de l'armée,qui n'est plus provinciale et est devenue vraiment nationale.
En entraînant les Chinois dès leur enfance, en leur faisant donner dans les écoles une éducation virile, on se préoccupe d'en faire de vaillants soldats, en même temps qne de bons citoyens. None avons même adopté le signe de la Croix-Rouge de la convention de Genève pour nos ambulances et nos services sanitaires, faisant partie de cette grande convention, sans nous occuper de cette croix... Lune, croissant ou croix.
peu nous importe la signification primitive; c'est à l'idée humanitaire seule que nous avons voulu nous ranger.
Le Chinois est un travailleur sûr et universellement reconnu, discipliné, brave ; il a donc toutes les aptitudes pour faire un bon soldat. Nous avons en deux ou trois ans à peine reconstitué une aimée de près de 300.000 hommes, qui ont été remarqués et'appréciés dans nos diverses manœuvres par les officiers les plus compétents des armées étrangères. Nos récentes grandes manœuvres ; rès de Nankin, en décembre dernier, provoquèrent l'admiration des spectateurs. L'embarquement, par voies ferrées, d'un corps d'armée de vingt mille hommes fut exécuté avec une rapidité, une science et une précision dont les officiers étrangers furent émerveillés.
Il y a bien longtemps que nous paraissions plongés dans le sommeil, comme je le disais au début. Aujourd'hui, ce long repos parait toucher k sa fin. Notre énergie, notre force semblent s'être reconstitués. Les vexations et les outrages venus de l'extérieur n'ont certainement pas été indifférents à ce résultat. Il n'en a pas fallu davantage pour rappeler à notre jeunesse que notre pays a connu la gloire des armes : que notre patrie a su imposer le respect à ses adversaires : que nos armes ont été victorieuses sur beaucoup de champs de bataille.
Puisque nous honorons tant nos morts et que nous sommes gouvernés dans une grande mesure par la gloire et les vertus de nos ancêtres, pourquoi ne les imiterions-nous pas '? Ils furent, quand la défense de l'honneur chinois l'exigea, des guerriers émérites ; nous les honorerons mieux en nons montrant leurs dignes descendants.
L'Ame militaire chinoise se réveille. Partout l'armée est en honneur. Le 0a va une fois de plus l'emporter sur le Wenn, qui nous a plongés si longtemps dans l'indolence et par suite dans la honte. De toutes parts, les gens sollicitent l'honneur de servir dans notre armée, redevenue une grande école de fraternité et de courage.
Comme conclusion de cette étude, je ne crains pas de proclamer que l'avenir d'une grande nation résidera toujours dans son Ame militaire, qui contient les éléments fondamentaux d'une force morale capable d'inspirer le respect de la part des autres. Ce respect ne peut être obtenu que par la notion de force que l'on possède. Seuls les forts peuvent prétendre k l'indépendance qui assure la dignité et fortifie la moralité. C'est par la pratique de la bravoure, la culture intensive du patriotisme que se développent les sentiments chevaleresques.
La Chine de demain ne connaîtra plus les humiliations qu'elle a subies
k une date rapprochée de nous. Désormais on peut être assuré qu'elle ne
le cédera à aucun autre peuple sur le terrain de l'honneur national !
* * *
Après la leçon de M. Scié-Ton-Fa, M. Donmer a prononcé une éloquente allocution, dont à défaut du texte rigoureusement exact, tes notes qui ont été prises permettent de donner le résumé analytique :
Les Caractères distinctifs des races supérieures
par M. Paul Douukm, député, ancien gouverneur de l'Indo-Chlne
Messieurs,
M'inspirant des conclusions par lesquelles M. le professeur Scié-Ton-Fa a terminé son exposé du réveil de l'esprit militaire dans son pays, je ne puis m'empêcher de vous exposer les impressions qui me sont restées d'un séjour prolongé dans le grand et admirable pays de Chine.
Il est exact que, dès les temps les plus reculés, les Chinois ont eu conscience de la force que donne l'organisation militaire. Ces hommes que l'on se représente très volontiers comme absolument étrangers a l'art de la guerre, ont été non seulement des guerriers pleins de vaillance, mais ils ont réalisé le plus grand des progrès qu'ait connu l'outillage militaire'
C'est en Chine qu'a été découverte la composition explosive connue sons le nom de poudre à canon ; ce sont les Chinois qui ont les premiers fait usage de l'artiljerie et ce sont eux qui en ont apporté la connaissance eu Europe. Us se sont également montrés des ingénieurs habiles dans l'art de la défense des frontières et la grande muraille de la Chine septentrionale demeure comme un témoin de la puissance de leurs conceptions.
Le Chinois a été le grand conquérant de l'Asie qu'il a presque entièrement soumis a son empire. La ténacité guerrière a même été poussée dans certaines régions à un degré qui n'a jamais été atteint dans aucun autre pays. Pour y réduire la résistance des habitants, il a fallu exterminer plus de la moitié de la population.
Ce qui a donné naissance a la légende d'une Chine poussant l'amour du pacifisme A ses limites les plus extrêmes, ce sont les manières habituelles d'agir de ses mandarins lettrés et de ses diplomates. Je me sou-viens que dans une entrevue concertée avec un vice-roi, au sujet d'une question de chemin de fer, je reçus de lui l'accueil le plus aimable. Il aborda un certain nombre de sujets de littérature et me vanta longuement les charmes de la poésie Chinoise, dont il me récitait des échantillons aussi variés qu'étendus. Comme je me soucie plus, je l'avoue sans fausse honte, des réalités que des rêveries, des faits que des mots, je fis les plus grands efforts pour le ramener ft la question. Ce vice-roi poétique n'arrivait pas à comprendre comment je ne préférais pas les beautés de la littérature à ces créations humaines de chemins de fer qui ne lui paraissaient que des faits bien terre à terre.
C'est qu'il réalisait le type du mandarin lettré, isssu de ces concours qne nous leur avons d'ailleurs empruntés, et dans lesquels les exercices de mémoire, les jongleries de raisonnement, et les œuvres de pure imagination occupent la place prépondérante.
C'est ainsi que l'abus de la littérature peut aboutir h une certaine déformation cérébrale qui ne permet plus à ceux qui en sont atteints de se rendre compte des nécessités d'ordre pratique.
C'est d'ailleurs pour éviter l'effort que comporte l'étude et la solution
des questions sérieuses que Ton se lance dans une oiseuse phraséologie. Nous en savons quelque chose dans notre occident, où le meilleur du temps des assemblées parlementaires est absorbé par des luttes oratoires aussi inutiles que fastidieuses.
, On a beaucoup discuté sur la guerre, Tous les hommes d'esprit réfléchi sont d'accord pour la considérer comme un terrible fléau. Elle est assurément un mal redoutable, mais il est des maux qui sont pires encore. La guerre la plus sanglante et la plus coûteuse vaut mieux cent fois que la perte de l'indépendance ou de l'honneur national.
Il y a des conflits internationaux qui ne peuvent trouver de solution finale que dans la rencontre armée des peuples. C'est pour défendre sa liberté ou sa dignité qu'un grand peuple doit toujours être prêt à prendre les armes. Etre fort et résolu c'est non seulement le moyen de conserver son indépendance, c'est surtout celui d'éviter la guerre. La force, l'activité et le courage sont les facteurs de la paix... Les Chinois, parmi lesquels j'ai beaucoup vécu m'ont inspiré de l'estime et de la sympathie. Je leur reconnais de la droiture, de la loyauté, de la vaillance.
Nous avons recruté parmi eux des soldats de premier ordre, et nos officiers ont vu des réguliers Chinois allant prendre des jonques de pirates jusque dans la mer.
H y a dans l'immense population chinoise la matière première d'une armée formidable. Il ne serai; plus de mode aujourd'hui, ce mot d'un général européen disant qu'avec une armée de dix mille soldats il se faisait fort do traverser la Chine dans toute sa longueur. Ce qu'il exprimait en parlant ainsi c'était l'idée de la supériorité de la force coordonnée et organisée sur la multitude dépourvue de discipline et de cohésion.
Le Chinois est naturellement discipliné, il est doué de vaillance, son aptitude au travail est merveilleuse; il a donc toutes les qualités requises pour être un bon soldat. L'homme qui fait preuve de courage au travail sera courageux en tout : celui qui saura faire preuve d'un effort soutenu dans son labeur sera aussi celui qui se montrera capable de tenir bon au feu.
Par contre, ceux qui sont veules dans leur travail, seront veules sur le terrain de la guerre ; ils ne valent pas mieux dans la lutte pour la patrie que dans la lutte pour la vie.
Les innombrables populations de l'hindonstan ne manifestent aucun courage au travail, aussi il n'est pas étonnant qu'elles subissent aussi passivement le joug de l'occidental.
Les races nobles, les races fortes n'ont pas la crainte puérile de la guerre. Elles ont foi dans leurs destinées. Elles n'admettent pas l'humiliation devant les menaces ou les intimidations. Elles ne sont pas seulement résolues ? repousser l'agression brutale d'un voisin, elles ne permettraient pas non plus qu'on violât leur droit : elles doivent même être prêtes à intervenir pour empêcher qu'on écrase d'autres peuples amis dont l'existence est nécessaire à leur sécurité.
Les mandarins lettrés, aveulis par sa culture exclusivement intellec-
-tuelle et littéraire, avaient l'horreur de tout ce qui est l'action, la force et même la matière. Ils étaient incapables de comprendre qne les énergies contenues dans l'atmosphère ou dans les flancs de la terre sont productrices de puissance et do bien-être.
Résignés à vivre d'une existence contemplative, ils demeuraient indifférents au mouvement qui entraîne l'humanité vers le progrès ; à ce régime débilitant, ces purs intellectuels avaient peu a peu. perdu la notion de l'activité productrice, du courage et de la dignité nationale.
M. Scié-Ton-Fa nous révèle qu'un nouvel esprit se fait jour dans la nouvelle génération Chinoise. La vieille Chine-qu'on croyait définitivement cristallisée dans son immobilité légendaire reprend conscience de sa force et se prépare à faire entendre bientôt sa voix dans le concert des nations.
Cela prouve que sous toutes les latitudes, le fonds de l'esprit de l'homme reste le même. S'il est possible de l'égarer pendant un certain temps des subtilités philosophiques, bientôt le bon sens naturel reprend ses droits. Ladmiration et l'estime retournent d'elles-mêmes à ceux qui se montrent vaillants dans le travail, vaillants dans la production de la richesse nationale, vaillants sur les champs de bataille. En fin de compte, quoiqu'en puissent dire les sophistes, le dernier mot restera toujours il ceux qui mettront eu pratique les qualités fondamentales qui caractérisent les races supérieures : l'entraînement à l'action et au travail, l'amour des sciences, des lettres et des beaux-arts : la culture de la force morale «t du caractère, la glorification du courage et l'amour de la patrie.
TRAVAUX ORIGINAUX
Psychologie de l'olfaction : La fascination olfactive chez les animaux et chez l'homme (1)
par M. le Dr Bsrillos, professeur à l'Ecole de jisycbologie.
(Suite)
T. Le role de l'odorat daxs la coxstitctiox de la personality
La personnalité a été définie par Littré : * Ce qui fait qu'uue personne •est -elle et non pas une autre. > Cette définition de mots est en fait exacte, mais il peut paraître légitime de chercher a la compléter par une ¦définition de choses basée sur des caractères objectifs. Je proposerais -donc la suivante : « La personnalité est une manière d'être propre k l'individu résultant des conditions physiques de son organisme et aussi des manifestations extérieures de son activité sensible, intellectuelle et morale. »
Si l'on voulait concevoir une personnalité humaine parfaite, il faudrait la doter, indépendamment du bon fonctionnement des organes de la vie végétative, de sens normaux apportant fidèlement à des centres nerveux -complètement développés les impressions du monde extérieur. La suppression ou l'insuffisance d'un de ces sens impliquerait nécessaire-
ment la notion d'une personnalité incomplète. En effet, si les différences entre les organes de la nutrition sont peu appréciables, il n'en est pas de même pour les organes de la vie de relation. C'est surtout dans la valeur des aptitudes sensorielles que résident les causes des inégalités psychologiques et morales. C'est ce que Diderot exprime d'une façon saisissante lorsqu'il écrit dans la Lettre sur tes aveugles : « que la morale des aveugles est différente de la notre ! que celle d'un sourd différerait de celle des aveugles et qu'un être qui aurait un sens de plus qne nous trouverait notre morale imparfaite ».
Certains philosophes oqt voulu établir pour les divers sens une hiérarchie basée sur l'importance des notions qu'ils apportent à notre connaissance. Tandis que les uns faisaient delà vue le sens roi. d'autres ont voulu conférer la supériorité à l'ouïe. Je n'en connais pas qni aient accordé k l'odorat un rOle important dans la symphonie des sensations supérieures. L'odorat, aux yeux du plus grand nombre tiendrait la place qui d'ordinaire, dans la maison des parvenus, était attribuée aux parents-pauvres.
Se basant sur ce fait, plus apparent que réel,que les aptitudes olfactives n'ont cessé de perdre du terrain avec la marche de la civilisation, tel psychologue déclarait naguère que l'homme obtenait les impressions du monde extérieur non plus par le nez, mais principalement par l'œil et par l'oreille, ceux qui trouvaient encore quelques satisfactions dans l'utilisation de leur odorat frisaient preuve d'un atavisme vraiment rétrograde. N'allait-il pas jusqu'à les assimiler au chien et au porte-muse chez lesquels l'activité sexuelle est directement excitée par des matières odorantes.
N'est-il pas d'une souveraine injustice d'accabler d'un tel dédain un sens qui tient sous son étroite dépendance les instincts les plus utiles à la conservation, non seulement de l'individu, mais aussi de l'espèce et même de la race. Chez les peuples anciens, de même que cela se passe encore aujourd'hui chez ceux qui ne sont pas profondément touchés par l'action destructive delà dégénérescence le sens olfactif présidait à la sélection naturelle. Los amitiés et les pactes ne se scellai*;nt qu'entre personnes ayant le lien commun d'une odeur adéquate : les individus de sexe différent ne contractaient mariage qu'autant qu'ils apportaient, par la similitude de leurs exhalaisons, la preuve de leur origine commune.
Les habitants de l'Egypte ancienne se rendaient nn compte exact du rôle que l'odeur humaine et le sens de l'odorat qui la perçoit jouent dans l'appréciation de la personnalité. C'est ce qui ressort d'une remarquable étude présentée par le baron Textor de Ravisi, au congrès des orientalistes de 1880. D y démontrait que les anciens Egyptiens ne reconnaissaient comme des frères que ceux qui réunissaient un certain nombre de conditions parmi lesquelles figurait au premier rang celle d'être de la race de Mesraïm et d'être les Rot-c, c'est-à-dire « qui conservaient la même odeur sui generis » Textor de Ravisi en donna l'explication suivante dans ses commentaires : « Tout corps animé ou inanimé, dit-il, a son.
rayonnement propre (Xaib't) et tout rayonnement a son odeur propre-L'odeur est une émanation gazeuse qui s'échappe continuellement de la surface. C'est un atome extrêmement tenu qui le volatilise dans l'air et qui est susceptible de se manifester k des distances considérables. L'odeur agit fortement sur le système nerveux du tiers qui le perçoit. Elle devient donc une affaire de sentiment, et. par conséquent, l'odeur qui est naturelle k l'être est celle qui lui plait davantage (en tant qu'elle est normale), par ce qu'elle est de lui-même ».
* L'Egyptien au temps de l'Ancien Empire qui fixèrent ses mœurs et ses usages, avait conservé de la tradition noachitique la haine de la race sémite et l'amour de la race chamite. En ce qui concernait l'odorat, ce sens n'était pas encore amoindri en importance physiologique, par une trop longue civilisation. ? était à cet égard, comme le sont actuellement les habitants demi barbares de l'Afrique centrale chez lesquels la puissance olfactive joue encore un grand rêle et qui possèdent encore le flair animal, si l'on peut aller jusqu'à cette expression.
Son odeur acre et pénétrante, plus forte que celle des sémitiques, mais moindre que celle des autres races africaines, était donc pour lui un des caractères ethnographiques de son rameau générique, qu'il tenait pour supérieur, au même rang que les autres caractères qui lui étaient propres. L'odeur, par suite, entrait donc dans le choix de sa compagne. ear celle odeur était le signe sensible et permanent de sa parenté avec lui, l'odeur du Rot-u.
« L'importance que les Egyptiens attachaient à l'odeur est encore établie par leur rituel et par leurs cosmogonies. Les prêtres, avant d'officier, devaient se purifier parle baume, l'huile et l'encens. (1) Les dieux ont chacun leur odeur propre qui les distingue. Les divinités célestes répandent une snave odeur d'ambroisie, et les divinités élémentaires de délicieuses odeurs, qui sont la quintessence de leur élément respectif. Ces odeurs précèdent et suivent leur passage.
Les anciens Egyptiens en limitant leurs élans de fraternité à ceux de leurs congénères chez lesquels ils retrouvaient une odeur sympathique ne faisaient que se conformer à une loi naturelle.
« U est bien certain, dit Cloquet, que chaque espèce et même chaque individu répand autour de lui une odeur particulière et qu'il se trouve toujours comme enveloppé d'une atmosphère de vapeurs animales sans cesse renouvelées par le jen de la vie.
« C'est par l'odeur spéciale que fournit autour de lui chaque individu animé que nous pouvons expliquer comment le chien distingue la piste du lièvre de celle du renard et celle du loup de celle du cerf, ou sent la trace de son maître pendant des centaines de lieues. Xous pouvons nous rendre raison de la manière dont ce même animal, en courant dans un espace où se trouvent plusieurs cerfs, démêle k la trace celui sur lequel
li| • Celui qui prononce ces paroles, dit le dieu Ku, doit se frotter de baume et d'huile fine, il doit avoir un encensoir dnns les mains et des parfums derrière les deux oreilles ». (Inscription mythologique du tombeau de Sert I". à Thebes : traduction de E. Xflvtlle.)
il a été d'abord lancé, sans se laisser égarer par les ruses que la bête poursuivie s'efforce d'opposer a cet instinct si sur et si dangereux pour elle. »
Cnaque animal a donc une odeur qui lui est propre, une odeur qui ne se confond pas avec l'odeur générale de son espèce.
C'est d'ailleurs par cette odeur que les hordes et les troupeaux peuvent se reformer, lorsqu'ils ont été mélangés à des masses d'animaux de la même espèce.
C'est ce qui permet également aux petits animaux de retrouver leurs mères au -uilieu d'un grand nombre d'autres femelles. C'est ainsi que les agneaux retrouvent leurs nourricières.
Les tendances à ces rapprochements familiaux persistent dans l'état de domesticité, et c'est un fait bien connu que les Anes, de même que les chiens, aiment à stationner dans l'endroit oii l'un de leurs congénères s'est livré à une émission d'urine.
« Asinris lotium sni generis frrecique olfacit et him admonitn siuim quoqae admittil », remarquait déjà, il y a longtemps, Schneider, dans son livre : De osse cribroso.
L'odeur diffère en effet d'une espèce à une autre : elle est même variable selon les races. Le blanc se plaint de l'odeur du nègre ; par réciprocité, celui-ci s'accommode difficilement des senteurs du blanc.Marc-Aurèle se plaignait déjà de l'odeur des Juifs. Le fœtor judaïcus est très manifeste dans les grandes agglomérations de Juifs, comme il s'en trouve en Pologne et en Hollande. La supposition que la prescription de Moïse relativement à la pratique de la circoncision et à l'abstention de la viande de porc et de celle de lapin lui ont été inspirées par le but d'atténuer l'odeur de la race, n'aurait rien d'invraisemblable. On peut également se demander si cette odeur très appréciable quand elle est collective, n'a pas été une des causes de la diffusion des Juifs. Ce qui n'est pas douteux, c'est que chaque race est douée d'une odeur particulière, plus ou moins forte, mais spécifique. Un odorat exercé saura facilement distinguer un Anglais d'un Eusse, un Français d'un Allemand. L'odeur spécifique de la race présente des variantes selon les mœurs, les habitudes, l'alimentation, les conditions hygiéniques et le climat. L'odeur d'uu Poméranien n'est pas celle d'un Bavarois ; à Marseille, les gens exhalent une odeur très différente de celle qu'on perçoit en Xorniandie.
Un médecin qui a beaucoup voyagé, le Dr Matignon, de Chatcl-Guyon, apportait récemment une nouvelle contribution à l'étude comparée des odeurs humaines.
« C'est un fait bien connu, écrit-il. de tous ceux qui ont voyagé que les blancs sont considérés comme ayant une odeur fade : les Annamites, les Chinois, les Arabes et les nègres trouvent que nous * sentons le cadavre ».
Le costume, ainsi que le veut M. Laloy, doit jouer un certain rôle ; mais il n'entre guère en ligne de compte pour les nègres à peu près nus,
les Hindous qui n'ont guère qu'une serviette autour des hanches, ou les Japonais qui. il chaque enjambée, ventilent leur amj:Ie kimono.
Or, chez tous ces noirs, jaunes ou marrons, nous trouvons une odeur très spéciale, indépendante de la sueur ou de la saleté.
Les Japonais, qui sont admirablement propres, sentent très fort pour notre odorat. Je ne parle pas des femmes japonaises : leur odeur naturelle est masquée par une odeur artificielle due à l'huile de camélia dont leur chevelure est enduite et qui est des plus désagréables pour un odorat occidental.
Les pays ont une odeur comme les individus. L'odeur de la Chine commence h Saïgon. s'accentue à Hong-Kong, est pénétrante à Chang-Haï et atteint son maximum à Canton. Hankeou ou Tien-Tsin. Le Japon a aussi son odeur, a laquelle on ne se trompe pas dès qu'on l'a perçue quelquefois.
Ces odeurs sont des plus persistantes et des plus pénétrantes. Quand il m'arrivc de défa ire un paquet de broderies chinoises.ou d Ouvrir une caisse rapportée depuis dix ans de Chine ou du Japon, l'odeur qui s'en dégage me transporte aussitôt, par ma mémoire olfactive, à Pékin ou a Tokio.
Ces odeurs de Chine ou du Japon sont tellement caractéristiques que l'un de mes amis, qui fut quelques années au ministère des affaires étrangères, me racontait que. en pénétrant dans le cabinet du ministre-il pouvait diagnostiquer l'arrivée de la ? valise » de Pékin ou de Tokio uniquement par l'odeur qui se dégageait de la pièce, émanant de la correspondance diplomatique qui avait séjourné pendant la traversée dans la « valise » avec d'autres paquets provenant de Chine ou du Japon.
TTne dame qui réside habituellement au Canada où l'on est souvent faute de domestiques de race blanche, obligé de recourir à des cuisiniers chinois, me racontait récemment qu'elle éprouvait la plus profonde aversion ? oui- les mets préparés par un de ces domestiques. Il suffit qu'il ait touché aux plats pour qu'elle s'en aperçoive par la simple odeur qui s'en dégage.
La haine entre les races blanche et noire qui se manifeste avec tant d'intensité aux Etats-L'nis a pour principale cause l'odeur que les américains reprochent aux nègres. C'est d'ailleurs le motif le plus fréquemment invoqué pour exiger la séparation des deux races dans les tramways, dans les restaurants et dans les hôtels. Pas plus dans l'antiquité que de nos jours, pas plus sur le nouveau continent que sur l'ancien le dogme ¦de la fraternité universelle ne résiste à quelques impressions olfactives peu agréables.
Le tabagisme et son traitement par la
suggestion hypnotique
par le Dr Georges Petit. Secrétaire Général de la Société contre l'abus du Tabac
De même qu'il esereconnu que la lecture de mauvais livres, les spectacles erotiques affaiblissent la force de résistance aux passions et aux (1) L» Chronique Médicale (du l)r Cabanes), 15 septembre 1909.
convoitises, la lecture des bons livres, la fréquentation des bonnes compagnies profitent contre ses propres faiblesses. Donc celui qui veut se guérir de l'infirmité tabagique doit éviter les tabagies, les cafés remplis de fumeurs et de fumée. Il doit faire connaître à ses amis et connaissances qu'il suit un traitement antinicotinique et les prie de ne plus lui offrir du tabac, selon cette parole : Ne vous exposez point à la tentation ». Enfin, il doit lire des ouvrages contre le tabac afin d'enraciner ses résolutions, de stimuler son courage, en s'instruisant sur les inconvénients et les dangers du tabac.
2° Le Dr A. Bertherand. médecin principal de l'armée avait dit : « Pour renoncer au tabac, il suffit de le vouloir sérieusemeut. » Joignant l'exemple au précepte après avoir fumé pendant cinquante ans, il mit Complètement le tabac de coté. Il existe un grand nombre de faits du même genre que l'on cite toujours pour exemple aux fumeurs, parmi les illustres, je citerai MM. Victor Meunier, l'abbé Moigno, Landrin, l'intendant militaire Hétault. le maréchal de Mac-Mahon, H. Bouley, de l'Institut, le général Lespieau. le colonel Schuhler, etc...
Mais tout le monde n'a pas conservé, sous l'empire de l'action dépressive de la nicotine', la force de volonté nécessaire pour s'affranchir brusquement de l'esclavage du tabac. Et c'est en vue de ces hommes de bonne volonté, mais dominés par la passion : c'est en vue de ceux dont la santé est plus ou moins altérée par le nicotinisme chronique ; c'est en vue de ceux sur lesquels les prescriptions abstentionnistes sont impuissantes, que nous faisons appel au dévouement et k la science des médecins, pour tenter de guérir ces malades par l'emploi, le plus souvent si efficace et si inoffensif, de l'hypnotisme et de la suggestion.
Du moment que la suggestion *a la puissance de déterminer l'aversion des substances qui étaient l'objet dn plus grand attrait, de la plus invincible convoitise, comme cela se voit en ce qui concerne la morphine, les boissons alcooliques, etc., il est rationnel d'admettre qu'il doit en être de même du tabac.
Un grand nombre de médecins s'appuyant sur le succès remporté par ce moyen thérapeutique dans le traitement de l'alcoolisme et de la mor-phinomanie. se sont servi de ce procédé pour combattre l'habitude du tabac. Des observations nombreuses ont été publiées par MM. les ?1* Chaaarin, Bèrillon, Auguste Voisin, et tant d'autres. Decroix qui avait expérimenté cette méthode à son début, en a donné une excellente description.
Pour hypnotiser et suggestionner les fumeurs voici, à notre avis,, comment on doit procéder : L'opérateur commence par endormir le malade : puis pour le suggestionner il lui dit avec bienveillance et fermeté : « Le tabac est un poison : il vous fait mal : vous ne fumerez plus pendant un jour. »
Il arrive assez souvent que le sujet, dans son sommeil, fait des objections ; qu'il ne veut pas obéir.
Alors l'opérateur insiste : « Je veux que vous ne fumiez pas pendant un joui*. Je vous l'ordonne. Vous me promettez d'obéir y »
Après quelques tentatives de résistance, la soumission a lieu : le malade peut être réveillé, 15 ou 20 minutes plus tard, alors qu'il a eu le temps « de digérer la suggestion », selon les expressions de 31. Voisin. En se réveillant, le sujet ne se souvient plus de rien. Mais, semblable aux victimes de l'acoolisme, les victimes du nicotisme ne fumeront pas pas pendant le laps de temps fixé pour l'abstention.
Alors, faire une nouvelle suggestion par le procédé qui a réussi la première fois, en ordonnant de ne pas fumer pendant quatre ou huit jours, par exemple.
Enfin, à une troisième ou quatrième suggestion, selon les sujets et selon les résultats obtenus précédemment, faire une prescription dans ce sens : * Le tabac altère votre santé. Vous n'avez pas fumé depuis tant de jours... Votre santé s'est améliorée. A l'avenir vous ne fumerez plus jamais, et vous trouverez l'odeur du tabac désagréable. Je vous ordonne formellement de ne plus jamais fumer ! »
Sans prétendre que cette suggestion sera plus infaillible que les médications journellement en usage contre la plupart des maladies, nous sommes convaincu qu'elle donnera de meilleurs résultats que les conseils prodigués jusqu'à présent aux nicotines.
Nous engageons donc instamment les fumeurs qui désirent s'affranchir de leur esclavage, et les médecins qui sont consultés par des nicotines désireux de recouvrer la santé, d'avoir recours à l'hypnotisme et à la suggestion.
3° Je pourrais rapporter ici un grand nombre d'exemples prouvant la valeur' de ce procédé, mais ce serait entrer dans des détails inutiles et trop longs ; néanmoins, pour donner plus de poids à l'opinion que j'avance, et affermir davantage la conviction du lecteur, je crois bon de citer ici quelques exemples.
En principe, pour ne plus faire certains actes, il suffit d'avoir la volonté de ne plus les accomplir. >Inis, parfois, souvent même, l'habitude est plus forte que la volonté. Que faire, alors ? Faut-il désespérer de guérir le malade ? Il suffit, dans bien des cas, d'une simple injonction : ou commande au malade de renoncer h son habitude en le menaçant des conséquences graves pour sa santé qui peuvent en résulter. Si ce moyen élémentaire ne réussit pas, on a recours à l'hypnotisme ; on endort le sujet et, dans cet état de sommeil provoqué, on outille son esprit, on lui suggère, par des arguments persuasifs, de ne plus fumer. 31. le Dr Bérillon raconte l'histoire d'un fumeur à qui l'on avait suggéré d'acheter des limbres-postc au lieu de demi londrès dans les débits de tabac. A la fin de la journée, ce fumeur avait quelquefois dans ses poches jusqu'à quinze ou vingt timbres-poste. L'hypnotisme est-il un moyen à peu près infaillible ? IL le Dr Bérillon répond par l'affirmative ; sur 10 fumeurs ainsi traités, trois à peine sont rebelles aux procédés suggestifs. Et chez ces trois rebelles, conclut le Dr Bérillon, tous les ressorts de la volonté et
des muscles sont tellement atrophiés, que c'est la décrépitude certaine et la mort a brève échéance.
J'ai moi-même cité un assez grand nombre de faits de guérison de la tabacomanie par la suggestion et j'ai rapporté un cas (Congrès international. 1900) qui fut reproduit par toute la presse médicale et extramédicale, c'est celui d'une actrice jeune, jolie, et de grand avenir qui. au cours d'une tournée en Russie avait contracté j ar imitation l'habitude de fumer la cigarette ; rentrée à Paris, où elle occupe une des premières places d'un théâtre subventionné, elle résolut de se déshabituer de cet usage dont elle craignait de ressentir les mauvais effets, mais elle ne put y réussir du fait de sa volonté et quelque grand désir qu'elle en eût.
Le hasard lui ayant mis sous les yeux des exemples de guérison par l'hypnotisme, elle me demanda de l'endormir, ce que je fis en présence de sa mère pour assurer le contrôle de mon expérience. L'hypnose étant obtenue très facilement, par la simple pression des jaupières. je lui suggérai de renoncer au tabac et lui assurai qu'elle en avait la force. Après deux séances le résultat était parfait, et depuis cinq années ne s'est pas démenti, bien plus avec la disparition de l'usage du tabac, on vit naître une aversion telle pour cette plante, que cette personne ne peut plus sentir l'odeur du tabac dans son entourage.
il. le Dr Ledresseur me communique le fait suivant :
M. ?. X.... 20 ans. tempérament sanguin, nerveux, surtout très sensible au magnétisme et s'endort facilement. Depuis longtemps, il est atteint par une irritation de l'arrière-gorge et on a même prononcé le mot de laryngite tuberculeuse.
Je n'en crois rien : le jeune ?. X... fume la cigarette : cette habitude est en grande partie, je pense, la cause de sa maladie. Un jour, chez le Dr Chazarain, l'hypnose étant obtenue, je dis tout bas a l'oreille du docteur de suggérer au jeune X...de ne plus fumer, le tabac lui étant nuisible, et..., peu après, la suggestion fut donnée et acceptée par le sujet ; on le réveilla ensuite sans lui parler de cette suggestion.
A la fin de la soirée, je lui fis allumer une cigarette. Presqu'aussitôt il la rejeta en disant : * C'est affreux ! ce tabac a un goût et une odeur de tan ; c'est une farce que l'on m'a joué. » En sortant le soir, au premiei bureau de tabac qu'on rencontra, il en acheta d'autres, en alluma une, et la jeta immédiatement en disant : « Pouah ! ça ne vaut pas mieux » et il cessa de fumer.
Ainsi, voilà donc un cas de guérison instantané d'une passion contre laquelle la force de volonté était restée impuissante, malgré la laryngite dont le sujet était affecté.
M. le Dr Bérillon fit connaître, en 1891, une observation qui mérite d'être retenue :
Je fus appelé, dit-il, au mois de septembre dernier auprès d'un jeune homme originaire de la République Argentine. C'est un névrophate qui a eu autrefois des crises nerveuses qualifiées : hystérie. U a eu aussi des crises paludéennes. ? est fatigué, d'une pâleur terreuse, d'une apparence
cachectique. Tous les matins, vers huit heures, cet homme est pris d'une crise de toux sèche, avec dyspnée, qui va en se développant jusqu'au moment où, atteint de nausées, en proie à des douleurs très violentes ayant leur siège dans la région thoracique antérieure et surtout dans la région P récordiale, il calme ses angoisses en se faisant une piqûre de morphine.
Le malade qui ne fait rien de la journée, passe son temps â fumer des cigarettes en quantité considérable. Je supposai qu'il était atteint d'accès d'angine de poitrine provoquée par l'intoxication tabagique. Je lui conseillai de ne pas fumer, mais il se déclara impuissant à se soustraire de lui-même fi cette habitude, contractée dès l'enfance. Je lui proposai alors de le traiter jar la suggestion. Il s'y soumit et fut facilement plongé dans un sommeil assez profond. Je Ini suggérai de cesser de fumer en lui annonçant qu'il n'éprouverait plus aucun plaisir à cet acte et que, dès le lendemain, il n'aurait plus de crises, ni de nausées.
Dans la journée qui suivit, le malade ne fuma que cinq ou six cigarettes, sans grand plaisir et sans trop penser a fumer. De plus, la crise habituelle n'eut pas lieu, il put ainsi éviter la piqûre journalière de morphine qu'il se faisait depuis plusieurs mois. Le traitement n'a pu être continué que pendant une semaine, le malade se déclarait alors capable de se passer pendant une demi-journée de fumer. Ses crises d'angine de poitrine ne se prodnirent plus.
4° Pour être fumeur, il faut déjà avoir, suivant l'heureuse expression du Dr Laurent, en quelque sorte, une maladie de la volonté. Car, pour consentir à rester l'esclave d'une passion ou d'un vice, il y a au moins un manque d'énergie. U existe chez la plupart des nicotiniques, un manque d'impulsion volontaire. Ils ne savent plus vouloir. Ils passent tout leur temps en rêverie, enveloppés dans les nuages bleuâtres de leur pipe. Us ont en tête une foule d'idées, de projets ; mais ils n'ont le courage d'en exécuter aucun. Il n'y a plus chez eux que des ébauches de volition. C'est véritablement de l'aboulie, de l'impuissance volitionnelle.
Le Dr Voisin a publié l'observation d'un cas de guérison de tabacoma-nie, chez un homme de quarante-cinq ans qui, grand fumeur de cigarettes, 50 à 60 par jour, était atteint de troubles cardiaques, de neurasthénie, d'affaiblissement intellectuel, avec hypocondrie,
* Je le soumets à des tentatives d'hypnotisme au moyen du procédé de fixation des yeux. L'hypnose n'a pu être obtenue qu'au bout de deux séances. Le malade ne peut pas être plongé dans un état dépassant la demi-léthargie ; il ne peut ouvrir les yeux, il ne peut, non plus, se redresser sur son fauteuil, quoiqu'il nous affirme n'avoir pas dormi entièrement.
Dès cette séance, je suggère au malade de ne plus aimer le tabac et de ne plus fumer que trois cigarettes par vingt-quatre heures. Au bout de deux autres séances, c'est-à-dire le sixième jour après le commencement du traitement, je suggère an malade de ne plus fumer du tout, et qui plus est, de détester absolument le tabac. TJu mois après, il vient me trouver, me dit qu'il n'a pas fumé depuis la deuxième séance. Il se sent un peu mal à l'aise, il a de fréquents bâillements.
Il revient me voir huit jours après et l'on me raconte, qu'il a dit dans sa famille, qu'il éprouvait maintenant un dégoût inouï pour le tabac. Il a été fait trois autres séances d'hypnotisme pour amener sa gitérison qui ne s'est pas démentie. »
5° Ne voulant pas multiplier les exemples à l'infini, je bornerai là ces quelques citations, d'où je crois qu'il sera facile au lecteur de tirer la conclusion, que le moyen le plus sûr, le moins pénible d'obtenir presque instantanément et infailliblement le triomphe sur la passion tabagique, c'est la suggestion hypnotique, chez les sujets hypnotisables.
« Si l'on tient compte de l'action de l'hypnotisme sur la volonté, si l'on réfléchit aux avantages de la suggestion dans la perversion des sens, même dans la folie, on comprendra tout le parti que l'on peut tirer de ces moyens pour combattre la manie tabagique. Si la suggestion guérit la dipsomanie, il est certain qu'elle a également une influence curative snr la nicotinomanie.
L'abus du tabac doit être considéré comme une maladie et traité comme telle. L'hypnotisme est un agent de la thérapeutique qui agit sur la volonté, sur le jugement, sur la mémoire. Donc, la nicotinomanie ne doit être traitée énergiquement que par des médecins (Bessim Orner Bey. — Le nicotlsme en Turquie, 1894).
Néanmoins, il ne faudrait pas voir là nn moyen absolument infaillible et son emploi ne peut être laissé entre des mains inexpérimentées.
6° Quant au moyen à employer pour arriver au résultat désiré, il a été nettement formulé par le Dr Laurent (Traitement du nicotinisme, 1893) et je ne saurais trop engager ceux qui voudront tenter l'expérience à suivre la méthode de cet auteur, c'est le meilleur moyen d'arriver à un bon résultat.
Voici le fumeur endormi, plongé dans un état d'hypnose plus ou moins profonde. Sa volonté est anéantie ; il est sous la domination du médecin.
Faudra-t-il lui défendre impérieusement de fumer Y Non, c'est un moyen trop brutal qui manque souvent son effet.
Contentez-vous de lui rappeler quels dangers lui fait courir l'usage du tabac. Puis raffermissez sa volonté ; rendez-lui la confiance en lui-même ; dites-lui qu'il peut ne plus fumer ; qu'il n'a qu'à vouloir sérieusement. 11 est bien rare qu'après cette séance, il ne reprenne pas courage et qu'il ne diminue pas la dose du tabac absorbé.
S'il se montre rebelle, employez d'autres "artifices. Vous savez qu'on pent tromper par suggestion l'odorat de l'hypnotisé, lui faire respirer des odeurs nauséabondes en le persuadant que ce sont des odeurs suaves et réciproquement. Eh bien ! suggérez à votre sujet que la fumée du tabac a une odeur répugnante : dites-lui qu'elle lui sera désormais insupportable, qu'il ne pourra plus fumer sans avoir immédiatement envie de vomir. Vous pouvez être sûr* qu'au bout de quelques séances, vous lui aurez inspiré une véritable répugnance pour le tabac. Il sera bien près d'être guéri, s'il ne l'est déjà ; et, comme je l'ai dit. ces artifices variant à l'infini au gré de l'hypnotiseur, le tout est de savoir s'en servir à propos.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance dn 19 janvier 1909. — Présidence de M. le Dr Joui Voiarx. Présentation d'ouvrage
pur M. le docteur Maurice Bloch
J'ai l'honneur de présenter à la Société l'ouvrage de M. François Dujardin-Beaumctz, intitulé Réflexions.
Il est divisé en 23 chapitres dont voici la nomenclature : Morale, Nature humaine, Moi, Homme. Sagesse, Vertu, Vanité. Action. Vie, Jeunesse, Vieillesse, Mort, Femmes, Amour, Amitié, Argent, Education, Commandement, Société, Progrès, Religion. Art. Philosophie.
Je n'essaierai pas de faire de cet ouvrage une analyse complète et détaillée, mais je m'efforcerai d'en déduire quelques impressions médicales et surtout thérapeutiques.
* Philosophe est celui qui, s'étant étudié, ce qui est relativement facile, et ayant étudié les autres, ce qui est moins aisé, en déduit des idées générales et des règles qui le conduisent à être aussi peu malheureux que possible ». C'est ainsi que débute la préface. Or. qui dit malheureux dit, le plus souvent, neurasthénique : c'est pourquoi il me sera facile de démontrer que M. Dujardin-Beaumetz, en écrivant ce livre, a non seulement fait œuvre de psychologue, mais encore de médecin psychologue, et que tous les praticiens aux prises avec la neurasthénie y puiseront des renseignements précieux.
En effet, qu'est-ce que la neurasthénie au point de vue purement mental, sinon une maladie de la volonté et de la conscience ? Si les fous sont complètement inconscients, les neurasthéniques, comme on l'a dit, le sont relativement ; ce sont des subconscients, d'où absence d'indulgence et, par conséquent, impossibilité de résister au moindre ébranlement ou au moindre choc moral. Us s'ignorent et ignorent la vie, il est donc indispensable de les éclairer sur eux-mêmes et sur les autres. Cest ce que fait M. Dujardin-Beaumetz.
Dans ma carrière, déjà longue, j'ai vu beaucoup de neurasthéniques ; il m'a semblé que leur état d'inconscience relative jouait un plus grand role que l'anéantissement de la volonté, et que cette dernière était, le plus souvent, sous la dépendance de la première.
C'est en faisant œuvre d'éducation, en cherchant à éclairer mon malade sur les hommes et les choses, bref, en lui apprenant à connaître la vie que j'ai obtenu mes plus beaux succès thérapeutiques.
Le nenrasthénique doute des autres parce qu'il doute de lui-même. Or, en détaillant devant lui sa propre pensée, je lui donnais non seulement la confiance inséparable de tonte suggestion médicale, mais je le relevais surtout à ses propres yeux ; il reprenait petit à petit possession de lui-même et s'améliorait insensiblement, sans grands efforts de volonté. L'absence d'énergie chez toute une catégorie de malades est donc due à l'inconscience.
Ces moyens de persuasion, on les trouve dans le livre de M. Dujardin-Beaumetz : en nous apportant ces mille réflexions, il nous apprend à mieux connaître encore la nature humaine et particulièrement les nerveux.
Combien de fois avons-nous amélioré un neurasthénique par un mot juste, synthétique, résumant ce qui se passe dans son esprit. Or. c'est dans la lecture de tels ouvrages que l'on trouve ces expressions typiques, vraies, aidant h dénouer la pensée ténébreuse des neurasthéniques.
Avant de terminer, je voudrais rendre hommage h un ingénieur, doublé d'un penseur.
Si les pensées des La Bruyère, des Pascal, des La Rochefoucauld sont éternellement vraies, celles de M. Dujardin-Beaumetzle sont également; elles rattachent le passé au présent en fixant le caractère de la génération actuelle. Nous ajouterons que ces pensées sont exprimées avec agrément et surtout avec une grande franchise, l'auteur ne s'inquiétant nullement qu'elles soient goûtées.
En finissant, M. Dujardin-Beaunietz nous dit : H faut une conclusion à toute philosophie, et celle que l'on pourrait déduire de ces réflexions est que la vie est un fait dont nous connaissons, tout au plus, le présent, mais dont nous ignorons la cause et l'avenir ; que ce n'est pas un mal ; qu'il dépendrait de l'homme que ce fut un bien : qu'il lui appartiendrait de la rendre heureuse, autant que les circonstances le permettent ».
A notre tour, nous conclurons que grâce à ces réflexions M. Dujardin-Beaumetz nous lègue toute une prophylaxie morale et nous aide à conquérir le bonheur relatif, le seul accessible à l'homme.
Séance du 16 février 1909. — Présidence de IL le Dr Jnles Voisin. La séance est ouverte à 4 h. 45.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
il. le Secrétaire Général donne lecture de la Correspondance qui comprend des lettres de MM. les D1* Fiessinger, Guimbeau et iVidmer.
La correspondance imprimée comprend une brochure de M. le Dr Hermann Swoboda, privât docent de Psychologie à l'Université de Tienne, intitulée : Die Kritische Tage des Menschen nnd ihre Berechnung mit dem Periodenschisber, ainsi qu'une brochure de il. le Dr Plantier (d'Annonay) : Les rescapés en médecine.
il. le Secrétaire Général fait part a la Société de la mort de notre collègue le Dc Fernand Lagrange, dont il retrace la vie et l'œuvre, en déplorant sa disparition prématurée.
Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :
Dr Demoscht. — Un cas de larmoiement involontaire.
il. Fatet. — Contribution à l'étude de la psychologie du cheval.
Dr Bérillox. — Présentations de malades : un cas de blepharospasms guéri par la métallothérapie ; Voix de tête chez une femme, à la suite d'un tranwatisme ; Anorexique guérie par l'hypnotisme.
Dr Bérillox. — Le centre du réveil ; interprétatiou anatomo-physio-logique de l'hypnotisme.
Dr Bérlllox. — Le signe de la détente musculaire ; sa valeur en clinique psychologique.
Dr Magsik. — Psychothérapie et exercices musculaires.
Dr ChaVigny. — Psychothérapie des tics et procédés adjuvants.
Discussion : M. le Dr Bèrillon.
Dp Paul Farez. — Un cas de sommeil hystérique avec personnalité subconsciente.
il. le Président met au voix la candidature de M. le Dr Chauchard qui -est élu à l'unanimité, membre titulaire de la Société. La séance est levée il 6 h. 50.
Le signe de la détente musculaire
Sa valeur en clinique psychologique
par M. le D' Békillos, professeur à l'Ecole de psychologie
La recherche du - signe de la détente musculaire » s'effectue de la façon suivante : Le sujet étant debout, les bras étendus en croix, est invité à contracter énergiquement ses muscles. Je lui demande alors, par une détente brusque, de laisser retomber mollement ses bras le long du corps, c'est-à-dire de transformer instantanément la contraction musculaire en une complète résolution,lorsqu'il en recevra l'injonction. On peut convenir, par exemple, que si je compte jusqu'à cinq, ses muscles se relâcheront quand il entendra le chiffre cinq.
Cette recherche permet de constater que si beaucoup de personnes sont capables de passer, à un commandement bref, de l'extrême contraction an relâchement musculaire le plus complet, il en est qui n'exécutent le même exercice qu'avec une certaine raideur, Ils n'arrivent pas, malgré •leur bonne volonté, à laisser retomber les bras par l'action de leur propre poids ; ils ne les abaissent que par l'intervention visible d'un effort volontaire.
On sait que l'énergie de la contraction musculaire momentanée est en rapport avec l'exercice habituel des fonctions intellectuelles. C'est un fait qui a été bien mis en évidence par les recherches dynamométriques de divers auteurs.
La recherche du ¦ signe de la détente musculaire » nous a appris que l'état neuro-musculaire normal se révèle également par G instantanéité avec laquelle le sujet peut faire passer ses muscles volontaires de l'état de contraction à celui de résolution. Par contre, la nécessité d'un effort volontaire pour obtenir la résolution musculaire est l'indice certain d'un ralentissement ou d'une perturbation dans le fonctionnement des opérations cérébrales.
Le signe de la détente musculaire donne des indications si précises sur l'intégrité des fonctions intellectuelles et mentales, que c'est par sa recherche que tout examen doit être commencé en clinique psychologique.
Il n'a pas moins de valeur au point de vue thérapeutique, puisque les-traitements n'anront d'efficacité qu'autant qu'ils auront abouti, parla rééducation psycho-motrice du sujet, au retour et à la possibilité de la détente musculaire. En effet la réapparition progressive de la souplesse dans les mouvements musculaires est le signe le plue certain d'une évolution vers la guérison. La raideur réapparaît avec les périodes d'accès de l'hystérie, de la neurasthénie et de la psychasthénie.
Lorsque l'attention des malades a été appelée sur ce signe, ils ne tardent pas a en apprécier toute l'importance. Ils reconnaissent d'eux-mêmes que lorsqu'ils éprouvent de l'anxiété, lorsqu'ils sont sous l'empire de phobies, de scrupules ou de préoccupations hypocondriaques, la raideur des muscles atteint toujours son maximum. Par contre, ils s'aperçoivent que la passibilité de la détente musculaire coïncide toujours avec l'atténuation de leur irritabilité nervense.
Les exercices d'à s son plissement ayant pour but de favoriser le retour du signe de la détente musculaire peuvent être utilement accomplis par les malades dans l'intervalle des visites du médecin. Ces exercices sont toujours suivis d'une sedation fort appréciable. Us contribuent d'une façon fort efficace à la rééducation psycho-motrice qui, comme je l'enseigne depuis longtemps, doit occuper une place prépondérante dans la pratique de la psychothérapie.
Psychothérapie et mouvement
par le Dr Palx Mag.mn (k propos de la communication précédente)
Les recherches dont vient de vous entretenir M. Bérillon, recherches qu'il m'a communiquées il y a longtemps déjà, me semblent très intéressantes. Elles mettent en évidence un signe important en clinique psychologique ; elles montrent une fois de plus le rôle considérable que sont appelés à jouer dans la rééducation psychique les divers procédés de rééducation physique, ces deux facteurs de la psychothérapie étant à mon avis poux ainsi dire inséparables l'un de l'autre.
Dans une série de leçons à l'Ecole de Psychologie, j'ai étudié l'action des représentations mentales sur le mouvement, l'influence du geste sur la physionomie et la production de l'idée : j'ai exposé longuement les méthodes thérapeutiques qui utilisent le mouvement (sous toutes ses formes) pour rappeler l'idée momentanément effacée par la maladie.
Les nombreuses expériences que nous avons faites à ce point de vue & la Pitié, de 1882 à 1S8Ô. avec Dumontpallier nous ont de suite convaincue M. Bérillon et moi de l'importance des mouvements en psychothérapie et dès le début de son enseignement à l'Ecole pratique de la Faculté de Médecine, Bérillon. sous le titre général de Thérapeutique Psycho-Mécanique montrait à ses auditeurs tout le bénéfice qu'il est possible de tirer de l'emploi sur le malade d'une gymnastique méthodique en rapport avec l'idée qu'on veut lui inculquer.
Toutes les questions de Mécanomorphose et en particulier celles qui se
rapportent au système nerveux sont d'un très grand inténêt et devraient ¦être de la part du médecin qui se consacre à la thérapeutique psychologique l'objet des plus sérieuses études. La gymnastique musculaire .apparaît comme un procédé très puissant pour éduquer nos fonctions psychiques de l'ordre le plus élevé, l'attention, la volonté et le jugement et les rééduquer lorsqu'une cause pathologique quelconque est venue en .arrêter le développement ou les affaiblir ou les annihiler. Mais ce n'est pas tout et les exercices de contraction et de détente musculaire auxquels a pratiquement conduit M. Bérillon. l'étude du signe qu'il vient de vous indiquer ont à cet égard une importance toute particulière. Ils permettent d'agir sur la mentalité du sujet, sur son caractère, en développant chez ¦ lui la volonté d'arrêt, la rlus utile pour dominer ses réflexes psychiques •et s'adapter rapidement aux circonstances extérieures, cette adaptation •étant en somme la condition majeure d'un équilibre moral parfait.
Cette influence de l'exercice sur le développement des fonctions de la corticalité a été merveilleusement misé en lumière par notre regretté collègue et ami F. Lagrange : bien des méthodes de rééducation employées aujourd'hui dérivent de ses travaux qu'on regrette de voir à. peine cités dans les ouvrages même les plus récents de psychothérapie.
Au cours de mes leçons j'ai défini la psychothérapie « l'ensemble des moyens psychiques et accessoirement physiques qui permettent d'agîr soit directement, soit indirectement sur l'esprit du malade dans un but thérapeutique ». Cette définition me semble logique : à mon avis, nos ressources curatives seraient pauvres si elles étaient réduites à la -suggestion, k la persuasion, d'un mot au traitement moral, traitement dont l'importance bien connue de nos vieux maîtres qui le pratiquaient -admirablement n'en demeure pas moins, dans ma pensée, très considérable.
Psychothérapie des tics ; procédés adjuvants
par M. le D* Chavigïïy, Médecin-major de seconde tinsse, professeur agrégé an Val-de-Gr*çe.
11 est devenu de notion vulgaire, pour ainsi dire, k l'heure actuelle, que la psychothérapie est la méthode de choix du traitement des tics. Il est en effet nécessaire de fournir aux tiqueurs l'appui moral d'une volonté qui leur fait défaut. Imposez-leur, si vous le voulez, une cure
-de mouvement ou une cure d'une mobilisation, c'est toujours une rééducation de l'attention suggérée, dominée par le Médecin. Dans divers cas que j'ai eu a traiter, j'ai trouvé un aide fort efficace dans l'emploi de
•quelques procédés adjudants de thérapeutique physique : Un certain nombre de tics sont intermittents et ne se produiseut qu'à certaines conditions ; prenons par exemple le liqueur qui par petites saccades de la tête chasse son chapeau, tantôt à droite, tantôt à gauche ; on remarque quand on l'étudié que son tic s'arrête lorsque sa coiffure, strictement assujettie, lui emboîte bien la tète. Prescrire dans un cas de ce genre
l'emploi exclusif d'une coiffure stable c'est annihiler les effets physiques
¦du tic, c'est supprimer l'occasion du tic, c'est aussi par conséquent
faciliter au liqueur par l'emploi d'un adjudant physique l'effort d'attention nécessaire pour la guérison.
L'emploi des adjudants que je préconise sera utile chez les enfants car leur suggestibilité est grande, mais leur faculté d'attention est peu développée. Il sera utile encore chez les liqueurs de longue date parce que l'habitude ancre le tic dans la mentalité du sujet.
• Quand on constate la naissance d'un tic chez un enfant, il faut s'empresser d'intervenir, ne pas s'en remettre a l'âge du soin de le faire disparaître car une mauvaise habitude cérébrale en développe d'autres-
Onychophagie. — Pourquoi on devient onyehophage ? En raison d'une prédisposition névropathique assurément, mais est-ce tout ? Je ne le crois pas. Ayez la curiosité d'examiner les ongles des jeunes frères et sœurs d'un onyehophage et vous venez souvent que ceux-ci ont les ongles cassés, présentant des encoches, des sortes d'échardes formant crochet. Un sujet nerveux ne tolérera pas, comme un apathique, ces petites misères et, d'instinct, vers l'âge de hois ou quatre ans. un nerveux trouvera moyen de remédier eu se rongeant les ongles aux agacements que lui produisent ses ongles peu ou pas soignés et jamais coupés.
Un médecin curieux de recherches psychiques découvrira quelquefois que les parents de ces jeunes prédisposés sont eux-mêmes des tarés psychiques et que les enfants sont négligés parce que la mère neurasthénique, ou alcoolique néglige de s'en occuper.
En conséquence, dès que l'onychophagie débute, il est du devoir des parents et du médecin de s'en occuper, car c'est la période d'une thérapeutique relativement facile et il faut prescrire aux parents de s'astreindre à couper les ongles des enfants périodiquement sans aucun oubli et à les couper très ras.
Bien entendu ce procédé n'est plus de mise lorsque l'onychophagie étant bien établie l'ongle est tellement court qu'il est impossible de le raccourcir aux ciseaux : le procédé adjuvant k employer est alors le badigeonnage k la teinture d'aloês, procédé thérapeutique absolument anodin, car l'enfant ou l'adulte ne risque certainement pas d'absorber une quantité de teinture d'aloés suffisante pour arriver k se purger.
Combien de fois n'entend-t-on pas les parents promettre aux enfants de leur badigeonner les doigts avec une substance amère, menace qu'on ne leur voit jamais mettre k exécution, car les dégénérés de toute sorte sont des prometteurs.
Dans certains cas, dans des familles timorées on pourrait prescrire le port ininterrompu de gant, jour et nuit mais on risque de voir les enfants ronger l'extrémité des doigts de gant.
Un des tics très répandus chez les enfants est celui qui consiste à ronger l'extrémité des porte-plumes, des crayons qu'ils ont entre les mains. Ce tic à deux inconvénients : en lui-même c'est d'abord un tic dont l'habitude prépare k acquérir d'autres tics ; d'autre part il est nuisible ft la dentition, car le sujet n'hésite pas k s'user les dents même sur les substances les plus dures, os. fer blanc, etc…
J'ai pu dans plusieurs cas faire disparaître rapidement ce tic, en mettant entre les mains des enfants un porte-plume dont l'extrémité est formée par un fragment d'agitateur en verre arrondi à la flamme (1), un tel porte-plume est inattaquable par les dents. Sa surface étant absolument polie ; lorsqu'on utilise un agitateur de calibre assez fort on n'a pas à redouter que le verre puisse se briser.
Après quelques semaines d'une thérapeutique psychique aidée par l'emploi exclusif de ce porte-plume, il faut progressivement accoutumer l'enfant a reprendre le porte-plume ordinaire sans qu'il le ronge.
Tous ces procédés adjuvants sont utilisés lorsque, pour une raison quelconque, les familles n'acceptent pas l'emploi de l'hypnotisme.
Discussion :
M. Bêrillox. — Ces procédés ont. sans doute, une certaine utilité, mais, surtout pour l'onychophagie, le véritable traitement consiste dans la création d'un cran d'arrêt, grace à la suggestion hypnotique; je l'ai montré il y a 15 ans et les succès nombreux obtenus depuis lors confirment de plus en plus l'efficacité de cette thérapeutique.
C'est par la création d'une véritable courbature dans les muscles antagonistes du mouvement automatique que l'on réalise le mieux la résistance à l'impulsion. Les sujets reconnaissent que cette courbature leur offre un obstacle réel à leur geste habituel et qu'elle leur offre en même temps le temps de se ressaisir et d'intervenir volontairement. Il ne faut pas oublier, comme j'ai eu souvent l'occasion à le rappeler, que tous les liqueurs sont des abouliques et que le traitement n'est complet que s'il est associé a une rééducation de la volonté.
L'Importance du « Réveil » en Hypnotisme
par il. le D' Dbuon'chv. professeur a l'Ecole de Psychologie.
Les considérations suivantes se rapportent à une malade de la Clinique, et soulèvent une question très intéressante, celle dn « Réveil » qui présente l'hypnotisme sous un aspect particulièrement nouveau.
La malade est une femme d'environ 55 ans. Elle se présente à moi : elle pleure ; je lui demande son nom, je lui parle : elle pleure ; je veux la soigner ; elle pleure.
Quelle est la cause de ses pleurs ?
La mort de son mari, datant déjà de plusieurs mois ? Nullement. Aucun regret ; tout au contraire, un sentiment de délivrance.
Son mari tenant un débit de boissons, elle l'aidait a servir les clients.-Dîverses observations cliniques nous ont déjà révélé plusieurs cas célèbres, des femmes de négociants en vins et en spiritueux, vivant dans l'atmosphère des établissements de fabrication de leur mari, et respirant ainsi les vapeurs de l'alcool, présentaient, bien que ne buvant pas. des phénomènes d'intoxication alcoolique.
(1) Le diamètre de l'agitateur doit être de 1 centimètre environ.
D'autre part le tempérament brûlai et autoritaire de sou mari entretenait chez elle un état de crainte perpétuelle. Elle avait peur.
Du genre de commerce et du caractère du mari, nous pouvons facilement déduire un état émotif permanent, entretenant chez cette malheureuse une dépression constante tant au physique qu'au moral.
Le mari mort, son émotivité se transforma : elle eut peur de l'avenir. Bestée seule avec deux jeunes filles à élever et à établir, d'assurer la responsabilité de l'existence, elle fut effrayée. A la peur du mari succédait la peur du lendemain.
Elle pleurait donc, mais seulement par moments.
Si nons nous rappelons que certaines personnes ont des tremblements qualifiés d'Intentionnels parce qu'ils se manifestent k l'occasion d'actes voulus, peut-être pourrions-nous ranger ces pleurs sous ce même vocable, car ils apparaissaient à l'occasion d'efforts volontaires.
Devant chercher du travail par suite de besoins de pins en plus pressants à mesure que diminuait l'argent provenant de la-vente de son fonds de commerce, elle pleurait à l'occasion de la recherche de travail.
Elle pleurait parce qu'elle ne pouvait trouver du travail ; elle ne pouvait pas trouver de tra\'ail parce qu'elle pleurait.
En clinique, il me semble logique de ) ranger les malades qui ont un trouble de la volonté dans les trois classes suivantes : ceux qui ne veulent ni ne peuvent, ceux qui peuvent mais ne veulent pas. et ceux qui veulent mais ne peuvent pas.
Ma malade appartenait à cette dernière catégorie, car sa volonté n'était pas annulée. Elle voulait bien trouver du travail mais elle ne le pouvait pas dans la crainte de pleurer : elle ne pouvait pas transformer en acte cet effort de sa volonté. J'ai du reste remarqué que bien des malades envoyés sous la dénomination générale d'abouliques, ont leur trouble portant le plus souvent non j as sur la volonté en elle-même mais plutôt sur la transformation de l'idée en acte. Us veulent, ils commencent même l'action, maïs s arrêtent brusquement. La volonté existe mais elle manque de l'élan nécessaire pour se transformer et se continuer en action.
J'ai guéri complètement cette malade par l'hypnothérapie. Mais comment expliquer sa guérison ?
Ici se pose une question qui. selon moi, est importante et intéresse spécialement l'hypnotisme.
Lorsque, remontant jusqu'à Braid, je vous avais, il y a déjà plusieurs années, entretenus de ce que j'appelais l'action hypnogénique de la main, je vous avais fait remarquer que Braid, bien qu'il eût génialement tiré l'hypnotisme des brumes du magnétisme, n'avait pas été complet. Il avait bien parlé de l'occlusion des paupières, mais non de leur réouverture ; il n'avait pas parlé du réveil. Aujourd'hui encore je viens de nouveau attirer votre attention sur ce point spécial du Réveil en hypnotisme — point sur lequel j'entretenais mes auditeurs à mon Cours de l'Ecole de Psychologie, il y a quelques semaines.
Je disais alors et je le répète encore aujourd'hui bien que mes idées me -soient personnelles, que si l'on veut comprendre l'hypnotisme, il faut -connaître non seulement le sommeil, mais encore le phénomène contraire, le Réveil.
De môme que je réclame pour l'hypnotisme tous les différents sommeils dont il est capable, tant en degré qu'en étendue, depuis le sommeil le plus léger jusqu'au plus profond, depuis le plus complet jusqu'au plus localisé, de même je réclame pour l'hypnotisme tout le réveil dont il est susceptible en degré comme en étendue, depuis le plus généralisé jusqu'au plus localisé, depuis le plus profond jusqu'au plus léger.'
Et en effet si tous les sujets ne dorment pas de la même manière, de même aussi ils ne se réveillent pas de la même façon : il y a des degrés dans le sommeil, il y en a aussi dans le réveil. Il faut bien comprendre ce point, et j'y insiste pour en faire apprécier toute l'importance, si l'on veut bien envisager cette question sous le même angle que moi.
Je ne j.uis pas, en effet, je ne dois pas regarder tous les sujets qui se présentent pour être soignés, comme s'ils étaient toujours des sujets •éveillés qu'il faut endormir : je dois affirmer qu'ils sont souvent des individus plus ou moins endormis qu'il s'agit de réveiller.
Alors l'hypnotisme change de point de vue et son action s'interprète tout différemment. Ce qu'il faut, ce n'est plus endormir, mais réveiller son malade.
Le sommeil provoqué n'est plus qu'une méthode, un procédé, une manière de faire, vis-à-vis de ces malades, véritables dormeurs à peine éveillés, mais non un but. Le but c'est le réveil du malade, mais son réveil complet, total intégral
La clinique de tons les jours nous le prouve, et nous avons tous présents à l'esprit ces dormeuses célèbres, la dormeuse de Thénelles, celle de San Bemo, celle de Grambke. celle de Villacienzo, celle de Monsteracs qui, paraît-il, aurait dormi trente-deux ans et viendrait de se réveiller à l'âge de 45 ans prête à retourner à l'école primaire continuer son éducation interrompue.
Le cas que je vous présente aujourd'hui, cette femme qui pleurait, parce quelle ne pouvait passer de l'idée à l'acte, dormait sur ce'point : -elle ne pouvait extérioriser son idée : l'image motrice dormait en elle. Il fallut sur ce point non pas l'endormir, mais réveiller son énergie qni dormait, car nous n'ajoutons rien à l'individu, nous réveillons, nous développons ce qui est en lui.
Mais direz-vous, comment ferez-vous pour réveiller une pareille dormeuse, dormant sur un point spécial '? X'allez-vous pas l'endormir ?
Ne savons nous pas que pour redresser un morceau de fer il faut le chauffer à nouveau pour qu'il se soumette au marteau qui le frappe sur l'enclume ?Etle morceau de bois courbé, il faudra le soumettre à l'action de la vapeur pour le remettre droit.
De même pour les malades qui ne sont pas complètement éveillés. 1?
faut les replonger dans le sommeil provoqué pour les réveiller k nouveau, mais alors complètement.
Loin de moi la pensée de discuter s'il y a. ou non. un. ou des centres de sommeil ou de réveil ; je n'oserai pas aller jusqu'à ce point en avance de l'anatomie et de la pathologie ; d'autres ont aussi envisagé le sommeil comme une fonction, on pourrait alors faire de même pour le réveil.
Mais s'il m'est permis de transporter sur- le terrain du sommeil les notions qui sont courantes dans les maladies, celles de l'organe, celles de la fonction, maladies organiques, maladies fonctionnelles, peut-être aurais-je le droit de concevoir le sommeil comme parfois organique et parfois fonctionnel, j'aurais donc eu dans le cas actuel à réveiller une fonction annulée par suite de la non-activité ou sommeil, de son centre organique, sans cependant aller jusqu'à l'hypothèse d'un centre spécial du sommeil. Par suite d'une modification quelconque, la fonction sommeillait, je l'ai réveillée.
Ainsi envisagée, réveil des différents centres nerveux, réveil des organes, des fonctions qui dorment, réveil des activités qui rétablissent l'équilibre entre l'organe et la fonction, la question du réveil en hypnotisme gagne en intérêt et en étendue. Nous saisissons l'hypnotisme en son entier, et je crois que quiconque ne considère pas l'hypnotisme au point de vue du sommeil et du réveil n'est pas complètement éclairé !
De plus pour être complet je réclame aussi pour la production du sommeil, comme pour le réveil, tous les moyens employés, à commencer par les moyens mécaniques, pour terminer par les moyens physiologiques et psychiques.
Contribution à l'étude de la psychologie du cheval
par M. le vétérinaire en 1" Fxykt.
I. Deux chevaux étant placés l'un à côté de l'autre, k l'infirmerie, mais-séparés par un bat-flanc, l'un d'eux est attaché, pour cause de maladie, aux anneaux du râtelier, de telle façon qu'il lui est absolument impossible de déplacer sa tète en dehors de la mangeoire.
Celle-ci étant vide — S h. du matin — et le garde d'écurie jetant aux pieds des chevaux de la paille fraîche, le voisin de gauche — le malade n'avait pas de voisin à sa droite — prit, h deux reprises différentes, une bouchée de paille et la déposa, avec quelque précaution, devant son camarade privé de la liberté voulue pour- accomplir un tel acte.
Notre attention ayant été attirée, au moment de notre visite, par ce fait, nous en avons rendu témoins et ???•? aide et tous les cavaliers utilisés en pareil cas.
?. Un cheval, traité par les irrigations continues, est placé sous l'appareil de suspension et attaché, par une chaîne k deux T, à l'anneau de gauche du râtelier.
Le marécbaldesLogis de l'infirmerie ayant reçu, à son sujet, quelques-observations, parce que le malade était souvent détaché, — ce qui pou-
vait être très préjudiciable à sa guérison — se mit en devoir de s'assurer par lui-même, des moyens qu'il employait pour se détacher.
Après l'avoir fixé, comme il est dit plus haut, et pendant notre visite, il vint, tout aussitôt après, se mettre en position d'observateur, dissimulé, et ne tarda pas à constater que le coupable n'était autre que le voisin de gauche qui, libre, voulait, sans doute, donner la même liberté à son camarade.
Le fait e'étant renouvelé plusieurs fois, le voisin de gauche fut déplacé et le malade resta attaché, conformément à nos prescriptions.
PÉDAGOGIE DES ENFANTS NORMAUX
L'éducation attrayante (1)
par Mlle Luele bèrillon, professeur agrégée des Lettres au lycée Molière.
La question de l'éducation attrayante rentre dans le cadre des études de l'Ecole de psychologie, parce qu'elle repose sur la psychologie de l'enfant, trop négligée jusqu'ici dans l'éducation.
Elle intéresse non seulement les maîtres et les parents en qualité d'éducateurs, mais aussi les enfants appelés à la recevoir, et chacun de nous en particulier, car nous avons vous gardé un souvenir agréable ou pénible de l'éducation qui nous a été donnée.
De tout temps deux doctrines pédagogiques se sont partagé les maîtres de l'enseignement. L'une, pessimiste, procède de la conception chrétienne et morale qui voit surtout dans nos instincts la perversion et le penchant an mal. Elle est naturellement en défiance des mouvements de curiosité de l'esprit, qu'elle refrène par le ton d'autorité du maître et par un enseignement dogmatique. Cette doctrine, qui prétend modeler l'enfant sur un type abstrait, fut chère au Moyen âge et au XVII• siècle.
L'autre, au contraire, basée sur la psychologie, croit à- l'excellence de la nature humaine et à sa perfectibilité indéfinie. Elle va an devant des curiosités de l'esprit, et conçoit l'éducation comme une sorte de collaboration du maître et de l'élève. C'est là proprement le principe, l'idée première de l'éducation attrayante. Elle emploie la méthode d'observation qui part du fait d'observation particulier pour s'élever au général. Ce fut celle de l'antiquité classique (Socrate) retrouvée par la Benaissance, qui a définitivement conquis les philosophes du XVLTP siècle, et la plupart des pédagogues de notre temps.
I. Definition. — L'éducation attrayante est donc celle qui, faisant appel à l'observation directe, substitue le plus possible au dogmatisme abstrait, et au formalisme scolastique, des notions concrètes, vivantes et accessibles à l'intelligence de l'enfant, sans surcharger son cerveau. Elle lui présente des faits, des objets et des images, se sert d'exemples empruntés à la vie familière et l'amène a en trouver.
(1) Conférence faite à l'Ecole de Psychologie, sons la présidence de M. Ferdinand Buisson, député, professeur honoraire a la Sorbonne.
?. Nécessité de l'éducation attrayante. — La nécessité de rendre l'éducation attrayante repose sur les considérations suivantes :
1° Comme le remarquait le bon Rollin : En tout art et en toute science, les éléments et les principes ont toujours quelque chose de sec et de rebutant ; c'est pour* cela qu'il faut en adoucir l'amertume par tout ce qu'on y peut mettre d'agrément :
2° L'esprit est plus disposé à s'intéressera ce qui lui est présenté d'une manière agréable, et plus apte à le retenu.- :
3e La gaïté et la bonne humeur sont des facteurs essentiels de la sociabilité, et jouent un rôle important dans la formation du caractère.
Cependant la question se pose, parce que l'éducation attrayante rencontre encore des détracteurs qoi prétendent qu'elle exclut la volonté et la rendent responsable de « la peur de l'effort > qui caractérise la génération actuelle. Xous essaierons de leur répondre dans nos conclusions.
H est évident qu'on ne peut supprimer les difficultés, mais il faut arriver par degrés du concret à l'abstrait, suivant l'âge des élèves, leurs aptitudes et les matières à enseigner.
M. Buisson dit : « Il ne faut pas reculer trop taid le moment où l'on fera de Vabstraction la forme et la condition de tout enseignement », mais il ajoute que trouver pour chaque élève et chaque étude le moment où il convient de passer de la forme intuitive à la forme abstraite est le grand art de l'éducateur. Xous sommes de son avis tout en pensant que la séparation n'est pas toujours si tranchée entre les deux procédés.
LU. Bjs torique. — Partisans et adversaires de l'éducation attrayante. — Sans remonter au déluge, rappelons que Socrate faisait positivement de l'éducation attrayante dans ses entretiens avec ses disciples qui n'étaient plus des enfants, et qu'Aristote en usait de même en se promenant avec les siens (Péripatéticiens).
Un exemple très familier nous fera saisir la méthode socratique. Socrate, éprouvant une douleur a la jambe, se gratte, ce qui lui procure une sensation agréable. Il part de ce fait d'observation pour montrer la peine et la joie associées, et arriver aux considérations les plus élevées.
Platon, sans éviter à l'enfant la douleur qui ne l'épargnera pas dans la la vie, a dans ses lois le souci * de la gayeté et passe-temps de la jeunesse. »
Au Moyen-âge. sous l'influence chrétienne, règne le mépris, joint à l'ignorance, de l'antiquité païenne, et tout l'enseignement se subordonne a la théologie.
On connaît les procédés dogmatiques dont usait Alcuin à l'école du palais sous Charlemagne (cités dans l'histoire de Guizot).
La faiblesse de l'ancienne scolastique est clans ce fait qu'elle part du général pour arriver au particulier, et qu'elle ramène tout à des syllogismes, à des déductions rationnelles.
Cette doctrine dogmatique part de la majeure, vérité tenue pour démontrée et on bâtit là dessus une série de raisonnements, de déductions, de syllogismes tels que : Tout homme est mortel, or je suis homme, donc je suis mortel, dont la sécheresse glace l'esprit.
Avec la Renaissance, les gens du xvi* siècle, passionnés par l'antiquité, abandonnent ce procédé et lui opposent la méthode d'observation. Ils reviennent sciemment à la méthode socratique. Ils croient à la bonté de la nature et encouragent les curiosités légitimes.
Rabelais, par exemple, dans son système d'éducation, part non plus d'une donnée abstraite, mais d'un fait concret. Il rassemble autour le plus possible d'exemples analogues, identiques et conclut du particulier au général.
Par lit, Rabelais, comme Montaigne, est un éducateur de premier ordre car, en pédagogie surtout, la méthode dogmatique est absurde. L'enfant ne comprend pas l'abstraction, il ne voit que les faits. Il concrétise tout. Ainsi, une petite fille de sept ans a entendu parler d'une personne expérimentée — on lui a dit : * C'est quelqu'un qui a de l'expérience. > — Elle me demande des explications, ce n'est que par une série d'observations répétées qu'on pent la conduire à la généralisation.
Mais il y a quelques réserves à faire sur le système de Rabelais. Dans sa soif de savoir, il réve un enseignement encyclopédique. Le précepteur Ponocrates « institue son disciple Pantagruel en telle discipline qu'il ne perdait heure du jour. »
Il l'accable sous le poids des connaissances et le nombre des questions. Or les pourquoi doivent venir surtout de l'élève. H ne le laisse pas assez trotter la bride sur le cou.
De plus, si cette éducation est déjà plus familière et plus vivante, elle est encore individuelle et aristocratique Voyez la difficulté de l'appliquer, dans nos classes de 40 élèves !
Avec Montaigne, notre maître à tous, l'éducation devient plus aimable et ne présente pas cette exagération. Il est par excellence le pédagogue du bon sens. Il proscrit l'enseignement dogmatique et abstrait. Pour lui * il n'y a tel que d'allécher l'appétit, autrement on ne fait que des ânes chargés de livres. »
Montaigne applique lui-même, dans ses Essais, le procédé qu'il recommande en pédagogie, et joint l'exemple au précepte. Sa langue est concrète, imagée. * lia eu plus que personne,dit Sainte-Beuve, le don d'exprimer et de peindre. Son style est une figure perpétuelle et à chaque pas renouvelée, on n'y reçoit les idées qu'en images ». Or, voyez comme ces expressions savoureuses parlent à l'esprit et s'imposent à la mémoire !
Mais l'éducation, telle que la conçoit Montaigne, est encore individuelle et aristocratique. Elle s'adresse au gentilhomme (ou au bourgeois fortuné élevé à l'école des Roches ou dans les institutions similaires), et non à la masse des membres de notre société égalitaire. Bien qu'il veuille raidir l'âme comme les muscles et qu'il recommande une sévère douceur, l'éducation qu'il préconise laisse quelque place à la mollesse ; elle n'en marque pas moins nn progrès remarquable sur les idées de son temps.
An xvn° siècle, l'autorité monarchique et religieuse reparaît et s'affirme. On revient aux procédés dogmatiques avec les Jésuites. Mais ceux-ci,
plus habiles que les théologiens du moyen-age, ont recours à la persuasion pour capter les aines. Ils présentent renseignement sous une forme attrayante,anecdotique,mais se bornent à des notions assez superficielles, et ne mettent pas toujours l'art au service de la vérité.
Ils ont marqué profondément de leur empreinte l'esprit latin.
L'Université leur empruntera leurs méthodes et gardera longtemps l'enseignement dogmatique, mais elle verra un piège dans les procédés attrayants, les rendra responsables à tort de la faiblesse de l'instruction et les rejettera. Elle aurait dû, au contraire, les garder, les perfectionner et les mettre au service de la vérité : car suivant le mot de Nicole : La vérité n'est pas suffisante, il faut encore la faire agréer. C'est en vertu du même principe que le chevalier de Méré persuada à Pascal de mettre de l'art et de l'agrément dans son style pour répandre ses idées dans le monde.
Au xvrr9 siècle, ou avait négligé la nature et les sciences de la nature. Seules les mathématiques étaient en honneur c à cause de la certitude des résultats * et on ne les considérait pas alors comme des sciences expérimentales. Jansénius condamnait * la recherche des secrets de la nature comme une curiosité inutile, indiscrète, une concupiscence de l'esprit ».
Et Malebranche écrivait à son tour : « Les hommes ne sont pas faits pour considérer des moucherons et l'on n'approuve point la peine que quelques personnes se sont donnée pour nous apprendre comment sont faits certains insectes, et la transformation des vers, Il est permis de s'amuser à cela quand on n'a rien à faire, et pour se divertir. »
Ainsi le dix-septième siècle n'admettait pas encore la science concrète.
An dix-huitième siècle, avant Rousseau, il faut nommer le « bon » Rollin. un de ces rares régents du temps jadis « qui ne faisaient pas seulement comprendre ce qu'ils enseignaient, mais faisaient aimerl'étude ».
Avec J.J. Rousseau, on revient à la Nature, au nom de la raison. H révèle le premier l'enfant. Grace à son influence, l'enfant prend sa place dans la famille, où aujourd'hui il est roi.
Rousseau conçoit une éducation idéale et pratique par certains cotés. Son Emile est instruit par les choses, non par les mots. Il entre en contact avec la nature : il s'instruit lentement, sans surmenage. U visite les ateliers, apprend même un métier. Rousseau met ainsi en honneur les travaux manuels, bien négligés aujourd'hui dans nos lycées ou reléguée au dernier plan.
Mais son système, excellent a tant d'égards, présente une faiblesse au point de vue pédagogique. Il est fait pour un seul élève, qui reçoit une éducation aristocratique. Le précepteur est exceptionnel et se consacre vingt ans à son élève. Cette éducation individuelle ne conviendrait pas à la masse démocratique.
Le principe est juste : il part de l'observation, mais il arrive à une conclusion discutable, car de cette seule observation, il tire des conclusions générales. Or l'esprit humain va du particulier au général à la
condition de multiplier les observations particulières : et on sait qtf'en pédagogie, autant d'élèves, antant de tempéraments divers.
Si on fait la part do l'utopie et des contradictions, il convient d'être « juste en détail » pour Rousseau dont l'ouvrage est une mine d'idées nouvelles reprises en partie aujourd'hui par les partisans de l'éducation attrayante. Et on ne peut que souscrire à ses idées quand il dit : « Au lieu de présenter aux enfants une multitude confuse d'objets, mieux vaudrait en choisir un petit nombre et les exposer avec précision. Il faudrait agir davantage sur eux par le sentiment et diminuer l'importance donnée à l'autorité impérieuse qui ne produit qu'une obéissance hypocrite et passagère ».
En dépit de son influence, la tradition et la routine ont survécu.
Au XIX1"*1 siècle, de nombreux pédagogues s'inspirent des idées de Rousseau. Parmi les plus fameux. Frœbel. le créateur des Jardins d'enfants eu Allemagne, qui veut d'abord exercer les sens et par leur moyen, faire pénétrer les idées dans le cerveau : Pesta lozzi « le pédagogue de l'intuition (Compayré).
Nous ne pourrions les citer tous. Mais la plupart en France ont aujourd'hui le souci de « donner aux enfants le sens et le goût de la vie moderne, et de les amener à trouver les choses le plus possible > (Liard).
En fin de compte, nous nous rallions au jugement d'Anatole France : « L'art d'enseigner n'est que l'art d'éveiller la curiosité des jeunes âmes pour la satisfaire ensuite. Et la curiosité n'est vive et saine que dans les esprits heureux ». (A Suivre).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Les Névroses par le Dr Pierre Jaxet. professeur de Psychologie au Collège de France.
Cet ouvrage présente un résumé rapide d'un grand nombre d'études qne l'auteur a publiées depuis vingt ans sur la plupart des troubles névropathiques. A propos de chaque fonction, il décrit et compare deux groupes de symptômes, ceux qui sont d'ordinaire rattachés à l'hystérie et ceux qui constituent la névrose psychasténique. Ainsi, parmi les troubles intellectuels se présentent les idées fixes des somnambules et les obsessions des scrupuleux : dans les tronbles du mouvement des membres, les paralysies hystériques se placent à côté des phobies de l'action , à l'occasion des troubles de la perception on rencontre les anesthésies hystériques à côté des algies et des dysgnosies psychasténiques. Ces comparaisons permettent de montrer les différences psychologiques qui existent entre les divers troubles névropathiques et elles mettent en évidence ce qu'il y a de commun dans toutes les névroses. Partout on constate que les fonctions restent intactes dans leurs parties essentielles et anciennement constituées, mais qu'elles sont diminuées, décapitées, si l'on peut ainsi dire, par la réduction on la suppression de leurs parties les
(1) Un volume ln-lS. Prix : 3 fr. 30. — Ernest Flammarion, éalteur.
pins perfectionnées et les plus récentes. Les névroses se présentent comme diverses formes de régression, d'involution des fonctions déter, minées par diverses influences déprimantes. Ces" études générales forment l'objet des derniers chapitres où sont discutées les définitions générales de l'hystérie, de la psychasténie et des névroses. Le livre de M. Pierre Janet est celui d'un psychologue avisé, fécond en vues per- . sonnelles. C'est avec raison qu'il s'efforce d'apporter dans ces études la précision du langage qui jusqu'ici en a rendu la compréhension si difficile.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie
Lu séance de rentrée de la Société d'hpnologie et de psychologie aura lien le mardi 16 mars, à i heures et demie, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Les séances de la Société ont lieu le troisième mardi de chaque mois. Elles sont publiques. Les médecins, les étudiants et les membres de l'enseignement sont Invités a y assister.
Adresser les Utres des communications m M. le docteur Bèrillon, secrétaire général. 4, rue de Castellanc et les cotisations 6 M. le docteur Paul Ferez, trésorier, 151, boulevard Haussmann.
Communications déjb'portêes'à l'ordre du jour:
1" il. Boccbahd, médeein.deiitlste : L'anesthésle hypnotique en art dentaire (présentation de malades).
&• I >' Bèrillon : Les traitements psychologiques de l'incontinence d'urine.
3*• T> Pron Id'Alger) : L'excitation génitale chex les hyperchlorhydrlques.
i° D' Witf.y (de Treves) : Cn grand suggestlonncur allemand.
5° D' G. Petit : Le traitement du tabagisme par la suggestion hypnotique.
6° D'Hôtel, de Polx-Terron : Le signe pupillaire : sa valeur psychologique.
Question k l'ordre du jour ; Des stigmates de l'hystérie : L'héml anesthéste hystérique est-elle le résultat d'une suggestion ?
Un sommeil de 32 ans
Les journaux suédois publient, sous la date du 20 février 1909, la nouvelle qu'une dame de 45 ans, nommée Caroline Karlsdatter, s'est réveillée ces jours-ci après un sommeil de trente-deux ans. Elle s'endormit à l'âge de 13 ans et fut nourrie tout ce temps, deux fols par jour, avec des préparations d'aliments concentrés, administrés a la malade d'une façon régulière, et acceptés automatiquement. Cette dame a ln figure vieillotte, mais lo squelette est resté celui d'un enfant. Les médecins déclarent qu'ils s'attendent à une mort prochaine de Caroline Karlsdatter.
?' 'Withy (de Treves).
i/iuQidsirsiear : J- bèrillon. Ib ceram : Constant Laurent, privas
Prlvu, Imp. C Laurent, avenue du Vanel,
23- Année. — ?• 10. Avril 1909.
Banquet en l'honneur du Dr Jules Voisin
La Société de pathologie comparée, la Société d'hypnologie et de psychologie, l'Ecole de psychologie, et le Syndicat de la presse scientifique avaient décidé d'offrir un banquet au Dr Jules Voisin, médecin de la Salpetrière et médecin en chef du Dépôt, a l'occasion de sa nomination dans la légion d'honneur.
Cette fête a eu lieu, le samedi 20 mars, au Grand Hôtel, sous la présidence de M. le professeur F. Raymond, professeur à la Faculté, membre de l'Académie de médecine, et sous la présidence d'honneur de M. le Dr Clemenceau, président du Conseil des ministres et de M. le Dr Fernand Dcbief. vice-president de la Chambre des députés.
Au centre de la table d'honneur se trouvaient M. le professeur Raymond, président, M. le Dr Jules Voisin et Madame Jules Voisin. A leur droite ou à leur gauche avaient pris place :
M. Chauvin, sous-directeur au ministère de l'Intérieur, représentant
M. Clemenceau ; M. Mesureur, directeur de l'Assistance publique ; M. le Dr Achabd, professeur agrégé, médecin de l'hôpital Necker : M. Dabat, directeur au ministère de l'Agriculture ; M. Allais-Tabgé, conseiller maître à la Cour des Comptes ; Madame Ai.lain-Targê ;
M. Chacftos, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation ; Madame Chaufton;
M. André Mesureur, chef du cabinet du directeur de l'Assistance publique;
M. le Dr Picquè.,chirurgien de l'hôpital Tenon, chirurgien eu chef des
asiles d'aliénés ; if. le Dr Triboçlet, médecin de l'hôpital Trousseau ; M. le Dr Klippel, médecin de l'hôpital Tenon ; M. le Dr Dupré, professeur agrégé, médecin des hôpitaux; M. le Dr Laignel-Lavastine. médecin des hôpitaux ; M. le Dr Deny, médecin de la Salpetrière ; M. le Dr Riche, médecin de Bicêtre ; M. Enjolras. directeur de la Salpetrière ;
M. le Dr Paul Magxin, professeur à l'Ecole de psychologie, vice-président de la Société d'hypnologie et de psychologie ; Madame Paul Magnix ; M. le Dr Maurice de Fleury ;
M. le Dr Marcellîn Cazeaux, médecin consultant aux Eaux-Bonnes ;
M. le Dr Axtheacme. médecin honoraire de la Maison nationale de Charenton, directeur de l'Encéphale ;
M. le Dr A. Marie, médecin en chef de l'asile de Villejuif, directeur dos Archives de neurologie ;
M. le Dr Bérillos", professeur à l'Ecole de psychologie, médecin inspecteur des asiles d'aliénés :
Madame Bérillos ;
M. le Dr Vcrpas. médecin adjoint de la Salpêtrière. directeur de la
maison de santé de Charonne ; M. le Dr de Cléraïibaclt. médecin de rimfirmerie spéciale du Dépôt; M. Jegou, juge de paix du VIIIe arrondissement ; M, le Dr Tocchard, chef de clinique de la faculté:
M. Scie-Tox-Fa.préfet de l'empire de Chine,délégué de l'Alliance scientifique universelle ; M. le Dr Germiquet.de Romont (Suisse); M. Pcjol, directeur du Dépôt ; M. Ch. Jacqcis, avoué près le Tribunal de la Seine; M. Grollet, secrétaire général de la Société de pathologie comparée ; Madame Grollet;
M. le Dr Roger Voisin, chef de clinique de la faculté ; Madame Roger Voisin :
M. le Dr Paul Parez, professeur à l'Ecole de psychologie, secrétaire
général adjoint de la Société d'hypnologie : Madame Paul Farez ;
M. le Dr I'affegeac, directeur de l'Etablissement hydrothérapique du Vésinet :
M. le Dr Bag ces, directeur de l'Institut départemental dos sourd-muets ;
M. le Dr Pottter. directeur de la Maison de santé de Picpus.
M. le Dr Lefeillatre, chirurgien en chef de la prison de Presnes :
M. le Dr Vcillemonet, médecin adjoint du dépôt :
M. le Dr Morel, vice-président de la Société de pathologie comparée. ;
Madame Morel ;
M. le Dr Taty. directeur de la Maison de Sauté de Charonne ; M. le Dr Bcvat, médecin de la Maison de Santé de la Glacière : M. le Dr Mignox, directeur de l'Etablissement hydrothérapique du Vésinet ;
M. DagxaX-Bocveret, professeur agrégé de l'Université ; M. Gutlhermet, avocat'à la Cour, professeur à l'Ecole de psychologie; M. le Dr Derecq, médecin de l'hôpital d'Ormesson, directeur des Thermes Urbains ;
M. le Dr Garxieh, délégué de la Société d'hygiène de 1'enfanec :
M. le Dr Devacx, médecin de la maison de Santé de Neuilly;
M. le Dr Hischsmaxx, chef de service d'électrothérapie de Lariboisier ;
M. Léplnay. professeur a l'Ecole de psychologie ;
Madame Lépixay;
M. le Dr René Aragon ;
M. le Dr Scabez demendoza,directeur des Archives de médecine spéciale ; M. le Dr Arthault de Vkyey ; M. le Dr Barthe de Sandfort ;
M. le Dr Bellemanière, professeur à l'Ecole de psychologie ; M. le Dr Bernard-Leroy : Madame Bernard-Leroy ;
M. le Dr Ch. Bonnet, directeur de la maison de Santé Velpeau
M. le Dr Cabanîs, directeur de la Chronique médicale ;
M. le docteur Courtault, directeur des Tablettes Médicales ;
M. le Dr Bocteros :
M. le Dr Chaufton ;
M. Colle;, ingénieur;
M. Collin, fils;
M. le Dr Désandré ;
M. Dubosc, interne de la Salpêtrière ;
M, le Dr Bandelac de Partente, médecin de l'ambassade d'Espagne ; M. le Dr Botjcard ; M. le Dr Bougon ;
M. le Dr Félix Begnault, professeur à l'Ecole de psychologie, directeur de l'Avenir médical;
M. Caustier, professeur à l'Ecole de psychologie ;
M. Combes, secrétaire général de l'Alliance scientifique universelle ;
M. le Dr Demonchy. professeur à. l'Ecole de psychologie ;
M. le Dr Féridoun-Bey, de Constantinople ;
M. le Dr Bernard, médecin consultant à Plombières ;
H. Edmond Bouchard, chirurgien dentiste ;
M. Dyvrande, procureur de la République, à Saint-Quentin;
M. le Dr Barlerin, secrétaire général de la Société médicale des praticiens ;
M. le Dr Paul Joire, de Lille ; M. le Dr de la Fouchardiere ;
M. Lionel Dauriac, professeur honoraire à l'Université de Montpellier,
vice-président de la Société d'hypnologie et de psychologie ; M. Làvault, médecin vétérinaire ; M. le Dr Bailliart ; M. Moret, médecin vétérinaire ; M. Emile Combe, rédacteur des Débats ; M. le Dr Fege.
M. le Dr Goldman, directeur de la Maison médico-chirurgicale d'Au-
teuil ; M, Gosset, professeur ; M. Gory, pharmacien ;
M. le Lr Guimbeau. de Port-Louis (Ile-Maurice) : M. le Dr Guesdbe ; M. Guinde;
Madame Guindé ;
M. le Dr do Jong, ancien interne des hôpitaux ;
il. le Dr Jugeat, inspecteur des services sanitaires ;
M. le Dr Kouindjy, président de la société de Kinésithérapie ;
M. le Dr Levrey ;
il. le Dr Raoul Labbê ;
Mademoiselle Lucie Bèrillon, professeur au lycée Molière : M. le Dr Lemesle, directeur de l'Institut Liébeault, à Loches ; M. le Dr Legroux : Madame Legroux ;
M. de Leymarie, avocat à la Cour d'appel ; M. le Dr Macé de Lépinay ;
M. le Dr Mercier, médecin principal en retraite ; Madame Mercier ,• M. Mondineu ; Madame Mondineu ; M. Moutet ;
M. le Dr MuGNIER, médecin inspecteur des enfants du premier age ; Madame Mugnier ; ,
M. Petit, médecin vétérinaire à Suresnes ;
M. le Dr L. Philippe ;
Madame la doctoresse Potikonoff ;
M. le Dr Query ;
Madame Query ;
M. Quinque,directeur de l'Etablissement médico-pédagogique de Créteil; Madame Quinque. M. A. Ricard.
M. ?aßß, médecin vétérinaire ; M. le Dr Barbier; Madame Barbier ;
Mademoiselle Alice Bérillon, professeur au lycée Racine ;
M. le Dr Rivière, rédacteur en chef des Anna/es de Physicothérapie ;
M. Roger, pharmacien ;
M. le Dr Saison-Lierval, directeur de la Maison de santé médico-chirurgicale ; M. le Dr Stettiner ;
M. le Dr Spouegitis, délégué de l'alliance scientifique universelle ;
M. le Dr Tarrius, directeur de la maison de Santé d'Epinay-sur-Seîne ;
M. Jean Tabrius, étudiant en médecine ;
M. Romain Tardif, pharmacien ;
M. Etienne Tardif ;
M. le Dr Thibaut, d'Angers ;
M. le Dr R. Trêmollteres ;
Madame la doctoresse Tobolowska ;
M. Boulvin, de Charleroi ;
M. Louis Prost, de Santiago du Chili ;
Madame Carle, professeur ;
M. Costixsotjza ;
M. Ch. Jclliot, docteur en droit ;
il. le Dr Socbhy Bey, de Constantinople ;
M. le Dr Feige ;
Madame Feige ;
M. L. Motte, ingénieur. •
 ces noms, il convient d'ajouter ceux des amis et élèves de M. le D1' Jnles Voisrx, auquel l'éloignement ou des empêchements divers ne permettaient [as d'assister au banquet, mais qui ont tenu à lui exprimer lenr sympathie en envoyant leur souscription pour l'achat d'nn objet d'art:
M. le Dr Rocs, membre de l'Institut, directeur de l'Institut Pasteur ;
M. le Dr Hallopeac, membre de l'Académie de médecine ;
M. le Dr Besxier, membre de l'Académie de médecine ;
M. le professeur Hcttsel, membre de l'Académie de médecine ;
M. le Dr Becrnier, chirurgien des hôpitaux ;
M. le Dr Chaslis, médecin de Bicétre ;
M. le Dr Mocsr£, pharmacien en chef des prisons ;
M. Félix AlCax, éditeur ;
M. le J)r Maurice Bloch ;
M. Albert Gxandaz, greffier en chef du tribunal de commerce ; M. le Dr OeXéItzky. de Moscou : M. Seyert, du Mans ; M. Desiagxez. de Paris ; M. LETorzfi. de Paris;
M. le Dr Vax Rexterghesi. directeur de l'Institut Liébeault. à Amsterdam;
M. Choisît, de Paris ;
M. Segclx, du Mans ;
M. Ed. Germiqcet, de Remonts (Suisse) ;
M. Louis Fayre. professeur à l'Ecole de Psychologie ;
Madame Tarrtcs, de Paris ;
M. le Dr Damoglotj, du Caire ;
M. le Dr "Wiazemsky, de Saratcw :
M. le professeur Gréhaxt, membre de l'Académie de médecine ; Madame Gréraxt ;
M. le DT FiESSESGER, membre correspondant de l'académie de médecine :
M. le Dr Roger, professeur à la Faculté de médecine :
M. le Dr Le Cors ;
M. le Dr Bossuat ;
M. Origet, de Paris ;
M. le Dr Catdfpe, de NeuUly ;
M. le Dr de Torres, médecin consultant a Luchon ;
Madame Eugène Escribe, de Paris ;
M. le Dr Séglas, médecin de la Salpêtrière ;
M. le Dr Raffegeau, directeur de l'Etablissement hydrothérapique du
Vasinet ; M. le Dr NOBÉCOURT.
M. le Dr Dheur, directeur de la maison de Santé Esquirol ;
M. le Dr Le Soubd ;
M. le Dr Mac Kartney, de Montevideo ;
M. le Dr Maillard médecin adjoint de Bicêtre ;
M. le Dr Le Menant de Chesnais ;
Mademoiselle Justine Levy, externe des hôpitaux;
M. le Dr Renaud Hue, de Rouen ;
M. le Dr Mélissox, du Mans ;
M. le Dr .Comae, directeur de la Maison de santé de la Glacière ; M. le Dr Thibault, d'Angers ;
M. le Dr Saint-Yves Menard, membre de G Académie de médecine ;
M. le Dr Avezou. ancien interne des Hôpitaux ;
M. le Dr Lereddh. ancien interne des Hôpitaux ;
M. le Dr Arnaud, directeur de la Maison de santé de Vanves ;
M. le Dr Jacquot, d'Audincourt ;
M. le Dr Andbal, de Pau ;
M. le Dr Vignalon ;
M. le Dr Guibert, de la Roche-s-Yon ;
M. le Dr Maurice Villaret ;
M. Delair, sous-chef de bureau a la préfecture de la Seine ; M. le Dr Legendre, médecin des Lariboissière ;
M. Dassonvelle, ancien président de la Société de pathologie comparée. Le menu était le suivant :
MENU Petite Marmite Truite saumonée à l'ancienne
Pommes Nature Filet de Bœuf & la Parisienne Escalope de Ris de Veau h la Clamart Poularde de Bresse en Cocotte Salade
Fonds d'Artichaut a la Duxelles Bombe glacée Grand-Hôtel Gâteau Monselet Petits Fours Corbeilles de Fruits
Calé — Liqueurs
Vise
Graves — Médoc — Beaune Champagne
Le banquet fut ties bien servi et le menu reconnu parfait. M. Montagne, le chef de cuisine du Grand Hôtel, a su mériter une fois de plus, les félicitations unanimes.
*
* *
Au commencement du banquet M. le Dr Jules Voisin recevait encore un certain nombre de dépèches émanant d'amis qui s'étaient fait inscrire au banquet, mais se trouvaient dans l'impossibilité d'y assister.
En particulier M. le professeur Gilbert Ballet lui écrivait : Mon cher ami,
Je suis navré qu'un incident me mette dans l'impossibilité absolue d'aller ce soir vous féliciter et vous serrer la main, comme je me l'étais promis. Je m'en faisais une fête et regrette vivement d'en être empêché, du moins je serai avec vous par la pensée.
Croyez à mes sentiments bien cordiaux.
Gilbert Ballet.
Il recevait également de son collègue le Dr Kitti, médecin en chef de la maison nationale de Charenton et secrétaire général de la société médico-psychologique,les lignes suivantes:
Mon cher ami,
Je suis vraiment désolé, il me sera impossible d'assister demain à la fête qui sera donnée à l'occasion de votre nomination dans la légion d'honneur. Je suis abominablement grippé et l'on me défend de sortir, surtout le soir, par ces variations brusques de température. J'aurais été cependant si heureux de vous donner cette marque de mon affectueuse sympathie et de notre déjà bien vieille amitié. Croyez que j'assisterai de cœur à la belle soirée de demain, avec le regret bien amer de ne pouvoir y prendre part.
Bien affectueusement à vous.
Rittj.
De son côté M. le professeur Baymond, recevait la lettre suivante de M. de Saint-Yves Ménard, membre de l'Académie de médecine, ancien président de la Société de pathologie comparée :
Mon cher ami,
Je te serai obligé d'excuser mon absence au banquet de Voisin et d'être l'interprète des félicitations que j'aurais voulu adresser de vive voix au nouveau légionnaire.
Je pense qu'ils seront nombreux, ceux qui pensent comme moi que la croix vient trop tardivement récompenser un grand mérite et desservices exceptionnels.
Bien affectueusement à toi et aux camarades groupés sous ta présidence.
Saist-Yves Mexard.
Au dernier moment M. le professeur Hutinel, professeur à la faculté, membre de l'Académie de médecine, adressait au D'Touehard, les excuses suivantes :
Cher collègue.
Je regrette vivement de ne pouvoir assister au banquet offert à mon vieil ami Voisin ; il sait que je suis de cœur avec lui. Cordialement à vous.
Hutinel.
Enfin. M. le Dr Dubief, ancien ministre de l'Intérieur, vice-président de la Chambre des députés, qui avait accepté la présidence d'honneur du banquet et qui devait y prendre part, écrivait également au Dr Bérillon. Mon cher confrère,
J'aurais eu le plus grand plaisir à fêter avec vous, le Dr Voisin, et je me réjouissais d'une circonstance qui allait me permettre de me retrouver — quittant un moment le monde de la politique — au milieu d'une remarquable pléïade de nos éminents confrères. Malheureusement, des obligations impérieuses m'appellent à Maçon le 20 et le 21. J'en ai le plus grand regret et je vous serais infiniment obligé dele dire à nos confrères et à vos amis.
Vous mettriez le comble a votre amabilité en m'excusant tout particulièrement auprès de M. le professeur Baymond.
Agréez mon cher confrère, l'assurance de mes sentiments de cordialité très dévouée.
Du bief.
Pressés par le temps les organisateurs ne peuvent que donner une rapide communication des lettres et télégrammes par lesquelles un grand nombre de personnes s'excusaient de ne j ouvoir assister au banquet, ce sont :
M. le professeur Laxdouzy, doyen de la faculté de médecine ; M. Cordelet, vice-président du Sénat :M. le Dr Lottrties. vice-président du Sénat ; M. le Dp Pedebidoc. sénateur ; M. le professeur Beacyisage, sénateur ; M. le professeur Cazenecve. sénateur ; M. le Dr Huchard, membre de l'Académie de médecine ; M. le professeur jr. Blanchard, membre de l'Académie de médecine; M.Sciiraiieck.directeur de l'Administration pénitentiaire ; M. Laurent, secrétaire général de la préfecture de police : M. le Dr Sêglas. médecin de Bicètre ; M. Muteau. député de la Côte-d'Or : M. le Dr E. Hirtz, médecin de Necker : M. le Dr Cayla. de JSeuilly : M. le Dr Leredde : M. le Dr vTiazemskl de Saratov* : M. le Dr Jaguartbe, de Iao-Paulo : M. le Dr Orlitzky, de Moscou ; M. le Dr Damoglou. du Caire ; M. le Dr Frantz Glénard ; M. Ranson, sénateur delà Seine : M. Achille, membre du Conseil municipal de Paris : M. le Dr Edouard Braxly : M. le Dr Salmon, membre du Conseil municipal de Paris ; M. le Dr Bahaddix Chakir, de Constantinople : M. le D«" Lux. médecin principal ; M.Boirac, recteur de l'Académie de Dijon: M.le Dr Witry, de Trèves-sur-Moselle, etc., etc.
Discours de M. le Dr Paul Magnin.
Professeur ? l'Ecole de psychologie, Vice-président de la Société d'hypnologie et de psychologie.
Cher maître.
Je ne vous adresserai pas de félicitations, des voix plus autorisées que la mienne vous les diront mieux que je ne saurais le faire. Laissez-moi vous exprimer cependant les sentiments d'estime, d'affection et de respect que vous avez su inspirer à tous ceux qui vous connaissent, par votre caractère si droit, par votre nature si désintéressée, par votre vie faite toute de simplicité, de travail et de dévouement, votre vie si utile à vos semblables.
Mieux peut-être qu'aucun de nous, vous possédez la qualité main-esse, celle qui pour moi fait le vrai charme du cœur humain, la bonté, et cela est si vrai que lorsque votre tour est venu de choisir un service, vous avez pris celui où se trouvent les plus déshérités d'entre les déshérités, ces malheureux enfants arriérés, épileptiques et idiots sur le visage desquels il semble s'esquisser un sourire quand le bon papa Voisin entre dans ses salles comme si dans cet asile de misère il faisait pénétrer avec lui un rayou de soleil.
Je m'imagine, que s'il nous voyait ainsi, groupés autour de vous, notre confrère. M. le Dr Clemenceau serait satisfait d'avoir réussi, malgré les difficultés si terribles de la politique, à obtenir du ministre de l'Intérieur le décret qui lui a permis de vous donner ce petit bout de rnban une, depuis si longtemps déjà, vous devriez porter.
Je lève mon verre, mon bon maître, en souhaitant de tout mon cœur que pendant une lougue suite d'années encore vous puissiez continuer h faire le bien autour de vous, pour le plus grand bonheur de votre digne compagne, de vos enfants grands et petits, ces tout petits que vous chérissez tant, et pour la plus grande joie aussi de tous ceux qui vous aiment, de vos élèves, de vos amis. (Applaudissementsprolongés).
Discours de M. Grollet
Secretaire général de la Société de pathologie comparée
Mesdames. Messieurs,
Au dernier moment j'ai reçu une lettre de notre président M. le Dr Huchard. nous priant de l'excuser, de dire à M. Voisin, qu'il est de cœur et de pensée avec lui.
J'ai à vous présenter également d'autres excuses, M. le professeur Gréhant et Madame Gréhant, absents do Paris, ont tenu a s'associer au •souvenir que nous offrons h M. Jules Voisin. M. le professeur Roger, nous a également envoyé sa souscription au souvenir. M. le Dr Fies-singer. vice-président de la Société de pathologie comparée, empêché par un deuil récent, m'a prié de donner a M. Voisin, l'assurance de sa plus vive sympathie. M, Dassonville. ancien président de la Société de Pathologie comparée, absent de Paris, nous écrit ses plus vifs regrets de ne pouvoir se joindre à nous.
J'ai anssi la mission de présenter les excuses de il. le professeur Petit, d'Alfort, de M. Chenier, ancien président de la Société, de M. Bis-sauge, d'Orléans, et d'un grand nombre de nos collègues.
Depuis sept ans que j'ai l'honneur d'être secrétaire général de la Société de pathologie comparée, ma fonction m'a assurément valu de vives satisfactions morales ; aucune certainement n'a égalé celle qui résulte pour moi de la mission de prendre la parole au nom de notre Société.
H faudrait n'avoir point approché notre eminent collègue if. le Dc Jules Voisin, ne connaître ni son œuvre scientifique, ni son apostolat médical, ne point avoir vu quel bienfaiteur il est pour le déshérité de la nature, ne point savoir quel intérêt il a toujours apporté à notre Société, avec quel dévouement il en a rempli les fonctions de président.
Il faudrait en résumé ne connaître ni le professeur érudit, ni le clinicien subtil, ni le maître sûr et affectueux, ni l'homme de bien, ni l'homme de cœur qu'est M. Jules Voisin, pour ne pas se rendre compte de la satisfaction éprouvée par tous nos collègues.lorsqu'n l'occasion de notre séance annuelle, le représentant de il. Clemenceau nous a apporté la nouvelle que notre maître serait compris dans la prochaine promotion.
Aujourd'hui, je m'estime grandement honoré de dire publiquement à M. le Dr Jules Voisin, quelle est pour lui notre respectueuse affection.
Jamais certes distinction n'aura été portée par un homme de cœur plus élevé, de plus haute probité, de plus de dévoûment à ses semblables.
Ainsi, je serai votre interprète en remerciant M. le Dr Clemenceau, président du Conseil des ministres, d'nne décision dont nous lui sommes extrêmement reconnaissants.
J'associe h son nom ceux de il. le Dr Dubief, ancien ministre de l'intérieur, vice-président de la Chambre des députés, qui a accepté la présidence d'honneur de cette fète,et de M. le professeur Baymond qui la préside effectivement, et les remercie en notre nom à tous. Enfin au nom de tous les médecins vétérinaires présents a cette fête, j'apporte à M. Jules Voisin le témoignage de leur affectueuse estime. ( Vifs applaudissements).
Discours de M. le Dr Bilhaut.
Président du syndicat de la presse scientifique.
Ce fut un grand honneur pour le Syndicat professionnel de la presse scientifique que d'être appelé h s'associer à la démarche faite auprès du Président du Conseil, pour lui rappeler les titres de notre eminent confrère, le Dp Jules Voisin, au grade de chevalier de la Légion d'honneur.
En prenant part à cette démonstration, notre syndicat accomplissait en outre un devoir de reconnaissance.
De nos jours, en effet, deux modes dc vulgarisation, s'offrent au savant: le livre, la presse.
Les obligations professionnelles permettent difficilement au praticien de se plier à une discipline qui lui impose de lire, en un temps donné.
les chapitres d'un ouvrage didactique, fussent-ils des plus utiles, des plue intéressants.
Il lit volontiers, au contraire, un article dans lequel l'auteur a condensé en quelques colonnes le fruit de ses méditations. C'est ainsi que peu à peu le journal a pris le pas sur le livre.
Le périodique a l'immense avantage de porter au loin la pensée du savant, car grâce aux échanges internationnaux, les traductions, les analyses, donnent il l'article initial une portée mondiale. On le reproduit, on en donne les conclusions dans les langues les plus diverses. Il est bon de rappeler ici en quelle haute estime sont universellement tenus les savants français.
Si notre presse scientifique, si nos journaux médicaux sont k ce point considérés, ils le doivent à la science élevée et désintéressée des médecins qui comme vous, accordent une large part à l'enseignement.
La presse, en publiant vos leçons et vos travaux, mon cher maître, se réjouit de l'éclat qui en a rejailli sur elle-même.
? vrai dire la démarche à laquelle nous nous sommes associés en allant rendre visite à notre confrère le Dr Clemenceau n'avait pour but que de l'inviter à réparer un oubli. Ce qui le prouve, c'est que dès qu'il eût entendu l'objet de notre démarche, le Président du Conseil répondit :
« Comment Jules Voisin n'est pas décoré ! je croyais qn'il devait l'être depuis longtemps ». Et comme un avisé psychologue lui faisait ressortir toute la satisfaction que les nombreux amis et élèves du Dr Jules Voisin éprouveraient à lui voir accomplir cet acte de justice par un ministre médecin, mieux qualifié que tout autre, par conséquent, pour apprécier des services scientifiques et médicaux, M. le Dr Clemenceau exprima sur notre maître des opinions si flatteuses que, pour nous, sa décision ne pouvait faire aucun doute.
Nous avions mieux que la parole d'un ministre, nous avions son approbation et la conviction qn'il était en communauté de sentiments avec nous.
Au nom du syndicat professionnel de la Presse scientifique j'offre les affectueux compliments de notre association et je lève mon verre au journaliste scientifique. Jules Voisin. Je bois à la santé du nouveau chevalier de la Légion d'honneur. (Applaudissements prolongés).
Discours de M: le Dr Garnier
Délégué de ln Société d'hygiène de l'enfance
Parmi les titres de celui dont nous célébrons ce soir la promotion dans Légion d'Honneur, il en est un spécialement cher à la Société d'hygiène de l'enfance, que je représente dans cette brillante réunion.
Le Dr Jules Voisin, par ses écrits, par ses leçons, par sa pratique médicale privée et hospitalière, a dirigé perfectionné, organisé l'assistance des enfants anormaux, arriérés et épileptiques, ainsi que l'éducation et la moralisation des jeunes filles vicieusses ou coupables de l'Assistance publique.
Que devenaient autrefois ces enfants ? Le mGnie sort leur était réservé qu'à tous les déshérités de la nature, difformes physiquement ou moralement.
Au temps de Sémiramis, on leur faisait subir une cruelle mutilation pour les empêcher de reproduire. Les Spartiates, suivant les lois de Lycurgue. les précipitaient dans les gouffres du Taygète et les Romains les exposaient dans les déserts de la campagne romaine.
En 1898, à la Chambre des députés de l'Etat de Méchingam (Etats-Unis), on a présenté une loi ayant pour but de mutiler comme au temps ancien les épileptiques et les idiots qui entrent à l'hôpital. Ce sont les hommes au génie bienfaisant tels que le Dr Jules Voisin, qui par leurs leçons, leur exemple se sont faits les initiateurs, les propagateurs des progrès daus l'art de protéger et de traiter ces innocentes victimes d'une hérédité qu'on ne saurait leur imputer à crime.
Aussi la Société d'hygiène de l'enfance est-elle d'esprit et de cœur avec le Gouvernement qui vient de lui conférer une distinction si méritée.
La Société d'hygiène de l'enfance, œuvre scientifique et philanthropique, ne se préoccupe pas seulement d'enseigner à nos contemporains les règles par lesquelles on peut donner naissance à des sujets sains, elle s'applique également k leur apprendre comment on remédie à un grand nombre de défectuosités physiques et morales. Elle est donc en parfaite communauté d'idées avec le Dr Voisin.
Je lève mon verre en l'honneur du Dr Jules Voisin qui représente le plus parfait idéal que la Société d'hygiène de l'enfance se fasse du médecin et nous souhaitons que ses enseignements forment beaucoup d'élèves qui soient pénétrés de ses sentiments de dévouement a l'enfance et il l'humanité. {Applaudissements).
Discours de M. Wuillomenet
Médecin ndjoint dn Dépôt
Messesues,
Permettez-moi de joindre ma voix au concert d'éloges et de félicitations, qui viennent d'être exprimées à notre maître et ami. c'est au titre de pins ancien médecin adjoint du Dépôt près la Préfecture de Police, que je tiens k dire combien cette nomination, si hautement justifiée, et si tardivement venue, nous a été agréable.
Vous tous, qui le connaissez, vous savez, avec quelle grande autorité et quelle haute courtoisie à la fois, notre confrère dirige les travaux des sociétés dont il a étéou est encore le Président. Je ne vous apprendrai donc pas combien, dans son aimable bonhomie, on trouve de précision scientifique, de finesse, de tact et de bienveillance.
En souvenir d'une collaboration, déjà très ancienne, je porte du fond du cœur un toast au chevalier Jules Voisin ! {Applaudissements).
Discours du D- Bougon
Ad coxfraterxale Coxviytcm, (1)
Prœstantibus uecnon eminentissimis professoribus Raglienmundo ac Berillioni, salutem ! Pro viro nostro Vioino, cruce Legionis honorante decora to. bibamus :
Ad nitiltoe annos ! Ad multos nuramos ! ! Ad multos honores ! ! !
(Applaudissements ).
Discours de M.' Scié-Ton-Fa
Docteur en droit préfet bon cadre de l'Empire de Chine
Cher Docteur et très vénéré maître, modeste je suis heureux et très fier ce soir, représentant de l'Empire du Milieu, de vous apporter toutes les félicitations les plus sincères de l'Extrême-Orient entier, de vous dire l'admiration profonde que nous avons pour le savant ouvrier qui a contribué par ses travaux au grand mouvement de la science. Et, si la lumière vint dc l'Est, l'Est, aujourd'hui s'incline respectueusement devant la Science de l'Ouest que vous personnifiez!
J'ai également un autre devoir envers vous, Cher Maître, celui qui m'honore le plus, c'est de vous présenter les plus vives, les plus cordiales félicitations de tous les savants du Monde entier, cela au nom de VAlliance Scientifique Universelle, au nom du Très Vénéré Maître, M. Léon de Rosny, son illustre fondateur et président et de sa pléiade d'hommes de science qui me délèguent ce soir à ce banquet en l'honneur du nouveau Légionnaire. {Applaudissements prolongés).
Discours de M. le Dr Arthault de Vevey
Mesdames, mes chers confrères.
Si je demande la parole, sans y avoir été officiellement convié, c'est qu'il m'a paru manquer au concert d'éloges si mérités que les amis, les collègues, les émules, les admirateurs, français et étrangers, du Mattre que nous fêtons ce soir, viennent de lui adresser, quelques notes, modestes sans doute, mais indispensables, pour compléter l'expression du caractère du Dr Jules Voisin, et souligner la clarté de son enseignement, le charme de ses conversations si instructives, la douceur et le tact de son commerce avec les pauvres malades, et surtout la grace exquise de ses rapports avec ses élèves.
(11 Traduction du toast du D( Bougon. Salut, aux excellente et très éminents professeurs Raymond et Bérillou! Buvons à la santé de notre honorable Voisin, décoré de la Croix de la Légion d'honneur :
Longue vie, gruude fortune et nombreux honneurs lui soient réservés.
Or, ayant eu l'honneur d'être le premier externe du Dr Jules Voisin, à son arrivée à la Salpetrière, à la mort de Legrand du Saulle. (que c'est loin déjà !) Je tiens à apporter ce soir l'hommage public de ses élèves au plus aimable et au plus bienveillant des maîtres. Je n'ajouterai pins qu'un mot. et ne veux pas retenir longtemps votre attention, pour vous prier de lever vos verres avec moi à la santé du Dr Jules Voisin, et à la consécration officielle de ses mérites : trop longtemps attendue. (Applaudissements).
Discours de M. le Dr Touchard
Chef de clinique de la Faculté
Mon cher maître.
Il me serait bien inutile de prendre ce soir la parole, si je devais me borner à vous exprimer, avec quelle joie vos anciens élèves ont accueilli votre nomination dans la Légion d'Honneur. — L'enthousiasme avec lequel tous ont tenu à se grouper ce soir autour de vous en est l'éclatant témoignage.
Mais la belle fête de ce soir est pour vous une occasion unique de vous dire quelle profonde affection nous avons gardée pour le maître bienveillant que nous avons rencontré en vous et quelle reconnaissance none lui devons.
C'est dans l'intimité charmante des matinées d'hôpital que s'établit le Ken qui unira désormais indissolublement le maître et l'élève,
Au moment décisif où se dessine notre orientation médicale, nous avons eu la bonne fortune de trouver un maître hautement pénétré de la responsabilité morale et sociale de ses fonctions. — Un tel exemple a laissé dans notre esprit une conception élevée des devoirs périlleux da notre profession.
Dans l'exercice et l'application d'une science particulièrement délicate où l'on doit redouter le double écueil d'un scepticisme infécond et d'une imagination trop fertile, nous avons été à l'école d'un maître dont la méthode est faite de rectitude de jugement, de bon sens et de bonne foi.
Tous, nous nous souvenons de votre sollicitude, de votre patience envers les pauvres malades de votre, service dont les plus déshéritées semblent n'avoir plus conservé, au milieu du naufrage de leur pauvre raison, qu'un peu de tendresse et de reconnaissance pour celui qui, d'un mot venu du cœur, les console, les encourage et leur rend l'illusion de la santé.
Ce qne nous n'oublierons jamais non plus, c'est la bienveillance inlassable avec laquelle votre sage expérience instruisait notre jeune curiosité.
Du temps trop court que nous avons passé à vos côtés, nous avons gardé le souvenir d'un maître réalisant, dans la plus haute acception du terme, l'image la plus parfaite du médecin, c'est-à-dire d'un homme qui a consacré sa vie h la recherche désintéressée de la vérité et à la pratique du bien. (Vifs applaudissements). (A suivre).
TRAVAUX ORIGINAUX
Psychologie de l'olfaction : La fascination olfactive chez les animaux et chez l'homme (1)
par M. le D' Bebillos;, professeur à l'Ecole de psychologie.
(Suite)
V. LE ROLE DE L'ODORAT DANS LA CONSTITUTION DE LA PERSONNALITE
H y a dix-neuf siècles, Jésus de Nazareth, dans un langage expressif faisait ressortir un des plus grands travers dont soient affectés les humains : « Tel voit la paille dans l'œil de son voisin, dit-il un jour à ses disciples, qui ne voit pas la poutre qui est dans le sien ».
Il aurait pu ajouter que l'homme n'est pas moins injuste, ni moins susceptible en ce qui concerne son odorat et dire : « Tel est incommodé par la plus légère odeur du corps de son voisin, qui ne l'est pas par la puanteur qui s'exhale du sien ».
En effet plusieurs anthropologistes européens ont signalé les odeurs spécifiques qui caractérisent les antres races ; aucun n'a supposé que la race blanche pouvait, elle aussi, avoir une odeur suigeneris.
Carl Vogt, parlant des individus de race noire a écrit :« les exhalaisons de la peau ont un caractère particulier chez certaines races, même avec la propreté la plus scrupuleuse. Ces odeurs ne doivent pas être confondues avec les exhalaisons causées par le genre de nourriture, exhalaisons qu'on peut constater chez certaines races. Les Italiens et les Provençaux qui mangent beaucoup d'oignon, d'ail et de céleri, ont certainement une toute autre odeur que les Islandais et les Norvégiens, qui se nourrissent de poisson, d'huile de baleine, et de beurre rance et s'ils ont l'inconvénient de sentir tous très mauvais, les odeurs qu'ils exhalent sont moins essentiellement différentes et peuvent se modifier sous l'infuence d'un changement de régime. Il n'en est point ainsi de l'odeur spécifique du nègre; elle demeure la même, quelques soins ou quelque nourriture qu'il prenne. Elle fait pour ainsi dire partie intégrante de la race et elle accompagne le nègre, comme l'odeur du musc accompagne le chevrotain qui le produit ; elle est composée par une sécrétion spéciale des glandes sudoripares qui, du reste, par leur grandeur et leur nombre, sont disposées comme elles le sont chez les autres races humaines » (2).
Les Européens qui se plaignent volontiers de l'odeur exhalée par les individus des autres parties du globe, ne semblent pas se douter le moins du monde que leurs émanations cutanées n'ont pas toujours le don de charmer les narines des peuples exotiques.
On pourrait k ce sujet rappeler la piquante anecdote suivante, racontée avec humeur par L. Schiller » : Une femme qui n'était ni jeuue, ni belle,
(1) V ; Revue de VHypnotisme, septembre et suir.. 23• aimée. (2( Cari Vogt : Leçons sur l'homme P. 112. 1878
ni délicate ©t dont la recherche et la propieté n'étaient pas la vertu dominante, avait la prétention de ne pouvoir supporter aucune odeur. Quelques brins de réséda avaient été oubliés chez elle par une de ses amies. Dès qu'elle s'en aperçut, elle sonne la femme de chambre, comme si le feu eût été à la maison. « Jetez-moi cela par la fenêtre, fit-elle, c'est Insupportable. » Après avoir exécuté cet ordre, non sans hausser les épaules, la femme de chambre s'en alla : * Si Madame se supporte, dit-elle, il me semble qu'elle pourrait bien supporter un brin de réséda ».
M. le docteur H. Laloy, a rapporté une ancienne observation d'un médecin japonais, le Dr Bnntaro Adachi, sur l'odeur des européens. Cette odeur et surtout celle des Européennes est parfaitement connue an Japon.
Elle varie suivant les individus et suivant les âges ; elle est au maximum chez l'adulte. Cette odeur « piquante et rance » est extrêmement désagréable aux Japonais. Mais un séjour un peu long en Europe les y fait s'y habituer ; ils ne sentent plus l'odeur des hommes et celle des femmes leur provoque des idées voluptueuses.
Tel est également l'opinion d'un jeune lettré Chinois, M. Scié-Ton-Fa, qui me déclarait récemment qu'à son arrivée en France, nos compatriotes lui paraissaient exhaler une odeur plutôt acide. « Chez vous, me disait-il, il se dégage des agglomérations de personnes comme une odeur vineuse et par conséquent acide, comme si elles étaient imprégnées de vin. » 11 est certain que cette impression est judicieuse. L'usage du vin, si répandu dans notre pays, donne en effet, à beaucoup d'individus, une véritable odeur d'acide acétique.
Dans la Chronique Médicale, sous la rubrique Y Odeur des Anglais, le Dr Cabanes a réuni un assez grand nombre de témoignages qui viennent corroborer l'opinion, émise par un de ses collaborateurs, que les Anglais, apportent avec eux en passant sur le continent, une odeur spécifique qui les suit partout, qu'un odorat moyennement exercé n'a pas de peine à distinguer. « H n'est personne qui n'ait remarqué, dit à ce sujet M. Albin Body, que les habitants du Boyaume-TJni, en général, débarquant de leur île, apportent avec eux une odenr sut generis toute spéciale, et qu'on ne peut définir, odeur qu'ils laissent après eux, dans les appartements qu'ils occupent pendant un certain temps.
Elle est bien connue surtout dans certaines villes de la Belgique habituellement fréquentées par eux. à Bruges et à Spa, notamment.
Cette senteur imprègne à ce point les chambres, qu'elle y persiste nombre d'années. On m'a cité un château près de Bruges où les propriétaires avaient eu jadis à leur service deux femmes de chambre anglaises ; les pièces où elles couchaient conservèrent cette odeur plus de quinze ans après qu'elles avaient quitté cette demeure !
D"où provient cette senteur ? On l'a attribuée aux algues, au varech, qu'elle rappelle un peu. D'autres prétendent qu'elle est due au cuir dont les malles sont faites. Elle aurait cela de commun alors avec celle du
cuir de Russie, qui imprègne les bagages des populations venues de ce pays.
La supposition ne parait pas fondée, car on a remarqué que, depuis près d'un demi-siècle, cette odeur caractéristique s'est fortement atténuée. Telle est du moins la constatation faite simultanément dans les deux villes dont les noms sont cités ci-dessus.
U se pourrait pourtant que la substitution d'un produit nouveau servant au tannage des cuirs eut amené cette modification.
Dans cet ordre d'idées, on nous cite ce fait, qu'à l'époque du premier exode important des fils du Céleste Empire, — venus étudier en Belgique à nos universités, — ces étrangers étonnèrent fort ceux qui leur donnaient l'hospitalité, lorsqu'ils leur confessèrent que les Belges indistinctement laissaient après eux une odeur insupportable. Quid uernm t
TJn étudiant de l'Ile Maurice, M. A. G>uimbeau, au cours de voyages à Ceylan et à Madagascar, a interrogé des femmes hindoues et des femmes howas au sujet des impressions que leur causaient les Européens. Elles ont reconnu qu'elles étaient susceptibles d'un certain attachement pour des jeunes gens de race blanche, mais qu'elles étaient retenues dans leurs élans affectifs par l'odeur des blancs qui constituent pour elles comme une véritable barrière. * Les blancs, disaient-elles, ont l'odeur des personnes qui seraient mortes » ce qui revient à dire qu'ils exhaleraient une odeur cadavérique.
On est toujours tenté lorsque les narines sont affectées par une odeur qui émane d'un individu, de le suspecter de négligence dans les soins de propreté. Cela est sou\-ent loin d'être exact. Il y a des femmes, en particulier, qui sans prendre de soins particuliers de propreté, n'exhalent aucune odeur désagréable. C'est à celles-là que faisait allusion Plante, lorsqu'il disait : « Tum millier bene olel, qnœ nihil olet » Ce qui a été répété beaucoup plus tard par Jacques Ollivier, sous la forme suivante : « C'est une grande perfection en une femme quand elle ne sent ni bon ni mauvais. »
Le Dr Roger Trémollières, qui a fait un séjour prolongé au Mexique, en basse Californie, sur le bord de la mer Vermeille, a pu faire sur les femmes de ce pays quelques constatations qui ne manquent pas d'intérêt. Tandis que les femmes de la tribu des Yaquis restent des sauvages, celles des Moyos, leurs très proches voisines, ont plus de dispositions à goûter les avantages de la civilisation. Or, tandis que les femmes Moyos, dont la peau est moins rouge, dont les traits sont plus agréables, dont les yeux souvent bleus ou gris verdâtres expriment plus de vivacité, se lavant très fréquemment dans les eaux du Rio-Yaqui exhalent une odeur génitale assez accusée, les femmes Yaquis, beaucoup plus primitives, qui ne se lavent que très rarement n'ont pas d'odeur caractérisée. ? arrive même que, aussi fruste que soit leur hygiène, certaines dégagent des senteurs naturelles agréables.
Les soins de propreté les plus minutieux n'arrivent pas à atténuer
certaines odeurs spécifiques. On peut même dire que l'odeur des parfums artificiels ne fait qu'en accentuer l'impression nauséabonde.
Il n'est donc pas douteux que certaines races ne soient affligées d'odeurs antipathiques. C'est assurément à des susceptibilités olfactives qu'il convient d'attribuer les antagonismes qui se manifestent si fréquemment entre les difféientes races.
Rien ne saurait prévaloir contre les aversions olfactives. On en trouve la preuve dans les écrits d'un grand nombre de littérateurs, qui n'ont pas craint de mettre l'éloquence que donne la poésie au service de leurs antipathies olfactives. Tels sont les vers dans lesquels Martial décrit l'odeur de la courtisane Thaïs, dont les charmes n'ont plus d'attraits pour lui.
Tarn mate Thaïs olet, quam non'fullonis atari
Testa vêtus, media sed modo (racla via Son ah amore recent hirens, non ora leonis :
Son detracta cani cutit trans tiherina ({).
Horace ne se montre pas plus tendre a l'égard d'une vieille coquette trop empressée à lui plaire :
Quid tibi vis, millier nigrts dignissima barris
Munera cur mihi, quidve tabellas Mittis, me firme juveni neque naris obeset
Samque sagacius unus odoror. Polypus, an gravis hirsutis cubet innlis
Quam cnnis acer. ubi lateat tus Qui sudor ticlis et quam malts undiqae memhris Crescit odor (2)...............................
Ce dégoût instinctif a l'égard de certaines odeurs corporelles ne se manifeste pas seulement chez l'homme, il existe au plus haut degré chez les animaux. Il en résulte une aversion qui éloigne les races difféientes de tout rapprochement sexuel. C'est ce que peuvent observer journellement ceux qui se livrent à l'industrie mulassière. Ils savent que les fines les plus ardents ne sont pas toujours disposés à se mésallier avec une jument. On est alors, dans ce cas, dans l'obligation de recourir k des boute-en-train. Pour cela on amène devant l'âne une finesse en chaleur, que l'on place à côté de la jument, quand l'étalon est excité on retire sa ' femelle et ou lui substitue la jument. On arrive ainsi, par ces artifices a obtenir des accouplements qui ne se réaliseraient pas spontanément dans la nature.
Dans l'espèce humaine on observe également des rapprochements con-' juganx entre des individus qui n'ont entre eux aucune espèce d'affinité
(1) Thaïs seul si mauvais que le viens pot d'un foulon avare, lorsqu'il vient de briser ce vase au milieu de la rue, elle pue comme le bouc après ses amours ; elle infecte comme la gueule du lion : comme un chien crevé* dans le qnarrler de Transtévere.
iù\ Que demandes-tu. ? femme digne d'etre accouplée avec les plus noirs éléphants? Pourquoi m'envoyer des présents, pourqnoi m'adresser des déclarations à moi qui ne suis pas un jeune homme vigoureux et dont l'odorat n'est pas éteint. Â moi qui ai le nez aussi fin pour sentir le polype, ou l'odeur de boue Infecte qui est recelée sous tes aisselles veines, que le chien l'a pour découvrir la retraite du sanglier. Quelle snenr et quelle mauvaise odeur s'exhale de tous tes membres.
naturelle. Mais il est rare que ces unions basées sur des liens superficiels donnent lieu à des résultats satisfaisants.
Dans le cours de ma carrière, il m'a été donné de constater fréquemment que ces mariages, qu'ils fussent le résultat de combinaisons intéressées, ou qu'ils fussent simplement dus à des erreurs de jugement, n'aboutissaient jamais à la constitution d'une famille solidement établie. J'ai entendu souvent des maris se plaindre de n'éprouver aucune attraction a l'égard de leurs femmes. La cause en était due, disaient-ils, à ce qu'elles dégageaient une odeur à laquelle ils n'avaient jamais pu s'habituer.
Parmi les exemples qne je puis en donner, je citerai celui d'un jeune homme, au mariage duquel j'avais été convié. La cérémonie avait été accomplie avec un grand éclat et de nombreux souhaits de bonheur avaient été formulés. Cependant, au milieu de la nuit, le marié quitte son épouse, disant : « Je ne puis rester davantage auprès d'elle, l'odeur de son corps me répugne absolument. « Malgré les objurgations des siens, rien ne put triompher de sa répugnance olfactive. Un divorce en résulta. L'attitude du jeune homme ayant été sévèrement appréciée. U en résulta des dissentiments qui ont divisé, d'une façon irrémédiable, une famille jusqu'alors étroitement unie.
Dans un autre cas il s'agissait d'un homme du monde, qui pour redorer son blason, avait épousé la fille d'un riche banquier israëiite. Le ménage ne tarda pas à devenir un véritable enfer. La raison principale en était due à ce que si le gentilhomme, s'inspirant de Vespasien, avait trouvé que l'argent n'avait pas d'odeur, il n'en était pas de même de son épouse.
Je pourrais allonger de beaucoup l'histoire de ces malentendus conjugaux d'origine odoratrice. Les exemples en abondent; chacun, avec le moindre esprit d'observation, pourrait en découvrir dans son entourage.
Comme, à n'en pas douter, les odeurs qui vous sont sympathiques sont celles dont les caractères spécifiques sont analogues aux vôtres, ces conditions ne se trouveront absolument réalisées que par l'union d'individus de même provenance et de même race.
L'odorat constitue le facteur le plus important au point de vue de la conservation de l'espèce, puisqu'il joue un rôle prépondérant dans l'excitation sexuelle de l'homme. Il n'a pas une valeur sociale moindre au point de vue de la conservation de la race, la constitution d'une famille définitive et la solidarité du milieu familial, étant sous la dépendance, indéniable de l'affinité et de la sympathie olfactives. {A suivre).
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 16 mars 1909. — Présidence de M. le D' Jules Voiaix.
La séance est ouverte A 4- h. 45.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire Général donne lecture de la correspondance qui com-
prend des lettres de MM. les D™ Pron (d'Alger) et Witty (de Trèves-sur-Mosellc).
Les communications inscrites à l'ordre du .jour sont faites ainsi qu'il
1. Dr Pron d'Alger). — L'excitation génitale chez les hyperchlorhy-driques. — Discussion : D1"" Bèrillon, Paul Maguin et Paul Farez.
2. M. Moret. — Introduction à la psychologie du cheval.—Discussion: D™ Bèrillon et Paul Farez.
3. M. Scie-to>--fa. — L'homosexualité en Chine.
4. D'Barthe deSandfort. — L'homosexualité en Extrême-Orient.— Discussion : Dre Bèrillon et M. Scié-Ton-Fa.
5. M. Lépixay. — La durée de l'incubation dans la réalisation des suggestions hypnotiques.
6. M. Lépixay. — Quelques phénomènes de l'olfaction chez les animaux.
7. Dr Witry (de Trèves-sur-Moselle). — TJn grand suggestionneur allemand.
8. M. Baguer. — L'état actuel de l'instruction publique pour les anormaux d'école. — Discussion : Dra Bèrillon, Jules Voisin. Jacques Berul-lon et M. Dauriac.
M. le Président met aux voix les candidatures de M. le Dr C. Yrïgoyen (de St-Sébastien) et de M. Féridoun-bey (de Constantinople) qui sont élus à l'unanimité, membres de la Société.
La séance est levée à ß h. 50.
Un cas de sommeil hystérique avec personnalité sub consciente
par il. le D' Paul Farez, Professeur a l'Ecole de Psychologie
Je désire vous exposer, brièvement, un cas de sommeil pathologique observé par le Docteur Antonio Gota (de Sarragosse) (1) et y ajouter quelques commentaires personnels.
Il s'agit d'une hystérique, nommée Zénona, née en 1882.
En octobre 1904, c'est à dire à l'âge de 22 ans, elle fait une fièvre typhoïde grave, hypertoxique, au cours de laquelle elle délire presque constamment.
Pendant sa convalescence, le 16 décembre 1904, comme elle sort de sa chambre, tout à coup, sans cause apparente, elle éprouve une grande frayeur qui la fait précipitamment retourner sur ses pas. Une fois rentrée dans sa chambre, elle est délivrée de cette représentation terrifiante.
Depuis lors, toutes les fois qu'elle veut sortir de sa chambre, elle est brutalement envahie par la même frayeur qui l'impressionne beaucoup. Une fois même, cette frayeur provoque une véritable attaque d'hystérie, que son médecin fait cesser par suggestion.
(1) Cf. In relation qu'en a publiée le Dr Gota dans la Cllnica moderna, 1" et 15 août 1909.
À partir du 16 décembre 1904, c'est a dire a partir de cette première frayeur, elle présente diverses modifications pathologiques.
Elle cesse d'être affectueuse pour les siens. Tantôt, nonchalante, inertei apathique, indifférente, elle refuse d'aider sa mère ou ses sœurs ; tantôt, an contraire, elle se dépense sans accuser aucune fatigue et présente une agitation motrice extreme. Elle perd l'appétit et, petit à petit, se met à refuser de se nourrir ; elle maigrit considérablement. Parfois, elle se plaint d'éprouver dans les jambes une asthénie musculaire qui la rend incapable de marcher ; alors, elle reste couchée sur une chaise longue.
De temps en temps, lorsque sa frayeur la reprend, elle pousse un cri désespéré et s'endort profondément, à n'importe quel moment, pendant un temps qui varie de quelques heures à trois et même quatre jours , c'est en vain qu'alors ea mère s'efforce de la réveiller.
Bientôt, elle émet, par moments, un bruit spécial de glou-glou, qui semble provenir du flanc gauche, qui s'entend de loin, qui présente son maximum d'intensité quand la malade est assise ou debout, qui éveille la curiosité de ceux qui l'entendent et dont Zéuona est toute honteuse
On rapporte ce bruit de glouglou à une gastro-ectasio ; mais les divers efforts thérapeutiques que l'on tente ne parviennent pas à le modifier.
Un spécialiste propose la gastroentérostomie.
Vous le voyez, cela se passe en Espagne, comme en France et ailleurs En effet, depuis les récentes audaces de la chirurgie stomacale, on ne compte plus les gastroenterostomies indûment pratiquées chez des névropathes, pour des troubles gastriques très anodins et pleinement justiciables de la psychothérapie.
L'opération proposée est, en principe, acceptée par la famille, malgré l'opposition d'un médecin très réputé. Toutefois, après plusieurs jours de réflexion, sous la pression d*un vieux médecin ami de la famille, on renonce à l'opération^
Deux autres spécialistes sont consultés a Madrid. Ils diagnostiquent une dilatation gastrique avec spasmes rythmiques du diaphragme. Mais le traitement médicamenteux qu'ils prescrivent ne donne aucun résultat.
Un autre médecin, très avisé, propose le traitement suggestif, annonçant toutefois que ce sera long.
Dans l'espoir d'obtenir des effets plus rapides, la mère de Z'enona la conduit dans une maison de santé, aux environs de Barcelone.
La malade est isolée, avec repos absolu au lit et suralimentation forcée sous menace de la sonde. Bien que n'ayant aucun appétit, elle consent à manger par peur de la sonde, et prend un peu de poi^s. Mais, au bout de 2 mois et demi, comme les résultats ne sont pas satisfaisants, elle écrit à sa mère qu'elle va de mal en pis et on la retire.
On la confie alors au Dr Antonio Gota dans les premiers jours de mars 1905.
Elle présente un aspect étrange ; elle est très pale ; ses yeux sont démesurément ouverts et les pupilles immobiles ; concentrée sur elle même, elle a un air impassible : elle est comme figée.
Son ventre est énorme et ressemble à celui d'une femme enceinte. Au palper, il donne l'impression d'une masse graisseuse ; on croirait que tous les muscles abdominaux ont disparu. A la vérité, tous ces muscles sont à l'état de flaccidité complète et la malade ne peut les contracter.
Son estomac est très dilaté ; le bord inférieur descend jusqu'à huit centimètres et demi au dessous de l'ombilic.
Chaque mouvement respiratoire est accompagné de contraction rythmique du diaphragme, laquelle refonle l'intestin, augmente le volume de l'abdomen et donne lieu au bruit de glou-glou dont il a été parlé plus hautbruit comparable à celui d'un liquide tombant dans un récipient vide-La peau est sèche, cireuse et présente plusieurs plaques d'insensibilité. Un psoriasis, très prononcé, a envahi tout le cuir chevelu et résisté k tout traitement.
Z'énona ne mange, pour ainsi dire, pas, car elle est anorexique. Son amaigrissement est très prononcé. Elle pesait 66 kilogrammes avant sa fièvre typhoïde ; son poids actuel n'est que de 3? kilogr.
L'asthénie musculaire est extrême ; le moindre mouvement provoque une grande fatigue. La malade reste presque continuellement couchée dans son lit ou étendue sur une chaise longue.
Les battements cardiaques sont douloureux, violents et fréquents (cent vingt à la minute).
La constipation est opiniâtre. Les sécrétions sont rares (urine et salive) ou absentes (larmes et sueur). Les époques ne durent qu'un jour et sont constituées par un léger suintement muqueux, à peine rosé.
Le sommeil est agité et peuplé de cauchemars : à, vrai dire, il ne se différencie guère de la veille que par l'occlusion des paupières. D'ailleurs, quand elle ne dort pas, il suffit de lui fermer les yeux pour supprimer en elle toute perception.
Si l'on veut la faire lire, elle n'y parvient pas, car elle confond les caractères de l'écriture et ne distingue que de petits espaces, les uns blancs, les autres noirs.
Autrefois coquette, soignée, spirituelle, aimable, elle est maintenant insociable, revêche, négligée et toujours de mauvaise humeur.
Son bruit gastrique, — qui est devenu permanent, — l'exaspère ; de tous scs troubles, c'est à lui qu'elle attache la plus grande importance ; elle croit qu'il est la seule cause de sa maladie ; et, comme il ne disparaît pas, elle perd tout espoir de guérison.
Le Dr Gota veut combattre ce'bruit gastrique par la suggestion ; mais il ne parvient pas à hypnotiser la malade qui, très méfiante, résiste.
Alors, il recourt à la suggestion éthyl-méthylique et il en retire les mêmes bons effets que j'en ai retirés moi-même et qu'en ont retirés après moi les différents confrères qui l'ont employée, principalement Bernard (de Cannes). Etienne Jourdan fde Marseille), Feuillade (de Lyon). AViazemsky (de Saratov, Bussie) et de Geijerstam (de Gothem-bourg, Suède) (1).
(1) Poor la documentation de cette qnestion. voir :
Très rapidement, sous l'influence de la suggestion éthyl-méthylique, le bruit gastrique disparait, ainsi que la contraction spasmodique du diaphragme. En même temps le type respiratoire se modifie : de diaphragma-tique qu'elle était, la respiration devient costale supérieure ; le tiers supérieur de la poitrine, précédemment immobilisé, fonctionne régulièrement (1).
Ces bons résultats sont maintenus par la mécanothérapio qui agit à titre de suggestion motrice. Grâce à cette rééducation motrice, la respiration est redevenue normale en août 1905.
Parallèlement, une amélioration considérable est survenue dans l'état de Zénona : les zones d'anesthésie ont diminué de nombre et d'étendue ; l'asthénie musculaire est moins prononcée ; l'alimentation reparaît ; le psoriasis diminue ; les cauchemars deviennent plus rares puis disparaissent.
On se rappelle qu'au début le Dr Gota n'avait pu hypnotiser Zenoua. Or ainsi que je l'ai montré et que l'ont confirmé, par la suite, les divers observateurs, la suggestion éthyl-méthylique rend l'hypnotisation particulièrement facile et rapide. En effet, bientôt, par simple fixation du regard, aidée de quelques paroles suggestives, le Dr Gota plonge presque instantanément Zénona dans un sommeil profond : et, dès lore, par la suggestion hypnotique, il accentue l'amélioration signalée ci-dessus, de telle sorte que la malade passe de 35 à ±6 kilogrammes.
Or, en février 1906, au moment où le Dr Gota la réveille de son sommeil hypnotique, elle pousse un cri. Son aspect général change aussitôt :
1. Paul Fares. — Somnoforme et suggestion, Bévue de l'Hypnotisme, février 1908, p. 254. — La psychologie du somnofortnisé. Rev. de l'Hypn. juillet et août 1903. p. 19 et 37. — Suggestion during narcosis produced by some haloyenous derivatives of ethane and methane (ethyl-methylic suggestion), The Journal of mental pathology, ÏTew-Yorli, vol. V, u° 2-8, p. 61. — ÏJ* suggestion pendant la narcose produite par quelques dérivés halogènes de l'êthane et du méthane {suggestion éthyl-méthylique), 13° congrès des allénistes et neurologlstes, Bruxelles, août 1903 et Rev. de l'Hypn. sept. 1908, p. 67. — Impotenlia coeundi d'origine mentale, guérie par la suggestion éthyl-méthylique, Rer. de l'Hypn. mors 1904. — L'analgésie obstétricale et la narcose éthyl-méthylique, Hev. de l'Hypn. Juin 1904, p. 3T9. — .Xoueeltcs applications de l* narcose éthyl-méthylique, Rev. de l'Hypn. mal 1905, p. 341.
2. WiAtrattR (de Saratow, Russie). — Vomissement* incoercibles de li grossesse guéris par la suggestion pendant la narcose éthyl-méthylique, Rev. de l'Hypn. avril 1905 ; Cf. mai 1905, p. 317.
5. Bkxviri) (de Cannes^. — Bev. de l'Hypn. mai 1905, p. 344.
4. Etienne Jochimï (de Marseille). — L'n cas de sommeil hystérique avec personnalité subconsciente, Bev. de l'Hypn. Juin 1905, p. 367 : Cf. mal 1905, p. 346. d. Feoilladk (de Lyon). —Bev. de l'Hypn. mai 1905, p. 346.
6. Antonio Gota. — Cas» de un sueno histerico con personalidad suhconaciente. l* Cltnlca moderna. Zaragoza 1,15 de Agosto de 1908, p. 453 et 479.
7. Dk GxukMtaM (de Got hem bourg, Suède). — La technique de l'hypnotliérapie, Bev. de l'Hypn. Janv. 1999, p. 204.
(ï) Le D; Etienne Jonrdan, de Marseille, a. précisément, traité par le même procédé nn bruit gastrique analogue, avec contractions spasmodiqnes dn diaphragme et respiration costo-dlaphraginatiqne. /fee. de l'Hypn. jnin 1905, p. 367.
elle a les yeux brillants, le visage animé, la mine souriante : elle éprouve la sensation de vivre.
Elle s'étonne de se voir dans une chambre qu'elle ne connait pas ; elle ne comprend pas comment elle s'y trouve.
« Je suis convalescente de fièvre typhoïde, dit-elle : il y a peu de jours que je me lève : je ne sors pas de ma chambre : on a du m'amener ici pendant que je dormais. »
Elle reconnaît sa mère, mais non le Dp Gota, qui la soigne cependant depuis de longs mois. Elle croit qu'on est au 17 décembre 1904 et qu'elle s'est endormie la veille, à la suite de la frayeur qu'elle se rappelle très bien. Alors qu'elle a maintenant 25 ans, elle croit n'en avoir que 22. Depuis le 16 décembre 1904. elle ne se rappelle rien. Pour elle la vie paraît comme suspendue de décembre 1904 à février 1906. Mais elle se souvient des incidents de sa vie passée : elle reconnaît les gens et les choses qui lui sont habituels. (A suivre).
Quelques phénomènes de l'olfaction chez les animaux
uar M. L, Lriusaï, médecin vétérinaire, professeur k l'Ecole de Psychologie.
Les circonstances ne m'ont pas permis d'être présent lorsque notre secrétaire général, le docteur Bèrillon, nous a exposé sa fascination olfactive chez les animaux. Sans cela je vous aurais évité ces quelques lignes, puisque, à proprement parler, elles constituent plutôt une discussion qu'une communication.
Lorsque je professai le dressage a l'Ecole de psychologie, je m'occupai tout spécialement de ce qui avait été écrit sur l'éducabilité de l'animal si intéressant qu'est l'éléphant : l'affirmation de Victor Meunier, me laissa sceptique : la puissance olfactive de l'éléphant est indiscutablement considérable et fine ; il sent de très loin les personnes qu'il affectionne, son odorat décèle rapidement les choses dont il est friand, il distingue de la même façon les matières étrangères incorporées dans les meilleurs morceaux de su table : maïs de là à se laisser capturer subitement rar une main imprégnée de sueur, il y a une distance.
Bien qu'on ne puisse pas comparer d'une façon précise ce qui se passe chez de jeunes éléphants sauvages et ce qui se passe chez les vieux éléphants de nos ménageries j'ai observé les éléphants au Jardin des Plantes, et j'ai pu juger des qualités de leur olfaction, je les ai vus avaler rapidement les morceaux de leur goût, j'ai vu l'empressement avec lequel ils soufflaient sur ce qui ne leur convenait pas. j'ai vu le pauvre Saïd. mort récemment, sentir quelques parcelles de médicaments dans un énorme tas d'aliments préférés, j'ai essayé aussi, sans aucun" succès, de calmer des appréhensions avec les caresses d'une main imprégnée de ueur.
Il faut se méfier de ce qui a été écrit sur les éléphants, beaucoup d'auteurs ont rapporté des récits fantaisistes, de voyageurs n'ayant rien observé ni même vu. bavardages de chasseurs.
L'éléphant me parait trop intelligent, trop méfiant pour se laisser ainsi capturer.
Admettre que son cornac l'attire, quand déjà il en connaît l'odeur siiï generis nul doute, mais pas comme cela tout d'un coup, sans réflexion de sa part. Quant à la fascination du mâle pendant la période du rut, elle existe ; le chien notamment en donne un exemple frappant, mais il ne faut pas oublier que cet animal est excité par toutes les sécrétions des organes génitaux de femelle, voire même les plus pathologiques.
Pour les chiens de chasse, il y a lieu je crois de ne pas poser en principe qu'ils chassent surtout, influencés par l'odeur du gibier. Si certains chiens chassent pour eux, pour le plaisir d'attraper une proie que leur gourmandise convoite, beaucoup chassent par amusement, comme le chasseur d'ailleurs qui n'est pas frappé par l'odeur du gibier, dont il refuse souvent de manger, beaucoup chassent, dis-je, parce qu'ils y sont poussés par les excitations du maître, véritables suggestions.
Quoiqu'il en soit.il était intéressant de connaître l'influence des odeurs «hez les animaux, c'est ce que notre maître, le Dr Bérillon, nous a invité à faire. Ces expériences sont commencées, mais elles ne vont pas sans difficultés. Ou ces odeurs sont fortes, pénétrantes, et les animaux, dont là muqueuse nasale est toujours sensible, éternuent et fuient, non pas peut-être parce qu'ils abhorrent l'odeur, mais parce que l'éternuement les gène, ou l'odeur est peu pénétrante, et les manifestations sont à peu près nulles.
Un de nos singes notamment paraît aimer et rechercher l'odeur de l'éther. puis il éternue et, géné. il repousse le flacon.
D faut surtout, et ce que nous allons nous appliquer à faire, laisser évoluer les animaux au milieu des choses odorantes, voir celles qu'ils raieront, puis tâcher de faire des déductions.
Nous verrons notamment pourquoi les chats recherchent passionnément la valériane, les explications qui ont été données nous semblent insuffisantes ou résultant d'observations peu sérieuses.
Discussion :
Dr Bêrillox.— Dans le travail ou je mentionnai le procédé dont Dele-, george s'était servi pour capturer les jeunes éléphants et faire tomber leur colère, il n'était question que d'éléphanteaux" d'une hauteur d'un mètre, vivant jusqu'alors en liberté. ? n'y a aucune Comparaison a établir entre ces jeunes animaux et de vieux éléphants depuis longtemps capturés ou nés en esclavage. Un procédé qui influencera un enfant de trois ans peut n'avoir aucune action sur un adulte. ? ne faut pas répété en bloc les observations des voyageurs. Celles des expérimentateurs en chambre ne sont souvent ni plus probantes, ni plus intéressantes.
La durée de l'incubation dans la réalisation des suggestions hypnotiques
par M. IiÈriSAV, médecin-vétérinaire, professeur a l'Ecole de psychologie.
Dans une précédente séance, quelques-uns de nos collègues ont appelé notre attention sur un phénomène assez fréquent, qui est le suivant :
« La suggestion hypnotique paraît dans un grand nombre de cas ne donner son plein effet qu'après un certain temps, une veritable période d'incubation ».
Ces observateurs ont même ajouté que des médecins en profitaient pour battre en brèche la méthode, et pour nier ses bons résultats.
Je crois qu'il y a là un phénomène peu nouveau et que les détracteurs de la suggestion hypnotique ont bien tort de vouloir le ranger dans leur arsenal.
Que fait-on, en effet, lorsque l'on endort le malade, puisque l'on implante dans son cerveau des suggestions ?
On agit sur le sujet dans l'intention de lui faire perdre des habitudes pernicieuses, de faire disparaître des idées illogiques, des anxiétés, des croyances, autant d'affections morbides engendrant des intoxications, à moins qne des intoxications n'aient été la cause primordiale de cette morbidité des centres nerveux.
Dans l'un comme dans l'autre cas,il va état pathologique des cellules, des neurones.
Votre intervention aidera à supprimer la cause de tous ces désordres, remettra les choses en état et les neurones en action ; vos suggestions seront la main qui remet la courroie sur le volant ; mais il faut à celui-ci un certain temps pour secouer, dérouiller les organes qu'il met en mouvement.
De même pour les cellules nerveuses qui, deshabituées de l'activité, ne peuvent et ne doivent reprendre leur fonctionnement normal qu'après un certain temps.
Vos suggestions ont en réalité guéri, mais il faut à l'organe atteint le réentraînement pour que la guérison puisse être appréciée extérieurement : elle n'en était pas moins acquise.
Cette explication m'a semblé logique et scientifique, jusqu'à preuve du contraire ou plus exactement jusqu'à l'explication contraire que voudront bien nous fournir ceux qui nient l'hypnotisme et ses effets, j'allais écrire ceux qui n'ont pas su ou n'ont pas voulu comprendre l'action véritablement physique et mécanique de cette méthode.
L'homosexualité en Chine
par M. Scié-Tos-Fa. professeur k l'Ecole de psychologie.
L'homosexualité n'est pas aussi répandue en Chine qu'on veut bien le dire, et malgré la légende qui court sur les Chinois.
C'est surtout dans le Xord, dans l'extrême Xord qu'on la rencontre le plus. C'est une constatation assez curieuse. Je crois qu'il en est de même ponr l'Occident.
Cette pédérastrie me semble une importation tartare-mongole. Je ne rentrerai pas dans ces détails, pourtant si intéressants ; je ne vous parlerai que des » Siang-Kong. C'est le nom que l'on donne dans le Nord à ces « demoiselles » de haut luxe. On les fabrique de toute pièce, car le Chinois, du moins le pédéraste, vent encore conserver l'illusion d'être un hétérosexuel. Pris assez jeunes, en général choisis parmi les plus jolis garçonnets, ils subissent diverses préparations des plus caractéristiques. D'abord leur éducation intellectuelle est très soignée. « Elles » sont pour la plupart musiciennes, peintres, chanteuses, quelquefois poètes ! ? en est même qui par leur « éducation » ét leur « savoir-vivre » tiennent le haut pavé et supplantent même leur « sœur » femme.
Vers l'âge de 15 ou 16 ans, « Elles » sont * lancées » : leur éducation est complète, tant au point de vue intellectuel que sexuel ; quelques-«Unes» restent dans l'ornière, d'autres au contraire arrivent à de hautes destinées, et plus d'un snob s'est ruiné pour • Elles ». Elles fréquentent les théâtres, y ont leur loge, les lieux d'amusements et de jeux. « Elles » ont leurs domestiques, leur chaise-à-porteur privée, leur appartement et savent parfaitement faire soupirer les cœurs et vider les porte-monnaies. Très instruites, très câlines et très expertes,!'étranger qui ne serait pas au courant ou prévenu les prendrait certainement pour d'élégantes demi-mondaines ; je crois même qu'il y a des erreurs dans ce sens.
Leur éducation sexuelle est très typique. Dès le début, par des massages savants on développe les parties charnues du corps. Ils sont soigneusement épilés : ils doivent en un mot ressembler le plus possible à une femme, dont ils feront fonction plus tard, ou du moins en donner l'illusion. Le sphincteranal lui-même subit certains massages, d'abord à l'aide des mains, puis ensuite avec des instruments de bois très lisses dont le calibre va en augmentant.
Le pédéraste chinois a poussé très loin son raffinement : il ne faut pas d'érection de la part du « Siang-Kong », l'illusion serait perdue. Aussi, dès le début de « l'apprentissage » et de ces massages très spéciaux, on lui bande la verge le long de la cuisse afin d'éviter l'érection. Au bout d'un certain temps, plus eu moins long, et pas avec tous les sujets, on peut arriver à ce résultat. En tout cas. les parties sexuelles du pédéraste passif sont toujours cachées : il ne faut pas une minute que le client perde son illusion. Tout ceci appartient, bien entendu, à la haute classe. A côté de cela, il y a des bouges infects où la brutalité dans toute son horreur ne réclame pas ces raffinements.
Chose assez curieuse, il est très rare que le Chinois se livre à la sodomie avec une véritable femme ; d'où cela provient-il ?
Mais,je le répète,cette homosexualité est très peu répandue. On a beaucoup reproché aux Chinois leur propension à cette anomalie, surtout au Transvaal. Les Anglais ont oublié de dire qu'ils avaient parqué dans des camps plus de 80.000 hommes, sans aucune femme, avec interdiction absolue de sortir du camp, gardé du reste par des sentinelles armées.
PÉDAGOGIE DES ENFANTS NORMAUX
L'éducation attrayante
par Mlle Lucie Bérili.os. f
professeur agrégée des Lettres «u Lycée Molière-
{Suite)
L'éducation attayante n'est pas aisée : la mission idéale qui consiste à élever les enfants et à en faire des hommes sans contraindre leur nature et à leur faire aimer ce qu'ils doivent apprendre, requiert chez le maître de nombreuses qualités.
' D'abord la sympathie : pour créer ce courant d'attraction qui met en communication intime maître et élève, il faut que l'éducateur ait la vocation, le don, c'est-à-dire qu'il se donne entièrement aux enfants et qu'il les aime.
? aura aussi le tact, c'est-à-dire l'art de diriger les élèves et de les reprendre sans les blesser.
La douceur ot la patience, sans exiger peut-être qu'elle aille au point où elle atteignait chez cet éducateur de qui Emerson disait : « La patience savait voir dans les bourgeons de l'aloès de fleur qui s'épanouirait cent ans plus tard. »
? va sans dire qu'un savoir étendu et renouvelé est nécessaire au maître qui veut apporter de la vérité dans son enseignement. Il y arrivera par l'étude, la lecture, la réflexion, et par ie contact avec la vie.
Enfin la gaité et la bonne humeur qui sont des facteurs essentiels de la sociabilité et jouent un role important dans le formation du caractère, sont de puissants auxiliaire clans l'œuvre de l'éducation.
Si le maître éprouve du plaisir à communiquer ce qu'il sait en l'adaptant, il y a bien des chances pour que son enseignement soit attrayant et qu'il obtienne la collaboration active de mes élèves.
L'éducation ne devient attrayante que par cette collaboration. Bien que la personnalité du maître joue le rôle principal, le professeur et l'élève s'instruisent réciproquement. « Enseigner, c'est apprendre deux fois. » De plus, le maître acquiert la méthode en observant l'enfant, en étudiant sa psychologie. Il apprent la manière de dire les choses pour être compris, s'adapte à la mentalité des élèves, et se convainc que l'enfant n'est pas fait pour l'enseignement, mais l'enseignement pour l'enfant. On ne se figure guère combien une pareille tâche exige d'effort, d'ingéniosité, de souplesse d'esprit, presque de divination psychologique et de dévouement. Si la tâche de l'élève est allégée, celle du maître s'accroît d'autant, mais s'il arrive à créer cette communion d'idées avec ses élèves, son travail est à la fin merveillement facilité.
Ajoutons certains dons extérieurs qui ne sont pas à dédaigner : la voix, précieux instrument d'éducation et de discipline, encore trop
négligé (1) ; l'accent, le geste, l'allure, tout porte ; et c'est ce qui fait qné le phonographe le plus perfectionné ne remplacera jamais un professeur, même médiocre.
Les élèves sont divers : les uns vifs, spontanés, les autres lents, apathiques. A nn autre point de vue. les uns sont visuels, c'est le plus grand nombre, et notre éducation est encore trop auditive, les antres auditifs, d'autres moteurs ou graphiques. ? faut les étudier pour les diriger dans le sens qui leur convient, sans négliger les autres facultés ; mais la difficulté de les connaître est grande dans nos classes nombreuses.
La première préoccupation de l'éducateur devrait être la culture physique de l'enfant, encore trop négligée chez nous. Elle est mieux entendue en Angleterre. A l'école maternelle et enfantine, la plus grande place devrait appartenir aux jeux proprement dits.
Dans les classes suivantes, la gymnastique peut être enseignée aussi d'une manière attrayante. Voici comment nous avons vu procéder an lycée Molière avec des élèves de 9 à 1*2 ans. Pour leur faire exécuter des mouvements dout elles comprennent difficilement l'utilité, on suppose un voyage, par exemple aux environs de Paris ; on prend le train, les-élèves sont sur deux rangs et se tiennent par la main. Les premières représentent la locomotive, etc. Le train peut partir à des allures différentes : train éclair, course rapide — train rapide, course moyenne — train omnibus, pas cadencé. On rencontre un tunnel — les élèves joignent les mains comme pour la farandole. On descend du train, les élèves se séparent et marchent au pas ordinaire. Le professeur fait appel à leur imagination par le récit du voyage, pendant qu'elles exécutent les mouvements : on monte une cote ; marche avec élévation du genou ; on cueille des fleurs : flexion du tronc en avant ; on saute un ruisseau : saut en largeur ; on regarde un paysage : station droite sur la plante des pieds, etc.
Passons à la culture intellectuelle. Ici les procédés de l'éducation attrayante sont bien connus, mais la routine ou la tradition empêchent souvent de les appliquer, surtout dans nos pays latins.
Avant de les étudier, il importe de distinguer l'éducation attrayante de l'éducation purement amusante, que l'on confond souvent à tort avec elle, et qui cherche a divertir l'enfant avec des procédés accessoires, sans rapport avec la science.
Les procédés puérils et ridicules de l'éducation amusante sont à. rejeter, mais elle a pour excuse le désir louable de fixer la mémoire chez les enfants sans les fatiguer. Nous n'en citerons que quelques exemples. Que dire de l'ancien système qui consiste à mettre l'histoire et la géographie en vers de mirliton ou en à peu près, comme :
? guerre, hélas, que de tombes tu creuses .' (2)
(1) Le D* Paul Bonnier fait à la Sorbonne un cours pour la voix des éducateurs de tout ordre. Beaucoup d'enfants suivent mat les classes quand la diction du maître manque de netteté et d'expression.
(2) ? Guéret, las. que de tombes tu Creuse .'
Anatole France, dans Le livre de son ami. a finement raillé ce procédé pédagogique. Il rappelle qu'apprenant dans une petite école :
Des fureurs d'Attila Lutèce préservée il avait pris Lutèce pour une vieille dame !
On trouve aussi une « nouvelle arithmétique appliquée à la marine et au commerce » rimée par le poète, ou plutôt par le versificateur Cbavignaud :
Le multiplicateur d'un sent chiffre se pose
Sous le multiplicande » Il droite et pour couse, elc.
Au temps de Mme de Maintenon, on faisait apprendre par cœur les quatrains moraux de Pibrac.
U est inutile de multiplier les exemples. Si c'est à ces procédés que Mme de Staël pensait, elle avait raison de dire que * l'éducation faite en s'amusant disperse la pensée » et raison de la condamner.
On a imaginé aussi des jouets instructifs. En 1675. par exemple, le duc du Maine reçut un jouet représentant une chambre dorée, où l'on Toyait, figurés en cire, quelques uns des grands écrivains du temps. Boileau veillait à la porte, la fourche au poing, pour empêcher les mauvais écrivains d'entrer. Ce sont la jeux de prince.
Dans l'Aiglon, Rostand a montré le jeune prince reconstituant, à l'aide de soldats de bois, les fameuses batailles de Napoléon.
Aujourd'hui on multiplie, avec raison, les jouets ayant un caractère scientifique et les constructeurs y déploient beaucoup d'ingéniosité.
? faut s'efforcer de montrer la séduction que renferme la science même au lieu de voir l'attrait dans son divertissement accessoire.
Le principe général de l'éducation attrayante est l'observation et l'emploi du concret.
Sciences naturelles. Les sciences naturelles, qui reposent essentiellement sur l'observation directe sont aujourd'hui en honneur. M. Caustier, à rencontre de Mme de Staël voit dans les sciences naturelles l'introduction a l'éducation, mais sans émousser l'intérêt par des leçons de choses prématurées ou mal comprises. C'est par excellence renseignement par l'aspect. U établit la nécessité du contact direct avec les faits et dit : U faut montrer la chose avant le mot, le réel et le fait avant d'enseigner la règle. Ainsi on préparera l'enfant à la vie réelle (l).
? faut doue faire voir aux élèves les animaux, les plantes, les roches qu'on étudie, ou des images les représentant, au lieu d'en donner une description dans le vide. Nous ne sommes plus au temps où Buffon lui-même décrivait certains animaux sans les avoir vus.
Avec les sciences naturelles, la physique et la chimie sont un enseignement concret. Les expériences passionnent les enfants, même dans le premier cycle. Tous les garçons rêvent de l'automobilisme. ou s'ingénient à construire des aéroplanes, au moins en papier !
Les mathématiques ne sont plus considérées comme des sciences abstrai-
(1) Eugene Caustier : Conférence sur l'Enseignement des sciences naturelles.
tes : « C'est ou monde extérieur, dit M. Laisant, qu'il faut emprunter les premières notions mathématiques. On impose à l'enfant en arithmétique oomme en grammaire, un certain nombre de définitions abstraites et confuses qu'il ne peut comprendre. On lui impose une série de règles qu'il n'apprend qu'à force de mémoire, qui imposent la fatigue et ne produisent que le dégoût »
Au lieu de cela il faudrait faire entrer en premier lieu des images dans le cerveau de l'enfant, en mettant des objets à la portée de ses sens. I! faudrait que l'enseignement fût absolument concret et s'appliquât seulement à la contemplation et à la traduction d'objets extérieurs, et qu'il se présentât, pendant la période primaire surtout, sous forme de jeu. Dans G « Initiation mathématique », M. Laisant expose des procédés intéressants : usage de bâtonnets, d'objets divers.
(A suivre).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
La bibliothèque de critique religieuse
La librairie E. Noubry, 14, rue Notre-Dame de Lorette, commence la publication d'une Bibliothèque de Critique Religieuse, en volumee in-12, papier vergé, de 100 à 120 pages, à 1 fr. 25 le volume. Voici les six premiers volumes parus :
1. ?. Loriaux. — L'Autorité des Evangiles. Question fondamentale. in-12 de 154 p., 1 fr. 25.
2. P. Saixtyves. — Le Miracle et la Critique Historique, in-12 de 150 p.. 1 fr. 25.
3. A. Dupes. — Le Dogme de la Trinité dans les trois premiers siècles, in-12 de 88 p.
4. Dr E. Mïchaud. — Les Enseignements essentiels du Christ, in-12 de 120 p.. 1 fr. 25.
5. P. Saixtyves. — Le Miracle et la Critique Scientifique, in-12 de 100 p., 1 fr. 25.
6. J. de Boxxefoy. — Vers l'Unité de Croyance, in-12 de 128 p., 1 fr. 25-La plupr.rt de ces ouvrages traitent de critique historique d'ailleurs
avec beaucoup de talent et d'érudition. Un seul intéresse directement, notre revue, P. Saixtyves, Le Miracle et la Critique Scientifique. Ce petit volume écrit avec une clarté rare est un exposé des plus intéressants des droits de la science et de ses limites en face du merveilleux. Pour M. Saintyves. comme pour M. .1. Bois, il n'y a point de miracles an sens théologique du mot. il y a de faits merveilleux dont les lois sont plus ou moins bien définies ; mais rien de plus. Nous recommandons chaudement k nos lecteurs la lecture de ce petit volume.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie
La séance de rentrée de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 16 mai h 4 heures et demie, sons la présidence de 31. Jules Voisin, médecin de la Salpetrière.
Les séances de la Société ont lieu le troisième mardi de chaque mois. Elles sont publiques. Les médecins, les étudiants et les membres de l'enseignement sont invités ft y assister.
Adresser les titres des communications a M. le docteur Bérillon. secrétaire général, 4 rue de CasteUane et les cotisations il M. le docteur Paul Farez, trésorier, 154, boulevard Hanssmann.
Communications déjà portées à l'ordre du jour :
1° il. BoLXUiRn, médecin-dentiste : L'anesthésie hypnotique en art dentaire (présentation de malades).
2° Dr Bérillon : Les traitements psychologiques de l'incontinence d'urine. — La rééducation urînaire.
8° D'H6tel, do Poix-Terron : Le signe puplllalre : sa valeur psychologique.
4° M. Mo ret, médecin vétérinaire : La suggestion dans les méthodes de dressage du cheval.
Question k l'ordre du jour : Des stigmates de l'hystérie : L'hémi-anesthésie hystérique est-elle le résultat d'une suggestion ? Inscrits : Dr j. Voisin, P. Magmx.
La dose de sommeil nécessaire d'après Edison
Une des nombreuses questions sur lesquelles physiologistes ou médecins n'ont pas encore réussi a s'entendre est celle du sommeil. Non seulement on ne peut définir exactement le processus physiologique qui le détermine, mais on n'est même pas d'accord sur la part qn'il convient de lui faire dans notre existence. Suivant un vieux précepte de l'Ecole de Salerne, sept heures serait une moyenne qu'on doit rarement dépasser ; par contre, beaucoup de médecins de la nouvelle école recommandent la grasse matinée à conx on celles qui croient en avoir besoin. Do façon générale, on tend a considérer le sommeil comme nn réparateur de forces que certains tempéraments doivent prendre a forte dose.
Edison n'est pas do cet avis ; il se contente de trois heures de sommeil par vingt-qnatre heures, et Mme Edison ne s'accorde qu'une heure de pins. Le célèbre inven-tenr a voolo expérimenter son système en grand, et durant deux ans, cent de ses collaborateurs n'ont eu droit qu'a quatre heures de sommeil par jour, Bien n'était changé ? leur train do vie ordinaire, sauf qu'on leur servait nn quatrième repas vers minuit. Après quelque jonrs d'affaiblissement ces messieurs reprirent leur état normal et, bientôt, cette cure d'antlsonuneil leur parut un excellent régime.
Edison fait observer, avec raison, que ce système procure nn sommeil régulier, ininterrompu, ploe reposant qu'une nuit agitée. Mais la perfection de ce sommeil de laboratoire était favorisée par la régularité de la vie aux heures de veille : or, les exigences de nos affaires on de nos passions rendent précisément cette dernière condition fort difficile à réaliser.
Cours du iJ1 Bérillon à l'Ecole de psychologie
M. le D' BÉaiLLos.profeMeura l'Ecole de psychologie, médecin Inspecteur des Aille» d'aliénés, commencera un cours de psychologie médicale le jeudi 6 Ml, à cinq heures (Sali* des Conférences de l'Ecole de psychologie, 49, Bue Sainl-Andre-dct-Arts) et le continuera les jeudis suivent*, i cinq heures : Scjct dc Cours : Les enfants anormaux. — L'hypnotisme et l'orthopédie morale
l^WWTJ. BÉRILLON. Lb M! : Constant LAURENT. Privas
23« Année. — ?* ?.
Mai 1909.
Banquet en l'honneur du Dr Jules Voisin
Discours de M. le Dc A. Marie
médecin en chef de l'asile de ViUejnif. secrétaire général de la Société d'assistance familiale
Mesdames et messieurs,
Après les éloquentes paroles que vous venez d'entendre, je m'en voudrais de retenir longtemps votre attention. Je croirais cependant manquer a nn devoir, si j'omettais de rappeler ici a l'attention générale un côté de la personnalité si sympathique de notre maître et ami M. Jules Voisin, coté qne sa modestie a certainement laissé ignorer de beaucoup d'entre vous.
Je veux parler de sa personnalité philanthropique et de ce qu'il a fait pom* l'assistance familiale en général, et plus particulièrement pour le Patronage des aliénés convalescents. On a célébré l'homme de science, le psychologue, l'éducateur, le médecin légiste ; comme homme de cœur et philanthrope M. Jules Voisin n'est pas moins remarquable.
Depuis vingt ans que je fus à l'école de ponctualité et d'aménité que constitue le service de M. Voisin à la Salpétrière. j'ai continué k le suivre dans sa vie de dévouement où il dépense de la façon la plus généreuse, en même temps que la pins simple, son temps et ses conseils aux malades et aux familles, comme à ses élèves. Tous ceux qui l'approchèrent ont pu toujours compter sur son appui k l'égard de toutes les initiatives intéressantes et désintéressées. Que d'isolés, et de non officiels connurent l'audace d'être eux-mêmes, grâce à votre bienveillant encouragement, mon cher maître. Je me rappelle qu'il y a dix ans rentrant k Paris d'nne longue croisade en assistance c'est en vons que je trouvais le premier point d'appui pour créer une Société d'Assistance familiale. Depuis, elle a fait son ceuvre et donné naissance à des œuvres et à des congrès dont sont issus les Congrès internationaux d'Assistance aux aliénée. Vous en présidez le Comité permanent. A Anvers, Edimbourg, Liège. Milan et Vienne, vons avez infatigablement continué la campagne et chez nous de vos efforts est née une œuvre pratique de réadaptation sociale des aliénés sortis de nos asiles. Grâce a votre activité, des personnalités bienfaisantes se sont groupées, et un nouveau refuge s'est ouvert pour les indigents sans foyer libérés des asiles d'aliénés. Votre.consultation externe de la Salpétrière s'est peuplée d'une clientèle nouvelle pas toujours commode, mais pour le bien de laquelle votre optimiste bonté n'a qne plus de mérite de se manifester. Lorsqu'il y a
quelques mois, je faillis être tué par un de ces malheureux malades, affolé par la misère, vous fûtes des premiers à venir m'apporter le réconfort de votre présence et vous étiez préoccupé surtout d'éviter désormais le retour de pareil avatar par une organisatiou prophyllac-tique des secours.
Pour vous, comme vous l'avez éloquemment écrit dans notre préface au livre de madame la princesse Luhomirska. la réadaptation sociale des aliénés guéris et leur patronage de convalescence hors l'asile sont la meilleure prophyllaxie contre leurs réactions dangereuses par rechûtee précoces.
Tous le voyez, mesdames et messieurs, comme secrétaire de la Société de patronage des aliénés convalescents, je devais signaler ce nouveau coté de la personnalité de notre maître, côté qui cadre bien avec ce que vous connaissez de sa bonhomie simple et généreuse, et de sa bouté inlassable, dont la vaillance n'égale que la modestie. {Applaudissements prolongés).
Discours du Dr Bérillon,
Secrétaire général de la Société d'hypnologie et àe psychologie, professeur *. l'Ecole de psychologie.
Messieurs, mes chers collègues,
C'est au nom de la Société d'hypnologie et de psychologie que je viens rendre hommage à la bienveillance, au dévouement et à l'autorité scientifique de son président perpétuel.
Lorsqu'en 1889. à la fin du premier congrès de l'hypnotisme expérimental et thérapeutique, un grand nombre de médecins français et étrangers eurent l'idée de se grouper pour fonder une société destinée à centraliser les études sur la psychothérapie et l'hypnotisme, ils comprirent que le succès de leur œuvre ne pourrait résulter que d'une parfaite entente et d'une entière communauté de vues.
Pour arriver à ce résultat, c'est-à-dire pour éviter les contradictions doctrinales et les divisions auxquelles sont exposées les sociétés scientifiques à chaque renouvellement de bureau, ils décidèrent de mettre à leur tête un président perpétuel. Eu cela ils se montrèrent fort bien inspirés, car Dumontpallier, nommé président à vie. consacra les dernières années de son existence à assurer la prospérité de notre société. En sept ans, il ne lui arriva qu'une seule fois de ne pas occuper le fauteuil de la présidence.
Quand la mort le ravit ù notre affection, à la douleur que nous causait sa disparition, vint se joindre la crainte que le vide laissé par lui ne fut jamais comblé. Heureusement Dumontpallier avait tout prévu. Par un véritable testament scientifique, il nous désigna celui qu'il jugeait le pins digne de lui succéder. Notre approbation unanime ratifia son désuet son ami Jules Voisin le remplaça à la présidence perpétuelle de la Société.
Le successeur de Dumontpallier a été digne de lui. Notre société n'a eessé de prospérer sous la présidence du plus vénéré des maîtres.
M. Jules Voisin nous donne l'exemple d'un chef dont tous les actes sont inspirés par la plus large des tolérances, par la bienveillance la plus éclairée. Sa présence à notre tête est un sur garant que nous ne ferons jamais la moindre concession aux idées qui ne seraient pas conformes à l'esprit le plus rigoureusement scientifique.
Je ne veux pas manquer de rappeler que M. Voisin apporte dans ses fonctions de président la même exactitude, le même souci du devoir, dont il fait preuve dans ses fonctions de médecin en chef de dépôt et de médecin aliéniste des hôpitaux.
En douze ans. il ne lui est arrivé qu'une seule fois de ne pas occuper le fauteuil de la présidence. Ce jour là. il avait été appelé au Mans, auprès d'un membre de sa famille gravement malade.
Vous me permettrez également de saisir l'occasion de remercier M. le professeur Raymond des nombreux témoignages de bienveillance qu'il n'a cessé de donner à notre Société. Nous n'oublierons jamais qu'en acceptant la présidence d'honneur du deuxième Congrès de l'hypnotisme en 1900, en en présidant effectivement la séance d'ouverture, sa haute autorité scientifique a donné à nos travaux l'impulsion qui en a assuré le succès.
Au nom de tous les membres de la Société d'hypnologie et de psychologie, j'adresse à M. Jules Voisin les sentiments d'affection que nous .éprouvons pour lui.
Nous joignons à ces sentiments ceux de notre respectueuse reconnaissance, à Madame Voisin, la dévouée compagne de son existence, pour l'honneur qu'elle nous a fait en assistant à cette fête de l'amitié. Mon cher maître,
Pour perpétuer le souvenir de cette réunion, vos collègues, vos amis, vos élèves, réunis dans une pensée commune, ont tenu à vous offrir une des plus belles œuvres du statuaire Dalou. Elle représente, avec un art exquis, la tendresse d'une mère inclinée sûr son bel enfant, bien normal celui-là. Sa vue vous reposera des impressions si pénibles que vous éprouvez, lorsque vous prodiguez vos soins à tant de malheureux enfants si déshéritée.
Lorsque, après la journée consacrée à vos travaux professionnels, vos yeux se porteront sur ce bronze, nous souhaitons qu'il évoque dans votre souvenir la vision de cette fête, dans laquelle se sont groupés tant de cœurs affectueux et reconnaissants. (Applaudissements prolongés).
Discours de M. Mesureur
Directeur de l'Assistance publique
La compensation à ce que les fonctions de directeur de l'assistance publique ont si souvent de pénible, se trouve assurément dans la collaboration constante avec les médecins qui assurent les services de nos établissements hospitaliers. M. le Dr Jules Voisin et moi, nous sommes
déjà de uèe anciens collaborateurs, et c'est avec le pins grand empressement que j"ai saisi l'occasion de rendre à son dévouement professionnel l'hommage le plus éclatant. Si cela n'eut dépendu que de mes intentions, il y a longtemps que M. le Dr Voisin, aurait reçii la consécration des services si désintéressés que. depuis plus de quarante ans. il n'a cessé de rendre à mon administration.
Bans les douloureux spectacles qui s'offrent k notre vue, lorsque nous assumons la tache de venir en aide aux misères humaines, il en est qui inspirent des sentiments plus pénibles que les autres. C'est ce qui arrive en présence de ces malheureux enfants, k l'actif desquels on ne peut invoquer aucune faute personnelle, aucune faiblesse évitable. aucune imprévoyance blâmable. Victimes d'une fatalité inexorable, les uns sont frappés dans leur organisme physique, les antres encore plus k plaindre, sont affectés dans le domaine de l'intelligence ou des sentiments moraux.
C'est précisément k ces derniers que M. le Dr Jules Voisin a consacré les trésors de sa science et de son dévouement. A son service de la Salpétrière, consacré aux maladies mentales et aux enfants arriérés, l'administration, confiante dans son zèle infatigable, a annexé l'Ecole de réforme dans laquelle elle recueille les jeunes filles délinquantes, moralement abandonnées et indisciplinées. Je n'entreprendrai pas ici de retracer l'initiative déployée par M. Jules Voisin dans l'organisation de ce service d'un ordre si délicat, il me suffira de reconnaître que ses efforts ont abouti an succès le plus complet. Aussi, je suis vraiment heureux d'associer l'administration de l'Assistance publique h la consécration d'une carrière consacrée toute entière a la recherche scientifique et au bien.et d'apporter à M. Jules Voisin, l'expression de notre sympathie et de notre reconnaissance. (Applaudissements prolongés).
Discours de M. Chauvin
&ous-ûireeteur au ministère de l'Intérieur représentant M. le président du Conseil des ministres.
Mon cher docteur, mesdames, messieurs.
Lorsque les membres du bureau de la Société de pathologie comparée, de la Société d'hypnologie et de psychologie ont bien voulu faire part à M. le Président du Conseil de leur intention d'offrir un banquet k M. le docteur Jules Voisin à l'occasion de sa nomination dans l'ordre de la Légion d'honneur, M. Clemenceau a été heureux d'accepter la présidence d'honneur qui lui était offerte parce qu'elle lui permettait de témoigner ainsi en quelle haute estime il tient et la science médicale de M. te docteur Voisin et son dévouement professionnel, et que. d'autre part, la fête à laquelle il était gracieusement convié avait un caractère essentiellement médical.
S'il est, en effet, dans notre société française un groupement, une association qui soient en droit de compter sur ses sympathies, c'est bien une assemblée comme celle-ci à laquelle le rattachent k la fois les liens
d'une ancienne confraternité professionnelle et les chers souvenirs du passé.
Au surplus, n'existe-t-il pas un rapport étroit de connexité entre ces deux ordres de phénomènes : les misères physiologiques et les misères sociales et n'est-ce pas le même sentiment d'humanité, le même esprit de libre recherche qui seuls peuvent permettre, dans ces deux domaines ouverts à l'intelligence et à la sensibilité de l'homme, de remédier, dans la limite des possibilités humaines, aussi bien aux infirmités du corps humain qu'aux défaillances de l'organisme social.
Quel que fût le. désir de M. le président du Conseil de se rendre à votre aimable invitation, il ne lui a pas été possible de venir occuper parmi vous la place que vous lui aviez réservée à raison d'occupations dont vous connaissez la gravité et le poids. Mais du moins il a tenu, suivant le désir que vous lui aviez exprimé, à désigner, pour le représenter auprès de voue, M. le directeur de l'Administration pénitentiaire qui se faisait un plaisir d'assister à votre réunion ; mais qui, atteint de la grippe depuis plusieurs jouis et se trouvant aujourdhui particulièrement fatigué, a dû. au dernier moment, me prier de vouloir bien le remplacer auprès de vous.
Aucune mission ne pouvait m'être plus agréable. Je ne saurais certes rien ajouter aux paroles éloquentes que vous venez d'entendre. Des voix plus autorisées que la mienne ont rappelé quelle est la haute valeur scientifique de M. le docteur Toisin et quelle place éminente il occupe dans le corps médical. Qu'il me soit permis seulement de dire que si M. le docteur Yoisiu compte de nombreux amis parmi ses confrères et ses élèves, non moins ardentes sont les sympathies qui l'entourent à l'Administration pénitentiaire.
? y a longtemps, mon cher docteur, que nous apprécions vos services, que nous avons conçu pour votre caractère une profonde estime.
Tous êtes entré dans notre administration il y a environ 31 ans, et, depuis plus de 15 ans. vous dirigez l'importaut service de santé des prisons du Dépôt et de la Conciergerie avec un haut souci de vos obligations professionnelles, avec un dévouement inlassable qu'anime une sollicitude vigilante et éclairée pour tous vos malades.
Je suis ici l'interprète de tous en vous en remerciant de tout cœur.
Il y a longtemps que nous appelions de nos vœux la distinction qui vient de vous être conférée : car, rappeler les longs et brillants services que vous avez rendus à l'Administration pénitentiaire c'est dire quelle ancienne dette elle avait contractée vis-à-vis de vous et combien il lui -bardait qu'elle fût payée.
Assez longtemps vous avez été à la peine — si toutefois, pour un homme tel que vous, c'est C-tre à la peine que d'être au travail — il était légitime que l'heure de la justice sonnât.
? a été fait allusion tout à l'heure à la marche un peu lente de cette justice distributive que certains ont prétendu être quelquefois boiteuse. Mais, si cette légende contient quelque fondement de vérité, ce n'est pas
dans nn milieu médical qu'on saurait s'en étonner, puisque les plus éminents professeurs de la Faculté n'ont pas encore réussi, jusqu'à ce jour, à guérir la justice de cette claudication invétérée.
Quoiqu'il en soit la manifestation de sympathie si magnifique et si touchante dont nons sommes ici les témoins ajoute encore à l'éclat d'une distinction qui était à la fois si bien méritée par vous et si impatiemment attendue par tous. Elle prouve quelle étroite conformité de vues existe entre les délégués des administrations qui sont ici représentées et les membres du corps médical, réunis et rapprochés par une commune pensée d'affectueuse estime pour votre personne.
Au nom de M. le président du Conseil et de M. le directeur de l'Administration pénitentiaire, je remercie et félicite les membres des bureaux des deux sociétés médicales qui, en nous procurant le plaisir d'assister à cette belle fête, nous ont en même temps fourni l'occasion de renouveler ft M. le docteur Voisin nos cordiales félicitations pour la distinction que lui ont valu les brillants services qu'il a rendus à notre administration au cours de sa belle et longue carrière.
C'est dans ce sentiment que je lève mon verre en portant la sauté du nouveau chevalier de la Légion d'honneur. (Applaadissenients prolongés).
Discours de M. le D: Raymond
Professeur a la faculté de médecine, membre de l'Académie de médecine
Messieurs, mon cher ami, /
Lorsque plusieurs de tes amis et quelques uns de tes collègues et de tes élèves ont eu la bonne pensée de me demander de présider, d'une façon effective, le banquet qu'ils se proposaient de t'offrir à l'occasion de "a récente nomination dans la Légion d'honneur, j'en ai été très flatté. On l'a dit avec raison : il y a bien longtemps que cette distinction, si méritée, aurait du t'être conférée, mais pour l'obtenir, il a fallu qu'il se trouvât à la tête du gouvernement, un grand homme d'Etat doublé d'un médecin. Et lorsque tes amis sont venus simplement lui raconter les choses et lui rappeler qui tu étais, ce que tu valais, au point de vue de ton œuvre scientifique, administrative ou officielle, il a tenu sur l'heure à réparer un oubli immérité et à te donner.de suite, la juste récompense due à l'homme qui, depuis quarante-quatre ans, remplit avec la plus grande compétence, avec un parfait désintéressement et un dévouement inlassable, les fonctions qui lui ont été confiées par l'assistance publique.
Si j'ajoute, à ces titres déjà exceptionnels, que. depuis bientôt trente-trois ans, tu es un guide sûr pour l'administration pénitentiaire, que ta es membre de sociétés savantes importantes, que comme président de ces sociétés, tu as fait preuve de l'autorité que confère le vrai mérite et de l'aménité dans les rapports, si indispensable en pareil cas ;si je rappelle, enfin, tes travaux personnels, devenus classiqnes, sur l'idiotie, l'épilepsie, les psychoses de la puberté, la classification et l'assistance des enfants anormaux intellectuels, — et dans cette grande question des enfants anormaux, aujourd'hui à l'ordre du jour, ton rôle a été celui d'un
Initiateur — j'aurai, j'imagine, justifié amplement l'acte de réparation qui Tient d'être accompli.
Tous tes amis, tous tes collègues, tous tes élèves — chacun d'eux te l'a bien prouvé ce soir — se réjouissent de la juste distinction qui vient de t'ètre accordée, mais aucun n'en a éprouvé plus de plaisir que moi. Nous sommes de la même année d'internat ; je suis ton collègue à la Salpé-trière depuis seize ans bientôt ; nos services sont tout proches l'un de l'antre : ils se pénètrent un peu ; tu es bien le plus complaisant des amis, et chaque fois que j'ai fait appel à ta bonne volonté, soit pour le bien de l'enseignement,soit pour l'instruction de mes élèves, tu n'as jamais hésité à m'aider dans ma tâche, ceci je tenais à le dire, bien haut, ce soir, k ce banquet. Dès demain, la vie de labeur va nous reprendre, mais je suis sûr que. comme par le passé, nous marcherons toujours en nous entr'ai-dant. pour le bien des malades, pour l'instruction de nos. élèves, pour l'avancement de la science, que nous aimons du même amour. Ce que je souhaite, pour toi. comme pour moi. c'est que ces temps de travail heureux, durent le plus possible.
Et je termine, mon vieil ami, en levant mon verre, en l'honneur du nouveau chevalier !
(Triple sa/ce d'applaudissements.)
Discours de M. le Dr Jules Voisin
C'est.toujours avec une certaine émotion que je prends la parole dans un banquet. L'Age qui depuis si longtemps m'a blanchi n'a' pu encore calmer complètement mon appréhension.
Aujourd'hui que grftce A vous mes chers amis, je me trouve le héros de la fête de ce soir, après ces toasts si vibrants, si embarrassants poux ma modestie, cette émotion coutumière se trouve si exagérée, que, vous le voyez, ma voix tremble, ma parole est assourdie et je ne puis trouver pour vous remercier de vos sympathies, de votre élan cordial, qu'un seul mot k vous dire, maïs qui dans sa brièveté même veut tout dire:
Merci !
Merci A vous tous d'abord, mon cher ami Bérillon. qui avez eu la pensée de la réunion de ce soir. — Depuis longtemps déjA. depuis la fondation de la société d'hypnologie et de psychologie, et surtout depuis que notre maître Dnmonpallier étant mort vous êtes venu en son nom me prier d'être le président de la société qu'il avait fondée et de continuer au fauteuil présidentiel la saine et forte tradition qu'il y avait installée, j'ai appris à connaître votre décision, la justesse de votre jugement, j'ai pu apprécier la bonté de votre cœur.
Merci ensuite à vous Paul Magnin, Farez. Lepinay, Grollet, professeurs à l'Ecole de phsychologie ou fondateurs de la Société de pathologie "comparée, merci A vous tous, membres de la Société d'hypnologie et de la Société de pathologie comparée, car. c'est à vous, c'est A vos démarches ;que je dois en grande partie le ruban rouge qui maintenant orne ma boutonnière.
Mais si vous avez réussi, c'est parce que vous avez trouvé en M. le Dr Dubief vice-président de lu Chambre des Députés d'une paît, eu M. le Dr Clemenceau, président du Conseil d'autre part, une bienveillance dont je leur suis profondément reconnaissant et qui est allée jusqu'à leur faire accepter la présidence d'honneur de cette réunion.
C'est aussi parce que M. Shramcck. directeur de l'administration pénî-tenciaire, s'est associé à vos efforts.
Je n'aurais garde non plus d'oublier M. Dabat. directeur au ministère de l'agriculture et notre confrère, M. le sénateur Pedebidou.
Ce ruban rouge que je porte grace à vos démarches, mes chers amie, vous avez voulu célébrer sa venue dans la fête de ce soir : je trouve ici réunis autour de moi et des miens, tous nos amis, tous nos collègues, tous mes élèves.
Tu t'es souvenu de nos débuts d'internat, mon cher Raymond ; en acceptant la présidence de cette fête : tu as voulu montrer à ton vieux camarade que ton cœur battait à l'unisson du sien. Tu as voulu ainsi assurer les liens d'une amitié qui date déjà de trente huit ans. — Nous vivons maintenant côte à cote à la Salpétrière ; toi dans la chaire qu'a illustré Charcot, moi dans un poste plus modeste, mais tous deux réunis dans la grande lutte scientifique. Tu rappelais tout à l'heure que le congrès de l'hypnotisme nous vit déjà réunis. Ce qui intéresse l'un de nous ne peut laisser l'autre indifférent.
C'est aussi nu nombre de nos amis que je compterai M. Mesureur, .f directeur de l'Assistance publique.
Je connaissais déjà M. Mesureur avant sa nomination à l'Assistance publique par l'amitié qui unit nos deux fils. Depuis que nous avons, je dirai, le plaisir de l'avoir à la tête de l'administration, le corps médical n'a pu que se louer de son amabilité, de sa courtoisie et n'a pu qu'approuver les améliorations dans l'hospitalisation des malades. Aucun de mes collègues des hôpitaux ici présents ne me démentira.
Arrivé à la fin de ma carrière d'hôpital (l'impitoyable limite d'âge me met à la retraite à la fin de l'année) c'est une joie pour moi de voir réunie si nombreux autour de moi mes anciens élèves de Bicêtre et de la Salpétrière.
J'ai vu défiler 30 générations d'internes, der.uis Babineki. Achard, Jeanselme, Chaslin, Petit, jusqu'à Dubosc, mon interne actuel.
Tous internes, externes, bénévoles se sont rappelés à moi à l'occasion de cette fête et d'après les lettres des absents, d'après vos charmantes paroles, mon cher Touehard. je suis heureux de voir qu'ils ont conservé de mes causeries à l'hôpital, le même excellent souvenir que j'ai gardé' de leur collaboration.
D'autres amis Gamier, Scié Ton Fa. Bilhaut. Bougon Arthaud, et mon fidèle ami Auguste Marie sont venus ici prendre la parole au nom de diverses réunions scientifiques, de diverses sociétés savantes, au nom d'œuvres d'assistance. — Leurs éloges m'ont vivement touché : j'ai tou-
jours lutté pour le bien, pour la vérité. J'ai voulu être bon. Ils m'ont dit que j"ai réussi, j'en suis bien heureux.
Mes remercîments vont aussi d'une manière toute particulière aux dames qui ont bien voulu apporter ù cette réunion le charme de leur présence et mettre au milieu de nos habits noirs un peu de grâce et de galté.
Il n'est de si belle fête qui ue se termine dit-on : mais vous avez voulu que celle-ci ne se termine pas.
Ce magnifique bronze, que vous m'offrez en perpétuera le souvenir.
Dans le choix même de votre bronze vous avez voulu rappeler ce que j'ai tant de fois répété : * C'est on fortifiant le foyer familial qu'on diminuera la criminalité et le développement des maladies mentales. *
Encore une fois : Merci.
{Triple sa/re d'applaudissements).
TRAVAUX ORIGINAUX
Le centre du réveil, interprétation anatomo-physiologique
de l'hypnotisme
par M. le docteur Bèiiillok, professeur a l'Ecole de psychologie.
L'existence dans l'encéphale d'un centre préposé à la réalisation du sommeil, comme il en existe pour le langage, l'écriture, pour les mouvements des membres, a été admise par divers auteurs. Dans un article paru en 1901, dans la Nalaré, M. le docteur Cartaz a signalé les faits qui militent en faveur de l'hypothèse d'un centre du sommeil.
A mon avis, l'observation des phénomènes qui se rattachent à la production .et à la cessation du sommeil, tendrait plutôt à démontrer l'existence d'un centre da réveil. Le premier fait qui autorise la supposition d'un centre cérébral, dont la fonction spéciale est de nous maintenir éveillés, c'est que. par la seule intervention de la volonté, nous pouvons lutter contre l'envahissement du sommeil et en retarder l'apparition. II est vrai que cotte résistance au sommeil ne peut être que temporaire, et à la condition que le besoin du repos mental ne soit pas très grand.
Une seconde preuve réside dans l'aptitude qu'ont certaines personnes de se réveiller volontairement la nuit, ù l'heure qu'elles se sont fixée à l'avance. Ainsi, on a souvent signalé le fait qu'une personne ayant besoin d'être debout a une heure déterminée, dort profondément jusqu'à ce moment, mais se réveille alors spontanément. L'habitude du réveil matinal a heure fixe rentre dans la même catégorie de faits. Ile ne peuvent s'expliquer que par l'intervention d'un centre cérébral intervenant pour les éveiller, comme le ferait uu appareil d'horlogerie remonté à cet effet.
Il est certain que certains hommes ont le don singulier d'exercer une action personnelle sur l'apparition de leur sommeil. Napoléon en était
doué et dans le Memorial de Sainte-Hélène, il a raconté qu'il pouvait s'endormir quand il en avait le désir (1).
Le physiologiste Muller, dans son Manuel de physiologie, a écrit qu'il pouvait à sa volonté s'endormir très promptement (2(.
C'est encore nn fait intéressant que l'on puisse, avec la plus grande facilité. inteiTompre le sommeil de l'homme et des animaux.
Les excitations périphériques qui permettent d'arriver à ce résultat s'effectuent principalement par trois sens : la vue. l'ouïe et le toucher.
Le moindre rayon de lumière venant frapper les yeux, suffit pour réveiller un animal profondément endormi. Lorsque le jour commence à poindre, presque tous les oiseaux se réveillent. Dans les appartements, il n'est pas rare, quand la lumière artificielle est suffisante pour leur donner l'illusion de la clarté du jour, que les oiseaux enfermés dans les cages, se mettent k chanter. Il est vrai qu'on les endort très facilement en les plongeant dans l'obscurité ; le même fait s'observe lorsque survient une éclipse. Généralement, l'homme endormi se réveille en sursaut, lorsqu'une lueur soudaine vient éclairer son visage. Il se comporte exactement a ce sujet, comme le font les animaux. Les bruits exercent la même action. Un bruit, même médiocre, auquel on n'est pas accoutumé-non seulement empêchera la réalisation du sommeil, mais il tire également un dormeur d'un sommeil profond. Lorsqu'on est incommodé par le ronflement nocturne d'un dormeur, un léger sifflement peut momentanément interrompre son ronc/nis.
Un coup de canon tiré au lever du soleil, sur un navire de guerre, éveillera brusquement un passager nouvellement embarqué, mais l'effet produit sur lui par ce bruit étourdissant diminue de jour en jour, et bientôt ne troublera plus son sommeil, tandis que pour les hommes de l'équipage appelés ainsi au travail, il conservera toute sou efficacité. H est certain qu'une véritable éducation préside a la mise en train du sommeil, et contribue k faciliter son interruption. Ainsi il sera plus facile de provoquer le réveil d'un homme si on l'appelle par son nom. Carpenter, dans son remarquable article sur le sommeil, cite l'exemple d'une personne qui se réveillait facilement lorsque son nom était prononcé k proximité de sou oreille (3).
La sonnerie de la cloche matinale réveille, mienx que tout autre bruit,, les collégiens et les membres des communautés religieuses, alors même qu'ils sont plongés dans le sommeil le plus réparateur et le plus profond..
(1) L'empereur expliquât! ]« netteté de ses idées et 1« faculté de pouvoir, sans se fatiguer, prolonger h l'extrême ses occupations, en disant que les divers objets et les diverses affaires se trouvaient casés dans sa téte comme ils eussent pu l'être dans une armoire. « Quand je veux interrompre une affaire, disait-il. je ferme son tiroir et j'ouvre celui d'une autre. Elles ne se mêlent point, et ne me gênent, ni ne me fatiguent jamais rum-par l'autre. > Jamais non plus.il n'avait éprouvé d'insomnies par la préoccupation Involontaire de ses Idées Vtax-jt dormir.je ferme tous tes tiroirs,et me voilà au sommeil. Aussi Observait-il qu'il avait toujours dormi quand 11 en avait besoin et ft peu près « volonté. .'Mémorial de Sainte-HéUne. par de Las Cases. Tom. I. p. 713.)
(21 Mri.i.kr. Manuel de physiologie, t. Il, p. 549.
f3) Carpes t?; ?. Art. fi.ekp. Cycloptedia of Am • > and Physiology., t. ïv". p. 683 et-suiv.
Dans les casernes, le clairon sonnant le réveil arrive plus facilement à ce résultat que toute autre sonnerie destinée à nn objet différent. Ces divers exemples confirment l'opinion que l'homme plongé dans le sommeil est moins indifférent aux influences psychiques que son aspect extérieur ne pourrait le foire supposer.
Les excitations tactiles ont une influence moins active. Pour rappeler à lui un dormeur profondément endormi, une simple contact de la périphérie du corps ne suffit pas toujours ; il est souvent nécessaire de le secouer assez fortement.
Par contre, le moindre courant d'air venant frapper le visage réveillera très facilement le donneur plongé dans le sommeil le plus tor-pide. Il en est de même des affusions d'eau froide faites sur le front et sur les yeux. Cette action de l'eau fraîche est si marquée que beancoup de personnes ne se sentent pas complètement réveillées tant qu'elles n'ont pas procédé à la toilette du matin.
H est encore d'autres excitations qui ont une influence marquée sur la production du réveil. Telles sont les sensations viscérales de la faim, de la soif, ainsi qne les sensations révélatrices des divers besoins naturels (érection, besoin de mixtion urinaire. besoin de défécation).
En résumé, un certain nombre d'excitations périphériques ou viscérales ont pour effet d'interrompre le cours du sommeil par un mécanisme identique à celui par lequel les appels du clairon, le tintement d'une cloche; la sonnerie du réveil-matin, ou l'appel verbal d'une personne préposée à cet effet invitent le dormeur à mettre un terme a son somme.
On peut admettre que ces diverses excitations viennent directement intéresser le centre cérébral dont la fonction serait de provoquer le réveil du sujet et ensuite de le maintenir, éveillé.
* *
Comme nous l'avons dit plus haut, les nerfs qui transmettent le plus sûrement et le plus rapidement l'ordre du réveil étant lés nerfs optiques, les nerfs auditifs, ainsi que les nerfs de la face, on peut a priori supposer que la localisation du sens du réveil occupera, dans le cerveau, une situation voisine des centres de la vision, de l'audition de la mimique faciale, puisqu'il est en connexité directe avec eux.
ïî ne devra pas non plus se trouver éloigné des centres de la sensibilité tactile. Cela revient k dire qu'il serait logique d'en rechercher la localisation k la base du cerveau, dans la partie médiane. Les expériences de-Raphael Dubois snr les marmottes et les animaux hivernants ont démontré que c'est par l'intoxication carbonique que s'effectue l'inhibition du centre préposé a la fonction du réveil. Ce centre se trouverait chez la marmotte vers la partie antérieure de l'aqueduc de Sylvius, et près du plancher du troisième ventricule.
Il est légitime d'admettre que le sommeil par tes anesthésiques s'effectue par un mécanisme identique. Le sommeil anesthésique apparaît quand le centre du réveil inhibé par l'intoxication des gaz anesthé-
siques se trouve en quelque aorte paralysé ot mis duns upossibilité de remplir sa fonction qui est de nous maintenir eceiffcs.
Il n'eut pas téméraire de supposer que, dane la maladie du nommeil, l'accumulation des trypan 0*0 mes dans les vaisseaux «sang ni ? ? de la hase du cerveau constitue uu obstacle mécanique par lequel se trouve interrompue la fonction du contre du réveil.
h'état de reit/e. encore plus que l'état do sommeil, dépend donc de l'intégrité de ce centre. Quaud par l'influence d'une cauee quelconque, inhibition psychique, inhibition toxique, altération organique, compression par une tumeur, etc., le contre du réveil ne trouve dan* l'incapacité de fonctionner, l'étal de veille ne peut plu* >*tre maintenu. Le sujet reste alors dans un état de sommeil artificiel partager ou de sommeil pathologique prolongé.
Le centre du réveil serait donc un centre moteur présidant à lu mise enjeu d'un ensemble d'activités motrices d'où résulterait non seulement le réveil, mais aussi le maintien de l'état de veille. L'homme, dont le centre du réveil serait altéré, serait autant dans l'impossibilité de se maintenir éveillé, que l'homme frappé dan* 1« pied de sa troisième circonvolution frontale gauche l'est de parler.
Si l'on se range a l'opinion de ceux qui admettent qu'un rapport constant existe entre le siège des lésions cérébrales et la distribution des phénomènes paralytiques qui en sont les conséquences, on devrait s'attendre à ce que. dans les cas où un sujet présente pour principal symptôme un sommeil irrésistible et prolongé, la lésion devrait intéresser le centre du réveil.
Bien que les faits recueillis a ce sujet par les anatouio-pathologistes soient peu nombreux, on doit reconnaître que jusqu'à ce jour il* tendent k confirmer notre hypothèse.
Dans une leçon des plu» remarquables sur le sommeil dan* lee tumeurs cérébrales. M. te professeur Raymond a exposé plusieurs faits qui tendraient k démontrer la possibilité d'un centre cérébral dont les lésions ont pour principal symptôme de s'accompagner d'un sommeil irrésistible.
En effet des tumeurs, gliomes ou sarcomes, siégeant le plus souvent dans le voisinage des réglons que Raphaël Dubois a indiquées comme le siège de l'auto-intoxicatton carbonique ches les marmottes, out provoqué chez les malades des états de sommeil, dans lesquels ils restaient plongés jusqu'à leur mort.
? ce point de vue. le cas recueilli par le Dr Soca, parait dos plus probants. II s'agissait d'un mu Inde, demeuré longtemps dans un véritable sommeil, qui pouvait être réveillé assez facilement, mais ne pouvait se maintenir éveillé. A. l'autopsie on constata l'existence d'un sarcome qui comprimait les pédoncules et le plancher du troisième ventricule.
Les cuseignements du professeur Raymond auront certainement pour effet d'appeler l'attention des observateurs sur les causes auatomiques
dans les cas de sommeil irrésistible et contribueront, dan* un délai assez rapproché. A la solution définitive de la question.
Un point sur lequel je lient- ù insister aujourd'hui, c'est que de toutes les excitation*, périphériques qui agissent enr la production ou la cessation du sommeil, ce sont len excitations psychiques qui paraissent douées de l'Influence la plus.active. Le fait avait déjà frappé ? Dans une
leçon, faite en 1881 et rédigée par M. Marfau. il en témoigne son étonne-ment dans le* termes «uivants :
« Dès le début, dit-il. nous constatons qu'il y a deux espèces bien différentes de sommeil, le naturel et l'artificiel. Ce dernier n'est pas un léger étonnement pour le médecin. Aucune fonction en effet ne nous apparaît comme pouvant être reproduite par l'expérience, et dans l'étude d'une fonction, notre rûle se réduit h celui du chimiste qui fait une analyse : La synthèse nous est toujours interdite. Par une singulière exception, le sommeil constitue une fonction qui peut être reproduite : en réunissant un certain nombre de conditions que T'analyse nous fait connaître, nous pouvons provoquer le sommeil, tandis que nous ne pouvons provoquer ni la circulation, ni la respiration, malgré la connaissance assez parfaite de* lois de la circulation, de la respiration. Nous pouvons proroquer le sommeil : c'esl là un fail unique ; mais le sommeil ainsi obtenu n'est qu'un sommeil artificiel. »
Provoquer le sommeil : cela n*implique-t-il pas l'intervention d'une action extérieure sur un organe spécial, dont la fonction serait de maintenir le sujet dans cet état de veille.
Dans ce cas, cette action ne pourrait s'exercer qu'en suspendant la fonction de l'organe spécial et il en résulterait que, l'excitation d'où résulte la veille étant supprimée, l'homme s'endormirait successivement. . L'hypnotisme ne serait donc pas antre chose que l'inhibition du centre dn réveil, que cette inhibition soit le résultat d'une influence psychique ou d'une action physique. Le réveil ou la terminaison de l'état d'hypnose résulterait d'un processus analogue, mais exercé dans un but différent.
Chose très curieuse, si la facilité avec laquelle on peut hypnotiser certains sujets, avait vivement frappé le génial observateur qu'était Laeèqne, il avait encore été plus impressionné par la facilité du réveil. J'en trouvel s preuve dans son article sur le Braidisme, qu'il publia en 188L, dans la Revue des deux Mondes. 11 suffira d'en reproduire les termes pour qu'on se rende compte de l'importance attachée par Lasègue à la constatation d'un fait qui domine en réalité toute la science de l'hypnotisme.
« Lorsque le patient est dominé par le grand hypnotisme, que sa vue est annulée, ses yeux convulsés, ses sens inertes, ses membres raidis, comment le soustraire h cette dépression qui ne tarderait pas a devenir inquiétante, si on n'en prévoyait l'issue ? La découverte la plus curieuse peut-être dont on soit redevable à Braid renverse les plus ingénieuses
combinaisons. Rien ne vit plus, et il faut trouver un agent assez énergique pour revivifier le patient, chez lequel toutes les fonctions auxquelles nous empruntons nos excitntious familières sont éteintes,
« Les bruits les plus aigus, les douleurs vives, le» sollicita tiens de la parole le laissent insouciant : un souffle sur les yeux rompt le charme ; le sujet se frotte los yeux et passe sans transition d'un aemmeil léthargique au libre réveil. C'est une résurrection instantanée.
€ Ce Lebens-Erreger est unique, insensé, et vrai, sans réserves. Je me rappelle, qu'un jour un de mes élèves, qui ? rédigé une bonne thèse sur l'hypnotisme, endormit une malade et oublia de la réveiller. C'était Jour de visite à l'hôpital. Les parents arrivent, entourent la malade muette et immobile, qu'ils esayent inutilement par les stimulants accoutumés de rappeler h elle-même. L'étonnement. la terreur, les envahit et. les propos aidant on croit à un sortilège. Le directeur de l'hôpital, mandé et moins défiant, interroge la sœur qui le renseigne, mais comment sortir de cette impasse? Il envoie chercher l'élève, qui résout instantanément le problème. L'endormissement durait, depuis quatre heures sans trêve ; le réveil s'accomplit sans commotion.
« Voilà le fait brut, il est considérable, parce que,au Heu do répondre à nn hasard, il est absolu. La possibilité de couper ainsi court à 1 hypnotism? a été une rentable révélation. Qui que ce soit peut souffler sur les yeux du patient, avec la bouche, un soufflet, un éventail, l'effet si décisif est toujours le même. »
Le procédé qui consiste à réveiller le sujet hypnotisé par un souffle frais projoté sur le visage, est aussi le meilleur pour tirer un dormeur du eommeil naturel, si profond qu'il soil. On dirait que cette excitation périphérique est celle qui transmet le plus directement, par les filetenerveox. au centre cérébral dont le retour à l'activité semble marquer le retour à l'état de veille.
Cette disposition à être hypnotisé ou à se réveiller inopinément sou* l'influence d'excitations périphériques déterminées, résulte évidemment d'aptitudes transmises héréditairement. Les nécessités de l'existence et l'éducation ont déterminé progressivement, chez l'homme, l'évolution du centre du réveil vers un fonctionnement de plus en plus perfectionné. Les expériences d'hypnotisme sont la démonstration la plue éclatante du perfectionnement mécanique auquel est arrivé ce centre, puisqu'il suffit de quelques excitations périphériques d'ordre psychique pour en ralentir, activer, suspendre ou faire marcher le mécanisme.
L'interprétation anatomo -physiologique de l'hypnotisme basée sur l'existence d'un centre du réveil,est des plus plausibles. Elle est de nature à donner satisfaction aux esprits, non prévenue, qui sont disposés à no voir, dans l'hypnotisme et dans les états qui s'y rapportent, que des phénomènes très simples, explicables par les données de la physiologie.
Ua cas de sommeil hystérique avec personnalité subconsciente
par M. le Dr Paul Faxkz. Professeur a l'Ecole de Psychologie
(Suite et fin (1)
Sa mère l'invite h marcher. — « Mais je ne peux pas me tenir debout, -duVelle : j'ai les jambes trop faibles. »
Le Dr Gota la rendort : aussitôt, elle le reconnaît, au seul son de sa voix, et marche sans la moindre difficulté ; l'hypnotisation l'a fait rentrer dans son état second.
Réveillée à nouveau, elle est frappée de l'antagonisme quelle constate entre ses impressions actuelles et certains souvenirs d'avant son sommeil. Croyant n'avoir dormi qu'une nuit, elle ne comprend pas les modifications que le temps a fait subir aux personnes et aux choses. Elle refuse, par exemple, de reconnaître pour ses neveux deux bambins qui, lors de sa fièvre typhoïde, étaient encore des enfants à la.mamelle.
La famille, peu instruite, ne comprend rien a cet état d'esprit et craint que Zénona ne soit devenne folle.
Après son réveil, en février 1906. Zénona n'a pas reconquis, d'emblée et complètement, sa personnalité première. Au contraire la restauration de celle-ci a demandé beaucoup de temps et de peine.
Le Dr Gota a continué a hypnotiser la malade, environ trois fois par semaine. Avec une persévérance et un dévouement inlassables, il l'a arrachée, petit à petit, a la personnalité parasite de l'état second ; il s'est appliqné à rééduquer la fonction de chaque organe, si bien qu'il a pu considérer Zénona comme guérie On janvier 1903.
Ce qu'il y a de curieux, dans ce cas, c'est que, de mars I90ô k février 1906, sous l'influence de la suggestion, d'abord éthyl-méthylique, puis hypnotique, Zénona paraissait sortir petit à petit, de son état maladif, reprendre peu a peu conscience et s'acheminer progressivement vers l'état normal. On croyait d'autant plus au retour de l'état prime que les diverses fonctions psychiques s'étaient, pour ainsi dire, réveillées et allaient en s'améliorant. Or. elle était encore en plein état second : et la suggestion n'avait fait que modifier, heureusement, il est vrai, les modalités de cet état second. Le jour du réveil, en février 1900. on vit très nettement que, jusqu'alors, en dépit des apparences, elle était restée dans un état de sommeil hystérique. Son étonnement au réveil souligna le conflit entre les deux personnalités successives.
Cet état second,antérieur à février 1906. avait été tellement organisé et discipliné par la suggestion qu'il avait simulé l'état prime. On comprend tonte l'importance médico-légale des faits de ce genre. Presque normale, en apparence. Zénona vivait, en somme, dans une sorte de rêve ou d'état onirique. Un acte délictueux, commis dans ces circonstauces,
(1) Voir Rev. de l'ffyp. avril 1909. p. 30S.
avant le réveil, aurait pu lui être imputé, alors que le réveil brusque, survenu en février 1906, montra bien que les actes dos mois précédents ne comportaient, en réalité, aucune imputation de responsabilité.
Le sommeil prolongé de Zénona n'a pas comporté fidèlement tons les caractères du sommeil hystérique, dit classique. A vrai dire la description qu'on a faite de ce dernier représenté un type schématique, clair, commode, répondant aux nécessités de l'enseignement. Pratiquement, chaque cas de sommeil offre ses particularités individuelles.
Si Marguerite 11. (de Thenelles) : (1) est restée, de longues années, dans l'immobilité complète, a paru étrangère au monde extérieur et n'a manifesté aucun symptôme saillant d'activité sensorielle ou autre, par contre, chez Gésine, Argentina, Benita. loin qac toutes les sensibilités a:ont été inhibée*, quelques-unes étaient non seulement conservées, mais encore exaltée*. De même, chez Zénona. l'on a constaté des dissociations sensorielles très nettes ; le sommeil n'était que partiel, comme profondeur et comme étendue.
Ils ne sont pas nombreux les cas de sommeil hystérique, surtout de sommeil prolongé, sur lesquels une intervention quelconque ait put oxor-cer une action notoire. La suggestion, en particulier. si efficace en tant d autre» circonstances, ne parvient pas, d'ordinaire, à influencer ces états seconds. Or. ici, l'état second a été considérablement modifié, précisément, par la suggestion éthyl, méthylique. Il semble que cotte dernière constituera, a l'avenir, un moyen efficace d'atténuer les dissociations sensorielles et de préparer le réveil : ce sera une belle autant que nouvelle conquête thérapeutique.
En 1903. lorsqu'on compagnie du Dr Charlier (d'Origny Ste-Benoîte), je suis allé étudier le cas de Marguerite B.. il avait été convenu qu'aux vacances suivantes je m'installerais, pour quelques temps, à Thenelles et que, de concert avec ledit confrère, je m'appliquerais à essayer dc réveiller cette dormeuse, si. toutefois, l'entourage le permettait. L'application de la suggestion éthyl-méthylique faisait partie du plan que je m'étais tracé. Malheureusement, quelques mois avant l'époque fixée pour cotte tentative. Marguerite B., succombait a une tuberculose rapide. Je suis heureux de constater que le 1 Dr Gota a pu réaliser magistralement quelque chose d'analogue à ce que je m'étais proposé ; en effet, grace à la
(1| Pour ce qui concerne les différentes dormeiikes auxquelles il est fait allusion ici. voir :
Bérillon. — La léthargique de Thenelles, Revue de l'Hypnotume, avril 1887 (aTec 2 figures) et 26 avril 1904.
Charlier (d'Origny Ste-Benoite). — La dormeuse de Thenelles. Discussion : Raffe-peau. Paul Parez. VoUln et Bèrillon. Revue de l'Hypnotisme, wept. 1904.
Paul Fabkz. — Les sommeils pathologiques, leçon d'ouverture A l'Ecole de psychologie, le 15 Janvier 1904. Reoue de l'Hypnotisme, février 1901! — Un sommeil de dix-sept ans. Reçue de l'Hypnotisme, octobre 1904 ; — La dormeuse de San Remo, Reçue de l'Hypnotisme, mal 1906;— Un sommeil de trente ans. Reçue de l'Hypnotisme, "'¦i.vii.i.r.' 1907 : — Les sommeils pathologiques chez les animaux, terne de Pathologie comparée, novembre 1906 et Rerue de l Hypnotisme, Janvier 1907 : — La prétendue reituscitèe de Nuremberg, Reroe de t Hypnotisme. janvier 1908.
Witry (de Treves-sur-Moselle).— un cas de sommeil hystérique, Reçue de l'Hypno-tisme, septembre 1906.
suggestion, éthyl-méthylique, l'état second a été tellement transformé qu'il a pu simuler le retour k l'état presque normal.
Quelque peu différent du sommeil hystérique classique, en ce qui concerne son contenu, le sommeil de Zénona s'en rapproche par de nombreux pointe, en ce qui concerne son mode de terminaison, et aussi sa période d'invasion.
Si le retour à l'état normal, au lieu d'être brusque et instantané, a été comme chez Gésine, Argentina, Margarethe K., lent et progressif, nécessitant de nombreuses séances de suggestions, r.ar contre, le jour du réveil, Zénona a manifesté l'amnésie habituelle pour toute la durée de son sommeil pathologique et l'étonnement coutuinier pour les changements survenus dans son entourage.
D'autre part, ce sommeil s'est emparé d'un organisme où l'intoxication avait préparé un terrain propice ; l'état infectueux avait causé un de ces délires oniriques que le Professeur Régis (de Bordeaux) a si bien décrits ; une hallucination terrifiante a réalisé le traumatisme psychique que l'on retrouve si souvent à l'origine de ces sommeils hystériques. Bappelons qu'Argentina, s'était endormie, tout comme Zénona, à la suite d'une hallucination terrifiante.
Mais l'accès de sommeil n'a pas été brutal et définitif : comme chez Marguerite B. De même que chez Margarethe K., de petites crises de sommeil, légères, courtes, subintrantes ont précédé le sommeil prolongé ; ces courtes crises de sommeil ont alterné, pendant quelque temps, avec divers troubles somatiques ou psychiques, même avec de vraies crises hystériques convulsives, ainsi que cela arrive le plus souvent.
Un autre point est encore à noter. En arrivant chez le Dr Goto, Zénona présentait nn psoriasis très intense, qui avait résisté k toutes les médications. Or, pendant le séjour de cette malade chez le Dr Gota, ce psoriasis a suivi toutes les vicissitudes de l'état mental, dont, à chaque instant, il fut, en quelque sorte, le critère ou le baromètre, s'aggravant, lestant stationnaire ou s'améliorant de la même manière que l'état psychologique lui-même ; il s'est atténué progressivement, au fur et à mesure que Zénona s'éloignait de l'état second ; il a disparu complètement, dès que la rééducation fonctionnelle fut pleinement réalisée et l'état second complètement inhibé. Ce fait prouve, une fois de plus, que, dans son étïologie, dans son évolution et dans sa curation, le psoriasis est de toutes les dermatoses, celle qui subit, au plus haut point l'influence des phénomènes psychologiques. C'est un nouvel exemple de ce que peut la suggestion, même eur une affection cum materia.
Enfin, je signale, pour terminer, les tâtonnements, les incertitudes, les contradictions et les maladresses de l'entourage familial avant le transfert de Zénona chez le Dr Gota. - Les malades de ce génie doivent être soustraites à leur milieu habituel ; leur guérison est le triomphe, non pas de l'isolement pur et simple, souvent inutile, sinon dangereux, mais de l'isolement vivifié par une suggestion active, à la faveur d'une hypotaxie suffisamment profonde.
L excitation génitale chez les hyperchlorhydriques
pnr le Dr L. ????. d'Alger
A quelque point de vue qu'on se place : étiologiqne. pathologique, thé-rapeutiqne. il est impossible sans méconnaître ln réalité, d'envisager la dyspepsie comme un trouble exclusivement local. L'estomac, plus qu'aucun autre organe — et cela, en vertu de sa situation centrale et de l'importance do son centre nerveux : le plexus sola Ire — reçoit des influences diverses de tous les points de l'organisme et, lorsqu'il est malade, il apporte une perturbération d'intensité et de durée variables dans les autres territoires physiologiques.
Parmi les retentissements des dyspepsies — et quoique cette question ait été souvent et longuement étudiée —. il en cet un que les traités spéciaux passent en général sous silence : c'est l'excitation génitale.
Elle semble être l'apanage exclusif des hyperchlorhydriques ; mais elle est loin de se rencontrer chez tous les représentants de cette catégorie de dyspeptiques à réactions nerveuses vives. (Les hypochlorydri-ques ou hyposth^niques de Robin présentent le symptôme inverse ; la paresse, la pauvreté secrétoire et dynamique de leur estomac s'étend aux organes abdominaux et détermine le plus souvent l'apathie sexuelle ou une diminution des désirs.)
Cette excitation génitale ne consiste pas en une augmentation de pûtentia cœundi ; bien au contraire. A part un nombre assez restreint de sujets qui se plaignent d'érections plus ou moins douloureuses, survenant dans la nuit ou le matin au réveil, les érections sont plutôt difficiles ou do durée Insuffisante chez ces malades.
Chez eux. l'excitation consiste en une sensation d'irritation particulière —. superficielle ou profonde, aussi bien chez l'homme que chez la femme, c'est-à-dire localisée à l'extrémité de la verge et à l'entrée dn vagin on au périnée et à l'hypogastre. selon le sexe - et qui les pousse à accomplir l'acte génital ou à se livrer à la masturbât ion. Celte excitation détermine dans leur sphère cérébrale une représentation sexuelle qui agit Bur son propre point de départ, en le renforçant, de telle sorte que les individus à système nerveux fragile, tels que les enfauts ou les adolescente, sont absolument incapables de résister à la forte
incitation organique qui les pousse.
Ce n'est pas pendant les souffrances vives ou les crises gastriques que l'excitation génitale se montre ; à ce moment, toute l'irritation nerveuse est concentrée sur l'estomuc. C'est de préférenco aux heures habituelles des malaises modérés, c'est-à-dire dix ou onze heures du matin et cinq heures du soir (plutôt pont-être le matin que le soir), alors que l'estomac n'ayant pus encore évacué son contenu, est Irrité par le contact de sa sécrétion, des aliments et par un travail de plusieurs heures et qu'il manifeste cette irritation sous la forme d'une fnusse faim, d'une fausse sensation de vide, d'une brûlure, de régurgitations acides, etc.
Chez les sujets qui ne souffrent pas d'une manière habituelle de l'esto-
mac, mais qui néanmoins éprouvent des malaises lorsqu'ils ont fait accidentellement bonne chère ou de copieuses libations, l'excitation génitale se montre aussi ; mais elle présente ceci de particulier, c'est d'apparaître non au moment du trouble gastrique, mais le lendemain. Telle personne, sacrifiant à Eros d'une façon modérément fréquente et n'ayant jamais d'appétit sexuel vif, sera tout étonnée ou peut-être heureuse de se sentir le lendemain d'un déjeuner indigeste et irritant, fortement portée vers le sexe faible, à moins qu'une perte séminale pendant le sommeil n'ait rétabli l'équilibre.
Cette action, ce pouvoir pathologique de l'estomac sur les organes génitaux est facile à comprendre, puisque le plexus hypogastrique qui innerve ces organes est une dépendance directe du plexus solaire. L'irritation continue de ce dernier centre, qui est la condition de toute dyspepsie chronique, se transmet au plexus hypogastrique ; pendant un iemps plus ou moins long, l'irritation modérée du plexus hypogastrique a pour résultat de rendre l'érection particulièrement facile et de donner au malade l'illusion d'un pouvoir généralement très apprécié; puis, l'irritation devenant plus forte et durant depuis un certain temps, le plexus hypogastrique s'épuise, en même temps que le plexus solaire et que le cerveau, qui lui aussi a été troublé dans son fonctionnement par la dyspepsie. Dès lors, à la facilité d'érection fait suite l'excitation locale sans érection ou avec érection provoquée : la masturbation ou l'abus du coït, qui est la conséquence de cette excitation locale, retourne au plexus solaire et aggrave les phénomènes dyspeptiques; l'excitation locale, -trouvant des centres nerveux supérieurs qui vibrent d'une manière particulièrement facile, et qui n'ont plus le pouvoir de se contrôler eux-mêmes, a pour conséquence la formation d'images et l'apparition du désir génital immodéré. Ce désir envahit à certaines heures le champ de la conscience et devient une obsession pour le malade ; c'est ainsi qu'en 1907, donnant mes soins à une femme très honorable de 70 ans environ, je reçus d'elle l'aveu qu'elle était vivement tourmentée par l'excitation génitale qu'elle éprouvait pendant ses périodes de malaises gastriques.
En terminant, je tiens ft dire que je suis bien loin de mettre d'une manière directe et unique sur le compte de l'estomac l'excitation génitale. En 1901, à propos de l'influence de l'estomac sur l'état mental, je disais que ce n'était qu'à la faveur d'un système nerveux particulièrement vulnérable que l'estomac pouvait amener des troubles psychiques : depuis, j'ai pu me rendre compte que pour devenir dyspeptique, il fallait auparavant avoir un système nerveux tendant au déséquilibre.
Un grand suggestionneur allemand
par le docteur Wrmv, de Treves-sur-MoseUe
Le grand suggestionneur dont je veux parler n'est autre que le prince Alexandre Hohenlohe Schillingsfurst, un des ancêtres du défunt chancelier allemand. H naquit le 17 août 1794 à Kupperzel, étant le dix-huitième enfant du prince Charles Albrecht qui mourut dans une maison de santé.
Il lit ses études ? Vienne et à Ellwangen. fut consacré prêtre en 1817 et nommé conseiller du vicariat général k Bamberg. Hohenlohe fut dès sa jeunesse en communication d'idées et en relations personnelles avec l'école mystique dee Sailer. Sambnga et Wittmann. 1? se montra prêtre très zélé et convertit quelques uns des esprits libres les plus connue de eon temps ou catholicisme, en particulier Ed. von Schenk et le docteur Wetzel. Ce prosélytisme lui valut beaucoup d'attaques littéraires. Mais sa renommée fut définitivement établie par ses cures suggestives. Il commença par lui-même. En 1821. il était en visite chez un confrère, le curé-doyen de Wassfurt-s/-Main pour faire un sermon. Une demi-heure avant la grand'messe, Hohenlohe fut pris d'une aphonie subite. Le curé-doyen avait auprès de lui son beau-frère, un paysan, nommé Michel, qui guérissait los maladies par la prière. II promit prompte guérison au prince. Toua deux s'agenouillèrent, prièrent ensemble, et l'aphonie disparut comme par enchantement. Hohenlohe n'oublia pas la leçon qu'il avait ainsi inopinément reçue de son premier maître. Quelques mois après, il fit k Wurzbourg, la connaissance de la jeune princesse Schinar-zenberg, qui souffrait depuis sept ans de contractures hystériques des jambos. Elle avait alors 17 ans et venait d'être traitée par le célèbre orthopédiste Heine qui avait déjà réussi à la faire marcher. Hohenlohe intervint et obtint de faire venir son maître Michel. Tous deux prièrent auprès de 1a jeune malade pendant trois jours consécutifs. Le 20 juin 1821. eut lieu le miracle. La malade se leva et marcha. Des guérison* semblables eurent Heu lee semaines suivantes, car les malades accoururent en foule auprès du prince, le suivant dans les rues, dans les église* et même dans le palais du prince-royal de Bavière. Les mêmes scènes se répétèrent à Bamborg, où l'on publiait tous les jours des listes de guéris.
Le prince-royal Louis de Bavière lui-même fit venir Hohenlohe dans la station thermale de Bruckenan, il lui donna même une attestation certifiant * que sa surdité avait été considérablement améliorée parles prières du prince »- Lee pèlerinages auprès du thaumaturge princier provoquèrent de la part des savants et du publrt quantité de brochures s'appliquant à expliquer cette force curative qui émanait de Hohenlohe.
Les théologiens crièrent à l'hérésie, les savants à la supercherie, les médecins rappelèrent les cures do Mesmer et concluèrent qu'il s'agissait d'un « traitement naturel, magnétique ou sympathique », Hohenlohe répondit a toutes ces publications par une courte notice, qui racontait la guérison de la princesse Schwarzenberg et proclama qu'il ne possédai) ni la puissance du miracle ni une science occulte, mais qu'il avail pleine et entière confiance dans la prière au nom du Christ et que ses malades devaient y croire également >. « Il ne fut en somme qu'un précurseur de la Christian Science » de nos jours ! Rome cependant interdit a Hohenlohe ses consultations publiques, où se pressait une foule considérable a laquelle on pouvait souvent reprocher de se montrer fort peu recueillie Le gouvernement bavarois les autorisa mais à la condition quelles eussent lieu sous la surveillance de la police. Hohenlohe nsa alors d'un
autre stratagème. A ceux qui réclamaient son aide, il communiqua par lettre le jour et l'heure, où il prierait avec eux par communication télé-patbique pour leur guérison. Les prières elles-mêmes furent publiées dans le livre intitulé Des Afirac/es. sous le titre : « Prières à dire dans des maladies diverses ». Il obtint par cette sorte de suggestion quelques guérisons éclatantes. Une des plus célèbres est celle de Miss Lalor. le
10 juin 1823, que Mgr Jacques Doyle, évéque de Kildare et Leigh Un communiqua à ses fidèles par lettre episcopate. Vere 18*22, Hohenlohe s'était installé à Vienne. Ce fut là qu'il eut une entrevue avec le Tsar Alexandre I. qui se mit lui-même à genoux devant le grand suggestionneur et lui demanda sa bénédiction. Les lettres continuèrent à affluer par milliers de tous les coins du monde dans le bureau du thaumaturge viennois. Le pape le créa on 1844, évéque de Sardica (i. p. i.). Il alla demeurer plus tard à Innsbruck. Les malades continuèrent à l'assiéger ;
11 voyait souvent jusqu'à 200 personnes par jour. Il mourut le 14 novembre 1849. Son œuvre suggestive continua après sa mort II s'était adjoint nn assistant dans les quinze dernières années de sa vie. pour pouvoir venir à bout de sa correspondance qui était considérable. Cet assistant était un jeune prêtre, Joseph Forster, qui devint l'héritier spirituel du prince défunt et fut après sa mort, consulté par des malades des quatre coins du inonde. Forster mourut curé de Ifuttenheim. à l'Age de 85 ans en 1875. On trouva dans ses papiers des milliers de lettres, de tous pays, de gens de toutes positions et confessions, implorant une guérison qu'ils avaient demandée en vain aux divers moyens thérapeutiques alors en usage.
REVUE CRITIQUE
Les travaux récents sur l'hypnotisme en Allemagne
? XeîÎichrifl fur Psviih.ihi.ihpii: tind Mhuîim» «i Psïcholqoik. Hêrauigtqthen enn Dr Albert Moix, Berlin, Verlftjr t?p Ferdinand hlake, Stnttgert, 1909.
Dès l'année 1892 le professeur Aug. Foiiei. fonda le Zeitschrift fcb Hypnotism us. Psychothérapie. Sowie Anderc Psychophgsiologische nnd Psychopathologische Forschangen, rédigé par le docteur Grossmann jusqu'en 1895. puis continu-'- -""s ln dir.-riion du docteur i ». 7ogL Ofltte excellente revue eut un grand et bien mérité succès et contribua eu large mesure A répandre la doctrine de l'hypnotitme, de la suggestion et de la psychothérapie en Allemagne. En effet, l'état des choses en matière d'hypnotisme était à ce temps toi dans le pays d'outre-Bhiu que le professeur Forel. dans son premier article, servant d'introduction au nouveau journal, crût devoir s'exprimer comme suit :
« En créant une Bévue scientifique de l'hypnotisme, c'est-à-dire de la doctrine de la suggestion et do son application pratique, nous nous trouvons mis dans la position bizarre de falloir expliquer, voire démontrer
que cette doctrine est vraiment scientifique et constitue une branche legale de la science médicale et psychologique.
Eussions-nous fondé une Bévue de conchiologie même de halnéothé-rapfe. cette démonstration aurait été superflue. Or des vétérans dh la médecine, tout comme des jeunes esprits forts, ne discontinuent pas k publier des jugements autoritaires tendant à dénigrer et k condamner l'hypnotisme d'une façon paasionnéc. et se permettent force insultes k l'adresse de ses adeptes comme si tel l'exigeait le bon ton. Dès lors nous avons jugé qu'il était plus que temps de porter de la clarté dans cette question. Toutefois cette lumière ne pouvait être créée que par une revue spéciale, l'animosité contre la doctrine do la suggestion étant telle que la plupart des journaux médicaux refusaient des articles sur cette doctrine. »
Dix ans plus tard, le docteur O. Vogt, considèie la lutte proprement dite touchant l'admission de l'hypnotisme thérapeutique, de la suggestion médical»'. In psychothérapie QOmnM médie*ttOa scientifique. comiiiM finie et ces doctrines officiellement reconnues et arrivées à juste considération. Il croit le moment arrivé de pouvoir mettre un terme à la publication des observations casuistiques, considérant que le nombre de ces observations, contenu dans les dix premiers volumes du Zcitschrïft. peut être jugé suffisant k servir de renseignement aux médecins praticiens. Aussi, dit-il, ces observations cliniques ne paraîtront plus dans les colonnes du journal que sous forme de résumé ou d'analyses. La Hevue Changera de nom ; elle portera comme titre « Journal filr Psychologie. und Nkithologie » et deviendra l'organe officiel de Vinstitut Neuro-biologique fondé par le doclenr O. Vogt. L'hypnotisme thérapeutique n'y paraîtra plus au premier plan, tous les modes de la psychothérapie entreront dans le programme, on étudiera leurs lois théoriques, on tendra ? perfectionner leurs méthodes, à préciser leurs indications. D'autre jiart on fera une étude approfondie de l'analyse psychologique et travaillera ainsi à l'édification delà psycho pathologie. En résumé, on s'occupera des questions touchant le domaine de la psychologie normale, pathologique et comparée, puis de la neurobiologie (anatomie et physiologie du système nerveux) pour autant :
1. Qu'ils ont une signification spéciale en rapport avec des autres domaines scientifiques qui nous portent intérêt, on
?. pour autant qu'ils sont do nature médico-psychologique et se rapportent.
a. k la genèse, la thérapie ou la prophylaxie psychique des symptômes pathologiques, ou bien
b. aux problèmes psychopatologiques.
Le journal du docteur O. Vogt. dans sa nouvelle extension, a continué à paraître depuis 1902 ; bien que fidèle à son origine, il ait apporté maints articles et études concernant l'hypnotisme thérapeutique et la psychothérapie, il a surtout été l'organe officiel de l'Institut neuro-blolo-giqueet le fidèle traducteur des études analomiques du cerveau inspirées ou faites par son fondateur. Ce virement de bord s'explique aisément on.
l'on sait que le docteur Vogt. bien que maniant la suggestion avec maîtrise et qu'ayant réussi a plonger en sommeil profond à peu près tous les malades qui à cet effet se eont confiés a ses soins, est d'avis que le coté thérapeutique de l'hypnotisme n'arrivera pas à un plus grand approfondissement et que son application en médecine ne viendra pas à se généraliser davantage, enfin que, selon lui. la signification principale de l'hypnotisme se restreindra à son rôle historique. « A l'état d'hypnose > dit-il « l'influence psychique paraît comparativement plus grande qu'à l'état de veille. Dans ce fait nous relovons la cause que c'est dans l'état de sommeil provoqué qu'on a le premier remarqué l'étendue énorme de l'influence psychique. Or, maintenant que ce fait est connu, il n'y a pas Heu de recourir à cette forme la plus énergique de l'influence psychique qne chez un nombre restieint de malade nerveux. Dans la pluralité des cas, l'état de veille suffira pour réaliser la suggestion. >
Quoique reconnaissant avec lui que les succès thérapeutiques ne sont pas à trouver surtout dans les hypnoses profondes, que les résultats obtenus par la suggestion à l'état do veille, mariée aux différents autres modes de' la psychothérapie, peuvent être taxés marcher de pair, nous avons déploré que le savant directeur du Zeitschrifl fur Hypnotismus donnant à sa revue le titre de Journal fur Psychologie und Neurologie a reculé depuis au second plan l'hypnotisme thérapeutique et la psychothérapie pour réserver la place principale aux travaux anatomiques et psychologiques.
Contrairement à l'avis du docteur O. Vogt. je pense qu'il fnut continuer à mettre sous les yeux des médecins praticiens les résultats cliniques obtenus par la suggestion dans ses divers modes et par les différentes formes de la psychothérapie ; que nous sommes encore loiu d'avoir convaincu nos confrères des vertus de cette arme idéale que nous a légué Liébault et qu'il faut continuer la lutte contre l'indifférence et l'ignorance jusqu'à ce qu'enfin on aura accordé à la psychothérapie la position qui lui revient de droit dans la série des médications officielles.
Aussi saluons-nous avec joie la création du nouveau périodique allemand. Son savant directeur, le docteur Albert Moll, un des pionniers de l'hypnotisme thérapeutique et fervent adepte des doctrines de Xancy, bien connu par sa défense de la suggestion hypnotique en 1887 dans une réunion du cercle médical de BerUn contre le professeur Ewald. et par la publication de son livre magistral Der Hypnotismus qui a eu l'honneur d'une traduction en Anglais, d'un volume Arztliche Ethik, d'un autr Dit Libido Sexualis, a su s'assurer la collaboration de plusieurs savants allemands et étrangers. Le périodique, dirigé par lui. paraîtra bimensuelle-menl en livraisons de quatre feuilles.
Le nouveau journal publiera des articles succincts (laissant les travaux de longue haleine aux Arehiees) et des analyses de travaux sur la thérapie hypnotique et la thérapie suggestive et sur les nombreux agents psychiques qn'il faut distinguer de la suggestion proprement dite. Au même taux qn'en physiatrie on distingue le massage de l'électricité ; tels sont
l'emploi thérapeutique de l'explication de la maladie, de l'éducation du malade.de la rééducation de sa volonté par une gymnastique méthodique, par la lecture, le travail, le théâtre, lu musique, le choix d'une carrière, la thérapie onirique, la psycho-analyse. En résumé toutes les branches scientifiques de la psychothérapie y trouveront accueil. Casu qao seront publiées des articles traitant : de psycho hygiène générale, entre antres de la lutte contre la peur exagérée de contamination régnant de nos jours chez le peuple et causée par un zèle outré des hygiénistes ; de mesures d'ordre psycho-hygiéniques recommandées dans l'éducation et l'enseignement de l'enfant.
La psychothérapie, dit le docteur- Moll, est dans son essence et d'un point de vue historique intimement liée a la psychologie médicale. On s'est accoutumé de comprendre sous ce dernier chef les relations théoriques entre la psychologie et la médecine avec exclusion des applications directes de la psychologie à la thérapie. La psycho-analyse et l'influence d'agents psychiques sur le corps constituent cependant des problèmes relevant aussi bien de la psychologie médicale que de la psychothérapie.
Le journal s'occupera de problèmes qui. n'ayant été étudiés jusqu'ici que du point de vue anatomique ou physiologique, seront envisagés aussi du côté psychologique. La psychiatrie est venue à emprunter ses lumières à la psychologie où les données de l'anatomie et de la physiologie ne lui pouvaient suffire. Le domaine-frontière entre l'état pathologique et l'état physiologique de l'esprit montre des relations nombreuses entre fa médecine et la psychologie. Comme appartenant à la psychologie médicale, nous rappelons encore la pathographie introduite par Mœbius. les états anormaux de l'esprit tels que la double-personnalité, les états de transe et les troubles de la conscience analogues, les troubles psychiques accompagnant l'hystérie, la neurasthénie, l'épilepsie, les névroses consécutives aux accidents du travail et autres, l'influence d'événements psychiques sur le corps et ses fonctions, les troubles psychiques causés par certains agents toxiques, par exemple : l'alcool, etc.
Avec tout cela son domaine est loin d'être épuisé. De son ressort peuvent être nommées encore les doctrines émanant tant de la psychiatrie que des autres domaines de la médecine et comprenant l'étude des fonctions motrices en général et plus spécialement du langage comme des autres mouvements de l'expression, celui de l'état de rêve, des instincts et autres, la psychologie criminelle et la valeur- des témoignages en justice.
Les colonnes du journal donneront aceneil à toutes les opinions pourvu que celles-ci portent le cachet scientifique. Les défenseurs de l'hypnotisme, de la psycho-analyse, etc., aussi bien que les adversaires de ces doctrines recevront la même hospitalité, les questions en litige ne pouvant mieux être jugées et éclairées qu'en créant l'occasion d'une discussion fertile.
En annonçant l'avènement de la nouvelle Revue allemande nous émettons le vœu qu'elle saura contribuer îi la propagation de la psycho-
thérapie et de la psychologie médicale en Allemagne, dans la même mesure que la Revue de l'Hypnotisme et delà Psychologie physiologique qui ?-a bientôt entrer dans sa 21° année sous l'excellente direction du docteur E. Bérillon, a su faire en France et dans le monde entier. Amsterdam, l*r mai 1909.
Dr Vax Eexterghxm.
PÉDAGOGIE DES ENFANTS NORMAUX
L'éducation attrayante
par Mlle Lucie Bêkillox. professeur agrégée des Lettres au Lycée Molière-
[Fin)
La littérature est un enseignement attrayant parce qu'elle vit d'observation et d'imagination, et qu'elle se propose d'instruire et de plaire, même quand elle s'adresse aux hommes faits. On publie actuellement des cartes illustrées en vue de renseignement littéraire — sur l'une on voit Victor Hugo à l'île de Jersey, sur l'autre une représentation d'une pièce de Molière dans le décor du temps, etc.
A l'étranger, on a organisé des représentations théâtrales pour les écoliers. En Hongrie, on joue devant les élèves, moyennant une rétribution de 2 fr. par an, les pièces étudiées en classe. En Angleterre, on conduit les élèves aux pièces classiques de Shakespeare : en Allemagne, aux pièces de Goethe et de Schiller. Cette coutume n'existe pas encore en France. Les élèves ne vont qu'individuellement à la représentation du Gid. des Femmes Savantes, et autres pièces du programme, sur le conseil des professeurs.
L'enseignement du français ne se sépare guère de l'enseignement de la littérature, car la langue s'apprend par les textes des bons écrivains. U faut intéresser les élèves à cette étude, et leur faire aimer la lecture en les initiant par la diction expressive aux beautés de notre littérature.
Nous trouvons le type de la leçon attrayante dans le livre de M. Bezard : « La classe de français » (1). On se représente cette classe animée, vivante, où le mattre a obtenu la collaboration active de ses élèves. Il recommande la préparation des devoirs en classe, pour ne pas mâcher à vide, fait appel à l'imagination des élèves et développe leur initiative. Avant ce procédé, nous avons obtenu des résultats très satisfaisants. Par exemple nous faisons une causerie sur La Fontaine, Nous imaginons une journée du fabuliste se rendant aux environs de Versailles pour remplir les devoirs de sa charge, après un avertissement de ses chefs. Il rencontre successivement les personnages qui seront les héros de ses petits drames, écoute les plaintes du pauvre bûcheron tout couvert de ramée, etc. Nous faisons appel aux souvenirs des élèves, et la conversation devient intéressante et instructive.
(1) La classe de français, pur M. J. Bezard, professeur au lycée Hoche. Vnibert et Xotix.
La morale ne se conçoit plue comme une science abstraite et réduite en formules sèches. Le procédé catéebétiqueest partout condamné. ¦ Les exemples vivants sont d'un autre pouvoir ». La râleur d'une morale est dans la force communicative qui se dégage de ses exemples. Il faut multiplier les traits familiers empruntés à la vie de tous les jours et profiter de tous les incidents de la vie scolaire. L'enseignement moral trouvera sa place à l'occasion des divers cours ; par exemple on adaptera les en-seigements donnés par les grands écrivains, comme Corneille, à notre existence. Devoir donné par M. Bezard : Après avoir commenté le pardon d'Auguste, un élève a pardonné les taquineries d'un de ses camarades.
Pascal même, voulant répandre des idées morales dans la société, introduisit sur le conseil du chevalier de MOré la vie et l'agrément A coté
de la logique dans ses écrits.
Nicole dit dans « l'Art de conserver la paix avec les hommes ». € La vérité n'est pas suffisante, il faut la faire agréer ». J'ajouterai le mot de M. Buisson : « Vous n'enseignerez pas une morale si voua ne la faites pas aimer ».
Il faut done le moins possible de leçons en forme, mais des causeries familières et des lectures qui frappent l'imagination des enfants et excitent leur sensibilité — par exemple : Grands coeurs de De Amicis — les ou glaïeuls, souvenir d'enfance de Frédéric Mistral qui montre la
bonté infinie des parents.
Pour apprendre aux enfants qu'il ne faut pas détruire les nids, rien ne vaut ce court dialogue de Jules Renard, dans ses Histoires naturelles : — Le Loriot : « Loriot, rends moi cette cerise. — Je veux bien, dit le loriot II rend la cerise, et en même temps les trois cent mille larves d'insectes qu'il dévore chaque année ».
L'Histoire et la Géographie s'enseignent aujourd'hui d'une façon plus concrète. L'enfant concrétise tout, ? .• Manuel général de l'instruction primaire citait quelques réponses baroques faites par les élèves de nos écoles A des questions d'histoire, entre autres celle-ci : Napoléon, après une chute, se retira a l'Ile d'Elbe. Le maître avait dit sans doute: après sa chute... A ce propos. M. André Balz, fait U réflexion suivante Comment l'élève qui ne sait point ce que c'est qu'une métaphore douterait-il que l'empereur ne fût réellement tombé? Lee professeurs oublient quelquefois qu'il faut tout expliquer ». Ces réponses absurdes en apparence peuvent donner aux pédagogues d'utiles enseignements.
Essayons donc de nous mettre a la place de l'élève, et de lui faire comprendre les choses. Par exemple, la féodalité se présente A l'enfant sous la formes de notions sèches sur les devoirs et les droits du suzerain et du vassal etc. Essayons de replacer les gens dans leur milieu. Evoquons la vie d'un page de douze ans au temps de la féodalité. Représentons nous le chu tenu qu'il habite, les événement** auxquels il assiste, la guerre avec le voisin, les chasses où l'on foule la récolte du serf, les récits du pèlerin an retour de la Terre Sainte, les fêtes où les trouvères chantent la chanson de Rolland, etc. Nous avons obtenu a ?a suite d'une causerie
sur ce sujet, de bons devoirs sous ce titre : « Fragment du journal d'un page ».
A propos des grandes inventions, nous avons fait appel à la collaboration des élèves et de leur famille. « Je sais faire une boussole, dit une élève ; mon grand frère m'a aidée. Il saurait aussi fabriquer de la poudre à canon. > Beaucoup apportent des cartes illustrées, des gravures trouvées dans l'Illustration ou ailleurs.
? faut multiplier les lectures, par exemple des pages de Michelet, qui a fait de l'histoire une résurrection et les anecdotes caractéristiques.
Pour la géographie, on a les récits de voyages, les cartes illustrées, innombrables. On peut de temps en temps au lieu de faire une leçon en forme, imaginer un voyage dans quelque pays intéressant, les Etats-Unis, l'Italie, la Hollande, etc. Les élèves trouveront dans leur manuel les renseignements essentiels.
Les langues vivantes font appel à la méthode directe et au concret. On montre anx élèves des objets ou des gravures. La méthode s'adresse surtout aux auditifs, mais aussi aux visuels et aux moteurs et graphiques, si elle est bien comprise. Elle donne les meilleurs résultats, surtout dans faire aimer les classes du premier cycle.
Les Arts dits d'agrément ont nécessairement leur place dans l'éducation attayante. Le dessin revient actuellement à la nature et délaisse la méthode géométrique peu accessible aux enfants. Le dessin exerce les sens de l'élève et forme son goût. Avec les nouvelles tendances. 1 initiative est encouragée. D'ailleurs il ne s'agit pas de savoir si l'élève fait de beaux dessins, mais s'il développe ses facultés— Spencer— et comme le dit M. Pottier. dans nn article du Temps, il importe surtout de lui faire aimer le dessin.
Le chant est un puissant instrument d'éducation et de discipline. D est plus cultivé en Allemagne et Angletterre que chez nous. Par exemple, au Ladies Collège de Cheltenham, qui compte un millier d'élèves, la journée commence par im hymne chanté en chœur dans le vaste hall gothique de l'école. Au lycée de jeune filles de Versailles, la mise en train des études se fait par l'exécution d'un morceau de la chorale chanté tantôt par une classe, tantôt par plusieurs (l).
Carlyle disait : « Donnez-nous l'homme qui chante en travaillant, il fera plus dans le même temps, il le fera mieux, il persévérera plus longtemps. On sent k peine la fatigue lorsque l'on marche au son de la musique (2).
Le matériel scolaire. De fatigante et ennuyeuse, l'éducation devient attrayante parle seul fait qu'elle est logique et documentaire. ? faut
(1| Signalons les Chansons ei- Contes pour les entante, composés par Mlle Bnudeuf-Bodelli. musique de Mlle Ad. lîemy. Ces chants exquis se recommandent par l'esprit et la grflee, et le rythme est mervei lien sèment adapté aux paroles.
(2) J'emprunte cet exemple ? nn ouvrage en préparation de M. Mady, professeur d'anglais au Lycée Janson de Sailly, qui veut avec la grammaire un choix d'exemples ayant une valeur littéraire et éducative par eux-mêmes.
quand on lo peut montrer les choses dont on parle, ou au moine présenter des gravures.
? est nécessaire de constituer un matériel scolaire, d'avoir des documents qui restent à l'école, étant peu transportables, par exemple ceax qni décorent les murs, cartes, photographies, etc. en les changeant suivant les besoins de l'enseignement et en y apportant de la variété. — La société : l'Art h l'Ecole fait executor dans ce but des cadres mobiles très ingénieux.
En second lieu, il est à souhaiter que chaque professeur crée son outillage, réunisse ses documents, et constitue comme un petit musée privé : collections de cartes postales illustrées, etc.
A Paris, nous avons plus de ressources. Xoos faisons appel a la collaboration des élèves et des parents. Par exemple.la fille d'un consul de la République Argentine nous apporte des objets intéressania pour la géographie dc l'Amérique du Sud : bombillas et gourdes a maté du Paraguay, étoffes tissées par des femmes de la Bolivie, etc. Le médecin du ?.'-tru- Mi'-néiik nous a prêté de* bijoux éthiopien* appartemuri1 fcfla collection. D'nutres mettent h notre disposition des photographies prises au cours de leurs voyages. Les enfants recueillent des images découpées dans des catalogues de librairie ou des revues hors d'usage et se sont amusées k décorer elles-mêmes la classe.
Nous connaissons des instituteurs qui. avec leurs propres ressources ont constitué des musées scolaires très intéressants, renfermant des objets fabriquée par les élèves — instrumente aratoires, instruments de physique, figures géométriques, etc.
A l'école normale d'institutrices do Xevers. M"e Berthet fait construire pur les jeunes filles un certain nombre d'appareils do physique très ingénieux — balance, divers moteurs, etc. Une élève ayant observé le marteau pilon de Guérigny eu a établi une réduction. Ainsi on exerce les sens des élèves, et elles font preuve d'adresse et d'ingéniosité.
On a recourt* aux projections. Le cinématographe — dans l'intention de M. Palhé amènera quelque jour une révolution scolaire.
On sait quel attrait exercent le* projections, même sur les adultes, parce que nous sommes surtout des visuels. La chose vue Intéresse plus que le récit et se grave plus profondément. Mais il ne faut pas abuser du cinématographe, sinon on épuiserait l'intérêt. D'autre part 11 convient de faire un choix parmi les projections, d'en montrer peu ? lu G??ß, nu lieu d'en faire défiler une cinquantaine sans arrêter l'attention.
L'éducation doit devenir dc plus en plus visuelle. ? importe de captiver l'attention en montrant beaucoup d'objets, puis, le dressage obtenu, on peut passer â l'abstrait quand l'intelligence est plus éveillée. On rebuterait l'enfant si on employait trop tût l'abstraction.
Nous trouvons le type de la leçon concrète, attrayante ponr les tout petits dans la Maternelle, de Léon Frapié : avec une branche de lilas. la maltresse donne aux enfants des notions de botanique élémentaire, de
dessin, et leur enseigne un travail manuel qui se présente sous la forme d'un Jen.
Le milieu attrayant. Il va sans dire que le milieu attrayant contribue à l'agrément de l'éducation et k la culture esthétique.
On a pu longtemps considérer les écoles comme des « geéles de jeunesse captive •. Victor Hugo décrit ainsi le collège d'autrefois qui :
« offrait nu jeune enfant Ses bancs de chi-iie noirs, ses longe dortoirs moroses, Les salles qu'on verrouille et qu'a tous les piliers Sculpte avec un vtenx clou l'ennui ries écoliers : Les :i .!¦_'-¦¦' - qui font parmi les paperasses Manger l'heure du Jeu par les pensons vonicee El sans eau. sans gazon, sans arbres, nana fruits mars, L* grande cour pavée entre quatre grand* murs.
(— Aux Feuillantines —)
Et Georges Sand ne trouve rien de plus maussade que cette coutume de faire de la salle des études l'endroit le plus triste et le plus navrant. L'enfant qui étudie a déjà tous les besoins de l'artiste qui crée. En l'enfermant dans une chambre nue et triste vons étonffez son cœur et son esprit aussi bien que son corps ».
En Angleterre les « School rooms > sont ornées de verdure, de fleurs et de gravures.
L'école française d'aujourd'hui est moins morose, bien qu'elle soit encore souvent austère. M. Bienvenu Martin disait un jour que pendant son passage au ministère, il avait essayé en vain de rendre l'école des petits vraiment * maternelle » ; et nous sommes encore loin de l'école maternelle rêvée par Mm* Kergomand avec « une vaste pelouse, des coins ombragés, un espace sablé, tel que l'exigent les jeux des petits enfants, et un terrain battu approprié aux jeux de plein air : une maison aux larges fenêtres avec des bancs de repos, un instrument de musique qui accompagne les marches, l-s danses, It-s chants mimés, etc.
Certaines améliorations ont été réalisées. Déjà même on introduit l'Art à l'Ecole et on orne les niasses de fleurs et de gravures. La conception de J.-.J. Rousseau, l'école dans la nature, a été reprise et appliquée dans les écoles de plein air et en forêt, où l'hygiène du corps et de l'esprit trouve son compte. Mais si on excepte l'école des Roches, l'école de Normandie, et les institutions similaires, ouvertes à la bourgeoisie éprise do l'idéal moderne, ces établissements sont réservés jusqu'ici aux débiles et aux arriérés. D semble qu'à cet égard l'éducation des enfants normaux ait bientôt beaucoup k envier à celle dee anormaux.
L'éducation attrayante a une grande influence sur la personnalité de l'enfant et contribue à sa culture morale.
On reproche à tort à l'éducation actuelle d'être trop facile et attrayante et de mâcher la besogne à l'enfant.
Dans un journal anglais. — The Journal of education — Mies Mabel Marsh s'indigne contre la tyrannie de l'école, maïs pas dans le sens que vous pourriez croire. Elle dit que l'école devient trop attrayante, que los
devoirs ne donuenl anr écoliers que du plaisir, les maîtres apprennent les leçons, les élèves les font réciter et les punitions sont proscrites ! Les enfante ne songent plus qu'à la classe. Est-ce naturel, s'écrie-t-elle ? — Nous n'en sommes pas encore là.
On veut également rendre l'éducation attrayante responsable de la peur de l'effort qui caractérise la génération actuelle. Il y a à ce fait d'autres causes:relâchement de la famille, etc ; or les parente faibles n'ont point été élevés avec cette méthode.
Loin de supprimer l'effort, elle provoque au contraire l'élan spontané, joyeux, qui conduit à l'effort volontaire et entretient l'attention. Car. suivant Quintilien « il n'y a pas d'étude sans la volonté d'apprendre, or la volonté ne souffre aucune contrainte. » Et Roll in ajoute : C'est donc la volonté qu'il faut gagner, et elle se gagne par la douceur, l'amitié, la persuasion, et surtout par l'attrait du plaisir.
Un jour, une petite fille se rendait nu lycée avec moi. Je lui dis : Es-tu contente d'aller en classe ? — Oh, oui. parce qu'on s'amuse ! — On joue aux récréations ; mais en classe ? — En classe aussi, on s'amuse à apprendre.
Où est le mal, si l'enfant aime l'école devenue attrayante. 11 faut que l'enfant nu moins soft heureux, pour devenir fort, car la tristesse enlève l'énergie. « On ne travaille bien que dans la joie — Micbelet. Il faut suggérer la joie de vivre, la joie de la santé. * Garder l'âme jeune devrait être l'aspiration de lout cœur humain. 11 faut élever les enfants dans cette idée et les garder de toute crainte. » Qui s'exprime ainsi ? Un vieillard, un Américain il est vrai, Clark Bell, qui a gardé dans *a vieillesse une aimable philosophie.
Jean Paul liichter a dit avec raison : Si on contraint les enfants à sacrifier leur doux printemps sous prétexte que leur vie future en sera plus heureuse et plus utile, on ressemble à l'Indien qui enfouit son or pour en jouir dans l'autre vie quand il sera lui-même enterré.
Les Japonais entendent autrement l'éducation de la jeunesse. Ils la veulent joyeuse et virile. « On dirait que l'unique souci des parents est de laisser à leur heureuse descendance une impression agréable de leur enfance, capable d'adoucir pour eux les peines et les ennuis inévitables de la vie — Vay de Ynya.
Cet idéal a-t-il empêché le développement du courage et de la volonté chez ce peuple ? On sait qu'ils méprisent la mort. Une guerre récente a prouvé lenr force et leur a valu le respect du monde.
On dit en France qu'il faut faire travailler beaucoup les enfants pour le ß entraîner à l'effort qui sera la loi de la vie. Dans cette idée, on les garde plusieurs heures par jour sur les bancs de l'école. Cependant aux Etats-L'nis comme en Angleterre, le temps où l'on travaille le moins est celui du collège. On consacre beaucoup d'heures aux sports. Les Américains et les Anglais ont-ils pour cela moins d'endurance, et sont-ils moins aptes à l'action î Au contraire : l'Amérique est le paye de l'énergie intense et presque excessive. Tandis que nos enfants, surmenés dès le collège, se montrent souvent dépourvns d'initiative et d'activité dans la
vie. Les élèves reçus les premiers a l'Ecole Polytechnique deviennent rarement des inventeurs.
U faudrait donner plus de place aux jeux, car dans les jeux aussi bien que dans les études l'élève prend l'habitude de la discipline, de l'initiative, de la responsabilité et de la justice.
Si nous voulons nous inspirer en partie de l'idéal anglais, et faire des ames saines et heureuses, cela ne nous empêchera pas de nous pencher sur la misère humaine. En conduisant nos élèves dans les usines, nous leur montrerons les hommes qui peinent pour donner à tous plus de bien-être : ils verront le travail énorme que nécessitent tous les rouages de la vie moderne, et acquerront ainsi la notion de la solidarité qui lie les êtres d'un même pays.
L'éducation, croyons-nous, doit chercher le développement harmonieux des facultés de l'enfant, tout en tenant compte des aptitudes individuelles.
Il faut proportionner la tache de l'élève k ses forces, éviter l'abus de la multiplicité des maîtres, qui l'entraînent dans des directions diverses, et •de la multiplicité des cours, même attrayants, qui en sollicitant constamment l'attention amèneraient le surmenage. Or la fatigue produit l'ennui et supprime tout attrait. On s'entend mieux à doser les aliments que la nourriture intellectuelle. Il faut amener l'enfant par degrés « k l'activité habituelle nécessaire & son équilibre et k son bonheur ».
Le grand mérite de l'éducation attrayante c'est d'intéresser l'enfant k •ce qu'il doit faire. On a dit qu'on ne devient guère instruit si l'on ne fait que ce qui plaît — Joubert —. L'objection disparaît si on fait aimer a l'enfant ce qu'il importe de savoir.
La meilleure préparation k la vie.c'est l'exercice de l'attention et l'observation personnelle,* faculté sans laquelle l'homme le mieux doué ne sera jamais dans notre milieu social qu'un homme médiocre » — E. Caustier. L'enfant guidé, non contraint, aura le plaisir de la découverte obtenue par son propre effort. « H n'est pas de plus grande jouissance que l'intelligence des choses » — Lavisse —. Même les plus faibles y trouveront de l'intérêt, car tonte notion qui illumine le cerveau de l'enfant lui apporte une joie.
En joignant l'utile k l'agréable, suivant le mot d'Horace : * Omne tulil punctum qui miscuit utile dulci » : Celui-là met dans le mille qui sait mêler l'utile à l'agréable — nous atteindrons le but de l'éducation, qui est de faire comprendre, respecter et aimer la vie.et nous amènerons l'enfant à travailler avec joie. « Un franc éclat de rire qui gagne toute la classe est un signe de santé morale » par ce que rire est le propre de l'enfant. Et le temps n'est pins où Ton disait : a Le maître est tout noir et l'on n'ose pas rire. »
En dépit de nos efforts,nous ne réussirons pas toujours à rendre l'éducation attrayante. D'ailleurs il ne faut pas y viser constamment, sous peine de manquer le but. Mais ne la rendons pas de parti pris ennuyeuse. Une leçon concrète peut être dépourvue d'attrait, si le professeur n'y apporte pas la vie.
On pourrait rééditer le mot de Voltaire : « Toutes les méthodes sont bonnes, hors les méthodes ennuyensee ». C'est l'avis d'Herbert Spencer qui prétend qu'en cela l'enfant est meilleur juge que nous.
La méthode vraiment attrayante fait des êtres confiants, ouverts, non timides. L'enfant élevé ainsi s'épauouira librement, et il conservera toujours de ses années d'études un souvenir réconfortant au lieu d'emporter du collège l'impression de terreur ou d'ennui qu'on garde au sortir de certaines écoles, même ailleurs qu'en Allemagne. Pour ma part, j'ai conservé un souvenir pénible de l'internat et des après-midi du dimanche entièrement consacrées aux études. Henri Pouquier évoquait dans un article les tristesses de son séjour au collège Sainte-Barbe, jadis sombre et sévère, et qui après deux ans d'ennui lui parut ensoleillé grace à la présence de deux maîtres bienveillants.
Pour conclure, reprenant le mot de Ruskin: « Tout art, science et littérature sont vains, qui n'ajoutent pas a notre énergie et à notre joie. » Je dirai : Toute éducation est vaine qui n'est pas créatrice de force et de bonheur.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Dix-huitième séance annuelle de la Société d'hypnologie
et de psychologie
Le mardi 15 juin 1908.
La dix-huitième séance auuuelle de lu Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 11 juin 1909 a quatre heures précises au paluis des Sociétés savantes, S, rue Danton. Ordre du jour :
1° Compte-rendu de In situation morale et financière de la Société ;
2" Allocution de M. le D' Jules Voisin, président de la Société :
$> Eloge du professeur Liégeois, de Nancy, par M. le D* Bèrillon et SI. Guilhermet, avocat a. la cour d'appel.
i" Eloge du D' Fernand Lagrange, par M. le Dc Paul Magniu.
5° Communications et lectures. — PrésentaUou' de malades ;
W A sept heures, banquet annuel.
question GÉXEKAL1 mise a l'osdke dc jour Les méthodes de rééducation en psychothérapie. Inscrits : 1° D* P. Mxoxix : Lu rééducation motrice.
â° D' Békillox : Le rôle de l'hypnotisme : 1° Dans les rééducations sensorielles. 2° dans lu rééducation de la volonté.
3" D' Paul Fabejs : La rééducation des fonctions digestives.
i" D' Paul Joute, de I.tlle : Faits de la clinique pshychothérapique dc Lille.
Communications déjà inscrites : D' WrruY, de Trèves-sur-Moselle : La psycho-pathologie de Bismark. D' Lkuksli:, de Loches : La cure de sommeil prolongé.
D" Bèrillon et Takrics (d'Epinay-sur-Seine) : Considérations psychologiques sur la guérison d'nn cas d'anorexie mentale.
M. QcnîQcr.. directeur de l'établissement médico-pédagogique de Crétell : La réé- -ducatlon de l'attention par la psychothérapie graphique chez les débiles mentaux.
D1 Jnles Voisin : La déllnquence juvénile et l'école de réforme de la Salpfitrière.
M. le D'Paul Fahkz a repris, à la Faculté de Médecine 'Amphithéâtre Croveilhler, 13, rue de l'Ecole de Médecine), le jeudi ±i avril. ? quatre heures, son cours libre de Psychopnthologie du tube digestif ; il le continuera le jeudi de chaque semaine, a la même heure.
Apres la séance annuelle, le banquet aura lieu ù 7 heures, comme les années, précédentes, nu restaurant dn palais des Sociétés savantes.
X. B. — Le bureau de la Société adresse h tous nos collègues et en particulier à ceux de l'étranger et de la province. l'invitation de contribuer par leur présence et par leurs communications a la solennité de lu séance annuelle.
L'aOnfluis?ratear : j- bérillox._ le fierai : constant Laurent, privas
Privas, Imp. C Laurent, avenue du Vend.
23e ANNÉE. — ?• 12.
Juin 1909.
BULLETIN
L'élection du professeur Brissaud à l'académie de médecine. Le Congres de climutologie d'Alger sons 1« présidence du professeur Albert Robin.
Le professeur Brissaud qui vient d'être élu membre de l'académie de médecine est une des physionomies les plus sympathiques et les plus marquantes do la faculté de médecine de Paris. Né en 1852, a Besançon, d'une famille d'universitaires, le D' Brissand fut successivement l'élève de Launelongue, Millard. Broca, Fournier Lasègne, .laeeoud, Goursault et surtout de Charcot dont il fut le préparateur au laboratoire d'anatomle pathologique de la Faculté.
M. le professeur Brissaud.
Le bagage scientifique du professeur Brissaud est des plus considérables. La plupart portent sur la neurologie. Il a cependant fait de nombreuses incursions dans le domaine de l'histoire. Sur ce point, les lettrés se sont délectés à la lecture de ses articles de la Nouvelle Reçue, de ses études sur la Maladie de Scarron, sur l'Histoire des expressions populaires relatives à la médecine, sans omettre la guérison des écrouelles par les Rois de France, la Mort de Charles de Guyenne, l'Infirmité du conventionnel Couthon, ainsi qu'une remarquable étude philosophique sur Dordeu.
L'œuvre du professeur Brissaud démontre que s'il est un clinicien de haute valeur, il ne dédaigne pas de faire de fréquentes incursions dans le domaine de la psychologie. Le Jour ou 11 a mis en lumière la symptomatologie de la sinistrose, Il a démontré que chez lui le clinicien était doublé d'un sociologue et d'un psychlologue
Il y :¦ deux ans, il nous a donné un encouragement des plus précieux eu venant suivre la séance de réouverture des cours de l'Ecole de psychologie. Xos lecteurs n'ont pas oublié les paroles empreintes de sentiments si élevés qu'il ? prononcées dans celte réunion. Nous lui eu avons gardé une sincère reeonnaUsance et nous ne voulons manquer l'occasion qni nous est offerte par son élection a l'académie de lui exprimer nos vives félicitations.
* se
Le grand succès du congrès d'hydrologie et de climatologie qui s|est tenu ft Alger duns le courant d'avril a été dû il de multiples raisons. L'attrait exercé par le climat et la beauté de notre colonie algérienne, l'heureux choix de rapports, l'intérêt des communications, le zèle des organisateurs y ont contribué pour leur part. Mais, c'est surtout ?? l'autorité scientifique, h la courtoisie et an grand libéralisme d'esprit du professeur Albert Robin, président'du bureau permanent du congrès qu'il faut l'attrihner. Sous son Impulsion, le congrès d'hydrologie et de climatologie, ft chaque nouvelle session, accentue l'Intérêt qnl se rattache ft ces questions et contribue à mettre en lumière les ressources médicales, que les ressources fournies par les éléments et le climat mettent ? la disposition de la thérapeutique naturelle. C'est ce qu'a admirablement fait ressortir M. le professeur Albert Robin dans nne conférence générale sur les Indications thérapeutiques du climat marin. Apres avoir démontré que le facteur principal de la tuberculose existait moins dans le germe que dans le terrain ft oxydation exagérée et h déminéralisation accentuée. 11 a exposé comment ce climat, par sa luminosité bactéricide, par la constitution chlorurée et minérallsatrloe constituait le meilleur correcteur des nntritlons déviées.
tTne séance d'AiSsaouas esl le complément nécessaire de tout congrès réuni sur la terre algérienne. Xoufi avons donc revu ces exercices qui se résument surtout dans la production d'anesthésie certaine réalisée par des pratiques d'hypnotisme empirique. LesAïssaouas présentés, de même que leurs exercices, étalent cette fois-clde qualité inférieure. Leur entraînement était tout au moins très défectueux. Au cours de mes voyages en Algérie et en Tunisie, nous avons assisté ft des séances d'Ais-saouas oh les phénomènes provoqués étaient beaucoup plus accentués, et témoignaient d'une auesthésle provoquée très intense. Cette question des Aissaouas, déjft traitée dans la Reçue de l'Hypnotisme devra être reprise de nouveau.
Pour nous résumer disons que les organisateurs du congres se sont montrés ft la hauteur de leur tâche. M. le professeur Ardln-DutheU, président effectif, et il. le D' Ritynaud, secrétaire général se sont, par leur affabilité et leur zèle, concilié la sympathie générale. Ajoutons que, les réceptions de M. Verne, préfet, do 3L Savi-gnon, maire d'Alger, do 31. le professeur Ardln-DutheU et de 31. le professeur Albert Robin, ont été empreintes d'une cordialité dont noue garderons le meilleur souvenir. Sou- n'anrlons garde d'oublier les fêtes de Biskra organisées d'une façon si brillante par notre aimable confrère le D' Coulllnud, maire de cette ville, ainsi qne l'exercice de Sldi-Okba.
TRAVAUX ORIGINAUX
L'évolution dans la thérapeutique des psycho-névro se s : La psychothérapie et les méthodes de rééducation (1).
par le Dr Bèrillox, Médecin-inspecteur des asiles d'aliénés, Professeur ft l'Ecole de psychologie.
On désigne actuellement sous le nom de psnclionêcroses les affections du système nerveux dans lesquelles l'élément psychique, bien qu'associé a des troubles fonctionnels extrêmement variés, joue cependant le rôle prédominant.
(1) Leçon faite à l'Ecole de psychologie.
Ce sont les ancienne-; névroses, l'hystérie, la neurasthénie, l'hystéro-neurasthénie, les névroses tranmatiques, la chorée, les tics et l'épilepsie essentielle auxquelles on a ajouté la psycbasténie. terme sous lequel on groupe des états mentaux indéfinissables, (aboulies, obsessions, doutes, sei-upules, phobies, idées hypochondriaques) qui ne'sont pas absolument incompatibles avec la vie sociale et ne nécessitent pas l'internement dans les asiles d'aliénés. L'intoxication alcoolique et les diverses intoxications médicamenteuses, quand elles n'ont pas encore provoqué de lésions des éléments nerveux, ainsi que les formes légères de la mélancolie, peuvent également être rangées dans le groupe des psychonévroses.
Le caractère essentiel des psychonévroses réside, sinon dans l'absence de lésions, tout au moins dans celle de lésions définitives, car après la guérison, ou simplement dans les périodes de rémission, les malades recouvrent habituellement l'intégrité de leurs facultés intellectuelles.
Il convient d'insister sur le rôle important joué par les circonstances accidentelles dans l'étiologie des psycho-névroses. L'apparition des troubles est habituellement liée à des influences nettement déterminantes parmi lesquelles il faut mentionner les chocs moraux et les chocs physiques, le surmenage intellectuel, scolaire ou professionnel, les intoxications organiques, médicamenteux ou alimentaires, les excès de travail musculaire, les abus des divers excitants, les excès génésiques, les passions dépressives, en un mot toutes les causes capables d'apporter une perturbation profonde dans l'évolution ou le fonctionnement normal du système nerveux. Les psychonévroses constituent le domaine nouveau de la clinique psychologique. Les méthodes d'investigation, ainsi que les procédés thérapeutiques qui leur sont applicables, dérivent presque exclusivement de l'étude approfondie de la psychologie. Il convient donc de les isoler de la neurologie proprement dite et de la psychiatrie, dont les données positives reposent au contraire sur l'emploi de la méthode ana-tomo-pathologique.
Actuellement, personne ne songe plus à discuter la légitimité de la nouvelle spécialité qui, sous le nom de psychothérapie, comprend l'étude de toutes les questions qui se rattachent à la psychologie médicale. L'évolution opérée dans les esprits, à ce sujet, est si manifeste qu'on ne conçoit plus qu'un médecin puisse aborder utilement l'étude de certains problèmes de la pathologie nerveuse, s'il n'est doublé d'un psychologue. Or. n'est-ce pas en s'exerçant. d'une façon constante, à la technique des expériences de psychologie expérimentale qui constituent la science de l'hypnotisme que l'on aura le plus de chances d'acquérir la compétence psychologique ? Ceux-là seuls qui se seront familiarisés de bonne heure avec la pratique de l'hypnotisation pourront se rendra un compte exact de ce pouvoir de direction que, dans des conditions déterminées, il est possible d'exercer sur un si grand nombre d'esprits. Cette action intermentale, comme la désignait si justement le professeur Tarde, est l'aboutissant fondamental de toute intervention psychothérapique. C'est par elle seule que peuvent être opérées ces modifications des dispositions
d'esprit, des tendances mentales, des habitudes qui constituent le fonds symptomatologique des psyeho-névroses. L'apparition des cliniciens psychologues, préposés à cette médecine de l'esprit dont le domaine s;étend chaque jour dans des proportions considérables, est donc parfaitement justifiée
En 1900, un des organisateurs de la section de neurologie an congrès international de médecine de Paris proclama la supériorité scientifique de ce qu'il appelait, non sans quelque emphase. « le penser analomique. » Dès ce moment, l'idée me vint que « le penser psychologique » alors si méprisé, ne tarderait pas à triompher des dédains officiels et h prendre sa revanche. L'évolution qui s'est accomplie dans la thérapeutique des névroses et des psychonévroses suffirait à elle seule pour-nous en apporter la plus éclatante des démonstrations.
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* *
Jusqu'à une époque assez récente, la thérapeutique des névroses et des psychonévroses s'est cantonnée dans un empirisme que l'on pourrait qualifier d'enfantin. Le dogme officiel proclamait que le diagnostic de l'entité morbide était le seul élément digne de retenir l'attention du médecin. La question du traitement n'étant envisagée que comme une concession faite au malade où à son entourage, les cliniciens ne l'abordaient qu'avec un dédain non dissimulé.
Cet état d'esprit s'est longtemps reflété dans les traités classiques et surtout dans les recueils de leçons cliniques. Lorsque l'auteur y consacre un grand nombre de pages éloquentes à l'analyse des symptômes, c'est à peine s'il accorde quelques lignes aux indications du traitement.
C'est qu'alors l'enseignement du maître ne vise pas à apprendre aux élèves ce qu'il faut savoir pour être utile au malade. Issu des concours, le professeur se préoccupe avant tout de perpétuer la tradition de ces exercices de phraséologie médicale par lesquels on arrive aux sommets de la hiérarchie médicale.
Les bons disciples, les forts en théorie, pour se conformer aux doctrines officielles se bornaient donc à prescrire, lorsque le cas s'en présentait, les traitements mis en honneur par le chef de l'école régnante. Ce traitement, d'ailleurs peu compliqué, consistait à ordonner à tous les malades, sans distinctions d'âge, de sexe, ou de condition, des doses variables d'une solution d'un sel de bromure. Un joui- vint où l'on apprit que l'association de trois sels de bromure triplant, en quelque sorte, l'action de chacun d'entre eux, constituait le remède le plusmerveilleux qni eut jamais existé.
Certains, tant leur prédisposition à l'admiration des maîtres était développée, ne furent pas éloignés de considérer que l'idée d'associer les sels de bromure en une trinité thérapeutique d'allure sacro-sainte ne pouvait qu'être le résultat d'un éclair de génie. Pendant cinquante ans. en vertu
11) La société d'hypnologie et de psychologie fondée en 18S9. à l'issne dn premier congrès international de l'hypnotisme expérimental et thérapeutique, a groupé le pins grand n'ombre des médecins qni. en France et ft l'étranger, s'adonnent d'une façon spéciale, à la pratique de la psychothérapie.
du dogme, qui avait proclamé le brome comme le médicament spécifique des maladies du système nerveux, des doses extraordinaires de solution tribromurée. ont été administrées sans que jamais aucun effet utile ait été scientifiquement reconnu.
H est vrai que, quand la situation des malades le permettait, on ajoutait à cette prescription rituelique le conseil de suivre un traitement hydrothérapique. Il faut le reconnaître, l'arrosage systématique de la surface cutanée a eu de fervents partisans. Pendant longtemps, elle fut préconisée comme une souveraine panacée dans la cure de toutes les affections névropathiqnes. De noire temps, la foi qui faisait courber les nerveux sous la douche h jet brisé, semble avoir perdu beaucoup de son intensité.
Parmi les procédés thérapeutiques auxquels on avait incidemment recours contre les cas les plus graves, je dois mentionner Visolement, mais, il y a quelques années, le mot d'isolement n'avait pas d'autre signification qu'un séjour plus ou moins prolongé, dans un établissement d'hydrothérapie (1). En dehors de ces trois prescriptions, les bromures, l'hydrothérapie, l'isolement, il ne venait pas au neurologiste l'idée qu'il y eut quelque chose de véritablement utile à proposer aux malades atteints d'affections névropathiques. Xon seulement l'efficacité des actions psychiques dans le traitement des névroses n'était pas admise, mais la moindre incursion, de la part d'un médecin, dans le domaine de la psychologie semblait suspecte. H n'en fallait pas davantage pour qu'il encourut l'insinuation de charlatanisme.
s
* *
La première infraction a ce classicisme intangible fut perpétrée à Kancy. Le coupable ne fut autre qu'un modeste praticien, le D1" Liébeault. Il fut l'apôtre d'une hérésie à peine croyable à une époque où il ne serait venu à ] ersonne l'idée de secouer le joug de la discipline dogmatique imposée par la Faculté de Paris.
Convaincu de l'influence exercée par le moral, non seulement dans la production, mais aussi dans la guérison des maladies nerveuses. le Dr Liébeault. excluant de sa pratique les bromures, les douches et l'isolement, imagina des procédés thérapeutiques nouveaux qui sont devenus le point de départ d'une méthode nouvelle, désignée actuellement sous le nom générique de psychothérapie.
Bien entendu, comme il n'était investi d'aucune qualité officielle, on n'attacha aucuu crédit à ses démonstrations. Ses communications furent absolument dédaignées. Il fut même tenu ù l'index par la Société de médecine de Xancy. Liébeault n'en fut nullement affecté et dans la préface de la seconde édition de son livre sur Le sommeil et ses états analogues. il exprime, en termes positifs, le dédain que doit professer tout homme
(Il Dans tons les traités classiques,quelqiies lignes sont ordinairement consacrées au traitement moral. On se borne à y rappeler nu médecin qu'il est de son devoir d'écouter avec patience les doléances du malade et de paraître y prendre nn réel intérêt. On lui conseille également de recourir aux plus grands efforts de persuasion ponr gagner sa confiance et lui faire accepter l'idée d'un traitement régulier. On ne peut qu'être surpris de voir de tels lieux communs, indéfiniment reproduite dans des ouvrages réputés sérieux.
de caractère à l'égard des jugements superficiels ou malveillants. « Du moment qu'on s'écarte du courant ordinaire de la science, en s'occupent de choses qu'elle rejette, ainsi que je l'ai fait dans mon traité spécial sur le sommeil provoqué, — et que par conséquent, on ne se range pas derrière ses grands prêtres comme des moutons de Panurge, — on se séquestre nécessairement, et les savants et le valgum pecns s'éloignent de vous. Heureux ! si l'on rencontre par-ci par-là quelques timides adeptes qui vous consolent tout bas. »
¦ Mais, en ce cas particulier, qu'importe l'adhésion des savants et du public, quand on est sûr des vérités que l'on met au grand jour ! Qu'importent surtout les anathèmes et les dogmes de la médecine classique, lorsque, établi sur le terrain solide de l'observation et de l'expérimentation psychique, on a acquis la conviction d'avoir entr'ouvert non seulement des vastes horizons à une branche naissante de la psychologie, mais encore d'avoir constaté les applications de cette science à l'art de guérir, lesquelles se résument dans la thérapeutique suggestive, /lierapolitique révolutionnaire au premier chef. »
Une période d'une vingtaine d'années s'écoula entre la publication du livre de Liébeault et la révélation de ses idées. Il passa tout ce temps à s'occuper de ses malades, leur consacrant touteS'Ses journées.
Enfin un jour vint où un homme d'un esprit élevé, Dumontpallier, alors médecin de l'hôpital de la Pitié, appela l'attention de ses élèves, dont j'étais, sur l'œuvre de Liébeault. Il fut convenu que nous irions ensemble à Xancy, étudier sur le vif les méthodes du savant praticien, et lui apporter le témoignage do notre admiration. Ce fut pour Liébeault nn jour mémorable que celui où. dans un banquet, il reçut de Dumontpallier et de ses élèves à Xancy, la consécration d'une existence de labeur et de dévouement à la science. (1)
C'est de la doctrine de Liébeault qu'est partie l'évolution qui a amené une transformation si radicale dans la thérapeutique des névroses et des psvehonévroses.
?
- Je ne venx en aucune façon diminuer l'importance des médications diverses qui peuvent être légitimement conseillées contre ces états nerveux. Je suis le premier à affirmer qu'il est de toute nécessité de recourir à l'action curative des régimes, des serums physiologiques ou organiques, des médicaments spécifiques, des agents physiques, de la cUgiatothérapie et des ressources hydro-minérales. Ces médications peuvent se prêter réciproquement un utile concours. Mais j'affirme qu'aucune de ces médications ne peut aboutir à un résultat satisfaisant si elle n'a pas été complétée par l'intervention de la psychothérapie.
La psychothérapie, qui a été logiquementdéfinie parle DrPaul Magnin. /ensemble des moyens psychiques, et accessoirement physiques, qui permettent d'agir, soit directement, soit indirectement, sur l'esprit du malade dans un
(1) V. Bévue.
but thérapeutique », n'est donc pas une thérapeutique aussi simple qu'on le suppose habituellement. Elle comprend un grand nombre de modalités et de procédés techniques dont l'énumération suffirait à indiquer les difficultés du problème qui se pose, lorsqu'il s'agit de rétablir l'intégrité fonctionnelle des centres nerveux. Les principales (le ces modalités sont les suivantes :
1* l'organisation d'ln milibc ("avouable.
2* L'action psïchothëbapiquk directe :
a. Hypnotisme.
b- Suggestion armée. 3• La réédccation psychologique.
a. Rééducation motrice.
b. Rééducation de l'attention et de l'application.
c. Rééducation du sommeil.
d. Rééducations des fonctions viscérales.
e. Rééducations sensorielles.
f. Rééducation de la volonté et du caractère.
g. Rééducation professionnelle après les traumatismes, les opérations chirurgicales et les maladies générales.
h. Rééducation du self control, la cure désintoxications chroniques (alcoolisme, morphinisme), etc.
i. Rééducation de la sensibilité morale de .'affectivité et de l'émotivité, 4" La psychothérapie prévbstive.
5* La mychothérapik pédagociqcb.
1° L'Organisation; d'cs iuliet favorable. C'est ce que l'on désignait autrefois sous le nom d'isolement, ce qui est un terme impropre. En réalité, si le malade doit être séparé d'un milieu défavorable.cela n'implique pas qu'il doive être isolé du monde extérieur, dans lequel il est destiné à vivre après sa guérison. Les prétendues cures d'isolement par lesquelles le malade se trouve transplanté dans un milieu factice, dépourvu de gaieté, d'animation, d'intérêt réel.aboutissent le plus souvent à la création d'états d'indolence et d'apathie intellectuelle, dont les malades n'arrivent plus k se débarrasser. Après un séjour assez prolongé dans des sanatoria de l'étranger, des malades reviennent atteints d'une véritable ankylose mentale. Le séjour prolongé au lit qu'on leur a fait subir, l'immobilité k laquelle a été condamné leur esprit, a aboli chez eux toute disposition à l'initiative et ils se plaignent de ne pouvoir se remettre à leurs occupations professionnelles antérieures. Il y a là un danger qui mérite d'être signalé. Les dispositions habituelles du caractère français ne sauraient s'adapter à des manières de vivre, familières aux Suisses et aux Allemands, mais incompatibles avec la vivacité habituelle de notre race. C'est ce que nos confrères étrangers n'arriveront jamais à comprendre. Ils s'efforceront toujours de nous façonner sur leur modèle, qu'ils trouvent naturellement admirable, sans se préoccuper des différences que comporte la psychologie comparée des individus et des races.
Lorsque nous avons créé l'établissement médico-pédagogique de Créteil, destiné ?? l'éducation et au traitement des enfants et des adolescents
retardataires, instables ou nerveux des deux sexes, nous ne sommes pas tombés dans cette erreur : nous avons organisé une maison vivante, très gaie. 1res animée où l'activité intellectuelle et physique sont en honneur. Il en est de même dans l'annexe consacré au traitement des aboulies, des neurasthénies et de l'alcoolisme.
En résumé, l'organisation d'un milieu favorable doit consister essentiellement à supprimer les influences contraires auxquelles on se heurte si fréquemment dans la pratique de la psychothérapie. Il importe donc de s'assurer s'il n'y a pas dans l'entourage du malade des interventions qui, soit par préjugé, par esprit de routine,par simple malveillance, ou même parfois, par excès de sollicitude ou par zèle intempestif, ne viennent retarder, contrarier ou neutraliser les effets du traitement psychothérapique. (A suicre).
Recherches sur la délinquance juvénile (1) (École do réforme de la Salpétrière)
par le docteur Jules VOISIX, médecin de la Salpétrière.
La question de la criminalité de l'enfance, de ses causes, des moyens d'y remédier, est actuellement discutée de divers côtés. La création de tribunaux spéciaux pour enfants vient compléter les œuvres de préservation, de sauvetage et de relèvement de l'enfance.
La criminalité juvénile et même infantile fait des progrès si inquiétants que les milieux législatifs s'émeuvent et que des lois particulières sont proposées pour combattre la crise de l'apprentissage, dont la funeste influence n'est que trop manifeste.
Mais je ne désire pas traiter toute la question de la criminalité de l'enfance ; mon but est bien plus modeste. Mes fonctions de médecin directeur de l'Ecole de réforme de la Salpétrière m'ont permis d'étudier au point de vue mental un grand nombre d'enfants délinquants ou criminels. C'est un résumé des observations que j'ai pu faire que je désire soumettre à l'Académie de médecine.
* * *
En décembre 1891, l'Administration générale de l'Assistance publique du département de la Seine installa dans mon service k l'hospice de la Salpétrière une Ecole de réforme pour ses pupilles filles délinquantes.
A l'Age de 13 ans. les pupilles de l'Assistance sont placées comme domestiques soit dans les fermes, soit dans les maisons bourgeoises. Si dans ces places leur conduite laisse a désirer, si des plaintes sérieuses de délinquance ou d'insubordination sont portées contre elles, les directeurs d'agence renvoient les pupilles à l'hospice des Enfants Assistés et de là dans mon service de la Salpétrière.
Depuis 1891 jusqu'au l'1* janvier 1909. j'ai reçu 474 filles, soit une moyenne de 26,3 par an. De ces filles. 77. sorties améliorées, y ont été à nouveau renvoyées : enfin, nous avons eu 14 troisièmes entrées et 2 quatrièmes entrées. Soit un total de 587 entrées à l'Ecole. (1) Communication faite ?? l'Académie de Médecine.
Si nous faisons remarquer que dans ces 20 dernières années, du 1er janvier 1889 au 1* janvier 1909. l'Assistance publique a reçu 91.874 enfants abandonnés et 0.967 enfants moralement abandonnés, soit près de 5.000 enfants par an, on voit que la proportion de la délinquance, qui ne concerne, il est vrai, que les filles, est faible.
Les enfants qui m'ont été envoyées étaient soit des enfants abandonnées, soit des enfants moralement abandonnées : mais ces dernières, nombreuses proportionnellement dans les premières années de l'école, le sont beaucoup moins actuellement : des œuvres privées se chargent en effet de ces enfants, qui. antérieurement, étaient confiées k l'Assistance publique. C'est ainsi que de 1899 a 1908 inclus. l'Assistance publique n'a eu que 658 enfants moralement abandonnés contre 5.309 de 1889 à 1898 inclus.
Quoiqu'il en soit, j'ai eu k l'Ecole de la Salpêtrière 385 enfants assistées et 89 enfants moralement abandonnées.
** * *
J'ai recherché depuis combien de temps ces enfants étaient confiées k l'Assistance publique : j'ai adopté pour ce classement les périodes suivantes :
1° Enfants abandonnées dès leur naissance :
2° Enfants abandonnées pendant la petite enfance, de 1 à 7 ans inclusivement :
3° Enfants abandonnées pendant la seconde enfance, de 8 a 13 ans exclusivement ;
4° Enfants abandonnées k 13 ans et au-dessus de 13 ans. adolescentes. Les filles, en effet, ont en moyenne à 13 ans leurs premières règles. J'ai trouvé les chiffres suivants :
86 dans la première catégorie. . 85 E. A. — 1 M. A.
96 dans la seconde......85 E. A. — 12 M. A.
163 dans la troisième.....119 E. A. — 44 AL A.
129 dans la quatrième. . . 97 E. A. — 32 M. A.
385 89
Cette recherche me paraît avoir un certain intérêt. Xous voyons, en effet, que sur 100 enfants délinquantes, 18 appartenaient k l'Assistance dès leur naissance. 39 avant 8 ans, et que. par contre. 34 lui étaient confiées de 8 à 13 ans et 27 au-dessus de 13 ans. 61 % des enfants étaient donc restées dans leur famille pendant toute la durée de leur première enfance.au moins. L'influence du milieu dans lequel vit l'enfant est donc considérable. Il est évident, en effet, que les parents des enfants abandonnées avant huit ans avaient à peu près la même conduite, les mêmes tares, que les parents de celles abandonnées après cet age, que le facteur hérédité mentale est le même dans les deux cas : mais, si la proportion de délinquance est devenue deux fois plus grande lorsque l'enfant a été abandonnée tard, il faut certainement incriminer les exemples déplorables que celles-ci ont eu sous les yeux. Les pupilles de l'Assistance abandonnées, dès leur naissance, dans le milieu familial
où l'Administration les place, sont au contraire éloignées 'de ces causes de dépravation. L'âge des enfants à leur entrée à l'Ecole a été le suivant :
9 10 11 12 13 14 15 16 17* 18 19 20
?. A. 1 1 2 2 15 33 74 77 69 50 37 24 M. A. » . » 8 2 9 17 12 13 19 11 8
t 1 2 5 17 42 91 89 82 69 48 27
C'est donc surtout à 15, 16, 17 ans que les pupilles se sont mal conduites (262 sont entrées a ces ages, soit 55,1 0/0).
Un trop grand nombre d'enfanls nous a été envoyé trop tard : 144 d'entre elles, soit 30,3 0/0, avaient 18 ans et au-dessus. Déjà, d'après les notes qui étaient à leur dossier, leur conduite laissait à désirer depuis quelques temps. Il aurait fallu les envoyer plus tôt à l'Ecole, car, à 18 ans, il est difficile de mortifier un caractère.
L'un autre côté, 73 enfants ont été confiées à l'Ecole l'année même de leur entrée à l'Assistance (54 enfants abandonnées et 19 moralement abandonnées), soit 15,3 0/0. C'était, d'ailleurs, le plus souvent leur mauvaise conduite qui était cause de leur abandon à l'Assistance. Certaines de ces enfants n'étaient plus amendables. Leur présence à l'Ecole ne pouvait qu'apporter obstacle à l'amélioration des autres élèves.
Les enfants me sont adressées sous une des rubriques suivantes :
1° Mauvaise conduite, débauche et vagabondage :
1" Vol ;
3° Indiscipline ; 4° Incendiaires.
Leur nombre a été respectivement de :
Mauvaise conduite . 221 soit pour cent 46,6
Vol........... 93 — 19,5
Paresse........ 69 - 14,5
Indiscipline.....84 — 17,7
Incendiaires..... 7 — 1,4
Ces enfants délinquantes séjournent à l'Ecole de la Salpétrière une durée moyenne de 8 mois. A leur arrivée, à leur départ et pendant leur séjour- à diverses reprises, je les examine séparément, je me renseigne auprès des surveillantes sur leur manière d'être, et je puis ainsi me faire une opinion sur leur état physique et mental, sur leur degré de responsabilité, pourrais-je dire, en utilisant une expression, très critiquée, il est vrai, mais en tout cas très compréhensible.
.T'ai ainsi noté que snr ces 474 enfanta. 226 présentaient une lésion mentale (soit 47,6 0/q), 38 une affection organique importante telle que rhumatisme, tuberculose, ehloro-anémie, etc. Ce qui faisait une proportion de 55,6 0/0 d'enfants ayant une responsabilité atténuée. Même 38
d'entre elles {S 0/0) ont du être considérées comme aliénées, comme totalement irresponsables et être internées à Sainte-Anne.
Le tableau suivant rendra compte des diverses anomalies intellectuelles que j'ai constatées, et en même temps de leur fréquence suivant la nature dc la délinquance commise par l'enfant.
Débile*
Mauvaise conduite . 44
Paresse........ 21
Incendiaires..... 2
Indiscipline...... 29
131
Maladie* Anémie
de Névrose* Tuberculose
l'intelligence Kliuinaiiime
37 4 28
15 » 8
4.7
1 » »
60 7 88
J'ai classé ces anomalies de la manière suivante :
1° Défaut de développement intellectuel;
2°. Maladies de l'intelligence : perversion, psychoses, etc. ;
3° Xévrosee.
La quatrième division comprend les enfants dont l'état général altéré influe sur la capacité intellectuelle, c'est-à-dire, des faux anormaux (1).
Les 8S enfants internées à Sainte-Anne (14, mauvaise conduite : 7, vol ; 7. paresse : 10, indiscipline) se classent ainsi :
b' hystériques ou épileptiques avec délire consécutif aux attaques, dont deux cas de débilité mentale ;
15 cas de débilité mentale ;
17 cas de dégénérescence mentale avec, dans la plupart des cas. débilité et périodes d'excitation, ou tentative de suicide, perversité des instincts, etc. Soit un total de : 186 débiles ;
77 malades de l'intelligence ; 13 hystériques et épileptiques : donnant une proportion pour 100 de : 28,7 débiles,
16,2 malades de l'intelligence, 2,7 hystériques,
contre 52,4 intelligentes, mais, parmi celles-ci, 8 0/0 avaient un trouble marqué de l'état général.
Récidivistes. — 77 enfants sorties améliorées de l'Ecole y ont été renvoyées. Parmi les nouvelles délinquantes :
3 sont revenues l'année même de leur sortie. 18 l'année d'après. 20 deux ans après, 20 trois ans après, 7 quatre ans après,
(1) Jules Vodox et Roger Voient. — Classification et assistance des enfante dite anormaux Intellectuels. Heine mentuelle des Maladies de l'Enfance, 1906.
2 six ans après. 2 sept ans après, 1 huit ans après. 4 cinq ans après, Ces 77 enfants étaient entrés à l'école sous les rubriques suivantes :
34 mauvaise conduite, soit 45 0/0' 10 vol, soit 13 0/0.
S paresse, soit 10 0/0, 25 indiscipline, soit 32 0/0.
On les avait classées au point de vue mental de la manière suivante :
35 intelligentes, soit 45 0/0, 23 débiles, soit 30 0/0,
9 malades de l'intelligence, soit 12 0/0. 2 hystériques, soit 3 0/0.
8 anémiées, tuberculeuses, etc.. soit 10 0/0.
*
* *
En somme, parmi nos enfants la moitié comprend des malades intelligentes (44.4 0/0), normales plutôt au point de vue de feur développement et de leur état intellectuel, responsables. Elles sont vicieuses surtout par manque d'édncation et du fait du milieu dont elles ont été retirées trap tard. Elles ont des instincts qu'elles âéeirent satisfaire et ne comprennent pas pourquoi elles ne jouiraient pas de la vie, pourquoi elles ne feraient pas ce qu'elles ont vu faire autour d'elles. Rappelons, en effet, que la moitié de nos enfants a été confiée à l'Assistance après 8 ans.
Ces enfants intelligentes, quand elles arrivent trop tard à l'Ecole, sont difficilement amendables ; elles constituent 45 0/0 des récidivistes.
Puis nous trouvons un assez grand nombre de débiles, 27.7 0/0.
Leur intelligence peu développée, leur compréhension lente lès font souvent considérer comme des paresseuses. Elles ne comprennent pas ce qu'on leur commande, n'ont aucune initiative et ne peuvent arriver à exécuter en temps voulu le travail commandé. Si le caractère est doux, l'enfant ne répond pas aux réprimandes, mais, s'il est violent, elle se révolte devant ce qu'elle considère comme une injustice, c'est une indisciplinée. D'autres, de parleur faiblesse intellectuelle, sont incapables de résister k leurs penchants ou aux sollicitations dont elles sont l'objet. Elles se livrent à la mauvaise conduite, même quelquefois au vol. et souvent elles ne sont que des instruments entre les mains d'individus intelligents. Ce sont ces enfants qni.dans l'Ecole,se conduisent le mieux-mais elles retombent souvent, si elles sont rendues au même milieu dont on les avait retirées (30 0/0 de récidivistes).
Cette bonne conduite à l'Ecole est plus rare chez les enfants dégénérées, perverses, intelligentes ou non. Chez elles, les mauvais instincts dominent : l'hérédité morbide a marqué son empreinte sur le développement intellectuel : elles ne songent qu'à mal faire et y trouvent plaisir : elles manquent de sens moral. Leur surveillance est très difficile : elles sont dissimulatrices, très vaniteuses, très dominatrices. Ce sont elles qui
poussent leurs camarades moins intelligentes aux mauvaises actions ; à l'Ecole, elles fomentent des complots et jouissent des troubles qu'elles peuvent y apporter.
D'autres, enfin, présentent des psychoses plus ou moins accusées, comme la peur des animaux, et de telles enfants, placées dans une ferme, s'évaderont toujours et seront considérées comme des indisciplinées, alors qu'en ville elles peuvent rendre de bons services.
Il est inutile d'insister sur les troubles mentaux variés des épileptiques et des hystériques. Ces névroses sont seulement souvent méconnues, tant au point de vue physique qu'au point de vue mental.
? ne faut pas oublier non plus qu'une maladie générale, la tuberculose, le rhumatisme, la chlorose, l'anémie, même une croissance exagérée ou une formation difficile, rendent l'enfant apathique, insouciant, grognon, irritable ; aussi, relevons-nous chez S 0/0 de nos enfants une atteinte de l'état général. Ces accidents passés, on n'a plus aucun reproche à adresser à l'enfant.
*
Les moyens à employer pour essayer d'amender les enfants délinquants doivent évidemment varier suivant leur état physique et intellectuel. Pourtant, le fait de les réunir dans une Ecole commune est chose utile, mais à condition que celle-ci soit divisée en plusieurs seoetions ; il ne faut pas mélanger les perverses avec les vicieuses simples et débiles, ni réunir dans le même atelier des filles de 19 ans et des enfants de 13, 14 ans. Ces sections ne devront pas comprendre plus de-douze à quinze enfants au maximum.
Dans l'Ecole, la plus large part doit être attribuée aux travaux manuels, car ceux-ci assouplissent et développent l'intelligence. Il faut surtout ne pas laisser l'enfant inoccupé : il faut qu'il trouve discipline, régularité dans le fonctionnement des services, bonté et fermeté chez ses maîtres.
? faut savoir reconnaître leurs efforts et punir leur négligence ; mais que les récompenses et les punitions, variables suivant les délits, varient aussi selon le caractère du sujet. On obtiendra souvent davantage en agissant sur les sentiments de l'enfant, l'amour-propre, la vanité, l'intérêt, qu'avec une punition sévère. L'isolement est cependant parfois nécessaire. Mais surtout il faut tâcher d'inculquer k l'enfant l'esprit du devoir et du respect.
* *
En définitive, cette statistique de l'Ecole de réforme de la Salpétrière fait apparaître de la manière' la plus limpide les deux grandes causes de la délinquance juvénile : d'une part et en premier lieu, croyons-nous, le manque d'éducation de l'enfant, les mauvais exemples qu'il a eu sous les yeux: d'autre part, les modifications pathologiques de l'intelligence d'origine héréditaire : débilité et perversion. Pour prévenir cette criminalité infantile, il ne faut donc pas seulement lutter contre ces facteurs de dégénérescence mentale, la tuberculose. • la syphilis, et surtout l'ai-
coolismc. mais aussi donner îi l'enfant une éducation morale solide, lui éviter les occasions de vagabondage, principalement an moment où il quitte l'école au début de la puberté, organiser en un mot l'éducation mannclle. l'apprentissage de l'adolescent.
D faut surtout lorsque, dans son jeune age. un enfant parait d'un caractère bizarre, « qu'il n'est pas comme les autres ».que cet enfant soit examiné au point de vue mental, car la constatation d'une anomalie intellectuelle permettra de lui appliquer le traitement approprié, et ce traitement est d'autant plus efficace qu'il est institué plus tôt.
RECUEIL DE FAITS
Deux cas d'onanisme chez des enfants traités par la suggestion hypnotique (1). Par le Dr Régis
Professeur adjoint de Clinique des maladies meutules a In Faculté de médecine de Bordeaux
Je désire vous présenter deux enfants atteints d'onanisme, dont l'histoire me paraît offrir matière a quelques réflexions intéressantes.
1e Le premier cas est relatif à une fillette, figée aujourd'hui de six ans et demi.
Cette enfant, vive, intelligente, lymphatique et un peu nerveuse comme sa mère, se livre à l'onanisme depuis l'âge de quatre ans et demi. On s'aperçut, dès cette époque, qu'elle s'isolait dans les petits coins, cherchant à se dissimuler et prenant des attitudes suspectes. Surveillée et prise sur le fait, elle avoua qu'elle exécutait * sa sottise » depuis déjà un certain temps, plusieurs fois par jour et par nuit (de six à dix fois par vingt-quatre heures en moyenne), toujours en serrant fortement ses cuisses et en les frictionnant l'une contre l'autre, sans participation manuelle.
C'est spontauément et instinctivement eu quelque sorte que la fillette avait contracté cette habitude et elle la pratiquait sans se rendre compte, bien entendu, de son caractère génital, tout d'abord pour la sensation d'éréthisme nerveux éprouvée, ensuite et surtout par une sorte d'auto-matisim* semi-conscient. Aucune malformation, aucune irritation locale des organes autre que celle résultant des manœuvres ouanistiques, ne put être constatée.
Les parents tentèrent tout au monde pour corriger l'enfant, mais en vain. Douceur, remontrances, punitions, corrections, rien n'y fit. Ils employèrent alors les moyens de contention usités en pareil cas et particulièrement deux appareils : l'un métallique, en forme de coquille, très coûteux, qui ne donna aucun résultat et fut mis de côté ; l'autre, fabriqué par les parents eux-mêmes, sorte de coin de bois recouvert d'étoffe et muni de sangles, qui. dans une certaine mesure, empêchait l'onanisme nocturne en maintenant les cuisses écartées.
(1) Communication à la Société de médecine et de chirurgie de Bordeaux.
Quoi qu'il en soit, la petite malade continuant iï se masturber et dépérissant de plus en plus, son médecin traitant me l'adressa.
Je l'isolai de ses parents et essayai d'abord un traitement par les sédatifs, la suggestion verbale, là surveillance assidue.
La situation ne s'étant pas modifiée, j'eus recours à l'hypnose. Le sommeil ne vint pas tout d'abord, la fillette résistant parce qu'elle s'était mise en tête qu'on voulait l'endormir pour lui faire une opération. Cette frayeur passée, les choses allèrent pour le mieux, et, dès les premières suggestions, l'amélioration se produisit.
Actuellement, l'enfant a cessé toute pratique onanistique. L'idée, supprimée par l'hypnose, ne lui vient plus, comme elle l'explique elle-même étant endormie.
2° Notre second malade est nn garçon âgé de neuf ans et demi.
C'est un enfant à antécédents héréditaires plus chargés, son père ayant eu des accidents cérébraux infantiles qui lui ont laissé une infirmité d'un des membres inférieurs et sa mère étant morte à vingt-sept ans de tuberculose. Lui-même a eu, il y a cinq ans, une fièvre typhoïde grave avec délire violent, à la suite de laquelle, tout en restant assez intelligent, il est devenu sournois, menteur, voleur, paresseux, insupportable à l'école comme en famille. L'n seul fait donnera une idée de sa malignité : il s'est amusé récemment à casser, chez lui, une douzaine de cuillères, dans l'unique but de faire tomber les soupçons sur une voisine qu'il accusa formellement du méfait.
Ce jeune garçon se masturbe, depuis déjà longtemps, plusieurs fois par jour. On ne sait, au juste, à quel age il a commencé, probablement vers trois ou quatre ans, car, lorsqu'on s'en est aperçu par hasard, il n'avait pas cinq ans et déjà l'onanisme était passé chez lui à l'état d'habitude chronique, automatique, violente même, au point que sa verge était tonte écorchée. A part un léger degré de phimosis, ses organes génitaux ne présentaient rien de particulier.
Comme pour la fillette, tout a été tenté pour le corriger, sans aucun résultat. Sa tante lui ayant cousu le pantalon, il passait sa main, en se penchant, par le bas dos jambes et est même allé jusqn'à faire ses besoins dedans, pour se le faire enlever. Voyant cela, on lui a acheté un appareil en carton-pate, qui emprisonne sa verge à la façon du faux nez d'un masque et qui se cadenasse en arrière. Le voici en place. Cet appareil n'a servi à rien, car, ainsi que vous le voyez, l'enfant peut facilement, en rétractant son abdomen, atteindre sa verge soit avec la main, soit avec l'instrument dont il se sert parfois, son porte-plume.
En fin de compte, ce malade m'a été adressé par son médecin à ma consultation clinique de la Faculté.
C'est il y a quelques jours seulement que nous avons commencé les séances d'hypnose, dont a bien voulu se charger mon aide de clinique, le docteur Galtier. Jusqu'ici nous n'avons encore obtenu que des résultats minimes et nous aurons probablement à lntter contre la résistance plus ou moins vive du sujet, qui y met visiblement de la malice et de la mau-
vaise volonté. Xous espérons bien cependant réussir et arriver a la guérison. .
Réflexions. — Il résulte de ces faits et de beaucoup d'autres qui ont été cités que l'onanisme est fréquent chez les enfants en bas-Age. Certains auteurs, comme Marjolin et Van Bambecke. l'ont même observé chez des nourrissons.
L'ne cause locale, malformation, irritation, prurit, etc., peut en être le point de départ. Souvent cependant, il n'existe rien d'anormal du côté des organes génitaux et l'onanisme parait être surtout alors une sorte d'impulsion instinctive tournant vite a l'acte automatique, quelque chose comme un tic d'habitude, involontaire et à peine conscient.
Les innombrables appareils de contention dus à l'ingéniosité des fabricants et des familles sont condamnés comme absolument inefficaces par tous les médecins qui ont eu à traiter des cas de ce genre, et Bèrillon n'hésite pas k déclarer que l'emploi des moyens de contrainte semble accentuer le mal et créer un véritable onanisme chronique. Je suis absolument de son avis et j'ai constaté que les mesures de rigueur ne font que révolter l'enfant et l'exciter a se soustraire, de façon ou d'autre, k leurs conséquences.
De l'aveu de tous, la psychotérapie est le traitement de choix en l'espèce, soit sous forme de suggestion hypnotique, comme le préconisent BechtereAv |18S9) et Bèrillon (1901). soit sous forme de traitement moral, comme l'indiquait tout récemment Aug. Lemattre (1906).
Pour ma part, je donne volontiers la préférence dans ces cas à la suggestion hypnotique parce que les enfants en bas-Age ne sont guère accessibles k la suggestion raisonnée de l'état de veille et aussi parce que, chez eux, on peut recourir k l'hypnose sans risque de culture, par suite sans inconvénient.
On se souviendra seulement, et les deux sujets que je présente en sont un exemple, que l'enfant, si jeune soit-il, peut opposer aux tentatives d'hypnose une résistance insoupçonnée et dont parfois il est très difficile de venir à bout.
C'est ce qui est finalement arrivé chez notre jeune garçon. Il a été tellement furieux d'avoir été endormi par le docteur Galtier et d'avoir été mis. par suggestion, hors d'état de se livrer durant un jour à l'onanisme, qu'à dater de ce moment il est devenu impossible de l'endormir k nouveau, malgré tout ce qui a été tenté, et sa famille, impatiente, a préféré revenir aux mesures de rigueur.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 18 mai 1009. — Présidence de M. le Dr Jnlee Voient et de M. le Dr P. Miosis.
La séance est ouverte à 4 h. 45.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adoptée
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui com-
prend des lettres des D1** Douglas Bryan (de Leicester). Poulalion. Witry (de Trèves-sur-Moselle), Damoglou (dn Caire), etc., etc.
La correspondance imprimée comprend deux brochures de M. le Dr Milne Bramwell (de Londres): Obsessions and their treatment by suggestion : de M. le D1' Bett Taplin's : Method in the treatment by hypnotic-suggestion.
M. le secrétaire général fait part de la création en Angleterre de la Medical Society for the study of suggestive therapeutics, avec laquelle la Société d'hypnologie et de psychologie entretiendra les relations les plus suivies.
Les communications a Tordre du jour sont faites dans l'ordre suivant :
Dr D'Hôtel (de Poix-Terron) : Ls valeur psychologique du signe pupil-laire. Discussion : Dr Bérillon
Dr P. Farez : Rectifications et critiques au sujet de récentes publications sur le traitement de l'incontinence d'urine.
Dr Bérillon : Le mécanisme psychologique, du traitement de l'incontinence essentielle d'urine.
Dr Tarrius, d'Epinay-sur-Seine : Intoxication eocaïnique par les muqueuses de la face.
Dr van der Chys (d'Amsterdam) : De la suggestion et de son rôle en psychothérapie.
Les candidatures de M. H.GarnieretduD1" Douglas Brian, de Leicester^ sont adoptées à l'unanimité.
La valeur psychologique du signe pupillaire
par M. le Dr Georqks d'Hôtel, de Poix-Terron (Ardennes)
Si ce qu'on appelle en philosophie la conviction est l'apanage des esprits cultivés et scientifiquement développés, la persuasion, par contre, est du domaine de tous, elle est la porte d'entrée de toutes les intelligences, si jeunes, si frustes, si primitives soient-elles.
Elle a lieu par l'acquiescement suggestif, dans des conditions données, à l'acceptation d'un fait, d'une idée, d'une croyance.
Elle est, par là, le point de départ de l'éducation individuelle, d'une quantité d'idées acquises, d'impulsions communes, on d'actes qni font partie de la psychologie des individns et des foules.
Si nous envisageons la persuasion, suivant son ancienne et très nette définition, comme un acquiescement suggestif, si nous considérons que cette persuasion s'accompagne d'un phénomène pupillaire spécial, d'un réflexe tout proche de la dilatation pupillaire de l'hypnose, nous entrons dans le domaine de la physiologie humaine, et c'est pourquoi j'ai cru pouvoir vous soumettre cette étude.
Cherchons à spécifier comment et dans quelles conditions se produit le phénomène physiologique et psychique de la persuasion avec signe pupillaire. nous remonterons ensuite à ses causes, et nous redescendrons aux conséquences qu'il peut avoir dans l'éducation, dans les croyances et dans la vie sociale.
Observations. — Citons tout d'abord l'observation d'un docteur. En dehors des essais d'hypnose classique que tous les médecins ont tentés aujourd'hui, bieu des faits isolés de dilatation pupillaire avaient déjà attiré mon attention, lorsque, il y a quinze ans environ, j'ai été appelé, comme bien des confrères — la suggestion n'épargne personne — à faire une campagne politique.
Dès le début, dans les causeries et les tète-à-tête que nécessite ce genre d'exercice, j'ai été frappé par des motilités et des inégalités pupillaires multiples. Pensant à la suggestion à l'état de veille, j'ai observé, j'ai mesuré de l'œil des centaines de pupilles.
• Durant que je parlais, les unes dilatées facilement m'ont paru appartenir à ceux pour qui mes idées et ma candidature étaient sympathiques : voix acquises.
Poursuivant ma route, je rencontrais, en face des moyens oratoires ou personnels dont je disposais, d'autres pupilles qui, tour à tour, à lumière égale bien entendu, se dilataient, se reprenaient pour se contracter ; je voyais à l'iris, successivement, l'action persuasive ou la défense, l'échec ou le succès, suivant que j'avais obtenu ou non le signe pupillaire.
D était par contre des pupilles réfractaires, fermées, hostiles, les unes de plain-pied, fermement soutenant le regard ; les autres, moins franches d'expression, fermées par la volonté, fuyaient le regard comme pour se défendre, si je puis dire, de sa conquête ou de sa suggestion.
Après quelques jours de cette campagne, mi-politique, mi-physiologique, je possédais mon manuel opératoire.
Les pupilles spontanément dilatées, je les suggestionnais par quelques brèves paroles, afin d'être sûr de la permanence de l'action : quelques minutes me suffisaient pour juger de l'action possible sur les pupilles alternativement oscillantes : quant aux contractées formelles, après deux ou trois pierres de touche, j'étais fixé, sans perdre de temps.
Inutile, de dire que parallèlement, je faisais ou faisais faire mon enquête, dans les limites du possible, sur l'état d'âme au point de vue de la persuasion, des personnes que j'avais observées : quelle campagne acharnée faisaient contre votre serviteur les pupilles irréductibles ; combien, parmi les oscillantes, ont fait défaut : je ne m'attarderai pas à vous le dire.
J'avais compté sans la vision des pupilles de mon adversaire, je fus battu, c'est une constatation médico-physiologique : mais six ans après, après six ans de langage articulé de ma part et d'études pupillaires suivies, j'étais nommé à la presque unanimité des voix ? Il n'y pas que Jaurès qui fasse accommoder à l'infini des espérances le mirage dilatant de la cité future ?
Obsebvatiox LL — ultérieurement j'ai récolté d'antres observations. En des réunions publiques, tournant le dos à l'orateur et face an public, j'ai retrouvé les pupilles suggestionnées.
Je puis citer un orateur plébéien qui m'a fort intéressé : sa facture est à longue phrases dont les idées accessoires se succèdent et s'emmêlent.
en périodes superposées, appelant l'attention, la tendant, la charmant en ces idées accessoires et suggestives pour arriver brusquement, autoritairement à l'idée principale affirmée : suggestion collective.
Observation HI. — L'action oratoire de certains prédicateurs sacrés n'a-t-elle pas, comme facteur principal le rythme, musical dans la phonation de l'idée par l'orateur et la vision suggestive de celui-ci, en vision haute de la chaire, par ceux qui l'écoutent ?
Observation IV. — Mes observations personnelles ont porté moins haut : dans la vie courante, dans la causerie au lit du malade, bien souvent, j'ai observé la portée de l'action que je voulais avoir à la mesure du réflexe pupillaire, me renseignant moi-même sur l'action suggestive utile et réconfortante que peut avoir le médecin chez les malades chro_ niques.
Observation V. — L'enseignement, chez les primaires surtout, à cet Age où la suggestion est si facile, devait fournir des documonts : bien des maîtres interrogés ont observé cette dilatation de la pupille chez les élèves ; les yeux se fixent et deviennent clairs. L'élève dont le regard se fixe et se dilate est tout près de comprendre, tout près de retenir. Le distrait du regard est un distrait de l'esprit.
Observation VI. — J'ai fait observer au régiment les réflexes pupillaires. Voici des notes :
1° Dilatation très appréciable de la pupille observée chez un sergent rengagé au moment où il expliquait un mouvement : pupille dilatée jusqu'à presque disparition de l'iris (très bon sergent, 28 ans. aime beaucoup son métier et tient à la bonne exécution des mouvements).
2° Même observation au moment où ce sergent faisait une théorie, pendant presque toute la durée de la théorie.
Ici c'est le phénomène de l'auto-suggestion par discipline consentie.
3° Chez les élèves caporaux, observations faites pendant l'exercice appelé théorie pratique, au cours duquel les élèves caporaux font fonc-tiou d'instructeurs.
a) Chez les hommes qui prennent goût à l'exercice : dilatation plus ou moins grande.
b) Chez les hommes que l'exercice ennuie : aucune dilatation.
4° A l'explication d'un mouvement ou pendant une théorie : dilatation plus ou moins grande chez les auditeurs suivant le degré d'attention.
5° Observations faites sur les officiers : dilatation assez appréciable chez celui qui donne des ordres. La dilatation est plus ou moins grande suivant les tempéraments, jusqu'à devenir presque nulle chez les caractères froids.
Elle devient assez considérable chez tous les sujets observés, si les ordres sont donnés dans un moment critique et doivent être suivis d'une exécution rapide.
Les observations ci-dessus ont été faites dans plusieurs régiments, elles concordent.
Elles nous donnent le signe pupillaire dans les deux cas : auto-suggestion à la discipline et suggestion dans l'obéissance mal tresse de l'individu.
Observation VII. — Le phénomène attention sous l'influence d'une émotion également maîtresse de l'individu dilate la pupille : je l'ai observé chez des spectateurs en face d'une cage de domptenr dans une ménagerie.
Observation VIII. — II n'est pas jusqu'à la douleur maîtresse de lu volonté qui n'ait son action sur la pupille : souvent la femme en couches laisse dilater ses pupilles aux dernières contractions, où sa musculature vaincue laisse agir l'utérus.
Observation IX. — L'angoisse et la frayeur aux pupilles dilatées sont-bien connues, elles laissent les individus Gt les foules accessibles aux impulsions les plus irraisonnées : la volonté n'est plus quand la pupille se dilate. La suggestion commande, la sensation prime la raison.
Observation X. — Les dilatations pupillaires, enfin, me disait en ces temps derniers un observateur rabelaisien et sceptique, précèdent et indiquent les chutes passionnelles des femmes,
Observation SX — J'ai observé à Lourdes, durant les processions et surtout aux piscines, la dilatation pupillaire.
Le médecin qui observe ces choses a-t-il le droit de dire qu'en notre nature humaine, durant que le phénomène pupillaire s'accomplit, certaines idées prennent possession de notre intellect, certains actes nous sont suggestionnés dans un présommeil momentané ou à l'insu de notre volonté ? — Je crois pouvoir l'affirmer et dire que de la réitération de ces idées, de la répétition de ces actes, résultent des habitudes et des conséquences que l'on peut étudier au point de vue de l'éducation, des croyances et dans la vie sociale.
L'action de l'hypnose a lieu, dit le Dr Crocq, de Bruxelles, lorsque limpressionnabilité domine la force de résistance.
L'individu normal, dit-il. qui n'est peut-être qu'un idéal au point de vue intellectuel aussi bien qu'au poiut de vue organique, possédera toujours une force de résistance supérieure à son impressionnabîlité : son intelligence dominera ses sens, et il n'acceptera l'idée suggérée que si son intellectualité, après mûre réflexion, lui conseille de l'accepter.
D'où sa formule :
I : R = 2 : 4.
I étant l'impression, R la résistance, cette formule étant l'expression de l'individualité normale.
Xous pouvons en déduire qne toute cause qui augmentera R et diminuera I. et réciproquement, modifiera la mentalité de l'individu.
Parallèlement, la physiologie peut dire que R est de fonction centrale supérieure, et que I est de fonction mœlle allongée ou grand sympathique ; ou reprendre la formule du Dr Crocq, que le pouvoir de résistance appartient au centre psychique supérieur et que plus ce centre est paralysé, plus cette résistance s'affaiblit.
Cette résistance disparaît-elle complètement, c'est l'hypnose, c'est le grand
hypnotisme. ; est-elle seulement affaiblie par les causes ci-dessus énoncées, c'est le pré-hypnotisme, c'est l'attention, c'est la persuasion, arec son signe pupit/aire, où nous avons voulu limiter celte étude.
conclusions :
Les conséquences qui découlent des observations ci-dessus sont faciles à déduire ; nous les énoncerons simplement.
1° Le signe pnpillaire, dans la vie courante, indique un état de réceptivité de l'individu, une suggestion d'autant plus puissante que cet individu est plus jeune ou prédisposé par un état d'anie antérieur qui fait prédominer I sur B.
2° Le signe pupillaire doit être, en pédagogie, pour le maître averti qui le constate, une indication de réceptivité à l'enseignement, le dosage pour ainsi dire de l'attention. Au maitre de chercher à le produire, et d'apprécier dans sa classe l'action qu'il a sur chacun de ses élèves, la durée de cette action, et la fatigue de l'attention.
3° Cette mydriase est d'ordre émotif et sensuel, elle appartient aux phénomènes qui régissent les individus et les foules au point de vue impulsif, politique ou religieux ; ces deux impulsions étant, d'ailleurs, similaires, si nous nous en rapportons à il. Gustave Lebon.
4« Cette mydriase. d'ordre suggestif, est, dès l'enfance, la porte d'entrée des idées conventionnelles de morale qui doivent adapter l'individu aux contingences mondaines nécessaires à l'harmonie sociale.
5° Elle est éducatrice pour toujours, instructive pour le point de départ des études primaires, les secondaires et les supérieures étant plutôt suite terrain de la volonté et de la raison pure.
6° L'éducation doit prendre l'individu en I et le perfectionner en R : l'éducateur doit entrer dans l'esprit de l'élève par la sensibilité et parachever son œuvre par le culte de la raison, de la volonté, du jugement.
REVUE CRITIQUE
Un livre du Dr W. Hilger, de Magdeburg, sur l'hypnotisme
et la suggestion.
Die Hypnose und die Suggestion, Ihr AVeseu, Ihre AVirkungsweise und Hire Bedentung und Stelluug unter den Heilmithelu von Dr med. 11'. Hilger, in Magdeburg = S.
L'année 1909 s'annonce bien. Elle nous apporte un nouveau périodique, le Zeitsclirift flir Psychothérapie und medizinische Psychologie, dirigé par le docteur Albert MolL de Berlin et le livre énoncé ci-dessus écrit par un médecin rompu ? la pratique, et initié ft la science de la médecine psychologique par le docteur Oscar Vogt. directeur de l'Institut neurobiologique de l'Université de Berlin, à qui l'auteur a dédié son ouvrage.
Le docteur Hilger employait ses vacances d'été de 1S96 à faire une cure de psychothérapie a Franrensbad, en Bohème, sous l'égide du docteur O. Vogt. alors directeur médecin du Sanatorium de ce nom.
lorsqu'en visite chez celoi-ci j'ai eu. le plaisii- de faire sa connaissance et de l'accompagner au Congrès international de Psychologie de Munich, tenu en cette même année. Depuis nous sommes restés en relations d'amitié. Comme moi-même il était médecin praticien depuis plusieurs années déjà lorsqu'il apprit à connaître les vertus de la suggestion hynop-tique. Pour lui aussi la psychothérapie fut une véritable révélation. ? ne se tînt pas simplement à l'application de la suggestion par ci par là dans quelques cas donnés de sa pratique, mais en savant allemand consciencieux, il voua les rares moments de loisir que lui laissa sa grande clientèle à l'étude de cette nouvelle branche de la thérapie et aux expérimentations. II faut avoir vécu cette vie routinière de la pratique générale, dans laquelle on est médecin, chirurgien, accoucheur à son temps, toujours sur la brèche, jamais sûr de son sommeil de la nuit, prenant ses repas quand on peut, lisant en voiture, ponr comprendre ce que veut dire de mener de front avec cette besogne de chaque jour, une étude assidue permettant de composer un ouvrage de longue haleine comme celui que vient présenter à ses confrères le sympathique praticien de Magdebourg.
Comme le titre du livre l'indique, son auteur étudiera successivement l'essence de la suggestion, sa manière d'opérer, sa signification et sa place dans la série des médications. Il divise son ouvrage en quatre parties.
Dans la première il nous apprend ce qu'on a entendu par l'état hynop-tique, par la suggestion et comment ils opèrent en général. La deuxième partie est vouée à l'étude de la suggestion dans ses rapports avec la volonté. La troisième met en lumière l'influence de la volonté, de la suggestion et d'autres agents psychiques sur les troubles dans le domaine des sensations.
La dernière traite des troubles dans l'action des réflexes et de leur traitement.
I
Après avoir fait un résumé succinct de l'historique, l'auteur procède à analyser l'essence de l'état hypnotique. Il s'appuie dans cette analyse sur les travaux et les expérimentations du docteur 0. Vogt qui, d'accord avec Liébeault, ont conduit cet auteur à admettre que dans son essence l'hypnose constitue un état de sommeil.
L'étude des états de sommeil reconnaît un côté physique comprenant lès processus somatiques (théorie du sommeil de PlUgcr), et un côté psychique trop souvent négligé des auteurs. L'analyse des rêves, du demi-sommeil et du processus de Ventrée en sommeil, met bien en vue les principales propriétés de l'état de sommeil, considéré de ce point de vue psychique. Durant le sommeil, la critique se taisant, un excitant extérieur peut créer des images fantasiastes peuplant nos rêves et régnant sans entraves alors qu'à l'état de veille le contrôle sait refréner la fantaisie par l'émission d'images contraiaes. Pour illustrer ce jeu du frein. Hilger se sert de la comparaison suivante : L'homme éveillé ressemble au visiteur d'un tableau-panorama. Dans son voisinage immédiat sont placés des objets réels ; plus éloignés de lui se trouvent des objets irréels.
Le milieu dans lequel il se trouve étant baigné d'une lumière uniforme bien répartie, l'observateur n'a aucune difficulté de calculer les distances et peut facilement distinguer le réel de l'irréel. A la nuit tombante ? quand l'homme se trouve en état de sommeil) la lumière est différemment distribuée et le visiteur aperçoit k peine tels objets enfouis dans l'ombre alors qu'il voit tels autres comme brillamment illuminés par un jet de lumière électrique. Ce n'est pas le réel qui, sous ces conditions, ressort le mieux et tombe sous l'œil. Il se peut parfaitement, au contraire, que les objets irréels, les plus éloignés, semblent réels et plus rapprochés. En somme, il est difficile, sinon impossible au dormeur, de taxer les distances. Le passé peut lui sembler présent. Le souvenir, l'image mémoire, Vimage fantaisiste, irréelle, assume les droits de la réalité.
Le demi-sommeil, autre propriété étonnante de l'état de sommeil, est constitué par un mélange de sommeil et de veille.
Comme illustration du demi-sommeil, l'auteur rappelle la faculté de l'esprit de savoir contrôler le jeu du sphincter de la vessie et de veiller k ce qne le dormeur ne tombe pas hors de son lit ; celle anssi d'observer certains signaux qui tantôt portent l'homme à s'éveiller pour procéder à quelque acte, et qui tantôt arrivés à sa perception, le laissent indifférent.
Ce demi-sommeil, qu'il conviendrait plutôt de nommer sommeil partiel, est dans son essence un état de veille faisant trait d'union entre le sommeil qui précède et celui qui suit immédiatement cet état mitoyen. Dans l'espèce on ne pourrait sérieusement nommer le sommeil complet que du moment qu'il se passe sans rêves. Le sommeil partiel présente toutes les nuances et parcourt toute la gamme des degrés intermédiaires entre les deux extrêmes de la veille au sommeil complet. L'homme en état de sommeil partiel reste en certain rapport avec les personnes qui l'entourent; il entend et réagit à ce qu'on lui dit. Cette propriété peut servir k faire passer le dormeur du sommeil profond en sommeil léger et vice-versa. Cet état de choses démontre qu'entre ces modes de sommeil et l'hypnose il existe une parenté tellement proche que la définition psychologique suivante s'impose : V hypnose est un état de sommeil se caractérisant par l'existence du rapport, cela veut dire : elle constitue un état de sommeil dans lequel l'hypnotiseur et l'hypnotisé peuvent échanger d'idées entre eux.
L'auteur se posant la question : Comment peut-on produire le sommeil chez l'homme ? Cherche à résoudre ce problème en recourant à l'étude des symptômes accompagnant l'entrée du sommeil. Quant l'homme se trouve en état d'excitation : tels le soldat dans la mêlée du combat, le savant en train de faire un calcul difficile, l'enfant tout a l'attrait do ses jeux favoris ? il peut être plus on moins exténué et ne pas sentir la fatigue. Aussi l'exténuation ne suffit pas pour induire le sommeil, il faut la sensation de fatigue. Quand l'excitation cesse et fait place au calme, la fatigue se montre et le sommeil vient. Aussi, appelé à guérir de l'in-sommie, le médecin ne prescrira pas un surplus d'exercice physique ou psychique k son malade, mais il tachera de lui donner du repos. Il recommandera au malade de se coucher et de se recueillir sur une idée indiffé-
rente. Souvent une excitation extérieure monotone fréquemment répétée des organes des sens favorise l'entrée en sommeil. Tels sont le bruit du vent, le battement des vagues. le murmure du ruisseau, le tic-tac de l'horloge, le chantonnement de la mère berçant son, enfant, une lecture monotone, le contact du peigne avec le cuir chevelu et le bruit des ciseaux quand on se trouve sous les mains du coiffeur.
L'excitation prolongée et monotone de l'œil produit d'abord la fatigue du centre de la vue et puis la fatigue générale du cerveau, suivi de sommeil.
On peut tirer parti de cette observation pour provoquer le sommeil. On invite le malade se plaignant d'insomnie h prendre la station couchée, puis de fixer un point donné du mur et du plafond aussi longtemps que possible. Les yeux se fatiguent. 1ns paupières se ferment, le malade les réouvre et répète le même jeu tant qu'il finit par s'endormir.
Afin de hâter, la production du sommeil, on peut en même temps faire appel à la suggestion.
Or qu'entend-on par suggestion f L'exemple suivant, tiré de la pratique va nous en donner une notion : Après avoir produit le sommeil chez une personne plusieurs fois par une piqûre de morphine, le médecin réussit souvent à obtenir le même effet somnifère chez son malade par le simulacre d'une injection en ne se servant que de l'eau pure. Dans ce cas. l'image vive du sommeil, l'attention expectante, a produit le sommeil. Le sommeil ainsi obtenu est un phénomène de la suggestion : l'action vive de l'idée visant au but désiré. L'auteur étudie ensuite les notions : Association, fraiement, suggestion et leurs connexions avec les notions : réflexe somatique et psychique et explique ce qu'on doit entendre par représentation, image-souvenir et image-fantaisiste. L'image-souvenir peut-être rendu vivace par les facteur: exemple, habitude et attente. Dans ce dernier cas on parle de suggestion.
? y a hétéro-suggestion alors que l'idée du but visé a été introduite par une autre personue, on parle d'autosuggestion quand elle naît sans cette participation.
L'anteur accepte la définition de la suggestion proposée par O. Vogt : Les symptômes de la suggestion sont des phénomènes psgcho-phgsiques éveillés par la détermination d'une représentation mentale.
Le premier chapitre finit avec l'exposition des méthodes de provoquer le sommeil selon Mesmer, Braid. Liébeault. O, Vogt. la description d'une observation d'insomnie traitée par la suggestion hypnotique, relatée par le malade qui était médecin et bien un courant delà sciencehynpnotique ; l'état hypnotique rappelle l'état de recueillement de l'a me en dévotion.
?
La deuxième partie comprend l'étude de la suggestion dans ses rapports avec la volonté.
Une idée prenant empire dans l'âme se traduit aussitôt en acte en mouvement.
Cette loi de la psychologie régit les soi-disant s mouvements volontaires aussi bien que les actes réflexes. L'idée du but visée, dans l'acte
volontaire emprunte sa force pour la plus grande part a l'instinct, au motif, à l'intérêt positif, pour une autre part aox facteurs : attente (suggestion), habitude (exercice) et exemple.
L'auteur s'appuyant sur quelques exemples, examine le role de ces facteurs secondaires dans les actes de la vie commune comme dans leurs rapports avec la psychothérapie.
H étudie les instincts supérieurs et inférieurs, au point de vue physiologique et pathologique et insiste sur le rôle de la suggestion hypnotique dans le traitement des troubles nerveux ressortant de ce chef. Il discute l'application de la suggestion hypnotique a la pédagogie, à la rééducation de la volonté, à la restauration de la confiance dans soi-même, au traitement des phobies etc., et résume comme suit :
1 Pour qu'un mouvement volontaire, un acte quelconque viennent à se réaliserai faut que l'idée de ce mouvement ou acte règne dans l'esprit :
2 L'acte réalisé est un acte volontaire et l'individu censé actif du moment que l'idée menant à cet acte emprunte sa force à un motif régnant dans l'individu, à un instinct. & un intérêt positif (Lipps.) ;
3 U se peut cependant que la représentation d'un acte emprunte son empire à d'autres facteurs : notamment à l'attention expectante, l'exemple, l'habitude, etc. ; dans ce cas là l'individu est passif :
4 II peut arriver que le motif poussant à l'actiou ne soit pas l'intérêt le plus valable que l'intérêt connaisse!
Tel par exemple est le cas du buveur qui bien que reconnaissant des motifs plus nobles, n'arrive pas à se faire dominer par eux. Ce buveur n'est pas libre, il est esclave d'une passion, dominé par l'alcool. Quoiqu'il sache que sa santé, l'intérêt des siens (motif supérieur) exigeant son abstinence, il se laisse subjuguer par sa passion, (motif inférieur).
Abordant la question du libre arbitre, l'auteur est d'avis que les débats sur cette matière n'ont souvent été qu'une querelle de mots. Nous ne sommes pas libres, sans doute, de sauter par dessus de notre ombre, nous ne pouvons pas non plus nous transporter de la terre à la lune. Il n'y a que l'utopiste qui puisse aspirer à une telle liberté. Xous restons homme et tenus à obéir aux lois de la nature, mais pour cette même raison aussi, nous devons obéissance à celles de la morale.
Si le buveur ne sait pas se soustraire aux lois de la chimie et de la physique qui condamnent à la ruine ses organes, saturés d'alcool, il ne peut pas de même échapper à la loi morale qui lui défend d'abîmer sa santé, de détruire son aptitude au travail. Son devoir moral comporte qu'il veille à sa santé et pourvoir aux besoins de sa famille.
Si l'homme obéit à la loi morale, si les idées dominant dans son âme concordent avec les motifs qui agissent en lui, il est censé disposer de son libre arbitre.
Un individu qui ne se gêne pas de déposer ses excréments aussitôt que le besoin se fait sentir cl que les réflexes se mettent eu jeu. ne peut en effet être censé disposer du libre arbitre. Cette qualification ne revient de droit qu'à l'homme qui sait maîtriser ces réflexes en opposant avec
avantage le frein énergique de ses motifs supérieurs (décence) aux impulsions et motifs inférieurs.
L'auteur ne va pas a prétendre que l'éducation seule porte l'individu à la maîtrise de soi-même, il fait dûment la part de la disposition héréditaire ; il insiste cependant sur la grande valeur d'une bonne éducation pour la consolidation de l'empire des motifs supérieurs sur les motifs inférieurs.
De même que l'éducation scientifique vise à mettre l'étudiant en état de poui'suivre seul ses études, l'éducation morale doit conduire l'homme à l'éducation de soi-même. Des difficultés cependant peuvent se présenter quelquefois insurmontables pour l'homme isolé réduit k ses propres ressources, qui grâce à l'aide d'une main amie peuvent être aplanies.
Tel est le cas du malade qui seul ne parvient pas k vaincre le mal qui l'incommode et sollicite l'aide du médecin. Si ce dernier comdrend bien son rôle d'éducateur, il ne gâtera pas le malade par un excès d'indulgence et se contentera à le remettre en droit chemin. S'aperçoit-il que le malade menac de succomber dans le combat contre ses penchants pervers, ses mauvaises habitudes, ses peurs morbides, il lui prêtera main-forte, usera des moyens que lui offre la psychothérapie et ce faisant, le médecin aura fait acte de libérateur en rendant au malade son libre arbitre.
??
Dans le troisième chapitre, l'auteur poursuit la question comment et jusqu'à quel point le malade saurait-il disposer avec fruit de sa volonté et de quelle manière le médecin pourrait le seconder sous ce rapport. II soumet à l'examen la mise en jeu de la volonté dans les troubles des sensations et analyse à cet effet l'essenee de notre faculté perceptive. Il explique l'influence de l'image-souvenir, dépeint les troubles de la sensation consécutifs aux troubles généraux du système nerveux, puis procède à examiner comment doivent être traité les troubles de la sensation-L'étude des conditions sans lesquelles la sensation morbide peut être chassée du champ de la conscience, conduit à établir que celle-ci peut être éliminée.
a Par évocation d'idées contraires ;
b En captivant l'attention par des impressions surpassant en gravité les autres : c Au moyen d'une douleur révulsive.
L'instinct nous portant à fixer l'attention sur une douleur ou sur un trouble de la sensation quelconque, le traitement à instituer réclame la dérivation de l'attention du trouble morbide.
L'homme à le pouvoir de détourner ses pensées d'une sensation, d'une' idée spéciale, soit au moyen du travail, soit par l'application de remèdes extérieurs mais aussi par la seule activité de son esprit.
Pour arriver à la guérison dans un cas donné, il faut avoir la volonté' de guérir. L'individu ne fait acte de volonté que du moment que l'intérêt le pousse à vouloir.
L'ouvrier frappé d'un accident et ayant droit à un dédommagement
en cas d'invalidité, souvent ne pourra vouloir mettre en branle ses foi-ces de peur qu'en ce faisant il ne perde son droit de réclame. Le malade accusé à tort d'être malade imaginaire peut sentir défaillir sa volonté de guérir, sachant que ces accusrteurs — s'il arrivait à se guérir grAce aux efforts énergiques de sa volonté — ne manqueraient pas de voir dans ce fait la justification de leur supposition offensante. Dans ce dernier cas. le rôle du médecin comportera d'éclairer l'entourage du malade ou bien d'éloigner celui-ci de sou milieu ordinaire. Dans d'autres cas, le médecin aura le devoir de relever le moral du malade désespéré, de lui créer un nouvel idéal, de le détourner de ses idées noires, de renforcer sa volonté. L'hypnose dans ce cas peut servir a créer l'état de concentration de l'Ame nécessaire A favoriser nos suggestions.
lîexercice, Vexemple, Vattente sont d'autres facteurs qui avec l'intérêt concouront à réaliser l'activation de la volenté.
L'auteur donne nombre d'exemples à l'appui de sa thèse que l'exercice, l'exemple et l'attente rehaussent le pouvoir de résistance aux excitants extérieurs et de concentrer les foi-ces de volonté vers le but désiré.
Le sommeil par l'apaisement qu'il sait donner aux centres surexcités peut-être utilisé dans le traitement des troubles de la sensation.
C'est au sommeil provoqué par concentration de sa pensée sur la solution de quelque problème compliqué qu'eut recours le philosophe Kant afin de neutraliser les douleurs d'un accès de goutte aiguë. C'est à ce même sommeil partiel que soumit Porel les garde-malades surmenés dans son asile d'aliénés de Burghôlzli, sommeil qui leur permettait de continuer une bonne surveillance de leurs malades tout en jouissant du repos nécessaire de la nuit. C'est encore ce sommeil hypnotique qui maintes fois a servi a neutraliser les douleurs et troubles tant nerveux que somatiques dans les opérations chirurgicales des plus graves et dans les accouchements, et cela non pas seulement parce que le sommeil comme tel sait calmer la douleur existante mais encore parce qu'il augmente la suggestabilitédu malade et favorise la réalisation de la suggestion que la douleur ne se présentera pas. L'auteur cite en outre quelques exemples de guérisons obtenues par d'autres expérimentateurs et par lui-même dans les douleurs résiduelles et de ressouvenance, la céphalalgie habituelle, la migraine, le vertige, le prurit cutané, les douleurs localisées imitant une lésion organique, les troubles de la menstruation, etc.
IV
Dans la dernière partie, le docteur Hilgcr insiste sur le rôle de l'image souvenir dans le développement des troubles nerveux. Il relève la signification de l'attention et du détournement de celle-ci dans le réflexe cérébro-cortical de Baab. L'attention concentrée sur l'agent excitateur exalte l'action réflexe, l'indifférence k l'égard de cet agent l'affaiblit. Traitant des troubles nerveux d'origine réflexe, il rappelle l'influence de l'exemple dans l'acte de vomir, décrit le traitement par la psychothérapie dn vomissement nerveux, du hoquet, puis passe en revue les troubles des déjections alvines, de l'émission des urines, de la névrose
cardiaque, la signification de la psychothérapie devant les maladies organiques du cœur, l'érythrophobie.
L'influence de l'esprit s'exerce encore sur la fonction des menstrues. L'auteur démontre le rûle joué par l'autosuggestion, l'attention expec-tante, le surmenage dans l'apparition des époques et celui de la suggestion dans la régularisation de cette fonction. L'étcrnuement peut-être suggéré, mais aussi coupé par suggestion.
La psychothérapie guérit l'asthme nerveux, la toux nerveuse rebelles aux médications usuelles. Les troubles nerveux résultant de la paralysie des réflexes normaux, tels que l'impotence psychique, la rétention des urines, la constipation habituelle, la dyspepsie nerveuse sont justiciables de la suggestion.
L'auteur s'étend longuement sur Le traitement des troubles du sommeil, de l'incontinence des urines, l'onanisme, la peur nocturne des enfants, la chorée. Il prone la valeur du sommeil provoqué en tant que remède calmant dans nombre d'états d'éréthisme nerveux, la danse de St-Guy. certaine cas d'hystérie, d'exténuation de fatigue.
Le sommeil prolongé tel que le préconise "Wetterstrand et continué pendant quelques semaines, ou encore combiné avec l'exercice modéré selon Forel, Moebius et Vogt. réussit souvent là où toute autre médication avait échoué. Il termine son travail en relevant qu'une sage psychothérapie n'entend pas être une panacée, qu'elle ne prétend pas guérir avec exclusion de toute autre médication, mais qu'au contraire, elle veut faire la part de celles-ci et n'aspire qu'à les compléter pour le plus grand bieu du malade.
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Le livre du docteur Hilgeb fait preuve non seulement de la grande érudition de son auteur, mais encore de son esprit éminemment pratique. La lecture de ce travail ne fatigue pas par le rebâchage de faits et l'exposition répétée de doctrines suffisamment connues. Elle délasse plutôt le médecin expert en même temps qu'elle donne l'occasion au malade instruit de s'initier à l'étude de la psychothérapie.
L'auteur dans son étude de l'essence de l'hypnose et de la suggestion, procède du simple au composé et orne son exposition d'expérimentations et d'observations physiologiques et psychologiques empruntées aux auteurs des plus compétents. Traitant des applications des données psycho-physiologiques à la clinique, il sait choisir avec soin quelques cas de guérisons frappantes. Son esprit critique sait le garder d'une partialité réprouvable. Il fait la part de la psychothérapie éducative telle que nous enseigna Rosenbach et insiste sur le rôle d'éducateur du médecin psychologue, tout en accordant la part prépondérante dans le traitement psychique des maladies nerveuses à la suggestion et à l'hypnose.
Je prédis un grand succès à l'auteur. Son œuvre mérite d'être répandu, aussi au-delà des frontières de l'allemagne, aussi est-il à espérer qu'elle trouve des traducteurs compétents. Amsterdam. 15 mai 1909.
Dr Van: Renterghem.
TABLE DES MATIÈRES
Accouchement (Un cas d'application de l'Hypnotisme contre les douleurs de l'), p. Wiazemsky, p. 50.
Accroissement chez le nouveau né, par Variot, p. 60.
Agrégation en médecine (Opinion d'un agrégé sur le concours de l') p. 124.
Alcoolisme (Des raisons de l'insuccès de la thérapeutique suggestive dans un cas d'), par Wiazemsky, p. 8.
Anesthésie chirurgicale sur une influence hypnotique, par Cour-jon. p. 59.
Animaux en justice, p. 63.
Assistance aux aliénés (Le congrès de l'), p. 97, 129.
Association française pour l'Avancement des Sciences, p. 29.
Aveugles (La vie psychique des), p. 127.
Avulsions dentaires pendant l'état d'hypnotisme, p. 30.
Bandeau hypnogène (Un), par Le-
mesle, p. 12. Berthelot (Eloge de), p. 193.
Bibliothèque de critique religieuse (La), p. 319.
Brissaud (L'élection à l'Académie du professeur), p. 353.
Caractères distinctifs des races supérieures (Les), par Paul Doumer, p. 261.
Cécité congénitale pour les mots imprimes (La), par Variot, p. 185.
Centre du réveil (Le), par Bérillon. p. 329.
Cheval (Contribution à l'étude de la psychologie du), par Fayet. p. 282.
Ch'oroformique (Considérations psychologiques sur le sommeil), par Podiapolsky, p. 66.
Climatologie (Le congrès de), p. 354.
Climatothérapie et suggestion par Crichton Miller, p. 248.
Cœur (inauguration de la clinique du), p. 191.
Cœur humain (Le), par Antoine Baumann.
Conditions fondamentales de l'Hypnotisme (Les), par Bérillon, p. 2.
Contagion de la crédulité (La), p. 62.
Courage civique du professeur Liégeois, p. 125.
Crampe des écrivains (La), par Raymond, p. 186.
Créteil (Visite à l'Etablissement médico-pédagogique), p. 1.
Cours du Dr Bérillon à l'Ecole de Psychologie, p. 320.
Criminalité infantile (La), par Emile Laurent, p. 128.
CUlte du Vandoux (Le), p. 187.
Dauriac (La décoration de M. le professeur Lionel), p. 33, 193.
Décorations des Drs Jules Voisin et Cazalas.
Délinquance juvénile (Recherches sur la), par Jules Voisin, p. 360. Détente musculaire (Le signe de la), par Bérillon, p. 275.
Dormir ? (Combien de temps un enfant doit-il), p. 31.
Dose de sommeil nécessaire d'après Edison (La),, p. 320.
Durée de l'incubation dans la réalisation des suggestions hypnotiques (La), p. 311.
Ecole de Psychologie p. 161, 220. 226.
Ecole de Psychologie devant la commission du Sénat, p. 257.
Ecole de Psychologie (L'), par Bérillon. p. 227.
Education morale et sociale de Londres (Le congrès d'), p. 129.
Education attrayante (L'). par Lucie Bérillon, p. 283, 317, 345.
Emulation scolaire (l'), par Lucie Bèrillon. p. 53. 82, 110, 150.
Enseignement de l'Hypnotisme et de la psychologie, p. 159. 256.
Epidémie religieuse moderne, par
Witry, p. 251 Evolution de l'esprit militaire en
Chine (L'). par Scié-Ton-Fa. p.
229, 258.
Expression des sentiments (Etude de l'), par Paul Joire, p. 46.
Extériorisation de la volonté et supercherie, par Paul Farez. p.
Fièvre par suggestion chez les tuberculeux, p. 59.
Giard (Hommage à la mémoire du professeur;, p. 65.
Gréhant (Le jubilé du professeur), p. 193.
Grossesse imaginaire, par Wia-zemsky, p. 174.
Guerre (La psychologie morbide du temps de), par Lamoureux, p. 79, 106.
Hamy (Eloge du professeur), p. 179.
Herbes de la St-Jean. p. 255.
Homosexualité antique et le banquet de Platon (L ). par Dauriac p. 240.
Homosexualité en France (Quelques notes historiques sur l'), par Witry. p. 208.
Homosexualité en Chine, par Scié-Ton-Fa. p. 314.
Homosexualité (Le traitement psychologique de l'), par Bèrillon, p. 44.
Homosexualité (Les délits et les crimes qui dérivent de l'). par Guilhermet. p. 37.
Homosexualité dans l'armée (L'), par Chavigny. p. 39.
Homosexuel (Le type). par Witry. p. 17.
Hypnothérapie (Quelques mots sur la technique de l') par de Geijerstam. p. 179, 200.
Hypnotisme par occlusion des paupières (L'). p. 159.
Hypnotisme (Traité dc l'), par Paul Joire. p. 63.
Hypnotisme en Allemagne (Travaux récents sur l'), par Van Renterghem, p. 341.
Hypnotisme et suggestion du Dr W. Hilger, par Van Renterghem. p. 373.
Hystérie et suicide, par Etienne Jourdan, p. 144, 169.
Incontinence nocturne d'urine par
Jules Voisin, p. 247. Impression maternelle sur un
veau, p. 204.
Impuissance génitale par rumination mentale, par Paul Farez. p. 204.
Inversion sexuelle chez les animaux, par Grollet et Lépinay, p. 34.
Inversion sexuelle (La thérapeuti-que individuelle de l'), par Laumonier, p. 41.
Jean de Cronstadt (Le père), p. 215.
Joffroy (Le professeur Alix).
Latah (Le), par Witry, p. 173.
Liégeois (La mort du professeur), p. 65, 97.
Liégeois (Eloge du professeur), par Bonjour, p. 143.
Liégeois (Eloge de) à la rentrée de l'Université de Nancy, p. 217.
Liseur de pensée, par Aime Gar-dette, p. 241.
Magnétothérapie et suggestion, par Benedikt, p. 243.
Médecins inspirateurs de Molière, p. 257.
Miracle de Lourdes (Un faux), p. 96.
Miracles (Faux), p. 158, 190.
Mort par émotion, inhibition, suggestion, par Paul Farez. p. 73. 103, 138.
Musique sur les aliénés (Influence de la), p. 96.
Mythomanes et Pathomimes, p. 30.
Neurasthéniques (L'activité psychique chez les neurasthéniques).
Névroses (Les), par Pierre Janet, p. 287.
Olfaction (Psychologie de l'), par Bérillon, p. 98, 135. 165, 196, 235, 263, 303.
Olfaction chez les animaux (Quelques phénomènes de l'), par Lé-pinay, p. 312
Onanisme chez des enfants, par Régis, p. 366.
Onychophagie est-elle un signe de dégénérescence (L'), p. 27, 57, 88, 115.
Opium (Un couple de fumeurs d'), p. 191.
Osgood (Eloge d'Hamilton). p. 15.
Ouvrages reçus à la Revue, p. 32, 64, 96. 128, 160, 224, 256.
Ouvrage (Présentation d'), par Maurice Bloch, p. 273.
Pathomimes (A propos des), p. 60.
Pédagogie au congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences, p. 90.
Pellagre (La), par A. Marie, p. 31.
Pratiques médicales populaires de la Guadeloupe, p. 254.
Préjugés d'autrefois, par Valran,
Psychonévroses (L'évolution dans la thérapeutique des), par Bérillon. p. 354.
Psychothérapie et mouvement par Paul Magnin. p. 276.
Psychothérapie des tics, par Cha-vigny, p. 277.
Pupillaire (La valeur psychologique du signe., par d'Hôtel, p.
Religions nouvelles en Australie (Les), par Broda, p. 245.
Remèdes populaires en Auvergne (Les), p. 118, 156.
Réveil en hypnotisme (L'importance du), par Demonchy, p. 279.
Séance annuelle de la Société d'Hypnologie et de Psychologie, p. 1.
Servante criminelle (La), par R. de Ryckere, p. 219.
Société française d'études islamiques, p. 218.
Société d'Hypnologie et de Psychologie, p. 7, 14, 124. 142, 158. 178, 190, 207, 217, 239 254, 288, 307, 320, 368.
Sociologie et fouriérisme, p. 64.
Sommeil hystérique avec personnalité subconsciente (un cas de), par Paul Farez, p. 308, 335.
Sommeil (Concours de résistance
au), p. 126. Sommeil et de l'Hypnose (Les
rapports biologiques du), par
Anastay, p. 210.
Sommeil de 32 ans (Un), p. 288. Somnolence et hyperglobulie, p. 127.
Suggestion (Un curieux cas de), p.
Suggestionneur allemand (Un grand), par Witry, p. 339.
Tabagisme et son traitement par la suggestion hypnotique, par Georges Petit, p. 267.
Tatouage (La suggestion du), p. 61.
Trac des coiffeurs, p. 193.
Uranisnie et unisexualité, par Emile Laurent, p. 132, 162.
Voisin (La décoration de M. le
Dr Jules), p. 225. Voisin (Banquet en l'honneur du Jules), p. 289, 321.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Adam. p. 217.
Aiguer, p. 96.
Anglade, p. 191.
Arthaud de Vevey, p. 301.
Anastay, 210.
Appel, p. 90.
Ballet (Gilbert), p. 295. Baumann (A.), p. 219. Benedikt, p. 159, 243. Bérillon, p. 2, 11, 15. 37, 44. 90.
98. 116, 135. 165. 176. 194. 196.
217. 227. 235. 214. 243. 263, 275,
303. 313, 322, 329, 354.
Bérillon (Lucie), p. 53. 82, 110. 150, 283, 316, 345.
Bilhaul (?), p. 298. Bloch (M. P.), p. 273 Bonjour, p. 143. Bougon, p. 301. Broda (R.), p. 245. Cabanès, p. 257. Chalupecky, p. 127. Charmes (Francis), p. 193. Chauvin, p. 324. Chavigny, p. 39, 277. Chouquet, p. 254, 277. Courjon. p. 58. Crichton-Miller, p. 248.
Dauriac (Lionel), p. 240. Demonchy, p. 11, 242, 243, 279. Dieulafoy, p. 30. Doumer (Paul), p. 261. Dubief, p. 296. Dupré, p. 30.
Edison, p. 320.
Faltin, p. 96.
Farez (Paul), p. 11, 73, 103, 138.
177, 204, 241, 242, 308, 335. Fayet p. 282. Fouineau, p. 39. Fournier (Henri), p. 90. Gardette (A.), p. 241. Garnier, p. 299.
Geijerstam (E. de), p. 179, 200. Graham Wallas, p. 131. Gréhant, p. 195. Grollet, p. 34, 297. Guilhermet, p. 37.
Hilger, p. 273. Hôtel (Georges d'), p. 369. Horowitz Barnay, p. 127. Huchard. p. 191. Hutinel, p. 296.
Janet (Pierre), p. 287, Jay, p. 31.
Joire (?), p. 39, 46, 62. Jollivet-Castelot, p. 64. Jourdan Etienne). p. 114, 169.
Kerdaniel (de), p. 64.
Laloy, p. 31.
Lamoureux, p. 79, 106.
Laufer (R.), p. 191
Laumonier, p. 41.
Laurent (Emile), p. 128, 132, 162.
Lemesle, p. 12
Lemoine, p. 124.
Lepinay, p. 34, 312, 314.
Magnin (Paul), p. 177, 193, 276, 297. Marie (A)., p. 31, 321 Mesureur, p. 323. Monin (E.), p. 115. Mosny, p. 60 Neisse, p. 127.
Pamart (René), p. 57.
Petit (G.), p. 267.
Pineau, p. 118, 156.
Podiapolski. p. 66.
Pron, p. 338.
Puy, p. 59.
Raymond (F.), p. 186, 326. Regis, p. 193, 366. Ribier (de), 255. Ritti. p. 295.
Renterghem (Van), p. 341, 373, 382, Robin (Albert), p. 192. Ryekere (de), p. 219.
Saint-Yves (P.), p. 159. Scié-Ton-Fa, p. 229, 258, 301, 314. Saint-Yves-Menard, p. 295. Touchard, p. 302.
Valran, p. 63.
Variot, p. 60, 185.
Voisin (Jules), p. 8, 11, 39, 247. 327, 360.
Wiazemski, p. 8, 50, 174.
Witry, p. 17, 175, 208, 251, 288, 339.
Wuillomenet, p. 300.
TABLE DES FIGURES
1. Le professeur Liégeois, p. 97.
2. Le dieu Yichnou, enfant suçant
son gros orteil. 3. Le professeur Brissaud, p. 253.