(1906) Revue de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique, Tome 21
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(1906) Revue de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique, Tome 21

REVUE

DE

L'HYPNOTISME

ET DE LA

PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE

VTNGT-ET-UNIÈME ANNÉE

REVUE

L'HYPNOTISME

et de la

PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE REVUE DOCUMENTAIRE ILLUSTRÉE

PSYCHOLOGIE — PÉDAGOGIE — MÉDECINE LÉGALE MALADIES MENTALES ET NERVEUSES

Redacteur en chef : Docteur Edgar BÉRILLON

COLLABORATEURS FONDATEURS

CHARCOT; DUMONTPALLIER, LUYS; MESNET; Aug. VOISIN; Azam; DELBOEUF (de Liège); HACKTUKE (de Londres); LIÉBEAULT (de Nancy); A. de JONG (La Baye); SEMAL (de Mons); TOKARSKI, (de Moscou); TARDE.

PRICIPAUX COLLABORATEURS

MM. les Drs BABINSKI, méd. de la Pitié; BRIAND, méd. de l'Asile de Villejulf; CRUISE (do Dublin); L. DAURIAC, prof, à la Facullé des lettres de Montpellier; DAMOGLOU (du Caire); GUIMBEAU ; GRASSET, prof, à la Faculté de Montpellier; BINET-SANGLE; O. JENNINGS, P. JOIRE, (de Lille); JAGUARIBE(San-Paulo); LACASSAGNE, prof, à la Faculté de Lyon LADAME (de Genève); LEGRAIN, méd.de l'Asile de Vaucluse;IIenry LEMESLE ; LLOYD-TUCKEY (de Londies); MANOUVRIER; prof, à l'Ecole d'Anthropologie; MASOIN, prof. à l'Université de Louvain; MILNE BRAMWELL (do Londres); M A BILLE, méd. de l'Asile de Lafond; Paul MAGNIN, prof, à l'Ecole de psychologie;

MORSELL1 (de Gènes); DE PACKIEWICZ (de Riga); ORLITZKY (de Moscou); R. PAMART; PITRES, prof, à la Faculté de Bordeaux; RAFFEGEAU ( du Vésinet); Félix REGNAULT; Charles RICHET, prof, à la Faculté de Paris; Van RENTERGHEM, (d'Amsterdam); Von SCHRENK-NOTZING(de Munich»; RAYMOND, prof, à la Faculté de medecino; STADELMANN (de Dresde); J. VOlSlN. méd. de la Salpetrière; VLAVIANOS(d'Athènes); WETTERSTRAND (de Stockholm); et MM. LIEGEOIS, prof, à l'Univ. deNancy; BOIRAC, recteur del'Univ. de Dijon ; Pierre JANET, agrégé de l'Université; Max DESSOIR (de Berlin); STUMPF, prof, à l'Univ. de Berlin; Ch. JULLIOT; Max NORD AU ; Secrétaire de la Rédaction : Dr Paul FAREZ.

LE NUMÉRO : 60 CENT.

Rédaction et Administration : 4, rue Caste-liane, Paris (8e). Téléphone ; 224 -01 1907

REVUE DE L'HYPNOTISME

EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE 21° Année. — ? 4. Juillet 1906.

BULLETIN

Lo banquet en l'honneur du Dr Bérillon. —Le rapport médico-légal du D' P. Hagnln, sur la voyante de St-Quentin.

Le mardi 19 juin, un banquet de plus de deux cents couverts, réunissait au Palais d'Orsay, sous la présidence de M. Bienvenu-Martin, sénateur, ancien ministre de l'Instruction publique, les amis et les collaborateurs du D' Bérillon, désireux de lui témoigner leur sympathie à l'occasion de sa récente nomination dans la Légion d'honneur.

Au dessert, des toasts furent portés par le Dr Paul Farez, au nom des collaborateurs de la Reoue de l'hypnotisme, fondée par le D'Bérillon, il y a vingt ans ;par le Dr Paul Magnin, au nom de l'Ecole de Psychologie, parle DpSaint-Yves Ménard, membre de l'Académie de médecine, vice-président de la Société de Pathologie comparée, par M. le ! ¦' Arebambaud, président de la Société médicale des Praticiens, par M. le Dr Bilhaut, président du Syndicat de la Presse scientifique et par M. le D'J. Voisin, médecin de la Salpetrière, président de la Société d'hypnologie et de psychologie, par M. le D' Aubeau.

Ensuite, des allocutions très applaudies furent prononcées, par M. Achille, vice-président du Conseil municipal de Paris, par M. le Dr Aubeau, par M. Féron, député de la Seine, par M. Gréhant, professeur au Muséum, par M. le Dr Albert Robin, professeur à la Faculté de Médecine par M. le D' Huchard, membre de l'Académie de médecine, enfin par M. Bienvenu-Martin, président de la fête.

A la fin du banquet, un magnifique bronze, le Vainqueur, de Mariolton, fut offert au D[ Bérillon, qui exprima ses remerciements dans des termes qui ont recueilli tous les suffrages.

L'abondance du texte nous oblige à remettre à notre prochain nu- • raéro le compte rendu du banquet car nous tenons à donner le texte des discours qui ont été prononcés, ainsi que la liste de ceux qui ont pris part à cette belle fête de la science et de la psychologie.

• •

Dans sa séance annuelle, tenue le 19 juin, sous la présidence de M. Georges Rocher, ancien membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris et de M. le Dr Jules Voisin, M. le Dr Paul Magnin a donné leclure de son rapport sur le cas de la voyante de Saint-Quentin. Ses conclu-

sions ont été qu'il s'agissait simplement d'une vulgaire hystérique très facile à hypnotiser, et que ce sujet ne présentait aucune clairvoyance spéciale. La mise en scène avec laquelle les consultations sont données est seule la cause de son succès. Il n'y a dans les faits de guérison que de nouveaux exemples de la crédulité de braves gens, attribuant à des causes merveilleuses ce qui n'est en réalité qu'un effet de la nature.

Cette lecture a donné lieu à une intéressante discussion a laquelle ont pris part MM. Rocher, Paul Farez, Louis Favre, Bérillon, Félix Regnault et Jules Voisin.

M. Bérillon a exprimé la stupéfaction que les gens sérieux avaient éprouvée en apprenant que les juges de Saint-Quentin avaient, dans une certaine mesure, admis la lucidité de cette voyante en ce qui concerne la pratique de l'art médical. En effet, a-t-il ajouté, si, sans avoir étudié l'anatomie, la physiologie, la pathologie, la matière médicale ou la thérapeutique cette voyante est capable de se prononcer avec exactitude sur le diagnostic et le traitement des maladies, elle devrait bien aussi, sans avoir étudié le code, les lois ou la jurisprudence, posséder la compétence et l'expérience d'un magistrat de carrière, aussi nous ne désespérons pas de voir les juges de Saint-Quentin, conséquents avec eux-mêmes, recourir à la dite voyante pour rédiger certains attendus ou solutionner des cas épineux soumis à leur juridiction. Il y aurait là un moyen aussi d'éviter les erreurs judiciaires et peut-être d'accélérer la rapidité du fonctionnement de la justice qui, comme chacun sait, est plus que jamais, atteinte de claudication ».

M. Jules Voisin a résumé la discussion en disant :

« Il estbien évident que si un hypnotise recevait la suggestion qu'il est devenu président du Tribunal, il n'aurait pas, par ce seul fait, acquis l'aptitude à rédiger des jugements en harmonie avec le code et à connaître les dispositions pénales applicables à chaque espèce. Pourquoi veut-on que ce même sujet hypnotisé puisse ipso facto devenir capable de se livrer à la pratique si difficile de l'art médical. « Puis il a mis aux voix les conclusions suivantes qui ont été votées à l'unanimité :

« La production de l'état hypnotique permet d'obtenir la réalisation d'actes déterminés, l'apparition d'émotions, de sentiments, d'opinions, la modifications de certaines modalités du caractère, mais, en aucun cas, elle ne dote le sujet hynoptisé des aptitudes et de la compétence que peuvent seules donner la science et l'expérience. En particulier, pour ce qui concerne l'art médical, la prétendue clairvoyance relativement au diagnostic et au traitement est contraire aux faits bien observés et doit être considérée comme inexistante.»

M. le procureur de la République a été bien inspiré en faisant appel du jugement rendu par le tribunal de St-Quentin. Nous espérons que la Cour d'Amiens voudra bien tenir compte de l'opinion qui vient d'être exprimé par les hommes compétents qui constituent la Société d'hypno-logie et de psychologie.

Il y a deux cents ans, des magistrats zélés n'auraient pas hésité à faire donner des verges à la voyante de Saint-Quentin..., avant de la faire conduire au bûcher. Il y a bien quelques progrès puisque nos juges débonnaires d'aujourd'hui, lorsqu'ils ont à se plaindre de quelque maladie, se contentent de lui demander une consultation.

La psychologie de l'intimidation : Les timidités. (')

par M. le D' Béiullon professeur ù l'Ecole de psychologie, médecin inspecteur des asiles d'aliénés. {Suite) (2)

III. — Les timidités pathologiques (suite).

Si les timidités pathologiques sont caractérisées par des troubles portant sur l'ensemble des fonctions de la vie végétative et de la vie de relation, il est rare cependant qu'il n'y ail pas dans un organe déterminé une perturbation fonctionnelle prédominante.

Celle localisation émotive se manifeste fréquemment dans les organes de l'articulation de la parole. Le fait qu'une émotion profonde exerce une action paralysante sur l'émission de la voix fut connu dès la plus haute antiquité. Un des fils de Crésus, roi de Lydie, sous l'empire d'une émotion,avait été atteint do la forme de mutisme que nous désignerions aujourd'hui sous le nom de mutisme hystérique. On le considérai! comme incurable. Mais à la bataille de Sardes, Crésus vaincu et fait prisonnier, allait être égorgé, quand son fils recouvra la parole dans un élan d'amour filial et s'écria: « Soldat! ne lue pas, Crésus! »

La stupéfaction et surtout l'intimidation ont plus souvent pour effet de couper la parole que de la rendre. C'esl ce qu'exprime Virgile d'une façon saisissante dans le vers fameux par lequel Enée traduit son élonnement :

Obstupui, steteruntque comœ et voxfaucibus hœsit,

La môme image, destinée à peindre la stupeur, a été employée par Bacine dans le vers suivant:

Mais sa langue en sa bouche à l'instant s'est glacée.

En effet, le trouble vocal peut aller jusqu'à l'aphonie complète. Ordinairement la manifestation la plus frappante de l'intimidation réside dans la difficulté de trouver les mots nécessaires pour exprimer sa pensée, et se traduit par le balbutiement. Dans les cas plus

(1) Leçons faites à l'Ecole de psychologie.

(2) Voir Revue de l'Hypnotisme, a" de mai et de juin 100c.

accentués,l'intimidation amène une véritable déformation de l'articulation verbale et le bégaiement se trouve constitué. On peut même dire que de tous les stigmates de la fimidité, la plus caractéristique, est le bégaiement.

Les nombreux bègues que nous avons eu l'occasion d'examiner nous ont tous avoué qu'ils ressentaient au plus haut degré les effets de la timidité, et qu'ils étaient extrêmement faciles à intimider.

L'examen de leur état mental révèle d'intéressantes particularités; ils se plaignent généralement d'être doués d'un caractère irrésolu, et de présenter, en beaucoup de circonstances, des défaillances marquées de la volonté. En un mot, on peut dire que les deux manifestations dominantes de l'état mental des bègues sont l'émotivité excessive et l'aboulie. On peut dire de beaucoup d'entre eux qu'ils présentent l'état d'infériorité mentale désignée sous le nom de puérilisme. Leur caractère en effet n'a rien de viril.

On connaît depuis longtemps le rôle que joue l'association des idées dans la formation du langage et dans l'émission des sons. Les vers fameux de Boileau passés à l'état de proverbe, expriment une vérité indéniable:

Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément.

Si les mots n'arrivent pas aisément chez le bègue, c'est qu'un trouble psychologique met obstacle à l'élaboration de sa pensée. L'a cause la plus certaine de ce trouble se trouve dans l'intimidation exercée par l'autorité d'une autre personne. Quand le bègue est seul, le fonctionnement de sa pensée et l'articulation de sa parole se rapprochent de l'état normal. Quand il est en présence d'autrui, il perd soudainement la plus grande partie de sa valeur et de ses moyens. Sa volonté semble paralysée, et il se sent placé sous la domination invincible de ceux qui le regardent ou qui lui adressent la parole. Quel timide ne reconnaîtrait, à cette description, les sensations qu'il ressent lorsqu'un regard d'autrui l'intimide, le paralyse et annihile momentanément sa pensée.

Un assez grand nombre de personnages investis de la puissance royale ont ressenti les effets de la timidité. Parmi eux quelques-uns en étaient atteints à un tel degré qu'ils ne pouvaient s'exprimer en public sans bégayer. L'histoire nous a appris que tous ces monarques timides et bègues étaient dépourvus de caractère et qu'ils n'ont jamais gouverné par eux-mêmes. Ils ont toujours abandonné les principales prérogatives de leur royauté à des ministres autoritaires ou à des favoris indignes ayant abusé de la faiblesse morale de leurs maîtres.

Tel fut le cas de l'empereur Claude. Ses historiographes l'ont représenté comme un homme d'une timidité poussée à l'extrême. Il se laissait influencer par ses familiers et par ses affranchis. Sa première femme, Messaline, exerça longtemps sur lui l'ascendant le plus absolu. Il ne sut pas résister davantage à la domination oppressive d'Agrippine, sa seconde femme. La facilité avec laquelle il se laissait intimider en fit le jouet d'indignes favoris et de tous ceux qui furent admis dans son intimité. L'empereur Claude n'était pas, comme on l'a dit, dépourvu d'intelligence. Il était doué d'une érudition assez vaste. Sa timidité, attestée par son bégaiement, fut la cause principale de son impuissance et c'est à cette disposition de son esprit qu'il faut faire remonter toutes les défaillances dont les historiens l'ont accusé.

Un autre empereur, Michel II, qui régna quatre ans à Cons-tantinople et mourut en 829, fut également atteint de bégaiement. Voici comment s'exprime un biographe: « Ce prince, bègue et complètement illettré, se montre inepte, cruel et lâche; rarement le sceptre fut tenu par des mains plus indignes. » Ces quelques mots suffisent pour définir une mentalité complètement dépourvue de caractère et vouée, par ce fait, à une domination exercée par les influences les plus détestables.

Méhemel-el-Naser, roi maure de la dynastie des Ahnohades, qui régna en Andalousie jusqu'en 1213, ne fut pas mieux partagé au point de vue de l'autorité morale. Bègue et timide, il se montra incapable de gouverner par lui-même. Obéissant aux suggestions de quelques courtisans mal inspirés,il déclara la guerre aux princes chrétiens d'Espagne. Ayant essuyé une défaite complète à la célèbre bataille de Tolosa, il devint odieux à son peuple par sa faiblesse et par sa lâcheté. Empoisonné au moment où il allait s'embarquer pour l'Afrique avec ses immenses richesses, il laissa en pleine dissolution un royaume qu'il avait reçu très florissant de son père. Le bégaiement de Méhémet-el-Naser avait également témoigné de la timidité de son esprit.

Eric XI, roi de Suède, dit le Boiteux (halte) et le Bègue (laspe) qui monta sur le trône en 1222 et mourut en 1252, fut également Un roi timide. Battu, dès le début de son règne par un de ses vassaux, il s'enfuit en Danemark. A la mort de son ennemi, il revint en Suède, mais les jarls (seigneurs féodaux) s'étant rendu compte qu'ils se trouvaient en présence d'un prince incapable de résister à leur intimidation, ne lui accordèrent qu'un pouvoir nominal. Ils gouvernèrent pour lui jusqu'à sa mort.

Le trône de France fut aussi occupé par des bègues. Le pre-

mier fut Louis II, fils de Charles le Chauve. Il fut appelé ie Bègue ainsi qu'il est rapporté dans la chronique de Reginon: « Balbus appellatur eo quod impediloris et tardons essel aloquiri. » Ce chroniqueur nous donne également sur le caractère de Louis le Bègue le renseignement suivant: « Fuit vero iste princeps vir simplex ac mitis, pacis justiciœ et religionis amator. »

Ce pâle descendant de Charlemagne se laissa intimider par ses vassaux révoltés. Sous leur pression, il se lia envers eux par d'humiliants traités. Après un règne misérable de deux ans, il mourut à Compiègne. ayant préparé, par d'indignes condescendances, le triomphe de la féodalité. Les actes de ce prince, ainsi que l'exposent ses biographes, attestent son impuissance à se soustraire à l'intimidation d'autrui.

Le roi Louis XIII était également bègue. Monté sur ie trône à neuf ans, il resta toute sa vie dans une véritable minorité et ne sortit de sa longue enfance que pour entrer dans une vieillesse prématurée. Tout enfant, on lui donna de petits compagnons qui devinrent des favoris, puis des maîtres. Ils lui imposèrent leurs goûts, comme le fil de Luynes. Habile à dresser des oiseaux, ce gentilhomme entraîna son royal compagnon dans la même voie. Bientôt on ne vit au château que volières, fauconniers, etc.

Incapable de conduire les affaires du royaume, Louis XIII prit facilement l'habitude de s'en rapporter à Richelieu qu'il n'aimait pas, mais dont l'autorité le subjuguait. Flottant au gré des diverses influences de ses compagnons de chasse, il fui plusieurs fois sur le point de sacrifier son premier ministre. Mais quand Richelieu étalait devant lui les pièces de ses vastes négociations, les dossiers des grandes affaires du royaume, le pauvre roi, sentant son infériorité, baissait la tête et se remettait de lui-même au joug.

Louis XIII fut le type parfait de l'homme incapable de résister à l'intimidation de ses familiers lorsqu'ils sont doués de la moindre disposition à imposer leur autorité.

La timidité de Louis XIII était compliquée d'un bégaiement très accentué. En sa double qualité de bègue et de timide, ce roi se montrait fort susceptible. Dans Tallemant des Réaux, se trouvent diverses anecdotes suivantes, qui se rapportent à ces particularités de son esprit: « M. d'Alamont est fort bégue. Le Roi, la première fois qu'il le vit, lui demanda quelque chose en bégayant, l'autre lui répondit de même. Cela surprit le roi, comme si cet homme eût voulu se moquer de lui. Voyez quelle apparence il y avait à cela et si l'on n'eût assuré le Roi que ce gentilhomme était bègue, il l'eût peut-être fait maltraiter (1) ».

(1) Tallemant des Réaux : Historiettes.

Pareille aventure arriva au même prince avec le maréchal de Tlioiras. Un jour qu'il chassait au faucon, il demanda au maréchal en bégayant, ouest Toi... Toi... Toi...seau. Thoiras répondit aussitôt: Si... Si... Sire... le... le... voi... voi... voi...ci. Le roi s'imaginant que le maréchal voulait le contrefaire entra en colère et le frappa d'un gant qu'il tenait à la main. Un courtisan, au lieu d'accabler, selon l'usage, un malheureux que son infirmité même mettait dans l'incapacité de s'expliquer, eut l'honnêteté de dire: « Votre Majesté ignore-t-elle nue M. de Thoiras a le malheur d'être bègue ». — « En ce cas, dit le roi, j'ai tort et je dois tout réparer. »

Comme nous l'avons dit, le bégaiement de Louis XIII n'était que l'expression d'une excessive timidité. Cette impressionnabilité se manifestait surtout à l'égard des femmes, même de celles avec lesquelles il eût pu se permettre le plus de familiarités. Un jour, madame d'Haulefort, dont il fut quelque temps amoureux, tenait dans sa main un billet. Louis XIII voulut le voir; elle ne le voulut pas. Enfin, il fit effort pour l'avoir; elle qui le connaissait bien, dit Tallemant des Réaux, se le mit dans le sein et lui dit: « Si vous le voulez, vous le prendrez donc là. » Savez-vous bien ce qu'il fit? 11 prit les pincettes de la cheminée de peur de toucher à la gorge de cette belle fille.

Louis XIII tenait de sa mère Marie de Médicis, cette disposition à subir l'intimidation d'autrui. La domination exercée par la fameuse Leonora Galigaï sur l'esprit de Marie de Médicis esl restée comme un exemple typique de l'ascendant que certaines personnes peuvent prendre sur d'autres. Tel fui également le cas de la longue tyrannie que la reine Anne d'Angleterre eut à subir de la part de la favorite lady Churchill, duchesse de Marlborough.Ces deux observations permettent de mettre en relief, d'une façon frappante, les particularités qui distinguent les deux psychologies si opposées de l'intimidateur et de l'intimidé. Xous y reviendrons dans le cours

de ces leçons. (A suivre.) —-f-

PSYCHOTHÉRAPIE ET HYPNOTISME

Critique du livre de M. le professeur Dubois, (de Berne), sur «les Psychonévroses ».

( suite j l4)

C'est donc seulement dans des états hypnotiques que la douleur ne peut parvenir à 0, la surconscience, et la psychothérapie ne pourrait que rarement couper la perception de la douleur. Or ce cas se pré-

(lj Voir revue de l'Hypnotisme n" de mal et de juin 1900.

seule très souvent dans la pratique des maladies nerveuses. Nous connaissons bien des malades dont l'état nerveux ne guérira jamais entièrement mais qui sont arrivés par la suggestion hypnotique à souffrir rarement et très peu. Si, dans ces cas-là, nous n'avions pas pu, dès la première séance, faire disparaître la douleur, nous n'aurions jamais obtenu même l'amélioration de l'état général. Or cette amélioration a eu lieu et elle persiste à un point qui rend la vie de ces malades très facile : c'est pour eux presque la guérison.

Une de ces malades avait suivi un traitement psychothérapique sans aucun succès ; par contre, dès les premières séances hypnotiques, les douleurs diminuèrent et grâce à ce fait, je pus obtenir une amélioration incontestable. Or ce cas est un des plijs mauvais que l'on puisse rencontrer. Et j'en ai vu combien de ce genre ! combien de ces névropathes auxquels la vie est à charge et qui ne demandent que d'en sortir par le suiciSe parce que rien ne les retient ici-bas !

M. Dubois écrit : les malades doivent s'estimer heureux si leur médecin hypnotiseur n'est pas mort, lorsqu'ils auront besoin de nouveau de son aide. Nous croyons que l'hypnotisme est tellement entré dans la pratique que, quoique nos universités se soient refusées de l'enseigner, il y aura toujours des médecins qui le pratiqueront. Nous sommes déjà quelques-uns en Suisse et certes nos résultats nous amèneront toujours des adeptes; clone les malades sauront toujours à qui s'adresser.

Parmi les malades auxquels la psychothérapie ne peut pas être d'un grand secours, il faut placer les psychopathies sexuelles acquises. M. Dubois est très sobre sur ce sujet et il traite la plupart de ces malades d'incurables... par la psychothérapie, nous le croyons facilement, mais s'il avait essayé avec persévérance l'hypnotisme il aurait réussi à en sauver quelques-uns. Je puis dire que, sauf dans le cas d'une fillette de 8 ans, j'ai toujours obtenu quelque chose et souvent des améliorations si grandes, que les parents ou le conjoint, dans le cas des mariés, voyait le moment de la guérison approcher. Ces améliorations ne se sont pas maintenues uniquement parce que les malades ont abandonné le traitement. (Les névropathes manquent souvent de persévérance.) Je ne leur demandais pourtant que de revenir toutes les deux ou trois semaines afin de les surveiller pendant un an ou deux et afin de maintenir le résultat. Il est certain que dans ces cas, ni la logique, ni la douceur, ni rien, ne peut aider au malade; il faut une puissance impérative, celle que peut employer l'hypnotiseur quand le raisonnement et la persuasion ne lui sont plus d'aucun secours.

II. Dubois a-t-il essayé de guérir les troubles du langage, le . bégaiement entre autres ? Il en parle si peu qu'on ne sait exactement ce qu'il veut dire. Nous savons bien que l'éducation du bègue peut se faire par des moyens « rationnels ». Mais les bègues que j'ai vus, avaient employé la méthode Chervin ou d'autres méthodes analogues

sans résultat, tandis que l'hypnotisme les a améliorés ou guéris.

Ce ne sont pas les bègues qui sont les plus difficiles à guérir, mais les cas de timidité; j'ai vu des malades m'affirmer qu'ils parlaient et lisaient très bien dans leur chambre (je n'ai jamais pu le contrôler) tandis que dès qu'ils avaient à parler à quelqu'un ou à un auditoire, le bégaiement les prenait. Toute ma psychothérapie n'a jamais produit de résultat, tandis que parfois l'hypnotisation a procuré la guérison. J'ai actuellement quatre cas de ce genre qui tous quatre ont commencé de se guérir dès la première séance.

Voilà toute une série de troubles du polygone, de la souscons-cience, qui ne pourront que très rarement être guéris par la psychothérapie et qui forceront bien les médecins à recourir à l'hypnotisme.

il. Grasset a donc raison de dire que les indications de l'hypnotisme sont formelles; M. Dubois le pense aussi, ses aveux d'impuissance en sont le gage, mais son dogmatisme scientifique l'empêche de le dire clairement. Il a gardé de l'hypnotisme une seule idée, celle qu'où peut faire prendre une pomme de terre pour une pomme savoureuse, et partant de là, il s'est égaré dans des considérations théoriques dont la pratique démontre l'inanité.

Après avoir démontré pourquoi certaines maladies ne peuvent pas être, d'une manière générale, guéries autrement que par l'action de la suggestion hypnotique sur la sousconscience, donc, iprès avoir démontré et aifirmé la nécessité de l'hypnotisme thérapeutique, 3 importe de savoir s'il ne se montre pas supérieur à la psychothérapie par la conviction dans les cas où celle-ci peut suffire et procurer la guérison. Cela nous servira en même temps à démontrer que tous les troubles psychiques fonctionnels sont justiciables au traitement hypnotique.

On se rappelle que II. Grasset prétend que 0 doit être traité par la conviction et le polygone par l'hypnotisme. Toici un cas d'astasie-abasie traité par M. Dubois dans lequel on distingue des troubles des centres automatiques, du pplygone et des troubles de la conscience supérieure (angoisse, faiblesse morale, crainte, absence d'énergie). Au bout de 6 semaines le malade -pouvait lire son journal et marcher deux heures. (Correspond. Bl.) il. Dubois nous apprend dans son livre que le malade guérit à la huitième semaine.

Je n'ai eu que deux cas d'astasie-abasie totale. Le premier avait été paraplégique pendant deux ans et était resté astasique-abasique. Quand je le vis, l'astasie durait depuis trois ans. Le jeune homme ne faisait rien, ne sortait plus et était très déprimé par les insuccès thérapeutiques qu'il avait vécus. Il me fallut sept séances pour obtenir une hypnose assez profonde; à ce moment-là je jugeai que -je pouvais suggérer la marche et j'y réussis : le jeune homme était guéri. H marcha toute la journée, resta encore deux semaines à l'hôtel pour maintenir la -uérison et partit pour Nice où, malgré nn accident de chemin de fer à son arrivée, il est resté guéri depuis dix ans.

Dans le second cas il s'agissait d'un Espagnol envoyé par un confrère, qui avait été traité sans succès par. les professeurs de Péters-bourg, Vienne, Paris et Berlin. Le malade se croyait tabétique. Il ne marchait plus, présentait des troubles oculaires, des phobies diverses, était enfin dans un état déplorable analogue à celui de l'avocat de M. Dubois. Quand je voulus l'hypnotiser, il se montra hypnophobe à tel point que je dus abandonner l'essai même de la suggestion. Restait le traitement moral. Pendant huit jours je mis tout en œuvre pour lui démontrer la nature de son mal et lui affirmer qu'il devait guérir. Au bout de ce temps, il était encore plus déprimé qu'auparavant, se sentait plus faible, dormait plus mal, mangeait moins et il me déclara qu'il voulait rentrer à Madrid pour mourir, car il se sentait frappé à mort. Alors il ne me restait plus qu'un moyen : la suggestion impérative, autoritaire. « Je suis d'accord ! Rentrez à Madrid. En y arrivant vous serez guéri ! » A Madrid il arriva guéri et put marcher même sans donner le bras à son domestique. J'ai revu le malade qui est resté guéri.

Voilà donc deux cas où j'ai fait usage de la suggestion hypnotique et de la suggestion impérative abhorrées par M. Dubois. Tous deux ont été guéris dans un temps beaucoup plus court que celui de 3J. Dubois et tous deux sont restés guéris> le premier depuis 10 ans, le second depuis S ans, tandis que le malade de M. Dubois a rechuté déjà une ou deux fois. On me dira qup les cas ne sont pas analogues. C'est possible qu'au point de vue mental le malade de M. Dubois était plus atteint que les miens et qu'en temps normal son instabilité mentale était plus forte que celle des miens; mais, au point de vue symptomatique les cas se ressemblent : même degré d'astasie-abasie, même intensité des phobies, même dépression, etc.

L'observateur impartial ne peut conclure qu'une chose, c'est que la guérison plus rapide est due à la suggestion hypnotique et impérative. Il est évident que tout hypnotiseur aurait obtenu le même résultat; la question de personnalités ne peut jouer aucun rôle dans cette discussion, car il s'agit de mettre en regard ce que la psychothérapie et ce que l'hypnotisme produisent. Cela nous force à citer des exemples concrets que nous puissions comparer à ceux de M. Dubois et c'est la seule fois que nous ferons usage de ce procédé dans ce travail.

Maintenant, nous demanderons à M. Grasset en quoi l'hypnotisme a été mauvais dans ces deux cas? Est-ce l'activité suspolygo-nale ou infrapolygonale qui était atteinte chez ces malades ? On est en droit de dire que l'activité cérébrale totale était fonctionnellement troublée. Dans ces cas, les troubles de la conscience 0 ont disparu en même temps que ceux du polygone; il ne s'est pas produit de désintégration de l'activité cérébrale puisque, bien au contraire, 0 o repris le commandement du polygone : la guérison radicale en est la preuve.

• Nous pouvons aussi comparer avec intérêt les résultats de la psychothérapie et de l'hypnotisme dans les cas d'insomnie. Nous peu-

sons que le traitement de l'insomnie doit êfre exclusivement hypnotique et par conséquent nous ferions entrer l'insomnie dans !c groupe des symptômes du polygone dont nous avons parlé précédemment. Sans doute, le raisonnement et la conviction logique peuvent détruire bien des obstacles causes de l'agrypiiie. Cependant, la lecture du chapitre consacré par M. Dubois à l'insomnie convaincra chaque hypnotiseur du peu de succès de la psychothérapie par la conviction. Et cela ne peut nous surprendre puisque, même par l'hypnotisme, nous avons souvent beaucoup de peine à faire cesser l'insomnie.

if. Dubois écrit : c Quand ce sont de vrais malheurs, la perte d'une personne aimée, des soucis réels, des remords justifiés qui hantent l'esprit des malades, il n'est guère possible de dissiper l'obsession triste. Dans l'intérêt même' du malade, il faut savoir attendre et ne pas recourir aux palliatifs qui ne peuvent agir sur la cause. Sans dureté, le médecin doit rendre le malade attentif à l'origine purement mentale de son insomnie, lui montrer l'inutilité des moyens physiques, l'encourager à prendre patience, n

Nous croyons que c'est de cette façon-là que se développent les pires insomnies. Ceux dont le chagrin disparaît et qui conservent l'insomnie sont les malades les plus difficiles que nous ayons vus. C'est donc dans ces cas*là que nous conseillerions, à l'encontre de il. Dubois, de ramener le sommeil par la voie hypnotique, ce qui est possible tout en étant souvent très difficile puisque l'insomnie produit une inaptitude à être hypnotisé. Les bons dormeurs dorment profondément pendant l'hypnose, les mauvais n'obtiennent au début que des hypnoses insignifiantes mais dans ces derniers cas la suggestibi-lité existe quand même et en sachant manœuvrer, on arrive enfin à provoquer des hypnoses profondes et du sommeil pendant la nuit.

Voici un exemple entre quelques-uns. Un malade souffrant d'insomnie et d'un point à la région cardiaque vient me consulter après avoir été chez if. Dubois qui l'a engagé à ne pas s'occuper du sommeil, à être un peu stoïque et qui lui a dit qu'il ne peut rien de plus dans un cas de son genre. Le malade est tourmenté par un remords £rave dont peut dépendre son bonheur et celui des siens. Il est impossible de faire cesser cette cause de son insomnie, « Si je retrouvais ie sommeil, me dit-il, je redeviendrais plus calme et je pourrais petit ù petit tout arranger, mais vous comprenez, docteur, me dit-il, que je ne puis détruire la cause de mon insomnie s. Je l'hypnotisai; dès la première séance le résultat fut sensible. Xu bout de quinze jours il rentrait chez lui guéri. Puis il put reprendre ses affaires, s'occuper de fa:re cesser la cause intime de son mal, y parvint et resta guéri. L'humanité et la charité doivent être plus fortes que la logique et LU-dessus des considérations théoriques et psychologiques ; notre droit à nou?, médecins, est de guérir et toute notre science doit se soumettre cet impératif.

M. Dubois indique une quantité de trucs pour rétablir le sommeil ; cela rappelle la masse des remèdes conseillés contre les névral-

gies et nous pouvons en conclure que dans'ce domaine sa psychothérapie est vraiment insuffisante : « Ainsi, dit-il, quand mes malades se plaignent d'avoir mal dormi pàrcé'qu'ÎIs ont eu des rêves angoissants, je ne crains pas de leur dire : Que voulez-vous que j'y fasse ? »

C'est en effet la seule chose qu'il puisse dire et les conseils qu'il donne ensuite ne peuvent en rien diminuer les rêves ou les cauchemars. Tandis que par la suggestion hypnotique on arrive presque toujours à supprimer les cauchemar'i et à diminuer les rêves. Pour ma part j'ai vu tant d'heureux résultats dans ce domaine que je ne doute pas, que dans l'hypnose nous possédons le seul moyen théra^ peutigue capable de modifier le sommeil; on l'a déjà vu dans les cas d'incontinence dans lesquels, par l'hypnose, on arrive à rendre le sommeil moins profond. Je n'ai jamais plus recours à l'hydrothérapie, aux maillots, etc. et je n'emploie qu'exceptionnellement des moyens de -ce genre.

On peut juger de la valeur de la suggestion hypnotique comme moyen de produire le sommeil quand on traite les morphinomanes. Un des symptômes les plus pénibles pendant la cure de la morphino-manie est l'insomnie. J'ai eu beaucoup de peine à trouver un moyen d'atténuer ce symptôme car en traitant les morphinomanes par tous les moyens indiqués, je n'arrivais jamais à- combattre l'insomnie.

J'ai soigné dernièrement quelques morphinomanes et je suis arrivé dans deux cas à la guérison avec une seule mauvaise nuit. C'est un résultat qui surprendra tous ceux qui s'occupent de la guérison de la morphinomanie, mais je puis dire qu'il est dû à l'emploi de la suggestion hypnotique. J'ai soigné un confrère étranger depuis que j'ai trouvé le moyen d'obtenir un tel résultat; cej confrère avait fait déjà une dizaine de cures et il avait beaucoup souffert d'insomnie chaque fois. II fut stupéfait de voir comme le sommeil persista malgré la diminution de la morphine et il approcha de l'abstinence sans présenter de l'insomnie. Ce résultat est dû uniquement à l'hypnotisme et à ma conviction que l'on peut suggérer le sommeil malgré les difficultés que l'on rencontre chez ces malades en approchant de l'abstinence de la morphine. Jusqu'il y a quatre ans, j'étais imbu de l'idée de tous les hypnotiseurs, que l'insomnie était inévitable dans le traitement des morphinomanes et je n'arrivais pas à leur créer de bonnes nuits. Depuis que j'ai essayé quand même et malgré tout, j'ai obtenu les résultats ci-dessus.

Yoilà pourquoi nous pouvons affirmer que le traitement de l'ïn-somniet doit être hypnotique, car même la psychothérapie par le raisonnement et la suggestion indirecte, restent inefficaces dans ces cas-là.

Si nous passons à un autre groupe de malades, il nous sera facile de démontrer la supériorité de l'hypnotisme sur le traitement par le raisonnement. Dans son chapitre sur la maladie des tics, M. Dubois ne cite qu'une guérison d'un cas déjà amélioré par une cure Weil-Mitchell faite chez un autre .confrère, et un second cas amélioré.

Il s'étend beaucoup sur sa manière d'agir sur ces malades, mais il aurait été intéressant de l'entendre dire qu'il les guérit souvent : il. Dubois a montré beaucoup d'enthousiasme dans d'autres chapitres; ici, il paraît découragé.

Prenons le cas le plus difficile, le tic rotatoire de la tête.

il. Dubois cite deux cas légers sans dire s'il les a améliorés et un troisième amélioré. Tous ces trois cas étaient atteints d'une façon intermittente : le tic n'apparaissait qu'avec certains mouvements ; c'étaient donc des cas bénins qui devaient guérir, il. Dubois l'aurait dit, s'il les avait guéris, car on ne laisse pas échapper de pareils succès dans la publication d'un chapitre sur les tics. Jai vu quatre cas de tic rotatoire de" la tête ; le tic ne laissait pas une minute de repos à ces malades. Les chirurgiens ont publié des guérisons de ces cas-là. Je suis persuadé que l'onération du tic est dangereuse car elle expose le malade à une infirmité incurable. La guérison peut avoir lieu mais combien rarement ! puisque de ces quatre malades deux avaient été opérés sans succès; au lieu de tourner la tête et de l'appuyer sur l'épaule, ces deux malades la fléchissaient sur la poitrine et ne pouvaient plus la relever.

Je les ai renvoyés d'emblée, cela se comprend. Le troisième avait suivi un premier traitement hypnotique chez notre confrère, il. Rin-gier à Zurich; l'amélioration avait été considérable, mais la malade n'avait pas persévéré jusqu'à la guérison. Elle m'accorda encore moins de temps qu'à if. Ringier et cependant j'arrivai à lui procurer une amélioration notable et à lui faire faire des mouvements gymnasti-ques sans douleur, ni tic.

Je viens de recevoir des nouvelles du quatrième cas.

Il s'agit d'une demoiselle du Midi de la France, à qui je demandai d'emblée beaucoup de temps en lui promettant la guérison, parce que je suis persuadé que le tic peut être guéri presque toujours. Elle présentait le tic d'une façon permanente, ne pouvait presque plus marcher, ne pouvait pas lire deux lignes, etc., parce que tout augmentait la douleur du cou.

Elle arriva à marcher une demi-heure, à lire plusieurs pages et à jouer du piano; je sentais la guérison approcher quand pour une cause que je n'ai pu élucider, l'amélioration rétrograda et diminua beaucoup. Elle quitta Lausanne en même temps que je prenais mes vacances d'été, l'an passé, et, j'espérais la revoir en automne, ilais elle se découragea et ne revint pas. Ce soir, je reçois une lettre dans laquelle elle m'annonce qu'elle a été voir SI. Bernheim qui l'a soumise à un traitement hypnotique et gymnastique. Au bout de six semaines, le succès étaîF assez avancé pour qu'elle pût rentrer chez elle où elle continue depuis dix semaines ses exercices et se sent à peu près guérie.

L'influence de la suggestion est sensible dans ce cas quoique la malade attribue sa guérison plus aux exercices que M. Bernheim

lui a fait faire, qu'aux séances de suggestion auxquelles elle a été soumise.

L'exercice est certaiuement utile dans tous ces cas et j'en ferai toujours faire a tous ces malades, mais j'attache une importance beaucoup plus considérable à la suggestion hypnotique qui parvient à supprimer le malaise ou la douleur liée au tic et qui enraie l'habitude du champ de la conscience.

Je soigne en ce moment un cas de tic, le plus pénible qu'on puisse rencontrer. Ii m'a été envoyé par un confrère. Il s'agit d'un fonctionnaire âgé de près de 40 ans, qui depuis sa tendre enfance a commencé de frapper constamment le sol de ses talons. Petit à petit, le tic s'est généralisé. Le malade est pris de convulsions musculaires générales ; il trépigne fortement, secoue les bras comme si un courant électrique les parcourait subitement, tousse et cric à la fois et si on lui pose une question, aboie le même son dix ou vingt fois avant de pouvoir énoncer un mot. Pour cacher son tic, il a pris l'habitude de se retourner, de boutonner son habit ou de chercher quelque chose dans ses poches. Le malade n'est pas tranquille une minute. Quand il vient chez moi, je l'entends déjà au bas de l'escalier qui tousse, crie, frappe les marches et quand le domestique lui ouvre la porte, il trépigne et gesticule comme un homme excité qui ordonne à quelqu'un de se dépêcher. Le tableau est navrant! J'ai vu bien des défaillances morales et nerveuses depuis 15 ans; je n'ai jamais vu rien qui approche cela de la moitié.

Le malade avait essayé plusieurs traitements sans succès; l'hypnotisme a produit une amélioration très notable, malgré les difficultés d'une succession que la mort d'un de ses parents a amenés, et il n'y aucun doute que la guérison se prononcera bientôt et deviendra définitive. J'ai dû dans ce cas, avoir oeaucoup recours à la psychothérapie par le raisonnement, car le malade n'habite pas Lausanne et je désirais le faire venir le moins souvent possible. J'espérais pouvoir amener l'amélioration par des exercices, des conseils, etc. Je n'ai pas observé que la psychothérapie ait amené un changement en lui, tandis que chaque séance hypnotique calmait le malade qui finit par dormir et rester tranquille pendant toute la séance.

Je pourrais citer d'autres cas difficiles; guéris. Je n'ai eu qu'un insuccès total dans un cas de crampe du facial envoyé par un confrère.

J'ai guéri plusieurs cas de tics en une seule séance comme j'ai guéri en une séance deux bègues qui ne trouvaient pas d'occupation à cause de leur infirmité très prononcée. Ces guérisons sont dues à l'hypnose somnambulique dans laquelle j'ai mis tous ces malades.

Toilà des infirmités que l'on rencontre fréquemment, qui peuvent être guéries parfois par la conviction mais qui doivent toujours guérir quand on a recours à Phypnotisme, à la condition de ne jamais se laisser décourager même si l'hypnose est légère. Il est malheureux que ces malades, ainsi que les névropathes en général, aient peu de

patience et qu'ils interrompent le traitement de bonne heure, même lorsqu'on leur a demandé d'emblée de le suivre pendant plusieurs mois ou pendant un an ou deux. Quant à moi, je crois à la guérison des tics : les exemples ci-dessus sont des plus convaincants.

Pour terminer cette partie de notre critique, il faut comparer les résultats de il. Dubois avec ceux des hypnotiseurs dans les cas de troubles gastro-intestinaux fonctionnels. Nous hypnotiseurs, nous serons d'accord avec lui sur plusieurs points. D'abord, l'examen de ces malades ne nécessite 'que rarement l'emploi de la sonde et des repas d'épreuve. Ces moyens peuvent souvent égarer et la pratique de il. Dubois comme la nôtre démontre que l'influence psychique modifie le chimisme stomacal du tout au tout. Au reste le traitement psychique constitue par lui-même le meilleur moyen de diagnostic, parce que, dans des cas douteux, il permet d'obtenir des résultats rapides; si ceux-ci sont positifs, on en peut conclure qu'il s'agit de troubles nerveux; s'ils sont négatifs, il y a lésion. En voici deux exemples typiques pour éclairer notre façon de juger et de faire.

Une dame de 65 ans d'un canton voisin, souffre depuis plusieurs mois de l'estomac, il. Dubois appelé en consultation fait le diagnostic de tumeur cancéreuse et soumet la malade à un régime lacté. Le lait est bien supporté quelque temps puis les douleurs reparaissent. On m'écrit, ile basant sur certains faits, je déclare que l'existence- de la tumeur me paraît douteuse et je prie ia malade de venir à Lausanne. La palpation ne me révèle rien. J'hypnotise la malade; j'enlève dès la première séance les gastralgies. Elles reparaissent encore chaque jour mais cèdent à chaque séance pour plusieurs heures et le sommeil redevient bon. Au bout de quelques jours, le diagnostic dyspepsie nerveuse était confirmé. Quatre semaines plus tard la malade rentrait chez elle mangeant de tout et bien fortifiée. Sa guérison se maintient depuis cinq ans.

On m'appelle il y a trois ans dans le même canton auprès d'aine dame de 66 ans atteinte d'un cancer du pylore. Le médecin l'a déclarée perdue; le pasteur lui a donné la dernière communion. J'arrive. Tous les visages sont consternés, la malade est très maigre et faible; elle se sait et se sent perdue. Elle a souffert souvent dans sa vie de crises gastriques intenses et doit avoir eu un ulcère, mais je n'obtiens pas de renseignements suffisants pour en être assuré. Je sens à la pointe sternale une tumeur peu mobile, dure, de la grosseur d'un abricot. Je pense aussi à une tumeur, mais me basant sur sa grosseur qui ne peut entraîner beaucoup de troubles et qui doit permettre, ms semble-t-il, encore le passage des aliments, je déclare à la malade que ce n'est , pas la fin comme elle le croit et qu'elle peut parfaitement bien se nourrir; que c'est du reste la seule façon de s'en tirer I c Tous allez manger dès aujourd'hui, lui dis-je; vous ne vomirez plus rien. Dans deux ou trois jours vous vous lèverez pour vous promener et vous donner de l'appétit. » Je déclare ù la famille que si vraiment il y a

nne tumeur, on. peut encore et doit faire l'opération. Mois tout le monde s'y oppose.

Le lendemain, la malade mangeait; le troisième jour elle se levait. Elle est en parfaite santé depuis trois ans passés. La fausse tumeur était due par conséquent à la contraction du pylore.

Le procédé psychique a été dans ces deux cas un moyen de diagnostic bien supérieur à celui du repas d'épreuve qui n'aurait pas été digéré, cela est certain et si je cite ces deux cas seulement, c'est parce que tout, antécédents, âge, statu, praesens, semblait indiquer l'existence d'une tumeur, une simple parole convaincue a fait cesser rapidement tous les symptômes qui paraissaient de nature organique.

Le traitement psychique a donc une importance considérable dans les troubles gastro-intestinaux fonctionnels et sa valeur pronostique est tout aussi considérable que celle du sondage ou du repas d'essai, puisqu'il permet de procurer très -souvent un changement rapide en quelques jours. Mais où. nous ne pouvons plus être d'accord avec M. Dubois c'est lorsqu'il affirme que son traitement suffit pour guérir ces cas-là. Nous basant sur ce que nous avons vu, nous ne le pouvons admettre. Nous admettons que dans la moitié des cas, la a suggestion rationnelle » ce qui au point de vue psychologique revient à dire la suggestion à l'état de veille, (et nous savons combien souvent l'état de veille de ces malades sans l'influence de la confiance ou de leur propre suggestibilité est analogue à un état hypnotique) nous admettons que la suggestion sans hypnose préalable est suffisante pour guérir ces malades. Nous l'avons affirmé lorsque nous avons combattu les idées de M. Combe dont tout le régime n'a presque aucune valeur et dont le système suggestif et persuasif seul peut expliquer ses guéri-sons; il n'est pas inutile de le répéter car dans le traitement des troubles gastriques trop de médecins ne voient plus que le régime et oublient de se demander si la suggestion a affaire dans ces cas et ce qu'elle peut faire?

Mais il est hors de doute qu'avec la suggestion hypnotique on obtient des résultats plus rapides qu'avec la psychothérapie; si on L'emploie, on peut se passer du régime, de la suralimentation, de la eure de repas et de suralimentation que je juge inutile. J'en ai des faibles, des amaigris comme M. Dubois en a. Je leur ôte les douleurs; ils mangent dès les premiers jours de tout; je fais enlever sangle, eeinture, etc., et pendant la cure ils travaillent, n'interrompent pas leurs occupations et guérissent toujours rapidement si ce sont des hommes. Quant aux dames, les unes guérissent rapidement, une bonne partie se remettent en quelque six-dix semaines et un petit minimum suivent le traitement quelques mois. Je ne crois pas avoir eu phis de 2 % d'insuccès total.

Je suis convaincu que sans l'hypnotisme le chiffre des insuccès complets ascenderait à 15 à 20 % chez les dames et à 2 ou 3 % chez les hommes. Aussi' ne puis-je admettre, sans de plus amples informa-

tious et sans qu'une statistique exacte ait été donnée, le 98 % de gué-risons que il. Déjerine a annoncé dans la Revue de Neurologie. Je puis affirmer que, d'après ce que j'ai vu, il y a des cas de dyspepsie et de constipation fonctionnelle, cela s'entend, qui ne peuvent pas guérir sans la suggestion hypnotique.

On le voit par ce court résumé thérapeutique, la suggestion hypnotique ne pourra être remplacée par la psychothérapie par le raisonnement et if. Dubois ne réussira pas à convaincre la masse des médecins de l'inutilité de la méthode que nous préférons à la sienne parce que, pour nous, la psychothérapie qui veut exclure l'hypnotisme ne sera toujours qu'une psychothérapie incomplète.

(A suivre.)

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du Mardi 30 Mars 1900. — Présidence de M. le D' Jules Voisin.

Deux cas de neurasthénie grave guéris par la suggestion hypnotique

par M. le Dr Dauoglou (du Caire).

Obs. I. — M. H.. B..., journaliste au Caire, âgé de trente-deux ans, à la suite de surmenage intellectuel, de fatigues physiques, d'excès taba-giques et de mauvaise hygiène alimentaire est pris de troubles nerveux.

Pendant un an il suit les traitements pharmaceutiques les plus variés sans la moindre amélioration. Au mois d'avril 1903, il vient me consulter. Il est pâle et amaigri, a Docteur, me dit-il, je ne suis plus bon à rien ; mes souffrances sont indescriptibles, mais ce qui m'agace le plus, c'est mon incapacité absolue pour tout travail intellectuel. Chaque matin je me mets au travail avec toute la bonne volonté imaginable; il m'est im-posible de pouvoir écrire une phrase parce que les idées ne me viennent pas. *

Cette dépression mentale le rend furieux, aggrave son état général et sucite un profond découragement. Cet état persistant, il se voit dans la nécessité d'interrompre sa carrière. Sous l'influence de ses idées hypochondriaques, il en arrive à considérer le suicide comme le seul moyen de se soustraire à ses souffrances. ïl se plaint de céphalalgies intenses qui ne lui laissent aucun repos. Les fonctions digestives sont profondément troublées ; l'appétit presque nul, les digestions extrêmement pénibles ; palpitations fréquentes, angoisse précordiale avec douleurs s'irradiant dans tout le bras gauche et déterminant une sensation constante d'engourdissement; il passe des nuits entières sans dormir.

Le 14 avril 1903, je l'hypnotise pour la première fois, en présence du

pharmacien M. Vincent Mandofia, en lui faisant fixer ma montre En moins de deux minutes, il tombe dans une somnolence assez profonde. Alors je lui fais des suggestions ayant traita ses idées hypochondriaques. Je lui suggère le calme moral et physique, la gaieté, la bonne humour, le sang-froid, puis d'avoir de l'appétit, de digérer sans fatigue, du bien dormir les nuits, sans rêves ni cauchemars, de reprendre 6on activité, d'avoir son esprit clair et lucide, ainsi qu'une facilité pour le travail intellectuel etde n'éprouver jamaisde fatigue. Les suggestions sont répétées plusieurs fois par intervalles de dix minutes pendant une heurs que dure la séance. Dès le lendemain, notre malade accuse une amélioration, car toute la nuit il a bien dormi, ce qui ne lui est pus arrivé oc mis longtemps. Les séances sont répétées pendant dix jours sans interruption, avec les suggestions formulées ci-dessus puis d'autres portant sur la disparition des phénomènes douloureux, l'angoisse précordiab-, et l'engourdissement du bras, qui finirent par disparaître complètement. Un point très intéressant à signaler, c'est que notre malade pendant qu'il suit le traitement hynoptique, continue à vivre dans le même milieu et les mêmes conditions, sans s'absenter pas même un jour, de ?on bureau. Après la troisième séance son état mental et sa lucidité intellectuelle sont tels que le premier, parmi tous ses confrères, il a commencé à critiquer d'une façon magistrale le rapport annuel de Lord Cromer.

En moins d'un mois l'état général est complètement modifié. Le traitement, est continué pendant six mois avec des séances deux fois par semaine. Pendant un an, la guérison ne se dément pas, malgré le manque de repos et un long séjour en Egypte sans voyager depuis huit ans. Ilyaunan.au mois de novembre, de nouveau très surmené et à bout de forces il tombe au lit, obsédé par la peur de la mort. Cette fois encore ses idées noires sont dissipées par la suggestion hynoptique.

Au mois de décembre il reprend son travail très fatiguant jusqu'au mois de juin, puis il part pour l'Europe où il reste quatre mois: depuis deux mois il est de retour, plein de forces et de vigueur, en excellente santé.

Obs. II. — M... G... cousin d'un confrère oculiste, âgé de 40 ans. d'un tempérament nerveux et colère depuis son enfance, se présente à ma consultation le 10 mars 1904 accompagné de sa femme et d'un Mut. Voici ce qu'il me raconte : a Docteur, je suis malade depuis huit mois. J'ai consulté plusieurs médecins qui m'ont dit que je suis neurasthénique ; les différents traitements que j'ai suivis n'ont abouti à rien. Actuellement, je suis à bout de mes forces. Figurez-vous, que pour monter votre escalier [car j'habite au premier) j'ai été obligé de me reposer trois fois. L'administration de la poste auprès de laquelle je suis employé depuis plusieurs années, voyant mon état s'aggraver de jour en jour, m'a fait examiner par la commission sanitaire. D'après le rapport médical qui conclut à une neurasthénie incurable, l'administration s'est décidée à me retirer mon emploi. »

Réellement, son état est grave ; il a la figure pâle et amaigrie, les yeux cernés enfoncés dans les orbites ; il est incapable de marcher sans éprouver de la fatigue. Les fonctions digestives sont profondément troublées, l'appétit capricieux, les digestions très pénibles accompagnées de battements de cœur fréquents. Sujet à la constipation, il reste parfois cinq jours sans selle, s'il ne prend pas de purgatif. Tous les symptômes faisant partie du tableau clinique de la neurasthénie tels que céphalée en forme de casque, rachialgie, douleurs vagues aux mollets, dépression cérébrale, diminution de différentes fonctions intellectuelles, manque de mémoire, d'attention, de volonté, changement du caractère, impressionnabilité, colère, états mélancoliques et hypochondriaques. sont arrivés au maximum de leur intensité.

Séance tenante je l'hypnotise par l'occlusion des paupières ainsi que par une pression légère et continue des globes oculaires et de toute la région frontale. Puis je lui fuis lu suggestion suivante : « Reposez-vous bien, soyez calme et tranquille, comme si vous dormiez, dans votre lit, d'un sommeil très réparateur, grâce à ce repos moral et physique l'équilibre de la santé se rétablira bien vile et définitivement ; vous guérirez très bien, vous n'aurez plus de douleurs. Vous mangerez toujours avec grand appétit, vous aurez de bonnes et faciles digestions ; vous dormirez bien la nuit, vous serez gai, doux et toujours de très bonne humeur. » La séance dure une heure. Les mêmes suggestions sont répétées plusieurs fois, par intervalles. Je procède ensuite à son réveil, en ces termes: Dans cinq minutes, vous serez complètement éveillé ; à votre réveil vous serez tout à fait à votre aise, vous vous sentirez fort, vigoureux ; confiant et sur de vos forces ; vous rentrerez chez vous à pied sans fatigue ni malaise. A son réveil notre malade sourit et semble être content. Le lendemain il me raconte avec un réel plaisir qu'il est rentré chez lui à pied sans sentir le moindre dérangement ; qu'aujourd'hui il a fait le même chemin à pied; que la nuit, son sommeil a été agréable. Je pratique de nouveau l'occlusion des paupières, je fais les suggestions curatives pendant une heure par intervalles, plaçant, de temps à autre, le pouce et l'index sur les globes oculaires avec quelques passes légères sans contact sur le visage pour maintenir l'hypnotisation. Pendant deux semaines les séances sont répétées chaque jour. A ce moment son état généra! s'est manifestement transformé. Son aspect physique dénote une amélioration frappante. L'état mental a marché parallèlement à l'état physique. Le 25 mars, c'est-à-dire le quinzième jour de traitement, il se présente à son directeur en demandant la permission de reprendre son travail. Le directeur et ses amis de l'administration des postes sont stupéfaits du très grand changement qu'ils constatent en lui au bout de si peu de temps. Le traitement est continué encore un mois avec séances ayant lieu trois fois par semaine. Chaque fois le malade se trouve mieux, puis, tout à fait guéri, il se rend à Constantinople. Quatre mois plus tard à son retour, je le félicite de son excellente santé et lui dis qu'il a très bien fait de changer de climat. « Oh! Docteur, reprend-

¡1, ce n'est pas du tout au changement de climat que je dois ma santé, mais c'est bien à votre traitement. Cor les quatre mois de mon absence du Caire je les ai passés dans les prisons de Constantinople, et non dans le Bosphore. A mon arrivée on m'a pris pour un révolutionnaire faisant partie de la commission terroriste arménienne et directement on m'a emmené en prison. J'y suis resté enfermé quatre mois et de là, la police m'a expulsé pour l'Egypte.

M. M... G..., est actuellement employé à la Banque nationale, il se porte admirablement bien. Sa guérison date de vingt mois et ne s'est pas démentie jusqu'aujourd'hui.

Psychologie de la voix

par M. le Dr L. Deiioxchy.

Les courts instants qui me sont alloués ne me permettent pas de vous donner une étude complète de la psychologie de la voix. C'est un préambule destiné à servir de préface à un travail plus étendu.

Pour étudier la psychologie de la voix, il faut se garder de faire œuvre de professeur de chant ou de diction. Ce serait se perdre dans des luttes d'écoles et dans des rivalités d'enseignement qui ne seraient pas de mise dans une pareille étude.

Qu'est-ce que la voix ? Les définitions sont nombreuses, sans doute parce qu'elles ne donnent pas entière satisfaction; elles sont incomplètes ou trop étendues selon qu'on veut, ou non, résumer en elles, telle ou telle méthode de chant ou de diction. Mieux vaut faire appel à l'anatomie et à la psychologie. En soi le bruit est chose simple, le son un peu moins, la voix est fort complexe. La voix est la résultante d'un ensemble d'organes, l'organe phonateur qui produit le son, l'organe résonnateur qui l'amplifie, l'organe de vocalisation qui le transforme en voix. Et encore ne faut-il pas prendre ce mot organe comme une chose unique, mais plutôt comme un ensemble, un appareil composé de plusieurs parties : ainsi la langue, le palais, les dents, les lèvres font partie de ce que je dénomme organe, ou mieux appareil de vocalisation.

En ce sens, la voix est une vibration des cordes vocales amplifiée par l'appareil résonnateur et transformée en voix par l'appareil de vocalisation.

Et suivant que la" vibration sera plus ou moins pure, qu'elle sera plus ou moins puissante, qu'elle sera vocalisée d'une façon plus ou moins nette ou précise, la voix sera plus ou moins belle, plus ou moins expressive, plus ou moins capable de produire l'émotion.

L'émotion! voilà ce qu'il importe de rechercher dans la psychologie de la voix : or la voix est l'organe par excellence de l'émotion.

Comment classer les voix? Je laisse de côté les classifications musicales, soit qu'elles s'adressent au sexe (ténor, soprano), soit qu'elles s'adressent au timbre, à la pose de la voix, etc.

Je les classe au point de vue spécial de l'émotion : D'abord la voix parlée.

Personne ne conteste l'effet émotif de la voix parlée. L'esprit moderne est tellement affamé de réalité pratique qu'il veut être instruit en même temps qu'ému. Aussi l'effet moindre obtenu, de nos temps, par l'art oratoire pur est largement compensé par l'influence considérable du professeur, de l'acteur, du conférencier. Inutile de s'arrêter sur ce point.

Puis la voix chantée.

La voix chantée, depuis la voix de la mère endormant son enfant jusqu'à celle du chanteur lyrique, sans oublier le chanteur populaire, a toujours été un moyen infaillible de produire l'émotion. Ce sera le calme pour l'enfant qui s'endort, ce sera l'enthousiasme pour l'auditoire qui applaudit.

En troisième lieu vient la voix criée.

Xe faisons pas fi de la voix criée. C'est elle qui nous émeut au plus haut degré, et à un tel point d'intensité, que soudainement elle arrête, immobilise, tient en suspens. Qu'une mère aperçoive son enfant broyé par une automobile, ses cris seront tellement déchirants que tous les passants s'arrêteront stupéfiés d'effroi, qu'ils abandonneront leurs courses et se précipiteront vers la mère affligée. La tragédie grecque nous donne des exemples frappants de l'intensité émotive du cri, et de nos jours la scène française retentit souvent des cris tragiques d'un de nos plus grands acteurs.

Dans les œuvres chantées, le cri existe. Et si on le conteste, nous admettrons que c'est une manière de parler; car, si les chanteurs ne doivent pas crier, ni pousser des cris déchirants, nous conviendrons qu'ils savent mettre dans leurs voix le déehiremenï du cri. Citons par exemple l'opéra de Paul et Virginie, où s'entendent les cris de Méala soumise à la torture, pendant que son maître donne aux autres esclaves l'ordre de danser. C'est une page dramatique où l'émotion du cri amène le frisson d'horreur.

Citons enfin la voix chuchbtée.

Cette voix qui parle bas, nous émeut peut-être avec moins d'éclat, mais elle nous émeut d'une façon plus pratique. Elle nous entraîne à l'action. Pendant que l'orateur parle et s'agite, ceux qui sont dans le secret des Dieu?; chuchotent, murmurent quelques mots à l'oreille, et c'est cette petite voix sourde, sans éclat, qui décide des rendez-vous, des places à donner, des décisions à prendre. C'est la voix qui promet, qui entraine, qui décide. L'a vie de tous les jours nous apprend sa puissance.

Passons à la qualité de la voix. *

Si nous donnons à lire à haute voix un même passage à différents lecteurs, les uns endormiront leurs auditeurs, les autres les maintiendront attentifs, comme susnendus à leurs lèvres. Il en est de même des orateurs et des chanteurs.

L'opinion généralement exprimée est que certains sont doués d'une

vois captivante, entraînante, chaude ; d'autres ont une voix plate, qui ne porte pas, froide. Aux premiers l'émotion; les seconds distillent l'ennui.

-Te me suis demandé si les expressions voix chaudes, productives d'émotion, voix froides non productives d'émotion, n'étaient qu'une manière de parler ou correspondaient à un fait physiologique. J'ai voulu me rendre compte de ceci : existe-t-il des voix chaudes et des voix froides, et je me suis livré aux quelques expériences suivantes, si simples que tous peuvent les répéter.

Un fait, banal au point de ne plus attirer notre attention, est le suivant . Notre bouche peut à volonté produire le froid et le chaud. Ouvre? largement la bouche, expirez l'air de vos poumons sur votre main, vous éprouverez une sensation de chaleur produite par l'air expiré auquel se joint une certaine quantité de vapeur d'eau. Puis fermez la bouche, expirez l'air par une très petite ouverture, vous donnez naissance à un courant d'air qui ira se projeter en air frais sur votre main.

Ce phénomène de caiorimétrie respiratoire, vérifiez-le avec un thermomètre ; dans le premier cas, le réservoir sera couvert de vapeur d'eau, et le mercure indiquera 29 degrés: dans le second cas,le mercure s'arrêtera aux environs de 21 degrés. Voila donc une différence de S degrés amenée par la façon d'ouvrir et de fermer la bouche.

Allons plus loin.

Certaines voyelles sont prononcées la boûch? plus ouverte, d'autres la bouche plus fermée — â long, donnera 28 degrés, — ù court donnera 24 degrés.

Les émissions vocales faites à bouche largement ouverte sont donc plus chaudes que celles faites à bouche presque fermée.

Essayons les voix d'après le même principe.

La voix forte, vibrante, appelée voix de poitrine denne 28 degrés; la voix plus faible, moins vibrante, appelée voix de tête donne 25 degrés.

Or il est certain que la voix plus chaude, communément appelée voix de poitrine, est plus forte, plus vibrante, plus productive d'émotion que la voix plus froide, plus faible, moins vibrante appelée voix de tête.

Je crois donc pouvoir affirmer que ces deux expressions, voix chaudes, voix froides, correspondent à une réalité susceptible d'expérimentation. Elles sont donc parfaitement justes et capables de donner une note d'émotivité qu'aucune autre qualification ne pourrait donner.

Au point de vue « émotion » l'art vocal consisterait donc à transformer en voix chaudes les froides; ceci nous expliquerait pourquoi les chanteurs sont amenés à dénaturer quelque peu le son propre des voyelles en se rapprochant de sons connexes quoique moins exacts.

Valeur propre du sommeil provoqué en psychothérapie Par m. le D1 bébjllon.

La valeur propre du sommeil provoqué est à la fois trop méconnue et trop négligée en psychothérapie. Dans bien des cas la production de l'hypnose, en dehors de toute suggestion, peut suffire à ramener le calme, à équilibrer l'état mental.

Un vieil adage enseigne que, « la nuit porte conseil », en réalité, ce n'est pas la nuit qui rend ce service: ce sont certains états intermédiaires entre la veille et te sommeil profond. Quand nous sommes déjà plongés dans un état passif assez accentué, nous acquérons le pouvoir de monoîdéiser, c'est-à-dire de concentrer notre attention avec plus de force sur telle ou telle idée déterminée. Il en résulte que nous y pensons avec plus de force. Xous utilisons à son maximum tout notre pouvoir de réflexion, de sorte que nous arrivons à des notions plus exactes et plus précises que lorsque notre pensée est contrariée par les influences extérieures qui viennent la distraire. A d'autres points de vue, la séda-tion qui résulte du sommeil provoqué constitue un état favorable pour l'aecomplissement des fonctions de la vie organique. Ainsi, il m'arrive fréquemment de limiter le traitement psychothérapique à des séances de sommeil provoqué. Ces séances constituent des sortes de haltes venantinterrompre la dépense exagérée de l'activité nerveuse. Malgré leur durée limitée, elles permettent à l'énergie de s'accumuler. On peut les comparer aux résistances qui, placées sur le trajet de courants électriques, permettent d'en doser le débit et d'en limiter la dépense.

Ces notions font prévoir que dans un temps rapproché, l'hypnotisme sera considéré comme la science delà production, de la conversation et de l'utilisation de l'énergie nerveuse.

Sommeil et détente.

par M. le professeur Lionel Dauriac.

r

Le sommeil est-il un état pendant lequel la vie de l'esprit se continue? L'âme ne dort pas, disait-on jadis au bon temps où l'on se figurait l'âme comme une chose située dans une autre chose, le corps.

La question de savoir si l'âme dort ou ne dort pas est décidément une question oiseuse. Prenons-en notre parti. Et, de même, la question de savoir si la vie intellectuelle se continue pendant le sommeil, de telle sorte que nous rêvons toujours, même quand nous n'avons aucun souvenir d'avoir rêvé, est nettement insoluble. Il est, dit-on, des sommeils sans rêves, les plus profonds ; quand on réve, c'est au début de la nuit, c'est très peu de temps avant le moment du réveil. La chose est possible, mais nous n'en savons rien. Les rêves s'oublient. Les rêves peuvent s'oublier à mesure qu'on les rêve : on a rêvé, mais ce que le temps efface est, pour la conscience, nul et non avenu.

Ce qui est universellement admis, c'est qu'en général les heures de rêve sont des heures de détente. Voilà ce qu'il importe de retenir avant tout. Pour s'exprimer en vieux langage, pendant le sommeil l'âme et le corps se reposent et, par le repos, se réparent.

Dans ces conditions, il est permis de croire à l'efficacité du sommeil sur le travail de l'esprit. J'en atteste la croyance généralement répandue en l'efficacité du labeur matinal.

Acceptons cette croyance et nous expliquerons pourquoi ce que la fatigue de la veille nous a empêchés de découvrir se dévoile tout naturellement aux yeux de l'esprit quand l'esprit s'est détendu.

On cherche un problème, on le manque. On va dormir. On se réveille, le problème se trouve résolu comme par enchantement.

D'enchantement, il n'en est guère. C'est le repos de l'esprit qui a rendu l'esprit plus dispos.

Voilà ce que chacun de nous penserait si les philosophes férus d'inconscient n'étaient venus obscurcir le problème.

Ils ont imaginé que, pendant le sommeil, l'esprit continuait de travailler et ils ont attribué à ce travail les découvertes soudaines qui suivent les premiers instants du réveil complet.

Si le problème cherché avant le sommeil se continue pendant le sommeil, comment le savoir autrement que par le souvenir d'avoir continué en rêve le travail auquel nous étions occupés au moment de nous endormir? Si ce souvenir fait défaut, ce qui a généralement lieu, c'est qu'il y a eu discontinuité dans le contenu de la pensée, c'est qu'au lieu de penser à l'objet de notre recherche, nous n'y avons point pensé du tout. Dire que nous y avons pensé inconsciemment, c'est parler pour ne rien dire.

Alors faut-il aller jusqu'à soutenir que nous trouvons la solution d'un problème qui nous fuyait, précisément parce que nous nous en sommes distraits?

Oui. Telle est notre opinion franche.

Elle se justifie d'ailleurs par des analogies tirées de la manière dont le souvenir se comporte.

Vous cherchez un nom. Vous ne le trouvez pas. Vous vous obstinez dans votre recherche : peine perdue. — Vous jetez, comme on dit, votre langue aux chiens et vous pensez à autre chose. Tout d'un coup, le nom se retrouve comme si l'arme par vous chargée partait toute seule au moyen d'un décianchement automatique.

Autrement dit, vous avez facilité le travail du souvenir en lui laissant son libre jeu. De même en laissant votre esprit se détendre, vous lui avez permis de reprendre pendant le sommeil la quantité de force nécessaire à la découverte de la solution si obstinément cherchée avant de vous endormir et si inutilement poursuivie.

Ceci n'est pas une explication proprement dite. C'est une illustration

par analogie. A défaut d'autres mérites, cette illustration nous évite le recours à l'inconscient qu'il est toujours si commode de faire entrer en scène quand on a besoin de lui. L'expédient est commode en vérité : il l'est à la manière de tout ce qui est invérifiable. Nous pensons que de tels expédients veulent être, autant que possible, soigneusement évités.

A propos de la définition de la suggestion

Par M. Louis Favbe.

La définition de chose doit être provisoirement laissée de coté ; elle ne peut être donnée que lorsque la science est assez avancée. C'est la définition de mot qui peut aider au développement de la science. La suggestion pourrait être définie : l'action de provoquer un état de conscience (sensation, idée, sentiment, volition), que cet état de conscience soit accompagné ou non d'un acte extérieur qui lui corresponde. Ce sens très général est, en quelque sorte, un genre dans lequel il convient de faire rentrer toutes les formes connues de la suggestion ; celles-ci doivent être considérées commes des espèces et désignées, ainsi qu'on le fait en sciences naturelles, par deux mots, par exemple, suggestion hypnotique, etc.

Discussion

M. Berillon. — Un des mots qui apportent dans nos études le plus de confusion est celui de suggestion. On l'emploie à tort et à travers. Tantôt il est envisagé comme cause et tantôt comme effet. La suggestion est la parole qui sort de la bouche de l'hypnotiseur, c'est aussi le phénomène qui se réalise dans le cerveau de l'hypnotisé. C'est absolument comme si on se servait du même mot pour désigner le fusil, le projectile et la blessure. Autant le mot hypnotisme caractérise un état nettement défini, celui de sommeil provoqué (à des degrés plus ou moins profonds, comme dans le sommeil ordinaire dont la profondeur varie également], autant celui de suggestion est obscur. Il conviendrait de se montrer un peu plus révolutionnaire et de recourir à des mots nouveaux, plutôt que de subir, par routine, des mots qui n'ont aucune signification précise.

La Société décide de réunir bientôt la Commission de la terminologie, et de la compléter par l'adjonction de plusieurs membres.

SOCIÉTÉS SAVANTES

De la suggestion médicamenteuse

Mainles fois, nous avons signalé la difficulté qui entourait l'appréciation des résultats thérapeutiques. Quelle valeur doit être attribuée à l'effet du médicament et la suggestion ne joue-t-elle pas le premier rôle v L'influence du moral sur le physique est bien plus grande que les médecins ne s'imaginent d'ordinaire. Ce ne sont pas seulement les névroses qui guérissent sous l'action d'un coup de fouet porté sur les processus mentaux du malade ; les maladies organiques sont également susceptibles d'amélioration. Un phtisique, un cancéreux vont souvent mieux quant ils usent d'une médication neuve : la stimulation exercée par l'attrait de la nouveauté, la confiance dans le remède sont de puissants guérisseurs, au moins pour quelques jours. Dans une communication récente {Bull, de la Soc. de Thérap., ï7 juin I906J MM. Albert Mathieu et Dobrovici montrent l'avantage qui résulte de l'emploi de certaines médications dont la nature est d'amorcer la confiance du patient. Ils ont créé toute une gamme de traitements qui répondent à des indications diverses. C'est ainsi qu'ils ont imaginé une médication suggestive calmante, une médication suggestive somnifère, une médication suggestive anti-tuberculeuse.

La médication calmanlo est réalisée par Yextrait de taraxacum dens leonis. Le nom est sonore et frappe l'imagination ; dans le langage des profanes, il r.'agitdu vulgaire pissenlit. Le remède, à condition qu'on annonce ses bons effets, la dextérité de doigts nécessaire à son maniement thérapeutique, l'étude spéciale qu'on en a faite et qui a permis de le prescrire sans accident, leremède, enveloppé de cette atmosphère suggestive que lui créent les affirmations du médecin, produira un très bon résultat chez des nerveux. MM. Mathieu et Dobrovici, sous son action, ont vu guérir des douleurs gastriques, des vomissements nerveux, de la sialorrhée. Dans certains cas, ils ont même dû en suspendre l'emploi à cause des phénomènes d'intolérance qui s'étaient produits.

Quand il s'agit de douleurs chez les névropathes, le collodion coloré au bleu de méthylène, a guéri, en applications locales, des douleurs épi-gastriques, des points douloureux sur le trajet du colon. Souvent on est obligé de poursuivre les sensations douloureuses de place en place par des applications successives de collodion bleu.

Autre procédé : la morphine B. C'est une solution de chlorure de sodium au taux physiologique. Elle réussit chez des malades auxquels on a dù faire une série d'injections de chlorydrate de morphine et qui commencent à avoir l'angoisse de la douleur et l'appétence du médicament. Dans les cas mixtes où le tabès s'associe à l'hystérie, les effets de la morphine B sont remarquables. De même dans les fausses coliques hépatiques de nature névropathique qui peuvent suivre des coliques hé* pathiques vraies.

Pour procurer le sommeil on pourra prescrire l'eau chloroformée à îa dose de une à deux cuillerées à soupe étendues de deux tiers d'eau ordinaire, prises le soir en se couchant.— Les malades émus par le nom de chloroforme n'ont pas l'idée de résister à ce puissant hypnotique. Us dorment par conviction. Le phosphate de soude, connu par le bien qu'en disent les journaux, jouit également de propriétés sédatives. Deux fois sur trois, 1 ou 2 gr. de phoiphate de soude pris en se couchant ou vers 9 ou 10 heures du soir, procurent un sommeil paisible et reposant, C'est à se demander si le remède ne possède pas une vertu propre à côté de son action suggestive.

Pour traiter les tuberculeux, on emploiera un médicament à titre impressionnant : l'antiphymose. C'est de l'eau salée, comme la morphine B. L'entrée en scène de l'antiphymose est préparée à l'avance. On annonce l'apparition d'une médication nouvelle contre la tuberculose, on espère s'en procurer prochainement. L'antiphymose arrive. Certains malades sont désignés: ils reçoivent des injections de 1 ce, par séries de cinq ou six jours. Les malades choisis sontsoumis à une observation attentive et leur histoire écrite. On les persuade de l'intérêt de la médication et qu'on en attend leseffets avec une curiosité confiante.

Toute autre médication est suspendue. Les conditions hygiéniques restent les mêmes. Lasérie des résultais favorables ne tarde pas à se montrer : retour de l'appétit, diminution de la toux et de l'expectoration, disparition des sueurs nocturnes. Les malades qui n'avaient pas de fièvre audébutdu traitement n'en ont.pas eu pendant sa durée. Trois d'entre eux ont cesséd'en avoir. Chez deux malades, il y avait eu des hémopty-sies: elles ne se sont pas reproduites. Les malades ont augmenté de poids pendant la période des injections, diminué de poids pendant leur suspension, regagné du poids avec leur reprise. Quant à attribuera l'eau salée cette augmentation de poids, la quantité injectée était trop faible vraiment pour qu'on puisse lui imputer pareil effet (1 ce d'eau salée à7/1000). Les auteurs publient le résumé de six observations confirmât! ves.

Tout cela vient à l'appui d'idées que le Dr Fiessinger a développées dans un article récent {Chron. médic, sept. 1905). Il considérait la confiance et la foi comme productrice d'énergie physique. Les rois de France avaient jadis le pouvoir de guérir lesécrouclles, rien ne prouve que des malheureux qui avaient confiance, n'aient été parfois améliorés par le contact de la main royale. La foi dans une médication ouvre-t-elle, dans notre organisme, les sourcesde l'énergie vitale une énergie radio-ac-tive par exemple ? On sait l'action thérapeutique favorable des rayens X sur la tuberculose ganglionnaire ; l'énergie créée par la foi du sujet est-elle semblable à celle là? Nous entrons ici dans le domaine de l'hypothèse ; mais les conjectures d'un jour sont souvent les vérités du lendemain.

Les détails où nous venons d'entrer justifieront, nous l'espérons du moins, aux yeux de nos lecteurs, dit un rédacteur du Journal

des Praticiens, le sentiment de réserve qui nous anime quand nous avons à apprécier les résultats d'une médication neuve. De là aussi les réussites si différentes des médecins dans la clientèle. Les uns ont su guérir mieux parce qu'ils inspiraient une confiance plus solide. Le terme de charlatan est peut-être trop légèrement infligé aux médecins qui, à l'aide d'une thérapeutique innocente,exercent sur leurs malades la suggestion du prestige et de l'autorité. Pour juger de la sincérité d'un confrère, il convient moins d'examiner la méthode de traitement qu'il préconise que la valeur morale de celui qui l'applique.

La communication de M. Mathieu a provoqué une discussion à laquelle prirent part MM. Barbier, Hirtz, Gallois, Bardet, Legendre et Laumonier, qui en principe, furent complètement d'accord avec M. Mathieu.

Seul, M. Gallois fit des réserves en disant qu'il «faudrait se garder de les appliquer dans la clientèle de la ville, où l'on a affaire à des malades intruits et qui cherchent, soit par eux-mêmes, soit par leur entourage, à se rendre compte de la valeur et de l'aclion physiologique du médicament; le médecin serait donc bientôt « brûlé » avec son Tara-xacum dens leonis, et on lui saurait très mauvais gré d'avoir prescritun médicament inaclif ».

Répondant à ce dernier, M. Mathieu s'est défendu tout d'abord d'avoir inventé la médication suggestive, et il a ajouté qu'une telle thérapeutique, sans être idéale, peut rendre de très grands services et qu'elle est irréprochable entre les mains d'un médecin qui l'emploie avec tact et prudence.

Elle peut en tous les cas rendre les plus grands services.

Répondant à M. Laumonier qui se demandait s'il y avait intérêt à diffuser ces notions de suggestions médicamenteuses qui pouvaientétre interprétées comme des remèdes de charlatans, M. Bardet a bien mis les choses au point, car, dit-il, le médecin ne pratique la suggestion médicamenteuse ou autre que dans les cas où une médication active pourrait être dangereuse, mais ¡1 sait intervenir le jour où un traitement actif est utile. Nous venons ici, publiquement et honnêtement, dire: Avec de pseudo-médicaments, nous obtenons des effets vraiment étonnants, donc nous aurions eu tort d'administrer des drogues actives qui étaient inutiles et pouvaient présenter des inconvénients. Nous montrons par là combien il faut tenir compte de l'acte cérébral dans les actes vitaux.

Mais garder pour nous pareils faits, nous enfermer entre augures pour nous avouer les faits déconcertants de ce qu'on peut ihérapeuti-quement obtenir de la médication suggestive, je trouverais cela blâmable et c'est alors qu'on aurait le droit de nous critiquer. C'est au grand jour que de pareilles questions doivent être traitées, et c'est là le mérite du médecin, ce qui lui donne le caractère vraiment scientifique, d'avoir le courage de dire publiquement la vérité, sans prétendre à garder une influence mystérieuse de mauvais aloi.

f •

A ce qui précède nous ajouterons que des faits de thérapeutique psychothérapique avec l'aide de médicaments inactifs, ont été sou\-ent signalés à la société d'hypnologie et de psychologie. Nous les rappelons à chaque instant dans nos renseignements cliniques sur la psychothérapie. Depuis de longues années, nous nous appliquons à démontrer le peu de valeur de la suggestion à l'état de veille, lorsqu'elle repose seulement sur des phrases et sur delà dialectique et nous insistons au contraire sur la puissance de la suggestion armée.

Ce qui a manqué à la communication de M. Mathieu c'est l'analyse du mécanisme psychologique qui amène les modifications fonctionnelles. Seuls ceux qui s'adonnent d'une façon courante à la pratique de l'hypnotisme et qui connaissent la technique de l'hypnotisation peuvent se rendre compte de la puissance de l'hypnose survenant fortuitement sous l'influence de faits qui sollicitent et mettent en jeu la fonction de l'attention. On peut trouver dans Vexpectant attention qui n'est, en somme, qu'un état d'hypnotisme et réalise une sorte de fascination, la clef de toutes ces actions curatives.

C'est dans la production de l'hypnotisme, qu'il soit provoqué on fortuit, et non dans la suggestion, comme on le répète si souvent à tort, que réside la condition fondamentale de toute intervention psychothérapique. Comment admettre que nous exercions une telle influence sur un de nos semblables, si son contrôle mental habituel n'est pas désarmé par l'hypnotisme. Telle est la vérité indiscutable qui ne peut être appréciée par le médecin, tant que chez lui le clinicien ne se double pas du psychologue.

Dr B.

COURS ET CONFÉRENCES

Confusion mentale hystérique (*)

Par M. le Professeur Raymond.

La jeune fille que voici est âgée de 20 ans. Sur le papier qu'elle tient à la main elle vient d'écrire ce quatrain de sa composition :

Jeanne d'Arc la bonne Lorraine Dont le souvenir touchant Fait aimer mieux qu'une reine Une humble fille des champs

Il y a huit jours, quand elle est arrivée ici, elle riait perpétuellement à gorge déployée, répétant sans cesse : « C'est rigolo, rigolo, très rigolo! • Parfois, ce rire faisait place à un pleurer incoercible.

(1) Présentation de malade faite à la clinique des maladies du système nerveux de la Salpetrière.

Elle est incapable de fixer son attention et ne pense à rien ; c'est de la confusion totale des idées, sans hallucinations et non du délire actif, car elle répète des mots sans lien logique, appelés à la suite les uns des autres, par l'assonance ; « c'est grand, très grand, mazagran, etc. »

Elle n'a pas de température, la langue est belle, le tube digestif fonctionne bien, il n'y ni a infection ni intoxication; cet état n'a point été précédé de période préparatoire. Il s'agit donc de confusion mentale, non pas primitive, mais secondaire. Depuis un an, ses règles sont pénibles. En juillet, au moment de ses époques, elle a une grande crise d'hystérie. En novembre, dans les mêmes circonstances, elle tombe en sommeil pendant quarante-huit heures. Revenue à elle, elle reste confuse et incapable de fixer son attention.

Elle est dégénérée, elle louche légèrement et sa mâchoire supérieure proémine. En outre, elle a de l'hémianesthésie droite et du rétrécissement du champ visuel. Chez elle, la crise hystérique se transforme et comporte, suivant les cas, le rire, le pleurer, le sommeil, la confusion mentale.

Cette jeune fille guérira. On la soustraira à son milieu, on rendra ses règles moins douloureuses, on lui fera de la mécanothérapie pour réveiller ses sensibilités profondes ; enfin, par la psychothérapie, on la fera sortir de sa torpeur et l'on réveillera ses centres cérébraux engourdis.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Programme de la seetion de pédagogie au congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences

Lyon, 2 août 1906.

Le congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences se tiendra à Lyon, du 2 août au 8 août 1906.

Les travaux de la section (pédagogie et enseignement) auront lieu au palais des Facultés, quai Claude Bernard, sous la présidence de M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles d'aliénés, professeur à l'Ecole de psychologie. Ils seront répartis de la façon suivante :

Jeudi 2 Août : Le matin : séance d'ouverture du congrès.

Dans l'après-midi : réunion de la section pour la constitution du bureau et l'organisation du programme définitif (visite aux établissements d'enseignement, aux laboratoires, etc..)

Le soir : réception offerte par la municipalité et le comité local. Vendredi 3 Aout : Le malin à 9 heures : question à l'ordre du jour : L'éducation ducaractère à l'école primaire et au lycée : Rapporteur : M. Mironneau, directeur de l'Ecole normale, M. Chabot, professeur à la faculté des lettres, Dr Beauvisage, professeur à la faculté de médecine, et Dr Bérillon.

Dans l'après-midi : communications diverses. Visites scientifiques.

Samedi 4 Août : Le matin à 9 heures : question à l'ordre du jour : Le problème des enfants anormaux : Traitement, pédagogie spéciale, assistance: Rapporteurs: M. le D'Courjon, médecin en chef de l'asile de Meyzieux, M. Grandvilliers, directeur de l'enseignement à l'établissement médico-pédagogique de Mey-zieux : M. le D' Jules Voisin, médecin en chef de la Salpetrière, Mlle Berlhet, professeur à l'Ecole normale de Ne vers. Dans l'après-midi : séance commune avec la section d'odontolc-gie (président, le Dr Frey) question à l'ordre du jour: L'inspection dentaire dans les écoles — Questions relatives à la dentition des enfants.

Dimanche 5 Août : Excursion générale : Le Mont Verdun, la vallée de la Saône, Xcuviile-sur-Saône.

Lundi C Août : Le matin à 9 heures : question à l'ordre du jour : Les enfants turbulents; procédés pédagogiques applicables aces enfants: Rapporteurs : MM. les D" Feuillade, de Lyon, et Bérillon. Dans l'après-midi ; Les applications de la suggestion hypnotique a l'orthopédie morale, conférence avec projections, par M. le D' Bérillon. Le soir : Banquet de la section.

Mardi 7 Août : Le matin à 9 heures : communications diverses. Dans l'après-midi : Assemblée générale de clôture.

Mercredi, Jeudi, Vendredi : Excursion finale : Annecy, Sl-Gervais, Chamounix.

Communicationsdéjà inscrites:

M. le Dr BeauvisaGe : professeur, à la faculté de médecine de Lyon : Les programmes de l'enseignement primaire et les enfants anormaux.

Mlle Berthet : professeur à l'école normale de Nevers : L'obligation scolaire : Des moyens pratiques d'en assurer l'observation.

Mlle Bérillon : professeur au lycée Molière : 1- La représentation de l'enseignement secondaire des jeunes filles au Conseil supérieur de l'Instruction publique. 2- La timidité envisagée au point de vue scolaire.

M. Julien Ray : maître de conférences à la faculté de sciences de Lyon : Un enseignement scientifique dans les casernes.

M. Moreau : professeur spécial d'agriculture à Reims : Les méthodes d'enseignement agricole applicables dans les régiments.

M. de Montriciier : ingénieur civil des mines : L'enseignement populaire et l'université féminine à Marseille.

Dr Bilhaut, chirurgien de l'hôpital international de Paris : Influence de l'écriture sur les déviations vertébrales.

M. Quinque, professeur spécial pour enfants anormaux : Méthodes de lecture à l'usage des enfants arriérés.

M. Laisant, examinateur à l'Ecole polytechnique : L'initiation mathématique.

Avisimj)orlant. — Les membres de l'enseignement sont invités à

collaborer aux travaux de la section. Il n'est pas nécessaire d'être membre de l'Association pour prendre part aux'discussions et faire des communications au congrès.

La session du Congrès de l'Association française à Lyon présente une occasion essentiellement favorable aux membres des divers ordres d'en seignement. Elle leur permet ainsi qu'aux professeurs des écoles spéciales, professionnelles ou techniques, de se réunir et de délibérer en commun sur des questions qui intéressent tous ceux auxquels incombe la délicate mission de former les générations futures.

Le banquet de clôture aura pour but de resserrer les liens de sympathie qui doivent unir tous les membres de l'enseignement.

Adresser les demandes de renseignements à M. le Dr Bérillon, président 4, rue Castellane, Paris, à M. le professeur Beauvisage, 45, rue de l'Université, à Lyon, et&lit, le D' Feuillade, 27u, cours Gambetta à Lyon. _

Une épidémie mystique au pays de Galles Une épidémie de mysticisme, qui rappelle les convulsionnaires du xvina siècle, vient de se manifesterau pays de Galles. D'après le Temps, une voyante poursuit une série de meetings, et son exaltation donne lieu à des scènes extraordinaires. S'étant rendue dans une ferme de la vallée de Swansea. clic tomba subitement évanouie, puis, se réveillant au milieu de quarante hommes qui l'entouraient, elle tendit les bras, poussa un cri et s'évanouit à nouveaux. Un homme examina alors ses mains et prétendit y lire : « Je suis la résurrection et la vie. » Le lendemain, dans la chapelle de Beula, elle adressa un discours incohérent à la foule, disant qu'elle avait passé la nuit sur le calvaire et avait entendu d'étranges nouvelles.

A ce moment, l'homme qui avait lu la veille dans les mains de la u femme merveilleuse de Carmel o tombe en pâmoison, et une scène indescriptible suivit, toute l'assistance poussant'des cris et chantant des cantiques divers.

Distinction honorifique

M. le Dr Hallopeau, membre de l'Académie de médecine, médecin de l'hôpital Saint-Louis et professeur agrégé à la Faculté, vient d'être nommé chevalier de la Légion d'honneur.

Cette promotion est la récompense bien méritée de longs services rendus dans les hôpitaux de Paris où M. le Dr Hallopeau a donné un enseignement remarquable sur les maladies cutanées à de nombreuses générations d'étudiants. Nous applaudissons à cette distinction qui honore, un véritable savant en même temps qu'un maître bienveillant, juste et doué d'un esprit élevé.

L'Adrninistrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.

Paris, lmp. A. (Juclqucjou, rue Gerbcrt, 10.

REVUE DE L'HYPNOTISME

EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE

21« Année. — N° 2. Août 1906.

Le Banquet en l'honneur du i) Bérillon.

L'Ecole de psychologie, d'accord avec la Société d'hypnologie et de psychologie, la Société de pathologie comparée et le Syndicat de la presse scientifique, avait résolu d'offrir au Dr Bérillon, inspecteur des asiles d'aliénés, professeur à l'Ecole de psychologie, secrétaire général de la Société d'hypnologie et de psychologie, ancien président de la So-

M. le D* Bérillon

ciété de pathologie comparée, directeur de la Revue de l'hypnotisme, etc., un banquet amical, à l'occasion de sa nomination dans la Légion d'honneur.

Cette fête confraternelle a eu lieu le Mardi 19 Juin 1906, au Palais d'Orsay sous la présidence de M. Bienvenu-Martin, sénateur, ancien ministre de l'instruction publique, et le patronage de M. Berthelot, ancien ministre, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences ; Albert

Robin, professeur à la Faculté de médecine ; IIuchard, membre de l'Académie de médecine ; Edmond Perrier, directeur du Muséum ; Giard, professeur à la Sorbonne..

A huit heures, de dévoués commissaires s'.-tant multipliés, chacun des deux cent cinquante convives avait pu trouver la place qui lui avait été assignée dans la grande salle des fètcs du Palais d'Orsay. Quant tout le monde fut assis, il ne restait plus une place disponible.

La nombreuse assistance qui était en très grande majorité composée de représentants du corps médical, comprenait un certain nombre de dames dont les toilettes claires tranchaient agréablement sur l'uniformité des habits noirs.

Au centre de la table d'honneur se trouvaient M. Bienvenu-Martin, président, le Dr Bérillon et Madame Bérillon mère, que son fils avait tenu à avoir auprès de lui.

A droite ou à gauche avaient pris place : M. le professeur Albert Robin, membre de l'Académie de médecine ; M. le Dr Hughard, membre de l'Académie de médecine ; M. L. Achille, vice-président du Conseil municipal de Paris ; M. le Dr Pédebidou, sénateur; M. Féron, député de la Seines

M. le professeur Hallopeau, membre de l'Académie de médecine ; M. le Dr Saint-Yves Ménard, membre de l'Académie de médecine ; M. le Dr Gréhant, professeur au Muséum, membre de l'Académie de

médecine ; Madame Gréhant ; M. Bouvier, professeur au Muséum : Madame E. Bérillon ;

M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpetrière, président de la Société

d'hypnologie. M. le Dr Balzer, médecin de l'hôpital Saint-Louis ; M. Dabat, directeur au ministère de l'Agriculture ; M. S. Rocheblave, professeur à l'E :ole des Beaux-Arts ; M. R. de Saint-Arroman, chef de bureau au ministère de l'Instruction

publique ; Madame de Saint-Arroman :

M. Lionel Dauriac. professeur honoraire à la Faculté de Montpellier;

M. le D' de Groer (de Saint-Pétersbourg) ;

M. le Pr Baron, professeur à l'Ecole vétérinaire d'Alfort ;

M. Scié-Ton-Fa, attaché d'ambassade de Chine ;

M. Valentino, chef de bureau au ministère des Beaux-Arts ;

M. le Dr Fiessixger, membre correspondant de l'Académie de médecine ;

M. le Dr Leblond, médecin de Saint-Lazare ;

M. le Dr Bilhaut, président du Syndicat de la Presse scientifique ;

M. le Dr Godon, directeur de l'Ecole dentaire ;

M. Alapetite, préfet honoraire;

M. le D'Aubeau, chirurgien en chef de la clinique générale de chirurgie.

M. le D' Paul Magnis, professeur à l'Ecole de psychologie; Madame Paul Maghin ;

M. le D' Paul Farkz, professeur à l'Ecole de psychologie ; Madame Paul Farez ;

M. le D* Jacques Bektillon, chef de la statistique municipale ; Mlle Lucie Bérillon. professeur au Lycée Molière. Mlle Alice Bérillon, professeur au Lycée lïacine ; M. le Dr Paul Archambacd, président de la Société médicale des praticiens :

M. le D' Feuillade, de Lyon ; Madame Feuillade ;

M. le C Fort, ancien professeur d'anatomie ; M. le Dr Dezwarte, médecin de l'asile d'Evreux ; M. Laignier, doyen des amis du Dr Bérillon ; Madame Laignier ;

M. le Dr Bellencontre, secrétaire général du Syndicat des médecins de la Seine ;

M. Lassus, procureur de la République à Saint-Quentin : M. le D' Cornet, secrétaire général du Syndicat de la Presse scientifique ;

Les quatre longues tables perpendiculaires étaient occupées par les collaborateurs, les amis et les élèves du Dr Bérillon. Il est impossible que dans la liste de ceux qui ont voulu prendre une part effective à cette imposante manifestation, il n'y ait pas des omissions. Voici les nom?» de ceux que nous avons pu hâtivement relever : M. le Dr Rivière, directeur des Annules de Pkifsicothêvapie ; M. le Dr Félix Regnault, professeur à l'Ecole de psychologie; M. le Dr Sa voire, médecin du dispensaire anti-tuberculeux de Beaujon ; M. le Dr Saint-Hilaire, médecin de l'Institut départ, des Sourds-muets ; Madame Saint-Hilaire ;

M. le Dr Roussy, adjoint au maire du II* arrondissement :

M. le Dr Courtault, directeur des Tablettes médicales mobiles :

Madame Courtault;

M. le Dr Foveau de Courwelles, directeur de VAnnée électrique ;

M. le Dr Arthur Petit ; r

M. Dvvrande, procureur de la République à Dieppe ;

M. BâtfT, juge de paix à Paris ;

Madame Rémy ;

Mademoiselle V. Descaves ;

M. Auguste Mathys;

Madame A. Mathys ;

M. le Dr Vaucaire ;

M. le Dr Maurice Cazin ;

M. le Dr Henriqdez de Zubiria :

M. le D' F. Michaux ;

M. le Dr Delineau;

M. le Dr Mazingue ;

M/Caustier, professeur au Lycée Saint-Louis ; M. le Dr Jouix; M. le Dr Mugni En ;

M. Camille Martinet, conseiller du commerce extérieur ; M. le Dr Richard ;

M. le Dr Degoix, vice-président de la Société d'hygiène de l'enfance ; M. le Dr Chauveau, directeur des Archives de Laryngologie ; M. le D' Bernard (de Cannes) ;

M. le D'Millêe, médecin oculiste de l'administration des postes; M. le Dr Crauk, chirurgien ; M. le Dr Monnet ; M. le D'Fège;

M. le Dr Darier, médecin oculiste ;

M. Carpin, président de la Société d'Education populaire ; M. le D' Gorecki ;

M. le Dr Tarrius, médecin de la maison de santé d'Epinay ; Madame Tarrius ; M. le Df E. Monin; M. le Dr Cartaz ; M. le Dr Ribard;

M. Quinque, directeur de l'Institution familiale d'enfants anormaux de

Créteil ; Madame Quinque ;

M. le Dr Bellemaxière, professeur à l'Ecole de psychologie ; M. le Dr René Voisin ; M. le Dr Mercier ; Madame Mercier !

M. le Dr de Savalle, de Rio de Janeiro ;

M. le Dr Levassort :

M. le Dr Rabion ;

M. le Dr Bougon ;

M. le Dr Dehonchy :

M. le Dr Vigouroux ;

M. le D' Cabanes, directeur de la Chronique médicale

M. le Dr Félix Bernard (de Plombières) ;

M. le Dr Depierris {de CauteretsJ ;

M. le D' Jolv, de Montvicq ;

M- le Dr M. Mignon ;

M. le Dr Callamand ;

M. le Dr Rousseau ;

M. le Dr Binet-Sanglé, professeur à l'Ecole de psychologie ; M. le Dr Diamantberger; M. le Dr Landau ; M. le Dr Fournier ; M. le Dr Moutin ;

M. de Coynart ; M. le D' Roulin ;

M. le Dr Bosy, médecin major de première classe ;

M. le Dr Hahn ;

M. le Dr Gascard ;

M. Gallia, professeur ;

M. le Dr Aragon ;

M. le Dr Leter (de Rouen) ;

M. le Dr Legendre ;

M. le Dr Bouyer ;

M. le Dr Poulalion ;

M. le D' Delcroix ;

Madame la doctoresse Pokitonoff ;

M. le Dr Pamart, professeur à l'Ecole de Psychologie ;

M. le Dr G. Beaudoin ;

M. le Dr Derecq, médecin à l'hôpital d'Ormesson ; M. le Dr Guillon ;

M. le Dr Sauvineau, médecin oculiste des maisons de la Légion d'honneur ; M. le Dr Pascalis ;

M. le Dr Wateau, professeur honoraire à l'Ecole de psychologie ;

M. le Dr Bailly, de Sens ;

M. le D' FOUINEAU ;

M. le Dr Maurice Bloch ;

M. le Dr Mihran KEmhadjIAn ;

M. le Dr Grossart ;

M. le Dr Cotte ;

M. le Dr Bonnet ;

M. le Dr Lorain ;

M. le D' Lamesle, professeur à l'École de psychologia ;

M. le Dr Marcellin Cazaux, des Eaux-Bonnes ;

M. le Dr Droubaix ;

M. le Df Deléagb, de Vichy ;

M. le Dp Arrivé;

M. le Dr Lksourd, directeur de la Gazette des hôpitaux ;

M. le Dr Lombard ;

M. le Df Percbau (de Néronde) ;

M. le Dr Plateau ;

M. le Dr Willette ;

M. Cobbeil, ingénieur ;

M. Moreau-Bérillon, professeur d'agriculture ;

M. Pierrotet, directeur du Collège de Sainte-Barbe ;

M. Baguer, directeur de l'Institut départ, des sourds-muets;

M. Louis Favre, professeur à l'École de psychologie ;

M. Jules Jacob ;

M. le D' Suarès de Mendoza, directeur des Archives de Médecine spéciale ;

M. le Dr Lamouroux ;

M. Edeline, ingénieur ;

M. Laroche, docteur en droit ;

M. le Dr Merlin, de Provins ;

M. Blieck, professeur à l'École de Psychologie ;

M. Flach, pharmacien ;

M. le Dr Frémont;

M. Levadour, médecin-dentiste;

M. le Dr A. Gardette ;

M. Maurice Robin, pharmacien ;

M. Gory, pharmacien ;

M. Bonsard, professeur à l'Ecole dentaire ;

M. Derbeck, pharmacien ;

M. Gory, pharmacien ;

M. Charles Verdis, ingénieur-constructeur ;

M. Dumouthiers, pharmacien ;

M. Allender, pharmacien ;

M. Polak, de la Société des gens de lettres;

M. Prestat. président du Conseil d'administration du Figaro;

M. le baron Textor de Ravisi ;

M. Bloch, médecin-dentiste;

M. Morienne, professeur au Lycée Hoche ;

M. Lemaire, professeur de philosophie au Lycée du Mans.

M. Gaziez, filateur, Amiens.

Madame Henry, sage-femme en chef honoraire de la Maternité. M. Debauge, directeur de la Société linière d'Amiens; M. Denniel, ingénieur ; M. le Dr Gérin ;

M. Terrier, professeur honoraire de l'Université ; M. Guézat, chef d'institution ; M. le comte de Villiers ; M. le Dr Peyré :

M. le Dr Frey, professeur à l'Ecole dentaire ;

M. le Dr Chervis ;

M. le baron de Contesson ;

M. Lesglet, pharmacien ;

M. le Dr Colis, d'Alger;

M. le Dr Gastou, chef de clinique de la Facutté ;

M. le Dr Hector Lefèvre ;

M. le Dr Paul Joire, de Lille ;

M. le baron de Baye ;

M. Courcenet, professeur ;

M. le Dr Lavernot ;

M. le Dr Laroulandie ;

M. Louis Mathys ;

M. Loriol, élève de l'Ecole dès Beaux-Arts ;

M. Maillols, statuaire ;

M. le Dr Lux, médecin principal ;

M. le D' Raffegeau, du Vésinet ;

M. le Dr A. de Bizan, d'Arcueil ;

M. le Dr Manheimer-Gomnùs ;

M. le D' Cossin, d'Auvers-sur-Oise ;

M. le D' Deubel, de Lure ;

M. le Dr Richard d'AuLNOY ;

M. le D' Coste de LaGrave ;

M. Gr. Ludwig, de YEcho de Paris ;

M. E. Lesigne, rédacteur du Radical ;

M. Philippe Dubois, rédacteur du Petit Parisien ;

M. Maurice Méry, rédacteur du Gaulois ;

M. G. Collet, rédacteur en chef du Bourguignon ;

M. Moreau, rédacteur de l'Echo de t'Yonne ;

M. Heymann, sténographe au Sénat ;

M. Félix Régamey, professeur à l'Ecole de psychologie ;

M. le capitaine Villetard deLaguérie ;

Madame Dutasta ;

Mademoiselle Grison, professeur au collège Sévigni ; M. le commandant Bellon ; M. Le Barazer, avocat à la Cour d'appel ; M. Schaer-Vesinet, président de la Ligue anti-alcoolique ; M. Bazot, directeur des voyages médicaux ; M. Albert Rousseau, avocat ; M.Gosset, professeur; M Saugraix, avocat à la Cour d'appel ; Mlle Beaugbaxd, institutrice ; Mlle Bougeai;d, institutrice ; M. Fauré-Hébouart, conseiller d'arrondissement ; etc., etc.

La Société de pathologie comparée, voulant reconnaître la part prise à sa création par le D' Bérillon, avait tenu à être représentée par une importante délégation, au nombre desquels se trouvaient :

M. Dassoxville, médecin-vétérinaire, président ;

M. Grollet, médecin-vétérinaire, secrétaire général ;

Madame Grollet :

M. le D' Bonneau ;

M. Léplnay, médecin-vétérinaire ;

Madame Lépinay;

M. le D' Saint-Cène ;

M. le X>' Ballliard;

M.'Curot, médecin vétérinaire:;

Madame Ourot ;

M. Briand, médecin vétérinaire ;

M. Evbn, médecin vétérinaire ; M. le Dr Barthe de Sandfort ; M. Petit, médecin vétérinaire ; M. Schrader, médecin vétérinaire ; M. Bernaud, médecin vétérinaire ; M. le D' Morbl, médecin vétérinaire ; M_ Lermat, médecin vétérinaire ; M. Lavaux, médecin vétérinaire ; M. le Dr Hue ;

M. Post, médecin vétérinaire ; M. Brocq-Roosseu, médecin vétérinaire ; etc., etc.

Le menu était le suivant:

MENU Potages

Bisque d'écrevisses — Consommé à la Diable Hors-d'oeuvre variés Relevé

Suprême de Sole Palais d'Orsay Entrée

Filet de Bœuf du Charoláis à la Niçoise Rots

Poulardes du Mans au cresson Aspic de foie gras en Bellcvuc Salade de saison Entremets Haricots verts frais au beurre d'Isigny Gâteau Henry Bouley

Glace Bombe Dumontpallier Dessert Fromages —Fruits — Friandises

Vins

Médoc en carafes — Graves — Moulin-à-vent Champagne frappé — Café et Liqueurs —

Le banquet fut très bien servi et le Palais d'Orsay a su mériter, une ibis de plus, des félicitations unanimes. Après la série des services, le président donne la parole à M. le D' Paul Farez, secrétaire du comité d'organisation :

M. le D' Paul Farez présente les excuses de M. le professeur Berlhelot, empêché par l'état de sa santé, et qui la veille, dans son laboratoire, à Bellevue, a remis au D' Bérillon, au nom de la grande chancellerie les insignes de la Légion d'honneur.

11 donne ensuite lecture de la lettre suivante, qu'il vient de recevoir de M. le professeur Edmond Perrier, qui fut, au Muséum, un des premiers maîtres du Dr Bérillon.

Paris le ¡8 Juin igo6.

Monsieur le Secrétaire,

Je me faisais un vrai plaisir d'assister demain à la féte donnée à mon ami de vieille date, le Dr Bérillon, et de lui apporter de vive voix l'expression de masympathie ; je suis malheureusement retenu par des devoirs de famille impérieux. Soyez, je vous prie, mon interprète auprès de lui et dites-lui bien que personne n'a plus sincèrement applaudi à ses succès.

Agréez, je vous prie, pour vous-même, l'expression de mes meilleurs sentiments.

Edmond Perrier.

M. le P' Giard, retenu par ses recherches scientifiques sur les côtee de la Sardaigne. s'excuse également dans les termes suivants :

m Je regrette bien vivement que mon éloignement de Paris m'empêche de me joindre à ceux qui s'uniront le 19 Juin pour fêter la récompense et méritée qui vient d'être accordée au D'Bérillon ; nul n'apprécie plus que moi la part qu'il a prise dans le mouvement psychologique actuel et j'ai déjà saisi avec empressement l'occasion de le lui témoigner lors de la création de l'Ecole de psychologie.

A. Giard.

Pressé par le temps, il ne peut que donner une rapide énumération de ceux qui se sont excusés de ne pouvoir assister à la réunion. Ce sont : M. Liard, recteur de l'Académie de Paris ; M. Allain-Targé, conseiller maitre à la Cour des comptes; M. Bayet, directeur de l'enseignement supérieur; M. Lépine, préfet de police: M. de Selves, préfet de la Seine ; M. Laurent, secrétaire général de la préfecture de police ; M. le Dr Jûffroy. professeur à la Faculté de médecine; M. Giard, professeur à la Sorbonne; M. Melcot, avocat général à la Cour de cassation ; M. le professeur Stumpf, de Berlin; M. Mesureur, directeur de l'Assistance publique; M. le D' Lépine, professeur à la Faculté de Lyon; M. le D'Lancereaux, membre de l'Académie de médecine ; M. Jules Gautier, chef du cabinet du ministre de l'Instruction publique ; M. Mamelle, directeur au ministère de l'Agriculture ; M. Morel, inspecteur général de l'Instruction publique; M. Muteau, député de la Côte-d'Or; M. Honnorat, chef de division à la préfecture de police ; M. Surugus, maire d'Auxerre ; M. Ribière, député de l'Yonne ; M. Besnard, maure de Joigny ; M. Milliaux, député de l'Yonne ; M. le Dr Villejeax, député de l'Yonne ; M. le D' Ricard, sénateur de la Côte-d'Or ; M. le Dr Ernest Petit, maire de Pont-sur-Yonne ; M. Boule, professeur au Muséum.; M. Pierre Bauoin, député ; M. le Dr Hamy, professeur au Muséum ; M. le Dr Henrot, directeur de l'Ecole de médecine de Reims ; M. Laisant, examinateur à l'Ecole polytechnique ; M. le D' Richardière, médecin de l'hôpital des Enfants malades; M. le D'Bordier, directeur de l'Ecole

de médecine de Grenoble: M. Echard, conseiller général de l'Yonne ; M. le Dr Hirtz, médecin de l'hôpital Necker ; M. le D' Landrielw, médecin de l'hôpital Lariboisière ; M. Doumek, député de l'Aisne; M. Puech, député de Paris ; M. le Dr Beauvisage, professeur à la Faculté de Lyon; M. Léon de Rosny, directeur à l'Ecole des hautes études; M- le Dr Retterer, professeur agrégé à la Faculté de médecine ; M. le D-r Duret, doyen de la Faculté libre de médecine de Lille ; M. Malluile, conseiller général de l'Yonne; M. Guiart, professeur agrégé à la Faculté de Paris ; M. le Dr Ritti, médecin en chef à l'asile de Charenton ; M. le Dr Dupaix, médecin en chef de l'asile de Vaucluse ; M. Adolphe Biusson, directeur des Annales politiques et littéraires ; M. le L)r Ricard, professeur agrégé à la Faculté de Paris ; M.Vaschide, chef de travaux du laboratoire de psychologie des hautesétudes ; M. Paul Labbé, secrétaire général de la Société de géographie commerciale ; M. A. Boyer, député des Bouches-du-Rhône ; M. DesplaS, député de Paris; M. Pelletier, chef du service des aliénés à la préfecture de la Seine : M. le LV Marie, médecin en chef de l'asile de Villejuif ; M. Mol'Qlin, directeur du service des recherches à la préfecture de police ; M. le comte d'AspnÉ-àONT, conseiller d'ambassade ; etc., etc.

M. le D' Farez communique également une avalanche de télégrammes qui arrivent de minute en minute et sont adressés par M. Lepeskine, de Moscou ; M. le Dr Orlitzky, de Moscou ; M, le Dr Viaseuski, de Sara-* tow ; M. le Dr Van Renterghem, d'Amsterdam ; M.leD' Schamschinet de Moscou ; M. le Dr Bonjour, de Lausanne ; M. le D' Hoeberlin, de l'île de Fœhr (Allemagne) ; M. le Dr Ladame, de Genève; M. le professeur Spehl, de Bruxelles ; M. le D' Hamilton Osgood, de Boston ; M. le D' Lloyd-Tcckey, de Londres ; M. le Dr Domingo? Jaguaribe, de Sao-Paulo ; M. le D' Haskovec, de Prague ; M. k D' Peeters, de Bruxelles ; M. le D* Germiquet, de Romont (Suisse) ; M. le D'Witrt, de Trêves; M. le Dr Fitz-Gérald, de Dublin ; M. le D' Van Velsex, de Bruxelles ; M. le Dr Stadeluanx, de Dresde ; M. Giulio Friedmann, de Rome; M. Podiapolski, de Saratow ; M. le Dr Mourly Vold, de Christiania ; M. le Dr Dasioglou, du Caire ; M. le Dr Steuermanx, de Moscou ; M. le Dr Post, de Battle Creek, Michigan ; M. le professeur Zeligzon, de Cle-veland, Ohio ; M. Clark-Bell, président de la médico-légal Society de New-York ; M. W. Rorixow, de Manchester; Jacoby, de Berlin ; M. le professeur Thirox, deJassy; et par un grand, nombre de médecins de Paris et de la province.

Le secrétaire tient, pour terminer, à signaler l'appréciation flatteuse de M. Fringnet, inspecteur de l'Académie de Paris, ayant dans ses attributions l'inspection des établissements d'enseignement supérieur libre, M. Frmgnct a pu constater les succès croissants de l'Ecole de Psychologie : « c'est pour cela, dit-il, quel j'ai tenu à m'associer de tout cœur à l'hommage rendu, par ceux qui la connaissent, au D' Bérillon, pour

lequel j'ai la plus haule estime et dont j'apprécie l'œuvre originale et utile. »{Vifs applaudissements).

Discours de M. le D Paul Farez,

¦Secrétaire général adjoint de la Société d'hypnologie et de psychologie.

Mesdames, Messieurs, J'apporte au docteur Bérillon les très vives, très cordiales et très affectueuses félicitations de tous ses collaborateurs de.la Revue de l'Hypnotisme.

De toutes les œuvres diverses qu'il a fondées de sa libre initiative et fécondées de sa volonté tenace, la .Revue de l'Hypnotisme est la première en date. Aucune ne la surpasse en vitalité.

Dès sonapparition, en 1886, elle s'impose au monde savant. Elle attire et retient des collaborateurs tels que Charcot, Dumontpallier, Mesnet, Delbccuf, Liébeault. Durand (de Gros), — pour ne citer que des disparus.

Au cours de ses vingt années d'existence, elle n'a pas seulement vécu ; ellea.briliamment prospéré.

Aujourd'hui, elle a acquis tout ce que peut ambitionner une revue de ce genre. Tout ce qui, dans le monde entier, a une compétence en matière de psychothérapie tient à honneur d'y voir ses travaux cités, analysés ou publiés. Vous connaissez tous l'intérêt, la variété, la solidité des articles qu'elle contient. Voulez-vous, à ce sujet, une confidence qui en dit long? Un professeur de la Faculté — oui, de la Faculté de Médecine, et l'un des plus éminents, — ne se cache point pour dire que, de tous les journaux médicaux ou scientifiques, le nôtre est le seul qu'il lise de la première ligne à la dernière, — et avec plaisir !

LesuccèsdelaReuue de l'Hypnotisme est, tout entier, dû à Bérillon. Souvent invisible mais toujours présente, son influence rayonne sur nous tous. Grâce à lui, pas de phrases creuses, pas de mots ronflants, pas d'ëlucubrations filandreuses, o Court et bon », voilà sa devise ; il faut tondre ses phrases et non pas les friser.

Groupés autour de lui en vaillante cohorte, nous vivons les mêmes défiances et les mêmes passions : défiance pour les théories séduisantes, les synthèses prématurées ou les arcanes du néo-mysticisme et de l'oc-•cultisme ; — passion du fait.scientifique, de la vérité démontrée, de la méthode rigoureuse et puis de tout ce qui perfectionne ou exalte le caractère et la volonté !

Dans ses leçons, dans ses conférences, dans ses entretiens psychothérapiques, dans les diseusions qu'il affectionne tant, Bérillon a semé, à tous les vents, des idées saines et viriles, inspiratrices d'énergie.

Mais verba volant.

Heureusement, la Revue de l'Hypnotisme a consigné méthodiquement les étapes de sa pensée, les perfectionnements de sa technique, les conquêtes de sa ihérapeutique.

Tout ce que Bérillon a tenté a réussi au-delà de toutes les espérances ; toutes les causes qu'il a embrassées, il les a fait triompher par la seule force de sa volonté persévérante.

C'est afin de célébrer la consécration officielle de toutes ses victoires que nous sommes réunis ici. Pour perpétuer le souvenir de cette imposante manifestation, vos collègues, vos amis, vos élèves vous offrent, de tout leur cœur, mon cher Bérillon, ce bronze, vigoureux symbole de là mâle énergie àlaquelle vous devez tous vos succès : le Vainqueur (de Mariotton). (Applaudissements prolongés.)

Discours de M. le Dr Paul Magnin,

professeur à l'Ecole de psychologie, vice-président de la Société d'hypnotogie et de psychologie.

Mon Vieil Ami,

Par un sentiment de très affectueuse délicatesse, dont je ne saurais trop les remercier, mes collègues de l'Ecole de psychologie ont voulu que ce soit moi qui t'adresse ce soir leurs félicitations. Dussè-je les froisser, je n'en ferai rien. Notre fidèle ami, le professeur lïaphaël Blanchard, nous a jadis comparés, tu te le rappelles, à Castor et Pollux, à Oreste et Pylade, aux frères jumeaux. Entre frères on ne se félicite pas. L'ainé se contente de partager de tout son cœur la joie de son cadet. Très égoïstement il la fait sienne — et cela lui suffit. (Applaudissements.)

Tu t'en souviens, — c'était à la fin de 1881 ; nous étions occupés Du-montpallier et moi, à faire, à la Pitié, des expériences sur une grande hystérique de la salle Valleix, au numéro six, je crois.

Entre un jeune étudiant au crâne déjà chauve, au front très développe, aux yeux perçants abrités sous un lorgnon.

Le nouveau venu discrètement vient se placer au pied du lit et, sans mot dire, regarde. La visite terminée, Dumontpallier, avec celte brusquerie pleine de bonhomie que tous ici vous lui avez connue, dit à l'étranger qu'il avait à plusieurs reprises longuement dévisagé :

« Monsieur, ce que nous faisons semble vous intéresser. Si vous avez un moment de libre, prenez donc une feuille de papier et faites-moi là relation très exacte et surtout très critique de ce que vous avez vu. »

Deux jours après le monsieur en question revenait avec une critique ma foi très fine et très bien tournée de nos expériences. Alors Dumontpallier l'interpellant: « Comment vous appelez- vous ? » — Monsieur je m'appelle Bérillon. — « Que faites vous ? » — « Je suis répétiteur à Chap-tal et je fais mes études de médecine. « — Eh bien, Monsieur Bérillon, vous me faites l'effet d'un indépendant ; venez ici, je vous présente un autre diable d'indépendant; je l'ai vu naître, je n'ai jamais rien pu en faire ; c'est mon ami Magnin. Travaillez donc ensemble. » Il avait mis ta main dans la mienne et c'est de cette époque que date pour nous cette affection fraternelle que la mort seule pourra rompre. (Vifs applaudissements.)

Et pourquoi Dumontpallier avait-il jugé du premier coup que nous étions faits pour tirer la charrue à la même allure. C'est bien simple — et cependant très compliqué ; c'est parce que, comme nous disons en termes d'atelier, c'était un bon psychologue. Et le seul compliment que tu permettras à ma vieille affection de te faire c'est que, digne élève du maître, tu es, toi aussi, un bon psychologue. J'ai souvent beaucoup ri en entendant des gens me dire : Bérillon ? Un écervelé, un trois-quarts d'aliéné. Il part à l'aventure ; il va de l'avant, sans savoir où. (On rit.)

Je t'ai toujours connu, au contraire, extrêmement prudent. Ton excellent père, dont je m'honore grandement d'avoir été l'ami, me disait un jour: Edgar, quand il était petit, nous pouvions le laisser dans son berceau. Il n'y avait pas de danger qu'il en tombe. II risquait un œil pardessus le bord, mesurait la distance qui le séparait du parquet.... et vite il rentrait sous ses couvertures. (Bravos et rires.)

Tu as toujours été un prévoyant. Lorsque tu as fondé la Revue de l'Hypnotisme, je te connaissais déjà près de deux cents abonnés ; quand tu as ouvert la clinique, trente ou quarante malades attendaient avec impatience le jour heureux où ils pourraient venir s'y faire soigner; quand tu as organisé le Congrès de l'hypnotisme en 1889, le succès en était assuré d'avance ; quand tu as fondé la Société d'hypnologie, tu étais certain qu'elle marcherait et quand enfin tu as tenté l'Ecole de psychologie, nous étions huit; nous nous sommes dit : nous aurons chacun sept auditeurs. Tu nous avais réservé la surprise de nous en amener une centaine. (Bravos.)

Aujourd'hui, tu reçois la juste récompense de ton grand labeur. Porte donc fièrement ton petit bout de ruban vieil ami, puisqu'aussi bien cela te fait plaisir et que tu es de ceux qui ont le bon esprit de manifester ouvertement leur joie. Certes, c'est un honneurpour toi d'avoir la croix ; mais j'estime que tu es de ceux, trop rares aujourd'hui, qui lui font eux aussi le plus grand honneur en la portant. (Applaudissements prolongés et répétés.)

Grande eût été ma joie de choquer mon verre contre le tien; il me faudrait pour cela faire le tour de la table et ce serait trop long, mais laisse-moi le lever en l'honneur de celle pour laquelle je partage la profonde affection que j'ai pour toi, de ta bonne et fidèle compagne, de Madame Bérillon. (Vifs applaudissements.)

Discours de M. le Dr Bilhaut,

président du Syndicat de la presse scientifique.

Mon Cher Bérillon,

C'est au nom du Syndicat professionnel de la presse scientifique que je vais lever mon verre au nouveau chevalier. On a dit tout à l'heure, mon cher ami, combien fut patiente et laborieuse votre carrière, et de quelle persévérante activité vous avez fait preuve. Je dirai tout simplement que vous avez été un homme admirable à tous les points de vue.

Lorsque vous avez, il y a vingt ans, par une innovation hardie, dans un domaine très peu connu, fondé la Revue de l'hypnotisme, vous auriez pu songer, comme bien d'autres, à faire de gros volumes, a piocher la bibliographie, à faire d'épais bouquins plus ou moins illisibles. Vous avez donné la préférence au bulletin périodique. Mon cher ami, je vous en félicite ; et c'est parce que, depuis vingt ans, votre intéressante Revue, n'a pas cessé, chaque mois, de contribuer au progrès des études psychologiques, qu'au nom du Syndicat professionnel de la presse scientifique je bois au plus vaillant d'entre les journalistes scientifiques au mieux décoré d'entre eux, à Bérillon. (Vifs applaudissements.)

Discours de M. le D' Aubeau,

chirurgien de la Gllniqne générale.

Mesdames, Messieurs,

Des nombreux discours qui auront été prononcés ce soir se dégagera la très personnelle et très sympathique figure du docteur Bérillon. Et ce portrait auquel tous ses amis auront mis la main, sera l'œuvre durable de cette soirée.

Quelle touche apporterai-je au tableau ?

Je suis trop sincèrement son admirateur pour m'arréter très longuement sur la distinction honorifique dont il vient d'être l'objet et qui, pour grande qu'elle soit, n'est à mes yeux que la juste récompense de son mérite, et je suis trop personnellement son ami pour rester satisfait d'un éloge banal, individuel fatalement écourtë par le temps, alors que, de lui, je sens qu'il faut faire un éloge complet. — Résignons-nous donc au portrait en collaboration. Pour ma part, si vous le permettez, je m'autoriserai de ma vieille amitié, de ma longue intimité avec Bérillon pour donner la touche lumineuse qui dans mon esprit doit éclairer le fond du tableau et auréoler la figure. Pour cela je parlerai, non de Bérillon, mais de ses origines et de son milieu familial.

En agissant ainsi, j'ai l'espoir de mettre plus en relief sa personnalité et lu certitude de lui causer un plus grand plaisir qu'en parlant de lui-même.

Je ne sois pas si Bérillon a des ennemis, pour ma pari, je ne lui connais que des amis. Mais je suppose que. comme la plupart des oseurs, des hommes d'initiative, des créateurs de milieux nouveaux et par conséquent des hommes de valeur, il pourrait bien avoir, quelque part, des adversaires.

Eh bien, ce qu'on ne peut refuser de reconnaître à Bérillon, même si l'on est son adversaire et peut-être surtout si l'on est son adversaire, c'est qu il est un caractère ou pour mieux dire qu'il a du caractère.

Du caractère, il en fallait pour assumer la lourde tâche qu'il a entreprise, il en fallait pour la concevoir et pour la conduire à bonne fin, comme il l'a fait, en paraissant se jouer des difficultés et des obstacles. Du caractère, il lui en faut tous les jours, pour faire avec succès de la

suggestion, de l'hypnotisme, c'est-à-dire pour imposer aux esprits obstinés dans l'erreur, une volonté contraire à la leur. Du caractère, et je veux dire ici du courage, il en a, je l'affirme, pour l'avoir vu dans des circonstances presque tragiques, en tous cas dangereuses, dompter par un effort suprême de volonté, des frénétiques ou des fous. Mais je prêche des convertis ! Chacun de vous n'a-t-il pas deviné, vu, senti cette volonté, s'il a observé Bérillon dans l'action du geste et de la parole ! N'a-t-il pas été impressionné par son regard tantôt brillant de bonté, de douceur ou d'humanité, tantôt pétillant d'intelligence, de verve ou de malice, tantôt fulgurant d'énergie approbatrice ou protestataire, mais toujours intrépide, qu'il soit rempli de lueurs ou d'éclairs, et faisant étinceler comme des gemmes les verres de son binocle ?

Qui n'a été saisi et pénétré de ce regard pénétrant et captiv ant? Le fait d'avoir du caractère est bien la caractéristique de Bérillon.

Mais croyez-vous que des hommes de cette trempe naissent par génération spontanée ? Non, n'est-ce pas? Et personne d'ailleurs ne le pense. Seulement l'on discute encore l'origine du caractère et les uns l'attribuent tout entière à l'éducation, tandis que les autres l'attribuent tout entière à l'hérédité.

Je crois même que dans l'une de ses plus belles leçons : La Psychologie du courage et l'éducation du caractère, notre ami Bérillon lui-même a consacré des lignes intéressantes à l'étude de cette question.

Pour nous, qui n'avons pas le temps de discuter, ce soir surtout, nous mettrons tout le monde d'accord en disant, que le caractère le plus admirable que l'on puisse observer chez les enfants des hommes est celui dont l'éducation a été faite par un père et par une mère possédant eux-mêmes un caractère supérieur.

Nous concilions ainsi les deux doctrines de l'éducation et de l'hérédité et nous avons ainsi la vraie solution du problème en ce qui concerne notre ami Bérillon. -- A lui, plus qu'à personne, s'applique le vieil adage « tel père, tel fils ». Oh ! quelques mots seulement me suffiront pour le prouver :

Le père de Bérillon a fait preuve de tous les courages. Il a fuit preuve de courage militaire, pendant la guerre de 70-71. alors que, simple capitaine, il entraina tous les habitants de Joigny au combat d'Esnon. Et si l'onmedit, c'est là un acte de courage d'enthousiasme, je répondrai : il avait le courage du calme et de la réflexion, lorsque, correspondant du gouvernement de la défense nationale, il ne laissa jamais à d'autres pendant toute la durée de la guerre — le soin de porter les dépêches militaires à travers les lignes ennemies.

Il a fait preuve de courage civique, en consacrant, en qualité de professeur, sa vie à la lâche, si noble, si désintéressée et parfois si ingrate de l'enseignement.

Il a fait preuve de courage moral en manifestant sa pensée libre, par la parole et par la plume. Même et surtout aux plus mauvaises heures de l'oppression.

Sa parole, ses écrits, son exemple onl fait de nombreux prosélytes, mais les meilleurs parmi les meilleurs ont été ses enfants.

Des trois sœurs de Bérillon, l'une est professeur au Lycée de Reims, l'autre est professeur au Lycée Racine et la troisième est professeur au Lycée Molière.

Et toi, Bérillon, qui t'a donné l'âme altruiste, ardente et généreuse qui brûle en toi? Qui t'a enseigné le grand principe moral de ta solidarité?

Qui t'a donné la passion de l'enseignement?

Qui t'a suggéré l'idée de te consacrer à l'étude de la volonté et de l'éducation du caractère et de faire ainsi des hommes utiles à leur pays et à l'humanité ?

N'est-ce pas ton père, dis-moi ? Et la mère aussi, qu'il a le bonheur de voir ici, fière de l'honneur rendu à son fils. Femme instruite, et supérieure par le cœur, elle t'a appris la tendresse, le dévouement et l'oubli de soi-même.

Ici, Messieurs, je m'arrête, j'ai essayé de vous faire comprendre, par son père et sa mère l'homme que vous connaissez-tous. Et c'est là, la touche lumineuse dont je parlais tout à l'heure, ma tâche est terminée. . Je sais que Bérillon a eu le bonheur de rencontrer une compagne qui aux grâces de la femme, ajoute la valeur d'une intellectuelle amie et par conséquent d'une collaboratrice dévouée.

Je lève mon verre à la mémoire du père de Bérillon, je lève mon verre à sa digne mère, je lève mon verre à ses sœurs, je lève mon verre k Madame Bérillon.

Et avant de m'asseoir, je me permettrai d'exprimer à Monsieur le Ministre de l'Instruction publique et à Monsieur Jules Gautier, Inspecteur général de l'Instruction publique, au nom de tous ceux qui s'intéressent à l'enseignement libre pour la décoration de notre ami Bérillon ^ l'hommage de la reconnaissance la plus vive et du dévouement le plus entier, (.Applaudissements prolongés.)

Discours de M. le D1 Paul Archambaud,

président de la Société médicale des praticiens.

Mesdames, Messieurs,

J'ai la bonne, ou la mauvaise fortune d'être président de deux sociétés, dont notre ami Bérillon fait partie. De l'une, il est membre fondateur; la Société médicale des praticiens, qui existe depuis une vingtaine d'années. De l'autre il est vice-président : le Syndicat des médecins des théâtres de Paris.

J'ai entendu tout à l'heure notre excellent ami le Docteur Magnin prononcer le mot d'indépendant ; c'est sur ce mot que je vais me permettre d'insister pendant quelques instants.

Depuis plus de vingt ans que je vous connais et que nous luttons côte à côte, j'ai pu apprécier les qualités dominantes de votre esprit, aussi

c'est en parfaite connaissance de cause, que je tiens à vous décerner ce soir un brevet d'indépendance.

Lorsque je vous attribue ce titre d'hommeindépendant, je n'ai pas pour but de l'opposer, comme on le fait souvent à tort.au caractèrede l'homme officiel. I! y a des médecins et des savants chez lesquels les honneurs et les titres officiels n'altèrent ni l'esprit de justice, ni l'esprit d'initiative.

Toutefois comme on a voulu jeter sur votre tète et sur celles de vos amis cet analhème d'indépendant, il convient de le relever comme un éloge et comme un compliment. Il signifie que vous êtes un homme de principes fermes et que vous avez le courage de vos opinions. Ce sont ces qualités qui vous ont valu l'amitié des meilleurs des officiels, de ceux que j'appellerais les officiels restés indépendants.

C'est donc en l'honneur de votre caractère que je lève mon verre, en vous félicitant d'avoir reçu une récompense très bien méritée (Vifs applaudissements.)

Discours de M. le D. Gréhant,

professeur au Muséum d'histoire naturelle, membre de l'Académie de médecine.

Je suis heureux, mon cher confrère, de renouveller ici les félicitations bien cordiales que je vous adressais récemment à l'occasion de votre nomination dans la Légion d'honneur. Vos nombreux travaux si intéressants et si variés ont été couronnés par le succès.

Un de vos premiers ouvrages a pour titre : L'œuvre scientifique de Paul Bert. Elève et compatriote de ce grand savant, vous avez tenu à honorer sa mémoire et faire ressortir l'importance de ses découvertes. J'aime, dans mes cours, à rappeler les expériences si bien inspirées de ce puissant esprit scientifique.

Plus tard, élève du professeur Henri Bouley et devenu son collaborateur au laboratoire de la chaire de pathologie comparée du Muséum, vous vous êtes montré fidèle aux enseignements de ce glorieux maître. En créant la Société de pathologie comparée qui réunit les efforts communs des médecins et des vétérinaires, vous avez réalisé une des idées les plus chères du professeur Henri Bouley. Les travaux de cette laborieuse Société de pathologie comparée contribue au progrès de la science et lacollaboralion des médecins et des vétérinaires réalise la belle devise que nous pouvons emprunter à une nation amie : L'union fait la force. / Vifs applaudissements.)

Discours de M. le Dr Saint-Yves-Ménard,

membre de l'Académie de Médecine.

Mon cher Bérillon'

Nous devions nous rencontrer dans notre carrière, puisque nous avions tant de traits d'union. Le premier, c'est Paul Magnin, votre ami fidèle et dévoué, avec lequel je travaille en collaboration depuis si longtemps

déjà ; le second, c'est l'amour des bétes qui vous a décidé à accepter la présidence de la Société d'assistance aux animaux ; enfin, le troisième c'est notre attrait commun vers la science de la pathologie comparée.

Nous avions encore un lien commun, c'était notre vénération pour le professeur Henri Bouley. J'ai été son élève à Alfort, vous avez été son disciple au Muséum d'histoire naturelle. Partout, nous avons connu le même homme passionné pour l'étude des animaux. Qui pourra assez éloquemment retracer le bien réalisé par cet homme d'esprit si puissant, si large, si bon, si généreux. Des milliers d'élèves lui doivent d'avoir acquis l'esprit scientifique et le culte de la vérité.

Aussi, je tiens à vous féliciter d'avoir poursuivi son œuvre en créant la Société de pathologie comparée. L'idée de grouper, pour le travail en commun, les médecins et les vétérinaires est des plus simples, Personne n'y avait songé avant vous. Personne, dans tous les cas, ne l'avait réalisée. Au nom de toutes nos amitiés communes et de tant do chers souvenirs, je vous félicite, mon cher ami, d'une distinction depuis si longtemps et si pleinement méritée. {Vifs Applaudissements.)

t A suivre/

PSYCHOTHÉRAPIE ET HYPNOTISEE

Critique du livre de M. le professeur Dubois de Berne), sur « les Psychonévroses ».

f suite et fin) (i)

Nous croyons avoir démontré que le reproche adressé à l'hypnotisme, c'est-à-dire la captation artificielle de l'esprit du malade et l'imposition plus ou moins nette de l'idée du médecin au malade, n'est pas à, la base de la thérapeutique hypnotique, qui provoque le sommeil par un procédé analogue à celui d'une mère endormant son enfant, et qui emploie ce sommeil comme calmant. Le roulement monotone d'un train endort les voyageurs. M. Dubois accusera-t-il les trains d'imposer le sommeil et de favoriser les coups des filous? Nous avons démontré aussi que, de l'aveu de M. Dubois, il est impossible de ne pas capter parfois l'esprit du malade et d'agir souvent sur sa sugges-tibilité; voilà des faits incontestables. M. Dubois cherche à restreindre cette action; mais jusqu'à quel point y réussit-il? Personne ne le peut dire. Il croit contribuer ainsi à ramener plus d'équilibre chez ses malades, mais, nous en avons donné quelques preuves, ses malades guérissent moins rapidement que les nôtres et nous guérissons des malades qu'il ne peut guérir; de plus, nos malades restent aussi bien guéris que les siens, si ce n'est mieux. Il n'a donc pas fourni la preuve

(t) Voir revue de l'Hypnotisme n" de mai, juin et juillet 1006.

qu'il pensait. La « voie détournée » du raisonnement n'est pas meilleure que la voie directe de la suggestion hypnotique, de la « suggestion brutale » comme il l'appelle.

Nous plaçant sur le terrain scientifique pur, nous devons donc avouer que le médecin a le droit et le devoir d'imposer sa volonté aux malades, de leur suggérer la guérisou et qu'il ne peut se passer de cette action, ni de ce droit que lui confère l'honneur qui est attaché à sa profession. Nous avons le droit, le droit impérieux de guérir, et et de guérir par le moyen le plus sûr et le plus rapide, en même temps que le moins douloureux pour la sensibilité et la bourse du malade. Or, nous avons démontré que le procédé de la suggestion hypnotique est de l'aveu de M. Dubois, parfois le seul vraiment utile et souvent le plus rapide. Partant de ces faits, notre devoir scientifique et moral est d'étendre la méthode à tous les cas auxquels elle peut bénéficier au lieu de la limiter, comme M. Dubois le veut faire. Nous avons, si nous voulons accepter ces idées théoriques de M. Dubois, nous avons tout aussi bien le droit et le besoin de pénétrer dans l'esprit du malade par la porte de derrière que par celle de devant, comme nous avons le devoir de l'examiner par la bouche, le vagin ou le rectum.

Que le public pense ce qu'il veut et croie à une puissance occulte, surnaturelle ! Nous avons fait tout pour éclairer son opinion; que les médecins et que M. Dubois, au lieu de discréditer l'hypnotisme et de contribuer à le faire moins bien connaître, changent de lactique et le public sera bien informé. Au reste, peu nous importe, car si nous pouvons juger par nos années d'expérience, nous pouvons affirmer que le public a compris la méthode que nous tous, hypnotiseurs suisses, avons appliquée avec discernement, sans chercher à frapper les esprits, et en expliquant à chacun la cause réelle de l'hypnose, Le public saisira petit à petit dans sa masse la vérité scientifique et sa pensée sera dégagée des idées de force occulte ou de fluide ; il sera initié ù cette science comme il l'a été déjà à d'autres vérités scientifiques.

Il est évident que si l'hypnotisme n'a pas pénétré davantage dans la pratique médicale, c'est parce que l'esprit psychologique fait défaut à beaucoup de médecins ou parce qu'on a voulu attacher à la production du samnambulisme seul, la possibilité de la guérison. Ce sont des constatations que nous pouvons faire souvent. L'on ne peut en vouloir aux médecins s'ils ne sont pas préparés par leurs études à analyser des états d'esprit ou des phénomènes impondérables, qui ressemblent à des états de veille de façon à s'y méprendre.

J'ai vu deux professeurs dire que l'hypnotisme avait été employé sans succès par l'un, dans un cas de mutisme hystérique et par l'autre, dans un cas d'astasie abasie. Or dans les deux cas. l'essai avait été fait par un assistant n'ayant jamais hypnotisé ! S'ils avaient eu quelque notion psychologique, ils auraient su que les hystériques de ce genre (hystérie monosymptomatique) sont difficilement hypnoti-

sables et cependant suggestibles (mes deux cas d'astasie en donnent la preuve) et que ce n'est pas d'une séance qu'on pouvait obtenir quelque chose, mais d'un traitement logiquement conduit eu tenant compte de toute» les particularités observées au cours des séances. Mais non ! On croit qu'il faut hypnotiser et que cela se fait comme une simple narcose î De plus on s'imagine que dans le somnambulisme on peut tout suggérer à un malade, même suggérer des idées saines à un aliéné! Voilà les erreurs dont vit le corps médical dans sa masse. J'en puis fournir beaucoup de preuves. Un professeur ne me disaît-iï pas un jour: « L'hypnotisme ! ce n'est rien ou bien on n'y comprend rien. »

Je lui répondis que de pareils paradoxes rendent la discussion imposa sible. Alors se trepr-enaujt il voulut 'corriger l'effet ridicule de sa phrase et ajouta: o Et pourtant, oui, j'y crois puisque je guéris aussi par l'influence de l'esprit. »

Il n'en reste pas moins que son paradoxe exprime une opinion courante et qu'eu effet t on » n'y comprend rien. En voici une preuve parmi toutes celles que je possède.

Le fait s'est passé dans une clinique chirurgicale. Le professeur avait enlevé un goitre à une femme qui devint aphone après l'opération. Sûr qu'il était de n'avoir coupé aucun nerf, il pria son assistant de laryngoseoper la malade ; l'examen fut négatif .11 s'agissait donc d'aphonie produite par émotion chez une hystérique s'imaginant peut-être qu'on avait touché à son larynx. L'assistant, qui avait lu récemment les expériences de Charcot, voulut essayer pour la première fois d'hypnotiser cette malade pour la guérir. Il commence. Au bout d'un instant, elle ferme les yeux; lui, se demande si réellement elle dort déjà? Il lui enfonce une épingle dans le bras; elle ne sourcille pas; lui, devient perplexe et croit qu'elle simule. « 2Cous allons bien voir! » dit-il, et il va chercher une pince pour lui extraire une mauvaise dent. Pendant l'extraction la malade ne bouge ni ne crie; mais cette épreuve ne le convainc pas encore et il persiste à croire à la simulation.

II veut la réveiller, elle continue de dormir. La peur le saisit. Que faire ? Alors il raisonne que puisqu'il lui a ordonné de dormir il peut lui ordonner de se réveiller: « Ré veillez-vous ! » Elle ouvre les yeux. t Tous sentez comme vous êtes bien ? « — « M. le docteur, lui répond-elle, j'ai du sang dans la bouche, s — a Oui! mais vous parlez! » Aussitôt la malade se tait, l'aphonie reparaît.

c Certainement, pense-t-il, elle me trompe, c'est une simulatrice. » Alors, il l'endort de nouveau et lui suggère qu'elle pourra parler au réveil et qu'au coup de 5 heures de l'horloge elle se rendormira spontanément. Il la réveille; elle parle aisément et la sœur de service qui en a reçu l'ordre, la fait parler sans arrêt. Vers 5 heures, il rentre dans la salle pour s'occuper de quelques malades et contrôler ce que l'opérée va faire. C'nq heures sonnent; la malade qui avait com-

menée de répondre à une nouvelle question, s'arrête an milieu de sa phrase et s'endort. A ce moment, l'assistant commença de se demander si elle n'était pas hypnotisée. Il fit part de cette expérience à son chef qui haussa les épaules et sourit sans y croire mais qui, en homme pratique, engagea son assistant à suggérer chaque jour à la malade la possibilité de parler plus longtemps, puisque le moyen avait réussi. Et quand l'assistant me raconta cela il y a un an, il croyait encore à la simulation de la malade et n'était pas sûr de lui avoir arraché une dent pendant l'hypnose !

Je pourrais prouver par d'autres exemples encore, que si t on » ne comprend pas encore assez les phénomènes hypnotiques, c'est que c on » est responsable de la situation créée à l'hypnotisme dans la médecine contemporaine, t On » a tout fait pour la discréditer et la déclarer dangereuse sans s'être formé premièrement à la pratique hypnotique avant d'employer l'hypnose dans la pratique médicale.

Ceci me conduit à parler du dernier point soulevé par Mil. Dubois et Grasse*.. L'hypnotisme, dit M. Dubois, augmente la suggestibilité, il expose le malade à subir plus facilement l'influence de qui que ce soit et à perdre ses facultés de contrôle, etc., etc.

M. Grasset dit: « L'hypnotisme crée ou accentue la désagrégation suspolygonale. Il ne facilite donc pas le retour à cette unité normale dans laquelle 0 et le polygone collaborent physiologiquement. Il ne tend pas à reconstituer la personnalité normale de l'individu, au contraire, il la disjoint et habitue le polygone du sujet à obéir plutôt au centre 0 de l'hypnotiseur qu'au sien propre. » Et il conclut: c Xous restons donc en présence de ce seul inconvénient réel: l'hy-pnose crée ou accentue la désagrégation suspolygonale. Faut-il conclure de là à la condamnation absolue de ce moyen thérapeutique et à la défense de s'en servir? Xon. Voici ce qu'il faut en déduire: l'hypnotisme n'étant pas un moyen inoffensif (comme tous les médicaments qui sont des poisons et peuvent faire du mal) ne doit être employé que médicalement par un médecin expérimenté, etc.. »

Mais dans son article de la Revue des Deux-Mondes (sept. 1905) sur la psychothérapie, M. Grasset pèse moins ses mots et l'hypnotisme médical, thérapeutique, puisqu'il s'agit seulement de psychothérapie dans son article, il le déclare dangereux. Depuis quand un inconvénient est-il dangereux ? Nous voilà bien avancés !

M. Grasset n'a-t-il pas écrit dans son livre: « Donc il ne reste de cette objection (celle en question) qu'une invite à la circonspection et à la prudence, mais nullement une contre-indication à l'emploi thérapeutique de l'hypnose. »

J'avais été satisfait de trouver cette phrase chez un homme qui n'est pas précisément" ae notre bord et qui a ses préférences pour la psychothérapie de M. Dubois, mais j'ai trouvé le « dangereux » de la Hevue des Deux-Mondes, trop un manquement à la réalité des choses pour ne pas le relever ici.

Le danger ou les dangers de l'hypnotisme, qu'on nous les montre -en pratique ! Il est Bien entendu qu'il s'agit d'hypnotisme médical exercé par un médecin moral expérimenté. Toutes ces conditions sont des lieux communs en médecine, qu'il faut relever pourtant... seulement quand on parle de l'hypnotisme ! C'est vraiment curieux ! L'hypnotisme n'a pas de chance! Non! La médecine des sorciers qui faisaient avaler couleuvres et testicules, -en a eu davantage il a 10 ans, lorsqu'on l'a tirée du tombeau où on la croyait disparue! Cela seul suffirait à démontrer la vigueur des préjugés sur l'hypnotisme si le médecin ne pouvait pas s'en rendre compte -encore actuellement si souvent. L'hypnotisme médical exercé par un médecin, -est-il dangereux? Non! parce que l'expérience a démontré l'inanité de ce préjugé ou de cette opinion « théorique » car, notons bien, que ce sont des raisonnements sur la psychologie de l'hypnotisme qui ont conduit à créer cette erreur. C'est donc sur des raisonnements et non pas sur la pratique, que les partisans de l'idée des « dangers » de l'hypnotisme ont fondé leur conviction inébranlable. Pierre Janet a l'air de se contredire quand il dit à une page « que l'hypnotisme développe l'hystérie » et plus loin : « que c'est en réalité un merveilleux agent thérapeutique ». Mais on ne peut oublier que tout le monde est d'accord sur les « dangers » de l'hypnotisme tel qu'il a été pratiqué par Ghar-cot, Donato et les magnétiseurs de profession. Et ici même, le mot « dangers » est un péjoratif qui ne correspond pas à la réalité objective. Celui qui ignore les coulisses, ne sait pas que les auteurs de la légende ci-dessus, Gilles de la Tourette. Pitres, etc., sont des élèves de Charcot, qui ont continué de penser comme leur maître. Or le procédé d'hypnotisation de Charcot était brutal, excitant, mauvais; je concède qu'en ce temps c'était le seul qu'on croyait nécessaire. Et je suis vraiment étonné qu'avec un procédé pareil on n'ait jamais vécu de « dangers » mais seulement quelques « inconvénients » entre autres celui de développer l'hystérie. De plus, jamais Charcot et ses élèves n'ont employé l'hypnotisme comme moyen thérapeutique, pour la raison bien simple qu'ils croyaient l'hypnose, une névrose! Donc leur opinion sur l'hypnotisme thérapeutique n'existe pas; ils me l'ont même pas pu formuler. Et il. Grasset le pratique si peu, croyons-nous, qu'il est vraiment étonnant qu'il le trouve dangereux. Et M. Dubois qui l'a pratiqué si peu et .avec si peu de succès (c'est lui qui l'a écrit dans le Correspondant suisse), devrait le dire dans son livre pour qu'on sache quelle valeur attacher à son opinion.

Dans notre pays, lors du passage de Donato, le Dr Ladame donna des conférences sur l'hypnotisme et fit faire les expériences par un pharmacien qui hypnotisait des sujets maintes fois hypnotisés par Donato. Le Dr Ladame qui n'a donc jamais hypnotisé a parlé dans son livre la Névrose hypnotique des dangers de l'hypnotisme, des épidémies de nervosisme après le passage de Donato; il cite le cas d'un femme ayant présenté des crises après le passage de Donato et

d'une autre devenue enceinte après avoir été hypnotisée par un homme qui voulait abuser d'elle. Des médecins m'ont affirmé que (les jeunes gens avaient souffert de maux de tête après avoir été hypnotisés par Donato.

A l'époque où Ladame u écrit son livre, Delbœuf de Liège le cri-liqua avec sa verve habituelle et lui démontra que ses accusations ne reposaient sur aucune preuve sérieuse, et qu'en fait d'arguments, il u'avait reproduit que des commérages. Le cas du viol seul eût été sérieux, mais l'enquête démontra qu'il s'agissait d'une femme de mauvaise vie qui voulait faire du chantage ; l'accusé fut renvoyé indemne, il. Ladame a omis de l'écrire. Cela ne prouve pas que le viol ne soit pas possible dans de profonds états hypnotiques mais dans la question qui nous occupe il ne s'agit pas de savoir si l'on peut employer à mal l'hypnotisme, mais si son emploi médical est inoffensif?

L'on ne peut nier que le passage de Donato ait causé partout une effervescence inouïe et que quelques personnes puissent avoir souffert de maux de tête apiès les séances pénibles auxquelles il les soumettait.

ilais l'affaire Dreyfus a aussi causé une agitation considérable et que de gens n'a-t-elle pas rendus malades dans notre pays même? •l'en ai vu plusieurs exemples. D'un autre cô"té, on oublie que l'hypnotisme médical diffère de celui de Donato tant qu'il est impossible qu'il puisse avoir un inconvénient pour les malades. Les séances médicales ne révêtent pas ce caractère pénible qu'on oublie de signaler lorsqu'on parle des représentations publiques.

il. Grasset parle dans son livre de « l'inconvénient », * le seul sérieux » que présente l'hypnotisme, la désagrégation de l'activité mentale, la désintégration de 0 avec les centres inférieurs, qui augmenterait la suggestibilité et favoriserait l'apparition de troubles nerveux. Dans son article sur la psychothérapie il dit l'hypnotisme « dangereux ».

Qui comprendra cette qualification péjorative? Il s'appuie dans son livre sur l'enquête de Crocq au sujet des dangers de l'hypnotisme et voyez la-contradiction: t

Les élèves de Charoot répondent: oui, il est dangereux; (je rappelle qu'ils n'ont jamais employé l'hypnotisme thérapeutique); les disciples de Bernheim qui manient l'hypnotisme depuis bien des années, répondent non. Bien au contraire, de Jong, Beaunis, Voisin. Du-montpailier, Bernheim, Ochorowicz même, disentr c La thérapie hypnotique ne présente aucun danger; elle en présente au contraire, moins que les médicaments. »

Six disent oui, neuf non et deux disent non « entre des mains expérimentées ». Comment d'après cette enquête dire que l'hypnotisme est dangereux? Cela est impossible; if. Grasset se contredit, ou plutôt, émet une opinion personnelle qui ne tient pas compte de celle des autres. Crocq, lui-même conclut de son enquête: « Il me paraît certain que l'hypnotisme manié par des mains expérimentées, est

inoffensif et souvent très utile ». On le sait, le parti pris, le préjugé est indéracinable ! Je le prouve davantage: Il est vraiment étonnant, qu'occupé à écrire un livre sur l'hypnotisme, M. Grasset ait oublié de lire l'enquête allemande ! Crocq lui-même n'en parle pas dans son livre postérieur à cette enquête.

MM. Dubois et Grasset affirment que l'hypnotisme augmente la désagrégation cérébrale. Qu'ils précisent par des exemples tirés de leur pratique ! Tous les hypnotiseurs ont fourni la preuve pratique de la non existence des dangers et des troubles invoqués. Dans l'enquête allemande du Dr Grossmann où Bernheim, Beaunis, Liégeois, Forel, Schrcnk-Notzing, Morselli, Stenibo, Dumontpallier, Bramwell, etc., ont donné tn extenso leur opinion, tous déclarent qu'ils n'ont .¡amáis observé, que la pratique médicale de l'hypnotisme fût dangereuse ou capable de provoquer et d'augmenter l'instabilité mentale.

Mais M. Dubois n'a pas lu cette enquête ! Son opinion théorique est faite sans consulter la pratique! Et M. Grasset ignore aussi l'existence de cette enquête.

J'ai hypnotisé plus de 1.500 personnes et je n'ai jamais observé une augmentation des troubles psychiques; je n'ai jamais observé que des hypnotisations fréquentes aient exposé mes malades à des désagréments ou à subir plus facilement des influences étrangères. Quand je leur demande s'ils sentent qu'ils dépendent de moi (car c'est une question que je leur fais souvent), ils affirment ne s'en être jamais aperçus. Qu'on n'objecte pas que l'obnubilation de la conscience les empêche de se rendre compte de leur c esclavage ». Même les somnambules savent accepter les suggestions qui leur plaisent ou leur paraissent « raisonnables » pour employer le mot de M. Dubois, et repousser celles qui leur paraissent mauvaises. L'hypnotisation ne change pas la moralité des gens comme le fait croire M. Dubois. M. Dubois no cesse d'assimiler l'hypnotisme des représentations publiques à l'hypnotisme médical. La différence est plus considérable qu'il ne le paraît, car le médecin ne fait que des « suggestions raisonnables » pour provoquer l'hypnose et la guérison, l'hypnose pouvant être considérée comme un € isolement interne » bien plus efficace, croyons-nous, que l'isolement extérieur, le fameux isolement qui réussit si bien à M. Dubois et si mal à tant-^'autres.

Nous pouvons ajouter donc une importance capitale au fait, que les hypnotisés n'éprouvent en réalité aucune diminution de leur liberté de jugement, et ne deviennent pas plus suggestibles ou ne subissent pas plus facilement des influences étrangères.

On observe constamment que la suggestibilité qui est exagérée chez les uns, diminue pendant le traitement, de sorte que le malade devient de moins en moins hypnotisable au fur et à mesure qu'il guérit. Ceci se produit indépendamment de toute action suggestive de la part du médecin. Et l'on voit par contre plus souvent des malades très peu suggestibles et hypnotisables le devenir de plus en plus en

approchant de la guérison. C'est ce qui a induit en erreur beaucoup de gens.

Actuellement je ne puis plus partager l'idée que la suggestion a la propriété d'exagérer la suggestibilité quand on l'emploie comme un médecin pour guérir; elle rétablit l'équilibre en détruisant, les troubles qui empêchaient l'un d'être suggestible et en détruisant ceux qui ren-daient Vautre au contraire plus suggestible. En y réfléchissant bien, cela n'est pas aussi paradoxal qu'il paraît. (Il n'est évidemment pas question, quand on parle de suggestion médicale hypnotique, du fait qu'on peut exagérer la suggestibilité et la crédulité des gens. Le premier marchand venu peut faire passer de la mauvaise marchandise pour de la bonne.)

Je connais combien de gens dont la vie a été un tourment pour eux-mêmes et leur famille et qui ont retrouvé au moyen de l'hypnotisme un équilibre mental qu'ils avaient perdu depuis 20 ou 30 ans? En écrivant je revois la sœur d'un confrère atteinte d'hystérie grave avec prédominance des troubles de la conscience; un long traitement par la conviction logique n'a jamais procure d'amélioration à la malade, tandis qu'un traitement hypnotique a amené une amélioration considérable, qui ne s'est pas maintenue, car la malade manquant de persévérance malgré le résultat obtenu n'a pas voulu poursuivre le traitement.

En ce moment je reçois une lettre d'une malade écrite à un de mes confrères qui me rappelle son cas. Elle souffrait d'hystérie avec angoisses, phobies, faiblesse générale, insomnie, troubles vasomoteurs, œdème étendu de la hanche et de la fesse quand ce confrère l'a confiée à mes soins ; en quelques semaines il y eut une amélioration très notable et, dès lors, l'amélioration se dessina toujours davantage, malgré de nombreuses rémissions dues à diverses causes sérieuses ; elle put rentrer dans son pays où elle poursuit le traitement chez le confrère à qui je l'ai adressée.

Voilà des cas où l'hypnose seule peut ramener l'équilibre mental et même pour cela il faut que son action soit prolongée très longtemps! Et ce sont ces cas-là dans lesquels MM. Dubois et Grasset jugent l'hypnose capable d'augmenter la désintégration? Nous ne nous comprendrons donc jamais parce que ces messieurs partent de la théorie et nous de la pratique.

Je suis prêt à abandonner l'hypnotisme pour la psychothérapie, pourvu que je voie des dangers dans l'un et des avantages dans l'autre. Mais je n'ai rencontré ni les dangers de l'hypnotisme ni les avantages de la « psychothérapie » que je mets en pratique quand l'hyp-notisation n'est pas possible.

J'ai observé trois fois des maux de tète après la première séance; dans deux cas, il n'y en a plus eu à la seconde séance; dans le troisième, récemment, la malade interrompit le traitement parce qu'elle avait souffert encore de mal de tête après la seconde séance malgré mes précautions (c'était la tante d'un confrère).

J'ai vu trois malades esquisser une attaque d'hystérie à la première séance; le traitement s'est terminé dans deux cas sans présentation nouvelle de quelque trouble que ce soit. J'ai renvoyé la troisième malade parce que je voyais qu'elle ne voulait pas guérir. Voilà tous les dangers que j'ai vécus. Donc G malades sur plus de 1.500 ont présenté quelques troubles nerveux fugaces; dans 4 cas ils n'ont eu lieu qu'à la première séance, et une fois aux deux premières; donc G hypnoses sur plus de 50.000 ont présenté un inconvénient, momentané.

J'ai vu trois malades au début de leurs troubles qui mirent plusieurs semaines à se développer et nécessitèrent enfin l'internement; c'est peut-être de ces cas-là avec augmentation des troubles psychiques dont veulent parler nos contradicteurs ? Il est évident que dans ces trois cas le traitement n'a ni provoqué ni enrayé l'évolution des troubles mentaux qui ne présentaient rien de caractéristique au début. Et pourtant? Alors je dirai qu'une de ces malades que j'avais soignée et que j'avais dû faire interner au bout de cinq semaines recourut ensuite aux soins de M. Dubois après quelques mois d'internement et dut être enfermée de nouveau, après avoir fait la cure de psychothérapie à lïerne. La mère de la malade qui n'avait pas manqué la première fois d'accuser l'hypnotisme d'avoir causé les troubles mentaux étendit son accusation à la psychothérapie « qui avait rendu sa fille aliénée. »

Voilà tout ce que j'ai vu pour ma part pendant mes séances. Et cela confirme l'opinion de tous ceux qui, sans parti pris, ont employé l'hypnotisme et ne se sont pas laissé décourager par des insuccès momentanés, parce qu'ils ont vu rapidement l'avantage qu'on peut retirer d'une méthode rigoureusement exacte lorsqu'on apprend à l'adapter aux individus auxquels elle peut être d'un secours efficace.

Il nous reste à démontrer que la psychothérapie selon il. Dubois ne pourra jamais être une méthode pratique. Elle exige beaucoup de temps; M. Dubois l'écrit lui-même et il le dit à beaucoup de ses malades. Un de ses disciples me disait qu'il ne pouvait voir plus de 10 malades par jour. La méthode de AI. Déjerine est plus pratique. Dans sou service hospitalier, Déjerine fait l'isolement en "rand; il a placé à la tète de ce service une surveillante qu'il a mise au courant du traitement moral et il obtient cent pour cent de guérisons, puisqu'il prétend avoir guéri 198 malades sur deux cents. Ainsi tous les raisonnements moralo-philosophiques et scientifiques de il. Dubois ne sont donc pas aussi nécessaires qu'il le croit puisqu'une surveillante suffit pour obtenir du cent pour cent de guérisons !

Les psychothérapeutes par l'isolement et le raisonnement peuvent affirmer tout ce qu'ils veulent mais en face de leurs allégations, il n'est pas difficile de mettre en lumière le procédé de tous les hypnotiseurs qui ont fait dans leurs statistiques la part exacte de leurs insuccès.

Eh bien ! il n'est pas inutile de relever devant ces faits, les avantages pratiques de l'hypnotisme médical. Un médecin un peu habile

hypnotisera en moyenne 40 malades par jour. Il donnera quelques minutes à ceux qui n'ont pas besoin de l'hypnose elle-même mais de la suggestion pendant l'hypnose; et, lorsque l'état du malade nécessite un état hypnotique prolongé pendant une heure ou deux, il pourra réunir quelques malades, selon la méthode de Wetterstrand, et s'occuper d'eux tous pendant ce temps. Il pourra satisfaire ainsi à sa clientèle et soigner un assez grand nombre de pauvres tout en accordant à chacun consciencieusement le temps que son état nécessite. Voilà pour le spécialiste.

Dans la pratique générale de la médecine, l'hypnotisme sera toujours supérieur à la « psychothérapie » qui exige du temps, cela va de soi. Où le médecin de campagne le trouvera-t-il ce temps? Et celui de la ville qui grimpe quatre à quatre les escaliers de ses clients-leur accorde trois minutes et court dans sa voiture pour pouvoir terminer sa journée ?

M. Dubois a donc tort d'accuser de charlatanisme non seulement les hypnotiseurs mais les médecins qui guérissent par des pilules indifférentes. Son dogmatisme thérapeutique est entaché d'une faute considérable, en ce qu'il oublie qu'il y a beaucoup de gens sur la terre qui ne peuvent pas encore et ne pourront jamais accepter d'être guéris par le raisonnement. Il y aura toujours des malades qui voudront un « remède ut aliquid flat ».

Et, sur ce point encore, l'hypnotisme damera le pion à la psychothérapie, parce que l'hypnose est en elle-même un remède produisant un effet matériel, immédiat et sensible. Quant à nous, peu importe lé procédé psychothérapique ! Que le médecin de campagne prescrive un remède en affirmant qu'il guérira, qu'un autre de la ville fasse de la psychothérapie et qu'un autre guérisse par l'hypnotisme, peu importe pourvu que chaque médecin sache que c'est l'esprit qui a été la force curative. L'essentiel est que le médecin se rende compte de l'action subjective d'une foule de médicaments et qu'il s'habitue, par conséquent, dans la force de ses moyens à agir avec ou sans leur aide, sur la cérébration, sur les centres psychomoteurs du malade.

Que le médecin apprenne à parler à ses malades mieux qu'il ne le fait, et qu'au lieu de lui dire « Cela pourrait devenir mauvais ! » il sache arrêter par une parole vraie et Juste, le développement de troubles divers que l'on rencontre souvent dans la pratique de la médecine générale ! Qu'il apprenne ce qu'on peut obtenir par la thérapeutique suggestive ' Il l'ignore et nous voyons à l'heure actuelle, la foule remplir des sanatoria pour maladies nerveuses et y demeurer pendant des mois, ou se soumettre pendant des années à des régimes ridicules et inutiles alors que par l'emploi de la suggestion directe, la majorité de ces malades guérirait en quelques semaines.

Certes nous savons que le régime est nécessaire dans certains cas mais est-il nécessaire à tous ces malades de France qui viennent chez nous refaire leurs nerfs épuisés par une vie mondaine absurde? Ce

qui les guérit ici, c'est le repos, le calme, l'absence d'épices de toutes sortes, le spectacle d'une nature superbe aux tons changeants, c'est tout cela ajouté à la suggestion, mais ce n'est pas le régime qu'ils suivent pendant des années. Heureux sont-ils encore ces malades, si, au bout de ce temps, ils peuvent se remettre à manger de tout.

Voilà ce que beaucoup de médecins ignorent! Comment le sauraient-ils? Personne ne le leur a enseigné ou si quelqu'un le leur a dit comme je l'ai fait pour combattre les idées de M. le prof. Combe dont toute la méthode curative consiste à fixer l'attention du malade sur ses bobos, (méthode dont les gens d'esprit comme M. Brisson ont su se moquer dans les Annales), personne ne veut l'admettre ouvertement.

Nous le répétons en terminant. La contribution de M. Dubois ne peut que nous être utile à nous hypnotiseurs, puisqu'elle démontre ce que la suggestion à l'état de veille permet d'obtenir en particulier dans le traitement de la neurasthénie et des troubles gastro-intestinaux si nombreux à notre époque, et en général, dans le traitement des troubles fonctionnels si fréquents dans la vie exagérée et industrielle que nous avons faite. De plus en plus l'étude scientifique de la psychothérapie générale s'imposera à nos facultés de médecine car il faut que le médecin apprenne la nosologie de l'hypnotisme et de la psychothérapie comme il apprend celle des saints régimes et du bromure sacré.

LITTERATURE

M. Dubois: L'influence de l'esprit sur le corps. — Corresp. Bl. f. Sckweizer Aerzte, 1 févr. 1900. 15 juin 1903. — Les Psychonévroses et leur traitement moral. Paris 1905. M. Déjerine: Le traitement des Psychonévroses. Rev. neurolog. 1902. M. Grasset: L'hypnotisme et la suggestion. Paris 1904. — La Psychothérapie. Rev. des Deux-Mondes. 1905.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du Mardi 15 mai 1906. — Présidence de M. le Dr Jules Voisin.

La séance est ouverte à 4 h. 45.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

M. le Président annonce à la Société la nomination de M. le Dr Bérillon dans la Légion d'honneur ; il lui adresse, aux applaudissements unanimes, les chaleureuses félicitations de tous les membres de la Société.

M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres des Drs Orlitzky (de Moscou), Hœberlin (de Wyk, île de Foehr), et Jaguaribe (de Sao Paulo, Brésil). Il annonce la mort du Dr Stembo (de Vilna), membre fondateur de la Société d'hypnologie ; il

en fait l'éloge et résume ses principaux travaux. La société charge M. le Secrétaire général d'adresser à la famille du Dr Stembo nos douloureuses condoléances.

Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites, ainsi qu'il suit :

1° Dr R. Pamart. — Sommeil et monoidéisme.

2° Dr Jacques Bertillon. — Prédictions d'une somnambule à propos de la catastrophe de Courrières. — Discussion : MM. Cazaux, Bérillon et Jacques Bertillon.

3° M. Brousset. — Psychologie des foules : Principes de la circulation dans les villes ; méthode de sécurité. — Discussion : M. Bérillon, Paul Magnin, Lionel Dauriac, Cazaux, Brousset.

4° Dr Paul Parez. — Mensonge et intimidation chez un lycéen.

5° Dr Bérillon. — Diverses particularités de l'état d'aboulie.

M. le Président met aux voix la candidature de M. le Dr Bony, médecin-major de 1re classe, qui est élu, à l'unanimité, membre titulaire de la Société.

La séance est levée à 6 h. 45.

Sommeil et monoidéisme

par M. le Dr R. Pamart Professeur à l'Ecole de psychologie

La récente communication de M. le professeur Lionel Dauriac, parue sous le titre : « Sommeil et Détente », me rappelle un fait personnel, déjà lointain, que je demande la permission de rapporter ici.

Quand j'étais lycéen, en 5e classique (vieux style), je mordais fort mal à la géométrie. Je ne me suis jamais expliqué pourquoi, car j'y apportais un travail obstiné, et les autres branches des mathématiques me semblaient simples et faciles. Quoi qu'il en soit, les devoirs qui nous étaient donnés sous forme de théorèmes à démontrer me retenaient de longues heures à ma table de travail. Combien de fois n'ai-je pas rallumé ma lampe, quand la maison dormait et qu'on me croyait au lit, pour chercher une solution qui me fuyait obstinément ! De guerre lasse, je finissais par me coucher. Or presque régulièrement, mon premier sommeil était occupé par un rève, ayant pour sujet le théorème proposé, dont je voyais la démonstration avec une limpidité surprenante. Parfois je m'éveillais, et rédigeais au plus vite un brouillon ; mais, la plupart du temps, je cessais de rêver pour dormir plus profondément, et je conservais de mon rêve un souvenir si net que, le matin venu, avant de partir au lycée, j'écrivais d'emblée ma copie sans brouillon préalable. Aussi mes devoirs me valaient-ils des notes très élogieuses, tandis que mes compositions, faites en classe, étaient manifestement inférieures.

Comparons ce souvenir à de nombreux faits actuels, que j'ai maintes fois constatés, et dont voici un exemple entre cent. Il y a quelque douze

ans, j'avais étudié l'accompagnement de la Cloche, de Saint-Saëns. On peut le jouer sans être un virtuose ; cependant, il comporte des difficultés, surtout quand il s'agit d'accompagner et de suivre son chanteur, celui-ci étant le maitre des nuances et des mouvements. Pour employer une expression courante, cet accompagnement était sorti de mes doigts depuis ces douze années, pendant lesquelles je ne l'avais ni joué, ni revu, ni même entendu. Il y a deux mois, on m'apporte ce morceau pour l'accompagner dans une soirée intime. Je l'étudié consciencieusement quelques heures ; mes doigts, faute de gammes et d'exercices, étaient raides, cela ne marchait pas ; bref, peu satisfait de moi et ne voulant pas risquer un four, je renvoie ce morceau à son interprète, me déclarant incapable de l'accompagner convenablement le surlendemain.

Sur ces entrefaites, la soirée est remise à quinzaine. Pendant dix jours je n'ouvre pas mon piano. Le onzième, je frappe machinalement les premiers accord de la Cloche, et voici que, par cœur, je joue d'un bout à l'autre, sans hésitation, cet accompagnement ; cela à plusieurs reprises. Mes doigts avait recouvré toute leur mémoire automatique, et mon esprit toute sa mémoire de nuances et de mouvement. J'en avertis la chanteuse ; nous répétons, et au cours de la soirée convenue, tout se passe sans le moindre incident.

Dans ces deux cas, on peut dire, avec le profeseur Lionel Dauriac, que « j'ai facilité le travail du souvenir en lui laissant son libre jeu. De « même (pour les théorèmes géométriques) en laissant mon esprit se « détendre, je lui ai permis de reprendre, pendant le sommeil, la quan-« tité de force nécessaire à la découverte de la solution si obstinément a cherchée avant de m'endormir, et si inutilement poursuivie. »

Cependant les deux cas ne sont pas superposables. Quand il s'agissait d'accompagnement, j'ai laissé reposer ma mémoire musicale et ma mémoire tactile, sans m'en préoccuper, sans m'en soucier. Je les ai laissé dormir, se reposer, reprendre des forces. Mais quand il s'agissait de géométrie, je m'endormais au contraire sous l'influence d'une préoccupation marquée ; je résolvais mon théorème en rêve pendant mon premier sommeil, avant tout repos appréciable. Ne bénéficiais-je pas ici d'un état particulier de monoïdéisrne favorisé par le sommeil ?

Les réflexions que j'apporte ici ne contredisent en rien, bien au contraire, la manière de voir du professeur Dauriac : elles la confirment entièrement, mais y ajoutent une variante applicable à certains cas. Je crois que, si « la nuit porte conseil », ce n'est pas seulement en raison du repos somnique. C'est aussi parce que l'état de monoidéisme s'établit alors facilement. Dans le rêve, nos forces pensantes s'exercent toutes à la fois sur l'unique sujet qui nous préoccupe, absolument comme si toutes les armées d'une nation s'unissaient sur le champ de bataille. Douze hommes fatigués, unissant leurs efforts, ne soulèveront-ils pas le poids qu'un seul, frais et dispos, n'aurait pu mouvoir? C'est ce qui se passe dans l'état d'hypotaxie ou dans un état de réve ; c'est une des raisons qui expliquent la puissance de la suggestion, imposant un but unique à des énergies lasses, mais coalisées.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Peurs collectives suggérées

Tout n'est pas rose dans la profession médicale, surtout quand, suivant les méthodes nouvelles, on veut faire de lu prévoyance et de la prophylaxie. Les médecins des écoles de New-York viennent d'en faire la triste expérience.

Ayant remarqué combien les hypertrophies amygdaliennes et les végétations adénoides étaient fréquentes dans la population enfantine de certaines écoles, ces médecins avaient sélectionné un certain nombre d'enfants très atteints. Ils avaient commencé à les examiner, peut-être même à les traiter, lorsque leur travail fut interrompu par une véritable émeute. La plupart de ces enfants étaient nés de parents étrangers, pour la plupart des juifs slaves. Ceux-ci, fort ignorants, furent effrayés des préparatifs qui leur avaient été rapportés. Dans l'après-midi du 27 juin, ils se précipitèrent en foule sur les écoles criant que les médecins égorgeaient les enfants, renouvelant ainsi les affreux massacres de Kichineff, ou tout au moins qu'on coupait les amygdales de tous les enfants, afin qu'ils ne parlassent qu'anglais et qu'ils ne puissent plus causer le « yiodish » (patois hébreu) avec leurs parents.

Les mères des enfants se précipitèrent dans les écoles en criant et en s'arrachant les cheveux. Les maîtres d'école, terrifiés, fermèrent les portes de leurs établissements que les parents essayèrent d'enfoncer. Il fallut que la police prit des mesures coercitives pour faire cesser cette panique et assurer la sortie de ces jeunes écoliers qui n'étaient pas moins de 6.000.

Quant aux médecins, quelques-uns d'entre eux, qui s'aventurèrent dans la foule pour s'expliquer, furent attaqués et plusieurs eurent leurs vêtements déchirés.

L'appréhension de la douleur a favorisé assurément les suggestions qui avaient été faites à des timorés par de plus timorés qu'eux. Lors des vaccinations dans les mairies de Paris, les médecins ont déjà remarqué que lorsqu'ils avaient affaire à des juifs slaves, la durée des séances de vaccination était beaucoup plus longue. Ils se décident lentement à tendre leur bras à la lancette du vaccinateur retardant le plus qu'ils peuvent le moment de la piqûre. Il n'est pas douteux que la crainte de la douleur ne soit très différente selon les races, mais on pourrait trouver également dans ces appréhensions une influence de l'éducation.

Force Motrice humaine.

D'après les recherches de Fischer, l'énergie calorique latente emmagasinée dans les aliments absorbés par un homme adulte par jour est de 3.500 calories. Une notable partie de cette énergie est utilisée à l'intérieur du corps môme pour déterminer l'activité animale: respiration, digestion, élimination, etc. L'excédent est dépensé en travail mécanique.

Une journée de 8 heures d'un travail moyen et continu équivaut à un travail de 127,000 kilogramme très, soit 300 calories ou un peu moins de 1/2 cheval-heure.

Dans ces conditions, l'auteur calcule comme suit le prix de revient de 100 chevaux-heure :

250 ouvriers à 3 fr. par jour........ 750 fr. »

20 chevaux tous frais compris....... 60 fr. »

Machine à vapeur.............. 6 fr. »

Moteur à gaz................. 3 fr. 50

Donc, la force motrice humaine est plus de 100 fois plus chère que la force motrice mécanique.

Superstitions en Russie

D'après le professeur Vinogradoff, il est en Russie des superstitions d'une extrême ténacité, au point que même des hommes éclairés, ayant passé par l'Université, ne peuvent s'en dégager.

Dans le gouvernement de Kostroma , lorsqu'une personne est gravement malade, on l'enduit de miel. Si les mouches viennent se poser sur le miel, c'est signe de guérison. Si le miel devient noir, la personne est condamnée.

Des feuilles vertes placées dans les aisselles des malades indiquent la guérison ou la mort, selon qu'elles restent fraîches ou se flétrissent rapidement.

Si un chien consent à manger un morceau de lard avec lequel on a frotté un malade, c'est un signe certain d'amélioration.

A un mourant on fait manger des morceaux de choix et on le charge de compliments pour les amis délunts. On ouvre alors la porte pourdon-ner accès à la mort. Une cuvette pleine d'eau est placée avec une serviette sur la fenêtre, pour permettre à l'âme de prendre un bain. Des lumières sont placées devant toutes les icônes pour empêcher le diable de s'emparer de l'âme. Le cadavre est habillé et muni de bottes feutrées.

Si une personne s'éveille d'une trance (mort apparente), on croit qu'elle est mort réellement et ne revient que pour causer la mort d'autres être vivants, et pour empêcher cela, il faut la battre grièvement avec des clefs d'église. Le professeur Vinogradoff affirme qu'il connaît des cas où des personnes ont été tuées dans ces conditions en se réveillant d'une trance.

On peut planter sur une tombe des arbres ou des arbrisseaux, mais

point de tremble, parce qu'on suppose que Judas Iscariote s'est pendu

à un tremble. On ne doit pas non plus planter sur une tombe des arbres

à feuilles aciculaires (sapins, pins, etc.).

Si dans le nombre de ces superstitions il y en a quelques-unes qui

aient une origine magique oubliée, il en est d'autres qui semblent ne se

justifier par rien.

L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.

Paris, Imp. A. Quelquejeu. rue Gerbert, 10.

REVUE DE L'HYPNOTISME

EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE 21e Année. — N° 3. Septembre 1906.

BULLETIN

Le Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences. — Discours de MM. les professeurs Lippmann et Teissier. — Les travaux de la section de pédagogie, sous la présidence du Dr Bérillon. — Le congrès des aliénistes et neurologistes- — Discours de M. le professeur Grasset.—L'unité de la neurobiologie humaine.

Le Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences qui vient de se tenir à Lyon, a eu un succès considérable. A la séance d'ouverture, le président, M. le professeur Lippmann, a prononcé un éloquent discours.

« Nombre de découvertes, a-t-il dit, —la télégraphie, le téléphone, par exemple — sont d'origine française, mais n'ont été adoptées dans notre pays que lorsqu'elles sont revenues de l'étranger.

« Cela tient à la mentalité spéciale du grand public, de cette classe moyenne qui a passé par le lycée. Il lui manque une notion saine de la puissance de la science. Elle n'y croit pas ou y croit trop tard.

« Le remède, c'est l'enseignement supérieur, mais libéré des entraves qui faussent son jeu.

c Dans les pays où les conditions de la culture sont normales, on a soin d'envoyer à l'Université tous les jeunes gens auxquels on a la prétention de donner une instruction libérale, et cela ne fût-ce que par vanité et par respect humain, et en dehors de toute nécessité professionnelle. Cette nécessité d'une instruction supérieure n'est pas suffisamment comprise en France. On va bien à l'Université pour y faire son droit, sa médecine, etc., mais, pour former un homme instruit, on se contente de l'envoyer au collège. C'est se résigner à produire l'arrêt de développement à vingt ans ; c'est faire de la culture naine.

« Le rôle de l'Université est surtout d'enseigner l'art de la recherche, ce qui veut dire la science, car la science c'est l'art de ces recherches, et pas autre chose. Et nous savons que la recherche est indispensable à l'Industrie. En même temps, l'Université est faite pour mettre les hommes qui n'ont pas d'ambitions scientifiques, mais qui veulent acquérir une culture générale digne de ce nom, en contact avec la science de première main, la seule qui soit attrayante et féconde, la seule qui soit libre de toute pédanterie.

« Nos Universités ne sont pas entièrement en état de remplir cette double fonction. Elles sont encore soumises, tout comme l'enseignement

secondaire, à la loi napoléonienne. On sait que notre grand César, par raison politique sans doute, a écarté les projets de réforme soumis à la Convention, et qu'il a rétabli la pédagogie de l'ancien régime ; on sait, en outre, qu'il a osé donner à son administration le pouvoir absolu de diriger les études, et en même temps la collation des grades. Telle est l'origine du régime actuel ; et aujourd'hui encore il n'existe pus, à côté du grand maître de l'Université, un seul conseil, une seule commission ayant voix délibérative. Il serait temps que la République intervint, et qu'elle défit l'œuvre de Napoléon avec le même soin qu'il mit à la faire. Il y a urgence à délivrer l'enseignement du pédantisme bureaucratique, et à libérer les Universités du joug du pouvoir exécutif. Car celui-ci n'a pas cessé de peser sur les études supérieures en leur imposant ea pédagogie d'ancien régime. »

Le préfet du Rhône, M. Alapetite a également obtenu un grand succès en rappelant que le fondateur de l'Association française, M. Gariel, s'était proposé de lutter contre l'apathie des Français pour les voyages et contre leur dédain des choses scientifiques. 11 a évoqué le souvenir des hommes éminents qui ont immédiatement apporté un concours dévoué et précieux à l'œuvre nouvelle. Les hommes du moment n'ont pas moins fait, et M. le Préfet a dévoilé tous les efforts réalisés par le président du Comité local, le professeur Arloing, par le président de la Section médicale, le professeur Teissier. Des applaudissements unanimes ont salué les noms de MM. Gariel, Arloing et Teissier.

Le zèle et le dévouement des organisateurs du Congrès ont réalisé des merveilles. Pour le prouver, il suffirait de dire que l'impression du livre : Lyon en 1906, en deux magnifiques volumes, distribué aux membres du Congés, n'a pas coûté moins de 40.000 francs.

Des réceptions magnifiques à l'Hôtel de Ville, à la Préfecture, à la Chambre du Commerce, ont permis d'apprécier les qualités de bonne grâce et d'amabilité de M. le Maire et de Madame Herriot, de M. le Préfet et de Madame Alapetile. Dans des réceptions particulières, les professeurs de Lyon n'ont rien négligé pour donner à leurs hôtes la plus haute idée de l'hospitalité lyonnaise. La fête de nuit donnée à la campagne, chez le professeur Teissier, le dévoué président de la section de médecine, a été féerique. Les banquets offerts par MM. les professeurs Arloing et Lépinc ont groupé autour de ces maîtres vénérés un nombreux cortège d'amis, d'admirateurs et d'élèves.

La journée du 5 août fut fertile en impressions variées. Après une excursion à travers le massif grandiose du Mont-d'Or, eurent lieu une visite et une réception aux eaux de Charbonnières. Un peu plus tard, la pose d'une plaque commémorative sur la maison natale d'Ampère, à . Poleymieux, était l'occasion de discours rappelant les débuts et l'existence du grand savant. Celui de M. le député Aynard. évoquant les poétiques amours d'Ampère et de sa femme Julie, provoqua une vive émotion et fut couvert d'applaudissements.

Enfin la journée se terminait à Neuville par une réception organisée

par M. Guimel, le fondateur du Musée des religions. M. Guimet, se révélant artiste aussi délicat qu'il est industriel ingénieux, fit exécuter ses œuvres dans un concert qu'il dirigea lui-même avec une incomparable maestria. Le banquet, donné dans la salle du théâtre, fut agrémenté par la reconstitution de scènes et de danses antiques.

Deux jours après, un autre grand industriel de la région lyonnaise, M. Martelin, après la visite à Saint-Rambert d'usines et de cités ouvrières modèles, a offert à ses visiteurs un banquet du plus haut goût.

Toutes ces distractions, pas plus que les excursions scientifiques et industrielles n'ont nui au travail des vingt sections dans lesquelles n'a cessé de régner une grande activité.

D'ailleurs, la présence de nombreux savants étrangers contribuait à donner aux réunions des sections un attrait particulier. Parmi eux, nous citerons les professeurs Henrijean, de Liège ; Salomonsen, de Copenhague ; Lombroso, de Turin ; Lassar, de Berlin ; Cappellini, de Bologne ; Zolotowitz, de Budapest; Kossel, de Heidelberg; Forel, de Morges, etc.

Il faut d'ailleurs reconnaître que le succès de la section de médecine fut assurément dû à la haute autorité de son président, M. le professeur Tessier. Les paroles que cet éminent maître a prononcées à l'ouverture de cette session contiennent des enseignements précieux :

« Bacon ne se trompait point. Expérience et observation ne font qu'un. Car l'expérience n'est que l'observation voulue et provoquée à l'heure propice. Le médecin doit avoir le culte passionné des sciences exactes et il lui faut de plus en plus compléter et fortifier son bagage. Que notre jeunesse médicale soit bien convaincue que désormais nul progrès sérieux, nulle intervention thérapeutique raisonnée et partant efficace, ne sauraient exister sans le concours de connaissances scientifiques particulièrement solides et toujours incessamment renouvelées. Souhaitons de voir nos jeunes médecins de l'avenir rechercher et recevoir de plus en plus cette éducation scientifique si désirable. Demandons moins à la mémoire beaucoup plus au raisonnement et à l'expérience ; et méditons cette phrase de Montaigne : « Je ne cherche pas tant à meubler mon âme qu'à la forger ». En attendant, et pour préparer ces résultats, sachons marquer et défendre notre place au milieu des savants distingués en toutes branches qui forment les cadres actifs de notre Association et en constituent les formes vives. Montrons-leur par les applications que nous savons faire de leurs méthodes, par la rigueur avec laquelle nous poursuivons nos travaux, que nous ne sommes pas de ceux qui taxent d'accessoires ces mêmes sciences qui, pour nous, sont, au contraire, fondamentales, parce que seules elles sont capables de faire pénétrer la sonde assez à fond dans nos sols arides, pour en faire jaillir l'eau vive.

« Et à cet égard, messieurs, votre présence à ce Congrès me semble avoir une signification très haute ; outre que votre concours donnera à cette session un lustre particulier, il attestera encore que nous entendons rester les inébranlables et fidèles disciples de Claude Bernard,

grand physiologiste et médecin, de Bernard dont l'image symbolique se dresse au seuil de cette Université comme un encouragement et un emblème ».

Nous voudrions pouvoir signaler tous les travaux du Congrès de l'Association française qui méritent d'intéresser nos lecteurs. Le cadre de notre Revue nous oblige à donner seulement l'exposé de ceux qui ont été présentés à la section de pédagogie et d'enseignement.

prof. J, Ray ; Dr Gagnière ; M. Lasnier, insp. hon. ; prof- Beauvisage ; prof. Giard ; Dr Berlllon ; Mlle Berlllon.

Le bureau de cette section fut ainsi composé: président d'honneur: M. le professeur Lombroso, de Turin; président : M. le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie; vice-président : M. le Dr Beauvi-sage professeur à l'Université de Lyon ; secrétaires : M. Génin, instituteur, et M. le Dr Peuillade, de Lyon.

Un grand nombre de savants, de membres de l'enseignement et de médecins avaient répondu à l'appel du président. Nous pouvons citer, parmi ceux qui ont pris part aux travaux de la section : M. Ogliastroni, directeur de la circonscription pénitentiaire de Lyon, délégué officiellement par M. Grimanelli, directeur des services pénitentiaires au ministère de l'Intérieur; M. le Dr Zolotowitz, ministre de Bulgarie; M. Chabot, professeur à l'Université de Lyon; M. le Dr Courjon, directeur de

l'asile de Meyzieux ; M. Delage, inspecteur de l'Assistance publique de Lyon ; M. Depoin, président de l'Institut sténographique de Paris ; M. Petiton, ingénieur des mines ; M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétrière ; M. le Dr Frey, professeur à l'Ecole dentaire ; M. J. Ray, chargé de cours à l'Université; M. Giard. professeur à la Sorbonne; Mlle Lucie Bérillon, professeur au lycée Molière; M. Grand-villiers, directeur de l'enseignement à l'Institut médico-pédagogique de Meyzieux; M. de Montricher, ingénieur des mines; Mme Aveyron, directrice d'école ; M. Anjou, directeur d'école ; M.. Gaillard, professeur à l'école primaire supérieure de Rumilly ; M. le Dr Gagnière, médecin-inspecteur des nourrices; M. Moreau, professeur d'agriculture; M. Mi-chaud, directeur d'école; M. Cuminal, directeur d'école primaire supérieure; Mlle Bacaud, directrice d'école; Mme Quinque, directrice de l'Institution d'enfants anormaux de Créteil ; M. Desnoyers, professeur de calligraphie; Mlle Poy, surveillante générale du lycée de jeunes filles; Mlle Besnard, économe du lycée de jeunes filles; M. le Dr Blanc, médecin des prisons de Lyon; M. le Dr Royet, chef de clinique à la Faculté de médecine; M. le Dr Maurice Roy, professeur à l'Ecole dentaire; M. Saugrain, avocat à la Cour d'appel de Paris; M. Guézard, délégué de l'Association française; M. Gascard, conférencier; M. le docteur Henrot, directeur de l'Ecole de médecine de Reims; M. Fauré-Hérouart, conseiller d'arrondissement; M. Thibaut, professeur à l'Ecole de la Martinière ; M. Emmanelli, bibliothécaire-archiviste de la ville de Cherbourg; M. Chaurand, professeur au lycée Ampère ; M. Bretin, chef des travaux à la Faculté de médecine; M. le professeur Lacassagne; M. le Dr Bordier, directeur de l'Ecole de médecine de Grenoble ;M. Bou-lian, contrôleur à l'asile départemental du Rhône : M. Lasnier, inspecteur honoraire de l'enseignement primaire; M. Clin, directeur d'école; Mme Olivieri, directrice de l'Institution Sainte-Irénée; Mme Morel, directrice d'école; Mme Robin, directrice d'école; M. Prost, chef de travaux à la Faculté des sciences; M. Chalier, inspecteur primaire; M. Melou, inspecteur primaire; Mme Deloye, professeur; Mme Sarpy, professeur; M. Aveyron, directeur d'école; M. Lafontaine, instituteur; M. E. Roux, instituteur; Mlle Revenant, institutrice; M. V. Greppo, instituteur: M. Monternier, instituteur; M. P. Michaud, directeur d'école ; M. Mareuse, publiciste ; Mlle Berthet, professeur à l'Ecole normale de Nevers ; M. Begel, répétiteur général au lycée Ampère; Mlle Hérard, institutrice; M. Tarry, ingénieur; M. Laisant, examinateur à l'Ecole polytechnique ; M. le D' E. Martin, chef des travaux à la Faculté de médecine, Mme Bérillon; M. Mironneau. directeur de l'Ecole normale ; M. Grison-Poncelet, M. A. Courjon, M. Gardes, M. J. Follet, instituteur ; M. Rivier, M. Vautrin, Mlle J. Gaget, professeur ; Mlle Clerc, institutrice ; Mme Michaud, M. Debernard, instituteur : Mlle Boucher, institutrice ; Mme Genin, institutrice ; M. le Dr Bilhaut, de Paris ; M. le Dr Godon, directeur de l'Ecole dentaire ; M. Bonnet, professeur à l'Ecole d'industrie de Saint-Etienne.

La question mise à l'ordre du jour de la première séance avait pour sujet l'importante question de l'éducation du caractère. Un rapport très étudié fut présenté par M. Chabot, professeur à l'Université, qui traita spécialement de l'éducation du caractère au lycée. Pour cet éminent philosophe, au dressage mécanique, qui crée des habitudes tyranniques et qui devrait être réservé aux anormaux, devrait se substituer une éducation libérale, faisant appel à l'initiative et à l'effort de l'enfant.

Si, grâce à l'esprit de justice qui, actuellement, règne au lycée, l'éducation du caractère n'est pas nulle, du moins personne n'en est chargé, n'en a la responsabilité. Pour l'améliorer, il faudrait par un apprentissage pédagogique spécial, former des éducateurs, puis par des leçons de choses, en dehors du lycée, amener l'enfant à voir juste, à voir vrai, en un mot former son caractère.

Un second rapport de M. le professeur Beauvisage démontra que la vraie méthode scientifique capable de former le caractère, c'est la méthode d'observation directe, analytique et comparative des choses, des êtres, des phénomènes, qui en fait rechercher et découvrir par l'élève les propriétés et les lois en exerçant simultanément les sens et l'activité personnelle, la curiosité, l'attention, l'effort, la comparaison, le jugement, enfin le raisonnement, a posteriori.

Dans un troisième rapport très documenté, le Dr Bérillon s'est appliqué à établir les conditions essentielles du caractère. Pour lui, l'élément fondamental du caractère, c'est le courage. Ce qui permet de distinguer rapidement l'homme de caractère de celui qui en est dépourvu, c'est fa façon dont ils réagissent contre ta peur. Il importe donc dès l'école, de réaliser chez l'enfant l'éducation du courage, de la présence d'esprit et de l'initiative.

Enfin, dans une communication qui se rattachait directement à la question du caractère, Mlle Lucie Bérillon, professeur au lycée Molière, a étudié la timidité envisagée au point de vue scolaire. Elle classe ainsi les timides :

1° Ceux qui le sont par excès d'amour-propre (défiance des autres) ;

2° Les timides par modestie (défiance de soi-même) ;

3° Les timides par paresse (anémiques, abouliques et les dégénérés) ;

4° Les faux timides.

L'intimidation, les milieux familial ou scolaire sont les principaux facteurs du développement de la timidité. Guérie souvent d'elle-même avec l'âge et l'expérience, elle est justiciable de traitements divers : avant tout, il faut savoir gagner la confiance de l'enfant, fortifier sa volonté, faire appel à l'amour-propre contre l'amour-propre. à la raison, à l'intelligence ; détourner l'attention du timide de soi-même pour la reporter sur les choses. Mais il faut garder de la timidité la défiance naturelle de soi qui permettra l'ascendant légitime des parents et du maître et la réserve qui est un des charmes de la jeunesse.

La seconde séance fut consacrée à la question des Enfants anormaux.

Nous nous bornerons à mentionner les études instructives de M. le doc-leur Courjon, de Meyzieux, de M. Grandvilliers, de Meyzieux, de M. le Dr Bérillon, de M; le Dr Beauvisage, de Mlle Berthet, professeur à l'Ecole normale de Nevers, de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétrière, de M. le Dr Gagnière, médecin-inspecteur des nourrices. A la suite de la discussion à laquelle ont donné lieu ces études, la section, à l'unanimité, a adopté le vœu soumis et proposé par M. le Dr Beauvisage.

« La section de pédagogie et d'enseignement émet le vœu que dans l'organisation des écoles organisées pour les arriérés et instables, les matières de l'enseignement soient essentiellement différentes de celles de l'école ordinaire actuelle, les exercices à suivre étant déterminés dans chaque cas particulier par des médecins, seuls compétents pour connaître les anomalies mentales. L'application de ces méthodes sera confiée à des maîtres spécialisés, guidés par des médecins qui continueront à surveiller le traitement. »

La troisième séance avait à l'ordre du jour la question des procédés pédagogiques applicables aux enfants turbulents. A ce sujet, M. le docteur Feuillade s'inspirant des procédés préconisés par le Dr Bérillon, a exposé la méthode hypno-pédagogique à laquelle il a recours pour le traitement des enfants nerveux et instables. La statistique des cas traités à son dispensaire, portant sur dix-huit enfants, permet d'affirmer la valeur considérable de la méthode hypno-pédagogique dans le traitement des enfants turbulents, indisciplinés ou vicieux. M. le Dr Feuillade a complété sa démonstration par la présentation de deux enfants anormaux chez lesquels l'hypnotisme et la suggestion ont amené une transformation complète.

Parmi les communications qui ont été également faites, nous devons mentionner les suivantes :

M. Julien Ray : Un enseignement scientifique dans les casernes.

M. Moreau : Les méthodes d'enseignement agricole applicables dans les régiments.

M. de Montricher : L'enseignement populaire et l'université féminine à Marseille. M. Laisant: L'initiation mathématique.

M. J. Depoin : La sténographie envisagée comme un auxiliaire du travail intellectuel et un facteur de l'avancement des sciences.

M. Desnoyers : Avantages et inconvénients de l'écriture droite et de l'écriture penchée.

M. Tarry: Les réformes à apporter dans l'enseignement des mathématiques.

M. le Dr Frey : La dentition des enfants anormaux, etc., etc.

Pour la première fois, les travaux de la section de pédagogie ont revêtu un caractère d'autonomie très marqué. Ainsi, les séances ordinaires ont été complétées par des conférences générales avec projections. Dans l'une d'elles, M. le Dr Bérillon a exposé d'une façon complète les applications de la, suggestion hypnotique à l'orthopédie morale ;

dans une seconde, M. Desnoyers a montré les déviations vertébrales causées par les attitudes défectueuses de l'écriture.

Des excursions spéciales à la section ont été également organisées : une instructive visite aux prisons de Lyon a eu lieu sous la direction de M. Ogliastroni, directeur de la circonscription pénitentiaire, et de M. le Dr Blanc, médecin des prisons, auxquels les éloges les plus expressifs sont dus pour la façon élevée dont ils comprennent leur délicate mission. Il y a eu également une visite au Musée d'anthropologie criminelle, créé par le professeur Lacassagne. Le chef des travaux de médecine légale, M. Etienne Martin, a fait, avec sa grande compétence, les honneurs du musée et a mérité la reconnaissance de tous.

Un banquet, sous la présidence de M. le professeur Beauvisage, premier adjoint au Maire de Lyon, a réuni les membres de la section et a dignement clôturé une session très bien remplie.

Le prochain Congrès de l'Association française, en 1907, aura lieu à Reims. M. le Dr Bérillon a été désigné comme Président de la section de pédagogie et chargé de son organisation.

* * *

A la séance d'ouverture du congrès des aliénistes et neurologistes, qui a eu lieu à Lille et qui avait été très bien organisé par M. le Dr Cho-creaux, médecin en chef de Bailleul. M. le professeur Grasset a prononcé un remarquable, discours sur l'unité de la neurobiologie humaine.

« La psychiatrie et la neurologie ne forment, dit-il, qu'une seule science : la neurobiologie humaine ou physio-pathologie du système nerveux. Pinel et Charcot, rapprochés aujourd'hui sur le parvis de la Salpêtrière, sont comme le symbole de cette union féconde, que les alié-nistes et les neurologistes réalisent magnifiquement à l'intérieur de ce même temple glorieusement élevé à la science neurologique française. La science des aliénistes et la science des neurologistes ne forment qu'une seule et même science puisque l'une et l'autre étudient le même objet appliquent les mêmes méthodes, poursuivent le même but. En parcourant l'entière neuropathologie, on pourrait successivement et avec tout autant de raison, tout placer en psychiatrie et puis tout placer en neurologie. Quel que soit leur appareil de prédilection, tous les travailleurs du système nerveux poursuivent un triple but : 1° guérir ou au moins soulager les malades du système nerveux ; 2° préserver le mieux possible la société contre l'invasion et les méfaits de ces malades ; 3° édifier la science du fonctionnement du système nerveux à l'état mental et à l'état pathologique. La psychiatrie et la neurologie ne font qu'une seule et même science: la physio-pathologie du système nerveux de l'homme ou neurobiologie humaine ».

Tous les hommes de bon sens applaudiront aux paroles si sensées du professeur Grasset. La même thèse avait déjà été soutenue en 1900 au Congrès international de médecine par M. le professeur Jeoffroy, lors-

qu'il démontrait que la neurologie et la psychiatrie formaient deux branches de la même science unies sur un tronc commun. Nous pensons même qu'à ces deux branches ne tarderont pas à s'en greffer de nouvelles et que la psychologie sera admise à s'alimenter aux mêmes racines.

Le Banquet en l'honneur du Dr Bérillon

(Suite).

Discours de M. le Dr Callamand, de St-Mandé (1) . Messieurs,

Nous sommes heureux et fiers de fêter la décoration d'un véritable savant, notre ami le Dr Bérillon, créateur de la méthode hypno-pédago-gique ou plus simplement de la psychologie appliquée à l'éducation du caractère.

Tout le monde connaît son lorgnon fascinateur sous le grand front pensif, sa physionomie souriante et légèrement ironique où se reflètent son indépendance d'esprit et son indulgente philosophie. Et personne n'ignore qu'il a su féconder et mettre en plein rapport cette terre vierge — l'application méthodique de la suggestion et du sommeil provoqué au traitement des maladies —qu'avaient défrichée le génie méconnu des précurseurs et la patience des Braid, des Liébeault, des Charcot, des Dumontpallier, des Voisin et de leurs émules.

C'est que le Dr Bérillon, élevé à l'école de notre maître Paul Bert, possède aussi, suivant le mot de Buffon, « cette faculté de penser en grand qui multiplie la science ».

S'il n'a pas créé l'hypnotisme, il aura eu le mérite immense et indéniable d'inaugurer l'enseignement d'une science jusqu'alors suspecte et innommée, la psychothérapie. Il en a forgé les organes et assuré le fonctionnement par cet ensemble de créations variées qui portent le nom de Revue de l'Hypnotisme. Société d'hypnologie, Ecole depsycho-logie. Institut psycho-physiologique. Dispensaire pédagogique de la rue St-André-des-Arts, Dispensaire anti-alcoolique, Institution pour l'éducation des enfants anormaux de Créteil, Société de pathologie comparée. Et je n'aurais garde d'oublier ses cours à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine, son apostolat dans les congrès, son œuvre de bonté et d'assistance qu'il étend jusqu'aux animaux, ces frères inférieurs trop souvent sacrifiés aux cruautés d'une vaine démonstration.

On disait autrefois de Claude Bernard qu'il était la physiologie même et de Paul Broca qu'il incarnait l'anthropologie. Cette formule me plaît parce qu'elle est juste et représentative, et je la reprends pour

(1) Au nom de l'Actualité médicale.

l'appliquer à notre ami Bérillon, dont le nom universellement connu, plus encore à l'étranger qu'en France, s'identifie avec l'hypnotisme lui-même.

Ce n'est pas le lieu d'insister longuement sur les travaux et les litres divers de notre ami. En lui offrant, comme souvenir de ses camarades de l'Actualité médicale, cette nymphe timide et craintive qui me rappelle un de ses plus récents mémoires sur la psychologie des timidités, qu'il nous suffise de lui renouveler nos vives félicitations et nos protestations d'affectueuse sympathie. (Applaudissements.)

Discours de M. L. Achille,

vice-président du Conseil municipal de Paris.

Messieurs,

M. le Président me fait un grand honneur en me donnant la parole dans cette assemblée, où se sont réunis tant d'hommes éminents. Mais, bien que je n'ai aucune prétention scientifique, vous me permettrez de me placer, avec vous, pour un instant, sur le pied de l'égalité. Ce sera à un point de vue seulement, celui de l'amitié qui nous unit tous au Dr Bérillon. J'en profiterai pour lui apporter ma part de félicitations affectueuses et pour dire tout le bien que je pense de lui. (Applaudisse-ments.)

Il y a de longues années que je le connais. Je l'ai suivi pas à pas dans toutes les étapes de sa laborieuse et brillante carrière, et je suis heureux d'avoir été un des premiers à discerner ses mérites. Mais avant de vous en entretenir, je crois utile de rappeler les circonstances dans lesquelles je suis entré en relations avec lui. De ce simple récit pourront se dégager quelques enseignements.

Cela se passait il y a plus de vingt ans. Une jeune fille du département de l'Aisne, ayant toutes les apparences de la santé la plus vigoureuse, fut cependant atteinte d'une maladie un peu surprenante. Institutrice, elle perdit subitement l'usage de la parole au milieu d'un cours qu'elle faisait à ses élèves. Dès ce moment, il lui fut impossible d'articuler un son, ni même de s'exprimer à voix basse. Elle en était réduite à ne s'exprimer que par signes.

On se hâta de consulter les plus hautes sommités médicales, on fit même appel aux lumières de médecins étrangers. Après un examen approfondi, chacun de ces savants prescrivit un traitement qui fut toujours scrupuleusement suivi. On fit avaler à la malade des kilogrammes de bromure ; on ta doucha copieusement ; tout cela sans aucun résultat, des applications électriques, d'une rare puissance, n'eurent d'autre effet que d'imprimer à son corps de violentes secousses et... d'aggraver son état. (Rires.)

Comme on incriminait le séjour dans la famille, les parents consentirent à se séparer de leur enfant. On me l'amena à Paris et je me fis un

devoir de l'accompagner chez les médecins les plus qualifiés pour obtenir la prompte guérison de ce cas intéressant. Partout on me rassurait, me disant qu'il s'agissait d'une affection nerveuse parfaitement curable. Alors je disais : « Puisqu'elle est curable, guérissez-la ! » Il est assurément très intéressant de faire un diagnostie savant ; mais cela ne suffit pas. Ce qui intéresse te malade, ce ne sont pas les belles théories, c'est la guérison. (Applaudissements.)

J'avoue que je commençais à douter sérieusement de la science médicale, lorsqu'on me conseilla de recourir à l'hypnotisme.

Comme bien vous pensez, cela n'alla pas tout seul. Vous ne sauriez imaginer toutes les objections saugrenues qui furent accumulées contre l'emploi de ce traitement. Des médecins éminents, qui cependant n'avaient rien trouvé à nous conseiller, n'étaient pas les derniers à m'engager à me défier de l'hypnotisme. Je fus plus d'une fois tenté de leur répondre : « Ce traitement ne peut cependant pas la rendre plus muette qu'elle n'est, puisqu'elle ne peut articuler un seul mot! » (Rires.)

Bien convaincu que ces oppositions systématiques ne tiraient leur source que de l'ignorance ou de l'esprit de routine, je m'adresse au Dr Bérillon qui venait de soutenir brillamment devant la Faculté de Paris, une thèse faite à l'hôpital de la Pitié, dans le service de son maître, M. Dumontpallier.

Dès la première séance, il provoqua chez notre jeune malade un état d'hypnose profond et s'adressant à elle avec autorité, il lui fit la suggestion de recouvrer à son réveil l'usage de la parole. La guérison fut instantanée et elle s'est toujours maintenue depuis.

Ce jour-là, je me suis rendu compte de la grande valeur médicale, psychologique et sociologique de l'hypnotisme ; mais j'ai compris également toutes les raisons qui en rendent les applications si délicates et si difficiles. Sang-froid, patience inaltérable, tact, intelligence, éloquence, volonté, esprit de décision, autorité, telles sont les qualités sans lesquelles on ne peut exercer sur son prochain l'influence capable de l'hypnotiser d'abord, puis de le diriger, de le moraliser, de le guérir. (Applaudissements..)

C'est dire que cet art, appliqué au traitement des volontés défaillantes, sera toujours le privilège d'un petit nombre d'élus. Ne soyez donc pas étonnés qu'il rencontre encore tant de détracteurs.

Le Dr Bérillon, je me hâte de le dire, ne s'est jamais ému de ces résistances. Avec beaucoup d'humour, il démontre que les critiques formulées contre l'hypnotisme sont basées, en général, sur un véritable sophisme, exprimé le plus souvent sous cette forme naive : « J'ai tenté l'application de ce procédé et je n'ai pas réussi ; donc il n'a aucune valeur. » Ces paroles ne sont d'ailleurs que la manifestation d'un des travers les plus communs de l'esprit humain, lequel consiste à dédaigner les arts dans lesquels on n'excelle point. (Applaudissements.)

Aussi, Messieurs, je félicite hautement ceux d'entre vous qui, à l'Ecole de psychologie et dans la clinique de la rue Saint-André-des-Arts suivent

les enseignements si précis et si positifs du Dr Bérillon. Ils deviendront de bons psychologues. Ils auront, pour cela, été à la meilleure des écoles philosophiques, celle où l'on apprend à vouloir et à agir. (Applaudis-sements.)

Maintenant que vous savez comment je suis entré en relations avec le Dr Bérillon, je me sens plus autorisé à vous parler de son caractère. Au risque de blesser sa modestie, je vais énumérer les particularités qui lui constituent une personnalité si fortement trempée.

Si vous le voulez bien, je commencerai par son courage. Lorsque je l'ai connu, il venait d'être chargé, en 1884, par le ministère de l'Intérieur, d'une mission officielle dans les départements envahis par le choléra. Atteint gravement par la maladie, il fut, dès celte époque, proposé par l'administration préfectorale du Var, pour la distinction de la Légion d'honneur. Il n'avait que vingt-quatre ans. Le décret minis-tériel qui lui conféra la médaille d'honneur en or de 1re classe porte que le Dr Bérillon, au cours de sa mission, « s'est exceptionnellement distingué par son dévouement et par ses services. » (Applaudissements.)

Il n'a pas seulement le courage matériel qui porte à affronter le danger. Il a également le courage civique. II lui doit la fidélité à ses amitiés, à ses principes et à ses convictions. Il y faut aussi rapporter à son courage la mise en action de son inlassable initiative et le dédain qu'il a su toujours opposer aux calomnies des esprits envieux, superficiels et malveillants. (Applaudissements prolongés.)

Vous ne me pardonneriez pas de passer sous silence sa franchise et l'indépendance de son esprit. Dès nos premiers entretiens, je le voyais avec plaisir, en enfant terrible qu'il était, sauter à pieds joints sur les plates-bandes de la science officielle. En effet, il n'a pas été long à s'émanciper de ces admirations de convention qui portent si souvent nos compatriotes à estimer les hommes non par la valeur de leurs travaux, mais pour les honneurs qui leur ont été attribués. (Applaudissements.)

Doué d'un esprit novateur et créateur, le Dr Bérillon s'est mis à l'œuvre et il faut l'en féliciter, car il a doté la ville de Paris de plusieurs organismes qui lui faisaient défaut. A l'Institut psycho-physiologique et à l'Ecole de psychologie, de nombreux étudiants français et étrangers trouvent chaque année un enseignement qui sera certainement organisé un jour ou l'autre à la Faculté. Beaucoup de nos collègues du Conseil municipal de Paris s'intéressent vivement à son dispensaire pédagogique. Ils lui adressent fréquemment les élèves indisciplinés ou les écoliers parfois trop turbulents de nos écoles publiques. Toujours ils sont reçus et traités par lui avec cette bienveillance et ce dévouement qui double le prix du service rendu.

Ceci m'amène à vous parler de sa bonté. La dépense d'énergie et d'activité que doit s'imposer celui qui s'adonne à la pratique de l'hypnotisme ne saurait se concevoir sans la bonté. Mais je puis vous apporter d'autres témoignages... Je ne connais pas de meilleur fils..: N'est-ce pas, madame Bérillon ? C'est aussi le frère le plus dévoué... N'est-ce pas,

mesdemoiselles ? D'ailleurs, tout le monde le sait. Un des orateurs qui m'ont précédé a rappelé la mémoire de l'homme vaillant que fut le père du Dr Bérillon. Moi aussi, je l'ai connu et je dirai : « Tel fut le père, tel est le fils !

Aussi, comme je veux terminer par des paroles qui lui soient particulièrement agréables à entendre, je résume mes sentiments en levant mon verre à la santé de madame Bérillon, sa digne mère ; à madame Bérillon, sa compagne dévouée; à ses trois sœurs, auxquelles l'unissent des sentiments si affectueux; et à vous tous, messieurs, reunis ici dans un sentiment commun de sympathie et de légitime admiration, (Applau-dissements répétés et prolongés.)

Discours de M. A. Féron,

député de la Seine.

Mon cher Bérillon,

Les études psychologiques n'intéressent pas seulement le médecin ; les hommes politiques peuvent en tirer de multiples enseignements. Lorsque vous analysez les procédés par lesquels certains hommes exercent une influence si considérable sur d'autres hommes, vous ne faites pas seulement œuvre médicale, vous réalisez également une œuvre sociologique. Les psychologues, en scrutant les problèmes de la pensée, projettent de vives lumières dans des domaines où régnait jusqu'ici l'obscurité la plus profonde. Ce sont les meilleurs pionniers dans la recherche de la vérité.

Pour moi, je considère que le principe fondamental du gouvernement républicain consiste à substituer ce qui est vrai, ce qui est scientifiquement démontré, à ce qui est du domaine de l'imagination et de l'erreur. J'accepterais volontiers cette définition : « La République,.c'est la vérité couronnée ». C'est pourquoi, j'ai été heureux de me joindre à ceux qui ont demandé, pour mon ami le Dr Bérillon, la distinction si méritée pour laquelle il a été proposé par M. Bienvenu-Martin. En accomplissant cet acte, le Ministre de l'Instruction Publique s'est conformé aux principes du Gouvernement républicain, puisqu'il a décoré un homme de mérite, sans s'occuper de ses attaches officielles. (Applaudissements.)

Sortant des sentiers battus, faisant preuve d'intuition et d'ingéniosité scientifiques, le Dr Bérillon devait naturellement se heurter à des oppositions systématiques. C'est le sort réservé à ceux qui se mêlent d'innover. Ne croyez pas que ces hostilités se rencontrent seulement en médecine. L'esprit de routine existe dans tous les milieux ; il sévit dans toutes les professions.

Habituellement, voilà comment les choses se passent. On commence par se railler de vos idées, dont la nouveauté choque ; au bout de quelque temps on veut bien leur accorder quelque crédit ; enfin, à un moment donné, ceux qui les ont le plus critiquées ne sont pas les derniers à vous les emprunter. (Rires.)

Ce qui me plaît en vous, mon cher Bérillon, c'est la bonne humeur avec laquelle vous poursuivez votre chemin, sans vous préoccuper des critiques, plus ou moins intéressées. Vous considérez, avec raison, que le meilleur tour à jouer aux esprits routiniers c'est de réaliser un progrès, de créer quelque chose de nouveau. Pourse tenir au courant et ne pas être taxés d'ignorance, ils sont obligés de secouer leur torpeur et de se livrer à un effort intellectuel. Cela, ils ne vous le pardonnent jamais. (Rires.)

La décoration du Dr Bérillon est une belle victoire de l'initiative privée contre la routine dans laquelle s'enlisent tant de branches de notre enseignement supérieur. C'est pourquoi, je félicite bien sincèrement le ministre républicain qui l'a provoquée et s'est montré, en agissant ainsi, un ardent ami du progrès. (Applaudissements prolongés.)

Discours de M. le Dr Jules Voisin,

médecin de la Salpétrière, président de la Société d'hypnologie.

C'est au nom de la Société d'hypnologie et de psychologie que je veux rendre hommage à l'initiative et au dévouement de notre secrétaire général. Lorsqu'en 1901, avec le concours de Dumontpallier, d'Auguste Voisin, de Paul Magnin et d'un assez grand nombre de médecins français et étrangers, le Dr Bérillon réalisa la création de la Société d'hypnologie, dont la fondation avait été décidée à la fin du premier Congrès international de l'hypnotisme, il assumait une tâche des plus difficiles et des plus délicates. Il avait non seulement à entretenir l'intérêt de nos réunions, à assurer le recrutement des membres, à poursuivre la publication des comptes-rendus, mais surtout à maintenir la Société dans un esprit rigoureusement scientifique, conforme aux intentions de ses fondateurs.

Vous savez comment il s'est acquitté de sa mission. Le second Congrès international de l'hypnotisme, dont j'ai eu l'honneur de partager la présidence avec M. le Professeur Raymond, fut organisé par lui, comme l'avait été le premier Congrès. Les travaux de ce Congrès ont été très importants et ils ont eu un retentissement considérable.

L'écueil à éviter était d'entrouvrir la porte de la Société à des questions dangereuses où l'imagination et l'amour du merveilleux prennent facilement le pas sur la rigoureuse observation scientifique. Mais le Dr Bérillon n'a cessé de faire bonne garde. Vous pourrez parcourir d'un bout à l'autre les comptes-rendus de nos Congrès et ceux de la Société sans y trouver la moinde concession à l'esprit de mysticisme.

Elevé à l'école des Henry Bouley, des Paul Bert, des Dumontpallier, des Giard et des Edouard Perrier, le Dr Bérillon se conforme dans toutes ses études sur l'hypnotisme et sur la pédagogie des enfants anormaux à la méthode expérimentale la plus rigoureuse.

On ne pourra refuser à la Société d'hypnologie le mérite d'avoir étendu le domaine de la psychologie médicale, son effort constant. On devra

également reconnaître qu'elle a précisé les indications et les méthodes d'application de la psychothérapie. Dans cette œuvre, le Dr Bérillon a conquis une place d'honneur et, au nom de la Société d'hypnologie et de psychologie, je suis heureux d'être l'interprète de ses collègues pour le féliciter de la distinction si méritée qui vient de lui être accordée. (Vifs applaudissements.)

Discours de M. le Dr Albert Robin,

professeur à la Faculté de médecine, membre de l'Académie de médecine.

Mon cher Bérillon,

Vous avez, je crois, dix-huit discours à entendre. (Sourires.) Je ne vous infligerai pas un morceau d'éloquence supplémentaire. Je voudrais simplement raconter un fait.

Bérillon présente cette particularité d'avoir été décoré deux fois : il l'a été par le consentement universel avant de l'être par le ministre de l'Instruction publique, (applaudissements.)

Un soir, à la fin du banquet annuel de la Société d'hypnologie et de psychologie, nous causions avec quelques amis. L'un dit : « Tiens, Bérillon n'est pas décoré. » — « Comment? il ne l'est pas ? » — « Mais non— » Quelques jours après, accompagné de mon voisin, M. Féron, député de la Seine, et de M. Muteau, député de la Côte-d'Or, je me rendis chez le ministre de l'Instruction publique. M. Bienvenu-Martin nous reçut d'une façon fort aimable et nous demanda l'objet de notre visite. Je le lui exposai en deux mots : « Nous venons vous demander la croix pour le Dr Bérillon ».— « Comment? nous dit-il, Bérillon n'est pas décoré? » La surprise du ministre témoignait de la légitimité de notre démarche et ne nous laissait aucun doute sur son succès.

Ainsi les mérites de Bérillon rehaussaient d'avance la distinction qui allait lui être décernée.

Mon cher ami, je bois à vos deux décorations : à celle qui vient de vous être décernée par le Ministre de l'Instruction publique, mais aussi à celle qui, bien antérieurement, vous avait été attribuée par la justice de l'opinion publique, (applaudissements vifs et répétés.)

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du Mardi 15 mai 1906. — Présidence de M. le Dr Jules Voisin.

Mensonge et intimidation chez un lycéen, par M. le D' Paul Farez, professeur à l'École de Psychologie.

Dès les premiers jours du mois de novembre 1904, un père de famille vient me trouver et me dit ce qui suit: « J'ai quatre fils. Les trois plus âgés sont travailleurs, actifs, droits et me donnent toute satisfac-

tion. Le dernier est un mauvais garnement qui fait honte à toute la famille : il ment! Depuis quelques mois, il nous a bernés à un point qui mérite une punition exemplaire, — que j'ai déjà commencé à lui infliger. C'est un mauvais sujet qui doit être mené tambour-ballant ; et je ne le ménagerai pas. Une de mes proches parentes, que vous avez soignée, me dit qu'il s'agit peut-être d'un cas médical et m'engage à vous le faire examiner. Uniquement pour être agréable à cette parente, je vous prie de recevoir mon fils ; mais, à part moi, je suis parfaitement convaincu qu'il s'agit d'un gredin à mater et non d'un malade à soigner. »

Je fais préciser les faits ; et voici ce que j'apprends. Le jeune Z., externe dans un lycée voisin de la Sorbonne, est, pendant l'année scolaire 1903-1904, dans la classe de Troisième. Après chaque composition, il dit à sa famille qu'il est premier, second ou troisième. Chacun est fier de lui; on le complimente ; on le comble de cadeaux. Aux approches du 14 juillet 1904, sa famille, — qui part pour la campagne, — l'emmène; il n'assiste donc pas à la distribution des prix. Dès les premiers jours d'octobre, à la rentrée, le père du jeune Z. voudrait savoir, au juste, quels prix a mérités son fils ; ils sont certainement nombreux, étant donné ses excellentes places. Z. est donc prié de demander un palmarès à l'administration du Lycée. Or, dit-il, un jour, il a oublié de le demander ; un autre jour, le secrétariat était fermé ; un autre jour encore, on lui a répondu que le stock des palmarès était épuisé, etc. Quinze jours se passent, au bout desquels M. Z. se décide à aller trouver lui-même le Proviseur : il apprend alors que son fils n'a même pas eu le moindre accessit ! Croire que son fils est un travailleur et en être fier, puis apprendre tout d'un coup qu'il est mauvais élève et menteur cynique, vous jugez la déception et la colère de ce pauvre père de famille !

Le lendemain, je reçois la visite de Madame Z. Elle vient aussi me parler de son fils et me donner de nouveaux détails sur la situation. J'apprends ainsi que M. Z. est un protestant puritain, rigoriste ; pour lui, mentir, c'est commettre l'action la plus dégradante qui soit au monde, c'est s'avilir au suprême degré. Dans ses rapports avec ses enfants, il n'admet aucune intimité. Représentant de Dieu au millieu des siens, il est, à la fois, le prêtre, le conseiller et le juge.

Ayant appris la « vilenie » de son fils, il a convoqué toute sa famille, femme, fils, belles-filles, sœurs, belles-sœurs, frères cadets. Présidant cette sorte d'aréopage, il a solennellement fait comparaître l'enfant coupable et, devant toute cette assemblée, prononcé une condamnation d'allure biblique : « Tu as menti, tu nous as trompés, tu t'es avili; ta famille te renie ! Pour le monde, pour les domestiques, tu paraîtras encore être des nôtres, mais aucun de nous ne t'adressera plus la parole, ta mère ne t'embrassera plus, je lui défends de te dire bonjour ni bonsoir. Retire-toi dans ta chambre, tu ne fais plus partie de la famille. »

Cet enfant se retire en sanglots ; il ne mange plus; il pleure jour et nuit.

Le lendemain, Mme Z. implore la grâce de son fils, mais M. Z. est

inflexible; elle pleure sans cesse, elle aussi ; il lui prend des envies de courir, en cachette, auprès de son enfant pour le consoler et l'embrasser, mais elle n'ose transgresser la défense qui lui a été faite. Elle ne tarde pas à présenter certains phénomènes névropathiques pour lesquels elle réclame mes soins avant môme que je me sois occupé de son fils.

Au jour convenu, le jeune Z. vient me voir. Je lui montre de l'intérêt, je l'encourage amicalement, je gagne sa confiance et, au milieu d'un torrent de larmes, il m'ouvre son cœur. Il a peur de son père ; ou plutôt, les façons de faire de celui-ci, son parler, son regard le glacent, l'intimident, l'annihilent.

M. Z. est tellement affairé qu'il ne voit ses enfants qu'à table. Notre jeune lycéen n'ose lever les yeux, de peur de rencontrer le regard paternel ; il n'ose risquer la moindre parole, de peur d'être contredit, critiqué, blâmé sur un ton tranchant et autoritaire.

Au début de l'année scolaire 1903-1904, quand son père lui demande quelle place il a eue en composition, il répond, selon la réalité, quinzième, douzième, dixième... — « Ce n'est pas suffisant, réplique le père, tu dois mieux faire ! » Ces simples mots, dits sur un certain ton, l'abasourdissent comme un coup de massue.

Il a, de plus en plus, peur de ces interrogations. A l'approche d'une nouvelle composition, il dort mal, en proie à son appréhension. Au moment de faire sa composition, il se représente avec anxiété la scène qui surviendra quand son père lui dira : « Tu dois mieux faire ! » Et il se répète : « Pourvu que, cette fois, j'aie une bonne place ! » Obsédé par ces préoccupations, désemparé, désorienté, il fait mal sa composition et, naturellement, les places deviennent de plus en plus mauvaises.

Un jour, après avoir composé de la façon que je viens de dire, il a obtenu la dernière place. Son père l'interroge : « Et cette fois, ta place a-t-elle encore été aussi mauvaise ? Le combien as-tu été classé? » Cette interrogation le démoralise ; décontenancé, apeuré, obnubilé, il ne s'appartient plus ; tout est vague et indécis autour de lui ; il ne réfléchit pas, il ne pense pas et, spontanément, les mots suivants lui tombent des lèvres : « J'ai été premier ! »

Il n'est même pas stupéfait de l'énormité de son mensonge ; il semble l'avoir fait d'une manière automatique, dans une sorte d'état subconscient, tout comme on fait, par simple réflexe, tel geste en vue d'écarter un danger.

Dès lors, chaque semaine, il annonce régulièrement qu'il a eu l'une ou l'autre des trois premières places. Il n'est nullement préoccupé de l'immoralité de sa conduite ; c'est dans une sorte d'automatisme, comme ci-dessus, qu'il accomplit son habituel mensonge. Par la suite, la nécessité de soutenir son rôle l'oblige à mentir, ainsi qu'il l'a fait pour ne point rapporter le palmarès.

Je fais comprendre à M. Z. la genèse psychologique de ces mensonges répétés : l'intimidation en a été la première cause. « — Mais, me dit-il, c'est ainsi que j'ai été élevé et ça m'a très bien réussi. Ce genre d'é-

ducation a aussi très bien réussi avec mes trois aînés. » C'est que ces trois aînés ressemblent à leur père et notre jeune homme à sa mère.

Sans être le moins du monde efféminé, cet enfant est un tendre ; il a besoin d'affection, d'épanchement, d'intimité. La rudesse, la froideur, la sévérité paternelles ont comprimé sa nature et ont fait de lui un renfermé, un apeuré, un timide.

On se rend à mes raisons et j'obtiens une amnistie complète. Sur mon intervention, le soir même, par mesure gracieuse, on passe l'éponge sur le passé et notre lycéen reprend part à la vie commune.

Dès le lendemain, j'entreprends une cure psychothérapique et je l'hypnotise très facilement. Tout d'abord, je réveille et j'exalte en lui l'horreur du mensonge. Ensuite, je combats et restreins son impressionnabitité exagérée, je lui donne confiance en lui-même, je l'entraîne à vivre plus en dehors, à être gai, à avoir de l'entrain, à oser regarder les gens bien en face, à parler à quiconque avec assurance et sans aucune timidité.

Bientôt, en effet, à table, il se mêle à la conversation, sans aucune gêne. Il est vrai que, de son côté, M. Z, tout à fait acquis à mes idées, a consenti à moins « pontifier » et à rapprocher les distances.

Pendant quelques semaines, la veille de chaque composition, je l'hypnotise pour qu'il compose avec calme et lucidité, en pleine possession de tous ses moyens intellectuels, sans être distrait ou amoindri par aucune préoccupation, crainte ou appréhension. Rapidement les places sont très bonnes. Il travaille avec entrain, gaieté, persévérance et devient un excellent élève.

Fin octobre 1905, au retour des vacances, il m'apporte avec fierté le palmarès de son lycée et je constate avec joie qu'il est de ceux qui furent le plus souvent nommés.

Ce simple fait de pratique courante suscite quelques brèves réflexions D'abord, ces mensonges par intimidation comportent une certaine part d'irresponsabilité. En outre, entraîné sur la pente, le menteur de cette sorte devient, naturellement, un menteur habituel, à moins qu'il ne soit, comme ici, redressé à temps. D'autre part, il ne saurait exister un système d'éducation unique, infaillible pour toutes les individualités ; les procédés éducatifs doivent se plier et s'adapter au caractère, au tempérament, aux aptitudes, à l'émotivité de chaque enfant ; chaque cas particulier exige des décisions d'espèce. Pour ce qui concerne notre jeune lycéen, le redressement d'une erreur d'éducation a permis de ramener l'affection, la confiance, l'estime, la paix et la joie dans un milieu qu'avait, un moment, bouleversé le petit drame de famille rapporté plus haut. Enfin, la transformation obtenue chez le jeune Z est un argument de plus en faveur de cette vérité, de jour en jour plus évidente, à savoir que la suggestion hypnotique est un agent de premier ordre dans les cures d'orthopédie mentale et morale.

Vision d'une somnambule relativement aux « escapés »

de Courrières, par M. le Dr Jacques BertillON, chef des travaux statistiques de la ville de Paris.

I

Je ferai tout à l'heure de très fortes réserves sur la prédiction curieuse que je vais vous retracer. Je commence par vous montrer ce qu'elle a de remarquable et même de troublant.

On sait que c'est le vendredi 30 mars au matin que treize mineurs sortirent vivants de la mine de Courrières, vingt jours après la catastrophe : ils y avaient souffert de la soif au point de boire leur urine, ils y avaient souffert extrêmement de la faim, n'ayant eu d'autres aliments que quelques carottes, un peu d'avoine, de la paille hachée, surtout de la viande de cheval pourrie. Ils avaient été un moment vingt ensemble. Ils se sont séparés en deux bandes de dix qui se sont ensuite retrouvées la veille de leur sauvetage ; dans la bande dont faisait partie Nény, trois étaient morts ; dans l'autre, quatre avaient disparu sans qu'on ait pu savoir ce qu'ils étaient devenus, en sorte que treize mineurs réunis ensemble sont sortis vivants de la mine le 30 mars.

On sait d'autre part qu'un mineur isolé, nommé Berthon, est sorti vivant de la mine, le mercredi 4 avril au matin, après une odyssée entièrement différente de celle de ses compagnons, car il n'avait souffert gravement ni de la soif ni de la faim.

Dans l'intervalle qui sépare ces deux dates, le dimanche 1re avril 1906, M. Fabius de Champville, que j'ai rencontré par hasard dans l'atelier d'un peintre connu, m'a fait un récit extraordinaire, dont il a bien voulu, sur mon conseil, rédiger, le soir même, le compte rendu suivant (1) :

[Ce 1er Avril 1906.]

Une des choses qui resteront les plus stupéfiantes dans la vie scientifique élargie, c'est la prescience de certains êtres.

Je connais une somnambule, que tous les membres de la Société magnétique de France connaissent également, Mme Berthe.

Quand Francis Laur eut affirmé qu'il croyait que la mine contenait encore des mineurs vivants, je fus très frappé de cette possibilité.

Je songeai alors à questionner nos sujets. Malheureusement je ne pus joindre Mme Berthe que le jour où Prévost, Nény et leurs amis étaient sortis.

Malgré cela, je lui posai des questions après l'avoir endormie. Je lui ordonnai de se transporter à Courrières dans la mine-Elle ne connaissait nullement la mine. Moi-même, à ce moment, j'ignorais absolument son plan et toutes ses galeries.

Sa consultation fut étrange, épouvantable. Elle souffrait des affres des survivants — elle affirma qu'il y en avait encore. — Elle nous les montrait

(1) Il l'a d'ailleurs publié, avec quelques variantes, dans un journal hebdomadaire qu'il dirige, l'Echo du IXe arrondissement (n° du jeudi 19 avril 1906).

L'article publié par l'Echo est identique au présent compte-rendu, sauf les mots placés entre crochets qui ont été supprimés dans l'article, et sauf deux additions que nous mettons en note.

allant, venant, se heurtant, cherchant les musettes des morts afin de trouver quelques morceaux de pain. L'Ile les entrevit) soutirant surtout et avant tout du froid.

Elle dépeignit un vieillard de soixante ans [qui remontait le moral des autres] et témoignait d'un courage admirable.

Elle affirma que le lundi, il y aurait encore sept vivants [puis elle réfléchit, s'effara et déclara] que le mardi il serait bien tard... [Puis elle balbutia et laissa entendre que le mardi on verrait... si... si... on saura. Nous crûmes comprendre] qu'on en retirerait au moins un vivant.

Elle nous fit parcourir les longs boyaux de la mine, nous montra l'un des plus hardis mineurs se noyant (1) dans un trou rempli d'eau boueuse.

[Celui-là reviendra-t-il, fimes-nous?

— Je crois bien qu'on arrivera trop tard. Et puis on va trop tard. Un seul peut-être se sauvera).

Et devant ce spectacle effroyable, après nous avoir laissé entrevoir le fond de cet enfer, [où elle n'avait plus de lumière), où le froid tenaillait les survivants, nous avoir parlé de chevaux qui vivaient encore, elle eut une telle crise qu'il nous fallut l'éveiller pour éviter un accident.

Quoiqu'insuffisamment renseigné nous téléphonions le samedi à M. Francis Laur en lui demandant de prévenir ses amis de Lens, [qu'il y avait encore des vivants dans la mine) et qu'ils fassent explorer un couloir que les gens de Prévost avaient laissé sur leur droite quelques cents mètres avant d'arriver à l'accrochage.

[Aujourd'hui] dimanche, nous avons causé de cela à l'aimable Dr Bertillon(2) et nous l'écrivons ce soir sur son conseil.

G. Fabius de Champville. (3)

Par habitude en mettant la date c'est mars que j'avais écrit, c'est avril qu'il faut lire.

Cette note peut se résumer ainsi :

« Il y a encore sept mineurs vivants dans la mine de Courrières ; ils souffrent du froid, mais non pas de la faim comme les compagnons de Prévost et Nény, car ils vivent des briquets qu'ils trouvent sur les cadavres ; ils ne souffrent pas de la soif, car l'eau ne leur manque pas ; même l'un d'eux y est tombé et s'y est noyé. Cependant ils souffrent beaucoup ; ils vivront jusqu'à mardi environ. Peut-être l'un d'eux sortira vivant. Il y a encore des chevaux vivants. »

Comparons-la aux déclarations de Berthon, telles que les ont recueillies différents reporters, ceux du Temps, du Matin et du Journal. Voici les ressemblances et les différences que nous trouvons :

1. Berthon n'a pas souffert beaucoup de la faim ni de la soif comme aurait pu le croire la somnambule si elle s'était inspirée de l'histoire des précédents escapés.

Le reporter du Temps attribue à Berthon la déclaration suivante ;

« J'ai trouvé des briquets (provisions emportées par les mineurs pour

(1) Addition : presque.

(2) Addition : chez notre ami le peintre Grün.

(3) L'article de l'Echo du IXe arrond. est signé d'un pseudonyme « Jehan Ceythou ».

déjeuner au fond de la mine). Je mangeais, je dormais, je buvais dans des bouts de coup (gourdes) ramassées sur des cadavres un peu partout. J'allais je venais, j'essayais de m'escaper.... C'est le café et la bistouille (eau-de-vie) qui m'ont sauvé. »

Les autres journaux s'expriment à peu près de même.

2. Berthon a souffert « surtout et avant tout du froid » ; comme l'a dit la somnambule il enlevait aux morts leurs vêtements pour s'en couvrir. Les précédents escapés avaient aussi souffert du froid. La prédiction faite à cet égard, est donc moins intéressante que les autres On a pris la température rectale de Berthon après sa sortie de la mine ; elle n'était que de 36°3 (pouls 56 ; respiration 17) d'après le Temps.

3. Berthon ne s'est pas noyé, mais il est tombé à l'eau et il a failli se noyer.

Voici ce que rapporte le Journal du 5 avril (p. 2, col. 2) :

Un jour encore, je tombai dans un beurtia plein d'eau, et je crus que j'allais être noyé. J'en sortis grelottant de froid. Alors, je me déshabillai et je pris les vêtements d'un mort pour me couvrir!

Le Matin fait le même récit en termes un peu différents:

Il arrive dans une galerie inondée. Malgré la crainte de se noyer, il s'y engage. L'eau lui monte jusqu'à la ceinture ; il butte dans un boisage et disparait. Il reprend pied et, malgré la terreur qui l'envahit, Il continue sa marche en avant.

4. La somnambule a annoncé, en termes un peu confus, que peut-être, mardi, l'un des emmurés reviendrait au jour. Cet événement inattendu s'est produit mercredi à 7 h. 45 du matin.

5. La principale différence entre ce qu'a annoncé la somnambule et le récit de Berthon consiste en ce qu'elle a parlé de sept mineurs vivants, et que Berthon a toujours été seul.

Mais il n'est pas certain qu'il n'y eût pas d'autres mineurs vivants dans la mine le 31 mars, c'est-à-dire le jour où elle parlait.

Il ne faut pas oublier que parmi la troupe escapée le 30 mars quatre mineurs ont été perdus sans qu'on sache ce qu'ils sont devenus..

D'autre part voici ce que télégraphiait le correspondant du Journal, le 31 mars :

Le délégué Simon, dit Rick, avait déclaré, disait-on, que lors de sa descente dans la mine, au soir de la catastrophe, il avait trouvé auprès de l'accrochage du puits 3, exactement trois cadavres. Or, redescendu hier dans la mine, il en avait trouvé huit à cette même place, et cinq d'entre ces cadavres étaient encore chauds. Vous ne pouvez vous faire une idée de l'émotion qui s'empara de tous quand cette nouvelle se répandit à Lens.

Je pus joindre Simon, qui me déclara que les cadavres découverts hier par lui ne se trouvaient pas a cette place au lendemain de la catastrophe, qu'ils n'étaient pas décomposés et que ces malheureux, selon toute évidence, n'étaient pas morts depuis longtemps!

Et un peu plus loin :

J'en arrive à la déposition si émouvante de Simon. Simon a dit que le soir de la catastrophe, parvenu au puits numéro 3, il avait trouvé trois cadavres : celui de l'ingénieur Barrault, celui du porlon en chef et celui de Cerf, dit Gogosse. Hier soir, Simon, retourné sur les mêmes lieux, a trouvé, non loin de ces trois morts, là ou il n'en avait vu aucun, cinq autres cadavres, qui dit-il, n'étaient pas décomposés et ne sentaient pas mauvais. Simon n'est pas médecin et n'a pu, par conséquent, dire à quand remontait la mort de ces cinq mineurs. Il parait, cependant, certain que ceux-ci ne sont pas morts au jour de la catastrophe, qu'ils ont dû vivre un certain temps qu'on ne peut apprécier, qu'ils ont cherché à se sauver et n'ont pu trouver leur chemin. Un corps se décompose après deux jours. Si les corps de ces malheureux ne sont pas décomposés, c'est que leur agonie dura dix-huit effroyables jours au moins.

Le Matin confirme ce récit (6 avril, page 3, col. 2).

M. Hanseval, médecin légiste de Béthune, a, aujourd'hui, tenté de prélever du sang sur trois cadavres remontés du fond. II a dû y renoncer, les cadavres étant complètement carbonisés. Sa mission consiste surtout à autopsier et à tâcher de reconnaître le genre et la date de la mort des mineurs retrouvés à des endroits où une première exploration n'avait point fait découvrir de cadavres. Des « rescapés » ont, en effet, raconté qu'ayant passé plusieurs fois de suite à l'accrochage du puits n° 3, ils y avaient, une première fois, trouvé trois cadavres, et, plusieurs jours après, huit. Des récits du même genre concernant d'autres emplacements ont été faits par plusieurs sauveteurs.

On doit noter aussi que Berthon déclare avoir rêvé qu'il était avec dix compagnons.

«Un jour, j'ai rêvé que nous étions dix ensemble et que nous avions tous faim. Alors, on tirait au sort et nous mangions un petit galibot. »

(Journal, 5 avril 1906), p. 2, col. 1.

Dans l'état pitoyable où se trouvait Berthon, ce rêve n'est pas chose insignifiante ; il n'est pas imposssible qu'il ait pris une réalité pour un rêve, et qu'il ait, d'ailleurs inconsciemment, ajouté à l'horreur de cette réalité.

6. Quant au vieillard de 60 ans dont a parlé la somnambule, je n'en ai pas trouvé trace dans les journaux. Berthon a 32 ans.

7. On sait que, postérieurement au sauvetage de Berthon, on a trouvé dans la mine plusieurs chevaux vivants. Je dois dire que je ne me rappelle pas que M. Fabius m'ait parlé de ces chevaux, mais on a vu qu'il les mentionne dans sa note.

8. Enfin, il est permis peut-être de noter (si puérile que soit la remarque) la ressemblance du nom de la somnambule Berthe et du malheureux mineur Berthon dont elle se trouve avoir esquissé l'histoire.

II

J'arrive aux réserves qu'il convient de faire. Elles sont tellement

graves qu'à mon avis, toute celle observation est presque dénuée de valeur.

Lorsque M. Fabius de Champville me raconta la prédiction faite par Mme Berthe, je lui fis en termes très pressants, la recommandation suivante :

« Ecrivez donc, tout de suite, ce que vous a dit cette somnambule, sans négliger un seul détail ; pliez ensuite ce papier, sans y mettre d'enveloppe, et mettez-le à la poste de façon qu'il reçoive le timbre de la poste, et qu'il porte ainsi sa date authentique; adressez-le à une personne digne de confiance, par exemple à un notaire, qui note et puisse affirmer la date de la réception. Si les prédictions de la somnambule viennent à se vérifier, vous aurez ainsi un document indiscutable de leur véracité, et les plus incrédules, les plus défiants, les plus malveillants même ne pourront pas le récuser. Je connais des histoires de somnambule très curieuses et même troublantes ; malheureusement ce qui leur manque presque toujours, c'est un document écrit avant que la prédiction se soit réalisée. Il est déjà bien tard en ce qui vous concerne, mais enfin il est encore temps. Ne perdez donc pas une minute. Rentrez chez vous tout de suite, et suivez mon avis. Peut-être devien-dra-t-il précieux . » M. Fabius de Champville parut goûter le conseil, promit de le suivre, mais, malheureusement, il ne le suivit pas exactement.

Nous aurions voulu une reproduction aussi littérale que possible des paroles prononcées par la somnambule, et non pas l'article très littéraire mais probablement trop peu circonstancié qu'on vient de lire.

De plus, M. de Champville n'a pas jugé utile de mettre sa relation à la poste, de façon que le cachet de la poste donne de l'authenticité à la date du manuscrit. Elle nous est simplement affirmée par notre distingué correspondant, qui, fort occupé par sa candidature à un siège de député, ne nous a envoyé cette note que le 10 mai suivant.

Un exemple relatif à la môme histoire montrera bien l'insuffisance de la mémoire pour observer des faits de ce genre.

Le lendemain lundi, 2 avril, je fis un assez long voyage avec un de mes amis, M. X..., hommetrèsdislingué,ingénieur des Ponts-et-Chaus-sées, qui dirige une grande administration publique. Je lui racontai la conversation que j'avais eu la veille avec M. de Champville.

Le dimanche suivant, 8 avril, je rencontrai à nouveau M. X..., dans une compagnie assez nombreuse : « Je suis témoin, dit-il, que M. Bertil-lon m'a annoncé d'avance qu'un mineur de Courrières sortirait mercredi vivant de la mine, ce qui s'est vérifié comme chacun le sail. Il m'a dit que ce malheureux, contrairement à Prévost, Nény et consorts, ne souffrait ni de la soif ni de la faim, car il mangeait les briquets trouvés par lui sur les cadavres, et cela était vrai aussi ; il m'a annoncé aussi qu'il souffrait surtout du froid, qu'il était tombé à l'eau et avait failli s'y noyer, et on sait que cela était également vrai. M. Bertillon m'a annoncé tout cela lundi, c'est-à-dire deux jours avant que Berthon sortit de la

mine, contrairement à l'attente générale. Il tenait ces affirmations d'un monsieur qu'il connaît et qui les tenait lui-même de la bouche d'une somnambule ».

M. X..., sur les rectifications que je lui opposai, ne fit nulle difficulté de reconnaître qu'il avait très mauvaise mémoire ; il avait raconté, le lundi soir même, à Madame X..., la conversation qu'il avait eue avec moi dans la journée, et c'est elle qui, le mercredi soir suivant, lorsque fut connue la résurrection inopinée de Berthon, trouva que les prédictions de la somnambule se réalisaient de point en point. Lui-même leur avait attaché peu d'importance, et n'en avait conservé qu'un vague souvenir. Il n'en est pas moins remarquable qu'il a fini par adopter comme venu de moi un récit qui concorde parfaitement avec l'histoire de Berthon, mais qui s'éloigne sensiblement de ce que j'avais pu lui dire.

Ceci nous montre à quel point la mémoire peut tromper même les meilleurs esprits.

A mon avis, pour que l'observation que je vous présente soit concluante, il aurait fallu sténographier les paroles de Mme Berthe (ou tout au moins les écrire mot pour mot) ; donner une date authentique à cette sténographie, par exemple au moyen de la poste ; sténographier le récit de Berthon, quitte à l'interroger discrètement et sans trop d'insistance sur les points qu'il aurait pu omettre dans un premier récit.

Combien nous sommes loin d'avoir des documents aussi précis !

Conclusions

1. La somnambule Berthe a prédit, relativement à l'escapé Berthon, des faits qui ont quelque rapport avec la vérité :

Elle a annoncé qu'il vivait des briquets trouvés sur ses camarades morts (ce qui est vrai) ;

Qu'il ne souffrait pas de la soif (ce qui est vrai aussi) ;

Qu'il souffrait surtoutet avant tout du froid (ce qui est vrai) ;

Qu'il était tombé à l'eau (elle a même dit qu'il s'y noyait ; il a seulement failli se noyer) ;

Elle a annoncé, en termes qui paraissent assez vagues, qu'il sortirait de la mine peut-être mardi ; (il en est sorti mercredi à 7 h. 45 du matin).

Elle a annoncé que les mineurs vivants au fond de la mine étaient au nombre de sept, (Berthon déclare avoir toujours été seul ; il dit qu'ils rêvé être avec plusieurs camarades ; il est d'ailleurs possible qu'il y ait eu d'autres mineurs vivants au moment où Mme Berthe parlait, à savoir les quatre mineurs perdus par la troupe des escapés du 30 mars, et peut-être aussi les cinq mineurs dont parle Simon).

Elle a parlé d'un vieillard de 60 ans, (dont les journaux que j'ai lus ne parlent pas).

Elle a parlé, d'après M. Fabius, de chevaux vivants. (On les a trouvés en effet, plusieurs jours plus tard).

2. Malheureusement, les déclarations de la somnambule n'ont été écrites que le lendemain du jour où elle les a faites. L'insuffisance de

notre documentation ôte à cette prédiction beaucoup de la valeur qu'on peut être tenté de lui attribuer.

3. Il faut écrire au furet à mesure de leur production, les prédictions des somnambules, les pressentiments et autres phénomènes du même ordre, même lorsqu'on leur attache, à première vue, peu d'importance. Il faut leur donner une date authentique et irrécusable.

Séance annuelle du Mardi 19 juin 1906.

Présidence de M. Georges Rocher ancien membre du Conseil de l'ordre des Avocats, vice-président de la Société de médecine légale.

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.

M. le Dr Bérillon, secrétaire général, expose la situation morale de la

Société, en voie de progrès constants. M. le Dr Farez, secrétaire général adjoint, rend compte de la situation

financière également des plus satisfaisantes. M. le Président donne lecture de lettres d'excuses de M. le professeur

Beauvisage, de Lyon, du Dr Orlitzky, de Moscou, de M. le Dr Lux médecin principal de l'armée. Des communications sont faites dans l'ordre suivant : Dr Paul Magnin : Rapport médico-légal sur l'exercice illégal de la

médecine par une voyante : Discussion : M. Rocher, Dr Paul Farez, Louis Favre, Dr Bérillon, Dr Félix Regnault, Dr J. Voisin. Dr R. Pamard : Méthode hypno-pédagogique chez les enfants du Patronage

Rollet : Discussion : Drs Jacques Bertillon, Bérillon, M. Rollet, Dr J. Voisin.

Dr Paul Joire [de Lille) : La technique de la suggestion hypnotique à distance.

Dr Witry (de Trèves) : Un nouveau cas de sommeil hystérique : Discussion : Dr Paul Farez.

Dr Bérillon : La kleptomanie, et son traitement par la suggestion hypnotique.

Dr Paul Farez : La psycho-pathologie du vomissement.

La Société délègue le Dr Paul Farez au Congrès des aliénistes et neuro-logistes, à Lille. Le Dr Bérillon est délégué au Congrès de l'Association française à Lyon. Les Drs J. Voisin et Bérillon sont délégués au Congrès international d'assistance aux aliénés, Milan, 26 septembre.

Le président met aux voix les candidatures de M. le Dr Deswarte, médecin de l'asile d'Evreux, Lassus, procureur de la République à Saint-Quentin, Dr Arrivé, licencié-ès-sciences, Dr de Biran, médecin de la maison de santé d'Arcueil, M. Bloud, professeur à la maison correctionnelle, Dr Bailly, de Sens. Elles sont adoptées à l'unanimité.

Intervention de la méthode hypno-pédagogique chez les enfants du Patronage Rollet,

par M. le Dr René Pamabt, professeur à l'Ecole de psychologie.

Le Patronage de l'Enfance et de l'Adolescence, que dirige avec tant de dévouement M. Henri Rollet, s'occupe du sauvetage moral de deux genres de sujets bien distincts.

La première catégorie comprend des enfants ou des jeunes gens non encore pervertis, mais en danger de le devenir ; tels sont ceux dont les parents sont indignes ou ont encouru la déchéance paternelle ; ceux qui sont moralement abandonnés; ceux qui, sans pain ni gite, pourraient être poussés par les mauvais conseils de la misère à sortir du droit chemin.

Dans la seconde catégorie, je placerai les jeunes coupables, ayant encouru condamnation, et confiés au Patronage par les magistrats, en vue de tenter leur redressement moral ; les enfants que leurs parents, découragés par leurs vices, leur mauvaise conduite, leur paresse, amènent à M. Rollet dans le même but ; ceux, en un mot, qu'il s'agit de guérir et non plus seulement de préserver, à qui il faut une thérapeutique active et non plus seulement de l'hygiène.

Il est facile de prévoir, a priori, que les résultats du placement familial et de la protection du Patronage seront bien différents, suivant qu'il s'agira de l'une ou l'autre catégorie. Au mois d'octobre dernier, ici même, M. Rollet me fit l'honneur de me demander ma collaboration médicale, et notamment d'appliquer la méthode hypno-pédagogique aux sujets qui me paraîtraient susceptibles d'en tirer quelque bien. J'apporte aujourd'hui à la société les premiers résultats statistiques de mon intervention.

Laissant ici de côté les cas de médecine ou de chirurgie générales, j'ai eu, depuis ces huit mois, à m'occuper de 24 enfants ou jeunes gens à qui la thérapeutique suggestive pouvait être utile. Ce n'étaient pas, naturellement, les meilleurs sujets de la bande ; la plupart avaient commis des vols, et quelques-uns étaient déjà récidivistes. La tentative n'était que plus intéressante, puisque plus difficile. Sur ce nombre de 24 se trouvait un enfant arriéré, qui a dû être placé dans un établissement spécial. Quatre autres refusèrent de se laisser soigner ; une personne aussi bien intentionnée qu'ignorante leur avait persuadé, chose vraiment incroyable à notre époque et en pleine civilisation, que l'hypnotisme était chose diabolique ! ! Treize autres enfin durent quitter le Patronage pour être placés alors que leur traitement commençait à peine. L'œuvre en effet n'est pas bien riche, et elle supporte de très lourdes charges ; pendant la mauvaise saison, celle où précisément abondent les misères et les attentats contre la propriété, les juges d'instruction envoient presque chaque jour à M. Rollet de nouveaux jeunes coupables;

les places manquent au dortoir, et force est de caser de suite ceux à qui l'on trouve un emploi.

Reste donc 6 cas dont le traitement fut régulièrement suivi. Les voici, rapidement énumérés :

1° F. B..., 14 ans. Plusieurs vols, indiscipline, paresse, colère. Confié au Patronage, à titre d'essai, par le juge d'instruction. Cet enfant était un impulsif; il désirait guérir, ce qui était un élément de succès ; par contre, son intelligence semblait au-dessous de la moyenne, et il présentait des troubles du langage. Son caractère, sous l'influence du traitement, subit une modification des plus heureuses et tout-à-fait frappante ; vers le jour de l'an, il fut, toujours sous condition, renvoyé dans sa famille. Il y a quelques semaines, le maire et le commissaire central de Narbonne délivraient des certificats constatant qu'il n'y avait plus eu de plaintes à son sujet, et qu'il n'y avait pas lieu de nous le renvoyer. Je dois dire que ce résultat me laissait quelque peu sceptique. Voici, en effet, un enfant qui se trouvait, tout traitement cessé, replacé exactement dans le milieu où il avait commis la première faute. Les mêmes causes, chez cet impulsif, n'allaient-elles pas, à un moment donné, à mesure que mes suggestions s'effaceraient de cet esprit, reproduire les mêmes effets ? C'était à prévoir, et cela no manqua pas. Après une conduite exemplaire de 5 mois, F..., dont nous avons eu des nouvelles ces tout derniers jours, a recommencé à dérober des bicyclettes pour s'en amuser et les abandonner ensuite sur le chemin.

2° R. C..., 15 ans. Très intelligent, mais absolument sans culture, ne sachant ni lire ni écrire, très suggestible. Avait été arrêté pour avoir volé des pommes dans un verger. Le traitement cessa un peu trop tôt à mon gré. Néanmoins, j'eus le temps de développer chez ce jeune garçon l'horreur du vol, le goût du travail et le désir de s'instruire. Ses patrons actuels en sont pleinement satisfaits.

3° L. G..., 17 ans. A volé 140 fr. chez un fermier, qui avait eu l'imprudence de montrer un tas de pièces d'or à ce miséreux. Très suggestible, il avait été positivement fasciné par le métal éminemment tentateur. Coût : six mois de prison avec sursis. Il paraît être complètement rentré dans la bonne voie, et son patron envoyait, il y a quelques semaines, une lettre de quatre pages d'éloges sur son compte.

4° L. J..., 18 ans. Plusieurs vols à son actif. Garçon intelligent, mais déjà endurci et n'ayant pas le désir de guérir. Se trouvant mieux au Patronage qu'en prison, il joue la comédie du repentir afin de bénéficier le plus longtemps possible de ses avantages. Il proclamait d'ailleurs ses bonnes intentions d'une façon beaucoup trop déclamatoire et théâtrale pour être sincère. A la clinique, je le pris plusieurs fois en flagrant délit de simulation du sommeil. Ce fut un insuccès complet ; les vols recommencèrent dès qu'il quita le Patronage.

5° J. L..., 11 ans, somnambule. La guérison fut des plus rapides.

Enfin 6° D. L..., 15 ans. Paresseux, coléreux, kleptomane, fumeur enragé, onychophage, très intelligent, très suggestible, a été rapide-

ment guéri, et les parents nous ont confirmé par une lettre toute récente le maintien de cette guérison.

Je puis joindre à cette statistique un 7° cas, qui me fut indiqué par M. Rollet. Jeune homme de 17 ans, coléreux, paresseux, onychophage, onaniste. Avait fui par deux fois la maison paternelle pour suivre des individus dont la moralité spéciale n'a pas besoin d'être autrement précisée. Il était alors incarcéré à la Petite Roquette, sous le régime de la correction paternelle. C'est là que, grâce à l'entremise de M. Rollet, je pus le voir pour la première fois. Il fut, sur mon conseil, repris par les siens, et, au bout d'un mois et demi de traitement, rendu à la vie courante. Sa guérison a été complète, et dernièrement je recevais une lettre de sa mère, me disant que son garçon était devenu le modèle des fils.

En somme, sur 7 cas, j'ai obtenu 5 succès complets, qui se sont maintenus; I succès relatif en ce sens qu'il y a eu rechute après 5 mois de séjour dans l'ancien milieu ; enfin 1 échec qui parait en rapport avec l'absence de tout désir de guérison. C'est une proportion encourageante; il y a lieu de continuer dans la même voie, et j'espère, l'année prochaine, vous présenter une statistique aussi favorable portant sur des cas plus nombreux.

Discussion

M. Jacques Bertillon. — Je regrette que M. Pamart n'ait point donné plus de détails sur le nombre et la durée des séances, la technique employée, les suggestions faites, etc.

M. Bérillon. — Il ne s'agit ici que de statistique. On ne peut à propos de chaque cas rapporté ici, répéter un enseignement qui a déjà été fait un nombre considérable de fois et qu'il convient de considérer comme suffisamment vulgarisé. La méthode qui permet d'arriver à des résultats positifs est celle que nous vous avons proposée et progressivement perfectionnée. Nous lui avons donné le nom de méthode hypno-pédagogique afin de bien marquer que la production de l'état d'hypnotisme est la condition fondamentale de son succès.

M. Rollet. — Tels qu'ils sont, les résultats obtenus par M. Pamart sont très encourageants et je le prie de bien vouloir continuer dans cette voie qui s'annonce comme devant être socialement très fructueuse.

M. Jules Voisin. — Elle sera d'autant plus féconde qu'on agira sur des sujets plus intelligents et. par conséquent, plus aptes à profiler de la méthode.

Un cas de sommeil hystérique,

par M. le Docteur Witry, de Trèves-sur-Moselle.

Margarethe K... (1) est née à Hülsweiller-lez-Saarlouis, le 23 janvier 1889. Le père, mineur, est d'une santé robuste. La mère est hystérique.

(1) Je dois les renseignements essentiels de cette observation au directeur Buddeberg de l'asile de Mezig-s/-Sarre et au docteur Kunschert, de Wiesbaden, auxquels j'adresse mes vifs remerciements.

Un frère se porte bien. Jusqu'en 1900 l'enfant se développe d'une façon normale. Elle n'est pas encore réglée. Le 13 août 1900, elle tombe malade et présente les symptômes d'une gastrite aigüe avec de fortes douleurs de tête. Peu de fièvre.

Deux semaines plus tard, elle a des convulsions, pousse des cris et perd, par moments, connaissance. En même temps elle devient entêtée et bizarre. Le pouls est à 65. La malade empire d'une façon telle qu'on lui administre les sacrements des mourants à la fin de septembre.

Les conseils du médecin ne sont pas suivis par ta famille. Le 3 octobre 1900, la petite malade s'endort profondément. Elle reste couchée, immobile, dans son lit, la bouche fermée par un trismus. Les paupières seules clignotent continuellement en tremblements fibrillaires. Elle urine au lit. Les selles ne surviennent qu'à la suite de lavements. La nutrition a lieu par lavements alimentaires. L'anesthésie et l'analgésie sont complètes.

Comme la malade provoque la curiosité de toute la contrée, elle est examinée par une commission médicale qui conclut à un sommeil hystérique et fait transporter, le 18 juillet 1901, la malade dans l'asile de Mézig pour la soustraire à l'influence de la mère qui est une hystérique.

Elle présenté à son entrée l'état suivant : Enfant d'une apparence gracile ; peau douce et floue ; pommettes rouges ; les dents .sont serrées fortement les unes contre les autres, il est impossible de les desserrer, quoique les muscles ne montrent aucune rigidité ; crâne brachycé-phale, sans asymétrie ; pas de signes de dégénérescence. Les yeux sont fermés ; clignotements des paupières. En ouvrant les paupières on provoque une forte sécrétion de larmes. Réaction prompte des pupilles. Chevelure longue et abondante. Le cœur et les poumons sont normaux. Pouls 115. Température 36, 5°. La malade est couchée immobile et parait sans connaissance. Tous les muscles sont mous et flasques, nulle part tendus, dermographie. Le ventre est légèrement rentré. Les paumes des mains, les plantes des pieds et le creux des aisselles sont humides. Le reste de la peau est sec. Anesthésie et analgésie complètes de la peau. Les réflexes patellaires peuvent être provoqués de temps en temps. A la partie gauche du cou un lymphôme de la grosseur d'une noix.

Alitée. Nutrition par la sonde. Surveillance continue.

Le 20 juillet elle fait le premier mouvement en portant la main à la bouche. Le 21, elle se couche sur le côté droit. Le 26, elle a une crise hystérique de cinq minutes ; elle frappe le lit de ses poings et de ses jambes raidies. Nouvelles courtes crises le 27 juillet et le 5 août. Le 6 août on remarque que les globes oculaires se meuvent horizontalement. Lorsqu'on lui introduit la sonde, elle a le visage couvert de petites taches empourprées qui disparaissent tout de suite. La peau est à présent partout humide, le teint très pâle. Les réflexes plantaires manquent Des courants électriques très forts ne provoquent aucune réaction. Dans

les derniers huit jours (nous sommes le 12 août) la malade a maigri de 2 kilos. Le jour, la respiration est superficielle, presque imperceptible, la nuit elle est profonde et énergique. Les clignotements des paupières cessent maintenant la nuit. Fendant la nuit, la malade change de position dans le lit, croise les bras sous la tète, gratte des pieds contre le lit. En faisant entrer la sonde, on provoque maintenant quelques mouvements de déglutition. Dans la journée la malade reste immobile comme toujours, les yeux clos, la bouche fermée. Le 15 août, elle ouvre la première fois la bouche pendant la nuit. Crise hystérique le 18 août.

Les premiers jours de septembre elle ouvre pour quelques moments les yeux et sourit à sa voisine. Les clignotements cessent pendant la nutrition avec la sonde. Cet état dure jusqu'à décembre.

A la mi-décembre elle commence à réagir plus vivement. Elle sourit quand on l'appelle, ouvre la bouche et les yeux quelques secondes quand on le lui demande.

La surveillante lui conseille de manger d'elle-même pour Noël. Elle approuve de la tète. Le 17, elle prend pour la première fois tous les repas avec la cuillère ; les yeux sont ouverts, tranquilles. Elle sourit au médecin et lui tend la main. Elle promet à la gardienne de parler demain ; elle sait se tenir debout pour quelques moments, mais ne sait pas marcher. Sur un bout de papier elle écrit son nom et sa date de naissance.

Elle parle, le 20 décembre, pour la première fois, avec la surveillante mais déclare que cela lui est encore impossible en présence du médecin ; elle promet de parler après demain avec le médecin. Mange et dort bien. Ne sait pas encore marcher.

Le 27 décembre, elle marche au bras de la surveillante en traînant un peu la jambe droite. La marche est un peu spastique. Elle écrit à sa mère qu'elle est guérie.

Au commencement de janvier 1902 elle marche seule.

La petite malade raconte, le 13 janvier, au médecin: « Je me suis sentie malade le 13 août 1900 ; je n'ai pas eu d'appétit ; j'ai eu des douleurs de tête et du mal de ventre. Les douleurs augmentaient les jours suivants. Je n'ai rien voulu savoir du docteur parce que j'avais peur de lui. Il est tout de même venu. Je sais encore que j'ai reçu les sacrements ; mais depuis lors je ne sais plus rien du tout. Ici je me suis éveillée au commencement de décembre.

D'abord j'ai commencé à entendre mon entourage; alors j'ai remarqué que j'étais parmi des étrangers, mais aussi que l'on était bon pour moi. Après j'ai commencé à voir de nouveau et à la fin j'ai senti aussi de nouveau. Je ne sais pas qu'on m'a électrisée ».

La petite Marguerite est toujours de bonne humeur, très sociable et aimable.

Elle aide un peu dans la maison.

Poids : 38 kilos.

Elle rentre chez elle guérie le 8 février.

Depuis lors elle a été réglée sans accident aucun; elle se porte bien et vit dans la maison de ses parents.

Discussion

M. Paul Farez. — De cette observation ressortent plusieurs points intéressants. D'abord le sommeil, au lieu de s'installer d'emblée, a été précédé et préparé par divers troubles somatiques et psychiques, ce qui est le cas le plus fréquent. Mais, contrairement à ce qu'on enseigne, la résolution musculaire a été presque générale, comme par exemple, chez Gésine et chez Argentina. En outre, le réveil n'est pas survenu brusquement ; la restauration des diverses fonctions a été lente, progressive et successive, comme chez Argentina; le retour à la pleine conscience totale a même, ici, nécessité six mois. Enfin, dès le surlendemain du transport dans un asile, commencèrent à se manifester les divers signes prémonitoires du réveil ; c'est un nouvel argument propre à nous faire regretter que Marguerite B. (de Thénelles) soit demeurée vingt ans endormie à côté des siens, sans qu'aucune autorité soit intervenue pour provoquer son transfert dans un milieu approprié.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 16 octobre à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le Dr Jul?s Voisin, médecin de la Salpêtrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Dr Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications déjà inscrites :

Dr C. Hahn : Les illusions de la thérapeutique. Étude psychologique sur le traitement de l'incontinence d'urine essentielle.

Dr Jules Voisin : Sitiophobie traitée avec succès par la suggestion hypnotique.

Dr Bérillon : Le rôle pathogénique de la timidité dans les psychonévroses ;

Dr Binet-Sanglé : Lois des secousses et paralysies : Théorie des neurodiélectriques.

M. Baguer, directeur de l'Institut départemental des sourds-muets :

Les enfants anormaux et le Ministère de l'Instruction publique. MM. Groult et Lépinay, médecins vétérinaires: Les tics chez les animaux.

Empirisme et remèdes populaires.

Dans une excellente thèse soutenue à la Faculté de Paris, le Dr A. Lebrun vient d'exprimer des idées qui nous paraissent mériter d'être rapportées: Il ne faut, dit-il, pas attribuer au terme « empirisme » une signification charlatanesque et mystérieuse, que ne comportent ni son étymologie, ni son histoire. L'empirisme est la médecine basée sur l'expérience, c'est-à-dire une doctrine imparfaite, il est vrai, insuffisamment approfondie, mais logique cependant, et jusqu'à un certain point rationnelle. Ne compte-t-elle point, d'ailleurs, parmi ses adeptes un grand nombre de ces médecins éminents dont la réputation, franchissant les siècles, est venue jusqu'à nous?

La pathologie populaire nous offre en certains points des aperçus excellents, que la science moderne est venue confirmer, et dont, dans une certaine mesure, elle n'est pas sans avoir profité. Parmi les remèdes populaires, il y a également d'excellentes choses, qu'il serait insensé de méconnaître de parti pris, sous prétexte qu'on ignore comment ils agissent, pourquoi ils agissent. Malheureusement, administrés par des gens inexpérimentés, ils risquent souvent d'être sans action : dans les affections, par exemple, où ils ne sont nullement indiqués, et où leur emploi n'est dû qu'à une fausse interprétation des phénomènes, à un diagnostic erroné.

Reproche plus grave, ils risquent aussi d'être nuisibles, dangereux, soit qu'on les administre dans des circonstances où ils sont formellement contre-indiqués, soit également que leur usage retarde ou empêche l'application du seul remède efficace causant ainsi au malade une perte de temps souvent irréparable. Et que dire des cas où le remède est pire que le mal ? Aussi l'auteur ne saurait mieux conclure que par ces éloquentes paroles empruntées à Trousseau, et par lesquelles il terminait ses conférences sur l'empirisme : « Vous trouvant, Messieurs, à bord d'un navire en péril sur une côte hérissée de récifs et battue par des vents impétueux, vous n'iriez pas chercher un passager obscur au fond de la cale pour tenir la barre du gouvernail ou commander la manœuvre ; vous resteriez silencieux, et personne de vous ne s'aviserait de prendre le porte-voix du capitaine pour dominer les cris de la tempête: vous comprendriez qu'il y a là quelqu'un qui sait mieux son métier, et que c'est à lui que vous devez confier le salut de l'équipage...

« Si donc vous êtes malade, appelez un médecin qui exerce honnêtement son métier, qui a étudié, et, s'il n'a pas le bonheur de vous guérir, du moins lui sera-t-il donné de vous consoler. »

L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.

Paris, Imp. a. Quelquejeu, rue Gerbert, 10.

REVUE DE L'HYPNOTISME

expérimetal-et thérapeutique

21- Année. — ? 4. Octobre 1906.

BULLETIN

Le nouveau certificat d'études médicales supérieures.

Comme si le mandarinat médical ne comportait pas assez de concours et d'examens, dont la plupart sont absolument inutiles, le ministre de l'Instruction publique, sur la proposition de conseillers mal inspirés, vient de créer un nouveau diplôme de médecine. On lui a accolé l'épi— thète de supérieur, pour indiquer sans doute que les autres ne sont que de qualité inférieure.

Des hommes, qui sont l'honneur de la presse médicale française, comme MM. Lucas-Championnière, Huchard, Variot se sont prononcés formellement contre ce certificat d'études supérieures, montrant qu'il n'aurait que des inconvénients, sans aucun avantage.

Ce nouveau diplôme, créant deux catégories de médecins, tend au rétablissement des officiers de santé, qu'on a supprimés aux applaudissements de tous.

Un professeur de la Faculté de médecine prétend qu'avec ce nouveau diplôme, il n'y aurait plus de mauvais agrégés, c'est-à-dire de mauvais professeurs. S'il y a de mauvais agrégés, si le niveau général de la Faculté de Paris s'affaisse, comme le dit justement le Dr Variot, dans la Clinique infantile, ce n'est pas à cause des règlements actuels, c'est parce que le favoritisme sévit furieusement dans les concours de médecins. En 1895, le Dr Bérillon, dans une brochure intitulée Le concours de l'agrégation en médecine et son remplacement par l'institution de privat-docent, indiquait le remède à la situation. Beaucoup de félicitations lui ont été adressées par les hommes les mieux placés pour avoir une opinion juste sur la question. Mais les choses en sont restées au point où elles étaient. Une réédition de cette intéressante brochure, dans les circonstances actuelles, présenterait un réel intérêt. Sa lecture pourrait décider le ministre à rapporter son arrêté et à le remplacer par un nouveau abolissant purement et simplement le concours de l'agrégation. Dès le lendemain, une pléiade de privat-docent surgirait et fournirait une pépinière de chercheurs, de savants et d'hommes éloquents,

parmi lesquels se recruteraient facilement les professeurs. Hors de cette décision, il n'y aura jamais que routine, confusion et abaissement du niveau de l'enseignement dans nos Facultés de médecine.

Le Banquet en l'honneur du Dr Bérillon

(Suite).

Discours de M. le docteur Huchard.

médecin de l'hôpital Necker, membre de l'Académie de Médecine.

M. Bienvenu-Martin, ancien ministre de l'Instruction publique et président de ce banquet, me prend un peu au dépourvu en me donnant la parole à laquelle j'avais renonce parce que je craignais, après tant d'orateurs éloquents, de traduire insuffisamment vos sentiments, mais, il a pensé que j'avais quelque chose à dire, parce qu'il s'est sans doute rappelé que j'ai été un de ceux qui ont été spontanément le solliciter pour obtenir de lui une récompense attendue de tous.

Puisque je n'ai pas préparé mon toast, je n'aurai qu'à rappeler ce que je disais, il y a quelques semaines, à la séance annuelle de la Société d'hypnologie et de psychologie que j'avais le grand honneur de présider.

L'homme que vous avez devant vous, le chevalier sans peur ni reproche, auquel le gouvernement vient de rendre tardivement pleine et entière justice, a accompli depuis de longues années, une œuvre considérable. En 1886, il a fondé la Revue de l'Hypnotisme et de la psychologie; il a organisé les congrès internationaux de l'hypnotisme en 1889 et en 1900 ; il a fondé et organisé l'Ecole, puis la Société d'hypnologie, il fait des cours libres depuis 1888 à l'Ecole pratique de la Faculté de Médecine ; depuis longtemps, médecin-inspecteur des asiles publics d'aliénés, il a créé un dispensaire neurologique et pédagogique, et il a voulu appliquer la méthode hypno-pédagogique permettant de former les éléments de la volonté et du caractère, non seulement chez les enfants, mais encore chez les grandes personnes. Voilà un professeur d'hypnotisme qui ne sait pas, qui ne veut pas s'endormir, et qui ne parvient à endormir aucun de ses auditeurs pendant ses cours !... Et il ne s'endormira pas de sitôt, parce qu'il a entrepris l'éducation du caractère, travail colossal dans les temps où nous vivons, et travail d autant plus difficile qu'il y a tant de gens sans caractère !...

Voilà, mon cher Bérillon, ce que vous avez fait et voulez toujours faire. Votre œuvre est belle et grande, et nos félicitations sincères passent au-dessus de votre tête, elles vont au gouvernement, et surtout à M. Bienvenu-Martin qui a su récompenser en vous le mérite, le travail et le dévouement.

Je bois à la santé de l'ami qui a été décoré, à la santé du Ministre qui a décoré ! (Applaudissements prolongés.)

Discours de M. Bienvenu-Martin,

sénateur de l'Yonne ancien ministre de l'Instruction publique

Mesdames, Messieurs,

Je remercie très vivement les organisateurs de ce banquet de l'attention délicate qu'ils ont eue lorsqu'ils m'en ont offert la présidence ; je leur suis reconnaissant de s'être rappelé que c'est moi qui avais pris l'initiative de la récompense accordée au docteur Bérillon. Je me félicite d'être venu au milieu de vous, parce que je vois dans votre présence, à côté de l'hommage rendu au savant et à l'ami que nous fêtons ce soir, l'éclatante justification de la distinction qu'il a reçue. Je crois même que la ratification que vous lui donnez ce soir a beaucoup plus de prix à ses yeux que la récompense elle-même. Si le Journal officiel a été pour lui d'une lecture agréable un certain jour, vos cœurs à tous lui parlent en ce moment un langage plus touchant, plus amical et plus doux. (Applaudissements.)

On peut dire que, si la décoration du docteur Bérillon a été considérée comme un acte de justice, de tardive justice par un petit nombre d'hommes d'élite et de savants illustres qui connaissaient les titres de notre ami et les ont fait valoir, elle reçoit aujourd'hui la consécration de tous ceux qui ont pu le suivre dans sa longue et féconde carrière. (Vifs applaudissements.)

En proposant le docteur Bérillon pour la croix, j'ai tenu non seulement à honorer ses nombreux et très beaux travaux, mais à montrer que l'enseignement libre, les recherches libres devaient avoir leur part des récompenses nationales. (Applaudissements.)

Sans doute, nous avons, dans nos établissements d'enseignement supérieur, des savants qui sont la gloire de ce pays, mais en dehors des chaires et des laboratoires officiels, il y a des hommes de haute intelligence qui cherchent, eux aussi, la vérité avec amour, avec ténacité, avec succès. Ces savants qui ont été à la peine ont bien le droit d'être à l'honneur. Voilà pourquoi le nom de Bérillon devait figurer parmi ceux auxquels la République doit un témoignage officiel de sa gratitude. (Applaudissements.)

Je ne vous exposerai pas — je n'aurai pas cette folle témérité — les mérites scientifiques du docteur Bérillon. Cette tâche a été remplie par des orateurs plus compétents que moi. Je tiens simplement à rendre hommage à mon tour à ses qualités d'observation, à sa sagacité, à sa finesse d'analyse, à sa profonde psychologie, et surtout à son indépendance d'esprit. C'est là, je crois, sa qualité dominante. Ce n'est pas pour lui que le « magister dixit » a été fait. Il ne s'est jamais incliné devant la parole du maître ; il ne s'est pas révolté contre elle de parti pris, j'en suis sûr ; mais il ne l'a jamais acceptée que sous bénéfice d'inventaire. C'est un esprit ferme, indépendant dans toute la force du terme ; et, si j'insiste sur cette qualité, c'est que j'y vois non seulement

la trace de l'éducation paternelle, qu'on a si justement rappelée tout à l'heure, mais aussi l'influence du terroir. Je ne puis pas oublier —c'est une pointe de vanité que vous me pardonnerez — que Bérillon et moi nous sommes nés sur le même sol, que nous sommes tous deux enfants de cette terre de Bourgogne, qui produit des hommes fiers, au franc parler et à l'intelligence libre. (Vifs applaudissements.)

Je suis sûr que le banquet de ce soir trouvera un écho dans le département de l'Yonne, où le docteur Bérillon compte autant d'admirateurs que d'amis — et ils sont nombreux. Oui, Bérillon méritait pleinement la haute distinction qu'il a reçue ; et j'ai été particulièrement heureux que les circonstances me permissent de la lui donner, en collaboration avec mon honorable successeur. La croix de Bérillon, en effet, est l'œuvre de deux ministres. J'avais quitté le ministère lorsque le décret qui nommait le docteur Bérillon chevalier de la Légion d'honneur est revenu approuvé par la chancellerie et c'est M. Briand qui y a apposé sa signature. Je suis reconnaissant à mon successeur d'avoir bien voulu sanctionner mon initiative.

Cette ratification honore M. Briand, comme la proposition que j'avais faite — si ce langage n'est pas trop prétentieux — m'honore un peu moi-même. C'est toujours un honneur que d'accomplir un acte de justice. (Applaudissements.)

Dans un traité Célèbre que j'ai lu il y a bien longtemps, Cabanis a exposé les rapports du physique et du moral ; s'il revenait sur cette terre il trouverait que le docteur Bérillon a découvert des rapports nouveaux et féconds entre le moral et le physique. Les voies que notre ami à ouvertes à la science seront suivies par d'autres, je l'espère, avec le même succès.

Votre joie est grande ce soir, mon cher compatriote et ami ; je suis sûr qu'il s'y mêle une pointe de mélancolie. Il y a un absent à cette fête; c'est votre père, que j'ai vu à l'œuvre et suivi dans la dernière partie de sa vie et dont j'ai admiré la vaillance et le dévouement. Il a contribué beaucoup à vous former et il est mort, hélas ! avant de voir le plein épanouissement de votre talent. Il n'est que juste d'évoquer ici sa mémoire. (Applaudissements.)

Mesdames et Messieurs, je porte à mon tour un toast à notre ami Bérillon. On dit de lui que c'est un maitre distingué et très estimé. Moi qui le connais depuis plus de vingt ans, je puis ajouter qu'il sert la cause démocratique avec le même amour, avec le môme dévouement tenace, avec la même intelligence clairvoyante et ferme qu'il sert la science française, (Applaudissements prolongés et répétés.)

Discours du Dr Bérillon.

Mes chers Amis,

Sachant que j'aurais ce soir à m'acquitter d'une large dette d'affection et de reconnaissance, j'avais eu l'idée de préparer un discours. Puis

j'ai pensé que !es mots viendraient d'eux-mêmes pour exprimer les sentiments dont mon cœur est rempli.

C'est avec trop de bienveillance que tous, amis de la première heure, collaborateurs dévoués ou maîtres auxquels je dois le meilleur de moi-même, vous avez parlé de mes mérites. Vous les avez exagérés. Sans vous en douter, vous agissiez sous l'influence d'une suggestion collective, cédant à cet entraînement qui résulte du groupement des sympathies.

De vos éloges, je ne veux retenir que l'encouragement à persévérer dans la lutte que je n'ai cessé de soutenir en faveur des idées scientifiques et philosophiques qui nous sont communes.

En réalité, j'ai été favorisé par les circonstances. La réalisation de ce que j'avais longuement et ardemment désiré est toujours survenue au moment même où j'aurais eu quelque raison de douter du succès.

Alors que tant d'autres se plaignent de n'avoir rencontré que des jaloux, des adversaires de mauvaise foi et des contradicteurs de parti-pris, je n'ai eu qu'à me louer de la bienveillance du plus grand nombre.

Dans tout le cours de ma carrière, bien que je me sois aventuré sur des terrains plutôt périlleux, j'ai constamment été soutenu par l'approbation et le concours des hommes du plus haut mérite. Il est vrai qu'une aversion instinctive m'a toujours éloigné des esprits rétrogrades et routiniers. Par contre, je me sentais invinciblement attiré vers les savants dont l'originalité scientifique constituait à mes yeux un gage de puissante valeur intellectuelle et de réel amour du progrès. C'est peut-être là qu'il faut chercher l'explication de la faveur constante avec laquelle ils ont encouragé mes efforts.

De très bonne heure, une vocation irrésistible m'entraîna vers les études médicales. Je n'en veux pour preuve que le fait d'avoir dans mes années de seconde et de rhétorique au collège d'Auxerre, consacré mes promenades du dimanche à la confection d'un herbier très complet de plantes médicinales du département de l'Yonne.

A cela rien d'étonnant : dans ma propre famille, mon imagination d'enfant avait été profondément impressionnée par l'exemple d'existences consacrées, avec un dévouement sans égal, à la pratique de l'art médical.

Lorsqu'au commencement du mois d'octobre 1877, j'arrivai à Paris pour prendre ma première inscription de médecine, j'étais dans une situation extrêmement modeste, mes ressources financières suffisaient à peine pour assurer mon existence pendant un mois. Le problème consistait à profiter de ce délai pour trouver une situation qui me permit de pourvoir à mes besoins tout en me laissant le temps nécessaire pour suivre l'enseignement de la Faculté.

Sans perdre une heure, je me rendis dans un certain nombre d'établissements universitaires où je posai ma candidature à l'emploi de répétiteur.

Le collège Chaptal me tentait particulièrement. Il avait la réputation,

non usurpée, de faciliter aux jeunes gens sérieux l'accomplissement de leurs études. Je m'y présentai en vain à plusieurs reprises. « Notre personnel est au complet », telle était la formule décourageante par laquelle on m'accueillait invariablement.

A peine âgé de dix-huit ans, de taille exigue, imberbe, je ne payais vraiment pas de mine ! Je me rendais compte que les proviseurs, mis en défiance par mon apparence délicate, doutaient de mes aptitudes à assurer la discipline.

La veille du jour où, mes ressources étant épuisées, j'allais reprendre l'oreille basse le chemin de ma province, je tentai une suprême démarche. Cette fois, j'obtins d'être reçu par le préfet général des études. Sous des dehors sévères, M. Boucher cachait une âme bienveillante. Touché sans doute de l'insistance avec laquelle je sollicitais te modeste emploi qui devait combler mes vœux, il prit la peine daller s'enquérir lui-même si quelque vacance n'était pas imminente. A son retour, il me dit : « Vous avez de la chance. Il y a précisément dans la cour une section d'élèves qui ne peut rentrer en étude, le répétiteur faisant défaut. Je vous offre le poste, mais à la condition que vous l'occupiez immédiatement. »

Deux minutes après, installé dans ma chaire, dominant le tumulte d'une troupe turbulente d'élèves, dont la plupart étaient d'une taille plus élevée que la mienne, j'assurais mon autorité par une large distribution de pensums. Si cet heureux événement n'était pas survenu ce jour-là, c'en était fait de mon rêve d'avenir; et je ne serais pas ici ce soir.

Le collège Chaptal me fut très hospitalier. Pendant les quatre ans que j'y passai, il me fut possible de prendre mes seize inscriptions de médecine. Obéissant à l'inclination naturelle de mon esprit, je profitais des loisirs que me laissait la durée des classes pour suivre les services des hôpitaux où l'on s'occupait de questions de pathologie nerveuse et mentale, et surtout de psychologie médicale.

Je fus assidu aux cours de la Salpêtrière, où Charcot étudiait l'hypnotisme dans ses rapports avec la grande hystérie. A Saint-Antoine, je fus vivement intéressé par les curieuses expériences de Mesnet, qui plaçait des hommes vigoureux dans l'état de fascination et les transformait en véritables automates. Le Dr Auguste Voisin voulut bien m'admettre, dans son service de la Salpêtrière, aux séances où il s'efforçait d'étendre au traitement des aliénés les bienfaits de la psychothérapie. A la Pitié, élève attentif de Lasègue, j'ai entendu ses éloquentes leçons sur le braidisme, la catalepsie, le sommeil. Aucune expression ne saurait rendre la puissance de pénétration avec laquelle ce médecin, éminemment psychologue, faisait passer ses convictions dans l'esprit de ses auditeurs. Il a certainement contribué à affermir en moi cette opinion qu'un médecin ne peut remplir qu'une partie de sa mission sociale, s'il n'est doublé d'un psychologue.

C'était l'époque où Dumontpallier, poursuivait avec ardeur, en collaboration avec Paul Magnin, ses recherches sur le rôle que jouent les

agents physiques dans la production des phénomènes de l'hypnotisme. Les expériences qu'il avait instituées à la Pitié ne pouvaient me laisser indifférent. J'en devins le spectateur assidu. C'est au cours d'une de ses démonstrations que se réalisa l'événement auquel mon vieil ami, Paul Magnin, faisait allusion tout à l'heure et qui marque une date si décisive dans ma destinée.

Un matin, après avoir provoqué chez une hystérique hypnotisée des phénomènes d'anesthésie et de contracture assez surprenants, Dumont-pallier m'adressa pour la première fois la parole et me dit : « Monsieur, vous avez suivi mes expériences avec une attention et une persévérance qui m'ont frappé. Assurément vous vous êtes fait une opinion sur leur valeur scientifique. Renseignez-moi à ce sujet en témoin impartial, et ne craignez pas de me dire la vérité. Je vous serai reconnaissant de vous exprimer en toute franchise. Demain j'enverrai prendre chez vous le jugement que vous aurez porté sur ma personne, sur mes opinions et sur mes expériences ».

Je m'étais si bien pénétré des faits auxquels j'avais assisté que, sans une minute d'hésitation, je me mis à l'œuvre et rédigeai un mémoire dans lequel les expériences étaient passées au crible de la critique la plus serrée. Je divisai mon travail en deux parties : Dans la première, je rangeai les faits nettement établis et capables d'affronter le contrôle le plus rigoureux ; dans la seconde je fis, sans ambages, l'exposé des objections qui s'imposaient à mon esprit.

Si les poètes et les artistes sont particulièrement sensibles à la critique, « genus irritabile vatum », a dit Horace, les hommes de science n'échappent pas à cette disposition d'esprit. Il en est dont la susceptibilité s'exaspère devant la moindre contradiction et qui vous en gardent une rancune profonde. Ne connaissant pas personnellement Dumont-pallier, je n'étais pas sans inquiétude sur les conséquences de mon équipée.

Dans le doute, je m'abstins de reparaître à l'hôpital. Deux jours après, un mot laconique m'invitait à m'y présenter. Dès qu'il m'aperçut, Dumontpallier me tendit la main : « Voilà donc le critique sévère qui ne mâche pas aux gens leurs vérités ! Eh bien ! cela ne me déplaît pas. J'aime la sincérité, et si vous le voulez bien, vous allez vous associer à mes travaux, car je suis convaincu que nous ferons de bonne besogne ».

La veille, j'étais un étudiant obscur; le lendemain, un homme de grand caractère mettait à mon service les instruments de travail les plus rares et les plus précieux. De ma collaboration avec Dumontpallier et Paul Magnin est née l'Ecole d'hypnologie qui a eu son heure de célébrité sous le nom d'école de la Pitié. Les travaux de cette école furent publiés, de 1882 à 1887 dans les comptes rendus de la Société de biologie. Ils ont fait également l'objet de deux thèses soutenues à la faculté de Paris, l'une par Paul Magnin, sous le titre : Etude clinique et expérimentale de l'hypnotisme. Les excitations périphériques chez es hystèro-épileptiques à l'état de veille et d'hypnotisme ; l'autre par moi sous ce titre : L'indépendance fonctionnelle des deux hémisphères cérébraux.

Pendant quelque temps, les expériences de Dumontpallier et de ses élèves passionnèrent le monde scientifique. Les représentants les plus autorisés de l'Académie des Sciences leur prodiguèrent les encouragements. Pasteur, Chevreul, Jamin, Milne-Edwards, Faye, Paul Bert, Brown-Séquard, Henri Bouley et beaucoup d'autres vinrent dans le service de Dumontpallier suivre ses démonstrations expérimentales et apporter à ses recherches l'appui de leur autorité scientifique.

L'amitié de Dumontpallier fut pour moi tutélaire. Les exemples de cet homme si grand par le caractère, par la volonté et par la bonté ne pouvaient manquer d'exercer sur ses élèves une influence pénétrante; aussi Paul Magnin et moi, tous deux également fidèles à sa mémoire, nous n'avons pas failli à l'honneur de continuer son œuvre, en nous appliquant à le faire avec la même indépendance d'esprit et le même souci de la probité scientifique. (Applaudissements.)

Comme je vous l'ai dit, mon séjour au collège Chaptal m'avait permis de prendre toutes mes inscriptions, mais les fonctions de répétiteur constituaient des conditions peu favorables pour la préparation aux examens du doctorat. Sur ces entrefaites, des bourses d'études furent créées au Muséum. Dumontpallier me conseilla d'en demander une et mit tout en œuvre pour me la faire obtenir. Par ses démarches, il me concilia l'appui des professeurs du Muséum et en particulier celui d'Henry Bouley à la mémoire duquel j'adresse ici un hommage ému et reconnaissant.

Noblesse de sentiments, amour passionné des études positives et utiles, dévouement sans bornes à la patrie et à la chose publique, et surtout goût éclairé de la science et des méthodes qui conduisent aux grandes découvertes, Henri Bouley réunissait tous ces dons de l'intelligence et du caractère. On eût dit qu'à sa naissance une fée bienveillante l'avait doué de toutes les qualités qui inspirent à la fois le respect, l'affection et l'admiration. Magnin et moi, nous éprouvions ces sentiments pour ce maître éminent, et le jour où il nous fit l'honneur de nous choisir, parmi les boursiers du Muséum d'histoire naturelle, pour remplir auprès de lui les fonctions de secrétaire et de préparateur de son cours, fut un des plus beaux de notre existence.

Quelle fête c'était d'assister à ses admirables leçons sur le Progrès en médecine par l'expérimention, où il nous initiait à la pratique de la méthode expérimentale ; et après la leçon, quelles affectueuses causeries longtemps prolongées sous les arbres centenaires du Jardin des Plantes!

Ce fut au cours d'un de ces entretiens qu'il nous donna le conseil formel d'orienter notre carrière scientifique vers l'étude de l'hypnotisme et vers celle de la psychothérapie, sciences dont il pressentait les importantes et multiples applications.

A ses yeux, ces sciences présentaient un intérêt au moins égal à celui de la bactériologie et il prévoyait qu'un jour viendrait où beaucoup de médecins regretteraient de les avoir dédaignées.

Paul Bert, qui était député de l'Yonne et ami personnel de mon père,

m'avait fait, dès mon arrivée à Paris, l'accueil le plus encourageant. Il ne me rencontrait jamais sans m'adresser de ces paroles bienveillantes qui rassurent et réconfortent les plus timides. Les études sur l'hypnotisme l'intéressaient passionnément. Les expériences dans lesquelles nous avions provoqué chez des sujets hypnotisés des phénomènes de dualité cérébrale provoquèrent de sa part, à la Société de biologie, les appréciations les plus flatteuses.

Lorsque j'allai lui annoncer que j'étais admis au nombre des boursiers du Muséum, il m'en félicita en termes très affectueux. Je les emprunte au volume ayant pour litre: l'Œuvre scientifique de Paul Bert, que j'ai publié en 1887, et auquel mon maître Gréhant faisait allusion il y a un instant : « Vous voulez vous consacrer à la science, me dit-il, je vous en félicite. La science récompense toujours ceux qui se mettent à son service, et elle ne leur donne jamais de déceptions aussi cruelles que la politique. » Et séance tenante, pour me faciliter l'entrée des laboratoires, il m'offrit sept lettres de recommandation.

Les trois années passées au Muséum furent partagées entre la préparation de mes examens et les études poursuivies dans les laboratoires d'Henry Bouley, d'Alphonse Milne-Edwards et d'Edmond Perrier. Les boursiers du Muséum y travaillaient ensemble et d'étroites amitiés sont résultées de cette communauté de goûts scientifiques. C'est avec joie que je salue la présence dans cette réunion de plusieurs de ces bons camarades d'autrefois, et en particulier celle de Bouvier, actuellement professeur au Muséum et membre de l'Académie des sciences. Reçu le premier de notre promotion, son amour de l'étude et la valeur de ses recherches personnelles faisaient pressentir ses succès futurs. Non loin de lui, je vois le Dr Maurice Cazin, qui après avoir passé sa thèse de doctorat ès-sciences a été entraîné, comme un certain nombre d'entre nous, vers les études médicales; chef de clinique chirurgicale à la Faculté, il est devenu un de nos opérateurs les plus en vue. A ces noms j'associerai ceux de mes amis Marcellin Boule, successeur du professeur Gaudry dans la chaire de paléontologie; de Retterer, le savant agrégé de la faculté de médecine ; de Malard, le naturaliste méthodique, que l'amour de la science retient exilé dans le laboratoire maritime de Tatihou et du Dr Mayoux, adjoint au maire du dix-huitième arrondissement, avec lesquels je n'ai cessé d'entretenir les relations les plus cordiales.

Mes études médicales terminées, le problème de l'existence matérielle se posa de nouveau. A ce moment, les offres les plus alléchantes me furent faites pour m'attirer dans un chef-lieu de canton du dépar-tement de l'Yonne. On me faisait luire l'avantage d'une clientèle assurée. Bien mieux, des amis zélés mettaient à ma disposition la carriole indispensable, attelée d'un cheval excellent, quoique déjà un peu fatigué. Comment résister à de pareilles tentations. J'étais sur le point de quitter Paris, lorsqu'un aimable parisien, qui avait conçu la plus flatteuse opinion de mes mérites professionnels, vint me trouver et me dit : « Vous devez rester à Paris. Pour moi, votre succès ne fait point de doute. Si

l'obstacle à votre installation réside dans une mesquine question d'argent, il y aura toujours dans mon coffre-fort quelques billets de banque pour faire face aux embarras imprévus ».

Je n'ai pas eu besoin de recourir à l'aide qui me fut proposée. Le succès professionnel est arrivé aussi rapidement que je pouvais le souhaiter. Mais, en me donnant une confiance en moi-même qui me faisait complètement défaut, ces paroles m'ont déterminé à rester à Paris. Celui qui m'a apporté, avec tant d'opportunité, le soutien de son amitié est ce soir à mes côtés. C'est M. Achille, qui, dans l'exercice de son mandat de conseiller municipal de Paris, a acquis une si légitime autorité et s'est concilié tant de sympathies. (Applaudissements.)

Tout en me livrant à l'exercice de la médecine générale, il m'était possible, à Paris, de poursuivre mes éludes de prédilection. Je saisissais naturellement toutes les occasions de me perfectionner dans la pratique de l'hypnotisme ; je fus ainsi amené à entrer en relations avec les savants qui, dans les divers pays, se consacraient à ces études spéciales. Un jour, d'une façon tout à fait inopinée, l'idée me vint de créer un journal qui servirait de lien entre tous ces observateurs isolés. Je décidai de lui donner le nom de Revue de l'Hypnotisme.

L'entreprise pouvait paraître quelque peu hasardeuse. Avant de m'adresser à un imprimeur, je voulus savoir ce qu'en pensaient mes amis. Le résultat de mon enquête fut beaucoup plus favorable que je ne l'avais supposé. La plupart de ceux auquels j'annonçais la publication de la Revue, me demandaient de les inscrire sur la liste des abonnés. Il en fut de même de beaucoup de confrères avec lesquels j'étais entré en relations. Ainsi, avant son apparition, la Revue de l'Hypnotisme était assurée d'un nombre respectable de lecteurs.

Elle put compter, dès la première heure, sur la collaboration des hommes les plus éminents tels que Dumontpallier, Mesnet, Luys, Auguste Voisin, Charles Richet, Pierre Janet, Liébeault, Liégeois, Grasset, auxquels vinrent s'adjoindre un grand nombre de savants étrangers.

Mais à cette liste de noms manquait celui du maître dont l'autorité s'imposait à tous dans les questions d'hypnotisme. Ce ne fut seulement que lorsque la certitude du succès m'eut donné plus d'assurance que je m'enhardis à aller rendre visite au professeur Charcot. Son accueil fut d'abord peu encourageant. Il daigna cependant entendre l'exposé de mon programme. A mesure que je lui développais mes idées sur le rôle que la psychologie doit jouer en médecine, l'expression de sa physionomie devenait de plus en plus favorable. Avant la fin de l'entretien, la partie était gagnée. Charcot m'accorda la faveur d'inscrire son nom sur la liste des collaborateurs et pour confirmer cette marque de bienveillance, il me remit un long article, en entier de sa fine écriture, et qu'il destinait à un autre journal scientifique. Les principes qu'il formulait dans ce travail, sous le titre de l'hypnotisme en thèrapeutique, n'ont rien perdu de leur valeur. Leur lecture peut en être utilement recommandée à tous ceux qui se consacrent à l'étude de la psychothérapie.

Dès ce jour, Charcot ne cesse de s'intéresser très vivement à notre Revue. Il ne se bornait pas à la lire attentivement, il en annotait les articles. A diverses reprises, lorsque j'eus l'occasion d'accompagner des malades à son cabinet de consultation, nous eûmes, sur des faits d'hypnotisme, de courtoises discussions. Ses argumentations solides me prouvaient qu'il suivait d'un œil attentif l'évolution de la science à laquelle son génie avait donné une si puissante impulsion (Applaudissements prolongés).

Les encouragements donnés par Charcot à un chercheur indépendant provoquèrent quelques accès de jalousie dans son entourage immédiat. Des disciples du maître s'efforcèrent de me desservir auprès de lui, mais l'arrivée mensuelle de la Revue de l'Hypnotisme suffisait pour neutraliser ces tentatives malveillantes.

Chez tous les hommes, même chez ceux qui sont le plus absorbés, il y a des heures de détente, où la bienveillance naturelle de l'esprit est disposée à se donner un libre cours. Je connaissais l'heure de Charcot. A l'Institut, dans la salle des pas-perdus de l'Académie des sciences, il m'accordait avec beaucoup de bonne grâce des audiences prolongées.

Justement préoccupé des dangers que pouvaient faire courir à la cause de l'hypnotisme des sectateurs trop zélés, il m'engageait souvent à rester fidèle à la méthode scientifique par laquelle ses amis Claude Bernard, Paul Bert et Vuipian avaient dû de réaliser de si grands progrès dans le domaine de la physiologie. « Si vous vous laissiez entraîner sur la pente du mysticisme, me disait-il, dans dix ans, il ne serait plus question de l'hypnotisme ». C'est à la suite de ces entretiens que Charcot m'a accordé son patronage pour le premier congrès international de l'Hyno-tisme et qu'il a accepté le titre de membre d'honneur de la Société d'hypnologie et de psychologie.

Grâce au talent de ses collaborateurs, à la fidélité de ses lecteurs, le succès de la Revue de l'Hypnotisme n'a. cessé d'aller croissant.. Sans s'être jamais écartée du programme inscrit en tête de son premier numéro, elle entre dans la vingt-et-unième année de son existence ; c'est dire que chaque mois, depuis vingt ans, j'ai dû consacrer de longues heures à la préparation du numéro suivant. Comme il faut s'attendre à tout, je ne serais pas surpris d'encourir, quelque jour, le reproche d'avoir manqué d'esprit de suite. (Sourires.)

Parmi les services que la .Revue de l'Hypnotisme a rendus, il faut inscrire en première ligne l'organisation des deux premiers Congrès do l'hypnotisme. Ce fut d'une façon fort discrète que, au commencement de 1839, je demandai à mes lecteurs leur avis sur l'utilité de réunir dans un congrès les hommes qui poursuivaient des recherches scientifiques sur l'hypnotisme. Quelques mois après, un comité d'organisation était constitué et les adhésions affluaient. Chose extraordinaire, les rapporteurs avaient terminé leur travail bien avant la date qui leur avait été indiquée. Tout marchait à souhait; mais aucun des membres du comité d'organisation ne paraissait se soucier d'assumer l'honneur de la

présidence. C'est dans ces conditions que je m'adressai à M. Dumont-pallier. Voici comment je m'exprimai : « Mon cher maître, le congrès de l'hypnotisme est complètement organisé ; il est prêt à fonctionner ; il ne lui manque qu'un président. Il parait que celui qui acceptera cette fonction risque de compromettre son élection à l'Académie de médecine. » Il me répondit: « Vous croyez qu'en acceptant la présidence, je vais m'aliéner les suffrages d'un certain nombre de membres de l'Académie de médecine. Eh bien, cela me décide. Dites à vos amis que j'accepte. » Et il ajouta : « Si le vote de l'Académie pouvait être influencé par des considérations aussi étrangères à l'esprit libéral et scientifique, je préférerais n'en pas faire partie. » (Applaudissements.)

Ce jour-la, Dumontpallier fit preuve d'une grande élévation de caractère. Le Congrès de l'hypnotisme, tenu à l'Hôtel-Dieu au mois d'août 1889, eut un retentissement considérable. L'avenir prouva à mon illustre niaitre qu'j! avait eu raison de ne pas douter du libéralisme des membres de l'Académie de médecine, car il fut élu par la presque unanimité des suffrages. (Applaudissements.)

Un des principaux résultats du premier Congrès de l'hypnotisme fut de donner naissance à la Société d'hypnologie et de psychologie. Dumontpallier en accepta la direction. Imitant en cela ce que la Société de biologie avait fait pour Royer, son président fondateur, notre Société le nomma président perpétuel.

Pendant les dernières années de sa vie, Dumontpallier consacra toute son activité à assurer la prospérité de notre œuvre. En sept ans, ¡1 ne lui arriva qu'une fois de ne pas occuper le fauteuil de la présidence.

Quand il mourut, à la douleur que nous causait sa disparition, vint se joindre la crainte que le vide laissé par lui ne fut jamais comblé. Il n'en fut rien. Dumontpallier avait tout prévu. Ne voulant pas que son élève Bérillon eut un seul instant d'embarras, son testament scientifique nous désignait son ami Jules Voisin pour le remplacer à la présidence perpétuelle de la Société. Son successeur est digne de lui, et la Société d'hypnologie fonctionne avec une admirable régularité sous la présidence du plus aimé des maîtres. M. Jules Voisin nous donne l'exemple d'un homme dont tous les sentiments sont animés par la plus large des tolérances, par la bienveillance la plus éclairée. Sa présence à notre tète est un sûr garant que jamais nous ne ferons la moindre concession aux idées qui ne seraient pas inspirées par un rigoureux esprit scientifique. (Applaudissements prolongés.)

Comment ne pas mener à bien ses entreprises quand on les poursuit sous l'égide de tels hommes!

Je ferais preuve d'ingratitude si, aux noms de Dumontpallier et de Voisin, je n'associais ceux de Boirac, recteur de l'Académie de Dijon, et de Lionel Dauriac, professeur honoraire de la Faculté de Montpellier, qui représentent l'Université dans le bureau de la Société. Le concours de ces hommes éminents a considérablement élargi le programme de nos études. Grâce à eux, il nous est permis d'envisager les problèmes de la psychologie sur un horizon beaucoup plus étendu.

Un grand nombre de membres de la Société d'hypnologie m'ont fait l'honneur d'assister à ce banquet. Ils ont été intentionnellement groupés à la même table. Je suis heureux de pouvoir les remercier d'une façon collective des témoignages d'amitié et d'estime que, depuis quinze ans, ils n'ont cessé de me prodiguer à l'occasion de mes fonctions de secré-taire général de la Société. Ils savent qu'ils peuvent compter de ma part sur le dévouement le plus complet et le plus inaltérable. (Applaudissements.)

Dans le cours de mes études, je fus frappé do la difficulté que rencontrent les médecins et les étudiants lorsqu'ils veulent acquérir des connaissances plus approfondies sur la psychologie, l'hypnotisme ou la psychothérapie. Cependant à ce point de vue, j'avais vécu dans un temps privilégié; on s'y occupait activement d'hypnotisme dans un certain nombre de services des hôpitaux. Depuis lors, il est devenu presque impossible pour un étudiant de trouver, à Paris, les moyens d'aborder ces études. C'est cette situation qui inspira ma résolution d'organiser cet enseignement pratique de l'hypnotisme.

Au commencement de 1888, je fus autorisé par le Conseil supérieur des Facultés à faire à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine, pendant le semestre d'été, un cours libre sur les applications thérapeutiques de l'Hypnotisme. Cette autorisation avait été accordée sur l'avis favorable exprimé par M. le professeur Brouardel, alors doyen de la Faculté de médecine, au libéralisme duquel je suis heureux de rendre hommage.

En m'exprimant sa satisfaction de voir inaugurer à l'Ecole pratique un enseignement qui n'avait pas encore été donné à la Faculté, M. Brouardel me conseilla de borner mon cours à des leçons théoriques et de m'abstenir, dans l'enceinte de l'école, de toute démonstration pratique d'hypnotisme. C'est de cette restriction qu'est né l'Institut psycho-physiologique.

En effet, après avoir, devant un auditoire tous les jours de plus en plus nombreux, passé en revue les acquisitions faites dans le domaine de l'hypnotisme, j'arrivai à la conviction que je ne pourrais f;iire passer mes convictions dans l'esprit de mes auditeurs, qu'en complétant mon enseignement par des démonstrations expérimentales. C'est alors que je créai, en 1888, rue Saint-André-des-Arts, une clinique de psychothérapie, la première fondée à Paris, destinée, comme celle du Dr Liébeault, à Nancy, à l'étude des applications médicales de l'hypnotisme.

Insensiblement, le programme primitif a pris de l'extension et sous le litre d'Institut psycho-physiologique de Paris, la clinique devint à la fois une véritable école pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie. De dévoués collaborateurs vinrent partager ma tâche et les créations successives de l'Ecole de psychologie, du Dispensaire pédagogique et plus récemment encore du Dispensaire anti-alcoolique ont marqué les étapes de notre évolution dans les applications thérapeutiques, pédagogiques, et sociologiques de l'hypnotisme. Grâce à ces

nstitutions, destinées à donner aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur toutes les questions qui relèvent de la psychologie appliquée, il m'a été permis de mettre en lumière la valeur des procédés auxquels j'ai donné le nom de méthode hypno-pédago-gique pour bien indiquer que l'hypnotisme en constitue l'élément fondamental.

Chaque année, les cours théoriques de l'Ecole de psychologie et les enseignements pratiques de l'Institut psycho-physiologique sont suivis par un nombre considérable de médecins et d'étudiants. Je ne saurais trop louer le zèle de tous nos professeurs et de nos assistants. Il ne faut pas oublier de dire que c'est avec le désintéressement le plus absolu qu'ils consacrent le meilleur de leur temps et de leur activité à l'éducation des nouvelles générations médicales, (Applaudissements.)

Si, reportant mes regards en arrière, je considère le chemin parcouru, je ne puis faire autrement que de penser que notre œuvre d'enseignement de l'hypnotisme et de psychologie est née sous une heureuse étoile: Cela tient au choix heureux qu'elle a su faire de ses parrains. Je me fais donc un devoir de rappeler les noms des hommes éminents qui dès la première heure ont donné leur patronage à l'Institut psycho-physiologique. Ce furent MM. les Drs Dumontpallier, Mesnet, Luys, Albert Robin, membres de l'Académie de Médecine, Auguste Voisin, médecin de la Salpêtrière, le professeur Charles Richet et Tarde, alors chef de la statistique au Ministère de la Justice

Actuellement, notre Comité de patronage se compose de MM. Berthe-lot, Beaunis, Alfred Binet, Blanchard, Boirac, Lionel Dauriac, Marcel Dubois, Giard, Guimet, Huchard, Ribot, Albert Robin, Jules Voisin. Tous ces maîtres éminents ont acquis, à des titres divers, des droits à notre affection et à notre reconnaissance.

Au commencement de 1901, le concours si précieux que nous apporta le professeur Tarde, en acceptant sur ma demande, de présider la séance d'ouverture de notre école fut une des principales causes de notre rapide succès, l'accomplis un devoir très doux en rappelant la marque de sympathie que voulut bien m'accorder ce jour-là le savant auteur des Lois de l'imitation. (Applaudissements.)

L'année suivante mon eminent maître, M. Albert Robin, donna à notre œuvre une consécration si flatteuse que je ne puis résister au désir de citer les éloquentes paroles qu'il prononça à cette occasion.

« A une époque, disait-il, où la centralisation pèse d'un si lourd poids sur l'évolution des sciences médicales, où toute science qui n'est pas officiellement reconnue et subventionnée végète le plus souvent dans l'indifférence, vous avez eu la généreuse audace des conquérants qui font de toute résistance, même passive, un point d'appui pour marcher de l'avant, et dont l'effort se manifeste toujours plus dur que l'obstacle.

« Votre Ecole de Psychologie a franchi les difficultés du début ; elle vit de sa vie personnelle ; elle est devenue un centre d'études justement appréciées. Elle est quelque chose de plus encore, cette Ecole ! Elle est

an grand exemple de ce que peut créer une initiative individuelle qui s'est dévouée à la recherche de la vérité, avec une conviction assez solide pour que rien ne la rebute. Souhaitons que cet exemple soit suivi, que les hommes de science et de bonne volonté se réunissent, comme vous l'avez fait, libres, indépendants des coteries et même des attaches, plus attentifs aux faits qu'épris de synthèses, et que dans toutes les branches de la Biologie s'élève, au-dessus des systèmes assombris, la floraison nouvelle ! »

Les expressions me manquent pour traduire les sentiments de profonde affection que je ressens pour le professeur Robin. Nul ne sait mieux que lui, ni avec plus de tact, trouver le mot qui dénoue les situations. Il est de ceux qui n'accordent leur amitié qu'à bon escient, c'est pour cela qu'un psychologue de ma connaissance me disait récemment : « Je ne connais pas d'ami plus sûr qu'Albert Robin ».

Le nouveau témoignage qu'il vient de me donner de sa bonté, qu'il exerce toujours d'une façon si délicate et si discrète, ne s'effacera jamais de mon souvenir. (Applaudissements.)

Successivement, les maîtres les plus éminents ont apporté à l'Ecole de psychologie l'appui de leur autorité scientifique. En 1903, le professeur Giard, dans un discours prononcé à la séance d'ouverture des cours, nous a enseigné que la psychologie, de même que les autres sciences, subit, elle aussi les lois du transformisme. C'est dire que l'étude de la psychologie ne saurait se concilier avec l'esprit de routine et encore moins avec le mysticisme, ce suicide de la raison. (Applaudissements.)

Cette année, M. le Dr Huchard a bien voulu présider l'ouverture de mon cours. En le remerciant des paroles trop flatteuses qu'il m'avait adressées, j'ai rappelé que nul n'était mieux qualifié que lui pour nous guider dans nos études. Dans son traité des Névroses, paru en 1833, il a prouvé qu'il était aussi compétent dans le domaine des maladies nerveuses et de la psychologie qu'il l'est dans celui de la clinique et de la thérapeutique des maladies du cœur. Bien avant que les termes d'aboulie, de neurasthénie fussent passés dans la langue courante, il avait démontré le rôle que l'abolition de la volonté joue dans l'étiologie et la symptomatologie des névroses. Dans les deux volumes de Consultations médicales qui viennent d'atteindre leur quatrième édition, il nous donne encore des enseignements psychologiques de la plus haute valeur. L'amitié que m'accorde mon éminent compatriote est pour moi la meilleure des récompenses. (Applaudissements.)

Il y a deux ans, le soin de faire la leçon d'ouverture des cours de l'Ecole de psychologie m'avait été confié par mes collègues. A cette occasion, le plus illustre des savants français, M. le professeur Berthe-lot, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, a ajouté à toutes les marques d'affection qu'il m'avait précédemment accordées, une nouvelle preuve de sa sympathie dont je puis légitimement tirer un grand sentiment de fierté. Il a accepté de présider cette leçon. La séance avait été fixée au 10 janvier 1905. Le 31 décembre un accident de chemin

de fer frappait M. Berthelot dans une de ses plus chères affections. Son petit-fils, en garnison à Lille, qui venait passer avec lui la journée du 1er janvier, trouva la mort dans cette catastrophe. Mes amis me disaient : « L'éclat de ta leçon d'ouverture va se trouver singulièrement atténué. Le chagrin dans lequel est plongé le professeur Berthelot est si profond qu'il ne pourra y assister ». Vous l'avouerai-je ; je n'ai pas douté un seul instant de sa présence. Le jour de ma leçon, il arriva un des premiers. L'allocution qu'il prononça fit profondément vibrer tous nos cœurs. Le maître qui enseigne que la science est le seul fondement inébranlable de la moralité des peuples et des individus, nous démontrait par son exemple qu'elle est également le principal élément du caractère. (Applaudissements prolongés.)

Hier, au nom du grand chancelier, dans son laboratoire de Bellevue, il m'a remis les insignes de la Légion d'honneur. En approchant de cet homme dans lequel tant de savoir s'associe à tant de bonté, je n'ai pu me défendre d'une profonde émotion.

Avec de tels encouragements comment ne pas se sentir animé du désir de triompher, par le travail, et par l'effort soutenu, de toutes les difficultés.

Après vous avoir démontré, comme je vous l'affirmais au début de cette allocution, que j'ai été bien réellement favorisé par les circonstances, je ne vous apprendrai rien, à vous tous qui êtes ici, en vous disant que l'amitié ne m'a pas été moins réconfortante.

Est-ce que je n'ai pas toujours eu à mes côtés Paul Magnin, l'ami fidèle et dévoué. Quelque temps après, une chance heureuse m'a apporté le concours de Paul Farez, modèle de dévouement discret, d'activité intelligente et ingénieuse. Nous formons tous les trois une trinité indissoluble. (Applaudissements.)

La solidarité qui unit les professeurs et les collaborateurs de l'Ecole de psychologie offrira une résistance puissante à l'usure du temps, car elle puise sa source à la fois dans des sentiments de confiance réciproque et dans un dévouement sincère à notre œuvre d'émancipation. Aucun de ces amis ne manque ce soir à l'appel et je tiens à citer les noms des Drs Fiessinger, Félix Regnault, Binet-Sanglé, Paul Joire, Bellemanière, Pamart. Pau de Saint-Martin et MM. Caustier, Lépinay, Félix Régamey, Grollet, Louis Favre, Blieck, Gosset, sans oublier nos professeurs correspondants, les Dr Jaguaribe, de Sao-Paulo; Orlitzky, de Moscou; Damoglou, du Caire, dont les cœurs, à travers les longs espaces, battent à l'unisson des nôtres.

11 me reste à remercier les amis et les délégués des sociétés scientifiques qui, dans des termes si éloquents, viennent de traduire des sentiments qui n'avaient cependant rien de nouveau pour moi. Je commencerai par un ami dévoué, le Dr Bilhaut, président du Syndicat de la presse scientifique, qu'il représente avec tant d'autorité. Je m'adresserai ensuite au Dr Paul Archambaud, président de la Société médicale des praticiens, aux côtés duquel j'ai rompu tant de lances en faveur de

l'enseignement médical libre et dont je célébrais naguère le courage. Le troisième sera le Dr Callamand, dont la plume érudite est toujours prompte à défendre nos véritables gloires scientifiques. Puis je m'arrêterai à mon ami, le Dr Aubeau. Son éloqnence a évoqué des souvenirs qui me sont particulièrement chers. Son amitié a deviné que ce qui me serait le plus agréable ce soir, ce serait d'entendre rappeler les vertus civiques de mon père. Il n'a pas exagéré en le montrant toujours prêt à payer de sa personne pour le bien de son pays. (Applaudissements.)

Après lui, le Dr Saint-Yves-Ménard m'a félicité de la part que j'ai prise à la fondation de la Société de pathologie comparée. Il a oublié de dire que son adhésion, dès la première heure, a été un des principaux éléments de notre succès. Ce serait donc plutôt à nous de le remercier d'avoir mis à notre service l'autorité qu'il tire de sa valeur scientifique et de son titre de membre de l'Académie de médecine. (Applaudissements.)

M. le professeur Gréhant, dans son toast si amical, a aussi donné sa précieuse approbation à l'idée de créer un terrain d'union entre les médecins et les vétérinaires. Ne sommes-nous pas les uns et les autres des membres de la même famille scientifique. Les encouragements de mon maître Grébaut m'ont été agréables à entendre. Ils m'ont rappelé les douces heures passées au Muséum. (Applaudissements.)

Dans ce concert de sympathies, la voix de mon ami Féron, député de la Seine, ne pouvait manquer de se faire entendre. Ardent défenseur de l'enseignement médical libre, son appui n'a jamais fait défaut à aucun de ceux qui luttent à lavant-garde du progrès. Dans les remerciements que je lui adresse, il me permettra d'associer ses collègues du Parlement, le Dr Pédebidou. sénateur, et M. Muteau, député de la Côte-d'Or, membre dévoué de la Société d'hypnologie, qu'on trouve toujours au premier rang lorsqu'il s'agit de soutenir des causes justes.

Parmi les amis qui m'entourent, il en est qui ont franchi de grandes distances pour venir prendre part à cette fête, tels le Dr de Groer, de Saint-Pétersbourg, le Dr Feuillade, de Lyon, mon ami Scié-Ton-Fa, attaché d'ambassade de Chine; je leur en exprime une profonde reconnaissance. (Applaudissements.)

Enfin, il en est d'autres dont la présence constitue pour moi un grand honneur. Ce sont des maîtres justement admirés et aimés. Parmi eux, je citerai d'abord le professeur Hallopeau, membre de l'Académie de médecine, dont les encouragements ne m'ont jamais fait défaut. M. le Dr Balzer, médecin de l'hôpital Saint-Louis, M. le Dr Leblond, médecin en chef de Saint-Lazare, et ancien président du Syndicat des médecins de la Seine. Au nom du Dr Leblond se rattachent des souvenirs qui remontent aux débuts de ma carrière médicale. Alors que ma notoriété ne dépassait pas encore les limites d'un cercle étroit d'intimes, mon excellent confrère me fit plusieurs fois appeler en consultation auprès de ses malades atteints d'affections nerveuses. Ces marques de confiance furent pour moi d'autant plus précieuses qu'elles étaient alors plus rares.

L'enseignement médical libre compte également ici plusieurs de ses représentants les plus éminents. Je saluerai en première ligne le Dr Go-don, fondateur et directeur de l'Ecole dentaire de Paris, qui, sans l'appui d'aucune intervention officielle, est devenue la plus importante du monde entier. Ensuite, j'adresserai au Dr Fort, l'admirable professeur d'ana-tomie, le salut de nombreuses générations de médecins. Ceux qui ont reçu de lui un enseignement, bien supérieur à celui que leur donnait la Faculté, sont légion. Nos vivats apprendront à notre vieux maitre que, s'il a eu des raisons de se plaindre de l'ingratitude des pouvoirs publics, il ne devra jamais douter de la reconnaissance de ceux qui ont eu l'honneur d'être ses élèves. (Applaudissements prolongés.)

Parmi les confrères et les amis dont le cortège constitue pour moi un encouragement si flatteur, il en est un dont les titres à mon affection l'emportent de beaucoup sur ceux de tous les autres. Il est le doyen de cette assemblée. Ayant reporté sur moi toute l'ardeur de la vieille amitié qui le liait à mon père, il a voulu que ses meilleurs amis devinssent également les miens. A ce sujet, je lui disais : « Vous êtes un homme vraiment extraordinaire il n'est pas rare de rencontrer des gens qui prêtent de l'argent et ils ont à cela beaucoup de mérite; mais vous, vous poussez le dévouement à ses limites les plus extrêmes, car vous me prêtez vos amis, » En les remerciant, ainsi que Madame Laignier, de la fidélité de leur affection, je ne fais donc que m'acquitter bien faiblement envers eux. (Applaudissements.)

Dans toutes les circonstances heureuses de la vie, il est des messagers de la bonne nouvelle. L'empressement que mes bons amis, MM. Allain-Targé, conseiller maitre à la Cour des comptes, et Raoul de Saint-Arroman, le dévoué chef du bureau des missions au ministère de l'Instruction publique, ont mis à me faire connaître la décision qui venait d'être prise par le ministre, me laisse supposer que leur amitié était aux aguets et qu'ils devaient se douter de quelque chose. Ils ont agi envers moi comme je l'aurais fait à leur égard et mon affection pour eux n'a pu en être accrue, car elle avait atteint depuis longtemps son point maximum. (Applaudissements.)

Pour terminer, il me reste à exprimer mes sentiments de grati tude à mon éminent compatriote, le président de cette soirée. Lorsque M. Bienvenu-Martin, sénateur de l'Yonne, et ancien ministre de l'Instruction publique, m'a fait l'honneur d'accepter la présidence de cette fête, j'en ai été extrêmement heureux. M. Bienvenu-Martin a connu tous les miens. Les membres de ma famille répandus dans les diverses parties du département de l'Yonne éprouvent tous pour son caractère la sympathie la plus profonde. Il m'a suivi dans toutes les étapes de ma carrière. S'il veut bien se porter garant de mon zèle à servir mon paya, il le fait en connaissance de cause. Aussi, rien d'étonnant à ce que j'attache le plus haut prix à son estime. (Applaudissements.)

Une simple définition vous donnera d'ailleurs la plus haute idée de son caractère. Dans le département de l'Yonne, ceux qui le connaissent

bien disent de lui : « Bienvenu-Martin est un homme politique qui ne manque jamais à sa parole. » (Applaudissements prolongés.)

Un des grands charmes de cette soirée, c'est qu'elle est une véritable fête de la psychologie. Un sentiment commun unit tous ceux qui sont ici. Le terme de psychologue a été employé dans des acceptions différentes. A mon avis, on ne saurait mériter ce nom si l'on n'a toujours présent à l'esprit le mot de La Bruyère : « On n'arrive à la vérité que par un seul chemin, on s'en écarte par mille, » Pour suivre cette route merveilleuse, seule capable de nous conduire à la certitude, deux conditions sont nécessaires : la première, c'est de se conformer rigoureusement à la méthode expérimentale créée par le génie de nos grands physiologistes ; la seconde, c'est de se placer dans cette disposition d'esprit pour laquelle mon maître, M. Léon de lïosny, a imaginé ce nom si heureux d'exactivisme.

Cette sévérité dans l'observation des faits et dans te contrôle des expériences n'exclut ni l'intervention de l'intuition, ni celle de l'ingéniosité naturelle de l'esprit. Elle favorise, au contraire, ces fonctions supérieures de l'intelligence, en émancipant notre pensée de toute préoccupation d'ordre mystique ou métaphysique.

Un matin, au moment où Paul Bert entrait au laboratoire du Collège de France, Claude Bernard, le voyant ôter son pardessus, lui dît en souriant : « Laissez votre imagination avec votre paletot au vestiaire, mais reprenez-la en sortant. » Paul Bert, de qui je tiens ce mot, ne l'avait jamais oublié et il semblait y avoir conformé sa vie scientifique. Il ne m'était pas possible de trouver un meilleur inspirateur que mon illustre compatriote ; à son exemple, j'ai considéré qu'il fallait laisser mon imagination à la porte du laboratoire où j'allais poursuivre mes expériences d'hypnotisme.

Vous pourrez dire de moi que je suis un exactiviste, je ne répudie nullement ce qualilicatif. Bien mieux, je m'en honore et je veux croire que c'est aux principes que je viens de vous exposer que je dois la constance de vos sympathies et les témoignages que vous venez de m'en donner.

L'évolution de mon existence scientifique vous est maintenant connue.

Il ne me reste plus qu'à vous signaler un détail auquel vous me pardonnerez d'attacher quelque importance. Quand je m'étais, pendant un certain nombre d'heures, livré à des recherches théoriques ou pratiques, j'ai toujours considéré comme un devoir de consacrer un temps au moins égal à la vulgarisation et à l'enseignement des connaissances que j'avais pu acquérir. De là mes cours continués pendant dix-huit ans à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine, à l'Institut psycho-physiologique et à l'Ecole de psychologie. Alors que les médecins sont décorés par le ministère de l'Intérieur, c'est au titre de l'Instruction publique que la distinction que je viens de recevoir m'a été accordée.

Ce sont les services du professeur, plus encore que ceux du médecin,

que M. le ministre a voulu reconnaître. Aucune surprise ne pouvait m'étre plus agréable. Je remercie M. Bienvenu-Martin de me l'avoir faite. Aux sentiments de respectueux dévouement que je professais pour lui, il me sera doux désormais de joindre ceux d'une très vive gratitude. (Applaudissements prolongés.)

Au nom de ma mère vénérée, dont le dévouement à ses enfants a toujours été poussé jusqu'à l'immolation; au nom de mes trois sœurs, auxquelles m'unit un pacte d'inaltérable solidarité, je veux remercier particulièrement le Dr Aubeau, M. Achille et M. Bienvenu-Martin du sentiment de justice qui les a inspirés lorsqu'ils ont rappelé la façon si élevée dont mon père comprenait sa mission de chef de famille et le courage avec lequel, à des heures difficiles, il a su remplir ses devoirs de patriote et de citoyen. (Applaudissements.)

Mes chers amis, par une attention dont la délicatesse me touche profondément, vous avez tenu à ce que, chaque jour de ma vie, une forme matérielle vint me rappeler les impressions de cette fête inoubliable. Pour évoquer les témoignages de sympathie, de confiance et d'estime que vous m'avez prodigués, je n'avais cependant pas besoin qu'une inscription fût gravée sur l'airain. A ceux qui sont ici, un grand nombre d'amis absents se sont associés pour m'offrir ce bronze superbe, le Vainqueur, de Mariotton. Je tiens à leur dire que la fidélité de mon amitié répondra toujours à l'ardeur et à l'empressement de leur affection.

Dans la lutte engagée contre la routine, le traditionalisme et l'esprit scolastique, sans cesse renaissant, nous avons remporté ensemble quelques succès. Cela est d'un heureux présage pour l'avenir. Restons indissolublement unis, associons nos efforts pour arriver à l'amélioration intellectuelle et morale de l'homme. Un jour prochain viendra où nous aurons l'honneur d'avoir démontré que la psychologie doit être, en dernière analyse, la science du caractère et de la volonté. (Triple salve d'applaudissements.)

BRAIDISME et FARIISME

ou

la doctrine du Dr Braid sur l'hypnotisme

comparée avec celle de l'abbé de Faria sur le sommeil lucide,

par M. le Dr D. G. Dalgado, de l'Académie royale des Sciences de Lisbonne.

Dans l'histoire du magnétisme animal, ayant la moitié du siècle dernier, il y a entre autres, trois noms qui restent et resteront toujours inoubliables, ce sont : Mesmer, Faria et Braid.

Il n'y a pas longtemps que j'ai fait réimprimer l'ouvrage de l'abbé Faria sur le Sommeil lucide (1) avec une Introduction, dans laquelle, après avoir comparé la doctrine de Faria avec celle de Mesmer et de ses disciples, j'ai démontré que son auteur est le seul et le véritable père de la doctrine de la Suggestion en Hypnotisme

Si Faria est le véritable père de la Doctrine de Suggestion, on voudrait savoir quelle est la place qui convient exactement au Dr James Braid, dans l'Histoire du Magnétisme Animal, ou quelle est la théorie, ou quels sont les princi-cipes qu'il a établis, dans sa Neurypnologie (2), ou, en outre, quelle est la définition du mot « Braidisme ».

Cette étude est, non seulement intéressante, mais même nécessaire, parce qu'il y a plusieurs auteurs surtout en Angleterre et en Allemagne, qui méconnaissent entièrement l'ouvrage de Faria

Je veux exposer les doctrines de Braid et de Faria dans leurs propres termes, et le lecteur doit nous relever s'il trouve dans ces pages plus d'extraits de ces deux auteurs que nos commentaires. Nous prévenons que c'est nous qui avons souligné certains mots dans ces extraits.

Cet article est divisé en quatre parties :

(1) De la Cause du Sommeil Lucide, ou Etude sur la Nature de l'homme, par l'abbé José Cuslodio de Faria. Réimpression de lédition de 1819, avec une Préface et Introduction par le Dr. D. G. Daldogo, Paris, 1906. Cet ouvrage devait être en 4 vol., desquels un seul a paru. Les autres publications de Faria sont : La Thèse de son doctorat en Théologie : et une petite brochure, que j'ai trouvée dernièrement, intitulée : De adventu Sancti Spiritus, Oratio in Sacello pontificio vaticano ipso pentecostes die an. jub. MDCCLXXIV ad Sunctissimum Dominum nostrum Pium sextum Pontificem Maximum à Josepho Custodio de Faria. Roma. 4° de 16 pages. — Toutes les citations de cet article sont de l'édition du Sommeil Lucide de 1906, et sont indiquées par la lettre S. L. Le mot « Fariisme » fut proposé par von Liébeault pour indiquer la doctrine de l'abbé de Faria.

(2) Braid a publié plusieurs ouvrages, mais nous en avons choisi deux pour notre examen : Neurypnologie : Traité du Sommeil Nerveux ou Hypnotisme par James Braid, traduit de l'anglais par le Dr Jules Simon, avec préface de Brown Séquard. Paris. 1883 (l'original était publié en 1843) ; et Mémoire sur l'Hypnotisme, communication faite à l'Académie des Sciences de Paris, le 7 janvier 1860, près de trois mois avant la mort de l'auteur, et publié comme Chapitre Additionnel à la Neurypnologie. Ces deux ouvrages présentent, dit Braid, un résume complet et exact de mes recherches. Toutes les citations de Braid sont de l'édition française. — N. indique Neu-rypnologie. Ch. A. Chapitre Additionnel.

I. — Les méthodes d'hypnotisation, et la théorie et la cause de l'hypnotisme.

IL — Les principes établis par Braid dans sa Neuryp-nologie.

III. — Le Mémoire (chapitre additionnel) de Braid adressé à l'Académie des sciences de Paris.

IV. — Résumé et observations finales.

I. — LES MÉTHODES, LA THÉORIE ET LES CAUSES

1) Méthodes--Quand Braid commença, en 1841, à étudier l'hypnotisme et à publier des articles dans le Médical Times (de Londres) (1), il eut comme adversaires, entre autres, les mesméristes (2), qui l'accusaient du plagiat des méthodes et des théories de Faria et de Bertrand. C'est en réponse à cette accusation qu'il écrit :

« On a prétendu, par exemple, que mon mode d'hypnotisation n'était pas nouveau; que j'avais fait acte de plagiat en usurpant la pratique de l'abbé Faria... Voici son mode d'opération : « Il plaçait le malade dans un fauteuil, lui disant de fermer les yeux et de se recueillir ; puis, d'une voix forte et impérieuse, il prononçait soudain le mot : « Dormez », qui généralement produisait sur l'individu une impression assez forte pour lui occasionner un léger choc, de la chaleur, de la transpiration, et quelquefois, du somnambulisme... Qui ne reconnaît en parcourant mes instructions pour l'hypnotisation, que nos méthodes sont très différentes \ Le succès de l'abbé Faria n'était pas aussi constant que le mien. » (N. p. 15.)

La méthode de Braid était la suivante : « Prenez, dit-il, un objet brillant quelconque (j'emploie habituellement mon porte-lancette)... dans une position telle, au-dessus du front, que le plus grand effort soit nécessaire du côté des yeux

(1) Les lettres publiées avaient pour litre Animal Ma/jnelism (nM du 12 et 28 Mors, 184$, et Xeuro-Hypnoiism (9 juillet, 1842).

(2) Le plus éminent des mesméristes en Angleterre à cette époque était le Dr. Elliols" .. un distingué associé (fellow) du Collège Royal des Médecins de Londres. Nonobstant qu'il était éditeur du Zoisl, organe qui attaquait les médecins orthodoxes, il firl élu par son Collège, en 1846, pour faire l'éloge annuel de Harvey (Harveian Orator), ce qui démontre l'esprit libéral et tolérant de cette savante institution.

et des paupières pour que le sujet regarde fixement l'objet-II faut faire entendre au patient qu'il doit tenir constamment les yeux fixés sur l'objet, et l'esprit uniquement attaché à l'idée de ce seul objet »• (N- p- 33) Plus loin, dans une critique des articles publiés dans la Médical Gazette (1838), Braid dit : « D'après les vues de cet auteur, ces symptômes sont le résultat de l'attention fortement dirigée sur différentes parties du corps, tandis que pour moi c'est l'attention fixée à quelque chose en dehors du corps. » (N. note p. 39.)

Il est évident de ces citations que, en 1843, Braid ne voulait pas accepter la méthode psychique de Faria, et considérait sa méthode psycho-sensorielle comme la plus efficace.

Voyons maintenant ce qu'il écrit en 1860 : « Ma méthode d'hypnotisation ordinaire, et la façon de produire la plupart des phénomènes, sont décrites dans la première partie de mon travail de 1843 ; j'y renvoie le lecteur. » (Ch. A., p. 233.) Un peu plus bas il ajoute: « Le moyen le plus rapide et le plus sûr consiste à faire fixer au patient un objet quelconque de nature non excitante; l'objet doit être maintenu au-dessus du front de manière à être perçu distinctement par les deux yeux, et en même temps, l'individu doit concentrer toute son attention sur l'acte qu'il accomplit- Ce procédé prouvait la nature subjective de l'influence mise en jeu. Ce qui confirmait, c'est que la variété des objets que l'on faisait regarder fixement ne semblait, en aucune sorte, modifier les symptômes déterminés. Chez certains sujets très impressionnables, les résultats dépendaient manifestement de l'attente de quelque événement ; aussi une combinaison matérielle quelconque suffisait pour amener le sommeil; cela avait ilieu quand leur attention était mise en éveil par l'affirmation positive qu'ils s'endormaient ; d'un autre côté, un instant plus tard, on pouvait les soumettre aux mêmes conditions sans amener le sommeil, si, par suggestion ou d'une façon quelconque, on leur persuadait que la combinaison matérielle était actuellement inefficace. Ainsi que je l'ai montré également, chez les individus très sensibles, la simple supposition qu'il se passait au loin quelque chose capable de les endormir, suffisait pour produire le sommeil, bien qu'il ne se passât absolument rien. » (Ch. A., p. 234.) Et il observe : « Les pro-

cédés mesmériques sont très nombreux, mais d'après ce que j'ai vu, et d'après ma manière ordinaire d'hypnotisation, la vraie cause des phénomènes est simplement la suivante : Les différentes méthodes que l'on emploie favorisent la production de cet état d'abstraction ou de fixité d'attention, dàn„ lequel l'esprit est absorbé par une idée unique. » (Ch. A., p. 225.)

Kous avons vu que la méthode de Faria était entièrement psychique ou suggestive. Il commandait : « Dormez » et le patient s'endormait. Voyons maintenant ce qu'il dit sur les . procédés mesmériques 'd'hypnotisation : « Quelle vertu ont donc, demande Faria, les attouchements, la présentation et les frictions avec lesquels les concentrateurs endorment leurs époptes ? » (1) Et il répond : « Le sommeil qui se développe chez les époptes... n'est donc aussi qu'un effet de leur concentration occasionnelle. A la vue de cette action, les époptes voient ce qu'on exige d'eux en raison directe de la force de leur conviction intime. » (S. L., p. 356.) Et il confirme ses idées par l'observation suivante : ' Nous avons placé des époptes sous des arbres, en leur disant qu'ils avaient été touchés ou magnétisés, sans qu'ils l'eussent été, et les époptes ont dormi; et nous les avons placés sous d'autres qui avaient été touchés, sans les avoir prévenus, et ils n'ont pas éprouvé le plus léger symptôme de sommeil. » (S. L., p. 347.)

Il ressort clairement, d'après tous ces extraits, que Braid n'a jamais adopté la méthode entièrement suggestive comme sa méthode ordinaire. Sa méthode ordinaire est toujours restée psycho-sensorielle- Il est vrai qu'il a connu très bien la méthode psychique de Faria, mais il l'a réservée ou employée pour les personnes très impressionnables. C'est donc la méthode ordinaire de Faria qui est adoptée aujourd'hui par tous les médecins qui pratiquent l'hypnotisme, et non pas la méthode ordinaire de Braid.

2) Théories. — « On a prétendu que j'avais fait, dit Braid, acte de plagiat, en usurpant la théorie... de Bertrand et de l'abbé Faria. Si j'ai bien suivi les idées de Bertrand » il attribue tous les résultats à « l'influence de

(1) Faria se sert du mot « epople » au lieu de somnambule.

Yimagination des malades agissant sur eux-mêmes. » (N. p. 15.) Et, un peu plus bas, il ajoute : « On s'était complu à mettre en avant le nom de Bertrand, on voulait insinuer que j'ignorais sa théorie; erreurs manifestes. » (N. p. 17.) Un auteur, dans un article publié dans cette Revue a ' affirmé, il y a quelque temps, que : « Braid montra plus tard que la similitude de ses théories et celle de Faria était plus apparente que réelle, parce que ce dernier attribuait chaque chose aux effets de l'imagination, tandis que lui-même concluait différemment (1). » Il est assez amusant, dit Braid, « de voir jusqu'à quel point on peut dénaturer les pensées parfaitement claires d'un auteur. » Rien de plus exact. Examinons si Faria et Bertrand attribuaient les phénomènes à l'imagination-

Faria consacre la Séance XII de son ouvrage à l'examen des opinions de ceux qui attribuent les phénomènes du sommeil à l'imaginationj une théorie qu'il condamne comme une extravagance. Le titre seul de sa Séance : De l'incompatibilité de l'imagination avec l'intuition des époptes est suffisant pour montrer que Faria condamnait, plus que personne, la théorie de l'imagination. Bertrand aussi n'a jamais attribué les phénomènes à l'imagination; il les a attribués à Yextase, une chose toute différente.

Tous nous sommes exposés à commettre des erreurs. Napoléon a dit qu'un livre serait curieux s'il ne contenait aucun mensonge. Mais es qui est étrange, c'est de commettre une pareille erreur après avoir été accusé de plagiat ; et ce qu'il est encore plus, c'est de maintenir la même erreur > plus tard. »

Braid, dans l'Avant-Propos à sa Communication à l'Académie, dit : « Cette savante commission (de l'Académie des Sciences) décidera, je le dis avec confiance, entre m« théorie subjective et la théorie objective des magnétiseurs. (Ch. A. p. 223.) Il attachait grande importance à ce qu'il insistait à nommer « ma théorie subjective », une phrase qu'il répète dans la page 231.

CeLie théorie était-elle nouvelle? (2) Cette question est

(1) Je n'ai pas pu trouver l'original de Braid sur ce point.

(2) 11 est bon de fixer les dates suivantes : l'abbé de Faria '1756-1819), — publia son Sommeil Lucide en 1819. — Bertrand (1795-1831) : Traité du

des plus simples. Faria y répond : On ne fait pas des époptes toutes les fois qu'on le veut, mais seulement quand on trouve des sujets qui sont déjà des époptes naturels. » (S. L., p. 34.) C'est Faria qui a, le premier, établi la théorie subjective. Pour lui, ce n'était pas une théorie mais un point démontré. Noizet et Bertrand ont accepté, dans leurs ouvrages, la théorie de Faria, ue manière qu'il y avait, en iwvO, trois auteurs bien connus qui étaient partisans de la théorie subjective. Mais, sans aller en France, Braid avait connaissance en Angleterre même, par un article du Médical Gazette, de 1838, que Braid lui-même a cité dans la note à la page 39 de sa Neurypnologie l'opinion suivante : « Tous les effets croyables du magnétisme se sont produits, et tous les effets incroyables « se seraient » produits, dans des cas où aucune influence magnétique n'a été mise en action, mais dans lesquels l'imagination dans toute son excitation, l'irritation ou quelque impression mentale puissante a opéré ; là où l'esprit seul a été impressionné, les effets du magnétisme se sont produits sans manifestation magnétique. »

Il est vrai que Braid est arrivé, en toute indépendance, à la théorie subjective ; mais est-ce une raison suffisante pour dire que la théorie est « mienne », même en 1860 ? Que dirait-on d'un auteur qui, par exemple, découvrirait demain une des théories de Pasteur, et qui, étant averti que sa théorie n'est pas nouvelle, la présenterait comme la sienne, et persisterait à la nommer « la mienne » même 18 ans après? (1).

3) Causes. — « Je suis convaincu, dit Braid en 1843, que les phénomènes sont uniquement provoqués par une impression forte sur les centres nerveux, par la condition physique

Somnambulisme en 1823, et Du Magnétisme Animal en France en 1826. — Braid (1795-1860) : .Xeunjpnologie en 1843: et Communication à l'Académie des Sciences de Paris, en 1860. — Et le général François Joseph Noizet (1792-1881), envoya son Mémoire sur le Somnambulisme à l'Académie de Berlin en 1S2Û et le publia en 1851. — Ajoutons aussi l'article de la « Médical Gazette» (de Londres) sur le Magnétisme Animal, pp. 856 et 1037, do vol. de 1838.

(M Si Braid avait oublié l'accusation qu'on avait portée contre lui avant 1843, Colquhoun lui rappelait en 1851 : « M. Braid, savant et ingénieux comme H est, n'a pas, il nous parait, suffisamment consulté les écrits de ses devanciers dans la science magnétique ». An Historij o{ magie u-Ueh-crapt and animal matinctism, London, vol. II p. 188.

et psychologique du patient. » (N. p. 36.) Plus tard, en 1860, il affirme : « Après mûre réflexion, j'adoptai la conclusion suivante : les phénomènes en cause sont de nature aussi bien psychologique que physiologique, et l'expression qui comprendrait tous les phénomènes que nous avons la puissance de provoquer par nos procédés et nos suggestions, serait celle de psycho-physiologie. » (Ch. A., p. 231.)

Faria a consacré les Séances IX, X, et XI à expliquer sa théorie psychique. « A la seule parole, dit-il, on peut rendre malades les époptes bien portants, et rendre bien portants lesépoptes malades. » (S. L., p. 211.) Pour lui, le développement des phénomènes se lie toujours aux causes naturelles, a mais plus souvent intellectuelles que sensibles. » (S. L. p. 107.)

Les causes, selon Braid, étaient « psycho-physiologiques », et selon Faria « psychiques ». Elles dépendaient ou étaient les conséquences naturelles de leurs méthodes ordinaires. Celle de Braid était, comme nous l'avons démontré, « psycho-sensorielle », et celle de Faria « psychique ».

(à suivre)

PSYCHIATRIE

Sur la réforme de la loi de 1838

Par M. Ic Dr A. Uodiet, Médecin-adjoint de l'asile public de Montdevergues.

La circulaire du 18 juin 1906 adressée par le Ministre de l'Intérieur aux Préfets, semble indiquer une réforme prochaine de la loi de 1838.

Cette circulaire prescrit la nomination d'une commission destinée à examiner les aliénés qui demandent leur sortie et à ordonner cette sortie en dehors même du médecin traitant, s'il y a lieu. C'est là une excellente institution qui enlève à Paliénisle la responsabilité énorme qui, en certains cas, pèse sur lui et l'aidera aussi à résoudre de nombreux cas de conscience et non des moins intéressants. En effet, la liste si longue publiée chaque mois dans les Annales Médico-psychologiques, des crimes et délits commis par les aliénés libres est effrayante à lire pour tous ceux qui pensent que si la protection de la Société est la principale raison de l'établissement d'aliénés, la liberté individuelle compte aussi pour quelque chose. Et M. Ritti, médecin de Charenton, l'auteur consciencieux de cette liste, qu'il augmente chaque mois, depuis cinq ans,

conclut avec raison de tous ces méfaits causés par les malades non internés : 1* à la nécessité de mettre les aliénés en traitement, autant que possible, dès les symptômes de leur maladie ; 2° au danger des sorties prématurées des malades qui peuvent nuire à eux-mêmes ou aux autres.

Danger si réel, que le médecin d'asile demeure souvent hésitant et troublé, et se demande quel est son devoir : rendre à la liberté ce convalescent, qui, capable d'une rechute, peut commettre un crime, ou, sous prétexte qu'il peut devenir dangereux, le garder éternellement prisonnier. Quelle responsabilité il assume et quels reproches ne sefera-t-il pas et ne lui fera-t-on pas, si même une seule fois sur cent essais, le crime est accompli ? Et puis, la loi ne prévoit pas, en France, une certaine transition entre la liberté complète et la séquestration, et les sorties d'essais sont accordées en marge de la loi, aux risques et périls du médecin qui les propose et du Préfet qui les signe. Si un certain nombre de malades ne sortent jamais « c'est que le saut est trop brusque, écrit le Dr Marie, entre l'internement et la pleine liberté du dehors. Tantôt c'est le médecin, tantôt c'est le malade qui hésite devant ce saut dans l'inconnu. C'est la séquestration définitive, car peu à peu les facultés s'émoussent dans un internement trop prolongé. Combien d'unités sociales se perdent ainsi qui, après une crise passagère, auraient pu être remises en circulation, avec des précautions et une rééducation préalable ».

Au point de vue absolu et scientifique, tout aliéné est dangereux ou du moins susceptible de le devenir, et le plus doux, le plus inoffensif, place dans un certain milieu, suivant certaines conditions peut, s'il n'est pas surveillé, allumer un incendie, se blesser, commettre un attentat à la pudeur, ou se livrer à un acte de violence à l'égard de ceux qui l'entourent. Si même, on entend le mot « dangereux » au sens strict, tout individu qui, par son langage, nuit à la tranquillité ou au bien de sa famille et de ses voisins, tout autre qui trouble l'ordre par des cris, par des discours incohérents, par le vagabondage, devient par cela seul dangereux aux yeux de la loi qui protège non seulement la vie des citoyens et leurs propriétés mais aussi l'ordre public. Or, sous prétexte qu'un individu a été dangereux ou peut le devenir, la Société a-t-elle le droit de le garder éternellement interné ? Que l'autorité enferme, sur l'avis du médecin, tout aliéné qui présente une tendance au vol, à l'incendie, à l'homicide ou au suicide, rien de mieux. Pour celui-là, il ne peut y avoir d'autre mode de traitement et d'assistance que la séquestration à l'asile. Mais n'amène-t-on pas tous les jours, à l'asile, sur certificat médical, des déments, des vieillards affaiblis au physique et au moral, à qui, il est vrai, la mémoire fait défaut, qui sont bruyants, bavards, incapable de se conduire et de subvenir à leurs besoins, mais qui, avec des soins, une surveillance, pourrait vivre dans leur famille, sans faire courir aucun risque à la Société. Certains sont impotents, ne peuvent quitter leur lit, et c'est parce que les enfants sont las de les entretenir,

de les soigner, qu'ils les font recevoir à l'asile d'aliénés pour qu'ils y meurent.

Tous les jours, les portes des l'asile se ferment sur des vieillards dont la famille se débarrasse au compte de la Société, parce qu'ils sont désordonnés de tenue et de langage. Le certificat médical constate que par leurs discours et leurs gestes ils troublent la paix publique. Mais les enfants aussi, lorsqu'ils crient.se battent, se roulent dans les ruisseaux, mettent le désordre dans la rue. et cependant nul ne songe à les enfermer. En réalité, le vieillard est une non-valeur sociale pour beaucoup de parents, une lourde charge. Malheur à lui, s'il n'est pas le paisible résigné qui, doucement, s'achemine vers la mort, en faisant le moins de bruit possible. Qu'à ses infirmités physiques, s'accroissant chaque jour avec l'âge, s'ajoute le trouble intellectuel qui, suivant la forte expression populaire, le « fait retomber en enfance », sa place à l'hospice ou plus souvent encore à l'asile d'aliénés est prête. Et que peuvent faire, actuellement pour ne pas l'admettre ceux qui sont chargés d'appliquer la loi: Le médecin appelé par une famille pendant sa tournée de clientèle à constater que tel vieillard est dangereux pour la sécurité publique, est obligé de s'en rapporter à cette famille, aux voisins, car l'interrogatoire direct si scrupuleux soit-il, ne peut rien donner. L'homme ne sait pas son âge, il se lève la nuit et se promène dans la maison, il crie, il se fâche il peut mettre le feu, il tombe à chaque instant, etc. Le médecin conseille l'internement non seulement de bonne foi, mais encore parce qu'il considère que c'est là son devoir. En présence de l'irritabilité, de la mauvais volonté qu'il devine dans la famille, des mauvais traitements aussi qu'il redoute pour son malade, il pense que celui-ci sera mieux soigné, mieux traité dans cette maison de fous où il l'envoie. Ei l'infirme est conduit à l'asile. Que peuvent faire l'aliéniste qui le reçoit et le préfet sous l'autorité duquel se fait cette séquestration. A celui-là il faut un examen de quelques jours pour affirmer le diagnostic ; celui-ci ne peut que s'en rapporter au médecin de l'établissement. Des soins, une hygiène mieux suivie, et la santé physique se rétablit, en même temps que subsiste un état mental suffisant pour justifier une surveillance, pas assez prononcé pour justifier une séquestration. Et s'il n'en souffrait pas l'interné de son manque de liberté, peu importe, mais cette liberté, c'est son vœu le plus cher, son dernier désir ; il veut, il réclame le droit de mourir autre part qu'entre des murs, dans une prison, au milieu des siens même ingrats.

On écrit aux enfants : Venez chercher votre père, il peut, si vous lui assurez quelques soins, la direction qu'il faut à ta vieillesse bavarde et à ses pas hésitants, demeurer au milieu de vous, et c'est votre devoir de faire cesser un emprisonnement qui le rend très malheureux. Ses enfants ne répondent pas ou répondent : « Nous ne pouvons pas, parce que trop pauvres ou trop chargés d'enfants nous-mêmes.» Ironie, il se trouve que ce sont ceux-là, dont il a assuré la vie, dont il a guidé les premiers pas, qui refusent au père, à la fin de ses jours, les mêmes pré-

cautions, la même bouchée de pain. Alors on les garde, ces déments, ces affaiblis, ces vieux tombés en enfance. Comment agir autrement, il faudrait tout au moins qu'on vienne les chercher et vainement ils attendent la visite de leur famille. Ils sont cause de l'encombrement des asiles d'aliénés, et pour eux la porte ne s'ouvrira jamais parce qu'il n'y a aucune guérison possible. Au point de vue social, c'est leur liberté que la nouvelle loi sur l'assistance des vieillards devra défendre.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 20 novembre, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 3, rue Danton, sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les ¦étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castcllane, et les cotisations à M. le Dr Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications déjà inscrites : D'Paul MaGnin : Valeur de l'aboulie dans Pétiologie des névroses. Dr C. Hahn : Les illusions de la thérapeutique. Etude psychologique

sur le traitement de l'incontinence d'urine essentielle. Dr Binet-Sanglé : Lois des secousses et paralysies : Théorie des neurodiélectriques.

M. Baguer, directeur de l'Institut départemental des sourds-muets : Les enfants anormaux et le Ministère de l'Instruction publique.

MM. Grollet et Lépinay, médecins vétérinaires : Les tics chez les animaux.

D" Pamart. et Bérillon : Un cas de tritichotillomanie.

La Mythomanie.

Sous le terme général de mythomanie, le Dr Dupré, l'éminent médecin de l'infirmerie du dépôt, désigne la tendance pathologique, plus ou moins volontaire et consciente, au mensonge et à la création des fables imaginaires. Chez l'enfant, qui est par essence un être peureux, curieux, imaginatif et crédule, l'activité mythique est normale. Sous l'influence de la peur et de la curiosité, l'imagination s'exerce, libre de toute inhibition et impose ses chimères à la crédulité d'un esprit sans expérience et sans jugement. Les formes que revêt chez l'enfant l'activité mythique normale sont : l'altération de la vérité dont il faut chercher l'origine

dans l'expérience sensorio-psychique, dans la mise en œuvre de l'imagination, et enfin dans la suggestion étrangère ; le mensonge, ou négation volontaire et consciente de la vérité ; la simulation, déjà fréquente mais assez fruste chez l'enfant ; et la fabulation, ou invention spontanée de récits d'aventures. M. Dupré signale l'importance de l'hérédité et du sexe dans le développement des aptitudes mythiques : les fillettes ont des tendances au mensonge et à la fabulation bien plus précoces, plus marquées et plus riches que les garçons.

Chez l'enfant anormal et chez l'adulte, la mythomanie pathologique toujours étroitement associée à d'autres marques de déséquilibration psychique, est un stigmate majeur de dégénérescence. Elle aboutit à la création des faux enfants martyrs, des petits accusateurs criminels qui, aidés par la suggestion étrangère, deviendront aisément les prétendues victimes d'attentats à la pudeur imaginaires.

La mythomanie vaniteuse, fréquente chez les adultes, aboutit, entre autres manifestations, à la hâblerie fantastique, merveilleusement mise en scène par Corneille dans le personnage de Dorante de sa comédie le Menteur » et à l'auto-accusation criminelle.

Les mythomanes malins sont les mystificateurs et les hétéro-accusateurs qui, semant la calomnie au moyen de lettres anonymes, ou intervenant directement auprès de la justice, echafaudent des accusations dont les plus fréquentes sont les hétéro-accusations génitales.

La mythomanie perverse, de nature cupide, est celle des grands escrocs, des escompteurs de fortunes fictives, dont Thérèse Humbert est le"type.

En terminant, le D' Dupré insiste sur ce point que le témoignage de l'enfant doit toujours être considéré comme extrêmement suspect et que les magistrats sont fondés à n'en tenir qu'un compte relatif.

Cas d'hyperhydrose généralisée guérie par la suggestion.

Par le Dr Srezniewski.

Le DT Srezniewski vient de publier l'observation suivante : Il s'agit d'un cas d'hyperhydrose généralisée guérie par la suggestion chez un jeune homme de vingt ans traité il y a deux ans par l'hypnotisme pour neurasthénie. Ce sujet, à la moindre émotion, en conversant avec son médecin, transpire de partout au point que la paroi latérale de la cage thoracique est inondée, la paume des mains et les doigts dégouttent, le front et la lèvre supérieure sont trempés. C'est l'exagération de sa disposition naturelle à transpirer, en particulier sous l'aisselle ù la poitrine, aux poignets. Mais il ne transpire guère quand il se meut et travaille manuellement ni pendant la.nuit. L'hypcrhydrose s'est développée graduellement, sans causes appréciables.

Trois séances d'hypnotisme sont pratiquées en trois semaines. La première fait disparaître l'insomnie. Pendant les deux autres, on lui suggère successivement avec succès qu'il n'éprouvera plus d'émotion à

Le tabac et le cerveau.

Nombreux sont les gens qui croient que le tabac est un stimulant du cerveau et la plus grande partie de leur travail est faite, la pipe ou la cigarette à la bouche. A ce sujet, M. Stuart Cumberland, le fameux liseur de pensées londonien, raconte une intéressante histoire. Il faisait des expériences avec M. Joé Chamberlain, l'ancien ministre anglais, et il trouvait que les idées de son sujet erraient au Heu de se lixer. Le pouvoir mental, la décision ferme qu'il avait remarqués lors des séances précédentes, manquaient totalement. M. Cumberland demanda à M. Chamberlain de concentrer toutes ses pensées sur un sujet. « C'est inutile, dit M. Chamberlain, mes pensées reviennent malgré moi à ma pipe. Je n'ai pas fini de la fumer et je ne puis à l'heure actuelle concentrer mes pensées. »

L'observation de M. Cumberland est conforme à ce que le Dr Bërillon a observé chez les buveurs. Ils ne sont suggeslibles qu'à jeun. Dès qu'ils ont bu la plus petite quantité d'alcool, ils entrent dans un état d'excitation qui supprime la suggestibilité. Si M. Chamberlain s'était soumis à l'expérience avant de commencer à fumer, il aurait probablement réussi. L'effet des excitants, quels qu'ilssoient, parait donc étrede diminuer la suggestibilité. Dans la pratique de la psychothérapie, il faut demander aux malades d'en cesser l'usage.

Ouvrages déposés à la Revue

Dr Huchabd : Consultations médicales, in-S", 712 pages, 4° édition. — J.-B. Baillière, Paris 1906.

D' Huchard : Nouvelles consultations médicales, in-8°, 684 pages, 4* édition. — J.-B. Baillière, Paris 1906.

Dr Terrien : L'hystérie et la neurasthénie chez le paysan, petit in-8s, 176 pages. — Siraudeau, Angers 1906.

D'Ritti : Eloge de Jules Falret lu à la séanee solennelle de la Société

médico-psychologique, in-8°,-56 pages. — Masson, Angers 1906. A. Pichon : Théorie de l'élite, in-8°, 20 pages. — Giard. Paris 1906.

D' Félix Regnault : L'évolution de la prostitution, in-120, 351 p. Bibliothèque de vulgarisation anthropologique, Flammarion, Paris 1906.

D' M on in : L'hygiène des sexes, in-8*, 330 pages. — Doris, Paris 1906.

L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.

Paris, Imp. A. Queliue]eu. rue Gerbert, 10.

causer, que ses mains et son corps ne sueront plus parce que la circulation du sang y est normale, que la disparition de la sueur sera compensée par la mixtion rare, mais abondante. Pour plus de sûreté, on fait encore deux séances de suggestions. Le malade est définitivement guéri ainsi qu'en témoigne une observation ultérieure de deux mois et demi.

REVUE D E; lTr jj Y P N 0 TIS M E

EXPERIMENTAL.*"» ÌHÉRAPEUTIQUE

Sl« Année . — n'05. ^outf

Novembre 1906.

BULLETIN

Le lauréat du Prix Nobel : le D' Ramon y Cajal. — Mensonges d'hystériques. — Le sommeil et son importance physiologique.

Le prix Xobel, pour les sciences, vient d'être décerné à deux grands savants, les D" Ramon y Cajal, de Madrid, et le professeur italien Golgi.

Actuellement Ramon y Cajal est considéré comme le premier histo-logiste du monde. Cependant, c'est au professeur Golgi qu'il doit ses succès. Celui-ci, en effet, est l'inventeur d'une nouvelle mélhode histolo-gique pour l'élude du système nerveux, qui a bouleversé toutes les anciennes conceptions. Mais là se borne son rôle et il ne sut pas en tirer toutes les déductions possibles. Il appartint à Ramon y Cajal d'en montrer toute l'importance, grâce à une pratique ingénieuse qui consistait à appliquer la mélhode à de la substance nerveuse de jeunes sujets ou de fœtus, où l'observation était plus facile à interpréter. Les idées de Ramon y Cajal, admettant que les extrémités des cellules nerveuses, désignées sous le nom de neurones, étaient susceptibles de mouvements capables d'établir des contacts entre les cellules voisines, ont exercé une influence considérable sur toute la psychologie. Par elles, on a tenté d'expliquer le mécanisme du sommeil, de l'hypnotisme, des divers états hystériques. De nombreuses discussions ont été soulevées à ce sujet.

En réalité, Ramon y Cajal est une des personnalités les plus intéressantes de notre époque. II fut d'abord médecin militaire, prit part aux campagnes carliste et cubaine, devînt ensuite directeur du musée ana-tomiquede Saragosse, puis professeur de diverses facultés d'Espagne. Petit, maigre, énergique, actif, à la figure mobile, il ne vit que pour la science. Ses travaux font le plus grand honneur à sa patrie.

• » *

Un procès en revision vient d'avoir un grand retentissement en Allemagne. C'est celui d'une demoiselle Hcusler, qui, il y a deux ans, avait

été condamnée aux travaux forcés sous l'accusation d'avoir empoisonné sa domestique, Nina Wagner. Les plus grandes sommités de la science allemande avaient été appelées à donner leur opinion sur la valeur morale de la prétendue victime. Le professeur Krcepelin a déclaré, au milieu d'une très grande émotion, que Nina Wagner est certainement une hystérique et qu'elle est très capable d'avoir simulé un empoisonnement, afin d'assouvir une vengeance en accusant une personne innocente.

— Je la crois capable, a-t-il dit, d'avoir porté en justice un faux témoignage et d'avoir persévéré dans le mensonge.

Le docteur Aschaffenbourg s'est rangé entièrement à l'avis du docteur Krœpelin. Comme ce dernier, aussitôt après le premier procès, il a eu l'impression qu'une innocente avait peut-être été condamnée à la suite de la déposition d'une hystérique irresponsable.

Notre distingué collaborateur, le baron de Schrenck-Notzing, de Munich, partageait l'opinion de ses deux confrères.

Dans ces conditions, l'acquittement de M"* Hcusler ne faisait plus de doute. Quand la Cour l'a prononcé, le public l'a accueilli par des acclamations.

A ce sujet, une question pouvait légitimement se poser. Pourquoi la justice réparatride a-t-clle été si longue à se mettre en mouvement? Pourquoi ceux qui innocentent M"e Heuster aujourd'hui, n'ont-ils pas parlé plutôt? Pourquoi, surtout, l'avoir condamnée sans preuves matérielles, sur la foi d'un seul témoignage, celui d'une femme qui la haïssait et dont la moralité, déjà, était suspecte?

Une seule réponse explique tout. Il y a deux ans, l'opinion publique, à Munich, avait pris passionnément parti contre M"* Ileusler, hautaine, dédaigneuse, revêche, et qui incarnait le type de la vieille fille acca-ristre. La presse s'était acharnée contre elle. Aujourd'hui, l'orgueilleuse a été brisée par le malheur, et il n'est personne, à Munich, qui ne ressente une profonde pitié envers cette pauvre fille, devenue humble, qui pleure de reconnaissance en entendant les dépositions de ceux qui la sauvent.

Les psychologues auront matière à épiloguer sur ces variations de l'opinion. En réalité, M"' Heusler n'avait été condamnée que parce qu'elle avait mauvais caractère et s'était attirée l'antipathie de tous ceux qui avaient été appelés en témoignage. De ce qu'elle était souvent de mauvais humeur, la plupart de ceux qui la connaissaient en avaient conclu qu'elle était capable d'empoisonner son prochain. La plupart des jugements humains ne reposent pas sur des bases plus solides. La sympathie et l'antipathie exercent sur les opinions plus d'influence que la réflexion et les données de la rigoureuse observation.

Au dernier Congrès de la British Association, qui s'est tenu à York, le Dr Acland a présenté une intéressante communication sur l'impor-

tance physiologique du sommeil. Il s'est appliqué à démontrer que le repos nocturne devait être proportionné à l'activité du travail. C'est, en effet, durant le sommeil que le corps se nourrit, récupère ses forces épuisées et que s'opère la croissance chez ceux qui n'ont pas encore atteint leur développement normal. Quand la dose de sommeil est insuffisante chez les jeunes gens, ceux-ci n'atteignent pas leur stature normale et, lorsqu'ils grandissent, c'est toujours au détriment de leurs forces musculaires, de la largeur de leurs poitrines et du bon fonctionnement de leurs organes internes, plus particulièrement peut-être de leurs poumons.

Le Dr Acland ne s'est pas borné à des affirmations. Il a cité une longue série d'observations démontrant l'état de dépression morale aussi bien que physique, de déchéance intellectuelle et de misère organique dans lesquelles tombent ceux auxquels on n'accorde pas assez de sommeil. Il a appuyé ses affirmations par une série de projections d'écritures provenant déjeunes gens surmenés par le travail et la privation de sommeil. On pouvait y lire, en quelque sorte à livre ouvert, l'état de surmenage de celui qui avait écrit. On y lisait aussi le retour à la santé morale et physique de ceux auxquels on avait enfin donné le repos nécessaire.

Le professeur Patrick et le d' Allen Gilbert ont soutenu la même thèse. Ils ont victorieusement affirme, en se basant sur toute une laborieuse statistique que, depuis trente ans, il y a partout, dans la classe instruite, une diminution effrayante de la puissance de résistance intellectuelle et physique et ils attribuent cet état déplorable au surmenage et à l'insuffisance du repos.

Quelle est donc la moyenne du repos suffisant ? Combien d'heures faut-il consacrer, chaque jour, au sommeil des jeunes gens?

Le L»r Acland a posé la question à des centaines de médecins d'Etablissements d'Instruction et il est bien intéressant de constater que les réponses ont été absolument semblables à celles que, dans des circonstances analogues, ont fait des médecins français interrogés. Tous ont réclamé comme minimum entre neuf et dix heures de sommeil. Un grand nombre d'entre eux ont même dit qu'il fallait, chaque semaine, avoir un jour au moins où on laisserait dormir les jeunes gens à discrétion. Il y en a, en effet, qui ont besoin d'un beaucoup plus long sommeil que les autres.

La question de la durée du sommeil chez les écoliers est, en effet, une des plus importantes qui puissent être soulevées et nous serions heureux de recevoir à ce sujet l'opinion de nos lecteurs.

BRAIDISM3 et FARnSME

ou

la doctrine du Dr Braid sur l'hypnotisme comparée avec celle de l'abbé de Faria sur le sommeil lucide,

par M. le D' D. G. Dalgado, de l'A ¦¦¦¦ : mie royale des Science» de Lisbonne. [suite et fin) ('(

II. — LES PRINCIPES ÉNONCÉS PAR BRAID DANS SA « NEURYPNOLOGIE »

Dans l'Avant-propos adressé à l'Académie des Sciences, le Dr Braid remarque : « J'ai été très heureux d'apprendre le brillant résultat des expériences d'hypnotisme, tentées par M. Azam d'après les principes établis dans mon travail de 1843. » (Ch. A. p. 227.)

Quels sont ces principes, et quelle est la manière de les connaître? « La meilleure manière, selon moi, dit Braid, de connaître l'opinion d'un auteur, est de lire son résumé. » Appliquons ce précepte à son travail de 1843.

La Neurypnologie est divisée en deux parties : l'une composée de sept chapitres et l'autre d'un seulement. De la première, Braid a tiré neuf conclusions, (p. 133) et de la seconde une seule, (p. 223.) Examinons une par une chacune de ces dix conclusions ou principes.

1) Braid : « La fixation continuelle de l'œil mental et visuel de la manière et dans les conditions indiquées, a pour effet de plonger le système nerveux dans un état nouveau accompagné d'une somnolence et d'une tendance à développer certains phénomènes qui varient selon le mode d'opération et diffèrent de ceux que nous obtenons pendant le sommeil ordinaire ou pendant la veille. »

Faria : « On ne sait de quels moyens se servaient les anciens pour provoquer le sommeil lucide... A regarder la fable du centaure Chiron comme une allégorie qui trace ingénieusement la méthode d'endormir, il paraît que tous les procédés se trouvaient à la présentation de la main. » (S. L., ( p. 79.) Nous avons déjà comparé la méthode de Braid avec celle de Faria.

(1) Voir Revue de l'Hypnotisme, numéro d'eelobre 1906.

IL, '^H

2) Braid : « II se produit tout d'abord un état très sensible d'excitation de tous les organes des sens spéciaux, à l'exception de la vue, et une augmentation considérable de la force musculaire; puis les sens tombent ensuite dans une torpeur plus considérable de beaucoup que celle au sommeil naturel. »

Faria : « Avant le sommeil, les patients éprouvent un frémissement dans tous leurs membres. » (S. L., p. 152.) « Les époptes dans leur premier sommeil dorment ordinairement avec une sorte d'inquiétude sur leur état. » (S. LM p. 179.)

3) Braid : « Dans cet état, nous avons le pouvoir de diriger ou de concentrer l'énergie nerveuse, de l'élever ou de la déprimer à volonté, localement ou généralement. »

4) « Dans cet état nous avons le pouvoir d'exciter ou de déprimer la force ou la fréquence de l'action cardiaque et de la circulation locale ou générale. »

5) « Nous sommes à même, lors de cette situation particulière, de régulariser, de contrôler le ton et l'énergie musculaire d'une façon et à un degré remarquable. j>

6) « De même nous possédons le pouvoir de produire des modifications rapides et importantes dans la circulation capillaire et dans la totalité des excrétions et des sécrétions du corps; faits prouvés par l'application de réactifs chimiques. »

Faria : Voici l'opinion de Faria sur ces quatre points : « Les époptes disposent à l'ordre des concentrateurs tous les organes externes ou internes au gré de leurs désirs ; de sorte . que ceux-ci les assujettissent à recevoir les impressions voulues, indépendamment de toute action sensible des objets analogues, et à exciter dans l'âme les idées correspondantes. (S. L., p. 60.)

7) Braid : « Ce pouvoir peut être appliqué avec profit au traitement d'une foule d'affections rebelles en partie ou entièrement aux traitements ordinaires (1). »

Faria : « Nous avons déjà annoncé que nul épopte, de quelque grave maladie qu'il soit atteint, n'a besoin de médita 11 faut noter que Brnid croyait pouvoir guérir le tétanos avec l'hypnotisme. (N. p. 9).

caments ni d'ordonnanœs, qu'il se prescrit lui-même, et qu'il trouve dans son sommeil seul, ou même dans ses seules dispositions au sommeil, tout ce qui est nécessaire à son propre rétablissement. » (S. L., p 274.)

8) Braid : « L'hypnotisme peut servir à soulager ou à prévenir entièrement la douleur pendant les opérations chirurgicales. »

Faria : « Quelques époptes sont inaccessibles aux plus légères sensations dans de graves incisions, blessures et amputations. Mais ces effets deviennent généraux et communs à tous les époptes dès qu'on prend la précaution de paralyser le membre ou la partie du corps qui doit être assujettie à une opération pénible et douloureuse. Cette mesure les rend tout à fait inaccessibles et les éloigne même parfois de l'idée de l'opération suivie. » (S. L., p. 190.)

9) Braid : « Pendant l'hypnotisme, nous pouvons, par la manipulation du crâne et de la face, exciter certaines manifestations mentales et corporelles, selon les parties touchées. »

Faria : Ce principe, erroné comme il l'est, était déjà connu : « Voici comment on s'y prend pour provoquer cet effet. On engage l'épopte endormi à voir au loin une personne qui lui est connue... ou on le lui recommande en pressant légèrement le siège de la mémoire. » (S. L., p. 255.)

10) Braid : Après avoir décrit 69 cas de guérison par l'hypnotisme il conclut : « L'hypnotisme est un agent important à ajouter à nos moyens curatifs et une force thérapeutique digne de l'attention de tout médecin instruit et exempt de préjugés. »

Faria : Nous avons déjà cité l'opinion de Faria sur ce point.

De toutes ces comparaisons, il résulte qu'il n'y a pas un principe de Braid que l'on puisse considérer comme tout à fait original. Il est vrai qu'il a expliqué et précisé quelques points mieux que Faria, mais il faut noter que la science n'était pas restée stationnaire depuis la mort de Faria. Braid avait à sa disposition plusieurs ouvrages nouveaux, les comptes rendus des sociétés savantes, surtout de l'Aca-

demie de Médecins de Paris, et les articles des journaux publiés entre 1819 et 1843 (1).

Il y a donc deux différences radicales entre les vues de Braid et celles de Faria. Braid n'a pas attaché, il nous paraît, trop d'importance à ces vues, parce qu'il ne les a pas mentionnées entre ses conclusions. Elles sont : pour Braid, (a) tout le monde était hypnotisable, et (b) le sommeil hypnotique était pour lui et pour Deleuze d'une nature différente du sommeil ordinaire ; pour Faria, (a) tout le monde n'était pas hypnotisable, et (b) le sommeil lucide et le sommeil ordinaire étaient, avec quelque réserve, de la même nature, de manière qu'on pouvait, selon lui, suggestionner même dans le sommeil ordinaire. Ces différences expliquent, à un certain degré, la divergence de quelques-unes de leurs opinions. La première vue de Braid et la seconde de Faria sont acceptées par l'Ecole de Nancy, et la seconde de Braid et la première de Faria par l'Ecole de la Salpêtrière. Les points ne sont pas encore définitivement résolus. Les divergences dépendent de l'exacte définition des mots « suggestion » et « hypnotisme ».

III. — LA COMMUNICATION DE BRAID A L'ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS EN ?0 (?)

Après la Neurrpnologie cette communication est l'écrit le plus important et le dernier de Braid.

« Depuis la publication de mon premier livre, dit Braid, j'ai poursuivi mes études sur l'hypnotisme; je suis donc en mesure d'éclairer certains points demeurés obscurs jusqu'à

(1) Pour ciier quelques-unes de ces publications en Angleterre seulement: (1) fiepori on the experiments on animal magnetism made by a commutée ol the medical section oí the French Royal Academy of Sciences read at the meetings of 21rsl and 28lh of June, 1831 : translated with an introduction by J. C. Colquhoun, 1 vol. in-8 Edinburgh,-1836.(2/ Isis revelata : An enquiry into the origin, progress and present state of animal magnetism, by J. C. Colquhoun, l vol. in-S. Edinburgh 1836. (3) Leuze (J. P. F. de) : Pratical instruction in Animal Magnetism. Translated by T. C Hartshorn, 1 vol. 12 Providence, 1837. (4) Du Potet : An introduction to the study o¡ animal magnetism, with an appendix containing reports of British practitioners in favour of the science. 1 volv4n-12 London. 1838.

(?) Le 25 février 1860. Velpeau présenta cette communication avec d'autres ouvrages de Braid à l'Académie des Sciences. V. Comptes Rendus de l'Académie des Sciences, vol. 50, p. 439.

présent..... Je les ai déjà mentionnés dans plusieurs de

mes écrits, mais je me propose ici de réunir les plus importants d'entre eux, afin que dans cet appendice la traduction de mon travail de 1843, que va publier M. Masson, présente nn résumé complet et exact de mes recherches, sur un sujet si remarquable et si intéressant (1). »

Nous allons examiner cette communication plus en détail. Il faut noter que Braid a l'habitude de répéter, comme Faria, îa même idée sous diverses formes, ce qui rend ses arguments difficiles à suivre. Nous avons déjà cité ses opinions sur ce qu'il nomme « ma méthode ordinaire ;> et « ma théorie subjective ». Suivons le reste, préférant ce qui a l'apparence d'un principe ou d'une nouveauté.

1) DÉDOUBLEMENT de la CONSCIENCE.

Braid : Après avoir décrit la perte de connaissance et îfétat d'insensibilité, dans un profond sommeil hypnotique, Braid s'écrie : « Chose étonnante plongé dans un second sommeil, mais à un degré un peu moins prononcé, le patient se rappelait parfaitement ce qui s'était passé pendant le premier. » (p. 229.)

Faria : « Il y en a aussi dans cette catégorie, qui, sans être cataleptiques, dorment pendant des années entières... Etant éveillés au commandement, il décèlent un état d'imbécillité, ne connaissent rien de ce qui les entoure, et rapportent tout à l'époque qui a précédé leur sommeil. Dans les réveils intermédiaires, ils ne se remettent que ce qu'ils avaient vu dans le temps de leur état habituel de veille. » (S. L., p. 174.) *

2) Symptômes : Développement des plus variables symptômes dans l'état hypnotique.

Braid : « Dans différentes périodes de l'état hypnotique les symptômes les plus variables peuvent se développer, depuis l'insensibilité extrême et la catalepsie, jusqu'à la sensibilité la plus vive, et la plus grande excitabilité... Les patients montrent une puissance musculaire incroyable, ou

(1) M. Masson m'a renvoyé mon livre, et a abandonné ridée d'une traduction complète du volume ; j'ai donc écrit les pages suivantes comme appendice et je les ai envoyées à M. Vclpeau, en vue d'une communication à l'Institut ; j'adresse maintenant cet exemplaire au D' Azam. (.'Vote de Braid. p. 233).

la perte complète de la volonté, selon les impressions que l'on crée chez eux sur le moment. Ces impressions se produisent à la suite de suggestions auditives, c'est-à-dire provenant d'une personne en laquelle le patient a confiance. En effet, on peut jouer avec de semblables patients, dans la phase appropriée du sommeil, » comme sur un instrument musical » et leur faire prendre les rêves de leur imagination pour la réalité du présent. » (p. 230.)

Faria : « Les époptes disposent, à Tordre des concentrateurs, de tous les organes externes ou internes au gré de leurs désirs, de sorte que ceux-ci les assujettissent à recevoir les impressions voulues, indépendamment de toute action sensible des objets analogues et à exciter dans l'âme les idées correspondantes. » (S. L., p. 60.) Et « quand ils sont dirigés par une indication externe, digne de leur confiance, ils conforment leurs opérations intellectuelles et leurs actions corporelles à l'exacte précision du commandement. » (S. L^ p. 191.)

3) Paupière : Vibrations des paupières; impossibilité de les ouvrir.

Braid : « Une particularité du sommeil provoqué, c'est le phénomène qui se manifeste au sujet des paupières. Tandis que, dans le sommeil ordinaire, les paupières sont à l'étal de repos absolu, ici, elles vacillent continuellement. » {p. 230.) « Le premier Neurypnologie, qui attira mon attention, en tant que phénomène réel, fut l'incapacité d'un patient de M. Lafontaine, d'ouvrir les yeux après avoir été mesmérisé par lui. » (p. 232.)

Faria : « Il résulte aussi quelquefois... une clôture des yeux qui est difficile à régler à volonté; il faut même souvent que le concentrateur emploie le ministère des doigts povx remettre les paupières dans l'exercice de leurs fonctions naturelles. » (S. L., p. 168.)

4) Esprit : Influence de l'esprit sur le corps.

Braid : « Après une série d'expériences délicates, j'ai pu, dans mon travail intitulé The power of the mind over tke body, publié en 1846, établir le point suivant : Le fait de diriger l'attention d'une façon continuelle sur une partie du corps amène en quelques minutes un changement dans la

fonction de l'organe longuement considéré. » (p. 235.) Ensuit© il discute la théorie de Reichenbach et conclut: r J'avais montré, sans le moindre doute, que l'esprit du patient seul était capable de produire les effets attribués à la force nommée « odique » par Reichenbach, et que chez de tels individus les suggestions auditives peuvent aussi amener les mêmes phénomènes. » (p. 239.)

Faria : « Mais n'est-ce pas un paradoxe que de dire qu'on influe sur ses propres actions et qu'on ignore sa propre influence ? c'est une vérité exacte, mais mal observée par les physiologistes et les philosophes. » (S. L., p. 45.) On peut dire que l'ouvrage entier, du Sommeil Lucide est principale ment consacré à montrer l'influence de l'esprit sur le corps. Faria remarque aussi « combien la spiritualité est assujettie aux influences de la matière. » (S. L., p. 46.)

La force odique ou « odilique » de Reichenbach étant de la même nature que le magnétisme animal de Mesmer, et le magnétisme végétal de Puységur, voici ce que dit Faria à ce sujet : « ±-a supposition d'un fluide magnétique est tout à fait absurde, soit qu'on la considère dans sa nature, soit qu'on la considère dans son application, soit enfin qu'on la considère dans ses résultats. » (S. L., p. 360.) Pour Faria tous les phénomènes du sommeil lucide sont subjectifs.

5) Concentration : Influence de la concentration sur l'esprit,

Eraid : « Grâce à ma méthode d'hypnotisation, observe Braid, les phénomènes physiques peuvent se produire d'une manière plus sûre, plus rapide et plus intense par la concentration de l'esprit. » (p. 236.) L'imagination mentale et la concentration de l'esprit, dans l'état Ivypnotique, suffisent chez quelques individus pour évoquer des images, non pas vagues, mais absolument précises. » (p. 242.)

Faria : C'est Faria qui a proposé les mots : concentrateur et concentration. Nous avons déjà noté sur 3e paragraphe « Méthode » comment Faria demandait à ses époptes de fermer les yeux et de penser au sommeil. Pour Faria, la concentration est un facteur principal du sommeil lucide.

6) Suggestions : Influences des suggestions.

Braid : « On peut donc, observe Braid, en agissant for-

tement et par suggestion sur l'esprit des patients à l'état de veille, modifier l'activité physique des organes ou de la partie qui sert à la transmission des fonctions organiques... Tous ces résultats si remarquables doivent donc être attribués à la réaction mutuelle de l'esprit et du corps. » (pp. 242, 243.)

Faria:« Voilà ce qui concerne l'empire des époptes sur leurs organes internes, d'après renonciation de leurs concen- , trateurs. D'après cela, il n'est plus besoin d'accéder qu'aux ordres de ces derniers, les premiers se paralysent dans le membre nommé, éprouvant les douleurs annoncées, et se soulagent sur-le-champ même de leurs souffrances chroniques (S. L., p. 62.) (Voir aussi l'extrait donné dans la partie II, sous les numéros 3 à 6, qui commence par les mots : L'épopte dispose à l'ordre de concentrateurs, etc.)

7) Sens : Influence des suggestions sur les sens spéciaux. Braid : J'ai montré, dit Braid, que la même influence

(suggestive sur l'esprit des patients à l'état de veille) peut s'exercer par rapport au son, à l'odorat, au goût, à la chaleur et au froid. » (p. 242.) « L'on peut sous son influence, suspendre la fonction de la vue, le rendre aveugle devant un objet placé en face de lui. » (p. 247.)

Faria : « Ainsi, dit Faria, sans la présence des objets propres, les époptes voient, flairent, entendent, palpent, goûtent ce qui leur est nommé... L'ouïe, par exemple, n'écoute que ce qui a été dit une fois...» (S. L., p. 60.) « D'autres, selon Faria, éprouvent, sous la suggestion, des sensations de froid, de chaud, enfin de toute espèce (1). » Faria connaissait aussi les suggestions négatives, c'est-à-dire de suspendre la fonction d'un sens quelconque.

8) Hypnotisme : Définition de l'hypnotisme.

Braid: «On donnera le nom d'hypnotisme a la production du sommeil artificiel, quand il y a perte de la mémoire, de façon qu'au réveil le patient n'ait aucun souvenir de ce qui s'est passé pendant le sommeil. » Et il définit ce que l'on doit comprendre par les mots coma hypnotique, mono-idéologie, et mono idéo-dynamique. ( pp. "40, 246.)

(1) Noizet. op. cit. p. 110.

Faria : « Les sommeils ont leurs nuances et leurs degrés : celui qui est le plus profond est ce que nous avons appelé le sommeil lucide. (S. L., p. 35.) La concentration occasionnelle ou le sommeil lucide provoqué « est une abstraction des sens provoquée au gré et à volonté, avec la restriction de la liberté intime, mais en raison d'un motif fourni par une influence externe » (p. 42), c'est-à-dire par la suggestion.

9) Veille : Certains sujets peuvent être gouvernés à l'état de veille.

Braid : Après avoir observé qu'il y a des patients qui sans.entrer dans l'état proprement hypnotique, peuvent être gouvernés et contrôlés comme s'ils se trouvaient à l'état de dédoublement de la conscience, Braid dit : « Il en est même un assez grand nombre qui peuvent être influencés et contrôlés pendant l'état de veille et en pleine conscience d'eux-mêmes. » (p. -247.)

Faria: « Ce qu'on doit plus particulièrement y remarquer c'est que tous ces effets se développent, non seulement pendant le sommeil lucide, mais même aussi dans l'état de veille des époptes, lorsqu'ils ont été du moins une fois endormis occasionnellement. » (S. L., p. 62.)

10) Mouvement musculaire : Augmentation et diminution de mouvement musculaire.

Braid : « Je vais entrer, dans quelques détails an sujet de l'augmentation et de la diminution des mouvements musculaires sous l'influence de la suggestion. » Cp- 250.)

Faria : « D'après cela, il n'est plus besoin d'accéder qu'aux ordres de ces derniers (les concentrateurs) les premiers (les concentrés) se paralysent dans le membre nommé. » (S. L., p. 62.)

11) Passes mesmériques : Explication des 23asses mériques.

Braid : « Mes expériences m'ont conduit à attribuer les effets de ce procédé au pouvoir que possède l'esprit du patient d'amener des changements dans son activité physique. » (p. 252.) « Ma volonté était étrangère à ce fait. Les mouvements du patient sont instinctifs et automatiques, et dès lors, par conséquent l'impression mentale ne prouvait qu'une tendance aux mouvements. » (p. 252.)

Faria : Voyez a» paragraphe Méthode (Part. I) l'extrait du Sommeil Luciée qui commence par les mots : * Quelle vertu ont donc les attouchements, etc. » « Ce qu'il y a de plus décisif, dit Faria, contre les partisans de cette volonté externe, c'est, que l'expérience démontre qu'on endort les époptes ou somnambules avec la volonté, sans volonté, et même avec une volonté contraire. Je dis avec une volonté contraire, mais non exprimée, parce qu'autrement les époptes suivent les idées et non l'action inefficace d'une volonté externe. » (S. L., p. 318.)

12) Cause : Des phénomènes hypnotiques.

Braid : « Je n'ai pas encore vu de phénomènes qui ne fussent conformes aux lois physiologiques et psychologiques généralement admises. » (p. 286.)

Faria : « Le développement des phénomènes du sommeil lucide se lie « toujours aux causes naturelles. » (S. L., p. 107.) - 13) Mémoire : Relation entre le tégument frontal et la mémoire.

Braid : «Mes expériences sur le contact du cuir chevelu et au sujet des phénomènes passionnels que provoquait ce contact, me conduisent à conclure que les résultats obtenus ne prouvaient ni n'infirmaient l'organologie phrénologique; mais je soutiens qu'il y avait des relations entre le tégument frontal et la mémoire. » > p. 258.)

Faria : Nous avons déjà cité l'opinion de Faria sur ce sujet scus le n° 9 de la Partie II, qui commence par les mots « Voici comment on s'y prend... »

14) Puissance intellectuelle : Etonnante augmentation de la puissance intellectuelle.

Braid : « Les faits suivants montreront d'une manière frappante l'étonnante augmentation qui se produit dans la puissance intellectuelle à une certaine phase du sommeil nerveux. » Il signale l'exaltation des fonctions de l'odorat, la sensibilité du sens musculaire, la finesse de l'ouïe, etc. (p. 259).

Faria : " L'ouïe, par exemple écoute ce qui a été dit une fois... Les époptes trouveront la saveur déterminée qui n'existe pas dans ce qu'on leur présente... Ils palpent les corps qui ne sont pas devant eux... ils voient et sentent quoi-

qu'ils n'aient pas les objets devant eus. (S. L., p. 60.) En effet, Faria connaissait les suggestions de toutes les sortes.

Il y a plusieurs références à l'exaltation mentale et musculaire, et aux autres points notés dans cette partie, non seulement dans l'ouvrage de Faria, mais dans ceux de plusieurs autres écrivains. Cependant, et ceci est à remarquer, au cours de sa communication à l'Académie, Braid ne se réfère, ni à Faria, ni à Bertrand, ni à Noizet, pour quelque point que ce soit. Pour la confirmation de « ma théorie subjective », il se rapporte aux Fakirs et Yoguis de l'Inde.

IV. — RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS

Si la méthode ordinaire d'hypnotisation de Braid n'était pas supérieure à la méthode ordinaire de Faria ; — si la théorie subjective était déjà établie par Faria et admise par Noizet et Bertrand, avant que Braid l'eût connue indépendamment ; — si l'explication de la cause des phénomènes hypnotiques donnée par Faria était, comme sa méthode, plus avancée que celle de Braid ; — et, finalement, si à tous les principes ou conclusions de Braid on peut en trouver de semblables ou presque semblables dans l'ouvrage de Faria, comment se fait-il que Braid ait eu tant de renommée dans l'histoire de l'hypnotisme, tandis Que le nom de Faria n'est jamais mentionné par les auteurs anglais et allemands, et même pas assez souvent par les français ?

Cela, à notre avis, est dû à la circonstance que l'ouvrage de Faria avait disparu de la circulation depuis longtemps, et par conséquent n'était pas connu de plusieurs des auteurs, même en France, tandis que les ouvrages principaux de Braid étaient non seulement accessibles, mais avaient reçu le haut patronage de BroTvn-Séquard en France, et de Preyer, un distingué professeur de physiologie à Iéna, en Allemagne (1). En effet, on peut étudier beaucoup mieux les écrits de Braid en allemand qu'en anglais.

(1; Die Enleckung der Hypnolismus. Berlin. ISS1. Ceî ouvrage eonlienl, comme supplément, la traduction de la communication de Braid à l'Académie.— Der //j/pno^*mi/s.aus2e\vâhlteSchiiften von J. Brnid. Deulch heraus-pelien von Preyer, Berlin. 1852. Il contient huit écrits de Braid, mais pas la Xeurypnologie.

Une autre circonstance, c'est que Braid dans ses écrits parle toujours de « ma méthode », de « ma théorie », de « mes principes ». En lisant ses écrits, on croirait que l'hypnotisme était une tabula rasa avant lui, et que lui seul est le créateur de cette science. Et c'est malheureusement l'opinion de tous ceux qui n'ont pas étudié les ouvrages de Puy-ségur, Deleuze, Paria, Bertrand, Husson, Noizet, etc.

Il est possible, aussi, que quelques médecins ne donnent pas autant d'importance aux travaux de ceux qui ne sont pas de la profession. Mais il faut considérer que Faria fut admis comme membre de la Société Médicale d'une ville aussi importante que Marseille, et que l'étude de la théorie de l'hypnotisme, comme celle delà vie, appartient plus aux philosophes qu'aux médecins (1) ; et Faria était non seulement un philosophe par profession, mais aussi par tempérament. Ce qui appartient, et devrait toujours appartenir aux médecins, c'est la pratique de l'hypnotisme.

Mais, on demandera, naturellement, si Braid n'a rien fait pour l'hypnotisme Si, il a fait beaucoup, mais il n'est jamais arrivé à le regarder à un point de vue aussi élevé que celui de Faria. Avec sa méthode ordinaire il ne pouvait pas arriver à une théorie purement suggestive ou psychique. La théorie dépend de la méthode : si la méthode n'est pas parfaite, la théorie ne peut pas être parfaite, et si l'on arrive parfois à une théorie parfaite avec une méthode imparfaite, on y arrive malgré soi. C'est exactement ce qui est arrivé à Braid. Son amour-propre ne lui a jamais permis d'abandonner sa méthode ordinaire en faveur de la méthode ordinaire de Fana.

Pour nous, la doctrine de Braid, ou le « Braidisme », n'est sinon la confirmation de la doctrine de Faria : c'est le « Fariisme » avec des expériences plus variées des phénomènes hypnotiques, avec de meilleures explications physiologiques, et avec une tournure plus médicale.

Braid avait une aptitude admirable pour les expériences pratiques de l'hypnotisme. Citons seulement deux exemples :

(1) Deux des vice-présidents, el plusieurs membres de la Société de l'Hypnotisme de Paris, ne sont pas médecins.

si bien que Faria, Delsuze et quelques autres écrivains connussent ce que l'on nomme aujourd'hui Yéchotalie, ou la vois d'écho, personne, avant Braid, n'avait à notre connaissance, tenté l'expérience de faire chanter une somnambule, qui connaissait à peine la musique, à la manière d'une artiste comme Jenny Lind ; et, si bien que Faria et d'autres connussent l'influence de la matière sur l'esprit, c'est Braid qui a, le premier, montré que la position du corps pendant le sommeil hypnotique peut notablement influer sur les émotions et sensations mentales. Braid vivait dans une période où la physiologie et même la psychologie avaient fait beaucoup de progrès en comparaison de l'époque de Faria (1) et il avait l'assistance de Carpenter et de Robson Mayo, tandis que Faria avait dû travailler seul, avec toute la Faculté et tout le monde contre lui. Inutile d'observer que toutes les explications données par Braid ne sont pas acceptables aujourd'hui, parce que la physiologie et la psychologie ont fait de grands progrès depuis T860. Comme médecin praticien Braid a donné, naturellement, plus d'attention au côté thérapeutique de l'hypnotisme.

On note les différents points de vue sous lesquels Faria et Braid x^egardaient l'hypnotisme, par les titres de leurs ouvrages : Faria, le docteur en philosophie, intitule son livre : De la cause du Sommeil lucide, ou Etude de la Nature de l'Homme; et Braid, le médecin, intitule le sien : Neurypno-logy or the rationale of nervous sleep, considered in relation with animal magnetism. Illustrated by numerous cases of its successful application in the relief and cure of disease (2).

Voici ce que le professeur Bernheim, le plus eminent représentant de l'école de Nancy et un des très rares auteurs qui aient étudié les ouvrages de Faria et de Braid, dit à l'égard du Braidisme : « Ce n'est donc pas à James Braid qu'appartient la découverte de l'hypnotisme. Le mot seul lui appartient. Il est vrai de dire, cependant, que par l'impor-

(1) Pour voir la différence il est suffisant de comparer l'ouvrage de George! : De la Physiologie du Système Nerveux, Paris 1821, avec celui rte Carpenter: Principles of Human Physiology, London, 1st?.

(•?) l.e Hire original nnglais est modifié dans la Iraduction française.

tance de ses études approfondies sur la question, par le fait d'avoir établi que sa méthode était applicable à tous les sujets, et procédait d'une loi générale de l'économie animale, et par la découverte de sa puissance curative, le nom de Braid mérite de rester attaché à l'histoire des origines scientifiques de l'hypnotisme. » (1)

« A Faria, dit-il, appartient incontestablement le mérite d'avoir le premier établi la doctrine et la méthode de l'hypnotisme par suggestion, et de l'avoir nettement dégagée des doctrines singulières et inutiles qui cachait la vérité-.. C'est en réalité lui qui le premier donna la conception nette et vraie des phénomènes de l'hypnotisme, qu'il appelait sommeil lucide. » '2)

Sur cette appréciation du savant professeur, nous prenons la liberté d'observer qu'il est vrai que Faria ne croyait pas, comme plusieurs auteurs d'aujourd'hui qui n'acceptent pas les idées de l'Ecole de Nancy, que tout le monde était hypnotisable. Il était de l'opinion qu'en France une personne sur cinq ou six était hypnotisable. Comme conséquence naturelle, il ne pouvait pas admettre que l'hypnotisme est une loi générale de l'économie animale, mais il affirme que les phénomènes, quand ils existent, dépendent de causes absolument naturelles et subjectives. Sur la valeur des suggestions thérapeutiques chez les époptes ou les personnes susceptibles d'être hypnotisées, Faria est allé plus loin, probablement, que Braid lui-même. « Nous avons déjà annoncé, dit Faria, que nul épopte de quelque grave maladie qu'il soit atteint n'a besoin ni de médicaments, ni d'ordonnances, qu'il lui suffit de se présenter, et qu'il a dans son sommeil seul, ou même dans ces seules dispositions au sommeil ce qui est nécessaire à son propre rétablissement, » S. L., p. 234.

Quand Cnarcot et ses disciples à Paris, Liébeault et Bernheim à Nancy, Heidenhein et Prever en Allemagne, et Sepilli et Tamburini en Italie, commencèrent à étudier l'hyp-

(1) Hypnotisme, suggestion, psychothérapie. 2* éd. Paris, 1903, p. 6S.

(2) Idem, pp. 68, 87. —Je voudrais faire remarquer ici que les mois « Sommeil Lucide » sont devenus, aussi, classiques. Dernièrement, M. P. Arunacha-lam, M. A, Cantob. o publié sous le titre de Luminous Steep (Colombo, 1903) une intéressante brochure.

notisme, les écrivains anglais Romanes (1), M'Kindric (2), et Sutton (3) accusèrent les auteurs continentaux d'avoir employé les méthodes et répété les expériences de Braid, sans faire mention de son nom et de son ouvrage (4). Après tout ce que nous avons exposé, nous voudrions savoir si Braid avait suffisamment reconnu l'ouvrage de Faria, et nous le faisons avec d'autant plus de raison que son attention était attirée sur la méthode et la théorie de son devancier, avant de publier une seule ligne de sa Neurypnology, mais nous le faisons aussi, sans aucun parti pris, et sans la moindre intention de diminuer, en quoi que ce soit, le vrai et le grand mérife des travaux de Braid. Notre objet est de demander, seulement et simplement, plus de justice pour l'ouvrage du savant abbé de Faria.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLÛGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance annuelle du mardi 19 juin 11)06- — Présidence de M. Georges Rocher, ancien membre du Conseil ce l'Ordre des avocats, vice-président de la Société de médecine légale.

Rapport médico-légal sur une voyante

par M. le D' Paul MaGNIX, professeur â l'Ecole de psychologie.

Je demande à la Société la permission de lui communiquer sommairement les conclusions d'un rapport médico-légal ayant trait à une voyante qui avait fait beaucoup parler d'elle dans la région où elle exerçait son métier.

Cette voyante, endormie par son père ou, à son défaut, par son frère, était assisiée d'un médecin qui signait les ordonnances.

Après avoir constaté chez M11' X... l'existence de stigmates hystériques des plus marqués (anesthésie générale et spéciale, amyosihénie, etc.), nous l'avons fait endorniir puis réveiller par son père; nous l'avons ensuite hypnotisée nous-mème très facilement. La fixation du regard

(1) Sineteenth Cenlunj. Sepl. 1880 p. 470. ,

(2) Encyclopédia Britannica- Article Magnetism (animal).vol. VI,1S83.

(3) Dictionary of :' Mai BioQraphy. Article Braid (James). Vol. VT ISSU.

(4) Ces opinions peuvent paraître arriérées : c'est vrai, mais elles sont répétées sans aucune réserve, et confirmées dans les ouvrages d'aujourd'hui. Par exemple, dans l'Introduction à une édition de Xeurypnologie, publiée en 1899, M. YVaite dit : h II parait incroyable que Heidenbein. n'ait pas eu connaissance que Braid ('(ait le fondateur de l'hypnotisme. ¦ p. 64.

avait, entre autres procédés, une action très rapide, le réveil étant obtenu par le souffle sur les yeux.

Pendant le sommeil, nous nous sommes attachés à rechercher les signes qui défient la simulation. Xous avons reproduit l'expérience classique des attitudes cataleptiques. M11' X... étant assise sur une chaise, les membres supérieurs élevés à tour ds rôle à la hauteur de l'épaule, dans l'abduction et dans une position perpendiculaire à l'axe du corps, ont pu conserver cette position pendant plusieurs minutes. Un morceau de papier, placé sur le dos de la main, les doigts étant écartés, destiné â enregistrer le moindre tremblement du membre, n'a pas présenté la plus minime oscillation. Examiné à nouveau, le membre avait conservé toute sa souplesse.

Pendant tout le temps qu'a duré l'expérience, il ne s'est produit ni du côté de la face, ni du côté du thorax, aucun signe pouvant faire croire à un effort respiratoire quelconque.

Sous l'influence de tractions légères exercées sur les doigts et la main, le membre supérieur est immédiatement entré en contraction. Cette contraction n'a eu aucune tendance à disparaître par pression exercée sur les doigts, sur le poignet ou sur les muscles de l'avant-bras ; elle n'a eu au contraire que tendance à s'exagérer; par contre, le plus léger souffle sur l'extrémité des doigts l'a fait immédiatement disparaître.

Ces constatations démontraient nettement la réalité du sommeil hypnotique tel qu'il se présente chez un grand nombre d'hystériques.

Xous avons donc conclu, répondant à la première question du tribunal :

M"e X... appartient à cette catégorie d'hystériques facilement hypno-tisables par n'importe quel procédé dont le nombre est relativement considérable et parmi lesquelles se recrutent les somnambules.

Le fait que M11' X... soit facilement hypnotisable ne constitue donc rien d'extraordinaire. Ce sont là des laits bien connus de tous les médecins qui s'occupent de système nerveux.

La facilité avec laquelle M11* X... est hypnotisée autorise la supposition que cet état, qui est le principal élément de son succès auprès de c-ux qui viennent la consulter, est toujours provoqué dans les mêmes conditions.

Mais de ce fait que M"* X... est hystérique et hypnotisable, il n'en résulte nullement l'apparition d'une aptitude spéciale à interpréter des états ou des phénomènes physiologiques ou pathologiques soit sur des individus présents avec lesquels elle se mettait en communication directe en les touchant de la main, soit à distance sur des individus éloignés d'elle avec lesquels elle se mettait en relation indirecte en touchant de la main un objet à leur usage personnel (flanelle, foulard, etc.), ou une mèche de leurs cheveux.

. L'état hypnotique même le plus développé ne confère à ceux qui y sont plongés aucune faculté extraordinaire, aucune aptitude spéciale.

Un hypnotise n'acquiert pas de par le fait qu'il dort le talent de faire un portrait s'il ne sait pas dessiner et peindre ; en un mot, il ne pourra pas, du fait du sommeil, exécuter un acte qu'il serait incapable de réaliser à l'état de veille. ^

A plus forte raison, il ne saurait acquérir le pouvoir de faire des diagnostics, de porter des pronostics, d'instituer des traitements, toutes choses déjà très dilliciles à réaliser à la suite de longues études théoriques et pratiques.

La deuxième question qui nous était posée était relative aux ordonnances délivrées par le médecin assistant la somnambule. Il s'agissait de savoir quelle était leur valeur absolue ou relative, leur innocuité ou leur danger.

De l'examen et de la comparaison de ces ordonnances, nous avons conclu à une influence curative à peu près nulle.

La variété de ces ordonnances est plus apparente que réelle. Elles sont presque uniquement composées de spécialités qui reviennent dans un ordre quelconque et qui ne se rapportent à aucune indication nettement déterminée.

Elles ont précisément pour fond commun une innocuité à peu près certaine qui permet de les appliquer à toutes les maladies indistinctement et même dans les cas où il n'y a aucune maladie.

Leur étude approfondie ne nous parait pas prouver qu'il ait jamais été établi un diagnostic bien complet.

On ne sort pas des généralités qui ne peuvent donner satisfaction qu'à des esprits incapables d'une sérieuse réflexion.

On peut dire d'une façon générale qu'en tant que composition et choix des médicaments, elles ne constituent pas des prescriptions dangereuses.

Mais le danger de ces ordonnances réside précisément dans le fait de ne pas prescrire un traitement nécessaire dans le cas où on se trouverait en présence d'un malade ayant réellement besoin d'être Sérieusement soigne. Cette négligence constitue un des éléments les plus importants de la responsabilité dans la pratique de l'art médical.

Le tribunal nous demandait ensuite d'observer MU| X... et ses coïnculpés au cours de consultations qui devaient être données par eux à des malades dans des conditions offrant toutes les garanties nécessaires et de procéder â toutes expériences que nous pourrions juger utiles à la manifestation de la vérité.

Nous avons refusé d'accepter cette mission pour des motifs de deux ordres : d'ordre de moralité et d'ordre d'application pratique.

Il ne nous parait pas conforme à l'esprit même de la loi d'associer dans un examen médical deux personnalités dont l'une est tenue au secret professionnel et l'autre pas.

Supposons que le malade soumis à l'examen soit atteintde syphilis ou d'une autre affection organique : Il ne sera pas permis aux médecins d'affirmer publiquement son diagnostic et d'exposer les raisons qui l'ont

amené à le formuler. Par contre, l'inculpée aurait toute latitude d'affirmer son dire s'exposant ainsi à porter au malade le plus grave préjudice. Le médecin serait donc obligé de limiter le choix de ses malades àdfcs cas sans importance et incapables de rien démontrer.

Au point de vue de l'application pratique, une coïncidence grossière entre le dire de la prévenue et l'affection du malade pourra paraitre lui donner raison. Il n'en sera rien en réalité.

Aura-t-elle affirmé, par exemple, l'existence d'une maladie de cœur, dont les manifestations extérieures sont évidentes, cela ne démontrera aucunement la réalité d'un diagnostic exact. La valeur d'un traitement résulte uniquement de la précision de ce diagnostic, tenant compte, dans chaque cas particulier, de la localisation des lésions, de leur étendue, de leur ancienneté, de leurs rapports avec l'état général antérieur et actuel, de l'état relatif des autres organes, etc.

Nous devons ajouter que les malades pris dans un hôpital ont été observés par un assez grand nombre de personnes etqu'une indiscrétion commise, même de très bonne foi, peut venir supprimer toute garantie à l'égard de ces examens.

D'ailleurs, et je répondais ici à la quatrième question qui m'était posée, dans l'état actuel de la science, on peut affirmer qu'une somnambule ne peut en aucun cas connaître la maladie d'une personne et indiquer les remèdes convenables sans études médicales.

Cette affirmation n'est pas seulement le résultat de notre opinion personnelle. Elle s'appuie sur l'autorité des savants les plus éminents. Qu'il me sufflse de citer les noms de Lasègue, de Claude, de Brouardel, de Voisin, de Pitres, de Dumontpallier. Ayant observé un nombre considérable de somnambules et de sujets hystériques et hypnolisables, ils n'ont jamais pu constater aucun fait permettant de croire à la réalité des phénomènes que l'on prétend exister chez Mlle X.

Ce qui d'ailleurs n'a pas empêché plusieurs des susdites hystériques du service de Charcot d'aller jouer en ville, à leur sortie de la Salpé-trière, le rôle de somnambules extra lucides.

Par contre, cette croyance en la lucidité des somnambules et des sujets hypnolisables est acceptée comme un article de foi par un grand nombre de personnes qui sont d'ailleurs absolument dépourvues de compétence. Pour qui sait le rôle considérable que joue l'imagination, les guérisons ou semblants de guérisons obtenues par les somnambules n'ont rien d'extraordinaire. C'est l'éternelle histoire de la foi qui guérit.

Et la crédulité humaine n'est peut-être jamais aussi facile à exploiter que lorsqu'on se trouve en présence d'individus inquiets au sujet de leur propre santé ou de celle des êtres qui les touchent de près.

Le tribunal me demandait enfin de dire si M"° X..., jouissait de l'intégrité de ses facultés mentales.

J'ai conclu par l'affirmative. C'est de son plein consentement que M"* X..., se soumet aux expériences d'hypnotisme réalisées par son père et son frère. A cet égard, existe chez elle l'état mental décrit par tous les auteurs qui se sont occupés de la question.

Il est toutefois de mon devoir d'ajouter que les séances d'hypnotisme pratiquées fréquemment sur elle peuvent à la longue exercer sur son organisme les effets les plus pernicieux. A cet égard, dans le cas ou surviendraient plus tard chez elle des troubles nerveux d'ordre physique ou d'ordre mental accentués, MM. X..., père et fils se trouveraient avoir assumé une notable responsabilité.

En présence de ce rapport, les prévenus ont argué que M"° X... était magnétisée et non hypnotisée, nos conclusions ne pouvaient lui être applicables. A !a requête du tribunal j'ai dù, dans une note supplémentaire, exposer que l'hypnotisme actuel n'était autre que l'ancien magnétisme scientifiquement étudié.

Les diagnostics de MIU X..., étaient réellement faits pour entraîner la conviction. En voici quelques échantillons :

Un cocher, au service d'un médecin, lui envoie, à l'instigation de son maître, une mèche de ses cheveux en disant qu'il souffrait d'un genou alors qu'il était en réalité en parfaite santé. La voyante diagnostique une hydarlhrose et une ankylose l'empêchant de marcher. Elle prescrit des frictions avec la pommade au sel noir de Vincent, de la tisane Dela-tour, des pilules ferrugineuses, du sirop de pensée et de chicorée sauvages. Coût : cinq francs.

Sur le conseil de son beau-père, soi-disant guéri par la voyante, un gérant d'usine adresse à celle-ci une mèche de ses cheveux, plus cent sous. M"* X..., répond : albuminurie, ce qui était inexact. Sceptique.il renvoie à la voyante une nouvelle mèche de ses cheveux, mais sous ie nom d'un de ses contremaîtres. Mlle X..., répond par un autre diagnostic et un autre traitement.

Une enfant de huit ans affligée d'une coxalgie devait partir à Berck. Le père de la voyante décide la mère de l'enfant à consulter sa fille. Conclusion : cinq ou six consultations à trois francs avec, chaque fois, une ordonnance coûtant environ vingt francs. On prescrivit même un corset spécial. Finalement la voyante déclare que l'enfant devait rester couchée. Au bout de six semaines de traitement les souffrances de l'enfant devinrent telles que la mère se décida à consulter un médecin qui constata une ankylose de la hanche en position très déviée. Notons en passant que la mère n'accuse pas M"' X..., de l'aggravation du mal de sa fille.

Un mari a sa femme atteinte d'une tumeur du sein. Sur ses instances, il consulte la voyante en lui envoyant une mèche de cheveux de.la malade et cinq francs. II reçoit la réponse suivante, merveilleuse de précision :

Il y a longtemps déjà que c'est comme ça et ça n'est provoqué que par de réchauffement et ça l'affaiblit beaucoup au point que ça donne des contractions nerveuses. Ça donne des brùlements, des points de cêté et des picotements. Beaucoup de faiblesse des jambes et de tête. En se

soignant ce ne sera rien mais il est temps. Ça se complique plus tôt plus en plus. Prendre un bain de siège matin et soir avec deux livres de son dans l'eau ; à l'eau très douce. Y rester un quart d'heure. Prendre tous tes matins une cuillerée à bouche de tisane Delatour à jeun. A dix heures et à quatre heures, prendre une cuillerée à bouche de glycére-phosphate de chaux.

Faire préparer une bouteille de 300 grammes d'eau de tilleul, 250 grammes d'eau de fleur d'oranger et 16 grammes d'eau chloroformée et en prendre une cuillerée abouche toutes les heures et un petit verre après le repas, une cuillère à bouche de charbon de Belloc, dans un peu d'eau. Nourriture, boisson : ce qu'on veut. Revenir dans dix-neuf jours.

La lettre est signée du père de la voyante et du médecin.

Inutile d'ajouter que la malade a été ultérieurement opérée avec succès de sa tumeur.

Ces quelques exemples pris parmi beaucoup d'autres sufiisent, je crois, à vous montrer combien était étonnante la clairvoyance de ? X...

Les prescriptions ne paraissent d'ailleurs pas avoir été toujours aussi innocentes que mon rapport semble l'indiquer.

J'ai appris qu'un cardiaque aortique, asystolique qui n'avait bien entendu pas hésité à préférer au régime lacté prescrit par son médecin (duquel je tiens le fait), le régime tonique et fortifiant (viandes rôtie*, vin tonique Dunois) conseillé par Mu* X..., avait succombé en quelques jours.

Autre fait : Un malade avait été interné dans une maison de santé à la suite d'un accident (balle de revolver restée dans la téte). Grâce à l'amélioration de son état, il était rentré dans sa famille. Il eut la malencontreuse idée d'aller consulter !a somnambule. Celle-ci ne diagnostiquant pas sa maladie (balle dans la téte et aliénation mentale), le traita pour faiblesse générale en lui faisant prendre des fortifiants, médication tellement contraire que les parenis du malade craignirent une rechute nécessitant un nouvel internement.

La famille en fut réduite à demander au procureur de la République deX..., de qui je tiens le fait, d'intervenir pour obliger M"" X... et le médecin qui l'assistait à vouloir bien prescrire les médicaments ordonnés par le médecin du malade! Inutile d'ajouter que le procureur dut faire comprendre aux parents que c'était là une mission qu'il ne pouvait accepter.

La lecture du volumineux dossier de cette affaire m'a particulièrement intéressé. J'y ai trouvé en effet toute la gamme, depuis l'individu qui va consulter « la somnambule .» sans conviction et en sort persuadé qu'il a eu affaire à une farceuse, jusqu'à celui qui, croyant au pouvoir surnaturel de « la voyante », se trouve ou se croit guéri par le traitement prescrit par elle. Entre ces deux extrêmes figurent ceux qui, ayant porté l'ordonnance chez le pharmacien, ont été éclairés par un sourire discret ou les réflexions de celui-ci ou... par le prix des médicaments ! C'est bien, vous le voyez, l'histoire de la foi qui guérit.

J'ajoute que le docteur M... qui, à la requête de la défense, avait assisté à mon expertise, n'a obtenu dans les expériences qu'il a tentées sur M1,e X... que des résultais absolument négatifs. Il n'en a pas été de même du Dr B-.., qui s'est présenté a la barre pour témoigner en faveur de la voyante.

Mes études sur les vibrations de la vitalité humaine a dit, entre autres choses, le docteur B..., m'ont permis de constater que chaque segment de notre organisme, segment central, segment pulmonaire, segment gastrique, segment génital ont une radio-activité, une zone de vibrations différentes comme nature, qui par leur puissance d'émanation, peuvent exercer une influence télépathique, une sorte de télégraphie sans fil sur la radio-activité passive des organes d'une autre personne en hypotension vitale.

On sait combien l'influence sexuelle est grande, combien certaines personnes déprimées, vidées de forces, recherchent le contact et l'atmosphère de personnes bien portantes qui respirent, inspirent et émanent la santé. On comprend des lors comment il peut s'établir un transfert flui-dique entre les vibrations d'une personne maladive et celles d'une personne saine.

Si la personne saine est sensitive, elle perçoit la nature de ces vibrations, si elle est psychomètre, c'est-à-dire possédant la faculté de transformer ces vibrations en images psychiques ou notions mentales, sa personnalité perçoit par un mécanisme qu'elle ignore et qui peut échapper à sa conscience des notions aussi précises que la plaque photographique recevant les effets lumineux des objets éclairés par le soleil, etc., etc.

Et après avoir fait passer sous les yeux du Tribunal les fameuses photographies que vous connaissez ious, le docteur B... a conclu des diverses expériences qu'il a faitea sur la voyante : que Mlle X... a une médiumnité bien nettement établie à l'état de sommeil provoqué. C'est une psychomètre inconsciente enregistrant fidèlement les vibrations pathogènes émanées de la radio-activité de nos organesà l'état maladif.

D'autre part, c'est un instrument qui me parait incapable d'enregistrer les vibrations d'un plan conscient supérieur, ce qui limite sa voyance aux phénomènes pathologiques.

Je le considère comme exact au point de vue de médium enregistreur des vibrations de la vitalité maladive, mais elle ne perçoit ni les vibrations inférieures de la sensation physique, ni les vibrations supérieures de la sensibilité spirituelle; ces domaines lui sont fermés...

Elle est un instrument psychométrique dont la loi doit reconnaître la vérité, si elle croit devoir en limiter l'emploi.

Et devant la lumineuse clarté de cette déposition, le Tribunal a écarté le délit d'escroquerie pour ne retenir que celui d'exercice illégal de la médecine et condamné MIU X..., son père et son frère à une amende insignifiante. Le malheureux confrère qui assistait la voyante était mort avant le jugement !

Discussion

D' Paul Farez. — Les prédictions et les consultations de ces prétendues voyantes ne sont pas aussi inoffensives qu'on pourrait le croire. A l'appui de cette opinion, je puis citer le cas d'une de ces malades actuellement atteinte de manie aiguë et placée dans une maison de santé, qui leur a dû l'aggravation de son état. A l'aide d'une mèche de cheveux envoyée en cachette par le mari, la voyante fit, en teimes amphigouriques et contradictoires, un diagnostic tout à fait erroné, auquel elle ajoutait, pour cette agitée, une ordonnance de sept produits toniques et stimulants !

M. Rocher. — Il serait temps de protéger le public contre sa propre crédulité ; des sociétés compétentes comme la vôtre devraient faire connaître directement aux pouvoirs publics que la prétendue clairvoyance est dénuée de toute valeur scientifique.

M. L. FaVre. — Je ne suis pas d'avis que l'on rende cet arrêt définitif; j'estime qu'on devrait faire des expériences nombreusesavec chacune de ces voyantes et se prononcer sur son cas personnel et non sur la clairvoyance en général; d'ailleurs, les expériences négatives ont aussi leur valeur, ne fut-ce que pour déraciner complètement les opinions erronées et désabuser ceux qui les ont adoptées.

Dr Félix Regnault. — ïl y a quelques années, un prétendu liseur de pensées a été étudié à l'Ecole de psychologie. M. Paul Farez a nettement montré qu'il s'agissait non pas d'un liseur de pensées, mais d'un liseur de muscles.

Dr Bérillon*.— Depuis de nombreuses années nous avons eu l'occasion d'étudier un certain nombre de somnambules ou prétendues telles qui ont été produites à Paris et présentées comme douées de dons tout à fait exceptionnels. En présence de gens ignorants et crédules, dépourvus de l'esprit de contrôle, les expériences ont souvent l'air de réussir ; faites avec des garanties scientifiques, elles échouent chaque fois. Actuellement, la question est jugée, et plus n'est besoin de perdre notre temps àdes expériences qui, toujours, dans le passé, ontprouvé que la prétendue lucidité n'existe pas et ne repose que sur des illusions.

A la stupéfaction générale du monde médical, les juges de Saint-Quentin ont dans une certaine mesure, admis la lucidité de cette voyante en ce qui concerne la pratique de l'art médical. Mais si, sans avoir étudié l'anatomie, la physiologie, la pathologie, la matière médicale ou la thérapeutique, cette voyante est capable de se prononcer avec exactitude sur le diagnostic et le traitement des maladies, elle devrait bien aussi, sans avoir étudié le code, les lois ou la jurisprudence, posséder la compétence et l'expérience d'un magistrat de carrière; aussi nous ne désespérons pas de voir les juges de Saint-Quentin, conséquents avec eux-mêmes, recourir à ladite voyante pour rédiger certains attendus ou solutionner des cas épineux soumis à leur juridiction. Il y aurait là un moyen aussi d'éviter les erreurs judiciaires et peut-être d'accélérer

la rapidité du fonctionnement de la justice, qui, comme chacun sait, est plus que jamais atteinte de claudication.

Dr Jules Voisin.— 71 est bien évident que, si un hypnotisé recevait la suggestion qu'il est devenu président du Tribunal, il n'aurait pas, par ce seul fait, acquis l'aptitude à rédiger des jugements en harmonie avec le code et à connaître les dispositions pénales applicables à chaque espèce. Aussi pour clore cette discussion, je vous propose de voter la'rédaction suivante qui répond au vœu formulé tout à l'heure par M. Rocher:

« La production de l'état hypnotique permet d'obtenir la réalisation (Tac-tés déterminés, l'apparition d'émotions, de sentiments, d'opinions, la modification de certaines modalités du caractère; mais en aucun cas, elle ne dote le sujet hypnotisé des attitudes et de la compétence que peuvent seules donner la science et l'expérience. En particulier, pour ce qui concerne l'art médical, la prétendue clairvoyance relativement au diagnostic et au traitement est contraire aux faits bien observés et doit être considérée comme inexistants. ,

(Cette proposition est adoptée à l'unanimité. )

La technique de la suggestion hypnotique à distance (par lettre), par m. le Dr Paul Joire (de Lille).

On se trouve parfois amené à employer en thérapeutique la suggestion à dislance. Quelques cas récents, dans lesquels nous l'avons utilisée avec beaucoup de succès, nous ont amené à étudier latechnique de cette méthode,

Nous pouvons tout d'abord affirmer que l'on peut attendre d'excellents résultats de ce procédé; mais il faut se placer dans les meilleures conditions et, pour cela, bien connaître les règles à observer.

La suggestion à distance se fait ordinairement par correspondance; nous écrivons au sujet les suggestions que nous voulons lui voir réaliser. -

La suggestion à distance n'est pas autre chose qu'une suggestion hypnotique, mais elle présente ceci de particulier que le suggestion-neuret le suggestionné ne sont pas en présence l'un de l'autre et que la suggestion est forcément indirecte.

Il faut donc tout d'abord se conformer aux règles de la suggestion hypnotique; et la première chose pour cela c'est de placer le sujet en état d'hypnose. Souvent il suffira de produire un état hypnotique léger, comme cela se pratique du reste pour beaucoup de suggestions thérapeutiques; il n'en est pas moins indispensable que cet état hypnotique soit produit.

Certains auteurs en parlant des suggestions faites dans les états hypnotiques superficiels, que nous appelons le premier degré de l'état somnambulique, les ont improprement appelées suggestion à l'état de veille.

La suggestion à l'état de veille n existe pas : le mot même est un véritable contre-sens pour quiconque a pris la peine d'étudier les états hyp-Botiques et se rend compte de ce qu'est la suggestion.

Pour qu'un sujet reçoive une suggestion, il faut évidemment qu'il soit dans un état de suggestionnabilité.Or, la suggestionnabilité est un phénomène qui ne se présente pas à l'état de veille normale. On peut persuader un sujet à l'état de veille ; on ne peut pas le suggestionner; et la différence est grande entre la persuasion et la suggestion. Et cela ce a'estpas parce que le fait suggéré est un fait dont le sujet ne pourrait pas être persuadé, mais bien parce que la persuasion ne produirait pas du tout les effets de la suggestion. Je ne suis pas de l'avis de m. Babinski quand il dit que le mot suggestion, dans le sens médical, exprime l'action par laquelle on cherche à faire accepter à autrui ou à lui faire réaliser une idée manifestement déraisonnable.

. Sans doute chacun peut donner à ses mots le sens qu'il veut et si un auteur veut nous prévenir que par le mot suggestion il exprimera l'idée ¦ chose absurde », il est libre de le faire ; mais on s'appuie sur la définition des mots pour les employer rationnellement et c'est ainsi que nous faisons pour nous entendre en français. Quand, ayant mis en état d'hypnose, un individu atteint de paralysie des jambes, on lui suggère qu'il peut remuer ses membres, cela n'est pas absurde ni même déraisonnable puisqu'on le voit immediatement.au commandement donné, lever les pieds, allonger les jambes, etc.. Quand on lui dit encore qa'après son réveil, il pourra se lever et marcher cela n'est ni absurde ai déraisonnable puis qu'il se lève et qu'il marche.

Quand je prends un homme qui a une phobie et qui n'ose aller dans tel ou tel endroit, si, après l'avoir hypnotisé, je lui suggère qu'il n'aplus peur, ce que je lui dis n'est ni absurde ni déraisonnable", car, en réalité, il n'a plus peur et la preuve c'est qu'après son réveil il ira sans aucune émotion partout où il n'osait aller autrefois.

C'est bien là essentiellement la vraie suggestion hypnotique, on voit qu'elle n'est en rien absurde ni déraisonnable.

Mais pour que la suggestionnabilité se développe, il faut nécessairement que le sujet passe de l'état de veille dans un état d'hypnose. Cet état d'hypnose peut être très léger, le passage peut même être imperceptible pour les personnes qui n'ont pas une grande expérience des états hypnotiques, il n'en est pas moins réel c'est ce qui se présente pour les états les plus superficiels du premier degré du somnambulisme. Dans la circonstance qui nous occupe, quand nous voulons faire une suggestion à distance, comment allons-nous faire pour placer le sujet en état d'hypnose.

Tout d'abord il faut considérer deux cas bien différents : i° Le cas où nous connaissons antérieurement le malade, où nous l'avons déjà hypnotisé directement ; 2° Le cas où nous ne connaissons le malade que par sa correspondance, où nous ne l'avons jamais vu.

Il est évident que dans le premier cas la chose est beaucoup plus facile

surtout si nous avons déjà pu prévoir dans une hypnotisation antérieure la circonstance où nous aurions à traiter le sujet à distance, et si nous lui avons fait des suggestions appropriées. 11 suffit alors de lui rappeler la suggestion faite antérieurement, l'état d'hypnose est facilement produit comme une suite de cette première suggestion directe.

Le second cas présente un peu plus de difficulté, et il faut agir suivant ce que l'on peut connaître du plus ou moins de suggestibilitédu sujet et suivant que l'on veut le mettre dans un état d'hypnose plus ou moins profond pour obtenir la réalisation des suggestions qui lui sont faites.

Il faut d'abord prescrire au sujet de s'entourer des circonstances extérieures les plus favorables pour obtenir la production d'un état hypnotique. Pour cela on lui ordonnera de se retirer dans une chambre, isolée autant que possible des bruits du dehors, où il soit seul, tranquille sans que personne puisse venir le déranger. Là, après avoir pratiqué une demi-obscurilé, il devra s'asseoir bien à l'aise dans un fauteuil, la tète appuyée, et avoir devant lui une table sur laquelle il puisse placer les suggestions écrites qui lui sont envoyées et les avoir commodément sous les yeux.

Ces préparatifs préliminaires doivent être prescrits dans toutes les circonstances, ils ne sont pas indifférents, car ils produisent déjà sur le sujet une impression utile.

Ceci bien établi on peut par différents moyens provoquer l'état d'hypnose. Il est bon d'en avoir un certain nombre présents à la pensée afin de pouvoir les varier suivant les circonstances.

Si l'on a à faire à un sujet que Ton sait facile à hypnotiser et sensible à la suggestion, le moyen le plus simple consiste, après qu'il s'est biea installé dans le fauteuil et ayant placé les suggestions écrites bien à sa vue sur la table, à lui ordonner de fermer les yeux pendant cinq minutes, de garder une immobilité complète, de respirer lentement et pro-fondémentet de concentrer toute sa pensée et son atiention sur ce qu'il va faire. Il est même bonde lui conseiller de s'exercer à plusieurs reprises, à se placer dans cet état, avant de lire les suggestions, afin de 1 habituer à s'abstraire de toute distraction et à chasser toute pensée étrangère.

Ces différentes manœuvres, répétées ponctuellement par le malade sur l'ordre qu'il en a reçu par écrit, produisent un état d'hypnose suffisant pour lui donner la uuggestionnabilité nécessaire.

Il ne faut pas oublier, après les détails de celte prescription d'ajouter, que, quelles que soient les circonstances, au bout d'un temps que l'on fixe par écrit, ses yeux s'ouvriront spontanément, il s'éveillera de lui-même complètement et se retrouvera dans son état normal.

Cette dernière partie est une suggestion qui se fixera dans l'esprit, s'imposera au cerveau du sujet, en même temps que l'état d'hypnose se produira et qu'il deviendra suggestionnable,—qui se réalisera enfin à l'instant prescrit.

Elle produira deux effets, l'un indispensable, l'autre simplement utile.

Le premier effet sera de bien replacer le sujet dans son état normal et d'éviter les désagréments que j'ai vus se produire avec certains médecins qui, ayant voulu hypnotiser sans savoir le faire, n'ont pas pris la précaution de bien éveiller leur malade et l'ont laissé sans s'en douter dans un état d'hypnose auquel ils ne comprenaient absolument rien.

Le second effet, qui n'est pas inutile, est de donner confiance au malade, qui voyant que cette suggestion du réveil se réalise à la minute prescrite, ne doute plus de l'efficacité des suggestions qui lui sont faites.

Cette suggestion pour amener le réveil sera faite en tout état de cause, quel que soit le procédé que l'on aura employé pour produire l'hypnose.

Il arrivera quelquefois que, soit pour produire un état d'hypnose plus profond, soit parce que l'on sait que le sujet n'est pas aussi facilement hypnotisable, on voudra employer un autre procédé, jugeant utile, en même temps que Ton provoque l'attention du sujet, d'agir sur un organe des sens.

On peut d'abord agir sur le sens de l'ouïe, et voici un des meilleurs procédés. On prescrit au sujet de placer non loin de lui une horloge dont les battements soient assez lents et assez forts, comme un réveil-matin, ou, mieux encore, un métronome, puis, après avoir fermé les yeux, de compter les battements jusqu'à cent par exemple.

L'attention est ainsi plus parfaitement fixée sur un point déterminé et l'on ajoute à la concentration de la pensée la monotonie du son répété.

On peut agir aussi sur le sens de la vue, ce qui est non moins efficace et présente, comme nous allons le voir, dans certains cas, un double avantage.

Pour agir sur le sens de la vue. on peut employer un objet brillant quelconque, ou même tout artifice capable d'attirer le regard et de fixer l'attention, par exemple un carton blanc avec une tache noire, etc..

Toutefois, il y a un procédé que je conseille tout particulièrement par ce que, en même temps qu'il provoque l'hypnose, il permet de renforcer la suggestion. Ce procédé consiste dans l'emploi d'une boule de cristal, comme celle qui est employée en Angleterre pour faire l'expérience que les Anglais appellent ¦ Cristal gazing». C'est une boule pleine, en cristal très pur, de six centimeires de diamètre environ; on place la boule sur un petit support et le tout sur un tapis noir. A défaut de celte boule de cristal, on pourra employer dans les mêmes conditions une carafe ronde remplie d'eau, ou mieux un de ces petits ballons sphé-riques, dont on se sert en chimie, que l'on remplira d'eau distillée ou tout au moins bien limpide, que l'on bouchera de façon qu'il n'y'ait aucune bulle d'air entre le bouchon et le liquide, on le placera sur un support, le goulot en bas, et l'on procédera de la même façon qu'avec le globe de cristal.

Quel que soil l'objet employé, on prescrira au malade de le placer bien en face de lui, sur la table recouverte d'un tapis sombre.

Le sujet tiendra à la main le carton ou le papier sur lequel sont écrites les suggestions.

Il est alors ordonné au malade de fixer bien attentivement les yeux sur le globe transparent, comme s'il cherchait à regarder à son centre.

Pendant les dix premières minutes, le sujet tiendra les regards fixés sur le même point, cela produira un premier état d'hypnose.

Les cinq minutes suivantes il regardera et lira attentivement les suggestions qu'il tient à la main. Puis, pendant cinq minutes, il regardera de nouveau le centre du globe, pensant fortement aux suggestions qu'il vient de lire, et cherchant à percevoir l'image des lettres et des mots écrits dans la transparence du cristal.

Il continuera ainsi de cinq en cinq minutes et, le plus souvent, au bout de peu de temps il percevra l'image hallucinatoire des suggestions écrites, par suite des multiples jeux de lumière qui se font dans le globe transparent. II les regardera alors attentivementpendant dix minutes ; puis, fermera les yeux et, au temps fixé, il s'éveillera.

Ce procédé est excellent, surtout dans les cas où l'on craint une certaine difficulté à faire réaliser les suggestions par le malade. Car l'état d'hypnose est assez profond et les suggestions, ainsi renforcées parla vision hallucinatoire, ont une intensité très grande.

Une observation par laquelle je terminerai, montrera l'efficacité pratique et l'utilité des suggestions à distance.

Je m'étais trouvé à plusieurs reprises en relations par correspondance avec un monsieur habitant les environs de Cannes. Ce monsieur est un Italien que je n'ai jamais vu, mais je connais assez bien son état psychique par la correspondance assez longue que j'ai eue avec lui.

II y a quelque temps il m'écrivit pour me demander si je pouvais lui indiquer un traitement de la peur.

Je transcris de sa lettre la description qu'il me fait de sa phobie.

« Dans mon enfance j'avais l'habitude d'être peureux ; à l'âge de 15, 13 ans, j'avais peur de sortirseul de la maison lesoir. Plus tard, si j'étais obligé de sortir la nuit, je le faisais, mais j'avais peur.

« Plus tard j'avais surtout peur des morts : dans les circonstances où j'ai eu à me trouver auprès d'un malade ou à m'approcher d'une personne décédée, j'avais tellement peur que je n'aurais pu y rester seul. J'ai toujours eu une grande peur d'entrer le soir dans une chambre où je savais que quelqu'un avait rendu le dernier soupir.

« Depuis deux ou trois ans cette peur a augmenté, je n'ose passer le * soir près d'un cimetière, m'approcher d'un cercueil à un enterrement, ou pénétrer dans un appartement où il va un mort.

a Une personne étant décédée il y a quelque temps dans la maison que j'habite*, je n'ose plus passer devant la porte de la chambre où elle est morte ; si je dois aller dans une chambre voisine, je dois me faire accompagner.

«Cette frayeur augmente tellement que je crains d'en perdre la tête ; si maintenant je me trouve, par hasard, enfermé seul dans une chambre la frayeur est telle que je me sens la léle en danger ».

Ma réponse fut une suggestion à distance. Je ne reviens pas sur les détails que j'ai donnés plus haut relativement aux prescriptions destinées à mettre le sujet en état d'hypnose. A cela j'avais ajouté, sur une feuille de papier séparée de la lettre et bien disposées pour frapper le regard, trois séries de trois suggestions.

Le malade devait lire les trois premières pendant la première semaine, la seconde série de trois suggestions la seconde semaine, enfin les trois dernières la troisième semaine. La quatrième semaine, il devait lire successivement les trois séries de trois suggestions.

Je transcris les parties importantes delà lettre reçue quelques semaines après, me rendant compte du traitement.

« Votre traitement contre la peur est excellent. En lisant votre aima-bleleltre où vous m'indiquiez le drôle mais efficace remède, je croyais que M. le Dr voulait rire. Je ne me suis décidé à le suivre que sur les instances de ma famille. Le 11 février donc je me suis mis à l'œuvre ; j'ai pratiqué exactement et à la lettre vos prescriptions... A la fin de la première semaine je trouvais déjà en moi plus de courage et de force. Aujourd'hui, quatrième semaine, j'ai beaucoup moins peur, et si je ne suis pas encore entièrement guéri, je sens déjà en moi beaucoup plus de courage... etc.».

Le début de cette lettre indique bien que le malade ne croyait pas à l'efficacité du traitement, ma lettre ne l'avait pas persuadé qu'il allait se guérir.

D'autre part, la chose suggérée, laguérison, est-elle une idée absurde. Une chose absurde ne se réalise pas. La lettre suivante nous renseigne à ce sujet.

Un mois après l'envoi des secondes suggestions, le malade nous écrivait :

« Voici le résultat de votre excellent traitement pour guérir de la peur. Mon imagination ne me domine plus ; je me sens beaucoup plus décourage etjesuis,je pense, comme tout le monde. Je prends même plaisir à pénétrer de temps en temps là où j'avais si peur d'aller. J'y vais, je m'y arrête et j'en sors tout simplement... etc.».

Cet exemple, pris au milieu de plusieurs analogues, est très significatif. Il nous donne la preuve de l'efficacité réelle de la suggestion à distance, à la condition de l'appliquer avec la méthode voulue, dont je résume ainsi les principales règles :

Placer le sujet dans de bonnes conditions pour être mis en état d'hypnose.

Bien l'hypnotiser en choisissant le procédé qui lui convient le mieux. Prendre les précautions voulues pour bien assurer le passage à l'état d'hypnose et le passage de l'état d'hypnose à l'état de veille. Faire des suggestions courtes, précises et progressives.

Il est évident que, toutes les Fois que cela est possible, il vaut mieux employer la suggestion directe ; voyant par nous-mème l'effet produit par chaque suggestion, nous pouvons mieux les graduer et en obtenir un résultat plus rapide et plus certain.

Mais, à l'occasion, il y a tout intérêt pour nos malades à ne pas négliger le mode de traitement de la suggestion à distance qui peut nous donner aussi de très bons résultats.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 20 novembre, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8- rue Danton, sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le D' Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications déjà inscrites : Dr Félix Regnault: Le traitement psychologique du mal de mer (Suitî de la discussion).

Dr Van Renterghem (d'Amsterdam) : L'action préventive de la suggestion contre le mal de mer.

Dr Paul Farez : Quelques précisions au sujet du mal de mer.

D'Bérillon : Technique du traitement préventif du mal de mer.

D' Damoglou. du Caire: La timidité en Orient.

Dr Binet-Saxglé : Lois des secousses et paralysies : Théorie des neuro-diélectriques.

M. Baguer, directeur de l'Institut départemental des sourds-muets : Les enfants anormaux et le Ministère de l'Instruction publique.

MM- Grollet et Lépinay, médecins vétérinaires : Les tics chez les animaux.

D" Pamart et Bérillon : Un cas de lie de l'épilalion.

NOUVELLES

Ecole de Psychologie

La réouverture des cours de l'Ecole de psychologie aura lieu le mer credi 9 janvier 1907, à cinq heures, sous la présidence de M. Bienvenu-.Martin, sénateur, ancien ministre de l'Instruction publique. La leçon d'ouverture sera faite par M. le Dr Binet-Sanglé, professeur. Elle aura pour sujet : Introduction ù ta psychologie de Jésus de Nazareth.

Le programme des cours et des conférences sera publié dans le prochain numéro.

UAdministrateur-Gérant : Ed. BÉRILLOX. Part!. Jmp. A. Oucl]ue]eu, rue Gcrbert. 10.

REVUE DE L'HYPNOTISME

BXPÉBIM$?Jjk|| ET THÉRAPEUTIQUE

21' ANNÉE. — ? 6.|U ^r-y ^

° U L L E TI

Décembre 190G.

La léforme des études médicales : décadence du concours de l'agrégation et nécessité de sa suppression.

Des l'année 1895, au Congrès de l'enseignement supérieur de Lyon, nous avions signalé la décadence progressive du concours de l'agrégation et indiqué le remède à ce fâcheux état de choses. Nos idées exposées dans un article, réuni ensuite en brochure sous le litre : Le concours âe l'agrégation et son remplacement par l'institution de privat-docent, exposait les arguments les plus décisifs contre un système de concours absolument suranné.

Après avoir démontré que ces concours, basés uniquement sur la culture de la plus inférieure des fonctions intellectuelles, c'est-à-dire de la mémoire, ne pouvaient assurer qu'un recrutement médiocre, nous terminions notre travail par les conclusions suivantes :

« Notre proposition tendant à supprimer le concours de l'agrégation en médecine a été votée par le congrès de l'Enseignement supérieur. Ce vote a été ratifié par les organes les plus influents de la presse médicale.

« En supposant que le ministre de l'Instruction publique tienne compte de ce vœu, par quoi Je concours de l'agrégation doit-il être remplacé ? A notre avis, une seule institution peut donner une complète satisfaction aux étudiants et à ceux qui veulent consacrer leur existence à l'enseignement médical, c'est celle des privat-docent, telle qu'elle existe en Allemagne.

* Cette institution présenterait les avantages suivants. Le collège des professeurs titulaires, recruté parmi les privat-docent dont renseignement aurait été, pendant un assez grand nombre d'années consécutives, couronné de succès, deviendrait surtout un corps examinaut.il aurait pour mission, en élevant le niveau des examens, de tenir les études médicales au courant de tous les progrès scientifiques.

« Les étudiants français, beaucoup plus fortunésen général que les étudiants allemands, feraient comme ces derniers. Ils suivraient les cours dont l'utilité leur serait démontrée par leurs goûts ou par les nécessités

de leurs examens. La libre concurrence aurait pour effet de maintenir à un prix très accessible les cours des privat-docent.

q II y aurait économie pourtous. Pour l'Etat, qui pourrait supprimer du budget de son enseignement supérieur des dépenses considérables; pour les étudiants, qui trouveraient dans des cours privés une direction capable de leur faire gagner un temps considérable.

« L'enseignement médical deviendrait pour beaucoup d'hommes de valeur une carrière définitive, et l'on ne pourrait plus dire que le titre d'agrégé ou de professeur est recherché par le plus grand nombre, moins parce qu'il correspond à une véritable vocation d'enseigner, que parce qu'il facilite la conquête brillante de la clientèle. »

Cette proposition contrariait trop d'intérêts personnels pour que nous puissions en espérer l'acceptation. Mais, depuis 1895, les idées que j ai été le premier à défendre ont fait leur chemin. Elles trouvent aujourd'hui d'éloquents soutiens. Dans le Journal des Praticiens, le docteur Huchard a ouvert une consultation à laquelle ont déjà répondu mille praticiens. La grande majorité se rallie à la proposition du payement des professeurs non par l'Etat, mais par les élèves. Dans la Clinique infantile, le docteur Variot expose des idées encore plus hardies.

11 admet que les étudiants soient autorisés à s'instruire partout où ils sont assurés de trouver un enseignement à la hauteur des progrès modernes :

« Pourquoi, dit-il, ne pas laisser à la jeunesse la liberté d'aller s'instruire en dehors des hôpitaux, si elle y trouve son profit?

« Je ne verrais pour ma part nul inconvénient à ce que le stage fut autorisé à la clinique de M. Doyen, dans le service de M. Lebec à l'hôpital Saint-Joseph, par exemple, ou bien dans des cliniques spéciales comme celles de Landolt en ophtalmologie, comme celle de Luc en laryngologie, de M. Bérillon en psychiatrie, etc.

« Ces champs de travail de nos grands spécialistes sont plus visités par les médecins étrangers que bon nombre de nos services officiels, et les étudiants auraient beaucoup à apprendre dans ces milieux actifs, indépendants, tout à fait ennemis de la routine... universitaire. *

Le système de recrutement des aspirants à l'enseignement médical, imaginé par le professeur Bouchard, ne rencontre actuellement que de très rares défenseurs. Parmi eux, il faut citer M. le professeur Bcrgonié qui, dans le Journal de médecine de Bordeaux. Encore, avec son esprit de justice accoutumé,il ne manquepas de faire ressortir que cet examen, pour peu qu'il soit limité, présenterait tous les inconvénients du concours, inconvénients dont il fait ainsi l'édifiante énumération :

a Difficulté presque insurmontable pour les inconnus, les isolés, les indépendants, les pauvres, de se créer des patrons, d'attendre assez longtemps le concours favorable qui doit les faire arriver : élimination de tous ceux auxquels ces prodiges de mémoire, passé vingt-cinq ou trente ans, et ils sont nombreux, ne sont plus possibles, mais qui par contre ont le flair de l'idée neuve, l'inquiétude de la recherche constante,.

la perspective scientifique révolutionnaire, tout cela, incompatible avec la. mémoire faculté-reine. A ceux-là, vous ferez difficilement apprendre par cœur à la queue-leu-leu vos questions de concours, et vous les éliminerez sûrement, au grand détriment du pays. »

Il est inutile d'insister. Le concours de l'agrégation, môme si on le laisse subsister encore quelques années, est condamné à une existence précaire et dépourvue de prestige. Avant même qu'il ait rendu le dernier soupir, il présente déjà l'aspect d'un cadavre. Les efforts des cliniciens les plus en vedette n'arriveront pas à galvaniser ce moribond récalcitrant, victime de leur mauvaise thérapeutique. S'il passait par l'esprit du ministre de l'Instruction publique d'imiter son collègue de rint-'rieur et de rendre aux cours de la Faculté de médecine quelques visites inopinées, il éprouverait assurément une réelle désillusion. Constatant le nombre vraiment infime des auditeurs disséminés dans certains amphithéâtres, il s'empresserait certainement de proposer à la Commission du budget la suppression des chaires dont les titulaires démontrent, par leur insuffisance, la nécessité de reformer révolution-naircment le mode de recrutement des membres de l'enseignement médical.

Psychologie de l'occultisme : la grande Pyramide

de Chéops

par M. Raoul Bahon, Professeur à l'Ecole vétérinaire d'Alfort.

Mesdames, Messieurs,

Tout, dans l'exposé d'un sujet comme celui-ci doit être carré par la base et posséder un sommet. La base carrée, c'est le savoir le plus positif, je dirai même le plus terre-à-terre. Le sommet, ce sera, je l'espère, la péroraison, la psychologie de l'occultisme.

Singularités géographiques. — Il y a quatre lieux célèbres sur la Terre, par cette coïncidence inattendue, savoir : que leur latitude a le même numéro que leur longitude!

Ce n'est pas de la Kabbale, rassurez-vous, c'est de la mné-motechnie. N'en est moins vrai que le Paradis terrestre, PEden, est donné à 40/40, à Erzeroum, pour le méridien de Greenwich; Baalbeckvers 34/34; l'ancienne Ascalon des Philistins, vers 32/32 et enfin Giseh, la ville des Pyramides, vers 30/30.

Je profite de ce mouvement de surprise de votre part pour vous annoncer que, d'un bout à l'autre de la séance, vous

allez assister à un entassement pyramidal d'idées associées par l'ingéniosité humaine. Cette ingéniosité constitue l'explication la plus naturelle de tout mon système sur ce que l'on est convenu d'appeler I'Occultisme, c'est-à-dire une clef des choses cachées, mais déchiffrables.

Voici ma profession de foi : « Plus une chose est énigma-tique dans ses conséquences, plus il faut qu'elle soit incontestable dans les faits qui lui servent de point de départ. »

Nous allons donc rapidement exposer les faits que tout le monde peut à la rigueur contrôler, pour les avoir vus et bien vus... Quand je dis : « Tout le monde », je parle de certains voyageurs éminents et privilégiés, tels que M. J. Bois qui me fait l'honneur de présider cette mauvaise conférence, que lui seul aurait eu réellement le droit de faire devant ce public d'élite.

Singularités bibliographiques. — Il y a certainement plus de quatre, plus de cinq traditions curieuses sur le monument de Chéops, même en ne prenant que les mesures métriques, mais il y en a quatre qui sont particulièrement curieuses. J'ai le droit de les sélectionner entre toutes :

1° Hérodote raconte qu'on lui a raconté (?) que la Pyramide est construite de manière à ce que l'aire de chaque face triangulaire latérale soit équivalente au carré de la hauteur verticale de l'édifice. En d'autres termes, si la hauteur verticale = 146 mètres et le coté de la base 229, la hauteur oblique égalera 186 ou très près de ce nombre. Eh bien! cela est vrai. Cela est même beaucoup plus vrai que la théorie de François Dupuis d'après laquelle la Pyramide est un demi-octaèdre régulier. Nous y reviendrons.

2° J. Taylor soutient que le périmètre de la Pyramide équivaut à une circonférence dont le rayon = la hauteur verticale. C'est vrai : car 146 x 2 « = 917,34 = à peu près A x 229. C'est même inquiétant comme exaclilude !

3° C'est pourquoi, probablement, un ingénieur français... (on pourrait faire une coquille et typographier « ingénieux Français » !) démontre que cette coïncidence vient de ce que la hauteur étant = 9 et la diagonale = 20, on retombe absolument sur les mêmes nombres, au point que la simple dilatation des matériaux ferait que, dans le jour, c'est Taylor qui se trompe, tandis que, pendant la jtuit, il a tout à fait raison !!!

4° Vous devez bien penser, Mesdames et Messieurs, que

cette ingéniosité ne devait pas être la dernière? J'ose donc m'inscrire à mon tour et vous donner mon calcul étrange. La version d'Hérodote conduirait géométriquement à ceci, savoir : que le i/2 côté de la base partage la hauteur oblique en moyenne et extrême raison, c'est-à-dire que si cette hauteur

oblique = 1, le i/2 côté = ^ °~ 1 = 0,618...

Mais il est croyable que la racine carrée de cinq, pas plus que le nombre -, pas plus que la racine de deux, ne fut jamais décrétée par le Saint-Esprit, ni par Melchisedek, dans le but de fourvoyer les générations futures. Je ne touche pas aux convictions religieuses. Je les empêche de s'égarer et de nous égarer nous-mêmes sur un sujet purement analytique où la Providence perd ses droits... !

Piazzi Smith est d'un autre avis. Toutefois, sans approuver les vexations dont la Société royale de Londres l'a abreuvé, je pense que la vocation d'Abraham et la sainteté de Melchisedek n'ont rien à voir ici. Nous ne sommes pas au Temple, nous ne sommes pas à la Synagogue... Je passe.

Donc 4°, je soutiens à mon tour, la craie en main, que le quotient 21/34 explique tout, concilie tout et correspond à la meilleure mnémotechnie.

Singularités arithmologiques. — Je vais au tableau et j'écris la série de Fibonacci, de Léonard de Pise, des Hindous, du Zend-Avesta, de Zoroastre... etc. C'est la même : 0; 1; 1; 2; 3; 5; 8; 13; 21; 34; 55; 89; 144... toujours en additionnant les deux termes antérieurs pour former le subséquent. C'est simple. C'est merveilleux. C'est terrible ! Si vous étiez un public scolaire, je prendrais un malin plaisir à vous démontrer, non pas toutes, mais quelques-unes des propriétés de cette série, ainsi que celles de la fraction continue et étagée de : 1 qui symbolise parfaitement les

1 -f 1 strates de la construction attri-

1 + 1_ buée à Chéops. Ne le pouvant

1 + 1 pas, je me borne à vous affir-1 -f-1 mer que le rapport des deux ..... termes consécutifs tend vers la

"""limite ^5 ~ 1 , c'est-à-dire le

2

partage en moyenne et extrême raison.

Veuillez remarquer que tous les termes sont de 5 en 5, divisibles par 5 et que le 9' = 2i, le 10* = 34. Or 21/34 représente

:.' ; Vif— i déjà très passablement le quotient irrationnel---. Il

"y avait donc lieu de le choisir, tout comme on a choisi 113/355 = i/x. La mnémotechnie est plus vieille que Ghéops ! ma solution m'a conduit à rapprocher les précédentes et je pose en toute confiance ceci :

v/1T— 1 _ ( * \* = = _21_

J! \4/ 81 34

avec une approximation inespérée, dans le rapport de ¡701 à 1700 juste.

Il n'y aurait donc plus qu'à tirer l'échelle? — Oui et non.

Singularités ethnographiques. — Ce peuple écrivassicr de l'Egypte n'a pas barbouillé son monument le plus ancien, le plus illustre. Pourquoi ?— Les paris sont ouverts.

— La Grande Pyramide, dite de Chéops ou de Chu-fu, est-elle pré-hiéroglyphique ?

— On le dirait...

— Est-elle vraiment copie ou égyptienne ?

— Cela n'est pas sûr... Quant à moi, je ne le crois pas.

— C'est un tombeau. — Soit, mais le tombeau de qui ?

— Du Soleil.

Ici le système de Charles-François Dupuis triomphe facilement. La Pyramide est un calendrier des saisons, comme l'Obélisque est le gnomon des heures du jour. Il est certain que la grande Pyramide ne portait pas d'ombre, à midi, entre les deux équinoxes; mais il y a encore autre chose : par son nom classique, sa forme, son orientation, son module gigantesque, la Pyramide est un temple élevé énigmatiquement au Feu universel, à l'Ame du Monde et aux nombres théogo-niques 4 et 5. Ce n'est pas un monument idolatrique, c'est un monument « idéolatrique » !

On s'accorde assez volontiers aujourd'hui à reconnaître que le Peuple d'Israël n'est ni le plus ancien, ni le plus monothéiste de l'humanité. Quant au roi de Salem, mystérieux Prêtre du Très-Haut, ce n'est certes pas un Chamite ; mais rien ne prouve non plus qu'il soit Sémite et que le Père de la multitude (Abraham) ait été si enchanté'que cela de lui payer la Dîme?

Il resterait donc l'hypothèse d'un Melchisedck Japhétite, ou

plutôt d'un pur descendant des Aryas de la branche Iranienne. On pourrait remonter ainsi jusqu'à l'époque védique, au culte d'Agni et à une sorte de représentation schématique non seulement de la flamme, mais de la Machine fameuse à l'aide de laquelle nous savons aujourd'hui qu'on produisait le Feu.

Conclusions provisoires. — Depuis près d'une heure, nous nageons dans les singularités : singularités géographiques, singularités bibliographiques, singularités arithmologiques et singularités ethnographiques. Ce ne sont pourtant là que les angles de la Base. Tétralogique à première vue, la grande Pyramide est quinaire par son sommet, par le Zénith symbole abstrait d'un culte ésotérique rendu au Très-Haut, à I'Hypsistos dont Melchisedek célébrait la sublime notion par le sacrifice du pain et du vin, comme en plein védisme !

Non seulement j'accepte l'idée d'une science spéciale qui serait la Pyramidologie, selon le mot de Piazzi Smith ; mais j'admets que, au-delà de la Pyramidologie et de la Pyramido-métrie, il y a la Pyramidonomie et même la Pyramidomancie\

Oui, car l'ingéniosité humaine est une faculté aussi primordiale que les autres, et il ne faut pas se figurer qu'un mathématicien s'arrête lourdement à l'identité 1 + 4 = 5. Le nombre cinq envisagé comme la somme de un et quatre, c'est la main; c'est le pied ; c'est la tête et les quatre membres ; ce sont les cinq sens physio-psychiques; ce sont... mais je m'arrête, de peur d'abuser !

Je passe donc tout de suite au mot de la fin (?) de la fin de cette soirée décevante pour beaucoup d'entre vous... Et je dis ceci :

« La vraie grande Pyramide, celle que nous sommes moralement et intellectuellement destinés à construire, sous peine de renoncer à notre plus noble tâche, c'est celle de la Science intégrale. Il faut la Mathématique, la Physique (céleste et ter-rostre), la Chimie et la Biologie. Mais, sur cette base solide, impeccable, il faut construire le chef-d'eeuvre zénithal, la Psychologie, la Science de THomme transcendental, I'Hypsistos! »

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance annuelle du mardi 19 juin 1906. — Présidence de M. Georges Rocher. ancien membre du Conseil de l'Ordre des avocats, vice-président de la Société de médecine légale.

La kleptomanie et son traitement par la suggestion hypnotique,

Par M. le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie.

Certains auteurs ont essayé de traiter des kleptomanes par la suggestion hypnotique ; n'ayant pu réussir dans tous les cas, ils ont exprimé l'opinion que le traitement par la suggestion hypnotique n'avait pas toute l'efficacité que nous lui avions attribuée. Or, il faut distinguer. Ces auteurs ont eu à soigner des dégénérés impulsifs, adultes, chez lesquels la kleptomanie revêt le caractère d'une maladie mentale nettement caractérisée. Par contre, l'hypnotisme triomphe habituellement et brillamment quand il s'attaque à ces kleptomanes, jeunes, extrêmement • suggestibles, que les mauvaises fréquentations, les mauvais exemples, le goût de la dépense, la passion des voyages et le défaut de discernement ont amenés à s'emparer du bien d'autrui. Le traitement psychothérapique éveille ou cultive le sens moral, la réflexion, la maîtrise de soi et la volonté. Pour apprécier l'efficacité d'une méthode, il ne faut pas l'appliquer seulement aux cas désespérés où l'insuccès est inévitable ; il faut, au contraire, y recourir avec discernement et ne pas incriminer la méthode, l'incompétence de l'expérimentateur étant le plus souvent la seule cause de l'inefficacité du traitement. Nous avons souvent réussi là où d'autres, avant nous, avaient totalement échoué dans l'application de la suggestion hypnotique.

A l'appui de cette affirmation, je soumets à la Société le cas d'un jeune homme, actuellement âgé de vingt-et-un ans, dont les impulsions aux fugues et à la kleptomanie se sont manifestées de très bonne heure. La première fugue remonte à l'âge de quatre ans. Il a quitté la maison paternelle et est parti à travers Paris pour aller voir la Tour Eiffel. II s'y rendit directement sans rien demander à personne. Son embarras n'a commencé que lorsqu'il s'est agi de revenir. II fut ramené par un agent.

A douze ans, sur une observation de son père, il est parti et est resté dehors jusqu'à minuit. Cette fois il revint seul à la maison. Mis en apprentissage, chez un graveur, il fut un jour chargé par son patron d'aller encaisser une somme de "200 francs. Au lieu de rentrer chez lui,

il prit un billet de troisième classe et monta dans un train pour Marseille, avec sa blouse et son capuchon. Il avait quatorze ans. A Marseille il Ht la connaissance d'un flâneur âgé de seize ans qui se trouvait dans les mêmes conditions que lui. Ils s'embarquèrent pour Philippeville. De là ils allèrent à pied â Conslantine, à Datna, à Biskra. Quand ils furent arrêtés, ils n'avaient plus un centime. Une partie de leur argent avait été consacrée à acheter un fusil, un carnier et divers ustensiles de chasse. Leur intention était de tuer des lions. Il est vrai qu'il n'avait guère lu autre chose que des romans d'aventures, en particulier ceux de May ne Reid, Fenimore Cooper. Il fut ramené par la police. A son retour il fut placé dans une maison de santé. II y resta six mois, puis fut remis en apprentissage. Un beau matin, ayant trouvé un chèque adressé à son père, il a eu l'idée de le toucher: la réflexion lui vint à temps et il le rapporta. Il eut un réel remords et songea à se suicider. Dans une autre circonstance, il s'empara d'une petite somme, il s'en ailla à pied du côté de Itosny et resta absent pendant vingt-quatre heures. C'est après cette dernière fugue qu'il me fut amené. L'examen auquel je le soumis me révéla qu'il était un anormal hystérique, avec tendances impulsives se traduisant dans ses gestes, dans ses paroles. Les principaux défauts de son caractère, étaient la prédisposition à la colère et une susceptibilité exagérée.

Un traitement méthodique fut institué. Le jeune homme le suivit avec régularité pendant deux ans. Je le voyais une fois par mois. A la suite de chaque séance on pouvait constater un progrès manifeste dans sa tenue, dans ses dispositions d'esprit.

Actuellement il accomplit son service militaire. Sa conduite est excellente. Son père le considère comme guéri complètement, car il n'a pas ménagé les épreuves en vue de s'en assurer. Toujours le jeune homme s'est acquitté avec probité des missions qu'on lui a confiées. La transformation générale qui s'est accomplie chez lui est des plus frappantes. Il n'y a rien de commun entre le malade que j'ai soigné et le beau jeune homme d'aujourd'hui. Cet heureux résultat peut être rapporté au traitement qu'il a suivi. Ce traitement consistait en séances de rééducation de la volonté, réalisée par suggestion dans l'état d'hypnotisme. Les parents du jeune homme sont d'accord pour reconnaître que c'est au consciencieux traitement psychothérapique que la guérison a été due. Les autres moyens étaient restés inefficaces.

Il convient cependant d'apporter quelques réserves pour l'avenir. Les principes d'honnêteté inculqués à ce jeune homme resteront acquis, mais il n'en présente pas moins une certaine fragilité nerveuse. Nous ne pouvons répondre qu'il pourrait résister à des chocs moraux ou physiques d'une certaine gravité. De plus, il ne devra jamais s'écarter des habitudes de sobriété que nous lui avons inspirées Quelques excès, alcooliques ou autres, suffiraient pour ébranler l'édifice que nous avons consolidé avec tant de patience et de difficultés.

Psychologie des foules ; principes de la circulation dans

les villes.

Par M. Pierre Brousset.

A mesure qu'augmente la population de nos grandes villes, et notamment de Paris, la circulation sur la voie publique, dans les lieux publics, des véhicules et des animaux de transport, devient plus difficile; elle est même dangereuse pour les piétons.

Les voies passantes regorgent de monde à toute heure du jour et, dès qu'une attraction quelconque se produit sur un point, la foule s'y porte et un encombrement s'ensuit.

Aussi le service d'ordre exige-l-il fréquemment un déploiement de police qui prive d'agents les autres quartiers et cause dérangements et soucis à l'administration.

Pour remédier à ces inconvénients, pour diriger sûrement les foules, rendre la circulation générale aisée non seulement sur les voies publiques, mais aussi dans les lieux publics, les locaux administratifs soumis à une réglementation, les expositions, les musées, les théâtres et les lieux de réunion accidentelle, sans augmenter le nombre des préposés (et même en les supprimant parfois), il nous a paru que le moyen le plus simple et le plus pratique était d'emprunter à la marine ses couleurs, en les adaptant aux usages urbains et aux besoins ruraux.

De môme pour la circulation des véhicules et des animaux de transport sur les ponts, routes, chemins et pour la navigation sur les fleuves, canaux et rivières.

Les grandes lignes do la Circulation humaine peuvent se résumer en trois termes, répondant à trois situations : La Direction, l'Indication, le But à atteindre.

La Direction est la ligne suivant laquelle on se meut pour se diriger vers un but.

L'indication montre le détail du parcours à suivre pour atteindre le plus directement possible le but.

Le But à atteindre est le terme que l'on a en vue, lo lieu où l'on se rend.

Le véritable progrès est autant dans l'utilisation et l'amélioration de ce qui est, que dans l'application de l'invention nouvelle.

C'est pourquoi l'étude de tout ce qui existe sur la matière fait adopter, comme base fondamentale, la direction à droite.

La marine a sa direction sur tribord, droite, et cela dans le monde entier.

La réglementation pour la circulation des véhicules et des animaux de transport sur terre estda droite chez la généralité des peuples ; mais en Angleterre, c'est la gauche ; des inscriptions semblables à nos plaques avec nom de rue, de pont, etc., etc., sur les candélabres, marquent aux véhicules l'obligation d'aller à gauche.

Cependant, les piétons, au contraire, sont parfois mis dans l'obligation de prendre la droite par l'inscription : « Main droite au mur ».

Dans d'autres Etats d'Europe, et sur certains points, la direction à droite est obligatoire également pour les piétons par l'inscription : « Circulez en regardant l'eau du fleuve par la droite ». Ceci pour la traversée des ponts.

Généralement, le savoir-vivre et le cérémonial officiel marquent dans les diverses circonstances de la vie, la droite comme étant la place d'honneur et l'expression de la plus par faite politesse.

L'histoire nous montre, en tous lieux, la droite comme la place des héros dans les grandes cérémonies.

Dans l'armée, c'est la droite qui sert de base de formation.

Chez l'homme. c'est la main droite qui joue le rôle principal.

Les chemins de fer, seuls, vont à gauche.

Deux explications sont fournies, par l'étude, sur cette direction généralement adoptée dans le monde.

La première est basée sur ce que, étant de création anglaise, la direction à gauche est conforme aux lois et règlements.

La deuxième est plus rationnelle et semble être le vrai motif de celte exception.

Les premiers chemins de fer furent à voie unique et le mécanisme fut naturellement placé ù la droite du mécanicien

Lorsque, plus tard, la double voie fut posée, le mécanicien eut les deux voies à surveiller, sur lesquelles on rencontrait fréquemment des obstacles attribués à la malveillance; de plus, par suite de l'état rudi-mentaire des wagons de marchandises, les pièces de bois, de fer et autres, se mettaient en travers de la voie, pendant la marche des trains et occasionnaient des accidents.

Les mécaniciens, pour remplir ce double but, encore de nos jours, surveillent la voie montante ou descendante, par leur droite, en même temps qu'ils manœuvrent leur machine.

C'est pourquoi les chemins de fer ont leur direction à gauche.

En Allemagne, on trouve des lignes ferrées allant à droite.

C'est au nom du 6on ordre, de la sécurité et de la célérité publiques que la direction à droite pour la circulation humaine doit être proclamée et imposée par ceux que la Loi rend responsables de la sécurité publique partout où il y a une agglomération de citoyens, en vertu de cette trilogie :

Le Pouvoir a le decoir de prévoir.

La circulation à droite deviendra la marque du savoir-vivre et fera, peu à peu, partie intégrante de nos mœurs, de nos usages et de nos coutumes.

Ce sera un pas de plus vers i unité française. L'enseignement de cette nouvelle méthode de sécurité et de célérité doit se faire par la pratique cl par l'école.

Par la pratique, en l'imposant dans tous les services administratif.; et

toutes les fois que les pouvoirs publics 'interviennent pour assurer le boa ordre,"la sécurité et la célérité.

Par l'école, en appliquant les signaux dans toutes, en obligeant les élèves à prendre la droite dans tous les mouvements de circulation qui ont lieu pendant les classes et surtout par la lecture attentive de la méthode qui sera publiée et dont les principes iront, par l'enfant, dans la famille.

En organisant un cours spécial et des exercices-promenades, pour apprendre à marcher sur la voie publique, circuler dans les lieux publics et au milieu de la foule.

Nous trouvons, parmi les éléments de propagande pratique et immédiate, sous le contrôle et les ordres de l'administration, les véhicules, les animaux de transport et les vélocipédlstes sur terre, les bateaux sur l'eau, permettant un choix judicieux pour obtenir, le plus facilement et le plus rapidement possible, les meilleurs résultats de divulgation, en vue du plus grand nombre d'individus.

Le public verra les signaux faits pour ces catégories; la nouveauté et l'originalité du fait intéresseront les piétons qui n'auront pas à les subir.

La Presse reste, avec son grand rôle, humanitaire et de civilisation, pour aider puissamment à répandre et vulgariser l'œuvre nouvelle éminemment française.

Les courants réguliers de circulation humaine s'établiront insensiblement dans les habitudes du public et iront, sans secousse, de la réglementation administrative dans les lieux publics, à la famille dans le sein de la vie privée.

L'Etat doit être, avant tout, un producteur de sécurité ; il doit faire ce que les individus sont impuissants à entreprendre.

11 faut que l'autorité prenne les mesures de prévoyance nécessaires pour empêcher, autant que possible, les causes d'accidents de naître et de se propager; sa protection doit s'étendre à tous les citoyens et dans tous les lieux ; elle est dans son rôle, elle remplit un devoir quand elle protège les individus, quels qu'ils soient, contre leur propre ignorance, quand elle s'efforce d'cmpûcher les accidents mortels, doublement déplorables puisqu'ils peuvent constituer un danger pour autrui.

La direction à droite, déjà imposée aux véhicules et aux animaux de transport, étant admise pour les piétons, sert do base à cette étude qui a pour but de supprimer le plus possible : Les courants contraires, — les fausses directions, — les heurts, dans la circulation humaine.

De même que les signaux maritimes, si commodément utilisables, sont basés sur les couleurs, les formes et les lettres', le système des signaux à terre comporte : des couleurs, — des formes, — des abréviations, dont la combinaison peu compliquée répond à toutes les exigences.

Ainsi, le vert désignera le point vers lequel il faut aller, le but vers lequel il faut se diriger, le point accessible et permis, l'entrée, le chemin à suivre, l'escalier à prendre, le pont par lequel il faut passer pour

aller d'un point à un autre, la passerelle réservée à la montée, en un mot, toute direction à suivre pour aller en avant, éviter les contre-sens et les courants contraires.

Le rouge désignera le point dont il faut s'éloigner, l'endroit qu'il faut éviter, le point inaccessible, le côté réservé à la sortie, l'escalier qui sert à la descente, l'arrêt.

Le blanc désignera la circulation libre.

Le jaune dira : « Approchez-vous avec prudence, allez lentement, au pas pour les véhicules, soyez attentifs, méfiez-vous, il y a quelque chose d'anormal. »

Il y a, en outre, une infinité de combinaisons de couleurs auxquelles on peut attacher des significations diverses : La bande noire voudra dire que l'endroit est pour les /tommes seuls. La bande blanche est pour les dames seules.

La bande jaune, mise sur une porte, annonce qu'il faut tirer à soi ; la bande verte dit qu'il n'y a qu'à pousser la porte pour aller devant soi.

La réunion de toutes ces couleurs constitue le drapeau, le pavillon des « signaux à terre » et dira : Avis.

Comme le drapeau français, il sera dans les proportions de 2 à 3 et aura la même disposition. Là où sera le drapeau, là sera l'instruction où le public ira s'initier aux détails du service et aux instructions l'intéressant.

Les couleurs adoptées peuvent prendre tous les tons de la gamme chromatique.

Elles peuvent être produites par un foyer quelconque, flammes, feux de bengale, etc., etc.

Indépendamment des signaux obtenus par les couleurs, comme nous venons de l'exposer, nous proposons d'autres signaux, résultant de certaines formes que nous allons indiquer.

Supposons un point quelconque que nous appellerons centre. On peut vouloir aller au-dela ou sur la ligne du centre où nous sommes.

On peut vouloir aller au-delà, en face, à droite ou à gauche, en deçà en ligne directe, à droite ou à gauche; sur la ligne du centre, à droite ou à gauche.

Les formes qui correspondent à ces neuf directions sont tout naturellement dessinées par le mouvement du bras indicateur.

Nous avons illustré cette description par un tableau et des échantillons qui représentent la réalisation des signaux que nous proposons ('). -

Les proportions employées sont, comme le drapeau, de 2 à 3, mais ce n'est pas une règle absolue, car, selon les circonstances et selon les détails d'application, on peut employer, soit ensemble, soit séparément, toutes les figures du dessin : carré, rectangle, triangle, rond, ovale en surface et en volume.

Cl) 1.3 circulation humaine par les signaux à terre ; méthode de sécurité publique. — Imprimerie Legendre, Lyon, 1899.

En adoptant d'une manière uniforme ces signaux sur tout le territoire français, non seulement on rendra à tous un service incontestable, mais on affirmera, une fois de plus, l'unité de la patrie.

Du reste, il serait à désirer que les différentes nations se mettent d'accord pour adopter les mêmes signaux.

L'emploi des chiffres vient encore compléter l'œuvre et rendra plus facile l'ensemble des « signaux à terre ».

« Les signaux à terre » étant de jour et de nuit, sont perpétuels ou temporaires, selon les besoins du service.

En temps de brume, le ralentissement s'impose comme sur mer ; on peut se servir également du sifflet.

Quant aux diverses applications, il est impossible de les énumérer toutes, des études particulières sont faites pour appliquer ce système aux postes et télégraphes, aux chemins de fer, aux omnibus, voitures, bateaux, douanes, mairies, ministères, administrations, théâtres, partout, en un mot, où l'Etat a le devoir d'assurer la sécurité publique et la direction du public.

Séance du mardi 16 octobre 1906. — Présidence de M. le D' Jules Voisin.

La séance est ouverte à 4 h. 45-

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.

M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres des D" Lemcsle (de Loches), Jaguaribe (de Sao Paulo, Brésil), Hahn (de Paris), et, en outre, les publications suivantes : Les démences primaires spontanées, par le Dr Francisco de Veyga ; Nouvelle classification des délinquants, par le D'Ingegnieros ; De la vertu suggestive, par le Dr Lefèvre ; L'organisation de la défense sociale contre les maladies ?ierueuses, par le Dr Grasset ; Mémoire sur la vie de l'abbé de Faria et Réédition du sommeil lucide de l'abbé de Faria, par le Dr D. G. Dalgado.

M. le D'Voisin rend compte de la discussion sur les enfants anormaux au Congrès international d'assistance aux aliênéstenu le 26 septembre, à Milan, congrès auquel l'a délégué la Société.

Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :

Dr Jules Voisin. — Les enfants anormaux intellectuels. Discussion : Dr Bérillon.

(A la suite de cette discussion, la Société décide de faire prochainement une visite scientifique à l'Institution familiale de Créteil pour enfants anormaux, afin d'apprécier les méthodes pédagogiques et thérapeutiques qui y sont employées.)

D1 Paul Faiiez. — Quelques nouveaux cas de trac chez des exécutants.

D' Félix Regnault. — Le mal de mer vrai et le mal de mer imaginaire. Discussion : D'' Bérillon, Paul Magnin, Paul Farez, Binet-Sanglé, Le

Menant des Chesnais, Pau de Saint-Martin, Bony, Valentino, Lépinay, Pottier et Félix Regnault.

La suite de la discussion sur le mal de mer est renvoyée à la séance de novembre.

M, le Président met aux voix les candidatures de MM. lesD" Bossuat (de Paris), Fouquet(du Caire), Napier (d'Alexandrie), Paranhos (de Sao Paulo, Brésil) et de M. Janet, ingénieur. Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité.

La séance est levée à G h. 45.

Classification et assistance des enfants dits » anormaux

intellectuels »,

par M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétrlôre et M. le Dr Roger Voisin*, ancien interne des hôpitaux.

Le terme d'enfant anormal intellectuel s'étend actuellement de plus en plus ; il est appliqué non seulement aux enfants hospitalisés par suite d'affection mentale ou nerveuse, mais encore à tous les enfants renvoyés des classes pour mauvais caractère, dissipation, etc.

Cette extension ne nous parait pas justifiée : un grand nombre d'enfants de cette dernière catégorie ne présentent pas, en effet, de tares de l'intelligence ; leur intelligence est normale ; s'ils se conduisent mal, s'ils sont paresseux, etc., c'est uniquement parce que leur intelligence ne peut s'adapter à l'éducation fournie, parce qu'il y a défaut d'harmonie entre l'élève et le professeur. Les causes en sont diverses : le milieu dans lequel les enfants vivent (Decroly), leur état physiquo, otc. Aussi appellerons-nous ces enfants de /aux anormaux intellectuels, réservant l'appellation d'anormaux intellectuels à ceux présentant une lésion des facultés intellectuelles.

Cette distinction est capitale, c'est d'elle que découlent les moyens d'assistance à employer, différents dans les deux cas.

ï. — Anormaux intellectuels.

Pour cfasser les enfants présentant des tares intellectuelles, nous nous basons sur les différences cliniques et étiologiques. Nous en distinguons trois catégories :

1° Enfants présentant un déficit intellectuel et moral par manque de développement : idiots, imbéciles, débiles ;

2° Enfants présentant des altérations intellectuelles et morales (que celles-ci soient ou non complètement développées), soit par suite de maladies mentales (psychoses dégénératives), soit par suite de maladies nerveuses (psj/cfto-néuroses ; épilepsie, hystérie, neurasthénie, chorée) ;

3° Enfants ayant perdu leurs facultés intellectuelles, tombant en démence (démence précoce, paralysie générale, démence épileptique).

Chacune de ces catégories d'enfants demande, en elTct, une assistance particulière.

A. Manque de développement intellectuel. — Les idiots et imbéciles profonds sont placés d'office dans les asiles. Ils sont souvent dangereux pour eux-mêmes et la société.

11 faut tout apprendre à ces enfants : à manger, à marcher, à être propres, à s'habiller, à parler. On tachera ensuite de leur donner quelques notions de lecture et d'écriture et quelques conseils de morale.

Certains d'entre eux sont incurables ; surtout ceux qui présentent des lésions cérébrales et médullaires étendues (paralysies, contractures). Après plusieurs années de soins constants sans résultat appréciable, ils doivent être hospitalisés loin des grandes villes, dans des sortes de garderies où les frais sont bien moins considérables, leur départ permettant l'hospitalisation d'autres enfants à amélioration possible.

D'autres, au contraire, surtout les idiots congénitaux et les myxcedé-mateux, les imbéciles simples, s'améliorent énormément à la suite d'un traitement médical et pédagogique approprié. Placés de bonne heure dans un asile, on leur donnera à la fois des leçons de choses et des notions scolaires, on leur apprendra à se rendre utiles, faire le ménage, ranger les objets, se livrer à de petits travaux manuels. Le développement intellectuel peut être assez marqué pour qu'au bout de plusieurs années, les enfants idiots soient considérés comme des imbéciles, et les enfants imbéciles comme étant des débiles : ces trois termes étant considérés par nous comme des degrés successifs de l'intelligence. Ils pourront donc être confiés soit à leur famille, soit plutôt à des sociétés de patronage, à des familles étrangères connaissant les soins à donner à ces malades (assistance familiale), être occupés et n'être plus complètement à charge à la société.

B. Altérations intellectuelles. — Les enfants présentant des altérations, des maladies de l'intelligence, doivent être placés en deux sous-groupes : ceux atteints de dégénérescence mentale, ceux atteints de névrose.

a) Dégénérescence mentale. — La perversion est la forme la plus fréquente de la dégénérescence mentale chez l'enfant. Elle peut se trouver aussi bien chez des enfants ayant leur développement intellectuel complet, que chez des enfants de la catégorie précédente, présentant un arrêt de développement intellectuel (imbéciles, débiles). Cependant les idiots, le dernier échelon de l'arrêt de développement ne sont pas des pervers, car leur intelligence n'est pas suffisamment développée.

La perversion, maladie mentale, véritable psychose, doit être distinguée du vice. Dans le premier cas, on constatera des besoins" impérieux, des obsessions, des idées fixes; les actes commis sont inconscients: l'enfant est un irresponsable ou a une responsabilité des plus atténuées. Dans le second cas, les actes sont conscients, voulus, pratiqués dans un but utilitaire, pour provoquer une satisfaction, pour assouvir une passion.

Cette distinction entre la perversion et le vice n'est pas la partie la moins délicate du rôle du médecin appelé à examiner de tels enfants. L'enfant vicieux rentre dans le cadre des faux anormaux. Le pervers est un malade. Mais un vicieux peut devenir malade par habitude, par disparition à la longue de ses sentiments moraux.

L'assistance du pervers soulève des problèmes très complexes. On a essayé les maisons de correction, les écoles de réforme ; les résultats, jusqu'à présent, ne sont pas très satisfaisants. Le placement familial pourrait-il être employé? En tous cas il ne peut être préconisé d'une façon générale. Il faut en effet une surveillance incessante de ces enfants. Cependant, une famille se consacrant au relèvement moral de ces enfants, possédant les connaissances psychologiques indispensables, pourrait y parvenir plus facilement qu'une institution publique. Le nom* brj des enfants qui lui seront confiés sera très limité. Ils ne devront jamais rester seul longtemps, de peur qu'ils ne complotent contre leur maitre, ou ne se livrent en commun à des actes reprehensibles. Lesqua-lités que doivent avoir les personnes qui se chargent d'une telle éducation sont si nombreusesquc leur énumération rend compte de la difficulté de l'entreprise : tact, bonté, dévouement, perspicacité, fermeté, savoir. La difficulté d'une telle assistance à domicile ne rend actuellement cette méthode applicable qu'aux enfants riches.

En dehors de la perversion, la dégénérescence mentale se traduit encore, chez l'enfant, par les idées fixes, les obsessions, le doute avec ou sans délire du toucher, les phobies et toutes les manies, qui surtout se manifestent à l'époque de la puberté (dipsomanic, pyromanie, kleptomanie, homicide, etc.).

Il faut craindre l'apparition de tous ces accidents chez des enfants qui ont des scrupules exagérés, font des questions bizarres, extraordinaires, ou bien par instants restent immobiles dans des attitudes figées, plongés dans leurs réflexions, ou qui prennent plaisir à faire souffrir les animaux. Chez ces malades il n'est pas rare de voir survenir aussi des périodes d'excitation et de dépression, préludes souvent de la folie circulaire.

Tous ces enfants ne peuvent vivre de la vie familiale ordinaire. Ils ont besoin de soins attentifs de la part des parents et de l'entourage, et si, sous cette influence, l'amélioration ne se produit pas, ce qui est le cas le plus général, il faut placer ces enfants dans des maisons de santé ou des asiles d'aliénés.

b) Enfants avec nécroses. — Les enfants qui présentent des névroses très appréciables sont ordinairement hospitalisés. Ainsi les épileptiques et hystériques à crises convulsives, les eboréiques intenses, etc. Il n'en est pas de même des enfants à manifestations rares et éloignées, à plus forte raison de ceux dont la névrose est méconnue.

Un grand nombre d'enfants, renvoyés des classes comme insupportables, turbulents, irritables, indisciplinés, impulsifs, sont des enfants

atteints de névrose méconnue. Les parents eux-mêmes ne considèrent pas leurs enfants comme malades, et ce n'est que lorsqu'il y a eu délin-quence que le médecin est consulté.

Chaque fois qu'un enfant, à des intervalles plus ou moins éloignés, présente des accès d'excitation ou de dépression, un état toul-à-fait distinct de l'état habituel, avec troubles de la mémoire, actes impulsifs et inconscients, l'existence de l'épilepsie ou de l'hystérie doit être soupçonnée.

La constatation de vertiges, d'absences, d'accès convulsifs nocturnes, décelables par la souillure des draps, la morsure de la langue, des ecchymoses sous-conjonctivales, permettront de rapporter à Vépilepsie les anomalies observées ; un traitement bromure et hydrotherapique les fera disparaître.

L'existence de troubles de la sensibilité, générale et spéciale, de points dits hystérogènes, de rêves hypnagogiques avec spasmes laryngés et frayeurs, de somnambulisme, le caractère mobile et fantasque des idées de l'enfant permettent, d'un autre côté, de reconnaître Y hystérie. L'enfant sera isolé, retiré de son milieu et guéri par un traitement hydrotherapique et moral.

Enfin, l'inattention d'un enfant, son agitation, ses grimaces, ses mouvements bizarres peuvent relever de la chorée. que l'on reconnaîtra facilement le plus souvent, pourvu que l'on y songe. La chorée guérie, l'enfant, de nouveau, pourra suivre la classe.

Les modifications brusques du caractère, tantôt à forme d'irritabilité très grande, tantôt, au contraire, à forme dépressive et mélancolie, mais dans les deux cas avec lassitude générale, céphalée, douleurs lombaires, insomnie, caractérisent la neurasthénie. Un traitement précoce hydrotherapique et psychique (isolement et suggestion) fera disparaître ces accidents.

Dans cette catégorie, l'assistance des enfants dépend du diagnostic de la névrose.

C. Perte de l'intelligence. — La perte de l'intelligence dans la jeune enfance, la démence, est relativement rare; elle survient plutôt au moment de la puberté.

Dans certains cas, cette démence apparaît sans qu'on puisse la rattacher à une maladie causale ; après des inégalités de caractère, des moments de violence, suivis d'affaissement, la compréhension diminue, la mémoire disparait petit à petit; les idées sont décousues, les attitudes deviennent bizarres, les réponses niaises, la démence s'installe sous différents types; c'est la démence précoce.

Dans d'autres cas, par contre, la démence caractérise la paralysie générale progressive, que l'inégalité pupillaire, l'embarras de la parole, le signe d'ArgylI, etc., permettent de reconnaître.

Enfin, dans des cas plus rares, la démence survient chez des épilepti-ques, après des états de mal fréquents ou des séries d'accès ; sa marche

particulière permet de la qualifier de démence épileptique, paralytique el spasmodique.

Les enfants déments devront être hospitalisés. Dans certains cas, quand il y a des périodes de rémission, pendant lesquelles l'enfant est doux, facile à vivre, on pourra le placer dans une famille, mais bientôt l'aggravation de l'affection nécessitera sa réintégration à l'hospice. Ces enfants sont incurables et, du moins pour les deux dernières catégories, ne vivent pas longtemps.

II. — Faux anormaux intellectuels.

Les enfants de cette catégorie ne présente pas de tare de l'intelligence. Leur apparence d'anomalie peut tenir à des raisons diverses. On peut les classer sous les rubriques suivantes :

10 Enfants incompris ;

2* Enfants délaissés, abandonnés, arriérés pédagogiques, vicieux ; 3° Enfants fatigués physiquement.

A. Enfants incompris. — Certains enfants, à l'intelligence très ouverte, ne peuvent rester tranquille en classe que très peu de temps; bientôt ils n'écoulent plus, font des espiègleries à leurs camarades, s'occupent de tout autre chose que de la classe. Interrogés sur ce qu'a dit le professeur, ils répondent parfaitement. Leur indiscipline tient uniquement à ce fait, qu'ayant compris très rapidement les explications du professeur, ils ne peuvent s'astreindre à écouter répéter plusieurs fois la même explication. Leur activité mentale, sans cesse en éveil, s'occupe d'autre chose que de ce que l'on fait.

Si le professeur ne comprend pas la cause de cette indiscipline, il sévira, aigrira le caractère de l'enfant, qui considérera sa punition comme injuste. S'il persiste à punir, l'enfant, dont l'amour-propre sera très froissé, fera l'école buissonnière et sera livré à tous les dangers du vagabondage et des mauvaises fréquentations.

11 suffira de comprendre ces enfants, de varier souvent les matières de l'enseignement, de les mettre dans une classe plus forte, de les changer de professeur, pour faire disparaître leurs pseudo-anomalies intellectuelles.

B. Enfants délaissés. — Les enfants délaissés par leurs parents, moralement abandonnés, peuvent être pris au premier abord pour des enfants anormaux. Un interrogatoire un peu serré montrera, par contre, que leur intelligence n'est pas malade ; que leur apparence d'anormaux tient au manque d'éducation et d'instruction ¡arriares pédagogiques).

Les mauvais exemples. les mauvais conseils sont leur partage; ils s'élèvent presque seuls ; dès leur plus bas âge on leur apprend à mendier; la rapine et le vol leur sont conseillés sinon en paroles, du moins par l'exemple. Tout sentiment de devoir et de dignité humaine est lettre morte pour ces pauvres êtres. L'enfant devient vicieux par le milieu

dans lequel ¡1 vit, par les exemples qu'il a sous les yeux, par les mauvais conseils qu'on lui donne.

11 faut soustraire ces enfants le plus tôt possible à ces parents négligents ou dénaturés, les placer dans un bon milieu familial, développer leurs sentiments affectifs et moraux, leur inculquer l'amour du devoir et du bien, les instruire. Les vices disparaîtront facilement, si l'enfant a été soustrait de bonne heure à ce milieu et s'il ne présente pas de tare mentale, en un mot s'il est un faux anormal.

Il n*en est pas de même si ces enfants sont des malades atteints de perversion mentale à un degré plus ou moins accusé, issus de parents dégénérés.

L'absence de sentiments moraux des parents peut tenir, en effet, àun défaut d'éducation, mais souvent aussi elle relève de la dégénérescence mentale. Nous avons remarqué que, pour les enfants moralement abandonnées conduites à l'Ecole de réforme de la Salpètrière, l'amélioration était bien plus difficile à obtenir chez celles d'entre elles soustraites à des parents condamnés pour vol, inconduîte, crime, que chez celles dont les parents étaient des paresseux ou des miséreux.

C. Enfants fatigués physiquement. — La fatigue physique peut être diverse : anémie, maladie grave, fièvre typhoïde, scarlatine, rhumatisme, tuberculose, croissance rapide, etc.

Ces enfants sont considérés par le professeur comme des paresseux, des enfants mous, peu intelligents, sans volonté. Ils ne peuvent, en effet, fixer longtemps leur attention, Mais ce défaut d'attention,'cette négligence, cette paresse tiennent à ce que leur volonté est annihilée par leurs souffrances physiques, par une lassitude générale maladive. La volonté fait défaut en même temps que les forces.

Un traitement tonique, une bonne nourriture, une bonne hygiène, en redonnant de la force aux muscles, de l'énergie, fera disparaître cette pseudo-anomalie intellectuelle, la paresse observée.

III

De cet exposé, il résulte que les enfants réputés anormaux au point de vue intellectuel doivent être classés en deux grandes catégories :

1° Les enfants qui présentent une tare de l'intelligence, quelle qu'en soit l'origine (vrais anormaux) ;

2" Les enfants qui ont des défauts ou des vices sans tare de l'intelligence (faux anormaux).

Cette question de l'existence d'une anomalie intellectuelle se pose surtout dans deux grands groupes de faits :

D'une part, chez les enfants délinquants ou criminels;

D'autre part, chez les enfants renvoyés des classes pour caractère bizarre.

Dans les deux cas, un examen de l'enfant par un médecin connaissant les maladies mentales s'impose. Aussi tout juge, dans les cas de delin-

quencc, et tout instituteur, dans les cas de renvoi, doivent-ils faire examiner ou inviter les parents à faire examiner leur enfant par un médecin spécialiste. Ils remettront à celui-ci une note détaillée relatant les différents symptômes qu'ils ont été à même d'observer.

De môme, quand les parents s'aperçoivent que leur enfant commet des excentricités, des bizarreries, se conduit mal en un mot, ils doivent, avant de sévir, se renseigner sur la responsabilité de leur enfant.

La statistique que nous avons pu faire à l'Ecole de réforme des enfants assistées de la Seine (section des filles) et à la consultation externe de la Salpètrière, nous a montré que, sur 100 enfants rentrant dans les deux groupes ci-dessus, 40 seulement sont des vrais anormaux, t II est important de distinguer si l'on est en présence d'un enfant intelligent ou d'un enfant présentant des lacunes intellectuelles. Tandis que les premiers, en effet, ont besoin d'une assistance dans la famille, les seconds réclament surtout une assistance médico-pédagogique.

Chez la plupart, nous pouvons même dire sur la presque totalité des enfants que nous avons été à même d'examiner, nous avons trouvé que l'origine de ces accidents remonte à la défectuosité de la vie sociale ouvrière.

En effet, dans un trop grand nombre, de cas, le foyer domestique n'existe pas.-Les deux conjoints vont travailler, chacun de leur côté, dans des ateliers distincts, partant de bonne heure, rentrant tard; le foyer domestique reste désert toute la journée. Les enfants sont confiés à la vague surveillance d'une voisine ou envoyés à l'école.

Lorsque l'enfant est docile, d'une intelligence moyenne, cette absence de direction peut ne pas lui être préjudiciable. Mais si, pour une cause ou pour une autre, il ne peut suivre la classe, s'il est puni, même s'il en est renvoyé, il va vagabonder dans la rue, où il apprendra la mendicité, la paresse, le mensonge, le vol, etc., il peut même devenir un instrument du crime.

Il n'en aurait pas été de même s'il avait trouvé chez lui l'appui, l'affection et les bons conseils au moment opportun. Cette absence de vie de famille est encore une cause d'autres maux. Les générateurs s'intoxiquent, soit par l'air vicié de l'atelier, soit surtout par l'alcool, les grands facteurs de la dégénérescence mentale.

Il faudrait donc essayer de prévenir les résultats de cet état de chose et tâ'cher de reconstituer le foyer familial. Il faut que l'homme seul puisse par -son salaire assurer l'existence des siens et que la femme, restant au foyer, soit à chaque instant le soutien de l'enfant. Elle redressera, toujours guidée par son cœur, ses défauts et lui inspirera l'amour du devoir et du bien. Elle obtiendra plus par ses caresses affectueuses que le professeur par ses remontrances. L'enfant, d'une nature faible, a besoin à la fois de soutien et d'affection. Ce sont là les fondements de l'éducation et la véritable assistance qui préviendra l'apparition de ces déviations intellectuelles.

Mais quand ces défectuosités intellectuelles existent chez l'enfant, deux cas sont à considérer.

Quand il n'y a pas de maladie de l'intelligence, de tare intellectuelle, c'est la famille qui, instruite par le médecin de la véritable cause des accidents observés, doit éduquer l'enfant. Dans certains cas, un changement de classe, un changement de professeur, l'institution d'un régime réconforlant et d'une gymnastique appropriée suffiront pour faire disparaître les accidents. Dans d'autres, il faudra que les parents modifient du tout au tout leur manière d'agir à l'égard de leur enfant. Un bon coup de barre remettra la barque dans le bon chemin.

Mais, dans certains cas, cette assistance dans la famille de l'enfant n'est pas possible : les parents sont dépourvus de toute moralité. La société a le devoir alors de prendre ces enfants maltraités ou moralement abandonnés et d'essayer de créer pour eux une nouvelle famille.

On doit, avapt de placer l'enfant dans une famille, s'enquérir de sa nature intime, de sa sensibilité morale et de son état physique. On doit connaître ses penchants et toujours le diriger selon les aptitudes qu'il manifeste. C'est ainsi que l'on ne doit pas placer dans des fermes des enfants qui ont peur des animaux. D'un autre cûté, le caractère des nourriciers peut ne pas s'harmoniser avec celui de l'enfant. Il faut alors déplacer l'enfant et rechercher une nouvelle famille. Tous les nourriciers ne sont pas aptes à éduquer n'importe quel enfant.

Il est nécessaire d'appliquer cette éducation familiale bien comprise dès le jeune âge, car l'enfant, semblable à une cire molle, reçoit facilement les premières impressions.

En tout cas, il ne faut pas mettre ces enfants sans tare intellectuelle, même délinquants, dans les mêmes maisons de correction ou écoles de réforme que les enfants pervers. Ils s'y contamineraient immédiatement.

Dans certains cas, on s'est bien trouvé de la création de colonies agricoles.

Quand l'enfant, par contre, a une tare mentale, l'assistance doit être médico-pédagogique. Nous ne nous étendrons pas sur ce traitement que nous avons eu l'occasion d'esquisser plus haut à propos de cette catégorie d'enfants. Il faut en effet que ces enfants soient hospitalisés ou tout au moins envoyés dans des écoles spéciales.

Le nombre de ces établissements et de ces écoles n'est pas assez considérable et la disposition de ceux qui existent doit être perfectionnée. Il serait utile, en effet, que l'école comprit autant de sections qu'il y a de catégories d'enfants; surtout il ne faudrait pas mélanger les imbéciles et les idiots améliorés avec les enfants ayant des perversions instinctives prononcées, et les simples nerveux, épileptiques et hystériques, avec les dégénérés pervers et les malades atteints de psychose. Dans ces écoles, chaque section ne comprendra pas plus d'une dizaine d'enfants; et des travaux manuels devront toujours alterner avec les leçons scolaires ; la durée de chaque exercice sera très limitée. L'amélioration

à espérer de ces enfants sera d'autant plus marquée que le traitement aura été commencé plus tôt.

Lorsque le développement physique et intellectuel de ces enfants sera arrivé à son summum, l'enfant pourra dans certains cas être rendu à ses parents ou placé dans une colonie, ou dans une famille choisie. Il sera dons une certaine mesure capable de subvenir à ses besoins.

Celte application d'asbistance familiale aux enfants arriérés et non pervers vient d'être essayée par la préfecture de la Seine dans la colonie familiale de Dun-sur-Auron. La visite de cette colonie, que nous avons été à même de faire dans ces derniers temps, nous fait espérer la réussite de cet essai.

Quant aux enfants pervers, cette assistance familiale ne pourrait être faite que dans des conditions de très grande surveillance. Aussi doivent-ils être maintenus assez longtemps dans ces sections d'écoles spéciales, puis, quand l'amélioration survient, ils devront être placés dans des colonies, où ils seront sans cesse surveillés et soumis à un régime de discipline particulier. Si l'état mental dégénératif du sujet ne s'améliore pas, ou s'il s'aggrave, l'internement dans un établissement d'aliénés s'imposera.

Discussion.

M. BéullON. — Dans les écoles, la présence d'enfants anormaux est extrêmement préjudiciable aux autres élèves. La surveillance qu'ils exigent suffit pour absorber l'énergie et l'attention des professeurs et les met dans la nécessité de négliger leur enseignement. Il importe donc de les séparer du milieu scolaire.

Dans la majeure partie des cas, les enfants et les adolescents anormaux ont besoin d'une existence active, se passant au grand air. Le séjour dans l'air confiné des classes et dans les appartements resserrés des grandes villes aggrave leur état, aussi les institutions médico-pédagogiques destinées à ces enfants et à ces adolescents doivent-elles être installées à la campagne.

Dans la création de l'Institution médico-pédagogique de Créteil, que j'ai créée en collaboration avec M. Quinque, professeur spécial pour enfants anormaux, je me suis inspiré des enseignements de mon maître, M. le Dr J. Voisin.

Les enfants et les adolescents répartis en sections distinctes selon leur âge, leurs aptitudes intellectuelles et leur état nerveux sont soumis ù une surveillance constante, quoique discrète. Ils mènent à l'institution une existence familiale. Leur temps est partagé entre des exercices physiques, des jeux ei des heures d'études appropriées à leurs besoins:

L'éducation psychologique et morale est également l'objet de soins particuliers. Les méthodes psychologiques les plus modernes sont utilisées pour la formation de la volonté et l'éducation du caractère.

De plus la méthode hypno-pédagogique permet, dans le plus grand nombre des cas, d'arriver à une guérison rapide des tics, de Tonycho-phagic, de l'incontinence nocturne d'urine et des défauts de caractère.

Quelques nouveaux cas de « trac » chez des exécutants,

par H. le Dr Paul Farez, professeur à l'Ecole de psychologie.

Chaque nouveau concours du Conservatoire suscite, chez de nombreux concurrents, une recrudescence de ce fameux trac qui risque de diminuer leurs moyens, d'obnubiler leur mémoire et de compromettre leur succès. Cette année, comme précédemment, j'ai été assez heureux d'immuniser, contre le trac, des exécutants dont je désire vous dire quelques mots. Par discrétion, je m'abstiendrai d'indiquer l'instrument que jouait chacun d'eux; et je les désignerai par une lettre arbitraire, sans même préciser s'il s'agit d'un homme ou d'une femme.

T... concourt pour la seconde fois; il n'a eu, l'an dernier, aucune nomination; s'il n'a pas, cette année, au moins un deuxième accessit, il devra quitter le Conservatoire. Cette éventualité le trouble et l'obsède ; l'appréhension de voir sa carrière musicale brusquement interrompue le poursuit; la crainte de ne pas bien jouer le met en état d'infériorité, dès qu'un public l'écoute ; il hésite et fait des fautes de doigté; sa main tremble; il manque de mémoire et, comme il dit, se met à « perdre la tète ». Je le vois un mois avant le concours et lui fais trois séances de suggestion par semaine. Peu à peu, il cesse de trembler, il acquiert de l'assurance, garde tout son sang-froid, si bien qu'aux répétitions préparatoires, qui ont lieu devant un nombreux public, dans une grande salle, il se trouve très à son aise et joue avec autorité.

Sûr de lui, il affronte le concours avec une tranquille sérénité; et, le soir même, je reçois le petit bleu suivant : « Tout s'est très bien passé; j'ai obtenu le second accessit tant désiré. J'irai demain vous faire part de ma joie et vous exprimer toute ma reconnaissance. »

Un autre, H..., m'est adressé par un confrère qui s'intéresse à lui. o Je viens, me dit-il, à l'insu et contre le gré de mes parents ; ma mère, à qui j'ai exprimé mon très vif désir de me faire hypnotiser pour me débarrasser de mon trac, m'a répondu avec terreur : a Mais malheureux, tu veux donc qu'on te rende fou ! »

L'Institution médico-pédagogique de Crétcil réalise donc un progrès pour le traitement des enfants et des adolescents anormaux. Elle constitue en outre un champ d'études et d'observations pour les pédagogues et les psychologues. Les membres de la Société d'hypnologie et de psychologie sont particulièrement invités à s'intéresser à cette œuvre médico-pédagogique. _

La Société d'hypnologie et de psychologie décide qu'une visite scientifique sera organisée afin de permettre à ses membres d'apprécier la valeur des méthodes pédagogiques et thérapeutiques utilisées à l'Institution médico-pédagogique de Créteil.

Alors, je réplique à N... : « Ma façon de pratiquer la psychothérapie est, je le proclame, à tous égards, absolument inoffensive. Toutefois, vous n'avez pas encore atteint votre majorité; je ne puis aller à rencontre de la volonté de vos parents. D'ailleurs, si, en sortant de chez moi, vous aviez la malchance d'être frôlé par une voiture ou mordu par quelque roquet, — si d'ici votre concours, vous avez quelque migraine ou un malaise quelconque, Madame votre mère, avec les idées fausses mais bien arrêtées que vous lui connaissez, ne manquerait pas d'affirmer que l'hypnotisme en est la cause. Obtenez le consentement de vos parents et, alors seulement, j'entreprendrai votre cure. »

N... expose, de nouveau, à son père et à sa mère sa détresse morale. II a eu un premier accessit, il y a deux ans ; s'il ne remporte pas un second prix, cette année, il ne pourra plus concourir et c'en est fait de sa carrière musicale. Sans l'aide de la psychothérapie, il ne sera pas sur de lui, ses moyens lui manqueront, et l'échec sera inévitable. II est devenu très émotionnable et très irritable. La nuit, au lieu de dormir, ¡1 est harcelé par la crainte de ne pas réussir. S'il dort, il rêve qu'il échoue. Il a maigri ; l'appétit a disparu; tout essai de nourriture provoque des nausées et des crampes. Une neurasthénie intense s'installe...

On demande l'avis d'un oncle qui est médecin en province. Celui-ci, sans être enthousiaste, conseille tout de même qu'on essaye de la suggestion. La mère de N... n'ose pas prendre la responsabilité de permettre une pareille (!) chose. Cédant aux pressantes prières de son fils, le père de N... finit par accorder son consentement.

N... est un douteur et un inquiet. Parfois, sans rime ni raison, il se dit : a Pourvu que je sache jouer ce passage..., pourvu que ma mémoire ne me fasse pas défaut..., pourvu que mes mains ne tremblent pas, etc.!» En présence du public, il est préoccupé de l'effet qu'il produit, guette sur les visages les marques d'approbation ou de désapprobation, de contentement ou d'indifférence. Un jour qu'il n'a pas été assez applaudi à son gré, il s'est presque trouvé mal en sortant de la salle; de dépit, il a versé d'abondantes larmes. La hantise du public le torture avant de jouer et le trouble pendant qu'il joue.

Il a très bonne opinion de lui ; il sent qu'il mérite le second prix. Seulement, prétend-il, la moitié des concurrents au moins méritent un prix : c'est l'émotion du concours qui fait un tri et évince ceux qui ne restent pas maîtres d'eux. Rendez-moi le calme et la possession de moi-même, me déclare-t-il ; aidez-moi à me déprendre du public et je suis sûr du succès !

Comme le précédent candidat, je le vois trois fois par semaine, pendant un mois. Les progrès sont lents, mais réguliers. Lors d'une première exécution publique, il se sent très anxieux, mais est satisfait de son jeu. Une autre fois, il a le trac avant de commencer, mais, une fois sur la scène, il joue sans aucune émotion. Finalement, il n'a plus la hantise du public; même il s'en isole, s'en déprend et n'y pense pas. Il

n'a ni tremblement, ni trouble; il joue avec un calme qui l'étonné; il n'a jamais été aussi bien.

Le jour du concours, il garde toute sa sérénité et cause avec intérêt de choses et d'autres. Tout de suite après avoir joué, il me fait parvenir le mot suivant : « J'ai très bien joué, avec beaucoup de calme et je me suis tout à fait possédé; je suis persuadé d'avoir fait preuve de tous mes moyens, d Et, en effet, on lui décerne le second prix !

On n'imagine pas à quel point le trac peut bouleverser certaines existences musicales, en compromettant le succès non seulement aux concours de sortie, mais encore aux examens d'admission.

Dans le courant de l'année dernière, j'ai été consulté par un autre exécutant, R..., que le trac a empêché d'être jamais admis au Conservatoire. Il a travaillé en dehors, sous la direction d'un excellent professeur, et est devenu un très habile virtuose. Mais son talent reste ignoré : il n'est estampillé d'aucune consécration officielle ! R... désire se faire apprécier du public en donnant un grand concert. Mais, voilà la difficulté! Le trac l'empêchera d'affirmer le réel talent dont il fait preuve devant ses élèves ou ses intimes. Ayant appris que j'ai guéri du trac un de ses camarades, R... vient me trouver. Je le traite de la môme manière que T... et N...; et il remporte un succès éclatant. De jeunes musiciens du Conservatoire ont, en outre de son talent, admiré son imper-turbabilité et sa maîtrise de soi. J'ai entendu l'un d'eux faire, en sortant, cette réflexion: « Je voudrais bien, moi, être capable de jouer en public avec une pareille assurance. »

• »

Tous les traqueurs que j'ai soignés, et ils commencent à représenter une phalange respectable, avaient autre chose qu'un simple trac psychique; ce n'était pas, chez eux, pure phobie.

Toujours, j'ai constaté, concurremment au trac, quelque trouble somatique. C'est, suivant le cas, du spasme respiratoire, de l'hypertrophie du cœur, de l'éréthisme cardiaque, de la bradycardie, de l'hypertension artérielle, de la vaso-constriction périphérique, etc.

Le trouble somatique m'a toujours paru conditionner, dans une certaine mesure, entretenir ou aggraver la phobie; et je me suis, chaque fois, appliqué à le combattre par une médication physiologique, soit avant la thérapeutique psychique, soit en môme temps qu'elle.

Sans aucun doute, la suggestion tient la première place et, même, est,ici, le véritable agent thérapeutique. Toutefois la réussite est amorcée, si l'on a soin d'amender physiologiquement certains phénomènes qui servent de support au trac et sont parfois un obstacle à la suggestion curative. Par cette double action convergente psycho-somatique, on obtient des succès rapides, faciles et durables.

COURS ET CONFÉRENCES

La confusion mentale héréditaire et acquise (') par M. le Professeur Raymond.

La confusion mentale est héréditaire et tient à une déchéance innée du système psychique, ou bien elle est acquise et fait suite à des maladies infectieuses ou à une série de chocs nerveux déprimants reconnaissant d'autres causes.

Son caractère est le changement à vue des troubles mentaux. Voici une malade de 19 ans ; chez elle, la maladie a débuté, ce semble, dès le premier âge. Née de père alcoolique, elle a eu des convulsions dans son enfance, a marché tard, était indisciplinée, méchante, déchirait tout. Son intelligence de tout temps a été des plus rudimentaires. Sur ce terrain psychique peu résistant, les images mentales enregistrées à tort et à travers se transforment en idées délirantes qui ressortent pèle-môle, affectant successivement les types les plus divers. Ce sont d'abord des idées d'indignité, de honte du corps. La malade, qui n'est pas laide, demande qu'on lui change la courbure de ses yeux ; c'est une déchéance pour elle de conserver des yeux pareils. Un instant après, elle part en idées ambitieuses, prétend faire son droit ; puis ce sont des idées de persécution, on la bat ; ce sont des idées erotiques, on a cherché à abuser d'elle ; des hallucinations visuelles, elle voit des corps coupés par tronçons. Elle devient kleptomane, est prise en flagrant délit de vol dans les magasins, a des tics musculaires, est en proie à une agitation qu'elle ne peut maîtriser. Jadis on aurait apposé sur cette malade l'étiquette délire polymorphe de la dégénérescence mentale.

Ce n'est point cela. Dans le délire de la dégénérescence mentale, il y a un élément d'angoisse qui fait défaut ici ; de plus, chez cette malade, les idées délirantes sont fuyantes, se succèdent avec une facilité incroyable. Elle ne tient à aucune d'elles, les abandonne à mesure qu'elle en accepte de nouvelles, en contradiction souvent avec les premières. Il y a bien plus de suite dans le délire de la dégénérescence mentale. Dans le cas présent, il y a confusion tout simplement.

Cette autre jeune femme est malade depuis moins longtemps. Bien qu'elle fût scrupuleuse dès son jeune âge et hésitât à prendre un parti, toujours tourmentée qu'elle était de se déterminer pour le mauvais, elle grandit sans accrocs et put gagner sa vie. Domestique, ses idées de doute s'exagérèrent ; après une déception — elle manqua un mariage qu'elle espérait, —survinrent des idées de mélancolie et d'indignité. La malade voulut s'empoisonner. Entrée à l'hôpital il y a un mois, d'une heure à l'autre, son aspect change. Aujourd'hui elle est inerte, tout glisse, rien ne pénètre dans son cerveau. Elle était guérie il y a quelques

(1) Présentation de malades à la clinique des maladies nerveuses de la Salpêtriôre.

jours et était allée voir sa mère en ville. Cette visite a ramené tous ses accidents. Ceux-ci ne sont pas graves et voici ce qu'il importe de connaître. La mélancolie où les idées tristes sont fixes, les délires systématisés où la formule délirante ne varie pas, sont de guérîson autrement difficile. La confusion mentale, surtout quand elle est acquise, est d'un pronostic bien moins sombre. En quelques jours le tableau peut changer du tout au tout. Le traitement moral, les paroles réconfortantes du médecin font beaucoup dans le sens de la guérison.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

L'Évolution de la Prostitution, par le Dr Félix Regnault (').

Jusqu'à présent les auteurs qui ont écrit sur la prostitution, et ils sont fort nombreux, se sont avant tout préoccupés de défendre les théories qui leur étaient chères.

L'auteur de l'Évolution de la Prostitution a voulu donner un résumé complet de cette question si complexe en la traitant à la fois aux points de vue historique, et ethnographique, policier, médical, social et philosophique.

La prostitution se diversifie suivant les pays et suivant les époques. L'âme de chaque peuple se reflète dans ses prostituées. Chez les uns les prêtres, chez les autres l'Etat exploitent le lupanar, ici la prostitution est grossière, là elle est esthétique avec l'hétaïre, la bayadère, la guécha, ceux-ci sont indulgents pour la prostituée, ceux-là la punissent en criminelle.

Mais nous vivons pour notre siècle et pour notre pays. Ce qui nous intéresse avant tout ce sont les transformations si complètes et pourtant si peu connues de la prostitution actuelle.

Le lecteur verra comment les maisons publiques à la fois s'assainissent et disparaissent. Elles sont remplacées par les maisons de rendez-vous et les maisons ouvertes qui respectent davantage la liberté des filles.

Il participera à la lutte passionnée des règlementistes et dos abolition-nistes. Entre ces deux extrêmes apparaitune troisième solution : la réglementation sanitaire qui place tous les vénériens sous le régime commun de la loi sanitaire, la même pour tous. Il approuvera la campagne si active menée contre les maladies vénériennes par les ligues et les sociétés. Il apprendra les moyens prophylactiques à employer et les améliorations qu'il convient d'apporter à notre système d'assistance.

(1) Un volume in-18. — Prix : 3 fr. 50. — Ernest Flammarion, 26, rue Racine.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 18 décembre, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le D' Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, â 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Dr Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications déjà inscrites :

D' Félix Regnault: Le traitement psychologique du mal de mer (Suite de la discussion).

D' Van Renterghem (d'Amsterdam) : L'action préventive de la suggestion contre le mal de mer.

Dr Paul Farez : Quelques précisions au sujet du mal de mer.

D' Bérillon : Technique du traitement préventif du mal de mer.

Df Bonjour (de Lausanne) : Le mal de mer et l'expérimentation psychologique.

D' Damoglûu, du Caire: Action de la suggestion hypnotique sur le déve-• loppement de la mémoire.

MM. Grollet et Lépinay, médecins vétérinaires : Les tics chez les animaux.

D" Pamart et Bérillon : Un cas de tic de l'épilation.

Un traitement du hoquet

Prenez un morceau de sucre trempé dans du vinaigre, mâchez-le rapidement et avalez-le. Du coup, dit M. Argcllier (de Billom), votre hoquet s'arrêtera instantanément.

L'auteur n'aurait probablement pas songé à publier un procédé aussi simple si son emploi, avec succès, dans un cas de hoquet hystérique ne lui avait permis de le ranger parmi les moyens thérapeutiques en usage pour combattre ce symptôme de la grande névrose, dont on connait la persistance et souvent ia résistance à tout traitement.

M. Argcllier, en effet, rapporte une observation de hoquet hystérique extrêmement violent ayant résisté à toutes les tentatives et qui céda presque instantanément à l'emploi de ce petit moyen. Pourquoi ne pas dire tout de suite que ce moyen n'est que l'effet d'une suggestion faite par un homme convaincu de l'efficacité de son procédé.

La croyance aux sorciers dans le Médoc.

M. le Prof. Arnozan raconte, dans le Journal de Médecine de Bordeaux, le fait suivant qui est très suggestif:

« Le Mcdoc est un des pays de France où la croyance aux sorciers n'a jamais faibli, en dépit de toutes tes révolutions. Cette croyance est non seulement chère à un grand nombre d'individus, elle est consacrée par les associations, comme en témoigne le fait suivant, qui m'a été raconté récemment par un de nos aimables confrères de cette région.

« Dans une commune, une certaine Société de secours mutuels n'a pas hésité à payer à deux reprises à la famille d'un de ses membres les frais d'un voyage auprès d'une sorcière très réputée des environs de Bordeaux, pour apporter à la voyante un gilet de flanelle ou une chaussette du sujet. Ces deux voyages ont coûté plus de 115 francs à la Société, qui donne péniblement 210 francs à celui de nos confrères qui soigne ses nombreux malades pendant toute l'année.

Ce simple fait indique qu'il ne faut pas se faire trop d'illusions sur le degré de culture intellectuelle d'un grand nombre de nos compatriotes. Malgré le développement de l'instruction primaire, beaucoup de gens donnent l'exemple d'une crédulité à peine croyable. Le procès de la voyante de Saint-Quentin a révélé que les habitants du nord ne le cédaient en rien à ceux du midi sur la question de la superstition.

Les abeilles sont-elles capables de réfléchir?

Voici une expérience très curieuse de M. Bonnier, de l'Institut, qui prouve que les abeilles sont capables de réfléchir:

Un soir, M. Bonnier plaça des morceaux de sucre assez loin du rucher. Le lendemain matin, les ouvrières chercheuses, comme il en existe dans toutes les ruches, les ont découverts et signalés. Tout de suite, un va-et-vient de butineuses s'établit entre le rucher et le sucre.

Mais comment faire pour enlever ce sucre solide? Les abeilles n'en ont jamais vu et pourtant elles ont reconnu que c'était du sucre ! Les butineuses ont bien essayé de le mordiller, mais elles ne tardèrent pas à s'apercevoir que leurs mandibules étaient impuissantes. Alors s'organisa un double courant d'ouvrières au vol : elles allèrent de la ruche au bassin plein d'eau, récoltèrent de l'eau dans leur jabot, revinrent aux morceaux de sucre, sur lesquels elles déposèrent l'eau et aspirèrent ensuite le sirop formé qu'elles reportèrent à la ruche !

L'insensibilisation par la lumière bleue

Le docteur Larrivé publie dans le Journal de Médecine et de Chirurgie pratiques une note sur un procédé d'insensibilisation par la lumière bleue, utilisé par le docteur Redard, professeur de dentisterie à l'Uni-

versité de Genève. En faisant fixer au patient pendant quelques minutes la lumière d'une lampe électrique bleue, le docteur Redard obtient une anesthésie suffisante pour pratiquer sans douleur les extractions et les opérations de prothèse dentaire.

Ce n'est pas sans intérêt que nous trouvons dans cet article des passages tels que ceux-ci : « La fixation des yeux produit une insensibilisation de la face. — La confiance du malade est une excellente condition de succès. — La tranquillité est de rigueur : pas de bruit. — On attend... la dilatation de la pupille. — Le malade semble alors être en extase. — Les insuccès observés provenaient tous du manque de confiance du sujet ou du défaut de fixation... o On peut donc se demander si les anesthésies ainsi obtenues ne résultent pas de la suggestion hypnotique plutôt que d'une action spéciale aux rayons bleus.

Les malades, en effet, sont prévenus qu'ils vont être insensibilisés. Il y a donc une hétéro et une auto-suggestion enjeu, et qui n'agit que si le sujet est confiant; le reste de la technique est une variante des procédés de Braid pour provoquer l'hypnose ; seulement, le point brillant que l'on fait briller est bleu au lieu d'être quelconque. II y a donc anesthérîc suggérée à l'état d'hypnose, ou tout au moins d'hypotaxie.

Pour voir dans ces phénomènes des effets propres aux vibrations bleues, il faudrait, à notre avis, obtenir par ce procédé l'insensibilisation d'un malade aveugle et non prévenu. La méthode du docteur Redard est un tout synthétique. Avant d'attribuer ses résultats à l'un de ses éléments constitutifs, il faudrait procéder suivant les règles de l'analyse, et observer quelle est l'action de chacun de ces éléments pris à part. Nous ne songeons nullement à nier à priori l'effet calmant des rayons bleus; mais dans le cas présent, jouent-ils le rôle principal, ou ne sont-ils qu'un adjuvant, un détail de mise en scène ? La seconde hypothèse, en tout cas, n'aurait rien que de très vraisemblable jusqu'à plus ample informé. (R. P.).

L'alcoolisme et le tir

Le Giornale medico del Esercito donne une nouvelle contribution à l'étude des méfaits de l'alcool : ce sont les résultats d'expériences apportésparle docteur Mernetsch au Congrès antialcoolique de Budapest. Celui-ci a choisi les meilleurs tireurs parmi les sous-officiers et les soldats d'un régiment d'infanterie et leur a fait exécuter une première série de tir à 200 mètres, puis, après leur avoir fait absorber 50 grammes «l'alcool, il les a fait tirer à nouveau.

La même expérience fut tentée à plusieurs reprises et dans des conditions variées de température et de lieu. Les résultats furent constamment identiques : pour le feu accéléré, l'efficacité, après absorption d'alcool, fut inférieur de 30 pour 100 à ce qu'elle était à jeun : pour le tir avec pauses, la différence atteignit hO pour 100. De semblables essais devraient avoir lieu dans l'armée française. Us amèneraient nos confrè-

res militaires à ajouter un argument sans réplique à ceux qu'ils font valoir auprès du Commandement pour appuyer leur énergique campagne antialcoolique.

Les observations du docteur Mernetsch sont d'ailleurs conformes à celles du docteur Bérillon, qui a constaté que les sujets les plus faciles à hypnotiser perdaient absolument cette faculté et cessaient d'être suggestibles lorsqu'ils étaient sous l'influence de la moindre dose d'alcool, et même de vin. L'état d'hypnose étant en relation directeavec l'état de l'attention, on peut conclure de ce qui précède que le principal effet de l'alcool est de diminuer la faculté d'attention. On conçoit donc que des soldats placés sous l'influence de l'alcool perdent une partie de leurs aptitudes à viser avec justesse pendant les exercices de tir.

NOUVELLES

Ecole de Psychologie

La réouverture des cours de l'Ecole de psychologie aura lieu le mer credi 9 janvier 1907, à cinq heures, sous la présidence de M. Bienvenu-Martin, sénateur, ancien ministre de l'Instruction publique. La leçon d'ouverture sera faite par M. le Dr Binet-Sanglé, professeur. Elle aura pour sujet : Introduction à la psychologie de Jésus de Nazareth.

Le programme des cours et des conférences sera publié dans le prochain numéro.

L'enseignement, portant sur toutes les branches de la psychologie, comprendra les cours suivants pour l'année 1906 :

Hypnotisme thérapeutique...... Al. le D' Bérillô.N', professeur.

Hypnotisme expérimental...... M. le D* Paul Machin, professeur.

Psychologie générale......... M. Lionel Dadriac, professeur.

Psychologie pathologique...... M. le D* Paul Farez, professeur.

Psychologie des dégénérés...... M. le D' Biset-Sanglé.

Psycho-physiologie de l'art..... M. Félix Regahey, inspect. hon. du dessin

dans les Ecoles de la Ville de Paris, prof.

Ânatomieet Psychologie comparées. M. Caustier, agrégé de l'Univ., professeur

Psychologie des animaux...... H. Lépikay, professeur.

Psychologie musicale......... 1)' R. Pauart, professeur.

Philosophie scientifique....... M. Louis Favre, professeur.

Psychothérapie (cours annexe de Lille) M. le Dr Paul Joire, à Lille.

Conférences psychologiques. — Les conférences psychologiques hebdomadaires reprendront le vendredi 11 janvier 1907, à 8 h. 1/2 du soir, et continueront les vendredis suivants, à la même heure. Le programme détaillé paraîtra dans le prochain numéro.

L'Administrateur-Gérant : Ed. BERILLON.

Paris, Imp. A. Quelquejeu, rue (Herbert, 10.

REVUE Dg-L'IIYPNOTISME

EXPÉRIMENTAL* ET^THÉRAPEUTIQUE

21'Année. — N* 7. Janvier 1907.

BULLETIN

L'£cole de psychologie. — Le référendum du D' Huchard sur les réformes de l'enseignement médical. — Le concours de l'agrégation.

La septième réouverture des cours de l'Ecole de Psychologie aura lieu le mercredi 9 janvier, à cinq heures, sous la présidence de M. Bienvenu-Martin, sénateur, ancien ministre de l'Instruction publique.

La leçon d'ouverture sera faite par notre collègue, M. le Dr Binet-Sanglé. Elle aura pour sujet : Introduction à la psychologie de Jésus de Nazareth.

Cette année, les anciens professeurs de l'Ecole : MM. Bérillon, Paul Magnin, Paul Parez, Caustier, Régamey, Lépinay, Pamart, continueront leurs enseignements. De nouveaux cours seront inaugurés. M. le professeur Lionel-Dauriac, professeur honoraire de philosophie à la Faculté des lettres de Montpellier, ancien collaborateur de Renouvier, a bien voulu, dans la chaire de Psychologie générale, traiter avec sa grande compétence l'étude des sentiments. M. le Dr Mayoux abordera, dans un cours de psychologie et morale sexuelles, la question toute d'actualité de VEducation des sexes.

Comme les années précédentes, les cours seront complétés par des conférences hebdomadaires qui auront lieu les vendredis à huit heures et demie du soir, à partir du 11 janvier. Le programme de ces conférences comprend les sujets les plus variés se rapportant tous à la psychologie. Les conférences seront présidées par MM. G. Rocher, Jules Voisin, Bérillon, Léon de Rosny, Albert Robin, P. Magnin, Devinât, etc. Les conférenciers seront les DM Bérillon, Félix Regnault, Dr Bahaddin Chakir Bey, professeur à la Faculté de Constantinople, Scié-Ton-Fa, progressiste chinois, Dr Paul Joire, M"' Lucie Bérillon, professeur au lycée Molière, M. le capitaine Bordage.

L'enseignement de l'Ecole de psychologie est public. Il s'adresse aux médecins, aux étudiants, aux esprits désireux de connaître les acquisitions scientifiques réalisées dans le domaine de la psychologie positive et de la sociologie. Les lecteurs de la Revue de l'Hypnotisme sont personnellement invités aux cours et conférences de l'Ecole de psychologie. Nous souhaitons qu'ils se considèrent comme les collaborateurs de notre oeuvre.

• •

Notre éminent maître, le D'Huchard, toujours si bien inspiré lorsqu'il s'agit de défendre le beau renom de la médecine française, avait eu l'ingénieuse idée de demander aux lecteurs du Journal des Praticiens de lui donner leur avis motivé sur les réformes de l'enseignement médical. Dans notre pays de libre discussion et de suffrage universel, celte consultation méritait de recevoir un accueil des plus favorables. Lçs réponses aux quatorze questions posées ont afflué- Nous nous bornerons à donner les résultats des principales de ces questions. Y a-t-il trop de concours ?

Suffrages exprimés......... 1.066

Trop de concours.......... 1.025

Non.. ................ 40

Douteux............., . 1

Les professeurs doivent-ils être payés par les élèves ?

Suffrages exprimés......... t .000

Payés par les élèves......... 9J7

Non payés.............. 67

Douteux............... 2

Nota. — Beaucoup de médecins demandent que les professeurs ne fassent pas de clientèle.

Faut-il favoriser l'Enseignement médical libre ?

Suffrages exprimés......... 1.024

Pour l'enseignement libre...... 1.005

— non libre. . . 16

Douteux............... 3

Etes-vous partisan de ta séparation du corps enseignant et du corps examinant?

Suffrages exprimés......... 1.029

Pour la séparation.......... 965

Contre la séparation......... 60

Douteux..............• 4 •

Quel doit être le mode de nomination des professeurs ?

Suffrages exprimés......... 926

Nomination des plus dignes..... 881

Nomination parmi les agrégés. . . 41

Douteux............... 4

S'il est vrai qu'il n'y a rien de plus éloquent que les chiffres, la transformation radicale de notre enseignement s'impose. Nous souhaitons que M. Briand, ministre de l'Instruction publique, veuille bien écouter la voix de l'opinion générale. Un homme de sa haute valeur ne peut se méprendre sur l'importance du mouvement qui se manifeste aujourd'hui. Il doit se dégager de l'étreinte dans laquelle vont s'efforcer de l'enliser les partisans intéressés de la routine. Il aura acquis un titre de

gloire impérissable, s'il réalise ce vœu qui recueille l'approbation de tous les hommes de progrès et qui est simplement : fa séparation de la Médecine et de l'Etat.

¦ »

La note ci-jointe, parue dans lo Journal des praticiens, justifie l'opinion que nous exprimions dans notre dernier numéro, à savoir que le concours de l'agrégation en médecine ne sert plus qu'à favoriser l'injustice et qu'il mérite d'être promptement supprimé :

« Mardi 18 décembre, s'est ouvert ce concours, auquel devaient prendre part, pour la seule Faculté de Paris, quarante candidats. Dès la première séance, vingt candidats, dont un grand nombre de médecins des hôpitaux, se sont retirés. Voulaient-ils témoigner par leur altitude de la suspicion où ils tenaient l'impartialité du jury? Il est fort regrettable que des incidents pareils se passent à l'ouverture d'un concours. Si le nom de ceux qui seront classés les premiers est vraiment connu d'avance, autant vaut la suppression du concoure, tout simplement.

A. ce qui précède, nous devons ajouter que la médiocrité des leçons faites à ce concours dépasse tout ce qu'on pourrait imaginer. Les candidats se succèdent pour réciter quelques pages de pathologie interne, péniblement apprises par cœur et débitées avec une monotonie désespérante. Pendant ce temps, les membres du jury, vêtus de robes rouges et coiffés de toques dorées, dessinent des bonshommes ou sommeillent paisiblement. Quand un candidat a fini de débiter sa leçon d'écolier, ses camarades disséminés dans la salle font entendre des applaudissements dépourvus de conviction. C'est ainsi que l'on prétend, à la Faculté, mettre en relief les maîtres de l'avenir. Ne se trouvera-t-il pas un Ministre de l'Instruction publique, animé d'un véritable amour du progrès, pour mettre un terme à cette comédie ridicule qu'on dirait copiée sur la scène de réception du Malade imaginaire.

Les Sommeils pathologiques chez les Animaux (')

par le D' Paul Farez, professeur à l'Ecole de Psychologie.

Messieurs,

Quelques-uns d'entre vous savent que j'ai étudié avec prédilection, entre autres questions de psychopathologie, celle des sommeils pathologiques. Je l'ai même exposée à l'Ecole de Psychologie, dans mon cours de l'an dernier; mais je ne me suis occupé que des sommeils pathologiques chez les humains. Désireux d'étendre ma documentation et de donner

(1J Communication à la Société de pathologie comparée.

à cette étude toute son ampleur, je me suis demandé s'il n'existait pas aussi chez les animaux (et, en particulier, chez ceux qui nous approchent le plus) certains états de somnolence ou de sommeil qui, mutatis mutandis, pussent être rapprochés des cas bien décrits et classés par les neuropathologistes. Les lois générales de la pathologie, applicables aux différentes espèces vivantes, nous permettent, a priori, d'espérer que cette recherche sera, peut-être, fructueuse.

On connaît, de toute antiquité, le sommeil hibernal ; mais ce n'est pas là un sommeil pathologique. A l'approche de l'hiver, ne pouvant plus trouver leur nourriture et souffrant du froid, les animaux hibernants, guidés par un sûr instinct, se replient sur eux-mêmes et s'engourdissent, jusqu'à ce que, la chaleur et la végétation revenues, ils reprennent toute leur activité; la nécessité de ne point succomber les a acculés à cet expédient; en réduisant leurs dépenses au minimum, en restreignant leurs manifestations vitales, ils ont simplement écarté la mort.

Dans les pays tropicaux, on observe un sommeil analogue qui n'est plus l'hibernation, mais l'estivation. Comme l'hibernation, l'estivation dépend des conditions ambiantes.

Ce n'est plus le froid, mais une chaleur excessive qui, avec la sécheresse, amène la disette de nourriture et parfois la suppression du milieu favorable à la vie. Ainsi, lorsqu'une température torride a mis les rivières à sec, certains poissons d'eau douce s'engourdissent dans une sorte de cocon formé de vase et de mucus ; ce cocon se dessèche et durcit ; mais le poisson y continue sa vie latente ; il recouvre toute sa vitalité dès qu'on le plonge dans l'eau ou que la rivière reprend tout naturellement son cours. Ici encore, la nécessité d'échapper à la mort les a réduits à ce sommeil spécial.

Certains animaux, non hibernants à l'état habituel, le deviennent sous la pression de certaines circonstances accidentelles, en particulier le jeûne et le froid. 18 moutons, ensevelis sous la neige pendant 40 jours, — 8 autres pendant 60 jours ne sont point morts, parce qu'ils restèrent plongés dans un état voisin de l'hibernation. De même, chacun sait que des hirondelles, n'ayant pu émigrer, réduites à passer l'hiver dans nos climats, séjournent dans des trous de mur ou de grotte, engourdies d'un vrai sommeil hibernal. Pour éviter la mort, leur orga

nisme s'adapte à de nouvelles, conditions d'existence ; c'est un sommeil de circonstance et non pas un sommeil pathologique.

J'en dirai autant de certains états de mort apparente, par exemple chez les poissons qu'on a gelés à 25 degrés centigrades au-dessous de zéro. Ceux qu'on lance avec force sur le sol se brisent en mille morceaux, comme de la glace ; mais ceux dont on relève doucement la température jusque vers zéro renaissent à la vie. Cette suspension vitale, artificielle, expérimentale pourrait-on dire, ne rentre pas non plus dans la pathologie.

» »

Longtemps, on a désigné sous le nom de a maladie du sommeil » cette terrible affection qui ravage l'Afrique équa-toriale, affection que Ton a si bien étudiée pendant ces derniers temps et dont l'agent pathogène est, à n'en pas douter, un trypanosome. Or, les trypanosomes, qui font des hécatombes de nègres et ne respectent pas non plus les blancs, exercent aussi leurs ravages parmi les animaux. Surra, Nagana, Dourine, Mal de Caderas, Soumaya, Mbori, ne sont que des variétés de Trypanosomiases. Ce qui les différencie, ce n'est guère la symptomatologie, mais l'animal atteint, le parasite inoculé et la mouche qui joue le rôle d'agent vecteur.

Or, dans la trypanosomiase animale, la somnolence ou le sommeil sont, si je suis bien informé, beaucoup moins prononcés que dans la trypanosomiase humaine.

Seraient-ils très accentués, ils ne représenteraient pas, à proprement parler, un véritable sommeil pathologique. Il s'agit, en somme, ici, d'une maladie générale, laquelle comporte finalement la cachexie et, avant elle, tous les états intermédiaires qui y mènent, torpeur, hébétude, etc.

* » *

J'en arrive aux vrais sommeils pathologiques, je veux dire ceux qui constituent tout ou partie de l'événement pathologique ou ceux qui sont l'expression très nette d'une affection sous-jacente.

Je vous citerai d'abord le cas suivant.

Le gérant d'un café de la place de la Bourse possédait une chienne répondant au nom d'Yvette, qu'il trouva un jour étendue sans vie sous une table.

Il remit le cadavre, le lendemain matin, à un chiffonnier qui

l'emporta à Clichy. Mais, au moment où ce dernier s'apprêtait à le dépouiller, il s'aperçut que la chienne remuait. Il s'arrêta dans son opération et porta la petite bête chez un vétérinaire qui constata un curieux cas de léthargie. Dix jours après, Yvette sortait de son long sommeil.

Cette relation a été publiée, dans ces quelques dernières années. Je regrette de n'avoir pas enregistré sa date exacte, mais on la retrouvera facilement en feuilletant la collection du journal de Maurice Robin, La Médecine internationale, où, je crois bien, elle a été publiée, il n'y a pas très longtemps.

Voilà donc un cas très net de'léthargie, avec mort apparente, analogue à ceux qu'on observe chez les humains et à propos desquels se pose la troublante question des inhumations prématurées .

Voici un autre cas. En 1888, si ma mémoire est fidèle, M. Leroux présentait à la Société des naturalistes, une hirondelle dont l'histoire est la suivante. Abatlue par le fouet d'un cocher au mois d'octobre précédent, cette hirondelle tombe dans la boue et ne peut reprendre son vol. Un enfant la recueille, la lave, l'enveloppe dans un rouleau d'ouate et la dépose dans un tiroir où on l'oublie pendant plusieurs mois. Un jour le rouleau d'ouate est retiré, par hasard, du meuble où il avait été relégué et l'on trouve l'hirondelle vivante, bien qu'endormie d'un sommeil léthargique. Elle est réveillée devant les membres de la Société et rendue à la liberté.

Comment interpréter ce cas ?

Rappelez-vous le traumatisme initial, le coup de fouet. Ne s'agit-il pas d'un sommeil par inhibition, tout comme nous en voyons chez nos hystériques? Une émotion violente, une secousse physique ou morale suffisent pour provoquer l'attaque de sommeil hystérique, telle, par exemple, Marguerite B... (de Thenelles) qui, prise de frayeur, s'endormit pour vingt ans, à la vue des gendarmes venus, sinon pour l'arrêter, au moins pour l'interroger.

Et alors, à vous, Messieurs les Vétérinaires, si bien placés pour nous documenter, je demanderai :

Connaissez-vous des faits analogues de sommeils, à allure hystérique, capables de simuler même la mort apparente?

En outre, est-ce que, parfois, chez les animaux, certaines attaques hystériques ou, pour rester dans les généralités, est-ce que certaines attaques convulsives sont immédiatement suivies de sommeils pouvant durer des heures, des jours, même

des mois..., avec réveil facile, difficile ou impossible à provoquer?

Déplus, est-ce que, chez vos animaux, certains sommeils surviennent d'emblée, comme parfois chez nos hystériques, sans phénomène tonique ou clonique, — constituant à eux seuls l'équivalent d'une attaque hystérique?

*

Poursuivons.

Ce serait peut-être pousser trop loin l'analogie entre l'homme et les animaux que d'admettre chez ces derniers, des sommeils rappelant ceux qui surviennent chez les aliénés, sous Tin-fhience d'intoxications psychiques ou d'autosuggestions morbides. Toutefois, la question mérite d'être posée; affirmative ou négative, la réponse sera intéressante et fixera un point de fait.

Tout comme l'espèce humaine, les animaux présentent des tumeurs cérébrales, très diverses quant à leur siège et à leur nature. Des somnolences, de degré variable, mais allant jusqu'au sommeil profond, sont la règle chez l'homme. Sans doute, elles ne permettent pas, à elles seules, de poser un diagnostic formel, mais elles mettent l'attention en éveil et sont intéressantes, en elles-mêmes, au moins à titre de syndromes. En est-il de même chez les animaux? Les auteurs, autant que j'en puis juger, décrivent avec abondance les phénomènes somaliques qu'elles conditionnent; ils sont muets quant au retentissement des tumeurs cérébrales sur les modalités de la veille ou du sommeil. Une lacune est à combler; je la signale à votre attention.

* »

Une autre variété de sommeil pathologique consiste en un sommeil impérieux, invincible, incoercible, irrésistible, qui survient par accès, d'ordinaire très courts (quelques secondes à quelques minutes), à début généralement subit, avec ou sans prodrome.

Parfois, ces sommeils sont de nature épileptique ; accès frustes, atypiques, larvés, ils représentent des ébauches d'attaque ou des équivalents de la crise comitiale.

Parfois, aussi, ils rentrent dans la Narcolepsie et sont simplement symptômatiques d'une intoxication générale ou spéciale, relative à quelque grand appareil ou à quelque glande

à sécrétion bien définie (tube digestif, foie, rein, corps thyroïde, etc.). Contrairement à la plupart des sommeils pathologiques, les accès narcoleptiques sont justiciables d'une thérapeutique active et efficace.

Au moins par ce que je connais de leurs traités, il ne me semble pas que les auteurs insistent sur ces sommeils, ni même parfois qu'ils les signalent. Existent-ils chez les animaux, sont-ils fréquents, leur symptomatologie et leur signification pathologique sont-elles les mêmes que chez l'homme?

* •

Messieurs, vous le voyez, je viens plutôt vous demander des lumières que vous en apporter. Je vous soumets un ordre d'études et de recherches, une sorte de programme. Ces questions sont tout à fait dignes de votre intérêt. Ce n'est que de vous que les psychopathologistes recevront les documents qu'ils réclament sur ce point; et peut-être qu'une fois encore la connaissance de la pathologie animale permettra de jeter un jour, sinon nouveau, au moins plus clair sur cette région si captivante de la pathologie humaine.

Votre pratique journalière, dans sa multiplicité diverse, vous fournira l'occasion de rencontrer les cas que je vous signale, observez-les avec grand soin.

Grâce à vous, au lieu des racontars, des anecdotes ou des légendes qui encombrent et déshonorent la littérature relative aux sommeils pathologiques chez les humains, nous aurons des relations rigoureuses, jouissant de toutes les garanties scientifiques désirables.

Dans l'espoir de provoquer des communications sur cette question que je ne fais qu'amorcer aujourd'hui, je propose, Messieurs, que les sommeils pathologiques chez les animaux soient maintenus à l'ordre du jour de notre Société.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du mardi 16 octobre 1906. — Présidence de M. le D' Jules Voisin.

Le mal de mer vrai et le mal de mer imaginaire

par M. le Dr Félix Regnault, professeur à l'Ecole de psychologie.

Désireux d'étudier, de près, le mal de mer, je me suis embarqué pendant toute la durée des vacances. Souvent j'ai guéri le mal de mer, non par suggestion directe, mais par suggestion indirecte, en faisant absor-

ber quelques centigrammes d'une substance anodine, dont je proclamais la grande efficacité. Mais aucune médicalion psychique, aucune spécialité répulée ne peut guérir le mal de mer qui survient par les gros temps. J'en suis arrivé à distinguer, d'une part, le mal de mer vrai, contre lequel rien n'agit (à moins qu'on n'ait affaire aune personne hystérique), et d'autre pari le mal de mer imaginaire (produit par l'auto-suggestion, l'imitation, la crainte, etc.), dont triomphe assez facilement la médication psychique. Les médecins de marine se privent de nombreux succès en négligeant de traiter par suggestion indirecte des maux de mer imaginaires, dont j'estime la proportion à cinq sur sept.

Discussion

D' Bérillox. — II est hors de doute que l'auto-suggestion joue un rôle considérable dans la production du mal de mer. Dans une traversée de la Manche, je faisais assez bonne contenance ; des amis se mirent à raconter auprès de moi des histoires de mal de mer. Je sentais que j'allais en être atteint si je ne leur demandais de choisir un autre sujet de conversation.

Lorsque, faisant une traversée, je prévois un gros temps, voici le procédé par lequel j'arrive à éviter le mal de mer. Je me couche et m'applique à m'endormir. Le sommeil d'ordinaire survient assez facilement, surtout si j'ai la précaution de me recouvrir la tête d'une serviette. Lorsque j'ai épuisé mon aptitude à dormir, ce qui demande encore un certain temps, je détourne mon attention sur quelque travail mental intéressant. Je concentre mon esprit, par exemple, sur la préparation d'un article ou d'une leçon. Je fais en un mot de la dérivation psychologique. Ce recours à des idées dérivatives me rend le plus grand service. Il joue d'ailleurs un rôle important en psychothérapie.

Indépendamment de ces réactions personnelles contre le mal de mer, il ne faut pas oublier qu'il y a une méthode de psychothérapie préventive, basée sur la suggestion hypnotique, qui donne des résultats très marqués.

Dr Paul Magnik. — Mon expérience personnelle confirme les effets de l'auto-suggestion et de l'hétéro-suggestion dans l'éliologie d'un certain nombre de cas de mal de mer. Il faut cependant tenir compte de certaines dispositions organiques.

Dr Paul Farez. — M. Félix Regnault a émis l'avis que la suggestion est sans influence contre un mal de mer vrai, provoqué par le gros temps. Cependant, la mer étant très mauvaise et tout le monde souffrant du mal de mer, survient un danger d'incendie, d'échouement, de voie d'eau : l'émotion est si intense que le mal de mer est supprimé chez tous. On ne saurait soutenir que tous étaient des hystériques ou que tous n'avaient qu'un mal de mer imaginaire. Celte dérivation de l'attention a donc suspendu un certain nombre de maux de mer vrais, la suggestion est donc légitime, même contre ces derniers.

Dr Bérillon. — Je pense que le traitement du mal de mer doit ôtre

préventif.'Quand il est complètement installé, la psychothérapie n'a plus de prise. C'est avant l'embarquement qu'il faut procéder au dressage psychologique qui permettra, dans la suite, de neutraliser le mal de mer. J'ai déjà exposé à la Société la technique par laquelle on arrive à ce résultat. Le Dr Farez a obtenu des effets analogues par l'emploi de la suggestion hypnotique. Le fait important à x-éaliser, c'est qu'on ne tombe pas dans l'anéantissement, dans l'abandon le plus complet, alors même qu'on a des symptômes assez accentués du mal de mer. Ce n'est pas parce que des nausées ou des vomissements surviennent, qu'on doit s'affoler et prendre une altitude pitoyable. Celui qui a du caractère, en fait preuve, même lorsqu'il est malade. Le traitement préventif doit donc consister dans l'éducation du caractère.

D' Binet-Sanglê. — D'après M. Regnault, si la suggestion guérit le mal do mer, c'est qu'il est imaginaire, si elle ne le guérit pas, c'est qu'il est vrai. Mais la suggestion de l'un échoue là où la suggestion de l'autre réussit. L'efficacité d'une suggestion varie suivant l'opérateur et suivant le procédé employé; elle ne saurait, dans ce cas, servir de pierre de touche infaillible.

D' Valentino. — L'influence du traitement ne nous apporte pas un élément précis de diagnostic entre le mal de mer vrai et le mal de mer imaginaire ; je désirerais savoir en quoi ils se distinguent l'un de l'autre.

M. Le Menant des Chesnais. — Si le mal de mer imaginaire est seul justiciable de la suggestion, notre pratique médicale nous expose à de nombreux déboires; avant d'instituer le traitement suggestif, nous aurions besoin de savoir si le cas est imaginaire ouvrai, c'est-à-diro s'il est justiciable ou non de la suggestion.

Dr Félix Regnault. — Sans doute, je ne peux pas vous fournir de moyen de diagnostic. Mais dans votre pratique nerveuse, il vous arrive, à chaque instant, d'instituer le traitement suggestif pour savoir si tel symptôme est d'origine organique ou d'origine fonctionnelle : la suggestion vous scrl de pierre de touche; grâce à elle, vous faites un diagnostic. Quant à la distinction entre le mal de mer vrai et le mal de mer imaginaire, elle m'est apparue comme une vérité d'expérience.

Dr Pau de Saint-Martin. — J'ai été témoin de cas dans lesquels un danger imminent n'a pas supprimé le mat de mer. Malgré l'invitation pressante à monter sur le pont du navire. les malades restaient étendus dans leur cabine, devenus indifférents au péril dont ils étaient menacés.

Dr Boxy. — Lorsque le mal de mer atteint une certaine intensité, l'instinct de conservation peut être aboli à un tel point que la crainte du danger n'arrive pas à émouvoir les malades.

D' R. Pamart. — Il est des personnes atteintes de mal de mer à un Ici degré qu'on ne sait à quel traitement recourir. Il en est qui succombent pendant la traversée sans qu'on puisse préciser la part que le mal

de mer a pu avoir dans leur mort. Les efforts de vomissement peuvent provoquer des lésions internes; j'ai assisté ainsi à une mort soudaine chez un homme que la mer avait rendu très malade.

Dr Damoglou (du Caire). — Il me paraît certain que les personnes de caractère faible souffrent plus du mal de mer que les autres et le redoutent davantage. Le courage personnel et la force de la volonté jouent nécessairement leur rôle dans cet état.

M. Lépinay, médecin-vétérinaire. — Les animaux se montrent particulièrement sensibles au mal de mer. Un certain nombre succombent dans les traversées particulièrement agitées. Il semblerait, à ce point de vue, que la résistance nerveuse des animaux soit de beaucoup inférieure à celle de l'homme. La douleur et la peur les dépriment à un degré très accentué. Même après leur débarquement, ils restent inertes et sè remettent difficilement. On dirait également qu'ils subissent l'influence de l'imitation : chez les moutons, le mal de mer semble gagner de proche en proche quand quelques-uns ont été atteints.

Cette question est maintenue à l'ordre du jour de la Société, et la suite de la discussion est renvoyée à la séance de novembre.

Séance du Mardi 50 novembre 1906. — Présidence de M. le D* Voisix.

La séance est ouverte à 4 h. 45.

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.

M. le secrétaire génér.d donne lecture de la correspondance qui comprend une lettre d'excuses du Dr Bony, un article du D' Lloyd Tuckey (de Londres) sur le rôle de la suggestion dans la pratique médicale et un livre du Dr Terrien, intitulé : l'Hystérie et la Neurasthénie chez lepaysan.

Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :

D' Bébillon. — Le rôle pathogénique de la timidité dans les psychonévroses. — Discussion : D'Paul Magnin.

Dr Damoglou. — La timidité en Orient. — Discussion : Dr Bérillon.

M. Baguer. — Les enfants anormaux et le ministère de l'Instruction publique.

Suite de la Discussion sur le mal do mer et son traitement psychologique. Après un échange de vues entre MM. Félix Regnault, Paul Farez, Pamart, Bérillon, Paul Magnin, il est décidé que, à cause de l'heure avancée, la fin de la discussion sera reportée à la séance de décembre. M. le Président métaux voix les candidatures de MM. les D" Ch. Bonnet

(de Paris), Padovani (de Padoue), Maurice de Thierry (de Paris), Bahad-

din Chakirbey (de Constantinople). Ces candidatures sont adoptées à

l'unanimité. La séance est levée à 6 h. 45.

L'action préventive de la suggestion contre le mal de mer,

par M. le Dr Van Rentergheu (d'Amsterdam).

11 y a très longtemps que j'ai commencé à employer avec succès la suggestion hypnotique pour prévenir le mal de mer. J'en ai relaté des observations très concluantes dans le livre que j'ai publié en collaboration avec le D' Van Eeden, « Psychothérapie «, 1894, Société d'Editions scientifiques. Depuis lors, j'ai recueilli sur ce sujet un nombre respec-» table de cas favorables, que je regrette de n'avoir pas le temps, pour le moment, d'exhumer de mes cartons où ils se trouvent confondus avec des observations diverses. Toutefois, pour dire mon mot sur cette question qui reparaît à l'ordre du jour de la Société, j'adresse la relation de quatre cas récents.

I. — M1" A..., institutrice, professeur de chant et de piano, âgée de 42 ans, très suggestible, a été souvent traitée par moi pour accidents hystériques.

Nommée professeur dans un pensionnat de jeunes filles au Transvaal, elle me prie de lui suggérer l'immunité contre le mal de mer.

Dans une séance de somnambulisme profond, je lui défends de ressentir la moindre incommodité durant son voyage au Cap de Bonne-Espérance.

La suggestion s'est réalisée. Ma cliente m'écrit de Durban qu'elle a pleinement joui de son premier voyage sur mer. Elle a passé trois semaines consécutives en bateau à vapeur sans le moindre signe du mal.

II. — M"' B..., bachelier ès-lcttres, neurasthénique après surmenage, a été traitée par moi avec succès par la suggestion pour de l'insomnie, des maux de tète, de l'inaptitude à concentrer son attention. Elle a pu reprendre ses études et a passé son examen de doctorat avec distinction. Une chaire de professeur de langue hollandaise et d'histoire lui est offerte au Lycée de jeunes filles de Batavia. Cependant elle n'ose pas accepter cette nomination, ayant peur de ne pas pouvoir supporter la traversée de quatre semaines. Elle ne connait pas la grande mer, il est vrai, mais attendu qu'elle s'est toujours sentie indisposée pendant les petits voyages en bateau sur les rivières, elle est assurée qu'elle devra payer tribut à Neptune, si elle se hasarde à passer l'Océan.

Sur mon affirmation répétée qu'elle ne sera pas incommodée du mal do mer, elle se résout à accepter la position qu'on lui offre. Trois séances de suggestion données la semaine du départ ont eu l'heureux résultat de prémunir mon ex-malade contre l'ennemi si redouté.

Trois mois après son départ, elle m'a donné de ses nouvelles. La traversée a été faite sans l'ombre do maladie.

III. — M. V. de B..., étudiant en médecine, traité par moi pendant les trois dernières années de ses études à l'Université pour des accidents neurasthéniques, est nommé, après sa thèse de doctorat, médecin militaire et destiné au service de l'armée indo-néerlandaise à Java.

Avant de partir, il me prie de le prémunir par la suggestion contre le mal de mer. Il n'avait jamais voyagé sur mer. Je me rends à son désir, et lui donne les suggestions appropriées, en état de sommeil léger.

Arrivé à Batavia, il me décrit son voyage, me donne ses premières impressions. Non seulement, me dit-il, je suis resté exempt de la maladie, mais j'ai réussi à guérir une dame en puissance du mal de mer, qui n'avait pu quitter sa cabine depuis le commencement du voyage, c'est-à-dire depuis trois semaines. La pauvre malade, exténuée, présentait un état d'amaigrissement effrayant. Le médecin du transatlantique avait épuisé en vain tous ses moyens. En désespoir de cause, il pria le jeune docteur, qu'il avait entendu parler de l'hypnotisme, de voir avec lui la patiente. Notre confrère réussite mettre la dame en sommeil profond. La suggestion donnée en cet état arrêta les vomissements et rendit l'appétit et la santé à la pauvre dame. C'était, me dit-il, une véritable résurrection, etc.

IV. — La femme d'un médecin de Batavia m'écrit le 15 août 1905, de Peventer (Hollande), qu'elle se propose d'embarquer à Amsterdam le 17 septembre suivant pour retourner aux Indes, après un séjour de deux ans et demi en Hollande.

Elle a fait, une fois déjà, le voyage aller et retour de la Hollande aux Indes et souvent de petits voyages sur mer dans nos colonies. Toujours elle a été très incommodée du mal de mer; jamais elle n'osait prendre ses repas dans le salon et ne quittait pas sa cabine.

La locomotion en voiture, on chemin de fer la rend de même indisposée.

Jusqu'ici, rien n'a pu la soulager, et son mari, en désespoir de cause, lui conseille de demander mon avis et de me prier de faire quelque chose pour elle.

M*" X... ne me cache pas qu'elle se croit fort peu suggestible, non entachée de nervosité et qu'elle a toujours eu une piètre idée de la valeur thérapeutique de l'hypnotisme.

Elle se nourrit mal, n'a pas d'appétit, est anémique.

J'invite la dame à suivre mon traitement et lui donne une séance de suggestion les 22, 25 et 29 août, les 2, 5, 9 et 15 septembre. Dès la 3' séance, elle tombe en état de charme; dès la 1", elle fait le voyage de Deventer à Amsterdam (deux heures de chemin de fer) sans être incommodée ; elle commence à mieux se nourrir, chose qu'elle n'a jamais su faire nonobstant les prières de son mari.

Le 17 septembre, elle s'embarque, bien disposée à se bien tenir, et le 25 septembre suivant, elle m'apprend son heureuse arrivée à Port-Saïd. La traversée avait été bonne. Seulement le premier jour, elle s'est sentie mal à l'aise. Cependant elle avait pu paraître aux repas, n'avait pas vomi, mais avait souffert du mal de tôte et du dos.

Une lettre de Batavia, écrite le \'i novembre suivant, me rapporte que le reste du voyage a été vaillamment accompli sans souffrir le moins du monde.

Une seule chose l'avait chagrinée, à savoir que sa fillette de S ans, qui n'avait jusque-là jamais soutTert du mal de mer, en avait été cette fois-ci très incommodée.

Le mal de mer, la suggestion hypnotique et l'expérimentation

psychologique,

par M. le Dr Bonjour (de Lausanne).

J'ai eu occasionnellement deux fois à suggérer l'absence du mal de mer, une fois indirectement, l'autre directement.

Dans le premier cas, la malade, Anglaise, avait subi une opération gynécologique et présentait une fièvre de 40° qui rendait son médecin inquiet, car il ne trouvait aucune cause à cette température. Il appela le professeur Roux en consultation. Celui-ci lui dit de ne pas s'occuper de cette température qu'il considérait comme nerveuse. Mais la température ne diminua pas. La malade, ne dormant pas, était très agitée. Il voulut m'appeler pour l'hypnotiser ; mais je l'en dissuadai et lui dis d'hypnotiser lui-même la malade qui avait une confiance absolue en lui. Je lui assurai que la malade serait facilement mise en somnambulisme et je lui conseillai de la faire dormir du sommeil prolongé pendant quelques jours. C'est ce qu'il fit avec un plein succès, Fièvre, insomnie, agitation, tout disparut dès les premières minutes de l'hypnotisation-Comme la malade souffrait beaucoup du ma! de mer et qu'elle traverse la Manche plusieurs fois par an, je conseillai à mon confrère, de lui suggérer la disparition du mal de mer. Le résultat fut complet.

Obs. IL — Cette malade, Américaine, présente des troubles psychiques, de la dépression morale, de l'inappétence et elle a subi une opération gynécologique ; je ne sais pourquoi, mais ses troubles psychiques n'ont nullement été améliorés par cette intervention. Elle a vu plusieurs confrères à l'étranger sans en avoir retiré aucune aide. Dès mapremière séance, l'amélioration se dessine. La guérison est obtenue en trois semaines. Elle a souffert beaucoup du mal de mer et craint de refaire la traversée en automne. Je lui suggère, en mai, l'absence du mal de mer et l'engage à revenir une fois avant son départ pour l'Amérique; mais, à ce moment, je suis atteint de la fièvre typhoïde et ne puis la recevoir. Je lui fais dire que le résultat sera quand même bon et, quelque temps plus tard, elle m'écrit pour me remercier beaucoup de l'excellente traversée faite sans une seconde de malaise.

Toutes les théories faites sur le mal de mer sont détruites par l'expérience psychologique.

Le mal de mer est un phénomène d'auto ou d'hétéro-suggestion ances-traie ou de la foule, un préjugé répandu par des émotionnables. On pourrait supposer une humanité ignorant lo mal de mer, comme tous les autres vertiges de la locomotion, s'il n'y avait pas de névropathes ou d'hypersensibles craintifs.

La première fois que je dus faire une traversée. d'Ostende à Douvres, je me promenais pendant une heure sur le quai, regardant la mer modérément agitée et me demandant si j'aurais le mal de mer.

J'étais convaincu que c'était un mal inévitable. J'avais subi l'influence de la foule sans admettre la possibilité de la détruire par le raisonnement. J'ai été un grand marin d'eau douce, ai traversé nos lacs à voile par des temps épouvantables avec des vagues de 0.8Û cent. ; et souvent j'ai vu de mes compagnons vomir. Jamais je n'ai éprouvé le moindre malaise, mais je croyais que sur la mer c'était autre chose et que la mer exigeait de chacun son tribut.

Alors, au dernier moment, après bien des réflexions sur ce sujet, je m'engage sur la passerelle qui mène au bateau et lù, ô scandale ! pendant que je suis encore sur la passerelle, je sens un malaise me saisir! Immédiatement, je comprends l'inanité, le ridicule de mes réflexions. C'est de la suggestion, me dis-je! Cela suffit !... Je fais la traversée le plus tranquillement possible. Mais la mer, dira-t-on, était modérément, agitée? Cependant, je reste convaincu de la justesse de mon raisonnement car l'expérience a été trop sensible et nette. Je choisis pour retraverser la Manche un jour de tempête. A Douvres, quand j'arrive, on hésite à laisser partir le bateau ; puis on nous laisse filer. En quelques secondes, tout le monde est malade, sauf un monsieur et mol. Le tiers antérieur du pont est mouillé par chaque vague; la pointe exécute des dénivellements de 4 à 6 mètres. Je vais près de la pointe pour subir le maximum de tangage : rien. Je vais dans la cabine inférieure manger dans l'entrepont. L'air y est lourd, nauséabond, chaud ; je sens que c'est cela plus que l'instabilité qui me cause du malaise. Mais je mange et je ressors, sans avoir eu de nausées. La traversée fut excellente et je suis resté suggestionné contre le mal de mer. Je ne l'ai jamais. Je répète que la traversée de la Manche fut interrompue pendant 24 heures après notre passage. Dans le train qui me conduisit de Calais à Lille, la toiture d'un wagon de marchandises fut arrachée par la force du vent et soulevée en l'air comme un couvercle autour de sa charnière.

Ma conclusion est que, dans le mal de mer, il s'agit de réflexes psychiques ; le réflexe organique augmente le trouble, mais je crois qu'il est insuffisant à provoquer et le mal de mer et les vomissements. Tous ceux qui souffrent de ces phénomènes dévoilent leur tare nerveuse ou subissent l'influence du préjugé.

Le rôle de la timidité dans la pathogënie des Psycho-névroses

par M. le Dr BérillOx, professeur à l'Ecole de Psychologie.

La timidité est un état psychologique que l'on retrouve toujours à la base de toutes les psycho-névroses et il est étonnant qu'un fait aussi évident ait été jusqu'à ce jour méconnu des cliniciens. On ne peut l'ex-

pliquer que par Je dédain trop général professé à l'égard de la séméio-logie psychologique.

L'étude de la timidité jette cependant une vive lumière sur le mécanisme par lequel s'effectue la désagrégation des fonctions intellectuelles. Un sujet en pleine possession de ses facultés se trouve, tout à coup, en présence d'une autre personne ce seul incident suffit pour que sa valeur personnelle en présente une diminution appréciable. Il est comme inhibé, paralysé pendant quelques secondes, quelques minutes ou quelques heures. Or, cette influence inter-mentale résultant de l'intervention d'une autre personne ne peut s'expliquer que par la connaissance des effets de l'hypnotisme. L'être intimidé se trouve dans un état psychologique analogue à celui de l'être hypnotisé.

Parmi les manifestations objectives de l'intimidation, il faut placer au premier rang l'apparition de la rougeur ou de la pâleur. Ces modifications vaso-motrices indiquent que le sujet a subi une perturbation profonde dans sa circulation générale. La brusquerie de leur apparition permet de les assimiler à un véritable choc. Or. on sait l'action déséquilibrante que les chocs peuvent exercer sur le système nerveux central et on s'explique que des troubles névropathiques puissent résulter de la répétition de ces actions déprimantes.

La plupart des timides ont la sensation du trouble apporté dans leur organisme par le choc émotionnel de l'intimidation. Us se rendent compte de la difficulté qu'ils éprouvent à recouvrer l'empire sur eux-mêmes. Profondément affectés de leur impuissance à se soustraire aux effets de l'intimidation, ils en éprouvent une réelle humiliation et perdent assez rapidement toute confiance en eux-mêmes. A la crainte des souffrances qu'ils sont exposés à ressentir se joint celle d'être constamment en état d'infériorité dans leurs entreprises, aussi progressivement se crée en eux l'indécision, l'irrésolution et enfin l'état d'aboulie confirmé. Chez d'autres, à l'aboulie ne tarde pas à se joindre l'anxiété, la peur morbide; c'est ainsi que, par degrés successifs, ils en arrivent à éprouver de véritables pho6ies,au premier rang desquelles il fautplacer Véreutophobie. Que l'intimidation s'accompagne, comme cela est fréquent, de troubles viscéraux, elle ne tardera pas à se compliquer de tendances hypocondriaques. Une enquête minutieuse, poursuivie depuis quelques années et portant sur un grand nombre de malades, m'a appris que presque tous les sujets atteints de troubles hystériques et neurasthéniques, bien avant le début de leur affection étaient des timides. La timidité était la manifestation la plus frappante de leur personnalité psychologique et il n'est pas douteux qu'elle a joué un rôle important dans l'apparition de la psycho-névrose. Même dans un assez grand nombre de cas, l'apparition des accidents névropathiques est liée d'une façon étroite a un fait d'intimidation dont le sujet a été la victime. C'est à cet événement que le malade rattache l'apparition de troubles nerveux. Dans ces conditions, l'hystérie et la neurasthénie qui résultent des chocs émotionnels de l'intimidation pourraient être rattachées, eu

point de vue du pronostic et de la durée, aux névroses traumatiques avec lesquelles elles présentent beaucoup d'autres points de ressemblance.

L'éducation et le milieu social sont les facteurs principaux du développement de la timidité. Chez les peuples où la pratique de l'égalité entre les citoyens est poussée à un degré assez avancé, la timidité est moins fréquente. C'est ce qui se passe dans l'Amérique du Nord et en Suisse où les hiérarchies gouvernementales et autres ne comprennent pas de personnages très intimidants. Chez les peuples où le respect des hiérarchies est poussé très loin, comme en France, les timides sont extrêmement nombreux. Chez certains la disposition à se laisser intimider est même si marquée que cet état psychologique peut être considéré comme la manifestation prodromique d'une psycho-névrose.

Dans mes cures de psychothérapie et dans ma technique de la rééducation de la volonté, je fais toujours une part au traitement de la timidité. Par des exercices spéciaux, j'entraîne le sujet à réagir contre les effets de l'intimidation. Les timides étant facilement hypnotisables, ils sont par ce fait susceptibles d'être hypnotisés d'une façon fortuite et* involontaire. Je leur suggère qu'à l'avenir ils ne pourront plus l'être que quand ils y consentiront, quand leur santé l'exigera et quand ils auront affaire à un médecin expérimenté. C'est dans la cure de la timidité et des troubles nerveux qui en sont la conséquence que la suggestion m'a toujours donné les résultats les plus marqués et les plus durables.

Discussion

Dr DemON'Chy. — Il faut distinguer entre les Américains autochtones et les Américains d'origine anglaise. Les premiers ne connaissent, pour ainsi dire, pas la timidité, les seconds, au contraire, sont très timides, parce qu'ils proviennent d'une nation très fortement hiérarchisée. Ayant vécu longtemps aux Etats-Unis, j'ai pu me convaincre des différences psychologiques qui existent entre ces deux catégories d'anglo-saxons.

Dr Béiui.lon. — En effet, il n"y a peut-être pas de peuple où l'intimidation soit plus développée que chez les Anglais. Un exemple, le fait d'avoir été présenté à la Reine ou au Roi, même simplement d'avoir espéré l'être et de n'avoir pas eu cet honneur, entraine une fierté ou une humiliation qui durent toute une vie. C'est, d'ailleurs, en Angleterre qu'on rencontre le plus grand nombre de cas de phobies de lu rougeur.

D' Paul Magnin. — Je partage complètement l'opinion de Bérillon sur le rôle que joue la timidité dans l'étiologie des psycho-névroses. Dans la famille et à l'école, à force de faire aux enfants des remontrances exagérées ou injustes, on fait d'eux des timides, puis consécutivement des névrosés, des timides, des douteux. L'intérêt que présente la communication qui vient d'être faite est considérable. Elle confirme mon opinion que la psychologie est capable d'apporter d'importantes contributions à l'étude des maladies nerveuses.

D' Bérillox. — Dans une communication ultérieure, je me propose de revenir sur le role de la timidité dans l'étiologie des psycho-névroses et d'indiquer, avec des faits à l'appui, les diverses formes que revotent tes timidités ayant évolué jusqu'à la névropathie.

La timidité en Orient,

par M. le D' DamûGlou (du Caire).

L'Orient est un pays où les timides vraiment malades forment les trois quarts de la population (Turquie et Egypte). La timidité est une maladie endémique, très ancienne, héréditaire. Elle a pour cause principale un système général d'éducation très défectueux résultant du despotisme régnant en maître absolu et irresponsable, depuis des siècles, dans toutes les classes de la société, sans distinction de race, de nation, ni de sectes religieuses. Un trait caractéristique de la mentalité orientale est que les personnes jeunes gardent un silence absolu, et restent immobiles devant les vieux, les pères de famille, les instituteurs, en signe de respect. C'est ainsi que chaque chef de famille est, dans son foyer, un petit seigneur, un petit tyran.

Prenons d'abord le père de famille. La plupart du temps, il mange tout seul. Sa femme mange avec ses enfants; ceux-ci, jusqu'à l'âge de cinq à six ans, sont à table avec leur mère. A partir de cet âge, de temps en temps ils prennent part à la table du père, mais jamais quand il y a un parent ou un étranger à table, même s'ils ont 20 ou 25 ans. De même, un jeune homme, eût-il 20 ou 25 ans, n'a pas le droit de prendre la parole devant son père, ni de demander des explications sur un sujet quelconque. Immédiatement, on l'invite au silence, sous prétexte que devant les plus âgés, les jeunes doivent garder le silence le plus complet et seulement écouter. Les enfants, même devenus des hommes, n'ont pas le droit d'assister aux réunions où se trouve le père, soit à la maison, soit au dehors.

Voioi ce que m'a raconté un étudiant de l'Université du Caire. Il est âgé de vingt-six ans et appartient à une famille noble de province. Son père, homme lettré, lui défend d'assister aux réunions où lui-même prend part chez des amis ou chez lui. Il y a deux ans, ne pouvant plus tolérer cet état de choses, cet étudiant, sans la permission de son père, entra dans une réunion de nuit, prit place dans un coin près de ta porte, les yeux fixés à terre, les mains croisées, sans ouvrir la bouche. Cette attitude vexa et mit en colère son père, qui lui fit des remontrances très sévères après le départ de ses amis.

Dernièrement, j'ai été invité chez eux pour passer quelques jours à la campagne. Pendant tout mon séjour, je vis les frères plus âgés, mariés, pères de famille, habitant la maison paternelle, à l'exception de l'étudiant. Aucun d'eux ne prit part ni aux repas, ni aux réunions où je me trouvais avec le père. Faisant semblant de no pas être au courant, je

demandai au père pourquoi les deux fils aines n'assistaient point à notre table et à nos réunions. La réponse fut que cela était contraire aux habitudes du pays.

L'étudiant m'a raconté également qu'il a été voir sa tante paternelle, laquelle habite une autre ville de province. Le mari de sa tante, notable du pays, l'a très bien reçu, mais il se montra inflexible aux sollicitations de son neveu qui lui demandait la permission d'assister, avec son cousin, âgé de 20 ans, aux réunions de famille.

A l'école, si l'élève demande une explication sur un point quelconque de la leçon, l'instituteur se croit blessé dans son amour-propre et impose silence.

Les apprentis, les employés restent immobiles comme des statues devant les patrons ou les fonctionnaires, n'osant même pas lever les yeux devant eux.

En somme, il n'y a rien d'étonnant à ce que la timidité pathologique soit endémique chez les différents peuples de l'Orient. Chez eux, en effet, la familiarité, la bonté et la bienveillance des vieux envers les jeunes, des pères envers leurs enfants, etc., sont des choses presque inconnues; en outre, obligés dès leur bas-âge à garder le silence en signe d'obéissance, courbés sous le joug du despotisme et de la cruauté, opprimés depuis des siècles, ces peuples sont psychiquement asphyxiés ou paralyses; tremblant de peur, subissant perpétuellement une influence étrangère, sans personnalité, sans volonté, sans opinion, ce sont des êtres passifs, de vrais malades.

Or, comme l'a très bien fait remarquer dernièrement mon maître, le D' Paul Parez, l'intimidation étant souvent la cause déterminante du mensonge, de la ruse et de l'hypocrisie, on ne doit pas s'étonner de voir dans l'Oriental un être d'une mentalité toute spéciale, un timide, un malade annihilé par la peur, en proie aux angoisses, incapable de répondre et d'agir conformément à ses intentions, signes pathognomo-miques d'un état anoimal, morbide, ainsi que l'a très judicieusement établi dans ses leçons magistrales, mon maître, le Dr Bérillon.

Toutefois, comme il n'y a aucune règle sans exception et qu'il n'y a non plus rien d'absolu dans ce monde, je dois dire que, au Caire, à Alexandrie et dans d'autres villes de l'Egypte, j'ai connu des pères de famille qui traitaient leurs enfants tout à fait à l'européenne et se montraient, à leur égard, doux et bienveillants.

Séance du 17 décembre 1906. — Présidence de M. le D' Jules Voisin.

La séance est ouverte à 4 h. 45.

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté. La correspondance comprend des lettres de M. le Dr Hahn et de M. le Dr Bony.

La correspondance imprimée comprend un volume du i >' Mayoux,

L'Education des sexes; du professeur Grasset : Demi-fous et dcmi-res-ponsables.

Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites dans l'ordre suivant :

D" Bérillon. — L'initiation sexuelle.

Dr Damoglou (du Caire). — Action de la suggestion hypnotique sur le développement de la mémoire.

MM. Lépixay et Grollet, médecins-vétérinaires : Les tics chez les animaux. Discussion : Dr Paul Magnin, M. Lionel Dauriac, M. J. Voisin, Dr Bérillon, Dr Bahhadin Chakir Bey.

M. le Président met aux voix les candidatures de MM. les D"Courjon, directeur de l'Etablissement de Meyzieux (Isère), et Parchantoni (de Genève).

La séance est levée à 6 h. 45.

Les tics chez les animaux!1}

par MM. Lépixay et Grollet, médecin s-vétérinaires.

Littré définit le tic : mouvement convulsif local et habituel, contraction convulsive de certains muscles, particulièrement de ceux du visage. On l'appelle quelquefois tic convulsif pour le distinguer du tic douloureux. — Tic douloureux de la face variété de la névralgie faciale siégeant le plus souvent sur les branches frontales ou sous-orbitaire dans laquelle la douleur parfois assez intense pour arracher des cris revient par élancements de courte durée et s'accompagne de contractures involontaires de quelques muscles de la face.

Cette définition, par sa deuxième partie, englobe un phénomène complètement différent à notre avis du tic : c'est le tic douloureux qui est un mouvement réflexe occasionné par la douleur, tandis que le tic est un mouvement produit sans aucun mouvement périphérique.

Le tic chez les animaux revêt un certain nombre de formes différentes. Chez eux on appelle tic soit un mouvement spasmodique d'une partie du corps, contraction musculaire ou autre, soit certaines habitudes que l'on considère comme vicieuses. Les plus fréquents chez les chevaux sont le tic à l'écurie avec appui sur les mangeoires le bat-flanc, râtelier, etc. L'animal, dans ce tic, prend un point d'appui avec la mâchoire, parait mordre en quelque sorte l'objet sur lequel il s'appuie, puis fait entendre un bruit semblable au rot. Ce tic est un des plus graves pour le cheval. Nous n'entrerons pas dans des considérations pathologiques, nous dirons seulement qu'il est très fréquent et que son étiologie est assez confuse. Des auteurs ont voulu voir dans l'ennui, l'oisiveté à l'écurie, d'abord une tendance du cheval à mordre les objets qui l'environnaient, puis la production de ce vice de liqueur. Xous devons en tout cas retenir que les animaux paraissent se transmettre ce

(1) Travail du laboratoire de psychologie comparée. (Institut psycho-physiologique.)

vice par hérédité (expériences de Colin), puis aussi par imitation. Il n'est pas douteux en effet que lorsqu'il existe un cheval tiqueur dans une écurie, les voisins tout au moins ne tardent pas à tiquer à leur tour.

Nous avons dit que les vétérinaires considèrent les tics comme une habitude vicieuse et Solleysel disait en 1664 que ces habitudes, devaient être comparées à l'habitude qu'a l'homme de fumer ou de priser. En effet, dans les deux cas, on pourrait penser qu'au début l'habitude a été créée par nécessité d'une occupation et peut-être aussi par le besoin d'une espèce d'état de somnolence. Nous avons remarqué que les pri-seurs et les fumeurs ont une attitude à peu près analogue à celle du cheval qui tique. Les uns et les autres semblent jouir d'un calme spécial quand ils accomplissent leurs mauvaises habitudes.

Chez le cheval, on observe aussi fréquemment le « tic de l'ours ». L'animal, dans cette habitude, se balance d'un côté à l'autre comme le font les ours renfermés dans leurs cages. Ce tic parait aussi se communiquer aux voisins, comme le tic précédemment indiqué, il s'observe chez les animaux à système nerveux impressionnable. II se rapproche de certains tics de l'homme, action de balancer une jambe pendant la station assez prolongée. Ce3 mouvements cessent généralement quand l'attention est fixée ou quand un exercice physique quelconque est effectué. Il semble que ces mouvements automatiques soient la manifestation d'un besoin de dépense d'influx nerveux.

Comme nous l'avons dit, le phénomène qui est le plus souvent observe chez le cheval sous le nom de tic consiste soit en déglutition d'air, soit en rejet de gaz par la voie buccale, ce tic s'effectuant soit en appuyant les dents incisives sur un objet, soit sans prendre un point d'appui. Les animaux atteints de ce vice présentent fréquemment des troubles diges-gestifs, ils sont en mauvais état et il a été dit avec vraisemblance que le tic était chez eux la conséquence et non la cause des troubles gastro-intestinaux. Ce serait donc une sorte de mouvement réflexe et à notre point de vuo ce ne serait pas un tic véritable. Néanmoins il semble que cette habitude semble exister sans trouble digestif préalable, par imitation car de nombreux observateurs ont vu des chevaux placés à côté de tiqueurs devenir liqueurs à la longue.

On observe aussi chez le cheval le tic en l'air, dans lequel l'animal porte le nez en haut sans rien saisir avec les dents et sans appuyer les dents sur aucun objet.

Quelques auteurs ont observé le tic avec appui chez le bœuf, chez le porc. Il semblait que ces animaux, comme le cheval, désiraient déglutir de l'air qu'ils rejetaient par éructation.

Chez les gros animaux, on a appelé aussi tic ou plus exactement tic testiculaire ou tic ovarique, certaines habitudes vicieuses dont étaient atteints des chevaux entiers ou des juments. Dans ces cas, les animaux présentent des symptômes divers et très curieux, tels que des excitations nerveuses pouvant faire penser à la rage où à d'autres névroses du même genre.

Chez les petits animaux, il existe un assez grand nombre de tics. Ce sont d'abord des mouvements spasmodiques d'un membre ou d'une partie d'un membre. Ces animaux, des chiens surtout, ont eu une maladie assez fréquente dans leur jeune âge, la danse de St Guy ou chorée, ils se sont en partie guéris, mais il est resté cependant des mouvements de certaines parties du corps. Ces tics pourraient être comparés à ces contractions que l'on rencontre chez l'homme dans les mêmes conditions et avec les mêmes étiologies. Nous n'ignorons pas cependant qu'il existe chez l'homme un certain nombre de mouvements, de contractions dont l'origine ne peut vraisemblablement pas être attribuée à la danse de St Guy, mais à des habitudes, tel homme par exemple soit par limiditc, soit pour éviter les regards des autres personnes, a pris l'habitude de fermer et d'ouvrir très fréquemment les paupières, de telle façon qu'il finit par avoir un véritable clignement des paupières. — Tel autre a pris l'habitude de contracter certaines parties de la face ou d'un membre, pour répondre à un besoin ou éviter un ennui, puis il a conservé un véritable tic. — Ainsi certains individus soulèvent de temps en temps une ou les épaules, et l'on peut retrouver l'origine de ce mouvement dans la préoccupation de remettre en place un vêtement qui a tendance à glisser. — Telle femme fait des mouvements de renvoi de la tète en arrière très fréquents lors même que rien ne justifie ce mouvement. Dans un assez grand nombre de cas, l'origine en est dans une coiffure ou un chapeau assez volumineux et qu'il était nécessaire de remettre en place de temps en temps pour éviter une posture ridicule. Le sujet conserve le tic bien que n'ayant plus ni coiffure ni chapeau l'obligeant à l'exécuter.

On pourrait multiplier à l'infini ces exemples, et nous pensons qu'il serait intéressant pour les psychologues et les observateurs de chercher dans chacun des tics qu'ils rencontrent une origine de ce genre.

On rencontre aussi chez certaines personnes d'autres manifestations que l'on peut considérer comme de véritables tics. Nous connaissons notamment des personnes qui, par des contractions spéciales de la face, semblent toujours rire, même au milieu des plus grands chagrins, et d'autres, au contraire, qui semblent d'une tristesse navrante lorsqu'elles n'ont rien qui puisse les chagriner. Ces contractions paraissent dans certains cas se produire de façon intermittente.

Nous nous sommes demandé si les animaux, et notamment les petits animaux, ne pouvaient pas présenter des tics ayant des analogies semblables, et nous avons pu observer quelques habitudes qui s'en rapprochent. Certains chiens ne se contentent pas d'avoir l'eau à la bouche quand ils sentent un aliment quelconque, mais ils produisent un grincement des mâchoires chaque fois qu'une bonne odeur de nourriture leur parvient.

D'autres chiens produisent le même mouvement sans qu'il y ait la même raison, à tel point que ce tic, non seulement ennuie leur propriétaire, mais leur cause une véritable peur. II semble que l'animal est

toujours prêt à mordre. On pourrait peut-être voir dans certains chiens qui mordent sans paraître avoir conscience de leur acte et du reste sans faire de mal, on pourrait voir, disons-nous, un tic semblable au précédent, mais un peu plus considérable. Dans un certain nombre de circonstances, nous avons rencontré des chiens, même parmi ceux qui nous connaissaient bien, qui s'approchaient de nous, et tout en ayant l'air de demander une caresse ou de vouloir en donner, ouvraient la mâchoire et serraient soit une partie du vêtement, soit la main. Ils ne paraissaient pas peu étonnés d'ailleurs quand cette façon de vous aborder avait été corrigée sérieusement.

Nous avons observé chez des chiens, chez des chats, de véritables tics qu'on pourrait appeler tics du grattage, et que l'on rencontre chez l'être humain, avec la même étiologie probablement. Ces animaux ont eu à un moment donné soit une plaie, soit une vermine quelconque sur le corps, s'étaient grattés et lorsqu'ils sont débarrassés complètement de la plaie ou de la vermine, ils continuent à se gratter, souvent sur la même partie du corps. C'est une observation qu'on pourrait faire également chez le singe. On met une puce sur un singe, il se gratte, plus tard on fait le geste seulement, il se gratte aussi consciencieusement, et enfin, quand on a répété ce manège un certain nombre de fois, il finit par se gratter rien qu'à votre approche, et même hors de votre présence sans que rien justifie ce mouvement. Il suffit d'ailleurs dans l'espèce humaine de parler de puce ou de poux pour qu'un certain nombre de personnes éprouvent le besoin de se gratter, reste à savoir si chez elles cette crainte momentanée peut dégénérer en habitude et en tic.

Nous avons observé chez les oiseaux certains tics. Nous nous souvenons notamment d'un serin qui, sans aucun motif et continuellement, poussait de petits gémissements avec contraction de la région pharyngienne. — Un geai avait pris l'habitude, pour occuper ses loisirs, de frapper avec le bout de son bec, quelquefois pendant quinze ou vingt minutes consécutives, un des objets qui l'environnaient. Un autre se suspendait aux barreaux et pendant un temps aussi long se balançait au point d'entrer dans un véritable état d'hypnose.

Nous avons pensé que le tic, qui consistait pour le geai à frapper avec le bout de son bec un objet à sa portée, avait dû trouver son origine dans la nécessité d'user ce bec.

Certains autres animaux, chiens, chats notamment, sont atteints d'un tic semblable à celui que nous citions chez le serin. Quelques-uns paraissent gémir continuellement. Probablement cette habitude est venue à la suite de petits gémissements produits pour attirer l'attention du maître, puis est devenue une habitude vicieuse, un véritable tic. On en rencontre d'ailleurs chez l'homme quelque chose d'analogue chez ces mendiants qui, même lorsqu'ils ne mendient plus, continuent à geindre sans aucun motif apparent.

Peu d'auteurs se sont occupés d'une façon spéciale des tics chez les animaux, cependant M. Chaumel, vétérinaire, et le Dr Fernand Rudler

ont publié un petit travail dont nous extrayons les passages suivants :

« Les tics de l'homme ont été considérés longtemps comme une maladie de peu d'importance, n'engageant pas l'existence et d'autant moins intéressante qu'elle paraissait incurable.

On sait que le trouble de l'homme est un trouble psycho-moteur, « une cérébropathie psycho-motrice » se développant exclusivement chez des sujets présentant un état mental spécial, un état d'infantilisme psychique caractérisé par une imperfection de la volonté. Les auteurs les plus récents ont résolument identifié à un processus mental la pathogénie de ces accidents, lesquels sont enfin justiciables d'un traitement rééducateur et même susceptibles de guérison complète.

On ne connait guère en médecine vétérinaire les tics que par leurs manifestations extérieures. A l'exception des tics à l'appui et des tics en l'air qui ont fourni matière à d'amples discussions, il existe une foule de tics dits moteurs qui, à l'heure actuelle, sont considérés uniquement encore comme des accidents ou des phénomènes insignifiants de la vie animale, à la fois sans gravité et sans grand intérêt scientifique. Il n'est cependant pas de petit problème médical, surtout si l'on considère que l'étude approfondie de cette névrose peut être la préface de la pathologie nerveuse des animaux, chapitre intéressant entre tous si les nombreuses observations faites en pathologie vétérinaire viennent à reposer un jour sur une séméiologie exacte du système nerveux.

La monographie que MM. Meige et Feindel ont consacrée aux tics de l'homme et à leur traitement peut servir de point de comparaison pour des études de pathologie comparée.

Il était intéressant de rechercher si le cheval et d'une façon générale la plupart des animaux peuvent avoir des tics cliniquement comparables et d'origine identique à ceux de l'homme. Comme nous le disions dans une précédente étude, le cheval n'est pas un « être purement spinal », comme le nouveau-né de Vircho. Il possède une écorce cérébrale dont l'action ou les réactions retentissent sur ses actes moteurs. Il a des centres psycho-moteurs, il est capable de volonté, de coordination, il peut imiter, il peut répéter, il peut prendre des habitudes. D'autre part, les anomalies physiques ou psychiques ne sont pas rares chez le cheval. Il a ses tares corporelles, il a ses caprices, ses manies, ses habitudes vicieuses. Donc, à priori, il n'est pas absurde de supposer que certains des accidents qu'on a décrit chez lui sous le nom de tics reconnaissent mômes causes et même pathogénie que ceux de l'homme.

De fait, nous avons pu constater déjà que le tic de l'ours, du cheval et les tics de léchage de cet animal s'observent de préférence et presque exclusivement chez les sujets présentant, si on peut ainsi parler, un état psychique comparable à celui des tiqueurs humains. Dans cet état, le cheval offre tout au moins des tares physiques (asymétrie corporelle ou faciale) et psychiques (ncrvosisme particulier) qui sont précisément la caractéristique des tics de l'homme. Le tic de l'ours et les tics du léchage du cheval constituent donc manifestement des troubles psychomoteurs.

De plus, nous croyons avoir établi le mécanisme pathogénique du tic de l'ours; il est de tous points comparable à celui des tics d'imitation chez l'homme. Un supplément d'enquête vérifiera peut-être les hypothèses que nous ont suggérées nos observations de tics de léchage ; les cicatrices de blessures, que nous avons relevées sur la bouche des chevaux lécheurs, permettent de supposer en effet que là se trouve la cause provocatrice initiale qui se trouve aussi à l'origine de beaucoup de tics de l'homme.

Une question très importante, enfin, serait de savoir si un mode de traitement analogue à celui qui est employé chez l'homme pourrait être applicable à l'animal. L'idée de soumettre un cheval à une discipline psycho -motrice fait certainement sourire. Et cependant que n'arrive-t-on pas à obtenir des animaux par une éducation patiente tendant à développer, non pas tant leur automatisme que leur activité corticale?

Quoi qu'il en soit, la question des tics du cheval, envisagée sous ce jour nouveau, peut conduire à d'importantes constatations. Ces études intéressent à la fois les ncurologistes et les vétérinaires. A un point de vue plus général, elles soulèvent les multiples problèmes de l'intelligence et de l'instinct, de la conscience ou subconsciencc, enfin de l'automatisme de l'animal. Par là, elles pourront dans l'avenir servir de documents à la psycho-physiologie et à la psycho-pathologie. »

On voit par ces citations que les auteurs ont cherché à rapprocher, comme nous l'avons fait précédemment, l'étiologie des tics de l'homme et celle des tics des animaux. Quant au traitement, ils se demandent si celui qu'on applique chez l'homme et que vous qualifiez de rééducation et de discipline psycho-motrice ne pourrait pas être appliqué aux animaux. En principe, nous pensons qu'il aurait un certain nombre de succès. ii serait évidemment plus délicat, plus difficile à appliquer que chez l'homme, surtout lorsqu'il s'agit des gros animaux qui ne sont pas très maniables, mais pour les petits animaux, ceux dont on s'occupe avec une patience et une affection particulière, on pourrait arriver à leur faire perdre les mauvaises habitudes contractées. Nous l'avons déjà essayé dans quelques cas, trop peu nombreux ou d'une façon trop peu suivie pour en faire état, mais cependant nous avons observé que par exemple le fait de masser un membre animé de mouvements involontaires, de placer normalement ce membre, d'empêcher ces mouvements, le fait de fixer la mâchoire d'un chien qui paraissait constamment vouloir mordre ont amené des guérisons qui auraient été durables si les propriétaires n'avaient pas eu, dans certains cas, la faiblesse de laisser reprendre à l'animal le vice dont il avait été atteint. Cette éducation n'est malheureusement pas facile en médecine vétérinaire, où le temps manque et surtout où il est si peu payé. Nous nous promettons cependant de l'essayer toutes les fois que nous en aurons l'occasion et de soumettre à la Société les observations suivies de succès ou d'insuccès en présence desquelles nous nous trouverons.

On nous excusera du décousu de cette communication, mais il ne faut

pas oublier que tout est à faire, tout au moins en vétérinaire, au point de vue des tics et ce petit travail n'a pas pour but de classer les tics, de donner d'une façon définitive leur étiologie et leur traitement, mais de provoquer dans le sein de cette assemblée des discussions qui pourront nous aider pour mettre au point cette question et peut-être aussi pour amener des essais de traitement dans l'une et l'autre médecine.

PSYCHOLOGIE ANIMALE

La division du travail chez les abeilles

M. Gaston Eonnier vient d'exposer à l'Académie des sciences les nouvelles expériences qu'il a faites cet été sur la division du travail chez les abeilles.

Pour faire ces expériences, M. Bonnier marque chaque abeille observée avec une poudre de talc imprégnée de telle ou telle couleur. Ces marques peuvent être faites sur le dos velu de l'abeille, sur la tète ou sur l'abdomen.

En procédant ainsi, l'auteur a pu reconnaître que lorsque l'abeille a l'état de « chercheuse n (de rôdeuse, comme disent les apiculteurs), et lorsqu'elle trouve une pâture inconnue, par exemple des plantes melli-fères placées dans un endroit nouveau, cette abeille va signaler cette pâture à la ruche. Elle-même revient passant à l'état de butineuse, accompagnée de quelques recrues et organise un va-et-vient entre ces fleurs et la ruche. Un nombre déterminé d'abeilles, qui sont toujours les mêmes, sont affectées à es service.

Si l'on double ou triple le nombre des plantes mellifcres de la même espèce, à ce même endroit, le nombre des abeilles employées devient sensiblement double ou triple. Donc, ajoute M. Gaston Bonnier, si on ne peut pas dire que les abeilles savent compter, on peut absolument affirmer tout au moins qu'elles savent se rendre compte du nombre de butineuses nécessaires pour tel ou tel travail déterminé.

M. Bonnier fait encore remarquer que lorsque les abeilles sont comme « commandées » pour un travail défini, elles ne se détournent pas pour en exécuter un autre. Celles qui vont prendre de l'eau ne se dérangent pas pour recueillir du sirop de sucre qu'on leur présente ; celles qui récoltent le nectar au fond des corolles, laissent sans y toucher l'eau qu'on leur présente, alors même que pendant la sécheresse la ruche a besoin de beaucoup d'eau pour nourrir les larves.

Il s'établit de la sorte dans la recherche du butin, tout autour d'un rucher, une sorte d'entente générale pour la meilleure distribution sur les plantes de la région, traçant chaque jour le programme ù exécuter pour le mieux et dans le moins de temps possible.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi l.ï janvier, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le D'Jules Voisin, médecin de la Salpètrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Dr Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications déjà inscrites : D' Lagrange (de Vichy) : La psychologie de l'entraînement.

M. le Pr Lionel Dauriac : Le retour de la conscience après l'évanouissement.

Dr Bérillon : Les éléments d'une psychothérapie préventive.

Intelligence chez un chien. Non loin de Manheim, près de la station de chemin de fer Wohlgele-gen, se trouve une étable de brebis, où est remisé un grand troupeau et où dorment deux bergers. Un jour, un wagon fut rempli des brebis prises sur ce troupeau; il devait partir par le train de nuit. Tard, dans la soirée, le berger partit avec le chien, pour voir si tout était bien en ordre à la station. Peu après, le chien revint seul à la bergerie et saisit l'autre berger par la veste pour le tirer vers la porte. Rien n'y fit; toujours le chien cherchait en grognant à happer les vêtements du berger. Celui-ci finît par s'émouvoir et alla avec le chien. 11 trouva son camarade couché sur les rail3 à côté du wagon, en pleine conscience, mais incapable de se mouvoir. Il avait voulu s'assurer que la porte de la partie supérieure du wagon était bien fermée, était tombé en arrière et s'était cassé une côte, ce qui lui occasionnait une si violente douleur que, malgré le grand froid et le danger d'être écrasé par un train, il resta couché sans bouger. Le chien voyant que son maître ne pouvait se lever, était aussitôt parti, de son propre mouvement, pour chercher du secours à la bergerie, à un kilomètre de là.

NOUVELLES

Enseignement

Hospice de la Salpètrière. — M. le D' J. Voisin, médecin à la Salpètrière, commencera le jeudi 10 janvier, à 10 heures, dans son service, un cours sur les maladies nerveuses et mentales. Un certain nombre de leçons seront consacrées à l'étude et au traitement des enfants anormaux, ainsi qu'aux applications thérapeutiques de l'hypnotisme. (Section Esquirol.}

ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE

49, Rue Sâint-André~des-Arts, d9

(au siège de l'Institut psycho-physiologique)

Comité de Patronage

MM. Bebthelot. sccr. perpétuel de l'Académie des sciences: Beaums, dlr. hou. du laboratoire de psychologie & la Sorbonne ; A. Binet, dlr. du laboratoite de psychologie a la Sorbonne ; Blaxcbabd. prof, à la Faculté de Médecine ; Boibac, recteur de l'Académie de Dijon ; Lionel Dai • • prof, hon.de la Faculté de Montpellier; Marcel Dubois, prof, a la Sorbonne; '¦!'¦:¦.. prof, a la Sorbonne; H • •. . membre de l'Académie de médecine; Ri dot, prof. non. au Collège de France: Albert Robix, prof, a la FacuUede médecine ; J. Voisin, médecin de I» Salpetriere,

École de Pigrkelotle 19, rue St-André-des-Arls)

Programme des Cours et des Conférences de l'École de Psychologie

pour l'année 1907 (7' année) (Lti court et tet conférence* de l'Ecole de l .•, ¦ iont publiai

La séance de réouverture des cours aura lieu le Mercredi 9 Janvier, à 5 heures, sous la présidence de M. Biesvexu-Martin, sénateur, ancien ministre de l'Instruction publique.

ORDRE DU JOUR :

1» D' Bêrillok : Le programme de l'Ecole de Psychologie ;

28 D' Binet-Sasglé : Introduction à la psychologie de Jésus de Nazareth ;

3° Allocutiou de M. Bienvenu-Martin.

Cours de 1907 (7« année)

Hypnotisme thérapeutique M. le D' Bébillon, professeur.

Objet du cours : 1* Psychothérapie générale : La thérapeutique des maladies de la volonté et l'éducation du caractère. Les lundis à cinq heures, à partir du lundi 14 janvier.

2* L'hypnotisme et l'orthopédie mentale: Les enfants et les adolescents anormaux: Retardataires, instables, timides, indociles, pervers et nerveux. Les jeudis à cinq heures, à partir du jeudi ¡0 janvier.

Hypnotisme expérimental

M- le D' Paul Magnix, professeur.

Objet du cours : L'hypnotisme et la psychothérapie chez les hystériques. Les lundis et les jeudis à cinq heures et demie, à partir du jeudi 10 janvier.

Psychologie générale

M. Lionel Dauriac, prof. hon. de l'Université de Montpellier, professeur. Objet du cours: Etude des sentiments.

Les vendredis à cinq heures et demie, à partir du vendredi 11 janvier.

Psychologie pathologique M. leD' Paul Farez, professeur. Objet du cours : Les éUts de mort apparent. Les samedis à cinq heures, à partir du samedi ¡3 janvier.

Psycho-physiologie de l'Art

M. Félix Récamev, professeur.

Objet du cours : Les principes du dessin. — Influence des procédés routiniers sur la décadence de l'art de la peinture. Les mardis à cinq heures et demie, à partir du mardi 15 Janvier.

Psychologie des dégénérés et des atypiques

M. le D' Binbt-Sanolé, professeur. Objet du cours : Jésus de Nazareth.

Les samedis à cinq heures et demie, à partir du samedi 12 février.

Anatomie et psychologie comparées

M. .1!. Caustier, agrégé de l'Université, professeur.

Objet du cours : La vie sociale des plantes et des bêtes. — La loi de l'entraide facteur de révolution. Les mercredis à cinq heures, à partir du mercredi 17 janvier.

Psychologie dos animaux

M. Lépinay, professeur.

Objet du cours : Les méthodes de dressage : utilisation de l'intelligence et de l'instinct.

Les mercredis à cinq heures et demie, à partir du mercredi /7 janvier.

Psychologie musicale M. le D' R. Pamart, professeur.

Objet du cours : La psychologie des grands maîtres et le caractère de leurs œuvres.

Les vendredis à cinq heures, à partir du vendredi ij janvier.

Psychologie et morale sexuelles

M. le Dr Mayoux, professeur.

Objet du cours : L'educaUon des sexes.

Les mardis à cinq heures, à partir du mardi ¡5 janvier.

HORAIRE DES COURS

Heure* LUX DI S 1iar3is kehcjieu1s JEUDIS VEM>bedis samedis

5 h. Berilli Uijmi dattier Bffillti R. Pinul P. iva

5h.i/2 P. Kifiic t. BCpitj P. lliroti L. Dinmc Biiel-Sud*

Cours complémentaire

M. le D* Broda, docteur en Droit, professeur suppléant, commencera le jeudi 12 janvier,'à 4 heures, ud cours sur: L'Avenir des religions. Il le continuera les jeudis suivants à 4 heures.

Conférences de 1907

Chaque année, les cours de l'Ecole de psychologie sont complétés par des conférences faites au siège de l'Institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts. Ces conférences portent sur toutes les questions qui relèvent de la psychothérapie et do la psychologie. Les conférences sont publiques.

les vekdhbdis a huit heures et demie du soir

Vendredi U Janvier, à 8 h. 1/2, sous -la présidence de M. G. Rocher, ancien membre du .Conseil de l'Ordre des Avocats. — L'hypnotisme au point de vue sociologique et médico-légal, par m. le d' Bbrillon, médecin iospecteur des asile» d'aliénés (avec projections). _

Vendredi lSjanvier.à 8 b. t/2, sous la présidence de M. le D'JulesVoisni, médecin de la Salpôtrière. — Nouvelles religions : le bëguinisme et le bëhalsme, par M. le D' Félix Reokault, professeur à l'Ecole de psychologie.

Vendredi 25 janvier, à 8 h. 1 /2, sous la présidence de M. le D' Bbrillon, professeur à l'Ecole de psychologie. — Psychologie religieuse : les Derviches et les sectes musulmanes, par M. le D' Bahraddix Chakir Bey, de Constantinople.

Vendredi 1" février, a S h. 1/2, sous la présidence de M. Léon de Rosxv, directeur à l'Ecole des Hautes-Etudes. — Les examens de la Chine et les diplômes de la France, par m. Scié-Tox-Fa, progressiste chinois.

Vendredi 8 février, à 8 h. 1/2, sous la présidence de M. le D' Albert Robin, professeur a la Faculté de médecine. — Excursion psychologique à travers les anomalies humaines, par M. le d' Bérillon, médecin inspecteur des asiles d'aliénés (avec projections). _

Vendredi 15 février, à 8 h. 1/2, sous la présidence de M. le D' Paul Magnin, professeur à l'Ecole de Psychologie. — La science du bonheur, par M. le D'Paul Joire, de Lille. _

Vendredi 23 février, à 8 h. 1/2, sous la présidence de M. Devinât, directeur de l'Ecole Normale du département de la Seine. — La timidité che; l'enfant, par Mlle Lucie Bérillon, professeur au lycée Molière.

Vendredi 2 Mars, à 8 h. 1/2, sous la présidence de M. le lieutenant-colonel Roxoet, Commandant militaire de Tombouciou. — Psychologie militaire : L'éducation de la volonté et la discipline psycho-motrice, par M. le capitaine Bordaoe, attaché au Ministère des Colonies.

INSTITUT P8YCH0-PHYSIOLOGIQUE

49, rue Saint-Andri-des-Arts.

L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement, pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.

L'organisation de l'Institut psycho-physiologique comporte :

I Ecole de psychologie : (Voir le programme des cours et des conférences).

Professeurs correspondants :D'Paul Joire (Lille), D"Jaguaribe (Saô-Paulo, Brésil), D' Orlitzky (Moscou), Dr Dauoglou (Le Caire). Professeur honoraire : D' Wateac.

II. Dispensaire 'pédagogique et neurologique. — Dispensaire antialcoolique.

Médecins: Dr Bérillon, D' Paul Maonis, D'Paul Farez,D" R. Pamart.

III. Laboratoire de psychologie expérimentale.

Chefs des travaux: D' Bérillon, D'Biancbi.

IV. Laboratoire de psychologie comparée. Chefs des travaux: MM. Lépisay et Grollet, médecins-vétérinaires.

V. Education physique. Chefs des travaux : M. Gosset. VI. Musée de psychologie.

Conférences pratiques d'hypnologie et de psychothérapie

Les conférences cliniques sur tes applications de l'hypnotisme à la psychothérapie ttà la pédagogie, reprendront le jeudi 17 janvier, à 10 heures du matin. Elles seront dirigées par les LV* Bérillon, Magnin. Paul Farez et Pâmait. On s'inscrit les jeudis 1 l'Institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-An dré-des-Arts.

Consultations du Dispensaire pédagogiquo.

Les consultations données au Dispensaire pédagogique, sous les auspices de l'Ecole de psychologie ont lieu les mardis, jeudis, samedis de 10 heures à midi, 49, rue Saint-André-des-Arts.

Ces consultations sont destinées aux enfants et aux adolescents anormaux (retardataires, instables, timides, indisciplinés, pervers et nerveux).

Les médecins, les étudiants et les membres de l'enseignement sont admis aux consultations du jeudi.

Promonades et excursions psychologiques.

Les cours de l'Ecole de psychologie seront completos par des excursions psychologiques. Des visites à ta ménagerie du Muséum d'histoire naturelle et au laboratoire de psychologie comparée auront lieu sous la direction de M. Lépinay. (On s'inscrit au Cours.)

Excursion pédagogique.

Une excursion pédagogique aura lieu un dimanche à l'Établissement médico-pédagogique de Créteil (entants et adolescents retardataires et nerveux), sous la direction de MM. les D" Bérillon et Quisque. directeurs. (On s'inscrit au Cours.

Ouvrages déposés à la Revue

Pr Grasset : Demi-fous et demi-responsables, in-8, 290 pages, Félix Alcan, Paris, 1907.

D'Mayoux : L'éducation des sexes, in-12, 276 pages, Librairie scientifique, Paris, 1906.

D" Brissaud : La nouvelle Bible : Scientifiquement, Dieu n'existe pas, in-12, 180 pages, 1906. Adresser demandes à M. Brissaud, 151, rue de Javel, Paris.

Df Charles Valentino : Notes sur Finde, in-12, 360 pages, Félix Alcan, Paris, 1906.

Dr Paul Jone : Traité de graphologie scientifique, in-12, 229 pages,

Vigot frères, Paris, 19u6. Dr L. Stévenard : Le secret médical et la syphilis, in-12, 155 pages,

Henri Jouve, Paris 1905.

Dr Foveau de Courmelles: Le bilan scientifique du XIX' siècle, in-12, 207 pages, A. Maloine, Paris 1907. *

D' P. DifiNAT : Les récentes découvertes et leur influence sur 1*électrothérapie, in-8, 106 pages, Octave Doin, Payet, Paris, 1906.

Dr Léon Parrot : Les variations de la spasmodicité dans la sclérose

latérale amyotrophique, in-8, 110 pages, Steinheil, Paris, 1903. D' L. Laloy : Parasitisme et mutualisme dans la nature, in-8,264 pages,

Félix Alcan, Paris, 1906. D' Terrien : L'Hystérie et la neurasthénie chez le paysan, in-12, 176 p.,

J. Siraudeau, Angers, 1906. Pierre Piobb : Formulaire de haute magie, in-12,230 pages, H. Daragon,

Paris, 1907.

Dr Dalgado : De la cause du sommeil lucide, in-12, 360 pages, Henri Jouve, Paris, 1906.

Conférences faites au musée Guimet, in-12, 228 pages, Ernest Leroux, Paris, 1906.

D' J. Regnault : Les envoûtements d'amour et l'art de se faire aimer, in-12, 37 pages, bibliothèque Chacornac, Paris.

D' Alfred Deschamps : Un miracle contemporain, in-12, 86 pages, édité par l'Œuvre des tracts catholiques, Bruxelles.

D' Georges Rouhet : L'entraînement complet de l'homme, 542 pages, grand in-S, avec figures, Feret, Bordeaux.

Dr Mon in : La scoliose, petit in-12,35 pages, 6 figures, Douin, Paris, 1906. L. de Milloué : Bod-youl ou Thibet(Le paradis des moines), in-8.296 p.,

Ernest Leroux, Paris, 1906. j

A. Micha : Vers l'absolu, in-12, 131 pages, Bonvalot-Jouve, Paris, 1906.

Dr G. Schräder : Médecine hypodermique vétérinaire, in-12, 91 pages, bibliothèque de la revue de pathologie comparée, Paris, 1906.

Cornwell Round : Self-synthesis a means to perpetual life, in-12,32 p.,

Simpkin et C°, London, 1906. Prof. Bechterew : L'activité psychique et la vie, traduit du russe, par

le Dr Kéraval, in-12, 344 pages, Ch. Boulangé, Paris, 1907. Alfred Pichou : Théorie de l'Élite, in-8, 20 pages, V. Giard, Paris, 1906.

L'AdmiuisLmteur-Gérant : Ed. BERILLON.

Paris, Imp; A. Quelquejeu, rue Gerbert, 10.

REVUE DE j|HtpSTOTISME

EXPERIMENTAL fej"tr^ÉRÀ^EUTIQUE

SI-Année. — ?8- Février 1907,

Réouverture des cours de l'Ecole de psychologie

La septième réouverture des cours de l'Ecole de psychologie a eu lieu le mercredi 9 janvier, sous la présidence de M. Bienvenu-Martin, sénateur, ancien ministre de l'Instruction publique. Autour de lui avaient pris place M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière, et les professeurs de l'Ecole, MM. les D" Bérillon, Paul Magnin, Paul Farez, Binet-Sanglé, Félix Regnault, Pamart, Mayoux, Broda, M. Lionel-Dau-riac. professeur honoraire à la Faculté de Montpellier, Caustier, professeur agrégé au lycée Saint-Louis, Lépinay,médecin-vétérinaire, M. Louis Favre, M. Félix Régamey.

Parmi les personnalités qui assistaient à cette séance, nous avons noté MM. Dr Damoglou (du Caire), D' Bahhaddin Chakir Bey (de Constan-tinople), Dr Ercilio Rodriguez (de Buenos-Ayres), Dr Paschantoni (de Genève), D' Jacoby (de Berlin), Df Germkjuet (de Romont, Suisse), professeur Oubeyd (de Constantinoplc), Dr Loufti (de Constantinople), Dr Spourgitis, M. Blech, docteur en droit, M. Grollet, secrétaire général de la Société de pathologie comparée; Dr Demonchy; Dr Barthe de Sandfort; Dr Barbier; Dr G. Parent; Dr Bergeron; D' Lorenzo Moss, de Buenos-Ayres; D' Dejean de la Bâtie; D'Toupance, M. Combes, secrétaire général de l'Alliance scientifique universelle, M. Leboucher, directeur de l'Ecole Théophile Rousselle, M. Quinque, directeur de l'Etablissement médico-pédagogique de Créteil, M. Meslet, professeur, M. Fichou, secrétaire de l'office de renseignements à la Sorbonne, D'Lux, médecin principal, M. Gallia, professeur, M. Xavier Privas, homme de lettres ; Dr de Torres (de LuchonJ, Dr Hotlenier, Dr Popesco (de Bukarest), D'Antonio Mendicini (deNaples), le commandant Bellon et un grand nombre de médecins et de professeurs dont nous n'avons pu enregistrer les noms.

Plusieurs de nos collaborateurs étrangers s'étaient excusés de ne pouvoir assister à la réunion, en particulier les D'" Paul Joire (de Lille), Jaguaribefde Sao-Paulo), Orlistzky ;de Moscou), etc.

Après avoir ouvert la séance, le président donne la parole au D' Bérillon.

L'Ecole de psychologie

par M. le Dr Bérillon Professeur à l'Ecole de psychologie.

Monsieur le Président, Messieurs,

L'Ecole de psychologie est destinée à fournir aux médecins, aux étudiants des diverses facultés et à tous ceux qui suivent avec curiosité les progrès de l'esprit humain un enseignement théorique et pratique sur toutes les questions qui relèvent de la psychologie.

Les études auxquelles se consacrent les professsurá de l'Ecole se répartissent en huit branches principales :

Io L'anatomie et la physiologie du système nerveux.

2° La psychologie expérimentale (hypnotisme expérimental, etc.).

3° La psychologie appliquée (hypnotisme thérapeutique, orthopédie mentale, pédagogie suggestive, etc.).

4° La psychologie de l'enfant normal ou anormal.

5* La psychologie de l'homme anormal.

6° La psychiatrie.

7* La psychologie sociologique.

8a La psychologie comparée.

» Ces études théoriques sont complétées par des recherches pratiques qui s'effectuent dans les divers services de l'Institut psycho-physiologique et dispensaire pédagogique et neurologique, dispensaire antialcoolique, laboratoire de psychologie comparée. »

L'enseignement donné à l'Ecole de psychologie est essentiellement positif et scientifique. Cependant, à l'occasion, nous ne dédaignons pas de diriger nos observations vers un groupe spécial de recherches qu'on désigne habituellement sous le nom de Recherches psychiques et qui comprennent tous ces faits particulièrement difficiles à interpréter, tels que : la lecture des pensées, la suggestion mentale, les hallucinations télépalhiques, la lucidité, la clairvoyance, les pressentiments, le sommeil à distance, i'écrtfure automatique, l'extériorisation de la sensibilité. Le dédoublement de lapersonnalité se manifestant par l'apparition de fantômes, les maisons hantées et tous ces faits d'apparence surnaturelle qui, d'une façon périodique, sont remis sur le lapis et sollicitent la curiosité publique. Mais j'ai hâte de vous dire que les professeurs de l'Ecole de Psychologie s'intéressent surtout à ces questions dans le but de démasquer les supercheries et d'exercer utilement leur esprit critique.

Le goût qui pousse un certain nombre d'esprits vers ces recherches nous est venu de l'Angleterre, où existe une Société fameuse sous le nom de Society for psychical Research. Il faut le reconnaître, les études auxquelles se sont livrés les membres de la Société anglaise n'ont donné

aucun résultat positif. Les sujets et les matériaux sur lesquels on comptait, ont fait défaut. Aujourd'hui, beaucoup de nos confrères d'outre-Manche sont revenus à des recherches moins décevantes. Or, tandis que qos collègues anglais reconnaissent qu'ils ont fait fausse route en s'en-gageant dans la voie du mysticisme psychologique, un certain nombre de savants français, obéissant à d'incompréhensibles suggestions, se déclarent prêts à recommencer les mêmes tentatives. On nous rendra cette justice que nous n'avons jamais voulu prêter l'oreille à ceux qui nous proposaient de nous associer à leur campagne. Bien mieux, pour marquer nettement notre intention de ne pas être confondus avec ceux qu'inspire un mysticisme n.al dissimulé derrière des phrases d'apparence scientifique, lors de l'inauguration de l'Ecole de psychologie, nous nous sommes exprimés ainsi au sujet des recherches psychiques :

a En abordant ces questions, disions-nous, nous n'aurons d'autres préoccupations que de nous inspirer des méthodes scientifiques si magistralement exposées par les Claude Bernard, les Charcot et les physi3lo-gistes contemporains. Le titre de l'Institut psycho-physiologique indique nettement notre tendance à ramener les faits de la psychologieà des lois physiologiques, c'est-à-dire physiques. C'est dire que nous ne risquerons pas de compromettre les études psychologiques par des interprétations hasardeuses ou des hypothèses extra-physiologiques. Nous chercherons l'explication des phénomènes psychologiques dans des rapports matériels, nettement déterminés sans invoquer l'intervention d'aucun élément étranger extra-naturel.

« Il est toujours plus difficile de déraciner une erreur que de propager une vérité élémentaire, aussi nous réagirons de toutes nos forces contre la propagation de ce néo-mysticisme psychologique, contre lequel le professeur Morselli s'élevait récemment avec tant de logique et de courage. Comme lui, nous pensons qu'il faut changer radicalement la méthode employée jusqu'ici, et, au lieu d'étudier les esprits, les pressentiments, les hallucinations télépathiques, l'extériorisation de la sensibilité, les mouvements d'objets sans contact et le flottement dans l'air de personnes, d'objets ou de choses, il faut au contraire soumettre à un examen rigoureux les spirites et la plupart de ceux chez lesquels se manifeste la hantise de ces questions d'un intérêt fort discutable. »

Les événements nous ont donné raison. De ces programmes aussi prétentieux qu'alléchants, il n'est absolument rien sorti d'intéressant. Par contre l'Ecole de psychologie, en se limitant à l'étude des faits positifs, capables de résister au contrôle des méthodes rigoureusement scientifiques, n'a cessé de voir croitre son succès.

En effet, on nous rend cette justice que l'Ecole de psychologie a évité recueil de compromettre sa bonne réputation scientifique par des interprétations hasardeuses. Notre culte de Yexactivisme, pour rappeler l'heureuse expression créée par M. de Hosny, suffit pour nous orienter vers la voie du progrès scientifique.

A la séance de réouverture de l'Ecole, j'ai l'agréable mission d'exposer les faits saillants de la vie de notre institution.

Cette année, un événement important est venu sanctionner l'existence de notre Ecole au point de vue judiciaire et médico-légat. Ayant à s'éclairer dans le procès intenté à la. voyante de Saint-Quentin, le tribunal de cette ville a désigné comme expert notre collaborateur le Dr Paul Magnin, en qualité de professeur de l'Ecole de psychologie. Notre ami a démontré que la sévérité dans l'observation des faits et dans le contrôle des expériences était le plus sûr moyen de déjouer les embûches des mystificateurs habiles. Son rapport médico-légal, modèle de clarté, de logique et d'esprit scientifique, a fait le plus grand honneur à notre Ecole et a valu à son auteur les approbations unanimes du corps médical.

Quand, au commencement de janvier, M. le Ministre a accordé à Paul Magnin, au titre de professeur de l'Ecole de psychologie, la distinction d'officier de l'Instruction publique, nous avons tous applaudi à cette récompense si méritée.

Chaque année, nous élargissons le cadre de notre action. A la liste des professeurs correspondants, MM. les D" Domingos Jaguaribe (de Sao-Paulo), Orlitzky (de Moscou), Paul Joire (de Lille), qui collaborent avec tant de dévouement à notre couvre, nous a\ons le plaisir d'ajouter le nom du Dr Damoglou (du Caire), qui nous a déjà donné de nombreuses preuves de son 2Ôle et de son érudition.

Deux cours nouveaux seront inaugurés. Dans celui de psychologie générale, notre maître vénéré, M. Lionel Dauriac, professeur honoraire de philosophie à la Faculté de Montpellier, le collaborateur de Renou-vier, auteur de tant de travaux de psychologie musicale, traitera l'Etude des sentiments. Une chaire de psychologie et morale sexuelles sera confiée à M. le Df Mayoux. 11 y traitera avec sa haute compétence la question toute d'actualité, la question de VEducation des sexes.

M. le Dr Binet-Sanglé, qui a bien voulu cette année accepter de faire la leçon d'ouverture, s'est préparé à son enseignement par de longues e patientes études publiées dans la Revue de Vkypnotismè et dans les revues scientifiques. Vous m'excuserez de ne pas vous en donner la longue énumération, ses démonstrations seront d'ailleurs plus éloquentes que tout ce que je pourrais dire.

Il me reste enfin un devoir des plus agréables à remplir, c'est de remercier M. Iîi venu-Martin, sénateur, ancien minisire de l'Inslruc-* lion publique, de l'honneur qu'il nous a fuit eu acceptant du présider celte réunion. Grand-maitre de l'Université, M. Bienvenu-Marlin a lemoigné dans cette haute fonction de son dévouement éclairé à la cause de l'enseignement supérieur. Sa présence au milieu de nous est le témoignage de son grand amour de l'initiative scientifique, de la lui*-

geur de ses vues. Aux liens d'affection personnelle qui m'unissaient à lui, je joindrai celui d'une reconnaissance profonde pour les encouragements si précieux qu'il m'a accordés.

Messieurs, vous êtes actuellement les témoins d'un mouvement d'opinion considérable qui pousse les membres du corps médical à réclamer un régime d'enseignement nouveau, plus en harmonie avec les nécessités professionnelles et les lois de l'évolution scientifique.

L'Ecole de psychologie, nous sommes heureux de le proclamer, a devancé de plusieurs années ce mouvement réformateur. Ses professeurs ont réalisé, bien avant les pétitions des sociétés savantes et les réunions des commissions officielles, la création des cette institution de priuai-docenfen qui, en Allemagne et dans tous les pays de haute culture scientifique, permet l'accession de l'enseignement supérieur à tous ceux qui donnent des preuves de leur mérite et de leurs aptitudes à vulgariser les doctrines scientifiques. La présence à la présidence de cette réunion d'un homme d'Etat éminent est le gage de l'intérêt que les pouvoirs publics accordent à notre œuvre de libre initiative et de vulgarisation scientifique. . . -

• »

En terminant, je tiens à remercier, au nom de tous les professeurs, nos auditeurs si empressés et si bienveillants. Ils savent que nous les considérons comme des amis et des collaborateurs de notre œuvre.Leur concours nous permettra de faire oeuvre utile et de transformer les études psychologiques de la psychologie en applications utiles au perfectionnement intellectuel et moral de l'humanité.

Introduction à la psychologie de Jésus de Nazareth,

par M. le dr Binet-Sanglé, professeur à l'Ecole de psychologie.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Depuis que j'ai entrepris l'étude des mystiques au point de vue anthropologique et plus particulièrement au point de vue mental, je suis arrivé à un certain nombre de conclusions que je crois devoir rappeler.

Dans mon Aperçu des lois psycho-physiologiques du développement des religions (*), j'ai montré d'une part que les sujets physiquement et mentalement bien constitués sont des terrains impropres à la germination des idées religieuses, alors même qu'ils sont plongés dans un milieu mystique ; d'autre part que ces idées se développent jusqu'à envahir le champ de la conscience chez certains psychopathes héréditaires, alors même qu'ils sont plongés dans un milieu intellectuel.

Mes observations de religieuses ont d'ailleurs apporté la preuve

(1) Maloine, éditeur, 1907..

que les maladies du système nerveux sont particulièrement fréquentes chez les sujets appelés au monastère par la vocation.

Enfin, dans mon cours de 1904 et de 1905, j'ai fait voir que les prophètes juifs appartiennent à la famille psychopathique et que la plupart eussent été de nos jours internés dans des asiles d'aliénés.

Je montrerai cette année que Jésus de Nazareth appartient à la même famille.

J'apporterai dans cette étude Pataraxie absolue dont ne doit jamais se départir l'homme de science.

Et vraiment. Messieurs, comment un homme de science pourrait-il se montrer intolérant ?

Quoi ! Nous qui nous sommes rendu compte que nous ne connaîtrions jamais le pourquoi, le but et la fin des choses, nous qui sommes ballottés comme un flocon d'écume dans l'étendue infinie, nous aurions le ridicule orgueil de mépriser et de haïr !

Nous haïrions l'erreur et le mensonge, quand l'erreur et le mensonge ont leurs règles et leurs lois !

Combien, parmi les scientisles de ce temps, furent, au printemps de leur vie, des imaginatifs et des poètes ! Combien, mis en présence de la question religieuse, ont senti bouillonner en eux la généreuse passion des révolutionnaires.

Sans oublier les bienfaits des religions, le grand mouvement de pitié et de charité dont elles soulevôrentle monde barbare, ils ont évoqué les crises douloureuses suscitées par elles et leurs innombrables méfaits.

C'est, pour ne citer qu'un petit nombre de ceux du christianisme, les croisades dévorant, pour la conquête du Saint-Sépulcre, la fleur de la chevalerie française, la guerre des Albigeois, le supplice des Templiers, les révoltes des anabaptistes, des paysans et des chevaliers réformistes en Allemagne, les guerres de religion du xvT siècle, le massacre des Vaudois, toutes les horreurs de celte inquisition espagnole qui s'établît au Mexique, au Pérou, à Goa, où elle fit périr 80 000 hérétiques dans les flammes, et qui, de 1478 à 1808, condamna à mort ou à des peines infamantes une moyenne de onze cents personnes par an.

Et ils ont senti monter en eux une indignation contre « ces superstitions nouvelles et dangereuses » dont parle Suétone, contre *> l'exécrable superstition » dont parle Tacite, et un mépris « de ces conceptions surnaturelles du monde et de la vie qui, selon l'expression de Jules Soury, ont interrompu le progrès de la raison de Thommc sur cette planète et creusé un abîme de ténèbresentre Démocrite, Aristotc, Galicn lui-même et Galilée, Lavoisier, Laplace, lîichat. »

Mais l'indignation est une passion de la première jeunesse. L'étude, qui mûrit les cerveaux, adoucit les cœurs. Elle verse à pleins bords la pitié et l'indulgence, et un jour arrive où l'on commence à comprendre pourquoi tant de philosophes, parvenus à la dernière page des connais--Mices humaines, ont fermé le livre en pleurant.

Toujours malades, toujours ivres,toujours secoués par l'enthousiasme, la haine ou la terreur, toujours cherchant autour de nous des êtres plus malades que nous-mêmes, pour les exalter ou tes maudire, nous avons certes droitâ une pitié immense et profonde pour nous, pour nos prêtres, dour nos démons et pour nos dieux !

Du moins le mal qu'ont fait les religions nous donne le droit d'étudier leurs fondateurs sans être retenus par un sentiment de vénération ou d'amour que leur œuvre ne justifie pas, de même que le bien qu'elles ont fait nous interdirait, en dehors de toute autre considération, de traiter ces hommes avec mépris ou avec haine.

Mais n'est-il pas inutile, n'est-il pas présomptueux d'entreprendre l'étude de Jésus de Nazareth ? Cette étude n'a-t-elle pas été faite maintes fois et par des hommes de valeur? Les noms de Strauss et de Renan ne suffisent-ils point à décourager l'audacieux qui songerait à s'aventurer sur le territoire de l'exégèse évangélique ?

Non, Messieurs, car si haute que soit la valeur personnelle d'un homme, il ne peut disposer que des moyens de son époque, des documents et des procédés d'investigation dont elle dispose. Si grand que soit l'astronome, il ne découvrira point de nouvelles étoiles avant qu'un télescope plus puissant n'ait été conçu par le physicien, dessiné par l'ingénieur, construit par les ouvriers. Et, grâce à l'instrument enfin découvert,'toute une voie lactée pourra jaillir du ciel nocturne sous l'œil d'un plus humble chercheur.

Que dis-je? L'œuvre d'un homme est l'œuvre de tous les temps. Tous les hommes y collaborent. Nul ne peut se vanter d'être le fils de ses œuvres et de s'être fait tout seul. Seul! Avec l'aide de son père, de sa mère et de ses aïeux. Seul I Avec la multitude des inconnus, des travailleurs obscurs du muscle et du cerveau, qui ont nourri, vêtu, paré son corps et son intelligence. Seul ! Avec ces foules immenses que la reconnaissance, à défaut de la solidarité, doit nous ^aire aimer, aider et secourir.

Non, Strauss ni Renan n'ont fait leur œuvre seuls, et, depuis eux, les collaborateurs anonymes et innombrables des hommes de génie ont travaillé sans relâche. La science a marché, et non pas seulement la science historique, mais l'anthropologie, mais la psychologie, mais la psychologie pathologique.

11 n'y a pas outrecuidance à mettre leurs acquisitions au service de l'exégèse et à refaire, grâce à elles, l'œuvre de nos devanciers. Le respect qu'ils nous inspirent ne saurait nous empêcher de relever leurs erreurs.

En un mot le progrès des sciences anthropologiques à la fin du xixe siècle et au commencement du xxe, nous autorisent et nous obligent à recommencer, même après Renan et même après Strauss, l'étude des évangiles au point de vue anthropologique et plus particulièrement au point de vue psychologique.

La psychologie est une science qui a pour but l'étude des phénomènes

dont le cerveau est le théâtre. Elle se confond avec la physiologie cérébrale.

Or il est impossible d'arriver à la compréhension parfaite de la physiologie d'un organe quelconque, si l'on n'a préalablement étudié l'anatomie et la physiologie humaines dans leur ensemble. — Le psychologue doit donc être un anatomiste, un physiologiste, un pathologiste, en un mot, dans l'état actuel de l'enseignement, un médecin, sous peine de commettre les plus graves erreurs.

C'est là une des raisons pour lesquelles les exégètes qui ont étudié le fondateur de la religion chrétienne se sont complètement mépris sur son compte. La plupart n'avaient point fait les études indispensables.

Quant à la méthode que doit employer le psychologue, c'est la méthode des sciences naturelles, puisque la psychologie humaine, branche de l'anthropologie, fait partie de ces sciences.

Les théologiens, qui ne sont rien moins que naturalistes, ne partagent pas, on le conçoit, cette manière de voir.

Dans la préface de son livre intitulé Jésus-Christ pendant sonminis~ tère, M. Edmond Stapfer, professeur à la faculté de théologie protestante de Paris, nous déclare sans ambages « qu'il ne faut pas étudier la vie morale et religieuse comme on étudie l'histoire naturelle». A l'en croire, i l'âme peut avoir des intuitions du vrai que l'observation objective ne suffira jamais à donner au savant » ; et il cite ce mot de Pascal : « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ».

Tout d'abord il mefautfaire justice du procédé qui consisteàjeteràla tête du lecteur, afin qu'il ne puisse saisir le côté faible de votre argumentation, quelque boutade d'un écrivain illustre. Cela rappelle cette lutte japonaise où l'adresse tient lieu de vigueur.

Du reste M. Edmond Stapfer a été bien mal inspiré en appelant ainsi Biaise Pascal à la rescousse.

Le grand physicien^eut soin de nous avertir, au temps où il était sain d'esprit, que les affirmations des anciens n'ont de valeur que si elles sont véridiques. C'est même à ce dédain des autorités qu'il dut sa découverte de la pesanteur de l'air.

Or le cœur n'a pas de raisons, cela est incontestable ; et d'autre part, lorsque l'auteur des Pensées écrivit cette phrase, il était atteint d'une affection cérébrale qui se traduisit, à l'autopsie, par l'existence d'un ramollissement.

Ceci dit, je demanderai à M. Edmond Stapfer, de quel droit, admettant l'existence d'un monde spirituel où l'on ne pénètre que par ce procédé mystérieux de l'intuition, il rejette les analogies des écrivains orthodoxes, et, d'une façon générale, les élucubrations mystiques autres que celles des protestants, depuis le Lalita Vistara des auteurs hindous jusqu'aux vers amorphes de Mlle Couesdon. Ces auteurs ne sont-ils pas en droit.de lui répondre que ce qu'ils prétendent savoir du monde spirituel, ils le savent aussi par intuition ?

Le malheur est que les idées acquises de'cette manière constituent dans

leur ensemble un système incohérent et contradictoire, alors que les donnéesde la science forment un tout homogène et cohérent. C'estque cette fameuse intuition des théologiens n'est rien autre que l'imagination s'exerçant sur les idées religieuses. — Au surplus, s'il y avait deux manières d'étudier les hommes, l'une destinée au vulgaire, l'autre réservée aux mystiques, tous les théomanes de nos asiles seraient en d i oit de faire censurer les travaux des alie'nistes par les facultés de théologie protestante.

Le psychologue doit donc, comme tout naturaliste, observer, comparer, généraliser, induire. Il ne doit jamais employer la pétition de principe.

Or presque tous les auteurs qui ont étudié Jésus ont commis cette faute de méthode.

Les catholiques ont posé en principe qu'il était la seconde personne de la trînilé divine, les protestants qu'il était Dieu ou inspiré de Dieu.

Dès lors, à l'exemple de Xénophanc effaçant les traits anthropomorphes qu'Hésiode et Homère avaient attachés aux figures divines, ils ont été conduits à rejeter, comme des erreurs de biographes ou de copistes, tout ce qui leur paraissait illogique ou scandaleux dans les actes ou les paroles du Nazaréen.

Dans sa parabole de l'Econome infidèle, Jésus conseille — et tout le monde est d'accord sur le sens de ses paroles — Jésus conseille, dis-je, de pratiquer, en certaines circonstances, la fraude et le vol.

M. Albert Réville, qui, avant d'être professeur au Collège de France, avait été pasteur de l'Eglise wallonne de Rotterdam, se refuse à admettre une pareille déviation du sens inoral chez le fondateur de la religion chrétienne, et rend l'évangéliste responsable de cette parabole, « si contraire, dit-il, à la délicatesse de Jésus ».

Autrement dit, il affirme à priori la délicatesse de Jésus, et, se basant sur cette conception idéale, supprime, sans aucune raison, un fait naïvement rapporté dans les évangiles.

En réalité nous retrouvons, chez ces rigides protestants, la manière de penser des vrais alexandrins, des Philon, des Barnabas, des Clément et des Origène, qui interprétaient les évangiles au gré de leur fantaisie.

Aussi Renan et Strauss ont-ils eu raison de dire qu'un théologien ne peut être en même temps un historien, parce que l'historien doit être désintéressé et que le théologien a toujours en vue l'intérêt de son dogme.

Il n'en est pas moins vrai que le plupart des laïques ont commis la même faute de méthode que les théologiens. Ils ont affirmé que Jésus était un homme supérieur, sans s'être demandé s'il avait réellement donné des preuves d'une intelligence extraordinaire ou d'une énergie peu commune, s'il avait forgé des idées nouvelles, s'il avait fondé, par lui-même, de nouvelles institutions.

C'est ainsi que, négligeant toute enquête préalable, Ernest Renan en fait un « homme divin », Paul de Régla le plus divin des révolution-

naires, Jules Souryun homme de génie. — Aussi ces auteurs s'égarent-ils, comme les théologiens, dans le désert sans bornes de l'interprétation fantaisiste.

D'après l'évangéliste Jean, Jésus, voulant échapper à la surveillance de ses frères, leur déclare qu'il ne se rendra pas à Jérusalem pour la fête des Huttes dite des Tabernacles, puis s'y rend en cachette par une autre roule.

Il a donc menti. Paul de Régla se refuse à le croire : « Jésus était irop grand, dit-il, il portait trop en lui-môme la foi en la pureté de son oeuvre, pour que nous puissions admettre un instant qu'il soit descendu au niveau de ses compatriotes, pour qui avait été fait le proverbe encore plein d'actualité en Syrie : « Le mensonge est le sel de l'homme ».

La vérité est que ces divers auteurs, soumis dès l'âge le plus tendre aux suggestions leïigieuses qui n'épargnent aucun de nous, ne surent pas s'en dégager complètement.

Après avoir cru que Jésus était un Dieu, ils ne purent se convaincre qu'il était un hor..me. Ils dépouillèrent l'idole de ses attributs divins. Ils n'osèrent pas la descendre de son piédestal. Ils furent aussi hypnotisés par l'étendue de la chrétienté et par la puissance de l'église catholique dont ils eurent tendance à confondre l'œuvre avec l'œuvre du Nazaréen.

Victimes des suggestions reçues, ils furent encore victimes de leur imagination. A l'aide d'images empruntées à la légende, ils forgèrent un Jésus idéal, un héros de poème, un personnage de roman.

Certes il n'est pas interdit à l'homme de science d'être un artiste à ses heures, mais, lorsqu'il s'emploie à la recherche de la vérité, il doit faire litière de toute considération artistique et ne pas imiter Pindare qui s'ingéniaità moraliser les dieux.

C'est ce qu'oublia Ernest Renan.

Proudhon, qui a laissé les éléments d'un livre sur Jésus, a jugé avec une grande franchise l'œuvre d'Ernest Renan.

Rappelant un mot de Jean-Jacques Rousseau, il s'exprime en ces termes : a Rousseau était un idéaliste, un artiste, un philosophe... Ce qui le charmait surtout en Jésus, c'était le côté sentimental, poétique, idéal. Il ne faisait, en niant la divinité de Jésus et ses miracles, que lui continuer le culte des chrétiens orthodoxes ou non orthodoxes. M. Renan a repris la thèse de Jean-Jacques Rousseau. Il a fait de Jésus un être poétique et fantastique, un joli garçon qui séduit le cœur des femmes, comme un jeune sous-diacre séduisant ses pénitentes ».

De son côté Albert Rcville, qui était en droit de s'appliquer tel passage où Renan compare les théologiens protestants à des oiseaux amputés de leurs ailes, a su rappeler avec à-propos à l'auteur de l'Abo>--$L' de Jou&rre la parabole de la paille et de la poutre : - On peut craindre que chez lui, dit-il, l'artiste n'ait parfois entraîné l'historien à se représenter les choses sous un jour contre lequel la réalité proteste, et le premier devoir de l'historien est pourtant de serrer la réalité du plus près qu'il est possible, a

Nul plus que moi, Messieurs, n'admire Ernest Renan. C'était un homme d'une vaste érudition et d'une intelligence supérieure, un historien précis et clairvoyant, lorsque l'artiste en lui n'étouffait pas l'homme de science, un styliste qui n'ignorait rien des délicatesses de la langue française. Mais quel grand homme n'eut â souffrir de son éducation? Ernest Renan, destiné à la prêtrise, a passé par Sainl-Sulpice, et il en a gardé la fatale empreinte.

Dans son parti-pris d'exalter Jésus, de louer sans restriction tous ses actes et toutes ses pensées, de voir en ce thaumaturge un grand moraliste, il en arrive à excuser, en faveur du but à atteindre, l'imposture, le mensonge et le faux:

« Il nous est facile à nous autres, impuissants que nous sommes, dit-il au sujet de la résurrection de Lazare, d'appeler cela mensonge, et, fiers de notre timide honnêteté, de maltraiter les héros qui ont accepté dans d'autres conditions la lutte de la vie. Quand nous aurons fait avec nos scrupules ce qu'ils firent avec leurs mensonges, nous aurons le droit d'être sévères. »

Cette morale-là, Messieurs, nous la connaissons. Nous savons d'où elle émane. L'auteur des Lettres à un Provincial nous en a fait connaître l'origine. Il y a trois siècles qu'elle est jugée, et je renvoie le grand Ernest Renan au grand lîlaise Pascal.

Les exégètes laïques furent aussi victimes de leur sentimentalité. Or, l'homme de science, pendant le temps qu'il s'emploie à la recherche de la vérité, doit demeurer impassible.

Lorsqu'Ernest Renan vient nous dire que « Jésus ne doit pas être jugé sur la règle de nos petites convenances », il se trompe étrangement. La science n'a à se soucier ni des petites ni des grandes convenances. Le baisemain n'est pas son fait. Et c'est d'un geste, sinon brutal, du moins hardi et résolu qu'elle déchire la robe de Psyché et le voile du temple.

De même, lorsque Jules Soury nous avoue qu'il craint, en disant toute sa pensée sur Jésus de Nazareth, de « blesser des croyances religieuses qu'il vénère d'amour filial u, il nous explique du même coup pourquoi il n'a pu, lui neurologiste ëminent, arriver à un diagnostic qui s'impose avec la force de l'évidence. L'auteur du Système nerveux central nous a donné ainsi le spectacle unique à notre époque d'un savant épouvanté par la vérité.

Ah ! Messieurs, la société n'a rien à redouter de ta vérité, rien de bon à attendre de l'erreur. L'erreur a été la source de toutes les douleurs humaines, j'entends des douleurs du plus grand nombre au profit d'une minorité; alors que la vérité est, pour l'immense majorité des hommes, la condition indispensable du bien-être et du bonheur.

Si Galilée, si Harvey, si la huilante avant-garde des encyclopédistes n'avaient su braver les anathèmes des conciles, le dédain des académies ou la colère des foules, nous ignorerions encore que la terre tourne et que te sang circule, l'épanouissement scientifique du xixc siècle n'aurait.

pas eu lieu, et nous serions encore plongés dans les ténèbres et l'épouvante des temps barbares.

Prudence inutile ! Craintes vaines ! Aucune force n'a réussi à étouffer la raison, et il n'est pas deynurailles que n'ait renversées, il n'est pas d'obstacles que n'ait franchis, la divinité sereine et flamboyante qui entraîne l'humanité à sa suite, qui dissipe ses craintes, apaise ses douleurs, et répand sur elle à pleines mains la volonté, la joie et la gloire de vivre : l'invincible Vérité !

Je viens de passer en revue, Messieurs, les causes d'erreurs auxquelles sont exposés les psychologues et avec eux les historiens et les biographes, auxquelles furent exposes par conséquent les évangélistes.

De ce qu'elles sont nombreuses et inhérentes à la nature humaine, faut-il conclure que les documents fournis par l'histoire n'ont aucune valeur scientifique. Faut-il faire fi des observations accumulées au cours des siècles, parce que leurs auteurs n'eurent point à leur disposition l'arsenal, bien pauvre encore et d'application bien restreinte, de nos laboratoires de psychologie.

Si telle était ma pensée, je ne serais pas au milieu de vous. Nos bibliothèques contiennent un minerai psychologique d'une valeur considérable et facile à exploiter. Pour en extraire l'or, il suffit de se conformer aux règles suivantes, applicables à tous les livres d'histoire y compris les évangiles.

Il est extrêmement rare — et ceci est un fait d'observation — que des écrivains donnent pour historiques des faits qu'ils ont inventés de toute pièce.

En conséquence, tout fait donné pour historique doit être tenu pour vrai jusqu'à preuve du contraire :

i" S'il n'est pas établi que l'historien est un homme de mauvaise foi ;

2° Si ce fait n'est pas en contradiction évidente avec les lois de la nature;

3° S'il n'est pas en contradiction évidente avec d'autres faits rapportés par des historiens d'une valeur au moins égale.

La plus grande erreur du xvme siècle fut d'expliquer toute l'histoire religieuse par l'imposture. Volney et Dupuis n'allèrent-ils pas jusqu'à nier l'existence du Christos et à voir en lui la personnification du soleil!

C'est aussi pour avoir négligé cette règle que Strauss se perdit dans le mythisme, suppléa à son ignorance ou à son incompréhension des phénomènes psychopathologiques par l'allégorie et le symbole, et en arriva à effacer dans les évangiles, jusqu'à la rendre indistincte, la personnalité de Jésus.

Un autre fait d'observation est que les hommes capables de dominer leur imagination, leurs sentiments et leurs émotions, capables de photographier les faits avec la précision d'un appareil parfaitement achromatique sont extrêmement rares.

Aussi faut-il avoir soin, lorsqu'on se livre à un travail de psychologie historique, de dégager les faits de leur interprétation.

Telles sont, Messieurs, les règles que je me propose de suivre dans mon analyse des évangiles.

J'étudierai Jésus de Nazareth, non pas en théologien catholique comme le Père Didon, non pas en théologien protestant comme Albert Réville ou Edmond Stapfer, non pas en mythologue comme Strauss, non pas en poète comme Ernest Renan, non pas même en historien comme Peyrat, je l'étudierai en anthropologiste.

Après avoir montré que tous ces auteurs eurent parfaitement raison d'accorder créance aux évangiles canoniques, que ces évangiles sontdes biographies naïves et sincères d'une valeur historique incontestable, que les légendes qui y furent incorporées aisément reconnaissables, et qu'il est facile de les en débarrasser, je ferai l'analyse de ces biographies.

J'étudierai la famille de Jésus, son père, le dévot charpentier de Nazareth, sa mère, la dévote Myriam, ses frères et sœurs, depuis ceux qui, au témoignage des évangélistcs Marc et Jean, le ienaienf pour fou et ne croyaient pas en sa mission divine, jusqu'à ce Iaàkob, dit Jacques le petit qui, atteint de la même affection mentale que son frère, fut, au témoignage d'Eusèbe, précipité par les juifs orthodoxes du haut du temple de Jérusalem.

Je dirai ce que nous savons de la constitution physique, de la grâce et de la faiblesse du Messie. J'essaierai de jeter quelque lumière sur cette crise d'angoisse avec sueur sanglante dont parle l'évangéliste Luc, sur l'impossibilité où il fut de porter l'instrument de son supplice, sur sa mort rapide en croix, et sur le fait, rapporté avec tant d'insistance par l'évangéliste Jean, qui vit jaillir de la poitrine du crucifié percé d'un coup de lance un mélange de sang et d'eau.

Je rendrai évidente l'ignorance absolue du Nazaréen à l'égard de la science grecque et romaine de son temps.

Je dirai comment il s'assimila des maximes venues de l'Inde, de la Perse, de l'Assyrie, de la Babylonie et dont beaucoup se trouvaient déjà dans l'Ancien Testament. Je dirai ce qu'il y a de bon et de mauvais dans cette morale, qui n'a rien de personnel et qui, à l'égard de la morale bouddhiste, constituait un recul.

J'expliquerai l'origine de ses idées sur Dieu, les Anges, les Démons, le jugement dernier, le paradis, le royaume de Dieu et l'enfer.

Je montrerai où il puisa l'idée du Messie, et comment il en arriva à croire à sa propre messianité.

J'étudierai sa mémoire, la tournure de son imagination, son goût de l'allégorie et de la parabole.

Je rapporterai ses hallucinations visuelles et verbales, celle du baptême, celles du désert, celle de la nuit de l'arrestation, et ferai voir qu'elles sont identiques à celles que nous constatons chez les fous mystiques de nos asiles.

Je dirai ce qu'il faut penser de son intelligence, et comment chez lui, à l'incohérence des idées, à la faiblesse du jugement et du raisonnement t

s'unissait une finesse touchant à l'astuce, un à-propos touchant à l'esprit.

Je parlerai de ses émotions, de son penchant à la tristesse et à la mélancolie, de son égoïsme, de son maladif orgueil, de son indifférence à l'égard de sa famille, de sa sympathie pour les déclassés, les publi-cains et les prostituées, de sa haine des riches et des pharisiens, de ses accès de colère.

Sa manière de s'exprimer, ses expressions familières, ses néologis-mes — si voisins de ceux qui ont été catalogués dans ces derniers temps par les aliénistes — nous arrêteront un instant.

J'attirerai votre attention sur la bizarrerie de ses attitudes et de ses gestes, sur l'impulsivité et l'incohérence de ses actes, depuis la malédiction du figuier jusqu'aux voies de fait dirigées contre les marchands d'offrandes du temple de Jérusalem.

Je le suivrai au cours de ses pérégrinations, de ses accès de dromo-manie, de sa vie de vagabond et de mendiant.

Et peut-être sortira-t-il de cette étude, attentive, consciencieuse et impartiale, un Jésus nouveau, inédit, d'une silhouette et d'une physionomie précises, auréolé de la seule auréole qui lui convienne, la lumière magique de l'orient.

Peut-être aussi arriverez-vous à vous convaincre que. depuis dix-neuf cents ans, l'humanité occidentale vit sur une erreur de diagnostic.

Du moins j'ose espérer que, dépouillant en entrant ici toutes idées reçues, tous préjugés et toutes préventions, vous écouterez ma démonstration avec le calme que j'emploierai à la faire, et aussi avec l'indulgence à laquelle a droit tout homme qui s'efforce, d'un esprit courageux et d'un cœur sincère, vers l'éternelle vérité !

Discours de M. Bienvenu-Martin

Sénateur, ancien ministre de l'Instruction publique.

Mesdames, Messieurs,

Je remercie la direction de l'Ecole de psychologie de m'a voir invité à sa séance de réouverture. Déjà, l'année dernière, j'avais reçu une semblable invitation ; je n'ai pu m'y rendre et je l'ai regretté, car j'eusse été heureux d'attester par ma présence l'intérêt qui s'attache à vos travaux, et de montrer que le gouvernement de la République ne doit pas se préoccuper seulement de nos établissements d'Etat, mais qu'il doit porter son attention et sa sollicitude partout où l'on cultive la science, et que les chercheurs libres ont des titres, eux aussi, à ses encouragements.

Sï je n'ai pu venir au milieu de vous comme ministre de l'Instruction publique, j'ai eu, du moins, la satisfaction de donner à l'Ecole de psy-

chologie un témoignage de haute estime en faisant décerner à celui qui l'a fondée et qui en est resté l'âme, à M. le docteur Edgar Bérillon, la croix de la Légion d'honneur. Il avait bien gagné cette récompense nationale par ses travaux remarquables poursuivis pendant plus de vingt ans avec un succès croissant. Aussi ses maîtres, ses collègues et ses amis l'ont ils solennellement ratifiée dans une imposante manifestation à laquelle il m'a été agréable d'assister.

Je suis venu aujourd'hui sans caractère officiel, mais à défaut de l'autorité que donne la fonction ministérielle, je vous apporte un sentiment très vif de sympathie pour votre œuvre.

L'Ecole de psychologie est une des créations les plus originales de notre temps. Elle a d'abord le rare mérite de s'être formée sans intervention administrative, sans subsides budgétaires ; si elle existe, c'est par la seule vertu de l'initiative individuelle, d'où elle est sortie et qui la soutient ; si elle prospère, c'est grâce au concours désintéressé d'une pléiade de professeurs distingués, — nous en applaudissions un il y a quelques instants, — c'est aussi grâce à l'appui moral d'un comité de patronage composé d'hommes éminents, et à la tète desquels nous trouvons l'illustre savant Berthelot. La plupart d'entre eux, — particularité qui m'a frappé, — ont occupé ou occupent encore avec éclat des chaires de l'Etat: leur adhésion n'est-elle pas une preuve décisive des services que rend l'Ecole de psychologie et du rûle d'auxiliaire et de stimulant qu'elle remplit à l'égard de l'enseignement public ?

Notre glorieuse Faculté de médecine qui s'élève tout près d'ici n'a pas à prendre ombrage de sa jeune voisine; elle peut même la regarder avec fierté ; celle-ci n'est-elle pas un peu son enfant, non pas certes un enfant terrible, mais un enfant émancipé qui s'est élevé tout seul, et qui a su se constituer dans le vaste domaine de la science, un champ qui est bien à lui, et où il a déjà fait de fructueuses récoltes.

Née de la liberté, l'Ecole de psychologie ne vit que par la liberté. Son programme —dont M. le docteur Bérillon nous faisait tout à l'heure l'exposé en termes si nets et si suggestifs, — démontre l'étendue et la variété de ses recherches. Ses professeurs s'attaquent aux sujets les plus graves, je dirai volontiers les plus délicats — et ils le font avec une indépendance d'esprit, un sens critique, un souci de l'impartialité qui ne faiblissent ni devant les dogmes ou les légendes les plus répandues, ni devant les théories régnantes ou les systèmes. La belle leçon que vous venez d'entendre en est un exemple.

Nous sommes de libres intelligences, nous avons le droit de tout connaître et de regarder la vérité en face.

La vérité, M. le docteur Binet-Sanglé vient d'en faire un magnifique éloge, et il est dificile "d'en parler dans un plus beau langage. Je me bornerai à ajouter que la vérité n'est jamais dangereuse, que c'est l'erreur, au contraire, qui peut être un péril, car elle engendre les préjugés, les vaines terreurs, les malentendus, les déceptions et les haines.

et je rappellerai cette parole, d'un grand esprit qui a lutté pour la vérité, Gaston Paris : il a dit que l'amour et le respect de la vérité était la plus haute vertu qu'on pût inculquer à l'âme d'un peuple.

Pendant longtemps, la psychologie était une étude sèche et un peu stérile, limitée qu'elle était à l'analyse abstraite des facultés de l'âme. Elle est aujourd'hui une science véritable que vous avez su rendre vivante et féconde en lui adaptant les procédés scientifiques, la méthode expérimentale. Et vous en avez dégagé d'utiles applications pour la thérapeutique et la pédagogie.

J'ai entendu M. le docteur Berillon proclamer que la psychologie était la science de l'éducation du caractère et de la volonté. Si ce n'est pas là l'unique objet de la psychologie, c'en est, du moins, l'essentiel. Les facultés les plus brillantes peuvent être stériles, et même devenir malfaisantes si elles ne sont pas mises en œuvre par une volonté ferme et droite. Si notre volonté est inerte ou vacillante, si elle cède à des impulsions mauvaises, cela tient souvent à la fragilité de nos organes, à des influences morbides, à une éducation incomplète ou vicieuse. Il importe donc de démêler scientifiquement les causes des défaillances ou des dérivations de la volonté pour arriver plus sûrement à la fortifier ou à la redresser. Et c'est le but de la psychologie telle que vous, la comprenez.

Il est une question qui vous préoccupe spécialement et que je me reprocherais de passer sous silence, c'est celle des enfants anormaux. Pendant trop d'années, la seule assistance que l'on a su donner à ces malheureux, victimes innocentes, pour la plupart, des fatalités héréditaires, a été le placement dans une maison de correction ou dans un asile d'aliénés, traitement barbare qui n'était qu'un triste aveu d'impuissance. L'observation a montré que beaucoup de ces infortunés étaient éducables, mais à la condition de leur appliquer des méthodes appropriées à leur état. Vous avez résolument abordé ce grave sujet et montré les distinctions nécessaires qu'il convenait d'établir. J'espère que vos recherches pourront guider les pouvoirs publics dans l'accomplissement du devoir de solidarité qu'ils ont à remplir envers ces déshérités et qui ne saurait être différé davantage.

Messieurs, la science a devant elle des horizons illimités; mais de tous les objets qu'elle peut embrasser, le plus noble, le plus digne de ses efforts, le plus attachant, ce sont les éternels problèmes de l'âme humaine, c'est l'étude de ses grandeurs et de ses misères, de ses chutes et de ses relèvements, des tares et des impulsions vicieuses qui la dégradent, et des ressources infinies qu'elle recèle. C'est là la mission que s'est assignée l'Ecole de psychologie. En s'y consacrant avec passion, avec désintéressement, avec succès, elle sert bien la patrie et elle travaille pour le progrès social.

Séance du mardi 18 décembre 1906. — Présidence de M. le D' Voisin.

La séance est ouverte à 4 h. 45.

Le procès verbal de la dernière séance est lu et adopté.

M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres de MM. les docteurs Egrot (d'Alger) et Bony, ainsi qu'un ouvrage de M. le Dr Mayoux, L'Education des sexes.

Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites ainsi qui! suit :

1° Dr Bérillon. — L'initiation sexuelle.

2° MM. Lépinay et Grollbt. — Les tics chez les animaux.

Discussion : MM. Bérillon, Félix Regnault, Bahaddin-Chakir-Bey, Lionel Dauriac, Paul Magnin.

3° Dr Damoglou (du Caire).— Action de la suggestion hypnotique sur le développement de la mémoire.

M. le Président met aux voix les candidatures de MM. les docteurs Courjon, directeur de l'Asile de Meyzieu (Isère) et Paschantoni (de Genève), qui sont élus, à l'unanimité, membres titulaires de la Société.

La séance est levée à 6 h. 55.

L'initiation sexuelle

par M. le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole île psycholo(rie.

D'une façon générale, les enfants normaux, tenus à l'écart des influences pernicieuses, restent tout-à-fait indifférents aux questions sexuelles jusqu'à l'âge de la puberté. L'apparition des fonctions génitales à l'époque de la puberté s'accompagne d'aspirations sexuelles, mais elles sont vagues et imprécises.

Cet état d'indétermination sexuelle persiste le plus souvent jusqu'à ce qu'une initiation, ou même une véritable corruption calculée, apporte à l'adolescent des notions précises qu'il n'avait pas soupçonnées jusqu'alors.

Tandis que les notions sexuelles survenues sous l'influence des conversations, des exemples, ne laissent dans l'esprit que des impressions passagères et fugitives, les leçons données par un initiateur pervers laissent des impressions profondes, capables de se répercuter sur la vie génitale tout entière. C'est donc à tort que certains puritains s'inquiètent des mauvais exemples qui, dans les rues, s'offrent à la vue des enfants. Les images plus ou moins licencieuses, n'exercent pas davantage une impression durable. Ce ne sont pas dans des influences superficielles qu'il faut chercher les causes de la corruption profonde, mais dans la mauvaise fréquentation. C'est dans l'action suggestive exercée par un

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

esprit pervers sur un autre plus naïf et plus suggestible que réside le danger.

Je pourrais citer plusieurs faits dans lesquels les impulsions vicieuses ont eu comme point de départ très positif l'accomplissement d'actes inspirés ou conseillés par un initiateur dépravé. La première sensation éprouvée avait été enregistrée par la mémoire du sujet initié avec une telle intensité que le souvenir de l'initiation se représentait dans tomes les circonstances de sa vie sexuelle. Ses habitudes sexuelles se trouvaient désormais dans une dépendance étroite avec la première sensation et le réflexe génital n'était plus réveillé que par des idées se rapportant à cette sensation.

Il y a à ce sujet un exemple classique, c'est celui du jeune homme qui, ayant été initié à la vie sexuelle par une soubrette, ne put, lorsqu'il se fut marié, réaliser l'acte sexuel que dans une chambre de bonne, au sixième étage, après avoir orné sa femme d'un tablier blanc, inspirateur de son désir et de sa puissance.

Les auteurs qui se sont livrés à l'étude de ces faits de fétichisme les ont placés sous la dépendance de la dégénérescence mentale héréditaire ; ils n'ont pas vu qu'il était plus légitime d'en placer la cause dans une initiation défectueuse à la vie sexuelle.

Cela tient à ce qu'ils n'observent pas, comme nous avons si souvent l'occasion de le faire, l'hypersuggestibilité qui caractérise l'état mental des adolescents.

Chez les adolescents et chez les jeunes gens la suggestibilité est si développée qu'ils se placent facilement d'eux-mêmes dans des états de conscience analogues aux états d'hypnotisme. C'est lorsqu'ils se trouvent dans ces états d'attente affective, de désir, de monoïdéisme, d'ex-pectant attention, la désignation importe peu, qu'ils reçoivent leur première éducation sexuelle. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les idées introduites par l'initiateur se comportent comme des suggestions faites, dans l'état d'hypnotisme, à un sujet très hypnotisable. De là, la ténacité et la fixité des premières impressions normales ou anormales de la vie sexuelle.

Les succès très frappants observes dans le traitement des impulsions sexuelles anormales (inversion et perversion sexuelle, fétichisme, onanisme, etc.) par la suggestion hypnotique indiquent que le point de départ de ces impulsions réside bien plus dans une mauvaise initiation à la vie sexuelle, que dans un état de dégénérescence.

A cette notion il conviendrait d'en ajouter une autre, c'est que la mesure de la suggestibilité chez les enfants et les adolescents devrait figurer au nombre des renseignements que les parents doivent acquérir sur l'étal psychologique et mental de leurs enfants. Dans les cas où l'on constaterait une exagération de la suggestibilité, il conviendrait d'en limiter les inconvénients à l'aide d'une éducation spéciale. Cette intervention constitue à nos yeux un des chapitres les plus intéressants de la psychothérapie préventive.

Séance du 15 janvier 1907. — Présidence de M. le D' Jules Voisix.

La séance est ouverte à 4 h. 45.

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.

La correspondance comprend des lettres d'excuses des D" Paul Magnin, Haluz, Henry Lemesle (de Loches), Paul Joire (de Lille, etc.)

Les communications sont faites dans l'ordre suivant :

D'Lagrange (de Vichy) : Psychologie de l'entraînement. Discussion : D' Bérillon, Dr Bahaddin Chakir-Bey (de Constantinople), Pr Lionel Dauriac.

M. Lionel Dauruc : Le retour de la conscience après l'évanouissement. Discussion : Dr Bérillon, D'Farez, Dr D;monehy,

Df Damogloc : Un cas de toxicomanie traité avec succès par la suggestion hypnotique.

M. le président met aux voix les candidatures de MM. Dr Frantz Glé-nard, de Vichy ; Dr Antheaume, médecin en chef de la maison nationale de Charcnton ; professeur Mohamed-Ubeyd-Oullah (de Constantinople) ; Scié-Ton-Fa (de Sanghaï) ; D' Loufti (de Constantinople) ; DT Mayoux, de Paris. Elles sont adoptées à l'unanimité.

La séance est levée à 6 h. 45.

La Psychologie de l'Entrainement

par M. le Dr Fernand LaGRange, Médecin consultant à Vichy.

On appelle état d'entraînement, l'ensemble des perfectionnements qui se produisent dans tes organes et les fonctions de tout être vivant, sous l'influence d'un exercice corporel régulièrement pratiqué.

Chez l'homme, l'état d'enlrainement se produit souvent sans qu'on le recherche, et par le fait même des occupations professionnelles, quand le sujet exerce un métier manuel exigeant des mouvements d'une certaine énergie. Mais souvent la recherche de cet état est l'unique objectif du travail corporel que l'homme s'impose volontairement. C'est ce qui arrive quand on pratique les exercices physiques, dans le but d'y acquérir une certaine supériorité.

Sans avoir besoin d'être compétent en matière de sport, tout le monde sait, d'une manière générale, que la pratique habituelle des exercices du corps rend l'homme plus fort et plus résistant à la fatigue. Ce sont là, en effet, les deux perfectionnements principaux qu'apporte l'entraine-ment dans les aptitudes physiques de l'homme. Ils se produisent très rapidement, quand l'exercice est conduit avec méthode et suivant une progression régulière.

Pour fixer les idées, prenons l'exemple d'un homme bien portant et bien constitué, qui n'aurait jamais fait aucun exercice physique et supposons qu'il veut s'exercer à soulever des haltères. Admettons qu'au début de son entraînement le poids le plus lourd qu'il puisse enlever

de terre à bout de bras et porter au-dessus de sa tète ne dépasse pas

10 kilos. Admettons aussi que, s'il cherche à répéter cet effort à intervalles réguliers, toutes les 10 secondes par exemple, il ne puisse le renouveler que cinq fois. Le nombre de kilos soulevés à chaque mouvement indiquera le degré de sa force et celui des mouvements qu'il peut répéter sans se reposer marquera la limite de sa résistance à la fatigue.

Si le sujet exécute méthodiquement son exercice chaque jour, en cherchant à augmenter le poids de l'haltère soulevé et le nombre des mouvements effectués, nous aurons le tableau d'une expérience d'entraînement aussi élémentaire que possible, mais aussi démonstrative qu'on puisse le souhaiter. En effet, au bout de six semaines d'exercice persévérant et progressif, le sujet arrivera sûrement à déplacer un haltère deux fois plus lourd qu'à ses débuts et à le soulever un nombre de fois double : il aura doublé la force et la résistance de ses bras.

Comment s'explique ce résultat? Si nous examinons les bras de notre sujet après l'entrainement et que nous les comparions à ce qu'ils étaient avant, nous allons y trouver des changements qui semblent bien nous donner la raison de leur augmentation de force. Leur aspect général n'est plus le même : les tissus graisseux semblent en avoir presque complètement disparu, tandis que les muscles ont augmenté de volume, sont devenus plus secs, plus saillants et plus durs. Or, l'on sait que la force d'un muscle est en proportion de son volume et de sa densité. On sait aussi que l'abondance de la graisse peut entraver la contraction du muscle et gêner les mouvements.

Il s'est donc produit, dans les organes qui exécutent le travail, des changements matériels capables d'augmenter leur aptitude à travailler. Ce fait se rattache à une loi générale : le fonctionnement répété d'un organe quel qu'il soit modifie toujours cet organe dans un sens favorable à l'accomplissement de la fonction. C'est ce qu'on exprime en disant que * la fonction fait l'organe ».

Ainsi l'augmentation de volume et de densité du muscle, par le fait même de son travail, explique l'augmentation de sa force chez l'homme entraîné.

Mais ce n'est pas tout. L'homme entraîné n'est pas seulement devenu plus fort, c'est-à-dire capable de faire un effort musculaire plus grand;

11 est devenu plus résistant à la fatigue, c'est-à-dire capable de répéter plus souvent cet effort et de le continuer plus longtemps. Comment expliquer ce second perfectionnement de ses aptitudes physiques? Il semble être, au premier abord, une conséquence du premier. On serait assez disposé à admettre qu'ayant à sa disposition une plus grande somme de force, l'homme entraîné puisse l'utiliser à faire un plus grand nombre d'elTorts et, par conséquent, travailler plus longtemps sans fatigue. Et cela serait tout à fait vrai si la fatigue n'avait pas d'autres causes que l'épuisement du muscle. Mais il y a beaucoup d'autres conditions qui peuvent la provoquer.

Voici, par exemple, un homme qui court à toute vitesse. Chez celui-là ce n'est pas l'épuisement des muscles qui le forcera à interrompre l'exercice. Ce sont tes jambes qui travaillent, mais c'est le poumon qui se fatigue. Quand le coureur s'arrête, ce n'est pas qu'il ait épuisé ses forces, c'est qu'il n'a plus de souffle.

L'essoufflement peut se produire de même dans l'exercice pris tout à l'heure pour exemple, le poids de l'haltère est assez lourd et les mouvements du bras assez rapides; car c'est la forme que revêt presque toujours la fatigue, dans les exercices de vitesse et de force. Le défaut de résistance à la fatigue vient donc souvent du manque de souffle. Or, l'entraînement rend l'homme plus résistant à l'essoufflement, aussi bien qu'à la fatigue musculaire. En s'exerçant à la course, on acquiert la faculté de courir plus vite et plus longtemps sans s'essouffler. — Mais, là encore, nous allons trouver, dans les organes, des modifications matérielles qui semblent suffisantes pour expliquer le fait.

L'essoufflement est dû à l'insuffisance de la respiration, par suite de l'augmentation de travail que doivent subir, pendant tes exercices de vitesse et de force, deux organes intimement associés au fonctionnement des muscles : le cœur et le poumon. Quand les muscles font beaucoup de travail en peu de temps, ils produisent plus d'acide carbonique que le poumon n'en peut éliminer et consomment plus d'oxygène qu'il n'en peut introduire dans le sang. Le liquide sanguin se trouve ainsi privé d'oxygène et chargé d'acide carbonique. D'autre part ce liquide, pour se débarrasser du gaz qui l'empoisonnait et absorber l'oxygène qui lui fait défaut, doit se-porter au poumon en plus grande abondance qu'à l'état de repos ; et c'est le cœur qui doit l'y pousser. Il arrive donc que le cœur pour répondre aux exigences plus grandes de la circulation pulmonaire, est obligé d'imprimer au sang une poussée beaucoup plus énergique. De là un supplément d'effort qui l'épuisé rapidement. Aussi, dès que le travail des muscles arrive à un degré de vitesse ou d'énergie qui dépasse l'aptitude fonctionnelle du cœur et du poumon, voit-on se produire l'essoufflement, qui n'est autre chose qu'un commencement d'asphyxie.

Ce rapide exposé du mécanisme de l'essoufflement nous permet de conclure que l'homme y résistera d'autant mieux que la capacité fonctionnelle de son cœur et de son poumon sera plus grande. Or, il se trouve, justement, que la pratique des exercices de vitesse produit dans ces deux organes des modifications qui augmentent leur aptitude à fonctionner. Sous l'influence de l'entrainement, le poumon semble s'ouvrir davantage; sa capacité augmente très notablement, par le déplissement plus complet de toutes ses cellules. Les mensurations faites par plusieurs physiologistes et, notamment par Marey, montrent que le périmètre du thorax peut gagner plusieurs centimètres en quelques semaines et que l'air introduit dans la poitrine, à chaque respiration, dépasse d'un tiers la quantité qu'y faisait entrer le sujet avant l'entraînement. D'autre part, on sait que le cœur, organe musculeux, se fortifie, comme tous les muscles, par le fait même du supplément de travail que

l'entraînement lui demande et devient plus charnu, plus ferme, plus apte à faire des efforts énergiques sons faiblir.

Ici, encore, on le voit, la plus grande aptitude des organes à résister à la fatigue peut s'expliquer par un perfectionnemeni d'ordre purement matériel.

Nous trouverions de même, chez l'homme entraîné, des modifications organiques capables d'expliquer, — au moins dans une certaine mesure, — sa résistance à toutes les autres formes de la fatigue, que nous n'avons pas le temps d'étudier ici en détail. C'est ainsi que le perfectionnement des organes d'excrétion tels que le rein et la peau, les modiûcations de la composition chimique du sang et des humeurs, l'activité plus grande imprimée à toutes les fonctions de nutrition, expliquent l'immunité de l'homme entraîné pour la fatigue tardive, celle qu'on voit se produire souvent en plein repos, le lendemain d'un exercice violent chez l'homme qui n'y est pas habitué. Au lendemain d'une marche forcée, on a les jambes raides, la léte lourde, le pouls agité, la peau brûlante. C'est la courbature. J'ai démontré, il y a déjà longtemps, que cette forme de la fatigue était due à une intoxication du corps par les résidus organiques résultant de l'usure exagérée des tissus vivants sous l'influence de l'excès de travail. Chez l'homme entraîné, les tissus vivants résistent mieux au travail et font moins de déchets, et. d'autre part, les organes éliminateurs fonctionnent assez activement pour débarrasser le sang des produits toxiques dûs au fonctionnement des muscles. L'auto-intoxication et les malaises qui en résultent peuvent ainsi être évités, et la fatigue tardive ne se produit pas.

* •

' Tel est le tableau, forcément très sommaire, des modifications matérielles que produit, dans l'organisme vivant, la pratique habituelle de l'exercice corporel. Elles pourraient, au premier abord, sembler suffisantes pour expliquer le perfectionnement de toutes les aptitudes physiques qu'on observe chez l'homme entrainé. Mais, si on y regarde de près, on aperçoit bien vite, parmi les effets de l'entrainement, des particularités qui ne sauraient être le résultat de causes purement organiques. Ni l'accroissement de la force musculaire, ni la résistance plus grande à la fatigue, ne peuvent s'expliquer sans l'intervention de certains facteurs d'ordre essentiellement psychique.

Et d'abord l'augmentation de volume et de densité des muscles chez l'homme entraîné n'explique pas toutes les particularités de l'augmentation de sa force, pour cette raison que sa puissance de travail continue à croître, au moment où le développement maximum des muscles a été atteint et ne peut être dépassé.

On observe des faits analogues dans tous les organes du corps, chez les sujets entraînés : partout les aptitudes fonctionnelles peuvent continuer à se perfectionner longtemps après que le développement matériel a atteint sa limite extrême. Le fait est très évident dans l'appareil res-

piratoire. J'ai vu des sujets entraînés, dont le poumon ne gagnait plus en volume, la mensuration du périmètre thoracique donnant toujours le même nombre de centimètres, mais dont l'aptitude respiratoire continuait à se perfectionner, comme le démontrait l'augmentation croissante de la quantité d'air inspiré, mesurée au spiromètre.

L'augmentation de la force musculaire, à un moment où les muscles ne peuvent plus augmenter de volume et de masse, est un perfectionnement purement fonctionnel, dont le mécanisme n'est pas du domaine de la nutrition, mais de celui de la psychologie. Certaines facultés intellectuelles et morales sont mises en jeu, dans l'exercice musculaire, et deviennent ainsi, en quelque sorte, des organes du travail. Ces facultés se développent et se perfectionnent par l'entraînement corporel, en vertu de la loi que j'énonçais tout à l'heure « la fonction fait l'organe ».

Il est deux facultés psychiques qui interviennent très activement dans rentrainement, comme facteurs d'augmentation de la force musculaire: l'une, dont l'intervention semble, dès l'abord, très naturelle, la volonté, et l'autre dont on songerait peut-être moins à invoquer l'action comme auxiliaire du muscle, le jugement.

On comprend aisément le rôle de la volonté dans le travail musculaire. Klle commande le mouvement, le détermine et l'arrête à son gré; elle en règle le degré de modération ou d'énergie. Tout effort du muscle étant doublé d'un effort de volonté, celle-ci subit, par cela même, un entraînement parallèle à celui du muscle.

Pour bien comprendre le rôle de la volonté dans le travail musculaire, il faut se rappeler qu'on peut expérimentalement, remplacer son action par celle d'un agent physique et provoquer chez un animal, ou même chez un homme, des mouvements involontaires au moyen de l'électrisation. On peut même, en disposant convenablement l'expérience, faire soulever un poids par les muscles électrisés. Or, on observe que, toutes choses égales d'ailleurs, le muscle pourra soulever un poids d'autant plus lourd qu'il sera actionné par un courant excitateur plus puissant.

Il est absolument conforme aux faits de dire que la volonté agit sur les muscles à la manière d'une excitation électrique, et que la force musculaire développée dans un elîort est d'autant plus grande que l'excitation volontaire est plus énergique; mais il importe de remarquer que, dans les conditions ordinaires, l'homme est loin de pousser jusqu'aux dernières limites le degré d'excitation volontaire qui ferait obéir ses muscles. Il ne va à peu près jamais spontanément au bout de ses forces, à moins que diverses causes morales ne viennent augmenter le pouvoir excito-moteur de sa volonté. Non seulement la volonté commande le mouvement, mais encore elle assure aux muscles actionnés la dose de force qui leur est nécessaire pour obéir : plus l'effort de volonté est intense et plus est abondante la provision d'énergie qui s'échappe des centres nerveux pour aller électriser le muscle.

Nous avons tous en réserve, dans nos cellules cérébrales, une provi-

sion de cette énergie motrice, de nature très mystérieuse encore, et qu'on appelle influx nerveux. Et, malgré les apparences, la somme totale que chacun possède varie très peu d'un homme à l'autre. Ce qui varie beaucoup, c'est la faculté de nous en servir. Il semble que cette richesse accumulée en nous soit enfermée dans un récipient dont ta porte ne s'ouvre que sous la pression de la volonté. Et si la volonté est trop faible, la porte, au lieu de s'ouvrir toute grande, ne sera, pour ainsi dire, qu'entrebâillée : il n'en sortira qu'un faible courant d'énergie, incapable de produire une excitation suffisante. Mais la volonté, comme toutes les facultés actives, se fortifie en raison de l'usage qu'on en fait, et l'entraînement, qui la met constamment en action, l'exerce et lui donne la force d'exciter les muscles assez énergiquement pour développer encore sa puissance de travail, au moment où son volume ne peut plus augmenter. C'est ainsi que l'entraînement n'est pas seulement un procédé de développement des muscles, mais aussi une véritable école de volonté.

Le rôle du jugement, dans l'augmentation de la puissance de travail des muscles, est beaucoup moins direct que celui de la volonté. Le jugement intervient dans l'exécution des mouvements, non pour en augmenter l'énergie mais pour en perfectionner l'exécution. II a un rôle très actif dans un acte auquel participent à la fois l'esprit et le corps et qu'on appelle là coordination des mouvements. C'est grâce aux perfectionnements qu'apporte l'entraînement dans la faculté de coordination, que nous pouvons faire rendre à nos muscles, en les exerçant, une plus grande somme de travail sans leur demander plus d'efforts, et, simplement en utilisant mieux leur force.

(à suture)

PSYCHOLOGIE DE L'ENFANCE

Les enfants menteurs et simulateurs

Les faits de simulation chez les enfants sont beaucoup plus fréquents qu'on ne le pense généralement. Lorsqu'il s'agit de se rendre intéressants, ou simplement d'éviter un travail qui leur déplaît, beaucoup d'enfants et même d'adolescents simulent des maladies qu'ils ne ressentent nullement. Le plus souvent, ils sont encouragés dans leurs mensonges par la crédulité naïve des parents. A l'appui de ce que nous venons de dire, nous signalerons deux faits dans lesquels la simulation a été combinée avec une certaine astuce.

Le premier a été observé par le professeur Hardy et rappelé depuis par M. le docteur Siredey : Une dame vint un jour consulter M. Hardy pour sa fillette âgée de dix à onze ans qui, disait-elle, était atteinte « de la pierre ». A chaque instant l'enfant rendait des pierres en urinant, et la mère avait entendu plusieurs fois le bruit de cailloux tombant sur le

vase quand l'enfant urinait. L'abondance des pierres rendues. l'absence de toute douleur, de tout trouble rénal ou vésical, avaient d'emblée rassuré M. Hardy, clinicien très expérimenté. 11 demanda à pratiquer un examen local que la pudeur de la fillette ne permit pas d'accepter. Il manifesta au moins le désir de voir le corps du délit. Quelques jours plus tard, on lui apporta de l'urine renfermant plusieurs pierres qui avaient été rendues en présence de la mère. Il s'agissait bien manifestement de sable de jardin, mais tous les efforts de M. Hardy pour convaincre la mère furent inutiles.

Les expulsions de pierre se renouvelant indéfiniment, il fut appelé auprès de l'enfant qui consentit à se laisser examiner. M. Hardy trouva le vagin rempli de petits calculs que la fillette y emmagasinait et dont elle s'approvisionnait facilement dans les allées du jardin entourant la maison qu'elle habitait.

Le second cas concerne celui d'une fillette âgée de dix ans et demi, qui fut présentée, par M. le Dr Souques, à la Société médicale des hôpitaux. Voici l'exposé de cette observation :

Juliette T... fut amenée, le 3 novembre, à l'hospice d'Ivry, par sa mère, tourmentée de voir sa fille expulser des vers par le nez en se mouchant. Le fait était authentique ; lagrand'mère, la mère l'avaient constaté de leurs propres yeux. Un de nos confrères, chez qui l'enfant fut d'abord conduite, m'écrit à cet égard : « Je lui ai vu moucher cinq ou six vers en ma présence. Vous dire pourquoi elle mouche des vers est assez difficile. Je crois cependant que quelque mouche aura déposé ses œufs soit dans les cornets, soit ailleurs. -

En interrogeant l'enfant — qui répond avec calme et d'un air naturel — j'appris qu'elle mouchait des vers vivants depuis quinze jours, une trentaine environ par jour. J'ai su, depuis, qu'il lui arrivait parfois de dire à sa grand'mère : j'en sens trois, cinq, etc., et on admirait qu'elle ne se trompât jamais. Elle éprouvait quelques légers maux de tète, disait-elle, des démangeaisons vers la racine du nez, où elle sentait que ¦ ça trottait ». On me montra dans un flacon des larves d'insecte, longues de dix à quinze millimètres, que je vais faire passer sous vos yeux.

Séance tenante, je dis à la fillette de se moucher dans une compresse. Elle se moucha à diverses reprises, et aucun ver ne parut. Mon interne, M. Aynaud, lui fit un lavage du nez, et il ne vint rien : au lavage nasal succédèrent quelques courtes inhalations de formol, et après une heure et demie d'exercices infructueux, convaincu que je me trouvais en face d'une simulatrice, je renvoyai l'enfant en priant sa mère de me la ramener le 5 novembre.

Entre temps, je demandais à mon savant ami, M. Bouvier, professeur d'entomologie au Muséum, de vouloir bien déterminer les vers en question. Voici son intéressante réponse : « Ces larves sont de deux sortes : les unes, de beaucoup les plus nombreuses, sont celles d'un Microlépidoptère du groupe des tortricides ou tordeuses, le Carpocapse des pommes (Carpocapsa pomonella, L.) ; les autres, représentées dans le flacon par

deux exemplaires seulement, appartiennent à la famille des Coléoptères curculionides ou charançons, et au genre B&laninus, et vivent à l'état larvaire dans les noisettes, les châtaignes, les glands, etc.

• Les larves de Carpocapsa pomoneHa vivent dans les pommes, les poires, qui sont dites véreuses et mûrissent avant terme pour tomber précocement. L'œuf du papillon est pondu sur le fruit à peine noué ; la jeune larve pénètre jusqu'au centre, et plus tard creuse une galerie qui s'ouvre à la surface et par laquelle sontrejetées les excréments. Le fruit tombe et les chenilles sortent bientôt, cherchant un abri pour passer leur hiver et filer leur cocon. Elles se chrysalident et éclosent au printemps. »

« Il est difficile de donner un nom d'espèce aux larves de B&l&ninus. Mais peu importe, c'est dans les noisettes, les glands où les châtaignes que ces larves furent capturées. Au printemps, la femelle des Balaninus dépose son œuf à l'extérieur du jeune fruit ; la jeune larve dévore ensuite partiellement les tissus de ce dernier. Puis le fruit tombe, le ver sort par un orifice pratiqué à cet effet, et, enfin, s'enfonce dans la terre et se chrysalide au printemps. »

L'enfant me fut ramenée le 5 novembre et voulut bien rester quelques jours en observation à l'hôpital. Le 3 novembre, elle avait encore dans l'après-midi mouché un ver, coupé en deux tronçons frétillants. Pendant les huit jours qu'elle a passés dans le service, aucune larve n'est sortie de ses narines, M. le Dr Malherbe, qui examina son nez, ne vit rien d'anormal dans les fosses nasales, et trouva la muqueuse pituitairc absolument saine.

Il me reste à ajouter que, lorsque je mis la mère au courant de mes soupçons, elle me donna sur l'imagination de sa fille des détails très suggestifs. Elle l'a laissé à Marly-le-Roi chez sa grand'mère depuis un an, dit-elle, heureuse d'en être débarrassée. Sa fille a une propension exagérée au mensonge et à l'invention. Elle ment à tout propos; elle accuse à tort ses frères de l'avoir maltraitée ; un jour, elle avance — c'était faux— qu'un individu suspect l'avait appelée et poursuivie. Une autre fois, elle arrive en disant qu'un voisin a été attiré dans un guet-apens, à 9 heures du soir, par des hommes masqués qui lui ont coupé le cou. La vérité était moins dramatique : ce voisin s'était simplement pendu. Elle esttellement nerveuse, ajoute la mère, que jenc la crois pas.

Il restait à obtenir l'aveu de l'enfant. Je lui dis brusquement, avant-hier : Où prenais-lu les vers que tu te mettais dans le nez ? Elle répondait qu'elle ne mettait rien dans son nez, et que les vers en sortaient sans qu'elle sût comment ni pourquoi. Elle nia effrontément. Il fallut user tour à tour de menaces, de promesses et de flatteries pour, passez-moi l'expression, lui « tirer les vers, c'est-à-dire le vrai du nez *. Elle finit par avouer qu'elle les prenait dans des fruits véreux et les mettait elle-même dans ses narines.

Elle agissait ainsi, dit-elle, sans aucune répugnance, dans le seul but de se rendre intéressante. Elle n'avait pas besoin, du reste, d'aller les

chercher loin. Sa grand'mère ayant fait avec elle, dans les bois de Marly, une récolte de fruits (châtaignes etc.), elle n'avait qu'à choisir à domicile. Du jour où, soupçonnée, elle entra à l'hôpital, la comédie fut terminée.

Juliette T... est une enfant intelligente. Elle va avec plaisir en classe où elle brille. Mais elle estrusée, vaniteuse, fertile en invention de toute espèce. Je n'ai constaté chez elle aucun phénomène, passé ou présent, d'hystérie. C'est, ajoute M. Souques, une dégénérée mythomane, dans les antécédents paternels de laquelle on retrouve nettement le tac névro-pathique. Son cas démontrerait, entre autres choses, s'il en était besoin, le peu de valeur qu'il faut attacher au témoignage des enfants.

A notre avis, le cas de l'enfant T... est beaucoup moins grave qu'il apparaît au premier aspect. Il s'agit là d'une enfant mal élevée, chez laquelle les pouvoirs d'arrêt n'ont pas été cultivés. Nous avons déjà eu l'occasion d'observer des cas de mensonge et de simulation analogues, quelques séances de suggestion hypnotique suffirent habituellement pour modifier favorablement le caractère de l'enfant et obtenir une gué-rison durable. Il est même de ces cas ou le changement de milieu suffit pour amener la disparition des défauts entretenus par la naïveté incommensurable et par l'affectivité excessive de certains parents.

COURS ET CONFÉRENCES

Hystérie infantile (')

par M. le Professeur Raymond.

Sous le nom de * terreurs nocturnes » on décrit souvent certains accidents que présentent les enfants et qui peuvent cependant relever de différentes causes.

Il s'agît d'un enfant de 6 à 7 ans; toutes les nuits il est pris, une demi-heure environ après avoir été couché, d'une agitation violente ; il se lève, regarde de droite à gauche, et, quand l'intervention de son père ne se produit pas aussitôt pour l'amener au calme, l'enfant pousse des cris, et s'agite pendant une heure environ.

Ces phénomènes d'agitation se sont manifestés du jour où l'enfant, petit-fils d'un grand alcoolique, fut envoyé à l'école maternelle, c'est-à-dire au moment où le changement d'existence et de milieu avait pu l'impressionner assez vivement.

C'est depuis ce moment que l'enfant a commencé à s'agiter et à causer en dormant : l'agitation augmenta progressivement et il semblait parfois que l'enfant se battait avec quelqu'un. Enfin, l'enfant eut un jour une attaque semblable, pendant laquelle il demeura étendu et raidi

(1) Présentation de malade faite à la Clinique des maladies du système nerveux de la Salpèlrièrc.

pendant une demi-heure environ. Au réveil, il ne lui resta aucun souvenir de ce qui venait de se passer.

Rien n'est assurément plus difficile que de préciser la nature de ces accidents ; on serait même tenté, au premier abord, de penser à une attaque d'épilepsie, affection qui peut, en effet, se manifester par des équivalents moteurs, sensitifset psychiques, c'est-à-dire que l'attaque peut se traduire soit par une agitation extrême, des mouvements désordonnés, ou bien par des douleurs violentes, quelquefois viscérales ou encore par des hallucinations, du délire.

Ici, il y aurait eu lieu d'admettre un équivalent psychique, étant donné les phénomènes délirants presque quotidiens; mais dans l'épilep-sie le délire est toujours le même, les gestes aussi ; ce sont toujours les mêmes visions qui surviennent. Chez le petit malade, tel n'est pas le cas et il semblerait qu'on ait plutôt affaire à des phénomènes hystériques avec accès de somnambulisme dans lesquels l'automatisme cérébral a pour résultat de faire reproduire, avec exagération, les actes accomplis dans la journée.

Ces accidents décrits sous le nom de terreurs nocturnes appartiennent, le plus souvent, au domaine de l'hystérie.

Le diagnostic entre l'épilepsie et l'hystérie sera important à faire, le traitement de ces affections étant très différent. S'agit-il d'épilepsie, le bromure de potassium sera indiqué, alors qu'il sera nuisible dans l'hystérie.

L'hygiène doit occuper une place importante ; on cherchera à calmer le système nerveux, on développera le côté physique en retard comparativement au côté intellectuel très avancé chez cet enfant.

De telle façon, on évitera le développement de l'hystérie qui, chez lui, est prête à se déclarer dans ses manifestations les plus inquiétantes.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 19 février, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Dr Parez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications déjà inscrites : Dr Bérillon : Les éléments d'une psychothérapie préventive. Dr Paul Magnin : Valeur de la rééducation de l'attention dans le traitement de l'hystérie.

Dr Damoglou (du Caire) : Note sur deux cas de timidité morbide. Dr Hahn: Le traitement psychologique de l'incontinence d'urine. D1* Paul Farbz : Un sommeil de trente ans.

Distinctions honorifiques

Nous sommes heureux d'enregistrer la nomination comme officiers de l'Instruction publique, au titre de professeurs à l'Ecole de psychologie, de nos amis et collaborateurs, H. le D' Paul Magnin et le Dr Henry Lemesle. Nous leur adressons nos amicales félicitations pour les distinctions si méritées que leur ont valu leur enseignement et leurs importants travaux scientifiques.

La morale professionnelle du médecin

Dans une conférence faite à l'Ecole des hautes études sociales, M. le professeur Pinard vient d'exposer, en termes forts éloquents, une opinion qui devrait être portée à la connaissance de tous ceux qui se trouvent dans la nécessité de recourir aux bons offices du médecin. Elle contribuerait certainement à leur donner une appréciation plus juste de ce qui constitue la véritable valeur du médecin. Voici comment le professeur Pinard s'est exprimé :

• Toute personne voulant exercer la médecine chez nous doit être pourvue d'un diplôme d'Etat lui conférant le titre de docteur en médecine.

Tous les docteurs subissent les mêmes examens. Pourvus de leur titre, ils ont le droit d'exercer toutes les branches de la médecine. Libre à eux de se cantonner ensuite dans une branche de l'art médical, de se spécialiser, comme on dit.

Vous le voyez, en France, il n'y a plus de hiérarchie médicale universitaire : tous les médecins possèdent le même titre.

Comment, me direz-vous, il n'y a donc plus de grands médecins? Je puis répondre de suite qu'il n'y en ajamáis eu autant qu'aujourd'hui, et je vais avoir la grande satisfaction de vous les faire connaître. Mais ceci demande une explication ; il est nécessaire de s'entendre pour se comprendre. Et je suis heureux de choisir cette occasion pour — passez-moi cette expression — vider mon cœur.

Constamment j'entends ceci : a Docteur, j'ai consulté un petit médecin de quartier » ou «j'ai consulté un petit médecin de campagne ».

Ceci me révolte ; une fois pour toutes, il faut qu'on sache ce que doit être, ce qu'est un grand médecin.

Est-ce la robe plus ou moins rouge, est-ce l'habit plus ou moins brodé, porté dans les cérémonies officielles, qui constituent le grand médecin ? Est-on sacré grand médecin par le nombre ou l'importance des décorations qui vous constellent la poitrine ?

Je n'ai pas besoin de répondre, je pense, par la négative, mais je suis dans la nécessité de m'expliquer.

Un professeur de Faculté peut être un professeur remarquable, un enseigneur, un vulgarisateur incomparable, il n'est pas grand médecin pour cela. Un académicien peut être un grand savant, mais pas du toul par cela même un grand médecin. J'ajoute que celui qu'on appelle un grand pathologiste, un grand accoucheur, un grand oculiste, n'est nullement pour moi un grand médecin : c'est un grand spécialiste.

Pour moi, celui qui a étudié consciencieusement, qui constamment tend à augmenter la somme de ses connaissances, et qui, avec dignité, modestement, sans bruit ni réclame, met tout son cœur au service de ceux qui ont recours à lui, celui-là est un vrai médecin et, j'ajoute, un grand médecin. On l'a dit avec raison : a L'amour de la médecine fait le savant, seul l'amour du malade fait le médecin ».

Il ne suffit pas d'être un grand savant pour être un grand médecin, èt il n'est pas absolument indispensable d'être un grand savant pour être un grand médecin.

Avec un diplôme légitimement conquis, tout médecin peut devenir un grand médecin. Tout dépend du dévouement, du désintéressement, du cœur qu'il possède ».

A sa démonstration le professeur Pinard nous permettra d'ajouter quelques réflexions. Si les titres officiels, les succès dans les concours plus ou moins frelatés ne suffisent pas pour constituer le bon médecin, il est évident qu'ils ne sauraient non plus constituer le bon professeur. D'où la nécessité de proclamer que le titre de docteur en médecine doit également suffire pour enseigner. Recruter les professeurs à l'aide de l'institution surannée du'concours de l'agrégation, qui ne pourra jamais reposer que sur des épreuves de mémoire et non sur des preuves de jugement, d'intelligence, d'érudition et d'éloquence, c'est condamner l'École de médecine à une décadence irrémédiable.

Dans son discours, M. le professeur Pinard n'a voulu parler que de la morale professionnelle du médecin. Tout ce qu'il a dit s'applique cependant à la morale professionnelle du professeur. Pas plus dans le domaine médical que dans les autres, il ne saurait exister deux morales. La seule qui doit avoir cours est celle qui proclamera que le véritable professeur est celui qui est doué d'aptitude à instruire et non celui dont la situation n'a eu pour point de départ que le favoritisme éhonté dont la Faculté de médecine a déjà donné tant de preuves.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Parasitisme et mutualisme dans la nature, avec préface du professeur A Giard, par le Dr L. Lalov.— i vol. in-8», cartonné, 6 francs (Alcan, éditeur, Paris, 1996).

Le volume du Dr Laloy est très difficile à analyser, non qu'il soit confus, bien au contraire, mais parce qu'il contient tant de faits intéressants

et suggère tant de réflexions inattendues, que plusieurs pages de cette revue seraient nécessaires pour en parler convenablement. Le lecteur m'excusera donc si je me contente de signaler, omettant les détails, la haute portée philosophique de cette étude où sont passée en revue et mises au point les différentes formes du parasitisme, du prédatisme, du muluaiisme et de la vie sociale chez les végétaux et les animaux. C'est qu'en effet chaque page de ce livre fait mieux comprendre les rapports étroits qui unissent les êtres entre eux, de telle sorte que tout organisme se trouve influencé dans son évolution, non seulement par le milieu physique, mais encore par les plantes et les bètes qui l'entourent et réagit à son tour sur elles. Et ces rapports ne sont pas uniquement établis en vue de la concurrence individuelle ou spécifique ; certains constituent une entr'aide dont l'effet est d'assurer aux êtres qui la pratiquent, par le moyen de cette assistauce réciproque, plus de chance de vaincre dans ta lutte pour la vie. 11 faut se garder de croire que ces vues ne puissent intéresser que les naturalistes. Les médecins instruits en tireront également d'utiles enseignements, que M. Laloy prend du reste la peine d'indiquer, puisqu'une grande partie de la pathologie doit être aujourd'hui regardée comme un simple chapitre de l'histoire du parasitisme. Aussi ce livre, que recommandent par ailleurs la clarté du style et la richesse des illustrations, mérite-t-il d'être lu et médité par tous les confrères qui se plaisent à s'évader de temps à autre de ta routine du métier.

NOUVELLES

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie

Hospice de la Salpètrjère. — M. le Df J. Voisin, médecin à la Salpè-trière, a commencé le jeudi 10 janvier, à 10 heures, dans son service, un cours sur les maladies nerveuses et mentales. Un certain nombre de leçons seront consacrées à l'étude et au traitement des enfants anormaux, ainsi qu'aux applications thérapeutiques de l'hypnotisme. (Section EsquiroI.J

ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE

4o, rue Saint-André-des-Arts.

Cours de 1907

Le programme et l'horaire des cours ont été publiés dans le numéro précédent.

Conférences de 1907

Chaque année, les cours de l'Ecole de psychologie «ont complétés par des conférences faites uu siège de l'Inslitui psycho-pbysiologique, 49, rue Saint-André-

des-Arts. Ces conférences portent sur toutes les questions qui relèvent de h psychothérapie et do la psychologie. Les conférences sont publiques.

les vendredis a huit heures et deu1e dc soir

Vendredi 8 février, à 8 h. 1/2, sous la présidence de M. le D' Albert Robot, professeur à la Faculté de médecine. — Excursion psychologique à travers les anomalies humaines, par M. le D' Berillox, médecin inspecteur des asiles d'aliénés (avec projections).

Vendredi 15 février, à 8 b. 1/2, sous la présidence de M. le D* Paul Maokik, professeur à l'Ecole de Psychologie. — La science du bonheur, par M. le D' Psul Jotrr, de Lille-

Vendredi 23 février, à 8 h. i/2, sons la présidence de M. Devinât, directeur de l'Ecole Normale do département de la Seine- — La timidité che\ Venfant, par Mlle Lucie Berillon, professeur au lycée Molière.

Vendredi 2 Mars, à 8 h. 1/2, sous la présidence de M. le lieutenant-colonel Ronoet, Commandant militaire de'Tombouctou. — Psychologie militaire : L'éducation de la volonté et la discipline psycho-motrice, par M- lo capitaine Bordaoe, attaché au Ministère des Colonie».

Conférences pratiques d'hypnologie et de psychothérapie

Les conférences cliniques sur les applications de l'hypnotisme à la psychothérapie etàta pédagogie, reprendront le Jeudi 17 janvier, à 10 heures du matin. Elles seront ¦lirigées par les D" Bérillon, Magnin, Paul Farez et Pamart. On s'inscrit les jeudis à l'Institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts.

Consultations du Dispensaire pédagogique.

Les consultations données au Dispensaire pédagogique, sous les auspices de l'Ecole de psychologie ont lieu les mardis, jeudis, samedis de 10 heures à midi, 49, rue Saint-André-des-Arts.

Ces consultations sont destinées aux enfants et aux adolescents anormaux (retardataires, instables, timides, indisciplinés, pervers et nerveux).

Les médecins, les étudiants et les membres de l'enseignement sont admis aux consultations du jeudi.

Promenades et excursions psychologiques.

Les cours de l'Ecole de psychologie seront complétés par des excursions psychologiques. Des visites à la ménagerie du Muséum d'histoire naturelle et au laboratoire de psychologie comparée auront lieu sous la direction de M. Léplnay. (On s'inscrit au Cours.)

Excursion pédagogique.

Une excursion pédagogique aura lieu un dimanche à l'Etablissement médico-pédagogique de Crète il (enfants et adolescents retardataires et nerveux), sous la direction de MM. les D"Bérillon et Qcinque, directeurs. (On s'inscrit au Cours.

L'Admini$trâteur-Géra.nt : Ed. BÉRILLON.

Paris, Imp. a. Uuelquejeu, rua Gerbert,!

REVUE DE^HYPNOTISME

EXPËRIi^TA^-Et^THÉIUPEUTIQUE

ë&£§--•—

21- Année. - ? 9. * ^7 Mars 1907,

La réforo>idVt'ense:jneraeiit médical.

Après le référendum organisé par M. le Dr Huchard, dans le Journal des Praticiens, dont nous avons donné les résultats dans Pavant-dernier numéro de la Revue, nous en avons eu un second provoqué par notre confrère le Dr Berthod. directeur de la Médecine sociale. Le nombre des votants dans le premier avait été de près de i .200, il a atteint celui de 581 dans le second. En voici les résultats : 1° Êtes-vous d'avis que le titre de professeur doit

être donné au plus apte et au plus digne ? 581 oui 0 non

2e Le titre de professeur ne doit-il pas être accessible à tout docteur en Médecine (ainsique l'éta-. Mit le décret du 22 août 1854 ?) 581 oui 0 non

3° Êtes-vous d'avis que l'institution de l'agrégation

telle qu'elle est doit être supprimée ? 581 oui 0 non

L'unanimité de ces réponses est bien faite pour nous donner quelque satisfaction. En effet, il y aurait quelque injustice à ne pas rappeler que la question de la suppression radicale du concours de l'agrégation et de son remplacement par l'institution de privat-docent a été posée pour la première fois au congrès de l'enseignement supérieur tenu' à Lyon en 1895, par M. le Dr Bérillon. Sur sa proposition, les professeurs et les agrégés réunis en congrès avaient, voté sa proposition tendant à la suppression radicale du concours de l'agrégation. La brochure qu'il a publiée à cette époque a eu un grand retentissement et lui a valu Je nombreuses approbations. Mais comme les nouveaux combattants semblent ignorer les arguments sur lesquels le Dr rjérillon avait basé sa proposition, nous croyons utile d'en reproduire dans ce numéro les éléments essentiels. La lecture pourra également en être profitable aux membres de la commission qui vient d'être instituée par le ministre de l'Instruction publique.

Le concours de l'agrégation en médecine; nécessité de son remplacement par l'institution des privat-docenten.

par M. le Dr Bérillon, professeur a l'Ecole de psychologie, professeur libre de psychologie à l'Ecole pratique de la Faculté.

Une définition du professeur moderne.— La décadence de renseignement officiel est duc à l'agrégation. — Les grands progrès de la médecine sont dûs à l'enseignement médical libre. — Le remplacement du concours de l'agrégation en médecine par l'institution des privat-docenten.

Au Congrès de l'Enseignement supérieur tenu à Lyon, au mois d'avril 1904, la question du recrutement des professeurs

des Facultés de médecine fut exposée dans un rapport rédigé par MM. les professeurs Lépine et Lortet. Lorsque ce rapport fut mis en discussion, M. Lépine, avec la haute élévation d'esprit qui le caractérise, crut de son devoir de définir d'une façon précise le rôle du professeur. Les lignes éloquentes dans lesquelles M. Lépine exposait la tâche de celui auquel l'Etat confie le soin d'élever les jeunes générations médicales méritent d'être citées textuellement :

« Que faut-il pour former les jeunes médecins, disait-il? Suffit-il de leur transmettre fidèlement le trésor des connaissances que nous ont laissé nos devanciers ? C'est ce que faisaient les maitres durant le Moyen-Age, si stérile. Mais, depuis la Renaissance, qui fut une véritable révolution scientifique, on ne comprend plus de cette manière l'enseignement supérieur : de dogmatique, il est devenu essentiellement critique et rénovateur. Les meilleurs maitres sont les travailleurs, ceux qui prouvent par l'exemple que, sauf les vérités mathématiques, il n'y a point de vérités scientifiques absolues et définitives ; que si on n'atteint jamais la vérité, notre destinée est de nous efforcer de nous en rapprocher sans cesse; que la science est un perpétuel devenir. Eu instituant des professeurs de Faculté, l'Etat leur impose donc implicitement l'obligation de chercher les voies conduisant au progrès. Professeur veut dire chercheur. Faire des découvertes est la meilleure manière d'enseigner. » (*}

(1) Cette haute conception du professeur est loin de correspondre avec la description, inspirée par ua sens psychologique si profond, que nous donnait naguère le docteur Fiessinger, dans la Médecine moderne :

« Un professeur, écrivait-il, ne pense pas comme tout le monde; vous êtes libre, indépendant, ne relevez que de vos impressions personnelle*, parlez de la pluie et du beau temps et quand il pleut, dites : il pleut. Un professeur ne se permet pas des assertions aussi catégoriques. L'affirmation est dangereuse, il le sait et la Faculté le regarde. ¦

» Libre, personne ne l'est moins que lui; il n'a ni volonté, ai faculté d'exprimer sur quoi que ce soit une idée particulière ; membre du corps enseignant, il se doit avant tout à l'honneur du groupement qu'il représente. L'esprit de corps régit ses actes, ses gestes, sa pensée. Le sentiment de déférence à ses collègues, le respect de la discipline qui l'incline devant l'aTis de la majorité, l'amour des intérêts de l'association, voilà les qualilés essentielles. Docilité, soumission, solidarité, ce sont les trois ueurons souverains. Celui qui les assemble sur sa couronne montera haut. »

« Naturellement, vis-à-vis du public, l'attitude est imposante ; il convient de porter noblement le drapeau de la corporation : de là cel'.e tenue, cette correction impeccables par où se recommande le commerce du Maître ; de la aussi la pondération donl il enveloppe ses paroles. La hardiesse dans les propos pourrait fournir occasion à des interprétations malveillantes. ¦

« Les idées neuves, voilà surtout ce dont il faut se garer. Cela dérange, une idée neuve, bouleverse des habitudes mentales, amène bien du désordre. Or, la Faculté aime avant tout le repos. La tranquillité d'esprit est le fondement Indispensabledola dignile du geste ei de la tenue. »

Or, la préparation des concours, toujours longue, est-elle compatible avec les recherches personnelles ? Ceux qui se livrent à des études qui n'ont pas d'autre effet que de transformer leur cerveau en dictionnaire ambulant ne se con- ' damnent-ils pas d'eux-mêmes à la stérilité scientifique?

II y avait là un beau thème à soutenir pour les adversaires du concours de l'agrégation. C'est la tâche à laquelle s'appliqua le Dr Bérillon, qui, seul représentant de l'enseignement libre, n'hésita pas à demander à prendre part à la discussion. Elle lui fut accordée sur la proposition du président, M. le professeur Lépine, au libéralisme duquel nous sommes heureux de rendre un éclatant hommage.

M. le Dr Bérillon commença par faire l'exposé des plaintes soulevées contre le concours de l'agrégation par de récents scandales et qui pouvaient se résumer ainsi:

1° Les places données à l'avance une fois le jury tiré; 2° l'aveu public de ces faits par les juges eux-mêmes ; 3° les candidats se retirant quand ils n'ont pas leur jury; 4° certains juges faisant de même et déclarant publiquement que, du moment qu'il en est ainsi, il est bien inutile de leur faire perdre leur temps ; 5° les disputes terribles et les inimitiés profondes survenant par la suite entre partis ennemis.

Il démontra ensuite que par suite de la situation précaire et sans issue faite aux candidats reçus, l'agrégation en médecine aboutissait à un enseignement donné sans enthousiasme et sans conviction par des hommes qui se préoccupent avec raison de ce qu'ils deviendront, lorsque leur temps d'agrégation sera terminé.

A quoi bon s'échauffer dans une entreprise qui n'est que temporaire et mal rétribuée, et sans concurrence qui stimule ? On y cherche le brillant du titre, qui fait valoir le prix des visites et des opérations ; mais se préoccuper d'étendre l'enseignement, de le mettre à ia hauteur des progrès modernes, de s'outiller en vue des perfectionnements à apporter au savoir que l'on donne; cela est pour l'agrégé d'un bien minime intérêt.

Après avoir démontré que le concours de l'agrégation était peut-être plus nuisiblepourceux qui obtenaient le titre d'agrégé que pour ceux qui succombaient dans la lutte, le Dr Bérillon proposa de mettre aux voix la motion suivante : « Le concours de Vagrégation est supprimé ». II complétait d'ailleurs sa proposition en demandant que l'agrégation supprimée fût remplacée par une organisation analogue à celle qui existe dans les uni-

versités allemandes, et qui repose essentiellement sur l'institution des privat-docenten. Dans ces universités, le personnel enseignant se compose de professeurs ordinaires (titulaires), de professeurs extraordinaires, assistés par des chefs de travaux et des préparateurs, tous rétribués par l'université, et de privat-docenten qui n'en reçoivent aucun traitement.

Les professeurs ordinaires sont inamovibles et leur traitement est généralement fort élevé ; les professeurs extraordinaires sont aussi nommés à vie. Les privat-docenten étant la pépinière où se forment et grandissent ceux qui plus tard seront les professeurs, on voit qu'à la base du système allemand est la liberté, l'indépendance, mais aussi la lutte parfois dure, et au sommet la sécurité et la stabilité.

Comment se fait, dans chacune de ces universités, le recrutement des professeurs? Il se fait parmi les docteurs; mais ce grade est loin d'être, en Allemagne, l'équivalent scientifique de celui auquel nous donnons le môme nom : c'est plutôt un titre d'apparat et d'ornement. Aussi, le premier pas à franchir pour un docteur qui se destine au professorat est-il d'obtenir le titre de privat-docent, qui lui donne le droit d'enseigner dans l'Université, à ses risques et périls d'ailleurs, telle théorie scientifique qui lui convient.

Pour cela, le candidatdoit prouver, par un certain nombre de travaux originaux, qu'il est apte aux recherches scientifiques. Il doit aussi montrer, par l'analyse et la discussion des travaux faits avant lui, qu'il possède une réelle capacité pédagogique.

Son avenir ultérieur dépend alors du succès de son enseignement, du nombre d'élèves et de travailleurs qu'il sait réunir autour de lui, et des travaux qu'il publie ou suscite. Le privat-docent ne reçoit d'ailleurs en général pour cela aucun subside de l'Université. Il est au contraire entraîné à des dépenses parfois considérables ; dans les sciences expérimentales, par exemple, il s'entoure de préparateurs, achète des produits rares, ne néglige rien pour arriver, par ses découvertes, à la notoriété scientifique, sans laquelle l'accès des chaires magistrales lui est interdit.

une université l'appelle alors dans son sein comme professeur extraordinaire, puis bientôt une autre comme professeur ordinaire ; et si sa notoriété continue à grandir, les universités riches, dont les ressources sont considérables et qui sont libres de fixer le chiffre de son traitement, se le disputent afin d'attirer chez elles les étudiants que son enseignement séduit, et de tirer ainsi de sa présence renom et profit.

Le Dr Bérillon ne manqua pas de faire valoir l'intérêt scientifique qu'il y aurait à donner à tout médecin qui présenterait les aptitudes et le savoir nécessaires, le droit d'enseigner à ses risques et périls dans les bâtiments mêmes de l'Etat. Il y aurait la possibilité de s'y créer une carrière, si le succès de son enseignement y venait justifier son ambition. Lorsqu'il se serait créé un matériel d'enseignement et que sa réputation de professeur serait affirmée, il se trouverait dans une situation bien supérieure à celle de l'agrégé actuel et il n'aurait pas à craindre d'être éliminé de l'enseignement après une période de neuf ans, comme cela arrive pour les agrégés de la Faculté de médecine.

Tous ces arguments parurent valables aux professeurs présents, puisqu'ils adoptèrent, à l'unanimité, le premier article de la proposition soutenue par le D' Bérillon, à savoir : « le concours de l'agrégation est supprimé. » Mais à peine ce premier article était-il voté, qu'effrayés de leur propre audace, les agrégés et les professeurs présents s'égarèrent dans une discussion confuse, manifestant, en même temps que la préoccupation de sauvegarder les droits acquis, la crainte que la concurrence des nouveaux privat-docent ne fil pâlir la renommée des anciens agrégés.

Les agrégés en médecine témoignaient ainsi de leur faible confiance dans leur valeur personnelle. Ils justifiaient la démonstration que venait de faire le Df Bérillon, à savoir que l'agrégation n'a jamais servi à mettre en relief la valeur d'hommes supérieurs, ni contribué à la gloire de la science médicale. La démonstration de ce fait indéniable que tous les grands progrès de la médecine sont dus à l'enseignement médical libre, constituant l'argument le plus décisif en faveur de la réforme complète de notre enseignement médical ; nous croyons utile de reproduire in extenso le travail que nous avons présenté au Congrès de Lyon en 1894.

Cette reproduction rappellera également l'initiative que nous avons prise, dès 1894, alors que personne ne songeait à soulever cette question.

¦ *

En nous en tenant à la définition du professeur, donnée par M. le professeur Lépine, dans laquelle il déclare que professeur veut dire chercheur,M nous est facile de prouver que l'enseignement libre a toujours occupé le premier rang dans tous les progrès de la médecine française. L'enseignement médical

officiel n'a jamais suivi que de très loin et d'un pas boiteux les voies tracées par des esprits indépendants. Chacune des grandes étapes de la science médicale a été marquée par des noms d'hommes qui ont été rejetés par les concours, ou qui, mieux avisés, les ont simplement dédaignés.

L'illustre Claude Bernard fut malheureux dans tous ses concours. Les jurys des hôpitaux et ceux de la Faculté lui furent également très défavorables. C'est à cette sévérité qu'il dut assurément d'acquérir le titre de créateur de la physiologie expérimentale. Car s'il avait consacré le meilleur de son temps à interroger des étudiants plus ou moins ignorants ou à faire des conférences de pathologie interne dans un amphithéâtre, il eût été assurément éloigné de toute préoccupation scientifique. Paul Bert, un des disciples les plus éminents de Claude Bernard, n'a jamais abordé aucunconcours.fi en fut de même des Rouget, des Gréhant, des Laborde et de la brillante pléiade des physiologistes qui ont jeté tant de gloire sur la science française.

Notre grand Pasteur, à qui la médecine contemporaine doit ses méthodes les plus fructueuses, n'a jamais eu l'idée de gaspiller sa puissante activité dans des concours plus hiérarchisés que ne le sont ceux des mandarins de la Chine. Le plus émi-nent de ses collaborateurs et de ses disciples, M. le Dr Roux, a poussé si loin le dédain des concours qu'il n'a pas même été externe des hôpitaux. Si l'on établissait le bilan des travaux vraiment originaux sortis de l'Institut Pasthur, on verrait qu'ils sont dus à des hommes qui, comme Nocard, Chamber-i.and, Metcunikoff, Yersin, Calmettes, Martin, ne se sont pas attardés une seule minute dans la préparation stérile des concours.

On peut affirmer, sans crainte d'être démenti, que si l'enseignement de la Faculté de Paris est inférieur sous tant de rapports, c'est à l'agrégation qu'il faut l'attribuer. L'agrégé qui, le concours passé avec succès, voudra se spécialiser dans l'étude d'une branche particulière de la médecine, ne pourra jamais prétendre à la compétence des professeurs libres. Ceux-ci, à un âge où la main est capable d'acquérir de la dextérité, et où le cerveau est largement ouvert à toutes les doctrines nouvelles, ont toute la latitude nécessaire pour suivre, tant en France qu'à l'étranger, les leçons des spécialistes les plus éminents. Au contraire, le candidat aux divers concours est occupé, pendant ce temps, à charger sa mémoire de connais-

sances inutiles ou démodées. Il ne peut se consacrer qu'à des travaux d'érudition. Toute manifestation d'originalité scientifique ou d'indépendance personnelle ne pourrait que lui attirer l'inimitié des personnages influents et par conséquent routiniers, appelés à composer le jury du concours.

Si nous restons sur le terrain de l'observation médicale, il faut encore reconnaître que c'est à l'enseignement libre que Paris doit ses plus grandes gloires. Pour cela, il suffirait de citer le grand Duchenne de Boulogne (*). Le professeur Char-cot ne manquait jamais une occasion de rendre une éclatante justice à ce grand neurologiste dont les travaux l'avaient souvent inspiré. Charcot savait lui-même, mieux que personne, qu'il n'avait acquis ses aptitudes au professorat que dans l'enseignement libre organisé par lui à la Salpêtrière. A son sujet, M. le professeur Lépine faisait ainsi ressortir un des plus grands inconvénients du concours : « Tel homme, disait-il excellemment, médiocre en apparence jusqu'à trente ans, est devenu un grand médecin. Le professeur Charcot ne parvint à l'agrégation qu'à grand'peine; et, dans sa jeunesse, il passait généralement pour incapable de faire un professeur ; c'est peu avant l'âge de quarante ans qu'il s'est révélé. D'autre part, tout jeune homme brillant ne sera pas plus tard un maître. Pour mériter ce titre honorable entre tous, il faut acquérir de l'autorité ; or, on ne l'acquiert que par un long effort ».

Il faut croire que l'exemple de Charcot est des plus caractéristiques, car, dans la leçon d'inauguration de son cours à la Faculté, M. le professeur Raymond ne pouvait s'empêcher d'y faire allusion en disant : « En 1860, Charcot arrive à l'agrégation, après avoir failli échouer. Aussi a-t-i! toujours tenu en médiocre estime le concours considéré comme instrument à juger les qualités venues et à venir d'un médecin ».

C'était l'avis de Paul Bert qui, avant de se tourner vers l'étude de la physiologie, s'était préparé à l'école polytechnique et avait fait sa licence en droit. Paul Bert ne manquait

(1) Duchenne de Boulogne, durant toute sa vie, fut abreuvé d'humiliations par les représentants do la science officielle. Dès lo lendemain de aa mort, par un de ces revirements si fréquents dans l'histoire de la médecine, tout le monde s'empressa de rendre hommage à sa haute valeur scientifique. Dans une étude fort instructive. mm. les professeurs Las£gu£ et Stba exaltèrent le a courage scientifique dont il fut une si remarquable expression ». Ils célébrèrent son dédain pour les honneurs académiques cl les entraces officielles. Us rappelèrent aussi ses douloureux sacrifices, sa résistance impassible aux affronts. « Peu d'hommes, disaient-ils, ont, au même degré, abdiqué leur susceptibilité légitime ou opposé au mauvais couloir une volonté en apparence toute passive. »

jamais l'occasion de tourner en ridicule ces tournées oratoires entre jeunes gens plus préoccupés de meubler leur maison que de fortifier leur jugement. Il pensait que c'était faire un fort mauvais usage de son cerveau que de le transformer en dictionnaire.

(¿1 suivre)

La timidité chez l'enfant (')

par M"« Lucie Bérillon, professeur agrégée du lycée Molière.

Tout le monde connaît l'impression désagréable qui résulte de la timidité, pour en avoir éprouvé ou observé les effets. Ce trouble émotif se manifeste à tout âge et dans tous les milieux, mais je veux aujourd'hui l'envisager seulement chez les enfants, et en me plaçant particulièrement au point de vue scolaire.

Cette étude m'a été inspirée par les leçons de mon frère, le Dr BérilloD, sur la psychologie de l'Intimidation et les Timidités.

On pourra m'objecter que les cas de timidité deviennent rares dansla génération actuelle, et que les enfants d'aujourd'hui pocheraient plutôt, à Paris surtout, par excès de hardiesse et de confiance en eux-mêmes.

Quand j'ai commencé une enquête auprès de mes anciennes élèves et de mes collègues, plusieurs professeurs m'ont dit plaisamment : « Vous croyez qu'il existe encore des élèves timides 1 Pour mon compte je n'en ai jamais rencontré Mais à la réflexion, elles n'ont pas tardé à reconnaître avec moi que si la timidité n'est pas « le mal du siècle », elle est un mal plus fréquent que ne le pensent ceux qui se désintéressent de la psychologie de l'enfant. Parfois inaperçue dans le milieu familial où l'enfant se trouve à l'aise avec des personnes connues, la timidité se révélera sûrement en présence d'étrangers, avec une intensité qu'on n'aurait pu soupçonner. Guérir la timidité en fortifiant la volonté, c'est se placer sur le véritable terrain pédagogique.

La timidité dresse quelquefois une barrière entre le professeur et l'élève. Ils peuvent se trouver en présence pendant des années sans que la glace soit rompue et, dans ce cas, quelle influence attendre de l'éducation ?

La question de la timidité offre un intérêt multiple. D'abord au point de vue moral, notre sympathie doit aller aux êtres qui souffrent; or la sensation de la timidité est souvent fort douloureuse.

D'autre part, la question présente un intérêt social. Sans parler du malaise causé par la constatation de la timidité, les timides donnent l'impression d'être peu sociables, et, en réalité, l'étant moins que les

(1) Conférence faile à l'Ecole de psychologie.

autres, ils deviennent facilement des misanthropes. Chose plus grave ; abordant la lutte pour l'existence dans des conditions défavorables, ils laissent souvent les meilleures places à de plus audacieux pourvus d'un moindre mérite ; et la société perd ainsi des forces qui ne se sont pas révélées.

¦

* *

D'après Larochefoucauld-Doudeauville, la timidité est une paralysie morale.

Le Ii' Bérillon en donne une définition nouvelle et plus scientifique : ¦ Se laisser intimider pur autrui, dans une circonstance quelconque, dit-il, c'est éprouver les eiîets d'une véritable hypnotisation. En un mot, être intimidé, c'est être hypnotisé ». D'après sa théorie, se laisser intimider par autrui dans une circonstance donnée, c'est éprouver les effets d'une véritable hypnotisation, provoquée d'une manière involontaire et fortuite. Elle se produit donc tout naturellement chez les êtres impressionnables et suggestibles à l'excès. (')

La timidité se manifeste par des symptômes divers et que tout le monde connaît : pâleur chez les uns, rougeur chez les autres, palpitations, tremblement des membres, ou, au contraire, arrêt du mouvement, impression de vide du cerveau, absences de mémoire (inhibition) enfin par un trouble général moteur et psychique, autrement dit physique et moral.

La timidité, lorsqu'elle n'est pas exagérée, est un fait normal comme la peur, et il serait aussi mauvais de l'ignorer absolument que de l'éprouver à l'excès. Je plaindrais ceux qui ne l'auraient jamais connue au moindre degré. C'est qu'ils sont incapables d'éprouver aucune émotion. A l'origine elle est une crainte, comme l'étymologie l'indique, une réaction naturelle, instinctive, de l'organisme qui se met en défense, mais elle doit s'atténuer ou disparaître avec le temps.

La timidité présente bien des variétés. On pourrait presque dire : Il n'y a pas de timidité, il n'y a que des timides; et les cas sont souvent complexes, bien que toujours liés à une faiblesse du caractère.

On peut cependant distinguer :

1« les timides par excès d'amour-propre (qui ont surtout de la défiance des autres)

2° les timides par excès de modestie ou scrupule (chez lesquels domine la défiance de soi), bien que les deux éléments se rencontrent toujours associés dans des proportions variables ;

3° les timides par paresse (anémie, lymphatisme, épuisement nerveux, aboulie, etc.).

•io les timides par l'effet de la dégénérescence liéréditaire (indécision excessive du caractère, anxiété neurasthénique, tendance à la folie du doute, etc.). Ces cas relèvent tout à fait de la médecine, et ne doivent pas nous arrêter ici.

(1) D' Bérillon : Psychologie de l'intimidation et-des hérédités. Leçon faite a l'Ecole de psychologie. {Revue de l'Hypnotisme, n- de mai, Juin et juillet 1906.)

*

Le milieu familial. — Si la limidité est une disposition naturelle du tempérament, elle s'accentue ou se modifie sous l'influence de cerlaines causes.

Le milieu et l'éducation ont une influence considérable sur l'évolution de la limidité. C'est alors qu'intervient l'intimidation. Dans certains pays, en Turquie et en Egypte, par exemple, elle est un véritable système d'éducation nationale :

Nous devons au Dr Damoglou (du Caire) les renseignements suivants, qui présentent un grand intérêt.

« En Orient (Turquie et Egypte), les timides se comptent par millions. La timidité est une maladie très ancienne, héréditaire, créée ou entretenue par un système général d'éducation très défectueux, résultat du despotisme brutal qui écrase depuis des siècles toutes les classes, sans distinction de race ni de religion, trait caractéristique de la mentalité orientale, qui impose le silence absolu, la mort apparente des jeunes en présence des vieux, des élèves devant leurs instituteurs, etc., en signe de respect.

« Jusqu'à l'âge de vingt ans, le jeune homme n'a pas le droit de prendre la parole sur un sujet quelconque devant le père, ou de demander des explications. On l'invite au silence par cette réponse courante : « Devant les grands, les jeunes gens doivent écouter et tenir la bouche « fermée». Le père interdit également à ses enfants, jusqu'à l'âge de vingt ans, l'accès aux réunions où il assiste lui-même.

« A l'école, si l'élève demande au maître une explication sur un point obscur de la leçon, on lui répond : a Taisez-vous, c'est comme cela ».

« Chez les patrons, les apprentis sont encore plus mal traités.

¦ En somme, la familiarité, la bonté et la bienveillance des gens âgés à l'égard des jeunes, des pères de famille envers leurs enfants, des instituteurs envers leurs élèves, qui stimuleraient l'initiative, éveilleraient l'esprit, développeraient les facultés intellectuelles, sont là choses presque inconnues, u

Quoi d'étonnant, après cela, a ce que l'oriental devienne un être passif, hypocrite et dissimulé. Nous comprenons ainsi comment certains enfants timides, soumis à une éducation semblable, deviennent menteurs et lâches.

Quel contraste avec l'éducation américaine, mais aussi quelle différence dans le résultat !

Grâce à la vie libre, aux mœurs égalitaires de leur pays, les Américains ne connaissent guère la timidité. Les Suisses, libres aussi, ne sont pas timides. Les Anglais, en dépit de leur éducation, qui tend à développer la personnalité et l'initiative, le deviennent parfois parce qu'ils sont « hiérarchisés ». (Chez eux l'égalité n'existe ni dans les mœurs, ni dans les institutions sociales).

Voici, à ce propos, un exemple curieux de timidité. On sait combien,

pour nos voisins d'Outre-Manche, la présentation au roi est une affaire importante. Un jeune Anglais, qui aspirait à cet honneur, ne l'obtint pas. Sa timidité naturelle s'en accrut. 11 rougissait quand on prononçait devant lui les mots : « roi, reine, cour », croyant voir là une allusion à sa déconvenue. On le guérit aisément par suggestion.

Les Italiens ne sont pas timides; on prétend que c'est parce qu'ils ignorent le sentiment du ridicule. Tous ceux qui ont voyagé en Italie, et surtout à Naples, ont pu constater que les enfants de ce pays poussent même la hardiesse jusqu'à l'effronterie.

La timidité ne semble pas être un défaut propre à la race française. Pourtant on rencontre encore chez nous de grands garçons à l'air gauche qui n'osent pas lever les yeux sans la permission de leurs parents. Cette éducation étroite risque de faire d'eux des timides et des « emmurés » suivant la forte expression de M. Seignobos-

Le milieu familial a une influence considérable sur le développement de la timidité. Bien que les mœurs aient évolué dans un sens tout à fait opposé, il est certains cas où la sévérité des parents paralyse les enfants et produit ce trouble, cette suspension d'activité si pénible.

Le fait était plus fréquent autrefois. Par exemple, la mère de Turgot, dit l'abbé Morellet, considérait son fils comme presque idiot, bien qu'il fût intelligent et studieux, parce qu'il ne savait pas faire la révérence. Elle le molestait constamment à ce sujet. Aussi, lorsqu'il arrivait des visites, l'enfant se cachait, ou se montrait de plus en plus gauche et embarrassé. Il en garda toute sa vie une grande timidité qu'il masquait sous une impassibilité apparente, et les seigneurs de la Cour, prenant cette attitude pour du dédain, en étaient choqués.

La mère de Byron l'humiliait sans cesse, se moquait de son infirmité, l'appelant « vilain petit boiteux • et ne tuitémoignait d'affection que par accès. Si elle en fit un révolté plutôt qu'un timide, combien d'enfants, dans le môme cas, n'ont pas l'énergie suffisante pour réagir et souffrent en silence : témoin Shelley, maltraité chez lui, puis à l'école, où il fut le soufTre-douleurs de ses camarades. Ceux-ci l'appelaient « la fille » à cause de sa douceur et de son aspect délicat. Il s'enfuit plusieurs fois de l'école, eut même l'idée de suicide, etsa timidité le rendittoujoursmalheureux.

Chateaubriand a écrit dans sa vieillesse des pages saisissantes de vérité, qui nous montrent combien son père lui inspirait de crainte. Il évoque dans ses Mémoires d'Outre-Tombe les lugubres veillées du château de Combourg, où le calme morne était augmenté par l'humeur taciturne et insociable du chef de famille, dont la sévérité glaçait son âme d'enfant.

Nous ne pouvons mieux faire que de citer ces lignes où la précision des détails atteste l'impression profonde qu'il devait en garder toute sa vie. ïl nous trace de son père le portrait suivant : « M. de Chateaubriand était grand et sec ; il avait le nez aquilin, les lèvres minces et pâles, les yeux enfoncés, petits et pers ou glauques, comme ceux des lions ou des

anciens barbares. Je n'ai jamais vu un pareil regard : quand la colère y montait, la prunelle étincelante semblait se délacher et venir vous frapper comme une balle.

« Une seule passion dominait mon père, celle de son nom. Son état habituel était une tristesse profonde que l'âge augmenta, et un silence dont il ne sortait que par des emportements. Avare dans l'espoir de rendre à sa famille son premier éclat, hautain aux Etats de Bretagne avec les gentilshommes, dur avec ses vassaux à Combourg, taciturne, despotique et menaçant dans son intérieur, ce qu'on sentait en le voyant, c'était la crainte. »

Chateaubriand décrit ensuite les tristes soirées d'automne et d'hiver, et la promenade que son père faisait régulièrement après le souper dans la grande salle qui servait à la fois de salle à manger et de salon.

« Mon père commençait alors une promenade qui ne cessait qu'à l'heure de son coucher. Il était vêtu d'une robe de ratine blanche, ou plutôt d'une espèce de manteau que je n'ai vu qu'à lui. Sa téle, demi-chauve, était couverte d'un grand bonnet blanc qui se tenait tout droit. Lorsqu'en se promenant, il s'éloignait du foyer, la vaste salle était si peu éclairée par une seule bougie qu'on ne le voyait plus ; on l'entendait seulement encore marcher dans les ténèbres : puis il revenait lentement vers la lumière et émergeait peu à peu de l'obscurité comme un spectre, avec sa robe blanche, son bonnet blanc, sa figure longue et pâle. Lucile et moi nous échangions quelques mots à voix basse quand il était à l'autre bout de la salle; nous nous taisions quand il se rapprochait de nous. Il nous disait en passant : t De quoi parliez-vous ? » Saisis de terreur, nous ne répondions rien ; il continuait sa marche. Le reste de la soirée, l'oreille n'était plus frappée que du bruit mesuré de ses pas, des soupirs de ma mère et du murmure du vent.

o Dix heures sonnaient à l'horloge du château : mon père s'arrêtait et s'avançait vers sa chambre à coucher, dépendante de la petite tour de l'est. Lucile et moi, nous nous tenions sur son passage ; nous l'embrassions en lui souhaitant une bonne nuit. Il penchait vers nous sa joue sèche et creuse sans nous répondre, continuait sa route et se retirait au fond de la tour, dont nous entendions les portes se refermer sur lui.

« Le talisman était brisé ; ma mère, ma sœur et moi, transformés en statues par la présence de mon père, nous recouvrions les fonctions de la vie. Le premier effet de notre désenchantement se manifestait par un débordement de paroles. Si le silence nous avait opprimés, il nous le payait cher ». N'y avait-il pas dans cet « enchantement » une sorte d'hyp-notisation ? Chateaubriand s'émancipa d'assez bonne heure ; mais si cette éducation étroite ne l'empêcha pas d'arriver au succès et à la gloire, elle développa peut-être chez lui cette timidité d'esprit qu'il garda toujours, et qui explique certaines de ses défaillances.

L'éducation par l'amour (qui a bien aussi quelques inconvénients) a remplacé l'éducation par la crainte, mais il existe encore des exemples de cette sévérité.

Ainsi, plus près de nous, Jules Vallès a raconte combien il souffrit des mauvais traitements de sa famille, dont la dureté le paralysait.

Un de mes collègues me disait qu'il trembla toujours devant ses parents, devant ses maîtres, devant le pasteur. On l'avait élevé dans la vénération aveugle de tout représentant de l'autorité, lui interdisant la moindre discussion et lui refusant toute initiative. 11 garda longtemps la terreur maladive de l'administration et des inspecteurs, et ne secoua un peu le joug qu'arrivé à l'âge mûr. J'ai recueilli plusieurs témoignages du môme genre. Les exemples abondent d'enfants intimidés qui ont gardé toute leur vie l'empreinte de cette première éducation.

Quelquefois les enfants sont livrés à un précepteur, on a une gouvernante qui abuse de son autorité. J'ai connu une étrangère qui, frappant un enfant en l'absence de ses parents, le rendit sournois et timide.

Ne voyons là qu'une exception. En réalité, le milieu familial apparaît le plus souvent comme un foyer d'affection où l'enfant choyé s'épanouit, et se montre bien tel qu'il est. Il y a même des cas où l'on pourrait plutôt se plaindre de l'extrême faiblesse des parents.

Le milieu scolaire. — Aussi quel dur changement quand l'enfant, gâté chez lui, arrive à l'école qu'on a eu parfois le tort de lui représenter comme un épouvantail ! Là il se trouve dépaysé. Passant subitement de l'intîmité de la vie de famille à un milieu inconnu, il y arrive prévenu, avec une physionomie fermée. La société, le travail, la règle lui apparaissent sous un aspect redoutable dans la personne du professeur et des élèves, dans le matériel de la classe (le tableau noir, etc.), dont la simplicité nue contraste avec le confortable du milieu qu'il vient de quitter.

La bienveillance du maître, l'à-propos d'un encouragement, la gentillesse des camarades, la vie de la classe, l'intérêt des exercices scolaires peuvent l'apprivoiser, et vaincre rapidement son esprit de méfiance et d'hostilité. Mais il n'en va pas toujours ainsi, et notre poète aimé, Sully-Prudhomme, a bien analysé la tristesse et la timidité de l'enfant arraché à sa famille :

On voit dans les sombres écoles Des petits qui pleurent toujours Les autres font leurs cabrioles. Eux, ils restent au fond des cours.

Oh ' la \açon qui n'est pas sue, Le devoir qui n'est pas fini, Une réprimande reçue, Le déshonneur d'être puni ! Tout leur est terreur et martyre : Le jour, c'est le maître; et le soir, Quand le maître enfin so retire, C'est le désert du grand dortoir...

La situation est surtout pénible pour les « nouveaux ». Une lycéenne

m'a raconté qu'elle était restée longtemps sauvage, isolée aux récréations, intimidée par ses compagnes. La surveillante, ennuyée de son abandon, lui disait bien : a Allez donc jouer avec les autres », mais n'envoyait pas ses compagnes la chercher. Alors l'enfant demeurait à l'écart, et on prenait son attitude pour de la bouderie.

Il arrive que la cruauté inconsciente des enfants, — cet âge est sans pitié, — augmente la timidité chez un condisciple atteint d'une infirmité, le bégaiement, la myopie, par exemple; mais le maître peut protéger l'élève en faisant honte aux autres de leur méchanceté. Cette intervention doit être délicate et discrète, sous peine d'aggraver encore la gène du pauvre petit.

On sait combien il a fallu lutter contre la tradition des brimades dans les grandes écoles de garçons. C'est rarement par leurs qualités que certains élèves exercent un véritable ascendant sur les autres; les meneurs s'imposent par leur assurance et leur ton affirmatif, et les exemples qu'on pourrait citer montrent dans tous les cas un abus de la force.

11 est encore des maîtres, parfois excellents, et d'ailleurs bien intentionnés, qui, avec une grosse voix, un ton sec, brusque, ou des gestes, impatients, intimident les élèves sensitifs et les paralysent.

Une collègue, professeur d'Ecole normale, m'écrit : « On m'interrogea un jour sur la Constitution perpétuelle de Clotaîre IL Le maître s'était évertué à exposer ladite Constitution en quatre articles, et je n'en avais retenu que deux. Vivement rabrouée, je fus taxée d'ignorance et d'incapacité. A partir de ce moment, chaque fois qu'il me fallut répondre à une question, même par écrit, l'image du professeur s'interposait entre ma pensée et moi, et je restais muette, ou suant d'angoisse devant ma page blanche. Depuis, j'ai interrogé à mon tour, et j'ai toujours ou pitié des élèves timides. »

Mais ne poussons pas le tableau trop au noir : la brutalité n'existe plus, et la brusquerie excessive est heureusement l'exception; c'est précisément à la douceur de l'éducation actuelle qu'on peut attribuer la diminution des cas de timidité. Moins il y a d'intimidateurs, moins il y a de timides. Notons en passant l'intimidation causée parfois par les timides : un professeur qui masque son embarras sous des dehors froids et compassés paralyse les élèves. Plusieurs collègues m'ont dit qu'après avoir été peu timides comme élèves, elles l'étaient devenues davantage dans leurs fonctions de professeurs, attribuant ce fait à la conscience de leur responsabilité.

C'est ici le lieu de parler du irac amené par • la visite de l'inspecteur », chose importante dans les classes. Tous ne sont pas comme le regretté Adrien Dupuy (pour ne parler que des disparus), inspecteur général, qui savait mettre tout le monde à l'aise par son extrême bienveillance. Il en est qui glacent professeurs et élèves, et ne peuvent

jamais se rendre compte de la valeur d'une classe. Ceux-là manquent de psychologie, sinon de bonté. De même aux examens: la timidité et l'émotion ne semblent-elles pas légitimes au moment d'une épreuve de laquelle dépend parfois toute une carrière? Pourquoi faut-il que certains examinateurs, sans doute inconsciemment, déroutent encore le candidat en jouant le rôle d'intimidateurs? D'autres, au contraire, font de la bonne suggestion, rassurent tout de suite les candidats à l'oral en soulignant les qualités de leurs épreuves écrites, et leur donnent ainsi la possibilité de montrer leur mérite. Ce frac disparaît sous l'influence de la suggestion, procédé inoffensif qui, loin de supprimer la volonté, la fortifie entre des mains expérimentées. Nous connaissons des candidats qui lui ont dû leur succès.

En général, on constate que l'enfant élevé à l'école ou au lycée, perd assez vite sa timidité, parce qu'il y prend déjà des habitudes sociales. En outre, l'enseignement, moins dogmatique qu'autrefois, laisse plus de place h l'initiative et à la libre discussion. La plupart des enfants s'enhardissent même au point qu'il faudra peut-être réagir quelque jour dans l'autre sens.

En attendant, comment traiter les enfants qui, en dépit de la bienveillance des parents et des maîtres, restent timides à l'excès? Pour être la minorité, ils n'en sont pas moins intéressants, et c'est ceux-là que nous voulons essayer de guérir.

Existe-t-il un remède à ce mal? Evidemment, car le timide est impressionnable, donc suggestible, et on peut imposer à son esprit certaines directions. « Qui dit suggestible et hypnotisable, dit curable » (Dr Bérillon). D'ailleurs, la timidité se guérit souvent d'elle-même avec l'âge et avec l'expérience.

Un jeune diplomate nous a raconté que : « Jusqu'à dix-sept ans, il s'était montré timide et embarrassé chez ses parents qui recevaient beaucoup. Il fuyait le monde, et souffrait vivement de sa gaucherie. Un jour, il se dit: « Je ne suis ni bossu ni boiteux, je ne suis pas plus bête qu'un autre, mais je joue sottement mon rôle dans la vie, en face de gens n'ayant pas plus de valeur que moi, parce que je me figure qu'ils ont sans cesse les yeux sur ma personne. Ils ont bien trop le souci d'eux-mêmes pour avoir cette préoccupation ». A partir de ce jour, je secouai ma timidité, et je pus jouir de la société ».

Il y a là un effort de réflexion et de volonté intéressant; mais nous pensons que la timidité était plutôt chez ce jeune homme un effet de l'éducation qu'une disposition naturelle. Quand il prit conscience de lui-même, il réagit avec succès, servi par son amour-propre.

Une jeune fille nous a cité un autre cas : obligée de suivre les cours de philosophie à la Sorbonne, elle s'y trouvait seule avec une cinquantaine d'étudiants, d'ailleurs très corrects. Intimidée, elle eut souvent l'idée de rebrousser chemin ; mais elle se répétait mentalement cette phrase de Kant, citée par son professeur : ¦ Il faut faire son devoir parce que c'est son devoir ». Elle ajoutait : « Mon devoir est d'assister

aux conférences en vue de mon examen », etc. Quand clic discutait cette idée, se disant : « Je pourrais travailler seule chez moi, ou renoncer à l'examen », sa timidité l'emportait. Mais elle parvint à s'imposer cette direction morale, suivit les cours avec persévérance, et réussit à la licence.

Celle-là se guérit d'elle-même en se donnant une conviction ; mais beaucoup d'élèves ont besoin du secours et des encouragements de leurs professeurs.

(à suivre)

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du 15 janvier 1907. — Présidence de M. le D' Jules Voisin.

La psychologie de l'entraînement

par M. le Dr LaGhange (de Vichy) {suite et fin)

La coordination des mouvements est une véritable opération intellectuelle.

Il se Fait, avant chaque acte musculaire, aussi rapide que soit la succession des mouvements, un travail de l'Esprit, à défaut duquel le mouvement serait irrégulier, désordonné, manquerait son but. Cette préparation mentale des mouvements est l'acte le plus intéressant, le plus curieux à étudier, parmi tous ceux que provoque le fonctionnement des muscles ; mais elle est quelquefois d'une telle rapidité qu'elle échappe à l'analyse. Ainsi rien n'est plus réfléchi, plus attentivement calculé que les mouvements d'un bon escrimeur qui fait assaut. Mais tous ces mouvements si précis, si intelligents, si raisonnes, se succèdent avec une telle rapidité que, si le spectateur n'est pas lui-même très versé dans la pratique du fleuret, son œil ne pourra pas suivre les pointes et il ne se rendra pas compte des phases du coup.

Dans l'exercice de l'escrime, le rôle des facultés intellectuelles est très apparent, parce qu'on sait que chaque mouvement de la main fait partie d'une combinaison parfois très subtile de feintes, d'attaques, de parades et de ripostes qui constituent la tactique du jeu. Il passe à peu près inaperçu dans les exercices de force pure, tels que le soulèvement des poids très lourds. Et pourtant le travail de coordination intervient toujours, même dans les travaux professionnels les plus grossiers, dans ceux qui demandent plus de force que d'adresse. Mais alors il a pour objectif, l'économie des forces et non la précision des mouvements. Et le résultat du perfectionnement de la coordination musculaire est une augmentation apparente de la force, alors qu'il n'y a qu'une meilleure utilisation de l'effort musculaire, un meilleur rendement de la machine humaine. Il faut avoir soi-même travaillé de ses mains, ou avoir pratiqué

des exercices de force, pour comprendre combien l'habileté acquise par la pratique, — c'est-à-dire par l'entraînement, — vient au secours des muscles pour leur faciliter l'exécution d'un mouvement. Pour soulever un gros haltère et l'élever au-dessus delà tète, pour charger un sacsur ses épaules,pour donner un coup de pioche, pour lancer une pelletée de terre dans un tombereau, il yaune manière de s'y prendre, un « tourde main o, — c'est-à-dire un travail de coordination particulier. Et ceux qui s'y essayent pour la première fois y dépenseront deux ou trois fois plus de force que les professionnels. Ceux-ci ont acquis par l'entraînement non seulement une plus grande force, mais, en outre, une plus grande aptitude à choisir, parmi les muscles très nombreux qui pourraient accomplir le mouvement voulu, ceux dont l'association permet d'exécuter ce mouvement avec la plus grande économie de force. Cette aptitude n'est qu'une qualité psychique perfectionnée par l'entraînement, c'est l'adresse, qui donne l'illusion d'une augmentation de la force corporelle. Et l'on peut dire que, sur ce point, le domaine de l'Entraînement se confond avec celui de l'Education.

C'est surtout par des effets d'éducation que l'entraînement agit pour augmenter la résistance de l'homme à la fatigue.

L'état de fatigue est caractérisé par deux symptômes principaux : 1° un symptôme objectif, que l'observateur peut constateret même enregistrer, c'est la diminution des forces ; 2° un symptôme subjectif que, seul, perçoit l'homme fatigué, c'est un malaise particulier, une sensation pénible d'impuissance, difficile à décrire, mais très caractéristique, pour ceux qui l'ont éprouvée. C'est la diminution des forces qui provoque la sensation de fatigue, et celle-ci est un avertissement qui marque la limite au-delà de laquelle le travail devient nuisible à l'organe. Mais si la puissance d'agir et la sensation qui la révêle sont liées par un rapport de cause à effet, elles ne sont pas toujours et chez tous les sujets en proportion l'une de l'autre. En un mot. la fatigue comporte des degrés et la sensation qui nous en donne conscience ne nous en donne pas toujours la mesure exacte.

Un homme qui, au cours d'une longue étape, s'arrête et se déclare incapable de marcher, n'est pas toujours à bout de forces ; pas plus que le cheval qui, livré à lui-même, cesse de trotter et ralentit son allure. Sur l'homme fatigué, une forte émotion, une excitation de colère ou de peur, peuvent agir comme le coup de fouet sur le cheval et prouver, en lui faisant retrouver ses jambes, que les muscles avaient encore de la force en réserve.

Chez l'homme entraîné, la sensation de fatigue se produit beaucoup plus tard que chez celui qui ne l'est pas ; et, de plus, quand elle se produit, il a la faculté d'y résister plus longtemps sans interrompre son travail. Il semble que l'homme entraîné sache obtenir de ses muscles fatigués, par la seule force do sa volonté, ce que l'autre n'en peut tirer que sous l'empire d'un sentiment violent, d'une émotion qui le « galvanise *.

Si la fatigue se produit plus tard chez l'homme entraîné, c'est pour

deux causes très distinctes. La première est une cause matérielle que nous avons déjà étudiée, le perfectionnement de l'organe. Inutile d'y revenir : on comprend que l'organe ayant acquis par l'effet de l'exercice une structure plus favorable à son fonctionnement, pourra fonctionner plus longtemps sans se fatiguer. La seconde, sur laquelle il faut insister, est de nature psychique: c'est un perfectionnement purement fonctionnel, c'est une éducation de l'organe.

»

L'éducation des organes prend des formes très diverses. Nous venons de voir comment le perfectionnement des facultés de coordination augmente le « rendement » des muscles, c'est-à-dire leur permet de faire plus de travail avec une moindre dépense de force. On comprend qu'il en résulte une aptitude à moins se fatiguer en faisant un même travail. L'homme entraîné se fatiguera moins en marchant, non seulement parce que les muscles de ses jambes sont plus forts, mais parce qu'ils fonctionnent plus économiquement : il a appris à mieux s'en servir, il sait mieux marcher.

Ce ne sont pas seulement les muscles qui font leur apprentissage par l'exercice, mais tous les organes du corps. Toutes nos fonctions subissent, par l'entraînement, une éducation dans laquelle interviennent toutes les facultés d'esprit : la Sensibilité, l'Intelligence et la Volonté.

La forme de fatigue qu'on appelle l'essoufflement s'atténue chez l'homme entraîné, non seulement parce que son poumon et son cœur ont gagné de l'amplitude et de la force, mais parce que ses organes ont appris à fonctionner, L'homme qui s'entraîne apprend à augmenter le rendement du cœur et du poumon aussi bien que celui des muscles. Chez lui, l'éducation des sensations respiratoires intervient puissamment pour perfectionner la fonction et reculer les limites de la fatigue.

Une des grandes causes de l'essoufflement est le dérèglement des mouvements respiratoires. Dans les exercices de vitesse, il se produit un besoin intense de respirer, une soif d'air qui nous invite à multiplier nos respirations ; mais quand on cède trop à ce besoin, les mouvements respiratoires deviennent tellement rapides qu'ils sont écourtés, superficiels : l'air n'a plus le temps d'entrer en assez grande abondance dans la poitrine ni d'en sortir complètement. Pour que la respiration soit efficace, il faut qu'elle soit lente, profonde et bien rythmée. Et ce sont justement ces caractères qu'acquiert la respiration de l'homme entraîné : il s'est habitué progressivement à lutter contre le besoin excessif de respirer, en résistant à la sensation pénible, à la soif d'air, qui le poussait, au début, à multiplier ses respirations. Dans cette lutte, la Volonté a vaincu la Sensibilité et celle-ci va perdre, de plus en plus, l'empire qu'elle avait sur la fonction.

La lutte de la volonté contre la sensibilité est le fait le plus frappant de l'entraînement, pour tout observateur qui s'intéresse aux questions de psycho-physiologie. On le retrouve dans toutes les phases de l'accou-

tumance au travail ; et il nous montre le rôle prépondérant de l'éducation des organes, pour augmenter la résistance de l'homme entraîné à toutes les formes de la fatigue. Quand l'homme lutte contre la sensation de fatigue, sa volonté et sa sensibilité subissent un entraînement égal, mais dont les effets sont inverses pour chacune d'elles. C'est une loi de psychologie que toute sensation s'émousse par l'accoutumance, c'est-à-dire par le fait même de sa répétition; tandis que l'habitude de vouloir fortifie la Volonté. C'est donc parce que sa volonté est devenue plus forte et ses sensations moins vives, que l'homme entraîné arrive à soutenir son effort plus longtemps. Mais lorsqu'il continue son exercice alors qu'un autre homme serait obligé de s'arrêter, il n'est pas tout à fait exact de dire qu'il « supporte » mieux la fatigue que l'autre; puisqu'il ne la ressent pas aussi vivement.

Quand l'entraînement est poussé aux dernières limites, il peut arriver que la Volonté étant fortifiée par la lutte et la Sensibilité très atténuée par l'accoutumance, la sensation de fatigue perd presque complètement son empire sur l'homme. II en résulte alors la suppression d'un avertissement prévu par la nature ; et si l'homme continue son exercice intensif, il risque de tomber dans cet état qui l'expose au surmenage inconscient et qu'on appelle l'état de surentraînement.

Dans l'état de surentraînement, les forces baissent sans que le sujet en ait conscience : il peut rester insensible à la fatigue et n'éprouver aucune sensation d'épuisement, quand il a déjà perdu la faculté de réparer les pertes causées par le travail. Il n'est plus mis en garde par la sensation de fatigue contre le danger des efforts excessifs et trop prolongés : chez lui. le signal d'alarme ne fonctionne plus, alors qu'il fonctionne trop tôt chez l'homme qui n'a aucune habitude de l'exercice corporel, aucun entraînement.

On a vu des athlètes pousser l'exercice au delà des limites où il devient un grave danger; on en a vu tomber morts sur place, dans des exercices de vitesse ou de force. Plus fréquemment, on voit des hommes surentraînés devenir dangereusement malades, pour avoir dépassé inconsciemment la dose d'efforts qui est incompatible avec l'équilibre de la santé. Là, comme ailleurs, l'excès de bien peut devenir un mal et, si on s'applique trop à combattre la sensation de fatigue, on arrive à priver l'organisme d'un moyen de contrôle, d'un modérateur, indispensable à l'équilibre vital.

Il n'en reste pas moins vrai que l'homme sagement entraîné conserve, sur l'homme qui manque d'entraînement, une supériorité qui s'affirme en toute circonstance, dès qu'il s'agit de supporter un choc matériel ou de faire un effort physique. Et, de la conscience qu'il a d'être, à la fois, plus apte à faire usage de ses forces et plus maître de ses sensations, naît un sentiment très remarquable de tranquillité et de sang-froid, en même temps qu'un esprit de décision, qui sont les caractères psychologiques de l'homme bien entraîné.

A côté de toutes ces modifications d'ordre psycho-physiologique, résultats de l'éducation simultanée des organes du Corps et des facultés de l'Esprit, l'entraînement en produit d'autres qui ne peuvent s'expliquer que par des effets de suggestion. La Suggestion dont l'action est toujours rapide et quelquefois instantanée vient, à chaque instant, chez l'homme entraîné, renforcer les résultats obtenus lentement et progressivement, par l'amélioration des organes, ainsi que par l'éducation des fonctions organiques et des facultés psychiques.

Parmi les effets de suggestion dûs à l'entraînement, il en est un qui domine tous les autres et dont tous les autres dérivent : c'est le sentiment de l'augmentation des forces. Il se développe très vite chez l'homme qui commence à s'entraîner et favorise, dans une très grande mesure, l'efficacité de l'exercice employé comme agent de réconfort chez les sujets affaiblis. L'impression vraie d'une petite augmentation de la force nous suggère l'idée d'une augmentation plus grande et cette idée même agit sur nos muscles pour les rendre plus forts.

Chacun sait bien que la confiance en soi-même augmente les forces, que la crainte de faiblir la diminue. Mais on ne sait pas assez combien l'auto-suggestion intervient fréquemment, et non seulement en présence d'événements capables d'exciter ou de déprimer notre énergie morale, mais dans les actes les plus insignifiants de la vie. '

Voici deux faits dont j'ai connu les auteurs. On pourrait en citer mille autres semblables.

Un homme parcourt, la nuit, à bicyclette, une route accidentée. Sur un point du trajet se présente une côte extrêmement raide; mais l'obscurité ne permet pas d'apercevoir le degré d'escarpement de la pente, et le cycliste la gravit sans se douter qu'il accomplit un tour de force. Deux jours après, il suit la même route, mais en plein jour. Arrivé au commencement de la montée et la voyant si raide, l'idée lui vient que l'ascension en est au-dessus de ses forces. Il veut l'entreprendre quand môme ; mais il reste en panne à moitié chemin et se voitobligé de mettre pied à terre. Ici la suggestion est venue annihiler l'effort. Dans le fait suivant, elle va le rendre irrésistible.

Un athlète devait faire en public un exercice de poids. Il avait à soulever une barre à sphères d'un volume énorme. Comme il est d'usage, la barre, bien que fort lourde, était truquée : les boules de 1er qui la terminaient étaient creuses, afin de présenter un volume qui étonnât les spectateurs. Mais un rival de l'athlète avait imaginé de lui faire manquer son tour et, dans ce but, il substitua aux sphères creuses des sphères pleines de même volume, et par conséquent beaucoup plus lourdes. Sachant que l'engin truqué représentait le poids maximum que son camarade eût jamais pu enlever, il croyait bien le mettre en échec par cette surcharge. Mais l'athlète qui, dans ses épreuves antérieures, n'avait jamais pu réussir à enlever la barre à sphères pleines, l'enleva

ce jour-là aisément, convaincu qu'il était d'avoir affaire à celle qu'il manœuvrait tous les jours.

Ce dernier fait est caractéristique. 11 en explique une foule d'autres qu'on observe journellement sur l'homme en état d'entraînement. Le souvenir 1 un effort couronné de succès suffit pour assurer, dans la suite, le succès d'un effort semblable, fût-il exécuté dans des conditions plus défavorables. Aussi les entraîneurs expérimentés recommandent-ils de ne pas épuiser les forces d'un sujet, par la répétition fréquente de l'effort maximum. Il suffit que le record ait été établi une seule fois, pour que la faculté de le reproduire soit acquise; sous la seule condition d'entretenir les muscles en bon état de nutrition, par la répétition quotidienne d'efforts moins importants.

Il suffit que le sujet se soit prouvé à lui-même qu'il peut faire telle prouesse de force ou de vitesse, pour qu'il acquière et garde la conviction de pouvoir, en toute circonstance, la répéter. Cette idée étant bien ancrée dans son esprit, il a foi en lui-même ; et c'est bien ici le cas de dire que la Foi a soulève des montagnes ».

L'auto-suggestion de confiance en soi-même peut avoir une portée incalculable. Chez l'homme bien portant elle sera l'origine de la hardiesse, du courage, de l'esprit d'entreprise. Dans certaines maladies où le doute de soi-même est le symptôme dominant et le point de dépari d'une foule de troubles nerveux, le sentiment du retour des forces peut devenir le point de départ de la guérison. Or la pratique méthodique de l'exercice peut la ramener en quelques semaines et créer l'auto-sugges-tion optimiste et le réconfort général qui en dérive.

C'est pourquoi l'entraînement, conduit avec toute la prudence et les précautions voulues, a mérité de prendre rang en médecine et se place, dans certaines maladies, bien au-dessus des remèdes pharmaceutiques.

Mais le point de vue éducatif est aussi intéressant que le point de vue médical, dans l'utilisation des effets de l'entrainement corporel : l'éducation morale, n'étant autre chose qu'une suggestion lente et répétée, et l'éducation intellectuelle n'étant que l'entraînement de l'esprit.

Nous avons vu quelle part considérable les facultés de l'esprit prennent à l'éducation du corps. Xous pouvons dire que l'éducation physique porte toujours avec elle un certain degré d'éducation intellectuelle et morale. L'entrainement corporel pourrait être utilisé comme une sorte d'entrée en matière, chez les sujets mal doués au point de vue de l'esprit. Chez les enfants arriérés, par exemple, l'apprentissage des mouvements pourrait être une préparation à celui des matières plus difficiles des programmes scolaires. Et chez les sujets de caractère faible, on trouverait, dans l'accoutumance à faire effort, dans l'habitude de supporter la fatigue, un moyen de développer la Volonté, tout en atténuant la Sensibilité qui vient si souvent lui faire échec.

L'action de la suggestion hypnotique sur le développement

de la mémoire

par M. le Docteur Daiioglou (du Caire).

Le sujet de la communication que je désire faire ne m'est pas personnel. Vu son importance scientifique et son intérêt pédagogique, je vous signale le cas suivant, tel qu'il m'a été raconté par un de mes amis, M" 13..., avocat à la Cour d'appel du tribunal mixte du Caire, ancien étudiant en médecine, parfaitement au courant de l'hypnotisme et de la psychothérapie, ayant même suivi les leçons du Dr Luys, à la Charité. Il m'a d'ailleurs expressément autorisé à vous faire cette relation.

Son neveu, M..., est actuellement âgé de 20 ans. Il est venu d'Athènes pour voir son oncle. C'est la saison des vacances. Comme il ne connaît que le grec, son oncle se met à lui faire apprendre par cœur quelques mots de français, afin qu'à la rentrée des classes de l'école française, il soit un peu au courant de la langue. Le jeune M... a la volonté d'apprendre; pendant la leçon, il répond facilement en français aux questions posées par son oncle en grec. Mais, au bout de quelques minutes, M... a oublié tout ce qu'il vient d'apprendre et devient incapable de répondre à aucune question.

M0 B... continue à lui donner des leçons pendant une semaine, sans le moindre succès. Alors il lui fait écrire chaque mot en lettres grecques, d'abord dix fois, puis cent fois, même mille fois. Le pauvre garçon fait très volontiers ces exercices, mais sa peine est perdue, car, aussitôt le cahier fermé, il est incapable de répéter en français le mot qu'il vient d'écrire tant de fois.

Le grand-père voyant que, malgré tous les efforts, on n'arrive à rien, est désolé, mais demande à son fils de ne plus s'occuper de ce jeune homme, puisqu'il se montre inintelligent. M* B... se met alors à l'hypnotiser. La première fois, il le met en état de somnolence. Pendant la séance, il lui suggère d'avoir l'esprit clairet lucide, la mémoire tenace; puis il lui fait répéter dix mots, en lui recommandant de les graver dans sa mémoire. Dès son réveil, pendant 48 heures, c'est-à-dire jusqu'au moment de la deuxième séance, le jeune M... répète assez bien et à plusieurs reprises les trois quarts des mots qu'il a appris à la première séance. Pendant la deuxième séance, M' B... lui fait répéter trente mots et au réveil le jeune M... les répète tous sans difficulté. Au moment de la 3e séance, qui a lieu trois jours après, il n'a pas oublié un seul de ces mots. Après la 3' et dernière séance, sa mémoire est exaltée à un point tout à fait satisfaisant : chaque jour, il apprend par cœur de cent à cent cinquante mots, qu'il retient et peut répéter sans hésitation même plusieurs jours après chaque leçon.

A la rentrée des classes, le jeune M... est admis à l'école française. En six mois et demi, il a fait toutes les classes de l'école; dans chaque classe, il a toujours été premier; il est la gloire de l'école, aime à répé-

ter le directeur: celui-ci ajoute que, depuis trente ans qu'il enseigne, il n'a rencontré chez aucun élève une aussi heureuse mémoire.

Pendant huit mois, il continue ses études dans une école italienne, il y est aussi toujours le premier et obtient tous les prix.

Lorsque ce jeune homme est obligé de quitter Port-Saïd pour venir au Caire avec son oncle, le directeur de l'école exprime ses regrets de le voir partir et décide qu'en témoignage de sympathie tous les élèves l'accompagneront jusqu'à la gare. Depuis, il est employé dans une maison de nouveauté et, outre sa langue maternelle, il parle très bien le français, l'anglais, l'arabe et l'italien.

Un cas de toxicomanie, (alcoolisme, cocaïnomanie et hachis eho-manie) datant de cinq ans, traité avec succès par la suggestion hypnotique,

par M. le Dr Damoglou (du CalreJ.

M. J... M..., âgé de 26 ans, 01s d'un haut fonctionnaire du gouvernement égyptien, enfant gâté, mène depuis plusieurs année une vie de plaisirs.

Il y a cinq ans. il a commencé à boire de l'alcool, à priser de la cocaïne et à fumer du hachisch. Il en a pris l'habitude et est devenu bientôt alcoolique, cocaïnomane, hachischomane avéré, ces dernières années il prend jusqu'à trois grammes de cocaine par jour.

A dater du moment où cette triple passion lui est devenue lyrannique, des désordres rapides sont survenus dans sa sphère intellectuelle et morale.

Alors qu'il était jadis un des employés les meilleurs et les plus exacts, il est devenu indifférent à tout, ne va plus à son bureau, se désintéresse de son avenir et, enfin, se fait renvoyer. Sa famille est lasse de s'occuper de lui, et en désespère. Cependantun traitement moral a été institué par le médecin de la famille, pendant longtemps; mais il n'a donné aucun résultat. Son médecin l'a même menacé de l'interner dans un asile s'il ne renonçait pas à sa vie dissolue ; mais la voix autoritaire du pacha, son docteur, n'a pu l'éloigner de son vice.

Jadis aimable et homme du monde, il est devenu grossier et indélicat; ses amis l'évitent. Voici son observation telle qu'elle m'a été rapportée par M. L..., vérificateur de la dette publique, ami intime de la famille, lequel était venu me voir quelques jours avant de m'amener le malade dans ma clinique, le 12 août 1903.

M. G..., ne dort plus, il ne peut rester seul dans sa chambre, la nuit; deux personnes doivent lui tenir compagnie depuis le soir jusqu'au matin ; il a des terreurs nocturnes, des hallucinations visuelles terrifiantes, se croit attaqué par des bêtes fauves (lion, tigre, etc.).

Dans la journée, il a des accès de dépression neurasthénique, ou mélancolique, avec idées de persécution et tendance au suicide ; il pleure amèrement se croyant perdu pour toujours.

En présence de M. L..., je l'hypnotise. Au bout de trois minutes, il présente une somnolence légère. Alors je lui suggère d'être calme et tranquille, au physique comme au moral, et de bien dormir la nuit sans rêves ni cauchemars. Les suggestions sont répétées plusieurs fois et par intervalles pendant toute la durée de la séance. Le lendemain notre malade, accompagné de M. L..., accuse une petite amélioration, car il a dormi la nuit, ce qui ne lui est pas arrivé depuis longtemps. Cette fois l'hypotaxie est plus accentuée qu'à la première séance. En outre des suggestions formulées ci-dessus, je lui ai suggéré à plusieurs reprises d'avoir de l'horreur et du dégoût pour les poisons qu'il absorbe, pour la vie qu'il mène, et surtout pour sa conduite si préjudiciable à lui-même et à sa famille.

Le traitement est continué régulièrement [pendant deux mois avec trois séances par semaine. Au bout d'un mois son état général est tout à fait modifié, bien que, de temps en temps, il prenne encore un peu de cocaïne. Depuis il est rentré dans sa famille, s'est mis à travailler, ainsi qu'à mener une vie très régulière, et ne prend plus de poison. Actuellement il est choyé par sa famille, par ses amis et toute la haute société. J'ajoute, en terminant, que tous ceux qui le connaissent depuis très longtemps et ont su son passé sont très étonnés du résultat de notre traitement; lui-même ne cesse de proclamer hautement sa reconnaissance à notre égard. La guérison dont je vous parle date de trois ans ; depuis lors, elle ne s'est pas un seul instant démentie.

Séance du 19février 1907. — Présidence de M. le D* Jules Voisin.

La séance est ouverte à 4 h. 45.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

La correspondance manuscrite comprend des lettres de M. le 1 » Frantz Glénard et de M. Quinque, directeur de l'Etablissement médico-pédagogique de Créteil ; la correspondance imprimée, les brochures qu'adresse, à l'appui de sa candidature, M. le Dr Giovanni Motti, vice-directeur de l'Asile d'Aversa (Italie).

Les communications inscrites sont faites dans l'ordre suivant :

1. Dr Hahn.— Les illusions de la thérapeutique. Etude psychologique sur le traitement de l'incontinence d'urine.

Discussion : Dr Bérillon, Dr Félix Regnault.

2. Dr Paul M a g m n . — Valeur de la rééducation de l'attention dans le traitement de l'hystérie.

3. Dr Bérillox.—Psychothérapie graphique] : Importance des exercices d'écriture appliquée dans le traitement des aboulies.

4. Dr Félix Regnault.— Le cas de Solcillant au point de vue de la médecine psychiatrique.

Discussion : Dr Demonchy, Dr Bérillon, M. Dyvrande.

m. le Président met aux voix les candidatures de MM. les D" Giovanni

Motti, directeur de l'Asile d'aliénés d'Aversa (Italie), de la Fouchar-diere (de Paris), Mazeran (de Châtel-Guyon), Rodolf Broda (de Vienne), Van Voast(de Cincinnati, Ohio). Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité.

La séance est levée à 6 h. 45.

A propos du crime de Soleillant,

par M. le D' Félix Regnault, Professeur à l'Ecole de psychologie.

Permettez-moi de déplorer la conduite des journaux politiques dans l'affaire Soleillant. Ils ont entretenu et accentué l'indignation publique, alors que leur devoir eût été de la calmer ; mais il est plus profitable d'exploiter les passions humaines que de les combattre ; aussi ont-ils affirmé la parfaite responsabilité du criminel, alors que seul le médecin légiste a le droit de prononcer.

Comme membre de la Société d'hypnologie, je suivrai l'exemple d'un de ses fondateurs et maîtres qui, en 1825, alors qu'on voulait exécuter un égorgeur d'enfants, s'interposa et dit : vous allez tuer un fou, un lycanthrope.

Non que je puisse certifier d'une façon'absolue que Soleillant soit fou, cela est la lâche du médecin légiste qui l'examinera. Mais il est permis de rappeler que la plupart de ces violateurs et assassins d'enfants sont des aliénés et des irresponsables, et que plus un crime est horrible et maladroit, plus il y a chance qu'il ait été accompli par un fou.

Qu'on se souvienne que Vacher, le tueur de bergers, avait à la base • du cerveau une balle qu'on trouva à l'autopsie, que Menesclou était atteint de méningite chronique... etc. ; ils ont pourtant été guillotinés!

En ce qui concerne Soleillant, je relèverai simplement un point signalé dans son interrogatoire : il ne fait pas difficulté d'avouer son crime ; il a étranglé la fillette, il l'a empaquetée, il a emporté le cadavre... mais il nie l'avoir violée et l'avoir percée d'un coup de poignard, alors que l'autopsie a prouvé ces actes.

Une telle perte mémoire ne portant que sur quelques points d'une série d'actes bien coordonnés n'est guère signalée, que je sache en psychiatrie.

Aussi en rapportera i-je deux qui sont inédits :

En 1892, j'eus à soigner une femme de 32 ans, hystérique de par ses stigmates, de par son extrême suggestibilité et de par sa facilité à réagir en actes violents. Quand ce sujet se mettait en colère, au bout de quelques minutes, au paroxysme de sa fureur, elle perdait conscience et la reprenait un peu avant de se calmer; de sorte qu'elle ne se rappelait ni les injures ni les actes qu'elle avait commis au paroxysme de ses disputes. Mais elle se souvenait du commencement et de la fin de sa colère. Comme tous les actes commis étaient bien coordonnés qu'il n'y avait aucune coupure, aucun passage du conscient à l'inconscient, et au retour au conscient, personne ne s'apercevait de rien. Il me fallut un

hasard, au bout de plusieurs mois de soins, pour le reconnaître. Cette femme me raconta qu'elle avait eu, étant seule, un accès de colère au souvenir de certaines histoires pénibles ; eue avait été très étonnée, à la fin de son accès, de retrouver plusieurs pièces de son mobilier cassées; elleavaitcruà une mauvaise plaisanterie. En réalité, l'inconscient était survenu, et elle avait cassé elle-même ces objets.

Il y a là un accès de somnambulisme émotif différent de celui habituel aux hystériques. En ce dernier cas, l'accès somnambulique se produit d'abord et c'est alors seulement que le sujet exécute inconsciemment toute une série d'actes. Assimilons la conscience du sujet à un spectateur dans un théâtre, le rideau s'est baissé au début de la représentation, le spectateur ne voit rien ; au contraire, chez notre sujet, le rideau s'est abaissé au cours de la représentation et levé avant la fin.

Ce cas diffère également de l'inconscience épileptique.

La malade n'a jamais eu aucun signe d'épilepsie; dans l'absence épileptique, le sujet reste un moment hébété et hors de lui, tandis que, je le répète, un spectateur, si attentif qu'il soit, ne peut reconnaître chez notre sujet le passage du conscient à l'inconscient et le retour au conscient ; la pièce se continue normalement à l'insu du sujet. Dans les accès de fureur épileptique, le sujet commet des actes souvent reprehensibles sans en avoir conscience, mais ces actes n'ont pas été commencés en état de conscience, ils sont tout entiers compris dans la période d'inconscience.

En 1898, j'eus à soigner une autre malade de 20 ans, celle-ci était dégénérée, arithmomane, mythomane, emportée, d'une sensibilité maladive, d'une intelligence vive. Mère atteinte de folie de persécution, père de goitre exophtalmique, tante maternelle folie religieuse...

Mêmes phénomènes, l'inconscience survient au milieu de l'accès de colère. La malade ne se rappelle pas non plus ce qu'elle a fait au milieu de sa dispute, elle s'en rappelle le commencement et la fin qui, dans son esprit, forment un tout bien coordonné.

J'ai cru intéressant de rappeler ces deux faits de somnambulisme partiel émotif qui m'ont semblé différer profondément de ceux qu'on a décrits jusqu'à présent.

RECUEIL DE FAITS

Une grenouille dans l'intestin ! Guërison par suggestion due à l'emploi d'images radiographiques (*)

par M. le Dr H. Bousquet (de Clermont-Ferrand).

En juillet dernier, je voyais arriver dans mon cabinet Mme R..., institutrice dans une commune des environs ; cette dame était, du reste, venue me consulter nombre de fois déjà, au cours de ces dernières années, pour des troubles gastro-intestinaux.

C'est une constipée qui fait de temps à autre des crises d'auto-intoxication intestinale : comme toutes les malades de cette catégorie, elle a vu nombre de médecins, fait plusieurs saisons à Vichy et à Châtel-Guyon, malgré lesquelles elle continue àsouffrir, et, sous cette influence, son moral aussi bien que son physique ont subi de sérieuses altérations. Aussi, suis-je agréablement surpris, en voyant entrer cette personne, de la trouver plus alerte qu'à l'ordinaire et de constater qu'elle se présente avec un air dégagé et satisfait qui, depuis longtemps, ne lui était plus habituel. Elle s'asseoit en face de moi, et d'un air triomphant, me regardant bien en face: « Je suis fixée, cette fois, me dit-elle, sur l'affection dont je suis atteinte, et il dépend de vous de me guérir ! » Sur un signe d'assentiment de ma part, elle se lève et, plaçant sa main droite sur l'hypochondre droit, au-dessous du foie. « J'ai, me dit-elle, une bête dans le ventre, et elle est là. » Et la main appuie de plus en plus fort dans la région sous-hépatique. Avec le plus grand sérieux du monde, j'écoute le récit qui m'est fait; en le terminant, Mme R... me demande de la débarrasser, par une opération, de cet hôte incommode. Il est convenu que ma cliente entrera sous peu à la clinique chirurgicale de l'Hôtel-Dieu, que nous étudierons les mœurs de cet habitant de l'intestin, puis, que nous verrons à l'en déloger. Les élèves et le personnel du service furent prévenus et stylés en conséquence, et, le 12 août, notre institutrice était installée salle Fleury, prête à se faire ouvrir le ventre.

« C'est au commencement du mois de mars de cette présente année 1906, que je me suis aperçue, nous dit-elle, de la présence de cette bête, et c'est à cette époque aussi que j'ai pu la sentir nettement par la palpa-tion, et être mathématiquement sûre de son existence. Mais, en y réfléchissant bien, je me rends compte qu'elle est dans mon estomac depuis plus de six ans, et c'est certainement à sa présence que je dois rapporter toute une série de douleurs, de crampes et de vomissements dont j'ai souffert au cours de ces dernières années. » — Mais, demandons-nous à la malade, quels sont les phénomènes qui ont pu attirer votre attention sur l'existence de cette bète? Avec un grand sérieux et un air de conviction profonde, la patiente nous répond :

a Ce sont les cris, ou, si vous aimez mieux, les chants de l'animal qui m'ont révélé sa présence. Voulez-vous, ajoute-t-elle, que je vous fasse entendre comment elle chante? » Et, sans attendre la réponse, Mme R... se redresse, passe sa main sur sa gorge, tousse deux ou trois fois comme un acteur qui va entrer en scène, et nous fait entendre à trois ou quatre reprises différentes, une série de sons que Ton peut reproduire en pro-nonçantà haute voix l'assemblage de lettres suivant : T.r.r.r .a. T.r.r.r.a. T.r.r.r.a.

« C'est surtout au printemps et au courant du mois de mai que les chants étaient entendus le plus fréquemment, mais la bête chante encore de temps à autre, et je vous la ferai entendre bientôt, ajoute Mme R... en se tournant vers la religieuse du service qui écoutait impassible. »

« — Mais alors, lui dit le chef de clinique, M. le Dr lïellet, si cet ani-

ma] chante surtout au printemps, et si son chant est semblable à celui que vous nous avez fait entendre, ce doit être une Raine (').

« Oui, répond Mme R..., je crois bien qu'il s'agit d'une Raine.

« — Comment expliquez-vous, reprend l'interlocuteur, qu'elle soit allée se loger dans votre intestin? Peut-être vous serez-vous endormie dans un pré, et aura-t-elle pénétré dans votre bouche, étant toute petite?

« — Je ne crois pas, répond Mme R... J'ai dû avaler cet animal à l'état d'œuf ou d'embryon avec les aliments ou les boissons, et le milieu lui étant favorable, il a dû se développer peu à peu. Pendant les premiers temps, l'animal voyageait peu ; il est d'abord allé du côté du rein, sur lequel il aime à s'asseoir, puis il est descendu versla vessie; actuellement, il chemine constamment de la vessie à l'estomac. Au moment des repas, la bête monte vers l'estomac. Je ne saurais affirmer si elle pénètre dans cet organe, bien que je sois portée à le croire, mais ses lieux de prédilection sont le rein, sur lequel, ainsi que je vous l'ai déjà dit, elle aime à s'asseoir, et la fosse iliaque.

* — Mais, demande un de nos confrères qui nous fait l'honneur de suivre la visite, M. le Dr Chadouteau, la qualité des aliments n'a-t-elle pas une influence sur les mouvements et la manière de se comporter de l'animal ?

« —Je vous demandepardon, répond Mme R..., tout cela, au contraire, a une influence considérable. Lorsque je prends des choses sucrées, du lait sucré par exemple, l'animal se gave, et je sens qu'il est content. Je suis sûre qu'il pénètre à ce moment dans l'estomac, où il se couche et éprouve un bonheur extrême ; au contraire, si je lui donne des choses acides ou amères qui lui sont particulièrement désagréables, il manifeste son mécontentement par des mouvements brusques, et il se venge en m'enfonçant ses griffes dans l'intestin. De plus, la présence dudit animal rend en permanence les digestions longues et douloureuses, surtout après l'absorption des viandes qui, comme le mouton, ne lui conviennent pas. »

Tel fut le récit de l'histoire naturelle de ce nouvel hôte des cavités digestives, récit qui a été en parti écrit sur notre cahier d'observations, de la main même de la malade. On peut juger par lui de l'état dans lequel était cette malheureuse.

Que devions-nous faire ?

Il nous répugnait, nous n'hésitons pas à le dire, de pratiquersurcette pauvre hallucinée, même un simulacre d'opération, et cependant il fallait la débarrasser de son cauchemar, car ses deux filles, qui étaient venues nous voir après l'entrée de leur mère à l'hôpital, nous affirmaient qu'elle rendait l'existence insupportable à tout son entourage.

Sur les conseils de notre vieil ami, le Dr Chibret, oculiste à Clermont-Ferrand, il fut décidé que nous essaierions d'agir sur le moral de la malade de la façon que nous allons raconter.

(1} On appelle ainsi, en Auvergne, la petite grenouille vortc des prés connue sous le nom de Reinette ou Rainette, et aussi la Salamandre.

L'interne du service, M. Lacaze, dûment cathéchisé au préalable, annonça à Mme R... que l'on allait essayer, à l'aide des rayons X, d'obtenir une photographie de l'animal et de déterminer le point précis où il se trouvait- Mais nous avions affaire à forte partie. i Ce ne sera pas facile, déclara la malade dès les premières ouvertures qui lui furent faites, car le squelette seul des animaux se profile sous l'influence des rayons X, et celui de mon locataire improvisé doit être très petit, » Peu à peu, cependant, la nécessité de cette tentative s'encra dans le cerveau de notre patiente et enfin, le 22 août, il fut procédé à l'opération. J'étais allé la veille dans un bazar choisir un de ces petits jouets en zinc qui ressemblent vaguement à une grenouille ou à une tortue; un de mes clients, ferblantier-zingueur, voulut bien sculpter, sur les parties latérales de cette sorte de carapace, trois paires de pattes. Avant de conduire Mme R... à la radiographie on lui persuada qu'il était nécessaire de lui mettre un tampon d'ouate sur le ventre et de bien le fixer à l'a;de d'un bandage de corps pour coincer l'animal et l'empêcher de se déplacer. Grâce à cet artifice, notre petit squelette en zinc fut maintenu au milieu de la fosse iliaque droite. Le lendemain, on nous portait la radiographie et nous pouvions montrer à notre cliente le squelette de son ennemi, u La bète est, en effet, parfaitement à sa place, nous dit M™0 R... d'un ton triomphant, mais son image est un peu floue et je sais bien pourquoi; l'action des rayons X lui a été particulièrement désagréable et elle a remué, comme cela, voyez », et la malheureuse esquisse un mouvement de tête et de tronc, de droite à gauche.

« Maintenant que nous sommes tous convaincus de l'existence de cette bête, et que nous nous sommes assurés que ce n'était pas simplement un produit de votre imagination, disons-nous à la malade, nous allons vous soumettre durant quelques jours à une série de médicaments dont l'action va tuer cet animal et le décomposer, puis nous vous radiographierons à nouveau et si nous ne trouvons plus trace du squelette, il faudra bien admettre que vous êtes débarrassé de cet hôte importun. »

Il fut fait ainsi qu'il avait été dit. Durant quelques jours, la patiente absorba des potions de colorations diverses composées d'eau, de sirop et de substances amères, teinture de quassia, de columbo, etc., puis il lui fut annoncé le quatrième jour que le lendemain on allait lui faire prendre une boisson, qui, si la bête était morte, dissoudrait ses pigments, lesquels pigments se retrouveraient dans l'urine. Il fut donc administré à Mme L... un mélange de fluorescine et d'éosinate de soude. Le soir même de l'absorption de ce médicament, les urines étaient fortement colorées en vert : donc les pigments étaient dissous, donc la Bêle était morte.

Pendant toute la durée du traitement, il s'était passé des drames terribles; l'animal se sentant traqué et attaqué vivement se défendait de son mieux et luttait avec l'énergie du désespoir; il montait, descendait, grattait, sautait, et cependant il semblait s'affaiblir de jour en jour.

Deux jours après l'absorption de la fluorescine. il fut procédé à une

nouvelle radiographie pour bien convaincre Mme R... de la disparition de son ennemi et, bien entendu, le nouveau cliché ne portait la trace d'aucun animal.

Néanmoins, deux jours après, notre malade annonçait que tout n'était pas terminé et qu'elle sentait encore des mouvements spéciaux qui lui prouvaient qu'il y avait encore quelque chose. Il fut expliqué à la plaignante qu'il s'agissait de fausses sensations, et comme nous étions à bout de ressources, cette dame consentit à rentrer chez elle sur l'assurance que nous lui donnions, qu'en surveillant ses selles, elle y trouverait fatalement des fragments du squelette de son animal. Un squelette de grenouille avec une série d'instructions fut remis à une des filles de Mme lï... et, dix jours après, nous voyons revenir notre cliente qui, triomphalement, sortait une petite boite de sa poche et nous disait : « Cette fois, c'est bien fini. J'ai rendu la tête hier. Voyez, Monsieur, voilà les ossements de mon ennemi, »

Depuis lors, la guérison ne s'est pas démentie.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société d'hypnologie et de psychologie

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 19 mars, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le D'Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le D' Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications déjà inscrites :

D' Paul Fabez : Un sommeil de trente ans.

Pr Ubeyd-Oullah (de Constantinople) : L'Islam et la pédagogie musulmane.

D'Pamabt : Epilepsieou hystérie. La psychothérapie facilitant le diagnostic.

Dr Bérillon : Le réflexe de la suggestibilité.

Jules Bois a. la Société des Gens de lettres

Dans sa dernière séance, le Comité de la Société des Gens de lettres a attribué le Grand Prix de 3.000 francs à notre collaborateur Jules Bois. Pareille distinction avait déjà été décernée, pour leur œuvre, à Maupassant, Bornier, Ferdinand Fabre, Bergerat, Camille Lemonnier, tous

écrivains qui honorent notre littérature : et c'est un bel hommage que ses pairs rendent à Jules Bois.

Nos lecteurs n'ont pas oublié le poème si éloquent par lequel notre collaborateur a célébré le génie de Liébeault, lors de l'inauguration du buste du maitre par l'Ecole de psychologie.

Superstitions royales.

La veuve du roi Humbert, la reine-mère Marguerite, vient, on le sait, de traverser une partie de la France.

L'automobile dans lequel elle voyage est tout à fait remarquable. Il est baptisé du nom d'Aquila et sept personnes peuvent y prendre place. Trois à l'avant servant au chauffeur, au mécanicien et à une personne de la suite. Au centre, deux places très confortables, vastes fauteuils à renversement, occupées par la reine et la comtesse de Villamarina ; à l'arrière, deux fauteuils encore, pour le comte Giuccioli et une dame de compagnie. Les bagages sont placés en haut sur une bâche-tonnelle.

A l'avant de la voiture, qui fait couramment de HO à 100 kilomètres à l'heure, est une statuette d'argent représentant saint Christophe, patron des voyageurs (!}. A l'intérieur, cette inscription est gravée ! « San Christoforo, preservateci dei pericoli della via, et proteggeteci degli incidenti del viaggi. »

Protégée par ce fétiche, la reine est bien convaincue qu'il ne peut lui arriver aucun accident.

Après cet exemple, on ne s'étonnera pas de savoir que les superstitions les plus absurdes aient cours daas les classes populaires de l'Italie.

En France, un grand nombre de chauffeurs manifestent le même fétichisme. Sur un grand nombre d'automobiles, des médailles de saint Christophe sont apposées dans le but de les protéger contre les accidents. 11 est vrai qu'elles sont habituellement dissimulées dans un coin peu apparent de la voiture, comme si nos automobilistes hésitaient à manifester ostensiblement leur confiance en saint Christophe.

Souhaitons que le saint leur soit clément et surtout qu'il les protège contre le vertige de la vitesse.

Un chien acteur comique.

M. Cunissel-Carnot cite dans le Temps le fait suivant que lui signale un de ses correspondants.

Ponguito n'est plus jeune; c'est un Chien de neuf ans. Quand on lui utoutre un point de la chambre en lui disant mystérieusement : « Cette mouche 1 » il aboie avec fureur. Si l'on fait semblant d'attraper la mouche imaginaire et de la lui offrir, il mâche... l'air, avec une conviction admirablement jouée, et se lèche les babines. Mais il ne faut pas que 1« comédie se prolonge trop, il se refuge à « manger » plus de deux uu trois mouches de suite!

Il me semble, ajoute M. Cunisset-Carnot, qu'il y a là plus que de l'imagination, qu'il s'y joint le sentiment d'un rôle comique à jouer pour l'amusement de l'acteur et des spectateurs. Qu'en pensent les psychologues ?

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Consultations médicales, cliniques et thérapeutiques et Nouvelles consultations médicales (1)

par M. le Dr Huchard, médecin de l'Hôpital Xecker, membre de l'Académie de médecine.

En un style alerte, dans lequel on retrouve toute l'éloquence et toute la clarté du professeur, le Dr Huchard vient de publier un volume destiné à initier les étudiants et les médecins praticiens à l'art de la consultation médicale. Le maître y démontre comment une consultation, pour arriver à la thérapeutique physiologique et raisonnée, procède non seulement d'un bon diagnostic, mais aussi de questions de clinique, de pronostic, d'étiologie, de pathogénie et de séméiologie. Le volume des Consultations médicales, venant immédiatement après la troisième édition du Traité clinique des maladies de cœur et de l'aorte, a eu un grand succès. Les éditions se sont succédé sans interruption. La forme concise sous laquelle sont présentées les diverses leçons relatives aux appareils respiratoire, digestif, circulatoire, aux maladies infectieuses et générales, en rend la lecture excessivement attrayante. Mais ce qui nous a vivement intéressé, ce sont les leçons consacrées au système nerveux. Nous y avons retrouvé les enseignements que le doc-leur Huchard donnait dès 1883 dans le Traité des névroses, rédigé en collaboration avec Axenfeld. Un des premiers, le D' Huchard a fait connaître en France l'importance de la neurasthénie; un des premiers, il a démontré le rôle des troubles psychologiques dans l'étiologie de l'hystérie. Nul n'a mieux défini que lui le caractère de ces hystériques qui ne peuvent, ne savent, ni ne veulent vouloir.

Le grand service rendu par la lecture des Consultations médicales et des Nouvelles consultations, c'est qu'elles instruisent de choses indispensables à connaître. Rien de ce qu'y expose le 1 )¦ Huchard ne se trouve ailleurs et tous les chapitres reflètent à fois l'expérience personnelle du maître et son désir de rendre service aux nouvelles générations médicales.

(t) 2 vol. in-8 de 680 pages, 4" édition. J.-B. Baillière, Paris 1906.

ENSEIGNEMENT

Ecole de psychologie, 49, rue Saint-André-des-Arts. — Le D' Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie, médecin Inspecteur des asiles d'aliénés, commencera le mardi 7 mai, à cinq heures, un cours de psychologie médicale. (Application de l'hypnotisme à la thérapeutique et à l'éducation des enfants vicieux ou anormaux.)

L'Administrateur-Gérant : Ed. BERILLON.

Paria, Imp. a. Quelquejeu, rue Gerbert,

REVUE DÊL^PNOTISME

EXPÉRIMENi%L>üBff","TlIBRAPEUTIQUE

?1* Année. — ? 10. Avril 1907.

BULLETIN

La mort de M. le professeur Berthelot. — La Commission des réformes de l'enseignement médical.

L'Ecole de psychologie vient de faire une perte des plus cruelles en la personne de M. le professeur Berthelot. Il avait été le premier membre de son Comité de patronage et ne s'était pas borné à accorder à cette œuvre l'appui moral de sa haute autorité scientifique. II avait fait plus, il lui avait donné son concours le plus effectif. Nos lecteurs n'ont pas oublié que le 10 janvier 1905, au lendemain du jour où son petit-fils venait de lui être ravi dans un accident de chemin de fer, il avait présidé la séance de réouverture de nos cours. Ce jour-là, dans des paroles d'une éloquence incomparable, il nous avait tracé le but philosophique auquel doit tendre tout homme doué d'intelligence et de volonté. Tout récemment il m'avait donné un témoignage de sa personnelle sympathie en me remettant au nom de la grande chancellerie les insignes du grade de chevalier de la Légion d'honneur.

Nous n'entreprendrons pas aujourd'hui de retracer la carrière si glorieuse de notre maître, nous nous bornerons à exprimer les sentiments de respectueuse admiration et de reconnaissance émues que nous éprouvons pour lui.

L'Ecole de psychologie avait tenu à être représentée à ses obsèques nationales par une délégation. Ce n'était là qu'un faible témoignage de nos regrets. Nous ne faillirons pas au devoir dans les circonstances solennelles de notre école, de rappeler l'œuvre scientifique et philosophique de celui qui nous a prodigué de si précieux encouragements. J'adresse à son fils, M. le professeur Daniel Berthelot, dont je suis le collègue comme vice-président de l'Alliance Scientifique Universelle fondée par M. Léon de Rosny, l'expression de nos sympathies les plus affectueuses, et le prie de croire que les professeurs de l'Ecole de psychologie s'associent à sa grande douleur. Je souhaite que le pieux hommage d'associer Madame Berthelot aux obsèques nationales lui soit un adoucissement dans l'épreuve qu'il vient de traverser.

¦

» 4

La composition de la fameuse Commission de soixante membres, destinée à renseigner le ministre de l'Instruction publique sur les réformes à apporter à l'enseignement médical, est enfin connue. Elle renferme beaucoup de membres qui sont plutôt décidés à aggraver la situation

déjà déplorable dont souffre cet enseignement, qu'à l'améliorer. Parcon-tre, le nombre des réformistes y est fort limité.

En particulier, par un oubli des plus singuliers, on a oublié de faire figurer dans la Commission le nom du Dr Huchard, qui en avait le premier donné l'idée au ministre. Nous pensons qu'il convient d'en féliciter notre maître. Grâce à celte omission, il conservera toute la latitude nécessaire pour continuer, dans le Journal des praticiens, la vigoureuse campagne qu'il a entreprise en faveur de l'enseignement libre. Aucun médecin n'est plus qualifié que lui pour exprimer les doléances du corps médical. Professeur dans les hôpitaux, il a connu les éclatants succès et n'a jamais parlé que dans des amphithéâtres regorgeant d'auditeurs. La grande autorité, qui s'attache à ses travaux et à ses enseignements cliniques, en fait le porte-parole tout désigné de ceux qui méritent d'être appelés à l'honneur de l'enseignement médical.

Les conseils qu'il adresse à la minorité réformiste de la Commission des réformes médicales sont des plus justifiés. Il les engage à se défier des embûches, ci c'est avec raison qu'il écrit les lignes suivantes :

« Dons la lutte que nous poursuivrons jusqu'à la définitive victoire, ne vous laissez pas abuser par d'habiles diversions, ni arrêter, ni surprendre par de vaines promesses ou quelques concessions incomplètes, comme en 1890. La défiance est le commencement de la sagesse. Timeo mandarines et dona ferentes. »

Et il termine en ajoutant, toujours à l'adresse de la minorité de la Commission, qu'elle a de graves responsabilités vis-à-vis de tous les praticiens de France : ils attendent d'elle des actes d'indépendance, de fermeté, et... d'assainissement médical.

I)' E. D.

Le concours de l'agrégation en médecine; nécessité de son remplacement par l'institution des privat-docenten.

par M. le D' Bérillon. professeur à l'Ecole de psychologie, professeur libre de psychologie à l'Ecole pratique de U Faculté.

Une définition du professeur moderne.— La décadence de l'enseignement officiel est duc à l'agrégation. — Les grands progrès de la médecine sont dûs a l'enseignement médical libre. — Le remplacement du concours de l'agrégation en médecine par l'institution des prival-docenien.

{Suite)

Les grandes découvertes qui, dans le cours du xise siècle, ont assuré la prépondérance de la médecine française, ont toutes été conçues et réalisées par des médecins indépendants de toute attache universitaire.

Les branches les plus importantes de la médecine ont été créées uniquement par des représentants de renseignement libre. En oculistique, en laryngologic, en otologie, en psy-

chiatrie, en dermatologie, en pédiatrie, en obstétrique, en gynécologie, en art dentaire, tout ce qui marque un progrès définitif, est dû à des professeurs libres, tenus à l'écart de la Faculté de médecine. 11 en est de même de toutes les conquêtes modernes réalisées dans le domaine de la médecine expérimentale et de la thérapeutique. Un rapide exposé sullira pour le démontrer.

Longtemps avant que la Faculté eut l'idée d'enseigner à son tour l'oculistique, cette science avait été glorieusement représentée à Paris par une pléiade d'occulistes remarquables. Non seulement les Giraud-ïeulon, les Sichel, les Desmarres, les de Wecker, les Galezowski, les Abadie, les Landolt, les Pari-naud, et un grand nombre d'autres, avaient doté l'oculistique de découvertes de la plus haute valeur, mais ils s'étaient appliqués à former de nombreux élèves. La Faculté no s'est décidée à s'intéresser aux maladies de l'appareil visuel que lorsque l'oculistique était une science déjà faite, et les travaux marqués de l'estampile officielle n'ont rien ajouté de vraiment personnel à ce qui avait été enseigné par les précurseurs. La notoriété qui nait d'une fonction, s'éteint nécessairement avec la cause qui lui a donné naissance, c'est pourquoi la réputation éphémère des professeurs issus du concours de l'agrégation ne saurait atténuer la gloire des véritables inventeurs.

Jusqu'à ces dernières années, des professeurs libres tels que Fauvel, Ménière, Miot, Garrigou-Désarênes, Krishaber, Gellé, Lubet-Barbon, Luc, Lermoyez, Marage, Saint-Hilaire, Bonnier, et beaucoup d'autres, fournissaient seuls aux étudiants le moyen de s'instruire en otologie et en laryngologie. Un jour vint où la Faculté de Paris s'avisa que l'otologïe et la laryngologie étaient des sciences assez avancées en âge et en progrès pour mériter d'être adoptées. Elle ne trouva naturellement dans son sein aucun agrégé assez compétent pour tenir l'emploi. Aussi, à son grand regret, elle se résigna à accepter les services, comme chargé de cours, du Dr Castex. Précédemment, la Faculté de Bordeaux avait dû faire appel, dans des circonstances analogues, à la science d'un professeur libre, le D' Moure.

S'il est une branche de la médecine qui ait été tenue en discrédit par les agrégés, c'est assurément la psychiatrie. Aussi, il n'y a rien d'étonnant à ce qu'elle ne doive absolument rien à renseignement officiel. Elle s'est entièrement dégagée des travaux des Pinel, des Esquirol, des Baillarger, des Falret,

des Calmeil, des Brière de Boismont, des Félix Voisin, des Morcl, des Legrand du Saulle, des Magnan, des Delasiauve, des Luye, des Auguste Voisin, des Bourneville, des Jules Voisin. Aucun de ces savants remarquables n'avait le titre d'agrégé, pas plus d'ailleurs que les Garnier, les Séglas, les Deny, les Legrain,les Sérieux, et beaucoup d'autres médecins aliénisles, dont les travaux font autorité. Alors qu'elle n'avait que l'embarras du choix parmi des hommes du plus haut mérite, la Faculté de Paris préféra confier la chaire de psychiatrie à un agrégé que rien dans ses travaux antérieurs, ne désignait à ce choix.

Ce psychiatre improvisé se rendait si bien compte de son peu de compétence que, lorsqu'il commença la leçon d'inauguration de son cours, il crut devoir se concilier l'indulgence par le trait d'esprit suivant : — « Messieurs, leur dit-il, on demandait un jour au vieux doge de Gênes, contraint par Louis XIV de venir s'humilier à Versailles, ce qui l'étonnait le plus dans la cour du grand roi : « C'est de m'y voir », répondit-il.

« Je pourrais à mon tour m'appliquer cette parole; et lorsque après une si longue attente, je monte enfin à cette chaire, dont l'accès semblait m'être à jamais interdit, ce qui m'étonne le plus, c'est de m'y voir. »

Les applaudissements et les rires de son auditoire lui prouvèrent qu'il n'était pas le seul à s'en étonner. Mais on lui tint compte de sa modestie, d'autant plus que, s'il n'apporta aucune contribution à l'élude de la psychiatrie, il eut toujours le bon goût de s'en tenir à son rôle de vulgarisateur, tel que la Faculté avait voulu le lui confier.

Un peu plus tard, lorsqu'elle voulut organiser chez elle l'enseignement de la pathologie mentale, la Faculté de Bordeaux fut mieux inspirée. Elle s'adressa au Dr Régis qui, sans être agrégé, lui a apporté le concours d'une véritable compétence en psychiatrie et d'un remarquable talent de professeur.

L'enseignement des maladies cutanées et syphilitiques s'honore surtout des Ricord, des Bazin, des Gibert, des Diday (de Lyon), des Vidal, des Mauriac, des Besnier, des Balzer, des Brocq, des Darier et de beaucoup d'autres, qui ont toujours professé librement et gratuitement.

Ces maîtres ont préparé la voie à l'enseignement officiel. Quand il est apparu, il n'a pu que s'inspirer de leurs travaux, sans toutefois arriver à les faire oublier.

La pédiatrie, bien avant la création de la chaire de clinique des

maladies infantiles, brillait, à Paris, d'un vif éclat. Lesétudiants trouvaient dans les leçons des Barthez, des Henri Roger, des Cadet de Gassicourt, des Jules Simon, des Bouchut, des de Saint-Germain, des Bergeron, des enseignements d'une valeur incomparable. Actuellement, c'est auprès des Comby, des Sevestre, des Moizard, des Richardière, des Variot, des Gui-non, qu'ils peuvent s'initiera l'étude des maladies de l'enfance. Ils n'ont pas la faveur de pouvoir suivre les cours du professeur officiel, celui-ci se tenant, depuis dix ans, absolument éloigné de la chaire qui avait été créée à son intention.

Pendant un demi-siècle, les étudiants de la Faculté de Paris ont eu l'habitude de terminer leurs études sans avoir assisté à un accouchement. Sans les leçons de quelques professeurs libres, ils auraient abordé la clientèle sans avoir la moindre notion d'obstétrique. Au premier rang de ces professeurs brillait un remarquable privat-doceiit. Moyennant la modique somme decinquante francs, un étudiant ou un médecin était instruit complètement par Pajot aux difficultés de l'art des accouchements. Sa réputation de professeur devint bientôt si fameuse qu'une poussée formidable de l'opinion, en l'absence de tout agrégé capable d'occuper l'emploi, le fit, en 1851, déléguer dans les fonctions de chargé de cours à la Faculté.

Pajot, qui a laissé le souvenir du plus admirable professeur d'accouchement qui ait jamais existé, avait démontré, avant sa nomination officielle à l'Ecole, qu'il n'était pas nécessaire d'avoir subi les épreuves de l'agrégation pour savoir instruire les étudiants.

Il ne serait pas difficile de démontrer que les conquêtes les plus audacieuses de la chirurgie moderne ont été dues à des professeurs libres. La chirurgie française a été surtout connue à l'étranger, dans ce siècle, par les procédés opératoires et les appareils des Leroy d'Etiolés, des Civiale, des Amussat, des Lisfranc, des Jules Guérin, des Maisonneuve, des Vincent Duval, des Cusco et de quelques autres, qui ne furent jamais pourvus du moindre enseignement officiel.

A notre époque, sans être agrégés, Alphonse Guérin, Péan, Lucas-Championniére ont été honorés par tous, dans les congrès et dans les grandes réunions internationales, du titre de professeur.

La clinique chirurgicale qui reçoit, à Paris, le plus grand nombre de visiteurs français et étrangers n'a pas son siège dans des locaux officiels. Elle appartient au D' Doyen qui, non

seulement s'impose par sa valeur opératoire, mais également par son talent professoral.

La province compte également un grand nombre de chirurgiens de haute valeur. Parmi ceux dont la compétence chirurgicale s'affirme par des communications du plus haut intérêt, nous mentionnerons les D" Montprofit, d'Angers; Maunoury, de Chartres; Pauchet et Moulonguet, d'Amiens; Mencière, de Reims; Calot, de Berck; Pantaloni, de Marseille; Delagenière, du Mans. La plupart d'entre eux ne sont même pas professeurs à PEcoIe de médecine de la ville où ils résident. Cependant, c'est à leur3 leçons que les étudiants vont s'instruire dans la pratique chirurgicale.

Nous ne pouvons faire allusion à la chirurgie sans rappeler le cas de l'émincnt doyen de la Faculté libre de Lille, M. le professeur Duret. Tout le monde se souvient de quelle façon scandaleuse, malgré les épreuves les plus brillantes, malgré les ovations répétées d'un millier d'étudiants et de médecins accourus à ses leçons pour le soutenir de leurs applaudissements, sa carrière fut brisée à Paris, par une de ces iniquités dont fourmille l'histoire de l'agrégation.

Duret n'avait qu'une seule préoccupation, consacrer sa vie à l'éducation des jeunes générations médicales. Il avait l'am-bition d'être professeur, la partialité d'un jury l'eût obligé, si une faculté libre n'avait réparé immédiatement cette criante injustice, à renoncer à l'enseignement.

En médecine et en thérapeutique générales, Bichat {'), Laennec, Broussais (-), Chomel, Louis, Valleix, Bretonneau. Rayer, Germain Sée, Brown-Séquard, Villemin, Dujardin-Bcaumetz, et beaucoup d'autres, ont prouvé qu'il n'était pas nécessaire d'être le produit du concours de l'agrégation pour enrichir la clinique des monuments impérissables.

A noire époque, n'est-ce pas à Huchard que l'on doit l'œuvre la plus considérale qui ait été publiée sur la pathogénie et la

(1) C'est dans un modesto amphithéâtre de ta rue du Four que Bichat et Broussais ont fait les immortelles leçons qui ont révolutionné la science médicale. Véritable privat-docent, Bichat y enseigna l'anatomie et la physiologie. Il y créa le premier cours méthodique de médecine opératoire et il y dirigeait les dissections de quatre-vingts élevés, Ce grand homme, dont la statue décore la cour de l'Ecole de Médecine do Paris, ne fut jamais admis à l'honneur d*y professer.

{2} Quand le hasard d'une révolution politique fit créer pour lui le cours de pathologie générale à la Faculté de Paris, Broussais avait acquis dans l'enseignement libre la réputation d'un professeur remarquable Chose singulière, les étudiants qui suivaient ses cours libres avec le plus grand enthousiasme, abandonnèrent complètement le chemin de son cours officiel. Pour retrouver ses succès d'anlan. il lui foliut reprendre son enseignement libre dans un amphithéâtre situé hors de l'Ecole de Médecine.

thérapeutique des maladies du cœur. Ses enseignements si suivis à l'hôpital Necker, sur les cardiopathies, sur la tension artérielle, sur l'angine de poitrine, n'ont-elles pas révolutionné l'étude des maladies de l'appareil circulatoire.

L'annonce d'un de ses cours ne suffit-elle pas pour amener une affluence d'auditeurs plus considérable qu'on ne voit aux cours les plus suivis de la Faculté ?

La médecine expérimentale est née tout entière hors de la Faculté de médecine. Le premier professeur titulaire de la chaire de médecine expérimentale, Rayer, n'était pas agrégé, et pour cause. On lui avait refusé son admission au concours de l'agrégation, sous le règne de Louis XVIII, parce qu'il s'était allié aune famille protestante. On lui doit cependant des travaux d'une importance considérable, ainsi que la création de la Société de Biologie qui, sous son impulsion, n'a pas tardé à devenir le foyer d'une grande activité scientifique.

Depuis lors, les hommes qui ont le plus contribué en France au progrès de la médecine expérimentale ont été Davaine, Emile Blanchard, Bouley, Toussaint, Auzias-Turenne, Arloing, Gombault, Cornevin, Chauveau, Pasteur, Chamberland, Roux, ettout le brillant cortège des disciples de Pasteur. Aucun de ces savants n'avait concouru à l'agrégation, au contraire, les oppositions systématiques qui ont été suscitées contre les découvertes de la médecine expérimentale onttoujours pris naissance au sein de la Faculté de médecine. Elles émanaient de professeurs qui avaient été des candidats heureux au concours de l'agrégation et devaient leur situation, bien plus aux appréciations conjecturales des jurés de concours qu'à leurs travaux personnels.

(à suivre)

Lois de suggestion appliquées au costume militaire,

par M. le capitaine Michel.

La composition dun uniforme pour nos soldats n'a jamais passé complètement du domaine de l'étude dans celui de l'application définitive.

Beaucoup d'essais ont été tentés ; on a pu se convaincre qu'aucun n'a su donner satisfaction absolue; aussi semble-t-on devoir éternellement se confiner dans une sorte de provisoire, de situation d'attente.

Cependant, à première vue, rien n'aurait été négligé dans les combinaisons du costume : coût, hygiène, visibilité, adaptation à la guerre et à la parade, non imitation de la tenue des armées voisines. Le résultat de toutes ces recherches n'a jamais atteint au cachet militaire complet; à chaque essai, une défectuosité plus ou moins prévue surgissait et on se résignait à des demi-satisfactions. On nous montrait tantôt des hommes dans des vêtements étriqués, aux combinaisons de couleurs peu seyantes ou trop brillantes, tantôt des soldats débraillés dans des vêtements insuffisamment militaires, outropraides etfigésdans des costumes ne s'écartant guère de ceux d'époques disparues. Entre le costume chamarré d'un hussard d'opéra-comique et celui d'un cowboy, il y a toute une gamme de nuances, un juste milieu à saisir, ce qui est chose plus difficile à établir qu'on ne le croirait généralement

Nous avons tous encore présent à la mémoire le costume genre boer de nos fantassins, dans lequel on voulut allier à la fois l'uniforme ancien à peine modifié depuis cinquante ans, et le martial vêtement de guerre que les Sud-Africains surent se choisir d'eux-mêmes, sans recherche particulière ni calculs d'aucune sorte. Il est à remarquer d'ailleurs que dans tous les pays sans histoire, où la guerre est encore de tous les jours, où les hommes vivent continuellement dans d'immenses espaces à défricher, à attaquer et à défendre, le costume répond le plus naturellement du monde, à l'aspect véritable du guerrier.

Chez nous (ailleurs aussi) une chose est certaine, c'est que rien jusqu'ici n'a vraiment pu plaire sans restriction, et ce qui est non moins clair, c'est qu'il n'a pas été possible de définir le véritable pourquoi, la cause du manque d'enthousiasme pour les trop nombreux essais tentés. En les trouvant laids, impossibles, on a plutôt cédé à des impressions indéfinissables, à des impulsions.

Trop d'histoire a passé sur nos vieux pays d'Europe et l'intuition qu'avaient les peuples primitifs, nos arrière-ancêtres, a au cours des ans cédé peu à peu la place à la fantaisie, au goût du jour, à l'arbitraire; aujourd'hui on est complètement dérouté. N'a-t-on pas vu, en des siècles fort rapprochés du nôtre, faire la guerre en dentelles : dentelles au jabot, dentelles au chapeau, dentelles jusque sur les tiges en cuir des bottes. Dentelle et guerre ï deux mots étrangement associés qui dépeignent une époque où Ton passait volontiers, sans transition, du boudoir sur le champ de bataille.

L'empire, avec ses luttes perpétuelles, rentra dans la tradition des costumes plus propres au combat. Ce fut l'époque où pour se battre on revêtait la grande tenue, panaches, plumets, pelisses, kolbacks ; couleur et mouvement dans tout. Parade théâtrale si l'on veut, mais qui faisait sur la grande scène du monde des acteurs pleins de fougue et d'entrain.

Notre siècle moderne a ajouté à tous ces bariolages, ces combinaisons si diverses, un nouveau facteur : la question d'hygiène, qui ne semble pas avoir inquiété outre mesure nos anciens. C'est même elle qui est devenue aujourd'hui la préoccupation presque exclusive des commissions chargées de doter l'armée nationale d'un costume propre à sa fonction. A force de ne s'appesantir que sur le côté uniquement pratique, on a trop négligé, voire ignoré, le côté esthétique — nous dirons tout à l'heure le côté suggestionnel — qui a joué et jouera toujours un rôle essentiel dans le vêtement du guerrier quels que soient le pays et l'époque, les mœurs et l'éducation.

Notre savant ami Gustave Umbdenstock, le distingué architecte du Palais des armées de terre et de mer à l'Exposition universelle de 1900, d'architecture et du Pavillon français à l'Exposition de St-Louis, répétiteur à l'Ecole polytechnique, a établi sur l'influence de la ligne, de la forme et de la couleur en architecture et en décoration, des théories absolument nouvelles et d'un intérêt considérable.

Les lois de suggestion qu'il en a déduites sont basées sur un raisonnement indiscutablement solide. Notre éminent ami nous promet un beau livre sur un thème que nous voulons voir s'appliquer, non seulement à l'architecture et à la décoration, mais encore au costume et, plus spécialement, à l'uniforme de nos soldats.

Autour de nous, chaque pays cherche à augmenter, par tous les moyens, la valeur de combat de ses unités, comme de ses individus. Dans cet ordre d'idées, on travaille chez nous aux mêmes améliorations.

Or, puisque l'existence des lois de suggestion ou d'influence-ment exercées par la forme, la composition et la couleur du costume est très réelle, la question de l'étude d'un uniforme de guerre, répondant aux données nouvelles, n'est pas chose négligeable.

Jusqu'au fond de la Mandchourie, ces lois de suggestion qui n'avaient pas été fixées jusqu'à présent sont vaguement pressenties et supposées, Ludovic Naudeau n'affirme-t-il pas (lot-

ire de Moukden du 1" janvier 1905) que les soldats russes cachèrent sous leur capote grise les robes chinoises qu'on leur faisait porter pour les préserver des rigueurs de l'hiver « l'aspect de la troupe, chose plus importante qu'on ne croirait, parce qu'elle réagit sur le moral du soldat, est ainsi sauvegardé ». Plus loin, il dit qu'on été les troupes furent mal habillées d'uniformes composés un peu au hasard des arrivages, sans conception raisonnée d'aucune sorte et que cette situation pouvait avoir de sérieuses conséquences en agissant sur le moral de l'armée.

A ceux qui objecteront que ce furent nos sans-culottes, nos bandes de citoyens mal instruits, en guenilles, en savates et en sabots qui firent Valmy, nous répondrons que, dans ce cas particulier, c'est la surprise qui joua un rôle essentiel. Une tenue régulière n'eût pu qu'ajouter encore au succès. Et il ne faut pas oublier qu'ils eurent pour cadres des soldats des vieilles troupes, aux uniformes colorés, aux coiffures entraînantes, comme ces chapeaux des gardes françaises, semblables avec leur évasement avant à autant de couleuvrines braquées sur l'ennemi.

Nous allons essayer de résumer tous les principes de suggestion, tels que nous les comprenons ; ils peuvent, nous semble-t-il, entrer en ligne de compte dans toute future création d'uniforme et jouer un rôle des plus utiles dans cette question qui intéresse la défense nationale.

Les peuples, nous l'avons déjà dit, ont de tout temps obéi à des effets suggestifs produits par les lignes, les volumes, les couleurs elles mouvements. •

Aux premières époques guerrières, les hommes se préparant à combattre n'ont pas connu de théories scientifiques, n'ont pas conçu de raisonnements approfondis pour en déduire des costumes appropriés à la guerre. Ils eurent pourtant, avec pour seul guide l'instinct, des costumes saisissants de caractère et impressionnants par des effets exacts, faits, en un mot, pour la fonction de guerre.

Il y a là observation machinale d'une loi d'instinct, dont les effets existent et sont incontestables.

Le raisonnement n'a eu ici qu'une part à peu près nulle.

Pourtant les effets de suggestion produits par la ligne, la forme et la couleur, n'ont pas été ignorés de tous.

Dans les clergés les plus instruits de l'antiquité, les égyptiens notamment, et possédant un pouvoir dirigeant résultant

d'une instruction supérieure à celle des masses, la préoccupation dominante a toujours été celle de se servir d'effets suggestifs pour provoquer les émotions dans les cérémonies religieuses.

Dans l'organisation militaire, cette étude géométrique n'existait pas. C!est l'instinct seul qui se trouve dominant chez tout individu créant de toutes pièces son costume approprié et de caractère.

Gaulois, Germains, Normands ou Peaux-Rouges ont toujours eu la préoccupation et le sens inné des costumes de combat, sans avoir cherché à le raisonner ou aie définir.

Notre siècle est plus scientifique, et pourtant, à côté des études précises et découvertes exactes, rien n'a été tenlé dans le domaine du costume militaire.

Les investigations portent surtout, nous le savons, sur les côtés d'hygiène, économie et bien-être.

En un mot, aujourd'hui, nous faisons un costume d'hygiène et non costume de combat; ce sont là pourtant deux choses d'un intérêt égal, qui doivent se concilier et non s'exclure.

Les errements suivis jusqu'ici ont quelquefois abouti à la suppression de certains détails du costume jugés inutiles à l'examen superficiel et rétablis ensuite sans autres raisons que l'esthétique ou encore l'effet de parade.

A priori, sans préjuger des explications qui vont suivre, on peut dire que. dans tout costume militaire, il faut rechercher à la fois l'effef des lignes, produisant ou présentant Faction de l'individu; l'effet de volume, qui en géométrie est à juste titre nommé « un solide » et représente la force ; enfin l'effet de couleur qui joue un rôle considérable en faisant vibrer le costume.

La couleur ajoute, en effet, à l'action et à la force énormément d'intensité.

Aux effets de force produits par le volume s'allient encore les effets de frette ou de contreventement, c'est-à-dire d'ossatures extérieures et intérieures apparentes. Dans le vêtement, l'ossature apparente du squelette humain solidifie les étoffes du costume et impressionne puissamment le soldat.

Ces effets de suggestion de la ligne, de la forme et de la couleur sont doubles ; ils agissent d'abord sur l'homme — autosuggestion — ensuite par l'homme — suggestion sur les voisins, camarades, alliés ou ennemis.

Il est à remarquer que lorsque, dans une situation donnée, on se sait revêtu de vêtements peu seyants, surannés ou non

en harmonie avec le milieu où l'on se trouve, il arrive fréquemment que l'on éprouve un sentiment de gène qui enlève tous les moyens dans la conversation.

C'est le contraire qui se présente chez l'homme correctement habillé ; il y a donc ici suggestion du vêtement.

De même l'homme qui se sent revêtu d'un uniforme seyant, brillant, aux couleurs excitantes, ne se battra pas, isolément ou en groupe, de la même façon que celui qui se sait plus terne, dans un costume sans harmonie. A son insu, le second sera moins agressif, le premier aura plus d'action — et c'est en somme pour cela qu'il est créé.

Dans la nature les animaux de combat ont toujours les indications extérieures d'action, de force et d'intensité puissamment exprimées. Le coq a la ligne vibrante de sa crête comme ligne géométrique, la couleur rouge de celle-ci comme intensité et le bec pointu comme ligne formant angle aigu, et cet angle aigu se reproduit dans les yeux, dans le crâne et dans les formes générales. D'autres exemples, serpent, tigre, lion, épervier, requin pourront convaincre de l'harmonie absolue des formes et de la fonction.

Dans les charges des hussards de Marceau, les flammes rouges des coiffures produisaient sur les cavaliers des effets d'excitation d'une intensité singulière. Tout, depuis le sabre brandi en avant, la pelisse flottant sur les épaules, la sabre-tache voltigeant autour do la selle, la coiffure, le galon, la coupe des vêtements, avait un effet nettement agressif, exprimait l'action, le mouvement, la vie intense et contribuait à entretenir un sens, un esprit de combat extraordinaires.

Nous n'irons pas nous attarder dans la citation de descriptions ou d'exemples pour lesquels nous n'aurions que l'embarras du choix; il s'agit avant tout do décomposer ces effets, ces influences suggestionnelles si curieuses dont il y a lieu de tenir le plus grand compte dans l'avenir.

(à suivre)

La timidité chez l'enfant (suite et fin)

par M"« Lucie Bérillox, professeur agrégée du lycée Molière.

La timidité se manifestant surtout chez les enfants, il importe de la traiter dès l'école, en appliquant divers traitements suivant les cas.

La plus grande difficulté se présente d'abord. Si nous en croyons La Rochefoucauld, « La timidité est un défaut dont il est dangereux de

reprendre les personnes qu'on en veut corriger ». En effet, elles ne conviennent pas volontiers de leur faiblesse, et plus on attire l'attention sur la timidité, plus elle s'accentue. Que faire, si on no peut agir directement? et s'il faut employordes moyens détournés?

C'est là qu'il importe de bien connaître la psychologie de l'enfant. La première tâche du maître sera donc d'étudier l'élève pour se rendre compte des causes de sa timidité et trouver le remède approprié. 11 se renseignera, si possible, sur les influences extérieures, mais surtout sur les causes personnelles, car la timidité est intimement liée au caractère, elle est une faiblesse du caractère, et on ne la guérit qu'en fortifiant la volonté.

Pour y arriver, il faut d'abord gagner la confiance de l'enfant, en lui témoignant beaucoup de bienveillance. Le timide a besoin plus que tout autre de sympathie, et la confiance appelle la confiance. Pour ma part, je n'ai jamais été intimidée que par le manque de bienveillance, ou la crainte de ne pas rencontrer de sympathie.

On y mettra de la discrétion, parce que des témoignages trop marques d'intérêt risqueraient de le mettre en défiance, — on manquerait ainsi le but en le dépassant, — ou bien ils attireraient trop l'attention de l'enfant sur lui-même, ce qui est justement l'autre danger à éviter.

*

I. — Les timides par excès d'amour-propre ont surtout de la défiance des autres (J.-J. Rousseau nous en offre le type dans ses Confessions), lis sont embarrassés par la crainte de voir leur mérite méconnu ou discuté, de ne pas soutenir leur réputation, de ne pas briller assez, ou de s'exposer à un échec humiliant. La moindre critique les dépite et les décourage, les moqueries de leurs camarades les blessent profondément ; car l'enfant féru d'amour-propre attache la plus grande importance à l'opinion d'autrui, tout en feignant de la mépriser.

Ils sont quelquefois agressifs et bourrus. Cette timidité agressive (en dépit de la contradiction des termes) qui fait tant souffrir.... les autres est peut-être la forme la plus déplaisante de la timidité. On ne la comprend guère, et on la juge sévèrement. Au fond, n'est-ce pas le cas de l'Alceste de Molière ? Placé entre sa timidité et son désir d'être sincère, il va trop loin, et on le juge mal.

Une ancienne élève de Sèvres, six ou sept fois admissible à l'agrégation, échoua toujours à l'oral, indisposant le jury par son air maussade et ennuyé, et par le ton cassant dont elle voilait son trouble, comme un soldat qui a peur se raidit pour aller au feu.

D'autres fois, les timides se vantent afin de dissimuler leur défaut, mais ils le font maladroitement En se vantant de leur hardiesse, ils dépassent la mesure et rompent l'équilibre dans l'autre sens. On a dit : a La hardiesse est parfois l'ivresse de la timidité ». N'est-on pas déconcerté par certaines « sorties » imprévues d'élèves notoirement timides !

Comment traiter les timides par amour-propre? Il importe de ne pas

les reprendre en public. On les entretiendra à part, et on fera appel à Pamour-propre même contre l'amour-propre, en leur montrant la sottise de la vanité. On les encouragera sans les flatter, en les mettant à leur vraie place, leur apprenant à se connaître exactement pour ne pas se grandir ni se diminuer.

On fera appel aussi à Jeur raison et à leur intelligence, car ils sont souvent bien doués. On évitera d'attirer leur attention sur eux, et on les obligera à sortir d'eux-mêmes en les intéressant directement aux choses, surtout aux belles choses. Au lieu de se placer à un point de vue personnel et mesquin, qu'ils soient assez frappés de la beauté d'une scène de Corneille ou de Racine, par exemple, pour oublier l'effet qu'ils peuvent produire en la récitant. On évitera aussi d'attirer l'attention des autres sur eux en se gardant de faire de l'esprit facile à leurs dépens lors de la correction des devoirs, et en signalant les fautes sans nommer toujours l'élève en cause.

Comme ces timides ont le désir ardent de donner d'eux une bonne opinion, le souci du mieux et de l'idéal, on utilisera avec succès cette disposition.

On fera encore appel à leur sensibilité, généralement très vive, et on les amènera à sortir d'eux-mêmes en leur persuadant que si quelqu'un peut, à la rigueur, prétendre à se passer des hommes, nul ne peut se vanter d'être inutile aux autres. Parla, on vaincra du même coup la tendance à l'égoisme et la timidité, en les intéressant à leurs camarades et en les habituant à leur rendre quelques services. Sans réussir toujours, on obtiendra des résultats appréciables. Voici un exemple tiré de mon expérience de professeur :

A mes débuts dans l'enseignement, je fus chargée d'une nombreuse" classe de bambines de 5 à 8 ans. Une maman m'amène un jour une fillette de six ans, en me disant qu'elle sait lire. Ravie d'avoir une petite élève si avancée, je veux tout de suite constater son savoir. Impossible d'obtenir un mot. Je reviens à la charge à plusieurs reprises, toujours avec aussi peu de succès. Ne mettant pas en doute l'affirmation de la maman, je m'avisai de placer près de l'enfant une autre petite nouvelle qui épelait à peine, et je la chargeai de lui montrer à lire. Je les laissai ensuite. Deux jours après, passant derrière elles, je fus ravie d'entendre le professeur improvisé expliquer parfaitement la leçon à sa petite camarade moins avancée. * Ah ! vous savez lire ! » dis-je. Elle ne pouvait nier. La glace se trouva rompue, et depuis ce temps l'enfant ne fut plus timide avec moi. A son arrivée en classe, elle se sentait dépaysée dans ce milieu inconnu. Son amour-propre était en jeu, elle craignait de se montrer inférieure aux autres. Puis la tâche qu'on lui donne vis-à-vis d'une autre à qui elle est visiblement supérieure lui rend conliance. Entrainéc à la fois par le désir de révéler son savoir et celui d'être utile, elle prend son rôle au sérieux et vainc sa timidité.

Dans la réalité, les faits sont complexes, et il est assez difficile de distinguer les cas où l'amour-propre l'emporte sur l'humilité comme cause

de la timidité. Le timide n'est pas toujours doublé d'un orgueilleux; mais il tend à s'isoler, à se mettre en dehors des autres, bientôt au-dessus d'eux, n'ayant plus de terme de comparaison. Il devient ainsi un orgueilleux, comme Jean-Jacques ou Alfred de Vigny. Paul Bourget a bien analysé ce type dans le Disciple.

¦

• *

IL — Beaucoup d'enfants sont timides par modestie excessive ou scrupule. Ceux-là manquent de confiance en eux-mêmes; ils éprouvent le sentiment de leur insuffisance devant une supériorité qui s'affirme, ou devant toute grande personne investie d'une autorité quelconque.

Réservés, humbles, ils craignent toujours de ne pas satisfaire le maître. Ils restent muets, par excès de conscience et par scrupule, même devant un professeur dont ils connaissent la bienveillance, et pour qui ils éprouvent une réelle affection. Les cas de timidité par affection, où la crainte de perdre l'amitié du maître paralyse l'élève, ne sont pas rares.

Le sentiment de l'insuffisance est encore plus fréquent. Plusieurs élèves m'ont avoué qu'elles n'étaient jamais intimidées quand elles possédaient parfaitement leurs leçons, mais qu'elles le devenaient si elles avaient conscience de ne pas les savoir bien. Ceci nous rappelle lo mot cruel d'un examinateur au baccalauréat. Une dame lui recommandait son fils, qu'elle représentait comme très timide. — « Et en quoi, Madame, ce jeune homme est-il particulièrement timide ? » dit le juge, sceptique.

Parfois l'élève est intimidé parte) professeur et non par tel autre. Le premier a peut-être manqué de bienveillance. Si nous-môme avons provoqué ou augmenté la timidité en nous montrant brusque ou nerveux, faisons notre mea culpa.. Que notre psychologie mieux avertie s'applique à remédier au mal causé par nous : redoublons de patience et d'attention.

Certains exercices scolaires intimident les élèves. Par exemple, ils apprennent difficilement à parier une langue étrangère. Le son de leur voix les étonne et les paralyse, alors qu'ils arrivent à écrire sans difficulté.

L'exercice le plus intimidant est la récitation par coeur à haute voix, surtout hors de sa place habituelle, sur l'estrade par exemple. Ici, le remède est dans l'habitude : les élèves familiarisées avec cet exercice acquièrent plus d'assurance.

Une élève me disait que la crainte de se livrer devant ses compagnes l'empêchait de nuancer un morceau. Plus elle sentait profondément l'idée, plus elle rendait le texte froidement, sans expression, par une sorte de réserve, de pudeur. Elle craignait de trahir son émotion, de « s'extérioriser » (c'est son expression), et d'exciter les railleries de ses compagnes. Plusieurs m'ont fait cette confidence. Beaucoup éprouvent la même difficulté au piano, jouant sèchement devant un auditoire, et avec toute leur âme dans l'intimité.

Une jeune fille nous conta qu'à l'âge de sept ans, ayant appris chez elle le Petit Savoyard, elle pleurait à chaudes larmes en le récitant toute seule. Craignant de révéler son émotion à ses parents, elle s'arrêtait aux premiers vers et feignait d'avoir oublié le reste. Connaissant sa facilité, on l'accusa de paresse et de mauvaise volonté; elle supporta les reproches plutôt que de révéler son trouble. Très sensible, mais froide en apparence, ses parents la croyaient sèche, alors qu'elle était concentrée. Ils eussent été ravis de ce témoignage de sensibilité, mais elle n'osa jamais leur dire la cause de son mutisme.

Il y a donc parmi les timides des natures délicates, peu expansives, et qui souffrent cependant de l'indifférence de ceux qui les entourent. Ils ne se sentent pas en harmonie avec leur milieu et restent isolés. Efforçons-nous de les deviner pour les guérir.

Ces timides par réserve, sérieux et réfléchis, sont dépaysés dans les classes nombreuses. Ils ont une faculté d'expression lente, et notre système d'interrogations rapide les déconcerte. Ils réussissent mieux à l'écrit, ayant le temps de se recueillir, et aux examens de l'enseignement secondaire, qui laissent plus de place à la réflexion que les examens primaires.

Ces timides demandent une bienveillance particulière et une attention soutenue. Il faut à l'occasion les appeler auprès de soi, les interroger plus lentement, leur poser la question quelques minutes d'avance pendant que d'autres répondent, leur confier quelque lecture en dehors de la classe, quelque tâche spéciale en rapport avec leurs aptitudes, enfin les encourager et leur donner confiance en signalant leurs succès.

Un exercice qui nous réussit généralement est le suivant : Une élève écrit un texte au tableau. Toutes ses compagnes lui posent à tour de rôle une question sur ce texte (il s'agit d'une sorte de commentaire historique, littéraire et grammatical) et la reprennent si elle ne sait pas. Les élèves restées à leur place ont plus de hardiesse. Les timides prennent part à l'interrogation, et posent souvent les questions les moins banales et les plus ingénieuses. On les mêle ainsi à la vie de la classe en les empêchant de s'isoler, et on les enhardit pour les examens, ce qui a bien son importance.

Il faut témoigner plus d'égards, si possible, aux enfants que le sentiment de la pauvreté intimide, par exemple aux boursiers de condition modeste transportés dans un milieu où les élèves appartiennent à la classe riche.

Le type du pauvre honteux, décrit par La Bruyère, n'a pas disparu. Michelet rappelle dans ses souvenirs d'écolier combien l'aveu de sa misère lui était pénible. N'ayant que deux sous pour son déjeuner, il achetait un morceau de pain d'épice, laissant croire à ses camarades qu'il apportait seulement son dessert.

M*" de Maintenon raconte aussi que le sentiment du ridicule, joint à celui de la pauvreté, la paralysait. A quatorze ans, elle rougissait

à l'idée de se présenter dans le monde avec une humble robe trop courte (').

Une ancienne élève m'écrit : ¦ Si j'avais été riche, je n'aurais pas été timide, o La raison me semble insuffisante pour expliquer une faiblesse dont les rois mômes ne sont pas exempts : mais elle eût sûrement éprouvé moins d'embarras dans un .milieu plus en harmonie avec ses origines.

Dans cette attention à leur personne, cette crainte d'attirer les regards que nous trouvons chez les plus humbles reparaît l'amour-propre. Nous maintenons cependant la distinction entre les timides par excès d'amour-propre et les autres, parce que les premiers réagissent plus volontiers, servis par leur orgueil même ; les seconds, n'osant pas réagir, se laissent de plus en plus intimider et annihiler. Avec eux, les mêmes procédés s'imposent. Il faut surtout reporter leur attention sur les choses. Il y a tant de sujets d'étude intéressants en dehors de soi !

Nous en usions ainsi avec les élèves plus âgées que nous préparions à l'Ecole de Sèvres Quelques-unes, arrivant assez tard au lycée pour y terminer des études commencées ailleurs, étaient intimidées par un milieu nouveau. Se tenant à l'écart, elles échappaient à.notre influence morale. Pour les gagner, nous les associions à nos études, leur demandant quelques recherches à la bibliothèque, quelques travaux particuliers. Elles étaient heureuses de nous rendre service, et le travail en commun nous rapprochait. Comme nous causions librement avec elles en dehors des classes, leur confiance répondait bientôt à la nôtre ; et encouragées à vaincre leur timidité, elles y parvenaient, au moins avec nous, à mesure qu'elles prenaient conscience de leur valeur.

*

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III. — A côté des timides par orgueil et des timides par réserve, il y a des timides par paresse, qui se résignent volontiers à leur sort et n'en souffrent pas. Ils trouvent dans la timidité une retraite facile, et s'en font un doux oreiller, l'exagérant à l'occasion. Us renoncent à la lutte par faiblesse (comme Chrysale). Parfois peu intelligents et vaguement conscients de leur insuffisance, ils s'y complaisent presque. Ceux-ci sont souvent lymphatiques ou anémiques, et leur apathie est le résultat d'une santé précaire. Ils ont besoin d'une hygiène spéciale, de soins médicaux, de gymnastique et de fortifiants. J'ai vu de bonnes élèves devenir paresseuses et timides. En cherchant la cause de ce fait, je m'apercevais d'un changement dans leur état de santé. Si ces timides ne forment p;is la classe la plus intéressante, ils sont au moins dignes de pitié. On les stimulera un peu en leur donnant une tâche facile et en les encourageant au moindre effort. C'est dans ce cas qu'il importe de

donner la note non au devoir mais à l'élève d (Lanson).

(1) Le costume a son importance; La robe donne plus d'autorité au magistral, l'uniforme plus de prestige à l'officier. On connaît le mot d'une dame qui faisait preuve dans un salon d'une verve inaccoutumée. Comme on s'en étonnait, elle dit :

J'ai ce soir l'esprit de mon corsage i »

A côté d'eux se placent encore les dégénérés chez lesquels les manifestations de la timidité intéressent plutôt le médecin que le pédagogue, impuissant à les guérir.

IV. — Signalons enfin les /aux timides, car les apparences de la timidité sont parfois trompeuses. Sournois, habiles, assez dangereux, ils sont difficiles à dépister. Ayant reconnu des avantages à la timidité, ils trouvent profit à la simuler pour masquer leur ignorance ou leur duplicité. Ceux-là peuvent mettre quelque temps en échec notre psychologie, mais il faut se montrer sans pitié quand on les démasque.

On pourrait ranger dans la même catégorie l'affectation de réserve, a la pose » que certaine éducation bourgeoise recommandait naguère aux jeunes filles à leur entrée dans le monde. « Il faut baisser les yeux, feindre la naïveté et répondre par monosyllabes. » C'est la convention spirituellement raillée par Pailleron dans le monologue « Oh! Monsieur! » Aujourd'hui l'éducation de nos lycées tend à faire des jeunes filles françaises des femmes simples, qui tout en observant les bienséances, soient à l'aise dans le monde et non timides.

Jusqu'à présent, nous n'avons guère parlé que des inconvénients de la timidité. Elle doit présenter cependant quelques avantages, lorsqu'elle n'est pas excessive,

Y a-t-il rien de plus aisé à conduire que des enfants « sages comme des images ? » Ils n'osent ni remuer ni parler. Quelle sécurité pour les mères et les gouvernantes ! N'était-ce pas jadis le rêve de la première éducation !

De même une classe de timides semblerait l'idéal, avec une discipline singulièrement simplifiée ! Mais elle serait moins animée et moins intéressante, et nous préférons des enfants plus éveillés et une classe plus vivante.

Ainsi, sans qu'il y ait là une contradiction, si je possédais un remède radical, je me garderais bien d'en user, car il y a dans la timidité quelque chose à conserver ; d'abord cette défiance de soi qui favorise l'ascendant légitime des parents et des maîtres, et permet aux élèves de profiter de l'expérience et du savoir d'autrui ; d'autre part, cette réserve, cette modestie qui est un des charmes de la jeunesse. N'enlevons pas ce qu'un de nos maîtres appelle délicatement ¦ le velouté de la pêche ». D'ailleurs la timidité est généralement accueillie dans le monde avec bienveillance, car elle est une sorte d'hommage rendu à ceux qui l'inspirent ; tandis qu'on est choqué par l'aplomb de certaines gens qui croient tout savoir sans avoir rien appris.

Ce qu'il faut combattre (dans les deux éléments principaux de la timidité), c'est l'amour-proprc excessif ou la crainte aveugle des autres, et la défiance exagérée de soi-même.

On amoindrira l'amour-proprc, élément de la timidité spontanée, sans la supprimer, en laissant subsister la fierté. Un des vices de notre édu-

cation est précisément de faire un appel trop fréquent à l'amour-propre par les notes et les places. Elle crée la timidité ou l'exagère par la crainte perpétuelle de mal faire, ou de faire moins bien que les autres ; ou bien elle exaspère l'amour-propre. Une mère de famille nous a avoué que sa fille faisait des scènes à la maison quand elle craignait de n'avoir pas la première place en composition. Si ces élèves-là étaient nombreux, ils feraient souhaiter la suppression des compositions et des prix. — Un classement moins rigoureux des élèves (en très bons, bons, passables) diminuerait la vanité sans supprimer l'émulation.

D'autre part, il faut guérir la défiance exagérée de soi-même, la crainte, élément de la timidité acquise, et développée souvent par le milieu, l'éducation, l'intimidation, en la remplaçant par la confiance et l'affection.

On usera de douceur avec les timides, sans exclure l'autorité, car ils ont besoin d'être soutenus, et on se montrera très ferme à l'égard des effrontés, sans craindre de les intimider et de les remettre à leur place.

Moins les timides sont nombreux dans la société actuelle, plus ils se trouvent désarmés, isolés, et plus il importe de les aider dans la lutte pour la vie.

Rien n'est plus intéressant que d'assister à leurs efforts et à leurs succès. Les timides qui arrivent aux premières places à la suite d'une série de victoires remportées sur eux-mêmes, et en dépit de la concur-* rence de rivaux mieux armés et plus hardis, forment une minorité, car « la fortune est aux audacieux » mais quelle valeur ils représentent ! Ce sont en quelque sorte des héros, et leur exemple est digne d'admiration (').

Notre rôle à nous, en face des enfants timides, sera donc de créer ou de développer en eux cette disposition à se vaincre qui les aidera à s'affranchir de toute crainte, en cultivant leur volonté par une forte direction morale. Ne jouons jamais le rôle d'intimidateurs, et encourageons l'initiative chez nos élèves.

Nous rendrons service au timide en lui permettant d'utiliser pour lui-même ses facultés et de mettre en œuvre tous ses moyens. Il manque surtout de présence d'esprit. Vaincre la timidité, c'est fortifier le caractère, c'est-à-dire le pouvoir de garder son sang-froid dans des circonstances données ».

D'autre part, nous rendrons service à tous en faisant du timide un être plus sociable, en l'amenant à sortir de soi pour obliger les autres et leur faire part de ses dons. Rien ne nous relève à nos propres yeux, comme la conscience que notre vie est utile à quelqu'un.

(1) D'ailleurs il ne faut pis confondre timidité ot lâcheté. Les timides ne manquent pas de courage. On connaît la valeur de Turcnno à la guerre. Après la brillante campagne d'Alsace, Mme de Sévigné disait : * On le rcverra à la cour plus timide et plus embarrassé que jamais ».

Nombre de timides n'hésitent pas à faire pour autrui des démarches qu'ils n'oseraient ontreprondre pour eux-mêmes.

¦ •

Conclusion. — Nul ne songera à nier l'importance et l'intérêt de cette œuvre, mais on ne peut en dissimuler la difficulté. Le traitement des timides est long; il exige des efforts soutenus, et on n'arrive pas sans peine à les améliorer, sinon à les guérir. C'est pourquoi on y renonce souvent. Disons-nous que plus la difficulté est grande, plus il y a de mérite à la vaincre. On y parvient surtout en se faisant aimer, et, en cas de succès, quelle satisfaction pour celui qui réussit !

Il n'y a pas de conquête qui réserve plus de joie que celle des timides d'élite, natures concentrées, repliées sur elles-mêmes, vivant surtout de la vie intérieure, plus intense, moins dispersée, et amassant dans la solitude des trésors de pensée qu'on ne soupçonne pas, pour les communiquer seulement à de rares privilégiés.

On les méconnaît parce qu'ils s'effacent et ne se révèlent pas tels qu'ils sont. Tout en restant à l'écart, ils souffrent de n'être pas compris, car ils ont besoin de sympathie, et ils sont heureux d'être devinés et aimés.

Quand on a gagné leur confiance, leur affection est précieuse. Loin d'être « les amis du genre humain », et de se donner à tous, ils ne s'épanouissent que dans l'intimité, et leur conversation a un charme exquis. Pour moi, je leur dois des heures délicieuses.

Je reçois les confidences d'un certain nombre d'anciennes élèves restées mes amies. Elles m'associent de près ou de loin à leur vie, et leur correspondance présente le plus vif intérêt.

Parmi elles, les timides demeurent peut-être les plus fidèles. Leur sympathie constante m'a largement payée de la peine que j'ai eue à les conquérir, et je leur sais gré de m'avoir donné les plus grandes joies de ma carrière dans l'amitié qui survit à l'enseignement.

A supposer que nous n'obtenions pas cette compensation immédiate et cette récompense durable de notre tâche, disons-nous que nul effort n'est perdu, et que nos leçons porteront leurs fruits dans l'avenir. Si des exemples, des conseils fréquemment rappelés semblent rester sans influence, ne désespérons pas. J'ai eu la joie d'entendre une élève reconnaissante me dire, après dix ans : i Mademoiselle, vous nous aviez souvent répété qu'il faut avoir le courage de son opinion, cette phrase, longtemps oubliée par moi, s'est un jour imposée à mon esprit, avec une telle force qu'elle est devenue ma règle de conduite, et c'est à vous que je le dois, h

Nous pouvons toujours essayer de comprendre les timides et diminuer leur souffrance en leur témoignant de la sympathie. C'est par la bonté, o principe du tact », comme dit Amie), que nous les gagnerons.

Même si nous obtenons peu de résultats, ne nous décourageons jamais, car, suivant le beau mot de Maeterlinck, « la moindre joie conquise et la moindre douleur abolie doivent être marquées au livre de l'humanité ».

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du mardi 18 décembre 1906. — Présidence de M. le D' Voisis.

De la valeur suggestive des médicaments en thérapeutique, en particulier dans le traitement de l'incontinence d'urine prise comme cas type,

par M. le Docteur C. Hahn.

Lorsqu'on examine la façon dont les remèdes agissent ou ont pu agir dans un grand nombre d'affections, on est vite frappé du rôle qu'y joue habituellement la suggestion involontaire du médecin et l'autosuggestion du malade comme facteurs adjuvants de leur action. La suggestion revôt, dans la marche des maladies, deux aspects très distincts : dans une première forme do suggestion, c'est lo médecin qui suggestionne, influence son malade et le persuade par des paroles habilement énoncées, avec l'effet imposant de son autorité à l'appui, qu'il va guérir, que son tempérament vaincra le mal, que les remèdes qui lui ont été prescrits auront toute action efficace; cette première forme de suggestion, celle que subit le malade de la part du médecin, je l'appellerai, si vous le permettez, exogène, afin de mieux la distinguer de l'autre forme qui est endogène, je veux parler de l'autosuggestion.

Dans l'autosuggestion, vous le savez, le malade s'est donné la conviction, plus ou moins bien fondée ou réfléchie, que le remède ingéré par lui possède toutes les qualités aptes à le guérir, qu'il ne peut que guérir; cette autosuggestion nécessite naturellement, pour sa complète formation, un certain temps d'appréciation mentale consciente ou d'incubation mentale subconsciente, favorables à ses espérances. Il s'est produit donc, jusqu'au complet développement de l'autosuggestion, une véritable élaboration de pensée, pour ainsi dire.

L'autosuggestion ne se développe en général que sous l'action de la suggestion exogène, c'est-à-dire de celle émanée du médecin ou de l'entourage. Rarement elle puise dans les propres ressources mentales du patient les éléments de sa formation. La suggestion exogène est donc, dans la plupart des cas, à la base de la suggestion endogène, elle en est généralement le « primum movens ». Aussi peut-on dire que cette autosuggestion est souvent en raison directe du degré de suggestion exogène, consciemment ou inconsciemment subie, voire même d'autant plus forte que l'autosuggestion que possédait le médecin lui-même sur la valeur du remède prescrit est elle-même plus puissamment développée.

Ces réflexions s'appliquent à la plupart des malades, mais nulle part peut-être avec plus de force que dans l'incontinence d'urine. Celle-ci, en effet, nous offre entre tous un bel exemple de ce que peut la suggestion endogène ou exogène. L'expérience a montré qu'un même remède, prescrit à doux incontinents atteints de la même forme de mal, la forme

spasmodique, par exemple, à un degré suffisamment identique, détermine un plein succès chez l'un, un échec chez l'autre. Pourquoi une telle observation différente, alors qu'il semblerait de prime abord que les molécules d'albumine qui composent les tissus ne sauraient différer dans leur constitution essentielle d'un individu à l'autre, et partant dans leur façon fondamentale de réagir? Il est clair, en effet, qu'un convulsi-vanl, comme la strychnine, donnera toujours lieu, aune dose suffisante et quel que soit le sujet, à des phénomènes convulsifs, étant donnés la même structure moléculaire, le même arrangement histologique, à peu de chose près, chez des individus différents. Inutile donc d'ajouter que ce que je viens de dire de la strychnine s'applique aux autres médicaments.

Il semble donc que si ces deux incontinents, à forme clinique identique, à vigueur et à constitution analogues; si, dis-je, ces deux incontinents, à égalité de fonctionnement physiologique végétatif, organique, ont pourtant présenté vis-à-vis d'un même remède une évolution totalement différente, c'est que logiquement il existait dans leur organisme un principe différenciateur différent pour chacun d'eux; ce principe, il faut le chercher dans certaines propriétés dissemblables, dans leur façon différente, en quelque sorte, de percevoir et d'élaborer leurs impressions sensitivo-corticales II faut le chercher, en un mot, dans leur degré de suggestibilité différent.

Ce principe psycho-physiologique de la suggestibilité plonge, par une de ses racines profondes, dans les capacités d'impressionnabilité et de réactivité psycho-physiologiques propres aux individus. Les capacités d'être suggestionné ou de se suggérer présentent-elles des différences individuelles suffisamment appréciables chez ces deux incontinents pria pour exemple, elles suffiront par elles-mêmes amplement à expliquer la dissemblance dans les effets observés chez eux vis-à-vis d'un même médicament qui leur sera prescrit, et cela même en dépit des analogies dont nous les supposions doués sous le triple rapport physio-patholo-gique de la complexion, du degré de vigueur et de la forme clinique.

Toutes ces considérations m'amènent naturellement à la conclusion suivante :

En réalité, toute la différence dans l'action des médicaments actifs employés chez les incontinents pour vaincre les spasmes ou renforcer l'atonie des sphincters, provient, d'une façon générale, la nature et la gravité de la lésion étant d'ailleurs sensiblement identiques, de ce qu'on avait affaire à des individus suggestibles exoetendogénétiquementàdes degrés différents.

Il existe une preuve grossièrement empirique, mais néanmoins suffisamment nette en faveur de l'influence adjuvante soit de la suggestion exogène et endogène, soit dans d'autres cas de l'influence inhibi-trice produite par l'absence de l'insuffisance de suggestibilité exogène ou d'autosuggestionnabilité. Cette preuve peut se formuler ainsi : On a employé un nombre considérable de remèdes dans l'incontinence d'urine;

chacun d'entre eus s'est montré très efficace dans une série de cas et inefficace dans des séries d'autres, et cela sans cause apparente. En aurait-il été de même si ce facteur psychique de suggestibilité individuelle n'avait pas ici exercé son influence, si le malade s'était trouvé livré à la seule action brutale de son médicament. Je laisserai même ici de côté les cas où il existe d'une façon patente, avérée, un élément central psychique à côté de l'élément périphérique vésico-sphinctérien nettement perceptible.

Et maintenant, permettez-moi de vous citer quelques-uns des moyens médicamenteux qui ont été employés contre l'incontinence d'urine ; la liste vous en paraîtra peut-être un peu longue et cependant dans l'énu-mération que je vais vous en faire, j'en ai passé plus d'un des plus curieux et intéressants :

On peut tout d'abord mentionner les médicaments suivants : la gentiane jaune, l'écorce de quinquina, l'association de limaille de fer et de cantharides, celle d'acétate de fer et de noix vomique, la strychnine, la teinture de noix vomique associée a des térébinthates ou au camphre, le seigle ergoté.

Comme antispasmodiques, on a eu recours à la belladone, employée par Trousseau et Bretonneau, à l'atropine, à la valériane, au datura, à la jusquiame; comme astrigents, aux ratanhia, cachou, sulfate de zinc, alun, tannin, etc.

Citons encore l'aloès, la sabine, la teinture de rhus, la créosote, le copahu, l'eau de chaux, l'arsenic, les alcalins, le nitrate de potasse, l'acide benzoique, l'huile de pétrole, le genseng et le foie de taupe.

Comme procédés empiriques qui ont eu cours, signalons entre autres: le gosier d'un coq rôti et pulvérisé, la vessie de chèvre ou de sanglier, le poisson trouvé dans le ventre du brochet, les souris rôties ou incinérées « qu'on faisait manger, dit un vieil auteur, aux pauvres enfants atteints d'incontinence ». Plus récemment Desault s'exprime ainsi : i L'âge.... guérit ordinairement les enfants de cette indisposition. Les menaces et même les châtiments.... sont le remède le plus efficace pour ceux qui ne pissent au Ht que par paresse ou par indolence ». Ce dernier auteur recommande non seulement les toniques, mais encore « les moyens palliatifs, c'est-à-dire des machines avec lesquelles on comprime l'urèthre ».

Le DF Powers, et je cite le texte même de la communication que fit M. le Dr Bérillon à la Société de médecine et de chirurgie pratiques de Paris, en 1894, « le Dr Powers, dis-je, conseille chez les enfants mâles d'obturer, au moment du coucher, avec du collodion, l'orifice du prépuce. S'il ne se passe rien d'anormal, on trouve le matin le prépuce légèrement distendu par une petite quantité d'urine ; si l'enfant se réveille dans la nuit avec le besoin d'uriner, il peut très facilement enlever lui-même avec le doigt, la petite couche de collodion ».

Devcigie pratiquait des injections de teinture de cantharides et administrait la cantharide à l'intérieur.

Comme autres moyens de thérapeutique préconisés, citons encore les bains froids généraux, les bains aromatiques, les bains de mer, les douches de toute nature, surtout hypogastriques et lombaires, les frictions aromatiques, les lavements froids, opiacés, belladones de Philips, les révulsifs tels que mouches et vésicatoires, les injections et irrigations d'eau froide de Civiale, etc.

Chamberes préconise les cautérisations du méat urinaire et le D' Lair l'introduction fréquente de sondes dans la vessie.

En 1891. Gaudez emploie l'antipyrine et obtient sur 29 applications 14 guérisons et 12 améliorations. Le D' Van Tienhoven a fait dormir de jeunes incontinents le bassin surélevé par rapport au tronc, le pied du lit étant élevé de façon à former un angle de 45° avec l'horizontale. Il obtint 14 guérisons après une moyenne de 42 jours. Je laisse décote dans mon énumération les traitements chirurgicaux, leur description nous entraînerait trop loin. D'ailleurs j'aurai l'occasion de m'y étendre tout à l'heure d'une manière plus opportune à l'occasion de l'un d'entre eux ; je veux parler de l'ablation des végétations adénoïdes et de l'amygdalotomie.

Les traitements médicaux les plus récents ressortissent à l'introduction de l'électricité dans la thérapeutique de l'incontinence urinaire. En 1871, le professeur Guyon emploie la faradisation intra-uréthrale, qui donne des résultats réels dans certains cas d'incontinence par atonie ou insuffisance de développement. En 1904, le Dr Albert "Weil imagine la méthode de hautes intensités galvaniques contre les incontinences liées à l'irritabilité vésicale et au spasme uréthral ; il a obtenu des succès là où le traitement belladone avait échoué.

En somme tous ces remèdes ont pu réussir dans certains cas, mais il n'en est aucun qui ait réussi pleinement dans tous, « Les succès constatés à la suite de l'emploi de traitements si différents, dit encore le Dr Bérillon dans sa communication de 1894 à la Société de médecine et de chirurgie pratiques de Paris, auraient pu faire supposer à priori, que l'élément psychique jouait un rôle considérable dans les résultats obtenus. Mais cette pensée n'est venue à l'esprit d'aucun des auteurs. Seul en 1891, M. le Dr Liébeault de Nancy affirmait que l'incontinence d'urine était justiciable d'un traitement purement psychique. En 1886 il présentait une statistique portant sur 77 cas d'incontinence d'urine traitée par la suggestion hypnotique et il indiquait 7*2 p. 100 de guérisons.... Depuis lors, ajoute le Dr Bérillon, nous inspirant des conseils formulés par M. Liébeault, nous avons appliqué le traitement suggestif à un grand nombre d'enfants des deux sexes atteints d'incontinence nocturne et diurne... Comme le Dr Liébeault, nous sommes arrivé à une proportion de guérisons de 70 p. 100.

a On peut conclure, en présence des résultats obtenus par l'application d'un traitement purement psychique, que les succès attribués aux médicaments ou aux manœuvres divers... sont dus, au moins dans une certaine mesure, à un effet de suggestion sinon d'autosuggestion ». La

remarque suivante du Dr Albert Weil vient encore corroborer cette conclusion du Dr Bérillon.

« La méthode des courants frankliniques induits convient, dit-il, dans les incontinences psychopathiques ; mais chez les jeunes enfants elle est d'une application difficile, sinon impossible, elle réussit très rapidement chez les sujets qui ont atteint l'adolescence : on peut se demander alors, surtout quand on voit la guérison survenir en trois ou quatre séances, si elle n'agit pas beaucoup sur l'imagination et si ses bons effets ne sont pas dus à la suggestion ».

De tous les traitements que j'ai énumérés au début de ma communication, il n'en est qu'un qui se montre efficace dans la presque totalité des cas, c'est la suggestion.

On a tout d'abord utilisé dans le traitement de l'incontinence d'urine de l'enfance, la suggestion proprement dite ; actuellement on tend de plus en plus à utiliser la suggestion somnique. Ce mode de suggestion pratiqué pendant le sommeil naturel, a également produit d'excellents résultats ; son usage semble particulièrement indiqué chez les tout jeunes incontinents.

La suggestion, qu'elle soit hypnotique ou somnique, présente ce caractère particulier d'augmenter la somme d'attention consciente et de processus mentaux subsconscients d'un sujet sur une opération physiologique déterminée de son organisme, et par suite d'élever en quelque sorte, selon un sens déterminé voulu par l'opérateur, le taux réflexe de toutes les opérations vasomotrices trophiques ou autres, qui s'accomplissent dans ce vaste domaine de la vie purement organique.

C'est ainsi que dans la forme psychique d'incontinence par éducation défectueuse, forme décrite par le Dr Bérillon en 1904, la suggestion réussit à tenir en éveil la conscience du sujet, à le rendre petit à petit capable de surveiller sa fonction urinaire même en dormant.

La médication psychique est donc, dans la plupart des formes d'incontinence, la médication de choix. Mais faudrait-il pour cela négliger dans l'incontinence ou faire tomber dans l'oubli toute médication ressortissant soit à la p h armaco thérapie, soit à la médecine des agents physiques ? Non, certes, ce serait être bien mal avisé.

Ce serait se priver, dans le traitement des cas particulièrement complexes, d'un adjuvant des plus précieux. Il est en effet des médications parmi celles que je vous signalais à l'instant, qui ont fait leur preuve. Trois d'entre elles me paraissent devoir subsister.

Ce sont : 1° le traitement électrique ; on l'emploie avec succès aussi bien dans les formes d'incontinence par atonie ou insuffisance de développement neuro-musculaire que dans celles qui dépendent de l'instabilité vésicale ou du spasme uréthral ; 2° la médication belladonée, celle-ci a été administrée concurremment avec le traitement électrique donnant lieu à des succès non imputables à la suggestion seule ; la belladone agit contre les spasmes dusphincter vésical et uréthral et l'irritabilité de la vessie ; 3° l'emploi de la strychnine; cet alcaloïde tonique per-

nicieux par les séquelles d'asthénie, d'atonie nevro-histique qu'il laisse derrière lui, ne doit être prescrit dans les formes atoniques qu'en désespoir de cause, lorsque ni la suggestion, ni l'électricité, ni la belladone n'ont réussi à faire disparaître l'incontinence. Mais alors, convient-il d'ajouter, la strychnine est presque toujours inefficace D'ailleurs, l'électricité, la belladone et la strychnine elle-même trouvent, dans la plupart des cas, un adjuvant précieux dans les suggestions exogène et endogène, toutes les fois que l'on n'aura pas recours à la suggestion proprement dite hypnotique ou somnique.

Ces deux derniers facteurs, que constituent les suggestions exogène et endogène, me paraissent assez importants pour m'inciter à m'étendre quelque peu sur leur mode d'action. Considérons par exemple le cas de deux individus atteints de la même forme d'incontinence, la forme spas-modique vésicale par exemple : eh bien, on observera que celui des deux malades qui est le plus suggestionnable, présentera généralement le maximum de confiance dans sa guérison pour peu que ses centres intellectuels et volontaires aient gardé un équilibre suffisant, et cette confiance produira chez lui tous ses effets organiques, au maximum, s'il se trouve atteint de neuropathie nettement caractérisée : car alors il possédera cette impressionnabilité particulière du système nerveux inhérent au tempérament morbide qui l'accompagne.

Or, plus l'impressionnabilité chez un sujet à l'état de veille ou à l'état d'hypnose, est forte, plus facilement s'accomplissent les actions vaso-motrices et trophiques dans les régions du corps à propos desquelles le sujet s'est autosuggestionné. On a endormi des sujets hystériques d'une impressionnabilité extraordinaire et d'autres individus bien équilibrés ou moins déséquilibrés au point de vue de leur système nerveux. Eh bien, l'expérimentation a montré que l'on pouvait (aire apparaître des plaies, des brûlures, l'œdème bleu caractéristique, voire même des maladies telles que l'appendicite chez les premiers, alors que ce résultat n'a jamais été obtenu chez les seconds. Sans rechercher jusqu'à quel point il est licite d'opérer pareilles suggestions, il ressort de ces expérimentations que l'idée de plaie ou de maladie par exemple s'est trouvée suffisamment commouvante, impressionnante pour leur système nerveux chez les hystériques, alors que les autres sujets normaux ou très rapprochés de la normale n'avaient pas la plasticité nerveuse voulue pour la production des mêmes effets. On peutdonedire qu'une confiance ferme dans l'efficacité d'un remède, que cette confiance se soit développée sous l'action prédominante du médecin ou que le malade se soit suffi à lui-même pour la produire, exerce directement ou indirectement, surtout chez les tempéraments nevropathiques, des effets intenses sur les centres vaso-moteurs et trophiques qui gouvernent la nutrition des régions mêmes qui sont l'objet de cette confiance. L'état de confiance qui surgit chez le malade remonté par son médecin, vient combattre les effets déprimants provoqués chez Un par une perpétuelle stagnation de ses pensées sur sa maladie. C'est surtout dans les classes les plus pau-

vres de la société que pareils effets se remarquent; la maladie y est envisagée comme une cause plus ou moins imminente de misère pour peu qu'elle se prolonge. Que le médecin cherche en pareil cas et dans de semblables milieux à réconforter son malade; ses paroles auront toutes les chances d'obtenir un plein effet.

Un malade est plus ou moins préoccupé en généraljde sa maladie, il est triste, déprimé. Or les idées déprimantes possèdent, au dire des physiologistes et des cliniciens, une influence perturbatrice très nette sur les fonctions vitales. Elles s'accompagnent souvent, localement, de spasmes vasculaires périphériques, etc. Dès que le malade, mis au traitement, se met à espérer en l'efficacité du remède qui lui est prescrit, dès que sa volonté ou mieux toutes les idées-forces de son vouloir reprennent le dessus, il fait passer au second plan les idées, émotions et sentiments essentiellement déprimants, qui le préoccupaient et souvent même l'obsédaient.

D'autre part, le sentiment de foi que possède un malade en le remède prescrit contient un élément agréablement excitateur pour son esprit, puisqu'il se trouve amené à envisager sa guérison comme très probable et à faire surgir ainsi dans son cerveau, en rapport avec elle, des idées, des impressions, des émotions agréables, à quelque degré que ce soit. Les effets physiologiques, auxquels donnera lieu l'apparition d'un pareil état de confiance, sont par suite plus ou moins analogues aux actions somatiques qui caractérisent les divers états de joie avec tout leur cortège d'émotions et d'idées agréables. L'expérimentation et l'expérience clinique ont montré que la joie, ou d'une façon générale toutes les impressions psychiques d'une nature agréable, déterminent une stimulation, une accélération des diverses fonctions vitales nerveuses, cardiaques, trophiques, etc. Donc, chez un malade confiant en l'efficacité de son remède on observera également ces mômes effets excitateurs du fonctionnement organique, mais par suite d'une plus grande profondeur dans les impressions agréables, ils se produiront d'une façon plus lente, moins continue, souvent même très peu perceptible tout d'abord.

Nous pouvons donc conclure : L'état de confiance ne vient pas seulement combattre l'influence dépressive que cause chez un malade la préoccupation de son mal et de ses conséquences; positivement actif, il renforce avant tout l'action locale du médicament sur les régions mêmes où il doit agir, formant ainsi, en union avec lui, une synergie puissante souvent efficace.

Les considérations que je viens de vous présenter suffisent largement à expliquer les effets souvent merveilleux obtenus par l'autosuggestion, le grand metteur en œuvre de la « foi qui sauve a, selon l'expression de Charcot.

Elles nous montrent pleinement le rôle immense joué par la suggestion involontaire, sous toutes ses formes, dans la production de maints effets obtenus en thérapeutique clinique et particulièrement dans l'incontinence d'urine, (jui constitue à cet égard un cas type.

Récemment, le Dr L. Alaux asígnale dans le Journal des Médecins (n° 3, 1907) l'influence exercée par les végétations adénoïdes « sur Pin-continence d'urine, ou mieux la miction involontaire d'urine ». II est... des cas chez les adénoïdiens incontinents où la relation de cause à effet entre les végétations adénoïdes et l'incontinence nocturne d'urine ne saurait être mise en doute, »

L'auteur rapporte, à l'appui de son assertion, deux observations détaillées, complètes à tous égards. Dans la première d'entre elles, il s'agit d'un garçon J. X..., de 11 ans, qui présente principalement la nuit « des accès de toux violents survenant par crises et ayant les caractères de la toux coqueluchoide ». Ces crises s'accompagnent de cyanose. Les antécédents héréditaires sont assez chargés : le père est alcoolique, fils lui-même d'alcooliques. « A l'examen, l'enfant présente le faciès caractéristique de l'adénoidien : nez aplati,... prognathisme assez prononcé,... une notable hypertrophie de l'amygdale, et le toucher nous permet de sentir derrière le voile du palais des masses molles... Le thorax est grêle, sans déformation...

« La mère nous raconte que depuis environ l'âge de quatre ans, l'enfant est atteint d'incontinence d'urine. A peine couché, nous dit-elle, il s'endord profondément et urine dans son lit deux heures environ après s'être endormi. Son sommeil est très calme et la mère a pris l'habitude de lui changer ses linges tous les soirs aux environs de 10 heures. L'enfant dort d'un sommeil si profond que cette opération est pratiquée la plupart du temps sans qu'il s'éveille. Il urine d'ailleurs plusieurs autres fois dans la nuit. La mère a cependant remarqué que depuis que l'enfant prend des crises de toux et de dyspnée violente, les mictions noc-tures involontaires sont plus rares dans la 2e partie de la nuit...

« La mère ne vient nullement nous consulter pour cette dernière affection, dont elle ne fait pas grand cas. Dans la famille de son mari, plusieurs membres ont été atteints de cette infirmité, parfois jusqu'à un âge assez avancé (25 ans), mais ils ont guéri en vieillissant. Elle a un second enfant âgé de neufans et qui, comme son frère, est atteint d'énu-résie. Cette affection est de famille, dit-elle, et guérit toujours.

« Consulté donc au sujet des crises de toux et de dyspnée, nous déclarons que celles-ci sont provoquées par la présence de végétations adénoïdes, et nous conseillons leur ablation ainsi que l'amygdalotomie.

• L'intervention est pratiquée après l'application d'un traitement médical sans résultat. L'enfant ne tarde pas à accuser un notable soulagement. Les quintes de toux persistent encore pendant plusieurs jours, deviennent moins violentes et finissent par disparaître. L'enfant devient plus gai... et la mère vient nous dire que le lendemain de l'intervention, les mictions involontaires ont disparu. Ce résultat n'était nullement cherché, notre attention n'ayant pas été attirée sur ce sujet. Depuis plus d'un an, laguérison se maintient...

* Un spécialiste danois, ajoute plus loin notre auteur, a rencontré, sur 86 adénoïdiens, 86 incontinents. Gronbeck, parmi 427 porteurs de

végétations adénoïdes, trouve 61 incontinents. Dans 39 cas où l'extirpation fut pratiquée, 26 fois l'incontinence disparut; 12 fois il y eut amélioration notable...

a Mais si L'on peut conclure à la relation de cause à effet chez l'adé-noidien incontinent entre les végétations adénoïdes et l'incontinence nocturne, par quel mécanisme cette incontinence serait-elle produite?

« Pour les uns, elle serait uniquement d'ordre psychique et serait consécutive au retard intellectuel et à l'affaiblissement des facultés mentales chez l'adénoidien.

« Major qui, en 1885, fut un des premiers à noter la coexistence de la respiration buccale avec l'incontinence d'urine essentielle, attribue cette dernière à la surcharge d'acide carbonique dans le sang et à l'asphyxie consécutive. ».

D'après Mendel, l'incontinence ressortirait, dans de nombreux cas, de l'anoxhémie chronique, à la suite de géne respiratoire. II est de fait que l'incontinence d'urine essentielle s'observe également « dans de nombreux cas de sténose nasale » quelle qu'en puisse être l'origine.

Que concluons-nous de ces faits rapportés par Alause et un certain nombre d'auteurs : il se peut que nous nous trouvions en présence d'une viciation quantitalivo-qualitative du sang en général, ou encore d'une viciation sanguine, portant plus spécialement sur un de ses éléments. Peu nous importe d'ailleurs, dans le cas présent, l'origine même — externe ou interne — de sa constitution morbide. Un sang déjà débile est d'autant plus facilement viciable ; et un sang vicié excitant anormalement, un système nerveux déjà anormalement excitable, de par ses tares acquises et héréditaires, empêcherait la réception ou la perception de certaines incitations nerveuses ou du moins leur action ou accumulation suffisamment intenses, au niveau de la moelle du bulbe ou du cerveau suivant les cas : d'où incontinence.

En tenant compte de tout ce qui précède, nous nous résumerons ainsi : La suggestion, sous tous ses modes, joue actuellement un rôle prépondérant dans le traitement des principales formes d'incontinence d'urine. Nous ne sommes malheureusement pas encore fixés, d'une manière absolue, sur le mécanisme pathogénique des diverses modalités cliniques de celte affection ; aussi, à quelques exceptions près, n'a-t-on pu encore appliquer aux divers cas d'incontinence rencontrés, un traitement pharmaco ou physicothérapique exactement approprié. Ceci explique aussi en partie les nombreux échecs observés chez les sujets traités par ces moyens thérapeutiques ; d'autre part, il est une foule de cas d'incontinence où, en présence des succès définitifs obtenus, en particulier, par la suggestion thérapeutique, on est en droit de faire jouer, d'une façon certaine, à la mise en jeu des deux variétés de suggestion précitées — la suggestion venant du dehors et-1 'autosuggestion — le rôle capital.

Et ce que nous disons de l'incontinence, peut s'appliquer également aux cas analogues, qui abondent dans la thérapeutique clinique de

toutes les maladies : il suffit de vouloir bien y porter l'attention pour se rendre compte de l'influence curative souvent exclusive qu'y exerce la suggestion.

Les recherches récentes de la physiologie et de la psychologie expérimentale viennent de plus en plus mettre en lumière la valeur suggestive inhérente à la parole, habilement appliquée à l'obtention d'une action organique déterminée. Dès l'instant où cette action existe, dès l'instant où les paroles empruntent pour ainsi dire leur intensité de vie à la quantité d'autorité, de « potentiel » moral, ou de force persuasive • que possède le médecin, il est clair qu'il lui appartiendra d'en utiliser de plus en plus l'influence, en apprenant de mieux en mieux à s'en servir, pour le plus grand bien de ses malades.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société d'hypnologie et de psychologie

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 19 avril, à. 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Df Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le D' Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications déjà inscrites : Dr Paul Farez : Un sommeil de trente ans.

P' Ubeyd-Oullah (de Constantinople) : L'Islam et la pédagogie musulmane.

Dr Pamabt : Epilepsia ou hystérie. La psychothérapie facilitant le diagnostic.

.Dr Bébillon : Le réflexe de la suggestibilité.

M. Lionel Dauriac : Considérations générales sur l'élude des sentiments.

Les causes morales des psycho-névroses

S'inspirant de la récente communication du Dr Bérillon sur te rôle de la. timidité dans l'étiologie des psycho-névroses, le Dr Fiessinger Téminent rédacteur en chef du Journal des Praticiens, a fait ressortir l'importance de cette communication dans les termes suivants :

« En signalant la timidité comme cause devant prendre rang dans l'étiologie des psycho-névroses, M. Bérillon a mis la main sur un agent très réel de déséquilibre psychique. La représentation mentale trop vive des transes qui l'étrcindront eu face d'un interlocuteur inconnu font

d'un timide un pauvre être exposé à bien des chocs. Tout cela ne vaut pas grand'chose pour le maintien du jeu normal qui assure la pondération de l'esprit.

« Seulement est-ce la timidité vraiment qui est seule en cause et ne convient-il pas, tout autant, d'accorder une influence nocive à la nature même du terrain nerveux sur lequel la timidité a pris racine? N'est point timide qui veut. Il faut une sensibilité qui s'émeut à l'avance ; sans une faculté de vibration très aiguiséo du système nerveux, crainte de perdre contenance qui bouscule le timide, cette crainte n'existe pas. La timidité naît de l'angoisse. Or, l'angoisse n'a point prise sur les natures à épidémie insensible et corné.

« Le meilleur remède à opposer aux psycho-névroses est l'éducation de la sensibilité. Le sujet sent vivement, il faut lui apprendre à créer dans sou cerveau des digues qui arrêtent le flot trop véhément des impressions sensorielles. Le sentiment du devoir fermement inculqué dès les premières années a chance de réprimer les sollicitations impétueuses qui viennent assaillir la sensibilité. Le sentiment du devoir, et cela on ne se le rappelle pas assez, affirme en effet en nous les deux qualités maitresses qui permettent d'acquérir, la maîtrise de soi : la réflexion et la volonté. Se maintenir dans le droit chemin suppose chez les natures nerveuses, le rejet, après réflexion, des conditions qui risquent de nous en écarter. Quant à la volonté, elle naît forcément de la détermination que nous avons prise de suivre la voie que nous avons reconnue la plus conforme aux aspirations élevées de notre nature.

o Enseignons donc à nos enfants le sentiment du devoir et sachons les en pénétrer au nom d'une autorité supérieure qui échappe à l'analyse. La morale de l'intérêt qu'on tend à répandre aujourd'hui jouit d'une vertu éducatrice plutôt sommaire. Nous citions, il y a quelque temps, la phrase de Scherer : « La morale a besoin de l'absolu ». Choisir pour guide l'intérêt, est s'exposer à des incertitudes et à des défaillances sans nombre. On marche sur un terrain mouvant. La notion du devoir, à semblables assises, acquiert un caractère d'instabilité qui la soustrait à la fixité nécessaire. La réflexion et la volonté apparaissent aisément complaisantes, versati es, contradictoires. Le système nerveux cahoté par des impressions c.ui ne trouvent pas dans le psychisme du sujet une direction d'orientation ferme, devient inquiet, tumultueux, désordonné. C'est l'esquif battu par la tempête et qui vient chavirer sur l'écueil des psycho-névroses. »

Une expérience de grand hypnotisme.

Une dépèche de Kingstown (Jamaïque) au Daily Express dit que le professeur W. A. Barclay a hypnotisé sa femme devant une nombreuse assistance, l'a enfermée dans un cercueil et l'a fait enterrer sous deux mètres de terre, déclarant qu'il la laisserait ainsi pendant six jours, et que, lorsque le cercueil serait ouvert, elle se trouverait en aussi bonne santé.

La cérémonie a eu lieu à Rackfort-Gardens. La fosse avait été creusée à l'avance, et lorsque les deux époux arrivèrent sur les lieux, M"" Barclay se coucha docilement dans le cercueil, et son mari l'endormit; après quoi, le cercueil fut cloué et descendu dans un trou, lequel fut recouvert de deux mètres de terre.

Lorsque les autorités apprirent ce qui s'était passé, elles sommèrent le professeur d'avoir à déterrer tout de suite sa femme, mais il s'y refusa absolument. Aussi les autorités sont-elles fort embarrassées, car elles n'osent entreprendre celte tâche elles-mêmes.

NOUVELLES

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie

ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE

4g, rue St-André-des-Arts (semestre d'été 1907)

CûUBS DE PSYCHOLOGIE APPLIQUÉE A L'ÉDUCATION. — M. le Dr BÉBILLON,

professeur, médecin inspecteur des asiles d'aliénés, commencera son cours le jeudi 25 avril, à cinq heures (Salle des conférences de l'Ecole de psychologie, 49, rue Saint-André-des-Arts) et le continuera les jeudis suivants à cinq heures.

Sujetdu cours: Les maladies nerveuses des enfants et des adolescents. — Application de l'hypnotisme à la pédagogie.

Les leçons seront complétées par des présentations de malades, par des projections et par une excursion à l'établissement médico-pédagogique de Créteil.

Les consultations du dispensaire pédagogique et du dispensaire antialcoolique ont lieu les mardis, jeudis, samedis, de dix heures à midi, 49, lue Saint-André-des-Arts (les médecins, les étudiants et les membres de l'enseignement sont invités à assister aux consultations du jeudi}.

Cours libre de psïchopathologie du tube digestif a la Faculté de médecine de paris. — (2* Semestre de l'Année scolaire 1906-1907). — M. le Docteur Paul Fabez reprendra à la Faculté de Médecine {Amphithéâtre Cruveilhier, 15, rue de l'Ecole de Médecine}, le samedi 13 avril,à 5 heures du soir, son Cours libre de Psychopathologie du tube digestif; il le continuera le Samedi de chaque semaine, à la même heure.

L'Administmteur-Ûêranl : Ed. BÉRILLON.

Paris, Imp. A. Oueiquejeu, rue Gerbert, 10

REVUE Dp^YPNOTISME

expérim^t^l/et^hérapeutique

21- Année. — ?> H. Mal 1907•

BULLETIN

Le Congrès des praticiens. — La réforme de l'enseignement médical.

Le Congrès des praticiens s'est ouvert, le vendredi 12 avril, à 9 heures du matin, à l'Hôtel des Sociétés savantes. La première réunion, la plus importante, a été consacrée à la question du recrutement professoral. Les deux rapports rédigés sur cette question par le Df Causaade et par le D' Huchard concluaient à la suppression du concours de l'agrégation qui n'est qu'une porte ouverte au favoritisme le moins déguisé.

C'est à l'unanimité que M. le Dr Huchard propose et fait voter les vœux suivants :

1° L'agrégation des Facultés de médecine, telle qu'elle existe, doit être supprimée ;

28 Cette agrégation doit être remplacée par l'institution du privat-docentisme, tel qu'il existe dans presque tous les pays ;

3° L'enseignement médical doit être rétribué d'une part par l'Etat, et pour la plus grande partie par les élèves ;

4« L'enseignement médical doit être absolument libre ;

5° Les professeurs étant rétribués par les élèves, les jurys d'examens médicaux doivent être modifiés pour assurer la liberté et l'indépendance de l'enseignement ;

6° Le Congrès des praticiens nommera un Comité permanent de vigilance médicale, chargé de discuter et de proposer les réformes médicales, et du soin de réunir dé nouveau les Assemblées des praticiens de France.

Après ces votes de principes, l'œuvre de ce premier congrès pouvait être considérée comme terminée. En effet les différents rapports relatifs à des questions d'organisation ne comportaient plus qu'un intérêt secondaire. Des professeurs de la Faculté ont tenté un effort pour atténuer la portée des votes qui venaient d'être émis. Us n'ontréussi qu'à confirmer l'impression générale qui se dégage de tout ce débat, à savoir que la crise de l'enseignement médical ne tire son origine que de la médiocrité du personnel charge de pourvoir à cet enseignement. C'est l'absence de prestige chez les professeurs qui, seule, peut inspirer les revendications formulées avec tant de netteté par la corporation des étudiants en médecine. Le porte-parole de l'association corporative des étudiants, M.Lafon-taine, avec une éloquence qui lui a valu les applaudissements de

l'assemblée a exposé que les concours de l'agrégation ne peuvent aboutir qu'à un recrutement d'hommes médiocres, dépourvus d'éloquence, de caractère, d'esprit novateur et de valeur professorale.

Le médecin qui se résigne à perdre son temps à subir des concours, au lieu de se livrer aux libres recherches scientifiques, démontre par cela même qu'il s'est résigné à suivre les chemins battus. Dépourvu d'esprit philosophique, il ne connaîtra jamais les hautes aspirations et s'il arrive à inspirer l'estime, il n'aura pas le pouvoir de commander l'admiration.

La Faculté de médecine ne possède plus de ces maîtres dont le seul prestige suffisait pour imposer le respect. Les grands amphithéâtres depuis longtemps ne connaissent plus les foules avides de s'instruire aux leçons du savoir et de l'éloquence.

Par contre, assez nombreux sont les cours où le nombre deséludiants atteint la douzaine. Le Congrès des praticiens l'a proclamé, c'est au concours de l'agrégation, basé sur des épreuves de mémoire et faussé par le favoritisme, qu'il faut reporter la cause de cette décadence.

On me rendra cette justice que, dans un travail paru en 1897 dans la Revue de l'Hypnotisme, et tiré ensuite, en brochure à plusieurs milliers d'exemplaires, sous le titre le Concours de l'agrégation et son remplacement par l'institution du privat-docenten, j'ai été le premier à signaler aux pouvoirs publics le remède à la situation inférieure dans laquelle se trouve notre enseignement médical universitaire.

Ce travail a été réimprimé naguère par Y Avenir médical de Lyon. Grâce à cet important organe, dont le service est fait à tous les médecins de France, le corps médical a pu en prendre de nouveau connaissance.

Je suis heureux de constater que ma faible suggestion, émise il y a dix ans, sans crainte de me heurter à quelques susceptibilités intéressées, et par suite de m'exposer à d'inévitables animosités, avait laissé son empreinte sur les cellules cérébrales de quelques-uns de mes contemporains. Après la période d'incubation, Téclosion s'est faite. Les conclusions votées à l'unanimité par le Congrès des praticiens, correspondent exactement à celles que j'avais formulées.

Une des premières personnalités auxquelles j'avais cru devoir offrir ma brochure fut M. Liard, alors directeur de l'Enseignement supérieur. Je n'eus qu'à me louer de ses appréciations bienveillantes, maîsje ressentis l'impression qu'il n'attachait pas une grande importance à cette manifestation isolée. Il peut arriver cependant qu'un seul grain, semé à propos, puisse être le point de départ d'une ample moisson. Aussi je ne me refuse point la satisfaction de penser que la brochure sur le Concours de liagrègation et son remplacement par l'institution de privai docen-ten, n'a pu être sans influence sur l'évolution qui a amené le corps médical à protester, dans une imposante manifestation, contre le régime suranné auquel la Faculté de médecine doit d'être entraînée vers une déshonorante décadence.

D* Bébillok.

Le concours de l'agrégation en médecine; nécessité de son remplacement par l'Institution des privat-docenten.

par M. le D'Bérillon.

professeur a l'Ecole de psychologie, professeur libre de psychologie à l'Ecole pratique de la Faculté.

(Suite)

La Faculté de médecine n'a jamais pris la moindre part à renseignement de l'art dentaire. Le traitement des dents malades ne lui a pas paru compatible avec la solennité universitaire. En effet, on se représente difficilement un docte professeur s'escrimant, dans l'intervalle de deux séances du Conseil supérieur de l'Université, à extirper quelques molaires. Les grands dignitaires de la médecine n'ont jamais pu se défendre d'un légitime émoi à la pensée que la toque rouge à glands dorés pourrait être confondue avec le casque empanaché de Mangin. Aussi, deux Ecoles dentaires ont pu, sans trop éveiller la susceptibilité de la Faculté, organiser à Paris un enseignement technique remarquable de beaucoup supérieur à celui qui se donne dans les amphithéâtres de l'Ecole de médecine. Les Ecoles dentaires feront bien de ne pas s'endormir dans une sécurité trompeuse. Un jour viendra où quelque agrégé, en mal de professorat, sollicitera la création d'une chaire de clinique odontologique. Déjà, à maintes reprises, l'enseignement officiel a dirigé vers l'art dentaire plusieurs de ses insidieux tentacules. Une première fois, la Chambre des députés a compris qu'on lui proposait de rééditer contre les Ecoles dentaires le fameux « Sic pos non pobis... », de Virgile, tant de fois appliqué avec succès contre les pionniers de l'enseignement médical libre. 11 se pourrait faire qu'une nouvelle tentative vint les déposséder de l'enseignement qu'elles ont organisé au prix de tant d'efforts désintéressés.

Il est même surprenant que dans les innombrables concours d'agrégation, offerts en pâture à la compétition des amateurs de leçons débitées à l'heure, on n'ait pas songé à intercaler l'agrégation d'odontologie. Il n'y a là qu'un simple oubli et il ne tardera probablement pas à être réparé.

Il n'est pas une branche de la médecine où l'institution de l'agrégation n'ait fait sentir son influence délétère et stérilisante. C'est également à l'agrégation que la médecine doit d'avoir

perdu la légitime influence qu'elle était appelée à exercer dans le domaine de la psychologie expérimentale.

Malgré les oppositions systématiques que rencontrent toutes les sciences nouvelles à leurs débuts, nul ne peut nier aujourd'hui l'importance et la valeur des travaux inspirés dans tous les pays du monde, par l'étude de l'hypnotisme. Il en est résulté une véritable révolution scientifique, dont les effets ne se manifestent pas seulement par l'emploi d'une terminologie nouvelle, mais surtout par des interprétations de beaucoup de phénomènes restés jusqu'alors inexpliqués. Les médecins ne se bornent pas à employer à chaque instant les mots nouveaux de suggestion et d'hypnotisme, ils ont appris à apprécier la puissance de l'intervention psychologique. Là, où, selon la pittoresque expression de Voltaire, « ils passaient leur temps à mettre des drogues qu'ils ne connaissent pas dans des corps qu'ils connaissent moins encore », ils ont acquis la ressource de faire plus sagement de la psychothérapie. L'homme qui a le plus contribué à effectuer cette révolution scientifique n'avait pas le moindre galon officiel. C'était un savant modeste, doué, au plus haut degré, de cette puissance d'observation, de cette sincérité profonde, de cette largeur de vues qui constituent le véritable homme de science.

Dans un Etat bien organisé, une chaire professorale eût été offerte au Dr Liébeault, de Nancy. S'il eût vécu de l'autre côté de notre frontière lorraine, les choses se fussent probablement passées ainsi ; mais il résidait dans un pays où les fonctionnaires sont plus considérés par les pouvoirs publics, que les inventeurs et que les hommes d'initiative.

Si l'on prend à la lettre la définition de M. Lépine, le D' Liébeault a été le modèle des professeurs. Il a cherché et créé une méthode nouvelle; il a fait progresser la science. Véritable chef d'école, dans sa clinique particulière de Nancy il a formé plus d'élèves que beaucoup des professeurs les plus en vue. II y a peu d'hommes auxquels autant de médecins cminenls français ou étrangers, aient dédiés leurs ouvrages comme à un maître vénéré. Grâce à ses travaux, grâce aussi à la reconnaissance de ses nombreux disciples, son nom ne périra pas.

A rencontre de tant de réputations éphémères qui s'éteignent avec les fonctions, à mesure que les services rendus par ses découvertes se généraliseront, la gloire du D'Liébeault s'affermira, et le nom du créateur de la psychothérapie méthodique sera transmis aux générations futures.

Dans les hôpitaux de Paris. MM. Mesnet et Dumontpallier ont eu également le grand mérite d'entretenir la tradition des rapports de la médecine avec la psychologie, l'un par ses recherches sur les somnambulismes, l'autre par ses leçons sur l'hypnotisme.

Elève de ces deux cliniciens, je revendique personnellement l'honneur d'avoir introduit l'enseignement de la psychothérapie et de la psychologie médicale à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine.

Dans le cours de mes études, je fus frappé de la difficulté que rencontrent les médecins et les étudiants lorsqu'ils veulent acquérir des connaissances plus approfondies sur la psychologie, l'hypnotisme ou la psychothérapie. Cependant, à ce point de vue, j'avais vécu dans un temps privilégié; on s'y occupait activement d'hypnotisme dans un certain nombre de services des hôpitaux. Depuis lors, il est devenu presque impossible pour un étudiant de trouver, à Paris, les moyens d'aborder ces études. C'est cette situation qui inspira ma résolution d'organiser cet enseignement pratique de l'hypnotisme

Au commencement de 1888, je fus autorisé par le Conseil supérieur des Facultés à faire à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine, pendant le semestre d'été, un cours libre sur les applications thérapeutiques de l'Hypnotisme. Cette autorisation avait été accordée sur l'avis favorable exprimé par M. le professeur Brouardel, alors doyen de la Faculté de médecine, au libéralisme duquel je suis heureux de rendre hommage.

En m'exprimant sa satisfaction de voir inaugurer à l'Ecole pratique un enseignement qui n'avait pas encore été donné à la Faculté, M. Brouardel me conseilla de borner mon cours à des leçons théoriques et de m*abstenir, dans l'enceinte de Vêcole, de toute démonstration pratique d'hypnotisme.

J'aurais grand tort de me plaindre de cette restriction, car c'est d'elle que sont nés l'Institut psycho-physiologique et l'Ecole de psychologie.

En effet, après avoir, devant un auditoire tous les jours de plus en plus nombreux, passé en revue les acquisitions faites clans le domaine de l'hypnotisme, j'arrivai à la conviction que je ne pourrais faire passer mes convictions dans l'esprit de mes auditeurs, qu'en complétant mon enseignement par des démonstrations expérimentales. C'est alors que je créai, en 1888, rue Saint-André-des-Arts, une clinique de psychothérapie, la première fondée à Paris, destinée, comme celle du D' Lié-

beault, à Nancy, à l'étude des applications médicales de l'hypnotisme.

Je dois ajouter que j'aurais eu toute latitude pour ne tenir aucun compte de la défense qui m'avait été faite par le doyen de présenter des malades à mes auditeurs, la Faculté s'étant toujours complètement désintéressée de ce qui se passait dans l'amphithéâtre Cruveilhier, assigné aux professeurs libres. Je ne crois pas qu'aucun représentant autorisé de la Faculté ait jamais eu l'idée de visiter ce local. Il eût assurément éprouvé la plus grande humiliation en constatant son état de malpropreté, ainsi que l'odeur infecte, due au voisinage des chenils de l'Ecole, dont il était empesté. A maintes reprises je me suis fait un devoir de signaler à M. le Doyen ce fait que le local le plus anti-hygiénique de Paris se trouvait à la Faculté de médecine. Aucune suite naturellement, ne fut donnée à mes légitimes réclamations (')- De même la Faculté ne tenant pas compte que mon cours amenait à l'école, chaque année, un grand nombre de médecins et d'étudiants qui, sans lui. n'y eussent jamais mis les pieds, n'a point consenti à nvcxonérer du droit de cinquante francs qu'elle impose abusivement aux professeurs libres.

(I) On a maintes fois surposé que les cours libres de l'Ecole pratique donnaient une saUsfaction suffisante aux médecins atteints de cette vocation pour renseignement que l'on a irrévérencieusement baptisée du nom de prurigo docendi. Rien n'esi moins exact. Il suffît pour cela de se rappeler les locaux infects mis â la dispositions des professeurs libres dans les caveaux du musée Dupuytren. Aucun de ses locaux n'eût pu supporter la visite de la commission des logements insalubres.

Un fait particulier montrera combien les cours libres tiennent peu de place dans les préoccupations de la Faculté. En 1803, notre cours libre de psychothérapie et de psychologie fut interrompu par des circonstances dans lesquelles la mauvaise volonté de l'Ecole apparut manifestement. A deux reprises différentes, à l'heure du cours, l'amphithéâtre Cruveilhier, qui nous avait été désigné par la Faculté, se trouvait occupé par une conférence d'internat qui ne voulait pas céder la place. En effet on lui avait attribué le même local comme lieu de réunion et â la même heure.

Le doyen M. Brouardcl, averti que nous allions aviser la presse politique de ces incidents, s'empressa de nous rendre la disposition de l'amphithéâtre, mais l'interruption du cours avait eu pour effet de disperser la plus grande partie de nos auditeurs.

Un second point sur lequel nous avons en vain appelé l'attention du recteur et du conseil de l'Ecole, c'est la parcimonie avec laquelle la Faculté procède à l'affichage des cours libres. Trois affiches, donnant collectivement en caractères minuscules, la date de l'ouverture des cours libres, sont apposées dans les coins les moins fréquentés de l'Ecole, et c'est tout. Dans toutes les autres Facultés (droit, lettres, sciences) les cours libres autorisés par le Conseil supérieur des Facultés sont annoncés individuellement par des affiches analogues à celles des professeurs titulaires. La façon d'agir de la Faculté de médecine n'indique-t-elle pas, d'une façon très frappante, son désir de se soustraire à la concurrence de l'enseignement libre?

En présence de tant de mauvais vouloir, j'ai pris la résolution de continuer mon enseignement dans la salle des cours de l'Ecole de psychologie, où j'ai été suivi par mon fidèle auditoire d'étudiants et de médecins. Je me hâte d'ajouter que le professeur ni les élèves n'ont rien perdu à ce changement.

(à suivre)

Lois de suggestion appliquées au costume militaire

par M. le capitaine Michel (suite)

T. — Influence de la ligne

Toute ligne occupe par rapport à son point de repère deux positions : La position verticale ; La position horizontale.

Toutes les autres positions, obliques à inclinaisons variées, ne sont à considérer que comme intermédiaires. Les deux lignes verticales et horizontale indiquent les deux équilibres rationnels dans la nature dont tous les autres découlent.

La ligne verticale, par rapport à son plan de repère, est essentiellement une ligne d'action. Elle ne touche le sol ou le plan de repère qu'en un seul point et représente un équilibre vertical et instable. On devine qu'il faut peu de chose pour la mettre en mouvement. Ce mouvement, cette action possible que nous lui pressentons, est l'expression même de la vie. L'homme lui-même en donne personnellement la preuve : tant qu'il est droit, qu'il reste debout, il est vivant. Il y a elïet ascendant, d'action.

La ligne horizontale, au contraire, représente un équilibre horizontal et stable; elle laisse pressentir le calme absolu, l'inaction. Elle est en équilibre par tous ses points et rien en elle ne laisse deviner l'action. L'homme couché, endormi, ou mort, donne une juste idée de cette impression. Il y a ici effet descendant, d'inaction.

Entre la verticale et l'horizontale, la droite partant du point extrême de base occupera une infinité de positions qui représenteront les différentes phases de chute.

Ces positions produiront, par analogie, des effets de suggestion ascendants ou descendants intermédiaires. L'intensité maximum d'inclinaison sera de 45°, car dans le premier angle

de départ, il y a chute lente, c'est-à-dire que la droite est en mouvement dans son intensité vivante ; au delà de 55°, on entre dans la phase de la chute de plus en plus précipitée, au fur et à mesure du rapprochement vers la position horizontale.

A côté de ces sources initiales de force dérivant directement des lois de pesanteur, nous en trouverons d'autres d'une importance aussi considérable.

La pensée humaine se traduit naturellement par le geste qui en est en quelque sorte le prolongement. La bonne éducation tend il est vrai à enrayer le geste, à le supprimer, et l'homme suffisamment maître de lui arrive à exprimer ses impressions, ses besoins et ses sensations par le seul moyen de ses lèvres et de ses yeux. Mais les émotions brusques et profondes, la joie, la déception, le plaisir, la douleur, font rapidement disparaître ces différences et, en face d'une catastrophe subite ou d'une joie inattendue, le plus fin diplomate ne se distinguera pas de l'homme le plus fruste, dans l'expression spontanée, par le geste, de l'effet ressenti : l'un et l'autre lèveront leurs bras en l'air ou ils les laisseront tomber vers la terre.

En présence d'une nouvelle ou d'une surprise agréables, d'un étonnement joyeux, tout homme en état de sentir et de vibrer, lèvera spontanément ses bras vers le ciel, mouvement ascenlionnel vertical, qui traduit l'aspiration involontaire vers un état plus parfait. A l'annonce d'un malheur, d'un désastre, les bras tombent d'eux-mêmes vers le sol, vers l'horizontalité, vers la mort, en signe de découragement, d'abattement, d'impuissance. Ce sont là les deux gestes primordiaux, soumis à des lois naturelles auxquelles nul ne peut se soustraire, et qui serviront de base pour admettre que les lignes et les angles descendants sont tristes, les lignes et les angles ascendants sont gais.

Le geste auquel nous obéissons exerce une influence incontestable sur ceux qui nous entourent; il peut, soit exciter et inciter à l'action, soit enrayer tout mouvement et déprimer. Une autre loi de suggestion, corollaire de la précédente, est dans l'absence de tout geste. Ici on agit par le mystère, l'énigme, qui résident dans l'immobilité. Il y a attente de l'inconnu et cette loi hiératique fut bien connue et employée des Egyptiens.

Napoléon Ier, ce grand manieur d'hommes des temps modernes, initié déjà par Champollion et Monge, en eut l'intuition très nette quand il s'appliquait à s'abstenir de tout geste,

de tout mouvement qui eussent pu être soumis à une interprétation. Pour cela, nous le voyons toujours une main glissée dans le devant de son habit, l'autre derrière son dos. Son attitude a certainement contribué à exercer sa part d'influence sur les troupes qui considéraient l'empereur-sphinx comme une sorte de demi-dieu.

Sur les deux principes que nous venons d'énoncer vient se greffer une troisième loi de suggestion d'intensité et d'action qui résulte de la combinaison des effets de lignes et d'angles.

Dans la verticale, l'effet vivant augmente lorsqu'on pressent un mouvement ascendant; par exemple, chez le peuplier dont les branches sont toutes nettement orientées vers le ciel. Inversement, l'effet de tristesse, l'impression d'absence de mouvement est augmentée par l'inclinaison vers le sol des branches du sapin, arbre de l'hiver, ou du saule pleureur, arbre de la mort.

On peut dire que toute composition géométrique à effets d'éclatement verticaux est vivante, qu'il y a simulation d'action. Nous en voyons le schéma dans la gerbe d'un feu d'artifice. Le contraire se rencontre dans les effets de chute et de pluie.

Le maximum de vie sera donc dans la verticale terminée en éclatement, c'est-à-dire par des lignes ascendantes rappelant les bras levés au ciel. C'est là une combinaison d'intensité gaie, excitante, d'action, de combat. Le principe contraire sera dans la chute des lignes, c'est-à-dire dans toute combinaison de lignes descendantes rappelant les bras dirigés ou tombant, vers le sol, symbole de tristesse, d'abattement, de résignation, d'inaction ou de calme.

Un exemple frappant est ici dans les emblèmes guerriers des Gaulois et des Germains, lesquels dépeignaient deux races et deux caractères.

Chez les premiers, le casque surmonté d'ailes d'alouette dirigées vers le ciel est bien la caractéristique d'un peuple prompt à la colère, prêt à se jeter au combat avec gaieté et avec une furie particulière qui défie le ciel en lui jetant des cailloux. C'est l'impétuosité faite emblème.

Chez les seconds, la coiffure d'acier flanquée d'ailes d'oiseaux de proie, aigles aux ailes déployées tournées vers le sol, est l'indication d'un esprit guerrier différemment orienté. Ici c'est le combat calculé, la tuerie considérée comme nécessité de vivre, comme chez les grands oiseaux rapaces, le

caractère plus lenta émouvoir, le calme, l'attente, la patience. Les casques modernes de la garde impériale allemande avec leurs panaches de crins tombant en chute circulaire, donnent une sensation de tristesse, d'absence de mouvement, que n'ont pas les plumets de nos casques droits et évasés vers le haut.

Une autre manifestation suggestive du mouvement simulé est dans la direction de l'angle aigu, comme, par exemple, dans le dessin d'une flèche indicatrice. Quelle que soit la nationalité d'un individu, il comprendra toujours, à défaut d'une langue connue, l'effet recherché par l'indication de la flèche. Le sens de l'orientation de celle-ci, sa direction d'action, ne feront aucun doute pour lui.

Dans la nature, le squelette des animaux indique nettement le mouvement probable. Ainsi chez le poisson, les arêtes, les nageoires, la forme de la tête, donnent des tracés d'angles aigus très marqués qui sont autant d'indications de direction et la forme expressive de mouvement possible.

Dans la coiffure, cette partie si essentielle du costume militaire, nous pourrons retrouver et déterminer ces indications si importantes de direction, c'est-à-dire de combat.

Ici c'est l'existence de la visière et sa forme qui permettront de constater les lois de suggestion. Une coiffure sans visière n'aura pas le caractère d'action de celle qui en est pourvue; aussi, depuis les temps les plus reculés, nombreux sont les modèles de casques munis de cet accessoire, qu'il ne faut pas considérer au seul point de vue de l'hygiène, c'est-à-dire pour son rôle de protection des yeux.

Prenons les casques allemands, à visière carrée ou ronde; nous ne leur trouvons pas le même caractère agressif, qu'à ceux de nos cuirassiers, dont la visière à angle aigu, à angle de combat jeté en avant, indique bien la valeur de suggestion certaine.

Cela est si vrai que nous voyons là une des raisons pour lesquelles jadis nos soldats plaçaient d'instinct sur l'oreille leurs képis ou shakos à visière carrée, l'effet intensif d'ascendance et de combativité ainsi produit rachetant tout ce que la ligne horizontale pouvait représenter d'inactif et de mort.

Depuis, nos hommes ne mettent plus sur l'oreille leurs képis à visière arrondie, (forme non angulaire nécessitée par la matière première employée), mais les « casseurs d'assiette » s'empressent de briser ces visières par le milieu pour bien leur donner les formes en pointe trahissant leur caractère querelleur

et combatif, précieux sur le champ de bataille, s'il est quelque peu encombrant en temps ordinaire.

Parfois aussi, c'est la forme totale de la coiffure qui produit l'effet d'action de l'angle, de la pointe en avant, comme par -exemple, pour la coiffure triangulaire des gardes françaises, laquelle donnait une image d'une intensité particulière. Son aspect dénotait un véritable esprit de combat et ce fut une de nos coiffures militaires les plus expressives, les mieux dotées au point de vue des principes de suggestion, et les plus populaires. L'ancienne brisque, disposée en pointe sur la partie supérieure de la manche et aussi les chevrons des tambours-clairons et trompettes, répartis sur toute la longueur produisaient des effets d'action d'une violente intensité.

Marbot affirme n'avoir jamais rencontré de régiment qui surpassait le 23e chasseurs. « [-'espèce d'hommes qui le composait, dit-il, était superbe et provenait des provinces connues pour leur esprit militaire ; c'étaient presque tous des vieux soldats d'Austerlitz, léna, Friedland, Wagram ; la plupart d'entre eux avaient le triple ou au moins le double chevron ; ceux qui n'en avaient qu'un étaient en très petit nombre... »

ÏT. — Influence de la forme.

Les formes géométriques ont, comme les lignes dont elles dérivent, leurs lois de suggestion particulières.

De même que la verticale et l'horizontale sont deux expressions d'action ou d'inaction, de gaieté ou de tristesse, origine d'impressions d'excitation ou de calme, de même les formes produisent des effets suggestifs divers, selon qu'elles se rapprochent de l'horizontale ou de la verticale. La vibrante de ces effets est augmentée ou diminuée, rachetée ou corrigée, par les directions ascendante ou descendante des lignes qui composent les formes.

On peut dire que toute forme géométrique plus verticale qu'horizontale a une valeur expressive vivante et d'action et, inversement, que toute forme géométrique plus horizontale que verticale produit des effets de suggestion incitant au calme, à la contemplation, à l'inaction, àia tristesse.

Tous les volumes ronds sont à classer dans cjtte dernière catégorie. Ces volumes produisent un effet décoratif d'impression contemplative qui, lorsqu'ils ont été utilisés, ont toujours été modifiés énergiquement dans leur forme initiale.

Cylindres, cônes, sphères sont alors corrigés, dans la coiffure

principalement, par des indications de mouvement et d'action (ornements, attributs, visières, bords, panaches, etc.).

Les figures se rattachent aux mêmes divisions.

Aux divers rectangles, triangles, ovales, placés de l'une ou de l'autre façon verticalement ou horizontalement, nous rattacherons comme compositions géométriques, à effet de tristesse, le carré et le cercle. Cette dernière figure qui est à effet fermé porte cette impression à son maximum.

En architecture, les clochetons gothiques s'élançant en flèche vers le ciel, les tours qui s'élèvent haut dans les airs, donnent une impression nette de gaielé, de vie et de mouvement; la coupole au contraire, avec sa masse et sa forme lourdes, une sensation de poids, de lourdeur, d'écrasement, de mollesse, de tristesse.

De même que dans l'édifice la prédominance des caractères tient surtout à sa toiture, à son couronnement, chez l'homme, et en particulier chez le soldat, c'est la coiffure qui joue le rôle le plus important, nous l'avons déjà dit, et qui, conséquemment, doit être choisie avec le plus grand soin.

Dans notre histoire, les coiffures guerrières, se rapportent toutes au caractère d'une époque, depuis les salades à bords rabattus des archers et des hommes d'armes de Philippe VI et de Charles VII, les casques panachés de François I'r et de Henri IV, les chapeaux aux formes tristes de Louis XI, jusqu'aux chapeaux enlevés des mousquetaires de Louis XIII et de Louis XIV, allant se rétrécissant peu à peu pour se transformer en tricorne chez le successeur du roi du grand siècle.

Les shakos du premier empire, avec leur évasement orienté vers le ciel, furent des coiffures guerrières entre toutes. Nous voyons dans ce mode de construction le correctif du cylindre hiératique, volume rond, à effet contemplatif ; l'évasement s'appuyait de plus sur des ornements circulaires (faussesjugu-laires latérales et glands en passementerie, attributs, bordure supérieure, etc.). Ces couvre-chefs donnaient une impression de combativité bien tranchée, encore augmentée par les énormes panaches qui les surmontaient en sens contraire de nos shakos plus modernes et aussi de nos képis. Celles-là sont formes tristes, sans action, peu adaptables au caractère du soldat français, aussi l'avons-nous vu placer d'instinct ces coiffures sur l'oreille, non seulement à cause de la visière comme nous l'avons déjà indiqué plus haut, mais aussi à cause de ces formes elles-mêmes, à allures si peu guerrières. On dira que

le port de la coiffure compris de cette façon est usité chez les ivrognes et laisse subsister ainsi une impression désagréable de débraillé.

Fort bien, mais les ivrognes deviennent dans leur triste état des êtres particulièrement batailleurs et agressifs et cet exemple ne fait que confirmer le principe.

Le chapeau à cornes de la garde républicaine produit, lorsqu'il est placé droit des effets de tristesse nettement caractérisés, aussi le règlement ordonne-t-il de les incliner sur le front jusqu'à ce que le bord vienne effleurer le sourcil droit.

Ce chapeau qui fut l'unique coiffure des gardes républicains de 1S4S, dut d'ailleurs être relevé à cette époque au moyen d'un plumet, afin de recouvrer un caractère d'action et de mouvement qui lui manquait totalement.

Le casque aussi, cette coupole portative, donne l'impression très nette de l'écrasement — on y sent une volonté de protection non d'agression, c'est-à-dire d'action.

Nous n'avons qu'à jeter un coup d'ceil sur la forme nue et désolée du nouveau casque de notre artillerie pour ressentir aussitôt très nettement cette sensation que le bizarre placement sut* le devant d'un plumet de parade ne modifie qu'à peine.

Notre casque de pompier rentre assez dans les mêmes conditions, mais il n'a rien à voir, lui, avec le combat proprement dit et répond à des nécessités d'un ordre tout particulier.

Partout le casque-coupole est relevé par un ornement d'action dirigé vers le ciel ou en avant, les deux parfois. Pointe chez les Anglais et les Allemands, cimier chez nos dragons, cimier .et houppette chez nos cuirassiers, {production maximum d'effets), chenille dans notre cavalerie légère.

Le casque des uhlans est un bel exemple aussi d'harmonie des lignes avec leur adaptation à un but de guerre. La tristesse de la coupole n'est-elle pas amplement rachetée par l'éclatement gai de la partie supérieure ?

L'absence d'indication de mouvement, l'écrasement de la forme, la tristesse de la ligne doivent nécessairement être corrigés d'après les principes posés par les lois de suggestion.

Le maximum de mouvement et d'effet nous parait être dans le chapeau à bords relevés d'une certaine façon.

Il existe depuis longtemps chez quelques nations européennes, lesquelles cependant n'ont pas su s'affranchir des errements passés et ont produit, comme les Belges, les Italiens pour leurs alpins, des combinaisons hybrides du shako et du

chapeau rond, comme les Italiens chez leurs bersagliers, des effets de coupole sur un plan horizontal, racheté il est vrai, en partie, par !e mouvement d'un plumet à effet très intense et le port incliné de cette coiffure.

Ce sont les pays nouveaux, Amérique et Australie, déjà copiés par les Anglais, par les Allemands, et même dans nos colonies qui semblent avoir trouvé, ou plutôt retrouvé, le chemin du progrès. Là est l'avenir de la coiffure militaire, si l'on se décide à quitter les sentiers trop battus de la décoration conventionnelle irraisonnée, si l'on veut résolument associer à la question d'hygiène le point de vue esthétique auquel sont alliés intimement les principes de suggestion.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du 19 février 1907. — Présidence de M. le D* Jules Voisin.

Valeur de la rééducation de l'attention dans le traitement

de l'hystérie, parle D' Paul Magnin, professeur à l'Ecole de psychologie.

Les ouvrages de psychothérapie parus dans le cours de ces dernières années tendent à faire delà persuasion la base logique du traitement des psychonévroses. L'éducation de la volonté ou plus exactement de la raison, tel est le but à atteindre pour amener la guérison. Cette prétention nous semble très exagérée; en matière d'hystérie tout au moins, elle ne parait pas tenir compte du fond même de la névrose caractérisée surtout par une faiblesse énorme de la synthèse mentale. Or, nous savons quel rôle majeur jouent manifestement dans la genèse de cette faiblesse les troubles de la mémoire, de la volonté et de l'attention. Leur étude est à cet égard très intéressante.

L'amnésie antérograde de Charcot, les amnésies continues de M. P. Janet ne sont pas, ainsi que l'a montré cet observateur, à proprement parler des amnésies, c'est-à-dire des pertes de souvenirs, puisqu'il ne peut y avoir de souvenirs, altérés qu'ils sont dans leur formation même. Il s'agit bien plutôt « d'un trouble dans la façon de percevoir les choses, dans l'attention ». De même, les aboulies intellectuelles se confondent intimement avec l'aprosexie. En dehors de son action motrice, la volonté, ainsi que l'a fait voir M. P. Janet, occupe une place primordiale dans l'intelligence, les actes en sont simplement la manifestation extérieure; mais, envisagée à ce point de vue, elle « prend le nom d'attention et son résultat principal est de nous faire comprendre en les synthétisant les phénomènes psychologiques inférieurs, •-«•:. ;a •

tions et images, de nous donner l'intelligence des choses » {'). On saisit bien dès lors quelle part considérable revient à l'aprosexie dans l'apparition et l'évolution des divers troubles hystériques et la rééducation de l'attention apparaît précisément comme le plus important facteur de restauration de la mémoire, de la volonté et partant de la synthèse mentale.

Ce n'est pas à dire que je veuille nier l'utilité des entretiens psychothérapiques, la valeur des raisonnements persuasifs. Ainsi que je l'ai dit ailleurs (a), nos maîtres d'il y a trente ans se montraient bien souvent à ce point de vue très fins psychologues. Comme le remarque justement M. le professeur Raymond t8), ce que l'on désigne aujourd'hui pompeusement du nom de psychothérapie* ils l'appelaient avec simplicité traitement moral et c'est peut-être la seule chose qui les différencie des psychothérapeutes actuels. Au reste, à cette psychothérapie persuasive, on ajoute le plus souvent l'isolement auquel on joint, au début du traitement tout au moins, le repos au lit, le régime lacté et la cure d'engraissement.

Quoi qu'il en soit, prétendre que la persuasion basée sur le raisonnement peut et doit amener la guérison de l'hystérie, c'est à mon avis faire du roman, non de la saine clinique.

En dehors du traitement moral, nombreux sont les agents physiques qui peuvent être utilisés contre les manifestations de la névrose. Que leurs effets soient purement suggestifs ou qu'ils aient en même temps une action propre, ces divers procédés servent aussi grandement à la rééducation de l'attention et cela d'autant plus qu'ils sont plus logiquement appliqués.

Les plaques métalliques de Burq, les aimants de Charcot sont considérés aujourd'hui, à tort ou à raison, comme n'ayant pas d'action spéciale et vous savez le rôle qu'autrefois déjà Carpenter et Bennett, en Angleterre, 0. Jennings, en France, ont voulu faire jouer à l'expectant attention dans les résultats obtenus à la suite de leur emploi. Mais quel que puisse être le rôle de la suggestion, il n'en demeure pas moins évident qu'il y a dans ces procédés un moyen de fixer l'attention du malade, de provoquer chez lui un effort de cette attention et, si l'on admet avec M. P. Janet que l'anesthésie hystérique « dépend d'un engourdissement des fonctions supérieures des centres corticaux, qu'elle a les rapports les plus étroits avec les phénomènes de perception personnelle, de conscience réfléchie, d'attention, etc. » (*), on comprend que cet effort puisse suffire à la modifier. On peut se demander si l'anesthésie de retour, l'anesthésie post métallique de Burq, les oscillations consécutives de Charcot n'étaient pas dues simplement à des oscillations de l'attention.

(tj P. Jankt : Les stigmates mentaux des hystériques, p. 91 et 188.

(3) P.Mxosin : Psychothérapie et hypiiotisine. Revue de l'hypnotisme, 1906, p. 232. (3; F. Hayuokd: Xccroses et psychonévroses. L'Encéphale, 190", p. 23.

(4) P. Janet : Traité de thèrapeu'ique d'Albert Robin, fasc. XV, p. 198.

Dans le cas même où les moyens employés ont une action propre, la rééducation de l'attention n'en apparaît pas moins comme un l'acteur important dans les résultats observés.

J'ai montré, il y a longtemps déjà ('), qu'il était possible d'obtenir des effets esthésiogènes au moyen d'excitations mécaniques faibles et répétées aussi bien sur des sujets hypnotiques qu'en dehors de toute sommation provoquée. L'action de l'addition latente, de la sommation était on ne peut plus nette ; mais la sensibilité se restaurait d'autant plus vite que le sujet voyait ce qu'on faisait et que son attention était plus complètement fixée sur le point excité. A l'époque où nous faisions nos expériences (1883) nous n'envisagions que l'action mécanique elle-même ; en réalité, grande était dans les résultats obtenus la part de la rééducation de l'attention.

Récemment encore M. L. Delhcrm a bien montré la grande valeur qu'en dehors de son action propre et de la sommation, le courant fara-dique possède en tant qu'agent de rééducation dans l'hystérie. Les effets obtenus sont d'autant plus rapides et plus complets que l'attention du malade est plus vivement attirée sur ce qui lui est fait. S'agit-îl par exemple d'une paralysie : en même temps qu'il fait agir le courant, le médecin t attire l'attention du malade sur le mouvement qui se produit et lorsqu'il lui a fait constater par lui-même que ses muscles naguère inertes se contractent parfaitement, il l'invite à faire, au moment où il place les électrodes sur les muscles, l'effort mental nécessaire pour produire le mouvement ». (') Au fur et à mesure que cette double manœuvre est répétée, l'intensité du courant est progressivement diminuée et bientôt le sujet peut exécuter sans le secours de l'électricité, « qui tout à l'heure suppléait ou aidait son effort mental », un mouvementqui jusqu'alors était impossible.

Ce qui est vrai pour les actions mécaniques, pour les courants électriques l'est également pour bien d'autres procédés tels que le massage, les mouvements passifs communiqués, la gymnastique suédoise d'opposition, etc. Bien employés tous ces moyens sont des plus utiles. Il faut de plus soumettre l'hystérique à un travail cérébral régulier et ce travail devra, bien entendu, nécessiter un effort d'attention. C'est ainsi seulement que l'on aura chance d'arriver à restaurer la volonté, le jugement, en un mot les fonctions de synthèse mentale.

Cette méthode de rééducation de l'attention est essentiellement française. Inaugurée par Charcot, employée couramment par Janet, elle est celle qu'enseigne depuis près de quinze ans M. le professeur Raymond. Voilà bientôt dix ans qu'elle me donne les meilleurs résultats.

L'attention est susceptible d'être ainsi rééduquée à l'état de veille et avec avantage également à l'état d'hypnose, quand faire se peut. Mais il faut bien savoir que ce sont surtout, dans ce cas, les degrés du sommeil

(1) P. BLiOXis : Etwie clinique et expérimentale sur l'hypnotisme, etc. Paris !8Si. p. 90 et sulv.

(2) L. Dkluekm ;bArcit.\géiêraies dehnêdeciiie, 1905,' p. -10.

les plus rapprochés de l'état de veille qu'il faudra chercher à provoquer, les états d'inhibition légers dans lesquels la résistance pathologique du sujet est éteinte sans que soit abolie pour cela sa personnalité consciente.

La psychothérapie graphique : importance des exercices d'écriture appliquée dans le traitement des aboulies et des psychonévroses,

par 11 le 0' Bébillon, professeur ù l'Ecole de psychologie.

Les aboulies sont constituées par une association d'états de conscience parmi lesquels les plus apparents sont : l'indécision, la sensation d'im puissance à agir et surtout la difficulté d'appliquer son attention.

Mais à ces symptômes, difficiles à analyser et à apprécier, s'en joignent d'autres d'une constatation plus facile et plus précise, tels sont l'abolition du goût de la lecture et la dysgraphie.

Depuis longtemps, je suis frappé de ce fait que les véritables abouliques éprouvent une grande difficulté à se livrer à la lecture et ressentent le plus grand ennui lorsqu'ils sont dans l'obligation d'écrire. Aussi, de toutes les questions qu'on doive poser à un malade atteint de névrose ou de psychonévrose, les plusimportantes sont les suivantes : — « Pouvez-vous lire ? Aimez-vous la lecture ? Lisez-vous ? »

Tant qu'un malade trouve de la satisfaction à s'adonner à la lecture, le pronostic n'est pas défavorable. Il en est de même s'il a conservé l'aptitude à faire régulièrement sa correspondance. Par contre, le dégoût de la lecture et surtout l'horreur de l'écriture doivent être envisagés comme un caractère d'aboulie confirmée et une disposition à l'aggravation de l'état pathologique.

Au contraire, le retour progressif de l'aptitude à s'adonner à la lecture et, encore plus celui de se remettre à écrire avec facilité, constituent des signes importants d'une tendance marquée à la guérison. Ce retour au goût de la lecture et de l'écriture doit donc être encouragé et favorisé par tous les moyens possibles.

L'écriture, a-t-on dit avec raison, est le geste de la pensée, il importe donc de reconstituer la possibilité de ce geste. C'est dans ce but que depuis de longues années, je me suis appliqué à constituer les éléments d'une méthode psychothérapique basée sur des exercices d'écriture appliquée. Ces exercices doivent suivre une progression successive et comportent :

1° des exercices d'écriture dictée ;

2° des exercices d'écriture copiée;

3° des exercices d'écriture volontaire.

Dans chacun de ces exercices, la plus grande application doit être exigée. Il s'agit, en effet, d'un exercice ayant pour but de mettre en jeu, au plus haut degré, tout le mécanisme musculaire et essentiellement moteur de l'attention dirigée et appliquée.

Le choix des phrases à écrire sous la dictée ou à copier joue naturelle-

ment un rôle important et autant que possible le médecin doit chercher des modèles qui se rapportent aux besoins psychologiques du malade. Les maximes, les pensées se rattacheront, avec utilité, à des idées relatives à la culture de la volonté, à l'éducation du caractère, au courage, à la force morale, à la gaieté, etc. Elles devront tendre à créer dans l'esprit du malade une idée dêrivtttive, capable de le détourner de ses préoccupations habituelles.

Les résultats obtenus par l'intervention des exercices d'écriture appliquée, exécutés systématiquement dans le but de concourir au traitement des aboulies, des idées fixes, des obsessions et môme des préoccupations hypocondriaques, sont si frappants, que je n'hésite pas àexprimer l'opinion qu'une salle d'écriture doit ôtre instituée dans toute maison de santé consacrée au traitement des maladies nerveuses et dans tous les asiles d'aliénés. Les malades doivent y ôtre conduits chaque jour et invités à faire, sous la dictée, des exercices d'écriture appliquée.

Les progrès réalisés dans l'état mental du malade s'enregistrent d'eux-mêmes sur les cahiers. A mesure que les troubles nerveux se dissipenti l'écriture devient plus assurée, plus soutenue. Les malades qui, au début, éprouvent beaucoup de difficulté à tracer péniblement quelques lignes, ne tardent pas à remplir, sans aucune fatigue, des pages entières-En même temps qu'on assiste au réveil de leur activité intellectuelle, on constate la disparition progressive des aboulies et des troubles nerveux qui s'y rattachent. J'ajouterai que ces exercices d'écriture devront toujours être effectués sous la direction du médecin. En effet, ils ne donneront tout leur effet que s'ils s'opèrent sous l'influence d'une autorité assez ferme, mettant au service du traitement toutes les ressources de la compétence psychologique. Dans des communications ultérieures, je reviendrai sur les avantages que présente la psychothérapie graphique et sur les procédés les plus efficaces pour en réaliser l'application.

Discussion.

D' Paul Magnin. — Je suis heureux de rendre hommage une fois de plus, à l'ingéniosité de mon ami le Dr Bérillon. Les idées qu'il vient d'exprimer relativement à l'importance de la psychothérapie graphique m'ont vivement frappé. Sans aucun doute, elles ne manqueront pas de frapper également un certain nombre de psychothérapeutes qui, jusqu'à ce jour, sous les noms de suggestion à l'état de veille, ou de persuasion, se sont cantonnés dans la pratique de la psychothérapie verbale. Xous en connaissons les effets souvent fort illusoires. La nouvelle méthode de thérapeutique psychologique que nous apporte le Dr Bérillon est conçue sur un plan nouveau et inspirée par des vues absolument originales. Elle réalise ce fait capital de forcer en quelque sorte l'attention du malade par la mise en jeu de son activité musculaire, ce qui est le contraire de ce qu'on fait habituellement. Elle offre de plus, l'avantage d'être, entre les mains de médecins psychologues3 d'une vérification facile. Les résul-

tats n'en peuvent qu'être très favorables et j'entrevois déjà les conséquences importantes qui dériveront de la communication, si frappante dans sa concision, que vient de nous faire le Dr Bérillon. Quant les applications s'en seront généralisées dans la thérapeutique des aboulies et des psychonévroses, il nous sera agréable de rappeler la part qui revient aux travaux de notre société dans l'évolution de la psychothérapie.

Séance du i9 mars 1907. — Présidence du Dr Jules Voisin.

La séance est ouverte à 4 h. 45.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

La correspondance comprend des lettres du D' Dezwarte, médecin en chef de l'école de Limoges, du Dr Bony, du D'Mayoux, et une circulaire invitant la Société à se faire représenter au Congrès international de psychiatrie, de neurologie, de psychologie et d'assistance aux aliénés qui se tiendra à Amsterdam, du 2 au 7 septembre (907. La société décide de se faire représenter au Congrès ; les délégués seront désignés dans une séance antérieure; du Dr Van Wayennburg, inspecteur des asiles d'aliénés à Amsterdam.

Les communications inscrites sont faites dans l'ordre suivant : 1° Dr Damoglou (du Caire) : Deux cas de timidité morbide traités avec

succès par la suggestion hypnotique. Discussion : Dr Bérillon. 2° Dr Pachantosi [de Genève). Introduction à la psychologie de la vieillesse. Discussion : IV Bérillon, M. Lionel Dauriac. 3° Df Rudolf Broda : Quelques faits d'extase religieuse. Discussion :

Dr Jacques Bertillon, D' Pachantoni, Dr Bérillon, M. Lionel Dauriac.

M. le président met aux voix les candidatures de MM. Moret, médecin vétérinaire à Paris, Saint-Yves, professeur à Paris, Dr Mabille (de Reims), Le Boucher, directeur de l'école Théophile Roussel. Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité.

La séance est levée à 6 h. 45.

Deux cas de timidité morbide traités avec succès par la suggestion hypnotique

par M. le docteur Damogloc (du Caire).

Parmi plusieurs cas de timidité que j'ai eu à traiter depuis quatre ans que j'exerce au Caire, je désire en communiquer à la Société deux qui présentent un intérêt tout particulier.

Premier cas. — II s'agit d'un jeune homme de dix-huit ans, M... L..., qui est venu me consulter il y a trois ans et demi.

« Docteur, dit-il, je suis un pauvre malheureux ; mon père a perdu sa situation, il est sans travail depuis sept ans, j'ai besoin de travailler pour gagner ma vie ; mais il m'est impossible de trouver une place,

parce que toutes les fois que je me présente quelque part pour demander une place, la peur m'envahit, j'ai de la difficulté pour respirer, mon cœur bat comme s'il allait se rompre, mes mâchoires sont à tel point contracturées qu'il m'est absolument impossible d'ouvrir la bouche et de prononcer un seul mot sur le pourquoi de ma présence. Ainsi.on me prend pour un simple d'esprit, et partout on me met à la porte. Justement, en ce moment-ci, il y a une place à la Banque Ottomane, mais je n'ose me présenter... »

Quoique je sache que les timides sont très suggestibles et hypnotisa-bles (car cette paralysie psychique qu'est l'intimidation comme nous l'a démontré mon maître, le Dr Bérillon, n'est autre chose qu'un état d'hypnotisme à un certain degré), toutefois pour gagner sa confiance, je lui dis qu'avant de commencer son traitement je veux faire une petite expérience pour voir son degré de suggestibilité.

Par les procédés ordinaires, je l'hypnotise en quelques minutes. Et à mon grand étonnement je constate qu'il est plongé dans un sommeil profond. Toutes les fois qu'après avoir soulevé ses mains en l'air je les abandonne à elles-mêmes, elles tombent comme une masse inerte. A son réveil, il ne se rappelle pas ce qui s'est passé pendant la séance.

Profitant de l'occasion, je lui fais les suggestions suivantes : « Cette nuit, vous dormirez d'un sommeil bien calme, et demain matin à votre réveil, vous serez bien à votre aise, décidé à voir le directeur de la Banque Ottomane sans inquiétude ni préoccupation ; car vous aurez une confiance absolue en vous. Vous aurez la maîtrise de vous-même et de toutes vos facultés. Une fois devant lui, vous n'éprouverez pas la moindre émotion, vous lui parlerez avec une grande facilité comme si vous parliez à un de vos intimes ».

Pendant toute la séance, je lui répète les mêmes suggestions à plusieurs reprises.

Une fois réveillé, je l'assure de l'efficacité de mon traitement et je lui recommande de revenir le lendemain.

Le lendemain, il se présente au directeur de la Banque, fait verbalement sa demande, s'exprime très bien et le directeur s'intéresse tout particulièrement à lui ; mais comme le poste sollicité a été donné la veille, il le recommande à une Société d'Assurance où il entre et est resté, depuis, un excellent employé. Stupéfait lui-même d'un pareil suc-sès, il va en faire part à sa famille et célèbre mes louanges.

Deuxième cas. — M. Moh... Ch., étudiant à l'Ecole de médecine du Caire, âgé de 24 ans, vint me consulter le 20 mars 1906. dans un état d'anxiété extrême.

* Docteur, me dit-il, mon avenir est en danger, je ne pourrai pas continuer mes études, et voici pourquoi : toutes les fois que je suis avec des camarades ou des amis, je parle bien ; mais quand je me trouve en face d'une personne que je no connais pas ou devant un professeur, la situation me devient un vrai supplice. Je sens une oppression, une angoisse, qui envahit la région précordiale ; la respiration devient très difficile,

par moments même j'étouffe, mon cceur bat très fort, une sueur abondante coule de mon visage, je suis incapable de penser, les idées ne viennent pas, je parle comme vous me voyez ». En effet, ce malheureux dont je résume la confession bégaie tant que j'aie peine à le comprendre.

Pour ma part, n'ayant jamais vu une timidité pathologique à un degré si intense, je suis très réservé quant au pronostic. Bien que n'osant espérer en l'efficacité du traitement, j'essaie de calmer ce malheureux en lui faisant comprendre que son trouble a pour cause une émotivité exagérée liée à une peur, justiciable d'un traitement bien suivi.

Le lendemain, il revient un peu plus calme, rassuré et confiant. Cette fois-ci, je l'hypnotise, mais légèrement. A plusieurs reprises, je lui répèle la suggestion suivante : « A partir d'aujourd'hui, toutes les fois que vous serez devant une personne autre que vos amis et camarades, ou devant vos professeurs, comme en ce moment-ci, vous entendrez ma voix qui vous dira : mon ami, ne vous tourmentez pas du tout, car celui qui est devant vous est un homme comme vous, et il ne faut pas avoir peur; avec un peu d'effort, vous arriverez facilement à vaincre cette peur, et ainsi vous serez maître de vous-même, vous aurez la parole facile sans plus jamais sentir la moindre émotion, absolument comme si vous parliez à vos camarades. »

Les séances sont répétées d'abord deux fois, puis une fois par semaine pendant deux mois.

A partir de la quatrième séance, il accusait une légère amélioration qui ne tarda pas à s'accentuer à sa très grande satisfaction. Depuis, je ne l'avais plus revu jusqu'à la fin du mois d'octobre 1906; quand, ayant appris la nouvelle de mon départ pour Paris, il est venu me voir pour me remercier de mes soins et me faire connaître le succès de mon traitement.

En effet, il parlait très bien sans la moindre trace de son ancien bégaiement.

Discussion

Dr Bérillon. — La communication du Dr Damoglou est une confirmation très frappante des faits que je vous ai exposés dans une communication antérieure, à savoir que le rôle de la timidité, si prépondérant dans la pathogénie des psycho-névroses, a été méconnu jusqu'ici.

En réalité, la timidité se trouve à la base de toutes les psycho-névroses. L'être intimidé par une personne est dans un état analogue à l'être hypnotisé. L'intimidation provoque une inhibition passagère avec modifications vaso-motrices : elle est donc comparable à un véritable choc et exerce une action déprimante sur le système nerveux central. On s'explique ainsi que des troubles nerveux puissent résulter de la répétition. Telle est ma doctrine au sujet du mécanisme de la timidité.

Les timides ont conscience de ce choc émotionnel et en souffrent; ils perdent confiance en eux-mêmes, d'où états progressifs d'indécision, d'irrésolution, d'aboulie.

Lorsque l'anxiété se joint à ces états, le malade éprouve des phobies, dont la plus pénible est la phobie de la rougeur. En résumé, le point de départ de la timidité se trouve dans une modalité de l'éducation.

Comme l'a si bien fait remarquer Schopenhauer, le souci de l'opinion d'&utrui tient une trop grande place dans l'esprit des Français.

Cette préoccupation de ce que les autres peuvent penser de nous est poussée si loin dans notre pays qu'elle en revêt un caractère maladif. Les premières suggestions à faire aux timides, tendront à leur inspirer la résolution de se débarrasser de cette préoccupation dans ce qu'elle a d'excessif et d'illégitime. Quand on agit correctement, et qu'on ne fait qu'exercer ses droits et remplir ses devoirs, on ne doit point se soucier de l'opinion.

C'est par ces résolutions que s'organise la formation du caractère et le pouvoir d'agir normalement.

Le traitement de la timidité, ainsi que je l'ai déjà dit, constitue une extension très importante de la psychothérapie. Comme je l'.-n souvent répété, le domaine desapplications de la suggestion hypnotique est sans limites, car il ne doit pas se borner aux maladies nettement déterminées du système nerveux; au contraire, il est légitime de l'étendre à toutes les dispositions défectueuses ou simplement gênantes de notre caractère ou de notre esprit. Grâce à elles, on peut améliorer notablement les conditions de notre fonctionnement intellectuel et ne rien laisser subsister de ces multiples incommodités psychologiques qui, si fréquemment, viennent troubler la paix de notre existence.

Introduction à, la psychologie de la vieillesse

par M. le Dr D. Pachantoni (de Genève).

L'attention des savants qui se sont occupés du vieillard s'est portée presque exclusivement sur les maladies de la vieillesse qui se trouvent en effet décrites d'une façon détaillée dans des ouvrages spéciaux. Par contre, la psychologie de la vieillesse n'a pas encore été, dans son ensemble, l'objet d'une étude systématique; aucune monographie plus ou moins complète n'a encore été consacrée par un psychologue à la dernière période de la vie.

Des poètes se sont intéressés à la vieillesse et en ont tracé des esquisses plus ou moins fidèles ; des auteurs ont pris leurs héros dans le monde des vieillards dont ils ont analysé les sentiments. On trouve un peu partout de petites remarques qui ont traita la vieillesse; on lit enfin dans les biographies des hommes célèbres ou dans les critiques de leurs œuvres des pages instructives. Mais malgré tout ce que nous offre l'expérience de ces auteurs, tout est à faire dans la psychologie de la vieillesse.

Arrêtons-nous un moment sur les ressources que nous trouvons dans la littérature non psychologique.

Il y a des poètes et des penseurs religieux, il y a des romanciers qui, en observateurs perspicaces, ont pu saisir et rendre des nuances affectives insaisissables et passées inaperçues pour la plupart des psychologues de profession. Bien que la culture biologique soit très nécessaire dans ce genre d'étude, le médecin psychologue n'est pas le seul capable de faire de la psychologie.

Mais ce qui manque habituellement dans l'œuvre d'un poète ou d'un romancier, c'est la mise au point psychologique que l'auteur n'a cherchée qu'en partie seulement. Il obéit à d'autres mobiles ; il cherche tout d'abord à satisfaire aux exigences de son art. Et l'auteur le plus soucieux du vrai se contente des apparences du vraisemblable, quand il craint de nuire à la beauté artistique de sa création. Dans son œuvre la réalité est embellie, transformée, souvent déformée pour des causes étrangères à notre étude. Ainsi certains auteurs dramatiques nous ont donné la psychologie de l'obsédé et du dégénéré mystique ; nous voyons en des scènes étranges et saisissantes défiler ces figures si extraordinaires qu'on n'en trouve de semblables ni dans la société, ni dans les asiles de fous.

D'autre part les auteurs, pour sauvegarder le libre jeu de leur imagi-naticn,se créent souvent des « licences psychologiques ; » ce qui met le poète à son aise mais embrouille celui qui fait de la psychologie. Je m'explique.

Shakespeare nous a donné le portrait d'un vieillard dans son ¦ roi Lear n. Lear est bien un vieillard. Sa faiblesse irritable et ses emportements, sa confiance aveugle, sa défiance sans motif, ses doutes et son attachement aux signes extérieurs de l'affection qu'il cherche plutôt dans la bouche que dans le cœur de ses enfants, constituent les traits essentiels de son esprit à son déclin. D'autre pari l'intensité de ses exaltations affectives traduites par des invectives et des malédictions font penser qu'il s'agit d'une vieillesse un peu morbide. La facilité d'ailleurs avec laquelle il devient dupe des propos mensongers et hypocrites de ses deux filles parait témoigner en faveur de cette hypothèse. Mais le poète y a introduit, de parti pris, un autre élément. Pour que le sort du du vieux roi tombé dans la misère fût vraiment tragique, il eût fallu qu'il fût, par moment, conscient de sa misère ; et en effet nous assistons dans cette pièce aux réveils momentanés de la lucidité et de la raison du vieux roi ; nous remarquons en même temps celte persistance de la sensibilité à la douleur morale, à l'ingratitude de ses filles, tandis qu'en lui le reste a sombré dans la démence. Ni la vieillesse, ni la sénilité ne suffisent à expliquer ces phénomènes. Le vieillard est incapable de fortes émotions, incapable de souffrir et la démence sénile une fois installée elle y est pour toujours. Mais le poète ménage la réalité ; par un mot qu'il place sur les lèvres d'un personnage, il nous fait connaître que le roi Lear fut toujours un homme anormal et mal équilibré. Voilà en quoi consiste la licence psychologique.

Dans le « Père Goriot » de Balzac nous retrouvons la même conven-

lion. Bien qu'il ne soit pas présenté comme un individu en pleine vieillesse, Goriot est une figure à laquelle, selon toute apparence, un vieillard a servi de modèle.

Le rétrécissement du champ affectif tel qu'on le trouve dans la vieillesse, l'abaissement de l'activité, la disparition des sentiments supérieurs et généraux, le manque de dignité, la servilité, enfin cet égoisme pusillanime et faible apparaissant même à travers son dévoùment paternel le plus stupide et le plus émouvant et qui fait de cet homme un ridicule et un martyr, tout cet ensemble nous donne la physionomie de la vieillesse. Mais il y a dans ce tableau d'autres détails dissonants. Eh bien, Balzac, le profond psychologue et génial romancier, met un nouveau facteur en jeu ; il réussit à douer les actions de Goriot d'une certaine conséquence psychologique, il réussit à marier les contrastes en faisant de lui un esprit qui fut toujours étroit et borné. Voici comment il nous présente Goriot dans son passé, « Sorti de sa spécialité, de sa simple et obscure boutique, sur le pas de laquelle il demeurait ses heures d'oisiveté, l'épaule appuyée au montant de la porte, il redevenait l'ouvrier stupide et grossier, l'homme incapable de comprendre un raisonnement, insensible à tous les plaisirs de l'esprit, l'homme qui s'endormait au spectacle, un de ces Dolibans parisiens fort seulement en bêtise ».

Nous n'insisterons pas davantage sur les ressources que la littérature non psychologique pourrait nous fournir en cette matière; elles ne nous paraissent pas d'une grande importance.

Si la vieillesse n'a pas été jusqu'à nos jours l'objet d'une étude systématique, la sénilité constitue par contre un chapitre important des ouvrages de psychiatrie. Nous saurons tirer profit de cette littérature bien que la vieillesse et la sénilité ne soient pas synonymes. Quelle est la différence entre ces deux états ? Je me contente de rapporter les opinions de quelques auteurs sans les discuter beaucoup.

On a essayé de distinguer, d'une façon purement théorique, la vieillesse de la sénilité en faisant de la vieillesse l'effet de l'âge, l'affaiblissement simple et progressif qui domine la dernière période de la vie et qui relève de ce fait que la désassimilation l'emporte sur l'assimilation dans l'organisme du vieillard ; la sénilité serait par contre l'aboutissant de différentes affections qui auraient affaibli l'organisme durant la vie de l'individu.

On a opposé la passivité de l'une à l'activité de l'autre. C'est une théorie déjà ancienne. M. A. Letienne, l'année dernière, écrivait dans la Presse Médicale (') ; « La vieillesse, état physiologique, manque de la régénération qui est la caractéristique des premiers âges de la vie... La sénilité est un ensemble extrêmement complexe. Elle résulte de l'action concomitante de maladies enchevêtrées, d'effet continu, de marche lente, maladies toujours frustes, innommées, mal appréciables, indéfinissables pour le malade et pour le médecin. » La théorie de M. A. Le-

(t) De la sénilité, 190ti, ? 7.

tienne ne nous parait fondée, en partie au moins, que sur des données hypothétiques. La définition qu'il donne de la vieillesse pèche par son idéalisme. Car cette vieillesse, qui ne serait due qu'à une simple atrophie uniforme et progressive, constitue, si elle existe, une rare exception.

Comme M. Leri (') l'a soutenu, à Lille, dans son rapport présenté au Congrès des médecins aliénistes et neurologistes, la sénilité est un état pathologique que l'on rencontre presque toujours chez le vieillard. Mais supposons un moment que nous sommes en présence de cette vieillesse idéale; si nous donnons à la sénilité le sens clinique que tout le monde lui accorde, ne serions-nous pas obligé d'admettre sa présence chez un individu qui n'aurait eu peut-être aucune maladie manifeste ou cachée durant sa vie entière, mais qui aurait eu le malheur de vivre très longtemps? Tout homme à la longue et dans un âge très avancé tombe dans la démence sénile. La sénilité est souvent — pas toujours —l'accentuation de l'affaiblissement du vieillard. La différence de la vieillesse et de la sénilité n'est pas toujours une différence de nature, mais une différence de degré.

Kraepelin (2), dans ses leçons cliniques, s'exprime de la façon suivante : « Il y a entre la démence sénile et l'affaiblissement psychique qui accompagne la vieillesse des transitions et des passages insensibles; ce qui rend impossible une séparation nette et précise de ces deux états. » C'est aussi notre avis. Il est facile d'établir la différence, si l'on est en présence d'un sénile délirant dont la situation est incompatible avec la vie familiale ou sociale. Les graves perturbations dans le domaine des sentiments et des idées ne laissent aucun doute sur la nature morbide de la situation. Mais dans des formes tranquilles et non précoces de la démence sénile, l'aliéniste serait embarrassé de faire la part de la vieillesse et de la sénilité, de dire ce qui est l'effet de l'une ou de l'autre.

La différenciation, qui aurait en effet une certaine valeur pratique, ne pourrait être basée que sur l'observation médico-psychologique et la statistique des faits. Et, au lieu de chercher la vieillesse normale dans un état imaginaire ou dans un état qui, même s'il existe, constitue une extrême rareté, il serait préférable de prendre pour règle ce qui est vraiment la règle et d'ériger en portrait de la vieillesse normale l'état habituel de l'individu quand il a dépassé une certaine limite d'âge, quand il a à son passif un certain nombre d'années. Il faut examiner des centaines de vieillards pris dans différents milieux sociaux: c'est ainsi qu'on pourrait faire la part des influences extérieures. Il faut aller aussi dans les hospices de vieillards, si l'on veut tracer la moyenne normale nonobstant les différences individuelles; ces différences ressortent davantage dans la vie uniforme et commune d'un hospice. Au-dessus de la moyenne normale, il y aurait la classe privilégiée des hommes jouissant de leurs facultés intellectuelles à un âge où, pour la majorité, la

(1) Archives de neurologie, 1906, page lli.

(2) Psychiatrie, 6, Auûage.

déchéance psychique est manifeste; au-dessous de la normale, il y aurait par contre des individus dont le déficit intellectuel serait très prononcé par rapport à l'état de la majorité des vieillards ayant le môme âge. Ceux-ci formeraient la classe des seniles à laquelle seraient incorporés les individus âgés présentant des manifestations franchement morbides et de rares anomalies évolutives, qu'il ne faut pas confondre avec les anomalies propres à la vieillesse normale. Voilà une question très intéressante et dont l'abord nous sera facilité par une excursion dans le domaine de l'anatomo-pathologie.

Si dans la vieillesse la déchéance organique et particulièrement l'atrophie porte sur les téguments, la musculature, le squelette ; si elle atteint différents organes comme le poumon, le foie, la rate, les ganglions et le système nerveux qui participe à ce mouvement rétrograde et subit une forte diminution de volume et de poids ; cette atrophie n'est pas générale; elle n'est pas au moins également répartie. Charcot écrit : a Par une sorte de contradiction fort remarquable et dont la raison physiologique ne nous parait pas encore suffisamment établie, le cœur et les reins échappent à cette loi et conservent les dimensions de l'âge moyen ('). » Suivant Marey, le cœur chez le vieillard est plus puissant que jamais et les artères présentent des pulsations énergiques.

Répétons pour le cerveau ce que nous venons de dire pour l'organisme entier; la destruction de la substance cérébrale, qu'elle soit jusqu'à un certain point indépendante de l'état des vaisseaux (comme atrophie ou sclérose primitive des cellules et des fibres nerveuses) ou qu'elle soit toujours consécutive aux altérations vasculaires (ce qui ne nous parait pas acceptable) est une atrophie qui intéresse toute la masse du cerveau. La diminution du poids de cet organe qui, selon R. Boyd, se fait remarquer depuis la cinquantième année, relève tout d'abord du volume amoindri de la masse cérébrale en bloc. Mais l'atrophie du cerveau n'atteint point au même degré ses différents territoires ; elle est, selon Leri ^2), plus manifeste et prédominante sur les parties antérieures, et, selon Reichardt*), l'atrophie du cervelet devance et surpasse celle du cerveau, ce qui expliquerait d'après le même auteur l'atasie et le tremblement sénile.

Pick écrit : « Les études récentes nous ont appris k voir dans la démence sénile une mosaïque des démences partielles et localisées (3). » Nous pouvons donner un sens plus large à ses paroles et dire que la vieillesse est une mosaïque des vieillesses partielles et que la déchéance chez le vieillard se fait pièce jiar pièce. Nous pouvons ajouter qu'il y a entre ces déchéances partielles une indépendance relative, de façon que leur coexistence n'implique pas leur égalité. Sur ce manque de solida-

(1) Charcot: (Buvrescomplètes. Tome VII.

(2) Loe. eu.

(3J AU. Zcitschrif. fur Psychiat : Ueber das Go^wicht des mensch. Kleinhirns, elc. 1906.

(4) Ueber einen Symptômencomplex i ai Rabmen der Dem sentlis.

rite fonctionnelle dans l'organisme du vieillard. MM. Lejonne et Lher-mite sont revenus dans un récent et très intéressant travail. « Pendant longtemps, écrivent ces auteurs, un organe peut être gravement lésé sans que l'organisme en ressente de graves perturbations ('). » Nous retrouvons dans le cerveau des personnes âgées le même phénomène. Xotzli écrit que « dans certains territoires circonscrits du cerveau, l'atrophie sénile atteint un degré supérieur, tandis qu'elle laisse les parties avoisinantes un peu mieux conservées (2J ».

Vouloir rapprocher des données anatomiques que nous venons de relater les phénomènes analogues de la régression psychique du vieillard, cela serait sans doute, vu l'état actuel de nos connaissances, un rapprochement -> trop bourgeois ».

En tous cas les constatations anatomo-pathologiqucs nous montrent d'une façon indiscutable que dans l'organisme du vieillard, que dans la vieillesse du corps, la destruction partielle et inégale (qui va de pair avec la désagrégation fonctionnelle) est un phénomène normal et constant.

La psychologie de la vieillesse vérifie l'existence du même phénomène dans la déchéance psychique du vieillard, dont les sens, les souvenirs, les sentiments ne paraissent pas être éprouvés au même degré à un certain moment de la vie ; ils sont pris d'une façon inégale. Si l'affaiblissement psychique atteignait au môme degré toutes les facultés de l'homme vieilli, la psychologie de la vieillesse n'aurait aucune raison de nous occuper ; elle aurait été celle de l'homme adulte, affaibli. Pourtant cette irrégularité n'est qu'apparente; la régression psychique, la seule qui nous intéresse, ne se fait pas au hasard , elle suit une marche que l'on peut préciser au moins dans ses grandes lignes. Elle est la môme pour tous les vieillards auxquels elle imprime le cachet particulier de cet âge en effaçant peu à peu les différences individuelles. Elle rend les vieillards semblables les uns aux autres, aussi semblables que sont les enfants entre eux. 11 se passe dans l'évolution de la vieillesse ce qu'on voit quand on descend la série hiérarchique des animaux ; les traits de l'individualité s'atténuent et s'effacent.

La loi qui régit l'irrégularité apparente de l'évolution régressive de la vieillesse autant dans la vie affective que dans la vie intellectuelle, c'est la loi de la dissolution psychique si bien développée par M. Ribot et qui consiste en une a régression continue du supérieur à l'inférieur • du complexe au simple, de l'instable au stable, du moins organisé au mieux organisé (3) ». La dissolution suit en un mot un ordre inverse de l'évolution des premiers âges.

Preyer écrit de l'enfant : « L'évolution psychique de l'enfant est précoce ou retardée dans son ensemble ; mais elle suit toujours le même

(1) nouvelle Iconograph. de la Salpêt., 1906. Mai-Juin. Paraplégies par rétraction chez les vieillards.

(2) M Me ilung. aus Klînik. uitd med. Iiistii der Sel ; Demeatia ii: ¦¦.

(8) Ps'jcliologîe des sentiments.

ordre (•) ». Nous pourrons peut-être appliquer la même loi à l'évolution de la vieillesse. Pour examiner de près cette question très intéressante, nous avons préféré prendre pour objet d'étude toute la période de la vie qui est comprise entre le début conventionnel de la vieillesse et sa fin dont la date n'est pas fixée. Il aurait été plus simple de baser notre étude sur l'observation des individus ayant à peu près le même âge. Cela aurait été un travail plus facile mais moins complet.

Depuis que la psychologie fut délivrée des hypothèses métaphysiques et des postulats psychiques construits à priori par les tendances Imaginatives de l'esprit humain, depuis qu'elle a connu l'expérimentation et l'observation externe, un grand progrès s'est accompli. La psychologie des animaux, des idiots, des imbéciles, des enfants, etc., est une conquête que la science doit seulement à cette orientation nouvelle. L'observation interne, qui a toujours son mérite incontestable, était incapable d'aborder l'examen de ces états mentaux * que le plus grand métaphysicien et prestidigitateur du monde ne peut évidemment produire en lui-même à volonté et afin de les contempler dans le champ de sa propre conscience ; et, s'il le pouvait, il ne serait plus guère à même de les observer ; car on ne se figure pas aisément ce dédoublement mystérieux d'une âme dont une part,enpleineconscience scîentifiqueobscrve-rait avec sévérité l'autre devenue déraisonnable et môme imbécile (2) ».

Sur l'observation externe doit se baser la psychologie de la vieillesse. Le vieillard qui paraît à priori l'observateur le mieux désigné pour faire cette enquête ne Test pas en réalité. A un âge avancé, l'homme est incapable de s'observer et de fixer les changements apportés par le temps. II se rend encore compte du fonctionnement défectueux de ses sens et de l'infidélité de sa mémoire et il est conscient de sa faiblesse organique ; c'est tout. L'état de son affectivité, ses extravagances, son instabilité d'humeur, son incapacité pour le travail des idées lui échappent. Il croit avoir eu toujours les mêmes idées et les mêmes dispositions d'humeur ; il est sujet à des illusions de souvenirs et croit reconnaître dans son passé son état actuel qui n'est que l'effet de la vieillesse.

Il faut l'observer et le juger surtout d'après ses actions, car ses déclarations n'ont en général qu'une valeur relative ; et souvent ce qu'elles ont de plus précieux c'est leur discordance évidente avec la réalité. On trouve chez le vieillard une tendance à la simulation, en partie consciente, en partie inconsciente, qui le rapproche de l'enfant; elle est symptomatique de la décadence de l'homme.

La psychologie de la vieillesse sur laquelle j'ai l'honneur d'attirer votre attention, ne présente pas seulement un intérêt scientifique ; elle a aussi un but humanitaire ; car nous saurons mieux contribuer au bonheur de la vieillesse, au bonheur de cet âge si facile à contenter, lorsque nous connaîtrons mieux sa façon de sentir et de penser, ses derniers désirs ainsi que ses besoins.

(1) Die Seele des Kindes, 5, Auf.

(î) G. de Ci.:'; r . Les lois sociologiques, 1902.

Quelques faits d'extase religieuse

par M. Rudolf Broda, D'en droit, directeur de la revue internationale les «Documents du Progrès».

La science sociologique n'a pas encore étudié suffisamment les facteurs différents, sociaux, psychique, et même physiologique, qui constituent le besoin religieux, base naturelle de toutes les religions. Dans mon voyage d'études autour du monde ce fut toujours un facteur qui frappa mon attention : la joie qu'éprouvent les hommes, surtout les primitifs, par l'état d'extase, fait qu'ils désirent se mettre en cet état par des moyens religieux. C'est ainsi que religion et extase sont en rapport étroit ; et l'extase même et la joie qu'elle produit poussent les hommes vers les cérémonies religieuses.

Qu'entendons-nous par ce mot d'extase si souvent mal employé ?

C'est une certaine surexcitation nerveuse produite par la domination complète d'un seul sentiment [dans notre cas c'est le sentiment religieux) sur Pâme. Dans cet état, notre réceptivité pour les autres impressions est affaiblie, le sentiment religieux domine et nos forces dans cette direction sont augmentées d'une manière extraordinaire.

Les moyens par lesquels on se procure l'extase religieuse changent avec l'évolution même de la civilisation.

Ce sont des danses religieuses chez les primitifs, ensuite les chants, plus tard la solitude et la concentration d'esprit. D'ailleurs les cérémonies religieuses de tout ordre ont toujours un certain élément de mystère et créent par ce fait une certaine extase d'âme auprès des assistants.

Ce sont surtout les danses religieuses qui produisent l'extase que j'ai rencontrée dans mes voyages. A Rotoroua, en Nouvelle-Zélande, j'ai assisté à une danse dramatique des Maori qui, par leurs mouvements extatiques, tâchaient de représentera la fois, la guerre, les sacrifices religieux, les mouvements d'un bateau et les autres phénomènes de la vie. Aujourd'hui certes ils font cela pour s'amuser et pour amuser leurs spectateurs ; mais autrefois ces danses faisaient partie de leurs cérémonies religieuses et par ce moyen ils produisaient l'extase religieuse et guerrière.

Au Soudan, j'ai assisté à une véritable danse sauvage des nègres; pour eux cette danse était partie intégrante de la fête religieuse ; j'ai pu noter 1 "état d'extase, la joie extatique qu'ils cherchaient et obtenaient grâce à ces mouvements.

Dans cette même race, mais au nouveau monde, dans l'île de Haïti, j'étais spectateur d'une autre danse des nègres, moins passionnée, plus solennelle : On l'appelle danse du Wodou. Ils se tournaient avec des gestes prémédités autour des coqs qu'ils allaient sacrifier aux dieux de leur ancienne patrie, en négligeant le Dieu chrétien que leur avaient imposé leurs maîtres blancs d'autrefois. Tous les souvenirs ancestraux, la danse, les cris les rendaient joyeux et cette joie, certes, constituait un

facteur puissant pour les faire revenir toujours à ces cérémonies défendues par les autorités.

Autre scène plus passionnante chez les derviches danseurs de Cons-tantinople, ceux-ci se tiennent avec les mains dans un grand cercle et tournent avec une vitesse toujours croissante jusqu'à ce qu'ils deviennent inconscients et se meuvent comme poussés par un démon.

De l'autre côté du Bosphore, j'ai vu la danse religieuse des derviches hurleurs ; avec elle commence une nouvelle période de nos recherches. Les derviches hurleurs dansent ; mais ce qui les caractérise surtout, ce sont les chants, les cris extatiques qu'ils poussent, qu'ils accompagnent d'une sauvage mélodie. Je ne doute pas qu'ils ne semettenten béatitude et n'y fassent même entrer les spectateurs dévots. Celte extase semble même constituer leur raison d'être.

Bien différente de toutes ces manifestations sauvages est la méthode qu'emploient les moines abyssiniens pour se procurer cette extase, source du bonheur. C'était dans leur monastère sur le Mont Bisen entouré d'une grandiose solitude, je passais avec eux la nuit pendant les jours sacrés, le samedi et le dimanche dans leur petite église. Du coucher au lever du soleil ils chantaient des hymnes religieux et leur âme exaltée par ce chant communiait dans l'union mystique avec leur Dieu, oubliant les douleurs terrestres et montrant une joie céleste. D'une manière encore plus spirituelle, les ermites obtiennent le même bien désiré. Ils restent pendant des années dans leurs caveaux nommés cellules et dans la solitude et la contemplation éternelle ils arrivent à l'état extatique, ne sentant plus leur situation grotesque et terrible, tout entiers à leurs hallucinations auditives.

Dans le christianisme occidental, c'est surtout la tendance mystique, qui se prête à l'extase religieuse et y trouve sa vraie raison d'être. Au moyen âge, ce sont d'abord les croisades qui nous apparaissent comme manifestation grandiose de l'extase des foules, plus tard ce sont par exemple les sermons des prédicateurs comme Savonarole ou Abraham à Santa Clara qui produisaient des phénomènes d'extases chez ses auditeurs.

Moi-même, j'ai pu voir tel phénomène dans un petit ilot dans l'Océan au milieu de la Nouvelle-Zélande à Stewart Island. Il y a là une population mixte : I) des Maori-aborigènes ; 2) des descendants des marins américains naufragés ; et 3) depuis peu de temps aussi des émigrants, surtout des anciens habitants des Shetland-Islands et de Finlande qui trouvaient là un climat et un milieu semblable à leur ancienne patrie septentrionale. Là dans la solitude s'accentuaient encore les tendances énigmaliques de tous ces émigrants. Ils y créaient une communauté de religion libre et, sans le savoir eux-mêmes, retombaient dans le mysticisme du moyen âge. J'ai assisté à une de leurs cérémonies et le ministre laïque, un vieillard originaire des Shetland-Islands, s'adressait à la commune et leur demandait si quelqu'un voulait porter témoignage de son sauvetage par Jésus : plusieurs jeunes femmes se levaient l'une

après l'autre et racontaient d'une vois tremblante avec des gestes extatiques, qu'elles menaient autrefois une vie sans but, n'ayant que des préoccupations profanes jusqu'au jour ou plutôt une nuit où Jésus leur apparut en rêve et les appela vers une nouvelle vie spirituelle; depuis ce temps, disaient-elles, elles étaient parfaitement heureuses, dans l'Union avec leur fiancé céleste.

Des phénomènes semblable!!, m'a-t-on dit, se produisent assez fréquemment aux assemblées de la * Salvation Army ». secte chrétienne assez active surtout dans les pays d'outre mer.

Et la première communion des catholiques ne donne-t-elle pas lieu, surtout chez les jeunes filles, à de semblables sentiments extatiques d'une union imaginaire avec l'homme-Dieu ? A mon avis c'est surtout la joie extatique causée par le sentiment mystérieux de la divinité qui remplit les églises.

Et si nous suivons l'évolution de l'extase vers des hauteurs encore plus intellectuelles à des époques encore plus modernes, nous la retrouvons dans l'enthousiasme causé par une symphonie musicale, par les grands mouvements de l'esprit révolutionnaire, par des actes de dévouement complet pour des buts transcendants et lointains. Certes ce n'est plus l'extase religieuse proprement dite, mais c'est le même état psychologique sous formes nouvelles crées par l'évolution progressive.

Dans ce sens l'extase religieuse me semble être immortelle, elle sera un facteur puissant aussi de cette nouvelle conception du monde, basée sur la science et surtout sur l'idée d'évolution qui sera l'héritière des anciennes religions. Elle poussera nos petits-fils vers des actes humanitaires comme elle poussait nos aïeux vers des actes de cannibalisme. Dans son développement, elle reflète l'évolution de l'esprit humain.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société d'hypnologie et de psychologie

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 21 mai, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, ù 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Dr Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications déjà inscrites ; Dr Scrini : Les phobies oculaires.

l'rUBEYD-OcLLAH(deConstantinople|: L'Islam et lapédagogie musulmane. M. Saint-Yves : Le miracle et la critique historique.

M. Lionel Daubiac : Considérations générales sur l'élude des sentiments. Dr Lloyd-Tuckey (de Londres) : Les applications de la suggestion dans

la pratique moderne. Dr Bérillon : Psychothérapie verbale et psychothérapie graphique.

Quinzième séance annuelle de la Société d'hypnologie et de psychologie

La quinzième séance annuelle de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 18 juin, à quatre heures. Les membres de la Société résidant en province et à l'étranger sont particulièrement invilés à collaborer à l'éclat de cette réunion. Ils sont invités à adresser le titre de leurs communications au Dr Bérillon, secrétaire général.

La séance annuelle sera suivie d'un banquet.

Un cas d'agoraphobie guéri par choc moral.

M. le Docteur Mercier relate dans le journal Lancet l'observation d'un homme qui, depuis plusieurs années, présentait à un degré extrême le phénomène de l'agoraphobie et s'était soigné pendant longtemps sans succès. Le D[ Mercier l'avait perdu de vue lorsque le malade revint le voir avec un air de triomphe : son agoraphobie avait subitement et complètement disparu à la suite d'un violent choc moral causé par la disparition de sa fille avec un amoureux.

NOUVELLES

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie

COUBS PBATIQUE D'HYPNOTISME ET DE PSYCHOTHÉRAPIE. — MM. les doC-

teurs Bérillon et Paul Farez commenceront, le mardi 11 juin 1907, un cours d'hypnotisme et de psychothérapie.

Ce cours sera privé; il comportera des démonstrations pratiques et sera complet en dix leçons; il se fera à l'Ecole de Psychologie, 49, rue Saint-André-des-Arts, où les inscriptions sont reçues les mardis, jeudis et samedis, de 10 heures à midi. On peut également s'inscrire par correspondance.

Le droit d'inscription est fixé à 50 francs.

Les leçons auront lieu aux dates suivantes :

M. le D'Bérillon, les 11, 13, 15, 18 et 20 juin, à 10 h. 1/2 du matin. M. le Dr Paul Farez, les il, 13, 14, 19 et 20 juin à 6 heures du soir.

L'Administrateur-Génint : Ed. BÉRILLON.

Pari*. Imp. A. Quelquejeu, rue Gerbera, 10

REVUE D,®4L'IYPN0TISME

EXPÉRIMEST^''E^TIIÉRAPEUTIQUE __^ _____

21* Année. — ? 12.

Juin 1907.

BULLETIN

La seizième séance annuelle de la Société d'hypnologie cl de psychologie. — La section de pédagogie au Congrès de l'Association française pour l'avancement des Sciences.

La seizième séance annuelle de la Société d'hypnologie et de psychologie qui aura lieu le mardi IS juin, sous la présidence de M. Mirman,directeur de l'assistance et de l'hygiène, présentera, si l'on en juge par son programme, un intérêt considérable. L'importante question des enfants et des adolescents anormaux, mise à l'ordre du jour, sera traitée avec toute l'ampleur qu'elle comporte par les médecins les plus compétents, ainsi que par les directeurs de plusieurs écoles importantes. Le programme comprend également des communications sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique. Le bureau de la société convie tous les membres de la Société et en particulier ceux qui résident en province et à l'étranger à collaborera l'éclat de cette réunion et à assister à un banquet auquel prendront part un certain nombre de notabilités scientifiques.

L'Association française pour l'Avancement des Sciences tiendra son prochain Congrès à Reims, le 1" août 1907.

La 18" Section (Pédagogie et Enseignement) sera présidée par le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie, médecin inspecteur des asiles d'aliénés de la Seine. Les questions suivantes, inspirées par le souci de l'actualité, seront l'objet de rapports et donneront lieu à des discussions approfondies.

I*La paresse et la mollesse chez l'enfant. — L'adaptation de l'organisme au travail.

2° Les enfants indisciplinés. — Procédés médico-pédagogiques qui leur sont applicables.

3° L'enseignement scientifique, professionnel et agricole dans les casernes.

4° La réforme des programmes de l'enseignement primaire.

5* Les voyages scolaires et les colonies de vacances.

Les membres de l'enseignement sont invités à prendre part à ces discussions, ainsi qu'à communiquer les résultats de leurs éludes personnelles et de leur expérience pédagogique.

Il n'est pas nécessaire d'être membre de l'Association pour assister aux séances et pour faire des communications au Congrès. Les titres des communications et les adhésions doivent être adressés à M. le

Dr Bérillon, 4, rue de Castellane. Ils seront annoncés au programme de la session qui sera publié prochainement.

La session du Congrès de l'Association française à Reims présente une occasion essentiellement favorable pour permettre aux membres des divers ordres d'enseignement, ainsi qu'aux professeurs des écoles spéciales, professionnelles ou techniques, de se réunir et de délibérer en commun sur des questions qui intéressent tous ceux auxquels incombe la délicate mission de former les générations futures.

Le concours de l'agrégation en médecine; nécessité de son remplacement par l'institution des privat-docenten,

par m. le Dr Bémllon.

professeur à l'Ecole de psychologie, professeur libre de psychologie à l'Ecole pratique de laFaculté.

Une définition du professeur msderne.— La décadence de l'enseignement officiel est duo a l'agrégation. — Les grands progrès de la médecine sont dûs a l'enseignement médical libre. — Le remplacement du concours de l'agrégation en médecine par l'institution des privat-docenten.

(Fin)

Pendant longtemps l'enseignement des sciences médicales a été donné par deux catégories de maîtres : les uns professant librement, les autres ayant reçu l'investiture officielle. Les premiers donnaient gratuitement leur enseignement, les autres étaient rétribués par l'Etat. Cela constituait déjà une différence. U y en avait encore une autre : l'enseignement libre avait généralement un caractère plus original que l'enseignement officiel. Ajoutons encore que si le plus souvent les amphithéâtres accordés dans les hôpitaux ou à la Faculté aux représentants désintéressés de l'enseignement libre étaient insulli-sants pour les nombreux auditeurs qui y affluaient, par contre les cours magistraux de la Faculté groupaient généralement fort peu d'élèves. Mais, dès que l'Ecole de médecine constatait, parle succès croissant d'un professeur libre, la nécessité d'élargir le cadre de son enseignement, elle s'empressait de faire appel au secours du budget pour neutraliser une concurrence qui lui portait ombrage. C'est ainsi que Fort, dont le cours libre d'anatomie attirait chaque année à l'Ecole pratique, des centaines d'étudiants français et étrangers, fut mis peu à peu dans l'impossibilité de continuer son enseignement qui a été imité, mais n'a jamais été égalé à la Faculté de Paris. Les cours de Fort avaient cependant sur tous les autres plus d'une supériorité, ne fût-ce que celle de ne rien coûter à l'Etat.

Actuellement, toute concurrence a disparu pour l'enseignement oiliciel. Il est resté maître de la place et, c'est ce dont il meurt. Comment les professeurs, surchargés par les examens, par les jurys de concours, tenus parles services des hôpitaux, parles diverses fonctions officielles dont ils sont investis, pourraient-ils se livrer à des recherches personnelles et préparer leurs leçons ? La situation des agrégés est encore plus pénible: ils doivent se préoccuper de constituer la clientèle qui sera leur seule ressource quand le temps d'exercice sera terminé. L'organisation actuelle est déplorable pour tout le monde. D'abord pour les élèves qu'on voit errer d'un cours à l'autre sans direction et sans profit, ensuite pour ceux qui se destinent à l'enseignement. Candidats, il leur est très difficile d'entreprendre des travaux personnels pendant la préparation des concours. Devenus agrégés, ils n'ont plus le temps démener à bien un travail de quelque importance. Cela est si vrai, que tous les esprits larges qui ne sont guidés dans leur opinion que par l'intérêt de notre enseignement supérieur, arrivent à la même conclusion (!). Au congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences, à Caen, en 1894, M. le professeur Bouchard fut amené à prendre part à la discussion sur les exercices physiques dans les lycées. Partisan du développement normal de la jeunesse, il s'élevait vivement contre les concours sportifs et les luttes interscolaires, dans lesquels les jeunes gens sont exposés, sinon excités à dépasser les limites physiologiques do leurs forces. A ce moment un interrupteur s'écria: « Et les concours médicaux? » M. Bouchard, répondit : « Je suis autant l'ennemi des concours médicaux que des autres. » Cette réponse catégorique lui valu de nombreux applaudissements. Hélas, M. Bouchard s'en est tenu à cette manifestation toute platonique et il n'a pas mis l'autorité qu'il tenait de ses hautes fonctions au service de l'opinion qu'il avait si nettement exprimée en 1894. Il n'a demandé la suppression d'aucun concours.

fl) Dans leur étude sur la vie scieatiûque de I.» m henné de Boulogne, les professeurs Lasègue et Straua ont U'acé ce tableau lamentable du sort réservé aux candidats malheureux : « La vie se dépease a préparer les épreuve* des concours, et quelle place est ménagée aux libres initiatives pendant celte laborieuse opération '.' Les candidats auxquels la chance est restée contraire se retirent faligués, presque honteux ; il leur coûte de franchir le seuil de l'hôpital pour se retrouver au second rang, en face de compétiteurs plus heureux. Le respect humaiu aidant ei aussi les exigences de la clientèle, ou se renferme peu à pou dan? le cercle de son observation limitée, et on accumule des partis pris ou il aurait fallu récolter des matériaux. »

La proposition que nous avons faite en 1894, au congrès de l'enseignement supérieur de Lyon, de supprimer radicalement le concours de l'agrégation et de le remplacer par l'institution de privat-docenten, ne reçut pas seulement l'approbation d'un grand nombre d'agrégés, elle fut également accueillie avec faveurpar la presse médicale,

Parmi les opinions les plus vigoureusement exprimées, nous citerons d'abord celle d'un des plus importants des journaux médicaux, la Semaine médicale, qui écrivit ceci : « Nous constatons avec satisfaction que, de l'aveu même d'un certain nombre de professeurs de Facultés de médecine, l'agrégation a fait son temps. Elle doit donc faire place à un autre système qui soit plus conforme aux idées modernes et aux besoins de ceux qui veulent recevoir l'enseignement auquel ils ont droit, moyennant une rétribution fixe ».

Le Lyon médical ne fut pas moins formel dans ses appréciations : « Nous trouvons, disait-il, pour notre part, dans le projet, deux principes excellents : celui de la rémunération du professeur par les élèves, et celui de la substitution au concours de la concurrence permanente, basée sur le succès de l'enseignement et sur la production des travaux scientifiques ».

Dans la Médecine moderne, M. le Dr Félix Regnault sonnaéga-lement ainsi la charge contre le concours de l'agrégation : o De l'aveu de tous, l'étranger nous devance; pour quelques hommes de valeur dont nous pouvons encore nous glorifier, il nous oppose une légion de travailleurs. Déjà ranatomic, la chimie et la physiologie françaises font triste mine devant celles de nos concurrents d'outre-Rhin. C'est l'aveu de nos maîtres les plus autorisés, ils ne se cachent pas pour le dire dans une conversation privée, mais ils n'osent l'écrire alors qu'il faudrait le crier au contraire bien haut. Nous avons été vaincus sur le terrain militaire, mais cette défaite était réparable, car nous en avons ressenti vivement la honte et les malheurs. Il en est d'autres plus graves et plus définitives, celles qui s'accomplissent silencieusement et dans la lenteur des années. La défaite scientifique est moins notoire, moins éclatante que l'autre ; aussi est-elle bien plus grave, car notre insouciance et notre ignorance nous empêchent d'en avoir conscience ».

Nous terminons ces citations par celles du Progrès médical, qui, en cette circonstance, se montrait le continuateur de ses traditions d'indépendance et de libéralisme. Entraîné par un

sentiment d'enthousiasme, son rédacteur écrivait au lendemain du vote du congrès : a Nous sommes bien aise d'enregistrer ces vœux, que nous appuyons de toutes nos forces, et nous adressons tous nos remerciements aux professeurs en fonctions qui ont le courage d'affirmer ainsi leur opinion. Ils ont bien mérité de la science et de la médecine françaises! »

*

• *

En allant au congrès de l'Enseignement supérieur de Lyon pour soutenir une proposition quelque peu hardie, nous étions loin de nous attendre à ce que le vote du principe de la suppression du concours de l'agrégation fût obtenu aussi facilement. Nous pensions, à tort, que les membres du congrès, ayant tous de profondes attaches avec renseignement officiel, ayant suivi la voie des concours, n'accepteraient pas sans déplaisir la discussion sur une formule nouvelle.

Je manquerais à un devoir si je ne rappelais le libéralisme élevé et la courtoisie exquise dont le rapporteur, M. Lépine, et le président de la section, M. Mossé, firent preuve en cette circonstance. En effet, bien que je ne fusse pourvu d'aucun titre officiel, après m'avoir invité à exposer mon opinion, ils ne firent aucune difficulté à mettre aux voix ma proposition de supprimer purement et simplement le concours de l'agrégation, et de le remplacer par l'organisation des privat-docenten telle qu'elle existe en Allemagne et dans d'autres pays.

Comme nous l'avons dit plus haut, cette proposition fut adoptée à l'unanimité.

Ce qui tendrait à démontrer que le régime du concours, en ce qui concerne l'enseignement de la médecine, n'a satisfait personne, c'est que ceux que favorise le succès se demandent eux-mêmes si le résultat obtenu mérite bien la somme d'efforts stériles qu'ils ont dépensée. En réalité, la plupart des agrégés ne sont-ils pas condamnés à n'être que des professeurs intérimaires? La titularisation, quand elle arrive, les trouve dépourvus de cette énergie, de ce feu sacré, de cette ardeur aux recherches personnelles, sans lesquels aucun enseignement fécond ne saurait exister (*).

(1) Un des professeur» les plus éminenls de la Faculté de Paris, uoeumé agrégé en 1866, a vu son temps d'exercice expirer en 1875. Il n'a été élevé au professoral qu'en 1890. Son enseignement ;\ l'Ecole a donc subi une interruption de quinze années. Gela ne se voit que dans tes Facultés de médecine, où d'ailleurs trois quarts des agrégés n'arrivent jamais au professorat et quittent l'enseignement avec l'impression d'une profonde blessure faite à leur amour-propre. Les plus beaux succès de clientèle, ne parviennent pas toujours, hélas '. à la cicatriser.

Ce serait une grave erreur de croire que les abus du concours de l'agrégation datent d'aujourd'hui. En annonçant à ses lecteurs la mort de M. Victor Duruy, la Tribune médicale raconta l'anecdote suivante : « A la suite d'un concours d'agrégation à la Faculté de médecine, resté célèbre par une illégalité cyniquement commise à l'instigation du président du jury, M. V. Duruy, sur la plainte motivée des candidats sacrifiés, laissa en suspens la signature des nominations définitives durant plusieurs mois, et nous avons eu personnellement l'assurance que, parfaitement édifié sur la réalité, cette fois, du manquement aux statuts du concours, et aux premières règles de l'équité, il n'eût point ratifié ces nominations, s'il était resté au pouvoir ministériel. » Son successeur, un nommé Bour-beau, de prestigieuse mémoire, apposa, un beau matin, sa noble signature au bas d'une lislc qui fut glissée au milieu d'un grand nombre d'aulres papiers pour être soumis à la... machine à signer... « Et voilà comment fut consacrée la nomination des agrégés de celte fournée... »

D'ailleurs, à une époque où la Faculté de Paris se plaint si amèrement de la difficulté de donner une'instruction suffisante aux six ou huit mille étudiants qui l'encombrent, à quel mobile obéit le ministre de l'instruction publique pour s'obstiner à limiter systématiquement le recrutement du personnel enseignant. Tous les trois ans, les divers concours de l'agrégation en médecine ouvrent à dix ou onze candidats, qui ne sont pas toujours les mieux doués, les portes de renseignemcntofficiel. Cela fait, par année, une inoyenne d'environ quatre agrégés, promus professeurs, ne l'oublions pas, à litre tout à fait provisoire. Cela est d'autant moins admissible, qu'un grand nombre de jeunes médecins sont animes du vif désir d'aborder, à leurs risques et périls, la carrière de l'enseignement. Ils ne demandent qu'une chose, c'est, après s'être munis d'un titre justifiant leurs prétentions, que l'Etat ne leur fasse pas, avec les deniers des contribuables, une concurrence contre laquelle toute initiative individuelle est destinée à succomber.

Si le ministre et M. Liard, l'éminent recteur de l'Académie de Paris, conservaient encore quelques illusions sur la valeur du concours de l'agrégation, nous leur aurions conseillé volontiers d'assiter incognito à quelques-unes des séances des concours qui viennent d'avoir lieu à la Faculté de Paris. Ils se seraient demandé d'abord pourquoi beaucoup de médecins

éminents, ayant donné en d'autres circonstances des preuves d'une valeur indiscutable, ont déserté ces concours. Ils auraient ensuite constaté que ces séries interminables d'épreuves ont surtout pour résultat de faire perdre à tous, candidats en tenue de soirée et juges vêtus de rouge cramoisi, un temps précieux. Malgré la pompe dont sont entourés ces exercices de mémoire, un esprit quelque peu sérieux ferait preuve d'une indulgence vraiment excessive s'il les trouvait en rapport avec la haute idée qu'on doit avoir de notre enseignement médical.

Notre proposition tendant à supprimer le concours de l'agrégation en médecine fut votée en 1894 à l'unanimité par les membres du congrès de l'Enseignement supérieur. Ce vote fut ensuite ratifié par les organes les plus influents de la presse médicale.

Je n'ai jamais eu la naïveté de supposer que le ministre de l'Instruction publique tiendrait compte d'un vœu exprimé par des hommes animes d'un sincère amour du progrès. Depuis longtemps, j'ai acquis la conviction qu'aucune puissance humaine n'était capable de triompher de l'esprit de routine dans lequel s'enlisent de plus en plus les administrations de notre pays.

Ma proposition, que je croyais enterrée à tout jamais, est réapparue au récent congrès des praticiens. Les divers rapporteurs s'en sont manifestement inspirés, et le vote de rassemblée a conclu également et par acclamation à la suppression du concours de l'agrégation et son remplacement par l'institution des privat-docenten.

Pas plus qu'en 1894, cette manifestation ne sera capable de l'aire sortir les pouvoirs publics de leur torpeur. A notre avis, rien ne sera plus regrettable. Une seule institution peut donner une complète satisfaction aux étudiants et à ceux qui veulent consacrer leur existence à l'enseignement médical, c'est celle des privat-docenten, telle qu'elle existe en Allemagne. En effet, dans l'aristocratique Berlin, on se préoccupe plutôt de favoriser l'accession des hommes de valeur aux chaires de l'Enseignement supérieur, que décerner, comme chez nous, des boutons de cristal à d'inutiles mandarins. En Allemagne, toutes les portes sont ouvertes pour qui veut et peut enseigner. Le diplôme de privat-docent, facile à obtenir, confère ce droit. Il s'exerce dans les bâtiments de l'Etat, mais

l'Etat ne rétribue pas les professeurs; leur nombre n'a donc rien à voir avec son budget. Ce sont les étudiants eux-mêmes qui s'inscrivent et payent. Plus il y a d'étudiants et plus les honoraires du professeur sont élevés. Son but est donc de plaire, de charmer, d'attirer. On ne conquiert l'admiration et la sympathie des élèves que par un savoir lumineux, attachant, productif. L'étudiant va au mieux renseigné, qui se trouve ainsi former une jeunesse studieuse, remarquable.

C'est un système dont l'excellence a frappé tous ceux qui sont allés en Allemagne. On y trouve des professeurs qui, jusqu'à la fin de leur vie, suivent leur mission, laquelle est d'enseigner. Tels font de bons professeurs, qui feraient de médiocres praticiens. Tels, en vue de leur tâche, se créent un matériel d'enseignement extrêmement précieux. Allez donc vous meubler ainsi pour un bail dont on prévoit le terme â courte échéance.

L'institution des privat-docenten, inaugurée en France, y présenterait les avantages suivants. Le collège des professeurs titulaires, recruté parmi les privat-docenten dont l'enseignement aurait été, pendant un assez grand nombre d'années consécutives, couronné de succès, deviendrait surtout un corps examinant. II aurait pour mission, en élevant le niveau des examens, de tenir les études médicales au courant de tous les progrès scientifiques.

Les étudiants français, beaucoup plus fortunés en général que les étudiants allemands, feraient comme ces derniers. Ils suivraient les cours dont l'utilité leur serait démontrée par leurs goûts ou par les nécessités de leurs examens. La libre concurrence auraitpour effet de maintenir à un prix très accessible les cours des privat-docenten.

II y aurait économie pour tous. Pour l'Etat, qui pourrait supprimer du budget de son enseignement supérieur des dépenses considérables ; pour les étudiants, qui trouveraient dans des cours privés une direction capable de leur faire gagner un temps considérable.

L'enseignement médical deviendrait pour beaucoup d'hommes de valeur une carrière définitive, et l'on ne pourrait plus dire que le titre d'agrégé ou de professeur est recherché, moins parce qu'il correspond à une véritable vocation d'enseigner, que parce qu'il facilite la conquête brillante de la clientèle.

C'est d'ailleurs avec le plus entier désintéressement personnel que j'ai soutenu cette cause. II y a longtemps que, pour ma part,

j'ai renoncé à toute idée déjouer un rôle quelconque dans l'enseignement officiel, absolument convaincu que tout effort dans cette voie n'aboutirait qu'à un insuccès complet. J'ai pris la résolution la plus simple et la plus pratique, celle de créer de toutes pièces le centre d'enseignement qui pouvait le mieux convenir à mes aptitudes, ainsi qu'à celles de mes amis et de mes élèves. C'est de cette résolution qu'est née l'Ecole de psychologie .

Il ne m'appartient pas de souligner le succès croissant de cette institution. La foule d'auditeurs d'élite qui se presse chaque année aux cours des professeurs de l'Ecole de psychologie constitue la vivante démonstration de la puissance de l'initiative individuelle. Elle suffit également à montrer que Pâtirait d'un enseignement résolument novateur et scientifique ne peut que gagner à se passer de l'estampille officielle.

Le Miracle moderne (')

par M. Jules Bois

UX CHAPELET DE VOYANTES

Mlles COUESDON, Adèle MAGLNOT, Louiss LATEAU, la voyante de PRE-VORST, les uêuo.maqces CA.NTlAiNILLE et Marie BL1N, Mmes D'ESPÉRANCE, MOLLIS PLANCHER et sa sexiuple conscience, etc.

TEL CnEDO, TEL FANTÔME

J'ai connu personnellement un certain nombre de voyants et de voyantes, j'ai étudié soigneusement la vie et les œuvres des autres que je n'ai pu approcher. Leur « travail » est à peu près le même, démontrant la réalité trouble encore des facultés surnormale, que tout être possède et développe à des degrés divers, — jamais d'une façon péremptoire l'influence « d'esprits désincarnés ».

Si je me détache des théoriciens pour qui la simulation et l'hystérie sont les seules solutions, je ne puis me rallier aux spirites. Ils affirment que le phénomène est dû aux morts; mais, je le répète, ces entités quand elles ne sont pas selon toute évidence les illusions d'une imagination exaltée, ne nous donnent que « les miettes » de leur vie terrestre, et l'ombre en quelque sorte qu'elles ont Ir.issée sous la forme de souvenirs dans le cerveau de leurs parents ou de leurs amis. Ce qui reste certain et solide, c'est l'étrange faculté du médium

(1) Extrait d'un livre de notre collaborateur Jules ]:.¦-. intitulé le Miracle moderne et qui va paraître a la librairie OHendorff.

pour recueillir, vivifier, concentrer, personnaliser ces résidus épars, — et c'est aussi quelques faits de pressentiments, de divination, assez rares, mais indéniables.

D'ailleurs, le médium, s'il n'a pas les mêmes croyances que les spirites, imagine correspondre avec des personnalités de l'ii.visible, qui ne sont plus des morts.

Les pylbonisses, les sibylles, les pythies, ces médiums de l'antiquité, croyaient être inspirées par le dieu du temple auquel elles étaient attachées ; dans les couvents chrétiens les extatiques conversaient avec le Christ, la Vierge, les anges et les démons. Au moyen âge, où Satan est à la mode, c'est lui qui hante les sorcières des sabbats. Les apparitions et les révélations, dans les pays où d'autres religions que la nôtre dominent, sont attribuées aux dieux, aux messies, aux mystérieuses influences qui peuplent leurs cieux ou leurs enfers. Même de nos jours et chez nous, les visionnaires font varier, selon leur credo, la qualité et l'identité de leurs fantômes.

Mlle Couesdon, aujourd'hui presque oubliée malgré ses succès populaires comparables à ceux de Mrs Piper, était sans doute sincère en se croyant insufflée non par un défunt, mais par un ange. Son dédoublement de personnalité (M. Charles Richet l'analysa avec beaucoup de finesse) (1) même par son origine qui fut, je l'ai dit, une « contagion psychique », rappelle le cas de Mrs Piper. Mais comme elle vivait dans un milieu catíiolique et royaliste où l'exemple de Jeanne d'Arc revenait souvent, et où le spiritisme était considéré comme une hérésie, elle fit endosser à l'ange Gabriel ses éjacu-lations mal versifiées. Celui-ci ne me semble pas moins de la même famille imaginaire et subconsciente que le Dr Phinuit, avec cette nuance qu'il se targuait beaucoup de prophétisme (2).

CAHAGNET ET ADÈLE MAGINOT OU « LES ARCANES DE LA VIE FUTURE DÉVOILÉE »

Il est assez périlleux de se fier à des pythonisses professionnelles; car où il y a métier et gain, donc obligation de satisfaire le client à heure fixe, comment la fraude ne deviendrait-elle pas nécessaire? Celui qui voudra construire une théorie d'après les agissements de ces trafiquantes, bâtit sur le sable. Telle est la critique qu'il faut bien adresser au dernier chapitre d'un récent livre de M. Maurice Mœterlinck, qui aborde d'ailleurs avec une très ingénieuse perspicacité les mystères de l'avenir.

A l'instar de M. Podmore qui a écrit des ouvrages scrupuleux sur

(1) Revue scientifique.

(2) Je traiterai de cette clairvoyance spéciale, le propliétisrae, dans un autre livre Les Cryptes de l'âme.

la transmission des pensées et le spiritualisme moderne, il convient plutôt de rappeler, entre autres exemples, les intuitions extraordinaires d'une somnambule française, Adèle Maginot dont Cahagnet, magnétiseur swédengorgien, — son école existe encore et j'en ai parlé dans Les petites religions de Paris, — se constitua le secrétaire. Je mets de côté les promenades au pôle et dans la lune que, la brave dame « lunatique » en effet accomplissait ou plutôt racontait avec autant de désinvolture que de naïveté. Nous connaissons ce genre spécial de littérature qui a pour génial modèle les divagations de Swedenborg et qui comprend la Vie Universelle de Louis Michel Figanières, les Quatre Evangiles par Roustaing, les Dictées médiumnimiques de la baronne Adelma de Vay et une multitude d'autres romans automatiques; parmi.ces productions il ne faut pas oublier les révélations sur la planète Mars et sur la fameuse* langue martienne que M. Flournoy, professeur à la Faculté des sciences de Genève, nous transmit, d'après Hélène Smith, une spirite à incarnations (i).

Adèle Maginot pensait, comme Mrs Piper, entrer en communication avec les vivants éloignés ou avec les morts sur lesquels on la questionnait. Cette prétention n'est pas rare. La plupart des somnambules, dont le nom s'étale dans les réclames des journaux, se larguent de semblables prérogatives télépathiques entre ce monde et l'autre. Mais ce qui est exceptionnel, c'est de donner aux consultants, sans fraude, et plus souvent que le calcul des probabilités ne le laisse espérer, une description exacte des lieux ou des êtres évoqués.

Cette somnambule jouissait de facultés différentes de celles déve-. loppées par Mrs Piper. Elle voyait les maladies à travers les corps et même à distance et en donnait le diagnostic détaillé d'après les sensations qui à ce moment la traversaient. Ces pouvoirs, dont les anciens magnétiseurs nous apportent de nombreux témoignages, ont impressionné le monde scientifique, grâce à un livre d'observations judicieuses : Les Phénomènes d'Autoscopie par le Dp Paul Sollier dont j'ai déjà parlé.

adèle maginot • voit u les défunts qu'elle ne connaît pas et décrit les maladies dont ils furent victimes.

Ouvrons Les Arcanes de la Vie future dévoilée, par Cahagnet. Le premier volume renferme 96 séances malheureusement sans date;

(I) Floumoy. Des Indes à la planète Mars, étude sur un cas de somnambulisme avec Glossolalie, 1900 et Archives de psychologie de la Suisse romande, 1901 (t. 1, n* 2 p. 301). La puérilité Ingénieuse de ces imaginations d'ignorantes à l'étal subit-

dans le second, la plupart sont datées et classées chronologiquement. Des consultants importants ou obscurs certifient, en le signant, la valeur de chaque procès-verbal.

Le û" 129 est un bon exemple. On y raconte la visite de M. Pétiet qui demande son frère Jérôme.

Adèle le décrit minutieusement, jusqu'à ses pantoufles basses sans cou-de-pied. Elle explique qu'il mourut de suffocation, et elle se met à suffoquer et à tousser comme lui. Elle découvre qu'on avait dû lui appliquer dans le dos un vésicatoire ou un emplâtre; ce qui causa un ulcère qu'elle voit. Il n'avait cependant pas de maladie à cette partie du corps. Celui qui le soignait ne sut point reconnaître son mal...

M. Pétiet ne trouve rien à reprendre dans les détails; il ajoute que la voyante le confirme-dans soi: opinion quant à l'usage de l'emplâtre ordonné par un empiriste et qui causa la mort soudaine de son parent.

Cette séance, par la dernière observation surtout, semble témoigner d'une transmission de pensée. Telle était d'ailleurs l'opinion d'uu spécialiste de grand talent, le baron du Potet, fondateur du Journal du magnétisme et qui obtint avec Adèle de frappantes personnifications.

Mais, bravant des difficultés imprévues, Adèle entre en communi-cation avec des morts dont les visiteurs ne connaissent que les noms. Un pasteur Roustan propose Jannette Jex, que sa servante seule connaissait. Adèle voit si bien la défunte, qu'elle donne des détails typiques, sa coiffure, son dos rond, la crise dont elle périt, ses deux tumeurs, l'une au ventre, l'autre au sein gauche... Roustan reconnaît par écrit l'authenticité du rapport, après l'avoir montré à sa ser-' vante.

Il est regrettable qu'Adèle Magioot n'ait pas excité alors la curiosité de psychologues moins crédules que Cahagnet; elle eût occupé une place plus importante dans l'histoire de la métapsychi-que (1); elle eût fait progresser l'étude de la « clairvoyance » et de la « suggestion mentale » au lieu d'augmenter fâcheusement le chi-mérisme des « spirites ».

mina! esi fort judicieusement analysée. L:- volume est illustré par les dosins colories d'Hélène Smith iuiobjective aussi ses visions. L'histoire du langage, martien fabriqué par la somnambule avec du français déformé, est typique ; elle nous éclaire sur la façon dont travaille et se manifeste l'inconscient qui tente de se faire passer pour une manifestation de l'au-delà. Sincérité du sujet le plus souvent ; mais mensonge ou plutôt invention, rfive de la personnalité seconde.

(I) Des expériences comme celles du pasteur Roustan ont besoin d'être renouvelées pour être prises en considération.

LES MALADIES DÉVELOPPENT LA CLAIRVOYANCE MYSTIQUE.

Il n'est pas niable que certaines maladies, organiques ou nerveuses, favorisent le développement de ces facultés extraordinaires. Femme de génie, cœur noble et pur, activité indomptable, Thérèse d'Avila plane à des altitudes magnifiques au-dessus de toutes ces étranges visiteuses de l'Inconnu; elle n'en est pas moins douloureusement marquée, elle aussi, au signe de l'angoisse et de la détresse physique.

Ces « pouvoirs » seraient-ils compensés par de redoutables faiblesses? Il faut bien le croire.

Ces organismes ébranlés ont comme des fissures par où pénètre le mystère ou plutôt, à mon avis, par où il s'évade; car le mystère est en eux, comme il réside en toute l'humanité; seulement la plupart des hommes et des femmes le laissent sommeiller en des profondeurs que les agitations extérieures ne troublent pas. Il faut un traumatisme quelconque venu du'dehors, ou une flamme intérieure consumante pour que les liens soient brisés. Alors le flot formidable déborde hors de ces digues, que la nature a prudemment fixées. A la suite d'accidents, ou par dégénérescence native, ou par exaltation nerveuse, des capacités psychiques extraordinaires et mal définies encore se manifestent.

Je ne parle point des saintes célèbres, telles que Lidwine de Schiedam ou Catherine Emmerich, qui de leur couche d'agonie s'élancèrent mystiquement dans les régions d'un au delà formidable et religieux. D'autres les ont décrites aussi complètement que possible; et la pureté de leur vie, la noblesse de leur martyre leur réservent une place à part loin du cortège profane des autres voyantes. La « qualité » de leurs visions est meilleure; leurs vertus et la richesse de leur imagination nous ont souvent éblouis.

Mrs Piper, nous l'avons dit, comme Eusapia Paladino, subit de préalables misères avant de se révéler. Mlle Couesdon, Adèle Maginot, nous apparaissent comme des névrosées. Cantfanille et Marie Bïin étaient certainement victimes de troubles cérébraux. Le cas s'aggrave avec la voyante de Prévorst et Louise Lateau, des malades au su et au vu de tous.

Qui n'a entendu parler de Mme HaulTe, la voyante de Prévorst, dont la fêlure liiéromanîqne est évidente? Au dire de son admirateur et biographe Kerner, elle vivait dans une atmosphère constante de miracle. Les prodiges physiques chez elle accompagnaient les pouvoirs psychiques. Elle conversait sans cesse avec les morts. Et elle s'éteignit épuisée u"extase (1).

(1) Consulter: La Visionnaire de Prévorst, par Kerner, Stultgard, 18*6 (2 vol.) et les Mystères de la vie intérieure d'Esehenmaycr, Tubingue, 1830.

Je ne m'attarderai point à la très controversée Louise Laleat», qui, née en 1850, fut surtout une stigmatisée pieuse.

Je ne traiterai point ici de Bernadette et de Mélanie, qui ont donné l'élan aux pèlerinages de Lourdes et de la Salette. La genèse de leurs visions n'est pas suffisamment éclaircie et elles ont excité des débats contradictoires, d'où une certitude bien nette n'est pas résultée. Elles ont préoccupé les théologiens et les anticléricaux. Je suis plus à l'aise avec Cantianille, dont l'abbé M. J.-C. Thorey se fit l'historiographe amphigourique et halluciné.

DEUX FEMMES DÉMONIAQUES ET L'iNCUBAT SACRILÈGE.

Elle est le type assez réussi de la voyante hystérique et démoniaque. Dès l'âge de deux ans, une « Belle dame » se montre à elle, toute vêtue de blanc avec des rayons jaunes autour de la tête. À quinze ans elle est contaminée par un mauvais prêtre qui la jette dans la débauche. Elle corrompt des nonnes, fait un pacte avec un diable, se disant Ossian. Les hosties lacérées saignaient dans sa chambre; elle se défroque, devient institutrice, et dans un confessionnal d'Auxerre se lie avec ce Thorey qui l'exorcise. Elle va avec lui se disculper à Rome en 1865. Le pape refuse de les recevoir. Mgr Ferrari traite l'abbé d'hérétique et sa compagne d'hystérique. Thorey s'obstine et écrit deux volumes de divagations hallucinatoires où i' annonce qu'il saura, grâce à sa voyante, décrire « le ciel et l'enfer tels qu'ils sont », raconter « la vie intime de Jésus et de Marie » et expliquer l'Apocalypse. Les erreurs de cet abbé hétérodoxe ont quelques affinités avec celles de l'abbé Boullan (Dr Johannês), dont nous nous occupâmes, Huysmans et moi, et qui fut grand excitateur et entraîneur de voyantes.

J'ai étudié en détail le cas d'une pauvre femme qui sur le tard se crut l'instrument d'une mission providentielle. Elle était à la fois mystique et anticléricale; sa manie s'aggravait d'idées et d'actes chimériques et sacrilèges. Mme Marie Blin, aujourd'hui défunte, rêva, après avoir été couturière, de devenir une sorte de Messie féminin. Elle écrivait automatiquement sous l'influence de « Mercedes, fils de Dieu ». Cet étrange inspirateur, au nom de danseuse espagnole, léguait sur 1:\ planète Mercure et se targua d'être le Christ. Le Dr Bnraduc m'a montré sur un cliché la forme de ce parasite n'indique, qu'il aurait obtenue dans l'obscurité, en approchant une plaque de Mme Blin assise dans le bain d'électricité statique... Cela ressemblait à un buste assez grossier du dieu Mercure (1). Un érotisme maladif se mêlait à ces manifestations d'écriture automatique. Mer-

(I) Voir leprcmia.- chapitre de la première partie.

cédés apparaissait d'ailleurs chaque vendredi saint au médium, qu'il applait sa mère et qu'il possédait en la stigmatisant, vers trois heures de l'après-midi. C'était l'incubât médiéval renaissant de nos jours. La pauvre femme mourut misérable et abandonnée des siens. Les cahiers qu'elle m'a légués sont de véritables documents de psychologie anormale.

SEPT PERSONNALITÉS EN UNE SEULE PERSONNE.

Dans le Monde Invisible j'ai tracé le portrait de plusieurs autres voyantes et somnambules, j'ai décrit leur personne, leur clientèle et leurs officines. J'y renvoie mes lecteurs (1).

Je signalerai avec plus d'insistance l'Américaine Mrs Mary B. Flancher, née en 1848, et plus fréquemment appelée Mollie Flancher. Celle-ci est un exemple de sextuple conscience ! Des chutes terribles entamèrent son cerveau; son tempérament nativement déséquilibré y aidant, sa personnalité fut morcelée et comme émiettée. On en désigna les différents fragments par des noms divers; car ils ne se connaissaient pas l'un l'autre; chacun était relié par des souvenirs autonomes; chacun avait même une profession et des aptitudes dissemblables.

MoHie Flancher était alternativement « Perle », w Bouton rie Rose»,'- fdo'ie »,« Rayon de Soleil »,« Ruby » et enfin Mollie Flancher.

Ce cas est profondément instructif; il est moins obscurci que les précédents par des théories préconçues. Les « spiritualistes » ne semblent pas l'avoir exploitée; et elle ne servit point, comme cette pauvre Louise Lateau, de tremplin aux polémiques entre les croyants et des matérialistes. Elle convient presque à regret que pendant ses transes elle croit voir sa mère et ses amis morts, auprès de qui elle cherche à se consoler de ses infortunes. Près de trente ans elle est restée alitée, ne prenant presque pas de nourriture. Elle assurait avoir parcouru effectivement, quoique en imagination, jusqu'à des distances de cent milles; de fait elle semble être allée par la pensée jusqu'à Michigan, pour observer les actes de son ami M. Sargent. Celui-ci confirma ses dires et les reconnut exacts. Certains rapports signés témoignent qu'elle avait vu à travers les corps opaques. Réduite à la cécité, elle possédait la clairvoyance (2).

GRANDES DAMES VOYANTES.

Le grand monde a produit lui aussi ses voyantes qui. par leur élégance et leur luxe, s'opposent au décor pittoresque et parfois

(1) Le Monde invisible, 6' partie. * Les marchand» d'espoir », particulièrement de la oaee?58à la page 266.

(î) Consulter le rapport du juge Abraham Daily lu au Congres psychique de Chicago en 1893.

sordide des somnambules populaires : par exemple la baronne de Krûdener, qui appartient plus encore au xvm0 siècle qu'au xix°, et lady Caithness, duchesse de Pomar, qui éblouit Paris par ses réceptions et ses fantaisies mystiques pendant les dernières années du siècle passé.

Dans Y Eve Nouvelle je me suis attaché à décrire la crise qu'à un certain moment de sa vie traverse la mondaine rassasiée du monde (1). Ce furent les déboires de l'amour humain qui précipitèrent dans les ivresses mystiques Barbe-Julie de Wietinghoff, baronne de Krûdener. Sa piété théâtrale, son charlatanisme d'aventurière, ses exhibitions religieuses, ses prédictions entrecoupées d'expulsions et d'embarras d'argent composent un joli roman féminin qui n'a pas encore été écrit. Quant à lady Caithness qui joua un véritable rôle littéraire et mystique à notre époque, j'en réserve l'histoire anecdoti-que et psychologique pour un autre livre : les Cryptes de l'Ame.

les " ESPRITS » SE BAPTISENT d'APnÈS l'eSPBIT DU JOUR.

Je crois qu'il n'était pas inutile de citer ces diverses voyantes, modernes aussi, après notre longue analyse du cas de Mrs Piper, serrée de plus près par des observateurs consciencieux.

De telles facultés, quoique rares, peuvent être reconnues dans une série d'êtres, qui, différents, trahissent cependant de profondes ressemblances de destinée et de tempérament. Mais nous constatons ce que j'avançais au début de ce chapitre: l'au delà varie, selon la voyante, selon l'époque. ïl est ange, démon, larve, farfadet, élé-menlal, dieu, âmes désincarnées, selon la foi du médium; et même quand, multiple, il accepte une étiquette identique, il diffère aisément en tendance et en caractère, s'adaptant à un esprit très incontestable celui-là, — l'esprit du jour.

Les morts de Mrs Piper, d'accord avec notre goût de preuve tangible et notre vénération de la science, réclament des travaux positifs pour démontrer leur immortalité. Ceux de Mme Hauffe imploraient ou exigeaient des prières. Ce qui demeure c'est le médium, avec des traits constantes qui permettent de le reconnaître, de le fixer. En dehors des professionnelles somnambules, hélas un peu trop sujettes à caution, nous savons, à n'en pouvoir douter, que des organismes, favorisés ou maudits selon le point de vue où l'on se place, obtiennent, — au prix souvent de quelles misères physiologiques ! — des pouvoirs étranges qui illuminent par de courtes mais vives lueurs les cavernes de notre âme à tous, sinon les abîmes de l'au-delà.

(I) L'Eve nouvelle, seconde partie, chapitre I, *La genèse de la femme nouvelle de la page 99 à la page 134.

Lois de suggestion appliquées au costume militaire

par M. le capitaine Michel (suite)

Affirmation extérieure de la force.

Indépendamment de la question de forme extérieure, dans laquelle l'harmonie des lignes, la décoration et leurs effets de suggestion jouent le rôle essentiel, nous avons à envisager dans toute construction, trois points qui la résument entièrement et en sont la base :

Io L'ossature, c'est-à-dire les lignes maîtresses de l'œuvre, ses gros points d'appui ; son squelette osseux.

2° Le contreventement, c'est-à-dire la liaison, l'indéformabilité des points d'appui.

3° Le remplissage ou le garnissage, c'est-à-dire le remplissage des vides.

Ce sont là les parties principales de toute construction d'action.

Ces trois phases de la construction, qui s'appliquent à toutes les charpentes, trouvent leur comparaison dans le corps humain lui-même, où les os forment l'ossature, les ligaments, les nerfs et les muscles assurent le contreventement et la liaison, les tissus d'épi-derme le remplissage et le recouvrement. On peut même dire que l'homme est le prototype de l'architecture.

Puisque toute ossature — ou tout squelette — représente en construction, chez l'homme et les animaux, la partie la plus solide de tout l'édifice, nous pouvons dire qu'au point de vue de l'effet suggestif produit par l'œil sur le cerveau toute ossature affirmée, c'esl-à-dire rendue apparente, augmente l'impression de force. Il en est de même du contreventement.

Pans la question qui nous occupe plus spécialement, le costume militaire, il y a donc un intérêt évident à rappeler, où faire se peut, l'ossature humaine — le squelette — et son contreventement.

Les effets extérieurs ainsi obtenus augmentent, par l'impression la force produite, l'intensité suggestive d'action.

Le squelette peut s'affirmer sur les épaules, sur la poitrine et sur les jambes. Il s'agit ici de véritables lignes de force à représenter et à rappeler dans l'uniforme du soldat.

Ainsi sur l'épaule, il nous paraît indispensable de rappeler par une patte, une tresse, un trèfle, une épaulette surtout, les os de la clavicule. On n'a qu'à comparer entre eux l'homme dépourvu de cet accessoire et celui qui le ]>orte. Le premier, avec sa veste, sa tunique ou sa capote, avec ou sans brides d'épaule, donnera une impression plus ou moûts indéfinissable de laisser aller, de déshabillé, de négligé.

en lout cas de faiblesse plus grande que le second. Chez celui-ci tout ce qui peut augmenter la carrure le fera paraître plus râblé, plus solide. Dans cet ordre d'idées, c'est l'épaulette qui atteint le maximum d'intensité, à condition cependant qu'elle soit adaptée à un vêtement bien ajusté. Cet accessoire de la tenue a quelque chose de rigide qui contraste violemment avec la capote, vêtement ample, presque flottant, destiné à en recouvrir un autre. Nos fantassins en tenue d'hiver présentent un aspect d'hommes d'allures peu dégagées, peu martiales.

Dans le costume civil lui-même ne voit-on pas que l'on cherche toujours à faire ressortir la carrure par le garnissage des épaules au moyen d'étoupes, pour racheter tout ce qu'une forme trop arrondie de cette partie du corps pourrait présenter de faible et de trop pacifique.

C'est du reste d'Amérique, pays de races nouvelles et fortes, que nous vient ce subterfuge d'habillement.

Sur la poitrine, ce seraient quelques brandebourgs, judicieusement espacés et étages sur une ligne unique de boutons qui, rappelant la cage thoracique, le sternum et les côtes, augmenteraient l'effet suggestif de force. Les brandebourgs frop rapprochés et trop nombreux se fondent à très courte distance avec le fond du vêtement et deviennent flous.

Pour bien des raisons, des nécessités modernes, cette passementerie n'est du reste plus absolument nécessaire, surtout pour des hommes à pied. (Les cavaliers aussi combattent plus fréquemment à pied qu'autrefois). Avec les grandes masses à habiller, l'entretien, le prix de la main-d'œuvre, la question d'hygiène, il faudra renoncer à cet utile ornement dont les armées anciennes se trouvèrent si bien. Nous verrons d'ailleurs plus loin qu'il y a possibilité d'y remédier.

Les Anglais et les Américains, par exemple, ont trouvé le moyen de rappeler l'indication du squelette osseux par une ingénieuse superposition de poches d'un effet d'une indéniable puissance. En tout cas rien n'empêche de rappeler la base de cette ossature, le sternum, point d'attache des côtes, par une seule ligne nettement tracée de boutons espacés le moins possible. De plus, l'effet de boutonnage produit par le métal augmentera encore l'intensité de l'impression, aussi ne faut-il pas copier les Autrichiens ou les Suisses, dont les vêtements sans boutons apparents ou à boutons noirs n'ont plus sous ce rapport aucun caractère de combat et d'action !

Le passepoil, encore en usage dans notre gendarmerie, vient fort à propos souligner la ligne boulonnée dont nous parlions.

Les effets de la double rangée de boutons, lorsqu'il y a écartement

de bas en haut, donnent une grande impression de force, parce qu'il y a alors élargissement de la poitrine. Il y a ici effet de contrevenu-ment, et cet effet, dont nous parlerons tout à l'heure, se retrouvera dans l'équipement de guerre de nos soldats, la ligne de boutons parallèle a, au contraire, une tendance à limiter, à rétrécir la largeur de la poitrine, et son emploi n'est pas à rechercher.

Enfin une affirmation de force qu'il est indispensable de produire réside dans l'effet de la bande du pantalon. On rappelle ainsi la ligne des solides os de la jambe. C'est là, à notre avis, un complément décoratif nécessaire, urgent.

On n'a qu'à contempler quelques instants des hommes revêtus d'un pantalon uni (la majorité chez nous) et d'autres revêtus d'un pantalon à bande. Au repos la ligne droite sur le côté rappelle bien la ligne du fémur et du tibia; en marche, on voit dsitinctement ces os en action et les effets produits augmentent l'impression de force et, parallèlement, de confiance et de sécurité.

Dans l'infanterie française, les officiers ont fini par obtenir la bande pour le pantalon, réservée jusqu'alors aux seuls états-majors. S'ils y ont tant tenu, c'est donc qu'ils se jugeaient mieux habillés — n'est-ce pas là la reconnaissance intuitive des lois de suggestion?

Le passepoil, cet intermédiaire entre les deux modèles, unis ou non, est déjà une indication de la ligne d'action, indication insuffisante toutefois. La bande double de nos artilleurs, dont d'ailleurs tout l'uniforme est le plus conforme aux principes de suggestion dans le costume, est excellente à ce point de vue, car les lignes parallèles augmentent encore l'intensité d'effet. Elle n'en est pas pour cela absolument indispensable.

En tout cas, le pantalon uni manque totalement de caractère et il n'est en usage que dans un nombre très restreint d'armées.

L'affirmation de l'ossature doit également être rappelée dans la coiffure. Cette partie du vêtement humain, toute de protection, est d'ailleurs en relation intime avec l'architecture. Toutes nos coiffures : shakos, képis, bonnets de police, casques, chapeaux, portent en elles ces indications. C'est après le contreventement, du côté de l'ornementation, des attributs qu'il faudra principalement chercher pour créer une coiffure à ossature forte et apparente.

Tous nos shakos ont une indication de liaison, de contreevntement, entre la bordure supérieure et le bourdaloue, soit en forme de brique renversée, soit autrement...

Le contreventement vient s'ajouter à toutes les lignes de force indicatives de l'ossature et en augmente l'effet de robustesse et de solidité.

En fait de costume militaire, les effets de contreventement sont produits par les différentes courroies et buffleteries.

Nos anciens baudriers, porte-sabres et porte-gibernes, larges et croisés sur la poitrine donnaient bien, par leur disposition et leur forme, une large impression de force. Aujourd'hui encore, les courroies et banderoles de revolvers et de musettes rappellent quelque peu cet antique dispositif et elles jouent, dans une certaine mesure, le rôle de suggestion.

Les gardes républicains, qui sont le plus restés dans la tradition, paraissent doublement solides lorsqu'ils sont pourvus de leur banderole de giberne placée en sautoir — l'effet de largeur de la poitrine, barrée transversalement, est augmenté, et avec lui l'effet de force.

L'aspect d'un Boer, de cavaliers australiens ou canadiens, équipés en guerre avec leur réserve de cartouches en sautoir, produit la même impression.

II n'est pas indifférent que les buffleteries tranchent bien sur le fond de l'uniforme; à défaut de blanc, trop salissant (sans compter d'autres inconvénients dont nous dirons un mot plus loin), le fauve doit être préféré au noir, au moins pour les costumes de couleur sombre.

Dans les uniformes modernes, où il importe d'éviter tout ce qui peut gêner la poitrine et la respiration, ce sera surtout du côté des bretelles porte-cartouchières ou du sac qu'il faudra rechercher les impressions extérieures de force à obtenir par le contreventement. Ici, il y a par la limitation latérale extrême de la poitrine, augmentation de la carrure — ce mol dit bien ce qu'il doit dire.

On rachètera ainsi l'absence de bran de bourgs, d'ailleurs superflus dans ces conditions.

Au contreventement, il faut ajouter la frelte. Celle-ci est, pour nous, une sorte d'ossature extérieure, dont les effets s'ajoutent à ceux produits par Vossatxire intérieure (le squelette) affirmée extérieurement.

Tout frettage signifie augmentation de force. C'est aux attaches plus délicates, faibles, ou à fonction de fatigue, que la frette doit donner, par son indication l'impression de force qu'il faut rechercher.

Dans le costume, outre la coiffure qui doit être frettée à sa base, nous aurons à souligner le cou, les poignets, la ceinture et la partie inférieure de la jambe.

Le discobole de l'antiquité, comme l'hercule moderne, frettent leurs poignet au moyen d'anneaux de cuir, qui, s'ils contribuent

réellement à protéger une partie du corps à fonction de fatigue, n'en évoquent pas moins, en même temps, à la seule vue des bandes de cuir qui les composent, l'idée arrêtée de vigueur. Il en est de même de la ceinture des lutteurs, des jambières des coureurs.

Nous commencerons par l'anneau fretté de la coiifure, qui doit être considéré comme indispensable.

Peut-on se figurer vraiment un chapeau quel qu'il soit : mou, rond, haut-de-forme, canotier, sans, à sa base, un ruban, voire un simple cordon. Le rôle joué par cet accessoire de la coiffure est plus d'impression de solidité, que de solidité proprement dite; sans lui, il y aurait effet d'incomplet, d'inachevé et d'absence de résistance.

Cette loi est assez généralement observée. Les seules coiffures qui ne s'y conforment pas sont nos bérets alpins, susceptibles de prendre, suivant la fantaisie de chacun, les formes les plus variées. Le seul avantage que nous leur reconnaissions est de permettre la manifestation individuelle du caractère, mais à la guerre c'est une impression collective qu'il faut rechercher.

Si nous prenons ensuite la partie supérieure du corps, nous trouverons d'abord la frette du cou. Celle-ci consiste dans le col droit. 11 y a dans cette disposition, impression de protection d'une partie faible et, conséquemment, effet de force. Les cols rabattus, admis chez les Italiens et dans d'autres armées, essayés chez les Allemands, puis rejetés par eux, employés pour nos chasseurs alpins, ne semblent pas avoir donné satisfaction, sinon au point de vue hygiénique, du moins à celui de l'esthétique, c'est-à-dire de l'aspect guerrier et martial que doit présenter le soldat.

Par contre le col trop rigide et trop haut produit, par son exagération, une apparence de raideur et, par suite, indique un manque de mouvement et d'action qui est à rejeter absolument.

(à suivre)

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du 16 avril 1907. — Présidence de M. le docteur Jules Voisin.

La séance est ouverte à 4 h. ;>Û.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté. M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance. Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :

1° D' Bérillon : Présentation d'un cas de trac des chanteurs. 2° D' BÉKiLbON : Le réflexe de la suggcstibililé.

M. le Président met aux voix les candidatures de MM les D" Esmonet (de Châtel-Guyon), et Montéuuis, médecin du Sanatorium de Sylvabella (Var), ainsi que de MM. Barthe, médecin vétérinaire en premier, et A. Vogel, homme de lettres. Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité.

La séance est levée à 6 h. 1/2.

Le traitement psychologique du trae des chanteurs

par M. le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie.

Dans plusieurs communications, dont la première remonte déjà à une date assez éloignée, j'ai signalé le rôle prépondérant que les préoccupations professionnelles jouent dans l'étiologie des états d'anxiété qui compliquent fréquemment les manifestations somaliques de la neurasthénie (). Il est peu de neurasthéniques chez lesquels ces phobies, aussi déraisonnées qu'indéfinissables, n'existent à un degré variable, mais en peut affirmer que c'estchez les artistes lyriques elles musiciens qu'elles atteignent leur maximum d'intensité. A n'en pas douter, la phobie professionnelle des artistes, le trac, est une manifestation de neurasthénie psychique. C'est une phobie et elle est en rapport avec le degré de l'épuisement nerveux. En effet, c'est surtout à l'approche du concours qu'on les voit survenir inopinément sous l'influence d'un travail excessif. Il s'agit là d'une véritable neurasthénie de surmenage. Absolument découragés par la constatation de leur impuissance au travail, ils manifestent un véritable désespoir et une anxiété très pénible à la seule idée de comparaître devant les jurys de concours.

C'est dans ces conditions que beaucoup de jeunes gens qui se destinaient à la carrière lyrique ou théâtrale m'ont été amenés. Un traitement méthodique basé sur l'emploi de la suggestion hypnotique nous a toujours permis de traiter ces troubles émotifs avec le plus grand succès.

Les premiers résultats en ont été publiés en 1894. Plus tard, ayant acquis plus d'expérience dans l'application de la psychothérapie au traitement de ces phobies professionnelles,j'ai indiqué les temps principaux de la méthode rigoureuse à laquelle il convient de recourir pour obtenir la modification de la disposition de l'émotion morbide ('). C'est à cette méthode que je n'ai cessé de recourir depuis lors.

Les divers observateurs qui s'en sont inspirés dans leur pratique ont pu constater, comme moi, que le seul traitement efficace du trac des acteurs réside dans le traitement psychothérapique.

La nouvelle observation que je présente à la Société en apporte une confirmation des plus démonstratives.

Mlle D..., âgée de 22 ans, possède une voix douée des plus belles

(1) Bbbillox : Les neurasthénies psychiques : Phobies neurasthéniques envisagées au point de vue professionnel. {Revue de l'Hypnotisme, 9* année, n9 2,août 1904.)

3) Bsrii.lok : Le Irac des chanteurs et son traitement par la suggestion hypnotique. {Revue de l'Hypnotisme. 17* a nu ce, n* i'i. Juin 19«!;.

qualités. On lui prédit l'avenir le plus brillant. Mais lorsqu'elle doit se faire entendre en public, ces qualités sont absolument neutralisées par une anxiété intense qui s'accompagne d'une constriction douloureuse de la gorge. Sa vue se trouble, tout son corps tremble ; elle perd absolument contenance, et n'a plus qu'une seule idée, celle de s'enfuir.

Bien qu'elle se prêtât au traitement avec une bonne volonté manifeste, la production de l'état d'hypnotisme ne fut pas tout d'abord facilement réalisée.

Plusieurs séances furent nécessaires pour réaliser un état d'automatisme assez accentué. Dès lors, l'amélioration de l'état nerveux fut obtenu assez rapidement.

En lui demandant de vocaliser devant la Société, vous pouvez cons-ter qu'elle a acquis l'assurance qui lui faisait autrefois complètement défaut.

Il ne me parait pas inutile de rappeler que la guérison du trac sera d'autant plus sûrement obtenue qu'on se sera plus rigoureusement cor.for-mé à la méthode suivante :

1° Provoquer l'état d'hypnotisme, c'est-à-dire un état physiologique caractérisé par la diminution des diverses activités de l'esprit, et par l'augmentation de l'automatisme psychologique.

2° Procéder par des suggestions d'ordre générai à la rééducation de la volonté du malade et à la formation de son caractère.

3° .Réaliser par des suggestions particulières la représentation mentale des conditions dans lesquelles se manifeste te trac.

Ainsi, il faut transporter par la pensée le sujet hypnotisé dans une salle remplie de nombreux auditeurs et lui faire chanter ou exécuter les divers morceaux de son répertoire. On l'habitue progressivement à neutraliser les émotions ressenties, et à en triompher par un effort de volonté. Au bout de quelque temps, ces émotions finissent par s'émousser et le sujet arrive à les traiter comme une quantité négligeable.

L'application systématique de ces procédés psychologiques, en y associant les médications indiquées par l'état général du sujet, amène des guérisons remarquables par leur durée.

Le réflexe de la suggestibilité

par M. le Df Bérillon.

Un acte réflexe est un mouvement involontaire succédant immédiatement à l'excitation d'un nerf sensitif de la périphérie. Les trois caractères essentiels de l'acte réflexe sont donc les suivants: 1° Il n'est pas produit parla volonté.

2° Il succède à l'excitation périphérique d'un nerf sensible. 3" Il succède immédiatement à une excitation périphérique.

Or, il est un acte réflexe auquel je propose de donner le nom de réflexe de la. suggestibilité et qui se réalise dans les conditions suivantes :

Le sujet, debout, est invité à étendre ses bras en avant, les doigts étant écartés. Vous vous placez alors derrière lui,à une distance de trois à quatre mètres. Vous l'engagez, sans rien modifier à son attitude, à diriger fortement son attention de votre côté et vous lui annoncez que, lorsqu'il entendra un bruit soudain, produit par vos mains ou par tout autre procédé, son dos éprouvera une brusque attraction en arrière. Vous attendez un temps variant de dix à vingt secondes, puis vous faites entendre le bruit annoncé. Chez un grand nombre de sujets l'attraction en arrière que vous avez annoncée se manifeste immédiatement par un mouvement de recul. Si le bruit est renouvelé, à chaque choc perçu par l'oreille du sujet, le recul se reproduit et s'accentue, de telle façon que le sujet se rapproche de vous involontairement et d'une façon tout à fait irrésistible.

En renouvelant l'expérience, on constate une tendance à l'accentuation de ce mouvement de recul. Il se réalise chez le sujet comme une sorte d'accommodation à sa réalisation.

Bien entendu l'intensité de cet acte réflexe est très variable selon les individus. S'il en est chez lesquels il est extrêmement accentué, par contre chez d'autres il fait complètement défaut. Dans tous les cas, il est en rapport avec le degré de suggestibilité du sujet. Vous le constaterez lorsque vous tenterez de pratiquer l'hypnotisation. En effet l'hypno-tisation sera d'autant plus rapidement et plus profondément obtenue que le réflexe de la suggestibilité aura été révélé d'une façon plus apparente.

La production du réflexe de la suggestibilité peut varier chez le même individu sous l'influence de diverses conditions. Ainsi, pour qu'il s'atténue ou môme s'abolisse complètement, il suffit que le sujet soit sous l'influence d'une excitation alcoolique plus ou moins accentuée. Quand on le recherchera de nouveau chez le même sujet, étudié celte fois dans l'état d'abstinence, le réflexe de la suggestibilité redeviendra très apparent. Or cela est en rapport avec le fait que nous avons déjà mis en lumière, à savoir qu'il suffit de l'injection de la plus petite quantité d'alcool pour supprimer chez un sujet auparavant très hypnotisable, l'aptitude à être plongé dans l'état d'hypnotisme.

Dans la recherche du réflexe de la suggestibilité, le mouvement involontaire succède à l'excitation du nerf auditif. Le procédé n'est donc pas applicable aux personnes atteintes de surdité.

La révélation du réflexe delà suggestibitité s'opère tous les jours, sous nos yeux, dans la rue. En voici un des exemples les plus frappants : Un passant traverse la chaussée, occupant toutes les ressources de son attention pour se garer des voitures circulant en sens inverse. Si, tout à coup, le mot * garel » retentit soudainement à son oreille, d'un mouvement brusque et automatique, il se jettera de côté. Or, on peut inférer de ce simple mouvement réflexe qu'il est doué d'une suggestibilité très manifeste. l*ar contre, le même avertissement ne provoquera chez un

¡\TOgne aucune réaction motrice accusée. Cela tient à ce que la sugges-tibilité est momentanément abolie par l'excitation alcoolique. Le réflexe de la. suggestibilitè nécessitant, pour sa réalisation, la participation consciente du sujet, se rattache par cela aux réflexes décrits par M. Ch. Richet sous le nom de réflexes psychiques d'émotion.

La constatation du réflexe de la suggestibilitè comporte un certain nombre de considérations du plus haut intérêt pour ceux qui s'adonnent à la pratique de la psychothérapie. C'est, en efTet, sur l'existence de la suggestibilitè que repose la mise en œuvre de tous les procédés capables d'exercer une action thérapeutique sur les troubles qui se rattachent à des dispositions psychiques. Avant de recourir à un traitement psychologique et en particulier à la production de l'hypnotisme, il est toujours utile de connaître les ressources que peut présenter la suggestibilitè naturelle du sujet. Dans une prochaine communication, nous reviendrons sur les diverses modalités que présente le réflexe de la suggestibilitè et nous exposerons les déductions cliniques qui résultent de leurs constatations.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Séance annuelle de la Société eThypnologie et de psychologie

SEIZIEME SÉANCE ANNUELLE

Le Mardi 18 Juin 1907, à quatre heures précises.

La seizième séance annelle de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 18 juin 1907. à quatre heures précises, au Palais des Sociétés savantes, 8, rue Danton, sous la présidence d'honneur de M. Mirman, directeur de l'assistance et de l'hygiène au ministère de l'Intérieur.

Ordre du Jour :

1° Compte rendu de la situation morale et financière de la Société ; 2* Allocution de M. le Dr Jules Voisin, président ; 3« Rapport sur le prix Liébeault;

4° Communications et lectures. — Présentation de malades ; 5° Vote sur l'admission de nouveaux membres.

Question générale mise a l'Ordre du Jour : Les enfants et les adolescents anormaux (Classification, psychologie, pédagogie, traitement, assistance) D' Jules Voisin : Considérations générales relatives à l'assistance des anormaux.

DT Bérillon : La méthode hypno-pédagogique : ses applications ou traitement des enfants indisciplinés.

D' Doyen : La craniectomic en volet chez les enfants arriéres.

l)r Hurtrbl : Les anormaux pauvres (psychologie, pédagogie, assistance).

Dr Félix Regnault : Les anormaux dans l'antiquité (présentation de documents archéologiques).

M. Scié-Ton-Fa : La situation des anormaux en Chine.

Mlle Mulot, directrice de l'Etablissement des aveugles à Angers : Nouvelles méthodes pour l'instruction des aveugles et des arriérés.

M. Quinque, directeur de l'Etablissement médico-pédagogique de Cré-teil : Les méthodes de lecture à l'usage des enfants arriérés.

Dr Feuillade (de Lyon) : Applications pédagogiques de la suggestion. Discussion : Inscrits : Dr Paul Magnin, Dr Pamart, M. Bazin, directeur de l'Institut départemental des sourds-muets, M. Le Boucher, directeur de l'Ecole Théophile Rousset, Dr Mayoux, etc., etc. Communications déjà inscrites :

D' Paul Farez : Un sommeil de trente ans.

D' Demonchy : La phothothérapie adjuvant de la psychothérapie.

Professeur Ubeyd-Oullah (de Constantinople) : L'Islam et la pédagogie musulmane.

DT Paul Joire (de Lille) : Les interventions psychologiques capables

d'influencer la fécondité. DT Witry (de Trêves) : Les mucker de Kœnigsberg (étude de suggestion

religieuse).

Dr Dabout : La simulation inconsciente dans l'hystéro-neurasthénie.

Dr Pamart et de La Fouchardière : Applications de la suggestion hypnotique au traitement de Témotivité morbide.

Df Wiasemski (de Saratow) : Applications thérapeutiques de l'hypnotisme.

M. Lèpinay, médecin vétérinaire : Psychologie comparée : L'infanticide

chez les animaux. D' Paul Magnin : Rôle de Vexpectant attention dans l'exaltation de la

suggestibilité. Dr Lemesle (de Loches) : Les limites de la suggestion.

N.-B. — Le bureau de la Société adresse à tous nos collègues et en particulier à ceux de l'étranger et de province, l'invitation de contribuer à la solennité de la séance annuelle. — Après la séance, le banquet aura lieu à sept heures et demie, au restaurant du Palais des Sociétés savantes, sous la présidence de M. Mirman, 8, rue Danton. Prix : 8 fr. ; tenue de ville.

(i) Avis très important. — Nos collègues sont invités à adresser, dès à présent, les litres de leurs communications et leur adhésion au banquet au D' Bérillon, secrétaire général, 4, rue Castellane.

Le rot contagieux

En mangeant ou en buvant, on avale toujours une certaine quantité d'air qui, mélangé aux gaz des fermentations gastro-intestinales, doit être expulsé par l'une ou l'autre extrémité du tube digestif. La bienséance occidentale exige que ce renvoi ne se fasse pas en public. II en

est tout autrement en Chine. Non seulement il n'est pas inélégant de roter, mais cet exercice est devenu un usage et une cérémonie nationaux. Au Heu de faire un speech après le repas, l'hôte s'excuse d'avoir convié les invités à un si maigre repas, et n'a qu'une crainte, c'est de voir partir ses amis avec une faim et une soif non apaisées. Là-dessus, les invités protestent et louent en un style fleuri les plats exquis, puis placent les deux mains sur le ventre et défilent devant l'amphitryon en lui rotant au nez aussi fort et aussi souvent qu'ils peuvent le faire. Ils tirent donc du fond de leur estomac la preuve irréfutable et concluante qu'ils sont pleinement satisfaits. Rappelons à ce propos qu'un bon rot vaut mieux que les plus belles phrases lorsqu'il s'agit de remercier le chef arabe qui voua a fait l'honneur du Couscous.

D'ailleurs, il n'y a rien de plus contagieux que ces sortes d'incongruités. Dans certains milieux populaires, il suffit qu'un des convives donne le signal pour que son exemple soit imité par tous ses voisins. Par contre, il n'est pas d'habitude qui soit plus accessible à l'action de la volonté. Ceux qui, dès leur enfance, ont été habitués à réfréner ces mouvements spasmodiques, savent très bien les dominer et c'est avec raison que l'on dit d'eux qu'ils ont reçu une bonne éducation. La première de toutes les éducations doit consister à dominer certains réflexes. Le rot est un de ceux qu'il faut savoir réprimer.

Le traitement de l'insomnie

Broadbcnt in The Practionner, dit que dans les insomnies sans relation avec un état morbide défini, il devient nécessaire d'administrer un hypnotique, il faut se guider sur l'état de la pression sanguine.

Si la pression est abaissée, une lotion froide ou tiède avant le coucher fait mieux qu'un médicament somnifère quelconque.

S'il s'agit, au contraire, d'une tension exagérée, c'est l'hydrate de chloral qui convient : chez le vieillard on devra cependant lui préférer les préparations opiacées, telles que l'élixir parégorique dont on donnera une cuillerée à café.

Si c'est la dyspepsie qui est en cause, c'est au traitement spécial qu'il faut recourir.

Num conseille des mouvements, inspirations forcées contre les insomnies qui surviennent après quelques heures de sommeil, considérant qu'elles tiennent à un trouble de la circulation cérébrale. Huit à quinze inspirations profondes suffisent généralement à ramener la somnolence. C'est en tous cas un traitement bien inoffensif.

Ouvrages reçus à la Revue

Dr A. Montéuuis, directeur du Sanatorium de Sylvabelle : La cuisine et l'alimentation naturelles dans le monde, in-18, 320 pages, cartonné. Paris, Maloine, 1907.

Dr MoKTÉcuiS : Les déséquilibrés du ventre. L'entéroptose ou maladie de Glénard. Introduction du Dr F. Glénard. 1 vol. in-16 de 344 pages, 2« édition. J.-B. Baillière, Paris, 1897.

Dr Montéuuis : Les abdominales méconnues. Les déséquilibrés du ventre sans ptôse. Préface du Dr Huchard. In-16 de 366 pages. J.-B. Baillière, Paris, 1903-

Xaville : La religion des anciens Egyptiens (musée Guimet), in-12 de 270 pages. Leroux, Paris, 1906.

Cumons : Les religions orientales dans le paganisme romain (musée Guimet), in-12, 340 pages. Leroux, Paris, Ì907.

Conférences faites au musée Guimet, in-12,280 p. Leroux, Paris, 1906.

Renel : Les religions de la Gaule avant le Christianisme (musée Gui- . met), in-12, 400 pages. Leroux, Paris, 1906.

Oltramare : La théosophie brahmanique (musée Guimet), in-8, 385 pages. Leroux, Paris, 1906.

A. Leclerc : Les livres sacrés du Cambodge (musée Guimet), in-8, 340 pages. Leroux, Paris, 1905.

De Milloué : Bod Youl on Thibet ¡Le Paradis des Moines), 304 pages. Leroux, Paris, 1906.

Dr von Remer (d'Amsterdam) : Die uranische familie, grand in-8, 125 pages. Leipzig-Amsterdam, Von Maas et Von Suchtelen, 1906.

Jean de Laverdière : La question biblique chez les modernes Japonais, in-12, 330 pages. Stock, Paris, 1907.

Dr Moutin : Le magnétisme humain, l'hypnotisme et le spiritualisme moderne, in-12, 475 pages. Perrin, Paris, 1907.

Dr Fiessinger : Science et spiritualisme, in-12, 278 p. Perrin, Paris, 1907.

Dostoiewski : Le double : traduit du russe par M. Dieustork et L. Werth, 125 pages. Paris, Mercure de France, 1906.

Emile Pierret : Le péril de la race : avarie, alcoolisme, tuberculose, 310 pages. Paris. Perrin, 1907.

D' Grasset : Thérapeutique des maladies du système nerveux (Encyclopédie scientifique), in-1?, 600 pages. Doin, Paris, 1907.

Dr Grasset: L'occultisme hier et aujourd'hui, in-8,430 pages. Masson, Paris, 1907.

Antoine Dupin : Le dogme de la Trinité dans les trois premiers siècles,

in-12, 77 pages Librairie critique, Emile Xourry, 14, rue X.-D.-. de-Lorette, Paris, 1907. — 1 fr. 25. Dr Binet-Sanglé : Les lois psycho-physiologiques du développement des

religions. (L'évolution religieuse des Rabelais, Pascal et Racine).

(Bibliothèque l'Ecole de psychologie), in-12, 400 pages. Maloine,

Paris, 1907. — 3 fr. 50. Loriaux : L'autorité des évangiles : question fondamentale, in-12, 155

pages. Xourry, Paris, 1907. —I fr. 25. Emile Bocquillon : Pour la patrie, préface de M. George Duruy, in-1?,

572 pages. Vuibcrt et Xony, Paris, 1907.

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

Abeilles sont-elles capables de réfléchir (Les), par Bonnier, p. 190.

Agoraphobie guérie par choc moral, par Mercier, p. 352.

Alcoolisme et tir, p. 191.

Banquer en l'honneur du Dr Bérillon, p. 1, 33, 73, 98.

Berthelot (La mort de M. le professeur), par Bérillon, p. 289.

Bois (Jules) à la Société des gens de lettres, p. 286.

Causes morales des psychonévroses, p. 318.

Certificat d'études médicales supérieures, p. 97.

Chien acteur comique, p. 287.

Classification et assistance des enfants dits « anormaux intellectuels ». par Jules et Roger Voisin, p. 175.

Concours de l'agrégation en médecine et les privat-docenten, par Bérillon, p. 257, 290, 323, 354.

Commission des réformes de l'enseignement médical, par Bérillon, p. 289.

Confusion mentale hystérique, par

Raymond, p. 29. Confusion mentale héréditaire et

acquise, par Raymond, p. 187. Congrès de l'Association française

pour l'avancement des sciences, p.

65.

Congrès des praticiens, p. 321. Congrès des aliénistes et neurologistes,

p. 65.

Consultations médicales, par le Dr Huchard, p. 28S.

Cours du Dr Voisin à la Salpêtrière, p. 219, 255.

Cours de Psychologie appliquée à l'éducation, par le Dr Bérillon, à l'Ecole de psychologie, p. 288, 320.

Cours libre de psychopathologie du tube digestif à la l'acuité de médecine de Paris, par Paul Farez, p. 320.

Cours pratique d'hypnotisme et de psychothérapie, par Bérillon et Farez, p. 352.

Critique du livre de Dubois (de Berne), par Bonjour, p. 7, 50.

Discours de M. Bienvenu-Martin, p.

238.

Distinction honorifique, (Hallopeau) p. 32, (Magma et Lemesle) p. 233.

Division du travail chez les abeilles, par Bonnier, p. 218.

Ecole de psychologie, p. 160, 193,

220, 225, 226. Empirisme et remèdes populaires, p.

96.

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie, p. 255.

Entrainement (Psychologie del'), La-grange, p. 243, 272.

Enfants menteurs et simulateurs, p.

Epidémie mystique, p. 32. Extase religieuse, p. 349.

Fariisme (Braidisme et), par Dalgado,

p. 116, 132. Force motrice humaine, p. 63.

Grenouille dans l'intestin, par Bousquet, p. 282.

Hoquet (Un traitement du), par Ar-

gellier, p. 189. Hyperhydrose guérie par suggestion,

par Srezniewski, p. 127. Hypnotisme (une expérience de

grand), p. 319. Hystérie infantile, par Raymond, p.

251.

Insensibilisation par la lumière bleue,

par Pamart, p. 190. Institut psycho-physiologique p. 223. Intelligence chez un chien, p. 219. Intimidation (Psychologie de l'), par

Bérillon, p. 3. Initiation sexuelle, par Bérillon, p.241. Insomnie (traitement de 1"), p. 379.

Jésus de Nazareth (Introduction à la psychologie de), par Binet-Sanglé, p. 220.

Kleptomanie, par Bérillon, p. 168.

Mal de mer vrai et mal de mer imaginaire, par Regnault, p. 200.

Mal de mer (action préventive de la suggestion contre le), par Van Ren-terghem, p. 204.

Mal de mer, suggestion hypnotique et expérimentation psychologique, par Bonjour, p. 206.

Mensonges d'hystériques, p. 129.

Mensonge et intimidation, par Paul Farez, p. 79.

Méthode hypnopédagogique au Patronage Rollet, par Pamart, p. 90.

Miracle moderne : un chapelet de voyantes, par Jules Bois, p. 361.

Morale professionnelle du médecin, p. 253.

Mythomanie, p. 126.

Neurasthénie grave, par Damoglou, p. 17.

Occultisme (Psychologie de 1'), par

Baron, p. 163. Ouvrages déposés à la Revue, p. 128,

224, 370.

Parasitisme et mutualisme dans la nature, par Laloy, p. 255.

Pédagogie à l'Avancement des Sciences, p. 30.

Peurs collectives suggérées, p. 63.

Prostitution (Evolution de la), par Regnault, p. 188.

Psychologie de la voix, par Demon-chy, p. 20.

Psychologie des foules, par Brousset, p. 170.

Psychothérapie graphique, par Bérillon, p. 337.

Ramon y Cajal et le Prix Nobel, p. 129.

Rapport médico-légal sur la voyante de Saint-Quentin, par Magnin, p. 1, 146.

Rééducation de l'attention dans le traitement de l'hystérie, par Bérillon, p. 334

Référendum du Dr Huchard, p. 194.

Réflexe de la suggestibilité, par Bérillon, p. 373.

Réforme de la loi de 1838 par Rodiet,

p. 123.

Réforme de l'enseignement médical,

p. 257, 321. Rôt contagieux, p. 378.

Séance annuelle, p. 89. Séance annuelle (quinzième), p. 352. Séance annuelle (seizième), p. 377. Société d'hypnologie et de psychologie, p. 60, 95. 126, 160, 174, 189.

203, 211, 219, 241, 243, 232, 280,

286,318, 339, 351,376.

Soleillant (A propos du crime de), par Regnault, p. 281.

Sommeil hystérique, par Witry, p.92.

Sommeils pathologiques chez les animaux, par Paul Farez, p. 195.

Sommeil (Importance physiologique

du), par Acland, p. 130. Sommeil provoqué en psychothérapie

(Valeur propre dut, par Bérillon, p.

23.

Sommeil et détente, par Dauriac, p.23. Sommeil et monoïdéisme, par Pamart, p. 61.

Sorciers (La croyance aux), p. 190.

Suggestion (A propos de la définition de la), par Louis Favre, p. 25.

Suggestion médicamenteuse, par Bérillon, p. 26.

Suggestion hypnotique et développement de la mémoire, par Damoglou, p. 278.

Suggestion appliquée au costume militaire, par Michel, p. 295, 327, 369. Superstition en Russie, p. 64. Superstition royale, p. 287.

Tabac et cerveau, p. 128.

Technique de la suggestion hypnotique à distance (par lettre), par Joire p. 154.

Tics chez les animaux, par Lépinay et Grollet, p. 212.

Timidité chez l'enfant, par Lucie Bérillon, p. 264, 300.

Timidités (Les), par Bérillon, p. 3.

Timidité dans la pathologie des psycho-névroses (Du rôle de la), par Bérillon, p. 207.

Timidité en Orient, par Damoglou, p. 210.

Timidité morbide, par Damoglou, p.

339.

Toxicomanie et suggestion hypnotique, par Damoglou, p. 279.

« Trac » chez des exécutants, par Paul Farez, p. 184.

Trac des chanteurs (Traitement psychologique du), par Bérillon, p. 374.

Valeur suggestive des médicaments

en thérapeutique, par Hahn, p. 309. Vieillesse (Psychologie de la), par

Pachantoni, p. 342. Vision d'une somnambule, par J. Ber-

tillon, p. 83. Voyantes (Un chapelet de), par Jules

Bois, p. 361.

TABLE DES GRAVURES

Dr Bérillon, p. 33.

La section de pédagogie à l'Association pour l'Avancement des Sciences, p. 68.

Ecole de Psychologie, p. 220.

Institution médico-pédagogique de

Créteil (supplément, p. 5). Institut hydrothérapique du Vésinet,

(supplément, p. 8).

TABLE DES AUTEURS

Achille, p. 74. Acland, p. 1?0. Archambaud, p. 4S. Argellier, p. 189. Arnozan, p. 190. Aubeau. p. 46. Baron, p. 16?.

Berillon (Edgar), p. 1.3,??,?5,2?,65, 100, i53, 168, 18?, ioi, 107, 109. ??, ???. 24K 357, 289, 290, ?2?, 337, 341,352, 354, 374, 375.

Berillon (Lucie), p. 264, ?00.

Bertillon (Jacques), p. 83.

Bienvenu-Martin, p. 99, 2?8.

Bilhaut, p. 45

Binet-Sanglé, p. 20?.

Bois (Jules), p. ?61.

Bonjour, p. 7, 5o, 206.

Bonnier, p. 190, 318.

Bony, p. 20a.

Bousquet, p. 282.

Broadbent, ?79.

Broda, p. 349.

Brousse!, p. 170.

Callamand, p. 7*-

Dalgado, p. 116, i3ï.

Damoglou, p. 17,303.210,278,379,33«».

Dauritc, (Lionel), p. ??.

Demonchy, p. ao, 209.

Farez (Paul), p. 4?, 79. 9*. lS4-

195, 201, ?20, 35?. Favre (Louisl, p. ?5, 153.

Féron, p. 77; Grasset, p. 6?. Gréhant, p. 49-Grollet, p. 212. Hahn, p. 309. Huchard, p. 98. Joire (Paul), p- i54. Lagrange, p. 243i 272-Laloy, p. 354.

Le Menant des Chesnais. p. 202. Lépinay, p. *o3, 212. Lippmann, p. 65.

Magnin (Paul), p. I, 44, 146, 201, 200,.

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UAdrninistrateur-Gèra.nt : Ed. BERILLON

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