(1905) Revue de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique, Tome 20
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(1905) Revue de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique, Tome 20

REVUE

de

L'HYPNOTISME

et de la

PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE

VINGTIÈME ANNÉE

REVUE

de

L'HYPNOTISME

et de la

PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE REVUE DOCUMENTAIRE ILLUSTRÉE

PSYCHOLOGIE — PEDAGOGIE — MÉDECINE LÉGALE MALADIES MENTALES ET NERVEUSES

Rédacteur en chef : Docteur Edgar BÉRILLON

collaborateurs fondateurs

CHARCOT; DUMONTPALLIER; LUYS; MESNET; Aug. VOISIN; AZAM; DELBOEUF (de Liège); HACKTUKE (de Londres); LIÉBEAULT (de Nancy); A. de JONG (La Haye); SEMAL (de Mons); TOKARSKI, (de Moscou) ; TARDE.

principaux collaborateurs

MM. les D" BERNHEIM. p* à la Faculté de Nancy ; BABINSKI, méd. de la Pitié; BREMAUD (de Brest); BRI AND, méd. de l'Asile de Villejuif; CRUISE (de Dublin); L. DAURIAC, prof, à la Faculté des lettres de Montpellier; GUIMBEAU; W. DEKHTEREFF (de St-Péterebourg) ; VanEEDEN(d'Amsterdam); GRASSET, prof, a la Faculté de Montpellier; BlNET-SANGLE; .JENNINGS,P.JOIRE, (de Lille); JAGUARIBE(San-Paulo): LACASSAGNE,rof, à la Faculté de Lyon; LADAME (do Genève); LEGRAIN, méd. de l'Asile de Vaucluse; Henry LEMESLE ; LLOYD-TUCKEY (deLondies); MANOUVRIER; prof, à l'Ecole d'Anthropologie; MASOIN, prof, a l'Université deLouvain ; MILNE BRAMWELL (de Londres); MABILLE, méd. de l'Asile de Lafond; Paul MAGNIN, prof, à l'Ecole de psychologie; MORSELLI (de Gènes); DE PACKIEWICZ (do Riga); ORLITZKY (do Moscou); PITRES, prof, à le Faculté de Bordeaux; RAFFEGEAU ( du Vésinoï) ; Félix REGNAULT; Charles RICHET, prof, a la Faculté de Paris ; Van RENTERGHEM, (d'ArasWrdam) ; Von SCHRENK-NOTZING (de Munichi ; SPERLING (de Berlin); J. VOISIN. med. de la Salpétrière; STEMBO(deVilna); VLAVIANOS (d'Athènesi; WETTERSTRAND (de Stockholm); LIEGEOIS, prof, à l'Univ. de Nancy; BOIRAC, recteur del'Univ. de Dijon ; Pierre JANET, agrégé de l'Université ; Max DESSOIR (de Berlin); STUMPF, prof. à l'Univ. de Berlin ; Ch. JULLIOT ; Max NORDAU ; Secrétaire de la Rédaction : D' Paul PAREZ.

LE NUMÉRO : 60 CENT.

Rédaction et Administration : 4, rue Castellano, Paris (8e). Téléphone ; 224- 01 1906

20e Année. — N° 1.

Juillet 1905.

?ULLETIN

L'éloge de Tarde a la Société d'hypnologie et de psychologie. Un suicide en Annam.

La séance annuelle de la Société d'hypnologie et de psychologie, a eu lieu sous la présidence de M. le Dr Albert Robin, membre de l'Académie de Médecine, assisté de M. le professeur Beaunls, membre d'honneur de la Société, de M. le Dr Brousse, président du Conseil municipal de Paris, de M. le Dr Jules Voisin, président, et de MM. le professeur Lionel Dauriac et D' Paul Magnln, vice-présidents.

M. Lionel Dauriac a prononcé l'éloge du professeur Gabriel Tarde et du Dr Brémaud, médecin en chef de l'escadre du Nord. Dans une étude éloquente 11 a retracé l'œuvre psychologique et sociologique de Tarde, montrant que Tarde s'est assuré, par son livre sur les lois de l'imitation une réelle immortalité. Ensuite, Il û fait revivre pour un Instant la physionomie si expressive de Brémaud, chez lequel s'était manifestée, à un moment de son existence une vocation Inattendue pour la pratique de l'hypnotisme. Ce travail sera publié dans un de nos prochains numéros.

Le prix Liébcault a été décerné cette année à M. le DrMarnay, de Loches, pour sa thèse sur le traitement des buveurs d'habitude par la suggestion hypnotique*

Après avoir entendu de nombreuses communications, les membres de la Société se sont réunis dans un banquet amical, dont nous donnons plus loin le compte-rendu.

» •

Un suicide en Annam.

M. le Dr Sollaud fut appelé, lorsqu'il assurait le service médical de la prison d'Hanoi, à constater un décès dû à un mode de suicide Inédit.

a II s'agissait d'un mandarin de province, accusé de trahison et, de ce fait, détenu depuis deux mois. A plusieurs reprises déjà le captif avait tenté de se laisser mourir de faim. Ace régime. Il était devenu d'une maigreur véritablement squelettique. Conformément à l'esthétique annamite, il conservait ses ongles très aristocratiquement longs, et n'en était pas peu fier, ceux-ci atteignant de 3 à 4 centimètres de longueur, ceux des deux auriculaires arrivant presque au double de longueur. Ce prisonnier eut l'atroce et Ingénieuse pensée de chercher, dans cette parure naturelle, les instruments de son suicide. Il avait eu l'incroyable courage, déjouant toute surveillance,

de se labourer le ventre avec ces armes d'un nouveau genre. De ses propres mains, il s'était déchiqueté, tailladant de chaque côté de l'ombilic, sur une longueur de 12 à 15 centimètres, en suivant le bord externe des grands droits de l'abdomen ; il avait opéré avec autant de rage farouche que d'énergie muette, entamant la peau, le tissu cellulaire sous-cutané, — ou du moins le peu qui en restait, — l'aponévrose d'enveloppe, atteignant jusqu'au péritoine et à l'intestin.

c Tout était fouillé, lacéré, contus, éraillé, et cela formait une bouillie informe, 1' « horrible mélange » du poète, où se confondaient les tissus entamés, le sang et les matières fécales. C'avait été, mais avec un raffinement d'horreur et de torture silencieusement endurée, un pastiche effroyable du kara-kiri des Japonais.

« Ce suicide, rare et sensationnel, eut une conséquence pratique : ce fut désormais pour tout détenu l'obligation formelle de se laisser couper les ongles au moment de sa mise en prison, » Dans tous les cas, ce mandarin a donné la preuve d'une force de volonté dont on trouverait peu d'exemples chez des Européens.

Les Femmes à barbe : Étude psychologique et sociologique (suite)(1).

Par M. le Dr Berillon Professeur à l'Ecole de Psychologie

Les femmes a barbe dans l'histoire.

Le premier des auteurs qui mentionne l'existence de femmes à barbe est Hérodote (2). Cet historien raconte qu'il en a existé à Pédase, ville célèbre dans l'antiquité, située dans la Carie occidentale, non loin d'Halicarnasse. Lorsqu'un malheur menaçait les Pédasiens ou leurs voisins, une longue barbe poussait au menton de l'une des prêtresses qui desservaient le temple. Ce phénomène étrange s'était produit plusieurs fois.

Aristote (3) a fait également allusion à ces événements dans son Histoire des animaux. A ce sujet, il s'exprime ainsi : « La femme n'a pas de poils au menton; ce n'est qu'exceptionnellement que quelques-unes en ont un peu, quand leurs règles viennent à cesser. Les prêtresses de Carie en ont aussi, et elles ont regardé cela comme un présage de l'avenir. »

Dans un autre endroit, Hippocrate cite l'exemple d'une femme d'Ab-dere, Phœtusa, dont le mari était depuis longtemps retenu en exil et qui, un matin, se réveilla barbue. Bien qu'il ne le dise pas expressément, Hippocrate semble considérer la continence forcée, à laquelle elle était condamnée par l'exil de son mari, comme la cause essentielle de l'apparition de la barbe chez Phœtusa. Il rapporte également le cas de Namysia, épouse de Gorgiphus, de Thasos, chez laquelle l'appa-

(1) Voyez Revue de l'Hypnotisme, n° de juillet 1901 et nos suivants.

(2) Hérodote : L. 1, Ch. CLXXV et L. VIII. Ch. civ. p. 68 et 412 (édition Firmin-Didot).

(3) Aristote : Histoire des animaux, L. III, Ch. x.

rition de la barbe coïncida avec une suppression des règles. Namysia fut examinée non seulement par lui, mais aussi par de nombreux médecins. Ils furent d'accord pour admettre que le retour des règles pourrait seul exercer une action efficace sur la disparition de cette barbe.

Pline a aussi mentionné le fait de barbe survenant sous l'influence de la ménopause prématurée (1).

Chez les Romains, une loi tirée des Douze tables défendait expressément aux femmes de se raser les joues. » Mulieres gênas ne radundo », tels sont les termes de cette loi. Cicéron (2) qui commente cette loi pense qu'elle avait été instituée afin de s'opposer à ce que les femmes parvinssent, à force de se raser, à se faire pousser de la barbe. D'autres commentateurs ont supposé que la loi devait plutôt avoir pour but de contrarier des dispositions trop grandes à la coquetterie. L'existence de la loi n'en prouve pas moins une certaine exagération du système pileux sur le visage de quelques matrones romaines.

*

Ce n'est pas toujours en se montrant dans les foires que les femmes à barbe sont arrivées à la célébrité. Il en est qui ont joué un rôle important dans l'histoire. Les documents figurés les plus anciens qui représentent des femmes avec le menton orné de barbe, proviennent de l'Egypte ancienne. Ces images concernent tout d'abord la déesse Isis (s), puis la fameuse Hatshopsitou, reine de la 18* dynastie thébaine.

Hatshopsitou, dont le prénon est Râ-mâ-Kà, était la femme de Thout-mosis II qui succéda à Thoutmosis I" sur le «t siège d'Horus ».

Les portraits de la reine Hatshopsitou, lorsqu'on les découvrit, jetèrent le plus grand trouble parmi les premiers Egyptologues. Pour expliquer ces images, Champollion (4) fut entraîné à supposer l'existence d'un régent amenenthès, doublet mâle et mari d'Hatshopsitou. Cette hypothèse adoptée par Rosellini (5), avec quelques modifications légères, fut repoussée par Birch (e). Celui-ci démontra l'identité des deux personnages séparés par Champollion et prouva qu'ils ne faisaient qu'une seule reine; il la nomma Amoun-noum-he. Il fit d'elle une sœur d'Amenothès I'r. Associée au trône par ses frères Thoutmosis I" et Thoutmosis II, régente au début du règne de Thoutmosis III. Hincks (7) montra que Hatshopsitou était la fille de Thoutmosis Ier; la femme de

(1) Pline ; Histor., Lib. II.

(2) Cicéros : De hgibus, Lib. II.

(3) Nous en donnerons la représentation dans le chapitre ayant pour titre : les femmes à barbe dans la religion.

(4) Champollion : Lettres écrites d'Egypte, 2- édition, p. 293-298.

(5) RoSELLiSi : Afouvementi storici. T. I, p. 220-230 et t. III, p. 129.

(6) Arcndale — BONOMI — Birch : Gallery of anliquities selected from the British Muséum, p. 77-79.

(7) Hiscks : on the Years and Cycles used by the ancient Egyptians, membre de l'Académie de Dublin, 2, xviii, 2e partie, p. 192.

Thoutmosis ÏI et la scour de Thoutmosis III. C'est seulement dans ces derniers temps que Maspero (') a reconnu la filiation et lui a assigné sa place réelle dans la famille. Elle n'était pas la sœur, mais la tante de Thoutmosis III.

Lorsque Thoutmosis II monta sur le trône, Thoutmosis I" venait, après des guerres heureuses en Xubie et en Syrie, d'achever son existence au sein d'une pais profonde. Il avait doté Thèbes de monuments considérables, et contribué au développement de villes importantes telles

Flg. 59. — Ilauhopsitou, raine de la 18* dynastie thébaino.

que Koummeh, Elephantine, Abydos et Memphis. Comme l'étiquette exigeait la présence d'un mâle à la tête du gouvernement, Hatshopsitou abandonna les apparences du pouvoir et la pompe extérieure à son mari, mais elle voulut avoir seule la direction des affaires. Son mari était d'ailleurs adolescent, beaucoup plus jeune. Pour assurer son autorité et contenir les ambitions qui s'agitaient autour d'elle. Hatshopsitou eut à faire preuve d'une grande fermeté de caractère. Elio se préoccupa de faire oublier qu'elle élait une femme. Cette préoccupalion se retrouve dans les portraits dessinés pour perpétuer sa mémoire, et il n'y a rien de plus singulier que les monuments thébains où elle est représentée, entourée des attributs du pouvoir et le menton orné de barbe. Les portraits qui nous sont conservés d'elle lui prêtent une ligure fine, hautaine, énergique; l'ovale de la face est allongé, la joue un peu

(1) Maspero : Noies au jourU jour. Ch. IC. Proceedings de la Société d'archéologie biblique, 1892, 2 Xiv, p. 170-lSî.

maigre, l'œil enfonce, assez creux sous l'arcade sourcillière, le front bas, la bouche mince et serrée aux coins. Elle gouverna d'une façon si ferme que ni l'Egypte ni les vassaux étrangers ne tentèrent sérieusement d'échapper à son autorité. Une course où l'on fît nombre de prisonniers, punit quelque mouvement des Shaousou, dans la Syrie méridionale, et quant aux peuples de l'Ethiopie, les razzias ordinaires mirent bon ordre à leurs velléités de révolte. Lorsqu'on vint dire, en l'an II, à Thoutmosis II, que les barbares du Haut-Nil n'observaient plus les con-

Fig. 60. — Hatshopsitou, relue de la ls* dynastie ihébalne, représentée avec de la barbe.

ditions que son père leur avait imposées, il « entra en fureur comme une panthère » rassembla ses soldats et partit en guerre sans plus tarder. Sa présence à l'armée abattit les courages des rebelles et ce fut assez de quelques semaines pour briser les résistances...

Tels sont les détails que Maspéro nous donne sur la reine Hatshopsi-tou et sur son époux (1). II faut ajouter que le règne d'Hatshopsilou ne fut pas seulement marqué par la gloire des armes, les arts y furent particulièrement honorés, des monumenis grandioses furent construits par ses ordres, et elle fit éleva à Karnak deuxobélisques qui sont le chef-d'œuvre de la gravure égyptienne. (2)

Mais ce qui au point de vue particulier auquel nous nous plaçons, doit

(1) MasperO, Histoire ancienne de l'Orient. — Les premières mêlées des peuples. T. II., p. 237. 238.

(2} L'existence de la barbe dans les portraits d'Hatsbopsitou nous avait été signalée par M. Bénédite, le savant égyptologue.

retenir quelques instants notre attention, c'est la représentation de la reine Hatshopsitou (Fig 59} telle que nous la donnent deux dessins de M. Faucher-Gudin, l'une d'après une photographie de Naville ('), l'autre d'après une autre photographie de M. de Mertens (Fig. 60) (a). Oesfigures ornées d'une barbe, comme le sont d'ailleurs les autres portraits de.la reine, permettent-elles de la considérer comme une femme à barbe? Pour nous cela n'est pas douteux. Les artistes à cette époque, avaient comme ceux d'aujourd'hui la préoccupation de faire des portraits res-

Fig. 61. — La reine Ahmasi. mère de la reine Hatshopsitou.

semblants. S'ils ont orné le visage d'une barbe aussi nettement dessinée, dans sa forme conventionnelle qu'on retrouve dans tous les portraits masculins de l'époque, c'est qu'elle en était réellement pourvue. Ce qui le prouve, c'est que ni le portrait de la reine Ahmasi (Fig. 61), mère d'Hatshopsitou. ni celui de la reine Moutnofrit, mère de son mari, le roi Thoutmois II ne portent de barbe. La reine Hatshopsitou avait une barbe complètement développée, et c'est ce qui l'a déterminée à la laisser croître comme l'ont fait toutes les femmes à barbe dont nous avons donné le portrait. Les femmes à barbe ne rougissent pas du développement de leur système pileux, et n'en sont pas humiliées lorsqu'elles

(t) Dessin de Faucher-Gudin. d'après la photographie de Naville, the Temple of Deir-el-Bahar, pl. xin.

(î) Dessin de Faucher-Gudin, d'après nne photographie de M. de Mertens. Rapportée par Lepsius cetta statue est conservée au Musée de Berlin. Erman, ausführliches Verreichnist, p. 79, n8 3301 et p. 83, n° 2279.

sont douées d'une barbe bien dessinée et complètement formée. C'est seulement lorsqu'elle est incomplète, irrégulière ou mal répartie, qu'elles se préoccupent de la dissimuler en l'épilant ou la rasant. Or les portraits d'IIatshopsitou nous démontrent que la barbe descendait en éventail sur sa poitrine. Dans ces conditions, elle n'a pas dérogé à la règle générale, elle s'est montrée fîère de cet attribut, qui en faisaitl'égale apparente de l'homme, et ne pouvait que concourir à assurer son autorité. C'est ainsi que les. artistes se sont conformés à son désir, et nous ont transmis des portraits qui sont assurément conformes à la réalité.

Quelques siècles plus tard, Sémiramis, qui régna sur l'Assyrie, a été aussi représentée par plusieurs autours anciens comme une femme à barbe. Le fait est certifié avec diverses indications bibliographiques à l'appui, dans un chapitre de l'ouvrage si curieux publié en 1715 par Pagenstechéri, sous le titre : Cur Venus barbata? (') Pourquoi Vénus a-t-elle été représentée avec de la barbe ! Mais comme on n'a sur cette femme célèbre que des traditions légendaires, nous nous bornerons à men-tionnerces affirmations, sans y consacrer de plus longs développements.

*

* •

A une époque beaucoup plus rapprochée de nous, Marguerite d'Autriche, duchesse de Parme, qui gouverna les Pays-Bas, avait une très longue barbe. Ses panégyriques assurent qu'elle s'en montrait très fière, et ne chercha jamais à en contrarier le développement.

Marguerite d'Autriche était née à Bruxelles, en 1522; elle mourut à Ortonna (Italie), en 1586. Elle était fille naturelle de l'empereur Charles-Quint et de Jeanne Van der Gheenst, qui était elle-même fille d'un ouvrier tapissier d'Audenarde. Charles-Quint fit élever sa fille dans la famille de Douvrin, puis elle séjourna à la Cour de sa tante Marie d'Autriche, reine de Hongrie. En 1532, à l'âge de dix ans, son père la maria à Alexandre, duc de Florence, qui fut tué en 1537. On lui fit épouser alors Octave Farnèse, âgé seulement de douze ans, qui fut plus tard duc de Parme et de Plaisance. La disproportion d'âge et leur caractère impérieux empêchèrent les deux époux d'être jamais très attachés l'un à l'autre. Il naquit cependant de ce mariage un fils, Alexandre Farnèse qui commanda l'armée du roi d'Espagne dans les Flandres.

En juin 1559, elle fut chargée du gouvernement des Pays-Bas par son frère Philippe II, qui les quittait pour se rendre en Espagne.

Prenant le pouvoir dans des circonstances extrêmement difficiles, elle se conduisit avec une grande prudence et, par diverses mesures, arriva

(1) V. Fr. Wilh. Pagentechêm. De barba, liber sîngutaris, 1715. Lemgovice. ¦ L'auteur s'exprime ainsi : Barbata est étiam Sémiramis et sexum mentita, cum pestmortem mariti se pro uxore stmulaveril filium et pro femina masculum (Vide Justinian. Lib. I cap. î. et V. Bupert, and Behold. cap. 3. p. m. 39 ) ut hinc ob hases congruentias fit dubium quia Venus, et quidam barbata Venus sitipsa Sémiramis.

à calmer la surexcitation des esprits. Elle fit demander à Philippe II d'adoucir les édits de religion, mais le roi d'Espagne répondit qu'il voulait qu'on poursuivit avec rigueur les hérétiques. Cette décision rendit une révolution imminente. Marguerite dut prendre des mesures énergiques pour combattre l'insurrection. Elle y réussit, sans cependant cesser de faire preuve d'une grande modération dans ses décisions.

La gravure du temps que nous publions la représente au moment où, revêtue de somptueux atours, et entourée de la pompe royale, elle fait

F - ¦ (i?- — Marguerite d'Autriche, gouvernante- dea Pays-Bas, femme à barbe, rendant la Justice dans son palais (làîMôSC).

comparaitre devant elle un des conjurés. Le graveur n'a pas omis d'orner son visage d'une moustache et d'une barbe assez longue. Le fait indique nettement que Marguerite n'était nullement humiliée par le fait d'avoir de la barbe. Au contraire, l'auteur de la Ponogologie, nous apprend qu'elle s'en glorifiait, et, persuadée qu'elle contribuait à lui donner un air de majesté, elle se gardait bien d'en retrancher le moindre poil.

Voici d'ailleurs le portrait que nous en laisse Prescott ('], dans son histoire du règne de Philippe IL x Marguerite ressemblait beaucoup à sa tante Marie de Hongrie ;

(i) Prescott : Histoire du règne de Philippe //. T. IL

comme elle, Marguerite aimait passionnément la chasse à courre, et elle se livrait à cet exercice avec une intrépidité qui eût effrayé le plus hardi chasseur. Elle n'avait guère cette douceur naturelle qui est le propre de son sexe, mais elle se montrait singulièrement virile dans toute sa conduite, de sorte que, pour rendre les expressions de l'historien Strada, elle semblait, dans ses habits de femme un homme en jupons. Pour ajouter à l'illusion, la nature lui avait donné quelques poils au visage. Sous cet aîr viril, Marguerite n'était pas dépourvue des qualités qui font l'ornement de la femme. Son caractère était bon ; mais elle prenait trop les conseils des autres, et plus qu'à ses propres inclinations on peut rapporter à cette influence, les actes qui lui sont le plus reprochés. ¦

« Elle avait un jugement excellent, une compréhension prompte. Elle s'accommodait avec une grande souplesse aux exigences de sa position et montrait dans la conduite des affaires une rare adresse, acquise peut-être à l'école des politiques italiens ».

Quand Marguerite eut rétabli l'ordre dans les Pays-Bas, Philippe II y envoya, en 1567, le farouche duc d'Albe, avec la mission de réduire l'hérésie môme par les moyens les plus sévères et les plus barbares. Marguerite, qui s'était concilié les sympathies d'une grande partie des habitants, ne voulut pas s'associer à ces mesures de rigueur. Elle se démit de ses hautes fonctions, et rejoignit son mari en Italie où elle passa le reste de sa vie.

Telle fut, en résumé, l'existence de cette souveraine dotée par la nature de quelques-uns des apanages de la virilité, mais qui n'en resta pas moins femme par la grâce de son esprit, par son élégance et par sa bonté. Si elle manifesta quelque disposition à se livrer à des exercices violents, et en particulier à la chasse à courre, il ne faut voir là que la manifestation du pouvoir de l'éducation. En effet, elle avait été élevée à l'école de sa tante Marie de Hongrie qui elle, sans avoir de barbe, faisait preuve des sentiments les plus virils. « Pénétrante, résolue, altière, infatigable, dit M. Mignet, elle était propre à l'administration et même à la guerre : pleine de ressources dans les difficultés, elle portait dans les périls une pensée ferme et un mâle courage et ne se laissait surprendre, ni abattre par les événements. » Ce qui prouve une fois de plus que ce n'est pas dans les attributs do la virilité qu'il faut chercher les éléments du courage et de l'action-' mais bien dans la formation du caractère et dans l'éducation de l'esprit.

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Pour être aussi complet que possible, nous devons signaler encore quelques cas de femmes a barbe dont l'existence a été mentionnée par les historiens et par les encyclopédies (1). Pendant ses campagnes, Charles XII avait dans son armée, un grenadier femme. Ce n'étaient,

(1) Le P. o:.- : Recherches sur la barbe. Mercure français, mars : 765.

dit un auteur contemporain, ni la barbe, ni le courage qui lui manquaient pour être un homme. Elle fut prise à la bataille de Pultawa et amenée ensuite à Saint-Pétersbourg où on la présenta au czar, en 1709. Sa barbe mesurait une aune et demie de longueur.

Le Dictionnaire des femmes célèbres nous apprend qu'Anne de Vaux, héroïne du XVIIe siècle, native d'un village près de Lille, en Flandre, se déguisa en homme, poussée à cela sans doute par la barbe qu'elle avait au menton, et put partir dans l'infanterie sous le nom de Bonne Espérance. Elle se distingua par sa valeur, et obtint une lieute-nance dans le régiment du baron de Merci.

Il convient encore de mentionner une femme à barbe qui servit dans

63. — Portrait d'une femme à barbe ayant vécu au xvtp siècle,

les armées de Marie-Thérèse d'Autriche. Elle s'était engagée dans un régiment de hussards et, par sa bravoure, elle y conquit plusieurs grades. On assure même qu'elle était parvenue au grade de chef d'escadron après avoir même rempli les fonctions de professeur d'équita-tion et d'instructeur. Lorsque des circonstances inattendues eurent fait découvrir son sexe, elle dut démissionner. L'impératrice Marie-Thérèse lui fit servir une forte pension, mais elle dut prendre l'engagement déporter toujours des habits de femme.

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» »

Les femmes à barbe n'ont pas seulement frappé l'imagination populaire. Les rois et les grands seigneurs s'intéressaient également à ces phénomènes. Les uns, comme Ernest, duc de Bavière, le fit pour Anthonia Hélena, dont nous avons publié la biographie, les recueillaient et les dotaient, les autres se bornaient à en conserver le portrait.

Ainsi on rapporte qu'un duc de Saxe fit, au dix-septième siècle, confectionner le portrait d'une paysanne suisse, remarquable par la longueur et l'épaisseur de sa barbe. C'est probablement ce portrait dont une revue allemande, Le Daheirn, a donné la reproduction en 1883 (fig. 63). Cette femme à barbe vivait au milieu du dix-septième siècle

dans le canton d'Appenzell en Suisse. Le portrait original, dit cette Revue, se trouve au château de Lœvenburg, près Cassel. Elle était la fille d'un paysan, et était arrivée à l'âge de quatre-vingt-quatre ans.

Pendant longtemps, on a pu voir, dans le cabinet de curiosités de Stuttgard, le portrait d'une femme nommée Bartel Graetge dont le menton était ombragé d'une très volumineuse barbe. C'était en 1587 qu'elle fut peinte ; elle n'avait alors que vingt-cinq ans. Dans le même cabinet, se trouvait un autre portrait qui la représentait dans un âge plus avancé, mais toujours barbue. Mme Tinayre, qui a bien voulu se charger de constater si ces tableaux existaient toujours au musée de Stuttgard, n'a pu obtenir aucun renseignement à ce sujet; ces portraits ont disparu. On craint qu'ils n'aient été détruits dans l'incendie qui, au commencement du XIXe siècle, a anéanti une grande partie du musée. Il se pourrait que ces portraits aient été cédés ou échangés. La figure que nous publions est probablement celle de Bartel Graetge.

(à suivre).

L'hystérie de Bernadette, de Lourdes.

par M. ie Dr Rouby, Médecin-directeur de la Maison de S&oté d'Alger.

Réflexions préliminaires

Nous avons entrepris ce travail dans le but de prouver qu'il n'y eut rien de miraculeux dans les apparitions de Bernadette, la petite héroïne de Lourdes, et que par conséquent ce lieu de pèlerinage n'a pas sa raison d'être.

Pourquoi, nous dira-t-on, vous imposer ce labeur ? Pourquoi, si certaines gens sont heureux de croire aux miracles, ne pas les laisser dans leur croyance, même si elle est fausse? Puisque l'apparition de l'Immaculée-Conception à la petite bergère satisfait leur amour du merveilleux, pourquoi vous ingénier à leur donner, à ce sujet, des explications qu'ils ne vous demandent pas ? Pourquoi ?

Par la raison que celui qui détient une part de vérité quelle qu'elle soit a le devoir d'en faire bénéficier ceux qui en sont privés, comme l'homme riche a le devoir de donner la moitié de son pain à son voisin pauvre.

Nous n'écrivons pas ce livre avec l'intention de blesser des croyances, toujours respectables lorsqu'elles sont sincères, mais dans le but charitable de faire connaitre la vérité, en nous servant des découvertes récentes de la science..

Nous avons cherché nos documents principalement dans les livres des auteurs chrétiens et parmi ceux-ci, dans la Petite Histoire de Lourdes, du père Fourcade ; les Merveilles de Lourdes, de Mgr de Ségur, et enfin Notre-Dame de Lourdes, de M. Henri Lasserre. Sans le vouloir et sans

qu'ils s'en doutent, ces auteurs nous ont fourni les armes dont nous avions besoin pour combattre le culte qu'ils ont contribué à fonder.

En étudiant les événements qui ont fait de Lourdes un lieu célèbre dans le monde entier, nous n'avons pas trouvé, dans les commencements surtout, autant de fourberie que certains prétendaient et que nous-mêmes, avouons-le, pensions y rencontrer ; mais, par contre, nous avons pu constater combien était épaisse la couche d'ignorance dans laquelle se mouvaient les personnes mêlées de près ou de loin à la création de ce lieu de pèlerinage.

C'est parce qu'on s'est trouvé en présence d'une maladie, l'hystérie, ou plutôt en présence d'un symptôme un peu extraordinaire de cette maladie, I'Extase, symptôme bien connu aujourd'hui des alienistes, moins bien des médecins ordinaires, et nullement des prêtres et des gens du monde, que la maladie de Bernadette a pu passer pour un miracle et que les guérisons de la grotte ont été attribuées à la Vierge-Marie.

II

L'hystérie de Bernadette

Ceci dit, commençons nos études sur Lourdes, en expliquant le cas de Bernadette.

Bernadette était une malade... Bernadette était atteinte d'hystérie, disons hystérose, pour moins choquer les personnes pieuses qui peuvent nous lire.

Mais il ne suffit pas d'affirmer que Bernadette était une malade hystérique, il nous faut le prouver. Essayons de le faire.

Les Causes de l'hystérie. — Les causes de sa maladie doivent, ce nous semble, être rattachées à l'hérédité : son père, François Soubi-rous. meunier de son état, après avoir mal fait ses affaires, avait dû quitter le moulin qu'il exploitait. Pourquoi n'avait-il pas prospéré ? Les mauvais payeurs ne l'avaient pas ruiné, comme le prétend Henri Las-serre : les petits meuniers ne font pas de crédit, ayant l'habitude de se payer d'avance, en prélevant un certain poids de blé sur la moulure qu'on leur apporte. Si le père Soubirous est devenu un simple journalier manquant le plus souvent d'ouvrage, c'est qu'il se livrait à la boisson.

Or l'alcoolisme des pères, — c'est là pour nous le point intéressant, — engendre chez les enfants les maladies nerveuses, l'épilepsie parfois, l'hystérie souvent. Lisez à ce sujet les statistiques des ouvrages de mé-decine, vous y verrez combien d'une part cette cause est puissante etde l'autre combien fréquente.

C'est à cet empoisonnement du père par l'alcool que nous rattachons la névrose de la fille.

Et comme si, pour ce résultat, l'influence paternelle n'était pas suffisante, il arriva que la mère, durant les derniers mois de sa grossesse et

au moment de l'accouchement, fut malade à ce point qu'elle ne put allaiter ni même donner à l'enfant les premiers soins. La petite fille toute souffreteuse fut portée à Bartrès, village voisin de Lourdes, chez des cultivateurs qui la prirent en affection et la gardèrent jusqu'à l'âge de 14 ans.

L'Exfaxce. — Devenue grande, Bernadette mena la vie de pastoure, conduisant paître dans la montagne son troupeau de moutons ; naïve, crédule, un peu niaisotte, on ne put lui apprendre ni à lire, ni à écrire, ni même à réciter un peu de catéchisme appris par cœur, en sorte qu'à l'âge de 14 ans, elle n'avait pas fait sa première communion. Elle ne parlait pas le français, mais le patois béarnais dont l'Immaculée-Conception dut se servir pour se faire comprendre d'elle, comme elle s'était servie à la Salette du patois du Gévaudan pour s'entretenir avec Maxi-min et Mélanie. Nil admirari !

Pourquoi Bernadette revint-elle à Lourdes? Etait-ce donc pour se préparer à la première communion, comme le prétend M. Henri Las-serre ? Non, elle pouvait le faire à Bartrès. Il est probable que ses parents nourriciers furent effrayés de quelques symptômes hystériques qui se montrèrent à cette époque.

Rentrée à Lourdes depuis quinze jours, elle était gardée à la maison à cause de son état maladif et il fallut force supplications pour que, le matin du 11 février 1858 sa mère lui donnât l'autorisation d'aller avec ses compagnes ramasser du bois mort le long du Gave.

L'asthme hystérique. — Or cet état maladif, dont nous connaissons la nature, il est pour nous d'une importance si grande qu'il nous faut en parler.

Bernadette était atteinte d'un asthme ; cet asthme signalé par tous ses biographes était, à n'en pas douter, la pseudo-angine de poitrine, l'asthme hystérique (1). La chose est facile à prouver.

Tandis que l'angine de poitrine vraie est une affection redoutable qui tue après un certain nombre d'accès, la fausse angine, elle, ne fait jamais mourir. De plus elle présente ce caractère particulier de disparaître momentanément sous l'influence d'une distraction, d'une émotion ou bien de l'apparition d'un autre mal.

Or, d'après ses biographes, les choses se passèrent ainsi pour l'asthme de Bernadette.

« Sans être pour cela maladive, écrit M. Henri Lasserre, elle était a sujette aux oppressions d'un asthme qui la faisait souffrir. »

Ailleurs : « L'oppression habituelle de son souffle éteignait en elle la o vivacité du premier âge: débile, fatiguée par cet asthme, la pauvre a Bernadette hésitait à se mouiller les pieds. » (2)

£t) P. Marie : Revue de médecine, ISSî. page 339.

Leclerc : L'angine de poitrine hystérique. Thèse, Paris

il: en : Progrès médical,juin et juillet 1889.

De Seoir : page 70. Les merveilles de Lourdes. Talya éditeur. Paris. (2) Henri Lasserre : Notre-Dame de Lourdes, page 17 et 18.

Voici l'asthme dûment constaté ; or cet asthme, s'il est hystérique, doit, nous l'avons dit, disparaître subitement, pour reparaître plus tard. Recherchons chez Bernadette s'il en est ainsi ? Oui, il en est ainsi.

Cet asthme, chez elle, va et vient, parait et disparait, suivant les circonstances : ses biographes sont unanimes sur ce point ; citons : (1)

« Une force surnaturelle semblait animer Bernadette; ses compagnes ne pouvaient la suivre, de sorte qu'elle arriva quelques minutes avant elles à la grotte. »

Ailleurs : a Elle ne pouvait pas plus s'empêcher d'avancer que si elle avaitété placée soudainement]sur la plus rapide des pentes ; tout son être physique se trouva brusquement enrlainé vers la grotte où ce sentier conduisait : il lui fallut courir. »

Ailleurs encore : * Il fallut monter sur le flanc des Eypelugues,en pre-« nant le chemin fort malaisé qui conduisait à la forêt de Lourdes, « redescendre ensuite par des casse-cous jusqu'à la grotte, au milieu « des roches et des tertres rapides et sablonneux de Massabielle. Devant « ces difficultés inattendues, les deux compagnes de Bernadette furent t un peu effrayées. Celle-ci, au contraire, parvenue à cet endroit, « éprouva comme un frémissement, comme une hâte d'arriver. Il lui « semblait que quelqu'un d'invisible la soulevait et lui prêtait une éner-« gie inaccoutumée. Elle, d'ordinaire si frêle, se sentait forte en cet « instant. Son pas devint si rapide à la montée de la côte qu'Antoinette ¦> et Mlle Millet, toutes deux dans la force de l'âge, avaient peine à la « suivre; son asthme qui lui interdisait toute course précipitée, parais-« sait avoir momentanément disparu. Arrivée au sommet elle n'était « ni haletante, ni fatiguée, tandis que ses deux compagnes ruisselaient • de sueur. »

Enfin, lors de l'apparition du 24 février, on la voit monter à genoux la côte raide de 15 mètres qui s'élevait du bord du gave au fond de la grotte, avec une légèreté sans pareille : a J'ai cru plusieurs fois, écrit « un témoin oculaire, que des êtres invisibles la soulevaient pour mon-« ter et descendre si précipitamment. ¦¦

Donc, c'était bien une pseudo-angine de poitrine ou asthme hystérique qu'avait Bernadette et cela nous fournit la preuve, preuve certaine, preuve irréfutable, que l'hystérose existait chez elle au moment des Apparitions supposées.

Si le symptôme Asthme disparut plus ou moins, pendant quelques semaines, pour faire place au symptôme Extase, c'est que, souvent dans cette maladie, un clou chasse l'autre.

Développement de l'hystérie. — Lorsqu'au mois de janvier 1858, Bernadette quitta Bartrès pour rentrer dans sa famille, au lieu d'un bien-être plus grand, c'est une pauvreté voisine de la misère qu'elle y trouva ; au lieu de l'air pur des hautes montagnes, c'est l'air confiné d'un petit appartement qu'elle respira, en sorte que son affaiblissement

(1) De Seoir : Les merveilles de Lourdes, page 19, 31, 70.

physique s'aggrava et que le mal hystérique prit son entier développement. C'est alors sous d'autres formes, sous forme d'hallucinations et d'extase, que la maladie se manifesta. Nous allons étudier ces deux symptômes.

III

Mais, en commençant la narration des faits, miraculeux, disent les uns, maladifs, disent les autres, qui furent le point de départ des pèlerinages à Lourdes, il ne nous coûte nullement de déclarer que, pour nous, Bernadette a dit naïvement ce qu'elle a ressenti : elle a cru voir, elle a cru entendre, ce qui n'était que fausses sensations de l'ouie et de la vue, mais elle est certainement de bonne foi, en les racontant, sauf sur un point que nous réservons.

Cependant, comme ses récits ont passé par la plume d'écrivains intéressés à les embellir, ils doivent être débarrassés des fleurs pieuses et des élucubrations dévotes dont on s'est plu à les orner. Les panégyristes trouvant que trop de simplicité ne stimule pas assez la foi des fidèles ont renchéri les uns sur les autres, sans même craindre de se contredire. Il nous faut ramener les choses au point et serrer de près autant que possible la vérité en rétablissant les faits tels qui ont dû se passer; puis, appuyé sur eux, démontrer le mécanisme psychologique qui fit croire à Bernadette que ses hallucinations étaient réelles et à la foule qu'ily avait miracle.

D'autre part ils sont nombreux les écrivains et les journalistes qui ont cru et publié que Bernadette jouait une comédie apprise. A ceux-là nous disons qu'ils ont fait erreur et qu'il n'en fut pas de Lourdes comme de la Salette; mais ils ne pouvaient, à cette époque, savoir, comme aujourd'hui, ce qu'était le mal hystérique et se rendre compte qu'il pouvait expliquer tous les événements extraordinaires qui se déroulaient devant eux.

IV

LA PREMIÈRE APPARITION

Le jeudi 11 février 1858, vers onze heures et demie du matin, Bernadette Soubirous, sa sœur Marie et une petite voisine allèrent ramasser du bois mort autour des Roches Massabielles; le canal du moulin, qui passait au pied du rocher, était presqu'à sec ce jour-là, et le mince filet d'eau qui coulait encore pouvait être facilement franchi.

Bernadette à cause de son asthme était restée en arrière des autres; elle arrive au bord du canal, en face de la grotte et assise sur une grosse pierre, elle se met en devoir de se déchausser pour traverser la rivière. Déjà ses deux compagnes, quittant leurs sabots, avaient traversé le canal et couraient çà et là sur la colline.

A ce moment, Bernadette entend un bruit qui la fait regarder autour d'elle : c'est le bruit de la brise dans le feuillage, disent Les uns; c'est le

froufrou d'une robe, disentles autres ; le bruit mystérieux recommence, la bergère lève la tète, regarde en face d'elle, et aperçoit dans la cavité une Dame admirablement belle, de taille moyenne, avec des vêtements blancs et une ceinture bleue dénouée.

« Cette apparition n'avait point les contours fuyants d'une vision fan-« tastique, c'était une réalité vivante que l'œil jugeait palpable comme « la chair de nous tous. » (1).

Nous sommes de l'avis de M. Henri Lasserre, c'était bien, en effet, une jeune et belle femme, en chair et en os que Bernadette aperçut dans la grotte. Quelle était cette femme ?

Peu nous importe. Nous ne sommes pas chroniqueur de journaux chargé de relater les faits divers et d'amuser la foule par les racontars d'une joyeuseté. Ce que nous affirmons, c'est que, là, en face de Bernadette, se dressait debout une créature humaine.

A nous, médecin aliéniste, incrédule au miracle, il nous faut l'explication naturelle d'un fait qu'on nous donne comme surnaturel. Or, cette créature réelle, cette créature non divine nous est nécessaire pour ce qui va suivre.

Bernadette à Bartrès, dans ce pays au bout du monde, ne s'était peut-être jamais trouvé en présence d'une belle dame ; jamais à Lourdes non plus, puisque sa mère, depuis son arrivée, la retenait au logis. La vue subite de cette femme habillée avec luxe, éclairée des rayons du soleil de midi, placée dans un cadre de rocher et de verdure, en un lieu qu'elle devait croire inhabité, fit sur la petite bergère une impression subite et profonde.

Les historiographes ont fort embelli la forme de l'Apparition pour en faire une sainte Vierge présentable, mais Bernadette ne vit pas tant de choses : ce qu'elle vit, elle le résume en deux mots à sa sœur qui l'interroge : o J'ai vu quelque chose de blanc. » (a)

En apercevant cette belle dame, l'enfant veut pousser un cri ; il s'étouffe dans sa gorge serrée; elle s'affaisse et tombe à deux genoux, puis elle est prise d'une crise d'extase.

Sa sœur de loin s'en aperçoit : « Tiens, dit-elle à sa compagne, regarde ma sœur qui prie. » — a Quelle idée de venir prier ici, reprend l'autre c'est bien assez de le faire à l'église. »

« Bah, laissons-la; celle-là ne sait que prier Dieu ; » elles ne firent « plus attention à Bernadette et pour chasser le froid se mirent à sauter « et-courir à travers bois, en ramassant des branches sèches. Elles pas-« sèrent là tout le temps que Bernadette mit à réciter son chapelet-i Celle-ci était toujours immobile, les yeux tournés vers cette Dame si « douce et si belle, » (3)

Il n'est pas difficile délire entre les lignes et de comprendre que, si

(1} Henri Lasserre : S.-D. de Lourdes, page 26.

(2) Mgr. dE Sègï-b, page 24. — Henri Lasserre, page 31.

(3) Mgr. de ségur.page 24. — Henri Lasserre. page 32.

Bernadette, à moitié déchaussée, reste malgré le froid, si longtemps immobile, c'est qu'elle a perdu conscience de ses actes ; c'est qu'elle est prise par la crise nerveuse, l'Extase, dont nous parlerons tout à l'heure.

Pendant ce temps, sans que Bernadette inconsciente s'en aperçoive, la belle Dame disparaissait rapidement à travers bois, reprenant pour s'en aller le senlierpar où elle était venue.

Lorsque les enfants rentrés à la maison, — la petite bergère avait fini par traverser le canal et rejoindre ses compagnes, — racontèrent à la mère Soubirous ce qui s'était passé, celle-ci entrevit la vérité, et dit à l'enfant : « Quoi qu'il en soit, n'y retourne plus, je te le défends. »

(à suivre)

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du mardi 21 mars 1905. — Présidence de M. Jules Voisix.

Un cas de sommeil hystérique avec personnalité subconsciente. Réveil avec dédoublement de la personnalité. Considérations pathogéniques.

Par M. le Dr Etienne Jourdax (de Marseille) (suite) (1)

I. — Personnalité de sommeil — Etat second.

Cette personnalité est caractérisée, dans son ensemble, par des troubles de nutrition marqués par la perte complète de l'appétit, la diminution et l'abolition des sécrélions, l'amaigrissement, l'asthénie générale (ptôses viscérales et hypotonicité musculaire), un psoriasis s'étendant à toute la surface cutanée, enfin des troubles du sommeil, on peut dire de l'insomnie.

L'état psychologique qui constitue cette personnalité parait être, au premier abord, un état de conscience complet. Marie-Louise se rappelle tous les événements qui ont précédé sa maladie, elle se rond compte de tout ce qui se passe autour d'elle, elle parle, répond correctement à toutes les questions qu'on lui adresse et si ce n'étaient les troubles physiques qu'elle présente on ne penserait pas à examiner son état mental. Dans cet état mental la défectuosité la plus apparente est une lacune de la mémoire, une amnésie partielle : elle ne se rappelle absolument pas l'émotion qu'elle a eue le 20 décembre 1901. Cependant cet état de conscience est de pure apparence. En effet il suffit de fermer les yeux de Marie-Louise pour qu'immédiatement, instantanément, elle n'ait plus aucune perception tant interne qu'externe : elle ne se rappelle plus rien, elle ne sait même plus son âge, elle est incapable d'un acte volontaire ; bien plus, si elle exécute un mouvement elle n'en a aucune

(1) Voir n* de Juin 1905.

perception consciente; c'est pourquoi elle ne sait ni où elle est ni dans quelle position elle se trouve, elle ne sait même plus si elle vit. Par cet acte simple, l'occlusion des yeux, elle perd toute faculté de localisation dans l'espace et dans le temps. Ce fait nous montre que la conscience dont dispose Marie-Louise se réduit à des perceptions visuelles; dès que celles-ci disparaissent Marie-Louise est absolument inconsciente. Ce rétrécissement du champ de la conscience rend compte du phénomène le plus bizarre, je veux dire le bruit gastrique. Marie-Louise respirant normalement ne sent pas qu'elle respire et ne voyant pas son thorax se contracter elle ne croit pas respirer et par conséquent elle pense s'étouffer. Aussi immobilisant la partie supérieure du thorax elle contracte au maximum le diaphragme ; celui-ci refoulant en dehors, l'abdomen, déjà distendu du fait de l'hypolonicité musculaire, elle voit son ventre se mouvoir d'une façon rythmique et synchrone aux mouvements respiratoires, et elle a ainsi l'impression visuelle de respirer. Et ce qui nous démontre que les spasmes diaphragmatiques sont le résultat d'une opération mentale qui consiste à remplacer les perceptions absentes par des perceptions visuelles c'est que, les yeux fermés, bien que les spasmes persistent, Marie-Louise accuse cette même sensation d'étouffement qu'elle accusera plus tard lorsque par la rééducation motrice elle aura réappris à respirer normalement et qu'elle exprimera ainsi o en respirant comme vous le voulez je ne respire pas, j'étouffe, tandis que lorsque je respire avec le ventre je respire bien «. L'anesthésie élhyl-méthylique vient encore à l'appui de ce fait : dès que l'anesthésie est réalisée les spasmes diaphragmatiques cessent, la respiration normale se rétablit et la malade n'accuse aucune sensation de mal être, d'étouffement. Mais dès que l'anesthésie estdissipée le type respiratoire défectueux revient, ou, s'il est permis pour quelques instants de maintenir la respiration normale, la malade accuse de nouveau la même sensation d'étouffement. C'est que sous l'influence de l'aneslhésique toutes les perceptions centrales étant abolies la malade en est réduite aux réflexes élémentaires; tandis que dans l'état de sommeil, comme il existe des perceptions visuelles, leur absence détermine les sensations contraires à celles qui devraient normalement exister. L'anesthésie éthyl-méthylique mieux que toute analyse psychologique, montre que Marie-Louise dans son sommeil possède un certain degré de conscience. Cette conscience est limitée à des perceptions visuelles ce qui explique que, d'une part, Marie-Louise multiplie ces perceptions de façon à suppléer aux perceptions absentes, et d'autre part que l'abolition de ces perceptions visuelles détermine les sensations contraires à celles qui devraient normalement exister. C'est pourquoi les yeux fermés Marie-Louise accuse des sensations d'étouffement, d'incapacité psychique et motrice.

Après tout cela nous pouvons dire que la personnalité de Marie-Louise dans son état de sommeil est constituée par un rétrécissement du champ de la conscience limitée à des perceptions visuelles. Mais dire que le

champ de la conscience est rétréci, c'est supposer que la conscience qui reste est normale. Or, il n'en est pas ainsi chez Marie-Louise. En effet, lorsque celle-ci sera réveillée et qu'elle nous donnera ses impressions sur son état de sommeil elle nous dira entre autres : « Dans cet état j'y voyais, mais je n'y voyais pas clair, j'y voyais comme à travers un voile de gaze . Cela montre que les perceptions visuelles n'avaient pas l'intensité qu'elles auraient dû avoir, que les fonctions des centres visuels participaient, dans une certaine mesure, au processus pathologique. Il en résulte que les fonctions de la conscience n'étaient pas normales, qu'il ne pouvait y avoir seulement rétrécissement du champ de la conscience, mais bien altération de cette conscience. De plus, au fur et à mesure que se fera la progression de la personnalité, on verra apparaître des souvenirs de perceptions sensorielles et cœnesthésiques autres que des perceptions visuelles; c'est donc que Marie-Louise, dans son état de sommeil, avait des perceptions multiples mais si peu intenses qu'elles échappaient à la conscience. De sorte que La personnalité de sommeil nous apparaît caractérisée bien plus par de la désagrégation mentale que par un rétrécissement du champ de la conscience. La conscience dont parait disposer Marie-Louise provient simplement de ce fait que les centres visuels étant les moins touchés, leur fonction était assez intense pour lui donner l'apparence d'un être conscient.

II*. — Personnalité de réveil

Elle est marquée par de la suractivité fonctionnelle. L'appélit est revenu, il y a presque de la boulimie; les sécrétions reviennent, les yeux, la bouche sont humides, l'émission d'urine est de deux litres en 34 heures, les règles sont plus abondantes et plus sanguines; la peau blanchit, rougit; le psoriasis a complètement disparu; il n'y a plus de ptôses viscérales, l'estomac est revenu à son volume normal, le ventre s'est complètement effacé, les fonctions intestinales se font régulièrement ; l'asthénie musculaire a fait place à un certain degré d'hyperexcitabilité : la malade ne peut rester en place, elle marche, court sans éprouver de fatigue, elle ne peut rester longtemps assise, est capable de faire longtemps le même travail et de temps à autre elle éprouve un besoin impérieux de se détendre, de crier, de courir. La tachycardie douloureuse a disparu, les battements du cœur sont moins fréquents mais plus amples, le pouls est descendu à 90 pulsations.

Cette personnalité est marquée au point de vue psychologique par deux caractères bien tranchés : 1° un état de conscience complet; 2" une amnésie rétro-antérograde portant sur toute la durée du sommeil pathologique.

Nous avons dit quel changement se produit dans la physionomie générale de Marie-Louise dès son réveil; l'état psychologique qui la caractérise à ce moment est, dans son ensemble, constitué par la sensation de vivre : elle est tout à fait comparable au dormeur qui vient de se

réveiller et qui reprend contact avec le monde extérieur. Elle regarde avec curiosité autour d'elle, reconnaît les objets qui lui sont familiers, se rappelle très exactement tous les incidents qui ont marqué sa vie passée, le souvenir de l'émotion du 20 décembre revient dans sa mémoire : « J'ai eu très peur et je me suis endormie ». Mais à partir de ce moment elle ne se rappelle plus rien, sa vie semble arrêtée à ce point : c'est le 2! décembre 1901, elle a 19 ans, elle est en pleine convalescence d'une fièvre typhoïde, il y a à peine quelques jours qu'elle se lève et elle n'est pas encore sortie; aussi est-elle très étonnée de se trouver dans un appartement qu'elle ne connaît pas, en présence d'un monsieur qu'elle n'a jamais vu et elle se donne à elle-même cette explication: a Sans doute, je ne pouvais pas me réveiller et on m'a amenée chez vous en voiture pour que vous me réveilliez ». Et plus tard, revenue chez elle, comme elle ne peut comprendre tous les changements qui se sont opérés autour d'elle,, elle demande des explications et celles-ci ne correspondant pas à sa mentalité du moment, elle ne sait que penser : devient-elle folle ou se moque-t-on d'elle? Cette impossibilité de comprendre l'énervé et l'agite.

Ce retour en arrière, cette régression de la personnalité au moment où Marie-Louise s'est endormie n'a rien de surprenant et peut très bien s'expliquer. L'émotion du 20 décembre 1901 a provoqué une anesthésie générale telle que les perceptions sensitivo-sensorielles et anesthésiques sont abolies; et si dans son état second Maric-Lotiise a toutes les apparences d'une personnalité consciente, c'est que, ayant encore à sa disposition des perceptions visuelles, elle peut établir des points de repère dans l'espace et dans le temps. Une fois réveillée, au contraire, l'anes-thésie générale ayant disparu, elle a de nouveau des sensations multiples; or, comme ces sensations ne peuvent réveiller que des souvenirs antérieurs à son état second, elle est ramenée à la période de sa vie où ces sensations ont disparu. Marie-Louise se trouve dans le même état que le dormeur qui. ayant dormi trente-six heures, croit, en se réveillant, être seulement au lendemain du jour où il s'est endormi. Mais chez Marie-Louise le cas paraît plus complexe, car elle ne dormait pas complètement, puisqu'elle avait des perceptions visuelles. Il semblerait donc qu'une fois réveillée, les sensations visuelles devraient réveiller non seulement les souvenirs visuels antérieurs à l'état second, mais encore ceux qui ont marqué cet état. Mais, nous l'avons dit en analysant la personnalité seconde, les fonctions visuelles n'étaient pas normales, elles étaient diminuées dans leur intensité, de sorte que les sensations visuelles du réveil ayant leur intensité normale ne pouvaient réveiller que des souvenirs visuels proportionnels à cette intensité, c'est-à-dire des souvenirs antérieurs à l'état second. Il en est de même des autres centres sensoriels dont les fonctions n'étaient pas complètement abolies mats si diminuées que leur activité ne devint apparente que pendant que s'effectua la progression de la personnalité. La façon dont s'est faite, celle-ci vient à l'appui de ce que nous venons d'annoncer. Les souvenirs

de la période de sommeil qui apparaissent dans le champ de la conscience sont tout d'abord les souvenirs visuels; de plus, ces souvenirs apparaissent non pas dans Tordre chronologique de leur production, mais suivant l'intensité de leur fixation. Marie-Louise s'est endormie le 20décembre 1901,elle n'a été conduite à Mezzieux qu'en octobre 1902,ce sont cependant les souvenirs relatifs à cet établissement qui font les premiers leur apparition : Marie-Louise voit l'établissement, la sœur qui la soigne, les docteurs qui la visitent, la chambre dans laquelle elle est couchée, mais elle ne peut se souvenir ni du nom de l'établissement ni de celui de la sœur ou des docteurs, c'est ce qui lui fait croire qu'elle a rêvé : « Si cela était réellement, je me rappellerais les noms et l'endroit ». Ces souvenirs viennent ensuite et Marie-Louise ne doute plus de la réalité. Il en est de même de sa visite au docteur Bouveret : elle voit le docteur qu'elle dépeint très bien ainsi que son cabinet, mais elle ne se rappelle ni le nom du docteur ni celui de la ville qu'il habite ; ces deux noms viennent ensuite. Et il en est ainsi pour tous les événements qui ont marqué son état second : les souvenirs visuels viennent les premiers, les autres suivent. Les souvenirs anesthésiques sont les derniers à faire leur apparition. Marie-Louise se rappelle le bruit produit par son estomac mais elle a peine à croire à sa réalité : a Si ce bruit était si fort que je l'imagine, je ne sais comment j'ai fait pour le supporter, car maintenant je ne le supporterais pas >. Elle se rend compte de l'état de malaise dans lequel elle se trouvait : « J'avais la tète lourde comme si j'avais eu un grand poids dessus; il me semblait que mon cerveau était entouré de coton ; j'étais incapable de faire un mouvement, je ne mangeais pas, je ne marchais pas, je ne faisais rien parce que lorsqu'on dort on ne peut rien faire ». Pendant toute la progresión de la personnalité, comme il était facile de la faire passer d'un état dans l'autre, elle disait : « Je mène deux vies différentes, une de sommeil, une de réveil ; dans l'une, je suis comme endormie, lourde, j'y vois clair mais sans y voir clair, il me semble que c'est la téte qui est endormie; quand je suis réveillée, je ne sais pas bien comment je suis, mais je comprends qu'il y a une différence, je ne suis pas lourde, mais légère et j'y vois bien. Avant que vous me réveilliez, je ne pouvais pas me réveiller toute seule, il me semblait que j'avais un obstacle insurmontable dans la tète, mais pourquoi m'avez-vous laissé dormir si longtemps? « Au fur et à mesure que se poursuit la progressoin de la personnalité, que s'engrènent et s'amalgament les souvenirs de l'état second avec l'état de réveil, la conscience de Marie-Louise tend vers la normale et la progression finit, c'est-à-dire lorsque Marie-Louise se retrouve identifiée au milieu extérieur, elle est redevenue elle-même.

La façon dont s'est faite la progression de la personnalité montre que Marie-Louise, dans son état second, avait non seulement des perceptions visuelles mais encore d'autres perceptions sensorielles et anesthésiques. Ces perceptions n'ayant aucun lien associatif entre elles, l'état psychologique qui en résultait était constitué par un défaut de synthèse men-

taie, de la désagrégation mentale bien plus que par un rétrécissement du champ de la conscience. On peut dire même que tous les centres cérébraux étant atteints dans leurfonction il ne peut s'agir de conscience, si rétréci qu'en soit le champ, mais bien d'une conscience diminuée dans son ensemble, d'une conscience subliminale, suivant l'expression de Myers, d'une subconscience.

_ (à suivre)

La Psychologie des jeux de hasard.

Par M. Hermann Laurent, Examinateur à l'Ecole Polytechnique.

Un des plus grands maux qui afflige l'humanité est la passion des jeux de hasard. Cette passion dégrade celui qui en est la victime, le conduit au déshonneur, à la ruine, au suicide.

Je me propose d'étudier l'état mental des joueurs en laissant aux médecins le soin de les guérir, si c'est possible, et en essayant de leur fournir quelques indications.

Mais avant d'aborder mon sujet, je demanderai la permission de donner quelques définitions et d'emprunter quelques faits à cette branche des mathématiques que l'on appelle le calcul des probabilités.

La probabilité d'un événement dû au hasard est un nombre qui par sa grandeur indique le plus ou moins de chance d'arrivée de cet événement, c'est un nombre qui est d'autant plus grand que cette chance est plus grande.

Prenons un jeu de 32 cartes, tirons-en une au hasard, il y a évidemment autant de chance pour que la carte tirée soit rouge que pour qu'elle soit noire. Il y a trois fois moins de chance pour tirer un cœur que pour tirer toute autre carte; pourquoi? parce qu'il y a trois fois plus d'autres cartes que de cœurs. De même, il y a 31 fois moins de chance de tirer l'as de cœur que toute autre carte, car il n'y a qu'un as de cœur et 31 autres cartes. Les chances des événements sont donc proportionnelles en quelque sorte au nombre des cas qui favorisent leur arrivée.

Nous arrivons ainsi à définir de la manière suivante la probabilité d'un événement ou le nombre qui mesure sa chance.

La probabilité d'un événement dû au hasard est le nombre obtenu en divisant le nombre des cas favorables à l'arrivée de cet événement par le nombre de tous les cas qui peuvent se présenter, tous les cas favorables ou non ayant la même facilité de se présenter.

Ainsi nous dirons que la probabilité de tirer une rouge dans un jeu de 32 cartes est 16/32 ou 1/2, parce que le nombre des cas possibles est représenté par le tirage de 32 cartes et que le nombre des cas favorables à l'arrivée d'une rouge est 16. La probabilité de tirer un as est 4/32 ou 1/8, etc.

La probabilité d'amener le point 6 avec un coup de dé est 1/6, parce

que l'on peut amener avec la même facilité 1, 2. 3, 4, 5, 6 et que sur ces six cas possibles un seul amène le point 6.

Voici maintenant, au sujet des épreuves répétées, une loi énoncée par Jacques Bernoulli, démontrée à la fois par l'expérience et l'analyse mathématique.

Si on fait un très grand nombre d'observations d'un événement dont la probabilité reste toujours la même, cet événement se présente un nombre de fois égal au produit de sa probabilité par le nombre des épreuves, plus ou moins un nombre qui est moindre environ que le double de la racine carrée du nombre des observations.

Par exemple, si l'on joue à pile ou face, la probabilité d'amener face est 1/2 ; si on projette 10.000 fois une pièce sur le sol, on amènera face un nombre de fois compris entre 5.000 plus ou moins 200.

Il résulte de là, et cela est conforme aux indications du bon sens, que dans un jeu de hasard les mises des joueurs, en toute équité, doivent être proportionnelles aux gains qu'ils peuvent espérer et aux probabilités qu'ils ont de les obtenir.

A pile ou face, le parieur pour pile et le parieur pour face doivent mettre le môme enjeu. A la loterie, s'il y a 10 numéros, celui qui mise sur le numéro 1 doit mettre un enjeu 9 fois moins fort que celui qui parie pour les 9 autres numéros.

Si l'on appelle espérance mathématique d'un joueur le produit de la somme qu'il espère gagner par la probabilité qu'il a de le gagner, sa mise devra équitablement être égale à son espérance mathématique. Or voici ce que procure à la fois l'analyse mathématique et une longue et impartiale observation des faits :

Quand des joueurs jouent avec des mises équitables, le plus riche ruinera probablement les autres, et cela d'autant plus probablement qu'il sera plus riche.

Si un joueur au lieu de miser une somme égale à son espérance mathématique, mise une somme un peu plus faible, il s'enrichira indéfiniment. S'il mise une somme un peu plus forte, il se ruinera certainement.

Et maintenant tirons de là une conclusion : le joueur de profession jouant contre le public infiniment plus riche que lui se ruinera infailliblement.

Les pontes qui à la roulette jouent contre un banquier qui se réserve un léger avantage, contribuent à enrichir rapidement ce banquier et courent encore plus rapidement à leur propre ruine que s'ils jouaient à des jeux équitables.

Et ces conclusions, il n'était pas besoin d'être grand mathématicien pour les deviner, il suffisait d'avoir un peu de bon sens ou un peu d'esprit d'observation ; il n'était pas mauvais cependant de montrer que le raisonnement rigoureux était d'accord avec le bon sens, afin de montrer que le bon sens était comme le plus souvent du bon côté.

Le joueur est donc un homme privé de bon sens, c'est un homme qui

se grise nu jeu comme l'alcoolique qui se grise avec l'eau-de-vie : le premier se ruine et ruine les siens, comme le second ruine sa santé et celle de ses enfants ; l'un perd le sens du bien et du mal sous l'influence de l'alcool, l'autre pressé par le besoin du jeu finit par commettre des indélicatesses pour réparer ses pertes. Tous deux finissent souvent par le suicide, le parallélisme est presque complet. Et souvent le joueur est un ivrogne ! un débauché !

Il y a trois espèces de jeux, la première catégorie comprend les jeux équitables, la seconde souvent plus alléchante comprend les jeux où un banquier se réserve des avantages, mais les joueurs connaissent ou devraient connaître les probabilités qu'ils ont de gagner ; enfin, la dernière catégorie, comme les jeux de courses de chevaux, comme les jeux de bourse, sont des jeux dans lesquels il est presque impossible ou tout à fait impossible de connaitre les probabilités que l'on a de gagner; ces jeux, qui sont encore plus passionnants que les autres, sont aussi de beaucoup les plus dangereux.

Essayez de convertir ou si vous voulez de guérir un joueur, car c'est un malade, il vous opposera une foule de bonnes raisons pour continuer. L'un vous dira qu'il a trouvé un moyen infaillible de gagner. Le malheureux ne réfléchit pas que, si ce moyen existait, d'autres que lui, tous les autres l'emploieraient, et que s'il était seul à le connaitre, l'emploi de ce moyen serait un vol. Un autre osera vous dire qu'il a brûlé un cierge à la Sainte Vierge ou qu'il a fait quelqu'autre dévotion ; il y en a qui ont recours aux talismans ! Enfin, il y en a qui trichent.

Il y a des joueurs qui ont recours à ce que l'on appelle des martingales, procédé ingénieux qui consiste à doubler sa mise toutes les fois que Ton perd; il est clair qu'au coup où l'on gagne, on a compensé les pertes antérieures, mais avant de gagner, longtemps avant de pouvoir théoriquement gagner, on peut s'être ruiné, et puis il faut pouvoir trouver un adversaire consentant à jouer de fortes sommes, le banquier à Monaco s'y refuse et il n'accepte le jeu que contre espèces sonnantes.

Les joueurs, comme les autres aliénés, font parfois des raisonnements subtils, mais qui pèchent par quelque coté. J'ai connu un joueur qui me proposait un moyen infaillible de gagner à la roulette. Ce moyen consistait à faire jouer toute une journée des amis et à envoyer le perdant à la roulette. « En vertu, disait-il, de la loi d'équilibre, ne pouvant pas toujours avoir la déveine, il gagnera à la roulette. »

S'il est difficile d'empêcher le joueur de se livrer à des jeux équitables, il est plus difficile de l'empêcher de jouer à la roulette, probablement à cause des plaisirs qui lui sont offerts à côté s'il gagne. Il est encore plus difficile de l'empêcher de parier aux courses et de jouer à la Bourse. Comme à tous les jeux, on y gagne quelquefois à la Bourse ; je suis un habile homme, je suis un fin politique, s'écrie alors le joueur. « Point, lui répond Courable Seneuil. vous avez joué dans le même sens que MM. X..., Y..., Z... et vous n'en saviez rien, n MM. X..., Y..., Z...,

en effet, sont de gros financiers qui font à volonté la hausse et la baisse, au moins en temps normal.

Ainsi, comme je l'ai dit, les joueurs sont de véritables aliénés, on peut prévenir chez eux le mal en leur montrant la vérité avant que la passion du jeu ne se soit développée ; on peut aussi défendre les jeux ; mais nos législateurs finiront-ils par comprendre les dangers des paris de courses, nos gouvernants se sentiront-ils un jour assez forts pour faire la loi dans la minuscule principauté qui s'enrichit en volant de pauvres fous?

Et maintenant la parole est aux médecins qui pratiquent la psychothérapie et guérissent les maladies morales.

Discussion

M. BèrillOn. — Les joueurs passionnés sont d'ordinaire des individus doués d'une volonté faible, des psychasténiques ; ils sont très fréquemment des alcooliques, des désœuvrés. Dans la vie courante ils se montrent essentiellement abouliques, et par peur ou incapacité de prendre une résolution il est fréquent qu'ils s'en remettent au hasard. L'éducation devrait apprendre aux enfants à ne jamais s'en remettre au hasard, à faire des choix réfléchis, à agir toujours en vertu d'une décision raisonnée.

M. Lionel Dacriac.— Pour moi, j'irais plus loin, et j'interdirais qu'on prononçât devant les enfants des mots vides de sens, tels que le Hasard, la Guigne, la Veine. J'ajoute que la pa3sion du jeu est le dernier refuge de la superstition ; certains, pour gagner, mettent toujours tel vêtement, s'asseoient toujours sur le même siège spécial, etc. Transformer une chaise en divinité protectrice, cela vaut la mentalité des sauvages! 11 est même très curieux d'observer l'alliance de la superstition et de la dévotion : certains chapelets sont des porte-bonheur et l'on met la chance de son côté en se livrant à des prières déterminées, en promettant des ex-voto, en se livrant à divers exercices de piété.

M. Blech. — Dans divers milieux, j'ai souvent constaté que des gens, même très sérieux, mais profondément abouliques et incapables d'initiative, avant de prendre une décision, ouvrent la Bible au hasard, posent, également au hasard, le doigt sur un verset. Suivant que ce verset est affirmatif ou négatif, ils exécutent ou n'exécutent pas l'acte au sujet duquel ils restaient dans l'irrésolution.

M. BÉRILLON. — J'ai connu des joueurs qui ont successivement perdu au jeu plusieurs héritages considérables. Quand ils jouent, ils n'ont pas le moindre empire sur eux-mêmes; ils sont à la merci de l'ambiance. Par là même ils font preuve d'un état d'hypersuggestibilité excessif; étant hypersuggestibles, on doit les considérer comme justiciables de la psychothérapie. Les joueurs qui demandent au traitement suggestif la guérison de leur passion ont été rares jusqu'à ce jour. Il est probable que dans un temps déterminé leur nombre augmentera. Je souhaiterais

d'avoir l'occasion de tenter l'expérience et d'essayer sur des joueurs invétérés l'influence curative de la suggestion hypnotique.

M. Paul Magnin.— A côté des joueurs par passion qui sont incapables de se maîtriser, il faut placer ceux qui vivent du jeu, sans être joueurs. Ceux-ci n'aiment pas le jeu ; ils le détestent même ; mais c'est pour eux un gagne-pain. Etant profondément maîtres d'eux-mêmes, ils vivent de l'emballement ou des fautes des joueurs effrénés. Plus avisés, ces joueurs par profession ne joueront jamais aux jeux de pur hasard; ils calculent très minutieusement les chances et recherchent des gains modestes, mais sûrs. Il ne faut pas les ranger dans les catégories indiquées plus haut. Je reconnais néanmoins que leur disposition d'esprit ne témoigne pas d'une très grande moralité, puisque leurs combinaisons reposent essentiellement sur l'exploitation des vices d'autrui.

PSYCHOLOGIE SOCIOLOGIQUE

Le code moral japonais. — Le bushido.

Une conférence faite à la salle de la Société de géographie sous la présidence de notre savant collaborateur, M. Félix Régamey, professeur à l'Ecole de Psychologie, vient de nous initier à la connaissance du code qui a présidé à la formation morale du peuple japonais actuel. Ce code, désigné sous le nom de Bushido, était l'ensemble des devoirs et des règles auxquels devaient s'assujettir les membres de la caste militaire des samouraï.

Cette conférence fut faite, sous les auspices de la Société franco-japonaise, par M. le Marquis de la Mazelière. Il a démontré que la morale chevaleresque imposait comme principaux devoirs au Samouraï le setsugi, la fidélité au daîmio, et le meiyo, l'honneur. Un bushi était tenu de se signaler par sa bravoure. Le peuple lui-même, qui comprenait la peur chez les gens du commun, ne souffrait pas qu'un samouraï fut lâche. Parole de bushi était parole sacrée : un proverbe dit : bushi ni nigou nashi, un chevalier n'a pas deux paroles. Le samouraï méprisait le mercantilisme qui entraine forcément les compromissions et les manquements à l'honneur. Le samouraï devait cultiver son caractère et acquérir la maîtrise de soi-même. Il ne disait pas, comme le philosophe grec : « Douleur tu n'es qu'un mot. » II dit : « Douleur tu existes, mais tu ne pourras me vaincre. » Il devait aussi s'habituer à regarder la mort en face ; à ce sujet, un écrivain japonais Kinso, formule le précepte suivant : « Sortez-vous ? sortez comme un homme qui ne doit pas rentrer ; ainsi vous serez prêt à tout » Cette citation suffirait à elle seule pour indiquer le stoïcisme auquel étaient arrivés les samouraï.

Le Dr Weisgerber vient également de publier sur les samouraï une étude à laquelle nous empruntons les renseignements suivants :

L'origine des samouraï remonte au huitième siècle. L'empereur

Chomon qui régnait alors voulut créer une armée solide et recruta à cet effet les jeunes gens les plus vigoureux, les meilleurs cavaliers et les archers les plus adroits de tout le pays. On leur donna une éducation militaire, puis on les attacha au service des daimio et autres vassaux du mikado auprès desquels ils occupaient une situation analogue à celle des chevaliers auprès des seigneurs feudataires de notre moyen-âge. Ils formaient ainsi des clans guerriers qui, tous ensemble, constituaient une caste spéciale : l'aristocratie militaire des bushi ou samouraï.

Les samouraï collaboraient à l'administration des fiefs soumis à la juridiction de leur seigneur, faisaient la guerre à ses ennemis et se rendaient avec lui à l'appel du mikado quand celui-ci avait besoin de leurs services. Leurs loisirs étaient consacrés au tir à l'arc, à l'escrime au sabre et à la lance, à l'équitation, à la littérature.

Ils étaient très fiers et tous leurs actes devaient être conformes aux principes du bushido (de bushi, guerrier, et do, chemin), sorte de code de l'honneur chevaleresque, fidèlement observé et transmis de génération en génération, qui pour beaucoup d'entre eux était une véritable religion — souvent même la seule religion.

Le samouraï portait toujours deux sabres dont le plus long, le katana était son arme préférée de combat, tandis que le plus court, le wakisachi, servait uniquement au suicide légal. Le sabre, « l'âme du bushi », était l'objet d'un véritable culte et se conservait pieusement dans les familles. On pouvait voir des samouraï appauvris et misérablement vêtus portant avec fierté des lames signées Masamouné, Mouramasa ou Yochimitsou et valant des milliers de franc. Les armuriers appartenaient à la noblesse de par leur profession et revêtaient leur costume de cour pour mettre la dernière main à une arme de prix.

Les enfants de samouraï recevaient une éducation à la fois Spartiate et athénienne, composée d'exercices physiques qui les assouplissaient et les fortifiaient, les rendaient indifférents à la douleur et les préparaient au métier des armes, et d'études littéraires qui leur ornaient le goût et l'esprit. Dès leur plus tendre jeunesse, on leur inculquait les prin cipes moraux du bushido qui leur enseignait toutes les vertus martiales et chevaleresques : le courage, le mépris du danger, le calme en face de la mort, la loyauté, la fidélité et le dévouement au seigneur et au mikado, le devoir de venir en aide aux faibles et de secourir les opprimés ; puis la simplicité, la sobriété, l'hospitalité et la politesse.

Un autre enseignement du bushido était celui de l'impossibilité pour un samouraï de survivre au déshonneur : ce fut l'origine du seppoukou ou harakiri, cette forme étrange du suicide qui consiste à s'ouvrir le ventre.

Les samouraï condamnés à mort avaient le droit de faire harakiri et échappaient ainsi à l'exécution infamante par la main du bourreau. Souvent ils se suicidaient pour ne pas rester sous le coup d'une insulte ou pour expier un acte qui aurait terni leur nom ou ruiné leur famille ou

bien encore pour ne pas survivre à la ruine ou à la disgrâce de leur seigneur.

Le harakiri s'accomplissait généralement en grande cérémonie et l'étiquette qui en réglait les moindres détails ne devait pas avoir de secrets pour ceux qui pouvaient être appelés à y tenir le rôle principal. Tout samourai devait être capable de jouer ce rôle terrible sans se troubler, il devait se poignarder sans sourciller et s'ouvrir le ventre suivant la règle, de gauche à droite ; il devait rester calme et serein jusqu'au bout : jusqu'au moment où le kaichakoti, l'ami chargé de lui rendre le service suprême d'abréger ses souffrances, lui abattait la tête d'un coup de katana.

Malgré ses conceptions exagérées, le bushido constituait un système éthique de tout premier ordre, et l'observation rigoureuse de ses principes jointe à la culture physique et intellectuelle, faisant des samourai l'élite du peuple nippon. Ils en restèrent la classe dominante jusqu'à la révolution de 1867.

Cette révolution, la plus radicale qui se soit jamais faite, aboutit à la suppression du chogounat par le mikado, à la disparition du régime féodal et à l'émancipation de la nation japonaise par son empereur Moutsou-Hito, le plus grand — sans conteste— des souverains régnants.

C'est alors que les daimio et les samourai eurent l'occasion de donner toute la mesure de leur noblesse réelle. D'un commun accord, ils renoncèrent à leurs privilèges, aux revenus attachés à leur position et — sacrifice peut-être plus pénible encore — au port du katana et du wakisachi.

Quelques grands seigneurs — il est vrai — regrettèrent le régime féodal et leur puissance perdue. La révolte de Satsouma éclata. Mais presque tous les samourai, bien qu'appauvris, presque réduits à la misère par le nouvel état de choses, restèrent fidèles au mikado etrépri-mèrent l'insurrection.

La transformation fondamentale du Japon amena la création de tous les rouages d'un Etat moderne, et les samourai se transformèrent en une armée de fonctionnaires souvent mal rétribués mais toujours respectés et dévoués corps et âme au service du Daî nippon.

Le gouvernement en fit surtout des instituteurs et des officiers, des éducateurs du peuple. Et tout naturellement, à la caserne comme à l'école, ils se mirent à enseigner à leurs élèves les principes moraux de leur caste. Et le bushido, débarrassé de ce qu'il avait d'excessif, adapté aux besoins des deux sexes et de toutes les classes de la population, constitue aujourd'hui le fond moral de l'enseignement japonais.

Il explique comment le culte du courage uni à celui de la patrie forme un grand peuple et lui assure la victoire.

CHRONIQUE & CORRESPONDANCE

Banquet de la Société d'hypnologie et de psychologie

Après la quatorzième séance annuelle, qui a eu lieu le mardi 20 juin, les membres de la Société se sont réunis en un banquet amical. M. le Dr Albert Robin, médecin de Beaujon, membre de l'Académie de médecine, présidait. A ses côtés avaient pris place, M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétrière, président, M. Melcot, avocat général à la Cour de cassation, M. Lionel Dauriac, professeur honoraire à la Faculté de Montpellier, vice-président, M. le Dr Paul Magnin, professeur à l'Ecole de psychologie, vice-président, M. le Dr Triboulet, médecin des hôpitaux, M. le Dr Bérîllon, médecin-inspecteur des asiles d'aliénés, secrétaire général de la Société, M. le D' Boix, rédacteur en chef des « Archives générales de médecine ».

Parmi les convives, nous devons citer M. le Dr Feuillade (de Lyon), M. le Dr Paul Joîre (de Lille), MM. les D" Farez, Bianchi, professeurs à l'Ecole de psychologie, M. le Dr Raffegeau, directeur de l'établissement hydrothérapique du Vésinet, M. le DrPottier, médecin de la maison de santé Picpus. MM. les D" de Groer (de Varsovie). Bernard (de Cannes), Demonchy, Le Menant des Chesnais, Poulalion, Saqui, Pamard, Courtault, Barbier (de Paris), Kent-Monnet (de Nice), D"" Lipinska (de Luxeuil), MM. Lépinay, Louis Favre, Félix Régamey, Blîeck, professeurs à l'Ecole de psychologie, Grollet, secrétaire général de la Société de pathologie comparée, Curot, médecin-vétérinaire, M. le capitaine Crespin de Beauregard, MM. Gallia, professeur, Laurent-Cely, avocat à la Cour d'appel, M. Blech, docteur en droit, Gosset, professeur, M. Maillols, statuaire.

M. le Dr Farez, secrétaire général, donne lecture de télégrammes qu'il vient de recevoir de M. le Dr Orlitsky {de Moscou), et de M. le Dr Hœ-berlin, de l'Ile de Fuhr (Allemagne). Il fait part de nombreuses lettres d'excuses venues de toutes parts t*t dont les auteurs font des vœux pour le succès de notre Société. Parmi elles nous citerons celles de M. le D' Huchard, membre de l'Académie de médecine, Dr Beaunis professeur honoraire à l'Université de Nancy, D' Raymond, professeur à la Faculté de médecine, Dr Brousse, président du Conseil municipal de Paris, Landrieux, médecin de Lariboisière, Muteau, député, ancien président de la Société internationale d'assistance, Dr Van Velsen (de Bruxelles), Lloyd-Tuckey (de Londres), Domenech y Lonch (de Barcelone), M. Fringnet, inspecteur de l'Académie de Paris, Dr Ricard, sénateur, D' Witry (de Trêves), Dr Jaguarribe (de Sao Paulo], Dr Bou-hazeb (de Tunis), Dr Lemesle (de Loches), Dr Marnay (de Loches), Dr Larrivé (de Meyzieu, Isère), M. Ducloux, vétérinaire-sanitaire (de Tunis), Dr Godon, directeur de l'Ecole dentaire, M. Guenon, vétérinaire principal à Chalon, M. de Millouc, conservateur du musée Guimet, M.Cou-taud. président de la Société protectrice des animaux. M. Valentino,

chef de bureau au minitère des Beaux-Arts, Dr Jacques Bertillon, directeur de la statistique municipale, Dr Kéraval, médecin de l'asile de Ville-Evrard, D' Leblond, médecin de Saint-Lazare, D" Félix Re-gnault, Chervin, Fournier, Bilhaut, Saint-Hilaire, Lux, médecin- major de 1" classe, Binet-Sanglé, Mëlinand, professeur de philosophie au lycée Lakanal, Baguer, directeur de l'Institut départemental des Sourds-Muets, etc.

M. le D' Bérillon, au nom de la Société, remercie M. le Dr Robin de l'honneur qu'il a fait à la Société en acceptant la présidence de laséance annuelle et du banquet. Il rappelle les services rendus parle D'Albert Robin à la clinique et à l'enseignement de la thérapeutique. Il annonce que pour donner à ses élèves plus de facilités pour s'instruire, M. Robin vient de créer à l'hôpital Beaujon, un dispensaire où un grand nombre de femmes du monde apportent aux médecins le concours de la bienfaisance. Le dispensaire de l'hôpital Beaujon constitue une véritable révolution dans l'assistance hospitalière et les résultats de cette œuvre scientifique seront considérables. Le DF Bérillon rappelle les services rendus à la Société par le président M. Jules Voisin, auquel on doit à la Salpêtrière l'organisation d'un service modèle pour le traitement des enfants arriérés et vicieux. Il remercie également M. Melcot, avocat général à la Cour de cassation, qui a apporté les encouragements de la haute magistrature aux études que poursuit notre Société sur la responsabilité morale et pénale. Enfin, le Secrétaire général a exprimé les remerciements de la Société à M. Maillols, statuaire, auteur d'un remarquable buste du Dr Liébeault, dont le modèle ornait la salle des séances et celle du banquet.

M. le Dr Voisin a ensuite porté un toast aux membres du bureau de la Société et à tous leurs collaborateurs. Il est vivement applaudi. M. le Dr Albert Robin, aux applaudissements de tous, lève son verre en l'honneur des membres de la Société venus de la province et de l'étranger et il fait l'éloge de la Société qui a contribué à développer les rapports de la médecine et de la psychologie.

Après le banquet, on présente aux invités « une liseuse de pensées ». Après diverses expériences, des explications fort instructives démontrent par quels moyens mnénotechniques cette liseuse de pensées donne l'illusion de son pouvoir. Nous reviendrons sur cette présentation et exposerons à nos lecteurs les détails de ces expériences.

NÉCROLOGIE

Gabriel Tarde

Sur le maitre philosophe, mort récemment nous empruntons cette page publiée par l'Européen du 21 mai, sous la signature de Mony Sabin.

Atteint d'anévrisme, le philosophe Tarde a été trouvé mort dans sa chambre, le 13 mai au matin. La crise fatale le surprit en pleine énergie de travail incessant, durable et passionné et au début d'une sérénité

intellectuelle qui s'annonçait pure de tout calme faux, acquis par la routine et le succès.

Sa mort, non seulement laisse un grand vide parmi les représentants de la Pensée française, dont il était, aux yeux de l'étranger, l'un des deux ou trois les plus autorisés, mais aussi elle cause un véritable désastre intime à tous ceux qui aimaient en Tarde l'homme complet et véridique.

¦ Quiconque l'a vu et l'a écouté, au Collège de France, à l'Académie des sciences morales ou aux Congrès de l'Institut international de Sociologie, n'oubliera jamais sa figure, sa voix et sa franchise, toute trois prenantes au plus haut degré. Figure étrange et particulièrement pâle, on aurait dit celle d'un montagnard roumain ou bien celle d'un ouvrier mineur italien. Stature haute et anguleuse qui se contractait ou s'allongeait dans l'assaut des argumentations. Mais c'est l'accent rauque et discordant, aigu et souterrain, avec lequel il causait et convainquait, qui était le plus obsédant. Les prunelles élargies derrière le lorgnon : le verbe entrecoupé et chercheur, mais impétueux et entraînant; le buste soudain raidi : c'est bien de cette façon impressionnante que Tarde s'offrait à la discussion. Il y donnait très simplement et tout de suite, toute sa pensée et toute sa passion. Aussi ne tarda-t-il pas à s'imposer aux plus sceptiques et aux plus systématiques de ses collègues.

Sociologue, criminaliste, et statisticien, Tarde ne cessait d'étonner et de passionner tous les esprits par la richesse et le surprenant développement continu de ses idées. Dans tout l'ensemble, assez considérable, de ses travaux d'anthropologie criminelle et de sociologie, on ne trouve rien d'usé ni de replâtré, pas une do ces pensées rouillées qui déparent les œuvres de la plupart des sociologistes actuels.

Tour à tour, rectificateur de Lombroso, premier doctrinaire de la sociologie criminelle, chef du mouvement de réaction contre le mécanisme social d'Herbert Spencer créateur de l'inter-psychologic, l'auteur des Lois de l'imitation, de la Logique sociale et de dix autres ouvrages définitifs doit être considéré comme l'un des précurseurs, de la Science sociale, de cette sociologie subjective, disons même spiritualiste, telle qu'elle apparaîtra demain. — Contentons-nous de dire dans cette note que Tarde sentit autant que Comte la nécessité de condenser et synthétiser les lois émises par toutes les sciences sociales. Mais il sut, plus humainement pour ainsi dire que Comte, que Cournot (qu'entre parenthèses il consulta de très près et à toute occasion) et que n'importe quel sociologue contemporain, qu'il fallait d'abord analyser ces lois et les voir envelopper toutes des faits généraux ou des faits semblables, répétitifs, susceptibles de se répéter indéfiniment. L'étude approfondie du Droit et de ses transformations lui donna, à lui le premier, une certitude sur cette similitude préalable qu'il y a entre les hommes que doit unir un acte juridique : similitude ou répétition qui est bien l'ordre élémentaire et fondamental des faits sociaux. Sa certitude ne

manqua de se communiquer insensiblement, imitativement, pour parler comme lui, à toutes les recherches sociologiques de nos jours.

Tarde a démontré comment notre vie sociale est due à une répétition sociale, à l'imitation. Il a découvert dans l'imitation le fait social, élémentaire, le premier et le plus dominant des liens sociaux universels. Organiquement, d'ailleurs, nous n'existons que grâce à une autre sorte de répétition vitale qui est la nutrition, et l'univers à son tour se réduit à une répétition physique, à la périodicité ondulatoire et gravitatoire. Admettons, d'un autre côté, la part d'accidentel qu'il y a dans toute invention, dans toute systématisation : nous verrons l'imitation en découler, ainsi que le nécessaire découle de l'accidentel. L'imitation est la commune substance — la croyance et le désir transmis d'esprit à esprit — progressant géométriquement, réfractée par le milieu et impliquée dans tous les rapports linguistiques, religieux, scientifiques, politiques, juridiques et moraux, économiques, esthétiques. Elle est à la sociologie juste ce que les mouvements périodiques sont à la physique, juste aussi ce que les phénomènes physico-chimiques reproduits par génération interne et externe sont à la biologie. L'autonomie de la science sociale est désormais assurée, puisque la conscience morale est libérée de ces bornes uniformes et fatalistes entre lesquelles les Spenceriens et M. Durkheim la condamnent à évoluer.

Conscience sociale, esprit social, unité sociale d'une collectivilé, voilà ce que Tarde a bien expliqué parce qu'il a nommé la logique sociale et qui relie les éléments et les produits communicables de la logique individuelle (psychologie intra-cérébrale) dans des ensembles complets et solidaires (psychologie inter-cérébrale). Une interprétation toujours plus parfaite de la conscience sociale caractérise les aspects et états sociaux à mesure qu'ils se succèdent. Des initiatives, des inventions, si infinitésimales qu'elles soient, chaque jour réunissent, sont imitées, sont, intégrées. A tout moment, des valeurs sociales élaborent le choix social rationnel, l'opinion publique, la tradition, et cette élaboration est en perpétuel changement.

Des ondes de sentiment animent et affranchissent les individus et les foules. Si bien que les ondes de l'âme se prolongent en ondulations sociales infinies, indéfiniment évoluantes. Ce sont ces lois auxquelles obéissent ces séries d'action d'esprit à esprit, inter-mentales, que Tarde a fixées.

On a dit, — c'est, si je ne me trompe, M. Combes de Lestrades, — que pour avoir ainsi découvert une des trois lois qui expliquent l'évolution humaine, Gabriel Tarde demeurera aussi grand que Lamarck et que Darwin. Cela pourra bien être. Ce qui est sûr, c'est que chacun de ses livres apparaît, dès maintenant, comme un monde fertile et frais, où les âmes indécises et inquiètes peuvent puiser, regagner confiance et se renouveler.

L'Âdministrateur-Gèrant : Ed. BÉRILLOX.

Paris, Imp. A. Quelqueleu. rue Gerbetl. 10.

20- Année. — ?2.

Août 1905.

BULLETIN

Election de M. le Dt Paul Richer à l'Académie des Beaux-Arts, (avec un portrait). — La réalisation d'une idée de M. le Dr Huchard et la création d'une commission permanente des stations minérales et climatiques de France. — L'enseignement de la psychiatrie et de la médecine légale a la Faculté de droit.

Dans sa dernière séance, l'Académie des Beaux-Arts a élu M. le D' Paul Richer. Nous applaudissons à cet hommage rendu à un de nos maîtres qui

M. le Dr Paul Richer.

fut le principal collaborateur de Charcot. En effet, le livre de M. le D' Paul Richer intitulé Eludes cliniques sur la grande hystérie et le grand hypnotisme constitue le véritable monument qui a marqué l'entrée de l'hypnotisme

dans l'enseignement officiel. Dès cette époque, M. Richer s'était révèle un artiste de grand talent ; il avait associé, dans la composition de son livre. Le psychologue, le clinicien et le dessinateur. Un peu plus tard, par son livre si remarquable sur les Démoniaques dans l'art, publié en collaboration avec Charcot, il révéla les services que l'art peut rendre par son association avec la médecine. Le livre sur les démoniaques a démontré avec la plus grande évidence que les possédés du moyen-âge, les convulsionnaires mystiques, les extatiques, n'étaient que des malades atteints de névroses con-vulsives. M. Paul Hicher a été le véritable initiateur du mouvement qui depuis, a entraîné beaucoup de chercheurs vers les études d'iconographie médicale. Ainsi préparé par sa collaboration à l'Ecole do la Salpêtriérc, M. Paul Richer fut désigné pour succéder à M. Mathieu Duval, dans sa chaire de professeur d'anatomie a l'Ecole des Beaux-Arts. Devenu membre de l'Académie de médecine et aujourd'hui membre de l'académie des Beaux-ÀTls, le nouveau membre de l'Institut continuera, dans son atelier de la rue Garanclôrc, a altcrucr les modelages du statuaire et les recherches scientifiques. Vous sommes heureux de le féliciter de son nouveau succès.

«

» »

Au récent congrès de Cl ira ato thérapie et d'hygiène urbaine, M. le Dp Hu-chard, membre de l'Académie de médecine, avait proposé le vœu qu'une Commission permanente des stations minérales et climatiques de France fût organisée au Ministère de l'Intérieur. Cette excellente idée vient d'être adoptée et le Ministre, fort intelligemment, en a confié la réalisation à celui qui était le mieux qualifié pour le faire à M. le Dr Huchard lui-même. En sa qualité de secrétaire général de l'œuvre, notre éminent maître a adressé un éloquent appel à tous ceux qui se préoccupent de l'utilisation des richesses naturelles de notre pays. En quelques jours la commission a été constituée. Elle va commencer incessamment ses travaux, et on peut dire que sous l'impulsion de M. Ruchard, elle exercera sur l'opinion l'Influence la plus salutaire.

Souhaitons que les médecins français renoncent bientôt à ce snobisme singulier qui les porte â dédaigner les richesses hydro-mlncrales si abondantes en Franco, pour recourir aux eaux étrangères dont l'efficacité est beaucoup moins démontrée. Par la môme occasion, formulons le vœu que dans le pays de Charcot, de Durand (de Gros), de Dumontpallier, de Llé-beault, c'est-à-dire des véritables créateurs de la psychothérapie contemporaine, on cesse de s'imaginer qu'il faut aller cnSuisse pour y trouver le traitement psychologique ou moral qui convient au traitement des névroses. La science de la psychothérapie, créee de toutes pièces en France, est devenue une spécialité étrangère. Pour beaucoup de nos compatriotes, selon la formule consacrée, elle n'aura de valeur que lorsqu'elle nous sera revenue de l'étranger. Le mode nouvelle n'aura qu'un temps. Déjà beaucoup de nerveux, par la comparaison des procédés thérapeutiques, ont pu se convaincre que, sur le terrain de la psychothérapie, les spécialistes français ont conservé toute leur supériorité. Cette question de l'exploitation des procédés thérapeutiques, nés en France se rattache à celle qui a été soulevée avec tant d'à propos par le Dr Huchard. Nous lui adressons nos vives félicitations pour son Intelligent patriotisme et pour son initiative.

Dès l'automne prochain, l'enseignement de la psychiatrie et de la médecine légale sera organisé à la Faculté de droit de Paris. C'est à l'initiative de m. Drioux, avocat général à la Cour d'Orléans, que sera du ce progrès. Dans tous les temps les magistrats se sont tenus, pour ainsi dire, systématiquement, à l'écart des études de psychologie ou de médecine mentale. Il leur paraissait qu'il y aurait quelques inconvénients à mesurer l'étendue de la responsabilité humaine, et que la sévérité de la justice pourrait être diminuée par la constatation de la misère psychologique, cause de tant d'infractions aux lois morales et pénales. Dans quelques années, les nouvelles générations de magistrats seront plus disposées à s'intéresser aux études psychologiques. Déjà quelques-uns, et non des moins émlnents, ont honoré de leur adhésion la Société d'Hypnologle et de Psychologie. La nouvelle création aura pour effet d'augmenter le nombre de ces magistrats clairvoyants, dont l'esprit est ouvert ù toutes tes questions qui permettent de mieux connaître l'homme, et qui puisent dans ces études les fondements d'une justice scientifique.

Les Femmes â barbe : Étude psychologique et sociologique (suite)").

Par m. le D' Bérillon Professeur à l'Ecole de Psychologie

Les femmes à barbe dans la religion. — Une Isl* réprésentée avec de la barbe- — Cybèle androgyne. — L'Aphrodite barbue d'Amathonte. — Les Gorgones- — La Venus barbata des ttomains.

Dès l'antiquité la plus reculée, si l'on s'en rapporte à Hérodote, à Aris-tote, à Hippocrate et â d'autres auteurs, il y a eu des femmes à barbe. L'apparition de la barbe chez certaines femmes fut même attribuée à des interventions divines. Les Pédasiens, comme nous l'avons dit déjà, attachaient une grande importance à l'existence de la barbe chez leurs prêtresses, puisqu'ils la considéraient comme un présage de malheur.

Les femmes à barbe n'étaient probablement pas très rares, car Athénée et Lucien, parlant de plusieurs hétaïres d'ordre inférieur qui n'étaient connues que par leurs surnoms, en désignent une sous le nom de Cornallis ou la barbue, sans paraître y attacher d'autre importance. Ce qui indiquerait que le fait n'avait en lui-même rien de surprenant.

Nous trouvons dans un livre de Berger de Xivray, intitulé : Traditions têratologiques ou récits de l'antiquité et du moyen-âge en Occident ('), un passage où il indique que les femmes barbues se renconlraient fréquemment en Arménie.

C'est probablement à l'existence de ces femmes â bar'ie qu'il faut rat-

(1) Voyez Revue de FHypnotismc, n« de juillet 1904 et n" suivants.

(?) BergEn de XivraY : Traditions têratologiques ou récits de V antiquité et du moyen-âge en Occident. 1836.— Ch. Mulieres barbatx, p. 100. « Mulieres ut ferunt. juita montem Armenia; nascuniur pellibus iudut«, barbam usquo ad mammes pro-lixom habentes ; qua; sibi, dum venatnees sunt, tigres et Icopardes et rapide ferarum génère pro canibus nulriunt. *

tacher la formation des cultes ayant pour but d'honorer des divinités féminines barbues. En effet, les monuments figurés du culte des grandes divinités féminines, Isis, Cybèle, Vénus les représentent toujours avec les caractères les plus saillants de la beauté féminine, telle qu'on la concevait selon le milieu et selon les besoins de l'époque. En réalité, dans tous les temps, les hommes ont façonné les images de leurs divinités d'après des modèles empruntés aux physionomies et aux attitudes dont la contemplation leur était familière.

Sur le plateau de la grande Arménie, le type de la Vénus Anahib était tellement viril et sauvage qu'on le comparait à celui de Diane chasseresse, dont elle avait tous les attributs. Dans la Cappadoce et le Pont, on y exagérait encore son allure martiale. Armée de pied en cap, elle y représentait l'esprit de conquête et y était transformée en déesse de la guerre (';. Ce sont assurément ces femmes d'allure guerrière qui ont été l'origine des diverses légendes relatives aux Amazones.

Quand les nécessités de la lutte pour l'existence n'imposèrent plus aux femmes de prendre part aux batailles, les statuaires continuèrent pendant longtemps à populariser ces exploits surprenants. Leur génie trouvait un thème séduisant dans la figuration de ces combats où des femmes jeunes, belles et courageuses luttaient à demi-nues contre de robustes guerriers. En Grèce, les Lacédémoniens poussaient au plus haut degré, le culte de la femme vaillante, et prête à la guerre. La Vénus Spartiate était armée comme Ares, et coiffée du casque. Elle portait le nom de Venus armaia. De pareils attributs convenaient à la divinité d'un peuple dont les principales préoccupations étaient portées vers la gloire des armes.

A Athènes, où les mœurs étaient policées et où les arts étaient en honneur, la même déesse avait reçu d'autres noms qui correspondaient aux goûts plus affinés des citoyens, Vénus y était devenue la déesse de la beauté et on l'y adorait sous les noms caractéristiques de Callipyge, de Pudique, de Génératrice.

La Vénus Anadyomène, d'Apelle, et la Vénus de Cnide, de Praxitèle, non seulement furent les plus belles manifestations de l'hommage rendu à la beauté féminine, mais elles nous apprennent aussi que les Athéniennes étaient sans rivales au point de vue de la grâce et de la beauté des formes.

Ces transformations de l'image de Vénus selon le milieu sont fort instructives. Le fait qu'en Assyrie et dans l'île de Chypre, Aphrodite était figurée avec de la barbe, constitue une présomption de l'existence dans ces pays de nombreuses femmes à barbe. Si, dans le temple d'Amathonte,.la divinité qui symbolise par excellence l'hommage rendu à l'amour et au sexe féminin, a reçu cet attribut, cela tendrait à prouver que la barbe était considérée comme un attrait par les Assyriens et plus tard par les Cypriotes. Ce qui eût choqué les yeux à Athènes, était

(1) Biographie universelle ancienne et moderne: Partie mythologique, 1833. T.55. p. 597.

admiré â Chypre. Affaire de goût, de mode, d'habitude et de milieu. Le rôle que joue Aphrodite comme inspiratrice des passions de l'homme est un lieu commun de la littérature grecque. A Chypre, les femmes à barbe ne devaient pas être dédaignées, puisqu'elles incarnaient en leur personne les attributs les plus frappants de la divinité qui préside au bonheur de l'amour partagé (').

*

Dans l'antiquité, les divinités créatrices ont souvent été figurées avec des caractères androgynes. Chez les Egyptiens, le Nil, source de toute vie et de toute richesse, était toujours représenté avec de la barbe, des organes virils, et un sein de femme. Chez certains dieux, ces sexes sont

l. . ¦ tii — La déesse Isis, représentée avec de la barbe, d'après Creuzar.

associés avec une prédominance tantôt des attributs masculins, tantôt des caractères de la féminité. De toutes les divinités égyptiennes, une des plus populaires est l'image de la bonne déesse Isis, tenant sur ses genoux le petit Horus. Cçllc que nous empruntons à Creuzer (*), d'après le livre du Dr Hirschfeld est surtout intéressante à nos yeux, parce qu'elle porte au menton une barbe très accentuée (fig. 64). Cette barbe, d'après la façon dont les artistes égyptiens figuraient ce caractère, est constituée par un quadrilatère fixé sous le menton. Isis figure ainsi, par ces divers attributs, la nature mâle et femelle, c'est-à-dire la terre nourricière, considérée comme créatrice et aussi comme une force puissante. Cette force est également figurée par le geste dominateur de ses mains dont l'une s'appuie sur la tète d'un lion et l'autre sur celle d'un dogue. On peut se demander s'il ne faut pas rattacher l'Aphrodite barbue de la religion assyrienne à ces figurations de l'Isis barbue, à la fois femme par sa maternité et homme par la virilité de son visage.

(I) Actuellement encore, il est fréquent de rencontrer dans l'Ile de Chypre et en Asie Mineure des femmes dont la lèvre supérieure est fortement ombragée et dont le système pileux est assez développé sur les joues.

P) Creczer : Abbildungen zur Syrabolik und Mythologie. Leipzig, 1819.

Ce fut sur le mont Sipyle, dans l'Asie-Mineure, contrée limitrophe de l'Egypte, que s'organisa le culte de Cybèle, déesse de la terre et mère commune des hommes et des dieux. En effet, d'après Strabon, l'idée de Cybèle n'est jamais séparée de celle de montagne, de foret sauvage. Elle symbolise la nature dans l'épanouissement de sa force et de sa beauté inculte. Elle est la divinité à la fois mâle et femelle, réunissant en une seule personne toutes les puissances créatrices et tous les attraits. Dans les monuments antiques, elle apparaît sous les traits d'une femme à l'attitude imposante, à la physionomie sévère, aux allures de virago, La légende nous la montre capable de faiblesses sentimentales, mais ses caprices s'adressent au mâle efféminé, Endymionou Athys, dont elle ne saurait redouter ni domination, ni asservissement.

Fig. 65. — Monnaie de Magnésie du Sipyle.

Un grand nombre de villes de l'Asie Mineure faisaient figurer sur leurs monnaies ou sur leurs médailles des figures de Cybèle, ainsi que des représentations de femmes viriles ou d'amazones. Dans certains cas, les sujets empruntent leurs attributs aux deux sexes, comme dans cette monnaie de Magnésie de Sipyle où l'on trouve associés, sur le même sujet, de la barbe et des allures viriles, avec le costume habituel des amazones et des seins très développés (fig. 65). Le caducée que le personnage tient à la main a d'ailleurs été considéré par divers auteurs et en particulier par Félix Lajard comme un symbole de l'hcrmaphro-dilisme.

»

* *

Félix Lajard, dans ses savantes recherches sur le culte de Vénus, publiées en 1837, a indiqué les sources auxquelles il fallait rapporter la croyance à une Aphrodite douée de quelques-uns des apanages de la virilité et en particulier de la barbe ('j.

a A Chypre, dit Macrobe, il y a une image de Vénus qui la représente

(I) Lajard (Félix). H«cherches sur le culte, les symboles, les attributs et les monuments figurés de Vénus, en Orient et en Occident. Un vol. in-4", avec un atlas de 31 planches.

barbue, avec la stature d'un homme habillé en femme, et tenant un sceptre à la main. » Elle aurait, ajoute-t-il, réuni dans cette effigie les attributs des deux sexes, en tant que considérée comme à la fois mâle

et femelle (1)-

Macrobe rapporte un passage de Lœvinus (-) et s'appuie sur un témoignage de Philochorus (3), pour prouver que, dans l'antiquité, Vénus était en effet réputée mâle et femelle. Philochorus indique même que, pour reconnaître en Vénus ce double caractère sexuel, les hommes s'habil-

Fig. 86. — Statue trouvce;dans l'ile doJCbypre, « Athicnau.

laient en femmes, dans la célébration des mystères, tandis que les femmes revêtaient des costumes masculins. Il ajoute qu'Actérianus, Calvus et Virgile avaient eu raison d'employer le mot deus et non dea. en parlant de cette divinité. Il dit encore qu'Aristophane la nomme Ap k rodi tos.

Servius confirme les points les plus essentiels du récit de Macrobe en racontant que les insulaires de Chypre représentent la déesse « avec une barbe, le corps et l'habillement d'une femme, un sceptre et la stature d'un homme (4).

(1) Signum etiam r-jus (Veneri*) est Cypro barbatum, corpore et veste muliebri, cuoi sceptro ac stature virili. Et putant eamdem inarem ac feminam esse. (Ma* Crobe. Saturnales, ni, S.)

(2) Lœvinus etlam sic ait : Venirem igkur alm-im adorans, slvcfemina, sive mas est, lia uti alma noctiluca est.

(3} Phllochorus quoque lu Athride eamdem veneren» affirmât esse lunam ; et ci sacrificium faceré viros cum vesti muliebri, mulleres cuoi virili, quod eamdem et mas œstimatur et femina.

(4) Servics : Ad (Eneid., n, 635.

Catulle, de son côté, semble avoir fait allusion aux deux sexes de Vénus, en l'appelant duplex Amaltkusia, expression qui doit être rapprochée du témoignage de Pœon,auteur d'une histoire d'Amathonte. Ce dernier, cité par Hésychius, affirmait que Venus était représentée comme un homme, c'est-à-dire avec de la barbe.

Sur la foi de tous ces témoignages, les archéologues ne négligèrent rien pour arriver à découvrir des représentations figurées de l'Aphrodite barbue. Ils explorèrent l'Ile de Chypre de fond en comble et, au prix

Kig. 6". — Figure volive trouvée dans l'Ile de Chypre, a Amrit. Dessin de M. Ary Renan.

des plus grands sacrifices, mirent au jour un grand nombre de sanctuaires et de tombeaux. Quelques-uns de ces chercheurs ont voulu reconnaître la divinité androgync dans la belle statue dont nous donnons le dessin (Fig. 66).

Plusieurs détails de la coiffure et du costume pourraient justifier l'opinion qu'on se trouve en présence d'un sujet féminin. Mais faute de preuves plus convaincantes, nous nous rallions aux prudentes réserves qui ont été formulées à ce sujet par M. Perrot.

Un cerlain nombre des images votives, comme on en rencontre tant à Chypre, présentent une association d'attributs masculins et de caractères féminins.

Dans la ligure votive (Fig. 67), trouvée à Amrit, dans un caveau funéraire, la tête est nue. La chevelure tombe sur la tête en longues mèches

gaufrées, comme dans plusieurs des figurines de femme, en terre cuite, qui proviennent de l'art phénicien. Par l'arrangement de la coiffure, ce sujet peut être rapporté à une femme, mais par les traces très accentuées de sa barbe, cette physionomie prend un caractère complexe. Elle n'apportait pas encore de solution à la question de l'existence de l'Aphrodite barbue d'Amathonte.

II n'en est plus de môme avec d'autres figures qui ont été découvertes depuis par un archéologue des plus distingués, M. le général de Cesnola, qui s'est livré dans l'ile de Chypre à des fouilles personnelles poursui-

Fig. 03. — Apnrodue barbue d'Ainalhonie. (M. de Cesnola.)

vies avec la plus grande sagacité, et qui a mis à jour plusieurs centaines de tombeaux, a été assez heureux pour trouver, dans la nécropole d'Ama-ihonte, une figure qui peut être considérée comme une des représentations de l'Aphrodite barbue dont parle Macrobe.

M. de Cesnola a trouvé deux exemplaires semblables, ce qui donne encore plus de poids à ses assertions.

Ces statuettes en terre cuite étaient peintes, et la trace des couleurs dont elles étaient recouvertes y est restée très visible: on y distingue du rouge sur les lèvres, du noir à la barbe, aux yeux et aux sourcils. Le sexe féminin est marqué très nettement sur l'argile par une ligne noire tracée au pinceau, ligne surmontée, pour compléter l'indication, d'une sorte de tache de la même couleur qui figurerait l'existence des poils de la région pubienne (Fig. 68).

Les nombreuses figures votives et les divinités découvertes par M. de Cesnola dans l'île de Chypre ont été acquises par le Musée de

New-York. Elles ont provoqué de nombreuses discussions dans le monde des archéologues. Les ligures dans lesquelles M. de Cesnola (') voit la reproduction de la divinité féminine barbue qui était l'objet à Chypre d'un culte assidu, ont provoqué une vive curiosité (2). Un certain nombre d'archéologues se sont rangés à son opinion et en particulier M. Dcell qui considère qu'il s'agit bien là de l'Aphrodite barbue d'Ama-thonte. Pour M. Dcell, d'autres figures barbues doivent également être rangées dans la catégorie des divinités féminines (s}.

La ville d'Halicarnasse, en Carie, qui fut dans l'antiquité une des villes les plus florissantes de l'Asie mineure, avait également un temple consacré au culle de l'Aphrodite barbue. Aussi un certain nombre d'archéologues se sont préoccupés d'y retrouver des documents figurés se

Flg. 68. — Monnaie d'Halicarnasse.

rapportant à l'existence de cette divinité. La figure barbue qu'on voit sur une des faces de la monnaie d'Halicarnasse (fig. 69) et qui représente un individu barbu revêtu d'un costume féminin doit, d'après Ralgeber ('), être rapportée à l'Aphrodite barbue dont le culte fut longtemps en honneur en Asie mineure.

Il est peu de personnages de la fable qui aient donné lieu à plus de représentations figurées que les Gorgones. D'après Hésiode, les Gorgones, filles de Phorkys et de Keto étaient trois sœurs. Elles s'appelaient Stheino. Euryate et Méduse. Les deux premières avaient le don de l'immortalité. Méduse était mortelle. C'est elle que la légende et l'art ont rendue particulièrement célèbre et qui symbolise par excellence la Gorgone.

Ces trois monstres ont exercé l'imagination des mythographes. Suivant Diodore, elles étaient des femmes guerrières qui habitaient la

(1) M. de Cessola: Cyprus, 1877, p. 132.

(2) M. Perrot et Chipiez : Histoire de l'art dans Vantiquitê. t. III. p. 560.

(3) Doem,: Oie Sammlung Cesnola. Mémoires de l'Académie de Saint-Pétersbourg, 1873.

(4) Ratoebeu : Supra alcune monete di Alicarnasso. Bullelino, 1839.

Lybic, près du lac Tritonide, et qui étaient souvent en guerre avec les Amazones, leurs voisines. Au temps de Persée, elles avaient pour sœur Méduse. Pline en parle comme de femmes sauvages hérissées de crins. Selon Héraclide, les Gorgones étaient des filles d'une remarquable beauté, mais hideuses par le trafic chômé qu'elles faisaient de leurs charmes.

Nous nous bornerons en quelques mois à rappeler le mythe de la mort de Méduse. Cette Gorgone, douée d'une beauté ravissante et d'une merveilleuse chevelure, ayant osé disputer a. Minerve la palme de la

Fig.70. — Gorgone archaïque barbue (Grèce!. (Musée du Louvre.»

beauté, celle-ci aurait fait de la tête de la Gorgone un objet d'horreur, et communiqué à ses yeux le pouvoir de changer en pierre tous ceux qu'elle regardait. Nous donnons ci-joint le dessin d'un bas-relief du Musée du Louvre, qui représente un type archaïque. L'artiste s'est appliqué à donner à cette figure une laideur repoussante. La tête ronde est surmontée de cornes. Le visage est encadré d'une barbe en collier destinée à accentuer l'expression grimaçante qui se dégage de cette physionomie (fig. 70).

Les dieux, voulant délivrer le pays d'un fléau aussi re loutable, chargèrent Persée de tuer la Gorgone. Mais pour qu'il put, sans danger, éprouver le terrible effet des regards de Méduse. Minerve lui fit présent de son miroir qui lui permettait de voir le monstre sans être obligé de le regarder. Plutôn lui donna son casque qui avait la propriété de rendre invisible celui qui le portait. Persée put donc s'approcher sans

danger, et lui trancha la tête d'un coup du fer dirigé par Mineive. Du sang qui jaillit du corps de Méduse naquit aussitôt Pégase. Pcrsée l'enfourchant prit alors son vol à travers les airs, tenant dans la main la tète de Méduse. Ce récit fut l'objet de nombreuses variantes. Nous ne voulons en retenir que ce fait, c'est que le nom de Méduse symbolise une image très frappante des effets soudains produits par la crainte, par la terreur soudaine qu'éveille un danger et dont l'effet est de glacer d'effroi, cl de pétrifier pour ainsi dire les membres en les fixant au sol.

C'est ce qui explique que les guerriers, qui voulaient inspirer de la terreur à leurs ennemis, figuraient sur leurs boucliers la tête de Méduse.

Flg 71. — Gorgone barbue figurant sur un plat de Camlros.

Homcre parlant des armes d'Agamcmnon. dit que sur le bouclier de ce roi se trouvait une Méduse, environnée de la terreur et de la fuite. Ce masque horrible de la Gorgone figure souvent sur les diverses pièces des armures des guerriers de l'antiquité. On l'a souvent retrouvé dans la décoration des monuments qui devaient rappeler le souvenir de terreurs paniques.

Par une suite de transformations successives, la tète de la Gorgone est devenue un simple masque grimaçant, considéré par les anciens comme une amulette douée de la propriété de préserver du mauvais œil. Tous les peuples primitifs imaginent ainsi des monstres dont la tète grimaçante met en fuite les mauvais génies. Le Gorgonéion prophylactique accompagne les Grecs et les Romains dans tous les actes de la vie. (*) Ils le portent sur leurs vêtements et leurs bijoux, sur leurs armes, sur leurs instruments. Ils en ornent leurs meubles, leurs lampes, leurs vases, leurs monnaies

(1) DAnEUDEitT et Saglio.— Dictionnaire des antiquités. Article Gorgoae, pp. 1615. et suivantes.

Un des exemplaires les plus anciens du gorgonéion protecteur est peint sur un plat de Camiros [Fig. 71.). Le visage est entouré d'une sorte de barbe. C'est le motif, si fréquent dans l'art archaïque, du Gorgonéion barbu. On pourrait croire à quelque type mâle, mais ce sont bien les Gorgones qu'on rendait ainsi plus hideuses.

« En donnant de la barbe à des figures féminines, ces artistes grecs ne songaientqu'à produire un effet d'horreur.

Fig. 72. — Gorgone barbue [type gréco-asiatique).

Dans le type gréco-asiatique, les Gorgones en pied sont représentées en course. Selon la formule consacrée, une des jambes est pliée et le genou fléchit jusqu'à raser le sol. Les Gorgones courent toujours à droite. Parfois elle lèvent un bras et baissent l'autre ; plus souvent elles tiennent les deux bras étendus ou baissés, surtout quand elles portent en mains des ornements symboliques. Leurs bras sont nettement détachés du corps, geste qui rend la rapidité du mouvement ; ce n'est pas une marche, c'est un vol. Aussi les Gorgones ont-elles des ailes. Le vieux style gréco-asiatique en donne quatre aux Gorgones. La Gorgone gravée

Fig. 73. — Gorgone barbue (type européen).

sur une calcédoine de Panticapée (Fig. 72.) est ornée de ces ailes. La barbe est également figurée.

Les Gorgones des pays européens semblent aussi, en courant, toucher la terre du genou incliné. Elles se lancent aussi vers la droite. Elles ont également des ailes, mais elles n'en ont plus qu'une paire. Le type de Gorgone, emprunté au Bouclier d'Héraclès, nous donne une très bonne représentation de ces Gorgones du type européen (Fig. 73.). Ce qui caractérise cette figure, c'est la netteté avec laquelle la barbe est dessinée. Il n'est

pas douteux qu'il ait été dans les intentions de l'artiste de doter la Gorgone d'une barbe destinée assurément à lui enlaidir la physionomie. 11 n'est parvenu qu'à doter cette figure d'une expression virile.

Nous donnons également le dessin d'un vase étrusque de Chiusi conservé dans le musée Casuccini. Ce vase est décoré d'un grand nombre de figures au nombre desquelles se trouve une Gorgone très remarquable (Fig. 74.). Le décorateur de ce vase a donné à son sujet un corps dont l'aspect très féminin contraste avec la barbe et la laideur du visage.

f: 7t. — Gorgone barbue. Sur un vase étrusque de Chiusi.»

Nous aurions pu multiplier les exemples de même ordre qui tendent à prouver que les artistes anciens avaient la notion de sujets chez lesquels la sexualité féminine était compatible avec le développement de la barbe sur le visage. Mais j'ai hâte d'aborder l'étude des documents qui démontrent que le culte de l'Aphrodite barbue n'est pas resté cantonné en Grèce, mais que la Venus barbata a aussi été honorée chez les Romains. (à suivre).

L'hystérie de Bernadette, de Lourdes,

par M. le Dr Rouby, Médecin-directeur de la Maison de Santé d'Alger. (suite) (1)

V

Le CurÉ de LOurdes Une autre personne à Lourdes, le fait est de notoriété publique, l'abbé Peyramale, curé de la ville, ne voulut pas croire au miracle et cela à bon escient. Lorsqu'un jour il dit à Bernadette : « Demande à la Sainte Vierge de faire fleurir le rosier de la Grotte, et je croirai, » il

' (i)Voycz Revue de l'Hypnotisme, n' de juillet 1905.

savait bien que le miracle ne se ferait pas. Aussi, malgré la pression exercée sur lui par ses supérieurs, et malgré son intérêt devoir Lourdes devenir un centre de dévotion, fit-il une résistance longue et tenace. Il connaissait le péché de Madame X..., la jeune femme surprise dans la grotte, et puisqu'il ne pouvait dévoiler un secret entendu en confession, il refusait du moins, en honnête homme qu'il était, d'appuyer de son autorité ce miracle dont il connaissait mieux que personne le peu de fondement.

Pendant de longues années, il se tint à l'écart, et cela n'était pas sans étonner paroissiens et pèlerins. Plus tard, il est vrai, en voyant les choses tourner autrement qu'il n'aurait voulu, et le culte nouveau prendre des proportions inouïes, il crut de son devoir de cesser pour le bien de la religion, une opposition devenue inutile.

M. Henri Lasserre lui-même, dans son livre, constate le fait, tout en se gardant bien d'en donner la véritable raison. Ne pouvant faire disparaître ce témoin gênant, il le noie dans de l'eau bénite de cour ; il termine ainsi son chapitre concernant l'abbé Peyramale : a Telles furent a les raisons profondes, les considérations de haute sagesse qui déter-a minèrent, en ces circonstances, M. le curé de Lourdes à interdire for-a mellement à tous les prêtres placés sous sa juridiction de paraître à « la Grotte Massabielle et à s'abstenir lui-même d'y aller. »

Si l'abbé Peyramale avait cru à la divinité de l'apparition, ni les raisons profondes ni les considérations de haute sagesse, dont parle M. Henri Lasserre, ne l'eussent empêché de courir à la Grotte faire acte de foi avec la foule.

IV

mécanisme des apparitions

Comme les autres visions de Bernadette, au lieu d'être réelles comme la première, se passèrent entièrement dans son imagination maladive, il est nécessaire d'entrer dans quelques explications scientifiques pour mieux les faire comprendre.

Il nous faut un moment devenir professeur de médecine mentale, pour traiter de deux symptômes hystériques, les hallucinations et l'Extase.

Cette leçon sera pour vous, lecteurs, le « Sésame-ouvre-toi » qui vous permettra de pénétrer dans le cerveau de Bernadette et d'y découvrir le mécanisme de ses visions.

Hallucinations hystériques. — Parlons d'abord des hallucinations hystériques, et pour les expliquer citons quelques observations de personnes atteintes comme la petite bergère de Lourdes, de ces troubles nerveux.

1" Observation : Mlle de C... est atteinte d'hystérose : dans la journée du 8 octobre 1902, elle a éprouvé des malaises qui ont inquiété sa mère : celle-ci, durant la nuit suivante, a pénétré dans la chambre de sa fille, s'est approchée sans bruit du lit, et n'entendant pas sa respiration, s'est penchée sur elle pour mieux écouter ; puis tranquillisée, elle s'est retirée.

Mlle de C... ne dormait pas; étendue sur son lit, les yeux grands ouverts dans l'obscurité, elle vit, sans la reconnaître, sa mère s'approcher et se pencher. Elle se figura qu'un gros fantôme noir était là et fut saisie d'une indicible épouvante à la pensée que cette ombre allait la prendre et l'étouffer dans ses bras : l'angoisse trop forte lui serrait le cou et l'empêchait de crier. Lorsqu'elle se réveilla le lendemain, elle se souvint nettement des événements de la nuit.

Tel fut le fait initial, réel, cause des hallucinations subséquentes.

Au matin, Mlle de C... raconta son aventure à sa mère, mais en apprenant la vérité, elle ne fut qu'incomplètement rassurée.

Or, il arriva ceci :

La nuit suivante, à peu près à la même heure, Mlle de C... se réveille et voit contre son lit un fantôme qui se penche sur elle et l'étouffé. Mlle de C... éprouve une hallucination qui reproduit la scène de la veille.

Pendant quelques semaines, chaque nuit l'apparition revient se reproduisant à la même heure et de la môme façon : un beau jour elle cesse ses visites : tout est fini.

Or, pendant que ses nuits sont troublées de la sorte, le reste du temps Mlle de C... mène sa vie habituelle et ne donne aucun signe de dérangement intellectuel.

Celle hallucination est caractéristique : elle est la reproduction d'un fait initial réel; elle survient à intervalles plus ou moins réguliers, dans des circonstances toujours les mêmes, chez des malades conservant leur lucidité, mais atteints d'hystérose.

21 Observation : Rappelons encore l'hallucination si curieuse, citée par Esquirol, de ce magistrat qui, chaque matin, lorsqu'il allait à son tribunal, trouvait dans la rue, sur le trottoir de sa maison, une petite vieille toute cassée, qui, une canne à béquille à la main, lui emboitait le pas jusqu'à la porte du palais de justice, où elle le laissait entrer sans le suivre.

L'auteur cite seulement le fait hallucinatoire, sans plus ample explication, mais il est probable qu'un jour, étant dans un état maladif, ce magistrat vit à sa porte une mendiante, réelle, qui le suivit, quêtant avec importunité une aumône. L'image de cette petite vieille s'imprima trop fortement dans son cerveau déjà hystérique et devint le point de départ de l'hallucination du lendemain et des jours suivants.

Notez que la névrose de ce magistrat ne l'empêchait nullement de remplir chez lui ses devoirs de père de famille, au palais, ses fonctions de magistrat, et que personne ne se doutait de son état maladif.

3* Observation : M. le D' Pitres (1) de Bordeaux, à sa clinique, montrait à ses élèves une malade qui voyait des grenouilles sauter autour de son lit, et à côté de celle-ci une autre personne obsédée par la vision de cercueils défilant devant elle. La première avait été fortement effrayée

(1) a. Pitres : Leçons cliniques sur Vhvstivicet riiypnotisme. Doin, Paris, tome ii, p. 36.

dans sa jeunesse, parce qu'un jour, une de ses amies avait trouvé plaisant de placer deux grenouilles dans son lit ; la seconde avait été douloureusement émotionnée en voyant passer sous ses yeux le cercueil de son amant.

Comme on le voit, chez ces deux sujets, une vision réelle avait été le point de départ des hallucinations futures.

Les Hallucinations chez Bernadette. — On trouvera dans les livres d'aliénation mentale beaucoup d'autres faits analogues : ceux relatés ci-dessus suffisent amplement pour qu'on se rende compte, par analogie de ce qui se passe chez Bernadette.

Chez elle, un fait réel au début, l'Apparition de Mme X... dans la grotte, se reproduisit le lendemain et les jours suivants, sous forme d'une image non réelle, sous forme d'une hallucination.

Cette image vraie d'une dame habillée de blanc s'est peinte sur une des couches optiques du cerveau de Bernadette, comme sur le verre d'une plaque de photographie ; cette image, s'est reproduite en hallucinations le lendemain et les jours suivants, lorsque l'enfant est revenu prier devant la grotte, comme l'image gravée sur la plaque du photographe peut se reproduire à plusieurs reprises sur le papier préparé-Bernadette a tiré quinze épreuves de sa vision, de même que l'artiste tire quinze épreuves de la personne qui a posé devant son appareil.

Comme dans les hallucinations des hystériques la reproduction des personnes ou des choses a lieu avec une telle netteté qu'elle donne l'illusion de la réalité, il arrivera que, Bernadette croira fermement avoir la Sainte Vierge devant les yeux et imposera à la foule sa conviction.

VII L'Aura

On peut nous faire l'objection suivante : Pourquoi les hallucinations de Bernadette se sont-elles produites seulement dans la grotte de Massa-bielle et non ailleurs ?

Nous répondrons à l'objection, en expliquant ce qu'est l'Aura.

L'Aura est un trouble tantôt moteur, tantôt sensilif, tantôt psychique perçu par le malade immédiatement avant une attaque d'épilepsie ou une crise d'hystérie : Si l'aura est moteur, le malade percevra, par exemple, une contracture à un doigt; sensilif, il éprouvera soit une douleur, soit une sensation de froid ou de chaud en un point quelconque du corps : psychique, comme il nous intéresse davantage pur rapport à Lîernadette, il nous faut l'expliquer.

Pierre Janet dans son livre sur l'hystérie, donne de cet aura psychique un curieux exemple : c'est le cas d'un individu dont la première crise était provoquée par la terreur d'un incendie et qui tombait en attaque convulsive dès qu'il voyait la flamme d'un foyer ou même une simple allumette prendre feu. Subitement il revoyait la scène de l'incendie et reproduisait ce qu'il avait fait en premier lieu : Plein de terreur, il criait au secours, essayait de se sauver, puis tombait sans connaissance.

Pour Bernadette, lorsque, le lendemain, elle retourna à la grotte, en se trouvant dans la même situation et en face du même décor naturel, son émotion de la veille se reproduisit sous forme d'aura psychique et l'image de la personne vue la première fois se reforma en une hallucination qui n'était que le reflet de Mme X...

Les jours suivants, par le même mécanisme, les Apparitions se renouvelèrent lors de ses visites à la Grotte et seulement lors de ses visites, car dans un autre milieu, l'aura psychique ne pouvant se produire, l'apparition hallucinatoire n'aurait pu se montrer.

VIII L'Extase

*

Après les hallucinations et l'Aura ; il nous faut expliquer l'Extase. C'est le symptôme le plus important de la maladie de Bernadette; c'est l'Extase qui va expliquer le Miracle.

Le mot Extase est employé en deux sens.

Dans le premier, il signifie un sentiment d'admiration poussé au maximum pour un objet quelconque ; on s'extasie devant un tableau d'un grand maître, en écoutant un éloquent discours, en présence d'un merveilleux panorama.

¦ Le mot Extase a un autre sens, un sens médical : il désigne alors un symptôme hystérique, voisin du somnambulisme et de la catalepsie, mais avec des caractères propres qui le différencient de ceux-ci.

Les auteurs chrétiens prétendent que l'Extase est un degré de sainteté maximum, auquel seuls les saints ont le droit d'aspirer. Dans notre livre sur Ste Thérèse, nous avons raconté que cette sainte place l'extase dans les Oraisons supérieures, et la recommande à ses carmélites comme un des plus hauts degrés de piété.

C'est une profonde erreur, l'Extase, chose profane, est un symptôme d'une maladie véritable ; n'est pas extatique qui veut, et le plus grand saint du monde ne peut entrer en état d'extase malgré tout son désir, s'il n'est préalablement atteint de l'affection que nous nommons hysté-rose, s'il n'est en un mot hystérique.

Par contre tous les hystériques, les plus vicieux comme les plus saints, peuvent jouir de l'extase à un moment donné.

Quelques écrivains surtout ceux du xviir* siècle n'ont voulu voir dans les phénomènes constitutifs de l'extase qu'un amas de fourberie, de fraudes et de mensonges, exploité par quelques fripons, les uns de bas étage, les autres haut vol. Us se sont trompés !

L'extase est un fait indéniable comme tous les faits. Il faut l'accepter tel quel, sauf à l'étudier et à l'expliquer. Les auteurs ecclésiastiques, ceux mômes de nos jours, dans l'impuissance de nier certains cas d'extase survenus dans des sectes hérétiques ou infidèles, se sont tirés d'affaire en faisant deux catégories d'extatiques. Ils rapportent à l'intervention de Dieu les cas observés dans l'église catholique, ceux, par exemple,

de St François d'Assise, de Ste Thérèse, et de Bernadette, mais par contre ils attribuent au Diable les extases des sybilles grecques et romaines, celles des chrétiens schismatiques, celles des protestants, celles des Fakirs de l'Inde, des adeptes de Mesmer et de Cagliostro etc., etc.

C'est en extase qu'était la Sybille de Delphes, lorsque, placée sur le trépied sacré, elle voyait le Dieu et prononçait les mots incohérents que le grand prêtre traduisait en prophéties. Les philosophes d'Athènes, Platon entre autres, admettaient l'extase dans leur théorie, et l'Ecole d'Alexandrie la considérait comme le fond de son dogme. (')

Mais la science est venue, et miracles et théories extatiques se sont effondrés, sapés par elle à leur base. Qu'est-ce donc que l'Extase?

L'Extase est une des formes de Thystérose ayant les caractères suivants : Après avoir éprouvé un aura, ou même sans préliminaire bien appréciable, le sujet cesse de parler et demeure immobile II se trouve tout à coup séparé du reste du monde par l'interruption des sensations qui n'arrivent plus au cerveau ou bien n'y arrivent, comme dans le sommeil, qu'avec lenteur et atténuées : les yeux tantôt grands ouverts, tantôt mi-clos sont à peine sensibles au contact d'un corps étranger ; les oreilles ne paraissent pas entendre, et le tact est dans un élattel qu'une piqûre ne produit pas un mouvement réflexe.

Pendant ce temps, le malade aperçoit une image merveilleuse qui le met dans un état de bonheur et de ravissement inexprimable : Son âme s'élevant au-dessus de sa condition ordinaire, participe à des félicités supérieures, à des jouissances inénarrables.

L'objet qui leur donne cet idéal bonheur varie beaucoup : le philosophe grec Plotin, un extatique, dirigeait toutes ses pensées vers un Dieu inconnu auquel il s'unissait dans d'ineffables joies ; les saints voient la Vierge, voient le Christ, voient le Sacré-Cœur; le fakir se délecte dans Boudha. D'autres ont comme visions des personnes ou des choses matérielles sans que le ravissement soit moindre : une de nos malades voyait en extase un de ses anciens amants, chose profane s'il en fût.

Mais, répétons-le et insistons sur ce point : toujours la vision, quel qu'en soit l'objet, s'accompagne d'un bonheur inexprimable ; c'est cette jouissance qui fait que les extatiques sont si désireux d'entrer dans la crise et la recherchent si vivement. Bernadette en avait un tel désir que lorsque le moment approchait, malgré les défenses de ses parents et malgré tous les obstacles, elle volait plutôt qu'elle ne courait vers la grotte où elle savait devoir jouir de joies ineffables.

La physionomie exprime rétonnement, l'admiration, la béatitude : parfois le malade parle, esquisse un geste, une attitude en rapport avec l'hallucination dont il subit l'empire, mais le plus souvent ii reste dans une immobilité complète.

L'attention portée sur l'objet de son ravissement est tellement fixe que rien de ce qui se passe autour de lui ne peut Tcn détourner.

(I) Dictionnaire de Larousse, article extase.

Dans la seconde partie de la période, les larmes coulent avec abondance, et il y a souvent émission involontaire d'urine.

Enfin, chose curieuse, il semble que ces crises nerveuses doivent s'accompagner d'un peu de fièvre, et que !e pouls doive battre plus fort sous l'influence d'une si vive émotion, il n'en est rien. Dans l'extase comme dans les autres manifestations hystériques le pouls reste normal, si même il ne diminue pas de fréquence.

Le sujet se réveille lentement, pousse un soupir, et parait faire un effort sur lui-même pour reprendre ses esprits.

L'Extase chez Ste Thérèse. — Ste Thérèse, dans un de ses livres, décrit sous le nom d'oraison d'extase ce symptôme hystérique : sa description saisissante est absolument conforme à celle donnée dans nos livres de médecine : la voici :

o On n'a plus alors de sensations distinctes : on jouit complètement d'un bien où sont renfermés tous les autres biens. Les facultés et les sens sont si occupés de cette joie qu'ils ne font attention à rien ni à l'intérieur, ni à l'extérieur. L'âme se sent en un instant tombée dans une espèce de défaillance et de pâmoison avec un contentement et une douceur inexprimables ; les forces s'en vont : on peut à grand'peine remuer les mains. Les yeux se ferment malgré soi, ou, s'ils restent ouverts, on ne peut s'en servir. Si l'oreille entend, ce sont des bruits confus et non des mots ou des phrases. La durée de la suspension des puissances de l'âme ne dépasse jamais une demi-heure. L'âme est tout attendrie ; il semble qu'on voudrait se distiller en larmes non de douleur mais de joie. 11 m'est arrivé quelquefois au sortir de cette oraison de ne savoir si c'était un songe ou une réalité, mais en me voyant trempée de larmes qui coulaient sans peine et d'une vitesse qu'il semblait que ce fut une rosée céleste, je voyais que ce n'était pas un rêve (*). »

On ne saurait mieux dire : Thérèse a admirablement décrit, trois siècles avant l'école de la Salpétrière, la crise d'Extase, mais cette sainte a tort de donner cette extase comme un modèle de prières et surtout d'inviter ses compagnes du Carmel à parvenir à ce degré dangereux de perfection.

L'Extase hypnotique. — Dans ces dernières années, les travaux sur l'hypnotisme ont éclairé d'une singulière manière le symptôme Extase, symptôme assez rare autrefois pour qu'il ne fût pas donné à tous les médecins de l'observer, mais qu'aujourd'hui on peut faire à volonté et étudier facilement chez des sujets endormis.

En effet, on peutà certains hypnotisés donner l'extase comme on peut leur donner la catalepsie, comme on peut leur donner des hallucinations.

Voici le tableau d'un extatique hypnotisé tiré d'un livre sur le magnétisme (a) : « La personne prend subitement une physionomie toute particulière : elle devient belle, belle d'une beauté qu'on ne peut exprimer :

(I) Note de l'auteur:

son air est inspiré, sa figure est resplendissante d'une joie intérieure. Elle semble vouloir s'élancer dans l'immensité ; ses pieds touchent à peine la terre ; il sort de ses lèvres des mots entrecoupés ; elle voit des flots de lumière qui l'inondent ; elle entend des flots d'harmonie qui la ravissent ; la divinité lui apparaît dans toute sa splendeur. »

Ce tableau peut s'appliquer mot pour mot à Bernadette, car ce n'est pas autrement que nous parlent d'elle ses biographes, en racontant les crises d'extase de la grotte de Massabielle. Bien plus, comme par le fait de son hystérose, la petite croyante était éminemment hyi>notisable, on aurait pu lui donnera volonté des crises d'extase avec la vision d'un personnage profane au Heu de la Vierge Marie.

SOCIETE D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du mardi 21 mars 1905. — Présidence de M. Jules VoiSitt.

Un cas de sommeil hystérique avec personnalité subconsciente. Réveil avec dédoublement de la personnalité. Considérations pathogéniques. Par M. le Dr Etienne Jourdak (de Marseille) [suite et fin) (ij

Vus dans leur ensemble, les deux états que Marie-Louise a présentés montrent quelle relation étroite existe entre les phénomènes psychiques et les phénomènes physiques. En effet, dans l'état second, à une diminution profonde de la capacité psychologique correspond un ralentissement complet de la nutrition organique ou plus exactement, sans rien préjuger, des fonctions organiques. Dans l'état de réveil, au contraire, au fur et à mesure que les fonctions organiques tendent vers la normale, l'état psychologique tend lui-même vers un état de conscience de plus en plus parfait. Ce parallélisme étroit entre les fonctions organiques et les fonctions psychiques semble venir à l'appui de cette opinion que j'ai soutenue dans ma thèse inaugurale, que la conscience n'est pas un phénomène surajouté, un épiphénomène delà sensation, mais qu'elle est fonction de la sensation, c'est-à-dire d'une façon plus générale, la résultante de l'harmonie fonctionnelle organique. Que le cerveau tienne sous sa dépendance les fonctions organiques cela se conçoit par ce fait que tous les organes ont un centre de projection encéphalique et c'est ce fait seul qui permet de comprendre qu'un trouble fonctionnel cérébral ait une répercussion sur les fonctions organiques, de même qu'un trouble fonctionnel organique doit avoir, à son tour, une

(1) Voyez Revue de l'Hypnotisme, numéros de juin et juillet 1905.

répercussion centrale. Par conséquent, chercher à expliquer un trouble fonctionnel par une altération mentale antérieure ce n'est, en définitive, qu'expliquer un symptôme par un autre symptôme. Ce qu'il faut c'est remonter à la cause première dont les troubles psychiques et physiques ne sont que les manifestations. Or, comme, le plus souvent, cette cause nous échappe nous disons prédisposition morbide héréditaire ou acquise sans savoir au juste ce qu'il faut entendre par là. Chez Marie-Louise nous croyons pouvoir arriver à la cause première des accidents qu'elle a présentés, accidents qui, comme nous le verrons, ont laissé après eux certaines altérations mentales constituant une véritable prédisposition morbide.

L'élément étiologique qui domine chez notre malade est l'infection typhique. Cette infection a déterminé pendant toute la durée de la fièvre des phénomènes d'intoxication cérébrale : délire polymorphe avec excitation et, à leur suite, un état de faiblesse générale se manifestant dès le début de la convalescence par une émotivité exagérée. Par faiblesse, il faut entendre une diminution de l'énergie fonctionnelle organique. Or les fonctions organiques sont sous la dépendance la plus étroite de la nutrition des organes, c'est-à-dire, en dernière analyse, des éléments cellulaires qui les constituent. On peut dire, d'une façon générale, que les fonctions cellulaires ne sont autres que l'expression des modifications biologiques de leur plasma. Le plasma cellulaire n'est pas inerte, il possède un certain degré d'énergie en vertu duquel ¡1 peut faire des opérations chimiques plus ou moins compliquées avec le milieu intérieur. Les variations de ce pouvoir dynamogénique se traduisent par des modifications nutritives et partant fonctionnelle de la cellule. Les infections et les intoxications, en changeant la nature du milieu intérieur, ont une action directe sur le pouvoir dynamogénique cellulaire qui peut être exalté ou paralysé et dans tous les cas si la durée de l'intoxication se prolonge il peut en résulter une diminution notable de ce pouvoir et par suite un équilibre nutritif instable qu'un simple trouble vaso-moteur pourra rompre. Nous savons, d'autre part, que les émotions ne sont que des troubles vaso-moteurs; on peut donc comprendre qu'une émotion survenant sur un cerveau présentant du déséquilibre nutritif, ce qu'on a appelé de la faiblesse irritable, détermine des troubles fonctionnels plus ou moins généraux et plus ou moins accusés dont l'ensemble peut constituer une de ces affections nerveuses sans lésion, névroses ou psychoses. Et ce qui semble nous prouver que la raison d'être primordiale de ces altérations fonctionnelles corticales est un vice de nutrition, c'est la facilité avec laquelle des infections secondaires telles que la tuberculose naissent et évoluent sur de pareils terrains.

Chez Marie-Louise les choses ont dû se passer ainsi et ce qui tend à nous le démontrer, c'est le traitement. En effet, au fur et à mesure que se poursuit la rééducation fonctionnelle de chaque organe, les troubles nutritifs s'amendent progressivement ce qui se manifeste par l'augmen-

tation lente et graduelle du poids du corps, le retour du tonus musculaire, la diminution de l'anesthésie, la réapparition des sécrétions. Et, encore mieux que tous ces phénomènes, le psoriasis a été, pour ainsi dire, l'étalon de cette progression : s'effaçant et disparaissant à mesure que la nutrition se relevait, réapparaissant avec plus ou moins d'intensité lorsqu'il y avait rechute, son intensité étant pour ainsi parler, parallèle aux troubles nutritifs (le psoriasis avait été, nous l'avons dit, absolument rebelle à tous les traitements dirigés contre lui) les modifications physiques s'accompagnaient de modifications psychiques qui échappaient à l'analyse et qui furent bien mises en lumière par le fait suivant : au début du traitement le sommeil hypnotique ne différait de l'état de veille ou plus exactement de pseudo-veille que par l'occlusion des yeux; vers la fin du traitement, au contraire, ce sommeil s'obtint rapidement et se différencia nettement de l'état de veille; cette différenciation fut encore accusée lorsque Marie-Louise fut complètement réveillée. Mieux que toute description, les paroles de Marie-Louise rendent compte de ce fait: « Au début du traitement vous vouliez m'endormir ; c'était difficile. car dormant déjà je ne pouvais guère dormir davantage; maintenant que je suis réveillée je dors facilement. »

Ainsi on voit que la rééducation fonctionnelle est marquée par une accélération de la nutrition : nous pourrions dire que la rééducation ramenant les mutations nutritives vers la normale, les fonctions organiques tendent, elles aussi, vers la normale. Ce parallélisme explique le fait suivant qui parait assez étrange. Lorsque la malade étaità Mezzieux, on la soumit au repos, au lit, et à la suralimentation. Ce traitement amena une augmentation de poids (14 kilog. environ) ; en quittant l'établissement, Marie-Louise était si engraissée, elle avait tellement épaissi, suivant l'expression de sa famille, qu'on fut obligé d'agrandir le tour de taille de ses robes. Mais cette augmentation de poids ne s'était accompagnée d'aucune amélioration physique ou psychique ; bien plus le psoriasis avait alors son maximum d'intensité. C'est que, à cette époque, les mutations nutritives étaient troublées, déviées de leur normale, l'assimilation était défectueuse, imparfaite, et le résultat en fut une formation exagérée de graisse, c'est-à-dire de substance incomplètement assimilée.

.\

Vue dans son ensemble, l'observation de Marie-Louise présente des analogies très grandes avec les états psychiques décrits sous le nom de rêves prolongés, de délires oniriques. De cette analogie, il ne faudrait cependant pas en conclure, à l'identité de nature des processus étiologi-ques. A notre avis les délires oniriques sont l'expression même de l'intoxication cérébrale ; l'hystérie au contraire, dans le cas qui nous occupe, est une conséquence éloignée de cette intoxication, je dirais volontiers qu'elle est l'expression des modifications biologiques, des déviations nutritives que l'infection a fait subir aux éléments nerveux. Et même,

envisageant cette question d'un point de vue général, nous nous croyons autorisés à dire que l'infection ou l'intoxication déterminant des déviations nutritives persistantes des neurones corticaux produisent chez l'individu un mode de vie propre, un état diathésique, neuropathique spécial, c'est-à-dire un tempérament particulier à prédispositions morbides, constantes dans leur nature, variables dans leur intensité. Ce qui veut dire encore que l'intoxication ne crée pas la névrose, mais qu'elle prépare le terrain. La cause déterminante de la névrose est toujours d'ordre émotif ; mais l'émotion quelle qu'en soit la nature, se manifestant toujours au point de vue physiologique, par des troubles vaso-moteurs, c'est-à-dire par des variations de pression ou de tension du milieu intérieur, le résultat ne peut en être qu'une exagération de la déviation nutritive de l'élément nerveux. De sorte que, en dernière analyse, on peut dire que l'état de maladie ne diffère de l'état créé par l'intoxication que par le degré d'intensité de la déviation nutritive.

Et c'est ce fait qui nous explique aussi que, la névrose disparue, la prédisposition névropathique reste. Marie-Louise nous en offre un bel exemple. En effet, nous pouvons considérer cette jeune fille comme complètement guérie de sa névrose : tous les phénomènes morbides ont disparu, il n'y a plus le moindre trouble de sensibilité, toutes les fonctions s'accomplissent normalement. Cependant, au pointdevue psychologique, Marie-Louise n'est plus ce qu'elle était autrefois. Calme, tranquille, très assidue à tout ce qu'elle faisait, d'un caractère toujours égal, elle est aujourd'hui très inégale, d'une émotivité exagérée au point qu'elle cède aux moindres influences extérieures: la vue d'un enterrement ou simplement d'un drap mortuaire suffit à la plonger dans une profonde tristesse ; la moindre contrariété l'énervé ; elle passe, sans raison, de la joie à la tristesse, de l'affaissement à la colère ; elle est d'une grande suggestibilité : non seulement le sommeil hypnotique s'obtient rapidement, mais une simple affirmation suffit à changer sa détermination; en somme, la caractéristique de son état psychologique est de l'instabilité mentale. Ce sont bien là des caractères de déficience psychique, de dégénérescence mentale qui constituent la prédisposition neuropathique. Cette prédisposition est bien, en ce qui concerne Marie-Louise, sous la dépendance la plus directe de l'infection typhique.

Cette notion nous parait être très importante au point de vue du pronostic et du traitement des névroses. Etendant la classification de Charcot à propos de la neurasthénie à toutes les névroses, nous pouvons dire qu'il y a des névroses constitutionnelles et des névroses accidentelles. Par névroses constitutionnelles il faut entendre non seulement celles qui évoluent sur un terrain héréditairement taré, mais encore sur un terrain dont la prédisposition morbide a été créée de toutes pièces par une infection ou une intoxication antérieure. De sorte que, si on peut dire que les névroses constitutionnelles sont incurables, il faut entendre par incura-bilité non pas la persistance des symptômes de la névrose, mais les caractères de déficience psychique et somatique qui constituent la pré-

disposition morbide. Ce qui est incurable ce n'est pas la névrose mais le terrain sur lequelelle évolue. La prédisposition morbide est lerésultat soit de caractères biologiques transmis par hérédité, soit d'une déviation nutritive permanente déterminée par une infection ou une intoxication antérieure (et par intoxication il faut entendre aussi bien les intoxications exogènes qu'endogènes), soit par une suractivité fonctionnelle qui provoque, à un moment donné, un épuisement plus ou moins grand c'est-à-dire un ralentissement de la nutrition organique : cet épuisement est le plus généralement le fait du surmenage. Dans les deux premier scasla déviation nutritive a toute la valeur d'une lésion : c'est un caractère acquis qu'il est impossible de faire disparaître et qui peut se transmettre à la descendance ; dans le troisième cas, au contraire, il n'y a pas à proprement parler déviation nutritive, mais simplemen trupture d'équilibre, un état d'affaiblissement fonctionnel qu'on pourra toujours réaliser par les moyens appropriés que nous avons à notre disposition.

Ces considérations pathogéniques nous fournissent des indications assez précises sur le traitement à employer. Dans les cas de névrose constitutionnelle non seulement il faut tenir compte des troubles nerveux mais aussi et surtout du terrain sur lesquels ils évoluent. Car, il faut bien le dire, si nous disposons de moyens multiples efficaces contre les troubles nerveux, il n'en est pas de même de la prédisposition morbide contre laquelle nous sommes impuissants. Mais si, médicalement, il est impossible de lutter contre la prédisposition mérbide, il est cependant des moyens qui peuvent mettre à l'abri d'une affection nerveuse, ces moyens sont d'ordre social, c'est pourquoi nous ne sommes pas maîtres de les appliquer, mais qu'il est de notre devoir d'indiquer. La vie sociale, faite de luttes constantes pour arriver à la satisfaction de nos besoins, est une source d'émotions profondes et continues. Ce sont ces émotions que l'on trouve toujours à l'origine d'une névrose. Or les individus qui ont des tares héréditaires ou acquises sont les victimes prédestinées de la lutte pour la vie : on peut dire que les névroses qu'ils présentent ne sont que les stigmates de leur défaite. Tl faudrait donc les soustraire aux conditions sociales dans lesquelles ils se trouvent pour les faire vivre d'une vie adéquate à l'énergie mentale dont ils disposent. C'est à tous ces prédisposés que peuvent s'appliquer les paroles de Pélers à propos de la prophylaxie de la tuberculose héréditaire : « faire de l'enfant un petit paysan, changer la vie urbaine pour la vie agreste, la vie dans les chambres pour la vie dans les champs, remplacer la privation de soleil par l'exposition au soleil, la crainte du froid par sa recherche, les bains chauds par les bains de rivières, les exercices intellectuels par les musculaires. » Il est un préjugé universellement répandu, c'est que le travail mène à tout : aussi les procédés d'éducation et d'instruction sont-ils identiques pour un même milieu et indépendants de l'énergie physique et psychique des enfants. Nul des parents ou des éducateurs ne se préoc-

cupe de savoir si un enfant ou un adulte est capable de faire face à une somme donnée de travail. On fait naître ainsi des idées ambitieuses qui très souvent ne se réaliseront pas, on épuise en pure perte des organismes qui auraient pu. dans une certaine mesure, être utiles à la société, on en fait des déprimés, des désespérés, des malheureux. Lorsque l'éducation et l'instruction seront basées sur des principes pédagogiques et psychologiques définis, lorsqu'on ne poussera plus indistinctement vers le même but des individus à forces mentales inégales, lorsqu'on fera à chacun une vie proportionnée à l'énergie dont il dispose, un grand pas sera fait dans la prophylaxie des affections nerveuses qu'il est plus facile de prévoir, d'éviter que de guérir.

Séance du mardi 18 avril. — Présidence de M. le D' Jules Voisin.

La séance est ouverte à 4 h. 40. Le procès-verbal est lu et adopté.

M. le Secrétaire général adjoint donne lecture de la correspondance.'

La Société désigne, pour la représenter au Congrès de psychologie de Rome qui se tiendra du 26 au 30 avril, MM. les D" Bérillon, Raffegeau, Demonchy. MM. Louis Favre et Blech.

La séance est ensuite consacrée à la communication suivante :

L'ectothérapie cérébrale, par M. le Docteur A. Bianchi.

Aux congrès de psychologie et d'hypnologie de 1900, j'ai présenté des communications préventives sur une nouvelle méthode de modification des organes internes par leurs applications très rapides et localisées de la chaleur et du froid et sur son application à l'étude des fonctions cérébrales. A ce traitement j'ai donné le nom d'ectolhérapie. c'est-à-dire médication à l'aide de la « dilatabilité » des corps et, à la méthode de contrôle, le nom d'ectoscopie, c'est-à-dire examen de la modification produite dans les organes par la chaleur et le froid rapides et localisés. L'une et l'autre méthode sont basées sur le fait, vérifié au moyen de la phonendoscopie et contrôlé au moyen des rayons Rœntgen, que les organes internes subissent une augmentaiion de volume par une application chaude rapide (40* à 60°) sur la surface de la peau au-dessus de l'organe et qu'ils subissent une diminution de volume par une application froide fû" à 10"; faite également sur la peau au-dessus de l'organe.

Au moyen d'une longue série d'expériences, continuées pendant près de six ans, je suis arrivé à connaître les lois de cette action du froid et de la chaleur et à pouvoir ainsi établir parce moyen le degré de dilatation et de rétraction de chaque organe, ainsi que leur coefficient de« dilatabilité. »

Les climats, les saisons, les heures de la journée, la nourriture, le travail, 1 âge et le sexe ont une grande influence sur les variations de cette dilatabilité des organes et on peut dire que l'excitation de l'organisme a son explication dans la série alternative de ces dilatations et de ces rétractions des organes, presque inaperçues et sûrement trop négligées.

» •

Le cerveau est un des organes les plus impressionnés par ces changements et si on pense que la surface crânienne et le front sont presque toujours découverts et sujets à toutes les variations atmosphériques, on pourra juger de l'importance que présente l'étude de l'ectoscopie cérébrale. Le moyen le plus simple et le plus rapide d'examen est fourni par la phonendoscopie, comme je l'ai démontré au Congrès d'hypno-logie de 1900. Je ne rappellerai pas ici les détails de la méthode, mais je dirai qu'on peut se servir d'un tout petit phonendoscope et que le résultat peut être reproduit sur le papier au moyen de la glycérine colorée pour le conserver et l'étudier ultérieurement. On réussit ainsi à projeter sur le front la ligne de limite des bords antérieur et interne des lobes frontaux. Le rapprochement ou l'éloignement de ces deux lignes nous donnent le rapprochement ou l'éloignement des lobes frontaux dans leur partie interne. Quand les lobes sont très éloignés la distance entre les deux lignes augmente, quand ils sont rapprochés, elle diminue; l'on peut même aniver jusqu'au rapprochement complet des deux lignes.

Cette partie antérieure et libre des lobes frontaux est la partie du cerveau la plus mobile et qui nous sert comme d'index pour les autres changements du cerveau entier.

L'explication anatomo-physiologique de ce fait est la suivante. Les deux moitiés du cerveau, et les deux lobes frontaux par conséquent, sont espacés par la grande faulx du cerveau, et sont séparés de la grande faulx et des méninges enveloppantes et adhèrent aux os..du crâne par le liquide céphalo-rachidien. Quand le cerveau offre une sorte d eréthisme, de contraction, ses lobes frontaux tendent à s'éloigner et à s'écarter. Mais lorsque le cerveau est fatigué, il se congestionne, il se dilate, et alors les lobes frontaux tendent à se rapprocher de la ligne médiane.

Plus l'éloignement des lobes est grand dans les limites normales, plus il y aura d'éréthisme cérébral, plus d'aptitude au travail physique ou psychique ; plus le rapprochement est grand, plus il y aura de fatigue cérébrale et moins d'aptitude au travail. Il y aura alors besoin de repos et le sommeil viendra donner au cerveau le calme nécessaire pour réparer les forces épuisées par le travail Tous ces faits sont transitoires et répondent à un cycle suivant l'heure, le jour, le mois, l'année. Un état d'éloignement exagéré et constant est un phénomène pathologique, ainsi qu'un état de rapprochement exagéré et constant. Le premier de ces états est prémonitoire ou symptomalique des formes d'excitation céré-

brale, l'autre est prémonitoire ou symptomatigue des formes de dépression cérébrale.

Si l'on étudie cet éloignement en rapport avec la ligne médiane verticale de la base du nez, on peut même voir si les deux moitiés du cer--veau travaillent de la même façon dans le même temps, les cas de la dissociation du travail dans les deux lobes n'étant point rares. Au moment du sommeil, il y a un rapprochement plus ou moins grand des lobes ; ce rapprochement augmente au début, mais après une période de calme, diminue graduellement jusqu'au moment où le cerveau ayant repris son état d'éréthisme nécessaire, a lieu le réveil. En outre, l'éloignement des lobes augmente graduellement, atteint un maximum, se modifie à plusieurs reprises dans la journée sous l'effet des influences extérieures et à la fin s'installe le rapprochement, prodrome du sommeil. Dans le sommeil provoqué il y a passage plus rapide de l'éloignement au rapprochement des lignes frontales : le rapprochement se maintient presque identique pendant la durée du sommeil provoqué et le passage au réveil est bien plus rapide que dans le sommeil naturel, mais moins complet. Dans la simulation du sommeil, les lignes au lieu de marcher vers le rapprochement se maintiennent stationnaires ou s'éloignent davantage, car il y a une augmentation d'éréthisme cérébral.

» •

Tout cela se rapporte à l'ectoscopie cérébrale; mais il était nécessaire de le rappeler avant de parler de l'ectothérapie cérébrale.

Si, lorsque les lignes sont dans l'éloignement moyen, on fait des application rapides de chaleur à 40° ou 50°, pendant quelques secondes, on voit les lignes frontales se rapprocher jusqu'à toucher la ligne centrale de la faulx du cerveau. Au contraire, si on fait des applications froides de 10° à 0°, pendant quelques secondes, on voit les lignes frontales s'éloigner davantage. Ainsi lorsqu'on veut produire un état d'effacement et de fatigue cérébrale il faut de la chaleur; lorsqu'au contraire, on veut produire un état d'éréthisme et d'excitation cérébrale il faut du froid. Graduer l'action de ces éléments, voilà le but du phonendosco-piste qui peut suivre ces variations cérébrales à un millimètre près, toutes les cinq secondes. Voilà ce qu'est l'ectothérapie cérébrale.

Comment expliquer le phénomène ?

On a fait intervenir le réflexe produit par l'intermédiaire des filets nerveux dans les organes profonds par la sensation de chaleur ou de froid produite au-dessus du point de la surface où ces agents physiques, sont rapidement appliqués. C'était même l'avis du regretté Professeur Marey, que ces expériences intéressaient vivement. Ou plutôt sont-elles des actions électriques qui se produisent par l'effet de la rapide application de la chaleur et du froid ?

C'est ainsi que pouvait s'expliquer l'action presque instantanée de la chaleur et du froid sur le cerveau ainsi que les modifications continuelles de cet organe ; car il y a une série non interrompue d'excitations

et d'inhibitions qui, à chaque moment, agissent sur notre front et sur notre tête et deviennent des agents puissants du travail cérébral pendant la vie.

C'est presque une communication préventive que je présente aujourd'hui sur ce sujet. Je me propose de la détailler lorsqu'une série d'expériences très complexes et très délicates, auront été accomplies ; je vous en promets, dès maintenant, la primeur.

Séance du mardi 16 mai 1905. — Présidence de-M. Jules Voisin.

La séance est ouverte à 4 h. 40.

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.

M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres de MM. les D" Van Renterghem (d'Amsterdam;, Raffe-geau, Paul Farez. Paul Joire (de Lille), de M. Guenon, vétérinaire-major à Chalón, de M. le Dr Marnay, posant sa candidature pour le prix Lié-beault.

La correspondance imprimée comprend une brochure de M. le Dr Délius (de Hanovre) et un livre de M. le professeur J. Ingenieros (de Buenos-Ayres) intitulé : La simulation dans la lutte pour la vie.

M. le Dr Bérillon donne un compte-rendu du Congrès de psychologie de Rome où la Société d'hypnologie et de psychologie était largement représentée. Les membres de la Société ont été heureux de se grouper autour d'un de nos membres d'honneur, M. le professeur Beaunis, qui représentait dignement à Rome la psychologie expérimentale et l'hyp-nologie. Un certain nombre de communications relatives à l'hypnotisme et à la psychothérapie ont été faites. Elles ont donné lieu à d'importantes discussions auxquelles ont pris part MM. les professeurs Enrico Morselli et Ingenieros.

Le Secrétaire général propose de nommer M. Enrico-Morselli, membre d'honneur de la Société, en raison des grands services rendus par lui à la psychothérapie et à l'étude de l'hypnotisme. Cette proposition est adoptée à l'unanimité.

M. le Président met aux voix les candidatures de M. le Dr Jacques Bertillon, chef de la statistique municipale de la Ville de Paris, M. le Dr Bouhageb, médecin de l'hôpital Sadiki, de Tunis, de M. Ducloux, vétérinaire militaire à Tunis et de M. le Dp Lingbeck (de Laag-Sooren (Hollande). Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité. La séance est ensuite consacrée aux communications suivantes et la séance est levée à 6 h. 1/2.

L'Hypnotisme et le prétendu « Magnétisme animal ».

par il. Louis Favre.

L'hypnotiseur se sert souvent de sa main pour agir sur l'hypnotisé ou le sujet. II appuie sa main tantôt sur les épaules du sujet, tantôt sur son front ou ses yeux, tantôt sur un point hypnogène quelconque, tantôt sur le vertex, etc.

La main de l'hypnotiseur qui agit ainsi a-t-elle seulement une action psychique, suggestive? Ou bien, la main de l'hypnotiseur a-t-elle en même temps une action physico-chimique ou biologique — action qu'on puisse distinguer logiquement et séparer réellement de l'action psychologique ? Telle est la question que je me suis posée.

J'ai voulu la résoudre non à la façon des métaphysiciens, mais à la façon des gens de science, par l'expérience. Mais l'expérience sur l'homme est trop complexe; et, dans les effets observés là, on peut toujours invoquer la suggestion. J'ai donc fait porter les expériences (dont le compte-rendu se trouve au bulletin de l'Institut général psychologique) d'abord sur des cas simples et des espèces non suggestibles. sur des microbes (espèce bacillus subtilis — 23 expériences) et sur des végétaux (espèce vulgairement nommée o cresson alénois » — 11 expériences). — Il faudra discuter méthodiquement dans quelle mesure l'application peut être faite à l'homme.

Dans mes expériences, les choses se sont passées comme si la main humaine avait une action sur le développement des cultures — microbiennes et végétales ;

Comme si les deux mains avaient des actions différentes (quant au sens ou quant à l'intensité des effets) ;

Comme si, dans chaque expérience, une seule main était vraiment active ;

Comme si la main droite était la plus active dans le cas des graines, et la main gauche la plus active dans le cas des microbes ;

Comme si la main droite, active dans le cas des graines, agissait en faveur de la croissance ;

Comme si la main gauche, active dans le cas des microbes, agissait contre la croissance ou le développement ;

Comme si l'action favorable de la main droite touchait seulement — ou surtout — les graines débiles, à vitalité faible ;

Comme si l'état de santé de l'opérateur avait une influence sur l'action produite ;

Comme si l'action était d'autant plus forte que la santé de l'opérateur est meilleure ;

Comme si l'état de maladie de l'opérateur produisait un changement dans le sens ou, tout au moins, dans l'intensité des effets produits — des effets indiqués plus haut.

Ces faits d'observation, qui sont rendus apparents par les courbes établies, il ne me parait pas qu'on doive immédiatement les ériger en lois

— car il n'y a que 22 mois que j'ai commencé les expériences et je n'ai que 34 expériences. Je demanderai, pour énoncer des lois, qu'il y ait des expériences plus nombreuses et qu'elles soient répétées par un certain nombre d'expérimentateurs. C'est pour appeler le concours de ceux-ci que je publie aujourd'hui mes résultats.

L'hypnose spirite

Par m. le D' Demonxhy.

Laissant de côté les questions de croyance qui tendent à faire du Spiritisme une sorte de religion ayant ses fidèles et ses détracteurs, je crois utile de signaler des faits qui tombent sous l'observation scientifique et impartiale du psychologue. Ce sont les différentes attitudes d'esprit qui affectent les personnes se livrant aux pratiques spirites et en particulier à celles des tables tournantes.

Loin de penser à l'hypnose, les personnes se rendent aux séances spirites dans un but précis : produire des phénomènes, ou bien les voir et les contrôler. Nous pouvons donc noter ici un sentiment qui a déjà ému leur personnalité et ébranlé leur esprit; c'est la première phase, celle de la curiosité.

Un assemblage d'assistants n'est pas un milieu homogène; les idées, les professions, les origines, les situations diffèrent; il faut ramener l'unité, courber les esprits et les maintenir dans une môme direction. Le moyen est très simple. Pour les uns, c'est une invocation, une prière; pour les autres, c'est un chant. Le milieu s'échauffe, l'enthousiasme s'éveille, les vacillants sont entraînés, les individualités résistantes sont touchées. Tous nous connaissons cet effet du chant et de la musique, qui est de retirer à chacun une partie de défense personnelle pour en faire un tout uni dans une même pensée ; c'est la phase d'émotion.

On place les mains sur la table, et c'est le grand silence succédant aux chants ou à l'invocation. Et le silence, le grand silence est très impressionnant; Pascal lui-même s'effrayait du grand silence. C'est la phase du recueillement.

Les mains sont placées dans une certaine position, les doigts sont écartés, le poignet soutient la main, le bras est sans appui; l'attitude est fatigante. Qu'il me soit permis d'attirer l'attention de la Société sur ce point qui, selon moi, n'a pas été suffisamment encore mis en relief : une attitude fatigante prédispose à l'hypnose et à la suggestion. C'est la phase des attitudes fatigantes.

Qui oserait prétendre que ces assistants sont encore à l'état de veille ? Non certes, c'est de l'hypnose, dans le sens le plus large du mot, il est vrai ; mais, c'est bien de l'hypnose. L'état de défense de l'individu est réduit, la maîtrise du moi est abandonnée. Comme procédé de production de l'hypnose c'est un peu spécial, un peu différent des méthodes en usage, mais c'est de l'hypnose que je qualifie de spirite pour éviter toute confusion avec les autres sortes d'hypnose.

Du reste les preuves de l'état d'hypnose vont abonder ; voici les principales :

Les suggestions commencent et s'accomplissent. Il y a toujours parmi les assistants un chef de file qui promet des manifestations et prédit des phénomènes.

Voici la période des contractures douloureuses. Un assistant retire sa main pour lutter contre une crampe des doigts. Un autre se plaint de douleurs insupportables dans te bras, le poignet, l'épaule, et se frotte vigoureusement pour remédier à cet état douloureux. Nous n'agissons pas autrement pour décontracturer nos malades.

Les hallucinations de l'ouïe et de la vue apparaissent ; tel prétend entendre des voix, tel autre voir des lueurs, des lumières.

Des phénomènes d'automatisme se manifestent. Les uns vont tracer sur le papier des jambages informes, des lettres, des mots. Puis sur l'injonction qu'il faut avoir la même pensée, vouloir que la table ait la même direction, les assistants iront jusqu'à se lever et entraîner la table avec eux : phénomène qui cesse si les assistants tiennent les mains non plus au contact, mais à peu de distance de la table.

Ce n'est pas tout : le Somnambulisme provoqué entre en scène, et nous allons assistera une répétition des convulsionnaires de « Saint-Médard *, Un des assistants va se tordre dans une crise et reproduire dans ses gestes, dans ses paroles et sur sa physionomie, les derniers instants d'un enfant qui se meurt. Quand il est épuisé, on le réveille par des passes: c'est heureux pour lui, car pour les autres qui ont des phénomènes moindres, on ne s'en inquiète pas ; on les croit toujours à l'état de veille ; on ne se doute même pas qu'ils sont en état d'hypnose.

Aussi les phénomènes d'hypnose spirite se reproduisent après les séances, pendant des mois, des années. On les encourage, on s'entraine à les reproduire. Telle malade est venue affirmer qu'elle a passé dix-sept mois à essayer d'entrer en communication avec les esprits; telle autre s'exerçant dans l'obscurité, les mains recouvertes de gants de coton, en arrivait à user ses gants.

N'y a-t-il pas là un danger ? Rappelons ces malheureux sans défiance, donnant à lire le livre de leur vie, ou faisant leurs confidences à des voisins de rencontre, qui peuvent être indignes de leur confiance.

Je pense qu'il y a là un ensemble de faits facilement observables, pouvant être classés, et qu'il peut être dangereux de les ignorer ou de les méconnaître. Si nous voulons faire de l'hypnotisme et de l'hypnose, faisons-le hardiment en appelant les choses par leur nom. Le danger est par cela même écarté ; on ne livre de soi consciemment que ce que l'on veut bien livrer.

Dans l'hypnotisme médical le malade conserve son indépendance et sa liberté.

L'Administrateur-Gér&nt : Ed. BÉRILLON.

Paris. Imp. a. Quelquejeu, rue Gerberl. 10.

20* Année. — ? 3.

frll.U* ?IN

Septembre 1905.

La psychologie au congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences. — Discours de M. le professeur Giard. — La pédagogie des anormaux. — La phobie de l'eau.

Le congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences, s'est tenu du 3 au 12 août. & Cherbourg, sous la présidence de M. le professeur Alfred Giard. de l'Institut. A la séance d'ouverture, il a prononcé un discours d'une haute portée philosophique sur l'évolution des sciences biolo* giques. Après avoir clairement exposé l'influence si considérable que les doctrines évolutionistes ont exercé sur toutes les sciences biologiques, M. Giard a démontré que l'idée de la sélection naturelle s'est imposée peu à peu dans toutes les sciences de la nature et me^rae dans le domaine de la psychologie. A notre grand regret nous ne pouvons citer que quelques extraits de ce discours si remarquable ('). Les passages suivants pourront donner une idée de la méthode rigoureusement scientifique à laquelle doivent s'astreindre tous les biologistes, y compris les psychologues.

« F. Bacon, comparait les causes finales au poisson Rémora, qui, d'après les marins de son temps arrêtait la marche des navires. Par la sélection naturelle, Darwin a supprimé tous les Rémora, qui arrêtaient le navire de la science. Car peu importe que l'Idée de finalité persiste, comme certains le réclament, à l'état virtuel, sous forme d'énergie potentielle initiale, constituant le principe de l'évolution universelle. L'essentiel est que la cause finale soit placée en dehors du déterminisme expérimental qui ne connaît que des rapports nécessaires de séquence, et que l'hypothèse finaliste soit reléguée dans les réglons de la métaphysique où l'homme de science digne de ce nom doit éviter de s'égarer.

¦ Et Darwin se rencontre ici avec son émule Lamarck pour donner à l'humanité une orientation nouvelle et réaliser dans le domaine de la Biologie une révolution analogue a celle que Newton et Laplace ont accomplie dans les sciences astronomiques.

c II ne peut entrer dans le plan de cette causerie d'insister ici sur les conséquences politiques et sociales que Lamarck déduisait de ses patientes recherches et qu'il a résumées dans son Système analytique des Connaissances de l'homme, publié en 1828. Je voudrais cependant rappeler la conclusion générale que l'Illustre penseur tirait de ses longs travaux et le conseil qu'il

(1) Paru dans la Revue scientifique du 13 avril 1905 et qui paraîtra dans les comptes-rendus de l'Association française pour l'avancement des sciences.

considérait comme le plus indispensable à l'être humain dont il venait d'esquisser la filiation:

« Mais il y a, dit-il, encore une vérité qu'il ne lui en importe pas moins a ne reconnaître, s'il ne doit même la placer au-dessus de celles qu'il a pu « découvrir, par l'extrême utilité dont elle pourra être pour lui. C'est celle a qui, une fois reconnue. lui montrera la nécessité de se renfermer, par sa pen-« sée, dins le cercle des objets que lui présente h nature, et de ne jamais en « sortir s'il ne veut s'exposer à tomber dans l'erreur et à en subir toutes les o conséquences. »

« N'est-ce pas la même Idée qu'exprimait récemment avec plus de force Félix Le Dantec, dans son beau livre Les Lois naturelles ;

« L'origine aacestrale de la logique impose des bornes à la logique. Pour « avoir compris qu'il n'est lui-même qu'un phénomène naturel, l'homme doit « renoncer à philosopher sur les phénomènes naturels autres que ceux qui sont « directement connus de lui. Pour tout savant convaincu de l'origine évolutive « de l'homme, la métaphysique n'est qu'un ramassis de mots vides de sens. »

« Il me sera permis, je pense, sans enfreindre une règle de conduite aussi sage, de dire quelques mots des modifications que les théories transformistes ont amenées dans notre conception des facultés intellectuelles de l'homme considéré comme le terme le plus élevé d'une série animale graduellement perfectionnée.

Les lois de l'imitation de G. Tarde et son interpsychologie ne sont que l'application à l'espèce humaine do principes familiers aux zoologistes et toute la théorie des instincts s'éclaire d'un nouveau jour si l'on fait intervenir, dans l'explication de ces curieux phénomènes de physiologie comparée, les principes d'hérédité et d'adaptation à la lutte pour la vie... »

Après avoir insisté sur les lumières que la théorie de l'évolution est appelée à apporter à la psychologie, M. Alfred Glard a terminé son discours par les paroles suivantes :

c Notre grand Lamarck, dont vous me permettrez d'invoquer une fois de plus l'autorité, l'a dit très justement :

« Ce n'est que relativement que certaines vérités peuvent paraître dange-a rcuses ; car elles ne le sont point par elles-mêmes, elles nuisent seulement « à ceux en situation de se faire un profit de leur ignorance. »

« Dans une époque troublée comme celle que nous traversons, à un moment où les vieilles croyances s'écroulent tour à tour et où les points de la science qui semblaient les mieux établis sont remis en discussion, il faut déclarer hautement sa pensée et le résultat de ses méditations.

- C'est le devoir que nous impose la devise de notre Association : par la science pour la patrie-

a C'est aussi le moyen d'orienter vers des destins meilleurs les générations qui vont nous suivre et d'Indiquer à nos successeurs quels sont, dans le riche héritage que nous ont légué nos ancêtres et que nous leur transmettons augmenté du fruit de nos efforts, les matériaux utilisables pour les constructions plui complètes et plus harmonieuses de l'humanité future. »

Après le discours de M. Giard, les travaux des sections ont commencé ; quelques-unes ont été particulièrement actives. A la section de médecine, M. le Df Bérillon a fait une communication d'ordre médico-psychologique relative au traitement des alcooliques par la suggestion hypnotique.

Comme toujours le Congrès s'est terminé par dos excursions parfaite-

ment organisées dues au zèle infatigable du dévoué secrétaire du conseil, M. le Professeur Gariel. L'une d'elles qui comportait la visite de l'île de Guernesey et celle de l'île Sercq laissera à ceux qui y ont pris part un souvenir inoubliable.

¦

A la section de pédagogie de l'Association française pour l'avancement des sciences, M. le Dr liérlllon, médecin-inspecteur des asiles d'aliénés, a aborde l'importante question des enfants turbulents et indisciplinés.

Il n'y a pas de classe où la présence d'un ou de plusieurs enfants turbulents, réfractalres à tous les moyens pédagogiques usuels, ne soit une cause permanente de trouble et d'indiscipline. 11 arrive fréquemment que la direction d'un seul de ces enfants Impose au professeur ou à l'Instituteur une dépense d'énergie si considérable qu'il en résulte pour lui une véritable fatigue. L'intervention constante du maître, pour obtenir d'un enfant turbulent la somme d'application nécessaire, ne peut se faire qu'aux dépens de tous les autres enfants. Chez les enfants, la turbulence est essentiellement contagieuse et un seul enfant inattentif suffit & troubler l'ordre dans une classe. Il convient donc d'étudier les divers procédés par lesquels on peut améliorer ou guérir ces enfants indisciplinés : ces procédés sont d'ordre administratif ou d'ordre médical. Dans le premier cas, on a proposé la création d'écoles de réforme ou de classes spéciales dans lesquelles les enfants seraient en nombre très limité, confiés à la direction de maîtres expérimentés. Dans le second, il s'agit de traitements divera et d'une intervention d'un ordre particulier, appropriée à l'état nerveux de l'enfant Indiscipliné, et basée sur l'examen psychologique du sujet. Chaque cas doit être abordé comme un problème de psychologie individuelle. Chez un grand nombre d'enfants turbulents et indisciplinés dont les dispositions anormales ont pour cause des erreurs ou des fautes de l'éducation familiale, l'emploi de la suggestion hypnotique amènera la guérison. Bien entendu, elle devra être appliquée avec le tact et la compétence nécessaires. En présence des observations de guérisons d'enfants turbulents présentées par le DrBé-rillon, la section a décide de maintenir cette question à l'ordre du jour de la prochaine session qui se tiendra à Lyon, au commencement d'août 1905. Elle sera l'objet d'un rapport général et la discussion y sera abordée avec toute l'ampleur qu'elle comporte.

Diverses questions concernant la pédagogie des anormaux y seront également à l'ordre du jour et ramèneront les travaux de la section aux études de pédagogie expérimentale qui, seules, se présentent avec le caractère de rigueur scientifique conforme à l'esprit de l'Association française pour l'avancement des Sciences. M. le D" Bérillon a été désigné comme président de la section au Congrès de Lyon et il se propose de faire appel à la collaboration de tous ceux qui s'intéressent à la pédagogie envisagée non plus empiriquement, mais comme science de l'éducation.

M. le Dr Brunoo, directeur de l'Ecole de médecine de Rouen signalait la fréquence dans toute la Normandie de préjugés relatifs à l'action de l'air sur l'organisme. Un grand nombre de personnes sont atteintes d'une véritable aérophobie et par crainte des courants d'air vivent dans l'air confiné où s'Imposent une surcharge de vêtements.

A côté de cette peur de l'air, on rencontre fréquemment une peur analogue : celle de l'eau. Beaucoup d'individus redoutent les bains de rivière ou de mer et considèrent leur usage comme un véritable supplice. C'était probablement le cas du soldat Boisset, du 150* d'infanterie, en garnison à Saint-Mihiel, dont les journaux viennent de nous raconter l'infortune. Il vient d'être condamné à vingt mois de prison pour refus d'obéissance. Le 22 juin dernier, la compagnie à laquelle appartenait Boisset devait se rendre aux bains ; Boisset refusa d'accompagner ses camarades, prétextant qu'il avait peur de l'eau. Son sergent-major tenta vainement de le convaincre de la puérilité d'un pareil motif et lui lut par trois fois l'article du code militaire relatif au refus d'obéissance. Rien n'y fit, Boisset ne voulut pas se baigner.

En réalité, le soldat Boisset doit être considéré comme la victime d'une véritable erreur judiciaire. Son cas était justiciable de la thérapeutique psychologique et ne comportait en aucune façon L'intervention d'un conseil de guerre.

Sa phobie de l'eau n'avait rien de simulé. Elle était le résultat d'un état pathologique, lié très probablement à de la dégénérescence mentale. Il eût été intéressant de savoir dans quelles conditions s'est développée cette phobie et quelle on a été la cause originelle. Dans certains cas, des individus ont contracté la peur de l'eau à la suite d'un accident ou d'une mauvaise plaisanterie qui avait occasionné une immersion inopinée.

Il est vivement regrettable que les notions médicales relatives à l'existence de ces phobies ne soient pas plus vulgarisées. Malgré les importants travaux qui ont été publiés sur cette question par MM. les Dr* Bouveret, Pierre Janet, Bérillon, Lux et par tant d'autres, elles semblent encore ignorées par la grande majorité des médecins militaires.

Souhaitons que des voix autorisées se fassent entendre, et que bientôt, une mesure de clémence vienne réparer l'erreur très regrettable commise à l'égard du soldat Boisset.

Les Femmes a, barbe : Étude psyécologique et sociologique [suite)?}.

Par M. le D' Bèrillon Professeur à l'Ecole de Psychologie

Les femmes à barbe dans la religion. — La Vénus barbata. — Les dieux lares- — Les démons femelles. — Proverbes populaires sur les femmes à barbe. — Figures gnostiques. — Les éons androgynes.

Pendant plusieurs siècles, les Romains honorèrent seulement de petites divinités rustiques, modelées sans goût et sans aucune préoccupation artistique, dont ils avaient emprunté le culte aux Etrusques et aux populations primitives de l'Italie. Mais quand Rome, étendant son empire, prit contact avec d'autres civilisations, elle emprunta aux peuples voisins non seulement leurs usages, mais également leurs religions et leurs vices.

Si vénérés que fussent les dieux des Romains, ils ne pouvaient soutenir la comparaison avec ceux des Grecs. Les divinités de l'Olympe se

(I) Voyez Revue de l'Hypnotisme, a8.de juillet 1904 et n" suivants.

présentaient avec la puissance de séduction qui se dégage de toute œuvre inspirée par l'art ou par la poésie. Bientôt les idoles antiques cédèrent la place à des images nouvelles, douées d'un prestige dont le génie des artistes grecs faisait tous les frais.

Ce ne fut pas seulement la Grèce qui introduisit ses dieux à Rome. Il en vint également d'Egypte et de toutes les parties de l'Orient. Rome ne connaissait pas alors le fanatisme religieux et accueillait avec tolérance toutes les religions, à la condition que le prosélytisme en fut tolérant. D'ailleurs les mystères des religions orientales ne pouvaient qu'exercer de puissants attraits sur un peuple qui, depuis les temps les plus reculés, n'avait cessé de se montrer enclin aux superstitions les plus ridicules et les plus variées.

Le culte de Vénus et celui de Bacchus, sous les apparences de la piété et de la dévotion, favorisaient la débauche et sanctifiaient les pires dépravations. Ils ne pouvaient donc manquer d'attirer une foule compacte d'adorateurs. Ainsi on vit se multiplier les autels à la Vénus gènit'rix, à la Vénus cfoaeina, à la Vénus calva, à la Vénus marina, à la Vénus cal-lipyge, et à toutes les représentations figurées de la déesse de l'amour.

La Vénus barbala y eut également les siens. Voici quelle en fut l'origine ('). Les femmes romaines ayant été attaquées d'une maladie qui leur faisait perdre leurs cheveux, firent des vœux à la Déesse qui les leur rendit. Pour la remercier, ils la représentèrent avec un peigne à la main et une barbe au menton, comme marque distinctive des deux sexes. La partie supérieure de la statue représentait un homme et l'inférieure une femme.

Selon Codin et Suidas (2), les Romains avaient consacré à Vénus, dans Rome môme, des statues qui reproduisaient son image avec une barbe et des attributs des deux sexes. Codin nous apprend que les Romains considéraient Vénus comme chargée de présider à la génération universelle et qu'ils lui donnaient de la tôle à la ceinture les formes d'un homme, et de la ceinture aux pieds celles d'une femme. C'est probablement la raison pour laquelle Julius Formicus Maternus applique à Vénus l'épithète biformis (8).

Jean Lydus (J) est encore plus explicite : il regarde comme certain que les anciens théologiens attribuaient les deux sexes à Vénus et lui donnaient l'épithète de Arsenothelus.

Vénus barbata ne fut pas seulement à Rome l'objet d'un culte public ; elle prit également place parmi les dieux domestiques. Chez les Ro-

(t) Xoil : Dictionnaire de la fable, 1810, 2. I, p. 213.

(1) Nam cum, Romanas fcminas invahissct aliquando pruritus pcstilens, pilique omnibus décidèrent : Venerl vota fecerunt ac flatim succrevere capilli : deteque simulacrum posuerunt cum pectine, et addiderc barbaro, ut una eamdemque virorum ac fœminarura insignia gereret, ut sit utrumque generationi prceease crederetur. (Pomey : Panthéon mythologique, p. 01.)

(!) Cl. Saint Augustin: De civitate Dei. iv. u.

(3) Fobmiccs Maternus : De errore profanorum rcligionum. Strasbourg, 1562.

(4) J. Lydus : De mcnsibus, p. 84 et 89.

mains, les dieux lares étaient de petites divinités tutélaires. et qui exerçaient sur la maison, sur le père de famille, sur la famille et même sur les biens, une influence protectrice. Ces divinités, d'origine étrangère, avaient pris place dans la religion sabine et dans la religion romaine.

Les dieux lares jouaient un rôle considérable dans la vie domestique des Romains. Ils occupaient une place déterminée. l'atrium, devant le foyer et étaient l'objet de nombreuses marques de vénération. A chaque repas, ils recevaient une offrande de mets et de boissons. Ils présidaient à tous les événements de la famille. Chaque circonstance, heureuse ou malheureuse, devenait à leur sujet, l'occasion d'une prière, d'un vœu ou d'une libation. Chacun rendait un culte particulier à tel ou tel lare de sa maison. Le plus grand éclectisme régnait dans le choix de ces dieux

Flg. "S. — Dieux lares dont l'an représente une femme barbue (Musée du Louvre).

familiers. On en était arrivé à les créer de toutes pièces, scion son caractère, ses goûts ou ses ambitions. Les lares de l'empereur Mare-Aurêle étaient les grands hommes dont les œuvres avaient contribué à former son caractère. Mais, en général, on revenait dans la représentation des dieux lares à des types communs. Une de leurs formes la plus fréquente était celle de deux jumeaux, revêtus des mêmes costumes et portant des attributs divers. Ces attributs avaient un caractère symbolique et consistaient en coupes, en aiguières, en cornes d'abondance. A la campagne, chez les pauvres, elles étaient modelées en cire, en terre cuite, ou sculptées dans un morceau de bois. A la ville et dans les classes aisées, elles étaient composées en métaux plus ou moins précieux. Sous l'empire romain, les dieux lares perdirent progressivement la rusticité des premiers âges. Beaucoup furent composés avec un art véritable dans lequel se retrouve le fini que les artistes grecs apportaient dans leurs travaux.

A n'en pas douter, le groupe en or qui se trouve au musée du Louvre, dont l'existence nous a été indiquée par le savant conservateur, M. Léon Heuzey, et dont nous donnons la reproduction (fig. 75), étaient dos dieux lares de la bonne époque grecque. Leurs petites dimensions [*), leur caractère gémellaire et les attributs symboliques placés dans leurs mains, l'indiquent d'une façon précise. Mais ce qui doit surtout retenir notre attention, c'est que ces deux figures, absolument identiques par les détails de leur costume féminin, diffèrent sur un point essentiel. Tandis que l'une d'elles représente une jeune fille aux traits féminins, l'autre nous donne également l'impression d'une personne du sexe féminin, mais son visage est orné d'une barbe.

Nous ne chercherons pas les motifs qui ont pu inspirer l'artiste dans

Fig. 76. — Dieux lares (Musée du Louvre).

la conception de ces divinités. Nous nous bornerons à constater qu'ayant pour but de représenter deux femmes jeunes et élégantes, il les a revêtues toutes deux de costumes dont les draperies sont arrangées avec un goût exquis. Il a donné également à leurs chevelures opulentes le même arrangement compliqué et gracieux. Il a placé dans leurs mains les mêmes symboles tutélaires. Vus de dos, les deux sujets représentent exactement deux sœurs jumelles (fig. 76).

La seule différence qu'il leur a imposée, et en cela son intention est indéniable, réside dans leurs physionomies. Tandis que l'une a le menton orné d'une barbe nettement dessinée, l'autre en est dépourvue. L'artiste a voulu représenter une divinité barbue, et afin qu'il n'y ait pas de doute sur son intention, il l'a accouplée avec une figure capable de

(1) Lorsque les Romains abandonnaient leurs maisons ei partaient à l'étranger, Us emportaient leurs dieux lares; d'où la nécessité de les faire de petites dimensions et de les rendre très facilement portatifs.

servir de terme de comparaison. Cette personnalité féminine ornée d'une

barbe nous ramène à la conception de la Vénus barbata. adorée chez les

Romains. Elle nous donne aussi la preuve que la notion de femmes à

barbe élait acceptée dans l'antiquité et que le fait de leur existence

n'était pas considéré comme invraisemblable.

» • #

Xous avons eu sops les yeux un certain nombre de figures anciennes dans lesquelles les artistes ont associé les caractères des deux sexes.

Fig. Buste de per-onnage barbu avec un sein 'le femme.

Dans le buste dont nous donnons cï-joint le dessin, la figure barbue s'accorde mal avec le sein de femme que le statuaire a eu soin de découvrir. Tout dans cette figure indique que l'artiste a voulu mettre en évidence un sein qui, chez un homme, serait de dimensions anormales [fig. 77). L'absence, sur la partie antérieure du cou, de la saillie du corps thyroïde, qui est un des signes les plus frappants de la masculinité, peut laisser place à la supposition que nous serions en présence d'une femme à barbe. L'intérêt de ce document réside surtout dans l'association de caractères empruntés aux deux sexes, sans qu'il soit permis de dire si l'artiste a voulu représenter une femme à barbe ou fixer l'image d'un gynécomaste.

¦

Le diable, chez les chrétiens, réalise, comme le faisaient les gorgones et les harpies chez les anciens, la personnification du laid et du mal. Il a également pour principal rôle de suggérer les formes les plus intenses de la peur et de la terreur.

Pendant tout le moyen-âge, les idées superstitieuses se sont donné libre cours au sujet du diable et de ses influences pernicieuses. Heureusement, quelques pratiques assez simples suffisaient le plus souvent pour déjouer la malice des démons. Un signe de croix avait le pouvoir de neutraliser ses mauvais desseins. Il était parfois nécessaire d'y joindre le sel et l'eau bénite. C'est un article de la foi catholique que les démons ne

Fig\ 78. — Un demoo femelle. Figure du Moyen-Age.

peuvent souffrir le moindre grain de sel et qu'une seule goutte d'eau bénite doit les mettre en déroute.

Quand on les asperge de ce précieux liquide, les démons s'enfuient au plus vite et, pour en éviter le contact, ils n'hésitent pas à se réfugierdans les corps les plus immondes. Ils ont parfois émigré dans un troupeau de porcs.

Même encore à notre époque, beaucoup de prédicateurs racontent ces histoires. Il en est même qui affirment que le diable n'hésite pas, pour mieux duper les hommes, à se dissimuler dans le corps de la femme. C'est surtout quand les propagateurs de la foi veulent mettre les jeunes gens à l'abri des surprises de l'amour, qu'ils se servent de ce langage imagé. Les artistes, se faisant les interprètes de ces croyances superstitieuses, ont conçu des types de démons femelles dont les grâces féminines ne servaient qu'à mieux enjôler, aujourd'hui on dirait entôler, les jeunes gens naïfs ou les barbons libidineux. Le personnage (fig. 78)que

nous voyons ici est emprunté à un 1res intéressant manuscrit du Mus ée Britannique de Londres (Ms. Cotton. Nero. c. iv). Ici, ce diable femelle porte la robe à la mode du jour avec de longues manches, l'une d'elles beaucoup plus longue que l'autre, selon l'usage à cette époque. Robe et manches sont raccourcies par des nœuds et la robe est moulée sur la taille, grâce à un lacet qui constitue la première manifestation du corset.

Le dessinateur n'a pas manqué d'orner ce démon féminin d'attributs qui ne doivent laisser aucun doute sur sa véritable identité. IL s'agit bien du diable, ainsi que l'indiquent ces griffes, cette queue majes-

Flg. 79. — Dcmon femelle. Frontispice du livre de Boaistuau, 1561.

tueuse, ces cornes, ces dents pointues et surtout cette barbe hirsute. Jeunes gens, vous voilà avertis ! Apprenez que derrière ces costumes élégants, ces toilettes capiteuses, ce qu'il y a, c'est le diable en personne. Xe vous laissez pas prendre à ces atours; vous risqueriez de tomber sous des griffes redoutables et surtout vous compromettrez votre salut éternel. C'est ce langage de prédicateurs que les artistes ont voulu symboliser.

D'autres dessinateurs se sont montrés encore plus expressifs. Témoin ce diable femelle dont le portrait orne la première page des Histoires prodigieuses de Boaistuau, éditées à Paris en 1561 (Gg. 79). Cette femme, assise sur un trône et à laquelle deux adulateurs prodiguent à l'envi leur encens, en témoignage de leurs désirs et de leur adoration, n'est

en réalité qu'un diable. Ses appas ne sont que des pièges; et là où vous vous attendez à rencontrer de voluptueuses caresses, vous n'allez trouver que des déchirures de griffes acérées. Bien plus, ces charmes dont vous espérez les enchantements de l'amour physique vous réservent les morsures les plus cruelles. Tel est l'enseignement moral qu'ont voulu nous donner de pieux iconographes.

Pour mieux accentuer la répulsion à l'égard de la femme, envisagée comme tentatrice diabolique, ils la dotent du caractère le plus capable, à leurs yeux, de calmer le désir amoureux : ils lui mettent de la barbe au menton.

Le sentiment de défiance que les femmes à barbe doivent inspireraux jouvenceaux se retrouve dans des proverbes populaires fort expressifs :

Homme roux et femme barbue De trente pas loin les salue Avecque trois pierres au poing Pour t'en aider à ton besoing.

P. Bailly, dans son livre intitulé : Questions naturelles et curieuses, paru en 1628, donne de ce quatrain le commentaire suivant : « C'est pour désigner qu'une chose monstrueuse doit être ainsi traitée : laquelle puisque nature abhorre et qu'elle ne produit jamais chose semblable qu'elle n'y soit forcée par quelque occasion. C'est pourquoi les hommes, qui la doivent imiter comme une savante maîtresse, doivent avoir horreur des choses tant prodigieuses, lesquelles portent ordinairement des défauts et des règlements intérieurs correspondant à ceux du dehors. C'est pourquoi l'on dit qu'il se faut donner garde des choses portant une trop apparente marque, o

Xotre savant ami, le Dr Giuseppe Pitre, de Palerme ['), qui a publié sur les croyances populaires de Sicile tant de livres documentés, a recueilli sur les femmes à barbe, les proverbes suivants, qui ont encore cours actuellement.

¦

Ddiu ti scanzi d'omlnl sbarbati et di fimmini varbutl.

Ddlu nnl scanza di calamltati D'omini spani e fimmini varbutl.

Ddiu ti scanzi di mala caduta E di fimmina mustazzata.

La persistance de ces préjugés populaires, s'énonçant sous forme de proverbes, s'explique fort bien en Sicile, où la croyance au diable compte encore un assez grand nombre d'adeptes.

• •

Ledogmecatholique, immuable, proscrit sévèrement toute discussion. La masse des croyants accepte la discipline imposée considérant, comme on le lui a enseigné, que la foi est incompatible avec la réflexion et avec

0) D' Gigseppe Pitre : Medicina popolare tialiana, Palerme, 189G, p. 53. (Biblio-tece délie tradizione popolarl siciliane.) T. xix.

le raisonnement. Mais il est des esprits qui ne s'inclinent qu'à regret. En adoptant les croyances de leur temps, ils se réservent in petto la liberté d'y ajouter ou d'y retrancher quelque chose. Cela s'est vu dans tous les temps. C'est ainsi que, dès les premiers siècles du Christianisme, obéissant au besoin de se soustraire à des règles qu'ils considéraient comme tropétroites,lesgnostiquesdonnèrent libre cours aux entraînements d'un mysticisme sans limites. Trouvant trop simple la foi chrétienne telle qu'elle avait été préchée par les premiers apôtres, ils émirent la prétention de créer des religions plus savantes. Pour cela, ils imaginèrent de recourir à des symboles d'autant plus capables de frapper l'imagination de leurs adeptes qu'ils étaient moins compréhensibles. « Le prestige des noms hébreux ou supposés tels, a dit Renan, étaient un des moyens de séduction qu'employaient les gnostiques auprès des gens simples. »

Pig. SI Eon Homme

avec des seins et un visage de femme (M. du Hamnier).

Fig- 81. Eon gnoslique. Homme avec des seins de femme. (M. de Uammer).

Ils avaient aussi recours à des représentations figurées, destinées à personnifier et à matérialiser certaines conceptions de prétendus êtres divins. On désignait ces représentations sous le nom d'éons. D'après l'étymologie du mot, êon signifiait que chacune de ces émanations divines étant isolée et complète dans son existence, se suffisait à elle-même. Chaque éon ayant la puissance créatrice en lui-même était considéré et représenté comme androgyne, ce qui est constaté par les paroles de saint Irénée('): Esse enim illorumunumquemquem&sculo-fœrninarn.

Pour les principales sectes gnostiques, en particulier pour les Valen-tiniens et les Ophites, dont l'origine se trouve en Egypte, le nombre des éons était en général limité à huit. Le plus connu était l'éon de la Sagesse : Sophia.

Les documents les plus explicites qui aient été fournis sur les symboles gnostiques sont dus à un savant archéologue autrichien, M. de Hammer, qui les a publiés dans le sixième volume de son ouvrage des Mines de

(1) Saint Irînée : Dissert. prav. Lib. I., ch. 30, g 2, 4 et 5.

l'Orient. Ils figurent dans un chapitre intitulé : Mysterium Baphometis revelatum. Il est question dans cette partie du livre, des chevaliers de Tordre du Temple qui s'étaient adonnés au gnosticisme et que leurs propres monuments avaient servi à convaincre d'idolâtrie et de pratiques impures. La rareté de ces documents, en France, s'explique par le soin avec lequel l'ordre des Templiers, dès qu'il se vit soupçonné, fit disparaître tout ce qui aurait pu justifier les accusations portées contre lui. On peut l'attribuer aussi à une destruction systématique de ces documents imposée, après l'abolition de l'ordre du Temple, par les représentants de l'orthodoxie religieuse.

Les figures que nous publions sont extraites du livre de M. de Ham-mer. Elles avaient été reproduites dans un travail fort curieux publié en 1851, à Dijon, par M. Mignard, sous le titre : Histoire de différents cultes, superstitions et pratiques mystérieuses d'une contrée bourgui-

FIr. S2. — Eon gnostique. Femme avec de ia barbe. )M. de Hammer).

gnonne. Ce mémoire lui avait été inspiré par la découverte aux sources de la Cave, à Essarois, d'un coffret en pierre sur le couvercle duquel se trouvaient en relief une image et des signes cabalistiques, avec des caractères arabes. Ce coffret provenait des Templiers qui avaient un de leurs sièges dans l'emplacement même où il avait été découvert. Il avait été acquis par M. le duc de Blacas. M. Mignard n'eut pas de peine à établir la parfaite similitude de la figure du coffret d'Essarois avec les documents gnostiques publiés par M. de Hammer. Ces dessins justifient la colère de saint Irénée, alors évoque de Smyrne et qui fut ensuite évoque de Lyon, qui s'indignait de voir des chrétiens s'affilier au gnosticisme et se mettre à adorer des représentations divines empreintes d'un tel caractère d'impiété.

En examinant ces images si singulières (fig. 80 et 81 ), dans lesquelles des individus mâles, barbus et non barbus, sont figurés avec des seins de femmes on comprend l'indignation du saint auteur du traité contre les hérésies ('). Le troisième dessin {fig. 82), représente une femme dont le menton est orné de barbe. Le désir de justifier la féminité de son sexey'oblige à se présenter dans une attitude quelque peu indécente.

Tout dans cette figure semble avoir pour but de froisser à la fois l'or-thodoxie religieuse et l'orthodoxie physiologique.

L'arrangement de ces compositions dénote d'une façon évidente, les internions sacrilèges des gnostiques. Aussi, il fut facile d'accuser les chevaliers du Temple, affiliés au gnoticisme, non seulement d'abjurer leur foi, mais d'ajouter à leurs blasphèmes de dégoûtants outrages à l'égard des symboles de la religion chrétienne. Le seul aspect de leurs images gnostiques pouvait constituer contre eux le plus accablant des témoignages.

Nous laisserons à d'autres le soin d'interpréter les symboles dont ces figures sont entourées. Nous nous bornerons à faire remarquer que

Fig. s3..— F.on guoslique. Femme avec do la barbe, médaille des Iles Baléares. (31. Gerliard).

quelques-uns de ceux qui encadrent la troisième figure (fig. 82) ne sont pas sans analogie avec les symboles de la Franc-Maçonnerie.

Les représentations d'éons gnostiques ne sont pas aussi rares que l'on pourrait le supposer. On en a trouvé sur des coffrets; des médailles en portaient également, ainsi que le prouve la pièce trouvée dans les îles Baléares, qui a été décrite par M. Gerhard. Elle représente un individu barbu, avec des seins de femme très manifestement dessinés. Une simple comparaison avec les éons gnostiques reproduits ci-dessus indique qu'il s'agit d'une représentation de femme barbue ayant pour objet de figurer l'éon androgyne de la Sagesse.

(à suture).

L'hystérie de Bernadette, de Lourdes,

par M. le Dr Rouby, Médecin-directeur de la Maison de Santé d'Alger. (suite) »)

IX

Les fausses Apparitions

Le lecteur connaît maintenant tes hallucinations et l'extase hystériques, il lui sera donc facile de démêler la maladie dans les actes de Bernadettte, pendant les quatorze visites qu'elle fit à la Grotte après la première Apparition.

(1) Gerhard : Academîsche Abhandlungen. Atlas, pi- XLIII, flg. 5.

(2) Voyez Revue de rHypnotisme, n* de juillet 1905.

Il serait fastidieux de les raconter une à une, car elles se passèrent d'une façon presqu'identique et en décrivant l'une'd'elles nous les décrivons toutes : ab uno disce ornnes ; certains faits particuliers à quelques apparitions seront étudiés dans l'intervalle.

Bernadette arrivait à la Grotte sous l'influence d'une vive impulsion : elle s'agenouillait à l'entrée, l'œil attentif vers l'ouverture du rocher. Alors, nous l'avons dit déjà, sous l'influence de l'aura psychique, la première apparition, celle de Mme X... se reproduisait sous forme d'une hallucination.

Comme on lui avait persuadé qu'elle était en présence de la Vierge Marie, elle croyait fermement la voir en réalité : aussi lui faisait-elle des inclinations gracieuses et lui adressait-elle de temps en temps quelques mots : une fois elle la montrait d'un geste au public, une autre fois elle l'apergeait d'eau bénite ; il lui est arrivé de monter et de descendre la grotte à genoux, croyant lui obéir. Ces faits se passaient toujours pendant la première période de la crise, la période hallucinatoire. Après quelques minutes, Bernadette se mettait à genoux, faisait des signes de croix et prenait son chapelet.

C'est alors que la seconde période, la période d'extase commençait. Après un petit nombre d'aue maria, l'enfant se transformait tout à coup : il y avait passage de la vie habituelle à une autre vie, comme on passe de l'état de veille à l'état de sommeil.

Bernadette devenait immobile, notez cette immobilité que nous allons constater à chaque page des auteurs catholiques ; les lèvres cessaient de remuer et on entendait sortir du fond de son gosier des petits sons -argentins à peine sensibles, contracture de la glotte ou boule hystérique.

Le monde extérieur n'existait plus pour elle ; les yeux ouverts ne voyaient plus, au point qu'on pouvait s'interposer entre elle et son hallucination sans qu'elle s'en doutât; ses oreilles entendaient des bruits confus sans distinguer des sons ; sa peau devenue insensible ne percevait plus de la douleur lorsque la flamme d'un cierge venait lécher ses doigts.

Sa figure prenait l'expression d'un bonheur indicible et une admiration pleine de délices se voyait dans ses yeux grands ouverts tandis que la bouche béate exprimait le ravissement. Elle devenait belle à ce point qu'il semblait qu'il y eut transfiguration de tout son être.

Pendant quelques minutes Bernadette concentrait son attention sur la blanche vision au point qu'elle restait séparée entièrement du monde extérieur.

A la fin de la période, sans que l'expression heureuse du visage ait changée, on voyait de grosses larmes emplir ses yeux et couler sur ses vêtements.

Bernadette alors poussait un long soupir et se réveillait : la crise qui durait depuis plus d'un quart d'heure était terminée ; elle se levait et sans s'inquiéter de la foule qui l'entourait et qui attendail autre chose,

elle retournait au logis paternel. Mais sa mémoire non abolie pendant la crise, gardait très exactement dans ses replis les moindres particularités de ses visions, si bien qu'elle a pu sa vie durant, les raconter toujours de la même façon, sans jamais se contredire.

Telle est la manière dont l'extase se produisit chez Bernadette pendant quatorze apparitions successives.

X

Preuves de l'Extase

Or, cette crise d'extase est le nœud de la question, car c'est elle qui fit croire à la foule émerveillée d'un pareil état que la petite voyante était en présence de la Sainte Vierge. Or, prouver que Bernadette était une extatique ordinaire, une extatique hystérique, une extatique selon la formule scientifique, c'est prouver en même temps qu'il n'y avait rien de réel dans ses visions, c'est prouver qu'une grossière erreur a servi de fondement au nouveau culte.

Comme notre affirmation pourrait paraître insuffisante à quelques-uns de nos lecteurs, c'est dans les récits des auteurs catholiques dont nous avons parlé au début, l'abbé Fourcade, Mgr de Ségur et M. Henri Lasserre, auteurs dont on ne peut suspecter le témoignage, que nous chercherons et que nous trouverons la confirmation des manifestations de la maladie hystérique de Bernadette.

Qu'on nous excuse de nous répéter parfois et surtout de faire des citations un peu longues, mais pour emporter la conviction de ceux qui nous lisent, il le fallait, dussions-nous être ennuyeux.

Commençons nos citations : celles que nous allons faire ont pour effet de prouver les hallucinations et l'extase chez Bernadette et, en même temps, que l'Extase survenait toujours en second lieu, après les hallucinations, suivant une marche classique.

M. Henri Lasserre d'abord (') : « L'enfant vient, s'agenouille et se met a à prier ; après quelques minutes, l'Extase commence, on voit son front « s'illuminer et devenir rayonnant ; tous ses traits montaient, montaient ¦ comme dans une région supérieure, comme dans un pays de gloire « exprimant des sentiments et des choses qui ne sont point d'icî-bas. La « bouche entr'ouverte était béate d'admiration et paraissait aspirer le « ciel. Les yeux fixes et bien heureux contemplaient une beauté invisi-« ble qu'aucun autre regard n'apercevait... Celte pauvre petite paysanne « si vulgaire en l'état habituel semblait ne plus appartenir à la « terre (2). »

L'abbé Fourcade décrit mieux encore les deux périodes de la crise, l'hallucinatoire et l'extatique : « Ne la voyez-vous pas, répétait Berna-a dette, d'un son de voix langoureux ; elle vous regarde ; elle vous sou-« rit, maintenant elle tourne la tête ? Bernadette se tut, s'agenouilla, fit

(1) Lasserre : Notre-Dame de Lourdes, p. 64.

(21 L'abbé Fourcade : Petite histoire de Lourdes, chapitre III.

« un signe de croix et entra dans l'Immobilité. Ses compagnes remar-i quèrent la transformation de son visage pendant qu'elle priait, n

Plus loin le père Fourcade se demande, ignorant des phases de la maladie, pourquoi l'extase ne commence qu'après certaines prières et après la récitation du chapelet, sans se douter qu'il nous donne par cette constatation la preuve que l'état de Bernadette était bien le résultat d'une crise nerveuse naturelle et non un fait surnaturel. Il fallait, l'abbé Fourcade le constate, qu'il y eût aura psychique, pour que l'enfant tombât en extase.

De même que Charcot en donnant à un sujet hypnotisé l'attitude de la prière, les mains jointes, à genoux, les yeux au ciel, mettait son sujet dans une crise d'extase ; de même il fallait que Bernadette fût à genoux, en prières et donnât à ses yeux, à son visage, et à tout son corps l'attitude de l'adoration, pour que la crise extatique se produisit et c'est toujours ainsi que les choses se passèrent pendant les quatorze apparitions successives.

Citons encore () : « Le dimanche 14 février l'on arriva à la grotte : « rien ne se montrait : « Mettons-nous à genoux, dit Bernadette, et di-« sons le chapelet ». La sainte prière venait à peine de commencer que « le visage de la petite amie de la Sainte Vierge s'éclaire tout à coup, et a s'illumine de joie : ses yeux se fixent sur l'excavation de la grotte, € avec une expression indicible de bonheur... Vous ne la voyez pas ? « elle est là ! elle vous regarde... elle sourit. Maintenant elle tourne la «tète. Voyez ses pieds... sa ceinture vole... Voyez, elle a le chapelet o roulé autour de son bras... Oh ! elle est si belle !... A présent elle prend « son chapelet ; elle se signe... » Puis après la période de l'hallucination vient la période d'extase : « Bernadette se remit donc à genoux, fit un o grand signe de croix, entra dans l'Immobilité... à genoux les mains «jointes, le chapelet entre les doigts, le corps tendu comme si une « force d'en haut la tirait : pâle, les lèvres décolorées, les yeux élevés « et fixes, elle restait comme une statue de sainte en extase ; des larmes « détachées et brillantes roulaient parmi ses sourires, »

Dans un autre chapitre nous lisons ceci : a Bernadette en arrivant prend son rosaire et commence à le réciter. » Dès que l'Apparition a lieu Iajeune fille est absorbée : « elle n'a plus le sentiment dece quisepasse autour d'elle et son visage rayonnant d'une indicible joie semble attester qu'elle est en communion avec un être surnaturel. »

Un rédacteur du Lavedan, journal de Lourdes contraire à l'apparition, décrit ainsi ce qu'il a vu : « La jeune fille va chaque matin prier à l'en-« trée delà Grotte, un cierge à la main, escortée de plus de 900 person-* nés. Là, on la voit passer du plus grand recueillement à un doux sou-- rire et tomber ensuite dans un état extatique des plus prononcés ; des « larmes s'échappent de ses yeux immobiles qui restent constamment « fixés sur l'endroit de la grotte où elle croit voir la Sainte Vierge (a). »

On ne saurait mieux constater l'extase.

(1) Mgr de Ségcr : Les merveilles de Lourdes, pp. 27 et 28.

(2) M. Henri Lasserre • : Les miracles de Lourdes, p. 49.

Comme on le voit, amis et ennemis de la Grotte sont d'accord sur ce point : Après une période mouvementée accompagnée d'hallucinations, survient une période d'immobilité avec extase.

Donc chez Bernadette l'extase existe, elle existe avec ses six principaux caractères; nous allons en chercher les preuves dans les mêmes auteurs chrétiens.

1° Bernadette a-t-elle la perte plus ou moins complète de la perception du monde extérieur par l'abolition des sensations, de la vue, de l'ouie et du toucher ?

Oui, il y a chez elle obnubilation des sensations :

Que lisons-nous à ce sujet dans les livres précités? Un jour le commissaire de police et un gendarme vinrent à la grotte se rendre compte, de visu, de ce qui se passait pendant l'extase, ils eurent l'idée de se placer immédiatement devant Bernadette, s'interposant entre elle et sa vision. L'enfant ne les vit pas, ne s'aperçut pas de leur présence et resta plongée dans son extase, continuant, à travers les deux corps très matériels des deux fonctionnaires, de jouir de la vue de la Vierge ; rien d'étonnant à cela puisque l'image existait, non dans la grotte, maisdans le cerveau de la visionnaire.

Pour l'obnubilation du toucher, rappelons le fait qu'un jour la flamme du cierge qu'elle tenait à la main lui brûla les doigts sans qu'elle manifestât le moindre signe de douleur. M. Henri Lasserre et Mgr de Ségur crient au miracle à ce sujet : ils ont tort; l'insensibilité est de règle : l'analgésie des hystériques est étudiée et décrite dans tous nos livres d'aliénation mentale. Ce qui eût été miracle, c'est que la flamme du cierge n'ait pas produit sur la main de l'enfant une brûlure au premier ou au deuxième degré ; de ceci on ne parle pas, c'eût été intéressant de le savoir; dans leurs crises, le fait est fréquent, des épileptiques ou des hystériques tombent dans le feu et se font d'horribles plaies sans se réveiller, la douleur n'existent pas chez eux dans ces moments.

2° Bernadette présente-t-elle la concentration de l'attention sur un seul objet? Cet excès d'attention nous l'avons noté pendant les crises de Marie Alacoque et celles de Ste Thérèse. Nous l'avons vu chez les hypnotisés; il existe aussi chez Bernadette. « L'enfant, dit M. Henri « Lasserre, était complètement absorbée: toutes les puissances de son « être appartenaient à la vision : rien de ce qui se passait autour d'elle « n'en pouvait détacher son attention » (M.

3,° Bernadette présente-t-elle la transfiguration, c'est-â-dire une transformation de 1 expression habituelle de la face et de l'attitude du corps, figure illuminée d'un rayon de bonheur indicible, membres immobilisés dans une position une fois prise?

Les extatiques pendant leurs crises changent de physionomie à ce point que les figures les plus insignifiantes, sous l'influence de l'exaltation et du bonheur prennent une beauté angélique.

Bernadette n'y manquera pas.

(1) Henri Lessi.....p. 67.

Un témoin, M. Estrade, receveur des contributions directes à Lourdes, a constaté le fait chez elle : « subitement et complètement transfigurée,

* nous dit-il, Bernadette n'était plus Bernadette ; c'était un ange du « ciel plongé dans des ravissements inénarrables : elle n'avait plus le « même visage, une autre intelligence, un autre air, j'allais dire une

• autre âme se voyait : elle ouvrait de grands yeux, des yeux béants « et presqu'immobiles o. Elle souriait à cet être invisible et cela don-o nait bien l'idée de l'extase et de la béatitude. Elle écoutait avec l'ex-« pression de l'adoration la plus absolue, mêlée à un amour sans a limites et au plus doux des ravissements; j'observais que par instant « elle ne respirait plus » ('}.

Dans un autre passage : « La mère comme tous les assistants vit le petit visage, si chétif dans l'état naturel, s'illuminer tout à coup et se transfigurer : son front rayonnait; tous ses traits semblaient s'élever et prendre je ne sais quoi de céleste » (a).

M. Henri Lasserre écrit : « Le visage de la voyante devient tout à « coup si clair, si transfiguré, si éclatant, si imprégné de rayons divins, r que le reflet merveilleux que nous apercevons nous donne la pleine « assurance du centre lumineux que nous n'apercevons pas... ce « que contemple Bernadette ravie, ce qui rayonne sur ses traits en « extase » {*).

(k suivre)

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance annuelle du mardi 2b juin 1905

Présidence de M. le D' Albert Uobîn, membre de l'Académie de médecine, assisté do M. le D' Brousse, président du Conseil municipal de Paris, de M. le professeur Beaunis, membre d'honneur, et de M. le D' Voisin, président

de la Société.

Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté.

U. le Dr Bérillon, secrétaire général, rend compte de la situation morale et financière de la Société. D expose que le nombre des adhérents est en progrès constant; les communications scientifiques abondent et les séances sont de plus en plus suivies.

II donne lecture des lettres d'excuses de M. le D' Huchard, membre de l'Académie de médecine, de M. le professeur Raymond, de M. Boirac, vice-président, recteur de l'Académie de médecine de Dijon, de MM. les D" Orlitzky (de Moscou), Hceberlin (de l'Ile de Fuhr, Allemagne), Jagua-ribe (de Sao Paulo), Van Velsen (de Bruxelles), Lemesle [de Loches), Larrini (de Meyzieu) et d'un grand nombre de nos collègues.

M. le Dr Voisin, président, souhaite la bienvenue aux membres de la société venus de la province et de l'étranger, ainsi qu'à M. le Dr Brousse,

(i) (2) De Séocr : Les merveilles de Lourdes, pp. 36 et 107. (3j Henri Lasserhe : Notre-Dame de Lourdes, p. 67.

président du Conseil municipal, à M. le professeur Beaunis, à M. Mel-cot, avocat général à la Cour de cassation, qui assistent à la séance, et à M. le DrGodon, directeur de l'Ecole dentaire et délégué de cette école. Il remercie M. le D' Albert Robin de l'honneur qu'il a fait à la Société en acceptant la présidence de la séance annuelle, et du service qu'il lui rend en lui apportant l'appui de sa haute autorité.

M. le D'A. Robin répond qu'il est heureux de collaborer au succès d'une Société qui a tant contribué à développer les rapports de la psychologie avec la médecine. Le rôle joué par l'hypnotisme et par la psychothérapie dans la thérapeutique contemporaine est considérable, M.Robin pense que les travaux inspirés par l'hypnotisme et parla suggestion donneront l'explication de beaucoup de phénomènes restés jusqu'alors inexpliqués. Les discussions d'une société vraiment scientifique comme la Société d'hypnologie exerceront sur l'évolution de la psychothérapie l'influence la plus considérable.

M. le Secrétaire général rappelle les pertes éprouvées dans le courant de l'année. Il évoque le souvenir de M. le Dr Bourdon (de Méru) toujours assidu à nos séances annuelles et de M. le D' Brémaud, médecin en chef de l'escadre du Nord, auquel on dut d'importantes contributions sur l'hypnotisme.

Il annonce que le buste du Df Liébeault, du à une souscription dont l'initiative a été prise parla Société d'hypnologie et par l'Ecole de psychologie, est terminé. Il est l'œuvre d'un jeune sculpteur de grand talent, M. Maillols, et l'inauguration en sera faîte à une date qui sera ultérieurement fixée.

M. Lionel Dauriac, vice-président, professeur honoraire à la Faculté des lettres de Montpellier, prononce dans un éloquent discours l'éloge du professeur Tarde, qui fut un des membres fondateurs de la Société d'hypnologie. Il fait l'analyse de l'œuvre si variée et si personnelle de notre regretté collègue. M. Lionel Dauriac retrace également l'existence de M. le Dr Brémaud, dont il fut le condisciple. Ces éloges seront publiés.

La Société délègue le D' Bérillon, secrétaire général, pour la représenter au Congrès de l'Association française qui se tiendra à Cherbourg, le 3 août, sous la présidence de M. le professeur Giard.

Avant d'aborder l'audition des nombreuses communications publiées à l'ordre du jour, M. le président donne la parole à M. le Dr Paul Farez, rapporteur du Prix Liébeault.

Rapport sur le Prix Liébeault

Par M. le Dr Paul Farez, Secrétaire généra! adjoint de la Société d'hypnologie et de psychologie.

Messieurs,

En nous présentant la maquette du buste que l'initiative de notre Société élève à la mémoire du Dr Liébeault, notre secrétaire général a évoqué, à l'égard de ce grand médecin, des sentiments sur lesquels je

ne veux pas revenir. Grâce à la libéralité de ce vénéré maitre, nous avons, chaque année, la possibilité de rappeler les liens qui nous rattachent à la doctrine dont il fut l'initiateur. En effet, nous nous appliquons à récompenser des travaux qui s'inspirent directement de son enseignement. L'année dernière, c'est à une thèse du D' Etienne Jourdan (de Marseille), sur la psychologie du rêve, que nous donnions le prix. Cette année, nous avons tenu à décerner le prix à un travail se rattachant plus directement à la psychothérapie.

Parmi les nombreuses thèses qui ont pris part au concours, votre bureau a retenu celle de M. le Dr Marnay, présentée à la Faculté de de Paris, sous le titre : La suggestion hypnotique dans la cure des buveurs d'habitude. Cette thèse a été inspirée par les travaux de l'Institut psycho-physiologique et du dispensaire antialcoolique, fondé par le Dr Bérillon.

Je ne m'étendrai pas sur les mérites du travail de M. le Dr Marnay, et je me bornerai à dire qu'il met en évidence la valeur de l'hypnotisme dans le traitement des buveurs d'habitude. D'ailleurs, un compte-rendu publié récemment dans la Revue de l'Hypnotisme, constituerait un double emploi avec un exposé plus détaillé.

Le bureau vous propose les conclusions suivantes : le titre de Lauréat de la Société (Prix Liébeault) sera attribué pour le concours 1905 à M. le Dr Marnay, pour sa thèse sur la suggestion hypnotique dans la cure des buveurs d'habitude.

(Les conclusions, mises aux voix, sont adoptées à l'unanimité.)

La suggestion musicale Par M. le D* Pamart, assistant à l'Institut psycho-physiologique.

Si nous considérons l'hypnose à ses différents degrés, depuis le simple état d'attention jusqu'au sommeil et à la catalepsie, nous voyons qu'elle peut être provoquée par des agents purement physiques impressionnant l'un quelconque de nos sens.

Ainsi, l'état d'expectante-attention est finalement provoqué chez un gourmet par une impression gustative. De môme, la perception de certaines odeurs entraine, chez certains sujets, des phénomènes nerveux des plus intenses. La pression des points hypnogènes ou des globes oculaires, l'effleurement qui constitue la passe magnétique, provoquent le sommeil par l'intermédiaire du toucher. L'hypnose s'obtient également par les procédés braidiques, qui impressionnent le sens de la vue: miroir à alouettes, fixation du point brillant, éblouissement, fascination, etc. Un mouvement doux et uniformément répété, mettant enjeu le sens musculaire. provoque aussi l'hypnose; comme exemples, nous citerons le cas de l'enfant que l'on berce, et celui des Aïssaouas, qui préludent à leurs exercices par une sorte de danse sacrée, et paraissent ensuite insensibles à la douleur. Enfin, le sommeil peut encore être obtenu par

le bruit du gong, le tic-tac d'un métronome, le murmure d'un ruisseau. Nous laissons volontairement à part le procédé qui consiste à ordonner de dormir, car il s'adresse à l'intelligence du sujet, et non plus seulement à ses sens matériels.

Le psychothérapeute peut donc, par des moyens purement physiques, amener son malade au degré d'hypnose qu'il désire, attention, hypo-taxie ou sommeil, et se trouver alors en mesure de lui donner une suggestion, beaucoup plus impérative et efficace qu'un simple conseil.

Mais les impressions sensorielles, à elles seules, peuvent, dans certains cas, exercer une véritable action idéoplastique et nous transmettre des suggestions. Ainsi, il est des spectacles qui, suivant l'expression courante, hypnotisent le sujet, et le font passer, sans qu'il s'en puisse défendre, de la joie au chagrin, du plaisir à l'horreur, de la colère à l'épouvante ou au calme; par exemple, la vue d'une catastrophe, de la mer en furie, d'un combat, d'un beau coucher de soleil. Il en est de même, et de façon plus générale encore, de la musique. L'intensité et les formes de son action varient suivant le talent et l'interprétation de l'exécutant, suivant le développement artistique, la compréhension musicale, la plus ou moins grande susceptibilité spéciale de chaque auditeur: mais, à divers degrés, tout le monde la subit. Le passage d'une musique militaire jouant une marche entraînante fait scander le pas à la foule, et les gamins la suivent; dans un édifice religieux, les chants ou l'harmonie des orgues disposent l'assistance à la méditation, à la tristesse ou la joie; tel morceau bien exécuté amène les larmes aux yeux d'un auditeur parfois très ignorant en musique, très fruste au point de vue artistique, et tel autre le soulève d'enthousiasme joyeux ou guerrier. Aussi, de tout temps, s'est-on servi de la musique pour entraîner les masses, que ce soit à la prière ou au combat.

Personnellement, nous avons assisté à une suggestion de cette nature tout à fait remarquable. Dans une réunion intime, un pianiste de grand talent jouait un morceau de Beethoven. Nous voyons le regard d'une de nos voisines prendre peu à peu une fixité extraordinaire. A un moment donné, elle se leva, au milieu de la stupéfaction générale, marcha à pas comptés vers l'instrument et s'agenouilla près de lui en pleurant. Le pianiste l'aperçut, s'interrompit tout à coup, effrayé, et la jeune femme se renversa en complète catalepsie. Il est évident que des effets aussi intenses ne se produisent que chez de rares prédisposés.

Donc, tandis que le bruit du gong ou la fixation fascinatrice d'un objet lumineux amènent simplement un état de passivité relative, un engourdissement plus ou moins marqué du centre 0, du schéma polygonal de Grasset, la musique va plus loin; elle peut presque provoquer des phénomènes actifs, tout comme ferait l'ordre d'un magnétiseur.

Observons en effet par quelles phases successives passe un public au cours d'une belle audition musicale.

Tout d'abord, l'attention se fixe. Dès les premiers accords, le silence s'établit. Chaque auditeur s'isole de ses voisins; il écoute au lieu d'en-

tendre. C'est le premier stade. Au fur et à mesure que se déroule la phrase mélodique, que se succèdent les enchaînements harmoniques, l'attention se précise et devient exclusive. L'auditeur ne pense plus qu'à l'œuvre qu'il écoute ; il oublie ses soucis, ses affaires, son état de santé ; il arrive à l'état de monoïdéisrne. Second stade.

Alors, les sens autres que l'ouïe semblent s'engourdir et transmettre avec moins d'intensité leurs impressions à la conscience. Le sujet n'a plus conscience d'une légère douleur physique, d'un frôlement, d'un mouvement de son voisin. Souvent môme les yeux se ferment; il y a là une véritable hypoiaxie, et c'est à ce moment qu'un voleur adroit explorera avec succès les poches de l'auditoire. L'année dernière encore, les journaux quotidiens le rapportaient, une association de filous utilisait le réel savoir musical de quelques-uns d'entre eux pour permettre aux autres l'exercice paisible du vol à la tire. Ils ne furent pris qu'après plusieurs mois de fructueux concerts sur la voie publique : ils avaient charmé même les gendarmes, que l'on prétend sans pitié.

Le sujet se trouvant en hypotaxie, la pensée de l'auteur s'impose alors facilement à lui; il est en bon état de réceptivité pour une suggestion. Mais tandis qu'un écrivain, par exemple, traduit sa pensée par des termes précis et nets, que cette pensée peut être discutée, réfutée, repoussée: tandis qu'un spectacle nous offre des faits brutaux et non modifiables, la musique, par son imprécision même, se plie à l'agrément de toutes les mentalités. La pensée de l'auteur est transformée, pétrie de mille façons diverses; sauf dans les grandes lignes qui impriment à l'œuvre son sens le plus général, chacun l'adapte à son tempérament, à son caractère, à son état actuel ou habituel, normal ou morbide, physique ou moral ; si bien que chacun ressent à sa façon personnelle l'action de la musique. Par elle, l'auteur exerce sa suggestion sur toute l'assistance, qui, tout entière, la subit sans révolte; non seulement sans révolte, mais avec plaisir.

Voici le morceau terminé. Le public n'applaudit pas immédiatement. Tout d'abord il s'ébroue, se ressaisit, s'éveille en quelque sorte ; puis les applaudissements éclatent, une fois le charme rompu. Mais l'influence de la suggestion musicale persiste encore, parfois très longtemps; de même que l'on se remémorerait le conseil suggéré par un magnétiseur, de même la mémoire vous rappelle les passages musicaux qui vous ont le plus impressionné; elle prolonge ainsi et répète la suggestion en la renforçant. Il y a de véritables obsessions musicales, dont la répercussion morale est indiscutable.

Ce qui se passe chez le mélomane se passe avec une intensité moindre chez les sujets moins entraînés; mais il n'y a là qu'une question de degrés; il est difficile de nier la suggestion musicale. Elle s'exerce non seulement sur tous les hommes, ou à peu près, mais aussi sur beaucoup d'animaux, et c'est une de celles qui rencontrent le moins de sujets réfractaires.

De l'influence des impressions des parents sur le fœtus,

par M. Podiapolsky (de Saratow).

Depuis les temps anciens et chez tous les peuples règne la croyance que les émotions éprouvées par la mère ont la propriété d'influencer le fœtus inutero.

Les enfants porteraient les traces des impressions violentes subies par la mère au cours de sa grossesse, et cela non seulement sous forme de défectuosités psychiques telles que des sentiments anormaux mais de défectuosités physiques ou corporelles.

De semblables faits ont été, depuis longtemps, cités par des observateurs consciencieux tandis que d'autres savants, non moins estimés, sont tout à fait sceptiques à l'égard des faits de ce genre (1) : leur défiance repose sur l'impossibilité d'expliquer le mécanisme de ces phénomènes.

Toutefois, sans prétendre expliquer ce processus, l'on peut recueillir les faits eux-mêmes dans le milieu où ils se sont produits.

Dans ce but nous faisons circuler des feuilles d'enquête dont on lira plus loin la teneur.

Depuis que les phénomènes de la suggestion sont devenus le sujet d'études approfondies, l'influence psychologique acquiert une grande importance en tant qu'agent biologique. Les influences psychologiques laissent leurs traces d'abord chez l'individu qui les a subies puis, souvent, ces traces sont conservées dans l'appareil nerveux et deviennent, peut-être, à leur tour, la cause de telles ou telles modifications chez le descendant? L'impression reçue par les parents (c'est-à-dire non pas seulement la mère, mais aussi le père), pourrait-elle être assez profonde pour se répercuter non seulement dans le domaine psychique mais encore dans le domaine corporel de l'enfant à naître ?

Montrons pas des exemples quels cas nous avons en vue.

Liébeault rapporte le cas suivant tiré de sa pratique :

Une femme, au début de sa grossesse, fait la rencontre imprévue d'une mendiante dont la figure est colorée d'une tâche vineuse. Effrayée de ce spectacle cette femme croit voir une tache semblable sur l'une des joues de la plupart des personnes qu'elle rencontre. Cette hallucination la poursuit durant toute sa grossesse. La fille qu'elle mit au monde naquit avec cette difformité, mais depuis son accouchement la mère est débarrassée de son hallucination visuelle. Avant d'accoucher elle ne soupçonnait pas i'influence que pouvait avoir cette impression sur son enfant.

Le musée anatomique de Milan possède le corps d'une petite fille morte à l'âge de trois mois. La peau de celte enfant, d'un brun noirâtre, est couverte de poils, de la tête au nombril; des taches de même couleur existent en outre en différents endroits. Fait plus curieux : dans le cerveau, il existe également de ces taches noires. La mère de cette

(1) Par exemple, Geoffroy-Saint-Hilairc, Montgomery. BaUantyne,Liêbeault, Roki-tamky, Carpcnter étaient pour l'affirmative, Bujfon, Blondel, Burdach, pour la négative.

enfant raconta au professeur Billy, qu'avant la naissance de sa fille, il lui arriva un jour de regarder très attentivement, pendant un certain temps, un singe que Ton exhibait dans la rue. Ce singe était revêtu d'un pantalon court qui laissait à découvert ses parties supérieures (Neuge-bauer).

Drzewiecki relate ce cas : La femme d'un de ses amis, enceinte de deux mois, éprouva une vive frayeur à la vue de la blessure que se fit au front son petit garçon, âgé de quatre ans, en tombant sur le bord d'une parde-robe ; la blessure n'était nullement dangereuse, mais elle alarma la mère. A l'époque normale, elle accoucha d'une petite fille qui avait une cicatrice rouge absolument semblable à celle de son frère et située au même endroit.

Le troisième enfant d'une femme était une fille présentant les anomalies suivantes : Toute la peau avait l'air d'être brûlée, était lisse, brillante, dure et résistante comme le tissu cicatriciel. Son épaisseur se remarquait surtout sur le visage, les mains et les pieds. La lèvre supérieure était fendue en biais et retroussée du côté des narines. Les mêmes modifications que celles de la peau s'observaient dans la région de la bouche et sur la langue. Les conduits auditifs externes et les narines étaient bouchés par un tissu cicatriciel. Les paupières étaient privées de cils, tandis que la tête était recouverte d'une chevelure épaisse. Il se trouva, quiaux premiers mois de la grossesse de la mère, eut lieu l'explosion d'une chaudière à vapeur, ce qui causa la mort de son mari. Les voisins firent à la mère une description détaillée de la catastrophe et de l'aspect des hommes qui y avaient péri, ce qui émut profondément la pauvre veuve 'Lincoln/.

De Frârière rencontra en Suisse un enfant très joli qui n'avait pas de poignets. La mère, pendant sa grossesse, avait reçu une secousse douloureuse à la vue d'un vieux soldat dont les mains avaient été gelées pendant la campagne de Russie.

On cite des cas où des femmes enceintes avaient assisté à des exécutions capitales et à certains supplices, comme celui de la roue; les enfants auxquels elles donnaient le jour, naissaient avec des membres brisés à l'endroit où le corps du criminel avait passé sous la roue iWa-lebr&ncke, Lav&terj.

Une femme, au moment où elle commet l'acte d'adultère avec un étranger, était toujours prise d'un grand tremblement dans la crainte du retour de son mari. La fille dont elle accoucha souffrit d'un tremblement généralisé dès sa naissance jusqu'à l'âge de jeune fille. L'enfant né plus tard souffrait du même mal mais à un degré moins prononcé (Lucas).

Une femme enceinte est effrayée par un colporteur qui se met à sa poursuite; rendue muette d'épouvante, elle s'esquive en fuyant. Il la rattrape et lui assène un coup de poing sur le dos. La femme ne soupçonnait pas que cela pût avoir des suites fâcheuses pour l'enfant :

celui-ci naquit sourd-muet et sa surdi-mutité fut reconnue incurable par des spécialistes (Ballantune of DalkathJ.

Nous nous bornons à ces exemples qui sont loin d'épuiser toute la variété des cas semblables ('). Le plus souvent, il s'agit de l'impression qui a frappé la vue ou simplement l'imagination de la mère. Des faits semblables, comme la transmission des habitudes machinales du père (où il ne pouvait être question de l'imitation à cause d'une longue absence ou de la mort du parent) ont été cités dans la littérature (Darwin, Girou de Buzareingues, et d'autres) (aJ.

La possibilité de la transmission des impressions visuelles du père est également digne d'intérêt.

L'étude de ces cas permettrait de rechercher les points de ressemblance entre l'objet qui a causé l'impression et la difformité consécutive entre l'état du parent à l'époque de l'impression et l'anomalie psychique ou le penchant anormal de l'enfant.

En somme, ces cas se rencontrent assez rarement : pour recueillir un grand nombre de faits, il convient d'étudier tout particulièrement les époques riches en émotions violentes.

Par exemple, la guerre actuelle, avec son pourcentage élevé d'aliénés, fourmille de catastrophes. Les terreurs et les désastres de la guerre dans « le camp de la mort » exposent l'imagination des hommes à une grande épreuve. Or ne semble-t-ii pas qu'on doive s'attendre à retrouver dans la génération future les traces de ces émotions violentes?

A ce titre, les guerres devraient acquérir à nos yeux une importance psychologique plus grande, puisque le mal qu'elles engendrent retombe non seulement sur nos contemporains mais aussi sur leurs descendants !

Port-Arthur a succombé!... « Des ombres et non des hommes » sortirent de leur prison. Les soldats exténués tombaient dans un sommeil profond. Onze mois s'étaient écoulés dans la perspective constante d'une mort possible ou prochaine!

Si l'on a pu dire autrefois qu'il y avait « des enfants du siège de Paris », n'aurons-nous pas aussi les enfants de la tragédie de Port-Arthur?

Ainsi la guerre pourrait fournir de nombreux exemples de transmission aux enfants des impressions de leurs parents : dans ce but la Société des Naturalistes de Saratow, sur ma proposition, a approuvé l'envoi de questionnaires spéciaux.

Seul un grand nombre de réponses exactes nous donnera la possibilité de porter quelque lumière sur ces questions psychologiques d'un intérêt à la fois théorique et pratique.

Si certains cas s'écartent du schéma de notre questionnaire, nous

(1) On a observé plus d'une fois des faits analogues chez les animaux. Il serait à désirer qu'on les enregistrât, toutes les fois que l'occasion s'en présente.

(2) P. PodiapOlsky. Les impressions ou suggestions paternelles on maternelles se transmettent-elles aux enfants? Revue de l'Hypn., numéro 7, 1904. L'article russe sur le même sujet est publié dans les Travaux de la Société des Naturalistes de Saratow. Vol. IV, livre 2.

prions nos correspondants de nous en faire une description détaillée dans une lettre particulière.

Nous désirons connaître le prénom, le nom et l'adresse des personnes qui voudront bien nous signaler des cas intéressants, non pas dans un but de vainc curiosité mais seulement pour le cas où il y aurait lieu de leur demander des informations supplémentaires.

Je me chargerai d'élaborer les matériaux reçus et de les réunir dans un ouvrage particulier.

questionnai IV e

1. Nom, prénom, âge, lieu de naissance et adresse de la personne qui a

éprouvé l'émotion.

2. Quand a eu lieu cette émotion? En donner une description détaillée.

3. Quelle malformation en est résultée ? Combien de temps après?

4. L'émotion s'cst-elle produite une seule fois, subitement, ou s'cst-

elle répétée?

5. L'émotion résulte-t-elle d'une sensation visuelle, auditive, tactile ou

d'un récit ou d'une appréhension?

6. A quel moment de la grossesse cette émotion a-t-elle été éprouvée? 7- Ya-t-il eu crainte que cette émotion n'exerçât une certaine action

sur l'enfant? Celte préoccupation fut-elle fréquente ou constante? S. La mère a-t-elle présenté, pendant sa grossesse, des phénomènes pathologiques? des songes? des hallucinations?

9. Quelle difformité physique ou psychique, quel défaut, quelle habi-

tude ont été constatés chez l'enfant?

10. Y avait-il dans la famille, des anomalies semblables? Les décrire. 1J. Combien y avait-il d'autres enfants? Indiquer le nombre, le sexe,

l'âge des enfants qui ont précédé et de ceux qui ont suivi celui dont il s'agit.

12. Quel était l'état de santé des divers membres de la famille?

Adresser, autant que possible, des photographies, ou, au pis aller, des dessins des difformités corporelles observées. Ajouter tous les renseignements complémentaires qu'on jugera intéressants.

Nom, prénom, adresse du correspondant.

Date de l'observation.

Adresser les réponses à M. P. Podiapolsky, à la Société des naturalistes tle Saratow (Russie), ou, pour la France, à M. le Dr Paul Farez, 154, boulevard Haussmann, Paris, qui voudra bien centraliser les réponses reçues et les faire parvenir directement à Saratow.

Perversion sexuelle guérie par l'hypnotisme

Par M. le Dr Lloyd-Tuckey, de Londres.

Depuis les quinze ou seize ans que je pratique l'hynotisme, j'ai eu à observer bon nombre de malades atteints de perversion sexuelle. Dans deux ou trois cas peu accentués dans lesquels il y avait plutôt perversion de la pensée que de l'acte, la suggestion a amené des relations

sexuelles normales, bien que le degré d'hypnose fût minime. Mais malheureusement, dans aucun des cas sérieux et anciens, le malade n'était susceptible de la suggestion poussée jusqu'au somnambulisme. Elle n'avait donc qu'un effet léger et passager.

Dans les succès que rapportent Kraft-Ebing, Van Schrenck-Notzing, Wetterstrand et autres observateurs, je crois que le somnambulisme a toujours été atteint, et je ne puis guère concevoir une réussite sans une hypnose intense dans une affection aussi profonde et aussi constitutionnelle. C'est donc avec d'autant plus de plaisir que je puis citer le cas suivant où j'ai réussi.

J. T... âgé de 43 ans, est un homme de bonne éducation et qui a beaucoup voyagé. Il a été rédacteur de journaux en Amérique, organiste et professeur de musique en Autriche, maître d'école et précepteur particulier dans la Nouvelle-Zélande. Il est aussi auteur de contes populaires, et enfin c'est un homme de talent et de ressource. Sa vie avait été empoisonnée par sa passion de commettre des attentats sur des petites filles. Il avait été souvent poursuivi en justice pour ces délits et se sentait toujours en grand danger. Il ressentait avec acuité la dépravation morale de sa conduite, mais ne pouvait résister à l'impulsion criminelle. Son expression était anxieuse et ressemblait à celle d'un homme poursuivi. Ayant vu, dans une revue médicale américaine, un article qui traitait de l'hypnotisme et où mon nom était cité, il donna sa démission et fit le voyage d'Amérique à Londres pour me consulter. Je dis cela pour montrer qu'il était sérieusement désireux de se guérir; il était donc dans un état d'esprit favorable à la suggestion.

Je le vis pour la première fois le "28 mai 1904 et le trouvai un fort bon sujet pour l'hypnotisme. Il devint somnambule, dès le commencement du traitement, avec amnésie au réveil. L'opération fut répétée le jour suivant et avec des intervalles pendant trois mois. Mais dès le premier jour il sentait qu'une révolution s'était opérée dans ses idées et qu'il avait acquis une nouvelle force pour se contrôler.

Après avoir quitté ma maison il se trouva dans une rue tranquille où il vît une petite filletle qui jouait toute seule. La tentation de lui parler et de la mener dans une écurie voisine l'assaillit et il s'approcha d'elle pour accomplir son plan habituel, mais au même moment il sentit une force d'inhibition qui prévalut et il dépassa l'enfant sans lui parler. Depuis ce jour, il n'a plus éprouvé de tentation, et d'après ce qu'il m'a dit, il peut parler à des petites filles et même les embrasser sans la moindre pensée sensuelle. Il est maintenant occupé à enseigner les langues étrangères; il est tout à fait heureux et prospère.

Il attribue sa perversion sexuelle- à ce qu'étant enfant de 6 ans il fut corrompu par une petite fille du même âge. Déjà à cet âge, il était capable de coït normal.

Le seul autre cas de nature analogue que j'aie rencontré fut celui d'un homme mùr. Il y a dix ans. qu'il dut fuir sa maison et sa famille à cause d'une impulsion presque irrésistible à commettre des attentats

criminels sur ses propres petites filles. Ce malade se montra malheureusement peu accessible à la suggestion. Il dut retourner en Australie et je l'adressai à notre collègue le Dr Arthur, de Sydney, pour un traitement plus prolongé.

L'intérêt médico-légal de ces cas est intéressant. Quoique les victimes malheureuses d'une aussi terrible obsession ne soient guère responsables, la Société doit se défendre contre une influence aussi corruptrice pour ses membres juvéniles et mal protégés. L'alternative est l'asile ou la prison, à moins que, comme dans le cas que j'ai cité, l'hypnotisme ne vienne en aide et ne produise une révolution morale.

La grimace

Par M. le Dr Maurice Bloch.

II est banal de voir les gens grimacer à l'occasion de leurs douleurs ; en observant ce réflexe, j'ai pu constater qu'il avait lieu assez souvent du côté opposé au loco dolenti. Tel malade atteint de douleurs intercostales à droite grimaçait à gauche et chez tel autre soutirant d'une névrite crurale la grimace était devenue un véritable spasme de l'or-biculaire des paupières du côté opposé pendant une vingtaine de minutes. Ce fait montre une fois de plus l'entrecroisement des fibres sen-sitives et leur connexion étroite avec les fibres motrices dans le même hémisphère. Il serait curieux de chercher la valeur de ce signe dans les différentes sensibilités et dans différentes affections nerveuses. On ne confondra pas la grimace avec les tics.

La graphologie et la médecine par M. le Dr Pierre Boccard (1)

Pourquoi la Médecine, qui met chaque jour à contribution tous les moyens d'investigations que lui offrent la Chimie, l'Electricité, les Sciences naturelles, la Psychologie, l'Hypnotisme, etc., se montrerait-elle si réservée et quelquefois si dédaigneuse à l'égard de la Graphologie qui, comme l'a dit Ribot du Collège de France, est « un chapitre de la psychologie du mouvement ? » Voilà un état de chose que l'auteur a l'ambition d'expliquer et le rêve de modifier, en réfutant les objections qui semblent le plus atteindre la graphologie.

Il donne aux troubles de l'écriture la valeur d'un symptôme, d'un élément de diagnostic, au même titre que les troubles de la parole, de la marche, de l'attitude, de la motilité. C'est la représentation fixée d'un ensemble de fonctions atteintes (fonction du système musculaire, fonction du système nerveux, fonction cérébrale). Mais, ajoute-t-il, « l'examen de l'écriture ne donne rien à celui qui s'y attache pour la première fois ; pas plus que l'auscultation ne renseigne le profane qui applique pour la première fois son oreille sur une poitrine. »

(1) PréseoUtion de thèse. Rou«iet, édit. Paris, 1905.

Dans un court historique sont passées en revue les opinions des savants et surtout des médecins sur la question, l'auteur trouve dans quelques unes qui émanent des plus autorisés, un « précieux encouragement » qui « légitime bien son travail ».

Nous entrons dans le vif du sujet avec l'étude de l'écriture dans la paralysie générale surtout envisagée comme signe de diagnostic précoce.

«Alors qu'on esta l'affût de toutes les données pouvant nous guider, c'est à ce moment qu'on trouvera un auxiliaire précieux dans le graphisme ».

Comment en effet concevoir cette « dissolution de la personnalité » du premier stade de la maladie sans retentissement sur l'écriture, qui est le reflet de nous-mêmes ?

Et l'anxiété d'être fixé est alors bien légitime puisqu'il s'agit de se prononcer entre une psychose simple curable et une démence incurable sous la dépendance des lésions organiques.

Or, « les éléments les plus importants de différenciation sont justement ceux qui vont altérer le graphisme; en effet ca seront : les symptômes moteurs et les modifications psychiques.

Des fac-similés nous montrent dans la première phase expansive et et agressive la plume « lancée comme une invective avec brutalité », avec » la véhémence du tracé, et l'audace du trait » de cette période d'immense orgueil et d'extravagante prétention.

Le Dr Boucard s'applique ensuite à déceler le neurasthénique dans son écriture toute empreinte de sa « dépression psycho-motrice », de son « asthénie neuro-musculaire», des «défaillances de sa volonté» de « l'amoindrissement conscient de sa personnalité ».

Enfin il conclut que « l'écriture mérite d'être prise en considération pour établir le diagnostic de certaines affections » et que « les troubles de l'écriture évoluant parallèlement à ceux de certains états pathologiques donneraient pour ainsi dire la courbe fidèle de la maladie ».

FOLKLORE ET COUTUMES SUPERSTITIEUSES

Les roues à. carillon dans les églises

M. le chanoine Abgrall a publié, dans le Bulletin de la Société Ar~ chéologique du Finistère, une élude très documentée sur les roues à carillons, appelées vulgairement roues de fortune, qu'on trouve encore dans quelques églises bretonnes. L'auteur cite notamment celle de la chapelle de Confort, qui fonctionne toujours.

C'est un cercle de bois suspendu à la voûte et garni de clochettes de différentes dimensions et de timbres variés. On fait tourner la roue au moyen d'une corde et, par suite du mouvement de rotation, les clochettes forment un carillon dont les notes argentines ne sont pas dépourvues d'une certaine harmonie.

Les autres roues sont maintenant muettes. Elles se trouvent dans la chapelle de Notre-Dame de Quilinen, en Landrévarzec, dans l'église de Pouldavid, à Notre-Dame de Confort, à Berhet (Côtes-du-Nord), et dans la chapelle de Saint-Nicolas de Priziou et Ste-Avoye, en Pluvigner (Morbihan).

On en trouve encore de pareilles dans le Iîoussillon, les Baléares, en Suisse, sur les bords du Khin. Quel était primitivement l'usage de ces roues !

On les faisait tourner au moment de l'élévation. Pour voir fonctionner une de ces roues, il suffit d'aller à Golleville, près de Saint-Sauveur-le-Vicomte (Mauche). Cette paroisse est dédiée à Saint-Martin et la roue à carillon s'appelle le rouet de Saint-Martin. C'est un cercle de bois garni de clochettes et fixé à la muraille du côté de l'épitre à l'entrée du sanctuaire.

Ce carillon fonctionne dans les grandes fêtes et spécialement le jour de la Saint-Martin : il sonne pendant tout le temps du Magnificat. C'est un des jeunes gens les plus vertueux de la paroisse qui le fait fonctionner : c'est pour lui un honneur, une récompense. Tout le monde écoute respectueusement ce carillon ; il ne cause de distractions à personne, sauf aUx étrangers. Cette coutume revêt un caractère superstitieux. Les dévots de Golleville sont convaincus que les clochettes de la roue à carillon ont pour effet de les mettre à l'abri des maléfices du diable et d'être une cause de prospérité pour le pays. Bien entendu, un grand nombre d'habitants ne partagent pas cette opinion et ne considèrent l'usage de la roue à carillon que comme un vestige des multiples superstitions qui sévissaient au moyen-âge et dont quelques-unes se sont perpétuées, défiant les progrès de l'instruction.

La superstition du « lapin » chez les pécheurs normands

Chez tous les pécheurs de la côte normande on retrouve à l'égard du « lapin », une véritable crainte superstitieuse. Il n'en est pas un qui consentira à s'embarquer pour la pêche, si, dans la journée qui précède son embarquement, il a entendu prononcer le nom de ce timide rongeur. Alors même que la barque est gréée, que tous les préparatifs sont terminés, que les adieux sont déjà faits, si quelqu'un a l'imprudence de parler, à un point de vue quelconque, de l'animal désigné sous le nom de lapin, personne ne veut plus partir et la barque reste dans le port.

Quelques jours avant notre séjour à Cherbourg, de mauvais plaisants avaient hissé une peau de lapin au sommet du mât d'une barque de pécheurs. L'un d'eux s'en aperçut au moment où le bateau allait prendre le large. Ils décidèrent tous de rentrer immédiatement au port et restèrent quelques jours sans se décider à sortir.

Xous avons demandé à quelques vieux marins des renseignements sur l'origine de cette singulière superstition. Ils nous ont tous répondu qu'elle remontait aux temps les plus anciens et nous avouèrent qu'ils

partageaient l'idée que le lapin était un animal dont le seul nom suffirait pour porter malheur aux pêcheurs.

Cette superstition est très répandue chez les pêcheurs de Cherbourg; on la retrouve dans les autres ports de la côte. A Trouville, les vieux pêcheurs y croient encore, mais l'esprit des jeunes commence à s'émanciper de ces vaines appréhensions.

Nous serions très reconnaissant à ceux de nos lecteurs qui pourraient avoir des renseignements sur l'origine de cette idée superstitieuse, de nous les communiquer. Nous voudrions également savoir si la crainte du lapin existe chez d'autres pécheurs que ceux de la côte normande.

Un fétiche pour prendre du poisson

Les idées superstitieuses des pêcheurs sont innombrables. Nous en citerons une qui a actuellement cours à Cherbourg. Une ancienne demi-mondaine qui eut son heure de succès, y est. parait-il, douée du privilège de donner la chance aux pécheurs et de remplir leurs filets. Marie Bâton, tel est son nom, est aujourd'hui âgée d'environ 60 ans. Elle est boiteuse et a les cheveux rouges : c'est peut-être à ces particularités qu'elle doitd'étre considérée comme un fétiche. Avant le départ, on lui demande de se laisser rouler dans les filets. Au retour, si la pêche a été favorable, on la remercie de son intervention en lui donnant une part du poisson.

Beaucoup de ces coutumes mériteraient d'être enregistrées. Leur propagation repose sur une véritable suggestion. Nous faisons appel à nos lecteurs pour nous indiquer celles qu'ils pourraient recueillir.

D' Bérillon.

N 0 UVELLE S

Les Congrès de Liège en 1905

A l'occasion de l'Exposition universelle de Liège, un certain nombre de congrès se tiendront dans cette ville. Parmi ceux quiintéressentplus particulièrement nos lecteurs, nous indiquerons :

1. Le congrès de la protection de l'enfance (du 17 au 20 septembre). M. le Dr Jules Voisin y représentera la Société d'hypnologie et fera une communication sur les enfants anormaux.

2. Le congrès de médecine interne, qui sera présidé par M. le professeur Lépine (du 25 au 27 septembre}. Adresser les adhésions au professeur Henrijean, à Liège.

3. Le congrès de neurologie et de psychiatrie (du 28 au 30 septembre), présidé par M. le Dr Ioteyko et M. le Dr Glorieux. Secrétaire général : M. le Dr Massaut, à Charleroy.

La Société d'hypnologie sera représentée à ces congrès par MM. les docteurs Voisin, Bérillon, Paul Farez. Des communications relatives à l'hypnotisme et à la psychothérapie y seront mises en discussion.

UAdministrateur-Gerant : Eo. BÉRILLON.

ParU. Imp. a. Quelquejeu, rue Gcrberl. 10.

20-Année. —?4.

Octobre 1905.

BULLETIN

Les névroses provoquées par les tremblements de terre.—«Les enfants susceptibles. — Introduction de l'hypnotisme dans l'éducation correctionnelle.

A la suite du grand tremblement de terre qui vient de dévaster tout le sud de l'Italie, les journaux ont été remplis de détails extrêmement impressionnants, un grand nombre d'individus de toutâge. ont donné, après les oscillations, pendant une assez longue durée, des signes d'un véritable dérangement mental. Chez les uns, la frayeur était si intense, qu'ils sont restés pendant plusieurs heures comme hébétés, Incapables de bouger, ne songeant même pas à se soustraire aux dangers que faisait courir l'éboulement des maisons. Il en est chez lesquels un tremblement nerveux persistait encore quelques jours après le cataclysme. D'autres ont traduit le désordre de leur esprit par des manifestations d'exaltation religieuse, des clameurs inconsidérées et des actes de violence nullement justifiés. A Monteleone, parmi les dé* corabres de l'église, on trouva une statue de saint Nicolas avec les bras brisés. Un certain nombre d'individus, s'en prenant au saint du malheur qui leur était arrivé, lui adressèrent les injures les plus grossières. La superstition des habitants de la Calabrc leur a inspiré immédiatement un retour à de véritables pratiques idolâtrlques. Elevant dans les bols des autels de terre ou de pierre, lisse réunissaient en groupes nombreux, se prosternant la face contre la terre, implorant des divinités protectrices, refusant de rentrer dans leurs villages à moitié détruits.

11 n'est pas d'accidents qui s'accompagnent d'émotions plus fortes que les tremblements de terre. Bien que les gens n'aient reçu aucune blessure, ni aucun coup, ils n'en paraissent pas moins absolument déséquilibrés. On dirait que les secousses ont produit dans leurs cerveaux des désordres analogues à celui qu'elles ont provoqué dans leurs demeures-. Cela existe même quand les secousses sont assez faibles. A la suite du dernier tremblement déterre de Nice, en 1887, beaucoup de personnes se sont plaintes de troubles névropathiques Imputables à la frayeur inspirée par les secousses. Ces troubles ont été longs à guérir. Charcot en a recueilli une observation très frappante. J'ai eu également l'occasion de traiter de ces névroses consécutives au tremblement de terre de Nice. Des auteurs américains, MM. les D" Peyre Porcher et Gulteras, ont noté les mêmes accidents nerveux, après les tremblements de terre de Charleston (Etats-Unis), en 1886.

En somme, ce qui caractérise ces malades, c'est qu'ils restent sous Vin-

fluence d'une peur angoissante dont ils croient que rien ne pourra les délivrer. La malade de Charcot était occupée par le souvenir du tremblement de terre et, dans l'appartement, elle était poursuivie par cette idée obsédante que rien n'est solide et que peut-être le plafond va lui tomber sur la tête.

Il s'agit là d'idées fixes et d'affaiblissement de la volonté comme il en survient chez les hystériques à l'occasion d'une émotion d'une grande Intensité. Ces névroses ont été justement désignées sous le vocable général d'hystérie traumatique. Le traitement formellement indiqué réside dans une psychothérapie bien dirigée, ayant pour base la suggestion hypnotique et tendant à la rééducation de la volonté.

Récemment un fait divers, ayant pour titre : Suicide d'un enfant de dix ans, nous a remis en mémoire, le passage dans lequel Briquet décrit l'état mental des petites filles hystériques : « A de très rares exceptions près, dit-il, les hystériques offrent, dès leur plus tendre enfance, une prédominance extrême de l'élément affectif. Toutes les hystériques que j'ai observées étaient extrêmement Impressionnables. Toutes, dès leur enfance étalent très craintives : elles avaient une peur extrême d'être grondées et quand il leur arrivait de l'être, elles étouffaient, sanglottaient, fuyaient au loin ou se trouvaient mal ». Cet état pourrait se définir par un mot : La susceptibilité.

Les jeunes hystériques sont tellement susceptibles qu'elles conservent les impressions reçues pendant une longue durée. Elles en souffrent à l'excès, quand ces impressions sont pénibles ou qu'elles les ont blessées dans leur amour-propre. Tel était le cas de l'enfant à laquelle nous faisions allusion plus haut, et que les journaux ont raconté d'une façon très laconique, mais très expressive :

a Une fillette de dix ans, Jeanne Le Gullcher, s'est suicidée en se jetant dans la rivière le Trieux, près du village de Sainte-Croix (Ille-et-Vilaine).

a Jeanne Le Guilcher était douée d'une intelligence exceptionnelle, d'un tempérament extrêmement nerveux, elle était très sensible aux moindres reproches de ses parents.

« C'est à la suite d'une admonestation de sa mère, qui l'avait grondée d'avoir fouillé dans une armoire qu'on lui avait défendu d'ouvrir, que la malheureuse enfant s'est jetée dans le Trieux. »

Lorsque l'on constate chez les enfants une susceptibilité portée à l'excès, Il convient de ne pas rester indifférent en présence de cette disposition d'esprit. Il est nécessaire de faire appel aux conseils d'un médecin, d'un neuro-logiste qui soit, autant que possible, doublé d'un psychologue. A maintes reprises, nous avons fait ressortir les grands services que rend la suggestion hypnotique dans le traitement de l'hystérie infantile. Il convient toutefois d'ajouter que cette psychothérapie doit être appliquée avec discernement et surtout avec compétence. C'est la condition essentielle du succès.

*

» * *

La ville de Den ver (Colorado) a pris une louable initiative. A l'avenir, les enfants internés dans les maisons de correction de Denver seront soumis fréquemment à la suggestion hypnotique, de manière à leur Inculquer de bons sentiments et l'oubli ou la haine des anciennes pensées mauvaises qui les hantaient.

L'expérience, paraît-il, sera continuée pendant un certain temps, jusqu'à épreuve de sa valeur. Nous avons tout lieu de penser que cette tentative, si elle a été confiée à des médecins expérimentés, sera couronnée de succès. Contrairement à une opinion trop souvent exprimée, les petits malfaiteurs ne sont pas nécessairement des malades, ni des dégénérés. Un grand nombre d'entre eux sont simplement des enfants mal élevés. Quand ils n'ont pas été pervertis par les exemples pernicieux qu'ils avaient sous les yeux dans leurs familles, Us ont été détournés de la vole normale par des influences suggestives, provenant du milieu social. Quand il s'agit de dégénérés, la suggestion hypnotique peut, également, apporter le remède aux impulsions par la création du pouvoir modérateur insuffisamment développé. Mais le traitement de ces cas est long et difficile. Quand il s'agit d'enfants mal élevés, on observe des transformations d'autant plus rapides que les facultés intellectuelles de l'enfant sont plus développées.

D' E. B.

Les Femmes à barbe : Étude psychologique et sociologique (suite) ('},

Par M. le Dr Berillon Professeur à l'Ecole de Psychologie

Les femmes à barbe dans les initiations mystiques. — Le Baphomet, l'idole des Templiers, était une femme a. barbe. — Les sorcières barbues. — Les saintes barbues de la religion catholique. — Gela, grande dame romaine. — Sainte Paule, Sainte Wilgeforte, Sainte Kumernus.

A toutes les époques, l'admission des néophytes dans les religions, dans les associations mystiques, aussi bien que dans les sociétés secrètes, a été accompagnée de cérémonies plus ou moins compliquées auxquelles on a donné le nom d'initiation. Toute réception d'un profane est nécessairement précédée de formalités préliminaires dont les plus importantes sont : 1° un examen imposé au récipiendaire dans le but de s'assurer qu'il remplit les qualités requises pour être un adepte de choix: 2° un engagement solennel pris par lui de se conformer strictement aux diverses obligations de la religion ou de l'association dans laquelle il demande à être admis.

Ces formalités remplies, il peut être procédé à la cérémonie de l'initiation qui consiste dans la communication au nouvel affilié du but que se proposent les initiateurs et des moyens par lesquels ils sont décidés à y arriver. Cet exposé de principes, s'il était fait simplement, ne laisserait dans l'esprit de l'initié qu'une impression assez fugitive. C'est pourquoi on entoure sa communication d'une certaine mise en scène destinée à frapper vivement son imagination. De plus, pour graver profondément dans sa mémoire le souvenir de sa réception, on lui présente certaines images ou certains symboles, dont la vue sera d'autant plus impressionnante, qu'il s'attendra moins à leur apparition.

Les formalités de l'initiation constituent donc à la fois une mesure de sûreté pour les anciens affiliés et un enseignement pour le nouvel initié.

(l) Voyez Revue de l'Hypnotisme, numéro de juin 1904 et suivants.

Mais si l'on pousse plus loin l'analyse, on comprend mieux le mécanisme des initiations symboliques ou religieuses, dont le but est d'exercer sur l'esprit une influence pénétrante et décisive.

Les cérémonies, tour à tour mystérieuses et solennelles, à l'aide desquelles elles s'accomplissent, l'habileté des mises en scène, la fatigue qui résulte d'attentes savamment graduées, mettent le néophyte dans des états de conscience qui correspondent aux étals les plus profonds de l'hypnotisme. 11 ne faut donc pas s'étonner, dans ces conditions, si les formules, consacrées, énoncées d'une façon impérative. s'imposent à l'esprit de l'initié avec le caractère dominateur qui émane de la suggestion hypnotique. Par là, l'initiation apparaît donc comme une véritable opération psychologique.

Les documents authentiques qui proviennent du procès des Templiers

Fig. Si. — Figure de Baphomet. (de Hammcr).

Fig. 85. — Figure de Baphomet. (de Hammen.

révèlent non seulement les engagements qui étaient exigés des chevaliers, mais aussi les formalités et les cérémonies auxquelles ils étaient astreints lors de leur initiation ('). Les témoignages et les aveux des accusés sont trop concordants pour qu'il y ait le moindre doute â ce sujet.

Indépendamment des actes d'abjuration, des baisers obscènes qui leur étaient imposés, ainsi que des promesses de s'abstenir de toutes relations sexuelles avec les femmes, on leur montrait certaines figures d'un caractère absolument anormal. Ainsi le frère Gauceraud de Montepe-lato reconnut que pendant la cérémonie de la réception, on lui fit voir une idole barbue, en forme de Baphomet [in figurant Baffometi) et le frère Raymond Rubey déclara qu'on l'avait conduit, pour l'adoration de l'idole, dans une salle où était peinte une figure de Baphomet [ubi erat depicta figura Baphometi). (SJ

Des Templiers de la baillie de -Troyes, dit l'inventaire du trésor des

(1) Michzlet : Procès des Templiers, 2 vol. ln-4°. fï) NicolaI : Essai sur le secret des Templiers, 1783.

Chartes, confessèrent sans contrainte que, lorsqu'ils furent reçus, ils avaient renoncé trois fois Jésus-Christ sur une image qui leur avait été présentée. (1)

Le frère Jean de Cassaubras précepteur de la Maison du Temple de Noggarda, près Pamiers, parle d'un coffre sur lequel il vit placer une idole. (*)

Les Templiers, dit Paradin, étaient tombez par trait de tems et par communication avec les infidèles, en exécrable hérésie et impiété... ils avaient un lieu creux ou cave en terre fort obscure, en laquelle ils avaient une horrible statue. (4)

L'absence de tout document figuré relatif à cette idole des Templiers a pu longtemps inspirer des doutes sur son existence. Mais la découverte successives de figures réalisant la description qui avait été donnée

Fîg. 86. — Figure de Baphomet. (de Uammerf.

Fig. 87. — Figure do Baphomet.

(de ¡I i ¦¦ :

de cette divinité mystérieuse est venue apporter la démonstration de la réalité des idoles baphométiques. Les principales études sur cette question ont été ducs, en Autriche, à M. de Hammer-Purgstail [s) et en France, à M. Mignard. M. de Hammcr a appuyé ses dissertations sur

(1) Dopuy : Histoire de la condamnation des Templiers, t. I, p. 80.

(2) Ibid., t. I, p. 93.

(3) La réception de ce chevalier est des plus curieuses, parce qu'elle présente le résumé d'une réception. En voici le sommaire : Doux chevaliers s'étaient présenta a kii pour connaître son intention ; deux autres étaient venus ensuite lui insinuer combien c'était chose difficile que d'endurer leur règle; qu'il n'en voyait lui que l'extérieur. Ces préliminaires accomplis, il avait juré, la main sur un livre, qu'il n'avait pas d'empêchement de mariage ni autres; puis, il avait promis de croire en un Dieu créateur qui n'est pas mort et ne mourra point. Enfin, le supérieur l'avait baisé in ore; puis, ce dernier s'étant couché sur un banc, le récipiendaire l'avait baisé im ano ; puis une douzaine de frères, témoins de sa réception, l'avaient baisé in umbilieo. Enfin, toute l'assistance avait adoró une idole que le supérieur avait tirée d'une boite et qu'il avait posée sur un coffret, et toutes les fois qu'ils s'étaient prosternés sur cette idole, ils avaient montré le crucifix, i" signum ut ipsum penitus abnegaren!, et avaient craché dessus.

(Í) Histoire de Savoie, 1. IT, chap. 100.

(5) De HammeR-PougstaLL : Les Mines de l'Orient : Mysterium Baphometis reve-latum. Vienne, 1818.

des documents figurés qui représentent le Baphomet sous la forme d'idoles réunissant les attributs des deux sexes. Au nombre de ces idoles se trouvent de véritables femmes à barbe (fig. 84, 85, 86, 87).

Ces images, le plus souvent, se trouvaient sculptées sur des coffrets, qui ont fait partie d'une remarquable collection réunie par M. le duc de Blacas. L'un de ces coffrets avait été trouvé à Volterra, en Toscane, l'autre à Essarois, dans la Côte-d'Or. M. Mignard, qui s'est livré sur les lieux mêmes à de patientes investigations, a dé-

Fig. SS. — Figure de Bapliomei iM. Migaardl.

montré que l'endroit où avait été découvert le second de ces coffrets, le cirque de la cave, était enclavé dans un prieuré important des-Tem-pliers de Voulaine ('). Mme de Chastenay a trouvé dans ses papiers de famille plusieurs traces de vente et d'échanges de ces lieux avec les Templiers de Voulaine. M. Mignard a reproduit les figures du coffret d'Essarois dans un important mémoire ;2;. Elles figurent également à la fin d'un livre publié en 1872 par M. Loiseleur [*). Le principal Baphomet

(I)Mignard : Histoire des différents cultes, superstitions et pratiques mystérieuses d'une contrée bourguignonne. Dijon, 1851, p. 55 et suiv.

(2) Mignard : Monographie du coffret de M. le duc de Blacas. Paris, 1852.

(3) LOISELZCR : La doctrine secrète des Templiers. Paris, 1872.

représente la femme barbue dont nous donnons ici la reproduction (6g. 88]

Les chevaliers du Temple de Voulaine comparurent le 28 mars 1310, avec 544 autres témoins, devant les commissaires chargés de l'enquête par le pape. Les noms de ces Templiers bourguignons ont été conservés, ainsi que les aveux qu'ils furent amenés à faire pendant l'instruction.

Une des formalités de l'initiation des Templiers consistait à entourer le corps du néophyte d'une cordelette. Or, ces cordelettes étaient tirées d'un de ces coffrets symboliques, remarquables par les figures idolâ-triques dont ils étaient ornés. A ce sujet, M. Babelon, le savant conservateur du Musée de médailles, a émis l'avis que l'on doit regarder les Baphomets comme des objets exécutés par des sociétés secrètes, assez nombreuses au Moyen-Age, composées d'hommes qui avaient fait pacte avec le diable. D'après M. Babelon, ces sectes se rattachaient plus ou moins directement au gnosticisme {').

L'androgynisme était la base du système des gnostiques et le plus célèbre de leurs chefs d'école, Valentín, qui bâtissait son système au il» siècle de l'Eglise, avait pu s'inspirer dans sa conception de ces singulières divinités grœco-orientales qui, comme la Vénus barbue de Chypre, était figurée avec des attributs des deux sexes. (s)

Les Templiers, dans leur séjour prolongé en Asie-Mineure, avaient subi les mêmes influences. Leur foi primitive s'était altérée au contact des superstitions orientales et ils avaient rapporté des croisades, en même temps que les vices et les maladies sarrazines (la sodomie et la lèpre), la conception d'idoles androgynes. Ce sont ces idoles dont ils se servaient pour frapper l'imagination de naïfs récipiendaires, attirés par le désir d'obtenir une part de leur puissance et de participer à leurs richesses.

Nous avons tenu à reproduire ces images, connues seulement de quelques rares érudits. Leur examen attentif suffira pour convaincre que le fameux Baphomet, l'idole dont l'adoration fut imputée aux Templiers comme le plus gros de leurs crimes, était le plus souvent une simple représentation de femme à barbe.

« Femme barbue loing la salue, un bastón à la main. » Ce vieux proverbe qui eut longtemps cours en France et en Allemagne (3) fait allusion à la croyance admise pendant le moyen-âge qu'une femme vieille et barbue ne pouvait être qu'une sorcière.

Shakespeare interprète cette croyance de la façon suivante, dans

(1) Babelox : arlicle Baphomet, Grande Encyclopédie. (2) BeaI'SORre : Histoire critique du Manichéisme, t. I. p. 562. (3) Barlége Frau grusse von u-eitem, mit einen stock in der hand. (Bavière et provinces rhénanes.)

la scène de Macbeth où Banquo, apercevant les trois sorcières, s'écrie :

____o You should be worcen aod yet your beards forbid me to interpret that

are so. » (')

Dans une autre de ses pièces The honest maris fortune (La chance de l'honnête hommej, il reprend la même idée et l'exprime ainsi :

____« And the voman thaï corne to us, for desguises must wear beards : and

thet's the say, a token ol a witch. » (3)

Les paroles de Sir Hugh Evans lorsqu'il rencontre FaIstaff déguisé en mère Prat, témoignent également de l'opinion régnante sur les sorcières barbues :

« By yea and no, I think the 'oman is a witch Indeed : i like not when a 'oman has à great peard ; I spy a great peard under her mumer. o (3)

La croyance aux sorcières barbues n'avait rien d'étonnant aux époques de superstition où tout phénomène anormal servait d'aliment aux entraînements d'un mysticisme sans limite.

Les fameuses maximes qu'on a prêtées tour à tour à saint Augustin et à TertuIHen : Credo quia absurdum, certum surn quia impossibile, définissaient assez bien cet état d'esprit. Le mysticisme est en effet caractérisé par une propension à croire à ce qui est obscur, incompréhensible, à tout ce qui ne peut s'expliquer facilement. L'apparition de la barbe sur un visage féminin, bien faite pour frapper d'étonnement des esprits simples, trouvait une explication satisfaisante dans le fait de l'attribuer à une intervention diabolique.

Le développement du système pileux sur certaines parties du visage est fréquent chez les femmes après l'âge de la ménopause. Malheur aux femmes âgées et quelque peu barbues dont .le caractère était irritable ou acariâtre ou dont l'état mental présentait quelques dispositions pathologiques. Bodin, l'auteur de la démonomanie des sorciers, disait que de son temps on trouvait cinquante sorcières pour un sorcier. Combien de ces femmes n'ont dû qu'à leur menton barbu d'être considérées comme sorcières et livrées au bûcher.

Chez celles qui, pour éviter un pareil sort, se plongeaient dans ta dévotion, il était difficile d'expliquer l'apparition de la barbe comme un cadeau du démon. Nos mystiques n'en étaient pas embarrassés pour si peu. Ils envisageaient cette anomalie comme un événement miraculeux, manifestation éclatante des effets de la bienveillance divine. C'est ainsi que des femmes à barbe ont mérité par leur piété et par leurs vertus, d'être rangées au nombre des saints que l'Eglise vénère.

(1) .... « Vous devez être des femmes, cependant votre barbe m'empêche de vous reconnaître pour telles » (Macbeth).

(2) .... • Ët la femme qui vient à nous doit porter de la barbe, ce qui est, dit-on, le signe des sorcières. »

(3) .... « A n'en pas douter cette femme est une sorcière. Une femme avec une grande barbe n'est pas de mon goût, et je dislingue une grande barbe à travers ce voile, i»

* *

La notion de femmes pieuses, chez lesquelles l'apparition de la barbe fut considérée comme se rattachant à des manifestations d'ordre religieux, remonte aux premiers temps de l'Eglise chrétienne. Saint Grégoire le Grand (1) raconte dans ses Dialogues qu'une grande dame romaine, Gcela, fille de Symmaque nommé consul de Home en 585, étant encore fort jeune, fut mariée et devint veuve dans la même année. Comme elle était d'un tempérament fort chaud, les médecins l'assurèrent que, si elle ne se remariait pas, il lui viendrait de la barbe comme à un homme. C'est ce qui arriva en effet. Celte pieuse dame préféra, pour l'amour de Jésus-Christ, cette difformité extérieure de son corps aux plaisirs du mariage.

* •

On trouve dans les Bollandistes (2), l'histoire d'une sainte Paule d'Avila (Espagne) qui, voulant éviter les poursuites d'un jeune homme débauché qui voulait lui faire violence, se réfugia dans une chapelle dédiée à saint Laurent et située hors de la ville. Embrassant les pieds du crucifix, elle demanda avec ferveur à Dieu, de lui changer le visage. 8a prière fut immédiatement exaucée et il lui vint de la barbe en si grande quantité que le jeune homme ne put la reconnaître.

«

La légende de sainte Wilgeforte est certainement une des plus curieuses de celles que nous a léguées le moyen-âge.

Fille d'un roi de Portugal, sainte Wilgeforte avait fait vœu de chasteté. Elle était douée d'une grande beauté.

A la suite d'une guerre avec Amasis, roi de Sicile, le père de Wilgeforte fut vaincu. Le vainqueur demanda pour prix de sa victoire, la main de la belle Wilgeforte. Le père, qui était resté païen la lui accorda. Pour échapper au sort qui l'attendait, Wilgeforte demanda à Dieu de l'enlaidir et de lui donner un visage repoussant. Dieu fut touché de sa prière et il lui fit pousser une longue barbe ; en même temps son centre s'accrût lui apportant ainsi un surcroit de laideur.

Le roi de Sicile, pour se venger, dénonça la jeune vierge comme chrétienne. Conduite devant le tribunal, elle opposa les refus les plus énergiques à la proposition de renier la foi chrétienne. Après avoir enduré de grandes tortures, elle fut condamnée à être attachée à la croix.

Telle est en résumé la légende de sainte Wilgeforte, appelée aussi sainte Liberata parce qu'elle fut délivrée par le Seigneur de tout mariage déplaisant. La fête de la sainte se célèbre le 20 juillet et elle est invoquée dans les circonstances les plus diverses.

Le culte de sainte Wilgeforte remonte en France à une époque très

(1) Saint Grégoire le Grand : Dialogues, L. 4, C. 13.

(2) BollAXDisT£S : T. m. februarii, p. 174.

ancienne. Elle était déjà célèbre du temps de Charlemagne. Au VIII' siècle, une église fut élevée en son honneur par les soins de ce monarque. Chartelain donne quelques détails sur cette église dans sa traduction du martyrologe romain, à la date du 23 janvier.

Une des plus anciennes représentations de la Sainte se trouve sur un tryptique en ivoire du XIII" siècle, dont les deux volets seulement ont été conservés. Dans te volet de gauche, le second compartiment contient une figure de sainte Wilgeforte. Elle est crucifiée, velue d'une longue robe serrée à la taille et son visage est orné de barbe (fig. 89). Un joueur de viole est agenouillé à sa droite. Nous trouvons ces détails et ce dessin dans une monographie publiée en 1866 par M. Aglaus Bouvenne (1).

Flg. 89. Sainte WCgeforte (XHP siècle).

Le martyre de sainte Wilgeforte a été fréquemment reproduit. Son image se trouve dans tes Icônes sunctorunl de Destelmayr, parues en 1610 (3). La sainte est en croix et entourée de soldats, mais la gravure est si petite qu'on ne peut voir si elle est clouée ou attachée à la croix.

Une autre gravure, exécutée par Valdor, en 1622, pour le Martyrolo-gium romànum a été exactement reproduite la même année par Oaspar Isac.

L'estampe montre une femme couronnée, barbue, en longue robe. Elle est fixée par des clous à une croix qui se dresse sur un autel sur lequel est posé un calice. Sur l'autel se trouve également une des chaussures de la sainte, car l'un de ses pieds est nu. Un ménétrier est agenouillé sur la marche de Tautel et joue du violon.

La plus intéressante de toutes les représentations de sainte Wilgeforte est assurément le tableau qui se trouve dans l'église d'Eltersdorf, près d'Erlangen [Bavière), au-dessus de la porte de la sacristie (fig. 90).

Au-dessous du tableau se trouve une inscription à demi effacée, sur laquelle on déchiffre à droite les mots suivants : « Ce tableau représente la brave Sainte KumaTius avec son violonneux. » A gauche il y a : « 0 sainte Kumernus, priez Dieu pour moi. »

(1) Aglaus Bouvenne : Légende de sainte Wilgeforte. Avec trois eaux-fortes, iscc.

(2) Destelmayr : Icônes sanctonun in shigulos anni dies cum elogies, aug. :inde-licorwn, 1610.

Les principaux épisodes de la vie de la sainte y sont reproduits avec un art exquis. Nous appelons surtout l'attention sur la scène du supplice dans laquelle un des tortionnaires arrache le sein droit de la martyre à l'aide de pinces, tandis que l'autre lui applique sur le sein gauche une torche enflammée. Au-dessus, la sainte, déjà barbue, est dans son lit. La couronne placée sur sa tète indique son rang royal. La Vierge tenant dans ses bras l'enfant Jésus lui apparaît, la fortifie dans sa foi chrétienne et en fait l'épouse du fils de Dieu. De l'autre côté, elle comparait devant son père qui tente de la détourner de sa foi. Au-dessous,

emprisonnée derrière une grille, elle reçoit la visite de Jésus-Christ qui la baptise et la transforme en femme à barbe. Les deux soldats placés en faction devant la grille sont plongés dans le sommeil. Ils ne connaîtront la transformation de la sainte qu'après le réveil- La légende semblerait indiquer que la barbe de sainte Kumernus lui est poussée en dormant.

Il importe de remarquer que sainte Kumernus, vierge et martyre, n'est pas fixée à la croix par des clous traversant ses mains. Elle y est attachée par des cordes qui lui serrent les doigts. Le visage est garni d'une forte barbe en collier qui l'encadre entièrement. C'est le type consacré de sainte Wilgcforte, à qui Dieu a envoyé de la barbe, mais non des moustaches. C'est en cela qu'elle diffère essentiellement de Jésus, dont la barbe était complète.

La tête porte une couronne, comme il convient à la fille d'un roi. Sa robe est parée d'un ourlet qui garnit les manches et s'étend de la ceinture à l'extrémité de la jupe qu'il contourne. Sur la poitrine, il y a un ornement gothique qui suffirait à lui seul à indiquer l'époque approximative où se sont passés les événements qui ont donné naissance à la légende.

Aux pieds de la sainte, il y a deux personnages. L'un représente la dame pieuse qui a fait don du tableau à l'église : l'autre est le ménétrier dont tous les apologistes de la Sainte nous ont raconté la touchante histoire. Dans toutes les bonnes reproductions de sainte Kumernus ou Kimmernis, la robe, quoique longue, laisse voir les pieds dont l'un est chaussé, tandisque l'autre est nu. La chaussure qui s'en est détachée est restée sous le pied. A ses pieds, à genoux, est un jeune homme qui joue du violon, sans doute pour implorer sa pitié. La légende raconte qu'un pauvre ménétrier ayant joué de son instrument aux pieds de la sainte, celle-ci lui lança une de ses pantoufles en guise de remerciement. Condamné à mort pour le prétendu vol de cette pantoufle, le pauvre homme demanda à être conduit devant la sainte. On accéda à sa demande. Il recommença à jouer l'air religieux qui avait précédemment charmé sainte Kumernus et elle démontra son innocence en lui jetant sa seconde pantoufle. C'est pour commémorer le souvenir de cet événement miraculeux que les images de la vierge barbue ont, depuis lors, été représentées accompagnées d'un ménétrier agenouillé à ses pieds.

La date du tableau d'Esteldorf, qui remonte à 1513. ainsi que les détails qui entourent le sujet principal, indiquent assez nettement que le culte de sainte Kumernus s'adresse à une véritable sainte et ne provient nullement du fait que des christs revêtus de la robe byzantine auraient été rapportés de Constantinople par les croisés. Les peu savants ecclésiastiques qui ont imaginé ces histoires ont sans doute pensé qu'il n'est pas décent pour des chrétiens d'adorer une femme barbue. Ils appartiennent à la même école que ce curé de Beauvais qui eut un jour l'idée de faire raboter par un menuisier la barbe de sainte Wilgeforte n'admettant pas qu'une femme à barbe puisse occuper une place honorable dans la liste des saintes filles, vierges et martyres.

En réalité, il serait encore plus humiliant pour des chrétiens de vénérer Jésus, revêtu d'un corset et affublé de toilettes somptueuses, comme seules, de fort honnêtes dames, ou des saintes de sang royal, ont le droit d'en porter. (k suivre/.

L'hystérie de Bernadette, de Lourdes,

par M. le Dr Kouby, Médecin-directeur de la Maison de Santé d'Alger. (suite) I1)

4° Bernadette a-t-elle le pouls hystérique, c'est-à-dire le pouls normal sans augmentation de force ni de fréquence? [3)

(t) Voyez Revue de l'Hypnotisme, n* de juillet 1906.

t'2) D' Pitres : Leçons cliniques sur F hystérie et Vhyfnoliime, p. 0, tome I.

Un médecin de Lourdes, le D' Dauzon, va nous documenter à cet égard ; le docteur avait voulu se rendre compte, de visu, de ce qui se passait à la Grotte, mais comme il ne connaissait de l'hystérie que la crise convulsive et la catalepsie, en ne rencontrant pas ces deux manifestations, il en conclut, bien à tort, que Bernadette n'était pas hystérique : il ignorait les autres symptômes de la grande névrose, les hallucinations et l'extase.

Par contre il fit une découverte qui nous est précieuse; il trouva un fait nouveau qui appuie notre thèse bien loin de la combattre ; ce fait nouveau, c'est le pouls hystérique. Citons : « Le Dr Dauzon prit le bras de Bernadette, il était flexible et parfaitement souple ; il lui tâta le pouls, les pulsations étaient tranquilles, régulières, tout à fait normales et ne marquaient aucun symptôme d'une maladie quelconque. » Or ce pouls normal, sans une pulsation de plus qu'à l'ordinaire, dans des crises d'extase ou autres, c'est le pouls caractéristique de l'hystérie.

Si le Dr Dauzon s'était servi du thermomètre pour mesurer l'augmentation de température à ce moment, il eût été étonné de lui voir marquer 37° environ. (!)

Or chez Bernadette si le pouls reste normal, si la température ne s'élève pas, malgré la vive émotion qu'elle éprouve au moment des Apparitions, c'est une preuve nouvelle qu'elle est atteinte d'hystérose. Mgr de Ségur ajoute que ce pouls normal, c'est la science renversée; nous craignons bien que ce soit le miracle plutôt que la science qui soit renversé.

5° L'accès setermine-t-il par une émission de larmes?

Les larmes abondantes, dans le second quart d'heure de l'extase, sont un des symptômes de la névrose qui ne manque jamais. Or les rencontrer chez Bernadette, c'est une preuve que son extase, bien qu'à forme religieuse, n'était qu'un cas ordinaire d'extase hystérique. C'est aussi une preuve, malgré les dires contraires des auteurs chrétiens, qu'il n'y a pas une extase religieuse différente des extases purement médicales.

Pour expliquer ces larmes qui le gênent, M. Henri Lasserre, qui plaide avec beaucoup d'habileté pour le miracle, raconte dans un endroit de son livre que Bernadette pleurait parce qu'elle voyait la figure de la Vierge attristée au sujet des pauvres pécheurs. Mais, lui-même, dans d'autres endroits, et tous les autres témoins du fait ont soin de nous dire, au contraire, que ces grosses larmes coulaient des yeux de Berna-

(I) Au sujet de la température chez les hystériques, je dois vous dire que j'ai observé une malade de ce genre atteinte de manie aigiie qui fait exception à la règle : Elle produisait une chaleur telle, que plongée dans un bain a 29*, elle en élevait la température à 3"î* au bout de deux heures d'immersion, en -sorte qu'au lieu de réchauffer le bain comme d'ordinaire, il fallait au contraire le refroidir pour le ramener à la température voulue. II ne faut pas s'étonner du fait, car tout arrive chez ces névrosés. (Note de l'auteur).

dette, en même temps qu'un sourire de béatitude errait sur ses lèvres.

Nous pouvons citer de nombreux textes à ce sujet :

« Et les assistants virent deux grosses larmes couler sur les joues de Bernadette dont les yeux fixes restaient grands ouverts. » (')

a De temps en temps deux larmes tombaient de ces paupières toujours immobiles et roulaient comme deux gouttes de rosée. »

« Enfin, après cette longue extase toute en sourires eten larmesheu-reuses. »

« Elle restait là, comme une statue de sainte en extase, des larmes détachées et brillantes roulaient parmi ses sourires. » j2)

« Des larmes s'échappent de ses yeux, immobiles, fixés sur l'endroit « de la grotte où elle croit voir la Sainte Vierge, » écrit le rédacteur du Lavedan.

Enfin rapprochons ces larmes de celles de Ste Thérèse en extase qui coulaient « avec une force et une vitesse telles qu'il semblait que ce fût « un nuage de pluie qui crevait. »

C'est ce contraste extraordinaire, delà bouche qui rit pendant que les yeux pleurent, qui forme un des caractères les plus curieux de l'extase et qui, à lui seul, pourrait prouver la nature non divine de cet état.

Rappelons pour mémoire l'émission involontaire d'urine dont on ne parle pas et pour cause, mais qui devait exister chez Bernadette comme chez les autres extatiques, puisque c'est un fait scientifique, on aurait tort de s'en offusquer.

6* La durée de l'Extase chez Bernadette est-elle d'un quart d'heure à une demi-heure?

Nos livres de médecine donnent en effet cette période de temps comme limite extrême à la durée de la crise: Ste Thérèse déclare formellement, d'après sa propre expérience, que le temps de ces pertes de l'àme ne dépasse jamais une demi-heure.

Les biographes de la petite voyante confirment le fait dans plusieurs endroits. M. Henri Lasserre prétend qu'un jour cet état surhumain dura au moins une heure : peut-être n'a-t-il pas mesuré la période, montre en main, peut-être aussi a-t-il relaté le fait d'après un témoin enclin à grossir les choses? Pour une autre crise du reste, il déclare qu'elle fut d'un quart d'heure.

En somme, puisque les crises d'extase ne dépassent jamais une demi-heure, il est probable que celles de Bernadette suivirent la loi commune. Résumons :

Nous avons trouvé chez Bernadette les six principaux caractères de l'extase signalés dans nos livres de médecine : 1° l'obnubilation des sensations; 2° La concentration de l'attention: 3* la transfiguration de la physionomie; 4° le pouls hystérique; 5° l'émission des larmes; 6° la

(1) Mgr de Séocr. page 38 et page 52.

(2) Mgr de Séocr, page 29.

durée normale dé la crise; nous sommes donc en droit de tirer une conclusion de ces faits et de dire que Bernadette était une extatique hystérique ordinaire et non une voyante douée par miracle du don de vivre une demi-heure par jour avec la Vierge-Marie.

XI

Extase chez des Profanes.

Xous pensons intéresser nos lecteurs en donnant ici quelques observations d'extase non religieuse, la première, de même nature que celle de Bernadette, c'est-à-dire avec halluciation de la vue, les autres de nature erotique, c'est-à-dire avec hallucination du sens génital; ces dernières sont si fréquentes chez les extatiques que bien qu'elles n'aient pas été signalées chez Bernadette elles ne sortent pas du cadre de cette étude.

Extase du 5e acte de Faust. — Dans la première observation, il s'agit d'un prêtre, professeur de mathématiques dans un collège; ce savant, très versé également dans les sciences mécaniques qu'il cultivait par goût, était atteint d'hystérose grave depuis quelques mois.

Rentré dans sa famille il se laissa conduire un jour au théâtre par un parent désireux de le distraire : on jouait l'opéra de Faust; au dernier acte, à la scène des ¦ Anges purs et radieux » si étincelante de lumière et si bien adaptée à ses idées religieuses, il sortit de la réserve habituelle à son caractère, et montra une certaine excitation qui, s'augmen-tant les heures suivantes, obligea sa famille à le conduire dans une maison de santé. Or il arriva, le lendemain matin, qu'étant couché dans son lit. la face tournée vers la fenêtre qui regardait l'Orient, lorsque le soleil émergea de l'horizon et l'inonda de lumière, M. l'abbé X... eut une hallucination: les rayons éclatants de l'astre provoquèrent un aura qui lui remémora la représentation de la dernière scène de l'opéra, et dans le cadre de la fenêtre, il vit se reproduire le tableau des Anges purs et radieux, tableau qui l'avait si fort impressionné la veille; les séraphins s'élevaient lentement au ciel, emportant Marguerite toute blanche et l'Archange Michel montait aussi, menaçant le démon de son épée flamboyante.

Puis, au bout d'un moment, pendant lequel M. l'abbé X... manifestait extérieurement sa joie d'une telle vision, tout à coup il tomba en extase avec tous les symptômes habituelles de cette crise.

Les jours suivants, chaque malin au lever du soleil, la même hallucination suivie d'extase se reproduisit : Nous fûmes plusieurs fois témoin de la chose et nous entendions souvent M. l'abbé X... raconior la merveilleuse apparition, plus belle qu'à l'Opéra, dont la vue lui procurait une jouissance ultra-terrestre. Un jour, comme il était très savant mécanicien, il voulut se rendre compte des machinations nécessaires pour obtenir un tableau si compliqué dans l'encadrement d'une fenêtre: lorsqu'il eut fait son calcul et établi ses comptes, il fut effrayé de la somme

d'argent employée par nous, disait-il, pour arriver à un pareil résultat; il nous demanda de bien vouloir suspendre les représentations, malgré le plaisir inouï qu'il en ressentait, son état de fortune ne lui permettant pas de m'en rembourser les frais. On le voit, comme Bernadette, M. l'abbé X... n'avait aucun doute sur la réalité de sa vision.

Extase erotique d'une dévote. — Voici une autre observation d'extase, mais de nature erotique, c'est-à-dire avec hallucination des organes génitaux :

Une jeune fille très bigote, atteinte d'hystérose ignorée, en suivant avec assiduité les exercices religieux de sa paroisse, se prit un jour d'un bel amour pour son curé. Celui-ci, homme d'une grande dignité de manière, d'une réputation de haute moralité, d'un âge assez avancé pour ne plus faire parler de lui, n'avait jamais dit une parole, jamais fait un geste, jamais lancé un regard pouvant faire croire à Mlle V... qu'il avait pour elle quelques sentiments particuliers. Or il arriva qu'une nuit, raconte celle-ci, elle vit en rêve son cher pasteur entrer dans sa chambre, s'étendre à ses côtés et lui procurer des délices inénarrables. Ce rêve fit une impression extraordinaire sur son cerveau déjà touché par la maladie et fut, les jours suivants, le point de départ d'hallucinations reproduisant la scène de son rêve, suivies d'une période d'extase très bien caractérisée que souvent il nous fut donné de constater. Il est arrivé parfois que la crise s'est produite à la chapelle lorsqu'un prêtre vêtu des ornements sacrés lui rappelait son curé. Après une période d'hallucinations, elle devenait immobile si elle était assise, s'effondrait à terre si elle était à genoux ou debout, restait sans connaissance étendue sur le sol, n'ayant ni contracture, ni convulsions, mais insensible aux piqûres d'épingle et montrant une physionomie transfigurée par la jouissance d'un bonheur immense. Elle se réveillait dans les larmes et le bas du corps mouillé par l'émission d'urine; au bout de vingt minutes environ elle reprenait son livre de messe et continuait ses prières comme si rien d'anormal ne s'était passé.

Un jour Mlle V... se demanda pourquoi vivant la nuit avec son curé, il n'en serait pas de même le jour. Elle se rendit chez lui et lui proposa de la prendre complètement au Presbytère. Le pauvre prêtre ahuri d'une pareille révélation eut peine à se débarrasser d'elle et, les jours suivants, eut à soutenir un siège en règle contre son ouaille qui, ne comprenant pas cette résistance, persévérait dans ses revendications. Elle jouissait de trop de bonheur pour lâcher sa proie amoureuse et aussi pour garder le secret des visites nocturnes. Dans la ville le scandale fut énorme : comme Mlle V... paraissait avoir toute sa raison, on était disposé à croire qu'elle disait vrai. Il se forma, parmi les dévotes mêmes, tout un clan qui prit fait et cause pour la malade contre le curé; on regardait celui-ci avec des yeux méchants, on abandonnait ses sermons et son confessionnal, on le traitait de suppôt de Satan.

Excédé des assiduités de l'hystérique qui voulait faire de lui un

St François de Salles dont elle serait la Ste Chantai, autrement qu'au spirituel, écœuré des méchants propos tenus sur son compte par ses meilleures amies d'autrefois, le pauvre Pasteur, victime comme tant d'autres des persécutions hystériques donna un jour sa démission et alla chercher la tranquillité dans un couvent de Chartreux.

La maladie de Mlle V... s'exaspéra de ce départ et il fallut un jour l'enfermer dans une maison de santé; mais là encore pendant dix années, elle continua, chaque nuit, à recevoir la visite de son curé, bien qu'alors domicilié à Rome.

Comme on le voit même chez des prêtres, même chez des personnes très dévotes, l'extase peut prendre une tournure essentiellement antireligieuse.

XII

De la Suggestion

Si on avait laissé Bernadette tranquille venir chaque jour à la grotte soit seule, soit accompagnée d'enfants comme elle, l'évolution de l'extase eût continué sans changement : Arrivée ; prière à genoux, — hallucinations, — extase, — retour à la maison.

Mais à partir de la 3' Apparition, il y eut quelque variante dans le développement des symptômes par le fait de la suggestion, les hallucinations ne furent plus seulement oculaires, elles furent aussi auditives: Bernadette eut des conversations avec sa vision : elle entendit des mots comme : pénitence, pénitence, pénitence; on lui confia des secrets; on lui ordonna de faire un creux dans la terre pour trouver une source, enfin on proclama le mot : Immaculée-Conception.

Pour comprendre ces faits, il faut se rappeler qu'ils se passaient en 1856, dix ans après la Salette qui alors battait son plein et arrivait à l'apogée de ses destinées. La Salette, sainte station dans les Alpes, presque oubliée aujourd'hui, faisait à cette époque autant de bruit que Lourdes en ce moment ; on en parlait partout : les curés dans les Eglises, les bonnes femmes dans les maisons, les images pieuses, les journaux religieux, les livres de dévotion racontaient au loin l'apparition de dévotion de notre Dame de la Salette à un petit berger et à une petite bergère des Alpes.

La Vierge leur avait demandé qu'on fit pénitence ; elle leur avait confié des secrets ; elle avait fait jaillir une source du rocher où elle était assise.

Or, il arriva que des personnes de l'entourage de Bernadette racontèrent à celle-ci l'histoire de la Salette dans tous ses détails : on insista sur certains faits ; on compara les deux apparitions : on fît sur elle de la suggestion.

Ces leçons entrèrent profondément dans le cerveau de Bernadette, et dans les apparitions nous voyons peu à peu cette suggestion se faire sentir : grâce à elle, les principaux événements de la Salette passent dans ceux de Lourdes ; à la Salette la Vierge avait beaucoup insisté sûr

la pénitence qu'elle réclamait des pécheurs. A son tour, Bernadette, dans son hallucination du mercredi 24 février, entend la Vierge l'exhorter par trois fois à la pénitence : « pénitence, pénitence, pénitence, a

La Vierge de la Salette avait dit un secret à la petite bergère et un autre au petit berger : on persuada à Bernadette qu'elle aussi ne tarderait pas d'avoir la confidence d'un secret : Or, le mardi 23 février la petite voyante entend la voix bien aimée de la Souveraine du Ciel : « Bernadette ? — Me voici. — J'ai à vous dire un secret qui vous concerne seule : me promettez-vous de ne jamais le révéler à personne ? Je vous le promets. » Le lendemain 2e secret ; à la septième apparition, 3e et dernier secret.

Il faut croire que ces secrets n'avaient pas grande importance, car depuis lors on n'en parle plus et ces secrets venus du ciel ne jouent aucun rôle dans la vie de Bernadette. Nil admirari !

C'est par l'effet de la suggestion que Bernadette creuse au fond de la grotte, dans la terre humide, le trou d'où sortira la source analogue à celle de la Salette. Des gens avaient reconnu l'existence de l'eau cachée à un demi-mètre du sol et avaient parlé à Bernadette de la possibilité de faire jaillir au dehors une source rivale de celle des Alpes.

C'est par le même phénomène de suggestion que la Vierge de la Salette ayant des roses blanches sur les pieds, celle de Lourdes orne les siens de roses jaunes d'or.

C'est parce qu'en ce moment on élevait un temple magnifique sur la montagne de la Salette que la Vierge de Lourdes demande à Bernadette une église sur les roches de Massabielle.

Enfin, si vraiment, chose douteuse pour nous, le 25 mars, jour de l'Annonciation, lorsque déjà depuis quatre semaines le cycle des extases est terminé, il s'en produit une nouvelle, pendant laquelle le mot « Im-m&culée-Coneeption » est prononcé, ce fut par l'effet d'une suggestion intensive de quelque prêtre fanatique, qui croyait ainsi affirmer victorieusement le dogme de l'Immaculée-Conception, dogme si discuté à cette époque par l'élite intellectuelle de l'Episcopat et du Clergé de France.

Si nous avons émis un doute sur cette apparition, en voici la raison : Cette vision, en effet, est isolée ; elle se produit longtemps après les autres, au moment où la maladie terminée, le système nerveux de l'enfant est revenu à son état normal. Elle arrive trop à propos pour les besoins de la cause ; on se rend compte que derrière Bernadette se tient un ultramontain qui lui souffle les mots qui vont vaincre la résistance des théologiens français. Ces paroles de la Vierge, « je suis l'Immaculée-Conception », dites en patois à un enfant ignorant du Dogme, dépassent les bornes de la crédulité la plus aveugle et les attribuera la Vierge, c'est donner à celle-ci des préoccupations de vanité terrestre par trop naïves.

Mais, même sans fourberie ni mensonge, les choses peuvent s'expli-

quer scientifiquement : une hallucination auditive produite chezun hystérique par l'effet d'une suggestion; c'est un fait connu qui n'a rien de merveilleux. On peut tout faire voir, tout faire entendre, tout faire sentir aux personnes atteintes d'hystérose, comme on le fait aux hypnotisés ordinaires. Il suffit de leur répéter à l'état de veille, d'une façon précise et autoritaire, ce qu'on veut qu'elles disent ou fassent pendant l'extase ; pour qu'elles obéissent à la suggestion. Si je dis à Bernadette sur qui j'ai de l'influence : « L'Immaculée-Conception est un divin mystère, je le veux ; lorsqu'elle sera dans la grotte elle entendra une voix lui dire : « l'Immaculée-Conception est un divin mystère ». Mais si le lendemain je lui dis : « la voix te dira : l'Immaculée-Conception est une sottise, Bernadette entendra ces même mots : ¦ l'Immaculée-Conception est une sottise ».

(à suture).

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES

Les religieuses de Port-Royal.

Neuvième série de 5 observations).

Par le Dp Binet-Sanglé, Professeur à l'Ecole de psychologie.

Observation I. — Marie-Geneviève LE TARDIF.

Santé. — Vers 1633, Marie-Geneviève Le Tardif eut une maladie de longue durée sur laquelle nous n'avons point d'autres renseignements.

En 163D, balayant la sacristie, elle se heurta, en se relevant, contre le coin d'une armoire, et se creva un œil. « Elle souffrit dos douleurs extrêmes » ('). Elle perdit cet œil, puis l'autre par ophtalmie sympathique. Cette cécité se compliqua de troubles mentaux. « L'ébranlement du cerveau ayant été fort grand, il lui demeura un certain étonnement qui faisoit qu'à chaque pas elle croyoit tomber dans un précipice; de sorte qu'elle ne s'accoutumoit point comme les autres aveugles à marcher seule dans quelque chemin que ce fût » (*), et qu'il fallait la conduire. Sa gaité naturelle s'était changée en tristesse : elle avait des « peines intérieures qui lui étaient encore plus sensibles » que ses souffrances physiques. « L'aveuglement de son corps, dit de son côté le Nécrologe, fut suivi de celui de son esprit; elle tomba dans des peines intérieures si violentes qu'elle perdit toute la lumière et le discernement qu'elle avait eus jusqu'alors sur l'état de son âme ; ce qui la jettait dans d'extrêmes perplexités et dans un besoin continuel de conseils en toutes choses » (3J.

A l'aide de ces données, il est possible de faire le diagnostic de l'affection dont fut atteinte Marie-Geneviève Le Tardif.

(I) Vies intéressantes et édifiantes des religieuses de Port-Royal et de plusieurs personnes qui leur étoient attachées, etc. Aux dépens de la Compagnie, MDCCXLI. t. II, 1 à 3.

Wlbid., Il, 12.

(3) Nécrologe.

Il s'agit d'un cas de cremnophobie secondaire chez une psychasté-nique.

Les phobies secondaires sont fréquentes chez la femme et il est d'autant moins surprenant d'en rencontrer un cas chez une religieuse que l'éducation du couvent exalte la craintivité d'une façon considérable.

Elles surviennent souvent à la suite d'un accident qui a vivement frappé le sujet et déterminé chez lui un sentiment de crainte.

Trois observations de Raymond et Janet ont trait à des gens qui devinrent agoraphobes : le premier, un cocher, à la suite d'un étour-dissement et d'une chute sur le trottoir; le second, la femme Bœw... à la suite d'un accident survenu à son mari qui, renversé par une voiture, avait eu le crâne ouvert; le troisième, la femme Lf., à la suite d'un accident survenu à sa sœur qui, tombée du haut d'une échelle sur le trottoir, s'était fracturé un bras (SJ.

Selon moi, la terreur déterminerait chez les dégénérés une dissociation de la colonie neuronienne, dont les éléments, arrêtés dans leur développement et hypercontractiles, tétaniseraient leurs prolongements sous cette influence. Les neurones où se sont clichées les images terrifiantes formeraient ainsi un groupe isole et stable, où elles resteraient, par suite d'un phénomène de court-circuit, en état de vibration, de luminosité constante, donnant lieu ainsi aux obsessions, aux hallucinations vagues, imprécises et immuables (pseudo-hallucinations) (3), ou nettement objectives des phychasténiques.

Les idées qui hantent ces sujets sont abstraites et générales. « Elles sont toujours relatives à la volonté ou à la personne du malade, dit le D' Henri Meuriot; elles portent uniquement sur ses actes et en particulier sur des actions mauvaises, et parmi celles-ci sur les pires, les plus sacrilèges, les plus criminelles, les plus odieuses qu'il soit permis de concevoir i (4).

Les phobiques appartiennent à la grande classe des neurasthéniques. Ils souffrent souvent de céphalée. Leur mémoire est lente et paresseuse. Ils éprouvent le besoin et la crainte de la solitude. Les agora phobes tiennent à être accompagnés lorsqu'ils sortent, et leur angoisse cesse lorsqu'ils peuvent s'appuyer sur le bras d'un ami.

Ces divers symptômes, nous les retrouvons chez Marie-Geneviève Le Tardif. Elle se crève un ceil, en se heurtant contre le coin d'une armoire, et éprouve alors un étourdissement, un vertige et une peur qui, chez cette dégénérée, dont l'hyperamiboisme neuronien dut encore s'exagérer sous l'influence de l'infection et de l'ophtalmie consécutives, restent en quelque sorte latents, et ont tendance à se reproduire à la moindre cause. Puis le vertige évoque chez elle, à la faveur de là cécité, l'idée fixe ou l'hallucination d'un précipice ouvert. D'ailleurs, comme tous les

(1) Marrel : Psychologie de la peur. Th. de Paris 1891-95.

(2) Pierre RAYMOND et J. Jaset: Les obsessions et la psychastènie. Paris. Alcan, 11.203. (3; Henri Mecriot : Des hallucinations des obsèdes. Th. de Paris, 1902-1903.

(4) Ibid., p. 14.

psychasténiques, elle est en proie à la mélancolie, à la crainte, aux scrupules religieux ou moraux.

« Ses forces tombèrent tout d'un coup » ('); et elle mourut le 28 mars 1646, après six ans de cécité.

Caractère. — Elle était douce, grave, d'une a grande humilité. »

Suggestibilité. — Elle était de plus extrêmement docile, « agissant avec grande dépendance, et toujours exacte à faire les choses comme on le lui avoit dit, sans jamais rien faire par elle-même » ^J, « accoutumée d'ailleurs à se laisser conduire u (3).

Dès son enfance, elle eut envie d'être religieuse. Elle entra au monastère de Maubuisson, et. en 1623, passa au monastère de Port-Royal, dont elle devint abbesse le 3 juillet 1630. Elle fut réélue le 10 septembre 1633, à l'expiration de son triennat.

Elle montrait un « recueillement extraordinaire » (4), et n inspiroit de la dévotion à ceux qui la voioient »(5).

Suggestionnée, elle devint suggestionneuse à son tour. Sous sa direction, ¦ l'obéissance, le silence, la prière, la mortification étoient l'exercice des novices »

Observation II. — Marie LORSONNE

Santé.— Marie Lorsonne ne jouissait pas d'une bonne santé, « J'étois fort infirme, dit-elle, ayant souvent la fièvre, et ne pouvant presque marcher à cause d'une cuisse que j'avois fort enflée » (7). Il lui arriva de rester six mois au lit. Née en 1627, elle mourut le 21 avril 1689, à 62 ans.

Suggestibilité. — Elle entra au noviciat de Port-Royal, le 26 août 1652 (25 ans), et fut reçue à la profession le 8 décembre 1653 (26 ans). Elle passa ainsi 36 ans au monastère.

Les anecdotes suivantes donnent la mesure sa suggestibilité.

Elle dit de Jacqueline Arnauld (la mère Angélique) : « Dans toutes nos rencontres, elle me reprenoit de tous mes défauts qui étoient très fré-quens, et elle me les faisoit si bien comprendre, que j'en étois persuadée. Un jour je m'oubliois jusqu'au point de refuser de coucher dans le lit d'une sœur que je ne pouvois souffrir à cause de sa malpropreté, et elle me dit avec une grande force (car il n'y avoit rien qui la fâchât plus que ces choses-là) : a Que cette maudite propreté fait faire de fautes ! C'est là une des plus grandes que vous ayez commises

(l) Vies II, i à 3. (2) Vies II, 1 à 3.

(3) Vies II, 1 à 3.

(4) Via II, 1 à 3.

(5) Nécrologe de Port-Royal.

(6) Via II, 1 à 3.

(7) Mémoires pour servir à l'histoire de Port-Royal et à la vie de la Révérende Mère Marie-Angélique de Sainte Magdeteîne Arnauld, réformatrice de ce monastère. a Utrecht, aux dépens de la compagnie MDCCXLL III, 27.

après la grâce que Dieu vous a faite. C'en est assez pour que Dieu vous la retire » (*).

« Un jour comme je la ramenois de la messe, elle vit que je tenois sa tasse où étoit de l'eau qu'elle avoit bue après la sainte communion. Elle me la fit boire dans la même tasse, quelque répugnance que j'y eusse. Et quand elle eût vu que j'avais écuré cette tasse (c'est-à-dire essuyé le bordj elle me dit : N'avez-vous point de honte ? Ne sommes-nous pas tous de la môme chair corrompue? * (2)

On s'explique ainsi les ravages que firent les maladies infectieuses au monastère de Port-Royal. En occident aussi bien qu'en orient, religion et propreté ne vont guères ensemble.

Observation III. — Elisabeth MAITTELAND

Hérédité. — Le grand-oncle d'Elisabeth Maitteland, grand chancelier d'Angleterre, était probablement un névropathe. Son neveu s'étant fait catholique, il le déshérita. La première fois qu'il le rencontra (3) après culte conversion, il « perdit la vue » subitement et ne put le voir. Il semble que nous nous trouvons en présence d'une amaurose hystérique survenue sous l'influence d'une violente émotion.

La mentalité du neveu tenait de celle de l'oncle. Il « avoit un si grand respect des prêtres, qu'il ne leur parloit jamais qu'à genoux et tète nue ».

Il avait un fils et deux filles. Le fils habitait Bruxelles ¦¦ ne conversant qu'avec les Chartreux de cette ville-là,... s'occupant à l'étude de la prière. » (*)

Des deux filles, la plus jeune après avoir été quelque temps aux Chanoinesses de Bruxelles, dut abandonner la profession religieuse pour raison de santé. L'aînée fait l'objet de cette observation.

Santé. — Elisabeth Maitteland mourut en sept jours d'une pleurésie, le 9 février 1656, à plus de soixante ans.

Suggestibililè. — Après avoir été pensionnaire à l'abbaye de Mau-buisson, où elle subit les suggestions de la Sœur Anne-Eugénie Arnauld, elle se fit religieuse aux Chanoinesses de Bruxelles, et passa de là à Port-Royal des Champs. L'abbé Jean du Vergier de Hauranne fut son directeur de conscience, et lui donna des règles de conduite « dont elle ne s'est jamais éloignée le moins du monde, les gardant toujours très exactement et avec une fidélité tout entière » (5). Cela donne la mesure de sa suggestibilité.

(à suivre)

(1) Mémoires pour servir, etc.. III. 32.

(2) (3) (4) (5) Víej II, 306-325.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGiE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance annuelle du mardi 20 juin

(suite)

Des modifications que subit la force nerveuse extériorisée relativement à l'état de santé des sujets. Par M. le Dr Joire. Préside:.- de la Société Universelle d'Etudes Psychiques

J'ai montré l'année dernière que l'extériorisation de la force nerveuse, que nous constatons à l'aide du sthénomètre, se rencontre, chez les personnes en bon état de santé normale, plus considérable de lu main droite que de la main gauche. Les chiffres indiqués par l'écart de l'aiguille oscillent entre certaines limites, variations qui indiquent la capacité personnelle d'extériorisation du sujet et qui peuvent aussi être influencées accidentellement par un état de fatigue passagère et par différentes influences qui s'exercent momentanément sur l'état psychique du sujet.

Quoique ces chiffres n'aient donc pas une valeur absolue, ils donnent, comme nous le verrons tout à l'heure, des indications importantes quand ils sont sensiblement diminués ou exagérés.

Ce qui a une importance encore plus considérable que la valeur absolue des chiffres, c'est la proportion qui existe entre le chiffre indiqué par la main droite et celui indiqué par la main gauche. Cette proportion varie avec une régularité véritablement étonnante dans les différentes maladies du système nerveux ; de sorte que la fraction présentée suffirait dans bien des cas, à elle seule, pour fixer un diagnostic. Et ce qui prouve que cette variation est bien sous la dépendance de la maladie, c'est que, si l'on étudie régulièrement l'action produite sur le sthénomètre par un malade en traitement, on voit la fraction donnée par les chiffres des deux mains se rapprocher progressivement de la proportion normale, au fur et à mesure que le malade avance vers la guérison. Si, dans le cours du traitement, il se produit quelque rechute ou quelque accident nouveau, ce fait est immédiatement enregistré par l'écart qui se produit simultanément entre les deux chiffres.

Nous allons examiner les indications données par le sthénomètre dans un certain nombre de maladies, les faits seront la meilleure preuve de ce que nous avançons.

Tout d'abord, nous allons voir les variations de la force extériorisée chez les neurasthéniques. On sait combien celte maladie est protéïforme; nous allons donc diviser ces malades en catégories dans lesquelles nous verrons le sthénomètre donner des indications différentes.

Toutefois, le caractère fondamental que nous retrouvons chez tous les malades atteints de neurasthénie, c'est le renversement complet de la force extériorisée, qui est démontré par l'écart plus considérable

obtenu avec la main gauche comparativement à celui de la main droite, ce qui est un caractère diamétralement opposé à l'état normal.

Nous n'insisterons pas, bien entendu, sur le tableau général de la maladie que tout le monde connaît; je me bornerai en quelques mots à indiquer le caractère dominant chez chaque malade.

Le premier sujet de cette catégorie est un homme de 45 ans, atteint depuis quelques mois de neurasthénie. Nous notons chez lui particulièrement des troubles digestifs, des vertiges, une tendance à la tristesse, des insomnies.

Son examen sthénométriqué nous donne : Main droite -f 28°. Main gauche -\~ 52e.

Le second malade est une dame de 34 ans, neurasthénique, chez laquelle dominent des troubles digestifs, lourdeur et congestion cépha-lique après les repas, tristesse et mélancolie, insomnie presque complète.

Au sthénomètre elle nous donne : Main droite -f- 14". Main gauche -f- 20°.

Un autre malade se plaint d'une grande fatigue générale, troubles digestifs, affaiblissement et lourdeur de tète surtout pendant le travail de la digestion; il nous fait remarquer ce point très important que son ardeur pour le travail n'est pas diminuée, il voudrait toujours entreprendre quelque chose, mais la fatigue physique le domine et l'arrête aussitôt.

L'écart qu'il nous donne est :

Main droite -f 23°. Main gauche -f- b&o.

Je m'arrête dans cette énumération, mais rapprochons les symptômes dominants qui caractérisent la maladie chez tous ces malades.

Nous voyons chez tous la prédominance des troubles digestifs.

Il n'est pas difficile de se rendre compte que dans les cas qui précèdent, les insomnies, la faiblesse, la tristesse sont sous la dépendance du mauvais fonctionnement des organes digestifs. Il faut noter surtout que la dépression signalée dans la plupart des cas est surtout une dépression des forces physiques; aucun ne se plaint ici de troubles ou d'affaiblissement des facultés intellectuelles.

Aussi leur formule générale est bien identique ; nous constatons dans la mesure de leur force extériorisée, non pas des chiffres trop faibles, mais toujours le renversement de la formule normale, c'est-à-dire la prédominance de l'écart de l'aiguille obtenu avec la main gauche, sur celui qui est donné avec la main droite. La proportion entre les deux chiffres demeure du reste dans les limites d'une moyenne à peu près identique.

Pour bien montrer que le tracé ainsi obtenu est bien l'indice de la maladie, je montrerai la marche suivie chez un dernier malade de ce genre avant et après la guérison.

Celui-ci se présente avec les mêmes symptômes généraux sur lesquels je ne reviendrai pas, c'est-à-dire neurasthénie avec prédominance des troubles digestifs.

Sa formule qui est prise avec le sthénomètre avant de commencer le traitement nous donne : Main droite -j- 23°. Main gauche -J- 38».

Le traitement terminé et le malade guéri, nous avons repris sa formule qui se trouve :

Main droite + 30°, Main gauche -f- 25".

La dernière formule est bien normale; le sujet ne présentant aucune affection nerveuse que la neurasthénie et la dernière formule ayant pu être prise à la guérison complète, le cas est très frappant.

* *

Les malades du second groupe vont nous apparaître sous un aspect absolument différent. Ce sont toujours des neurasthéniques, mais, au lieu de troubles organiques et d'affaiblissement physique nous allons voir prédominer chez eux la dépression psychique.

Chez ceux-ci nous avons noté, en effet, comme symptômes plus importants : la diminution de la mémoire, la perte de la volonté, l'affaiblissement de toutes les facultés intellectuelles, enfin l'apparition de phobies plus ou moins spécialisées.

La formule des chiffres qui représentent l'angle d'écart de l'aiguille du sthénomètre, obtenu avec la main droite et avec la main gauche, tout en suivant la règle générale, se présente d'une façon bien différente.

Voici d'abord un homme d'une quarantaine d'années, malade depuis huit mois. Il m'est envoyé par son médecin comme neurasthénique et il présente, en effet, tous les symptômes de cette maladie. Je constate que ce qui domine chez lui c'est une dépression considérable, la perte complète delà volonté, l'affaiblissement général des facultés intellectuelles, enfin la crainte de la mort.

L'examen au sthénomètre me donne : Main droite + 4° Main gauche -{- 22».

Le second malade est aussi un homme très intelligent, âgés de 48 ans, très surmené par les affaires. Après avoir suivi plusieurs traitements, il m'est envoyé. Il n'est plus lui-même. La dépression intellectuelle est telle qu'il ne peut plus suivre une affaire. Cependant, son activité phy-

sique est toujours grande; on constate un affaiblissement considérable de la volonté. Son examen sthénométrique me donne :

Main droite -f- 3°. Main gauche-f 25*.

Une dame de 35 ans m'est amenée par un confrère : neurasthénie caractérisée surtout par des insomnies, dépression intellectuelle, affaiblissement de la volonté; elle se reconnaît incapable de diriger son ménage. Phobie d'une maladie spéciale : elle a une bronchite et elle est persuadée qu'elle a de la tuberculose pulmonaire et qu'elle en mourra. Il faut noter qu'il n'en est rien et que malgré les affirmations de plusieurs médecins qui l'ont examinée, elle persiste dans sa phobie de la maladie mortelle.

Au sthénomètre nous trouvons : Main droite -f- 7°, Main gauche -J- 21®.

Les différences que nous avons signalées tout à l'heure entre ces deux groupes de malades et qui ne paraissent pas avoir frappé beaucoup, du reste, ceux qui se sont occupés de la neurasthénie, se trouvent mises en relief d'une façon saisissante par la comparaison des chiffres. Les formules des malades de la seconde catégorie montrent un écart, de même nature, il est vrai (c'est-à-dire le renversement), mais il est beaucoup plus considérable que chez les premiers sujets, et, chez tous, cela est dû à l'abaissement énorme du chiffre indiqué par la main droite.

Voici maintenant les indications obtenues pendant le traitement chez un neurasthénique qui présentait tous les symptômes généraux de la maladie, avec tout à la fois affaiblissement physique et dépression morale :

1" épreuve. Main droite + 10°.

Main gauche -f 20°. 2« épreuve. Main droite + 20°.

Main gauche + 26°. 3e épreuve. Main droite + 30°.

Main gauche -f 35°. 4' épreuve. Main droite -f 45°.

Main gauche -f 37°. 5e épreuve. Main droite -f- 35".

Main gauche -j- 30°.

Ces formules ont été prises de quinze jours en quinze jours. On remarquera que les chiffres de la première formule sont faibles tous les deux et la différence considérable, puisqu'elle est du simple au double.

La fraction diminue dans les trois premières formules, grâce à l'élévation progressive des chiffres. Dans la 4e épreuve, nous arrivons à la prédominance normale du chiffre de la main droite sur celui de la main

gauche; mais les chiffres sont dépassés, comme s'il se faisait une oscillation qui ramène enfin le sujet à une formule normale à la 5e épreuve.

Nous avons assez insisté sur les modifications qui sont indiquées par l'examen sthénométrique des malades dans la neurasthénie. Nous allons maintenant examiner ce qui se passe dans une autre maladie du système nerveux, non moins fréquente : l'hystérie.

Nous n'observerons plus du tout ici les mêmes formules que dans la neurasthénie ; ce n'est plus ce renversement des forces, qui nous faisait constater la prédominance anormale de la force extériorisée par la main gauche sur celle de la main droite.

Ce qui caractérise l'hystérie, dans l'examen auquel nous soumettons les malades de cette catégorie au moyen du sthénomètre, c'est l'écart beaucoup trop considérable qui existe entre le chiffre indiqué par la main droite et celui qui est indiqué par la main gauche. Et, de plus, cet écart est dû constamment à l'abaissement énorme du chiffre donné par la main gauche qui, parfois, descend jusqu'à 0.

Voici, du reste, les chiffres obtenus chez un certain nombre d'hystériques :

Mlle D..., 28 ans. Douleurs de tète de nature hystérique; troubles profonds de ta sensibilité; à l'exploration des réflexes, je constate une zone d'anesthésie, qui comprend la partie interne de la cornée de l'œil gauche, dont l'excitation ne provoque pas de réflexe. Anesthésie de la région médiane et droite du pharynx, suppression du réflexe.

Examen sthénométrique : Main droite -}- 25*. Main gauche -f- 5°.

M. P..., 21 ans. Point hystérique, nombreuses zones d'hyperesthésic. Aboulie, troubles psychiques.

Son examen au sthénomètre donne :

Main droite -|- 23°. Main gauche + 3°. M. A..., 36 ans, hystérique. Contracture pharyngienne; névralgie hystérique ; zones d'hyperesthésie et zones d'anesthésie cutanée. Anesthésie pharyngienne et abolition du réflexe. Insomnie et troubles psychiques nombreux. Au sthénomètre, nous avons :

Main droite -f 25°. Main gauche -f- 0°.

Lorsqu'après un traitement approprié, nous voyons les manifestations de l'hystérie s'amender et la maladie tendre à la guérison, nous constatons, en môme temps que l'amélioration générale, la modification des chiffres obtenus avec le sthénomètre, qui tendent à se rapprocher des chiffres normaux.

Mme D..., 35 ans, hystérique. Vomissements hystériques, vertiges, agoraphobie. Abolition des réflexes cornéens et pharyngiens.

Son examen au sthénomètre nous donne, avant de commencer le traitement, le 21 octobre : Main droite -f 27°. Main gauche -f 0°.

Les vomissements cessent sous l'influence du traitement, l'agoraphobie a presque complètement disparu. A un nouvel examen sthénométrique, nous trouvons, le 26 novembre : Main droite -f- 40°. Main gauche -f- 8°. Mlle P..., 48 ans, hystérique. Impressionnabilité très grande. Névralgie hystérique. Zones d'hyperesthésie cutanée; zones d'anesthésie cor-néenne avec abolition du réflexe. Examen au sthénomètre, avant le traitement : Main droite + 34°. Main gauche -f- 3°. Le mois suivant, amélioration considérable de l'état général et disparition de la névralgie. Examen au sthénomètre : Main droite -f- 17°. Main gauche +23°. Il existait encore des troubles psychiques qui expliquent cet écart anormal. Malheureusement, l'examen au sthénomètre n'a pu être fait après la guérison complète. La malade ayant cessé de venir, je suis porté à croire, d'après cette formule, qu'elle devient neurasthénique.

Nous allons voir maintenant la combinaison de l'hystérie et de la neurasthénie, c'est-à-dire le développement de ta neurasthénie chez les hystériques.

Les courbes données par la superposition de ces deux maladies sont des plus intéressantes, car nous allons voir les caractères propres que nous avons trouvés pour chacune de ces maladies s'inscrire successivement par les chiffres indiqués par le sthénomètre.

La première malade que nous allons examiner est une femme de 3ï ans, hystérique. Elle a eu une première crise légère à la suite d'une frayeur; puis les crises se sont répétées plus fortes à divers intervalles irréguliers.

Elle a une véritable phobie de la crise; peur de tous les bruits; se rappelant l'origine de sa première crise, on peut dire d'elle qu'elle a if peur d'avoir peur ». Nous notons de l'agitation, de l'énervement constant, des cauchemars la nuit. Enfin, depuis un certain temps, sont venus s'y ajouter des troubles digestifs et des vomissements. Cette malade présente la contracture pharyngienne et des zones d'hyperesthésie.

Son examen sthénométrique nous donne :

1er octobre, main droite -j- 25°. — main gauche -{- 9°.

.12 octobre, main droite +38°.

— main gauche + 32°,

La première formule se rapproche bien de celle que nous avons vue plus haut comme caractéristique de l'hystérie.

Toutefois on remarquera que l'écart entre les deux chiffres n'est pas aussi accusé que dans la plupart de celles fournies par les hystériques. On pouvait se demander la raison de cette faible caractéristique, étant donnée une hystérie aussi caractérisée que dans le cas présent.

Nous allons la comprendre par la suite en constatant la combinaison de la neurasthénie et de l'hystérie. Quoi qu'il en soit, le 12 octobre, après avoir observé une amélioration notable des troubles hystériques, dont la plupart ont cédé sous l'influence de la suggestion hypnotique, nous constatons dans la seconde formule des chiffres normaux.

Peu après, la malade, malgré les avis qui lui sont donnés, trouve bon de suspendre son traitement.

Elle nous revient le 2 janvier, les manifestations hystériques sont toujours calmées, elle n'a plus eu de crise, elle n'a plus la phobie de la crise, plus de vomissements, mais elle éprouve encore des troubles digestifs, qui sont sous la dépendance de la neurasthénie, car elle accuse en même temps l'insomnie, la faiblesse générale, le découragement, enfin les autres symptômes classiques de cette dernière maladie.

Son examen sthénométrique nous donne en effet à cette date : 2 janvier, main droite -J-35°.

— main gauche -J- 50°.

La malade est remise immédiatement en traitement; le 15 janvier nous pratiquons de nouveau l'examen au sthénomètre, et nous trouvons une formule normale :

15 janvier, main droite -f- 43°-

— main gauche -f- 32°.

Rapprochons maintenant ces différentes formules, pour bien faire ressortir l'intérêt véritable de la courbe qu'elles présentent; montrant l'hystérie, l'amélioration de cette maladie; la neurasthénie qui se dégage alors et la guérison de cette maladie : 1er octobre, main droite + 25°.

— main gauche + 9°. 12 octobre, main droite -t- 38°.

— main gauche -+- 32°. 2 janvier, main droite -f 35°.

— main gauche -f- 50°. 15 janvier, main droite + 43°.

— main gauche -+ 32°.

Je citerai un second cas du "même genre ; il s'agit d'une femme de 35 ans, hystérique; troubles nombreux de la sensibilité, hyperesthésie, diminution générale du réflexe pharyngien. Son état s'est aggravé à la

suite d'ennuis de famille, de fatigues. Nous notons un affaiblissement considérable de la volonté, de l'indécision pour les moindres choses. Nervosisme exagéré.

C'est l'hystérie qui domine la scène actuellement. Son examen au moyen du sthénomètre nous donne dès le début une formule franchement hystérique :

8 juin, main droite -{- 38°.

— main gauche + 0°.

Le 17 juin, nous trouvons encore les chiffres bas de l'hystérie, mais la neurasthénie se dessine par la supériorité de la main gauche. 17 juin, main droite +- 2°.

— main gauche +¦ 3".

Le 24 juin, toutes les manifestations hystériques s'étant améliorées, ¡1 nous reste une formule franchement neurasthénique : Main droite -f- 15*. Main gauche -t- 24'. Le 2 août, la neurasthénie est guérie, le terrain hystérique se manifeste encore, mais le sthénomètre nous donne une formule déjà bien meilleure que celle du début :

2 août, main droite + 30°.

— main gauche -h 7°.

Enfin le 17 août, il y a eu une interruption de traitement et la malade s'étant trouvée exposée à des fatigues récentes, les deux chiffres sont donc assez bas, mais l'écart entre la main droite et la main gauche est presque normal.

17 août, main droite + 10°.

— main gauche -f- 4°. Réunissons la courbe de cette malade :

8 juin, main droite -f- 38°.

— main gauche -f- 0°. 17 juin, main droite + 2°.

— main gauche-h 3°. 24 juin, main droite + là0.

— main gauche + 24°. 2 août, main droite -f- 30*.

— main gauche -f-1". 17 août, main droite -f- 10*.

— main gauche -|- 4>.

Ces deux observations sont intéressantes par les rapprochements qu'elles présentent.

Je signalerai un cas de chorée, mais malheureusement, je n'en ai observé qu'un avec le sthénomètre.

Chorée chez un jeune homme de 17 ans.

La première formule, avant le traitement, nous montre le renverse-

ment des chiffres normaux de la force extériorisée de la main droite et de la main gauche.

Main droite -f> 17°. Main gauche -|- 30*. La guérison obtenue par la méthode de l'application des aimants, nous retrouvons une formule normale : Main droite -j- 55°. Main gauche -f- 52*. Lorsqu'on observe une dépression considérable du système nerveux, à la suite d'accidents nerveux aigus, les chiffres d'extériorisation tombent souvent à 0.

Un hystérique après plusieurs crises légères, mais répétées pendant plusieurs jours successifs, est examiné au moyen du sthénomètre : On constate :

Main droite = 0°. Main gauche = 0°. Après quinze jours de traitement, les chiffres se relèvent et donnent : Main droite + 33°. Main gauche + 8". Une autre observation n'est pas moins intéressante. Un jeune homme épileptique m'est amené, après avoir subi une longue intoxication par les bromures. Il a un aspect perpétuellement somnolent, mémoire totalement obnubilée, il a l'air tout à fait hébété Cet état, dû à l'intoxication bromurée, donne à l'examen au sthénomètre une formule tout à fait analogue à celle des neurasthéniques. Main droite -j- 22°. Main gauche -j- 43°. Après six semaines de traitement, le lendemain d'une forte crise, je pratique de nouveau son examen sthénométriqué et je trouve : Main droite = 0°. Main gauche = 0°. Six semaines plus tard, il y a amélioration considérable, les crises sont beaucoup plus rares, plus légères; la mémoire et l'intelligence reviennent d'une façon très sensible. A cette époque, examiné au sthénomètre, il donne : Main droite + 55*. Main gauche 4- 43*. Je m'arrête dans cette longue énumération, laissant parler des chiffres dont certains rapprochements s'imposent forcément à l'esprit.

Je ne veux à dessein en tirer, pour le moment, aucune conclusion, car je n'ai pas la prétention d'avoir encore trouvé de loi générale pouvant être formulée sur des bases suffisantes.

J'espère seulement avoir éveillé l'attention et la curiosité des chercheurs sur un fait jusqu'ici inobservé, et être suivi dans la voie que je viens d'indiquer (*).

(I) Les personnes qui voudront expérimenter le sthénomètre le trouveront chez MM. Ponthus et Therrode, constructeurs, 6, rue Victor-Considérant, Paris.

chronique et correspondance

Société d'hypnologie et de psychologie.

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 17 octobre, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le D'Jules Voisin, médecin de la Salpôtrièrc.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le D' Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Dr Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications inscrites :

Compte-rendu des délégués aux Congrès de Liège : D' Magnin : Le terrain dans les expériences d'hypnotisme. D' Bérillon : La simulation envisagée comme fait de parasitisme social. Dr Cocrtault : La simulation dans les accidents du travail. M. Caustier, professeur au lycée Condorcet : La méthode socratique

dans l'éducation scientifique.

Contre le surmenage intellectuel

Une tentative curieuse va être faite dans un collège parisien pour préserver les écoliers de toute chance de surmenage. Supprimer de la dixième à la sixième toute classe, l'après-midi; consacrer les loisirs ainsi gagnés à des promenades, à des jeux en plein air, à des exercices physiques, à des travaux manuels gradués, au modelage, au dessin, à la musique : exercer la main et les yeux de l'enfant autant que sa mémoire ; avoir souci de la santé de son corps, de son adresse, de sa souplesse, presque autant que de son intelligence et de son esprit; lui apprendre les rudiments de l'histoire naturelle, non plus au tableau noir ou dans les livres, mais aux champs, dans des herborisations : lui donner un enseignement concret et vivant qui lui fasse voir les choses au lieu d'éveiller en lui des abstractions vides...

C'est là, semble-t-il, un programme assez hardi, dans l'état des mœurs françaises. Or, s'il faut en croire la « Revue internationale de l'enseignement », ce programme n'aurait rien de paradoxal, et le collège de Sainte-Barbe va tenter de l'inaugurer. Il enseignera toutes les matières étudiées au lycée mais il essayera de les enseigner autrement. Il y aura encore trois heures de classe par jour en neuvième et dixième, quatre heures en huitième et en septième, un peu davantage en sixième. Une telle initiative fait le plus grand honneur au distingué directeur de Sainte-Barbe, M. Pierrotet. Il peut être assuré qu'if rencontrera les encouragements de tous les médecins neurologistes et psychologues. Ils ont, en effet, plus souvent que les autres, à constater chez leurs malades les déplorables effets du surmenage intellectuel producteur de névroses et de troubles mentaux.

L'Administrateur-Gérant : Ed. BERILLON. ,

20e Année. — ? 5.

Novembre 1905.

BULLETIN

Le congrès de médecine interne tenu ù Liège sous la présidence de M. le professeur Lapine. — La psychologie au congrès belge de neurologie et de psychiatrie. — Une lettre ouverte du Dr Huchard aux membres du Parlement. — La visite du prince Mirko de Monténégro à l'Institut psycho-physiologique.

M. le professeur Lipine, présidant du Congrès de médecine-

La séance inaugurale du congrès français de médecine a eu lieu à Liège, 26 septembre. Elle était présidée par M. Bienvenu-Martin, ministre de struction publique, qui avait à ses cotés MM. les professeurs Lépfne, rident du congrès, Francotte et Vanlair, vice-présidents, Masius, prèsili d'honneur, Henrijean, secrétaire général, MM. Jules Gauthier, direc-t du cabinet du ministre, et Chapsal, commissaire général de l'Expost-universelle de Liège.

Dans la salle on remarquait, MM. les professeurs Bouchard, Cornil, Teissler (de Lyon), Carrieu (de Montpellier), Gréhant (du Muséum), Hallo-peau, Balzcr, Hallion, Crocq, Verhoogen (de Bruxelles), et un grand nombre de médecins français et belges.

M. le professeur Lépinc, en ouvrant les travaux du congrès a prononcé un discours d'une haute portée philosophique dont voici les conclusions :

c La science, elle, ne nous abuse pas; et, quand nous l'interrogeons dans le silence du laboratoire, il me semble qu'elle murmure à nos oreilles : travaillez; votre labeur ne sera ni vain, ni stérile. Ceux qui ont douté de moi ne m'ont pas comprise. Chacune des vérités dont vous pénétrez le mystère marque un progrès pour l'humanité. D'autres lui préparent un Idéal de paix et de justice. Vous, médecins, en accomplissant votre œuvre,

M. le professeur Bouchard.

ce ne sont pas seulement des existences actuelles que vous sauvez . vous assurez aussi la vie des générations qui viennent, »

MM. Masius et Henrijean ont exprimé aux congressistes français les souhaits de bienvenue, puis M. Bienvenu-Martin, notre ministre, a défini en termes éloquents, les causes de sympathie qui unissent la France à la Belgique du pays wallon. Il a fait ressortir que la principale de ces causes réside dans ce fait que Liège est une ville de langue française où se conserve et se développe le culte de notre Idiome.

¦ Nulle part,.a-t-tl dit, n'est plus en honneur cette langue si claire et si précise, apte à exprimer les vérités scientifiques comme les idées générales, et dont on a pu dire avec raison qu'elle avait été bienfaisante pour l'humanité.

• La communauté de langage établit, malgré les frontières, en dépit des différences de race, une sorte d'âme commune, une même manière de sentir et de penser; elle crée comme une seconde nationalité, une patrie Intel-

lectuelle qui se superpose à l'autre sans affaiblir les liens qui nous unissent à celle-ci, ni diminuer l'amour que nous avons pour elle. Si cela est vrai de toutes les langues, combien l'est-ce davantage quand il s'agit de la langue française, langue sociale par excellence et merveilleux instrument de rapprochement entre les esprits. »

Après tous ces discours, vigoureusement applaudis, le congrès s'est mis au travail. Mais il est juste de reconnaître que les fêtes et les réceptions nombreuses, organisées avec un soin parfait, ont constitué de charmants intermèdes. Parmi ces fêtes nous mentionnerons surtout les banquets offerts par les organisateurs et par la ville de Liège. Ils ont eu lieu sous la présidence de M. Bienvenu-Martin.

Dans le premier, M. Bouchard, le plus ancien des présidents du congrès de médecine, a en termes des plus heureux, démontré l'utilité de ces assises scientifiques et leur influence sur le rapprochement amical des hommes de science.

Dans le second, nous avons applaudi de spirituels discours de M. Léplne, préfet de police de Paris, et de M. Kleyer, bourgmestre de Liège.

Enfin le congrès s'est terminé par un grand banquet offert par la ville de Spa.

Toutes ces fêtes n'ont pas fait négliger les questions scientifiques. En effet, Indépendamment de rapports très étudiés, des communications ont été faites sur les branches les plus variées de la médecine. La psychologie médicale y a môme été abordée. En effet, la Société d'hypnologle et de psychologie avait tenu à être représentée au congrès de Liège. Elle avait chargé son délégué d'exprimer à M. Lépine, président du Congrès, tous les sentiments de respect que les membres de la Société professent à l'égard d'un maître dont les travaux font tant d'honneur à la science française.

En résumé, le Congrès de Liège a eu un grand succès et il faut en reporter le mérite à ses dévoués organisateurs, MM. les professeurs Henrljean et Honoré.

* *

La réunion du premier Congrès belge de neurologie et de psychiatrie suivait immédiatement celle du congrès de médecine. Ce qui caractérise ce congrès, et ce qui constitue à cet égard une Intéressante innovation, c'est qu'une très large part avait été réservée aux questions de psychologie. Le rapport de Mlle Ioteyko, sur le Sens de la douleur, a provoqué une très intéressante discussion. Celui du D'Cuylitz, sur le Travail considéré comme agent thérapeutique, contenait également de nombreux aperçus d'un grand intérêt psychologique.

Les applications thérapeutiques de l'hypnotisme ont été l'objet de communications de la part de M. le Dr Demonchy, de Mme la Dresse Lipinska, de M. le Dr Bérillon. Le travail du Dr Bérillon, sur les Nouvelles applications de l'hypnotisme à l'orthopédie mentale, complété par des projections, a donné lieu à une discussion assez longue à laquelle ont pris part les Dr Demonchy, Deny (de Paris), Decroly (de Bruxelles), Lee (d'Anvers) et enfin de M. le professeur Spehl |de Bruxelles). Avec une grande précision, M. Spehl a clôturé la discussion en se ralliant aux propositions énoncées par M. le Dr Bérillon, dont il avait eu, à maintes reprises, l'occasion de vérifier la rigoureuse exactitude.

Les réceptions du congrès belge de neurologie ont été marquées par un

grand caractère de cordialité. A mentionner le banquet offert aux médecins français par M. le professeur Francotte, la réception de la maison de santé de Ghlain organisée par M. le Dr Buttgenbacb. Au banquet de clôture offert par le président, M. le Dr Glorieux, divers toasts ont été portés parla Doctoresse Ioteyko; par le Dr Sollier, au nom des médecins français, par M. le Dr Bérillon, au nom de la Société d'hypnologie et de psychologie et par XI. Glorieux, président du congrès.

M. le Dr Huchard. dans une lettre ouverte aux membres du parlement et publiée par le Journal des praticiens, vient de formuler la conclusion, aussi judicieuse que précise, qu'il convenait de donner aux travaux du congrès de la Tuberculose.

Après avoir, d'une façon très spirituelle, analysé la communication reten- ¦ tissante autant qu'incompréhensible, du Dr Behring, où une substance TC se métamorphose en TX, et où ces mystérieuses métamorphoses vont jusqu'à TGL, en passant par TV et par TR, ce qui nous a appris, parait-il", beaucoup de choses, M- Huchard indique aux sénateurs et aux députés ce qui reste à faire pour permettre à la science française de maintenir son rang dans la lutte engagée.

« Lorsque bientôt vous allez procéder à la discussion du budget, qutse chiffre par centaines de millions, et lorsque vous aurez accordé plusieurs subventions aux plaisirs et à l'art, aux théâtres nationaux et à l'Opéra, vous aurez un beau geste : vous penserez certainement à la tuberculose et vous voterez à l'unanimité quelques centaines de mille francs pour l'adoucissement de la souffrance humaine, c'est-à-dtre pour les recherches scientifiques qui doivent aboutir à la plus belle, à la plus pacifique des victoires, à celle qu'un médecin remportera sur le fléau tuberculeux. Cela, vous le devez à la patrie de Laënnec, de Villemin et de Pasteur, qui ont préparé cette victoire. »

La proposition de M. Huchard sera assurément adoptée par le parlement. Déjà un député, M. Gérault- Richard, se propose de demander le vote d'un crédit de cent mille francs et le ministre, M. Bienvenu-Martin, s'est déclaré favorable à la proposition. Mais, à ce sujet, nous nous rappelons qu'une caisse de recherches scientifiques avait été constituée sur la proposition de M. Audlffred, sénateur, et nous nous demandons si l'on trouvera jamais une meilleure occasion de faire appel aux ressources de cette fameuse caisse pour laquelle de nombreuses commissions ont été constituées et dont, déjà depuis assez longtemps, on n'a plus entendu parler.

* •

S. A. le prince Mirko de Monténégro poursuit en ce moment un voyage d'études scientifiques. Récemment il visitait l'Institut Pasteur et s'initiait, sous la direction de M. le Df Roux, aux recherches bactériologiques poursuivies dans les divers laboratoires de ce grand établissement scientifique. Le jeudi 19 octobre, le prince Mirko, accompagné de M. Brunet, consul de Monténégro, a rendu visite à l'Institut psycho-physiologique.

M. le Dr Bérillon, directeur de l'Institut, assisté des D" Henry Lemesle, Pamart et Demonchy, lui a exposé le fonctionnement des divers services de l'Institut psycho-physiologique qui comprennent : l'Ecole de psychologie, le laboratoire de psychologie expérimentale, le laboratoire de psychologie corn-

Les Femmes àbarbe : Étude psychologique et sociologique (suite)(1)

Par M. le Dr Bérillon Professeur à l'Ecole de Psychologie

Les femmes à barba dans la religion. — Les saintes barbues : Sainte Wilgeforte Sainte Liberata, Sainte Kumernus, Sainte Affligée. — La superstition de Sainte Débarras de Compiègne;. — Contre les maris jaloux et méchants.

On a pu admirer, il y a quelques années, dans une remarquable collection de curiosités de M. Nadar, une statue en bois qui fut longtemps cataloguée sous le nom de christ androgynet et qui n'est en réalité

Vis- 01. Sainte Wilgeforte. — Statue eo bols du Movon-Agc. (Collection Nadari-

qu'une sainte Wilgeforte. Cette œuvre fort curieuse remonte a une époque très ancienne, ainsi qu'en témoigne le costume dont le sujet est revêtu (fig. 91). On a pu la voir à l'Exposition des arts industriels en 1866. Les cheveux de la sainte se déroulent en longues boucles de chaque coté de la poitrine. Elle est habillée d'une robe ornée de draperies comme on en portait au moyen-âge. Les seins très nettement dessinés sont soutenus par un corselet. Le ventre est quelque peu proéminent. L'artiste, comme dans les images précédentes, s'est ingénié à représenter le corps d'une femme et on peut s'étonner qu'on ait pu voir

(1) Voyez Revue de l'Hypnotisme, numéro de juin 1904 et suivants.

dans cette œuvre la représentation de Jésus. II est à noter que, comme dans la figure 90, la sainte est attachée et non pas clouée sur la croix. De plus, elle est dépourvue de moustaches, et de même que dans l'image précédente, elle porte une barbe en collier. Ces deux figures sont des figurations classiques de sainte Wilgeforte, et il est impossible de les confondre avec des images de Jésus crucifié.

«

Si nous suivons l'ordre chronologique, nous présenterons ensuite une gracieuse figure de la Sainte, peinte par Lutolff, en 1673. Un grand

Fig. 9?. Sainte Liberala. — Tableau do I.ùtoUT (1673).

nombre de copies de celte image ont été répandues en Suisse, dans les villages de la région de Lucerne. L'artiste, contrairement à ce qui se faisait habituellement, a revêtu la Sainte d'un costume d'une grande simplicité. Il est vrai qu'elle était destinée à la vénération de villageois (fig. 92.)

La vierge barbue de Lutolff porte sur le milieu de la poitrine, au-dessus de la ceinture, un ornement rond dont la signification nous échappe. En prenant la précaution d'accentuer les contours des seins, le peintre a répondu à l'objection de ceux qui auraient voulu voir dans son œuvre, la représentation d'un Christ habillé. D'ailleurs, une ban-derolle. fixée au sommet de la Croix indique qu'il s'agit d'une image de gainte Liberata.

Dans les Acta. Sanctorum des Bollandistes, juillet, page 63 du V volume, sainte Wilgeforte est représentée crucifiée, vêtue d'une grande robe, la tête couronnée (fig. 93}. Un long voile descend de sa couronne; sa robe est décorée à profusion de broderies, de nœuds de rubans et de pierreries dont l'arrangement ferait honneur à plus d'un grand couturier moderne. Conformément à la légende, un des pieds est nu, c'est celui qui se trouve en face du joueur de violon. Fait digne de remarque, tandis que le pied déchaussé est celui de droite dans le tableau d'Eltersdorf, dans cette image, c'est le pied gauche qui est repré-

DrVa WILgoforiIs, nLIlcr Llhcrata Sponsa IcsV, Virgo, et Marillr.

Fig. 03. Sainie Wilgeforte. — Prague (XTO* siècle).

sente sans chaussure. Les bâtisseurs de légendes n'y regardent pas de si près.

L'indication placée sous le dessin indique également que la Sainte barbue peut à volonté, être désignée sous le nom de Wilgeforte ou sous celui de Liberata (fig. 93).

L'existence du culte de sainte Wilgeforte fut signalée aux Bollandistes par un capucin de Prague. « En 1684, ce moine écrivit à Popen-brock, un des plus ardents collaborateurs des Acta. Sanctorum, qu'un marchand belge avait consacré, à Prague, une chapelle à sainte Wilgeforte, désignée aussi sous le nom de sainte Liberata. Il ajoutait que les Allemands la désignaient plus couramment sous le nom de Ohnkommer-nus, dont la traduction littérale est Sans-Souci. »

Avant l'initiative de ce dévot commerçant, la sainte était totalement inconnue en Bohême. Le peuple, parait-il, éprouva d'abord quelque surprise à la vue de cette sainte dont le menton était orné d'une barbe, mais quelques guérisons miraculeuses ne tardèrent pas à dissiper toutes les préventions. Trois ans après, en 1687, le baron Von Brun écrivait au même Bollandiste que l'image de la sainte se trouvait en beaucoup d'endroits, et il lui envoyait une image dessinée d'après le tableau de Cuper, tableau qu'on avait pris la précaution de protéger par un verre.

*

Une des images vraiment curieuses de sainte Wilgeforte est celle qui

Fig. 94. Sainte Wilgeforte (Sainte Débarras). (Eglise St-Etlenne. & BeauvaliO

se trouve dans l'église Saint-Etienne, à Beauvais. Un auteur catholique, M. Huysmans, nous apprend que, pendant le XVII* siècle, une confrérie de sainte Wilgeforte existait à Beauvais. Sa fête y était célébrée en grande pompe le 20 juillet, et il y avait, après la cérémonie, procession solennelle du Saint Sacrement et Salut.

Un vieux rituel, qui date de cette époque, a transmis l'oraison de la messe dite en son honneur :

t Seigneur, nous vous en prions, jetez un regard sur vos enfants qui vous implorent, par les mérites et les prières de la bienheureuse Wilgeforte, vierge et martyre, fille de roi ; et de même que vous avez exaucé ses prières en la dotant d'une barbe, de môme daignez accueillir les

souhaits de nos cœurs, en nous accordant un supplément de votre divine grâce. »

Sa fête avait une octave et, pendant l'année, la confrérie assistait encore à un certain nombre de messes chantées à l'autel placé sous son vocable.

Cette dévotion dura jusqu'au moment de la Révolution. Alors les sans-culottes ravagèrent l'église, détruisirent son autel, mais sa statue fut préservée. En 1796, lorsque Saint-Etienne fut réconcilié, on la

Fig. 95. Sainte Affligée. — Eglise Loretto (Prague).

plaqua sur le mur qu'elle occupe actuellement, à l'entrée de la nef; puis, en 1827, on l'ôta.

M. Huysmans nous a raconté d'une façon très humoristique les péripéties qu'a subies la statue de sainte Wilgeforte. Un membre du conseil de fabrique ayant déclaré que beaucoup de paroissiennes étaient scandalisées par la vue de cette femme à barbe, Monseigneur Feutrier se rangea à cet avis. Il décida qu'une barbacole était une honte pour une église, et la pauvre princesse fut arrachée de son mur et reléguée dans son grenier.

Elle en sortit en juillet 1832 ; seulement, pour ne pas effaroucher les dévotes, on Tépila. Mais bientôt, pour se conformer à la tradition, on lui rajouta l'ornement de son menton (fig. 94).

Les femmes à barbe sont, on le voit, très mal considérées par le clergé, même quand elles sont vierges et martyres : mais le plus curieux de cette histoire n'est pas dans les vicissitudes pileuses de cette déicole, il est surtout dans la spécialité de l'intercession que réclament d'elle les femmes du menu peuple.

Elles ne la connaissent pas sous le nom de sainte Wilgeforte ou de sainte Liberate, mais sous le nom de sainte Débarras. Comme elle a été débarrassée par le ciel d'un prétendant, elles l'implorent, elles, pour

Fig. 96. Christ habillé de Lucques (Itallui.

être débarrassées de leurs maris. Elles lui demandent, en un mot. la mort de leur conjoint.

Récemment, M. le professeur Ledouble, de Tours, a publié dans la Chronique médicale (1), une image de la sainte (fig. 95) qui se vend accompagnée d'une explication et d'une prière, aux personnes qui visitent l'église Loretto, à Prague. Il est à noter que la sainte barbue de Prague est actuellement désignée sous le nom de sainte Affligée.

Le costume de la sainte y est beaucoup plus gracieux que dans aucune autre de ses représentations. La robe, serrée à la taille, est ornée de perles, de broderies et de rubans. Ces atours ne sont peut-être pas

(1) Chronique Médicale (du D' Cabanes), 1er janvier 1905, p. 24.

absolument conformes à la tradition, car présentée avec autant d'élégance et autant d'attraits la sainte barbue n'aurait pas éteint les désirs du roi de Sicile. Elle les eut plutôt enflammés.

Les détails de la toilette de sainte Affligée indiquent très clairement que le compositeur a eu la préoccupation de représenter une femme et non un Christ habillé. Pour s'en convaincre, il suffit de jeter un coup d'œil sur le Christ de Lucques dont le corps a été entouré de riches étoffes. L'arrangement de ces étoffes prouve qu'elles ont été disposées après coup autour du corps d'un Christ mis en croix. Il est difficile de savoir à quels sentiments ont obéi les fidèles de Lucques en dissimulant la nudité de leur Dieu. Doit-on supposer que leur pudeur s'est effarouchée à la contemplation d'une anatomie jugée, par eux, trop réaliste. On peut également se demander si des âmes pieuses n'ont pas voulu dissimuler les marques de douleurs dont la vue affectait leur sensibilité. Pour nous, il ne faut voir dans le costume ridicule dont le Christ de Lucques fut affublé, que l'acte d'ostentation d'un chrétien vaniteux.

Dans toutes les représentations de sainte Wilgeforte, les peintres et les statuaires se sont toujours inspirés des modes féminines de leur époque pour donner à la sainte un costume en rapport avec le rang qu'elle occupait à la cour de son père, roi de Portugal. Il n'est donc pas possible d'établir la moindre confusion entre les Christs habillés et les saintes barbues.

*

Les désignations de la sainte varient naturellement selon les pays. En Portugal et en Espagne, on la nomme Suinte Liberate; en Belgique, elle devient Sainte Ontcommera, Sainte Regenflegis ; en Hollande, Heilige Ontkommer; en Angleterre, Sainte Uncumber ; en Suisse, Sainte Kummerniss; en Allemagne Heilige Oknkummerniss, Sàncl. Gehulf. Les oraisons diffèrent avec les églises. A Maestricht, elle a une messe où il est question de la barbe — et sicut ad preces ipsius, quam concupivit, barbam acerescere fecortû Dans d'autres pays, on évite de mentionner cet ornement dans les prières.

Sainte Wilgeforte est honorée dans un grand nombre de pays. En France, on lui a également dressé des autels dans diverses localités. A Arques-la-Bataille (Seine-Inférieure), on la prie devant un tableau qui la représente en croix et portant de la barbe. Elle s'y montre favorable aux enfants qui lui sont présentés.

A Béthune (Pas-de-Calaisj, un tableau de 40 centimètres de large sur 70 de haut la montre-crucifiée et barbue, on y vient des environs pour les enfants. Le peuple l'appelle Sainte Milleforte.

A Riuxent, à Wissant, à Camiers, à Etaples, à Wattetot, elle figure avec de la barbe et est l'objet d'une vénération toute particulière.

Dans certains endroits, on lui prête le pouvoir de rendre les femmes fécondes. Dans d'autres elle préside à la paix des ménages. Quand une

femme est affligée d'un mauvais mari, il parait qu'il suffit d'un cierge et d'une prière pour le mettre à la raison. Dans les cas plus graves, elle n'hésite pas comme on lui en prête le pouvoir à Compiègne à en débarrasser promptement celle qui l'implore.

Il n'y a pas de sainte qui ait plus d'attributions. Elle a débuté dans la carrière* de sainte en plaidant avec son pied la cause d'un innocent. Aujourd'hui, selon le pays, elle favorise les femmes mal mariées en les faisant veuves, ou elle rend les unions fécondes. C'est assurément à la proéminence de son ventre qu'il faut attribuer ce merveilleux pouvoir.

F1B..97. Sainte Wilgeforie. (Représentation moderne).

Par contre, son antipathie bien connue pour le mariage lui a évité la clientèle des jeunes filles amoureuses. Mais elle se rattrape au point de vue thérapeutique. En Normandie, elle guérit les enfants de la gourme ou des accidents de la dentition. Par son intercession, on obtient la suppression des gastralgies, et des jeunes filles chlorotiques ont pu, souvent grâce à elle, éviter de recourir à la médication ferrugineuse. En Suisse, elle a pour vertu principale de chasser les soucis domestiques et son nom de Kummerniss est traduit vulgairement par celui de . chasse-souci •.

Propices au plus grand nombre, indulgentes à tous, voilà le rôle religieux que jouent les saintes barbues. Il n'y en a pas de plus enviable.

Son culte, tombé quelque peu en désuétude, semble en train de renaître. Tout récemment, on lui a édifié une belle statue à Marie, à l'oratoire Saint-Nicolas. Une autre vient d'être inaugurée à Flamenville

dans la Seine-Inférieure. Ces images sortent d'une fabrique bien connue de la rue Bonaparte, la maison Raffl, qui leur a donné tous ses soins. Nous sommes heureux d'en donner une reproduction (fîg. 97). Elle montre que la statuaire religieuse, elle aussi, subit une évolution et tend à moderniser ses créations.

Comme nous le disions plus haut, le mysticisme, qui porte un grand nombre d'esprits à croire ce qui est pour eux inexplicable, s'est facilement accommodé de l'existence de saintes barbues. La coexistence chez une femme de sentiments de piété exemplaire avec l'apparition d'une forte barbe, n'a pas été acceptée par le vulgaire comme une simple coïncidence. Des créateurs de légendes, et il n'en manque point,n'ont pas eu un grand effort d'imagination à faire, pour satisfaire sa crédulité. Chez les sorcières, l'existence de la barbe était considérée comme un signe de demonisme, chez les pieuses femmes on I1: ttribue à une intervention divine. C'est à cette conception simpliste qu'il faut attribuer le culte des saintes barbues. A ce point de vue la religion n'a rien innové puisque dans les religions païennes des autels avaient été élevés à des divinités féminines dont le menton était orné de barbe.

(à suivre).

L'hystérie de Bernadette, de Lourdes,

par M. le D' Rouby, Médecin-directeur de la Maison de Santé d'Alger. {suite et fin) ('(

Intervention des Autorités. — Précisément à propos de suggestion, nous sommes amené à parler de l'intervention des autorités administratives et judiciaires de Lourdes et de Tarbes. A un certain moment, on voulut, pour arrêter le mouvement religieux extraordinaire qui se produisait, interrompre les visites de Bernadette à la grotte. Pendant la quinzaine des visions la ville de Lourdes était littéralement bouleversée: les uns criaient à la superstition, d'autres parlaient de supercherie, d'autres de manœuvres frauduleuses; rares étaient ceux qui soupçonnaient la maladie nerveuse : mais toutes ces voix contraires étaient étouffées par les clameurs enthousiastes d'une multitude avide de merveilleux, venue de tous les coins du diocèse avec l'espoir que la Vierge leur donnerait un avant-goût du paradis en se montrant un jour à tout le monde.

Or un jour Bernadette fut amenée devant le commissaire de police pour rendre compte de sa conduite. Celui-ci après l'avoir morigénée, tança vertement son père qui permettait un tel scandale. Puis le Procureur impérial s'en mêla et menaça de faire enfermer la petite voyante si l'effervescence de la foule ne se calmait pas. Plus tard enfin on fit clôturer la grotte au moyen d'une muraille en planches.

(1) Voyez Revue de l'Hypnotisme, n* de juillet 1905 et suivants.

La Cour Impériale était alors à Biarritz : quelqu'un alla plaider la cause de Lourdes auprès de l'Impératrice Eugénie dont on connaissait les sentiments de bigoterie espagnole. Tout aussitôt, préfet, procureur, commissaire de police furent déplacés et laissèrent le champ libre aux organisateurs du nouveau culte.

Mais l'intervention du commissaire ne police n'avait pas été sans résultat sur la marche de la maladie de Bernadette. L'effroi qu'elle avait éprouvé avait produit une suggestion contraire à l'hallucination, aussi, lorsque le lendemain de sa comparution devant les autorités judiciaires, elle retourna en hésitant à la Grotte, rien ne se montra. La peur du commissaire fut plus forte que le désir de voir la Vierge. II est probable que si les Visions eussent été réelles, comme tantdegens le croyaient et le croient encore, l'Immaculée-Conception qui ne doit craindre ni préfet, ni juge n'aurait pas hésité à paraître : C'était le cas ou jamais de se montrer. N'est-ce pas là une nouvelle preuve et très forte que toutes ces Apparitions n'étaient qu'hallucinations maladives.

XIII

Nous devrions terminer ici notre travail sur Bernadette, mais ne voulant rien laisser debout de Lourdes, nous avons pensé qu'il était nécessaire de donner quelques explications sur la Grotte et la Source qui jouèrent un si grand rôle autrefois et qui de nos jours encore sont le principal but de pèlerinage.

La Grotte. — La Grotte où se passèrent les événements que nous venons de raconter était située à la base d'un rocher nommé Massa-bielle, qui surplombait alors un petit canal dérivé du Gave. Cette grotte ou plutôt cette excavation largement ouverte sur la rivière, présente actuellement quatre mètres de hauteur sur quatre mètres de profondeur et quinze mètres de largeur. La voûte forme une courbe qui en arrière et à gauche va rejoindre le sol, tandis que le côté droit est à peu près perpendiculaire. Sur ce côté se rencontre à deux mètres du sol actuel une niche où est placée la statue de l'Immaculée-Conception ; mais, au début, cette niche était de plein pied avec le sol de la grotie; celle-ci remplie aux trois quarts de débris de rochers, de sable et de terre glaise, en sorte que, le premier jour, Bernadette put voir Mme X... soit dans la cavité, soit dans la niche, sans que cette personne se soit hissée à deux mètres de hauteur pour se montrer.

La Source. — Au fond de la grotte, sous les deux mètres d'amoncellement existait une source qui, si elle n'avait pu se faire jour jusqu'à la surface, du moins dénotait sa présence en un point où l'eau sourdait goutte à goutte et où la terre était boueuse. Il y avait assez d'eau pour qu'une petite cressonnière dont les racines plongeaient dans la source ait pu pousser en cet endroit.

Mgr de Ségur et M. Henri Lasserre (2 et 3} peuvent être pris là en flagrant délit de mensonge, car pour faire croire à un miracle, ils prétendent que le fond de la grotte était parfaitement sec, sec comme le

plancher d'un salon, sec d'une sécheresse torride : « C'était, dit l'un, une cavité vulgaire dans une roche dure et un sol partout desséché, sauf à l'extérieur et à l'ouest, quand par un temps de pluie, le vent y faisait pénétrer une humidité fugitive. »

Or, au contraire, l'abbé Fourcade dans sa petite histoire et Mgr l'é-véque de Tarbes dans son mandement constatent l'existence de cette source d'une façon péremptoire : « le jeudi 18 février 1856 eut lieu la « troisième apparition : quand Bernadette eut terminé sa prière, la « Vierge lui ordonna d'aller boire à la fontaine, de s'y laver et de man-« ger une herbe qu'elle y trouverait. Elle obéit mais elle ne put arriver « à cet endroit qu'en se tenant à genoux et courbée. Puis comment « boire et comment se laver? A peine, si elle trouva quelques GOUTES « d'eau; c'est de la terre détrempée; elle gratte avec sa main, forme un « petit creux où se ramasse un peu d'eau, mais tellement bourbeuse « que l'enfant a de la peine à l'avaler. Après avoir bu, elle mange une t petite herbe, espèce de cresson qu'elle y trouve. »

Dans son mandement de 1862 relatif à la Grotte, Mgr de Tarbes parle de la source en ces termes : « L'enfant obéit, mais elle ne trouva qu'une « terre détrempée. Aussitôt elle pratique de ses mains un petit trou « qui se remplit d'eau bourbeuse : elle boit, se lave et mange une « espèce de cresson qui était dans ce Heu. Telle est en substance la a narration que nous avons recueillie de la bouche de Bernadette, « en présence de la commission réunie pour l'entendre une seconde « fois. »

L'existence d'une source avant l'Apparition est donc un fait avéré : bien avant Bernadette l'eau suintait goutte à goutte au fond de la grotte; le terrain était boueux; une petite cressonnière existait. Tels sont les trois faits qui prouvait qu'il suffisait de creuser quelque peu pour faire jaillir une source. On creusa.

Parmi les gens qui dès la seconde Apparition vinrent visiter la Grotte, il s'en trouve qui l'explorèrent en tous sens et se rendirent compte que ce suintement d'eau dénotait une source cachée dans les décombres, qu'un coup de pioche pouvait faire jaillir à l'extérieur.

Une source dans un lieu de pèlerinage est chose indispensable; c'est chose de la dernière importance : cela permet de donner des bains miraculeux; cela permet surtout l'exportation au loin, avec gros bénéfices, de l'eau qui guérit.

La Salette qui, nous l'avons dit, battait son plein en ce moment, faisait un commerce immense de son eau et des petits morceaux de rocher où la Vierge s'était assise; mais tandis que le premier article donnait d'énormes bénéfices, le second était peu demandé.

Pour devenir un lieu de pèlerinage profitable, il fallait que Lourdes aussi eût de l'eau à mettre en bouteilles pour être expédiée dans tous les pays catholiques, pendant que dans ses piscines des malades internationaux obtiendraient leur guérison.

Autrefois, du temps des Juifs, il y avait aux portes de Jérusalem la

piscine probatique qui jouait le môme rôle qu'aujourd'hui Lourdes : Autour de la source se pressait la foule grouillante des pèlerins : un ange, disait-on, descendait du ciel plusieurs fois par jour pour agiter l'eau de la piscine ; alors l'ange parti, le premier malade qui se plongeait dans l'eau était guéri de son mal quel qu'il fût.

L'eau de Betsaïda aujourd'hui est sans vertu ; l'eau de la Salette également. La foi est partie de ces lieux emportant, avec elle, miracles et pèlerins, mais la foule crédule et ignorante ne meurt pas; elle se perpétue, toujours prête à venir boire à des sources nouvelles. Usez donc de l'eau de Lourdes, malades et infirmes, pendant qu'elle guérit encore.

Bien que le geste de Bernadette creusant avec sa main un trou dans la terre humide eût été moins beau que celui de Moïse frappant le rocher de sa verge, néanmoins la source avait coulé à la surface du sol. Des mains pieuses continuèrent ce jour-là à aggrandir et approfondir le creux commencé et un mince filet d'eau commença de couler.

Le lendemain des maçons et des puisatiers, sous prétexte qu'un des leurs avait été guéri d'une ophtalmie en lavant son œil dans cette eau, vinrent en foule et firent le reste : sous leurs coups de pioche jaillit une fontaine.

Plus tard les deux mètres de terre et de pierre qui obstruaient la grotte furent déblayés et la source apparut tout entière. Un ingénieur la capta pour l'amener aux piscines actuelles : on dit même que, ne trouvant pas le débit d'eau suffisant, il aurait conduit quelques tuyaux jusqu'à la rivière toute proche (1).

Nous ne demandons ni enquête ni expertise à ce sujet : nous ne regrettons qu'une chose, c'est que, pour sa canalisation, il n'ait pas employé des tubes plus nombreux et plus forts ; cela eût permis de donner à chaque malade un bain non souillé par les plaies lavées avant les siennes dans la piscine. Sous prétexte de guérir un mal quelconque, il ne faut pas donner une grave maladie à des pauvres gens ignorants des lois de l'hygiène. Il suffit d'un ulcère syphilitique pour avarier de nombreux baigneurs. Si M. Henri Lasserre, en regard des guérisons obtenues à Lourdes, nous eût donné la liste des contaminés par les eaux de la piscine, dont les accidents primaires, secondaires et tertiaires évoluèrent après leur retour au village, on serait stupéfait du chiffre obtenu, dépassant de beaucoup celui des miracles.

XIV

Bernadette a Xevers.

Que devint Bernadette après les Apparitions? Il est probable que la maladie hystérique continua d'évoluer sous forme de manifestations variées, avec des intervalles plus ou moins longs de rémission, comme

(1) Il suffit de réfléchir un moment pour comprendre combien il est dangereux de vouloir créer un miracle sans se préoccuper des données de la science : des thaumaturges qui ne doutent de rien racontent à la foule qu'une source, par la grâce de la Ste Vierge, est sortie d'un rocher comme si ledit rocher distillait cette eau. Or la science nous donne une toute autre explication : elle fait venir toutes les sources, y

il arrive chez tous les névrosés. Si Bernadette, à un moment donné, fut enlevée à sa famille pour être placée dans un couvent de Lourdes d'abord, puis, peu de temps après, dans le monastère des sœurs de Nevers, c'est probablement qu'il était survenu chez elle d'autres syndromes, peu convenables chez une personne sanctifiée par le contact de l'Immaculée-Conception. Or comme rien ne devait nuire au développement de la dévotion à Lourdes, la jeune fille disparut dans l'ombre d'un cloître.

Bien que le secret de ses faits et gestes dans ce couvent ait été bien gardé, il nous est arrivé d'en causer un jour avec une bonne vieille sœur de Ne vers qui, pendant quelques mois avait été commise à la surveillance de la jeune fille devenue novice, a Bernadette, nous disait-elle, était un vrai diable, qui nous faisait perdre la tête : nous ne savions comment faire pour l'empêcher de satisfaire ses caprices extravagants; elle bouleversait tout dans la maison et malgré cela il nous fallait la garder; j'ai passé avec elle les plus mauvais mois de mon existence. »

Nous aurions voulu avoir des explications plus détaillées ; mais déjà la Sœur se mordait la langue d'en avoir trop dit et malgré nos instances, elle ne voulut plus ouvrir la bouche à ce sujet.

L'Avenir de Lourdes. — Depuis longtemps la petite Bernadette est morte, sans peut-être s'être doutée du rôle considérable que son hystérie a jouée dans l'évolution religieuse du xix* siècle : Ses hallucinations, ses auras, ses extases après avoir été pris par la foule ignorante et obtuse pour des faits miraculeux ont été exploités par des gens qui ont su faire admettre ces symptômes maladifs comme des manifestations divines. Mais bâti sur de telles bases, le nouveau culte ne peut tenir longtemps debout et l'échafaudage de Lourdes est destiné à s'effondrer bientôt comme un château de cartes sur lequel a passé le souffle d'un enfant.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES

Les religieuses de Port-Royal.

(Neuvième série de 5 observations). Par le Dr Binet-Sanglé, Professeur à l'Ecole de psychologie. (suite) (1)

Observations IV et V Marie-Madeleine et Marie-Aimée CHOART de BUZENVAL I. — Etcde Généalogique Hérédité. — Marie-Madeleine et Marie-Aimée Choart de Buzenval descendaient de Robert Choart de Buzenval, vivant en 1536, mort le

compris celle de Lourdes, de réservoirs souterrains distants de plusieurs kilomètres de leur point d'émergence. Ceci établi, pourrait-on nous dire à quel endroit précis l'eau devient miraculeusement curative? en deçà du robinet ou au delà? (Note de l'auteur.)

(1) Voir Revue de l'Hypnotisme. numéro d'octobre 1905.

24 mars 1564, enterré, suivant sa volonté, dans l'église St-Eustache de Paris, et qui eut un garçon, Eustache.

Celui-ci fit hommage, le 9 août 1577, au chapitre de St-Etienne de Meaux de son fief de Magny-Saint-Loup, et mourut en 1608. H eut trois garçons.

L'un d'eux, Théodore, un dévot, mort à 39 ans, le 22 avril 1616, et enterré dans l'église de Ruel près Paris, épousa, le 21 avril 1608, Madeleine Potier.

hfa. Madeleine Potier, descendait de Nicolas Potier II, vivant en 1499 et 1501, lequel eut une fille et trois garçons '.Nicolas, mort le 11 novembre 1501, Denys, mort le 16 novembre 1502, enterrés l'un et l'autre dans la chapelle de leur famille en l'église des Saints-Innocents de Paris, et Jacques.

Celui-ci, marié en 1523, mort le 9 mars 1555, et enterré, ainsi que sa femme Françoise Cueillette, morte le 20 avril 1567. auprès de ses frères, eut cinq garçons et dix filles parmi lesquels : Nicolas, Denys, Guillaume, Anne et Guillemette morts jeunes, Madeleine, morte en 16U3, mariée et sans enfants, enterrée devant le sanctuaire de l'église des Célestins de Paris, Françoise, abbesse de Long-champ-lès-Paris, morte en mai 1618, après avoir abdiqué, Françoise, abbesse de Pontaines-les-Xonains, Jeanne et Renée, religieuses, et Nicolas III.

Nicolas Potier III mourut le 1" juin 1635, à 94 ans, encore plein de force d'esprit. Il fit annuler le legs qu'avait fait son fils René, évéque de Beauvais, d'un fonds destiné à l'établissement d'une compagnie de prêtres de l'Oratoire, et fut inhumé dans la chapelle familiale. ' A'icoias Potier III épousa Jsaoeau Baillet. Buillet. Isabeau Baillet descendait de Pierre Baillet, lequel, de .Marie de Vitry, nièce de la dévote Michette de Vitry (*), eut Jean Baillet II.

Jean Baillet II, vivant en 1436, mort après 1477, eut trois garçons et neuf filles, parmi lesquels : René, mort sans alliance, enterré dans l'église d'Auxerre, Jean Baillet III, évèque d'Auxerre en 1477, mort en 1513 et enterré dans son église. Anne, abbesse de Saint-Antoine-deschamps-lès-Paris, Afarie, prieure de Poissy, Catherine, religieuse à Varainville et Thibault.

Thibault Baillet, dit le Bon, mort à 80 ans, le 19 novembre 1526 épousa Jeanne d'Aunoy. 'iroj. Jeanne d'Aunoy descendait de Jean d'Aunoy.

Celui-ci eut deux garçons : Philippe, auquel sa mauvaise conduite attira une fin tragique en 1314, et Gauthier.

Gauthier d'Aunoy reconnut en 1301 quesa femme avaitléguéune rente en grains à l'abbaye de St-Antoine-lès-Paris sur la dime d'Aunoy et de Savigny. En 1313, le seigneur de Montmorency amortit, pour lui permettre de fonder une chapelle, une rente de seize livres parisis sur les

(1) Voir Dr Biset-Saxolé : Les hiérosyncrotèmes familiaux in Revue de rHypnotisme, mars 1903.

fiefs qu'il tenaitdelui.il eut deux garçons : Gauthier, qui ratifia en 1301 le legs que sa mère avait fait à l'abbaye de St-Antoine, et en 1311 une autre donation faite au même monastère; et Philippe.

Philippe d'Aunoy ratifia également le legs de sa mère. Il épousa Agnès de Montmorency. Motmorney. Agnès de Montmorency descendait de Mathieu de Montmorency II (1), qui épousa en 1196 Gertrude de Nesle. it Suit. Gertrude de Nesle descendait de Drogon de Neste, qui alla en Terre-Sainte en 1097, et engendra Raoul de Nesle.

Celui-ci donna en 1119 son moulin de Falvy-sur-Somme à l'église de Si-Quentin. Il épousa Raintrude, fille de Guillaume d'Eu [*), et en eut quatre garçons : Yves III, homme prudent et fidèle qui, en 1146, étant sur le point de faire le voyage de Terre-Sainte, donna, du consentement de ses frères, à l'abbaye de St-Crespin-le-Grand de Soissons, la chapelle de Beaulieu avec les dîmes d'Estrées et tout ce qu'il avait au diocèse de Noyon, abandonna aussi en 1160 aux religieux de St-Yved le droit de vinage qu'il prenait sur leurs terres, confirma en 1161 la fondation de l'abbaye de St-Léger, et en ! 161 les dotations faites à l'abbaye de Longpont, accorda à cette même abbaye plusieurs privilèges et exemptions, et mourut en 1177, fort âgé, et sans enfants, bien qu'ayant été deux fois marié. Drogon, mort aussi sans postérité ; Thierri, archidiacre de l'église de Cambray, chanoine et trésorier de l'église de Xoyon, et Raoul II.

Raoul de Nesle II, qui vivait en 1135 et 1153, et fut présent à la dotation faite par son frère Yves III à l'abbaye de St-Crespin de Soissons, eut de Gertrude, nièce de Thierri d'Alsace, trois garçons, dont: Conon, vivant en 1157, qui confirma la fondation de l'abbaye de St-Léger, fit des donations la môme année et la suivante à celle d'Orcamp, en présence de ses frères, confirma en 1168, 1178 et 1180 à celle de Longpont les donations qui y avaient été faites, rendit en 1178 à l'église de Soissons et à l'abbaye de Vaucelles en Cambraisis quelques héritages qu'il détenait injustement, parait-il, accorda à cette dernière abbaye des privilèges et des franchises, et mourut en 1181 ou 1182, sans enfants, bien que marié ; Jean, vivant en 1177, mort en 1214, enterré dans l'abbaye d'Orcamp, et Raoul III.

Raoul de Nesle III, dit le Bon, vivant en 1181, alla en Terre-Sainte en 1190, fit des libéralités aux abbayes de sa province, particulièrement à celles de St-Crespin-le-Grand, de St-Léger, de St-Yved en 1182,1184 et 1225, de St-Crespin-en-Chaye en 1190 et 1214, de Prémontré en 1190 et 1217, et surtout à celle de Longpont, à la dédicace de laquelle il assista en 1227, mourut fort âgé, le 4 janvier 1236, et fut enterré à l'entrée du chapitre de l'abbaye de Longpont. Il épousa Alix, fille de Robert de

(1) Voir D- Binet-SanGLÉ : L'ascendance de cinq religieuses de Port-Royal.— Revue de l'hypnotisme, nov. 1903, p. 137.

(2) lbid., oct. 1903, p. 108.

France-Dreux (1), laquelle fit aussi du bien à l'abbaye de Orespin-en-Cbaye en 1190, et mourut en avril 1210. Il en eut trois filles, dont Comtesse, qui, en 1190, consentit avec sa mère à une donation que son père lit à l'abbaye de Longpont, et Gertrude, mariée en 1196, morte le 26 septembre 1230.

pftrtcj Mathieu de Montmorency II et Gertrude de Nesle eurent trois garçons, dont Mathieu qui confirma en avril 1238 les donations que Mathieu de Montmorency I avait faites aux Prémontrés, en fit lui-méme plusieurs aux religieux d'Erloy près Choisy en 1246 et 1248, et mourut en 1250, marié et sans enfants, et Bouchard VI.

Celui-ci confirma en janvier 1226 aux religieux d'Erloy les dîmes qu'ils tenaient de son fief d'Attichy, approuva par lettres de 1231 et 1233 les legs que son père avait faits aux églises du Mesnel, du Bois-St-Père et de Notre-Dame-du-Val, donna à cette dernière douze livres parisis de rente sur la prévôté de Montmorency, concéda à celle de St-Denis tout ce que son père avait acheté de Pierre d'Espineul, autorisa une donation faite au prieur de Notre-Dame de Doomont, fut en 1235 l'un des grands qui écrivirent au pape Ugolino de Conti (Grégoire IX), contre la juridiction des prélats de France, donna à l'hôpital de Montmorency deux muids de blé par an sur le moulin Espaillart et cinq muids de vin pris en ses pressoirs de Montmorency pour entretenir un chapelain à perpétuité, aux chapelains de Merville deux muids de blé sur le même moulin et cinq muids de vin des pressoirs de Sencourt, aux religieuses de St-Antoine-des-Champs de Paris dix muids de vin des pressoirs de Montmorency, aux religieuses de Hautes-Bruyères dix muids de vin, à l'église du Bois St-Père un muid de blé de rente sur le moulin Espaillart, et aux Bons-Hommes de la Coudraye un muid. Il fit aussi des libéralités aux couvents des Jacobins, des Cordeliers, et aux religieuses de Jouy-près-Recombes. En avril 1239, il confirma à l'église de St-Victor-de-Maf-fiers cent sols de renie que Mathieu de Montmorency I y avaitdonnés, et en 1241 autorisa un don à la chapelle de Bezons. Il mourut le l«r janvier 1243, et fut enterré au prieuré de Mesnel. Il épousa Isabeau de Laval, fille de Guy de Laval V et d'Havoise de Craon. feCmi Havoise de Craon descendait de Renaud de Nevers I, qui épousa, par traité de 1015, Adèle, fille de Robert de France II dit le Pieux (2), laquelle vivant en 1063, fonda, étant veuve, les monastères de Criscnon et de la Ferté-sur-Isseire, et fut enterrée dans l'église de Saint-Germain d'Au-xerre. Il en eut quatre garçons dont : Guillaume I, qui fut présent en 1045 à une donation faite à l'abbaye de Saint-Germain, commença à rebâtir en 1083 le monastère de Saint-Etienne de Nevers, donna, le 25 juin 1085, aux religieuses de la Charité-sur-Loire l'abbaye de Saint-Victor de Nevers, soumit en 1097 le monastère de Saint-Etienne à Hugues, abbé de Cluny, et mourut en 1100 ; Guy, religieux de la Chaise-Dieu en Auvergne, et Robert de Nevers-Craon.

(1) V. D' Bixet-Sanglê, in Archives d'anthropologie criminelle, 15 septembre 1902, p. 537.

(2) D' Bixet-Saxglê, in Archives d'anthropologie criminelle, 15 sept. 190?, p. 531.

Celui-ci donna, du consentement de sa femme Avoise de Sablé, à l'abbaye de Marmoutier les églises de Saint-Malo, Sablé, Xotre-Dame et Saint-Martin, et Ht en 1097 le voyage de Terre-Sainte, où il mourut vers 1098. Il eut quatre garçons et une fille, dont Geoffroy, mort jeune etsans alliance, Robert, qui fit le voyage de Terre-Sainte, où il mourut vers 1110, et Renaud.

Renaud de Craon fonda l'abbaye de la Roe près Craon en 1096, et eût d'Ennoguen. fille de Robert de Vitré, fondateur du prieuré de Sainte-Croix de cette ville, trois garçons et une fille, dont Robert, qui partit pour la Terre-Sainte à la suite d'un chagrin d'amour, prit l'habit de templier et fut second maître de l'ordre de 1136 à 1149, Henry, qui consentit à la fondation de l'abbaye de la Roc, et Maurice I.

Celui cl, marié en 1100, vivant en 1105, eut un différend avec Geoffroy, abbé de Vendôme, son parent, touchant le prieuré de Saint-Clément de Craon. II eut un garçon, Hugues.

Hugues eut de sa deuxième femme quatre garçons et une fille, dont Foulques, mort sans parenté et enterré dans l'abbaye de Segré, Guy, qui fit le voyage de Terre-Sainte en 1192, Robert, chanoine d'Angers en 1190, et Maurice II.

Maurice II fonda en 1196 le prieuré de la Haye-aux-bons-hommes, et mourut le 10 août 1215. Il épousa Isaoeau de Beaurnont. de Beaumont isabeau de Beaurnont descendait de Roger de Beaurnont.

Celui-ci, vivant en H82, se fit moine sur la fin de ses jours à l'abbaye de Saint-Pierrc-de-Préaux, oùil fut enterré. Il épousa Adeline de Meublent.

de Meullent ,Adeline de Meullent descendait de Robert de Montfort-Meullent qui épousa Adèle de Vexin. ii Veiin Adèle de Vexin descendait de Gautier de Vexin I, vivant en 965 et 995, qui, en présence de ses fils Gautier et Raoul, restitua à l'abbaye de Saint-Crespin de Soissons certaines terres sises en Valois. Il eut quatre garçons, dont Guy, évêque de Soissons, vivant en 972, mort eo 995, et Gautier II.

Gautier II fonda à Crespy le monastère de Saint-Arnoul en 1008. Il eut quatre garçons et une fille, dont Dreux, mort au cours d'un voyage en Terre-Sainte en 1035 ; Fouques, évéque d'Amiens en 997, qui souscrivit à des donations en 996. 1023 et 1024, obtint du roi en 1057 divers avantages en faveur de son église, fit quelques entreprises sur la justice des religieux de Corbic, mais, en ayant été repris par l'archevêque de Reims, répara ses torts; Guy, vivant en 1059. chanoine puis évéque d'Amiens, qui souscrivit à la fondation du prieuré de Saînt-Martin-des-Champs, donna la même année de grands privilèges à l'église Saint-Martin de Péquigny, attaqua Kouques, abbé de Corbie, sur les immunités de ce monastère et l'excommunia, puis se désista de son entreprise, fit du bien à l'abbaye de Saint-Martin-aux-Gémeaux, où il établît des chanoines réguliers, en établit également dans sa cathédrale pour la fondation de son obit annuel, et mourut en 1076 ; et Adèle de Vexin.

,|tt? Robert de Montfort-Meullent et Adèle de Vexin engendrèrent Va.lera.ix de Meullent.

Celui-ci fonda à Meullent le prieuré de Saint-Nïcaise, et fit une donation au monastère de Saint-Léger-de-Préaux. Il fut père de Hugues, religieux à l'abbaye du Bec, et d'Adeline de Meullent. tiaiiiH Roger de Beaumont et Adeline de Meullent eurent trois garçons et une fille, dont Albrede, religieuse au monastère de Saint-Léger-de-Préaux, puis abbesse d'Etonné en Angleterre, Guillaume, abbé du Bec, etRo6eW de Beaumon* 17.

Robert de Beaumont II, vivant en 1100, s'intitulait « par la grâce de Dieu ». Saint Anselme, archevêque de Cantorbéry, et le pape Ranieri (Pascal II) lui écrivirent, le premier en 1094, le second en 1117, pour le prier d'inspirer à Henry, roi d'Angleterre, dont il était le favori, certaines choses qu'ils désiraient de lui. Il mourut le 5 juin 1118, et fut enterré au chapitre de l'abbaye de Saint-Pierre-de-Préaux près de son père. Il épousa Elisabeth de France, hfaut Elisabeth de France descendait de Henri de France I (*}, qui d'Anne de Russie eut entre autres enfants : Hugues de France.

Celui-ci assista à la dédicace de l'église Saint-Martin-des-Champs à Paris en 1067, fit le voyage de Terre-Sainte en 1096, fut chef de l'ambassade des princes chrétiens près de l'empereur de Constantinople, retourna en Terre-Sainte en 1101, y mourut de blessures le 18 octobre 1101, et fut enterré dans l'église St-Paul de Tarse. Il épousa Adèle de Verman-dois.

Adèle de Vermandois descendait de Kart leGrand (Charlemagne) {'), qui de Hitdegarde eut, entre autres enfants, Pipptn (Pépin).

Pippin, né en 777, sacré à Rome roi d'Italie le 15 avril 781, mort le S juillet 810, à 33 ans, enterré dans l'église de St-Zenon de Vérone, eut un garçon et cinq filles, dont Adelheid, enterrée dans l'abbaye de Saint-Arnoul de Metz, et Bernard.

Bernard fut couronné roi d'Italie par l'archevêque Milan en 810 à douze ou treize ans, mourut le 17 avril 818 à la suite du supplice de l'aveuglement, et fut enterré dans l'église de St-Ambroise de Milan.

Son fils Pippin II de Vermandois, qui était jeune lors de sa mort, eut trois garçons, dont Bernard, mort sans lignée, et Herbert I.

Herbert de Vermandois I, tué en 902, eut deux garçons, dont Herbert II.

Celui-ci, vivant en 923, mort en 943, eut cinq garçons et deux filles, parmi lesquels : Herbert III, mort fort âgé le 28 décembre 993 et enterré dans l'abbaye de Lagny qu'il avait fait rebâtir; Robert, mort en 958, qui chassa de Troyes l'évêque Ansegèsil ; Hugues, fait archevêque de Reims â moins de cinq ans en 925, sacré en 941, et chassé par un synode comme intrus en 948 : Alix, mariée en 934, morte le 10 octobre 960 et enterrée

(1) Voir D' Bi.xet-Saxglé, in Archives d'anthropologie criminelle, 15 sept. 1902, p. 533.

(2) VolrD'Binet-SAXGLÉin-Archives d'anthropologie criminelle, 15 septembre 1902, p- 539.

dans l'abbaye de St-Picrre de Gand ; Leutgarde, vivante en 978, enterrée dans l'abbaye de Maremoutier ; et Albert de Vermandois 7.

Albert de Vermandois I, mort fort âgé en 988, eut quatre garçons et une fille parmi lesquels : Eudo, mort sans postérité, Luidulfe, évèque de Noyon, mort avant 986, Guy, qui fit un voyage à Rome avec Adal-beron, archevêque de Reims, et laissa à l'église de Soissons un bien considérable qui lui appartenait, à St-Georges près Roye, et Herbert de Vermandois IV.

Celui-ci fit plusieurs donations aux églises de Vermandois et de St-Quentin, et eut deux garçons : Albert II, qui fonda l'abbaye de Bucilly, et mourut sans postérité quoique marié, et Otto.

Otto de Vermandois, vivant en 1043, eut trois garçons, dont Eudo, qui souscrivit deux chartes pour l'abbaye d'Homhlièresenl075, et Herbert V.

Herbert de Vermandois V, vivant en 1059 et 1076, eut un garçon et une fille : Eudo dit l'Insensé, qui fut deshérité vers 1077 par le conseil des barons de France pour sa faiblesse d'esprit, et vivait encore en 1085, et Adèle de Vermaïuiois, qui en 1077 épousa Hugues de France, et vivait encore en 1118.

Hugues de France et Adèle de Vermandois eurent trois garçons et quatre filles, parmi lesquels : Simon, élu évéque de Noyon et de Tournai en 1121, qui fonda l'abbaye d'Orcamp près Noyon en 1129, fut excommunié en 1142 pour avoir autorisé la dissolution du mariage de son frère Raoul, mourut en revenant de Terre-Sainte le 10 février 1148, et fut enterré dans l'abbaye d'Orcamp, et Elisabeth de France, femme de Robert de Beaumont II.

it Btiantil Robert de Beaurnont II et Elisabeth de France eurent quatre garçons et sept filles, dont Vaferan de Beaumont.

Celui-ci, vivant en 1122, se croisa en 1145 pour le voyage de Terre-Sainte. Il accorda des chartes à diverses églises, en particulier à l'abbaye de X.-D.-du-Vœu au diocèse de Rouen, qu'il avait fondée en 1157 pour l'accomplissement d'un vceu fait dans un naufrage en revenant de Terre-Sainte. II fit aussi de grands biens au prieuré de St-Nicaisc à Meullent, se fit moine sur la fin de ses jours à Préaux, et y mourut le 6 avril 1163. Il épousa Agnés de Monfort, qui est comprise dans l'ascendance d'une autre religieuse de Port-Royal, et en eut six garçons et trois filles, parmi lesquels : Robert III, vivant en 1163 et 1199, qui fit beaucoup de bien à divers monastères ; Amaury, qui fonda en 1235 l'abbaye de Fontaine-Guérard au diocèse de Rouen pour des religieuses, Roger, qui approuva en 1197 des donations faites à l'abbaye de St-Maur-les-Fossés, Valeran, vivant en 1163, qui se trouva en 1178 à la dédicace de l'église de Notre-Dame-du-Bec, Hugues, qui fit les donations à l'abbaye de Ressons, etlsabeau. it Cnon Maurice de Craon II et Isabeau de Beaumont eurent trois garçons et deux filles, dont lMaurice III, mort sans postérité avant 1224, enterré dans la chapelle de St-Jacques de l'abbaye de la Roè*, Amauri I, vivant en 1211, mort le 12 mai 1226 au moment de partir en guerre contre les

Albigeois, Constance, qui donna à l'abbaye de la Roë, pour le repos de l'âme de sa mère et son frère Maurice, une rente sur le péage de Loire à Chantocé, et Havoise, qui fonda en 1224 le prieuré de Ste-Catherine, et fut mère d'fsabeau de Laval. 0tÊCj Bouchard de Montmorency VI et Isabeau de Laval curent trois garçons et deux filles, dont Alix, vivante en 1260, morte fort âgée et sans alliance en 1301, enterrée dans l'église de l'abbaye du Mesnel, Havoise, qui fonda une chapelle dans l'abbaye d'Hermières, où elle élut sa sépulture, Thibaud, ecclésiastique, vivant en 1260 et 1267, et Mathieu III.

Mathieu III de Montmorency eut en 1260 un différend avec l'abbé deSt-Denis, donna en juin 1263 à l'abbaye du Val le moulin d'Albert avec l'étang, les prés et trente-deux arpents de terre, échangea avec ce monastère en 1264 le bois de Beauchamp contre des revenus que ses prédécesseurs y avaient donnés, se croisa en 1269, et mourut devant Tunis en 1270. De Jeanne, fille d'Erard de Brienne et de Philippe de Champagne \*}, il eut six garçons et deux filles, dont Robert de Montmorency, religieux puis sous-prieur de l'abbaye de St-Denis, Guillaume, chevalier de Temple, Catherine, vivante en 1282, morte le 15 avril 1327, enterrée dans l'abbaye de Lannoy en Picardie, Mathieu IV, vivant en 1282. mort fin 130i ou I3U5, et enterré dans l'église du prieuré de Ste-Honorine de Confians : et Erard de Moutniorency-Beauscault.

(à suture).

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance annuelle du mardi 20 juin

(suite)

Suggestion pendant le sommeil naturel

par M. le !.>' Alexandre S. Kaubotis (de Corfou).

Bien que je ne sois pas hypnotiseur de profession, mais simplement un médecin s'adonnant, dans ses moments de loisir, à l'hypnotisme, comme moyen pédagogique et thérapeutique, je vous rapporte deux cas de suggestion appliquée avec succès pendant le sommeil naturel.

Dans la séance du 18 octobre 1904, tenue par la Société d'Hypnologie et de Psychologie, il a été question du facteur efficace en hypnothérapie. Diverses théories furent exposées à ce propos, et M. le D' Bérillon soutint que « l'état hypnotique prolongé suffisait, souvent à lui seul, à guérir sans le besoin de la suggestion ». J'ai eu moi-même l'occasion de constater, dans ma pratique, que la suggestion ne réussit que rarement sans un état profond d'hypnose, et que l'état hypnotique prolongé parvient, quelque léger qu'il soit, à produire, le plus souvent, des résultats thérapeutiques satisfaisants ; j'en donne pour preuve, les

(1) Voir D'Bixet-Saxglé, in Archives d'anthropologie criminelle, 15 septembre 190?, p. 544.

gu élisons des magnétiseurs au temps où l'on ne connaissait pas !a suggestion. Toutefois, l'action de l'hypnose légère exige un traitement très long et très difficile à suivre.

Revenant à la question de la suggestion appliquée pendant le sommeil naturel, je passe à la description de deux cas, dont l'un intéresse la pédagogie et l'autre la thérapeutique.

l°Le fils de M. 0..., professeur de belles-lettres, âgé de 5 ans, bien portant, a contracté la mauvaise habitude de tenir, presque toujours, la main dans sa bouche ce qui lui donne un aspect hébété. Tous les efforts que font les parents pour lui faire perdre cette habitude sont vains. Un médecin conseille de lui enduire les doigts avec des drogues amères pour lui faire éprouver du dégoût ; mais tout est inutile. A la fin le père, désespéré, vient me demander mon avis. Je lui conseille l'hypnotisme ; mais le père s'y refuse, prétendant que l'hypnotisme est dangereux chez un si jeune enfant. Je lui conseille alors d'essayer lui' même la suggestion pendant le sommeil naturel. La première et la deuxième suggestion ne réussissent pas ; mais à la troisième, l'enfant, sans s'éveiller, retire brusquement les doigts de la bouche. Puis le matin, dès qu'il est éveillé, l'enfant court vers son père et lui dit : « Papa je ne mettrai plus la main dans ma bouche ». A partir de ce jour, il est complètement délivré de sa mauvaise habitude.

2° Le fils d'un de mes amis, âgé de vingt-deux ans, né de parents très bien portants, est affecté, sans cause plausible, de mélancolie, avec l'idée fixe d'être atteint d'une maladie incurable et de pressentir sa mort prochaine. On imagine le désespoir de la famille. Le médecin traitant n'est pas d'avis d'appliquer l'hypnotisme : je conseille également au père la suggestion pendant le sommeil naturel. Après quelques suggestions, le jeune homme revient à la santé. Je ne saurais toutefois vous dire si la guérison s'est maintenue, car la famille a quitté Oorfou depuis près d'un an et, je n'en ai plus eu de nouvelles.

Comme deux cas isolés ne peuvent pas établir une règle stable, il serait bon que la Société d'Hypnologie et de Psychologie procédât méthodiquement à des expériences ultérieures dont les résultats, s'ils étaient favorables résoudraient une des plus grandes difficultés qui se présentent dans l'application de l'hypnotisme aux sujets qui se montrent plus ou moins rôfractaires.

Discussion

DT Paul Farez. — Je me bornerai à rappeler à M. Rambotis les travaux, nombreux et convaincants, présentés ici même sur ce sujet. Je rappelle que j'ai proposé de dénommer la suggestion pendant le sommeil naturel, suggestion somniqtte, pour la différencier de la suggession pendant le sommeil provoqué, ou suggestion hypnotique. Je ne reviens pas sur la justification psychologique et clinique dece procédé, non plus que sur la technique ; je prends la liberté de renvoyer sur ce point aux volumes de la Revue de l'Hypnotisme de ces quelques dernières années. En outre de mes cas personnels, je rappelle ceux qu'ont

rapportés parla suite, nos collègues Bourdon (de Méru), Pau de Saint-Martin (de Paris), Manfroni (de Coni, Italie), Podiapolsky et Wiazemsky (de Saratow, Russie). Il est définitivement établi que le sommeil naturel constitue une hypotaxie très favorable à la suggestion, tout comme le sommeil hypnotique ou les diverses narcoses chimiquement obtenues. En outre de sa simplicité et de sa commodité, la suggestion somnique effarouche moins les parents pusillanimes. Chez des malades au sommeil généralement léger, tels que les neurasthéniques ou les aliénés, cette suggestion doit se faire discrète, douce, insinuante et se préoccuper de ne point réveiller le dormeur. Chez d'autres au contraire, tels que les incontinents d'urine, le sommeil est très profond; la suggestion n'impressionnera le dormeur que si elle est intense, impéra-tive, violente même, au point de provoquer un demi-réveil. Ainsi, dans le premier cas rapporté par le Dr Rambotis, deux séances successives sont vaines; à la troisième séance l'enfant retire la main de sa bouche, au moment même où on lui fait la suggestion ; n'est-ce pas que, selon toute vraissemblance, la suggestion a, cette fois, impressionné un dormeur à demi conscient; rappelez-vous, en effet, que le souvenir, en est resté nettement gravé au réveil. J'ajouterai que la suggestion, sous quelque forme que ce soit, est toujours une arme à deux tranchants. Si quelques rares parents sont, par exception, capables de l'appliquer sans inconvénient ou même avec efficacité, le plus grand nombre le feront d'une manière inconsidérée, maladroite ou même dangereuse. Aussi, la suggession somnique doit-elle, comme les autres, rester le monopole du médecin psychologue, rompu à toutes les finesses de cet art; à cette condition seulement elle sera toujours bienfaisante et inoffensive.

Dr Bébillon. — La possibilité de réaliser des suggestions faites pendant le sommeil naturel a été indiquée par le magnétiseur Ilansen. Etant au collège, il s'amusait, pendant la nuit, à faire à ses camarades des suggestions que quelques-uns exécutaient le lendemain d'une façon automatique. C'est de là que lui est venue sa vocation d'hypnotiseur.

psychologie des anormaux

Dominique Castagna, l'homme-momie

Il y a quelques années, nous avons eu l'occasion d'observer, au point de vue psychologique, un personnage assez singulier qui s'exhibait dans les foires sous le nom d'homme-momie. Ce sujet, dont nous donnons ici deux photographies, fut étudié au point de vue organique par plusieurs de nos confrères. Le D' Platon, de Marseille, lui avait consacré un article dans le Marseille médical. Il le considérait comme une victime de la syphilis héréditaire. Un peu plus tard l'homme-momie servit de prétexte aune intéressante leçon du professeur Grasset à l'hôpital Saint-Eloi, de Montpellier. Pour M. Grasset, il s'agissait d'une sclcrodermie congénitale généralisée, portant sur la peau, le tissu cellulaire, les muscles,

les os, les tendons, les organes génitaux. Des opinions analogues avaient été formulées sur son cas par J. Gardner, en Angleterre, Virchow et Ranke, en Allemagne.

Dominique Castagna était né le 25 avril 1869, aux environs de Maçon (Saône-et-Loire). Il était le troisième de quatorze enfants, tous vivants, grands et forts, pour la plupart mariés et ayant des enfants

Venu au monde à terme, nourri par sa mère, l'enfant marchait à 10 mois, parlait à son heure, mais ne possédait que quatre dents à 14 mois. A 2 ans, la dystrophie parut plus manifeste parce que le développement

Dominique Castagna {l'homme-momie)

général se faisait mal ; lentement, mais progressivement, elle alla s'accen-tuant jusqu'à 12 ans; depuis cette époque l'état est resté complètement stationnaire : il est tel à 28 ans qu'il était à 12. C'est donc à l'âge habituel du sevrage que l1 homme-momie aurait éprouvé les premiers troubles de nutrition qui, par une sorte d'autophagie, ont déterminé l'atrophie musculaire progressive arrivée à l'âge de douze ans à son extrême limite. C'est la lenteur de cette atrophie qui lui a permis de s'adapter à de nouvelles conditions d'existence et de survivre à cette atrepsîe. Les troubles trophiques s'étaient d'ailleurs cantonés aux divers systèmes de la vie de relation. Aucun des organes essentiels de la nutrition n'avait été atteint.

« Sur la face, dit le Pr Grasset, la peau est appliquée contre les os : l'absence de muscles est à peu près complète ; l'ensemble est comme figé, ratatiné, d'aspect cicatriciel. La bouche est immobile; retrécie,

entr'ouverte, comme taillée dans un morceau de cuir suivant l'expression de Charcot ; les lèvres, très amincies, sont trop petites pour recouvrir les dents, ne peuvent être appointées pour siffler. Les oreilles, enraidies, indurées, ne sont pour ainsi dire pas lobulécs. Le nez, déprimé à la base, très effilé à la pointe, présente à sa partie moyenne une saillie surtout marquée du côté droit ; les ailes sont réduites au minimum, ne jouissent d'aucun mouvement. Les paupières, très grêles, repliées en dedans, trop courtes, n'arrivent pas à recouvrir naturellement les globes oculaires, qui présentent de ce fait un aspect exorbitant ; cet exorbi-tisme apparent, joint à l'ectropion et de plus à une kérato-conjonctivite très forte, donne à cette physionomie si laide par tous les côtés un air horrible. Sur les joues décharnées, sur le menton froncé, il y a quelques poils follets, mais pas de barbe, tandis que les cheveux sont abondants et normaux, convenablement implantés sur un front plutôt court et perpendiculaire. Enfin les os de la face sont très notablement atrophiés et déterminent un certain degré de prognathisme. »

Les dents sont très mal plantées, surtout en avant ; on en compte 29, 14 en haut, 15 en bas, de forme à peu près normale, à l'exception de la première incisive supérieure droite qui est érodée en coup d'ongle à son bord libre et pourrait faire penser au typé d'Hutchinson,

La langue est peu mobile, retenue en arrière, sans que sa consistance soit sensiblement modifiée. La voûte palatine est profonde, le voile surabaissé, la luette rudimentaire, représentée par un simple bourgeon. Au fond de la gorge, on voit une saillie osseuse qui correspond à un corps vertébral.

Le crâne est relativement volumineux, dolicocéphalique ; il présente quelques bosselures, une saillie notable au niveau de l'apophyse mas-toide droite, une véritable exostose au niveau de l'apophyse gauche. De plus, les fontanelles paraissent mal ossifiés.

Les membres supérieurs sont dans leur totalité extrêmement réduits En même temps que l'atrophie générale, existent des rétractions fibro-neuses, comme dans les myopathies, bridant les mouvements articulaires entravant surtout l'extension. »

Mais ce qu'il y avait de plus intéressant à constater chez l'homme-momie, c'est l'intégrité complète du système nerveux ;

« Dans cette abominable maison, comme le disait récemment dans l'Eclair, M. Georges Montorgueil, par une ironie étrange de la destinée, un être humain, comme tous les êtres ; un cœur qui bat en place régulièrement, des poumons qui respirent la santé. Le cerveau est net, l'intelligence alerte. Ce dégénéré cause avec à propos et gaieté, il raisonne des problèmes, fait étalage de. connaissances assez étendues. »

C'est en effet le fait surprenant qu'il nous avait été donné de constater nous-mêmes. Non seulement Dominique Castagna était doué d'une réelle intelligence, mais il faisait preuve d'une puissance de volonté réellement supérieure à la moyenne. Il avait obtenu le certificat d'études primaires, puis le certificat de grammaire. Il parlait l'anglais, l'italien et le français,

mais il l'exprimait d'une voix si rauque qu'il fallait quelque attention pour bien l'entendre. Il était de plus bon calculateur.

Il se montrait dans ses propos, homme d'un jugement sain et savait supporter son sort avec une philosophie pleine de sérénité. Son existence était cependant des plus misérables. En échange d'un salaire de famine, il était tenu d'exhiber à tout venant les défectuosités de son anatomie. Certains jours, quand il y avait affluence de curieux, il passait la plus grande partie de son temps complètement nu. A cet exercice il s'était progressivement aguerri contre les intempéries et au fort de l'hiver, il ne paraissait pas trop souffrir du froid.

Il supportait cette misère affreuse, aggravée par les quolibets des sots qui venaient le contempler, avec une extrême vaillance. D'ailleurs il ne négligeait aucune occasion de fortifler son esprit par de bonnes lectures et s'appliquait à compléter son instruction.

Son plus grand désir eût été d'être utile à quelque chose et il souhaitait que la médecine pût tirer quelque profit de son observation.

Récemment, il était exhibé à la foire de Liège. Mais un soir, las d'être exploité par un impressario trop exigeant, il s'est donné volontairement la mort. Avant de se tuer, dans une sorte de testament, il a exposé les mobiles de son suicide, exprimant son dégoût des lâchetés et des infamies du monde dont il se plaignait d'avoir été une des plus douloureuses victimes. Conséquent avec des idées souvent exprimées, il léguait son corps au professeur Raymond ou à son défaut au professeur Grasset. Il est à présumer que ce dernier vœu n'aura pas même été exaucé et que ses pitoyables restes n'auront pas l'honneur de figurer au musée de la Salpétrière.

Le cas de l'homme-momie peut inspirer au psychologue quelques utiles réflexions. Il prouve en effet que la volonté et la force de caractère peuvent élire domicile dans un corps extrêmement imparfait. Il démontrerait également que les rapports du physique et du moral sont beaucoup plus étroits dans le domaine de la vie végétative que dans celui de la vie de relation.

De plus, l'observation de Dominique Castagna témoigne de la résistance du cerveau envisagé comme organe de la pensée et de la volonté, Tant qu'il reçoit une nourriture suffisante et qu'il n'est pas troublé dans son fonctionnement par des intoxications, le cerveau continue à vivre de son existence propre, témoin des misères auxquelles il ne participe point directement. Il n'y a pas non plus d'exemple qui démontre mieux l'autonomie des divers territoires de l'écorce cérébrale, car tandis que les centres psychomoteurs perdaient d'une façon presque complète leur activité fonctionnelle, les centres dans lesquels sont localisées les fonctions supérieures conservaient toute leur puissance. Cela était d'ailleurs en rapport avec la conformation du crâne présentée par Dominique Castagna. C'était dans son front droit que se conservaient des fonctions mentales supérieures dont la richesse formait la plus frappante antithèse avec la pauvreté physiologique des autres fonctions de l'organisme.

Dr Bérillon.

chronique et correspondance

Société d'hypnologie et de psychologie.

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 21 novembre, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Df Parez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications inscrites : Dr Magnin : Le terrain dans les expériences d'hypnotisme. Dr Berillon : Les timidités.— Indications de la suggestion hypnotique. M. Caustjer, professeur au lycée Condorcet : La méthode socratique

dans l'éducation scientifique. M. Lépinay : Les tics chez les animaux. MM. Grollet et Lépinay ; L'hypnotisme chez les animaux. Dr Farez : Quelques cas récents de sommeil pathologique. Dr Binet-Sanglë : Les hallucinations des prophètes juifs.

Ecole de psychologie

La séance de réouverture de l'Ecole de psychologie aura lieu le mardi

9 janvier, à cinq heures, au siège social. 49, rue Saint-André-des-Arts, sous la présidence de M. le Dr Huchard, membre de l'Académie de médecine. Le programme détaille des cours sera publiédans le prochain numéro.

Les conférences cliniques sur les applications de l'hypnotisme à la psychothérapie et à la pédagogie, reprendront le jeudi 2o novembre, à

10 h. du matin. Elles seront dirigées par les Dn Bérillon, Magnin et Paul Farez. On s'inscrit les jeudis à l'Institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts.

Le Dr Paul Joire reprendra, le 15 novembre, son cours annexe d'hypnologie et de psychothérapie qu'il professe chaque année à Lille.

Les maladies du langage chez les enfants

Le Dr Chervin, dans la clinique infantile, donne les indications suivantes sur les divers troubles du langage qui peuvent s'observer chez l'enfant.

Si l'enfant ne parle pas du tout, il peut s'agir de surdité, d'un simple retard ou de troubles intellectuels allant jusqu'à l'idiotie.

Si l'enfant parle, mais parle mal, il faut faire le diagnostic de trouble de la parole.

Le bégaiement vrai est caractérisé par les signes suivants: 1e Début dans l'enfance ;

2° Troubles respiratoires plus ou moins marqués ; 3° Intermittence ;

4° Disparition totale dans le chant.

Voilà, d'après M. Chervin, quels sont les quatre signes pathognomo-niques qui, observés chez un malade, permettent d'affirmer qu'il s'agit d'un bégaiement vrai. Si ces symptômes manquent, on n'a pas affaire au bégaiement proprement dit, mais à un autre trouble de la parole.

La biésité est quelque chose de tout différent. On désigne, en effet sous ce nom générique, une foule de défauts de prononciation caractérisés par la substitution, la déformation ou la suppression d'une ou de plusieurs consonnes.

L'auteur insiste sur la méthode aujourdhui universellement connue qui lui a permis d'obtenir des résultats si remarquables dans le traitement de ces variétés de troubles du langage. Toutes les variétés de biésité peuvent toujours être corrigées sans crainte de récidive en 12 ou 15 jours.

Les troubles du langage, et notamment le bégaiement, seraient de tare nerveuse pour la première enfance, à peu près ce que les convulsions sont pour l'âge de 1 ou 2 ans, la chorée pour l'âge de 7 ans, l'hystérie pour l'adolescence, c'est-à-dire l'expression d'une perturbation centrale, le signal d'une sorte de détresse nerveuse.

Ouvrages déposés à la Revue

L'année psychologique, publiée par M. Alfred BrxET, 11e année, 685 pages. ln-8, 1905. Masson. 15 francs.

Dp Raoul Bbunon : Notes sur le musée de l'Ecole de médecine de Rouen.

Rouen, 20 fr., in-8, 1905. Dr Gustave Geley : L'être subconscient. 2« édition, 176 p., ln-12. Alcan, Paris,

1905. 2 fr. 50.

Dr Raymond Bonne au : La dyspnée dans les maladies du cœur. 155 p..

in-8. Jarlot, Paris, 1901. f. de Ménil : Histoire de la danse à travers les âges. 362 pages, in-8, relié.

Kaan et Picard, 1905, Paris, 4 fr. 50. D'Berthod : La réforme de l'enseignement médical. In-8, 32 p., Vigot,

Paris, 0 fr. 50.

Dr Lee : L'arriération mentale. Contribution à l'étude de la pathologie infantile. 256 p., in-8. Lebègue, Bruxelles, 1904.

Silvain Levi : Le Nepaul. 392 p., avec illustration, in-8. Leroux, Paris. 1905. (Annales du musée Guimet).

Charles Vallay : Le culte et les fôtes d'Adonis-Thamraou dans l'Orient antique. 300 p., in-8, Leroux, Paris, 1905. (Annales du musée Guimet).

Dr Marage : Mesure et développement de l'audition, h9 p., in-8. Paris, 1905. Chez l'auteur, 14, rue Dupnot.

DT Magnus Hirschfeld : Jahrbuch fur sexuell Zwischenstufen. VII Jahranz. Band I et II. 2 vol. in-8, relié. Leipzig, Max Spohr, 1905.

Dr Roger Voisin : Les méninges au cours des infections algues de l'appareil respiratoire, in-8, 14? p., Stenheil, Paris, 1904.

Dr Bernard Leroy : Le langage. 289 p., in-8. Alcan, Paris, 1905. 5 fr.

L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.

20e Année. — ?6.

BUlletin

Décembre 1905.

Une nouvelle publication psychologique : la Bibliothèque de l'Ecole de Psychologie. — Séance annuelle de la Société de Pathologie comparée. —Inauguration d'un buste du D'Liébeault à l'Ecole de psychologie.

Les débuts de l'Ecole de Psychologie remontent à 1889, où, sous le titre d'Institut psycho-physiologique, le D' Bérillon créait une école pratique de psychothérapie associée a un laboratoire de psychologie. Le patronage de MM. les DM Dumontpallier, Albert Robin, Mesnet, Huchard et celui de M. Tarde, indiquait le caractère nettement scientifique de la nouvelle institution.

Le programme du début s'est rapidement élargi. Aux premiers collaborateurs, MM. les D" Paul Magnin, Paul Farez, Félix Regnault et M. Caustler, professeur agrégé de l'Université, est venue se joindre toute une phalange de professeurs dévoués. Actuellement l'enseignement donné à l'Ecole de Psychologie s'est étendu à toutes les branches de la psychologie.

L'organisation de cette école, qui, outre les cours théoriques, comprend un enseignement technique donné dans les diverses annexes (clinique des ma* ¡adíes nerveuses, dispensaire pédagogique, dispensaire antialcoolique, laboratoire de psychologie expérimentale, laboratoire de pathologie comparée, musée psychologique), lui donne un caractère propre qui ne trouve son équivalent dans aucune autre école du même ordre. En effet, une part considérable est réservée à l'enseignement et à la pratique de l'hypnotisme, aussi bien au point de vue expérimental qu'au point de vue thérapeutique. Aussi l'on peut dire que l'Institut psycho-physiologique, auquel se rattache directement l'Ecole de psychologie, donne aux médecins et aux étudiants de tous ordres un enseignement pratique sur toutes les questions qui relèvent de la psychologie normale et de la psychologie pathologique.

Les études auxquelles se consacrent les professeurs de l'Ecole se répartissent en dix branches principales :

Io L'anatomie et la physiologie du s}'stème nerveux ;

2» La psychologie expérimentale (hypnotisme expérimental, etc.);

3° La psychologie appliquée (hypnotisme thérapeutique, orthopédie mentale, pédagogie suggestive, etc.);

4" La psychologie de l'enfant;

5° La psychiatrie et psychologie de l'homme anormal ; 6« La psychologie sociologique ; 7° La psychologie du criminel:

8° La psychologie comparée ; 9° La psycho-physiologie de l'art ; 10° La philosophie des religions. -

Sans dédaigner les recherches dites psychiques et qui comprennent les faits particulièrement difficiles à interpréter tels que : la lecture des pensées, la suggestion mentale, les hallucinations télépathiques, la lucidité somnambulique, les pressentiments, etc., les professeurs de l'Ecole n'abordent ces études qu'avec un esprit dégagé de toute préoccupation mystique. Ils ne s'intéressent à ces questions que dans le but d'exercer utilement leur esprit critique, bien convaincus qu'il faut chercher l'explication des phénomènes psychologiques dans des rapports matériels, nettement déterminés, sans invoquer l'intervention d'aucun élément étranger extra-naturel.

D'ailleurs, le Comité de patronage de l'Ecole, qui comprend les noms de MM. Berthelot, Blanchard, Bolrac, Lionel Dauriac. Marcel Dubois, Giard, Guimet, Huchard, Ribot, Albert Robin. Voisin, est le plus sûr garant de la prudence et de la rigueur scientifique avec laquelle les professeurs se soumettront aux règles de la méthode expérimentale.

Comme par le passé, la Revue de l'Hypnotisme, qui atteint la vingtième année de son existence, continuera à publier un certain nombre de leçons et de conférences. La Bibliothèque de l'Ecole de psychologie, étendant au grand public la vulgarisation de l'enseignement psychologique, permettra déjuger la valeur et l'utilité d'une institution due à l'initiative d'hommes absolument indépendants.

La Bibliothèque de l'Ecole de psychologie, conçue et poursuivie dans un esprit novateur, n'éditera que des ouvrages inspirés par des vues personnelles et présentant un caractère do réelle originalité. La condition de l'évolution des sciences réside dans l'obligation, pour chaque chercheur, de faire couvre Individuelle et d'apporter, à l'édifice toujours inachevé des connaissances humaines, une pierre qui ne soit pas empruntée à la maison du voisin. Chacun des professeurs ou des collaborateurs de l'Ecole de psychologie saura faire sien le conseil si éloquemment formulé par Claude Bernard : a II faut briser les entraves des systèmes philosophiques, comme on briserait les chaînes d'un esclavage intellectuel. » Définitivement entrée dans la voie expérimentale, la psychologie est devenue une science positive. Chaque jour voit s'élargir le domaine de ses applications pratiques. La Bibliothèque de l'Ecole de psychologie contribuera certainement à démontrer qu'à côté de la physiologie, qui est la science de la vie, la psychologie doit t'-tre, en dernière analyse, la science de la raison et de la volonté.

Les volumes non illustrés sont publiés dans le format in-18 Jésus.

Les volumes illustrés comprenant de nombreuses figures documentaires sont publiés dans le format in-8°.

L'éditeur Dujarric a bien voulu consacrer tous ses soins ù l'édition de cette bibliothèque. Le premier volume, qui reproduit l'enseignement donné l'année dernière à l'Ecole de psychologie par notre collaborateur M. le Dr Binet-Sanglé, vient de paraître sous le titre : Les Prophètes Juifs (des origines à Elie) élude de psychologie morbide (1), D'autres volumes sont sous presse ; nous ne tarderons pas à les indiquer à nos lecteurs.

* *

Il y a quelques années, quelques praticiens de Paris eurent l'excellente (1} Un vol. in-12, 325 pages, 3 fr. 50. Dujarric, éditeur, 50, rue des Saints-Pères.

idée de grouper, sous le nom de Société de Pathologie comparée, un nombre égal de médecins et de médecins-vétérinaires. En effet, depuis qu'il a été démontré par d'illustres savants, au premier rang desquels 11 faut placer Pasteur et Henry Bouley, que les maladies contagieuses sont communes à l'homme et aux animaux, la médecine humaine et la médecine vétérinaire n'ont plus de raison de rester séparées.

La Société de pathologie comparée, placée sous la présidence d'honneur du professeur Chauveau, de l'Institut, compte au nombre de ses membres un grand nombre d'hommes émlnents, parmi lesquels nous citerons MM. les D" Huchard, Lannelongue, Raymond, Albert Robin, Blanchard, Saint-Yves-Ménard, de l'Académie de médecine, MM. les professeurs Arlolng, Cadlot, Baron, des Ecoles vétérinaires, les professeurs agrégés Launofs, Letulle, les D« Jules Voisin, Paul Magnln, Savoire, Siffre, Salnt-Céne, Doyen, etc., les médecins-vétérinaires Grollet, Lépinay, DassonvIIIe (de l'Institut Pasteur), Schrader, Fayet, Brocq-Rousseu, Petit, Cuénier, etc.. etc.

La séance annuelle de la Société aura lieu le mardi 12 décembre, 40, rue St-André des Arts, à 4 h. 1/2, sous la présidence du D' Bérillon, président de la Société. D'Intéressantes communications y seront faites par MM. les professeurs Charrin et Gréhant. M. Charrin y traitera l'importante question des véritables et des fausses hérédités. Une place est également réservée, dans la Société, aux questions de Psychologie comparée. Un banquet suivra la réunion annuelle ; Il aura lieu sous la présidence de M. Ruau, ministre de l'Agriculture. Les séances de la Société de pathologie sont publiques.

Les médecins, les vétérinaires et les étudiants sont invités à y assister.

La séance d'ouverture des cours de l'Ecole de psychologie pour l'année 1996, aura Heu sous la présidence de M. le Dr Huchard, membre de l'Académie de médecine, et de M. le Dr Brousse, président du Conseil municipal de Paris, assistés de M. le Dr Bérillon, professeur à, l'Ecole de psychologie, le mercredi 10 janvier, à 5 heures.

La leçon d'ouverture sera faite par M. le Dr Paul Magnln. Elle aura pour sujet : La Psychothérapie.

A cette occasion, voulant honorer la mémoire du regretté docteur Liébeault, qui peut être considéré comme le créateur de la psychothérapie, l'Ecole de psychologie inaugurera un magnifique buste en bronze de Liébeault, ceuvrc du statuaire Maillols. Cette cérémonie aura lieu avec solennité. Les amis et les' élèves du Dr Liébeault sont invités à y assister et à collaborer à l'hommage qui sera rendu à la mémoire de ce grand psychologue et de cet homme de bien.

Les grands exorcismes du XIXe siècle

par M. le D' WiTry, de Trêves.

I. L'exorcisme de Luxembourg (1).—Il fut pratiqué en mai 1842 par Mgr Laurent, évêque de Luxembourg. L'obsédée était une jeune Lorraine, Catherine Pfefferkorn, née à Villers. Ce fut à l'âge de seize ans, qu'elle

(1) Le récit détaillé de l'exorcisme se trouve dans la « Biographie de Mgr Laurent » par la comtesse L., en religion sœur Gertrude. L'auteur, qui connaissait la plupart des acteurs, m'a fourni sur le cas de Catherine Pfefferkorn nombre de remarques personnelles.

fut possédée. Voici dans quelles circonstances : elle était servante dans une maison bourgeoise. Des mendiants étaient venus demander l'aumône. Elle les repoussa. En s'éloignant, ceux-ci, mécontents de la réception, l'apostrophèrent, lui disant : « Que le diable t'emporte ! » Il lui sembla qu'un essaim d'insectes lui pénétrait par la bouche et par le nez et s'introduisait dans sa gorge. Immédiatement la maladie se manifesta par des contractures dans les muscles du visage. Elle les conserva pendant quelques années. Puis un jour, elle tomba dans des attaques convulsives qui l'obligèrent à quitter le service. Bientôt sa surexcitation et son agitation augmentèrent, à un tel point qu'on t'entendait pousser des cris horribles. Dans ses attaques elle se frappait continuellement les seins et la figure avec ses poings et développait dans ses mouvements une telle force, que six hommes ne pouvaient la maintenir. Entre temps elle parlait le latin et reprochait quelquefois leurs péchés à ceux qu'une curiosité intempestive attirait autour d'elle. On la fit admettre à l'hôpital du Bon-Secours à Metz : elle y resta quatre mois sans qu'on vit survenir aucune amélioration. Puis elle fut internée à l'asile de Maréville-lez-Nancy. Elle y fut gardée pendant quelques mois. Etant devenue plus calme, on la renvoya chez ses parents. Elle ne tarda pas à y avoir de nouvelles obsessions. On la reconduisit à l'hôpital de Metz, et là, les Jésuites Simon et Chable s'efforcèrent pendant sept mois de la guérir avec des exorcismes et des prières. Une commission de médecins messins, chargée de l'examiner, la déclarèrent atteinte de démonomanie. Pendant que les Pères priaient à son intention, son visage grimaçait horriblement. La langue pendait démesurément de la bouche, les yeux avaient un aspect effrayant, elle imitait les cris de différents animaux. La présence des prêtres, d'une croix, d'une image de la Vierge, d'un rosaire ou d'un reliquaire la plongeait dans une rage inouïe. A la fin la malade criait toujours : « Ça ne sert à rien. Il faut qu'il vienne un homme avec une haute coiffure pour me délivrer. » Alors on lui conseilla d'aller voir l'évêque Laurent. Notons aussi qu'elle sut traduire des questions posées en latin et y répondre même plusieurs fois en latin. Elle se disait torturée par treize diables et les nommait tous par leurs noms.

Catherine Pfefferkorn avait déjà fait en 1833 un pèlerinage à Luxembourg, mais sans succès. Pour la seconde fois elle se présenta, lors de l'octave de N.-D. de Luxembourg, devant l'évêque. Mgr Laurent qui l'exorcisa lui-même, raconte ainsi cette scène : a Elle se leva comme une flèche, s'élança vers moi et me montra une figure diabolique que je n'oublierai jamais. Elle poussa des hurlements comme un lion. Je fis le signe de la croix. Elle tomba à terre et s'y roula dans des convulsions atroces, me regardant toujours avec la même expression. Je fis venir mes trois vicaires et nous commençâmes les exorcismes. Elle fut projetée d'un coin de la chambre dans un autre en entraînant avec elles les trois hommes, qui étaient cependant de solides gaillards. Les convulsions et les mugissements continuèrent encore

deux heures après jusqu'à ce que les litanies de N.-D. ayant commencé on la vit se calmer peu à peu. »

C'était un mardi. Le grand exorcisme devait avoir lieu à cinq heures de l'après-midi. La malade toute la semaine se plaignit de « douleurs brûlantes dans tous les organes. » Le jour du grand exorcisme l'évoque n'y put aller qu'à huit heures du soir. Voici le récit qu'il en a fait :

n En me rendant à la cathédrale, j'entendis de loin les cris sataniques de la possédée et la prière des prêtres. Satan avait projeté la pauvre Clle, les jambes tendues, par dessus le banc de communion du chœur de l'église dans la nef, sans lui faire aucun mal. On lui lia les mains avec l'étole et on l'entraîna de cette façon de nouveau devant l'autel. Elle avait crié et hurlé pendant trois heures, tantôt comme un loup, tantôt comme un oiseau. J'ordonnai à Satan de se taire et de ne répondre qu'à mes questions. Je mis alors l'étole sur la tête de la possédée et il obéit. En continuant l'exorcisme, je frappai le démon avec d'autant plus de force, qu'il se tordait et se roulait plus violemment. Il répondait sur mes questions que la malade devait expier les péchés d'autrui et sur mes exorcismes pressants il consentit enfin à sortir de la possédée, le lendemain,à neuf heures du soir. Entre temps il se tordait et proférait des blasphèmes, en désignant Notre-Seigneur Jésus-Christ par ces mots : « ce juif qui a dû avaler du vinaigre et du fiel. » Il menaçait la malade, mais je la fis passer la nuit enveloppée dans l'étole. Je travaillai ainsi encore pendant deux heures. Satan me menaça aussi, mais je dis à la possédée : « Allez en paix ! » Et, de ce moment, Satan se retira d'elle. Elle tomba toute épuisée sur une chaise et sur son visage nous vîmes apparaître une figure d'ange pleine de pitié et de résignation, »

L'évèque raconte alors comment le démon lui fit passer une nuit épouvantable. Le lendemain à six heures du soir la possession reprenait de plus belle.

« Les hurlements, les grincements de dents, les accès de rage recommencèrent. La malade, qui la veille n'avait pas encore pu prononcer toutes les paroles sacrées, le put aujourd'hui. Satan fut forcé aussi de dire son nom. Il ressemblait à « Erroro ». Quant à son nombre des diables, il déclara qu'ils étaient dix au commencement, mais qu'ils étaient entrés plus tard comme des moucherons- De fait, hier les différents exorcismes avaient été suivis de beaucoup d'éructations. Je croîs qu'alors déjà beaucoup de démons s'échappèrent de son corps. Je lui commandai de se lever, de s'asseoir. Il obéit en montrant la langue, en grinçant des dents, en donnant des coups de pied et en se moquant des prêtres. Je lui avais passé l'étole autour du cou, Satan faisait des grimaces horribles et nous traina tous d'un côté du chœur dans l'autre. Entre temps la sœur de la possédée, une fille pieuse et simple d'esprit, vit sur les dalles du chœur une grande araignée qui s'était échappée de la malade. Nous redoublions nos prières. L'Angélus sonna. Je sommai Satan de sortir de la possédée « in abyssum, sine ullo strepitu, nocu-

mento aut vestigio sui. d Après l'Angélus la malade dit : « Il faut encore prier trois : Gloire au Père, etc. » Alors je lui demandai : « Croyez-vous être délivrée du diable ! o Elle répondit : « Oui Monseigneur ! »

Nous chantâmes le Te Deum. Elle était rentrée dans la paix et dans le calme, monta à l'autel et, les bras étendus, les cheveux dénoués, elle pria à haute voix. »

La guérison ne fut pas complète. « Elle eut encore de petites crises. Plus tard, elle alla voir la Sainte Robe de Notre Seigneur à Trêves. Elle y fut présentée aux évoques de Trêves, Spire et Osnabrück, mais elle eut une crise telle, que les trois évoques se sauvèrent. » « Trois jours avant sa mort elle eut une forte attaque avec des convulsions terribles, cependant la crise ne dura pas longtemps. »

*

Comment ne pas reconnaître la grande attaque d'hystérie dans les descriptions de Mgr Laurent.

Il nous montre d'abord l'aura hystérique se manifestant par «des douleurs brûlantes (ovariennes, etc.), dans les divers organes... »

Il nous présente ensuite la malade dans la période épileptoïde avec ses convulsions : la face est menaçante, les yeux convulsés.

Enfin, dans la période de clownisme, nous voyons apparaître les grands mouvements qui s'exécutent avec une violence épouvantable; elle se frappe violemment, pousse des cris sauvages et des hurlements de bête fauve ; elle se conduit comme une forcenée et développe dans sa rage des forces musculaires décuplées.

Après la période clownique, nous voyons apparaître celle des attitudes passionnelles avec sa mimique expressive et ses extases.

L'attaque terminée, elle revient à elle-même absolument courbaturée et brisée de fatigue.

Les différentes périodes de l'attaque d'hystérie s'entremêlent dans le rapport de Mgr Laurent. Il n'y a rien d'étonnant à cela, puisqu'il a fallu tout le génie de Charcot pour substituer dans l'étude de l'hystérie convulsiva, la lumière et la méthode, là où n'existaient que la confusion et le chaos. Les connaissances de la malade en langue latine, seraient d'une explication plus difficile. Mais le curé B. Heyne (') nous donne sur ce point des renseignements utiles. En réalité, il les trouve très minimes et les explique par les questions posées par nombre de prêtres dans les exorcismes précédents. Ces ecclésiastiques prononçaient toujours les mêmes mots de latin. En particulier, ils répétaient constamment des phrases stéréotypées telles que : In nomine palris... Va.de rétro sat&nasi etc. Ii n'y a rien d'étonnant à ce que la malade en ait retenu quelques-unes. A l'asile de Maréville, la malade était calme. C'est que les médecins ne s'intéressaient pas outre mesure à ses crises. De plus, elle avait

(1) B. Hey.ne : La démonomanie. Schoemngh, Paderborn. Avec approbation du vicarial général épiscopal.

envie de quitter l'asile, où règne toujours une certaine discipline. Maïs dans la cathédrale épiscopale de Luxembourg, la crise était en quelque sorte encouragée par la curiosité publique et par l'intérêt qu'y accordaient les prêtres. La malade était, en quelque sorte, placée sur une scène théâtrale et l'occasion de jouer un râle était trop tentante pour qu'une dévote exaltée pût résister au besoin de faire parler d'elle et de se couvrir de gloire. L'hystérie, comme on le sait, aime les mises en scène et la cathédrale, avec ses pompes religieuses, lui en fournissait de très somptueuses.

La contagion psychique s'y exerçait même avec une grande intensité. A certains instants elle gagna tous les spectateurs, même l'évèque et ses grands vicaires. La sœur de la malade y présenta une hallucination de la vue, lui faisant croire qu'elle voyait distinctement l'araignée qui venait de sortir de la bouche de la possédée.

La contagion psychique peut seule expliquer, qu'un homme intelligent, comme Mgr Laurent, ait pu se prêter ions fide à jouer un rôle actif dans cette comédie. Il perdit en effet son sang-froid au point de frapper une malade à grands coups de verges bénites, même à un moment donné, dans une sorte de rage impuissante, on le vit s'efforcer de faire taire le diable en étranglant la possédée avec son étole.

Il est bien dommage que Félicien Rops, le peintre de Satan, et Huys-mans, l'auteur de Là-Bas, n'aient pas assisté à ces scènes extravagantes. Leur verve sarcastique y eut trouvé un aliment précieux. Pour nous médecins, c'est avec un esprit moins ironiste qu'il convient d'étudier ces scènes attribuées par des esprits mystiques à l'intervention des démons. Nous les envisageons comme les manifestations de maladies morales qu'il convient de guérir au même titre que les maladies du corps. En exhumant ces souvenirs d'un temps peu éloigné de nous, nous voulons apporter notre contribution à l'œuvre entreprise par les professeurs de l'Ecole de psychologie. Nous serons heureux si, dans notre documentation, se trouvaient des faits utiles pour l'enseignement si nécessaire auquel ils se consacrent. (à suivre).

Les Femmes à barbe : Étude psychologique et sociologique [suite)(*).

Par M. le Dr Bérillon Professeur à l'Ecole de Psychologie

Les femmes à barbe dans la religion. — Les idoles juives. — Astarté. — M"' Val-hen, de Trêves. — La maternité chez les femmes à barbe. — Mme Hudjon. — Une Hongroise barbue. — Une femme à barbe féconde. — Mme Lestienne.

Dans toutes les religions, les dogmes ne gardent pas longtemps leur pureté primitive. Ils sont rapidement altérés par des pratiques ido-làtriques. Déjà, chez les Juifs, le prophète Jcrémie se lamentait à l'idée de voir ses coreligionnaires se prosterner devant des fétiches em-

(I) Voyez Revue de l'Hypnotisme, numéro de juin 1004 et suivants.

pruntés aux Phéniciens. S'exprimant au nom du Seigneur, il s'écriait : « Ils ont mis des idoles dans la maison où mon nom était invoqué, afin de la souiller. Ils ont élevé des autels à Baal pour initier et consacrer leurs fils aux idoles et aux démons. » (Jérémie, XXXXII, 31, 35). Baal et Astarté furent les dieux que trouvèrent les Juifs à leur arrivée dans le pays de Chanaan. Ils se laissèrent convertir assez facilement à cette nouvelle religion. « Ils suivirent les dieux étrangers, dit le Livre des Juges, les dieux des peuples qui habitent autour d'eux; et ils excitèrent la colère de Dieu, le délaissant et adorant Baal et Astarté. »

L'adoration de ces deux divinités était simultanée. Tandis que Baal figurait la plus puissante divinité masculine des Tyriens. des Carlha-

Fig. 98. — Idole Juive. Astar é. (Expose ca ISO/1 au musée Guimel, j«r M. Duiisliello).

ginois et des Syriens, Astarté était leur plus haute divinité féminine. Le culte de cette déesse, célébré dans certaines circonstances avec des rites voluptueux, avait porté un certain nombre d'auteurs grecs et romains à l'assimiler à Vénus. « La quatrième Vénus, dit Cicerón, conçue à Tyr et en Syrie, qui est nommée Astarté et qu'on dit s'être unie à Adonis. » Eusèbe exprime la même opinion. * Les Phéniciens disent qu'Astarté est Aphrodite ».

Or, Baal et Astarté étaient tellement considérés comme inséparables qu'ils en arrivaient à se confondre et à s'identifier. La tendance de Baal à se rapprocher d'Astarté était telle que dans certaines représentations, il revêtait un caractère presque féminin, tandis que de son côlé, Astarlé, comme on l'a constaté chez l'Aphrodite de Chypre et la Venus baroafa, était parée de quelques attributs masculins.

Il n'y a rien d'étonnant à ce que les idoles phéniciennes, dont le culte s'accompagnait de rites d'une moralité quelque peu relâchée, aient conquis les suffrages d'un certain nombre de Juifs. C'est ce qui arriva à un homme de la montagne d'Ephraïm, Michas, dont le Livre des Juges nous

raconte longuement l'histoire. {Chap. XVII et chap. XVIII). Michas ayant reçu de sa mère deux idoles, l'une sculptée et l'autre coulée en fonte, leur éleva un petit temple, et il n'eut pas de peine à décider un jeune lévite, moyennant une rétribution de dix pièces d'argent, à en devenir le prêtre. Il se croyait à l'abri de tout reproche, ayant chez lui un prêtre de la race de Lévi ; mais six cents hommes de la tribu de Dan, ayant envahi le pays, enlevèrent le prêtre et l'idole de Michas. .D'autres commentateurs ont trouvé, pour ces compromissions religieuses, des interprétations différentes. Ils prétendent, en particulier, que si les Juifs s'étaient mis à adorer les dieux des pays où ils se trouvaient, ce n'était que dans le but de se concilier à la fois les bonnes grâces de ces dieux et celles de leurs adorateurs, sans cependant abandonner la religion de leurs pères.

Fig. 99.— Camée romain, représentant Astarté.

. Dans tous les cas, personne ne pouvait se faire une opinion de la physionomie des idoles adorées par les Juifs, lorsque M. Durighello découvrit à Dan, l'ancienne Lais de la Bible, desstatuettes en bronze d'un travail fort curieux. Pour lui, ce sont incontestablement des exemplaires des idoles juives dont parle la Bible et que les archéologues, malgré des recherches persistantes, n'étaient jamais parvenus à trouver.

Parmi elles, à côté d'images de Baal, se trouve une statuette d'Astarté, dont nous donnons ci-joint la représentation de face, de profil et de dos. Cette statuette est curieuse à plus d'un titre. Son type sémite pur indique bien son origine. Conçue en un style archaïque, elle se distingue par des détails tout à fait intéressants dont on peut tirer des déductions précises. Les cheveux sont nattés, comme il étuit d'usage à ces époques reculées. La tête supporte une sorte de couronne. Elle a les bras croisés sur la poitrine, attitude d'humilité et de résignation. Son menton se termine par une pointe accentuée qui dessine nettement une barbe. (Pig. 98.)

Cette barbe n'a rien qui doive nous surprendre. En effet, à Carthage, (1) Ces statuettes ont été exposées en 1902, au Musée Gui met.

Didon-Astarté était représentée avec la barbe de Mclquart (•) et on sait, ajoute le dictionnaire des antiquités de Saglio, que le Dieu fils, l'Adonis Carthaginois, Dol, est androgyne.

Lorsque les Grecs furent tentés d'assimiler le Dieu Baal avec Jupiter ou avec le Soleil, ils ne manquèrent pas d'identifier sa compagne Astarté avec Junon ou avec la Lune. Aussi, en Grèce, la Lune fut souvent adorée sous le nom d'Astarté. C'est ce que nous apprend le grand

Fig. 100. — Mlle y «Iben, femme à barbe, igte de 65 ans. 1901.

philosophe Lucien. Il en fut de même chez les Romains, ainsi que semblerait en témoigner un camée ancien sur lequel la Lune est figurée sous le nom d'Astarté, ayant la partie inférieure du visage recouvert d'une barbe symbolique en forme de croissant. (Fig. 99.)

Dans une étud'e récente sur la Venus i;, '¦ nous indiquions que cette divinité, à Rome, ne fut pas seulement l'objet d'un culte public, mafs qu'elle avait pris place parmi les dieux domestiques. A l'appui de cette affirmation, nous pouvions, grâce à la bienveillante indication de

(1) Muhteh: Religion der Karthage. Guette archéologique, 187C, p. 128, (cité par le Dictionnaire des antiquités de Daremberg et Saglio.)

M. le professeur Léon Heuzey, publier la figure de deux divinités tuté-Iaires, dont l'une représentait une jeune femme barbue et l'autre une jeune femme au visage normal. Ce sont des dieux Lares. A ce sujet, nous émettions l'opinion que l'artiste avait pu dans sa conception, s'inspirer de l'existence de deux sœurs jumellesdont l'une serait barbue.

Bien entendu, notre supposition ne pouvait prêter qu'à rire. Nous sommes même convaincu que certains esprits sceptiques ne s'en sont pas privés. N'est-ce pas le comble de l'imagination qu'admettre qu'un artiste ait pu rencontrer deux sœurs dont l'une soit barbue et l'autre pas.

Flg. lui. Mme Hudjon, femme a barbe âgée, de 3ô ans. 190t. D' Ulrschfeld).

Une photographie que nous devons à l'amabilité de M. le Dr Witry, de Trêves, est venue démontrer que le fait, si invraisemblable qu'il soit, peut se rencontrer. L'une des deux sœurs, Mlle Valhen, celle qui est baibue, y est représentée à l'âge de soixante-cinq ans. Elle est née dans la Prusse Rhénane et réside actuellement dans le « Laudarmenhaus » de Trèves-sur-MoselIe. Elle a, jusqu'à la ménopause, toujours été très bien réglée. La barbe était complète à vingt-trois ans. Elle est extrêmement frisée. Tandis que ses cheveux sont devenus d'une blancheur de neige, la barbe est restée d'un noir de jais (fîg. 100). Mlle Valhen est douée d'une excellente santé. Son seul défaut est de bégayer fortement. Très accorte, très aimable et très gaie, elle aime beaucoup à parler avec les médecins et les personnes du sexe masculin. Ses goûts sont essentiellement féminins, ainsi qu'en témoignent le bouquet de fleurs qu'elle

. tient à la main et le timbre de sa voix qui est celui d'une femme. Elle apporte ainsi une contribution de plus à la démonstration que les femmes à barbe n'ont rien qui doive les faire assimiler à des viragos.

¦

• •

Un certain nombre d'auteurs, malgré les démonstrations les plus évidentes, se montrent encore sceptiques à l'égard de l'existence des femmes à barbe. Ils ne seraient pas éloignés de dire que la plupart des-, femmes a barbe ne sont que des individus mâles, doués d'une confor-

Fig. 102- Mme K..., femme a barhe, âgée de 40 ans. 19M. (D' Hirtchfeldj.

mation sexuelle défectueuse et dont le véritable sexe a été méconnu.

C'est pour répondre à cette objection que nous n'avons accepté dans notre étude que des observations concernant des femmes à barbe dont le sexe a été déterminé par un examen médical. Dans ce nombre figurent également celles qui ont donné le jour à des enfants. La première démonstration de la réalité du sexe féminin, consiste assurément dans la maternité. Nous consacrerons donc la fin de cette étude à la présentation de femmes à barbe qui ont eu des enfants. Les physionomies documentaires qui nous restent àpublier présentent le plus grandintérôt, les unes par l'originalité de leur type, les autres par le caractère artistique du document.

En raison de leur importance, il ne nous a pas paru possible de les

omettre. Ils nous aideront d'ailleurs à tirer de notre étude les conclusions psychologiques et sociales qui paraîtront dans notre prochain numéro.

» •

Mme Hudjon est née dans la province de Posen. Elle réside à Berlin depuis longtemps. Son portrait la représente à l'âge de trente-cinq ans (fig. 101). Elle est la femme d'un patron d'hôtel meublé. Elle a donné naissance à une fille, aujourd'hui âgée de treize ans, dont la santé et la conformation sont parfaites. Son système pileux est extrêmement développé. Non seulement une barbe complète, d'un brun foncé, orne ses joues et son menton, encadrant complètement son visage mais ses moustaches sont bien dessinées. Ses sourcils sont épais et sa chevelure est extrêmement fournie.

Elle nes'est jamais fait raser. Ses seins développés font mentir le préjugé populaire qui n'octroie aux femmes à barbe qu'une poitrine plate.

Ses goûts sont ceux d'une femme. Elle se livre constamment aux soins du ménage. L'apparition de la barbe ne lui causa aucun ennui et elle l'accepta avec beaucoup de philosophie. C'est avec une réelle bonne humeur qu'elle raconta au Dr Hirschfeld, de Char lotte mbourg, de qui nous tenons ces renseignements, l'effarement de la sage-femme appelée pour la délivrer de son enfant. Cette pauvre matrone n'en revenait pas : «Ce n'est pas une femme que vous me demandez d'accoucher, disait-elle, c'est un homme. ¦ Il lui fallut bien se rendre à l'évidence.

Mme Hudjon a beaucoup d'affection pour son conjoint. Elle n'a jamais eu de sympathie pour les personnes de son propre sexe. Elle avait une voix très douce ; mais des habitudes d'intempérance en ont modifié letimbre et maintenant la voix est devenue quelque peu rauque.

Mme K... est née à Budapest (Hongrie). Elle est âgée de 40 ans. Elle s'est mariée il y a une dizaine d'années et est devenue mère d'un petit garçon actuellement âgé de huit ans. Cet enfant est très bien portant.

Elle n'a laissé croître sa barbe qu'après la naissance de son enfant, et elle assure que ce n'est qu'après l'accouchement que cette barbe a pris le développement que nous constatons sur son portrait (fig. 102). Cette barbe forme un collier complet qui enveloppe tout le visage. La lèvre supérieure est dégarnie, mais il n'est pas bien sûr que Mme K... n'ait pas recours au rasoir. M. le i \r Hirschfeld suppose que, grâce à la finesse de sa barbe, elle a pu, en la rasant, en dissimuler l'existence à son époux et qu'elle a pris prétexte de la naissance de l'enfant pour la laisser croître définitivement.

Les cheveux sont abondants et très fins et Mme K... se coifTe avec beaucoup de goût. Les seins sont bien développés. Son allure générale est celle-d'une femme. Sa physionomie est empreinte d'une grande douceur. Elle a de fort jolis yeux. D'ailleurs l'élégance de sa toilette, les bijoux qu'elle porte, témoignent assez de ses goûts féminins et d'une coquetterie fort légitime chez une personne de son sexe.

* .

J'ai connu personnellement Mme D.... Elle est morte récemment à l'âge de 66 ans. Elle m'avait permis de prendre sa photographie. Restée veuve d'assez bonne heure, elle a dirigé avec beaucoup d'intelligence une maison de commerce importante. Sa barbe a fait l'admiration d'un grand nombre de Parisiens qui ont fréquenté sa maison. (Fig. 103.J

Elle n'éprouvait aucune gêne à porter sa barbe, qu'elle avait vu apparaître vers l'âge de dix-huit ans. De temps en temps elle l'élaguait avec des ciseaux. Mme D... s'est montrée particulièrement féconde. Elle n'a

Fig. 103. Mme D., femme à barbe, àjfOe de Mus. ISS».

pas eu moins de cinq grossesses, démontrant par là que la barbe ne doit pas être, chez une femme considérée comme un signe de stérilité.

Trois de ses enfants survivent : deux fils et une fille. Elle les a élevés avec beaucoup de soin, se montrant tout à fait à la hauteur de sa tâche maternelle.

Douée d'un caractère excellent, sa physionomie ouverte et franche inspirait à la fois le respect et la sympathie.

Toujours mise avec élégance, elle avait la démarche féminine et tous les goûts d'une femme.

*

Mme Destienne est bien connue des habitants de la région du Nord; née à Festubert, arrondissement de Déthune (Pas-de-Calais), elle est âgée de soixante-cinq ans.

Elle parcourt les foires de la région, se livrant à un fructueux commerce de pain d'épice. Sa barbe est assurément pour beaucoup dans son succès. Attirés par le spectacle peu commun d'une femme à barbe, les curieux s'approchent de sa boutique. Là, engagés par les manières avenantes de la marchande, ils se livrent à de sérieuses emplettes. Quand cela leur fait plaisir, elle leur donne son portrait.

C'est vers l'âge de dix-huit ans qu'elle vit apparaître d'indiscrets poils follets auxquels elle faisait une guerre acharnée. Bientôt, ils envahirent la lèvre supérieure et le menton. Pendant quarante ans, elle combattit

Fig. 101. Mme Lcslienne. femme à barbe. agée de GO ans. 1000.

ces signes visibles d'une fausse virilité, rasant, émondant, épilant. Tous ses efforts demeurèrent inutiles. Enfin, il y a quelques années, elle s'avoua vaincue. Depuis, son visage est orné d'une belle barbe et elle regrette vivement n'avoir pas pris plus tôt cette décision. Elle est obligée de reconnaître que la liberté laissée à la barbe a été le point de départ d'une excellente santé, dont elle n'a cessé d'être douée depuis ce moment. Cette correspondance de la santé avec le port de la barbe a été fréquemment signalée chez les femmes à barbe. Quand elles tourmentent leur système pileux, elles éprouvent des malaises divers et des troubles nerveux qui ne cessent que lorsqu'elles se décident à le laisser croître librement. (Fig. 104).

Sa mère et sa sceur étaient également agrémentées d'un système pileux assez développé. Mme Lestienne a donné le jour à deux fils auxquels elle a fait donner une excellente éducation.

Ses goûts l'ont toujours portée aux travaux de son sexe. Elle a toujours fait preuve d'une coquetterie de bon aloi, réunissant en elle toutes les qualités de la femme et de la mère de famille.

(à suivre).

PHYSIO-PSYClfOLOGIE DES RELIGIEUSES

Les religieuses de Port-Royal.

[Neuvième série de 5 observations). Par le Dr Bixet-Sanglé, Professeur à l'Ecole de psychologie. (suite) (1)

Erard de Montmorency-Beauseault, vivant en 1303, épousa Jeanne de Longueval.

it Unpeiil. Jeanne de Longueval descendait dUnloine de Longueuaf.

Celui-ci se croisa en 1190 et suivit Philippe-Auguste et Richard Cceur-dc-Lion en Terre-Sainte, où il mourut. Il avait un frère, Siger de Longueval, qui signa une charte expédiée en 1197 en faveur de l'abbaye de Clairvaux. Antoine engendra Jean de Longueval,

Jean de Longuev&l, avoué de Térouane, fut de ceux qui attestèrent a Gauthier, archevêque de Rouen, le prétendu miracle arrivé en 1192 par l'intercession de Sainte Madeleine de Vernon-sur-Seïne. Il fit du bien à l'abbaye d'Ouchain en 1202.

Son fils Aubert, vivant en 1223 et 1250, suivit Louis IX en Terre-Sainte en 1250, et eut trois garçons; Guillaume, Aubert et Baudouin qui se croisèrent en même temps que lui. Baudouin accompagna de plus Louis IX en Afrique, et mourut sans hoirs.

GuîHaume, mort en 1253, eut une fille et deux garçons, dont Hubert.

.Au6er* de Longueval, vivant en 1283. mort en 1286, épousa Anne de ¦ Meullent.

k Mtilleil. -4n?te de Meullent descendait de Valeran de Beaumont-Meullent qui d'Agnès de Montfort eut entre autres enfants AmauTy de Meullent-Gournay.

Celui-ci fonda en 1235 l'abbaye de Fontaine-Guérard au diocèse de Rouen pour des religieux de l'ordre de Citcaux.

Il eut six garçons et deux filles, parmi lesquels : Amaury, vivant en 1236 et 1295, qui accompagna Louis IX à son premier voyage de Terre-Sainte ; Henry, qui rendit aveu de sa terre de Bagnolet à l'abbé de Saint-Maur-des-Fossés en 1273, Guy, qui en 1230 donna de grands biens à l'abbaye de la Croix-Satnt-Leuffroy pour le repos de l'âme de Guillaume son frère, et Anne de Meullent-Gournay. u Laperai. -4u6erl de Longueval et Anne de AfeuJfenf-Gournay eurent un garçon et deux filles, dont Jeanne de Longueval. i MaBtamof]. Erard de Montmorency-Beauseault et Jeanne de Longueval eurent trois filles, dont Agnès de Montmorency-Beauseault.

fi* Philippe d'Aunoy et Agnès de Montmorency-Beauseault eurent trois garçons, dont Philippe d'Aunoy IL

Philippe d'AunoyII, vivant en 1356, mort avant 1392, fut enterré avec sa femme dans l'église du prieuré de Moucy-le-Xeuf, où ils avaient fondé une chapelle en 1372. Ils eurent une fille et deux garçons, dont Roôerf.

Celui-ci, vivant en 1367, mort le 21 novembre 1414, fui enterré dans l'église de l'abbaye du Val, et engendra Charles d'Aunoy.

Charles, mort avant 1427, épousa en 1403 Jacqueline, fille de Philibert de Paitlart et de Jeanne de Dormans.

Jeanne de Dormans descendait du champenois Jean de Dormans.

Celui-ci obtint en août 1353 le pouvoir d'acquérir soixante livres pari-sis en fonds de terre pour être tenues par personnes ecclésiastiques. 11 eut trois filles et quatre garçons, dont Jean et Guillaume.

Jean de Dormans, vivant en 1357, fut archidiacre de Brie en l'église de Soissons, puis nommé évéque de Beauvais en 1360. Le 23 septembre 1368. le pape Guillaume de Grimoard (Urbain V) le nomma cardinal du titre des Saints Couronnés. Le 3 décembre de la même année, il baptisa le fils aîné du roi Charles de Valois (Charles VI). Enfin le pape Pierre Roger (Grégoire XI) le nomma légat d'Angleterre. Il porta en cérémonie, dans l'église des Jacobins de Paris, le bras de Saint Thomas d'Aquin. II choisit par testament sa sépulture dans le prieuré de X.-D. de Vaulvert, desservi par des religieux de l'ordre de Saint Bruno, auquel il portait une affection particulière, et « pour lequel il avait une singulière dévotion {') ». Il voulut être inhumé devant le grand autel en un tombeau élevé d'un demi-pied au-dessus de terre, aOn qu'on pût s'y agenouiller. II donna aux Chartreux de Paris cinq cents écus pour être convertis en revenus affectés à leurs vêtements, et trente livres amorties de rente pour la nourriture d'un religieux qui devait prier Dieu pour le salut de son âme. Il donna à l'église St-Pierre de Beauvais les dimes qu'il avait acquises de Raoul de Saints, et fit du bien à l'église de Soissons.

GuiMaume de Dormans, vivant en 1349, mort le 11 juillet 1373, enterré dans le cheeur de l'église des Chartreux, eut cinq garçons et deux filles, dont :

Jean, chanoine de Paris, de Chartres et de Beauvais, mort le 2 novembre 1386, à vingt ans, enterré dans la chapelle du collège de Dormans, à Paris, Bernard, vivant en 1370 et 13S1, marié et sans enfants, Re-gnault, archidiacre de Châlons, chanoine de Paris, de Chartres et de Soissons, mort en mai 1386, enterré dans la chapelle du collège de Dormans, Miles, archidiacre de Meaux, chanoine et prévôt de l'église de Reims, chanoine de Saint-Quentin en 1369, évéque d'Angers en 1371, de Bayonne en 1373, de Beauvais en 1375, mort le 17 avril 1387, et enterré dans la chapelle du collège de Dormans, qu'il avait fait bâtir, et où il

(1) Duchesse : Histoire des chanceliers et des cardinaux français. 1, p. G04.

avait fondé, pour la desservir, quatre postes de chapelains boursiers. Guillaume, évéque de Meaux, archevêque de Sens en 1390, mort le 2 octobre 1405, enterré dans la chapelle du collège de Dormans, et Jeanne de Dormans, qui testa en 1407, et élut sa sépulture en la chapelle de ce même collège. d'Anti Charles d'Aunoi et Jeanne de Dormans avaient deux tilles et un garçon, Jean.

Jean d'Aunoi, vivant en 1426, mort le 8 novembre 1489, et enterre* dans l'église du collège de Beauvais à Paris, épousa Isabeau de Ftouvroi. de Etoimi Isabeau de Rouvroi descendait de Mat'nie a de Rouerai I.

Mathieu de Rouvroi I, dit le Borgne, mort en 1370, épousa en 1332 Marguerite de Saint-Simon, it Siiil-Siati Marguerite de Saint-Simon descendait de Eudo de Vermandois dit l'Insensé (voir plus haut), qui, marié à une Saint-Simon, engendra Eudo de Vermandois-Saint-Simon IL

Celui-ci, vivant en 1144, eut trois garçons, dont Eudo, chanoine de Saint-Quentin en 1213, et Jean I.

Jean de Saint-Simon I alla en Terre-Sainte en 1188, et vivait encore en 1195. Il eut trois garçons, dont Eudes dit Oudart, chanoine de Saint-Quentin en 1213, et Jean de Saint-Simon IL

Celui-ci, vivant en 1214, eut cinq garçons, dont Pierre, mort sans postérité, Jean dit Beduin, chanoine de Saint-Quentin, et Simon.

Simon de Saint-Simon, vivant en 1260, eut deux garçons: René, vivant en 1309, mort sans postérité, et Jacques I.

Jacques de Saint-Simon I mourut en 1328, et fut inhumé dans une chapelle qu'il avait fondée en la cathédrale de Xoyon. Il eut un garçon et deux filles, dont Jacques II, mort sans alliance en 1333, et Marguerite, femme de Mathieu de Rouvroi I. d( Fiwroi Mathieu de Rouvroi I et Marguerite de Saint-Simon eurent un garçon et deux filles, dont Marie, religieuse de Poissy, puis abbesse de Nolre-Dame-de-Fervaques, et Jean.

Jean de Rouvroi dit le Borgne, vivant en 1351, mort avant 1392, rendit aveu de la terre de Saint-Simon à l'abbé Saint-Bertin en 1370. Il eut cinq garçons, dont Mathieu de Rouvroi II.

Celui-ci, dit le Borgne, rendit aveu de la terre de Saint-Simon à l'abbé de Saint-Bertin le 26 avril 1383, servit sous l'évéque deLaonen 1414, et fut tué en 1415. Il eut deux garçons et trois Allés, parmi lesquels : Gilles, vivant en 1419 et 1477, et enterré dans la chapelle qu'il avait fondée en 1471 dans la cathédrale de Senlis, Jeanne, chanoinesse de Sainte-Alde-gonde de Maubeuge, et Gaucher.

Gaucher de Rouvroi, vivant en 1416, rendit aveu de la terre de Saint-Simon à l'abbé de Saint-Bertin en 1448, mourut peu après 1458, et fut enterré dans la chapelle qu'il avait fait bâtir dans l'église des Corde-liers de Saint-Quentin. Il épousa, le 8 juin 1422, Marie de Sarrebruche.

Gaucher de Rouvroi et Marie de Sarrebruche curent trois garçons et une fille, parmi lesquels Arthur, chanoine de la Sainte-Chapelle de

Paris, protonolaire du Saint-Siège, abbé de Nogent-sous-Coucy en 1490 vivant encore en 1527, et Philippe III.

Philippe III, vivant en 1491,' mort après 1499, enterré dans l'église de Goussainville, épousa, le 10 mai 1468, Catherine de Montmorency. jluairatf Catherine de Montmorency descendait de Mathieu de Montmorency IV (voir plus haut). Celui-ci épousa en mars 1277 Jeanne de Levis, qui appartient à l'ascendance d'une autre religieuse de l'abbaye de Port-Royal, où elle se retira elle-même après la mort de son mari et où elle fut enterrée. Il en eut une fille et deux garçons, Mathieu V, mort en 1305, marié et sans enfants, et Jean I.

Jean I vivant, en 1303, mort en juin 1325 et enterré dans l'église du prieuré de Sainte-Honorine de Conflans, eut trois garçons et deux filles, dont Jean, élu évéque d'Orléans en 1350, mort le 6 juillet 1364, Charles vivant en 1343, mort le 11 septembre 1381, enterré dans l'église de l'abbaye du Val, et Mathieu de Monlmorency-d'Auvresmenil.

Celui-ci, vivant en 1343, mort le 29 juin 1360, enterré dans l'église de Saint-Barthélémy de Taverny, épousa Aiglanline de Vendôme-Chartres.

feintât- Aiglantine de Vendôme-Chartres descendait de Bouchard de Ven-to*«d6mel.

Celui-ci prit l'habit religieux à l'abbaye de St-Maur-des-Possés, du consentement de sa femme, « y passa le reste de ses jours avec une piété exemplaire, ety fit de grands biens » ?). Il fit rebâtir cette abbaye. Il y mourut le 26 février 1007, et y fut enterré.

De sa femme Elizabeth, qui fut enterré près de lui, il eut un garçon et une fille, Renaud, évéque de Paris, qui donna à son chapitre l'église de St-Merry et la moitié de l'Hôtel-Dieu, et mourut le 18 janvier 1020, et Elizabeth.

Elizabeth de Vendôme fit quelques biens du consentement de son mari à l'abbaye de Marmoustier e afin d'obtenir de Dieu des enfans » (*). ??? et fut brûlée pour adultère en l'an 1000- Elle épousa Foulques d'Anjou III (3), et en eut Adèle d'Anjou-Vendôme. ??? Adèle dîAnjou-Vendôme épousa Bodo de Necers qui descendait de Landry de Nevers I.

Le frère de celui-ci, Hildegaire de Nevers, chapelain de Charles le Chauve, abbé de St-Pierre-de-Flavigny, puis évéque d'Autun en 876, mort en 893, avait les revenus de l'église St-Auban en Bourgogne. « Touché de la piété de St Bernard, évéque deMâcon,il luy donna et à son église celle de St-Auban en 868 du consentement de Hildcsende. sa femme » (').

Landry de Nevers IV, qui descendait de Landry I à la quatrième génération, restitua à l'abbaye de Flavigny, en présence de Bodo et de Landry, ses enfants, un alleu qu'il avait usurpé, donna à l'abbaye de

(1) (2) ????? : Histoire delà maison de France, t. VIII, p. 722.

(3) Voir D* Binet-Sanolé in Archives d'anthropologie criminelle, 15 sept. 190?, p. 612.

(4) Anselme: Histoire de la maison de France. III, p. 195.

.Saint-Germain d'Auxerre le monastère de Dezise, et mourut en 1015 éiBMtfoïi* ou 1028- Il épousa Maihilde fille de Otle-Guillaume de Bourgogne.

Ottc-Guillaume de Bourgogne fit plusieurs donations à l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon, mourut le 21 septembre 1027, et fut enterré dans cette abbaye. Il épousa Ermentru.de fille de Renaud de Reims et de Roucy ('}, et en eut trois garçons et trois filles, dont Guy J. qui autorisa de son seing la donation que fit Hugues, évèquc d'Auxerre, à l'abbaye de Parcd en 999, mourut longtemps avant son père vers 1004, et fut enterré dans l'abbaye de Saint-Benigne de Dijon, Renaud I, vivant en 1026, mort le 4 septembre 1057, qui eut de grands différends avec Hugues, évoque d'Auxerre, et fit plusieurs dons à l'abbaye de Cluny, et à celle de St-Benigne de Dijon, Brunon, archidiacre de l'église de Langres, et Mathitde, femme de Landry de Nevers IV. foXmn Landry de Nevers IV et Maihilde de Bourgogne eurent cinq garçons, parmi lesquels: Renaud I, qui consentit en 1032 à l'élection d'Eudes comme abbé de St-Germain d'Auxerre, lui confirma en 1035 le don que son père Landry IV avait fait à cette abbaye du monastère de Dezise. donna le village de Beaumont à l'abbaye de Cluny « pour le soulagement de l'âme du comte Landry, son père, de la comtesse Mathilde, sa mère, et de Guy, son frère, du consentement et en présence de la comtesse Adelaîs, sa femme... et de Guillaume, son fils ; quelques tems après, il restitua à Eudes, abbé de St-Germain-I'Auxcrrois, le monastère de St-Sauveur de Nevers, qu'il lui avoyt oté » (*) ; Robert, qui donna à l'abbaye de St-Germain d'Auxerre l'église de Sle-Cécile de Chatillon, et Bodo, mari d'Adèle d'Anjou-Vendôme.

Bodo de Nevers et Adèle d'Anjou-Vendôme eurent quatre garçons dont Bouchard III, dit le Chauve, mort sans alliance, Hugues, qui fit \'nm-ï»jtaeun voyage à Rome, et Fouques de Nevers dit Fouques de Vendôme.

Celui-ci, dit l'Oison, « peut-être à cause des folies de sa jeunesse ¦ (3], fit plusieurs Indignités à sa mère, qui le déshérita, et confirma les donations faites par Geoffroy d'Anjou à l'abbaye de Vendôme.

(à suture)

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance annuelle du mardi 20 juin 1905 [suite) I Présidence du D' Albert Roonr.

La psychologie du simulateur dans les accidents du travail.

Le bon et le mauvais simulateur.

par M. le D' A. Courtault Directeur de l'Institut de mécanothéraple.

Les lois, promulguées actuellement à peu près partout en Europe, sur les accidents du travail constituent une des manifestations humani-

'(I) Voir D' Bixet-Saxolé In Archives d'anthropologie criminelle, lâsept. 1902, p. Ml. (?) Anselme : Histoire île la maison de France. Ill, 196. (3) Ibid., m.

taires les plus admirables des temps modernes et se sont déjà révélées comme un des éléments le plus considérable et le plus efficace du progrès social.

Le malheureux, victime d'un accident qui peut entraîner pour lui et les siens les plus terribles conséquences, est désormais certain d'être secouru, soigné et dédommagé dans la mesure du possible de ses souffrances, de ses infirmités passagères et même de l'invalidité permanente dont H peut être menacé.

Cette certitude devient pour lui la meilleure des suggestions pour le soutenir dans ses efforts, le consoler dans ses épreuves et l'encourager dans son travail. Il finit même par se sentir tellement garanti pour l'avenir, quoi qu'il arrive, que sa vigilance, sa constance et surtout son initiative en subissent, à la longue, un certain contre-coup et il arrive parfois que sa mentalité en accepte une orientation vicieuse qui l'amène presque fatalement aux pires conceptions.

C'est sur cette psychologie spéciale à l'ouvrier blessé que je voudrais retenir quelques instants votre attention.

¦

Avant la législation spéciale aux accidents du travail, l'ouvrier blessé, abandonné à lui-même dès sa sortie de l'hôpital, livré à sa seule initiative, à ses seules ressources, s'ingéniait à retrouver, par tous les moyens, l'aptitude professionnelle perdue. A forée d'énergie et de persévérance,* il arrivait ainsi, par un entraînement résolument et courageusement progressif, à des miracles de rééducation professionnelle et de rendement dans son métier, qu'il finissait, le plus souvent, par reprendre régulièrement, sans diminution de salaire, alors qu'on avait pu croire cet homme à tout jamais incorporé parmi les invalides du travail.

Dans nos deux Rapports au Congrès de Liège, il y a trois semaines, sur la Mécanolhérapie appliquée aux suites d'accidents du travail et sur les Ateliers de convalescence pour les blessés du travail, nous citons de nombreux exemples démontrant l'influence réelle de la volonté sur les suites du traumatisme.

Ces exemples, encore chose courante hier, se font bien rares aujourd'hui et ne se rencontrent plus guère que chez les blessés libres, non assurés, qui échappent ainsi à l'inévitable suggestion que font naître, dans l'esprit de chaque blessé du travail, les indemnités stipulées par la loi, loi humanitaire et bienfaisante entre toutes, ne cesserai-je de répéter.

Aussi les prétendus invalides ou estropiés du travail sont-ils devenus légion depuis la loi de 1898 et de par les jugements des tribunaux, jugements qui ont encouragé dans de grandes proportions la simulation ou tout au moins l'exagération, en permettant aux blessés de compter sur des indemnités larges et faciles.

Et, à la vérité, on s'explique fort bien que, mis en présence de souffrances excessives ou d'impotences apparentes, alléguées par les victimes

d'accidents et jusqu'ici, si difficilement contrôlables, les tribunaux, en vertu de l'adage, qui veut que « la mauvaise foi ne se présume pas > accréditent des lésions douteuses et allouent des indemnités qui se transforment alors en primes d'encouragement pour les plus habiles et moins consciencieuses victimes.

De même cette psychologie spéciale à l'ouvrier blessé, cette mentalité qui lui fait réaliser des miracles de courage et de persévérance quand il sait n'avoir à compter que sur soi-même et qui, au contraire, le conduit à la nonchalance, à l'inertie, sinon à l'exagération et à la simulation quand, non seulement il se sent protégé contre tout risque, mais entrevoit encore le moyen d'en tirer profit, est humaine, rationnelle et même, dirons-nous, normale.

Mais de cette conception, si naturelle, si logique en soi, à l'abus et à l'illégalité, il n'y a qu'un pas et, ce pas franchi, nous arrivons à l'exagération qui n'est qu'une partie de la simulation.

Autant l'exagération est fréquente, ordinaire même, puisque d'après Kaufmann les victimes d'un accident sont toutes à un certain degré portées à exagérer, autant la simulation complète est rare. Car il est infiniment plus facile d'exagérer une douleur, une impotence réelle que de créer celles-ci de toutes pièces. La simulation est plutôt limitée à un symptôme se rattachant plus ou moins directement à un traumatisme antérieur. C'est ainsi qu'on simule la surdité, l'amblyopie, l'aliénation, la paralysie, le tremblement, etc., ou bien, cas très fréquent, qu'on essaie d'attribuer un mal déjà existant à l'accident survenu.

Par simulation, l'on entend d'ordinaire l'acte de se prétendre malade alors qu'un examen attentif ne révèle aucun phénomène morbide. Dans l'exagération, on peut souvent constater un état pathologique ; mais les plaintes de la victime en donnent une représentation exagérée. Les deux formes peuvent se combiner et rendre d'autant plus difficile une juste appréciation de la valeur de ces plaintes.

Ce sont les maladies nerveuses, les névroses, qui se prêtent le mieux et le plus à la simulation.

C'est un fait connu généralement et depuis longtemps, que le trauma peut agir sur le système nerveux au point de causer un désordre déterminé, sans qu'il y ait même des lésions anatomiques. Ces troubles se manifesteront sous les diverses formes de névroses, psychoses, etc. Des traumas de moindre importance peuvent, parfois, agir en ce sens, et l'on constate la rupture de l'équilibre psychique dans lequel vit l'individu normal. Le trauma seul ne doit pas être considéré comme une cause efficiente; la constitution de la victime crée une prédisposition et les circonstances dans lesquelles elle vit. spécialement sa situation sociale et économique, ont également à entrer en ligne de compte. L'idée qu'elle est assurée fera en outre germer, chez la victime, la pensée de tirer profit de l'accident et l'amènera naturellement à simuler ou à exagérer.

Ces deux actes sont l'expression d'un travail anormal, pathologique de l'organe psychique. L'on ne peut d'ailleurs point perdre de vue que,

sans l'assurance, un ouvrier continuera son travail malgré une foule de misères petites ou grandes, bien que cela ne soit ni souhaitable, ni utile pour lui-même. Certain, au contraire, d'être soigné lui et sa famille au compte d'autrui, assuré d'un bon traitement, qui peut lui avoir manqué autrefois, il attendra sans hâte, son complet rétablissement. Ce fait peut amener la surveillance à admettre à tort qu'il y a exagération, la victime, de son côté, étant facilement disposée à exagérer plus ou moins dans la crainte de voir son état considéré comme meilleur qu'il n'est. Ce dernier cas se présentera plus fréquemment encore, s'il existe quelqu'espolr de rente. Aussi Kaufmann a-t-il grandement raison de dire : la nature humaine se renierait elle-même, si ces facteurs ne faisaient sentir leur influence.

En résumé, je dirai que, si la simulation est une des formes de la ruse, comme la définit le Dr Zand, l'exagération est un phénomène psychique pathologique, qui se manifeste à la suite d'un trauma, sous l'influence de la constitution et de diverses circonstances sociales. Au point de vue psychique, qui nous intéresse seul ici, les secours et le traitement initial peuvent être considérés comme un trouble psychique. Le traitement psychique joue dès le commencement un rôle considérable, dont les conséquences apparaîtront plus nettement encore à la fin, au moment de la liquidation judiciaire définitive.

C'est à ce moment que la mentalité du sujet, longuement suggestionnée se manifestera avec toute sa personnalité plus ou moins contenue jusqu'alors, et que l'expert devra rechercher à quelle catégorie de simulateur il peut avoir affaire.

Lbs bons et les mauvais simulateurs dans les accidents du travail.

C'est qu'en effet, comme il y avait autrefois — d'après l'Evangile — les bons et les mauvais larrons, de même nous avons aujourd'hui — de par la loi du 9 avril 1898, modifiée par celle du 31 mars dernier, les bons et les mauvais simulateurs : je veux parler des simulateurs de bonne foi et des simulateurs de mauvaise foi.

* * *

Le simulateur de bonne foi croit lui-même — et lui seul le croit souvent — aux douleurs qu'il accuse, aux lésions qu'il décrit, aux infirmités qu'il expose. C'est, en général, un détraqué du traumatisme, un déséquilibré psychique, qui n'a pas encore retrouvé son aplomb culbute par la suggestion traumatique, par la terreur, l'éblouissement, le vertige. Ce dérangement, d'ordre psychopathique, est localisé, cérébra-lement autant que physiquement ; il ne porte que sur le fait étiologique, sur la lésion qui préoccupe. La mentalité générale est excellente par ailleurs, de même que la santé est parfaite sur tous les autres points.

Il s'agit ordinairement d'une victime de quelque catastrophe plus ou moins dramatique ou retentissante ; d'un traumatisme subi dans des circonstances fortement impressionnantes et suggestives, telles qu'une

explosion, un déraillement, un incendie, un naufrage, une panique plus ou moins justifiée au milieu d'une foule en délire, etc.

L'effroi, la commotion, l'ictus mental ont souvent, dans ces cataclysmes cérébraux une part plus lourde que la lésion primitive elle-même. La démonstration de ce que nous affirmons se trouve dans la lecture du Rapport suivant, formulé avec cet esprit d'observation qui caractérise le Professeur Brissaud.

Sur un cas particulier de paracousie hystéro-traumatique.

Rapport de M. le Professeur Brissaud, lu en audience publique du Tribunal de la Seine. — M. Duchauffour, président.

Nous, soussigné, professeur à la Faculté de Médecine, avons été désigné par Monsieur le Président du Tribunal civil de la Seine, à l'effet, dispense du serment du consentement des parties, de voir et visiter M. Cavier; dire si, par suite de l'accident du 10 Août mil neuf cent trois, il est ou non atteint d'Incapacité permanente et, dans l'affirmative, estimer la réduction de capacité qu'il subit ; fixer la date de consolidation de la blessure.

Le dix Août 1903, dans la soirée, le chemin de fer métropolitain était le théâtre d'un sinistre qui fit de nombreuses victimes. M. Cavier, âgé de 33 ans, chef de train, y fut atteint d'un commencement d'asphyxie. C'est à grand'peine qu'il put se frayer un passage dans les décombres de l'incendie, parmi les blessés et les morts. La terreur qu'il éprouva, centuplée par le sentiment de la responsabilité que ses fonctions comportent, produisit sur son esprit une action soudainement paralysante. Quelques moments après l'accident, il était rapporté chez lui, muet et stuplde. Pendant deux heures on n'en put obtenir une parole. Puis, peu à peu, il reprit ses sens;* mais il était incapable d'aucune initiative, d'aucune détermination ; en quelque sorte abruti, il assistait aux menus événements de la vie quotidienne, sans même se douter que le temps s'écoulait. Il comprenait confusément ce qu'on lui disait et son entourage supposait qu'il était devenu sourd.

C'est, en grande partie, cette apparente surdité qui, encore aujourd'hui, plus d'un an après l'accident, entretient chez M. Cavier une réelle incapacité de travail. Le 31 juillet 1904, M. Cavier fut examiné par M. le Dr Lombard, oto-laryngologiste des hôpitaux, qui signala des troubles auditifs d'origine nerveuse, ayant amené une notable diminution de l'audition.

Notre collègue, M. Lombard, n'est pas très explicite ; et c'est qu'il n'a pas voulu l'être. La formule vague qu'il emploie, exclusive de toute constatation de lésions matérielles, implique, d'ailleurs suffisamment, que le trouble nerveux est purement fonctionnel.

Et il en est bien ainsi en réalité. Il s'agit d'une simple surdité psychique. M. Cavier entend, mais croît qu'il n'entend pas. Il le croît en toute sincérité ; et cela revient pour lui, à ne pas entendre. Il joue en conscience, et à son insu, le rôle d'un sourd — le pire sourd, celui qui ne veut pas entendre. — Et il joue ce rôle dans la perfection. II se croit tenu de crier, comme un sourd qu'il croit être, pour se faire comprendre; il crie bien plus fort qu'un vrai sourd : il est assourdissant !

Mais certaines expériences, d'une simplicité élémentaire, démontrent, heureusement, que la surdité n'est pas réelle. Et, du reste, comme la bonne foi de M. Cavier est absolue, il est le premier à confirmer cette conclusion-

II le dit lui-même : n Sa surdité n'est pas constant*. — Il y a des jours où il ¦ entend mieux, ou moins mal... Tout dépend... C'est selon la tête ».

¦ Selon la tête » signifie selon un état psychique d'obsession, où dominent les réminiscences du sinistre. Lorsque l'obsession est à son plus haut degré, M. Cavter présente des troubles de la sensibilité générale d'une acuité singulière. Le jour, Il craint la lumière, la nuit, il craint l'obscurité. 11 craint l'une et l'autre, parce qu'elles lui sont également douloureuses. Les contacts, les odeurs ne lui sont pas moins pénibles. Mais, fait topique, qui caractérise du même coup sa névrose et sa franchise, lui, qui est sourd, ne peut pas entendre parler I

En outre, il a des terreurs nocturnes; il se réveille en sursaut, rêvant qu'il marche sur des morts. L'odeur de coaltar du métropolitain l'enveloppe et l'étouffé.

Tout n'est pas purement subjectif : M. Cavier est atteint d'un tic facial (moitié droite du visage, du front, de l'orbiculaire palpébral.)

La secousse musculaire n'a rien de spasmodique. D'ailleurs, contrairement aux contractions du spasme facial de cause organique, le mouvement se propage presque toujours, chez M. Cavier, à la moitié gauche du visage. Il fait donc une grimace, toujours â son insu ; Il sait qu'il la fait, parce qu'on lui a dit qu'il la fait ; mais il l'oublie, et il entretient son tic sans s'en rendre compte, tout en restant capable de ne plus le faire quand on le prie de garder le visage Immobile

Xous n'avons constaté aucun autre trouble de la fonction musculaire; et, fait de première importance, les réflexes rotulfcns et achillcens sont conservés. Toutefois, en raison de 1' « attention expectante » ils peuvent sembler faire défaut, si l'on ne prend pas la précaution de détourner l'attention par l'épreuve de Jcndrassick ().

Déjà se dégage, de ce qui précède, la présomption que l'état maladif se résume à une forme relativement simple d'hystérie traumatique à prédominance psychique. La présomption devient certitude lorsqu'on recherche et trouve l'hémlanesthésie caractéristique de la névrose ; et la perte de la sensibilité douloureuse est ici mathématiquement diminuée. Un tremblement menu (nous voudrions pouvoir exclure sans réserve l'Influence de certaine intempérance), complète le tableau.

M. Cavier se plaint, enfin, de dyspnée, de douleurs mal déterminées, mal localisées, de vertiges ; mais tout cela compte peu à côté du reste.

Etant donné que l'hystérie traumatique dont il s'agit, affecte surtout un caractère psychique ; qu'elle a pour symptôme dominant un trouble sensoriel, tenace, malgré ses variations d'Intensité (surdité psychique) ; que les formes d'hystérie dites monosymptomatiques, sont (principalement quand elles affectent un organe sensoriel) plus rebelles que les autres formes, alors même que le point de départ du trouble sensoriel est psychique, nous concluons :

i" M. Cavier est atteint d'incapacité permanente partielle. 2° La réduction de capacité peut être évaluée à vingt pour cent (20 0/0). Paris, le 24 octobre 1904. Signé : BrissauD

(1) Manœuvre qui consiste à tirer fortement sur les deux mains unies par l'extrémité des doigts recourbés en crochet. Elle a pour but d'imposer au sujet dont on examine les réflexes rotuliens, un effort pendant lequel les groupes musculaires considérés restent à l'état de relâchement complet. A. C.

*

Il s'agit bien là, évidemment, d'un simulateur, mais d'un simulateur convaincu : c'est le type du bon simulateur dont nous avons parlé.

Molière avait déjà décrit un exemple des plus remarquables de ces gens qui, de bonne foi, s'imaginent ressentir des maux qu'ils n'ont pas !

Au premier acte du Malade imaginaire, en effet, Argan, se prétendant très malade, se fait mettre un oreiller sous lui, un sous chaque bras, un derrière le dos, un autre enfin derrière la tête. Toinette, pour se moquer de lui, lui en applique un dernier sur la figure :

— Et celui-ci, dit-elle, pour vous garder du serein.

Argan se met en colère, se lève, jette les oreillers à Toinette qui s'enfuit, court après elle :

— A coquine tu veux m'ètouffer t

Il oubliait qu'il est malade, il se le rappelle et se jette sur sa chaise :

— Ah ! ah! ah! je n'en puis plus... Ah ! elle m'a mis hors de moi, et il faudra plus de huit médecines et douze lavements pour reposer tout ceci!

Le Malade imaginaire était un malade, puisqu'il croyait très sincèrement être malade ; ce n'en était pas moins un simulateur lui aussi et le type du bon simulateur.

A une des dernières audiences du Tribunal de la Seine, M. Duchaufour, président a donné lecture d'un rapport de M. le Prof. Brissaud, dans une expertise concernant un ouvrier, qui a renouvelé, devant le médecin, la scène d'Argan et de Toinette. •

Nous sommes heureux de pouvoir reproduire ici le texte de ce rapport.

Vers la fin du dernier acte Argan s'écrie :

— Ah ! que d'affaires, je n'ai pas seulement le loisir de songer à ma maladie !

Cet état d'esprit ne se trouve pas seulement dans des rôles de la Comédie française. On le retrouve aussi chez l'ouvrier, lorsque pourvu d'une faible rente, il se trouve obligé de se remettre au travail. Du coup il en oublie sa maladie imaginaire.

Rapport du Dr Brissaod, dans l'affaire Mollot contre Dejouhet.

Nous, soussigné, E. Brissaud, professeur à la Faculté de Médecine, avons été commis par M. le Président du Tribunal civil de la Seine à l'effet, dispensé du serment du consentement des parties, de voir et visiter M. Mullot. prendre connaissance des documents et certificats produits, dire quelles ont été les blessures occasionnées par l'accident, quelles en ont été ou seront les conséquences, au point de vue de l'exercice tant de la profession du demandeur que de toute autre profession, incapacité temporaire, permanente, partielle ou absolue de travail ; à quelle époque doit être fixée la consolidation des blessures, c'est-à-dire la date à laquelle le traitement a été terminé, ou bien la date à laquelle se place le moment où l'accidenté a

su ou dû savoir quelles seraient la nature ou l'importance de son incapacité professionnelle définitive.

Depuis l'expertise .à laquelle nous avions été commis une première fois par M. le Juge des conciliations, le 4 mai 1904, il ne s'est produit dans l'état de M. Mullot, aucune modification vraiment importante, M. Mullot, cependant, marche mieux qu'au mois de mai dernier; mais 11 n'en veut pas convenir. Il allègue toujours une luxation de la hanche droite, produite par la chute qu'il fit le 13 août 1903 ; or, 11 est à peu près impossible d'admettre qu'il se soit luxé la hanche, aucun témoignage médical ne mentionne cette luxation, la plus grave de toutes les luxations, et il est inadmissible que ladite luxation ait été réduite sans que le blessé se doute du moment où elle aurait été réduite et sans que le chirurgien se soit fait aider pour cette opération ; enfin, sans qu'on ait employé le chloroforme.

En tout cas, pas plus aujourd'hui qu'au mois de mai dernier, il n'existe aucun indice de cette prétendue luxation. L'incapacité de travail résulte simplement d'une topoalgie névropathique du membre inférieur droit, qui, selon M. Mullot, rend indispensable l'usage d'une paire de béquilles.

Aujourd'hui, mercredi 16 novembre, nous retrouvons donc la situation presque identique à ce qu'elle était au mois de mal dernier. Mais un incident survenu au cours de l'expertise ne fait que corroborer les conclusions du précédent rapport.

Rendez-vous avait été pris avec M. Mullot et M. X... représentant MB Chartier, avoué de Mullot d'une part, et M. le D' Fournaise, médecin de la Compagnie d'assurances d'autre part. M. Mullot ne s'étant pas trouvé exactement au rendez-vous tils'en fallait d'une demi-heure), nous lui fîmes observer que nous étions, au moment où il arrivait, sur le point de nous séparer pour aller chacun à nos affaires. M. Mullot, visiblement ¦ monté d. nous répondit que, dans l'état où l'avait mis l'accident, il lui avait été impossible d'arriver plus tût.

Quelques instants après, nous rappelions à M. Mullot que, lors de l'expertise du mois de mai, nous lui avions donné le conseil de laisser ses béquilles et de marcher avec des cannes; que nous avions la certitude qu'il pouvait se passer de béquilles, attendu que nous l'avions vu, au mois de mai, descendre un petit perron de l'Hôtel-Dieu sans se servir de ses béquilles et en les maintenant simplement fixées sous les bras, les extrémités ne portant pas à terre. Cette remarque provoqua chez M. Mullot une violente colère; il s'anima jusqu'à employer des formules qui ne nous permettaient pas de prolonger notre entretien. Mais ce que M. Mullot ne se décide pas à faire, la colère le lui fait faire à son insu ; il se dresse tout droit, sans béquilles, et pivote sur sa jambe malade aussi aisément que sur sa jambe saine. Cette liberté de mouvements, subitement reconquise, est constatée, non sans étonnement, par M. X... représentant ? Chartier, qui, d'ailleurs, essaie de ramener le calme dans l'esprit, les paroles et la tenue de son client. Mais au moment où nous félicitons U. Mullot de ce qu'un mouvement un peu vif d'humeur lui ait ainsi rendu ses moyens, il se précipite sur ses béquilles, les replace sous ses bras, en disant : « Non, je ne peux pas m'en passer ».

Cette petite scène nous confirme une fois de plus dans l'opinion que M. Mullot est * buté. » Il est persuadé que tout effort est inutile, et il est résolu à n'en faire aucun. Il a une idée fixe, l'idée fixe d'une infirmité —

qui n'existe pas dans le membre blessé, mais qui existe dans son cerveau — assez opiniâtre, assez absorbante pour caractériser un état morbide. 11 faut môme attribuer à cette sorte très spéciale d'obsession, la révolte de M. Mullot en présence de quiconque ne le croit pas atteint d'une Incapacité de travail permanente absolue. La colère à laquelle il s'est laissé aller n'est donc, à tout prendre, qu'un symptôme épisodique de sa névropathie. Et comme il ne subsiste plus aucun vestige matériel de l'accident du 13 août 1903, comme tout se borne à une attitude d'infirmité que M. Mullot a prise et conserve, en raison du fait qu'il est incapable de vouloir en prendre une autre ; comme, enfin, cette infirmité Illusoire disparaîtra lorsque M. Mullot sera amené par les circonstances à faire les efforts indispensables à une guérlson qui ne peut lui venir que de lui-môme, nous maintiendrons les conclusions de notre précédente expertise en estimant à 25 pour cent la réduction de capacité.

Paris, 16 novembre 1904.. Signé: E. Brissaud.

Ainsi que les précédents, ce rapport, véritable modèle du genre, révèle l'expert consciencieux, chez lequel la science le dispute à l'esprit psychologique.

En opposition avec le simulateur de bonne foi, dont nous venons de présenter deux types aussi dissemblables dans la forme qu'identiques en l'espèce, on observe également le mauvais simulateur, celui contre lequel il est d'autant plus difficile d'arguer et dangereux de conclure, qu'il se présente savamment préparé à la lutte, au point de dérouter le juriste le plus expert comme de compromettre le médecin le plus expérimenté.

C'est ce qui s'est présenté dans un cas récent où le DT Sêbileau, agrégé à la Faculté de médecine, chargé d'examiner un malade qui avait été traité à notre Institut de mécanothérapie, a dans son rapport démontré que le malade avait échafaudé de toutes pièces un système tendant à démontrer qu'un traitement consistant en figures faites sur le dos du pied avait aggravé son état. Or, ce traitement n'avait jamais été pratiqué, et le rapport du Dr Sébileau en a révélé l'invraisemblance. Dans ce cas, le blesse, en voulant trop prouver, s'était révélé mauvais simulateur et il n'a fallu rien moins que la grande sagacité du médecin expert pour en faire la démonstration.

La fréquence de la simulation dans les accidents du travail en fait une question toute d'actualité. Les faits sont de nature à intéresser les psychologues, tant par l'intérêt que présente l'étude des procédés mis en œuvre pour réaliser l'œuvre de simulation que par l'ingéniosité dont les médecins doivent faire preuve pour arriver à la déjouer. Il s'agit là d'une sorte d'escrime dans laquelle le dernier mot doit rester non seulement au plus avisé, mais aussi au plus compétent et au plus savant. La simulation dans les accidents du travail démontre la nécessité qui incombe au médecin contemporain, non seulement de ne pas se désintéresser des études sur la psychologie, mais d'y exceller, s'il veut rester à la hauteur de sa mission.

Discussion

M. Bérillon.— La simulation est d'autant plus difficile à dépister que les simulateurs trouvent des leçons non seulement dans les livres de médecine, mais même les examens, auxquels ils sont soumis de la part des médecins, les intruisent de ce qu'ils doivent répondre dans les expertises ultérieures. II y a des agences organisées dans le but de les initier à l'art de simuler des maladies qu'ils n'ont pas. L'étude de la simulation est destinée à jeter une vive lumière sur la question toujours actuelle du parasitisme social. Le parasitisme revêt les formes les plus variées et les plus inattendues. Le parasite obéit à des dispositions tellement instinctives, que pour arrivera ses fins, il se donne souvent beaucoup plus de mal que s'il travaillait d'une façon normale. Une des principales préoccupations d'un corps social bien organisé est de prévoir le parasitisme et d'en limiter les effets nuisibles. A notre époque le parasitisme a revêtu un caractère particulier, il repose entièrement sur la simulation. La question de la simulation envisagée dans les rapports avec le parasitisme social, mérite d'être inscrite à l'ordre du jour de notre société. Un psychologue, véritablement digne de ce titre, se doit à lui-même de n'être dupe d'aucune simulation. Il doit apprendre à la connaître, pour apprendre à la déjouer. Nous demanderons à notre confrère, le D* Oourtault, de continuer son intéressante étude dans des communications ultérieures, et nous inviterons nos collèguesàaborder l'étude de la simulation envisagée dans ses manifestations les plus diverses.

cours et conférences

Folie hystérique (). Par M. le Professeur Raymond.

Voici encore un cas qui prêterait à une erreur de diagnostic, si l'on n'y regardait pas d'un peu près.

Il s'agit d'une femme de 26 ans. Elle nous demande aide et protection, car on la persécute. Un épicier de son quartier la poursuit et lui cause toute espèce d'ennuis ; il veut la faire mourir de faim, lui met des vers dans ses aliments, lui fait moucher sa cervelle, la fait aller à droite et à gauche, lui envoie des rayons X dans les yeux ; la nuit, il la tire par les pieds, se penche sur son chevet pour voir si elle est morte et la fait assister à des scènes terribles ; elle assiste ainsi à son assassinat, à la constatation de son décès, à son enterrement. Pour comble de malheur, les commis de l'épicier se sont mis à essayer leurs pouvoirs sur elle.

(I) Présentation de malade faite à la Clinique des maladies du système nerveux de la Salpétrière.

Vous le voyez, c'est un délire assez bien coordonné, systématisé jusqu'à un certain point, comportant des hallucinations et des idées de persécution.

La première pensée est qu'on se trouve en face du délire chronique avec ses quatre grandes périodes que vous connaissez bien. Or, faire un pareil diagnostic, dans le cas actuel, serait se tromper grossièrement.

Analysons les symptômes et leur mode d'évolution.

Les voix de ses persécuteurs, elle ne les entend pas, elle les sent, dans la poitrine, dans l'estomac, dans la gorge ; ce ne sont donc pas de véritables hallucinations de l'ouïe, mais des hallucinations psychiques, ou psycho-motrices, pour être plus exact, ou, si vous préférez, kines-thésiques verbales. Sa respiration se précipite, sa langue et ses cordes vocales remuent et elle en arrive à articuler des paroles qui sont de véritables mouvements automatiques.

Ce qui domine l'état mental, c'est une extraordinaire suggestibilité ; les moindres choses accaparent son esprit, elle les amplifie et se laisse diriger par elles ; on peut lui faire accepter tout ce qu'on veut ; on l'endort avec une extrême facilité et c'est très heureux, car le sommeil, si facile à provoquer, deviendra pour elle un moyen de guérison. Or, dans le délire chronique de persécution, les malades sont logiques avec leur délire systématisé ; ils y conforment leurs manières d'être ; ils ne se laissent pas persuader.

Cette femme a une hérédité très nette ; son père était alcoolique et sa mère nerveuse ; elle a eu de grandes crises d'hystérie avec les phases classiques ; sur ce terrain hystérique, s'est installée une manière d'être mentale, caractérisée par l'extrême suggestibilité. Dans ces conditions, la voie est largement ouverte aux délires de possession par les esprits, par les démons,... ou par l'épicier. D'ailleurs, quand elle avait vingt ans, un fort de la Halle s'est déjà emparé de son esprit.

Il s'agit donc de folie hystérique, comportant surtout des hallucinations psycho-motrices. Le pronostic et le traitement découlent du diagnostic ; on la suggestionnera dans l'état d'hypnose et on la débarrassera de ses hallucinations, ainsi que de ses idées de possession.

Tic d'habitude chez un éthylique (*). Par M. le Professeur Raymond.

Voici un homme de 59 ans, dont le cas prêterait facilement à une erreur de diagnostic, si l'on se contentait d'un examen rapide et superficiel.

Voyez : de temps en temps, sa tête s'infléchît ; il la relève, elle s'infléchit de nouveau ; les épaules aussi sont projetées en avant ; le corps

(1) Présentation de malade laite à la Clinique des maladies du système nerveux de la Salpétrière.

lui-même se fléchit, puis se redresse ; c'est une sorte de salutation, avec haussement d'épaules.

Ces phénomènes durent depuis six mois ; actuellement, ils sont très accentués. Toutefois, quand je l'interroge ou que j'accapare son attention, les mouvements cessent ; ils sont accrus, d'autre part, par les émotions. On lui a fait, en province, des pointes de feu, parce qu'on a cru à une affection de la moelle ; or, la force musculaire est conservée et il n'y a de trouble ni de la sensibilité ni de la réflectivité. Au point de vue somatique, il n'y a rien à relever, en dehors du soulèvement des épaules et de l'inclinaison de la tête. Il s'agit d'un tic, d'un tic de balancement, si vous voulez. Mais, pourquoi ce tic, sur quel terrain évolue-t-il, quelle affection faut-il voir derrière lui ?

Cet homme a beaucoup bu. Il y a 17 ans, il a été paralysé des quatre membres. Cette paralysie s'est établie lentement, a été précédée de douleurs et a guéri complètement ; il s'agissait, vraisemblablement, de polynévrite due à l'éthylisme. En tous cas, l'intoxication alcoolique a profondément atteint son système nerveux.

Il y a six mois, un beau jour, à 6 heures du matin, il est pris de lumbago. Il continue néanmoins son métier qui consiste à pétrir, avec les pieds, de la terre glaise dans une fabrique de poterie. Toutefois, en raison des douleurs qu'il éprouve, il est obligé de rectifier sa position et de se tenir de certaine façon inaccoutumée. A force de faire ces mouvements de correction et de défense contre la douleur, il en a contracté l'habitude ; aujourd'hui que la douleur a disparu, l'habitude persiste.

On le rassurera, on lui expliquera le pourquoi et le comment de son tic ; on tonifiera et on calmera son système nerveux ; dans des cas de ce genre, c'est encore la psychothérapie qui donne le plus facilement de rapides succès.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société d'hypnologle et de psychologie.

La prochaine séance de la Société d'hypnoiogie et de psychologie aura lieu le mardi 19 décembre, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Dr Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications inscrites : D' Bérillon : Les timidités. — Les localisations organiques de l'émoti-vitè morbide.

D'Ch. Valentino : La psychologie de la médecine hindoue.

M. Caustier, professeur au lycée Condorcet : La méthode socratique dans l'éducation scientifique.

M. Lépin \i : Les tics chez les animaux.

MM. Grollet et Lépinay : L'hypnotisme chez les animaux.

Dr Fariz : Mensonge et intimidation chez un lycéen.

Dr Iîiset-Sanglé : Les hallucinations des prophètesjuifs.

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Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie

Ecole de psychologie. — Cours. — Les cours de l'Ecole de psychologie reprendront le Mercredi, 10 janvier 1906, à cinq heures, au siège social, 49, rue Saint-André-des-Arts. Le programme détaillé des cours sera publié dans le prochain numéro. Les cours et les conférences sont publics.

L'enseignement, portant sur toutes les branches de la psychologie,

comprendra les cours suivants pour l'année 1906 :

Hypnotisme thérapeutique...... M. le D' Bébillos, professeur.

Hypnotisme expérimental...... M. le D' Paul Magkix, professeur.

Hypnotisme sociologique....... M. le D' Félix Regxault, professeur.

Psychologie pathologique...... M. le D' Paul Farez, professeur.

Psychologie des dégénérés...... M. le D' Bixet-Sakglb.

Psyoho-phystologie de l'art..... M. Félix Regamey, inspect. hon. du dessin

dans les Ecoles de la Ville de Paris, prof.

Anatomie et Psychologie comparées. M. Caustier, agrégé de l'Unir.,professeur.

Psyohologie des animaux....... M. Lépikay, professeur.

Psychologie du criminel....... M. Blieck, avocat à la Cour d'appel.

Philosophie scientifique....... M. Louis Favre, professeur.

Psychothérapie (cours annexe à Lille). M. le D' Paul Joire, à Lille.

Conférences psychologiques. — Les conférences psychologiques hebdomadaires reprendront le vendredi 12 janvier 1906, à 8 h. 1/2 du soir, et continueront les vendredis suivants, à la même heure. Le programme détaillé paraîtra dans le prochain numéro.

Conférences cliniques. — Les conférences cliniques sur les applica-lions de l'hypnotisme à fa psychothérapie et à la pédagogie, ont repris le jeudi 23 novembre, à 10 h. 1/2 du matin. Elles seront dirigées par les Df' Bérillon, Magnin et Paul Farez. On s'inscrit les jeudis à l'Institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts.

Salpètrière. — M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière, commencera le 14 décembre, un cours sur les maladies mentales et nerveuses. Plusieurs leçons y seront consacrées aux applications cliniques de l'hypnotisme et à l'éducation des anormaux.

VAdministrateur-Gérant ; Ed. BÉRILLON.

Paris. Imp. a. Quelquejeu, rue Gerbort,10.

20* Année. — N« 7.

Janvier i906.

bulletin

Inauguration du buste du D' Liebeault à l'Ecole de psychologie, sous la présidence de M. Bienvenu-Martin, ministre de l'Instruction publique. — Le cercle Liebeault à Saratow. — La séance annuelle et le banquet de la Société do pathologie comparée. — Nomination du professeur m. Albert Robin à la chaire de clinique thérapeutique.

L'inauguration du buste du Dr Llébeault aura lieu à l'Ecole de Psychologie, le jeudi i** février, a 5 heures, sous la présidence d'honneur de MM. Bienvenu-Martin, minisire de l'Instruction publique, et de M. Berthelot, ancien ministre, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences.

Cette solennité coïncidera avec la sixième réouverture annuelle des cours de l'Ecole de psychologie. Elle sera présidée par M. le D'Jules Voisin, médecin de la Salpétrlère, président du Comité de la souscription, assisté de M. le Dr F. Raymond, professeur de la Clinique des maladies nerveuses à la Faculté de Médecine de Paris ; de M. le D' Brousse, président du Conseil municipal, et de M. Mesureur, directeur de l'assistance publique. L'ordre.du jour est ainsi fixé :

i° Allocutions de M. le Dr Jules Voisin, président du Comité de lasouscrlp-tion; du Dr Paul Magnin et des délégués étrangers;

2» Dr Bérillon, secrétaire du Comité : L'Œuvre scientifique de Llébeault ;

3« Allocution du professeur Raymond, président d'honneur du Comité.

4» Inauguration du buste du Dr Llébeault (œuvre du statuaire Maillols) ;

5° Une poésie de M. Jules Bois, en l'honneur de Liebeault, sera dite par M. Paul Mounet, de la Comédie-Française.

L'année dernière l'ouverture des cours de l'Ecole de psychologie avait eu lieu sous la présidence de M. le professeur Berthelot. Aucun de nous n'a oublié les paroles éloquentes par lesquelles ce vénéré maître indiquait le but de haute moralité auquel doit tendre toute œuvre véritablement animée de l'esprit scientifique. La leçon d'ouverture avait été faite par le Dr Bérillon, médecin-Inspecteur des asiles d'aliénés. Le sujet traité : La psychologie du courage et l'éducation du caractère, lui avait permis d'exposer le programme de de l'Ecole de psychologie dont le but est non seulement d'étudier l'homme envisagé comme être moral et comme être pensant, mais aussi de propager, sur les questions de psychologie, des idées saines confirmées par l'expérience, C'est dire qu'un des principaux devoirs des professeurs est de mettre le grand public en garde contre les doctrines inspirées par l'esprit de mysticisme et incapables de résistera un contrôle scientifique rigoureux.

En 1906, les anciens professeurs de l'Ecole, MM. Bérillon, Paul Magnin, Félix Regnault, Paul Farez, Caustier, Léplnay, Binet-Sanglé, Félix Régamey et Louis Favre, continueront leurs enseignements. Un cours complémen-

taire sur la psychologie musicale sera fait par un de nos jeunes collègues, M. le D' Pamart, professeur suppléant.

Les cours seront, comme les années précédentes, complétés par des conférences hebdomadaires, qui auront Heu les vendredis à huit heures et demie du soir, à partir du 13 janvier. Le programme de ces conférences comprend des sujets variés, se rapportant à toutes les questions de psychologie. Les conférences seront présidées par MM. le Dr Charria, professeur au Collège de France, Jules Bois, Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière, baron de Baye, explorateur, Malapert, professeur au lycée Louis-lc-Grand, Fiessinger, membre de l'Académie de médecine, de Milloué, conservateur au Musée Guimct. Elles seront faites par MM. les D™ Bérillon, Paul Joire, Yalentino, Haoul Baron, professeur à l'Ecole vétérinaire d'Alto: - . Lionel Dauriac, professeur honoraire des facultés de lettres, Pierre Dubois, docteur en droit.

L'enseignement de l'Ecole de Psychologie est public. Il s'adresse aux médecins, aux étudiants, aux esprits désireux de connaître les acquisitions scientifiques réalisées dans le domaine de la psychologie positive et de la sociologie. Les personnes qui ont pris part à la souscription en l'honneur du Dr Liébcault sont personnellement invitées à assister à l'inauguration de son buste. Nous les remercions vivement, au nom du comité, d'avoir répondu à son appel, et d'avoir permis, par leur collaboration si opportune, de perpétuer la mémoire de l'illustre créateur de la psychothérapie. Deux bustes ont été coulés, l'un a été confié à l'Ecole de Psychologie et l'autre offert à la municipalité de Nancy, qui se propose d'en décorer une place de la ville, à proximité de la rue du Dr Liébeault.

Au moment où l'Ecole de psychologie et la ville de Nancy se disposent à honorer la mémoire du Dr Liébeault, nous apprenons la création & Saratow (Russie) d'un cercle psychologique auquel ses fondateurs ont donné le nom de cercle du Dr Liébeault. Cette institution constitue une véritable école dans laquelle un enseignement sera donné sur les diverses questions qui se rattachent à la psychologie.

Les événements politiques qui désolent la Russie n'ont pas empêché nos collègues de Saratow de donner suite à leur projet.

La première conférence a été faite le 13 octobre par le Df Wlasemsky, sur le Dr Liébeault; sa vie et l'analyse de ses ouvrages.

Dans la deuxième conférence, M. Podiapolsky, président de la Société des naturalistes, avait pris pour sujet : La suggestion et les troubles vaso-moteurs cutanés.

L'auditoire, composé en grande partie de médecins, fut vivement Intéressé par ces savantes leçons. Plusieurs des auditeurs confirmèrent, par des observations personnelles, les conclusions relatives à la thérapeutique suggestive.

Fait tout à l'honneur de nos confrères russes, pendant qu'ils délibéraient ainsi sur des questions purement scientifiques, des événements tragiques se déroulaient à proximité du lieu de leur réunion et ne tardaient pas à nécessiter l'intervention de leur dévouement professionnel. C'est ainsi que le médecin vraiment digne de ce nom doit, sans que rien puisse troubler sa sérénité, partager son existence entre les travaux scientifiques et les devoirs sociaux qui constituent sa double mission.

La séance annuelle de la Société de pathologie comparée a eu lieu le mardi 12 décembre, sous la présidence du Dr BériUon. Des communications furent faites par M. le Dr Charrin, professeur au Collège de France, sur les vraies et les fausses hérédités, par M. le Pr Gréhant sur le mécanisme des asphyxies, par M. le Dr Sa voire sur le râle respectif de la contagion et de l'hérédité dans t'étiologie de la tuberculose, par M. le Dr Siffre sur la pathologie dentaire comparée. Enfin, M. le Dr BériUon a communiqué un travail de psychologie comparée relatif aux manifestations de la mémoire chef les chevaux. Ce3 communications ont donné lieu à d'intéressantes discussions.

A la suite de la séance annuelle, les membres de la Société se sont réunis en banquet, sous la présidence d'honneur de M. Ruau, ministre de l'Agriculture. Empêché au dernier moment, le ministre s'était fait remplacer par M. Vassllière, directeur au ministère.

II. le D' BériUon, président de la Société, avait à ses côtés, M. Vassillêre, directeur au ministère de l'Agriculture, M. le. Dr Charrin, professeur au Collège de France, MM. Cadiol,Baron et Coquot, professeurs à l'Ecole vétérinaire d'Alfort, Dr Saint-Yves Ménard et M. Benjamin, membres de l'Académie de médecine, D' Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière, Dr Paul Magnln, Dassonvllle, directeur de laboratoire à l'Institut Pasteur, Dr Siffre, professeur a l'Ecole dentaire, Dr S*volre, directeur du dispensaire antituberculeux du Pr Albert Robin, Dr Lagrange, de Vichy, Dr Paul Farez, professeur à l'Ecole de psychologie, Df Demonchy, D'Barthe de Sandfort, M. Grollet, secrétaire général de la Société, MM. Dassonvllle, Fayet, Piot, Petit, Brocq-Roussen. Lermat, Léplnay, médecins-vétérinaires, etc., etc.

Au dessert, plusieurs toasts ont été prononcés. M. le Dr BérHIon a souhaité la bienvenue aux représentants de l'enseignement médical et de l'enseignement vétérinaire dont l'union réalise un événement si considérable dans l'étude de la pathologie comparée. L'association des médecins et des vétérinaires, pour l'étude des maladies communes à l'homme et aux animaux, peut seule permettre de résoudre des problèmes fort complexes. Il a terminé en évoquant la mémoire de Bourgelat, de Henri Bouley qui furent si bien inspirés dans l'organisation des écoles vétérinaires, car les élèves qui en sortent témoignent de la haute valeur de l'enseignement, par la rigueur de leur esprit scientifique.

M. L. Grollet, secrétaire général, a exposé les justes réclamations des médecins-vétérinaires, et souhaité la création si légitime du diplôme de docteur en médecine vétérinaire; M. le professeur Charrin et M. Saint-Yves Ménard ont porté des toasts à la prospérité de la Société de pathologie comparée et de ses fondateurs.

Enfin, M. Vassilière, directeur du ministère, a exprimé, en termes fort heureux, l'intérêt que M. Ruau, le ministre de l'agriculture, porte à la Société de pathologie comparée et en a donné le témoignage en remeltant le diplôme de chevalier du Mérite agricole au président-fondateur, le Dr Paul Magnln.

* «

Le Conseil de l'Université de Paris, réuni en séance extraordinaire sous la présidence de M. Liard, vice-recteur, a accepté la donation d'une somme de 400.000 francs, faite par le duc de Loubat, pour la création d'une chaire de clinique thérapeutique à la Faculté de médecine.

M. le Dr Albert Robin a été désigné par le Ministre pour être le titulaire de cette chaire et la Faculté de médecine a ratifié, presque à l'unanimité, le choix du généreux donateur. Le Conseil d'Etat, consulté à son tour, le confirmera certainement; il répondra ainsi au vœu de tous ceux qui reconnaissent en M. Albert Robin un des esprits les plus brillants, un des praticiens les plus justement réputés tant à l'étranger que dans notre pays, un clinicien aux vues toujours originales et marquées à l'empreinte du bon sens et de la clarté; le véritable continuateur, en un mot, des Trousseau et des Dujardin-Beaumetz, la gloire de l'école française.

Les professeurs de l'Ecole de psychologie auxquels le P' Albert Robin a donné tant de marques de sa sympathie ne seront pas les derniers a applaudir à la Domination du nouveau professeur qui réalise un fait assez peu commun en France : The right man in the right place.

Les grands exorcismes du XIXe siècle

par M. le LV Witry, de Trêves. («ii«J ().

II. L'exorcisme de Wemding (Bavière). — Un autre exorcisme qui fit grand bruit en Allemagne, fut celui de Wemding, pratiqué en 1891 par le P. Capucin Aurélien sur le jeune Michel Zilk. Le Père Aurélien l'a décrit lui-même (3).

Le petit Michel avait dix ans lorsque ses parents remarquèrent, au commencement de 1891, que l'enfant présentait des changements extraordinaires, a II ne pouvait plus prier, ni entendre des prières sans avoir des accès terribles de fureur. Il manifestait de l'aversion à l'égard des objets bénits, injuriait ses parents et grimaçait horriblement ». Les parents consultèrent un médecin. Mais comme l'enfant ne se calmait pas, ils l'amenèrent dans le couvent des Capucins, à Wemding. A divers signes, les Pères reconnurent qu'il était possédé par le diable. L'enfant rageait et écumait; il était doué d'une telle force, que trois hommes ne pouvaient le dompter. Les Pères disaient la benedictio a dtemone vexa-toi^um et l'exorcisme in S&tanum et angelos apostates sur l'enfant sans aucun résultat. Le 12 mai 1891, l'évêque Pancrace, d'Augsbourg, était en visite chez le curé de Wemding. Le père de l'enfant malade le lui amena et l'évêque s'avança vers le petit en lui disant : a Tu ne me trompes pas, esprit impur ». L'enfant resta dans le même état. « Lorsqu'il devait passer devant une église ou devant la statue d'un saint érigée dans une église, il devenait inquiet et tombait à terre. A l'église, il était dans une agitation constante n. Cela durait depuis des mois ; en juin, l'évêque d'Augsbourg permit que le grand exorcisme fût pratiqué sur le jeune possédé.

Les Pères Remigius et Aurélien commencèrent le 13 juillet, à sept heures du malin. L'église fut fermée. Seuls les parents et trois autres

(1} Voyez Revue de l'Hypnotisme, n' de décembre 1905.

(2) Récit authentique de l'exorcisme pratiqué les 13 et 14 juillet IS9I, dans le couvent des Capucins, à Wemding. Par le Père Aurélien. Wemding, 1891.

habitants de Wemding furent admis comme témoins. Le Père Aurélien a fait de cette scène le récit suivant : « Lorsque le Père voulait amener l'enfant dans le chœur, celui-ci résistait, le frappait au visage, et poussait des hurlements fous. Il se débattait avec une telle rage que le Père et l'enfant tombaient à terre et que quatre hommes parvenaient à grand'-peine à le maîtriser. Nous lui fîmes ligotter les bras et les jambes. L'enfant nous crachait à la figure et continuait à vociférer. Nous priâmes, le bénîmes et commençâmes l'exorcisme. Mais Satan no répondait à aucune de nos questions. Lorsque nous lui mîmes l'étole autour du cou, il montra par ses soupirs qu'il en ressentait une grande douleur. Nous n'eûmes tout de même pas de résultat dans la matinée. A deux heures de l'après-midi, l'exorcisme recommença. Satan nous répondit alors que l'enfant était possédé et qu'ils y étaient au nombre de dix. A cinq heures du soir, nouvel exorcisme. La rage de l'enfant, les hurlements, les crachats : tout restait le même.

Le lendemain, à sept heures, cinquième exorcisme. L'église étant grande ouverte, une foule énorme de curieux s'y pressa. L'enfant criait, crachait et rageait comme un maniaque. Je lui mis un petit reliquaire sur la poitrine et une particule de la Ste-Croix sur la tête. Ses traits se contractèrent alors de douleur. J'engageai la foule à prier avec moi. Mais Satan ne céda pas ; il répondait toujours : « Je ne veux pas, je ne peux pas ».

— « Pourquoi donc pas? »

— « Parce que cette femme continue avec ses malédictions. »

— « Quelle femme. »

Il désigna une voisine des parents de l'enfant. Le Père Aurélien continue ses questions.

— « Combien de temps es-tu dans cet enfant? »

— « Depuis une demi-année. »

— « Comment t'appelles-tu? »

— « Je ne sais pas. »

Malgré les objurgations du Père, Satan resta dans l'enfant. L'exorcisme dura deux heures. Après une suspension, il recommença à une heure de l'après-midi.

L'enfant était encore inquiet, mais ne crachait plus. Le capucin redoubla ses admonestations et Satan fit mine de vouloir sortir du possédé.

— a As-tu abandonné l'enfant? »

— « Oui, avec mes compagnons. »

— » Où étes-vous maintenant? »

— « Dans l'enfer. »

Alors, l'enfant commença à pleurer, s'aspergea d'eau bénite et pria avec le capucin. Il était guéri.

L'auteur parle ensuite de la cause de la possession. Les parents sont de religion mixte. Dans certaines familles de Wemding, les enfants sont élevés dans la religion protestante jusqu'à un certain âge. Alors, on les

envoie à l'école catholique. Une voisine de l'enfant possédé, qui est protestante, s'indigna de ces palinodies. Elle exprima son mécontentement en maudissant les enfants. De là la possession.

II est évident que l'enfant était atteint d'hystérie infantile. L'entourage, qui ne pouvait s'expliquer ses crises, en attribua la cause à l'intervention de Satan. L'évêque, entrant dans leurs vues, les confirma en intimant à Satan l'injonction de céder la place. Enfin, les capucins, avec leurs bénédictions et leurs exorcismes, contribuèrent encore plus à créer l'atmosphère de suggestion dans laquelle se développa la comédie de l'exorcisme de Wemding.

Ce qui fait le principal l'intérêt de ces scènes d'exorcisme, c'est la date récente à laquelle elles ont eu lieu. Au moyen-âge, elles étaient fréquentes et personne n'aurait songé à s'en étonner. Au dix-neuvième siècle, elles apparaissent comme un anachronisme et témoignent à la fois de la persistance de l'esprit superstitieux et surtout d'une ignorance vraiment inattendue chez un grand nombre de membres du clergé catholique.

(à suivre).

Les Femmes â barbe : Étude psychologique et sociologique {suite)?).

Par M. le Dr Bérillon Professeur à l'Ecole de Psychologie

La maternité des femmes à barbe. — Mathilde Van de Cauter, la Dame barbue. — Le portrait de Margret Halseber, par Antonio Moor. — La barbe vénérable de Mme Pilou. — Un chef-d'œuvre de Rlbera. — La plus barbue des femmes à barbe : Madeleine Ventura. — Conclusions psychologiques et sociologiques.

Mathilde Van de Cauter, qui a parcouru l'Europe, sous le nom de la Dame barbue, est née le 1" mars 1854 à Temsche, dans les Flandres belges. A sa naissance, elle ne présentait rien d'extraordinaire, n'ayant qu'une légère chevelure sur la tête. Vers l'âge de six ans, ses parents constatèrent avec ennui l'apparition d'un duvet assez marqué sur les joues. Doués d'une belle fortune, ils ne reculèrent devant aucun sacrifice pour arrêter la croissance de la barbe. Mais l'insuccès de tous les moyens employés fut complet. Bientôt la barbe était assez développée pour provoquer la curiosité, et de tous les environs on vint rendre visite à la famille de la jeune fille barbue. De ses sept frères et sœurs elle était la seule qui présentât cette précocité du système pileux. Son père avait une barbe très fournie, mais sa mère ne présentait aucun signe de barbe.

A l'âge de dix-huit ans, Mathilde se fiança avec un commis-voyageur. Après leur mariage, ils installèrent un café dans la petite ville de Saint-Nicolas. De leur union naquirent trois enfants : une fille encore vivante,

(1J Voyez Revue de rHypnotisme, numéro de juin 1904 et suivants.

et deux fils, dont l'un mourut à l'âge de dix ans, ayant déjà une barbe de quatre centimètres de long.

Le ménage n'ayant pas réussi dans ses affaires, Mathilde de Cauter obtint de son mari l'autorisation d'être exhibée dans les foires de Belgique et de Hollande, par un M. Spitzener. Elle y provoqua la curiosité d'un grand nombre de gens. Dans une seule journée, à Rotterdam, elle reçut plus de mille visiteurs.

Mme de Cauter jouit d'une excellente santé. Elle a toujours été bien

Pig. 10j. Mme Matlùlde Van de Cauter, la Dame barbue, aç-ee de 10 ans ll89i|.

réglée. Douée de toutes les aptitudes féminines, elle s'est toujours montrée bonne mère de famille. Son exemple apporte un fait de plus à la démonstration que la barbe ne diminue en aucune façon les aptitudes à la maternité.

Les plus grands peintres, quand ils en ont eu l'occasion, n'ont pas dédaigné de fixer sur la toile les anomalies les plus singulières. Si les uns ont cru qu'il serait intéressant pour la postérité de connaître les nains célèbres, les bouffons de Cour, et tous les infirmes honorés de la protection des rois et des grands seigneurs, d'autres ont reproduit les traits de femmes à barbe : Antonio Moor('), dît Moro,le célèbre peintre de

(1) Antonio Moor, né à Utreebt en 151?, mort à Anvers en 156S.

l'empereur Charles Quint, de Marie Tudor et du duc d'Albe, nous a laissé un portrait très remarquable de Margret Halseber, âgée deTSans, dont le menton était orné d'une barbe en fer à cheval (fig. 106). Margret Halseber était blonde, et, malgré son âge, la barbe n'est pas encore devenue complètement blanche. Dans ce portrait conservé au musée Suer-mont, à Aix-la-Chapelle, on trouve toutes les qualités qui caractérisent la façon puissante de Moor. La touche est vigoureuse et ferme, souple et moelleuse, le dessin est correct et le coloris d'une grande vérité.

Fig. IdO- Margr«t HbImIxt, âgée de 75 ans, Sladl Suerroont .Muscum (Aix-la-Chapelle). Tableau d'Antonio Moro ilSIÎ-liôS).

Le portrait de Margret Halseber donne l'impression d'être fort ressemblant. Il présente un autre intérêt, étant le documentauthentique le plus ancien qui concerne les femmes à barbe.

Si l'on en juge par la simplicité de sa mise, Margret Halseber devait être d'une condition modeste.

¦ » «

Dans la seconde édition des Historiettes de Tallemant des Réaux publiée par Monmerqué, se trouve le portrait d'une femme à barbe qui eut ses entrées à la Cour de Louis XIV. C'est celui de Mme Anne lîau-desson, dame Pilou. Elle était une des femmes delà société de Mlle de Scudéri. Née en 1580, morte en 1668, fille d'un procureur au Châtelet, elle épousa en 1595, un autre procureur, Jean Pilou. Ce fut, avec Mme

Corouel, une des rares bourgeoises admises à fréquenter les salons aristocratiques du xvn' siècle. Elle était fort répandue dans le monde, et le bon sens de ses réparties, souvent mordantes, la faisait à la fois estimer et craindre de tout le monde. « Il n'y a peut-être jamais eu une moins belle femme qu'elle, dit Tallemant des Réaux ; mais il n'y en a peut-être jamais eu une de meilleur sens, et qui dise mieux les choses. »

Mme Pilou était amie intime de Mme de Castille, mère de M. de Chalais. Il lui arriva une fois une plaisante aventure avec cette Mme de

Flg. 107. Portrait gravé par Spirinx.

Castille. Madame de Vaucelas, sœur de M. de Chateauneuf, voulant louer une maison à cette dame, lui envoya un matin un gentilhomme pour lui parler.

Mme de Castille, encore veuve, était au lit, et Mme Pilou, qui était couchée avec elle, lasse des barguigneries de cet homme, mit la tête à demi hors du lit, et dit : « Allez, Monsieur, allez, on ne l'aura pas à meilleur marché ». Mme Pilou avait la voix assez grosse, de plus elle était noire et barbue. II y avait même un vaudeville qui disait :

Dame Pilou, pour paraître moins d'âge

A fait raser le poil, le poil de son... visage.

Le gentilhomme s'en retourna, et dit à Mme de Vaucelas qu'il serait inutile d'essayer d'avoir meilleur marché de cette maison, qu'il avait

parlé à Mme de Caslille, etque Monsieur son mari enfin avait dit qu'on n'en rabattrait rien. Cela fit d'autant plus rire que cette Mme de Cas-tille était un peu galante.

La barbe vénérable de Mme Pilou n'a pas été omise dans son portrait, gravé par Spirinx (') et dont nous donnons ci-joint la copie réduite. Au premier aspect on a l'impression qu'on se trouve en présence d'un de ces mentons bleus, comme en présentent les comédiens et les prêtres, dont le menton est rasé tous les matins (fig. 107).

La figure barbue et la laideur de Mme Pilou n'était pas moins célèbres que ses bons mots. Elle lui valut quelques épigrammes. Dans une pièce contre le cardinal de la Valette, attribuée au chevalier de Rivière, on lit les vers suivants :

Cardinal de la Valette Vous avez la téte faible Et le visage et le cou Comme Madame Pilou.

et dans l'Enfer burlesque, le poète, voulant peindre les monstres de l'enfer, écrit :

Toutes ces guenons sont si laides Que ce sont d'amour des remèdes ; Qui voudrait le plus desbauché Avoir avec elles couché? Ces gaupes, ces sales furies, Ces vieilles chiennes, ces voiries. Ces laides masques, ces Hdrous Sont autant de dames Piloux.

Comme on le voit, la profession de femme d'esprit ne va pas sans

quelques mécomptes. Les bons mots de Mme Pilou lui avaient valu de

solides inimitiés. Aussi ne faut-il pas s'étonner que les satiristes se

soient appliqués à tourner en ridicule la barbe vénérable d'une dame

un peu médisante. On lit sur les manuscrits de Favart, chanoine de

Reims, conservés à la bibliothèque de cette ville, une épitre en vers du

poète Perrin, l'auteur de la première comédie française en musique

publiée en France. En voici le fragment dans lequel il semble accuser

Mme Pilou d'avoir colporté des billets doux :

0 vous, barbe à triple étage Qui savez le tripotage Du poulet et du message Mieux que Monsieur de Ménage Ne sait le tin du langage N'est-il pas vrai, la Pilou ? Parmi le sexe volage Le plus sage est le plus fou !

(I) Au dessous du portrait de Mme Pilou, édité pour la grande édition des mémoires de Conrard, on trouve cet envol, de style fort médiocre : Sous ce front que tu vois de Sybîlle Cumée Un langage naïf, un entretien charmant Meslé d'un fort raisonnement, Une prudence couronnée, Firent a cette veuve, autrefois animée. Mériter de la cour l'estime et l'agrément.

. L'esprit de Mme Pilou lui avait valu quelques années de célébrité. Si elle sort aujourd'hui pour quelques instants de son obscurité, c'est à sa barbe vénérable et à triple étage qu'elle le doit.

*

Le portrait par lequel j'ai voulu terminer cette longue étude documentaire l'emporte de beaucoup sur tous les autres, tant par son puissant intérêt artistique que par sa valeur psychologique.

Fig. 103. Madeleine Ventura, femme à barbe âgée de M ans. j. Ribera (1583-1636;

Il s'agit d'un tableau fort peu connu de Ribera. Voici dans quels termes M. Louis Viardot s'exprime au sujet de cette œuvre si caractéristique du grand peintre réaliste ('J :

« L'Académie des Beaux-Arts de Madrid possède encore plusieurs autres ouvrages de Ribéra, parmi lesquels deux bizarres portraits en pied, réunis dans le même cadre et qui méritent une attention plus détaillée. (>) Au centre du tableau, l'on voit une tête de vieil homme, à barbe noire, surmontant le corps d'une femme qui donne le sein à un enfant au maillot; puis, quelque peu en arrière, un autre vieillard qui

(1) Louis VunnOT : Les merveilles de la peinture. Paris 18f>9, p. 17.

(2) Xous devons la gravure du portrait de Ribera, fort difficile A obtenir, à l'amabilité de M. le comio de Morella, qui computi le grand peintre parmi ses ascendants.

est là comme le saint Joseph de cette étrange madone. Cela parait d'abord un conte fantastique, une légende populaire, répétée par le peintre dans une heure de caprice ; c'est tout simplement une curiosité naturelle, reproduite avec fidélité. On lit l'explication suivante, écrite en espagnol dans un angle du tableau : « Portrait de Madeleine Ventura, ï?ée dans les Abruzzes. âgée de cinquante-deux ans. Elle en avait trente-sept lorsqu'il commença à lui pousser une longue barbe. Elle eu trois enfants de son époux Félix de Amici. Copie d'après nature, pour l'admiration des vivants, par Joseph de Ribéra ». Curieux et singulier par le sujet, ce tableau du grand Valencien n'offre pas, au point de vue de l'art, un moindre intérêt ».

Ce que M. Louis Viardot ne dit pas, c'est que le personnage représenté au côté droit de Madeleine Ventura, n'est pas son mari comme on pourrait naturellement le supposer. C'est le peintre lui-même qui s'est placé là. En agissant ainsi, il obéissait assurément à des intentions réfléchies. Il lui a peut-être paru plaisant de nous apprendre qu'une femme pouvait cire beaucoup plus barbue que lui. La taille de Mme Ventura était, d'après le tableau, un peu moins élevée que la sienne.

Mais nous pensons que sa présence auprès de Madeleine Ventura comporte d'autres explications. Pour tous ceux qui admirent chez Ribéra la science de l'anatomie et la préoccupation de l'exacte vérité, le portrait de cette femme à barbe constitue un document de la plus haute valeur. A n'en pas douter, le portrait, au point de vue physique est d'une ressemblance frappante. Mais ce qui est plus intéressant, c'est qu'il comporte les éléments d'une véritable étude psychologique. Madeleine Ventura, malgré l'aspect masculin de son visage est la meilleure des mères. Elle ne se contente pas de tendre à son enfant son sein gorgé de lait, c'est avec un mouvement détendre pression qu'elle le maintient sur son sein.

Ribéra prend un évident plaisir à souligner tous les contrastes que présente le cas si pittoresque de Madeleine Ventura. Par la barbe d'un noir de jais qui lui couvre la plus grande partie du visage et monte jusqu'aux joues, par ses mains épaisses et fortes, elle est un homme; par l'étalage de sa maternité, par les symboles dont elle est entourée, elle est une femme. Il ne s'agit pas là du portrait d'une virago, mais de celui d'une mère remplie de tendresse pour son enfant, d'une épouse désireuse de plaire et d'une bonne ménagère. L'enfant qu'elle allaite, les dentelles qui embellissent le col de son manteau, les bagues dont les doigts sont ornés, la quenouille placée sur la table à portée de sa main, en sont les témoins irréfutables.

Ribera s'est complu à nous donner dans cette couvre une excellente leçon de psychologie. Un autre se fût borné à nous transmettre, à titre de curiosité, le portrait de la plus barbue des femmes à barbe : lui, a tenu à faire ressortir les dispositions mentales et morales de cette personne.

On a pu dire de Ribera qu'aucun peintre n'avait porté plus loin dans l'exécution matérielle de ses œuvres, la force, l'audace, la grandeur, l'éclat et la solidité. Dans ses tableaux, tous les détails sont rendus avec une fidélité merveilleuse, avec une incomparable énergie de pinceau. Si toutes ces qualités de génie se retrouvent dans le portrait de Madeleine Ventura, il faut y ajouter encore un sens d'observation psychologique d'une rare puissance.

Ribera, en peignant son sujet, a vu ce que nos nombreuses observations ont confirmé, c'est que l'apparition de la barbe ne confère à une femme aucune des dispositions à la masculinité ni à la virilité du caractère.

•-¦ *

Les différences anatomiques entre les deux sexes sont plus grandes dans l'espèce humaine que dans la plupart des autres espèces animales. Cependant, à la naissance, les différences des organes sexuels sont les seules qui permettent de distinguer le mâle de la femelle. Les organes de la reproduction constituent donc ce que Darwin appelle les caractères sexuels primaires.

Pendant les premières années de la vie, les enfants des deux sexes se ressemblent tellement que la différence des vêtements permet seule de les distinguer. Ce n'est qu'au moment du passage à l'âge adulte que les caractères secondaires des deux sexes, apparaissent avec leur complet développement.

De tous les caractères sexuels secondaires, l'apparition de la barbe sur les visages masculins, constitue le fait à la fois le plus évident et le plus remarquable. Il a chez l'homme la valeur qui s'attache à la crinière chez le lion, aux bois chez le cerf, à la crête chez le coq, aux plumages colorés chez la plupart des oiseaux.

La barbe est donc l'apanage de l'homme et on la considère comme l'ornement naturel d'un visage visage viril. Tout le monde connail le suprême argument d'Arnolphe, dans l'Ecole des Femmes. Le vers de Molière :

Du côté de la barbe est la toute-puissance, résume, d'une façon toute plaisante, l'idée que la grande majorité des individus du sexe masculin se font encore de ta vassalité de la femme.

Voltaire, qui sur tant de points a porté la griffe de sa logique et de sa puissante ironie, ne pouvait manquer de relevercomme il le méritait, le sophisme d'Arnolphe:

o Du côté de la barbe est la toute-puissance! —Voilà une plaisante raison pour que j'aie un maître! quoi! parce qu'un homme a le menton couvert d'un vilain poil rude, qu'il est obligé de tondre de fort près, et que mon menton est né rasé, il faudra que je lui obéisse très-humblement? Je sais bien, qu'en général, les hommes ont les muscles plus forts que les nôtres, et qu'ils peuvent donner un coup de poing mieux appliqué : j'ai bien peur que ce soit là l'origine de leur supériorité! »

La personne du.sexe faible à laquelle Voltaire prête ces paroles judi-

cieuses a tout à (ait raison. Chez tous les peuples barbares ou arriérés,

eten particulier chez les arabes et les nègres, l'asservissement de la femme

n'a pas d'autre cause quesa faiblesse musculaire. Elle est traitée enesclave,

uniquement parce qu'elle n'est pas assez vigoureuse pour se défendre

contre la brutalité et pour faire valoir ses droits.

• » »

On sait qu'à l'époque de la ménopause, les caractères sexuels secondaires de la femme subissent des modifications plus ou moins marquées. La voix se renforce, le visage se couvre parfois de poils rudes, l'habitus général devient plus masculin.

Un certain nombre d'auteurs ont constaté des phénomènes analogues à la suite de l'ovariolomie, qui n'est pas autre chose qu'une ménopause prématurée. Il y a des femmes chez lesquelles l'enlèvement des ovaires est suivi de modifications qui leur donnentdes allures viriles. Ces modifications se traduisent surtout par l'apparition d'une barbe plus ou moins fournie et par certaines dispositions à devenir des viragos.

Ces changements dans le caractère, survenant à la ménopause, transformant des femmes naguère fort sociables en personnes acariâtres, ont puissamment contribué dans notre pays, à donner aux belles-mères leur réputation d'irascibilité. Cela tient à ce que le mariage des femmes, en France, étant quelque peu tardif, la période de l'âge critique survient, en général, chez les mères de familles, peu de temps après le moment où leurs filles ont été mariées.

L'apparition de quelques poils de barbe coïncidant avec ces modifications du caractère ont contribué à répandre l'opinion que les femmes à barbe devaient être des viragos. Cette idée a d'ailleurs été confirmée par certains savants. Wirchow, en particulier, prévoyant avec raison les abus de l'ovariotomie, écrivait, en 1856, les lignes suivantes, auxquelles on ne peut dénier une certaine valeur prophétique.

« La femme n'est femme que par les ovaires : toutes les propriétés spécifiques de son corps et de son esprit, de sa nutrition et de sa sensibilité nerveuse, la délicatesse et la rondeur des membres, comme la conformation particulière du bassin, le développement des seins et la douceur de la voix, la belle parure de ses cheveux avec le duvet blanc à peine sensible de ses joues ; et cette profondeur de sentiment, ce regard qui la peint, cet abandon, cette fidélité, tout cela et les autres qualités caractéristiques de la femme sont sous la dépendance des ovaires. Enlève-t-on ces organes, on a l'homme-femme dans sa plus laide moitié, aux formes grossières et rudes, aux membres robustes, à moustache, à la voix rauque, aux mamelles flasques, aux sentiments envieux et égoïstes, et au jugement tranchant. »

Hâtons-nous de déclarer que les femmes à barbe n'ont rien de commun avec ces viragos prévues par Wirchow. Elles ont leurs ovaires, et elles donnent naissance à des enfants bien conformés, elles les allaitent et les entourent de tous les soins que peuvent prodiguer des mères dévouées.

Loin de vouloir se faire passer pour des hommes, elles revendiquent hautement le titre de femmes. Bien plus, elles s'ingénient à démontrer qu'elles sont plus femmes que les autres. Elles mettent tout leur amour-propre à en fournir la preuve.

Si l'homme peut prétendre à quelque supériorité, Voltaire a raison de l'affirmer, il doit s'appuyer sur d'autres argumenls que celui d'avoir du poil au menton.

Pourquoi les femmes à barbe sont-elles femmes et surtout pourquoi s'appliquent-elles à se montrer encore plus femmes que les autres. Cela tient à deux causes déterminantes, d'ordre essentiellement psychologique :

La première, c'est que lorsque la barbe leur est apparue, à l'âge où elle se dessine d'ordinaire chez les hommes, leur éducation féminine était complètement terminée. Jusqu'à l'âge où la barbe est survenue, elles avaient été élevées avec les autres jeunes filles et elles avaient reçu la môme éducation. L'évolution s'était faite dans une direction essentiellement féminine, et telle est la puissance de l'éducation, ou si l'on veut des habitudes acquises, qu'aucune modification physique n'a plus été capable d'en transformer les effets.

La seconde procède de motifs que peuvent seuls apprécier complètement des philosophes habitués à scruter les mobiles qui font agir l'esprit humain.

Lorsque la barbe apparaît chez une jeune fille, l'événement prend, dans le milieu où elle vit, des proportions considérables. Ses compagnes ne sont pas les dernières à s'y intéresser, et la plupart se livrent à des plaisanteries faciles, dont le thème se ramène à ceci : » Toi, tu n'es pas une femme, tu as de la barbe, tu es un homme. »

Comment répondre à cette affirmation ? Il n'y a qu'un moyen : prouver qu'on est une femme. Pour cela, la jeune fille barbue s'appliquera avec ardeur à tous les travaux de son sexe. Elle ne négligera aucun artifice de coquetterie destiné à faire valoir les charmes qu'elle peut posséder. Elle se montrera d'autant plus heureuse de la recherche de l'homme qu'elle aura redouté d'en être dédaignée.

Quand, malgré sa barbe, elle a conquis un époux, sa fierté ne connaît plus de bornes. Elle triomphe. Heureuse de l'occasion qui lui permet de prouver qu'elle est une femme comme les autres, elle s'attache à son époux, lui témoigne à la fois de l'amour et de la reconnaissance, et subordonne toutes ses pensées à la démonstration de ses qualités de femme d'intérieur et de mère de famille.

Bien plus, les quolibets et les sarcasmes de ses compagnes lui ont inspiré une profonde antipathie à l'égard des personnes de son propre sexe. Toutes les femmes à barbe que j'ai eu l'occasion d'interroger ont été unanimes sur ce point : elles témoignent d'une aversion marquée à l'égard des femmes.

Il y a donc chez toutes une réaction contre l'accusation de virilité ; on

pourrait peut-être l'attribuer aussi à l'esprit de contradiction qu'on dit inhérent à la nature féminine ; mais n'insistons pas.

L'espace dont nous disposons dans cette Revue ne nous permet pas' de donner à nos conclusions toute l'ampleur que nous voulions leur accorder. Nous sommes également obligé de réserver l'étude du rôle que l'hérédité joue dans l'apparition de la barbe chez certaines femmes. Comme ces personnes étaient généralement issues de mères dont les joues étaient glabres et de pères fortement barbus, nous inclinons à admettre que dans le conflit des deux cellules embryonnaires, au point de vue du système pileux, c'est l'influence paternelle qui a prédominé. Dans une récente étude sur l'hérédité, publiée par le professeur Bordier, directeur de l'Ecole de médecine de Grenoble, nous trouvons mis en relief le fait qu'en Biologie, comme en Droit, l'enfant hérite de son père et de sa mère en proportion de la richesse de l'un et de l'autre. L'étude approfondie des femmes à barbe semble confirmer l'opinion de M. Bordier.

L'étude des femmes à barbe soulève encore d'autres problèmes fort troublants. Quelle place faut-il leur accorder dans l'évolution des races humaines. Doit-on les considérer, d'après la théorie de Brandt, comme des pionniers de générations futures analogues. Nous serions assez disposé d'ailleurs à l'admettre. Un fait assez remarquable vient à l'appui de cette supposition. La France, par l'état de ses institutions politiques, par l'éclat de sa civilisation, par le développement des lettres, des sciences et des arts peut être considérée comme un des peuples dont l'évolution semble la plus avancée. Or, si l'on examine attentivement des dames françaises réunies dans les sociétés ou des assemblées diverses, on se convaincra aisément qu'un très grand nombre, possèdent sur la lèvre supérieure un duvet assez marqué pour constituer les éléments d'une petite moustache. Le fait est tellement hors de doute, qu'en Allemagne, lorsqu'une actrice doit, dans une pièce de théâtre, jouer un rôle de femme française, il est de tradition courante, afin de marquer la nationalité qu'elle représente, d'estomper fortement sa lèvre supérieure.

L'hypothèse du Dr Brandt n'a rien qui puisse inquiéter nos contemporaines. Comme il le dit lui-même: *> aux représentants du beau sexe qui, tout en admirant la barbe chez l'homme, la repoussent pour elles, il reste cette consolation que le nombre des femmes barbues ne parait augmenter que peu à peu et d'une façon à peine perceptible dans le cours des siècles : il n'y a donc pas plus lieu de se préoccuper du temps où toutes les femmes auront de la barbe, que de la fin du monde. *

Nous nous bornerons, pour conclure, à dire que les apparences de la virilité n'apportent aucun élément dans la formation du caractère des femmes à barbe. Orientées par l'éducation familiale et par les habitudes acquises vers les goûts féminins, elles poursuivent leur évolution dans la direction qui leur a été primitivement imprimée. En résumé, l'étude

des femmes à barbe fournit une contribution importante à l'opinion de ceux qui, comme nous, pensent que dans la constitution de l'être moral, l'hérédité est peu de chose, tandis que la psychologie et l'éducation sont tout.

PHYSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES

Les religieuses de Port-Royal.

(Neuvième série de 5 observations). Par le Dr Binet-Sanglé, Professeur à l'Ecole de psychologie. {suite) (')

Pouques de Vendôme mourut le 22 novembre 1066. 11 épousa Perre-nelle, sœur de Renaud de Cha.tea.urena.ud, chantre de St-Martin de Tours, laquelle consentit à la donation faite par son mari à l'abbaye de Marmoustier en 1066, légua trois arpents de vigne à l'abbaye de la Trinité de Vendôme, du consentement de Bouchard son fils, et mourut le 1er novembre 1077. Il en eut deux garçons et deux filles dont Bouchard III, qui confirma la fondation de l'abbaye de la Trinité de Vendôme en 1075, et mourut sans alliance le 19 février 1085, et Eufrosine.

Eufrosine de Vendôme fut excommuniée par Brunon, légat du Pape, pour s'être emparée du prieuré de Savigné en l'abbaye de Vendôme, et ihtiiij épousa Geoffroy de Preuilty III.

Geoffroy de Preuilly III descendait d'Effroi de Preuilty, qui fit construire en 1001 l'abbaye de St-Pierre de Preuilly, où il fut enterré, et eut trois garçons, dont Robert, mort sans enfants, Godebert, qui fonda en 1024 l'église paroissiale de St-Martin de Bossay, et Geoffroy I.

Geoffroy de Preuilly I, marié en 1031, eut deux garçons : Gui, qui signa comme témoin à la charte de Geoffroy d'Anjou pour l'église de Clément de Craon en 1053, et Geoffroy II.

Geoffroy de Preuilly II, tué en 1026, eut deux garçons, dont Geoffroy III.

Celui-ci confirma en 1086, les ordonnances faites par Geoffroy d'Anjou, en faveur de l'abbaye de la Trinité de Vendôme, y donna les lieu et paroisse de Baigneux et Savigné-sur-Brayc en 1090, fit le voyage de Terre-Sainte, et y fut tué en 1101 ou 1102. Geoffroy de Preuilly III et Eufrosine de Vendôme eurent deux '(Ktif garçons, dont Geoffroy de Preuilly dit Geoffroy de Vendôme III.

Celui-ci assista à la bataille de Sais en 1113 ou 1115, fit le voyage de t St-Jacques de Galice en 1124, alla depuis en Terre-Sainte et mourut fcuta après 1134. En 1105, il épousa Ms.ha.ud d'Alençon-Chale&udun.

Mahaud d'Alençon-Chate&udun descendait de Yves d'Alençon-WmBellesmel.

(1) Voyez Revue de l'Hypnotisme, n* d'octobre 1005 et suivants.

Le frère de ce dernier, Sigefroy d'Alençon-Bellesmc évoque du Mans, se maria et enrichit ses enfants des biens de son église. * Se voyant dangereusement malade, il se fit transférer à l'abbaye de la Couture dans son diocèse, où il prit l'habit de St-Benoit, y mourut vers l'an 993 « ('], et y fut enterré.

Yves dAlençon-Bellesme eut une fille et trois garçons, dont : Aves-gaud, évoque du Mans, qui eut guerre avec le comte du Mans, l'excommunia mit à deux reprises son royaume en interdit, fit bâtir un palais épiscopal, fit le voyage de Jérusalem, mourut le 17 octobre 1035, après avoir été évéque du Mans quarante-trois ans, un mois et sept jours, et fut enterré dans la cathédrale de Verdun, à laquelle il fit plusieurs dons; et Guillaume I.

Guillaume d'Alençon-Bellesme I, fonda entre 1020 et 1026 l'abbaye de Lonlay, qu'il dota richement, du consentement de sa femme, de tous ses fils et de son frère Avesgaud. « Il fit le voyage de Rome, où il se confessa au Pape, qui lui ordonna pour pénitence de faire bâtir et de doter richement une église qui ne serait soumise qu'au Saint-Siège j ce qu'il exécuta en faisant construire dans son château de Bellesme une superbe église en l'honneur de St Léonard, abbé ; et y fit transporter le corps. Il y établit des chanoines... l'affranchit et l'exempta de toute juridiction autre que celle du Saint-Siège » ja). II eut cinq garçons, dont : Fouques, Guillaume JI dit Talvas, qui fit crever les yeux, couper le nez, les oreilles et les parties génitales à Guillaume Giroie d'Echaus-son ; Yves, évéque de Séez, homme « d'une belle prestance, sçavant, fin et éloquent, d'une humeur agréable qui aimait les ecclésiastiques et les religieux comme un père aime ses enfants » (8). Le 3'i octobre 1048, il signa un acte de Guillaume de Normandie en faveur de l'abbaye de St-Riquier. Ayant fait brûler son église par imprudence, il alla à Pouille et à Constantinople faire une quête chez les princes de ces pays, ses parents, et fit commencer en 1053, une cathédrale superbe. Il conseilla à Roger de Montgommery de faire bâtir le monastère de St-Martin de Séez, fit plusieurs biens à l'église de Marmoutiers, assista en 1067 À la dédicace de l'église de St-Martin de Paris, mourut en 1074, et fut enterré i'AltD(0b-r?lm devant le maître autel de son église ; enfin W&rin d'Alençon-Perche.

Celui-ci, mort avant son père, épousa Mélisende, vivante en 1031, sœur d'Hugues de Chafeaudun J7, archevêque de Tours, mort le 12 mai 1023, et en eutCeoffroy 7.

Geoffroy d'Alençon-Perche I fut excommunié par Fulbert, archevêque de Chartres, pour avoir fait bâtir un château sur les terres du diocèse, souscrivit en 1028 à la confirmation des biens de l'abbaye de Colombes au diocèse de Chartres, faite par le roi Robert, fonda l'église du prieuré du Sl-Sépulcre de Chateaudun, et la donna au prieuré de St-Dcnys de Nogent, qu'il fonda le 15 décembre 1031, et fit encore

(IJ Anselme : Histoire de la Maison de France, t. III. 283. (î) Ibid., t. III. ?84.

(3) Orderic Vital : Histoire ecclésiastique, t. III.

quelques donations à l'abbaye de St-Pierre-en-Vallée. II eut deux garçons : Hugues d'Alençon-Mortagne. qui souscrivit à la fondation et aux donations précédentes, et mourut jeune, et Rotrou I. **rtifw Rotrou d'Alençon-Mortagne I, qui devint sourd, guerroya contre l'évéque de Chartres, qui l'excommunia fit achever à ses dépens, à la fin de ses jours, le monastère de St-Denys, à Xogent-Ie-Rotrou, y fit de nouvelles donations, et en fit faire la dédicace par Geoffroy, évéque de Chartres, et Arnaud, évéque du Mans, Il eut deux tilles et trois garçons dont Geoffroy II, vivant en 1066, « bel homme, vaillant, sage, pieux, de bonnes mœurs, craignant Dieu, qui protégea toujours l'église et les pauvres de J. C. » ('), mourut en octobre 1100, et fut enterré en habit

fr religieux de Cluny au monastère de St-Denys à N"ogent-le-Rotrou, et

fcaiit Hugues d'Alençon-Chateaudun.

Celui-ci, vivant en 1101, eut un garçon et une fille, Geoffroy I, vivant en 1136, qui se fit religieux à la fin de ses jours en l'abbaye de Tiron, et Mahaud d'Alençon-Chateaudun, femme de Geoffroy de Vendôme III laquelle fit une donation à l'abbaye de Vendôme.

'jhtim Geoffroy de Vendôme III et Mahaud d'Alençon-Chateaudun eurent deux garçons, Geoffroy, vivant en 1136, qui signa la donation faite par sa mère à l'abbaye de Vendôme et Jean I.

Jean de Vendôme I fit de grands biens à l'église collégiale de Saint-Georges de Vendôme, donna, en 1117, à l'abbaye de la Trinité de Vendôme une partie de la forôt de Gastine, « établit le droit des logemens, la taille, les corvées et la justice du meurtre et du vol sur les terres que l'abbaye de St-Laumer de Blois possédait en Vendômois, fit aussi plusieurs dommages et concussions à l'abbaye de la Trinité de Vendôme, fut excommunié par Jean de Salisbery, évéque de Chartres, et obligé de renoncer à ses exactions et de satisfaire l'église de Vendôme pour être relevé de l'excommunication, dont le même prélat lui donna l'absolution en 1180, fit le voyage de Terre-Sainte, et mourut au retour dans le monastère de la Charité-sur-Loire, où il avoit pris l'habit de Saint-Benoit (') >.

Il épousa Richilde de Lavardin, qui donna à Richard, abbé de la Trinité de Vendôme, plusieurs terres et vignes en 1165. Il en eut une tille et trois garçons : Lamelin, vivant en 1161, mort avant 1195, enterré devant la chapelle Ste-Marie-Madeleine en l'église de la Trinité de Vendôme, Geoffroy, qui consentit au don que fit sa mère de la métairie de Villers à l'abbaye de Vendôme, et fit lui-même, en 1203, pour son anniversaire, une donation en cette même abbaye, en l'église de laquelle il fut enterré, et Bouchard IV.

Bouchard de Vendôme IV termina les différends qu'il avait avec les religieux de la Trinité de Vendôme, leur fit une donation, qui fut confirmée par le pape Hubert Privelli (Urbain III), le 30 janvier 1186,

(1) Orderic Vital : Histoire ecclésiastique, t. VIII.

(2) Anselme : Histoire de la maison de France, VIII, 724.

accorda quelques privilèges et exemptions aux religieux du prieuré de Lavardin pour son anniversaire et celui de sa femme, et mourut en 1202. Il eut deux garçons et une fille; Jean, mort avant son père en 1193, Jean III, trésorier de l'église cathédrale de St-Maurice d'Angers, prévôt de l'église collégiale de St-Georges de Vendôme, qui donna le droit de foire à l'abbaye de la Trinité de Vendôme en 1213, fit, du consentement de sa femme, un accord avec le chapitre de l'église St-Georges, touchant certains droits qu'il prétendait sur la paroisse de Mcsangey, et Agnès de Vendôme. 4rYuitnt Celle-ci, enterrée dans l'abbaye de Notre-Dame de Fontaines, épousa Pierre de Montoire, et engendra Jean de Montoire, dit Jean de Vendôme IV.

Jean de Vendôme IV, vivant en 1218, jura en 1223 de faire garder l'ordonnance faite contre les Juifs en cette même année, assista à l'assemblée que tînt Louis VIII en 1225 pour prêter secours contre les Albigeois, et fut l'un des grands de France qui écrivirent au pape en 1235 contre les prélats du royaume et leur juridiction. Il épousa Aiglan-tine, qui fonda avec son mari l'abbaye de la Virginité au diocèse du Mans en 1220, et en eut deux filles et trois garçons, dont Pierre de Vendôme.

Celui-ci fit quelques biens à l'abbaye de la Virginité, où il mit deux de ses filles, accompagna Louis IX au premier voyage d'outre-mer et y mourut le 29 mars 1249. Il épousa Gervaise de Mayenne, qui confirma avec son mari en 1238 le don fait à l'abbaye de Vendôme par Geoffroy de Vendôme, et fit un accord, du consentement de son mari et de Bouchard, son fils, avec l'abbé de Vendôme en i 246- Il en eut deux filles et trois garçons : N et N, religieuses à la Virginité de Vendôme, Jean qui suivit Louis IX en Afrique en 1270, et qui était mort en 1283, Bouchard V, vivant en 1266, mort avant 1271, enterré en la chapelle de St-Biaise de l'église collégiale de St-George de Vendôme, et Geoffroy, U YeniiM- père de Jean de Vendôme-Chartres J.

CfarUti Jean de Vendôme-Chartres donna en 1310 quelques prés aux religieux du prieuré de Villepreux, et eut un garçon et deux filles dont : Zsaèeau, religieuse à Poissy, morte le 14 février 1352, et Aiglantine de Vendôme-Chartres.

h UcilMHmj Matthieu de Montmorency d'Auvraismenil et Atgfanrine de Vendôme-Chartres eurent trois garçons et deux filles, dont : Jean, vivant en 1384, mort peu après, 1414, marié et sans postérité, Hugues nommé vers 1360 à l'évêché d'Orléans, par résignation que lui en fit son oncle Jean, ce qui fut confirmé par les bulles du pape Innocent IV, mort avant 136$, Luce, religieuse, trésorière puis abbesse de l'abbaye de Mau-buisson en 1388 et 1405, et Matthieu de Montmorency d'Auaraismenilll.

Matthieu IL qui était mineur en 1365, fit, le 19 mai 1378, un accord avec l'abbé et les religieux du Val, qui lui restituèrent, ainsi qu'à Jean son frère, les cens et rentes de Maffiiers, que Charles leur oncle avait donnés à cette abbaye, et mourut vers 1414. Il eut trois filles et un garçon CnaWes.

Charles, mort en 1461, épousa, par contrat du 11 mai 1447, Jeanne Ra.ta.ul, morte en 1491, fille de Bertrand Rataud et de Marguerite Rouault.

IhiiII Marguerite Rouault, descendait de Louis Rouault, vivanten 1381,

mort en 1400. qui épousa Marguerite de Brisay. b Brîuf Marguerite de Brisay descendait de Pierre de Brisay II, bienfaiteur

de l'abbaye de Fontevrault. Le petit-fils de Pierre II Raoul, fonda les Cordeliers de Mirebeau, et

engendra ,4/au de Brisay II, dont la veuve donna des rentes à l'église

de Fontevrault, et qui fut le bisaïeul à'Alau III. Celui-ci, vivant en 1323, eut un garçon et quatre filles, dont : Alau IV,

qui fit des rentes à l'abbaye de Fontevrault, et Marguerite, femme de

Louis Rouault. (à suture)

société d'hypnologie et de psychologie

Séance annuelle du 20 juin 1905. — Présidence du D'Albert Robin.

Le trac par asynergie des images mentales par M. le Dr Paul Farez Professeur à l'Ecole de Psychologie.

11 y a lieu de distinguer trois formes de trac :

1* La forme ordinaire, commune, banale, (presque normale quand elle estpeu intense, maladive seulement quand elle devient excessive) ; c'est le trac essentiel, primitif; il survient d'emblée, dans des circonstances données, à titre de phénomène émotionnel, dont les paroxysmes s'accompagnent de désharmonie fonctionnelle, de déséquilibre mental, avec angoisse, troubles vasomoteurs ou sécrétoires, agitation ou impotence motrice, perte de mémoire, etc.

2" Le trac résultant de la diathèse de scrupule : par exemple un virtuose, inquiet, douteur, se demande s'il sait son morceau, s'il n'aura pas d'absence de mémoire, s'il ne fera pas de fausse note, etc. En présence du public, il est distrait, dispersé, incapable de concentrer sa pensée ; esclave de ses idées parasites et de ses préoccupations mentales, il ën arrive à jouer, devant un auditoire, mal ou beaucoup moins bien que dans la solitude ; toujours inférieur à lui-même devant le public, il se met à redouter précisément de paraître en public, et le trac est ainsi constitué, consécutivement à cette rumination maladive ; au moment de l'audition, le trac se manifeste avec tout le cortège de troubles énoncés ci-dessus; dans l'intervalle des auditions, il devient une phobie tyran-nique et revêt la forme de l'obsession chez les dégénérés.

3BUne troisième forme (que les auteurs différencient mal des précédentes et qui en est p'ourtant bien distincte) survient secondairement, elle aussi. non plus à un état mental spécial, mais à une asynergie (congénitale ou acquise) des diverses images mentales.

Que faut-il entendre par là?

A titre d'exemple, considérons ce qui se passe chez les jeunes élèves, quand ils apprennent une leçon de mémoire.

L'un est silencieux et immobile ; sans faire un geste, sans même remuer les lèvres, il apprend par les yeux ; ce sont des images visuelles qu'il grave dans son esprit.

L'autre lit sa leçon tout haut ou se la fait lire à haute voix ; attentif aux sons qui frappent son oreille, il s'assimile des images auditives.

Un autre lit aussi sa leçon à haute voix ; mais, accoudé sur la table, il se bouche les oreilles avec les pouces ; il s'applique ainsi à ne pas être distrait par le son de sa voix; il prononce pour prononcer, c'est-à-dire qu'il fixe dans sa mémoire des images motrices d'articulation.

Un autre, enfin, écrit de sa propre main sa leçon tout entière ; il confie à sa mémoire des images motrices graphiques.

La méconnaissance de ces divers types entraine journellement des erreurs pédagogiques très regrettables.

¦Ainsi, dans les internats, les leçons doivent être apprises dans le plus profond silence, ce qui met l'auditif dans l'impossibilité de rien retenir. D'autre part, pendant les études dites de leçon, il est défendu, d'ordinaire, de tenir une plume à la main et de rien écrire; le graphique se voit ainsi refuser le libre usage des images dont il a besoin pour impressionner sa mémoire.

Pour ce qui est de la récitation des leçons en classe, elle a lieu à haute voix; or les visuels et les graphiques sont incapables de traduire immédiatement en images articulatoires leurs souvenirs visuels ou graphiques.

En somme, on exige que les élèvesapprennent leurs leçons comme s'ils étaient tous des visuels et qu'ils les récitent publiquement comme s'ils étaient tous des articulatcurs.

Sans doute, chez un individu normal, moyen, bien équilibré, ou dont le développement intellectuel a reçu sa pleine expansion, les diverses images visuelles, auditives, articulatoires, graphiques sont synergiques; elles se remplacent indistinctement, à volonté, suivant les besoins, et peuvent se manifestera tout moment, avec une intensité psychologique sensiblement égale. Mais l'humanité est très diverse; elle offre, chez de nombreux individus, l'exacerbation ou l'obnubilation de certaines images au détriment ou au profit des autres.

Cette asynergie des images mentales est parfois une raison de supériorité, par exemple dans les arts : un peintre est surtout un visuel, un musicien surtout un auditif. Dans la vie courante, cette asynergie est, le plus souvent, une cause de faiblesse ou d'infériorité. Témoins les quelques cas suivants, au sujet desquels j'ai été consulté.

I. — Le jeune X, âgé de 16 ans, est interne dans un lycée de Paris. Bien intentionné, courageux, il apprend ses leçons très consciencieusement; il les écrit même en entier de sa main. Lui demande-t-on de les réciter à haute voix, il ànonne, se tait, reprend quelques mots, balbutie et, finalement, reste coi. Comme de juste, le professeur lui marque une

mauvaise note et finit par le considérer comme un paresseux. Voyant ses efforts si peu couronnés de succès, le jeune X. se croit, se sent inférieur ; il se décourage, se désespère, prend en dégoût ses études et verse dans la neurasthénie. On le retire du lycée et on l'envoie passer quelques mois à la campagne. Dès qu'il reprend ses études, les mauvaises notes s'accumulent comme par le passé. Un nouveau professeur survient qui dit : n Cet élève a le trac ; il manque d'assurance, il a peur; faites-le hypnotiser. » Et, de fait, un de nos confrères l'hypnotise,... mais sans améliorer son état. C'est que la pychologie de notre jeune homme n'a pas été assez finement analysée. En somme, c'est un graphique auquel on demande de devenir, subitement, un parfait articulateur ; il ne le peut, il ne le sait; nous sommes en présence d'une impotence réelle. Malgré sa très grande efficacité habituelle, l'hypnotisme ne peut, subitement, faire d'un graphique un articulateur, pas plus qu'il ne peut, d'emblée, faire d'un brillant pianiste un remarquable joueur de flûte. L'hypnotisme est incapable de conférer la pratique d'un instrument pour lequel il n'y a pas eu d'apprentissage; de môme qu'un pianiste ne saura jouer de la flûte qu'après s'y être exercé et entraîné, de môme notre jeune élève ne sera capable d'articuler en public qu'après s'être habitué à manier avec virtuosité les images articulatoires. N'y avait-il donc point de trac? Si. Décontenancé par ses échecs, obsédé par la succession des mauvaises notes, notre jeune homme en arrive à redouter d'être interrogé. Et, interrogé, il a réellement peur; son trac accroît son impotence fonctionnelle; il ne la crée pas; le trac est secondaire et surajouté ; il complique la situation, il n'en est pas l'auteur.

IL — Un jeune vicaire de province prépare avec soin son sermon du dimanche suivant. Il le rédige de sa propre main et, dès que sa rédaction lui parait être au point, il l'apprend par cceur, en silence, à tète reposée. Quand il l'a lue des yeux, un certain nombre de fois, il la possède bien ; il est môme capable de l'écrire à nouveau de mémoire... Puis, le dimanche, en chaire, il bredouille lamentablement, se trouble et produit un très mauvais effet. Vexé, découragé, il devient triste, obsédé; il a vraiment la phobie de la chaire; c'est avec angoisse qu'il en gravit les degrés; il présente tous les phénomènes du trac, au moment où il va commencer son sermon. Ici encore le trac est consécutif à une inaptitude fonctionnelle primitive, qu'il complique sans l'avoir créée.

En somme, notre pauvre abbé n'a pas été entraîné à traduire en images articulatoires les images visuelles ou graphiques qu'il a confiées à sa mémoire. L'asynergie des images mentales est seule responsable de son trac.

III. Un étudiant de la Sorbonne doit, à son tour, expliquer, à haute voix, tel texte latin ou grec du programme de l'Agrégation des Lettres. Il le prépare à l'avance ; il en possède le sens ; il est prêt à exposer judicieusement les remarques littéraires, historiques, philologiques que comporte le morceau ; il compte satisfaire le professeur et produire une très bonne impression sur ses auditeurs. Or, son explication esthésitante,

parfois enfantine et incorrecte ; il se trouble et parait improviser péniblement ce qu'il a préparé avec tant de soin et possédait si bien. Lui aussi s'est contenté d'emmagasiner dans sa mémoire des images visuelles ou graphiques, sans s'exercer à les exprimer aisément en images articu-latoires. Son échec le décontenance; et le trac, survenu ainsi par contrecoup, paralyse encore davantage ses moyens.

L'hypnotisme donne d'éclatants succès (') dans les deux premières formes du trac, surtout dans la première; il est incapable de supprimer à lui seul la troisième variété dont il vient d'être question. Dans ces cas, en effet, le trac dépend de l'asynergie,il lui est consécutif ; c'est seulement en faisant disparaître l'asynergie que nous obtiendrons la disparition du trac. Or, l'asynergie ne disparaîtra qu'à la suite d'un entraînement psychologique long et persévérant.

Celui qui ignore la flûte n'en jouera qu'après avoir appris à le faire. De même ceux qui ne savent pas user des images articulatoires, graphiques, etc., ne pourront le faire aisément qu'après qu'on aura développé en eux l'aptitude qui leur manque. C'est donc par une éducation ou une rééducation méthodique qu'on parviendra à réveiller ou à exalter les groupes d'images demeurés à l'état rudimentaire et, pour ainsi dire, inculte. Le meilleur procédé est d'imposer, en toute circonstance, à titre d'exercice, le fonctionnement simultané, synergique, des divers groupes d'images, de manière que celles-ci s'associent fortement et puissent, par la suite, se susciter l'une l'autre et se remplacer aisément.

Par exemple, les visuels et les graphiques devront, en même temps qu'ils lisent des yeux et écrivent de leur propre main, articuler nettement et être pleinement attentifs au son de leur propre voix ; ainsi se grave dans la mémoire un faisceau de quatre sortes d'images synergiques, équivalentes, capables, avec le temps et la répétition, de se substituer les unes aux autres spontanément, sans aucune hésitation. Ces exercices devront avoir lieu sous la direction générale du médecin psychologue, lequel conseillera l'hypnotisme, à, titre d'adjuvant, pour obtenir du sujet l'assouplissement, la persévérance et la docilité qu'exige une semblable cure.

Lorsque cette rééducation psychologique aura établi la synergie mentale, le trac pourra disparaître de lui-même : Sublata Causa, tolliiur effectus. Toutefois, chez la plupart, il subsistera à l'état de simple habitude morbide; la suggestion hypnotique, à elle seule cette fois, aura tôt fait do le déloger. C'est ce qui est arrivé pour les trois cas que j'ai cités plus haut et que j'ai été assez heureux de guérir.

(i) Cf. Rev. de VHypn., avril 1905, le cas de cet élève du Conservatoire qui, grâce à l'hypnotisme, a pu remporter, à l'unanimité, le premier des seconds prix en 1904. La suggestion hypnotique l'avait si bien guéri de son trac que. au concours de 1905, il a obtenu le premier prix, sans que j'aie eu besoin de le suggestionner à nouveau. Ce cas prouve, une fois de plus, la persistance et la solidité des guérisons obtenues par l'hypnotisme.

De rhypnotisme chez les animaux

par MM. Lépinay et Grollet, médecins-vétérinaires, chefs du Laboratoire de Psychologie comparée (Ecole de Psychologie).

Ce n'est pas sans une certaine appréhension que nous venons exposer devant vous la question de l'hypnotisme chez les animaux. C'est en effet une question neuve, très controversée, et malgré nos recherches bibliographiques, nous n'avons trouvé que peu ou point de documents pouvant nous éclairer. Il nous faudra donc dans le courant de ce travail qui sera en somme le résultat des études que nous avons entreprises au Laboratoire de Psychologie comparée, nous servir des admirables travaux faits sur l'hypnotisme chez l'homme.

Pour pouvoir faciliter notre étude nous avons eu à nous poser les questions suivantes :

Ia Peut-on hypnotiser les animaux ?

2a Dans quel but provoquer l'hypnose ?

3* Les animaux sont-ils suggestibles ?

¥ L'hypnose peut-elle faciliter ces suggestions ?

Il y a là un certain nombre d'observations qui s'enchevêtrent et se complètent comme chez les humains.

Io Peut-on hypnotiser les animaux ?

A priori quand on se pose celte question ou qu'on la pose à des personnes qui s'occupent des animaux : dresseurs, vétérinaires, éleveurs, etc., la réponse est que l'hypnose ne parait pas pouvoir être provoquée chez les bêtes, parce que les expériences auxquelles on se livre pour endormir un animal, avec les moyens appliqués habituellement chez l'homme, ne réussissent pas ; en somme si l'on veut fixer les yeux d'un animal, comme on les fixe chez l'homme pour produire l'état d'hypnose, on n'obtient rien ou peu de chose, ce surtout à cause de la disposition anatomique des yeux qui ne permettent pas la fixation simultanée des deux globes oculaires, de plus l'animal, ou ne se laisse pas du tout fixer les yeux, ou au bout d'un moment de fixation, parait être gêné par le regard de l'expérimentateur et se soustrait immédiatement à son regard. Il y a là de la part des animaux une méfiance que l'on doit certainement retrouver chez l'homme qui ne consent pas à se laisser hypnotiser.

Veut-on recourir à l'hypnose produite par les instruments dont vous vous servez pour hypnotiser les hommes, tels que les miroirs, les prismes, les sonneries, les vibrations ; alors la méfiance s'accroit encore et elle se complète d'une peur, qui fait que les animaux se dérobent à votre contact.

Nous verrons plus loin que la musique a cependant paru produire quelques effets chez les animaux et notamment chez le cheval. Mais jusqu'alors nous entendons par hypnotisme, la mise d'un sujet dans un sommeil relativement profond, or, vous nous avez appris que l'hypnotisme débutait beaucoup plus tôt et qu'il fallait entendre par cette énon-

dation non seulement le sommeil profond, mais encore beaucoup d'états intermédiaires, qui bien souvent ressemblent à s'y méprendre à l'état de veille parfait; lentement il y a déjà hypnose quand l'être sur lequel on agit est sorti de l'état de veille complet, et qu'un certain nombre de ses fonctions sont dans un état passif. Mais ces états passifs sont nombreux chez les animaux, quand on veut s'en rendre compte et qu'on les observe dans leurs rapports journaliers avec nous. De même que les médecins hypnotiseurs ont parfaitement vu que l'être humain qu'ils cherchaient à endormir et chez lequel ils ne paraissaient pas avoir réussi, est cependant hypnotisé dans une certaine mesure, de môme des animaux, qui bien entendu ne dorment pas, sont dans un état passif quand nous avons pu prendre sur eux ce que nous appelons de l'ascendant. Si donc on s'entend sur la véritable définition du mot hypnotisme, nous sommes obligés d'admettre que nous possédons une certaine action dans des circonstances déterminées sur des animaux et par conséquent nous les hypnotisons dans une certaine mesure, sans qu'ils s'en aperçoivent, et peut-être même sans que nous nous en doutions.

Passons donc en revue les différents animaux que nous avons pu observer et voyons la question pour chacun d'entr'eux et particulièrement pour le cheval.

Chez les grands animaux les fonctions psychiques ont été peu étudiées, les utilités que l'homme recherche chez eux sont, en effet, d'ordre exclusivement matériel.

Chez les uns, les animaux de boucherie et de laiterie, on recherche le maximum de rendement, en viande, lait ou graisse. Chez les autres qui sont utilisés comme moteurs on recherche le maximum de contraction musculaire.

Les animaux sont, en effet, des machines à transformation d'énergie puisée dans les aliments en une certaine somme d'utilités de diverses sortes, travail musculaire, production de lait, de chair, de graisse.

Or la machine qu'elle soit vivante ou qu'elle soit inanimée est d'une exploitation d'autant plus rémunératrice qu'elle donne, pour une même quantité de matière consommée, la plus forte somme de produits utilisables.

La machine inanimée transforme en mouvement l'énergie latente emmagasinée dans le combustible qu'elle brûle.

La machine vivante transforme l'énergie latente emmagasinée dans les aliments qu'elle consomme en chaleur, mouvement, réparation des pertes de ses tissus, accroissement de leur masse, ou en excrétions diverses.

Les fonctions cérébro-spinales doivent donc se borner à assurer la vie végétative; tout travail cérébral s'accompagnant de mouvement, d'agitation quelconque, de production de réflexes, de peur, d'ennui d'excitations quelconques entraînerait une dépense d'énergie au détriment de la production recherchée, lait, viande, etc.. Ces animaux sont donc maintenus dans des conditions éminemment propres à diminuer leur intelligence.

Le fait est que chez les animaux producteurs de viande et de lait, bœuf, mouton, porc, le développement intellectuel est complètement enrayé.

Le cheval, animal producteur de mouvement dans des conditions variées, est encore fort peu intelligent, mais manifeste néanmoins une intelligence que nous qualifierons de professionnelle.

Le cheval de ville, utilisé en terrain varié, acquiert une adresse remarquable pour se diriger parmi les accidents de terrain. Le cheval d'armes, s'il n'est pas gêné par un cavalier maladroit, évite généralement bien les aspérités du sol, les trous, les endroits dangereux. Pour sauter il sait calculer la distance et y proportionner son effort.

Le cheval de voiture, utilisé dans les grandes villes, acquiert, nous ne dirons pas toujours, mais souvent, une adresse assez remarquable pour se diriger sur le pavé glissant, adapter son allure au terrain sur lequel il marche, se diriger parmi les voitures.

Le cheval de gros trait, le limonier, acquiert une adresse admirable pour maintenir son véhicule, résister aux secousses latérales qui lui sont imprimées, résister quand la voiture le gagne.

Il y a là, certainement, des manifestations intellectuelles, des associations d'idées, des variations de l'intelligence. Le cheval, cela est certain, a une prodigieuse mémoire et un faible jugement, mais dans la circonstance, c'est plutôt le jugement que la mémoire qui le fait agir.

Nos grands animaux sont donc intelligents dans une mesure plus ou moins faible, mais l'hypnotisme a-t-il besoin pour s'exercer de trouver des cerveaux supérieurs? — Non, assurément, et, dès lors pourquoi ne s'exercerait-il pas sur les animaux dont nous parlons ?

Chez le mouton, le porc, il n'a été fait aucune observation sérieuse et cependant on doit rappeler que les moutons sont fascinés, sinon par leurs bergers, mais par les chiens et plus encore par les loups. Le fabuliste n'a pas eu tout à fait tort de nous représenter le loup sermonnant la brebis avant de la dévorer et lui prouvant qu'elle et les siens avaient mérité le châtiment, on a observé en effet que le mouton était figé par le loup et paraissait attendre passivement sa dent.

Chez fa brebis, chez la vache, nous avons eu connaissance de bêtes retenant leur lait avec certains vachers habitués à traire, s'y prenant bien, sans doute, puisque les autres vaches se laissaient faire ; ces mêmes vaches qui, avec un homme du métier, retenaient leur lait, le donnaient volontiers avec une autre personne s'y prenant mal! N'y aurait-il pas là une question d'ascendant, d'hypnotisme? Réaction dans un cas, passivité dans l'autre.

Chez le cheval, l'hypnotisme s'exerce assurément. L'ascendant de certains hommes est évident. Les chevaux méchants, dans la grande majorité des cas, se laissent manier par un homme, cocher ou palefrenier, qui a pris sur eux ce qu'ils appellent de l'empire. Cet empire n'est jamais l'effet de la brutalité ou de la violence ; l'homme qui l'exerce est généralement doux, mais énergique, il a su imposer sa volonté à son

cheval. Voudrait-il d'ailleurs agir autrement, qu'il se trouverait immédiatement en présence d'une force invincible. Tel animal qui, par exemple, mordait, a été corrigé quand il esquissait le geste et ensuite tenu en respect par l'attitude, l'intonation de son palefrenier — dès lors, il n'a plus cherché à le mordre alors qu'il conservait son agressivité pour tous les autres individus l'approchant, n'agit-on pas de même pour les enfants et n'obtient-on pas par des résultats analogues? « La crainte, la peur, le sentiment d'une supériorité sont incontestablement des éléments hypnogènes » et ces éléments nous les observons tous les jours dans nos rapports avec les animaux pour obtenir d'eux la passivité nécessaire. Par exemple, pour faire lever la première fois le pied d'un cheval, l'homme caressera l'animal et lui fera comprendre au moyen de ses attouchements, de paroles prononcées avec une intonation calme, qu'il ne lui veut aucun mal, lentement il captera sa confiance, il obtiendra que son sujet abandonne sa résistance naturelle, se résigne, se tranquillise, il l'aura mis dans un état passif, dans un certain état d'hypnose et alors il pourra facilement lever le pied, ferrer l'animal et même quelquefois dans certaines circonstances, faire une petite opération relativement douloureuse, sans protestation bien considérable du patient ; et c'est chose curieuse de voir que cet ascendant, cette facilité à le produire existe plus souvent chez de simples ouvriers que chez des personnes qui font le métier de dresseur d'animaux, c'est que les premiers ont compris qu'en s'y prenant de la façon que nous venons de décrire, on obtient tout ce que l'on veut des animaux, les seconds, au contraire, ont la prétention, quels que soient leurs talents, d'imposer immédiatement leurs volontés au sujet qu'ils approchent et alors ils n'obtiennent aucun bon résultat, on pourrait comparer leurs néfastes procédés aux interventions des personnes qui veulent faire de l'hypnotisme sans en connaître les règles, qui veulent plonger dans un étal d'hypnose des humains qui n'y sont pas préparés.

En ce qui concerne le cheval, comme beaucoup d'autres animaux, tous les hommes ne sont pas également capables d'obtenir les résultats qu'ils convoitent, il faut avoir la connaissance profonde du cheval avant de pouvoir réussir à prendre sur lui l'ascendant nécessaire et tel individu qui sera parfaitement capable de mettre dans un étal de passivité un cheval, n'obtiendra rien quand il s'adressera à un chien ou à un chat.

Nous sommes convaincus que ces différences sont observées pour les différentes races humaines, tel médecin hypnotiseur qui obtiendra les succès les plus considérables chez une race humaine, aura vraisemblablement beaucoup moins de succès et peut-être des insuccès décourageants quand il s'adressera à une autre race qu'il connaîtra peu ou moins.

En résumé dans bien des circonstances nous hypnotisons les animaux sans le savoir, nous avons vaincu les résistances naturelles ou provoquées de ce cheval, parce que nous avons capté sa confiance, parce que nous avons endormi sa méfiance, ses prédispositions, parce que nous

avons aboli dans une mesure son pouvoir de contrôle, pour facilement lui imposer notre volonté, qui est de le rendre utilisable, et d'y arriver par un ensemble de moyens qui constituent le dressage. Et ce que nous disons pour le cheval, nous pourrions le répéter pour tous les animaux sans exception, même pour les animaux sauvages.

Il se passe pour tous un fait curieux, que vous nous avez déjà signalé chez l'homme.

Vous avez à dresser ou redresser un humain, (car c'est en réalité du redressage que vous tentez, lorsque vous endormez un malade dans le but de lui faire des suggestions, en vue d'une heureuse modification dans sa manière de se comporter) vous remarquez que si cet être s'éloigne de vous pendant un temps trop long il s'endormira moins facilement et partant sera moins apte à recevoir vos suggestions. Mais Bostock ne nous dit pas autre chose pour les animaux qu'il essaie dompter et il ne cesse de recommander d'avoir constamment dans la main les animaux en dressage, de ne pas les perdre de vue, de chaque jour les reprendre en exercices et de ne jamais devant eux se laisser aller à un geste pouvant diminuer le prestige du dompteur et le pouvoir de domination qu'il exerce.

Nous voyons cela sur nos chevaux.

Cessez de conduire un cheval même bien dressé et vous verrez combien ïite il s'affranchira, vous ne tarderez pas àavoir perdu sur lui tout empire, et il vous faudra alors faire du redress&ge, le dominer à nouveau, le remettre dans un état passif pour lui faire accepter votre domination et le ployer à vos exigences.

En résumé nous hypnotisons les animaux et lorsque dans une séance ultérieure nous aurons répondu aux trois autres questions de notre programme, nous verrons à quels moyens il y a lieu de recourir pour provoquer volontairement cette hypnose et en faire un état propice au dressage et à l'utilisation des animaux, qui de plus en plus deviennent des collaborateurs et pourraient être beaucoup plus précieux qu'ils ne le sont si nous connaissions mieux leur réceptivité au point de vue de nos suggestions.

chronique et correspondance

Société d'hypnologie et de psychologie.

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 16 janvier, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le D'Jules Voisin, médecin de la Salpètrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Dr Parez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications inscrites :

Dr Bbrillon : Les timidités.— Le traitement psychologique de l'émoti-vité morbide.

M. Caustier, professeur au lycée Condorcet ; La méthode socratique dans l'éducation scientifique.

Dr Parez : Mensonge et intimidation chez un lycéen.

Dr Le Menant desChesnais : Borborygmes hystériques traités avec succès par la suggestion hypnotique.

M. Gallic : La qualité de la voix dans la pratique de la suggestion. Dr Demonchy : La suggestion de la voix.

Df Félix Regnault : Définition de la suggestion ; Inscrits: MM. Louis

Favre, Bérillon, Paul Magnin. 1 '¦ DamoGlod (du Caire) : Mutisme hystérique guéri en une séance par

la suggestion hypnotique.

nouvelles

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie

COURS DE 1906 (6' année)

La réouverture des cours aura lieu mercredi lOjanvier, àcinq heures, sous la présidence d'honneur du D'Huchard, membre de l'Académie de médecine, et la présidence du Dr J. Voisin, médecin de la Salpètrière.

M. le Dr Paul Magnin fera la leçon d'ouverture sur : La psychothérapie et l'hypnotisme.

L'enseignement de l'Ecole de psychologie est public.

Hypnotisme thérapeutique

M. le Dr Bérillon, professeur.

Objet du cours : 1° Les maladies du jugement et les maladies du raisonnement : prophylaxie et traitement. Les lundis à cinq heures, à partir du lundi 15 janvier. 2° L'hypnotisme et l'orthopédie mentale : les timidités. Les jeudis à cinq heures, k partir du jeudi 11 janvier.

Hypnotisme expérimental

M. le D' Paul Magnin, professeur.

Objet du cours : L'hypnotisme chez les hystériques : Les paralysies hystériques.

Les lundis et les jeudis à cinq heures et demie, à partir du jeudi 11 janvier.

Hypnotisme sociologique M. le Dr Regnault, professeur.

Objet du cours : La genèse des miracles de Jésus : leur explication scientifique.

Les samedis à cinq heures et demie, à partir du samedi 13 janvier.

Psychologie pathologique M. le Dr Paul Farez, protesseur. Objet du cours : Les sommeils pathologiques.

Les mardis à cinq heures et demie, a partir du mardi 16 janvier.

Psycho-physiologie do 1 Art

M. Félix Hégauev, professeur. Objet du cours : Art et pédagogie.

Les vendredis à cinq h. et demie, à partir du vendredi 12 janvier.

Psychologie des dégénérés M- le Dr Binet-SanglE. professeur. Objet du cours : Les dégénérés mystiques. Les samedis à cinq heures, a partir du samedi 24 février.

Anatomie et psychologie comparées

M. E. Caustieh, agrégé de l'Université, professeur. Objet du cours : L'énergie animale : ses sources, ses modificaiions. Education de l'énergie physique et de l'éducation intellectuelle. Les mercredis à cinq heures à partir du mercredi 11 janvier.

Psychologie des animaux M. Lbpinay, professeur.

Objet du cours : Les méthodes de dressage : utilisation de l'intelligence et de l'instinct.

Les mercredis à cinq heures et 1/2, à partir du mercredi 11 janvier.

Psychologie du criminel

M. Blieck, avocat à la Cour, professeur.

Objet du cours : La lutte contre la criminalité juvénile.

Les mardis à cinq heures, à partir du mardi 16 janvier.

Philosophie scientifique

M. Louis Favhe, professeur.

Objet du cours : La méthode expérimentale : application à la question du bonheur. Les vendredis, à cinq heures, à partir du vendredi 12 janvier.

Psychologie musicale M. le D' Pahart, professeur suppléant. Objet du cours : Les émotions musicales.

Les samedis, à cinq heures, à partir du samedi 13 janvier (jusqu'au samedi 16 février).

Conférences pratiques d'hypnologie et de psychothérapie

Les conférences cliniques sur les applications de l'hypnotisme à la psychothérapie et à la pédagogie, reprendront le jeudi 18 janvier, à 10 heures du matin. Elles seront dirigées par les Dr» Bérillon, Magnin, Paul Farez et Pamart. On s'inscrit les jeudis â l'Institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts.

Conférences de 1906

Chaque année, les cours de l'Ecole de psychologie sont complétés par des conférences faites au siège de l'Institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts. Ces conférences portent sur toutes les questions qui relèvent de la psychothérapie et de la psychologie. Les conférences sont publiques.

les vendredis a huit heures et demie dd soir

Vendredi 12 janvier, à 8 h. 1/2, sous la présidence de M. le Dr Charrin, professeur au Collège de France. — Le cerveau organe de la pensée el de la volonté, par M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles d'aliénés (avec projections).

Vendredi 19 janvier, à 8 h. 1/2, sous la présidence de M. Jules Bois. — Psychologie de l'occultisme : la grande Pyramide de ChéopSj par M. Raoul Baron, professeur à l'Ecole vétérinaire d'Alfort.

Vendredi 26 janvier, à 8 h. 1/2, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière. — Le plaisir musical, par M. Lionel Dauriac, professeur honoraire des Facultés des lettres.

Vendredi 2 février, sous la présidence de M. le baron de Baye, explorateur. — Psychologie des foules : le Folklore Picard, par M. Pierre Dubois, docteur en droit, membre de la Société les Antiquaires de Picardie.

Vendredi 9 février, sous la présidence de M. Malapert, professeur au lycée Louis-le-Grand. — La psychologie du rire : rôle de la gaieté dans l'éducation du caractère, par M. le D' Bérillon, médecin inspecteur des asiles d'aliénés (avec projections).

Vendredi 16 février, sous la présidence de M. le Dr Fiessinger, membre correspondant de l'Académie de médecine. — Les maladies de lavolontê, par M. le Dr Paul Joire, de Lille.

Vendredi 24 février, sous la présidence de M. de Milloué, conservateur au Musée Guimet. — Psychologie comparée : L'évolution de l'intelligence sous le régime des castes, par M. le Dr Valestino, médecin-major à Pondichéry.

Récompenses académiques

Parmi les récompenses qui viennent d'être décernées par l'Académie des Sciences, nous sommes heureux de relever celle qui a été accordée au Dp Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière. Il a été nommé lauréat du Prix Lallemand, en récompense de ses importants travaux surl'épi-lepsie, sur l'idiotie et sur l'éducation des enfants arriérés.

L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.

Pari*. Imp. A. Quolquejeu, rue Gcrbert, 10.

20« Année. — ? 8.

Février 190G.

Inauguration du buste du D' Liébeault, sous la présidence d'honneur de M. Bien-Tenu-Martin, ministre de l'Instruction publique, et de M. Berlhtlot, ancien ministre, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences. — Une conférence du Dr BériUon à l'Association française pour l'avancement des sciences.

Le jeudi i,f février, à cinq heures, aura lieu à l'Ecole de Piychologie, sous la présidence d'honneur de M. Bienvenu-Martin, ministre de l'Instruction publique, et de M. Berthelot, ancien ministre, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, l'inauguration du buste, élevé par souscription, à la mémoire du D' Liébeault.

Aux médecins français, désireux de rendre à un émlnent compatriote l'hommage de tour reconnaissance, des savants étrangers viendront se joindre pour exprimer l'admiration que leur a inspirée l'œuvre psychologique du grand psychothérapeute de Xanoy. Cette démonstration scientifique constitue également un acte de réparation à l'égard du savant modeste dont les conceptions ont été le point de départ d'un mouvement scientifique si considérable et ont même contribué à favoriser tant de réputations .

Tous les psychothérapeutes animés du désir ardent de rendre justice au vrai mérite répondront à l'invitation du Comité et se joindront à lui pour honorer, comme 11 le convient, la mémoire du D' Liébeault.

L'ordre du jour est ainsi fixé :

1* Allocution du D' Jules Voisin, président du comité de la souscription. pi D' BériUon, secrétaire du comité, L'œuvre psychologique de Liébeault. S* Allocution du D* Paul Magnln, vice-président de l'Ecole de psychologie. 4* Allocution du D' Lloyd-Tuckey, de Londres.

5* Allocution du D' Raymond, professeur de la clinique des maladies nerveuses à la

Faculté de médecine, président d'honneur du comité. 6* Inauguration du buste du D' Liébeault (œuvre du statuaire Maillots). 7° Poésie de M. Jules Bols, en l'honneur de Liébeault, dite par M. Paul Mounet,

de la Comédie française.

Après la séance d'Inauguration un banquet sera offert aux délégués étrangers. Il aura lieu chez Marguery. Les admirateurs et les élèves du LV Liébeault sont Invités à nous adresser dès aujourd'hui leur adhésion.

• •

Chaque année l'Association française pour l'avancement des sciences convie les membres de l'Association à des conférences dans lesquelles sont traitées des questions scientifiques du plus haut intérêt.

Parmi les conférences, ayant un caractère psychologique, et qui par cela même peuvent intéresser nos lecteurs, nous signalons les suivantes :

Le 23 janvier : Les gravures et les peintures préhistoriques sur les parois des cavernes, par le Dr Capitan.

Le 30 janvier : L'île de Sakhaline, par M. Paul Labbé.

Le 6 février : Les troubles de la parole, par M. le Dr Chervin.

Le mardi 13 février, à S h. 1/2, au Palais des sociétés savantes, S, rue Danton, M. le D' Bérilton fera une conférence ayant pour litre : Excursion psychologique à travers les anomalies et les excentricités humaines. Cette conférence sera accompagnée de nombreuses projections.

Nos lecteurs peuvent demander des cartes d'entrée soit au siège de l'Association française, soit aux bureaux de la Revue de l'Hypnotisme.

L'Ecole de Psychologie

La sixième réouverture des cours de l'Ecole de Psychologie a eu lieu le mercredi 10 janvier, à cinq heures, sous la présidence d'honneur de M. le Dr Huchard, membre de l'Académie de médecine, et la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpôtrière. Aux côtés de M. le Dr Jules Voisin, avaient pris place, M. Fringnet, inspecteur d'Académie, et les professeurs de l'Ecole MM. les Dr'Bérillon, Félix lîegnault, Paul Farez, M. Caustier, professeur agrégé au Lycée Condorcet, M. Louis Favre, M. Lépinay, médecin vétérinaire, etc.

Parmi les personnalités qui assistaient à cette séance nous avons remarqué M. leDr Saint-Yves-Ménard, membre de l'Académie de médecine, les Dc'Pau de Saint-Martin, Lux, Dubois (de Saujon), Demonchy, Barbier, Salomon, Hahn, Reignier (de Surgeres), Legendre, Brochard, Provotel, D"m Bouet-Henry, M.Grollet, secrétaire général de la Société de pathologie comparée, M. Coutaud, docteur en droit, M. Pierre Dubois, docteur en droit, M. Blech, docteur en droit, M. Grandjean, juge au Tribunal de la Seine, M. Dyvrande, procureur de la République, DrNa-ville (de Genève), Dr. A. William (d'Edimbourg), Dr de Barros-Castro (de Coimbre), etc., etc.

Parmi les personnes qui s'étaient excusées de ne pouvoir assister à la séance, nous devons mentionner M. Berthelot, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, Raymond, professeur à la Faculté de médecine, Albert Robin, professeur à la Faculté de médecine, Binet, directeur du laboratoire de psychologie à la Sorbonne, Brousse, président du Conseil municipal, Cha: rin, professeur au Collège de France, Laisant, exami-eur à l'Ecole Polytechnique, D' Lloyd-Tuckey (de Londres), Orlitzky, (de Moscou), Jaguaribe (de Sao-Paulo), etc.

{ Après avoir ouvert la séance, le président donne la parole au Dr Bérillon :

L'Ecole de Psychologie

par le D' Bérim.ox professeur a l'Ecole de Psychologie f

Messieurs,

Le médecin éminent qui avait accepté la présidence d'honneur de cette réunion, M. le Dr Huchard, se faisait une fête d'y assister et d'ajouter ainsi un nouveau témoignage de sympathie et d'amitié à ceux qu'il nous a déjà tantde fois prodigués.

Un éloignement momentané de Paris, imposé par des obligations professionnelles et qu'il ne pouvait prévoir, nous prive du plaisir d'entendre les paroles qu'il se proposait de nous adresser. Je n'en serai que plus à l'aise pour exprimer à son égard les sentiments d'affection et de reconnaissance qu'il nous inspire.

Le D1 Huchard n'est pas seulement un grand clinicien, il est également un professeur, car on peut lui appliquer la définition qu'un de nos maîtres les plus éminents, M. le professeur Lépine, donnait naguère de celui qui se consacre à l'enseignement scientifique: « Professeur veut dire chercheur. Faire des découvertes est la meilleure manière d'enseigner. » Le Dr Huchard mérite donc doublementlc titre de professeur car, dans les hôpitaux de Paris, sa parole claire, précise et vibrante, n'a pas seulement tenu sous le charme de nombreuses générations d'étudiants, elle les a mises au courant de nombreuses découvertes personnelles.

Il nous faudrait un long espace pour examiner les questions qu'il a résolues et auxquelles son nom restera indissolublement attaché. On les trouvera dans ses œuvres qui garnissent les bibliothèques de tous les praticiens. C'est d'adord le Traité des névroses, dans lequel il exposait toutes les idées considérées il y a peu de temps comme des nouveautés. Puis trois éditions du Traité clinique des maladies du cœur et de l'aorte, dans lequel on retrouve les justes conceptions qui ont fait la célébrité du maître et resteront classiques ; les Consultations médicales ; les Nouvelles consultations médicales, parues l'année dernière, et dont une quatrième édition est déjàen préparation. C'est toujours au praticien qu'il s'adresse. Clinicien avant tout, le D' Huchard donne à son enseignement la forme clinique ; de là le succès de ses livres.

C'est dans le même but, d'ailleurs, qu'il fonda en 1888, le Journal des Praticiens, qu'il dirige avec tant d'intelligence et qui occupe la première place par le nombre de ses lecteurs dans la presse médicale française. M. Huchard a conçu de la presse scientifique une haute idée. j Elle est faite, dit-il, d'indépendance parce qu'elle aime naturellement la liberté ; elle a pour mission de moraliser, de contenir, de diriger l'opinion ; pour devoir de défendre les intérêts matériels et moraux de notre profession ; pour but de diffuser toutes les recherches ou découvertes aboutissant surtout au progrès thérapeutique. »

A tous ces mérites, notre maître en joint un autre auquel, pour notre part, nous accordons une valeur supérieure. Pouvant se contenter d'être un des plus grands médecins de son temps, il s'honore aussi d'être un

philosophe. Nous en retrouvons la manifestation dans la conception générale de la médecine, qu'il exprimait en février 1902, à l'ouverture de son cours : o A la-méditation sur la mort, disait-il, qui forme le fond de l'enseignement officiel, il faut substituer la méditation sur la vie ; ne pas faire de la lésion le substratum de la maladie, mais bien la considérer comme une étape, un incident de celle-ci, et par conséquent ne pas l'attaquer directement, mais traiter le trouble fonctionnel dont elle n'est fréquemment que la conséquence. »

Chez lut le philosophe reparait encore lorsque, traitant une question qui lui est des plus chères, celle du cœur, le a grand ouvrier de la vie *, il dit : « A côté du cœur physique, il y a le cœur moral, qu'il faut étudier, connaître, soigner et guérir... quand on le peut ! »

Nous remplirions bien des pages si nous voulions exposer les conseils empreints des sentiments du meilleur et du plus pur patriotisme qu'il ne cesse de prodiguer aux étudiants qui se pressent à ses cours : « Jeunes gens, soyez forts, énergiques, travailleurs ; élevez vos aspirations et, par l'enthousiasme, restez toujours jeunes, sans oublier jamais que le cœur est la grande source d'espoir, de puissance et de vie. Iacordespes, vis et vils., y

Récemment encore, le Dr Huchard, en nous accordant son patronage à l'Ecole de psychologie, nous rappelait quelques passages de la préface qu'il venait d'écrire pour la réédition du fameux livre de Feuchtersleben sur Vhygiène de Vàme.

« La paix de l'âme, une belle santé morale ne sont acquises qu'à certaines conditions : il faut savoir être heureux de ce qu'on est en non de ce qu'on a ; élever toujours le devoir au-dessus du droit et garder une fière indépendance, c'est-à-dire ne dépendre que de sa conscience. Et cette conscience que chacun porte en soi et qu'il faut développer toujours, est un des meilleurs freins, des plus puissants centres d'arrêt à nos passions, à nos entraînements comme à nos ambitions. C'est ainsi qu'on distingue l'homme de caractère, trop souvent différent de l'homme d'esprit, de science et même de génie. » Par ces paroles le Dr Huchard indique la place qu'il accorde dans la personnalité humaine à l'éducation du caractère et au souci de la dignité humaine. Par elles, nous comprenons pourquoi, un des premiers, il a accepté d'être membre de notre comité de patronage. Dans la lettre qu'il m'adresse pour expliquer son absence, M. le Dr Huchard prend l'engagement de présider une de nos plus prochaines réunions. Xous savons, en effet, que nous pouvons compter sur ses encouragements et sur sa bonté, et c'est une joie pour moi que de lui en exprimer des remerciements empreints de la plus respectueuse reconnaissance.

• »

L'année dernière l'ouverture des cours de l'Ecole de psychologie avait eu lieu sous la présidence de M, le professeur Berthelot. Aucun de nous n'a oublié les paroles éloquentes par lesquelles ce vénéré maitre iiuli-

quait le bul de haute moralité auquel doit tendre toute œuvre véritablement animée de l'esprit scientifique.

En faisant à l'Ecole de psychologie, l'honneur de lui accorder son patronage et en présidant une des séances d'ouverture, M. Berthelot nous a donné la plus haute consécration scientifique que nous puissions désirer. Nous ne cesserons de nous conformer à ses enseignements si élevés et en suivant, selon ses conseils, le chemin de la vérité, nous nous appliquerons à seconder l'effort éternel de l'humanité vers le bien, vers l'idéal.

* •

Parmi les événements heureux survenus dans le cours de l'année, il nous est particulièrement agréable d'enregistrer la nomination de M. le D'Albert Robin, membre de notre Comité de patronage, à la chaire de clinique thérapeutique, récemment créée à la Faculté de médecine. Lorsque notre Ecole, à ses débuts, n'avait pour la recommander que la rigueur scientifique de son programme et le dévouement de ses professeurs à la cause du progrès, M. le P' Albert Robin nous a spontanément accordé l'appui de sa haute autorité.

11 a fait plus, en 1902, il a présidé la seconde séance de réouverture de nos cours. Les encouragements qu'il nous a prodigués, à cette occasion, ont certainement exercé la plus grande influence sur la destinée de notre Ecole de psychologie. Que notre éminent maître nous permette de lui exprimer notre vive reconnaissance pour la part légitime qui lui revient dans le succès de notre œuvre.

• » *

L'Ecole de psychologie, sans cesse préoccupée d'étendre le champ de son enseignement, complète chaque année son programme par d'intéressantes innovations. C'est ainsi que nous avons créé, sous la direction de MM. Lépinay et Grollet, médecins-vétérinaires, un laboratoire de psychologie comparée, d'où sont sorties plusieurs communications qui ont été soumises à la Société d'hypnologie et de psychologie.

De plus, aux cours déjà existants, s'ajoutera cette année un cours de Psychologie musicale, confié à un de nos jeunes collègues, M. le D' Pamart, professeur suppléant.

Enfin, désireux d'étendre au grand public la vulgarisation de notre enseignement, nous avons décidé la création d'une Bibliothèque de l'Ecole de psychologie. A ce sujet, pour bien préciser l'idée qui nous a inspirés, je ne puis mieux faire que de citer les lignes suivantes dans lesquelles se trouve résumé le programme de la nouvelle publication :

i La Bibliothèque de l'Ecole de psychologie conçue et poursuivie dans un esprit novateur, n'éditera que des ouvrages inspirés par des vues personnelles et présentant un caractère de réelle originalité. La condition de l'évolution des sciences réside dans l'obligation, pour chaque .chercheur, de faire œuvre individuelle et d'apporter à l'édifice toujours

inachevée des connaissances humaines, une pierre qui ne soit pas empruntée à la maison du voisin. Chacun des professeurs ou des collaborateurs de l'Ecole de psychologie saura faire sien le conseil si éloquemment formulé par Claude Dernard : « Il faut briser les entraves des systèmes philosophiques, comme on briserait les chainesd'un esclavage intellectuel. » Définitivement entrée dans la voie expérimentale, la psychologie est devenue une science positive. Chaque jour voit s'élargir le domaine de ses applications pratiques. La Bibliothèque de l'Ecole de psychologie contribuera certainement à démontrer qu'à coté de la physiologie, qui est la science de la vie, la psychologie doit être, en dernière analyse, la science de la raison et delà volonté. »

L'éditeur Dujarric a bien voulu consacrer tous ses soins à l'édition de cette bibliothèque. Le premier volume, qui reproduit l'enseignement donné l'année dernière à l'Ecole de psychologie par notre collaborateur M. le Dr Binet-Sanglé, vient de paraître sous le titre : Les Prophètes Juifs (des origines à Elie) étude de psychologie morbide ('). Chaque année, plusieurs volumes, dus à nos collaborateurs, seront édités, ils contribueront certainement à conquérir à notre Ecole, la sympathie et l'estime de tous les esprits qui s'intéressent aux œuvres de libre initiative et d'indépendance philosophique.

Il me reste enfin un devoir des plus agréables à remplir, celui de remercier M. le D'Jules Voisin, médecin de la Salpétrière et président de la Société d'hypnologie. d'avoir accepté la présidence de cette réunion. Il ne me permettrait pas, en sa présence, de vous rappeler les nombreux travaux qui lui ont assuré sa réputation scientifique. Je me bornerai à vous dire que l'Académie des sciences vient de donner à ses études magistrales sur VEpilepsie, sur Y Idiotie et sur l'Education des enfants anormaux, la plus haute des consécrations. Elle leur a attribué le prix Lallemand, destiné à récompenser, chaque année, les meilleurs travaux parus sur le système nerveux.

Notre maître sait combien nous attachons de prix à ses conseils et à sa haute direction morale. II connaît les sentiments d'affection filiale que professent pour lui tous les professeurs de l'Ecole de psychologie. Qu'il nous permette de placer notreceuvre de libre initiative sous l'égide de son grand savoir, de son expérience et de sa bonté.

Discours du D' Jules Voisin

médecin de la Salpétrière, président de la Société d'hypnologie.

Messieurs,

L'époque où nous vivons, si l'on s'en rapporte aux opinions courantes, serait caractérisée par une tendance générale des esprits à négliger

(1) Un vol. ln-12 , 323 pages, 3 fr. 50. Dujarric, éditeur, 50, rue des Saints-Pères.

l'effort individuel lorsqu'il n'est pas mis directement au service d'intérêts personnels.

L'Etat, en substituant partout son action à celle des particuliers, serait une des causes principales de cette disposition à tout attendre de l'intervention des pouvoirs publics. Les manifestations de l'initiative individuelle, en matière d'enseignement supérieur, tendraient donc à diminuer progressivement, pour aboutir à une disparition complète.

L'exemple de l'Ecole de Psychologie vient heureusement donner un démenti formel à ces fâcheux pronostics. Œuvre d'initiative absolument privée, elle n'a dû sa création qu'à l'esprit d'invention et à la volonté de ses fondateurs, et en particulier du Df Bérillon, qui, dès 1889, en créant l'Institut psycho-physiologique, en a élaboré le programme. Depuis, elle a prospéré par leurs efforts, par leur application, par leur esprit de suite. Elle se perpétuera par leur union, et aussi par l'ingéniosité de leurs recherches, par leur esprit scientifique et surtout par l'utilité de plus en plus démontrée de leur œuvre.

En effet, à côté de l'enseignement théorique, à côté des cours et conférences, dont ils savent si utilement varier l'intérêt, le Dr Bérillon et les collaborateurs, au premier rang desquels se trouvent les Dr* Paul Magnin, Paul Farez, ont organisé d'importants services, tels que le dispensaire pédagogique, le dispensaire anti-alcoolique et plusieurs autres. Chaque jour, de nombreux déshérités, de nombreux défaillants de la volonté y trouvent des secours qui, sans ces créations, leur feraient absolument défaut. Les professeurs de l'Ecole de Psychologie n'ont compté que sur eux-mêmes. Attendre, pour se mettre en mouvement, l'appui des pouvoirs publics, c'est se condamner à l'immobilité perpétuelle; c'est également s'exposer à des désillusions inévitables. Assurément, il ne faut pas dédaigner les encouragements officiels. Dans notre pays, ils contribuent à concilier les suffrages d'un grand nombre d'esprits hésitants, qui attachent encore de l'importance aux consécrations officielles.

Une œuvre d'initiative comme l'Ecole de Psychologie pouvait compter sur le concours des véritables hommes de science, ennemis de la routine et portés, par la nature de leur esprit, à apprécier la valeur des recherches neuves, vraiment originales. Connaissant l'esprit scientifique des hommes qui la dirigent ils se sont empressés de répondre à son appel. C'est ce qu'ont fait avant moi de grands savants, de grands philosophes, tels que MM. Tarde, Albert Robin, Giard, Blanchard, Hachará et enfin, le plus illustre de tous, M. Berthelot.

Ce n'est pas sans un sentiment d'hésitation que je leur succède à cette table. Je simplifierai ma tâche en exprimant à MM. les D" Bérillon et Paul Magnin et à leurs collaborateurs, toute la sympathie quem'inspire leur œuvre et en formulant les vœux les plus sincères pour la prospérité de l'Ecole de Psychologie.

Psychothérapie et hypnotisme,

par le Dr Paul Maonin, professeur à l'Ecole de Psychologie.

Messieurs,

Il est d'usage que, le jour de la réouverture de cette Ecole, le sujet traité devant vous soit d'ordre un peu général.

Aussi vous deraanderai-je la permission, avant d'aborder l'objet de mon cours, de vous montrer toute l'importance de l'hypnotisme en psychothérapie et de vous parler très sommairement de quelques procédés thérapeutiques dont la connaissance nous sera des plus utiles pour la compréhension du traitement des paralysies hystériques.

Je viens de prononcer le mot de psychothérapie ; voyons tout d'abord quel sens il faut lui attribuer.

Dans un récent et très intéressant travail, M. le Professeur Grasset définit la psychothérapie : « le traitement des maladies par les moyens psychiques, c'est-à-dire par la persuasion, l'émotion, la suggestion, la

distraction, l'éducation, la foi et les prédications....... d'un mot, par la

pensée.

« Si Ton accepte cette définition, ajoute M. Grasset, il ne faut pas dire, avec certains auteurs, que la psychothérapie est à la fois o le traitement par l'esprit d et le i traitement de l'esprit ».

« Si l'on veut dire « esprit » pour « psychisme » la psychothérapie est le traitement par l'esprit, mais nullement le traitement de l'esprit.

a I/électrothérapie, l'hydrothérapie, la sérothérapie sont le traitement, non de l'électricité, de l'eau ou des sérums, mais le traitement par l'électricité, l'eau ou les sérums. De môme la psychothérapie est le traitement par le psychisme et non le traitement du psychisme.

« Car ces deux termes ne sont pas synonymes ou identiques : il ne faut pas confondre le traitement de l'esprit et le traitement par l'esprit.

o On peut en effet traiter l'esprit et les maladies de l'esprit par tout autre chose que par des moyens psychiques 'hydrothérapie, médicaments); et, par l'esprit, c'est-à-dire par les moyens psychiques, on peut traiter des maladies non psychiques (l'ataxie locomotrice par exemple) ».

Cette trop longue citation vous montre quel esprit hautement philosophique préside toujours aux travaux de M. Grasset et, à cet égard, les remarques que je viens de vous lire me semblent essentiellement justes.

Mais, ici, vous le savez, nous avons pour habitude de nous placer surtout sur un terrain peut-être un peu plus terre-à-terre mais en tout cas plus pratique, celui de la clinique. Or, envisagée à ce dernier point de vue, la psychothérapie me parait, réduite, dans la conception de M. Grasset, à un sens sans doute très précis mais par trop limité. Je vous proposerai donc une définition plus large et je dirai : La Psychothérapie est l'ensemble des moyens psychiques et accès-

soirement physiques, qui permettent d'agir, soit directement, soit indirectement, sur Vesprit du malade, dans un but thérapeutique.

Point n'est besoin de vous rappeler les diverses étapes qu'a parcourues la psychothérapie.

Tout d'abord religieuse, puis philosophique, elle est entrée dans la médecine par le domaine du merveilleux et vous savez comment l'hypnotisme s'est transformé, de par les travaux de Liébeault, pour devenir la thérapeutique suggestive.

Mais les divers auteurs qui ont étudié les phénomènes de suggestion sont, comme je l'ai dit ailleurs, loin de s'entendre sur la signification qu'il convient de donner à ce mot.

Dans son acception la plus large, la suggestion est l'acte par lequel une idée est introduite dans le cerveau et acceptée par lui.

Dans son sens le plus restreint, le mot de suggestion comporte que l'idée qu'on cherche à insinuer est contraire à la raison.

Cette dernière façon d'envisager les choses a amené M. Babinsky à considérer que l'hystérie doit être définie par le fait que les manifestations qui lui sont propres sont susceptibles d'être reproduites rigoureu-mentpar suggestion et de disparaître exclusivement par persuasion.

Ici, vous le voyez, la différence entre les deux termes, suggestion et persuasion, tient uniquement à ce que le premier implique une idée déraisonnable ; le second, au contraire, une idée raisonnable.

Notre collègue M. Félix Regnault a montré, récemment encore, ce que cette façon de voir a d'insoutenable. « II faut, dit-il, qu'une définition soit analytique. Or, la langue française, qui est avant tout analytique, a différencié les divers modes suivant lesquels s'exerce l'influence de la parole. On dit d'une personne qu'elle est suggestionnée quand elle a accepté la pensée du suggestionneur sur une simple art i : .nation verbale de celui-ci. Il a suffi de dire que telle chose était pour le faire croire.

o On dit d'une personne qu'elle est persuadée quand le persuadeur s'est adressé avec succès à ses sentiments, à ses passions.

€ Le raisonnement {on démontre et on convainc son auditeur) invoque des arguments qui s'adressent à l'intelligence.

« En restreignant le sens des mots suggestion, persuasion, raisonnement, on les précise d'avantage ; chacun n'exprime qu'une série de faits nettement limités et on obtient du même coup un premier classement des faits. »

Ces remarques sont évidemment très justes et les définitions trop larges ont l'inconvénient d'englober sous une même dénomination les choses les plus différentes. C'est précisément ce qui est arrivé pour la suggestion.

Mais, d'autre part, les vraies définitions ne sont en réalité comme l'a dit Pascal, que des définitions de noms, partant des créations de notre esprit et la nature est souvent, en clinique comme ailleurs, plus élastique que nos conceptions.

J'envisagerai donc la suggestion dans un sens très large.

En se plaçant au point de vue de l'expérimentateur, du médecin :

La suggestion est l'acte par lequel on tend à introduire une idée dans le cerveau et a la lui faire accepter.

Mais, et je suis ici en parfait accord avec M. Félix Regnault, il faut, si l'on conserve au mot suggestion une acception très générale, l'accompagner d'épithètes qui montrent le mécanisme d'action de la suggestion dans chaque cas particulier.

Or, ces cas particuliers, ce n'est pas nous qui les créons ; c'est la clinique qui les offre à notre observation. Et la question de terrain apparaît ici dans toute son importance.

La simple énonciation d'une idée suffira pour que tel sujet l'adopte. Tel autre résistera davantage et il vous sera nécessaire d'être avec lui plus ou moins affirmatif ; un troisième aura besoin qu'on lui parle sur le ton du commandement. Avec celui-ci, il faudra déjà employer un raisonnement plus ou moins serré ; celui-là enfin ne se laissera convaincre, persuader qu'après une plus ou moins longue discussion.

Et retenez bien qu'entre l'individu qui accepte l'idée sans résistance aucune et celui qui lui est le plus réfractaire, vous observerez la gamme des intermédiaires pour ainsi dire en série linéaire.

C'est qu'en effet chaque malade représente un terrain spécial ; lasug-gestibilité varie d'un sujet à l'autre. Nul ne ressemble complètement à son semblable et cette influence des variations individuelles, nous la retrouverons aussi manifeste lorsque nous étudierons dans un instant, le rôle de la suggestîbilité dans la production des phénomènes d'hypnotisme.

Vous aurez donc aussi toute une gamme dans l'application des différentes modalités de la suggestion. Elle devra être, suivant les cas, simple, affirmative, impérative, raisonnée ou persuasive.

Quoiqu'il en soit et c'est là le point particulier sur lequel je veux insister pour l'instant, on a, pour différencier la suggestion et la persuasion invoqué un facteur nouveau ; la faculté de contrôle.

La suggestion devient alors « l'acte par lequel une idée, bonne ou mauvaise, est introduite dans le cerveau d'un individu sans son contrôle ».

La persuasion devient « l'ensemble des opérations qui font accepter (après contrôle) une idée par le cerveau et provoquent vis-à-vis d'elle un sentiment naissant ».

Dès lors, en bonne logique, et c'est là où on en voulait venir, les malades doivent être traités par persuasion et non par suggestion et l'hypnotisme, pour ainsi dire synonyme de suggestion renforcée, doit être définitivement abandonné comme inutile, voire même dangereux.

La psychothérapie à l'état de veille constitue la seule méthode vraiment digne d'être employée précisément parce qu'elle seule fait appel à la raison.

Le plus souvent, il est vrai, on y ajoute l'isolement auquel on joint très fréquemment, au début du traitement tout au moins, le repos au lit et le régime lacté.

Ces procédés incontestablement très utiles et très indiqués dans certains cas nettement déterminés, je vous le montrerai plus tard, doivent être en général fort bien appliqués, car, à l'étranger tout au moins, huit sur dix des médecins qui les préconisent se trouvent être précisément directeurs de maisons de santé.

Loin de moi d'ailleurs la pensée de les croire capables de faire un plaidoyer pro domo. Je veux rester convaincu que tous ont assez le souci de leur dignité professionnelle pour ne recevoir chez eux que des malades envoyés par des confrères.

Mais dans tout ceci que devient la suggestibilité au moins à l'état de veille. Elle n'a plus sa raison d'être. Car tout être humain éveillé et sain d'esprit possède une faculté de contrôle. Elle est, suivant les sujets, plus ou moins développée soit, mais elle est. On devra donc dire qu'à l'état de veille, chacun de nous possède une plus ou moins grande aptitude à se laisser persuader mais qu'il ne peut, en aucun cas, être suggéré. Prétention inadmissible à notre avis, tous les actes de l'existence étant pour la plupart, suivant nous, le résultat de la suggestion et de l'imitation, conscientes ou inconscientes qu'elles soient.

La suggestibilité, lorsqu'elle n'est pas poussée à l'extrême, lorsqu'elle n'est pas, en un mot, pathologique, nous semble être une des plus remarquables qualités de l'esprit humain. Les insuggestibles sont des insociables a dit, avec raison, M. Lionel Dauriac.

La suggestibilité est d'ailleurs fonction non seulement de l'espèce humaine, mais de tout être vivant capable de penser. Il suffit d'avoir observé des animaux d'une façon suivie pour voir combien ils se suggèrent les uns les autres. Grande est la suggestion qui s'exerce de l'homme aux animaux et réciproquement des animaux à l'homme. Il y a là un chapitre de pathologie comparée des plus intéressants.

Au reste si, au point de vue philologique et grammatical, suggestion et persuasion ne sont pas synonymes, au point de vue psychothérapique, elles forment, je vous l'ai dit, les termes extrêmes d'un même processus. Il n'y a entre ces extrêmes que des transitions insensibles et, dans bien des cas, on serait très embarrassé de dire si l'on a fait de la suggestion ou de la persuasion, quand ce ne serait qu'avec ces sujets qui, à l'état de veille, ont une faculté de contrôle à peu près égale à zéro et chez lesquels la suggestibilité est énorme.

Considérer le sommeil provoqué uniquement comme un moyen d'augmenter la suggestibilité du malade, c'est commettre une erreur aussi grave que de l'accuser de dangers plus ou moins imaginaires.

Manié avec prudence, l'hypnose ne présente pas plus d'inconvénients que n'importe quelle autre méthode thérapeutique. Les accidents ne peuvent actuellement se produire qu'entre les mains des ignorants qui ne connaissent pas la question.

Une chose d'ailleurs ne laisse pas que de m'étonner, c'est que l'importance du sommeil en lui-même semble avoir échappé à la plupart des adversaires irréductibles de l'hypnotisme. C'est là cependant un

facteur thérapeutique très important et nombreux sont les malades qui peuvent tirer le plus grand bénéfice des séances prolongées de sommation provoquée.

Pour n'en citer qu'un exemple, ne semble-t-il pas aussi logique et moins dangereux d'hypnotiser pour le faire dormir un mélancolique anxieux susceptible de l'être que d'amener chez lui le sommeil avec des doses plus ou moins considérables d'opium.

Au surplus, il n'y a, quant à la nature des moyens qu'emploie la psychothérapie nouvelle expurgée de l'hypnotisme et de la suggestion, rien qui ne soit depuis longtemps connu.

Dans le cours de ses études sur les névroses et en particulier sur l'hystérie, Charcot avait de suite compris le rôle immense qu'était appelée à jouer la médecine de l'esprit.

« Il nous apparait, ainsi que l'a si bien dit M. le Professeur Raymond, comme un thérapeute dans la plus belle acception du mot là où d'autres avec des procédés à peu de choses près pareils n'ont été que de vulgaires charlatans..................

« Il nous a montré, dans l'hystérie, une maladie éminemment psychique et comme telle essentiellement justiciable de la psychothérapie. Il nous a révélé tout le parti qu'on peut tirer de l'isolement dans le traitement de l'hystérie, chez les jeunes sujets principalement. Il nous a indiqué comment, à l'aide do la suggestion verbale, il nous est loisible de substituer une manifestation hystérique nouvelle à des manifestations de vieille date, après nous avoir pénétré de ce principe que, plus celles-ci ont duré, moins elles ont de tendance à se dissiper spontanément.

a II nous a montré comment la suggestion hypnotique, employée à litre de pratique curative, nous permet d'opérer des semblants de miracles, dans les cas de paralysies et de contractures hystériques. Sa brochure fameuse, La foi qui guérit, qui a fait tant de bruit, découle de ces constatations.

o Dans le même ordre idées, il nous a appris à utiliser la suggestion pratiquée à l'état de veille, en tant que gymnastique rationnelle, pour raviver dans les centres moteurs corticaux la représentation des mouvements que les malades affectés d'une paralysie hystérique se croient incapables d'exécuter. Ce faisant, il a pour ainsi dire préludé à la découverte d'un procédé thérapeutique qui a donné de si excellents résultats dans le traitement des désordres ataxiques du tabès... je veux parler de la réduction des muscles. *

Charcot, vous le voyez, jetait ainsi les fondements de la psychothérapie. Il était bon de le rappeler, certains esprits ayant aujourd'hui trop de tendance à l'oublier.

* »

Le traitement psychothérapique commence dès le premier contact du malade avec le médecin. C'est là une vérité banale à force d'avoir été répétée.

C'est tout en faisant votre premier examen et cela d'une façon aussi complète que possible, tant au point de vue physique que psychologique, que. sans en avoir l'air, vous devrez chercher à gagner la confiance de celui qui vient réclamer vos soins.

Soyez avec lui très simple; recevez-le comme si vous le connaissiez depuis longtemps déjà. Qu'il puisse se sentir de suite tout à fait l'aise.

Lorsque vous aborderez le point spécial qui vous l'amène, sachez lui faire raconter toutes ses souffrances. Ecoutez-le avec la plus grande bienveillance. Ne l'interrompez que peu pour lui poser quelques questions toujours très précises et très claires.

S'il vous semble qu'il ait quelqu'aveu pénible à vous faire, trouvez un prétexte pour remettre la suite de votre interrogatoire à la prochaine entrevue. Demandez au malade de vous rédiger son observation et de vous l'envoyer. Il est bien des choses qu'on écrit plus facilement qu'on ne les dit. Soyez certain que, dans l'immense majorité des cas, il saisira parfaitement le sentiment qui vous a guidé et qu'il vous en saura le plus grand gré.

Dès la seconde entrevue au plus tard, exposez-lui le traitement que vous comptez employer. Faites-lui comprendre toute sa valeur. Soyez toujours, en ce faisant, très vrai et très sincère, de façon à ne jamais risquer de vous trouver en opposition avec vous-même. De son côté, le malade, lui aussi, vous observe ; la moindre contradiction dans vos paroles pourrait lui faire perdre instantanément cette confiance qu'il doit avoir en vous et sans laquelle le succès du traitement est, autant dire, impossible.

Malgré tous les avantages qu'on peut, parait-il, retirer de ces conversations amicales, de ces dissertations plus ou moins philosophiques, de ces sortes de prédications laïques qu'on a désignées sous le nom d'entretiens psychothérapiques, je ne puis me résigner à voir dans ces procédés une vraie méthode thérapeutique.

Il n'y a méthode que là où il y a des règles précises. Or il est impossible d'en formuler lorsqu'il s'agit de l'action purement intellectuelle, d'un individu sur un autre.

Le médecin, dans ce cas, tire ses moyens uniquement de son propre fonds. Il les applique à sa façon et, si bon psychologue qu'il puisse être, il apporte nécessairement dans la pratique, son coefficient toujours plus ou moins considérable d'erreur personnelle.

Ces conversations amicales ! Mais elles sont celles que tient, à l'hôpital, tout chef de service véritablement soucieux de la santé de ses malades. Tous les jours, à leur lit, le médecin fait et doit faire de la suggestion. Celui-là est un thérapeute incomplet qui croit sa tâche terminée lorsqu'il a posé un diagnostic avec certitude et qu'il a institué un traitement. Qu'est-ce donc autre chose sinon faire de la suggestion que de savoir habilement relever le moral du malade et amener en lui la conviction de la guérison possible. Et je m'étonne réellement que certains esprits forts semblent se croire spirituels en tournant en ridicule

la médecine d'imagination. Combien de fois ai-je entendu mon maître Peter appeler gravement le pharmacien du service et le prier de mettre avec le plus grand soin six gouttes de protoxyde d'hydrogène, substance très énergique, dans trente grammes d'eau. Trois ou quatre cuillerées à café de cette soi-disant potion suffisaient à arrêter les quintes les plus rebelles de tuberculeux avancés, alors que tous les raisonnements, que toutes les gymnastiques respiratoires n'avaient pu les empêcher de tousser.

On pourrait presque dire qu'en agissant ainsi Peter ne faisait pas que de la médecine d'imagination et qu'il pressentait en quelque sorte le rôle à venir de la suggestion armée sur la valeur de laquelle je tiens à attirer votre attention. De l'une à l'autre, en effet, il n'y a qu'un pas.

C'est là une question qu'autrefois nous avons longuement étudié Dumontpallier, Bérillon et moi, du temps où notre vieil ami Burq arpentait le service de la Pitié, un aîsthésiomètre et un dynamomètre en main, courant de lit en lit, avec une ardeur juvénile, pour constater les résultats de ses applications métalliques, sur l'anesthésie et l'amyos-thénie des hystériques.

c II n'y a peut-être pas, dans toute la pathologie, écrivait Burq, il y a plus de cinquante ans, un autre symptôme qui ait autant de valeur que l'anesthésie et l'amyosthénie... Elles n'existent jamais impunément, suivent la névrose dans toutes ses phases, augmentent ou diminuent avec elle dans la même proportion, disparaissent seulement avec son dernier signe et ne restent absentes que tout le temps que dure la guérison. Il y a, sous ce rapport, aussi bien que sous celui des renseignements et des indications de toute sorte dont il est la source, tant de ressemblance entre ce symptôme et le pouls dans l'inflammation, que nous n'hésitons pas à le regarder métaphoriquement comme le véritable pouls dans l'hystérie, qu'un médecin doit aussi bien tâter que l'autre. Les renseignements qu'il fournit sur la névrose sont d'une grande exactitude et autrement précieux que ceux qui résultent des réponses des malades.

« Ainsi l'anesthésie et l'amyosthénie ont-elles augmenté, qu'on s'attende

à une explosion plus grande des accidents.......Tout moyen, qu'il soit

tiré de la thérapeutique proprement dite, de l'hygiène ou d'ailleurs, doit, pour guérir la névrose, avoir une action certaine sur la sensibilité et la motilité.... Tout le traitement consiste donc à trouver un agent ou un moyen, quel qu'il soit, qui soit capable de ramener ces deux fonctions à l'état normal a

Le langage de Burq nous apparait aujourd'hui encore comme l'expression exacte de la vérité. Cela se comprend d'ailleurs, l'état de la sensibilité ne faisant en somme que traduire au dehors celui du fonctionnement des hémisphères cérébraux.

Aussi Dumontpallier ne manquait-il jamais une occasion de proclamer que le critérium de a guérison de l'hystérie résidait dans le retour com-pletetdurable de la sensibilité (générale et spéciale) dans tous ses modes.

Et c'est ainsi que nous avons été amené à étudier l'action des agents physiques et ultérieurement des excitations purement mécaniques dans l'hypnotisme et l'hystérie.

J'ai montré, à cette époque, en étudiant la production expérimentale des contractures chez les hystériques que les effets moteurs les plus complets étaient déterminés par des excitations faibles et répétées un certain nombre de fois.

Les premières excitations, disais-je, peuvent n'être suivies d'aucun résultat alors que les suivantes provoqueront une contracture énergique. 11 se passe là un phénomène analogue à celui décrit par les physiologistes sous le nom de sommation (Pfiûger, Wundt, Grunhagen) ou mieux d'addition latente (Ch. Richet).

J'ai fail voir également que ces excitations avaient une action marquée sur l'anesthésie des hystériques et qu'il était possible d'obtenir des effets œsthêsiogènes au moyen d'excitations mécaniques faibles et répétées aussi bien sur des sujets hypnotiques qu'en dehors de toute somniation provoquée.

J'avais observé le fait en piquant avec une épingle et à petits coups (d'une façon intermittente mais prolongée) l'avant-bras d'une malade hémianesthésique à l'état de veille. Au bout d'un temps relativement court, j'avais vu se produire le phénomène du transfert.

Même expérience sur d'autres malades, même résultat. Au bout d'un temps variable (de quelques secondes, à dix, vingt minutes et plus suivant les sujets), j'observais le retour de la sensibilité à la douleur, avec ou sans transfert.

Dans le cas où la sensibilité était touchée dans tous ses modes, cette restauration de la sensibilité à la douleur entraînait quelquefois le retour de la sensibilité au contact et à la température, mais il n'y avait là rien de constant.

Je me suis alors servi, dans mes expériences, d'un levier léger mu par un électro-aimant et agissant comme le battant d'une sonnerie électrique. Ce levier pouvait porter à son extrémité une épingle, un corps mousse, un corps chaud ou froid.

Je n'ai pour ainsi dire jamais trouvé d'hystérique dont la sensibilité ne pût être éveillée au moyen de ces excitations faibles et répétées. Le temps nécessaire variait seul suivant le sujet observé.

Même résultat si, au lieu d'agir sur la sensibilité générale, l'excitation s'adressait au moyen d'un dispositif convenable, à la sensibilité spéciale.

En dehors de l'auto-suggestion de la part du sujet et de la fixation de son attention, il faut, dans ces expériences, attribuer une certaine part d'action à l'excitation mécanique elle-même.

Mais aujourd'hui, nous sommes dotés d'instruments qui permettent d'utiliser facilement les excitations mécaniques en psychothérapie.

En octobre 1902, dans une communication sur l'action des agents physiques et en particulier de la vibration dans la production de l'hypnotisme, M. Bérillon rappelait à !a Société d'hypnologie les recherches de

Boudet, de Paris, celles de Charcot au moyen du casque vibratoire, mes propres expériences et il présentait un appareil vibrateur réalisant les conditions requises pour la production des excitations périphériques, un dispositif spécial permettant de graduer l'intensité de l'excitation.

II montrait les services que cet appareil était appelé à rendre, soit pour favoriser la production du sommeil hypnotique, soit pour localiser ces excitations périphériques, faibles ou fortes, rapides ou lentes, destinées à stimuler par l'intermédiaire des nerfs centripètes les diverses régions correspondantes du système nerveux central.

Il insistait sur ce fait que les effets de la suggestion sont toujours d'autant plus efficaces et d'autant plus durables qu'on renforce mieux son action par les procédés qu'il a désignés sous le nom de suggestion armée.

Notre confrère le Dr Dubois (de Saujon), s'est surtout attaché à étudier l'action des vibrations crâniennes en psychothérapie. Presque tous vous avez vu fonctionner ici l'appareil vibrateur qui sert à actionnerson bandeau frontal.

Au mois de mars 1901, il faisait à la Société de thérapeutique une communication sur le traitement des tics par l'immobilisation absolue. Il montrait que pour faciliter cette immobilité et rendre les malades plus attentifs, il était bon de commencer par faire agir, pendant un moment, ces vibrations frontales.

En mars 1905, à la même société, il revenait sur ce sujet et faisait voir comment ce procédé permettait d'augmenter le pouvoir de l'intervention médicale dans le traitement des psychonévroses. Le mouvement vibratoire rapide provoque un effet sédatif sur le cerveau et aussi une sorte de dissociation de l'idée fixe du sujet qui le subit. On profite, dit M. Dubois (de Saujon), de cette détente momentanée pour faire accepter un raisonnement approprié à la cure entreprise.

Il y a là production d'un état psychologique spécial qui a, ce me semble, la plus grande analogie avec un état très léger d'hypnose ou tout au moins d'inhibition favorisant la suggestibilité. Le fait important, c'est que les malades tout d'abord réfractaircs aux influences suggestives ne tardent pas, sous l'action des vibrations frontales, à s'y montrer dociles et partant à éprouver une amélioration manifeste.

M. Dubois (de Saujon) a, comme l'a fait remarquer M. Bérillon, très logiquement insisté sur ce fait que les neurologistes français ont à leur disposition plus de moyens d'action que certains psychothérapeutes étrangers qui se confinent systématiquement dans la pratique exclusive de la persuasion à l'état de veille. A cette influence persuasive pour laquelle ils ont au moins autant d'aptitudes naturelles que tel de leurs confrères suisses, les médecins français savent ajouter, quand il convient, l'hypnotisme et l'application des agents physiques et, en cela, 'ls augmentent grandement l'étendue du champ d'action de leur thérapeutique.

Employant journellement les vibrations depuis près de deux ans, j'ai

acquis la conviction que leur mécanisme d'action est triple ; on se trouve en présence de trois éléments distincts : la vibration, le massage, la suggestion.

L'étude du traitement des paralysies hystériques me fournira l'occasion de vous montrer l'importance relative de chacun de ces trois facteurs.

Elle me permettra de vous faire voir quel bénéfice on peut tirer de l'emploi rationnel de la suggestion armée pour combattre l'auto-sugges-tion que se fait chaque malade au sujet de son état morbide.

Mais cette faculté d'auto-suggestion, canalisée dans un certain sens, peut elle-même devenir un instrument de guérison, et c'est là un point sur lequel je vous demande la permission d'insister.

(à suivre.)

PHYSIO-PSYOHOLOGIE DES RELIGIEUSES

Les religieuses de Port-Royal.

{Neuvième série de 5 observations}. Par le Dr Biset-Sanglé, professeur à l'Ecole de psychologie. (suite) (i)

IiBiilt Louis Rouault et Marguerite de Brisay eurent deux garçons, .dont Miles.

Celui-ci, vivant en 1398 et 1418 eut trois garçons et deux filles, parmi lesquels : Louis, qui plaidait en 1430 et 1432 pour l'abbaye de l'Àbsie, fut abbé de Bourgueil, et, en 147?, évoque de Maillezais, et Marguerite, femme de Bertrand Rataut et mère de Jeanne Rataut, femme de Charles de Montmorency-d'Auvraismesnil.

Ceux-ci eurent quatre filles, dont : Jeanne, religieuse à Longchamp, morte avant 1490, et Catherine, femme de Philippe de Rouvroi III. HoniHi Philippe de Rouvroi III et Catherine de Montmorency-d'Auvraismesnil eurent quatre garçons et sept filles, parmi lesquels : Marie, mariée deux fois et morte sans enfants, Charles, né en 1467, mort sans alliance peu après le 9 janvier 1493, Louis et Jean mineurs en 1490, morts sans alliance, Antoine, chanoine de Beauvais et de Laon, né en 1476, vivant en 1527, Louise, religieuse de Poissy, et Jeanne d'Aunay, femme de Thibaut Baillet, vivante en 1527, enterrée avec son mari dans la chapelle de Baillet en l'église de St-Merry. Kiolel Isabeau Baillet, femme de Nicolas Potier III, était la petite-fille de ceux-ci.

Mier Nicolas Potier III et Isabeau Baillet eurent cinq garçons et deux filles parmi lesquels : René, Augustin, Bernard et Magdeleine.

René Potier, né en 1574, mourut le 4 octobre lb"i6, à 42 ans. Il avait la vue extrêmement faible. II passait pour a un des plus beaux esprits

(1) Voyez Revue de ?????????, n' d'octobre 1905 et suivants.

et des plus savants du clergé français » (*). Nommé évéquede Beauvais en 1594, à dix-neuf ans, il trouva le temporel de son évéché en si triste état qu'il renonça pour toujours à la résidence, se contentant de prendre possession du bénéfice par procureur, le 21 mars 1595, et d'en toucher les revenus. Au séjour de Beauvais il préférait celui de la capitale où il se livrait à l'étude et fréquentait les intellectuels. De temps en temps, il faisait le voyage de Rome pour l'avancement de sa fortune. Il porta la parole au roi aux états de 1615, et demanda, au nom du clergé, le rétablissement de la religion catholique dans le Béarn. Déjà il versait dans la dévotion, et, en 1616, il se retira dans son diocèse. Il y mourut, la même année, avec de grands regrets de sa conduite passée, et résolu, si Dieu lui rendait la santé, d'aller finir ses jours dans la pénitence du cloître pour expier les fautes qui l'avaient rendu indigne de l'épiscopat. Il laissa un fonds destiné à l'établissement d'une compagnie de prêtres de l'Oratoire.

Augustin Potier passa les quatre dernières années de sa vie dans une langueur continuelle, et mourut le 19 juin 1650. C'était un homme sincère, probe, désintéressé, fidèle. A la mort de son frère René, son père le fit pourvoir de l'évéché de Beauvais. Il fut sacré à Rome, en l'église St-Louis, le 17 septembre 1617, et devint premier aumônier d'Anne d'Autriche. En 1625, il assista à l'Assemblée du clergé tenue à Paris. En juillet 1643, remplacé par le cardinal Mazarini (Mazarin) dans la faveur d'Anne d'Autriche qui, après avoir demandé pour lui le chapeau de cardinal, révoqua cette nomination, il reçut l'ordre de se retirer dans son diocèse. Il s'y livra tout entier aux soins de l'épiscopat, se déclara le protecteur de la piété, commença l'établissement d'un séminaire, institua des retraites de plusieurs jours pour préparer les ecclésiastiques à recevoir les ordres, gagna un procès contre son chapitre, qui prétendait l'empêcher de faire les ordinations dans le cheeur de la cathédrale sans son agrément, appela dans ce chapitre des ecclésiastiques, érudits et dévots, publia des ordonnances pour la discipline de son diocèse, et, en 16i4, des statuts synodaux. Peu de temps avant sa mort, il se démit de son évèché en faveur de son neveu Nicolas Choart de Buzanval, et fut enterré dans son église. Bernard Potier mourut le 11 janvier 1610, à 32 ans.

La sœur de René, d'Augustin et de Bernard, Madeleine Potier mourut le 30 juillet 1671, à quatre-vingt-dix ans. Elle avait été pensionnaire au monastère de Port-Royal. € Après avoir rempli dans le mariage tous les devoirs d'une femme chrétienne, elle se résolut, aussitôt après la mort de M. son mari, n'aiant encore que vingt-huit ans, de passer le reste de sa vie dans la viduité » (a). Extrêmement dévote, elle n'entreprenait rien « qu'elle n'eût fait auparavant beaucoup de prières, et pris l'avis de personnes éclairées et de piété... Elle se rendait ensuite avec une docilité

(1) Idée de la vie et de l'esprit de Messire Nicolas Choart de Buzanval, 1717.

(2) Nécrologe de Port-Royal, p. 281.

merveilleuse aux conseils qu'on luidonnoît» ('). A quatre-vingt et un ans, elle se retira à Port-Royal-des-Champs, où elle vécut quatorze mois « pendant lesquels elle fit ses principales occupations de la prière et des lectures de piété » (a). Elle fut enterrée dans l'église de Ruel et son cœur déposée Port-Royal. Elle avait épousé Théodore Choart de Buzenval, mort le 22 avril 1616, à 39 ans, avait eu de lui trois garçons, et avait mis tout son soin à les instruire et à les faire instruire dans la religion. Aussi l'un d'eux, Nicolas, embrassa-t-il l'état ecclésiastique.

Nicolas Choart de Buzanval naquit le 2ô juillet 1611. II avait le tempérament fort et la voix faible. Il fit une première maladie, sur laquelle nous n'avons aucun renseignement, et contracta, au cours d'une visite pastorale, celle dont il mourut. On constata d'abord qu'il avait la ¦ poitrine embarrassée (') ». II tint néanmoins un synode le 12 juillet Í679. Au cours de cette occupation, la soif le prit, puis une toux violente qui le fit beaucoup souffrir. Il continuait néanmoins à parler. Le 17 juillet, à 4 heures du soir, comme il s'entretenait avec deux curés, « il fut saisi d'un frisson si violent, qu'il ne put achever leur affaire. La fièvre suivit avec une oppression de poitrine qui l'obligea à se mettre au lit (*) ». La nuit suivante, il sentit qu'il touchait à sa lin. La fièvre et l'oppression, qui étaient extrêmement viólenles, le faisaient beaucoup souffrir, niais il conservait une entière liberté d'esprit. Le 20 juillet, un peu après minuit, il dit qu'il sentait que la chaleur naturelle lui manquait. Le 21, il avait grande peine à parler, et, après avoir été un quart d'heure sans connaissance, il expira, à 68 ans moins quatre jours. On fit son autopsie, et on reconnut un « érésipelle de poumons. On remarqua encore que son fiel éloit entièrement pétrifié, comme celui de Saint-François de Sales, ce qui venoit, dans l'un et l'autre, au jugement des médecins, des grands efforts qu'ils avaient faits sur eux-mêmes pour réprimer les mouvemens de la colère (5J. »

Cette curieuse interprétation de la lithiase biliaire se rattache à la vieille théorie hépatique de l'irascibilité.

Nicolas Choart de Buzanval passait pour intelligent. Il était d'une humeur égaie, mais sérieux, froid, austère, taciturne, ennemi du luxe et des plaisirs. Il était aussi droit, sincère, modeste jusqu'à l'humilité, témoignait « peu d'estime pour lui-même (6J », et « ne voulait point qu'on se servit du mot de grandeur en lui parlant ou en lui écrivant (7) ». Il était enfin doux, bienveillant, extrêmement charitable, d'une charité qui s'appuyait sur la religion et lui rendait cet appui. Il dépensa 120.000 livres pour l'hôpital de Beauvais, et, en 1652, pendant une disette, nourrit les pauvres de la ville, mais les obligea d'assister aux instructions religieuses et aux catéchismes publics. C'était aussi à ce

(1) (2) Nécrohge de Port-Royal, p. 282.

(3) Idée de la vie et de Vesprit, etc., p. 301.

(4) /bld., p. 305.

(5) Ibid., p. 318.

(6) Ibid., p. 281.

0) Sécrologe des principaux défenseurs, etc., p- 182.

qu'il semble pour obéir aux règles de la morale religieuse que cet homme qui. au dire des médecins du temps, avait réfréné ses colères au point de s'en pétrifier la bile, professait si bien l'oubli des injures qu' ? on disoit communément que pour recevoir plus bien de lui, il fallait l'outrager (*) ».

Nicolas Choart de Buzanval fut élevé par sa dévote mère et par son oncle Augustin Potier, évêque de Beauvais. On conçoit aisément où pouvait le conduire une pareille éducation. Augustin Potier lui donna pour précepteur Maurice Macquère, théologal, archidiacre et grand vicaire de son diocèse, homme extrêmement pieux qui, plus tard, fut élu prieur de la Sorbonne. Il apprit à Nicolas la philosophie, de concert avec le cardinal Le Moyne, et « s'appliqua sur toutes choses à lui former le cœur, en y gravant de bonne heure tous les principes d'honneur et de Religion, qui lui ont depuis servi de règle dans tous les états de sa vie (2) ». Son éducation terminée, il alla à Rome avec le maréchal de Cré-quy, ambassadeur de France près le pape MaffeoBarberini [Urbain VIII) puis devint maitre des requêtes. Enveloppé dans la disgrâce d'Augustin Potier, il se démit de sa charge « pour avoir, dans la vie privée, une entière liberté de se donner à Dieu ». Il allait de temps en temps rendre visite à son oncle, et passa une année auprès de lui. Les nouvelles suggestions religieuses qu'il subit alors décidèrent de sa vocation. Augustin Potier lui fit connaître son désir de l'avoir pour successeur. Il s'enferma alors à Saint-Magloîre pour se préparer par une retraite de dix mois à l'ordination, lisant l'Ecriture et les Pères. C'est là qu'il apprit que son oncle s'était démis en sa faveur. Alors, sur le conseil du souchantre de sa cathédrale, il se mit à lire le traité du Sacerdoce de Ioannès, dit Bouche d'or (saint Jean Chrysostome) et le Pastoral de Gregorius (saint Grégoire). Cette lecture l'effraya. Un jour, on le trouva dans sa chambre tout en larmes : « Comment veut-on que je consente à mon ordination, disait-il, puisque saint Grégoire me marque des devoirs que je ne puis remplir ». Il voulut renoncer à l'épiscopat, bien qu'il eût déjà dépensé dix mille écus pour ses bulles, et songea à passer sa vie comme simple prêtre à la Congrégation de l'Oratoire. Les docteurs de la Sorbonne et les Pères de l'Oratoire, ses directeurs, parvinrent à le faire revenir sur sa décision, mais ils ne purent calmer le trouble de son âme. « Il porta cette playe jusqu'à la mort, et il lui en resta toujours une si profonde douleur dans le cœur, que, dans les contradictions extraordinaires qu'il éprouva dans la suite, il disoit souvent et il l'écrivit un jour à M. l'évéque d'Alet, que Dieu le punissoit de sa mauvaise entrée dans l'Episcopat. C'est ce qui le faisoit penser à quitter son Evèché; ét quelques années avant sa mort, il étoit résolu de se retirer chez les Chartreux, s'il n'en eût été détourné par les conseils de M. l'évéque d'Alet (3) ». Il fut sacre en 1652 (41 ans), et par piété choisit pour cette

(1) Idée de la vie et de l'esprit, etc., p. 270.

(2) Ibid. . .

(3) Ibid., p. 35.

cérémonie le 8 janvier, jour de saint Lucien, apôtre et premier évéque de Beauvais. Il représenta l'évèque de Laon au sacre de Louis XIV-

Il aimait la communauté de Port-Royal, embrassa sa cause lors de la persécution antijanséniste, et refusa de signer le formulaire. « Il partagea notre affliction, lit-on dans le Nécrologe de Port-Royal ; il épousa généreusement nos intérêts où, pour mieux dire, il les préféra aux siens propres. Sa générosité apostolique, qui était à l'épreuve des menaces les plus terribles et des maux les plus irrésistibles, le porta à ne vouloir jamais consentir à aucune proposition de paix qu'à condition que ce monastère seroit compris dans le traité que l'on feroit. » (') Dix-huit mois avant sa mort il en eut le pressentiment, et alla faire une retraite et une confession générale à l'institution de l'Oratoire. Il mourut de la mort des saints.

Il se levait tous les jours à quatre heures du matin. « Dans les premières années, pour gagner plus de tems le matin, il disoit Matines le soir avec son Aumônier, mais ayant connu depuis qu'il seroit plus canonique de les aller dire en commun avec ses Chanoines, il s'en fit une loi qu'il observa pendant les vingt dernières années de sa vie, sans en manquer un seul jour » (2). Au retour de Matines.il lisait ou méditait l'Ecriture. A 7 heures et quart, il disait la messe. A neuf heures et demie, il allait à la grand'messe de la cathédrale. Le reste de la journée était employé à lire les Pères, les Canons des conciles et les meilleurs auteurs ecclésiastiques, à conférer des affaires de son diocèse, etc. Après la prière du soir, qui se faisait vers les neuf heures, il passait encore près d'une heure à la lecture et à la méditation de l'Ecriture. Du reste, il s'autosuggestionnait lui-même constamment. « C'était la méthode d'oraison qu'il suivoit, et qu'il faisoit pratiquer à ses Ecclésiastiques, comme la plus conforme à l'antiquité, et celle qui laisse le moins de liberté aux pensées humaines, en rappelant plus souvent l'esprit de l'homme à la parole de Dieu » - . Il récitait à genoux toutes les heures de l'office, se levait la nuit pour prier; et il priait en poussant de profonds soupirs, « on l'a surpris plusieurs fois prosterné dans sa chambre, tout baigné de larmes, dans l'ardeur de son oraison » {*). Il avait une dévotion particulière à la Ste-Vierge.

« Il accompagnoit ses prières extraordinaires de mortifications et de disciplines rigoureuses * (B). C'est ainsi qu'il ne soupoit jamais, se contentant d'une légère collation qu'il réduisoit les vendredis à un verre d'eau; et en carême il ne mangeait ordinairement qu'une fois le jour. Très appliqué au travail, il employoit toute son activité à suggestionner ses contemporains. « Son cœur, indifférent pour tout le reste, n'étoit sensible qu'au salut de son peuple, et son esprit n'étoit occupé qu'à

(1) Nécrologe de Port-Royal, p. 279.

(2) Idée de la vie et de Vesprit, etc., p. 47, [3)Ibid., p. 49.

(4) p. 289. 15) Ibid., p. 290.

chercher les moyens de le faire avancer dans la voye de Dieu »{'), autrement dit, « il étoit uniquement touché des intérêts de J.-C, qui doivent être les seuls qu'un évèque ait à cœur » (a), et se disait prêt à leur sacrifier sa vie.

« Il se renferma dans son diocèse pour n'en plus sortir, et s'interdit pour toujours l'entrée de la Cour et de la ville de Paris, quoique son diocèse s'étendit jusqu'à six lieues près de cette capitale du royaume. On ne l'y vit jamais que pour les besoins les plus indispensables de son église, lorsqu'on ne pouvoit commettre à d'autres les affaires qui l'y appelloicnt. Non content de veiller jour et nuit sur son troupeau et de donner tous ses soins à la conduite de ses peuples, il employa encore tous ses biens à leurs nécessités corporelles » (3). Il établit à Beauvais au collège où il mit « des maîtres capables d'enseigner la crainte de Dieu comme les belles Lettres ¦¦(¦). un petit séminaire dont il recrutait lui-même la clientèle, et un grand, dont il fît lui-même le règlement, et qui lui coûta plus de 170.000 livres. Dans ce grand séminaire, on accoutumait les élèves a à se défier des raisonnemens humains * (*). C'était là * où il allait le plus souvent » f6). Il s'efforçait de former des prêtres convaincus, et choisissait avec soin ses séminaristes, ses curés, ses prédicateurs et ses missionnaires.

II entretenait leur dévotion par des conférences, qui avaient lieu chaque semaine, dans le palais episcopal, sur des sujets imprimés et distribués à l'avance à tous les prêtres du diocèse. Chaque semaine, il tenait un conseil ecclésiastique. Chaque année, il tenait un synode et publiait des ordonnances.

Les prêtres ainsi dressés, il lui était facile d'agir sur la foule. Il fit faire tous les dimanches de grands catéchismes dans les deux principales paroisses de la ville ¦¦ pour enseigner à son peuple les dogmes de la Foi, les vérités évangéliques et les maximes de la morale chrétienne. » Il faisait de fréquentes tournées pastorales et, au cours de l'une d'elles ses chevaux étant morts, il voyagea à pied, et se fatigua à tel point qu'il tomba dangereusement malade. II organisait aussi des missions.

Ce prélat zélé était d'une intolérance farouche. II exigeait de ses serviteurs qu'ils s'acquitassent des devoirs de la religion. « Ceux qui ne vouloient pas vivre chrétiennement étaient congédiés. Il faisoit la prière du soir avec eux : personne n'étoit dispensé de s'y trouver, et ceux qui y manquoient étoient obligé de lui rendre compte à lui-même de leur absence»^) «Enl656, il ordonnal'exhumation d'un homme de la paroisse

(1) Idée de la vie et de l'esprit, etc., p. 2-10.

(2) Nécrologe de Port-Royal, p. 279.

(3) Dictionnaire de Moserî.

(4) Idée de la vie et de Vcsprit, etc., p. 62.

(5) ibia., p. 62.

(6) /¿id., p. 76. (7} Ibid., p. 51.

d'Asnières qui, étant mort sans sacrements, et sans s'être mis en désir de faire sa communion paschale, avait été enterré de nuit par quelques-uns de ses parents dans le cimetière de la paroisse. Il ordonna que le cimetière fût reconcilié, et qu'on procédât contre ceux qui avoient fait cette inhumation » (*) ¦ L'année suivante, un homme de la paroisse de Saint-Sauveur de Beauvais, qui n'avoit point été en confesse depuis trois ans, mourut sans avoir demandé les sacrements dans sa dernière maladie. M. de Beauvais ayant fait défense aux Chanoines de Saint-Vaast de lever le corps, et au curé de Saint-Sauveur de l'inhumer dans l'église, il fut enterré sur le rempart de la ville. Sa femme obtint une sentence du PrésidiaL qui lui permettoit d'exhumer le corps, et de le faire porter avec la cérémonie d'un convoy dans le cimetière de Saint-Etienne. Mais M. de Beauvais, obligé de maintenir en même tems la discipline ecclésiastique et l'autorité épiscopale, défendit aux Chanoines de Sainl-Vaast de faire ce convoy, sous peine de suspense et à tous autres ecclésiastiques de l'inhumer en terre sainte, sous peine d'excommunication ». {*)

Enfin on enterra sans faire sonner de clcches un procureur de Beauvais qui n'avait pas satisfait au devoir pascal, et l'on fit une réparation publique pour deux filles qui étaient devenues grosses.

L'évêque de Beauvais était d'aillcursextrêmement chaste etsutrésister à plusieurs femmes qui en voulaient à sa vertu.

Un autre enfant de Théodore Choart de Buzanval et de Madeleine Potier, Louis Choart de Buzanval, était le père de deux religieuses qui font l'objet de cette observation.

L'aînée, Marie-Madeleine Choartde Buzanval, naquît en 1635, et mourut le 2'; avril 1692 à 57 ans. Elle fut élevée à Port-Royal dès l'âge de neuf ans, revêtit l'habit de novice le 6 août 1654 (19 ans), et fit profession en 1655 (20 ans).

La cadette, Marie-Aimée Choard de Buzanval, naquit en septembre 1636, et mourut le 3 avril 1697, à 68 ans et environ sept mois. Elle prit l'habit de novice le 17 septembre 1656 (20 ans), et fit profession le 19 mars 1658 (21 ans). En 1664, elle signa le formulaire antijanséniste, mais rétracta sa signature en 1669.

. Enfin le troisième fils de Théodore Choartde Buzanval, Henri, eut un garçon et une fille Gabrielle Choart de Buzanval, qui était pensionnaire à Port-Royal en 1661.

Deux autres filles du même, portant le même nom, y étaient également pensionnaires en 1679, et durent en sortir à cette date lors de la fermeture de l'établissement.

(A suivre.)

(1) Idée de la vie et de l'esprit, etc., p. 228.

(2) Ibid, p. 129.

société d'hypnolûgie et de psychologie

Séance du 17 octobre 1905. — Présidence de M. le D' Le Mexant des Chesxais

La séance est ouverte à 4 h. 45.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres d'excuses de M. le Dr Jules Voisin, président; de M. le Dr Paul Magnin, vice-président; de M. le Dr Lux, ainsi que des lettres de MM. les DM Herm. Thorsen (de Trôndhjem, Norwège), Wia-zemsky et Podiapolsky (de Saratow, Russie). M. Podiapolsky fait hommage à la Société de deux brochures intitulées : Brûlure suggérée et Influence des impressions des parents sur l& fœtus.

M. le D' Demonchy rend compte du récent congrès de Neurologie tenu à Liège et auquel il a représenté la Société.

M. le Dr Bérillon rend compte également du congrès de médecine interne auquel il a assisté comme délégué de la Société; il résume la communication qu'il y a faite sur les injections de scopolamine, comme précieux adjuvant dans la production de l'hypnose ; il rappelle le très vif intérêt avec lequel elle a été accueillie.

L'ordre du jour appelle l'exposé et la discussion des communications suivantes :

M. Paul Farez. — Un ancien « traqueur » premier prix du Conservatoire. Discussion : MM. Bérillon et Le Menant des Chesnais.

MM. Bérillon et Pamart. — Le traitement psycho-mécanique de la kleptomanie : observation et présentation de malade.

M. Paul Farez. — Lumière colorée et hypnocyanotrope. Discussion : MM. Lemesle et Rafîegeau.

M. Bérillon. — La simulation envisagée comme fait de parasitisme social.

M. le Président met aux voix la candidature de MM. les Dr» Witry (de Trêves) et Chollet (de Paris) qui sont élus, à l'unanimité, membres de la Société.

La séance est levée à 6 h. 40.

Rapport

sur le premier Congrès Belge de neurologie et de psychiatrie, tenu à Liège du 28 au 30 Septembre 1905.

par M. le Dr Demonchy

Le premier Congrès Belge de Neurologie et de Psychiatrie qui s'est réuni à Liège, le 28 septembre dernier, sous le Patronage du Gouvernement belge, ne pouvait manquer d'attirer l'attention de la Société

d'Hypnologie et de Psychologie de Paris. Sur les trois rapports présentés au congrès, un seul, celui de Mlle la D"w Joteyko, présidente du Congrès, avait trait à une question de psychologie. Plusieurs membres de notre Société, M. le Dr Bérillon, Mlle la D"w Lipinska et M. le Dr Demonchy s'étaient rendus à Liège pour la représenter. M. le Dp Voisin, s'était fait excuser, à notre grand regret.

La réception fut cordiale, affable, et aucun de nous ne regretta son dérangement.

Les travaux du Congrès se divisaient en trois parties : 1" Lecture des rapports et des communications ; 2° Visite aux Hôpitaux et aux Hospices d'aliénés ; 3° Visite à la partie scientifique de l'Exposition, visite pleine d'intérêt à bien des égards.

A la séance d'ouverture présidée par M. le Dr Glorieux, président, et Mlle la D"" Joteyko, présidente, le gouvernement Belge s'était fait représenter.

Parmi les questions qui intéressaient le plus notre Société, le rapport de Mlle la D"" Joteyko, sur a Le sens de la douleur », fut écouté avec une attention soutenue. Selon Mlle Joteyko, « La douleur est un état de conscience qui révèle un conflit entre la force extérieure et la force organique. Elle serait produite par des processus chimiques et aurait une finalité très haute : c'est elle qui nous fait faire un effort vers une intelligence plus complète des choses. »

Le rapport de M. le Dp Cuylits: a Le travail dans la thérapeutique des maladies mentales >, souleva de nombreuses objections. M.leD* Cuylits n'est pas partisan du travail dans les asiles d'aliénés, et, ironie des choses, il lisait son rapport dans un asile d'aliénés où nous eûmes à admirer leurs différents travaux exposés dans la Salle de Réception.

J'aurai l'honneur d'ici peu de faire passer sous les yeux de la Société une photographie que j'ai prise de ces travaux.

Les autres communications faites par les membres de la Société d'hypnologie et de psychologie de Paris furent très commentées.

Citons entre autres celle de M. le Dr Bérillon sur o L'hypnotisme envisagé comme adjuvant à l'orthopédie mentale », qui donna lieu à une discussion assez approfondie.

Mlle la DMW Lipinska traita a De la suggestion dans un cas de gastrite hystérique. »

M. le Dr Demonchy fit une communication sur: « Le traitement de l'insomnie par l'action hypnogénique delà main. »

Un banquet offert par le Président, M. le Dr Glorieux, réunit une dernière fois les membres du Congrès qui se séparèrent après de nombreux toasts, dont l'un, celui de Mlle Joteyko, fut particulièrement gracieux pour les membres qui représentaient la Société d'hypnologie et de psychologie de Paris.

Contribution au traitement psycho-mécanique de la kleptomanie,

par M. le Dr R. Pamart.

J'ai l'honneur de présenter à la Société un enfant kleptomane, soigné à l'Institut psycho-physiologique, par l'orthopédie mentale, sous forme de suggestion à l'état d'hypnose ; cet enfant présente déjà une amélioration si frappante qu'elle peut sufûre à édifier les plus incrédules.

Le jeune Bernard F., âgé de 13 ans 1/2, est fils d'un honnête serrurier de Xarbonne. C'est un enfant intelligent, bien portant en somme, mais qui. dans sa première enfance, fut souvent battu. A ce propos, je signale une fois de plus combien l'éducation à coups de pied ou de martinet donne de mauvais résultats. Sur 10 enfants vicieux, 8 en moyenne ont eu, à l'origine, les coups comme enseignement moral.

Un jour, cet enfant déroba une bicyclette, s'en amusa tout le jour; puis, le soir venu, ne sachant que faire de son butin, il jeta la bicyclette à l'eau. Ce larcin ne comporta pas de suites judiciaires ; mais le père, après une vigoureuse correction, chassa l'enfant de chez lui.

Voici donc notre jeune garçon sur le pavé. II échoua dans le patronage que dirige avec tant de dévouement M. Rollet. Après quelques mois de bonne conduite relative, noti-e héros déroba une pipe au bazar de l'Hôtel-de-Ville. Cette fois, quarante-huit heures de ¦ violon o récompensèrent cet exploit. C'est alors que l'enfant fut confié au traitement psychothérapique.

On remarquera que les vols commis par Bernard étaientpeu raisonnes : une bicyclette qu'il jette,* une pipe dont il aurait été fort embarrassé; il a un peu agi à la façon de la pie voleuse qui emporte sans réflexion l'objet brillant qui l'attire. Il n'est pas voleur par profession; mais il a, à son origine, sous sa forme rudimentaire, la manie du vol ; il pourrait voler plus tard d'une façon plus réfléchie, une fois l'habitude acquise.

J'ai endormi cet enfant avec facilité. Son intelligence le rend aisément hypnotisable.

Après un moment d'Inaction, destiné à mieux obtenir le monodéisme cherché, je lui ai fait la traditionnelle exhortation morale. Mais ceci ne suffit pas. J'y ai ajouté, conformément aux principes du traitement de la kleptomanie, l'établissement des crans d'arrêt. Plaçant une pièce de cinq centimes à sa portée, j'ai arrêté sa main prête à la saisir, en lui disant: « Ceci ne t'appartient pas; tu n'y peux donc pas plus toucher qu'à un fer rouge. » Au bout de quelques instants, j'ai réveillé mon malade et l'ai laissé, sans surveillance, en tête-à-tête avec la pièce de monnaie ; il la considéra, mais ne la prit point.

A la séance suivante ce fut un porte-mine que je laissai à sa portée; puis une pièce de vingt francs. Je procédais ainsi graduellement, allant de la tentation faible à la tentation forte, et toujours avec le même succès.

Il faut, en effet, se rappeler qu'à vouloir aller trop vite on n'obtient rien. Chez un sujet tel que Bernard, il faut procéder graduellement ; de

même, lorsqu'on fait des exercices d'haltères, on commence par des poids faibles que l'on alourdit peu à peu.

Je vais, dans celte séance même, continuer le traitement. Comme vous le voyez, j'endors mon malade. Le voici en état d'hypnose légère, ce qui nous suffit. Je pose sur le coin de cette table un chronomètre en or, qu'il apercevra à son réveil. Il pourra se l'approprier, puisqu'il ne sera l'objet d'aucune surveillance ; mais il ne saurait plus toucher au biend'autrui. Reconnaissant cette montre pour la mienne, il viendra simplement m'avertir de la place où elle se trouve, de peur que je ne l'y oublie.

(L'enfant est réveillé, et, quelques minutes après, pendant que la séance suit son cours, accomplit l'acte suggéré).

La Fatigue suggérée

par M. Martial Vergnolle.

Dans la fatigue musculaire deux éléments sont à considérer:

1 ° L'élément subjectif. La contraction musculaire souvent répétée devient douloureuse mécaniquement parles secousses et les tiraillements qu'elle occasionne dans le muscle lui-même et dans les tissus voisins. D'autre part, les filets nerveux sensitifs qui traversent le muscle sont froissés et tordus par le mouvement des fibres musculaires qui se gonflent et durcissent pendant les contractions énergiques du travail. C'est ce qui constitue la fatigue subjective caractérisée par une sensation.

2° L'élément objectif. Indépendamment de ces causes de malaise le muscle subit dans sa fibre des modifications de nutrition dues aux combustions qui accompagnent la contraction. Tout muscle qui se contracte s'échauffe et cette augmentation de température est due à des combustions qui altèrent profondément la structure des tissus aux dépens desquels elles ont lieu. De cette altération résultent des produits nouveaux qui, séjournant pendant un certain temps dans le muscle, le paralysent et le mettent dans l'impossibilité de se contracter. C'est la fatigue objective (*). 9

La synthèse de ces deux éléments constitue la fatigue musculaire proprement dite ; c'est celle qui accompagne les exercices faciles, automatiques, tels que la danse, l'équitation, le canotage, le cyclisme, la course et la marche surtout, dans lesquels l'activité cérébrale n'intervient pas ou est réduite à son minimum d'action. Mais à ces deux éléments, il s'en ajoute un troisièmesi l'exercice, au lieu d'être instinctif, machinal, est calculé; c'est ainsi que l'escrime, la boxe et certaines manœuvres d'adresse qui exigent un calcul, une attention soutenue, provoquent une suractivité des centres nerveux et à la fatigue musculaire proprement dite se joint alors la fatigue cérébrale.

Ce sont là les divers modes de la fatigue réelle, physiologique.

(1) F. Lagrange: Psychologie des exercices du corps.

Il existe en outre une forme particulière de fatigue, entrevue déjà par quelques auteurs, et sur laquelle nous voulons attirer l'attention : c'est la fatigue suggérée. Celle-ci est purement psychique, elle accompagne fréquemment la fatigue physiologique et peut même, dans certains cas, la précéder, se produisant alors indépendamment de tout exercice musculaire ou cérébral ; c'est la manifestation qui offre le plus d'intérêt.

La fatigue suggérée est produite par la représentation mentale plus ou moins intense de l'effort accompli ou à accomplir et cette représentation mentale fait naître aussitôt l'idée d'impuissance.

Elle existe fréquemment à l'état d'ébauche chez les sujets normaux qui présentent, ainsi que le fait observer Dubois (de Berne), « une « gangue plus ou moins épaisse de fatigue suggérée autour d'un noyau « de fatigue vraie »; mais elle acquiert le maximum d'intensité chez ceux qui présentent habituellement de la dépression psychique (neurasthéniques, psychasthéniques, hystériques) chez lesquels *- l'idée de diminution de puissance ». comme l'exprime si justement Oontet, imprègne tous les actes.

Beaucoup de sujets ayant à faire un effort de quelque durée s'en déclarent incapables et présentent tous les signes de l'épuisement avant de l'avoir entrepris.

Il nous revient à la mémoire un cas de fatigue suggérée avant l'effort qui se produisit lors de notre séjour au régiment. Il s'agissait d'accomplir une marche forcée au mois de juin par une chaleur excessive. La veille de l'épreuve un train devait nous prendre à 10 heures du soir et nous conduire à une localité distante de plus de 40 kilomètres d'où nous devions revenir à pied le lendemain.

Avant de quitter la caserne, le Colonel nous représenta l'effort à faire, la fatigue à supporter, promettant une permission de 36 heures à ceux qui feraient la route et déclara finalement qu'il comptait sur tous. Un clairon qui passait habituellement pour « un froussard » ne retint de l'allocution du colonel que l'allusion faite à l'effort, se persuada sans doute qu'il en était radicalement incapable et, en franchissant la grille du quartier,se laissa choir déjà exténué.

Les athlètes qui manient des masses pesantes ne travaillent bien qu'avec la connaissance parfaite du poids des engins qu'ils emploient. Placez-les devant un haltère qu'ils soient capables « d'arracher » habituellement, de 50 kilos par exemple, et déclarez-leur qu'il en pèse 60, vous les verrez le plus souvent hésiter et s'ils exécutent l'exercice ce sera avec peine, s'ilsy parviennenttoutefois. Dansce casilsauront tenté l'effort pensant qu'il sera infructueux, dominés qu'ils sont par l'idée d'impuissance.

On peut rattacher à la fatigue suggérée avant l'effort, l'état du neurasthénique au réveil qui, après une nuit de repos, se déclare beaucoup

plus fatigué qu'en se mettant au lit. Ici l'idée de fatigue prédomine chez le sujet au moment de l'entrée en sommeil et cette autosuggestion s'exagère encore par la concentration d'esprit résultant du sommeil même. Cette hypothèse est tout à fait vraisemblable.

*

• •

La fatigue suggérée se produit habituellement pendant l'effort.

Lorsqu'un sujet suggestible prend part à un exercice collectif, l'altitude de ses compagnons pourra déterminer en lui tous les degrés de la fatigue suggérée. A-t-il un long trajet à parcourir? S'il se trouve en compagnie de gens tristes qui exposent les difficultés de la route, qui les exagèrent, parlent du peu de chance d'atteindre le but, maugréent constamment, il est à peu près certain qu'il restera en route : l'hétéro-suggestion lui u coupera les jambes ¦. Si, au contraire, il est en compagnie de sujets gais qui chantent ou tiennent des propos qui l'intéressent non seulement la fatigue suggérée n'apparaîtra pas, mais la fatigue physiologique sera bien mieux supportée.

Voyez le cycliste en pays inconnu, ignorant la longueur exacte de la route qu'il va entreprendre et les accidents du terrain. Trouve-t-il un indicateur qui lui déclare 30 kilomètres pour 50 et une roule excellente alors qu'elle est fortement accidentée? Il partira confiant aux déclarations de celui qui lui « dore la pilule » et arrivera au but sans trop de peine, car la fatigue suggérée sera absente de l'effort. Mais imaginez la déclaration inverse, la fatigue suggérée viendra s'ajouter à la fatigue physiologique et notre homme peinera autant pour faire 30 kilomètres sur route plate qu'il l'eut fait pour 50 kilomètres sur route accidentée avec la fatigue physiologique seule. Ces phénomènes déjà appréciables sur un sujet normal s'exagéreront considérablement chez un psychas-thénique.

Un de nos amis, qui fut un sportman passionné, nous faisait à ce propos cette curieuse déclaration :

« Dans une course de 100 kilomètres à bicyclette, je ressentais la fa-¦ tigne vers le 9Sf kilomètre. Dans une course de 150 kilomètres tout « allait bien jusqu'au 146' environ, et j'ai couru des épreuves de 200 « kilomètres sans être fatiguéavantd'atteindre les derniers kilomètres ». L'influence de la fatigue suggérée est ici manifeste ; elle se graduait d'avance d'après la longueur du trajet.

¦

* * — La fatigue suggérée cède facilement à diverses influences.

Il est à peine nécessaire de rappeler ici les effets de la musique sur une troupe exténuée. Dès les premières mesures d'un pas redoublé la lassitude disparait, les jambes se dégourdissent et les musiciens eux-mêmes éprouvent l'action salutaire de ce stimulant. Les chansons de route, préconisées dans certains régiments, et auxquelles on pourrait peut-être reprocher l'essoufflement, ont l'avantage incontestable « d'entraîner » les hommes.

fa

Il en est de même de l'allocution énergique d'un chef rappelant qu'il faut rentrer l'air martial et ne pas sembler suivre un enterrement!

Des sentiments provoqués tels que l'orgueil ou la colère peuvent dans ce cas produire des effets semblables. Voyez l'allure du fantassin revenant d'une longue marche et qui sait trouver, dans la foule qui se presse au passage, l'amie, la fiancée ou simplement quelques connaissances. Voyez aussi l'attitude d'une troupe fatiguée, qui sous le coup d'une vexation se redresse tout à coup prête.à la révolte..

Il s'agit, en somme, d'éviter que l'attention se porte sur l'idée de fatigue ou de substituer à cette idée, lorsqu'elle existe, une idée d'énergie; c'est aussi pour cela qu'il est recommandé aux marcheurs de ne pas compter les kilomètres.

L'histoire fourmille de faits relatant les prouesses de troupes stimulées par les harangues de leurs généraux (').

*

Est-ce à dire que ces diversions ont donné, à proprement parler, des forces aux sujets en exercice, qu'elles ont produit instantanément l'élimination des produits de combustion organique, qu'elles sont l'équivalent d'un repos réparateur, en un mot qu'elles ont supprimé les effets de la fatigue physiologique?

Assurément non. Ces interventions ont seulement annihilé la suggestion de fatigue; ce qu'elles ont éliminé, c'est précisément cette « gangue de fatigue suggérée », ne laissant subsister que le a noyau de fatigue vraie », de fatigue physiologique, laquelle, malgré la conviction du sujet, est bien loin généralement d'avoir épuisé son capital dynamique.

bulletin bibliographique

Les prophètes juifs, étude de psychologie morbide des origines à Elle (*)

Par M. le Dr Binet-Sanglé.

Dans ce volume, qui est le premier paru de la Bibliothèque de l'Ecole de psychologie, le D' Binet-Sanglé, professeur à cette école, nous offre le résultat de son étude critique de la Bible.

Pour la première fois, les Prophètes Juifs sont envisagés à un point de vue purement scientifique, sans aucun souci des dogmes, des traditions, des idées reçues et des polémiques religieuses.

(1) H existe une différence entre ces diverses influences, dont l'action est toujours identique, et les effets que produit une émotion vive sur la motilité.

Le « sauve qui peut! » rendant l'agilité aux soldats exténués, le cri « au feu! » permettant à un malade alité de prendre la fuite, l'apparition d'un animal oa d'un individu redouté donnant à un être faible (enfant, femme, vieillard) la force de se soustraire à son attaque ne doivent plus être considérés comme des suggestions, mais comme des chocs psychiques déterminant par action réflexe des réactions qui peuvent être, selon le sujet, de l'énergie ou de la stupeur.

(2) 1 vol. in-18 (franco par poste, et chef tous les Libraires), 3 fr. 50.

L'auteur apporte dans l'exégèse la méthode générale des sciences naturelles, communes aux naturalistes, aux médecins et aux aliénistes: observation, comparaison, généralisation, induction.

Tout-d'abord il définit la psychologie religieuse, indique ses relations avec la psychologie des dégénérés mystiques, expose le mécanisme de l'hérédité et les causes de la dégénérescence, et résume l'histoire de l'exégèse rationaliste depuis ses origines jusqu'à nos jours.

Puis il fait successivement défiler sous nos yeux, avec leur physionomie réelle et leur couleur orientale, les vagabonds anonymes du livre des Juges, l'irascible et sanglant Samuel, qui lui fournit l'occasion de nous donner une théorie personnelle de l'hallucination verbale, les prophètes de cour Gad et Nathan, les convulsionnaires Assaph, Eman et Iedouthoun, les conspirateurs Schemaya et Ahiya le Schilo-nite, les thaumaturges de Bethel, Iddo le voyant, les jeteurs d'ana-thèmes Iehou ben-Hanani et Azariahou ben-Obed, Myriam, la musicienne, sœur de Moïse, Debora, la vierge guerrière, dont l'auteur établit le parallèle avec Velléda et Jeanne d'Arc, Houlda, Noadya et Hanna qui vit Jésus.

Enfin, comparant entre eux ces divers sujets et rassemblant leurs traits communs, le Dr Binet-Sanglé esquisse le type du prophète juif, et étudie successivement son lieu de naissance, son domicile, son hérédité, sa constitution, sa suggestibilité, ses images et ses idées, ses hallucinations, sa théomanie, son intelligence, son orgueil, ses tristesses, ses haines, son activité et son pouvoir suggestif.

Cet ouvrage original et précis est écrit dans un style clair, et sera lu non seulement par les hommes de science, mais par les gens du monde qui s'intéressent aux origines du jadaisme et du christianisme.

chronique et correspondance

Société d'hypnologie et de psychologie.

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 20 février, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire généra], 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Dr Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Communications inscrites : Dr Bérillon : Les timidités.— Le traitement psychologique de l'émoti-

vité morbide. Dr Farez : Mensonge et intimidation chez un lycéen.

Dr Le Menant des Chesnais : Borborygmes hystériques traités avec succès

par la suggestion hypnotique. Dr Deuoncht : La psychologie de la voix.

i '" Félix Rbgnault : Définition de la suggestion ; continuation de la discussion.

M. db Coynard : Examens de convulsionnaires au xvm* siècle. D' Witrt {de Trêves) : L'influence suggestive de Guillaume II. Dr Roubv (d'Alger) : Considérations sur le fantôme Bien-Hoat.

Suicide des animaux

Le suicide chez les animaux n'est pas d'observation fréquente. Aussi est-il de quelque intérêt de signaler le cas d'un petit épagneul new-yorkais dont une automobile avait cassé une patte et défoncé plusieurs côtes. Il n'était pas mort sur le coup, mais endurait de terribles souffrances. On le vit alors se traîner jusqu'à une fontaine, plonger sa tête dans l'eau et l'y maintenir jusqu'à complète asphyxie.

Déjà il y a quelques années, à Paris, on avait cité le cas d'un des chevaux de l'omnibus Clichy-Odéon qui, en passant sur le pont des Saints-Pères, avait plusieurs fois tenté de se précipiter dans la Seine.

L'infortuné cheval avait sans doute assez de traîner une vie si misérable... et une si lourde voiture.

Afin d'élucider la question du suicide chez les animaux, nous serions reconnaissants à nos lecteurs et à nos collaborateurs de nous signaler les faits bien observés pouvant apporter une contribution utile à cet intéressant problème.

nouvelles

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie

Ecole de psychologie. — Cours. — Les cours de l'Ecole de psychologie ont commencé le Mercredi, 10 janvier 1906, à cinq heures, au siège social, 49, rue St-André-des-Arts. Le programme détaillé des coursa été publié dans le dernier numéro. Les cours et les conférences sont publics.

Salpétrière. — M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière, fait tous les jeudis, à 10 heures, un cours sur les maladies mentales et nerveuses. Plusieurs leçons y seront consacrées aux applications cliniques de l'hypnotisme et à l'éducation des anormaux.

VAdministrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON.

Paris, Imp. a. Qufllquejeu. rue Gerbert. 10.

20' Année. — ?9.

Mars 1906.

Inauguration du buste do D'fcLiébeauIt

Buste du D* Liébeault élevé par une souscription de la Société d'hypnologie et de l'Ecole de psychologie.

Le 18 février 1904, le Dr Liébeault, créateur et chef de l'Ecole psychothérapique de Nancy, mourait dans sa 81' année.

A la nouvelle de cette mort, M. le Dr Van Renterghem, d'Amsterdam, proposa d'ouvrir une souscription dans le but d'élever un monument à la mémoire du Dr Liébeault. La Société d'hypnologie et de psychologie et l'Ecole de Psychologie de Paris s'unirent dans l'idée commune d'organiser cette souscription et elles constituèrent un Comité qui fut ainsi composé :

Présidents d'honneur : M. le Dr Raymond, professeur de la Clinique des maladies nerveuses à la Faculté de médecine de Paris, et M. le Dr Beaunis, professeur honoraire à la Faculté de médecine de Nancy.

Président : M. le Dr J. Voisin, médecin de la Salpétrlère, président de la Société d'hypnologie.

Secrétaire : M. le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie, secrétaire général de la Société d'hypnologie.

Membres du Comité : MM. le Dr Albert Robin, professeur à la Faculté de médecine de Paris; le Dr Huchard, membre de l'Académie de médecine; le Dr Paul Magnin, professeur à l'Ecole de psychologie, vice-président de la Société d'hypnologie ; le Dr Fiessinger, membre correspondant de l'Académie de médecine; le D' Paul Farez, professeur à l'Ecole de psychologie; le Dr Henry Lemesle, professeur & l'Ecole de psychologie ; L. Achille, vice-président du Conseil municipal de Paris ; le Dr Lloyd-Tuckey, de Londres ; le Dr Van Renterghem, d'Amsterdam ; Podlapolski, vice-président de la Société des naturalistes de Saratow; le D'Hamllton-Osgood, de Boston ; le Dr Jaguaribe, de Sao-Paulo ; le Dr Orlitsky, de Moscou.

Les élèves, les amis et les admirateurs du Dr Liébeault répondirent avec empressement à l'appel du Comité. La souscription permit de confier à M. F. Malllols, statuaire d'un grand talent, la commande de deux bustes en bronze dont l'un fut remis à l'Ecole de psychologie, et l'autre offert à la ville de Nancy.

L'Inauguration du buste du Br Liébeault a eu lieu le jeudi 1« février, à cinq heures, à l'Ecole de psychologie, 19, rue Saint-André-des-Arts, sous la présidence d'honneur do MM. Bienvenu-Martin, ministre de l'Instruction publique et Berthelot, ancien ministre, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences.

Aux côtés de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétrière, président du Comité, avalent pris place, M. Lillaz, sous-chef du Cabinet, représentant M. le Ministre de l'Instruction publique, M. Giard, professeur à la Sorbonne, membre de l'Académie des sciences, M. Mesureur, directeur de l'Assistance publique, M. le Dr Saint-Yves Ménard, membre de l'Académie de médecine, M. le Dr Lloyd-Tuckey (de Londres), M. le Dr Paul Magnin, vice-président de la Société d'hypnologie, M. Malllols, statuaire, auteur du buste du Dr Liébeault et M. le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie, secrétaire du Comité.

Mme Liébeault et Mlle Liébeault avalent tenu à venir de Nancy pour assister à cette solennité. Elles étalent accompagnées de plusieurs délégués venus également de Nancy.

Parmi les personnalités qui avalent répondu à l'appel du Comité, nous sommes heureux de citer : Mme Paul Bert, MM. Fringnet, inspecteur de l'Académie de Paris, Lionel Daurlac, professeur honoraire à la Faculté de

Montpellier, Lais.m*, examinateur à l'Ecole Polytechnique. M. le Dr Fies-singer, membre correspondant de l'Académie de médecine, M. Cornejo, ministre plénipotentiaire du Pérou, MM. les D" Paul Farez, Félix Regnault, Binet-Sanglé, Pamart, Henry Lemesle, MM. Félix Régamey, Blieck, Louis Favre, Caustier, professeur agrégé au lycée Condorcet et Lépinay, professeurs à l'Ecole de psychologie, M. le Dr Go don, directeur de l'Ecole dentaire, M. le Dr Bilhaut, président du Syndicat de la Presse scientifique ; M. le Dr Prieur, seerétairo général de la Société d'histoire de la médecine, M. le Dr Ducor, président de la Société de médecine et de chirurgie pratiques, M. Léon de Rosny, président de l'Alliance scientifique universelle, M. Coutaud, président de la Société protectrice des animaux, M. Paul Mounet, de la Comédie française, M. Jules Bois, homme de lettres, M- le Dp Le Menant des Chesnais, secrétaire général de la Société des Sciences psychiques, M. le général Mercier, sénateur, M. l'amiral Antoine, M. le contrôleur général de l'armée Leblanc, M. le colonel Collet, M. le commandant Bellon, M. le médecin-major Pourclnes, M. Carpin, président de la Société d'Education populaire, M. le Dr Cabanes, directeur de la Chronique médicale.

M. de Scwartz, vice-consul de Serbie, M. Scié-Tou-Fa, attaché â l'ambassade de Chine, M. le commandant Bénlto-Sylvaln (de Port-au-Prince, Haïti), M. le H- Germiquet (de Romont, Suisse), M. le Dr Babalan-Babaieff, médecin des hôpitaux de Tiflis, M. Roblnow (de Manchester), M. le Df Paul Joire (de Lille), M. le D' Marnay (de Loches), M. Dyvrande, procureur de la République à Dieppe, M. Baguer, directeur de l'Institut départemental des sourds-muets, M. le D* Raffegeau (du Vésinet), Mm« la Dr*** de Bondareff (de Saint-Pétersbourg), M. le Ur Lagrange (de Vichy), M. le Dr Archambaud, directeur de la Revue médicale, M. le Dr Cazaux (des Eaux-Bonnes), M. le D'de Torrès (de Luchon), M. le D' Saint-Hilaire. directeur des Annales de laryngologie, M. le Dr Fouineau, médecin-adjoint du dépôt de la Préfecture de police. M. Grollet, secrétaire général de la société de pathologie comparée. M. le Dr Cornet, médecin à la Préfecture de la Seine, M. le Dr Courtault, directeur des Tablettes médicales, MM. les D" Bellemanière, Pottier, Barbier, Millet, Demonchy, Mercier, Hahn, Lorain, Touvenin, Laumonier, Evan, Poulallon, M. le Dr Pascalls, médecin de la Préfecture de la Seine, MM. les D»» Barthede Sanfort, Reignier (de Surgères), Mmc la DrMM Bouet-Henry, M. le DrCostedeLagrave,M.Malapert, professeur au lycée Louis-Ie-Grand, M. Lemaire, professeur agrégé de philosophie, MM. Laroche, Blech, docteurs en droit, MM. Curot, Petit, Fayct, médecins-vétérinaires, M. Féron, député de la Seine, M. le D1 Kalman Molnar (de Xagyvarad, Hongrie), Frédéric Salmen (de Brasso, Hongrie), M. Naville (de Genève), M. le Dr A. William (d'Edimbourg), M. le Dr de Barros-Castro (de Colmbre), M. le Dr Baldet, médecin de la Préfecture de la Seine, M. le D- Félix Bernard (de Plombières), M. le Dr Vlncentelli (de Barcelone), M. le Dr Bonnet, M. le Dr Valentino, médecin-major, M. le Dr Degoix, vice-président de la Société d'hygiène de l'enfance, M. le Dr Andrade Silva (de Sao-Paulo), MM. les D" Brochard, Provotel, Depoully, Dlgnat, Granel, et un grand nombre de médecins, de professeurs de l'Université dont nous n'avons pu noter les noms.

Dès l'ouverture de la séance, M. le Secrétaire donne lecture de la lettre

suivante qu'il vient de recevoir de M. le professeur Berthelot, président d'honneur de la réunion.

Cher monsieur et ami,

J'ai connu autrefois le Dr Liébeault et j'étais au nombre des personnes frappées de l'étendue et de la justesse de ses vues sur la suggestion et sur le sommeil provoqué. L'Ecole de Nancy, qu'il a fondée, a fait depuis son chemin. Sans prétendre adopter toutes les doctrines auxquelles les travaux du Dr Liébeault ont donné naissance, je crois qu'il a exercé sur le développement de la psychologie et de la philosophie une influence capitale. Je regrette que d'autres engagements ne me permettent pas d'assister à l'inauguration de son buste, mais je vous prie de témoigner de toute ma sympathie pour l'Ecole de psychologie et pour votre personne.

Agréez, etc.

Marcelin Berthelot. La lecture de cette lettre fut accueillie par de très vifs applaudissements.

M. le Secrétaire du comité communique ensuite à l'assemblée les télégrammes et les lettres d'excuses arrivés au comité, de tous les points du monde, à l'occasion de la solennité en l'honneur du Dr Liébeault-

11 suffira de citer quelques-uns des hommages qu'ils expriment pour indiquer dans quelle estime le Dr Liébeault était tenu par les plus hautes notabilités du monde savant :

Chigny, près Hûrget /Suisse}. Je vous envole tous mes vœux à l'occasion de l'Inauguration du buste du Dr Liébeault, et vous prie de croire que je suis de cœur avec vous dans l'honneur que vous faites à la mémoire du penseur original, de l'homme de cœur auquel nous devons la conception et la pratique de la suggestion appliquée à la thérapeutique.

Professeur A. Forel. Stockholm.

Je regrette de ne pouvoir assister à l'inauguration du buste de l'immortel Liébeault dont la gloire est aussi celle de la France.

rjr WetterStrand . Moscou.

La féte en l'honneur de Liébeault est celle de tout le monde médical.

Dr Orlitzky.

Amsterdam.

J'aurais vivement désiré être présent à la solennité du 1« février et porter mon hommage à la mémoire du vénéré maître Liébeault; dans ma pensée, je serai avec vous. Dr Van Rentebghem.

Genève.

Je regrette vivement que la distance m'empêche de prendre part à la solennité en l'honneur du Dr Liébeault. Je m'associerai du moins en pensée aux hommages rendus à la mémoire de cet homme admirable.

Professeur Flournoy.

Bruxelles.

Suis avec vous de cœur pour honorer Liébeault, l'inspirateur de l'Ecole de Nancy. Professeur Spehl.

Sao-Paulo, Brésil.

Je m'associe par la pensée aux hommages si mérités que vous rendez au créateur de la psychothérapie et à notre maître à tous.

Dr Jaguari be . Le Cannet.

Je regrette vivement de ne pouvoir assister à l'inauguration du buste du Dr Liébeault. Je serai avec vous de cœur, en souhaitant que la ville de Nancy lui accorde bientôt les honneurs qu'il mérite.

Professeur Beaunis.

Berlin.

Nous sommes avec vous pour honorer la grande mémoire de Liébeault.

D' 0. VoGT.

Liège.

M'associe de cœur à ceux qui sont réunis pour honorer Liébeault et regrette d'être empêché de me joindre à eux.

Professeur Henri je an.

Nancy.

J'aurais été heureux de me trouver au milieu de ceux qui glorifient le Dr Liébeault, mon illustre compatriote, et je m'associe aux honneurs que vous lui rendez. Maurice Barrés,

de l'Académie française.

Niée.

J'aurais été heureux d'assister à la belle cérémonie où justice sera rendue à la mémoire de l'homme de bien et du savant modeste dont notre famille s'honore et qui laisse à tous le souvenir d'un bienfaiteur dont l'humanité ne pourra jamais trop apprécier la valeur.

Général Travailleur.

L'espace dont nous disposons ne nous permet que de mentionner les lettres d'excuses adressées par M. le professeur Raymond, membre de l'Académie de médecine, M. le professeur Albert Robin, membre de l'Académie de médecine, M. le D' Brousse, président du Conseil municipal, M. le Dr Motet, membre de l'Académie de médecine, M. le Dr Huchard, membre de l'Académie de médecine, M. Laurent, secrétaire général de la préfecture de police, M. Edmond Perrler, de l'Institut, directeur du Muséum.

M. le professeur Stumpf (de Berlin). M. le professeur Francotte (de Liège), M. le professeur Masoin (de Louvaln), M. le Dr Ladame (de Genève), M. le professeur Grasset (de Montpellier), M. le professeur Combemale (de Lille), M. le professeur Pitres (de Bordeaux), M. le professeur Bordier (de Grenoble), M. le professeur Brunon (de Rouen), M. le Dr Charrin, professeur au Collège de France, sir Francis Cruise (de Dublin), M. le professeur Claparède (de Genève).

MM. les professeurs Lépine (de Lyon), Carrieu (de Montpellier) et Henrot (de Reims), M. le D' Van Velsen (de Bruxelles), M. le D'Dejace, directeur du Scalpel (de Liège), M. le Dr Bonjour (de Lausanne), M. le Dr Hamilton-Osgood (de Boston), M. le Df Wiasemski (de Saratow), M. le Dr Famenne (de Florenville, Luxembourg), M. le professeur Podiapolski (de Saratow), M. le D' Damoglou (du Caire), M. le D'Vlavianos (d'Athènes), M. le D' Witry (de Trêves), M. le D' Hœberlin (de l'Ile de Fiihr), M. le Dr Milne Bramwell (de Londres), M. le Dr de Groer (de Saint-Pétersbourg), M. le D' Wijnaendts

Francken (de La Haye), M. le D' Knory (d'Odessa), M. le Dr Zellgzon (de Cleveland, Ohio), Mme Hemmerlé (d'Odessa), M. Achille, conseiller municipal de Paris, M. Muteau, député de la Côte-d'Or, M. Milliaux, député de l'Yonne, M. Roussel, conseiller municipal de Paris, M. le Dr Jacques Ber-tillon, directeur de la statistique du département de la Seine, M. le Dr Marie, médecin en chef de l'Asile de Villejuif, etc., etc.

Sociétés, Ecoles et Institutions représentées.

La Société d'hypnologie et de psychologie (par les membres de son bureau).

L'Ecole de psychologie (par ses professeurs).

L'Ecole dentaire de Paris (par M. le D' Godon, directeur).

Le Syndicat de la presse scientifique (par le D' Bilhaut, président, et le D* Corset,

secrétaire général). La Société d'histoire de la médecine (par le D* Prieur, secrétaire général). La Société de pathologie comparée (par le Dr Saint-Yves MÉNAno, vice-président,

et M. Grollet, secrétaire général). La Société universelle des sciences psychiques (parle D' Paul Joire, président). La Société de médecine et de chirurgie pratique (par le D* Ducon, président, et

le D' Dignat, secrétaire généra!). La Société médicale des praticiens (par le D' Mercier, secrétaire). La Société psychologique internationale (par M. Jules Bois, secrétaire général). La Société d'hygiène de l'eniance (par M. le D' Degûix, vice-président). La Société d'enseignement populaire (par M. Carpin, président). La Société protectrice des animaux (par M. Coutaud, président). La Société franco -Japonaise (par M. Félix Iîêgamey, président). L'Alliance scientifique universelle (par M. Léon de Rosny, président). L'Assistance aux animaux (par M. Lépinay, secrétaire général). La Mutualité Maintenon (par M— Paris, directrice). La Ouild internationale (par Mu' Michaud, secrétaire).

Society for psychical Research (par le DT Lloyd-Tcckey, membre du Comité). L'Institut psycho-physiologique (par le D" Bérillok). Le Dispensaire pédagogique de Paris (par le D' Pauart). Le Laboratoire de psychologie comparée (par MM. Grollet et Lépinay). Le Dispensaire anti-alcoolique de Paris (par M™ la D***" Bouet-Henry). L'Institut psycho-physiologique de Sao-Paulo (par le D* Akorade Silva). L'Institut Liébeault d'Amsterdam (par MM. les D" Van RenterghemetBéiuLLOs). L'Institut Liébeault de Loches (par MM. les D" Leuesle et Marnay). Le Cercle Liébeault de Saratow (par M. Podiapolski et M. le D' P. Farez). L'Institut départemental des Sourds-Muets (par M. Baguer, directeur), etc.....

M. le Dr Jules Voisin, président, prononce alors l'allocution suivante :

Allocution du D- Jules Voisin

médecin de la Salpêtrière, président de la Société d'bypnologie et de psychologie.

Au lendemain de la mort du Dr Liébeault, lorsque notre dévoué collègue, M. le D' van Renterghem, d'Amsterdam, demanda à la Société d'bypnologie et de psychologie d'ouvrir une souscription destinée à honorer la mémoire de ce grand savant, sa proposition fut accueillie par une approbation unanime. Notre Société ne pouvait oublier que le premier article de notre programme, élaboré en 1889 par le regretté Dumontpallier et par son élève, M. Bërillon, comporte l'étude de toutes les questions qui se rattachent à l'étude expérimentale de l'hypnotisme,

de la suggestion et de la psychothérapie. Or, le principal litre de gloire de Liébeault n'est-il pas d'avoir, le premier, après avoir consacré de longues années à étudier le mécanisme du sommeil provoqué, d'avoir dégagé et fait ressortir l'importance des phénomènes psychologiques de la suggestion.

Aussi, nous avons été heureux de nous associer, dans l'œuvre de justice que nous accomplissons, à l'Ecole de psychologie, dont le programme a tant de points de contact avec celui de la Société d'hypnologie.

Il ne m'appartient pas de retracer ici l'œuvre médicale et psychologique du D' Liébeault. Ce soin a été confié à M. le Dr Paul Magnin, vice-président de la Société d'hypnologie, et à M%le Dr Bérillon, secrétaire général de la Société, qui a accepté également d'être le secrétaire du comité de la souscription. Je n'ai pas à vous rappeler le zèle et le dévouement que M. le Dr Bérillon déploie dans l'accomplissement de toutes les fonctions qui lui sont confiées. Vous les connaissez. Nous lui devons le succès de la belle manifestation scientifique d'aujourd'hui. {App l&udissemen ts).

Nous aurons également le plaisir d'applaudir les beaux vers par lesquels M. Jules Bois a su exprimer si heureusement dans son hymne à Liébeault, les vertus de l'homme et la gloire du savant. M. Paul Mou-net, l'éminent sociétaire de la Comédie française, qui n'a pas oublié l'époque où il s'initiait aux choses de la médecine, a mis sa voix puissante au service du poète. Nous les confondrons dans nos applaudissements.

Avant d'entendre l'éloge de Liébeault, je dois, au nom du Comité de la souscription, adresser nos vifs remerciements à M. le Ministre de l'Instruction publique, M. Bienvenu-Martin, et à M. Berthelot, ancien ministre, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, qui ont bien voulu accepter la présidence d'honneur de cette réunion.

M. le Ministre, retenu par la discussion du budget de son ministère, s'est fait représenter par un de ses collaborateurs les plus distingués, M. Lillaz, sous-chef de son cabinet. Vous venez d'entendre la lecture de la lettre de M. Berthelot. Les termes élevés par lesquels ce maître que nous vénérons comme une des gloires les plus pures de la science française, s'associe à notre manifestation en l'honneur du Dr Liébeault, nous ont touchés profondément. Je suis heureux d'être votre interprète, en lui exprimant nos sentiments de reconnaissance et de respectueuse affection. (./ippJaudtssemenfs prolongés).

C'est avec un grand plaisir que je salue la présence à mes côtés des hommes éminents, qui comme M. le professeur Giard, membredel'Ins-titut ; M. Mesureur, directeur de l'Assistance publique ; M. le DT Saint-Yves-Ménard, membre de l'Académie de médecine, et M. le Dr Lloyd-Tuckey (de Londres), n'ont pas hésité à dérober à d'absorbantes occupations les instants nécessaires pour répondre à notre invitation. Ils ont pensé que rendre hommage à la mémoire d'un homme dont la vie tout entière a été consacrée au culte désintéressé de la science, c'était

encore servir la science. Nous les remercions d'avoir pensé, comme nous, qu'un des premiers devoirs qui incombentau sentiment éclairé du patriotisme, c'est d'honorer ceux dont les travaux contribuent à la prospérité et à la grandeur de la patrie.

En acceptant la présidence d'honneur de notre comité, M. le D' Raymond, professeur de clinique des maladies nerveuses à la Faculté de Paris, et M. Beaunis, professeur honoraire à la Faculté de Nancy, ont démontré qu'il ne restait rien des antiques discussions entre les deux écoles de Nancy et celle de Paris. Les querelles scientifiques ont le grand avantage d'aboutir à des conclusions légitimes, logiques et profitables à l'humanité. Elles se terminent toujours par de sincères réconciliations. (Applaudissements).

La présence de M™' Liébeault et de M1'* Claire Liébeault, venues de Nancy avec une délégation d'amis, donne à notre réunion d'aujourd'hui son caractère de véritable féte de famille. Autour du buste remarquable dû à l'habile ciseau du statuaire Félix Maillols, se sont groupés les élèves, les admirateurs et les amis personnels du Dr Liébeault. Plusieurs sont venus de très loin. Notre cher et estimé collègue, le Dr Lloyd-Tuckey de Londres, nous a donné en cette circonstance, une nouvelle preuve de la fermeté de ses sentiments. Il a traversé la Manche pour nous apporter le salut des psychothérapeutes anglais. (Applaudissements.)

Le modeste médecin de Nancy dont la perspicacité a si grandement élargi le champ des connaissances psychologiques, était digne de ces pieux hommages. Créateur de la psychothérapie, c'est-à-dire de la science qui contribue le plus puissamment au soulagement de la souffrance humaine, il fut également un admirable professeur, car il a laissé après lui une pléiade d'élèves qui continuent à s'inspirer de ses doctrines et de son enseignement. La fidélité de leur admiration perpétuera la mémoire de Liébeault et rappellera qu'il eut le mérite de doter l'art de guérir d'une branche nouvelle. (Applaudissements prolongés).

Allocution du Dr Paul Magnin

professeur à l'Ecole de psychologie, vice-président de la Société d'hypnologie et do psychologie.

II y aura bientôt seize ans, le 25 mai 1891, avait lieu à Nancy une cérémonie particulièrement belle et touchante. Le Dr Liébeault prenait sa retraite et, répondant à l'appel de médecins anglais et hollandais, ses élèves, un grand nombre de ses confrères, avaient tenu à lui offrir, à cette occasion, un témoignage de leur commune admiration.

Après lui avoir remis, au nom du Comité international, le bronze bien connu de Mercié, David vainqueur de Goliath, ainsi qu'un album contenant les photographies des souscripteurs, Dumontpallier se fit l'interprète de la respectueuse sympathie de tous les assistants pour « le médecin modeste qui, mu par le seul désir d'être utile, a réussi à soulager, à guérir un grand nombre de malades et à doter l'art de la médecine d'une méthode nouvelle.

« C'est à Liébeault, disait notre regretté maître, qu'il appartenait de créer la psychothérapie et de la généraliser. C'est au modeste praticien de campagne que devait revenir le mérite d'avoir fondé la grande méthode thérapeutique à laquelle on donne aujourd'hui le nom de « suggestion thérapeutique ». Pendant près d'un quart de siècle, Liébeault répandit sa science en prodiguant gratuitement ses soins aux pauvres et ses bienfaits devaient seuls le consoler des railleries du public et de ses confrères. C'est donc pour nous, Messieurs, une grande satisfaction et c'est pour moi un grand honneur d'être invité dans cette réunion à lui dire notre admiration et notre reconnaissance ».

La souscription internationale laissait un reliquat. Consulté sur l'emploi de cette somme, Liébeault pria ses confrères de la consacrer à la fondation du « prix Liébeault » que décerne chaque année la Société d'hypnologie.

Le 16 septembre 1902, Liébeault entrait dans sa quatre-vingtième année. Affaibli par l'âge et surtout par la maladie, vivant retiré dans une demi-solitude il se disposait à quitter Léon pour rentrer définitivement à Nancy. Mais, auparavant, il voulut, à l'occasion de son soixante-dix-neuvième anniversaire, revoir encore une fois le toit paternel et le petit village où il avait passé ses premières années. Grâce à une touchante pensée de Mme Hœmmerlé et du Dr Van Renterghem, pensée approuvée par quelques-uns des amis et dévoués disciples du maître, une douce surprise lui était réservée. Sur la façade de la maison qui l'avait vu naître il vît une plaque de marbre blanc sur laquelle il put lire l'inscription suivante :

Dans cette maison naquit, le 16 septembre 1823, Liébeault, Ambrolse, Auguste, docteur en médecine, médecin modeste et homme de bien, qui ouvrit une ère nouvelle aux sciences médicales en les dotant de sa découverte : L'application méthodique de la suggestion et du sommeil provoqué au traitement des maladies.

Cette plaque commémorative fut apposée au nom de ses nombreux amis et disciples, tant Français qu'étrangers, par :

Agathe II.ï::¦¦[¦..! é, d'Odessa; van Renterghem,dir. de Y Institut psychothérapeutique Liébeault, d'Amsterdam. Jules Voisin, Edgar Bérillon, Paul Magnin, Paul Farez, représentants de la

Société d'hypnologie et de psychologie de Paris. Oscar Vogt, A. von Schrenck-Notzing, représentants du Zeitschrift fur

hypnotlsmus.

Charles Lloyd-Tuckey, de Londres. Otto Wettersthand, de Stockholm.

Et c'est ainsi que les habitants de Favières peuvent s'enorgueillir grandement d'un éminent compatriote déjà universellement honoré à la fin de sa vie et dont nous couronnons aujourd'hui la gloire.

Liébeault nous a montré la révolution qu'un homme peut à lui seul accomplir dans l'évolution des idées philosophiques et scientifiques de son époque quand ses travaux ne visent que la recherche de la vérité. Il nous a permis de comprendre ce qu'a de profondément grand une existence faite toute de droiture, de bienveillance, et de bonté quand elle a pour but le soulagement désintéressé de ses semblables.

Aussi Liébeault apparaitra-t-il toujours aux yeux de ses collègues de la Société d'hypnologie et de psychologie comme une des plus nobles, une des plus belles figures médicales de noire temps. (Applaudissements prolongés).

Allocution du Df Ch. Lloyd-Tuckey [*)

membre du comité de la Society for psychical research, de Londres.

C'est avec un vif plaisir que j'apporte, de Londres, l'hommage des psychothérapeutes anglais à la mémoire du 1)" Liébeault.

Je remercie particulièrement mon ami le Dr Bérillon qui, en faisant revivre la physionomie si noble du créateur de la psychothérapie, m'a fourni l'occasion de rappeler ce que je dois à ses enseignements.

Il y a vingt ans, je me rendais à Nancy, attiré par la renommée de ce grand savant. Je n'oublierai jamais l'accueil que je reçus dans sa clinique. Avec beaucoup d'empressement, il s'efforça de m'initier à la pratique de son art. Tous ceux qui ont eu, comme moi, le bonheur de recevoir ses conseils, ont été conquis par sa personnalité géniale, par son grand savoir psychologique, mais aussi par sa bonté et par sa modestie. Ce sont ces qualités qui l'ont rendu si cher à tous les médecins, venus de tous les pays pour s'instruire auprès de lui.

Cette réunion de savants illustres, de médecins, et de psychologues, auxquels il faut ajouter les noms de ceux dont le Dr Bérillon vient de nous communiquer les télégrammes, montre que notre maitre est honoré non seulement dans son propre pays, mais aussi dans toutes les parties du monde civilisé.

Il n'y a pas de ville importante où il n'y ait des disciples de Liébeault et leur admiration a ceci de particulier qu'elle ne s'adresse pas à un homme célèbre par les fonctions qu'il a occupées. Elle n'est inspirée que par des sentiments d'affection et de reconnaissance.

En Angleterre, il y a actuellement, dans presque toutes les villes, des médecins qui se sont spécialisés dans la pratique de l'hypnotisme. Ceci est d'autant plus surprenant que le peuple anglais est essentiellement attaché à ses traditions séculaires et qu'il n'accueille les nouveautés qu'avec une extrême défiance. C'est surtout au point de vue médical qu'il se montre réfractaire aux doctrines nouvelles. Les idées dont Liébeault a été l'initiateur faisant leur chemin en Angleterre, on peut dire que c'est la démonstration éclatante de leur succès. Elle ont déjà

(1} Cette allocution a été prononcée en anglais.

amené, par une évolution pacifique, la disparition d'une foule de méthodes anciennes et surannées qu'on appliquait, par esprit de tradition, au traitement des maladies nerveuses et des maladies générales. La substitution progressive de la thérapeutique suggestive à l'abus des drogues peut être considérée comme un immense service rendu à l'humanité.

Il y a quelques jours, un médecin éminent de Dublin, sir Francis Cruise, dont la visite au Dr Liébeault eut lieu quelques années après la mienne, m'écrivait qu'il utilisait l'hypnotisme dans sa pratique courante et qu'il en obtenait des succès remarquables. De Stockholm, d'Amsterdam, de Berlin, de Moscou, de Lausanne, de Genève, de Bruxelles, et d'un grand nombre d'autres villes, le même écho nous arrive et partout le nom de Liébeault est salué avec admiration.

Si les adeptes de la psychothérapie ne sont pas encore plus nombreux, c'est que les applications de l'hypnotisme exigent une compétence spéciale et que les professeurs capables de l'enseigner sont rares. Heureusement l'enseignement donné à l'Ecole de psychologie, par des professeurs dévoués comme le sont les D" Bérillon, Paul Magnin et Paul Farez, contribue à former chaque année de nouveaux élèves. Beaucoup de nos compatriotes sont venus à Paris pour y suivre d'utiles leçons qu'ils n'auraient pu trouver ailleurs.

Je suis heureux de constater que nous sommes unanimes à reconnaître la part prépondérante qui revient à Liébeault dans la connaissance de l'hypnotisme. Le meilleur hommage que nous puissions rendre à sa mémoire, c'est de nous inspirer de son exemple et de nous consacrer, avec autant de dévouement et de bonté qu'il l'a fait, à l'application de la psychothérapie. {Applaudissements prolongés).

L'œuvre psychologique de Liébeault.

par le Dr Bérillon,

professeur à l'Ecole de psychologie, secrétaire général de la Société d'hypnologie et do psychologie.

Avant d'exposer l'œuvre psychologique de Liébeault, j'ai le devoir de retracer les diverses phases de son existence, si bien remplie. Je les emprunterai en grande partie à l'Eloge qui fut prononcé le 21 juin 1904, à la séanoe annuelle de la Société d'hypnologie et de psychologie, par le Dr Van Renterghem, d'Amsterdam.

Né le 16 septembre 1823, à Favières (Meurthe-et-Moselle), Auguste-Antoine Liébeault ne commença que tardivement ses études universitaires. Ses parents le destinaient à l'état ecclésiastique ; mais ce fut contre son gré, qu'à l'âge de quinze ans, il fut placé au séminaire. Il s'y montra peu docile aux enseignements de ses maîtres, et à la mort de son père, il obtint de sa mère la liberté de suivre sa vocation qui l'entraînait vers les sciences naturelles. A vingt-et-un ans, il prit sa première

inscription à l'Université de Strasbourg.il se montra étudiant studieux, et fut reçu docteur en médecine, le 7 février 1850.

Pendant les deux dernières années de son séjour à Strasbourg, son attention avait été appelée sur les questions d'hypnotisme. Dans le service du professeur Gros, dont il était l'interne, il avait pu observer un sujet chez lequel on pouvait provoquer des saignements de nez. Il suffisait, pour réaliser cette expérience, de lui en donner l'ordre lorsqu'il était endormi.

Après avoir lu le Manuel du M&gnêtiseur du Dr Teste, il essaya de plonger quelques sujets en état de catalepsie et de somnambulisme. A son grand étonnement, il y réussit. Il eut dès lors l'intention de se consacrer à cette branche spéciale de la médecine, mais son professeur de clinique, le Dr Schiitzenberger, l'en dissuada. Il vint s'installer à Ponl-St-Vincent, près de Nancy ; et bientôt, absorbé par les exigences d'une nombreuse clientèle, il oublia l'hypnotisme. Une seule fois, au début de sa carrière de médecin de campagne, il faillit y revenir. Un vieux paysan le consulta pour sa fille qui présentait des attaques convulsives ; Liébeault, ayant constaté, chez cette malade, l'inefficacité des médicaments, proposa de l'endormir. Le père s'y opposa, lui remontrant qu'il risquait de s'aliéner sa clientèle ; les innovations étant en général fort mal accueillies, surtout dans les campagnes.

Ce ne fut que dix ans après qu'il revint à ses études de prédilection. La présentation à l'Académie des Sciences, par le célèbre Velpeau, d'un exemplaire du livre de James Braid sur la Areurypnotog;îe ou l'hypnotisme neroeux, le porta à recommencer ses expériences. Pour cela, il s'adressa résolument à des malades de sa clientèle, leur offrant de les traiter gratuitement s'ils se prêtaient à ses expériences d'hypnotisme. Il faisait en outre valoir que ce traitement supprimait les frais de médicaments.

Cet appel à l'esprit d'économie fut entendu et il eut bientôt à sa disposition un nombre considérable de sujets.

Pendant quatre années, il soigna gratuitement tous ceux qui voulaient bien guérir par le moyen du sommeil provoqué ; il acquit par là une expérience consommée, et sa réputation devint considérable auprès des paysans de la région.

C'est alors que, convaincu de l'influence exercée par le moral, non seulement dans la production, mais aussi dans laguérison des maladies, il prit la résolution de soumettre au corps médical le résultat de ses observations.

Venu à Nancy pour y trouver un champ d'expériences plus étendu, Liébeault ne rencontra aucun encouragement de la part de ses confrères ; au contraire, un certain nombre d'entre eux n'hésitèrent pas à accabler de leurs dédains un médecin dont les théories médicales et la thérapeutique étaient si peu conformes aux traditions officielles.

Il a raconté dans divers articles les difficultés qu'il eut à surmonter pour triompher de l'esprit de routine. A ce point de vue, il ne fut pas mieux partagé que Braid, auquel la Section de médecine de l'Associa-

tion britannique pour l'avancement des sciences avait refusé la lecture d'une communication ayant pour titre : Essai pratique sur l'action eu-ralive de l'hypnotisme.

Doué d'un caractère élevé, inaccessible au découragement, Liébeault vécut à l'écart, en dehors du monde médical, consacrant tout son temps aux malades qui venaient à la clinique qu'il avait fondée rue de Belle-vue. En 1866, il publia le fruit de ses observations dans un volume remarquable ayant pour titre : Du sommeil et des états analogues, considérés surtout au point de vue de l'action du moral sur le physique. Il y exposait les principes dont s'inspirent aujourd'hui tous ceux qui. dans la pratique de la psychothérapie, sont restés fidèles à la méthode scientifique.

On sait que cette œuvre passa inaperçue. 11 n'en fut vendu qu'un seul volume ! M. Liégeois racontait avec humour au professeur Delbœuf, en visite à Nancy en 1887, comment, ayant pris en main et feuilleté ce volume au moment de son apparition, il l'avait trouvé trop cher !

Depuis lors, Liébeault a pris sa revanche. Non seulement les deux éditions de son livre ont été complètement épuisées ; mais il est actuellement impossible de s'en procurer un exemplaire.

Dans la préface de la seconde édition, il exprimait, en termes positifs, le dédain que doit professer tout homme de caractère à l'égard des jugements superficiels ou malveillants. « Du moment qu'on s'écarte du courant ordinaire de la science, en s'occupant de choses qu'elle rejette, ainsi que je l'ai fait dans mon traité spécial sur le Sommeil provoqué,— et que par conséquent, on ne se range pas derrière ses grands prêtres comme des moutons de Panurge, — on se séquestre nécessairement, et les savants et le vulgurn pecus s'éloignent de vous. Heureux ! si l'on rencontre par-ci par-là quelques timides adeptes qui vous consolent tout bas. *

' Mais, en ce cas particulier, qu'importe l'adhésion des savants et du public, quand on est sûr des vérités que l'on met au grand jour ! Qu'im-. portent surtout les anathèmes et les dogmes de la médecine classique, lorsque, établi sur le terrain solide de l'observation et de l'expérimentation psychique, on a acquis la conviction d'avoir entrevu non seulement des vastes horizons à une branche naissante de la psychologie, mais encore d'avoir constaté les applications de cette science à l'art de guérir, lesquelles se résument dans la thérapeutique suggestive, thérapeutique révolutionnaire au premier chef».

Une période d'une vingtaine d'années s'écoula entre la publication du livre de Liébeault et la révélation de ses idées. Il passa tout ce temps à s'occuper de ses malades, leur consacrant toutes ses journées.

Ses consultations ne furent interrompues que par l'occupation allemande, durant laquelle il mit son dévouement professionnel au service des blessés allemands recueillis dans les locaux du Grand séminaire de Nancy.

Il employait les quelques heures de loisir que lui laissaient ses devoirs

de chirurgien à écrire son livre intitulé : Ebauche de Psychologie, paru en 1873, et qui n'eut pas, tout d'abord, plus de succès que le précédent. Ce livre est actuellement devenu introuvable.

Aussitôt après le rétablissement de la paix, il reprit ses séances d'hypnotisme, et recommença à soigner les pauvres.

L'ostracisme dont Liébeault avait été jusque-là la victime résignée, ne prit fin qu'au commencement de 1881.

Un de ses camarades de la Faculté de Strasbourg, le Dr Lorain, étant venu lui rendre visite à la modeste clinique de la rue de Bellevue, l'y trouva au milieu d'une vingtaine de malades plongés dans l'état d'hypnotisme.

La singularité de ce spectacle, auquel il n'était pas accoutumé, impressionna tellement le Dr Lorain qu'il en fitpartà tous les confrères qu'il rencontra, les invitant à se rendre compte par eux-mêmes des expériences dont il avait été le témoin.

Devant son insistance, le D' Dumont, chef des travaux physiques à la Faculté de Nancy, assista à une consultation du Dr Liébeault. II y prit un tel intérêt que pendant quelque temps, il devint le collaborateur du maître.

Mais, malgré ses affirmations, le corps médical, et les professeurs de la Faculté, rcslaient encore indifférents. C'est alors que le Dr Dumont demanda à M. Liébeault d'appliquer sa méthode à quelques malades de l'asile de Maréville, près do Nancy, qui lui seraient soumis par le Dr Sizaret, médecin en chef de cet établissement. Les expériences furent faites devant un certain nombre de hauts fonctionnaires, de magistrats et de conseillers généraux. Plusieurs malades atteints d'hystérie furent endormis par le Dr Liébeaultavec la plus grande facilité. Quelques jours plus tard le 10 mai 188^, il présenta à la Société de Médecine de Nancy, revenue de ses préventions d'antan, quatre sujets sur lesquels il réalisa un certain nombre d'expériences de suggestion qui frappèrent très vivement les trente-deux médecins présents à la séance (*).

Dès lors, l'incrédulité des confrères commença à se transformer en admiration.

La Revue de Vhypnotisme, créée en 1886, eut, dès sa publication, le Dr Liébeault parmi ses plus actifs collaborateurs. Elle publia de lui de remarquables études, et porta son nom dans toutes les parties du monde. Bientôt, les visiteurs affluèrent à sa modeste clinique, et dans le cours des années 1887, 1888, 1889 et 1890, jusqu'à l'heure où il prit sa retraite, il ne se passa pas un jour où le maître ne reçut la visite de quelque médecin français ou étranger, venu à Nancy, pour être initié à la connaissance de la suggestion hypnotique et à la pratique de la psychothérapie.

Pendant cette période de sa vie. l'activité du D' Liébeault fut vraiment prodigieuse. Indépendammenldesenseignements donnés à ses auditeurs,

(1) Revue médicale de l'Est, *J* année, t. XIV, p. 438.

il rédigeait des articles fréquents pour la Revue de l'hypnotisme, et entretenait une correspondance active avec nombre d'amis ou d'élèves qui ne lui demandèrent jamais en vain ses conseils.

Voici d'ailleurs le portrait, d'une ressemblance frappante, que retraçait de lui le professeur Delbceuf, dans une brochure publiée en*î889.

« M. LiébeauK, qui a aujourd'hui 65 ans, est un petit homme, aux allures vives, au front profondément sillonné de rides horizontales, coupées par d'autres rides qui vont rayonnant en éventails à partir de la base du nez. Teint bistré de campagnard ; œil brillant et animé ; parole sonore et précipitée, physionomie ouverte, mélange de gravité et de simplicité, d'autorité et de douceur ; une gaieté d'enfant ; quelque chose du prêtre. Au surplus, c'est un apôtre, un apôtre qui a tout sacrifié à sa foi : fortune, considération, bien-être. Il ne sort pas de chez lui ; en ville, il doit souvent demander son chemin ; il ignore le nom des rues et s'égarera môme en se dirigeant vers la station. Sa figure est peu connue des Xancéens, mais son nom est célèbre auprès du peuple, à dix lieues à la ronde. »

Au commencement de 1891, leD* Liébeault ayant manifesté l'intention de prendre un repos bien mérité et de fermer la clinique de psychothérapie où tant de praticiens étaient venus, de tous les points du monde, s'instruire à ses leçons données avec tant de bienveillance et de désintéressement, un groupe de médecins étrangers eut l'idée de lui offrir, à l'occasion de sa retraite, un témoignage d'admiration et de reconnaissance.

La cérémonie eut lieu à Nancy, le 25 mai 1891.

Après avoir offert au Dr Liébeault, au nom du comité intcrnationnal un bronze magnifique, le David vainqueur de Goliath, du statuaire Mercié, symbole éloquent de la lutte de la pensée contre la force aveugle, du combat engagé par le frondeur isolé contre le géant de la routine. M. Dumontpallier, président de la Société d'hypnologie et de psychologie, lui remit un magnifique album contenant les photographies des souscripteurs. Puis, dans un discours éloquent, il rappela le mouvement scientifique si considérable dont les travaux de Liébeault avaient été le point de départ. Après lui, le Dr Van Renterghem exprima en termes émus les sentiments des élèves et des admirateurs de Liébeault.

« Nous accomplissons aujourd'hui, dit-il en terminant, un pieux pèlerinage, nous touchons ici notre Mecque et nous avons le bonheur.de voir parmi nous, son bon, son modeste prophète. Mais ce qui est remarquable surtout, et ce qui nous remplit le cœur d'allégresse, c'est que, généralement, les pèlerinages n'ont lieu qu'après la mort des prophètes et qu'on ne visite guère que leurs reliques et leurs tombeaux ; tandis que notre prophète vit, et qu'il nous est réservé la faveur extrême de pouvoir l'honorer de son vivant. »

Heureux en effet, sont ceux qui on pu vivre assez longtemps pour voir leurs idées triompher. Ceux qui ont innové, ou agrandi le cercle des connaissances humaines ne reçoivent d'ordinaire que des honneurs pos-

thumes. Liébeault a eu dans sa vieillesse la satisfaction d'assister au triomphe de ses doctrines.

En 1902, étant allé rendre une dernière visite à la maison qui l'avait vu naître, à Favières, il ne fut pas peu surpris de trouver, apposée au-dessus de la porte une plaque en marbre blanc dont l'inscription exposait ses titres à la reconnaissance publique. Mon collègue et ami Paul Magnin vous en a donné le texte.

Il s'éteignit en 1904, entre les bras de Mme Liébeault et de sa fille

Le dernier portrait du D' Liébeault, à l'âge de 78 ans.

adoptive, Mlle Claire Liébeault, qui donnèrent à sa vie et à sa vieillesse les douceurs d'un bonheur familial sans mélange. {Applaudissements prolongés.)

L'œuvre de Liébeault, qui apparaît à beaucoup comme inspirée par des préoccupations médicales, est avant tout psychologique. Les applications multiples qui dérivent de ses doctrines se rattachent autant à la sociologie qu'à la médecine proprement dite, et ce n'est pas ce qui en constitue le moindre intérêt.

L'évolution des diverses phases par lesquelles passa l'esprit du

D' Liébeault « uu temps où il marchait dans les ténèbres et presque sans guide o fut exposée dans une étude fort intéressante que nous lui avions demandée, et qui parut dans la Revue de VHypnotîsmele 1" octobre 1886 sous le titre : Confession d'un médecin hypnotiseur. Il m'avait fait le grand honneur de me dédier ce travail, qui fut reproduit, en appendice, dans la seconde édition de son livre : Thérapeutique suggestive ; son mécanisme.

Liébeault nous y révèle comment, ayant tenté de provoquer le sommeil artificiel par le procédé des magnétiseurs, il n'avait pas tardé à constater qu'il fallait attribuer la production du sommeil à l'effort que faisaient les sujets pour fixer leur attention sur ses yeux, et à leurcontention d'esprit. Dès ce moment, il fut convaincu que le sommeil provoqué n'est pas l'effet de l'action d'un fluide étranger ou humain, mais qu'il naît de l'isolement des sens et d'une concentration. »

Le procédé auquel il eut recours pendant quelque temps, empruntait à Braid « la fixation d'un objet plus ou moins brillant » et à Faria « l'affirmation de dormir. «

Rien d'absolument personnel n'apparaît donc dans ses premières tentatives. C'est un peu plus tard que le rôle prépondérant de la suggestion se précise dans son esprit. Il découvre que le moyen le plus sur pour provoquer l'hypnose, c'est d'insister sur l'apparition des principaux symptômes du sommeil : le besoin de dormir, la pesanteur des paupières, le sentiment du sommeil, la diminutionde l'acuité des sens, etc.

Ces affirmations, répétées d'une voix douce, avec un accent convaincu, impriment progressivement dans l'esprit des sujets d'idée de dormir, idée qui ne tarde pas à se transformer en sommeil plus ou moins accentué.

La suggestion autoritaire de Faria, résumée dans le mot « Dormez ! », peut trouver son application chez certaines personnes, habituées, dès l'enfance, à s'incliner sans discussion devant toutes les injonctions impératives ; la grande majorité des hommes se montre plutôt disposée à se laisser alauguir et désarmer par l'influence persuasive de suggestions expliquées, commentées. C'est seulement lorsque le sommeil a été obtenu que les suggestions, faites dans le but de guérir, doivent légitimement, comme nous l'avons souvent démontré, revêtir le caractère impératif.

Liébeault était des lors en possession d'un procédé personnel, dont il expose les points principaux dans les termes suivants :

1° Par l'affirmation des signes du sommeil ordinaire, on produit le sommeil provoqué ;

2° Dans le cours de ce sommeil provoqué, on détermine par suggestion, sur les sujets endormis, une foule de phénomènes psychiques et physiologiques ;

3° Enfin, par l'injonction de se réveiller, les sujets sortent de l'état passifoùon les a mis. Pour Liébeault, et c'est là, dit-il, la partie essentielle de son credo, le sommeil provoqué et le sommeil naturel sont du

même ordre, parce que du commencement à la fin, les phénomènes de l'un et de l'autre sont parallètlement identiques. « Ils ne diffèrent qu'en ce que le dormeur ordinaire s'auto-suggestionne pour entrer dans son sommeil, au contraire de l'autre qui, dans le même but, est suggestionné par autrui, a Liébeault dans ses écrits a accumulé les preuves les plus démonstratives en faveur de cette opinion dont il a fait la base de sa doctrine. C'est d'ailleurs par cette démonstration qu'il entre en matière dans son livre sur le Sommeil paru en 1866 :

« Si l'on considère, écrit-il, l'un après l'autre, les signes de la formation du sommeil ordinaire et du sommeil artificiel, on remarquera qu'ils sont les mêmes.

i Les physiologistes qui se sont occupés du sommeil ordinaire ont déjà observé que cet état ne peut se manifester sans un consentement préalable de l'esprit. Il est aussi acquis à la science que, lorsqu'on veut s'abandonner au repos, on recherche l'obscurité et le silence, on se couvre la tète et le corps pour éviter le contact d'un air trop vif ou la piqûre des Insectes ; on se place sur un Ht moelleux et l'on chasse de son esprit toutes les idées qui pourraient le préoccuper, bref, on s'isole de ce qui amène la distraction des sens et de ce qui alimente activement les facultés intellectuelles ; l'on ne songe qu'à une chose, reposer; l'on ne se berce que d'une idée, dormir. Et ce n'est pas seulement l'homme qui entre ainsi dans le sommeil, les animaux à sang chaud s'isolent de même, les oiseaux se mettent la tête sous l'aile, les mammifères se réfugient dans une retraite ou se roulent en boule, la tête entre les pattes ; tous cherchent une place commode et profitent du silence et de l'obscurité de la nuit. »

« Ainsi, consentement au sommeil, isolement ménagé des sens, afflux de l'attention sur l'Idée de s'endormir, ce qui, physioiogiquement, se traduit par le retrait de cette force des organes sensibles pour s'accumuler dans le cerveau sur une idée mémorielle; puis enfin, subsidiairement, besoin plus ou moins pressant de reposer, et moyens mécaniques facilitant l'Immobilisation de l'atlentlon, tels sont, au premier aperçu, les divers éléments du mode de la formation du sommeil ordinaire. ¦

« Pour le développement du sommeil artificiel, ce mode n'est pas différent. On s'est aperçu que les personnes que l'on veut endormir ne sont nullement influencées si leur attention va d'une sensation à une autre ou voltige, tour à tour, sur une foule d'idées sans s'arrêter à la pensée de dormir ou sont convaincues qu'elles ne dormiront pas. De plus, on peut faire la remarque que, dans leurs procédés pour amener le sommeil artificiel, les endormeurs mettent d'abord ces personnes dans l'isolement des sens, en privant, autant que possible, ces organes de leurs excitants, et en empêchant, par là, l'attention de s'y diriger comme d'habitude. Aussi, leur recommandent-elles le silence et les placent-elles dans l'obscurité, sur un siège commode et dans une chambre dont la température est douce. Pour aider à l'Immobilisation de l'attention de ces personnes, ils veillent encore à ce qu'elles fixent les yeux sur les leurs ou à ce qu'elles regardent un objet qui frappe la vue par son éclat, et ils ont soin, ensuite, de leur recommander de ne songer à rien autre chose qu'à dormir, comme lorsqu'elles veulent d'habitude se livrer au repos. Au bout de quelque temps, si leurs paupières ne sont pas closes, ils

les leur ferment, et d'une voix impérative, Ils leur ordonnent le sommeil. »

L'idée directrice de l'œuvre de Liébeault apparaît clairement dans le seul énoncé des chapitres de son livre, que je dois me borner à citer, sans en extraire les aperçus si originaux et si personnels qu'Us renferment. En voici les principaux :

De fa production du sommeil ordinaire et surtout du sommeil provoqué.

Effets de l'attention accumulée sur les diverses fonctions. Du moral, cause de maladies. Du moral, cause de guérisons.

Du mécanisme intime des guérisons pendant le sommeil.

Considérations au point de vue curatif, sur l'art d'endormir et de faire la suggestion. ,

En résumé, on doit à Liébeault d'avoir établi l'analogie du sommeil artificiel avec le sommeil ordinaire et d'avoir exposé les signes caractéristiques des divers états hypnotiques.

Sa classification des degrés de l'hypnotisme, basée sur les différences que présentent les sujets dans le pouvoir de faire des efforts d'attention et de manifester de l'initiative, défie encore aujourd'hui les tentatives des imitateurs et des plagiaires.

Rappelons aussi l'ingénieuse théorie par laquelle il explique l'apparition des phénomènes de l'hypnotisme, qu'il place sous l'influence de l'attention, envisagée par lui comme une force nerveuse rayonnante, circulante, alternativement centripète ou centrifuge, susceptible de s'accumuler, sous l'influence de l'idée suggérée, dans les diverses régions de l'organisme. Pour lui, les phénomènes divers qui apparaissent pendant le sommeil relèvent de la loi du balancement organique des forces, loi par laquelle, selon Cabanis et Bichat, la force nerveuse répandue presque également dans tout le système nerveux, afflue sous certaines causes, vers un point ou quelques points du corps, et y détermine l'excitation de certaines fonctions organiques au dépens des autres fonctions. C'est en germe la théorie de l'inhibition et de la dynamogénie dont Brown-Séquard se servira pour l'interprétation des mêmes phénomènes.

Liébeault a également expliqué, parles états hypnotiques, les tables tournantes,- la baguette divinatoire, le spiritisme, les possessions, les hallucinations collectives, etc.

Précurseur de Tarde dans l'étude de la psychologie de foules, nul n'a mieux démontré que lui l'influence de l'imitation si avantageuse à l'humanité lorsqu'elle est limitée dans de justes bornes, mais si contraire à ^'esprit d'examen, quand elle n'est pas corrigée par l'esprit d'initiative. Comme il le disait avec raison : «Le savant a continuellement à se défendre contre les envahissements de cet ennemi prêt à s'emparer de lui sans qu'il s'en aperçoive. Lorsque Ton est en son pouvoir, ce n'est pas chose facile de faire table rase dans son esprit d'une foule d'idées préconçues que l'on croit vraies et que l'on caresse comme siennes; on

ne sacrifie pas aisément ses enfants adoptifs. » Liébeault avait pressenti les plagiaires. Il avait aussi prévu les mauvais imitateurs, c'est-à-dire ceux qui ne s'inspirent des doctrines les mieux établies en droite raison que pour les dénaturer, les amoindrir et les fausser.

Aussi, dans un de ses derniers articles de la Revue de l'hypnotisme ('), il revendiquait pour le sommeil provoqué la place prépondérante dans l'art de la psychothérapie.

c J'affirme, écrivait-Il, et c'est ma conviction profonde, que la suggestion seule, même maniée habilement, n'est pas toujours suffisante pour causer des effets curatifs sur les personnes que l'on veutiguérir. Le sommeil, a

La clinique du D' Liébeault, à Nancy.

écrit un ancien médecin, est le meilleur des remèdes. Rien ne prévaudra jamais contre cette vieille vérité. Comme Isolant, cet état est l'adjuvant le plus précieux de la suggestion : écartant toute distraction de l'esprit, Il augmente nécessairement la suggestibillté des dormeurs et les rend aptes à mieux recevoir les affirmations qui ont pour but de les débarrasser de leurs maux. Et n'aurait-il que la propriété d'être un calmant — il en a bien d'autres — qu'il faudrait y recourir. Aucun artifice de suggestion, dans une foule de cas, ne remplacera jamais un état physiologique où l'on se replonge tous les jours avec attrait. Pourquoi l'exclure de la thérapeutique du moral sur le physique? Pourquoi ne servirait-il pas de point d'appui à la suggestion dont il est lui-même un dérivé? Il me semble, qu'on me permette une comparaison triviale, que lorsqu'on peut se faire un lit, et qu'on le possède ce serait folie de ne pas s'y coucher et de s'étendre à côté sur la dure. Le sommeil n'esl-il pas comparable à un bon lit où l'on doit mettre ïe dormeur et l'y suggestionner. »

(1) Liébeault : A travers les états passifs : le sommeil et les rêves. Revue de Thyp-notisme, 8» année, 1894, p. 66.

Le dernier article que nous envoya le ! )* Liébeault parut sous le titre : L'état de veille et l'état d'hypnose. II y résume très nettement son opinion sur la valeur thérapeutique de l'hypnotisme (>) :

« On a beaucoup parlé, dans ces derniers temps, de la suggestion à l'état de veille, et les quelques disciples du professeur Delbœuf qui ont admis, avec lui, cette opinion irréflective sur la possibilité de l'efficacité d'une telle suggestion, sont allés même jusqu'à dire qu'elle est, dans ce cas, plus puissante sur l'organisme qu'elle ne peut l'être dans le sommeil. Ils se sont grandement trompés. S'ils ont eu des succès, ces succès ont dû être peu importants, et ils ont été uniquement les fruits d'un sommeil partiel et spontané. »

Dans ces lignes, Liébeault appelle, avec raison, l'attention sur la possibilité d'obtenir, chez un assez grand nombre de sujets, l'état d'hypno-tisme fortuit, ce qui se rencontre surtout chez ceux qui sont doués d'une extrême suggestibilité. Ce qui a donné l'illusion de l'influence exercée par une prétendue suggestion à l'état de veille, c'est qu'il est arrivé à un certain nombre de thérapeutes d'avoir provoqué l'hypnotisme, comme M. Jourdain faisait de la prose, sans le savoir.

Enfin, alors qu'il était déjà depuis quelques années plongé dans la retraite, ayant lu l'exposé de certaines théories qui tendaient à réduire le rôle que l'hypnotisme doit jouer en psychothérapie, il reprit sa vaillante plume et nous adressa la lettre suivante que l'on peut considérer comme l'expression de son testament scientifique :

Nancy, le g mai i8g8.

Mon cher confrère et ami, « Dire avec le paradoxal Delbœuf qu'il n'y a pas d'hypnotisme, c'est-à-dire de science du sommeil, c'est en nier les phénomènes,cequi est absurde: dire qu'il n'y a que de la suggestion, c'est en plus affirmer qu'on ne reconnaît que le mécanisme psychique de la suggestion, ce qui est encore plus absurde. Ces deux choses du sommeil sont parties inséparables : l'une est cause, et l'autre effet. »

« a la base des manifestations de la veille, ii y a un effort centrifuge plus ou moins conscient de l'attention, agissant des centres cérébraux vers les extrémités nerveuses des sens pour créer nos impressions du monde ambiant; à la base des manifestations du sommeil, l'attention, par un mouvement centripète, se porte en sens contraire et se replie des extrémités sensibles vers les centres pour laisser f organisme en un état passif plus ou moins profond. »

« Cette théorie physiologique du mécanisme du sommeil provoquéest inexpugnable. Conservons-la. Ceux qui prétendent, sans preuves à l'appui, que la suggestion est aussi efficace pendant la veille que pendant le sommeil n'ont pas compris que toute la valeur curative de l'aotlon morale réside précisément dans la production préalable de l'hypnotisme ou des états passifs. — Ils useront leurs dents contre nous.

a. Liébeault.

*

La valeur de la psychothérapie méthodique, telle que la concevait le

(1) Liébeault : L'état de veille et l'état d'hypnotisme. {Revue de VHypnotismet 12* année, mai 1898.

Dp Liébeault, a été mise en relief par un nombre si considérable de cliniciens autorisés, qu'il nous est impossible d'énumérer leurs travaux.

Actuellement les médecins qui nient a priori l'importance de l'hypnotisme en thérapeutique, sont si rares,qu'il convient de les traiter comme une quantité négligeable. Aussi, c'est avec raison que le professeur Spehl, de Bruxelles, dans VIntroduction h son cours de psychothérapie, professé à l'Université de Bruxelles en 1902, faisait remarquer que l'hostilité contre le traitement psychologique ne se traduit plus que par des appréciations absolument enfantines, décelant une profonde ignorance de la question. A ce sujet, le professeur Spehl disait :

« Ces adversaires de parti-pris ne réfléchissent pas que le traitement moral est, en définitive, le seul vraiment a humain », le seul qui se distingue de la thérapeutique vétérinaire, et que le rôle du médecin n'est nullement diminué ni son prestige amoindri, parce qu'il obtient de meilleurs résultats par l'action psychique que parles remèdes internes! Nous estimons, au contraire, qu'une semblable intervention est sans conteste d'un ordre plus élevé, car elle ne se limite pas au seul traitement physique ou mécanique de la bète, elle s'adresse à l'homme tout entier, tel qu'il est, avec ses passions, ses préjugés et ses faiblesses. »

Mais l'œuvre de Liébeault a une portée plus étendue que celle de multiples applications à la médecine. Deux hommes éminents, MM. les professeurs Liégeois et Beaunis, de Nancy, ont du aux enseignements directs du maître, de pouvoir faire ressortir le puissant intérêt que l'étude de l'hypnotisme présente pour les magistrats, pour les sociologues et pour les psychologues.

M. Liégeois, que des liens d'étroite amitié n'ont cessé d'unir au Dr Liébeault, a développé et commenté les idées du maître dans le remarquable mémoire sur la Suggestion hypnotique dans son rapport avec le droit civil et criminel, dont il donna lecture en 1884, à l'Académie des sciences morales et politiques.

Quant à M. Beaunis, apportant aux travaux de Liébeault le contrôle de la méthode expérimentale, telle qu'on l'applique dans les laboratoires de psychologie, ses recherches ont mis en lumière, d'une façon irréfutable, l'influence que le cerveau exerce, dans l'état d'hypnotisme, sur les fonctions organiques ordinairement soustraites à l'influence de la volonté. Il a également démontré que l'hypnotisme constitue une méthode précieuse d'expérimentation qui, employée avec précaution, peut servir à la solution des phénomènes de l'intelligence.

Je ne connais rien de plus attrayant et de plus instructif que la lecture de la deuxième édition du livre de M. Beaunis, sur le Somnambulisme provoqué, paru en 1887, dans lequel il prévoit « que le jour n'est pas loin où la pédagogie aura a compter avec Vhypnotisrne et ou sera appliquée ce qu'on a appelé justement Vorthopédie morale. »

C'est vers la réalisation de cette prédiction de M. Beaunis que j'ai personnellement orienté tous mes efforts ; c'est vers ce but que j'ai été guidé dans toutes mes préoccupations scientifiques. Les créations successives

de ('Institut psycho-physiologique, de I'Ecole de psychologie, du Dispensaire pédagogique et plus récemment encore du Dispensaire antialcoolique, ont marqué chacune des élapes successives de notre évolution dans l'application pédagogique et sociologique de l'hypnotisme. Grâce à ces institutions, destinées à donner aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur toutes les questions qui relèvent de la psychologie appliquée, il m'a été permis de mettre en lumière la haute valeur des procédés auxquels j'ai donné le nom de méthode hypno-péd&gogique.

Cette méthode, dont l'hypnotisme constitue l'élément fondamental, permet de remédier chez l'enfant, et même chez l'adulte aux impulsions vicieuses, antisociales, qui résultent de l'absence du pouvoir modérateur et de la volonté d'arrêt. .

Si je suis arrivé à la conception d'une méthode rigoureuse, capable de réaliser'la transformation du caractère chez les pusillanimes et les vicieux, à la rééducation de la volonté chez les impulsifs, c'est aux patientes recherches de Liébeault que je dois cette inspiration. C'est à ce maître vénéréque je veux en reporter tout l'honneur. (Applaudissements.)

«

Personne n'ignore que depuis quelques années, un certain nombre d'esprits, mus par un snobisme d'un ordre particulier, affectent d'attacher une grande importance aux questions d'occultisme. Mon ami Jules Bois, ayant eu, en 1902, l'idée d'ouvrir une enquête sur l'importance de ce mouvement vers un néo-mysticisme aux allures vaguement scientifiques, écrivit au Dr Liébeault pour lui demander son opinion.

Il en reçut les réponses suivantes, que nous ne pouvons résister au désir de reproduire, car elles témoignent une fois de plus du caractère hautement scientifique, mais en même temps empreint de sereine indulgence dont le créateur de l'Ecole de Nancy fut toujours inspiré {*} :

Ma conviction est qu'il y a dans le mysticisme spirite des formations de phénomènes psychiques réels, mais ces phénomènes sont mal interprétés et n'ont presque jamais été rapportés à leur véritable cause. Cette cause n'est pas hors de l'homme, elle est en lui, dans son cerveau, elle prend ses racines vraies surtout dans les états passifs dont le sommeil et les rêves sont le terrain de formation.

Les recherches expérimentales de MM. Crookes, Lombroso, etc. qui sont encore pourmoi à être vérifiées, n'ont pas exercé sur mon esprit une influence convaincante. Je voudrais, dans des cas pareils, surveiller, voir, palper, etc., les phénomènes produits en présence de ces savants. Pourquoi les faits qu'ils rapportent sont-Us environnés de conditions si difficiles à réaliser, et pourquoi ne se manifestent-ils que sur des sujets privilégiés, sinon introuvables ?

Quant à la télépathie et à la communication de pensée, (je me tais sur le dédoublement des personnes et sur les matérialisations, que je ne saurais envisager sérieusement) dont on n'a pas encore trouvé les conditions ni les lois, et dont, par conséquent, on n'a pas encore pu renouveler les phéno-

(I) Enquête sur l'occultisme. Revue de Vhypnotisme. 16* année, n* 9, p; 257.

mènes à volonté, je suis loin de les rejeter comme absurdes et je ne doute pas qu'on en trouvera le germe explicatif dans les propriétés actives du cerveau pensant et tel qu'il fonctionne normalement.

Comme les hommes sont insatiables de bonheur — Us en ont si peu ! — ils se forgent un monde meilleur au delà de leur vie terrestre. Ce qui les entretient surtout dans ces aspirations, ce sont les rêveries qu'ils font naître dans leur esprit, rêveries dont Us ne peuvent plus se déprendre et qu'ils transportent dans le monde de l'inconnu.

Les croyances religieuses, nées dans les états passifs de la vie, me paraissent devoir se transformer, s'épurer fatalement, et même s'absorber les unes dans les autres ; et la science, grâce à l'esprit d'examen, tout en les disséquant et les réduisant à leurs éléments simples, en diminuera sans doute l'importance ; mais elle ne les pourra jamais détruire, parce qu'il y aura toujours pour les hommes des inconnues à chercher et de l'inconnaissable, c'est-à-dire un terrain sans limite et largement ouvert aux croyances mystiques invérifiables de ceux qui ont plus de sentiment et de sensibilité que de raison, et Us sont et seront toujours nombreux.

A. LlÉBEAULT.

Comme le faisait justement remarquer Jules Bois, l'opinion du Dr Liébeault appportait dans son enquête la note de la vérité et du bon sens. Elle démontrait en outre que les maîtres de l'hypnotisme n'ont aucun lien commun avec les esprits mal inspirés qu'un excès de crédulité, ou un défaut de réflexion, entraine vers les pièges du mysticisme ou de l'occultisme.

« » *

Malgré les oppositions systématiques que rencontrent toutes les sciences nouvelles à leurs débuts, nul ne peut nier aujourd'hui l'importance et la valeur des travaux inspirés dans tous les pays du monde par l'étude de l'hypnotisme. Il en est résulté une véritable révolution scientifique, dont les effets ne se manifestent pas seulement par l'emploi d'une terminologie nouvelle, mais surtout par la démonstration scientifique de beaucoup de phénomènes restés jusqu'alors inexpliqués. Les médecins ne se bornent pas à employer à chaque instant les mots de suggestion et d'hypnotisme, ils ont appris à apprécier la puissance de l'intervention psychique. Là où, selon la pittoresque expression de Voltaire, « ils passaient leur temps à mettre des drogues qu'ils ne connaissent pas dans des corps qu'ils connaissent moins encore », ils ont acquis l'art de faire plus sagement de la psychothérapie. L'homme qui a le plus contribué à cette révolution scientifique était un savant modeste, doué au plus haut degré de cette puissance d'observation, de cette ingéniosité, do cette sincérité profonde, de cette largeur de vues qui constituent le véritable homme de science.

Il y a quelques années, M. le professeur Lépine présidait à Lyon un Congrès d'enseignement supérieur.

Après avoir établi dans son discours la différence qui sépare le médecin praticien et le médecin d'hôpital de celui qui est appelé à jouer le rôle du professeur, M. Lépine résumait en ces termes éloquents

le rôle de celui auquel l'Etat confie la mission d'élever les jeunes générations médicales :

;« Que faut-il pour les élever ? Suffit-il de leur transmettre fidèlement le trésor des connaissances que nous ont laissé nos devanciers ? C'est ce que faisaient les maîtres durant le moyen-âge, si stérile. Mais, depuis la

M. le DT Beaux» professeur honoraire de la Faculté de Nancy.

Renaissance, qui fut une véritable révolution scientifique, on ne comprend plus de cette manière l'enseignement supérieur: de dogmatique, il est devenu essentiellement critique et rénovateur. Les meilleurs maîtres sont les travailleurs, ceux qui prouvent par exemple que, sauf les vérités mathématiques, il n'y a point de vérités scientifiques absolues et définitives ; que si on n'atteint jamais la vérité, notre destinée est de nous efforcer de nous en rapprocher sans cesse ; que la science est un perpétuel devenir. En instituant des professeurs de faculté, l'Etat

leur impose donc implicitement l'obligation de chercher des voies conduisant au progrès. Professew veut dire chercheur. Faire des découvertes est la meilleure manière d'enseigner ».

Dans un Etat bien organisé, une chaire professorale eût été offerte au Dr Liébeault. S'il eût vécu de l'autre côté de notre frontière lorraine, les choses se fussent probablement passées ainsi ; mais il vivait dans un pays où les fonctionnaires sont plus considérés par les pouvoirs publics, que les inventeurs et que les hommes d'initiative.

Si l'on prend à la lettre la définition de M. Lépine, le Dr Liébeault a été le modèle des professeurs, il a cherché et créé une méthode nouvelle ; il a fait progresser la science. Véritable chef d'école, dans sa clinique particulière de Nancy il a formé plus d'élèves que beaucoup des professeurs les plus en vue. Il y a peu d'hommes auxquels autant de médecins éminents, français ou étrangers, aient dédié leurs ouvrages comme à un maître vénéré. Grâce à ses travaux, grâce aussi à la reconnaissance de ses nombreux disciples, son nom ne périra pas.

A l'encontre de tant de réputations éphémères qui s'éteignent avec les fonctions, à mesure que les services rendus par ses découvertes se généraliseront, sa gloire s'affermira, et le nom du créateur de la psychothérapie méthodique ira grandissant à travers les siècles. (Applaudis-sements prolongés.)

Sur l'invitation du président, M. Paul Mounet, de la Comédie-Pran-Çaise, s'approche au pied du buste du Dr Liébeault et d'une voix puissante, récite l'Hymne à Liébeault, composé pour la circonstance par M. Jules Bois :

Hymne à Liébeault

Dédié au jy Bérillon.

Liébeault, ton simple nom est béni du poète, Toi qui dans ton village errais compatissant, Toi plus grand que le saint antique et plus puissant, Cœur immense, regard clément, profonde téte !

D'autres ont célébré, Jeanne de Vaucouleurs Et d'autres ont chanté le Démon de Socrate, Nous saluons ton humble gloire délicate, 0 médecin de l'Ame et des longues douleurs.

*

* *

Notre science, enfin reine de la Matière, A su régénérer les corps et les guérir, Mais l'Esprit échappait à son étreinte altière, L'Esprit fleur invisible et magique soupir !

Mais tu te rappelas le temple d'Epidaure. Les prêtres Chaldéens aux secrets redoutés, Mesmer, cette lueur, et Charcot, cette aurore, Et tu fis un soleil de toutes ces clartés 1

Hypnotique sommeil où l'Ame se réveille, Yeux clos où la santé par le Verbe descend, Songe et non pas mensonge, ô mystère, ô merveille ! 0 Source obscure d'un bienfait éblouissant !

Le Miracle par toi renaît sur cette terre,

Non plus le vieux miracle et son charme trompeur,

Mais le prodige auguste, amical, populaire.

Qui ne vient pas du Ciel, mais qui jaillit du Cœur !

*

O vous les Exilés des Humaines Délices, Vous que taraude un mal incurable, inconnu, Esclaves de la Peur, des Tares et des Vices, Vous pouvez espérer, car Liébeault est venu I

C'était un paysan très doux, que la souffrance Universelle fit s'étonner et gémir ; La Nature en son cœur palpitait d'espérance; Un cri reconnaissant montait de l'avenir.

Ses parents avaient cru qu'il deviendrait un prêtre ; Mais Liébeault regardait la terre et non le ciel, Dieu pour lui n'était pas l'inaccessible maître Mais la Pitié qui sèche un pleur, tarit le fiel.

Le Bouddha fraternel, aux confins de l'Asie, Lui souriait du fond du Nirvana songeur ; Vincent de Paul, qui ne craint pas cette hérésie, En son tombeau murmure : « O Saint Libre Penseur !

Qu'importent les conflits de la pensée amère ! La douleur est réelle et les propos sont vains. Il faut aimer, il faut aider. Tu es mon frère, Qui que tu sois, si tu fléchis, si tu te plains 1

Ils accouraient vers la maison aux fleurs rustiques, Les pauvres, les blessés du Destin, les maudits. Le bon sommeil fermait leurs yeux mélancoliques, Et quand ils les rouvraient, l'espoir d'un paradis

Humain, le renouveau de la force et des sèves, L'équilibre mental sans lequel l'univers N'est qu'un triste décor et le pire des rêves, Les faisaient se lever, libres des anciens fers 1

Et comme au temps de l'Homme Exquis de Galilée, Les aveugles voyaient; — et l'infirme, tremblant, De recouvrer enfin sa fermeté troublée, Remerciait la voix qui lui rendait l'élan !

0 Savant, tu fus bon. Cet éloge est suprême. La Douleur s'enfuyait au seul bruit de tes pas. Gloire à Toi, le héros qui console et qu'on aime, Plus grand que les Guerriers, plus fort que le Trépas.

Tu mourus, dédaignant les rumeurs triomphales Et d'avoir fait le Bien voulant le seul laurier, Mais ton nom survivra dans toutes les rafales ; L'œuvre immortelle rend immortel l'ouvrier !

Jules Bois.

L'audition des beaux vers de M. Jules Bois soulève un tonnerre d'applaudissements qui s'adressent à la fois au poète et à son admirable interprète.

Avant de lever la séance, M. le président annonce, aux applaudissements de l'assemblée, que M. le ministre de l'Instruction publique vient, à l'occasion de l'inauguration du buste du Dr Liébeault, d'accorder au statuaire, M. F. Maillols, la distinction d'officier d'académie, présage de plus hautes récompenses pour l'avenir.

Banquet

Après l'inauguration du buste du Dr Liébeault, un banquet a eu lieu chez Marguery, en l'honneur des délégués étrangers. Cette réunion, qui groupait les organisateurs, les délégués, les souscripteurs et les amis personnels du Dr Libeault, comprenait également un assez grand nombre de dames. Le total des convives s'élevait à quatre-vingts.

La place d'honneur avait été réservée à Mme Liébeault. A ses côtés prirent place le Dr Lloyd-Tuckey (de Londres), le Dr Jules Voisin, président du comité de la souscription, le Dr Bérillon, secrétaire, M. Paul Mounet, de la Comédie Française, le Dr Bilhaut, président du Syndicat de la presse scientifique, le Dr Paul Magnin, professeur à l'Ecole de psychologie, M. Lionel Dauriac, professeur honoraire à la Faculté de Montpellier, M. Robinow (de Manchester), M. Trévelyan{de Dublin), M. Cornéjo (de Lima), M. Germiguet (de Romont, Suisse), M. Dyvrande, procureur de la République à Dieppe, le Dr Raffegeau, directeur de la maison de santé du Vésinet, le Dr Pottier, directeur de la maison de Santé de Picpus, le Dr Paul Farez, professeur à l'Ecole de psychologie, M. le Dp Saint-Hilaire, médecin de l'Institut départemental des Sourds-Muets, M"" la DreMfl Bouet-Henry, M. Grollet, secrétaire général de la Société de pathologie comparée, M. Maillols, statuaire, etc., etc.

Le groupe des amis personnels du Dr Liébeault et des délégués de Nancy était représenté par le général Mercier, l'amiral Antoine, le colonel Collet, le médecin-major Pourcines, M. Saby et plusieurs autres personnes.

A la fin du banquet plusieurs toasts furent portés par M. J. Voisin, à Mme Liébeault, par le Dr Bérillon, aux délégués étrangers et aux

délégués de la ville de Nancy, parle DrLloyd-Tuckey, aux organisateurs de la réunion, par le Dr Bilhaut, au président et au secrétaire général de la Société d'hypnologie à MM. Voisin et Bérillon, par le Dr Paul Magnin, aux dames présentes. Tous ces toasts furent très applaudis.

M. Dyvrande, procureur de la République, dans une allocution très goûtée, rappela l'influence exercée par les travaux de Liébeault dans le domaine de la médecine légale et de la jurisprudence. Il exprima le souhait que les magistrats et les avocats fussent plus souvent appelés à prendre part aux travaux de la Société d'hypnologie.

Ensuite M. le professeur Lionel Dauriac, retraçant l'existence de Liébeault. dont la vie de travail s'est passée à l'écart, loin du bruit de la foule, a émis l'opinion que c'était probablement à cette tranquillité d'esprit qu'il fallait attribuer la profondeur de ses vues.

Allocution du professeur Lionel Dauriac

* Le Dr Bérillon, dit-il, en exposant l'œuvre de Liébeault, nous a appris qu'une des conditions de la fixation de l'attention sur une idée, c'est que la force nerveuse, répartie dans toute la périphérie de l'organisme, se replie sur elle-même et s'accumule dans certains centres cérébraux. Cet état ne peut évidemment se réaliser que dans le calme profond, lorsque nous sommes délivrés de toute préoccupation extérieure. Or, par le fait de son existence paisible, l'attention, chez Liébeault. avait toute latitude pour s'accumuler dans les lobes frontaux. N'étant pas distrait par les sollicitations ambiantes, il a pu concentrer toute la puissance de sa vision intérieure sur l'objet de ses recherches. C'est ainsi que l'idée fondamentale de son œuvre a pu évoluer normalement et aboutir à une maturité complète. L'isolement auquel il fut longtemps condamné par l'indifférence du corps médical a été compensé par un avantage inappréciable. 11 n'a pas été amené, comme tant d'autres, à faire à un milieu animé de l'esprit seolastique de méprisables concessions. C'est justement parce qu'il ne s'est jamais préoccupé de plier ses idées à la mode du jour, et de les conformer aux exigences des suffrages académiques, qu'il est devenu un chef d'école et que son œuvre résistera aux injures du temps. » {Applaudissements prolongés).

Lasérie des toasts fut clôturée par le général Mercier, qui, au nom de la famille du Dr Liébeault, de ses amis personnels et des délégués de la ville de Nancy, a remercié les organisateurs de la souscription et exprimé le vœu que bientôt, le buste offert à la ville de Nancy soit érigé sur une des places de la ville.

Un concert improvisé a terminé cette fête cordiale. M. Paul Mounet, en disant plusieurs poésies appropriées à la circonstance, a soulevé d'enthousiastes applaudissements. Puis, Mme Demonchy, femme de notre dévoué collègue, le Df Demonchy, à fait ressortir en plusieurs actes d'opéra, le charme de son admirable voix. Enfin, la note gaie fut donnée par l'humoriste Jean Robert, toujours empressé à collaborer aux œuvres de dévouement.

Pouzpouooiz ziuniz en un âeul faàcicule le compte tendu de VInauguzation du buûte du docteuc Llèbeault, noua noua âommeô vu contzaint de zepoztec au pzocltain numéro la âuite de la Leçon d'ouveztuze de M. leD' Magnin: Psychothérapie ei Hypnotisme; ainâi que leâ azticleo : Les Religieuses de Port-Royal, de M. le D' Binet-Sanglé; Les grands exorcismes du xix* siècle, de Af. le doc~ teuz Witzy, de Tzèoeâ.

cours et conférences

Chorée arythmique hystérique ('). Par M. le Professeur Raymond.

Cette jeune fille est âgée de 18 ans. Vous voyez qu'elle ne peut pas tenir en place ; le tronc, la face, les mains, les membres inférieurs sont animés de mouvements incessants. Ces mouvements sont lents, disséminés, arythmiques, sans aucun rapport les uns avec les autres ni avec aucun acte déterminé ; ils sont très augmentés par les émotions ou par la station debout. Ces caractères les différencient des tremblements et des myoclonies : c'est d'une chorée, de moyenne intensité, qu'il s'agit.

Mais notre malade a 18 ans. Sydenham disait que, passé cet âge, il fallait se méfier. Au point de vue nosologique, en effet, il convient de faire des distinctions. La véritable chorée de Sydenham, la danse de Saint-Guy, est une maladie dévolution ; elle apparaît de bonne heure, vers la puberté. Plus tard, dans des circonstances déterminées, peut survenir la chorée des femmes enceintes, qui est une chorée d'adulte. Dans la chorée des adultes, il faut faire une place à part à cette chorée héréditaire qui, en outre des mouvements choréiques, comporte un état mental spécial ; c'est la chorée de Huntington ou démence choréique.

Dans quelle catégorie faut-il ranger la chorée de notre malade ? Les mouvements actuels ne sont pas une récidive de la chorée de l'enfance, puisque cette jeune fille ne l'a pas eue ; et, d'autre part, elle a passé l'âge de la chorée d'évolution. Etudions le terrain, les phénomènes concomitants et les conditions dans lesquelles s'est développée cette névrose.

Cette jeune fille, dont nous connaissons peu l'hérédité, a été réglée à 11 ans, assez mal dans le début; petit à petit, l'appétit diminue; elle présente de l'anorexie ; les règles deviennent de plus en plus rares ; elle a, de temps en temps, de petites crises de larmes. 11 y a un an, elle joue au croquet avec ses amies ; elle gagne trop vite et en est furieuse, car cela l'oblige à ne plus jouer pendant très longtemps. A la suite de cette émotion insignifiante, survient la chorée que vous voyez et qui dure depuis un an.

Notez que cetle jeune personne présente, à droite, une anesthésie totale pour les divers modes de la sensibilité ; il n'y a pas de rétrécisse-

(1) Présentation de malade faite à la Clinique dos maladies du système nerveux de la Salpeiricre.

ment du champ visuel, mais Panesthésie cornéenne et conjonctivale est complète ; en outre, on constate un peu de contracture douloureuse des muscles de l'abdomen. Voilà d'indéniables signes somatiques de l'hystérie.

On a dit, avec raison, que la chorée est toujours accompagnée (et même précédée) d'un état mental. Or notre jeune fille est une grande suggestive ; tout l'impressionne et elle attache une grande importance à des faits insignifiants ; elle construit des romans dans son imagination, vit dans un monde de rêves et, ainsi, échappe à la réalité ; elle a eu des hallucinations, même du délire qui a duré deux mois, et c'est seulement après tout cela que sont survenus les mouvements.

Voilà donc une chorée développée chez une hystérique. Est-elle de nature hystérique ?

11 est écrit, dans les livres classiques, que la chorée hystérique répond toujours à des actes déterminés ; elle est, par exemple, natatoire, oscillatoire, rotatoire, etc.; elle est coordonnée, rythmée... Or, dans certains cas, comme dans celui-ci, la chorée peut être arythmique et se rapprocher de la chorée des enfants. On ne doit même pas dire que, dans les cas de chorée arythmique hystérique, ¡1 y a association des deux névroses, hystérie et chorée ; c'est la chorée qui est hystérique ; et cette chorée, survenant sur un terrain hystérique, a la valeur des tremblements, des myocloniès, etc.

Pour guérir cette malade, va-t-on recourir aux moyens ordinairement employés contre la chorée de Sydenham, tels que antipyrine, arsenic, bromures? Tout cela exaspérerait les troubles de la digestion et les mouvements s'en trouveraient accrus. Comme celte malade est anes-thésique totale, il suffira de lui fermer les yeux et de lui boucher les oreilles pour l'endormir ; pendant son sommeil hypnotique, il sera très facile de la guérir par suggestion ; on superposera à ce traitement, bien entendu, l'hydrothérapie et les calmants du système nerveux.

chronique et correspondance

Société d'hypnologie et de psychologie.

La prochaine séance, de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 20 mars, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous ta présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Dr Farez, trésorier, 154, boulevard Ilaussmann.

Distinctions honorifiques

— A la dernière promotion, notre dévoué collaborateur M. le Dr Paul Farez, a reçu les palmes académiques. Nous nous joignons à tous ses nombreux amis pour le féliciter d'une distinction si justifiée par les nombreux services rendus à l'enseignement supérieur libre, en particulier par les cours si suivis qu'il fait chaque année à l'Ecole de psychologie.

— M. Blieck, avocat à la Cour d'appel, qui professe à l'Ecole de psychologie le cours de Psychologie du criminel, vient également de recevoir les palmes académiques. Nous adressons nos vives félicitations à notre distingué collègue.

— Nous avons été très heureux d'apprendre la nomination au grade de chevalier de la Légion d'honneur de nos deux grands amis, M. Paul Mounet, de la Comédie française, professeur au Conservatoire, et de M. Jules Bois, le poète exquis, l'écrivain érudit qui a consacré tant de pages à des études psychologiques, enfin l'auteur acclamé d'Hippolyle couronné joué au théâtre d'Orange et à l'Odéon.

La récente collaboration de M. Paul Mounet et de M. Jules Bois à l'inauguration du buste de Liébeault, nous permet de rendre encore plus vive et plus affectueuse l'expression de nos félicitations.

nouvelles

Cours du Dr Bérillon pendant le semestre d'été 1906 :

Applications de l'Hypnotisme et de la Suggestion a la Thérapeutique

et a la Pédagogie.

Le cours que le Dr Bérillon faisait chaque année, pendant le semestre d'été, à l'Ecole pratique de la faculté de médecine, aura lieu cette année dans la salle de l'Ecole de psychologie, 49, rue St-André-des-Arts, les mardis et les vendredis à cinq heures.

La première leçon aura lieu le mardi 8 mai à cinq heures, sous la présidence de M. Huchard, membre de l'Académie de médecine. Le programme du cours sera publié dans le prochain numéro.

N.-B. — La nécessité du transfert du cours a été imposée par le désir de compléter le cours par des projections et des démonstrations cliniques, ce qui était irréalisable dans l'amphithéâtre misa la disposition des cours libres par la faculté.

L'^dminis'ra'eur-Géraru : Ed. BÉRILLON.

Paris, Imp. a. Quetquejeu, rua Gerbort, 10.

20* Année. — ? 10.

Avril 1906.

bulletin

Ouverture du cours de Clinique thérapeutique de M. le P' Albert Robik. Le Jubilé du DT Magnan.

C'est devant un amphithéâtre littéralement bondé que le P' Albert Robin a Inauguré son enseignement. Le nouveau professeur fut d'abord présenté à l'auditoire en termes extrêmement flatteurs par M. Debove, doyen de la Faculté de médecine.

M. Albert Robin a exposé, en termes très élevés, le programme de son enseignement. Nous voudrions pouvoir citer de nombreux passages de cette leçon tout à fait remarquable dans lesquels le professeur a prouvé qu'il tenait, dans sa thérapeutique, le plus grand compte du facteur moral. Nous nous bornerons à reproduire l'éloquente péroraison qui fut chaleureusement applaudie par un auditoire enthousiaste : « Quand le mal semble défier toutes nos ressources et celles de l'organisme lui-même, nous avons la sublime mission de relever le lambeau d'espérance qui surnage au-dessus de toutes ces choses pleines de misère où s'effondre la vie. Cette suprême consolation de l'espérance, il nous appartient plus que de l'entretenir mais de la pratiquer, afin qu'aux mornes extrémités de tout, l'être qui nous a confié son existence n'ait pas le droit de crier : « Vous ne m'avez pas guéri, vous ne m'avez pas soulagé, vous ne m'avez pas consolé ! b Dans le dernier combat, si fatale qu'on en juge l'issue, conservez sans faiblir cette furtive espérance; ne cessez pas de lutter et mettez en œuvre tout ce que votre conscience autorise, puisque la science est vaine. L'énergie et la ténacité nous ménageront de victorieuses revanches. Le Sénat et le Peuple Romains décernaient les honneurs du triomphe aux soldats vaincus qui n'avaient pas désespéré de vaincre ! »

Rappelons que la chaire de clinique thérapeutique est due à la libéralité du duc de Loubat. De tels exemples d'initiative éclairée scientifique sont trop rares pour qu'on ne les signale pas à l'admiration de tous.

Le docteur Magnan, membre de l'Académie de médecine, a consacré plus de quarante années à l'étude des maladies mentales et à l'amélioration du sort des aliénés. Ses amis, ses collègues et ses élèves out l'intention de lui offrir une médaille à l'occasion de son jubilé. Ils ont constitué un Comité de Patronage qui fait appel à tous ceux qui sont attachés au docteur Magnau par les liens de l'amitié, de l'estime ou de la reconnaissance.

L'exécution de la médaille est confiée à M. le docteur Paul Richer, professeur à l'Ecole des beaux-arts. Le chiffre delà cotisation n'est pas

limité. Toute souscription de 25 francs donne droit à une médaille en bronze qui sera expédiée avant la fin de l'année 1906. La souscription est ouverte jusqu'au 15 juin 1906.

Les cotisations sont reçues par M. Masson, éditeur, 120, boulevard Saint-Germain, à Paris.

Psychothérapie et hypnotisme,

par le D' Paul Magnin, professeur a l'Ecole de Psychologie. {suite et Jin) ('}

Dans un travail paru en 1888 sur Vhypnotisme et les états intermédiaires entre le sommeil et la veille, M. Coste de Lagrave, examinant les différentes conditions psychologiques par lesquelles passe une personne qui n'a jamais été soumise à l'hypnose, fait remarquer qu'on en trouve pendant lesquelles l'activité cérébrale diminue.

En observant, dit-il, ce qui se passe chez la personne éveillée qui va s'endormir, voici ce qu'on peut constater : les facultés cérébrales et la sensibilité disparaissent petit à petit. Il arrive un moment où la personne n'est pas encore endormie, mais est bien près de l'être. Dans cet état, elle ne veut pas, elle ne sent pas, elle ne voit pas, elle est cependant capable de vouloir, mais eilo fait abstraction de sa volonté.... Si quelques idées persistent, elle ne s'y attache pas, ce sont des pensées qui arrivent toutes seules. Si cette personne était éveillée, elle suivrait ces idées, les développerait, mais comme elle veut s'endormir, elle ne les retient pas, elle les repousse et le moment arrive où toute pensée étant supprimée, le sommeil se produit.

Et M. Coste de Lagrave montre que cet état qui précède le sommeil est particulièrement intéressant à bien connaître parce que précisément il est très favorable aux suggestions. Celles-ci bien que moins puissantes qu'à l'état d'hypnotisme auront encore assez de force pour se faire sentir pour produire un effet. Cet état est le meilleur état de veille pour imprimer à ses facultés cérébrales un mouvement vers le bien. M. Coste de Lagrave l'appelle état passif de veille par opposition à l'état actif de veille dont la volonté, la domination, l'énergie sont les caractéristiques.

L'état passif peut donc être utilisé ; il amène le perfectionnement de l'individu.

Nous nous trouvons dans les différentes heures de !a journée à l'état de veille passive ou active. A l'état passif, nous recevons toutes les impressions; les personnes qui causent à côté de nous impriment en nous une manière d'être ; un accident que nous voyons, une bonne action dont nous sommes témoins, sont l'origine de suggestions qui ont un résultat que nous ignorons, que nous ne pouvons constater, tellement

(1) Voir Revue de l'Hypnotisme, n* de Février 1905.

il est petit, mais c'est cet ensemble de suggestions qui fait l'éducation de l'enfant....

Il est important de réglementer les suggestions qui ont lieu à l'état de veille passive puisque leur ensemble modifie notre individu. Pour les enfants, ce sont les parents qui doivent les surveiller. Pour les adultes, chacun est son propre guide. Il est en effet facile de se mettre à l'état de veille passive ou active, il ne s'agit que de vouloir. Quand on aura un avantage à retirer des impressions extérieures, on se mettra à l'état de veille passive ; quand les exemples ou impressions reçues seront mauvais, on se mettra à l'état de veille active..

L'adulte peut régler les suggestions qu'il reçoit. II peut choisir entre les nombreuses idées qui peuvent 1 impressionner ; il peut en provoquer chez lui, ce qui est l'auto-suggestion.

Voici la manière de procéder qui peut être employée. Le sujet provoque chez lui l'idée de veille passive. Quand il s'y trouve, il utilise cet état pour se donner des ordres. Le meilleur moment est celui où le soir, étant couché, il va s'endormir. Il faut faire acte de volunté pour s'ordonner quelque chose, mais l'elTortest si petit que le sujet reste toujours à l'état de veille passive. Quand il s'endort, il pense à la chose qu'il veut faire. Il y pense jusqu'à ce que le sommeil arrive.

II y a bien, au début, quelques difficultés à surmonter et M. Coste de Lagrave les indique, mais avec l'habitude et l'éducation on parviendra, dit-il, à s'endormir en pensant à l'acte à accomplir.

La nuit, lorsqu'on s'éveille, le matin en s'éveillant, l'après-midi quand on fait la sieste, on est encore à l'état de veille passive très propre à l'auto-suggestion.

A plusieurs reprises, M. Coste de Lagrave a fait de l'auto-suggestion une étude complète. Les travaux parus depuis sur la question n'ont pour ainsi dire fait que reprendre ses idées.

J'ai souvent employé le procédé de M. Coste de Lagrave, j'ai appris à mes malades à s'auto-suggestionner ; j'ai obtenu les meilleurs résultats.

En général, j'ai toujours recherché quelle était chez mon sujet la mémoire la plus développée (visuelle, auditive ou motrice). Le malade tirera d'autant plus de bénéfice de son auto-suggestion qu'il se la fera sous la forme la mieux adaptée à son mode de mémoire prédominant. Très bon aussi sera l'effet obtenu si le malade possède deux ou même les trois éléments de la mémoire, les divers mécanismes d'auto-suggestion visuelle, auditive ou motrice pouvant, dans ce cas, être séparément ou simultanément utilisés.

Si le malade a la patience de persévérer il sera certain d'être récompensé de ses efforts. L'effet produit sera d'abord très minime, presque imperceptible mais, ces effets s'additionnant, le résultat cherché sera bientôt obtenu. C'est à force de taper sur un clou qu'on l'enfonce, dit le vieux proverbe : c'est à force de se répéter une idée qu'on se l'inculque. Et ce n'est point un des moindres mérites de M. Coste de Lagrave que

de nous avoir appris par quel mécanisme simple on peut y arriver. Personne avant lui n'y avait songé.

Je viens d'attirer votre attention sur les diverses formes de la mémoire. Chacun de nous, en effet, a pour ainsi dire sa spécialité sensorielle; les uns conçoivent les idées sous forme visuelle, les autres sous forme auditive, les autres sous forme motrice. D'où il ressort que pour faire naitre une idée dans l'esprit du malade, nous pouvons, tout comme dans le cas d'auto-suggestion, nous servir des trois modes de suggestion correspondants.

Et ceci m'amène tout naturellement à vous parler de l'influence du geste sur la production de l'idée.

J'ai eu maintes fois l'occasion de vous exposer les expériences faites autrefois à la Salpêtrière et à la Pitié.

Vous vous souvenez que Charcot et Richet ont montré que, dans l'état cataleptique, les mouvements imprimés aux diverses parties du corps, en tant qu'ils sont passiis. sont suivis en quelque sorte fatalement de mouvements secondaires destinés à compléter l'expression primitivement ébauchée par la main de l'opérateur.

Ces expériences rendraient évidente l'influence du geste sur l'expression de la physionomie.

Réciproquement, vous le savez, Charcot et Richer ont démontré qu'on peut procéder d'une façon inverse et qu'au lieu d'agir sur le geste pour modifier la physionomie, on peut agir sur la physionomie pour modifier le geste.

« Au sujet de l'influence que peuvent avoir sur l'activité psychique les mouvements expressifs de la physionomie ou du corps tout entier voici, écrit M. Richet, comment s'exprime Dugald-Stewart :

« De même que toute émotion de l'âme produit un effet sensible sur le corps, de même lorsque nous donnons à notre physionomie une expression forte, accompagnée de gestes analogues, nous ressentons à quelque degré l'émotion correspondant à l'expression artificielle imprimée à nos traits. M. Burke assure avoir souvent éprouvé que la passion de la colère s'allumait en lui à mesure qu'il contrefaisait les signes extérieurs de cette passion et je ne doute pas que, chez la plupart des individus, la même expérience ne donne le même résultat. On dit, comme l'observe ensuite M. Durke, que lorsque Campanella, célèbre philosophe et grand physionomiste, désirait savoir ce qui se passait dans l'esprit d'une autre personne, il contrefaisait de son mieux son attitude et sa physionomie actuelles, en concentrant en même temps son attention sur ses propres émotions. En général, je crois qu'on trouvera que ces deux talents, celui du mime et celui du physionomiste ont entre eux une étroite relation. »

La suggestion par le sens musculaire ne se borne pas à imprimer au corps un simple changement d'attitude. Les choses peuvent aller plus loin et le sens musculaire devient la source de mouvements auto-

matiques parfaitement coordonnés, qui exécutent l'action dont la position des membres est l'image.

C'est pour avoir bien souvent répété avec Dumontpallier des expériences de cet ordre que nous avons toujours été convaincus, Bérillon et moi, de l'importance des mouvements en psychothérapie; et dès 1888, dans son enseignement à l'Ecole pratique de la Faculté de Médecine et à sa clinique, Bérillon montrait à ses auditeurs tout le bénéfice qu'on pouvait tirer de l'emploi, sur le malade, d'une gymnastique rationnelle en rapport avec l'idée qu'on voulait lui suggérer.

Mais si le geste communiqué passivement peut servir à faire naître une idée dans le cerveau, le même mouvement passif peut aussi, dans certaines circonstances, rappeler l'idée qui a été momentanément effacée par la maladie.

Je vous montrerai tous les avantages qu'il est possible de retirer de ces mouvements passifs méthodiquement employés dans le traitement des paralysies hystériques.

« On fera, dit Gilles de la Tourette, exécuter passivement aux membres paralysés les divers mouvements physiologiques à diverses reprises.

« Et, ce faisant, on mettra en œuvre les ressources du traitement psychique, car on éveillera par les mouvements communiqués les images motrices qui semblent faire défaut chez le sujet. On emploiera concurremment avec les autres moyens de traitement le procédé thérapeutique que Charcot expose en ces termes : En premier lieu, dit-il dans une de ses leçons, on agit autant que possible sur l'esprit des malades, en leur affirmant d'une façon formelle que leur paralysie, malgré sa longue durée n'est pas incurable et qu'au contraire elle guérira très certainement à l'aide d'un traitement approprié, au bout de quelques semaines peut-être, s'ils veulent bien nous y aider. En second lieu les membres affectés seront soumis à une gymnastique particulière. Nous mettons à profit les mouvements volontaires qui subsistent encore chez les deux malades (présentés aux auditeurs de cette leçon] à la vérité à un degré très faible et nous cherchons à augmenter progressivement l'énergie par un exercice très simple. Un dynanomètre est placé dans la main de chacun d'eux et on le leur fait serrer de toutes leurs forces en les exhortant àaugmenter progressivement, dans chaque expérience, le chiffre que marque l'aiguille sur le cadran de l'instrument. Cet exercice est répété régulièrement à chaque heure du jour, environ trois ou quatre fois. Ces épreuves ne doivent jamais être ni trop pro-* longées, ni trop multiples. Nous avons remarqué en effet que quand les exercices sont poussés trop loin ou répétés trop souvent, le chiffre maximum marqué par l'aiguille tend à s'abaisser.

¦ Si l'impuissance motrice est complète, ajoute Gilles de la Tourelle, on pourra procéder de la façon suivante : le bras droit étant paralysé, par exemple, on place la main droite à plat près de la main gauche

saine; puis on commande au sujet de mouvoir lentement le pouce gauche pendant qu'il fixe et son attention et son regard sur le pouce droit paralysé. Ce moyen est excellent pour réveiller les images motrices. Avec un peu de persévérance on voit au bout d'un certain temps, toujours variable d'ailleurs, réapparaître les mouvements dans le pouce d'abord puis dans les autres doigts et enfin dans le membre tout entier. En combinant ces moyens psychiques avec les excitations physiques, on obtient presque toujours d'excellents résultats. »

Des idées que je viens de vous exposer, on peut rapprocher celles que M. le Professeur Brissaud, M. Dubois {de Saujon) ont développées au sujet du traitement des lies. Elles ont en effet un lien commun, l'influence du mouvement sur l'idée et l'attention.

M. Dubois (de Saujon) a montré le premier la place considérable qu'occupent les troubles de l'attention parmi les déviations mentales des liqueurs.

Il a indiqué par sa méthode d'immobilisation absolue une des solutions du problème qui consiste à amener l'abandon par le malade des idées et des mouvements inutiles. II fixe en somme l'attention sur un objet unique l'image de repos complet possible.

M. Drissaud établit une discipline médicale de l'immobilisation et du mouvement. Il emploie deux procédés combinés, l'immobilisation des mouvements et les mouvements d'immobilisation.

D'une part, inculquer au sujet l'idée de la réalisation possible du repos absolu par des séances d'immobilisation de durée progressivement croissante; d'autre part rééduquer méthodiquement les mouvements de façon à rétablir duns les centres psycho-moteurs les images de ces mouvements mais normaux, coordonnés : tel est le double but de la méthode.

Généralisant son emploi, MM. Brissaud et Meige lui ont donné le nom de discipline psycho-molrice. « A l'inverse des méthodes d'éducation physique qui ont pour objectif de transformer des actes voulus en actes automatiques, la discipline psycho-motrice tend à supprimer les actes automatiques et à développer le pouvoir fixateur et correcteur des centres supérieurs ».

M. Meige emploie plusieurs procédés combinés avec les précédents. Il utilise, tout comme Gilles de la Tourctle, « l'aptitude nalurellede tout individu à exécuter des mouvements symétriques pour corriger par l'acte correct du côté sain, l'acte incorrect du côté malade : gymnastique en miroir. »

Contre les tics toniques il utilise des exercices méthodiques de délente musculaire.

Enfin il fait exécuter les exercices rééducaleurs sous le contrôle du miroir qui, réfléchissant toutes les fautes commises, oblige le malade à multiplier ses efforts correcteurs.

La psychothérapie, écrit M. Meige, joue certainement un rôle de premier ordre dans le traitement des tics, mais il faut qu'elle soit débar-

rassée de toute pratique mystérieuse, a Ce qu'on appelle psychothérapie, dit M. Brissaud, n'est autre chose qu'un ensemble de moyens destinés à montrer au patient par où pèche sa volonté et à exercer ce qui lui en reste dans un sens favorable... Le médecin se fait éducateur sans rien emprunter aux pratiques plus ou moins occultes de la suggestion hypnotique. De cela surtout il faut se défendre car le malade doit être immédiatement prévenu que sa collaboration est indispensable. C'est donc sa propre volonté qui agira et non l'influence personnelle de l'éducateur. »

« On ne saurait mieux montrer, ajoute M. Grasset, auquel j'emprunte cette citation, la grave différence qui existe entre la psychothérapie inférieure et la psychothérapie supérieure. »

Il y a en effet pour M. Grasset, deux psychothérapies.

« On sait, dit-il, qu'il faut distinguer chez l'homme la fonction psychique supérieure et la fonction psychique inférieure. A la première appartiennent les actes conscients, volontaires, libres, dont le sujet est responsable; à la seconde, les actes inconscients, automatiques, involontaires et n'entrainant pas la responsabilité.

« Il parait démontré également qu'il y a deux ordres de centres psychiques, comme il y a deux ordres de phénomènes psychiques : des centres psychiques supérieurs (centre O de M. Grasset) et des centres psychiques inférieurs (polygone de M. Grasset) ».

Intimement associés à l'état normal, ces centres se désunissent à l'état de sommeil et de distraction comme à l'état d'hypnose et leur fonctionnement se fait séparément.

Delà deux psychothérapies : la psychothérapie supérieure qui s'adresse aux centres supérieurs et la psychothérapie inférieure qui agit sur les centres inférieurs.

La psychothérapie supérieure fortifie l'unité des psychismes, développe la volonté etaccroit l'action et l'influence du moi supérieur.

La psychothérapie inférieure agissant sur les centres inférieurs désagrégés aide plutôt à la disjonction des psychismes.

En endormant un individu on annihile ses centres supérieurs, on agit sur ses centres inférieurs désagrégés, on fait de la psychothérapie inférieure.

L'hypnotisme agit par le sommeil qui, dans son mode de production, contient déjà à lui seul un élément suggestif : par la suggestion à laquelle il rend le sujet sensible précisément en désagrégeant les deux psychismes.

La psychothérapie inférieure ou thérapeutique par l'hypnotisme se confond en somme avec la thérapeutique suggestive.

L'action thérapeutique fondamentale de la suggestion est une action substitutive. Tout revient à l'implantation par l'hypnotiseur, dans les centres psychiques inférieurs désagrégés du sujet, d'une idée de guérison qui remplace l'idée de maladie. L'idée neuve détruit l'idée morbide en la remplaçant, en la troublant, en la corrigeant.

Si la chose est faite très vivement, c'est la méthode perturbatrice, si elle est faite lentement c'est la méthode corrective.

Au fond, c'est toujours la môme mécanique d'action : le remplacement de l'idée morbide par l'idée suggérée.

Et, conséquent avec lui-même, M. Grasset n'admet pas la suggestion vraie à l'état de veille complet. Le sujet suggestionné soi-disant éveillé est en réalité en état d'hypnose partielle (sans présenter de signe de sommeil). C'est en somme à ses centres inférieurs désagrégés que s'adresse le suggestionneur. Là encore il y a psychothérapie inférieure.

Vous devinez de suite dans quelles limites étroites va se mouvoir cette psychothérapie inférieure.

D'influence nulle sur les maladies mentales ou même sur l'élément mental des maladies, elle ne peut avoir aucune action sur le fond et l'essence d'une névrose grave (hystérie, neurasthénie, etc.) qu'elle est impuissante à modifier. Elle ne peut s'adresser qu'aux symptômes, qu'à la localisation étroite et bien définie de la névrose sur un appareil ou sur un autre (paralysies, contractures, aphonie, elc.)

a Pour mieux souligner la différence qu'il y a entre les deux psychothérapies, les indications et les contre-indications de ces deux thérapeutiques », M. Grasset analyse à la fin de son travail les bons résultats qu'on obtient au moyen de l'hypnotisme dans le traitement de la dipso-manie et des intoxications.

« Il ne faut pas croire, écrit-il, que par la suggestion on fasse la rééducation systématique de la volonté (Bérillon) de l'ivrogne ou qu'on augmente sa faculté de vouloir (Lloyd Tuckey). On peut tout au plus, par ce procédé, agir indirectement sur la volonté du malade, en la libérant, en supprimant une mauvaise habitude polygonale qui fait échec à la volonté. Mais il faut, pour le succès, que le sujet ait conservé une volonté saine et forte qui agit dès qu'elle n'est plus combattue par l'impulsion automatique mauvaise.

« Mais si, comme cela arrive le plus souvent, l'alcoolique est un faible, à psychisme supérieur sans résistance ni énergie, si on veut chercher à accroître la force de sa volonté et de son moi raisonnable devant la tentation du poison, il faut se garder de désagréger les deux ordres de psychisme par l'hypnose, il faut s'adresser à l'autre psychisme du sujet et amener par des raisonnements, par des conseils moraux, son centre supérieur à reprendre la direction des centres, à résister aux insinuations de ses centres psychiques inférieurs. »

Chez tous les alcooliques que nous avons eu l'occasion d'observer, à la clinique de M. Bérillon ou ailleurs, l'examen psychologique nous a toujours révélé un état d'aboulie nettement caractérisé. « Ce syndrome aboulie, comme l'a dit M. Bérillon, est ordinairement la note dominante de l'état psychologique individuel du sujet. Il est un des fondements de sa personnalité. Dès l'enfance, on pouvait constater chez le sujet une tendance à l'apathie, à l'irrésolution, à la paresse, à la timidité, au défaut d'altention et surlout à l'hypersuggeslibilité.

C'est précisément l'ensemble de ces conditions morales asthéniques qui crée cette hypersuggestibilité de l'alcoolique, grâce à laquelle s'obtiennent les succès que remporte tous les jours la psychothérapie inférieure dans la cure des buveurs d'habitude.

Le temps me manque malheureusement pour vous montrer tout ce que les affirmations de M. Grasset ont de trop absolu. Sa conception sur les centres psychiques est certes très séduisante. Elle nous fournit un schéma commode pour expliquer, en apparence, très facilement bien des faits. Mais n'oublions pas qu'il n'y a là qu'un schéma dont rien n'est encore venu démontrer la rigoureuse exactitude et que les théories sont d'autant plus dangereuses qu'elles sont présentées avec plus de talent, ce qui est le cas.

Ici encore, la nature est plus élastique que nos conceptions et plus tard, lorsque nous étudierons les divers traitements de l'hystérie, il me sera facile de vous montrer que l'hypnotisme peut faire mieux que de modifier simplement les accidents locaux de la névrose.

M. Grasset parle d'hypnotisme en savant qui théoriquement connaît à fond la question. Je ne puis m'empôcher de me demander avec inquiétude si, au point de vue pratique, il la possède aussi complètement.

Comme l'a dit très justement M. Félix Regnault a de par le fait de son engourdissement cérébral, l'hypnotisé ne change pas son état mental. II obéit aux mômes incitations qu'un sujet normal à l'état de veille, il a simplement moins de résistance, mais il n'exécute pas totalement pour cela les suggestions qui lui sont faites ».

M. Crocq a fort bien démontré qu'à l'état de veille, le degré de suggestibilité dépend, pour chaque individu, du rapport existant entre son impressionnabilité et sa résistance. Cesdeux facteurs sont-ils très peu différents, la suggestibilité reste normale. Mais l'impressionnabilité devient-elle considérable, la résistance faible, cette suggestibilité peut devenir pathologique. Tel est le cas de ces sujets hyper-suggestibles, chez lesquels l'impressionnabilité tend vers n + 1, tandis que la résistance se rapproche de n — i. Ces idées très justes sont tous les jours confirmées par les faits.

Il est de plus une autre catégorie de malades très intéressants à connaître. Ce sont ceux, et ils sont nombreux, chez lesquels réciproquement l'impressionnabilité se rapproche de n — 1 et la résistance est voisine de n -}- 1.

Qu'ils s'appellent hystériques, neurathéniques, psychasthéniques. ces malades ne guériront que très difficilement, sinon même jamais, par psychothérapie à l'état de veille. Ils ne guériront que par psychothérapie hypnotique.

L'hypnotisme est, depuis l'état de veille, jusqu'à la léthargie la plus complète, un processus essentiellement progressif. Il suffit de lire les descriptions qu'ont donné des états de l'hypnose les divers auteurs pour juger combien chacun d'eux a, suivant sa façon de voir, multiplié plus

ou moins, les divers degrés du sommeil provoqué. D'autre part, chaque malade apporte lui aussi son contingent dans la variété des phénomènes observés. La question du terrain apparaît ici encore, vous le voyez, dans toute son importance. C'est ce que M. le Professeur Tamburini a bien mis en lumière autrefois lorsqu'il a émis le premier cette idée que les modalités qu'affectent chez les hystéro-épileptiques les phénomènes décrits sous le nom de grand hypnotisme ne doivent être considérés que comme la signature de l'hystérie.

Chaque malade, en effet, descend plus ou moins les degrés de l'échelle suivant sa plus ou moins grande suggestibilité. Certains d'entre eus, ceux auxquels je viens de faire allusion, peuvent être difficiles à hypnotiser mais il faut bien savoir qu'il n'y a pas là d'impossibilité.

Et d'ailleurs c'est une grave erreur de vouloir plonger les malades dans un état de sommeil profond. 11 suffit souvent de les hypnotiser au minimum. Dans cet état, les raisonnements porteront qui, tout à l'heure, à l'état de veille, étaient impuissants. Car, j'insiste sur ce point, on s'adresse, dans ce cas, à la raison du malade. Le sujet discute encore les idées qu'on cherche à lui inculquer mais finit toujours par se laisser convaincre. En l'endormant, on a simplement éteint en lui sa résistance pathologique. En ce faisant, on lui a précisément restitué la possibilité de raisonner logiquement. On lui a permis, passez-moi l'expression, de ratteler son centre supérieur à ses centres inférieurs désagrégés par la maladie. Dans ce cas, vous le voyez, on a fait de la persuasion à l'étal d'hypnotisme, ce que, fidèle à ma définition, j'appellerai de la suggestion persuasive.

La considération qui trouve choquant d'agir en dehors du contrôle de l'individu n'a elle aussi qu'une valeur plus apparente que réelle. Parmi les malades qui s'adressent à nous, beaucoup ont été soignés par psychothérapie à l'état de veille et cela sans résultat. Ils viennent nous trouver précisément pour être hypnotisés.

Au reste, dans le cas où le sommeil très profond pourra paraître indispensable, rien ne sera fait sans le fameux contrôle du malade puisque toujours et par avance, auront été arrêtées avec lui et de son plein consentement, les suggestions à lui faire.

Peu importe d'ailleurs qu'il soit nécessaire dans certains cas, d'annihiler pour un moment plus ou moins complètement la personnalité de l'individu et de le mettre en état passager d'automatisme, dès l'instant que la guérison est au bout.

Ceux qui viennent nous trouver sont d'ailleurs pour la plupart plus ou moins abouliques. Il leur manque surtout cette faculté d'arrêt sur l'importance de laquelle, l'année dernière, M. Bérillon a si longuement insisté dans sa leçon sur l'éducation du caractère. Or notre rôle est précisément de restaurer cette faculté de contrôle, cette volonté d'arrêt qu'on nous accuse de détruire.

Les malades qui trouvent dans l'hypnotisme la guérison que la psychothérapie supérieure n'a pu réussir à leur procurer se soucient fort

peu de savoir si la thérapeutique employée sur eux constitue une psychothérapie inférieure. Les plus beaux schémas leur sont indifférents. Ils sont guéris et cela leur suffît.

Et ceci me conduit à vous parler en terminant, de la suggestion impérative.

C'est là un sujet familier à la plupart d'entre vous. M- Bérillon vous a, dans ses leçons, exposé tout au long, sa méthode. En vous présentant des malades, il vous a fait toucher du doigt les résultats thérapeutiques si remarquables qu'elle permet d'obtenir.

Ici, en effet, il ne s'agit pas d'un simple moyen mais bien d'une méthode. Et c'est à cette application méthodique d'une véritable opération psychologique que doit s'attacher indissolublement le nom de Bérillon.

Inutile de vous indiquer les cas dans lesquels elle doit être employée. Ces exemples, M. Bérillon, je le répète, les a fait défiler devant vous.

Je me bornerai à vous rappeler et je ne puis mieux faire que de citer textuellement comment l'emploi de l'hypnotisme ainsi manié permet de remédier chez l'enfant et même chez l'adulte aux impulsions vicieuses, anti-sociales qui correspondent à l'absence du pouvoir modérateur et de la volonté d'arrêt.

Les principaux temps qui, dans la pratique,correspondent aux principes fondamentaux de cette méthode sont au nombre de six. Il faut :

1° Faire l'examen psychologique du sujet.

2- Faire le diagnostic de la suggestibilité.

La suggestibilité étant en rapport direct avec le développement de l'attention, on comprendra l'intérêt que peut avoir le psychothérapeute à connaître la puissance d'attention dont pourra disposer le sujet sur lequel il expérimente. Ce premier temps de l'opération a surtout pour but d'éclairer la voie et de renseigner sur l'efficacité possible du traitement.

3* Provoquer l'état d'hypnose ou tout au moins un état passif, c'est-à-dire un état physiologique caractérisé par la suppression et la diminution des diverses activités de son esprit et par l'augmentation de l'automatisme.

Pour obtenir une transformation morale, la première condition est que le sujet soit hypnotisé. Quand il n'est pas hypnotisé, il résiste inconsciemment à l'influence des suggestions. La production de l'hypnose avant toute tentative de suggestion est capitale. Elle constitue la base de la méthode ; sans elle, on retombe dans les procédés habituels d'éducation et il n'y a aucune raison pour que cette nouvelle intervention soit plus efficace que celles qui ont été tentées par les divers éducateurs.

4* Le sujet étant hypnotisé, lui imposer la direction morale par des suggestions ilipératives.

Les suggestions doivent être formulées avec précision et exprimées avec autorité. On ne discute pas avec une mauvaise disposition d'esprit. On la neutralise par une direction énergique. Cette opération est

d'ailleurs conforme à la doctrine de Kant. Son impératif catégorique nous enseigne que la raison doit commander en maitre et qu'on ne doit pas transiger avec le devoir. Nous avons eu longtemps l'illusion que la persuasion pouvait suffire à modifier les tendances mauvaises. L'expérience nous a appris que seules des suggestions imperativos sont capables de provoquer cette explosion de principes dont Kant nous indique la nécessité. Dans la pédagogie du caractère les premières suggestions doivent toujours avoir pour but de combattre les tendances au mensonge et à la ruse dans lesquelles se trouve la racine de toutes les couardises et de toutes les trahisons.

5° Associer a la suggestion verbale impérative une discipline psycho-mécanique.

Dans les cas où il s'agit de corriger une émotivité dépressive, la discipline psycho-mécanique aura pour but la création d'un centre d'arrêt psychique. Cet effet sera réalisé en mettant mécaniquement le sujetdans l'impossibilité d'exécuter l'acte indiqué, en provoquant chez lui, par suggestion une paralysie psychique. On répétera ces manœuvres jusqu'à ce que le cran d'arrêt soit gravé mécaniquement dans le cerveau du sujet. On déterminera la limite où doit se contenir son émotion.

6" Terminer l'opération psychologique par le réveil complet du sujet soumis a l'influence de l'hypnotisme.

« Depuis longtemps, ajoute M. Bérillon, nous insistons sur l'intérêt que présente dans la pratique de la psychothérapie l'emploi des artifices destinés à renforcer l'action de l'hypnotisme et de la suggestion. A la suggestion impérative seule capable de graver dans un esprit indécis les principes fixes sur lesquels il appuiera sa résistance aux impulsions, il faudra ajouter une gymnastique spéciale destinée àréaliser la création de centres psychiques d'arrêt. Un fait remarquable, c'est que les exercices, impuissants lorsqu'ils sont exécutés à l'état de veille, deviennent d'une efficacité remarquable lorsqu'ils le sont chez le sujet dans l'état d'hypnotisme. C'est sur cette constatation que repose la valeur de la méthode hypno-pédagogique.

Grâce à l'emploi rigoureux de cette méthode, on pourrait obtenir la création de freins psychologiques, de ces crans d'arrêt qui confèrent à l'homme le pouvoir de dominer ses réflexes, de neutraliser les impulsions instinctives, d'être en toutes circonstances maitre de lui-même ».

La méthode de SI. Bérillon nécessite de la part de celui qui l'emploie une endurance considérable. Il faut pour la bien appliquer être capable d'un effort soutenu, très fatigant; il faut se dépenser sans compter. Là est peut-être, au fond, une des raisons principales des échecs d'un grand nombre de médecins et de psychothérapeutes en matière d'hypnotisme et partant de leur parti pris contre la somniation provoquée.

Je viens de vous dire qu'il fallait avoir soin de s'assurer du réveil très complet du malade. A ce sujet, laissez-moi vous faire en terminant une remarque pratique.

Nous avons montré autrefois, Du montpallier et moi, que chez les grandes

hystéro-épileptiques hypnotiques, les excitations périphériques qui avaient servi à provoquer un phénomène quelconque pouvaient, employées à nouveau, amener sa disparition.

Le fait a été formulé par M. Dumontpallier u l'agent qui fait défait, la cause qui faitfcdéfait o.

Nous avons montré les premiers que le mode d'excitation susceptible de plonger un sujet dans une des phases de l'hypnose peut aussi l'en faire sortir et qu'il devait être de préférence à tout autre utilisé à cet effet.

Endort-on, par exemple, un malade avec une excitation d'intensité égale à dix, il faut autant que possible le réveiller au moyen d'une excitation de même intensité et le meilleur procédé est évidemment d'avoir recours à l'agent même qui a servi à le mettre en état d'hypnose.

Nous avons développé les raisons pour lesquelles il vaut mieux, d'une façon générale, employer pour défaire un état produit l'agent qui l'a déterminé.

Le souvenir de ces remarques pourra dans certains cas fournir des indications utiles pour le traitement de certains accidents hystériques tout au moins.

Un exemple à cet égard bien typique: une jeune fille hystéro-épilepti-que est subitement atteinte de mutisme hystérique et de contracture du bras droit à la suite de la frayeur causée par la détonation d'une arme à feu à laquelle elle ne s'attendait pas. Pendant deux mois environ tous les moyens thérapeutiques très logiquement appliqués restent sans résultat. Un coup de feu tiré, sur mon conseil, dans la chambre de la malade sans qu'elle pût le prévoir amena instantanément la guérison.

Ce second coup de feu, excitation identique à la première, avait déterminé dans le cerveau de la malade un ébranlement émotif lui aussi de même nature, de même intensité que le premier.

Or, ainsi que je l'ai montré et c'est là une loi physiologique générale : Deux excitations périphériques de même nature, de même intensité, peuvent produire sur le système nerveux deux effets diamétralement opposés (dynamogénie ou inhibition) le sens de l'effet dépendant de Y étal du système nerveux (état dynamique s'entend) au moment où l'excitation se produit.

Quoi qu'il en soit, l'emploi isolé ou combiné des quelques procédés psychothérapiques dont je vous ai sommairement parlé, m'a toujours donné les meilleurs résultats dans le traitement des paralysies hystériques.

En psychothérapie et à un point de vue très général, le médecin devra décider, dans chaque cas particulier si le traitement doit être fait à l'état de veille ou d'hypnotisme; quel procédé, quelle méthode il conviendra d'appliquer de préférence.

S'il trouve nécessaire d'endormir la malade, il lui faudra juger quelle part reviendra dans le traitement au sommeil seul, quel degré de ce

sommeil il faudra chercher à obtenir, quelle sera pendant l'hypnose la nature des raisonnements, des suggestions à faire.

Ainsi compris, l'emploi rationnel et pour ainsi dire dosé de la sommation provoquée constitue une méthode scientifique des plus rigoureuses.

Mais, sachez-le bien, à quelque procédé que vous ayez recours, deux qualités essentielles vous seront nécessaires.

Il vous faudra être doués d'une patience à toute épreuve. Vous devrez posséder au suprême degré la qualité maîtresse, celle qui pour moi fait le vrai charme du cceur humain : la bonté.

En présence du malade, ne pensez qu'au malheureux à secourir. Sachez, je vous le répète, lui inspirer confiance. Que le médecin s'efface devant l'ami et la guérison sera déjà à moitié faite.

Alors votre profession sera pour vous une source immense de satisfaction. Elle vous apparaîtra comme la plus élevée, la plus noble entre toutes, comme celle qui guérit souvent, qui soulage toujours la pire des misères, la misère morale.

Et lorsqu'au jour de l'échéance fatale, la mort entrouvrira votre porte, vous regretterez peut-être que la fin trop tôt venue du jour vous empêche de continuer à faire le bien, mais vous pourrez aussi regarder tranquillement en arrière en songeant que si courte qu'ait été la journée votre tâche a été remplie.

P11YSIO-PSYCHOLOGIE DES RELIGIEUSES

Les religieuses de Port-Royal.

(Neuvième série de 5 observations). Par le D' Binet-Sanglé, professeur à l'Ecole de Psychologie. {suite et fin) (i)

II. Nouvelles remarques sociologiqubs. L'étude généalogique qui précède donne lieu aux remarques suivantes : 1° Développement d'institutions congrêganistes grâce aux largesses d'une même famille. — Perronelle de Chàteaurenaud lègue trois arpents de vigne à l'abbaye de la Trinité de Vendôme. Son fils Bouchard de Vendôme III confirme la fondation, et son gendre, Geoffroy de Preuillyllï, les ordonnances faites par Geoffroy d'Anjou en faveur de cette abbaye. La nièce de Geoffroy de Preuilly III. Mahaud d'AIençon-Châteaudun y fait une donation que signe son fils Jean de Vendôme I. Celui-ci donne une partie de la forêt de Gastine et sa femme plusieursautresterres. Leur fils Lanceiin consent à la donation de la métairie de Villiers faite par sa mère, et en fait une lui-même, ainsi que son frère Bouchard IV. Le

f I) Voyez Revue de rHypnotisme, n" d'octobre 1905 et suivants.

fils de celui-ci, Jean III, donne à cette même abbaye le droit de foire. Son petit-fils, Jean de Vendôme IV, confirme, avec sa femme Gervaise de Mayenne, le don fait par Geoffroy de Vendôme et fait un accord avec l'abbé, du consentement de sa femme et de son fils Bouchard de Vendôme.

Landry de Xevers IV donne à l'abbaye de St-Germain d'Auxerre le monastère de Dezise. Son fils Renaud I confirme cette donation. Son autre fils, Robert de Xevers, donne à cette même abbaye l'église de Ste-Cécile de Châtillon.

Pierre de Brisay II est le bienfaiteur de l'abbaye de Pontevrault. La veuve de son arrière-petit-fils, Alau de Brisay II, accorde des rentes à l'église de cette abbaye.

Yves de Xesle III donne, de consentement de ses frères, à l'abbaye de St-Crespin-le-Grand, la chapelle de Beaulieu, les dîmes d"Estrées, tout ce qu'il possède au diocèse de Noyon, abandonne à l'abbaye de St-Yves un droit de vinage qu'il avait sur ses terres, et confirme les donations faites à l'abbaye de Longpont. Son petit-fils, Raoul de Nesle III, se montre également généreux à l'égard de ces abbayes, et assiste à la dédicace de la Pernière.

Il est d'ailleurs naturel que ce soit au monastère le plus proche du château familial qu'aillent toujours les libéralités d'une même famille. Les moines ont d'ailleurs soin d'établir dans la maison seigneuriale une tradition en leur faveur. Très souvent, il est stipulé que la dotation est faite de consentement des héritiers. D'autres fois les héritiers confirment la dotation. De cette manière aucun litige n'est à craindre dans l'avenir.

La femme de Gauthier d'Aunoy lègue une rente en grains à l'abbaye de St-Antoine-lès-Paris. Son fils Gauthier ratifie ce legs, ainsi qu'une autre donation faite au,même monastère.

Matthieu de Montmorency I fait des donations aux Prémontrés, et donne cent sols de rente à l'église do St-Victor de Mufliers. Son arrière-petit-fils, Matthieu de Montmorency, confirme la dotation, et le frère de celui-ci, Bouchard de Montmorency VI, confirme la rente.

Matthieu de Montmorency, arrière-pélit-fils de Matthieu I, fait plusieurs donations aux religieux d'Erloy, près Choisy. Son frère Bouchard VI leur donne les dîmes d'Attichy.

t" Le contrat synallagmatique. — Ces libéralités sont toujours faites dans un but intéressé. Il n'y a pas aumône, mais opération commerciale. Le moine vend. Le seigneur achète. Il achète, moyennant finances, terres ou denrées, pour lui ou ses proches, les béatitudes du paradis.

Jean de Dormans donne aux chartreux de Paris, ¦ afin qu'ils prient pour le salut de son âme n. un capital de cinq cents écus et trente livres de rente. Son frère Guillaume de Dormans est enterré dans l'église de ce monastère.

Renaud de Craon fonde, avec leconsentement de son fils Henry, l'abbaye de la Roè". Maurice de Craon III. qui descendait de lui à la cinquième génération y est enterré. La sœur de celui-ci, Constance de

Craon, donne à cette même abbaye, « pour le repos de l'ùme de sa mère et de son frère », une rente sur le péage de Loire, à Chantocé.

Renaud de Bourgogne I fait plusieurs dons à l'abbaye de Cluny. Le fils de son beau-frère, Renaud de Nevers I, donne à cette même abbaye le village de Beaumont « pour le soulagement de l'âme du comte Landry son père, de la comtesse Mathilde sa mère, et de Guy, son frère, du consentement et en présence de la comtesse Adelaïs, sa femme... et de Guillaume, son fils. »

Parfois même, c'est d'un bien purement terrestre que le dévot entend faire acquisition. Le moine d'occident, au moyen âge, ne diffère pas notablement du sorcier nègre ou patagon.

Elisabeth de Vendôme fait quelques donations du consentement de son mari, à l'abbaye de Marmoustier, « afin d'obtenir de Dieu un enfant ». Son petit-fils, Jacques de Vendôme, se montre également libéral envers cette abbaye du consentement de sa femme Perronelle de Châteaure-naud.

3° Les sépultures religieuses. — C'est le même motif qui conduit le riche dévot à élire sa sépulture dans un monastère. Il pense qu'en subissant de plus près l'influence des paroles et des gestes cabalistiques du prêtre ou du moine, il échappera plus sûrement au probable purgatoire.

Furent enterrés, Simon de France dans l'abbaye d'Orcamp, Jacques de Saint-Simon I dans une chapelle de Noyon, Gilles de Rouvroi dans une chapelle de la cathédrale de Senlis, Havoise de Montmorency dans une chapelle de l'abbaye d'Hermières et Philippe d'Aunoy II dans une chapelle de l'église du prieuré de Mouy-le-Neuf qu'ils avaient fondées.

Geoffroy de Preuilly III fait construire l'abbaye de St-Pierre de Preuilly, Gaucher de Rouvroy une chapelle dans l'église des Cordeliers de Saint-Quentin, Herbert de Vermandois III fait rebâtir l'abbaye de Lagny. Ils sont enterrés respectivement dans ces monastères.

Olte-Guillaume de Bourgogne et son fils Renaud I font plusieurs donations à l'abbaye de St-Bénigne de Dijon. Le frère de Renaud I, Guy de Bourgogne I, y est enterré.

Matthieu de Montmorency II fait des legs aux églises du Mesnel, de Bois-St-Père et de Notre-Dame-du-Val. Son fils Bouchard VI les approuve et donne de plus à la seconde un muid de blé, et à la troisième, douze livres parisis de rente. Le lils de Bouchard VI, Matthieu III, donne encore à cette dernière un moulin, un étang, des prés et trente arpents de terre. Son arrière-petit-fils, Charles de Montmorency y est enterré.

Conon de Nesle fait des donations à l'abbaye d'Orcamp. Son frère Jean y est enterré.

Raoul de Xesle III assiste à la dédicace et se montre généreux à l'égard de l'abbaye de Longpont. II est enterré à l'entrée du chapitre.

Les grands exorclsmes du XIXe siècle

par M. le Df Witrv, de Trêves. [suite et fin) [*).

Ce n'est pas seulement le catholicisme qui a mis en scène au xixe siècle les drames hystériques ; le protestantisme et l'orthodoxie russe ont aussi engagé Satan comme acteur dans des scènes d'exorcisme.

Le grand réformateur Luther, qui avait tant d'hallucinations diaboliques, indiquait de son temps comme remède radical à appliquer contre l'idiotie, • de plonger l'enfant dans l'eau et de le noyer, car de telles créatures ne sont qu'une masse de chair, massa carais, dans laquelle il n'y a comme âme que le diable ».

Les pasteurs protestants modernes sont restés fidèles aux croyances du fondateur du protestantisme. Témoin le rapport suivant du Dr Sommer au congrès des aliénistes allemands, à Munich, en 1893.

En automne 1892, on vit arriver dans le village prussien d'Heidreege (Pinneberg) une mission protestante. Elle se composait de deux missionnaires-pasteurs. Après le sermon, la femme d'un instituteur des environs, qui était aliénée depuis des années et avait été internée à différentes reprises, s'approcha du prédicateur et demanda à parler au pasteur Roeschmann. Elle se plaignit à lui d'être possédée par le diable. Le pasteur essaya de l'en délivrer par l'exorcisme. Quelques instants après les gens réunis dans une pièce voisine, parmi eux le pasteurs Ick, entendent des cris épouvantables. Ils entrent et entendent le diable parler correctement l'anglais ainsi qu'une langue orientale inconnue. Il est à noter que la femme ne connaissait que l'allemand.

A la fin, la possédée déclare que le diable la quittera seulement dans l'église de son village. Les deux pasteurs délibèrent longuement et se demandent sérieusement s'il ne faut pas y conduire la malade. Enfin, la nuit arrivant, ils abandonnent ce projet. Ils continuèrent pendant deux heures à se livrer à des pratiques d'exorcisme, jusqu'à ce que la femme se débattit des mains et des pieds, et que l'écume sortit de sa bouche. Alors elle devint plus calme. Pendant toute celte procédure, les pasteurs étaient assistés par les fidèles qui chantaient des choeurs. Un peu plus tard, la femme rentra tranquillement chez elle, aussi malade naturellement qu'auparavant.

Un exorcisme en Abyssinie est raconté par le missionnaire Th. Wald-meyer dans son livre : The aufo-6£ograpfcy ofTh. Wuldrneyer. London 8.W. Parti idge 1890, p. 64.

Plus récent encore est celui de Kronstadt en 1903. Le a Journal de St-Pétersbourg » le décrit d'après les communications du chef de police !

o Batuschka Joannès Kronstadtski (Jean de Kronstadt) est un pope russe célèbre, que la population orthodoxe regarde comme un-saint. La

(1) Voyez Revue de l'Hypnotisme, n" de décembre 1905 et janvier 1906.

foi en la puissance miraculeuse de ses prières est tellement répandue qu'il y a constamment une foule de pèlerins en marche vers Kronstadt pour trouver auprès du père Jean la guérison et le soulagement de tous les maux. Une grande abnégation et une individualité très accentuée, qui inspirent de la confiance, font de ce prêtre une figure qui ne se confond pas avec le vulgaire. Dernièrement arriva à St-Pétersbourg une pauvre femme malade. Son mal se manifestait en ce que, chaque fois qu'elle entendait sonner les cloches de l'église, elle tombait par terre et se mettait à crier d'une voix rauque et sauvage. Elle était en même temps baignée de sueurs et secouée par des contorsions épouvantables. Le même phénomène se produisait à chaque procession. A cause de ces symptômes la malade fut déclarée possédée. Elle souffrait depuis trois ans de ces crises. Enfin sa famille résolut d'avoir recours au remède considéré comme souverain et de la conduire auprès du père Jean qui célébra à St-Pétersbourg la cérémonie liturgique. Cela se passait le 14 mars. La malade prit part à la communion. Tout de suite l'attaque se déclara. Elle criait et grimaçait horriblement. Trois hommes robustes étaient obligés de la tenir. Le père Jean lui imposa les mains, la fixa d'un regard ferme et lui dit d'une voix autoritaire : « Au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ je te somme de sortir, Satan ! » Le père Jean répéta ces mots plusieurs fois. Un silence de mort régnait dans l'église remplie de fervents. On n'entendait que la voix énergique du pope : « Va t'en vite ! » et les cris inarticulés de la malade qui hurlait de temps en temps : « Je m'en vais tout de suite ! » Cette lutte dura pendant quelques minutes. Alors les cris cessèrent. La malade tomba à terre, les yeux fermés, respirant lourdement dans les bras de ses parents. Le père Jean l'apostropha à trois reprises : « Ouvre les yeux ! » La malade obéit avec un grand effort. Il lui ordonna ensuite de faire plusieurs fois le signe de la croix. La première fois elle le fit péniblement, pour le suivant cela s'effectua facilement. Alors le père Jean enjoignit à ses parents de la laisser disant: « Elle est complètement guérie ». Il lui présenta la communion et elle communia pieusement. Cette guérison fit une grande impression sur tous les assistants. »

Il y aurait encore à citer, à titre de curiosité, la soi-disant possédée de Grèzes-Laissac, la sœur Fleuret, qui occupait un emploi à l'orphelinat de la localité. C'était en juin et juillet 1902. Pendant qu'on se débattait sur la question de la possession, l'évéque Franqueville, de Rodez, résolut la question en remettant la malade entre les mains des médecins. Elle fut promptement rétablie.

Dans cocas, comme dans tous les autres, l'hystérie et la suggestion créent des terrains très favorables pour l'éclosion de ces scènes funambulesques. Elles permettent également d'obtenir des guérisons, soit temporaires, soit durables. Mais ces luttes théâtrales entre Satan et les prêtres de toutes les religions ne disparaîtront jamais, parce que les religions ont besoin de cet éternel adversaire et parce qu'il y aura toujours des personnes qui auront intérêt, dans des cas semblables, à

éviter le contrôle des médecins. Il leur semble préférable que les croyants aient l'impression que Satan rode autour d'eux jour et nuit : o Stcul leo qucerens quem dévoret ».. La crainte du diable n'est-i! pas le plus sûr agent de leur domination.

société d'hypnologie et de psychologie

Séance du 17 octobre 1905. — Présidence du D' Le Mexant des Chesnais {suite

Des anesthésiques, et en particulier de la scopolamine, ') envisagés comme adjuvants à la suggestion hypnotique,

par M. le Dr Bérillox médecin-inspecteur des asiles d'aliénés

Quand on se trouve amené, par une indication formelle, à l'emploi de l'hypnotisme, dès les premières tentatives pour provoquer l'hypnose, on peut classer le malade dans une des trois catégories suivantes : hyper-hypnotisabte, normalement hypnotisante, non hypnotisable.

Or, il arrive fréquemment que les peu ou pas hypnotisables se trouvent être précisément ceux chez lesquels l'emploi de la suggestion hypnotique serait le plus justifié, c'est-à-dire chez des hypochondriaques, des anxieux, des obsédés, des phobiques et des agités.

Le plus souvent cette résistance à l'hypnotisme n'est pas fondamentale. On en trouve lacause 1h plus habituelledans des contre-suggestions, dans des idées préconçues, dans des dispositions qui reposent sur des sentiments ou sur des erreurs de jugement, il est rare qu'on ne parvienne pas à les neutraliser par la persuasion ou par les arguments décisifs. C'est d'ailleurs dans l'application de cette dialectique, dans laquelle on retrouve tous les éléments d'une méthode philosophique positive, que réside l'art de l'hypnotisme. Mais il arrive que la résistance à l'hypnotisme a son point de départ dans une irritabilité nerveuse créée et entretenue par diverses intoxications ou par des auto-intoxications. Dans ces cas, il convient d'attendre le moment le plus favorable pour la réalisation de l'expérience. En effet, la suggestibilité normale d'un sujet peut varier d'un moment à l'autre, sous l'influence d'excitants. C'est ce qu'on observe chez les alcooliques qui, très hypnotisables à jeun, ne le sont plus après l'ingestion d'une petite quantité d'alcool.

En réalité, la résistance à l'hypnotisme réside surtout dans la difficulté qu'éprouvent certains malades à se placer dans les condilions indispensables à la réalisation du sommeil qu'il soit spontané ou provoqué. Ces conditions sont l'immobilité, le calme, le ralentissement de l'activité intellectuelle, la résolution musculaire, en un mot, une passivité assez accentuée.

(tj Communication faite au congrès international de méiecine. Liège, sept. 1905.

Cet état de passivité, de sédation, étant la condition préalable de la production de l'hypnose, un certain nombre d'observateurs ont été amenés à la réaliser, chez les sujets énervés et parcela même réfractaires à l'hypnose, par l'administration de faibles doses d'anesthésiques ou de narcotiques.

Trente minutes environ après une première injection de trois ou quatre dixièmes de milligramme de scopolamine, le sujet est pris d'un besoin de dormir analogue à celui du sommeil spontané. Il résiste quelque temps, se frotte les yeux, baille, désire s'étendre sur une chaise-longue, ses paupières s'alourdissent et il s'endort. La respiration est remarquablement calme. Si on lui lève le bras, il a une tendance, comme dans l'hypnose, à les maintenir dans la position qu'on leur a donnée. Les mouvements imprimés continuent à s'exécuter automatiquement, si l'on insiste un peu.

Malgré l'apparence de sommeil profond, si on fait du bruit à côté du malade, si on lui parle fort, si on le remue, il se réveille exactement comme un homme endormi du sommeil naturel. Si on le pique et si on le pince, il ne traduit pas la moindre sensibilité.

Des suggestions faites dans cet état se réalisent après le réveil, exactement comme cela se passe dans l'état d'hypnotisme. De plus quelques injections suffisent habituellement pour réaliser l'entraînement hypnotique et il n'est plus nécessaire d'y recourir pour obtenir que le sujet se laisse hypnotiser avec la plus grande facilité.

Les expériences que nous avons faites nous permettent d'envisager la scopolamine comme un véritable médicament psychologique.

En l'employant avec toute la prudence que comporte son extrême toxicité, on peut se placer dans les conditions les plus favorables pour vaincre les résistances conscientes ou inconscientes qui, chez certains malades s'opposent à la production de l'hypnotisme.

Lumière colorée et hypnocyanotrope

par M. le Dr Paul Fabez, professeur à l'Ecole de psychologie

En psychothérapie, la principale difficulté consiste à rendre hypnoti-sables et, par conséquent, suggestionnables, le plus grand nombre de malades possible. Pour obtenir ce résultat nous devons posséder tout un arsenal très varié d'appareils, de a trucs », d'artifices. Les agents chimiques sont déjà d'un très grand secours, telle la narcose éthyl-méthylique dont je vous ai, à maintes reprises, exposé les brillants succès ; telle aussi l'injection de scopolamine dont nous entretenait récemment le D' Bérillon. Les agents physiques nous ont donné la vibrothérapie ; la photothérapie, elle aussi, peut nous être un adjuvant précieux.

Des études très documentées, venues de différents pays, nous ont

appris l'influence des diverses couleurs du prisme sur l'état mental elle tonus nerveux.

Sans m'étendre sur les effets spéciaux de chacune des couleurs du prisme, je rappelle les deux points suivants : 1« la lumière rouge est stimulante ; 2° la lumière bleu-violet est calmante.

Cette double notion peut être utilisée heureusement dans la pratique courante des consultations à notre domicile.

Quand les locaux le permettent, on se trouvera bien d'installer deux cabinets distincts qui, par les rideaux, les tentures, les fauteuils, etc. donneront une tonalité générale rouge pour le premier, bleu-violet pour le second. Dans le cabinet rouge seront reçus les malades déprimés, abouliques (qui ont besoin d'être stimulés); dans le cabinet bleu, les malades agités ou hyperexcitables (qui ont besoin d'être apaisés]. L'ambiance visuelle agira heureusement dans le sens d'un meilleur être momentané, pendant tout le temps que le malade restera en tête à tète avec son médecin; la consultation sera plus aisée, l'entretien plus cordial, le malade plus confiant et plus docile.

Si les locaux ne se prêtent pas à un cabinet double, rien ne sera plus facile quedefaire, à volonté, d'une même pièce, tantôt un cabinet rouge et tantôt un cabinet bleu, par un jeu très simple de verres, de tulipes ou d'abat-jour colorés.

La propriété sédative du bleu-violet mérite en outre d'être utilisée dans la provocation du sommeil artificiel. Parmi les nombreux procédés susceptibles de réaliser l'hypnose, le plus courant consiste dans le maintien d'une seule et même sensation visuelle. Cette sensation visuelle sera d'autant plus * endormante » qu'elle sera produite par une couleur calmante, apaisante.

C'est à cet effet que M. Bercut a réalisé, sur mes indications, le petit appareil que voici :

Il consiste en un disque bleu-violet (bleu d'outremer mitigé de violet-évèque). A ce disque sont adaptés des ailerons qui en facilitent et en régularisent la rotation ; étant noirs, ces ailerons passent, pour ainsi dire, inaperçus pendant la rotation du disque bleu. Le tout s'adapte au moteur Bercut, déjà bien connu par ses applications à la vibrothérapie.

Le principe de l'appareil est que les yeux du malade se repaissent uniquement de lumière bleue; la rotation du disque n'est donc pas indispensable; toutefois, en pratique, elle est très utile, parce qu'elle réalise un centre d'attraction qui sollicite l'attention oculaire.

Cet appareil n'agit point uniquement par fascination, ainsi que les divers miroirs à alouettes ou autres. Par la qualité même de la couleur mise en jeu, il permet une hypnotisation beaucoup plus rapide et plus aisée que par les surfaces simplement brillantes.

Comme il a pour but de faciliter le sommeil [hypnos) et qu'il comporte une surface bleue (cyanos) que l'on fait tourner (trepô, trope), je lui ai donné le nom d'hypnocyanoïrope.

Un ancien « traqueur », premier prix du Conservatoire

par M. le D' Paul Farez professeur à l'Ecole de psychologie

A titre d'épilogue, je désire vous dire quelques mots.au sujet d'un jeune virtuose dont je vous ai déjà entretenus il y a un an.

Elève du Conservatoire, M. X. est considéré par son professeur et par ses camarades comme un sujet très remarquable. A la classe ou dans l'intimité, il est extrêmement brillant; un étranger survient-il à la classe, ou s'agit-il de jouer devant un public même très restreint, il est désemparé, se trouble et finalement s'arrête au bout de quelques mesures, impuissant à aller plus loin. Dès lors, il voit arriver avec terreur le concours de 1904 : il se sent matériellement incapable d'affronter l'épreuve ; il ne mange plus, ne boit plus ; il voit sa vie manquee, son avenir perdu ; il a des crises de désespoir et, bientôt, des envies d'en finir parle suicide.

Quelques jours avant le concours, je l'hypnotise ; et, le jour même, il participe, sans aucun trac, à une répétition en public. Dès lors il est rassuré, réconforté, calmé.

Je l'hypnotise une seconde et dernière fois, la veille du concours ; et il remporte, à l'unanimité, le premier des seconds prix.

Or, cette année (1905), il a enlevé son premier prix, sans trac et sans avoir eu besoin de se faire à nouveau hypnotiser. Ce cas montre, une fois de plus, la stabilité des guérisons obtenues par la suggestion hypnotique .

Le public, de plus en plus au courant des choses médicales, a très souvent recours à l'hypnotisme pour la guérison des diverses formes du trac ; c'est tantôt un jeune collégien qui redoute l'examen oral ; c'est un représentant de commerce qui manque d'assurance et n'ose * faire l'article n avec tout le brio qu'il faudrait ; c'est un jeune officier qui se sent presque annihilé et peut à peine articuler quelques paroles quand un supérieur l'interpelle ou l'interroge ; c'est un professeur qui n'ose regarder en face les élèves bruyants, ni les réprimander ou les punir : c'est une femme du monde, dame patronesse d'une œuvre charitable, qui est toute bouleversée à la pensée qu'elle devra, dans quelques jours, souhaiter la bienvenue à une ministresse qui a promis sa visite ; c'est encore ce brillant conférencier que nous sommes plusieurs ici à avoir hypnotisé sur la scène pendant les quelques minutes qui précèdent le lever du rideau.

Dans tous ces cas, il convient de se conformer à la recommandation qu'a souvent faite le DT Bérillon, à savoir, pendant le sommeil hypnotique, représenter au traqueur la scène qu'il redoute, l'y transporter par la pensée et la lui faire vivre crânement dans tous ses détails.

Pour ce qui me concerne, je ne saurais assez répéter que, concurremment au traitement psychothérapique, on devra soumettre le tra-

qucurau traitement physiologique que réclament les troubles fonctionnels de sa digestion, de sa dépuration urinaire, de sa respiration, de sa circulation ou de sa vaso-motricité, etc.

Séance du 21 novembre 1905. — Présidence de M. te D'Jules Voisin.

La séance est ouverte à 4 h. 40.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend une brochure du professeur Grasset, intitulée : Psychothérapie.

Il annonce que nos collègues M. Podiapolsky et M. le D'Wiazemsky viennent de fonder à Saratow un Cercle A. A. Liébeault consacré aux études d'HypnoIogie et de Psychothérapie.

Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :

M. Paul Joire (de Lille). — Vomissements incoercibles datant de trois ans, guéris par l'hypnotisme. — Discussion : MM. Jules Voisin, Lionel Dauriac, Paul Magnin, Paul Farez et Bérillon.

M. Bérillon. — Les timidités. — Indications de la suggestion hypnotique.

MM.-Bérillon et Pamart. — L'hypersuggestibilité. — Présentation de malades. — Discussion : MM. Paul Magnin, Favre, Bérillon, Lionel Dauriac, Félix Regnault, Berlillon.

M. Paul Farez. — Un nouveau cas de sommeil pathologique : La Dormeuse de San Remo.

M. Minette (de Compiègne). — Intelligence des animaux.

M. le Président met aux voix la candidature de MM. les Df,Fouineau (de Paris), Granel (deParis), Thorsen(de Trondhjem, Norvège), et Mra'la Doctoresse Bouet-Henry (de Paris). Ces quatre candidats sont nommés à l'unanimité, membres titulaires de la Société.

La séance est levée à 6 h. 45-

Vomissements incoercibles datant de trois ans guéris par l'hypnotisme

par M. le D' Paul Joire (de Lille)

M. T., âgé de 61 ans, m'est adressé par un confrère des environs pour des vomissements qui durent depuis 3 ans. Comme renseignements, on ajoute que l'estomac ne présente pas de trace d'induration, que jamais le malade n'a vomi de sang ni de matières noires.

En interrogeant M. T., j'apprends qu'il a commencé à éprouver des troubles digestifs, à la suite de chagrins violents. Il a perdu plusieurs

membres de sa famille dans l'espace de quelques mois, il en a été très affecté. Il s'y est joint du surmenage, M. T. ayant dû, à la suite de ces deuils, se remettre aux affaires qu'il avait abandonnées. Il ne peut plus, depuis trois ans, me dit-il, digérer aucun aliment solide ni même demi-solide.

Quand il essaye de prendre quelque aliment de ce genre, ou même des potages, il éprouve immédiatement de violentes douleurs à l'estomac et il vomit tout ce qu'il a absorbé.

Il peut boire du lait et avaler des œufs crus dans de l'eau ; c'est ainsi qu'il se nourrit depuis trois ans. A plusieurs reprises, il a tenté de prendre d'autres aliments; mais toujours sont survenues les violentes douleurs et les vomissements, de sorte qu'il n'est pas disposé à renouveler l'expérience.

Je constate que j'ai affaire à un tempérament très nerveux. Il ne présente cependant aucun symptôme d'hystérie ni de maladie nerveuse caractérisée. Je ne constate pas de troubles de la sensibilité ni des réflexes.

Son examen au moyen du sthénomètre me montre cependant un manque d'équilibre dans le fonctionnement du système nerveux, avec un affaiblissement considérable des forces nerveuses. Je constate qu'il est assez accessible à la suggestion.

J'endors le malade et je lui fais la suggestion de ne plus souffrir de l'estomac, de digérer les aliments que je lui présenterai, de manger et de ne plus avoir de vomissements.

Pour renforcer la suggestion, en lui appliquant les doigts sur la région de l'estomac, je lui fais ressentir de la chaleur et des contractions.

Je lui prescris alors de manger, dès le lendemain, des potages épais et quelques biscuits trempés dans du vin.

M. T. revint quelques jours après cette première séance et me dit qu'à son grand étonnement il a en effet mangé chaque jour des soupes et des biscuits, qu'il n'en a nullement été incommodé et n'a plus eu de vomissements.

Dans une seconde séance, je lui suggère de manger, outre les potages, des pommes de terre, des légumes. Le résultat est le même, tous les aliments suggérés sont parfaitement digérés.

Je ramène ainsi progressivement le malade à une alimentation normale. Il constate qu'il reprend ses forces et se trouve très satisfait d'une guérison qu'il avait en vain cherchée pendant trois ans par tous les traitements internes.

Entre temps, je constate, au moyen du sthénomètre, le retour des forces nerveuses à l'équilibre normal, ce qui me permet d'affirmer que la guérison sera complète et définitive.

Cette observation attire notre attention sur deux points utiles à retenir pour la pratique de l'hypnotisme thérapeutique :

gestion expérimentale immédiatement sensible pour le malade. Si j'avais simplement suggéré à mon malade de ne plus avoir de douleurs d'estomac et de ne plus vomir, je me serais exposé à un échec. Le malade, ne connaissant pas la puissance de la suggestion hypnotique, pouvait ne pas en comprendre la portée et ne pas la réaliser.

Au contraire, par un attouchement sensible, je lui suggère, une sensation de chaleur, phénomène de sensibilité, et une sensation de contractions, phénomène moteur. Il ressent en effet ces deux impressions, sous l'influence de la suggestion faite avec insistance.

Dès lors, il est convaincu du pouvoir de la suggestion ; il comprend que la suggestion peut faire cesser ces douleurset modifier les contractions qui l'empêchaient de digérer et le faisaient vomir ; il réalise la suggestion.

2° Le second point nous montre chez ce malade l'absence de symptômes d'hystérie et de troubles nerveux constatables.

Comment, dès lors, poser notre diagnostic de vomissements dus à des troubles des centres nerveux et non à une maladie de l'estomac, lésion organique ou affection de la muqueuse, défaut dans les sécrétions normales. L'examen du système nerveux du malade au moyen du sthéno-mètre se montre, dans ces cas, de la plus grande utilité. Il permet de constater l'existence des troubles nerveux qui ne se manifestent pas par d'autres symptômes. Ainsi, grâce aux indications données par le sthénométre, au début et dans le cours du traitement, nous pouvons faire le diagnostic et le pronostic de la maladie.

Discussion

M. Jules Voisin. — La suggestion peut ainsi guérir un très grand nombre de troubles relatifs à l'alimentation ou à la digestion. J'ai hypnotisé et complètement guéri une femme qui, atteinte de dysphagie ne pouvait manger en présence d'une autre personne, et cela depuis 5 ans.

M. Lionel Daubiac. — Pendant mon séjour à l'Ecole normale supérieure, on nous servit un jour du veau accommodé à une sauce d'un goût répugnant. II en est résulté pour moi un souvenir désagréable. J'ai gardé une aversion invincible pour cette viande, même quand elle est très bien accommodée. Evidemment je suis victime d'une auto-suggestion. ¦

M. Paul Magnin. — La plupart de nos dégoûts viennent en effet d'une circonstance fortuite et s'installent définitivement par auto-suggestion. Un grand fumeur est appelé dans son bureau au moment où il fume sa pipe; il dépose cette dernière sur une cheminée ; quand il revient et veut la rallumer, il lui trouve une odeur nauséabonde. Depuis cette époque, malgré "son très vif désir de reprendre une habitude qui lui fut chère, il ne peut surmonter l'aversion qu'il éprouve pour le tabac et même pour la fumée.

M. Paul Farez. —Une de mes malades a soigné jadis une parente at-

teinte d'un cancer du sein. Cetie tumeur bourgeonnante ressemblait objectivement à un chou-fleur. Depuis lors, elle avait des nausées, souvent même elle vomissait dés qu'elle voyait un chou-fleur ou que seulement elle en entendait parler. Grâce à la suggestion hypnotique, je l'ai rendue capable de manger du chou-fleur avec plaisir.

M. Bérillon. — L'anorexie hystérique a été souvent guérie par des moyens empiriques. Des guérisons de ce trouble nerveux ont été également obtenues à la grotte de Lourdes. J'ai été témoin du fait suivant. Une religieuse qui déclarait ne pouvoir supporter aucun aliment solide fut à plusieurs reprises immergée dans la piscine. Un jour, après en être sortie, elle se rendit à son hôtel et séance tenante absorba un énorme bifsteakaux pommes. On l'amena triomphalement au cabinet des consultations médicales. Mais le médecin de ce cabinet ne parut pas partager l'enthousiasme des pèlerins. Il fit sagement observer que le choix de ce premier aliment était plutôt contestable. Il lui parut en particulier que des pommes frites en cette occasion ne correspondaient pas aux dispositions d'un estomac ayant perdu l'habitude de tels repas. Il engagea la religieuse à faire choix d'aliments d'une digestibilité plus certaine, ajoutant que cela n'enlèverait rien à la valeur du « miracle » ; il lui affirma qu'elle resterait guérie, surtout si elle avait soin de consolider la guérison miraculeuse par l'emploi de quelques pilules laxatives et de cachets de bicarbonate de soude.

Trois malades hypersuggestibles

par M. le D' René Pamart

J'ai l'honneur de présenter aujourd'hui à la Société trois malades qui sont actuellement soignés à la clinique hypno-pédagogique de la rue St-André-des-Arls.

Le premier est un jeune garçon de 13 ans, qui a été recueilli par le Patronage de l'Enfance et de l'Adolescence. Il a eu autrefois de l'incurvation rachitique des tibias, et, depuis son plus jeune âge, se plaint de points douloureux intercostaux. C'est un hypersuggestible, et vous voyez que je l'endors complètement en quelques secondes. L'action très intense qu'ont sur lui les influences étrangères fait qu'au moindre prétexte il quitte, pour vagabonder, ceux qui le gardent ou l'emploient. Tout le premier, il déplore cette tendance, dont il sera d'ailleurs guéri d'ici peu. Son hypersuggestibilité elle-même, bien utilisée, va servir à enraciner profondément chez lui le goût de la stabilité, à lui créer des points de résistance solide contre les impulsions venues du dehors, à lui rééduquer une volonté ferme. Mais il faut évidemment procéder avec de très grandes précautions chez cet enfant plutôt souffreteux. C'est un mécanisme délicat et fragile qu'il serait bien facile de fausser ou de forcer. Il aurait été un sujet parfait pour un magnétiseur de cirques, qui aurait vite fait de le détraquer.

Le second sujet appartient au môme Patronage. C'est un garçon de (7 ans 1/?, paraissant plus jeune, et, lui aussi, très hypersuggcstible. Vous voyez que je l'endors également avec beaucoup de facilité et de rapidité. Chez lui, l'action des influences extérieures a entraîné des conséquences plus malheureuses; par deux fois, il a suffi de faibles tentations pour lui faire commettre de gros larcins, de sorte qu'il a eu maille à partir avec la justice, et qu'il a fait, tout dernièrement, six mois de prison. Il est certain que sa grande suggestibilité diminuait singulièrement sa part de responsabilité. Mais il existe chez lui une excellente chose; à bien réfléchir, il s'est tracé un plan de conduite, et s'est assigné un but : s'engager, se réhabiliter, devenir sous-officier et tâcher même d'arriver à l'épaulette. Pour cela, il faut que sa conduite soit désormais impeccable, sa probité rigoureuse. De même que cesujet était facile à influencer en mauvais sens, de même j'utilise son hyper-suggestibilité pour que la bonne graine germe bien dans celte intelligence, pour que les bons principes s'y gravent profondément ; avant de le perdre de vue, je lui suggérerai de n'être plus suggestible, et de conserver intangible son pouvoir de contrôle. Lancé dans la bonne direction, il continuera à la suivre.

Le troisième malade, le plus remarquable, est âgé do 20 ans. Il est élève de l'Ecole dentaire de Paris. Comme vous le voyez, il est grand et mince, d'apparence peu robuste et de teint très pâle. Il est venu nous trouver pour guérir sa timidité extrême. Il se rend parfaitement compte que, toute sa vie, il a obéi à toutes les influences qui l'ont entouré. Il y a un mois, il n'aurait jamais osé sortir de chez lui après la chute du jour, et, me disait-il, s'il avait été attaqué, il aurait été incapable de se défendre, mais paralysé au point de ne pouvoir même s'enfuir. Il n'aurait pas osé parler devant quelques personnes, ni traverser une rue quelque peu animée. On comprend quelle aurait été la triste situation de ce jeune homme au moment de passer ses examens, ou plus tard dans ses rapports avec la clientèle; les clients aiment que ceux qui les soignent paraissent confiants en eux-mêmes.

Ce jeune homme s'endort d'une façon absolument instantanée; à peine ai-je touché son front du bout du doigt qu'il pousse un profond soupir et qu'il renverse la tête, en état d'hypnose complète. Mais il n'y a pas là une accoutumance particulière de malade à médecin; n'importe qui peut en faire autant. Je réveille le sujet, et je prie l'un des assistants de s'approcher, de dire ce seul mot : * Dormez! » Vous voyez que le résultat est aussi instantané, aussi complet. Heureusement les camarades d'études de mon malade ne se sont pas aperçus de cette hypper-suggestibilité extrême; ils auraient peut-être été tentés d'en jouer.

Pour guérir ce timide, il a fallu tout d'abord rééduquer sa volonté ; j'ai procédé graduellement, comme lorsqu'il s'agît de faire des muscles au moyen des haltères; on commence par des poids faibles que Ton alourdit peu à peu. Je lui ai donc suggéré des actes d'une exécution peu intimidante tout d'abord, puis de plus en plus difficile. Maintenant ce jeune

homme sort à toute heure, sans crainfe, et je vais, séance tenante, après l'avoir éveillé, lui faire prendre la parole devant vous. L'improvisation est chose intimidante entre toutes..............

Ce jeune homme ne vient certes pas de parler comme un orateur; maïs il a pu cependant coordonner ses idées et vous les exprimer succinctement, nettement, avec les mots qu'il fallait et sans trembler. Je lui demandais en somme un elîort considérable, et il a pu l'accomplir.

Vous voyez que la timidité de ce malade, grandement atténuée déjà, aura complètement disparu avec encore quelques séances. Mais il faut empêcher aussi qu'il soit hypnotisable par le premier venu. C'est ici même, dans cette séance, que je vais le délivrer de cette infirmité.

Voici le sujet endormi. Je lui ordonne de la façon la plus nette et la plus impérative de ne plus pouvoir être endormi du sommeil hypnotique, sauf dans un but thérapeutique et avec consentement préalable de sa part. Je l'éveille, et prie la même personne qui, tout-à-1'heure, l'endormait comme moi, de répéter l'expérience. Cette personne sait hypnotiser, et vous voyez pourtant que mon malade est complètement rebelle à ses ordres.

On croit et l'on répète communément que le traitement hypnotique prive le sujet de sa volonté et le met à la merci de tout endormeur. Les membres de la Société ont depuis longtemps fait justice de ces allégations que rien ne vient appuyer dans l'ordre des faits réels ; mais j'ai tenu à bien montrer ici, par une expérience frappante, "inanité de ces propos aux savants et aux psychologues étrangers à notre Société qui sont venus assister à notre réunion. Ils sauront maintenant quelle créance accorder aux adversaires de notre méthode, souvent plus prompts à dénigrer qu'à observer scientifiquement et consciencieusement. Ce malade était destiné à vivre à la façon d'une épave humaine, ballotée à tous flots : grâce à la psychothérapie, il deviendra quelqu'un.

cours et conférences

Alcoolisme et tremblement hystérique (')

par M. le Professeur Raymond

Cet homme est âgé de 35 ans ; il a un tremblement, très net aux deux mains, étendu aussi à tout le membre supérieur, ainsi qu'aux membres inférieurs ; les oscillations, surtout horizontales, sont de 7 à 8 par seconde.

Quand il appuie fortement les mains sur les cuisses, il ne tremble pas; mais le tremblement augmente, quand il veut prendre un verre et le porter à sa bouche. Il ne s'agit cependant pas de sclérose en plaques ;

car si on examine le malade avec soin, on ne trouve aucun signe soviatique ; en particulier, les réflexes sont normaux et il n'existe aucune parésie.

Mais on constate un point hystérogène. Lorsqu'on presse ce point, notre homme devient alternativement pâle et rouge ; ses yeux sont hagards et il a une crise de nerfs.

C'est un ancien cocher. Le matin, avant de sortir, il boit sept demi-setiers de vin. La consommation alcoolique du reste de la journée est à l'avenant. Il a une hyperesthésie généralisée, un mauvais sommeil, et est devenu méchant. L'intoxication éthylique a fait appel à l'hystérie : il s'est installé un tremblement hystérique, lequel simule ici celui de la sclérose en plaques, comme d'autres fois il simule celui de la maladie de Parkinson.

Ce serait le cas de faire de la psychothérapie, car, dans la cure de l'alcoolisme, la psychothérapie donne de véritables succès ; mais nous n'avons pas notre homme sous la main ; il ne vient nous voir que de loin en loin. Toutefois, nous lui faisons prendre du bleu de méthylène en pilules, et, pendant tout le temps qu'il urine bleu, il se sent beaucoup mieux.

chronique et correspondance

Société d'hypnologie et de psychologie.

La prochaine séance de là Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 15 mai, à 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, 8, rue Danton, sous la présidence de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpôtrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Dr Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Avis important : La séance du mois d avril tombant le mardi de Pâques, la prochaine réunion est remise au lô mai.

L'examen mental des inculpés

M. Chaumié, étant ministre de la Justice, a adressé aux procureurs généraux la circulaire suivante au sujet de l'examen mental des inculpés :

« Certains médecins légistes croient avoir rempli suffisamment la mission qui leur a été confiée en concluant sommairement à une responsabilité e limitée » ou « atténuée ».

Une semblable conclusion est beaucoup trop vague pour permettre au juge d'apprécier la culpabilité réelle du prévenu d'après son état mental au moment de l'action; mais son insuffisance tient généralement au défaut de précision du mandat qui a été donné à l'expert.

A côté des aliénés proprement dits, on rencontre des dégénérés, des individus sujets à des impulsions morbides momentanées, ou atteints d'anomalies mentales assez marquées pour justifier, à leur égard, une certaine modération dans l'application des peines édictées par la loi.

Il importe que l'expert soit mis en demeure d'indiquer, avec la plus grande netteté possible, dans quelle mesure l'inculpé était au moment de l'infraction, responsable de l'acte qui lui est imputé.

Pour atteindre ce résultat, j'estime que la commission rogatoire devra toujours contenir et poser d'office en toute matière les deux questions suivantes :

1» Dire si l'inculpé était en état de démence au moment de l'acte, dans le sens de l'article 64 du Code pénal.

2° Si l'examen psychiatrique et biologique ne révèle point chez lui des anomalies mentales ou psychiques de nature à atténuer, dans une certaine mesure, sa responsabilité.

L'expert dira, en outre... (ici le juge d'instruction spécifiera les points qu'il croira devoir signaler plus particulièrement d'après les résultats de l'information, ou les indications fournies par l'inculpé lui-même, par sa famille ou par son défenseur.) »

La position pendant le sommeil. Sur quel côté doit-on dormir?

Les avis sont là-dessus partagés. Voici quelques opinions entre cent.

Un auteur du XVIe siècle, de Calviac, édicté ce précepte :

ail ne faut pas, dit-il, se coucher à l'envers, ne au contraire la face contre le lict, mais de costé parce que cela est plus sain. »

Loys Guyon, en sa qualité de médecin, consacre un chapitre à fa situation qu'on doit tenir pendant qu'on dort, tant pour ta civilité que pour la santé. On doit, écrit-il, « dormir sur le costé droit au premier sommeil, afin que la viande descende au fond de l'estomach... Puis au second sommeil, ayant demeuré quelque quatre heures ou environ sur ledit costé droit, on se doit retourner sur le gauche, afin que le fyoe se pause et estende mieux sur l'estomach... Le dormir sur le ventre ne vaut rien ; le dormir sur le dos engendre bien souvent pierre et sable ». Il est malsain de a dormir les yeux ouverts, ou la bouche ouverte... Parler et ronfler de nuit est une très grande incivilité. » Sur quoi le docteur donne une recette pour s'empêcher de ronfler, et termine en invitant * les parents et les pédagogues à contraindre les enfants encore tendre-ets à se coucher en honneste et due situation. Outre que c'est chose salubre, c'est aussi grande civilité, et d'estre mauvais coucheur, j'en ay

veu advenir beaucoup de débats et querelles, et souvent entre le mari et la femme ». Ce dernier argument est, ce nous semble, péremptoire.

(Clinique médicale.)

Le traitement psychologique de l'alcoolisme

Sous ce titre, M. le Dp Bérillon vient de publier (broch. 31 p., Vigot frères), une brochure intéressante où les résultats obtenus par la psychothérapie dans le traitement de l'alcoolisme apparaissent hors de doute. L'alcoolisme est une obsession au même titre que telle autre maladie morale. Le joueur n'a de cesse qu'il ne joue, le kleptomane qu'il ne vole, l'amoureux qu'il ne parle de l'objet aimé, l'ivrogne qu'il ne boive. Seulement l'alcoolisme dont l'action toxique affecte profondément les centres nerveux, détermine de ce fait une atteinte plus grave des facultés mentales. Les centres d'arrêt psychiques, l'attention, la réflexion, la volonté sont touchés bien plus fortement que dans les autres formes d'obsession. Prenons la volonté; elle est obnubilée chez le joueur et l'amoureux ; chez les kleptomanes, elle n'est pas complètement éteinte ; ils ont parfois la force de résister a leur impulsion. L'ivrogne ne peut pas et ne pourra jamais. C'est pourquoi dans le traitement psychothérapique, tel que l'a institué M. Bérillon, une indication domine : celle de refaire de la volonté à tous ces malheureux.

Ceci me rappelle l'histoire de deux grands obsédés qui ont traversé la médecine au xvi° siècle : Paracelse et Van Helmont. Le premier était ivrogne et le second amoureux; aussi Van Helmont, l'amoureux, vécut-il bien plus longtemps. L'amour est une obsession en quelque sorte physiologique ; le moyen curatif qui est la possession de l'être aimé, ne lire pas à conséquence. Van Helmont ne recueillit jamais qu'un désagrément du goût trop prononcé qu'il marquait pour les jolies personnes. Pour avoir introduit ses doigts dans le gant que lui avait abandonné une âme sœur, il contracta la gale. L'amoureux obsédé se transforma en amoureux galeux. Ce n'était point grave. Paracelse, lui, commit toutes les sottises. Il finit par mourir dans la misère, une bouteille à la main. Van Helmont vivait dans l'aisance, excité au travail par les yeux bleus et languides de l'être aimé.

Ni l'un ni l'autre n'appelèrent à leur secours M. Bérillon. Il les aurait fort bien guéris tous deux. Je ne parle pas de la gale, M. Bérillon ne prétendant nullement faire de sa méthode un succédané de la fleur de soufre. Seulement un résultat thérapeutique satisfaisant eûl-il suivi sa double tentative? L'ivrognerie sans doute, Paracelse, en eût été débarrassé sans le moindre dommage. Mais l'amour ? Ceci demande réflexion. L'amour est un sentiment qui dilate, épanouit, accroît toutes les énergies de notre être. Van Helmont amoureux, entre diverses interprétations mystiques, opérait des découvertes géniales. Non amoureux, eût-il apporté un tel élan à son œuvre? D'ailleurs il aima surtout sa

femme légitime. Ceci n'est point un crime. Et je doute que M. Bérillon, en dépit de la foi active qui anime sa méthode, songe pour faire valoir l'efficacité de la psychothérapie, à guérir un mari de l'affection particulièrement tendre qu'il a vouée à sa femme.

Dr FlESSINOER.

nouvelles

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie

M. le Dr Bérillon, professeur à l'Ecole de psychologie, commencera le Mardi 8 Mai, à cinq heures (Salle des Conférences de l'Ecole, 49, rue Saint-André-de s-Arts) à cinq heures, un cours sur les Applications de l'hypnotisme à la psychologie, à la thérapeutique et à la pédagogie des enfants vicieux ou anormaux.

La leçon d'ouverture aura lieu sous la présidence de M. le D'Huchard, membre de l'Académie de Médecine.

Programme des Cours Mardi 8 Mai. — Introduction à l'étude de l'hypnotisme : Braid, Liébeault, Charcot.

Jeudi i o Mai. — L'hypnotisme expérimental. Valeur de l'hypnotisme comme mojren d'investigation psychologique.

Mardi 15 Mai. — Séance de la Société d'IIypnologie (8, rue Danton), à 4 heures et demie.

Jeudi iy Mai. — La technique de l'hypnotisation. Lesprocédés pour provoquer l'hypnose.

Mardi 22 Mai. — L'hypnotisme thérapeutique. Les principes de la psychothérapie.

Jeudi 24 Mai. — Congé de I'Ascension.

Mardi 2g Mai — Applications générales du traitement psychothérapique: L'hystérie, la neurasthénie, les psychonévroses.

Jeudi 3i Mai. — Les maladies de la volonté. Les aboulies partielles. La morphinomanie. L'alcoolisme. Le dispensaire anti-alcoolique.

Mardi 5 Juin. — Congé de la Pentecôte

Jeudi 7 Juin. — Le problème des enfants anormaux. Les anormaux arriérés et les anormaux mal élevés. L'hypnotisme et l'orthopédie morale. La méthode hypno-pédagogique.

Mardi ¡2 Juin. — Applications générales de l'hypnotisme a la pédagogie des enfants vicieux ou anormaux. Les enfants turbulents. Le dispensaire pédagogique.

Jeudi 14 Juin. —L'éducation du caractère. La lutte entre l'hérédité et la suggestion.

L'Adrninistrateur-Gérant ; Ed. BÉRILLON.

Paris, Imp. A. Quclquojcu, rue Gerberl, 10.

20* Asnee. — ? Ii.

Mai 1906.

bulletin

La nomination du D' Bérillon au grade de chevalier de la Légion d'honneur. — Le banquet organisé par ses collaborateurs et ses amis.

Par décret en date du 4 avril 1906, rendu sur la proposition du ministre de l'Instruction publique, notre rédacteur en chef, M. le Dr Bérillon, qui, depuis plus de vingt ans, dirige avec le succès que connaissent nos lecteurs, la Revue*âe l'Hypnotisme et de la Psychologie, vient d'être nommé chevalier de la Légion d'honneur.

"L'Officiel porte la mention suivante :

c Le Dr Bérillon, chargé de cours à l'école pratique de la faculté de médecine de l'université de Paris, professeur à l'école de psychologie; 20 ans de pratique médicale. Nombreuses et importantes publications scientifiques. »

C'est l'enseignement donné à l'école pratique de la faculté de médecine depuis 1888 par le Dr Bérillon, sur la psychologie normale et pathologique, ainsi que sur les applications de l'hypnotisme à 'la sociologie, à la pédagogie et à la psychothérapie que le ministre a voulu récompenser.

On sait avec quel courage et quelle ténacité le Dr Bérillon s'est consacré à l'enseignement de la psychologie médicale, dont il ne se borna pas à démontrer la nécessité, mais dont il a le premier formulé le programme.

Le IV Bérillon est un professeur dans le véritable sens du terme. C'est à son initiative que de nombreuses générations ont dû d'être exercées à la pratique de la psychothérapie, dont le domaine s'éten'd chaque jour davantage.

Pendant longtemps il fut le seul à insister sur l'intérêt que présente le traitement psychologique dans la thérapeutique des névroses et des psychonévroses. Beaucoup d'idées, présentées aujourd'hui comme nouvelles, ont été exposées par lui, dès 18S8, à l'école pratique de la faculté de médecine.

Il y démontrait le rôle des aboulies, des timidités, des états émotifs dans la pathogénie des troubles fonctionnels du système nerveux. Il est le premier qui se soit exclusivement consacré à la pratique de l'hypnotisme et de la psychothérapie. Il a fait de cette branche de la

thérapeutique une spécialité nettement définie. Le fond de sa doctriue, c'est que la psychothérapie repose tout entière sur l'éducation du caractère. Il la formulait ainsi, en 18SS, dans sa première leçon à l'école pratique de la faculté de médecine : « Tous me demandez quelle est ma spécialité ? iCa réponse sera simple : Je veux adapter l'hypnotisme et les procédés qui en dérivent au traitement des maladies de la volonté; je veux être le médecin- de la peur ».

Depuis longtemps le Dr Bérillon avait complété son enseignement théorique de la faculté par des démonstrations pratiques. C'est dans ce but- qu'il fonda en 1839 l'Institut psycho-physiologique de Paris, destiné à fournir aux étudiants de toutes les facultés un enseignement permanent sur toutes les questions qui relèvent de l'hypnotisme et de la psychologie. Successivement sous son inspiration l'Ecole de Psychologie, le dispensaire pédagogique, le dispensaire antialcoolique, le laboratoire de psychologie comparée sont venus constituer autant de services distincts de l'Institut psycho-physiologique.

Ajoutez à cela que le Dr Bérillon est le créateur de la méthode hypno-pédagogique qui permet de remédier aux impulsions et aux mauvaises habitudes que présentent les enfants nerveux, vicieux ou dégénérés.

¦Tels sont les services rendus à l'enseignement public et à la pédagogie qui pouvaient déterminer le ministre de l'instruction publique à lui donner une récompense méritée depuis longtemps. Mais le ïr" Bérillon avait encore beaucoup d'autres titres et il me faudrait un long espace pour les exposer. Je me propose d'y revenir. Pour le moment, je veux être l'interprète de tous les collaborateurs de la Revue de l'Hypnotisme, pour adresser à notre ami en même temps que nos vives félicitations, l'expression des sentiments de profonde affection que nous professons tous pour lui.

W Paul Magxet.

Parmi les appréciations que la décoration du Dr Bérillon a inspirées à la presse, celle qui exprime avec le plus de précision les qualités morales et intellectuelles qui le caractérisent a été publiée dans le' Journal des Praticiens que dirigent les D" Huchard et Fi-ssineer:

« M. le Dr E. Bérillon, directeur et fondateur de YEcole de Psychologie, vient d'être nommé chevalier de la Légion d'honneur. L'auteur qui écrit ces lignes tient à adresser non pas seulement ses vives félicitations à M. Bérillon, mais aussi à dire combien cette distinction était méritée depuis longtemps. M. Bérillon, dans son Ecole tU Psychologie, s'est montré l'organisateur plein d'initiative, un philosophe ingénieux, souriant et fin, un directeur toujours tolérant et qui permettait, dans la chaire de l'Ecole, l'expression d'idées contraires aux siennes. Toutes ces qualités ne courent pas les rues. Le nouveau chevalier de la Légion d'honneur offre cette particularité, de recevoir

une distinction officielle comme consécration d'une carrière non banale. »

»

Xe Radical a également très bien indiqué l'intérêt scientifique qui /attache à la décoration du Dr Bérillou :

« La distinction de la Légion d'bonneur, qui vient d'être décernée au docteur Bérillou par le ministre de l'instruction publique, est, en quelque sorte, une victoire de l'initiatÎTe privée contre le routine qui pèse sur tant de domaines de notre enseignement supérieur.

C'est en effet au libre psychologue que la distinction s'adresse au fondateur de la Revue de l'Hypnotisme, de la Société d'bypnologie et de psychologie, de l'Institut psycho-physiologique, du laboratoire de psychologie comparée, du dispensaire antialcoolique, ainsi qu'au vulgarisateur des méthodes de la rééducation de la volonté.

Dès 18S4, du reste, le D* Bérillon avait reçu la grande médaille d'or pour son dévouement au cours d'une mission médicale dans les départements envahis par le choléra. »

*

Il en est de même dans la Revue de médecine, du Dr Paul Archam-baud :

« Nous avons, dit-il, appris avec le plus vif plaisir la nomination au grade de chevalier de la Légion d'honneur de notre collaborateur et ami le D' Bérillon.

Xous sommes heureux de constater que le gouvernement tend de plus en plus à tenir compte des travaux et des titres de ceux que nous appelons les « non officiels ». C'est relever le prestige d'un ordre qu'on a considéré pendant longtemps comme réservé uniquement à l'ancienneté et aux galons, dans le civil comme dans le militaire. »

Enfin tous les collaborateurs de la Revue ¿e l'Hypnotisme s'associent aux éloges que le professeur Lionel Daurîac vient d'accorder à notre ami dans la Revue de médecine et de chirurgie féminine, de Mm la doctoresse Bouet-Henry.

« Le ministère vient de permettre un miracle. H a permis qu'un de ces bouts de ruban donnés tant de fois mal à propos, vînt se fixer à la boutonnière d'un chercheur actif, intelligent et beureux. Tel est le docteur Bérillon, tout récemment décoré de la Légion d'bonneur. On sait son œuvre. Elle est d'une incontestable unité. Elève de Paul Bert qui lui enseigna ce qu'est un fait scientifique et le mit en garde contre une des confusions les plus difficilement evitables encore â l'heure actuelle, la confusion de l'anecdote et de l'observation; élève de Dnmontpallier qui lui montra par son exemple comment on pratique la Psychothérapie, M. Edgar Bérillon a courageusement marché dans les pas de son maître. H s'est avancé très loin sur sa route. On

sait avec quel zèle il dirige la Revue de l'Hypnotisme. On sait avec quelle impétueuse ardeur il intervient dans les discussions qui ont lieu chaque mois à la Société d'Hypnologie, remettant les choses au point quand la discussion s'égare, élargissant le débat, quand il tend à se rétrécir, le ranimant quand, faute d'intérêf, il menace de s'éteindre, improvisant toujours, et toujours curieusement prêt, même quand il ne s'est point préparé.

On s'est parfois demandé, non sans quelque bonne raison, si les esprits de cette trempe ne risquaient point de retarder la science en essayant de précipiter son mouvement. Je me le suis demandé plus d'une fois pour mon propre compte, sachant par expérience ce qu'il en coûte d'avoir pensé trop vite. En y réfléchissant, je me suis aperçu que les sciences naissantes, et l'hypnologie en est une, ont besoin, avant toute chose, d'une avant-garde de tirailleurs, c'est-à-dire d'esprits prompts, entreprenants, amis du risque, avides d'appliquer à la pratique de la science la belle formule de Frédéric Nietzsche : t II « faut savoir vivre dangereusement ». Autrement dit, « il faut, « quand on s'en croit les aptitudes et la force, s'exposer à l'erreur « éventuelle pour la conquête lente et progressive de la vérité. » Telle fut la devise d'Edgar Bérillon. Elle lui a valu déjà plusieurs conquêtes, sans compter celle de ce ruban rouge qui en est la juste consécration. »

L'Ecole de psychologie, d'accord avec la Société d'Hypnologie et de psychologie, la Société de pathologie comparée et le Syndicat de la presse scientifique a détidé d'offrir un banquet au Dr Bérillon, à l'occasion de sa nomination au grade de chevalier de la Légion d'honneur.

Le banquet aura lieu sous la présidence de il. Bienvenu-Martin, sénateur, ancien ministre et sous le patronage de M. le professeur Ber-thelot secrétaire perpétuel de l'académie des sciences, de M. le T)T Albert Robin, professeur à la faculté de médecine, de M. ïe D* Huchard, membre de l'académie de médecine, de M. le professeur Edmond Perrier, directeur du muséum et de M. le professeur Giard, membre de l'académie des sciences.

Le banquet aura lieu au Palais d'Orsay, le 19 juin. Le prix en a été fixé à 15 francs. Les amis, les élèves et les collègues du Dr Bérillon qui ne pourraient assister au banquet sont invités à contribuer par leur souscription au souvenir qui sera remis au Dr Bérillon. Adresser les adhésions et souscriptions au Dr Paul Farez, 154, boul. Haussmann.

La psychologie de l'intimidation : Les timidités. (l)

par M. le Df Bérillon

professeur à l'Ecole de psychologie, médecin inspecteur des asiles d'aliénés.

i. — Généralités.

Le premier exposé de mes éludes sur la timidité remonte au mois de janvier 1896. Il fui présenté à l'Institut psycho-physiologique dans une conférence ayant pour litre : La Psychologie de l'intimidation.

Dès celle époque, de nombreuses observations m'avaient amené à considérer les divers étais d'intimidation comme des étals analogues aux périodes superficielles de l'hypnotisme. Dès celle époque, j'émettais l'opinion que les phénomènes émotifs dont l'apparition constitue les étals de conscience, désigné vulgairement sous le nom de timidité n'étaient pas aulre chose que la réalisation d'un véritable état d'hypnotisme, provoqué d'une manière involontaire et toute fortuite sur un sujet extrêmement hypnotisable.

Celte conférence eut certainement le mérite d'appeler l'attention sur l'intérêt que présente l'étude de la timidité. En effet, depuis lors, plusieurs monographies onl paru sur cette question et il est certain que notre enseignement n'a pas été étranger à leur inspiration.

Il faut cependant reconnaître que, faute d'une connaissance approfondie des phénomènes de l'hypnotisme, aucun des auteurs n'est arrivé à se rendre un compte exact de l'assimilation qu'il est légitime d'établir entre ces phénomènes et ceux qui consliltient l'état d'intimidation.

Dix années d'observations poursuivies sans interruption sur la même question me permettent de maintenir dans son intégralité, l'opinion formulée en 1896 et qui est la suivante :

Se laisser intimider par autrui, dans une circonstance quelconque, c'est éprouver les effets d'une véritable hypnotisalion. En un mot. être intimidé, c'est être hypnotisé.

La seule différence entre l'état d'hypnotisalion réalisé sur un sujet par un hypnotiseur et celui qui apparaît chez l'homme intimidé, c'est que dans le premier cas, il s'agit d'un fait d'hypnotisme expérimental, tandis que dans le second l'hypnose a été réalisée involontairement et fortuitement.

(1) Leçons faites à l'Ecole de Psychologie.

L'élude attentive des phénomènes qui se manifestent dans lea étals d'intimidation permet de démontrer l'exactitude de cette affirmation.

L'intimidation amène la cessation momentanée d'une partie des actinies de l'esprit. Elle agit comme si le timide était tout à coup frappé de paralysie dans les organes producteurs de l'énergie excito-motrice. Le sujet se trouve, pour peu que l'intimidation soit quelque peu accentuée, dans l'incapacité de se mouvoir, de parler et même de penser.

On peut donc comparer cet état aux phénomènes d'inhibition partielle, aux paralysies psychiques si faciles à provoquer chez les sujets plongés dans l'état d'hypnotisme.

Ce qui justifie cette appréciation, c'est qu'une suggestibilile excessive est la condition essentielle de la production de l'intimidation. Les sujets qui accusent de la timidité à un degré manifeste, sont hyper-suggeslibles et par conséquent hyper-hypnolisables.

D'ailleurs ia démonstration de l'analogie entre l'état d'intimidation et l'état d'hypnotisme résulte de ce fait que l'intervention d'une personnalité étrangère est indispensable à leur production; quand il est seul, isolé, à l'abri de toute influence humaine, le timide reste en pleine possession de lui-même. Par contre, s'il se trouve soudainement en présence d'une personne à laquelle il attribue quelque supériorité réelle ou imaginaire, il se sentira profondément troublé et perdra contenance.

Pour le timide, sujet toujours en instance d'hypnotisalion. le monde est peuplé d'hypnotiseurs. Mais l'influence qu'ils exercent sur lui est fort variable. Tandis qu'il est à peine impressionné par la présence de telle ou telle personne, par contre un regard, ou une simple parole d'une autre suffisent pour le déconcerter et annihiler complètement son initiative el son activité mentale. Dans ce fait nous retrouvons encore une analogie frappante avec ce qui se passe dans la production de l'hypnotisme qui, comme chacun sait peut résulter soit dune fascination visuelle, soit d'une suggestion verbale.

Ces violations involontaires de la liberté morale sont dans la vie courante, des faits beaucoup plus fréquents qu'on ne le suppose ordinairement. El je n'hésite pas à dire que la prédisposition que présentent tant d'individus à se laisser inlimider par autrui, est une des causes principales de l'inégalité entre les hommes. L'étude de la timidité, envisagée comme fait sociologique, peut seule expliquer pourquoi beaucoup d'esprits doués des plus belles

facultés morales et intellectuelles, restent confinés dans des situations inférieures, alors que des individus médiocres, mais inaccessibles à l'intimidation, s'élèvent aux plus hauts degrés de la hiérarchie sociale.

De même que dans nos cliniques d'hypnologie et de psychothérapie les procédés d'hypnotisation ne provoquent pas des effets identiques chez tous les sujets, de même les timides réagissent d'une façon différente sous l'influence de causes identiques. C'est que les aptitudes individuelles à se défendre contre les influences psychologiques extérieures sont très inégales. Chez les uns, les états d'intimidation sont superficiels, révèlent un caractère passager et celui qui les a ressentis s'en émancipe avec une extrême facilité. D'autres, au contraire, en subissent la tyrannie lant qu'ils restent en présence de celui qui les iulimide. Ils ne parviennent pas à se déshypnoliser eux-mêmes et demeurent dans l'état d'intimidalion tanl que la personne étrangère n'a pas pris soin de les rassurer, de les familiariser avec elle, nous sommes lentes de dire, de les déshypnoliser. Enfin, chez certains sujets, la timidité semble affec ter le passage à l'état chronique. Ces timides vivent dans la crainte permanente de subir l'influence d'aulrui, et pour l'éviter se placent dans les conditions les plus défavorables à leur évolution normale. Il convient donc de ne pas confondre tous les états d'intimidation sous le nom trop général de timidité; c'est pourquoi nous avons établi des catégories entre les diverses timidités. Xous envisagerons donc successivement les timidités normales et les timidités pathologiques.

*

II. — Les tluidités normales.

Le caractère fondamental des timidités normales, qu'on pour-rail aussi appeler accidentelles, c'est qu'elles ne se manifestent que dans des circonstances capables de les justifier et même de les légitimer.

Telles sont les situations, assez fréquentes dans l'existence, où l'on doit subir un examen, se soumettre aux épreuves d'un concours, débuter dans une carrière, prendre la parole devant un auditoire dont la bienveillance n'est pas assurée, être présenté à des personnes dont dépend votre avenir, se rendre à une audience accordée par une personnalité à laquelle, à tort ou à raison, on attribue un certain prestige.

Dans les cas que je viens d'énumérer. l'exagération momentanée des phénomènes d'émotivité peut être expliquée par les effets

dune éducation incomplète ou défectueuse. Chez beaucoup d'hommes, la disposition à la vénération a élé trop cultivée. Dès l'enfance, on leur a inculqué l'idée qu'il y a des hommes extraordinaires par leur puissance, par leur richesse, par leur supériorité intellectuelle. Tout concourt à entretenir cette notion et en particulier les marques de respect extérieur dont certains personnages sont entourés, la mise en scène qui accompagne leur apparition, le costume plus ou moins solennel dont ils sont revêtus. C'est surtout à l'égard de la richesse que se manifeste cette admiration. La plupart des hommes sont pénétrés d'un profond sentiment de respect à l'idée d'être mis en présence d'un millionnaire, d'un homme dont on vante l'étendue de la fortune.

Certaines fonctions sont entourées du même prestige. II n'est pas douteux que pour les catholiques, un archevêque, un cardinal et surtout le pape sont des personnages fort intimidants. Il en était de môme autrefois à l'égard des gens pourvus de titres nobiliaires. II n'y a pas longtemps encore, un médecin praticien se trouvait for! impressionné à l'idée de se rencontrer en consultation avec un des princes de la science; actuellement l'influence qui mtimide se dégage surtout des tribunes, des orateurs célèbres el des hommes investis de hautes fonctions publiques. Dans la majeure partie des cas. elle dépend évidemment plus de la situation occupée que de l'bomme lui-même, puisqu'elle disparait avec la fonction.

D'un magistrat ignorant, ; C'est la robe qu'on salue, t'f

11 n'y a rien de bien étonnant à ce que, lorsqu'ils se trouvent en présence de hautes personnalités, un grand nombre d'hommes ressentent les effets de l'intimidation. L'admiralion place l'esprit dans un état d'attente essentiellement favorable à la production de l'hypnose. Un homme plongé dans l'étal admiratif est par cela même, déjà quelque peu fasciné. Tous les sujets hypnotisables, et Us sont légion, auxquels on offrira un puissant motif à admiration, à vénération, à adoration seront exposés à une intimidation fort explicable.

La timidité accidentelle témoigne d'un caractère mal exercé, d'un défaut d'expérience, d'une volonté peu cultivée, elle ne constitue pas en soi un état névropathique. On n'est pas un malade parce qu'on manque de présence d'esprit. Bien loin de là, !a timidité, envisagée dans son sens le plus général, peut être considérée comme

(1) L'une portant des reliques 'La Fontaine).

un phénomène normal. Elle est la manifestation d'un esprit de subordination s'inclinanl devant l'autorité légitime de parents, de maîtres, de supérieurs et de personnes douées d'autorité ou de prestige.

Tout être jeune et inexpérimenté doit, jusqu'à un certain degré, présenter de la timidité. C'est une qualité de la jeunesse. Elle tempère utilement les dispositions à la présomption, à la trop grande confiance en soi et même à l'impulsion. Elle se concilie avec le désir de se perfectionner et de s'instruire et constitue une sorte de discrétion, de retenue naturelle dont une éducalion raisonnable est appelée à tirer les meilleurs résultats.

Tous Les hommes bien élevés reconnaissent que dans leur enfance, dans leur adolescence et également au début de l'âge mûr» ils avaient des : impositions à la timidité. Ils hésitaient à faire une démarche, à rendre "ne visite, à adresser une requête, à demander un service, à imposer leur présence à quelqu'un et ils se laissaient facilement intimider par la présence d'inconnus. Cette timidilé naturelle à l'égard des personnes avec lesquelles ils n'étaient pas familiarisés disparaissait quand on les mettait à leur aise et qu'on les accueillait avec bienveillance.

L'homme qui évolue normalement, à partir d'un certain âge doit cesser d'être timide. Il prend de l'assurance, acquiert du sang-froid et prend possession de lui-même. Il arrive à se rendre un compte assez exact de sa valeur personnelle, de ses aptitudes, de ses compétences et de son autorité.

La disparition de la timidilé s'opère graduellement. Dans un certain nombre de cas elle s'opère d'une façon soudaine, sous l'influence en quelque sorte, d'une influence éducatrice, à l'occasion d'un événement d'une circonstance fortuite, imposant à l'homme la manifestation de sa valeur personnelle.

Mais il est parfois nécessaire d'en favoriser la disparition par l'intervention d'un traitement psychologique ayant pour but l'éducation du caractère.

Beaucoup de timides viennent d'eux-mêmes recourir à la psychothérapie méthodique. Ils ne se considèrent pas comme des malades. Us demandent simplement au traitement psychologique de les mettre à l'abri de ces états d'intimidation dont ils éprouvent les plus sérieux inconvénient, surtout au point de vue professionnel.

Après avoir constaté que ces sujets sont très hypnotisables. nous arrivons assez facilement, par quelques exercices appropries, exécutés dans létal d'hypnotisme à limiter les effets ennuyeux

d'une suggestibilité exagérée. Il convient de cultiver et de développer en eux les éléments d'une volonté ferme et d'un caractère assuré. En un mot. nous devons nous appliquer à réaliser chez le timide, l'éducation de la présence desprit.

Après avoir disparu pendant assez longtemps, il peut arriver que la timidité réapparaisse de nouveau. Ces récidives s'observent à la suite de maladies toxiques, au cours de la neurasthénie, ou consécutivement à des chocs physiques ou moraux. Dans ces cas, dont le caractère accidentel apparaît nettement, le traitement psychothérapique retrouve son efficacité antérieure, comme nous l'avons maintes fois constaté.

{à suture).

psychothérapie et hypnotisme

Critique du livre de M. le professeur Dubois, (de Berne), sur « les Psychonévroses ».

par M. le Dr BOXJOER, de Lausanne (Suisse).

L'hypnotisme, en Suisse, n'a pas encore obtenu les faveurs officielles du monde médical ; nous croyons avoir contribué pour une assez grande part, à lui faire prendre racine dans un milieu où le libre-arbitre joue un grand rôle dans la vie morale, et nous avons acquis la confiance de bon nombre de nos confrères. Il est incontestable que la majorité des médecins n'ont jamais lu un des livres de Liébeault, Durand de Gros, Bern-heim, Azam, Beaunis ou Braid, sur l'influence de l'esprit sur le corps; nous en donnerons quelques preuves caractéristiques pour démontrer que l'hypnotisme est mal connu ou interprété. Le livre de M. Dubois sur les psychonévroses nous en fournit la plus belle occasion.

Depuis quelques années, il semblait que les préjugés s'atténuaient, que les résultats obtenus par les hypnotiseurs commençaient à être reconnus : et, si l'on peut juger d'une méthode par le nombre de ceux qui la pratiquent, on aurait pu croire que l'acceptation tacite de l'hypnotisme était chose à peu près faite.

Cependant, parfois, M. le professeur Dubois (de Berne}, critiquait à sa façon l'hypnotisme et les hypnotiseurs dans le « Correspondant pour les Médecins Suisses « ; et les autres confrères, ceux qui guérissent par des remèdes suggestifs, n'étaient pas mieux traités. Le médecin bernois a fait paraître son livre sur les « psychonévroses » et dans la seconde édition, il prétend n'avoir reçu que des paroles favorables à sa thèse et à ses opinions. Cela rappelle le procédé qu'il emploie dans son livre où il ne cite que des succès, succès dont s'est étonné ouvertement le Dr Châtelain, l'aliéniste si connu de la Suisse Romande.

La lecture de ce livre, qui, dans la pensée de son auteur, doit être une pierre fondamentale de la psychothérapie, a évoqué en nous quelques idées, qui, nous en sommes persuadés, seront partagées par beaucoup de médecins- Quand on a lu ce livre, on a l'impression d'un kaléidoscope dans lequel domine une image, celle de la a psychothérapie rationnelle » et c'est tout. Le livre fourmille de pensées superficielles et d'exposés à peine achevés sur une foule de questions. Le lecteur qui désire s'orienter dans la question des « psychonévroses », se retrouve constamment devant les mots de nervosité, neurasthénie, hystérie, hypocondrie, dépression périodique, accès maniaques.

On ne sait pas si le neurasthénique, l'hypocondre et ces malades avec crises maniaques sont des psychonévrosés ou des vésaniques ; tout cela manque de clarté et Ton sent que la psychiatrie n'est pas familière à son auteur.

Nous n'en voulons fournir que quelques preuves.

Page 3ï$9, M. Dubois dit : « Loin de moi de nier que des excès sexuels ou l'onanisme restent sans influence sur la santé. Rien ne débilite l'organisme comme la répétition de celte crise nerceuse. Un état neurasthénique succède à cet orage : omne animai -post coîtum triste ». M. Dubois confond ici les excès sexuels avec la fonction sexuelle même, et chacun comprendra, comme nous, que l'auteur traite le coit de crise nerveuse produisant un état neurasthénique. C'est bien là sa pensée comme nous la retrouverons bientôt, dans d'autres phrases, clairement exprimée. Ainsi toute fatigue est anormale, pathologique. On le voit, l'auteur confond déjà le normal avec le pathologique, comme il confond souvent les névroses avec les vésanies. A la page 393, nous remarquons la même faute : * Mais ce qui frappe, — écrit-il, en parlant de la femme pendant la menstruation, — c'est l'état psychique et l'on voit apparaître, môme chez

les femmes robustes, les stigmates mentaux des psychonévroses...........

La femme normale est déjà pendant la durée de cette fonction une psy-chonécrosèe. »

Tout est matière à psychonévrose. Toute fonction normale produit des états anormaux ! Alors le sommeil de l'animal qui digère est aussi un état neurasthénique ? Nous notons à la page 203 encore une confusion du normal avec le pathologique à propos de la contagion hystérique. M. Dubois appelle hystériques des enfants qui présentent des phénomènes normaux de suggestion et d'imitation. On sent une fois de plus {ce que nous verrons plus tard) son erreur de vouloir absolument que la suggestibilité et l'imitation soient des propriétés mauvaises du cerveau, alors que sans elles la vie sociale serait impossible. Dans tout le livre nous pourrions relever de ces inexactitudes et le lecteur qui aura un plus grand besoin de lucidité dans la classification et un plus grand souci de la réalité, ne sait plus ce qui est psychonévrosc et ce qui ne l'est pas.

On appelait tous les névropathes des hystériques, on les appelle maintenant des neurasthéniques et si le mot de M. Dubois fait fortune, tous les névropathes non seulement, mais tous les gens normaux seront des

psychonévrosés. Il n'y aura qu'un mot de changé ! Nous n'en serons pas plus avancés !

Page 507: a Mme W..., souffre d'un élat neurasthénique à forme mélancolique auquel s'ajoutent par périodes, quelques symptômes hystériques». Est-ce un cas d'hystérie, de neurasthénie ou de mélancolie simple ? Quand on a fini de lire l'histoire de ce cas on ne peut diagnostiquer que l'hystérie.

Page 522, parlant d'un jeune homme de 17 ans qui paraissait bien doué sous tous les rapports, il écrit : « Il fut pris de maux de tète, d'insomnies ; le moindre travail amenait la confusion d'idées et les études durent être interrompues ».

¦ «L'état me parut d'abord très inquiétant, car le mulade semblait avoir une mentalité un peu puérile et une fatuité dépassant les bornes. Dans un style amphigourique il écrivait ses pensées sur l'amour. Ces élucubrations me faisaient craindre le développement d'une démence précoce. »

On se demande comment il peut venir à l'idée de croire ce jeune homme, bien développé sous tous les rapports, atteint de démence précoce au début parce que l'insomnie a produit quelques phénomènes d'irritation qui ne ressemblent en rien aux symptômes du début de la démence précoce.

Les livres 13 et 14 sont caractéristiques de ce que nous avançons. Page 201 : « Sans doute on retrouve chez l'hystérique les mêmes particularités mentales que chez les autres névrosés.... : on peut dire qu'ils sont tous neurasthéniques ». Alors si tous les névrosés se ressemblent et si tous les hystériques sont des neurasthéniques, pourquoi déjà ces deux mots pour désigner les mêmes choses ? Et quand on se rappelle que dans une leçon précédente M. Dubois a protesté contre l'emploi du mot neurasthénie qui sert à dénommer une foule de vésaniques, on voit qu'il tombe dans le même défaut qu'il reproche aux autres. Nous en avons la preuve une fois de plus à la page 210 : « Il est inutile de s'efforcer de donner à l'hystérie le caractère d'une entité morbide, de la sépa. rer artificiellement de la neurasthénie avec laquelle elle est presque toujours continue. On retrouvera souvent aussi chez ces malades des symptômes évidents d'hypocondrie et de mélancolie ».

On le voit, nous n'avons rien avancé de trop ! Hypocondrie, mélancolie, hystérie, neurasthénie, se ressemblent et se confondent ! Les malades de M. Dubois sont atteints de trois ou quatre maladies à la fois ! Or il est bien évident que la dépression de l'hystérique ou du neurasthénique n'est pas de la mélancolie et que le mélancolique, le vrai, n'est pas déprimé à la façon de l'hypocondre ou de l'hystérique ; de même Vagitation de 1 hystérique diffère de celle du maniaque. Alors pourquoi appeler symptômes d'hypocondrie des symptômes qui ne sont pas essentiellement différents de ceux de l'hystérie et pourquoi dire d'une hystérique agitée qu'elle présente des crises maniaques, puisque l'agitation et le langage du maniaque diffèrent essentiellement

de ceux de l'hystérique ? C'est à douter de la richesse de la langue et de la concision des sciences !.

Avant de terminer ce travail, nous avons voulu chercher dans plusieurs livres sur l'hypnotisme des exemples de guérison à opposer à M. Dubois (nous ne les citerons pas pour ne pas allonger cette critique) et nous avons trouvé quelques paragraphes dans la quatrième édition du Prof. Forel sur l'hypnotisme que nous n'hésitons pas à traduire, pour les intercaler à cette place, puisqu'ils sont adressés directement à M. Dubois.

« Depuis que la suggestion a été quelque peu reconnue par la médecine, des symptômes particuliers se sont fait jour dans la critique. Le médecin ainsi que l'étudiant entendent parler beaucoup de la suggestion et lisent parfois quelque chose là-dessus. Ceux qui émettent des opinions sur ce sujet possèdent rarement une expérience réelle. »

C'est de ce parler superficiel qu'est sorti une sorte d'axiome officieL, émis avec une arrogance autoritaire qui dit : La suggestion à l'état de veille, la psychothérapie, c'est une question vraie et importante que chaque médecin doit connaître et, qu'à proprement parler, il a possédé de tout temps par intuition, mais l'hypnotisme, c'est quelque chose de tout autre, de suspect, c'est de la charlatanerie, ou du moins cela lui ressemble ; c'est mauvais, c'est dangereux ! »

« Ce langage est tout à fait comique pour celui qui connaît la suggestion. Il faut réellement un esprit très superficiel et une curieuse myopie psychologique pour faire d'une seule branche deux disciplines. Car en fin de compte, pour juger de la nature de la psychothérapie, il ne s'agit pas de savoir si l'on suggère un peu plus ou un peu moins de sommeil. Celui qui est traité par la psychothérapie se trouve sous une influence suggestive ; par conséquent son dynamisme cérébral est employé comme une source d'énergie pour dissocier tous les troubles qui dépendent plus ou moins de son cerveau d'une façon directe ou indirecte. Quant à demander si cela est de l'hypnose ou de la psychothérapie, c'est chercher une querelle de mots. »

Le Dr Dubois, de Berne, a fait un superbe épanchement scientifique de ce genre dans le Corresp. Bl. fur schweizer Mrztt (l'r fév. 1900). Le Dr Rihgier lui a répondu d'une façon exacte en lui prouvant que les médecins hypnotiseurs font et enseignent justement ce qu'il s'imagine leur apprendre avec force reproches.

« Nous ne nions pas qu'il y a des charlatans qui hypnotisent et des hypnotiseurs qui emploient la suggestion sans esprit, d'une façon mécanique et sans individualiser : on trouve les mêmes imperfections dans tous les domaines de la médecine et c'est une calomnie basse et indigne de les attribuer à la méthode tout entière et de le faire en s'appuyant sur des finesses, sur l'origine du mot suggestion ou sur des suspicions générales (Allgemeine Verdœchtigungen) comme le fait M. Dubois, au lieu d'en rendre responsables seulement les personnes en faute. »

c-Que l'on prenne garde de ne pas lancer de tous côtés des expressions générales psychologiques ou psychopathologiques, telles que : « volonté, nervosité, neurasthénie, psychique » comme le font M. Dubois et bien d'autres. Par exemple, voici une phrase de M. Dubois : « La nervosité dans laquelle se rangent l'hystérie, la neurasthénie et toutes les formes mixtes qui s'y rattachent est une maladie psychique, un état d'âme. » (!) Donc, tout dans le même paquet bien commode, que ce soit un cas incurable d'hypocondrie ou un cas facilement curable et tout cela, un état d'âme ! Punctum !

t-Il faut analyser et individualiser très exactement, pour découvrir quel trouble fondamental se cache derrière les symptômes neuropathologiques et rechercher si c'est la dissociation de l'hystérie, l'obsession hypocondriaque, le terrain épileptique, une psychose ou môme un mal organique cérébral : il faut rechercher ce qui est acquis et ce qui est héréditaire et quel rôle joue l'épuisement des centres nerveux, etc. ? »

Mais nous ne voulons pas ajouter d'autres preuves à ce que nous avons dit : les lecteurs et surtout les psychiatres auront été frappés comme nous de toutes les inexactitudes et si nous avons tenu à les relever, c'est qu'elles ajouteront leur poids à celles que nous rencontrerons en parlant du sujet principal de ce travail, c'est-à-dire des idées do M. Dubois sur la suggestion hypnotique. Mais avant d'y arriver, il nous faut parler encore un peu de sa philosophie, car elle joue un grand rôle dans sa psychothérapie. Est-ce juste ? Nous en doutons profondément. Nous croyons que le médecin ne doit pas plus employer la philosophie que la religion dans le traitement des malades. Ce sont des armes intimes qui ne doivent se faire sentir que dans la vie du médecin et dans sa façon d'agir et d'être avec ses malades, mais pas dans ses conversations avec eux. Rien ne rappelle plus le « Thaumaturge », comme dit M. Dubois, que cette ingérence philosophique. Pour s'en servir, il faudrait être sûr de l'absolu de façon que chacun en fut convaincu !

Mais nous savons combien sur ce terrain la certitude varie selon les sentiments et M. Dubois omet d'en tenir compte. Il fait l'apologie du déterminisme et critique les arguments de deux spiritualistes contre le déterminisme, MM. Naville et Flournoy, puis les réfute ou croit les réfuter. Or, croire qu'on a détruit les objections faites au déterminisme et à la morale scientifique, en citant seulement les critiques de deux spiritualistes éminents, voilà- un procédé qui n'épuise pas la critique, celle qu'on est en droit d'exiger, quand on a la prétention de vouloir baser la psychothérapie sur ia philosophie et la psychologie. Il faudrait pourtant savoir si les déterministes sont tellement d'accord ? N'est-ce pas, cette curiosité parait naturelle? Elle ne l'est pas à M. Dubois qui ne renseigne pas son lecteur sur ce point. Par exemple, l'opinion de M. Fouillée, un déterministe convaincu, l'auteur du livre sur le « Déterminisme » serait bonne en l'occurrence. Je choisis les quelques mots

suivants dans une de ses études sur « la science des mœurs remplace-ra-t-elle la morale ? »

*Tout en niant l'existence intrinsèque et la valeur objective de la moralité, ses négateurs veulent en conserver les avantages sociaux.... Ainsi, les sociologues, dans le même moment qu'ils nient la valeur rationnelle de la morale sont obligés de la reconnaître... Avec une admirable sincérité M. Lévy-Bruhl finit par se dire : v II y a pourtant des

questions d- conscience : au nom de quel principe les résoudre ? *.....

Et il répond : « 8e contenter des solutions approximatives et provisoires, à défaut d'autres. » — Mais, poursuit M. Fouillée, quand je suis placé entre le devoir et la mort il ne s'agit pas de solution approximative. Je ne puis vivre approximativement et si je meurs, ce n'est pas provisoirement.... »

« Le contenu particulier et concret de l'idéal moral c-tsans doute toujours relatif à un état donné de la société; mais l'idéal moral, par son universalité, et surtout par son caractère souverainement impératif selon Kant, souverainement persuasif scion nous, dépasse ie contenu actuel de nos idées pratiques,de nos maximes sociales,de notre structure sociale...»

Evolutionnisme comme positivisme est un mot vague.... * On ne détruit que ce'qu'on remplace »,disait Comte avec profondeur. Le positivisme n'ayant vraiment remplacé la morale ni par la sociologie, ni par la biologie n'a pas détruit la morale ».

Voilà qui est clair, nous semble-t-il, et qui répond à la morale cvolu-tionnistc et provisoire de M. Dubois. Le vieux conflit persiste et il sera éternel. Il y aura toujours « l'Inconnaissable n pour les uns, et le « Con-naissable » pour les autres. C'est affaire de sentiment.

Mais alors, si pour devenir psychothérapeute, nous devons condescendre k la philosophie hieckelienne, périsse la psychothérapie, et retournons aux dogmes religieux dont nous voyions la science se dépouiller avec satisfaction, retournons à eux, car quoi qu'en dise M. Dubois, ils ont prouvé par leurs effets pratiques, la supériorité de leur \raleur interne !

Et c'est ce qui nous surprend dans ce livre qui prétend enseigner la logique en p.-ychothérapie, c'est de le voir entaché d'une philosophie et d'une science si dogmatiques, d'une psychologie si souvent erronée et d'une logique si faite de contradicions, de paralogismcs, de pétitions de principe et même de sophismes !

Nous avions espéré ne pas retrouver dans ce livre les expressions puériles dont M. Dubois n'a cessé de qualifier ses confrères hialogistes ou hypnotiseurs dans tous ses écrits du Correspondant et de la Revue de Médecine. Mais c'était trop attendre de Berne et nous espérons que nos aimables confrères de France se soucieront, aussi peu que nous, d'être classés parmi les « chimiàtres. les thaumaturges et les charlatans ».

»

M. Dubois a rouvert une enquête bien inutile, car toutes les questions dont il parle ont été résolues par Bernheim, Liégeois, Beaunis, Durand

de Gros, Porel, Vogt et dernièrement par Lôwenfeld dans son livre sur la psychothérapie (1897).

M. Dubois donne la définition de la suggestion telle qu'elle est contenue dans un dictionnaire et s'appuie sur des définitions de Marmontel et de Guizot pour démontrer que le mot suggérer est toujours pris en mauvaise part : puis il cherche à démontrer que la suggestion est ainsi comprise par les hypnotiseurs puisque deux d'entre eux ont écrit : « Le cerveau doit être pris par surprise » (Forel) et : « Je distingue lasuggcs-tion qui entre pour ainsi dire par la porte de derrière, de la conviction logique qui passe par la porte principale » (Bechterew). Par conséquent, continue M. Dubois, la suggestibilité qui est mise en action par la suggestion est une mauvaise propriété du cerveau, donc l'hypnotisme est mauvais. Voilà son syllogisme qui constitue une véritable pétition de principe-Mais M*. Dubois ne reste pas conséquent avec lui-même car il écrit : « La raison est le crible qui arrête les suggestions malsaines et ne laisse passer que celles qui nous mènent sur la voie du vrai, (p. 135). « Si utile que puisse être le résultat final, le mécanisme mental a été faussé par lu Suggestion et la déterminaison est plus ou moins anormale. Quoi de plus absurde que de s'endormir en plein jour en cédant bêtement à l'injonction d'un hypnotiseur ?» Puis page 489 : « J'ai déjà dit qu'on ne peut pas toujours éviter cette dernière (la suggestion) et que je suis parfois obligé de capter un peu artificiellement la confiance du malade. Mais dans ce cas, je ne suis pas pleinement satisfait de mon œuvre, même si le résultat est obtenu ». Et encore, page 492:« Tout traitement exerce une influence suggestive ; il est impossible d'éliminer ce facteur ».

Donc la suggestion qui était une insinuation mauvaise, mène parfois sur la voie du vrai et la raison laisse passer les suggestions qui conduisent à ce bon but. Il y a donc de bonnes sufroestions. Mais alors nous ne comprenons plus pourquoi ces bonnes suggestions peuvent fausser le mécanisme mental et Al. Dubois oublie de dire pourquoi ;3 est obligé de capter artificiellement l'esprit de son malade !

On le voit, nous n'avons rien avancé de trop en affirmant que la logique de l'auteur ne peut nous contenter. M. Dubois se donne tort â lui-même car il avoue ne pouvoir faire de la psychothérapie sans capter parfois l'esprit du malade. C'est donc un aveu d'impuissance plus grand qu'il ne le veut laisser admettre et s'il avait réuni ces cas-là dans la statistique de ses guérisons et de ses insuccès, cet aveu serait d'une importance plus considérable encore.

M. Dubois est pénétré de l'idée que la psychothérapie doit être faite en se servant de la conviction logique seule. U le redit en de nombreux endroits. Puis pourtant, il accorde qu'il est impossible de ne pas agir sur la suggestibilité du malade, et enfin, dans un numéro du Correspondant (Correspond. Bl. fur Sehweizer Aerzte) il écrit: « L'homme ne devrait être accessible qu'aux suggestions raisonnables, il doit lutter contre les influences qui le rendent esclave. »

Il rend simplement les armes et nous pourrions nous contenter de ce nouvel aveu contradictoire. A moins que il. Dubois ne joue avec les mots et que la r suggestion » qui était une insinuation mauvaise soit devenue une raison salutaire, à moins que la suggestibilité ne soit plus cette propriété mauvaise du cerveau qui fait prendre des vessies pour des lanternes, et quelle puisse servir à autre chose.

ifais M. Dubois, ne l'oublions pas, a écrit son livre contre l'hypnotisme qui est un « agent mauvais » — « provoquant le déséquilibre mental » et contre les hypnotiseurs « qui sont des successeurs de Mesmer », « agissant- par des voies détournées » et dont les malades s'endorment « bêtement en plein jour ».

Il n'y a aucun doute; un auteur qui écrit de pareilles expressions doit avoir un tel sens de la vérité qu'il n'emploiera jamais de « voie détournée » et qu'il « n'imposera jamais sa volonté » à ses malades. Or il. Dubois écrit à propos de sa cure de la constipation : « Affirmez gu'on arrive toujours par ce dressage intelligent. Si vous avez déjà des succès h votre actif, décrivez-les avec une éloquence convaincante. »

On voudrait savoir aussi ce qu'il faut dire au malade qui ne guérit pas ? Il est vrai, il. Dubois n'a jamais d'insuccès dans ces cas-là.

Rappelons-nous donc que, même quand on a quelque insuccès, il faut toujours affirmer qu'on guérit, et souvenons-nous que cela ne s'appelle pas, ni suggérer par des voies détournées, ni imposer sa volonté ! Avions-nous tort de parler de sophismes ?

M. Dubois tonne contre la suggestion hypnotique et pourtant écrit à propos de l'incontinence nocturne, page 382 : « C'est là un des cas exceptionnels où je ne craindrais pas de recourir à l'hypnose, quoique la tenue de thaumaturge qu'il faut prendre me répugne au point de me mettre la rougeur aux joues quand je me décide à l'employer. » ( !)

Comprendra qui pourra ! il. Dubois rougit d'employer dans ces ¦cas la voie détournée dont il ne rougit pas quand il s'en sert pour affirmer toujours la guérison à un constipé, puis il ne fait pas comprendre pourquoi la suggestion hypnotique est bonne chez ces enfants et funeste chez des adultes ?

On le voit, c'est toujours le même système dogmatique car il faut que la suggestion hypnotique soit mauvaise !

il. Dubois a été électrothérapeute émérite qui, comme d'autres, a cru aux vertus des courants électriques ; une visite chez Bernheim lui a ouvert les yeux et il a commencé de s'occuper d'hypnotisme thérapeutique. Mais ses résultats furent minimes et Bernheim à qui il en demandait la cause lui répondit : « Vous ne réussissez pas parce que vous ne croyez pas à ce que vous faites. » (Corresp. Bl.). Jugeant alors que l'hypnotisme ne valait rien, il se mit à pratiquer la « suggestion rationnelle », la psychothérapie par a Ja conviction logique t et comme il réussissait avec ce procédé, il le déclara supérieur à celui de Bernheim.

Relisez son livre '. >"e sentez-vous pas cette conviction à chaque page ? Nous pouvons donc affirmer que si if. Dubois a mieux réussi avec la conviction logique qu'avec la suggestion hypnotique c'est parce qu'il crut de bonne heure à sa méthode. Il peut affirmer qu'il guérit par le raisonnement mais nous sentons qu'il agit par sa conviction sur la suggestibilité comme un guérisseur » sur ses malades, et que ceux-ci sont plus emportés par leur croyance en lui que par la force de ses raisonnements.

La majorité des médecins est toute préparée à le croire et à ?e laisser convaincre par l'exagération de son dogmatisme, il. Dubois a une confiance vaine dans la force de la raison, tandis que c'est le sentiment qui dirige le troupeau humain et quel sentiment ! Je lui ferai la corde longue et je lui dirai même qu'au point de vue théorique, il a raison, puisqu'il ne connaît l'hypnotisme que sous "*e angle et je le démontrerai en restant presque exclusivement sur \e terrain pratique.

il. Dubois a oublié que les mots ont des existences souvent éphémères et que la définition de la suggestion que donnent ilarmontel • t Guizot est, à vrai dire, un peu vieille pour s'adapter à la suggestion mise en évidence par l'hypnotisme. Le nouveau Larousse dit que suggérer, c'est faire pénétrer une idée dans l'esprit et nous.hypnotiseurs, nous pouvons admettre que cette définition correspond exacte* ment à la pratique et au. sens actuel de ce mot. Au surplus, il est étonnant de voir un homme qui veut combattre la suggesiion n'en pas donner des définitions modernes car il n'en manque pas : psychologues, psychiatres, hypnotiseurs, avocats renommés ont fourni la leur. Dans aucune, nous ne trouvons l'idée mauvaise, la valeur corrup-tive que il. Dubois cherche à lui donner en rappelant la définition de ilarmontel et de Guizot qui s'applique au vieux mot suggestion alors synonyme d'insinuation. Mais il répond : « D'autres hypnotiseurs, (dans sa pensée, les emballés), ne savent pas voir que si la suggestion et la persuasion sont identiques dans leur action, ouand on entend par là que toutes deux inculquent des idées, elles sont aux deux bouts de la même chaîne, puisque l'une s'adresse à la foi aveugle, Vautre au raisonnement logique affiné. »

Pour parler ainsi, il faudrait être sûr de ne guérir que par le raisonnement : cela est impossible et il. Dubois le concède en disant qu'on ne peut écarter l'action de la suggestibilité. En outre, il dit souvent que des malades viennent ohez lui « très bien préparés » par la gué-rison d'une de leurs connaissances soignée par lui-même.

Du point de rue psychologique, ce très bien préparé ne peut signifier qu'une chose : ces malades-là sont confiants, ils croient d'avance au succès de l'intervention de M. Dubois. Ah ! peut-être que cette croyance n'a pas encore été réfléchie dans leur surcouscience, mais en tout cas, la conscience subliminale est touchée et le déclan-chement principal est opéré. Donc cette préparation du malade ne

s'est faite qu'aux dépens de sa suggestibilité, aux dépens de sa raison ; il s'est produit- chez lui un rétrécissement du champ de la conscience analogue à celui de l'hypnotisé, favorable au développement de ia suggestion.

(à suivre)

société d'hypnologie et de psychologie

Séance du 21 novembre 1905- — Présidence de M. le D* Jules Voisin'.

La dormeuse de San-Remo

par M. le D' Paul Farez professeur à l'Ecole lo psychologie.

Argentina Q... {') est née à terme, dans de bonnes conditions, en juillet 1889, aux environs de St-Raphaèl, en France. Sa mère est bien portante, ainsi que ses frères ; son père est alcoolique. C'est une enfant du peuple, jolie fille, au corps bien conformé, aux lignes harmonieuses, a'une robustesse peu commune pour son âge. Le regard est vif et animé, la santé générale excellente, les réflexes normaux, la menstruation régulière. Elle vit dans une petite pièce obscure et mal aérée, qu'elle partage avec son père, sa mère et un frère; elle couche par terre sur une vieille paillasse.

A huit ans, elle a été mordue par un chien ; on n'a jamais su si celui-ci était enragé ; toutefois, par précaution, Argentina fut menée à Marseille et soumise au traitement antirabique.

Jusqu'à douze ans, elle est bonne et affectueuse.

Au moment de sa formation, elle devient taciturne, fourbe, menteuse, égoiste. fantasque. Un beau jour, sans aucun motif, elle s'enfuit de la maison paternelle et va chez une de ses amies, où elle reste vingt-quatre heures. Ses parents, anxieux, la cherchent partout, pendant un jour et une nuit. L'ayant retrouvée auprès de cette amie, ils la ramènent chez eux.

Pour l'occuper, ils décident de lui-faire apprendre ia couture. Ils la mettent chez une couturière, avec laquelle elle ne s'entend pas : et ils la reprennent. Peu de jours après, elle s'échappe de nouveau, à demi-nue, et va à Cannes où elle entre comme ouvrière chez une repasseuse. Celle-ci lui ayant adressé quelques reproches, au sujet de son travail. Argentina s'échappe à nouveau, va à Xice et, chez le commissaire de police, dépose contre son ancienne patronne une plainte dénuée de tout fondement. Huit jours après, ses parents la retrouvent à St-Raphaël et

(1; Les éléments essentiels de cette observation m'ont été très aimablement fournis par MM. les D" Bernard (de Cannes;. Bobone et Roggeri (de San-Remo), auxquels j'adresse mes très vifs remerciements.

la ramènent chez eux. Elle s'échappe à nouveau, passe une semaine chez un de ses oncles, qu'elle quitte un beau matin. Ses parents la rencontrent dans un bois, errantjà l'aventure.

Sa mère lui ayant demandé la raison de cette dernière fugue, Argen-lina répond : a Une femme m'a dit de m'en aller de chez mon oncle, sans cela j'aurais été changée en singe ou en hérisson. Je ne veux plus aller à St-Raphaël parce que j'ai peur, n

A cet état mental (lequel comporte, on vient de le voir, des phénomènes de confusion et d'hallucination) se surajoutent des phénomènes dysesthésiques et des troubles vaso-moteurs : elle accuse des points douloureux danstout le corps, surtout une douleurtrès vive dans l'hypo-condre droit ; elle éprouve, en outre, au bras, une sensation de brûlure; on y constate, en effet, non seulement de l'œdème, mais aussi de la gangrène hystériques.

A la suite d'une légère discussion avec sa mère, Argenlina s'endort d'un sommeil qui dure trois jours consécutifs. Nous sommes au mois d'août 1904. Dès lors, toutes les fois qu'on lui adresse un reproche, au lieu de faire une fugue comme jadis, elle s'endort pour deux, trois, cinq et même huit jours.

En novembre 1904, sa famille retourne en Italie et se fixeàSanRemo. On met notre jeune fille en place : elle y reste huit jours. On a, sur ce point, le témoignage formel de sa mère et de ses patrons. Argentina, elle, nie avoir séjourné chez ces derniers et avoir jamais été en place. Elle n'a gardé aucun souvenir de ce qu'elle a fait pendant ces huit jours; elle les a passés en état second ; même, dans cette condition seconde, elle est infiniment plus souple et plus sociable, car ses patrons l'ont trouvée, pendant cette huitaine, bonne, douce, obéissante, mettant à profit les remontrances.

Peut-être les fugues précédentes ont-elles eu lieu, elles aussi, dans la condition seconde ; mais la démonstration n'en a pas été faite.

Quoi qu'il en soit, les attaques de sommeil reviennent de loin en loin, sans aucun rapport avec les périodes menstruelles, toujoui-s à l'occasion d'un reproche.

Lorsqu'elle est dans l'état de mal hystérique, le reproche joue le rôle de traumatisme psychique ; il est comme la goutte d'eau qui fait déborder un vase plein ; il peut être assimilé à ce minuscule travail décrochant qui suffit à mettre en branle certaines machines puissantes.

Cet état de mal hystérique est signalé par quelques phénomènes prémonitoires, tels que des crampes œsophagiennes, de l'anesthésie pharyngée et diverses zones d'anesthésie cutanée ; c'est dans ces conditions-là seulement qu'un reproche provoque l'attaque de sommeil.

Ce sommeil ne survient pas d'une manière brutale. Argentina se sent la tête lourde ; elle a conscience qu'elle va s'endormir dans la rue ; elle a le temps de s'éloigner de la foule et des voitures ; chez elle, elle choisit la place où elle va s'étendre. Une phase hallucinatoire précède parfois l'invasion du sommeil.

Un jour, après s'être réveillée, notre jeune fille raconte ceci : o Une jeune femme qui descendait du train m'a touché l'œil gauche avec son doigt et c'est ce qui m'a fait dormir. »

Pendant qu'elle dort, elle a le teint coloré comme à l'état normal ; sa respiration est calme, suivant le rythme de 18 par minute : le pouls est à 80. Ses muscles sont en résolution complète ; si l'on soulève un bras ou une jambe, ils retombent lourdement comme une masse ; toutefois, on a constaté quelques contractures partielles, principalement celle de la langue. Elle est, à ce qu'il semble, tout à fait fermée au monde extérieur ; aucun bruit ne l'atteint ; elle est complètement anesthésique ; on peut lui enfoncer des épingles dans toutes les régions du corps, sans qu'elle paraisse éprouver aucune sensation de douleur ou môme simplement de tact. Le sens thermique, lui aussi, est suspendu.

Pendant le sommeil, elle ne manifeste ni ne satisfait aucun besoin, pas plus en ce qui concerne les excréta qu'en ce qui concerne les ingesta. Parfois, elle se réveille, toutes les vingt-quatre heures environ, précisément pour satisfaire les dits besoins. D'autres fois, on n'observe aucun de ces réveils momentanés ; et, pendant toute la dui-ée de la crise, elle reste sans manger ni boire, comme sans uriner ni déféquer.

Ce sommeil ne se termine jamais d'une manière soudaine et inattendue. Le réveil complet est précédé de réveils partiels et progressifs. Ainsi, à côté de certaines régions cutanées où l'on peut, sans provoquer aucune douleur, implanter des épingles, apparaissent des zones d'hyper-esthésie. Non seulement elle entend à nouveau tout ce qu'on lui dit, mais elle présente parfois de l'hyperacousie douloureuse, au moindre bruit. Si on la chatouille, elle rit. Suivant les cas, elle répond aux interlocuteurs tantôt seulement par le langage mimique, tantôt par la parole, tantôt par l'écriture. Les diverses facultés ne se restaurent que les unes après les autres et pas toujours dans le même ordre. Tantôt, attentive à ce qu'on lui dit, elle approuve ou désapprouve par des mouvements de tête. Une autre fois, comme on lui demande d'ouvrir les yeux, elle répond : « Vous le voyez bien, j'ai beau essayer, je ne le peux pas. » Une autre fois encore, incapable de remuer la tête ou'd'articuler une parole, elle écrit. Voici deux échantillons de son écriture (au crayon). Sur le premier, on lit : Madame Klon, poste restante, Paris ; sur le second, Louis, Gras, Cauvin, ckemi fano del maie. Mme Klon est, parait-il, une personne de Paris qui lui aurait offert de la prendre comme domestique. Louis, Gras et Cauvin qui lui font du mal (comme elle l'écrit en italien) sont des individus, réels ou imaginaires, dont elle a peur et à cause desquels elle n'ose plus retournera St-Iîaphaël.

On conçoit toute l'importance de semblables révélations graphiques, faites avant le retour à la pleine veille ; elles évoquent le subconscient ; elles établissent une sorte de pont mémoriel entre l'état second qui touche à sa fin et l'état prime qui va reparaître à nouveau ; elles dévoilent l'existence d'auto-suggestions tyranniques que le sujet oublie, une fois revenu à l'état normal, mais qui président subconsciemment à la réappa-

rition des phénomènes pathologiques. Explicitement connues, elles peu vent élre réduites par un procédé psychologique et permettre ainsi une sorte de désuggestion. C'est dans cette voie que devrait être tenté, à titre préventif, le traitement véritablement étiologique de ces fugues et de ces sommeils.

Ajoutons encore ceci. En pleine crise de sommeil, Argentina est inaccessible à la suggestion, aussi bien qu'à toutes les excitations extérieures. Dans la période intermédiaire qui précède le réveil, elle devient suggestionnable. Par exemple, un jour on lui demande de tirer la langue ; elle fait signe qu'elle ne le peut pas ; en effet, la langue est contracturée. — t Eh bien, lui dit-on, je vais la tirer avec la main, hors de la bouche, et la contracture sera vaincue. » Immédiatement après, elle peut montrer la langue spontanément et la sortir autant de fois qu'on le lui demande.

, Une fois, Argentina a pu être réveillée par le massage oculaire, pratiqué à titre suggestif, dans la période prévigile. Pratiqué une autre fois pendant le plein sommeil, ce massage a échoué, comme il fallait s'y attendre, puisque, à ce moment-là, toute sensibilité était suspendue.

Lorsqu'elle se réveille, elle a, pendant quelques minutes la parole embarrassée ; elle se frotte les yeux et se sent fatiguée. A quelque heure qu'elle se réveille, elle se met à manger de bon appétit. Elle n'a conservé aucun souvenir de ce qui s'est passé pendant le sommeil.

Des voisins, ignorants et crédules, n'ont pas manqué de voir dans ces crises de sommeil un phénomène surnaturel ; le bruit a même couru que le Diable était en elle. D'autres, s'appuyant sur ce fait qu'elle s'endort à l'occasion d'un reproche ou d'une discussion, ont insinué qu'elle simulait le sommeil. En effet, la question de la simulation se pose, à propos de chaque cas analogue à celui-ci. Toutefois, si l'on veut bien se rappeler les points saillants de cette observation, ainsi que les phénomènes qui préparent, précèdent, accompagnent et suivent ces sommeils, on conclura que, de toute évidence, ce cas répond au type classique de l'attaque de sommeil hystérique.

Séance du marJi 10 décembre 1905. — Présidence de M. le D'Jules Voifix.

La séance est ouverte à 4 h. 45.

Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.

M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance, laquelle comprend, entre autres, une brochure de il. le Dr Bérillon intitulée Le Traitement psychologique de l'Alcoolisme.

il. le Tr~ Paul ilagnin, Tice-Président, adresse les très vives félicitations de la Société à son président if. le Dr Jules Voisin, à qui l'Académie des Sciences vient de décerner la moitié du Prix Lalle-mand pour ses remarquables travaux et son livre Sur VE-pilepsîe.

Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites dans l'ordre suivant :

Dr Bochaceb (de Tunis). — Pourquoi des aliénés ou demi-aliénés deviennent des marabouts et sont vénérés par les indigènes. Discussion : Dr Bérillon.

Dr Ch. Talextixo. — La psychologie de la médecine hindoue. Discussion : Dr Bérillon, IL Lionel Dauiïac.

Dr Bébillon. «— Les timidités ; les localisations fonctionnelles de l'émotîvité morbide. Discussion : MM. Paul Magnin, Yalentino, Jules "Voisin.

Dr Païlaét. — Un cas d'aphonie non hystérique guéri par la suggestion hypnotique.

Dr Félix Regxacxt. —i Définition de la suggestion. Dr Bixet-Saxglé. — Les prophètes juifs.

M. le Président met aux voix la candidature de IX. le Dr Lagrange (de Vichy) qui est élu, à l'unanimité, membre titulaire de la Société. La séance est levée à 6 h. .4-5

De l'intelligence chez la chèvre, le chat et le chien, par M. Minette, médecin-vétérinaire à Coropiègne.

Mme J..., une brave manouvrière de Margny-les-Compiègne, me narrait une histoire qui me parait véridique et digne de figurer dans les .annales de nos journaux spéciaux qui traitent parfois de l'intelligence des bêtes. Mme J..., possédait, il y a peu de temps encore, une chèvre laitière excellente ; elle fut forcée de la vendre afin de pouvoir conserver les plantes qui font l'ornement de son jardin et la gloire de leur propriétaire ; à plusieurs reprises, en effet, la chèvre vagabonde avait trouvé •le moyen d'ouvrir la porte du jardin, et, en compagnie de son rejeton, elle avait dévoré les roses en pleine floraison du parterre ; c'était un véritable désastre ! Intrigué à juste titre de cette forme nouvelle du cambriolage caprin, je demandai à Mme J..., comment la délinquante, accompagnée de son élève, — apprenti au pillage, — pouvait s'introduire dans le jardin dont la porte fermait à clef. Voici sa réponse : La chèvre, à l'aide de ses cornes introduites dans l'anneau de la clef luissée dans la serrure, trouvait le moyen de faire jouer le pêne dans le sens de l'ouverture et tirait la porte à elle pour laisser le passage libre. ¦Plusieurs fois cette manœuvre s'est renouvelée, au grand étonnement de Mme J...

Il restait à savoir si la chèvre, une fois son acte de vandalisme, accompli, se serait retirée en refermant la porte, qu'elle ouvrait avec agilité et intelligence. Mais sa propriétaire l'ayant surprise en flagrant délit, ne lui avait pas donné le temps de la réflexion pour opérer sa retraite en bon ordre elle la reconduisait à l'étable avec toutes sortes d'imprécations méritées.

Une autre fois, Mme J..., entendit du bruit dans sa cave, où elle avait

remisé un stock de racines de rhubarbe ; elle se rendit vers cette partie de son habitation, dans la certitude que la porte d'accès à la cave était fermée à clef et qu'un étranger sans doute s'était introduit dans la cave pour voler. Mais quelle ne fut pas sa surprise de trouver sa chèvre en train de dévorer à belles dents les légumes mis en réserve. Parle même procédé que celui relaté ci-dessus, la chèvre avait tourné la clef à l'aide d'une de ses cornes et ouvert la porte de la cave sans plus de gène qu'un habile cambrioleur. Cette double relation prouve une fois de plus que l'intelligence chez certains petits animaux domestiques, s'accuse d'une façon tangible dans l'accomplissement de ces actes qui ne sauraient être mis sur le compte de l'instinct ; car, pour ouvrir une porte fermée à clef, il faut à l'animal une faculté intellectuelle qui le guide dans le moyen à mettre en usage pour son exécution. Aussi, cette double preuve de la faculté intellectuelle de la chèvre de Mme J..., m'a paru mériter les honneurs de la publicité,

M. D..., débitant à Margny-les-Compiègne, est possesseur d'un jeune chat âgé de quatre mois, répondant au nom de Kiki, lequel présente des signes intellectuels rares, qu'il m'a été agréable de contrôler expérimentalement, lors d'une visite dans l'établissement de son propriétaire. Le jeune sujet placé dans un angle de la pièce, sur la tablette de la cheminée, se tient en position assise comme les chiens dressés à cet exercice, il obéit au commandement de son maître pour cesser sa faction. Il a exécuté ensuite plusieurs sauts dans le cercle formé par la réunion des mains de son professeur et. toujours au commandement de ce dernier. L'obéissance de ce jeune animal est un phénomène réfléchi, qui nécessite de la part de son auteur une faculté intellectuelle native qui ne se rencontre pas toujours chez ses congénères ; car le chat est, de son naturel, plus réfractaire que son ami, le chien, au dressage, en ces sortes de sport. Aussi je me promets de suivre de près l'éducation de ce prodige, car je dois lui pratiquer dans une quinzaine de jours, la castration, afin de le rendre plus familier et plus sédentaire dans la maison de ses maîtres qui lui ont voué une affection sans bornes, n'ayant pas d'enfant qui pût en profiter.

Ma petite chienne Myrza, qui a déjà fait l'objet d'une notice antérieure sur son action de rire ou de faire la négresse, à mon commandement, vient d'ajouter àson actif un trait d'intelligence peu banal. Ellea l'habitude de jouer avec son ami Frifrl, un jeune chat angora ; ils jouent souvent à la corde en tirant chacun de son côté, mais la victoire reste toujours à la chienne. Lorsque je lui dis : va chercher la corde placée dans un panier sur le tapis de mon bureau, pour jouer avec Frifri, aussitôt elle accomplit sa mission avec aisance, sans plus tarder. II est incontestable que les fonctions intellectuelles sont plus développées chez les petits animaux de l'espèce canine que chez aucun animal d'une autre espèce ; j'en ai eu maintes fois la preuve la plus tangible il ne leur manque que la parole pour exprimer leur pensée de charmantes petites bêtes.

Les exemples de l'intelligence chez les animaux de l'espèce canine ne

sont pas rares à observer ; c'est surtout la race des caniches qui fourmille de sujets qui font l'étonnement des spectateurs. J'ai connu plusieurs chiens qui remplissaient le rôle de commissionnaires d'une manière ravissante. Un entre cent allait chercher un paquet de tabac ou du tabac à priser dans la tabatière de son maitre, dans laquelle on avait déposé l'argent destiné à cette acquisition ; un autre allait chez le dépositaire du Petit Journal chercher un exemplaire quotidien ; il n'y a jamais eu d'erreur de lieu pour l'exécution de ce talent de société. Les facultés intellectuelles sont assurément remarquables chez de semblables commissionnaires à quatre pattes ?

Etcombienestintéressantle geste du chien couché auprès de son maitre endormi, qui attrape au vol les mouches et les insectes qui cherchent à se poser sur la figure de son propriétaire, et à troubler son sommeil.

Pourquoi des aliénés ou demi-aliénés deviennent des marabouts et sont vénérés par les indigènes,

par M. le Dr BouhaGEB (de Tunis),

Un événement important dansle monde indigène de Tunis — la mort du marabout Sidi Ali ben Gaber dont l'enterrement récent n'a pas réuni moins de 3.000 personnes — est venu me rappeller une question que notre éminent Secrétaire Général, le Dr Bérillon, m'a jadis posée : « Pourquoi les gens aliénés ou demi-aliénés deviennent-ils des marabouts et sont-ils vénérés par les indigènes ?»

La religion musulmane prêche la compassion pour les personnes atteintes d'aliénation mentale ; elle les décharge de toute obligation et ordonne de les bien traiter. Cette prescription toute naturelle et conforme aux sentiments d'humanité qui doivent exister dans une seciété avancée a, de par son caractère religieux, une grande influence sur l'es, prit des musulmans. Comment a-t-elle dégénéré en une croyance erronée tendant à faire d'un aliéné un marabout, un saint?

A mon avis, la réponse est facile pour tous ceux qui connaissent la doctrine islamique et son évolution dans les derniers siècles d'obscurantisme.

Cette doctrine, dont en général les principes sont rationnels et ont au moins le mérite de la simplicité, a été noyée dans un nombre infini de prescriptions secondaires nouvelles. Des âmes pieuses, des personnes( aussi bien intentionnées que bornées d'intelligence, se sont évertuées à développer la religion et son champ d'application, de façon à soumettre les actes les plus insignifiants de l'activité humaine à des principes religieux et à expliquer avec une naïveté enfantine tous les phénomènes naturels par le Coran et la Sonna [tradition du Prophète). Cet accaparement de l'être par l'idée religieuse rend l'âme musulmane bien préparée au mystérismeet bientôt la croyance à l'existence d'unespritocculte présidant à tous les événements, devient un besoin, une nécessité. D'où la théorie du Mak-Toub (l'écrit). . .

Bientôt aussi on arrive à croire que cet esprit se dévoile, se révèle à quelques élus de Dieu. Ceux-ci, pour jouir de cette communication, doivent être dans un état d'extase où ils deviennent indifférents à tout ce qui les entoure, sont absorbés par le monde invisible et conversent avec les esprits qui le peuplent. Si, à ce moment, leurs paroles paraissent embrouillées, dénuées de tout enchaînement, vides de sens, c'est qu'elles ne s'adressent pas aux mortels, mais aux esprits avec lesquels ils sonten communication. Cependantces paroles serventd'indication et d'augure aux personnes qui les entendent. Celles-ci les interprètent, leur donnent un sens. Par une sorte d'auto-suggestion, elles arrivent à y trouver l'expression d'un événement réellement arrivé. Appliquées à un événement ultérieur, elles y trouvent sa prédiction.

Dans ces conditions nul mieux que les fous inoffensifs ne réalisent l'état d'extase avec les caractères indiqués.

Il n'est donc pas étonnant de voir quelques-uns d'entre eux, servis par le hasard et des circonstances exceptionnelles, prendre le caractère de marabouts aux yeux de la foule ignorante.

Et voilà par quelle déviation de l'esprit populaire, l'obligation si rationnelle de compatir au sort de l'aliéné et de l'entourer de soins s'est tranformée pour certains esprits en une vénération aveugle, irraisonnée, contraire même aux principes de la religion musulmane.

Aujourd'hui, en Egypte, où l'instruction s'est répandue dans la masse, où l'élite intellectuelle s'est affranchie du joug de la vieille école conservatrice, par l'introduction dans les études de la méthode scientifique de recherche et de libre-examen, on a commencé à mener le bon combat contre le maraboutisme. La revue « El Mana » s'est particulièrement, distinguée dans cet ordre d'idées.

En Tunisie, malheureusement, où on ne fait rien pour réagir contre le fanatisme populaire, nous voyons nombre de fous, vénérés comme des saints, croupissant dans leur saleté repoussante et promenant dans les rues leurs haillons crasseux.

Un cas d'aphonie non hystérique

par M. le D' René Pamart, professeur suppléant à l'Ecole de psychologie.

L'aphonie hystérique est d'une fréquence relative ; il est plus rare d'observer des aphonies nerveuses paraissant tout à fait indépendantes de l'hystérie et attribuables seulement à une localisation organique particulière de la simple émotivité. Le cas que j'ai l'honneur de présenter aujourd'hui à la Société rentre dans cette dernière catégorie.

Cette jeune fille, qui a aujourd'hui 24 ans, appartient à une très honorable famille des environs de Paris. Je la soigne depuis le 28 octobre 1905. Il y a quelque sept ans, exactement dans les derniers jours de décembre 189S, cette jeune fille fut atteinte d'un rhume très vulgaire,

accompagné d'un peu de laryngo-trachéite, et, par conséquent, d'enrouement. Néanmoins, au cours des réceptions de nouvel an dans sa famille, elle dut parler beaucoup, chanter, fatiguer son larynx, notamment le 2 janvier 1899. Ce soir-là, elle se couche simplement enrouée ; au réveil, le 3 janvier, il y avait aphonie absolue. La voix se trouvait réduite au simple chuchotement.

Cette jeune fille fut naturellement inquiète de cette aphonie. Après quelques jours, ses parents s'en émurent, et, depuis cette époque, ce fut une longue et vaine promenade chez les oto-rhino-laryngologistes, qui tous annonçaient une guérison prochaine, pour se déclarer vaincus après quelques semaines. On mit en œuvre tout l'arsenal thérapeutique habituel, inhalations, fumigations, massages du larynx, excitations motrices du nerf récurrent ; rien ne réussit.

A un moment donné, quelques granulations ayant été découvertes, on en fit la cautérisation galvanique. S'il s'était agi d'une aphonie hystérique, il y aurait eu là un choc suffisant pour provoquer la guérison ; celle-ci ne survint pas. Ce fut en désespoir de cause que le père de la malade vint me la confier.

Lors de mon examen préalable, je ne trouvai chez cette jeune fille aucune trace d'hystérie. Pas d'antécédents héréditaires ni personnels. Vue normale, sensiblement égale des deux côtés. Réflexes normaux, pas de plaques d'anesthésie ni d'hyperesthésie, voile du palais réagissant normalement au contact, et, de plus, résistance complète à l'hypnose.

Pendant sept ou huit séances consécutives, je tentai en vain d'hypnotiser ma malade. Sa timidité même faisait qu'au moment de glisser dans l'état second, elle recouvrait pleinement possession de l'état prime. Pour vaincre cette résistance, pour obtenir le déclânchement utile, je fis prendre un jour, deux heures avant la consultation, cinquante centigrammes de sulfonal. A la faveur de l'engourdissement léger provoqué par ce médicament, le sommeil hypnotique fut obtenu pour la première fois à la fin de novembre. Je l'ai toujours obtenu facilement depuis, sans nouvelle intervention médicamenteuse.

J'endors cette jeune fille devant vous ; je vais la faire parler. Vous l'entendez, jusqu'au fond de cette salle, articuler toutes les voyelles, toutes les diphtongues, chanter la gamme, et vous pouvez vous rendre compte qu'en moins d'un mois j'ai réveillé chez elle les fonctions normales du larynx. Inutile d'ajouter que son cas semble prestigieux autour d'elle ; la stupéfaction générale entoure ma malade, ce dont je ne me plains pas pour l'honneur de la méthode.

Encore quelques séances, et cette jeune fille n'aura plus désormais qu'à faire des exercices méthodiques sous la direction d'un bon professeur de chant. Elle me permettra de la remercier, ainsi que les siens, pour s'être si gentiment prêtée à une présentation forcément gênante, mais qui ne saurait lui nuire, au contraire, puisqu'elle ne peut qu'augmenter son assurance et sa confiance en soi.

Définition de la suggestion

par M. le Dr Félix Regnault professeur à l'Ecole de psychologie.

Le premier soin en toute science doit être d'établir des définitions exactes que personne ne puisse contester. Or les définitions que l'on donne de la suggestion sont des plus variées.

Littré admettait que la suggestion était une insinuation mauvaise. Il vivait à une époque où des procès retentissants avaient mis en cause l'influence néfaste de la suggestion. Plus tard la suggestion devint curative.

Depuis les psychiatres ont regardé la suggestion :

Comme toute idée acceptée par le cerveau (Bernheira). II faudrait alors admettre que tout est suggestion.

Elle serait réservée aux phénomènes de l'hypnotisme (Grasset), mais alors la suggestion à l'état de veille n'existerait plus.

Dans la suggestion, l'idée qu'on cherche à insinuer est déraisonnable (Babinski), la suggestion utile deviendrait la persuasion.

Il y a suggestion, pour Vigouroux et Juquelier (l), si l'initiative de la répétition vient du sujet de qui la manifestation est répétée ; et ils opposent ainsi la suggestion à l'imitation où l'initiative vient du sujet qui répète cette manifestation et à la contagion mentale où l'initiative de la répétition est inconsciente de part et d'autre. Mais la suggestion, l'imitation et en général tous les phénomènes mentaux peuvent être inconscients. On ne peut les distinguer par une qualité qui justement leur est commune.

Ces quelques exemples suffisent à montrer les divergences des auteurs. Comment arriver à une définition exacte ?

Il faut qu'une définition soit analytique. Or la langue française, qui est avant tout analytique, a différencié les divers modes suivant lesquels s'exerce l'influence de la parole. On dit d'une personne qu'elle est suggestionnée quand elle a accepté la pensée du suggestionneur sur simple affirmation verbale de celui-ci (2).

Il a suffi de dire que telle chose était pour le faire croire.

On dit d'une personne qu'elle est persuadée quand le « persuadeur» s'est adressé avec succès à ses sentiments, à ses passions.

Le raisonnement (on démontre et on convainc son auditeur) invoque des arguments qui s'adressent à l'intelligence.

En restreignant le sens des mots suggestion, persuasion, raisonnement, on les précise davantage : chacun n'exprime qu'une série de faits nettement limités, et on obtient du même coup un premier classement de ces faits.

(1) La contagion mentale. Bib. iatern. de psych. expér. Paris 1905. Page 242.

(2} Si on conserve le mot suggestion dans le sens général de faire accepter sa pensée par autrui, il faudra appeler suggestion affirmative cette influence pins restreinte.

Malheureusement nous avons une tendance naturelle à étendre le sens des mots : ainsi Tarde sous le nom d'imitation a réuni non seulement tous les phénomènes mentaux, mais encore ceux organiques et cosmiques. Il a pu accomplir ainsi une synthèse retentissante, mais quelques observations plus précises et limitées eussent été plus utiles à la science.

II aurait opposé l'acte imité () aux actes précédents, s'il en avait restreint le sens à la répétition mécanique de l'acte perçu, tandis que l'acte qu'on suggère, persuade, dont on démontre la justesse est dû simplement à ta parofe.

Les médecins hypnotiseurs auraient tout avantage à accepter ces définitions restreintes et précises.

Ainsi Dubois de Berne ne pourrait plus leur reprocher de ne pas faire comme lui de persuasion, reproche faux du reste car jusqu'à présent, ils ont employé ces divers moyens en les confondant sous le nom général de suggestion. Us recouraient à :

i° L'imitation quand ils commettaient devant le sujet l'acte qu'ils désiraient lui faire accomplir.

2° La suggestion quand ils procédaient par simple affirmation.

3° La persuasion et le raisonnement qu'ils variaient suivant le caractère du sujet.

Car du fait de son engourdissement cérébral, l'hypnotisé ne change pas son état mental, il obéit aux mêmes incitations qu'un sujet normal à l'état de veille, il a simplement moins de résistance.

Qu'il me soit permis de dire en terminant, que j'ai fait à diverses reprises ces remarques ici même.

Société hypnol. jt 1896, en revue, t. 11, p. 179.

Rapp. 2e Cong. intern. hypnot. 1900, en revue, t. 15, p. 163.

Soc. d'hypn. 21 mai 1901, en revue, t. 16, p. 45.

Soc. d'hypn. 14 janv. 1902, en revue, t. 16, p. 273.

Xon seulement je n'ai pas été écouté, mais je n'ai même pas été compris.

Ainsi dans son livre sur l'hypnotisme et la suggestion (1904, Paris}, qui est une mosaïque de citations accolées, le Dr Grasset me fait dire (p. 60) par—une citation tronquée et inexacte, qu'il n'y a pas intérêt à préciser le sens de ces mots, c'est-à-dire l'inverse de ce que je réclamais en janv. 1902, dans la Revue de l'hypnotisme, p. 273. J'y définissais l'imitation, la suggestion, la persuasion, le raisonnement et je disais :

« Jusqu'à présent on a englobé l'imitation, la suggestion, la persuasion, la conviction, la démonstration sous le terme général de suggestion ; on peut continuer ainsi à confondre ces divers termes, à la condition qu'on veuille (et non « semble », comme me le fait dire Grasset)

(1) Si on conserve au mot imitation un sens très général, il conviendrait d'appeler cette action particulière imitation d'acte et de la qualifier ainsi toutes les fois qu'on en parle.

distinguer à l'occasion ces diverses variétés. Et j'ajoutais cette phrase explicative que supprime Grasset : s Cela est d'autant plus important que suivant le caractère du sujet hystérique ou hypnotisé, un de ces moyens réussira de préférence aux autres ».

chronique et correspondance

Séance annuelle de la Société d'hypnologie et de psychologie.

La prochaine séance de la Société d'hypnologie et de psychologie aura lieu le mardi 19 juin, a 4 heures et demie, au palais des Sociétés Savantes, S, rue Danton, sous la présidence de il. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.

Les séances de la Société ont lieu les troisièmes mardis de cuaque mois, à 4 heures et demie. Elles sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les titres de communication à if. le D1" Bérillon, secrétaire général, 4, rue de Castellane, et les cotisations à M. le Dr Farez, trésorier, 154, boulevard Haussmann.

Avis tees importait. — La séance annuelle aura lieu le mardi 19 juin, à 4 heures. Les membres résidant en province et à l'étranger sont particulièrement invités à adresser au secrétaire général le titre de leurs communications. La séance annuelle sera suivie d'un banquet.

Susceptibilité hypnotique de la race nègre

Le D' C. W. Branch a fait des essais sur 100 nègres pur sang. 87 d'entre eux subirent l'influence dès la première séance. Des 13 autres, 2 qu'il y avait intérêt à hypnotiser la subirent à la seconde tentative. On laissa entièrement de côté les 11 autres. Parmi ces derniers il y avait un maniaque, un enfant d'intelligence débile et deux personnes âgées tombées en enfance. C'étaient quatre sujets qu'on ne pouvait espérer influencer.

La méthode employée consistait presque invariablement à persuader aux sujets qu'ils allaient dormir, en employant comme adjuvants des passes sur le front et dans quelques cas en faisant fixer le doigt ou un autre objet.

La fascination réussit dans deux cas de manie et échoua dans un troisième. Les passes restèrent sans succès dans les deux cas de manie et chez l'enfant imbécile. Dans quelques cas on employa la persuasion à l'égard de plusieurs personnes à la fois ou la persuasion indirecte (exercée par une autre personne). La dernière méthode échoua dans un cas seulement, celui d'une des personnes tombées en enfance.

L'état hypnotique s'est produit, sans intention, dans plus d'un cas ; ces cas iie sont pas compris dans les 100 clioisis.

En comparant ces résultats avec ceux obtenus sur les blancs eu Europe, dont 80 à 84 % sont trouvés susceptibles d'être hypnotisés -après plusieurs séances, on constate que la susceptibilité chez les nègres est plus grande. Il est probable qu'un hypnotiseur plus expéri-'menté réussirait chez les nègres dans près de 100 % des cas.

Cette susceptibilité est telle chez les noirs et les individus de couleur que, dans les cliniques d'hypnotisme, tous les malades de la salle étaient hypnotisés simultanément. Ceux qui avaient déjà subi l'influence antérieurement tombaient en sommeil au premier commandement, tandis que les nouveaux entrés dormaient au bout d'une minute ou moins par imitation ou persuasion. Cest ainsi qu'on a pu opérer sur dix individus à la fois, et il n'y a probablement pas d'autre limite que celle de l'accoutumance. D est probable qu'un hypnotiseur puissant endormirait tous les noirs qui l'entendraient et le comprendraient aussi vite qu'un prestidigitateur produit chez tout son auditoire les illusions visuelles et parfois les hallucinations.

Le tableau suivant contient les 100 cas rangés suivant l'âge et les sexes :

(The Journal of tropical medicine, 2 avril 1906).

(Analyse C. Hure.)

nouvelles

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie

Cours d'hypnotisme à l'Ecole de psychologie

M. le Dr illox, professeur à l'Ecole de psychologie, a commencé le Mardi 8 Mal, à cinq heures (Salle des Conférences de l'Ecole, 49, rue Saint-André-des-Arts) à cinq heures, un cours sur les Applications de l'hypnotisme à la psychologie, à la thérapeutique et à la pédagogie des enfants vicieux ou anormaux. 11 le continuera les mardis et jeudis à cinq heures.

Mardi 5 Juin. — congé de la pentecôte

Jeudi 7 Juin. — Le problème des enfants anormaux. Les anormaux arriérés etlesanormaux mal élevés. L'hypnotisme et l'orthopédie morale. La méthode hypno-pédagogique.

Mardi 12 Juin. —Applications générales de l'hypnotisme à la pédagogie des enfants vicieux ou anormaux. Les enfants turbulents. Le dispensaire pédagogique.

Jeudi 14 Juin. —L'éducation du caractère. La lutte entre l'hérédité et la suggestion.

Cours de Psychopathologie du tube digestif à la Faculté

de médecine

(2* semestre de l'année scolaire 1905-1906)

M. le Docteur Paul Farez a inauguré, à la Faculté de Médecine (Amphithéâtre Cruveilhier, 15, rue de l'Ecole de Médecine), le samedi 28 avril, à 6 heures du soir, un cours libre de Psychopathologie du tube digestif ; il le continuera le samedi de chaque semaine, à la même heure.

Dans sa leçon d'ouverture, M. le Dr Paul Farez a, devant un très nombreux auditoire, magistralement exposé les principes, l'objet, la méthode, les procédés d'investigation, le degré de certitude, les lois, les conséquences et les applications à la fois théoriques et pratiques de la psychopathologie en général et, principalement, de la psychopathologie viscérale, envisagée au point de vue clinique. Il a, en outre, très nettement mis en lumière l'immixtion des phénomènes psychologiques dans l'étiologie, la pathogénie, l'évolution ou la curat ion de toutes les affections les plus diverses de la médecine générale chez tous les malades, même ceux qui ne sont pas, le moins du monde, hystériques. H abordera, dans sa seconde leçon, la Psychopathologie du tube digestif et traitera successivement les sujets suivants : influence des phénomènes moraux sur l'exagération, la diminution ou l'inhibition des diverses sécrétions du tube digestif, ainsi que sur les diverses fonctions gastro-intestinales ; — influence de l'alimentation et de la digestion (normale ou pathologique) sur l'état moral, le caractère, les mœurs, les passions, l'intellectualité ; — psychopathologie du goût, de la faim, de la soif ; — psychoses et troubles mentaux relatifs à l'alimentation et à la digestion; — psychopathologie du vomissement; — variations et modalités du contenu psychologique du sommeil, en rapport avec la quantité et la qualité des aliments, ainsi qu'avec les diverses perhirbatîons gastro-intestinales, etc.

(G.)

VAdministrateur-Gérant ; Ed. BËRILLON.

20« Année. — ? 12.

Juin 1906.

bulletin

Banquet en l'honneur du Dr Bérillon. — La pédagogie au Congres de l'Association française pour l'avancement des sciences- Lyon, aoùi 10.06.

L'École de psychologie, d'accord avec la Société d'hypnologie et de psychologie, la Société de pathologie comparée et le Syndicat de la presse scientifique, a résolu d'offrir au Dr Bérillon, inspecteur des asiles d'aliénés, professeur à l'École de psychologie, secrétaire général de la Société d'hypnologie et de psychologie, ancien président de la Société de pathologie comparée, directeur de la Revue de l'Hypnotiarr.e, etc., un banquet amical, à l'occasion de sa nomination dans la Légion d'honneur.

Cette fête confraternelle aura lieu le mardi 10 Juin Ì906 à sept heures, et demie, au Palais d'Orsay, sous la présidence de M. Bienvenc-Vartix, sénateur, ancien ministre de l'instruction publique, et le patronage de MM. Berthelot, ancien ministre, secrétaire perpétuel de l'académie des sciences; Albert Robin, professeur à laFacuIté de médecine; Huchabd, membre de l'Académie de médecine; Edmond Périmer, directeur du Muséum; Giaiid, professeur à la Sorbonne.

Le prix du banquetest de 15 francs, sur lesquels on prélèvera la somme nécessaire à l'acquisition d'un souvenir.

Les confrères, les élèves et les amis du Dr Bérillon sont invités à adresser leur adhésion, avant le 15 juin, au Dr Paul Farez, 154, boulevard Haussmann, ou leur souscription pour le souvenir.

M. le D' Bérillon, président de la section de pédagogie et d'enseignement au Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences, vient d'adresser la circulaire suivante pour inviter les professeurs, les instituteurs et les pédagogues à prendre part aux travaux de cette section.

Monsieur,

L'Association française pour l'avancement des sciences tient son prochain congrès à Lyon, le 2 août 1906.

Désigné pour présider la dix-huitième section (Pédagogie et Enseignement), j'ai l'honneur de vous demander de vouloir bien participer à nos travaux. Les questions suivantes, inspirées par le souci de

l'actualité,

seront l'objet de rapports et donneront lieu à des discussions approfondies.

1* Le problème des enfants anormaux : Traitement, pédagogie spéciale et assistance.

2* Les enfants turbulents : les procédés pédagogiques qui leur sont applicables.

3° L'éducation du caractère h l'école primaire et au lycée. Je vous invite à venir prendre part à ces discussions, ainsi qu'à nous adresser les résultats de vos études personnelles et de votre expérience pédagogique.

Il n'est pas nécessaire d'être membre de l'Association pour assister aux séances et pour faire des communications au Congrès. Je vous engage à m'adresser, dès maintenant, le titre des communications que vous vous proposez de faire au cours de nos séances. Il serait utile d'y joindre un résumé pouvant servir de base à la discussion. Ces communications seront annoncées au programme de la session qui paraîtra prochainement.

La session du Congrès de l'Association française présente une occasion essentiellement favorable pour permettre aux membres des divers ordres de l'enseignement, ainsi qu'aux professeurs des écoles spéciales, professionnels ou techniques, de se réunir et de délibérer en commun sur des questions qui intéressent tous ceux auxquels incombe la délicate mission de former l'esprit des générations futures.

Agréez, Monsieur, l'expression de mes sentiments les plus distingués.

Le Président de la i S* Section, Dr Bérillox.

Médecin-inspecteur des asiles d'aliénés, professeur a l'Ecole de psychologie.

Prière d'adresser les réponses à M. le Dr Bérillon. 4, rue de Castellane, à Paris.

La psychologie de l'intimidation : Les timidités. (')

par M. le Dr Bérillon professeur à l'Ecoie de psychologie, médecin inspecteur des asiles d'aliénés. (Snite) (2)

III. — Le.s timidités pathologiques.

Les étals d'hypnose, quels que soient les moyens employés pour les provoquer, sont caractérisés non seulement par la diminution de l'activité inlellecluelle, mais aussi par l'impuissance dans laquelle se trouvent les sujets à faire acte d'initiative. C'est exacle-

(1) Leçons faites i l'Ecole de psychologie.

(3) Voir Revue de l'Hypnotisme, n' de mai i90c.

ment ce qui se passe lorsqu'une personne éprouve les ëiïets de l'intimidation.

Mais de même que les degrés de l'hypnose varient de la somnolence la plus légère aux états de sommeil les plus profonds, les modalités de la timidité affectent, selon les individus, des formes extrêmement différentes.

Chez certains timides, l'influence ressentie est si superficielle, qu'ils en sont à peine incommodés et que le plus léger effort de leur volonté suffit pour les en dégager: par contre, chez d'autres, l'état de stupeur dans lesquels ils sont plongés par l'intimidation d'autrui est si accentué, qu'il leur est impossible de reprendre volontairement leur liberté d'action. Ils ne peuvent être libérés de leur inhibition mentale que par ï'éloignement de celui qui les a intimidés.

Si nous considérons comme une Umidite normale, celle que tout homme peut ressentir dans des occasions capables de la légitimer, nous ne pouvons assigner le même caractère aux états d'intimidation qui surviennent sans qu'aucune raison valable ne puisse les justifier.

Ressentir, sans motif sérieux, une émotion profonde, au point d'en perdre la plus grande partie de sa valeur personnelle et de ses moyens d'action, constitue assurément un état anormal. Il en est de même lorsque les phénomènes émotionnels sont disproportionnés avec la cause qui leur a donné naissance.

On peut encore ranger dans le groupe des timidités pathologiques, celles qui persistent à un degré assez marqué, malgré l'âge et l'expérience, ainsi que celles qui surviennent tardivement chez une personne qui, jusqu'alors n'en avait pas éprouvé les effets.

Mais le véritable signe pathognomonique d'une timidité morbide réside dans le fait que le simple souvenir dune circonstance où il s'est trouvé intimidé suffise pour réveiller à nouveau chez un sujet, tous les effets de l'émotion déjà ressentie. L'homme qui s'intimide lui-même par l'effet dune représentation mentale, témoigne d'une emotivi té véritablement excessive. Si cette auto-intimidation s'accompagne d'angoisse, de souffrances morales, si elle met le sujet dans l'impossibilité d'agir conformément à son intention, on est tout à fait fondé à la considérer comme la manifestation d'un état pathologique.

Ribol a établi d'une façon très judicieuse, la limite qui sépare la peur, sentiment normal de défense, des formes morbides de ce sentiment. Pour lui est pathologique toute forme de la peur qui au lieu d'être utile devient nuisible, qui au lieu d'être un moyen de

proleclion peut devenir une cause de desLruction. La même distinction peut être utilisée pour séparer la timidité normale de la timidité pathologique. Tandis que la première, sentiment normal de déférence et de respect, témoigne d'une disposition louable à la prudence, à la circonspection et à la modestie, la seconde Rapporte à l'individu que des éléments de dépréciation et de souffrance. En effet, la timidité morbide affaiblit, dans une proportion considérable, tous les ressorts de la puissance morale. Elle prive l'homme de la meilleure partie de ses talents et de sa valeur intellectuelle.

Je pourrais citer de nombreux exemples de ces timidités douloureuses. Un des plus frappants est celui d'un homme d'Etat émi-nent, M. Waldeck-Rousseau. La description en fut publiée, en 1902, par plusieurs journaux :

« Après trenle-cinq~3ns de Palais et de Parlement, M. Waldeck-Rousseau garde les émotions d'un débutant. La moindre complication de métier, la perspective d'aborder la barre ou la tribune le bouleversent et Tangoissent.

Très jeune encore, mais déjà très ambitieux, il comprit le besoin de dissimuler cette timidité terrible. C'est alors qu'il entreprit de se faire une tête et de se composer une attitude. Peu à peu, il devint pour le vulgaire ce personnage flegmatique et ennuyé, dont il finit par jouer le rôle pres.ue au naturel. L'éternelle cigarette, qu'il promène négligemment entre deux doigts, n'aurait elle-même pour but que de cacher un tremblement nerveux de la main et du bras.

Au fond, il reste le grand artisle « traqueur » qui, conscient de sa valeur, a la crainte perpétuelle d'être inférieur 'à soi-même. On l'a vu, après de merveilleuses plaidoiries, se dérober aux félicitations, s'enfermer dans son cabinet et se tordre les mains à l'idée qu'il n'avait pas donné tout ce qu'il pouvait donner. « Je suis fini, vidé », répète-t-il ces jours-là à quelques amis dévoués, qui parviennent difficilement à le remonter. »

Chez d'autres, les phénomènes d'intimidation atleignent des proportions encore plus intenses. Tel était le cas du roi Albert de Saxe, mort en 1901. qui donna sur le trône, l'exemple du monarque le plus timide qu'il fût possible de voir. Sa timidité atteignait un tel degré, qu'il ne pouvait, sans une gêne visible, traverser à l'éclat des lumières, un salon rempli de monde. Les yeux fixés sur lui, lui causaient un véritable malaise. 11 en éprouvait comme une sorte de fascination. Il rougissail lorsqu'on lui adressait la parole et ne répondait qu'en bredouillant.

Il n'avait de moment de décision que la nuit, dans un apparie-

ment sans lumière. A ce moment il trouvait aisé tout ce qui. dans le jour, lui paraissait impossible. L'ombre propice lui permettait de fuir les regards scrutateurs.Ses familiers le savaient bien. Incapable de résister, pendant le jour, à une sollicitation pressante, il ne se laissait convaincre que difficilement le soir, dans son cabinet sombre, aussi évitait-on avec lui les entrevues nocturnes.

Dans une communication faite en 1900 à la Société d'Hypnologie et de Psychologie (1), rappelant qu'un certain nombre de bègues cessaient de bégayer lorsqu'ils avaient à tenir une conversation dans l'obscurité, nous y trouvions la preuve que le bégaiement est le plus souvent un effet de l'intimidation par autrui. Dans l'obscurité l'action de la fascination visuelle cesse de s'exercer. La constatation de ce fait constitue un argument de la plus haute valeur en faveur de l'assimilation que nous avons établie entre les phénomènes de l'intimidation et ceux de l'hypnotisation.

(A suivre.)

psychothérapie et hypnotisme

Critique du livre de M. le professeur Dubois, (de Berne!, sur ¦ les Psychonévroses ».

(suite) (*)

par m. le Dr Bonjour, de Lausanne (Suisse).

AI. Dubois a raison de dire que les deux actes sont liés à la même chaîne, que leurs effets sont identiques : cependant il a cru devoir appeler la foi de l'hypnotisé aveugle, et celle de ses malades raisonnée, mais dans les deux cas le même mécanisme a été mis en jeu et-a produit la même action : la foi, avec sa conséquence : le rétrécissement du champ de la conscience. L'hypnotisme ne fait que reproduire artificiellement cet état d'âme que la croyance ou la préparation dont parle IL Dubois provoque naturellement; il n'y a donc pas de différence essentielle entre l'état de conscience des malades préparés >!e M. Dubois et celui des malades que nous hypnotisons.

Et comme ce n'est presque jamais la raison qui conduit le malade chez un médecin mais le sentiment ou la croyance à son autorité et le sentiment créé par sa réputation ou ses guérisons (donc des autosuggestions) tout médecin peut observer que les malades qu'il guérit (je parle de malades atteints de troubles fonctionnels) sont ceux qui sont venus avec confiance ; les autres ne guérissent que lentement ou pas du tout.

Cl) Bkrillon : Le traitement psychologique du bégaiement mental et de la timidité, Revue de FHypnotisme, 18* année, décembre 1903, p. 172. (2) Voir revue de l'Hypnotisme u* de mai 1906-

Je le constate parfois. Non pas que je veuille dire par là, que nous ne puissions acquérir la confiance d'un, malade qui vient par exemple pour faire plaisir à des parents et qui cède à leur désir; non ! mais ces malades-là guérissent plus difficilement malgré la persuasion, le raisonnement, la logique et toutes les forces de la nature employées.

Plus on considère le mécanisme complexe qui pousse un malade chez son médecin et provoque la guérison, plus on doit être convaincu que ce n'est pas le raisonnement qui guérit mais bien le facteur- suggestion, émotion ou croyance.

Donc comment affirmer avec M. Dubois qu'on guérit par la conviction ? Comment être sûr qu'un anorexique commence de manger parce qu'on lui a démontré que s'il peut avaler quelques miettes, il peut prendre quelques bouchées ? L? raisonnement n'aurait aucune action sur lui s'il ;;'était préparé par la confiance anticipée qu'il donne au médecin, confiance évoquée par la renommée ou le besoin intense de guérison ?

Voilà le facteur principal. Dans ces conditions le raisonnement n'a plus qu'une valeur secondaire. Elle n'est pas négligeable mais elle ne peut que renforcer « l'autosuggestion s de la guérison.

M. Dubois prétend en outre discuter, persuader, démontrer à *on malade qu'il est atteint de troubles nerveux, ilais toute persuasion ou discussion n'a de valeur logique que si les deux parties possèdent la base nécessaire à la discussion. Or, ce n'est jamais le cas dans ra discussion entre malade et médecin. Il peut paraître que la discussion a lieu, que la démonstration se fait sur des bases sûres et régulières, mais ce n'est jamais réellement le cas. Le malade est toujours obligé de croire son médecin, d'accepter son diagnostic et de se laisser entraîner par des raisonnements qu'il est incapable de contrôler lui-même. C'est toujours le médecin qui jouera la mélodie et le malade en subira toujours le charme.

Encore, M. Dubois fait erreur; les malades n'acceptent pas par persuasion les raisonnements, parce qu'ils ne possèdent pas les éléments scientifiques de la discussion, mais ils croient à ces raisonnements qui leur paraissent raisonnables. Ils acceptent donc des suggestions raisonnables. AL Dubois les fait entrer dans leur tète, les fait pénétrer dans leur cerveau sous le couvert lu raisonnement tandis qu'en réalité il agît par des moyens rationnels sur leur crédulité et leur suggestibilité. Ce qu'il fait est de la suggestion analogue à celle que nous employons; c'est lui qui emploie la « voie détournée » îe la raison pour faire accepter ses idées et même les imposer, tand-s que nous, nous employons directement la voie sensible (la même que celle qui lui permet de guérir) pour créer l'idée de la guérison.

Nous comprenons fort bien que il. Dubois cherche à employer des moyens qui paraissent naturels. C'est notre désir à nous tous de guérir par des voies naturelles, mais il faudrait démontrer que l'hypnose est une voie extra naturelle. AI. Dubois se contente de dire que

le public croira toujours à une puissance mystérieuse dans l'hypnotisme. Cela est une autre question ! Et si il. Dubois le voulait, il contribuerait à répandre sur l'hypnotisme des notions plus exactes que celles qu'il possède. H ne voit dans la suggestion que l'idée de faire prendre des vessies pour des lanternes et il oublie de se demander si le procédé hypnotique n'est que cela et même s'il est cela ?

Suggérer n'est pas insinuer (dans son acceptation mauvaise) une idée; cela est possible mais en pratique suggérer c'est créer une sensation et par la sensation une idée. Par quelque procédé que ce soit, l'hypnotiseur crée toujours une sensation de fatigue dans les yeux, fatigue préliminaire même du sommeil naturel. Par des mouvements lents et-des paroles endormantes il fait que le malade s'endort comme un enfant s'endort dans les bras de sa mère. Chacun peut comprendre cela, nous semble-t-il. L'idée seule du sommeil, l'ordre de dormir peuvent dans certains cas suffire. De plus, l'hypnose ne crée pas la suggestibilité, elle l'emploie d'une façon rationnelle.

il. Dubois dit « que chacun est plus ou moins suggestible » puis il écrit que l'hypnotisme augmente la suggestibilité. On l'a cru mais pour ma part je pense que nous n'augmentons rien et que nous ne faisons que mettre en œuvre la suggestibilité existant dans chaque individu. Et l'hypnotisme n'exalte pas plus la suggestibilité que 2a psychothérapie de il. Dubois ne la fait diminuer. D lui est facile d'affirmer dans ce domaine tout ce qu'il croit mais n'ayant mesuré la suggestibilité de ses malades ni avant ni après son traitement, il ne peut affirmer qu'elle diminue avec le traitement par la conviction.

il. Dubois omet de parler de ce qui est le plus important. Xous verrons plus loin que nous concédons que bien des malades peuvent être guéris par ce que il. Dubois appelle la suggestion rationnelle pour l'opposer à la suggestion hypnotique mais il ne dit pas pourquoi la suggestion rationnelle guérit. Il affirme que c'est le raisonnement qui provoque la guérison. Nous, nous sommes convaincus que c'est le malade lui-même qui s'auto-suggère la guérison sous l'influence des suggestions rationnelles de il. Dubois, sous l'influence de ce que nous appelons la suggestion à l'état de veille. Or ce point est très important. Bien des hypnotiseurs ont déclaré que les hystériques sont précisément peu hypnotisables mais très auto-suggestibles ; dans ces cas, par des suggestions bien faites à lrétat de veille on peut obtenir davantage qu'avec l'hypnose. Or les cas d'hystérie forment la majorité des malades atteints de troubles fonctionnels; donc 51. Dubois sait très bien mettre en jeu I'auto-suggestibilité de ces malades à l'état de veille mais si cette auto-suggestibilité n'existait pas, il n'obtiendrait aucun résultat. Ce n'est pas son raisonnement qui agit sur l'auto-suggestibilité du malade ; c'est le malade qui, par sympathie, par conviction, par désir de guérir, par attrait pour la méthode de if. Dnbois, s'auto-suggère de souffrir moins et de faire des progrès. Dans tous ces cas if. Dubois fait ce que nous appelons de la suggestion à l'état

de veille et nous en avons la preuve dans le fait que si l'hystérique n'est ni^hypnotisable, ni auto-suggestible (ou ne peut pas l'être, ce qui arrive) il n'obtient aucun résultat malgré ses meilleurs raisonnements. Nous pourrions lui en citer quelques exemples. Dans ces cas-là nous, hypnotiseurs, nous faisons parfois des simulacres d'hypnose au début mais nous arrivons presque toujours à obtenir des états hypnotiques au bout d'un certain temps et alors nous devenons d'agent indirect dépendant de l'auto-suggestibilité du malade, un agent direct de guérïson et maître de la suggestibilité du malade. C'est là que réside ïa force de la suggestion hypnotique bien comprise.

Le psychothérapie à la façon de il. Dubois dépendant trop souvent du malade ne peut être une mëlhode thérapeutique vraiment pratique ; aussi ses échecs sont-ils plus nombreux que le lecteur ne le peut supposer et l'on peut prédire aux disciples de M. Dubois moins de réussite encore qu'à leur maître. Car il est évident que la guérison doit dépendre du médecin et de sa méthode et non pas du malade et de son auto-suggestibilité.

En pratique M. Dubois fait donc de la suggestion comme nous, ni plus ni moins ; il agit surtout sur la suggestibilité sans le vouloir et sans pouvoir l'empêcher. Il fait disparaître des troubles nerveux, il rétablit, comme nous, l'équilibre chez des névropathes, car nous détruisons aussi la désintégration psychique, cause des troubles fonctionnels ou nerveux ; le résultat est le même dans les deux traitements, et là nous avons la preuve pratique que ce résultat a été obtenu par le même mécanisme cérébral comme nous l'avons démontré.

Ses malades ont l'illusion d'avoir subi une influence logique, les nôtres se rendent compte du chemin réel de l'influence qu'ils subissent. Nous ne voyons donc pas dans la psychothérapie par la conviction si dogmatique de il. Dubois un progrès sur ce que les hypnotiseurs ont créé ni un avantage pour les malade?. Qu'on nous comprenne bien ! Nous ne méconnaissons pas le rôle du raisonnement et de la conviction logique et nous hypnotiseurs nous employons tout autant que M. Dubois la psychothérapie t rationnelle ». Il est impossible de n'en pas faire usage comme il n'est pas possible à il. Dubois « de ne pas capter la confiance de ses malades » et de se priver absolument de l'hypnotisme, puisqu'il y a recours pour des enfants.

Le professeur Bernheim écrivait dans son livre en 1884 :

« Le mode de suggestion doit être varié aussi et adopté à la suggestibilité spéciale du sujet. La simple parole ne suffit pas toujours à imposer l'idée. Quelquefois il faut raisonner, démontrer, convaincre ; pour les uns affirmer avec force ; pour les autres insinuer avec douceur. Car dans l'état de sommeil, l'individualité morale de chaque sujet persiste avee son caractère, ses penchants et son impressionnabi-lité spéciale. »

Et plus loin : « J'ai tenu à montrer l'insuccès à côté du succès (ce dont il". Dubois s'est bien gardé), l'ombre à côté de la lumière. La

psychothérapie suggestive peut échouer comme les autres médications ; mais elle réussit souvent alors que d'autres médications ont échoué ; souvent elle fait des merveilles, je ne dis pas des miracles ».

On le voit, M. Dubois a paraphrasé. Tout a été dit avant lui sur ce sujet. Et l'on peut considérer son livre comme une contribution à l'action de la suggestion à l'état de veille mais non pas comme un*» étude fondamentale de la psychothérapie. Il l'a écrit dans la pensée de combattre l'hypnotisme mais en somme rarement un adversaire nous a donné tellement raison d'une façon aussi inattendue pour lui.

II semblerait que nous sommes d'accord. Cela ne peut être le cas car if. Dubois oublie de parler de l'hypnose en elle-même ; cette omission n'est pas permise à quelqu'un qui veut discréditer une méthode.

L'hypnose en elle-même est un calmant puissant dont il. Dubois ne peut pas s'être rendu compte puisqu'il a pratiqué l'hypnotisme selon la méthode de Bernheim et non selon celle que Wetterstrand a introduite il y a quinze ans dans la pratique. Dans l'hypnose nous possédons un moyen psychophysique de calmer des .états nerveux plus facilement que par le raisonnement ; en prolongeant l'hypnose qui agit comme un sommeil naturel, nous pouvons obtenir des résultats que toutes les méthodes physiques (repas, suralimentation, hydrothérapie) et que le raisonnement et même la suggestion hypnotique ne peuvent fournir. C'est aussi l'opinion de Binet et Féré.

if. Dubois prétend que sa psychothérapie lui suffit et qu'elle lui permet de guérir tous les troubles fonctionnels justiciables d'un traitement pr.ychique. Il importe donc de savoir si réellement sa méthode satisfait aux exigences thérapeutiques et si elle répond à toutes les indications .

if. le professeur Grasset émet une opinion catégorique. Chacun connaît son schéma et comment il a été critiqué. Appelons son centre O la surconscience et son polygone la sousconscience ; admettons cette analogie simplement pour faciliter la discussion, il. Grasset dit que les maladies de 0, donc de la surconscience, sans perte de jugement sont justifiables du traitement par le raisonnement et que la suggestion hypnotique doit être appliquée aux troubles du polygone ou de la sousconscience.

C'est clair et voilà. M. Dubois mis en défaut.

Mais en pratique il c/at impossible de classer les malades d'après ce mode de division car l'intrication des deux consciences est telle que presque tous les malades présentent des troubles de la surconscience et de la sousconscience. fit alors, nous ne pouvons saisir pourquoi l'hypnotisme qui serait bon contre les troubles du polygone serait mauvais contre ceux de 0. Pourquoi ? X"est-ce pas la même substance cérébrale, ne sout-ce même pas les mêmes propriétés cérébrales qui sont atteintes ? C'est toujours la conscience et si nous attachons plus de valeur et 3e fragilité à la conscience supérieure, cela provient de ce que nous lui reconnaissons plus d'importance qu'à la conscience subliminale.

Nous ne pouvons donc pas admettre cette distinction de il. Grasset dans l'application du raisonnement aux troubles de la surconscience et de Vhypnotisnie aux troubles de la sousconscience. de même que nous ne pouvons admettre comme lui que l'hystérie seule est justifiable du traitement hypnotique. Bans l'hystérie existent presque toujours des troubles de O et du polygone ; les troubles de 0 ou de la surconseieace sont ceux du caractère, excitation, dépression absence d'énergie, haine non motivée, etc., ceux de la sousconscience, les spasmes, contractures, crises, paralysies, etc.

Nous ne comprenons pas pourquoi l'hypnose qui ferait disparaître les troubles du polygone, augmenterait la désintégration de la sur-conscience O, d'autant plus qu'en pratique, nous constatons le contraire.

Nous reviendrons sur ce point à propos des dangers de l'hypnotisme.

Il nous suffit pour le moment d'entendre un homme qui n'est pas entièrement de notre bord, affirmer que l'hypnotisme a des indications formelles en thérapeutique et qu'on ne peut s'en passer comme le prétend il. Dubois. L'opinion de Loewenfeld, de ilunich, est intéressante car il a subi la même évolution que AL Dubois; il a abandonné la fée électricité pour s'adonner à la psychothérapie et il écrit dans son livre : s Aucun de ceux qui ont considéré la suggestion hypnotique comme rejetabîe et superflue, n'a fourni la preuve que ses présomptions reposent sur des expériences personnelles suffisantes. On ne peut se contenter de mots eu l'air dans une pareille question ».

AI. Dubois a écrit dans le Correspondant suûse, qu'il n'était pas arrivé à hypnotiser plus de 30 % de ses malades, donc nous pouvons lui appliquer le jugement ci-dessus.

"ÏTetterstrand, de Stockholm, qui a aussi abandonné la pratique générale de la médecine pour se livrer à l'hypnotisme écrit dans son livre : « Je termine mon travail en disant que la suggestion hypnotique est d'une valeur inestimable dans beaucoup de cas et que souvent elle est le seul moyen d'arriver au but ».

Comparez les appréciations modestes de ces deux médecins et celle de Bernheim citée plus haut sur l'hypnotisme, appréciations modestes puisqu'elles affirment seulement, que dans certains cas c'est le seul moyen d'arriver au but, comparez-les à celles de il. Dubois et vous verrez où est l'exagération.

II. Dubois affirme à voix haute que la conviction logique seule lui suffit pour guérir les psychonévrosés, ilais ensuite ¡1 dit le contraire à la page 260 : « Je me ferais fort d'immuniser la plupart des sujets contre toute influence suggestive (dans le sens restreint du mot), et cela non pas en m'adressant à leur polygone, sur lequel je n'ai aucune prise, mais à leur moi le plus élevé, eu leur rendant l'esprit critique et la conscience de leur indépendance a.

M. Dubois affirme donc qu'il n'a aucune prise sur le polygone; al'.iB comment guérit-il les troubles du polygone que if. Grasset, lui, indique comme étant justifiables de l'hypnotisme ? il. Dubois a écrit que les troubles reinaus des enfants et particulièrement l'incontinence, doivent être soignés par la suggestion hypnotique, ilaîs il n'en fournit pas la vraie explication. Il ne peut pas guérir tous ces cas-là (je ne nie pas qu'il en cuérisse quelques-uns), il ne peut guérir d'une façon générale tous les cas d'incontinence essentielle, non pas parce que la raison est trop peu développée chez les enfants comme il le dit, mais parce que l'incontinence est précisément un trouble du polygone, de la sousconscience sur lequel le raisonnement et l'éducation n'ont presque pas d'effet. Examinons ces cas-là un peu en détail afin de ne pas revenir sur ce sujet en parlant des autres troubles du polygone ou de la sousconscience. 2ïous prétendons qu'aucune méthode ne peut dans les cas d'incontinence essentielle d'urine et des fèces : 1° fournir un aussi grand nombre de guérisons que la méthode hypnotique: 2° guérir ces cas-là avec plus de rapidité; 3° les guérir sans avoir recours à la diète et à la cure de repos et sans .être obligé de réveiller les enfants.

ïf. Dubois lui-même, proscrit les boissons et prend des mesures inutiles pour nous. Ou bien, quand il ne traite pas les incontinents, les envoie chez un hypnotiseur, sans sa carte de recommandation. Pourquoi ne le dit-il pas dans son livre ? Tout cela est significatif et a d'autant plus de valeur pour nous "ue certains confrères prétendent guérir les incontinents par de simples mesures éducatives.

Il constitue un aveu d'impuissance de la psychothérapie éducative dans ces cas-là.

Il est facile de le comprendre quand on veut raisonner. Le relâchement du muscle sphincter seul peut expliquer l'incontinence. Ce relâchement a lieu parce que l'enfant dort si profondément qu'il ne peut sentir le besoin provoqué par la distension de la vessie, normalement, pendant le sommeil, le polygone, la sousconscience, perçoit la sensation de la vessie et déclenche la contraction du sphincter; l'incontinent, lui, dort trop profondément pour percevoir la sensation et la surveiller; le réflexe automatique du sphincter ne fonctionne pas constamment et l'urine s'écoule au moment où le sommeil est le plus profond. On comprend que la psychothérapie ne puisse agir sur ce trouble ou bien elle ne le peut qu'en agissant sur la sùggesti-bilité de l'enfant; on est en droit d'affirmer que les enfants qui guérissent par hasard par une des méthodes habituelles, électricité, éducation, remèdes, etc., sont très suggestibles. Ce sont ces cas qui guérissent rapidement par la suggestion hypnotique, souvent en une séance ou deux.

Les vraies méthodes thérapeutiques sont celles qui s'adressent aux causes directes; dans le cas de l'incontinence, la seule méthode directe est l'hypnotisme, parce que pendant l'hypnose on peut modï-

fier le sommeil de l'enfant, le rendre moins profond et lui apprendre à sentir le besoin d'uriner en dormant.

Pendant qu'il est hypnotisé, l'enfant ou l'adulte sent le besoin d'uriner et il arrive un moment où il le sent si fort qu'il se réveille facilement; il est évident que le but est atteint, et que pendant la nuit aussi il commencera de réaliser la suggestion de se réveiller en sentant le besoin d'uriner, comme il l'a fait pendant l'hypnose.

Il est difficile de prouver à M. "Dubois que, par la psychothérapie rationnelle, on ne peut guérir d'une façon générale, tous les cas de vomissements de la grossesse. Il n'en parle pas dans son livre. Xous ne nions pas que tous les moyens peuvent arrêter ou diminuer les vomissements de la grossesse, mais chaque moyen ne réussissant que par hasard, par suggestion indirecte, le médecin possède de cette façon une arme qui dépend du malade et de sa suggestibilité. On comprend ainsi pourquoi, en pratique, tous les moyens qui ont été conseillés contre les vomissements de la grossesse n'ont aucune valeur scientifique. Le seul scientifique, parce que s'adressant directement à là cause, est la suggestion hypnotique; cette suggestion dépend du médecin et peut agir sur le polygone pour arrêter l'irritation réflexe produite par la dilatation de la matrice et par les troubles généraux qui l'accompagnent. Il est possible d'arrêter les vomissements toujours dès la première séance hypnotique et les nausées disparaissent au bout de quelques jours.

M. Dubois parle beaucoup des psychonévroses menstruelles, mais pas du tout des troubles menstruels mêmes. H est impossible par la psychothérapie (d'une façon générale, cela s'entend) de régler le flux menstruel, d'arrêter des hémorragies profuses, de guérir des cas d'aménorrhée, de faire cesser sur-le-champ une crise de dysménorrhée. Nous avons dans l'hypnose un moyen unique d'agir sur le polygone et par conséquent sur le centre vasonioteur. C'est pour cela que nous pouvons guérir les troubles menstruels fonctionnels, si fréquents chez les nerveux, troubles qui ne disparaissent pas toujours quand Yétat nerveux s'améliore.

Comment par la psychothérapie empêcher une accouchée de souffrir ? Les accoucheurs ne se rendent pas compte de l'importance de l'hypnotisme et s'ils s'en donnaient la peine, surtout dans les maternités, ils pourraient faire accoucher au moins la moitié des femmes sans douleurs et supprimer les tranchées après l'accouchement dans tous les cas. Ils pourraient provoquer la lactation dans les cas où les glandes suffisamment développées ne fournissent pas de lait.

Comment, en général, supprimer par le raisonnement les douleurs, névralgies, arthralgies, si fréquentes chez les névropathes? il. Dubois en cite des cas, mats d'une façon générale, nous sommes convaincus que dans ce domaine, l'hypnotisme laisse la psychothérapie bien loin au-dessous de lui. il. Dubois ne le cache pas au reste, ear il affirme qu'il ne t combat pas directement ces symptômes, et

« qu'ayant pour but la guérison de l'état nerveux, il faut que ses « malades prennent patience d'ici là ».

Nous ne doutons pas que la guérison d'un état nerveux amène avec elle la disparition des douleurs, mais cela n'est pas toujours Je cas. Et c'est alors à ces malades que if. Dubois inculque sa philosophie pour supporter les misères de leur constitution. Voilà de nouveau un aveu d'impuissance qui passera inaperçu des médecins ignorant les bases et les limites de la thérapeutique hypnotique. Pour notre part, nous avons vu deux tabétiques atteints de violentes crises ne retirer aucun bénéfice de la psychothérapie et subir une amélioration très grande de notre traitement, amélioration qui se poursuivit de façon que, dans un cas, les crises cessèrent complètement au bout de quelques semaines. Nous sommes arrivés dans bien des cas incurables, rhumatisme déformant, sclerodermie, phtisie, cancer, à diminuer les douleurs d'une façon appréciable. Il est évident que cette action palliative est momentanée. Nous avons essayé les premières années de notre pratique jusqu'à quel point l'hypnotisme exerce son action palliative, dans ces cas-là et si nous avons trouvé qu'elle a été exagérée par quelques auteurs, il est certain que selon les indications elle est plus grande qu'on ne le peut supposer. C'est aussi l'opinion de Wetterstrand. L'action palliative est plus marquée dans la phtisie, le cancer, le rhumatisme déformant que dans les lésions nerveuses (névrites, névrcmes, myélites, etc.).

(à suivre)

société d'hypnologie et de psychologie

."Séance du mardi 1G janvier 1036. — Présidence de M. le D* Jules Voistx.

La séance est ouverte à 4 h. 40.

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.

il. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres de Mil. les D" Barbier (de Paris), Orlitzky (de Moscou), Jaguaribe (de Sao Paulo, Brésil), "Witry (de Trèves-sur - Moselle, Allemagne), Feuillade (de Lyon), et de M. de Coynart. La correspondance imprimée comprend les travaux suivants : Les Raies de feu ou méthode pour appliquer les pointes de feu sans -faire mal au malade par M. le D* Coste de Lagrave : La Criminalité infantile par M. le Dr Emile Laurent ; Etude médico-psychologique sur Olympe de Gouges, considérations générales sur la mentalité des femmes pendant la Révolution française, par il. le Dr Alfred Guil-lois.

M. le Président annonce à la Société nue l'un de nos vice-présidents, M. Boirac, Recteur de l'Académie de Dijon, vient d'être élu, à l'unanimité des suffrages, membre correspondant de l'Académie des .Sciences morales et politiques, pour la Section de Philosophie. Il prie

il. le Secrétaire général de transmettre à notre collègue les félicitations unanimes des membres de la Société.

L'ordre du jour appelle l'exposé et la discussion des communications suivantes :

1° Dr Barbiee : Sur un cas de crises de sommeil léthargique chez une hystérique. Discussion : ilil. Paul Farez, Bertillon, Bériîïon, Paul Magnin et Raffegeau.

2" if. QaxjJA : La qualité de la voix dans la pratique de la suggestion. Discussion : ilil. Berillon, Lionel Dauriac et Lépinay.

3" Dr Daaïoglov (du Caire) : ilutisme hystérique guéri en une séance de suggestion hypnotique.

il. le Président met aux voix les candidatures de if il. les Docteurs de Torrès (de Luchon), Halm (de Parisjj Çantin (de Brie-Comte-Robert) et de if. d'Asprémont, docteur en droit, Conseiller d'ambassade à Rome, qui sont élus, à l'unanimité, membres titulaires de la-Société.

La séance est levée à 6 h. 40.

Sur un cas de crises de sommeil léthargique chez une hystérique

par M. le Dr Bar die r.

Comme suite aux communications si intéressantes de M. le D' Paul Farez sur le sommeil pathologique, je désire vous apporter une observation personnelle, que j'ai recueillie autrefois dans le service de mon excellent maître, le Dr Dieulafoy, alors que j'avais l'honneur d'être son élève. Voici le cas en question :

Il s'agissait d'une femme de 47 ans, cuisinière de son état, qui avait été amenée à l'Hôrel-Dieu, salle Ste-Jeanne, lit n° 7, le 5 décembre 1900, à 2 heures du matin, par des agents qui l'avaient trouvée endormie sur la voie publique et n'avaient pu la tirer de son sommeil. Elle resta ainsi plusieurs jours dans un état de somnolence dont on ne la faisait sortir que très difficilement, et ce ne fut qu'avec beaucoup de patience que nous pûmes en obtenir quelques renseignements.

C'était, nous dit-elle, la septième fois, depuis deux ans, que pareil accident lui arrivait. En juin 189S, elle avait eu une grande frayeur : un voleur avait voulu entrer chez elle et avait fait sauter la porte de sa chambre. Se trouvant tout à coup en face de lui, elle s'était mise à crier et à appeler au secours : les voisins étaient accourus à ses cris et le voleur avait pris la fuite. A la suite de cette forte émotion, elle avait dû garder le lit pendant trois jours; et, depuis ce moment, elle se plaignait de battements de cœur violents, qu'un rien suffisait à faire réapparaître.

Sa première crise se produisit au mois de décembre de la même année : elle tomba en plein jour dans la rue sans connaissance et fut ramenée chez elle dans cet état.

Le 7 février 1899, elle entra à l'hôpital Tenon dans le service du Dr Bourcy pour une deuxième crise analogue. Elle y resta un mois et fut soignée par des applications d'aimant.

Au mois d'avril suivant, troisième crise de léthargie : elle s'était trouvée mal chez un pharmacien et avait été conduite à l'hôpital Andral.

Elle y fut soignée également par des applications d'aimants; elle y resta encore un mois.

Au mois d'août de la même année, quatrième crise de sommeil : elle était tombée dans la rue et avait été conduite à l'hôpital St-Antoine où elle resta 4 mois et fut également soignée par des applications d'aimants.

La cinquième eut lieu au mois de janvier 1900; on la conduisit à l'hôpital St-Antoine, où elle resta encore un mois.

La sixième crise léthargique se produisit au mois de février sui-vaut : elle revenait de chez le boulanger, quand elle tomba tout à coup sans connaissance et fut conduite de nouveau à l'hôpital St-Antoine, service de if. Galliard, où elle resta sept semaines.

La septième crise est celle que nous avons observée : la veille à 10 heures du soir, ses maîtres l'ayant envoyée faire une commission, elle était tombée dans la rue sans connaissance et était restée dans cet état jusqu'au moment de l'arrivée des agents qui l'avaient relevée et l'avaient transportée à l'Hôtel-Dieu.

Chose intéressante, cette crise de léthargie, comme d'ailleurs toutes les précédentes, était survenue en pleine période cataménîale; la menstruation n'en avait été toutefois nullement troublée.

Pendant les quelques jours que dura la crise, elle ne prit aucun aliment solide, se contentant d'un peu de lait, en disant qu'elle n'avait aucune sensation de faim. Elle restait aussi très longtemps sans éprouver le besoin d'uriner. Elle n'avait plus de forces dans les jambes et dès qu'on essayait de la faire mettre debout, elle retombait comme une masse. Le blépharospasme qu'elle présentait l'empêchait d'ouvrir les yeux à la lumière.

C'était, comme nous l'avons dit au début, une femme très nerveuse, qui pour un rien éprouvait des palpitations ; elle était souvent sujette à des crises de larmes. Au point de vue de la recherche des zones hystérogènes, on constatait de la douleur à la pression des globes oculaires; mais c'était souvent la pression des zones ovariennes qui éveillait les plus vives douleurs. En dehors de ces régions hyperesthé-siques, Fanesthésie était partout complète, tant à la piqûre, qu'aux variations thermiques.

Mais chose remarquable, les fonctions sensorielles étaient restées intactes. Ainsi elle distinguait très bien l'odeur de l'éther de l'odeur de l'eau de Cologne, elle ressentait très bien l'amertume du sulfate de quinine et entendait à une distance normale le tic-tac d'une montre.

En dehors de l'état nerveux, cette femme ne présentait aucune lésion organique; ses antécédents ne présentaient rien de particulier à noter. Elle aurait eu cependant, en 1899, au cours d'une bronchite, une hémoptj*sie sous forme d'écume rosée. Quant à l'alcoolisme, elle s'en défendait absolument et n'en présentait d'ailleurs aucun stigmate.

Sa crise de sommeil ne dura que trois à quatre jours; elle revint progressivement à son état normal et quitta l'Hôtel-Dieu au bout de huit jours.

Nous n'en avions plus entendu parler, lorsque, au commencement de Tannée 1903, nous eûmes l'occasion de la retrouver à l'hôpital St-Louis dans le service de notre dévoué maître le professeur Gaucher. A. ce moment elle avait changé de métier : ne trouvant plus à se placer comme cuisinière à cause de son âge, elle s'était mise blanchisseuse. Un jour, sortant du lavoir du quai de Valmy, où elle travaillait, elle était tombée sans connaissance dans la rue; des agents l'ayant trouvée dans cet état, l'avaient transportée à St-Louis. Cette nouvelle crise de sommeil ne dura que deux à trois jours : à son réveil, elle nous reconnut très bien, se rappelant que nous l'avions déjà soignée deux ans auparavant à l'Hôtel-Dieu. Elle resta une huitaine de jours dans le service et depuis, nous n'avons plus eu de ses nouvelles.

Telle est l'observation que je désirais apporter à la Société d'Hyp-nologic et de Psychologie. Je n'ai pas besoin do dire qu'il s'agit dans ce cas d'une forme spéciale d'attaques hystériques, que l'on décrit sous le nom de forme léthargique : la crise de sommeil constitue ici l'équivalent d'une attaque d'hystérie classique. Elle remplace à elle seule l'attaque tout entière, alors que plus fréquemment elle n'en constitue que la phase terminale. Xofre cas répond à la variété apoplectique, décrite par Gilles de la Tourette, la malade dans chacune de ses crises, tombant sans connaissance, comme foudroyée. Ce sur quoi je désire surtout attirer l'attention de la Société, c'est cette coïncidence particulière des crises de sommeil avec les périodes menstruelles: ce fait, à ma connaissance, ne doit pas encore avoir été signalé. H s'explique d'ailleurs facilement : l'intoxication générale qui se produit chez la rênime à cette époque peut très bien se localiser sur les centres nerveux et déterminer la. rétraction des prolongements des neurones à l'instar des poisons soporiiïques.

Il me faut maintenant insister sur quelques autres particularités que présente encore cette observation. C'ost d'abord l'intégrité absolue des fonctions sensorielles (goût, ouïe, odorat), contrastant avec l'abolition presque complète de la sensibilité cutanée. L'anesthésie s'étendait, en effet, à toute la surface du corps : il n'existait que deux zones d'hyperesthésie, la surface des globes oculaires et surtout la région ovarienne. L'existence de ces deux zones hystérogènes est un fait très fréquent en pareil cas : la dormeuse de Thenelles, pour ne citer qu'un exemple, avait présenfé pendant une certaine période de

sou sommeil une zone hystérogène de la région moyenne du sternum. TJn autre point intéressant à noter chez notre malade, est l'existence du blépharospasme : c'était l'unique phénomène spasmodique qu'elle présentait, alors que tous les autres muscles étaient en état de détente complète. Ce spasme, dû à la contracture intermittente des muscles orbiculaires des paupières, se rencontre dans bon nombre d'observations : la dormeuse de Thenelles présentait également de la trémula-tîon des paupières.

Au point de Tue des fonctions de nutrition, notre malade obéissait, elle aussi, pendant ses courtes crises de sommeil, à la règle générale : ces fonctions offraient un ralentissement notable, d'où l'absence de sensation de faim et la rareté des mictions. Si enfin, nous remontons à l'origine de ces crises de léthargie, nous rencontrons, comme dans toutes les autres observations, une cause provocatrice : ici c'est le choc moral, la frayeur qu'elle eut de se trouver face à face avec un voleur qui voulait pénétrer chez elle. Chez la dormeuse de Thenelles, c'était également la peur que lui firent les gendarmes .qui venaient l'arrêter. Plus rarement, il s'agit d'un choc physique, une commotion sur la tête, comme dans un cas rapporté à notre Société par notre confrère, le IV Paul Farez.

Tels sont, Mesdames et Messieurs, les points principaux de l'observation que je désirais rapporter devant vous. Cette observation est assurément incomplète, à bien des points de vue, mais vous voudrez bien m'excuser en vous rappelant qu'elle a été prise il y a cinq ans, alors que j'étais simple. étudiant et que je n'avais pas encore sur les maladies nerveuses la compétence que j'ai pu acquérir dans la suite, grâce à l'enseignement de mon émincnt maître, le Dr Bérillon.

Discussion

Dr Jacques Bertixlox. — On peut se demander dans quelle mesure des actions suggestives sont intervenues dans la création et l'entretien de ces états pathologiques. Quand on se trouve en présence d'hystériques très suggestibles, il faut se défier de la suggestion. La moindre parole inconsidérée leur trace une ligne de conduite et elles s'y conforment automatiquement.

D* Bértxlox. — L'observation de M. Bertillon est très juste. Tous ceux jusqu'à la connaissance de l'influence de la suggestion, qui ont observé des hystériques les ont influencées sans s'en douter.

Dr Paul Farez. — L'anesthésie généralisée, l'immobilité absolue, les contractures musculaires, la suspension de l'alimentation et des excrétions sont des caractères que l'on attribue aux cas types de sommeil hystérique. Leur coexistence, loin d'être générale, est plutôt rare. En clinique courante, on constate tantôt la présence, tantôt l'absence de quelques-uns de ces grands signes classiques. Chaque cas comporte ses variations individuelles. Ainsi, chez Gésine, l'ouïe est totalement suspendue, la vue et le tact sont obtus, le goût est normal et l'odorat considérablement hyperesthésié. Quant au réveil,

il peut avoir lieu, non pas brusquement, mais par une restauration progressive des diverses sensibilités inhibées, comme chez Argentina. Parfois aussi l'on constate, pendant les sommeils, une indigence à peu près complète de signes somatiques : ainsi Àrgentïna était dans un état permanent de résolution musculaire aussi .bien que Gésine; d'ailleurs, de loin en loin, Argentina présentait seulement une contracture passagère de la langue. De même, loin de ne manifester et de ne satisfaire aucun besoin, Gésine s'agite et, par des mouvements appropriés, manifeste sa faim, sa soif, ainsi que ses besoins d'uriner et de déféquer; elle manifeste aussi parfois son mécontentement; quand on lui donne à manger, elle mastique et déglutit : elle rejette même les aliments qui. lui déplaisent. De même que toute autre manifestation de )a grande névrose, le sommeil hystérique ne saurait comporter une symptomatologie univoque.

m Mutisme hystérique guéri

en une séance de suggestion hypnotique,

par M. le Dr Dahoglou (du Caire).

fctmej... R..., de nationalité italienne, âgée de '.!9 ans, trè3 impressionnable depuis son enfance, a, depuis plusieurs années, des accès convulsifs avec perte de connaissance à la suite d'une vive émotion, d'une peur, d'une contrariété quelconque.

II y a quatre ans, après une crise convulsive, elle a perdu complètement la parole. Pendant huit jours elle a suivi un traitement médical, sans la moindre amélioration ; et, en désespoir de cause, elle consulta le Dr L... qui la guérit en trois séances hypnotiques. La guérison ne s'était pas démentie, lorsque le 22 octobre 1901 à 10 heures du matin, à la suite d'une vive discussion, elle eut un fort accès avec perte de connaissance : quand elle se réveilla une heure après, elle ne pouvait ni parler, ni émettre le moindre son.

On m'appelle auprès de la malade ; je la trouve tout en larmes et incapable de communiquer avec moi autrement que par signes.

Les antécédents personnels de notre malade, sa première guérison par la suggestion hypnotique, la cause de son état actuel, la conservation parfaite de l'intelligence et des mouvements, tout cela ne pouvait s'expliquer que par un trouble purement dynamique des fonctions cérébrales.

Séance tenante, je lui ferme les paupières ; je lui applique le pouce et l'index de ma main gauche sur les globes oculaires tandis que de la main droite je lui fais quelques passes le long du corps. Puis je lui suggère d'être calme et tranquille. SousTinflucncede mes suggestions faites à voix basse, monotone, elle s'endort très profondément. Alors je lui fais boire â trois reprises un demi-verre d'eau et, d'un ton très catégorique, j'affirme que le médicament qu'elle vient de prendre est spécifique et Infaillible pour son cas ; j'ajoute qu'au bout de dix minutes elle se ré-

veillera et sera complètement guérie ; elle parlera sans la moindre difficulté.

Une fois qu'elle est éveillée, je lui demande son nom. Sans la moindre hésitation et à la stupéfaction de son mari et ainsi que de deux autres personnes qui assistent à la séance, elle me répond : Ida. Puis je lui demande de quelle ville de l'Italie elle est originaire, quel est son âge, depuis combien de temps elle habite Le Caire, etc. A toutes mes questions elle répond très bien et à haute voix.

Je ne l'ai pas revue depuis ce jour-là ; mais des personnes qui la fréquentent m'ont affirmé qu'elle se porte toujours bien et qu'elle parle depuis lors aussi bien qu'avant sa dernière crise.

Au moment où j'achevais d'écrire cette observation on est venu m'ap-peler pour une consultation dans le voisinage de Mme J... R... Profitant de cette occasion, je suis allé la saluer sans avoir fait passer ma carte. Elle m'a répondu : veuillez, je vous prie, me dire votre nom, car je n'ai pas l'honneur de vous connaître. Je lui présentai alors ma carte. Aussitôt, elle m'adressa ses vifs remerciements pour mes bons soins, m'as-surant que depuis lors elle a recouvré pleinement la faculté d'éloculion.

Séance du 20 février 1900. — Présidence de Mil. le D* Paul Maoxis et le i" Lionel )>.\ .. vice-présidents.

La séance est ouverte à 4 h. 45.

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.

M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend les lettres de MM. les D" Jules Voisin, Habn (de Paris), Wïtry (de Trèves-sur-Moselle) et Guillemonat (de Paris), ainsi qu'une brochure de M. le Dr Bonjour (de Lausanne), intitulée : « Peut-on provoquer l'accouchement par la suggestion hypnotique ? »

Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :

1° M. de Cotxaet: Examens de convulsionnaires au xvm* siècle

2° Dr Le Mexaxt des Chesxais :~Borborygmes hystériques traité» avec succès par la suggestion hypnotique. Discussion : MM. Berillon et Paul Magnin.

3° M. Louis Eavse. A propos de la définition de la suggestion. Discussion : MM. Félix Eegnault, Lionel Dauriac et Berillon.

4° M. Lionel Datj-riac. Le repos et la remémorât ion. Discussion : MM. de Coynart et Berillon.

M. le Président met aux voix les candidatures de MM. les Docteurs Barthe de Sandfort (de Paris), Germiquet (de Romont, Suisse), Mercier (de Paris), du colonel Collet (de Nancy), de M. Laroche, docteur en droit, et de M. Cornejo, ministre plénipotentiaire (Lima, Pérou) qui sont élus, à l'unanimité, membres titulaires de la Société.

La séance est levée à 6 h. 45.

Borborygmes hystériques guéris par la suggestion

hypnotique

par le D' Le Menant des Chesnais

Il y a quelques années, je fus appelé à donner mes soins dans une famille, à une jeune bonne à laquelle on tenait beaucoup parce qu'elle était honnête, propre et très soigneuse dans son service. Depuis quelques mois elle était atteinte de mouvements bruyants de l'intestin qui, malgré bien des médications, affirmait la famille, avaient tellement augmenté d'intensité que le service de celte jeune hite devenait réellement pénible, non seulement pour elle, mais aussi pour ses maîtres surtout au moment des repas.

Ces bruits intestinaux étaient également entendus la nuit par sa voisine de chambre ; ils existaient donc aussi bien à l'état de sommeil qu'à l'état de veille.

Dans la rue, dans les magasins, ils étaient une cause de vexation pour la jeune fille.

On me la montra. Petite, mince, d'un caractère timide et facilement émotive, elle ne ressent aucune souffrance.

Sa langue est propre et humide, son appétit régulier, ses digestions paraissent indépendantes des borborygmes ; pas ou peu de constipation ; règles normales.

La famille m'avait fait appeler pour savoir si l'hypnotisme ne pourrait pas triompher de cette gênante infirmité.

Evidemment nous étions en face d'accidents nerveux, hystériques si l'on veut, bien que la jeune fille ne présentât aucun trouble de la sensibilité de la peau, des muqueuses, ni aucun trouble sensoriel ; elle n'avait aucune bizarrerie dans les idées ou dans le caractère.

Bien des fois déjà j'avais eu l'occasion de constater les heureux résultats de la suggestion hypnotique dans des cas analogues.

Je n'hésitai donc pas à recourir immédiatement à ce mode de traitement.

La jeune fille s'endormit rapidement et profondément dès cette première séance.

Mais je constatai qu'en état d'hypnose avec anesthesic assez marquée et automatisme des mouvements, les borborygmes continuèrent comme à l'état de veille jusqu'au moment où. plaçant ma main sur son ventre à travers ses vêtements, je lui fis la suggestion qu'ils allaient dispara ifre.

Ils diminuèrent effectivement, s'arrètant même de temps en temps mais sans disparaître.

Je prévins alors la malade, qu'à son réveil après cette courte séance, ils continueraient à diminuer de plus en plus.

C'est ce qui arriva, et après quelques séances elle en fut complètement débarrassée le jour ; la nuit cependant ils reviennent pendant le sommeil. Une nouvelle séance en triompha également.

Depuis cette époque, ses maitres ont remarqué que chaque fois qu'elle est vivement émotionnée, les borborygmes reviennent mais disparaissent à peu près en même temps que l'émotion.

Cette observation ne présente rien de nouveau pour ceux qui ont l'habitude de la pratique hypnotique, mais elle est intéressante au point de vue de la physiologie psychique.

La malade était fort ennuyée de l'intensité de ses borborygmes. Son maître ne voulait plus qu'elle serve à table parce que, très nerveux lui-même, il déclarait que ces bruits intestinaux au moment où il allait prendre d'un plat, le dégoûtaient.

J'ai dit que dans bien des circonstances, ils avaient été pour la jeune fille une cause de vexation.

Elle désirait donc vivement en être débarrassée, mais sa volonté était sans action sur ses borborygmes alors que son émotivité les accélérait.

Le sommeil naturel lui-même ne les calmait pas et le sommeil hypnotique sans autre suggestion avait paru ne pas les influencer.

Seule l'affirmation verbale perçue par elle pendant le sommeil hypnotique eut une influence rapide sur l'accélération du mouvement intestinal cause de ces bruits.

Nous savons que les organes de la vie végétative sont sous la dépendance du grand sympathique, qui, malgré ses anastomoses avec les nerfs crâniens parait recevoir son innervation uniquement de la moelle.

D'autre part il existe un antagonisme, sur lequel insiste M. Richet, dans son essai de psychologie générale, entre la moelle et le cerveau. L'action de ce segment supérieur des centres nerveux sur le segment inférieur qui est la moelle serait une action modératrice.

Chez notre malade cette action modératrice était insuffisante, même stimulée par l'ennui qu'éprouvait la jeune fille. '

Il fallait, pour triompher de cette infirmité, une stimulation plus forte.

M. Richet nous dit que, parmi les excitations sensorielles, celles de la vue et de l'ouïe doivent être regardées comme des excitations inhibi-toires, autrement dit d'arrêt.

Les résultats obtenus chez notre jeune fille semblent une confirmation clinique de cette donnée physiologique.

Qu'avons-nous fait dans ce cas et que faisons-nous en hypnotisme dans tous les cas analogues?

Nous avons stimulé l'action modératrice du cerveau en plaçant la malade par le sommeil hypnotique dans les meilleures conditions aptes à produire sur son cerveau une excitation intense du sens de l'ouïe et dans la direction même de notre suggestion.

Nous avons ainsi exalté dans cette direction l'action modératrice de son cerveau sur sa moelle, et par suite nous avons calmé l'exagération de ses mouvements intestinaux.

Cette action du cerveau sur la moelle a persisté.

* Si j'avais eu l'occasion d'hypnotiser de nouveau cette jeune fille, il est probable que j'aurais obtenu un succès définitif, complet, en diminuant son émotivité qui, comme nous l'avons signalé, paralyse encore de temps en temps l'action modératrice de son cerveau sur sa moelle.

Séance du Mardi 20 Mars 190a. — Présidence de M. le D" Jules Voisin.

La séance est ouverte à 4 h. 45.

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.

M. le Secrétaire Général donne lecture de la correspondance qui comprend, en particulier, une lettre de M. le D' de Torrès (de Luchon).

Les communications inscrites à l'ordre du jour sont faites ainsi qu'il suit :

1° Dr Pamaut. — Action de la suggestion hypnotique sur les troubles fonctionnels occasionnés par un kyste hydatique de l'estomac. — Dis-. cussion : MM. Bérillon, Paul Magnin. Cauvy et Paul Parez.

2» Dr Damoglou. — Deux cas de neurasthénie grave guéris par la suggestion hypnotique.

3° M. le professeur Lionel Dauriac. — La philosophie de Tarde. — Discussion : M. liérillon.

4° M. le Dr Demonchy. — La psychologie de la voix. — Discussion : MM. Lionel Dauriac et liérillon.

M. le Président met aux voix la candidature de M. le D' Guillemonat, de Paris, et de M. Quinque, professeur d'enfants anormaux. Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité.

Le 3" mardi d'avril tombant le lundi de Pâques, la société décide que la prochaine séance aura lieu en mai.

La séance est levée à 6 h. 50.

Action de la suggestion hypnotique sur les troubles fonctionnels occasionnés par un kyste hydatique de l'estomac

par M. le Dr René Pamart Professeur suppléant à l'£colc de psychologie.

L'observation que je soumets aujourd'hui à la Société remonte à quelque temps déjà. Ce fut en effet pendant l'été 1896 que Mlle .Anne L., habitant Alger, ayant à cette époque 24 ans, fut atteinte de fièvre typhoïde. Cette jeune fille présentait des stigmates indéniables de petite hystérie. Elle n'avait jamais eu de crises. Sa convalescence parut tout d'abord s'effectuer d'une façon absolument normale, lorsqu'au bout d'un mois se produisirent des phénomènes graves et inattendus. Sans aucune nouvelle cause apparente, l'estomac montre brusquement une intolérance absolue pour toute espèce d'alimentation. Quelques minutes après l'ingestion d'un aliment quelconque, solide ou liquide, la malade était secouée par un hoquet

extrêmement violent, aspiratif et bruyant comme est d'habitude le hoquet hystérique. Au bout de dix minutes, un quart d'heure, plus parfois, la crise se terminait par un vomissement et tout ce qui avait été absorbé était intégralement rendu.

En présence de ces phénomènes, qui ne pouvaient évidemment se prolonger sans mettre en question l'existence même de la malade, on prît le parti .d'employer les lavements alimentaires, et l'on eut successivement recours à toutes les ressources de la thérapeutique courante. Lavages de l'estomac, eau chloroformée, bromure, morphine, cocaïne, faradisation du diaphragme, massage vibratoire du nerf phrénique, gymnastique respiratoire, tout fut mis en œuvre; mais les efforts les plus patients et les plus ingénieux n'aboutirent à aucun résultat.

J'étais alors l'interne du médecin traitant, M. le Professeur Bùck, directeur de l'Ecole de médecine d'Alger. Des liens d'amitié unissaient depuis longtemps ma famille à la famille L... Aussi, bien que n'a3'ant encore, à cette époque, fait ftue fort peu d'hypnotisme, en présence d'une situation aussi grave, proposai-je l'emploi de la suggestion. En désespoir de cause, et, je dois l'ajouter, sans grande confiance, on accepta mon offre; au mois d'octobre 1896, j'endormis pour la première fois la jeune fille. Je pus obtenir une hypnose profonde. Je fis à la malade le menu détaillé de ce qu'elle mangerait à son repas du soir; je lui fis défense formelle d'avoir le hoquet ou de vomir; puis je l'éveillai, et demandai à être tenu au courant du résultat. Le lendemain, j'appris que les aliments avaient été absorbés et tolérés, que tout s'était passé pour le mieux.

Le traitement fut donc continué; il dépassa en durée toutes les prévisions primitives ; nous allons savoir pourquoi tout à l'heure. Il dura en effet vingt-deux mois.

Ayant obtenu des effets qui se maintenaient 24 heures, j'essayai d'aller plus loin, d'espacer graduellement les séances et d'arriver à un résultat définitif. Or. jamais Faction suggestive ne put se prolonger au delà de 48 heures: encore fallait-il un sommeil dans l'intervalle. J'avais été amené à procéder ainsi. Le lundi après-midi, par exemple, j'endormais la malade, je lui suc~érais la tolérance alimentaire jusqu'au lendemain; à une heure que je fixais pendant ce sommeil, je lui ordonnais de dormir quelques minutes, et d'avoir toute tranquillité jusqu'au mercredi soir; mais alors il me fallait intervenir à nouveau: impossible d'avoir des effets plus prolongés.

La malade vivait, c'était le principal; mais la situation n'était pourtant pas des plus gaies, et il était plutôt pénible de ne pouvoir se passer de son magnétiseur plus de 48 heures consécutives. Ainsi, la famille L... étant venue à Paris, avait dû faire exactement coïncider son séjour ici avec le mien, et cela au dépens de graves intérêts. Je me demandais sans y rien comprendre par quel mystère mon action, efficace pendant deux jours, ne pouvait l'être plus longtemps. J'ajoute

que les médecins et les chirurgiens qui examinèrent ma malede, et il y en eut de nombreux et d eniinents, ne trouvèrent dans son cas que des manifestations purement hystériques, sans porter aucun autre diagnostic.

Ce diagnostic exact, et en même temps l'explication des difficultés que j'avais rencontrées sans pouvoir les vaincre, nous fut donné au bout de 22 mois. A ce moment, Mlle L. ressentit, au niveau de la grande courbure de l'estomac, une sensation très douloureuse de déchirement, et elle vomit un flot d'hydatides accompagnées de fragments de membrane-mère.

De ce jour, tous les troubles cessèrent pour ne plus jamais reparaître. Mon ancienne malade est actuellement à Paris, je l'ai revue ces jour derniers, et jamais accident de semblable nature ne s'est reproduit depuis l'expulsion des hydatides.

Laissant de côté la rareté des kystes hydatiques de l'estomac, ce qui est une question de médecine et de chirurgie générale, permettez-moi d'attirer votre attention sur certains points spéciaux.

Tout d'abord, cette observation prouve que la suggestion hypnotique peut agir utilement et puissamment sur des manifestations matérielles d'affections matérielles, et non pas seulement d'ordre psychique. Le kyste, cause ignorée de la révolte de l'estomac, n'était pas une idée; c'était une cause physique, n'ayant rien à voir avec l'imagination.

Cette cause était constante; aussi, lorsque ma suggestion s'affaiblissait par ancienneté, le hoquet et les vomissements se reproduisaient-ils. Leur cause conservait une puissance égale à elle-même, tandis que mon action s'effaçait graduellement, et, au bout de 48 heures, l'équilibre se trouvait rompu.

Après les 24 premières heures, il fallait quelques minutes d'un nouveau sommeil hypnotique pour obtenir une prolongation de l'état normal. Pourquoi? Je ne veux pas donner ici un avis sur lequel j'hésite moi-même. Ce sommeil a?issait-il simplement parce qu'il réalisait la réédition des conditions matérielles de la suggestion précédente? Ou bien ce sommeil, par le complet repos qu'il comportait, jouait-il un rôle particulier, un rôle sédatif? Constituait-il une sorte d'exercice d'immobilisation, et pourrait-on comparer ses effets à ceux d'un serre-corps qui modère certaines toux? Toujours est-il que, chaque fois que j'essayai d'en dispenser ma malade, ce fut pour voir reparaître hoquet et vomissements dès le troisième repas qui suivait la séance d'hypnose. Si l'on pouvait se fier aux impressions d'un sujet — et il s'agissait ici d'une personne très intelligente et très observatrice — je dirais que la dernière hypothèse aurait des chances d'être la vraie : car, pour employer l'expression de Mlle L., elle se sentait « rechargée » après avoir dormi- «lie comparait ainsi ce sommeil à un véritable relais électrique, rechargeant un accumulateur.

Discussion

M. Bebillox. — La valeur propre du sommeil provoqué est à la fois trop négligée et trop méconnue en psychothérapie. Dans bien des cas la production de l'hypnose, en dehors de toute suggestion, peut suffire à ramener le calme, à équilibrer l'état mental.

Un vieil adage enseigne que « la nuit porte conseil »; en réalité, ce n'est pas la nuit qui rend ce service : ce sont certains états intermédiaires entre la veille et le sommeil profond. Quand nous sommes déjà plongés dans un état passif assez accentué, nous acquérons le pouvoir de monoïdéiser, c'est-à-dire de concentrer notre attention avec plus de force sur telle ou telle idée déterminée. Il en résulte que nous y pensons avec plus de force. Nous utilisons à son maximum notre pouvoir de réflexion de sorte que nous arrivons à des notions plus exactes et pius précises que lorsque notre pensée est contrariée par les influences extérieures qui viennent la distraire. A d'autres points de vue, la sédatîon qui résulte du sommeil provoqué constitue un état favorable pour l'accomplissement des fonctions de la vie organique. Ainsi, il m'arrive fréquemment de limiter le traitement psychothérapique à des séances de sommeil provoqué. Ces séances constituent des sortes de haltes venant interrompre la dépense exagérée de l'activité nerveuse. Malgré leur durée limitée, elles permettent à l'énergie de s'accumuler. On peut les comparer aux résistances qui placées sur le trajet de courants électriques permettent d'en doser le débit et d'en limiter la dépense.

M. Paul Farez. — Qu'il y ait simple trouble fonctionnel ou lésion organique, la sollicitation nauséeuse devient le vomissement habituel, périodique ou incoercible, lorsque le sujet se laisse monoïdéiser par la sensation présente: il réalise alors, conformément aux lois de vertige mental, ce qui lui est représenté fortement, en l'absence de tout état de conscience réducteur. Ea suggestion hypnotique est le traitement de choix de ces sortes de vomissements, de même que des vomissements hystériques, naupathiques, trravidiques, etc.; en effet, elle développe le contrôle et la maîtrise de soi, elle éduque la volonté, elle crée ou exalte le pouvoir d'arrêt : ainsi, elle inhibe le réflexe du vomissement, tout comme en orthopédie mentale et morale, elle réfrène les mauvaises habitudes, les désiîs impérieux, les impulsions automatiques.

cours et conférences

Délire hystérique

par M. le Professeur Raymond (•) *

Voici une femme âgée de 64 ans, qui présente des hallucinations, du délire, des crises d'excitation presque maniaque, en apparence. Or elle n'est point folle ; c'est une hystérique.

Son histoire est d'autant plus intéressante qu'elle est malade depuis longtemps et qu'elle a été l'objet d'une leçon faite par Lasègue, à la Pitié, il y a trente-six ans. Or les modifications survenues dans son état depuis cette époque permettent d'affirmer la nature des troubles de mentalité qu'elle offre.

En effet, c'est vers l'âge de 25 ans qu'elle a commencé à éprouver les phénomènes dont il s'agit. D'abord, aussitôt qu'elle était couchée dans son lit, elle avait des hallucinations de l'ouïe, de la vue, du sens génital et du tact.

Elle entendait des voix, voyait des animaux courir autour d'elle, etc. Sur ces hallucinations s'édifie un délire systématisé logique. Ces voix qu'elle entendait étaient pour elle celles de personnes déterminées, qu'elle prétendait reconnaître au son de leur voix.

Et toutes ces hallucinations, elle les a encore actuellement.

Cela l'incommode si fort, qu'elle a pris l'habitude de cacher sous son traversin, un gourdin avec lequel elle s'escrime contre ce monde imaginaire. Des parents qui sont là viennent la réveiller et tout rentre momentanément dans l'ordre: mais la même scène recommence plusieurs fois dans la nuit.

Quelquefois aussi, des hallucinations la prennent dans le courant de la journée, particulièrement vers la tombée du jour, ou bien pendant les après-midi sombres d'hiver, quand elle se trouve seule et s'ennuie; alors apparaissent devant elle des êtres fantastiques.

L'état de la santé générale est très bon.

Au premier abord, on pourrait croire qu'il s'agit d'un délire de persécution, avec hallucinations multiples et actes résultant logiquement de leur systématisation. Mais déjà Lasègue, lorsqu'il examina cette malade s'était refusé à voir en elle une persécutée: a cette femme, disait-il en 1870, est bonne comme du bon pain, et celles qui sont atteintes du délire chronique de persécution ne présentent pas cette manière d'être. » Cette femme est remarquable, en effet, par son expression calme, sa bonne physionomie, empreinte de placidité et de douceur.

Voilà donc une première remarque, d'ordre général, qui devait faire écarter le diagnostic de la folie et de la persécution.

Il y a une autre remarque, celle-ci plus strictement médicale, qui doit conduire à une conclusion identique. C'est ce fait que la bonté ne réside pas seulement dans l'expression de son visage, mais qu'elle ressort de la nature même de ses actes. En effet, on n'y retrouve ni la jalousie, ni l'intérêt, que présentent les persécutés. On ne retrouve pas ces périodes d'inquiétude, d'interrogation, d'hypochondrie, décrites par les aliénistes dans le délire chronique de persécution : l'individu commence par penser qu'il a des ennemis qui le tourmentent, puis il a des hallucinations, et au bout de deux ou trois ans, s'interrogeant sans cesse, le persécuté change sa personnalité et entre dans la période ambitieuse ; il règle l'expression de son visage et sa manière d'agir sur de

nouvelles conceptions, devient vaniteux, ambitieux ou jaloux, et se livre à tel acte démontrant qu'il est aliéné.

Notre malade a des hallucinations totales, complètes, de la vue, de l'ouïe, du sens génital et du toucher, depuis une quarantaine d'années ; or, si c'était un délire chronique, la maladie aurait dû évoluer.

Pour le diagnostic, il est utile de fixer votre attention sur un détail de cette observation qui a son importance; c'est le suivant: cette femme est prise de ses hallucinations surtout quand elle a attendu très tard pour se coucher. C'est lorsqu'elle commence à dormir que son délire se manifeste, c'est-à-dire dans un état d'automatisme cérébral. Autrement dit, elle tombe dans une attaque de sommeil hystérique.

On connaitbien aujourd'hui ces faits. Cette attaque de sommeil peut durer quelques heures ou quelques minutes seulement, ou bien au contraire des mois et des années. On a encore présent à l'esprit un cas dans lequel cette période léthargique dura vingt ans.

Lorsqu'on peut examiner les malades dans cet état, on retrouve certains indices, comme les battements des paupières, un certain degré de raideur des muscles, etc., qui ne laisse aucun doute sur la nature toute particulière de leursommeii. II ne nous a pas été donné de pouvoir faire cette observation chez notre malade, mais ce que nous savons de ses antécédents est suffisant pour corroborer notre opinion sur sa nature hystérique.

Nous avons appris que dès l'âge de 13 à 13 ans, moment où apparurent ses règles, elle était sujette à de petits accès dont elle a conservé un souvenir assez vague. Puis vers l'âge de 16 à 17 ans, elle fut placée comme bonne en diverses maisons, mais elle était renvoyée de partout parce que les uns la considéraient comme une ivrogne, les autres comme une somnambule ou une épilepiique I! lui arrivait en effet d'être prise dans la journée, à l'occasion d'une fatigue ou d'une émotion quelconque, de crises de sommeil hystérique. Elle habitait alors un petit village, et à ce moment-là, son caractère hystérique se révélait par des conceptions bizarres, des romans imaginaires dont elle se croyait l'héroïne, ce qui lui attirait une foule de tracasseries.

Cette femme a été présentée par LàSèGUE comme une hystérique, en état de délire hystérique. C'est un cas extrêmement intéressant.

Quelle que soit l'interprétation du trouble psychique, qu'on admette la synthèse mentale oscillante de Janet, phénomène en rapport avec un état physiologique particulier de la couche corticale, qu'il s'agisse de polarisation ou non, la thérapeutique, dans un cas de ce genre, doit tendre à amener le réveil dynamique de l'écorce, et la reviviscence de la mémoire, soit par l'hypnose, soit par la mécanothérapie ou tout autre moyen. La mentalité d'une hystérique est un phénomène de dynamique cérébrale, la texture du cerveau n'est pas modifiée ; c'est un état particulier qui survient brusquement et peut cesser de même, comme l'élec-vrisation d'un bâton de verre. Je crois que nous pourrons débarrasser cette malade de ses hallucinations.

TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

Alcoolisme et tremblement hystérique, par Raymond, p. 316.

Alcoolisme (Le traitement psychologique de l'), par Bérillon, p. 319.

Allocution du Dr Jules Voisin, p. 262.

Allocution du Dr Paul Magnin, p. 264.

Allocution du Dr LloydTuckey, p- 266.

Allocution du professeur Lionel Dau-riac, p. 285.

Aliénés ou demi-aliénés deviennent des marabouts et sont vénérés par les indigenes (Pourquoi les), par Bou-hageb, p. 345

Anesthésiques, et en particulier de la scopolamine, envisagés comme adjuvants de la suggestion hypnotique (Des), par Bérillon, p. 307.

Aphonie non hystérique (Un cas de), par Pamart, p. 346.

Barbe (Les femmes à), par Bérillon, p. 2, 35, 68, 99, 134, 167, 198.

Bérillon au grade de Chevalier de la Légion d'honneur (La nomination du Dr), par Paul Magnin. p. 321.

Bernadette, de Lourdes (L'hystérie de), par Rouby, p. 11, 46, 78, 142.

Bibliothèque de l'Ecole de Psychologie, p. 161. Bushido, p. 26.

Banquet en l'honneur du Dr Bérillon, p. 353.

Borborygmes hystériques, par Le Menant des Chesnais, p- 372.

Cercle Liébeault, à Saratow, p. 194. Chaire de Clinique thérapeut., p. 195. Chorée arythmique hystérique, par

Raymond, p. 286. Congrès de Liège en 1905. p- 96, 97-

Cours de M. le Dr Jules Voisin à la Salpêtrière, p. 192, 256.

Cours du Dr Bérillon, p. 288, 320.

Cours de Pychopathologie du tube digestif, à la Faculté de Médecine, par le Dr Paul Farez, p. 352.

Critique du livre de Dubois (de Berne), par Bonjour, p. 320, ?57.

Délire hystérique, par Raymond, ?.?77. Discours du Dr Jules Voisin, p. 230. Distinctions honorifiques, p. 288. Donneuse de San Remo (La), par Paul Farez, p. 339.

Ecole de Psychologie, p. 159, 222, 226, 256.

L'Ecole de Psychologie, par Bérillon, p. 227.

Ectothérapie cérébrale, p. 58.

Enfant susceptible, p. 98.

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie, p. 192, 222, 320, 351.

Exorcismes au xixe siècle, par Witry, p. 163, 196, 305.

Fatigue suggérée (La), par Martial

Vergnolle, p. 251. Fétiche pour prendre du poisson, p. 96. Fœtus (Influence des impressions des

parents sur le), par Podiaposlky,

p. 88.

Folie hystérique, par Raymond, p. 189. Force nerveuse (Modifications que subit la), par Paul Joire, p. 119.

Graphologie et médecine, par Boucard, p. 93.

Grimace (La), par Bloch, p. 93.

Hasard (La psychologie des jeux de), par Hermann Laurent, p. 22.

Huchard (Lettre ouverte aux membres

du Parlement), p. 132. Hypersuggestibles (Trois maladies),

par Pamart, p. 314. Hypnose spirite (L'), par Demonchy,

p. 63.

Hypnotique de la race nègre (Susceptibilité), p. 350.

Hypnotisme chez les animaux, par Lé-pinay et Grollet, p. 217.

Hypnotisme et le prétendu magnétisme animal (L'), par Louis Favre, p. 62.

Hypnotisme dans l'éducation correctionnelle, p. 99.

Hypnocyanotrope, par Paul Farez, p. 308.

Inauguration du Buste de Liébeault à l'Ecole de psychologie, p. 162, 226,

Inculpes (L'examen mental des), p. 317 Intelligence chez la chèvre, le chat et

le chien, par Minette, p. 343. Intimidation : les timidités (La psychologie de l'), par Bérillon, p. 325, 354.

Kleptomanie (Contribution au traitement psycho-mécanique de la), par Pamart, p. 250.

Kyste hydatique de l'estomac (Troubles fonctionnels occasionnés par), par Pamart, p. 374.

Langage chez les enfants (Les maladies du), par Chervin, p. 159.

Liébeault (L'œuvre psychologique de), par Bérillon, p. 267.

Liébeault (Hymne à Liébeault), par Jules Bois, p. 282.

Lumière colorée et hypnocyanotrope, par Paul Farez, p. 308.

Magnan (Le jubilé du Dr), p. 289.

Marnay (Prix Liébeault), p. 84.

Mirko (Visite à l'Institut psycho-physiologique), p. 132.

Momie (Dominique Castagna, l'homme-), p. 155.

Mutisme hystérique, par Pamart, p. 370.

névroses provoquées par les tremblements de terre, p. 98.

Ouverture du cours de clinique thérapeutique de M. le Pr Albert Robin, p. 289.

Ouvrages déposés à la Revue, p. 160.

Pédagogie au congrès pour l'avancement des sciences, p. 353.

Pédagogie des anormaux, p. 67.

Perversion sexuelle, par Lloyd Tuc-key ,p. 91.

Phobie de l'eau, p. 67.

Prix Liébeault, p. 84.

Prophètes juifs, par Binet Sanglé, p. 254.

Psychologie au congrès de l'avancement des Sciences, p. 65.

Psychologie au congrès belge de neurologie et de psychiâtrie, p. 131.

Psychothérapie et hypnotisme, par Paul Magnin, p. 232, 290.

Rapport sur le congrès belge de neurologie, par Demonchy, p. 248.

Religieuses de Port-Royal, par Binet Sanglé, par 115, 146, 176, 209, 241, 302.

Richer (Election à l'Académie des Beaux-Arts), p. 33.

Récompenses académiques, le Dr Voisin, p. 224.

Roues à carillon, p. 94.

Simulateur (La psychologie du), par

Courtault, p. 180. Société d'hypnolegie et de psychologie,

p. 29, 61, 83, 128, 159, 191. 221, 248,

255, 287, 311, 317, 342, 350, 365. Société de pathologie comparée, p. 162,

195.

Sommeil (La position pendant le), p. 318.

Sommeil hystérique, par Jourdan (de Marseille), p. 17, 53.

Sommeil léthargique chez une hystérique, par Barbier, p. 366.

Sommeil naturel (Suggestion pendant

le), par Ramboris, p. 153. Suggestion musicale, par Pamart, p. S5 Suicide en Annam, p. I. Suicides des animaux, p. 256. Suggestion (Définition de la), p. 348. Superstition du lapin, p. 95. Surmenage intellectuel (Contre le),

p. 128.

Tarde (Eloge de), p. I.

Tarde (Gabriel), Nécrologie, p. 30.

Tic d'habitude chez un éthylique, par

Raymond, p. 190. Trac par asynergie des images mentales, par Paul Farez, p. 213. « Traqueur », premier prix du Conservatoire (Un ancien), par Paul Farez, p. 310.

Vomissements incoercibles, datant de 3 ans, guéris par l'hypnotisme, par Paul Joire, p. 311.

TABLE DES FIGURES

Hatshopsitou, reine de la iS* dynastie

thébaine................................. 4

Hatshopsitou, reine de la iS* dynastie

thébaine................................. 5

La reine Ah ma si........................ 6

Marguerite d'Autriche ............... 8

Femme à barbe ayant vécu au 17e

siècle .................................... 10

Dr Paul Richer ........................ 33

La déesse Isî»........................... 37

Monnaie de Magnésie du Sipyle 38

Statue trouvée dans l'île de Chypre 39 Figure votive trouvée dans l'Ile de

Chypre................................. 40

Aphrodite barbue....................... 41

Monnaie d'Halicarnasse ............ 43

Gorgone archaïque barbue ......... 43

Gorgone barbue ........................ 44

Gorgone barbue ........................ 45

Gorgone barbue ........................ 45

Gorgone barbue ........................ 46

Dieux lares .............................. 70

Dieux lares .............................. 71

Buste de personnage barbu, avec

seins de femme...................... 72

Un démon femelle..................... 73

Démon femelle ......................... 74

Eon gnostique........................... 76

Eon gnostique........................... 76

Eon gnostique........................... 77

Eon gnostique........................... 78

Figure de Baphomet.................. 100

Figure de Baphomet.................. 100

Figure de Baphomet.................. 101

Figure de Baphomet.................. 101

Figure de Baphomet.................. 102

Sainte Wilgeforte...................... 106

Sainte Wilgeforte...................... 107

M. le professeur Lépine ............ 129

M. le professeur Bouchard......... 130

S. A. le prince Mirko (de Monténégro».....*............................ 133

Sainte Wilgeforte ..................... 134

Sainte Liberata ......................... 135

Sainte Wilgeforte ..................... 136

Sainte Wilgeforte ..................... 137

Sainte Affligée .......................... 138

Christ habillé de Lucques ......... 139

Sainte Wilgeforte ..................... 141

Dominique Castagsa, l'homme-

momie................................... 156

Idole juive, Astarté .................. 168

Camée romain .......................... 169

Mlle Valhen, femme à barbe ...... 170

Mme Hudjon, femme a barbe......171

Mme K., femme à barbe............ 172

Mlle D., femme à barbe ............ 174

Mme Lestienne, femme à barbe... 175 Mme Mathilde Van de Canter ... 199

Margret Halseber...................... 200

Anne Baudesson ........................ 201

Madeleine Ventura..................... 203

Buste du Dr Liébcault ............... 257

Le dernier portrait de Liébeault... 272 La clinique du Dr Liébeault, à

Nancy ...........*........................376

M. le Dr Beauois ..................... 281

TABLE DES AUTEURS ET COLLABORATEURS

Benllon, a, 25, 35, 67, 68, 99, IV4, 167, 189, 198, 227, 267, 288, 307, 313, 325. 334. 369, 377.

Binet-Sanglé, 115, 146, 176, 209, 241,

254. 302.

Bianchì, 58. Blech, 25. Bloch, 93.

Bonjour (De Lausanne), 330, 357.

Boucard, 93.

Brunon, 67.

Bois (Jules), 282.

Bouhagcb (de Tunis), 345.

Barbier, 366.

Bertillon, 369.

Chcrvin, 159. Courtault, 180.

Damoglou, 370.

Dauriac (Lionel), 1, 25, 2B5, 313. Demonchy, 63, 248. Drioux, 35.

Farei (Paul), 84, 9'. I54, 213, 308, 310,

313, 339, 352, 369, 377. Favre (Louis), 62.

Giard, 65. Grollet, 317.

Huchard, 34.

Joire (Paul), 119, 311. Jourdan (de Marseille), 17, 53.

Laurant (Hermann), 22.

Lépinay, 217.

Lloyd Tuckey, 91, 266.

Le Menant des Chesnais, 372.

Magnin (Paul), 26, 232, 164, 290, 313,

322. Minette, 342.

Pamart, 85, 250, 314, 340, 374. Podiapolsky, 88.

Rambotis, 153.

Raymond, 189, 190, 286, 316, 377.

Regnault (Félix), 348.

Rouby (d'Alger), 11, 46, 78, 108, 14a.

Vergnolle (Martial), 251. Voisin, 92, 224, 230, 262, 313.

Witry (de Trêves), 163, 196, 305.

L'Administraleur-Gérant : Ed. BÉRILLON.