REVUE DE
L’HYPNOTISME ET DE LA
PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
REVUE
DE
L’HYPNOTISME
ET DE LA
PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
Paraissant tous les mois
PSYCHOLOGIE — PÉDAGOGIE — MÉDECINE LÉGA MALADIES MENTALES ET NERVEUSES
Rédacteur es chef: Docteur Edgar BÉRILLON
COLLABORATEURS FONDATEURS
CHARCOT; DUMONTPALLIER ; LUYS; MESNET ; Augusto VOISIN DELBŒUF (de Liège) ; HACKTUKE (de Londres); SEMAL (de Mons).
PRINCIPAUX COLLABORATEURS
MM. les Docteurs AZAM, prof, àia Faculté da Bordeaux; BARETY (de Nice); BERNHEIM. prof, à !a Faculté do Nancy; BABINSKI, méd. de la Pitié;
DE BEAUVAIS; BREMAUD (de Brest); BRIAND, méd. de l’Asile de Villejuif; CRUISE (do Dublin); L. DAURIAG, prof, à la Faculté des lettres de Montpellier; GUIMBEAU ; W. DEKHTEREFF (do Saint-Pétersbourfr) ;
Van EEDEN (d'Amsterdam) ; GRASSET, prof, à la Faculté de Montpellier; BINET-SANGLE; O. JENNINGS, P. JOIRE, (de Lille); JAGUARIBE(Rio-de-Janeiro);
LACASSAGNE, prof, i la Faculté de Lyon; LADAME (de Genève); LIÉBEAULT (de Nancy); LEGRAIN, méd. de l’Asile de Vaucluse ; Henry LEMESLE LLOYD-TUCKEY .de Londres); MANOUVRIER; prof, à l’Ecole d’Antropologie; MASOIN,prof, à l'Université de Louvain; Milke BRAMWELL (de Londres); MABILLE, méd. de l'Asile de Lafond; Paul MAGNIN; MOLL idc Beriiu);
MORSELLI (de Gènes); DE PACKIEWICZ (de Riga);
PITRES, prof.à la Faculté de Bordeaux; RAFFEGEAÜ (du Véafnet;
Félix REGNAULT; Charles RI CH ET, prof, à la Faculté de Paris;
Van RENTERGHEM, (d’Amsterdam); Von SCHRENK-NOTZING (de Munich); SPERLING (de Berlin); TOKARSKI, (de Moscou); J. VOISIN, méd. de la Salpò trière; STEMBO(de Vilna:; VLAVIANOS(d’Athènes}; WETTERSTRAND (de Stockholm); LIÉGEOIS, prof, à l’Univ. de Nancy; BOIRAC. recteur derUniv.de Grenobh; Pierro JANET, agrégé de l’Université; Max DESSOIR (de Berlin,;
TARDE ; STUMPF, prof. à l'Univ. de Berlin ; Ch. JULLIOT ;
Max NORD AU ; A. DE ROCHAS; Jules SOURY, etc., etc.
Secrétaire de la Rédaction : D' Paul FAREZ.
LE NUMÉRO: 60 CENT.
Rédaction et Administration : 14, rue Taltbout, Paris (9e).
1901
REVUE DE QU’HYPNOTISME
EX PERI MIÄYAL EV ,TI IÉRAPElîTIQUB
(r** .C :
15° Année — X° I.
Juillet 1000
DEUXIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'HYPNOTISME
EXPERIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE.
En conviant au deuxième Congres international de ïHypnotisme expérimental et thérapeutique les savants français et étrangers qui s’intéressent au progrès de l’Hypnotisme, les organisateurs rappellent que le premier congrès a réuni en 1889 un nombre considérable de médecins, de professeurs, de philosophes, de magistrats, d’avocats et de sociologues et que les communications ont donné lieu à des débats fort importants.
Tous ceux qui ont pris part aux travaux de ce congrès se souviennent de l’esprit de concorde et de progrès qui a animé les congressistes pendant la durée de ces assises mémorables.
Le deuxième congrès aura pour but principal :
1. De fixer d’une façon définitive la terminologie de la science de l’hypnotisme ;
2. D’enregistrer et de déterminer les acquisitions réelles faites jusqu’à ce jour dans le domaine de l’hypnotisme.
Pour conserver au congrès son caractère exclusivement scientifique, le comité n’acceptera que des communications se rapportant aux applications cliniques, médico-légales, psycho-phvsiologiques, pédagogiques et sociologiques de l’hypnotisme et des phénomènes qui s’y rattachent.
Le but du second Congrès de l’hypnotisme est ainsi nettement tracé.
Il est donc entendu que le congrès de lTIypnotisme n’em-piètera sur aucun des domaines réservés à d’autres congrès se réunissant vers la même époque. La réunion du congrès suivra presque immédiatement celle du Congrès international des sciences médicales.
RÈGLEMENT
Art. I*r.
Le Congrès se réunira à Paris du 12 au 16 août 1900. — La séance d'ouverture est fixée au dimanche 12 août, à trois heures. —Les séances auront lieu au Palais des Congrès.
Seront membres du Congrès : 1° Les membres de la Société d’Hypno-logie et de Psychologie;
2° Tous les adhérents qui auront fait parvenir leur adhésion avant le 12 août 1900
N. B. — Le Comité d'organisation du Congrès, a donné pleins pouvoirs au bureau pour statuer en dernier ressort sur les demandes d’admission et les communications verbales ou écrites.
Art. II.
Les adhérents au Congrès auront seuls le droit de prendre part aux discussions.
Art. III.
Le droit d’admission est fixe à 20 francs.
Art. IV.
Le Congrès se composera :
1. D'une séance d'ouverture :
2. De séances consacrées à la discussion des rapports et aux communications ;
3. De conférences générales ;
4. De visites dans les hôpitaux et hospices ;
5. D’excursions, de réceptions et de fêtes organisées par le Bureau.
Art. V.
Les communications seront divisées en quatre groupes :
1. Applications cliniques et thérapeutiques d’hypnotisme et de la suggestion ;
2. Applications pédagogiques et sociologiques ;
3. Applications psycho-physiologiques ;
4. Applications médico-légales.
Art. VI.
Les communications et les comptes rendus des discussions seront réunis dans une publication adressée à tous les adhérents.
Art. VIL
Les adhérents sont invités à adresser le plus tôt possible le titre de leurs communications à M. le Secrétaire général.
Les manuscrits des communications devront être déposés sur le Bureau avant la fin de la séance. — Les orateurs qui auront pris la parole
dans la discussion devront remettre leur argumentation au cours même de la séance.
Art. VIII.
Toutes les communications relatives au congrès, demandes d’admission, ouvrages manuscrits cl imprimés, etc. , doivent être adressées à M le L)r Bérillon, Secrétaire général, 14, rue Tailbout, à Paris (Téléphone 22k-01).
COM MISSION D’ORGANISATION
Bureau
Président.
M. le docteur Voisin (Jules), médecin de la Salpêtrière, président de la Société d’hypnologie.
Vice-Présidents.
MM. Dauriac (Lionel), professeur honoraire à la Faculté des lettres.
le docteur Grasset, professeur à la Faculté de médecine de Montpellier. Liégeois, professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Melcot, avocat général à la Cour de Cassation.
Secrétaire général.
M. le docteur I5EHILL0N, médecin inspecteur des asiles d’aliénés de la Seine directeur de la Revue de VHypnotisme.
Secrétaire général adjoint.
M. le docteur Farez (Paul), licencié en philosophie.
Secrétaires.
MM. JüLLiOT, docteur en droit, le docteur Lemesle (Henry);
Lépinay, médecin vétérinaire.
le docteur Regnault (Félix), ancien interne des hôpitaux.
Trésorier.
M. Colas (Albert), président de la Société d'études philosophiques et sociales.
Présidents d’honneur.
MM. le docteur Joffroy, professeur à la Faculté de médec ine de Paris, le docteur Raymond, professeur à la Faculté de médecine de Paris, le docteur Richet (Charles), professeur à la Faculté de médecine de Paris.
le docteur DüRaND de Gros. le docteur Liébeault, de Nancy.
Soüry (Jules), professeur à l'ÉcoIe pratique des Ilautes-Études.
Membres de la Commission d'organisation MM. le Dr Barinski. médecin de la Piljé.
le Dr Bêrillon, médecin inspecteur des asiles d’aliénés de la Seine, directeur de la Revue de VHypnotisme. le Dr Bernheim, professeur à la Faculté de Nancy.
Boirac, recteur de l’Académie de Grenoble.
le Dr Briand, médecin en chef de l’Asile de Villejuif.
Caustier, professeur au lycée Hoche.
Colas, président de la Société d’études philosophiques et sociales. Coutaud, docteur en droit.
le Dr Cullerre, médecin de l’Asile de La Roche-sur-Yon. le Dr Charpentier, médecin de la Salpétrière.
Dauriac (Lionel), prof, à la Faculté des Lettres de Montpellier, le l)r Deny, médecin de la Salpétrière.
Dïvkande, procureur de la République, à Dieppe.
le Dr Déjerine, médecin de la Salpétrière, agrégé à la Faculté.
le Dr Farez (Paul), licencié en philosophie.
le Dr Grasset, professeur de la Faculté de Montpellier.
le Dr Legrain, médecin do l’asile de Ville-Evrard.
le Dr Lèpine, professeur de la Faculté de Lyon.
Liégeois, professeur de la Faculté de droit de Nimcy.
Magnin (Paul), vice-président de la Société d'hypnologie.
Melcot. avocat général de la Cour de cassation, le Dr Pau de Saint-Martin, médecin-major de lr* classe, le Dr Pitres, professeur de la Faculté de Bordeaux, le Dr Richer (Paul), membre de l'Académie de médecine, le Dr Rodin (Albert), membre de l'Académie de médecine.
Tarde, professeur au collège de France.
Toutée, (Paul), vice-président du Tribunal de la Seine, le Dr Voisin (Jules), médecin de la Salpétrière.
QUESTIONS MISES A L’ORDRE DU JOUR
I
Rédaction d’un vocabulaire concernant la terminologie de l'hypnotisme et des phénomènes qui s'y rapportent.
Rapporteurs : M. le Dr Bêrillon, M. le Dr Paul Farez.
II
Les rapports de l’hypnotisme avec l’hystérie.
Rapporteurs : M. le Dr Paul Magnin, M. le Dr J.Crocq (de Bruxelles).
III
Les applications de l’hypnotisme à la thérapeutique générale. Rapporteur: M. le l)r Milne Bramwell (de Londres).
IV
Les indications de l’hypnotisme et de la suggestion dans le traitement des maladies mentales et de l’alcoolisme.
Rapporteurs : M. le Dr Tokarsky (de Moscou), et M. le Dr Lloyd Tockey de (Londres).
V
Les applications de l'hypnotisme à la pédagogie générale et à l’orthopédie mentale.
Rapporteur : M. le Dr Bérillon.
VI
Valeur de l’hypnotisme comme moyen d’investigation psychologique.
Rapporteurs : M. le Dr Vogt (de Berlin), M. le Dr Paul Fahez, M. le Dr Félix Regnault.
VII
L’hypnotisme devant la loi du 30 novembre 1892, sur l’exercice de la médecine. — Intervention des pouvoirs publics dans la réglementation de l'hypnotisme.
Rapporteurs : M. le Dr Henry Lemesle, M. Ch. Julliot, docteur en droit.
VIII
La suggestion et l’hypnotisme dans leurs rapports avec la jurisprudence.
Rapporteurs : M. le Dr Von Sciirenk-Notzing (de Munich); M. le Dr Paul Joire (de Lille).
IX
Responsabilités spéciales résultant de la pratique de l’hypnotisme expérimental.
Rapporteur : M. le professeur Boirac.
Première liste de communications.
Bérillon et Bellemanière (Paris) : Recherches sur la tension artérielle dans les étals hypnotiques. — Applications de la méthode graphique. Bourdon (Méru) : Suggestion et hypnotisme. — Importance de l'hypnotisme en psychothérapie.
Barauuc (Paris) : Les vibrations de la vitalité animale et mentale mensurée par la biométrie.
Bilhaut (Paris) : La radiographie envisagée dans ses rapports avec la psychothérapie.
Charpentier, Albert (Paris) : Nature du sommeil hypnotique.
Cullerre (La-Roche-sur-Yon) : Note sur le traitement de l'incontinence d urino parla suggestion.
Durand’de Gros (Arsac, Aveyron) : Considérations sur la terminologie de l’hypnotisme.
Fretwell (Providence. Etats-Unis) : L'abus de l'hypnotisme en Amérique.
Farez (Paris) : La suggestion pendant le sommeil naturel.
Arie de Jong (La Haye) : La suggestion hypnotique dans le traitement de l’alcoolisme et du morphinisme.
Coste DE Lagraye : ¡Durtol, Puy-de-Dôme) : De l'auto-suggestion et de l’auto-hypnotisation expérimentales.
Mootin (Boulogne*sur-Seine) : Le diagnostic de la suggestibilité. — Examen critique des divers procédés hypnotiques. (Avec démonstrations expérimentales.)
Henrik-Petersbn (Boston) : Odeurs psychiques.
Herbert Parkyn (Chicago) : Analyse du somnambulisme hypnotique. Raffegf.au (Le Vésinetj : Xote sur un cas de léthargie chez une hystérique.
Tamrurini (Reggio Emilia) : Rapports de l’hystérie et de l'hypnotisme.
Autres communications annoncées : Clark Bell (New-York;, Jules Voisin (Paris), Pau de Saint-Martin (Paris), Van Renterghem (Amsterdam), J. Ochorowicz (Varsovie), Lipinsky (Varsovie), Van Velsen (Bruxelles).
N.B. — Les auteurs de communications sont invités à adresser le plus rapidement possible une note résumée au secrétaire général, 14, rue Tailbout. Cette note sera imprimée avant l'ouverture du Congrès; elle est destinée à faciliter le travail delà Presse médicale.
Renseignements relatifs au Congrès de l’Hypnotisme.
Cartes d’adhérents. — Pendant la durée du congrès international de riiypnotisme (du 12 au 16 août), les membres du congrès auront droit à l'entrée gratuite à l’exposition.
Les adhérents qui n'auront pas reçu la carte qui leur sera délivrée à cet effet, pourront la retirer au Secrétariat général, 14, rue Taitbout, au moment de l'ouverture de la session.
Dès leur arrivée à Paris, les membres du congrès sont invités à donner leur adresse au Secrétariat général.
Délégués officiels. — M. le ministre de la guerre a désigné comme délégué officiel de son département au congrès de l’Hypnotisme, M. le colonel Pistor, breveté d’état-major.
— M. le ministre de la marine a délégué au môme titre M. le Dr Vincent, médecin principal de la marine.
— L’Académie royale de médecine de Belgique a délégué M. le professeur Masoin de Louvain, pour la représenter officiellement au congrès de riiypnotisme.
— La république du Mexique a délégué pour la représenter M. le colonel Manuel Mondragon et M. le professeur Ferrari Perez.
— La république de l'Equateur a délégué M. le Dr Rafaël Rodriguez Zambrano.
— Le gouvernement royal de Roumanie a délégué M. le professeur Thomas Tonesco, de Bucarest.
— La Société des Médecins aliénistes et neurologistes de Moscou a délégué M. le Dr Toxarsky, privât docent à la Faculté de Moscou.
— La Société médicale d'Athènes a délégué M. le Dr Georges Caryo-piiyllis, professeur agrégé à l’Université d’Athènes.
— La Société d’hygiène de l'enfance a délégué MM. lesDM Chassaing et Degoix.
Réceptions. — Parmi les réceptions qui seront offertes aux membres du congres de l’Hypnotisme, nous pouvons déjà citer :
1° Une visite à l'hospice de la Salpètrière, sous la direction de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière. Cette visite sera suivie d’un lunch.
2° Une visite à la maison de santé du D'Raffegeau, au Vésinet (photothérapie, hydrothérapie et électrothérapie). Cette visite sera suivie d’un -lunch.
3° Une réception à l’institut psycho-physiologique (49, rue Saint-An-dré-des-Arts).
4° Une réception à l’Hôtel de Ville de Paris.
Les membres du Congrès seront également invités aux réceptions officielles et aux fêtes qui auront lieu au moment du Congrès.
Banquet. —Un banquet terminera les travaux du Congrès.
Confèrences. — Plusieurs conférences avec projections retraceront l’histoire de l’hypnotisme expérimental et thérapeutique (l’œuvre de Charcot à la Salpètrière et de Dumontpallier à la Pitié).
programme provisoire :
Séance d’ouverture. — La séance d’ouverture du congrès aura lieu le dimanche 12 août, à trois heures, sous la présidence de M. le professeur Raymond, membre de l’Académie de médecine.
1° Discours de réception par M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière, président du congrès.
2° Discours d’inauguration, par M. le professeur Raymond, président d’honneur du congrès.
3° Communications sur l’organisation du congrès par le Secrétaire général.
4° Commencement «les travaux par la lecture des rapports généraux soumis à la discussion du congrès (le programme détaillé des travaux du congrès sera distribué à cette séance .
Les lois psychologiques de l’hiérogénie (*)
Par le Dr Charles Binet-Sanglé.
IV
LA CONTAGION RELIGIEUSE
III. — TRIANGLES DE SUGGESTION RELIGIEUSE 6. Soudure des triangles de suggestion. — Un sujet-base d'un triangle de suggestion à sommet supérieur, peut être en même temps sujet-sommet d!un triangle de môme ordre. En voici un exemple. 11 montre avec quelle rapidité peuvent se propager les idées.
(1) Voir les numéros précédents.
De même un sujet-sommet d’un triangle de suggestion à sommet inférieur peut être en même temps sujet-base d'un triangle de même ordre. La fig. 6 nous en montre un exemple. C'est ce que j’appelle la soudure des triangles de suggestion.
Fig. C.
IV. — HIÉROSYNCROTÈMES
La soudure des chapelets et des triangles de suggestion religieuse a pour résultat la formation des agrégats de suggestion religieuse ou hiérosyncrotèmes (icpoç; sacré goyxsotr^i groupe).
I. — CLASSIFICATION DES HIÉROSYNCROTÈMES
Je divise les hiérosyncrotèmes en :
1° Hiérosyncrotèmes familiaux.
2° — paroissiaux ou de quartier.
36 — villageois ou urbains.
4° — provinciaux.
5* — ethniques.
6° — internationaux.
1. Hiérosj'ncr'otèmes familiaux. — Je trouve dans mon Histoire les 51 exemples suivants d’hiérosyncrotèmes familiaux, où ne sont compris que les membres qui entrèrent en religion ou menèrent la vie des solitaires :
1° Agrégats de 2 membres
I Les du Fossé.
V Les Giroust.
2° Agrégats de 1 Les Hallay.
3 membres \ Les Iiucqueville.
I Les de Luynes.
\ Les de Sainte-Marlhe.
3e Agrégat de 4 membres : Les Pascal.
4° Agrégats de 5 membres : Les Akakia ; Les Racine. 5° Agrégat de 7 membres : Les Wallon de Beaupuis. 0° Agrégat de 34 membres : Les Arnauld.
Les d’Angennes.
Les Bignon-Briquet.
Les Boulogne—Le Charron d’Espinoy. Les de Buzenval.
Les des Champs des Landes.
Les Dumont.
Les Domat.
Les Lancelot.-Les de Ligny.
Les de Rebergues.
Les Suireau-Nicole.
Je donne ci-contre ce dernier agrégat. Il est complet (ce qui n’est peut-être pas vrai de tous les précédents), car l’histoire des Arnauld est bien connue O). Son examen entraine la conviction. Le rôle quejouent, d'une part le terrain, l’hypersuggestibi-lité et ses adjuvants psychiques, autrement dit l'affection mentale, d’autre part la contagion, dans la propagation des idées religieuses, y est manifeste.
Dans le mode de formation des hiérosyncrotèmes familiaux, il y a lieu de distinguer :
1° I.a suggestion de père ou de mère à fils ou à fille. — Comme exemple de suggestion religieuse paterno-filiale, je citerai les cas suivants :
Charles du Chemin suggestionné par son père ;
Des Champs des Landes suggestionnant son fils ;
Domat suggestionnant son fils ;
Robert Arnauld d’Andilly suggestionnant trois de scs fils et scs six fil l'es.
Comme exemples de suggestion religieuse materno-filiale, je citerai les cas suivants :
Marie Desmoulins suggestionnant sa fille;
Anne de Boulogne suggestionnant son fils ;
Catherine Arnauld suggestionnant ses cinq fils.
Comme exemple de suggestion religieuse paterno-materno-filiale, je citerai les cas suivants :
Les Hallay suggestionnant leur fille;
Les Briquet suggestionnant leur fille ;
Les de Luynes suggestionnant leurs deux filles;
Les du Fossé suggestionnant leurs trois fils et leurs deux filles ;
Les Arnauld l’avocat suggestionnant leurs trois fils et leurs six filles.
2° La suggestion de fils ou de fille à père ou à mère. — Comme exemple de suggestion religieuse lilio-pateroelle, je citerai le cas de Biaise Pascal suggestionnant son père.
3° La suggestion de frère ou de sœur à frère ou à sœur. — Comme exemples de suggestion religieuse fraterno-fraternelle, je citerai le cas d’Antoine Le Maistre suggestionnant ses frères, et le cas des frères Dumont.
(1) Vatus. — La vérité sur Us Arnauld. Lyon 1817.
Comme exemples de suggestion fraterno-sororale, je citerai le cas de Biaise Pascal suggestionnant ses deux sœurs.
Comme exemples de suggestion sororo-sororale, je citerai le cas de Jacqueline et de Jeanne Arnauld se suggestionnant réciproquement, et celui de Jacqueline Pascal suggestionnant sa sœur Gilberte.
Claude Lancelot et sa sœur, Charles de Rebergues et sa sœur, Charles Akakia du Mont, ses trois frères et sa sœur, Marguerite Hucqueville et son frère, les trois frères et sœur Giroust, nous offrent encore des exemples de suggestion interfraternelle.
4° La suggestion d'oncle ou de tante à neveu ou à nièce. —Comme exemples, je citerai le cas de Jacques Sirmond suggestionnant son neveu Domat, celui de Wallon de Beaupuis suggestionné par son oncle, et suggestionnant son neveu et ses nièces, celui de Marie Suireau suggestionnant son neveu Pierre Nicole, et celui de Catherine Marión suggestionnant sa nièce Madeleine Marión.
5° La suggestion de neveu ou de nièce à oncle ou à tante. —Je n’en connais pas actuellement d'exemple.
6° Là suggestion entre époux ('). — Je citerai : le couple Florin Péricr. le couple Etienne Briquet, le couple Louis-Charles-Albert de Luynes. le couple Arnauld l’avocat, le couple du Fossé.
2. Hiérosyncrotèmes paroissiaux ou de quartier.
Exemple: L’agrégat janséniste qui parait s’être formé autour de l'église Saint-Merry, dont nous voyons deux curés, llillerin et Duhamel, recruter des disciples à Port-Royal.
3. Hiérosyncrotèmes villageois et urbains.
Exemple : L’agrégat rouvilliste dont Jean Guillebert fut le centre, et le grand agrégat janséniste parisien.
4. Hiérosyncrotèmes provinciaux.
Exemple : L’agrégat janséniste qui parait s’être formé dans le Poitou, autour de du Vergier de Hauranne, abbé de Saint-
(1) L'existence de la folio à deux est une preuve du rôle considérable que joue la suggestion dans la genèse des maladies mentales, et un encouragement à suivre l’exemple d’Auguste Voisin.
Cyran, deChâteignierde la Roche-Pozay, évêque de Poitiers, et du propriétaire poitevin Artus de Roannez.
5. Hiérosyncrotèmes ethniques.
Exemple : L’agrégat mosaïste.
6. Hiérosyncrotèmes internationaux.
Les exemples sont nombreux : agrégats bouddhiste,chrétien, mahométan, etc.
Lorsqu'on aura construit des cartes hiérologiques (1) pour différentes régions et pour différentes époques on s’apercevra :
1° Que, pour une région déterminée, la dévotion varie avec les époques.
2° Que, pour une époque déterminée, la dévotion varie avec les régions.
3° Que certaines régions sont toujours plus dévotes que d’autres. Ce qui tient d’une part à la race, d’autre part au milieu. Victor Ilugo écrivait au sujet de la Vendée :
« L'éducation n'est pas la même, faite parles sommets et par les bas-fonds » (•’).
Les agrégats religieux se forment et s'accroissent comme les iles madréporiques. Et ce sont de véritables colonies que j’ai étudiées, des colonies humaines, des colonies psychiques. Le morphisme de chaque madrépore est gouverné par l’architecture générale du polypier, de telle sorte que, même isolé, on peut dire qu’il fait encore partie de l'ensemble. Il en est de même du dévot. Il va et il vient. Il parait libre. Céré-bralement il ne l’est pas. Relié un instant à son sugges-tionneur par des trajectoires de signes, comparables aux rayons électriques qui, dans la télégraphie sans fil, relient l'appareil transmetteur à l'appareil récepteur, il a été cohéré d’une manière durable, et souvent même il porte à jamais la marque de son agrégation. Le mot religion (religare-relier) a été admirablement choisi. Aucun dévot n’est une individualité,® une personne. Il fait partie d'une colonie.
J’ai fait, dans mon Histoire des suggestions religieuses dans la famille Pascal, l'analyse de quelques-unes de ces colonies religieuses. J’ai disséqué ces zoïdes. J'ai montré comment s'adaptaient leurs éléments. Puis, dans l’étude présente, pro-
(1) La carte, récemment construite, des propriétés des congrégations religieuse* en France donne une idée de la figure qu’on obtiendra.
(2) Victor Huoo. — Quatre-vingt-treize.
cédant par synthèse, j’ai essayé une reconstitution méthodique des hiérosyncrotèmes, en commençant par en articuler le squelette, c’est-à-dire, par construire les chapelets et les triangles de suggestion religieuse. Je me résume en les conclusions suivantes :
1° Le dévot est un malade. La dévotion (c'est-à-dire la foi plus un élément surémotif et passionnel) est un symptôme d'affection mentale.
2° Les idées religieuses se propagent par suggestion.
3° La puissance de suggestion religieuse est en raison directe de la passion et de l’énergie du suggestionneur. Elle est plus grande dans ■ le sexe masculin que dans le sexe féminin, et à l'âge adulte qu'à tout âge.
4° La suggestibilité religieuse est en raison de Vémotivité, de Varna-tivité, de la craintivité, de l'ignorance, de la faiblesse d'esprit, de l'humilité et de la docilité du sujet considéré. Elle est plus grande dans le sexe féminin que dans le sexe masculin, et dans l'enfance qu'à tout autre âge. Le jeûne, la veille et la maladie l'accentuent. Le silence, la solitude et l'admirationfacilitent les suggestions religieuses.
5° La contagion religieuse est facilitée par la similitude des terrains et l'intime contact des sujets.
G0 Elle donne lieu à des foyers épidémiques et à des colonies comparables aux colonies animales.
Si nous projetons par la pensée sur la surface du globe tous les triangles de suggestion religieuse dont nous pouvons concevoir l’existence, la terre nous semblera prise dans un filet aux mailles innombrables, dans une toile d’araignée immense. Cette toile que tissèrent les fondateurs de religions et de sectes, depuis les Zarathustra, les Mosheh, les Gautama(dit Çakya-Mouni ou le Bouddha), les Koung-fou-Tsé et les Joshua (*), jusqu’aux Jean Huss, aux Luther, aux Calvin, aux Jansen et jusqu’aux derniers des gourous de l’Inde, celte toile d’illusions et d’erreurs étreint et étouffe les peuples. Elle leur voile le soleil
(1) Je rappellerai qu'une partie de ce qui est légendaire dans la biographie courante de Joshua, comme la naissance miraculeusement prédite, l'immaculée conception, et la tentation dans le désert est emprunté à ¡a légende de Gautamn. Une autre partie, comme le massacre des innoconts, la résurrection et la transfiguration, appartient au dieu hindou Krishna , incarnation de Vislmou. Ces mythes passèrent de l’Inde en Judée par les caboteurs du golfe d’Oman et du gvlfe Pcr-sique et parles caravanes.D’ailleurs Joshua qui,comme tout sémite, était un asai-niilateurbien plus qu’un créateur, prit sa morale au bouddhismo aryen. Il en fut de celte morale comme de la théorie de l’amcebisme des neuronnes, dont on commence à oublier quo M. René Lépinc est le fondateur.
et leur ferme l’infini. La science y promènera sa torche. Déjà elle enlève aux « belles-lettres » l’histoire, à la « philosophie » la psychologie et la logique. Elle s’assimilera aussi la métaphysique. Elle sera la base de croyances nouvelles germant librement dans l’enfant protégé. Elle fondera la morale future.
Que ceux donc qui demeurent attachés à des religions absurdes, parce jusqu’à présent la religion fut la base de la morale, ne s’inquiètent pas de les voir s’écrouler et se fondre comme un amoncellement de nuées.
La science nous donnera une morale plus saine et plus pure qu’aucune autre, une morale basée sur la physio-psychologie et sur la sociologie humaines, et qui, avant toute chose, préconisera ces qualités aryennes par excellence : l’amour de la vérité, la franchise, la probité.
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 15 Mai 1900. — Présidence de M. Jules Voisin.
M. le président met aux voix la candidature de MM. les docteurs Iahia, Téhéran; Ilikmet, de Constantinople ; Ledrain, de Loué (Sarthe). Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité.
Orthopédie morale et hypnotisme
Par M. le Dr Jules Voisin*, médecin de la Salpôtrièrc
Une jeune fille de 18 ans, élève du Conservatoire et professeur de musique, économe, travailleuse, rangée, est séduite par un jeune homme. Depuis lors, elle ne pense plus qu'à lui ; pour le faire vivre, elle vole sa mère à qui elle rend !a vie insupportable ; elle délaisse ses leçons de musique et mène ouvertement une vie irrégulière.
Cette jeune fille est, comme sa mère, très impressionnable ; elle se plaint parfois de strangulation et présente de l’anesthésie pharyngée ; elle n'offre aucun autre trouble de sensibilité et n'a jamais eu d'attaques d’hystérie.
Pour ramener cette jeune fille à une vie régulière et à de bons sentiments, je lui propose de l'endormir. — « Jamais ! me répond-elle, je m'y refuse absolument! » Je ne me tiens pas pour battu , j'insiste, et finalement, je parviens à la décider. Je la mets dans un état de résolution, puis je lui suggère de ne plus penser à son jeune homme, de sc remettre au travail, de reprendre ses leçons, d’être gentille pour sa
mère, d’être contente de sa nouvelle vie, de bien dormir la nuit, etc. Elle est venue à l’hôpital d’abord tous les deux jours, puis deux fois par semaine, puis une fois seulement. Elle est redevenue lajeune fille studieuse et rangée qu’elle était avant d’avoir fait la connaissance du jeune homme dont il s’agit.
Discussion.
M. Bkrillon. — Ces cures d’orthopédie morale sont parmi celles qui font le plus honneur à l’hypnotisme dont elles constituent une application relativement récente.
Charpignon (d’Orléans) avait bien déjà, par le magnétisme, guéri une femme de ses dispositions vicieuses ; mais ce fut là un cas isolé. En 1S8'i, à la session tenue à Blois, par l’Association française pour l’avancement des Sciences, Auguste Voisin a rapporté une cure de ce genre qui fut le point de départ du culte qu’il vouait à l’hypnotisme. Il avait dans son service une femme Schaff... qui avait déjà été plusieurs fois condamnée et qui avait, peut-on dire, tous les dé.fauts ; elle était menteuse, voleuse, colère, perverse, débauchée au plus haut degré, grossière dans son langage et dans sa tenue; elle se refusait à toute espèce de travail, ne se prêtait à aucune discipline, désobéissait à toutes les injonctions et, quand on lui adressait la parole, répondait par les expressions les plus ordurières ; en outre elle baissait les membres de sa famille, refusait de les recevoir, et menaçait de les tuer. Par la suggestion hypnotique, Auguste Voisin la guérit de tous ces défauts; il la fit travailler, la rendit calme, douce, correcte, affectueuse pour les siens ; ses sentiments furent à ce point redressés qu’elle put être employée dans un hôpital et y devenir le modèle des surveillantes. Cette cure avait vivement impressionné Auguste Voisin et il n’en parlait qu’avec émotion.
Après lui je me suis appliqué systématiquement à soigner par l’hypnotisme des enfants voleurs, onanistes, vicieux, menteurs, paresseux et j'ai obtenu desguérisons très remarquables. Ces guérisons sont durables.
M. Jules Voisin. — II y a six ans j’ai soigné une jeune fille qui avait été adoptée par un ménage sans enfants et à laquelle une belle situation était réservée ; mais elle était vicieuse, menteuse, voleuse et avait la manie de couper les robes de soie. Grâce à l'hypnotisme, j’ai réformé sa mentalité et je l’ai ramenée à de bons sentiments ; depuis, elle s'est mariée ; elle est maintenant une épouse et une mère de famille excellente. _
La suggestibilité des neurasthéniques-par M. le Dr Bkrillon.
PRÉSENTATION DE MALADE On a souvent prétendu, bien à tort, que les neurasthéniques ne sont pas hypnotisables : la vérité est qu’ils ne le deviennent qu’après un certain entrainement.
La malade que je présente à la Société peut être considérée comme fournissant une contribution à l’appui de cette affirmation.
Dans le cours de 1899, elle Tut atteinte de métrite et"resta trois mois étendue dans son lit. Le jour où il lui fut permis de se lever, elle se livra à un exercice prolongé, au-dessus de ses forces et consécutivement elle fut atteinte des symptômes de la neurasthénie la plus confirmée. Rien, ne manque au tableau nosologique: insomnies, névralgies péri-cràniennes, occipitales, rachidiennes ; anorexie ; vertiges; phobies nombreuses: peur de rester seule, agoraphobie; aboulie. Les troubles psychiques s’étaient à la longue compliqués de dépression mélancolique et d’idées hypocondriaques. Dès la première tentative, elle se montra complètement réfractaire à l’hypnose. Quatre séances consécutives n'amenèrent pas un meilleur résultat. On eut pu s'autoriser de cet insuccès pour déclarer qu’elle n’était pas hypnotisable. Tel ne fut pas notre avis. Nous eûmes recours à la fatigue des yeux par l’emploi du miroir rotatif de Luys. Dès lors, nos suggestions semblèrent avoir plus de prise et nous la vimes tomber dans un état de sommeil assez manifeste. Par ce sommeil, il nous fut possible d’arriver à la réalisation de suggestions post-hypnotiques.
En résumé, la malade ne s’est montrée hypnotisable qu'à la cinquième séance. Cela démontre que pour décider qu’un malade est ou n’est pas hypnotisable, il ne faut pas se contenter d’un seul essai, ni se laisser rebuter par un premier échec. Nous avons constaté très fréquemment que des neurasthéniques qui s’etaient montrés tout d'abord absolument ré-fractaires à l’hypnotisme devenaient par la suite d'excellents dormeurs. Nous avons également constaté qu'ils n’entraient dans la voie de la guérison que dès qu'ils commençaient à devenir hypnotisables. Tant qu’ils n’étaient traités que par la suggestion à l’état de veille, aucune amélioration ne se manifestait dans leur état. La suggestibilité chez les neurasthéniques n’est pas abolie, elle est simplement un peu plus difficile à révéler et à utiliser que chez les autres névropathes.
Thanatophobie, agoraphobie et divers troubles nerveux traités avec succès par la suggestion.
Par M. le Dr Pau du Saint-Mabtix
Quelque interprétation que l’on veuille donner des phénomènes et des procédés de la suggestion hypnotique, les résultats sont indépendants de la profondeur du sommeil.
La guérison peut être obtenue, bien que le malade conserve dans sa torpeur le sentiment des bruits extérieurs et, au réveil, le souvenir des fait intermédiaires ; l'essentiel est qu’il soit un moment distrait de son obsession et isolé de son idée fixe subconsciente ; alors, dans ce temps d’automatisme cérébral, une volonté forte se substitue à sa volonté affaiblie ou pervertie, et marque sa trace pour lui laisser au réveil un point
d'appui, et une ligne de direction. Peu à peu, grâce à une bonne hygiène physique et intellectuelle, les imaginations morbides disparaîtront et seront, par un travail inconscient, remplacées par des représentations normales.
C'est en suivant cette méthode que j’ai pu triompher de troubles psychiques des plus pénibles comme des plus tenaces et dont je ne saurais même peindre l’intensité qu’en empruntant au malade le récit de ses souffrances.
« Depuis plus de dix-huit mois, m’écrivait-il, atteint par une affection nerveuse qui empoisonne mon existence, je vis dans une angoisse perpétuelle, saisi à chaque instant de l’appréhension de la mort, surtout par étouffement ou par accidents du cœur ; celte idée me poursuit au point que je n’ose plus sortir seul et que, livré à moi-môme, pour la plus légère impression, redoutant une crise, je suis obligé d’entrer chez un pharmacien. J’ai la peur des espaces, la peur du vide, je redoute la solitude et l’obscurité, j’ai de plus des pesanteurs d’estomac, mes digestions sont difficiles, accompagnée de borborygmes et d'éructations gazeuses acides. Aux repas j'éprouve une véritable difficulté à avaler mon potage ou des liquides : ma gorge se contracte, la déglutition devient impossible, surtout si je me sens observé. Je dors plutôt mal, les nuits coupées de réveils brusques et de cauchemars qui ont presque toujours pour objet des scènes de meurtre et de carnage. Je suis découragé, désolé, d’autant que tous les traitements auxquels je me suis soumis, médication tonique, hydrothérapie, électricité et déplacements divers, ont misérablement échoué. » Pour être complet, j’ajouterai qu’à la suite du surmenage physique ou cérébral, cette personne subit parfois des crises qui 1 appellent singulièrement les attaques d’hystérie : la respiration devient alors plus rapide, haletante, les mouvements du cœur sont tumultueux, le pouls est petit, irrégulier et môme intermittent, la figure grimaçante reproduit les tics habituels, la connaissance reste complète, mais l’agitation est extrême, avec constriclion douloureuse au niveau de la gorge et de la région précordiale ; peu à peu la scène s'aggrave de secousses générales et de mouvements cho-réiques irrésistibles, quelquefois très violents ; elle se termine enfin par des soupirs, des spasmes et des larmes laissant après elle un sentiment de fatigue et de prostration générale.
Des stigmates d’hystérie ressortent du reste de lcxamen et de l’interrogatoire ; si le malade, aujourd’hui âgé de 32 ans, n’a pas d’hérédité ni d'anléccdents, son tempérament arthritique, son caractère entier mais impulsif, son éducation très surveillée, presque féminine, ses tendances religieuses et un peu mystiques puis, plus tard.au moment de l'adolescence, des excitations trop violentes avec abus génésiques donnaient à la névrose une porte d’entrée mal défendue par la résistance de l’organisme. M. X.. , en effet, a été exempté du service pour faiblesse de constitution; son enfance a été maladive quoique sans convulsions; à 11 ans, pleurésie du côté gauche encore affirmoc par une diminution
de la sonorité; à 16 ans, fièvre typhoïde à forme cérébrale ; l’intestin est resté susceptible; trois mois après, abccs osseux du bras gauche avec gêne prolongée dans les mouvements du coude. Le cœur est normal; l’estomac est dilaté; les digestions sont difficiles, irrégulières, accompagnées de gaz et d’éructations à odeurs acides très prononcées. Le sommeil, souvent agité est coupé de réveils brusques angoissés. Dans la journée, céphalée avec casque, migraine assez fréquente, exagérée par des séances de travail prolongées; la mise en train est du reste assez longue, l'attention se fixe difficilement. A noter encore une grande impressionnabilité, des tics convulsifs de la face et des habitudes d’ony-chophagie; cet état général défectueux et ces désordres nerveux se sont manifestés insidieusement en pleine santé et du moins en apparence sans causes déterminées.
Bien que ces accidents me parussent justiciables d’un traitement psychothérapique, avant toute intervention je jugeais utile d être fixé sur ses chances de réussite et d’apprécier le degré de suggestibilité du patient. Pour me renseigner j’employais le procédé de Moutin. soit les deux mains maintenues sur la colonne vertébrale, dans la région inter-capulaire, et devant exercer par applications successives une sorte .de traction plus ou moins prononcée. Cette première expérience fut décisive au bout de quelques minutes: en même temps que M. X... accusait à l’endroit touché une sensation de chaleur très manifeste, le mouvement en arrière se prononçait et s’accentuait jusqu'à compromettre l'équilibre.
Cette certitude obtenue, j'essayais d’obtenir les premiers degrés de l’hypnose, d’abord en fatiguant l'attention du sujet, celui-ci debout, les deux yeux fixés sur un point brillant placé environ à deux mètres; puis, après l’avoir fait asseoir, ses paupières maintenues closes et doucement comprimées, ma main droite appliquée sur son front, en l’invitant à s'abandonner complètement, à s’efforcer de s'assoupir et d’oublier un instant les obsessions, sa pensée concentrée exclusivement sur l'idée de sommeil: je l'assurais aussi que dans ce temps de repos, d'accalmie artificielle, son cerveau, recevant comme une force spéciale, reprendrait insensiblement la vigueur nécessaire pour vaincre l'auto-suggestion inconsciente et obtenir une guérison absolue.
J'arrivais ainsi assez facilement à une période d'engourdissement et de véritable automatisme, pendant laquelle M. X..., tout en pouvant répondre à mes questions, acceptait docilement les croyances auxquelles je l’amenais; comme il exécutait passivement les gestes et conservait toutes les attitudes que je lui imposais, l’expression de la physionomie était calme, plus reposée qu'à l'état de veille et saijs les tics habituels.
Satisfait de ce premier résultat, je le réveille.
Après avoir répété et comme renforcé les suggestions données à l'état de sommeil, je lui affirme nettement ma croyance dans un succès certain, dans une amélioration rapide. Je demande, par contre, une
confiance absolue, de la docilité et une observance exacte du traitement.
A la visite suivante, et déjà le malade paraissait plus calme, plus disposé à envisager l’avenir avec courage, avant de recourir aux procédés hypnotiques, je me proposais d’étudier plus minutieusement son état physique et mental pour retrouver, si possible, la genèse et le mode de développement de ses obsessions. Je suis en effet convaincu, par de nombreuses observations, que souvent les phobies, les idées fixes ont leur point de départ dans une émotion ou une impression trop vivement éprouvées qui, consciemment ou non, ont laissé leur empreinte dans l’intimité des centres nerveux. Que ces centres à leur tour — par suite d'un trouble cœnesthésique soit de cette sensibilité viscérale en rapport avec l’état anatomique des organes et l’exercice des diverses fonctions
— réagissent maladivement et avec excès, modifiant ou déformant les images qui leur parviennent, le contre-coup de cette excitation anormale pourra être la mise enjeu de cette idée subconsciente; peu à peu, la répétition de ces troubles renforcera l’idée principale et, par ce mécanisme, celle-ci finira par occuper tout le champ de la conscience au détriment de l’exercice des facultés supérieures, jugement, raison et volonté. Ainsi que l’a écrit Macaulay : « L’effet d’un organe faible ou malade dérange le ton psychique et se traduit dans le cerveau par une irritabilité excessive ou une disposition à l’émotion, en résumé, par un état de malaise psychique. *
En raison de ces vues théoriques, j’avais à rechercher, d’une part, l’impression vive qui avait provoqué l'obsession principale, soit l’idée de mort par suffocation ou par lésion du cœur et, de l’autre, les lésions d'organe ou les troubles de fonction susceptibles de retentir sur cette sensibilité cœnesthésique et d’irriter par contre-coup telle ou telle partie de 1 ecorcc cérébrale.
A force d’interrogations, j’arrivais ainsi à découvrir que trois ans auparavant, M. X... avait etc douloureusement et très vivement émotionné par la mort de l’un do ses proches et par le spectacle de derniers moments rendus plus pénibles encore par des phénomènes d'asphyxie. Bien que pour lui ce souvenir matériel ait semblé disparaître du champ de la conscience, il existait encore à l'état subconscient, et modifié, rapproché inconsciemment, par une élaboration maladive du cerveau, d’un trouble fonctionnel existant, il reparaissait à chaque manifestation du malaise. Restait à trouver l’organe malade ou la fonction en souffrance: ici la tâche était plus facile. Amené par des nécessités professionnelles à ne donner aux repas qu’un temps minimum, à se remettre au travail en pleine digestion, sans repos suffisant, M. X... s’était créé insensiblement une véritable gastrite, encore à ses débuts, mais suffisamment affirmée par les troubles consignés dans la première partie de cette observation, notamment par une dilatation d’estomac avec répercussion sur les fonctions cardiaques.
Les indications du traitement devenaient de plus en plus manifestes: suggestion à l'état de veille et à l’état de sommeil, entrainement psychique et rééducation de la volonté ; hygiène générale comme hydrothérapie, et le matin, mouvements actifs méthodiques; hygiène spéciale en rapport avec la nature et l’origine des troubles digestifs. Pendant chaque visite, je m’efforce de réveiller che/. M. X... l'esprit critique et un pouvoir de contrôle, en lui prouvant que ses appréhensions de mort par suffocation, ne sont pas le résultat d'une idée délirante, d'un trouble mental, mais d'un souvenir qui, à son insu, a laissé dans son cerveau une marque profonde; je l’habitue à se défendre contre toute image terrifiante ou simplement triste, en leur substituant une idée voulue, fortifiée par l'habitude, et au besoin en usant, comme d'une sorte de fétiche du souvenir du médecin, et de la guérison dont la certitude lui a été affirmée. Après lui avoir montré le rapport existant entre les malaises gastriques, ses phobies et les troubles cardiaques, je lui conseille enfin, dans ses moments de loisir et surtout de défaillance de lire, soit la Médication par l'exércice, de Lagrange, soit d’autres ouvrages susceptibles d’habituer son esprit à contrôler et à dominer ses impressions.
Les séances, d’abord à trois jours d’intervalle, puis bi-hebdoma-daires et enfin espacées de semaine en semaine, duraient de une à deux heures; à chacune d’elles, après une sorte d’assouplissement préalable, le malade était amené à un état de torpeur et même de sommeil pendant lequel il perdait peu à peu la notion des bruits et faits extérieurs, tout en restant sous l’impression des dernières suggestions verbales dont il avait gardé le sentiment. Entre temps, je le sortais à demi de cet engourdissement pour répéter et renforcer les suggestions précédentes; par un artifice enseigné à la clinique du Dr Bérillon, pour remplacer l’idée obsédante et aussi pour fortifier ce temps d’automatisme cérébral, j’imprimais aux membres des mouvements réguliers ou je commandais au malade des attitudes même singulières en lui affirmant qu’il devait être maître de scs pensées comme je l’étais en cemomentde ses bras ou de ses jambes et que, réveillé, son cerveau devrait lui obéir comme il m’obéissait à présent.
L'automatisme physique était du reste absolu, le malade conservant cependant le sentiment de sa personnalité, car un jour où, après lui avoir imprimé une attitude assez extraordinaire, en le voyant sourire, je lui demandais les motifs de son hilarité : « C’est, me répondit-il, que je dois avoir l’air bien ridicule. » Et, à ma surprise de le voir quand môme garder cette position : « C’est plus fort que moi, je ne puis pas vous résister, maintenant. » Le réveil obtenu, par souffle ou injonction verbale, les premiers mots étaient : « Comme j’ai bien dormi aujourd’hui ! »
J’ajouterai encore que la pression de la main sur le front, notamment les jours de malaise, était suivie d’un sentiment de bien-être, très distinct et assez apprécié pour être spontanément sollicité.
Ce traitement fut continué pendant 9ix mois : pendant toute sa durée, quelquefois contre le désir du malade qui souhaitait d’être endormi plus profondément,je n’ai jamais recherché un autre degré d’hypotaxie. Néanmoins, le succès a été complet. Si de temps à autre les imaginations morbides et les idées fixes ont tendance à reparaître, M. X... a recouvré le pouvoir de les déloger et de leur substituer d'autres représentations : en se rendant compte de la genèse de ses phobies, de ses idées obsédantes et de leur développement, il s'est ressaisi, a repris confiance, et, d'après ses propres expressions, est revenu à la vie normale. Son aspect physique s’est également modifié : les tics ont disparu ou ne se produisent qu'à de rares intervalles ; le regard est redevenu vif et animé, le visage a repris une expression de contentement et de sérénité; sa musculature s’est fortifiée ; ses digestions, débarrassées de toutes complications, sont devenues régulières ; bref, c'est un changement complet manifeste pour son entourage et aussi heureux qu’inespéré. Lui-même, du reste, a pleine conscience de cette transformation et je ne puis mieux faire, en terminant, que de reproduire les termes dans lesquels, me remerciant de mes soins, il résume ainsi la méthode et les procédés de traitement donc il a bénéficié :
« Merci pour vos bons soins, pour cette excellente éducation psychique, l’ceuvre de ces derniers mois, qui a réussi à me rendre la possession de moi-même, qui, après combien d'essais infructueux, me permet de rentrer dans le monde et de reprendre mes occupations professionnelles. En suivant chaque jour vos conseils, j’éprouve le sentiment que je deviens plus fort au physique comme au moral ; j'éprouve maintenant des sensations de bien-être, de joie de vivre qui m’avaient abandonné depuis plus de deux ans. »
L’hypnotisme et les paralysies psychiques motrices.
par le Dr Edgar Béhillon.
Braid, qui s’était toujours préoccupé de fixer d’une façon précise la terminologie de la science de l’hypnotisme, proposait, à la fin de sa longue carrière, de réserver le mot hypnotisme à la production du sommeil artificiel, quand il y aperte de la mémoire, de façon qu'au réveil le patient n'ait aucun souvenir de ce qui s’est passé pendant le sommeil, mais qu'il se souvienne cependant lorsqu'il est de nouveau plongé dans le même état.
Cette opinion de Braid a exercé au point de vue doctrinal une influence considérable, car pour beaucoup d’auteurs l'oubli au réveil a été toujours considéré comme le signe fondamental de l’état d’hypnotisme.
La définition de Braid avait cependant un très grand tort, c’est qu’elle excluait du domaine de l’hypnotisme un grand nombre de faits qui méritent cependant d’y être rattachés.
A notre avis, s’il est un phénomène qui marque d’une façon plus pré-
cise la limite qui sépare l’état normal de l’état hypnotique, c’est celui qui a été désigné sous le nom de paralysie psychique motrice.
En effet, de tous les phénomènes de l’hypnotisme, le plus élémentaire mais aussi le plus frappant consiste dans le fait qu'un membre ou un segment de membre peut être paralysé par une idée exprimée, c’est-à-dire par suggestion. Que ces paralysies psychiques soient obtenues chez un sujet préalablement hypnotisé, cela n’a rien de surprenant. Ce qui parait plus singulier, c'est qu'elles puissent être provoquées dans l’état da veille apparente aussi bien chez des sujets qui ont déjà été endormis auparavantque chez d’autres qui n'ont jamais été hypnotisés et même n’ont jamais entendu parler d’hypnotisme. Or, il est inadmissible de considérer commeétanl enétat de veille complèteun être qui, toutàcoup ne peut plus, par exemple, marcher ou se servir d’un membre, simplement parce qu'on lui en a fait la suggestion. A notre avis, un tel phénomène ne peut s’expliquer que par l’inhibition soudainement provoquée de certains centres supérieurs et cette inhibition constitue essentiellement le premier degré de l’état d'hypnotisme.
La production de la paralysie psychique constitue donc une limite beaucoup plus naturelle de l’état d’hypnotisme que l’oubli au réveil. Les états hypnotiques peuvent être conscients ou inconscients. L’apparition de la paralysie psychique chez un sujet est un phénomène dont il a conscience. Il en est le témoin passif et indifférent. Il est même curieux de constater que ces paralysies psychiques suggérées n’étonnent ni n'effraient le sujet chez lequel je viens de les créer.
Discussion.
M. Paul Magnin. — Cette personne a pleine confiance en vous et elle pense bien que vous saurez la débarrasser de cette paralysie que vous venez de lui donner. Mais faites-lui la suggestion à échéance plus éloignée. Si, par exemple, demain elle se réveille avec une paralysie que vous lui aurez suggérée aujourd’hui, elle ne manquera pas de venir vous trouver très effrayée.
PSYCHOLOGIE SOCIOLOGIQUE.
Les « Scientistes Chrétiens »> en Angleterre parM. le Dr Lloyd-Tuckey (de Londres).
On remarque depuis peu, en Angleterre, une secte étrange, tout à la fois religieuse et médicale, d’origine américaine et qui mérite particulièrement l’attention des psychologues. Leur dogme porte le nom de « Science Chrétienne » et leur fondatrice et principale prophétesse, Mrs Baker Eddy écrivit sous l'influence de l’inspiration son « Opus magnum Science et Santé avec une clef des Ecritures », en 1866. Ce livre
est l'objet,«parmi ses disciples, d’une vénération presque égale à celle de la Bible et on en lit des chapitres dans les différentes églises de la secte.
Quand on saura qu’on a publié 135 éditions de ce livre, que l’exemplaire coûte 20 francs, et que chaque étudiant et maître de la « Science » doit en posséder un exemplaire, on comprendra combien le petit commerce de Mrs Eddy doit être lucratif.
Un trait spécial de celte secte est qu'en Angleterre du moins, elle fait appel aux classes riches et cultivées, et qu’à son quartier général on rencontre les femmes les plus élégantes et les hommes les mieux mis.
Non seulement la congrégation est bien habillée mais elle comprend en outre quelques hommes et quelques femmes qui se sont fait un nom dans le monde des lettres.
Talleyrand a dit que l’Angleterre était le pays aux cent religions mais où l’on ne connaît qu’une sauce. Il y a là beaucoup de vérité en ce qui concerne le nombre des sectes, sauf qu’il est resté de deux ou trois cents, au dessous de la vérité ; mais la plupart sont des sectes obscures qui ne comprennent que quelques pauvres et ignorants disciples.
Quand un mouvement obtient la faveur des classes Cultivées et influentes c’estqu’il a en lui quelque chose qui correspond à un besoin de la nature humaine. Il est donc intéressant d’examiner les dogmes et les principes de la « Science Chrétienne ».
Mrs Eddy affirme que la matière est inerte et que l’esprit est tout-puissant. La chose essentielle est donc de se débarrasser de « l’esprit mortel » ou de le dompter, car c’est lui qui cause la maladie et la souffrance par la crainte qu'elles vous inspirent. Pour obtenir ce résultat il faut nier le pouvoir de la matière et proclamer le règne de l’esprit. Eddy combat les médecins parce quelle prétend qu’ils créent la maladie en croyant à son existence et elle condamne les diagnostics pour leur tendance à développer des impressions morbides.
Toutes les maladies, dit-elle, sont le produit d’une erreur de pensée et par conséquent doivent être traitées de même manière.
Les extraits suivants tirés de son livre feront comprendre ses doctrines : « La science chrétienne rejette ce qu’on appelle sciences naturelles en tant qu’elles s’appuient sur cette conception erronée que la matière a ses lois propres, que celles-ci relèvent de conditions matérielles, et que ces conditions l'emportent sur la puissance de l’esprit divin. » (p. *21.)
« La croyance universelle à la physique s’oppose aux vérités profondes de la métaphysique....
a Cette croyance universelle qui soutient la médecine et produit tous les résultats médicaux, est fausse et s’oppose à la science chrétienne : Il faut donc, pour que celle-ci parvienne à guérir le moindre cas de maladie qu’elle ait assez de force pour contrebalancer le pouvoir de la crédulité populaire. » (p. 49).
a Une atmosphère humide, une neige glaciale empourpraient les joues rebondies de nos ancêtres, mais ils ne se sont jamais offert le luxe des inflammations des bronches, parce qu’ils étaientaussi ignorantsqu’Adam
avant sa chute de l'existence des bronches, des poumons et des pastilles. » (p. 69).
« Si l'on inteiToge la fondatrice de la Science Chrétienne sur les avantages et la logique des études médicales ordinaires, elle essaie de démontrer que l’exercice de la foi dans les choses de la matière doit tendre à leur enlever toute confiance dans l'esprit tout-puissant. »
« Les traités d’anatomie, de physiologie, d’hygiène sont les causes génératrices de la souffrance et de la maladie. » (p. 369).
a Le diagnostic physique de la maladie, tend à produire la maladie, si tant est qu'elle existe, puisque l'esprit mortel doit en être la cause. » (p. 369).
Un autre de ces guérisseurs par l'esprit est C. B. Patterson de New-York qui lui aussi a de nombreux et influents adeptes. Dans l'un de ses livres « Bibliothèque de la. santé », il écrit: « La croyance au mal de tête est causée par différentes idées erronées: parfois par des émotions qui agissent sur l’estomac, ce que I on connaît sous le nom de « migraine » Les douleurs névralgiques sont causées dans la plupart des cas par deux choses: ou bien la personne a l'habitude de dire des choses blessantes qui font de la peine aux autres, ou bien elle se laisse affecter par les sarcasmes des autres. L’esprit offre pour ainsi dire une surface où se réfléchissent toutes les contradictions, et l’image de l'esprit trouve sa répercussion dans le corps. »
« D’une façon générale, on peut dire que la crainte est la cause de toutes les indispositions... La crainte produit une surexcitation mentale qui jette l’organisme dans un état fiévreux. »
« Les gens à préjugés, qui ne voient qu’un côté d’une question, qui ont l’esprit tellement borné qu'ils suivent leur voie étroite en croyant seuls posséder la vérité: ces gens-là auront des cors aux pieds, des oignons et autres infirmités. J'ai connu un homme qui avait l’esprit tellement étroit que ses pieds étaient couverts de cors. »
Le lecteur jugera par ces extraits de cette nouvelle philosophie. Au lieu de faire un diagnostic physique des organes, le guérisseur de l’avenir cherchera à découvrir l’état d’esprit du malade et prescrira un traitement mental approprié. 11 est singulier qu’en ces jours de découvertes scientifiques où la médecine a partagé les triomphes des sciences physiques on ait pu propager des théories si grossières. Elles rappellent les tâtonnements de Paracelse, de Van Helmont et autres vitalistes d'il y a deux ou trois cents ans. Pour ceux qui ont étudié le pouvoir de la suggestion hypnotique, l’explication des cures qui se produisent par la Science chrétienne n’est pas chose difficile à saisir.
L'affirmation dogmatique du guérisseur, d’une part, la croyance aveugle et la réceptivité du malade, d’autre part suffisent à produire ces remarquables effets. En outre le malade est flatté qu’on lui parle de sa nature spirituelle et de la divinité qui est en lui, divinité qu’il n'a qu'à évoquer pour vaincre l’esprit mortel et tous ses désagréables attributs, moraux ou physiques.
Pour les malades imaginaires, la science chrétienne est une excellente distraction, et je connais d’estimables femmes qui déclarent jouir d’une meilleurcsanté et mener une vie plus heureuse et plusgaiedepuisqu’elles ont adopté cette nouvelle foi.
Mais d’un autre côté, l’adoption de cette nouvelle croyance est pleine de péril pour le public. En Amérique, la loi a défendu sa propagation dans beaucoup d’Etats, et en Angleterre l’année dernière, il y eut deux constatations de mort d'hommes à ce sujet. Un des cas était celui de Harold Fréderick qui aurait été sauvé s'il avait été convenablement soigne.
Je connais un homme qui a failli perdre la vie pour avoir persisté à croire que l'inflammation et la maladie n’existaient pas.
Il fit une excursion à bicyclette avec un ami scientiste quoiqu’il ressentit des douleurs dans l’abdomen et un malaise général. Après quelques instants, il voulut revenir mais on lui affirma que sa douleur provenait de l’esprit mortel dont il devait nier le pouvoir, et que l’Esprit Divin exercerait son contrôle et le guérirait. Il continua donc sa promenade toute l’après-midi et tomba épu'sé au retour. On découvrit qu'il avait une péritonite et que l'exercice violent l’avait aggravée. Il ne recouvra la santé qu’après une longue et pénible maladie.
Les Scientistes Chrétiens, bien entendu, se font de l’argent. Mrs Eddy a accumulé une grande fortune ainsi que beaucoup de ses disciples et imitateurs. Ils se font payer de gros honoraires par leurs élèves et leurs malades. Il n'en est pas moins vrai qu’ils sont à la mode et que des femmes et des hommes de haute culture et de haute situation, lisent et vénèrent le livre ennuyeux et illettré de Mrs Eddy et croient en ses théories grossières et surannées.
L’expérience faite par Mesmer à Paris, il y a 20 ans, offre quelque ressemblance avec la Science Chrétienne. Celle-ci parait cependant moins paradoxale, si nous devons en croire les compte-rendus contemporains-
COURS ET CONFÉRENCES
Arthralgie et contracture hystérique du bras droit simulant un rhumatisme musculaire (*)
par M. le Professeur Raymond.
La jeune fille que je vous présente se plaint de vives douleurs dans le bras et le coude droits; le bras est à demi-fléchi; l’extension se fait mal; la main est en adduction forcée ; les doigts sont fléchis; il existe un certain degré de gonflement; en outre, cette jeune fille a de l'anorexie; elle a eu longtemps la bouche mauvaise et un peu de fièvre. Ces divers symptômes : immobilisation, douleur, gonflement, état fébrile font penser au rhumatisme. Or, dans le cas présent, affirmer ce diagnostic
(I) Présentation de malade faite :i la Clinique des maladies du système nerveux, h la Salpûtrièr*'.
serait commettre une grosse erreur, car il s'agit d’une contracture hystérique.
Celte jeune fille a eu ses premières règles il y a un an ; à propos d’une suppression momentanée du flux menstruel, elle présente un tic de succion ; elle dort mal et rêvasse. Un beau jour, à la campagne, à la suite d’un faux mouvement, elle se fait une petite entorse du pied droit; il y a un peu de gonflement, mais la douleur est hors de proportion avec l’accident. La douleur ccdc à un léger massage accompagné de suggestion verbale.
Peu de temps après, elle se heurte le genou droit : aussitôt la jambe demeure fléchie et devient le siège d'une douleur hors de proportion avec l’état local ; cette douleur ne tarde pas à gagner la hanche, puis le bras droit du même côté.
Notons que cette jeune fille est très craintive; elle a peur que son mal ne s’aggrave. Elle accuse la sensation de boule qui lui remonte au gosier. présente de l’hvpoesthésie pour tous les modes de sensibilité et un certain rétrécissement du champ visuel.
La contracture du bras droit est due à l’immobilisation musculaire. La douleur est un phénomène d'origine centrale qui a un point de départ périphérique, se fixe à la couche corticale, puis se répercute à la périphérie.
On devra rassurer celte malade et la traiter par la suggestion; n'imporle quel médicament sera utile si cette jeune fille croit à son efficacité.
N. B. — Quinze jours plus lard M. le professeur Raymond présentait à nouveau cette malade compètement guérie. « On l'a, disait-il, hypnotisée très facilement et, pendant son sommeil, on a pu lui faire toute espèce de suggestion. Ce cas montre combien il a été important de faire un diagnostic exact en tenant compte du terrain et de l'évolution morbide. »
REVUE CRITIQUE DE PSYCHOLOGIE & DE NEUROLOGIE
Par M. le D' Paul Parez.
Un cas d'illusion visuelle d’originr onirique chez un alcoolique, par M. Grangier, Société de Médecine légale, 9 avril 1900.
X..., marchand de bestiaux, alcoolique, sous-oflicier réserviste, fait d’abondantes libations à son dépari de chez lui, s’endort dans le train, dépasse la station où il doit descendre et arrive en retard au quartier. Cela se passe un samedi. Comme punition, il sera consigné et devra prendre la garde le lendemain dimanche.
Dès le samedi soir, ce sergent se montre fort désolé, non pour la privation d'un jour de liberté, mais parce qu’il y a à la prison un soldai en prévention de Conseil de guerre. Il a lu, en effet, dans les journaux, que des hommes en pareille situation sont morts de maladie ou se sont
suicidés. Pendant le repas du soir, il ne cesse de dire qu’il n'a pas de chance et que, pendant sa garde, un accident de ce genre se produira; la nuit, il en rêve, et le dimanche, pendant toute la journée, l’image du détenu qu’il a devant lui est voilée par celle du prisonnier vu en rêve.
A peine a-t-il pris la garde, qu’il va voir le prisonnier, cause avec lui affectueusement, en ami, et s’enquiert de sa santé qui, du reste, ne laisse rien à désirer. Malgré cela, il se rend auprès du médecin-major et lui dit qu’il y a à la prison un homme très malade. On amène le prisonnier qui affirme se bien porter et n’être venu à la visite que parce que le sergent le lui a ordonné. Et celui-ci, s’approchant du médecin, lui dit tout bas à l’oreille : « I! ne se doute pas de son état. Mais dès que je l’ai vu avec son visage pâle, ses yeux noirs, ses traits tirés, etc., je ne m’y suis pas trompé et je vous l’ai amené. » Le médecin déclare que cet homme n’est pas malade et qu’il faut le réintégrer dans sa prison.
a Par deux fois, dans la journée, le sergent courut chez l'officier de semaine, lui disant que le prisonnier était au plus mal. Une scène analogue à celle du matin se reproduisit chaque fois.La seconde fois, l’officier perdit patience et punit le sergent. Celui-ci se répandit alors en propos injurieux à l'égard de tous les officiers qui laissaient, disait-il, crever les hommes en prison, etc. »
Il s’agit donc d’une illusion visuelle d’origine onirique survenue chez un homme dont l’intelligence, diminuée peu à peu par l’alcoolisme chronique, venait d’être encore déprimée par des excès récents et par une punition; le souvenir des prisonniers morts dans leur cellule s’imposa avec ténacité dans cet esprit incapable do se défendre; grâce, en outre, au rêve qui survint pendant la nuit, l’obsession fut constituée. Dans ces conditions, M. Grangier conclut à l’irresponsabilité du sergent; il fut d’avis que sa punition fut levée, mais aussi qu'on lui enlevât son grade.
En effet, un homme dont l’alcool a fait ainsi déchoir la mentalité n’est plus digne ni capab'c d’exercer sur autrui son autorité.
Traitement de l’hystérie et de la neurasthénie par l'isolement et la suggestion a l’état de veille, par M. le Dr Font (de Barcelone),Heu. de Psych., février 1900, p. 59.
Une jeune fille de 12 jins est atteinte d’hystérie mono-symptomatique caractérisée par une contracture des membres inférieurs ; on soumet cette malade à l'isolement, puis à la suggestion, en lui affirmant qu'elle ne reverra plus ses parents tant qu’elle ne marchera pas comme tout le monde. Au bout du huit jours, la malade marche presque normalement.
— Mais combien sont plus expéditifs les résultats obtenus par le sommeil hypnotique! Il y a quelques jours, venait à la clinique de M. le Dr Bérillon une jeune fille, hystérique elle aussi, atteinte depuis plusieurs années de coxalgie et de pied-bot, consécutifs à des contractures: elle
fut endormie quelques instants et, séance tenante, la coxalgie ainsi que le pied-bot disparurent. D’autre part, les menaces de réclusion n'intimident pas toujours les hystériques ; il en est qui se soumettront à l’isolement pour une durée illimitée et, avec une certaine jactance, s’entêteront à ne pas céder. Pendant tout ce temps, la maladie se sera développée et il se sera créé des habitudes morbides. N’est-il pas préférable d'endormir ces malades et de leur enlever au plus vite, par la suggestion hypnotique, leurs contractures ou leurs paralysies ?
M. Font ajoute : « On ne traitera jamais un neurasthénique de malade imaginaire; il faudra, au contraire, écouter le récit de ses souffrances et lui faire croire qu’on les tient pour réelles. » Fort bien. C’est à ces conditions que le médecin ne se rendra pas antipathique à son malade. Mais cela ne suffit pas pour ie traitement. Vous aurez beau expliquer à votre neurasthénique « qu’il peut guérir s'il le veut. » Sa maladie consiste précisément pour beaucoup, dans ce fait, qu’il ne peut plus et ne sait plus vouloir. « Ces malades, écrit très justement M. Font, raisonnent constamment avec eux-mêmes et allèguent continuellement des faits à l'appui de la maladie ou des multiples maladies dont ils se croient atteints. » C’est pour cela qu’il faut s’appliquera les hypnotiser; ainsi l'on coupe court à leurs sophismes, on triomphe de leurs résistances et on leur impose des suggestions efficaces.
Les TROUBLES DE LA PAROLE CHEZ L’ENFANT, par G.-L. DUPRAT, Mail.
g&iièi'. de ilnstr. prim., 5 mai 1900, p. 277.
Le bégaiement passe souvent pour tenace, pour incurable même et cependant il cède parfois à un long traitement ; parfois aussi il disparaît soudain, à la suite d’un accident, d’une vive surprise, d’une profonde émotion; ajoutons que la plupart des bègues peuvent fort bien chanter sans bégayer. Tout cela n'a rien de bien étonnant si l’on songe que derrière ce trouble de la parole il y a, le plus souvent, non pas un vice de conformation des organes, mais simplement une mauvaise répartition de l’énergie nerveuse, une série d’actes physiologiques ou d’innervations musculaires mal coordonnés.
Les enfants qui bégayent sont, en général, des névropathes; ils présentent de l’instabilité mentale, manquent de mémoire ou de sensibilité ou d’attention, se montrent violents, emportés, irritables à l’excès, d’une émotivité exagérée ; ils ont beaucoup de vivacité ; leur promptitude à agir fait l’incoordination de leurs mouvements.
Or, la parole exige une coordination complèted'élémentsdivers, comme, par exemple, des images motrices ou des mouvements très compliqués du larynx, du palais, de la bouche, des lèvres, etc.
a L’idée vient à l’enfant de prononcer un mot; immédiatement, la représentation du mot suscite l’éveil d’un grand nombre d’images associées ordinairement à ce mot, et ces images deviennent motrices en
vertu de la loi psychologique qui veut que toute idée exige par elle-raéme la réalisation des mouvements qu’elle représente. Mais il peut arriver que les images soient mal coordonnées, mal synthétisées, ou que les synthèses de représentations, antérieurement formées, se soient désagrégées : alors le larynx, les muscles du palais et des lèvres reçoivent une multitude d’innervations désordonnées qui aboutissent, suivant que l’incoordination automatique et réflexe est plus ou moins grande, au balbutiement, au bredouillement, au bégaiment, à l’achoppement des syllabes ou, tout simplement, à l’impossibilité de prononcer certaines lettres ou certaines syllabes... Les muscles se contractent inutilement et d’une façon spasmodique; les contractions sont même d’autant plus spasmodiques qu’elles sont plus vaines, et réciproquement. Quand le sujet connaît son mal, il le redoute, il est victime d'une auto-suggestion, il hésite à parler et bredouille ou bégaie d’autant plus. »
M. Duprat rapproche le bégaiement des paralysies psychiques ou incapacités motrices qui tiennent surtout à un défaut de synthèse mentale. « On supprime, ajoute-t-il,des paralysies psychiques par suggestion,on pourrait en faire autant pour le bégaiement, mais Theureux résultat serait éphémère... »
Pour lui, le traitement consiste dans les points suivants : persuader l’enfant de la vanité des obstacles qu’il imagine; l'obliger « à mettre de l'ordre dans ses idées, à attendre, avant d’émettre des sons correspondant à un mot difficile à prononcer, que la conception de toutes les parties de ce mot soit claire dans son esprit »; faire à nouveau son éducation au point de vue de la parole; s’attacher à faire disparaître successi-vementchacun de ses mouvements convulsifs; s'attaquer à son instabilité; détruire ses combinaisons hâtives et incomplètes par des combinaisons lentes et sûres.
Mais ce sont là précisément tous les détails psychologiques sur lesquels on insiste chez le bègue que l'on a hypnotisé. Tous ces exercices, faits pendant l’état de veille, exigent un temps considérable et ne risquent de donner, en effet, qu'un résultat a éphémère *; les résultats durables sont l’œuvre de ces procédés éducatifs employés par suggestion pendant le sommeil hypnotique.
IIystéro-traumatismes oculaires, par G. Borel, Ann. d'ocul
avril 1900.
L’hystérie traumatique monosymptomatique se manifeste parfois, surtout dans les cas graves, par des troubles oculaires trop souvent méconnus, tels que : érvthropsic, hémiérythropsie, astigmatisme spas-tique,diplopie monoculaire,strabisme spastique, nystagmus, mydriase, épiphora avec hémihyperhidrose faciale, hémispasme oculo-glosso-labié, etc.
Les phénomènes vaso-moteurs des hystéro-lraumatismes peuventétre
reproduits artificiellement par la suggestion hypnotique; ainsi, parce moyen, M.Borel a pu déterminer le larmoiement et l’hémihyperhidrose. D’après lui, suggérer à l’hypnotisé le phénomène somatique lui-méme, vaut mieux que reproduire les conditions visuelles ou psychiques des hystéro-traumatismes.
Les modifications vaso-motrices externes, causes de l’épiphora et de l’hémihyperhidrose, peuvent gagner les membranes internes de l’œil et faire croire à une affection organique, surtout dans les cas d'ophtalmo-plégie interne hystérique et de pseudo-méningite hystérique.
Au point de vue thérapeutique, toute opération est contre-indiquée ; c’est la diathèse de contracture qu'il faut combattre... et nous savons que son traitement de choix c’est l'hypnotisme.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d’hypnologie et de psychologie
Les séances de la Société d’hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpétrière.
La prochaine séance de la Société aura lieu le Mardi 17 juillet 1900, à 4 heures et demie.
Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 14, rue Taitbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu. _
Avis important. — La séance annuelle sera cette année remplacée par le Congrès de ¡'Hypnotisme qui se tiendra du 12 au 16 août.
Après la séance du 17 juillet, les membres de la Société se réuniront dans un dîner amical, au restaurant du Palais des Sociétés Savantes.
NOUVELLES
Enseignement de l’hypnotisme et de la psychologie physiologique Institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-dcs-Arts.
L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l’étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement
pratique permanent sur les questions qui relèvent de l’hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.
L'organisation de l’institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.
Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique), est annexée à l'institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d’aliénés, y complète son cours à l’Ecole pratique delà Faculté de médecine (semestre d’été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l’hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les Dr* Henry Lemesle, Iiellemanière, Watteau, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les Dr‘ Paul Fare/., A. Guimbeau, Bianchi, et par M. Charles Verdin.
Depuis 1892, pendant le semestre d’hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.
M. le Dr Paul Joire, correspondant de l’institut psycho-physiologique, fait, chaque année à Lille, un cours annexe d’hypnologie.
Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l'acquisition des appareils les plus nouveaux.
Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l’histoire de l’hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.
Chaque année, un certain nombre d’étudiants trouvent d’importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l’institut psycho-physiologique.
Salpêtrière. — M. le Dr Jules Voisin, fait tous les jeudis, à 10 heures, une clinique sur les maladies mentales et neigeuses.
Société d'études psychiques de Lille. — La Société d'études psychiques qui a pour président d'honneur M. le professeur Ch. P^ciiet a procédé dans la séance du 3 mai 1900 à l’élection de son bureau qui a été constitué de la manière suivante :
Président : M. le Dr Joirf. ; Vice-Présidents : MM. Widiez, Ch. Petit, Jacque.net ; Secrétaire : M. Magnin ; Trésorier : M. Chomel.
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LAdministrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL /ET THÉRAPEUTIQUE
15' Année — N° -2.
Août 1900.
DEUXIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE.
Du Jeudi 12 août au 16 août 1 j o o.
AU PALAIS DES CONGRÈS, à ^Exposition (Porte de l’Alma).
PROGRAMME
Dimanche 12 Août.
A3 h. — Séance d’ouverlure. — Discours de réception par M. le Dr Jules Voisin, président du Congrès. — Discours d’inauguration, par M. le professeur Raymond, président d’honneur du Congrès. — Communications sur l’organisation du Congrès par le Secrétaire général.
A i h. — Conférence générale. — M. le Dr Bérillon : L’histoire de l’Hypnotisme expérimental : 1° Les précurseurs, 2° L’Œuvre deCharcot à la Salpétrière et de Dumontpallier à la Pitié. —Cette conférence sera accompagnée de projections à la lumière oxydrique.
A 7 h. — Banquet. — Le Banquet réunissant tous les délégués et les adhérents, aura lieu au Restaurant des Congrès (en face le Palais des Congrès).
Lundi 13 Août.
A 9 h. — Visite à l'hospice de la Salpétrière, sous la direction de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétrière. Cette visite sera suivie d’un lunch offert par l’Administration de l’Assistance publique.
A 2 h. —Séance au Palaisdes Congrès. — Questionsâ l'ordre du jour: Valeur de l'hypnotisme comme moyen d'investigation psychologique. Rapporteurs: M. le Dr Vogt (de Berlin), M. le Dr Paul Farez, M. le Dr Félix Regnault. — Discussion. — Rajiport sur l'évolution de la psychotérupicen Hollande, parM. lcDrVan RENTERGiiEM(d’Arasterdam).
— Communications diverses.
Mardi 14 Août.
A 2 h. — Séance au Palais des Congrès. — Questions à l’ordre dujour:
10 L'hypnotisme devant la loi du 30novembre 1802, sur l'exercice de la
médecine. — Intervention des pouvoirs publics dans la réglementation de l'hypnotisme. Rapporteurs : M. le Dr Henry Lemesle, M. Ch. Jul-liot, docteur en droit. — Discussion.
2° La suggestion et l'hypnotisme dans leurs rapports avec la jurisprudence. Rapporteurs : M. le Dr Von Schrenk-Notzing (de Munich) : M. le Dr Paul Joire (de Lille). — Discussion.
3° Responsabilités spéciales résultant de la pratique de l'hypnotisme expérimental. Rapporteur : M. le professeur Boirac. — Discussion.
A 5 h. — Réception à l’Hôtel de Ville de Paris , offerte aux membres des Congrès par le bureau du Conseil municipal.
Mercredi 15 Août.
A 2 h. — Séance auPalais des Congrès.— Question à l’ordre du jour: Les rapports de l'hypnotisme avec l’hystérie. Rapporteurs M. leDr Paul Magnin, M. le Dr J. CroCQ (de Bruxelles). — Communications de M. le Dr Tamuurim (de Reggio-Emilia) de M. le Dr Cullerre (de Laroche-s/-Yon} et de M. le Dr Pierre Janf.t. — Discussion.
Les indications de l'hypnotisme et de la sug g es lion dans le traitement des maladies mentales et de l'alcoolisme. Rapporteurs : M. le Dr To-karsky (de Moscou), et M. le Dr Lloyd Tuckey de (Londres). — Communication de M. le Dr A. de Joxg (de la llaye). —Discussion.
Jeudi 16 Août.
A 10 heures. — Réception à l'institut psycho-physiologique, ('i9, rue Saint-Andié des*Arts).
A 2 heures. — Séance au palais des Congrès : Question à l’ordre du jour: Les applications de l'hypnotisme h la pédagogie générale et à l'orthopédie mentale. Rapporteur: M. le D1 Bérillon. — Discussion.— Communications diverses.
Vendredi 17 Août.
A 2 heures. — Rédaction d'un vocabulaire conceimanl la terminologie de l’hypnotisme et des phénomènes qui s'y rapportent. Rapporteurs : M. le D' Bérillon, M. le Dr Paul Tarez. — Communication de M. le Dr Durand de Gros. — Discussion. — Communications diverses.
A 5 heures. — Visite à la maison de santé du Dr Raffegeau, au Vésinet (photothérapie, hydrothérapie et électrothérapie). Cette visite sera suivie d’un lunch.
Le Secrétaire Général, Le Président,
Dr Bérillon Dr Jules Voisin
14, rue Tûilbout. 23, rue Saint-Lazare.
Avis important. — Caiites d’adhérents. — Pendant la durée du congrès international de niypnotisme (du 12 au 16 août), les membres du congrès auront droit à l'entrée gratuite à l’exposition.
Les adhérents qui n’auront pas reçu la carte qui leur sera délivrée à cet effet, pourront la retirer au Secrétariat général, 14, rue Taitbout, au moment de l’ouverture de la session.
Dès leur arrivée à Paris, les membres du congrès sont invités à donner leur adresse au Secrétariat général.
Invitations aux réceptions. — Les délégués et les membres du congrès sont invités ii retirer au secrétariat les cartes d’invitation pour la visite á la Salpôtrière, la réception à l’Hûtel de Ville, la visite à la maison de santé du Dr Raffegeau, la réception à l’institut psycho-physiologique, et la carte du banquet.
Première liste de communications.
Arie de Jong (La Haye) : La suggestion hypnotique dans le traitement de l’alcoolisme et du morphinisme.
Baraduc (Paris) : Expériences de suggestion phonographique.
BellemanièRH (Paris) . De la suggestion envisagée comme agent moralisateur.
Bérillon et Bellemanière (Paris) : Recherches sur la tension artérielle dans les états hypnotiques. — Applications de la méthode graphique.
Bérillon ET Bianchi : Applications de la phonendoscopie cérébrale à l’étude des états hypnotiques.
Bianchi (de Parme) : La phonendoscopie cérébrale.
Bilhaut (Paris) : La radiographie envisagée dans ses rapports avec la psychothérapie.
Binet-Sanglk : La suggestion religieuse.
Bonjour (de Lausanne): Posologie de l'hypnotisme.
Bourdon (Méru) : Suggestion et hypnotisme. — Importance de l’hypnotisme en psychothérapie.
Charpentier, Albert (Paris) : Nature du sommeil hypnotique.
Coste de Lagrave : (Durlol, Puy-de-Dôme) : De l’aulo-suggeslion et de l’auto-hypnotisation expérimentales.
Cullerre (La-Roche-sur-Yon) ; Note sur le traitement de l'incontinence d’urine parla suggestion.
Durand de Gros (Arsac, Aveyron) : Considérations sur la terminologie de l’hypnotisme.
Parez (Paris). — 1° Technique, indications, surprises et avantages de la suggestion pendant le sommeil naturel.
2° Le daltonisme et l'éducation chromatopsique pendant le sommeil hypnotique.
Fretwell (Providence, Etats-Unis) : L'abus de l’hypnotisme en Amérique.
Henrik-Petersen (Boston) : Odeurs psychiques.
Herbert Paiikyn (Chicago) : Analyse du somnambulisme hypnotique.
Janet Pierre (Paris): Hystérie provoquée par des manœuvres d'hypnotisme.
Moutin (BouIogne-sur-Seine) : Le diagnostic de la suggestibilité. — Examen critique des divers procédés hypnotiques. (Avec démonstrations expérimentales.)
Raffegeaü (Le Vésinet) : Note sur un cas de léthargie chez une hystérique.
Régis (Bordeaux): La suggestion dans le traitement des délires oniriques toxi-infectieux, analogie de ces délires avec les états somnam-buliques.
Tambüiuni (Reggio Emilia) : Rapports de l’hystérie et de l’hypnotisme. Van Rexterghem (Amsterdam) : Rapport sur l’évolution de la Psychoté-rapie en Hollande.
Jules Voisin (Paris) : Application do l’IIypnotisme àl’orthopédie mentale. Watteau (Paris) : De la suggestion médicale dans ses rapports avec la sociologie.
N.B. — Les auteurs de communications sont invités à adresser le plus rapidement possible une note résumée au secrétaire général, 14, rue Tailbout. Cette note sera imprimée avant l’ouverture du Congrus ; elle est destinée à faciliter le travail de la Presse médicale.
Délégués des Gouvernements
— M. le ministre de la guerre a désigné comme délégué officiel de son département au congrès de l’ilypnotisme, M. le colonel Pistor, breveté d’état-major.
— M. le ministre de la marine a délégué au même litre M. le Dr Vincent, médecin principal de la marine.
— La république du Mexique a délégué pour la représenter M. le colonel Manuel Mondragon et M. le professeur Ferrari Perez.
— La république de l'Equateur a délégué M. le Dr Rafaël Rodriguez Zambrano.
— Le gouvernement royal de Roumanie a délégué M. le professeur Thomas Tonesco, de Bucarest.
— Le gouvernement de Norwègea délégué M. le Dr Kr. Aars, docteur en philosophie.
— Le gouvernement impérial de Russie :i délégué M. le prince de Tarkhanofî, M. le Dr Bork et M. Yourvewitch, attaché à l’ambassade de Paris.
Délégués des Sociétés
— L’Académie royale de médecine de Belgique a délégué M. le professeur Masoin, de Louvain,pour la représenter officiellement au congrès de niypnotisme.
— La Société des Médecins aliénistes et neurologistes de Moscou a délégué M. le Dr Tokarsky, privât docent à la Faculté de Moscou.
— La Société Psychiatrique et Neurologique Néerlandaise a délégué M. le Dr Van Renterghem, d’Amsterdam.
— La Société médicale d’Athènes a délégué M. le Dr Georges Caryo-phyllis, professeur agrégé à l'Université d'Athènes.
— La Société contre l’abus du tabac a délégué M. Decroix, vétérinaire
principal.
—- La Société protectrice des animaux a délégué M. Coutaud, secrétaire général.
— La Société d’hygiène de l’enfance a délégué MM. lesDr‘ Chassaing et Degoix.
II* CONGRÈS DE L’HYPNOTISME EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
Résumé et conclusions du Rapport sur
La Valeur de l'hypnotisme comme moyen d’investigation
psychologique.
Par le Dr Oskar VOGT, de Berlin.
1° Je me bornerai à discuter la valeur de la suggestion et de l’hypnotisme dans les investigations psychologiques par la méthode psychologique expérimentale directe;
2° En quoi consiste la méthode psychologique expérimentale directe ?
I. — Le sujet analyse les phénomènes qui se passent dans sa conscience par l'introspection (recherches psychologiques directes) :
a). — En observant ces phénomènes au moment même où ils se présentent (introspection actuelle).
fc). — En se rappelant les phénomènes passés (introspection rétrospective).
II. — Les phénomènes à analyser doivent être produits méthodiquement, au moment désiré et sous une forme déterminée dans la conscience du sujet (méthode expérimentale).
III. — Dans certains cas, on influence aussi expérimentalement l’état général de la conscience du sujet.
Ad. I. — Conditions que le sujet doit remplir:
Il doit:
1. Vouloir s’observer ;
2. Ne pas être empêché de s’observer ;
3. Etre capable de se concentrer sur les phénomènes à analyser;
4. Avoir le souvenir, et le souvenir vif des phénomènes qui, par leur nature, peuvent être rapprochés du phénomène actuel, afin que, en les comparant & celui-ci, le sujet puisse le bien caractériser;
5. Ne doit jamais se départir de sa critique pendant l’analyse, ni se laisser influencer par aucune idée préconçue ;
G. Etre capable de s’exprimer d'une façon exacte et compréhensible ;
7. Garder ou retrouver pendant les expériences, le même état général de sa conscience afin que les analyses soient égales par conséquent comparables, et les phénomènes à analyser suffisamment exacts. Moins, pendant l’expérience, le sujet changera d’humeur, moins il sera distrait, moins il sera fatigué, plus, en un mot, il restera dans la a même constellation psycho-physique, » plus il remplira celte condition.
Flus le sujet remplira toutes les conditions énoncées, — ce qui ne se rencontre que chez des personnes spécialement cultivées, douées à la fois d’un grand esprit critique et d’un rare talent d’observation de soi-même, — plus il donnera des résultats utilisables.
Ad. II. —Mode d’emploi de la méthode expérimentale.
Les phénomènes à analyser peuvent être produits méthodiquement et au moment désiré:
1. Par des excitations périphériques (méthode expérimentale objective ou psycho-physique).
2. Par le sujet lui-même (méthode expérimentale subjective).
Plus on sauraproduire des phénomènes bien déterminés, plus on saura les varier et les graduer, plus la méthode expérimentale sera parfaite.
Ad. III. — On peut modifier l’état général de la conscience du sujet afin d’étudier l'influence de ces modifications sur certains phénomènes psychologiques. Plus on pourra modifier exactement cet état général de la conscience, plus les résultats donnés par les expériences seront surs.
3o I. — Une suggestibilité, suffisante pour qu'on puisse en profiter dans l'emploi de la méthode psychologique expérimentale directe, est compatible avec une introspection critique.
II. — On peut produire par la suggestion, des inhibitions si circonscrites des éléments psychiques que la critique dans l’introspection n'a-pas à en souffrir.
Donc, ni l’existence chez le sujet d'une assez grande suggestibilité, ni le fait d’avoir donné des suggestions à ce sujet, ne rendent, a prioi'i, impossible l'emploi de la méthode psychologique expérimentale directe.
4° La suggestion peut nous servir dans la méthode psychologique expérimentale directe, de deux façons :
I. — Pour produire une hypnose partielle appropriée au mécanisme de l’introspection.
II. — Pour produire des effets spéciaux.
5° L’hypnose partielle et sa valeur.
L’hypnose partielle que nous avons en vue est un a état de veille partiel systématisé », dans lequel, d’une part, tous les éléments psychiques qui n'ont rien à faire avec les opérations de l'analyse sont écartés par l'inhibition du sommeil, tandis que, d’autre part, tous les éléments psychiques, nécessaires à l’analyse, restent à l’état de veille. Si l’on
réussit à bien produire cet état, on constate chez le sujet les faits suivants :
Le sujet :
1. Peut vouloir s’observer ;
2. Est moins empêché de s’observer ;
3. Est plus capable de se concentrer sur le phénomène à analyser ;
4. A plus de souvenirs et des souvenirs plus vifs ;
5. N’a rien perdu de sa critique ;
6. A conservé sa faculté de s’exprimer;
7. Change moins d’humeur, est moins distrait, moins facilement fatigué : il montre donc une « constellation psycho-physique, j> plus cons-tanie;
8. Est plus suggestible pour des suggestions spéciales.
Cet état d’hypnose est donc, pour certaines classes d’analyse, supérieur à l’état de veille.
6° Différentes sortes d’effets spéciaux :
Les effets spéciaux se rapportent :
I. — Au maintien de la stabilité de la constellation psycho-physique du sujet ;
II. — A la production des phénomènes à analyser ;
III. — A la modification de l’état général delà conscience, qui sertde base à l'expérience.
Ad. I. — Par la suggestion, nous pouvons :
1. Diminuer les changements d'humeur ;
2. Diminuer l’excitabilité pour les phénomènes qui ont la tendance troublante d’attirer l’attention du sujet.
3. Supprimer les sensations de fatigue, qui, en plus du vrai épuisement. contribuent de leur côté à diminuer la vivacité de la vie psychique.
Donc, des suggestions spéciales sont capables d’augmenter la possibilité d’obtenir des analyses comparables entre elles et d’ouginenter l'exactilude dans la production des phénomènes à analyser.
Ad. II. — A côté des phénomènes à analyser, qui sont produits par des procédés psycho-physiques ou par la volonté du sujet, on peut en produire d’autres par la suggestion, et en particulier des phénomènes qui sont :
1. Difficiles à produire par la méthode objective ;
2. Difficiles à produire par la volonté du sujet et à cause de cela, incapables d’être en même temps analysés par celui-ci ;
3. Impossibles à produire par l’un ou l’autre de ces deux procédés.
Ainsi, par l’emploi de la suggestion, on augmente le nombre des
phénomènes qui peuvent être analysés par l'introspection.
Ad. III. — Il y a un grand nombre de changements de l’état général de la conscience que l’on ne peut produire exactement que par la suggestion ; donc, aussi dans ce sens l’emploi de la suggestion élargit le domaine de la méthode psychologique expérimentale directe.
En résumé, en employant la suggestion dans les investigations psychologiques, on peut, d’une part, étudier plus de faits et d'autre part, atteindre à une profondeur et une exactitude plus grandes dans les analyses.
Résumé et conclusions du rapport sur L’hypnotisme comme moyen d'investigation psychologique
Par M. le docteur Paul Farbz
Parmi les phénomènes divers dont l'homme est le théâtre, les uns apparaissent comme coexistants, « temporels et spatiaux » tout h la fois, les autres comme discontinus, successifs et seulement « temporels ». Cette différence suffit pour que, (au moins sur le terrain des faits et .en dehors de tout substantialisme dualiste ou moniste) chacun de ces groupes soit distingué de l’autre et constitue l'objet propre d’une science spéciale, à savoir la physiologie, d’une part, et la psychologie, de l’autre.
Ces deux sciences doivent être, au même titre, émancipées de la tutelle métaphysique, indépendantes, autonomes et phenoménistes. En outre, comme les phénomènes physiologiques et les phénomènes psychologiques sont souvent fonction l'un de l’autre, une troisième science, très légitime elle aussi, étudiera leurs rapports, ce sera le psycho-physiologie.
Dans chacune de ces trois sciences, l’hypnotisme a sa place toute marquée. Toutefois, laissant systématiquement dans l’ombre les services qu'il l'end à la physiologie et à la psycho-physiologie, nous nous bornerons ici à mettre uniquement en lumière son rôle dans le domaine psychologique proprement dit.
II
La pratique de l’hypnotisme comporte deux moments.
Grâce aux nombreux et divers procédés de Yhypotaxie, le sujet est d’abord plongé dans un état de torpeur, d’inertie, de passivité ; son activité psychique est comme suspendue; il est, pour ainsi dire, vide de pensée, o anidéisé ».
Alors, à cette période préparatoire va succéder la phase vraiment active. De môme qu’une plaque photographique, une fois sensibilisée, peut être impressionnée par la lumière, de même le sujet hypotaxié est prêt à recevoir les empreintes de l’idéoplastie.
L'idéoplastie. en effet, par la suggestion verbale, par l’impression mentale, suscite dans l’anidéisme un monoïdéisme ou un oligoidéism nettement circonscrit ; elle appelle, elle produit à volonté les phénomènes psychologiques dont on veut étudier le mécanisme ou le développement.
Lorsque l'idéoplastie a suscité, après hypotaxie préalable, un phénomène psychologique déterminé, celui-ci se déroule avec une intensité toute particulière; il accapare à lui seul le champ de la conscience, à l’exclusion de tout ce qui n’est pas lui ; il se trouve, pour ainsi dire, grossi, amplifié, renforcé; débarrassé de tout ce qui pourrait l’obscurcir, i! est mis en pleine lumière, il apparait comme en relief, il offre des nuances qui ne pourraient être saisies ni observées dans l’état de veille.
Or, le sujet lui-méme peut prendre pleinement conscience de ce qui se passe à ce moment en lui. Toute l’attention dont il est capable se trouve, par suggestion, mobilisée, concentrée, ramassée, maintenue sur le seul phénomène à observer. Celui-ci est alors appréhendé par une attention purement représentative, en dehors de tout élément antagoniste, affectif ou autre, sans distraction, sans dispersion, sans perturbation d'aucune sorte.
Ainsi :
1® Ce phénomène psychologique est connu avec autant de clarté, de distinction, de netteté, de précision, d’acuité et de pénétration que s’il était vu avec une sorte de loupe ou de microscope.
2° Il est connu non pas indirectement par inférence, traduction ou interprétation, mais en lui-méme, par introspection, par aperception . directe, par intuition immédiate. Ainsi nous rentrons dans la tradition de notre grand Descartes.
. IV
Cependant, il ne suffit pas de limiter notre étude à l'observation puro et simple des phénomènes courants. Il convient de provoquer, d’éten-dre, d'affiner cette observation et, pour cela, d’instituer des expériences, lesquelles, grâce encore à l’idéoplastie, porteront elles aussi directement sur les phénomènes psychologiques eux-mémes.
Les principaux modes de cette expérimentation sont les suivants:
1° Etantdonné un phénomène naturellement complexe, le décomposer, le désagréger, dissoudre ses combinaisons, rompre ses liaisons, atteindre les rudiments les plus simples, les séparer, les inhiber les uns aux autres, faire en somme une analyse élémentaire complète par une véritable vivisection mentale.
2° Produire isolément, faire fonctionner à part et étudier en lui-méme chacun des divers rouages psychologiques, depuis les plus inférieurs, jusqu'aux plus élevés.
3" Aller du simple au composé, des parties au tout et, dans un esprit préalablement anideisé, juxtaposer un à un, puis combiner les dilïé-rents éléments psychologiques, de manière à opérer une restauration graduelle, une reconstitution synthétique et môme à édifier petit à petit une sorte de statue de Condillac.
4° Utiliser les expériences que la nature nous offre toutes faites sous
forme de phénomènes pathologiques, séparer leurs éléments intégrants, faire entrer ceux-ci dans des associations nouvelles et, par là. empêcher la reconstitution du complexus primitif.
5* Reproduire à volonté, crée»* artificiellement certains phénomènes morbides, anormaux, curieux, rares, exceptionnels et cela, soit d’emblée, de toutes pièces, en vue d’une dissociation analytique, soit élément par élément, suivant le mode synthétique.
V
Voici, d'ailleurs, un résumé succinct des phénomènes psychologiques que l'expérimentation hypnotique produit ou modifie le plus aisément.
A. — Sphère affective :
Anesthésie complète ou partielle, hypoesthésie, hyperesthésie, dyses-thésie, paresthésie pour tous les modes de ki sensibilité. Hallucinations auditives, visuelles, olfactives, gustatives, tactiles, thermiques, musculaires, viscérales cœnesthésiques.
Besoins divers, faim, soif, pica.
Emotions gaies ou tristes, alternantes ou coexistantes ; psychapathie et hyperesthésie psychique ; psychalgie, hyperhédonie ; analgésie ; paralgie.
Inclinations et sentiments: anomalies,aberrations, perversions, philies* dégoûts ; anesthésie et paresthésie esthétiques.
B. — Sphère représentative :
Dissociation des images: auditives, visuelles, motrices d’articulation et motrices graphiques.
Amnésie partielle ou totale, hypermnésic, dysmnésie, paramnésic, ecranésie.
Cécité verbale ou psychique ; achromatopsic totale ou partielle, dyschro-matopsie, xanthopsic, macropsic.
Surdité verbale ou psychique ; audition colorée ; gustation et olfaction colorées.
Alexic dyslexie, paralexic.
Agraphie, dysgraphie, paragraphic ;-écriture en miroir.
Aphasie amnésique, paraphasic, dyslalie, écholalie ; parole en miroir. Illusions rétroactives ou actuelles; allochirie, microesthésie. macroes-thésie.
Idées fixes ; obsessions ; rêves.
Hallucinations rétroactives ; hallucinations negutives ou anesthésies systématisées.
C. — Sphère conative :
Anéncrgie : aboulie, hyperboulie.
Hallucination impérativc; paralysie psychique.
Impulsion; automatisme; illusion d’acte.
Dissociation d’habitudes et création de nouvelles synergies.
Examen des contre-motifs ; analyse de la délibération et du choix dit
volontaire.
D. — Personnalité :
Variations et dédoublement de personnalité ; objectivation de types. Existences psychologiques alternantes, successives ou simultanées. Etals dimidiés.
VI
Pour rendre intelligible une telle expérimentation psychologique, il suifit de se reporter à une vue que le Dr Durand (de Gros) a émise dès 1855, puis, en diverses circonstances, victorieusement défendue et corroborée par tout un faisceau de preuves variées.
Au polyzoïsrne qui démontre la pluralité animale de l’homme, se superpose le polypsychisme.
D'après cette théorie, il n’existe pas un a moi unique régnant sur un désert », mais une légion, une colonie d’individus psychiques, des sortes de moi secondaires, sans doute solidaires et hiérarchisés, cependant autonomes, percevant chacun pour leur propre compte, conscients vis-à-vis d’eux-mémes.
II y aurait donc en nous une sorte d'atomisme psychologique assez analogue, mutatis mutandis, à l’atomisme chimique. Cette hypothèse, que rien ne réfute et que tout justifie, donne précisément la clé de celte mécano-dynamique'mentale et de tous les phénomènes étonnants produits par expérimentation directe.
Dans l’état de veille normale, le moi principal, le moi en chef, primus inter pares, donne l'impulsion ; il dirige et se subordonne les moi secondaires, les sous-moi. Dans l'état d’hypotaxie, le pouvoir directeur du moi principal se trouve inhibé et les moi secondaires jouissent de leur indépendance ; c’est alors qu’ils obéissent sans réserve aux agents de l’idéo-plastie. Ainsi est rendue possible celte fragmentation de notre vie psychique, avec persistance de la conscience à titre de simple spectateur impartial et désintéressé.
En outre, ces moi secondaires reçoivent les impressions du monde extérieur, soit directement pour leur propre compte, soit indirectement par contre-coup. Ils enregistrent et conservent nos souvenirs ; ils conservent les notions que l’éducation ou l’expérience nous fournissent: ils constituent de véritables laboratoires où s’élaborent des opérations psychologiques très compliquées : ils pénètrent à notre insu et môme constituent dans leur entier la plupart des phénomènes mentaux que le moi principal s’attribue; leur contenu représente, en somme, ce que, d'un terme générique, on appelle le subconscient.
Or les phénomènes subconscients risquent d’étre, pour notre connaissance actuelle, comme s'ils n’existaient pas ; certains, jadis conscients, passent pour irrémédiablement oubliés ; d’autres resteront indéfiniment enfouis dans les régions de l’inconnu. Mais, si l'hypnotisme intervient, il les dépiste, il les fait sortir do leur latence, il les appelle à la pleine
lumière de l'introspection et ainsi il enrichit la psychologie d’un vaste domaine encore presque inexploré.
VII
Cette évocation du subconscient comporte plusieurs aspects.
1° L’hypnotisme provoque une hypermnésie intense pour des phénomènes anciens et presque eiïacés, ainsi que pour les phénomènes emmagasinés en nous sans que nous ne nous en soyons aperçus.
2° Il éclaire le mécanisme intime de certains états expérimentaux en apparence inexplicables, tels que les suggestions privatives et les suggestions à ternie avec inconscience du sujet pendant l'intervalle.
3" Il fait revivre dans la conscience présente les phénomènes psychologiques, soit normaux, soit pathologiques, soit suggérés, qui se sont déroulés dans les divers sommeils, naturel, hypnotique, chloroformique, médicamenteux.
4" Il reconstitue la trame des fugues, des états seconds, des somnambulismes naturels.
i»" Il dévoile ces idées fixes qui, à l’insu des malades, sont si souvent la cause d'états pathologiques.
Dans cette œuvre si féconde en découvertes précieuses, la simple suggestion, dynamogénique ou inhibilrice, suffit d’ordinaire. Toutefois, certains cas difficiles exigent «jue l’idéoplastie se concrétise en quelque sorte, qu'ello appelle à son secours, par exemple, la musique, l’écriture automatique, le dessin, la crystal-vision, la vision dans les nuages, etc.
— c’est-à-dire qu'elle provoque le subconscient par la mise en œuvre d'une espèce déterminée d’images, selon que le sujet est auditiT, moteur ou visuel.
VIII
Les aperçus qui précèdent sont bien loin de constituer des nouveautés. Déjà en 1853, 1855, 18G0, le Dr Durand (de Gros) enseignait et écrivait ceci:« L'hypnotisme est un instrument d’analyse inespéré pour les phénomènes psychologiques ;... il nous donne le moyen de faire fonctionner séparément les divers rouages de la pensée, d’en ramener l'exercice à ses opérations élémentaires et de déterminer ces éléments
à se prêter à toutes les combinaisons désirables ;..... il nous apprend
à tirer de leur latence une classe entière de manières d’être ;... il fournit une base expérimentale à la psychologie qui. dès lors, devient science positive et qui, grâce à lui, réalisera tous les progrès auxquels la science du corps humain est parvenue avec l’aide du microscope. » Et «l'autre part : «L’hypnotisme crée de toutes pièces une science nouvelle, la psychologie expérimentale. »
De nos jours, il ne doit plus exister d'antagonisme entre deux psy* chologies dont l'une serait descriptive et l’autre expérimentale, la première substantialiste, la seconde phénoméniste et, par là, véritablement scientifique. La psychologie mérite d'être conçue comme science naturelle, une, autonome, ayant un objet déterminé cl une méthode propre.
Les deux procédés de cette méthode sont l'observation interne et l'expérimentation directe. Or, il se trouve que l’hypnotisme les exalte, les amplifie, les diversifie, leur donne un essor, une puissance et une fécondité qui dépassent toutes les espérances. A ces titres, l’intervention de l’hypnotisme dans les recherches psychologiques est non seulement légitime, mais indispensable: grâce aux lumières qu’il projette sur les phénomènes obscurs ou cachés, il permettra de mieux saisir les rapports, de grouper les ressemblances, d’induire des lois.
Sans doute, son emploi rencontrera des préventions et des hostilités. Ainsi que l'écrivait M. lieaunis en 1885 « les philosophes opposeront certainement à l'introduction de l'hypnotisme en psychologie la même résistance que les médecins à son emploi thérapeutique, que les légistes en justice, mais, peu importe, ces résistances Uniront par céder devant l’irrésistible pression des faits. »
Résumé et conclusions du rapport sur la
Valeur de l'hypnotisme comme moyen d'investigation
psychologique
Par le Dr Félix Regnault.
La philosophie classique se basait sur l’observation et le raisonnement : elle observait les phénomènes psychiques si complexes qui se passent en nous et raisonnait sur eux à perte de vue.
l’ne nouvelle science, d’origine purement médicale, l’hypnotisme, nous fournit de nouvelles données, grâce à une méthode différente. Elle introduit l’expérimentation dans les phénomènes psychiques, elle peut ainsi étudier les plus simples et saisir leur mécanisme.
Le phénomène psychique le plus important que nous a révélé l’hyno-tisme est la suggestion.
Jusqu’à présent, on n’avait considéré que deux sortes d’actes :
1° Les actes réflexes bien étudiés par les physiologistes dont le type nous est fourni par les réflexes médullaires. A ces actes, on peut rattacher les actes automatiques et instinctifs;
2° Les actes volontaires, c’est-à-dire sentimentaux ou raisonnés. surtout étudiés par les psychologues.
F.ntre ces deux espèces d’actes si opposés, il existe une série d’autres actes, dont l’étude a été possible, grâce à la science hypnotique.
Ce sont :
a) Les actes imités. L’imitation est la répétition de l’acte commis par un autre. Ainsi, le rire, le bâillement sont contagieux, les moutons de Panurge cédaient à l’esprit d’imitation :
b) Les actes suggérés. Ici. l’acte se transmet au moyen d'un langage: geste, parole, écriture, etc.
Ces représentations symboliques de l'acte déterminent chez autrui l’idée et l’acte correspondants. La suggestion s’adresse donc à un cerveau évolué; elle met en jeu les sentiments et les idées: elle provoque une série d’actes en vue d’un but. Mais, comme l’imitation, la suggestion aboutit à un résultat fatal, à un acte déterminé à l'avance.
Les hommes sont tous suggestionnâmes à des degrés divers, ils le sont d'autant moins qu’ils sont plus doués de réflexion, de force, de contrôle et de puissance d'arrêt.
On augmente la suggestibilité de l'individu en le mettant à l’état d'hypnose: cet état peut être plus ou moins intense depuis la sommation légère jusqu’au sommeil profond.
I/hypnose, en abolissant la réflexion, simplifie l'activité psychique et nous montre l’acte commis par le cerveau sous une forme rappelant l’acte réflexe :
1° Une sensation centripète ;
2° L’excitation d’un groupe de neurones éveillant l’idée correspondante;
3° Un mouvement centrifuge ou acte.
Dans l’acte voulu, au contraire, la sensation centripète provoque l’excitation de plusieurs groupes de neurones; le courant nerveux centripète se divise en nombreuses ramifications dans le cerveau avant qu’un courant centrifuge sc forme. L’acte suggéré comble clone l’hiatus qui exisle entre l’acte réflexe d'une part. l'acte voulu «le l’autre.
• •
La suggestion est le phénomène le plus important qui nous a permis d’étudier l'hypnotisme, mais il n'est pas le seul.
L'hypnotisme détermine une série d’états cérébraux très particuliers, dont l’étude n’est d'ailleurs pas encore complètement terminée.
L'état cataleptique est caractérisé par ce fait que l’attitude donnée au malade est conservée. Vous élevez le bras du sujet, la sensation ainsi provoquée est perçue par le cerveau, car elle amène les contractions musculaires qui tiennent le bras élevé. Mais cette sensation et les contractions qu’elle détermine restent inconscientes.
L’état cataleptique peut exister chez certains sujets en dehors de l'hypnotisme. Si, dans certaines maladies nerveuses on lève le bras du sujet, il conserve cette altitude.
Dans la léthargie, le cerveau est isolé du monde extérieur, les sensations n'y parviennent point, le bras retombe quand on l’élève. La léthargie expérimentale explique la léthargie spontanée de certains sujets, notamment des fakirs de l'Inde : l’état, ainsi provoqué, parait semblable à celui des animaux qui hibernent : sommeil de la marmotte.
L'extase est obtenue par un rétrécissement de la conscience : l’esprit est occupé d’une passion unique; les contractions musculaires four-
nissent la mimique correspondant à la passion suggérée : passion érotique, religieuse, etc.
L'extase hypnotique nous explique les extases décrites dans la vie des saints.
I.a fascinai ion nous semble une forme particulière (le l'extase. T’ne sensation unique, fournie par l’objet contemplé, remplit la conscience. Seulement, les contractions musculaires, au lieu de se borner à la mimique comme dans l’extase, agissent violemment pour conserver la contemplation de l’objet qui fascine.
La fascination est très commune dans le monde animal : le type en est fourni par le serpent qui fascine sa victime.
Le somnambulisme, enfin, donne le spectacle d'une vie inconsciente qui se déroule automatiquement. La suggestion produit ici son maximum d’e ITets.
Le somnambulisme hypnotique est de même nature que le spontané. Il nous explique les fugues de ces gens qui marchent pendant des jours, accomplissent des séries d’actes, puis, revenant à leur état naturel, ne se rappellent plus de rien.
Nous pourrions adjoindi’e à cette ctude celle de l’hystérique, considérant l'hystérie comme une maladie qui rend les sujets plus particulièrement hrpnotisables.
Nous pourrions, avec Charcot. considérer comment les crises hystériques ont éclairé certains points do l’histoire, auparavant incompréhensibles : épidémies des convulsionnaires. démoniaques, etc.
Nous pourrions montrer, avec .lanet, que l’anesthésie hystérique fournit de nouvelles données sur la conscience : Panesthèsie étant due à un état d'inconscience du sujet.
Les modifications et le dédoublement de la personnalité chez l’hystérique fourniraient encore un chapitre important.
Le rôle de la suggestion dans les sociétés renouvelle entièrement la sociologie : l'âme des foules, le rôle de la suggestion dans la genèse des religions, dans les miracles, dans les guerres, modilie nos conceptions sur l'histoire (* .
Mais de pareils aperçus nous entraîneraient trop loin et il convient du se fixer aux limites de notre programme. Si vous voulez considérer le bouleversement qu'a amené l'étude de la suggestion dans la philosophie classique, vous admettrez le rôle capital de l'hypnotisme comme moyen d'investigation dans la science psychologique.
Résumé et conclusions du rapport sur L'hypnotisme devant la loi du 30 novembre 1892, sur l'exercice de la médecine. — Intervention des pouvoirs publics dans la réglementation de l'hypnotisme
Par M. le D' Henri Lemesle et par M. Th. Jili.iot, docteur en droit.
Que le sommeil provoqué soit considéré en lui-même, indépendam-
11) V. D' Félix Reo.naclt : Hypnotisme, Religion. — Schleichcr. éditeur, 1897,
ment de la suggestion, ou qu’il soit considéré comme le substratum de celle-ci, la pratique en doit très nettement être distinguée en : Hypnotisme thérapeutique et Hypnotisme expérimental.
Cette division, que nous observerons dans cette étude, est, à notre avis, capitale lorsqu’il s’agit d’envisager les rapports de l’hynotisme avec la loi.
I
I. — Hypnotisme thérapeutique.
La loi sur l'exercice de la médecine doit-elle être interprétée dans un sens favorable au libre exercice de l'hypnotisme thérapeutique ou dans un sens de restriction de cet exercice aux seuls médecins ?
Les partisans de la libre pratique de l'hypnotisme emploient à l’appui de leur opinion et par analogie avec les décisions de certains tribunaux relatives au magnétisme, cet argument, que l’exercice de l’hypnotisme est indépendant de toute prescription médicamenteuse, et que, par suite, il n'y a pas exercice de la médecine; ils se font forts de plusieurs jugements et arrêts rendus de ce chef en faveur des magnétiseurs. Ces derniers prétendent, en l’obscurité do la loi, et ont fait juger notamment par le tribunal d’Angers (1897) que : a il ressort du rapport « fait à la Chambre par M. Chevandier, que jamais il n’est entré clans
« l’intention do la Commission deviser les masseurs.....que le prévenu
« en se livrant aux pratiques magnétiques.....et en donnant de lu ouate
c aimantée, ne peut être considéré comme ayant exercé un traitement « ou prescrit un médicament. »
La réponse des adversaires de la libre pratique de l'hypnotisme peut se résumer par les considérants du Tribunal de la Seine (6 janvier 1899) qui a poséle dilemme suivant :
« Ou les pratiques condamnables sont sans aucun effet sur la santé a et peuvent empêcher le client qui s’y fie de recourir en temps utile « au médecin..., ou elles agissent sur l'organisme humain et ne sont « pas inoffensives, auquel cas elles ne doivent être utilisées pour le
a traitement des maladies que par des personnes compétentes.....
« Dans l’un et l’autre cas, il y a intérêt à réprimer les actes.....»
La question a été mal posée et l’on a établi ou laissé s’établir une confusion regrettable entre le magnétisme et l’hypnotisme. Et d'ailleurs, même si cette coufusion persistait, la cause du libre exercice de l’hypnotisme thérapeutique n'en serait pas plus défendable; même si l'on admettait que l'hypnotisme est une méthode thérapeutique incapable d’entraîner des modifications organiques ou psychiques chez le sujet, on n’aurait pas justifié sa libre pratique. Car en effet, entreprendre la guérison d'une maladie, même en n’instituant aucun traitement, est toujours une immixtion dans l'art médical; dans certains cas, ¡’expectation sera, à proprement parler, un traitement médical utile, dans
d’autres cas, inconsidérément prescrite, elle empêchera le malade de recourir en temps opportun aux moyens curatifs nécessaires : du diagnostic préalablement établi dépendra l’emploi de la méthode expectante et ce ne peut étro là que besogne médicale.
11 faut envisager la question à un autre point de vue : car si les magnétiseurs, pensanten tirer arguments s’efforcent d’établir que leurs pratiques n’apportent pas do modifications organiques chez le sujet, bien au contraire, les médecins qui pratiquent l’hypnotisme reconnaissent que la production de l’hypnose n’est pas chose indifférente. Cet état s’accompagne chez le sujet de phénomènes réactionnels tels que le médecin seul peut être qualifié pour en apprécier l’importance et l’utilité thérapeutique. Est-il besoin de mentionner les importantes modifications respiratoires et circulatoires qui résultent de l'hypnose ? La production de l’état hypnotique comporte une véritable posologie, chaque malade est doué d une suggestibilité particulière, d’une réceptivité personnelle; d’autre part, le malade en traitement peut être en imminence de troubles mentaux qu’un traitement intempestif ferait éclater.
II ne nous semble pas utile d’insister plus longtemps, et nous pensons avoir établi que la pratique de 1 hypnotisme est bien une branche de la médecine.
C’est pourquoi nous avons l’honneur de proposer :\u Congrès international de illypnotisme le vœu suivant :
Le Congrès international de l'Hypnotisme, repoussant d’ailleurs toute assimilation de l'hypnotisme au magnétisme, émet le vœu que l’hypnotisme thérapeutique soit soumis à la loi du 30 novembre 1892 sur l'exercice de la médecine.
Dr Henri Lemesle.
II
Hypnotisme expérimental.
I. — Î-ltat de la législation.
L’hypnotisme expérimental est demeuré en dehors des prévisions du législateur de 1892.
Celui-ci, en effet, ne prévoit et ne réprime que l'exercice illégal de la médecine.
Or l’exercice, cet exercice illégal, ne peut consister que dans l’un des trois faits suivants :
lo Prescription d’un médicament. Rédaction d’une ordonnance;
2° Pratiques chirurgicales;
3" Pratiques étrangères en elles-mêmes à l’exercice de la médecine et de la chirurgie (hypnotisme, magnétisme, massage, électricité, prescription d’un régime, conseils d'hygiène ou autres), mais qui, par suite de deux facteurs nouveaux :
aj But poursuivi (traitement des maladies);
b) Habitude, direction suivie dudit traitement revêtent le caractère do
faits illicites, s’ils émanent d’une personne non munie du diplôme requis.
L’hypnotisme expérimental qui, par définition, poursuit un but étranger à la thérapeutique, ne peut rentrer dans aucune de ces trois catégories.
Il reste donc sous l'empire du droit commun, c’est-à-dire que les accidents pouvant résulter de son emploi peuvent exposer son auteur, soit à dommages et intérêts (art. 1382 du Code civil , soit à des pouisuites pénales, s’il va eu crims ou délit.
II. Convient-il de restreindre ou d'interdire l'exercice de l'hypnotisme expérimental ?
Distinction :
Io Expériences faites en un domicile privé dans un but scientifique ou de simple curiosité. — L'intérêt de la science et le respect du domicile privé s’opposent à toute règlementation de cette nature.
2° Représentations publiques d’hypnotisme ou de magnétisme.
Deux opinions en présence :
a) Nécessité d’interdire les représentations publiques.
Examen des mesures administratives prises en ce sens en France et à l'étranger.
Vœux émis par les Sociétés savantes.
Inconvénients de ces exhibitions au double point de vue de la santé publique et de l’atteinte portée à la liberté de la personne morale.
h) Liberté de ces représentations.
Avantages possibles au double point de vue de la science et de l’instruction des foules.
Objections contre la réalité des inconvénients signalés.
Conclusion :
I" En ce qui concerne l'atteinte portée à la personne morale.
2° En ce qui concerne les dangers de ces exhibitions au point de vue de la santé publique, il n’appartient pas à l’auteur du rapport, qui n’est pas médecin, de conclure. Il consulte le Congrès sur le point de savoir s’il y a lieu de maintenir les conclusions adoptées par le premier Congrès de l'hypnotisme en 1889 et ainsi conçues :
t Les séances publiques d’hypnotisme et de magnétisme doivent être interdites par les autorités administratives au nom de l’hygiène publique cl de la police sanitaire, n
Ch. L. Julliot, __Docteur en droit.
Résumé et conclusion du rapport sur
Les rapports de l’hypnotisme et de la suggestion avec la jurisprudence.
Par le I)r P. Joire, (de Lille).
Au début de cette élude nous avons d’abord à examiner si l'hypnotisme et la suggestion peuvent être employés d’une manière criminelle.
L'étude scientifique de l’hypnotisme nous montre qu’il est une force, mise en œuvre par un homme et capable de modifier profondément l’état physiologique d'un autre individu. On peut d'abord par l’hynoti-sation provoquer un état de sommeil qui s’accompagne d’insensibilité, d'anesthésie absolue. On peut, en second lieu, provoquer un état dans lequel le sujet perd, à des degrés divers, sa volonté, son libre arbitre, sa conscience, sa mémoire. Dans cet état, qui est le somnambulisme, l’hypnotiseur peut substituer sa volonté à celle du sujet, lui inspirer les idées, les sentiments, les sensations qu’il lui plaît, il peut lui suggérer les actes de toute nature que, dans certains cas, le sujet accomplira automatiquement. fatalement, sans avoir la conscience ni le souvenir de la suggestion qui lui a été faite. 11 est évident qu'une force de cette nature peut être employée pour le mal comme pour le bien. Toutefois, l’histoire nous montre que les attentats de ce genre sont excessivement rares. Us disparaîtront de plus en plus, à mesure que la connaissance scientique de l’hypnotisme rendra plus facile la recherche de la vérité et la découverte des coupables, et leur enlèvera ainsi toute sécurité dans l’accomplissement des actes criminels.
Au point de vue du rôle que le médium légiste pourra ctre appelé ;i jouer dans les faits de ce genre, nous avons à considérer l'hypnotisé dans quatre cas différents.
Dans le premier cas l'hypnotisé est victime d’un attentat commis contre sa personne ou contre ses biens à la faveur de l’état d'inconscience et d’inertie où il s’est trouvé par le fait du sommeil provoqué. Ces faits se rapporteront surtout à des sujets placés en état de léthargie ou de catalepsie, plus rarement en somnambulisme.
Dans une seconde catégorie de faits, le sujet agit par le fait d'une suggestion, le plus souvent involontaire ou d’une auto-suggestion. Nous trouvons là des sujets sur lesquels une personne, animée des meilleures intentions, peut agir sans le savoir et sans le vouloir par supposition, dans cet état superficiel d’hypnose que l’on appelle la veille somnambulique. Ces cas sont graves parce qu’ils peuvent souvent passer inaperçus et donner lieu à des erreurs judiciaires. Ils se rapportent surtout aux faux témoignages.
Dans le premier et le second degré du somnambulisme, on peut, au moyen de suggestions, faire accomplir par le sujet des actes non délictueux en eux-mêmes, mais qu’il n’accomplirait pas s’il était à l'état normal. On pourrait lui faire signer des engagements, des contrats, lui faire accomplir des actes capables de compromettre sa réputation.
Enfin, dans le troisième degré de somnambulisme, le sujet, dépourvu de toute conscience et de toute liberté, a perdu lo sentiment de sa personnalité; obéissant d'une manière absolument automatique etfataleaux suggestions qui lui sont laites, il peut devenir l’auteur d’actes criminels.
Dans la dernière partie de cette élude, nous verrons que, si l'hypnotisme et la suggestion peuvent, dans certains cas, servir au crime, ils
peuvent aider aussi à la découverte delà vérité et faire rendre justice à des victimes.
Jamais l'hypnotisme ni la suggestion ne pourront s’adresser à un accusé pour lui faire avouer une faute, ce serait une véritable torture morale. Mais en presence d’une victime on pourra employer tous les moyens que la science met à notre disposition pour réveiller ses souvenirs et lui faire rendre justice. La victime pourra désigner l'auteur d’un attentat commis contre elle. Celui à qui un criminel aura suggéré des souvenirs faux ou des accusations injustes, retrouvera la vérité et la montrera à la justice.
Certains sujets, doués d'une faculté que la science connaîtra mieux désormais, la lucidité, permettront de porter la lumière dans les puits obscurs des causes les plus difficiles, dans lesquelles la justice est exposée jusqu'ici à laisser les coupables impunis, ou, chose plus grave encore, à commettre des erreurs judiciaires.
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 15 mai 1900. — Présidence le M. Jules Voisin.
Orthopédie mentale et morale par suggestion pendant le sommeil naturel.
M. Pau de Saint-Martin. —J’eus à soigner un enfant à la fois vicieux, paresseux et arriéré. Les parents, obéissant à des craintes injustifiées repoussaient abolument l’hypnotisme. J’eus alors recours à la suggestion pendant le sommeil naturel, dont M. Faress nous a recommandé l'emploi et exposé la technique. Le traitement fut assez long, mais je parvins à guérir l'enfant de ses vices. Par surcroit, comme le fait a été déjà constaté, d'ailleurs, son intelligence s'est développée; il a pris goût au travail et peut suivre utilement ses classes.
M. Paul Farbz. — On voit que la suggestion pendant le sommeil naturel peut être considérée comme le succédané de la suggestion hypnotique dans tous les cas où celle-ci ne peut être employée. Ce mode de suggestion est très efficace et on ne l’utilise pas assez. Il est donc intéressant d'enregistrer le succès obtenu par M. Pau de Saint-Martin. Je rappelle qu'à l'une de nos dernières séances, j’ai rapporté le cas d’un enfant atteint d’incontinence d’urine et guéri, lui aussi, par suggestion pendant le sommeil naturel.
Séan# du murdi 19 juin 1900.
De la suggestion envisagée comme cause d'erreur dans les recherches thérapeutiques
Par M. le Dr Bérillon.
MM. lîroca, Bapelieret Thibault ont rassemble à l’heure actuelle 57 observations d’alcooliques traités par leur sérum antiéthylique. Sur ces 57cas. il y a eu, disent-ils, 17 échecs, dont 4 par inconstance du maladeà
suivre le traitement. 13 par tares diverses constatées à l'examen préalable etconsidérées comme conditions défavorables, 8 améliorations dont 4 malgré l'inconstance, 4 malgré des tares limitant l'action du sérum, enfin 32 succès.
Or, ces auteurs avouent que le sérum échoue chez les r détraqués », les dipsomanes, les névropathes, les tarés, tous ceux qui présentent une psychose, une névrose, une maladie de la nutrition, etc.; ce traitement ne conviendrait donc qu aux seuls u alcoolomanes » sains de corps et d’esprit.
Ainsi, au lieu d’appliquer indistinctement leur thérapeutique à tous les alcooliques, sans exception, ces auteurs font une sélection très sévère et ils ne conservent que les individus normaux, c’est-à-dire ceux qui sont le plus suggestibles ; car on est d’accord aujourd’hui pour admettre que cette propriété naturelle appelée suggeslibilitc est une caractéristique de l’état normal. Pour que le sérum réussisse, ajoute-t-on,
il faut que le sujet ne résiste en aucune manière au traitement; or en quoi le non-consentement pourrait-il entraver une action que l’on prétend être purement physiologique ?
Avant de rejeter la suggestion comme cause possible du succès de leur sérum, les auteurs dont il s’agit auraient dû instituer une contre-épi euve, par exemple injecter de l'eau pure à certains de leurs malades, sans que, bien entendu, ces derniers se doutassent de la substitution. Bn outre, pour être concluante, l'épreuve exigerait que les expérimentateurs eux-mêmes ignorassent, pendant tout le cours du traitement, quels sont les malades qui reçoivent sous la peau du sérum authentique et quels sont ceux auxquels on injecte du pseudo-sérum. La part de suggestion opératoire étant ainsi la même dans tous les cas, il serait curieux de constater des guérisons parmi les alcooliques de la seconde catégorie.
Discussion.
M. Paul Magxi.n*. — Je ne veux point prétendre que la suggestion n'ait aucune part dans les guérisons revendiquées par ce sérum : mais je me garde bien de refuser à celui-ci toute action thérapeutique. MM. Broca, Sapelieret Thibaultont d’abord faitdesexpériences très concluantes sur les animaux. Parexemple, des chiens systématiquement rendus alcooliques commencèrent à manifester un dégoût profond pour l'alcool à partir du jouroùonlcurinjcctadu sérum antiéthylique : ilestbien difficile d’admettre qu'une action suggestive quelconque ail produit un tel résultat chez ces chiens.
M. Lépjnay. — En ce qui me concerne, je fais des réserves sur les expériences que ces auteurs auraient instituées sur des chiens et je me demande comment ils ont pu rendre ces derniers alcooliques. Le chien, en effet, a l’estomac très délicat et il rejette très facilement tout ce qui s’écarte de son alimentation ordinaire ; j’ai pu constater à mon hôpital qu'il a une aversion toute spéciale pour l'alcool, quelle que soit la forme
sous laquelle on l'administre. Dans de très nombreux cas ou, soit dans un but thérapeutique, soit par caprice féminin, soit par lubie d’alcoolique, on a voulu administrer à un chien des solutions médicamen-lêuses alcoolisées, des vins toniques, même sucrés et agréables au goût. des liqueurs, de l’eau de mélisse, etc., le chien a manifesté de la répulsion, on a dû employer la force et l'alcool ingéré a été vomi ou bien il n’a pas tardé à causer des affections, parfois graves, de l'estomac ou de l'intestin.
M. Paul Farez. — Déjà, dans un remarquable et humoristique article qu’a publié la Presse médicale, un médecin qui dirige avec une grande compétence le service des alcooliques à Ville-Evrard et qui, en outre, est notre collègue à la Société d'hypnologie, le Dr Legrain, a fait, du point de vue purement théorique, une critique fort serrée de ce sérum antiéthylique.
Ses objections se ramènent à deux essentielles :
1° Si les antitoxines se développent chez l’intoxiqué auquel on emprunte le sérum, elles doivent s’être développées aussi chez le buveur invétéré. Alors, pourquoi recourir à des stimulines hétérochtones, puisqu'il doit en exister d’autochtones ?
2° 11 ne suffit pas d’avoir créé le dégoût de l'alcool pour s'imaginer qu’on a guéri l’alcoolique. En effet, dit-il, le dégoût est un processus purement psychique, un acte cérébral comme l'appétence. « C’est une grosse erreur de croire que le dégoût puisse être un remède à une impulsion, quand celle-ci est bien caractérisée. Ne voit-on pas, au contraire, l'impulsion vaincre le dégoût chez certains buveurs, tels que les dipsomanes, angoissés à l'idée qu’ils vont absorber cette liqueur qu’ils abhorrent et à laquelle ils mélangent volontiers des matières fécales pour augmenter leur dégoût ? L'horreur du poison est ici portée à son comble, mais elle n’offre aucune garantie à l'impulsif qui succombe quand même. En Amérique, on a eu l’idée folle de traiter les buveurs par le dégoût des boissons alcooliques. Pour atteindre le but, on faisait aux patients la cuisine à l'alcool. Aucune occasion d'en prendre, depuis le potage jusqu'au dessert, ne leur était épargnée. Le dégoût, avec des accidents alcooliques épouvantables ne manquait pas de se produire, mais la soif d’alcool restait inextinguible. »
Ces objections, il est vrai, ne sont que théoriques, et aucune considération ne saurait prévaloir contre les faits.
Or, le D^ Crivelli (de Melbourne) s’est placé sur le terrain de l'expé-périence et delà clinique. Ainsi qu’il l’a expliqué dans une communication récente à l’Académie de médecine, il empruntait son sérum à un veau auquel il faisait boire chaque jour un litre de whisky. En lin de compte, les elTets ont été nettement négatifs, sauf au début où quelques améliorations ont paru se manifester sous l'influence de la suggestion. Le D' Legrain, d’ailleurs, avait bien reconnu qu’il en pourrait être ainsi, grâce à l’influence exercée sur l’imagination.
Assez nombreuses sont les préparations, pharmaceutiques ou autres, qui se donnent comme un remède infaillible de l'alcoolisme. Et. si elles réussissent parfois, c’est grâce à la suggestion plus ou moins habile, plus ou moins intense dont on a su les accompagner, soit par la ré- , clame, soit par le prospectus, soit par la mise en scène.
Ün se rappelle « un certain slave, portant beau, tout chamarré d'or, le yatagan au côté qui ne manqua pas de se présenter au Dr Legrain et qui est allé aussi à la clinique du Dr Bérillon faire ses offres de service.
Il possédait « une décoction de plantes magiques, cueillies au pays des tsars et dont l'effet s'était, parait-il, montré irrésistible sur les Cosaques ivrognes. » Grâce à son air d’assurance, à son accoutrement cl aussi à l'engouement des Français pour l'exotisme, il a pu exercer une certaine influence sur les imaginations. On ne devrait être nullement surpris qu’il eût eu des succès auprès de personnes qui croyaient en lui et qui avaient confiance dans l'efficacité de son remède.
Nest-cc pas à une influence suggestive de mémo nature que la cure d’or, si chère aux Américains, a acquis une telle vogue ? C’est la foi qui sauve, disait l’Évangile; c’est la foi qui guérit, enseignait si justement Charcol.
On comprend donc que la suggestion sous toutes ses formes ail etc parfois systématiquement employée par les médecins pour combattre l'alcoolisme.
Si mes souvenirs sont exacts, notre honoré président, M. Jules Voisin, aurait, l’an dernier, à la campagne, obtenu un succès très satisfaisant en prescrivant une pilule à laquelle il attribuait une puissance considérable.
Dans cet ordre d’idées, ils convient de rapporter la guérison si curieuse obtenue par un Américain, Edward L. Munson. Un homme, après une ivresse de huit jours, vient échouer à l’hôpital. Là, on feint de n’attacher aucune importance à ses habitudes d’intempérance et on lui permet de boire autant d’alcool qu’il le voudra. Néanmoins on lui raconte qu’il a une maladie organique, mais dont on le guérira en lui faisant des injections hypodermiques. Or, toutes les fois qu'il a bu de l’alcool, on asoin, immédiatement après, de lui faire son injection;mais ce qu'il ne sait pas, c'est qu'on lui injecte de l'apomorphinc, c'est-à-dire un vomitif énergique. En fait, donc, toutes les fois qu'il a absorbé de l’alcool, il ne tarde pas à vomir abondamment. Grâce à une suggestion intense et systématiquement renouvelée, on lui persuade que son organisme présente une intolérance absolue pour les boissons alcooliques;
il finit par y croire et cette ferme croyance lui permet de résister à toutes les sollicitations ultérieures. On l'a revu neuf mois après sa sortie de l'hôpital et pendant ces neuf mois, il n'a pas incorpore une seule goutte d alcool.
A part les cas de suggestion indirecte, analogues à celui dont je viens de parler, on peut poser en principe que, d’une manière générale,on ne
guérira l’alcoolique ni à son insu, ni en dehors de lui, ni sans son concours. Et on le guérira en lui faisant accepter l'abstinence totale; or, pour cela il ne suffit pas de lui injecter quelques centimètres cubes de liquide sous la peau, mais d’accroître sa volonté, d’augmenter son énergie, de lui imposer une discipline morale, une gymnastique psychique, qui crée ou développe en lui le pouvoir de réfréner les impulsions jusqu’alors irrésistibles. C’est à ce point de vue, comme ledit encore le Dr Lcgrain, que l'hypnotisme est d'un grand secours et c'est ce qu'ont bien compris bon nombre de médecins français et étrangers, familiers avec la pratique de la psychothérapie.
A l’une de ses dernières leçons du mardi, le professeur Raymond présentait un homme chez lequel une alcoolisation lente mais continue avait créé un besoin irrésistible. Cet homme est dégoûté de l’alcool, il comprend toute l’horreur de sa passion; il désire s’amender. « Or, dit-il, j’ai beau me répéter quejesuis une brute, que je serai mis à la porte de mon administration, que je plongerai dans la misère ma femme et mes enfants, que je finirai à Sainte-Anne..., je vais quand même chez le marchand de vin, car je ne puis m’empêcher de boire. » Cet homme a, sans aucun succès, essayé du sérum antiéthylique. On commence à le soumettre au traitement hypnotique, et une fois, il reste cinq jours, une autre fois huit jours sans absorber une goutte d'alcool.
L’hypnotisme, en somme, se montre efficace en restaurant la volonté épuisée, en développant le pouvoir d’arrêt, c’cst-à dire d’inhibition.
COURS ET CONFÉRENCES
Astasie-abasie consécutive à une pseudo-attaque apoplectique ('
par M. le Professeur Raymond.
La femme que vous voyez s’avancer est une bouchère âgée de ">0 ans; elle s’arrête, trépigne sur place, fait quelques pas, pour bientôt s'arrêter, trépigner à nouveau, faire encore quelques petits pas, et ainsi de suite. Ce trouble ce la marche s'accompagne de petits mouvements dans les muscles de la face. Notez que celte malade a la figure aimable et souriante; elle est toujours contente, joyeuse et de bonne humeur. Vous avez entendu : « Quand je me ferais de la bile, dit-elle, cela ne m’avancerait à rien; je veux guérir! »
Cette femme est malade depuis un an. Un jour, à 7 heures du soir, elle a été prise d une irrésistible envie de dormir et elle a dormi sur une chaise pendant deux heures sans connaissance. Le médecin a prescrit trois sangsues derrière chaque oreille et de la moutarde aux jambes; il élait donc convaincu qu’il s'agissait d’attaque apoplecliforme. Or, il ne s'est agi ni d’hémorragie, ni de ramollissement, ni d’œdème cérébral. Celle malade, au réveil, ne s'est pas reconnue; elle n'aurait rien su de
(1) Leçon clinique û la Salpétriêre.
ce qui s’était passé si on ne le lui avait dit; elle n’a présenté aucun phénomène paralytique; elle a été complètement remise le lendemain; sa parole est saccadée, mais elle trouve tous scs mots, il ne s'agit pas d'aphasie; toutefois, elle ne peut marcher qu’à petits pas avec arrêts et trépignements, comme vous venez de le voir.
II y a deux ans, à la ménopause, elle a eu une perte de connaissance analogue, diagnostiquée aussi attaque d'apoplexie et de laquelle elle s'est complètement remise. Celle d'il y a un an a laissé des troubles qui subsistent encore. Le masque de cette femme est un peu immobile; elle a une certaine difficulté de parler, mais a conservé toute son intelligence; elle pleure et rit facilement d'une manière spasmo-dique; elle a une certaine hésitation dans les membres supérieurs, mais toute la force musculaire est conservée; il n'y a ni trouble sphinc-térien, ni trépidation spinale ; enfin, sa marche est trépidante.
On a, à propos de cette femme, pensé à la paralysie pseudo-bulbaire; or, il ne s'agit pas d’affection organique; cette malade, vous le voyez, peut gigotter, lancer la jambe, danser, sauter; elle jouit de toute sa force musculaire.
Cette variété de trouble de la marche est la forme trépidante de l’as-tasie-abasie.
Charcot, en 1884, dans ses leçons du mardi, a montré que, dans l'as-lasie-abasie, le malade, souvent, ne peut pas se tenir debout ou s’effondre, mais, qu’une fois au lit, il peut mouvoir ses membres. Même en l’absence de troubles sensitifs ou oculaires, Charcot faisait rentrer cette affection dans la grande névrose; il la considérait comme de l’hystérie monosymptomatique et mettait bien en lumière, d’une part, la conservation de l’énergie et de la santé, d'autre part l’impossibilité de la marche; ce qui est perdu, c’est la coordination des mouvements et cette incoordination peut revêtir l’une des trois formes suivantes rchoréiforme, trépidante, motrice.
Ainsi, il ne faut pas confondre la coordination, qui est d’origine cérébrale, et l’adaptation, qui est d'origine médullaire. L'affection de cette femme est une variété de l'hystérie. Chez des dégénérés, des déséquilibrés on pourrait rencontrer de la basophobie, mais consciente, comme l'est l'agoraphobie, par exemple.
Cette femme devra être tonifiée et soumise à l’hydrothérapie ; je lui ai en outre recommandé la plate-forme roulante de l’Exposition, comme moyen suggestif; il ne faut pas oublier, en effet, que cette femme a eu deux attaques de sommeil hystérique.
REVUE DE LA PRESSE ÉTRANGÈRE
Sur une trophoneurose traumatique,
par M. le Dr Thoma (d'Illenau), Allgem. Zeilsch. fur psych.
A la suite d’une brûlure, une ulcération siégeait sur le bras droit ; M. Thoma (d’Illenau) fut assez heureux pour la guérir par suggestion .
Du rôle de la suggestion dans Ja lutte contre l'alcoolisme,
par M. le Dr B. Sinani, Messager médical russe, 1899, nn- 12 et 14,
S’appuyant sur ses observations personnelles M. Sinani formule les conclusions suivantes :
1° Les alcooliques auxquels, dès la première séance, on suggère l’abstinence alcoolique complète, obéissent à cette suggestion.
2° La cessation brusque de l'excitant habituel n'amène aucune conséquence grave, nuisible, ou désagréable.
3" Très vite la santé s'améliore à tous égards sous l'influence des suggestions. sans l'aide d’aucun moyen auxiliaire, pharmaceutique ou physique.
4° Mémenprès un traitcmcntdecourteduréc, un grand nombrede malades pratiquent pendant très longtemps l’abstinence alcoolique totale.
5® Les alcooliques qui n’interrompent pas le traitement continuent indéfiniment à s’abstenir d’alcool.
6° Certains, au bout de quelque temps, consentent à boire, en compagnie, quand l'occasion s’en présenterais sans abus et d’une manière modérée.
l'1 Le plus souvent la récidive alcoolique dépend des tentations et des séductions dont on entoure les alcooliques.
8° Le traitement suggestif se montre peu efficace chez les personnes qui n’ont pas pris la ferme résolution de s’abstenir complément d'alcool.
0° 11 est à souhaiter que le traitement suggestif de l’alcoolisme se propage parmi les médecins, afin qu'un plus grand nombre de malades puisse en bénéficier.
Impulsions conscientes, par M. le Dr Ch. Fkuk, Belgiq. médic., 1900, n°3.
Il s’agit d'un homme âgé de 58 ans. A l'âge de 22 ans, il a contracté une fièvre typhoïde et, depuis lors, il est sujet à des impulsions conscientes qui, par leur caractère paroxystique et leur périodicité, paraissent se rattacher au mal comitial.
II souffrit d'abord d'idées de persécution; puis il éprouva le besoin d'insulter : il comprenait bien qu’il devait y résister, mais ne le pouvait ; dès qu’il avait obéi à ce besoin il sc sentait soulagé. Ensuite, il eut l'impulsion de battre sa femme; il administra en effet à cette dernière une bonne fessée chaque mois. Depuis plus de deux ans, les impulsions sc sont atténuées ; les paroxysmes se manifestent périodiquement sous forme de crises paralytiques le matin, à chaque nouvelle lune. Entre temps, cet homme présente parfois de l’obnubilation intellectuelle, delà parésic dans les membres inférieurs, des paroxysmes syncopaux ou gastriques. des douleurs constrictives, etc. Tous ces phénomènes augmentent la vraisemblance de l’épilepsic. On voit quelle est 1 importance de ces faits au point de vue médico-légal.
L'akinesia algera, par M. lo Dr A. Cavazzaxi, Ri for ma medica, 11)00,
n° 20, p. 232.
La caractéristique de l’akinesia algera est la douleur à l’occasion des mouvements. La douleur n'est pas confinée aux muscles qui font le mouvement; elle s’étend aux articulations et peut avoir des irradiations; elle peut s'accompagner de l’accélération de la respiration, de tachycardie, de sueurs profuses.
Plusieurs auteurs pensent que cette affection implique un pronostic grave, or, dans trois cas, M. Cavazzani a pu obtenir la guérison complète par suggestion, soit directe, soit indirecte. Dans un cas, le malade était un hystérique et l’akinesia algera, était un des éléments du syndrome ; dans un autre, l’akinesia algera était survenue après un traumatisme du pied et ressemblait à une névrose traumatique ; la malade n’avait ni hérédité névropathique, ni stigmates d'hystérie; il s’agissait probablement d’une manifestation monosymptomatique de l’hystérie.
Pseudologia phantastica, par M. le D- Redlich (de Riga), Allgem. Zeitsch. fùr Psycli., mars 1000.
Delbrück a appelé pseudologia jihantasiica une forme de mensonge pathologique dont M. Redlich rapporte un cas curieux. Le malade dont il s'agit est un dégénéré ; tel le Tartarin de Daudet, il invente des romans dont il est le plus souvent la dupe; changeant de personnalité d’un instant à l’autre, il commet des escroqueries sous divers noms. Poursuivi en justice, il est acquitté comme irresponsable.
Sur la chorée et son traitement, par M. le Dr Schaikewitsh, Revue (russe) de Psych. et de Neur., 1891). n°' H et 12.
Le traitement de la chorée doit être tout d’abord prophylactique; il réclame l'cntrainemcnt physique et moral des enfants nerveux. Quand la chorée est confirmée, on doit s’adresser à la cause provocatrice immédiate, comme, par exemple, le rhumatisme; mais il ne faut pas oublier d'instituer un ensemble de mesures diététiques et hygiéniques telles que le repos, l'hydrothérapie, le massage, la gymnastique, les toniques et la suggestion. Les médications pharmaceutiques ne paraissent pas ici mériter grande confiance.
Un cas de poriomanie, par M. le Dr Doxatii de Buda-Pesth, Archiv. fur. Psychiatr., XXXII, f. 2.
M. Donath désigne par poriomanie l’impulsion à voyager qu’éprouvent périodiquement certains malades. La conscience de ces fugues persiste néanmoins la poriomanie serait de nature épileptique, car, soutient M. Donath, l’amnésie n’est pas un caractère obligatoire des accidents épileptiques ; les divers accidents épileptiques peuvent se manifester sans obnubilation de la conscience.
Un cas d'automatisme ambulatoire (fugues, dromomanie), par M. leDr Bregmann, Neurologie Cenlralblatt, icr septembre 1899.
Un jeune garçon, âgé de 14 ans, est choyé dans la maison partenclle que, néanmoins, il quitte depuis l’âge de sept ans, à divers intervalles, pour aller errer de par le monde. Ces déplacements sont tout à fait indépendants de sa volonté: ils sont toujours liés au souvenir d’un frère mort; ils ne comportent jamais d’actes répréhensibles; le plus souvent, ils laissent une certaine place dans la mémoire du malade. Cette fugue n’est, d’après M. le Dr Bregmann, ni celle des épileptiques, ni celle des hystériques, ni celle dès dégénérés.
Surdité nerveuse hystérique, guérison spontanée,
par M. le Dr Dundas Grand, The polyclonie of the mcd. Graduais collège,
janvier 1900.
Une jeune fil le âgée de 1S ans se plaint d’une surdité bilatérale qui dure depuis trois anst s’est développée progressivement et s’est surtout aggravée depuis trois mois, après l'avulsion de huit dents sous ¡’anesthésie à l’éther. Les recherches otologiques montrent qu’il ne s'agit d’une affection ni de l’oreille moyenne, ni de l’oreille interne mais d’une surdité nerveuse, probablement par auto-suggestion. On prescrit toutes sortes de traitements que l’on varie à dessein : teinture de valérianate d’ammoniaque, vésicatoires sur les apophyses mastoïdes, courants continus, stychnine. bromure de potassium, ergot de seigle, etc. Aucune amélioration ne se produit et la malade cesse tout traitement. Peu de temps après, elle a une indigestion qui l’oblige à garder le lit pendant quinze jours : son ouic s’améliore subitement et ne tarde pas à redevenir normale. Elle entend maintenant la voix chuchotée à la distance de quatorze pieds.
Sur l’hérédité de quelques phénomènes oniriques,
par M. le Dr A. Gianelli, Rivist. sper ¡mental. di Frenialr. e med. leg.,
vol. XXV, fasc. 2.
Pour M. Gianelli, il existe des phénomènes oniriques organisés par l’expérience mentale antérieure du géniteur et transmis au descendant. Ainsi un rêve, un mouvement peuvent chez un individu se reproduire, pendant le sommeil profond, identiques à ce qu’ils étaient chez un ou plusieurs ascendants. Ainsi, de même que la forme du corps et celle de l’esprit, les — ou du moins, certaines — coordinations psychiques seraient soumises aux lois de l’hérédité.
Myopie par auto-suggestion, par M. le professeur Peters, Allgem. Zeitsch.für. Psych., août 1899.
Le professeur Peters a trouvé celte fausse myopie chez six écoliers lesquels ou bien étaient franchement hystériques ou bien présentaient des anomalies psychiques ; l’examen des yeux a décelé une acuité normale.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Conceptions bizarres de l’Esthétique dans les différents pays (lj.
Le vieux proverbe a Des goûts et des couleurs il ne faut disputer», trouve ici, comme on va le voir, sa plus nette application.
L'esthétique du corps humain, qui occupe constamment, quelquefois jusqu’à la plus ridicule obsession, l’esprit des deux sexes, en France et partout ailleurs, se traduit avec une étonnante variabilité sous les diverses latitudes.
Citons quelques exemples :
En Chine, pour s’embellir et se rendre plus intéressants, on se déforme les pieds.
Au Brésil el au Pérou, chez les Omagaes, on se comprime le crAne.
Dans l’Inde, on se fend le nez, et certains indigènes tx-aversent la cloison médiane ou une des ailes du nez, d’une aiguille ou d’un anneau laissés à demeure, comme chez les taureaux de la Camargue.
Dans l’Afrique centrale, à Zanzibar, on se flétrit les lèvres.
Dans le Groénland, on se taillade l’oreille, alors que nous y accrochons soit de petits anneaux d’or, soit des pierres précieuses.
En Amérique, en Asie, en Océanie, c’est encore le nez qui a les honneurs d'une ornementation invraisemblable.
A Santa-Cruz, au Japon, au Malabar, on se pei’fore, on se taille les oreilles, de toutes les manières possibles.
Chez les Caraïbes, on se développe les jambes.
Dans l’Annam, à Ceylan, dans l’Afrique, on se teint les dents. La blancheur de ces petits accessoires qui simulent des perles dans des jolies bouches roses, témoigne là-bas d’une infériorité sociale.
En Turquie enfin, les plus belles femmes sont celles qui pèsent quatre cent livres.
Un calcul difficile (1).
Combien notre cerveau compte-t-il de cellules nerveuses? La réponse à ce rébus nous est donnée, non par un savant rébarbatif, mais par une jeune Américaine, miss Helen Bcdfort Thomson.
Fouiller les circonvolutions d’un microscope avisé, dénombrer les cellules contenues dans un millimètre cube de substance nerveuse, tout cela ne fut qu’un jeu pour elle. Bref, des multiplications hérissées do chiffres nous affirment que notre cerveau dispose de neuf milliards cent millions de cellules nerveuses.
(1) Gabelle du médecin, 1« mars 1900.
Les cygnes infanticides.
Noire aimable correspondant de Neuchàtel, M. Philippe Godet, veut bien nous transmettre une histoire de cygne assez bizarre racontée d'abord dans un journal suisse. Les faits se passent à Genève, vers sept heures du soir, à proximité du goulet de la jetée des Pàquis. Une famille de cygnes nichée en dehors de l'enclos de l'ile Rousseau et composée du père, de la mère et de cinq petits, évoluait gracieusement lorsque soudain le père et la mère saisirent chacun entre leur bec un nouveau-né par le cou. Qu’allait-il se passer? On ne le sut que trop vite. Le père plongea l’enfant sous l’eau et l’y maintint jusqu’à ce qu’il fût asphyxié. Et la mère ? Horresco referens ! elle fit comme le père. Le petit cygne fut asphyxié.
Et, le crime commis, le père et la mère allaient recommencer ; déjà ils saisissaient deux nouvelles victimes, quand des promeneurs sautèrent en bateau et se portèrent au secours des nouveaux-nés. On en sauva deux ; deux sur cinq ! Nous ne savions pas que les cygnes tuaient quelquefois leur progéniture. L’observation est donc bonne à relever.
La séro-manie.
Nous avons mentionné, dans notre Revue du 30 mai dernier, une observation qui tendrait à prouver que, contrairement à l’opinion régnante, les porcs ne seraient sales que par la faute des éleveurs, qui les laissent croupir dans la fange. Quand il y a de l’eau propre à leur portée, les porcs iraient s'y baigner et en sortiraient avec leurs soies brillantes. Nous avons reçu plusieurs lettres qui confirment le fait. M. Th. Parkes, de Kerrnskrets-chen, notamment, nous écrit que les porcs autrichiens sont toujours d’une scrupuleuse propreté ; il est vrai qu’il ajoute : « Peut-être le doivent-ils a l'utilisation d'une sorte de sérum iuventé par le prêtre Lostre. Les animaux qui n’ont pas été ainsi vaccinés sont moins propres. » Quel est ce sérum qui exercerait de l’action sur l'instinct de propreté? Bien bizarre !
Étrange record.
Une jeune miss américaine, qui répond au nom de Sophia Christian, a établi un record qui n’a rien de banal, comme on va voir.
Depuis l’âge de quatorze ans, miss Christian a consacré la majeure partie de son existence à assister aux enterrements des principales notabilités de l’État de Pensylvanie.
Que ce soit un gouverneur ou un simple attorney, un congrcssman ou un avocat de marque, la fille d’un millionnaire ou une doctoresse en vue ; dès que miss Christian voit dans son journal l'annonce des obsèques, elle revêt ses habits de deuil, assiste à la cérémonie, se rend au cimetière avec les intimes et ne s’en va que quand le dernier discours est prononcé et tout le monde reparti.
Que cc soit à Reading, où habite miss Christian, que ce soit à trois cents kilomètres de là, qu'il fasse un soleil de plomb ou que la neige tombe en rafales, elle ne manque jamais ua enterrement un peu important et lient un journal de toutes les cérémonies auxquelles elle a pris part.
Cette recordwoman étrange a déjà assisté à G,05i enterrements, cc qui représente une moyenne de 340 par an !
Un centaure.
Les professeurs du Collège médical de Memphis, racontent les journaux américains, virent avec stupeur, la semaine dernière, arriver un jeune homme qui déclara se nommer James Burnes, et qui présentait ceci de particulier, qu'il avait les jambes et la croupe d’un cheval.
Ce centaure est né en 1876, à Crawford-ville, dans l’Arkansas, do parents robustes. 11 trotte, il galope et il rue. Il s’exprime avec élégance, joue du piano et chante avec beaucoup de sentiment. Sa double nature trouble les médecins, les moralistes et les tailleurs, mais elle ne semble pas émouvoir outre mesure les journalistes américains.
Le nez, c’est l’homme.
Le gros nez est très répandu parmi les épiciers, les bourgeois, les boursiers et les maquignons.
Le gros nez finissant en poire appartient aux marchands heureux et aux hommes en place.
Le'gros nez boursouflé, aux limonadiers, aux maîtres d’hôtel et aux valets de chambre.
Le gros nez bourgeonné, aux campagnards et aux ivrognes.
Le nez aquilin, ou bec d'aigle, dénote la force et le courage.
* Le nez évasé, refrogné au bout, l’ironie et l'hilarité.
Le nez mince, sec et difforme, la peur ou la lâcheté.
La narine étroite, nacrée, diaphane, indique la volupté.
La narine large dénonce le travail dès l’enfance.
Enfin, celui dont le nez s’attache au front par une ligne très courbe, est presque toujours excentrique et tant soit peu disposé à la folie
NOUVELLES
Enseignement de l’hypnotisme et de la psychologie physiologique
Institut psycho-physiologique, li0, rue Saint-André-des-Arts.
L’Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l’étude des applications cliniques, médico-légales et phj-siologiques de l’hypnotisme, et placé sous le patronage desavants cl de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l’hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.
L’organisation de l’institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.
Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique), est annexée à l’institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les
médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d’aliénés, y complète son cours à l’Ecole pratique de la Faculté de médecine (semestre d'été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l'hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les Dr* Henry Lemesle, Bellemanière, Watteau, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les Dr‘ Paul Farez, A. Guimbeau, Bianchi, et par M. Charles Verdin.
Depuis 1892, pendant le semestre d’hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.
M. le Dr Paul Joire, correspondant de l’institut psycho-physiologique, fait, chaque année à Lille, un cours annexe d’hypnologie.
Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l’acquisition des appareils les plus nouveaux.
Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l’histoire de l'hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.
Chaque année, un certain nombre d'étudiants trouvent d'importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l’institut psycho-physiologique.
Index bibliographique
Ballet (G.). — Histoire d'un visionnaire au xvm* siècle : Swedenborg, in-16. 230 p.
GnASSET. — La supériorité intellectuelle de la névrose, in-8°, 07 p.
Crocq (J.). — L’hypnotisme scientifique, in-8°, 610 p.
Lopez. — Du 1-éve toxique et toxi-infecticux, Th. de Paris, 1900.
Beyrand. — Les terreurs nocturnes de l’enfant, Th. de Paris, 1900
Kllle. — Du sommeil et de ses accidents chez les épileptiques et chez les hystériques, Th. de Paris, 1900.
Fèvre. — Du mariage des épileptiques, Th. de Paris, 1900.
Mesley. — Etude graphologique sur les variations de l'écriture des aliénés, Th. de Paris, 1900.
Escoube. — La jalousie morbide des alcooliques, Th. de Paris, 1900.
Roumknteau.— Des ecchymoses spontanées dans les maladies du système nerveux, Th. do Paris, l'JOü.
Bekmann. — De l’ictère émotif, Th. de Paris, 1900.
LAdministrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET É RAPE UT IQU E
15« Année — N° 3.
Septembre 1900.
Organisateurs et Présideffts^u H“■ Congrès international
de l’Hypnotisine.
Dumontpallier
Le deuxième congrès international de l’hypnotisme devait être présidé par le D' Dumontpallier. La mort cruelle nous a enlevé ce maître bien-aimé, mais son souvenir vivace planera sur nos débats. Nos adhérents qui ne l’ont point connu nous sauront gré, sans doute, de reproduire ici ses nobles traits et dé donner un bref aperçu des services qu'il rendit à la cause de l'hypnotisme.
Né à Hônfleur en 1828, successivement externe, interne, lauréat des hôpitaux, chef de clinique, médecin de la Pitié dès 1806, Dumontpallier fut en 1876, choisi comme rapporteur d’une commission que la Société de Biologie avait nommée dans le but d’éfcjidier lamétallothérapiedeBurq; il se mit aussitôt au travail avec ardeur et, pendant deux ans, dans le service de Char-cot, il se livra à de minutieuses investigations qui marquent l’entrée de l’hypnotisme à la Salpêtrière. C’est alors qu’il fut amené à étudier le transfert, puis le rôle des agents æsthésio-gènes et des diverses excitations périphériques sur les modifications de la sensibilité.
Apres avoir écrit son rapport sur la métallothérapie, il poursuivit à la Pitié ses expériences passionnantes qui eurent pour témoins des hommes comme Pasteur, Chevreul, Milne-Ed-wards, Faye, Paul Bert, Brown-Séquard. Sous le nom d'Ecok* «le la Pitié, son service devint un centre de recherches hypnotiques dont les résultats ont été consignés dans des notes et mémoires présentés à la Société de Biologie, à l’Académie de médecine, à rAcadémie des sciences, puis dans la thèse de ses •leux élèves préférés, MM. Bérillon et Paul Magnin (').
'.!) M. bérillon a consacre tout le numéro de janvier 1SVJ ù l’œuvre de D limon l-pallier; qu’on veuille bic-n s’y reporter pour les détails et les références.
En outre de ces recherches expérimentales, Dumontpallier réalisa dans son service les diverses applications thérapeutiques de l'hypnotisme et même, chaque année, de 1876 à 1886, il (it sur ce sujet des conférences cliniques devant un nombreux
Dumontpallier
auditoire. Là ne se bornèrent poiut ses visées. Il comprit la nécessité d'un organe où ses élèves pourraient répandre la bonne parole et centraliser les résultats de leur réflexion, de leur expérience ou de leur observation; c’est en effet sous ses auspices que parut en 1S8G la Revue de VHypnotisme dont il rédigea lui-même le programme; son influence scientifique y fut toujours prépondérante et ce fut-là pour une bonne part la rai-
son du succès do cotte revue qui vient d’entrer dans sa quinzième année.
En 1881), tous ceux qui, dans le monde entier, s'intéressaient à l’hypnotisme, se réunirent en congrès à Paris. Dumontpallier était tout indiqué pour présider ces assises internationales; 011 sait avec quelle autorité, quelle compélence et quelle impartialité il s’en acquitta. La même année, sous son patronage, se fondait l’institut psycho-physiologique, où il ne dédaigna pas de venir en personne donner sa part d'enseignement. Le 25 mai 1891, lors de la touchante manifestation faite en l'honneur du Dr Liébeault, c'est naturellement lui que Ton désigna comme le porte-parole des adeptes de l'hypnotisme venus de tous les pays pour rendre hommage au chef incontesté de l’école do Nancy.
Le®) juillet 189l,DumontpallierinauguraitlaSociétéd'IIypno-logie et de Psychologie, fondée dans le but de grouper tous ceux qui s’occupent de Tac lion du moral sur le physique. Nous n'oublierons jamais le tact, le calme, la gravité sereine, la courtoisie, la bienveillance, l’aménité, la rigueur scientifique, l’impartialité avec lesquelles il dirigéaiit nos réunions mensuelles. Il était l'âme et comme l'incarnation do cette société; il en assura la prospérité et le succès; aussi, par reconnaissance, en fut-il élu président à vie.
Dumontpallier avait des convictions aussi ardentes qu’elles étaient mûrement réfléchies. En 1S02, lors de sa candidature à l'Académie, il aima mieux risquer de compromettre son élection (jue délaisser dans l’ombre et passer sous silence les attaches qui le rivaient à l'hypnotisme; d’ailleurs le succès récompensa cette loyale franchise. Lors de la rivalité qui surgit entre Técoledela Salpêtrière et celle dé Nancy, il prit résolument parti contre certaines thèses de Charcot; il proclama la puissance de la suggestion et donna son adhésion formelle aux opinions du Dr Liébeault. Mais, de même, il combattit résolument l'intransigeance du professeur Bernheim; il refusa d’accorder que la suggestion seule explique tous les phénomènes hypnotiques sans exception; il montra que le sommeil provoqué accroît la suggestibilité et il revendiqua pour les agents physiques le rôle indéniable que scs anciennes expériences' de la Sulpo trière et delà Pitié avaient irréfutablement mis en évidence.
En somme, dans ce dernier quart de siècle, Dumontpallier a puissamment contribué à maintenir vivace le goût des études, hypnotiques; il a donné l'essor à toute une phalange de méfie-
dns et de psychologues dont i! fut le guide .sur, le conseiller judicieux et qui, grâce à une telle direction, est parvenue à s'imposer au inonde scientifique.
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Jules Voisin
Pressentant sa fin prochaine et préoccupé de l’avenirde la Société d'Mypnologie, Dumontpallier voulut remettre sa succes-
Julcs Voisin
sion présidentielle à un homme capable de maintenir toutes les nobles traditions dont il avait été le vivant exemple et de conlri-bucr puissamment au bon rénom ainsi qu’à la prospérité de nuire Compagnie. Il recommanda à nos suffrages le Dr Jules Voisin, que nous avons élu président à l'unanimité, heureux à la fois de répondre à ce dernier vœu de notre maître regretté et d’exprimer notre reconnaissance à l'homme, au savant, au médecin qui voulait bien combler le grand vide qui s'était fait parmi nous. C’est donc au D‘ Jules Voisin ijne revient tout naturellement la présidence effective du deuxième Congrès international de l’hypnotisme.
Jules Voisin est né le 4 octobre 1844. Il commença ses études sous la direction de Benjamin Voisin, son père, médecin en chef de rHôtel-Dieu du Mans; puis il vint à Paris, où il fut externe etinterne. Reçu docteur en 1875, il devint en 1879 médecin de Bicêtre, pour aller, en 1884, remplacer Legrand du Saulleà la . Salpêtrière où il dirigeencore aujourd’hui le service des enfants arriérés et celui des épileptiques. Il est eu outre médecin en chef du Dépôt et de la Conciergerie; il est aussi président de la Société médico-psychologique.
Le D'Jules Voisin fait chaque année, dans son service, un cours sur les maladies mentales et nerveuses. De ses leçons fort appréciées, il est déjà sorti deux gros ouvrages intitulés, l’un l'idiotie, l'autre ïEpilepsie-, ce dernier a valu à son auteur le prix Ilerpin à l’Académie.
De nombreuses revues médicales, et divers congrès ou sociétés scientifiques lui doivent des travaux et des communications fort estimés, principalementsur l'alcoolisme chronique, le délire de persécution, la morphinomanie, le goitre exophtalmique; tout récemment, il individualisait la démence épileptique paralytique spasmodique à l’époque de la puberté, affection que déjà l'on appelle couramment maladie de Jules Voisin.
Les questions relatives à l'hypnotisme et à la psychologie ont été étudiées par lui avec une prédilection particulière. Citons nu hasard ses articles sur la grande hystérie chez l’homme, le dédoublement de la personnalité, la mélancolie à forme cataleptique, la suggestion et l’auto-suggestion dans l’action des médicaments à distance, la vivacité du souvenir dans le sommeil hypnotique, l'automatisme ambulatoire, les fugues inconscientes chez les hystériques, le diagnostic différentiel des fugues épileptiques et des fugues hystériques, la perte et la conservation du souvenir après les accès épileptiques. N’oublions pas un certain nombre de guérisons obtenues par suggestion hypnotique, à savoir des idées délirantes, un torticolis intermittent survenant sous l'influence d’un rêve, des fugues hystériques, des métrorrhagies, des spasmes rythmés du diaphragme, un cas tout récent d'orthopédie morale, etc.
Comme président de la Société d’Hypnologie, le Dr Jules Voisin a déjà conquis* le respectueux attachement de tous par son exactitude ponctuelle, par l’intérêt attentif avec lequel il écoute les communications,' par l’autorité paternelle avec laquelle il dirige fes débats, par la fine bonhomie de ses réparties, par la vigueur, la méthode et l'esprit scientifique qu’il
apporte clans son argumentation. D'après tout cela, on peut être sur que Dumontpallier sera dignement remplacé au deuxième C ongrès de l’hypnotisme.
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F. TÎavmonii
l.o professeur Raymond qui fui, dès la première heure, ot qui
Le Professeur F. Raymond
est resté, depuis lors, un membre fidèle de la Société d'iiypno-logie nous fera le, très grand honneur de présider la séance d'ouverture de ce congrès. En nous donnant celle nouvelle marque d'estime et d'attachement, le successeur de Charcot témoigne hautement de la rigueur et du caractère scientifique de nos recherches ; nous lui en exprimons tous noire Vive reconnaissance.
F. Raymond, né à Sainl-Christophé (Indre-et-Loire), le
29 septembre 1844, fut d’abord élève à l’école vétérinaire d’Al-fortoù il devint ensuite chef de service d'anatomie et de physiologie. Tourmenté du désir d’embrasser la carrière médicale, il entreprit, à 23 ans, ses études secondaires ot ne tarda pas à conquérir le diplôme de bachelier. Ardent au travail, doué d’une volonté peu commune, il fut externe en 1870, second interne en 1872, chef de clinique de !a Faculté en 1877, médecin des hôpi-teauxen 1878, agrégé on 1880. A l'hôpital Lariboisière et à la Faculté, il fit des leçons remarquables sur la pathologie interne et, sur les maladies du système nerveux. Son ouvrage sur les atrophies musculaires et les maladies amyotrophiques fut couronné par l’institut; on lui doit encore un volume sur les scléroses systématiques de la moelle, un autre sur les dyspepsies et en outre, un rapport qu’il écrivit, en 1888, sur les maladies du système nerveux en Russie, au retour d'une mission donl l'avait chargé le gouvernement français.
Appelé, en 1894, à remplacer Charcot., il porte allègrement sur ses vaillantes épaules le poids d’un si lourd héritage. A sa polyclinique du mardi, les présentations de malades sont d’un intérêt de premier ordre; il expose en effet des cas de pratique courante avec tant de clarté, il fait des diagnostics différentiels avec tant de précision et de sûreté, il met si habilement en garde contre les confusions et les erreurs que ses auditeurs ne sauront jamais assez dire tout le profit qu'ils en retirent. Quant à ses leçons très savantes et plutôt théoriques du vendredi, elles représentent un enseignement magistral qui fera époque ; on peut en juger par la lecture des quatre volumes de Clinique déjà publiés, lesquels sont des monuments d’érudition impeccable, de sens clinique, de critique sagace, de synthèse compréhensive et d’originalité puissante.
Grâce à l’impulsion du professeur Raymond, l’hypnotisme de la Salpêtrière qui, avec Charcot, avait été presque exclusivement physiologique et expérimental est devenu franchement psychologique et thérapeutique ; c’est ce qui ressort nettement de ce volume si curieux, publié en collaboration avec le Dr Pierre •lanet, sous le titre Névroses et Idées fixes. Et cela même explique l’empressement avec lequel le professeur Raymond est venu à notre congrès où rhvpnotisme apparaît surtout sous la forme psychologique et curative.
E. Bérillon
On n’imagine pas ce que la réussite d’un Congrès comme le nôtre exige d’activité, de persévérance, d’initiative et de dévouement. Or tout cela a été et est encore prodigué sans compter par celui qu’on peut appeler le véritable organisateur et ordonnateur de nos assises internationales, le I)' Bérillon, licencié en droit, médecin inspecteur des asiles d’Aliénés de la Seine,
E. RkIULLOK
secrétaire général de la Société d’hypnologie et de psychologie, rédacteur en chef de la Revue de l’Hypnotisme.
Le Dr Edgar Bérillon est né à Saint-Fargeau (Yonne) le 23 mai 1859. De solides études physiologiques, juridiques et médicales le préparèrent au rôle complexe qu’il devait jouer plus tard. En dehors de la Faculté de médecine il fréquentait assidûment le Muséum et l’Ecolc des Hautes Etudes ; il fut l’élève de Paul Bert, d’abord, puis de Dumontpallier, dont il devint le collaborateur dévoué. Avec le Dr Paul Magnin, il contribua puissamment au succèsde PEeolede la Pitié et, en 1884, il présenta une thèse qui fait époque dans les annales de l’hyp-
notisnie : La dualité cérébrale et Vindépendance fonctionnelle des deux hémisphères cérébraux. En 1884, le ministre de l’intérieur le chargea d’une mission médicale dans les départements envahis par le choléra.
Parmi les psychologues et les médecins qui ont cultivé cl. développé l'hypnologie pendant ces quinze dernières années, le Dr Bérillon n’a pas cessé d’être un protagoniste infatigable.
A la Revue de l'Hypnotisme, il publie un nombre considérable d'articles originaux et, directeur accueillant autant qu’avisé, il centralise tous les faits marquants qui se rapportent à l'hypnotisme et la psychologie.
A la Société d’hvpnologic dont il est, en quelque sorte, la pierre angulaire, il multiplie les communications et les présentations de malades, intervenant à propos dans les discussions, animant les débats, tirant de solides arguments à la fois de sa longue expérience des malades, et de sa vaste érudition.
A l’Ecole pratique de la Faculté rie médecine, il lait chaque année, depuis IS88, un cours libre d’Hypnotisme et de Psychologie physiologique. Ces leçons t héoriques sont complétées par des recherches et des démonstrations expérimentales qui font «le l'institut- psycho-physiologique un important et fécond laboratoire de psychologie. A ce même Institut, il a groupé autour de lui un corps de professeurs dévoués dont les conférences, faites devant un nombreux et fidèle auditoire, constituent un enseignement permanent de tout ce qui relève de l hypno-logie.
A sa clinique de la rue Saint-André-des-Arls, il lait des merveilles thérapeutiques, et c’est par milliers qu’on pourrait ci tpi’ les malades qu’il a, grâce à l'hypnotisme, améliorés ou définitivement guéris. Il y a plus ; cette clinique est une véritable Ecole de Psychothérapie, où de nombreux médecins et étudiants viennent se faire initier à la pratique de l'hypnot isme et à ses applications curatives.
A Paris, en province, ;ï l’étranger, dans les milieux scientifiques ou philanthropiques, dans diverses sociétés savantes, à l'Association pour l'avancement des sciences, dans les congrès français ou internationaux, 011 peut être sur devoir le 1)! Hcrillon toujours sur la brèche, portant la bonne parole el combattant le bon combat. Parmi ses très nombreux travaux, il convient de donner une ment ion toute particulière à ceux qui intéressent l’hystérie, la neurasthénie, les suggestions criminelles et les faux témoignages suggérés, les centres d'arrêt, l’action psycho-
mécanique, la morphinomanie, la dipsomanie, les lies, Ics terreurs nocturnes, l'onychophagie, la kleptomanie, les habitudes vicieuses, l:incontinence d'urine, l’onanisme, ia pédagogie suggestive, surtout, qui utilise l'hypnotisme moralisateur pour le redressement des enfants réfractai res à l’éducation normale et pour l'éducation mentale des vicieux, dégénérés ou arriérés.
L’œuvre du l)r Bérillon synthétise, parle côté expérimental celle de Dumontpallier, dont nous avons parlé plus haut, et par le côté psychothérapique celle du Dr Liébeault qui, à titre de président d’honneur de la Société d’Hypnologie et du Congrès de l'Hypnotisme, mérite bien de nous arrêter aussi quelques instants.
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Liébeault
Né le 10 septembre 1823, à Jayières (Meurthe-et-Moselle), Au-guste-Ambroise Liébeault lit ses études médicales à Strasbourg et, pendant son internat, eut déjà l'occasion de s'initier à la pratique de l'hypnotisme. Reçu docteur en 1850, il alla s’installer à Pont-Saint*Vincent, à 13 kilomètres de Nancy. Il désirait fort employer auprès de scs malades l’hypnotisme thérapeutique; mais il lui fallait faire face aux besoins matériels de l'cxis-tencoet, pour ne point perdre son gagne-pain, il dut s'abstenir, au moins pour un temps, de ces nouveautés qualifiées pratiques de magie et de sorcellerie par son entourage.
Toutefois, après avoir exercé la médecine pendant dix ans, il était parvenu à amasser un petit pécule. Contentde peu, il jugea que la rente de ce capital pourrait à l’avenir suffire à ses modestes prétentions. Alors, n’ayant plus le souci de gagner le pain du lendemain, il se mit résolument à pratiquer l’hypnotisme. Pendant quatre années, il soigna gratuitement tous ceux qui voulaient bien guérir par le moyen du sommeil provoqué; il acquit parla une expérience consommée, ainsi qu'une réputation considérable auprès des paysans de la région.
Mais il avait trop présumé de ses forces. En selle dès avant le jour pour aller visiter ses malades, il ne terminait souvent ses tournées qu’à neuf heures du soir. Sa santé en fut très ébranlée; il dut abandonner la pratique médicale et alla se reposera Nancy dans une modeste maison du faubourg Saint-Pierre. Là, pendant deux ans,il travaillai la rédaction de son livre : Le sommeil provoqué et les étals analogues, qui parut en JSG6, et, du reste, ne trouva point d’acheteurs»
Une fois cet ouvrage achevé, le Dr Liébeault ne sut pas rester inactif; animé du besoin de se rendre utile, il ouvrit sa maison aux malades et leur consacra toutes scs matinées, de sept heures à midi. On l’accabla de sarcasmes, on le traita de charlatan et d’imposteur, il devint la risée de ses confrères; mais il ne se laissa émouvoir ni décourager; il supporta ces injustices avec mansuétude et sérénité, ne répondant aux railleries qu’en prodiguant de plus en plus ses bienfaits à tous ces indigents pour lesquels il étail devenu une véritable Providence.
Liébeault
La place nous manque pour raconter en détail la visite du fy Lorrain, en 1880, puis l’initiation et la conversion du Dr Du* mont, enfin les séances mémorables à l’asile de Maréville, avec la collaboration du Dr Sizaret (‘). Entre temps, le Dr Liébeault guérit, par suggestion hypnotique, une sciatique invétérée, datant de six ans, et traitée sans aucun succès depuis six mois par le professeur Bernheiin. Alors celui-ci se décida à se ren-
(1) Voyez, pour de plus amples détails la biographie du Dr Liébeault publiée dans le numéro d’avril 1S98, par le D' Léon Lavcysstàre. Voyez aussi le compte-rendu que j’ai donné du livre «lu D’ Van lienterghem : Liébeault et son école, numéro de novembre 1808.
«ire à la modeste clinique de la rue de Bellevue. Le professeur rie la Faculté de médecine souriait des pratiques à la fois étranges et naïves dont il était le témoin ; mais bientôt, il fui frappé par des succès indéniables. Dès lors, son incrédulité se changea en admiration, et « le “premier dans renseignement officiel, alors qu’il y avait pour lui des risques à courir », il tendit courageusement la main au médecin modeste dont il devint publiquement l’élève et l’ami, dont encore avec MM. Beau-nis et Liégeois il contribuapuissammentàrépandrelaréputation. Dès lors, ce praticien obscur, jadis ridiculiséel bafoué ne tarda pas à acquérirune renommée universelle; il est incontestablement le père et le fondateur de l’Ecole do Nancy. Son livre de 1860 ne tarde pas à être épuisé; une seconde édition parait en deux volumes, qui sont les livres de chevet de tous les psychothérapeutes (1880, 189 J.).
Depuis la mémorable journée du 25 mai 1891, le Dr Liébcaull vit dans une demi-retraite. Dépourvu de toute ambition personnelle, il se contente de voir scs idées se répandre et porter leurs fruits. Il lui arrive encore de rédiger quelques articles que la peinte de VHypnotisme accueille avec reconnaissance. Les principaux portent sur les sujets suivants : traitement de l'incontinence d’urine, l’hypnotisme en obstétrique, l’éducation des enfants et des adolescents, les degrés du sommeil provoqué, l'influence psychique exercée parla mère sur le fœtus, les étals passifs, le sommeil et les rêves, veille, sommeil et hypnotisme, les suggestions criminelles hypnotiques, l'état de veille et les étals d'hypnose, etc.
Enthousiasmé parla puissance singulière «le la suggestion, M. Bernheim en est arrivé à rapporter à celle-ci le domaine entier de rhypnotisme. Le I)r Liébeault s'est bien gardé de suivi e son disciple dans cette voie et il maintient résolument la supériorité thérapeutique de la suggestion faite à la faveur du sommeil provoqué ou, tout au moins, d'un « état passif. »
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Duiund (de Gros)
L’exposé des mérites éminents du I> Liébeault suscite le souvenir d’un autre maitre vénéré, d’âge à peu près égal, et que nous nous honorons aussi de compter parmi nos présidents d’honneur.
•Joseph-Pierre Durand, né :'i Gros Aveyron), le 10 juin 18*20, lil ses études de médecine, d’abord à Montpellier, puis à Paris. Au
2 décembre 1851, son père fut arrêté avec les principaux républicains de Rodez et déporté en Algérie; lui-même, traqué par la police bonapartiste, erra un mois à travers la France et finalement parvint à s’embarquer pour l’Angleterre. A Londres, en 1852, il assiste à des expériences récemment importées d’Amérique sous le nom étrange d’Electrobiologie et qui se rapportent à ce que plus tard on appellera l’hypnotisme. Ces ex-
Durand (de Gros)
périences le passionnent. Pour les empiriques, ce sont de vrais prodiges; pour les savants, des fables indignes de tout examen sérieux; quant au Dr Durand (de Gros), il y voit des faits avérés, rigoureusement scientifiques et susceptibles d’être reproduits à volonté à l’aide de moyens -d’expérimentation déterminés. Dès lors, il prend la résolution de faire connaître ces faits sur le continent, de les expliquer et d’y intéresser le monde médical. Sous le pseudonyme de Philips, il traverse la France 'dont il était proscrit) et, pendant Tannée iS53, il fait des conférences, avec un plein succès, sur divers points de l'Europe, notamment à Bruxelles, à Genève, à Marseille. Il va même jusqu'en
Algérie où il caresse l'espoir rie rejoindre et de délivrer son père. Il multiplie quotidiennement les expériences concluantes et jette ses idées au public au furet à mesure qu’elles se développent dans son esprit. En 1855, il coordonne et systématise son enseignement, dans ungrosin-8" intitulé : Électrodynamismè vital. Puis, il va séjourner 'quelques années en Amérique, pour “rentrer en Franco lors.-dé l'amnistie. Il fait alors à Paris 1860) des conférences qu'il réunit en volume sous le titre de Cours de Braidisme
Dès cette époque le Dr Durand (de Gros) a nettement énoncé, dans tous ses détails, l'art île l'hypnOtisation. Il formule des recommandations tout à fait précises touchant le local où l'on opère, le sujet, l’opérateur, la technique, le réveil ; il distingue deux phases, la première préparatoire ou hypotaxie, la seconde, active et féconde, ou idéoplaslic ; il trace un programme complet du rôle que l’hypnotisme doit jouer comme spécifique héroïque dans la thérapeutique des maladies nerveuses, comme succédané ou comme adjuvant de la médication pharmaceutique, comme anesthésique opératoire, comme procédé de diagnostic, comme moyen d’expérimentation physiologique et psychologique ; il montre aussi quelle en est l'importance dans le domaine île la médecine légale et dans celui de l'hominienIture.
Or, il ne suffit pas au Dp Durand (de Gros; de se faire l’apôtre, le missionnaire et, suivant l'expression baconienne, le buccinator de l’hypnotisme ; il vise à donner une explication physiologique et psychologique de cette prétendue énigme. Contrairement à l'orthodoxie régnante, il démont re, avec un grand luxe de preuves anatomiques, physiologiques et embryologiques, la thèse du Polyzoïsme ou de la pluralité animale des vertébrés. De là il s’élève au Polypsychisme grâce auquel il explique tous les phénomènes de suggestion, ceux de dissociation et d'analyse psychologique et réalise dos incursions inattendues dans ce que nous appelons aujourd’hui le subconscient.
Les contemporains du Dr Durand (de Gros) eurent soin d’organiser autour de son œuvre la conspiration du silence. Parfois cependant ce mutisme fait place à un dénigrement systématique et aveugle. C'est, pour répondre à ces attaques, comme aussi pour asseoir de plus en plus solidement ses doctrines, qu'il multipliera les publications. Les principales sont: Influence réciproque de la pensée, de la sensation et des mouvements végétatifs ( 1802 ; Essais de physiologie philosophique (liSüii) ; La philosophie physiologique et médicale à VAcadémie de médecine (1868) ; Ontologie et psy-
cliotogiephysiologique (1871). Malgré tous ces très remarquables travaux il fut, par les uns, honni et méprisé, par les autres, systématiquement laissé dans l’ombre ; on lui faisait expier le grave tort d’être en avance sur son temps.
Le D' Durand (de Gros) est un penseur de premier ordre, doué de puissantes facultés d'analyse et de synthèse. Ses livres sont dp vraies fourmilières où pullulent les idées inédites et surprenantes, les théories originales et hardies. Il serait trop long d’exposer ici les points sur lesquels il fut initiateur et précurseur en anthropologie, en anatomie comparée, en paléontologie, en linguistique, en économie politique, en histoire des religions. Contentons-nous aujourd’hui de rappeler les points suivants :
1° Dès 1853, par la parole et par la plume, il s'est fait dans l'Europe occidentale le propagateur de Thypnotisme, dont il a, presque à lui seul, pendant près de trente ans, combattu tous les combats.
2" Par des théories hardiment originales et solidement scientifiques, il a fondé la psychologie hypnotique.
3° Bien longtemps avant que surgît le dissentiment qui devait rendre rivales l'Ecole de la Salpêtrière et celle de Nancy, le I)'Durand (de Gros) avait dans une synthèse compréhensive donné la formule de leur conciliation ; en effet, l union indissoluble de l'hypotaxie et de ttdéoplatie fait à la fois la pari des agents physiques et celle de la suggestion.
En hypnotisme, le Dr Durand (de Gros) a été un précurseur qu'on ira pas lieaucoup dépassé depuis. Pendant plus de quarante ans, il a suivi savoie épineuse ; il a eu assez de constance et d’énergie pour ne pas rester en route, et il a heureusement assez vieilli pour voir lever la proscription qui a pesé sur lui pendant près d’un demi-siècle. En effet, un revirement s’est, opéré ; ses œuvres ont reçu la consécration classique; les représentants les plus autorisés de la science lui prodiguent l'expression de leur sympathie, de leur estime et de leur admiration.
Retiré dans son domaine d’Arsac, près de Rodez, *t absorbé par ses occupations agricoles, il trouve encore le temps de produire. En 1894, il publiait Le merveilleux scientifique, dans lequel il résumait et condensait ses théories et ses doctrines. En 1890, paraissaient les Aperçus de taxinomie générale, dont un critique autorisé a pu écrire qu’ils constit uaient pour la méthode taxino-mique l’équivalent de ce qu’Aristôte avait fait pour la méthode déductive. Comme il le disait tout récemment, sa vieillesse s’est
imposé un devoir pieux envers sa maturité : publier son œuvre posthume. En effet, au commencement de celle année, il nous a donné les Nouvelles recherches sur Vesthétique et la morale et, il y
a à peine une semaine, un nouvel ouvrage a vu le jour sous le titre : Variétés philosophiques.
L’un des derniers numéros de la Revue de l Hypnotisme contenait un portrait déjà ancien du 1)'Durand (de Gros). Nous sommes heureux de pouvoir aujourd'hui mettre sous les yeux du lecteur la reproduction d’une photographie faite l’an dernier el i|iii lo représente tel à peu près que nous le verrons dans quelques jours, car il a promis d’apporter à notre II* Congrès de l'I Iypnotisme l’appoint précieux de sa compétence er de son autorité.
1)' Paul Fahez.
Rapport sur
Les Indications de l’hypnotisme et de la suggestion dans le traitement de l'alcoolisme.
par M. 1** IV Lï.OYn-TuCKF.Y. do Londres.
Au dernier Congres International de Psychologie tenu ù Munich en 1897, j'ai lu un compte-rendu détaillé de mes expériences de dix années sur la suggestion hypnotique dans le traitement de soixante-cinq cas d'alcoolisme chronique. Les résultats furent, je pense, satisfaisants étant données la nature des cas et la difficulté qu'il y avait rà les traiter.
Ce compte-rendu m'amena jusqu’en Avril 1895 et à partir de cette date jusqu'à la flnde 1898, j’ai trouve vingt-huit autres cas, dont dix-huit hommes et dix femmes. Les résultats obtenus sont sensiblement les mêmes que ceux de la première série d’expériences.
Sept hommes et trois femmes se corrigèrent et restèrent tempérants pendant plus de deux ans. de sorte que je peux les considérer comme guéris. Environ la moitié du reste s'améliorèrent d'une façon considérable et prolongée, mais retombèrent avant la fin de l'année. Chez les autres l'amélioration ne se manifeste que pendant peu de temps et même pas du tout chez un d'eux. J'en suis arrivé, je crois, à la même opinion que d’autres observateurs en cette matière et je maintiens que les résultats obtenus dépendent:1° du désir qu'a le malade d'être guéri ; 2° de la nature de son milieu ; 3° de l’état de sa santé ; 4°de sa sensibilité à l'hypnotisme.
Pour ce qui regarde le premier point : la plupart des ivrognes lorsqu'ils sont dégrisés ont le désir de se guérir ; mais j’ai rencontré des hommes et des femmes qui n’ont jamais un seul moment, même durant
des mois d'abstinence forcée, hésité dans la résolutionqu’ils avaient expri niée de boire de nouveau à la première occasion. Dans plusieurs du ces cas, la satisfaction irrésistible de l’impulsion alcoolique a amené un état mental voisin de la folie, ctde fait, deux ou trois d’entre eux se sont suicidés ou ont été envoyés dans des asiles d’aliénés. Ces cas, je crois, sont désespérés à moins qu’à l’aide de la suggestion hypnotique on puisse faire naître le désir delà guérison et la haine de l’alcool. Forel et d’autres nous donnent des exemples où la chose a été faite et où des ivrognes en apparence invétérés et incurables ont été guéris.
Comme exemple de ce genre de malade, je puis citer un jeune noble qui était hypnotisable au 3" degré. Il dit à son père que le docteur pour-rail peut-être réussir à paralyser ses mouvements (on pouvait le mettre en catalepsie), mais que lui ne renoncerait jamais à la boisson, la seule chose au monde qu’il aimât. Mon traitement ne réussit pas et j'appris que par la suite on l’avait soumis au traitement d’or de Keelyavecle même résuliat.
Mais, en général, ce n'est pas la résistance décidée de l'ivrogne que nous avons à combattre, mais simplement sa faiblesse mentale et son manque de volonté. Il n’v a pas à douter que la faculté de vouloir peut cira énormément augmentée par la suggestion hypnotique, et très souvent nous pouvons la forliüerchez nos malades à un tel point que, après lin court traitement, ils peuvent résister à dos tentations auxquelles ils auraient certainement succombé avant le traitement.
Quelques personnesparlentencorecontre l'hypnotisme comme affaiblissant la faculté de volonté, mais ces cas prouvent la fausseté d’une telle assertion.
L’entourage du patient joue un grand rôle. S'il est constamment harassé par des embarras d'argent, s'il est malheureux en ménage, el dans ses relations de famille, s’il est surmené de travail et n'a pas une alimentation suffisante, la difficulté à le maintenir sobre sera énorme et à moins que cet homme ne soit d’une grande force de caractère il succombera de nouveau tôt ou tard. Les mêmes remarques s’appliquent à son état de santé, s’il est neurasthénique ou s’il souffre d'insomnie ou de douleurs aigües telles que les névralgies, la tentation de recourir à l’alcool comme à un palliatif sera très grande et dans un tel cas le malade devra être soumis à un traitement etsurveillé de près.
Par rapport à la 4* condition : la sensibilité du malade, à l’hypnotisme ; on a allégué quelquefois que l’hypnotisme a eu peu d’influence sur le résultat: on suppose que la surveillance dont on a entouré le malade, le changement de milieu, sont suffisants dans des cas favorables pour causer l'amélioration et la gnérison. Mais j'ai preuve l'erreur de cette affirmation en essayant de traiter un certain nombre de malades sans avoir recours à l’hypnotisme, dans aucun de ces cas mon traitement n’a été couronné de succès. Si j’étais privé de l’hypnotisme, je me rallierais aux rangs des médecins pessimistes qui affirment que l’alcoolisme chronique est une maladie inguérissable.
J’ai cité plus haut un cas où aucune amélioration ne fut obtenue. Je vais en raconter deux que je crois typiques et qui furent traités avec les meilleurs résultats.
M"*" L... est une veuve de trente-cinq ans avec deux enfants auxquels elle est profondément attachée; mais qu’elle ne peut voir à cause de son habitude de s’enivrer. Elle boit depuis trois ans. Des ennuis de ménage et une santé très précaire l’ont amenée à cette habitude.
Elle s*- montra bon sujet hypnotique quoiqu’elle ne fut pas somnambule. EU« accepta toute de suite les suggestions et ne prit plus d’alcool. Une garde-malade resta un mois près d’elle, puis elle alla passer trois mois chez des amis. Après ce temps on lui permit de rejoindre ses enfants et depuis elle n’a pas eu de rechute.
M. D... est un médecin âgé de trente ans. Il y a plus de dix ans qu’il boit, et depuis trois ans il le fait avec excès. Il avait le plus grand désir de guérir, mais était si souvent retombé qu’il en était désespéré et manifestait l’intention de se suicider si l'hypnotisme ne réussissait pas à le guérir. Il fut hypnotisé au 3f degré et accepta la suggestion. Il n'a pas eu de rechute et a maintenant une grande clientèle. 11 est guéri depuis trois ans et depuis ce temps n’a bu que de petites quantités de vin léger à ses repas Je pense que dans ce cas il vaut mieux permettre un peu de vin dans l’alimentation; mais il est, en général très imprudent pour l’homme ou pour la femme qui a été alcoolique de toucher à l'alcool de nouveau. C’est là l’opinion qu’ont la plupart de nos autorités médicales en Angleterre; j’ai entendu soutenir que l’homme auquel on permet une petite quantité de vin léger ou de bière pendant ses repas aura moins de chance d'avoir une attaque d’ivrognerie que celui auquel on a défendu de jamais toucher à l’alcool.
Dans ce dernier cas s’il en prend une goutte, il est à peu près sur d’avoir une rechute complète. On peut donc dire que chaque cas doit être traité selon les circonstances et qu'avec la majorité des malades il vaut mieux leur dire avec autorité de bannir l'alcool immédiatement et pour toujours de leurs pensées et de leurs tables. Je connais un castrés grave traité par le D1 Liébeault. il y a dix ans. Le malade ne s'est jamais écarté de la quantité que le docteur lui avait permis de prendre : un verre de vin léger ou de bière aux repas.
Ces dix dernières années, on m’a demandé de traiter beaucoup de cas de maladies mentales par la suggestion hypnotique, et j'ai essayé d’appliquer ce traitement à de nombreux cas d’hallucinations et de mélancolie. J’avoue avoir été désappointé dans chaque cas, cl me vois forcé d'èlre d'avis que dans la pratique ordinaire, tout au moins, l’hypnotisme n’a pas grande chance de succès dans le traitement de l’aliénation mentale-. C'est aussi l’opinion qu'a émise Forci, il y a nombre d’années quand il montra que le traitement hypnotique avait pour but d’agir sur des organes ou des fonctions malades par l'entremise d’un cerveau sain, et que si Je cerveau est malade, la première condition de succès, — le premier point d'appui font défaut.
Feu Auguste Voisin obtint des résultats merveilleux à La Salpétrière, mais aussi loin qu'ont pu porter mes recherches et mes lectures, je n’ai pas constaté beaucoup de résultats encourageants dans cet ordre d'expériences.
Cependant il m'est arrivé quelquefois d’obtenir de bons résultats dans le traitement de la mélancolie, comme dans le cas de M. 13... un comptable de la Cité qui devint mélancolique à la suite d’ennuis dans les affaires, en 1897. On l'envoya faire un long- voyage en mer : mais il n’en ressentit aucun bienfait ; l'hydrothérapie n’eut pas plus de résultat. Comme la plupart des mélancoliques on ne put l’hypnotiser qu’avec difficulté et qu'à un léger degré. Mais bientôt la suggestion agit sur lui et il put retourner chez lui et reprendre ses affaires après deux mois de traitement. Il continue à aller bien.
Je pense donc attribuer la guérison à l'hypnotisme puisque après les deux autres traitements, le retour aux affaires avait amené, après une semaine ou deux, les mêmes accidents nerveux.
J'ai réussi à guérir plusieurs cas de grande dépression mentale, touchant presque à la mélancolie quand ils étaient accompagnés de neurasthénie, et j‘ai trouvé l'hypnotisme très utile pour calmer l’excitation nerveuse et redonner la santé à des esprits très malades, et qui autrement seraient aliénés. Dans ces cas je garde le malade à l'état d’hypnose pendant plusieurs heures de suite, et combine le traitement avec le massage et la suralimentation (d’après la méthode de Mitchell).
J’ai guéri récemment par la suggestion deux cas d’agoraphobie très marqués : une femme âgée de vingt-six ans, une institutrice, de constitution forte et vigoureuse, et un homme de trente-sept ans vigoureux et taillé en athlète. Ces deux se montrèrent bons sujets hypnotiques et acceptèrent la suggestion immédiatement. J’ai rapporté ces cas en détail dans le Journal Médical d'Edimbourg, en Juin 1900.
En exprimant le désappointement que j’ai éprouvé à la suite du peu de résultat que j’ai eu dans ma clientèle dans le traitement des maladies mentales, je m’expose peut-être à être accusé d’avoir manqué de la patience nécessaire pour traiter ces cas. Voisin passait des heures à traiter un cas et se considérait bien récompensé quand il lui arrivait d'obtenir un heureux résultat. Je crains que peu d’entre nous possèdent l’énergie et l’enthousiasme nécessaires, c’est pourquoi nous ne pouvons arriver aux mêmes résultats que lui.
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du raaivli i? juillet 1900. — Présidence île M. Jules Voisin.
M. le président met aux voix les'candidatures de M.lc \)' Allain, licencié en droit, de Paris; etdcM. le Dr Iaguaribe de San-Paulo. (Brésil).— Ces deux candidatures sont adoptées à l'unanimité.
La séance a été suivie d’un dîner auquel ont pris pari M. le L)‘Jules Voisin, président; M. le Dr Paul Magnin; M. le professeur Lionel Dauriae, vice-présidents; M. le Dr Bérillon. secrétaire général; M. le Dr Pau! I arez, secrétaire général adjoint ; MM. Lépinay et Julliot, secrétaires ; M. Mcl-cot, avocat général à la Cour de Cassation, MM. les Dr‘ Pau de Saint-Martin, Hloch, fîarnault, Allain, Iaguaribc, lîaraduc, Tiernard; MM. Ulecli, docteur en droit ; Lavault, médecin-vétérinaire.
Mélancolie traitée avec succès par la suggestion hypnotique.
l’ar M. le docteur Mrii.lox.
PRÉSRXTAT10X DE MAI.ADE
La malade que je présente à la société est âgée de 53 ans. Son hérédité est très chargée, et elle peut ctre considérée comme une dégénérée héréditaire, malgré l’aspect assez satisfaisant de sa physionomie. Il y a 18 mois, elle est tombée dans un état de mélancolie caractérisée par les symptômes suivants : J.ristcssc, aboulie, dégoût de la vie, idées et même tentatives de suicide, idées de luinc et de culpabilité, scrupules religieux, hallucinations visuelles et audilives, sitiophobie, etc. II y a un an, je l’ai soignée pendant un mois cl très améliorée, mais non complètement guérie. J’ai alors, de moi-meme. momentanément interrompu le traitement, pour le reprendre quelques semaines après, et ainsi plusieurs fois de suite. Dans l'intervalle qui séparait mes interventions suggestives, il se faisait en elle un travail latent; mes suggesiions antérieures germaient et mûrissaient dans le domaine du subconscient; leur effet se trouvait, pour ainsi dire, décuplé. Donc, il ne faut pas toujours vouloir atteindre à la guérison par un progrès lent, mais continu ; dans cer-lains cas, il convient, en quelque sorte, de donner plusieurs coups d'épaule successifs. Grâce à cette technique, sur laquelle j'insiste et que je recommande, cette malade est aujourd’hui complètement guérie el son état mental n’a jamais été aussi satisfaisant.
DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE
Sur la prophylasie religieuse
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IiÉPONSE A M. LlONEl. DaURIaC.
J’ai cru devoir attirer l’attention des physio-psychologues, ou mieux des physiologistes, sur la nécessité qu'il y avait à introduire dans les établissements d’instruction, l’étude de l’hiérologie comparée et des lois de la suggestion religieuse. J’estime même qu i! y aurait urgence à inscrire la science des religions et la science de la suggestion aux programmes des examens de fin d’études.
M. Lionel Dauriac h fait à c»-. vœu la réponse suivante :
« Si l’on veut entrer dans celle voie, ¡1 est logique de mettre les enfants en garde contre toute espèce de suggestion qui n'a pas un intérêt thérapeutique.
« Celte intervention n’est pas à recommander, car elle préjuge une solution touchant l’erreur que comporte l’état aeluel de notre ignorance {') D.
J’acquiesce à la première proposition. Ce n'est pas en effet seulement les lois de la suggestion religieuse qu'il est indispensable de faire connaître aux enfants et aux adolescents, c’est, d’une façon plus générale, les lois de la suggestion.
Quant à la seconde proposition, je pense que M. Lionel Dauriac a voulu dire que nous ne savions pas si les idées religieuses étaient vraies ou fausses. Si c’est bien là sa pensée, je ne saurais l’acceptcr sans restriction.
Les idées religieuses., toutes présentées par les propagandistes comme des vérités certaines, sont, les unes des hypothèses gratuites, et souvent contradictoires, non seulement de doctrine à doctrine, mais dans une même doctrine, les autres des erreurs flagrantes.
11 est bien vrai que nous ne savons pas si Dieu existe ou non, el s'il a donné, ou non, la première impulsion à la matière. L’affirmative, et la négative, sont, l’une et l’autre, des hypothèses qu’on a tort de présenter comme des vérités.
Mais il est établi il me semble :
1" Que les fétiches des nègres n’ont rien de particulièrement divin :
2° Que les fables païennes ne sont que des fables ;
31' Que les légendes dont les Hindous, race imaginative, ont illustre la vie du Bouddha ne sont que des légendes ;
4" Que Joshua était un mélancolique imprégné d'idées bibliques et bouddhistes, et atteint d’un délire systématisé.
5" Que Mohammed était un halluciné et un épileptique.
G" Que l’immense majorité des saints et des santons étaient des psychopathes dignes de figurer dansles asiles, où l'on en rencontre aujourd’hui plusieurs qui prennent le nom de délirants mystiques.
Que les guérisons dites miraculcu-cs ne sont quedes guérisons par suggestion.
Au demeurant peu importe.
Il ne s’agit pas de faire, devant les enfants et les adolescents, le procès de telle ou telle religion ou de toutes les religions ensemble. Il s'agit de leur faire connaître les religions, et d’attirer leur attention sur les analogies qui existent entre elles.
Il s'agit de leur faire connaître la physio-phychologie des fondateurs de religions el de sectes, des propagandistes et des fidèles, ainsi
(1) Séance do la Société à’hypnologio cl de psychologie du 17 juillet 1900. Compte rendu de la Médecine moderne (25 juillet 19tX>).
que les conditions qui président à la genèse cl au développement des doctrines.
11 s'agit d’exposer les faits et les lois avec une impartialité parfaite, cl dans un esprit vraiment scientifique.
Libre ensuite à chacun de choisir telle ou telle croyance, cari’hommc no saurait vivre sans hypothèses métaphysiques. Mais au moins ce choix sera fait en toute connaissance de cause et en toute indépendance. C’est ce qui n'a pas lieu actuellement, où l’enfant, que la société a le droit et le devoir de protéger, subit, au point de vue religieux, et quelle que soit la religion considérée, des attentats auxquels aucun homme instruit des lois de la suggestion et de la suggestibilité de l’enfance ne saurait rester indifférent.
Dr Charles Binbt-Saxgliî.
COURS ET CONFÉRENCES
Alcoolisme, dipsomanie et suggestion hypnotique (I). I'ar M. le professeur Raymond.
Cet homme présente une série de phénomènes qui relèvent de ses habitudes alcooliques: outre les petits verres et les absinthes, il boit chaque jour, en dehors des repas, trois litres de vin blanc. Ce ne sont ni les circonstances, ni l’cntrainement qui l'amènent à s’alcooliser, mais un besoin irrésistible, consécutif à une alcoolisation lente, a J'ai beau, dit-il, me répéter queje suis une brute, que je serai mis à la porte de mon administration, que je plongerai dans la misère ma femme et mes enfants, que je finirai à Sainte-Anne..., je vais quand même chez le marchand de vin, car je ne puis m'empêcher de boire ».
Vous voyez qu'il est sincère avec lui-même, il sait qu’il fait mal et, désirant s'amender, il vient nous en demander le moyen. Il a eu recours au fameux sérum anti-alcoolique dont on a tant parlé tons ces temps-ci, mais il n’en a retiré aucun effet.
Vous savez comment se comporte le dipsomane ; il est pris de la passion de boire : c’est une impulsion angoissante et irrésistible ; il boit et tombe ivre-mort, comme une brute ; puis, revenu à lui, il reprend scs occupations et reste parfois plusieurs semaines sans boire. J'ai connu autrefois un homme qui faisait a sa neuvaine ». Je sais uu homme quia une chambre en ville, y va de temps en temps, s'y enferme, s’y grise, y reste ivre-mort étendu sur le parquet pendant un, deux, trois jours,
(1) Présentation de malade faite à la Clinique des maladies du «ystômo nerveux* la Salpétricrc.
puis revient à l’etal normal, rentre dans su iainille cl reprend ses affaires.
Le cas de notre homme ne doit pas être séparé de la dipsomanie ; rhabitude alcoolique a crée peu à peu le besoin, il n’y a bientôt plus eu de cran d'arrêt et l'automatisme l’a emporté. Il boit seul, boit pour boire, comme le dipsomane; mais il boit tous les jours, tandis que le dipsómano proprement dit ne boit que do temps en temps.
Notre homme a pleine confiance dans la suggestion hypnotique ; nous lavons donc employée. Une première fois il est resté huit, une seconde fois cinq jours sans boire. Le traitement sera continué et nous verrons ce que l’hypnotisme pourra nous donner dans le cas actuel.
CONFÉRENCES DE L’INSTITUT PSYCHO-PHYSIOLOGIQUE (1]
Ventriloquie, nécromancie, divination, inspiration et prophétisme
par M. le Dr Paul Garnault.
Les ventriloques étaient considérés dans l’antiquité comme des personnages mystérieux et tout-puissants, capables d’évoquer les morts au moyen de pratiques, de formules magiques, et de les faire parler. Les esprits pénétraient dans le corps de I’évocateur et parlaient par sa bouche, avec cette voix caverneuse, moitié sifflante, moitié étoulïée, que l’antiquité tout entière prêtait aux morts.
Nos ventriloques n'ont plus les mêmes prétentions: ils cherchent, et s’ils ont du talent, réussissent, à nous donner des illusions vocales auxquelles la notion des esprits reste étrangère, mais dont le mécanisme a néanmoins conservé quelque chose de mystérieux. Si l’on se rapproche d'un ventriloque, sa voix caverneuse semble, en effet, en raison de ce caractère, provenir du ventre, des profondeurs "de son corps; si l'on s’en éloigne, au contraire, il persuade très facilement ses auditeurs que sa voix n’émane pas de lui, qu’elle provient de la cave ou du grenier.
Un ventriloque, par exemple, se place devant un tonneau d'où surgit la voix, gémissante et étouffée, d’une personne qui se plaint de ne pouvoir en sortir; l'artiste, d un coup de pied, renverse le tonneau, et I on constate avec surprise qu'il est vide.
Si la scène est bien exécutée, tout le monde accepte l’Ülusion qui a été ainsi fournie sans l aide, bien entendu, d'aucun compère et sans le secours d’aucun truc. Quel est donc le mécanisme de cctlc illusion ?
Un grand physiologiste, llelmholtz, disait qu’il rabrouerait vertement l’opticien qui lui rapporterait un instrument aussi imparfait que l'œil
(1) Conférences de 1900 à l'institut psycho-pliysiologiquc, 40, nie Saint-Andrd-des-Aris.
humain ; l’oreille ne vaut pas mieux. Elle ne sait nous renseigner ni sur la direction des sons, ni sur la distance à laquelle ils se sont formés. Chez beaucoup d'animaux à longues oreilles, ces notions sont beaucoup plus sûres, sans cependant arriver à la perfection.
Sur un bateau, au milieu de la brume, on ne peut dire de quel côte résonne le sifflet d'un autre bateau; dans une chambre, on sait bien si la voilure qui passe dans la rue s’approche ou s’éloigne, on ne sait pas dans quelle direction. Si le son est bizarre et anormal, l’oreille est déroutée d’une façon bien p’us complète. J’ai fait, à l’improvislc, résonner une trompette fixée au pied d’une table et qui produisait un son singulier, les assistants surpris ne pouvaient s’entendre; pour les uns le son venait du plafond, pour les autres de dessous le parquet, pour d’autres enfin, d'un angle de l'appartement. Si les données fournies par 1 "oreille ne sont pas contrôlées par le témoignage d’un autre sens, la vue, le plus souvent, ou par un jugement, l’erreur, l'incertitude sont la règle, l'interprétation exacte, l’exception.
Il faut môme se défier très fortement des moyens de contrôle fournis par les autres sens et par les jugements; ce sont justement, en effet, ces prétendus moyens de contrôle, dont le ventriloque habile se sert, pour créer, ou tout au moins augmenter notre illusion. Lorsqu’un ventriloque moderne fait parler une poupée devant les spectateurs, la bouche de la poupée, sa mâchoire, se meuvent, grâce à un truc ingénieux, comme si la poupée parlait réellement ; pendant ce temps, la physionomie du ventriloque qui, lui, parle en réalité, reste impassible et sans mouvements. Le témoignage de notre œil nous enseigne que c'est la poupée qui.a parlé, et quoique le spectateur soit prévenu du contraire, il en accepte la parfaite illusion. Souvent, les jolies choristes du premier rang, dans les théâtres, ouvrent et ferment la bouche sans chanter; et, comme les choristes du second rang sont très rapprochées de celles du premier, 1’ülusion se produit très facilement.
Lorsque le ventriloque fait parler une poupée ou un personnage situés à une grande distance, il est obligé de calculer soigneusement l'intensité de sa voix, et de la proportionner à l'éloignemcnt. C'est ce que savait très bien pratiquer Pythagore, lorsque se promenant au bord du fleuve Caucasus, au milieu de ses disciples, il se faisait, chaque matin, souhaiter la bienvenue parle fleuve, qui lui criait : c Salut, Pythagore ». L'arbre qui, d’après Philostratc, saluait le thaumaturge Apollonius do Tyane, dont Septimus Severus et sa femme Julia Domna avaient voulu faire le rival du Christ, cet arbre, sur l’ordre de Thespesion, le chef des philosophes gymnosophites éthiopiens, disait d'une voix faible, semblable à une voix féminine, mais bien articulée : « Salut, sage Apollonius ». C'est là un exemple typique de ventriloquie antique, pratiquée avec la voix lointaine.
La diminution progressive de l’intensité de la voix est interprétée comme un signe d’éloignement. Le ventriloque utilise ce jugement, qui,
enlui-méme, est exact, pour tromper; mais pour que l’illusion soit complète, il ne suffit pas que la voix soit atténuée, il faut qu'elle ait les caractères de la voix de ventriloque.
Cependant, il ne faut pas dire, lorsque la voix semble provenir du point sur lequel l’artiste dirige l'attention, que le ventriloque projette sa voix sur tel ou tel point, c’est l'auditeur, au contraire, qui la projette ù tort, suivant les indications suggérées par la mimique de l'artiste, d'autant plus facilement que ce dernier a su mieux respecter les lois physiques de la dégradation des sons, de la perspective sonore, si l'on peut s’exprimer ainsi.
Ainsi queje l’ai déjà dit, un son bizarre et anormal déroute encore bien plus facilement l'oreille, qu’un son auquel elle est accoutumée. La voix de ventriloque est une voix au timbre étrange, qui n’est produite, ni parle mécanisme de la voix de poitrine, ni par le mécanisme de la voix de fausset.
Le ventriloque doit encore prendre soin d'articuler uniquement au moyen des mouvements invisibles de sa langue, sans remuer les lèvres ni la mâchoire. Il doit aussi éviter les consonnes labiales, qui le forceraient à remuer les lèvres, ou bien les escamoter et les transformer.
Il m’est impossible de donner ici des indications techniques complètes, sur la façon d’émettre la voix de ventriloque. Je dois cependant dire qu’il faut distinguer la ventriloquie de la polyphonie, avec laquelle on la confond généralement. La polyphonie est l’art d’imiter, sans avoir besoin d'employer pour cela les mécanismes vocaux de la voix de ventriloque, les différents bruits ou sons de la nature, les instruments de musique, la voix des animaux, la voix des personnes les plus diverses. Lorsque des ventriloques font parler les poupées, dans les théâtres, ils imitent simplement la voix des personnes représentées, et n’ont pour produire l’illusion, que de garder le masque impassible, la mâchoire et les lèvres immobiles, c'est là de la polyphonie ou pseudo-ventriloquie. Dans ce dernier cas, ils se placent ordinairement de profil, devant les auditeurs, serrent les lèvres et entrouvrent seulement le coin de la bouche qui échappe à leur regard.
C'est seulement pour simuler la voix lointaine, que l’artiste devrait employer la voix de ventriloque proprement dite. Je dis a devrait h, car l’illusion vocale de lieu est acceptée si facilement, que la plupart des artistes opérant dans les théâtres ne pratiquent la ventriloquie, même pour la voix lointaine, que d’une façon très imparfaite, ou ne se préoccupent même pas d'y recourir. Cette facilité du public, à accepter des illusions si imparfaites, contribuera à nous faire comprendre comment l’illusion ventriloquiste religieuse, même très grossi ère et très approximative, s'est imposée et s'impose encore si aisément.
Pour parler en voix de ventriloque, il faut, les lèvres restant entr'ou-vertes, émettre un son accompagné d'une certaine résonance nasale, en resserrant la gorge comme pour le retenir, tout en faisant un effort ressemblant à celui qui accompagne 1«: début de la nausée. On
doit éprouver la sensation que le son résonne au Tond de la gorge. Au début, le son ressemble à un grognement, il est parfait lorsqu'il a pris les caractères d’un bourdonnement d’abeille. Pour donner la sensation que le son se rapproche, il faut le faire résonner plus en avant sur le palais ; plus il résonne en arrière dans la gorge, plus il semblera s’éloigner. Il ne faut pas exagérer la résonnance nasale, mais elle doit être suffisante pour que, pendant l’émission en voix de ventriloque, le brusque pincement des narines arrête instantanément le son.
Tout cela n'est pas extrêmement difficile, et toute personne dont le larynx est sain, peut arriver à une perfection relative, en un temps relativement court. Les langues de chant, telles que l'italien dans lesquelles les organes de phonation sont largement ouverts, préparent mal à l’exercice de la ventriloquie. L'usage de la langue anglaise la favorise au contraire, et l’immense majorité des bons ventriloques sont Anglais.
Diverses observations médicales, dont la plus ancienne remonte à Ilippocrate, montrent que la voix, dans certaines maladies du larynx, prend les caractères de la voix de ventriloque, que ces sons singuliers peuvent se produire très facilement, presque inconsciemment, surtout chez les vieilles femmes. Retenons ces indications, elles nous aideront à comprendre comment tous les hommes, lorsque chaque père de famille exerçait dans la haute antiquité, le culte des ancêtre et interrogeait ses morts, a pu devenir ventriloque sans le savoir; comment aussi, lorsque ce culte des morts s’est concentré entre les mains des nécromanciens, prêtres, sorcières ou sorciers, tous ces personnages ont pu arriver, très naturellement, très spontanément, à pratiquer la ventriloquie, avec une grande facilité et une extrême perfection.
Nous savons maintenant en quoi consiste !a ventriloquie, quel est le mécanisme qui la produit. C'est une illusion vocale, développée surtout par le talent mimique de l'artiste, et à laquelle les plus sceptiques ne peuvent échapper. Mes recherches m'ont montré que la ventriloquie a été exercée avec une extrême perfection, et sur la plus grande échelle, par toute l'antiquité. Je dois ajouter que, chez les peuples anciens, les peuples conservateurs, tels que les Chinois, par exemple, et chez les peuples sauvages vivant actuellement, que dans toutes les religions de l’antiquité, dans toutes les religions primitives qui ont persisté jusqu'à nos jours, elle a joué et joue encore un rôle immense, comme génératrice de la divination et de l'inspiration.
Ces derniers points de vue sont entièrement nouveaux, c'est la première fois qu'ils voient le jour. Quant à l'affirmation que les statues antiques avaient parlé par ventriloquie, ou que, tout au moins, l’illusion avait pour base une ancienne illusion ventriloquiste. le plus éminent de nos égyptologues, M. Maspéro, n’en était nullement convaincu. Pour mieux dire, je ne crois pas que le second point de vue eût été entrevu par aucun exégète et aucun critique jusqu’à ce jour. Quant à la célèbre scène de l’évocation de l’ombre de Samuel, elle a bien été par fois interprétée, comme une srèm- de ventriloquie : mais M. Buddé, le plus émi-
nent et le plus pénétrant commentateur des livres de Samuel, m’écrivait à ce propos :
« En réalité, nous ne savons rien de certain sur le mécanisme de ces faits ; et nous attendons toute lumière de vous. » J’ai la ferme conviction d'avoir, par mes études, débarrassé la question des ténèbres qui l’enveloppaient, et aussi d’avoir découvert un grand nombre de points de vue entièrement nouveaux.
C’est chez les sauvages, chez les primitifs, où des phénomènes comparables à ceux de l’antiquité, dominés par les mêmes points de vue, se produisent encore aujourd'hui, que se trouve la vraie solution : on rencontre, lorsqu’on sait le chercher, des descriptions nombreuses, dues à des auteurs modernes et qui ne laissent aucun doute : la ventriloquie est extrêmement répandue encoro aujourd'hui et toujours associée à l’évocation des esprits, plus spécialement à l’évocation des esprits des morts. Chez les Zoulous, les Maoris, les Tongans, les faits ont été maintes fois observés. D’excellents observateurs ont pu entendre la voix des esprits, sifflante et étouffée, sous le sol, sur le toit de la hutte, dans le lointain. La bouche et le visage d?s prêtres et des sorciers restaient absolument immobiles ; ces artistes religieux observaient admirablement les lois physiques et physiologiques de la dégradation et de l'illusion des sons, et pratiquaient certainement avec correction la ventriloquie proprement dite, qui doit accompagner la voix lointaine.
L habileté de ces prestidigitateurs de la voix, la docilité en quelque sorte instinctive des fidèles, la comparaison de ces scènes d'évocation avec celles de l'antiquité, la ressemblance des idées religieuses de ces peuples avec celles qui inspiraient les anciennes religions, tout nous indique que nous avons affaire à de très vieilles croyances, à de très anciens procédés.
Chez les Chinois, ce peuple si conservateur, si attaché à ses antiques traditions, et chez lequel, chose importante, règne encore le culte des ancêtres, la ventriloquie est encore en honneur: elle a chez eux un caractère religieux, elle sert à faire parler les morts. Ce sont les veuves qui constituent la clientèle la plus ordinaire des nécromanciens.
On se sert, pour la consultation, d'une petite statuette en bois de hêtre, qui est exposée quarante-neuf jours à la rosée, et s’imprégne pendant ce temps de l'esprit du mort. Le médium applique la statue sur son estomac ; l’on entend aussitôt sortir de sa bouche des mots prononcés avec cette voix caverneuse, sifflante et étouffée, qui constitue en même temps la voix de ventriloque et la voix des morts, et la conversation s’engage entre l’esprit et le consultant. D’autres fois le nécromant prend la statue, la place au voisinage de l'oreille du consultant, et la conversation se produit de la même façon, sur le même ton.
Dans les deux cas, la voix employée est certainement la voix de ventriloque, les descriptions des auteurs ne laissent aucun doute à ce sujet. L'illusion des fidèles est aussi complète que la nôtre, en présence d’une scène de ventriloquie artistique moderne, mais elle est produite par des
moyens entièrement différents : chez nous, clie repose sur une fausse interprétation du témoignage de nos sens : chez les Chinois, sur cette croyance religieuse que les esprits des morts peuvent être évoqués, qu'ils parlent réellement, avec celte voixsingulièrequi est naturelle aux morts.
Est-ce la statue qui parle, animée par l'esprit ? est-ce l'esprit liïl-même. par la bouche du médium? est-ce simplement le médium inspiré? Personne en Chine ne s’est posé la question ; l’analyse et la critique sont œuvre d'impiété. Ces idées sont extrêmement anciennes ; le fétiche, lui-même, représentant les os du défunt primitivemcntnéccssaircs dans toute évocation et toute conversation, peut faire défaut. Le médium, après quelques menues cérémonies, s'accoude à une table, la tôle dans les mains, devant la tablette où, dans chaque maison chinoise, résident les ancêtres, qui, dans ce pays, sont encore adorés. Le médium entre en extase, l'esprit pénètre en lui et parle par sabouchc, avec une voix fortement modifiée, qui présente toujours les caractères de la voix de ventriloque.
Dans l'immense majorité des cas, le médium est certainement aussi convaincu que le consultant. Si l’auto-suggestion et la suggestion, même chez une personne adulte, opèrent justement dans le sens des intérêts, des croyances et des tendances de l’individu, surtout lorsqu'elles sont héréditaires, il n’existe aucune limite à ces suggestions. Elles ne paraissent, en réalité, prodigieuses, qu’à ceux qui se trouvent hors d'état de les partager.
Un enfant, un primitif, un animal, pensent que tous les objets de la nature sont animés, qu'ils sont pénétrés d'un esprit comparable à celui qui semble cesser d’agir en nous, lorsque sc produit la mort, llicquct, le chien célèbre de M. 1 {èrgeret. croit de très bonne foi que le broc malpropre, qui s’est montré inconvenant en traversant le salon, a dû être fessé. Les enfants causent fréquemment avec des êtres imaginaires, animent leurs poupées, avec lesquelles ils ont de longues conversations; demandes et réponses sortant, bien entendu, de la même bouche. Comment les hommes n'auraicnt-ils pas, du la même façon, fait parler les statues antiques, puisque, dans leur esprit, ce sont des fétiches animés, représentant des corps, dont les dieux sont les âmes. De fait, l’antiquité est remplie du murmure de leurs conversations. On ne s’est servi que d’une façon très exceptionnelle, de tuyaux conducteurs aboutissant à la bouches des statues; les exemples authentiques en sont infiniment plus rares qu'on ne croit. La dose de crédulité était d'ailleurs si considérable, que ccs procédés eux-mêmes, s'ils avaient été découverts, n'auraient probablement pas été mal interprétés : mais il ne correspondaient à aucune nécessité.
Le cas, pour les esprits animant les statues, es.t le même que, chez les Chinois, pour les esprits des morts. La statue animée de l'esprit sc trouve là; le prêtre, qui connaît les rites pour la faire parler, s'y trouve également; on entend une voix d’un timbre surhumain; on ne sc demande point d'où elle vient ; c'est la voix du dieu et cela suffit.
De nombreux textes nous indiquent que, chez les vieux Egyptiens,
les slalues parlaient constamment : directement, semble-t-il, avec les personnes royales; par l'intermédiaires des prêtres, pour les fidèles d’un moindre rang. La téte, les bras de ces statues, étaient mobiles et faisaient des gestes expressifs. Mais je suis aussi convaincu que l’est M. Maspéro, que les prêtres eux-mêmes, en pratiquant ces fraudes pieuses, pensaient seulement exprimer, d’unefaçon plus sensible et plus édifiante, les sentiments de la divinité. Les artistes ventriloques, de nos jours, sont bien obligés, parle septicismedeleurs auditeurs, de mettre des mâchoires mobiles à leurs statues, afin défavoriser l’illusion; les anciens l’ont fait aussi pour leurs statues divines parlantes, mais d'une façon probablement exceptionnelle. Il s’agissait, en eiïet, essentiellement d'une illusion religieuse; et non pas d’une illusion sensorielle, d’une illusion de lieu.
On croyait les pièces de ce genre à tout jamais détruites, il en existait cependant une dans la collection égyptienne du Louvre, qui a été tout récemment décrite par M. BenediUe. et qui est probablement unique au monde : c’est une tète d'Anubis, le dieu à tète de chacal, elle parait avoir été confectionnée et décorée vers la XXcdynastie. La mâchoire en est articulée suivant les procédés qu'employaient encore nos ventriloques, il y a quelques années; et qui ont fait place, depuis, à des procédés plus perfectionnés.
Ainsi que le démontre la saine interprétation des textes anciens, des plus vieilles traditions de l’antiquité, examinés et critiqués à la lumière de la comparaison avec les religions enfantines, de même nature et de même esprit, qui pullulent encore chez, les sauvages aujourd'hui, toute théorie de l’inspiration, de la révélation, repose sur le fait incontesté de la conversation avec le tombeau, de la conversation avec le mort. Le « Double », l’âme du mort, que l'on voyait dan s les songes, élait capable de parler. Ces songes, l'antiquité aliait les chercher dans les temples, mais surtout sur les tombeaux, et c’est du tombeau qu’ils étaient tous primitivement sortis. Un bouc noir, conduit à la main, s'arrêtait à l’endroit où l'on devait dormir; c'était le point de la terre d’où sortirait le plus aisément le songe inspirateur. L'esprit apportait lui-même le songe et s’entretenait avec le songeur. Il fallait pour que l’idée de la réalité de cette conversation fût facilement acceptée que, de toute antiquité, on fut convaincu qu’elle se produisait en effet. Les morts ne parlent point, et cependant l’antiquité tout entière les a entendus, nous décri;, par la plume d'Isaic, d'Ovide, de Virgile et de tant d’autres, les caractères de leur voix.
Les idées que, d’après les songes, on s'était formées de l'âme, du double, permettaient de croire que cette âme parlait ; on avait d’autre part le plus grand intérêt à la faire parler. Les nccromanls de tous les temps n’avaient qu’à se placer près d’un fétiche mortuaire, d'une de ces têtes parlantes ou des statues qui les représentent, pour converser avec le mort ou avec le dieu. C’est seulement à une époque relativement tardive, que les interrogateurs des morts, détrônés par les prêtres des dieux, sont devenus malfaisants et que la nécromancie s’est transfor-
mée en superstition. Ainsi que je l’ai déjà dit, quelques siècles avant notre cre, l’évocation des morts était orthodoxe et légitime, même pendant les premiers siècles de cette ère, si nous en croyons Jambüchc et Lucien, et réservée en Chaldéc à des prêtres réguliers. Ils invoquaient, pour assurer le succès de leur divination, les divinités infernales orthodoxes, Nergal et Allatu. Ils invoquaient aussi Tammouz, le dieu du printemps, qui meurt chaque année, à l’été, sous les ardentes caresses de son amante Ishtar; ils invoquaient Ishtar, qui, chaque année, va chercher aux enfers l’amant infortuné.
Ce culte et cette évocation des morts étaient légitimes et normaux, des prêtres faisaient venir les morts et parlaient pour eux. avec celle voix spéciale qu’ils devaient cultiver soigneusement et qui est la voix de ventriloque. Mais ces cultes ont été précédés par le culte familial, le culte des ancêtres, des lares etdu foyer, dans lequel chaque père de famille était le prèlre en même temps, accomplissait les rites, causait avec ses propres morts. Ces anciennes traditions, depuis longtemps disparues chez les peuples classiques, et qui ont pourtant laissé des traces si manifestes, se retrouvent encore chez les primitifs.
L'homme qui interrogeait un ancêtre faisait lui-même les demandes et les réponses, comme le fait un enfant en conversation avec sa poupée, comme de grandes personnes le font aussi très facilement lorsqu’elles conversent avec des êtres imaginaires; et, dans ses réponses, l’homme prenait naturellement, pour mieux se convaincre et pour mieux convaincre les siens, cette voix de ventriloque qu’il est si facile d’obtenir et qui, d une part, ressemblait à la voix des esprits, telle qu’on la concevait, était faible et étoufTée comme si elle venait du tombeau. Celte voix, au timbre anormal, on la projetait facilement dans le tombeau ou dans le crâne conservé; tout cela aboutissait à une confusion religieuse, de lieu et d’origine, dont émergeait une seule idée nette, c’est que le mort avait parlé.
Ce phénomène primitif, cette illusion vocale dont les deux éléments se . renforcent au lieu de se contrarier, constitue la mystérieuse illusion phonétique initiale qui alimente la croyance de toute l’antiquité à la réalité de la divination et de l’inspiration. Le sens de * la voix juste » et du a son créateur », si admirablement devines, étudiés et compris par M. Maspéro, dans les textes égyptiens, sont des concepts délirants partagés par touie l’antiquité, renouvelés par les néo-kabbalistes. sous la forme pseudo-scientifique qu’ils excellent à donner aux plus folles rêveries, et qui sont certainement fondés sur la religion primitive de la parole divine, de la parole des morts, c'est-à-dire sur l’illusion venlrilo-quistc. La » glossolalie v des apôtres, la conception chrétienne et gnos-tique du * logos », la u bath-kol *, « fille do la voix b du Talmud, sc rattachent également, par un lien manifeste, mais d’une analyse longue et délicate, au ventriloquisme religieux par leur connexité, d'une part, avec le mécanisme de l’illusion prophétique, d'autre part avec les concepts de la voix juste et de son créateur.
Puisque les morts parlent, les statues des dieux parlent aussi ; par
une tendance à l’idéalisation, le fétiche, la statue, sont même supprimés; il reste la chose secondairement conçue, mais devenue essentielle, l’âme, le dieu, qui parlent par la bouche du médium, du prophète, comme le mort parle par la bouche du nécromancien, et le prophète devient une sorte de ventriloque transcendantal. Le mot grec « prophète » n’a pris le sens de a prédire l'avenir » que vers le moyen âge. Dansl'an-liquité, ce terme et les termes des langues sémitiques qui y correspondent, voulaient dire o parlera la place de » à la place du Dieu.
Une pareille affirmation peut paraître audacieuse, mcme pour ceux qui, familiers avec la critique, n'ont pas encore su se détacher complètement des entraves du traditionalisme religieux, ou bien pour ceux qui, simplement, n’ont pas étudié la question d’assez près.
Le prophète est primitivement un voyant, toute science de divination dérive des morts, les morts sont les voyants par excellence; le prophète associe souvent, dans les débuts, son opération, aux arbres, intermédiaires des morts avec les vivants, et le culte des arbres ne sera proscrit qu’à une époque bien plus tardive, par ces mômes prophètes reniant leur origine, en particulier par Dosée. Les prophètes orientaux associent souvent leurs opérations au serpent, animal intimement relié aux morts par sa voix de ventriloque et par son séjour habituel au sein de la terre, c’est-à-dire parmi les morts. Alexandre, le faux prophète, choisira, chez les Grecs, un serpent, pour faire des dupes par de fausses prédictions se rattachant à la ventriloquie. Le rameau prophétique se détacha du rameau nécromantique pur, en vertu d’une tendance à l'abstraction, et au fur et à mesure que les dieux eux-mêmes cessent d’être de simples morts et que le concept qui lui correspond les agrandit en les éloignant, dansl’Hadès d’abord, ensuite dans le Ciel. Le prophète est, comme le nécromant, possédé par un esprit qui parle par sa bouche, il ne lui manque que le fétiche mortuaire du nécromant, ou la statue divine du prêtre, qui en tient lieu. Il se place, pour l’analyste et le critique, sensiblement au même rang que le médium spirite opérant de nos jours.
II n’existe pas d’affirmations purement subjectives entièrement dénuées de base positive; toutes se rattachent, par un rapport direct ou indirect, conçu par une logique correcte ou décevante, à un fait d’expérience antérieure, appartenant à l’individu ou à l’espèce. Les hallucinations elles-mcmes, qui deviennent le point de départ d'impulsions, d’idées obsédantes, de manies, de concepts plus ou moins délirants, sont provoquées par des observations vraies ou illusoires, correctement ou faussement interprétées. Nihil est ininlellectu quid non pri-mùm fueril in sensu. Les sciences, aussi bien que les religions, les croyances aussi bien que les théories (car les croyances sont aussi des théories), reposent sur des faits : dans l’ordre scientifique, sur des faits scientifiques; dans l’ordre religieux, sur les miracles. Toute religion est en réalité fondée sur des prodiges ou des miracles. L’éthique et l’esthétique religieuses n'ont eu qu'une part bien secondaire et bien accessoire dans le développement des religions. C’est sur la thaumaturgie vraie ou
supposée du Chrisl, infiniment plus que sur son éthique, pourtant supérieure, que fut fondé le christianisme. Saint Pierre et Simon le Mage» qui ont fondé l'un et l'autre, à Rome, des religions durables, luttaient à coups de prodiges; et, dans scs débuts, tout au moins, lu religion de Simon, beaucoup plus habile que son rival, l'emporta singulièrement sur celle de Pierre. C’est le prodige de Sa parole des morts, qui n'a pu être complet, patent, évident, qu’à l’aide de la ventriloquie, qui a imposé à tous les hommes la croyance à la conversation avec les morts, les esprits et les dieux, à toutes les révélations, à toutes les inspirations. La ventriloquie a puissamment contribué à l’élaboration de la théorie du Double, de l’âme ou des âmes, et de tous les concepts plus ou moins délirants qui s’y rattachent, exprimés par les fétichismes les plus primitifs les plus enfantins, aussi bien que parles systèmes spiritualités ou dualistes les plus transcendants.
El voilà comment les premiers hommes firent tous de la ventriloquie sans le savoir, Comment prêtres, prophètes et nécromants utilisèrent cl exploitèrent celte croyance, en prenant simplement et très naturellement, lorsqu'ils parlent pour un autre, une voix étrange, ainsi que le fait M,le Couesdon, lorsqu'elle parle au nom de l’ange Gabriel; comme le fait aussi la célèbre M“*° Pipper, le médium américain, lorsqu’elle parle pour un esprit. Assurément tous ces illusionnistes de la voix ne procédèrent pas souvent avec la môme perfection que nos ventriloques actuels, mais ils atteignent leur but avec la même sûreté. La ventriloquie religieuse et la ventriloquie artistique, qui s’y est parfois greffée, représentent l’une et l’autre une très antique illusion, source première de la croyance à la prophétie, à la divination, et à celle source onl abondamment puisé les religions et les superstitions, que nous ne savons plus distinguer les unes des autres, aujourd’hui. La ventriloquie artistique est la ventriloquie consciente, même employée dans un but religieux, et qui détermine l’illusion en employant avec plus ou moins de perfection les procédés physiologiques sommairement décrits au commencement de ce travail, et leurs adjuvants, tels que la tête à mâchoire articulée du dieu Anubis. Les prêtres égyptiens qui se servaient de celle lète faisaient donc de lu ventriloquie religieuse par des procédés artistiques. La ventriloquie de ce lévite de Juda qui faisait prédire l’avenir pur les divins fétiches rassemblés dans la a maison de Dieu » de l’Ephraïmitc Mika, la ventriloquie du grand prêtre des Hébreux avec l’éphod, les ourim et les thoummim, étaient purement religieuses, bien que loute la culture théologique d'un prêtre hébreu de ces époques se réduisit certainement à un entrainement venlriloquistc, c’esl-à-dire à apprendre l'art de substituer avec vraisemblance sa propre voix à la voix de la Divinité. La science ou plutôt l'art théologique, même encore de nos jours, a-t-il donc un autre but ?
(Celte conférence a été suivie d’expériences et de démonstrations de ventriloquie faites par M. O Kill, habile artiste ventriloque.)
L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPERIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
15e Année — N°
Octobre 1900.
BULLETIN
Le deuxième Congrès international de l'Hypnotisme.
Le deuxième Congrès international de l’Hypnotisme expérimental et thérapeutique a réussi au-delà de toute espérance.
Tout d'abord, il a été solennellement ouvert par l’éminent successeur de Charcot. En présidant notre première séance, en prononçant le remarquable discours qu'on lira plus loin, en faisant aux Congressistes les honneurs de son service de la Salpétrière, en leur donnant de nombreuses marques de son estime et de son dévouement, le professeur Raymond, membre de l'Académie de Médecine, nous a apporté le patronage de la neurologie oflicielle, dont il est en France le représentant autorisé.
Les débats ont été effectivement dirigés par le savant médecin de la Salpêtrière qui était, l’an dernier, président de la Société médico-psychologique et qui remplace aujourd’hui Du-montpallier à la présidence de la Société d’Hpnologie et de Psychologie. Le Dr Jules Voisin s'est acquitté de ses fonctions de président du Congrès avec un dévouement de tous les instants. Il a conduit les discussions avec méthode, sagacité, bienveillance et fermeté tout à la fuis. Par son amabilité, sa bonne humeur, sa complaisance, sa bonté, il s’est concilié tous les suffrages; tous nos adhérents emportent de lui un souvenir respectueux et reconnaissant.
Notre Congrès a été particulièrement remarquable non seulement par le nombre, mais aussi par la qualité des savants qui, de Paris, de la province et de l’étranger, ont répondu avec
empressement à l’appel du Comité d'organisation. Plusieurs ministères français, des académies, des sociétés savantes, des gouvernements étrangers avaient tenu à honneur d’envoyer des délégués spéciaux. Vingt-quatre nations étaient représentées ! Un tel résultat est tout à la louange des organisateurs et la juste récompense de leurs efforts.
Les divers rapporteurs se sont acquittés de leur tâche respective avec un soin et une conscience des plus louables, faisant preuve d'érudition, de sens critique et d’originalité tout à la fois. Quelques-uns d’entre eux ont écrit des rapports qui sont presque des volumes et qui semblent avoir épuisé les questions proposées.
Quant aux communications de toute sorte, venues des divers points du globe, elles accusent la vitalité et la fécondité des études hypnotiques et de leurs applications pratiques. L'hyp-nolisme est décidément un procédé expérimental de premier ordre et un puissant agent thérapeutique. Ses effets curatifs se multiplient sans cesse, en même temps que les psychothérapeutes trouvent des procédés de plus en plus variés et ingénieux pour faciliter ou amplifier l’action de la suggestion.
*
* 4
Les membres du Congrès de l’Hypnotismc ont été, de divers côtés, cordialement accueillis et même fêtés.
Le professeur Raymond, son chef de clinique, et les chefs des différents laboratoires, nous ont fait les honneurs du service de la clinique et de ses dépendances, avec une bonne grâce et une amabilité dont nous leur sommes profondément reconnaissants.
Le T)r Jules Voisin, également, nous a fait parcourir ses salles et initiés aux mesures d’hvgiène, d’éducation et de moralisation que sa direction toute paternelle a su réaliser. L’Assistance publique elle-même s’est montrée très aimablement hospitalière en offrant aux Congressistes un banquet dans le service de M. le Dr Voisin.
Sans oublier la cordiale réception de ri-Iôtel de Ville, ni celle du prince Roland Bonaparte, rappelons la visite si curieuse et si instructive faite au musée Guimet sous la direction de M. de Milloué, l’accueillant et sympathique directeur.
Accordons une mention spéciale à la réception de l’institut
psycho-physiologique, où un lunch des plus réussis avait été organisé par les soins de Mme Bérillon. Quant au Dr Bérillon, il a captivé ses auditeurs en leur présentant, deux heures durant, des malades soignés ou guéris par la psychothérapie et, en outre, des sujets d’un puissant intérêt, à l’aide desquels il a pu, par des démonstrations pratiques, retracer l’histoire des conquêtes expérimentales de l’hypnotisme. C'est au cours de cette visite mémorable que fut ouverte et immédiatement couverte une souscription destinée à offrir un bronze d’art à M. le l)r Bérillon, pour le remercier et des nombreux services qu’il a rendus à la cause de l’IIypnotisme et de l'activité infatigable qu’il a déployée dans l’organisation du présent Congrès.
Enfin, la dernière journée du Congrès s:est terminée par la visite de l’établissement hydrothérapique du Vésinet. Le Dr Raffegeau a montré, à l’admiration de tous, les différents services de sa maison modèle : piscine, douche, électrothérapie et surtout photothérapie ; ce dernier service, d'organisation toute récente, est le plus complet et le mieux installé qui existe en France et à l’étranger. Quant à Mme Raffegeau, avec une bonne grâce qui a charmé les visiteurs, elle a fait à tous les honneurs de cette magnifique Villa des Pages où, dans le décor merveilleux du parc illuminé, fut servi sous les arbres un diner exquis pendant lequel une chaude cordialité n’a cessé de régner.
•
♦ ♦
Le deuxième Congrès de l’Hypiiotisme a eu soin de ne point oublier les grands absents. Dans les communications relatives à l’hypnotisme thérapeutique, les auteurs ont, les uns après les autres, fait ressortir l’excellence de l’enseignement et de l’exemple du maitre Liébeault, retenu à Nancy par son grand âge. D’autre part, avant même l’ouverture des débats de la première séance, le Congrès a pieusement voté l’érection d’un buste à Dumontpallier, qui fut l’âme de la Société d’Hypnologie et du premier Congrès de l’Hypnotisme, ainsi qu’un maitre vénéré et aimé de tous Ceux qui l'ont connu. Enfin, dans la dernière séance du Congrès, un autre hommage unanime a été rendu à ce savant éminent, si longtemps méconnu, ignoré encore de quelques-uns, et retenu, lui aussi, loin de Paris, à Arsac, dans l’Avey-ron. Reconnaissant la nécessité de fixer d’une manière complète et précise la terminologie de l’hypnotisme, le Congrès a
décidé de confier ce soin à une Commission internationale de neuf membres et, tout naturellement, il a désigné, comme président de cette Commission, le Dr Durand (de Gros) que son âge, son expérience, ses publications, son rôle d’initiateur et les services qu'il n’a cessé de rendre à l'hypnotisme désignaient à tous les suffrages. Cette même Commission aura pour rapporteur le Dr Paul Parez; les sept autres membres qui la composent sont MM. les Drs Jules Voisin et Bérillon (de Paris), les professeurs Régis (de Bordeaux), Spehl (de Bruxelles), Tambu-rini (de Reggio-Emilia), les Dr. Oskar Vogt (de Berlin), et To-karsky (de Moscou).
L’œuvre que rempliront ces neuf savants sera salutaire et féconde; cela seul aurait suffi pour faire de 1900 une date mémorable pour l’hypnotisme et de notre Congrès une réunion utile au développement de la science. Mais nos assises internationales ont abouti à bien d’autres résultats dignes d'être enregistrés : on s'en convaincra par la prochaine publication des comptes rendus. Dr p. p.
DEUXIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
Du Dimanche 12 au 16 août19oo.
AU PALAIS DES CONGRÈS, à l’Exposition (Porte de l’Alma).
LISTE DES ADHERENTS AU CONGRES Allemagne.
M. le Dr Minde, de la Société psychologique de Munich.
M. le Dr Freiherr von Schiœxk-Xotzing, de la Société psychologique de Munich, Bavière.
M. Ic Dr Richard Sinn, d’Aix-la-Chapelle.
M. le Dr Sperling, de Berlin.
M. le Dr Stadelmann, de Wurlzbourg.
M. leDrTESDORFF (Paul), spécialiste pour les maladies nerveuses, Munich. Me le Dr Vogt (Cécile), de Berlin.
M. le Dr Wolf, de Hambourg.
A utriche-Hongrie.
M. le Dr Krafft-Ebing, professeur à l Université de Vienne.
Fr. Von Thielen, à Vienne.
Belgique.
M. le Dr MaSOin. délégué de l’Académie de médecine de Belgique, professeur à l’Université de Louvain.
M. le Dr Crocq (Jean), professeur agrégé à l’Université de Bruxelles.
M. le Dr Spehl (Emile), professeur à l'Université de Bruxelles.
M. le Dr Van Velsen (Prosper), de Bruxelles.
Brésil.
M. le Dr Jaguaribe (Domingos), de San Paulo.
M. le Dr F. de Camargo, de San Paulo.
Canada.
M. le Dr Labrecque, de Montréal.
M. Larose Ludger, de Montréal.
M. le Dr Mercier, de Montréal.
M. Trudeau, Léon, professeur, de Montréal.
Équateur.
M. le Rr Rafaël Rodrigue/. Zambrano, délégué du gouvernement.
Espagne.
M. le Dr Vicente Hernandez Irala, Séville.
M. le Dr Sanchez-Herrero, professeur à la faculté de Madrid.
États-Unis.
M. Clark Bell, avocat, président de la médico-légal Society, délégué du gouvernement, New-York.
M'* le Dr Lucy Hall Brown, professeur au Vassar collège, déléguée du gouvernement.
M. Green Bertram, étudiant en biologie à Boston (Massachusetts).
Mra* Cady, Oleveland (Ohio).
M. Doherty, Palmyra (Missouri).
M. Pretwbll, publiciste et sociologue, Providence.
M. le Dr Hamiltox Osgood, Boston.
M. le Dr IIarvey, de New-York.
M. le Dr Herbert (Parkin), Chicago (Illinois).
M. Hbymann, président de ia commission des prisons et asiles à la Nouvelle-Orléans (Louisiane).
M. le Dr Mac-Donald, Washington.
Mme Mulhauser, Cleveland (Ohio).
M. le Dr Peskind (Arnold), Cleveland, (Ohio'.
M. le Dr Petersen, à Boston (Massachusetts).
Mr* le Dr Rabinowski, de New-York.
Mn* Minnie Robinsox, journaliste à New-York.
M. le colonel Rust, à New-York.
Mr* Stempel à New-York.
M. Edouard Stempel, ingénieur à New-York.
Mr* de Vaux-Roger-Maynard, Boston (Massachussets).
Mme Rosa Vincent professeur, Mont-Vernon (New-York).
M. Zblîqzon, professeur à l’Américan Institut of anthropology. Cleveland (Ohio}.
Egypte.
M. le I)r Guimbeau, l'île Maurice.
M. le Dr Lloyd-Tuckey, Londres.
M. le Dr Jennings, à Paris.
M. le Dr Milne-Bramwell, Londres.
MM ïda Sweeti.and, Londres.
Haiti.
M. le Dr Nemours, Auguste, de Cap-Haïtien.
cipal.
M. le Dr Allais, avocat. Paris.
M. le Dr Babixski, médecin de la Pitié, Paris.
M. le Dr Baraduc, Paris.
M. le Dr Beaunis, professeur honoraire et directeur honoraire du laboratoire de psychologie de la Sorbonne, à Cannes.
M. le Dr BELLEMANiÈniv, à Bellevue (Seine-et-Oise).
M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d’aliénés, directeur de la Revue de VHypnotisme, Paris.
M. Bérillon, Eugène, publiciste, à Guerchy (Yonne).
M. le Dr Bernhkim, professeur à la Faculté de médecine de Nancy.
M. le DrBir.HAUT, chirurgien de l’hôpital international, Paris.
M. le Dr Binet-Sanglé, à Angers.
M. le Dr Eid, du Caire.
M“c le Dr Mendelsohn, du Caire.
Cuba.
M. leDr Eduardo Diaz Martinez, Matanzas.
Colombie.
M. le Dr Montoya, Medellin, Antioquia.
Grande-Bretagne
M. le Dr Cruise, de Dublin.
France.
M. Achille, conseiller municipal de Paris, délégué du conseil muni-
M. BlKET, directeur du laboratoire de psychologie à la Sorbonne.
M. Blas, directeur d’Ecole à Roubaix.
M. Blech, avocat, docteur en droit à Paris.
M. Boirac, recteur de ¡’Académie de Grenoble.
M. le prince Roland Bonaparte, Paris.
M. le Dr Bonnet, Ch., à Paris.
M. le Dr Bouffé, à Paris.
M. le D' Bourdon, à Méru (Oise).
M. Boyoud, Henri, publiciste, à Paris.
M. Jules Bois, secrétaire général de la Société psychologique, Paris.
M. leDf Briand, médecin en chef de l’asile de Villejuif.
M. Caustier, professeur au lycée Iloche.
>[“• la comtesse de La Chapelle, Paris.
M. le Dr Cazalas, à Bagnères-de-Bigorre.
M. le Dr Charpentier, médecin de la Salpôtrierc.
M. le Dr Charpentier (Albert), Paris.
M. le Dr Charvilhat, Clermont-Ferrand.
M. le Dr Clarke, à Paris.
M. Colas (Albert), président de la Société d’études philosophiques et sociales, Paris.
M. Contexàu, étudiant en médecine, Paris.
M. le Dr Coste deLagrave, à Durtol (Puy-de-Dôme .
M. le Dr Cotté, à Paris.
M. Coutaud, docteur en droit, Paris.
M. de Coynard, à Paris.
M. le DfCullerre, directeur-médecin de l'Asile d’aliénés de La Roche-sur-Yon.
M. Lionel Dauriac, professeur de Faculté, chargé du cours d’esthétique musicale à la Sorbonne, Paris.
Mm* Delfau, d’Alger.
M. le Dr Deny, médecin de la Salpêtrière, Paris.
M. Decroix, vétérinaire principal, délégué de la Société contre l’abus du tabac, Paris.
M. le Dr Dkjerine, médecin de la Salpêtrière.
M. Desbeaux (Emile), homme de lettres, Paris.
M. le Dr Deschamps, à Rennes.
MDr Delouard, Paris.
M. Delanne, publiciste, Paris.
M. Dumontpallier, Jean, Paris.
M. le Dr Dignat, de Paris.
M. Dyviunde, procureur de la République, à Dieppe.
M. le Dr Durand (de Gros), à Arsac, par Rodez (Aveyron).
M. le Dr Paul Farez. licencié en philosophie, Paris.
M. Favre, Louis, à Paris.
M. de Fontexay, avocat à la Cour, Paris.
M. le Dr Grasset, professeur à l’Universilé de Montpellier.
M. Gajllardot, licencié en philosophie, à Paris.
M. le Dr Grimoux, à Paris.
M. le Dr Garnault, à Paris.
M. de Galland, publiciste, à Alger.
M. Hideux, Raoul, à Paris.
M. le Dr Huchard, médecin de Necker, membre de l'Académie de médecine de Paris.
M. Julliot, docteur en droit, Paris.
M. le Dr Pierre Janet, chargé de cours à la Sorbonne cl au Collège de France, directeur du laboratoire de psychologie à la Salpctrière.
M. le Dr Joffroy, professeur de maladies mentales à la Faculté de médecine de Paris.
M. le Dr JoinE (Paul), Lille.
M. le Dr de Keating-Hart, Marseille.
M. Lavault, médecin-vétérinaire, Paris.
M. le Dr Leorais, médecin de l'Asile de Ville-Evrard.
M. le Dr Lemesle, docteur en droit, Paris.
M. le Dr Leter, à Sannois.
M. Lepelletier, Edmond, conseiller municipal de Paris, délégué du conseil municipal.
M. Lépinay, médecin-vétérinaire, Paris.
M. le Dr Lépine, professeur à l'Université de Lyon.
M. le Dr Liébeault, de Nancy.
M. Liégeois, correspondant de l'Académie des sciences morales et politiques, professeur à l'Université de Nancy.
M. le Dr Le Menant des Chesnais, Ville-d’Avray (Seine-el-Oise).
M. le Dr Magnin (Paul), vice-président de la Société d’hypnologie, Paris. M. le Dr Maire, à Paris.
M. Mei.cot, avocat général à la Cour de cassation, Paris.
M. Camille Martinet, licencié en droit, Paris.
M. le Dr Merlier, Roubaix.
M. Marin, Paris.
M. Mathys, chef de bureau, Paris.
M. Méric, professeur à la Sorbonne.
M. de Milloué, conservateur du mu6ée Guimet.
M. le Dr 1)e Moxchv, à Paris.
M. le Dr Moutin, Roulogne-sur-Seine.
M. Moreau-Bérillon, professeur à Reims.
M. Muteau, député, à Paris.
M. le Dr Pau de Saint-Martin, médecin-major de \n classe, Paris.
M. le Dr Perceau, à Néronde.
M. le Dr Pottif.r, Paris.
M. le colonel Pistor, délégué du ministère de la guerre, Paris.
M. le Dr Pitres, professeur à ¡'Université de Cordeaux.
M. le Dr Régis, professeur à ¡'Université de Bordeaux.
M. Regismanset, docteur en droit, à Paris.
M. le D' Paul Richer, membre de l’Académie de médecine, Paris.
M. le Dr Ch. Richet, professeur à la Faculté de médecine de Paris.
M. le Dr Raffegeau, directeur de ¡‘Etablissement hydrothérapique du Vésinet (Seine-et-Oise).
M. le Dr Félix Regnault, ancien interne des hôpitaux, Paris.
M. le Dr Raymond, professeur de clinique des maladies nerveuses à la Faculté de Paris.
M. le Dr Saint-IIilairk, à Paris.
M. le Dr Sénèque, à Pierrefitte.
Mme Sorgues, publiciste, à Paris.
M. Tarde, professeur au Collège de France.
M. le Dr Terrien, des Essarts (Vendée).
M. le Dr TISON, à Paris.
M. Toutée, conseiller à la Cour d'appel de Paris.
M. le Dr Vauriot, licencié ès-sciences, Nîmes.
M. le I)r Vidal, avocat, ancien interne des hôpitaux, Nissan (Hérault).
M. le Dr Vincent, médecin principal, délégué du ministère de la marine. M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpètrière, Paris.
M. Voisin, interne des hôpitaux de Paris.
M. le Dr Watteau, avocat, Paris.
Grèce.
M. leDr Caryophyllis, professeur agrégé à la Faculté, délégué de la Société médicale d'Athènes.
M. le Dr Costomiris, d'Athènes.
M. le Dr Vlavianos, à Athènes.
Hollande.
M. le Dr de Jong (Arie), spécialiste pour les maladies nerveuses, La Haye. M. le Dr Van Renterghem, directeur de l'institut Liébeault, Amsterdam.
Islande.
MUe Dagmar Bjap.narson.
Italie.
M. le Dr Bianchi, professeur agrégé à l'Université de Parme.
M. Giulio Friedmann, de Rome.
M. le Dr Manfroni, à Turin.
M. le Dr Lombroso, professeur à l’Univcrsité de Turin.
M. le comm. Luigi Robecciii Bricchetti, de Pavie.
M. le Dr Tamburini, professeur de psychiatrie, médecin en chef de l’asile de Reggio Emilia.
Mexique.
M. le colonel Moxdragox, délégué du gouvernement.
M. le professeur Ferrari Perez, délégué du gouvernement.
Perse
M. le Dr I. Ahia, de Téhéran.
Pologne.
M. le Dr Bugiel, de Lemberg.
M. le Dr de Groer, de Varsovie.
Mme le D' Homolitzky, de Vilna.
Mlle le Dr Lipinska, de Varsovie.
M. le Dr Julien OCHOnowicz, docteur en philosophie, Varsovie.
M. le Dr Rzbczkiowski, de Varsovie.
M. le Dr Stembo, de Vilna.
M. Stembo, étudiant en médecine, Vilna.
Roumanie.
M. le Dr Thiron (Constantin), professeur à la faculté de Jassy.
M. le Dr Marinesco, professeur de clinique des maladies nerveuses à la faculté de Bukarest.
M. le DrThomas Tonesco, professeur de clinique à la faculté de Bukarest, délégué du gouvernement.
Russie.
M. le Dr Bajenoff, médecin de l’asile de Voronèje.
Mme le Dr Bieloussof, Caucase.
M. le Dr Bore, délégué du gouvernement.
M. le Dr Dechtereff, conseiller municipal, à Saint-Pétersbourg.
M. le l)r Effaoxt, à Saint-Pétersbourg.
Mme le Dr Hélène Koneff, à Saint-Pétersbourg.
M. le Dr Korsakoff (Serge), professeur de psychiatrie à l’Université de Moscou.
M. le Dr Lapinsky, à Kiew.
M. le Dr Moczutkovsky, à Saint-Pétersbourg.
M. le Dr de Nachimoff (Serge], à Moscou.
M. le Dr de Pacxiewicz, Miroslas, à Riga.
M. le Dr S inani (Boris), de Saint-Pétersbourg.
M. le Dr de Tarkhanoff, délégué du gouvernement.
M. le Dr Tokarsky, privat docent à l'Université de Moscou, délégué de la Société des neurologistes et aliénisies.
M. Youriewicth, attaché d’ambassade, délégué du gouvernement.
M. Aars, docteur en philosophie, de Christiania, délégué du gouvernement.
M. Moürly Vold, professeur à l’Université de Christiania.
M. le Dr Wetterstrand, à Stockholm.
Suisse.
M. le Dp Bonjour, de Lausanne.
M. le Dr Ladame, de Genève.
M. le Dr Widmer, la Colline, Territet.
Turquie.
M. le Dr Bratziano, de Constantinople.
M. le Dr Hickmet, de Constantinople.
M. le D' Mi hr an Kemhadjian, médecin de l'ambassade ottomane, à Paris. M. le Dr Panayotidis, Georges, ile de Chio, Turquie d’Asie.
M. le Dr Zambaco-Pacha, membre de l'Académie de médecine, correspondant de l'institut, à Constantinople.
Vénéjuéla.
M. le Dr IIenriquez, de Zubiria.
DÉLÉGUÉS DES GOUVERNEMENTS
— M. le ministre de la guerre a désigné comme délégué officiel de son département au Congrès de l’Hypnotisme, M. le colonel Pistor, breveté d'état-major.
— M. le ministre de la marine a délégué au môme titre M. le Dr Vincent, médecin principal de la marine.
— La république du Mexique a délégué M. le colonel Manuel Mon-dragon et M. le professeur Ferrari Perez.
— La république de l'Equateur a délégué M. le Dr Rafaël Rodriguez Zambrano.
— Le gouvernement royal de Roumanie a délégué M. le professeur Thomas Tonesco, de Bucarest.
— Le gouvernement de Norwcgea délégué M. le Professeur Kr. Aars, docteur en philosophie.
— Le gouvernement impérial de Russie a délégué M. le l>r prince de Tarkhanoff, M. le Dr Bork et M. Youryewitch, attaché à l’ambassade de Paris.
— La république des États-Unis a délégué le Dr Lucy Ilall Brown, professeur au Vassar collège, New-York.
— Le Conseil municipal de Paris a délégué MM. Edmond Lepelletier, secrétaire du Conseil, et M. L. Achille.
DÉLÉGUÉS DES SOCIÉTÉS
— L’Académie royale de médecine de Belgique a délégué M. le professeur Masoin, de Louvain.
— La Société des médecins aliénistes et neurologistes de Moscou a délégué M. le Dr Tokarsky, privât docent à la Faculté de Moscou.
— La Société psychiatrique et neurologique Néerlandaise a délégué M. le Dr Van Renterghem, d’Amsterdam.
— La Société médicale d’Athènes a délégué M. le Dr Georges Caryo-phyllis, professeur agrégé à ¡‘Université d’Athènes.
— L’Américan institut of psychology a délégué M. le professeur Zéliqzon (de Cleveland).
— La Médico-légal Society de New-York a délégué M. Clark Bell, président de la Société.
— La Société psychologique de Munich était représentée par M. le Dr Schrenk-Notzing, secrétaire général et M. le l)rMinde. bibliothécaire.
— La Société littéraire de Varsovie était représentée par M. le Dr J. Ochorovicz.
— La Société d’IIypnologie et de Psychologie de Paris était représentée par son bureau.
— La Société psychologique de Paris a délégué M. Jules Bois, secrétaire-général.
— La Société contre l’abus du tabac a délégué M. Decroix, vétérinaire principal.
— La Société protectrice des animaux a délégué M. Coutaud, secrétaire général.
— La Société d’hygiène de l’enfance a délégué MM. lesDr‘ Chassaing et Degoix.
— La Société de médecine et de chirurgie pratiques de Paris était représentée par M. le Dr Dignat, secrétaire général.
— La Société médicale des Praticiens était représentée par M. le Dr Bilhaut.
— La Société de médecine dosimétrique était représentée par M. le Dr Bourdon, de Méru.
— La Société des Gens de Science a délégué MM. Bonnet, de Gram-mont et le Dr Foveau de Courmelles.
JOURNAUX REPRÉSENTÉS AU CONGRÈS
Actualité médicale (1’), représentée par le Dr Tison.
Aftonblated, de Stokholm, représenté par M. Th. Lindrlom.
Annales de philosophie chvéliennc[ les), représentées parM. l’abbé Denis.
Antialcool (1’), de Bukarest, représente par M. le Dr Thiron.
Argus vétérinaire (1’), représenté par M. L. Lépinay.
Bulletin of médico-légal Society, représenté par M. Clark Bell. Correspondant médical (le), représenté par le M. Dr Félix Regnault. Presse de Grands-Rapides (Etats-Unis), réprésenté parM. Hirsch. Dépêche algérienne la), représentée par M. de Galland.
Eclair (1'), représenté par M. J. Montorgueil.
France médicale (la), représentée par M. le Dr Prieur.
Figaro (le), représenté par M. le Dr Maurice de Fleury.
Gazette des Hôpitaux (la), représentée par M. le Dr Brochin.
Gazette médicale de Paris (la), représentée par M. le Dr M. Baudoin. Grande Revue de iExposition (la), représentée par M. A. Livet. Indépendance médicale (I’), représentée par M. le Dr Farez. Indépendance luxembourgeoise (1’), représentée par M. le Dr Foveau de Cour m elle.
Journal d'hygiène du Caire, représenté par M. le Dr Eid.
Journal de neurologie, de Bruxelles, représenté par M. le Dr Crocq. Journal of mental palhology, de New-York, représenté par M. le Dr Rabinovitch.
Lancet (the), représenté parM. Schmitt.
Matin (le), représenté par M. Bahraut.
Médico-légal Journal (the), de New-York, représenté par M. Clark Bell. Naoutschnoé Obozrenié, de Saint-Pétersbourg, représenté par M. le Dr Effront.
Nation (la), représentée par M. Henry Boyoud.
Presse associated, de New-York, représentée par M. Lees.
Débats (les), représentés par M. Henry Bidou.
Pressa m'dicala, de Bukarest, représentée par M. le D1 Thiron.
Presse ottomane (la), représentée par M. le Dr Hickmet.
République (la), représentée par M. Roserot.
Revue de l'IIypnotisme (la), représentée par MM. les Df* Bérillon et Paul Farez.
Revue des Revues, représentée par M. Jules Bois.
Revue médicale (!a), représentée par M. le Dr Archamiîault.
Revue médicale de Québec (la), représentée par M. le Dr Labrecque. Semaine médicale (la), représentée par M. le Dr Deny.
Soir (le), représenté par M,u0 Sorgue.
Stohholm Dagblad, représenté par M. Janzon.
Temps (le), représenté par M. de Varigny.
Travellcr (the), de Londres, représenté parM. Frédéric Lees.
Tribune médicale (la), représentée par M. le Dr Contenau.
Union médicale du Canada (!'), représentée par M. leDr Mercier.
Vie moderne (la), représentée par M. Lèbre.
Wick (le), de Varsovie, représenté par M. leDr Bugiel.
DEUXIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE Tenu à Paris du 12 au 17 aoûtlSOO.
SÉANCE D'INAUGURATION
Le Dimanche ¡2 août ¡)oo DANS LA GRANDE SALLE DU PALAIS DES CONGRÈS, A L'EXPOSITION.
A trois heures, M. le ï)r Jules Voisin, président du comité d’organisation, déclare ouverte la session du 2e Congrès international de l’IIypnotisme. Il invite M. le professeur Iîaymond, président d’honneur du Congrès à occuper le siège de la présidence. Aux côtés de M. Raymond, prennent place sur l’estrade, M. le Dr Jules Voisin, président du Congrès, M. le professeur Gariel, délégué général des Congrès, M. le Dr Vincent, délégué du Ministère de la Marine, M. Achille, délégué du conseil municipal de Paris, M. Melcot, avocat général à la Cour de Cassation, M. le DrToKAnsKY, délégué de la Société des médecins neurologistes et aliénistes de Moscou, M. le Dr Van Renterghem. délégué de la Société des neurologistes de Hollande, M. le professeur Grasset, de Montpellier, vice-président du Congrès, M. le Dr Bkiullon, secrétaire général du Congrès, M. le Dr Paul Parez, secrétaire général adjoint, M. Albert Colas, trésorier, M. le Dr Paul Ricubr, membre de l'Académie de médecine, M. le Dr Paul Magnin, vice-président de la Société d'hypno-logie, M. le Dr I)eny, médecin de la Salpètricre, M. le Dr Clark-Bell, délégué de la médico-légal Society de New-York, M. le Dr Caryo-phillis, délégué de la Société de médecine d’Athènes, M. le professeur Zeliqzon, délégué de l’Américan Institut ofanthropologv, M™ loDrLucv-JIall, déléguée du gouvernement des Elats-Unis, M. le Dr Raphaël Zambuano, délégué du gouvernement de l’Equateur, M. Ferrari Perez, délégué du gouvernement du Mexique, M. le professeur Aars, délégué du gouvernement de la Norvège.
M. Raymond met aux voix l’élection du bureau définitif.
Sont élus : Président : M. le DrVoisiN(Jules), médecin de la Salpètricre, président de la Société d'hypnoiogie.
Vice-Présidents : MM. Daüriac (Lionel), professeur honoraire à la Faculté des Lettres de Montpellier, professeur de philosophie au lycée Janson de Sailly ; le D«-Grasset, professeur à la Faculté de médecine de Montpellier ; Liégeois, professeur à la Faculté de droit de Nancy ; Melcot, avocat général à la Cour de cassation.
Secrétaire général : M. le Dr Bérii.lox, médecin inspecteur des asiles d’aliénés de la Seine, directeur de la Revue de iHypnolisme.
Secrétaire général adjoint : M. le Dr Parez (Paul), licencié en philosophie. Secrétaires : MM. .Iulliot, docteur en droit; le Dr Lemesle (Henry) licencié en droit ;Lépinay, médecin vétérinaire; le DrREGNAUi.T(Félix), ancien interne des hôpitaux.
Trésorier : Colas (Albert), président de la Société d’études philosophiques et sociales.
Présidents d'honneur : MM. le Dr Joffroy, professeur à la Faculté do médecine de Paris ; le Dr Raymond, professeur à la Faculté de médecine de Paris ; M. le Dr Charles Richbt, professeur à la Faculté de Paris; le I)r Durand de Gros; le Dr Liébeault, de Nancy; Soury (Jules), professeur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes.
Sont ensuite élus comme présidents d'honneur étrangers :
Allemagne : M. le Dr Wogt (do Berlin), M. le Dr Von Sciip.enk-Notzing (de Munich).
Belgique : M. le professeur Spehl (de Bruxelles), M. le Dr Crocq (de Bruxelles).
Brésil : M. le Dr Jaguarihe (de San-Paulo).
Egypte : M. le Dr Eid (du Caire).
Equateur : M. le D* Raphaël Zambrano.
Espagne : M. le Dr Vicente Hernández (de Séville).
Etats-Unis: M. Clark Bell (de New-York), M. le professeur Zeliqzon (de Cleveland, Ohio).
Grande-Bretagne : M. le Dr Lloyd-Tuckey (de Londres).
Grèce: M. le professeur Caryophyllis.
Hollande : M. le Dr Van Renterghem (d'Amsterdam), M. le Dr de Jong (de La Haye).
Norvège : M. le professeur Aars (de Christiania).
Italie : M. le professeur Tamburini (de Reggio-Emilia), M. le Dr Bîanchi (de Parme).
Russie : M. le Dr Tokarsky (de Moscou).
Suisse : M. le Dr Ladame (de Genève): M. le Dr Bonjour (de Lausanne). Turquie : M. le D' Zambaco-Pacha.
M. le Président invite les présidents d'honneur et les délégués étrangers à prendre place au bureau.
M. le Secrétaire général donne lecture de nombreuses lettres d'excuses. Il fait différentes communications relatives à l'organisation «la Congres et M. le Dr Jules Voisin, président du Congrès, souhaite la bienvenue aux adhérents étrangers dans les termes suivants :
Discours de M. le Dr Jules Voisin, Président du Congrès
Mesdames, Messieurs,
La Société d5 H ypnoiogie fut chargée, par la Commission nommée au Congrès de 1889, d’organiser notre Congrès actuel.
Son président d’alors, notre vénéré maître M. Dumontpallier, travailla au succès de cette entreprise, mais, malheureusement, la mort impitoyable vint nous ravir cet homme de bien et de science, dont l’esprit si fin et si délié et, en même temps, si consciencieux et si judicieux, a donné tant d’éclat à notre Société.
La mort nous a ravi aussi un autre membre du Comité d’organisation de notre Congrès. Ce fut le Dr Auguste Voisin, vice-président de la Société. Travailleur acharné et thérapeute convaincu, Auguste Voisin est un des premiers qui introduisit l’hypnotisme dans le traitement des maladies mentales.
Je suis sûr. Messieurs ot chers Collègues, d’être votre interprète à tous, en rendant hommage à la mémoire de ces pionniers et initiateurs de la première heure, de ces fondateurs de la Société d’hypnologie.
Aucun pays n’est resté indifférent à notre appel. Notre Congrès s’ouvre sous d'heureux auspices : l’Allemagne, l'Angleterre, l'Amérique, la Belgique, la Hollande, la Hussie, la Suède et la Norwège, la Suisse, la Turquie, la Grèce, le Brésil, l’Espagne, le Mexique, l'Equateur, l’Egypte, la Roumanie nous ont envoyé des représentants.
Qu'ils soient les bienvenus au milieu de nous !
Je les remercie, ainsi que tous mes compatriotes, de l'empressement qu’ils ont mis à répondre à notre appel et à nous apporter des travaux du plus haut intérêt.
Cet empressement de tous les savants à partager nos travaux ne peut étonner personne, quand on pensera que cette science hypnotique peut fournir de précieux procédés d’analyse en physiologie normale et pathologique, en médecine légale, en psychologie, en sociologie et en pédagogie et qu’elle compte déjà de nombreuses et heureuses applications dans toutes ces branches scientifiques. C’est la raison pour laquelle sont inscrits au nombre de nos collaborateurs des savants de l'Ecole de Droit, de l'Ecole de Médecine, de l’Ecole d’Alfort et de la Faculté des Sciences et des Lettres.
Avec l’appui et le concours de tels hommes, l’hypnotisme, qui est une science d’expérimentation, marche fatalement en avant, mais son progrès sera d'autant plus grand que notre contrôle sera plus sévère. .Vacceptons comme exacts et acquis que les faits qui peuvent être coniirmés par tous les expéri-
mentateurs et surtout par ceux qui s’appuient sur les bases fondamentales cle la médecine, de la physiologie et de la psychologie. Le contrôle do ces trois sciences est indispensable si nous voulons faire œuvre durable.
C’est grâce à cc contrôle que l'hypnotisme parviendra à être un élément de premier ordre en thérapeutique et un moyen d’investigation des problèmes ardus de la responsabilité individuelle.
La lecture des rapports rédigés par les plus autorisés d’entre nous et les communications des travaux originaux, vous prouveront la marche ascensionnelle de notre œuvre scientifique.
Avant de terminer cette allocution et de donner la parole à mon excellent ami, le Professeur Raymond, notre Président d’honneur, permettez-moi, Messieurs, d'adresser en notre nom à tous, à notre Secrétaire général, M. Bérillon, tous nos remer: ciments pour l’activité et l’intelligence qu’il a déployées dans l'organisation de ce Congrès. C’est lui qui, avec M. le Professeur Gariel, l’organisateur du Congrès de l’Exposition, s’occupa de tous les détails de notre installation.
Enfin, Messieurs, j’adresse au nom de la Société d’hypnolo-gie, surtout à MM. les Membres étrangers, nos compliments bien confraternels et j’exprime à M. le Ministre du Commerce notre reconnaissance pour sa bienveillance envers les organisateurs du Congrès. {Applaudissements prolongés).
M. le professeur Raymond prend ensuite la parole :
Discours de M. le Pr Raymond, président d’honneur
du Congrès.
Mesdames,
Messieurs,
A mon tour, j’adresse mes souhaits de bienvenue aux membres du Congrès international de PHypnolisme. Je vous remercie tous, do l’honneur que vous m’avez fait et du témoignage de sympathie que vous m’avez donné, en me choisissant comme président de cette première séance.
J’ai hâte de vous dire tout l’intérêt que je porte aux recherches qui ont pour objet l’étude des phénomènes du sommeil hypnotique et de la suggestion. Depuis des années, ces recherches sont empreintes du plus pur esprit scieniilique et médical ; l’hypnotisme est devenu une branche légitime de la neurologie.
Pcrsonncne s’étonnera, aujourd’hui, de voir, à la tête de cette réunion, un représentant de la Faculté de Médecine de Paris, celui qui est chargé de renseignement officiel des maladies du système nerveux. A quelles appréciations désobligeantes il se fût exposé, il y a seulement un quart de siècle, s'il avait été appelé à présider un Congrès consacré à l’étude des phénomènes du magnétisme animal !
A cette époque, il était presque nécessaire de se cacher, pour se livrer à de pareilles recherches, et les jugements, sans appel, des Académies avaient décrété la disparition des somnambules et de leurs crises. Un changement considérable s’est donc produit dans l’opinion du monde savant; il a ouvert la voie à des recherches innombrables et fructueuses ; il a rendu possible une réunion scientifique comme la nôtre. A qui donc est due une modification aussi surprenante, et en même temps aussi rapide, dans la manière d’envisager l’hypnotisme.
Un nom célèbre vient immédiatement sur vos lèvres, celui de Charcot. Incontestablement, notre maître à tous a joué le plus grand rôle dans la transformation que je viens de vous signaler. Comment est-il parvenu à impressionner et à modifier l'opinion courante? C'est parce qu’il a su présenter les phénomènes du somnambulisme, d’une façon scientifique, sous la forme et avec le langage auxquels élait habitué l’esprit des biologistes. Il a groupé ces phénomènes en périodes précises ; il les a répartis en tableaux schématiques ; il leur a attribué des signes matériels, objectivement appréciables et mesurables par des instruments de physiologie ; en un mot, il leur a appliqué la méthode « des types », qui lui avait déjà donné de si beaux résultats dans l’étude des maladies du système nerveux. Il a fait rentrer le somnambulisme artificiel, le sommeil hypnotique dans le groupe des faits qui se présentent au cours des névroses, et il lui a appliqué les mêmes méthodes d’étude. Bref, l’œuvre de Charcot, dans ce domaine de la neurologie, qui est votre spécialité, a été de chercher à mettre on évidence le déterminisme et les lois scientifiques du somnambulisme.
A-t-il réussi complètement ? Peu importe; c'est la méthode employée qui a frappé l’esprit public.
Voila. Messieurs, sommairement rappelé le rôle du maître qui a eu une influence considérable sur le changement d’opinion queje viens de rappeler. Dès lors l’intérêt, je dirai même les sympathies du monde scientifique on t été acquis aux recherches qui nous occupent.
Presque en môme temps, d’autres études, différentes on apparence, et qui ont même paru au début leur être tout à fait opposées, sont venues compléter les précédentes; elles ont eu leur part d’influence dans ce revirement imprimé à l’opinion publique. Maintenantqueles luttes du début sont terminées, d’autres noms doivent être, non pas opposés, mais, si vous le voulez bien, associés à celui de Charcot; je veux parler des cliniciens et des savants qui ont constitué l’École de Nancy. Ceux-ci ont eu le grand mérite de rattacher l’hypnotisme à des études alors peu connues et presque méprisées par les médecins, les études de psychologie. Ils ont montré que pour comprendre les phénomènes du somnambulisme artificiel, il fallait avant tout s’occuper de l'esprit du sujet, de ses pensées, de sa volonté. En rattachant ces faits au mécanisme de la suggestion, ils ont établi, et très justement à mon avis, la part prépondérante de l'idéation dans leur formation. On peut dire, en un mot, que si le mérite de l’École de la Salpêtrière a été de chercher le déterminisme, dans ces phénomènes de l'hypnotisme, le mérite de l'Écolede Nancy a été de chercher la pensée, les faits psychologiques dans ces mômes phénomènes.
Eh bien ! Messieurs, il faut savoir le reconnaître, les recherches et les découvertes do ces deux écoles n’auraient pas abouti au terme qu’elles ont atteint si elles étaient restées isolées. Précédemment, bien des travaux analogues avaient déjà vu le jour, sans avoir eu l’heur d’intéresser le monde scientifique.
Ainsi la classification méthodique des phénomènes qui ressortissent au somnambulisme, classification fondée sur des caractères objectifs, avait déjà été tentée bien des fois par des magnétiseurs. Mon collaborateur Pierre Janet a signalé un point d’histoire peu connu: On retrouve, dans certains écrits consacrés à l’étude de l’ancien magnétisme animal, dans des livres qui datent de ly 10, la fameuse division du sommeil hypnotique en trois états ou phases. Despine disait déjà : catalepsie-, somnambulisme mort et somnambulisme vivant. D'aulros auteurs groupaient, de la même manière, les manifestations du somnambulisme.
Je vous rappelle aussi que la recherche des caractères matériels, somatiques, des manifestations du somnambulisme avait été poursuivie par ceux qui s'intitulaient les ftuidisies. Ceux-là représentaient les contractures comme des marques matérielles de l'action de leur fluide.
Pour ce qui est de l'interprétation psychologique des phéno-
mènes de l'hypnotisme, elle ne diffère pas foncièrement de l’ancienne explication présentée jadis, avec tant de talent, par Bertrand et ses adeptes et qui consistait à expliquer tout par l’influence de l'imagination.
Il n’y a rien de nouveau sous lo soleil ; la querelle qui s’est élevée entre l’Ecole de la Salpôtrière et l'Ecole de Nancy n’est que le renouvellement de celle qui divisait autrefois les fluidistes et les animistes et qui remplissait les colonnes des journaux de l'époque, consacrés à l’étude du magnétisme animal.
Soyons éclectiques. Messieurs, et nous serons justes. Reconnaissons que les succès scientifiques et thérapeutiques de l'hypnotisme sont attribuables, non pas au triomphe de l'une des deux doctrines sur l'autre, mais à la conciliation et aux clTorts communs des deux écoles dont je viens de parler. Cette conciliation était beaucoup plus facile à réaliser à notre époque que précédemment. On ne pouvait admettre, jadis, qu’un fait pût être déterminé scientifiquement, du moment qu’il était d'ordre psychlogique. Expliquer un phénomène, en faisant intervenir la pensée, l’imagination, c’était, disait-on, s’abandonner à l’arbitraire. Les fluidistes ne se lassaient point d’opposer semblable objection aux théories des animistes.
Or, on a fini par sc convaincre, sous la double influence de l’Ecole de la Salpétrière et do l’Ecole de Nancy, que les maladies nerveuses, par conséquent aussi les manifestations do l’hypnotisme, sont susceptibles d'un déterminisme rigoureux, malgré qu’elles nous mettent souvent en présence des phénomènes d’ordre psychologique. On s’est attaché à déchiffer les lois qui régissent la suggestion, l'attention, l’émotion, la mémoire, l’association dc-s idées, les lois des phénomènes physiologiques cérébraux concomitants. Les découvertes déjà faites dans cette voie de recherches ont permis de mettre de l’ordre et de retrouver la trace du déterminisme dans les anciennes observations relatives au somnambulisme, qu’enveloppait une si épaisse confusion.
C’est dans cette notion du déterminisme psychologique que les deux écoles se sont réconciliées. J’en.vois une preuve nouvelle dans ce fait que la Société de VHypnotisme de Paris, qui vous a réunis, s’intitule en même temps Société de Psychologie.
C’est donc bien, si je ne m’abuse, le développement d’une
psychologie scientifique et médicale, préparé par les recherches convergentes d’un certain nombre de philosophes et de médecins, qui a été la raison principale de l’estime que l’on accorde aujourd’hui aux études qui se rapportent à l’hypnotisme. Au lieu d’une opposition stérile, devenue dangereuse, il nous faut reconnaître une association féconde : les noms de PEcole de la Salpêtrière et de l’Ecole de Nancy, unis désormais, résument, je ne dis pas les études sur le somnambulisme, vieilles de plusieurs siècles, mais leur entrée dans le domaine de la science officielle.
Il faut donc maintenir ces études dans la voie où elles ont déjà obtenu tant de succès. Efforçons-nous de leur imprimer une précision do plus en plus grande. Attachons-nous à bien déterminer le mécanisme des faits qui sont du ressort de nos recherches. Appliquons à ces observations, qui sont presque toujours d’ordre moral, la rigueurdu déterminisme scientifique. Ainsi nos efforts communs n’aboutiront pas seulement à faire progresser la science dans un des plus intéressants domaines de la neurologie ; ils auront aussi cet inestimable résultat d’ac-croitre les ressources dont nous disposons pour soulager et même pour guérir ceux qui souffrent. (Applaudissements prolongés).
Le discours de M. Raymond a été suivi d’une conférence de M. le Dr Bérillon, sur l’JIistoire de ¡’Hypnotisme, accompagnée de projections. Nous publierons celte conférence dans le prochain numéro.
LA PRESSE
Le Congrès de PHypnotisme et la Presse
Un grand nombre de joui*naux médicaux et de journaux politiques étaient représentés au Congrès de ¡’Hypnotisme (‘)- Ils ont été unanimes à constater le succès du Congrès et l’importance des questions qui y ont été résolues. Au nom des organisateurs du Congrès, nous remercions nos confrères de leurs bienveillantes appréciations. Nous n'hésitons pas à les publier, convaincu que ces impressions spontanées constituent des documents pour l’histoire de l’hypnotisme et de la psychologie. Leur groupement facilitera la tâche des chroniqueurs de l’avenir. Elle leur
(1) Parmi les journaux do médecine qui ont donne des compte-rendus détaillés du Congrès, nous dovons citer la Gajette des hôpitaux, la Galette médicale de Paris, VIndépendance médicale et le Progrès médical.
permettra de reconstituer la physionomie et la vie d’une réunion scientifique appelée à exercer une influence considérable sur l'évolution de la médecine philosophique.
Dès le lendemain du Congres, le doyen des journaux de médecine français, la Gazelle des Hôpituux (1) publiait les lignes suivantes ;
x Le II Congres international d’hypnotisme expérimental et thérapeutique, qui s’est tenu à Paris, du 2 au !(> août, a remporté un grand et légitime succès, grâce au dévouement du secrétaire général, M. Bérillon.
Outre des séances très chargées, qui se sont tenues sous la présidence de M. Jules Voisin, le professeur Raymond étant président d’honneur, de nombreuses visites ont été faites dans des établissements scicntiiiques et hospitaliers, en particulier à l’institut psycho-physiologique. »
• •
En même temps, le bulletin suivant paraissait dans la Gazette médicale de Paris, dirigée par notre confrère le Dr Marcel Baudouin, fondateur de l’institut international de Bibliographie.
Dimanche dernier, 12 août, s’est ouvert au Palais des Congrès, à l’Exposi-tion, le IIe Congrès international d’Hypnotisme expérimental et thérapeutique. Il a tenu scs séances du 12 au 16 août.
C’est, avec le Congrès dentaire et avec le Congrès de la presse médicale, l’une des petites réunions internationales qui n’ont pas pu trouver place dans le grand Congrès des Sciences médicales, qui a été clos le 9 août. 11 ne faut pas le regretter d'une façon trop sensible, car son succès n’en a été que plus vif.
Les Congrès ne sont-ils pas, d'ailleurs, ce que les font leurs organisateurs.....
A rencontre de la plupart des Assemblées de cette nature, celle-ci a été inaugurée — et non clôturée — par un Banquet; mais, dès le dimanche soir, avait eu lieu la séance solennelle d’ouverture, sous la présidence d’honneur de M. le P-* Raymond, sous la présidence effective de M. le Df Jules Voisin, notre collègue BÉRILLON étant secrétaire général.
Les séances ont été très chargées et de nombreuses communications ont été faites. Mais l’une d’elles a particulièrement attiré notre attention. C’est celle où l’on a traité de la question de la rédaction d’un vocabulaire concernant la terminologie de iHypnotisme et des phénomènes qui s’y rapportent, d’après le rapport de MM. Bérillon et Parez ; nous y reviendrons plus tard.
Bornons-nous à ajouter que différentes réceptions ont été offertes aux Congressistes, en particulier à l'institut psycho-physiologique et à la Maison de Santé du Vésinet. La plupart des délégués des Sociétés et des Gouvernements, — et ils étaient nombreux, — ont pris part à ces visites. C’est dire toulle succès do cette réunion, qui a admirablement réussi, grâce à l’activité bien connue de son distingué secrétaire général.
Marcel Baudouin.
(!) A cc propos, il n’est pas inutile de rappeler que la Ca^e'.te des Hôpitaux, sous la libérale direction des .)■• Le Sourd et Brochin, a toujours donné à sos lecteurs la primeur Jcs travaux de DumontpaHier, do Burq et deLuys, et de tous ceux qui ont publié des travaux intéressants sur l'hypnotisme.
¥ •
Parmi les comptes-rendus de la séance d'inauguration du Congrès, nous devons donner en première ligne celui qui a été écrit dans le Figaro, par notre savant confrère, le l)r Maurice de Fleury.
« Cette catégorie de ncurologistes, qui s’occupe plus spécialement de l’hypnotisme et de la suggestion, a aussi son congrès dont la séance inaugurale s’est tenue hier dans le vaste palais Louis XVI, sis au bout de la rue de Paris.
« Assistance nombreuse parmi laquelle beaucoup de médecins étrangers dont M. Crocq, de Bruxelles ; M. Marinesco, de Bucarest ; M. Tamburini, de Rome, etc., etc.
a Sur l’estrade, M. le professeur Raymond, président d’honneur; M. J. Voisin, médecin de la Salpétriôre, président effectif; le docteur Bérillon, secrétaire perpétuel ; le professeur Gariel, délégué du gouvernement.
« Le docteur J. Voisin, en ouvrant la séance, n’a point manqué d’évoquer le souvenir du vénérable Dumontpallicr, ancien président de la Société d’hypnologie de Paris. Puis il a affirmé sa volonté do maintenir dans des limites strictement scientifiques l’évolution do cette science jeune encore et qui paraît devoir rendre de sérieux services au point de vue thérapeutique et pédagogique.
« M. le professeur Raymond, après avoir rendu hommage à son illustre pi'édéccsseur Charcot, dont le génie inventif et la rigueur expérimentale sont parvenus à fonder l’hypnotisme vraiment scientifique, a rappelé les luttes mémorables de l'école de la Salpètrière avec l'école de Nancy. Très sagement, il juge ces disputes stériles, prêche l’apaisement, montre ce que l’hypnotisme a fait pour la psychologie et conclut à l’union féconde au progrès de la science.
« On nomme les présidents d’honneur; le docteur Voisin est acclamé comme président définitif, après quoi M. le docteur Bérillon fait une fort intéressante conférence sur l'hypnotismo et la suggestion.
« Horace Biakcuox. »
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Dans le Temps. M. de Varigny, reproduisant en entier le discours du président d’honneur M. le professeur Raymond, a fait ressortir !e caractère essentiellement scientifique du Congrès de ¡'Hypnotisme dans les termes suivants :
« Le 2° congrès international d’hypnotisme expérimental et thérapeutique vient de se tenir à Paris.
« Le professeur F. Raymond, à qui avait été attribuée la présidence du congrès a, dans un intéressant discours, indiqué l’état des recherches qui ont pour objet l'étude des phénomènes du sommeil hypnotique et de lu suggestion, n recherches empreintes du plus pur esprit scientifique médical ». Il a salué la mémoire de Charcot, qui est parvenu à mettre en évidence le déterminisme et les lois scientifiques du somnabulismc, et il a rendu un hommage égal à l'école de la Salpètrière et à l’école de Nancy. »
*
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Dans Y Éclair, M. Georges Montorgueil, dans une importante chro-
nique, a également fait ressortir l'importance du Congrès de l’Hypno-tisme.
Nous ne pouvons donner que quelques extraits de cet intéressant article :
« Les sciences ont tenu Congrès : l'hypnotisme comme les autres, et l’in-térét était vif qui présidait à ces séances. C'est encore un savoir qui sentie fagot que l’hypnotisme, une science du diable, et qu’on devine cousine de l’occultisme de nos aieux.
« Déjà, en 1889, un Congrès d'hypnotisme expérimental et thérapeutique s'était tenu à Paris. Il avait révélé que cette science, dont Charcot s’était fait le courageux porte-parole, n'était pas la chimère de quelques exaltés.
« Depuis cette époque, depuis dix ans, quel progrès a fait l’hypnotisme dans les esprits, quel chemin a-t-il gagné,quelles révélations nouvelles a-t-il faites? »
« Jusqu’au milieu de ce siècle, les philosophes ne connaissaient pas, pour arriver à la connaissance des facultés de l’âme, d’autre méthode que le raisonnement et l’observation intérieure. Faute d’un procédé d’expérimentation directe sur les phénomènes de l’intelligence, il semblait impossible que la psychologie fût jamais à la hauteur des autres sciences. Seuls, les savants qui se tenaient au courant des recherches sur l’hypnotisme, avaient compris que cette science ne tarderait pas ù constituer une véritable méthode de psychologie expérimentale.
« En effet, l’hypnotismo n’est-il pas,.selon l’expression de M. Charles ltichet, un admirable appareil de vivisection psychologique? N’est-ce pas à lui que l'on doit d'avoir pu plonger les regards dans l'obscur domaine de l'inconscient et de l'automatisme psychologique? D'autre part, les expériences de dissociation des phénomènes mentaux ont permis d'analyser d’ur.e façon minutieuse les éléments constitutifs de la personnalité. L’hypnotisme, en permettant de varier les conditions des expériences, fournit également un intéressant moyen de contrôle pour l'étude des sensations et la mesure des réactions.
o Sur le terrain des applications pratiques, les résultats ont été encore plus appréciables. Les travaux de M. Liébeault et des professeurs de l’Ecole de Nancy ont démontré d'une façon indi?cutabie les services que la suggestion hypnotique peut rendre à la médecine. Il en est résulté la nouvelle thérapeutique désignée sous le nom significatif de psychothérapie. Les recherches de pédagogie clinique entreprises en 188G, et poursuivies sans relâche dans les services de l'institut psycho-phvsiologique, ont permis de jeter les bases d'une nouvelle médecine morale et de formuler les principes d'une éducation positive do la volonté.
» L'hypnotisme a également remis en question le grave problème de la responsabilité humaine et, récemment, M. Tarde, dans son remarquable livre sur les Lois de l’imitation, établissait que tous les mouvements de la vio sociale sont influencés par des interventions d'ordre suggestif. o
Après avoir cité des extraits des remarquables rapports des Dr‘ Vogt (de Iîerlin) et Félix Regnault sur les applications de l’hypnotisme à la psychologie expérimentale, Vi. Montoigueil se reporte aux lulles
fameuses de l'Ecole de la Salpctriere et de celle de Nancy. Il conclut en disant :
« Que reste-t-il de ces querelles? II reste un admirable discours du professeur Raymond. Je vous dirai avec lui que les recherches convergentes d’un certain nombre de médecins et de philosophes ont été la raison principale de l’estime que l'on accorde aujourd’hui à l’hypnotisme.' Soyons éclectiques, et nous serons justes. Reconnaissons que les succès scientifiques et thérapeutiques de l'hypnotisme sont attribuables non pas au triomphe de l’une des deux doctrines sur l’autre, mais n la conciliation et aux efforts communs des deux Ecoles.
* En somme, le Congrès d’hypnotisme, qui a compté les plus beaux noms de la science médicale moderne, a pu exposer un magnifique bilan de victoires et, au-dessus des orages de jadis, dans un ciel serein, faire se dessiner, radieux, l’arc-en-ciel. »
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* *
Nous avons aussi le plaisir de lire dans l'indépendance luxembourgeoise l'article suivant, dû à la plume érudite du Dc Foveau de Cour-melles.
IS hypnotisme, cette science troublante, dont j’ai tant de fois parlé ici, a eu son Congrès, son deuxième Congrès International. Le premier, comme le second, a été organisé par le docteur Edgar Bérillon, secrétaire général, dont j'ai autrefois narré les cures suggestives {Indépendance Luxembourgeoise,
18 mars 1887). L’hypnolismc en 1S80 sous la présidence du docteur Dumonl-pallier, comme en 1900. sous celle du docteur Jules Voisin, a eu grand succès. Maints savants français et étrangers ont montré qu’ils ne dédaignaient pas, qu’il ne fallait pas dédaigner cette force mystérieuse et puissante qu’est la suggestion ! La thérapeutique, l'arme puissante de guérison, doit prendre ses éléments curatifs, partout où elle le peut. Mais elle doit être prudente, modérée, bien maniée.
Cette persuasion, dont nous parlions tout à l’heure à propos de l’hygiène, c'est ici qu'il la faut. Il est nécessaire de mettre le patient en état de recevoir la bonne parole, celle qui doit développer en lui les forces latentes de son imagination, ainsi qu’en mon livre Y Hypnotisme (>), je le démontre. Et ces forces puissantes, mises en jeu, à la voix du suggestlonneur, s’éveillent, se canalisent, se concentrent vers un but unique : la disparition des troubles morbides. Combien puissante est l’énergie qui sommeille en nous et que révèlent parfois dos circonstances inattendues ! Le bon et le mauvais, la force et la faiblesse, le bien et le mal,... agissent latents, tour à tour, en notre organisme, en notre cerveau,... à la puissante voix évocatrice dc faire surgir ce qui est bon, d'anéantir, ce qui est mauvais. Aussi l’hypnotisme est-il une méthode dc thérapeutique morale et physique, de guérison de l’âme et de la matière, un agent psychique et physiologique ...
Qu’on raille l’hypnotismo, on ne s’en fait pas faute dans certains milieux superficiels qui seraient eux-mômes très suggcstibles et se moquent de ce qu’ils craignent... Mais cela n'empèche pas la science de marcher et les hypnotiseurs de travailler. Leur deuxième Congrès International, l’a prouvé. Que là,
(1) Paris, 1880.
il n’y ait rien d'infaillible, pas plus que dans le reste do lu médecine, c'est indéniable. L’électricité aussi a été niée, mais elle s'est imposée. La suggestion a fait de mémo, mais il ne la faut laisser qu'à des mains expérimentées et à une moralité éprouvée.
Faire de la suggestion psychique, c'est encore de l'hygiène, de l'hygiène sociale... et toute cette chronique est donc consacrée à l’étude de Congrès, en apparence si dissemblables, et cependant si rapprochés dans leur but : la prévention et la guérison des maladies physiques et morales!
Dr FoVBAU DE COUP.MELLES.
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Dans la Nation, M. Henry Boyoud, donnant le compte-rendu du Congrès de ¡'Hypnotisme, s’exprime ainsi :
« Le Congrès de Y Hypnotisme vient de donner une consécration définitive à une science connue seulement d’un groupe de spécialistes, et dont la vulgarisation peut produire, à bref délai, une véritable révolution dans l’art de soigner et de guérir les maladies dont souffrent le corps et l’esprit
Le deuxième Congrès international de Y Hypnotisme a montré que cette science, dont les illustres docteurs Dumontpallier, Charcot et Liébeault furent les initiateurs, était arrivée à un tel degré d'avancement, qu'elle ne peut plus être contestée aujourd’hui, et qu’elle donne des résultats admirables.
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Parmi les journalistes qui ont suivi avec le plus d’assiduité le Congrès de l’hypnotisme, nous devons citer M. de Galland, qui a donne dans la Dépêche Algérienne, des comptes-rendus très détaillés sur le Congrès de l’Hypnotisme. Témoin impartial, il a écrit ce qu’il a vu et entendu. Nous aurons à lui faire de larges emprunts :
Voici en quels ternies il apprécie l'importance du Congrès.
« De tous les Congrès qui se succèdent à Paris, le Congrès de l’Hypno-tisme est celui qui a réuni, en ses assises internationales, le plus grand nombre d'adhérents et provoqué, au plus haut degré, l'intérêt scientifique et une émotion féconde. Comme je m’occupe de ces questions, j'ai été heureux de suivre ces séances, et d’assister aux expériences passionnantes des maîtres de l'hypnologie auxquels fut transmis le lourd héritage du grand Charcot.
« A la tête de cette école se trouvait, il y a peu de temps encore, le docteur Dumontpallier, qu'une mort prématurée a enlevé à la science. Depuis I8C6, médecin de la Pitié, il contribua, par ses admirables études, à soulever le voile qui cachait encore aux yeux des savants les causes de certains phénomènes, demeurés sans explication, comme les modifications de la sensibilité. Mais c'est surtout par ses applications thérapeutiques de l’hypnotisme qu'il se plaça au premier plan, tout en demeurant indépendant entre l’école de Nancy et celle de la Salpètrière.
* Dumontpallier disparu, c'est le docteur Jules Voisin qui le remplaça à la présidence du deuxième Congrès de l’hypnotisme. Il dirige actuellement, à la Salpètrière, le Service des Enfants arriérés et des épileptiques. Il est connu par scs travaux sur l'idiotie, sur ¡'épilepsie et les troubles psychiques ou psychoses de la puberté, études remarquables en lesquelles l'éducateur
et le pédagogue trouveraient à foison des sujets de méditation et des documents indispensables. A côté do lui, des praticiens éminents ont amplement concouru au succès de ce Congrès. Citons, d’abord, lo professeur Raymond, le successeur de Charcot. C’est un maître de premier ordre, dont les leçons du vendredi à la Salpétriôre, sont citées comme des modèles de précision et de lucidité. Quant au docteurE. Bérillon, on peut dire qu’il fut l'Ame de ce Congrès. Il appartient à cette catégorie d- savants qui, soutenus par une foi ardente et poussés par un sentiment inné de l'altruisme, se dévouent aux autres et sans compter sèment la bonne parole. Il ne se confina point en des démonstrations théoriques ou en des spéculations scientifiques. 11 ne tarda pas à devenir un des protagonistes écoutés de la psychothérapie scientifique, en appliquant, par exemple, l’hypnotisme au redressement des enfants réfrac-taires à l'éducation normale et à l’éducation mentale des vicieux et des dégénérés.
« On comprendra que les questions qui furent l’objet de conférences, de rapports écrits et de communications, offrent un grand intérêt. Bien que je n’aie ni les loisirs ni la compétence nécessaires pour les analyser, on me saura gré de les indiquer sommairement, en me réservant d’insister surtout sur les démonstrations expérimentales qui m'ont frappé et qui éclairent d'un jour nouveau des phénomènes troublants (1). Rappelons les conférences du Dr Bérillon sur l'hypnotisme expérimental et sur l'œuvre de Charcot et de Dumontpallier ; du Dr Vogt (de Berlin) sur la valeur de l'hypnotisme comme moyen d’investigation ; des docteurs Raymond et Pierre Janet sur les crises nocturnes d'angoisse ; du Dr Von Schrenk-Notzing (de Munich) sur la suggestion dans ses rapports avec la jurisprudence.
« En outre, les indications de l'hypnotisme et de la suggestion dans le traitement des maladies mentales et de l’alcoolisme, de môme que les applications à la pédagogie générale et à l'orthopédie mentale, donnèrent lieu à des communications intéressantes. La psychothérapie appliquée à l'enfanco débile et déchue est une science admirable en ce qu’elle nous défend de condamner à priori, un être malade que l’on peut au contraire soigner et guérir. »
[A suivre).
(1) Démonstrations faites lors des visites à la Salpètrière et à l’institut psychophysiologique.
COURS ET CONFÉRENCES
Le sommeil devant la médecine légale.
Leçon faite à la Faculté de médecine par M. le professeur Brouardel
I. — Sommeil naturel.
11 est possible qu’une femme qui a eu des rapports sexuels fréquents et surtout une femme qui a eu des enfants, puisse en avoir de nouveaux
sans en conserver le souvenir à son réveil, soit à cause de la profondeur de son sommeil, soit qu’elle accomplisse l’acte en état de somnolence.
Un cas curieux de ce genre est rapporté par Hofmann (*) d’après l'avocat Cowan (de Dumfries en Ecosse).
La femme d'un aubergiste, mariée depuis seize ans, et mère de trois enfants, après une nuit blanche pendant laquelle elle s’était beaucoup fatiguée, se coucha sur un lit, tout habillée avec ses jupons et sa camisole, sur le côté gauche, comme elle en avait l’habitude. Elle s’endormit profondément. Après avoir dormi pendant une demi-heure, elle sentit un poids sur elle et, croyant que s’était son mari, elle se souleva un peu et remarqua alors qu’elle était couchée sur le dos, et que le garçon d’é-curio, qui était à son service depuis quelques années, était dans la chambre et reboutonnait son pantalon. L’intromission avait eu lieu sans «ju’elle en eut conscience. Le domestique fut condamné àdix ans de travaux forcés.
Vous pourrez encore être commis dans des cas où un père, un frère sont accusés d'avoir eu des rapports avec leur fille ou leur sœur.
Je vous ai dit que fréquemment, dans la classe ouvrière, un père veuf et alcoolique, rentrant ivre à son domicile et trouvant dans le logement exigu une fille, s’inquiétait fort peu de savoir si c’était la sienne, et assouvissait ses désirs au hasard.
Quand nous avons étudié la question des logements insalubres, question qui est actuellement reprise par M. Bertillon sous le nom de surpeuplement des habitations, il nous a été permis de constater l’immoralité résultant de l’entassement dans une seule chambre de familles nombreuses, le père, la mère, les frères, les sœurs, dont plusieurs couchent dans le même lit.
C'est en Russie que des faits de ce genre ont été le plus souvent signalés. Pour obvier à la rigueur du climat, toute la famille couche, pêle-mêle, au dessus du poêle qui offre une disposition spéciale pour cet usage. Il est fort possible que dans ces conditions la promiscuité des individus pendant le sommeil cause de tristes erreurs.
Il semble bien improbable que les deux personnes qui ont des rapports en perdent toutes deux le souvenir; l’une peut l'ignorer, mais l’autre doit être consciente.
Cependant, Hofmann (2j rapporte un cas dans lequel ni l'homme ni la femme n’auraient eu souvenance de l’acte accompli : a Une paysanne de vingt-trois ans, pléthorique, était atteinte de douleurs violentes dans le bas-ventre et sa vie était en danger. Devant ce pronostic grave, le fiancé de cette fille crut bon de faire remarquer que trois mois auparavant, étant ivres tous les deux ils avaient très probablement pratiqué le coit. Six
(1) Hofmann, Nouveaux cléments de médecine pratique ; CommenU-ircs du proies* scur Brouardcl, 1S81. p. 91. — Cowan, Edinb. Med. Journ., 186*2, p. 570.
(2) Hofmann, Nouveaux cléments de médecine légale] Commentaires du professeur Brouardel, p. 129.
jours plus tard, la fille accoucha d'un fœtus de trois mois et mourut. »
II.— Sommeil du aux narcotiques.
Messieurs, vous n'avez pas été sans avoir entendu parler d'. Taires de ce genre. Une femme qui a imprudemment suivi un monsieur en cabinet particulier, vient se plaindre qu’à un certain moment son compagnon a versé dans son verre un narcotique, qu'elle s’est endormie et que, durant son sommeil, il a abusé d'elle.
Il est curieux de voir que, dans les cas de ce genre, le terme employé par les plaignantes est toujours celui de narcotique, mot qui est plutôt d'une usage médical et ne se trouve guère répandu dans le public.
Le point essentiel est de savoir s'il y a eu véritablement sommeil provoqué. Messieurs, il est assez facile de vous rendre compte si la plaignante est de bonne foi ou si vous avez aflaire à une simulatrice.
Dans presque tous les cas, les jeunes filles disent qu’elles ont été immédiatement abasourdies, puis qu’au bout d une demi-heure ou une heure elles se sont réveillées et ont pu reprendre immédiatement leurs occupations sans être incommodées.
Or, vous savez que l'action des narcotiques habituels, ceux qui sont employés journellement en médecine, n'est pas immédiate, mais qu'il se passe une demi-heure à une heure avant que le malade auquel vous avez administré le médicament tombe dans le sommeil.
Quand vous êtes commis dans une affaire de ce genre, il faut donc que vous interrogiez avec soin la personne qui dit avoir été endormie, et que vous cherchiez à savoir quels symptômes elle a ressentis après l’absorption du soi-disant narcotique, au bout de combien de temps elle s’est endormie, quelle a été la durée du sommeil, cl enfin si, au réveil, elle a eu des nausées ou des vomissements.
Il faut que vous interrogiez, mais il est nécessaire que vjus conduisiez votre interrogatoire de façon à ne pas suggestionner la femme que vous examinerez, à ne pas lui dicter, en quelque sorte, scs réponses, lîappelez-vous que, presque toujours, les plaintes de ce genre sont déposées par des hystériques, poussées par le besoin de paraître cl suggestionnâmes au plus haut degré.
(à suivre)
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d’hypnologie et de psychologie
Les séances de la Société d'hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpétrière.
Les prochaines séances de la Société auront lieu le Mardi 16 octobre et le mardi 20 novembre 1900.
Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invites à y assister.
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 14, rue Taitbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.
Photographie des membres du Congrès
La photographie des membres du Congrès prise par M. E. Pirou, lors de la visite à la Salpêtrière, a été très bien réussie. Elle comprend cent cinq membres du Congrès.
Pour recevoir franco cette photographie, il suffit d'adresser un mandat-poste de 7 francs à M. Pirou, photographe, 5, boulevaid Saint-Germain. à Paris. La Revue de V Hypnotisme transmettra également les commandes à M. Pirou.
Cours pratique d'hypnotisme et de psychothérapie
M. le Dr Bérillon commence une série de leçons pratiques d’hypno-logie et de psychothérapie, le jeudi 18 octobre 1900, à 10 heures, à l’institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts- Il les continuera les jeudis suivants à dix heures. —■ S’incrire à l’institut psycho-psychologique.
•*
Distinctions honorifiques.
Pendant la durée du Congrès de l’IIypnotisme, nous avons appris avec le plus grand plaisir que deux membres du bureau de la Société d'Hypnologie et de Psychologie avaient été nommés chevaliers de la Légion d’honneur.
Le premier, M. le professeur Boirac, actuellement recteur de 1*Académie de Grenoble, est vice-président de la Société depuis de longues années. M. Boirac a publié d importants travaux de philosophie et de psychologie expérimentale.
Le second. M. Albert Colas.occupe, depuis la fondation de la Société, les importantes fonctions de trésorier de la Société. En cette qualité, il a rendu à la Société d'IIypnologie d’inestimables services. M. Albert Colas, qui est également président de la Société d’Études philosophiques et sociales, a publié plusieurs études philosophiques d’un grand intérêt sur l’hypnotisme et la volonté, sur l’amour, etc.
Tous les membres de la Société d’Hypnologie et tous les membres du Congrès de l'Hypnotisme ont vivement applaudi à la nouvelle de ces distinctions méritées.
NOUVELLES
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique Institut psycho-physiologique, ri9, rue Sainl-André-des-Arts.
L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l’étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l’hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l’hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.
L’organisation de l'institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.
Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique) , est annexée à l’institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d'aliénés, y complète son cours à l'Ecole pratique delà Faculté de médecine (semestre d'été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l’hypnotisme. II.est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les Df‘ Henry Lemesle, Bellemanière, Watteau, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les Dr‘ Paul Farez, A. Guimbeau, Bianchi, et par M. Charles Verdin.
Depuis 1892, pendant le semestre d’hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.
M. le Dr Paul Joire, correspondant de l'institut psycho-physiologique fait, chaque année à Lille, un cours annexe d'hypnologie.
Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l’acquisition des appareils les plus nouveaux.
Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l'histoire de l’hypnolisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.
Chaque année, un certain nombre d'étudiants trouvent d’importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l’institut psycho-physiologique.
NÉCROLOGIE
M. Emile Bouriot Administrateur do la Revue de ¡’Hypnotisme
C’est avec un vif sentiment de regret que nous faisons part à nos lecteurs, de la mort de M. Emile Bouriot qui, durant treize années, se consacra à l’administration de la Revue de l'Hypnolisme. En de nombreuses circonstances, il lit preuve d'un grand dévouement à la cause de l’hypnotisme.
Par son affabilité et sa grande serviabilité, M. Bouriot s’était concilié de nombreuses amitiés parmi les abonnés de la Revue.
Depuis un an une maladie grave l'avait obligé à se retirer à Montbard (Côte-d’Or) et à abandonner l’administration du journal. Nous transmettons à sa veuve les sentiments de regret que la mort de Bouriot inspire à tous les collaborateurs delà Revue et à tous ceux qui l’ont connu.
E. B.
Le Professeur Korsakoff.
Quelques jours avant l’ouverture du Congrès de l’Hypnolisme, le bureau du Congrès a reçu la pénible nouvelle de la mort du professeur Korsakoff, de Moscou, qui s’était fait inscrire pour une communication et avait annoncé sa collaboration au Congrès.
Le professeur Korsakoff avait de nombreux titres à l'affection et à l’admiration des aliénistes et des neurologistes. Vice-président et l’un des fondateurs de la Société des aliénistes et neurologistes de Moscou, il avait joué un rôle important dans l’organisaiion du Congrès international de Moscou.
On doit à Korsakoff l'organisation de la Clinique psychiatrique de Moscou, un traité complet de psychiatrie, un volume sur la paralysie alcoolique, une importante étude sur l’alitement dans le traitement des aliénés, etc.
De bonne heure, il avait compris la valeur de l'hypnotisme dans le traitement des psychopathies et nous pouvions le compter au nombre de nos amis.
La mort de Korsakoff, ravi à la science à l’âge de 46 ans, inspirera de vifs regrets aux neurologistes français.
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L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON
REVUE DE ^HYPNOTISME
EXPÉRIMENTÄL ;E^, JÇERAPEUÏIQUE
dâ« Année — N° 5.
Novembre 1900.
Le néo-mysticisme psychologique.
Néo-mysticisme psychologique, tel est le terme très heureux que M. Morselli (‘) emploie pour caractériser les nouvelles recherches, prétendues scientifiques, sur l’occultisme, le spiritisme, les hallucinations dites véridiques, etc., etc., qui aujourd’hui se produisent dans le monde entier. Non seulement la presse politique et littéraire est remplie de récits d’apparitions ou de maisons hantées, récits qui reposent souvent sur des commérages, mais qui n’en ont pas moins de succès auprès du grand public ; non seulement des pièces de théâtre écrites par des auteurs célèbres prétendent exposer les doctrines spirites ; non seulement des illuminés peu instruits se réunissent dans les cinq parties du monde pour faire tourner les tables, faire voler dans les airs des accordéons ou des chaises, ou recevoir d’esprits célèbres des messages dignes de M. Prudhomme, mais de véritables savants, et des plus éminents, s’occupent de ces questions, et des sociétés sérieuses sont spécialement fondées pour soumettre à une investigation étroite ces mystérieux phénomènes. De gros livres ont été publiés sur ces matières. L’un a été traduit de l’anglais en français par M. Mari Hier sous le titre de : « Les hallucinations télépathiques ». Un autre, également considérable, portant sur une branche autre des « sciences psychiques », est celui de Aksakoff. « Animisme et Spiritisme •>, traduit récemment du russe en français par M. B. Sandow. Je citerai, parmi les périodiques, en dehors de ceux directement voués au spiritisme, les Bulletins de la Société pour les recherches psychiques, de Londres, la Revue des études psychiques, qui paraît
(1) Prof, Enrico Morselli, I Fenomeni telepatici c le allucinazioni veridiche, osser-va^ionni critiche sul neo-misticismo psicologico, Firenze 1897.
à Padoue, enfin les Annales des sciences psychiques, dirigées à Paris par le docteur Dariex. On pourrait mentionner encore des livres comme ceux de M. de Rochas sur l’extériorisation de la sensibilité, et dans un genre moins sérieux des romans tels que celui intitulé : « Dans les temples de ïHimalaya ».
On voit donc que tout le monde, savants et ignorants, sont attirés fortement par les mystères de l’occultisme. Pourtant, suivant l'expression des spirites, « la science ofiicielle » résiste encore et se contente de faire le silence sur ces questions. A-t-elle véritablement si tort de ne pas s’en occuper? Il ne le semblerait pas, si l’on examinait impartialement les prétendus faits qui servent de base aux doctrines nouvelles et les prétendues expériences qui viendraient les conlirmcr. Il est vrai qu’autrefois les phénomènes du magnétisme dit animal étaient l’objet du même dédain de la part des savants, et l'on sait, depuis que M. Charles Hichet. l’un des premiers, a eu le très méritoire courage de braver les préjugés et d’étudier scientifiquement l’hypnotisme en France, le beau chemin qu’a fait le magnétisme à Paris, à Nancy et ailleurs. Il en serait peut-être de môme ici, et après l’écriture automatique, utilisée mais non étudiée par les spirites dans leurs séances, l’examen de ces phénomènes soi-disant étranges servirait peut-être, à faire avancer la psychologie; mais il faudrait pour cela changer radicalement la méthode employée jusqu’ici, et, au lieu d’étudier les esprits, les pressentiments, les hallucinations télépathiques, les dédoublements, l’extériorisation de la sensibilité, les mouvements d’objets sans contact et le flottement dans l’air de personnes, d’objets ou de choses, il faudrait tout au contraire étudier de près les spirites, les magnétiseurs et la plupart de ceux qui s’occupent avec bonne foi de ces questions que l’on dit si troublantes. Et c’est, comme le remarque aussi M. Morselli, une chose à laquelle n’ont jamais pensé ceux-là mêmes qui jusqu’à présent prétendent examiner scientifiquement les choses. Ils passent même sur les signes les plus évidents d’aliénation mentale, d’hallucinations pathologiques ou d’hystérie, sans s’y arrêter un instant. Ce n'est pas un des moindres sujets de surprise pour le lecteur impartial de ces innombrables récits que de voir l’absence complète de sens critique, et pour le dire franchement, l’aveugle crédulité de nombre de ces auteurs, dont quelques-uns sont des savants remarquables qui apportent une véritable rigueur et une logique parfaite lorsqu’il s’agit de leurs recherches spéciales. Ce sont là des remarques que M. Morselli fait avec
une grande justesse, et qui s’appliquent surtout aux phénomènes télépathiques.
En soumettant, comme il le fait, à une critique serrée, ces cas de télépathie, c’est-à-dire dans lesquels, par exemple, un individu voit apparaître à ses yeux un autre qui est en train de mourir à plusieurs centaines de li?ues, 011 est étonné de constater combien les conditions de ces soi-disant phénomènes sont relatées avec peu de précision. .Même les cas typiques donnés comme tels par des autorités en la matière contiennent des choses énormes qui devraient sauter aux yeux. Sans oublier, comme le dit encore M. Morselli, que ces faits sont toujours racontés comme s’étant passés le plus souvent longtemps avant les récits et que les auteurs de ces récits les font avec des formes dubitatives sur certains points (je crois, il nous a paru que, etc.,) qui donnent une incertitude et, pour dire le mot, un « flou » regrettable, là où il y faudrait une précision impeccable. C’est ainsi que M. Morselli, après avoir critiqué la mé-thodeenbloc, soumet au crible les observations données comme typiques dans les différents pays et en Italie. Il conclut de cette revue que rien ne démontre encore l'existence de ces prétendus phénomènes extraordinaires. Un symptôme de l’état d esprit du public est la façon dont la découverte des rayons Rœntgen a été accueillie. La « photographie de l’invisible » a été, pour beaucoup, la preuve de l’existence des choses occultes ! Il est certain qu’en ce moment l’état des esprits, on général, n’est pas bon. La diffusion de plus en plus répandue des nouvelles superstitions est un symptôme qui va de pair avec l’augmentation de la criminalité, le déséquilibre général des caractères et la con fusion mentale où aboutissent les effets de notre prétendue civi-' lisation. « Il est inutile île se dissimuler, dit Morselli, le mal profond que les publications comme les « Phantasms of the Living» ont produit dans la conscience de notre génération déjà prédisposée aux perturbations morales. Elles ont entretenu des illusions qui ont un caractère morbide, comme chacun peut
le constater. Elles ont accru l’odium antiphilosophicum.....
Elles ont jeté dans la foule, toujours suggestionnable, les germes d’une véritable folie épidémique, car le spiritisme moderne n’est que cela, depuis les sœurs Fox. La télépathie, elle aussi, court le risque de susciter do nouvelles hallucinations et de nouveaux délires. » C’est donc en tant que constituant des phénomènes de psychologie pathologique qu’il faut considérer et avoir le courage de considérer, avec M. Morselli,
tout cet amas de faits prétendus extraordinaires ; c’est une mine inépuisable pour l’aliéniste et le neuro-pathologiste. Il faut savoir grc à M. Morselli de l’avoir reconnu, et d’avoir eu le courage de dire tout haut ce que pensent tous les psychologues animés de l’esprit scientifique.
DEUXIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
DEUXIÈME SÉANCE
Le lundi ¡3 août igoo
Présidence de M. Jules Voisin. — Présidence d'honneur de M. 0. Vogt, de Berlin.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance.
M. le Secrétaire général adjoint donne lecture du procès-verbal de la séance d’inauguration.
RAPPORTS GÉNÉRAUX
I
L’évolution de la psychothérapie en Hollande (1), Rapport lu par le Dr A. W. Van Renterghem, d'Amsterdam, délégué de la Société psychiatrique et neurologique néerlandaise.
Messieurs,
11 y a onze ans, lors du IM Congrès de l’Hypnotisme, j'eus l'honneur de vous rendre compte des résultats obtenus par le docteur F. van ÏCedcr. et par moi-même dans notre clinique de psychothérapie d’Amsterdam pendant les deux premières années de son existence.
Nous étions alors, M. Van Eedenet moi, avec le docteur Arie de Jong de la Haye, les seuis médecins en Hollande professant ouvertement les doctrines de l'école de Nancy.
Dès l'année 1S87, seul d'abord à Goës (Avril-Août)puis ensemble avec M. Van Eedcn à Amsterdam (15 Août 1887), nous avions fondé une clinique pour le traitement des maladies nerveuses par la suggestion hypnotique. A peu près à cette môme époque le docteur Arie de Jong, commença à se servir de cette méthode thérapeutique dans sa pratique neurologique à la Haye.
(1) Ce rapport était accompagné d’illustrations quo noua reproduirons dans un de
1 nos prochains numéros.
Le 30 septembre 1887 j’exposai, devant les membres du Ifr Congrès national de médecins eide naturalistes tenu à Amsterdam, les résultats obtenus par moi dans le traitement de 178 malades que j’avais soumis à la médication nouvelle et j’eus l’honneur d’introduire ainsi l’hypnotisme thérapeutique dans le monde médical de la Hollande.
11 ressortit de la discussion qui eut lieu au sujet de ma communication le fait suivant. Le directeur d'un des hôpitaux civils d’Amsterdam, le docteur Van Devenler, dans des expérimentations de suggestion hypnotique sur quelques malades de son service n'ayant pas obtenu de résultats satisfaisants, me pria de le mettre en état d’étudier ma méthode d’endormir et de suggérer et m’invita à traiter dans son hôpital en sa présence quelques malades qu’il mettrait à ma disposition. .T’acceptai avec empressement cette invitation et j’eus l’avantage de traiter devant M. Van Deventer et ses assistants quelques malades de son service. Mon honorable collègue a repris depuis l’étude pratique de la suggestion et n’a pas tardé à faire un fréquent usage de celte méthode thérapeutique . dans le traitement de ses malades. 11 n’en est pas resté là. Quelque temps après M. Van Deventer, en sa qualité de privaat-docent a inauguré et donné régulièrement un cours théorique et pratique d'hypnotisme thérapeutique pour les étudiants en médecine à l’Université d’Amsterdam. Appelé, deux ans après, à la direction de l’asile d’aliénés de Meeren-berg, il a continué néanmoins à donner ce cours jusqu'en 1896, c’est-à-dire jusqu’à la nomination du professeur Winkler à la chaire de Neurologie et de Psychiatrie d’Amsterdam.
Dans une lettre (datée du 30 Juin dernier) que m’adressa mon ami Van Deventer, il m'apprend que dans des cas appropriés il continue à se servir de la suggestion et me cite entre autres quelques cas de psychoses d’ordre neurasthénique et hystérique dans lesquels ce traitement s’est montré des plus efficaces.
Le docteur Winkler, appelé dès 1885 à organiser l’enseignement de la neurologie et de la psychiatrie en Hollande, a dû surmonter maints obstacles et vaincre l’indifférence et l’opposition du corps législatif pour arriver à ses iîn. Nommé professeur de psychiatrie et de neurologie à l’université d’Utrech en 1893 il accepta sa nomination, sous condition que l’Etat mettrait à sa disposition une clinique ad hoc.
Cette promesse cependant ne fut pas remplie. Après deux ans d’attente et d’innombrables ennuis M. Winkler donna sa démission, déclinant les honneurs du titre alors que le gouvernement en le privant d’une clinique le mettait dans l’impossibilité de donner un enseignement sérieux. La ville d’Amsterdam, peu de temps après, lui fit des propositions acceptables et eut la bonne fortune d’attacher le docteur Winkler à la faculté de médecine de son université libre, comme professeur de neurologie el de psychiatrie, lui donnant en même temps la direction d’un service neurologique et psychiatrique dans scs deux hôpitaux civils.
Quoique surchargé de besogne, le professeur Winkler a dès le début
suivi et étudié les travaux sur l’hypnotisme expérimental et thérapeutique, et a voué chaque année quelques leçons théoriques et pratiques à ees doctrines. Cependant, absorbé par les exigences de l’enseignement, de la direction de ses deux cliniques, de ses expérimentations psychologiques, il ne lui est guère possible — faute de temps — d’initier ses étudiants à la technique de l’hypnotisme. Aussi mo fait-il l'honneur, de temps à autre de m'adresser à ce dessein les étudiants qui manifestent le désir de s’instruire dans l’art de faire la suggestion.
Le docteur G. Jelgersma, bien connu du public médical de mon pays par son excellent ouvrage c Over functioneele Neuroscn » a fait ses premières armes comme psychothérapeute dès 1889 à l’asile d’aliénés de Meerenberg auquel il était attaché comme médecin. Nommé directeur et médecin en chef du sanatorium de Vclp, il a continué là ses études hyp-nologiques. Dans son livre, que je viens de mentionner, il nous apprend que souvent l’application rationnelle, causale de la suggestion hypnotique l’a mis en état de faire disparaître dans des cas d’hystérie grave les idées fixes, causes du mal. Dans de nombreux cas de neurasthénie, réfractaires à la suggestion à l’état de veille et à l’influence psychique ordinaire du médecin intelligent, il a vu céder les phénomènes morbides devant la suggestion hypnotique. Nouvellement nommé professeur de psychiatrie et de neurologie à l'université de Leyde, le docteur Jelgersma ne tardera pas, je pense, à donner un cours d'hypnotisme thérapeutique.
La Haye compte deux médecins psychiatres et neurologues qui dans le traitement de leurs malades se servent avec prédilection des procédés de suggestion thérapeutique. J’ai nommé le docteur Arie de Jong, bien connu des travailleurs de la première heure, et le docteur S. Reeling Brouwer.
Le docteur A. de Jong, attaché d’abord à la faculté de médecine d’Amsterdam en qualité de privaat-docenl en psychiatrie, puis médecin spécialiste à la Haye, est sur la brèche depuis 1887. Il a doté la science hypnologique de maints travaux lus dans les différents congrès et publiés dans la Revue de l'hypnotisme. Il continue à se servir avec de brillants résultats de la suggestion hypnotique comme arme principale dans le traitement des maladies nerveuses et psychiques.
M. S. Reeling Brouwer, directeur en chef de la Maison de Santé de la Ilaye, est grand partisan delà psychothérapie, et se sert souvent de la suggestion hypnotique dans le traitementdes aliénés de son asile; ¡M'applique aussi dans sa pratique courante. Interrogé par moi sur les résultats qu'il a obtenus, il m'écrit entre autres choses : « Il n’y a pas le moindre doute que les psychoses légères ne soient toutes justiciables d’une thérapie suggestive bien conduite. Dans la plupart des cas la psychothérapie peut en avoir raison. Dans les psychoses graves, invétérées, chroniques, la suggestion hypnotique peut souvent faire infiniment de bien, et exercer une action favorable sur la disposition d’esprit, sur les fonc-
lions de la vie végétative du malade, môme alors qu’une guérison ne serait plus possible ».
Le docleur S. Reeling Brouwer a donné l'hiver dernier un cours pratique de psychiatrie criminelle très-suivi devant les membres de l’Union internationale de Droit Pénal résidant à la Haye. Notre distingué confrère représentera la Société de Psychiatrie et de Neurologie Néerlandaise comme délégué au prochain congrès de Psychologie et se propose d'y lire un travail sur l’Autosuggestibilité pathologique comme signe caractéristique de l'Hystérie.
A Schéveningue, le docteur Breukink représente l’école de Liébeault et a su, par mainte cure heureuse, gagner la faveur du public et appeler l'attention sur les avantages de la suggestion hypnotique comme agent thérapeutique.
Le docteur Van Eeden, retiré depuis quelques années à Bussum, quoique donnant la majeure partie de son temps à la littérature et à la question sociale, est resté fidèle à notre cause et continue à traiter par la psychothérapie les malades qui vont le trouver.
Dans le Nord de la Hollande, la ville de Groninguc siège d'une université, compte dans son corps médical un seul partisan de la psychothérapie. Le docteur liekma m’écrit être on ne peut plus satisfait des résultats qu’il obtient par la suggestion. Cependant l’opinion publique à Groningue étant défavorable aux pratiques hypnotiques, il n’a recours à la suggestion directe qu'après avoir épuisé toutes les autres médications suggestives (galvanisme, faradisation, etc.)
Un médecin des plus consciencieux, le docteur D. Sligter de Leyde, vient de publier le mois dernier un intéressant travail intitulé : Suggeslie in hypnose a/s geneesmideel.
L'auteur y fait l’apologie de la suggestion hypnotique comme médication, combat les préjugés existant contre la psychothérapie et démontre avec force pièces à l’appui (un grand nombe d’observations personnelles du plus grand intérét augmenté de citations d’auteurs connus) l'excellence de la méthode et sa supériorité sur d’autres genres de médication dans ses applications sur les maladies nerveuses et psychiques. Ces brillants résultats engageront sans nui doute maint collègue, sceptique jusqu’ici, à s'engager dans la voie tracée par M. Stigler. L’auteur exerce la psychothérapie depuis six ans et a condensé son expérience dans cet intéressant volume.
Depuis bientôt deux ans un jeune médecin, élève des professeurs Münsterberg, Ziehen et Winkler, le docteur P. Bierens de Haan a cr é à Utrecht une clinique de psychothérapie et s'abstient dans le traitement de ses malades de toute autre médication. Sa création a prouvé être un véritable succès. En etiet, d'après les renseignements que mon savant confrère a eu l’obligeance de me donner, un grand nombre de malades réclament scs soins cl il ne peut que se féliciter do son entreprise. Les résultats qu’il obtient surpassent scs attentes. Le docteur Bierens de
ïlaan est auteur d’un livre « Eléments d’une psychologie à hase métaphysique » qui lui a servi de thèse inaugurale pour son doctorat en médecine (Septembre 1898).
Dans une publication récente « La signification de l’Hypnose etde la Suggestion au point de vue de l’Education ¡> notre collègue d’Utrecht reconnaît la grande valeur d’un traitement par la suggestion hypnotique comme moyen d’éducation. Cette valeur cependant n’est pas absolue. En premier lieu elle ne peut pas exercer d’influence sur la formation du caractère, elle ne peut influencer que sur la formation de la vie de représentation. En second lieu, même dans ce département de la vie de l’âme, elle ne constitue pas la méthode unique. L’exercice psychique rivalise avec elle et dans certains cas se trouve être la seule méthode indiquée. Si l’auteur dans maint cas se résout à instituer le traitement par la suggestion hypnotique comme moyen pédagogique tout comme le fait le docteur E. Bérillon, il tient à faire ressortir que cette concordance d’avis repose souvent sur des considérations très différentes, d’ordre naturaliste chez M. Bérillon, d’ordre métaphysique chez lui.
Un adepte de l’Ecole de Nancy, le docteur W. Huet, autre élève du professeur Winkler, réside à Harlem. Depuis deux ans qu’il s'y est établi médecin spécialiste en neurologie, il a, dans maintes occasions, appliqué avec le meilleur succès les pratiques de la suggestion dans le traitement de ses malades.
Pour approfondir la psychologie de la suggestion, il a fait avec la collaboration du docteur Bierens de liaan, une série d’expériences d’hypnotisme très intéressantes, sur sa personne et sur celle de son ami, dans lesquelles ils tiennent tour à tour le rôle d’hypnotiseur et de sujet.
Le docteur Iluet n’est pas exclusif comme son confrère d’Utrecht et, cherchant son bien où il le trouve, il s’est fait faire une installation complète pour les rayons cathodiques, pour l’électricité à haute fréquence, l’électricité statique, faradique et galvanique. Il vient d’ouvrir un sanatorium pour maladies nerveuses. Dans cet établissement, comme dans sa maison, il reçoit les malades qui réclament un traitement par la suggestion hypnotique.
Le docteur J. Kuiper, Directeur en chef d’un des hôpitaux civils (notamment le Wiihelmina Gasthuis) d’Amsterdam, ainsi que le docteur Jacobi, directeur-adjoint du même établissement, m’apprennent qu’ils se servent de la suggestion thérapeutique dans les cas justiciables de cette méthode dans leur service d’aliénés et de maladies nerveuses. Ils ajoutent qu'ils appliquent surtout la suggestion à l’état de veille.
Je dois arrêter ici mes citations de médecins qui, en Hollande à cette heure, se servent avec prédilection ou exclusivement de la psychothérapie dans le traitement de leurs malades. Je ne finirais pas si j’étais tenu à mentionner tous ceux (MM. de Jong, Nord, Borst, Vnlkenburg, Wiardi Beckman, de Bruine Groeneveldt, etc., etc.) qui incidemment,
font usage et avec excellent succès de cette arme dont nous asi heureusement doté l’école de Nancy.
En résumant, je constate :
Que dans chaque ville de la Hollande qui possède une université, ainsi dans les villes de Groningue, d’Amsterdam, d’Utrecht et de Leyde, se trouvent un ou plusieurs médecins exerçant la psychothérapie;
Que les deux uniques professeurs de psychiatrie ([Université d’Amsterdam et celle de Leyde seules sont dotées d’une chaire de psychiatrie) que nous possédons en Hollande, notamment les docteurs Winkler et Jelgersma, professent au sujet de la suggestion thérapeutique — pour autant queje sache — les doctrines de l'école de Nancy, et qu’ils vouent chaque annéo, une part de leur enseignement théorique et pratique à la psychothérapie ;
Enfin qu’au moins deux psychiatres en titre, médecins-directeurs d'asile d’aliénés en mon pays, savoir les docteurs J. van Deventer et S. Reeling Brouwer, reconnaissent l'utilité de la suggestion (hypnotique et à l’état de veille) dans le traitement des aliénés.
Aussi, je ne crains pas d’etre accusé d'optimisme si j’ose déclarer ici devant vous, messieurs, que dans ma patrie la psychothérapie commence à jouir d'une juste considération tant de la part des médecins que de celle du public. J’afiirme qu’elle a jeté des racines profondes dans mon sol natal et que son évolution complète ne peut guère tarder.
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Pour la clôture de ce rapport je me suis réservé le plaisir de vous annoncer que le 1er Novembre dernier les services de ma clinique ont été transférés dans un hôtel expressément bâti à ce dessein. En l’honneur du fondateur de l’école de Nancy, j'ai attaché le nom du maitre au nouvel établissement. Je vous prie de vouloir m'accorder quelques instant, encore pour vous en donner la description sommaire. Les photogravures intercalées dans le texte faciliteront ma tâche et vous permettront de faire de loin connaissance avec ¡'Institut Liébeault.
L'idée qui a présidé à la création de l’institut a été celle d’offrir au malade le milieu le plus propice à recevoir la suggestion et le plus favorable au sommeil.
Comme emplacement a été choisi la ran Breeslraat, rue située dans le nouveau quartier aristocratique d'Amsterdam (le quartier du Willems-park) entre deux grands parcs. Loin du bruit de la ville et des quartiers commerçants elle est reliée au centre de la ville par une ligne du tramway.
L’architecte, M. Wiegand fils, a, sur mes données, projeté un excellent plan et a su en exécuter la construction dans le cours d’environ sept mois.
Le bâtiment, affecté seulement au traitement policlinique des malades, se compose du rez-de-chaussée et d’un étage. Une large porte d'entrée à double battants ouvre sur un corridor qui divise la partie antérieure
du rez-de-chaussée en deux parties égales. A gauche se trouvent la bibliothèque, le cabinet d’examen et l’escalier desservant l’appartement de l’administrateur situé au premier ; à droite ouvrent les salles d’attente entre lesquelles on a ménagé un garage pour bicyclettes.
Le corridor donne par une porte vitrée à deux battants sur un grand hall. Le hall, haut de 7 mètres, mesure 10 mètres en longueur sur une largeur de G mètres. 11 reçoit sa lumière d’en haut par une lanterne en vitre jaune posée sur le toit et du fond par une large fenêlre en vitres de différentes couleurs surmontant l’escalier d'honneur qui mène du fond du hall à la galerie desservant et contournant le premier étage.
A droite et à gauche du hall, tant de plein-pied qu’au premier, s’ou-vrent quatre portes donnant accès à IG chambrettes destinées à recevoir les malades. Aux deux bouts de la galerie opposés à l'escalier une porte (à droite) ouvre sur un corridor sur lequel débouchent deux autres chambrettes affectées au traitement des malades; une autre porte (àgauche) donne sur l’appartement de l’administrateur.
Le hall est destiné à recevoir les malades qui ne refusent pas à être traités en commun ou ceux que je juge à propos de traiter en présence de tierces personnes. Il est meublé de huit chaises-longues masquées en partie par des paravents. Généralement les malades préfèrent être traités isolément et occupent alors une chambrelte. Vingt-six personnes peuvent ainsi être casées à la fois.
Les chambrettes reçoivent la lumière par la fcnctre basculante au dessus de la porte, pour la plupart elles sont pourvues en outre d'une fenêtre ouvrant sur le dehors. La lumière, tamisée par des vitres coloriées, peut être interceptée complètement par des rideaux.
L’éclairage artificiel et le chauffage se font par le gaz. Un bec de gaz muni d’un ballon et d’un abat-jour disposé derrière la tête du malade et un calorifère se trouvent dans chaque chambrelte. Toutes sont meublées d’un divan moelleux et d’un confortable fauteuil. Elles sont ventilées par les fenêtres et portes d’abord, mais encore par des larges lucarnes ménagées dans le mur mitoyen qui sépare les chambrettes. Ce mur est double et l’interstice ménagé entre les deux cloisons — aboutissant dans une cheminée sur le toit — fait fonction de ventilateur. Cet arrangement prévient en même temps la propagation du bruit d’une cham-bretteà une autre. Les portes n’ont pas de serrures ; elles s’ouvrent sans bruit et se referment de même automatiquement par des ressorts.
L’éclairage du hall se fait par deux grands lampadaires en cuivre à trois branches portant des becs Aucr ajustés aux chefs-balustre en bas de rcscalier d’honneur et par deux autres becs Auer affichés au mur du premier étage vis à vis de l’escalier. Deux énormes calorifères à gaz disposés à droite et à gauche de l’escalier pourvoient au chauffage. La ventilation ne laisse rien à désirer; l’air se renouvelle incessamment grâce au jeu des ouvertures treillissées ménagées dans le parquet et de vitres basculantes dans la lanterne, pour le reste les portes et fenêtres y pourvoient parfaitement.
Les corridors, le hall, l'escalier, la galerie et les chambrettes sont garnis de tapis qui étouffent le bruit des pas.
Les salles d'attenîc convenablement meublées sont pourvues de toile! les. Elles aussi sont éclairées et chauffées au gaz.
Les portraits en crayon des maîtres de Nancy: MM. Liébeault, Bern-heim et Liégeois décorent la principale salle d'attente.
En entrant dans le hall, la vue est agréablement frappée par une plaque de marbre blanc disposée contre le mur du palier de l’escalier d'honneur sous la grande fenêtre. Elle porte en lettres or-bronze cette dédicace :
Ambrosio Augusto Liébeault Ex Favereis orlundo (Lotharingla)
Dedicatum.
Au bas de la balustrade de la galerie du premier étage des plaques plus petites portent les noms les plus illustres de l’école formée-par le maître. Vis à vis de la plaque dédicatoire figurent les noms des trois membres de la faculté de médecine et de droit de l’université de Nancy :
H. Beaunis, II. Bernheim et J. Liégeois ;
Adroite sc trouvent inscrits: V. A. A. Dumontpalier, J. P. Durand (de Gros), Aug. Voisin et 0. G. Welterstrand ;
A gauche sont nommés : E. Bérillon, 0. Vogt, J. Delbœuf et Aug. Forel.
Chaque porte est ornée d'une plaque portant le nom d'un adepte des doctrines de Nancy. Au rez-de-chaussée paraissent les noms de II. Pezet de Corval, G. Ringier, A. Von Schrenck-Notzing, E. Baierlacher d’un côté et de l’autre: W. Ililger, Ch. Lloyd-Tuckcy, A. Moll et J. Milne-Bramwell.
Les médecins belges et hollandais ralliés à l’école de Liébeault figurent au premier étage : H. C. Brutsaert, J. Crocq et P. M. G. Van Velsen représentent!aNéerlande méridionale;
G. Jelgersma, Fr. Van Eeden. S. Recling Brouwer, D. Stigter. C. Winkler, W. Iluet. 1’. Biercns de ïïaan, J. van Deventer, A. de Jong,
H. Breukink et S. Hekma, la Neerlande septentrionale.
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Depuis la création de la clinique de psychothérapie d’Amsterdam jusqu’à ce jour, treize années se sont écoulées.
Un nombre considérable de malades y ont bénéficié des services de cette méthode thérapeutique.
Les résultats obtenus, consignés par moi dans trois publications successives (*) et que j’espère augmenter prochainement d’une quatrième, démontrent suffisamment la valeur de la méthode.
J'ose croire que mes résultats ont contribué en certaine mesure à
(1) Compte-rendu etc.,lu au î-' Congrès de l’Hypnot. expér. et thérap. Bruxelles. A. Manceaux 1889 — Psychothérapie. Paris, Soc. d’Edit. Scicntif., 1891. — Drittcr Bericht, etc., inZeitscbrf. llypnot. B. VIII 1S98.
vaincre les préjugés existants contre la suggestion hypnotique comme agent thérapeutique en Hollande. Beaucoup d’ennemis de la veille sont devenus les amis d’aujourd’hui. Les malades qui affluent à ma clinique en sont le témoignge vivant puisque pour une grande part ils sont dirigés sur elle par leurs médecins.
Or. comme j’ai eu l’honneur de vous l’exposer tantôt, les médecins partisans de l’école de Nancy se font de plus en plus nombreux en Hollande, et nous comptons parmi euxdes savants de renom, de réputation scientifique reconnue.
En créant l'institut Liébe&ultiyai voulu affirmer l'avènement indéniable de la psychothérapie comme méthode thérapeutique reconnue par la science officielle dans mon pays ; j'ai voulu construire un bâtiment modèle répondant dans la mesure du possible aux exigences multiples qu’impose ce traitement spécial ; j’ai voulu enfin, honorer l’homme de bien,le modeste et noble médecin de campagne, créateur de la méthode; notre vénéré maître A. A. Liébeault. J’ai dit.
I I
Valeur de l’hypnotisme comme moyen d'investigation psychologique
Rapport lu par M. le Dr Oskar Vogt, de Berlin.
C’est seulement pour la méthode psychologique expérimentale directe, soit vraie ou actuelle, soit rétrospective, que je me bornerai à discuter la valeur de la suggestion et de l’hypnotisme comme moyens d’investigation psychologique. Je sais bien qu’en me limitant ainsi, je ne remplis pas toute la tâche dont notre Comité a bien voulu me charger, car la valeur de la suggestion pour la psychologie s’étend sur un champ plus vaste. I.es phénomènes de la suggestion forment un groupe spécial d’apparitions psychiques qui, par elles-mêmes, élargissent déjà nos connaissances de notre vie intérieure. C’est sur ce point que mon co-rapporteur, M. Regnault, s'étendra spécialement. A côté de cette valeur que les autres groupes de phénomènes psychiques présentent aussi, valeur générale, pour ainsi dire, la suggestion gagne une valeur spéciale par le faitqu’elle facilite dos recherches psychologiques diverses, étrangères en elles-mcmes à la suggestion. Ces recherches sont, soit directes, soit indirectes.
Si je ne parle que des recherches directes, ce n’est pas que je nie la valeur de l’hypnotisme et de la suggestion pour les recherches indirectes (les travaux si remarquables de M. Pierre Janet prouvent suffisamment cette valeur); mais c’est que j’ai la ferme conviction que les recherches directes sont très supérieures aux recherches indirectes; aussi est-ce à propos des recherches directes qu’on pourra le mieux
montrer la valeur de la suggestion et de l’hypnotisme comme moyens d’investigation psychologique.
En quoi consistent donc les recherches psychologiques directes et indirectes? Dans les premières, le sujet analyse, par l’introspcction, cc qui se passe dans sa conscience, et l’exprime par le langage; dans les dernières, l'observateur déduit des expressions de physionomie et actions volontaires ou involontaires du sujet, ce qui doit se passer en lui.
Dans les cas où le sujet analyse les phénomènes au moment même où ils se passent en lui, il fait une introspection vraie ou actuelle ; si, au contraire, il analyse des phénomènes passés qu'il se remémore, il fait une introspection rétrospective.
De telles analyses deviennent une méthode expérimentale au moment où les phénomènes à analyser sont produits méthodiquement, au moment désiré et sous une forme déterminée dans la conscience du sujet. De plus, dans certains cas, on influence aussi expérimentalement l’état général de la conscience du sujet. Ainsi donc, dans la méthode psychologique directe, un sujet analyse, par l’introspection, des phénomènes qui sont produits méthodiquement et expérimentalement dans sa conscience, dont l’état général est aussi déterminé.
Pour remplir ces conditions, le sujet lui-même doit :
1. Vouloir s'observer;
2. Ne pas être empêché de s'observer;
3. Etre capable de se concentrer sur les phénomènes à analyser;
4. Etre capable de bien se remémorer, s’il s'agit d’une analyse rétrospective;
5. Avoir le souvenir, et le souvenir vif des phénomènes qui, par leur nature, peuvent être rapprochés du phénomène actuel, afin que, en les comparant à celui-ci, le sujet puisse le bien caractériser ;
6. Ne jamais sc départir dc sa critique pendant l’analyse, ni se laisser influencer par aucune idée préconçue;
7. Etre capable dc s'exprimer d'une façon exacte et compréhensible ;
8. Garder ou retrouver, pendant les expériences, le même état général de sa conscience afin que les phénomènes à analyser conservent tout à fait leur nature et que les analyses aient lieu dans les mêmes conditions, ce qui est absolument indispensable pour qu’on puisse arriver à des résultats comparables cnlre eux. Moins, pendant l’expérience, le sujet changera d’humeur, moins il sera distrait, moins il se fatiguera, plus, en un mot, il restera dans la même constellation psycho-physique, plus il sera capable de donner des analyses comparables entre elles.
Plus le sujet remplira toutes les conditions énoncées — ce qui ne sc rencontre que chez des personnes spécialement cultivées, douées à la fois d’un grand esprit critique et d’un rare talent d'observation dc soi-même — plus il donnera des résultats utilisables.
Les phénomènes à analyser peuvent être produits méthodiquement et expérimentalement :
1° Par des excitations périphériques (il s'agit alors de la méthode expérimentale objective ou psycho-physique); ou
-2° Par le sujet lui-méme (il s'agit alors de la méthode expérimentale subjective).
Plus on saura produire de phénomènes bien déterminés, plus on saura les varier et les graduer, plus la méthode expérimentale sera parfaite.
Enfin, on peut modifier l’état général de la conscience du sujet, afin d’étudier l’influence de ces modifications sur certains phénomènes psychologiques. Plus on pourra modifier exactement cet état général de la conscience, plus les résultats donnés par les expériences seront sûrs.
Après cet exposé un peu long, mais qui me semblait nécessaire, de ce que j’entends par méthode psychologique expérimentale directe, j’examinerai de quelle façon la suggestion peut nous être utile dans l’emploi de cette méthode.
Tout de suite surgit une première question, très importante : nous savons que pour qu’une suggestion quelconque puisse se réaliser, le sujet doit présenter un certain degré de suggestibilité; nous savons, d’autre part, qu’une très grande suggestibilité coexiste toujours avec une diminution du sens critique. Or, le degré de suggestibilité suffisant pour nos expériences psychologiques est-il compatible avec une introspection critique ? S’il ne l’est pas, nous ne pouvons plus songer à employer la suggestion pour nos expériences. Eh bien, toutes mes expériences m’ont montré que cette compatibilité existe. Le degré normal de la suggestibilité est suffisant pour nos recherches et ¡1 est tout à fait compatible avec une introspection critique. L’exemple de Kant nous en fournit encore une preuve. Kant raconte lui-méme qu’il était capable de se plonger dans une sorte d'auto-hypnose dans laquelle il pouvait chasser certains malaises. Or, pour arriver à une telle auto-hypnose, Kant devait être doué d'une suggestibilité supérieure à la moyenne, et je crois que personne ne contestera pour cela le sens critique de Kant.
Vient maintenant une troisième question : en admettant que l’existence d'une suggestibilité suffisante, comme qualité durable du caractère d’un individu soit compatible avec un sens critique bien développé» ce sens critique est-il inhibé toutes les fois qu’une suggestion entre en jeu ? Telle est la deuxième question fondamentale, qu’on ne peut non plus que la première, décider à priori, mais qu'on doit trancher expérimentalement. Voici le résultat de toutes mes expériences à ce sujet :
On peut, par la suggestion, produire des inhibitions si circonscrites des éléments psychiques, que la critique dans l’introspection n'a pas à en souffrir. Je suis ici d’accord avec tous les meilleurs auteurs. Il y a près d'un demi-siècle, l’un des plus nobles représentants de la science de l’hypnologie, M. le Dr Durand de Gros, a déjà enseigné ce point. Plus tard, M. le Dr Charles Iiichet a constaté qu'on pouvait, par lasuggestion,
produire des hallucinations, sans avoir à constater en même temps le moindre changement dans l’état général de la conscience. Mais, c’est surtout mon maître Forel qui a le mérite d’avoir éclairé d’une façon définitive cette question : on peut, par la suggestion, je le répète encore une fois, produire des inhibitions tout à fait circonscrites; on peut, par exemple, produire l'anesthésie d’un seul doigt ou môme d’une seule phalange; on peut produire l’amnésie d’un seul mot ou d’un seul système d’idées; et tout cela, sans que l’état général de la conscience soit changé, et par conséquent, sans que le sens critique soit le moins du monde atteint
Donc, ni l’existence, chez le sujet, d’une suggestibilité suffisante pour nos expériences, ni le fait que ce sujet a reçu des suggestions, ne rendent, à priori, impossible l’emploi de la méthode psychologique expérimentale directe.
Ces points fondamentaux étant établis, nous avons à discuter maintenant, de quelle façon la suggestion peut nous servir quand nous employons la méthode psychologique expérimentale directe. Elle peut le faire de deux manières :
1° En nous permettant de produire une hypnose partielle appropriée au mécanisme de l’introspection ;
2° En nous permettant de produire sur le sujet des effets spéciaux.
Commençons par l’étude de l’hypnose partielle et de sa valeur.
Nous avons vu que le sujet a à remplir un grand nombre de conditions pour être à môme de donner des résultats utilisables, et nous pouvons ajouter tout de suite que ces conditions sont si difficiles à remplir, que même de bons sujets, qui sont déjà très rares, sont encore loin de les remplir complètement. De là vient que le nombre des faits bien établis dans la psychologie est encore si petit, et que, par exemple, clans la psychologie des sentiments, on se heurte incessamment à des contradictions chez les différents auteurs. Cette difficulté d’arriver à des résultats sûrs est encore si grande qu’il y a des psychologues, comme M. Ribot, qui croient impossible de fonder une psychologie des sentiments par la méthode de l’introspection.
Or y a-t-il une difficulté fondamentale dans l’emploi de cette méthode et quelle est cette difficulté ? C’est l’impossibilité dans laquelle nous sommes de concentrer suffisamment notre attention. Nous ne pouvons pas assez isolément concentrer notre attention sur les divers éléments d’un phénomène complexe que nous voudrions étudier. Nous ne pouvons pas, non plus, rendre suffisamment conscients un certain nombre de phénomènes qui sc passent obscurément en nous ; et, quand il s’agit de nous analyser rétrospectivement, nous ne pouvons pas nous représenter suffisamment les phénomènes passés. Nous n’avons pas assez d’attention, asse;: d’énergie psychique pour produire les excitations et les inhibitions nécessaires, et pourquoi ? C’est parcc qu'il y a des éléments psychiques, étrangers au mécanisme de l’introspection et des phénomènes à analyser, qui captivent et détournent sans cesse notre attention.
Alors, je me suis demandé : étant donné que l'inhibition isolée de systèmes d’idées est possible, ne pourrait-on pas produire par la suggestion un état de veille partielle systématisée dans lequel, d’une part, tous les éléments psychiques qui n’ont rien à faire avec les opérations de l’analyse, seraient écartés par l’inhibition du sommeil, et, d'autre part, tous les éléments psychiques nécessaires à l’analyse, resteraient à l’état de veille ? L’expérience m’a montré qu’il est possible de produire un tel état. Si l'on réussit à le bien produire, on constate chez le sujet les faits suivants :
1° L'inhibition n’est pas assez générale pour que la volonté en soit atteinte ; donc la tendance de vouloir s’observer reste en dehors de l’inhibition ;
2> Cependant l'inhibition est assez profonde pour que des bruits de l’entourage, des sensations organiques, des idées intercurrentes ne troublent plus le sujet.
Grâce à cette insensibilité du sujet à tout ce qui pourrait le distraire, celui-ci est moins détourné de l’introspection ;
3° Il est plus capable de se concentrer sur le phénomène à analyser. Supposons, par exemple, que nous voulions analyser l’effet produit en nous par l’excitation d’un diapason. Déjà, sous l’influence de cette simple excitation, nous constatons en nous un phénomène bien complexe. Nous entendons premièrement un son, et ce son n’est même pas une sensation simple, mais complexe, car il a des harmoniques. De plus, nous sentons une tension dans l’oreille, un sentiment agréable ou désagréable, une influence sur notre humeur qui devient plus gaie ou plus triste, un changement de notre respiration, la manifestation d'autres sensations organiques; nous constatons peut-être, de plus, des associations éveillées par le son et, enfin, pendant tout ce procédé, il y a une réaction de notre moi, qui dirige notre attention vers ce com-plexus de phénomènes. Eh bien! tous ces phénomènes doivent être analysés et, dans ce but, il faut que l’attention se concentre, à un moment donné, sur un seul phénomène du groupe et que les autres soient supprimés. Or, la possibilité de se concentrer, d’une part, sur un phénomène isolé et, d’autre part, de refouler et supprimer les autres, est beaucoup plus grande dans l’état d’hypnose partielle systématisée dont je parle.
Dans cet état, le sujet peut, par exemple, supprimer complètement le substratum intellectuel d’un sentiment. Il peut aussi supprimer quelques éléments d’un sentiment complexe. Inversement, il peut rendre conscients des phénomènes qui ne le sont pas pour le moment, mais qui influencent, malgré cela, le contenu actuel de sa conscience. En voici deux exemples : un sujet agit sous rinlluence d’une suggestion dont il ne se rend pas compte à l'état de veille; mais, dans cet état d’hypnose partielle, il réussit à rendre couscienle l’idée qui le fait agir. Une autre Ibis, il constate en lui un sentiment qu'il ne peut pas du tout s’expliquer à l’état de veille; c’est dans l’hypnose partielle qu'il reconnaît le
substratum intellectuel de ce sentiment. Après beaucoup d’expériences, je me suis cru en droit d’établir, comme loi générale, qu’on est toujours capable, dans cet état de veille partielle systématisée, de reconnaître l’idée efficace, si l’on agit sous l'influence d’une suggestion, et de trouver le substratum intellectuel d’un sentiment. De plus, j'ai pu montrer que celte loi peut aussi être appliquée aux hystériques. C'est sur cette loi que j'ai basé mes recherches sur la genèse des phénomènes hystériques, recherches qui, à ma grande joie, m’ont amené à des idées pressenties déjà par Charcot et poursuivies plus tard en Franco, surtout par son élève, M. Pierre Janet.
4° De cette augmentation de concentration de l'attention, propre à cet état d’hypnose partielle, résulte de plus une hypermnésie qui permet au sujet de se rappeler des phénomènes dont il ne peut pas se souvenir à l?état de veille, et même des phénomènes qui se sont passés en lui inconsciemment. Le fait que de tels phénomènes existent n’a pas besoin d’être prouvé dans une assemblée si compétente. Je me contenterai de donner ici quelques exemples montrant comment on peut profiter de ce fait pour la psychologie.
J’ai fait, avec certains de mes sujets, des expériences sur les associations. Le sujet étant à l’état de veille, je lui dis un mot et il doit me répondre avec le premier mot qui se présente à son esprit. Dans un cas, j’avais dit a poids o, et le sujet me répondit a mesure. » Après avoir réfléchi à l’état de veille, le sujet m’expliqua son association ainsi : il s’agissait du simple rappel des mots : « Vérificateur des poids et mesures. » À l'état hypnotique, l’explication devint beaucoup plus détaillée : « J’ai eu n — dit le sujet —• « l’image visuelle très rapide de toute une scène que j’ai vécue à l'âge de cinq ans : j’étais chez une jeune fille qui m’en imposait beaucoup, à moi, enfant. Je la vis peser les petits pains qu’on venait d’apporter pour le goûter, et ce fait me frappa beaucoup, car, jamais, à la maison, on n’avait pesé les petits pains. Ce qui me frappa encore plus, c’est que la jeune fiiie se plaignit qu’on lui avait donné un poids moindre que celui qu’on aurait dû lui donner. Cette avarice, chez une jeune fille que j’admirais tant, me déçut et fit une grande impression sur moi. Or, cette scène avait lieu dans une pièce où se trouvait un certain nombre de balances. Au moment même où cette scène repassait très vite dans ma conscience, je pensais que cette jeune fille était la fille d’un vérificateur des poids et mesures, et je dis « mesures. » Pendant mon association, je n’ai eu vraiment conscients que le groupe de mots : poids et mesures, d
A propos de cette expérionce, je ferai remarquer qu'elle montre ces deux faits que nous retrouverons toujours à propos des associations :
1° Que les éléments des associations sont formés par des images concrètes et que nous ne prenons quelquefois ces dernières pour des idées abstraites que parce que ces images concrètes sont si fugaces et si obscures quelles nous échappent le plus souvent;
2° Elle nous montre, en outre, l'influence si grande des impressions vives sur notre vie psychique ultérieure.
Voici un autre exemple : pendant une conversation, un de mes sujets me dit soudain : a Je viens d’avoir subitement l’image visuelle du bras de M. J... dans le pléthysmographe. Je ne vois aucune relation entre celle image et les idées qui l'ont précédée dans ma conscience. » Il s’agit donc ici d’une idée appartenant au groupe des idées décrites par Ilerbart comme entrant librement dans la conscience : Frei aufstei-gende Ideen. Plongé dans l’hypnose partielle, le sujet me donna les éclaircissements suivants : « Pendant noire conversation, l’idée d’une petite contrariété, que j'ai eue ce matin pendant les expériences avec le pléthysmographe, m'est venue. J’ai pensé alors aux mêmes expériences quand M. J... servait de sujet. Tandis que tout ceci se passait très obscurément en moi. j'ai eu subitement l'image visuelle très nette du bras de M. J... dans le pléthysmographe et j'ai entendu en moi, au point que je les ai répétés machinalement, les mots: « Le bras de M. J... »
Nous voyons quel aspect prennent ces idées qui, en apparence, entrent librement dans la conscience, après une analyse à l’état hypnotique. Ce sont de simples associations dont les intermédiaires échappent à notre analyse rétrospective, à l’état de veille. Nous dirons enfin, que de telles analyses, à l’état hypnotique, éclairent, d’un jour inattendu, la genèse des rêves, leur contenu et leur influence sur la vie psychique ultérieure. Pour ne pas sortir de mon sujet, je ne parlerai pas de la valeur immense de cette hypermnésie pour l’étude de la psycho-pathologie.
Cette augmentation de la facullé d’introspection actuelle et rétrospective n’est qu’une des expressions de l'exagération de la vie psychique propre à l'hypnose partielle systématisée. J'ai mesuré autrefois le nombre des mots d’une catégorie spéciale que le sujet pouvait dire, dans un laps de temps déterminé, à l’état de veille et à l'état d’hypnose partielle. J’ai trouvé toujours dans ce dernier cas une augmentation considérable. Plus tard, M. As h a mesuré de la même façon la capacité d'additionner et l’a trouvée augmentée dans l'état de veille partielle systématisée. Cette augmentation de la vie psychique, restreinte dans son extension, se manifeste encore d’une autre façon :
5° Le sujet plongé dans cet état d’hypnose partielle n'a pas seulement la faculté de se souvenir des faits pour lesquels il est amnésique à l’état de veille, mais ces souvenirs eux-mêmes, sont plus vifs. Ils se rapprochent de la vivacité des images duns le rêve. Ce fait n’est pas sans importance pour nos analyses; car, pour qualifier un phénomène, nous devons le comparer à d’autres phénomènes plus ou moins semblables ; et les résultats de nos comparaisons seront d'autant plus exacts que nous nous représenterons plus vivement ces phénomènes ;
0® Malgré cette circonscription de la vie psychique, le sujet ne perd rien de sa critique ; car, l'inhibition produite est assez, peu profonde,
pour que le sujet lui-même puisse tout de suite faire cesser l’inhibition d’un élément, aussitôt qu’il en a besoin pour les opérations de l'analyse ;
7° Naturellement le sujet a gardé sa faculté de s'exprimer ;
8° Le sujet change moins d’humeur, est moins distrait, se fatigue moins vite ; il montre donc une constellation psycho-physique plus constante ;
9° Enfin, dans cet état d’hypnose partielle, le sujet est plus sugges-tible, si l’on veut encore employer des suggestions spéciales.
Tels sont les faits qui me font croire que cet état de veille partielle systématisée est supérieur à l'état normal pour certaines classes d'analyses psychologiques : supériorité que j’ai déjà comparée autrefois à celle de l’examen anatomique microscopique sur l'examen à l'œil nu.
Après avoir réussi à produire cet état, je l’ai montré à quelques psychologues. Ceux-ci se sont persuadés que mes sujets n'avaient pas perdu leur critique, objection qu'on avait faite jusqu’à maintenant aux expériences de ceux qui employaient l’hypnotisme. Mais, pour des raisons diverses, dont je ne parlerai pas, quelques-uns m’ont fait d'autres objections. On m’a dit, par exemple : certainement, vos sujets peuvent faire de très belles analyses, mais si vous prenez des personnes encore plus douées pour l’introspection, elles peuvent arriver aux mêmes résultats, à l'état de veille, après un entrainement suffisamment long. Naturellement, je ne sais pas à quels résultats peuvent arriver, à l’état de veille, des sujets que je n'ai pas examinés. Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai travaillé avec des sujets qui, par leur éducation, leur instruction, et leurs dispositions naturelles étaient vraiment doués pour l’introspection. Ils ont toujours montré une facilité et une capacité d’introspection augmentées, dans l’état d’hypnose partielle systématisée.
Une autre objection qu’on m’a faite, sans que naturellement, pas plus que la première, on l'ait justifiée par des expériences, fut celle-ci : certainement. m'a-t-on dit, ce que vous appelez l'état de veille partielle systématisée est bien fait pour l’introspection ; mais ce n'est pas autre chose que l’état de concentration volontaire de l'attention. Rien n'est si facile à combattre qu'une telle objection : Pour produire un étal de concentration volontaire de l’attention, on a besoin d’un acte volontaire correspondant. Or, si je plonge mes sujets dans l'hypnose partielle, ils disent, eux-mêmes, après s'être analysés sur ce point, qu’un tel acte volontaire a manqué. Certainement, pour produire en eux l'état d'hypnose partielle, mes sujets aident par leur volonté, à la réalisation de ma suggestion, et plus tard, quand il sont sufisamment exercés, ils peuvent par leur simple volonté, reproduire cet état j mais l'idée efficace qui produit celui-ci reste toujours une vraie suggestion laquelle est celle-ci: l’état d'hypnose partielle viendra spontanément comme le sommeil naturel. Mais on a une preuve beaucoup plus décisive
que ce témoignage de l'introspection. On la tire des phénomènes objectifs caractérisant l'état d'hypnose partielle. Cet état, pris à un moment où le sujet n’a pas à faire d’analyses et comparé à l’état de veille correspondant, est caractérisé par une diminution de fréquence du pouls et de la respiration, par une profondeur plus grande des respirations, par un affaissement du thorax, enfin par une diminution du réflexe palellaire.
Il s’agit donc bien d'un vrai changement de l'état général de la conscience.
Enfin, on m'a dit : cet état est bien un état spécial, mais ce n’est pas une hypnose, étant donné qu’il n’y a pas disparition complète du sens critique, disparition qui, pour quelques auteurs, est caractéristique de l’hypnose. Je répondrai à ceci que les représentations théâtrales données par les Ilansen et les Donato ne doivent pas servir de base â la définition de l’hypnotisme, et qu'on doit laisser le soin de définir ce dernier à ceux qui l'ont étudié scientifiquement.
Nous étudierons maintenant les différentes manières d’employer les suggestions spéciales, le sujet étant, soit à l’état de veille, soit à l'état d’hypnose partielle.
i°Xouspouvons nous en servir pour maintenir la constellation psycho-phvsique du sujet. Nous pouvons inhiber les phénomènes qui ont tendance à changer son humeur, nous pouvons diminuer son excitabilité pour les phénomènes qui ont la tendance troublante de détourner son attention; enfin, nous pouvons supprimer les sensations de fatigue qui> surajoutées au vrai épuisement, contribuent, pour leur part, ¿diminuer la vivacité de la vie psychique. Des suggestions spéciales sont donc capables d’augmenter l’exactitude dans la production des phénomènes à analyser, et d’augmenter la possibilité d’obtenir des analyses comparables entre elles.
2° Par des suggestions spéciales, nous pouvons produire des phénomènes à analyser, à côté de ceux qu’on produit par des procédés psycho-physiques ou par la volonté du sujet. Il s’agit tout particulièrement de ces phénomènes qui sont :
I. Difficiles h produire par la méthode objective; il. Difficiles à produire par la volonté du sujet, et à cause de cela, impossibles à être analyses en même temps par lui :
III. Impossibles à produire par l’un ou l’autre de ces procédés.
Tous les sentiments complexes ne sont pas dans un rapport si étroit de cause à effet, avec les excitations périphériques, pour qu'on puisse les produire mathématiquement à l'aide de celles-ci. Il en est de même pour ies impulsions et les actions. La volonté du sujet r.e suffit pas non plus ;i les produire et à les graduer aussi bien que la suggestion le fait. Enfin, on peut, par la suggestion, dissocier des sensations et des idées qui restent unies sous l’influence des excitation:: périphériques et de la volonté du sujet.
Ainsi, par l'emploi de la suggestion, on augmente le nombre des phénomènes qu'on peut analyser par l'introspection.
3Û Enfin, nous pouvons employer des suggestions spéciales pour modifier l’état général «le la conscience, qui sert de base à l’expérience. 11 y a un grand nombre de changements de cel état général que l’on ne peut produire exactement que par la suggestion. Par exemple, à l’aide de suggestions, j’ai très bien réussi à produire toute une série d'états intermédiaires, entre une grande gaîté et une grande tristesse, afin d'étudier les changements que subissent les effets d'excitations périphériques déterminées, sous l’influence de ces différents états de gaité ou de tristesse.
De plus, j’ai pu produire, par la suggestion, un certain nombre d’états de sommeil de profondeur diiïérente et j’ai pu étudier alors les différents effets produits parle même agent selon la profondeur du sommeil.
Donc, aussi, dans ce sens, l’emploi de la suggestion élargit le domaine delà méthode psychologique expérimentale directe.
En résumé, en employant la suggestion dans les investigations psychologiques, on peut, d'une part, étudier plus de faits, et, d’autre part, atteindre à une profondeur et à une exactitude plus grandes dans les analyses.
COURS ET CONFÉRENCES
Le sommeil devant la médecine légale.
Leçon faite à la Faculté de médecine par M. le professeur Brouaiidel
(suite)
III. — Sommeil provoqué par les anesthésiques
Il n'y a guère que les médecins ou les pharmaciens qui connaissent l’emploi des anesthésiques et qui puissent s’en servir dans un but criminel. Cependant en a parlé il y a quelques années, et l’affaire Ht un certain bruit dans la presse, d'une association franco-anglaise dont les membres avaient, disaiL-cn, la spécialité de chloroformiscr les femmes en chemin de fer pour en abuser. Pour ma part, je ne crois guère à l’existence d’une telle association, à cause des difficultés occasionnées par l’emploi du chloroforme.
Vous avez tous assisté à des chloroformisations ; vous savez que toujours, excepté chez les tout jeunes enfants, il survient une période d’agitation très viv ', pendant laquelle la personne que Ton endort fait des mouvements de défense et cherche à repousser le masque ou la compresse que l’on place devant scs narines. Il semble bien improbable qu’une personne qui dans un wagonde chemin de fer, chercherait à en chloroformiscr une autre, pousse son essai au delà de celte période, par crainte que les cris de sa victime ne soient entendus ou parce qu’il lui
sera impossible de lutter contre les mouvements de défense, qui, vous le savez, sont parfois tellement violents que deux ou trois aides sont nécessaires pour maintenir la personne que l’on endort.
Cependant la question peut être envisagée à un point de vue un peu différent: on a prétendu qu’il est possible de faire passer, sans qu’elle s'en doute, une personne du sommeil naturel dans le sommeil chlorofor-rnique. Dolbeau, qui avait alors comme interne M. Paul Berger, a entrepris des recherches à ce sujet (‘).
Sur vingt-neuf expériences, dix fois il leur fut possible de chlorofor-miser à son insu une personne endormie. Vous voyez que si cela est possible, c’est dans une proportion assez restreinte, et il est certain que d’autres opérateurs, moins habitués au maniement des anesthésiques, auraient été loin d'obtenir des résultats positifs aussi nombreux. Déplus, il est à remarquer que Dolbeau et Paul Berger faisaient leur expériences à l’hopital, sur des malades, c’est-à-dire sur des personnes affaiblies.
Gucrrieri, qui reprit en Italie ces expériences, opérait sur des femmes idiotes, démentes ou aliénées. Ce sont là des conditions particulières, et il se peut qu’une personne, débilitée ou atteinte d’une affection mentale, s'endorme plus facilement qu’une personne saine d'esprit.
Supposez qu'un attentat de cette nature reçoive un commencement d’exécution, dans un wagon do chemin de fer. Il y a de grandes chances pour que la personne, même si elle est endormie, se réveille au moment où elle commence à passer de l’état de sommeil naturel dans le sommeil chloroformique et, à cause de l’agitation, des cris, à cause aussi de la proximité de la sonnette d'alarme qui fonctionne parfois, il est à supposer que l'auteur de l'attentat songera à la fuite plutôt qu’à toute autre chose.
Le véritable danger est pour les médecins. Je vous en ai déjà parlé, et j’y reviens, car je considère que c’est pour vous une question des plus importantes. Il peut arriver que des femmes que l’on endort à l’aide du chloroforme aient au moment de la période d'excitation, des rêves érotiques dont elles gardent le souvenir au réveil. Elles vont déposer une plainte chez le commissaire de police qui, devant les affirmations précises do cette femme, dont du reste la bonne foi peut ctre absolue, ouvre une enquête et peut même procéder à une arrestation.
Deux fois je fus commis pour des cas de ce genre, une fois pour un docteur, l'autre fois pour un dentiste. Pour convaincre le juge d'instruction de l'innocence des prévenus, je dus le faire assister dans le service de Verneuil, à une série de chloroformisations. Un non-lieu s’ensuivit, mais les praticiens accusés avaient été arrêtés et vous concevez quelle atteinte avait été portée à leur réputation.
(1) Vibort, Précis de médecine légale, 1S0G, p. 41 G.
(2) Hofmann, Nouveaux éléments de médecine légale ; Commentaires du professeur BrouardeJ, issi, p. 129.
(S) Tanner, Monatschrift far GeburtsliXXI, p. 153.
C’est pourquoi, Messieurs, je vous conseille de ne jamais rester seul avec une femme que vous chloroformisez, qu’il y ait toujours au moins un témoin. Toutefois, il faut autant que possible que ce témoin ne soit pas le mari, car il peut arriver qu’au cours du sommeil, sous l’influence de sensations voluptueuses, un prénom qui n’est pas le sien revienne à plusieurs reprises sur les lèvres de la femme, circonstance fâcheuse, qui place les époux dans une situation délicate et peut amener, ultérieurement, des troubles dans la tranquillité du ménage.
Un autre agent anesthésique qui pourrait être employé est le protoxyde d'azote. Il y a quelques années, il a été expérimenté dans un but d’attentat, mais non d’attentat à la pudeur, par un monsieur qui, voulant se débarrasser d’un de scs concitoyens, l'avait entraîné dans un voyage et avait tâché de lui persuader en route qu'il était très agréable de respirer une bouteille de protoxyde d’azote, qu'il avait eu soin d'emporter. Après essai, l’autre refusa formellement.
C’est en somme un anesthésique qui théoriquement pourrait être employé dans un but criminel, mais qui encore plus que le chloroforme, exige de la part de celui qui le manie une habitude spéciale.
IV. — Sommeil hypnotique.
Messieurs, l’étude des attentats commis pendant le sommeil hypnotique est une question médico-légale des plus difficiles à résoudre. Ici nous n'avons pas affaire à l’inculpé banal, quelconque, mais à un individu rendu capable de magnétiser par une éducation spéciale: c’est un médecin, un dentiste, un médicaslre, un échappé d’arrière-boutique de magnétiseur de forain.
Jusqu’à présent les cas de tentatives criminelles pendant le sommeil hypnotique sont rares. Le premier qui ait été signalé date de 1858 (*).
La jeune Marguerite A..., âgée do dix-huit ans, se croyant malade, se fit conduire par sa plus jeune sœur, dans le courant du mois do novembre, chez le nommé C..., exerçant à Marseille à ce qu’il parait, la profession de guérisseur par le magnétisme. Chaque jour elle allait prendre sa séance. Vers lecommencement d’avril, s'étant aperçue qu’elle était enceinte, elle porta plainte à l’autorité; et c’est alors que M. le commissaire de police nous commit tous deux 'MM. Coste, directeur de l’Ecole de médecine de Marseille, et Broquier, chirurgien de l’hôtcl-Dieu de cette ville) «c k l'effet de constater la grossesse et l’époque à laquelle elle pouvait remonter, et en second lieu de répondre à la question de savoir si la jeune Marguerite A... avait pu être déilorée et rendue mère contrairement à sa volonté, c'est-à-dire si cette volonté avait pu être annihilée complètement ou en partie par l’effet du magnétisme. »
Les experts, s'appuyant sur un rapport de Hussonfaitcn 1831 à l’Aca-
(!) Presse médicale de Marseille, citée par la Ca^eltJ des hùpitauv, 1SS5, n* ICC, p. 424.
démie de médecine au nom d'une commission composée de Double, Ma-gendie, Guorsant, Guéneau de Mussy, Ilusson, etc. (1). conclurent affirmativement. Ils demandèrent en outre l’avis de Devergie qui leur répondit:
Je crois qu’une fille de dix-huit ans peut, en thèse générale, avoir été déflorée et rendue mère contrairement à sa volonté, dans le sommeil magnétique.
Ceci est une affaire d’observation et de sentiment personnel. Mais en dehors du sommeil magnétique, il y a tant de mensonges, que je ne saurais aller plus loin.
Le sommeil magnétique est fictif ou réel; fictif, en ce sens que toutes les personnes qui donnent des consultations ou des représentations de magnétisme ne sont jamais endormies; réel, et alors tout rapport, tout sentiment de relation peut être interdit par le sommeil ; la sensibilité peut être émoussée et même éteinte, mettant la femme dans l’impossibilité de se défendre.
Tardieu se rangea à l'avis de Devergie (2)
Tel était l'état de la question, lorsque je fus commis pour une affaire qui se présentait dans des circonstances singulières, ainsi que vous allez pouvoir en juger. (3)
Pendant l’année 1878, un dentiste du nom de Lévy, fort bel homme, vint à plusieurs reprises exercer sa profession à Rouen. Il faisait beaucoup de réclame et sa clientèle était nombreuse.
Un jour, une dame B... se présenta à sa consultation, pour faire soigner les dents de sa fille, âgée de vingt ans. Ce singulier dentiste dit à la mère qu'il était essentiel, avant de commencer tout traitement, qu’il s’assure si la jeune lille était vierge. Il examina donc sa jeune cliente, conclut qu'elle était anémique, qu’il était nécessaire d’amener une réaction du sang par les organes génitaux.
Quelques mois plus tard, Mlle B... s’aperçut qu'elle était cnceinte et dépesa une plainte devant les tribunaux. Le juge d'instruction crut-à une simulation, attendu que la mère était constamment restée dans la pièce où opérait Lévy, mais, par acquit de conscience, il résolut de le l'aire appeler. Dès que celui-ci aperçut dans le cabinet du juge son excliente, il eut une exclamation des plus malheureuses pour lui. « Je vous en supplie, s’écria-t-il, ne me perdez pas! Vous étiez pure, tout ce que j’ai vous appartient. » Après avoir ainsi spontanément avoué, il nia énergiquement, tout ce qu'on lui reprochait.
On pensa tout d’abord que la jeune fille avait été endormie à l’aide d’un anesthésique, mais les experts de Rouen démontrèrent qu'aucun anesthésique n’était capable de provoquer ainsi le sommeil sans agita-
(1) Voy. Burdin et Kr. Dubois, Histoire académique du magnétisme animal, 1851, p. 333.
(2) Tardieu, Etude mèdico-lègalc sur les attentats aux mœurs. Paris, 7* édit., 1878. p. UU.
(3) Urouardcl, L'exercice de la médecine et le charlatanisme, 1898, p. 385.
tion et sans qu'ensuite la personne endormie ait eu la conscience d'avoir respiré des vapeurs plus ou moins odorantes. Au cours de l’examen, ils s’aperçurent que la jeune fille présentait des stigmates d’hystérie. C’est dans ces conditions que je fus commis.
Le point principal était de rechercher si lajeunè fille avait été consentante aux manœuvres de Lévv, ainsi que celui-ci l’affirmait.
J’examinai Mlle B... et je pus me convaincre rapidement qu’elle présentait des symptômes évidents d’hystérie. J’essayai de l'endormir par l’occlusion des paupières. Presque aussitôt, je sentis les globes occulai-res agités de mouvements convulsifs, portés en haut et en dedans, en 6trabisme convergent. La tete se renversa sur le dos du fauteuil, les bras tombèrent le long du corps ; en moins d’une minute, elle était endormie. Une légère secousse suffît à la réveiller. Celle épreuve, que je répétai deux fois, donna des résultats identiques.
Voyons comment les choses avaient pu se passer.
La chambre de l'Hôtel d’Angleterre, dans laquelle Lévy donnait ses consultations, avait 7 mètres de longueur et \ à 5 mètres de largeur. Elle était éclairée par une seule fenôtre, placée à l’une des extrémités de la pièce, vis-à-vis de la cheminée. Le fauleuil de l’opérateur se trouvait en face de la fenôtre.
A chaque consultation Lévy, priail la mère de s’asseoir près de la cheminée et faisait placer la fille sur le fauteuil, dont ii avait au préalable rabattu le dossier. J’ai pu m’assurer que, le fauteuil étant ainsi disposé, le bord supérieur de son siège se trouvait à la hauteur du pubis d’une personne placée debout en avant. Les pieds de la personne assise reposaient sur un support, placé à la hauteur du jarret de l’opérateur qui se trouvait complètement masqué.
Tout étant ainsi préparé, le dentiste recommandait à sa cliente de relever avec ses doigts la lèvre supérieure et de regarder un point quelconque du plafond. Presque aussitôt elle s’endormait.
Qu'étais-je en droit de conclure ? Il m'était impossible d’affirmer que l’état de sommeil provoqué, pendant lequel l’attentat supposé avait eu lieu, eût véritablement existé; ce que je pouvais dire, en m’appuyant sur l’autorité de Devergie, Tardieu, Lasègue (*), Mathias Du val c’est que ces léthargies passagères peuvent ótre produites et que rien ne prouvait que les faits ne se soient pas passés ainsi que l’exposait la plaignante (3).
L’affaire vint devant la Cour d’assises de la Seine-Inférieure, et le
(1) Lasègue, De Tanesthésie et de l'ataxie hystériques (Areu. gin. detr.éd1S6S, t. I, p. 3S5) . — Des catalepsies partielles et paisagères (Arc!:, gén. de mid ., J805, t.ll, p. 3G5).
(2) Math. Duval, Nouveau dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art. Hypnotisme, t. XVIII, 1874, p. 123.
(3) Brouardel, Accusation de viol accompli pendant le sommeil hypnotique. Relation médico-légale de l'affaire Lévy, dentiste à Rouen 'Ann. d'hyg. et de »¡éd. légale. 1879,3* série, t. I, p. 39).
19 août 1878, malgré une éloquente plaidoirie de M'Lcch&ud, Lévyfut condamné à dix ans de réclusion.
Quand les délais d'appel furent passés, le Président des assises fit demander à Lévy s’il était véritablement coupable de l’attentat pour lequel il avait été condamné. Celui-ci, dans une lettre que, malheureusement, le Président égara après en avoir pris connaissance, avouait que les choses s’étaient passées, ainsi que j’avais dit qu’elles pouvaient s’ôtre passées.
Aujourd’hui, après les travaux de Charcot, de l'Ecolc de la Salpe-trière et de l'école de Nancy, la question est beaucoup mieux connue, et il est assez facile au médecin expert de dépister l’hystérie chez les personnes qu’il est appelé à examiner, car, Messieurs, dans ces questions d’attentats commis pendant le sommeil hypnotique, la plaignante est toujours une hystérique ou une névropathe.
Cependant, même si vous êtes certain qu’une personne est hystérique ou hypnotisable, pouvez-vous affirmer qu’un attentat a pu être commis sur leur personne à leur insu ? Assurément non. Vous ne devez pas oublier ce que je vous ai déjà dit des hystériques : ce sont des simulatrices de la plus grande habileté, ce sont des personnes qui veulent paraître, et qui désirent qu’on s’occupe d’elles, de sorte que, même lorsque vous avez reconnu la possibilité de la véracité de leurs assertions, vous ne pouvez, en présence des doutes que vous êtes en droit d’avoir sur la bonne foi des hystériques en général, conclure que par une formule mitigée, dans laquelle vous direz que les actes incriminés ont pu être accomplis, mais sans donner une affirmation plus formelle.
Dégénérescence mentale avec phobies multiples. — Traitement
par la suggestion [*).
Par M. !e Dr Jules VOISIN.
Je vous présente une femme de 47 ans, qui, depuis 1888, vient me consulter. — C’est une femme de taille moyenne, trapue, d'embonpoint qui n’est pas exagéré et, à première vue, ne prêtant à aucune remarque particulière.
Son père était un impulsif et un alcoolique, son oncle paternel était maniaque, sa mère était égoïste, ne s’occupant pas même de son enfant (les égoïstes se rapprochent des persécutés— Elle-même peut passer pour avoir eu dans sa jeunesse des manifestations hystériques. Elle a toujours été craintive, émotive. Mais, à partir de l’âge de 20 ans, elle avait « des peurs, des frayeurs », même après son mariage. Ces accidents se seraient surtout montrés évidents à la suite d’un rêve effrayant qu’elle a eu. Elle avait ce que les auteurs nomment le délire du loucher; elle ne pouvait toucher certains objets, en particulier des
(1 j Leçon clinique faite à la Salpfitrière.
couteaux. Leur contact, leur vue provoquaient chez elle des accès d'oppression et d’angoisse. Elle a encore ce délire; elle a aussi de la claustrophobie, c’est-à-dirc qu’elle ne peut rester dans une chambre aux portes closes, et présente aussi de l'agoraphobie.
Elle ne peut passer dans les petites ruelles, et la raison qu’elle en donne, c’est que les maisons sont trop près d’elle.
Elle évitera de passer dans certaines rues, où elle sait que certains commerces sont exercés; elle ne passera pas dans une rue où demeure un coiffeur, dans une rue où demeure un boucher, parce que le coiffeur a des rasoirs et le boucher des couteaux. Quand elle entre dans une rue inconnue où elle aperçoit une boucherie, elle s’arrête pleine d’angoisse, oppressée, et elle s’enfuit au galop. Si elle aperçoit un soldat, un gardien de la paix, elle est saisie d’un tremblement nerveux et s’écarte au plus vite. Les marchands des quatre saisons, avec leurs grands paniers, l’effraient considérablement : n’auraient-ils pas quelques coutelas, quelques ciseaux! Et quand la pauvre femme monte dans un tramway et qu’elle se trouve vis-à-vis d’un de ces individus à profession détestée, elle paie immédiatement sa place et se sauve de la voiture.
Elle ne peut toucher un couteau; quand elle coupe son pain, elle est dans des transes; elle n’arrive pas à préparer son repas; il faut qu’on la rassure, qu’on lui affirme que personne ne court de danger : ni elle-même, ni ceux qui l'entourent.
Elle défend à ses enfants de toucher tout instrument tranchant. Quand ils étaient petits et qu’elle faisait leur toilette, elle voyait en morceaux sanglants leurs membres découpés et, pour se remettre, s’assurait qu’autour d’elle il n’y avait pas de couteau.
Son enfant dort paisiblement ; elle se relève, va le voir et comme il ne bouge pas, elle craint sa mort, le secoue, et lui demande s’il dort. Quand il lui a parlé, elle se recouche; mais elle recommence ce manège jusqu’à huit fois. Elle s’attache une main, la nuit, à son lit pour être sûre qu’elle ne se relèvera pas malgré elle pour aller étrangler son garçon. C’est un bonheur pour elle de s'attacher, et cependant aussitôt réveillée elle a peur d’avoir perdu ce fils, et court le voir. Sa lille jadis était l’objet de cette sollicitude étrange, qu'elle a, sa fille n’étant plus avec elle, reporté sur son fils.
Ce matin même, elle l'a, nous dit-elle, réveillé quatre fois de cinq heures du matin jusqu’à sept heures.
Elle ne peut pas manger de viande pour deux raisons : la peur du couteau d’abord ; ensuite parce qu’elle croit que «r c’est du monde », suivant son expression ; elle croit que cette viande c’est de la chair humaine, et en particulier celle de son enfant, dont elle se représente le cœur, le foie, l'intestin arrachés, séparés.
Ce n’est pas pour elle seulement qu'elle craint la blessure d’un couteau ; c’est surtout pour les autres, et cette frayeur du mal qui pourrait arriver à autrui se manifeste par d’autres phobies.
Elle a passé pour venir ici par le pont d'AusterJitz, qui est très large; elle était accompagnée de son fils. Pensez-vous qu'il marchait près de sa mère ? Pas du tout ; elle ne veut pas qu’il soit à ses côtés, ni devant elle ; elle aurait peur de le pousser par-dessus le parapet. Elle le fait rester derrière elle... il n’est cependant plus un gamin, c’est déjà un grand garçon de 13 ans.
Voici encore d’autres phobies qui empoisonnent sa vie. Elle a, je vous l'ai dit, de la claustrophobie, de l’agoraphobie. Elle n'aime ni les chats, ni les chiens : « Je m'en retire », dit-elle.
Toutes ces phobies sont indépendantes l’une de l’autre, ne sont pas sous la dépendance directe l’une de l’autre. Elles sont des signes de la dégénérescence mentale du sujet. Et leur présence simultanée chez la même personne montre bien que Legrand du Saulle et Westphal avaient tort d’ériger le délire du loucher en entité morbide. Ce délire et les autres phobies sont des symptômes épisodiques de la dégénérescence mentale, comme l’ont bien démontré Magnan et ses élèves.
La malade n'aime pas marcher sur des cailloux, elle n'aime toucher aucun objet lourd, parce qu'elle a peur de le lancer contre ceux qui l’entourent.
Je demande à la malade l’effet que la soie produit sur elle? Aucun ; c’est la plume qui lui déplaît : * je n’aime pas à la regarder ».
Vous verrez des gens atteints du délire du toucher avoir horreur du velours, et dans le monde, vous rencontrerez des personnes à qui leurs parenls n’offriront jamais une pèche sans l’avoir pelée ; le velouté du fruit leur est insupportable ; on leur évite cc désagrément, mais votre diagnostic est fait ; ce fils, cette fille a une phobie, c’est un dégénéré ; il a une tare héréditaire.
D’autres individus de la même catégorie ont la manie de laver. J’ai soigné une dame qui ne pouvait ouvrir une porto dont le bouton était en cuivre; elle craignait que ce bouton ne l’empoisonnât; elle saisissait la poignée avec sa robe qu’elle lavait ensuite ; elle a ainsi lavé du haut en bas trente robes, dont plusieurs de soie.
Mais voici que notre malade rit de bon cœur: laverait-elle aussi ses robes?... Elle nous affirme que non; toutefois, elle ojoule qu’elle les brosse, et qu'elle craint non pas d’être empoisonnée par le cuivre des boutons de porte, mais ce cuivre lui répugne: il pourrait être sale. D’ailleurs, cette répugnance n’est pas constante: il y a des moments où elle ne l’éprouve pas.
Certains malades ont peur de poser leurs pieds sur l'entrecroisement des pavés, sur des lignes formant croix: ce serait une cause de malheur pour eux ou leur famille. La dame qui abîmait ses robes, et dont je viens de vous parler, ne pouvait marcher sur des pavés pour ce motif, pas plus que sur les plaques qui ferment les escaliers des égouls. Dc*s qu’elle se trouvait sur une de ces plaques, elle était sidérée; elle s’arrêtait tremblante, angoissée, affreusement haletante; je l’ai vue à cette minute, ne
sachant aller ni à droite ni à gauche, ni reculer ni avancer de peur de faire écrouler la plaque sous elle.
Pour achever de vous faire connaître l’état mental de notre malade, il me suffira de vous rappeler ses propres paroles... Elle est venue sans accident et sans émoi ce matin à l'hôpital, parce que a le petit était avec elle ». La présence de son enfant, qui lui promet de ne pas la laisser toucher à quoi que ce soit, la rassure au moins pour un temps. De même, dans toute antre circonstance, elle est apaisée par les paroles encourageantes qu’on peut lui adresser, et sa faible volonté se laisse dominer par une volonté étrangère.
Elle se rend d’ailleurs compte du peu de raison de ses craintes. Je lui ai demandé ce que son fils pensait de toutes ses manies : « il enrit», a-t-elle répondu, et elle a ajouté a il a raison d’en rire ».
Elle est consciente de son état, mais ne parvient pas à le modifier, si ridicule qu’elle le trouve, si pénible qu'il rende son existence. Elle est adroite dans ce qu’elle fait; elle travaille bien, mais lentement ; au milieu de sa besogne, elle s’en vient à penser à l’un de ces sujets de terreur, et la besogne n’avance plus... Sa volonté est impuissante à réagir. Elle prend quelque force en s’appuyant sur celle des autres ; je lui en donne aussi quand je lasuggestioune.
Depuis 1888, la malade vient me voir cinq ou six fois par an, chaque fois qu'elle est obsédée. Elle vient prendre près de moi une provision de volonté; je l’endors, et je lui suggestionne de ne plus avoir peur... Elle ne vient pas assez souvent. Mais, en tout cas, elle est moins angoissée que jadis, et elle est améliorée par la suggestion, dont les effets durent plusieurs mois.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d;hypnologie et de psychologie
Les séances de la Société d'hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à i heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, ruo Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêlricre.
Les prochaines séances de la Société auront lieu ie Mardi 20 novembre, et le mardi 18 décembre 1900.
Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 14, rue Taitbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, Í, place Jussieu.
photographie des membres du Congrès
La photographie des membres du Congrès prise par M. E. Pirou, lors de la visite à la Salpêtrière, a été très bien réussie. Elle comprend cent cinq membres du Congrès.
Pour recevoir franco celte photographie, il suffit d'adresser un mandat-poste de 7 francs h M. Pirou, photographe, 5, boulevard Saint-Germain, à Paris. La Revue de l'Hypnotisme transmettra également les commandes ùM. Pirou.
L’intelligence des aveugles.
Les journaux commencent à s’occuper d’un jeune élève, M. Pierre Villey, qui, aveugle-né, vient de subir avec succès le Concours d’entrée de l'Ecole normale supérieure, après avoir remporté de très nombreux prix à différents concours généraux (lycées de Paris).
Nous connaissons particulièrement, et depuis plusieurs années, ce jeune homme, d'une intelligence véritablement au-dessus de la moyenne, et surtout remarquable par sa pondération et sa grande mémoire, sans parler des qualités spéciales aux autres aveugles.
Deux personnes qu'on ne cite pas assez, M. et M“8 Petitjean, ont joué dans son éducation un rôle considérable, sur lequel on a tort de ne pas insister, d’autant plus que M. Petitjean, professeur au lycée Buffon, est l’un de nos hellénistes les plus distingués.
Lorsqu’il s'est agi de lui apprendre le grec, nous avons même été mis par M. Petitjean au courant des essais tentés pour lui procurer des machines à écrire à caractères grecs. Mais, avant l'invention de la Dactyle, modèle français très simple, il était assez difficile, en effet, de se procurer des claviers à alphabet grec. Il fallait des machines faites exprès.
Mais la solution du problème qui se posait pour ce jeune homme s’est trouvée singulièrement facilitée par l’invention de la Dactyle. Dans celte machine, en effet, les caractères ne sont pas lixés à des leviers différents; ils sont tous disposés sur un barillet 'mobile. Si donc l’on possède des barillets à alphabets différents et interchangeables, un seul bâti de machine suffit, et on écrit le grec, de la même manière que les langues qui emploient l’alphabet latin. Avec un barillet de type russe, on pourrait écrire de même en russe, clc.
Remarquons,en oulre, que les aveugles n'ont pas besoin de faire dessiner sur les touches les caractères des langues diverses. Ils se souviennent de leur place ; il n'est donc pas besoin que les touches portent en relief les signes Braille, correspondant aux lettres.
Le professeur Lombroso, qui a étudié la complexion de tous les criminels célèbres, publie dans un journal de Venise, YAdriatico, une longue étude sur le régicide Bresci.
Après avoir soigneusement relevé les antécédents psychologiques et physiologique de l’assassin du roi Humbert, Lombroso conclut en ces termes :
« En somme, ce n’est ni un passionné, ni un criminel-né, c’est ce que nous appelons un délinquant d’occasion. Et ce qu’il y a de plus singulier et de plus important, c’est que celte espèce ne vient ni en première ligne, ni enseconde ligne dans les crimes politiques. Jusqu’ici, parmi les anarchistes régicides ou homicides, il y en a eu quelques-uns de fous : Passanante, Acciarito,etc. ; beaucoup de criminels : Ravachol, Pini, Parmeggiani, Ortiz, etc. ; des passionnés en plus grand nombre encore : Caserio, Vaillant, Henry.
Chez tous ces criminels, l’organisme intérieur a eu plus d’action que la cause extérieure. Ici, au contraire, c'est l’occasion qui l’a emporté sur les conditions de l’organisme.
Lombroso fait remarquer encore que presque tous les anarchistes sont des Italiens qui sont sortis de leur pays et ont habité quelquetemps l’étranger, et cette circonstance lui parait justement déterminer la formation de qu’il appelle o le criminel d’occasion ».
« Le séjour dans un pays vraiment libre fait éprouver un frisson, une horreur pour les violences statutaires du gouvernement, horreur beaucoup plus grande que celle qu’éprouve un Italien plongé dans l’atmosphère hébétante de la servitude, de telle sorte qu’un homme, même moyen, peut s’imaginer qu’un acte aussi odieux que le régicide est justifié. »
NOUVELLES
Enseignement de l’hypnotisme et de la psychologie physiologique Institut psycho-physiologique, k9, rue Saint-Andrè-des-Arts.
L’Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l’étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l’hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnolisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.
L'organisation de l’institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.
Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique), est annexée à l'institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister, et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d’aliénés, y complète son cours à î'Ecole pratique delà Faculté de médecine (semestre d’été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l’hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les D" Ilenry Lemesle, Bellemaniere, Watteau, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les Dr* Paul Farez, A. Guimbeau, Bianchi, et par M. Charles Verdin.
Depuis 1892, pendant le semestre d’hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.
M. le Dr Paul Joire, correspondant de l’institut psycho-physiologique fait, chaque année à Lille, un cours annexe d’hypnologie.
Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l’acquisition des appareils les plus nouveaux.
. Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l’histoire de l'hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.
Chaque année, un certain nombre d’étudiants trouvent d'importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l’institut psycho-physiologique.
Cours pratique d’hypnotisme et de psychothérapie
M. le Dr Bérillon a commencé une série de leçons pratiques d’hypnologie et de psychothérapie, le jeudi 18 octobre 1900, à 10 heures, à l’institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts. Il les continuera les jeudis suivants à dix heures. — Il sera secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les Dr‘ Ilenri Lemesle, Bellema-nière, Jaguaribe et Watteau, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par le Dr Paul Farez. — S’incrire à l'institut psycho-psychologique.
Cours d’hypnologie et de psychologie du Paul Joire, à Lille.
Le Dr Paul Joire commence le mercredi 14 novembre, à 8 heures du soir, au grand amphithéâtre de l'ancienne Faculté des sciences, à Lille, un cours annexe de l'institut psycho-physiologique. Ce cours comprend vingt-cinq leçons et comprendra toutes les questions relatives à l'hyp-nologie et à la psychothérapie.
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L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON
REVUE DE tSYPNOTISME
NÉ I
EXPERIMENTAI; E'^/THERAPEUTIQUE
15« Année — N° G.
Décembre 1900.
•T. P. Durand de Gros.
Lorsqu'à propos du récent Congrès de l’IIypnotisme nous donnions à nos lecteurs une biographie de J.-P. Durand de Gros (i), nous étions loin de penser que nous devrions si tôt déplorer la brusque disparition du maître vénéré dont la vigueur physique et la puissance intellectuelle semblaient défier les années et qui promettait de
(1) Numéro de septembre 1900, page 76.
rendre encore tant de services à la noble cause qui passionna toute sa vie.
Durand de Gros est mort à Arsac (Avevron) le Samedi 17 novembre 1900, à l’âge de 74 ans. Le mardi suivant, à la Société d'Iiypnologie et de Psychologie, notre Secrétaire général, après avoir fait l’éloge ému de notre Président d'honneur, a rendu à sa mémoire le juste tribut de notre profonde admiration et de nos regrets unanimes, en même temps qu’adressé à la iille éplorée du grand disparu nos plus douloureuses condoléances.
Or, ce ne sont pas seulement les médecins hypnotiseurs et psychologues qui sont en deuil ; c'est la science française qui perd en Durand de Gros un de ses champions les plus éminents.
Nous ne pouvons aujourd’hui exposer dans toute son ampleur l’œuvre d'un tel homme ; ce pieux devoir sera rempli prochainement par quelqu’un qu'il honora d’une affection toute particulière. Pour l’instant, contentons-nous de rappeler très brièvement ce que fut sa longue et épineuse carrière.
Ses travaux portent sur les sujets les plus divers : hypno-logie, psychologie, physiologie, anatomie, anthropologie, paléontologie, philologie, économie politique, agriculture, histoire des religions, logique, morale, esthétique, etc. Mais cette multiplicité n’est qu'apparente ; elle ne signifie ni dispersion, ni éparpillement : l’immense et éternel problème de la vie, dans ses manifestations les plus variées, tel est le point central de cette œuvre grandiose, au service de laquelle il mit son étonnante compréhension encyclopédique.
Quel que fût le champ d'études où il appliquait ses recherches, il y laissait des traces durables ; il y faisait des découvertes définitives, ou bien il y semait des vues neuves, originales, hardies, fécondes, qui ouvraient des voies nouvelles à de glorieux successeurs.
A ce titre, ce ne sont pas seulement Charcot et les hvp-notistes contemporains qui eurent Durand de Gros pour précurseur. Sur de nombreux points, il a encore devancé des savants tels que Darwin, Hæckel, Spencer, Claude Bernard, Forel, Edmond Perrier, d’autres encore.
Par la perspicacité de son génie inventif et générali-sateur, c’est d’un quart de siècle, d’un demi-siècle même que, sur des questions capitales, il devança ses contemporains; profond analyste, systématisateur puissant, il sut voir clair, là où tout le monde voyait trouble.
Une telle supériorité se paye.
A ce chercheur isolé qui, sans patrons puissants, sans attache officielle, osait, du fond de sa province, s’attaquer de front à l’orthodoxie régnante, battre en brèche les préjugés académiques et déranger les vieilles habitudes de pensée et de langage, on ne ménagea ni les réprobations ni les anathèmes. Il fut refoulé, honni, bafoué. Alors il écrivit aux académiciens ; il adressa des mémoires aux spécialistes, en adjurant ceux-ci d’en prendre connaissance; il sollicita la confirmation de ses théories; il provoqua ses adversaires... On ne répondit à scs défis que par un dédain superbe; pour n’avoir point à réfuter ses doctrines, on se dispensa de les examiner ; on tint systématiquement dans l’ombre et l’on frappa d’interdit toutes ses innovations; on lui infligea, en somme, un traitement bien plus redoutable que les persécutions, à savoir la conspiration de l’inertie et Pétouffement parle silence.
Des hommes moins bien trempés auraient pu se laisser abattre. Durand de Gros poursuivit scs recherches avec acharnement; il multiplia les expériences et les écrits ; il amoncela les preuves convaincantes. Avec une énergie, une constance et un courage admirables, il sut tenir bon et combattre le bon combat jusqu’au bout. Chercheur infatigable, ce « vieux lutteur », ce « vétéran chevronné et balafré » a travaillé jusqu’à son dernier jour; il est mort sur la brèche, debout, les armes à la main.
Après avoir quelque peu désespéré de- la justice des hommes, Durand de Gros vit enfin , il y a quelques années, « se soulever le boisseau sous lequel on avait voulu l'asphyxier. » Il eut la consolation de pouvoir dire : Non oit mis, moriar! En effet, un revirement s’est opéré en sa faveur; la proscription que l’on avait si longtemps fait peser sur lui a été définitivement levée; ses écrits ont reçu la consécration classique; les représentants les plus autorisés de la science se sont fait un devoir de
lui témoigner leur estime et leur sympathie. A la Société d’Hypnologie et de Psychologie, à la Revue de l’Hypnotisme, on s’honore et l’on est fier d’avoir, les premiers en date, activement contribué à réparer cet incroyable déni de justice qui s’est perpétué pendant près d’un demi-siècle; on se félicite d’avoir, plus d’une fois, apporté un peu de consolation à ses longues et amères épreuves. Toutefois, l’œuvre de réparation est bien loin d’être complète ; nous nous donnons comme tâche de défendre sa mémoire et de vulgariser son œuvre : nous n’y faillirons pas !
Outre un enseignement dont l’avenir montrera toute la portée, Durand de Gros nous laisse le souvenir et l’exemple d’un grand caractère. Loin du bruit, des honneurs et des ambitions, son labeur fut vivifié par la passion sainte et désintéressée du vrai. Il a aimé noblement la science, il s’est attaché à elle toute sa vie, il l’a servie loyalement sans jamais s’en servir. Il avait bien raison de compter avec confiance sur la justice de la postérité. L’impartiale histoire, qui rendra à chacun selon ses œuvres, dira que Durand de Gros est un de ces hommes supérieurs dont s’honore un pays et l’humanité toute entière; il a été l’un des savants, et, disons môme plus, l’un des philosophes qui auront le plus illustré le siècle qui s’éteint.
Dr Paul Farez.
DEUXIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE.
Valeur de l'hypnotisme comme moyen d’investigation psychologique
Rapport lu par le Dr Félix Regnaült.
La philosophie classique se basait sur l’observation : celle-ci portait généralement sur soi-même, et, sur les renseignements ainsi obtenus, on déraisonnait à perte de vue.
Cette méthode défectueuse empêchait de prendre connaissance de tous les phénomènes psychiques. Les philosophes ne voyaient rien en dehors des actes volontaires, c’est à dire sentimentaux ou raisonnés.
Aucun lien ne rattachait ces derniers aux actes réflexes. Ceux-ci comme étant d'essence trop humble occupaient peu les psychologues, qui les rattachaient au domaine de la physiologie.
L’hypnotisme vint, science d'abord purement médicale (1), qui nous fournit de nouvelles données grâce à une méthode toute différente, il introduisit l’expérimentation dans les phénomènes psychiques. Une série de faits nouveaux nous fut ainsi révélée : ils semblèrent d’abord extraordinaires, parce que nous ne les connaissions pas, on vit ensuite qu’ils étaient vulgaires ; si nous ne les avions pas reconnus plus tôt, la cause en était à nos mauvaises méthodes.
Ces faits nouveaux permirent de combler l’abîme qui existait entre les actes réflexes, actes nerveux les plus humbles, et les actes volontaires actes psychiques les plus élevés.
On put ainsi posséder une vue d’ensemble de tous les phénomènes psychiques, en faire des catégories, les classer d’une façon naturelle. On connaît l’importance d’une bonne classification en biologie : quand une bonne méthode de classification put être appliquée en botanique et en zoologie, ces sciences furent contituées.
Passons donc en revue ces divers modes d’actes qui partent du réflexe pour aboutir à la volonté :
1° Tout d'abord 1’acfe réflexe lui-même (2). Les physiologistes en ont étudié les lois. Dans l’acte réflexe médullaire, une sensation peut amener non seulement un mouvement mais une série de mouvements qui aboutissent à un acte coordonné : comme la grenouille décapitée qui porte la patte au point exact de la peau que brûle une goutte d’acide sulfurique. Nous arrivons aux actes réflexes supérieurs, simulant l’intelligence. Ces réflexes ont pour centre, la moelle allongée, la protubérance et les ganglions de la base du cerveau.
Un animal, auquel on extirpe les hémisphères en conservant les ganglions de la base, possède des mouvements très compliqués.
Une grenouille à laquelle on a enlevé les hémisphères est plus avisée qu’une décapitée. Elle conserve ses fonctions d'équilibre, reprend son attitude normale si elle en a été dérangée. Mise sur le dos, elle se remet sur ses pattes. Si on la place sur la paume de la main et qu’on renverse cette main, elle remonte vers le dos de la main. Si on la met à l’eau, elle nage régulièrement.
Au contraire, la grenouille décapitée, placée sur le dos, ne se remet pas sur ses pattes; mise à l’eau, elle tombe au fond et se laisse bouillir si on chauffe l’eau.
La grenouille décérébrée exprime ses émotions et coasse si on la touche, tandis que la décapitée ne coasse pas. Elle voit et évite les obstacles, attrape les mouches (Schrader); ses mouvement sont donc coordonnés, pourtant ils sont purement réflexes et dûs à la sensation
(t) Au début l'hypnotisme fut uniquement regardé comme un moyen thérapeutique et utilisé comme tel. Pourtant il avait une importance spéculative plus grande encore : c’est ce que nous démontrons dans ce travail.
(2) Voir pour plus de détails, Dr 1**. Regnault: Les causes des actes, Soc. d'hypno-logie, 25 juillet 1896. — Revue hypnot., déc.9G.
cutanée. Car si on écorche une grenouillo décérébréc ou si on sectionne les racines postérieures des nerrs spinaux, elle ne fait plus rien. De môme, le pigeon sans hémisphères se remet sur ses pattes, marche si on le pousse, vole si on le jette en l’air, évite les obstacles, apprécie les distances, tressaille si on tire un coup de pistolet. La conservation des tubercules quadrijumaux lui permet d’étre impressionné par la lumière, sa pupille reste contractile, il suit des yeux et de la téte les mouvements d'une bougie allumée, il se détourne à la vue du poing. Mais il n'y a plus appréciation psychique des objets vus, il n'y a plus de mouvements spontanés. Le pigeon décérébré est un automate, le monde lui est devenu indifférent. Il n’a ni crainte ni sympathie. S’il est mâle, il roucoule sans observer la femelle, s’il est femelle il n’a point souci de ses petits.
Goltz est parvenu à faire vivre, près d’un an, un chien décérébré. Cet animal arriva à manger, mais il ne cherchaitpas sa nourriture. Il avait le sens du goût; si on l’irritait, il grondait et cherchait à mordre. Mais il ne possédait plus de facultés intellectuelles, ce n’était plus qu’un automate, une machine réflexe compliquée.
Les actes produits par un animal décérébré sont, en effet, immuables, toujours les mêmes, par rapport au même excitant. De plus, ces mouvements ne sont jamais spontanés, il leur faut un excitant extérieur, sinon l’animal garde l’immobilité.
*
• •
2° Il convient de rapprocher des actes réflexes supérieurs :
a) Les actes habituels. Tout acte fréquemment renouvelé finit par s'exécuter sans peine, et devenir subconscient et automatique.
/>) Les actes instinctifs (1) ont été définis avec justesse par Condillac : des actes habituels transmis par hérédité. L’animal en naissant apporte tout établis les contacts entre neurones nécessaires pour l’exécution de ces actes.
On a prétendu à tort que les actes instinctifs étaient infaillibles et que l’animal ne se trompait jamais : si des objets différents sont ressentis de même façon par l’animal, ils excitent le même neurone et déterminent le même acte. Ainsi la mouche trompée par l’odeur de charogne de la plante stapelia hirsuta n’hésite pointa lui confier scs ccufs.
L’instinct admet également des degrés; parfois il n'existe qu'à l'état de tendance et une éducation préalable est nécessaire pour l'affirmer.
Enfin il n'est pas immuable mais est à la longue modifiable par le milieu; c’est dire que les rapports entre neurones bien qu'intimes peuvent à la longue être désunis.
3® Actes imites. L’imitation doit être définie : la reproduction directe et machinale de l'acte perçu. Le mouvement s’exécute avec la sponta-
(•) Pour plus de détails voir: Dr Félix Reonàült. Evolution de l’instinct dans le Naturaliste. Em. Deyrolle. éditeur, 15 juin 189S.
néité du réfloxe automatique, pourtant l'encéphale y prend une part plus active car il se représente l’acte avant de le copier.
La puissance de la faculté d’imitation est révélée par certains actes psychologiques très simples : on sait à quel point le bâillement est contagieux, l’éternuement, le rire, les pleurs le sont à un moindre degré. Le peuple a conscience de cette puissance, car il a créé les locutions : parler comme un perroquet, singer son semblable.
L’imitation est surtout intense chez les animaux et les enfants ; elle peut en effet se produire sans exiger la formation préalable d’idées dans le cerveau.
Les premiers actes cérébraux du bébé, sont des actes d’imitation. Lombroso cite l’exemple d’une fillette qui, à l'âge de quinze mois, fronçait les sourcils comme son père.
Le bébé rit et pleure par contagion, il imite les mouvements et, à l’exemple du perroquet et de l’idiot, répète les sons et les paroles qu’il entend. Chez certains enfants, la puissance d’imitation est très intense.
On a vu un enfant de huit ans, étrangler son jeune frère, pour faire dit-il, comme le diable, qui étranglait polichinelle (Prosper Lucas). D’autres se réunissent, pour pendre un enfant après avoir assisté à cet acte juridique.
Mêmes faits s’observent chez certains idiots. Un d’eux tua une personne ; quelques jours avant, il avait vu occire un porc (Marcé).
Les idiots et faibles d'esprit, ont souvent une grande puissance d’imitation et sont au contraire, peu suggestibles : car la suggestion, comme nous le verrons, exige l’acquisition préalable d’idées. Elle peut persister alors, que toute autre faculté psychique a disparu. Tel cet idiot, dont la vie cérébrale se bornait à répéter tout ce qu’on faisait devant lui (Hol-lander). Pour faire prendre de bonnes habitudes à l’idiot et l’éduquer, on lui répète un grand nombre de fois sans se lasser, le même exemple : « car les paroles ont peu d’action sur lui, l’exemple est tout. »(Jules Voisin (1).
Avec l’âge, l’intelligence se développe et la faculté d’imitation diminue. On réfléchit avant d’agir, on arrête l’impulsion première, on fait ce que commandent les sentiments ou les idées.
Quelques adultes conservent un caractère infantile : ils imitent facilement l’acte accompli mais résistent absolument aux suggestions orales ou écrites.
D’ailleurs, qu’un état maladif survienne qui diminue la réflexion et la puissance de contrôle, et la faculté d’imitation reprendra son intensité première. Tandis qu'un sujet normal ne fait qu’ébaucher l’acte perçu et que sa volonté l’arrête dès le début, l’hystérique l’accomplit en entier. Car l’hystérique imite aussi intensément qu’il se suggestionne. Les attaques de nerfs sont contagieuses dans une salle de malades. Telle est
(1) J. Voisin, /diolic, Félix AK-an, p. 28t.
l’origine de ces fameuses danses de Saint-Guy qui entraînaient, au Moyen-Age, des populations entières.
Même à l’état normal, la volonté est parfois forcée de céder à la puissance de l’imitation. J’en fournirai un exemple personnel. J’accomplis sans peine les montées les plus raides en bicyclette. Un jour j’étais à mi-chemin d’une montée, devant moi deux bicyclistes essouflés, n’en pouvant plus, descendent de machine, quinze mètres plus loin je suis forcé d’en faire autant. C’est bien là l’imitation inconsciente, un véritable mimétisme moral (Félix Thomas).
D’ailleurs, pour certaines occupations, pour certains objets, la faculté d'imitation peut persister intense. Bien des gens prennent immédiatement et inconsciemment l'accent d’un pays. Cette aptitude à l’imitation peut même devenir avantageuse et être cultivée. Imiter les paroles avec l'accent, prendre le geste et la tournure de personnages en vue, constitue un talent de société et même une profession lucrative pour les comédiens. L’aptitude varie suivant les sujets, tel qui est visuel prendra mieux le geste et la physionomie, tel qui n’est qu'auditif imitera surtout l’accent.
4° Suggestion. Tandis que l’imitation est la reproduction directe de l'acte perçu, la suggestion est la reproduction de l’acte par éveil de la pensée correspondante.
L’imitation est la reproduction exacte, stéréotypée de l’acte. La suggestion est plus complexe, ce n’est pas simplement un degré plus violent que l’imitation, c’est autre chose. Elle ne se borne pas à l’actc seul, elle met en jeu'la cause, sentiment ou idée, qui l’a déterminé. Ainsi certains actes, la fuite, la peur, l’agression, la colère... expriment des émotions. Le sujet qui les verra ne se bornera pas à imiter ces actions, il éprouvera l’émotion correspondante.
Tandis que l’être purement imitatif fuira parce qu’il a vu fuir sans savoir pourquoi, le suggestif aura peur, puis fuira.
L’acte accompli n’est qu’une conséquence de la suggestion et ne la caractérise pas ; la suggestion consiste essentiellement dans la transmission de sentiment, de pensée.
Dans l’exemple précédent, cette transmission s’est faite par l’expression des émotions (mouvements, cris) qui constitue un langage naturel.
L’homme en possède un bien plus complexe dans le geste, la parole, l’écriture ; représentations symboliques de l’actc qui peuvent déterminer chez autrui l’idée et l’acte correspondants.
Tous nos sens sont des portes ouvertes à la suggestion.
L'oreille entend des sons dont la hauteur, l’intensitc, le timbre (musique) émotionnent le cerveau, et des paroles (langage) qui évoquent des idées.
Les yeux voient les gestes et la physionomie.
Une odeur, un goût, peuvent éveiller des idées.
Le sens musculaire luî-même peut être la source de suggestions.
L'attitude communiquée au sujet hypnotisé éveille en lui les idées correspondantes. Tandis que les résultats de l’imitation se bornent à la reproduction de l’acte, ceux de la suggestion sont plus complexes car elle s’adresse à un cerveau évolué dont elle met en jeu les sentiments, et les idées.
Tout d’abord, comme l'imitation, la suggestion produit l'acte suggéré. Mais cette production peut n’être pas immédiate, l’acte peut s’exécuter longtemps après la suggestion reçue : elle n’exécute pas des actes simples, mais comme elle éveille des émotions et des idées, elle provoque une série d’actes en vue d’un but. Ceux-ci s’inspirent de sentiments, de passions, d’associations d’idées, de raisonnements complexes.
La suggestion peut être assez puissante pour neutraliser une sensation réelle, amener l’anesthésie. provoquer des sensations fausses à la peauou aux viscères, dans la sphère des nerfs cutanés ousympathiques. agir sur les nerfs vaso-moteurs et causer des érythèmes, des phh'c-tènes, de la diarrhée, etc.
La suggestion est donc autrement complexe que l’imitation et comme moyen d'action et comme résultats.
Mais l'une et l'autre ont un caractère commun : aboutir à un résultat fatal, déterminé à l’avance parla sensation causale.
Les sentiments, les passions, les raisonnements que provoque la suggestion ne sont pas soumis à la réflexion. Il n’y a pas lutte entre sentiments, entre idées différentes. Les voies suivies par le courant nerveux sont larges et faciles, la cérébration est machinale, il n’y a point place pour la volonté. Les hommes sont tous suggestionables mais à des degrés très différents. Ils le sont d’autant moins qu’ils sont plus doués de réflexion, de force de contrôle et de puissance d’arrêt.
Au début, la sensation influence de même les cerveaux les plus et les moins suggestionables. Toute image entraîne une croyance momentanée à la réalité de son objet (Dugald-Stewart et Taine). Mais chez le suggestionable la croyance est durable ; chez l'être réfléchi, elle n’est que momentanée, car le jugement la détruit de suite.
Si l’hystérique est si éminemment suggestionable, c'est qu’il a perdu la faculté de réflexion. Pour Janet, c'est un distrait, mais la distraction suppose qu’on applique son attention ailleurs, Sollier qualifie avec plus de raison l’hystérique d’engourdi cérébral. L’appareil vérificateur, le sens du contrôle est endormi chez l’hystérique, la faculté imaginative veille et travaille (Guy de Maupassant).
Chez le suggestionné, la croyance durable provoque des actes ; chez l’être réfléchi, la croyance entraîne aussi à l’accomplissement de l’acte mais si elle n’est que momentanée et vite détruite par la réflexion, l’acte sera arrête dans son exécution, il ne sera qu'ébauché. Cet acte bien vite réprime par la réflexion est un signe extérieur de la pensée. 11 n’est point de pensée qui n’en provoque. Les muscles de la physionomie traduisent surtout les pensées ; car d’ordinaire la volonté est impuissante à les immobiliser entièrement. Ces expressions involontaires
d’émotion sont une manifestation atténuée de la faculté suggestive.
L’hypnose (sommeil provoqué) favorise la suggestion, en fermant ies sens à toute perception autre que ceile fournie par l’expérimentateur; tous les muscles étant relâchés, le sujet n’a plus conscience de l’eiïort causé par la contraction musculaire, il ne peut plus être attentif, car l’attention est due à la contraction permanente des muscles du globe oculaire fixant l'attention sur un objet. Ne recevant plus de sensation, le cerveau ne pense plus, il s'engourdit, il devient un instrument passif. La sensation que vous déposerez en lui aura le champ libre et créera la suggestion.
L’hypnose est loin d’être toujours parfaite : elle comprend tous les degrés depuis la sommation légère jusqu’à la léthargie où aucune sensation ne parvient plus au cerveau. L’hypnose amène chez les bons sujets la perte de la conscience, de la sensibilité et l’amnésie au réveil. En des cas moins favorables, le sujet possède une demi-conscience, il se souvient au réveil.
5° Exagération. Tandis que l’imitation et la suggestion ne font que reproduire des actes, l’exagération les modifie et crée une participation active du cerveau (‘).
Exagérer est une tendance naturelle à notre esprit : elle se manifeste dans nos paroles, nos actes, nos croyances Elle apparait dans nos modes, dans notre idéal esthétique, etc.
Les hystériques sont portes à exagérer. Avec eux il faut surveiller ses paroles. Le moindre mot de doute sur leur maladie, et iis croiront leur état extrêmement grave ; ils discourront sans fin sur une idée que vous avez émise sans y attacher grande valeur. Ils grossiront tous les événements, rapporteront de menus faits comme chose d’extrême importance: par leurs rapports ils engendrent les disputes et les querelles.
6° Opposition. Chez les sujets qui ont l’esprit d’opposition poussé au maximum, toute manifestation d’un sentiment, développe un sentiment opposé : le tableau de deux êtres qui s’aiment au lieu de leur être sympathique leur inspire la haine, la jalousie et des actes d’agression.
Ils sont mélancoliques quand ils voient jouer des comédies ou des opérettes, et malgré eux ils éclatent de rire aux endroits les plus pathétiques des drames.
Toute idée émise, si logique soit-elle, leur inspire l'idée contraire. Il suffit de dire blanc pour que ces esprits répondent noir et même d’être de leur avis pour les voir virer de bord et développer la thèse opposée. L'esprit de contradiction ost la source de presque toutes les discussions et on sait si elles sont fréquentes. Tout conseil ou ordre donné les incite à un acte contraire. Non seulement ils résistent aux suggestions mais il commettent l’acte opposé à celui qu’on leur indique.
(I) Voir pour plus de détails : D' Félix Rbonault. L'exagération dans l'art. Revue scientifique, 2 janvier 1895, et iEvolution du costume, conférence transformiste Uull. Soc. anthropologie, 1900.
Liébault ('}, qui est le premier ayant noté des faits semblables, cite des faits dûs à l’esprit d'opposition, mais sans différencier suffisamment ce dernier de l’esprit d’imitation. Il rappelle d'après Finkelnburg, l’histoire d’une femme qui en voyant verser des larmes ne pouvait s’empêcher d’éclater de rire. Des malades qu’il invitait à se coucher sur le dos, quittaient leur position de côté pour se placer à plat ventre; ils avaient bien entendu, mais les paroles avaient éveillé en eux l’idée du contraire et sans s’en douter, ils en avaient subi la tyrannie. Leur acte d’opposition était spontané et pas du tout, comme on pouvait l’imaginer, exécuté dans la pensée de se moquer du médecin.
Tels les ânes qui refusent d’avancer, se mettent à courir dès qu’on leur tire la queue.
L’esprit d’opposition existe chez tous les hommes, mais il est rarement poussé à un si haut degré.
Les hystériques possèdent souvent cet esprit très développé. Tous ceux qui ont fait de l’hypnotisme, savent qu’il est deux sortes d’hystériques ; les uns très aisément suggestionnâmes, les autres impossibles à manier, qui vous rient au nez quand on leur enjoint le sommeil et font le contraire de ce qu'on leur ordonne.
Pourtant, ces sujets eux-mômes sont maniables pour un hypnotiseur exercé. 11 doit s’y prendre autrement avec eux.
Il importe avant tout de ne pas éveiller l’esprit d’opposition. Pour cela, on peut user de divers stratagèmes.
Un de ceux qui réussit le plus souvent, est de dire à un tiers la suggestion qu’on veut faire. Il ne se méfie pas des paroles qui ne lui sont pas directement adressées. Cette pratique réussit merveilleusement chez l’enfant. On ne pense jamais assez combien l’enfant écoute les conversations et en fait son profit.
Les règles du savoir-vivre qui sont : de ne pas se fâcher, de ne point discuter avec chaleur, sont celles d’une bonne suggestion. Qui parle avec emportement, semble dire : je veux te convaincre, je veux que tu penses ainsi; le sujet se rebiffe. Pour convaincre, il faut avoir un ton tranquille et assuré, qui affirme : il est impossible que vous pensiez autrement. Certains hystériques, fort suggestionnâmes par des paroles douces, assurées, sympathiques (*), ont l’esprit d’opposition fort développé et ne supportent aucun commandement.
L’esprit d’opposition qui résiste ordinairement à la suggestion, peut quelquefois l'exalter. J’en connais un exemple très instructif. Une jeune fille avait une dyspepsie incurable (anorexie, phobie alimentaire, et quand elle surmontait son dégoût, elle était prise de gastralgie et de vomissements). Comme elle était religieuse, elle se rendit à Lourdes
(1) Du sommeil et des états analogues, Félix Alean, 1S66.
(2) Il faut distinguer l’esprit d’opposition, qui prend le contre-pied de ce qu’on commande, de la résistance des hypnotisés aux suggestions qui choquent des sentiments enracinés; ce sont deux faits bien différents.
pleine de confiance. Mais il subsistait malgré elle quelque doute ; quinze bains en piscine et une multitude de prières ne produisirent aucun effet. Les parents désespéraient et se préparaient au départ, quand survient le grand pèlerinage annuel. Elle désire en essayer, on objecte que c’est bien inutile, que les piscines sont encombrées de malades, qui ont plus de chance de guérir qu’elle. Son esprit d’opposition s'éveille, elle insiste, réclame, pleure, elle est convaincue de la guérison. Elle exalte sa suggestion, on cède à sa prière et elle sort absolument guérie de la piscine. Depuis elle mange de tout et digère fort bien.
Il faut réserver au malade quelque chose d'extraordinaire, très difficile à atteindre, en lui laissant entendre qu’il est impossible d’y arriver. Là où la suggestion aura été inefficace, on éveillera l’esprit d’opposition et celui-là guérira.
7° La volonté. — Nous arrivons à l’acte volontaire, celui-ci, obscur si on le considère isolément, devient fort clair si on le compare aux actes précédemment étudiés (').
Pour faciliter cette comparaison nous pouvons schématiser ces divers actes, nous en saisirons de suite les différences.
L’acte réflexe est caractérisé par :
1° La sensation provoque un courant nerveux centripète P ;
2* Ce courant nerveux vient exciter un neurone sensitif : sensations S :
Fig. I.
Acte réflexe simple.
P, sensation déterminant un courant nerveux centripète ; S, neurone sensitif; M, neurone moteur; F, courant nerveux centrifuge.
3° Ccllc-ci transmet l’excitation à un (réflexes simples) (Fig. 1) ou à un grand nombre de neurones moteurs M(Fig. 2) d’où l'acte.
Qu’il s’agisse de réflexes médullaires ou d'actes cérébraux automatiques, d’actes imités, le schéma est le même.
La suggestion au contraire, éveille un sentiment. Le schéma devient plus complexe. Le neurone sensitif S, transmet son courant à une cellule psychique -J-, centre de sentiment. Celte dernière excitera les
(I) Voir pour plus de détails : I)r Félix Reonault, Essai sur la volonté. Société d’Jiypnologie, 17 fév. 159C. _
Fig. 2.
Acte réllexe compliqué
M, M4, M2. M3, M4, M5,
les neurones moteurs excités, F, F1, F2, F3,F4, F5, les nerfs moteurs excités. Les autres lettres comme dans la fig.1.
tion) ou semblable, mais plus intense (exagération) ou enfin opposé (opposition).
Fig. 3.
Acte suggéré.
Comme dans la fig. 2, mais en plus f ou neurone psychique.
Dans l'acte volontaire, le neurone sensitif S excite plusieurs neurones
psychiques 7 et c’est le neurone, qui vibre le plus, ÿ ' qui fournit le mouvement. (Fig. 4.)
Aussi l’acte volontaire a-t-il été reconnu plus long à se produire, que l'acte réflexe.
La caractéristique de l’acte volontaire, consiste en l’excitation de plusieurs neurones psychiques : d’ou la formation de plusieurs images, sentiments ou idées. Un sentiment ou une idée domine, qui déterminera l’acte.
Fig. 4.
Acte volontaire
Comme dans la fig. 3, t2, i3. t*. représentant les neurones psychiques excités, mais un seul f transmet son excitation aux neurones moteurs.
L’acte causé par le réflexe, l’imitation ou la suggestion est fatal. Au contraire, l’acte volontaire est déterminé.
Parfois une des images est sentie si intense par rapport aux autres et amène si nécessairement l'acte que le déterminisme apparait clairement, par exemple quand nos passions sont mises en jeu.
Quand les idées sont d’intensités à peu près équivalentes, il y a attente ou réflexion. Puis on se détermine et on préfère une idée aux autres comme motif d’acte: c’est le jugement.
La réflexion peut être iente et calme ou tumultueuse et intense, de même le jugement peut être superficiel, c'est-à-dire faire choix entre des idées peu nombreuses, ou être bien établi entre de nombreuses idées.
Quand il y a attente, réflexion, jugement, il semble que notre moi volontaire fasse pencher la balance et cause l’acte. Pure illusion: là comme précédemment, l’acte est déterminé par le neurone psychique dont l'excitation est la plus forte.
Il n’en est pas moins vrai que l'acte volontaire n’est pas fatal dans le sens den actes réflexes, imités ou suggérés;ilestsimplcmentdéterminé.
Il importe d'opposer ces deux sortes d'actes comme nous le faisons dans nos schémas.
Je voudrais enfin insister sur un dernier point: nos schémas n'expliquent pas la nature, l'essence des opérations psychiques ; ils ne constituent qu'une représentation graphique de ces divers actes, qui permet de les comparer et de les rapprocher.
C’est parce qu’on a cru que les schémas expliquaient l'essence des phénomènes psychiques, qu’on a pu les critiquer avec raison. Ainsi je n'indique dans mes schémas ni la nature, ni le siège des neurones: S, P, M. Je n’indique pas comment s’opère le contact entre neurones, ni la nature de l’excitation nerveuse. Tout cela en effet n’a rien à faire avec la représentation graphique des actes psychiques.
Mais j’ai construit mes schémas de façon qu’une légère modification dans une de leurs parties indique de suite la différence dans les actes considérés. J’introduis dans le schéma des réflexes le neurone -J- et ce seul changement me donne l’acte suggéré; puis une série de neurones 7 me montrent l’acte volontaire.
Les schémas ne sont ainsi qu’une écriture figurative vous expliquant mieux que l’écriture ordinaire les ressemblances et différences des objets considérés.
Ils nous fournissent un merveilleux classement des phénomènes psychologiques. Or classer des faits, les comparer, c'est déjà les comprendre pour notre faible cerveau humain (*).
v
4 »
Nous avons expliqué par l’hypnotisme produit à l’état de veille ou par l’intermédiaire du sommeil suggéré (hypnose) l’imitation, la suggestion des sujets normaux ou malades (hystériques). Nous avons vu comment ces sujets réagissent parfois par des mouvements exagérés ou opposés à ceux qu'on voulait leur faire exécuter.
On comprend d'autres phénomènes encore sous ce nom hypnotisme. Bien qu’ils soient encore mal expliqués il nous importe de les étudier.
1° La léthargie est le degré le plus accentué du sommeil hypnotique-Le sujet n’est plus suggestionablc, car le cerveau est isolé du monde extérieur, aucune sensation n’y parvient; ni paroles, ni vue d'objet; ni sensation musculaire ; car si on soulève le bras il retombe inerte. Cet état psychique s'accompagne de certains phénomènes physiologiques : diminution do la température du corps, diminution de la respiration et de la circulation : le sang reflue vers les organes profonds et disparait de la périphérie. La léthargie spontanée étudiée par Charcot chez l’homme ne diffère en rien de la léthargie expérimentalement obtenue par les Fakirs de l’Inde. Cet état est semblable à la léthargie spontanée que subissent un grand nombre d'animaux.
(1) Voir pour pius de détails: D' Félix ReOXAült, Les Schémas en psychologie. — Médecine moderne, août 1S97, p. 50i.
2®L’extase est obtenue par l'éveil et la durée d'une passion unique. On suggère une passion, celle-ci occupe toute l'activité mentale; il y a rétrécissement de la conscience que rien n'excite hors la passion unique. Les contractions musculaires, attitude et physionomie correspondent à la passion suggérée: qu'il s'agisse d'amour, de religion, d'érotisme......
L’exiase hypnotique nous explique les exlases décrites dans toutes les religions depuis le nirvana jusqu'à l’extase des saints.
3° hafasci'nalion est une forme particulière de l'extase. Là aussi existe une passion unique, celle-ci occupe tout le champ de l’activité mentale ; rien ne l'excite en dehors de la passion.
Les contractions musculaires sont provoquées uniquement par cette passion. Mais ici l’objet passionnel est perçu par les yeux; il est vu. Les contractions musculaires, au lieu de se borner à la mimique, comme dans l'extase, agissent violemment pour conserver la contemplation de l'objet qui fascine.
L’étude de la fascination explique les idées populaires sur le mauvais œil, et les croyances anciennes sur le pouvoir de la tête de la Méduse.
La fascination est très commune dans le monde animal : le type en est fourni par le serpent qui fascine sa victime.
4° La catalepsie est caractérisée par ce fait que l’attitude donnée au malade est conservée. Vous élevez le bras du sujet, il reste dans cette attitude : la sensation ainsi provoquée est donc perçue par le cerveau, car elle amène des contractions musculaires qui tiennent le bras élevé. Il y a suggestion inconsciente, et de plus la suggestion est permanente; c’est-à-dire que le neurone moteur continue son excitation et amène la permanence de la contraction musculaire.
L’état cataleptique existe chez certains sujets en dehors de l'état hypnotique : tel est l’état décrit sous la forme de catatonie ou catalepsie partielle. J'ai pu avec Azoulay obtenir cet état chez bon nombre de paralytiques généraux au début : si on leur élevait un bras, ils le gardaient dans la position mise et continuaient à causer (1).
Même explication que précédemment : à savoir, suggestion inconsciente, puis suggestion persistante dans son effet.
5° Le somnambulisme n'est que la suggestion poussée à son maximum, provoquant une série d’actes extrêmement complexes. Le somnambule donne le spectacle d’une vie inconsciente qui se déroule automatique : comme dans l'acte suggéré, il y a manque de réflexion, manque de volonté, des actes fataux et non déterminés.
Le somnambulisme hypnotique est de même nature que le spontané. Il nous explique les fugues de ces gens qui marchent pendant des jours, accomplissent des séries d'actes, puis revenant à leur état naturel ne se rappellent plus rien.
(I) D'« Azoulay et Reqxault. De rautomatisme dans la paralysie générale. Société de biologie, août 1892.
Si nous ne craignions d’abuser de la bonne volonté du lecteur, et de dépasser l'espace forcément réservé à un rapport, nous pourrions adjoindre à cette étude celle de l’hystérique, considérant l'hystérie comme une maladie qui rend les sujets plus particulièrement hypnotisables.
Nous pourrions, avec Charcot, montrer comment les crises hystériques ont éclairé certains points de l’histoire auparavant incompréhensibles : épidémies des convulsionnaires, démoniaques, etc.
Nous pourrions montrer, avec Janet, que l’anesthésie hystérique fournit de nouvelles données sur la conscience : l’anesthésie étant due à un état d’inconscience du sujet.
Les modifications et le dédoublement de la personnalité chez l’hystérique fourniraient encore un chapitre important.
Le rôle de la suggestion dans les sociétés renouvelle entièrement la sociologie : l’âme des foules, le rôle de la suggestion dans la genèse des religions, dans les miracles (1), dans les guerres, modifie nos conceptions sur l’histoire (2).
Mais de pareils aperçus nous entraîneraient trop loin et il convient de se fixer aux limites de notre programme. Si vous voulez considérer le bouleversement qu’a amené l'étude de la suggestion dans la philosophie classique, vous admettrez le rôle capital de l’hypnotisme comme moyen d’investigation dans la science psychologique.
Discussion
M. Crocq (de Bruxelles). —Je désirerais faire, à l’intéressant rapport que vient de nous développer M. Regnault, de très nombreuses objections. Le temps assigné aux orateurs étant limité, je me vois obligé de choisir parmi les observations qui me viennent à l’esprit, celles qui me paraissent les plus importantes. En ce qui concerne la schématisation des actes intellectuels admise par l’orateur, je suis loin de partager son avis et de considérer les actes complexes qui caractérisent notre intelligence, comme aussi simples. J’aurai l’cccasion de revenir sur cette question, lorsque j’aurai l’honneur de vous présenter mon rapport.
M. Regnault admet en principe que les réflexes sont médullaires. C’est là une opinion qui ne peut être acceptée dans l’ctat actuel de la science; nous tendons, au contraire, de plus en plus à admettre, chez l’homme, l’intervention du cerveau dans l’accomplissement des actes réflexes et, si nous consentons, jusqu’à plus ample informé, à dire que les réflexes tendineux sont médullaires, des faits nouveaux nous obligent à croire, que des réflexes cutanés sont plutôt d’origine cérébrale (Sherrington).
(•) Y. D' Félix Regnault; Hypnotisme, Religion. — Schlûicher, éditeur, 18D7.
(*) Ces miracles peuvent même être, non seulement la guérison de paralysies, contractures hystériques, mais encore la guérison de plaies, d’ulcères, etc., car l’hypnotisme exerce une influence vaso-motrice (V. Soc. d’hvpnologic, séance du 17 juillet 1833, et Revue d hypnol. nov. 1893, p. 135.)
J'entends encore M. Regnault parler de catalepsie et de léthargie hypnotiques. Je croyais ces termes définitivement rayés de la science hypnotique. Pour ma part, j’ai quelquefois provoqué ces phénomènes en hypnotisant des sujets, mais il s’agissait de sujets profondément hystériques, présentant des symptômes cataleptiques et léthargiques spontanés pendant leurs crises névrosiques et chez lesquels l’hypnose donnait tout simplement lieu à ces manifestations pathologiques. J'en suis arrivé à considérer la catalepsie et la léthargie comme des paroxysmes hystériques provoques chez les grands névrosés par l'hypnoti-sation.
La catalepsie et la léthargie me paraissent être des phénomènes pathologiques, n’ayant que des rapports tout à fait fortuits avec l’hypnotisme, qui, lui, est un phénomène physiologique.
M. Félix Regnault. — Vous dites : on tend à admettre que certains réflexes ont une origine cérébrale ; ce n’est donc pas absolument sur. Mais, cela fut-il établi sans aucun doute, ma classification subsisterait; mes schémas, en efïet, sont des moyens de cataloguer et d'ordonner les faits, pour en montrer les rapports. En second lieu, les faits démontrent qu’il existe des léthargies et des catalepsies : 1° chez les hystériques et les individus qui ont été entraînés, tels les fakirs ; 2° chez certains animaux, tels que la marmotte.
Quant à la catalepsie, elle a été signalée chez des individus non hystériques et notamment chez certains aliénés, où on l’a décrite sous le nom de catatonie ; avec le Dr Azoulay, j’ai montré son existence chez des paralytiques généraux au début, qui n’offraient aucun signe d’hystérie.
En matière d’hypnotisme, comme dans tout problème psychique, la vérité est complexe On a tort de vouloir la résoudre par une simple affirmation ou négation.
Les faits psychiques présentent des gradations, ils varient corrélativement avec un grand nombre de facteurs.
Leur ensemble ne constitue pas des rapports simples, mais, pour emprunter un langage mathématique, des fonctions. 11 y a entre la conception simpliste que vous défendez et celle plus complexe que je propose la même différence que dans la représentation de quantités mathématiques par un point (simple) ou par une courbe (complexe).
M. Crocq. — Pour ma part, je ne crois pas aux prétendus exploits des Fakirs et je n’v croirai pas tant que je ne les aurai pas constatés de mes yeux.
M. Bérillon.— Notre collègue, Félix Regnault, est allé dans l’Inde et il a assisté à des expériences réalisées par des Fakirs. Il a vu dans ces expériences une analogie avec les faits d’hypnotisme. Je connais trop sa sagacité et son esprit scientifique pour douter de ses affirmations. D'ailleurs, le procédé de discussion qui consiste à nier un fait parce qu'on n’a pas eu l'occasion d’en être témoin n’a rien de commun avec
le doute scientifique. Un médecin français ne serait pas fondé à nier l'existence de la lèpre ou de la pellagre parce qu’il n'en a jamais observé dans sa clientèle. Il en est de môme en ce qui concerne certaines expériences d’hypnotisme.
C’est ainsi que chez Dumontpallicr, à la Pitié, nous avions poussé la provocation des phénomènes de l’hypnose jusqu'aux limites les plus extrêmes. Nous avions obtenu, chez certains sujets, les manifestations de l’automatisme le plus intense. Dans ces états d’hypnose profonde, les réactions sont différentes de ce qu’elles sont dans les états que l’on provoque communément aujourd'hui par l'emploi de la suggestion et des actions psychiques. Les sujets auxquels nous nous adressions étaient des hystéro-épileptiques qui sont des sujets de choix pour les recherches expérimentales. Or, beaucoup de neurologistes qui n’ont pas été témoins de ces expériences les ont niées. Elles n’en ont pas moins existé et ont été exécutées en présence de témoins les mieux qualifiés pour les contrôler. Ces témoins étaient : Pasteur, Paul Bert, Bouley, Jamin, délégués paiTAcadémie des Sciences. Lesgrandes hystériques plongées dans les états profonds de l’hypnose présentaient une telle hyperexcita-bilité nerveuse que le professeur Jamin, après avoir assiste aux expériences disait : « Nous n’avons pas dans les laboratoires de la Sorbonne, de réactifs plus sensibles aux divers agents physiques que ne le sont vos hystériques hypnotisables. »
Ces expériences d’hypnotisme n’ont pas été reproduites pendant plusieurs années. Récemment, j’ai rencontré de nouveau des hystériques susceptibles d’être plongés dans le grand hypnotisme et j'ai renouvelé les expériences de la Pitié.
M. Crocq. — Contrairement à ce que vient de nous dire M. Bérillon, je pose le principe suivant : Si vous voulez vous tromper, expérimentez sur des hystériques.
M. Hickmkt (de Constantinople). — Kn ma qualité de médecin-major de l'armée ottomane, j'ai eu souvent l’occasion d'assister aux expériences de Derviches et d’autres fanatiques. Ce sont des gens généralement bien doués au point de vue intellectuel. Ils sont très suggestibles et, sous l’influence de suggestions d'ordre religieux, ils se plongent dans des états d’anesthesic qui leur permettent de se donner des blessures sans hémorrhagic. J’en ai vu rester dix jours sans prendre aucun aliment; ils ne manifestaient aucune souffrance. Or, ces individus me paraissaient normaux et nullement hystériques. Je reconnais que je ne me suis pas livré sur eux à la recherche des symptômes de l’hystérie.
M. Vogt (de Berlin).— M. Regnault a raison de dire que la léthargie et la catalepsie existent en dehors de l’hystérie : pour co qui est de l'expérimentation psychologique, les personnes sur lesquelles j’opère sont, non pas des hystériques, mais des sujets normaux auxquels je fais subir un long entrainement. Quant au grand hypnotisme, il existe en dehors de toute suggestion, mais il est toujours hystérique.
M. Bérillon. — J'accorde à M. Vogt que des sujets normaux, s’ils sont sensibles et intelligents, peuvent devenir des sujets excellents, mais ils ont besoin d’élrc entraînés et cultivés. Si, au contraire, on s’adresse à des sujets prédisposés comme le sont les hystériques, il n’est pour ainsi dire plus besoin de les éduquer. Si nous n’avions pas eu d’hystériques pour nous entraîner à l'expérimentation, nous n’aurions peut-être pas fait d’expériences. Je n'en admet pas moins que l'expérimentation telle que la pratique le Dr Vogt est très fructueuse et rend de grands services à la science psychologique.
M. Régis (de Bordeaux). — Tout à l'heure on a voulu voir un phénomène cataleptique dans cette psychose que Ivalbaum a décrite sous le nom de catatonie. La catatonie n’est pas de l’hystérie, mais il ne s’en suit pas que ce soit de l’hypnotisme. Dans les psychoses d’intoxication, surtout dans celles qui se rapportent à l'insuffisance rénale il y a toujours des phénomènes moteurs, lesquels varient suivant la nature du poison qui est en cause. La catatonie se rapporte non pas à l’hystérie, non pas à l’hypnotisme, mais à un poison catatonique.
M. Paul Magnin. — MM. Richet et Gley, expérimentant sur des hystériques, ont montré que pour des travaux intellectuels différents, on obtenait des variations de température très notables. Moi-méme, à la Pitié, j'ai fait des expériences analogues. J’appelle une hystérique et je prends sa température. Je fais causer la malade et l'accroissement de température est très faible. Je lui fais lire un livre sérieux et la température augmente un peu plus. Je lui fais déchiffrer un livre d'anglais et le thermomètre monte d’un demi-degré. Cette expérience, souvent renouvelée, s'est toujours montrée adéquate à elle-méme. Or, chez des individus non hystériques, je n’ai jamais obtenu que de très minimes différences de température. On voit donc la supériorité des hystériques en tant que réactifs sensibles.
M. Bérillon. — Certainement l’avantage que présentent les hystériques c'cst de grossir et d’amplifier les résultats de l’expérimentation.
M. Crocq (de Bruxelles). — J’ai beaucoup pratiqué l’expérimentation hypnotique et j'ai obtenu des choses en apparence merveilleuses. C’est pourquoi je suis devenu excessivement prudent. J'ai provoqué d’une manière réellement surprenante l'extériorisation de la sensibilité, la visibilité des effluves magnétiques et électriques et j'ai failli être victime de mes sujets, tant les expériences réussissaient bien. Mais l’observation attentive des faits m'a convaincu qu'il s'agissait tout simplement d’auto-suggestions. Il ne faut pas oublier que le sujethypnotisé cherche, par tous les moyens possibles, à satisfaire son hypnotiseur, à réaliser non seulement scs ordres mais encore ses pensées. Le somnambule scrute le cerveau de l'hypnotiseur et recueille les moindres indices capables de le mettre sur la voie. Il en arrive bientôt à deviner la pensée de l’hypnotiseur qui ne se met généralement pas suffisamment en garde contre la sensibilité extraordinaire que peut acquérir son sujet
et qui ne se rend pas toujours compte qu’un indice, imperceptible poulies individus éveillés, devient un signe de la plus haute importance pour le sujet endormi.
Cette hyper-sensibilité et cette tendance à réaliser les désirs de l’hypnotiseur existent au plus haut point chez les hystériques dont l’intellec-tualité complexe se prête peu à une analyse psychologique exacte. Voilà pourquoi, lorsqu’on veut étudier les phénomènes hypnotiques purs, sans mélange de phénomènes névrosiques, il est préférable d’expérimenter sur des sujets normaux qui réalisent parfaitement des états appartenant en propre à l’hypnose, sans y ajouter des particularités pathologiques qui embrouillent singulièrement les choses. Si Charcot avait étudié l’hypnotisme sur des personnes saine3, au lieu de se servir de sujets hystériques, simulateurs et auto-suggestibles à l’excès, il n’aurait pas édifié une théorie dont il ne reste rien ou presque rien aujourd’hui. Et si un homme de la valeur de Charcot a pu se tromper, quels dangers ne courons-nous pas en nous mettant dans des conditions analogues? Je conclus en disant que si l’on veut observer sainement les phénomènes de l’hypnose, on doit, de toute rigueur, exclure de ses expériences les sujets hystériques.
M. Paul Magnin*. — A mon avis, on répète trop facilement que Charcot s'est laisse tromper par ses sujets. Les conditions expérimentales dans lesquelles Charcot et DumontpalUer s’étaient placés nont jamais été réalisées par les expérimentateurs qui ont voulu vérifier leurs expériences. La doctrine de la suggestion a exercé une inlluence si grande sur les esprits que l’on a trop négligé l’étude des agents physiques. Or, c’est par l’emploi des agents physiques que l’on obtient l’apparition de phénomènes intenses qui ne sont jamais réalisés que d’une manière très atténuée par la suggestion. Les faits observés par Charcot ne sont même pas réalisables par la suggestion. S’il les a mis en lumière, c’est qu’il s’adressait à d'autres procédés. L’attaque de grande hystérie provoque spontanément 1 apparition d’états psychologiques et de phénomènes somatiques qui n’ont rien à voir avec la suggestion. Il en est de même de beaucoup de faits que nous avons observés, chez Dumonl-pallier. Il faut dire que nous avons consacré à ces études des années entières, et que nous avons mis beaucoup de temps à faire notre éducation expérimentale. Il est probable que d'autres n’auraient pas obtenu .de nos sujets les dissociations expérimentales et les réactions que nous avons observées. Il en est de la pratique de l’hypnotisme comme de celle de tous les arts. Il ne suffit pas d’avoir une flûte entre les mains, il faut apprendre à en jouer.
M. Delanne. — Dans les expériences auxquelles M. Crocq faisait tout à l’heure allusion, il n’a pas tenu compte de la suggestion mentale.
M. Félix Regnault. — Il ne faut pas rejeter de parti pris des phénomènes tels que la suggestion à distance ('), la lévitation, etc... Mais il ne faut pas se contenter, pour y croire, de l’affirmation de personnes
dont on connaît la bonne foi. Car ces phénomènes ne concordent pas aves les données de la science. Il convient donc de les prouver au moyen d'un contrôle scientifique, s’il y a lieu, ou sinon de montrer comment l’erreur a été commise.
Tout autres sont des phénomènes comme ceux de la léthargie. Ils sont physiologiquement connus. Ils n’existent pas seulement chez l’hystérique ou chez le fakir (qu’on pourrait à la rigueur regarder comme devenu hystérique à la suite de manœuvres appropriées) mais encore chez des animaux qui hivernent.
C’est donc une erreur de croire que la léthargie est purement morbide, hystérique. D’ailleurs, nous ne savons pas ce qu’est l’hystérie, quelle est sa cause, sa lésion matérielle; nous n’en connaissons que les symptômes. Dans ces conditions il est impossible de s'entendre sur la valeur exacte du mot hystérie.
Un autre point a été soulevé : « les animaux, a-t-on dit, sont soumis aux phénomènes hypnotiques »; cela est vrai. Mais, il importe de distinguer les manifestations hystériques des états hypnotiques. Des premières, on peut donner comme exemples la paralysie hystérique des chats, le tremblement héréditaire des levrettes, les troubles moteurs des pigeons dits « culbutants », le tournis des souris japonaises, la chorcc hystérique et les tics des chevaux, etc.
Parmi les états hypnotiques auxquels les animaux peuvent être soumis de la part de l’homme ou des autres animaux, il faut distinguer: 1° La fascination du serpent vis-à-vis des animaux, du charmeur de serpent vis-à-vis de cet animal ; — 2° L’état cataleptiforme provoqué par une lumière vive avec bruit subit, la catalepsie de la poule qui fixe une raie blanche, la catalepsie passagère produite par le chien d'arrêt sur le gibier, etc. ; la simulation de la mort que pratiquent de nombreux animaux est due à un état cataleptique causé par la frayeur et l’anes-thésie peut être si absolue que l'araignée en cet état se laisse disséquer et brûler sans faire le moindre mouvement (Darwin) ; plus rarement il s'agit d'une ruse; — 3° Un état de contracture généralisée; les psylles de l’Egypte l'obtenaient en comprimant la tète de la vipère rayée; quand on prend l’orvet, celui-ci entre en contracture et se brise comme verre.
En dehors des manifestations hystériques et des états hypnotiques signalés ci-dessus, il faut mentionner un état normal dit d'hibernation qui rappelle la léthargie chez l’homme et en présente les mêmes symptômes (2).
(1) On distinguera la suggestion à distance ou télépathie de la suggestion mentalo : dans ce dernier cas ie suggestionné voit le suggestionneur et peut parfaitement connaître sa pensée par son jeu de physionomie.
(2) Voir, pour de plus amples détails, I)' F. Regnault, Hypnotisme et Religion, Schleieher, éditeur, p. 220, p. 48 et, passi»:.
DEUXIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL F-T THÉRAPEUTIQUE
Les Fêtes et les Réceptions du Congrès de l’Hypnotisme
Réception à l’Hôtel de Ville, des Membres du Congrès international d’hypnotisme (')
Le mardi 14 août, à 5 heures, les membres du Congrès international d’hypnotisme ont été reçus dans les salons de l'Hôtel de Ville, où un lunch leur a été offert.
MM. Edmond Lepelletier, secrétaire du Conseil municipal, assisté de MM. L. Achille et Brenot, conseillers municipaux, a fait les honneurs de la réception.
M. le Préfet de la Seine et M. le Préfet de police s’étaient fait excuser.
Dans l'assistance on remarquait: MM. le docteur Jules Voisin, médecin de la Sal pétri ère, président du Congrès; le docteur Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d’aliénés, secrétaire général du Congrès ; le I)r de Jong, de la Haye, le Dr Jaguaribe, de San Paulo (Mexique), le Dr Tokarsky, de Moscou, le Dr Von Schrenck-Notzing (Munich) le Dr Clark-Bell, de New-York, le Dr Paul Magnin, vice-président de la Société d’hypnologie, le Dr Paul Farez, le Dr Minde (de Munich), le Dr Tesdorf (de Munich), le Dr Hernandez (de Séville), le commandeur Robecchi(de Pavie), le Dr Bourdon, de Méru, etc, etc.
Après la présentation des membres du Congrès par M. le docteur Jules Voisin, leur président, M. le docteur Bérillon, secrétaire général, a remercié le Conseil municipal d’avoir bien voulu déléguer au Congrès d’hypnotisme deux de ses membres, MM. Edmond Lepelletier, secrétaire du Conseil, et L. Achille pour le représenter officiellement.
M. Edmond Lepelletier, secrétaire de Conseil municipal, a ensuite prononcé le discours suivant :
Messieurs,
Je vous remercie d’être venus clans cet Hôtel de Ville où, comme vient de le dire si bien mon ami le docteur Bérillon, vous comptez de nombreuses sympathies.
Mon collègue Achille, qui, depuis longtemps, connaît etencou-rage vos travaux, se joint à moi pour vous recevoir et vous souhaiter la bienvenue. Nous faisons des vœux pour que votre science progresse et pour que vos efforts soient partout couronnés de succès.
(1) Compte-rendu officiel publié par le Bulletin .Municipal,
Cette science de l’hypnologie, si neuve, si troublante, dontles forces sont encore inconnues, peut être comparée à l’électricité, à la puissance dynamique d'un effluve, n’a été longtemps qu’une curiosité de laboratoire. Le fluide hypnotique partage le mystère et le merveilleux de l’électricité.
Aujourd’hui, depuis le moment où Galvani suspendait sa grenouille au balcon de fer de Boulogne jusqu’aux conquêtes récentes qui ont permis de donner à l’électricité une application pratique, positive, votre science est devenue comparable à cette force mystérieuse. Qui sait où elle s’arrêtera?
Je ne suis qu’un profane et, cependant, comme a bien voulu le dire le docteur Bérillon, je me suis vivement intéressé à vos travaux. Je n'entrerai pas dans la discussion de savoir si l’hypnotisme est une branche de la médecine et s’il y a ou non des remèdes hypnotiques à prescrire, je la considère comme un nouvel adjuvant de l'humanité.
En effet, cette science est arrivée à des résultats surprenants. J’ai vu obtenir par la suggestion des cures pour lesquelles tous les remèdes du Codex, toutes les ordonnances de la Faculté ont dû avouer leur impuissance.
En outre, j'ai pu étudier ce sujet si grave du redressement moral des jeunes cerveaux par la suggestion hypnotique II y a là tout un avenir infini ouvert à vos investigations et à vos travaux. Nul ne peut prévoir où s’arrêtera votre science. Le domaine judiciaire vous appartiendra certainement un jour.
Le médecin, disait-on, est le dernier sorcier. Vous avez dépassé les bornes de la sorcellerie, car les sorciers se servaient de plantes, d'herbes mêlées à de la cendre et fabriquées dans des cuves comparables à celles des sorcières de Macbeth, et, pour leurs incantations, faisaient descendre Hécate sur l’herbe des prairies. Vous n’usez pas d’autres sortilèges que ceux de la puissance morale et de l’énergie cérébrale dont vous êtes pourvus.
Redresser les intelligences par la force puissante et mystérieuse que nous renfermons dans notre être, c’est là comme une expansion de la nature humaine dont on ne peut calculer les limites.
Peut-être qu'un jour les rêves des utopistes se réaliseront: peut-être verra-t-on tomber les chaînes qui alourdissent encore l’humanité et s’ouvrir les portes des prisons et des bagnes. Ce rêve sera-t-il réalisé parl’hypnolisme et aura-t-on recours à des médecins comme vous qui par l’inlluence de l’hypnotisme, par la suggestion, arrivez à détourner l’être du mal?
C'est pourquoi votre science, encore peu pratiquée et tenue en défiance par certains esprits, doit prendre son rang à la première place dans les études physiologiques, psychologiques et sociologiques. (Très bien ! Très bien !)
Vous êtes des guérisseurs, sans employer d’autres instruments que des moyens moraux et intellectuels ; c’est toute une révolution dans la science; je vous en félicite. [Applaudissements).
Je souhaite que vos efforts soient compris partout. La ville de Paris a toujours été à la tête des enseignements audacieux ; elle s’intéresse à vos efforts. (Vive approbation.)
Je serais heureux de voir donner des champs d’expérience à vos savants pour développer dans l'âme des foules l'idée que l’hypnotisme n’est pas œuvre de charlatans, et.que les médecins hypnotiseurs seront peut-être les vrais guérisseurs de l’avenir. (Applaudissements.)
En terminant, et en vous félicitant de la réussite de votre Congrès, je n’ajouterai qu’un mot à nos vœux pour le développement de la science hypnotique, je joindrai des remerciements au docteur Bérillon pour son organe qui a répandu dans le monde profane la science hypnotique. — J'espère que cette vaillante Revue de VHypnotisme continuera son œuvre et qu’elle aura de plus en plus de nombreux amis. (Très bien ! Très bien !— Applaudissements prolongés.)
M. L. Achille, conseiller municipal, délégué par la ville de Paris au Congrès de l’hypnotisme, a prononcé l’allocution suivante :
Messieurs,
Après le discours si brillant que venez d’entendre, il me semble qu’il n’y a plus rien à ajouter.
Cependant permettez-moi de vous signaler les heureux résultats obtenus par l’hypnotisme chez nos enfants des écoles de la ville de Paris.
Nombre d’entre eux, atteints d'affections spéciales, ont été conduits par leurs parents chez le docteur Bérillon, qui les a radicalement guéris.
Vous avez droit ainsi à la reconnaissance des familles chez qui vous avez ramené la joie et de la ville de Paris pour l’œuvre scientifique et humanitaire que vous accomplissez avec tant de succès.
La masse du public ignore encore les grands services que peut rendre l'hypnotisme, mais le jour est proche où votre
science merveilleuse recevra l’accueil qu’elle mérite, car vous détenez en vos mains de savants un trésor infini de bienfaits que vous prenez à tâche de répandre sur l’humanité tout entière. (Très bien ! Très bien !)
Je salue MM. les docteurs Jules Voisin, Raymond, Bérillon, et leurs collègues français et étrangers, en leur faisant hommage de ma plus sincère admiration. (Applaudissements.)
LA PRESSE
Le Congrès de l’Hypnotisme et la Presse.
LA VISITE A LA SALPÈTRIÈRE
Les visites dans'les établissements hospitaliers ont donné lieu dans la Presse à des compte-rendus détaillés dont la lecture permettra de se rendre compte de l’intérêt qu’elles ont présenté.
Tout d’abord nous ne pouvons nous dispenser de donner l'article publié par le Matin, sous le titre : A la Salpètrière.
Le Congrès de l’Hypnotisme — A travers les services du docteur Voisin Quelques cas curieux — Le musée Charcot.
Il nous a été donné, hier matin, de visiter avec les membres du congrès de l’Hypnotisine une ville dans la Ville : l’hospice do la Salpètrière, et, de cette ville, l'un des quartiers les plus curieux, le plus curieux peut-être, le service du docteur Jules Voisin.
Tout d'abord, dès l’arrivée, ce savant veut bien nous montrer deux de ses malades, singulièrement améliorés par l’hypnotisme : une femme de quarante ans, atteinte, en 1889, de manie ambulatoire, que le docteur soigna par la suggestion et qui est restée récemment deux années sans recourir à lui et sans que la suggestion ait cessé de produire son effet ; puis, une jeune fille, ouvrière d’imprimerie, atteinte de maladie de Basedowentraînant une incapacité de travail absolue, et que le docteur, en la traitant au corps thyroïde frais, a mise en état de travailler, comme elle le fait actuellement, dix heures par jour.
M. Jules Voisin, et ensuite M. Montrcuil, directeur de la Salpètrière, qui est venu nous rejoindre, nous conduisent dans le service de M. Raymond, le successeur de Charcot. C’est M. Janct qui fait aux congressistes les honneurs du service spécial de M. Londe.
M. Philippe, chef de laboratoire, nous montre et nous explique ses salles de travail, scs solutions, scs instruments, scs plaques microscopiques ; et M. Cestan, chef de clinique, avec une bonne grâce vraiment méritoire, donne à tous, spécialement dans les salles de cinématographie, autant de détails, sur toutes choses, qu’il est possible d’en faire entendre à la petite foule agitée et bavarde, bruyante et diverse d’aptitudes, qui grouille et se bouscule à travers les portes.
Nous sommes introduits ainsi d’abord dans le musée Charcot. On se presse devant les collections anatomiques du tabès, devant les documents sur le
cerveau, etc., mais plus encore devant un portrait du maître, peint par Tofano en 1881, et encore bien davantage devant les dessins signés a Char-cot », caricatures de collègues ou jeux d’imagination, exécutés pour la plupart, durant les heures ennuyeuses du concours d’agrégation.
Et quelqu’un dit : «« Ne verra-t-on pas des malades ? » Nous entendons cette réponse, dont il y a lieu de féliciter l'auteur : « Il y a vraiment trop de monde !... Ce serait contraire à l’humanité! » Voici pourtant que, en petit nombre, on jette un coup d’œil, dans le musée mémo, sur uno hystérique qui aboie, puis sur une jeune hystérique affligée de tremblements de la mâchoire et d’accès de sommeil subits qui la prenaient en pleins champs, puis encore sur une femme atteinte d'une contracture des pieds qui la fait marcher sur les pointes. On nous montre quelques autres malades, mais peu : le mot d’ordre est évidemment de ne pas troubler celles que notre visite pourrait agiter.
Chez M. Raymond
Mais nous voici dans un autre bâtiment, dans le service de M. Raymond. Nous traversons des salles d’électrisation, toutes pleines d’appareils ingénieux, dans quelques-uns desquels l’électricité remplace tout simplement l’eau des appareils à douche ordinaires. Ensuite, un spectacle des plus intéressants retient les congressistes dans la salle suivante : M. Ccstan, d’abord, fait voir des objets avalés par des enfants et que l’on a découverts dans leurs organes, au moyen de la radiographie ; puis quelques planches radio-graphiques de lésions et de déformations; enfin, sur un écran, le cinématographe nous montre divers exemples de marches nerveuses, de spasmes, de crises hystériques.
Les arriérées de M. Voisin
Une cour encore ; vide : une cour d’enfants.
— Vous ne verrez pas la droite de mon service, dit le docteur ; elle est isolée, à cause de l’épidémie d'oreillons que j’ai eue dernièrement. Mais voici la gauche, que vous verrez tout entière.
M. Voisin, alors, sur le^euil d’une porte, s’arrête et donne des explications très intéressantes sur son service d’enfants ou d'adultes retardées. Les moins inintelligentes sont chargées de veiller sur les autres ; on leur en confie uno ou deux ; et cc système d’excitation de leur responsabilité, qu’elles arrivent presque toutes h comprendre peu à peu, leur fait un bien énorme.
Ce n’est pas tout: pour compléter les effets dus à l’excitation de la responsabilité, à l’hydrothérapie qui produit la propreté et en même temps le renforcement des muscles, voici l'école ! Mais oui, une école, où l’on donne à ces pauvres petites rétardées, ou même aux idiotes et aux démentes, d’habiles leçons de choses. Et elles comprennent... quelquefois; presque toujours à la longue. M. Voisin et ses collaborateur? et collaboratrices sont d’une patience inaltérable, d'une persistance forcément triomphante. On commence parfaire son lit ; et puis on fait un peu de coulure, du brochage, etc., etc. L’amélioration est la loi, dans cet asile de misère, une amélioration progressive, rapidement sensible, physiquement et moralement bienfaisante.
Mais nous n’avions encore rien vu ! Nous sommes maintenant dans une cour toute occupée pur des enfants, assises, les unes ù l’ombre d’un mur, en une longue rangée, tandis que les autres jouent (!) ou causent {!!) ou se promènent un peu plus loin, sous l’œil des surveillantes. Cruel, certes, ce tableau; mais il est difficile, impossible peut-être, de rien voir de plus soigné,
de mieux tenu que celte cour remplie d’idiotes et de démentes. M. Voisin explique aux membres du Congrès le cas de quelques-unes de ces malheureuses enfants. Nous ne pouvons reproduire tous ces détails. Signalons pourtant un de ces sujets qui ne sait pas et ne peut pas parler, mais dont l’oreille est si musicale qu’elle rend « juste » tous les sons qu’elle entend, et qu'elle chante ainsi toute la journée.
Section des adultes.
Des dortoirs et encore des dortoirs : ce sont ceux des adultes. Vides ? Parfaitement. « Tout le monde travaille ici, » dit le docteur Voisin avec une juste fierté. Il parait que toutes ses malades s’occupent et même gagnent quelques sous.
Une cour énorme. — a Rien de plus apaisant pour une agitée, fait notre savant guide, que de la mettre, seule, dans cette immensité ; elle s’y calme très vite. — Mais ces fleurs, ces gazons? — Elles n'y touchent jamais ! »
Puis des cellules. — « Rien de plus apaisant pour une agitée, dit M. Voisin, que de la mettre en cellule, dans l’obscurité ; cela la calme très vite. — Et la grande cour? Le docteur sourit : — L’un et l’autre moyens sont bons, suivant les cas, et parfois pour le même cas, explique-t-il. Il faut avoir la grande cour, mais II faut avoir aussi quelques {et il appuie sur ce mot) cellules: je ne conseillerai jamais de les supprimer complètement. »
Dans la cour, cependant, dans la cour grillée, l’une des agitées expliquait son cas à un congressiste ; elle semblait même prise d’une vive sympathie pour lui... — « Allons-nous-en! dit alors le docteur Voisin, en entraînant tout le monde ; quand elles sont ainsi excitées, c’est que la crise est proche. »
Photographie et lunch.
Et l’on s’en fut déjeuner, non sans que les congressistes, ayant à leur tête M. le docteur Voisin, entre M. Montreuil, à gauche, et M. Achille, conseiller municipal, à droite, aient été photographiés dans un coin de cour de la Salpêtrière.
Or, il fut excellent et très gai, le lunch offert au congrès par l’Assistance publique. Les discours même ne lui firent point de tort; car ils furent courts et charmants, de simples toasts, parmi lesquels nous devons signaler ceux du docteur Voisin, de M. Montreuil, du docteur Bérillon, du docteur Schrenk-Notzing, de Munich, en allemand ; de M. Achille, du docteur Paul Farez (avec une double réplique de Mme Sorgues, fille de Durand de Gros, et de M. Bérillon); enfin du président de la Société médico-légale de New-York, M. Clark Bell, en anglais. Vers deux heures on se séparait, comme à regret, en se donnant rendez-vous pour les travaux du congrès.
Le lendemain, le Matin complétait son compte rendu par la publication de la note suivante :
A la Salpêtrière — Un cas extraordinaire — La démence religieuse
Parmi les femmes malades qui ont été présentées aux membres du congrès de l'hypnotisme, nous avons dit hier qu'il se trouve une femme qui marche sur la pointe des pieds.
Son cas mérite plus qu’une simple mention.
Cette femme est à la Salpêtrière depuis trois ans et marche continuellement sur la pointe des pieds, comme une danseuse. Etant sujette à des extases religieuses, elle se croit crucifiée.
Une contraction complète des muscles s’est donc produite, et on n’a pas pu arriver à la faire marcher naturellement, quoique, par la suggestion, on ait pu obtenir quelquefois ce résultat pendant une demi-journée.
Le cas en question, se complique du fait le plus extraordinaire que l'on connaisse : celui de la stigmatisation, ou apparition des marques de la cru -cifixion (comme l'a si bien représenté le peintre Moreau de Tours, dans son tableau, au Salon de 1885 : « Une stigmatisée au moyen-âge ».)
Ces marques apparaissent au moment de certaines fêtes religieuses.
Afin de se rendre compte qu’il n’y avait pas là de supercherie, on a fait faire un soulier en cuivre, avec une ouverture recouverte d’un verre, à la place des apparitions des taches ou marques.
Ce soulier a été scellé avec du caoutchouc.
Et les marques ont réapparu. Il en a été fait des photographies.
Cette femme se croit d'une très grande légèreté. Elle est petite, âgé c d'une quarantaine d'années. Elle a voulu être peséo, prétendant que le plus petit poids serait encore plus lourd qu’elle. De suite, elle a pu se rendre compte de son erreur, et en a été très froissée.
Elle veut aller à Rome, à pied, voir le pape.
Ses propos sont d'un esprit lucide. Mais si on lui parle du diable, on voit tout de suite qu'on a affaire à une démente religieuse.
Ainsi peuvent s’expliquer les erreurs qui se sont produites, autrefois, dans les cas d’apparition des stigmates.
♦ *
Les Débats ont publié également un compte-rendu de la visite à la Salpètrière.
Une visite à la Salpètrière.
La porte ou le portique, très grand, au fond d’une place déserte et plantée d'arbres. Au delà des voûtes de cette porte, on aperçoit par échappées le ciel et les jardins, à l’infini. On suit pendant assez longtemps une allée d'acacias taillés en boules. Et d’autres allées pareilles vont dans d’autres directions. On traverse une nouvelle cour également très grande. Deux grands pawlonias sont entourés à leur base de parterres de cannas, entourés eux-mêmes de pelouse. Et on entre dans une troisième cour. On aperçoit sur la droite des espaces lointains, où des tilleuls forment des allées. On longe des bâtiments. Quatrième cour. Des faisceaux de drapeaux. On entre, enfin, dans un petit parloir.
Tout d’un coup, un mouvement ; le docteur Voisin entre : petit, carré, un peu rouge, la barbe blanche, les yeux riant d’intelligence, un grand air de bonhomie et de bonté.
Une femme d’une cinquantaine d’années, proprement vêtue de noir, est assise dans l’embrasure d’une fenêtre. On fait cercle. Cette femme était sujette à des fugues inconscientes. Elle sortait le matin dans le but d’acheter son pain, elle éprouvait un étourdissement, elle était prise d’une envie irrésistible d’aller jusqu’à tel cimetière au bout de Paris et, partie pour dix minutes, elle revenait seulement à cinq ou six heures du soir. Le docteur Voisin, dans le sommeil hypnotique, lui a suggéré de renoncer à ces fugues, et, quand elle en sentirait l’envie, de rentrer chez elle, de se coucher et de dormir. C’est ce qui est arrivé. Elle ne sait maintenant qu’elle a eu la velléité d’une fugue qu'en sc retrouvant, à dix heures du matin, dans son lit.
Mais voici ce qu'il faut retenir. Elle a cessé pendant deux ans de venir à la Salpétriôre et d'être hypnotisée. Or, pendant ces deux ans,les suggestions antérieures ont continué à produire leur effet : remarquable exemple de la persistance de ces effets.
On monte un escalier. On se presse dans le musée Oharcot. C'est une petite pièce, garnie de cadres et de vitrines. Le plafond, assez bas, est brun, à solives apparentes. On est reçu par le docteur Janet. .le n‘aperois, à travers la foule, que son front vaste, dégarni, singulièrement intelligent. Il nous montre, dans un coin, des portraits de Charcot; dans des cadres, un grand nombre de caricatures faites par Charcot et la transcription d’un rêve que lui donna le haschisch. Il y a, dans ce musée, des dessins fort curieux. J’ai aperçu près de la porte d'entrée des études exécutées, semble-t-il, d’après des hystériques, et dont quelques-unes sont tout à fait remarquables. Puis des os de tabétiques, des coupcs de cerveaux, toute la llore des vitrines. Nous entrons dans une salle. Quelques lits. Sur l’un, une fille de quinze à seize ans commence à se rouler. Elle est prise d’un hoquet hystérique, aigu et pressé comme un aboiement. On l’emporte, on l’endort, 011 ordonne au hoquet de disparaître, et c’est fait. Nous revenons dans le musée. Et voici que passe au milieu de nous une sorte de petite bonne femme entre deux âges, l’air d’une femme de ménage dans un quartier pauvre. Elle ne marche que sur la pointe des orteils, à la façon des danseuses. Et c’est un singulier spectacle de la voir filer ainsi, montée sur le bout du pied comme sur échasses. Elle fait le tour de la salle. On a cherché longtemps l’explication de cette étrange démarche. Et la voici : cette femme est une délirante mystique. Elle a des extases pendant lesquelles, au contraire de ce qui se passe pendant l’hypnose, son esprit s’exalte. Elle se souvient de ses visions. Elle médite, et le docteur Janet lui a fait écrire ses méditations, où parait un certain talent. Elle veut aller à Rome à pied et parler au Pape. Elle se croit enlevée dans les airs, elle sent que son corps ne pèse plus rien, elle veut être placée sur le plateau d’une balance, et elle est confondue de voir que l'aiguille marque son poids normal. Elle se croit crucifiée, et c’est pour cela qu’elle marche le pied vertical, comme s’il était fixé à la croix. Bien plus, elle a eu des stigmates. Pour les observer, le docteur Janet a fait faire des souliers de cuivre, hermétiques. Le métal, dans l’endroit où le stigmate devait apparaître, était percé d’une ouverture fermée par une plaque de verre. Sous ce verre, la marche du phénomène a pu être étudiée à loisir.
Nous traversons des laboratoires. Dans l’un, un cinématographe nous fait assister aux phases d’une crise d’hystérie. Admirable instrument de cours! Et nous voici de nouveau dans le service du docteur Voisin. Nous traversons de hauts dortoirs. Des enfants sont étendus dans des lits peints en vert. Voici un microcéphale; plus loin,on aperçoit de pauvres petits bras contruclurés. Des déments épileptiques, dont le plus ûgé a dix-huit ans, sont assis devant nous, l'un nous regarde et sourit; un autre baisse cl détourne obstinément la tète. Dans une cour, on a rangé une foule d’enfants vêtus du costume bleu, un peu ardoisé, de l’hôpital : le plus lamentable des spectacles, en vérité ! Toutes ces pauvres caboches ratées, trop étroites, trop longues, trop petites; tous ces regards, les uns brillants , fixes et accompagnés d'un sourire, les autres vagues, endormis, torpides. Et tout au bout, dans un fauteuil d’enfant, une malheureuse petite ligure enragée, qui
secoue ses cheveux blancs et qui se balance furieusement, et qui se rejette en haut et en arrière.
Ces enfants qu’on soigne, on prend soin, aussi de les relever. Une méthode délicate et patiente, qui les occupe tout le jour, glisse quelque lueur dans leurs cerveaux obscurs. Je ne veux citer qu'un trait de cette méthode. On donne à chaque enfant une autre enfant, moins âgée qu'elle, et qui devient sa fille. Celle-là doit prendre soin de celle-ci, la tenir propre, l’habiller, etc... Il y a parmi ces pauvres «très une émulation touchante à qui tiendra le mieux sa fille, l’instinct du dévouement maternel, inaltérable même chez ces déshérités, est le premier instrument de leur rédemption. Cette idée, n'est-elle pas sublime ? Voici une naine ; elle a dix-sept-ans, je crois, et elle en parait six. C’est une idiote myxœdémateuse. Je vois encore ce front trop gros, sur des sourcils circonflexes. Elle aussi a une fille. Elle comprend quand on prononce le nom de sa fille. Elle va la chercher, sans hésiter, au milieu des autres enfants.
La visite est finie. Il est midi. Que l’on ne croie point voir dans ces lignes l’intention de décrire cette grande et douloureuse cité do la Salpétrlère. J’ai raconté seulement ce que j’ai vu, le plus fidèlement possible, en abrégeant quelque peu. Ilenry Bidoü.
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La même visite de la Salpêtrière a inspiré à M. Ch. Galland, des impressions différentes qu'il a traduites avec beaucoup de talent dans la Dépêche algérienne :
On ne pénètre pas sans un certain serrement de cœur dans le vieil hôpital, asile ouvert à toutes les victimes de la névrose, aux neurasthéniques de toutes catégories, aux pauvres filles qui ont en elles les tares ataviques de l’alcoolisme et de la débauche, à l’ouvrière surmenée par le labeur quotidien, anémiée par l’atmosphère viciée et la vie claustrale de l’atelier, aux épileptiques, aux idioties, aux dégénérées, à toutes les blessées de la vie. Dans cet âprè combat, la femme sera, en effet, l’éternelle blessée ; et, si l’on consulte ce douloureux martyrologe, on constatera que les femmes forment la grosse majorité.
Dans le vieil hospice, où jadis on jetait les vierges folles comme Manon Lescaut, les partisans de la thérapeutique contemporaine multiplient leurs soins et apportent au service des maladies toutes les ressources d'un art qui fait des merveilles. Dans les vastes cours autrefois si sombres entre les murs de l’ancienne prison, on a mis des fleurs et de la verdure, pour que dans les cerveaux voilés et obscurcis puisse pénétrer encore une vision printanière. Par toutes ces infortunées, les praticiens sont accueillis comme les bienfaiteurs qui, d’un geste et d’un regard, apaisent l’exoitabilité des nerfs et calment les douleurs.
Qui découvrira jamais le secret de ces transmissions fluidiques, de ces passes mystérieuses sous l’influence desquelles les crises les plus intenses s’atténuent peu à peu pour aboutir à la guérison, ainsi que nous l’a démontré le docteur Voisin dans sa clinique? Voici, par exemple, une jeune fille en proie à des trépidations continues des muscles de la mâchoire ; sans un instant d’arrét ses dents s’entrechoquent, comme si elle éprouvait une sensation de froid trop vif. Le docteur Janet l’endormit, et, sous l’effet de la suggestion hypnotique, les claquements de dents cessèrent et le sourire revint sur la face de la malade.
En présence de certains cas, heureusement très rares, de grande névrosé, Sa thérapeutique parait impuissante et l'hypnotisme demeure sans action. C'est un do ces cas étranges que j'ai vu à la Salpôtrière dans lé service du docteur Pierre Janet. C'est presque la réédition de l'histoire de Ste Thérèse. 11 s'agit d'une femme en proie au délire religieux. Elle a des sensations de lévitation et d’ascension telles qu'elle croit devenir très légère et s’élever au-dessus du sol. Cet état mental dure depuis trois ans. Sous les efforts qu'elle fait pour s’élever ainsi, une contracture des muscles, des pieds et de la jambe s'est produite au point que les pieds forment avec la jambe une ligne droite et qu'elle marche littéralement sur la pointe du gros orteil, à la manière d'une très habile danseuse, sans fatigue et sans apparence d'effort. C'est devenu pour cette femme une posture normale. Dans ses périodes de crise extatique, elle reste pendant des heures entières, les bras en croix. Elle a alors des visions et des conceptions religieuses qui ne sont pas dépourvues de grandeur. C'est même une forme très curieuse de l'exaltation dans les pensées.
Jusqu'ici ce cas, en raison de son intérêt scientifique, serait à retenir; mais ce qui le rend surprenant, ce sont les perturbations vaso-motrices qui l'accompagnent dans des conditions vraiment extraordinaires.
Notre hystérique a eu sur les pieds et les mains les stigmates sanglants du crucifié ; des bulles proéminentes d'où s'écoulèrent des matières aqueuses et du sang. Les croyants diront que c'est une élue que Dieu a marquée au front; les savants se bornent à considérer ces phénomènes comme des cas pathologiques.
(à suivre) Ch. de Galland.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d’hypnologie et de psychologie
Les séances de la Société d’hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpètrière.
Les prochaines séances de la Société auront lieu le mardi 18 décembre 1900, et le mardi 15 janvier 1901.
Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 14, rue Taitbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.
VAdministrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON
REVUE DlQrHYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
15e Année — N° 7. Janvier 1901.
BULLETIN
M. Ch. Renouvier, et la théorie du vertige mental,
par M. le D«- Paul Farez.
« Depuis hier, Renouvier est membre de l’institut. Cette petite phrase en dit long. Il va de soi que la dignité tardive dont il se voit revêtu n’ajoute rien aux mérites éminents du philosophe. Il était avant-hier et depuis longtemps ce qu’il continue d’être : le premier des penseurs français vivants, le premier par l'importance de l’œuvre accomplie, comme par l’influence exercée. L’Institut a fini par s’en apercevoir et c’est l’institut, non le nouvel élu, qu’il convient de féliciter. » Ainsi s’exprimait fort judicieusement le journal Le Temps dans son numéro du 18 novembre dernier.
Ce nTest point ici le lieu de retracer par le menu toute l’œuvre philosophique de M. Renouvier; elle a été fort bien exposée dans des ouvrages spéciaux, par des plumes plus compétentes. Disons toutefois que depuis 1842, soit dans des œuvres de tout premier ordre, soit à la Critique philosophique avec M. F. Pillon comme lieutenant, soit dans VAnnée philosophique, il a mené de vaillantes campagnes, et soutenu des polémiques ardentes.
En dehors de toute fonction et de toute attache officielle, sans jamais avoir professé dans aucune chaire, en dépit do l’indifférence des uns ot de l’inimitié des aulres, il est parvenu à s'imposer à l’attention des penseurs, à battre en brèche la philosophie universitaire issue de V. Cousin, à échafauder, envers et contre tous, une doctrine solidement charpentée, grandiose dans son ensemble, étonnamment féconde dans ses applications et qui tiendra autant de place dans l'histoire que celle d’Aris-tote ou de Descartes. Il est actuellement le premier, et l’on peut
presque dire le seul philosophe français ; c'est de lui qu’aujourd’hui s’inspire renseignement philosophique dans la plupart de nos lycées. Arrivé à l’âge de 85 ans, le fondateur du criticisme français a conservé une incroyable puissance de travail ; il continue à écrire des volumes impatiemment attendus, et qui stupéfient par la vigueur de la pensée.
M. Renouvier a été élu membre de VAcadémie des Sciences morales et politiques, le jour même où nous avions la douleur d’apprendre la mort de Durand de Gros- Ces deux hommes nous paraissent présenter de nombreux points de ressemblance. Tous deux, aux environs de 1848, combattirent par la parole et par la plume pour la défense et la propagation des idées républicaines; tous deux furent, aux diverses époques de leur existence, préoccupés de la vie pratique et, dans les divers problèmes de morale, de religion, de' politique, de sociologie, soucieux de tracer la solution rationnelle commandée par le devoir; tous deux ont, pendant longtemps, lutté contre la conspiration de l’inertie et l’étoulTement par le silence; tous deux eurent à souffrir de la jalousie etde l’envie des oiliciels, auxquels, d’ailleurs, ils surent dire crânement des vérités souvent très dures, mais toujours méritées ; animés d’un noble désintéressement, ils ont, tous deux, poursuivi leur tâche hors Paris, loin du bruit et de l'agitation, loin des honneurs et des ambitions, dans une tranquille et studieuse retraite, l’un d’abord à La Verdette (Vaucluse), puis à Perpignan, l’autre à Arsac (Aveyron); tous deux ont été également les ennemis de l'étroit empirisme et du dogmatisme outrecuidant; enfin, de même que Durand de Gros, M. Renouvier doit être, à juste titre, revendiqué comme un maître par les professionnels de la médecine psychologique. Cela ne manquera peut-être pas d’étonner certains adeptes du Renouviérisme ; confirmons donc notre dire.
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Dans son Deuxième Essai de Critique générale, paru en 1859, au cours de ses analyses psychologiques, M. Renouvier était amené à parler des phénomènes que nous appelons, de nos jours, hypnotiques et qu'alors on rangeait sous la rubrique de magnétisme animal. Ces nombreux faits, accaparés par la superstition et le charlatanisme, rapportés par des esprits trop souvent partiaux ou incapables, ne lui parurent cependant pas être un amas de mensonges. On a pu, disait-il, simuler les phénomènes ou exagérer les récits; mais, si la fraude ou l’erreur dénatu-
rent les faits réels, ou quelquefois s’y mêlent d’une manière inextricable, elles ne les suppriment pourtant pas, ou plutôt elles les supposent. Il refuse donc de douter de leur réalité, mais il répugne à admettre l’existence d’un fluide spécial pour lequel chacun de nous serait doué « d’une productivité et d’une réceptivité variables » : une hypothèse inutile et qui n’explique rien est toujours nuisible à la science. D’ailleurs ces phénomènes ne lui semblent nullement inexplicables; il en expose en effet le principe général et les fait rentrer dans une grande loi qui les englobe ainsi qu’un grand nombre d’autres ; c’est ce qu’il appelle la théorie du Vertige mental. (') Notons que cette explication date déplus de quarante ans, alors que Durand de Gros venait à peine de publier son Electrodynamisme vital et que son Cours de Braidisme n’avait pas encore paru.
Supposons que la représentation d’un mouvement possède la conscience d’une manière intense et exclusive; s’il ne survient aucune représentation hostile pour l’éloigner et la réduire, si en même temps la plupart des sensations sont suspendues, si toute distraction est supprimée, si la volonté n’intervient pas pour ordonner le jeu de la pensée, si surtout il existe une émotion vive ou une passion ardente, — cette représentation, par le . seul fait qu’elle se soutient, sans que rien s’y oppose, « passe à l’acte» et le mouvement imaginé s’accomplit. De même quand un individu, penché sur le bord d’un précipice, en regarde le fond avec persistance, s’il est absorbé par sa contemplation, il ne tarde pas à être pris de vertige et à se laisser choir. Ainsi, le mouvement dont la représentation se prolonge, et n’est pas du tout combattue, après avoir été conçu comme simplement possible, apparaît comme futur, puis comme imminent, enfin comme réel. L’imagination de l’acte conduit à l’obsession, au vertige et finalement à l'acte lui-même, conformément au sophisme : a possibili ad actum valet consequentia.
Il n'y a pas seulement un vertige de l’acte, mais aussi un vertige du jugement. De nombreuses personnes, sans être aliénées au sens ordinaire du mot, le sont véritablement au sens propre dans certaines circonstances de leur vie. Elles ne possèdent pas suffisamment la direction de leurs représentations; leurs fonctions réflexives et volontaires sont très abaissées ou nulles; elles n’ont pas le pouvoir d’appeler d'autres états de conscience pour contrebalancer les entraînements de l’imagination, de la
(1) Essais de Critique Générale, Deuxième Essai, 1850, Librairie philosophique de Ladrange, pages 227-248. Dans la seconde édition parue en 1876, Cf. 1,326-408; II, 1-54.
mémoire ou des passions. Dans ces cas, les affirmations sont entraînées par des suites de vertiges ; on croit voir ou entendre ce qu’on désire, ce qu'on craint, ou seulement ce qu’on pense avoir dû être ; on obéit à la violence de ses impressions ; 011 11’écoute rien contre ses vues ; le jugement dévie à rencontre de l’expérience et du témoignage universel, parfois même, en opposition avec la raison logique et les formes générales de la représentation.
Fondée sur l'analyse psychologique et l’observation des faits, la théorie du vertige mental s’applique à la fois « au songe, au somnambulisme, aux jugements portés à la suite des visions ou hallucinations, à l’aliénation, aux états de la conscience où l’imagination, la mémoire, l’attente, les passions déterminent sans réflexion des formes représentatives desquelles s'ensui-vent à leur tour des actes et des effets sur l’organisme. » Les phénomènes de l’hypnotisme vont rentrer eux aussi dans ceux du vertige mental.
En effet, l’individu que l’on hypnotise est averti et prévenu ; souvent il désire ardemment être endormi et s’abandonne avec confiance ; par suite do l’attente ou d’une représentation prolongée, il cède au vertige et s’endort. Distrait de ce qui l’entoure, il est passif, inerte, mais en même temps sa conscience est très tendue et très érectile; l’état d’attente se prolonge dans les séries représentatives du sommeil ; dès lors, les pensées qui lu sont transmises par simple affirmation deviennent pour lui autant de cas de vertiges ; les actes organiques en rapport avec les représentations suscitées paraissent et se développent ; ici encore, a possibili ad actum valet consequenlia. L’hypnotiseur est donc le maître de l’esprit de l’hypnotisé ; il est le directeur de ses vertiges, soit du jugement, soit de l’acte ; il sera « sa foi et ses prophètes ». Dès lors, de même que la foi guérit de la foi, de même le vertige guérit du vertige. Ainsi se trouve psychologiquement expliqué et justilié l’emploi de l’hypnotisme en thérapeutique mentale.
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M. Renouvier soutient déjà, toujours dès l'année 1859, que le traitement médical ordinaire, physique et médicamenteux, n’est pas le seul qu’on doive opposer aux cas de vertige mental et d’aliénation du moi. « Nos aliénistes, écrit-il, supposent arbitrairement : i° que les premiers termes de la série des désordres {¿ont de nature exclusivement biologique toujours ; 2° que les
faits de perversion du jugement sont des conséquences nécessaires de l’état pathologique proprement dit. Cependant, sur le premier point, l'observation permet d’admettre des cas où la déviation mentale précéderait les perturbations organiques et pourrait en devenir la cause. Sur le second, rien ne prouve que certains symptômes représentatifs ne puissent être éludés ou supprimés par une éducation ou par une médication de cette nature, c’est-à-dire intellectuelle et morale, tandis que la maladie suivrait peut-être son cours avec les symptômes physiques et vitaux qui lui appartiennent en propre... L’autopsie ne révèle pas de désordres organiques bien sensibles chez certaines clas ses d’aliénés et, si ces désordres existent, comme on doit bien le présumer, ils ont pu être acquis ou aggravés à la suite des déviations représentatives, et pourraient alors s’amender en même temps que ces dernières... L'action mentale est un moyen à la fois légitime et eilicace de résister à l'aliénation, en ce qui concerne, bien entendu, la sphère mentale. »
De ce qui précède, on peut, semble-t-il, conclure que la médication intellectuelle et morale aie droit d’affirmer sa légitimité dans le domaine de l’aliénation :
1“ Pour empêcher que les désordres psychologiques n'en-trainent à leur suite et ne fassent native à la longue des lésions organiques non encore constituées.
2° Pour dissocier les troubles psychiques qui accompagnent la lésion, évoluent parallèlement à elle et, pour ainsi parler, l'entretiennent,
3° Enfin (lorsque véritablement la lésion est primitive et causale), pour éviter que le progrès de ces troubles psychiques n’aggrave la lésion, n’accélère l'évolution morbide ou ne retarde la guérison.
Pour ce qui est de cette thérapeutique morale, M. Renouvier lait remarquer avec raison « que le remède ne vaut ici que ce que vaut le médecin. » Or le médecin hypnotiseur excelle à enlever les conceptions délirantes, les hallucinations, les obsessions ; il fait surgir dans la conscience du malade des représentations que celui-ci aurait été incapable do Taire naître spontanément; il les rend intenses, prédominantes, exclusives et ainsi remédie aux vertiges. Mais souvent « l'état spécial de l'aliéné le ferme à toute influence et le rend pour ainsi dire incommunicable. » On croyait, en effet, il n’y a pas encore bien longtemps, que les aliénés n'étaient pas hypnotisables. Or, Auguste Voisin a montré qu’un certain nombre d'entre eux.
dix pour cent environ, pouvaient être hypnotisés et par là guéris ou au moins très améliorés. D’autre part, quand on n’a pu triompher de l’obstination ou de l'instabilité de l’aliéné, il* reste que Ton profite de ses moments de sommeil naturel pour le plonger dans un état d’hypotaxie qui permette de le suggestionner; comme je l’écrivais il y a quelques années, « la suggestion aura prise sur l'aliéné, si elle s’impose à lui avec force, en dehors de son consentement, à son insu et, pour ainsi dire, malgré lui, dans un moment où il sera presque sans défense et n’essayera guère de résister. Or cet état favorable existe, il est physiologique, il est.normal, c’est le sommeil naturel. »
On voit donc que le psychothérapeute est, de nos jours, beaucoup mieux armé qu’il y a quarante ans. Toutefois on peut, toujours reprocher aux cures psychiques d’être momentanées ou bien de ne guérir qu’un accident passager, de ne point modifier le terrain, de laisser le champ libre à de nouveaux accidents qui pourront survenir sous l’influence de la moindre cause. Or, le reproche est fondé; on ne l'évitera que si l'on prend soin de surajouter au traitement spécial et particulier un traitement général dont le but sera de combattre la prédisposition au vertige ; il y a là toute une éducation de la volonté et de l’habitude, une hygiène morale, une orthopédie mentale que nous trouvons exposée de main de maître, dans ce même livre de M. Renouvier, paru en 1850. En voici les grandes lignes :
Nous devrons apprendre à notre malade à se mettre en garde contre les impressions fortes ou subites, à résister au choc des hallucinations ou des émotions, à se dire qu’une sensation vive et réelle peut n’avoir aucun objet extérieur, et qu’une conviction forte peut être erronée, à se défier des impulsions que font naître la passion et la vanité, à craindre la contagion de la coutume, de l’exemple et des erreurs d’autrui, à rétrécir le domaine de sa crédulité, à empêcher que son esprit ne se « mécanise » en sc plaçant sous l’empire dos habitudes. Nous lui apprendrons à exercer son jugement individuel et sa réflexion indépendante, à examiner toute chose en toute occasion, à manier cette arme précieuse qu’on appelle le doute, c'est-à-dire à analyser, à critiquer, à réduire les apparences à leur juste valeur, à balancer les motifs de juger et do croire. Nous lui apprendrons encore à manier le frein des contre-motifs et des images réductrices, à diriger le jeu de scs représentations, à susciter, à exalter et à maintenir les unes, à atténuer, à entra-
ver, à déloger les autres. Nous lui apprendrons, en outre, c\ se déterminer d’après ce qu’il aura jugé librement être droit et légitime, à donner â sa volonté une bonne direction, à la développer, à la fortifier, à la faire intervenir régulièrement et constamment.
Grâce à cet entrainement et à cette discipline psychique, nous arracherons nos malades à la tyrannie de leur sensibilité, nous les affranchirons de tout ce qui est capable de les subjuguer, nous opérerons une rééducation et un redressement de leur mentalité, nous arriverons, en quelque sorte, à les vacciner contre le vertige, à leur faire recouvrer la maîtrise d’eux-mêmes, le libre usage et la pleine direction de leurs pensées.
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Les pages que je viens de résumer très brièvement sont restées longtemps inaperçues pour les gens qui ne faisaient point de la philosophie leur occupation exclusive. Dans une lettre qu’il me fit l’honneur de m'écrire, il y a quelques années, à propos d'un opuscule où je m’appuyais sur sa théorie du vertige mental, M. Renouvier m’apprit, à mon très grand étonnement, que c’était la première fois qu’elle était remarquée par un médecin s’occupant d’aliénation mentale. Je suis heureux de la signaler à l’attention de mes confrères, persuadé qu’ils ne se contenteront pas de ma très courte esquisse et qu’ils voudront se reporter au texte original pour le lire, le relire et le méditer ; ils seront étonnés de tout le bien qu’ils en retireront pour leur instruction personnelle et pour leur pratique médicale ; ils verront, en outre, à quel point j’avais raison tout à l'heure de proclamer M. Renouvier Pun des maîtres de la médecine psychologique.
En somme, dès 1850, il a, à l’exclusion de tout fluide, de toute force occulte, de tout principe substantiel plus ou moins subtil, donné une explication claire et scientifique des phénomènes hypnotiques, en montrant qu’ils ne sont ni étranges ni surnaturels et que même ils rentrent très naturellement dans les lois générales de la psychologie. En outre, dès la même époque, il a réclamé une place légitime pour la thérapeutique psychique dans tous les cas de vertige et principalement en médecine mentale. De plus, il a exposé très explicitement quels remèdes psychologiques il convenait d’opposer aux vertiges de l’acte et du jugement, au double point de vue curatif et préventif ; et, ce faisant, il a formulé la teneur de toute une hygiène morale,
applicable non seulement aux malades, mais à ceux aussi qui passent pour bien portants, susceptible enfin clc faire « des pépinières d’hommes et non des parcs d’esclaves. »
Le système nerveuz central,
D’après le livre de M. Jules Sour.v(l).
T/Académie des sciences et l'Académie de médecine viennent d’accorder simultanément une de leurs plus hautes récompenses à une œuvre qui doit être considérée comme une des plus considérables qui aient été accomplies dans le domaine scientifique. Tous ceux qui ont suivi les leçons que M. Jules Soury professe depuis déjà de longues années à la Sorbonne, où il est Directeur des Hautes Etudes, applaudiront aux distinctions si justifiées, qui viennent d’honorer ce savant consciencieux. Nul ira poussé plus loin l’étude si compliquée et si hérissée d’écueils du cerveau humain.
L'Académie des sciences, dans sa séance annuelle du 17 décembre, a voulu récompenser toute une vie de labeur désintéressé, en accordant le prix Monthyon, de la valeur de 2.500 francs, à .M. Jules Soury, pour son livre sur le Système nerveux central. Le 18 décembre, à la séance annuelle de l’Académie de médecine, M. Jules Soury a également été proclamé, pour le même travail, lauréat du prix Saintour, de la valeur de 2.000 francs.
Avant de recevoir des deux plus grandes sociétés savantes de notre pays, une consécration aussi élevée, l’œuvre de M. Jules Soury avait été l’objet, tant à l’étranger qu’en France, des appréciations les plus flatteuses.
Parmi celles auxquelles il a dû attacher le plus grand prix, nous devons citer !e compte-rendu publié dans la Presse Médicale, par le professeur Déjérine. il n’y a certainement pas en France de savant dont la compétence soit plus grande en ce qui concerne l'étude du cerveau. C’est pourquoi nous avons tenu à reproduire in-extenso les paroles du professeur Déjérine, convaincu que la lecture en sera instructive pour tous nos lecteurs :
« L’ouvrage que vient !e publier M. Soury, est consacré à l’étude de
(1) Jules SouiXY. — Le système ¡terreux central, 2 vol., in-4* de X-1S65 pages, 10 0, Paris, (t. Carré et îvaud, éditeurs.
tout ce qui a été écrit sur l’anatomie macroscopique et microscopique, et sur la physiologie du système nerveux central, depuis les philosophes grecs jusqu’à aujourd’hui. Cette œuvre est immense, elle représente une somme de labeur et des connaissances telles que, pour ma part, je me demande si un autre homme que M. Soury eût été capable d’un pareil effort. Pour concevoir et mener à bien une pareille tâche, il fallait être tout à la fois humaniste, philosophe et neurologiste ; il fallait encore posséder l’érudition incomparable et la puissance d'analyse, qui marquent depuis longtemps, d’une si puissante empreinte, les œuvres déjà si nombreuses de ce savant éminent.
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Dans sa Préface, l’auteur nous explique les principes qui ont pré-* sidé à la confection de son ouvrage : a La théorie scientifique des localisations fonctionnelles de l’encéphale et de la moelle est assez tard venue dans le monde, dit-il, mais le principe de la localisation des fonctions psychiques, de la sensibilité et de l'intelligence, est presque aussi vieux que la pensée humaine. La localisation des fonctions des sensations et de l’intelligence, des passions et de la motilité volontaire, dans les organes thoraciques et abdominaux, a certainement précédé de longtemps la localisation dans l'encéphale, mais le principe est le môme, quel que soit le siège assigné à ces fonctions. Aux plus lointaines époques, comme de nos jours, la grande curiosité scientifique de l’homme sur l’origine et la nature de ses sensations et de ses idées, ne s’est reposée que dans la considération des différents organes de son corps dont l'activité varie plus particulièrement avec la qualité et l’intensité de ses émotions, de ses passions et de ses pensées. » Et plus loin : o Le premier devoir de la critique est de présenter les diverses solutions d’un même problème scientifique, les conceptions variées d’une même théorie. C’est là ce qui distingue l’esprit critique du dogmatisme scientifique. 11 y a dans tout savant un inventeur, c’est-à-dire un croyant, presque toujours prisonnier de sa doctrine, de sa théorie, de son système, au moins pendant qu’il en construit l’édifice. La part d’illusion qui domine tout esprit créateur est la condition même de son activité. Non seulement le savant espère trouver; s’il réussit à son gré, il devient convaincu. Et pourtant, ainsi que le démontre l'histoire critique des théories et des doctrines, si le problème est un, les solutions varient et varieront toujours, surtout dans certaines provinces des sciences biologiques. La science n’est pas, elle devient. La haine de l’aulorité sous toutes ses formes, voilà, pour une tête philosophique, le commencement de la sagesse. »
La première partie de l’ouvrage, le tiers environ, est consacrée à I’Antiquité et aux Temps modernes. L'auteur nous expose les théories relatives à la structure et aux fonctions des organes de la vie, de la sensibilité et de la pensée, depuis Alcméon de Crotone (versoOOj jusqu’à Broca, Fritsch et Ilitzig. 11 décrit en détail les systèmes des Hippocra-
tistes, d’Arislote, d’Hérophile, d’Erasislrate, de Galien surtout, et cette partie de l’ouvrage — véritable histoire de la philosophie ancienne — est traitée avec un détail, une précision, une sûreté d'analyse et de critique véritablement hors ligne. Dans les temps modernes, M. J. Soury étudie les doctrines de Varoli, de Descartes, Spinoza, Hobbes, Willis, Vieusséns, Malpighi, La Peyronnie, liai 1er, Proschaska, Vicq d’Azyr, Cabanis, Stahl, Bichat, Gall, Flourens, Bouiltaud, Vulpian, etc. Ici encore, comme pour la période précédente, on trouve la même méthode impeccable de l’analyste et du critique.
On voit, en effet, apparaître dès l'antiquité, chez les philosophes comme chez les savants, le désir de localiser o l’âme raisonnable ». « Dès le vc siècle en Grèce, » dit M. J. Soury, " 011 eut une notion assez claire des rapports du cerveau avec les nerfs et les organes des sens. La théorie des trois âmes, ou des trois fonctions cardinales de l’âme, telle qu’elle existe chez les pythagoriciens, chez Platon et chez Aristote, est bien un essai de localisation des fonctions psychiques supérieures. Hippocrate et les Ilippocratistes ont assigné des sièges différents à ces fonctions, mais ils les ont localisées comme les autres fonctions de l’organisme vivant. Avec Hérophilc et Erasistrate, mais surtout chez Galien et chez ses successeurs, c’est-à-dire chez tous les biologistes du monde entier jusqu’à nos jours, jusqu 'à Sômmering, à Gall et à Flourens, le principe de la localisations des fonctions psychiques, plus inébranlable que jamais, a produit une première végétation d’idées systématiques? sinon encore scientifiques, sur la détermination anatomique du siège des fonctions de la sensibilité et de l'intelligence soit dans les ventricules, soit dans le corps même de l’encéphale. Galien, ne séparant pas la fonction de l'organe, cherche à déterminer, dans les différentes régions du cerveau, le siège des principales fonctions du système nerveux central dont les propriétés servent à définir la nature même de l’âme.
* ♦
La PÉRIODE CONTEMPORAINE commence à Broca, qui le premier établit scientifiquement la localisation cérébrale d'une fonction de l’intelligence. Le principe des localisations cérébrales, fondé par Broca, fut confirmé et développé par la suite, et la démonstration de cette doctrine à laquelle sont attachés les noms de Fritsch et de Iïitzig, Ferrier, II. Munk, Luciani, Charcot, est due a la physiologie expérimentale, à Fritsch et Iïitzig qui découvrirent, au moyen de l’électricité, l’excitabilité propre de l’écorce cérébrale.
Dans cette partie, consacrée à la période contemporaine, et qui comprend presque les deux tiers de son ouvrage, M. J. Soury étudie les fonctions du système nerveux central, les voies sensitives et motrices, les voies sensorielles et les voies d'association et commissurales. Le chapitre consacré à l'écorce cérébrale chez l'homme et chez les animaux est des plus remarquables. J’en dirai autant de ceux consacré à la
cènesthésie, aux émotions, à la vision, à l'audition, à l'olfaction, et enfin de celui consacré à la théorie des neurones.
Cette partie de l’ouvrage comprend l’analyse el la critique des travaux de savants nombreux et de tous les pays. Ici encore on se trouve en présence d’une œuvre considérable et réprésentant une somme de labeur, dont seuls peuvent se faire une idée ceux qui font des recherches basées sur des textes originaux.
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Lorsqu’après avoir étudié l’ouvrage de M. J. Soury on est arrivé à la dernière page, on se rend compte du service immense rendu par l’auteur à sa génération. Nous pouvons en effet, maintenant, avoir une idée complète de tout ce qui a été dit et fait, en anatomie et en physiologie nerveuses, par les philosophes, les observateurs et les expérimentateurs de tous les temps et de tous les pays, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. Nous pouvons aussi embrasser d'une vue synthétique la marche progressive des connaissances humaines; dans le domaine de Y anatomie, de l'histologie et de la physiologie du cerveau et de la moelle épinière.
L’œuvre de M. J. Soury est immense. Elle restera dans l’histoire de l’anatomie et de la physiologie du système nerveux central, comme un monument devant lequel s’inclineront les chercheurs ainsi que les penseurs. »
Nous n’avons rien à ajouter aux éloges du professeur Déjé-rine. La conscience scientifique, l'esprit critique et l’érudition de Jules Soury, « ce bénédictin laïque »,ne sauraient mieux être reconnues. Nous nous bornerons à lui exprimer toute la reconnaissance que nous inspire le souvenir de ses conseils et de ses enseignements. Nous ne pouvions trouver une meilleure occasion de le remercier des témoignages de bienveillance qu’il nous a si souvent prodigués.
Dr BÉRILI.ON.
DEUXIÈME CONGRES INTERNATIONAL DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE.
L’hypnotisme comme procédé d’investigation psychologique (•)
par M. le Docteur Paul Parez
I
Observation interne Lorsque l’idéoplastie a suscité, après hvpotaxie préalable, un phénomène psychologique déterminé, celui-ci se déroule avec une intensité
;t) Les points essentiels de ce rapport ont été publics dans la Revue de ¡'hypnotisme
toute particulière ; il accapare à lui seul le champ de la conscience, à l'exclusion de tout ce qui n’est pas lui ; il se trouve, pour ainsi dire, grossi, amplifié, renforcé ; débarrassé de tout ce qui pourrait l'obscurcir, il est mis en pleine lumière, il apparait comme en relief, il oiïre des nuances qui ne pourraient être saisies ni observées dans l’état de veille.
Or, le sujet lui-même peut prendre pleinement conscience de ce qui se passe à ce moment en lui. Toute l’attention dont il est capable se trouve, par suggestion, mobilisée, concentrée, ramassée, maintenue sur le seul phénomène à observer. Celui-ci est alors appréhendé par une attention purement représentative, en dehors de tout élément antagoniste, affectif ou autre, sans distraction, sans dispersion, sans perturbation d’aucune sorte.
Ainsi :
1° Ce phénomène psychologique est connu avec autant de clarté, de distinction, de netteté, de précision, d’acuité et de pénétration que s’il était vu avec une sorte de loupe ou de microscope.
2° 11 est connu non pas indirectement par inférence, traduction ou interprétation, mais en lui-même, par introspection, par aperception directe, par intuition immédiate. Ainsi nous rentrons dans la tradition de notre grand Descartes.
II
Expérimentation directe
Ï1 ne suffit pas de limiter notre élude à l'observation pure et simple des phénomènes courants. Il convient de provoquer, d’étendre, d’affiner, cette observation et, pour cela, d'instituer des expériences, lesquelles, grâce encore àl’idéoplaslie, porteront elles aussi directement sur les phénomènes psychologiques eux-mêmes.
Les principaux modes de celte expérimentation sont les suivants:
1° Etant donné un phénomène naturellement complexe, le décomposer le désagréger, dissoudre ses combinaisons, rompre ses liaisons, atteindre les rudiments les plus simples, les séparer, les inhiber les uns après les autres, faire en somme une analyse élémentaire complète par une véritable vivisection mentale.
2° Produire isolément, faire fonctionner à part et étudier en lui-même chacun des divers rouages psychologiques, depuis les plus inférieurs, jusqu’aux plus élevés.
3° Aller du simple au composé, des parties au tout et, dans un esprit préalablement anidéisé, juxtaposer un k un, puis combiner les différents éléments psychologiques, de manière à opérer une restauration graduelle,
dti mois d’août 1000, page 40. Nous en rappelons ici brièvement les principales conclusions, en y joignant un certain nombre de faits qui se rapportent i l’évocation du subconscient.
une reconstitution synthétique et même à édifier petit à petit une sorte de statue de Condillac.
4° Utiliser les expériences que la nature nous offre toutes faites sous forme de phénomènes pathologiques, séparer leurs éléments intégrants, faire entrer ceux-ci dans des associations nouvelles et, par là, empêcher la reconstitution du complexus primitif.
5° Reproduire à volonté, créer artificiellement certains phénomènes morbides, anormaux, curieux, rares, exceptionnels et cela, soit d’emblée, de toutes pièces, en vue d'une dissociation analytique, soit élément par élément, suivant le mode synthétique.
III
Evocation du surconscient
Les phénomènes subconscients risquentd’être, pour notre connaissance actuelle, comme s’ils n'existaient pas; certains, jadis conscients, passent pour irrémédiablement oubliés; d’aulres resteront indéfiniment enfouis dans les régions de l'inconnu. Mais, si l’hypnotisme intervient, il les dépiste, il les fait sortir de leur latence, il les appelle à la pleine lumière de l'introspection et ainsi il enrichit la psychologie d’un vaste domaine encore presque inexploré.
Cette évocation du subconscient comporte plusieurs aspects.
1° L’hypnotisme provoque une hypermnésie intense pour des phénomènes anciens et presque effacés, ainsi que pour les phénomènes emmagasinés en nous sans que nous nous en soyons aperçus.
2° Il éclaire le mécanisme intime de certains états expérimentaux en apparence inexplicables, tels que les suggestions privatives et les suggestions à terme avec inconscience du sujet pendant l’intervalle.
3° Il fait revivre dans la conscience présente les phénomènes psychologiques, soit normaux, soit pathologiques, soit suggérés, qui se sont déroulés dans les divers sommeils, naturel, hypnotique, chloroformique, médicamenteux.
4° Il reconstitue la trame des fugues, des états seconds, des somnambulismes naturels.
5° Il dévoile ces idées fixes qui, à l’insu des malades, sont si souvent la cause d’états pathologiques.
Dans cette œuvre si féconde en découvertes précieuses, la simple suggestion, dynamogénique ou inhibitrice, suffit d’ordinaire. Toutefois, certains cas difficiles exigent que l'idéoplastie se concrétise en quelque sorte, qu’elle appelle à son secours, par exemple, la musique, l'écriture automatique, le dessin, la cryslal-vision, la vision dans les nuages, etc.
— c'est-à-dire qu’elle provoque le subconscient par la mise en œuvre d'une espèce déterminée d'images, selon que le sujet est auditif, moteur ou visuel.
¥ •
L'évocation du subconscient peut être l’œuvre d'expériences instituées dans un but de recherche scientifique pure. D’autres fois, elle est, au
point de vue pratique, une manœuvre préliminaire qui s’impose au psychothérapeute soucieux de faire un diagnostic étiologique et, partant, d’instituer un traitement efficace.
Voici quelques exemples récents empruntés à ma pratique médicale.
I. — Une femme âgée de 30 ans présente tout à coup une crise à grand fracas qui semble un instant menacer ses jours et qu'un médecin, appelé en toute hâte, a diagnostiquée : crise d’angine de poitrine. Quelques jours après, celte femme vient me trouver : inquiète, anxieuse, la face congestionnée, la respiration haletante, elle se sent, dit-elle, en imminence de crise.
Après avoir fait la critique des divers symptômes qu’elle se rappelle avoir éprouvés, j’acquiers la conviction qu’il s’est agi d’une fausse angine de poitrine.
Déjà, chez elle, des rêves, oubliés au sommeil, avaient plusieurs fois conditionné certains troubles nerveux. Je dirige donc mon enquête dans ce sens.
J'hypnotise cette personne et j’apprends ce qui suit. La nuit qui a précédé cette grande crise, elle a rêvé qu'on lui infligeait le supplice des « ernbucos ». Or sa crise a été l’exacte reproduction de ce rêve. Tous les symptômes se sont succédé dans l’ordre même où ils étaient apparus pendant le sommeil. Plongée dans l’état d’hypnose, elle se rend compte que le souvenir de ce pseudo-supplice des ernbucos la poursuit et menace de provoquer de nouvelles crises. Dans l’état de veille, elle n’a pas la moindre notion de ce rêve pathogène.
Donc, dans la circonstance, l’hypnotisme a permis d'évoquer un phénomène subconscient d’où venait tout le mal. Le traitement étiologique fut alors institué. En effet, je pus, grâce à la suggestion, faire rentrer ce rêve dans l'oubli, conjurer la crise imminente et rendre à cette personne un sommeil paisible exempt de cauchemars.
II. — Une femme de 40 ans souffre souvent de fortes migraines, dès le lever. Tous les médicaments employés sont impuissants à les calmer. Cette personne a été hypnotisée ; on a essayé d’inhiber sa douleur ; mais la suggestion s’est montrée aussi peu efficace que les médicaments.
Pendant qu’elle est en état de veille, on lui demande si elle a rêvé pendant la nuit précédente; elle répond que non. Mais, si la même question est faite pendant le sommeil hypnotique, cette personne ne tarde pas à se rappeler qu’elle a eu, en effet, un cauchemar qu’elle est tombée sur la tète, qu'elle a reçu des coups, etc.
Une fois ce souvenir subconscient évoqué, nous n’avons plus qu’à le dissocier, à l’inhiber, à en suggérer l’oubli. La connaissance et la suppression de la cause nous permettent de supprimer l’effet.
III. — Une jeune fille âgée de 25 ans est en proie à l'idée obsédante de se jeter par la fenêtre. Or quelle est l’origine de ce phénomène morbide':
Hypnotisée, celle malade raconte qu'il y a quelques mois, elle a vu, à
la première page d’un journal illustré, qu’une pauvre femme, après s’être jetée par la fenêtre, s’était fracturé le crâne sur le trottoir.
Dans l’état de veille, elle n’a aucun souvenir de cette image qui l’a si vivement impressionnée et s’est si profondément gravée dans son subconscient. Ici encore, nous connaissions la cause; il nous suffit de combattre cette représentation obsédante, de la dissocier, de réduire certains de sés éléments et de faire entrer les autres dans des associations nouvelles, mais, cette fois, inoffensives.
IV. — M. X..., auteur dramatique, est devenu le jouet d'une femme du monde, laquelle, selon toute vraisemblance, l’hypnotisc sans qu’il s’en aperçoive.
Interrogé pendant l’état de veille, M. X... ne sait pas du tout si cette femme se livre sur lui à des manœuvres quelconques; il a seulement constaté dans sa propre existence certaines lacunes, comme si, dit-il, on y avait fait des trous ù l'emporte-pièce.
Dans son sommeil hypnotique, il parvient à se rappeler et il me raconte que jadis cette femme l’a endormi par la fixation du regard ; depuis lors, elle lui a fait la suggestion qu’il s’endormirait instantanément lorsqu’elle lui toucherait la nuque avec le doigt. En effet, lorsqu’il est en train de travailler à son bureau, cette femme vient derrière lui sans qu’il s’en doute; elle le touche à la nuque et, immédiatement, il tombe dans un profond sommeil avec amnésie complète au réveil.
De môme, quand je l’ai éveillé, il n’a aucune notion de la confidence qu’il vient de me faire. Mais, la mise en lumière de ce souvenir subconscient me permet encore une fois d’intervenir et de rendre M. X. . . réfrac-taire à toute manœuvre que son i hypnotiseuse » pourrait de nouveau tenter contre lui.
V. — Le môme M. X. . . se dispose à aller voir un de ses amis. Or, arrivé au bas de l’escalier qui mène à l’appartement de cet ami, il est comme cloué sur place et ne peut pas gravir une seule marche.
A la fois stupéfait et vexé, il ne sait comment expliquer ce phénomène et il songe sérieusement à une paralysie des membres inférieurs.
Je l'hypnotise et il me révèle que sa femme, pendant qu’il dort de son sommeil normal, lui a fait expressément cette suggestion pour l’empé-cher d’aller chez cet ami qu’elle déteste. Une fois éveillé, il ne se rappelle rien de ce qu’il m’a révélé.
Cet exemple prouve donc à nouveau l’elTicacité de la suggestion pendant le sommeil naturel.
VI.—Une autrefois, après avoir endormi .M. X. . . je l'amène à analyser finement ce qui se passe en lui. lors des suggestions que lui fait sa femme pendant qu’il dort du sommeil naturel. Voici ce qu’il me répond : Ma femme me fait d’abord subir une certaine préparation qui transforme mon sommeil normal en un état spécial et tout autre. Il n'y a pas de brusque passage, mais, par une dégradation insensible, petit
à petit, échelon par échelon, j'arrive à « perdre pied », jesuiscomme anesthésié par une sorte de chloroforme, j’ai perdu la volonté de vouloir, je n’ai plus aucune force de résistance, je suis à sa merci et je subis toutes ses suggestions.
Cette auto observation est très importante ; elle confirme ce que j’ai soutenu autre part, à savoir que, avant de faire des suggestions à la faveur du sommeil naturel, il convient de réaliser une hypotaxie préalable qui rende le sujet apte à être suggestionné.
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* *
A de nombreux titres, l’intervention de l’hypnotisme dans les recherches psychologiques est donc non seulementlégitime, mais indispensable ; grâce aux lumières qu’il projette sur les phénomènes obscurs ou cachés, il permettra de mieux saisir les rapports, de grouper les ressemblances, d’induire des lois.
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGlE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du mardi 16 octobre 1900. — Présidence de M. Jules Voisin
M. le Secrétaire général fait part à la Société des distinctions dont viennent d’être honorés plusieurs membres de la Société : M. Boirac. vice-président de la Société, M. Albert Colas, trésorier, M. le Dr Le-grain, médecin en chef de l’asile de Villejuif, M. le Dr Edouard Branly, docteur ès-sciences, ont été nommés chevaliers de la Légion d’honneur. Le Bureau, au nom de la Société, leur adresse l’expression de ses félicitations.
M. le président met aux voix les candidatures de M. le Dr Virgilio de Rézende, de M. Scghers, publicistc, et de M. Faure, professeur.
Ces candidatures sont adoptées à l’unanimité.
La Léthargie chez les animaux
par M. le Dr Félix Regnault
Notre collègue, M. le Dr Paul Farez, m’a signalé, il y a quelques jours, les lignes suivantes parues dans un journal du matin. Ce qu’elles relatent me semble rentrer dans le cadre de notre société et je tiens à vous les lire in extenso.
a II existe au Soudan de petites rivières où l’eau ne coule que quatre mois de l’année ; elles sont à sec tout le reste du temps et si bien à sec que quelques-unes servent de routes aux indigènes. Ces rivières qui manquent d’eau sept à huit mois de l’année n’en sont pas moins très poissonneuses... Où s'en vont les poissons pendant la saison sèche ? Des
curieux ont cherché, ils ont trouvé ceci : en creusant assez profondément la vase désséchée et durcie, on ne tarde pas à découvrir des boules en terre de la grosseur d’une carafe ordinaire. Ces boules assez solides, ouvrez-les, chacune contient un poisson enroulé. Au premier moment, vous pouvez le croire mort, tant la catalepsie est complète, mais dégagez-le de sa boule avec précaution, mettez-le dans l’eau, le voilà qui s’éveille et se met à nager. »
Me sachant documenté sur ces questions, M. Parez m’a sollicité de prendre la parole sur ce sujet, afin de confirmer ou d’infirmer, s’il y a lieu, la teneur de ces lignes ; c’est ce que je fais très volontiers.
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♦ M
II s’agit du protopterus annectens de la Sénégambie. Ce poisson, qui vit dans les marais, au moment de la saison sèche se retire dans la vase à environ 50 centimètres de profondeur et s’entoure d’un cocon muqueux qui l'enferme. La motte de terre où il se trouve est traversée par un canal en trou de souris, à paroi lisse, qui aboutit à une région du cocon plus mince et plus perméable que le reste.
A l’intérieur du cocon le protopterus est replié sur lui-mème, toute la surface de son corps étant revêtue d'une couche très mince de mucus coagulé,
A la fin de la saison sèche qui dure 9 mois, le protopterus sort de
1 état de torpeur pour reprendre la vie aquatique (*}.
Il y a dans ce fait deux points à considérer. Le premier intéresse spécialement le naturaliste. L'animal se protège contre la sécheresse en s’enfermant dans un cocon muqueux. Ce fait se produit chez l’escargot qui, dans la saison sèche, ferme sa coquille au moyen d'un opercule temporaire.
D’autres fois la sécheresse tue les animaux ; mais ils laissent des œufs protégés par une coque extrêmement épaisse et résistante. Ainsi les œufs de beaucoup d’infusoires, d’héliozoalres, de floraminifères, d’hydres d’eau douce, de nématodes, etc.
Un peu de terre recueillie en Australie et envoyée sèche en Europe a produit une faune abondante.
Les soi-disant animaux réviviscents, rotifères. tardigrades, meurent en réalité de la sécheresse. Mais comme tous les animaux, iis revivent en leurs descendants. Car ils conservent dans leur corps des œufs durables qui résistent et éclosent sous l'influence de l'humidité.
Quant au second point, il touche de près les hypnologues: c'est cette torpeur, ce sommeil, cette vie latente, cette léthargie que subissent les animaux. Elle se produit aux époques où ils ne peuvent trouver leur nourriture. C’est une adaptation au proverbe populaire : « qui dort dîne. »
(1) L. Caénot: L'influence du milieu sur les animaux. — Bibliot. LéaulC—üassoa
Deux causes principales peuvent amener la disette : la sécheresse et l'hibernation :
La sécheresse est la cause de la léthargie du protoptère.
L’escargot, dans la saison sèche, en fait autant. On cite aussi la léthargie des tanrecs, des échidnés, des grands serpents, animaux qui vivent dans les pays chauds et que la disette de vivres oblige au sommeil.
L'hibernation existe chez le loir, la marmotte, le hamster, la gerboise, le hérisson, la chauve-souris, le saumon et nombre d'insectes comme la fourmi.
Ils s’endorment aux premières atteintes (lu froid pour s’éveiller aux premières chaleurs.
La fonction léthargique n’appartient pas en propre à certains animaux à l’exclusion des autres. Certains animaux, qui ne sont pas sujets à la léthargie, peuvent y tomber accidentellement. On a observé ce fait chez l’hirondelle et le martinet, lorsque, pour une cause quelconque, ils ne peuvent émigrer aux approches de l’hiver. Des moutons perdus sous la neige, auraient pu vivre dans un état voisin de l’hibernation et auraient été retrouvés vivants trente-sept jours plus tard (professeur Dewar) (*).
Le sommeil hibernal existe chez l’homme.
En cas de famine, les paysans russes passent l'hiver couchés et dorment pendant 4 à 5 mois. Des districts entiers sont ainsi plongés dans le silence ; le sommeil ne s’interrompt que pour les choses strictement nécessaires et, aussitôt, tout se replonge dans le silence (4).
Ce sommeil ne nous parait être qu'un degré léger de la léthargie.
D’ailleurs, la léthargie vaxùe d'intensité même chez les animaux.
L’accumulation des urines dans la vessie éveille la marmotte 3) ; pendant sa léthargie, la marmotte a des réveils fréquents pour évacuer son urine et ses excréments. Si on crée une fistule vésicale, la marmotte ne s’éveille plus.
Enfin, pendant la léthargie, l’animal serait capable d’exécuter quelques mouvements automatiques. Le loir, en léthargie sur un arbre, descend sans en avoir conscience : une patte lâche, il en fixe une autre ; arrivé à terre, il continue à dormir (4).
De même chez l’homme, la léthargie profonde du fakir ne diffère en rien de celle des animaux. Pour y arriver, le fakir, hystérique avéré, se soumet au jeune, ingère du haschich et autres drogues connues de lui seul. Il supprime tous mouvements, arrête sa pensée et la borne à la prononciation mentale du mot mystique om ; il se confine dans une
(1) J’ai mentionné tous ces faits et rapproché la léthargie de l’homme (le celle des animaux, dans mon livre Hypnotisme et religion, Schleichcr, éditeur, en 1S9T.
(2) Yolkow. Bulletin Soc. anthrop., Paris 1900, p. G7.
(3) Dubois. Physiologie comparée de la Marmotte, broch. Masson, édit., 1S9G et Revue scientifique, 1S9G, 2* sem. p. ISt.
(4) Forc-1, dans la Revue de l'Hypnotisme, lr* année, p. SIS.
cellule peu aérée et s'exerce à respirer le moins possible et le moins souvent possible (').
Quand il sent la léthargie venir, il se bouche le nez et les oreilles avec de la cire, l’incision du filet lui permet de retourner sa langue en arrière, il regarde fixement le bout de son nez, entre en des rêves délicieux, s'endort enfin et reste inanimé et froid pendant des jours et des mois; ses cheveux et ses ongles cessent de croître.
On a entouré ce phénomène naturel de circonstances propres à le rendre extraordinaire. On fait pousser du blé au-dessus du caveau où est enterré le fakir.
Mais qu’importe ce que l’on fait pourvu que le caveau soit suffisamment spacieux pour fournir au fakir le peu d'air dont il a besoin pour entretenir sa vie latente.
La léthargie îles hystériques ne diffère point de celles que nous venons d'étudier. C'est à tort que l’école de la Salpétrière a soutenu et soutient encore que les phénomènes hypnotiques sont le privilège des hystériques. Mais il y a une part de vrai dans cette assertion : c’est que, lorsque les phénomènes hypnotiques deviennent extrêmement intenses chez un individu, très généralement il s’agit de malades (maladies organiques, hystérie, névropathie héréditaire, etc.).
Etudions la léthargie au point de vue physiologique. Elle se traduit par les symptômes suivants: la circulation se ralentit, les pulsations sont moins fréquentes et moins amples; le sang abandonne les vaisseaux périphériques et s’accumule dans le cœur et les gros vaisseaux thora-ciques.
La respiration se ralentit et devient à peine perceptible. 11 y a diminution des échanges chimiques. La consommation d'oxygène est 30 à 40 fois moindre. Le rapport de l’oxygène à l’acide carbonique qui, à l’état de veille, s’élève à I, n’est plus que de 0. 5: il y a donc augmentation relative d'acide carbonique.
Il y a diminution de la température périphérique du corps qui, de 37,6 peut tomber à 4,6 chez la marmotte.
Cette diminution est probablement due à une vaso-constriction périphérique.
La léthargie de l’homme devrait être étudiée au point de vue physiologique: température centrale et périphérique, tracés sphygmographi-que et cardiographique, étude des vaso-moteurs au moyen du plétys-mographe, etc.
Il serait d’un extrême intérêt de ne pas borner l’étude d'une léthargique comme celle de Thenclles à un simple examen clinique.
De même les fameux jeûneurs Succi et Merlatti ne devraient pns être observés par les médecins dans le seul but d'empêcher toute fraude.
(I) Il convient de rappeler que certains sujets pcuvenl arrêter les :nouveraents du co?ur, d’autres parviennent à arrêter leur respiration de façon à rester une demi-heure sous l’eau. (Voir Nature, 1885. t. I, p. 1G3).
Il faudrait voir si leur faculté ne tient pas tout simplement à une auto-léthargie.
Il y aura à réaliser toute une série d'éludes extrêmement intéressantes qui s'imposeront le jour où l’on ne regardera plus la léthargie comme un phénomène extraordinaire, anormal, privilège de quelques hystériques.
La pratique de PHypnotisme â la campagne
Par M. le docteur Perceau (de Nérondes)
Le médecin de campagne peut, comme le médecin des villes, être parfois appelé à pratiquer l’hypnotisme; témoin les cas suivants:
I. — M11” M..., ¿gée de 17 ans, vient me trouver avec sa famille, en mai 1897. Elle présente des stigmates manifestes d’hystérie : abolition du réflexe pharyngien, points douloureux le long du rachis, troubles de sensibilité, etc. Tous les jours depuis six ans, elle est prise d’attaques d'hysléro-épiiepsie. J’ai beau la presser de questions, je ne puis parvenir à me renseigner sur l’origine de ces attaques. Un beau jour, une crise se déroule sous mes yeux; je la fais cesser par suggestion, mais je me garde bien de réveiller la jeune fille. Pendant qu'elle continue à dormir, j’obtiens d’elle l’aveu suivant: à l’âge de onze ans, elle a été endormie par un homme qui voulut la violer ; pendant que celui-ci abusait d’elle, elle s’est réveillée brusquement et c’est depuis cet incident qu’elle présente ces crises quotidiennes. J’instituai alors le traitement qui convient en pareil cas et je pus en trois séances d’hypnotisme débarrasser cette jeune fille de ses crises.
II. — M. P..., âgé de 16 ans, a eu peur d*un loup ; à la suite de cela, il présente un mutisme hystérique intermittent qui dure chaque fois une dizaine de jours et que j’ai complètement fait disparaître par suggestion hypnotique.
III.—présente un amaigrissement complet par suite d’un refus persistant d’aliments ; en outre, elle présente chaque nuit des crises érotiques qui inquiètent et fatiguent le mari. En cinq séances de suggestion, j’ai rendu à cette personne le calme et l’appétit.
IV.— Dans des cas d’incontinence d’urine, j’ai aussi remporté plusieurs succès grâce à la suggestion hypnotique. Mais je compte revenir sur ce point dans une communication ultérieure. Pour le moment, j’ai voulu, non pas vous signaler des guérisons comme extraordinaires ou nouvelles, mais vous montrer, par ces exemples, qu’à la campagne l’hypnotisme m’a rendu de grands services pour des cas jusqu’alors rebelles à toute médication et abandonnés de mes confrères.
Reviviscence du souvenir dans les états hypnotiques.
par le Dr E. Béiullox
11 arrive assez fréquemment que des suggestions dirigées contre certains symptômes manifestes restent inefficaces parce qu'elles n’attei-gnentpas la cause du trouble fonctionnel.
Ce trouble fonctionnel peut être entretenu par des rêves ou par des souvenirs subconscients qui entretiennent le malade dans un état émotionnel. Un artifice assez ingénieux consiste à évoquer dans l’état hypnotique les souvenirs qui, à l’état de veille, demeurent dans le domaine du subconscient. Après un certain nombre de sollicitations s’adressant à la mémoire et ayant pour but de provoquer le souvenir de la cause initiale du trouble nerveux, il est rare qu’on n’obtienne pas de renseignements très précieux. On apprend ainsi que les troubles hystériques ont eu pour cause un choc, une émotion, une peur dont le malade a apparemment perdu 1^ souvenir, mais qui a laissé une trace dans son subconscient. Il convient alors de lui suggérer l’oubli completel définitif de cette cause et de supprimer ainsi toute cause capable d’entretenir la cellule nerveuse dans un état anormal d’irritabilité. Il est surprenant alors de constater combien la thérapeutique suggestive devient efficace lorsque l’on a ainsi remonté à la cause du mal. Les faits qui justifient l’emploi de celte technique sont abondants et plusieurs auteurs, en particulier les Dr‘ 0. Vogt, de Berlin, et Freud, de Vienne, en ont signalé un certain nombre :
Discussion.
M. Fare'z. — J’ai eu à soigner un littérateur qu’une femme s’amusait à endormir à volonté par simple pression d’un point hypnogène artificiellement créé. Réveillé, ce sujet ne savait même pas qu’on l’avait endormi. Après l’avoir hypnotisé, j’ai pu faire revivre chez ce sujet le souvenir de ce qui s’élail passé pendant les sommeils antérieurs. Mais, comme celte femme lui avaitformeliement suggéré do n’en rien révéler à personne, j’ai longtemps échoué dans mes tentatives de desuggeslion. A force d’or'.ificcs, je suis cependant parvenu à obtenir des aveux. Alors, seulement, par des inhibitions suggérées, j'ai pu neutraliser l'action hypnotisante de cette femme et affranchir cet homme d'une telle sujétion.
M. Paul Magnin. — Jadis, à la Pilié, une malade de Dumontpallier présenta des accidents syphilitiques, et, cependant, elle affirmait n’avoir jamais eu aucun rapport. Hypnotisée, elle se rappela qu’un jour de sortie, avant de rentrer à l’hôpital, elle s'élail endormie et qu’un individu, qu’elle désigna, avait profité de son sommeil pour abuser d’elle.
Un hypno-mëtronome
Par M. le docteur Pau de Saint-Martin
Comme le miroir de Luys, le petit appareil que j’ai l'honneur de soumettre à votre examen est basé sur l'action hypnogénique que produit la répétition isochrone d'un même mode d’excitation.
Ainsi que vous le pouvez constater, il est composé simplement (fun métronome ordinaire, à la tige duquel peuvent être adaptés de petits miroirs, des réflecteurs métalliques ou tous autres objets susceptibles, par leur fixation, d’entraîner la fatigue et la confusion du regard.
L’appareil étant mis en jeu, on obtient trois formes de vibrations : sonores, lumineuses, psychiques. Ces trois modalités d’une même énergie générale, se répercutant sur la sensibilité à la fois générale et spéciale, se traduisent par une sorte d’inhibition et d’anesthésie temporaires, un état d'indifférence idéoplastique, de torpeur et d’engourdissement propres à provoquer le sommeil et à favoriser les efforts de la suggestion.
Un autre avantage de ce dispositif est d’occuper l’esprit du malade, de fixer et d’absorber son attention, de substituer des indications précises à des recommandations souvent vagues et qui, mal interprétées ou mal reçues, peuvent, par leur inobservance, compromettre le succès définitif.
Ainsi, vous engagerez votre malade à ne se préoccuper que des bruits et des mouvements de l’appareil, à concentrer toute son attention sur les oscillations, à les compter mentalement et môme, si on l’estime utile, à régler sa respiration sur le rythme des vibrations. De fait, tous ces agissements multiples concourent ù un même résultat, à savoir : placer le cerveau dans un état de monoïdéisme qui ne peut que favoriser la suggestion.
Je dois, en terminant, accomplir un agréable devoir de reconnaissance en remerciant M. le constructeur Ch. Verdin, de l'extrême obligeance et du bon vouloir qu’il a apportés pour donner à l’idée que je lui avais soumise une forme à la fois scientifique, expérimentale et pratique.
Discussion
M. BérillON. — Le bruit que fait le métronome, loin d’être un obstacle ou un empêchement au sommeil, triomphe de la résistance du sujet et favorise l’inhibition. D’une manière générale, les secousses, les ébranlements, les vibrations capables de fatiguer notre attention accroissent la disposition à dormir.
M. Lionel Dauriac.— M. Pau de Saint-Martin a employé l’expression « vibrations psychiques ». Qu'entend-il, au juste, par là?
M. Pau deSaint-Martin.—Cette expression est employée par un certain nombre d'auteurs et je n’y tiens pas outre mesure. J’ai simplement voulu dire qu'une même idée, une même sensation, une même représentation répétée d’une manière isochrone provoque l’inhibition. Cela est vrai de toute espèce de vibration, quelle qu’en soit l’origine.
M. Hikmet (de Constantinople). — J'ai souvent vu dans mon pays que le tic-tac régulier du moulin endormait les meuniers. D’ailleurs, les sectes musulmanes, les derviches en particulier s’hypnotisent littéralement aux sons rythmés de leurs tambourins.
M. Pau de Saint-Martin. — On peut citer aussi les chants monotones des nourrices, le chant des litanies dans les églises, etc.
ANALYSES ET COMPTES-RENDUS
L'hypnotisme et la psychologie musicale.
Par M. Lionel Dauriac
Professeur honoraire à la Facultó des Lettres do Montpellier chargé du cours d’Esthétique musicale 4 la Sorbonne.
A propos d’un livre récent de M. de Rochas, la Musique et le Geste M. Lionel Dauriac publie dans la Revue philosophique du mois d’octobre 1900, une étude psychologique fort intéressante. Nous allons en résumer les points essentiels.
La musique est quelque chose de plus que « l’art de greffer des successions sonores cohérentes sur des suites de simultanéités concordantes. » Elle est un art d’exprimer les états d'âme du type affectif ou émotionnel.
Dans la psychologie musicale, Io l’introspection doit toujours précéder ; 2" l’expérimentation objective ne peut pas toujours suivre.
On nous avait conté que les pratiquants de l'hypnotisme excellaient à opérer de ces vivisections mentales dont l'effet le plus ordinaire et le plus inoiïensif est d’abolir — momentanément — les résultats de la civilisation. de donner congé aux bonnes habitudes, de métamorphoser un sage en libertin, bref, de rendre aux émotions toute leur éloquence physique. Il suffisait donc d'endormir un sujet, de lui faire entendre de la musique et d’observer ses attitudes. Supposez ces attitudes assez précises pour être notées ; supposez-les en outre, dans leur précision, assez changeantes pour correspondre aux variations de la phrase musicale ; — ce n'est pas tout encore, — supposez toute musique, non seulement la musique d’opéra, mais ce qu en Allemagne on appelle la « musique pure », la musique sans parole, en état de produire des altérations ou dans la physionomie ou dans les poses ou dans les mouvements des membres: vous n’êtes pas loin, j’imagine d'avoir démontré ce dont pour notre part, nous sommes depuis longtemps convaincu que
l’art musical a pour effet de susciter des émotions. La psychologie musicale n’est décidément pas une science imaginaire.
Les expériences consistent, par exemple, à provoquer une altitude de prière, puis à la faire suivre d’une attitude belliqueuse par le simple passage du la Prière de la Muette à la Marseillaise. Une phrase musicale se compose d'une suite de notes, d’une suite de rythmes; elle a son mouvement ; elle a son timbre ; elle a sa mesure. Sans varier la succession mélodique, faites varier ou le timbre, ou la mesure, ou le mouvement, ou le rythme. Obtiendrez-vous des variations dans les attitudes? L'hypothèse n’a rien d’invraisemblable. L'hypothèse s’est réalisée sous nos yeux. N’est-il pas naturel, en effet, que l’expression d’une phrase musicale prenne sa source dans le caractère expressif propre à chacun de ses éléments?
Par la beauté des gestes, la soudaineté des attitudes, la mobilité de la physionomie, l'harmonie entre les mouvements du corps et ceux du visage, le sujet de M. de Rochas est précieux pour les psychologues et pour les arlistes, peintres, sculpteurs ou comédiens. D'aulres sujets répondent aux excitations musicales par des réactions motrices appropriées ; quand bien même leurs réponses seraient hésitantes et gauches elles resteraient instructives. Que ces sujets soient lents à se mouvoir, que leurs mouvements aient une grâce douteuse, il n’importe. La question n’est pas de savoir si l'on parle avec éloquence, mais si l'on parle avec exactitude.
Le pouvoir de la musique s’exerce aussi sur l’imagination visuelle. Parfois les réactions motrices font défaut et, au lieu d’un acteur, nous avons affaire à un spectateur. Cela dépend des sujets, de leur degré d’intelligence, de culture, de leur caractère normal.
La musique n’a jamais passé pour un art d’imitation. Or, du moment où n'imitant point, elle évoque ou suggère, il est à prévoir que la nature des images ou des mouvements sera en raison composée de la nature de l’excitant et de celle du sujet. De plus, les phénomènes de conscience échappent à la loi d'impénétrabilité, les états affectifs peuvent se mêler les uns aux autres, non pas indifféremment, mais selon certaines lois. L’appétit irascible et l’appétit concupiscible peuvent se réveiller simultanément sans se contrarier l'un l’autre. Une passion, sans changer d’objet, ou plutôt de nature, peut changer de rythme. Un texte musical comporte plusieurs interprétations différentes. La dialectique des états affectifs reste à faire ; elle aurait pour objet l'étude composée des phénomènes du type irascible et des états du genre concupiscible. L’analyse des textes musicaux viendrait peut-être utilement en aide au psychologue. Plus encore que cette analyse, la psychologie profiterait des expériences d’hypnotisme et de la diversité des attitudes provoquées par la phrase musicale.
Mais r.c nous enchantons pas d’un espoir dont, selon toute vraisemblance, la réalisation lardera et sachons manquer de la témérité qu’il faudrait avoir pour annoncer l'entrée de la psychologie musicale dans
sa période objective. Ce jour-là n’est pas encore près de venir. Pour qu’il vienne, il nous parait indispensable : 1° Que la psychologie de l’hypnotisme soit avancée au point de ne plus laisser de doute sur l'état de sommeil des patients. Où est le critère de ce sommeil ? Il en est plusieurs que l’on invoque, mais on ne s’entend pas sur leur valeur. — 2° Que la valeur psychologique des attitudes corporelles soit fixée de manière à diminuer les divergences d'interprétation, encore trop fréquentes à l’heure actuelle et souvent irréductibles. — 3° Que le nombre des expériences dont nous avons esquissé la description se soit accru et, en même temps, le nombre des observateurs, de telle sorte qu'ayant été soumise à une critique préalable, la signification de ces expériences ne puisse plus raisonnablement être révoquée en doute.
La psychologie musicale est donc une science dont le progrès ne peut se faire que par le progrès d’autres sciences et celles-ci nous semblent encore assez incertaines, sinon dans leur objet, du moins, dans leur méthode. Et c'est pourquoi M. de Rochas a eu raison de ne pas attendre pour publier son livre, que des temps meilleurs fussent arrivés. Plus courageux que nous, il a rompu un silence que nous avions par excès de scrupule, jugé prudent de garder. Grâces lui en soient rendues.
Il ne serait pas bon que l’adage du droit romain testis unus, lestis nullus fut toujours pris au pied de la lettre. Le champ de nos ignorances s'en trouverait démesurémeut agrandi : après tout, les « choses vues?/ étant le plus souvent choses qui, avant de se faire voir, se sont donné la peine d’ôtre, ont toujours quelque droit à être constatées.
SOCIÉTÉS SAVANTES
L'éloge de Charcot & PAcadémie de Médecine.
ParM. le Professeur Derove.
La séance annuelle de l’Académie de Médecine a eu lieu le mardi 18 décembre dernier. Le professeur Debove y a lu un très remarquable éloge de Charcot.
Nul mieux que lui n'était qualifié pour remplir cette tâche, car parmi les nombreux élèves du maître, il est un de ceux qui l’ont le plus approché et qui ont le plus vécu de sa vie scientifique. « Dans cette œuvre si purement littéraire et empreinte d'une haute philosophie, ?.I. Debove a mis toute son âme. Il nous a donné sur Charcot une page d’histoire qui perpétuera à jamais ce que fut le médecin, l'homme et le savant.»
Nous reviendrons prochainement sur cette remarquable étude. Pour aujourd'hui, détachons-en les lignes suivantes; elles ont trait aux travaux de Charcot sur l’hystcrie et l'hypnotisme:
« Il a fallu toute sa fermeté pour aborder ce genre de recherches. L'hystérie et l’hypnotisme avaient mauvaise réputation. On admettait
que toutes les hystériques étaient des simulatrices. Nous disons simulatrices, parce qu’il y a peu d'années encore on croyait cette maladie spéciale au sexe féminin; il suffisait qu'ii s’agit d’un homme pour qu’on se crût autorisé à l’éliminer. Aujourd’hui nous savons qu’elle existe dans les deux sexes; certains prétendent même qu'elle est plus fréquente chez l'homme où elle se présente avec des caractères spéciaux. Cette notion de fréquence de la forme masculine a été établie par Charcot. C’est encore à lui que nous devons la connaissance de l'hystérie traumatique. c'est-à-dire des accidents relevant de cette névrose et développés sous l’influence d’un traumatisme. L’hystérie est ainsi devenue un des plus gros chapitres de la Pathologie, et, de mémo que les grands Empires finissent par être démembrés, on se demande s’il ne sera pas distrait de son vaste domaine un certain nombre d’accidents que nous rapportons à cette seule maladie.
« Si ce sujet était épineux, l'hypnotisme l’était bien davantage. De temps immémorial il était abandonné aux charlatans et aux thaumaturges. Dès que notre maître eut marqué son intention d’étudier des faits que les médecins n’auraient jamais dû négliger, ses amis et ses collègues s'efforcèrent de l’en dissuader. Heureusement il résista et analysa des états pathologiques qui ont toujours vivement préoccupé le public. Il n’y a en effet rien de plus troublant au point de vue de la responsabilité humaine que les phénomènes de la suggestion ; mais, quelque difficile que soit l’interprétation des faits, il ne faut ni les nier, ni leur refuser un caractère scientifique.
« Ces études ne sont pas seulement intéressantes pour le médecin, elles le sont pour le philosophe. Pour montrer cet intérét, nous rappellerons ce que Charcot dit de la foi qui guérit, des miracles : il n’est question bien entendu ici que des miracles médicaux.
« Ce sujet ne peut nous laisser indifférents, car le but essentiel de la médecine est la guérison des malades, sans distinction des procédés à mettre en couvre. « La guérison, écrit Charcot, d’apparence particulière, produit direct de la foi qui guérit, que l’on appelle communément en thérapeutique du nom de miracle, est, on peut le démontrer dans la majorité des cas, un phénomène naturel, qui s'est produit de tout temps, au milieu des civilisations et des religions les plus variées, de même qu'actuellement on l'observe sous toutes les latitudes... Les faits dits miraculeux ont un double caractère ; ils sont engendrés par une disposition spéciale de l’esprit du malade, une confiance, une crédibilité, une suggestibilité dont la mise en mouvement est d’ordre variable. D'autre part le domaine de la foi qui guérit est limité : pour produire scs effets, elle doit s'adresser à des cas dont la guérison n'exige aucune autre intervention que cette puissance que l'esprit possède sur le corps... Ces limites, aucune intervention n’est susceptible de les lui faire franchir, car nous ne pouvons rien contre les lois naturelles. On n'a jamais noté que la foi qui guérit ait fait repousser un membre amputé : par contre, c'est par centaines qu'on trouve des guérisons de paralysie... « Les
sanctuaires se ressemblent tous, sont tous coulésdans le môme moule... A travers les âges, parmi les civilisations les plus diverses, au milieu des religions les plus dissemblables en apparence, les conditions du miracle sont restées identiques... Ceux qui trouvaient la guérison dans l’Asclepeion ornaient les parois du temple d’hymnes votives et surtout de bras, de jambes, de cous, de seins, en matière plus ou moins précieuse, objets représentatifs de la partie du corps qui avait été guérie par l’intervention miraculeuse... Au fond du sanctuaire, la statue miraculeuse ; parmi les serviteurs du temple, des prêtres médecins chargés de constater ou d'aider les guérisons... De toutes les dèmes de la Grèce, ceux qu'animent la foi qui guérit s’acheminent vers le sanctuaire pour obtenir la guérison de leurs maux. Dès leur arrivée, afin de rendre le Dieu favorable, ils déposent sur l’autel de riches présents et sc plongent dans la fontaine purificatrice qui coule dans le temple d'Esculape... Les siècles ont passés, mais la source sacrée coule toujours. »
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d’hypnologie et de psychologie
Les séances de la Société d’hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpétrière.
Les prochaines séances de la Société auront lieu le mardi 15 janvier et le mardi 19 février 1901.
Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 14, rue Taitbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.
Zes Hallucinations de Gustave Flaubert
Gustave Flaubert fut longtemps hanté par des cauchemars et des visions. Après avoir \isité une maison de santé, il eut peur comme un enfant et des hallucinations perpétuelles vinrent l’obséder; sa santé souffrit et sa folle jovialité se changea en invincible mélancolie. Comment, en effet, disait-i', garder quelque sérénité « après tous les renfoncements intérieurs qui m’arrivent » ?
Toutefois, en 1857, les visions se sont évanouies; il écrit à M"* Leroy er de Chantepic, la lettre suivante: a Vous me demandez comment je me suis guéri des bailucinations
nerveuses que je subissais autrefois? Par deux moyens: 1° en les étudiant scientifiquement, c’est-à-dire en tâchant de m’en rendre compte ■ et 2° par lu force de ma volonté. J'ai souvent senti la folie me venir. C'était dans ma pauvre cervelle un tourbillon d’idées et d’images où il me semblait que ma conscience, que mon moi sombrait comme un vaisseau dans la tempête. — Mais jo me cramponnais à ma raison. Elle dominait tout, quoique assiégée et battue. En d’autres fois, je tâchais, par l'imagination de me donner facticement ces horribles souffrances. J’ai joué avec la démence et le fantastique comme Mithridate avec les poisons. Un grand orgueil me soutenait et j’ai vaincu le mal à force de
l étreindre corps à corps. »
Un chien quêteur.
11 y a, à Ncw-York.un chien étonnant. On peut le voir tous les jours, soit dans Fifth Avenue, soit aux abords de Madison-Square, car Jip connaît très bien les endroits élégants où passent de préférence ceux qui donnent. Jip est un chien mendiant. Sur son dos, une petite tirelire en bois, bien assujettie par des courroies, porte l’inscription suivante :
* Donnez pour les pauvres petits malades de Children’s Hospital. »
Et, quand il passe près d’un monsieur affairé, d'une dame à toilette tapageuse, Jip fait sonner l'argent de sa tire-lire et aboie doucement pour attirer l’attention des heureux de ce monde. En sept ans, il a ainsi récolté pour l’hôpital plus de 25,000 dollars.
Tous les samedis, à midi, il se rend dans une des principales banques de Broadway et gratte à la porte du caissier. Celui-ci prend le contenu de la tire-lire, inscrit la somme sur ses livres, et en établit un reçu en règle, qu’il remet dans la boite. Puis le dévoué Jip, d’un bond, court à l'hôpital des Enfants rapporter le témoignage hebdomadaire de son intelligence et de son zèle.
Un exemple de sang-froid.
Le président Krfiger a eu do tout temps la passion de la chasse. Un jour le fusil du futur chef de l'état JJoer lit explosion cl blessa violemment le pouce de sa main gauche. Le chirurgien consulté à cette occasion déclara que l’amputation de l’avant-bras était absolument indispensable. Krüger, lui, prétendait qu’il était bien suffisant de couper lepouce atteint. Comme le chirurgien persistait à demander l’ablation de tout l'avant-bras, Krüger le renvoya sans plus de façon ; puis, sortant tranquillement le couteau qu’il avait dans sa poche, il coupa lui-meme le morceau du pouce atteint. Par malheur déjà la gangrène avait attaqué la jointure suivante. Krüger ne sourcilla pas et avec son même couteau
il enleva le pouce tout entier. L’opératioi? réussit fort bien et le bras fut sauvé. C’est avec ce même couteau qu'une autre fois il fit sauter une dent qui !c faisait violemment souffrir.
NOUVELLES
Enseignement de l’hypnotisme et de la psychologie physiologique Institut psycho-physiologique, 40, rue Saint-Andrê-dcs-Arts.
L’Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l’hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l’hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.
L'organisation de l’institut psycho-physiologique eh fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.
Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique), est annexée à l’institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister, et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d’aliénés, y complète son cours à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine (semestre d’été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l’hypnotisme. Il est secondé dans ses démonsh*ations cliniques par MM. les D* Henry Lemesle, Bellemanière, Wateau, Jaguaribe, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les Dr‘ Paul Farez, A. Guimbeau, Bianchi, et par M. Charles Verdin.
Depuis 1892, pendant le semestre d’hiver de chaque «.nnce, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.
M. le Dr Paul .Toire, correspondant de l’institut psycho-physiologique fait, chaque année à Lille, un cours annexe d’hypnologie.
Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l’acquisition des appareils les plus nouveaux.
Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l’histoire de l’hypnolisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.
Chaque année, un certain^iombre d’étudiants trouvent d'importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l’institut psycho-physiologique.
COURS ET CONFÉRENCES DE 190 à, l’institut psycho-physiologique
4g, rue Saint-Andrè-des-Arts, 4g
LES VENDREDIS, A 8 HEURES ET DEMIE DU SOIR CONFÉRENCES
Vendredi 18 Janvier, à huit heures et demie, M. le Dr Bérillon, inspecteur des asiles publics d’aliénés, fera une conférence sur : L’hypnotisme, l’hystérie et les démoniaques dans l’art. (Cette conférence sera accompagnée de projections h la lumière oxydrique.)
Vendredi 25 Janvier, à huit heures et demie, M. le Dr Paul Farez, licencié en philosophie, fera une conférence sur : Les fondements psychologiques de Vhypnotisme.
Vendredi 1er Février, à huit heures et demie, M. le Dr Jules Voisin, médecin à la Salpétrière, fera une conférence sur : La psychologie de l’enfant arriéré. [Les idiots, les imbéciles et les épileptiques.)
Vendredi S Février, à huit heures et demie, M. le Dr Bérillon fera une conférence sur : L’hypnotisme et l’éducation de la volonté. (Cette conférence sera accompagnée de projections à la lumière oxydrique.)
Vendredi 15 Février, à huit heures et demie, M. Laisant, docteur ¿s-sciences, examinateur à l’Ecole polytechnique, fera une conférence sur : Psychologie des sciences : L’initiation à l’étude des sciences physiques.
Vendredi 22 Février, à huit heures et demie, M. Bénito Silvain, aide de camp de S. M. l'empereur Ménélick, fera une conférence sur : Psychologie comparée : La psychologie de la femme abyssine. (Cette conférence sera accompagnée de projections à la lumière oxydrique.)
Vendredi 1cp Mars, à huit heures et demie, M. Eugène Caustier, professeur agrégé de l’Université, fera une conférence sur : Psychologie comparée : La morale des bêtes.
Vendredi 8 Mars, à huit heures et demie. M. Lionel Dauriac, professeur honoraire de la Faculté de lettres de Montpellier, chargé du cours d’Esthétique musicale ù la Sorbor.ne, fera une conférence sur : Psychologie musicale : L’éducation musicale.
Vendredi 15 Mars, à huit heures et demie, M. le Dr Henry Lemesle, licencié c-11 droit, fera une conférence sur : La suggestion dans les fêtes populaires ¿11 moyen âge. (Fêle des fous, fêtes de l'âne, etc...)
Vendredi 22 Mars, à huit heures et demie, M. leDr Bérillon fera une conférence sur : Psychologie comparée : Les animaux savants et l’art du dressage. (Cette conférence sera accompagnée de projections à la lumière oxydrique.)
ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE
49> we Saint-André-des-Arts, 49 Au Siège de l’institut psycho-physiologique.
COURS DE 1901 Hypnotisme thérapeutique.
M; le Dr Bérillon, professeur.
Objet du cours : Analyse élémentaire des phénomènes de l'hypnotisme. Les principes de la psychothérapie.
Les lundis ci jeudis à cinq heures, à partir du lundi 21 janvier.
Hypnotisme expérimental.
M. le Dr Paul MaGnik, professeur.
Objet du cours: L’hypnotisme chez, les hystériques.—.Le grand hypnotisme. Les lundis à cinq heures et demie, à partir du lundi 21 janvier.
Hypnotisme sociologique.
M. le Dr Félix Regnault, professeur.
Objet du cours : La vie de Jésus devant l’hypnotisme.
Les mardis et vendredis à 5 heures, à partir du mardi 22 janvier.
Psychologie normale et pathologique.
M. le Dr Paul Faiiez, professeur.
Objet du cours : L’œuvre de Durand de Gros et l’évolution psychologique de l’hypnotisme au XIXe siècle.
Les mercredis et samedis à cinq heures, à partir du samedi 2.9 janvier.
Psychologie de l’enfant.
M. le Dr Bellemamêre, professeur.
Objet du cours : Du rôle de la suggestion dans l’éducation.
Les jeudis à cinq heures et demie, à partir du jeudi 2 4 janvier.
Psychologie dn criminel.
M. le Dr Wateau, professeur.
Objet du cours : De la responsabilité dans les états hypnotiqnes.
Les mardis et vendredis a cinq heures et demie, à partir du mardi22 janvier.
Psychologie des foules et Folklore.
M. le Dr Henry Lemesle, professeur.
Objet du cours : De la suggestion dans les superstitions populaires.
Les mercredis et samedis, à cinq heures et demie, à partir du mercredi 23 janvier.
Psychologie comparée.
M. E. Caustier, professeur, agrégé de l'Université.
Objet du cours : Les fonctions psychiques dans la série animale.
Les jeudis à cinq heures, à partir du 28 février.
L’inauguration des cours aura lieu le lundi 21 janvier, à cinq heures, à l'institut psycho-physiologique, 49, rue St-André-des-Arts.
HORAIRE DES COURS
HEURES LUNDIS MARDIS MERCREDIS ; jeudis | VENDREDIS SAMEDIS
5 h. Bérillon Félix Regnault Farez Bérillon Félix Regnault Farez
5h. 1/2 Paul Magnin Walcan Lemesle Bellemanière Walcan Lemesle
Cours d’Esthétique musicale
M. Lionel Dauriac, professeur honoraire à la Faculté des Lettres de Montpellier, commencera son cours d'Esthétique musicale, à la Sor-bonne, le samedi 19 janvier 1901, à 4 h. 1/2 (amphithéâtre Michelet). Il le continuera le samedi de chaque semaine, à la môme heure.
Objet du cours : Les doctrines esthétiques de Wagner.
Cours des maladies nerveuses et mentales
M. le Dr Jules Voisin commencera son cours des maladies nerveuses et mentales à la Salpêtrière, section Esquirol, le jeudi 10 janvier 1901, à dix heures du matin. Il le continuera le jeudi de chaque semaine, à la même heure.
L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMEN/ájríj ET^HÉRAPEUTIQüE
15« Ann he — N® 8.
Février 1901.
B uri E TIN
Inauguration de I’Ecole de psychologie
L’ouverture des cours de I'Ecole de psychologie a eu lieu le lundi 21 janvier 1901, à cinq heures, au siège de l’institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts, sous la présidence de M. Tarde, professeur de philosophie moderne au Collège de France, membre de l’Académie des sciences morales et politiques. Aux côtés de M. Tarde, avaient pris place tous les professeurs de I’Ecole, MM. les Dr* Bérillon, Paul Magnin, Félix Regnault, Paul Parez, Bellcmanière, Wa-teau, Henry Lemesle et M. Caustier, professeur agrégé de l’Université.
Une assistance extrêmement nombreuse emplissait les salles de l’institut psycho-physiologique. Elle était composée de médecins, de magistrats, de professeurs de ¡’Université, de publicistes et d’étudiants de toutes les facultés.
Après avoir remercié M. le professeur Tarde de l'honneur qu’il faisait à I’Ecole de psychologie en présidant la séance d’inauguration, M. le Dr Bérillon a exposé le but de I'Ecole dans les termes suivants :
Messieurs,
La réunion à laquelle vous assistez aujourd’hui est plutôt une consécration qu’une inauguration. En fait, I’Ecole de psychologie e.vif te depuis le jour où, en 1889, fut créé l’institut psycho-physiologique.
Pour s’en convaincre, il suffît de parcourir, dans la notice publiée en 1897 (*), la liste des cours et des conférences, l'énumération des élèves ins-
(1) Notice sur l’institut psycho-physiologique. Ecole de psychothérapie et laboratoire de psychologie. 32 pages, in-12, Paris, 1397.
S
crils et l’exposé des travaux publiés, de 1889 à 1897, par les professeurs et les élèves de l’institut psycho-physiologique.
Je ne fais que payer une dette de reconnaissance en rappelant les noms des hommes éminents qui, dès la première heure, ont bien voulu accorder leur patronage à notre œuvre. Ce furent MM. les D1* Dumontpallier, Mesnet, Luvs, Albert liobin, membres de ¡’Académie de médecine, Charles Richet, professeur à la Faculté de médecine, M. Monod, directeur de l'hygiène publique au Ministère de l'intérieur, M. le Dr Auguste Voisin, médecin de la Salpétrière et M. Jules Soury, directeur à l’Ecole des Hautes études. M. le D1 Liébeault et M. le professeur Liégeois, furent dans ce comité de patronage, les représentants de l’Ecole de Nancy.
Vous pourrez vous rendre compte de la valeur et de l'importance de l'enseignement donné depuis 1889. à l’institut psycho-physiologique, par les noms des principaux savants qui prirent la parole dans les conférences.
En première ligne, je dois vous parler de notre maître vénéré Dumontpallier, le savant médecin des hôpitaux, dont les travaux sur l'hypnotisme ont eu une si grande inlluence sur les progrès de cette science. Ce fut à l’institut psycho-physiologique, qu'il continua son enseignement de la Pitié et de l’Hôtel-Dieu. Il fit dans ce local, devant un auditoire nombreux, de remarquables leçons. La dernière de ses conférences eut lieu le 20 janvier 1898. Il y résuma dans un exposé synthétique l’ensemble de ses recherches sur l’hypnotisme, sous le titre suivant : Comment j'ai été conduit à l’étude de l’hypnotisme.
On peut lui attribuer la création de l’Ecole de psychologie, car notre initiative a puisé sa source dans ses enseignements et dans ses encouragements. Le souvenir de ce maître éminent planera sur notre œuvre et nous conserverons pieusement dans cette maison le culte de sa mémoire.
Les autres conférenciers furent Lionel Dauriac, professeur honoraire à la Faculté des lettres de Montpellier ; Jules Soury, professeur d’anatomie du sj-stème nerveux; le mathématicien Laisant, examinateur à l’Ecole polytechnique; les D'* Collineau, Saint-IIilairc, Oscar Jcnnings, Max Nordau, Bian-chi, professeur agrégé à l’Université de Parme,l’inventeur de la phonendos-copic; Edouard Branly, dont les travaux ont inspiré la découverte de la télégraphie sans lil; Tison, MM. Jules Bois, Lcpinay et Coutaud, docteur en droit, et enfin M. le Dr Jules Voisin, l’émincnt médecin de la Salpé-trière.
Il convient d’ajouter à ces noms celui d’un collaborateur dont nous regrettons la mort prématurée. Le Dr Armand Paulier, avait accepté la mission d'enseigner ici l'anatomie du système nerveux.
En mourant il nous a légué les ingénieuses reproductions du cerveau qu’il avait réalisées par un procédé spécial. Ces documents ont constitué, avec les pièces et les planches originales relatives à l’étude du cerveau qui nous furent données par Luys avant sa mort, le point de départ de notre Musée psychologique.
Aux noms cités plus haut il convient d’ajouter ceux de tous mes collaborateurs de la nouvelle Ecole : MM. Paul Magnin, Félix Regnault, Paul Farez, Henri Lemesle, Caustier, Bellemanière et Watteau qui, soit par des conférences annuelles, soit par des démonstrations pratiques pendant les consultations du dispensaire pédagogique et neurologique se préparaient à l’enseignement que nous développons aujourd’hui.
Les conférences de l'institut psycho-physiologique, qui continueront d'ailleurs parallèlement avec les cours théoriques de l’Ecole, ont porté sur toutes les branches de la psychologie. Elles ont compté, au nombre des auditeurs, les personnalités les plus éminentes de France et de l’étranger. Si nous en jugeons par le nombre do ceux qui ont répondu aujourd'hui à notre invitation, la création d'une Ecole de psychologie répondait à un véritable besoin.
L'organisation de cette école qui, à côté des cours permanents, comprend des conférences de vulgarisation, un dispensaire neurologique et pédagogique, un laboratoire de recherches expérimentales et un musée psychologique, lui donne un caractère propre et bien différent des laboratoires do psychologie expérimentale créés depuis quelques années sur le modèle do celui de Wundt, de Lcipsig. Une part considérable y est réservée à renseignement et à la pratique de l'hypnotisme thérapeutique. Mais en môme lemps les recherches expérimentales sont poursuivies à l'aide de toutes les ressources que peuvent fournir : i» l'hypnotisme employé comme méthode d'investigation psychologique ; 2* la clinique des maladies nerveuses et mentales : 3° la pédagogie clinique; 4* tous les procédés d'analyse et de psychométrie mis en usage dans les laboratoires de psychologie.
En un mot, l’institut psycho-physiologique est organisé de façon à donner aux médecins et aux étudiants en tous ordres, un enseignement pratique permanent sur toutes les questions qui relèvent de l'anatomie et de la physiologie du système nerveux.
Cet enseignement devant être rigoureusement scientifique et reposer sur des données positives, nous donnerons le plus grand développement au Musée psychologique que nous avons commence dès 1895. A côté des documents relatifs à l'histoire du magnétisme, de l'hypnotisme et de la psychologie, ce Musée doit comprendre tous les appareils et tous les instruments imaginés pour faciliter l’étude du système nerveux central et des phénomènes psychologiques. Il groupe, en outre, les documents relatifs à la criminologie. Les documents ethnographiques seront aussi recueillis lorsqu’ils offriront un intérét psychologique et porteront la marque d'une anomalie ou d’une exagération d’un sentiment humain.
L'n point sur lequel nous jugeons utile d’insister c’est que notre école n’astreint les professeurs qui la composent, pas plus dans leur enseignement que dans leurs recherches, à aucune discipline dogmatique. Ils travaillent d’une façon indépendante et les résultats de leurs travaux leur sont personnels.
En résumé, les études auxquelles se consacre l’Ecole de psychologie peuvent se répartir eu huit branches :
1° L’anatomie et la physiologie du système nerveux.
2® La psychologie expérimentale (hypnotisme expérimental, etc.)
3° La psychologie appliquée (hypnotisme thérapeutique, orthopédie mentale, pédagogie suggestive, etc.)
■\° La psychologie de l’enfant.
5° La psychologie do l’homme anormal.
C° La psychologie sociologique.
7» La psychologie comparée.
8« Les recherches dites psychiques et qui comprennent tous les faits particulièrement difficiles à interpréter, tels que : la lecture des pensées, la sug-
gestion mentale, les hallucinations télépathiques, la lucidité, la clairvoyance, les pressentiments, le sommeil à distance, l'ccriture automatique, ¡’extériorisation de la sensibilité, les dédoublements de la personnalité, etc., etc.
A ce sujet, disons nettement que nous n’aurons d'autre préoccupation que de nous inspirer des méthodes scientifiques si magistralement exposées par les Claude Bernard, les Charcot et les physiologistes contemporains. Le titre de l’institut psycho-physiologique indique nettement notre tendance à ramener les faits de la psychologie à des lois physiologiques, c’est-à-dire physiques. C’est dire que nous ne risquerons pas de compromettre les études psychologiques par des interprétations hasardeuses ou des hypothèses extra-physiologiques. Nous chercherons l'explication des phénomènes psychologiques dans des rapports matériels, nettement déterminés sans invoquer l’intervention d'aucun élément étranger extra-naturel.
Nous préférerons attendre que des méthodes nouvelles augmentent la puissance et la précision des investigations, plutôt que de céder à la tentation d’expliquer les apparentes irrégularités que présentent spontanément les phénomènes psychologiques par ce quid divtnum, cause de tant d'erreurs et de suppositions stériles.
Il est toujours plus difficile de déraciner une erreur que de propager une vérité élémentaire, aussi nous réagirons de toutes nos forces contre la propagation de ce néo-mysticisme psychologique, contre lequel le Professeur Morselli s’élevait récemment avec tant de logique et de courage. Comme lui> nous pensons qu’il faut changer radicalement la méthode employée jusqu’ici, et, au lieu d’étudier les esprits, les pressentiments, les hallucinations télépathiques, l’extériorisation de la sensibilité, les mouvements d’objets sans contact et le llottement dans l’air de personnes, d’objets ou de choses, il faut au contraire soumettre à un examen rigoureux les spirites et la plupart de ceux chey lesquels se manifeste la hantise de ces questions d’un intérêt fort discutable.
En résumé, nous bornerons notre ambition à remplir la fonction de ces privât docenten qui, à l'étranger et surtout en Allemagne, se font pour les étudiants, les vulgarisateurs des doctrines scientifiques nouvelles ou de leurs recherches personnelles.
En accordant à notre initiative l'appui de sa haute autorité, M. le professeur Tarde nous a fait un honneur dont nous apprécions tout le prix. Nous lui en témoignerons notre reconnaissance en nous inspirant de ses enseignements et en nous montrant toujours les fidèles serviteurs de la vérité scientifique.
Après ce discours, M. le professeur Tarde a prononcé l’allocution suivante :
Messieurs,
Connaissant la prudence et la rigueur scientifique avec lesquelles M. Bé-rillon etses collaborateurs abordent l’étude des différentes questions relatives à l’hypnotisme, j'ai accepté avec plaisir la présidence de cette séance d’inauguration. Les organisateurs de l’Ecole de psychologie m'ont dit que ma présence pourrait leur être utile ; je me suis rendu volontiers à leur appel. Bien que je ne me sois jamais livré personnellement à des recherches expérimentales sur l’hypnotisme, je conçois tout l'intérêt que présentent ces expériences
au point de vue des progrès de la psychologie et surtout de la sociologie.
En ce qui me concerne, j’ai déjà pu faire quelques observations intéressantes sur les rapports qui s’établissent entre l’orateur et ses auditeurs. La fatigue que je ressens après une leçon ou un discours est d’autant plus intense que le nombre de ceux qui m’écoute est plus considérable, comme si des influences réciproques s'exerçaient entre moi-même et chacun de mes auditeurs.
Il me semble que cette action inter-mentale qui se traduit d'une façon si puissante entre des individus réunis en foule doit s’exercer avec d’autant plus de force qu’elle est le résultat d’une influence volontaire exercée dans des conditions déterminées, par une personne sur une autre personne. Par l’emploi des procédés spéciaux d'hypnotisalion vous portez cette influence à son maximum. Cette méthode d’investigation permettra certainement d’établir sur des bases scientifiques les rapports de la psychologie individuelle et de la psychologie sociale. Dès à présent, il n’est plus possible de méconnaître le rôle que jouent les interventions d’ordre suggestif dans les mouvements de la vie sociale, c’est pourquoi je constate avec plaisir la pnrt que vous attribuez dans votre école aux questions de psychologie sociologique.
Comme je m’en voudrais de retarder le début des leçons qui figurent à l’ordre du jour, je borne à ces quelques paroles les aperçus que me suggère votre programme. Je prends volontiers l'engagement de revenir m’entretenir plus longuement avec vous de ces intéressantes questions et je vous exprime mes vœux sincères pour la prospérité de l’Ecole de psychologie.
L allocution de M. Tarde est accueillie par de vifs applaudissements.
La fin de la séance est occupée par une leçon de M le Dr Paul Magnin. Après avoir fait un exposé magistral des rapports de l’hystérie et de l’hypnotisme, le professeur a terminé sa leçon en représentant avec l’aide de projections à la lumière oxy-drique, les diverses phases de la grande attaque d’hystérie. M. Magnin a montré que les descriptions de Charcotet de Paul Iücher son élève, n'avaient en rien perdu de leur valeur. Il a insisté sur la nécessité de bien connaître l'hystérie avant d’aborder l’étude de l’hypnotisme expérimental.
Rappelons que l’enseignement de l’Ecole de psychologie comporte actuellement huit cours ainsi répartis :
Hypnotisme thérapeutique : Dr Bérillon.
Hypnotisme expérimental : Dr Paul Magnin.
Hypnotisme sociologique : Dr Félix Regxault.
Psychologie normale et pathologique : Dr Paul Farez.
Psychologie de l'enfant : Dr Bellemaniêre.
Psychologie du criminel : Dr Wateau.
Psychologie des foules et Folklore: Dr Henry Lemesle.
Anatomie et psychologie comparée : E. Caustier, professeur agrégé de l'Université.
De la suggestion hypnotique dans le traitement des délires toxiques et infectieux (1)
Par le Dr E. Régis Chargé du cours des maladies mentales à l'université de Bordoaux
Les idées émanées du rêve exercent dans la vie normale, mais surtout dans la vie pathologique, une influence qui se révèle de plus en plus comme importante.
En ce qui concerne les états névropathiques, cette influence du rêve a été mise hors de doute dans un grand nombre d'accidents hystériques, tant somatiques que psychiques, en particulier dans certaines phobies et obsessions (2).
Nous avons également signalé sa puissance créatrice chez la plupart des artistes et des hommes de génie, au moment de la conception de leurs œuvres (3).
Il ne s’agit pas là, et c'est un point essentiel à spécifier, du rêve ordinaire, mais du rêve subconscient ou inconscient, du rêve somnambulique, d’un état second, accompagné de la perte partielle ou totale du souvenir. Et on peut, semble-t-il, poser en fait que l’action du rêve sur l’individu est d'autant plus profonde et d’autant plus durable que ce rêve est plus inconscient et plus amnésique, comme cela se produit dans la suggestion hypnotique elle même.
Le rêve a également des relations nombreuses avec les états psychopathiques.
Depuis longtemps déjà des aliénistes comme Baillarger, avaient insisté sur l’analogie de certaines folies et du rêve. Moreau (de Tours) avait très judicieusement montré que cette analogie se manifestait tout particulièrement dans le délire d'intoxication produit par le haschich. Lasègue, enfin, dans une page admirable, avait établi que le délire alcoolique était un rêve et depuis, on tend en effet à considérer le délire alcoolique comme un rêve prolongé.
Tous ces faits relatifs à l’histoire des rapports du rêve avec la folie, ont été bien mis en lumière dans la thèse de M. Chas-
(1) Communication au Congres de l'Hypnotisme (août 1900).
(2) Consulter sur ce point les travaux de l’école de Bordeaux (Pitres, Tissié, Régis, Kicande de Messières) ceux de la Salpétrière (Raymond et Janet) et la collection de In Revue de l'hypnotisme ou sont relatés de nombreux cas.
(3) P. Chabaneix : Essai sur le subconscient chej les littérateurs, les artistes, etc., avec préface de E. Régis (J.-13. Bailliére, 1809).
lin (*) et tout récemment, dans les travaux de M. Santé de Sanctis (2).
Il y a quelques années, j'ai appelé l’attention sur le caractère de rêve qu’offrent certaines hallucinations se produisant chez les dégénérés mystiques, religieux ou politiques, d’où le nom d’hallucinations oniriques que je leur ai attribué (3).
D’autre part, l’éiude toute spéciale des délires d’auto-intoxication et d’infection que j'ai faite avec mes élèves (‘) m’a conduit à cette importante constatation qu’il s'agit là de délires de rêve somnambulique, d’état second, de ce qu’on péut appeler délires oniriques.
(1) Ph. Chaslin : Du rôle du rcve dans ¡‘évolution du délire (Thèse de Paris, 1887).
(2) Santé de Saxctis : 1 sogrti, studi psicologici e clinici (Frat. Bocca, Torino. 1809).
(3) Les hallucinations oniriques des dégénérés mystiques (Congrès des aliénistes et neurologistes français. 5me session, Clermont-Ferrand, 1894. Masson, 1895.)
(•i) Je crois utile, vu les erreurs et lacunes de certaines citations, d’indiquer ici la succession, formant ensemble, de mes travaux et de ceux de mes élèves sur la question des délires toxi-infectieux :
E. Régis :Des auto-intoxications dans les maladies mentales (Rapport au 4“* congrès des aliénistes et neurologistes français, I.a Rochelle, 1893, en collaboration avec le Dr Chcvalier-Lavaure. Masson, 1891.)
— A propos des Rapports de l'hystérie et de la folie. Le délire onirique de l’hystérie et des états toxi-infectieux. 5me congrès des aliénistes et neurologistes français. Clermont-Ferrand, 1894. Comptes rendus de la Tribune médicale.)
— Le délire de rêve chez le vieillard, 6"" congrès.... Bordeaux, 1S95.
— Les psychoses post-opératoires., (Société de médecine de Bordeaux, juillet, octobre, 1898, et 9me congrès, Angers, 1898.)
— Note sur les délires d’auto-intoxication et d’infection. (La Presse médicale, 3 août
1898).
— Les psychoses d'auto-intoxication ; considérations générales. (Neuvième et dernier chapitre d'un mémoire qui a obtenu en 1898 le prix Aubanel de la Société médico-psychologique de Paris.) (Archives de neurologie, 1899, n° 40).
— Auto-intoxications et délires. Délires d’intoxication gastro-intestinale. — (Troisième chapitre du même mémoire. (Archives cliniques de Bordeaux, 1899. n# 9 et 10).
— La psychose éclamptique, leçon clinique. (Revue mensuelle de Gynécologie, d'obstétrique et de pédiatrie de Bordeaux, mai 1899.)
— Les délires systématisés secondaires. —Idées fixes post-oniriques des états toxi-infectieux. (10me congrès, Marseille, 1899).
— Note sur le délire onirique consécutij aux brûlures graves. (Congrès international de médecine de 1900, section de psychiatrie).
— Sur l'origine onirique de certains délires dans la paralysie générale, en collaboration avec le Dr Lalannc. (Congrès international de médecino de 1900, section de psychiatrie.)
D' Piciion : Contribution à l'étude des délires oniriques ou de rive; délires infectieux et toxiques. (Thèse de Bordeaux, 189G.)
Dr Rousseau : Du délire choréique. (Thèse de Bordeaux, 1897.)
Dr Lassignardie : Essai sur l'état mental dans l'abstinence. (Thèse de Bordeaux, 1897-1898.)
Dr Cüadal : Les délires dans l'impaludisme. (Thèse de Bordeaux. 1807-1898.)
D' Laubexti : Sur un cas de délire chez un brûlé. Contribution à fétude de la théorie de l'auto-intoxication. (Thèse de Bordeaux. 1898-1899.)
D' Cbabakbix : Op. cit. (Thèse de Bordeaux, 1898-1899.)
D' MeysSax : Les psychoses traumatiques. (Thèse de Bordeaux, 1899-1900.)
Mlle Chartroc : La psychose éclamptique. (Thèse de Bordeaux, 1899-1900.)
D' Desvaulx : Le délire dans les maladies infectieuses aiguës. (Thèse de Paris, 1899-1900.)
D' A. Bob ver : Céphalée et Intoxications. (Thèse de Bordeaux, 1892-1900.)
Ces délires ont en effet pour caractère d’étre constitués par des rêves en action, nocturnes ou diurnes, suivis d’amnésie plus ou moins complète.
L’analogie évidente de ces délires avec les états somnambu-liques m’avait amené à penser dès le début, qu’il serait peut être possible d'utiliser chez eux comme chez ces derniers, la suggestion hypnotique soit pour dissiper l’amnésie, soit même comme moyen de guérison.
Dans nombre de cas, mes tentatives ont été couronnées de succès.
Laissant de côté ce qui, dans ces essais, a trait à l’action mnémogène de la suggestion, je me bornerai à indiquer som- ' mai rement ici ce qui a trait à son action curative.
L’hypnose peut s’exercer dans les périodes les plus aiguës des états toxiques et infectieux. J’ai endormi, par la simple occlusion des yeux, des malades gravement atteints de psychose typhoïdique, alcoolique ou auto-toxique. Mais il est clair que, dans ces conditions, l’hypnose n’a qu’une action purement sédative et tout à fait momentanée.
Il n’en est pas de même dans les phases moins aiguôs de ces états, et en particulier après la cessation de la fièvre et de l’agitation ; on obtient souvent alors par la suggestion, une amélioration marquée de l’état cérébral.
Mais c’est surtout au moment de la convalescence que l’efficacité de la psychothérapie hypnotique est susceptible de se manifester.
On sait que certains sujets présentent au sortir de maladies infectieuses, même sans avoir déliré en apparence, une idée fausse isolée, absurde, tranchant au milieu de l’intégrité générale de l’esprit et persistant plus ou moins longtemps en dépit des preuves et des affirmations.
Il s’agit en général de la croyance à un fait, à un événement qui n’ont jamais eu lieu. Tel, pour n'en citer qu’un exemple, le cas de ce malade, rapporté par le Dr Dufour qui, durant la période de défervescence d’une fièvre typhoïde, alors que jusque là il n’avait jamais accusé d’idée délirante, même au plus fort de sa fièvre, se mit à raconter tout à coup à son entourage qu’il était très riche, qu’un de ses oncles venait de mourir au Caire, en lui laissant beaucoup d’argent et un troupeau de cent mille moutons, et qu’il avait dans l’armoire de sa chambre un colïret plein de billets de banque. Cette étrange conception, apparue sans raison dans une intelligence restée saine, dura
plus de deux mois et cessa brusquement un jour, le malade ne pouvant comprendre, dit l’auteur, comment il avait pu être si longtemps dominé par celte idée fixe (*).
Cette curieuse particularité mentale, capable de se produire chez les individus n'ayant pas déliré au cours de l’infection, est bien plus fréquente et bien plus marquée encore chez ceux qui ont présenté des troubles psychopat hiques. On voit alors, au fur et à mesure que se dissipent le délire et la confusion d'esprit, surnager et persister, dans l'éclaircissement général, une conviction erronée qui fait tache et que rien ne peut entamer.
« Au sortir d’une fièvre typhoïde au cours de laquelle le délire onirique à été intense, dit Ballet, un malade reste pendant plus de quinze jours convaincu qu’il vient d’être décoré et qu'on vend pour son compte, à l’hôtel des ventes, de précieux objets rapportés par lui du Tonkin. Ces croyances fausses peuvent-dans la psychose polynévritique, constituer l'unique trouble : les malades racontent alors une série d’événements chimériques, sérieux ou sans importance, auxquels ils sont convaincus d'avoir pris part : et ce n’est pas sans surprise qu'on entend quelqu’un de ces derniers, dont la logique et même la mémoire ne semblent pas atteintes, assurer posément, alors qu’il n’a pas, depuis plusieurs semaines quitté son lit, qu’il vient de faire une promenade à cheval, ou de rendre visite à ses amis (2). »
Les derniers faits dont parle là M. Ballet ne sont que des illusions paramnésiques passagères, se succédant les unes aux autres, dans l’asthénie mentale des infections, sans laisser de traces dans la conscience: bien différentes par conséquent de ces monoïdéismes durables et tenaces, faits en général d’une des conceptions fondamentales du délire qui seule s’est maintenue intacte après la ruine de l’édifice psychopathique.
La pathogénie de ces monoïdéismes de la convalescence des grandes fièvres, considérés autrefois comme des délires monomaniaques et aujourd'hui comme des délires systématisés, n'a jamais été sérieusement élucidée. En revanche, elle s’explique d'elle-même si l'on admet, ainsi queje le soutiens, que les délires toxiques, d'où qu’ils viennent et quels qu’ils
(1) F. Dufour : Sur un cas de délire systématisé des grandeurs dans la convoies-cenee de la fièvre thyyholde. (10“* congrès des aliénisies et ¡îeurologistes, Marseille,
1899).
(2) G. Ballet : Les psychoscs polynévritiques. (lû-* congrès, Marseilie, 1899.) J
soient, sont essentiellement des délires oniriques, c’est-à-dire des états seconds.
Les monomanies ou délires systématisés secondaires des infections ne sont plus en effet, dès lors, que de fausses croyances puisées dans un rêve d’action et lui survivant, des idées fixes post-oniriques, de tous points analogues aux idées fixes dites post somnambuliques.
Et ce qui prouve bien que cette manière de voir est fondée, c’est que la suggestion hypnotique, si totalement impuissante vis-à-vis des vraies vésanies systématisées, exerce sur ces idées fixes issues des psychoses infectieuses la même action efficace que sur les idées fixes subconscientes des névroses. Dans plusieurs cas, j’ai pu ainsi faire disparaître des erreurs obstinées, qui menaçaient de prolonger outre mesure la convalescence, et même de redevenir le point de départ de nouvelles poussées délirantes. Tout récemment encore, je me suis trouvé 'en présence d’une jeune femme qui, à la suite d’un accouchement compliqué d'accidents graves d’auto-intoxication gastrointestinale et rénale, fut subitement prise d’un délire onirique type. Ce délire, après avoir débuté par un cauchemar dans lequel la malade vit son fils sc tuer dans un horrible accident, s’accrût et se développa par la suite ; mais durant toute son évolution, la croyance à la mort de l'enfant persista et plus tard, lorsque la lucidité revint au bout de six mois, cette Croyance demeurait encore, contre toute évidence, solidement implantée dans l’esprit. Elle céda facilement à quelques séances d’hypnose.
C'est dans les cas doce genre que la suggestion hypnotique donne, sans inconvénient d’aucune sorte, les meilleurs résultats et qu’il est permis par suite d’en recommander l’emploi.
Mais avant de conclure, je dois allerau-devantd'une objection qui peut se présenter à l’esprit et qui, du reste, m'a déjà été faite. Cette objection consiste à considérer les monoïdéîsmes dont je parle comme de nature hystérique. « Je crois, m’a dit M. Sicard, qu’il ne s’agit là que de la persistance d'une idée fixe subconsciente de nature hystérique, telle que les travaux de MM. Raymond et Janet nous l’ont fait connaître, idée fixe subconsciente qui peut persister durant un temps plus ou moins long, à la suite d’une confusion mentale primitive de nature hystérique, et prenant naissance à l’occasion d'un état fébrile, d’une infection, d'une intoxica-
lion, qui développent l’hystérie chez certains sujets prédisposés (!) ».
Certes, une maladie infectieuse peut, chez une hystérique, provoquer un délire onirique susceptible d'être heureusement influencé par une suggestion. Le cas intéressant publié par M. Paul Farez en est un exemple typique (*). D’autre part, toute maladie infectieuse peut également donner naissance à un état hystérique, à titre d’agent provocateur.
Mais il est impossible d’admettre que les idées lixes de la convalescence des infections relèvent d’une hystérie antérieure ou immédiate. Et la preuve, c'est que tous les sujets, quels que soient leur sexe, leur âge, leur tempérament, présentent exactement, dans ces conditions, le même délire.
C’est donc bien l’intoxication qui crée ce délire, à moins d’admettre, ce qui serait vraiment excessif, que dans tous leseas où les états toxi-infectieux s’accompagnent de troubles cérébraux, et c'est le plus grand nombre, il y a peu ou prou de l’hystérie.
L’analogie des délires toxiques et des délires hystériques est susceptible à mon sens d’une autre interprétation. Cette analogie proviendrait en effet non de ce que les délires toxiques sont des délires hystériques, mais tout au contraire, de ce que les délires hystériques doivent être des délires toxiques.
Les rapports si étroits des névroses, hystérie, épilepsie, choree et de leurs manifestations convulsives et psychopathiques avec les intoxications et les troubles de nutrition, légitiment assurément cette manière de voir.
Quoi qu’il en soit de cette discussion théorique, et alors même que les psychoses infectieuses appartiendraient, ce que je conteste, à l'hystérie, il n’en est pas moins vrai qu'elles peuvent dans nombre de cas, s’atténuer ou disparaître sous l’influence de la cure hypnotique.
C’est là le point essentiel de ma communication au Congrès. Il n’était pas indifférent, me semble-t-il, de l’établir, afin d’appeler l'attention sur une catégorie de troubles d’esprit, très fréquents dans la pratique médicale ordinaire, dans lesquels l’hypnotisme peut rendre de réels services et intervenir avec la plus grande efficacité.
(1) SiCAito. (ÎO* congrès, Marseille, 1S09, p. 199.)
(2) P. Farez: Psychonévrose post-infectieuse guérie par suggestion. {Revue de l'hypnotisme, juillet 1899.)
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGiE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 20 novembre 1900. — Présidence de M. Jules Voisis
Le procès verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire-Général donne lecture de la correspondance. Il fait part à la société de la mort de Durand de Gros ; il fait l’éloge du défunt et retrace les diverses étapes de sa carrière ; il montre que ce fut à la fois un grand savant, un grand philosophe et l’un des maîtres incontestés de la science hypnologique ; il se fait l’interprète des regrets unanimes de tous les membres de la Société et adresse à la fille de notre président d’honneur, l’expression de nos plus douloureuses condoléances.
M. Félix Regnault prend la parole et rappelle que la Société d'Hypno-logie et de Psychologie doit s’honorer d'avoir, une des premières, rendu pleine justice aux mérites éminents de Durand de Gros.
M. le Président met aux voix les candidatures de MM. le Drde Groer, de Varsovie, Louis Favre, et Dr Manfroni, de Turin.
Ces candidatures sont adoptées à l’unanimité.
Guérison miraculeuse de maladies d’apparence organique. Rôle du système vaso-moteur.
Par le Dr Félix Regnault.
Les guérisons regardées autrefois comme miraculeuses sont expliquées par la suggestion (‘) Convulsions, contractures, paralysies, douleurs, et en général toutes les manifestations hystériques peuvent être guéries par la suggestion; que celle-ci soit produite par la foi ou qu’elle soit due à l’habileté d'un guérisseur, elle est toujours de même nature. Mais la suggestion n’a pas encore expliqué tous les miracles : un grand nombre restent niés des uns, acceptés des autres ; ce sont ceux qui ont trait aux maladies organiques.
En 1893, Charcot, dans un travail qu’il n’osa pas publier en France, relatait la guérison par ia foi religieuse d’ulcérations et de plaies. 11 revenait sur la première observation publiée par Carré de Montgeron, en 1737, d'un cancer du sein guéri par l’interccssion du janséniste M. de Paris (*).
Cette observation avait en effet un caractère scientifique par la pré-
(1) Chaucoy : The faith healing a New rewiew »,1893, etpublié en 1897, par Alcas, édjt. La foi qui guérit.
(2) La Vérité des miracles opérés par l'intercession de M. de Paris, 1737, par Carré de MoxroERO.s.
cision, par le nombre de détails et par l’attestation de six médecins connus.
Une demoiselle Coirin fut atteinte, en 1716, de cancer du sein gauche, envahissant l'aisselle. En 1718, tout le côté gauche se paralysa : les membres étaient froids, rétractés et fortement atrophiés. En 1719, le mamelon tomba (?} et l’ulcération donnait issue à un pus rougeâtre et fétide. Pendant les douze ans que dura sa maladie, il y eut de nombreuses complications : vomissements, diarrhées, hydropisie, rétention d'urine... et à plusieurs reprises un état agonique.
En 1731, le 11 août, après une neuvaine faite à son intention au tombeau du diacre Paris, la malade revêt une chemise qui a touché la tombe, et elle peut se retourner dans son lit, alors qu’elle était obligée auparavant de garderie décubitus dorsal. Le 12, elle applique delà terre du tombeau sur le sein. L’écoulement se tarit sur le champ et l’ulcère commence à se refermer.
La nuit suivante, guérison de la paralysie ; le membre redevient chaud et mobile ; la marche va s’améliorant et, le 24, elle peut se rendre à l’église et y rester agenouillée. L’ulcération s’est fermée sans traces de cicatrices et le mamelon s’est reproduit (?).
Charcot relève judicieusement que la plaie du sein ne fut complètement cicatrisée que vingt jours après et l’atrophie musculaire ne disparut que lentement. Quant à la repousse du mamelon, on se l’explique difficilement. Pour Charcot, l’œdème dur et bleu de l’hystérie pouvant s’accompagner d'ulcérations, simule très bien, s'il siège au sein, une tumeur maligne. Le Dr Fowler a guéri, par le traitement psychique, huit cas de tumeurs du sein, uniques ou multiples dépassant parfois le volume d’un œuf de poule. Le médecin peut s’y tromper parfois et amputer.
Depuis la publication de Charcot, des guérisons nouvelles et scientifiquement observées sont venues s’ajouter :
M. Kogevnikoff, professeur à l'Université de Moscou, a rapporté un cas de guérison de sycosis parasitaire, complétée en trois jours grâce aux prières d’une femme. Et pourtant il y avait des staphylocoques dans le pus et la maladie avait résisté depuis neuf mois à tous les traitements (s). Plusieurs auteurs, entre autres Delbœuf et Bonjour, ont vu signer (c'est le mot consacré), des verrues avec succès.
Les observations de miracles opérés à Lourdes, relatés dans le livre d’Henri Lasserre et dans celui tout récent du docteur Bois-sarie ne sont point prises avec la précision et le luxe de détails désirables; on y voit le désir de convaincre ¡e lecteur plutôt que celui de rapporter une observation scientifique rigoureuse. Néanmoins, si on ne doit accepter que sous bénéfice d’inventaire cer-
(1) Revue de ¡'Hypnotisme, 1806, et Médecine moderne, 18%, p. 31.
(2) Dr Boissarie : Les Grandes guérisons de Lourdes, ancienne maison Cn. Dnu-niol, 29, rue de Tournon. IflOfl.
tains détails tels que l'instantanéité de lu guérison de plaies, d’abcès et de fractures, pourtant le fait môme de la guérison ou au moins de l’amélioration de maladies organiques parait certain : les certificats médicaux en font foi.
Ces maladies organiques comprennent :
1° Les poitrinaires, coxalgiques et maux de Pott. Je dois dire qu’il y a quelques années le Dr Boissarie m’a présenté comme guéris des cas de ce genre qui n’avaient été qu’améliorés (>).
2° Les cancers : c’est la première maladie étudiée à ce point de vue.
3° Les ulcères de l’estomac. Il y a quelques années Gilles de la Tou-rette indiquait la névropathie comme cause possible d’ulcères de l’estomac.
A0 Les maladies des yeux. Entre autres guérisons il convient de citer un décollement rétinien qui avait été diagnostiqué par le Dr Dor et qui a fait l'objet d’une communication au Congrès d’ophtalmologie (2). *
La première observation de guérison miraculeuse de cet organe se retrouve encore dans Carré de Montgeron : Pierre Gautier de Pézenas. presque entièrement privé de l’œil gauche depuis son bas-âge par deux dragons (taies) qui lui couvraient les prunelles, se perce l’œil droit au mois de janvier 1732 avec une alêne qui pénètre jusqu’au cristallin et compromet des parties essentielles à la vue.
Le 22 avril 1732, il recouvre l’œil droit par l’intervention de M. de Paris. Il recommence une neuvainc et le ï\ mai suivant on aperçoit en sortant de l’église que les deux dragons qui étaient dans son œil gauche avaient disparu et que cet œil était parfaitement rétabli.
5° Enfin des plaies de tous genres.
Sur ce dernier sujet, je veux rapporter une observation inédite prise avec grand soin et à l’abri de toutes critiques. Mais le médecin qui me l’a donnée, voulant garder l’anonymat, j’en tairai le nom.
Madame F... née L..., âgée de 37 ans.
Antécédents héréditaires. — Père mort d’un refroidissement à 38 ans.
— Mère, actuellement vivante et bien portante, âgée de 73 ans.
Antécédents collatéraux. — Un frère et une sœur bien portants. —
On ne peut faire avouer à la malade une seule tare nerveuse dans sa famille.
Antécédents personnels. — Dans l'enfance, rougeole à 5 ans, scarlatine à Gans.Régléeà 10 ans 1/2; toujours bien jusqu'à son mariage.— Se marie à 18 ans. — 2 enfants morts de méningite, l’un à 4 ans, l'autre à 8 ans.
— Couches normales. — Depuis la date de son mariage, les règles sont devenues beaucoup plus abondantes.
La malade a présenté des troubles graves du côté de l’appareil de la.
(1) Voir pour plus de détails: Médecine Moderne, 1" décembre 1893, p. I IGOet Hypnotisme, religion, par lo Dr Félix Reo.vault. Schloicher, éditeur. 1897.
(2) Onzième session, du 1« au i mai 1893.
vision. Elle aurait eu un abcès de la cornée, de l’obstruction du canal lacrymal, etc., et aurait subi 17 interventions oculaires.
Histoire de la maladie. — Le 18 novembre 1898, la malade reçut sur la face dorsale de la main droite vers le niveau de l'articulation carpo-métacarpienne, une projection de graisse bouillante qui lui causa une vive douleur. Le lendemain, elle constata au niveau de la brûlure une phlyctène qu’elle creva. — Elle nous dit avoir remué et rangé dans cette journée des linges sales provenant d'une belle-sœur morte cancéreuse quelques jours avant. — Dans la nuit, insomnie et douleurs très vives dans toute la main.
20 novembre. — La malade constate au réveil une enflure de toute la main, avec la peau tendue et rouge, mais le maximum de l’œdème semble se trouver dans la région de l’auriculaire et de son métacarpien.
21 novembre. — Elle se décide à aller consulter à l’hôpital Saint-Antoine, où elle arrive dans le même état que la veille c’est-à-dire avec un œdème très accentué remontant environ au tiers moyen de l’avant-bras, et une douleur excessivement vive dans le creux de l’aisselle.
On lui fit alors trois incisions profondes sur le dos de la main dans le sens de la longueur ; ces incisions furent suivies d’un curettage et on laissa à demeure deux drains de petit calibre. — Du 21 novembre 1898 au 8 avril 1S99, la malade se fit panser régulièrement et le bras était revenu à son volume normal, les douleurs avaient beaucoup diminue lorsque vers les derniers jours de mars, et sans cause apparente, (à ce que nous dit la malade) une nouvelle poussée se fit brusquement, la main et l’avant-bras reprennent un énorme volume, les douleurs redoublent d'intensité, au point qu’à l’hôpital Saint-Antoine on propose à la malade l’amputation pure et simple.
8 avril. — Ne pouvant se résoudre d’emblée au sacrifice de son bras, la malade vint se faire examiner à l’hôpital Z... Elle présentait un œdème considérable du membre supérieur droit. Cet œdème était dur, violet au niveau de la main, blanchâtre au niveau de l’avant-bras, dépassant la région du coude et semblant s'arrêter d’une façon insensible au tiers inférieur de la région brachiale proprement dite. — La malade souffrait beaucoup, prétendait avoir la fièvre tous les soirs, et surtout repoussait une intervention radicale. — Le Dr X..., chirurgien-adjoint a l’hôpital Z.., proposa de recommencer une série de mouchetures ce qui fut fait séance tenante, et ces incisions très longues et multipliées sur la face antérieure et la face postérieure de l’avant-bras donnent issue à une sérosité de peu d’importance provenant d’un tissu œdèmatié et infiltré de 2 c/m à 2 c/m 1/2 d’épaisseur environ. — Deux drains d’un gros calibre, réunissant entre elles les incisions furent laissscs à demeure. — C’est à partir de cette intervention que je me suis chargé de la malade que j’ai vue et suivie jusqu'au 3 août. — Elle prenait tous les jours un bain de bras boriqué d’une demi-heure, matin et soir, la
région était recouverte d'un pansement humide et je voyais deux fois par semaine, les progrès de la guérison. — Les dimensions du bras diminuaient de jour en jour, les douleurs se calmaient de plus en plus, sauf au niveau de la main et surtout au niveau de l’annulaire ; mais en somme en six semaines on put retirer les drains, les plaies se refermèrent, les symptômes douloureux avaient totalement disparu, il n’y avait plus qu’à faire regagner aux articulations du membre une souplesse qu’elles avaient nécessairement perdue par plusieurs mois d’immobilisation. Je commençai alors des séances de massage, et je constatai en quinze jours l’abolition presque complète de la raideur articulaire, lorsque tout d’un coup et d’un pansement à l'autre (en deux jours) la région recommence à augmenter de volume et à s’infiltrer de nouveau, la raideur articulaire reparait, les douleurs se reproduisent au point que le 17 juin, une nouvelle intervention est inévitable, car non seulement le membre se trouve dans le même état qu'au 8 avril, mais le creux de l'aisselle est rempli d'une tumeur diffuse, mal limitée et empâtée, très douloureuse. — Nouvelle série d’incisions par le Dr X. (huit en tout) et nouveau drainage. Les jours suivants, mêmes phénomènes tendant à la guérison, sauf que cette fois-ci les drains n'ont pu être retirés avant une nouvelle poussée aiguë qui eut lieu dans les premiers jours d’août et qui détermina la malade à partir pour Lourdes au moment du pèlerinage national.
17 août. — L’cedème tient tout le membre supérieur, le côté du thorax et du cou sont en train de se prendre.
20 août. — Arrivée à Lourdes (ceci d'après le récit de la malade). A 7 h. 1/4 du matin, à la descente du wagon, la malade plonge son bras dans l'eau. Elle dit avoir éprouvé comme une sorte de syncope, des sueurs profuses et des douleurs absolument paroxystiques, lui faisant croire que sa dernière heure était venue.
La durée du bain de bras est évaluée à 5 minutes environ. — Tout d'un coup les douleurs cessent brusquement, la malade regarde son membre et le trouve exactement du volume de l'autre, avec la peau flasque et tellement ridée qu’elle se plut à le comparer à certains abat-jours en papier. — Puis elle dit avoir eu une sensation de froid extrême.
— Quant aux deux drains que nous avions mis le 17 juin, ils tombèrent d’eux-mèmes et les plaies se refermèrent, ne donnant plus qu’un léger suintement sanguin qui disparut au bout de deux ou trois jours par la fermeture de l'orifice des drains. — La malade prétend avoir été guérie en même temps de son affection oculaire. Ne m’en étant point occupé avant, je laisse cette question de côté ; je constate seulement qu'elle portait des verres fumés et qu'elle n'en porte plus.
A son retour de Lourdes, la malade a été examinée tout de suite à l'hôpital. Toute trace d'œdème, de suppuration, des incisions drainées, de raideur articulaire, et de douleur spontanée (au dire de la malade), tout cela a absolument disparu. La force musculaire semble rétablie, la malade se sent fort bien de sa main, peut écrire et coudre.
Je l’ai fait revenir chez moi le 13 décembre, et je constate le maintien de cette guérison depuis le mois d'août. Qu’en scra-t-il dans quelque temps ? Je ne sais.
J'ai vainement cherché chez cette malade les stigmates de l’hystérie, mais c’est une femme nerveuse évidemment, très excitable, et d’une loquacité excessive.
Elle présente de l'anesthésie pharyngée.
D’après les caractères spéciaux de ce phlegmon, il semble qu’il s’agissait d’œdème bleu hystérique. La brusquerie comme l’intensité du début, et de chaque récidive en opposition avec la marche lente et tor-pide du mal, et surtout les phénomènes douloureux observés au moment de la production du miracle, la brusquerie de la disparition de l’œdème sont en faveur de ce diagnostic.
Il existe donc des maladies d'origine hystérique qui simulent les maladies organiques au point que les médecins s’y trompent. Ceux-ci ordonnent des remèdes ou conseillent des opérations alors que la foi religieuse suffit à guérir.
D’autres pourront admettre qu’il s’agit de maladies organiques réelles et que la foi les améliore simplement. Je ne veux pas discuter ces deux opinions, d’autant que le manque d’observations précises et bien prises empêchent de le faire avec fruit.
Mais il convient de montrer qu’une catégorie de phénomènes nerveux, les troubles vaso-moteurs, rappellent les maladies organiques guéries par la foi, et méritent, à ce titre, d’en être rapprochés.
Depuis longtemps, on sait que le psychique influe sur les sécrétions : des pilules de mica panis donnent la diarrhée ; à l’inverse, la suggestion guérit l’hyperhidrose («), une sensation psychique désagréable peut suspendre la sécrétion lactée d’une nourrice (2).
Les nerfs vaso-moteurs actionnés par le cerveau augmentent la sécrétion ou la tarissent ; de même Claude Bernard, en agissant sur les nerfs vaso-moteurs, modifiait la sécrétion salivaire.
Les hypnologues ont montré que la suggestion pouvait provoquer l’avortement.
En 1893 (3), j'ai relaté ici même l’observation d’une monoplégie hystérique avec anesthésie, guérie par suggestion. En même temps, une aménorrhée datant d’un an fait place à une métrorrhagie d’une extrême abondance qui dure quinze jours. Pourtant je n’avais fait aucune allusion à ce point, et mon attention n’y fut attirée que lorsque la malade me signala l’apparition de ses règles. La guérison suggestive avait donc amené en même temps une modification vaso-motrice.
L’hystérique par autosuggestion peutautographiersursa peau les mots auxquels il pense : les lettres s'inscrivent en un large ruban rose. Ce
(1) Revue de /’hypnotisme, 1000.
(2) Witkowski : Histoire des accouchements, p. 223.
(3) Société d’hypnologie, séance du 17 juillet 1893.
phénomène est dû à la vaso-dilatation artérielle suivie d'œdème. Il peut survenir des ecchymoses spontanées, des bulles de pemphigus, des sueurs de sang. Ainsi les hystériques religieux par auto-suggestion prennent les stigmates de Jésussurla croix. SaintFrançois d'Assises avaitaux pieds et aux mains des sortes de clous brûnâtrcs formés de bourgeonnement de la chair, et au côté gauche une plaie dont le sang s’écoulait sans cesse.
Louise Lateau portait au front une couronne de points saignants rappelant la couronne d'épines du Christ; aux pieds et aux mains se formaient des ampoules qui saignaient et crevaient; au côté gauche elle avait une plaie et sur l’épaule droite une autre plaie laissant sourdre une sérosité transparente (*).
Il s’agit d’hémorrhagie précédée d’une ampoule ou se faisant sur un tissu plus ou moins œdématié. Cette hémorrhagie dure de quelques minutes à quelques jours, puis les bulles se sèchent et les plaies se cicatrisent. Mais elles peuvent persister et former un ulcère. Les cicatrices deviennent parfois chéloidiennes; d’où les nodosités sur les mains de saint François d’Assises et de Louise Lateau.
Les maladies organiques elles-mêmes sont influencées par le psychique. — Vouloir guérir est beaucoup pour la guérison. Une secte, devenue fort importante aux États-Unis, les christian-scientists, prétend guérir par la prière et la volonté : ils s’autosuggestionnent que la maladie dont ils soulïrent n’existe pas. Il se produit ainsi quelques guérisons retentissantes.
D'autre part, le professeur Carpentier a montré qu’on pouvait aggraver son mal en y pensant trop. Le volume d’une tumeur augmente rapidement si le malade en est constamment préoccupé. Une tension de l’esprit dirigée sur un point particulier de l’organisme, peut, en effet, modifier l’afflux sanguin vers cette partie (■). Le médecin Tant-pis peut ainsi tuer ses malades. Les envoûtements et les actes de sorcellerie réussissent quand ils sont connus de la personne qui en est l’objet, grâce à la frayeur qu’elle en ressent. Rapprochons de ces faits une méthode de gymnastique dite de Sandow (bien qu'Attila l'ait découverte le premier) qui consiste à tirer doucement et lentement sur des élastiques : elle amène une augmentation rapide et intense du volume des muscles qui dessinent bientôt sous la peau d’énormes saillies. Mais c’est à la condition de penser constamment et fortement aux mouvements que l’on exécute : le professeur a toujours grand soin de vous le recommander.
Toute cette série de faits indique que les phénomènes vaso-moteurs jouent un rôle capital et encore ignoré dans un grand nombre de maladies; soit que les troubles vaso-moteurs créent des états pathologiques à apparence organique, soit qu’ils aggravent des maladies réelles. Au contraire, la suggestion hypnotique, en régularisant la circulation vaso-
(t) Pathologie générale de Gli Bouchard, t. V, p. 1123.
motrice, peut amener la guérison de maladies en apparence ou réellement organiques.
Il y a là une ample moisson à réaliser pour les observateurs.
Discussion.
M. Bérillon*. — Dans sa communication, dont il convient de le remercier, M. Félix Regnault nous a tracé tout un programme d’études et de recherches qui élargit considérablement notre horizon. Il faut bien dire toutefois que dans les guérisons de maladies dites organiques et particulièrement de cancer, il ne s’agissait pas de cancer véritable, mais de tumeur qui, pour le vulgaire, en présentait l'aspect. Charcot a bien montré que l’œdème bleu des hystériques, par exemple, pouvait passer d'une main à l’autre et disparaître par suggestion. M. Gilles de la Tourelle a tout récemment insisté sur la relation qui existe, d'après lui, entre l'hystérie et l'ulcère rond de l’estomac ; il ne faudra pas s'étonner que dans ces cas une influence morale exerce une action salutaire sur les manifestations somatiques. Dans la plupart des guérisons de prétendues maladies organiques, il n'a pas été fait de diagnostic précis : or dans les recherches ultérieures sur ce sujet il importera d'établir au préalable un diagnostic ferme; ainsi que nous l'a très souvent recommandé M. Jules Voisin, ne nous bornons pas à être des thérapeutes, restons par dessus tout des cliniciens.
M. Lionel Dauriac. — Des guérisons analogues à celles qu’on obtient à Lourdes et dont vient de nous parler M. Félix Regnault, ont déjà été rapportées il y a pas mal d’années. Dans un ouvrage qu’il a publié aux environs de 1865, le regretté Durand de Gros, dont tout à l’heure on faisait l'éloge funèbre, signalait, si mes souvenirs sont exacts, la disparition d'une tumeur de je ne plus quelle nature, et cela, sans intervention d’aucun miracle, par la seule action de la suggestion. Il est curieux de constater que, de nos jours, la divinité emprunte scs procédés à l'humanité.
M. Paul Farez. — L'ouvrage dont il s’agit est intitulé Essais de'physiologie philosophique, paru en 1866. Durand de Gros y rapporte la guérison d'un cancer et d’un goitre, d'après le récit que lui en ont fait des témoins très honorables: il n'en a pas élé lui-méme le témoin oculaire et l’on ne pourrait dire qu'il se porte garant de l'exactitude du diagnostic. Dans le premier cas, il s’agit d’une jeune servante qui fut débarrassée en quelques secondes d'un cancer du sein ; voici dans quelles circonstances. Cette fille apprend que sa maîtresse vient de succomber à la suite de l’opération qu'avait motivée une alïeetion pareille à la sienne. A cette nouvelle, elle s'affaisse comme foudroyée et tombe en cessant de donner aucun signe de vie. On croyait la relever morte et on la releva guérie. La tumeur avait totalement disparu ! Voici le second cas : une femme du Valais, doit subir le lendemain l’ablation d’un goitre énorme. Celte elïrayante perspective agit si puissamment sur
elle qu’elle trouve la force de remplir elle-même l’office du cruel scalpel, objet de sa terreur. Quand le lendemain le chirurgien se présente à l’heure convenue pour l’opération, le goitre n’existait plus. Dans ces deux cas, il n’y a eu ni hétéro-suggestion proprement dite, ni tentative d'hypnotisation, mais simplement influence du moral sur le physique. Le livre plus récent de Hack Tuke, Le Corps et l'Esprit, fourmille de faits analogues.
C’est dans son Cours de Braidisme (1860) que Durand de Gros donne des exemples de l'action bienfaisante de la suggestion hypnotique dans les maladies organiques. Les trois cas qu’il rapporte datent de 1353 ; ils lui ont été communiqués par deux de ses élèves belges, A.-J. Breton et le comte de Pitteurs, docteur ès-sciences. Dans le premier cas, il s’agit d’un homme atteint de phtisie depuis deux ans ; il n’a pas été radicalement guéri, il a toujours la respiration un peu gênée, mais il est beaucoup mieux. Dans le second cas, une demoiselle était « enflée par tout le corps a ; non seulement elle est guérie, écrit-on, mais elle se trouve entièrement la même qu’avant sa maladie ; ses membres sont tout à fait désenflés et elle va au marché de Leuze (petite ville à une lieue de là), où elle n’avait point paru depuis deux ans. Enfin le troisième cas a trait à un engorgement des glandes du cou ; la tumeur s’est affaissée comme par enchantement et le malade est resté parfaitement guéri.
Sans doute, encore une fois, ces exemples ne sont pas personnels à Durand de Gros, mais ils lui ont été racontés par des gens dignes de foi. Ces cas n’ont pas été l’objet d’un diagnostic précis ; ils ont été vus par des yeux non médicaux, peut-être le récit des témoins est-il, aussi, entaché d’exagération ; toutefois, quelle qu’ait été leur nature, il est manifeste que des troubles organiques d’une certaine intensité ont pu être très heureusement influencés par la suggestion hypnotique.
M. Pau de Raint-Martin. — J’ai été témoin de deux cas de neevus maternus guéris l’un à Lourdes, l’autre par l’électricité. Je suis très disposé à admettre que dans ces deux cas la guérison est due à des modifications vasomotrices provoquées par influence suggestive.
M. J. Voisix. — Comme exemples du rôle que jouent les vaso-moteurs dans la production ou l’évolution de certaines maladies, je citerai le cas de trois jeunes filles que j’ai soignées dans les mêmes circonstances. Atteintes de douleurs névralgiques du côté du sein, elles y pensaient et en parlaient sans cesse, redoutant un cancer du sein. Or, il se produisit dans les conduits galactophores de petites nodosités qui se mirent à augmenter de volume, si bien qu’on pouvait craindre une affection organique. Par suggestion, je pus distraire ces malades de leur obsession et les décider à ne plus se préoccuper de leur santé : la petite congestion qui s’était faite dans les galactophores finit par disparaître.
M. Bourdon (de Méru). — Les guérisons prétendues miraculeuses de
Lourdes sont considérées depuis longtemps par le monde scientifique * comme des produits de l’auto-suggestion.
M. Félix Regnault. — Il faut distinguer deux catégories dans les miracles de Lourdes : 1° les accidents manifestement hystériques, que personne ne s’étonne plus de voir guérir sous l’influence de la suggestion religieuse ; 2° des troubles véritablement organiques dont la guérison est niée systématiquement par les uns, proclamée miraculeuse par les autres. Or la guérison de ces derniers troubles est réelle sans être miraculeuse ; elle s'explique par l'influence exercée sur les vaso-moteurs. C’est ce point qui n'a pas encore été suffisamment mis en lumière et sur lequel j’ai voulu insister dans ma communication.
M. Bérillon. — Chez les Grecs, il existait des incantations et des prières spéciales auxquelles on avait recours au lendemain des batailles pour cicatriser les blessures.
M. Lionel Dauriac. — Nous possédons, sous le titre de Kathtmnoi, des vers d’Empédocle qui avaient la vertu de purifier et de guérir.
M. Félix Regnault. —11 y a des gens qui peuvent, par la volonté suspendre les battements du cœur et empêcher leur sang de couler ; les incantations grecques dont il vient d’être parlé ont pu modifier heureusement certaines plaies, toujours grâce à des modifications vaso-motrices.
Troubles psychiques en rapport avec la compression de l’écorce
cérébrale.
Par M. le Dr Aubeau.
Traumatisme de la région pariétale droite. — Accidents cérébraux graves immédiats, persistant pendant plusieurs mois. — Guérison apparente pendant deux ans. — Réapparition brusque des accidents sans cause connue : Délire aigït suivi de l'abolition des principales fonctions cérébrales. — Idiotie. — Gâtisme. — Rçtour de toutes les fonctions à la suite d’une large trépanation de la région pariétale droite. — Guérison acquise depuis plus de deux ans.
Elie B. , demeurant rue de la Grande-Truanderie. est un garçon de bonne constitution. Ses antécédents héréditaires sont négatifs II n'a jamais eu de maladies graves dans sa jeunesse.
Instruit à l’école primaire, il a appris à lire, à écrire, à compter et a acquis, comme les enfants de son âge et de son milieu, des notions élémentaires d’histoire et de géographie. Son intelligence est d’une bonne moyenne.
Ses parents l’avaient mis en apprentissage dans une boucherie de la rue de Flandre.
Le 28 mars 1895, il essayait de décrocher une barre de fer fixée à la voûte de la boutique et pesant environ 15 kilos, quand cette barre se dé-
.tacha brusquement et le frappa violemment dans la région pariétale droite en déterminant une plaie contuse angulaire qui donna beaucoup de sang.
Il ne portait aucune coiffure capable d'amortir le choc. Il éprouva immédiatement une vive douleur, au point contus, puis de la stupeur et des étourdissements, mais ne perdit pas connaissance.
Reconduit che/, sa mère il refusa de manger et dormit pendant plusieurs heures avec de l'agitation et du délire. A son réveil les accidents persistent. Insomnie complète pendant trois jours, l'agitation continue, le délire d'idées se transforme en délire d’action. On est obligé de garder et de maintenir le malade devenu dangereux pour ies autres et pour lui-même. Il est transporté à Sainte-Anne, dans le service de M. Magnan, où il reste pendant 5 jours puis est évacué sur l’asile de Vaucluse, où il reste encore 6 jours sans boire ni manger, excité, délirant et immobilisé par la camisole de force.
Entre temps, la plaie contuse du cuir chevelu s’est cicatrisée.
Sous l’influence du traitement médical, des bains, des douches et du temps, son état finit par s'améliorer. Le calme revint ainsi que l'appétit et une raison relative. Il reconnaissait les personnes de son entourage et s’intéressait aux nouvelles qu’on lui donnait.
Au bout de cinq mois on le considéra comme suffisamment rétabli et on le rendit à sa famille. Le temps parut confirmer la guérison. On le plaça chez un sellier où il resta environ deux ans et devint bon ouvrier. Il avait pendant ce temps repris, apparemment pour son entourage, son état normal. Pourtant il était à la veille d'accidents plus graves que les premiers. Depuis quelques mois, il travaillait dans un atelier insalubre, étroit et mal aéré, imprégné d’odeurs méphitiques.
Lin soir il rentra se croyant empoisonné et eut une indigestion : céphalée, nausées. Un vomitif et une purge n'eurent pas raison de ces accidents.
Deux jours après leur début, le 1er janvier 1897, perte de connaissance, coma avec respiration stertoreuse, puis refroidissement et collapsus. On le crut mort. Un médecin appelé en hâte, fit des injections sous-cutanées d’éther et pratiqua les tractions rythmées de la langue. Au bout d’une demi-heure d'efforts, le malade reprit connaissance, mais pour entrer dans un accès de folie furieuse, avec hallucinations, cris, mouvements désordonnés. — Il fallut sept hommes pour le maintenir. On le ligota et on le conduisit au dépôt, où, pendant toute la nuit, l’accès continua au point qu'il fallut employer la camisole de force.
Transporté le lendemain à Sainte-Anne, dans le service de M. Magnan, il mordit les infirmiers qui ne parvenaient pas à le maintenir.
Le délire furieux dura plusieurs jours pendant lesquels sa mère ne put être admise û le voir. Elle le retrouva complètement aliéné, incapable de la reconnaître, déprimé, stupide, amaigri, méconnaissable. Il ne prenait ni aliments, ni boisson. Pour le nourrir il fallut avoir recours au gavage par la sonde œsophagienne.
Au bout de trois semaines, transport à Vaucluse, où la dépression aboutit à l’idiotie et au gâtisme. Il ne mange pas et ne boit pas, aussi est-on obligé de continuer à le nourrir à l’aide de la sonde œsophagienne. Il a perdu toute notion de propreté et évacue inconsciemment dans scs vêtements ou dans son lit. Il est complètement passif et reste immobile où on le place, debout ou assis, (devant un mur, par exemple,) et y reste jusqu’à ce qu’on le déplace. Pourtant il n'oiïre de paralysie d’aucun muscle. C’est la volonté qui fait défaut. Il en est de même des sentiments, de l’intelligence et, bien entendu, de la mémoire. Il semble ne voir, ne comprendre, ni môme entendre. II est muet. Quand on lui parle, il ne répond pas.
Une autre particularité digne d’étre signalée est le refroidissement périphérique. Son corps est glacé. On ne parvient pas à réchauffer ses pieds.
Cette situation n’est interrompue que par de rares et courtes crises d’excitation pendant lesquelles le malade devient dangereux.
Aucune amélioration ne se produisant dans son état, il sort de Vaucluse pour rentrer dans sa famille, le 3 avril 1898, trois mois après le second accident.
Le 6 avril, M. le docteur Le Bayon est appelé auprès du malade et conseille la trépanation.
Après avoir prévenu les parents des risques d’une intervention chirurgicale et de l’incertitude des résultats, je pratique l’opération chez les Frères de Saint-Jean-de-Dieu, le 10 avril 1898.
Chloroforme. — La région pariétale droite est rasée et lavée asepti-quement. Nous prenons comme centre du champ opératoire la cicatrice très visible déterminée par la plaie contuse du cuir chevelu. Taille d’un grand lambeau des parties molles semi-elliptique à convexité supérieure.
Dénudation du pariétal. A l'aide d’une série de couronnes du trépan, nous limitons un espace elliptique de six centimètres dans le diamètre antéro-postéricur et de quatre centimètres dans le diamètre vertical. Nous faisons sauter les ponts osseux intermédiaires et nous ouvrons ainsi une large fenêtre qui nous permet de voir la dure-mère. Nous sectionnons celle membrane par une incision cruciale et nous la renversons en dehors de façon à la suturer à l’épicrâne et à cacher ainsi les bords de la perte de substance osseuse. Ecoulement d’une certaine quantité de liquide céphalo-rachidien. Nous plaçons à l’angle postérieur de la plaie un très petit tube à drainage et nous faisons avec soin la suture des parties molles et le pansement à l’iodoforme maintenu par un pansement ouaté disposé en turban et fixé par des bandes de tarlatane. Le cerveau et les méninges nous ont paru absolument sains, sans vascularisation anormale, sans fausses membranes, sans épaississement, sans induration comme sans ramollissement.
La seule lésion appréciable que nous puissions constater est de l'ostéite éburnante du pariétal dans la zone contuse. avec oblitération des
canaux du diploë, capable de retentir mécaniquement sur la circulation méningo-encéphalique.
Pas de réaction locale ou générale. Aucun accident consécutif à l’opération.
A notre visite du quatrième jour, nous trouvons la chambrc vide. Le malade, qui habite le rez-de-chaussée, s’est habillé seul et est allé se promener dans lu jardin. Malgré toutes les objurgations, il ne réintègre sa chambrc et son lit qu’au moment où cela lui plaît.
Il a déjà donné des signes d’amélioration. Il mange avec appétit en se servant du couteau et de la fourchette. Il a repris des habitudes de propreté relative, en ce sens qu’il n’évacue plus inconsciemment. Il ne va pas encore aux cabinets, mais il a adopté un arbre dans le jardin et il va régulièrement accomplir les actes de défécation et de miction au pied de cet arbre.
Son regard n’est plus égaré, il s’arrête sur celui qui parle. Un vague éclair d’intelligence semble l’animer. Ce môme jour, pendant le repas, on enlève un plat de légumes qu’il aime, il fait signe de le rapporter et se sert.
Le cinquième jour, il recouvre la parole et le premier mot qu’il prononce a trait encore aux besoins nutritifs. Il dit : « Du pain ! » Rien de plus.
Le sixième jour, nouvelle parole, c’est un mouvement de défense. On veut le faire lever : « Je ne veux pas. »
Le septième jour, il manifeste un signe important d’altruisme et de sociabilité. Son oncle lui tient compagnie. Au moment du repas, il fait des mets contenus dans chaque plat, deux parts, en place une devant son oncle et prend l’autre.
A partir de ce moment, les manifestations de l’intelligence se multiplient.
Le huitième jour, un domestique envoyé par sa mère apporte un jeu de cartes et lui propose une partie de piquet.
Il joue sans parler, mais étale son point, ses tierces, ses quintes, abat sa carte à propos, en un mot fait preuve d’un excellent travail intellectuel dans ce jeu compliqué.
Le dixième jour, premier pansement ; j’enlève les fils et le drain. Réunion par première intention dans toute l'étendue de la plaie. Les téguments font une forte dépression au niveau de la perte de substance osseuse et répercutent les battements du cerveau. Pansement très simple, le malade portera une coiffure assez résistante pour protéger la région fenétrée.
Les besoins nutritifs, sensitifs, affectifs, intellectuels et moraux se réveillent de jour en jour, bien que le malade soit encore taciturne et mélancolique.
Le quinzième jour, il quitte la maison de santé pour rentrer dans sa lamille. Trois semaines après l’opération, il sc rase seul, fait sa première sortie, va au théâtre et y prend plaisir.
Huit jours plus tard, il vient me voir et m'exprime sa gratitude. Je lui dis: o Bonjour Elie ». Il me répond: a Bonjour. Monsieur Aubeau, vous m’avez sauvé la vie et rendu la santé. Je vous remercie du fond du cœur. i>
Il est en effet complètement guéri. Il y a deux ans et huit mois qu’il a été opéré.
Aujourd’hui il a repris ses occupations et est revenu sensiblement à son état normal.
* *
Cette observation est très incomplète pour deux raisons. La première, c'est que toute la partie de l'histoire du malade antérieure à l'opération a été rédigée, non d’après les notes d’un médecin, mais d’après les renseignements fournis par la famille. La seconde c’est que la partie de l'histoire du malade postérieure à l'opération a été brièvement notée, non au point de vue psychologique, mais simplement au point de vue chirurgical.
Nous espérons toutefois que, malgré ses lacunes, elle intéressera les membres de votre savante Société et que vous ne dédaignerez pas d’examiner le malade que j’ai l’honneur de vous présenter, en même temps que la radiographie de son crâne faite par M. le docteur Le Bayon.
Quelques points nous paraissent particulièrement dignes de remarque.
Les accidents immédiatement consécutifs au traumatisme, pourraient s’expliquer par la commotion cérébrale et une suffusion sanguine des méninges, suffisantes pour provoquer de l’irritation de l'écorce cérébrale et de ses enveloppes et par conséquent de l’excitation, mais trop légère pour provoquer, par ictus et par compression, le coma et l’annihilation des fonctions.
11 faut admettre dans cette hypothèse que la résorption des exsudais traumatiques s'est effectuée dans l’espace de cinq mois, puisque c’est au bout de cette période que la guérison a été obtenue. II faut admettre aussi que cette résorption a été complète et a permis la restauration ad integrum, puisque le malade parut complètement guéri pendant environ deux ans.
Le retour et l’aggravation des accidents après une apparente guérison d’aussi longue durée et sans autres causes avouées que de mauvaises conditions hygiéniques et une indigestion, paraissent inexplicables.
11 y a lieu de se demander si l’élhyiisme aigu ou chronique et mieux, l’éthylisme aigu surajouté à l'éthylisme chronique n’est pas intervenu comme facteur.
L’éthylisme aigu expliquerait bien les phénomènes qui accompagnèrent la rechute : Céphalée, nausées, perte de connaissance, coma, respiration sterloreuse, refroidissement, puis le délire furieux du réveil.
L’éthylisme chronique donnerait l'explication do la dépression ulté-
rieure allant jusqu’à l'annihilation des principales fonctions cérébrales et même jusqu’à l’idiotie et le gâtisme. Mais il n'existait ni alhérôme, ni tremblement.
Il n’existait non plus ni méningo-encéphalite, ni pachyméningite. L'unique lésion constatée a été l’ostéite éburnante du pariétal avec ossification des canaux du diploc.
Par conséquent il faudrait attribuer tous les accidents à une modification mécanique de la circulation veineuse de l’encéphale, entraînant une diminution du champ circulatoire et une augmentation de la pression inlra-crânienne. Et puisque la guérison est survenue après l'ouverture d’une fenêtre dans la boite crânienne (4 centimètres sur 6), il faut conclure que la décompression, obtenue par ce moyen, a été suffisante pour amener la disparition de tous les accidents.
J’avoue que cette explication me parait peu satisfaisante. En effet, elle n'élucide-pas le problème de la première guérison spontanée et de la rechute. D’autre part, l’obstruction d’un faible champ des canaux veineux du diploë ne parait pas proportionnée à la gravité des désordres.
La pathogénie reste donc pleine d’obscurité.
Il est intéressant, d’autre part, de relever l’ordre dans lequel, après l’opération, ont reparu les fonctions cérébrales, en allant des inférieures aux plus élevées.
D’abord la satisfaction des besoins nutritifs et la propreté (qu’on peut attribuer à l’instinct de la conservation) avant que la faculté du langage soit récupérée.
Les premières paroles concordent avec les même besoins. Instinct nutritif « Du pain », instinct sensitif et en même temps défensif : « Je ne veux pas. »
Puis les besoins affectifs se manifestent par un acte de sociabilité et d’altruisme : partage des aliments avec son compagnon. Enfin les besoins intellectuels éclatent dans la partie de piquet.
Et pour conclure, les besoins moraux : témoignage de sa reconnaissance. Ces besoins se sont réveillés manifestement dans l’ordre où ils se développent chez l’enfant, avec rapidité (moins d’un mois), mais successivement.
♦
* *
La guérison, qui date actuellement de trois ans, se maintiendra-t-elle ? Nous osons l’espérer. — Dans tous les cas, en suturant la dure-mère à l’épicrâne, nous avons fait le nécessaire pour maintenir la fenêtre crânienne ouverte, en prévenant l’infiltration des parties molles par les sels calcaires.
Cette observation mérite d’être rapprochée des savants travaux du professeur Lannelongue sur le traitement de l’idiotie par la trépanation large de la boite crânienne.
Elle présente ce caractère d’originalité qu’il s'agit dans le cas
d’Élie B., non de l’idiotie congénitale, mais d'une sorte d'idiotie acquise, d'origine traumatique.
Discussion.
M. Félix Regnault. — Cette communication présente un extrême intérêt. Avec une remarquable habileté, les chirurgiens savent maintenant ouvrir la boite crânienne et ils nous préparent une source très précieuse d’informations. La chirurgie cérébrale, en effet, renouvelle l’histologie, car, au lieu de pièces anciennes plus ou moins modifiées et détériorées, elle nous fournit des pièces fraîches; on ne saurait trop l’en féliciter.
M. Aubeau fait allusion aux essais qu’a tentés M. Lanneiongue en vue de traiter l’idiotie par la chirurgie cérébrale : les résultats ont été médiocres et peu durables ; cela se comprend puisque le cerveau de l'idiot est mal formé congénitalement. Dans l'idiotie acquise, au contraire, la chirurgie est tout indiquée et l'on voit quels heureux effets elle est capable de produire.
M. Bérillon. — Ce qui m’a le plus frappé dans la communication de M. Aubeau, c’est la graduation par laquelle s'est effectué le retour des fonctions psychiques. L'instinct de sociabilité est le premier qui se soit manifesté par des actes automatiques, puis les autres manifestations de l’activité intellectuelle sont revenues progressivement. Il serait intéressant de savoir quelle a été la part qui en revient aux suggestions faites par le chirurgien et les personnes de l'entourage.
M. Jules Voisin. — Le malade de M. Aubeau était alcoolique et c’est à la suite d’un coup très violent qu’il a présenté les symptômes très graves qui viennent d’être rapportés. Guéri une première fois, il peut reprendre son métier et se remet à boire : alors, de nouveau apparaissent les mêmes accidents avec délire furieux. Ce délire me parait d'origine alcoolique et la perte de la notion du temps, des lieux et des choses me semble due à la confusion mentale qui accompagne généralement les intoxications. En effet ce qu’on appelait autrefois idiotisme aigu est précisément décrit aujourd’hui sous le nom de confusion mentale. Le retour des excès alcooliques chez notre malade d'un côté, et, d’un autre côté, l’ostéite éburnante favorisant le trouble circulatoire sont les causes de la psychose. L'opération était donc indiquée et je félicite M. Aubeau de son heureuse intervention.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Les séances de la Société d’hypnologic et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à i heures et demie, au Palais des Sociétés savantes. 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Les prochaines séances de la Société auront lieu le mardi 19 février et le mardi 19 mars 1901.
Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 14, rue Taitbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.
Distinctions honorifiques. — M. le D' Paul Richer.
Parmi les récentes nominations au grade de chevalier de la Légion d’honneur, nous relevons celle de-M. le Dr Paul Richer, membre de l’Académie de médecine. Aucun n’avait plus de titre à cette distinction. Chef de clinique et collaborateur de Charcot, il est celui qui a été chargé par le Maitre de publier les idées de l’Ecole de la Salpôtrlère sur l’hypnotisme et sur l’hystérie. Son traité de la grande hystérie et du grand hypnotisme e’st pour nous un livre classique et nous ne cessons d’y puiser les indications d'une méthode précieuse. Un autre de ses ouvrages, les Démoniaques dans l’art, publié en collaboration avec Charcot, est une véritable œuvre d'art. D’ailleurs par les illustrations, dues à son crayon, qui remplissent ses travaux, M. Paul Richer s’était révélé comme un véritable artiste. A ce sujet. M. le Dr Félix Regnault publiait récemment dans le Correspondant médical une affirmation que nous sommes heureux de reproduire :
« Cette recherche du vrai dans l’art est demeurée la préoccupation constante de Paul Richer. D’autre part, il a doublé tous ses ouvrages scientifiques d’une partie artistique (dessins, eaux-fortes ou sculpture) destinée à les compléter. Dans ses travaux sur la grande hystérie (1881) qu'a couronnée l'Acadcmie des Sciences, les remarquables dessins qui reproduisent toutes les périodes et attitudes de l’attaque sont devenus classiques. Son Anatomie et sa Physiologie artistiques sont indispensables, non seulement aux sculpteurs, mais encore à tous ceux qui, pour apprécier les déformations pathologiques du squelette et des parties molles, doivent connaître les proportions et attitudes normales du corps humain.
« Il ressort de l'œuvre de Paul Richer cet enseignement que l’artiste doit toujours s'inspirer du vrai et recourir à l’observation directe. S'agit-il de reproduire un faucheur, un bûcheron, un lutteur, un coureur, évitez le modèle d’atelier, car il ne pourrait vous fournir des mouvements qu'il ignore; il vous en donnerait de fan::. Prenez dos professionnels et parmi eux faites choix de celui qui vous parait digne de l'interpréter et de l’idéaliser comme il le comprend.
« Et donnant l'exemple, Paul Richer a exécuté plusieurs statuettes à la fois artistiques et vraies : tels qticson Bûcheron, ses Coureurs, qu'il montrait récemment à ses collègues de l’Académie de Médecine, sans compter ses statuettes de malades : myxœdèmc, paralysie agitante, paralysie labio-glosso-phaiyngée, myopathie, que devraient posséder pour leurs cours toutes nos facultés, u
Nous adressons donc à M. le Dr Paul Richer, à l’occasion de sa nomination, toutes nos félicitations.
Troubles visuels hystériques chez l’homme.
M. Wettendorfer en rapporte deux observations fort intéressantes dansla Wiener klinische Wochenschrift. Dans un cas un serrurier perdit subitement la vue de l'œil gauche après l’extraction d’une paillette de fer qui se trouvait dans cet œil. Puis la vue revint un peu, il restait seulement un rétrécissement concentrique du champ visuel. L’amélioration se produisit immédiatement après une séance de faradisation sur la nuque, la vue redevint normale après 14 jours de traitement. Il s'agit ici d’une hystérie traumatique qui était provoquée non par la présence du corps étranger, mais pas l’intervention nécessitée par l'extraction. Un deuxième cas qui concerne un ouvrier de 15 ans s’est caractérisé par un ensemble symptomatique simulant une affection cérébrale grave et par la réaction extrêmement nette du malade au traitement suggestif. Le symptôme le plus marqué était une paralysie de l’accommodation en dehors de l’emploi de tout mydriatique. Cette paralysie de l’accommodation, qui est un des symptômes les plus rares de l’hystérie, disparut par un traitement suggestif (faradisation).
Ce que les Australiens font de leurs morts.
Le culte des morts joue un grand rôle dans les croyances des Australiens. Il se manifeste sous trois aspects bien différents : dans l’Ouest, on se contente d’enterrer les morts ; dans le sud on les enterre et on les brûle ; enfin, dans le sud-ouest et dans l’est, tantôt on fait dessécher sur une plateforme les cadavres exposés au soleil où à un feu doux, tantôt on les laisse se dépouiller de leur chair; puis la momie ou le squelette, bien enveloppé d’écorce, est logé dans un arbre ou conservé par la famille. Celle-ci, parfois, ne garde que le crâne dans lequel on boit. Enfin, dans le Queensland, les indigènes mangent les morts, croyant ainsi s’assimiler leurs qualités.
NOUVELLES
Institut psycho-physiologique, ri9, rue Saint-André-des-Arts.
Enseignement de i’hypnotisme et de la psychologie physiologique
L’Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l’étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l’hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.
L’organisation de l’institut psycho-physiologique en fait à la fois une
Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.
Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique), est annexée à l’institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister, et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d'aliénés, y complète son cours à l'Ecole pratique delà Faculté de médecine (semestre d’été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l'hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les Dri Henry Lemesle, Bellemanière, Wateau, Jaguaribe, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les Dr* Paul Farez, A. Guimbeau, Bianchi, et par M. Charles Verdin.
Depuis 1892, pendant le semestre d’hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.
M. le Dr Paul Joire, correspondant de l’institut psycho-physiologique fait, chaque année à Lille, un cours annexe d’hypnologie.
Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l’acquisition des appareils les plus nouveaux.
Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l’histoire de l'hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.
Chaque année, un certain nombre d’étudiants trouvent d’importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l'institut psycho-physiologique.
COURS & CONFÉRENCES DE 1901 à l’institut psycho-physiologique
4g, rue Saint-Andrè-des-Arts, 4g
LES VENOREOiS, A 8 HEURES ET DEMIE OU SOIR CONFÉRENCES
Vendredi 8 Février, à huit heures et demie, M. le Dp Bérillon fera une conférence sur : L'hypnotisme cl l'éducation de la volonté. (Cette conférence sera accompagnée de projections à la lumière oxydrique.) Vendredi 15 Février, à huit heures et demie, M. Laisant, docteur i*s-scicnccs, examinateur à l’Ecole polytechnique, fera une conférence sur : Psychologie des sciences : L'initiation à l'étude des sciences physiques. Vendredi 22 Février, à huit heure« et demie, M. Bénito Silvain, aide de camp de S. M. l'empereur Ménélick, fera une conférence sur : Psychologie comparée : La psychologie de la jemme abyssine. (Cette conférence sera accompagnée de projections à la lumière oxydrique.J
Vendredi Ier Mars, à huit heures et demie, M. Eugène Caustier, professeur agrégé de l’Université, fera une conférence sur : Psychologie comparée : La morale des bêles.
Vendredi 8 Mars, à huit heures et demie. M. Lionel Dauriac, professeur honoraire de la Faculté de lettres de Montpellier, chargé du cours d'Esthétique musicale à la Sorbonne, fera une conférence sur : Psychologie musicale : L'imagination musicale.
Vendredi 15 Mars, à huit heures et demie, M. le Dr Henry Lemesle, licencié en droit, fera une conférence sur : La suggestion dans les fêtes populaires du moyen âge. (Fête des fous, fêles de l’âne, etc...)
Vendredi 22 Mars, à huit heures et demie, M. le Dr Bérillon fera une conférence sur : Psychologie comparée : Les animaux savants et l'art du dressage. (Cette conférence sera accompagnée de projections à la lumière oxydrique.)
ÉCOLE DE PSYCHOLOGIE
4Ç, rue Saint-André-des-Avis, 4g Au siège de l’institut psycho-physiologique.
COURS DE 1901
L’inauguration des cours a eu lieu le lundi 21 janvier, à cinq heures, sous la présidence de M. Tarde, professeur au Collège de France.
Hypnotisme thérapeutique.
M. le Dr Bérillon, professeur.
Objet du cours : Analyse élémentaire des phénomènes de l'hypnotisme. Les principes de la psychothérapie.
Les lundis el jeudis à cinq heures, à partir du lundi 21 janvier.
Hypnotisme expérimental.
M. le Dr Paul MaGnin, professeur.
Objet du cours: L’hypnotisme chez, les hystériques.— Le grand hypnotisme. Les lundis à cinq heures et demie, à partir du lundi 21 janvier.
Hypnotisme sociolcgiqne.
M. le Dr Félix RegnaULT, professeur.
Objet du cours : La vie de Jésus devant l’hypnotisme.
Les mardis cl vendredis à 5 heures, à partir du mardi 22 janvier.
Psychologie normale et pathologique,
M. le Dr Paul Farez, professeur.
Objet du cours : L’œuvre de Durand de Gros et l'évolution psychologique de l’hypnotisme au xixr siècle.
Les mercredis et samedis à cinq heures, à partir du mercredi 23 janvier.
Psychologie de l’enfant.
M. le Dr Bellemaniêre, professeur.
Objet du cours : Du rôle de la suggestion dans l’éducation.
Les jeudis à cinq heures et demie, à partir du jeudi 24 janvier.
Psychologie dn criminel.
M. le Dr Wateau, professeur.
Objet du cours : De la responsabilité dans les états hypnotiques.
Les mardis et vendredis à cinq heures et demie, à partir du mardi22 janvier.
Psychologie des foules et Folklore.
M. le Dr Henry LbmbSle, professeur.
Objet du cours : De la suggestion dans les superstitions populaires.
Les mercredis, à cinq heures et demie, à partir du mercredi 23 janvier.
Anatomie et Psychologie comparées.
M. E. Caustier, agrégé, professeur de l’Université.
Objet du cours : Le neurone et les fonctions psychiques dans la série
animale.
Les samedis à cinq heures et demie, à partir du samedi 26 janvier.
HORAIRE DES COURS
HEURES LUNDIS MAUDIS MEHCTIEDIS JEUDIS VENDREDIS | SAMEDIS
Ll Btrilloa Félix Rcpult Parez Bfcflton Félix Regsull Farez
5 h. 1/2 Pittl ilipiifl Vidai Lcio«!e BelleninitK Wateau CiDilier
1
L'Administraleur-Gèrant : Ed. BÉRILLOX
REVUE DEi&OTPNOTISME
EXPÉRIME.NTA^.g^^ERAPEüTIQüE
15* Année — N« 9. Mars 1901.
Théorie physiologique de l’hystérie
par le Dr Binet-Sanglé.
I
Historique
L’évolution des théories de l’hystérie est un exemple de la manière lente et progressive dont l’homme arrive à la possession de la vérité.
Pour les anciens, l’hystérie était due aux pérégrinations de la matrice (uevipa) dans le corps de la femme. « L’utérus, lit-on dans Le Timée de Platon (427-348 av. J.), est un animal qui désire ardemment engendrer des enfants. Lorsqu’il reste longtemps stérile après l'époque de la puberté, il a peine à le supporter, il s’indigne, il parcourt tout le corps, obstruant les issues de l’air, arrêtant la respiration, jetant dans des dangers extrêmes et occasionnant diverses maladies » (•).
Galenos (131-201 ou 210 ap. J.), tout en admettant l’origine utérine de l’hystérie, ne croyait pas aux mouvements de la matrice.
Aétios (vi8 siècle) pensait que l’hystérie affectait non seulement cet organe, mais aussi et surtout le cerveau, « car l’affection passe au cerveau par les nerfs » (*).
Cette idée du siège encéphalique de l’hystérie ne fut reprise qu’en 1607 par Thomas Willis. Ce savant attribuait les phénomènes hystériques à la perturbation des esprits animaux.
En 1682, Thomas Sydenhain révélait l’existence de l’hystérie masculine, et écrivait que cette maladie provenait « du désordre
(1) PlatôN : Le Timée. (Edition Cousin, XII, p. 241.)
(2) Aétios : Sei\e livres de médecine, 4“* partie, Ch. 5S.
ü
ou mouvement irrégulier des esprits animaux, lesquels se portant impétueusement et en trop grande quantité en telle ou telle partie, y causent des spasmes, ou même de la douleur, quand la partie se trouve douée d'un sentiment exquis, et troublent les fonctions des organes, tant de ceux qu'ils abandonnent que de ceux où iis se portent, les uns et les autres ne pouvant manquer d’être fort endommagés par cette distribution -inégale des esprits qui est entièrement contraire aux lois de l’économie animale » (*).
Si l'on remplace l’expression « esprits animaux » par l’expression ondulatiojis nerveuses, on voit que le grand médecin anglais n’était pas très éloigné de la vérité.
Dans VEssai sur les vapeurs de Pierre Pomme, publié en 1760, on trouve cette phrase remarquable : « J’appelle affection vapo-« reuse, cette affection générale ou particulière du genre ner-« veux, qui en produit l’irritabilité ou le racornissement. » Pomme attribuait en effet l'hystérie au racornissement des fibres nerveuses.
En 1859, Briquet attirait l’attention sur les symptômes psychologiques de l’hystérie. Selon lui, celte maladie consistait « dans la perturbation des actes vitaux qui servent à la manifestation des sensations affectives et des passions » (2).
En 1864, Lasègue percevait l’analogie qui existe entre certains phénomènes hystériques et la distraction. « Un individu distrait par une forte préoccupation ne perçoit pas des sensations que, dans une autt e situation d’esprit, il eût à peine tolérées. Il est probable que les hystériques, dont l’état mental offre tant d’autres singularités, acquièrent également, par le fait de la maladie, une sorte de paresse qui les rend moins propres à percevoir certaines modalités psychiques » (3).
Pour Charcot, l'hystérie était « en grande partie une maladie mentale ».
Pour Oppenheim, Jolly, Breuer et Freud, l'hystérie consiste dans un dédoublement de la personnalité. Breuer et Freud s'expriment ainsi :
« Cette division de la conscience que l’on a constatée avec netteté dans quelques cas célèbres de double existence, existe d’une façon rudimentaire chez toute hystérique. La disposition à cette dissociation et en même temps à la formation d'états de
(!) Sydemiam : Œuvres. Bdil. de J.-B. Th. Baumes, 1846, t. H. p. 65.
(2; IintQGgr : Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie, Paris, 1859.
(3) Lasègue : Etudes médicales.
conscience anormaux, que nous proposons de réunir sous le nom d’états hypnoïdes, constitue le phénomène fondamental de cette névrose » (').
Pour Pick, il existe chez l’hystérique un rétrécissement du champ de la conscience.
Tout cela est assez vague, et l’on peut dire que l’idée que nous nous faisons aujourd’hui de l’hystérie n'a acquis de la précision et de la clarté que grâce à deux hommes, dont l’un a apporté en clinique la sagacité du psychologue, et dont l’autre a abordé la psychologie avec la méthode et la rigueur du clinicien. J’ai nommé Pierre Janet et Paul Sollier.
Pierre Janet a donné de l’hystérie des définitions diverses, mais qui se complètent l’une à l’autre.
« L’hystérie est une forme de désagrégation mentale caractérisée par la tendance au dédoublement permanent et complet de la personnalité. » C’est un « affaiblissement de la synthèse psychologique. » « Un certain nombre de phénomènes élémentaires, sensations et images, cessent d’être perçus et paraissent supprimés de la perception personnelle; il en résulte une tendance à la division permanente et complète de la personnalité, à la formation de plusieurs groupes indépendants les uns des autres. » « Ce défaut de synthèse favorise la formation de certaines idées parasites qui se développent complètement et isolément à l’abri du contrôle de la conscience personnelle, et qui se manifestent par les troubles les plus variés d’apparence uniquement physique. »
Du reste Pierre Janet se rend compte qu’il n’est pas sorti du territoire psychologique :
« Peut-être un jour les modifications physiologiques qui accompagnent les insuffisances cérébrales seront-elles déterminées dune manière assez précise, pour que l'on puisse montrer un phénomène physiologique fondamental, par iequel 011 expliquera avec précision tous les phénomènes de l’hystérie. Il y aura alors une définition physiologique de l’hystérie » (’).
Pour Paul Sollier :
« La causepremièredel’hystérie est un engourdissement, ou, si l’on veut, un état de sommeil des centres cérébraux. L’anes-thésie, les troubles moteurs et viscéraux, vaso-moteurs et psychiques ne sont que la conséquence de ce sommeil qui suspend
(1) BREUF.net FnEUD : Ueberden psyehischen mechanismus hysterischer phœnomane. (Ncurologischcs Centralisait, 1893.)
(2) Pierre Janet : Etat mental des hystériques, 1893.
plus ou moins les fonctions des centres cérébraux. L'état de sommeil, à partir d’un certain degré, amène par sa constance les stigmates et les accidents permanents; les variations de cet état de sommeil provoquent des réactions spéciales qui ne sont autre chose que les attaques efc tous les accidents paroxystiques. L’hystérie n’est qu’un trouble local du cerveau plus ou moins généralisé. Les centres sont frappes en plus ou en moins grand nombre soit d’emblée, soit les uns après les autres, s’affaiblissant peu à peu, puis s'éteignant tout à fait, tels des lampes électriques quand on diminue plus ou moins ou même complètement l’intensité du courant. » Comparaison remarquable et qui, à elle seule, vaut tout un chapitre de dialectique. « À quoi est dû cet état de sommeil ? Dans la majorité des cas, c'est à l’épuisement des centres, soit épuisement général comme dans les affections infectieuses ou toxiques ayant plus ou moins frappé le système nerveux, telles que l'influenza ou la dothienenthérie, l'alcoolisme, le saturnisme, etc., épuisement local d’origine traumatique, émotionnelle ou par sur ménagé. »
Paul Sollier, lui aussi, se rend compte qu’il n’est pas allé au fond des choses : « Quant à la nature du sommeil cérébral qui entrainel’hystérie, on me pardonnera de ne faire aucune hypothèse, en songeant que nous ne savons pas encore ce qu’est le sommeil naturel, et à quoi il est dû » (•).
Or c’est précisément parce que nous croyons savoir aujourd’hui ce qu’est le sommeil naturel, que je vais m(eflorcer de donner ce que Pierre Janet appelle « la définition physiologique de l’hystérie ».
La théorie qui va suivre n’est que l’extension à tous les phénomènes hystériques de celle qui fut esquissée, le 9 février 1895, devant la Société de biologie, par le professeur René Lépine, théorie dont il avait eu ia première idée en 1894, à propos d'un cas d’hystérie à forme particulière (2). « Dans un travail récent, disait en substance réminent clinicien, après avoir rappelé que les communications des neurones entre eux se font par simple contiguïté, j’ai émis l’hypothèse que les anesthésies sensorielles et sensitives, ainsi que les paralysies mo-irices chez les hystériques, résulteraient du défaut de contiguïté parfaite entre les ramifications des cellules, l’attention
(1) Paul SOLLicn : Genèse et nature de l'hystérie, Alcan, 1897, t. II.
(•¿) llenô IiKi‘K.2 : Sur un cas d’hystérie à forme particulière. (Revue de médecine, août
suffisant pour rétablir les contacts, par éréthisme des prolongements cellulaires. Je ferai remarquer en outre que les diverses variétés de somnambulisme s’expliquent assez bien avec la même hypothèse, en supposant que, suivant la variété symptomatique, l’interruption par défaut de,; contact a lieu à tel ou tel niveau » (!).
II
De l’amiboïsme et de l’hyperamiboïsme des neurones
Le système nerveux est une machine, qui, comme toute machine, par le seul fait de son architecture, de l’agencement de ses rouages (et ici de la disposition de ses molécules) ne fait que transformer les mouvements qui la mettent en branle. Elle est formée par ¡’intrication de conducteurs innombrables, dont chacun se compose d’une série de neurones placés bout à bout. Chacun de ces conducteurs constitue dans son ensemble un arc réflexe, et la vie n’est ainsi qu’un complexus de réflexes, dont les uns sont inconscients, les autres en partie conscients.
Dans l’état actuel de la science, ont peut admettre que l’arc réflexe le plus complet, est formé des neurones suivants :
1° Un certain nombre de neurones constituant la voie centripète de l’arc;
2° Un neurone de sensation ;
3° Un neurone de mémoire ;
4° Un neurone do mouvement volontaire;
5° Un certain nombre de neurones constituant la voie centrifuge de l'arc.
Les mouvements qui impressionnent le premier neurone de la voie centripète (frottements, pincements, chocs, piqûres, etc.; ondulations sonores, lumineuses, thermiques, électriques ; réactions chimiques) sont transformés, dans la première partie de l’arc, en ondulations nerveuses. Ces ondulations nerveuses sont elles-mêmes tranformées, dans la seconde partie de l’arc, en mouvements d’un autre ordre : contractions musculaires, ondulations électriques (électricité organique) thermiques (chaleur animale) réactions chimiques (assimilation, désassimilation, trophisme).
(1) René Lkpiks : Société de biologie, 9 février 1825.
La loi cîe la conservation de l’énergie et de l'équivalence des forces est applicable aux êtres vivants, et la machine nerveuse n'est qu'un lieu de passage. Elle rend précisément la quantité d'énergie qu’elle reçoit du milieu où elle est plongée.
Il n’y a pas un instant de la vie où elle n’en reçoive, et il n’y a pas un instant où elle n’en rende. Mais le gain et la dépense varient sans cesse. Tantôt le gain est considérable, comme dans la digestion, où les aliments, véritables réservoirs d’énergie, ébranlent, par les réactions chimiques qu’ils provoquent, les innombrables filets nerveux centripètes plonges dans nos tissus. Tantôt il est très faible comme dans le jeûne. Tantôt la dépense est infime comme dans le sommeil profond. Tantôt elle est énorme comme dans l'effort. De plus le gain et la dépense ne sont pas égaux dans le même temps. L’un peut être à son maximum, tandis que l’autre est à son minimum. C'est ainsi que la digestion coïncide souvent avec le sommeil.
Cette inégalité du gain et de la dépense dans le même temps, tient à ce que les conducteurs nerveux sont interrompus par des barrages, que j’ai appelés les neuro-diélectriques normaux (').
Lorsque les ondulations nerveuses se trouvent ainsi arrêtées par les neuro-diélectriques normaux, elles se transforment, en amont de ceux-ci, en mouvements chimiques, comme il arrive pour les ondulations lumineuses sur le cliché qui les intercepte, ou pour les ondulations électriques dans les piles secondaires.
Et de même que les ondulations électriques produisent, dans les piles secondaires, avec l'oxygène de l’eau et le plomb de l’anode du peroxyde de plomb, de même les ondulations nerveuses transforment une substance très instable que contient le neurone, et que j’ai appelée substance x, en une autre substance que j’ai appelée substance x’ (2). Les ondulations nerveuses dessinent ainsi dans les neurones des figures qui sont, suivant les neurones intéressés, perçues ou non par la conscience. (Les figures perçues par la conscience sont les sensations, les images et les idées.)
Enfin, de même que le peroxyde de plomb d’une pile secondaire se décompose en plomb et en oxygène, en restituant de l’énergie sous forme d’ondulations électriques, de même la
(1) Ch. B;net-Saxolk : Théorie des neuro~dic!ectriaues. (Archives de neurologie, sept., 1900.)
(2) Ch. BixET-Sangi.é : Lois psychologiques de l'hiérogénie. {Revue de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique, tS^-liîOO).
substance a:’ peut revenir à l’état de substance x, en restituant de l’énergie sous forme d’ondulations nerveuses. A cette décomposition de la substance at’ correspond, d'une part une sorte de phosphorescence des figures dessinées sur les neurones (réveil des images et des idées, souvenir}, d’autre part un courant nerveux quelconque (association dos images, idéation, association des idées, jugement, raisonnement). Cette phosphorescence et ce courant intracérébral ne sont pas suivis d’une dépense appréciable de l’énergie ainsi dégagée, si cette énergie se fixe de nouveau sous forme de substance a*. Ils entraînent au contraire une dépense appréciable (mouvement musculaire, thermogenèse, trophisme), si cette seconde fixation n’a pas lieu.
Cette théorie, qui fait à la fois du neurone un cliché, un accumulateur et un appareil de phosphorescence, étant admise comme plausible, voyons en quoi consistent les altérations des neurones qui donnent lieu aux phénomènes hystériques.
Tout plastide est doué de mouvement. Ce mouvement résulte des phénomènes physico-chimiques qui se produisent entre sa substance et le milieu. Certains plastides se meuvent sous l’influence des ondulations lumineuses (phototaxie). Il en est ainsi des bactéries, des Diatomées, des Desmidiées, des spores mobiles des Algues, des Infusoires flagellates, tous êtres mono-plastidaires. D’autres sous l’influence des ondulations thermiques (thermotropisme), des ondulations électriques (électrotropisme), des réactions chimiques (chimiotaxie).
Une gromie à l'état de rétraction se présente sous l’aspect d’une petite masse de protoplasma contenant un noyau et incluse dans une coque ovoïde percée à l’une de ses extrémités d’une ouverture circulaire. Au bout de quelque temps de repos, le protopîasma fait hernie par cette ouverture, puis s’étale en expansions filiformes qu’on appelle pseudopodes ou rhi^opodes. Ces pseudopodes s’allongent et s’agglutinent entre eux, ou avec ceux d’une autre gromie, s’il s’en trouve une auprès. Or, si l’on fait tomber une goutte d’un liquide toxique sur une gromie ainsi étalée, elle rétracte ses pseudopodes. Les amibes, masses de protoplasma nucléées et sans coquille, offrent à l’observation les mêmes phénomènes. Cette motricité n’est pas particulière aux plastides isolées. Elle appartient aussi aux cellules des êtres polyplastidaires. Et à cela rien d’étonnant, puisque tout être polyplastidaire dérive, par segmentation, d’une plastide isolée qui est l’ovule. La motricité individuelle des phyto-
blastes de renflement moteur de la sensitive, des cellules des Spongiaires et des Cœlentérés, des leucocytes, des cellules épithéliales à cils vibratiles, des cellules musculaires et des spermatozoïdes des Vertébrés supérieurs, est des plus marquée. Toutefois elle ne leur est pas propre, et il y a lieu d’inférer :
1° Que le protoplasma de toute cellule à enveloppe rigide est susceptible de se mouvoir dans cette enveloppe, encore que ces mouvements intimes ne soient pas toujours perceptibles avec nos moyens actuels d'investigation ;
2° Que toute cellule sans enveloppe rigide est susceptible de se déformer par suite des mouvements intimes de son proto-plasma.
Du moins cela est vrai du neurone.
La motricité du neurone, soupçonnée par Rabl-Rückhardt en 1890 (1), par Hill en 1891 (2), par Tanzi en 1893 (3), par René Lépine en 1894 (4), par Mathias Duval en 1895 (5), a été démontrée depuis :
i° Pour les neurones des Annélides et des Mollusques gastéropodes par J. Havet (°) ;
2° Pour les neurones des ganglions cérébroïdes et abdominaux de certains crustacés par Wiedersheim et J. Havet ;
3° Pour les neurones des cornes antérieures de la moëlle du lapin, du cobaye et de l’homme par Robert Odier(7);
4° Pour les neurones olfactifs de divers animaux par Schulze, Frey, Ranvier, Jean Demoor (8) et Manouélian ;
5° Pour les cellules cérébrales de la grenouille par Waî-ther (9), de la souris par Manouélian, Querton (l°) et Micheline
(1) Rabl-Rückard : Sind die Ganglienzellen ambbord? Eine Hypothèse zur Mechar nik psychischer Vorgânge. (Neurol. Centralbl)]., p. 199, sq., 1890).
(2) Brain, t. XIV, 1891. p. 5G8.
(3) Tanzi : / fatti ele indufioni mil odiema istologiadel systema nervosa (in Rivinza sperimentale di freniatria et di medecine legale. Vol. XIV., fasc. 2-3, p. 419.)
(4) René Lépine : Sur un cas d'hystérie à forme particulière. (Revue de médecine, 1891, p. 713.)
(5) Mathias Duval : Hypothèses sur la physiologie des centres nerveux. Théorie histologique du sommeil. (Société de biologie, 2 février ‘.895, p. 74.)
(Gj J. Havet : L'état moniiiforme des neurones chef les invertébrés avec quelques remarques sur les vertébrés. (La cellule, t XXI, fasc. 7, 1853.)
(7) Robert Qdier : Recherches expérimentales sur les mouvements de la cellule nerveuse de la moelle épinière. (Genève 1898.)
(8) Jean. Demoor : Le mécanisme et la signification de l'état moniiiforme des neurones. (Trav. du labor. de l'institut Solvay, t. II, fasc. 1, 1808.)
(9) Walther : Untersuchungen ilb. das Cenlralncrvensystem. (Centralbl. med., Wos-chensch, 1868. p. 451).
(10) Querton : Le sommeil hibernal et les modifications des neurones cérébraux. (Trav. du lab. de l’institut Solvay, t. II., fasc. I,Bruxelles.)
Stefanowska (‘), du cobaye par Querton et Soukhanoff (2), de la marmotte par Querton, du chien par Querton et Jean Demoor (3).
Tous ces observateurs ont vu que, sous diverses influences, les neurones rétractaient leurs prolongements, de telle sorte que ceux-ci prenaient un aspect variqueux, perlé, moniliforme, et parfois perdaient momentanément leurs rapports de contiguïté avec les prolongements voisins (4). De plus, Jean Demoor a montré qu’il y avait une similitude parfaite entre les réactions des neurones et celles des leucocytes et des amibes sous les mômes influences toxiques.
L’amiboïsme des neurones servit à l’interprétation de certains phénomènes hystériques, avant même que le phénomène fut démontré. C’est ainsi que, dès 1805, René Lépine expliquait les anesthésies, les paralysies hystériques et le somnambulisme, par la rupture des communications interneurotiques, conception d’une simplicité géniale, et que Mathias Duval a développée.
Or je vais m'attacher à démontrer que l’amiboïsme des neurones explique non seulement les anesthésies, les paralysies hystériques et le somnambulisme, mais tous les symptômes de
(1) Micheline Stefanowska : Les appendices terminaux des dendrites cérébraux et leurs différents états physiologiques. (Trav. du labor, de l’institut Solvay, fasc. 3, Bruxelles, 1897.)
(2) Soukhanoff : Sur les modifications des cellules nerveuses et de Vécorce cérébrale dans l'anémie expérimentale. (Trav. du labor, de Van Gehuchten, 1898, p. 75.)
Contribution à l'étude des modifications que subissent les prolongements dendritiques des cellules nerveuses sous l'influence des narcotiques. (La cellule, t. XIV., fasc. 2, 1898.)
(3) Jean Demoor : La plasticité morphologique des neurones cérébraux. (Arch, de biologie de Bruxelles, t. XIV, 1896.)
Voir aussi : Azoulay : La psychologie histologique du système nerveux. (Année psy-chol., 1895.)
Dupin : Le neurone et les hypothèses histologiques sur son mode de fonctionnement. Théorie histologique du sommeil, Paris, 18%.
R. Deyder : Etat actuel de la question de l'amiboisme nerveux, Paris, 1893.
Mathias Duval. : L'amiboisme des cellules nerveuses. (Rev. scient , 12 mars 1898). Les neurones. L’amiboisme nerveux. Théorie histologique du sommeil. (Rev. de l'école d’anthropologie, 15 février 1900.)
(4) Les négations de Kölliker. (Kritik der hypothesen von Rabl-Rùckard und Duval uber œmœboide Bowegungen der Neurodenden. Aus den Sitzuugsberichten der Würz-burger Physik-médic. Gesellschaft. 1895. VI., Sitzung von q. März, 1895) et de von Lenhossek. (Der seinere Ban des Nervensystems in Lichte neuester Forschungen. 1895, p. 51), ne sauraient, si éminents que soient ces hislologistes, prévaloir contre des faits dûment observés, d'autant que leurs objections sont sans valeur En effet, alors même que les extrémités contigués des neurones ne pourraient se séparer l’une de l’autre, il ne s'ensuivrait pas que les communications interneurotiques ne puissent être momentanément interrompues. J'ai en effet émis l'hypo-thèse que des neuro-diélectriques pouvaient se former dans l'intérieur même des prolongements par suite d’une modification locale dans leur densité.
y.
l’hystérie. Si bien qu’alors môme que cette conception physiologique ne s'appuierait pas sur des expériences et sur des observations précises, il faudrait l’adopter, comme une théorie qui explique un nombre considérable de phénomènes restés jusqu’ici inexpliqués.
(a suivre)
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 18 décembre 1900. — Présidence do M. Jules Voisin.
La séance est ouverte à 4 h. 40.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance.
M. le Dr Lemesle, retenu hors de Paris, s’excuse de ne pouvoir faire la communication portée à l’ordre du jour. M. le Dr Aragon s’excuse également : sa communication est reportée à !a séance de février 1901.
M. le Président met aux voix la candidature de MM. le Dr Aragon et Philippe Martin, professeur. Ces candidatures sont adoptées à l’unanimité.
La séance est levée à 6 h. 30.
Note sur la guérison d’un cas d'hyperhidrose des mains,
par M. le Dr DOIONGOS Jaguaribe, de San Paulo (Brésil).
Parmi les nombreux malades qui viennent à la clinique de l’institut psycho-physiologique de Paris, fondé et dirigé par le Dr Bérillon, où nous pratiquons l’hypnotisme, nous avons observé un cas qui vient confirmer la manière d’expliquer la guérison de certaines maladies par l’influence exercée sur le système vaso-moteur.
Mme D..., demeurant à Montrouge, souffrait d une maladie nerveuse aggravée à la suite des crises de son petit garçon, étant déjà affaiblie par des soins qu’elle donnait à ses parents.
Voici dans quel état se trouvait cette malade, lorsqu’elle vint à la clinique, le 20 novembre 1900: Frayeurs de tous les instants, croyant toujours voir son fils tomber ; oppression, respiration difficile, tremblements continuels, môme intérieurement, crises de larmes, impossibilité de prendre aucun aliment, même liquide; par suite, faiblesse générale et syncopes, jusqu’à trois en une heure. Oceur et poitrine serrés comme dans un étau, ayant toujours comme un pressentiment d'un grand malheur.
Comme clic souffrait antérieurement d'une hyperhidrose des mains, cette maladie s'est aggravée considérablement.
Ayant observé que Mme D... est très suggestionnable, nous l'avons endormie profondément, convaincus comme nous sommes, que la suggestion acquiert son maximum d’efficacité dans l’état d’hypnose.
La thérapeutique suggestive nous avait indiqué le soin et les méthodes par lesquels notre maître, le Dr Bérillon, a toujours réussi dans des cas semblables. Nous en avons profité pour suggestionner son énergie, le contrôle des fonctions de son cerveau, le calme, la confiance dans les procédés suivis dans la clinique. Après le réveil, nous prenons des renseignements sur les causes de l’hyperhidrose des mains; elle nous dit que chaque fois qu’elle avait une peur ou choc moral, cette sudation, très abondante la gênait de façon qu’elle ne pouvait se passer d’un mouchoir pour sécher ses mains; elle ne croyait pas qu’on puisse la délivrer de cette maladie, déjà ancienne. Nous lui avons confirmé nos conseils donnés pendant son sommeil, en lui demandant d’avoir une confiance illimitée dans nos ordres; nous lui avons signalé les guérisons de deux cas identiques, publiés dans la Revue de l'Hypnotisme de 1900 par MM. les D” Charpentier et Paul Farez.
Mme D... n’a jamais manqué à aucune des séances de la clinique, soit mardi, jeudi et samedi.
Toujours nous la soignons en même temps que son fils ; elle était chaque fois plus contente des résultats; mais ce ne fut qu’à ia cinquième séance que nous observons que l’hyperhidrose des mains avait cessé complètement. Dans les cinq séances suivantes Mme D... n’a donné aucun symptôme de sudation. Son appétit est revenu, elle n’a plus de faiblesses, elle nous a écrit une petite lettre dans laquelle elle disait:
« Mille remerciements et toute ma reconnaissance à notre dévoué Docteur, pour tous les bons soins qu’il nous a donnés; je n’ai pas eu d’émotion dans les soins à donner à l'enfant pendant une crise qu’il a eue le 2 décembre, grande amélioration sous tous les rapports. »
Observations.
Les malades ignorent souvent les sources des maladies dont ils sont affligés ; ils ne s’aperçoivent pas que plus leur faiblesse augmente, plus leur énergie diminue, et c’est bien là l’avantage de la suggestion qui arrête la marche progressive de la faiblesse, en développant l’énergie de la personnalité en tous les malades qui ont une grande confiance; ils commencent à voir clair ; c’est comme un rayon de lumière venant du dehors, pénétrant dans les ténèbres d’un esprit affaibli ; la réaction est quelquefois immédiate.
De même que l’éclair illumine et purifie l’atmosphère, la voix du médecin se grave dans le cerveau en transformant ses fonctions, vu que la suggestion permet aux neurones de développer la capacité de leur arborisation, et c’est ce qui fait l’énergie.
Nous n’arriverons à expliquer les causes des maladies nerveuses, qu’en spécifiant la marche et les symptômes particuliers de chaque maladie. Il est donc convenable d’examiner et de publier les observations caractéristiques de chaque maladie, afin qu'elle reste archivée dans la Revue de VHypnotisme, car un jour les savants psychologues y trouveront les relations diverses entres les maladies.
L’intervention de la suggestion sur les neurones, explique bien comment s'opère l'influence vaso-motrice.
Notre observation vient confirmer ce que nous a dit dans la dernière séance le docteur Félix Regnault.
En rétablissant chez notre malade l’équilibre rompu par des troubles nerveux, nous avons obtenu sa guérison, ce qui prouve que la confiance, comme la foi est très suggestive.
On reconnaît que l’homme qui s’est approprié les forces de la nature à son profit, n’a pas encore pratiqué suffisamment la grande force qu’il emmagasine dans son cerveau.
De même que la physique démontre que quand on domine les énergies de la nature, on obtient la chaleur et la lumière, de même nous croyons que la nouvelle guérison des maladies par la suggestion, donnera au médecin un puissant moyen d’être utile à l’humanité.
Ce n'est pas pour augmenter la renommée de M. Liébeault et de M. Bérillon, que nouslcur rendons nos hommages, mais pour indiquer les guides qui nous ont inspiré dans notre intervention.
La fonction sudorale et la vaso-motricité,
Par M. le D- Paul Farez.
Il conviendrait de rectifier un point de physiologie, à propos de la fonction sudorale. Les glomérules des glandes dites sudoripares semblent bien ne pas secréter de la sueur, mais simplement une substance graisseuse. Notons, en effet, que les glandes sébacées sont en nombre très restreint par rapport aux glandes sudoripares ; elles ne peuvent guère suffire à graisser toute la surface cutanée; d’ailleurs, certaines régions de celle-ci, comme par exemple la paume de la main, la plante des pieds sont bien graissées et cependant ne présentent aucune glande sébacée. Cette graisse ne peut guère venir que du glomérule sudoripare. (¿uant aux glandes sébacées elles seraient uniquement en rapport avec le système pileux (Unna et Meissner).
D’après cette interprétation. les pores sudoraux sont les confluents de deux voies d’excrétion. Ils reçoivent : 1° la graisse élaborée par le glomérule ; 2« la sueur issue des papilles. De nombreux examens histo-logiques il résulte qu’à partir des ceilules épineuses il n’existe plus de canal à paroi propre ; la graisse et la sueur, venues toutes deux de leur source respective, cheminent de conocrt entre les interstices des cellules el arrivent à la surface cutanée confondues l’une avec l’autre. La
fonction sudorale devient donc sous la dépendance directe de la vaso-motricité.
Tout ce qui amène des perturbations dans la vaso-motricité provoque, par cela môme, une modification dans !a fonction sudorale. La grippe, l’influenza, les infections, les intoxications, la surcharge médicamenteuse, les émotions et en général tous les facteurs psychiques de divers ordres frappent plus ou moins l’organisme de déchéance et diminuent sa résistance. De même que les divers troubles moteurs, sensitifs, circulatoires, provoqués par les causes ci-dessus énoncées, les troubles sudo-raux présentent les distributions et les localisations les plus diverses. Ainsi, par exemple, l’hyperhidrose siège souvent à la paume des mains, parfois à la plante des pieds, à la face postérieure de la cuisse et de la jambe droite, à la face dorsale de l'avant-bras gauche, au nez, à un côté de la face, au territoire de distribution des deux branches supérieures de la cinquième paire droite et du rameau auriculo-temporal de sa troisième branche, etc.
Que l'hyperhidrosc soit causée ou seulement accrue par l'émotion, voilà qui n’est plus à démontrer. Ce fait est devenu une constatation banale. Ceux qui ont fréquenté la consultation de l’hôpital Saint-Louis n’ont pas pu ne pas remarquer l’abondante hyperhidrose axillaire que manifestent la plupart des malades qui défilent tout nus devant un nombreux personnel médical. Il y a plus ; chez certains, l’hyperhidrose serait sous la dépendance de la volonté ; Saint Augustin a écrit: « ipse sum expertus su dard hominen solere cum vellet». D'autre part, la suggestion hypnotique peut expérimentalement provoquer non seulement l’hyper-hidrose mais l’hémi-hyperhidrose. Or « l'agent qui fait, défait » ; quoi d’étonnant alors que la suggestion hypnotique atténue puis guérisse l’hyperhidrose? Outre les cas rapportés récemment par M. Charpentier, M. Jaguaribe et par moi-même, je puis encore citer celui de M. Milne Bramwell (de Londres) et de M. Backman (de Kalmar, Suède). Il est même étonnant que la littérature médicale n’en possède pas un plus grand nombre d’observations.
Comment agit physiologiquement la suggestion hypnotique dans ces cas ? Rappelons-nous qu’elle est à volonté un agent d’inhibition ou de dynamogénie. S’agit-il d'une hyperhidrose?Ce trouble est en rapport soit avec l’excitation du centre vaso-dilatateur, soit avec la parésie du centre vaso-constricteur ; il s’agit, ou bien d’une dilatation active, ou bien d’une dilatation neuro-paralytique avec atonie vasculaire. Dans les deux cas, la thérapeutique suggestive sera dynamogénique en exaltant la fonction constrictive. Pour combattre l’anhidrose, au contraire, il conviendra d’atténuer, de suspendre, d’inhiber celte fonction constrictive.
On voit donc que la physiologie et la psychologie sont parfaitement d’accord et on comprend que la suggestion hypnotique réussisse là où les diverses médications locales échouent régulièrement.
Discussion.
M. Bérillon. — J’ai observé que les alcooliques ont souvent les mains moites. De môme les intoxiqués, les morphinomanes et d'autre part les surmenés, les affaiblis, les neurasthéniques présentent souvent de l'hyperhidrose au point qu'il ne peuvent écrire sans tacher fortement leur papier. La fonction sudorale est dans une certaine mesure en rapport avec notre fonctionnement mental ; la sudation très abondante va de pair avec la diminution de l'énergie vitale et de l’activité volontaire. Lorsque j'assistai, à Zurich, à une fête champêtre, organisée par les sociétés anti-alcooliques, je vis 3.000 personnes gravir, en plein soleil du mois d'août, une montagne aux sons d’une fanfare. Un petit nombre avait le front ruisselant de sueur. M. Forel me fit remarquer que tous ces hommes qui s’abstenaient complètement d’alcool suaient à peine.
M. Félix Regnaült. — Des sueurs émotives dont il vient d’ótre parlé, je rapprocherai : 1° les sueurs froides causées par la peur ; 2° l'exagération, la diminution ou la suppression de la sécrétion lactée par suite d’influences psychiques désagréables ; 3° l’exagération de certaines sécrétions internes telle la diarrhée émotive ou la diarrhée causée par des pilules de mica panis.
M. Bérillon. — J’ai revacciné, ces jours-ci, tout le personnel d’un très important théâtre parisien. Bon nombre d’artistes étaient fort émotionnés. Chez plusieurs l’eau coulait très abondamment des mains et des doigts. Ceux-ci m’ont avoué qu’il en était de même,toutes les fois qu’ils avaient peur.
M. Paul Magnin. — Pendant ces quelques dernières semaines, j’ai vacciné dans les mairies plus de 20.000personnes; 10 0/0 environ avaient tellement peur qu’elles étaient couvertes de sueur.
M. J. Voisin. — On a signalé tout à l’heure la fréquence de l’hyperhi-drose chez les neurasthéniques, les hystériques, les alcooliques. Or, dans la mélancolie, il y a de la vaso-constriction et par conséquent de l’anhidrose. Toutes les fois qu’on remarque l’absence de sueur chez un aboulique on peut dire qu’il s’agit d’une aboulie mélancolique, l’examen de la fonction sudorale permet ainsi de porter ou de confirmer un diagnostic. _
Les observations d’épilepsie sur les hommes de génie, et notamment sur Gustave Flaubert, ont été, jusqu'à présent mal prises,
Par le DJ Félix REGNAÜLT.
Les hommes de génie sont fréquemment atteints de maladies nerveuses. Neurasthénie, hypocondrie, hystérie, états névropathiques divers et môme aliénation mentale sont notés fréquemment dans leurs biographies.
Ces troubles sont-ils altribuables h l'hyperfonclion cérébrale, la maladie frappant de préférence un organe surmené ? On peut vérifier ce fait en certains cas. J’ai observé plusieurs cas de fièvre typhoïde chez les internes des hôpitaux; chez tous, cette maladie prenait une forme nerveuse grave. Un homme de génie, atteint de syphilis, a quelque chance de mourir paralytique général. On n'affirmera pas que Guy de Maupassant avait un cerveau mal équilibré, sous prétexte qu’il est mort de cette maladie.
Ou bien ces troubles nerveux sont-ils une condition du génie ? C’est la théorie d’un savant génial lui-mème, auquel la psychologie sociale doit de grands progrès, j’ai nommé Lombroso. Ce dernier pense que le génie est une forme de l'épilepsie. On serait génial parce qu’on a une névrose.
Le problème mériterait d’être examiné sous bien des faces. Le génie étant causé par le développement maximum de certaines facultés psychiques, les autres pourraient être fort au-dessous de la normale ; et un génial remarquable à certains points de vue serait inférieur à bien d'autres.
On pourrait également se demander si les névropathes, neurasthéniques, hystériques, ne sont pas, par ce fait même, amoureux du nouveau, philonéistes. Bien souvent l’homme sain hait la nouveauté, et cela l'empêche de voir au-delà du convenu; le misonéisme et la routine sont un obstacle au progrès. Pour créer, la première condition est de vouloir.
Il serait inutile de prétendre résoudre actuellement ces problèmes. Les observations ne se sont pas occupées de ces points de vue et il faut attendre qu’elles soient mieux prises et surtout autrement prises.
Actuellement, noire travail doit être simplement critique : montrer combien les diagnostics qu’on a faits jusqu’à présent sur l’épilepsie des hommes de génie reposent sur des bases peu solides. Tout dernièrement, les D" Gélineau (‘) et Binet-Sanglé ont écrit sur les épileptiques célèbres. Je veux examiner les documents qu’ils nous fournissent.
Il suffit qu’un homme de génie ait eu des crises convulsives pour qu’aussitôt on les attribue à l’épilepsie. Le coléreux Hercule, le bouillant Ajax, Saü! lui-méme seraient des épileptiques; mais il faudrait admettre comme telle toute personne sujette à des accès de fureur.
César avait de fréguenls vertiges, il eut des crises convulsives. Mahomet se retirait sous sa tente pour cacher ses attaques. Mais ces convulsions, ces vertiges, n'étaient-ils pas simplement hystériques ? Le manque de détails impose le doute ; il n’en est pas moins vrai qu’on traite couramment Mahomet de comitial avéré.
Je passe sur un grand nombre de géniaux chez lesquels l’épilepsie est aussi peu démontrée, pour arriver à un contemporain sur lequel on possède de nombreux documents, Gustave Flaubert.
(1) D' Gélineau : Les Épileptiques célèbres. (Chronique médicale, 15 septembre 1900).
Dans son enfance, Flaubert est poltron et coléreux. Il s’enfonce tellement dans ses lectures qu'il se mordille la langue, se tortille une mèche de cheveux et parfois tombe par terre. Il faudrait avoir plus de détails sur ces chutes qui, ainsi relatées, semblent plutôt dues à la distraction.
Devenu adulte, il reste nerveux, a des névralgies, des gastralgies, des douleurs occipitales, des migraines, de l’affaissement psychique, des hallucinations visuelles, des obsessions, des terreurs, des tics, des impulsions ambulatoires, tous symptômes que l’on retrouve dans l’hystérie {').
C'était du reste le diagnostic que fît le professeur Hardy; il le traita de « femme hystérique ». Pourtant, à cette époque, on connaissait mieux l’épilepsie que l’hystérie.
Arrivons aux crises convulsives.
La première attaque se déclare au début de sa vingt-deuxième année, la nuit, dans les circonstances suivantes. Flaubert était dans un cabriolet ; un roulier passa à sa gauche et on apercevait au loin, sur la droite, la lumière d’une auberge. Depuis, il se rappelait toujours ces détails dans son aura (2).
Voici la description que nous donne Maxime du Camp de ces attaques :
« Elles se produisaient de la même façon et étaient précédées des mêmes phénomènes. Tout à coup, sans motif appréciable, Gustave levait la tête et devenait très pâle; il avait senti l'aura, le souffle mystérieux qui passe sur la face comme le vol d’un esprit. Son regard était plein d’angoisse, et il levait les épaules avec un geste de découragement navrant. Il disait : a J’ai une flamme dans l’œil gauche #; puis quelques secondes après : « J’ai une flamme dans l’œil droit, tout me semble couleur d'or. » Cet état singulier se prolongeait pendant plusieurs minutes. A ce moment, cela était visible, il comptait encore en être quitte pour une alerte; puis son visage pâlissait encore plus, et il prenait une expression désespérée ; rapidement, il marchait vers son lit, s'y étendait morne, sinistre, comme il se serait couché tout vivant dans un cercueil, puis il s’écriait : a Je tiens les guides, voici le roulier, j’entends les grelots. Ah ! je vois la lanterne de l’auberge. » Alors il poussait une plainte dont l’accent déchirant vibre encore dans mes oreilles, et la convulsion le soulevait. A ce paroxysme, où tout .l'ôlrc entrait en trépidation, succédait invariablement un sommeil profond et une courbature qui durait pendant plusieurs jour?. »
Cette attaque ressemble plutôt à une crise d’hystérie. Le mal comitial est plus dangereux et moins théâtral. L’épileptique ne prononce pas de phrases à effet et tombe brusquement sans choisir sa place. 11
(1) Dr Charles Binet-Sanglé : ¡'Epilepsie clie% Gustave Flaubert {Chronique médicale l‘r novembre 1000).
(2) Grasset, loc. cit., p. 24.
se fait ainsi souvent des blessures graves qu'on ne signale pas chez Flaubert. Celui-ci avait au contraire la précaution de se coucher tout d’abord dans son lit.
L’attaque d’hystérie à grandes allures se terminant par des hallucinations, attitudes passionnelles et clownisme est classique. Mais on sait fort bien que ces derniers phénomènes peuvent manquer cl l’at-taque se réduire à des convulsions.
Au contraire l'attaque d’épilepsic commence par des convulsions toniques auxquelles succède le clownisme. Ces contractures ne sont pas décrites dans les accès de Flaubert.
On ne dit point d’ailleurs s’il se mordait la langue, s’il écumait, s’il urinait après sa crise, l’absence de renseignements sur ces points permet d'v répondre négativement.
Quant à sa mort foudroyante, elle peut s'expliquer de bien des façons.
J'ai entendu parler d’une gomme possible du cerveau : je ne m’arrêterai d’ailleurs aucunement à cc diagnostic ; si je le cite, c’est simplement pour montrer qu'on peut faire bien des hypothèses.
Or, Flaubert est le génial sur les attaques duquel nous possédons le plus de renseignements.
Notez que je ne nie pas que nombre de géniaux soient épileptiques; je demande simplement, pour l’affirmer, des observations mieux prises.
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On a aussi confondu avec le petit mal épileptique la distraction causée par l’idée fixe.
Nombreux sont les exemples de géniaux vivant en dehors de la vie normale, absorbés qu’ils sont par leur idée.
Newton mit deux ans à préparer son livre des principes et n’exista que pour penser et calculer : il agissait sans y songer. Plus d’une fois, commençant à se lever, il s'asseyait sur son lit, arrêté par quelque pensée, et demeurait ainsi, h moitié nu, pendant des heures, poursuivant l’idée qui l’occupait.
Leibnitz étudiait pendant des mois entiers et pouvait rester tout ce temps-là, dit Fontenelle, sans quitter sa chaise.
Diderot oubliait souvent les heures, les jours et les mois et jusqu’aux personnes avec lesquelles il avait commencé à causer.
Stuart Mill se dirigeait dans une rue pleine de monde, sans heurter personne, mais il méditait sur son système : ses mouvements étaient subconscients.
Balzac avait l’attitude d’un extatique, d’un somnambule qui dort les yeux ouverts, perdu dans une rêverie profonde, il n’entendait pas ce qu’on lui disait, ou son esprit revenu de loin arrivait Irop tard à la réponse. Balzac dit de lui-mème : « En entendant les gens dans la rue, je pouvais épouser leur vie, je me sentais leurs guenilles sur le dos, je marchais les pieds dans leurs souliers percés, leurs désirs, leurs be-
soins, tout passait dans mon âme et mon âme passait dans la leur. » C’était le rôve d’un homme éveillé.
Ce réve poursuit le génial au point de lui faire oublier les plus grands dangers.
Gcethe poursuivait ses observations et ses expériences sur la théorie des couleurs, à Valmy, sans se laisser distraire par le tumulte de la bataille, sans môme songer que sa vie était en danger.
Hégel termina tranquillement la Phrénologie de l’esprit, à Iéna, le 14 octobre 1806, sans môme s’apercevoir que la bataille faisait rage autour de lui.
Semblable aventure arriva à Socrate au siège de Potidée.
Les distractions d’Ampère sont célèbres (*)•
Un jour il allait prendre un fiacre à une station. Une conception mathématique nouvelle lui traverse l’esprit, il perd pour un instant la notion du monde extérieur et, tirant un morceau de craie de sa poche, il griffonne des équations sur le derrière d’un fiacre. Et quand celui-ci se mit en marche, Ampère courait derrière, ne comprenant rien à ce phénomène, pour lui singulier.
Ce môme savant sort un jour de chez lui, et il écrit à la craie sur sa porte pour prévenir les visiteurs : « M. Ampère est sorti, revenez ce soir. » Au bout d'une heure, il rentre, mais voyant cette suscription, il se prend pour un visiteur et ressort pour ne rentrer qu’à la nuit tombante. Pareille aventure serait arrivée à l’évôque de Munster (2).
Quand une personne parait séparée du monde extérieur, il importe de distinguer :
1° Si c’est par préoccupation d’une idée fixe qui la poursuit;
2° Ou par absence, petit mal épileptique. Cet état diffère de l’autre en ce que le sujet n’a plus aucune pensée ; c’est un vide cérébral complet, puis, quand il revient à lui, il reprend le fil de ses idées exactement au point où il l’avait laissé au début de l’attaque.
Il importe dans les observations de bien spécifier ce point.
Hypnotisme expérimental : Recherches expérimentales sur la psychologie des sentiments affectifs,
Par les DM Bkrillok et Paul Magkik.
Le rôle que jouent les sentiments affectifs dans la production des phénomènes de l'hypnotisme, a été jusqu’ici fort peu étudié. Braid se rendait un compte assez exact de l'influence de la sympathie, dans leur production, car il déclare que l’hypnotisation, à aucune de ses périodes ne peut-être déteminée sans le consentement de la personne opérée.
(1) Voir Dr Félix Regnadlt, Correspondance médicale, 1807,15 oct. et suivants.
(2)D’J. Grasset : Conférence sur la Supériorité intellectuelle et la névrose. Montpellier, Couletet fils, éditeurs, 1900.
Dans d’autres parties de son Traité du sommeil nerveux, il indique Je pouvoir de la sympathie et de l’imitation et leur intervention dans la production des phénomènes hypnotiques.
D’ailleurs placer l’hypnotisme, comme l’ont fait Braid, Liébeault et plupart des auteurs contemporains, sous la dépendance de l'attention, c’est reconnaître implicitement l’importance des sentiments affectifs* L'attention a toujours pour cause des états affectifs. Ace sujet, M. Ribot s’exprime ainsi : « L’homme, comme l’animal, ne prête spontanément-son attention qu'à ce qui le touche, à ce qui l’intéresse, à ce qui produit en lui un état agréable, désagréable ou mixte. »
Ce qui est vrai pour l’attention spontanée, l’est encore plus pour l’attention volontaire ou artificielle. La mise enjeu de l’attention artificielle repose essentiellement sur le procédé suivant : rendre attrayant, par artifice, ce qui ne l’est pas naturellement. Cela revient à dire que vous n'obtiendrez d’un sujet une somme d’attention suffisante pour l’hypno-tiser, ou le fasciner, ou le monoidéiser, que si vous savez l'intéresser à l’opération mentale que vous voulez réaliser sur lui.
Nous n’entreprendrons pas de déterminer la part qui dans la production de l'hypnotisme peut revenir à chacun des différents affectifs (sympathie, confiance, respect, reconnaissance, admiration) inspirés par l'opérateur à son sujet. Nous nous bornerons à donner les résultats généraux de notre observation personnelle et nous y joindrons l’exposé de quelques faits expérimentaux.
L’intervention des états affectifs se manifeste dans les trois conditions suivantes :
1° Dans la production primitive de l’état d’hypnotisme.
2° Dans la réalisation des suggestions hypnotiques ou post-hypnotiques.
3° Dans la transformation expérimentale des états d’affectivité.
Il est hors de doute que la sympathie joue un rôle considérable dans l’acceptation de l’opération de l’hypnotisme et dans sa réalisation. Nous avons maintes fois exprimé notre opinion sous la forme suivante : a Si vous voulez hypnotiser facilement un sujet, commencez par lui inspirer confiance. » Il résulte de cette proposition que l’hypnotiseur qui comptera le plus de succès dans sa pratique et obtiendra le plus facilement les états profonds de l’hypnose sera celui qui réunira au plus haut degré les qualités capables d’inspirer la confiance. Par contre, un homme doué d’un caractère antipathique éprouvera toujours les plus grandes difficultés à hypnotiser. Cela revient à dire que les qualités favorables à la pratique de l’hypnotisme se rapprochent de celles qui ont été considérées comme indispensables à l’orateur. Le médecin hypnotiseur ne devra pas seulement être un clinicien expérimenté, il devra aussi réaliser en sa personne le « vir bonus dicendi peritus. »
La notion de l’intérêt personnel, qu’il faut considérer comme un des états affectifs les plus capables de stimuler l’attention, peut aussi être utilisée. C’est ainsi que telle personne absolument réfrac taire à l’hypno-
tisme tant qu’il s’agit de tenter une expérience sans but utile, devient éminement hypnotisable dès qu’il est question de lui rendre service et de la guérir d’un symptôme pénible.
Nous avons aussi constaté fréquemment que la présence d’une personne antipathique au sujet suffit pour neutraliser notre influence. 11 est donc prudent de s'assurer, avant de tenter une hypnotisation, qu’il n’y a dans l'assistance aucune personne dont la présence soit désagréable au sujet.
Toutes ces considérations permettent donc d’affirmer le rôle important joué par les états affectifs dans la production de l’hypnotisme.
2° Quand l’hypnotisme est obtenu, la réalisation des suggestions est encore sous la dépendance des sentiments affectifs.
Le professeur Brouardel, traitant dans son cours de médecine légale, en 1887, la question des suggestions criminelles, n'hésitait pas àformu-lerson opinion dans les termes suivants : « Le somnambule ne réalise que les suggestions agréables ou indifférentes qui lui sont faites par un individu agréable. » Telle fut également la conclusion à laquelle s’était rallié Delbœuf après avoir été d’un avis différent. La formule du professeur Brouardel a donné lieu à de vives controverses entre les représentants de l’Ecole de Paris et ceux de l’Ecole de Nancy. Il nous parait prématuré de reprendre cette discussion. A notre avis, de nouvelles expériences doivent être instituées. En attendant nous devons reconnaître que l'opinion de M. Brouardel est conforme à nos observations personnelles.
3° Les recherches expérimentales auxquelles nous nous sommes livrés sur les transformations des sentiments affectifs ont été abordées d’après un programme nouveau. Nous n’avons pas trouvé chez les auteurs d’exemples d’expériences analogues. Les sujets qui ont servi à nos expériences étaient des hystériques très hypnotisables, susceptibles d’être plongés dans les états les plus profonds de l’hypnose. Ils présentaient de l’amnésie au réveil.
OdservatîON' I. —Paralysie, chef une hystérique hypnotisable, des sentiments affectifs existants.
Le sujet, Mlle M. C., est plongé dans l'état de somnambulisme. Dans cet état, elle présente spontanément de l’anesthésie généralisée. Sous l’influence de suggestions appropriées, les perceptions peuvent s'exalter. Elle devient extrêmement hallucinable et réalise automatiquement tous les actes suggérés par l’hypnotiseur habituel.
Nous lui faisons la suggestion d'éprouver à l’égard de M. X..., élève des hôpitaux, avec lequel elle était dans d’excellents termes, une antipathie profonde. Le lendemain, lorsqu'elle se rencontre avec M.X..., Mlle M. C. lui témoigne une extrême froideur. Elle lui refuse la main. Elle ne répond à aucune de ses avances. Son visage reste figé dans une froideur impénétrable qui décèle une aversion très accentuée. Cette disposition dure plusieurs jours, jusqu’à ce que, ayant été hypnotisée do nouveau, elle reçoive la suggestion de retrouver à l’égard deM. X... sesdispositionsd’esprit antérieures.
Interrogée, elle motive son attitude par des griefs qu'elle s’est auto-sug-gérés de peu d'importance, mais qui cependant, suffisent d’après elle, pour la justifier.
Observation II. —Provocation, che; unc hystérique hypnotisable, de sentiments contraires simultanés.
Le sujet, MH* M. C..., plongé dans l’état de somnambulisme présente, dans cet état, une disposition à refléter sur chacun des côtés de son visage une expression correspondant à une suggestion uni-latérale. Simultanément, pendant que l’un de nous lui suggère dans l’oreille droite des sentiments d’antipathie à l’égard do M. X..., l'autre lui suggère dans l’oreüle gauche des sentiments de sympathie. A l’arrivée de M. X..., nous constatons sur chacun des côtés du visage une expression différente correspondant aux sentiments différents qui lui ont été suggérés. Bien plus, tandis qu’elle lui refusela main droite, qu’elle maintient derrière son dos, elle lui tend la main gauche avec spontanéité. Nous assistons ainsi à un dédoublement des opérations cérébrales qui s’accomplit avec un automatisme parfait. Ce phénomène prend fin par une suggestion de réveil.
Observation’ Ilf. — Provocation alternative, chef une hystérique hypnotisable, de sentiments affectifs différents.
M,,e G..., âgée de 24 ans, est atteinte d’hystérie convulsive. Elle est profondément hypnotisable. Plongée dans l'état de somnambulisme, elle exécute automatiquement les suggestions. Au réveil l’amnésie est complète. Dans le cours du traitement, M. D..., qui nous l’a amenée, nous demande instamment de suggérer à la malade d’éprouver à son égard une sympatihic plus grande que celle qu’elle lui manifeste habituellement.
Nous jugeons l’occasion favorable pour faire une expérience sur la transformation des sentiments affectifs.
Mn° G... étant hypnotisée, nous lui faisons la suggestion suivante :
« Pendant trois jours, jusqu'à vendredi prochain à midi, vous éprouverez à l’égard de M. D... une aversion insurmontable. Tous ses défauts vous frapperont au plus haut point et leur constatation entretiendra votre antipathie. A la fin du troisième jour, votre aversion se changera instantanément en une sympathie profonde. Vous ne serez plus frappée que par scs qualités et par le souvenir de ses bienfaits ; vous lui en témoignerez votre reconnaissance avec la plus grande effusion. Ce nouvel état durera également trois jours ; il prendra fin le lundi suivant à midi. A ce moment vos sentiments instinctifs réapparaîtront et vous recouvrerez tout la liberté de votre affectivité naturelle. »
Pendant les trois premiers jours qui suivirent la suggestion, M*>« G... et M. D... ne cessèrent un seul instant de se disputer avec violence. A l’heure fixée, la transformation suggérée s’opéra avec précision. Durant trois jours, M. D... n’eut qu’à se louer des dispositions affectives qui iui fuient témoignées par M«» G...
Il croyait enfin tenir le bonheur rêvé, lorsque le lundi à midi, M11« G... retrouvait soudainement sa belle indifférence, telle qu'elle ¿c manifestait avant le début de l'expérience. Peu de temps après une séparation, imposée par l’incompatibilité d’humeur, s’effectua. A ce sujet, nous ferons remarquer
le soin avec lequel nous avons, après l’expérience, remis toutes choses en l’état primitif. Il nous a paru équitable de laisser à M,,a G... la libre disposition de ses impulsions affectives spontanées, puisqu'elle ne nous avait pas exprimé le désir d’éprouver une transformation à cet égard.
Les expériences ci-dessus suffiraient à démontrer que les états affectifs spontanés peuvent être influencés par des interventions d'ordre suggestif. Nous continuerons nos études sur ce sujet et nous ferons part ultérieurement à la Société des considérations qu’elles nous ont inspirées.
COURS ET CONFÉRENCES
Idées obsédantes et délire de persécution t).
Par M. le Professeur Raymond.
Les idées obsédantes et, par suite, les idées fixes, font comprendre la genèse de bien des névroses et de bien des psychoses; témoin le cas de cet homme, âgé de 40 ans, lequel, sous le coup d’idées obsédantes, se dispute cinq fois, dix fois par jour, quelquefois plus encore avec un homme qu’il n'a pas vu depuis 12 ans.
Jadis, en Russie, il s’est associé avec un de ses amis. Peut-être celui-ci était-il plus habile et lui a-t-il joué quelque bon tour de commerçant ; toujours est-il que notre malade s’imagine rencontrer son ex-associé, lui cherche querelle, l'injurie et se bat avec lui ; il court, s’agite, donne des coups de poing et se déchire, croyant déchirer son adversaire ; sa respiration devient de plus en plus précipitée, puis, couvert de sueur, haletant, abattu, il a le sentiment de sa défaite.
Donc ici, il y a plus qu’une idée; l’idée passe à l’acte, la lutte imaginée devient lutte véritable ; notre homme objective ce qui se passe en lui subjectivement. C’est, dans toute la force du terme, un rêve vécu.
Le délire de persécution est, en général, peu connu dans sa genèse. Les aliénistes l’ont bien décrit au point de vue symptomatique ; mais il n'en ont pas donné la clé. C’est déjà quelque chose de pouvoir comme ici reproduire l’enchaînement des phénomènes morbides. Notre homme était un scrupuleux, fils de scrupuleux ; toutefois, chez lui l’état d'obsession a précédé et amené le délire de persécution, lequel a souvent comme point de départ certaines obsessions même conscientes.
Comme traitement, je recommande l'hydrothérapie et les toniques ; en effet, en améliorant le substratum nerveux, on a des chances d’améliorer la mentalité ; en même temps, on aura recours à la persuasion et à la suggestion.
(1) Présentation de malade faite à la clinique des maiaüies du systùoie nerveux à la Salpétrière.
Pseudo-sclérose en plaques (*)•
Par M. le Professeur Raymond.
Voici un homme âgé de 28 ans, mégissier ; il tremble et parle difficilement ; de plus, il a un léger degré de nystagmus. Un médecin qui connaît bien les maladies nerveuses a porté le diagnostic de sclérose en plaques : or, c'est là une grosse erreur. Ce malade est atteint de troubles fonctionnels et il guérira rapidement.
Notons que ses réflexes sont normaux ; sa force musculaire est conservée ; il ne présente aucun trouble trophique. Il tremble, mais presque constamment et pas beaucoup plus quand il accomplit un mouvement volontaire. Il parle difficilement, mais son débit n’est ni précipité, ni explosif, ni scandé ; c’est un trouble psilliforme : sa parole est embarbouillée et se rapproche de celle du bègue. Quant au nystagmus, il n’est point spasmodique ; c’est seulement l’expression oculaire du tremblement et, en principe, il ne faut jamais se fier au tremblement, quand il est seul, pour faire le diagnostic de maladie organique.
Ces troubles fonctionnels ne doivent pas toujours être mis sur le compte de l’hystérie. Dans le cas actuel, notre homme a eu une très grosse émotion. Son petit enfant était malade et il l’a veillé pendant huit ou dix nuits. En proie à un profond chagrin, il s’est contenu pour ne pas pleurer devant sa femme ; puis, lorsque tout a été consommé, en revenant du cimetière, il a présenté un tremblement essentiel, je ne dis pas héréditaire, mais émotif. Chacun, en effet, réagit aux émotions suivant son caractère, ses dispositions, son tempérament.
On a prétendu avoir guéri des scléroses en plaques par les pointes de feu et la suggestion ; il s’agissait de pseudo-scléroses en plaques, comme dans le cas actuel. Ici nous expliquerons à notre homme comment les choses se sont passées, nous agirons sur son esprit et il guérira.
JURISPRUDENCE
L’exercice illégal de la médecine par les magnétiseurs
Les magnétiseurs tombent-ils sous l’appiication de la loi relative à l’exercice de la médecine?
Voilà la question que la chambre criminelle de la Cour de cassation vient d'être appelée à résoudre.
Le procureur général d’Angers et le Syndicat des médecins de Maine-et-Loire l'avaient saisie d’un pourvoi formé contre un arrêt de la cour
(1) Présentation de malade faite» la clinique dea maladies du tyslèioo nerveux à la Salpêtrière.
d’Angers qui avait acquitté un magnétiseur poursuivi pour exercice illégal de médecine.
M. le conseiller rapporteur Dupré s’est prononcé pour le rejet du pourvoi, et M. l’avocat général Dubois a conclu, lui, à son admission.
Le conseiller rapporteur a conclu au rejet du pourvoi, en se fondant, notamment, sur la discussion de la loi, au cours de laquelle il lui parait que les magnétiseurs ont été exclus des prescriptions de cette loi comme n’exerçant pas, en fait, une profession médicale.
L’avocat général estime, lui, que les magnétiseurs, nonreçus médecins, commettent un délit quand ils s’avisent de faire subir à un malade un traitement magnétique.
Pour lui, en effet, le magnétisme, comme l’hypnotisme, appliqué pour le traitement de maladies quelconques, constitue un véritable danger quand ceux qui le pratiquent, n’ont point les connaissances médicales qu’implique le diplôme de médecin.
Le législateur, en exigeant pour l’exercice de la médecine ce diplôme, n’a pas affranchi de cette obligation les magnétiseurs. Le texte général qui a été voté par le Parlement, quelles qu’aient été certaines opinions particulières, au cours de la discussion, exclut une interprétation favorable aux magnétiseurs. Il a donc conclu à la cassation de l'arrét de la Cour d'Angers qui a acquitté le magnétiseur M... et la Cour a donné raison à l’avocat général par l’arrêt suivant:
a Sur le moyen unique et commun pris de la violation des articles 16 et 18 de la loi du 30 novembre 1892:
« Attendu qu’il est constaté en fait, tant par le jugement dont il s’approprie les motifs, que X..., non investi du titre de docteur en médecine et ne soffrant à sa clientèle que comme magnétiseur, avait, à Angers où il s’était établi, donné des soins suivis, à ceux qui les sollicitaient en vue de la guérison ou du soulagement de leurs maux ;
« Attendu, en droit, que, aux termes de l’article 16 de la loi susvisée, «exerce illégalement la médecine toute personne qui, non munie du diplôme de docteur en médecine, prend part habituellement ou par une direction suivie au traitement des maladies ou des affections chirurgicales », délit que l’article 18 de la même loi punit d'une amende de 100 à 500 francs ;
o Que l’arrét attaqué, pour écarter l’application de ces articles aux faits constatés, tout en reconnaissant qu’il résultait des débats que les soins donnés par X... à ses malades avaient consisté a à pratiquer sur eux, pur dessus leurs vêtements, des passes magnétiques » et « quelquefois à leur fournir de l'ouate aimantée «, s'appuie sur l’unanimité de leurs témoignages, d’où il serait résulté qu’il se livrait uniquement à ces pratiques sans prescrire aucun traitement ni recourir à aucune opération, pour en déduire que X... ne saurait être considéré comme ayant ainsi pris part au traitement de maladies et commis par là, faute du titre qui confère ce droit aux seuls docteurs, ledéiit qui lui était reproché ;
« Que, pour justifier, par une modification que la loi de 1892 aurait
apportée sur ce point à la loi de ventôse, cette interprétation favorable à la défense, la Cour d'Angers a cru pouvoir déclarer « que le magnétisme ne peut être considéré comme un traitement o au sens de la seconde de ces deux lois;
« Qu’aux termes exprès de l'article 16 de cette même dernière loi, qui n'excluent de la qualification légale du délit aucun mode de traitement dès qu’il est habituel ou suivi, l’arrêt attaqué oppose les déclarations du rapport à la Chambre des députés portant que a jamais l’intention de la commission n’avait été de viser les magnétiseurs » et que, par suite, « les articles punissant l’exercice illégal de la médecine ne pourraient leur être appliques que le jour où ils sortiraient de leurs pratiques habituelles et, sous le couvert de leurs procédés, prescriraient des médicaments ou chercheraient à réduire des luxations ou des fractures » ;
« Attendu que s’il est exact que cette interprétation de l’article susvisé ait figuré dans le rapport présenté au nom de la commission, il ne peut suffire, pour donner le droit de l’opposer aux termes formels de cet article de constater, comme le fait l'arrêt attaqué, qu’aucune objection n’a été soulevée contre cette interprétation etquela loi a été définitivement adoptée, tant par le Sénat que par la Chambre, sans protestation ni réserves;
» Que ce silence ne saurait à lui seul, en présence de la contradiction qui existe entre cette interprétation et les termes généraux de l’article adopté par le Parlement, autoriser le juge à substituer, dans son application de lu loi, cette interprétation individuelle au sens normal et contraire à la loi même ;
« D’où il suit que, en le faisant, loin de justifier sa décision de relaxe, l’arrêt attaqué a, par une distinction arbitraire, expressément violé les dispositions de la loi invoquées par les deux pourvois ;
« Par ces motifs, casse et annule l’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Angers le 23 juillet 1897, et, pour être statué à nouveau, conformément à la loi, sur l’appel du jugement du tribunal correctionnel d’Angers, renvoie la cause et le prévenu X... devant la Cour d’appel de Rennes. »
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Les séances de la Société d'hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, ruü Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpèlricre.
Les prochaines séances de la Société auront lieu le mardi 19 mars et le mardi 17 avril 1901.
Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général 14, rue Taitbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.
Ecole de psychologie.
Le succès de l’enseignement donné à l'École de psychologie, a été réellement considérable. Tous les cours ont été suivis par un public nombreux et assidu. Ces coui's dureront jusqu'au milieu du mois de mars. Un certain nombre de leçons seront publiées dans la Revue de VHypnotisme.
Parmi les auditeurs qui assistaient à l’inauguration des leçons, nous avons reconnu MM. les Dri Jules Voisin, médecin de la Salpétrière, Topinard, professeur d'anthropologie, Oabanès, directeur de la Chronique médicale, Courtault, directeur des Tablettes médicales, M. le professeur Lionel Dauriac, MM. les Dr* Jaguaribe (de San Paulo), Hickmet (de Constantinople), Wignaende (de Rotterdam), de Rezende (de San Paulo), Bourdon (de Méru), M. Jean Finot, directeur de la Revue des Revues, MM. les Dr* Goring (de Londres), Vannini (de Bologne), Ranâ, M. le professeur Aars (de Constantinople), M. le médecin-major Lux, MM. les D” Potel, Hurtaud, Azoulay, Leclerc, Jullien, Georges Petit, Bugiel, Gillot, Le Senne, Geneay, Delbet, Pau de Saint-Martin, Le Four-nier, Dunogier, Hamaide, etc., MM. Coutault, Juüiot, Blech, docteurs en droit, P. Martin, Seghers, Baragnon, Bénito Sylvain, publicistes, MM. les médecins-vétérinaires Lépinay, Lavault, Fayet et un grand nombre de professeur de l’Université.
Un perroquet savant.
La grande curiosité du moment, à Londres, est un perroquet polyglotte tout à fait extraordinaire, auquel son maître, M. Grant Ridley, a donné le nom de « phonographe vivant ».
Et jamais perroquet ne mérita mieux que celui-ci un tel surnom ; car» non seulement il répète, avec un accent et un ton de voix pareils à ceux de la personne qui lui parle, des phrases entières, mais encore il récite en quatorze langues des discours de plusieurs milliers de mots.
Chose vraiment surprenante: quand on lui adresse la parole en anglais ou en français, par exemple, il répond dans la même langue, sans jamais faire de confusion, et s’exprime toujours 1res correctement, quoique plutôt lentement.
M. Ridley, qui l’a instruit, en a déjà refusé quarante mille francs à un riche amateur d'oiseaux et d’animaux rares.
L’archiduchesse Stéphanie d’Autriche possède, assure-t-on. un perroquet qui sait son « Pater » en six langues différentes. Le sultan aussi a un perroquet polyglotte, qu'il a payé naguère trois mille francs.
Suggestion par geste chez un sapajou.
Le sapajou, dit M. Henri de Parville dans la Revue des sciences des Débats, n'est pas un animal d’une intelligence en général bien développée. L’anecdote suivante prouve cependant qu’il peut y avoir des exceptions individuelles. M. Ilachet-Souplet possédait un de ces singes, qui était évidemment sujet à des maux de dents; car, lorsqu'il avait mangé des noix, et il ne s’en faisait pas faute, il manifestait ses souffrances par une pantomime expressive. Avec ses doigts, il essayait de retirer les petits morceaux de noix logés dans ses dents malades et n’y parvenait que difficilement. M. Ilachet-Souplet eut l’idée, un jour, de lui suggestionner le moyen de se mieux tirer d'affaire. Il prit un cure-dent et s'en servit devant le sapajou. Puis il déposa, après avoir bourré de noix l'animal, au milieu de sa cage, une petite tige de fer courte qu’il se mit à aiguiser sur une pierre. Le singe s’empara de la tige et essaya de l’utiliser, comme il l avait vu faire à son maître; mais l'extrémité était trop grosse. Alors, il tira parti de la leçon jusqu’au bout et il rendit l’extrémité pointue au moyen de la pierre. Il délogea les morceaux de noix, et désormais se servit constamment de son cure-denl, à sa grande satisfaction. Donc, ce sapajou n’était pas hôte.
« Manie des opérations » chez une hystérique.
Au Club médical de Vienne, M. Latzko présente une hystérique qui, depuis quatre ans, a subi successivement trois laparotomies, une intervention sur le rein, une opération d'empyèmedu sinus maxillaire, et une trépanation de l’apophyse mastoide. La première laparotomie a été faite pour une hématémèse et des troubles gastriques; l’opération montra que l’estomac était sain. La seconde laparotomie ne révéla pas davantage de lésions. La troisième pratiquée pour des accidents d’étranglement interne, permit de découvrir un kyste de l’ovaire gauche qui fut extirpé. Toutes ces opérations furent exigées par la malade qui y mettait une insistance morbide.
Mariage de pygmées.
On annonce le prochain mariage, à Newark (New-Jersey), de deux pygmées dont les tailles ajoutées l’une à l’autre ne dépassent pas 73 pouces. Tous deux font partie de cirques ambulants; la fiancée vient de Chicago et sa mère, Mme Robinson, figure aussi dans les cirques sous le nom de la femme forte. Le fiancé, le major Criqui, est né à Newark, il y a vingt-trois ans; Mlle Robinson est de trois ans plus jeune; ils pèsent, chacun, 23 livres.
Le major et sa fiancée sont, parait-il très intelligents.
Le père du major pèse 200 livres, tandis que la mère de Mlle Robin-
son brise des chaînes de fer comme un brin de paille, écrase des rocs d’un coup de poing, pour le plus grand plaisir du public qui assiste aux représentations du cirque où elle figure.
Un monstre.
Un médecin des environs de Buenos-Ayres vient de découvrir, dans une ferme lui appartenant, un cheval dont la tête présente toutes les apparences d'une tête humaine.
Suivant les dires des employés de la ferme, cet animal, au moment de sa naissance, poussait des cris « comme une véritable créature humaine. D
Croyant se trouver en présence d'un animal diabolique, les valets de ferme avaient mis le cheval à mort. Néanmoins, son corps a été, après préparation, transporté au musée de Buenos-Ayres, où les savants pourront étudier sa bizarre structure.
Le sommeil hivernal.
Un professeur.de l’université de Prague, M. le Df Nesaryk, vient, à la suite d’un voyage en Russie, de publier dans la revue Nasé Doba plusieurs articles fort curieux sur le sommeil hivernal auquel s'adonne une partie de la population dans certaines provinces russes.
Les gens de ces contrées voient dans le sommeil la suprême ressource pour lutter avantageusement contre la famine. Et, de fait, ne dit-on pas: o Qui dort dîne? »
Lorsque, aux approches de l’hiver, le paysan s’aperçoit que ses provisions ne sont pas suffisantes pour lui permettre d'atteindre la fin de l’année, il rationne toute sa famille et donne l’ordre de dormir. Dès lors les uns et les autres ne se lèvent que rarement pour entretenir le feu et prendre un peu de pain et d’eau, juste de quoi conserver la vie.
Le silence règne dans la cabane; ses habitants ne distinguent plus le jour de la nuit; ils sont plongés dans une sorte de léthargie, dans le sommeil hivernal, qui devient souvent pour ceux qui s’y livrent le sommeil éternel.
Et tout dort autour d’eux; les autres paysans suivent cette méthode ; les animaux eux-mêmes semblent comprendre la consigne et ne sortent de leur sommeil que pour manger la maigre portion que le maître leur octroie avec parcimonie.
Le village entier, ou plutôt la contrée entière — car dans tous les villages on procède de la même façon — passe ainsi les longs hivers.
C’est une nuit profonde. C'est le sommeil hivernal, suprême ressource contre la famine.
Un « attendu » juridique à retenir.
Une femme atteinte de névralgie faciale fut soumise par un médecin aux rayons de Rœntgen qui auraient déterminé, au dire de la malade, une alopécie localisée et une légère conjonctivite. A la suite de ces accidents, la malade a assigné notre confrère devant le tribunal civil de la Seine; celui-ci dans son audience du 5 janvier 1901, a rendu un jugement duquel nous extrayons 1’ « attendu » suivant, dont la portée dépasse le cas spécial de cette malade :
« Attendu qu'il n’appartient pas au tribunal de rechercher si la radiographie peut être employée dans le traitement des névralgies faciales;
« Qu’il ne peut être juge de l’opportunité ni de l’efficacité des traitements, médicaux ou autres, appliqués aux malades, et qu’il ne peut s’immiscer dans des questions scientifiques dont l’examen et la solution sont laissés à la conscience et à la capacité des médecins traitants;... »
Le professeur Ramon y Cajal. dont les remarquables travaux sur l’anatomie du système nerveux central sont universellement estimés, était resté jusqu’alors presque inconnu de ses compatriotes. Il a fallu la récente distinction dont il a été l’objet de la part du Congrès international de Paris, qui lui a attribué le prix d’honneur fondé par la ville de Moscou, pour qu’on s’aperçut en Espagne de la haute valeur scientifique de l’homme. L’Etat lui a aussitôt assuré des fonctions rémunératrices, et dans tout le pays une souscription s’est ouverte, qui a pour but la création d’un laboratoire où le savant puisse continuer ses travaux en s’entourant de tous les perfectionnements modernes. Encore un prophète, celui-là, dont la renommée n’est arrivée aux oreilles de ses compatriotes que par la voix de l’étranger!
Aphasie intense avec conservation de la mémoire musicale.
A la société de médecine interne de Berlin, M. Leyden a présenté un malade de 45 ans, atteint d'hémiplégie droite qui est survenue sans cause particulière sous forme d’attaque apoplectique. Le malade aurait eu des attaques convulsives une fois chez lui ; l’aphasie est extrêmement marquée et le vocabulaire est limité à trois ou quatre mots. 11 ne peut lire, mais remai'que très bien les fautes d’orthographe faites sur son nom. Les tentatives faites pour écrire avec la main gauche ont échoué. Le malade parait lire les livres et les journaux avec intérêt; il semble cependant ne pas comprendre ce qu’il lit. Il ne peut d'ailleurs exécuter des ordres très simples qu’il ne comprend pas, comme lorsqu'on lui demande de donner la main. Par contre, il peut chanter et dire correctement des mélodies entières, la mémoire musicale ne se perd donc pas avec le langage. Ici le phénomène intéressant est que le malade qui ne
peut dire plus de trois ou quatre mots, peut chanter les paroles de ses chansons, mais il ne peut rien réciter du texte, ni le répéter après avoir chanté.
Pour expliquer ce fait, on a supposé que la mémoire musicale et le langage musical s’exercent parallèlement au langage parlé, mais en sont séparés, ce qui fait que l'un ou l’autre peut être conservé ou perdu d’une façon indépendante. Dans le schéma de Wernicke, on voit dessiné un deuxième centre pour le langage musical. La perte de la mémoire musicale évolue parallèlement à la perte de la mémoire des mots. La cécité verbale correspond à la cécité des notes et la surdité verbale correspond à l’impossibilité de comprendre les mélodies.
De son côté, M. Lazarus a observé un malade aphasique qui ne pouvait chanter la chanson qu’on lui récitait auparavant, mais il chantait exactement et suivant le texte lorsqu’on lui montrait les notes et le texte.
Affection articulaire hystérique chez une enfant, par M. L.-P. Alexandroff, Vratch, 1809, p. GI5.
Une jeune fille de 11 ans, présente une douleur en dedans et en arrière du genou : la marche est devenue impossible. Il n’existe aucun trouble de la sensibilité ni de la motilité : la peau du genou n'est pas épaissie ; il ne s’agit pas de tuberculose mais d’arthralgie qui est rapidement guérie par la faradisation et la suggestion.
L’éthéromanie en Allemagne.
Dans certaines provinces, à la suite de l’augmentation de l'impôt sur l’alcool en 1887, on a vu l’éthéromanie se substituer à l’alcoolisme, l’éther étant devenu moins cher que l’alcool.
Dans le ccrclc de Memel (Prusse Orientale] il a été consommé 8.580 d’étheren 1897, dont presque la moitié dans le chef-lieu du cercle.
BIBLIOGRAPHIE
Publications récentes
1° Lysrose et Louisdor, par E. Boirac, Recteur de l’Académie de Grenoble, avec illustrations en phototypie d’après les dessins originaux de L. Balmet.
Délicieux conte en vers, improvisé par un père pour ses enfants, au cours de ses habituelles promenades à travers champs ; poème touchant et aimable dont les enfants, petits et grands, apprécieront tout le charme. (Bel album in-4#, chez Alexandre Gratier et Cla, 23, Grande-Rue, Grenoble).
2° The Journal of mental pathology, édité par L.-G. Robinovitch, m.-d., 32, Broadway, New-York.
Ce journal parait tous les mois à partir de Janvier 1901. Le Comité de Direction est composé des Dr‘ Magnan, Joffroy et Raymond (de Paris), Chas. K. Mills (de Philadelphie) et C. II. Hughes (de Saint-Louis). Parmi les collaborateurs de la première heure, nous relevons avec plaisir quelques membres de la Société d’hypnologie et de psychologie : MM. les Dr‘ Jules Voisin, Bérillon, Paul Farez, Régis (de Bordeaux), Tokarski (de Moscou), Arie de Jong (de La Haye) et M. Clark Bell, directeur du Medico Legal Journal (de New-York).
NOUVELLES
Institut psycho-physiologique, k9, rue Saint-André-des-Arts.
Enseignement de l’hypnotisme et de la psychologie physiologique
L’Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l’étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l’hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l’hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.
L’organisation de l’Inslitut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.
Une clinique de maladies nerveuses [dispensaire :neurologique et pédagogique), est annexée à l’institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister, et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d’aliénés, y complète son cours à l’Ecole pratique delà Faculté de médecine (semestre d’été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l’hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les Dr* Henry Lemesle, Bellemanicre, Wateau, Jaguaribe, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les Dr* Paul Farez, A. Guimbeau, Bianchi, et par M. Charles Verdin.
Depuis 1892, pendant !e semestre d’hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.
M. le Dr Paul Joire, correspondant de l’institut psycho-physiologique fait, chaque année à Lille, un cours annexe d’hypnologic.
Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l’acquisition des appareils les plus nouveaux.
Un musce psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l’histoire de l’hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.
Chaque année, un certain nombre d’étudiants trouvent d’importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l’institut psycho-physiologique.
COURS & CONFÉRENCES DE 1901 à l’institut psycho-physiologique 4g, rue Saint-Andrè-des-Arts, 49
LES VENDREDIS, a 8 HEURES ET DEMIE DU SOIR CONFÉRENCES
(suite)
Vendredi 1er Mars, à huit heures et demie, M. Eugène Caustier, professeur agrégé de l'Université, fera une conférence sur : Psychologie comparée : La morale des bêtes.
Vendredi 8 Mars, à huit heures et demie. M. Lionel Dauriac, professeur honoraire de la Faculté de lettres de Montpellier, chargé du cours d’Esthétique musicale ù la Sorbonne, fera une conférence sur : Psychologie musicale : L'imagination musicale.
Vendredi 15 Mars, à huit heures et demie, M. le Dr Henry Lemesle, licencié en droit, fera une conférence sur : La suggestion dans les fêtes populaires du moyen âge. [Fête des fous, fêtes de l'âne, etc...)
Vendredi 22 Mars, à huit heures et demie, M. le Dr Bérillon fera une conférence sur : Psychologie comparée : Les animaux savants et l'art du dressage. (Cette conférence sera accompagnée de projections à la lumière oxydrique.)
Cours a l’Ecole pratique de la Faculté de Médecine. — M. le Dr Bérillon, médecin-inspecteur des asiles d’aliénés, commencera le lundi 22 avril, à cinq heures, à l'Ecole pratique de la Faculté de Médecine (amphithéâtre Cruveilbier), un cours libre sur : Psychologie physiologique et pathologique. — Applications cliniques de l'hypnotisme. Le Dr Bérillon étudiera spécialement les maladies de la volonté et les maladies de la personnalité.
L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON
REVUE DH|%MPNOTISME
EXPERIMENTAÏs5Wô»^ÎIERAPEUTIQUE
15« Année — N° 1U. Avril 1901.
Théorie physiologique de l’hystérie
par le Dr Binet-Sanglé.
[suite)
On sait, depuis Serres, que révolution-embryogénique reproduit l’évolution phylogénique. La loi de Serres est d’ailleurs trop élroite, et doit être remplacée par celle-ci :
L'évolution de tout individu normal, depuis la conception jusqu'à l'âge adulte, reproduit l'évolution d'une série complète de ses ascendants, depuis le premier être vivant jusqu’à l’individu considéré.
Mais cette loi, qui est applicable à un individu quelconque dans la société, est aussi applicable à une cellule quelconque dans l'organisme, et l’on peut dire que :
Vévolution d'une cellule quelconque d’un individu, depuis la conception de cet individu jusqu’à l’âge adulte, reproduit l’évolution du tissu auquel cette cellule appartient, depuis le premier être vivant jusqu’à Vtndividu considéré.
Il en résulte qu'une cellule quelconque dans un corps d’enfant est plus près du premier état cellulaire, de l’état mono-plastidaire, de l’état de l’amibe, que la cellule correspondante dans un corps d’adulte. Il en est de même pour une cellule quelconque dans un corps de femme, car on sait que la femme est en retard sur l'homme dans le mouvement d’évolution, et qu'elle ressemble à l’enfant à divers titres.
Or, de même qu’il existe des phénomènes de régression pour l’individu, il en existe aussi pour la cellule. Les cellules régressent sous diverses influences toxiques. C’est ainsi qu’au cours de l’inflammation, on voit des cellules haut placées dans l’échelle histoiogique revenir à l’état embryonnaire. Il se prolu
duit un phénomène analogue, quoique considérablement atténué, dans rhystéric.
Le neurone de l’hystérique est un neurone qui s'est rapproché, dans une certaine mesure, de l'état monoplastidaire, de l'état de l'amibe, et dont, par ce fait même, la motricité s’est accrue d’autant.
Ainsi s’explique que l’hystérie soit surtout fréquente chez l’enfant, chez l’adolescent et chez la femme, et que souvent les hystériques héréditaires présentent, adultes, un certain degré d'infantilisme, et, mâles, un certain degré de féminisme.
Le cerveau de l’hystérique n’est donc plus un tout polyplas-tidaire, mais une colonie de plastides en état de régression, à motricité développée, et présentant une tendance constante à rétracter leurs pseudopodes, et à les laisser en état de rétraction. Ce n’est plus une nation fortement organisée, mais un groupement instable de petits états indépendants rappelant l’Italie du xme siècle, comme si les organismes et les sociétés obéissaient aux mômes lois de décadence.
La régression des neurones de l’hystérique est due :
1° A une diminution de la masse du sang ou de certains de ses composants (hystérie suite d’anémie). Or on sait que Soukhanoff a observé l’aspect moniliforme des cellules cérébrales du cobaye, après ligature des carotides ;
2° A l’action de divers poisons (hystérie suite d’intoxication oxycarbonée, sulfocarbonée, plombique, mercurielle, alcoolique, morphinique, nicotinique, de la fatigue, de la grossesse, diabétique, arthritique, gonococcique, pneumococcique, diphté-ritique, diothiénentérique, tuberculeuse, paludique, rhumatismale aiguë, grippale, morbilleuse, scarlatineuse, variolique, syphilitique ou rabique) ;
3° A l'action des traumatismes, et des explosions nerveuses qui correspondent à l’émotion (chocs, chutes, fulguration, etc.).
Ces causes ne sont pas seulement des causes eiïicientes mais des causes occasionnelles, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas seulement susceptibles de déterminer la régression des neurones, et par suite l'exaltation de leur motricité, mais qu'elles peuvent aussi faire entrer en jeu cette motricité, et déterminer la rétraction des prolongements neuroniens.
Par exemple :
L’alcoolisme est une cause d’hystérie. Mais aussi une absorp-
tion d’aicool aggravera une anesthésie hystérique, ou fera éclater une attaque. Et cela n’a plus lieu de nous surprendre, depuis que SoukhanofT a vu les cellules pyramidales du cobaye prendre (d’une manière peu sensible, il est vrai) l'aspect moni-liforme sous l’influence de l’alcool.
Le morphinisme est une cause d’hystérie. Mais aussi une injection de morphine pourra déterminer des accidents chez un hystérique. Et cela se comprend aisément depuis que J. Havet a vu les neurones des Mollusques gastéropodes, et Jean Demoor les cellules pyramidales du chien rétracter leurs prolongements sous l’influence de la morphine.
Le surmenage est une cause d’hystérie. .Mais aussi une fatigue accidentelle fera s’aggraver une anesthésie ou apparaître un tic, une chorée, une paralysie, une contracture chez un hystérique. Et d'autre part la fatigue des neurones de l’audition (bruit violent ou prolongé) de la vision (lumière vive), ou de ceux qui président aux mouvements des yeux (fixation prolongée), suffira à faire entrer un hystérique en état d’hypnose. Ce qui s’explique assez bien depuis que Robert Odier a vu les cellules des cornes antérieures de la moelle deplusieurs animaux, et Manouélian les cellules mitrales du bulbe olfactif et les cellules pyramidales de la souris rétracter leurs prolongements sous l’influence de la fatigue.
Le traumatisme est une cause d’hystérie. Mais aussi une attaque d’hystérie éclatera sous l’influence d’un traumatisme. Aussi bien Robert Odier n:a-t-il observé la rétraction des prolongements des cornes antérieures de la moelle du lapin, du cobaye et de l’homme après électrocution, et Jean Demoor la rétraction des prolongements des cellules corticales du chien après un choc électrique? Et ne sait-on pas que les phyto-blastes du renflement moteur de la feuille de sensitive se rétraçtent et provoquent la fermeture de la feuille sous l’influence d’un traumatisme et même d’un souffle ?
Enfin les émotions sont à la fois une cause d’hystérie et une cause d’accidents chez les hystériques, Qucrton ayant d’ailleurs observé la rétraction des prolongements des cellules pyramidales du chien, après de violentes souffrances produites parle froid, et cette cause, l’émotion, se joignant certainement à la fatigue dans les expériences de Manouélian sur la souris. D’ailleurs, pour ce qui est do la crainte, il n’est pas inconcevable qu’au mouvement de défense de tout l’organisme,
corresponde un mouvement de défense du neurone : la rétraction de ses prolongements.
Les découvertes récentes des neurhistologistes jettent encore une lumière vive sur d’autres phénomènes hystériques.
C’est ainsi que Querton ayant observé la rétraction des prolongements des cellules pyramidales de la souris blanche, du cobaye, de la marmotte et du loir, sous l'influence du froid, on comprend pourquoi les hystériques se portent plus mal en hiver qu’en été, et pourquoi les réfrigérations locales par l’éther ou le chlorure d’étyle peuvent déterminer chez ces malades des anesthésies durables.
L’administration des anesthésiques généraux peut avoir le même résultat et aggraver la maladie. Aussi bien comme l’alcool et comme la morphine, l’éther, le chloroforme, le chloral, le trional et la cocaïne déterminent la rétraction des prolongements des neurones. Pour l'éther, le phénomène a été observé par J. Havet sur les neurones des Annélides et sur ceux des ganglions abdominaux et cérébroïdes de certains crustacés, et par Micheline Stefanowska sur les cellules pyramidales de la souris et du cobaye. Pour le chloroforme, par J. Havet sur les neurones des Annélides et des Mollusques gastéropodes, par Robert Odier sur les cellules des cornes antérieures de la moelle du cobaye et du lapin, et par Jean Demoor sur les cellules pyramidales du chien. Pour le chloral, par J. Havet sur les neurones des Annélides et des Mollusques gastéropodes, et par Jean Demoor sur les cellules pyramidales du chien. Pour le trional, par Soukhanoff sur les cellules cérébrales du cobaye. Pour la cocaïne, par Jean Demoor sur les neurones olfactifs périphériques de la grenouille. L’éther et le chloroforme ont d’ailleurs la même action sur les phytoblastes du renflement moteur de la feuille de sensitive, dont ils provoquent le sommeil.
Les prolongements des neurones se rétractent aussi quand il ne leur arrive plus d’ondulations nerveuses. C'est ainsi que se produisent l'anorexie par défaut d’alimentation, et les paralysies par séjour au lit chez les hystériques. Et c’est ainsi qu’il suffit pour mettre certains de ces malades en état d’hypnose de les plonger dans l’obscurité ou de leur fermer les yeux. Les phytoblastes du renflement moteur de la feuille de sensitive se rétractent aussi, entrainant la fermeture de la feuille, quand la nuit tombe.
I. Anesthésies hystériques
Nous avons vu que la sensation avait pour théâtre un neurone spécial ou neurone de sensation.
Soit la voie centripète spino-corticale (schème 1). Elle se compose de deux neurones cp et c'p' dont p et p' représentent les prolongements protoplasmiques, c et c’ les prolongements cylindraxiles. On voit que ces deux neurones sont en rapport de contiguïté.
Le même rapport de contiguïté existe entre le neurone c'p et le neurone de sensations, chez l’homme normal éveillé.
Mais il n’en est plus de même chez l’hystérique anesthésique.
Chez lui les prolongements du neurone s ou, si l'on veut, le neurone s est en état de rétraction, de telle sorte qu'il existe, entre les neurones c'p’ et s (1), un neuro-diélectrique à qui oppose un obstacle infranchissable au courant.
D’après cette donnée, l'anesthésie complète d’un centre quelconque s'expliquepar la rétraction de tous ses neurones de sensation, l’hypoesthésie par la rétraction d’un certain nombre d’entre eux.
L'hypoesthésie est de règle chez les hystériques, et l’on dit de ces malades qu’ils ont « comme un écran devant les sens ».
Cet écran existe. Il est formé par les neurodiélectriques situés en amont des neurones de sensation.
La rétraction d’un certain nombre de neurones de sensation peut se produire aussi chez l’homme normal et à l’état
Schéma I.
sp, protoneurone centripète. s’p'. deutoneurone centripète d neuro-diélectrique. s, neurone de sensation.
La fléche indique le sens du courant nerveux.
(I) Ou dans l'intérieur des prolongements de s. I.e neuro-diélectrique serait dû alors à une modification locale dans la densité, par suite de la rétraction.
de veille. C’est ce phénomène qui constitue la distraction (dis îrahere), mot remarquablement exact, en tant qu’il peint le mouvement des neurones de sensation distraits momentanément de la masse commune. Et ce n’est ni la première ni la dernière fois que j’ai à faire remarquer ia propriété singulière des expressions psychologiques appliquées à la physiologie.
La rétraction des neurones de sensation peut être partielle et progressive, de telle sorte que l’hypoesthésie précède l’a-nesthésie. Elle peut être totale et soudaine, de telle sorte que l’anesthésie apparaisse d’emblée.
inversement la réextension des neurones rétractés peut être partielle et progressive, de telle sorte que l’anesthésie fasse place à l'hypoesthésie, et celle-ci à la sensibilité normale. Elle' peut être totale et soudaine, de telle sorte que la sensibilité normale reparaisse d’emblée.
Mais dans ce dernier cas il se produit un phénomène particulier. Lorsqu’un neuro-diélectrique infranchissable d s’est formé entre le neurone cp et le neurone s, les ondes nerveuses résultant de la transformation des mouvements extérieurs au système nerveux, n’en continuent pas moins de s'engager incessamment sur la voie centripète cp-cp\ et leur énergie s’accumule en amont du neuro-diélectique, qui est bientôt soumis à des forces de tension. Or, s’il arrive que l’épaisseur et par suite la résistance de ce neuro-diélectrique diminue rapidement, des décharges nerveuses éclateront entre les neurones cp' et s. C’est précisément ce qui se passe, lorsqu’on restaure rapidement la sensibilité d'un hystérique. Les décharges nerveuses centripètes qui éclatent alors, donnent lieu à des sensations spéciales, qui ont été bien étudiées par Paul Sollier : démangeaisons, picotements, fourmillements, tiraillements, élancements, brûlures, et enfin sensations de « décharges électriques ». Ces sensations varient avec les neurones intéressés. C’est ainsi que, suivant Paul Sollier, le retour de la sensibilité cérébrale est précédée non seulement de fourmillements et de brûlures dans la tète, mais aussi de sensations de fils qui se cassent, de bulles qui éclatent, de verre qui se brise, de craquements, de coups de marteau ; et que le retour de l’ouïe est précédé de sifflements et de battements auriculaires.
Les divers systèmes de neurones de sensation sont susceptibles do se rétracter individuellement chez les hystériques.
Quand la rétraction porte sur les neurones de sensation tactile ou kinétique (anesthésie cutanée, musculaire, articulaire), des ondes nerveuses n’en continuent pas moins à parcourir le grand arc diastaltique spino ou bulbo-cérebello-spinal ou bulbaire. Ainsi s’explique qu'un hystérique, anesthésique des membres inférieurs, puisse marcher et courir sans tomber, et qu’un hystérique anesthésique des membres supérieurs puisse faire les mouvements nécessaires pour retenir dans sa main un objet qu’il ne sent pas.
Il est à remarquer que les anesthésies hystériques ont une prédilection pour le côté gauche du corps, et que, dans le cas d’anesthésie généralisée, le côté droit recouvre d’ordinaire sa sensibilité avant le côté gauche. Cela tient à ce que le côté gauche du corps étant, comme on sait, moins actif que le côté droit, reçoit moins d’impressions tactiles et kinétiques ; de telle sorte que les neurones de sensation de l’hémisphère droit, moins entraînés à l’extension que ceux de l’hémisphère gauche, se rétractent plus facilement, et, rétractés, ont plus de peine à s’étendre. De même si l’anesthésie des parties profondes chez les hystériques est plus prononcée et plus persistante que Panesthésie cutanée, c’est que la peau, étant sans cesse impressionnée par les mouvements de l’espace, les neurones de sensation, qui lui correspondent, sont mieux entraînés à l’extension, que ceux qui correspondent aux parties profondes.
Chaque centre sensoriel se compose lui-même de sous-centres, formés chacun de neurones nettement différenciés, et qui peuvent se rétracter individuellement. C’est ainsi que tel hystérique atteint d’agueusie, pourra n’être agueusique que pour une saveur déterminée, ou au contraire être insensible à toutes les saveurs sauf une, comme ce malade de Gilles de la Tourette qui ne sentait plus que le goût du jus d’oignon. De même un hystérique pourra être aveugle pour certains objets déterminés ou pour une couleur déterminée, et pour ces objets et cette couleur seulement.
La macropsie hystérique paraît due à la dilatation des neurones de sensation visuelle, la micropsie à leur contraction, et la déformation des objets à la déformation des neurones. Ces phénomènes peuvent d’ailleurs être obtenus expérimentalement par l’emploi du haschich, comme j’en ai fait l’expérience sur moi-même. Quant à la polyopie monoculaire des hystériques, elle parait due, dans un certain nombre de cas, à
la segmentation du centre visuel par des plans de neurones rétractés (').
Les hypoesthésies et les anesthésies hystériques pourraient aussi bien s’expliquer par la rétraction des neurones des voies centripètes, et si j’admets, comme cause principale de ces troubles de la sensibilité, la rétraction des neurones de sensation, c'est que l’hystérie est avant tout une maladie cérébrale.
Mais il est certain que les neurones des voies centripètes se rétractent aussi dans l’hystérie. Cette rétraction est le plus souvent secondaire. Elle est due au spasme des petits vaisseaux qui nourrissent les télodendrones et à l’asphvxie consécutive de ceux-ci.
La contracture des fibres musculaires vaso-motrices est, au témoignage de Bechterew, (2) consécutive à toute anesthésie d’origine cérébrale, quelle qu’en soit la cause. Dans l’hystérie cette contracture a pour effet d’augmenter l'anesthésie (cercle vicieux), et de déterminer en outre des troubles sensoriels du même côté. C’est du moins par ce mécanisme que finies (3) explique l’amblyopie hystérique. En effet, l’amblyopie hystérique n’est pas due à la rétraction des neurones de sensation de la scissure calcarine, car, s’il en était ainsi, on aurait, lorsqu’un seul côté est intéressé, de Phémianopsie bilatérale homonyme, et non de Pamblyopie du côté anesthésié.
Le rétrécissement du champ visuel et des champs des couleurs est dû sans doute aussi à la rétraction des neurones des voies centripètes. Il est infiniment probable qu’il existe dans la rétine un système d’éléments spéciaux pour chaque couleur. Les divers champs chromatiques étant d’ailleurs homocentri-ques, on est conduit à penser que les éléments chromatiques sont intercalés les uns aux autres dans la partie centrale de la rétine, comme les cubes d’une mosaïque.
Dans un système d’éléments chromatiques donné certains
(1) On sait que Parinaud attribue la polyopie monoculaire hystérique à une contracture ou à une paralysie des libres musculaires de l’accommodation, et à la production d’images distinctes par les trois segments du cristallin. Mais, de l’aveu mémo de l’auteur, tous les cas ne peuvent s'expliquer par cette théorie. (Parinaud. De la polyopie monoculaire dans l'hysterie et les réfections du système nerveux. (Ann. d’oculist., mal-juin 1878). Les troubles oculaires dans riiystérie. (Ann. d'ocu-list., juillet-septembre 1900).
(•?) Bechterew : Ueber die Wcchselbe\iehung spvischen der geivôhnlischen und tcnsoriellen Andesthesie. (Functionsr.bnahme der Sinnesorgane) auf grund klinischer und experimenleller Daten. (Ncuroi Centrabl., 1894) Cf. ibid. Aus der Gaellschaft dsr Neuropat/i. und Psychiater an der Universilàt zu Kasan. Litz, 13 déc. 1802.)
(3) Knies : Die einseitigen centralen Sehsttorungen und deren Bezichungen jur Hysterie. (Neurol. Centralbl., 1893, 570 sq.)
éléments ont une plus grande tendance à se rétracter que les autres. Ce sont ceux qui, occupant la périphérie du système, sont les moins sollicités par les ondulations lumineuses, et les moins entraînés à l’extension. Ainsi s'explique que la diminution du champ visuel et des champs chromatiques ait lieu le plus souvent par rétrécissement concentrique, au lieu d’avoir lieu par échancrement ou de toute autre manière.
La plupart des causes susceptibles de déterminer chez l’hystérique une rétraction durable des neurones de sensation, peuvent aussi déterminer chez le sujet normal une rétraction momentanée de ces neurones. Il en est ainsi des traumatismes, de la fulguration, du froid atmosphérique et des réfrigérations locales qui peuvent produire, chez l’hystérique, des anesthésies durables, et, chez le sujet normal, des engourdissements ou des anesthésies momentanées. De même les bruits violents ou monotones, qui peuvent suffire à faire entrer un hystérique en état d’hypnose, provoquent aussi, chez le sujet normal, de Tassourdissemcnt et de la somnolence.
La privation des ondulations nerveuses centripètes (immobilisation, silence, obscurité) entraine aussi la rétraction des neurones sains.
Les causes qui déterminent la rétraction des neurones de sensation chez les hystériques peuvent aussi, différemment dosées, provoquer leur extension, je dirai même, en appliquant à la physiologie un terme psychologique, leur attention (ad tendere). Par exemple, un traumatisme déterminera une anesthésie; mais des frictions, des massages, des mouvements actifs et passifs feront reparaître la sensibilité normale chez un anesthésique. Inversement une anesthésie guérie par rélectri-sation médicale pourra reparaître sous l’influence d'un choc électrique. (à suivre)
SOCIÉTÉ D'HYPNOLÛGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 15 janvier 1001. — Présidence de M. Jules Voisix.
La séance est ouverte à 4 h. 40.
Après la lecture du procès-verbal de la dernière séance, M. Félix Regnault présente quelques observations au sujet de la communication faite le mois dernier sur la psychologie des sentiments affectifs, par MM. Bérillon et Paul Magnin.
Le procès-verbal mis aux voix est adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres de MM. Branly, Aragon et Seghers. Il communique à la Société la liste des conférences qui auront lieu à l’institut psycho-physiologique, le vendredi de chaque semaine, à 8 heures et demie du soir ; il fait connaître également le programme des cours de l’Ecofede Psychologie dont l'inauguration est fixée au lundi 21 janvier 1901, sous la présidence de M. Tarde, professeur au Collège de France, membre de l’institut et de la Société d’iîypnologie.
M. Seghers fait l'analyse d’un ouvrage de M. Agathon de Potter, intitulé La Logique.
M. le Président met aux voix la candidature de M. Bénito Silvain, docteur en droit. Cette candidature est adoptée à l’unanimité.
La séance est levée à 6 h. 35.
La Psychologie des sentiments affectifs
Noie complémentaire (‘) par M. le Dr Félix Regnault.
On a beaucoup discuté sur l'origine de la sympathie. Les sentiments et les actes sont contagieux sur des êtres réunis en société. Les mouvements dûs à la colère, à la peur... se communiquent à ceux qui les perçoivent, et en même temps les sentiments qui les produisent.
Si on souiîrc de la douleur d’autrui, on a intérêt à faire disparaître celte douleur, c’est l’origine de l’altruisme. Une question fort controversée est de savoir si l’altruisme n’est qu’une forme de l’égoisme. Cela dépend du sens qu’on donne à ce dernier mot. Si on entend par là obéir à ses sentiments, oui ; mais si on prétend que l’altruisme agit en vue d’un intérêt matériel, non.
Ainsi on souffre de la peine de son voisin, en lui portant secours on fait cesser sa douleur propre; mais cet acte peut être pour soi-même la source de souffrances physiques.
L’origine de l’antipathie (anli, à l’opposè;paschein, souffrir)achèvera de nous éclairer. Un sujet A animé de l’esprit d’opposition, au lieu d'imiter les actes de son voisin B, en commettra d’opposés. A rira si B pleure, A attaquera si B fuit, etc.; ces actes produiront chez A des sentiments opposés à ceux qu’éprouve B, ce sont des sentiments antipathiques.
Ajoutons qu’un esprit d’opposition aussi développé est exceptionnel, car il est antisocial. Mais l’antipathie se manifeste en certains cas, s’il s’agit d’un ennemi, d’une personne que l’on hait, en temps de guerre, etc., etc, (2).
(1) Voir Revue del'Hypnotisme, Mart 1901, page 274, la communication de MM. les Dr* Bérillon et Paul Magnin. (Séance du 1S décembre 100!.)
(2) Voir, pour plus de détails, Revue de l'Hypnotisme 1000, p. IGi, et o Imitation et suggestion », Correspondant médical, 15 octobre 1896.
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« Pour savoir hypnotiser, il ne suffit pas d’étre suggestionneur, il faut être psychologue. »
Prenons un sujet endormi, il s’agitdelui communiquer une croyance. On distinguera plusieurs procédés :
1° La simple affirmation ou suggestion. C’est un procédé en général efficace; car dans l'hypnose la suggestibilité est poussée au maximum. Mais il ne suffit pas toujours, surtout quand le sujet n’est pas dressé, et il faut recourir à d’autres moyens.
2° Si le sujet a l’esprit d’opposition, fréquent chez les hystériques, on ne donnera pas un ordre brutal qui le pousserait à prendre le contre-pied de ce qu’on veut; on éoiter&\& parole de commandement si efficace chez les sujets dressés à l’obéissance; on affirmera par des paroles douces, assurées, sympathiques. Parfois, pour vaincre cet esprit d’opposition, on peut émettre des doutes sur le succès, parler interrogativement, etc.
On use la résistance en répétant la suggestion sous différentes formes, en la faisant pénétrer par les divers sens, etc.
3° On recourt aux sentiments. Il importe de songer que la personne la plus suggestionnable possède des sentiments profondément enracinés qu'il ne faut pas contrecarrer. Au contraire il est bon de les évoquer pour la réussite des croyances que Ton veut imposer à l’hypnotlsé, c’est de la persuasion.
Si on veut lui faire commettre un acte contraire à ses sentiments, il faut ruser de sorte qu’il ne voie pas cette opposition, qu'il ne s’en doute pas.
4° En certains cas on devra recourir au raisonnement ; un raisonnement plus ou moins serré, plus ou moins logique suivant les sujets : il faut les convaincre.
Donc, bien que le sujet hypnotisé soit éminemment suggestionnable, il faut souvent le persuader, le convaincre, recourir à des artifices oratoires.
On voit que le mot hypnotisme est plus large, plus compréhensif que celui de la suggestion. Cette analyse sera utile à la commission chargée de fixer la valeur des termes de la science hypnotique.
Stigmates de dégénérescence mentale et psychothérapie,
Par M. ie Docteur Paul Faiiez.
Nous avons lu, dans l’un des derniers numéros de la Revue de VHyp-notisme (‘j, une leçon fort intéressante faite à la Salué tri ère par notre honoré Président, M. le Dr Jules Voisin. 11 s’agissait, vous vous en sou-
venez, d'une femme qui présentait des stigmates de dégénérescence mentale avec phobies multiples.
Or, j’ai soigné, l’été dernier, une femme qui présentait des stigmates mentaux de même nature, et je désire vous exposer brièvement son cas pour deux raisons : 1° pour contribuer à montrer que ces stigmates mentaux de dégénérescence, quoique dérivant d’un fond à peu près identique, se diversifient considérablement dans le détail et présentent une symptomatologie très variée : 2° pour contribuer aussi à montrer que, dans ce cas, si la suggestion ne fait pas toujours merveille, elle n’est cependant pas négligeable.
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11 s'agit d’une femme âgée de 57 ans, M,ne C..., grande, forte, solidement charpentée et musclée.
Elle s’est mariée à 17 ans. Un mois après ce mariage, son mari tombe malade et elle le soigne, jour et nuit, avec un grand dévouement pendant vingt années. Elle est veuve depuis vingt ans.
Elle avoue qu'avant son mariage elie était peu équilibrée. Elevée en province dans un milieu de protestants convertis au catholicisme, mais restés puritains, elle a été, dit-elle, étouffée et comprimée. Obligée de se soumettre aux exigences étroites et mesquines de son entourage, elle s'est courbée de fait, non de consentement: elle se révoltait intérieurement, sans jamais laisser rien paraître au dehors ; jusqu’à son mariage, elle vécut solitaire, renfermée, concentrée.
Une fois mariée, la voilà transformée en garde-malade au bout d’un mois. Femme de son mari, elle ne l’est guère que de nom. Tout entière occupée à le soigner, elle passe de très nombreuses nuits à son chevet et supprime toute relation mondaine. Cela a duré vingt ans.
Aujourd’hui, elle prétend qu'une telle existence l’a « détraquée n, épuisée, usée. Elle se sent lasse, sans force, sans volonté, incapable de s’affranchir dc*s obsessions et impulsions tyranniques qui font de sa vie un véritable enfer.
En voici les principales :
I
Depuis 1868, elle s'imagine qu'elle porte malheur, qu’elle a, dit-elle, le mauvais œil. Elle énumère les nombreux parents ou amis dont la mort, prétend-elle, a été la conséquence d’un de ses actes, d’une de ses paroles ou d’une de ses pensées.
Celte crainte de faire mourir les autres la harcèle aujourd'hui jusqu'à « quarante fois par minute ». — à ce qu'elle soutient. Et, pour détourner de ceux qui lui sont chers le mal qu’elle s'imagine leur causer en pensant à eux, en leur parlant, en leurserrantla main, etc., elle a pris l’habitude, suivant son expression, de conjurer immédiatement le malheur qui va arriver et cela en le rejetant sur des indifférents qu’elle a vus
dans la rue ou en omnibus, voire môme sur des bôtes. Ce besoin do copjurer s’impose à elle d’une manière irrésistible.
II
Depuis 1877, elle n’ose regarder les gens en face ; elle fuit leur regard, comme si, dit-elle, elle était honteuse ou avaitquelque chose à se reprocher. Cela ne lui arrive qu'en présence des hommes, sans qu’il s'y mêle aucune mauvaise pensée, s’empresse-t-elle d’ajouter, car elle se trouve horriblement gênée, même devant un vieillard, devant son fils ou des indifférents qu’elle n’a jamais vus. Elle en souffre doublement, d’abord parce qu’elle a le sentiment d’être ridicule, ensuite parce qu'elle se dit : « Si j’ai l'air embarrassé, qu’est-ce que ce monsieur va penser de moi ! »
III
Il y a sept ans, en 1893, elle a peur d’un cheval emporté* et ses règles sont supprimées tout d’un coup. Dès lors, elle qui a toujours été très calme du côté des sens, — et pendant les vingt ans qu’a duré la maladie de son mari et pendant les vingt années de son . veuvage, — éprouve des sensations génitales qui surviennent sous forme de crises aiguës, d’abord deux fois par jour, à heure fixe, puis plus souvent, quand elle concentre son esprit, quand elle fait les comptes de sa cuisinière, surtout quand elle est à l’église. Ce sont, dit-elle, des soubresauts, des spasmes; c’est comme si un enfant me remuait dans le ventre ; j’éprouve une irritation extrême et me trouve dans un état intolérable. Au lit, je mords mes draps ; le jour, je me raidis, mais en vain; j’ai beau essayer de résister, toujours je finis par être vaincue : une impulsion violente entraine ma main, tel un enfant qui, pris d’une rage de dents, s’enfonce les doigts dans la bouche. Si j’avais recherché ces sensations, continue-t-elle, j’aurais vécu autrement : les occasions de me remarier ne m'ont pas manqué. Jadis, le Dr Luys m’avait dit : « Si vous voulez vous guérir, remariez-vous ! s .Te ne suis plus retournée le voir, tellement j’ai été indignée de ce conseil.
Néanmoins elle se désole d'être en proie à ce besoin irrésistible dont, tout de même, elle a honte.
IV
Deux ans après, en 1895, il s’est surajouté quelque chose de nouveau.
Mu,° C... a été jadis fort jolie et il lui est très désagréable de se voir vieillir. Elle a entendu dire que, grâce à l’électricité, on pourrait prévenir les rides et empêcherla figure do se déformer. Elle a donc suivi un traitement électrique chez un spécialiste en la matière.
Or, bientôt, elle prétend qu'on lui a précisément déformé le visage, qu'on l’a « aplati d’un côté et élargi de l’autre Elle se voit« la figure
de travers ». A chaque instant elle se regarde dans !a glace pour constater et déplorer à la fois sa prétendue asymétrie faciale.
Pour y remédier, elle se met à tirer sur ses muscles du visage; elle les masse, les malaxe, les triture, et cela à l’église, en omnibus, en voiture, chez elle, toutes les fois qu'elle est seule. A force de me « tripoter » la figure, dit-elle, je me l’abime davantage, mais je ne puis m'en empêcher.
Voilà donc encore une impulsion violente et irrésistible,
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* *
Mm* C... se plaint de ne plus pouvoir trouver ses mots ni condenser ses idées. Cependant elle parle avec volubilité pendant des demi-heures et des heures entières. Incapable de vouloir, elle « se manque à elle-même n et se lamente de sa détresse morale.
Un rien lui cause des angoisses. Par exemple, avant d’ouvrir une lettre, elle souffre « terriblement », car elle sent, dit-elle, qu’il va lui arriver quelque malheur! Si une lettre de son fils est en retard d’un ou de deux courriers, M“° C... devient inquiète, nerveuse, agitée ; elle s’affole, craint que son fils ne soit mort ou n’ait été tué et, aussitôt, elle lance dépêche sur dépêche.
Elle a l’obsession du chiffre 8. Le 8 de chaque mois, très régulièrement, elle passe une mauvaise nuit. Il lui arrive quelque chose de fâcheux quand elle va dans une maison qui porte le n° 8 ou quand elle reçoit une personne qui habite un n° 8. Sa mère avait l’obsession du ch'ffre 7, sa grand’mère celle du chiffre 13.
A chaque dizaine d’années, elle a, prétend-elle, une crise violente de l’imagination ou des sens, à quarante ans plus qu'à trente, à cinquante plus qu’à quarante ; colle qu’elle aura à soixante ans sera également, prophétise-t-elle, plus forte que les précédentes.
Le vert et le bleu exercent sur elle une heureuse influence; le jaune, au contraire, lui est désagréable et funeste. Comme l'or est jaune, elle ne porte ni chaîne ni bijou. Elle ne peut souffrir la musique instrumentale; le chant, toutefois, la met en extase.
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Mrao C... a une hérédité assez chargée. Sa grand’mère est morte folle; son grand'père larmoyait dès qu’il entendait quelque note de musique; son père était irritable, passionné, violent. Sa mère présente un état mental analogue à celui de sa siile et toutes deux exercent la plus détestable influence l’une sur l'autre.
La mère de Mm0 C... a deux cauchemars dans son existence : ses domestiques et sa belle-fille.
Ses domestiques veulent l'empoisonner ; déjà iis l’ont tenté plusieurs fois. Rien cependant ne servirait d’en changer, car les nouveaux seraient bien vite subornés par sa belle-fille. Aussi, quand il lui arrive d’aller diner chez son fils, eile emporte son eau et son pain ; l'été, lorsqu'elle est à la campagne, elle fait venir son eau de Paris.
Quant à sa belle-fille, c'est une envieuse, une jalouse, une intrigante. une « vraie ficelle d; elle se conduit mal avec un haut dignitaire du clergé catholique, elle gagne les domestiques de sa belle-mère pour isoler celle-ci du reste de la famille, pour l’empoisonner, etc., etc.
Mm0 C... et sa mère n’habitent point ensemble, mais elles se voient tous les jours et ressassent perpétuellement ensemble ces prétendues histoires d’empoisonnement ou d’inconduite; elles se montent toutes deux contre ladite personne qui, prétendent-elles, les fait suivre, devine leur pensée avant qu’elles aient parlé, etc. En somme, elles se rendent très malheureuses ; elles ont renoncé au monde, no voient personne, vivent en solitaires et ont pris la vie en dégoût.
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M»« C... est depuis de longues années soignée par l’un des médecins les plus recherchés du corps des hôpitaux. Elle va le voir en moyenne une fois par mois. S’il la * reçoit bien », elle se trouve bien pendant un mois; si, d'après les moindres indices, elle se ligure qu’il est affairé, soucieux, fatigué, elle se trouve mal pendant tout le mois qui suit.
Ce médecin, sans pratiquer délibérément l'hypnose, exerce personnellement sur ses malades une influence psychique considérable. En sa présence, M“° C... est comme engourdie et ne sait pour ainsi dire plus parler ; elle ne retrouve sa pensée qu'une fois sortie de chez lui, mais la main qu’il lui a serrée est restée chaude ; elle se sent remontée et réconfortée; elle a trouvé en lui le guide, le soutien moral, le directeur de pensées dont elle a besoin.
Or, sous l’influence d’ennuis et de préoccupations de divers ordres, il y aeuchezMmc C... une recrudescence des symptômes morbides. C’est alors que ce médecin m’a fait l’honneur de m’adresser sa malade, en me priant de la soumettre systématiquement à un traitement psychothérapique suivi.
J’ai eu l’heur d’obtenir de Mia» C... la confession détaillée de toutes ses misères : elle me raconta des choses qu’elle n’avait jamais osé, disait-elie, raconter h un médecin. Elle en éprouva un grand soulagement. Mais cela ne suffisait pas et je me mis en devoir de la soumettre au sommeil provoqué pour la suggestionner plus aisément.
Ce ne fut pas très facile.
En effet, à notre première séance, Mme C... est incapable de maintenir fixement son regard et de concentrer son attention. Désireux de m’adresser alors non plus à l’appareil de la vue mais à celui de l’ouïe, je la prie de fermer les yeux et je les lui tiens clos avec ma main. Mais, pendant que je m’efforce de provoquer l’hypotaxie par le maintien d’une sensation auditive, monotone et uniforme, sa pensée distraite vagabonde à "aventure. Bien plus, dès qu’elle s’est aperçue que ma main persiste à lui occlure les paupières, elle so préoccupe du mal qui va résulter pour moi de ce contact et, charitablement, elle ne cesse de « conjurer b suivant son expression.
Cependant, petit à petit, à force de patience et de ténacité, je suis parvenu à la plonger dans un état suffisant d’hypotaxie. Elle n'a jamais dormi, h proprement parler, et n'a jamais complètement perdu la conscicnce de ce qui se passait. Cependant elle se trouvait engourdie; ses membres lui semblaient très lourds et elle n’aurait pas pu se lever; elle éprouvait un grand sentiment de bien-être et sentait que la suggestion agissait puissamment sur elle.
Nos séances ont eu lieu d’abord tous les jours, puis tous les deux ou trois jours. Chaque fois, elle nie disait qu’elle était heureuse de venir: elle éprouvait un grand soulagement à s’épancher auprès de quelqu'un a qui l'écoutait, se montrait compatissant, comprenait ses maux et s’appliquait à les soulager. » A la fin de chaque séance, elle déclarait se sentir très bien.
M“'C... se trouve bientôt plus calme et passe de bonnes nuits. Les crises des sens deviennent de plus en plus rares, puis disparaissent tout à fait; après la quatrième séance, elle a pu rester toute une journée sans se tripoter et ce triomphe la rend très fière. Petit à petit, les conjurations diminuent, sans toutefois disparaître complètement; mais elles ont un caractère beaucoup moins impérieusement tyrannique. Ces divers phénomènes morbides ont parfois une tendance à récidiver; parfois survient une petite rechute, à laquelle la suggestion remédie, au moins pour un temps.
Il va sans dire qu'en outre des séances de suggestion, j’eus soin de surveiller ses fonctions digestives, comme aussi de lui trouver un emploi du temps minutieux et varié, de telle sorte qu’à chaque heure du jour elle fût distraite de ses obsessions coutumières. Je lui dosai ses lectures; je lui fis faire des rédactions sur des sujets déterminés ; j’obtins qu’elle écrivit le résumé de telle lectureet le récit detelle promenade; je l’envoyai faire de fréquentes visites à ¡’Exposition ; suivant mes indications. elle assista régulièrement aux réunions des sociétés philanthropiques dont elle faisait partie; elle fit de la bicyclette en chambre, se remit aux travaux de dentelle et de tapisserie, prit des leçons de peinture sur émail, etc.
De plus, afin de lui procurer une certaine asepsie psychique, j’insistai pour qu’elle vit sa mère beaucoup moins souvent et pour que, systématiquement, elle s’appliqua: à l'entretenir de toute autre chose que des prétendues infamies de sa bella-sceur.
Nous avons ainsi obtenu tout un mois de tranquillité.
Or, un beau jour, M*# C... m’arrive et médit: a Depuis hier, je conjure sans cesse et je me tripote de plus belle ! » Elle avait, par hasard, rencontré à l’Exposilion sa belle-scour tant exécrée : cette rencontre fortuite avait suffi pour décîancher ce que nous avions si. laborieusement échafaudé.
A la suite de cette sérieuse rechute, j'ai eu beaucoup de peine à rétablir un calme relatif. Mm0C... dut alors quitter Paris pour aller s’installer à la campagne, comme chaque année.
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Dans les cas analogues à celui qui vient d’ètre rapporté, la cellule nerveuse, plus ou moins tarée, esc ce qu’elle est, et aucun moyen thérapeutique n’est susceptible d’amener une restilutio ad integrum. Cela est tellement vrai que Charcot jadis aurait dit à Mme C... « Vouloir vous guérir ? Autant vouloir empêcher l’eau de couler. » Cependant, la psychothérapie, sous toutes ses formes, permet de rassurer la malade, de lui rendre le calme, de lui faire prendre patience, de lui procurer quelque allégementet quelque répit. Sans doute les améliorations sont fragiles et un rien provoque une rechute : de toute manière, il faut que l’on revienne à la charge souvent et longtemps. Néanmoins, quoique la suggestion ne donne guère dans ces cas des résultats très durables; son action est suffisamment appréciable pour qu’on la recommande, à condition, bien entendu, qu'on n’ait pas l’imprudence de lui demander plus quelle ne peut donner.
Les trois périodes historiques de l’hypnotisme : spirites, magnétiseurs, psychologues, par le Dr Félix Reg.wyult.
Les sciences ont passé par trois phases, fétichiste, métaphysique, scientifique. (Auguste Comte).
L’hypnotisme possède toujours des adeptes de ces trois doctrines:
1° La première ou fétichiste admet que les phénomènes hypnotiques sont dûs à une divinité. Tous les sauvages ont cette conception, elle a été celie de l’antiquité. Aujourd’hui les spirites croient encore aux esprits.
2° La théorie métaphysique admet comme cause un fluide nerveuxou magnétique spécial, sans qu’on recherche d'ailleurs la nature ou les propriétés du dit fluide. Déjà l’antiquité croyait que le pouvoir des dieux agissait sur ¡’hypnotisé au moyen d’une force. Un exemple entre mille: Jésus dans les évangiles admet qu’il guérit en vertu d'une force qui sort de lui. Il dit: « quelqu’un m’a touché, j’ai senti une force sortir de moi. » (Luc, vin, 46). Mômes expressions dans Luc, vi, 19.
Mais, pendant l'antiquité et le Moyen-âge, on ne sépara point le fluide, la force, de la puissance divine ou diabolique qui l’émettait f1).
Paraeelse le premier, au xvi® siècle, sépara le fluide magnétique du dieu qui l’émettait et crut l’hypnotisme causé par l’ens spiritale,
(!) Cette conception du Dieu versant un fluide existe dan3 de nombreux tableaux religieux. Michel-Ange, {Chapelle Sixtine, Création do i’homrae), montre Dieu versant la vie dans le corps d'Adam par son index étendu vers ¡’index du premier homme.
i° Catherine en extase reçoit les stigmates par le Christ cui lui envoie de scs cinq plaies le fluide sens forme de rayons; et ce fluide,frappant les parties corres-
nom donné à une émanation animale, un fluide, une substance invisible, impalpable, qui agit à distance sur les corps qui nous environnent.
À la suite de Paracelse, nombre de savants du xvi6 el xvii0 siècles admirent l'influence magnétique. Mesmer, auquel on attribue la paternité de cette théorie, n'a fait que la développer; on sait qu’elle est encore fort en honneur de nos jours.
3° La période scientifique a commencé quand on a relié ces phénomènes à ceux psychologiques. Elle seule faitl’objet des études de notre Société.
DISCUSSION
M. Paul Farez. — Les disciples immédiats de Mesmer prétendaient que celui-ci était le premier inventeur de la doctrine fluidique. M. le Dp Félix Regnault a tout à fait raison de signaler que les ouvrages de Paracelse en font mention. Or c’est encore trop accorder à Mesmer que de dire qu'il a développé cette doctrine.
Mesmer, au point de vue théorique, n'a absolument rien apporté de nouveau. 11 s'est contenté de rééditer intégralement, presque mot à mot, ce que les philosophes-médecins de la fin du xvi® et du commencement du xvii* siècle avaient enseigné au sujet du fluide universel.
Il existe, disaient-ils. un fluide impalpable, d'une ténuité extrême, répandu dans tout l'univers; ce fluide pénètre partout, il vivifie la nature, il est la cause directe de tout ce qui existe, il est le moyen d’action réciproque entre les corps.
L'univers est donc plongé dans un vaste océan de fluide: chaque être vivant possède en lui un courant particulier détourné de ce vaste océan et qui préside à toutes scs fonctions vitales.
Si, à un certain moment, dans certaines circonstances, ce courant de fluide est altéré ou diminué, l’individu est malade el, pour le guérir, il suffira de renforcer sa quantité de fluide.
Telle est l’origine de ces fameux traitements magnétiques par sympathie ou par action à distance, préconisés p^r les médecins les plus éclairés de la fin du xvic siècle.
Mais, à la fin du xvhi* siècle, ces notions étaient justement tombées dans l'oubli : l’observation scrupuleuse des faits et l’expérimentation rigoureuse avaient remplacé les systèmes et les hypothèses.
C'est aux environs de 1772 ou 1775 que Mesmer, exhumant ces idées surannées, les fait revivre, tout en émettant cette exorbitante prétention de pouvoir personnellement disposer du fluide universel et le fixer où bon lui semblait.
Dans un ouvrage qu’il a publié en Î82G, un disciple de Faria, le Dr Alexandre Bertrand résume les principales thèses mesmériennes et,
pondantes du corps, produit les stigmate?. Portrait de cette sainte par Giovanni de Vecchi ¡’église Santa-Maria sopra Minorva, à Romo.. etc. Jîn d'autres tableaux les stigmates deviennent eux-mi-mcs source de fluide qui s’en échappe sous .'orme de rayons. (Tableau de Sodorna à l’église Safnt-Dorainique, à Sienne), etc.
en regard de chacune d'elles, il cite un texte presque littéralement identique, emprunté à l’un des ouvrages de Paracelsc-, Van Ilelmont, Gocîenius, Burgravius, Wirdig, Kircher, Santanelli et surtout Maxwell.
Il convient donc de bien préciser ce point d’histoire. En ce qui concerne la pratique, Mesmer fut sans doute un opérateur d’une habileté incomparable etses résultats, curatifs ou expérimentaux, sont, pour la plupart, indéniables ; mais en ce qui concerne la théorie, il n’a montré aucune espèce d'originalité et même toutes ses idées sont un plagiat pur et simple de ce qu'enseignaient deux siècles auparavant les médecins et les philosophes qui viennent d’être cités.
COURS ET CONFÉRENCES
Forme particulière de somnambulisme sous l’influence d'une suggestion involontaire (»)•
Par M. le professeur Raymond.
Voici une jeune fille de dix-neuf ans qui fait le tourment de sa famille. A n’importe quel moment de la journée, tout à coup ses paupières battent, ses yeux se ferment et elle s’endort. Alors elle bavarde à tort et à travers, raconte ce qui lui passe parla tête, même les choses les plus intimes; elle s’habille et se déshabille, tout en continuant à dormir ; elle regarde les personnes qui l’entourent, mais sans les reconnaître, à moins que son rêve ne l'amène à parler de ces personnes : alors elle converse avec elles. Quand on la touche, elle pousse des cris et prétend qu’on la brûle. Elle reste ainsi de quelques minutes à une demi-heure, quelquefois plus, puis elle sc réveille'avec amnésie complèto pour tout ce qui vient de se passer. Cette scène se renouvelle trente ou quarante fois dans la même journée. Il s'agit là, on lo voit, d'un accès spécial de somnambulisme naturel.
Cette jeune fille est née jumelle d’un père alcoolique. Sur tout le côté gauche du corps, principalement à l'épaule, au thorax, au ventre, à la hanche, elle présente des douleurs dues à la contracture des muscles sous-jacents, puis, de même, une certaine contracture du masseter et en outre de l'hypoesthésie pour tous les modes de la sensibilité. Elle a présenté de l'incontinence d'urine et a été, tout récemment, fort chagrinée parce que son frère s’est marié contre le gré de sa famille. Elle s'intéresse beaucoup à un de ses voisins, Georges, dont elle parle souvent pendant ses accès de sommeil. Or, Georges lui a raconté qu'il avait vu un de sesoncles hypnotiser des sujets : ceux-ci sc mettaient à bavarder et à raconter leurs secrets : iis souffraient à crier dès qu’on les touchait, etc. Or, un beau jour, au lieu de faire une crise hystérique franchement
(t) Présentation de malode fniie à la Clinique des maladies du système nerveux, h la Salpôtrière.
convulsive, cette jeune fille a réalisé son accès dans le sens du récit que lui a fait Georges. Il s’agit donc d'une transformation de la crise hystérique en un somnambulismeparticulier sous l'influence d’une suggestion involontaire.
M. Janet endort, comme vous le voyez, cette jeune fille; il lui persuade que tout cela disparaîtra, qu'elle ne souffrira plus, qu'elle ne s'endormira plus dans la journée, etc. Elle est maintenant à peu près guérie. Donc l’hypnotisme employé quand il faut, peut, comme dans ce cas, donner des résultats excellents.
DEUXIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE.
De la suggestion hypnotique et de la psychothérapie dans le traitement de la morphinomanie
Par le Dr Bérillon ( de Paris)
La psychothérapie, c’est-à-dire l’emploi de la suggestion hypnotique, ayant pour base la rééducation systématique de la volonté, permet, dans la majorité des cas d’arriver à la guérison de la morphinomanie, aussi bien que des diverses intoxication chroniques, sans avoir recours à l’isolement des malades dans un établissement spécial.
Le traitement psychothérapique comprend quatre périodes distinctes :
1° Période de préparation au TRAITEMENT. — La première partie de cette période sera consacrée à l’examen psychologique du sujet. On procédera ensuite à l'entraînement hypno-suggestif. Plus on rendra 3e malade suggestible et hypnotisable, plus il sera facile de diriger le traitement. Les premières suggestions devront tendre à réaliser la rééducation de la volonté et à préparer le malade à la lutte qu’il devra soutenir pendant le cours de la démorphinisation.
La durée de cette période préparatoire est d'environ quinze jours.
2° Période de diminution graduelle de la morphine. — Apres une quinzaine de jours d'entraînement à l'hypnotisation, le malade conscient de l'amélioration qui s’est manifestée dans son état mental, accepte facilement l’idée de la démorphinisation graduelle. Dès ce moment, le séjour complet au lit lui sera imposé. L’entrce de la chambre du malade no sera permise qu'aux personnes désignées par le médecin. Par ce fait, le malade se trouve placé dans un isolement relatif.
Par la suggestion hypnotique, on obtient également que le malade abandonne au médecin le soin de faire les piqûres.
Dans ces conditions, la suppression graduelle s'efTectuera régulièrement d'après le programme accepté par le malade lui-môme. Aucune dissimulation ne lui sera faite de la dose réelle qui lui est administrée. Dans cette période, l’emploi de la suggestion hypnotique facilite la diminution en soutenant l'énergie du malade et en atténuant les sensations de l’état de besoin. La durée de cette période varie de deux à trois semaines.
3° PÉRIODE de suppression complète. — Lorsque le malade ne prend plus que quelques centigrammes de morphine par jour, le malade, obéissant à la suggestion, fixe le jour de la suppression.
En prévision des troubles mentaux qui accompagnent toujours cette suppression, le malade devra être placé sous la surveillance constante d’un médecin ou d'un interne secondé par des gardes expérimentées. Cette surveillance est facilitée par le séjour au lit auquel le malade s'est accoutumé dans la seconde période. Pendant la période de suppression, le malade sera, autant que possible, maintenu dans l'état de sommeil provoqué. Les narcotiques, employés par la voie buccale ou rectale ; les anesthésiques (éther, chloroforme) constituent d’excellents adjuvants à l’hypnotisme. L’emploi de la suggession diminue d’une façon appréciable la durée des troubles mentaux. Elle dissipe les nombreuses manifestations hystériques qui se manifestent avec intensité pendant les jours qui suivent la suppression; elle permet au malade de réagir contre des défaillances morales passagères, et surtout elle fortifie l'autorité morale du médecin. La troisième période est assez courte pour les malades chez lesquels la suppression graduelle a été faite d’une façon régulière. Elle est d’environ une semaine.
*o Période de convalescence. — La période de convalescence est d’autant moins longue que le traitement a été effectué avec plus de méthode. Pendant un certain temps, le traitement hydrothérapique devra être continué. Le malade sera soumis à une séance quotidienne de suggession hypnotique. On devra y joindre des exercices d'entraînement psycho-mécaniquc destinés à reconstituer son énergie physique et morale. Des suggestions appropriées auront pour but d’inspirer le dégoût de la morphine et la répulsion pour les piqûres, de réaliser la guérison des troubles hystérlformes et, enfin, de faciliter la restauration de la fonction menstruelle chez la femme.
Eu résumé, l’emploi de la suggession hypnotique constitue un adjuvant des plus efiicaces dans le traitement de la morphinomanie.
Il permet de réaliser des guérisons complètes dans des cas où l’emploi des autres traitements n’avait donné que des résultats insuffisants.
La suggestion hypnotique dans le traitement de l'alcoolisme et de la morphinomanie.
Par le Dr Arie :*e Jong (de La Haye).
1. — Les résultats obtenus dans le traitement par suggestion hypnotique de l’abus des boissons alcooliques principalement, mais aussi dans le traitement du morphinisme sont un des plus grands triomphes de la psychothérapie.
2. — S’il est possible qu’il existe encore chez quelques-uns certains doutes sur la valeur thérapeutique de la suggestion hypnotique, cc doute ne peut point exister en ce qui concerne sa grande valeur dans le traitement de l'abus des boissons alcooliques et du morphinisme.
3. — Il n'y a que deux méthodes de traitement contre l'abus des boissons alcooliques, auxquelles on peut attribuer de la valeur.
i° La méthode par suggestion hypnotique;
2° Le traitement dans l’asile.
De ces deux méthodes, c’est la première qui est préférable, naturellement, quand il n’y a pas de circonstances particulières qui exigent le traitement dans l’asile.
Les résultats du traitement par suggestion hypnotique sont généralement meilleurs et le traitement est plus à la portée de tout le monde.
— Dans les »tatistiques des asiles, on trouve notés parmi les personnes qui ont quitté l’asile des malades partiellement guéris ou améliorés. Généralement, on peut lire pour le mot améliorés : récidivistes.
Si les buveurs ne s'abstiennent pas entièrement, ils ne sont pas guéris, et ils ne sont pas améliorés non plus, parce que généralement ceux qu’on appelle améliorés recommencent à boire comme auparavant.
5. — Si un buveur est assez suggestible, assez sensible à la suggestion hypnotique et que le traitement ne donne pas un résultat suffisant, il faut toujours penser à une cause organique et surtout au diabète.
G. — Dans le traitement du morphinisme, on trouve dans la suggestion hypnotique un moyen d’une très grande valeur, parce qu’elle nous met en état de diminuer les doses de morphine jusqu’à l’abstinence totale sans que le malade ait trop ù souffrir des douleurs qui accompagnent ces diminutions chez les morpninistes.
Posologie de l’hypnotisme.
Par le Dp Bonjour (de Lausanne).
Malgré les nombreux résultats favorables de la thérapeutique hypnotique, il y a des contradictions frappantes dans les résultats publiés jusqu’ici par les médecins hypnotiseurs. Il semble donc que l’hypnotisme est un remède non constant dans ses effets et qu’il est impossible de parler d’une posologie de l’hypnotisme.
L’indécision et la contradiction disparaissent en majeure partie si on veut considérer les points suivants :
1* On constate souvent de3 erreurs de diagnostic dans les livres relatant les cas de guérison par l’hypnotisme. Ces erreurs proviennent ou d'un manque personnel de connaissances médicales ou de l’étroitesse actuelle de nos connaissances, particulièrement eu cc qui concerne les sensations et les réactions nerveuses que nous croyons spéciales à telle maladie et qui peuvent se rencontrer dans d’autreâ maladies.
2* Les résultats du traitement hypnotique dépendent beaucoup plus des qualités du médecin que de la suggestibilité du malade. Si donc, le diagnostic est juste et si le médecin est spécialement doué pour ce genre de traitement, on peut observer que les résultats obtenus offrent une constance remarquable, cc qui permet d’afiirmer que îa suggestion hypnotique est réellement un remède qu’on peut manier avec sûreté et dont on doit pouvoir écrire la posologie.
On peut actuellement dresser un tableau des maladies justifiables du traitement hypnotique ot dire avec une assez grande approximation quel degré d’hypnose il faut provoquer dans chaque cas et combien de temps durera le traitement.
Je croîs que la guérison, dans le cas où l’hypnose est indiquée, dépend presque uniquement de la tare nerveuse du malade, qu'eilo soit acquise ou
héréditaire. La durée du traitement dépend évidemment aussi de ce facteur, mais surtout de la suggestibilité ou plutôt de l’émotionabilité du sujet.
Ces règles me paraissent si sures qu’on peut, au début, renvoyer tel malade parce qu’il souffre d’une maladie non justifiable de l’hypnotisme ou parce qu’il présente une tare nerveuse trop chargée, et accepter d'autres patients en leur promettant une guérison en tant de jours ou de semaines.
Je conseille de renvoyer tous ceux qu’on n’est pas certain de guérir ou dans les cas douteux de ne faire que quelques séances.
Ce n’est que de cette façon que l’hypnotisme peut gagner à être connu du grand nombre de médecins réfractaires à le conseiller ou l’employer parce qu’ils le croient un remède inconstant ou doué d’une telle efficacité qu'il peut guérir la foule des psychopathes auxquels on en recommande l’emploi.
Le daltonisme et l’éducation ehromatopsique pendant le sommeil hypnotique.
Par M. le docteur Paul Farez.
Pendant le sommeil hypnotique, un sens peut être exalté au détriment de tous les autres; il acquiert alors une acuité et une puissance extraordinaires ; les images qui s’y rapportent en sont plus nettes et plus précises ; elles sont mieux appréhendées par la conscience et se gravent profondément dans la mémoire. Partant de là, j’ai, grâce à l’hypnotisme, refait l’éducation chroma-topsique d’un jeune daltonien ; je lui ai appris à reconnaître et à différencier non seulement la qualité mais l’intensité d’une soixantaine de couleurs ; il est maintenant capable de reproduire par l'aquarelle, avec le ton qui leur convient, les diverses variétés de couleurs que comporte chacun des exercices auxquels je le soumets. L’hypnotisme peut donc servir à redresser et à réformer les fonctions sensorielles anormales ou perverties.
SOCIÉTÉS SAVANTES
Ecchymoses spontanées hystériques des quatre membres et des deux seins, avec hémathidrose, chez une jeune fille de treize ans et demi, par M. Léclèrë, Société médicale des hôpitaux, 27 avril 1900.
Cette jeune iille est bien réglée et se porte bien. Au cours de sa neuvième année, apparaissent deux taches ecchymotiques, au creux de l’un etde l'autre jarret ; elles persistent deuxmois. Vers la fin de l’année 1898 dans le mois qui suit l’installation des règles survient une tache ecchy-motique isolée sur le sein gauche, puis bientôt une autre sur le sein droit. Depuis celle époque, à des intervalles variables, des taches semblables apparaissent sur la moitié supérieure des seins, persistant une quinzaine de jours environ, après avoir passé par toute la série deteintes que présentent successivement les ecchymoses, depuis le rouge vif au début, jusqu’au jaune pâle delà fin. Dès le mois d’octobre 1899, ces ta-
ches ecchymotiques apparaissent à intervalles plus rapprochés; elles sont aussi plus nombreuses, trois, quatre, cinq, six, sept sur chaque sein. A leur tour les membres supérieurs présentent des taches semblables; l’an dernier, ce sont deux ecchymoses symétriques situées aux avant-bras ; depuis un mois les deux bras présentent, à l’extrémité inférieure de la région deltoidienne, deux taches symétriques.
Il ne semble pas qu’il existe de relation bien nette entre le retour des règles et l’apparition de cestaches. Ce sont les émotions morales, les préoccupations, les contrariétés qui semblent provoquer leur apparition, augmenter leur nombre, et aviver leur teinte purpurique.
Depuis un mois, un nouveau phénomène morbide u fait son apparition. Aux ecchymoses spontanées s’est jointe l’hémathidrose. A trois reprises différentes, la mère de cette jeune fille a constaté qu’une fine gouttelette de sang perlait à la surface de l’une des ecchymoses des seins et formait, au contact de la chemise, une petite tache.
Ces ecchymoses spontanées sont intéressantes par leur multiplicité, leur localisation et leur symétrie; elles constituent des troubles vaso-moteurs engendrés par l’hystérie. Ajoutons que ces taches sanguines sont le siège d'une hyperesthésie manifeste à la piqûre et au toucher, avec l’hémathidrose qui les accompagne elles permettent de comparer cette jeune fille aux stigmatisées dont les hagiographes nous ont rapporté l’histoire.
Psoriasis généralisé après un choc moral, par M. Ch. Audry
(de Toulouse), Société de dermatologie, 23 avril 1900.
Un homme de 30 ans présente un psoriasis nummulaire généralisé, respectant seulement la face palmaire des mains et des doigts. Ce psoriasis est typique et n'offre pas une seule anomalie morphologique. La teinte vineuse des papules est seulement un peu plus accusée qu’à l'ordinaire.
Le début de la maladie remonte à sept semaines. Ni lui ni sa femme n’ont jamais eu la moindre efflorescence sur la peau. Cet homme est meunier et jouit d’une excellente santé. Il y a sept semaines, il est au moulin; il entre dans la chambre où tourne l’arbre des meules, pour y prendre un objet; il a scs sabots, fait un faux pas et tombe detelle sorte qu’il effleure l’arbre et manque d'être saisi par une courroie; s’il est touché, c’est la mort certaine ! Cependant il évite la courroie, se relève et s’en va vivement ému, comme on peut le croire. Le soir même, il se plaint à sa femme de quelques démangeaisons; le lendemain malin, celles-ci sont plus franchement caractérisées et persistent. Le surlendemain, apparaissent les premières papules, ci, en l'espace de peu de jours, le corps s’en couvre complètement.
Les faits de ce genre ne sont pas très fréquenls. Aussi.importe-t-il de les relater. Leloir en a déjà rapporté quelques-uns; M. Besnier a éga-
lemenl observé un cas analogue. Il s'agit d’un homme qui, huit jours après un accident de chemin de fer, eut une poussée aiguô de psoriasis. De même que les émotions vives peuvent causer des altérations matérielles du cœur, de même des troubles fonctionnels intenses sont capables de provoquer des réactions trophiaues ou vaso-motrices. Il faut supposer néanmoins là-dessous une diminution préalable de la résistance normale et une tare nerveuse.
M. Barthélémy, de son côté, rapporte l’observation d’un cas de psoriasis émotif, prise jadis dans le service du professeur Pournier. Un homme âgé de 44 ans éprouva un choc moral d’une extrême intensité pendant la Commune: il faillit être fusillé : Tordre de surseoir à l’exécution arriva quand il était déjà près du mur. Un autre homme, retenu pendant dix-huit mois captif dans une forteresse prussienne pour nous avoir communiqué des renseignements relatifs aux défenses allemandes, attribuait son psoriasis à tous les tracas, ennuis et tristesses qu’il eut à supporter.
Paralysie de nature hystérique des membres inférieurs chez une
enfant de dix ans, par M. AUSSET, Société centrale de médecine du département du Nord, 23 mars 1000.
II y a un an, cette enfant s'est trouvée en contact avec uno folle et elle en éprouva une grande frayeur à la suite de laquelle elle manifeste des troubles nerveux divers. Le 26 janvier dernier, subitement elle ne peut plus marcher: elle est atteinte d’une pseudo-paralysie des membres inférieurs : elle ne peut soulever ses talons au-dessus du plan du lit, mais lutte néanmoins contre les mouvements communiqués d’extension et de flexion, les troubles de la sensibilité sont limités à la jambe et au pied. Cette malade est rapidement guérie par la suggestion.
Névrose traumatique et paramyoclonus multiplex, par M. !e D*- V.
P. PanvouCHINE, Conférence de la Clinique neurologique de Kajait, 10 janvier 1809. -
En 1895, un mécanicien âgé de 40 ans tombe d’une hauteur de 4 mètres et perd connaissance. Il devient bientôt craintif, tombre, excitable, il se plaint de lourdeur de tête, de céphalalgie, de vertige, d'inappétence, d’insomnie ; sa mémoire est diminuée ; puis, progressivement, survient un tremblement des doigts et des bras. En 181)7, lors d’une nouvelle chute, tous ces symptômes se trouvent exaspérés. Les contractions s'exagèrent par les émolions ; les convulsions cessent pendant le sommeil. Ce paramyoclonus est une manifestation de la névrose trauma-tique.
Un cas d’hystérie grave, par M. le I> E.-A. GuiZE, Conférence de la Clinique neurologique de Saint-Pétersbourg, 21 janvier 1899.
Un paysan, âgé de î9 ans, présente tout un ensemble de symptômes tels que : limitation des mouvements ocuiaires dans tous les sens, démarche parétique, affaiblissement musculaire à droite, effacement du pli naso-buccal droit, déviation de la langue à gauche, sensibilité diminuée à droite, région dorsale gauche douloureuse, parole diffuse et traînante, rire spasmodique, bâillement, dépression psychique, etc. Tous ces troubles sont survenus après une violente disputé de cet homme avec sa femme : ils se rattachent à l’hystérie, en raison du début brusque à la suite d’un traumatisme psychique, du rétrécissement du champ visuel, de l’absence de lésion oculaire et de l'héniiancsthésie.
Spasme hystérique de la glotte, par M. le Dr Chiari, Société de laryngol. de Vienne, 7 décembre 1809.
Une femme présente un état convulsiforme des constricteurs de la glotte ainsi que des troubles moteurs et sensitifs du ressort de l’hystérie. Elle se plaint en outre d’une dyspnée très intense ; de loin on peut entendre le bruit de sa respiration qui devient de plus en plus forte, à mesure qu’on approche du lit. La malade répond d’une voix presque imperceptible aux questions qui lui sont posées. L’examen laryngos-copique ne révèle qu’un état d’adduction des cordes vocales qui forment une petite fente triangulaire dans leur partie postérieure ; ce spasme des adducteurs ne peut guère avoir comme facteur étiologique que l’hystérie. Le traitement psychique est donc tout indiqué. On prend alors, parmi les tubes de dilatation, le plus volumineux et on signifie à la malade que si, le lendemain matin, elle ne va pas mieux, on sera obligé de lui introduire ce tube dans le larynx. Le lendemain matin, la malade déclare d’une voix assez distincte qu’elle ne se laissera pas introduire ce tube. Le bruit respiratoire n’existe déjà plus.
Hypnose au moyen du son drun diapason, par M. Urbantschitsch Société autrichienne d'otologie, 2G février 1900.
Une femme présente une perforation sèche des deux membranes du tympan; elle peut être très facilement hypnotisée au moyen des sons du diapason. Quand on fait vibrer fortement et longtemps un diapason situé près d’elle, elle tombe dans un sommeil hypnotique profond: elle obéit à toutes les suggestions et ne sent pas les aiguilles qu'on lui enfonce profondément dans la peau ; pendant cet état, on a même pu lui enlever des polypes du nez, sans qu’elle en éprouvât la moindre douleur. On la réveille en lui soufflant légèrement sur la facc.
Un cas d’aphonie rebelle avec apsithyrie occasionnelle,
par M. !e Dr Pegler .Société de laryngologic de Londres, 5 janvier 19(10.
Une jeune institutrice de vingt-deux ans, sujette à des extinctions de voix passagères à la suite de refroidissements, perd subitement la voix en février 1899; à part une courte guérison produite par l’application d'un courant galvanique, elle est, depuis lors, incapable de parler ; souvent même, elle ne peut chuchoter; pour causer avec ses amies elle §e sert d’un livre de conversation qu’elle porte toujours sur elle ou bien elle s’explique avec les doigts.
L’excitation du larynx par une sonde suffit pour provoquer un son. Trois fois par semaine pendant un mois, l’électrode laryngée a amené une amélioration considérable mais qui ne s’est pas maintenue longtemps. La malade n’a pas tardé à redevenir apsithyrique. En présence de cet échec thérapeutique et de l’aggravation du symptôme, M. Pegler demande l’avis de la Société.
M. Bennett recommande les exercices respiratoires. M. Bronner préconise le courant faradique avec une brosse en métal : c’est très douloureux, dit-il, mais très utile. Il rapporte le cas d’une bonne qui était aphone depuis plusieurs mois. Tous les moyens de traitement avaient échoué et il allait la renvoyer, lorsque l'idée lui vint d’essayer les courants faradiques. La guérison fut immédiate.
M. F. Semon dit que ces cas représentent le degré superlatif de l’aphonie hystérique ; ils comportent une paralysie fonctionnelle de tout l’appareil de l’articulation, comme cela se passe dans le « mutisme hystérique » de Charcot. La grande majorité des cas d’aphonie hystérique peuvent être, ajoute-t-il, guéris en une seule séance par l’application intra-laryngée d’électricité. Mais il est nécessaire de montrer une grande énergie car à l'incapacité physique s’ajoute souvent une perversion mentale. Lorsque l'application de l’électricité provoque un cri involontaire. c’est-à-dire le commencement du retour de la fonction, et que les malades sont sollicités d’exercer leur voix, par exemple en comptant de 1 à 10, beaucoup d’entre eux ne font pas le moindre effort et se montrent aussi entêtés que possible. Chez un malade du docteur Playfair, la faradisation suffisamment intense et assez longtemps continuée a réussi à rétablir la voix en une seule séance, mais seulement après plusieurs application très énergiques.
N’est-il pas manifeste que, dans tous ces cas, l'électricité a agi par simple suggestion ? _
Sur les manifestations oculaires de l'hystérie,parM. Grand-Cl¿ment,
Société nationale de médecine dé Lyon, il juin I ‘.*1*0.
Les manifestations les plus fréquentes de l'hystérie sont l’astigmatisme, lepiphoru ou bien, au contraire, un véritable dessèchement de l’œil. Un phénomène très curieux et qui paraît être d’ordre hystérique,
est celui auquel on a donné le nom de copiopsie ; c’est une paralysie subite et très douloureuse de l'accommodation. Une femme hystérique ne pouvait jeter les yeux sur un livre sans ôtre prise de douleurs atroces. Elle futrapidement améliorée par la pilocarpine; maisM. Grand-Clément met plutôt cet heureux résultat sur le compte de la suggestion qui demeure, dans l'espèce, la médication héroïque. Les phénomènes oculaires de nature hystérique ne sont pas i’apanage exclusif du sexe féminin; M. Grand-Clément les a observés parfois chez les hommes, et ils sont apparus généralement alors comme résultats de l’hystéro-trau-matisme. Il cite notamment le cas d’un ouvrier qui, à la suite d’un léger traumatisme de l’arcade sourcilière, fui atteint d’amblyopie avec dilatation pupillaire monoculaire.
REVUE DES LIVRES
Diagnostic et traitement des maladies nerveuses, par le Dr Joanny
Roux (do Saint-Etienne), avec une préface de M. le Prof. Teissier (de
Lyon), Paris, J.-B. Baillière et fils, 1901, 553 pages.
Avant d’appliquer à nos malades la thérapeutique psychique, nous devons avoir fait, au préalable, un diagnostic précis de leur affection. Ainsi nous ne risquerons point de courir au-devant d’un échec en recommandant la suggestion dans des cas de lésion anatomique confirmée. Mais ce diagnostic est souvent fort difficile : l’excellent livre de M. Roux vient nous le faciliter. C’est un manuel de sémiologie qui n’a point la prétention d’apprendre la pathologie nerveuse, mais d’ « exposer la méthode à suivre dans l'examen clinique du malade et la façon de grouper les symptômes pour en faire jaillir le diagnostic et poser immédiatement quelques indications thérapeutiques pratiques. » En effet, retourner un malade sous toutes ses faces, analyser les troubles morbides, déterminer leur véritable valeur clinique, les faire converger vers un diagnostic anatomique, étiologique ou nosologique et conclure soit à une lésion de telle ou de telle nature, soit à un trouble fonctionnel, voilà bien ce que nous enseigne M. Roux dans un style simple, clair, martelé, concis, avec l’aide, on outre, de très nombreuses figures qui, pour être schématiques, n'en sont pas moins exactes. Il y a plus. Ce livre ne vient peint seulement guider et éclairer le médecin aux prises avec les difficultés de la pratique journalière ; il contient, condensé, mis au point, groupé sous une forme très succincte l'ensemble de nos connaissances actuelles en pathologie nerveuse et le bilan de ce que la neurologie moderne renferme de conquêtes importantes et nouvelles.
Nous r.c pouvons pas, toutefois, nous dispenser de faire une réserve expresse sur un point très particulier. Bon nombre de médecins, parlant de l’hypnotisme, ont recours à des clichés traditionnels qui dispensent d’un examen approfondi el d'une opinion fortement motivée. Nous regrettons
que M. Roux ait sacrifié à des préjugés surannés. Ainsi, il nous déclare que, pour son compte, il est « peu partisan des manœuvres de suggestion et d’hypnotisme qui d’ailleurs échouent le'plus souvent et peuvent a voir des conséquences fâcheuses... » Voilà une condamnation bien sommaire, contre laquelle protestent des résultats authentiques et journaliers. Très honnêtement M. Roux confesse ses échecs personnels; d’autres, plus rompus peut-être à la pratique de l’hypnotisme, sauront le rendre à la fois inoffensif et efficace. Néanmoins, ne tenons point rigueur à M. Roux de cet ostracisme, d'ailleurs mitigé, puisqu’en maints endroits notre auteur recommande tout de même le traitement psychique, la rééducation de la volonté, l'entraînement suggestif, etc.
P. F.
La Surdi-Mutité, étude médicale par M. le Dr Etienne Saint-Hilaire, Paris, Maloine, Î900, 300 p. LV p.
La littérature médicale française ne possédait encore aucune monographie complète de la surdi-mutité. Le Dr Saint-Hilaire vient de combler cette lacune. Son travail volumineux, exempt de discussions oiseuses et de théories plus ou moins hypothétiques, bourré de faits, de statistiques et d'observations cliniques, se répartit en sept chapitres ainsi intitulés : Considérations générales, définition, classification; Distribution de la surdi-mutité ; Pathogénie ; Anatomie pathologique ; Symp-tomatologie ; Diagnostic et pronostic; Prophylaxie et traitement. Un Index bibliographique avec références complètes et précises termine le volume ; il témoigne de l’ampleur et de la sûreté de la documentation.
Parmi les causes pathogéniques, le Dr Saint-Hilaire signale l’hérédité (soit directe, soit collatérale), l’hérédité par influence ou imprégnation, la consanguinité, la dégénérescence, les intoxications, les maladies infectieuses, les traumatismes de la mère et du feetus, les influences psychiques, etc.
Les impressions morales vives, les émotions tristes, les frayeurs créent souvent une dépression nerveuse qui s'accompagne de troubles de la nutrition: d’autres fois, elles produisent des contractions spasmo-diques de l'utérus et. par contre-coup, des compressions anormales et irrégulières de l’embryon. Dans les deux cas, il peut en résulter un arrêt de développement de certaines parties du feetus.
La prophylaxie de îa surdi-mutité consiste dans l’application des préceptes essentiels de la Puériculture. On devra combattre les causes de dégénérescence, éclairer l’opinion publique et la conscience de chacun, vulgariser les lois et les dangers de l’hérédité, pour que nul ne puisse arguer de son ignorance en pareille matière et dire : a Je ne savais pas ! » Il faut enseigner, « et c’est là le côté consolant, que la transmission des caractères pathologiques n’est pas fatale et que l’on peut, par des croisements heureux, ou surtout par une hygiène bien comprise de la conception et de la gestaiion, obtenir le retour à la
moyenne, c’est-à-dire procréer des enfants normaux et ne présentant aucun stigmate de dégénérescence. C’est ici que se placent les conseils si magistralement établis par notre maître, le professeur Pinard, sous le nom de Puériculture. C’est en suivant ces préceptes que l’on évitera à sa descendance les tares de dégénérescence et par conséquent la surdi-mutité. »
Quant au traitement de la surdi-mutité, ce sont les exercices acoustiques qui, jusqu’à ce jour, ont donné les meilleurs résultats. M. Saint-Hilaire expose avec clarté et compétence la valeur des divers procédés préconisés, les cornets acoustiques de Marage et de Bezold, le piano de Hamon de Fougeray et de Schwendt, l’audigène de Verrier, l’accordéon d’Urbantschitsch, le micro-phonographe de Dussaud, etc. Il ne faut demander aux exercices acoustiques que ce qu’ils peuvent donner; ils ne sauraient réveiller des restes auditifs qui n’existent pas, ni même agrandir le champ auditif en reculant les limites des ilôts et des trous ; la seule chose qu'il est possible d’obtenir, mais elle en vaut bien la peine, c'est d’aiguiser l'attention, d’améliorer la perception auditive et d’exercer l’élaboration psychique des parties intactes de l’échelle sonore.
P. F.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Les séances de la Société d’hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 2S, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêlrièrc.
Les prochaines séances de la Société auront lieu le mardi 16 avril et le mardi 21 mai 1901.
Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les communications à M. le Dr Bérillcn, secrétaire général
1 i, rue Taitbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.
L’obsessiou du suicide
Il y a trenie-cinq ans, un immigrant allemand, du nom de Daniel Bechtel, voyageant à pied dans le comté de Huntlgdon (Pensylvanie), trouvait pendu à un arbre, au sommet d’un rocher, le corps du sieur Jacob Grove, un fermier des environs. Bechtel coupait la corde, prévenait la veuve du malheur qui venait de la frapper et l'aidait à rapporter le corps à la ferme. Il devait y rester comme domestique; puis, à la longue, il faisait des économies, achetait !a ferme de Mme Grove, épousait sa fille et devenait riche à son tour.
Malgré cela, Bcchtel n’était pas heureux ; i! avait de fréquents accès de mélancolie et l’idée du suicide le hantait. L’autre matin, il a pris un licol dans son écurie et il est allé se pendre exactement au mÊmc endroit où, trente-cinq ans auparavant, il avait trouvé le cadavre de Jacob Grove.
Psychologie pédagogique
Xous enregistrons la création à Chicago d'un département intitulé : o Etude de l’enfant et recherches pédagogiques b, qui a pour mission d’étudier l’état physique et mental des élèves des écoles.
L’examen avait d’abord été limité aux points suivants; taille, hauteur du buste, poids, travail ergographique, force de préhension des mains, sensibilité de l’ouie pour les deux oreilles, acuité de la vision ; depuis on a étendu le champ des recherches.
Le nombre des enfants examinés jusqu’ici est de 5.631» ; les résultats obtenus conduisent à cette conclusion qu’il y a une relation entre l’état -physique et la précocité chez l’enfant. Les enfants peu intelligents sont plus légers et les enfants précoces plus lourds que l’enfant moyen, et la médiocrité de l’esprit est associée à la médiocrité du physique.
NOUVELLES
Institut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts.
Enseignement de l’hypnotisme et de la psychologie physiologique
L’Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l’étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l’hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent suivies questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.
L’organisation de l’institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.
Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique), est annexée à l'institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister, et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. Je Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d’aliénés, y complète son cours à l'EcoIe pratique de la Faculté de médecine (semestre d’été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l’hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les Dr* llenry Lemesle,
Bellemanière, Wateau, Jaguaribe, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les Dri Paul Farez, A. Guimbeau, Bianchi, et par M. Charles Verdin.
Depuis 1892, pendant le semestre d’hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.
M. le Dr Paul Joire, correspondant de l'institut psycho-physiologique fait, chaque année à Lille, un cours annexe d’hypnologie.
Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l’acquisition des appareils les plus nouveaux.
Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l’histoire de l'hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.
Chaque année, un certain nombre d’étudiants trouvent d’importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l’institut psycho-physiologique.
Cours a l'Ecole pratique de la Faculté de Médecine. — M. le Dr Bérillon, médecin-inspecteur des asiles daliénés, commencera le lundi 22 avril, à cinq heures, à l’Ecole pratique de la Faculté de Médecine (amphithéâtre Cruveilhier), un cours libre sur : Psychologie physiologique et pathologique. — Applications cliniques de l’hypnotisme. Le Dr Bérillon étudiera spécialement les maladies de la volonté et les maladies de la personnalité.
Programme
La méthode hypno-pédagogique. — L’éducation psycho-physiologi-que de la volonté. — La création du caractère et la constitution de la personnalité.
Applications de l’hypnotisme au traitement des aboulies, des obsessions, des idées fixes, des phobies, des états d’anxiété, des habitudes automatiques (onychophagio, onanisme, etc.) ; des impulsions irrésistibles (kleptomanie); des intoxications (morphinomanie, dipsomanie, etc.).
La lutte entre l’hérédité et la suggestion.
N. B. — Le cours sera complété par des démonstrations cliniques à l’Ir.stitut psycho-physiologique, 49, rue St-André-des-Arts, les samedis à 10 heures et demie. (S’inscrire à l'institut psycho-physiologiquc).
L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON
REVUE DE L’HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
15e Année — N° 11.
Mai 1901.
Théorie physiologique de l'hystérie
par le Dr Binet-Sanglé.
(suite)
II. — Hyperesthésies hystériques.
Les hyperesthésies hystériques sont dues à la rétraction d’un certain nombre de neurones de sensation voisins. L’agrégat S ainsi rétracté conserve ses relations avec les voies centripètes, mais ne communique plus avec les autres neurones corticaux que par un isthme que j’appelle isthme d’hyperesthésie (schème 2, I). CP
Les ondes nerveuses arrivant incessamment par les voies centripètes dans l’agrégat hy-peresthésique et ne pouvant s’en échapper que par l’isthme, la pression nerveuse est plus élevée dans cet agrégat que partout
Schéma 2.
cp, voles centripètes. N. colonie des neurones corticaux, s. agrégat rétracté hyperesthésique. I. isthme d'hyperesthésie cf. voies centrifuges.
ailleurs. C’est à cet excès de pression qu’est due l’hyperesthé-sie. On conçoit d'ailleurs que si l’isthme n’existait pas, l’agrégat serait indépendant des autres neurones et qu'il y aurait anesthésie.
L’anesthésie et l’hyperesthésie hystériques son t donc causées par des modifications anatomiques analogues et par un même phénomène physiologique. Dès lors il est facile de comprendre pourquoi ces troubles de la sensibilité se trouvent si souvent associés chez un même malade.
IV
Hypcramiboisme des neurones de mémoire.
I. — Amnésies hystériques.
On peut distinguer trois espèces de neurones de mémoire : les neurones à images simples, les neurones à images composées et les neurones à idées.
Les neurones à images simples font suite aux neurones de sensation, et sont situés dans les mêmes centres. On peut en distinguer autant de variétés qu’il y a de centres sensoriels (neurones à images tactiles, gustatives, olfactives, auditives, visuelles, etc.J.
Les images composées résultent de l’agglutination des images simples. Si par exemple j’adapte mentalement la tête d’un aigle au corps d’un lion, je construis une image complexe (le griffon) qui pourra se fixer sur un neurone au même titre que les images simples composantes.
Les idées résultent de la combinaison des images simples. Si par exemple je combine mentalement les diverses images de-cellules nerveuses que j’ai recueillies sous le microscope, je constitue une idée, qui est l’idée de cellule nerveuse, et qui pourra se fixer sur un neurone au même titre qu’une image simple ou qu’une image composée.
Soit une voix centripète spino-corticalc avec ses neurones de transmission cp, c’p\ son neurone de sensation s, et, communiquant normalement avec celui-ci, un neurone de mémoire me contenant une image. L!oubli de cette image correspondra à la rétraction du neurone mé, comme cela est
représenté scheme 3, et à la formation d’un neuro-diélectrique infranchissable d entre ce neurone et le neurone de sensation s.
Si dès lors une image identique à celle que Contient le neurone »/¿vient à se former dans le cerveau, elle ne sera pas reconnue par le malade.
Le phénomène de la reconnaissance peut s’expliquer de la manière suivante. Les systèmes identiques d'ondulations nerveuses centripètes suivent la môme voie. De telle sorte que si un système donné a déjà laissé une empreinte sur un neureon de mémoire, un autre système identique passera sur cette empreinte et la fera entrer en phosphorescence. Si le phénomène ne se produit pas, c’est que le neurone qui contient cette empreinte est en état de rétraction.
On sait que les hystériques perdent souvent toute une catégorie de souvenirs, ceux par exemple qui ont trait à une même personne ou à une même famille. Cela prouve que si les systèmes identiques d’ondulations centripètes suivent la même voie, les systèmes analogues suivent des voies voisines et laissent leurs empreintes dans la môme région de l’écorce. On sait aussi que l’amnésie hystérique intéresse fréquemment toute une période de la vie du sujet. Cela prouve que les empreintes recueillies dans une même période de la vie se fixent dans une même province de l’écorce.
Il est à remarquer aussi que les neurones de mémoire les derniers impressionnés ont une plus grande tendance à se rétracter que les autres, et qu'ils sont plus longs à revenir à l’état d’extension (amnésie rétrograde). Cela tient à ce qu’ils sont moins bien entraînés à l’extension que les neurones à empreintes anciennes, lesquels
Scheme 3. cp, protoncurone centripète. e’/'\ dcutonouroiiccontripctc *, neurone de seusaîion. d, nsuro-dlélectrlquc. sic. neurone de mémoire.
I.a flèche indique le sens du courant nerveux
y ont été maintes
fois sollicités au cours des opérations cérébrales conscientes ou inconscientes.
II est des hystériques qui, sans perdre les souvenirs anciens, ont peine à en recueillir d’autres. C’est qu’un grand nombre de leurs neurones de mémoire non encore impressionnés sont en état de rétraction. Ces malades sont des photographes qui ont égaré leurs clichés.
S’il arrive que le neuro-diélectrique qui isole ie neurone de mémoire rétracté ne soit pas absolument infranchissable, des décharges nerveuses pourront éclater au travers. C’est à ces décharges mnésiques que j’attribue ces éclairs de mémoire qui surviennent après une période de tension d'esprit correspondant à la tension du neuro-diélectrique. Ce phénomène appartient d’ailleurs aussi bienàla psychologie normale qu’à lapsychologie pathologique.
II. Hypermnèsies hystériques
Les hypermnésies hystériques sont dues selon moi à la rétraction d’un certain nombre de neurones de mémoire voisins. L’agrégat Mé ainsi rétracté conserve ses relations avec les neurones de sensation S, mais ne communique plus avec les autres neurones que par un isthme que j’appelle isthme d'hypermné-sie. (schème 4.1.).
Les ondulations nerveuses arrivant incessamment par les voies centripètesdans l'agrégat hypermnésique et ne pouvant s‘en échapper que par l'isthme, la pression nerveuse est plus élevée dans cet
Schcmc 4.
-.p, voies centripètes.
s, colonies des ncuroneo corticaux.
s, neurones do sensation.
Mé, agrégat hypermnésiquo.
:. Isthme d'nypermndsic. cy, voies centrifuges.
I.es fli-chcs iniiquciit le îens du courant.
agrégat que partout ailleurs. Il en résulte que les empreintes mnésiques y sont toujours à demi phosphorescentes, et que le moindre apport d’énergie, en les faisant s’illuminer tout à fait, réveille les souvenirs avec une précision et un éclat extraordinaires. C’est alors que les rêveries du malade approchent de la réalité, et qu’il revit en détail des périodes entières de sa vie délire ecmnésique de Pitres.)
Dans ces cas l'ébranlement des neurones de l'agrégat hypermnésique peut même se communiquer aux neurones de sensation s situés en aval, et il se produit des hallucinations. L’hallucination n'est en effet qu’une sensation provoquée par des ondes nerveuses réfléchies. C'est une sensation en retour.
' Et cela est si vrai qu’elle peut déterminer les mêmes modifications organiques que la sensation provoquée par les ondulations centripètes (frissons ; nausées ; dilatations vasculaires allant jusqu’à la phlyctène dans le cas d’hallucination de brûlure ou d’application d'un yésicatoire ; dilatations et contractions pupillaires dans le cas d'hallucinations visuelles.)
L'amnésie et l’hypermnésie hystériques sont donc causées par des modifications anatomiques analogues et par un même phénomène physiologique. Il est dès lors facile de comprendre pourquoi ces troubles de la mémoire se trouvent si souvent associés chez un même malade.
L'amnésie et l'hypermnésie peuvent même se succéder dans un même agrégat à quelques secondes de distance. — Soit en effet un agrégat de neurones de mémoire rétracté et absolument isolé, c’est-à-dire amnésique. Supposons qu’une forte décharge nerveuse vienne à le traverser. Les empreintes qu’il contient entreront brusquement en phosphorescence, et si les ondulationsdeladécharges'engagentsur les voies centrifuges, le sujet pourra exprimer le délire ecmnésique circonscrit et accom-pagn ou non d’hallucinations, dont il vient d'être le théâtre. Un sujet du docteur Perrier {de Caen), Léonie, présenta un agrégat de ce genre qui resta stable pendant trente ans. Il sufTisait de suggérer à cette malade qu’elle était princesse (sensation auditive provoquant la décharge), pour qu’elle vit se dérouler, toujours les mêmes et toujours dans le même ordre, une série d’images hallucinatoires se rapportant à cette condition. Puis l’agrégat redevenait amnésique, jusqu'à ce qu’il se produisit une nouvelle décharge.
Hyperamiboïsme des neurones de mouvement. I. — Les paralysies hystériques.
Dans le réflexe complet à sommet cérébral, les ondulations nerveuses, après avoir traversé les neurones des voies centripètes [cp, c’p'), les neurones de sensation 5, et le neurone de mémoire mé, arrivent aux neurones de mouvement.
Il existe toute une pyramide de ces neurones. Ceux qui en occupent la partie supérieure, et que j'appelle neurones supérieurs de mouvementfmo.s.) président aux mouvements lesplus complexes, les mieux coordonnés, aux actes. Ceux qui en occupent la partie inférieure, et que j’appelle neurones inférieurs de mouvement (mo.iprésident à des mouvements plus simples. Les neurones supérieurs de mouvement commandent les neurones inférieurs, comme on le voit dans le schème 6.
Il n'y a pas lieu de faire intervenir ici ce tie pré tendue fonction qu’on appelle la volonté. Je ne crois pour ma part ni à la volonté, dans le sens psy-
chologique du mot, ni au libre arbitre. Le libre arbitre ne me paraît être qu’une illusion provenant de ce que les grands réflexes, ceux qui effectuent dans le cerveau une partie de leur trajet, ne sont pas perçus dans leur ensemble. Nous n’avons en effet conscience que de leur trajet in-tracérébral et même que d’une partie de ce trajet.
Soit par exemple un système d'ondulations nerveuses résultant de la transformation des mouvements chimiques qui ont lieu dans l’ovaire. Supposons que ce système suive l’une des voies centripètes ovario-cérébrales, qu’il traverse les neurones des sensations ovariennes sans donner lieu à une perception, qu’il arrive aux neurones de mémoire, qu’il y détermine des réveils et des associations inconscientes d’images et d’idées, qu’il atteigne enfin les neurones supérieurs de mouvement, qu’il y devienne conscient et qu’il détermine des actes. Que va-t-il advenir? Ces ondulations, n’étant devenues conscientes que dans les neurones supérieurs de mouvement, ceux-ci, c’est-à dire le moi actuel (car le moi actuel n’est que l’ensemble des neurones actuellement conscients), le moi, dis-je, ne sachant d’où viennent ces ondulations, croira qu’elles sont nées en lui etqu’illesacréées. II se considérera donc comme l’auteur d’actes dont il n’est en réalité que le spectateur. Telle est la raison qui me fait considérer les mots volition, volonté et aboulie, comme devant être rejetés du langage physio-psychologique.
Ce qu’on appelle l’aboulie hystérique n’est qu'une paralysie des mouvements complexes. Elle correspond à la rétraction des neurones supérieurs de mouvement. On conçoit que ces neurones puissenl être en état de rétraction, alors quo les neurones inférieurs restent en extension, et continuent de communiquer par leurs collatérales avec les neurones de mémoire et même avec les neurones de sensation. De telle sorte que les muscles qui sont paralysés, lorsqu’il s’agit d'exécuter un mouvement complexe, ne le sont plus lorsqu'il s'agit d’exécuter un
S chime G. vU, neurone de mémoire. vio. s. neurone supérieurs de mouvement. mo. i* neurones inférieurs de mouvement.
mouvement plus simple ou une simple contraction. Suivant le nombre des neurones supérieurs de mouvement qui sont en état de rétraction, on a une paralysie s’étendant à tous les actes (aboulie proprement dite) ou une paralysie n’intéressant que certains actes déterminés. C’est ainsi qu'un astasique-abasique pourra, dans la position horizontale, faire exécuter à ses membres inférieurs des mouvements coordonnés, et que tel autre malade qui ne saura plus marcher pourra encore sauter et danser.
Il arrive souvent que les hystériques, tout en continuant d’exécuter des actes qu’ils ont appris avant leur maladie (jouer du piano, monter à bicyclette, etc.), ne peuvent plus en apprendre d’autres.C'est que leurs neurones supérieurs de mouvement non encore impressionnés sont en état de rétraction. J’ai signalé un phénomène analogue pour les neurones de mémoire.
Si la rétraction porte sur les neurones moteurs inférieurs, ce ne sera plus les mouvements complexes qui auront disparu mais les mouvements simples, et l’on aura une paralysie portant tantôt sur une moitié du corps (hémiplégie), tantôt sur un membre (monoplégie), tantôt sur un petit groupe musculaire, tantôt sur un muscle.
Si dans un centre donné tous les neurones moteurs sont en état de rétraction, on a une paralysie. S’ils ne le sont pas tous, on a une parésie. Comme pour les anesthésie, il suffit d'une attention {ad tendere) des neurones rétractés pour que les paralysies hystériques disparaissent.
II. — Les secousses hystériques.
Si les neuro-diélectriques qui séparent les neurones moteurs rétractés des neurones situés en amont ne sont pas infranchissables, le courant nerveux continue de passer, mais il passe par décharges, et il se produit des secousses musculaires. Les décharges nerveuses, et par suite les secousses musculaires obéissent, comme je l'ai montré (!), aux lois des décharges électriques. Leur force est en raison inverse de leur fréquence. Si bien que, suivant la résistance et la répartition des neurodiélectriques, on a du tremblement, des tics, de la chorée ou
(1) Cli. B inet-Sanglé : Théorie de ncuro-didlectriques (Archives de neurologie, sept. 1900).
cle grandes attaques. Ces diverses espèces de secousses peuvent d'ailleurs se transformer les unes dans les autres chez un même sujet par suite de modifications dans la résistance et dans la répartition des neuro-diélectriques. Les secousses peuvent aussi disparaitre pour laisser à leur place une paralysie, si les neuro-diélectriques augmentent suffisamment de résistance.
Les tics organisés et les attaques méritent de nous arrêter un instant. Les tics organisés sont déterminés par des décharges qui, frappant un neurone supérieur do mouvement, font entrer en branle tous les neurones moteurs qu’il tient sous sa dépendance. Ainsi s’expliquent les chorées malléatoire, salta-toire, rotatoire, grimpante et tournante, etc. Les attaques, qui ne sont que de grands tics organisés, s'expliquent de la même manière. La période épileptoïde de l’attaque, qui consiste dans une contraction généralisée, correspond à la première et à la plus forte décharge, la période des contorsions à une série de décharges moins violentes.
11 est probable que les voies centripètes qui partent des points hystérogènes aboutissent au voisinage des neurones supérieurs de mouvement qui commandent l’a'.taque. Les impressions portées sur ces points auraient pour effet d’ajouter ii la pression nerveuse en amont du neuro-diélectrique l’appoint nécessaire à la production de la décharge. Ce serait la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
III. — Les contractures hystériques.
Les ondulations nerveuses résultant de la transformation des mouvements extérieurs au système nerveux ne parviennent pas toutes aux neurones de Técorce cérébrale. Beaucoup passent, avant d’y parvenir, des neurones centripètes aux neurones centrifuges par les collatérales et surtout par la voie cérébelleuse. De là le tonus musculaire et les réflexes immédiats.
La contracture n’est que l’exagération du tonus. Alors que dans le tonus, une partie des ondulations centripètes se perdent dans le labyrinthe cérébral, dans la contracture toutes ou presque toutes ces ondulations sont immédiatement réfléchies, par suite de la formation de neuro-diélectriques infranchissables qui les empêchent d’atteindre les centres supérieurs.
tl.
Dans l’hystérie la formation de ces neuro-diélectriques est due à la rétraction des neurones de l'écorce cérébrale.
Silos neuro-diélectriques siègent au-dessus du neurone de sensation, la contracture est douloureuse.
S’ils siègent au-dessus d'un neurone supérieur de mouvement, tous les muscles que ce neurone tient sous sa dépendance c’est-à-dire tous les muscles corroborant à un mouvement complexe, à un acte sont contracturés ; de telle sorte que la contracture est systématisée, qu’elle a un caractère expressif. Si tous les neurones moteurs supérieurs sont isolés du reste de l’écorce, on a une contracture généralisée (catalepsie).
Les conducteurs qui président à la contraction des fibres lisses des vaisseaux sont intimement mélangés du moins à l’origine à ceux qui président à la contraction des autres fibres musculaires, et ont comme ceux-ci leur point initial dans l’écorce cérébrale. Cela résulte des expériences de Hitzig, Eulenburg et Landois, Bechterew, Stricker, Bechterew et Mislawski, IsaacOtt, etc. Il est même probable que les voies vaso-motrices présentent les mêmes relais que les autres voies motrices, et qu’elles sont formées parle même nombre de neurones.
La rétraction des neurones vaso-moteurs de l’écorce aura donc les mêmes effets que celle des autres neurones moteurs. Il se produira, par suite de la réduction du champ d’expansion des ondulations centripètes, une exagération du tonus des vaisseaux, de la contracture vasculaire. La contracture vasculaire des hystériques détermine chez ces malades l’ischémie de la peau, son refroidissement, l’exagération de Panesthésie, et, dans certains cas, l'extension de cette anesthésie aux organes des sens.
On voit qu’il n’y a pas lieu de faire intervenir, pour expliquer la contracture, une prétendue irritation de la cellule nerveuse. Sans doute toutnouvel apport d’ondulations nerveuses aux arcs diastaltiques séparés du réservoir cérébral par les neuro-diélcctriques, a pour effet d’augmenter la contracture. Mais ce n’est pas là ce qu’on peut appeler une irritation.
Comme il existe toujours chez F hystérique un certain nombre de neurones en état de rétraction, et que le réservoir central en est diminué d:autant. on comprend pourquoi le temps de réaction des réflexes est diminué chez beaucoup de ces malades, et pourquoi il existe souvent chez eux de l’hypertonus et une propension aux contractures.
On voit par ce qui précède que les paralysies hystériques correspondent aux amnésies et aux anesthésies, les secousses aux décharges esthésiques et mnésiques, et les contractures aux hyperes-thésies et aux hypermnésies.
(à suivre)
SOCIÉTÉ D’HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 19 février 1001. — Présidence de M. Jules Voisin
La séance est ouverte à 4 h. 40.
Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général donne lecture de la correspondance qui comprend des lettres du Dr Bourdon (de Mérti), du Dr Le Menant des Chesnais et du Secrétaire de la rédaction de la Grande Encyclopédie, ainsi qu’un travail imprimé du Dr L. Fuster: Troubles physiques et psychiques observés chez l'homme dans le cocaïnisme aigu expérimental.
M. le Secrétaire général fait connaître à la Société le récent arrêt de la Cour de cassation, d'après lequel la pratique du magnétisme par des personnes non diplômées constitue le délit d’exercice illégal de la médecine. Il remercie en outre M. le Dr Félix Regnault de l’article consacré à la Société d’Hypnologie dans le Correspondant médical du 15 janvier dernier.
La Société décide de fonder, sous le nom de Prix Liébeauit, un prix annuel de 200 francs qui sera décerné à l’auteur de la meilleure thèse parue dans l'année sur l’un des sujets suivants : Ilypnologie, Psychothérapie, Pédagogie, Criminologie, Folklore, Psychologie physiologique et pathologique.
M. le Président met aux voix les candidatures de M. le D! llamaidc (de Paris) et de M. le Dr C.-J. Wijnaendts Francken (de Rotterdam). Ces candidatures sont adoptées à l’unanimité.
La séance est levée à 6 h. 25.
Les exercices des derviches expliqués par l’hypnotisme
Par MM. les D'» Hüüiet (de Constantinople) et Félix Regnault
Le Dr Iiikmet a assisté aux exercices des derviches Roufay, à Tripoli de Barbarie et à Bassora el, grâce à sa qualité de musulman, il a pu les examiner de près. Aussi les renseignements qu’il nous a fournis expliquent le rôle de l’hypnotisme dans ces singulières pratiques.
Exercices préliminaires. — Avant de s'y livrer, les derviches se mettent en état ¿’anesthésie : il existe deux méthodes.
Les derviches tourneurs tournent sur eux-mèmes par un mouvement
souple et de plus en plus rapide, les yeux en extase, leur courte robe s’enüanl de façon à décrire un cercle horizontal.
Les derviches hurleurs (les Roufay en font partie) balancent d'un rythme régulier et constant, latéralement ou d’avant en arrière, la partie supérieure de leur corps. La tôle encadrée de cheveux noirs s’agite à la façon d'un battant de cloche, frappant tantôt l’épaule et tantôt la poitrine et ils poussent un cri profond. Allah ou Hou ressemblant presque à l’aboiement d’un chien.
Parfois ils entrent en convulsion ou perdent connaissance. Mais d’ordinaire ils s’arrêtent avant, et, insensibles, le corps couvert d'une sueur abondante, ils commencent leurs exercices.
Blessures sans hémorragies. — Le marabout qui les dirige enfonce de longues aiguilles de vingt centimètres dans les joues du patient, au-dessus des sourcils, ou encore dans les bras, les jambes, le cou et transperce la langue tirée hors de la bouche. Les aiguilles restent enfoncées, la chair insensible ne laisse point couler de sang. D’autres fois on se sert de poignards : le patient tient cette arme, pointe appuyée sur son bras ou sur son ventre, tandis que le marabout frappe à grands coups de maillet jusqu’à ce que la lame soit assez enfoncée pour tenir d’ellc-mème.
Les Roufay exécutent un acte plus audacieux encore. Ils prennent une tige en fer, dépolie, sale, rouillée, de l’épaisseur du petit doigt, d’une longueur d’un mètre environ. Ils l’appuient sur la région cervicale en avant du muscle sterno-mastoïdicn,ct d’un coup brusque la font passer derrière la pomme d’Adam entre le larynx et les muscles préverlébraux et ressortir de l’autre côté. On sait que la région prévertébrale est pourvue d’un tissu cellulaire peu dense et non vasculaire. Pendant une demi-heure à une heure, ils sc promènent dans les bazars, portant cette lige ainsi fixée. Le chef l’enlève alors et prenant un peu de salive sur son index, il en frotte les deux blessures. A aucun moment le sang n’a coulé et il persiste seulement une petite plaie rouge sans hémorragie. Faut-il s’en étonner, quand on sait que les membres anesthésiés des hystériques ne saignent pas quand on les pique.
Au même titre !a suggestion peut arrêter les hémorragies. Les guerriers grecs usaient de paroles magiques à cet effet. Homère dans 1*Odyssée XIX, 457-8 rapporte qu’CJlysse ayant reçu une blessure d'un sanglier, l’hémorragie fut arrêtée par une incantation e-xotfcv;. Le docteur Hikmel nous rapporte un fait semblable : pendant la guerre russo-turque, il observa une plaie qui n’avait pas saigné. Le blessé attribuait ce miracle à un talisman ;*) qu’il portait.
•
(1) Voici comment ces talismans sont faits chez les mahométans. Le D' Hikmct a vu dans le pays des Kurdes, un personnage vénéré, descendant du prophète, liait Ahmed Cheycht écrire une prière qu'il mettait dans uuûtoile orée (pour qu’elle fût à l’abri de l’eau), puis dans une boit; d'i.r-;o:it; le guerrier Ja pendait au cou. Ce personnage, étant riche, no prenait aucun solaire.
Notez d’ailleurs que les médicaments antihémorragiques (ergot, etc.) sont vaso-constricteurs.
Exercice du sabre. — C’est un exercice courant pour les derviches de marcher sur le tranchant d’un sabre et s'y tenir en équilibre. Les Roufay font mieux. Un d’eux se couche sur une table dans le décubitus dorsal. On prend un sabre aiguisé dont on essaie le fil en coupant les poils sur le bras, on l'applique perpendiculaire, le côté convexe ou tranchant sur le ventre nu, quatre personnes en saisissent les extrémités au moyen d’un torchon et pèsent sur le ventre. Sous cette pression qui dure de cinq à dix minutes, la paroi abdominale se rétracte et vient en contact avec la colonne vertébrale, mais la peau n'est pas coupée.
Cela est bien naturel, car, pour couper avec un rasoir, il faut imprimer à l’instrument un mouvement de scie, de va et vient. Une simple pression, si forte soit-elle, est insuffisante.
Quant au fait qui consiste à supprimer son ventre en amenant la paroi abdominale en contact avec les vertèbres, je le rapprocherai de l’exercice de l’Aissaoua qui se serre le ventre au moyen d une longue corde à nœuds coulants. Pendant qu’un grand nombre de fidèles tirent la corde, le derviche secoue toujours la tète rapidement, à la façon d’un battant de cloche, et il prend la taille d’une guêpe.
Cette faculté de contracter à ce point les muscles abdominaux n’est pas anormale. On l’a observée chez certains individus qui s'exhibaient dans les foires: tel est le cas de l’homme protée, de James Wilson dit l’expansionnist', et de l’hystérique étudié par Sollier et Malapert (2). Ces sujets peuvent refouler leurs organes abdominaux dans leur poitrine. Celle-ci s’enfle graduellement jusqu’à prendre un développement anormal. Pendant ce temps le ventre se vide, et l’abdomen vient en contact avec la colonne lombaire.
Notons, bien que le fait ne rentre qu’indirectement dans cette étude, que le pétomane arrive à aspirer et expirer de l'air par le môme mécanisme.
Les derviches jouent avec le feu. — On les a vus, à Paris, rester un temps assez long, debout sur un brasier, ou encore promener lentement sur leur corps des torches enflammées.
Les Roufay prennent un plateau en fer, le font chauffer au rouge, le prennent des deux mains, le mettent sur la tête et le maintiennent jusqu'à ce qu’il soit refroidi, soit un quart d’heure environ. Les cheveux roussissent, mais la peau n’est pas brûlée, l’épiderme est simplement vernissé.
De pareils faits ont été souvent cités. Entre autres exemples, je rappellerai les épreuves judiciaires au Moyen-Age, encore usitées chez
(2) Voir la Kature, Mapson, édit., 1886, », II, p. 349. — Paul Sollier et Malapert, Iconographie de la Salpêtrière, iS'Jl, p. 103, et Correspondant médical, 31 mai 1898, page G.
bien des peuples sauvages : l’innocent ne doit pas être brûlé s’il touche une barre de fer rougie au feu. Sans doute il peut y avoir supercherie : on éviterait la brûlure en se trempant les mains dans une solution alunée.
Mais, comme Boutigny l'a montré, l'immunité peut être physiologique et doit être rapprochée du phénomène de la caléfaction. Une goutte d’eau placée sur un métal chauffé s’évapore rapidement. Mais si on porte la plaque à l’incandescence, la goutte forme un globe sphérique qui persiste quelque temps.
La surface de la peau est toujours humide, et une couche de vapeur se forme qui la protège. L’humidité est plus forte chez les Roufav, chez qui les exercices provoquent des sueurs abondantes, comme nous l’avons noté au début. On a d’ailleurs étudié récemment devant la Société l’hy-perhidrose hystérique.
Boutigny indique de plus qu’il ne faut pas aller trop vite, car le choc de la main contre le métal chaud détruirait l’état sphéroïdal et produirait le contact, ni trop lentement car la couche de liquide n'est pas assez épaisse pour empêcher longtemps la communication de la chaleur.
Ces deux observations nous expliquent comment le jugement de Dieu pouvait être pratique. La peur qu'avait le coupable occasionnait des mouvements brusques, ou le paralysait, et il se brûlait ; seul l’innocent gardait l’assurance des mouvements qui le préservait.
Caractère psychique du vaginisme
par M. le Docteur Aragon
Je me propose d’examiner au point de vue psychique » une question de gynécologie dans laquelle cet élément me parait jouer le plus grand rôle; je veux parler du vaginisme, question qui appartient autant au physiologiste psychologue qu’au chirurgien gynécologue.
On pourrait dire d’ailleurs d’une façon générale que toute la psychologie féminine, qui a fait émettre aux romanciers spéciaux les opinions les plus diverses, dépend exclusivement de l’état des organes génitaux de la femme considérée. Il y a là une relation de cause à effet des plus étroites et qui doit toujours être présente à l’esprit du praticien qui s'adonne à l’étude de la gynécologie.
Le vaginisme particulièrement intéresse le psychologue par son étio-logie, par sa symptomatolog'ie et par ses complications morales et sociales.
Par son étiologie, car son existence implique un état psychique spécial; par ses symptômes, car ceux-ci varient précisément suivant cet étal psychique; et enfin par ses complications : morales, car il amène la désunion conjugale, et sociales, car cette désunion entraîne sa répercussion dans r organisation de la société.
Pour éviter toute confusion, il est nécessaire de revenir sur la défini-
tion du vaginisme, car on ne saurait donner ce nom aux difficultés douloureuses que présentent souvent pendant longtemps, les rapports chez les jeunes mariées, par suite d’une trop grande sensibilité de l'orifice vulvaire généralement due à une défloration incomplète et liée à une vulvite plus ou moins marquée. Cette sensibilité n’est que momentanée et n'oppose pas un obstacle véritable à l'accomplissement des devoirs conjugaux. Dans ces cas en effet le coit, commencé au milieu des douleurs, se termine de la façon la plus normale grâce à la résignation de l’épouse et à son désir d'être femme.
Ces douleurs vulvaires disparaissent d'ailleurs rapidement dès que le médecin consulté a su pratiquer un pansement convenable.
J’ai eu l’occasion de soigner quelques cas de ce genre et qui ont totalement guéri à la suite d’une intervention des plus simples. 11 s'agissait, dans l’un d’eux, d’une femme qui avait attendu la quarantaine pour goûter du mariage et dont l’époux était presque aussi novice, croyant que sur le chemin de l'amour les barrières étaient toujours grandes ouvertes.
La membrane hymen était incomplètement déchirée par le milieu, il était même possible de la reconstituer en rapprochant les deux lambeaux: ceux-ci étaient très douloureux au toucher et leur bord libre tuméfié. Le mariage remontait à six mois et malgré les tentatives des époux, il leur avait toujours été impossible de le consommer entière-rement. Depuis deux mois ces tentatives devenaient plus pénibles encore et avaient décidé tous deux à venir me consulter. S’il existait de la sensibilité, il n'y avait aucun signe de contracture et la femme ne redoutait pas le toucher. Je pratiquai, séance tenante, sous l'anesthésic de la cocaïne, une incision d’une partie des caroncules et je pus de suite introduire deux doigts dans le vagin. La guérison fut immédiate.
Le second cas se rapporte à une jeune femme de dix-huit ans, mariée depuis quatre mois, enceinte, et pour qui les rapports, très désirés cependant, devenaient intolérables. Il existait de la vulvite, mais le fait le plus intéressant résidait en la présence d’une membrane verticale de 15 mm. de longueur et de 5 mm. de largeur, reliant «angle supérieur droit du vestibule à 5a partie médiane de !a fourchette, formant ainsi un véritable pilier divisant l’orifice vulvaire en deux parties inégales.
Cette disposition rappelait évidemment un hymen a deux orifices inégaux; la défloration avait dû s'accomplir par un seul orifice, tandis que l’autre était devenu depuis, l’objet de tentatives de pénétration, qui l’avaient agrandi, mais qui étaient toujours restées incomplètes en présence de la douleur provoquée. Le mari, très jeune aussi, ignorait cette disposition et fut très étonné quand je la lui montrai.
Quelques jours après la disparition de la vulvite, le pont membraneux fut sectionné d’un seul coup de ciseaux, sans provoquer une vive douleur, et l’introduction d'un spéculum de Cusco se fit avec la plus grande facilité. La sensibilité de l'orifice vulvaire disparut ainsi.
J’ai tenu à rapporter ces deux cas pour bien faire remarquer que ces
petites lésions, qui, chez d'aulres femmes plus nerveuses, auraient simplement suffi à déterminer un vaginisme absolu, ne constituaient ici qu’une simple gêne mécanique à la copulation.
Voici au contraire ce qui se passe dans les cas plus graves :
Une jeune fille de conformation normale et présentant toutes les apparences d’une excellente santé, quoiqu’en elle sommeille « un nervosisme » qu’un choc génital pourra développer, se marie, sans grand enthousiame peut-être, mais aussi sans répulsion marquée et aborde, plutôt craintive, l'acte conjugal.
Ce moment est évidemment grave et la femme en a nettement conscience : le bonheur de bien des ménages ne dépend-il pas, en effet, de la nuit de noces!
La défloration est manquée : soit par timidité et inexpérience du mari, soit par excès de sensibilité de la femme qui recule, instinctivement, devant la douleur. Les tentatives recommencent chaque jour avec un égal insuccès, car plus elles se multiplient, plus l’obstacle devient infranchissable, et la consommation du mariage exige des semaines.
Au contraire, l'acte a été accompli avec trop de brutalité et l'impression de la douleur première a seule persisté.
Dans les deux cas la défloration a entraîné une lésion, ou môme une simple érosion de la muqueuse (l’étendue ne signifie rien en 1 espèce, bien au contraire, plus petite est la lésion, plus elle laisse de champ à l'intégrité des fibres nerveuses périphériques) ; cette érosion est le point de départ d’une hyperesthésie vulvaire intense, augmentant de jour en jour et provoquant une contracture spasmodique rendant désormais le coït impossible.
Dès lors, le vaginisme est constitué; en vain l’époux déçu déploiera-il toute sa douceur et toute sa patience; s’il parvient parfois à capter les sens de la blessée, ce ne sera qu’un court espoir, car le plus léger contact du pénis ou du doigt mémo avec l’orifice vulvaire réveillera de suite rhyperesthésie et, partant, la contracture. Et lorsqu'une tentative antérieure plus heureuse que les autres aura permis une grossesse, il ne faudra pas compter sur l’accouchement pour guérir ce navrant état, car l’expcrience a malheureusement prouvé que le vaginisme savait résister à plusieurs accouchements.
Il existe donc une affection, nommée vaginisme par les auteurs qui l’ont étudiée, reconnaissant comme cause déterminante, la défloration : et cela par définition même de la maladie, dont le diagnostic ne peut être révélé qu’à l’occasion du coït.
Celle affection consiste en une sensibilité particulièrement douloureuse delorilice vulvaire, qui s’accompagne le plus souvent de contracture de l’anneau vulvaire et quelquefois de contracture des muscles profonds du plancher pelvien, et qui met obstacle à l'accomplissement des devoirs conjugaux.
Un premier fait curieux, au point de vue psychologique, c’est l’ignorance dans laquelle la littérature médicale semble avoir été de cette
maladie, avant 1834, époque à laquelle Huguier décrivit une constric-tion spasmodique du sphincter du va gin, qu'il rapprochait de la contraction spasmodique du sphincter de l’anus dans le cas de fissure.
Nous verrons plus loin comment on peut expliquer ce fait, et passons de suite à la constatation de deux autres particularités.
La première consiste en la possibilité d‘un vaginisme intermittent. Ne connait-on pas. en effet, l'histoire de certaines femmes, qui présentent avec leur époux cette singulière affection, et qui n'ont aucune contracture pathologique lorsqu’elles se risquent à donner des coups de canif dans le contrat, pour présenter à nouveau ce spasme musculaire lorsqu’elles rentrent sous le toit conjugal.
La seconde particularité est la persistance du vaginisme après certaines interventions chirurgicales qui semblaient devoir guérir la lésion reconnue et soupçonnée causale et qui demeurent en réalité inefficaces. On a présentes à l'esprit ces opérations compliquées imaginées parles chirurgiens, depuis Sims, pour mettre un terme à une affection, pour laquelle ils n'auraient certainement pas risqué de tels débri-dements s’ils ne l’avaient pas reconnue particulièrement tenace.
De môme on a rapproché du vaginisme cette contracture hystérique qui se produit pendant le coit, chez quelques femmes, sous une impression sensuelle exagérée, qui croit avec leurs désirs, et qui, produite au début du rapprochement sexuel, peut mettre un obstacle à ce rapprochement.
D’autre part, voyons ce que les auteurs contemporains qui se sont occupés de la question, s'accordent à reconnaître comme causes productrices du vaginisme.
Ces causes sont au nombre de deux : 1° Une lésion initiale, petite le plus souvent, mais indispensable ; 2° Un état nerveux spécial.
C'est cet état nerveux qui me parait le plus important facteur dans l’ctiologiede la maladie. Et, à moins que l’avenir vienne nous démontrer que la lésion vulvaire a servi de porte d’entrée à un germe infectieux, provoquant de la contracture spasmodique du constricteur du vagin, sorte de tétanos génital, je considère qu’on ne peut voir actuellement dans l’affection qui nous occupe, qu’un spasme nerveux lié à un état psychique spécial.
Nous en avons la preuve dans les propositions «lue nous avons énoncées plus haut, car toutes les lésions vulvaires n’entraînent pas forcément le vaginisme. Et te qui prouve que celui-ci dépend d’un état psychique, c’est sa disparition même dans les cas que nous avons signalés.
On pourrait ajouter ceci : c’est que le vaginisme n’est en général observé que chez les femmes mariées, soil que l’appétit sexuel ait empêché son existence chez celles qui se donnent spontanément en dehors des liens du mariage, soit que la douleur fasse rentrer ces dernières dans la voie de la sagesse, que l'exigence des devoirs conjugaux ne vient pas troubler.
Ce fait que le vaginisme est observé seulement dans le mariage n'est-il pas particulièrement remarquable, car le mariage n’impliquant pas forcément l’amour partagé, nous devons voir encore ici une preuve de l’importance de l’élément psychique dans la production de la maladie.
La contracture spasmodique parait être la caractéristique de la maladie. C'est elle qui a attiré l’attention des premiers médecins qui ont étudié l'affection, c'est elle que cherchent toujours à combattre les praticiens consultés pour les cas de vaginisme.
Quel est donc son mécanisme? Presque tous les auteurs l'ont assimilée à la contracture du sphincter anal. C'est évidemment le même mécanisme, puisque c'est la même disposition anatomique des fibres musculaires. C’est la crainte de la douleur qui provoque le même réflexe dans les deux cas.
Mais si nous supprimons cette crainte de la douleur dans l’accomplissement de l’acte conjugal, pour faire place à un appétit sexuel, l'assimilation ne saurait plus être la même. On ne peut comparer, en effet, au point de vue psychique, la fonction du sphincter anal, muscle dépendant d'une action exclusivement mécanique, telle que la présence d'un bol fécal dans l’ampoule rectale, à la physiologie du constricteur du vagin, muscle obéissant surtout à des influences cérébrales et dont la contracture cesse précisément sous une impression psychique telle que le désir sexuel, cette impression ne nécessitant parfois d’autre facteur que l’imagination seule. Et dans les cas très rares où cette impression psychique exagère au contraire la contracture, ce phénomène résulte uniquement d’une inversion dans la transmission du réflexe initial, inversion corrigible psychiquement.
Tout ceci revient à admettre la guérison spontanée du vaginisme, et nous ne le nions pas, car si la contracture dépend uniquement de l’état psychique des malades, celte contracture peut disparaître avec l’évolution de cet état psychique.
Si nous examinons maintenant, au point de vue du traitement, la comparaison établie entre les deux contractures anale et vaginale, nous voyons que la fissure à l’anus ne se guérit pas par des pansements, mais bien par la dilatation ou même par le débridement du sphincter anal, opération qui ne peut se faire que par une action étrangère, tandis que ce traitement appliqué au vaginisme, peut résulter de la dilatation spontanée du sphincter vaginal.
Cette dilatation spontanée est suffisante et nécessaire: suffisante car elle fait cesser le spasme, nécessaire car, produite artificiellement, elle ne donne pas les résultats qui sont obtenus du côté de l’anus à l'aide de la dilatation forcée. Le vaginisme qui résiste aux accouchements en est la preuve. Ce qu’il importe donc le plus de corriger dans cette affection, c’est l’état psychique qui engendre la maladie, et de réserver les interventions sanglantes pour les malades chez qui les ressources morales sont absolument nulles, et celles-ci n'ont pas un grand intérêt à guérir.
Les pansements nécessaires à la guérison des petites lésions vulvaires seront d'ailleurs singulièrement facilités par la psychothérapie.
Je crois utile de placer ici encore deux observations qui me paraissent très concluantes.
En causant des questions de gynécologie, il y a un certain temps, avec quelqu’un qui était venu me voir pour un tou» autre sujet que la médecine, mais qui avait mis habilement la conversation sur ce point, j’appris de cette personne l'histoire d'une jeune femme de vingt-trois ans, mariée depuis quatre ans n’ayant pu avoir des rapports avec son mari qu’au bout d’un mois de ménage, et une seule fois qui avait suffi d'ailleurs à provoquer une grossesse. Elle était accouchée laborieusement d’un gros enfant et depuis n’avait pu jamais reprendre la vie conjugale. Cette jeune femme avait vu neuf médecins consécutivement et avait renoncé à se soigner de guerre lasse.
Comme je manifestais un très grand étonnement, surtout en présence des insuccès des divers confrères consultés, mon interlocuteur reprit vivement : « Docteur, cette femme est la mienne et je vous l’amènerai si vous le voulez ».
C’était très tentant car je considérais cette malade comme une véritable curiosité, et comme je pressais le mari de questions très précises, il me fit le récit de sa vie.
11 avait adoré sa femme au début de son mariage, et avait bien constaté qu’elle était douce, caressante même, mais totalement indifférente sous le rapport conjugal. La défloration avait été tentée pendant un mois, provoquant des crises douloureuses qui l'avaient toujours maintenu sur la brèche; une fois enfin, il avait été plus brusque et avait réussi à rendre sa femme enceinte, mais c'était tout; à partir de ce moment les rapprochements étaient devenus impossibles, non seulement par les douleurs, mais par les contractures qu'ils provoquaient.
Un médecin consulté avait déclaré que tous ces phénomènes cesseraient après l’accouchement, mais l’accouchement était venu et le vaginisme avait persisté. Pendant deux ans, les malheureux époux avaient consulté à droite et à gauche, sans aucun résultat, l’examen complet de la malade étant, paraît-il, absolument impossible : les quelques conseils qui avaient été donnés n'avaient amené aucun changement. Enfin un examen sous le chloroforme avait abouti à une exagération de la contracture qui existait probablement à l’état latent, puisqu’il y avait du spasme anal et que la malade ne pouvaitplus s'asseoir que sur le côté.
A cette description, je répondis en demandant au mari s'il s'était aperçu que sa femme manifestât quelquefois des désirs ou des sensations sous une autre forme que la copulation. Il m’avoua alors une chose assez étrange. En présence de l’impuissance où était sa femme de remplir ses devoirs conjugaux, il avait eu évidemment des maîtresses mais sans cesser d’aimer sa femme avec qui il continuait à vivre commc un frère avec sa sceur. Toutefois ces deux platoniques époux
avaient conservé l’habitude de faire lit commun. Or, depuis six mois environ, la jeune femme, qui n’ignorait pas les besoins de son mari, commençait à s'intéresser aux manifestations de l’amour et ne restait pas indifférente à certaines caresses ; elle montrait par exemple une sensibilité particulière du côté de la poitrine, elle était même allée quelquefois jusqu’à présenter de véritables spasmes dans certaines étreintes.
Enhardi, le mari avait fait de nouvelles tentatives conjugales, mais chaque fois qu'il approchait de l’orifice vulvairede sa femme, celle-ci poussait un cri et devenait immédiatement frigide. Elle éprouvait en môme temps un spasme douloureux dont la répercussion se faisait sentir o jusque dans le fondement ».
Je fus convaincu, dès lors, de la possibilité de guérir la malade, chez qui je soupçonnais actuellement une simp e erreur de transmission des sensations. Elle avait atteint le moment psychologique où le traitement médical devait emprunter précisément toutes ses ressources à la psychologie.
Je fis part de ma conviction au mari qui me promit d'envoyer bientôt sa femme à ma consultation.
Lorsque cello-ci vint me voir, elle ne me cacha pas qu'elle savait que sa démarche serait absolument inutile, qu’elle était sans doute « estropiée », et qu'elle tenait simplement à montrer une fois de plus son bon vouloir à son mari aussi bien qu'à sa famille.
Je fis remarquer à cette jeune femme que, dans ces conditions, il était totalement inutile d’essayer de la guérir, qu’il était regrettable pour elle d'appartenir au sexe féminin pour n'en avoir aucun avantage appréciable, et que, d’ailleurs, elle devait être incapable d’éprouver des sensations dont elle ne soupçonnait seulement pas l’existence. Piquée sans doute dans son amoui-propre, elle me renouvela d’une façon discrète les révélations de son mari; je lui fis avouer alors qu’elle aimait celui-ci et, insensiblement, cherchant à éveiller quelque jalousie et à faire regretter un état évident d'infériorité, j’évoquais dans son esprit les phases classiques par lesquelles passe l'imagination d’une femme lorsqu’un premier désir s'est allumé en elle. Puis je la conduisis à analyser ses douleurs, à bien en préciser les divers caractères et à déterminer elle-même un point unique dont le contact engendrait tous les réflexes pénibles dans lesquels consistait sa maladie. Très rapidement, elle subit l’influence de celte suggestion. Il ne restait plus qu’à prouver à celte malade qu’elle était bien faite comme les autres femmes et qu’elle pouvait en avoir toutes les qualités en laissant soigner localement la petite lésion qui devait être la cause première de sa maladie. J’avais alors dans ma cliente, une véritable auxiliatrice, prête à se laisser examiner, et abordant cet examen pour la première lois sans répulsion.
Je constatai à la vue l’intégrité parfaite du périnée qui n'avait conservé aucune trace de l'accouchement datant déjà de trois ans. L’on-
lice vulvaire était très haut placé et rappelait par sa forme et les nombreux plis qu’il présentait, un véritable anus. Il semblait y avoir dans le vestibule un sphincter vulvaire contracté d'une façon permanente.
Je pratiquai d'abord le toucher rectal en évitant la moindre pression du côté de la vulve, et m’assurai ainsi qu’il n’existait aucune affection pathologique appréciable du petit bassin. Le doigt serré d’abord par le sphincter anal put bientôt exécuter tous les mouvements que je lui imprimai, grâce à un léger massage du périnée. La douleur, légère au début du toucher, devint rapidement nulle.
• J’entrepris alors un massage des muscles abdominaux et des adducteurs pendant 5 à 6 minutes, tout en faisant causer la malade et lui recommandant d’exécuter de profonds mouvements d’expiration. Je parvins ainsi à pratiquer un toucher vaginal à son insu, en laissant longtemps la main droite à plat au-devant du périnée cl de la vulve, a pour laisser prendre confiance à l’orifice vaginal », tandis que lamain gauche exécutait des vibrations circulaires sur toute la région hypo-gaslrique. A la fin de mon examen, je fis constater à la malade, à sa grande stupéfaction, que mon index droit pénétrait librement, sans provoquer le moindre spasme, jusqu’au fond du vagin, et qu’il lui serait facile maintenant d’inlroduire une canule d’injecteur pour prendre des injections émollienles et détruire un état inflammatoire qu’une absence de soins hygiéniques entretenait depuis des années. Je pratiquai moi-niôme un grand lavage de la cavité vaginale.
Je fis ainsi une dizaine de séances de suggestion armée du massage: à la seconde, je pus examiner assez la malade pour constater la présence de deux vésicules d’herpès qui furent rapidement guéries. Dès la quatrième, j’introduisis un spéculum que je laissais plusieurs minutes en place. Une fois aussi, je voulus me rendre compte de la contracture, que je n’avais pu apprécier jusqu’ici, et je constatai combien il élait encore facile de la provoquer.
Bref, à la dernière séance, je lui suggérai la certitude de pouvoir, le soir même, avoir des rapports normaux avec son mari, j'avais naturellement interdit toute cause d'excitation pendant toute la durée du traitement, et ces rapports eurent bien effectivement lieu, si j’en juge par la visite étonnée et heureuse que me fil le mari reconnaissant, dès le lendemain matin, en se rendant à ses affaires.
Depuis, l’union est rentrée dans ce ménage.
Je fus évidemment servi dans ce cas par l'évolution psychique qui s’était faite dans le tempérament de celle malade. Il n'en est pas moins vrai que, si au lieu d’examiner mon sujet en psychologue, je m'étais borné à recourir brutalement à l’examen gynécologique d'emblée, j’aurais échoué comme mes précédents confrères et peut-être exagéré le vaginisme de cette jeune femme.
lôn poursuivant dans cette voie, j'aurais été amené à faire une opération très complète qui aurait peut-être permis le coit, mais qui n’en aurait pas enlevé la crainte et le résultat définitif eût été loin d'étre ce
qu'il fut. Il existait bien de petites lésions justiciables d'un traitement gynécologique, mais de ces lésions qui guérissent en quarante-huit heures avec un pansement simple et approprié. La guérison vraie a été obtenue par la psychothérapie, car en admettant le rôle bienfaisant du massage, celui-ci n'eut pu être tenté sans la suggestion préalable : il fut, au contraire, un puissant adjuvant de cette suggestion.
Voici maintenant un autre cas : il s'agit d'une femme de trente-six ans, mariée depuis huit ans à un veuf, qui u’a jamais pu avoir de rapports conjugaux complets, et qui n’éprouve que de la coitophobie lorsqu'elle est auprès de son mari. Il est vrai de dire que celui-ci, plus âgé qu’elle d'une quinzaine d'années, et qui n’a jamais connu que deux femmes dans sa vie, sa première épouse et sa femme actuelle, n’a fait aucune tentative capable d’éveiller les sensations de cette jeune femme. 11 n'y a pas d'enfants.
Quand je vis la malade pour la première fois, elle avait tous les signes du vaginisme, et comme la précédente, avait une région anale assez douloureuse pour ne pouvoir s’asseoir que sur le côté. Elle éprouvait pendant la marche et la station debout une pesanteur continuelle au niveau de la région périnale. Elle souffrait en urinant et parfois aussi en allant à la garde-robe. Son caractère était très modifié, devenu même quelque peu irascible.
A l’examen, l'orifice vulvaire était plissé, et comme lésion très nette il existait un petit polype inséré sur la marge uréthrale, polype extrêmement douloureux, point de départ du vaginisme d'après le toucher direct.
Les douleurs disparurent avec l’excision du polype, la contracture céda après quelques séances de massage, mais le coït resta aussi pénible, quoique possible, d’après les conseils que j'avais pris la peine de donner au mari, qui ne les suivit point d’ailleurs ; ce qui revient à dire que, dans ce cas, tout l'obstacle réside dans la constitution du mari, sur qui il serait intéressant d’essayer la psychothérapie, mais avec toutes les réserves que commande son âge.
Il n’en est pas moins vrai que ces deux observations me paraissent fort probantes à l'appui de mon hypothèse. Elle montre l’influence de l’action psychique sur une affection de date ancienne, et les heureux résultats de la psychothérapie par rapport à l'intervention sanglante.
Elles établissent en outre l’existence d’autres troubles psychiques liés au vaginisme, engendrés par lui et évoluant parallèlement, aggravant l’affection à mesure qu’ils croissent et croissant à mesure que l'affection s'aggrave. Ces troubles relèvent directement du domaine de la psychothérapie.
Le vaginisme intéresse aussi le psychologue par scs complications. Il apprend au mari à déserter le foyer conjugal, et îe mari est le premier coupable en ne cherchant pas à arracher la femme à une appréhension fâcheuse. Bien des malheurs sociaux relèvent uniquement d'erreurs conjugales.
Ainsi se trouvent expliquées par le facteur psychique du vaginisme, toutes les particularités que nous avons signalées plus haut. Nous devons en conclure qu'à côté du traitement de cette affection il existe une véritable prophylaxie du vaginisme, si bien mise en lumière par Gallard dans ses leçons magistrales.
Autrefois, les mères de familles accompagnaient les jeunes épousées jusqu’au seuil de la chambre nuptiale et leur donnaient, parait-il, des conseils salutaires. Aujourd'hui, l’éducation féminine est telle, que bien souvent la jeune fille, qui va devenir femme, peut remercier sa mère de ses conseils, que celle-ci n’ose d’ailleurs plus lui donner. 11 en résulte souvent bien des surprises désagréables et des malentendus, ce que l’on apprend étant bien au-dessous de ce que l’on croyait connaître.
D'autre part les jeunes hommes ne connaissent plus les côtés poétiques de l’union conjugale qui est plutôt considérée comme une o affaire » plus ou moins pratique.
Les médecins consultés sur de petits inconvénients conjugaux, sourient, conseillent de la vaseline, (‘) et demeurent indifférents car ils ne sont pas sûrs de mettre eux-mêmes au monde des enfants dont ils auront préparé la naissance.
Lorsque Gallard conseillait aux pères de famille d’instruire leurs fils et de leur apprendre à mettre en pratique le vieux proverbe : « Douceur et persuasion font plus que force et violence x, il voyait juste dans la pathogénie du vaginisme.
Enfin, si le vaginisme est connu et décrit depuis un demi-siècle seulement, cela tient à bien des causes : la rareté relative de la maladie d’abord et la possibilité d'une guérison spontanée, puis les progrès de la gynécologie qui ont probablement arraché cette affection du domaine de la psychologie pour la porter sur un terrain exclusivement chirurgical; et si la maladie parait devenir plus fréquente de nos jours, c’est peut-être parce que l’on a abusé de ce terrain nouveau, peut-être aussi les femmes sont-elles plus nerveuses, et peut-être enfin, le besoin de vivre vile en rendant les hommes toujours pressés a-t-il fait oublier à ceux-ci qu’en amour, comme en bien d'aulres sciences, l’étude des préliminaires ne devait jamais être négligée. En effet, si les nerveux sont en général « brusques », ce sont les brusques qui font les nerveuses.
De tout ce qui précède, il résulte :
Io Que le vaginisme reconnaît comme cause principale un état psychique, consistant soit en une absence totale de certaines sensations, soit en une erreur de transmission de ces sensations.
2° Que cet étal psychique est essentiellement modifiable soit spontanément, soit par une éducation particulière. Si cette modification est proche par évolution spontanée, une simple suggestion suffit à la provoquer, sinon un traitement psychothérapique plus complexe peut amener
(lj On se ruppeile le vieux proverbe émis pur uu confrère trivial qui prétendait qu’avec beaucoup de salive et une grande patience on peut arriver à tout.
le même résultat. Un traitement médical approprié doit être employé comme adjuvant dans la limite de ce qui est nécessaire.
3° Enfin, que le vaginisme intéresse le praticien au point de vue psychologique. parce qu'il montre une fois de plus le rôle moral et philosophique du médecin dans la Société.
Discussion.
M. Félix Regnault. — Rien n'est plus soumis à la suggestion que les fonctions génitales. À côté du vaginisme, il convient de citer les noueurs d’aiguillettes. L'antiquité connaissait déjà leurs exploits. Néron, Ilonorius, Théodoric, Charlemagne. auraient été liés. Au Moyen-Age, les noueurs étaient fort redoutés : quantité de chevaliers et de dames furent noués par la vertu de mystérieuses paroles ou de pratiques magiques.
Les récits de l’époque nous ont transmis quelques-uns de ces procédés.
Le noueur se tenait, pendant la célébration du mariage, à la porte de l’église, avec une petite corde de lin ou de soie. Attentif aux mouvements du prêtre, il faisait un nœud à sa corde et se signait de la main gauche en disant : ribal, — puis un second nœud et un second signe de croix accompagné du mot : nobal, — enfin, au moment où le prêtre donnait l’anneau nuptial, il faisait un troisième nœud, un dernier signe de croix et prononçait : vanarbi ; le charme était complet.
Ou bien encore, pour les personnes de haut rang, on prenait l’aiguillette d’un loup, on la nouait avec un 111 de plomb, et la jetait sur le passage des jeunes mariés quand ils revenaient de l’église.
On luttait contre ce sortilège en frottant avec delà graisse de vieux loup les pieds du lit nuptial, en mettant du sel dans sa poche, etc., etc.
L’Eglise, dans plusieurs conciles, a jeté l'anathème sur les noueurs.
Aujourd'hui encore, on croit aux noueurs d’aiguillettes dans nos campagnes. Un petit livre intitulé les Secrets admirables du grand Albert nous donnent encore les mêmes procédés pour nouer l’aiguilletlc.
Le Dr Hikmet m’a appris que même croyance est très répandue en Turquie : ici encore le noueur fait des nœuds avec une corde pendant la cérémonie religieuse. Aussi ne laisse-t-on pas entrer pendant cette cérémonie les personnes inconnues. Nombreux sont les cas d’impuissance hystérique. Comme remède, on porte des amulettes.
Il est fort probable que les anaphrodisiaques n’agissent que par suggestion. Ils sont fort nombreux. A Athènes autrefois, les vierges consacrées à Diane et à Minerve trouvaient le calme des sens sur un lit de feuillage d’agnus castus ; à Rome, les vestales dormaient tranquillement sur un oreiller garni de chèvrefeuilles. On croyait et on croit encore ii la vertu du coquelicot, du nymphéa' et, de nos jours, on emploie dons les couvents les boissons de nénuphar elle camphre.
• A part la cantharidc qui est dangereuse, les aphrodisiaques n’ont aussi qu'une action suggestive.
Tels sont les philtres employés dans ces derniers siècles et qu’on composait avec l’urine et les excréments d’animaux lascifs, avec la laitance du crapaud, le fiel des reptiles, des crêtes de coq.....
D’autres fois, des substances actives et dangereuses, probablement la cantharide, causèrent la mort.
M. Bérillon. —Les solutions et les pommades à la cocaïne ont été souvent recommandées avec succès contre le vaginisme.
M. Aragon. — Je ne suis point partisan de la cocaïne dans ce cas, car elle est désastreuse pour le mari qu’elle rend impuissant. Pour ce qui est des noueurs d’aiguillettes, il en existe un peu partout. A Java, à Sumatra, les femmes contractent volontiers union avec les Européens: ce sont alors des compagnes dévouées, mais extraordinairement jalouses. Quand leurs époux parlent de retourner en Europe, elles leur font boire un certain breuvage qui, parait-il, les rend impuissants. Peut-être s’agit-il simplement d’une impuissance d’origine psychique.
M. Bérillon. — Tout médecin qui pratique la psychothérapie a eu à soigner des cas de vaginisme. Parfois il s’agit d'un catarrhe vaginal ; d’autres fois tout i*éside dans un élément psychique. Certaines jeunes filles subissent avant le mariage des suggestions fort regrettables ; on insiste auprès d’elles sur la douleur des premiers rapprochements; les préliminaires du coucher de la mariée, les chuchotements, les précautions oratoires des matrones ou des mères augmentent la crainte des jeunes filles ; on leur insinue qu’elles vont être soumises à une rude épreuve et elles rejoignent leur mari comme la victime se rend à l’autel du sacrificateur. La peur d'un mal fait tomber ainsi dans un pire. Des jeunes filles sont allées au couvent parce qu’on avait, sans y prendre garde, créé chez elle la phobie du mari. D’autres fois encore le vaginisme est ou causé ou entretenu par l’inexpérience, la maladresse, la timidité du mari. Tout s’arrange alors lorsque celui-ci s’enhardit et reprend confiance en lui.
L'action locale de la cocaïne peut être utilisée pour faciliter la dilatation progressive du conslrictor cunni. Je m’en suis bien trouvé un certain nombre de fois.
Quant aux noueurs d’aiguillettes, ils opèrent encore de nos jours dans nos campagnes. Dans certaines régions, il est d’usage qu’au sortir de l'église le mari quitte la noce en toute hâte et, par des chemins détournés, gagne précipitamment sa maison, où il trouve servis dans son assiette deux testicules de coq rôtis ou grillés. Dès qu’il les a mangés, il est à l’abri du nouage des aiguillettes.
Perversion de l'instinct de conservation chez les animaux
Par M. L. LÉ Pl N'A Y, médecin-vétérinaire,
Secrétaire général de la Société d’assistance aux animaux.
Dans la précédente séance, un de nos distingués collègues, M. le professeur Oaustier, a fait connaître à la Société le résultat d'expériences faites sur les scorpions ; il avait pu se procurer un certain nombre de ces animaux, les mettre au milieu d’un cercle de feu. d'huile, en somme les emprisonner, et il avait observé qu'ainsi immobilisés, ils se livraient à des contorsions, puis se piquaient avec leur dard et ne tardaient pas à mourir.
Il semblerait donc que, dans ces conditions spéciales, le scorpion, plutôt que de n’être pas libre ou de courir un danger quelconque, préférerait se donner la mort, se suicider.
Le mot suicide appliqué aux animaux estbien gros de conséquences; aussi a-t-il déjà été bien discuté, surtout par ceux qui ne veulent reconnaître aux animaux que de l’instinct, que cette impulsion aveugle, fatale, involontaire qui nous porte à des actes et à des sentiments auxquels notre raison est étrangère, qui porte l’animal à faire parfaitement, du premier coup et toujours de la même manière, une chose dont le but lui échappe.
Et pourtant des faits nombreux, bien rapportés, semblent établir que des animaux se sont suicidés.
Il m'a donc paru intéressant rechercher les cas de prétendus suicides, de les analyser, et sinon de trancher la question, tout au moins de l'examiner et de vous soumettre ma manière de voir.
Là, c’est un chien qui n’a pas pu survivre à la mort de son maître et qui s'est laissé mourir de faim. 11 y a quelques mois, un cheval d’omnibus, rossé d'importance, cherchait d'abord à se soustraire aux coups qui pleuvaient, se débattait, se cabrait, et finalement franchissait le parapet d'un pont et se jetait dans la Seine. Les spectateurs étaient tous d’accord pour affirmer que l’acte paraissait réfléchi.
Je me rappelle un cheval que, certain jour, je voulais fatiguer et que j’obligeais à galoper dans une prairie par des claquements de fouet. Il fut effrayé et chercha à fuir la correction dont je le menaçais; enfin il se jeta tête baissée dans la palissade pour s’y soustraire, au risque de se tuer.
Dans nos hôpitaux vétérinaires, il n'est pas rare de voir un petit animal se prendre de chagrin, refuser toute nourriture, hurler nuit et jour, se précipiter contre les portes de sa cabane, se briser la tète, paraissant enfin préférer la mort à l’éloignement de ses maîtres. Et peur celui qui vit en contact continuel avec les animaux, qui sait les observer, qui par métier ou amitié s'est appliqué à les comprendre, ou à s'en faire comprendre, il n’y a pas là que des faits mécaniques, irréfléchis: on voit brillerdans les yeux de l’animal une colère qui l’aveugle,
une rage qui quelquefois a pu être prise pour la véritable ; on sent que c'est un être décidé à risquer le tout pour le tout.
A propos de la Révolution de 1830, Casimir Delavigne a écrit une poésie touchante, Le chien du Louvre, sur un chien blessé à la bataille en même temps que son maitrc. Le maître meurt ; le chien accompagne le convoi et refuse de quitter la tombe, où il se laisse mourir à son tour.
Gardien du tertre funéraire,
Nul plaisir ne peut le distraire De son ennui ;
En fuyant la main qui l'attire.
Avec tristesse, il semble dire :
Ce n’est pas lui.
• • • • ........
Si la neige avec violence De ses flocons couvre en silence Le lit de mort,
Il pousse un cri lugubre et tendre Et s'y couche pour le défendre Des vents du Nord.
Une famille, propriétaire d'un chien, perd un fils ainé ; l'enterrement est à peine terminé que le chien sc glisse furtivement dans le cimetière. On le trouve dans un état d’ennui, d’abattement, de véritable désespoir et il faut le faire sortir de force.
Cette famille part habiter presque immédiatement à plus de 25 kilomètres : ce déplacement parait diminuer le chagrin de l'animal, mais ne l'empêche pas de revenir chaque quinzaine faire une visite au cimetière.
Un propriétaire de Chcnnevières-sur-Marne possédait deux chiens jumeaux ; l’un d’eux vint à mourir et fut enterré dans le parc : la nuit suivante le survivant déterra le cadavre; on transporta ce dernier au loin, le vivant le chercha en vain, puis refusa toute nourriture et se laissa mourir.
De même un chien danois dont le frère avait étc expédié à l'étranger, selaissa mourir malgré l’intervention d’un vétérinaire. Ces cas abondent, mais ne sont pas considérés par tous comme des suicides.
Je crois qu'il y a deux raisons à cette diversité d’opinions.
La première résidedans ce fait que nous ne retrouvons pas chez les animaux les variétés des suicides de l’homme. Il faut réfléchir que les animaux ne peuvent, pour la plupart, tout au moins, se faire sauter la cervelle, se pendre, s'asphyxier ou s'administrer un toxique quelconque; force leur est donc de recourir à un petit nombre d’expédients dont le plus simple est de sc laisser mourirde faim.
N’esi-cepas, d'ailleurs, un suicide assez fréquemment employé par les humains, quand l’être qui veut se donner la mort, lient, par respect
humain, ou pour qu'on n'en recherche par les causes à accomplir son acte, sans bruit, sans éveiller l’attention de l’entourage, ou quand, à la volonté de se donner la mort s'ajoute la peur d’une arme à feu, la crainte de souffrir, l'ignorance des poisons ou des doses auxquelles il faudrait les prendre, ou encore la préoccupation que l’acte ne rejaillisse pas sur les enfants, sur la famille.
J’ai connu un cas semblable : une jeune femme de ma connaissance s’est laissée mourir ainsi, parce qu’elle soupçonnait son mari d'avoir une maitresse et qu’elle se considérait comme délaissée ; dès le début de la maladie simulée, je soupçonnai quelque chose d’analogue en la voyant, sans motif plausible et sans un état maladif grave, refuser obstinément toute nourriture ; je connus trop tard la vérité, pour pouvoir intervenir utilement ou faire intervenir la suggestion.
Autrefois, c'étaitle suicide le plus répandu, on mourait de désespoir, de chagrin, d’ennui ; en somme, on se laissait mourir de faim.
Notre savant secrétaire général, le Dr Bérillon, nous relatait dernièrement le cas d’une femme bien décidée à se suicider de cette façon, et pour laquelle il dût faire les plus grands efforts de suggestion.
La seconde raison c’est qu’on ne sait pas assez ce qu'est en réalité le suicide ; je ne parle pas, bien entendu, de ces drames, dont les phases sont plus ou moins voulues, plus ou moins calculées, en vue de déguiser la vérité, de dérouter l’opinion publique, dans l’espoir qu’une intervention souhaitée empêchera l'acte de s’accomplir.
Nous pouvons attribuer aux animaux de l’intelligence, mais il ne faut pas les gratifier de nos raffinements, de nos névroses, de nos hyperes-thésies psychiques.
Chez tous les êtres, il y a une fonction qui les empêche d’attenter à leurs jours, qui les fait s’accrocher à la vie presque instinctivement, malgré les déboires, les peines, les chagrins, les revers; on a appelé cette fonction l'instinct de conservation ; et l’idée de suicide ne vient à ces êtres, hommes ou animaux, que lorsqu’il y a inhibition des centres qui président à cet instinct de conservation, lorsqu’il y a une perversion de cet instinct.
Voici donc la raison du suicide au point initial, chez les êtres simples, intelligents, mais d’une intelligence peu développée. L'inhibition de l'esprit de conservation est complète, la volonté est abolie ou plutôt reportée sur un seul point, le désir de ne plus vivre ; l’être se laisse mourir ou se fait mourir sans préparation, sans apparat, sans manifestation bruyante; ce parait être le cas des animaux, mais cela n’en constitue pas moins un suicide.
Il y a peut-être aussi cette autre raison, que les êtres à intelligence peu développée ont une compréhension moins étendue des choses ; ils vivent sans grands plaisirs, sans jouissances raffinées; ils meurent sans grande appréhension.
La mort n’est pas aussi effrayante pour eux que pour nous ; on peut même admettre que la plupart des animaux n’en comprennent pas le
sens; il serait peut-être hardi de conclure que tous sont dans co cas, car les exemples de suicide que je citais plus haut dénotent bien quelque réflexion, une compréhension peut-être confuse, mais qui n'en est pas moins une compréhension, le sentiment d’un grand péril, d'un danger irréparable. Ce chien qui se laisse mourir sur la tombe de son maitre sent bien que ce dernier ne reviendra pas, qu’il est là pour toujours, qu’ii y a un malheur inéluctable, sans cela il ne se laisserait pas aller au désespoir complet, puisqu'il se sait auprès de son maître, de celui qu'il affectionnait tout particulièrement.
Ne sont-ce pas d’ailleurs les religions, avec lesquelles les animaux n’ont rien à faire, qui nous ont donné l’explication de la mort, la peur de la mort et conséquemment une faculté de conservation plus développée, plus difficile à inhiber.
Ne sont-ce pas les dogmes religieux qui nous ont faussé le jugement sur la mort et scs conséquences, qui ont créé chez nous moins la peur de la disparition que la peur de l’au-delà.
Si on nous avait simplement dit que nous étions créés pour remplir une mission, un devoir, pour apporter, chacun dans sa sphère, une pierre à l’édifice social, pour faire de l’altruisme et être satisfait et suffisamment récompensé quand nos efforts avaient pu produire le bien, nous aurions une toute autre idée de la mort, nous irions plus simplement, plus naturellement à la façon des animaux.
Je disais plus haut que si les animaux n’expriment pas leurs craintes, comme nous le faisons nous-mêmes, c’est parce qu'ils ne possèdent pas notre langue pour les manifester, mais leur infériorité, qui tient presque entièrement a l'absence de la parole, n'est qu'apparente ; ils connaissent le danger, ils en sentent la profondeur, ils extériorisent bien la peur par le tremblement, la sueur; la pâleur seule passe inaperçue et pour cause.
Bartolucci cite le cas d’un cheval qui, conduit chaque jour dans un hôpital où il avait subi une grave opération, s’enfuyait aussi rapidement que possible et tremblait effroyablement quand on l'y ramenait de force.
Une vache, ayant subi une opération douloureuse, se mettait à trembler chaque fois qu'eile entendait la voix du vétérinaire, puis était prise d’une diarrhée abondante et s'enfuyait.
Des chevaux ne peuvent entrer chez le maréchal sans trembler et présenter les mêmes symptômes.
J’ai pris intentionnellement des exemples parmi des animaux ne passant pas pour les plus intelligents.
Chez l’homme, le suicide n’est pas toujours le résultat d’une inhibition naturelle de l’esprit de conservation; comme ce doit être le cas chez les animaux.
Les êtres humains sont poussés au suicide par des intoxications, l’alcool, le tabac, la morphine, par un manque de confiance en eux, par
une exagération de leurs déceptions, de leurs douleurs, de leur amour-propre, de leur honneur, de leur responsabilité.
Ces causes multiples créent de véritables psychopathies et de nombreuses variétés de suicides que nous ne pouvons évidemment pas rencontrer chez les animaux.
Je n'entends pas, comme je le disais au début, démontrer surabondamment que les animaux se suicident; je crois simplement qu’après mes observations et les faits que j’ai cités, il est difficile de leur refuser cette qualité ou ce défaut et que si quelques-uns les croient encore incapables d’actions réflexes, impulsives,d’émotivité, c’est qu’ils les ont peu étudiés, et qu'en ce qui concerne le suicide, ils n’ont pas étudié les cas simples et naturels, mais les suicides de l’être humain névrosé et déséquilibré.
Je demande à la Société de bien vouloir laisser cette question à l'ordre du jour, et à mes honorables collègues d’y réfléchir et d’apporter leurs observations négatives ou positives; c’est une question de psychologie comparée dont la solution peut être très intéressante.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Les séances de la Société d'hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 2S, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.
Les prochaines séances de la Société auront lieu le mardi 21 mai et le mardi 18 juin 1901.
Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général 14, rue Taitbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.
Le professeur Joffroy à l’Académie de médecine
Par 65 voix sur 7i votants, M. le professeur Joffroy a été élu à l’Aca-démic de médecine.
De taille moyenne, portant la moustache et la barbe, avec un teint frais de jeune homme et des yeux clairs les plus limpides du monde, l’éminent médecin de Sainte-Anne, professeur de Clinique des maladies mentales à la Faculté, donne à qui le voit et l’entend pour la première fois une impression très forte et très juste de modestie sérieuse, de loyauté parfaite et de bonté profonde. Celui que son maitre Charcot se plaisait à nommer le solide Joffroy est, d’autre part, un excellent esprit
scientifique, nullement aventureux et plus épris de vérités rigoureusement contrôlées que d’hypothèses et de vues de l'esprit.
Son nom est et demeurera certainement attaché à l’histoire d’un très grand nombre de maladies nerveuses et mentales, de la méningite hypertrophique, de la paralysie infantile, des atrophies musculaires, des névrites périphériques qu’il a décrites le premier en 1S79, un an avant la première publication du professeur Leyden, de Berlin. Et ce sont là travaux de premier ordre, comme du reste ceux qu’il a publiés depuis sur les maladies mentales, sur la paralysie générale et sur l'intoxication par l’acool.
C’est un bon maître très aimé que le nouvel académicien, et c'est une heureuse recrue pour la savante Compagnie que ce brave homme de bon sens, qui sait parler — il Ta souvent prouvé — avec à propos et finesse.
Tel est le portrait que nous extrayons du Figaro et que nous sommes heureux de reproduire ici, en exprimant à M. le professeur Jofîroy nos sincères et respectueuses félicitations au nom de tous les collaborateurs de la Revue.
• NOUVELLES
Institut psycho-physiologique, >.ï9, rue Saint-André-des-Arts.
Enseignement de l’hypnotisme et de la psychologie physiologique
L’Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l’étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l’hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.
L'organisation de l’institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.
Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique;, est annexée à l’institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister, et sont cxcrcés à la pratique de la psychothérapie.
Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d’aliénés, y complète son cours à l'Ecole pratique delà Faculté de médecine semestre d’été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de 1 hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les Dr* Iienry Lemesle, Bellemanière, Wateau, Jaguaribe, et dans ses démonstrations de psychologic expérimentale par MM. les Dr* Paul Farez, A. Guimbeau, Bianchi, et par M. Charles Verdin.
Depuis 1892, pendant le semestre d’hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.
M. le Dr Paul Joire, correspondant de l’institut psycho-physiologique fait, chaque année à Lille, un cours annexe d’hypnologie.
Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l’acquisition des appareils les plus nouveaux.
Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l’histoire de l'hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.
Chaque année, un certain nombre d’étudiants trouvent d’importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l’institut psycho-physiologique.
Cours a l’Ecole pratique de la Faculté de Médecine. — M. le Dr Bérillon, médecin-inspecteur des asiles d’aliénés, a commencé le lundi 22 avril, à cinq heures, à l’Ecole pratique de la Faculté de Médecine (amphithéâtre Cruveilbier), un cours libre sur : Psychologie physiologique et pathologique. — Applications cliniques de l’hypnotisme. Le Dr Bérillon étudiera spécialement les maladies de la volonté et les maladies de la personnalité.
Programme
La méthode hypno-pédagogique. — L’éducation psycho-physiologique de la volonté. — La création du caractère et la constitution de la personnalité.
Applications de l’hypnotisme au traitement des aboulies, des obsessions, des idées fixes, des phobies, des états d’anxiété, des habitudes automatiques (onychophagie, onanisme, etc.); des impulsions irrésistibles (kleptomanie); des intoxications (morphinomanie, dipsomanie, etc.).
La lutte entre l’hérédité et la suggestion.
N. B. — Le cours sera complété par des démonstrations cliniques à l’institut psycho-physiologique, 49, rue St-André-des-Arts, les samedis à 10 heures et demie. (S’inscrire à l'institut psycho-physiologique).
Hôpital de i.a Pitié. — M. le Dr Babinski a commencé le samedi 20 avril, à dix heures, à l’Hôpital de. la Pitié, un cours sur les maladies du système nerveux. Il le continuera les samedis suivants, à dix heures.
L'Administraleur-Gérant : Ed. BÉRILLON
REVUE DE HYPNOTISME
EXPÉRIME^ALf^\ THÉRAPEUTIQUE
15« Année — N° 12.
Juin 1901.
Théorie physiologique de l'hystórie
par le Dr Binet-Sanglé. {suite)
VI
Modifications de l’intelligence et du caractère produites par les troubles de la mémoire chez les hystériques.
Il n’est pas un instant dans la vie, sauf peut-être dans le sommeil profond, où des ondulations nerveuses ne parcourent les conducteurs qui réunissent entre eux les neurones de mémoire et ne fassent entrer en phosphorescence les empreintes qu’ils contiennent. Si les voies parcourues par ces ondulations sont depuis longtemps tracées dans le cerveau, les phénomènes de conscience qui se produisent alors prennent le nom de jugement et de raisonnement. Mais si les voies parcourues sont des sentiers de traverse, on a ['association des idées, la rêverie, le rêve, les traits d’esprit, les coups de génie. On appelle intelligence l’ensemble de ces opérations. L'intelligence a donc la mémoire pour base. Elle travaille sur les empreintes contenues dans les neurones de mémoire.
La grandeur de l’intelligence dépend :
1° Du nombre de ces empreintes;
2° Du nombre des ondes nerveuses qui les traversent.
Dès lors on conçoit qu'aux trous dans la mémoire correspondront, chez les hystériques, des trous dans l’intelligence. Leur intelligence varie en effet en raison inverse de leur amnésie. Tel d’entre eux paraîtra aujourd:hui très capable, demain fort ordinaire, et après demain stupide. Mais comme ils ont toujours un certain nombre de neurones de mémoire
en état de rétraction, leur intelligence n’est jamais aussi étendue, même dans les meilleures périodes, qu’elle le serait s’ils étaient guéris ; et ils présentent toujours ce que Pierre Janet a appelé un « affaiblissement de la faculté de synthèse », c’est-à-dire une certaine difficulté à rassembler, dans un même moment, les images et les idées se rapportant à un même sujet.
Et cela explique admirablement leur suggestibilité. En effet, s’ils acceptent si aisément les idées ou mieux les jugements qu’on leur impose, c’est qu’ils sont dans l’impossibilité de rassembler au bon moment toutes les images ou idées qui s'y rapportent et de leur opposer des jugements contradictoires. « L'idée ou le groupe d’idées suggérées, dit Charcot, se trouvent dans leur isolement à l’abri du contrôle de cette grande collection d’idées personnelles depuis longtemps accumulées et organisées qui constituent la conscience proprement dite (*) ». C’est aussi ce qu’exprime Paul Sollier de la manière suivante : « Par suite de l’engourdissement des centres cérébraux dans le vigilambulisme (2), il n'y a plus de contrôle des centres les uns sur les autres, d’où la possibilité de la suggestion (3) ». Dès lors on conçoit que cette suggestibilité sera d'autant plus marquée qu’il y aura un plus grand nombre de neurones en état de rétraction. Aussi est-elle à son maximum dans l’hypnose.
Il est à remarquer que l’intelligence des hystériques se montre meilleure lorsqu’elle opère sur les images et les idées recueillies avant la maladie. C’est que les neurones de mémoire impressionnés depuis la maladie sont moins nombreux, par suite de la rétraction d’un certain nombre d’entre eux, que les neurones impressionnés avant la maladie, ou qu’ils ont été moins bien impressionnés par suite des troubles sensoriels. La confusion mentale des hystériques résulte souvent du même phénomène poussé à son comble.
Si l’amnésie a pour effet de diminuer ou de troubler l’intelligence des hystériques, Fhypermnésie fait en revanche apparaître chez eux des intelligences locales extrêmement vives. Cela tient à la facilité avec laquelle les empreintes neuroniennes s’illuminent dans l'agrégat hypermnésique. Le malade fait
(1) Charcot : Maladies du système nerveux, III, 337.
(2) Co mot est d’ailleurs mauvais. I.’expression veille hystérique me parait meil-
leure.
souvent preuve, pour un groupe déterminé d’images et d’idées, d’une clairvoyance et d’une pénétration extraordinaires. Il devient un génie partiel. Une paysanne hystérique, ignorante, naïve, d’ailleurs hallucinée, se montre tout à coup douée d’un esprit supérieur. Hier elle gardait des moutons dans sa province. Aujourd'hui elle entraine à sa suite un roi et une armée et chasse les envahisseurs du territoire de la patrie. Le cas de Jeanne d’Arc n’est plus incompréhensible et n’a rien de surnaturel. Ce n’est ni la première ni la dernière hystérique qui, grâce à une hypertension cérébrale localisée, accomplira de grandes choses. Si Ton fait rentrer l’hystérie fruste dans le cadre des maladies mentales, il est certain qu'il y a beaucoup de vrai dans cette phrase de Jules Soury : « Tout ce qui a été fait de grand sur la terre, et, à parler simplement, peut-être tout, est l’œuvre de dégénérés épileptoïdes ou vésaniques (‘) ».
Certains traits du caractère des hystériques résultent de la rétraction des neurones de mémoire associée ou non à la rétraction des neurones de sensation.
Ainsi s’explique leurs caprices et leur inconstance. S’ils se réjouissent et s’ils s’attristent si aisément, c’est que rien ne vient du champ de leur mémoire atténuer l’idée triste ou joyeuse qui passe en leur conscience (2). Aussi bien ont-ils vite fait d’oublier leurs joies et leurs peines. S’ils se prennent d’affection ou de haine pour une personne «sans savoir pourquoi», c’est que rien ne vient contrebalancer la raison qu’ils ont eue, à un moment donné, de l’aimer ou de la haïr. S’ils admirent ou s’ils déprisent avec tant de force ce qui laisserait tout autre homme indifférent, c’est qu’ils ont momentanément oublié les choses plus dignes d’admiration ou de mépris qu’ils ont eu déjà l’occasion de percevoir. Leur vanité et leur égoïsme sont aussi la conséquence de leur amnésie. Car, oubliant aisément ce que valent et ce qu’ont fait les autres, il n’ont plus pour se juger eux-mêmes de termes de comparaison, et ils tendent à l’absolu.
Leur impulsivité s’explique de la même manière. Comme ils ne peuvent, dans un même moment, rassembler qu’un très petit nombre de ces idées qu’on appelle des motifs d'action, ils se décident, ayant à peine réfléchi, ou sans réflexion aucune.
(1) Jules Soury: Le système nerveux, 1899, I, 225.
(2) J’emploie ici le langage psychologique vulgaire. L’emploi du langage physio-psychologique m’entraiuerait à «Je trop longs développements.
Enfin les prétendus mensonges des hystériques ne sont le plus souvent que le résultat d’oublis, de troubles sensoriels ou de suggestions.
VII
De la rétraction combinée des divers ordres de neurones
Il est rare que la rétraction porte sur un seul des trois systèmes de neurones supérieurs (neurones de sensation, de mémoire et de mouvement). En général des neurones de divers ordres sont en même temps en état de rétraction, et l’on constate à la fois des troubles de la sensibilité, de la mémoire et de la molilité.
Les neurones de sensation se trouvant en amont des neurones de mémoire et de mouvement, la rétraction de ceux-là entraîne la rétraction de ceux-ci, en les privant des ondulations nerveuses qui les sollicitent à l’extension.
En effet, chez les hystériques :
1° Les troubles de la sensibilité sont suivis de troubles de la mémoire ;
2° La diminution ou la perte du sens musculaire détermine une indécision et une maladresse des mouvements qui peut aller jusqu’à l’ataxie ;
3° L’occlusion des yeux, en supprimant les ondulations nerveuses résultant de la transformation des ondulations lumineuses, met tel malade dans l'impossibilité de tirer la langue ou d’exécuter quelque autre mouvement, et peut même entraîner une rétraction des neurones de proche en proche aboutissant à l’hypnose ;
4° Un trouble léger de la sensibilité, comme l’aura, est suivi à l’instant même d’une demi-rétraction des neurones de mouvement aboutissant à une attaque ; tandis que la rétraction complète des neurones de sensation, chez un malade présentant des secousses, fait cesser ces accidents en entraînant la rétraction complète des neurones de mouvement à demi-rctractés. C’est ce qu'a bien vu Paul Sollier : « Les accidents paroxystiques, dit-il, cessent quand l’anesthésie devient très profonde ou absolue (J) » ;
5° Enfin tel trouble de la sensibilité peut être suivi de contractures simples ou systématisées.
Inversement la réextension des neurones de sensation rétractés entraîne celle des autres neurones. C’est ainsi que la restauration de la sensibilité est suivie de celle de la mémoire et de la motilité.
La réextension des neurones de mouvement se fait avec la même vitesse que la réextension des neurones de.sensation. En effet si celle-ci est assez rapide pour qu’il se produise des décharges sensitives (voir plus haut), il se produit en même temps des décharges motrices, tremblements, contractions athétosiques, secousse choréiques, attaques, qui s’expliquent de la même manière. Au surplus quand l’extension des neurones de sensation est devenue complète, et que par suite les décharges sensitives ont cessé, l’extension des neurones de mouvement l’est également et les secousses ne se produisent plus.
La disparition des troubles de la sensibilité entraîne aussi la disparition des contractures.
On peut donc poser en loi que, chez les hystériques :
Les troubles de la sensibilité sont toujours suivis de troubles de la mémoire et de la motilité (amyosthénie par exemple) et que : L'amélioration de la sensibilité est toujours suivie d'une amélioration de la mémoire et de la motilité.
Toutefois Paul Sollier est allé trop loin en subordonnant toutes les manifestations hystériques à l’anesthésie. Car il se peut très bien que les neurones de mémoire ou de mouvement se rétractent avant les neurones de sensation, ou que des neurones appartenant aux trois systèmes se rétractent ensemble, comme il arrive dans l’attaque syncopale. Ce qui est vrai, c’est que le processus de rétraction commence le plus souvent par les neurones de sensation. Il en est ainsi à ce qu’il semble dans l’hypnose et dans le sommeil.
Si l’on estime qu’un homme est endormi lorsque un grand nombre de ses neurones corticaux sont rétractés, il est certain que nous dormons pendant toute la durée de notre vie. En effet, dans cet état socialiste qu’est le cerveau, tout ie monde travaille, mais aussi tout-le monde se repose, et il n’y a jamais qu’un petit nombre d’équipes sur le chantier. Aussi bien le contraire ne saurait se concevoir. Se figure-t-on un homme qui, dans le même moment, éprouverait toutes les variétés de sensations, aurait tous ses souvenirs présents à la mémoire, ferait contracter toutes ses fibres musculaires et travailler tous ses laboratoires organiques? Si elle pouvait se produire, cette
érection générale du système nerveux serait suivie d’un épuisement total et de la mort.
Aussi, dans la veille normale, le plus grand nombre des neurones de chaque centre sont en état de rétraction. Or, dans la veille hystérique, ce nombre est de beaucoup supérieur au nombre normal. Et voici ce qui en résulte.
Tous les neurones qui sont restés rétractés pendant le jour, se trouvant reposés le soir, reviennent à l’état d’extension au moment où se rétractent ceux qui sont en état d’extension pendant le jour. De telle sorte que les hystériques ne sont jamais ni complètement éveillés pendant le jour, ni complètement endormis pendant la nuit. Ce fait a été parfaitement mis en évidence par Paul Sollier : « Les hystériques ont de l’insomnie la nuit, dit-il, parce qu’elles sont constamment plongées dans un état de sommeil pathologique qui empêche le sommeil naturel de se produire (*). » Et cela est si vrai qu'à cette question de l’auteur : « Quand vous ne pouvez plus dormir la nuit, pourquoi ne dormez-vous plus ? » une hystérique répondit : « Mais on ne peut pas dormir deux fois ! ». « Je dors au moins depuis quatorze ans, disait une autre malade. Je ne dors plus la nuit depuis ce temps-là ». Bien plus ce demi-sommeil continuel a toujours tendance à s’approfondir, et il suffit souvent de priver les hystériques d’un certain nombre d’ondulations nerveuses centripètes (par exemple de leur fermer les yeux), ou au contraire de fatiguer un certain nombre de leurs neurones de sensation (par exemple de leur faire entendre un bruit monotone), pour que se rétractent, non seulement les neurones inactifs ou fatigués, mais un nombre tel d’éléments nerveux que le sujet s’endort d’un sommeil particulier qui est l’hypnose.
Dès qu’un hystérique est guéri, dès que sa veille redevient normale, il recouvre aussi le sommeil normal.
L’étude de la veille et du sommeil des hystériques nous conduit à l’étude de leur personnalité.
Tout, dans l’état actuel de la science, nous invite à définir la personnalité, l’ensemble des images et des idées actuellement conscientes ou susceptibles de le devenir. L’état de la personnalité dépend ainsi du nombre de neurones impressionnés et en état d’extension ou susceptibles d’v entrer. La personnalité varie donc à tout instant. Emporté dans le tourbillon des choses, je
ne suis pas, dans la minute présente, ce que j’étais dans la minute qui a précédé, et ce que je serai dans la minute qui va suivre. L’introspection répétée à quelques jours de distance permet à chacun de se rendre compte du phénomène. A qui n’est-il pas arrivé, dans un voyage par exemple, alors que les impressions variaient considérablement d’un jour à l’autre, de se trouver, à un jour donné, un peu différent de la veille ?
Mais alors que chez l'homme normal la personnalité évolue d’une façon à peine sensible, elle se modifie d’un moment à l’autre et souvent d’une façon considérable chez l’hystérique. Chez lui des agrégats entiers de neurones se rétractent tout à coup, laissant des trous dans la personnalité, et déterminant un rétrécissement du champ de la conscience analogue au rétrécissement du champ visuel.
Le pallium de l’hystérique est comparable à une colonie animale qui se désagrège. Aussi bien n’est-ce pas une colonie animale? Elle résulte, nous le savons, du tassement et de l’agglutination de petits agrégats de neurones, dont chacun commandait primitivement à un métamère distinct (Brissaud). Ces familles neuroniennes ont formé des tribus. Les tribus ont formé des peuplades.
Enfin les peuplades se sont organisées en une nation puissamment centralisée, où le poly-zoïsrne et le polvpsy-chisme des ancêtres étaient à peine apparents, et où la puissance de synthèse avait atteint à son maximum.
Jusqu’à ce qu:un poison, l’alcool par exemple,venant à imprégner ce peuple de neurones, en fit régresser les individus vers les états inférieurs, et déterminât cette dislocation que nous retrouvons dans les sociétés décadentes.
Scbcme 7. c?, voies centripètes. n. colonie de* neurones corlicau -ck, voies cculrifüj’as.
Schème S. n', agrégat rétracté, n, neuro-diélectrique, ci-, .n, cr, comme dans la fi y précédente.
Ainsi diminution et régression de la personnalité quand l’état s'aggrave, réagrandissement et progression de la personnalité quand l’ctat s’améliore, telles sont les alternatives incessantes de la vie psychique de l'hystérique.
Le schème 7 représente une personnalité normale, et le schème 8 une personnalité réduite par la rétraction d’un agrégat N* et par la formation d’un neuro-diélectrique D entre N et N’.
N peut être réduit à fort peu de chose, à un petit groupe d'images hallucinatoires
comme dans Yexlase, à un petit groupe d’idées comme dans l'obsession et Vidée fixe. On dit alors que l’image ou l’idée principale «envahit le champ de la conscience. » Il serait plus juste de dire que le champ de la conscience se réduit à l’image ou à i'idée fixe. N peut même être réduit aux portions de circuits nécessaires à la production des mouvements respiratoires et circulatoires, comme il arrive dans certains cas de léthargie ou encore
M Schème 9.
CP.N.N’. n, cr, comme dans lalig. précédente.
chez l’homme normal soumis à l’action d’un anesthésique générai (schème 9).
L’agrégat N’ no communiquant ni avec les voies centripètes ni avec les voies centrifuges, n'a aucun moyen d’entrer en action ni de le manifester. Il est comme s’il n'existait pas, et lorsqu'il se réunira à N, il ne lui apportera rien de nouveau. Il n’y a donc pas là à proprement parler de dédoublement de la personnalité.
Mais il n’en est plus de même si N’ conserve ses communications avec CP, ou avec CP et avec CF. Eludions successivement ces deux modes de dédoublement.
Premiekmode —L'agrégat A” conserve ses communications avec les j’oies centripètes (schème 10).
N’ continuant de recevoir des ondulations centripètes, ses neurones do sensation entreront en vibration, ses neurones de mémoire seront impressionnés,il acquerrades connaissances nouvelles, associera des images et des idées, jugera, raisonnera, pensera à Tinsu de N. Et, s’il arrive qu’il se ressoude momentanément à N par un isthme I, il lui enverra les systèmes d’ondulations, les images et les idées qu’il aura élaborées, ces messages psychiques dont le métaphysicien fait des intuitions et le dévot (presque toujours hystérique) des inspirations de Dieu ou des conseils du diable. Si N’ se ressoude complètement à X, il en résultera de la confusion mentale.
Deuxième MODE.— L’agrégat A ’conserve scs communications avec les voies centripètes et avec les j’oies centrifuges.
Dans ce cas les deux personnalités entrent en action et se
Schàme 10. i. isthme des message* psychiques, cp, n, >•’, ».a'.comme dans la fig. précédente.
manifestent séparément. Elles peuvent actionner en même temps l'organisme qu'elles se partagent ou bien en prendre possession chacune à leur tour.
1° Les deux personnalités agissent en même temps (schème 11).
Il en est ainsi dans Vautomatisme verbal, l’écriture automatique, et Y hémisomnambulisme.
Dans l’automatisme verbal, tandis que N préside aux autres mouvements de la vie, N\ qui contient des images verbales, commande aux muscles de la parole. Dans l’écriture automatique, N’, qui contient des images graphiques, commande aux muscles de l’écriture. Dans l’hémi* somnambulisme, N\ qui contient diverses images motrices, préside à divers actes. Le mot automatisme appliqué aux deux premiers phénomènes est des plus mauvais. En effet les contractions des muscles de la parole et de l’écriture résultent de la transformation d'ondulations nerveuses, qui proviennent elles-mêmes de la transformation des mouvements extérieurs au système nerveux. D’automatisme point, là pas plus qu'ailleurs dans la nature, le mouvement initial ne pouvant même se concevoir.
On comprend que l’une des deux personnalités puisse d’unepartrecevoiretexécu ter des suggestionsindépendamment, et d’autre part s'étonner des mouvements et des actes résultant du fonctionnement de l’autre. '
•2J Les deux personnalités agissent à tour de rôle (schème 12).
Les agrégats N et N’ sont à tour de rôle en communication avec les voies centripètes et centrifuges, le premier par a a’ (des neuro-diélectriques infranchissables existant en b et en b'); le second par b b: (des neuro-diélectriques infranchissables existant en a et en a’). De telle sorte que l’organisme obéit
Scheme 1!.
ci-, s, s’ d, cy, comme dans la 11g. prccédcnlo.
successivement à ces deux agrégats et que Je sujet vit alternativement deux vies.
Si N et N’ sont à peu près de la même grandeur, on appelle l’un personnalité première et l’ctat de l’organisme, alors qu'il lui est soumis, état premier. L’autre personnalité seconde et l’état de l’organisme étal second.
Si N est beaucoup plus grand que N’, on dit, lorsque N fonctionne, que le sujet est éveillé (veille pathologique et incomplète, nous l’avons vu), et, lorsque N’ fonctionne, que le sujet est en état de somnambulisme. On comprend pourquoi le sujet peut, lors de chaque nouvelle période d’état second ou de chaque nouvelle crise de somnambulisme, exprimer des souvenirs se rapportant aux périodes et aux crises antérieures.
Il peut arriver dans ce deuxième mode du dédoublement comme dans le premier que N et N’ entrent momentanément en contact par un isthme, et que des messages psychiques passent de l’un à l’autre. C’est alors que le sujet peut retrouver, à l’état de veille, des souvenirs du somnambulisme, et, dans
lo somnambulisme, des souvenirs de l’état de veille. La soudure complète de N et de N: détermine de la confusion mentale.
Ce n’est pas seulement en deux agrégats N et N’, mais en trois, en quatre et plus que peut se diviser la colonie des neurones corticaux et la personnalité normale ; ces agrégats pouvant d’ailleurs se ressouder les uns aux autres comme précédemment. Soit une colonie neuronienno divisée en quatre agrégats N, N’, N”, N’” correspondant, l'un à l’état de veilie, les trois autres à trois états somnamhuliques (schème ¡3). Supposons que N se ressoude à N'. Daus le nouvel état qui appa-
-Scboaie 12. ai. a'b', neuro-diélectriques. cp, y, x, d, ck, c'jmmc daas la Iig. précédente.
rait alors N + N’, le sujet pourra exprimer des souvenirs de N et des souvenirs de N\ De même dans l'état N + N* + N'
il pourra exprimer des souvenirs des trois états composants; et enfin dans l'état N-+ N' + N” + N”’ des souvenirs des quatre états composants. Tout état supérieur prend alors à l’égard de l’état inférieur le nom de somnambulisme dominateur. Les
états considérésdansleur ensemble constituent des somnambulismes en gradation.
Telle est la théorie physiologique que je propose de substituer aux théories psychologiques de l’hystérie.
Schème 13.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 19 mars 1901. — Présidence de M. Jules Voisin
La séance est ouverte à 4 h. 35.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire Général donne lecture de la correspondance imprimée qui comprend: 1° un ouvrage du Dr Hamaide, intitulé Du tremblement essentiel héréditaire; 2° plusieurs numéros de la Revue internationale de Psychologie comparative ; 3° deux brochures de M. le Dr Milne-Bram-well (de Londres), intitulées, l’une Hypnotic and Post-Hypnotic Appréciation of Time; Secondary and Multiplex Personalitics, l’autre Dipso-mania and its treatment by Suggestion.
La séance est levée à 6 h. 40.
L’épilepsie de Gustave Flaubert (1)
par M. le Dr Binet-Sanglé
Le temps me manque pour répondre, comme il conviendrait, à l’intéressant article de M. le Docteur Félix Regnault (2)sur les psychosurnor-maux épileptiques.
Laissez-moi dire seulement que je maintiens d’une manière absolue le diagnostic d’épilepsie que j’ai porté pour Gustave Flaubert.
L’observation que j’ai prise de cet homme de génie l’a été avec tout le soin et toute la circonspection nécessaires. On est en droit de lui reprocher de n'ôtre pas complète, mais les faits qui y sont inclus peuvent être considérés comme historiques.
Au demeurant, je ne partage pasla théorietrop exclusivede Lombroso sur la nature épileptoide du génie, et je fais dès maintenant une distinction entre les hommes totalement supérieurs et les géniaux, monstruosités psychiques, que la pathologie a le droit de revendiquer.
Je me réserve de traiter la question dans son ensemble lorsque j’aurai réuni un nombre suffisant d’observations. Mais chacune d'elle exige un travail considérable.
M. Félix Regnault. Je n’ai jamais ni dit ni écrit que Flaubert ne fut pas un épileptique. Ce que je prétends, c’est qu’on n’en sait rien, parce que les observations publiées sont trop incomplètes.
Applications de la psychothérapie aux neurasthénies graves et anciennes avec complications diverses : phobies, obsession hypocondriaque, polysarcie, etc.
par M. le Dr Bourdon (de Méru).
La neurasthénie qui, jadis, n’était en quelque sorte, qu'un symptôme ou un ensemble de symptômes non coordonnés, est, depuis quelque temps déjà, grâce aux travaux de Beard, de Charcot, de Bouveret, de Levillain, etc., une maladie bien caractérisée et quia pris rang dans le cadre nosologique, près des névroses. Mais cela ne suffisait pas pour la guérison et, jusqu’à ces dernières années, on la considérait, sinon comme étant au-dessus des ressources de l’art, du moins et avec trop de raison, commeunedes maladies les plus rebelles et les plus longues.
Aujourd’hui, il n’en est plus ainsi, grâce à la psychothérapie, car parmi les maladies où éclate sa supériorité sur toutes les médications figure à l’un des premiers rangs la neurasthénie, dont elle constitue le traitement de choix, surtout dans les accidents anciens et tenaces.
Tous les auteurs ont montré l’importance du traitement moral chez
(t) Lettre adressée par M. le D' Binet-San^lé et lue en séance de la société.
(2) Revue de ¡'Hypnotisme, mars 190!, p. 270.
les neurasthéniques. Mais, pour maintenir l’influence dont le médecin a besoin, pour rassurer le malade, pour le diriger et le guérir, il faudrait l'isolement et la plupart s’y refusent. Il faut donc, dans les cas rebelles surtout, la suggestion hypnotique qui, appliquée méthodiquement et en connaissance de cause, sous la forme qui convient le mieux au sujet, est une façon de l’isoler et qui donne,, contrairement à l’opinion reçue, des résultats rapides et indéniables.
Certains auteurs avaient émis l’opinion que les ncurathéniques étaient moins hypnotisables et moins suggeslibles que les autres personnes.
Mais il n’en est rien et si cela est vrai pour ceriains sujets (hommes surtout), avec lesquels il faut beaucoup de patience et qui se montrent réfraciaires à l’hypnotisme pendant les premières séances, soit par la nature môme de la maladie qui les empè.he de pouvoir fixer leur attention et de concentrer leur pensée sur l’idée du sommeil, tant leur esprit est préoccupé de l'idée morbide et ne peut s’en détacher, soit parce qu’ils sont persuadés qu’ils ne pourront être endormis, uoit que, par amour-propre, ils se croient humiliés à la pensée de subir l’influence de quelqu’un, etc., cela n’est pas exact pour la plupart des autres, pour les femmes surtout, chez lesquelles, d’ailleurs, la neurasthénie est plus fréquente et, pour ainsi dire, mieux caractérisée.
Les faits suivants que je viens d'observer montrent, une fois de plus, l'utilité et la puissance de la psychothérapie, de cette branche si importante et si négligée encore, de la thérapeutique et, comme toujours, ils faut regretter sa trop rare application.
I
Neurasthénie ancienne, avec dépression nerveuse intense, troubles dyspeptiques
et cardiaques graves, tendance à la polysarcie, etc. consécutive à l'influença de
i88q-qo compliquée d’autres causes.
M“fl L., tablelière, 38 ans, grande et belle femme, d'apparence magnifique, est malade depuis 11 à 12 ans, à la suite de l’influenza qu’elle a eue en 1889 90, sous forme céphalique et gastro-instestinale prédominante, et depuis laquelle elle a toujours conservé des envies de vomir ou des vomissements dont rien n’a pu la débarrasser, avec, dit-elle, un petit retour de la maladie tous les ans, qui ne faisait qu’accentuer les symptômes etsurtoi;t la faiblesse et l’épuisement nerveux, avec étourdissements. etc.
Avant l’influenza en question, cette femme était seulement faible, anémique, ayant eu beaucoup d’enfants (sept, plus deux fausses-couches), beaucoup de peines, de chagrins de famille, avec belle-mère et mari alcoolique, qui la battait, ayant enfin beaucoup souffert physiquement et moralement.
Au point de vue héréditaire, pcrc diabétique, mort phtisique: mère vivante et bien portante.
Celte malade ne présente aucun des stigmates de l’hystérie.
Le mal, chez elle, s’est aggravé depuis deux ans; aux envies de vomir persistant depuis plus de dix ans, se sont ajoutés des vertiges beaucoup plus marqués, des battements de cœur, avec arythmie, car-dialgie, comme si des aiguilles la piquaient, et douleur vive à la pointe du cœur qui l'empêche de pouvoir se coucher de ce côté, douleur inter-scapulaire et rachialgique et surtout autour de la tête avec le fameux casque de plomb, constipation opiniâtre, perte de l'appétit, gastralgie, dyspepsie, clapotement et dilatation de l’estomac. Puis, déviation de la nutrition avec prédominance de la cellule graisseuse, tendance à lapolv-sarcie et à la surcharge graisseuse du cœur et, parallèlement, augmentation do la faiblesse et de l’anémie, presque plus de sang menstruel et à peine rosé, dyspnée, essoufflement à la moindre marche, syncopes fréquentes etprolongées (d’une 1/2 heure à3/4 d’heure, surtout depuis un an.
Epuisement nerveux complet, neurasthénie de plus en plus caractérisée.
Depuis deux ans environ, cette malade a suivi un traitement médical, approprié, avec toniques, eupeptiques et reconstituants de toutes sortes : strychnine, arséniates, cacodylates, g’ycéro-phosphates, diastase, pepsine, pancréatine, alternés avec iodures et alcalins, frictions, hydrothérapie, massage, etc.
Puis, plus tard, un confrère a diagnostiqué neurasthénie paranémie cérébrale, dilatation des cavités droites du cœur avec un certain degré d’œdème pulmonaire, hypotension artérielle, surcharge graisseuse du cœur, etc., et l’a traitée par la spartéine, la théobromine, puis par les iodures, etc., sans résultat favorable, au contraire.
Puis elle était revenue au premier traitement avec quelques modifications. Elle se trouvait mieux; elle avait déjà maigri un peu, elle était moins essoufflée, elle avait moins de palpitations et Jedouleursde toutes sortes, moins de constipation, elle mangeait et digérait un peu mieux, mais cela ne suffisait pas et elle était loin d’être guérie.
C'est alors que le 4 septembre 1900, je puis soumettre cette malade au traitement par la suggestion hypnotique, jusque là dédaignée. Le diagnostic de la ËUggestibüité m’ayant révélé qu’elle devait être facilement hypnotisable étaitpour moi un encouragement. En effet, dès la !r‘ séance, elle s’endort facilement et tombe en état de sommeii profond (avec anesthésie, catalepsie, automatisme, etc.,
Après les suggestions nécessaires réitérées et un sommeil volontairement prolongé, je !a réveille. Elle ne se souvient de rien, mais elle déclare qu’elle se trouve beaucoup mieux et, dit-elle, « comme dans un autre monde. » Elle semble sortir d’un long rêve. Elle ne sent plus de vertiges, plus de douleur du côté gauche, plus d’envie de vomir, beaucoup moins d’oppression, elle se sent capable de marcher sans autant d'essoufflement
Trois semaines après (car eile n’a pu revenir plus tôt et ne pourra venir que tous les huit jours), à la 2e séance, elle m’annonce avec bonheur que, non seulement elle n’a plus d’envies de vomir, d’étourdissements,
de palpitations, de maux d'estomac, etc., mais qu’elle dort bien, ce qu'elle ne faisait pas depuis longtemps et surtout qu’elle peut se coucher sur le côté gauche ce qu’elle pouvait encore moins faire, qu'elle est de moins en moins essoufflée. Elle est heureuse de revenir. ,
Elle s’endort plus facilement encore que la première fois et, après cette 2e séance, elle se trouve encore mieux et quand, huit jours après, elle revient pour la 3" séance, elle se trouve encore beaucoup mieux: elle est radieuse; plus jamais de maux de cœur, dit-elle, de ces haut-le-corps à se démonter la poitrine sans vomir et, depuis la 2r séance, les heureux effets de sa suggestion hypnotique se sont déjà fait tellement sentir sur tous les points, qu'elle et son patron, qui s'intéresse beaucoup à elle, en sont stupéfaits.
Elle n'a plus engraissé depuis la lrt séance: elle a au contraire diminué, elle se sent plus forte et une chose qui les étonne particulièrement c'est que l'urine, depuis si longtemps trouble, est redevenue claire. C'est un indice, lui dis-je. de l'équilibre fonctionnel qui se rétablit dans tout l’organisme.
A la 4e séance, huit jours après, elle va de mieux en mieux. De môme qu'elle n'a plus eu de nausées, plus de picotements ni de douleur au cœur plus de vertiges, de névralgie avec casque de plomb, plus de rachialgie, etc., les forces ont augmenté. L’embonpoint diminue de plus en plus et la surcharge graisseuse du cœur a suivi une marche parallèle; elle n’a plus de syncopes, plus de palpitations, presque plus d'oppression à la marche, puisqu’elle peut faire d'assez longues courses à pied; elle n’a plus d’arythmie et la tension artérielle redevient normale.
Elle n’est plus constipée, mange bien, digère bien, dort bien, etc. L’équilibre fonctionnel ne laisse plus grand’ehose à désirer.
Son patron, chez qui elle est contre-maitresse. répète toujours que c’est incompréhensible et surnaturel, que cela tient du miracle. Mais ce qui étonne et surtout satisfait le plus !a malade, ce n’est pas tant la disparition des autres symptômes que le fait de ne plus vomir et de pouvoir se coucher sur le côté gauche, ce qu'elle ne pouvait faire depuis plus de dix ans.
Enfin, après huit séances, assez espacées, l’équilibre fonctionnel est complètement rétabli, les forces nerveuses chaque jour de plus en plus restaurées et la guérison un fait accompli:
Il y a de cela près de six mois et le résultat ne s’est pas démenti.
Dernièrement, je recevais de !a malade une lettre dityrambique et débordant de reconnaissance.
II
Neurasthénie, avec obsession hypocondriaque, phobies, etc., consécutive à une abordante hémorrhagie datant de so ans.
Mrae D., tabieticrc autrefois et couturière depuis six ans, depuis qu'elle est veuve, a eu quatre enfants, tous morts au cours de la dentition. Elle
a, dit-elle, la tête malade depuis vingt ans, à la suite d’une perte abondante. après une couche, perte qui avait causé une grande anémie et des crises nerveuses. Tristesse invincible depuis cette époque.
Au point de vue de l’hérédité, son père et son grand-père étaient colères, d’un caractère violent, emporté. Elle a eu des coliques hépatiques et néphrétiques.
Le mal s'était accentué avec le temps et surtout dans ces dernières années, pendant lesquelles cinq ou six bronchites successives étaient venues aggraver la première, contractée il y avait quatorze ans, après avoir pris un grand verre très froid d’eau de Vichy, et suivie d’emphysème avec douleur permanente du côté gauche.
Depuis lors, les idées tristes avaient augmenté, surtout après la mort de son mari, il y a six ans. Elle était obligée de quitter sa journée à cause de ses ennuis et pleurs continuels.
Grâce ù la diversion causée par la longue maladie de son mari, mort phtisique, elle avait été beaucoup mieux, n'avait plus d’idées noires, mais après, étaient venues des idées de suicide, qu’elle avait surmontées. Mais, il y a un an, au moment de sa ménopause, elle avait été très malade de la grippe, craignant d’étre poitrinaire, d’avoir une maladie de cœur et se sentant 1res malheureuse, les idées noires et de suicide avaient repris le dessus, cl elle y avait encore résisté, quoiqu’ayant toujours peur de la maladie.—C’est dans ces conditions, que, après avoir en vain suivi diverses médications, voyant qu'elle n’aboutissait à rien, et ayant entendu parler de guérisons que j'avais obtenues par l’hypnotisme, elle me fit demander par une amie de vouloir bien la soumettre à ce traitement, convaincue, disait-elle, que cela seul pouvait la guérir.
Ce désir vivement manifesté, cette confiance dans l'hypnotisme étaient certes une bonne condition et une grande chance de succès.
Outre les symptômes indiqués plus haut, cette malade offrait tous les stigmates de la neurasthénie, tous les symptômes essentiels et secondaires : céphalée avec casque de plomb, troubles dyspeptiques avec dilatation gastrique légère, insomnie et troubles du sommeil, hvper-esthésie spinale, étourdissements et vertiges, troubles oculaires, auditifs, troubles de la sensibilité générale, de la motilité, désordres de la circulation, etc.
Grâce aux divers traitements suivis, elle avait obtenu un peu de mieux, un certain soulagement, quant aux troubles dyspeptiques et autres. Aux poumons, il y avait toujours des signes de bronchite chronique et d’emphysème. Rien au cœur, mais des palpitations.
A /apremière séance, au mois de septembre, je n'obtiens qu'un sommeil léger ou peu profond, sans automatisme ni amnésie au réveil. Toutefois, après les suggestions nécessaires et répétées, après un sommeil très prolongé, au réveil, elle déclare qu’elle se sent déjà beaucoup mieux et s’en va, heureuse, annoncer à son ami qu’elle est en bonne voie de guérison.
Les séances sont renouvelées d’abord tous les deux ou trois jours, 1«
soir, puisqu’elle ne peut venir qu'après sa journée, puis tous les huit jours, les dimanches après-midi. J’insiste sur la disparition des idées tristes et surtout de suicide, de ses phobies, de ses peurs de la maladie, de la phtisie surtout ; je lui suggère des idées riantes, un sommeil tranquille toutes les nuits, de l’appétit et de bonnes digestions.
Après chaque séance, elle se sent de mieux en mieux. Bien qu’elle se réveille quelquefois, dit-elle, avec un grand ennui qui se dissipe après le réveil, elle a un bon sommeil, sans cauchemars et fait de bonnes nuits, elle mange et digère bien, n’a plus d’idées tristes et encore moins d'idées de suicide, plus de peur de la maladie de poitrine. Chez ses clientes, où, autrefois, elle pleurait toujours, on la trouve gaie aujourd’hui.
Un jour, ayant eu peur d’un chien, elle a eu des saignements de nez, puis une mauvaise nuit, agitée, ce qui l’a fait revenir pour faire réparer ce petit accroc ; puis elle revenait tous les dimanches pour assurer et consolider la guérison. Car, après quinze séances, elle est bien définitivement guérie et, contrastant avec son air profondément triste de naguère, sa figure aujourd'hui a une expression de bonheur (et, j’ajouterai, de gratitude), une expression de gaieté à laquelle n’étaient pas h >bi-tués ceux qui la connaissaient depuis vingt ans. Et il y a bientôt six mois que cet heureux résultat se maintient.
Il semble donc bien que des faits de ce genre et leurs congénères vérifient la proposition émise par un psychothérapeute, à savoir a que la suggestion hypnotique constitue la véritable thérapeutique pathogénique des neurasthénies graves et rebelles, celle qui réussit là où les autres ont échoué, celle enfin qui assure les résultats les plus rapides et les plus durables ».
En tous cas, on ne saurait accepter sans réserve l'opinion encore classique « qu’il n'est pas sans inconvénient d’essayer sur les neurasthéniques l'influence de l’hypnotisation » et puisqu'il conviendrait de pouvoir isoler les malades, le sommeil hypnotique ne serait-il pas plutôt un moyen commode et inoffensif de réaliser cet isolement (auquel ils se refusent), pendant les instants nécessaires à la suggestion ? Tous ceux qui ont été traités par cette méthode ont, de leur propre aveu, trouvé dans l’hypnose prolongée le meilleur des sédatifs nerveux.
Les faits obligent à constater que, loin de provoquer le moindre « détraquement cérébral o, la suggestion hypnotique, lorsqu’elle réussit, constitue le moyen !e plus suret le plus rationnel de fortifier les réactions psychiques des malades, et de leur rendre par là tout ce que leur constitution mentale comporte d’attention, de jugement et de volonté.
Certainement, tous les neurasthéniques ne sont pas les mêmes, il y a des formes variées et là, comme ailleurs, on peut dire que ce n'est pas une maladie que le médecin a à traiter mais bien des malades. Tous les cas ne sont pas aussi favorables, surtout lorsqu'il s'agit de la forme héréditaire, o quand la neurasthénie est due à une conformation vicieuse native du système nerveux, le plus souvent incurable, dit avec raison
Bernheim, les malades sont quelquefois difficiles à hypnotiser ; leur cerveau est obsédé par des impressions si nombreuses, si tenaces, psychiques, sensitives, sensorielles et viscérales, qu'il est souvent rebelle à toute suggestion ; malgré leur docilité, leur bonne volonté, leur désir de se laisser endormir et de guérir, leur système nerveux peut offrir une resislance invincible à toutes les tentatives pour l’influencer. Il en est qui sont impressionnables à l’hypnose et cependant, bien que tombés en hypnose profonde, ils ne sont pas toujours dociles à la suggestion thérapeutique Quelquefois on arrive à une amélioration notable, entretenue par une suggestion prolongée ou répétée. Chez d'autres le soulagement n’est que momentané. Bientôt l'autosuggestion reprend tout son empire, etc., etc., de par la loi fatale de l'hérédité. La seule chose que l'on consta»e alors c’est que quand la suggestion est impuissante, tout est impuissant. »
Mais, d’après les docteurs Van Renterghem et Van Eeden, aucun neurasthénique n'est perse incurable. Cependant, la cure de ces maladies par la psychothérapie exige la création de conditions spéciales s'adaptant à chaque cas particulier.
.....Au lieu de se débarrasser des neurasthéniques ou des hystériques en les faisant voyager, en les envoyant aux eaux, en les bourrant de bromures et de préparations multiples soi-disant anti-nerveuses, on pourra les faire rester chez eux. Pour la majorité de ces malades, un travail intellectuel ou corporel, adéquat à leurs forces psychiques ou physiques, est de toute nécessité, le principal pour eux est de trouver dans le médecin une personne sur laquelle ils puissent en toute conscience se fier, qui sache les comprendre et les conduire. Dans le traitement ainsi compris, la suggestion joue un rôle prépondérant. Au début surtout, on aura recours à des séances fréquentes et prolongées. Si, pour une part, les neurasthéniques sont des dormeurs, d'autre part, beaucoup de ces malades ont perdu 1 habitude du sommeil régulier. Ceux-ci auront ¿réapprendre à dormir; on les accoutumera à se coucher une partie du jour à une même heure, et à rester tranquilles, les yeux fermés, écoulant les suggestions de calme et de bien-ôtre que leur médecin leur répétera de temps en temps, suggestion qu'iis rumineront ensuite ou bien qu’ils réaliseront petit à petit.
Mémo le dormeur profond, le somnambule, n'est pas un sujet docile h la suggestion thérapeutique. Tant chez le dormeur que chez le malade qui ne dort pas, il faut pouvoir raisonner, savoir saisir le côté faible et opérer au moment psychologique pour faire entrer et accepter une idée. Il faut, dès le début du traitement inculquer aux malades de savoir se contenter d’une amélioration plus ou moins considérable de leur état; que nés avec une constitution nerveuse, cette disposition morbide les expose fatalement à des récidives; que les organes ne sont pas entrepris, qu’il s'agit plutôt chez eux d’une fausse équilibration des forces, etc., etc.
Le rôle, le devoir du médecin exerçant la psychothérapie implique à
gagner au plus haut degré la confiance du malade, à lui servir d’ami et de guide. Armé de ces qualités, il saura relever le moral du patient dans ses moments de faiblesse et d’apathie, le conlraindrc à faire effort de volonté, etc.
Envisagé de lasortc et dans certains cas surtout, le traitement de la neurasthénie peut être une cure assez prolongée, mais il est le seul rationnel etconduit infailliblement au but, et l’avenir du'traitement de cette névrose comme de l'hystérie est à la psychothérapie ainsi comprise.
Ce qui est certain, c’est que, dans la neurasthénie, quelle qu’elle soit, il faudra toujours essayer du traitement psychique, lequel, presque tou-jour, ainsi que l’attestent les faits de tous les observateurs, fera mieux et plus que tout le rosie.
Aussi, quel ne doit pas être notre étonnement, à nous tous, qui sommes pénétrés de ces principes et de ces vérités, d'entendre dire, comme on l’a fait dernièrement à la Société de thérapeutique, que la «suggestion est le traitement de l'hystérie, mais qu'elle n’obtient rien du neurasthénique, que la cure psychothérapique n’a que de rares indications, que le neurasthénique ordinaire ne réagit pas à la suggestion Et l'on ajoute que pour obtenir des résultats, il faut que la neurasthénie se complique d’hystérie ou que la neurasthénie soit tellement invétérée, qu’elle ait fini par constituer une synthèse mentale très marquée, que l’hystérie, fille de l’idée, doit guérir par l’idée, que la neurasthénie, fille de la fatigue, doit guérir par la médication tonique ; tandis que les troubles gastriques des hystériques guérissent par suggestion, ceux des neuras-théniques exigent un traitement stomacal» etc..
C’est là une erreur profonde, c’est un langage qui a lieu d’étonner dans la bouche d’hommes aussi éminents et qui semble indiquer, de la part de ceux qui le tiennent, qu’ils n’ont pas ou qu’ils ont mal expérimenté la psychothérapie, langage qui ne devrait pas se produire dans une Société savante aussi élevée que la « Société de thérapeutique » dont le titre implique la connaissance parfaite de toutes le= branches d’une science qui est le couronnement et comme la sanction de la médecine, c’est-à-dire la thérapeutique considérée dans son ensemble.
Certes, il faut aux neurasthéniques, un traitement tonique, stomacal, etc., mais l’un n’empêche pas l'autre et si chez les neurasthéniques qui, longtemps, très longtemps, ont suivi un traitement stomacal, tonique, etc., le traitement le plus complet même, sans résultat marqué, si, dis-je, on vient à ajouter la suggestion hypnotique avec quelque compétence la situation change bien vite, d'une laçon le plus souvent étonnante et cela sans qu’il y ait besoin de la complication d'hystérie ni même de la synthèse mentale dont on a parlé....
Je conclurai en disant qu’un médecin, un thérapeute, digne de ce nom, doit être éclectique, c’est-à-dire prendre son bien partout où il le trouve, la vérité n’étant pas. comme on l’a dit avec raison, ici ou là,
mais éparse), il doit avoir à son arc toutes les cordes possibles, y compris ot peut-être surtout, celle si précieuse et si puissante, de la psychothérapie.
Traitement suggestif des fièvres intermittentes
Par le Dr Félix Hbgnaui.t.
La pratique usitée en Corrèze pour guérir l’hypertrophie de la rate chez les enfants est bien connue.
Le sorcier forgeron étend l’enfant sur l’enclume et frappe violemment celte dernière avec le marteau, puis il feint d’atteindre l’enfant, mais il s’arrête net au-dessus du ventre. Cette scène agrémentée de marche du soufflet, des étincelles du brasier et des rugissements du forgeron terrifie le patient.
On a violemment blâmé ce mode de faire et on a môme affirmé qu'il tombait sous le coup de la loi. Pourtant des traitements analogues existent en d'autres pays et y sont regardés comme efficaces.
Les Arabes d’Algérie, nous dit Achille Robert, pour l’engorgement de la rate, appliquent un morceau de fer sur la partie malade et frappent ce fer de coups sccs à l'aide d’un couteau : cela suffit pour diviser la rate en plusieurs morceaux!
Enfin le Dr Hikmet nous a fourni des renseignements concernant la Turquie. L’hypertrophie de la rate, quelle qu’en soit la cause 'mais il s’agit généralement d’impaludisme), se traite en Perse et en Kurdistan (en ce dernier pays, c’est le seul traitement), de la façon suivante : on fait coucher le malade, on met à nu son ventre, ou on interpose un léger voile s’il s’agit d’une femme: on prend un sabre courbe ou kandjar dont la lame est ornée de dessins linéaires naturels qui se font dans la trempe de l’acier : on le prend très tranchant. Un théologien auquel on a confiance frappe perpendiculairement à plusieurs reprises le tranchant contre la peau, mais sans la blesser, et en même temps il lit une sourate du Coran (Yassin chérif), toujours la même, de la longueur de deux pages environ.
Après cinq ou six séances, le Dr Hikmet a vu en plusieurs cas la rate et le foie diminuer et reprendre leur volume normal. Si, pendant l’opération, la rougeur monte aux joues du sujet, c’est d’un bon pronostic, on dit qu’il se rétablira.
On pourrait croire que le choc de la peau a quelque influence ; mais dans notre premier récit il est nul, et bien insignifiant dans les autres. Je ne saurais donc identifier celte action à celle des douches froides que Laveran (•; reconnaît être très efficaces et môme dangereuses ; la raie, en se contractant, sous l’action réflexe vaso-motrice, rejette les hématozoaires dans le torrtnt circulatoire et un accès de lièvre peut en résulter.
Il s’agit ici d'une action suggestive ou psychique vaso-motrice : la
(1) Traité du ¡¿ludisme, par Laveran, Masson, edilcur.
raie se contracte sous l’influence de l’émotion, de la frayeur et de la foi.
La diminution du volume delà raie amène-t-elle la guérison ou simplement une amélioration passagère? Ne peut-elle môme déterminer une aggravation de la maladie en rejetant, elle aussi, les sporozoaires dans le lorrent circulatoire ? Autant de questions qu’il convient de réserver.
Souvent, d’ailleurs, les remèdes populaires contre l’impaludisme sont uniquement suggestifs.
En Turquie, un personnage vénéré, un parent du prophète ou seyid guérit toutes les maladies anémie, ictère... et surtout les fièvres intermittentes. Il prend des fils de colon blanc tirés du fuseau et non tordus, il en tresse un faisceau de sept fils en murmurant des phrases du Coran ; il le noue en bracelet au poignet du malade en lui affirmant la guérison. Dans les pays fiévreux, chaque soldat a son bracelet.
Dans chaque quartier de Constanlinople exerce un seyid dont la pratique médicale la plus usitée est la suivante. Il inscrit sur un morceau de papier des lettres turques illisibles. Il prescrit de plonger le morceau de papier dans un verre d’eau jusqu’à ce que les lettres en soient effacées. On boit ensuite l’eau, ce qui est un remède efficace. Cette coutume explique une histoire curieuse qui serait arrivée à un professeur de pathologie générale, Nafiz-pacha, de Constanlinople. Il avait prescrit du sulfate de quinine, disant au malade de diviser la prise en qualre parties et d’en prendre une chaque jour. Le malade mangea l’ordonnance en qualre fois, et il fut guéri.
Discussion.
M. Bérillon. — Le D‘ Espinasse a rapporté qu’au cours d'un de ses voyages, manquant de sulfiite de quinine, il avait donné à ses impalu-diques, et à leur insu, des cachets de bicarbonate de soude. L’effet produit fut identique à celui qu’on obtient d’ordinaire avec le sulfate de quinine. Les malades étaient persuadés qu'on leur avait administré ce dernier médicament.
M. Hjkmet (de Constantinople).— En Turquie, de nombreux malades se guérissent de leurs maladies et principalement de l’impaludisme, en avalant des versets du Coran. Quant aux diverses pratiques que vient de rappeler M. Félix Hognault, elles sont, en effet, efficaces, grâce à l’action psychique qu’elles exercent, à la faveur de la confiance que les malades leur accordent.
FOLKLORE
Le culte des arbres
Le culte des arbres est très répandu à la surface du globe; en pourrait dire qu'il est universel. Ainsi que le fait remarquer M. J. Costantin dans sa très remarquable étude sur la religion des Primitifs, on retrouve
ce culte chez tous les peuples sauvages actuels, en Afrique, en Amérique et en Océanie, et chez tous les anciens barbares qui occupaient autrefois l'Europe et l’Asie.
En 1833, lorsque Darwin explorait l'Amérique du Sud et se dirigeait vers Buenos-Aires, il aperçut un arbre fameux que les Indiens vénèrent comme la manifestation principale du dieu Wallichou ou Cama-lasque, lequel réside sous la terre. Cet arbre s’élève au milieu de la plaine : aussi le voit-on à une grande distance. « Dès que les Indiens l’aperçoivent, dit Darwin, ils expriment leur admiration par de grands cris. Comme nous sommes en hiver, l’arbre n'a pas de feuilles; mais, à leur place, pendent des fils innombrables, auxquels sont suspendues des olTrandes, consistant en cigares, en pain, en viande, en morceaux d'étoffe, etc. Les Indiens pauvres, qui n’ont rien de mieux à oiTrir, se contentent de tirer un fil de leur poche et l’attachent à l’arbre. Les plus riches ont l’habitude de verser de l’esprit de grains et du maté dans un certain trou; puis ils se placent sous l'arbre et se mettent à fumer en ayant soin d’envoyer la fumée en l’air, pensant, ce faisant, procurer la plus douce satisfaction à Wallichou. »
Chez les Achanlis, dans la région du Niger, on faisait, il y a peu d’an« nées, des sacrifices aux arbres, à des mimosas sacrés ; on leur apportait des aliments, on suspendait des lambeaux d’étoffe aux branches. Au Dahomey, au siècle dernier, Desmarchais, pendant pendant son voyage en Guinée, vit déposer des malades sous des arbres auxquels on attribuait des vertus curatives et Richardson signale dans l'empire du Bornou, à l’ouest du lac Tchad, des arbres que l'on adorait avant la conversion du pays à l’islamisme; il y en avait cinq ou six dans les environs, et on leur sacrifiait des bœufs et des moutons, en diverses occasions solennelles, le sultan de cette région se rendait en grande pompe au pied d’un de ces végétaux.
Un culte semblable existe encore en Egypte; il y a- peu d'années, on pouvait voir au voisinage du Caire une vénérable plante à large ramure, que les Cairotes appellent un grand médecin ¡hakim-kebir), auprès duquel ils vont en pèlerinage pour se guérir de la lièvre et des autres maladies inflammatoires. Les malades s’agenouillent à côté des racines et récitent des prières ; les branches sont couvertes de pièces d’habillement les plus variées. La sainteté de l’arbre est si grande que ses fidèles considèrent comme une profanation de le dessiner.
La môme survivance d’antiques croyances s’observe en Perse. Le christianisme, ainsi que le rappelle M. Costantin, a eu à lutter contre des pratiques semblables. Au quatrième siècle, il y avait aux environs d’Auxerre un arbre sacré auquel on suspendait des trophées et qui était tellement vénéré par le peuple que sa chute fut considérée comme un triomphe pour les chrétiens.
Tout le monde connaît le culte que les Germains et les .Slaves, des temps anciens vouaient au chêne; tout le monde sait aussi combien cet
arbre et, surtout, le gui qu’il nourrit étaient en vénération chez les Gaulois.
Parmi les végétaux qui jouent un rôle dans les vieilles religions de l’Asie, le figuier des pagodes est au premier rang.
L'aspect de cet arbre est merveilleux. Vient-on à s’approcher d'un individu de cette espèce, dit M. Costantin, on croit entrer dans un bois qui a cinq cents mètres de tour. On observe, en effet, des milliers de colonnes qui paraissent, tout d’abord, appartenir à autant d'arbres distincts; mais on ne tarde pas à s’apercevoir que les branches sont toutes réunies entre elles.
L’arbre est, en réalité, horizontal, et il s'étend ainsi presque indéfiniment en surface, appuyé par de très nombreuses et de très grosses racines qui peuvent être comparées aux pattes d'un énorme monstre cloué au sol.
C’est probablement à cause de ces caractères étranges que Vaçvattha ou ficus religiosa joue dans le bouddhisme un rôle si considérable. C’est l’arbre delà sagesse : « l’arbre qui n'a ni commencement ni fin, qui a ses racines en haut, ses branches en bas, sur lequel tous les mondes reposent ».
Quand Ç’akya-Mouni naquit au sixième siècle avant notre ère, disent les légendes bouddhistes, une tige prodigieuse d'açvattha poussa au centre de l’univers. Maya, sa mère, enlevée de son lit, emportée sur ¡’Himalaya, fut déposée sous un arbre dont le feuillage touffu s’étendait au loin, et quand la reine voulut cueillir une branche, cette dernière s'inclina vers elle.
Malgré l'expulsion du bouddhisme, l’Inde a conservé jusqu’à nos jours le culte du figuier, car l'açvaltha est spécialement consacré au dieu Vichnou. C’est d’ailleurs un culte bien plus ancien que le bouddhisme, puisque dans le Rig-Veda, dont la rédaction remonte à un millier d’années avant notre ère, il est fait allusion à l’arbre a qui porte la figue succulente ».
REVUE DE LA PRESSE ÉTRANGÈRE
La peur comme cause de mort chez les enfants atteints de brûlures légères, parM. E. CiOFFi.iîi/bnna medica, 10, 20 et 21 juin 19ü0.
On admet généralement que les brûlures du premier et du second degré ne sont mortelles que lorqu’une partie considérable de la surface du corps est atteinte ; mais cette règle souffre des exceptions, notamment chez les enfants en bas âge qu’il n'est pas rare de voir succomber à des brûlures superficielles et peu étendues. C’est à une paralysie du cœur par shock physique qu’on attribue d'ordinaire cette issue fatale.
Or, M. Cioffi estime au contraire que, dans ces cas, la mort est due à un shock moral résultant d’une peur vive.
A l'appui de cette manière de voir, l’auteur relate six observations cliniques des plus concluantes. Elles concernent des enfants âgés de un à sept ans, jusque-là bien portants mais très nerveux, qui, au milieu de circonstances particulièrement terrifiantes, se firent des brûlures légères ayant déterminé des phlyctènes peu nombreuses, disséminées sur une étendue de quelques centimètres carrées à peine, (d’un centimètre carré seulement chez un deux). Or, peu après l’accident, ces petits blessés furent pris de fièvre et de délire avec ou sans convulsions, et la mort survint à bref délai.
Il faut donc être très réservé dans le pronostic des brûlures, même superficielles, chez les enfants nerveux. En pareil cas, le médecin doit prendre en sérieuse considération l’état normal du petit malade et les indications de traitement psychique qui en découlent.
Nouvelles voies de la thérapeutique des maladies nerveuses et mentales, par M. Haskovec, Klin. th. Woch, 13 janvier 1901.
Après un aperçu sur la thérapeutique incomplète en raison de l’étio-logie peu connue de ces maladies, il discute l’importance des autointo-xications et des toxines dans l’étiologie des maladies nerveuses. Les troubles de la nutrition, les maladies alimentaires et les affections gastrointestinales entraînent non seulement des maladies nerveuses fonctionnelles, mais encore organiques ; il en est de même des troubles fonctionnels des organes glandulaires. Les maladies toxémiques du système nerveux offrent une relation étroite avec les anomalies de sécrétion de quelques maladies en rapport avec la pathologie des organes glandulaires. L'organothérapiedans ces maladies est appelée à des applications beaucoup plus larges que celles qui se font dans le myxcedème, et c’est surtout aux injections de substance nerveuse et de spermine qu'il faut s’adresser, puis à la psychothérapie.
Sur l’application thérapeutique de la psychologie, par M. Willis
13. Parks, (Atlanta. Journal-Record of médecine), octobre 1900.
M. Willis B. Parks distingue deux sortes d'esprits: le volontaire et rautomatique. Le premier comprend toutes les facultés de raisonnement et toutes les perceptions de conscience qui nous viennent par les cinq sens. Le second, c’est cette mystérieuse chose que les médecins appellent vis medicatrix naturæ. Tous les médecins reconnaîtront que l'effet des médicaments donnés ou des moyens appliqués dépend en grande partie do la confiance que le malade a en son médecin ou aux remèdes. Cette confiance n’est au fond rien autre chose qu’une «suggestion »,
car tous les médecins emploient constamment la suggestion pour stimuler et renforcer l'automatisme de leurs malades.
Chaque neurone a deux sortes de processus : l'un dans le sens de l’axe du cylindre et l’autre protoplasmique. Il a été démontré que les dendrides protoplasmiques produisent des impulsions vers la cellule, qui correspondent aux fonctions volontaires, et que le neuraxonc produit des impulsions qui ont tendance à l’éloigner de la cellule et qui correspondent à la vie automatique. Nous avons la môme dualité de la fonction volontaire et de la fonction automatique dans tout le système nerveux. On voit donc que la thérapeutique psychologique basée sur ces constatations se rattache aux principes incontestés de l’anatomie et de la physiologie, comme tous les autres remèdes.
Pour rendre le sujet plus clair, l'auteur classe le cervelet, le ganglion basai et la corde spinale dans le domaine de l'espril automatique ou involontaire. Le cerveau représente l’esprit volontaire.
Si nous voulons mettre un sujet dans la condition de recevoir la suggestion, nous lui ferons fixer les yeux sur un point indifférent. C’est le premier pas pour le rendre passif, car les impressions partant des yeux vont d’abord au ganglion basai et de là au centre du cerveau volontaire. Si nous désirons que le sommeil se produise, nous prolongerons la fixation des yeux, ce qui augmente la stimulation du ganglion basai, et comme celui-ci est relié avec le cervelet et la corde spinale qui renferme tout le rouage automatique, ces derniers seront aussi stimulés et prêts à toute suggestion, à la condition que la vie et la liberté ne soient pas en question.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Les séances de la Société d’hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Paiais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpélrière.
Les prochaines séances de la Société auront lieu le mardi 18 juin et le mardi 16 juillet 1901.
Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général
14, rue Taitbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jusaieu.
Prix Liébbaült.
Un prix fondé par le Dr Liébeault (de Nancy) sera décerné annuellement par la Société d'Hypnologie et de Psychologie à l’auteur de la meilleure thèse sur l’un des sujets suivants :
Hypnologie, Psychothérapie, Pédagogie, Criminologie, Folklore, Psychologie physiologique et pathologique.
Le prix Liébeault est de la valeur de deux cents francs.
Les thèses des Facultés des Lettres, des Sciences et de Droit sont admises à concourir au même titre que celles des Facultés de médecine.
Les thèses devront être adressées avant le 31 décembre de chaque année à M. le Secrétaire général de la Société d'Hypnologie et de Psychologie, 14, rue Taitbout, Paris.
L’exposition de l’enfance
L'Institut psycho-physiologique est représenté à l’Exposition de l’Enfance qui se tient en ce moment à Paris, au Petit Palais, par une exposition particulière. Des tableaux représentent, par des photographies, les diverses phases de la méthode hypno-pédagogique appliquée au traitement des enfants vicieux et anormaux, ainsi qu’un certain nombre d’applications de ce traitement. Une vitrine renferme un certain nombre d’objets concernant les enfants,et empruntés au Musée psychologique. Parmi ces objets on remarque surtout une collection d’ex-voto et d'amulettes qui forment par leur groupement un chapitre des plus intéressants de la médecine d’imagination.
Le professeur Déjerine
M. le Dr Déjerine, qui vient d’être nommé professeur d’histoire de la médecine à la Faculté de Paris, est né le 3 août 1849, à Genève, de parents français. Venu à Paris pour y faire ses études médicales, sa carrière s’y poursuivit par une longue suite de succès. Il soutint, en 1879, une remarquable thèse intitulée : « Recherches sur les lésions du système nerveux dans la paralysie ascendante aiguë ». L’auteur, y exhumant les importants travaux de Duménil parus dix ans plus tôt, relevait dans la maladie de Landry des lésions denévi*ites périphériques sans participation de la moelle à cette altération. Ce travail fut couronné par la Faculté de Médecine. Ce n’était pas d'ailleurs l'œuvre inaugurale du jeune docteur, qui avait déjà publié de nombreux mémoires d’anatomie pathologique ayant trait surtout au système nerveux et avait, en 1877, obtenu le prix Godard de la Société anatomique pour ses Recherches sur les lésions du système nemeux dans la paralysie diphtérique. Chef de clinique en 1879 à l’hôpital de la Charité, il était nommé en 1832. médecin des hôpitaux, devenait agrégé de la Faculté de médecine
en 1886, avec une thèse qui fit époque sur YHérédité des maladies du système nerveux.
Dans ses travaux, il eut le rare avantage d’être puissamment secondé par Mmo Déjerine-Klumpke, ancienne interne des hôpitaux, qui dut à sa haute intelligence et à son énergie l’honneur de partager à la fois la vie intime de l’époux et les labeurs du savant ; et cette femme, issue d'une famille où la distinction et le talent paraissent héréditaires, qui aurait dû par ses seuls travaux conquérir pour elle-même une place importante dans les sciences médicales, préféra être la dévouée collaboratrice de M. Déjerine et borner ses ambitions légitimes aux succès scientifiques de son mari.
Les travaux du professeur Déjerine sont si importants et si nombreux qu’il nous est impossible d’en faire ici rénumération, et que nous nous contenterons de citer les parties qu’il a plus spécialement étudiées.
Il fit de nombreuses études cliniques et anatomiques sur l’aphasie, sur les localisations cérébrales et encéphaliques et parvint, par des examens histologiques sériés, à préciser plusieurs points d’anatomie de l’encéphale. C’est ainsi qu’il étudia les fibres d'association et de projection des hémisphères cérébraux. Dans un de ses mémoires, il battait en brèche la nouvelle conception de Flechsig qui avait voulu établir la texture du cerveau de l’adulte sur l’étude du cerveau en voie de développement de l’enfantde cinq mois. En collaboration avecMmB Déjerine, ou avec ses élèves Vialet, Long, Theohari, Thomas, etc., il établit les connexions du ruban de Reil, de la couche optique et du noyau rouge, avec la corticalité cérébrale, la localisation de l’hémianesthésie dite capsulaire dans la région du thalamus, dite région du ruban de Reil. etc. L’anatomie de la moelle épinière bénéficia de ses recherches sur la texture et les fibres endogènes des cordons postérieurs sur le trajet inlermédullaire des racines postérieures, les fibres pyramidales, etc.
Ses travaux sur la pathologie de la moelle épinière eurent plus particulièrement trait aux tabès et aux névrites périphériques de cette dernière affection, à la maladie de Friedreich, aux scléroses combinées, aux myélites aiguës, à la poliomyélite, à la syringomyélie.
En outre, il publia de nombreux mémoires sur les affections des nerfs périphériques; le nervotabès, la névrite interstitielle hypertrophique et progressive de l’enfance, les névrites toxiques et infectieuses, etc.
Le professeur Déjerine a publié récemment deux volumes importants sur l’anatomle du système nerveux.
A tous ces titres, nous devons ajouter qu’il n'est pas seulement un anatomiste et un clinicien remarquable, il est également un psychothérapeute convaincu. Dans son service de la Salpêtrière, il a organisé une méthode de psychothérapie dans laquelle la suggestion se trouve combinée à l’alitement et à l’isolement et il en obtient de remarquables effets.
Nous sommes heureux d’applaudir à son élection en souhaitant qu’il ne limite pas longtemps son enseignement à l’histoire de la médecine, et qu’il occupe bientôt une des chaires de clinique médicale pour laquelle ses aptitudes et sa valeur le désignent si naturellement.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
Affectifs (Recherches expérimentales sur la psychologie des sentiments), par Bérillon et Paul Magnin, p. 274.
Affectifs (La psychologie des sentiments). par Félix Regnault p. 298.
Akinesia algera, par Cavazzani, p. 59.
Alcoolisme (Du rôle de la suggestion dans la lutte contre l'), par Siriani, p. 58.
Alcoolisme (Les indications de l’Hypnotisme et de la suggestion dans le traitement de l'), p. 80.
Alcoolisme, dipsomanie et suggestion hypnotique, par Raymond, p. 86.
Alcoolisme (La suggestion hypnotique dans le traitement de l'), par Arie de Jong, p. 309.
Anarchiste Bresci (Psychologie de l'), p. 159.
Arbres (Le culte des), p. 375.
Arthralgie et contracture hystérique du bras droit simulant un rhumatisme musculaire, par Raymond, p. 26.
Aphasie intense avec conservation de la mémoire musicale, p. 285.
Aphonie rebelle ; p. 315.
Articulaire (Affection) hystérique chez une enfant, p. 286.
Astasie-abasie consécutive à une pseudo-attaque apoplectique, par Raymond, p. 56.
Automatisme (Un cas d') ambulatoire, par Bregmann, p. 60.
Aveugles (L’intelligence des), p. 158.
Bibliographie, p. 287.
Bouriot (Nécrologie), p. 128.
Calcul difficile (Un), p. 61.
Centaure (Un), p. 63.
Charcot à l'Académie de médecine (L'é loge de), par Debove, p. 217.
Chorée (Sur la) et son traitement, par Schaikewitsch, p. 59.
Chien quêteur (Un), p. 220.
Congrés international de l’Hypnotisme expérimental et thérapeutique (Deuxième), p. 1, 33, 97, 100, 110, 117, 126, 158, 183, 186.
Cours et conférences de l'institut psychophysiologique, p. 222, 254, 288.
Cours de l’Ecole de Psychologie, p. 223, 255.
Cours du Dr Babinski, p. 352.
Cours du Dr J. Voisin, p. 32, 224.
Cours du Dr Bérillon à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine, p. 288, 320, 352.
Cours pratique d'Hypnotisme et de Psy chothérapie, p. 126, 160.
Cours d'hypnologie et de Psychologie du Dr Paul Joire, à Lille, p. 160.
Cours d’esthétique musicale, p. 224.
Cygnes infanticides, p. 62.
Daltonisme et éducation chromatopsique pendant le sommeil hypnotique, par Paul Farez, p. 311.
Dégénérescence mentale avec phobies multiples, par Jules Voisin, p. 154.
Dégénérescence mentale (Stigmates de) et psychothérapie, par Paul Farez, p. 299.
Délires toxiques et infectieux (De la suggestion hypnotique dans le traitement des), par Régis, p. 230.
Derviches (Les exercices des) expliqués par l'hypnotisme par Félix Regnault et Hikmet, p. 331.
Discours de M. le Pr Raymond, p. 113.
Discours de M. Jules Voisin, p. 111.
Distinctions honorifiques, p. 126.
Ecchymoses spontanées hystériques, par Beclère, p. 311.
Ecole de Psychologie, p. 226, 282.
Epilepsie (Les observations d') sur les hommes de génie, et notamment sur Gustave Flaubert, ont été jusqu’à présent mal prises, par Félix Regnault, p. 270.
Enseignement de l’hypnotisme et de la psychologie physiologique, p. 31, 63, 127, 159, 221, 253, 287, 319, 351.
Esthétique (Conceptions bizarres de l') dans les différents pays, p. 61.
Ethéromanie en Allemagne (L'), p. 286.
Exercice illégal de la médecine par les magnétiseurs (L’), p. 279.
Exposition de l’enfance, p. 379.
Folklore p. 376.
Guérison miraculeuse de maladies d'apparence organique, par Félix Regnault, p. 236.
Gustave Flaubert(Les Hallucinations de), p. 219.
Gustave Flaubert(L’épilepsie chez), par Binet-Sanglé, p. 365.
Hyperhidrose des mains (Note sur la guérison d’un cas d’), par Jaguaribe, p. 266.
Hypnose au moyen d’un diapason, par Urbantschitsch, p. 314.
Hypnotisme (L') devant la loi sur l’exercice de la médecine,
par Henri Lemesle, p. 47. par Th. Julliot.... p. 47.
Hypnotisme à la campagne (La pratique de l'), par Perceau, p. 212.
Hypno-métronome, par Pau de Saint-Martin, p. 214.
Hypnotisme (L’) et la psychologie musicale par Lionel Dauriac, p. 215.
Hiérogénie (Les lois psychologiques de l'), par Ch, Binet-Sanglé, p. 8.
Hypnotisme (L') et les paralysies psychiques motrices, par Bérillon, p. 22.
Hypnotisme (L’) comme moyen d'investigation psychologique.
par O. Vogt......... p. 37, 140
par Paul Farez..... p. 40, 203.
par Félix Regnault p. 45, 164.
Hystérie grave, par Guize, p. 314.
Hystérie et neurasthénie, (Traitement par l'isolement et la suggestion), pur Font, p. 28.
Hystéro-traumatismes oculaires, par Borel, p. 30.
Hystérie (Théorie physiologique de 1’), par Binet-Sanglé, p. 257, 289, 321, 353.
Idées obsédantes et délire de persécution, par Raymond, p. 278.
Illusion visuelle d’origine onirique chez un alcoolique, par Grangier, p. 27.
Impulsions conscientes, par Féré, p. 58.
Index bibliographique, p. 64.
Joffroy (Le Professeur), p. 350.
Juridique (Un attendu) à retenir, p. 285.
Jurisprudence (Les rapports de l'Hypno-tisme et de la suggestion avec la), par Paul Joire, p. 50.
Léthargie chez les animaux, par Félix Regnault, p. 208.
Maladies nerveuses (Diagnostic et traitement des), par Roux, p. 316.
Manie des opérations chez une hystérique. p. 283.
Mariage de pygmées, p. 284.
Mélancolie traitée avec succès par la suggestion hypnotique, par Bérillon, p. 84.
Morphinomanie (De la suggestion hypnotique et de la psychothérapie dans le traitement de la), par Bérillon, p. 308.
Morts (Ce que les Australiens font de leurs), p. 253.
Monstre (Un), p. 284.
Myopie par auto-suggestion, par Peters, p. 61.
Nécrologie, p. 128, 161.
Néomysticisme psychologique, p. 129.
Neurasthéniques (La suggestibilité des), par Bérillon, p. 16.
Névrose traumatique, par Pervouchine, p. 313.
Neurasthénies graves et anciennes (Applications de la psychothérapie aux), par Bourdon, p. 365.
Nez (Le) c’est l’homme, p. 63.
Nouvelles voies de la thérapeutique des maladies nerveuses et mentales, par Haskovec, p. 377.
Obsession du suicide (L), p. 318.
Oculaires de l’hystérie (Sur les manifestations), par Grand-Clément, p. 315.
Oniriques (Sur l’hérédité de quelques phénomènes), par Gianelli, p. 60.
Organisateurs et présidents du IIe Congrès international de l'hypnotisme, par Paul Farez, p. 65.
Orthopédie morale et hypnotisme, par J. Voisin, p. 15
Orthopédie mentale et morale par suggestion pendant le sommeil naturel, par Pau de Saint-Martin, p. 52.
Paralysie de nature hystérique, par Audry, p. 313,
Parole (Les troubles de la) chez l’enfant, par Duprat, p. 29.
Pédagogique (Psychologie), p. 319.
Périodes historiques de l’hypnotisme (Les trois), par Félix Regnault, p. 305.
Perroquet savant (Un), p. 282.
Perversion de l'instinct de conservation chez les animaux, par Lépinay, p. 346.
Peur comme cause de mort chez les enfants atteints de brûlures légères, par Cioffi, p. 376.
Poriomanie (Un cas de), par Donath, p. 59.
Posologie de l’hypnotisme, par Bonjour, p. 310.
Professeur Déjerine (Le), p. 377.
Prophylaxie religieuse (Sur la), par Binet-Sanglé, p. 84.
Pseudo-sclérose en plaques, par Raymond, p. 279.
Pseudologia phantastica, par Redlich, p. 59.
Psoriasis généralisé après un choc moral, par Audry, p. 312.
Psychologie (Sur l'application thérapeutique de la), par Willis B. Parks, p.277.
Psychothérapie (L'évolution de la) en Hollande, p. 132.
Ramon y Cajal, p. 285.
Record (Etrange), p. 62.
Renouvier (M.Ch) et la théorie du vertige mental, par Paul Parez, p. 193.
Reviviscence du souvenir dans les états hypnotiques, par Bérillon, p. 213.
Richer (Paul), 252.
Sang-froid (Un exemple), p. 220.
Scientistes chrétiens en Angleterre (Les) par Lloyd Tuckey, p. 23.
Séro-manie (La), p. 62.
Surdi-mutité (La), par Saint-Hilaire, p. 317.
Sommeil devant la médecine légale (Le), par Brouardel, p. 123, 149.
Somnambulisme sous l'influence d'une suggestion involontaire, par Raymond, p. 307.
Société d’études psychiques de Lille, p. 32.
Société d'hypnologie et de psychologie, p. 5, 31, 52, 83, 125, 157, 192, 219, 236, 251, 266, 281, 297, 318, 331, 350.
Suggestion (De la) envisagée comme cause d’erreur dans les recherches thérapeutiques, par Bérillon, p. 52.
Sudorale et la vasomotricité (La fonction) par Paul Farez, p. 268.
Surdité nerveuse hystérique, par Dundas Grand, p. 60.
Système nerveux central (Le), par Bérillon, p. 200.
Suggestion par geste chez un sapajou, p. 283.
Spasme hystérique de la glotte, par Chiari, p. 314.
Thanatophobie, agoraphobie et divers troubles nerveux traités avec succès par la suggestion, par Pau de Saint-Martin, p. 17.
Théorie physiologique de l’hystérie, par Binet-Sanglé p. 257, 289, 321, 353.
Trophoneurose traumatique par Thoma, p. 57.
Troubles psychiques en rapport avec la compression de l’écorce cérébrale, par Aubeau, p. 245.
Vaginisine(Caractère psychique du), par Aragon, p. 334.
Vasomoteur (Rôle du système), par Félix Regnault, p. 236.
Vasomotricité (La fonction sudorale et la) par Paul Farez, p. 268,
Ventriloquie, nécromancie, divination inspiration et prophétisme, par Garnault, p. 87.
Vertige mental (M. Ch. Renouvier et la théorie du), par Paul Farez, p. 193.
Visuels (Troubles) hystériques chez l'homme, p. 253.
FIGURES ET PORTRAITS CONTENUS DANS LE TEXTE
FIGURES
Acte réflexe simple, 172.
Acte réflexe compliqué, 173.
Acte suggéré, 173.
Acte volontaire, 174.
Anesthésies hystériques, 293.
Amnésies hystériques, 323.
Hyperesthésies hystériques, 321.
Mypermnésies hystériques, 324.
Paralysies hystériqes, 326, 327.
Rétraction combinée des neuronos, 359, 360, 361, 362, 363, 364.
PORTRAITS
Bérillon, 72.
Dumontpallier, 66.
Durand de Gros, 77, 161.
Liébeault,75.
Raymond, 70.
Voisin (Jules), 68.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Achille, 185.
Aragon, 334, 345.
Arie de Jong, 309.
Aubeau, 245.
Audry, 312.
Beclère, 311.
Bérillon, 16, 22, 52, 84, 180, 200, 213, 214, 215, 225, 243, 245, 251, 270, 274, 308, 345. Binet-Sanglé (Charles), 8, 84, 257, 289, 321, 353, 365.
Bonjour, 310.
Bourdon, 244.
Borel, 30.
Bregmann, 60.
Brouardel, 123, 149.
Cavazzani, 59.
Chiari, 314.
Ciofli, 376.
Crocq, 177. 178. 179.
Dauriac (Lionel), 214. 215, 243, 245. Debove, 217.
Delanne, 181 Donath, 59.
Dundas Grand, 60.
Duprat, 29.
Farez (Paul), 27, 52, 65, 97, 161, 193, 203, 213, 243, 268. 299, 306, 311. Féré, 58.
Font, 28.
Garnault, 87.
Gianelli, 60.
Grand-Clément, 315.
Grangier, 27.
Guize, 314.
Haskovec, 377.
Hikmet, 179, 215, 331.
Jaguaribe, 266.
Joire, 50.
Julliot, 47.
Lemesle (Henry), 47.
Lepelletier, 183.
Lépinay, 53, 346,
Lloyd Tuckey, 23, 80.
Magnin (Paul), 23, 53, 180, 213. 270, 274. Pau de Saint-Martin, 17, 52, 214, 215, 244. Pegler, 315.
Perceau, 212.
Pervouchine, 313.
Peters, 61.
Raymond, 26, 56, 86, 278, 279, 307. Redlich, 59.
Régis, 180, 230.
Regnault (Félix), 45, 164. 178, 181, 208, 236, 245, 251, 270, 298, 305. 331, 344. Roux, 316,
Saint-Hilaire, 317.
Schaikewitsch, 59.
Sinani, 58.
Soury, 200.
Tilomas, 57.
Urbantschitsch, 314.
Van Renterghem, 132.
Vogt (Oscar), 37, 140.
Voisin (Jules), 15, 16, 154. 244, 251, 270. Willis, B. Parks, 377.
L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON