(1899) Revue de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique, Tome 14
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(1899) Revue de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique, Tome 14

REVUE

L'HYPNOTISME

et de la

PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE

Peraissant tous Les mois

PSYCHOLOGIE - PEDAGOGIE - MÉDECINE LÉGALE MALADIES MENTALES ET NERVEUSES

Rédacteuretchef Docteur EdGar BÉRILLon

collaborateurs fondateurs

CHARCOT; DL'MONTPALLIEU ; LUYS; MESNET; ? te VOISIN; DELUCKUF 'M Liège) ; FTACKTCKB [-te Londres); SEMAI, (de Mon»).

pathcipadz ooixabo&atkdbs

qjl. le* DoeUarc AZASI, prof.àI· Kiculii de Bordeaux; &ARRTY (de Nice); I1HRNHEIM, prof, à la Faculté Nuv; BABXNSKI, m«d. de la Pitié; P. BONNIER; UREMAUI) (de Oroit); BRIAN O, méd. Un l'Aallo de Vlllejulf; CRCISR (de Uublio); I- DAUItlAC, prof, a la Faculté des lettre» de Montpellier OUIMBEAD; W. DEKHTSREPPfdeSeioC-Ptteriftonre); ?. POREL (de Zurich}; VauEEDEN (d'ArOeWrJauO ; 1». PAREZ; GRAS3ET, prof, h I* Paculid de Moulnelliar; W. IRELAND (d-Edireboerg); Û. JENNINGS, P. JOIRE (de LUlt); LACA83AGNE, prof, a U Faculté de Lyoa; LADAME (de Genève . LIÉBEALXT(doN»i:t:y);I,E(inArN.mo'd. de l'Aille de Vaucluie; Honrr LBMESLE; LIÉGEOIS, prof. AJ'Cnir. de Naocj-; LLOYD-TUCKEY idaLondreai; HANOUVRiBE;prof. à l'Ecole d'Aiitluopt-Iopr; MA90IN.preI.«rtlDiversifîdeLouraia;MlLWI llRAUWELI, (de Lofldw»); HADILLE, m-i. dot'Aatb Je Lftfocd; Paul MAGNW; MOLL (de Berlin); MOR3ELL! (do Genes); DE PACKIEWICZ {da Riga); PlTRBS, prot.e la Foculiu de Dorleaux; RAPPEGEAU (du Véainct; Felix REdNAULT; Cliaries IliCUUT; prof. * !a Faccllo de Parla; Van RKN I*ErtGE2M, Id'Aiatlcrdan) ; Von 6ClfHEi*K-N0T'/!NG (de JI-iaîebi; SPERLING (He B^fïtn); TOKiRSKI. (le Mowo»; ; Jules VOISIN, oicd. de U Salptlnore, ?????? [deVllnaj; VLAVIANOSld'AlUno*); WK'H ERSTRAND (det-'ocitiilnit; BOîKA'J. recteur del'Cnir.; Pierre JANET, *gr*V de rUah-ralM; Max DESàOJi: ide Berlitj; TARDE ; STUMTF, prof. «.l'un»-, «ieiiçriifi ; -Ii . NORDAU; A. DE ROCHAS; Jnlo. HOoRV, rte., eic. — — --

?,? NUMÉRO : 75 CENT.

rédaction et Administration: 14, rue Taitbout, Par1s. 1 s99/page>

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hypnotisme. sommeil provoqué, somnambulisme, suggestion névroses, maladies mentales et nerveuses, médecine légale, pédagogie criminologie, psychologie physiologique, folklore

LIVRAISON DE JUILLET 189 9

I. — TRAVAUX ORIGINAUX. — 1° Introduction à l'étude de l'hypnotisme, par M. le Dr Edgar Berillon, p. 1.

2° La lainière colorée en thérapeutique nerveuse, par M. le

Dr Félix Regnault, p. 7.

3° Agoraphobie traitée par la suggestion hypnotique, par

m. le Dr Vlavianos(d'Athènes), p. 11.

4· Abolition dn pouvoir modérateur chez un délinquant,

par M. le Dr Bérillon, p. 14.

5° Psychonévrose post-infectueuse , guérie par suggestion par M. le Dr Paul Farez, p. 15.

5° De la suggestion religieuse dans la famille de Biaise Pascal [suite), par M. le Dr Biset-Sanglé, p. 18.

II. — JURISPRUDENCE MÉDICALE. — Condamnation d'un médecin qui a couvert de son diplôme un cas d'exercice illégal, p. 24. ;

III. — FOLKLORE.— L'hypnotisme dans les légendes populaires,

par le Dr Félix Regnault, p. 25..

IV. — REVUE CRITIQUE, par m. le Dr Paul Farez, p. 26.

V.— CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE. — Société d'hypno-logie et de psychologie, p. 30. — Le sens stéréognos-tique, p. 30. — Traitement des morphinomanes, p. 31. — La dormeuse de Thenelles. p. 31. VI. — NOUVELLES. — Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique, p. 31.

La REVUE DE L'HYPNOTISME est l'organe officiel de la Société d'hypnologie et de psychologie, qui y publie ses mémoires et les comptes rendus de ses séances. — On exemplaire de la « Revue » est servi per la Société à chacun de ses Membres titulaires.

Chique ouvrage dont il sera envoyé deux exemplaires à la Rédaction sera annoncé et analysé, s'il y a lieu. — L'échange sera fait avec toutes les publica-tions périodiques, françaises et étrangères, adressées à la Rédaction./page>

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??« assit. — ?° ?.

Juillet 1832.

INTRODUCTION A L'ÉTUDE DE L'HYPNOTISME (').

l'iir M. le D' Edgar Bîiullox.

Comme toutes les sciences, avant d'entrer dans la voie scientifique, l'hypnotisme a traversé une période d'empirisme. Si la chimie et l'astronomie ont comme devancières l'alchimie et l'astrologie, l'hypnotisme a eu comme précurseur le magnétisme animal. Il esl toujours plus difficile de déraciner une erreur que do propager une vérité, aussi les premiers hommes qui se sont occupés scientifiquement de l'hypnotisme ont-ils perdu un temps précieux à déharrasser les esprits de l'hypothèse surannée d'un fluide magnétique.

C'est à Braid que revient l'honneur d'avoir introduit définitivement ces éludes dans le domaine scientifique.

Il ne nous parait pas inutile de rappeler les circonstances dans lesquelles il fut amené à jeter les bases d'une nouvelle doctrine. La connaissance des tâtonnements par lesquels sont passés les expérimentateurs constitue souvent une source de précieux renseignements et peut servir de guide pour le contrôle de leurs expériences.

Ce fut le 13 novembre 1841 que James Braid, médecin do Manchester, eut pour la première fois l'occasion d'assister à une séance donnée par un magnétiseur suisse, Lafontaino (de Genève) A ce moment, il était franchement sceptique et considérait les phénomènes provoqués comme le résultat d'une connivence secrète ou comme une illusion. Son but, en suivant les expériences, était de découvrir la supercherie par laquelle l'opérateur devait, à son avis, en imposer au public. A son grand étonnement, il constate que certains phénomènes, en

{') Leçon iaile à l'Ecole pratique de la FactiUo de mideciao. Semestre d'île [898-W./page>

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apparence invraisemblables, existent réellement et il prend la résolution de les étudier scientiliquement.

Bientôt, en présence du capitaine Brown et de plusieurs amis, Braid entreprend des expériences dans le but de démontrer que la lixation d'un objet brillant suffit pour déterminer la production du phénomène du magnétisme animal.

Pour leur prouver la réalité de sa théorie, il prie un des assistants, M. Walker, de Îixer son regard sur le col d'une bouteille de vin, maintenue assez élevée au-dessus de lui pour provoquer une fatigue considérable des yeux et des paupières. Au bout de trois minutes, les paupières du sujet se ferment, il tombe dans un profond sommeil.

Il propose ensuite à madame Braid de se soumettre à la même expérience. Elle y consent très volontiers, assurant à ceux qui l'entouraient qu'elle ne serait pas aussi facile à influencer que le sujet précédent. Braid la prie de tenir son regard lixé sur l'ornement d'un sucrier en porcelaine. En deux minutes, les traits de madame Braid avaient changé d'expression, ses paupières se fermaient convulsivement et elle tombait à la renverse.

La même expérience, tentée sur un domestique qui no connaissait rien du mesmérisme et qui ne se doutait pas de ce que l'on attendait de lui, donne le même résultat. Deux minutes après il est plongé dans un sommeil profond.

Braid en conclut justement qu'il n'y a aucune raison pour admettre que les phénomènes du magnétisme soient la conséquence d'une action personnelle de l'opérateur sur l'opéré, et que l'état dans lequel se trouvent les prétendus magnétisés n'est qu'un élat psychique indépendant do tout fluide magnétique ou de toute force mystérieuse émanant de l'expérimentateur.

C'est alors que se place dans la vie de Braid un incident qui eût certainement découragé un esprit moins déterminé que le sien. La section de médecine de l'Association britannique pour l'avancement des sciences refuse de mettre à son ordre du jour une communication ayant pour titre : Essai pratique sur l'action curative de l'hypnotisme, Braid, justement blesse dans son amour-propre scientifique, en appelle au jugement de ses pairs. A cet effet, il organise une conférence gratuile à laquelle il convie tous les membres de l'Association.

La nouveauté du sujet attire un public d'élite, à tel point que, faisant allusion à la composition de l'auditoire, le président prie les « reporters » de vouloir bien noter qu'on n'avait jamais/page>

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vu à Manchester « une assemblée mieux choisie ni plus respectable ». A la fin de la séance, on remercie lîraid d'avoir donné aux membres de l'Association britannique lo spectacle d'expériences qui. selon un témoignage unanime, avaient « éminemment réussi ».

Peu de temps après, Braid publie son livre fameux sous le titre suivant : Neuryp/wlogie, ou traîlé du sommeil nerveux, considéré dans ses rapports avec le magnétisme animal et relatant de nombreux succès dsns ses applications au traitement des maladies.

Tout d'abord Braid se montre préoccupé de donner aux termes dont il se sort des définitions précises. Voulant indiquer que l'état d'hypnotisme est essentiellement un état expérimental, il te définit ainsi : « L'hypnotisme est un état nerveux déterminé par des manawvres artificielles. La définition do Braid a plusieurs mérites : elle est brève ot, sol on lo précepte de Pascal, elle ne comprend que des mots parfaitement connus.. Mais il est certain qu'elle n'est pas complète et que par lo fait de l'évolution de la science elle est devenue susceptible d'extension. C'est ce qu'avait pensé Azum, lorsqu'il fit connaître en France les travaux do Braid. Il amplifia quelque peu la définition primitive, en disant : « L'hypnotisme est un moyen part cu'.ier de provoquer un sommeil nerveux, un son.namôulisme art:ficielt accompagné d'anest/iésie, d'hyperestnésie, de catalepsie et de quelques autres phénomènes portant sur le sens musculaire et l'intelligence. »

Ce qu'il faut reconnaître avant tout c'est quo Braid en groupant l'ensemble des phénomènes observés sous lo terme générique d'hypnotisme a rendu à la science un service inestimable. Le mot a fait fortune. ïl a été successivement adopté par tous les expérimentateurs et il est menu: entré définitivement dans le langage courant.

Lorsque Durand do Gros, en I860, suivant en cela une ré^Ie déjà adoptée dans le choix des mots classiques do galvanisme voltaïsme, faradisme, voulut substituer au mot d'hypnotisme celui de braiàisme il se heurta a l'impossibilité de modifier une appellation déjà consacrée par l'usage.

En science, il est do toute nécessité de se rallier à des mois n'ayant leplussouvcntqu'une valeur conventionnelle, mais qui permettent à tous les esprits devoir et d'entendre les choses qu'on a voulu désigner par le mot. Actuellement, lorsque l'on parle d'hypnotisme, il n'est pas d'esprit un peu cultivé qui ne comprenne qu'il s'airit de la provocation expérimentale chez un sujet d'un état psychologique quelque peu différent de l'état/page>

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normal. Par extension, le mot peut s'appliquer à des états présentés spontanément par le sujet en dehors de toute manœuvre expérimentale.

Lorsqu'un accord général s'est fait sur la valeur des mots, on est bien prêt à se comprendre, car on commence à parler le même langage. Les querelles d'écoles rivales ne sont le plus souvent que des querelles de mots et, en se perpétuant, ces antagonismes constituent le principal obstacle à la diffusion du progrès scientifique. -

C'est ce qu'avait admirablement compris Charles Richet lorsqu'il proposait au Congrès international de psychologie, en 1SS9, de préciser les termes en usage dans la science de l'hypnotisme. « C'est, disait-il, par suite des défectuosités du langage que les erreurs se perpétuent. Condillac a dit quelque « part qu'une science n'est qu'une langue bien faite. C'est là « une vérité bien profonde. Tâchons, en hypnotisme, de faire « un bon langage scientifique et donnons une terminologie « précise qui sera, après une étude approfondie, publiée dans « les comptes rendus de nos séances et qui fera loi »

Pour étayer sa proposition, M. Ch. Richet communiqua au Congrès un essai de terminologie qu'il avait rédigé en collaboration avec M. P. Brissaud. Chacun des termes employés dans les questions d'hypnotisme donna lieu à une discussion à laquelle prirent part les représentants les plus autorisés des diverses écoles.

Le mot hypnotisme fut accepté sans discussion. Delbœuf, qui dirigeait les débats, avait fait remarquer qu'il était inutile de donner à une science un nom ayant une signification étymologique qui la définisse. Ainsi les mots : algèbre, chimie, électricité ne signifient pas étymologiquement les sciences de ce nom-M. Espinas confirma cette opinion en disant : « Les sciences « font des progrès et les mots qui au début les définissaient « complètement deviennent bientôt trop étroits; néanmoins « l'usage confirme ces mots. »

Le mot hypnotisme étant accepté, il ne s'agissait plus que de formuler une définition capable de lui rallier tous les suffrages. M. Bernheim proposa la suivante : « L'hypnotisme est un « état psychique particulier susceptible d'être provoqué et qui exalte « la suggesiibilité. » Le Congrès rejeta cette proposition, la trouvant trop exclusive.

Finalement, après avoir déclaré que l'on ne devait pas se servir indifféremment des mots hypnotisme et magnétisme, il/page>

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fui décidé que le mot hypnotisme serait réservé » à la science « qui s'occupe des phénomènes nerveux compris généralement sous ce « terme en les expliquant par la suggestion, ?auto-suggestion et ' les réactions analogues du sujet lui-même. »

Cette définition de conciliation, acceptée par le Congrès, ne fut admise par aucune des deux écoles en présence. Pour Charcot, l'hypnotisme devait être considéré comme une névrose expérimentale d'ailleurs innocente, comme il le disait dans sa célèbre communication à l'Académie des sciences fl.

Ses élèves ont continué à partager cette opinion et à penser, non sans apparence de raison, que les phénomènes somati-ques de l'hypnotisme ont une parenté étroite avec les symptômes de l'hystérie.

Luys, qui expérimentait également sur des hystériques, était arrivé aux mêmes conclusions :

« L'hypnotisme, disait-il, est un état expérimental extra-physiologique du système nerveux. C'est une névrose artificielle que l'on développe chez un sujet prédisposé, un pseudo-sommeil que l'on impose et pendant lequel le sujet en expérience perd la notion de son existence propre et du monde extérieur. ?

Dumontpallier et Paul Magnin envisageaient l'hypnotisme comme une névrose expérimentale à plusieurs degrés. Ils pensaient que l'hypnotisme est un processus essentiellement progressif depuis l'état de veille jusqu'à la léthargie, en passant par de nombreux états intermédiaires.

Parallèlement à ceux qui voyaient dans l'hypnotisme une névrose expérimentale, d'autres expérimentateurs échafau-daientune théorie contraire.

En effet, pour M. Liébeault, le sommeil artificiel n'est qu'un état passif expérimental analogue au sommeil normal. C'est un état physiologique dans lequel l'esprit est en monoidéisme, disposition essentiellement favorable à la réalisation des suggestions, par opposition à l'état de veille où il e&ten polyidéisme. MM. Lié* bault, Beaunis et Liégeois attachent à la production expérimentale du sommeil et dos états passifs une importance prépondérante. M. Bernheim, faisant schisme, relègue le sommeil provoqué au second plan et accorde à la suggestion le rôle principal dans la production des phénomènes psychologiques. Les doctrines générales de l'Ecole de Nancy peuvent se résumer dans les propositions suivantes :

1° L'état hypnotique n'est pas une névrose ; les phénomènes

(1) Comptes -rendus do l'Académie des Sciences, 13 février 18S2./page>

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qui le constituent sont naturels et psychologiques ; ils peuvent être obtenus chez beaucoup de sujets dans leur sommeil naturel-

2e L'état hypnotique n'est pas particulier aux névropathes, ni même plus facile à obtenir chez les névropathes.

3e La suggestion est la clef de tous les phénomènes hypnotiques. Tous les procédés d'hypnotisation se réduisent à la suggestion.

4° Dans l'état de sommeil, comme dans l'état de veille, l'individualité morale de chaque sujet persiste, avec son caractère, ses penchants, son impressionnabilité spéciale.

Entre ces deux opinions extrêmes, dont l'une voit dans l'hypnotisme un état extra-physiologique et l'autre un état physiologique, où se trouve la vérité. Comme il fallait le prévoir, elle se trouve à la fois dans les deux opinions. L'hypnotisme, selon le degré, selon la doec, selon les susceptibilités particulières, peut être primitivement un état physiologique puis devenir un élatexlra-physiologique, et même se transformer en une véritable névrose.

Il en est de même de presque toutes les manifestations physiologiques de l'organisme. Le sommeil naturel, état physiologique par excellence, devient un état extra-physiologique s'il se complique de rêves, d'hallucinations, d'automatisme, de somnambulisme, de somniloquie, voire même, si sa durée se prolonge au-delà des limites normales.

L'acte réflexe du vomissement, physiologique s'il succède a un chatouillement de la luette, peut être considéré comme extraphysiologique si la mise en mouvement du spasme diaphrag-matique détermine un hoquet durable et incoercible.

Si vous vous bornez à endormir puis à réveiller un sujet, vous ne sortez pas du domaine physiologique. Si vous lui donnez des hallucinations visuelles, auditives, gustatives, vous le faites passer d'un état physiologique dans un état extra-physiologique.

Lorsque Ton provoque chez un sujet hypnotisé une anesthé-sie assez profonde pour qu'il puisse subir, sans douleur, une grave opération chirurgicale, l'état dans lequel vous l'avez placé n'est pas plus physiologique que lorsqu'il est placé sous l'action anesihésique du chloroforme.

Aujourd'hui les discussions doctrinales ont perdu beaucoup de leur intérêt, filles étaient plutôt le résultat d:un malentendu que d'une divergence d'interprétation. Les expérimentateurs/page>

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ne s'étaient pas placés dans des conditions identiques. Tandis que les expérimentateurs de la Salpétrière, de la Charité et de la Pitié s'adressaient à des sujets manifestement hystériques, étudiant Yhrpnotisme hystérique, selon l'expression de Paul Richer ; s'appliquaient à obtenir les états de l'hypnose; avaient constamment recours à l'action des agents physiques, ceux de Nancy observaient des sujets plutôt normaux; ne s'éloignaient guère des états superficiels et surtout employaient la suggestion comme procédé expérimenta!. C'est de ces différences de méthodes que sont résultées des opinions en apparence contradictoires. Un éclectisme vraiment scientifique, en utilisant tour à tour les diverses méthodes, en les combinant, a permis de placer la question de l'hypnotisme sur un terrain beaucoup plus positif, et le moment nous paraît venu de donner à la définition de l'hypnotisme une extension plus large et plus conforme aux données actuelles de la physiologie expérimentale.

(A suivre.)

SOCIETE Q'HYPHOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Seanco du lundi 29 Juin 1899. — Présidence do M. Jules Voisin .

Le procès-verbal de la précédente séancp est lu et adopté.

M. le Secrétaire général donne lecture de lettres d'excuseslc MM.-Ré> gismanset, lïoirae.

M. le Président met aux voix les candidatures de MM. Melcot, avocat général à la Cour de cassation; Muteau, député de la Côte-d'Or, secrétaire général de la Société d'Assistance; docteur Leterfde Sannoisj.

Ces candidats sont adoptes à l'unanimité.

M. le Secrétaire général fait pari ù la Société de l'élection de M. Ic professeur Raymond à l'Académie do Médecine. La Société ducïde que des félicitations seront adressées ;i notre eminent collègue.

La lumière colorôo ou thérapeutique nerveuse

par m. Ic .locteur Félix Reqsadlt

Wundt av:tï: déjà noté que les différents rayons du spectra tigissent différeinmen; sur nos nerfs. Pérë et tout récemment le Dr Raffegeau (Reçue de l'Hypnotisme, février 1899} ont insisté sur ce point.

L'action du rouée est la plus excitante. Le rouge répond h l'énergie, à la force. Au contraire, le violet est froid et calmant. Mettez un lypc-maniaque déprimé dans une chambre rouge, il s'améliorera. Un ma-/page>

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niaque agité se trouvera bien, au contrairo, d'un séjour dans une chambre violette.

M. Lumière a observé que ses ouvriers étaient très excités quand ils travaillaient dans In chambre rouge; ilssont devenus calmes depuis qu'on a remplacé les rideaux rouges par des verts. Le taureau et le dindon sont excités par les couleurs rouges; on emploie souvent des lunettes à verres bleu foncé pour calmer les chevaux emportés.

Les rayons violets ont également une action sur les végétaux qui atteignent un développement extraordinaire.

Le rouge et les couleurs qui s'en rapprochent ; orange, jaune, sont donc excitants. Le vert donne, dit Wundt, une joie tranquille, comme en inspire la naturo. Le violet, l'indigo et le bleu, sont plutôt calmants.

« Dis-moi la couleur que tu préfères et je te dirai qui tu es ». Cette tentative a été faite aux Etats-Unis par le moyen d'une vaste enquête qui a montré que le bleu, bleu-violet, violet et les couleurs foncées sont préférées des hommes; les femmes, passionnées pour la force et l'énergie, admirent le rouge, le vert et le jaune.

Les sauvages, qui ne prisent rien plus que l'énergie, ont la passion des couleurs lumineuses et surtout du rouge. Cette préférence existe chez les nègres aussi bien que chez l'indien d'Amérique ou !e Polynésien. Le Xéo-Calédonïen, rapporte Cook, admire tout ce qui esi rouge et prodigue celte couleur pour embellir les poteaux de ses cabanes, ses sculptures, ses statuettes. A la Nouvelle-Zélande, il suffisait de peindre un objet en rouge pour qu'il devînt tabou. Les Gabonais, écrit Dorlhac, ne connaissaient que les couleurs rouge, blanche et noire avant l'arrivée des Européens. Capus a remarqué que la couleur préférée des Kafirs Siapochs, peuple de l'Afganistan, était le rouge : c'est la couleur de certains ornements des chefs.

Les nègres fétichistes du Congo préfèrent la couleur rouge; les commerçants emportent toujours pour leurs échanges des cotonnages rouge vif.

L'amour du rouge se retrouve dans les fards et les parures qu'affectionnent les sauvages : ils se peignent en rouge ou s'enduisent le corps et les cheveux d'une pâte d'argile rouge mêlée d'huile.

Le rouge était la couleur de prédilection des Grecs et Romains. Les couleurs brillantes étaient réservées aux classes gouvernantes (1).

A la fin de l'empire romain l'usage des couleurs écarîate et pourpre étaient !c privilège des classes riches. La pourpre devint la couleur distinctive de l'empereur.

A Rome, les pauvres gens, les esclaves et les affranchis portaient des habits de couleur brune ou noire.

Au moyen-âge, cn France, les nobles seuls avaient le droit légal de porter la pou ! pre. Le rouge e3t d'ailleurs resté la couleur dominante dans les uniformes militaires.

(t) il. Sponger, Sociologie, t. 3, p. 251./page>

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Il en est de môme chez les sauvages. Chez les Bambas du Congo, îa verroterie rougs est réservée au roi; chez les Loundas, le roi se met une mitre rouge avec une aigrette rouge, etc., etc.

A Madagascar, lo souverain seul a le droit de porter un costume écar-late. Dans Je royaume de Siam, le prince et tous ceux qui l'accompagnent ù la guerre ou ù la chasse sont vêtus de rouge.

Aux Indes ou en Chine les couleurs brillantes sont également préférées.

On connaît la préférence des Chinois pour la couleur jaune. Elle est devenue, aveo le cramoisi et le vert, le privilege des personnages importants.

En Mongolie le pontife et ses lamas sont vêtus de jaune ; nul laïque n'a le droit de porter cette couleur à l'exception du prince. Chez les Chinois le jaune est la couleur impériale.

Au contraire les peuples du Nord ont un goût particulier pour les couleurs reposantes sombros. Nous affectionnons surtout le bleu, et on trouve ridicule les couleurs jaunes; celui-ci passo chez nous pour la couleur que portent les maris trompés. Au Japon, le bleu de Prusse clair et les bleus verts dominent aussi dans les vêtements. Les sauvages Aînos de l'île Yéso préfèrent le bleu et se tatouent avec cette seule couleur. Ces notions ont une grande importance pour les commerçants et ils ne tomberont pas dans l'erreur d'un industriel qui, à l'époque où le Japon ouvrit ses portes au commerce européen, y expédia des étoffes rouges : elles lui restèrent pour compte.

Les musulmans, gens sérieux, partagent avec les septentrionaux ce goût pour le bleu. La valeur d'échange au Soudan est la guinéc; cette cotonnade est teinte aux Indes en indigo, et toute autre variété de bleu serait refusée. Le nègre musulman se distingue du nègre fétichiste par son amour du bleu, tandis que l'autre préfère le rouge : l'un se tatoue en bleu, l'autre se barbouille le corps d'ocre.

Le rouge, couleur excitante, rappelle aussi celle du sang. C'est la couleur qui, chez tous les sauvages, désigne la guerre.

Le noir est l'absence de couleur, le néant, c'est chez un grand nombre de peuples la couleur de la mort, celle du deuil. Pourtant dans l'ancienne Egypte, en Arménie, chez les Chinois, le deuil est porté en blanc. Chez les Gabonaais les vêlements de deuil sont bleus, couleur qu'ils ont en aversion.

Enfin, bien des peuples croient qu'une couleur spéciale peut préserver des maléfices, du mauvais œil. Les musulmans attribuent celte vertu à la couleur bleue; les chrétiens vouent bien jusqu'à un certain Age leurs enfants au bleu et au blanc. En Chine la couleur jaune est un spécifique contre les mauvaises influences. Les anciens employaient la suie pour détourner les maléfices.

DISCUSSION'

M. Guignas. — Dans une récente communication M. Itatïcgeau c.'tc

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les observations d'un capitaine anglais qui était arrivé » obtenir un développement extraordinaire de végétaux en les couvrant de cloches de verre violet, Il signale également le fail que des veaux soumis à l'action de la lumière bleue augmentent plus rapidement de poids que des veaux élevés dans des conditions normales. Puis il signale l'action calmante de la lumière bleue, soit sur des chevaux emportés, soit sur les hommes. M. RalTegeau dit enfin avoir constaté que la lumière violette produit toujours un effet sédatif. Ces résultats paraissent quelque pou contradictoires. Cela lient, sans aucun doute, à l'insuffisance de la spécification de couleur. Un verre violet peut être presque rouge et il peut être presque bleu. M. Camille Flammarion, dont M. Raf-fegeau a signalé les expériences a fort bien indiqué les précautions à prendre pour éviter en ces matières les erreurs expérimentales. Il s'exprime ainsi : « Nous avons établi du petites serres entièrement vitrées de verres de couleur soigneusement vérifiés au spectroscope. Il a été impossible de trouver dans l'industrie des verres violeis ne laissant passer quo lus rayons violets, et nous n'avons pu que nous en rapprocher par des verres bleu indigo satisfaisants. Les verres rouges sont bien monochromalïqucs: les verts laissaient passer du jaune », etc..

Lus expériences effectuées dans ces conditions à Juvisy ont démontré l'effet sédatif (sur les plantes, il est vrai), de la lumière bleu indigo: a Les fraises de la serre bleue, écrit M. FInmmnrion, n'étaient pas plus avancées en octobre qu'en mai, toujours lionnes à cueillir. Dans le bleu on ne vieillit pas, mais on ne vit guère; c'est presque un sommeil. ?>

Ces faits m'ont paru bon à signaler aux expérimentateurs qui voudraient s'engager dans la voie ouverte par M. Donza et poursuivie par M. Raffcgeau.

M. Bkiullon. — Je crois utile de rappeler l'observation faite par M. Lumière, de Lyon, dans la fabrique de plaques photographiques instantanées. La fabrication se fait dans une salle éclairée avec des flammes vertes. A ce sujet, M. Lumière a déclaré que si l'on avait adopté la lumière verte cela était surtout à cause de l'état mental des ouvriers, . « Autrefois, dil-il, quand les ouvriers travaillaient toute lajournéc dans une salle éclairée uniquement en rouge, ils se mettaient a chanter, à gesticuler; les hommes faisaient la cour aux femmes, et maintenant que nous avons mis du vert ils sont calmes, ils ne disent pas un mol, lis ne chantent plus et quand ils sortent ils sont beaucoup moins fatigués, s I.uys avait aussi nulé l'action dynamogénique exercée par la lumière rougo sur les hystériques hypnotisablcs et l'action contraire exercée par la lumière bleuo. Charcot avait de même remarqué que les hystériques de son service avaient des préférences marquées pour les rubans de couleurs éclatantes. Tous ces faits pourraient donner l'explication de certains phénomènes sociologiques cl cn particulier de certaines excitations qui se manifestent soudainement dans les foules, »/page>

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Agoraphobie traitée par la suggestion hypnotique -

l'ar Jï. le D' Vtxvuxos (d'Athènes.)

J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui un autre malade agora-phobique traité aussi par la suggestion hypnotique.

Il s'agit d'un homme, Victor L..., Agée de 52 ans. Son père très nerveux et colère est mort à 55 ans. Sa mère très emportée aussi avait en plus un tic nerveux et souffrait de maux de tète tris fréquemment. Son grand-père paternel est mort à Bicotre. mais nous ne sommes pas arrivé à connaître sa maladie. De neuf enfants, notre malade seul et une lillc ont survécu; tous les autres sont morts de convulsions. Donc nous voyons que l'hérédité est très chargée. Marié h l'âge de 19 ans, il n'a eu qu'une petite Allé, morte de convulsions, et un fils, qui C3t précisément le malade Eugène h..., dont nous avons ici même rapporté le cas do dipromante et kleptomanie guérie par la suggestion. A l'âge de 2? ans il a commencé à s'alcooliser, il prenait chaque jour cinq h six verres d'absinthe, un ou deux bocks, un ou deux vermouth, du vin, du cognac, etc. Pour la moindre cause, ces doses augmentaient considérablement. À l'âge de 21 ans il a souffert d'une bronchite avec des vomissements consécutifs et à peine était-il remis qu'il tomba malade d'une pleurésie, lt était en convalescence lorsque sont apparus des rhumatismes articulaires aigus très douloureux qui l'ont obligé à garder le lit pendant plusieurs mois. Puis il continua à vomir du sang deux fois par an tous les six mois en janvier et en juillet. Ces vomissements duraient chaque fois une semaine et la quantité du sang vomie chaque jour ne dépassait pas 100 grammes. Oc n'est guère qu'à l'âge de 30 ans qu'il a cessé de vomir du sang. A 39 ans ii a eu des coliques hépatiques pendant une quinzaine de jours, puis de temps en temps des crises gastriques. Il faut dire qui! pendant ce temps il n'a point cessé de s'alcooliser; sans aucun doute tous ces symptômes stomacaux et hépatiques doivent être rapportés à son alcoolisme chronique. Mais en même temps dans son cerveau s'opéraient lentement et sûrement une dégénérescence cellulaire et une altération fonctionnelle. Ainsi à côté du caractère alcoolique qu'il avait présenté déjà dans sa jeunesse [jalousie, colère, emportement, affaiblissement de la volonté et du la mémoire) survînt sans douleurs préalables une paraplégie fiasque à la suite d'une colère violente qu'avait fait naître son fils. Il se rappelle avoir gardé su sensibilité. On l'a soigné en ce moment pour une ataxic locomotrice. Cependant il fut guéri complètement au bout de six mois et notre malade put sortir et marcher comme auparavant.

C'est à ce moment qu'apparurent les symptômes d'une dégénérescence profonde et avancée. A sa première sortie, il aperçut qu'il avait peur de l'espace. II ne pouvait plus rester sur sa terrasse, ni regarder/page>

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au loin l'horizon; des vertiges le prenaient aussitôt et une angoisse extrême se déclarait. Il lut était impossible de traverser une place, un pont: les tramways et les voitures lui fuisaient peur aussi.

Dans les rues fréquentées la peur diminuait; dans les rues vastes et désertes la peur et l'angoisso redoublaient. En outre, ce malade craignait de rester seul. Une fois, à l'église, il fut terrifié d'entendre l'orgue ; en d'autres termes, cet homme présentait de l'agoraphobie et en même temps de la monoséophobic, de la musicopliobie et de l'amaxophobio. Chose curieuse, en pleine campagne, il n'avait aucune pour de l'espace, mais une fois rentre en ville sa maladie redevenait tyrannique. Ceci rentre duns ce que nous disions ici même, dans notre communication de février, ù savoir que lo termo agoraphobie plus général convient mieux que celui do ß peur des espaces » proposé par Legrand du Saullc ; toutes ces phobies se compliquaient d'idées de persécution et de bizarreries insupportables. Un beau jour, il y a trois ans, le délire alcoolique survint et sur le conseil de notre excellent collègue et ami, M. le D' Lcgrain, on l'interna à Sainte-Anne dans le service de M. Du-buisson. Calmé après un court séjour do trois semaines dans cet asile il sortit un peu amélioré quant à son état général. Ses phobies, bien qu'atténuées persistaient encore.

Au bout de six semaines d'une amélioration apparente, il eut un alourdissement et retomba dons son premier état. Ainsi il a traîné misérablement su vie ne pouvant faire deux pas sans être accompagné par sa femme ou son fils, ayant du cesser de travailler et tomba de jour en jour dans une tristesse et désespoir affligeants. Des idées de suicide vinrent s'ajouter ù son état, une mélancolie profonde lo gagne, il ne fait que pleurer. Ajoutons que pendant les six ans qu'a duré sa maladie il a eu recours à toutes sortes de médicaments; il a consulté plusieurs médecins, neurologistes et uliénisles. Ni lo bromure, ni les douches, ni la suggestion à l'état de veille ne lui furent d'aucune utilité.

Traitement.— Il vint à la clinique de M. le Ur Dérillon en Février 1899. — ? l'examen nous n'avons rien constate ni du côté des poumons, q'i du côté du foie ou de l'estomac. Sa physionomicmonlre l'expression d'un homme intelligent. Comme stigmates physiques de dégénérescence on peut remarquer une asymétrie faciale. Les stigmates psychU ques ont été énumérés plus haut. Le malu.de fut mis au régime luclé partiel et il fui décidé que tout alcool serait proscrit. Après une séance d'hypnotisme pendant laquelle il fut endormi complètement, nous; lui fîmes la suggestion de marcher pendant dix minutes suivi seulement par son fils. Il y réussit à son grand élonnement ; nous lui suggérâmes ensuite do marcher seul pendant vingt minutes. Bref, nous lui fîmes une suggestion progressive cl ou bout de six séances notre malade put tout seul venir à la clinique et même se promener sur les grands boulevards. Dans une autre séance nous avons combattu l'amaxophobie./page>

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puis In monoséophobic, puis la musicophobie et, ainsi de suite, nous attaquions a chaque sicnco un à un les divers symptômes; nous avions le plaisir de guérir lo Gis ù cuti du pire et de transformer une famille malheureuso en une famille heureuse. Ses amis et connaissances ne le reconnaissaient plus. Sa femme m'a envoyé un jour la lettre suivante :

• Paris, lo 2*2 avril 1809.

« Monsieur le Docteur,

ß Permettez-moi de vous remercier do tout mon cœur du changement que vous avez su opérer dans l'état de mon mari ; il est complètement changé. La présente o pour but de bien vouloir avoir l'extrême bonté de compléter votre œuvre en suggérant à mon mari une activité qui lui fait défaut; l'idée do so remettre â ses affaires ne le caresso pas du lout. Vous avez guéri mon mari, car il est bien guéri; et jo vous on suis éternellement reconnaissante. Vous avez déjà accompli un miracle, le second n'est peut-être pas impossible.

« En un mot, M. le Docteur, je m'en remets complètement à vous et vous prie d'agréer, avec mes civilités les plus respectueuses, toute ma reconnaissance pour le service immense que vous m'avez rendu. »

Je n'ni pas manqué de lui suggérer celle activité et je fus très salis-fait du résultat obtenu. Il vint môme me demander s'il pouvait céder à son désir de travailler et reprendre ses occupations depuis longtemps négligées. En même temps sa physionomie, jusqu'alors triste et accablée, fut complètement modifiée et on peut voir sur une photographie instantanée, prise û l'improviste par son fils au cours d'une promenade avec sa femme, la douceur de son expression qui fait contraste avec l'air mélancolique que dénote une autre photographie prise avant lo traitement dans une petite réunion de famille.

»

• *

Coneîusions.—Les conclusions qu'on peut tirer do cette observations sont les suivantes ;

1* L'agoraphobie est un symptôme et non une entité morbide. Elle so combine presque toujours h d'autres phobies, lesquelles ne sont pas d'ordinaire bien observées, parce qu'elles n'atteignent aucune fonction capitale do l'individu, comme l'est, par exemple, la marche;

2° Le terme agoraphobie est préférable au terme « peur des espaces a étant donné qu'on peut avoir peur des places, mai? non des espaces, comme la campagne, la plaine, etc. ;

3e Au cours d'une dégénérescence alcoolique acquise, ii peut survenir des symptômes analogues ? ceux de la dégénéresc^nco héréditaire proprement dile ;

4° Le traitement doit tire toujours le^mèmo : psychothérapique. La suggestion hypnotique sera appliquée de préférence. La nuggostion a I clot de veille *st inefficace ou du moins ses effets n'ont pas do durée;/page>

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5e La suggestion hypnotique réussit à guérir non seulement les divers symptômes morbides, mais aussi ii changer le caractère et les passions, à former une personnalité normale et physiologique nu point de vue psychique.

Abolition du pouvoir modérateur chez un délinquant,

par M. lu D' BËniLLON.

• Il -y a deux ans je fus appelé par un des avocats les plus distingués du barreau de Paris à lui donner mon avis sur l'état mental d'un homme de 32 ans, marié, père de famille, inculpé d'outrage public à la pudeur. Les conditions dans lesquelles cet homme, de conduite jusqu'alors irréprochable, s'était livré ? l'accomplissement de l'acte immoral qui lui étaif reproché, la clilïïculté de concilier l'exécution du délit avec les renseignements obtenus sur sa moralité, tout semblait indiquer que l'inculpé avait agi sous l'influence d'une impulsion automatique irrésistible, survenue dans un état d'abolition passagère de la conscience. Kn effet, lorsque l'inculpé avait été arrêté il semblait éire dans, un état d'hébétude tel qu'il était resté indifférent aux bousculades des agents et aux injures de la foule.

Il ne tentait de s'abriter derrière aucune excuse, déclarant ne pas s'être rendu compte de ce qui s'était passé.

L'acte auquel s'était livré M. V... était tellement absurde, tellement llogîque qu'on ne pouvait en concevoir l'accomplissement que par un acte d'inconscience, résultat d'une perturbation profonde dans l'équilibre fonctionnel des centres génito-spinaux.

Un examen physique s'imposait; il révéla l'existence de deux rétrécis* sements du canal de i'urèthre, l'un situé dans la région pénienne, l'autre danslaregion membraneuse. On constata égalementun spasme musculaire dans cette dernière région .A notre avis, l'existence de ces lésions peut donner une explication rationnelle des troubles pyschiques présentés par If. P... Depuis quelque temps il s'était rendu compte que pendant son sommeil il présentait des phénomènes d'éréthisme génital dont il ne s'expliquait pas la cause et auxquels il attachait peu d'importance. Le jour où il commit Je délit, il était sous l'influence d'uno grande fatigue morale et physique et, tout en marchant, il éprouvait une sorte do somnolence. Lorsqu'il se vil cuire les mains des agents, il lui sembla qu'il sortait d'un rôvo.

Dans ses leçons cliniques, M. Magnan insiste sur les troubles fonctionnels qui résultent de la déséqullibration des divers centres de l'axe cérébro-spinal. Sous l'influence do certaine3jrritations périphériques^ la moelle s'émancipa cl n'obéil plus à l'influence psycho-motrice. Ces irritations périphériques déterminent parfois des -impulsions irrésistibles, inconscientes survenant au dehors de toute provocation extérieure, de tout entraînement de l'imagination./page>

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Lorsqu'on interroge M. P... on constate que son activité mentale est ralentie. TI est évidemment doué d'un très faible pouvoir de contrôle. Quoique intelligent, il est d'esprit assez indécis. En un mot, c'est un aboulique. Dans ces conditions, il est facile de reconstituer le mécanisme par lequel il a été amené à accomplir un délit. Sous l'influence de l'irritation périphérique déterminée par les rétrécissements de l'urèthro, les centres génitaux de In moelle ontfonctionné isolément, indépendamment de toute participation cérébrale. Son cerveau cessant d'exercer momentanément son contrôle habituel, il a accompli des gestes automatiques analogues à ceux d'une grenouiiio décapité" qui, à l'aide de ses pattes, ^cherche "d'une façon réflexe, à se débarrasser d'un objet qui la blesse.

Une double indication s'imposait. La première était d'obtenir la guéri son des rétrécissements, la seconde de procéder par un traitement psychologique à la rééducation do la volonté. M. P... s'est soumis avec empressement à ce double traitement. La transformation opéréo dans son état mental me dispose à le considérer comme guéri et je ne crois pas qu'il récidive jamais dans l'accomplissemcntd'un pareil délit.

Psychonévrose post-infectueuse guérie par suggestion

pnr M. lo D' t*niil Fahcu.

Les recherches cliniques ont prouvé depuis longtemps que la plupart des maladies infectieuses sont capables de provoquer comme complications ou de laisser comme reliquats des accidents nerveux de divers ordres.

Ces psychoses, ces névroses, ces délires variés sont assez souvent fort tenaces ; on institue on offet toutes sortes d'interventions pour en obtenir la résolution,... et, bien souvent, tous ces efforts sont vains. Plus on laisse persister ces accidents nerveux, plus ils s'installent avec fixité et menacent de s'éterniser.

Or, si bizarre et si imprévu que cela paraisse, au premier abord, la suggestion apporte très souvent dans ces cas une guérisou ropide autant qu'inattendue. 11 y a là une vérité scientifique qui, en elle-même, au simple point de vue théorique, mérite de prendre corps dans la science. En outre, il en résulte des applications pratiques de premier ordre pour les praticiens réellement soucieux de guérir leurs malades.

Déjà, des cas très caractéristiques ont été publiés par des auteurs dont le nom fait autorité et parmi lesquels je citerai plus spécialement lo professeur Régis.

Or, comme une vérité ne saurait jamais s'appuyer sur un trop grand nombre de faits, j'estime qu'il n'est pas superflu de rapporter ici un cas tire de ma pratique personnelle.

¦Il y a un peu plus d'un an, je me trouvais de passage dans une petite/page>

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bourgade de province. Comme cela arrive en pareilles circonstances, on me tient au courant des nouvelles du pays et, jusicment, on rae raconte qu'une dame encore jeune est très dangereusement malade ; depuis plusieurs jourd, elle délire, chante et gesticule ; son cas est si grave que chaque jour il y a consultation de deux médecins; plusieurs personnes sont obligées de la veiller régulièrement pendant la nuit; sans aucun doute, le dénouement fatal est proche.

Prévenus de mon passage, mes deux confrères me font demander de me joindre à eux. Et aussitôt, les voisins de s'écrier, en me voyant aller chez la malado : « Faut-il que cette malheureuse soit à toute extrémité pour qu'un troisième médecin, — et un médecin de Paris — soit reconnu nécessaire ! »

Je m'attends donc à trouver une moribonde; au lieu de cela, je vois une dame, ayant bonne mine, assise dans son lit, chantant une chanson du temps passé avec une mimique expressive et un grand accent de conviction. Une fois la chanson terminée, une crise convulsive se déclare avec cris, agitation des membres supérieurs, secousses, etc. Au bout do quelques minutes, tout rentre dans l'ordre, mais la malade est bientôt en proie à une idée obsédante : ¦ Mon Dieu, je vais devenir folle! Je ne veux pas qu'on m'enferme ! « Puis elle délire...

De telles crises se répètent un assez grand nombre do fois par jour. La malade est très exigeante; elle ramène tout à elle et se montre insupportable à son entourage. Ses parents sont consternés; ils ne veulent pas croire que le cas soit bénin; il s'agit certainement, selon eux, de quelque « méningite pernicieuse»; volontiers même ils diraient que les deux médecins n'entendent rien à ce cas.

Je m'informe alors auprès de mes confrères. Cette malade a été atteinte de broncho-pneumonie grippale laquelle est maintenant guérie, mais a laissé après elle l'état mental actuel. Aucun signe ne permet do penser sérieusement à une méningite. D'ailleurs, cette malade est une hystérique ; il y a une vingtaine d'années, à ia suite d'un fièvre typhoïde, elle a déjà « chanté », dit-elle, et puis les crises actuelles peuvent être jugulées par la compression des régions ovariennes. Nous tombons d'accord tous les trois pour formuler le diagnostic suivant:Psychonévrose survenue ù la suite d'une maladie infectieuse sur un terrain hystérique cl entretenue par un milieu familial qui ne présente pas une asepsie psychique suffisante.

Que pensor du pronostic? Selon toute vraisemblance, il est bénin. Tous ces symptômes s'amenderont, c'est probable; mais, quand et à ia suite de quelle intervention ? Voilà le point délicat.

11 ne suffit pas de dire à une famille : cet état n'est pas grave, il guérira un jour ou l'autre. Ce que l'on demande au médecin, c'est l'atténuation ou même la disparition plus ou moins rapide des symptômes morbides.

Mes deux confrères ce sont rendu compte que la soute pharmaoopée/page>

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leur fournissait un secours très insuffisant. Aussi acceptent-ils l'intervention hypnotique que je leur propose.

Les conditions dans lesquelles je me trouve sont bien un peu défavorables. La malade n'a aucune idée de ce mode de traitement et elle n'a jamais entendu pavler de sommeil provoqué. D'autre part, je n'ai pas le temps de la préparer et de l'amener à désirer celte intervention. Je dois donc agir à brûle-pourpoint, exlemporandnicnt, si l'on peut dire.

Par la fixation du r«gard, l'occlusion des paupières, le massage des globes oculaires, par une parole lente, monotone, uniforme, en même temps que persuasive, je produis un état passif pendant lequel je fais à cette malade les suggestions appropriées : clic ne deviendra pas folle ; elle guérira tout a fait et très vite ; des aujourd'hui elle va se sentir transformée; la nuit prochaine, elle dormira paisiblement et personne ne la veillera plus; bien plus, alors qu'elle se croît malade au point de garder la chambre et le lit, jo lui affirme qu'elle pourra, dès le lendemain, se lever et sortir de chez elle.

Cela se passe ù cinq heures de l'après-midi. J'annonce que le soir, ? neuf heures, je reviendrai à nouveau.

Pendant cet intervalle, notre malade me désire anxieusement ; elle a été convaincue par l'accent même de ma conviction et elle a une pleine confiance dans l'effet de ma seconde visite. Entre temps j'ai eu bien soin de convertir aussi l'entourage.

A l'heure dite, je fais une nouvelle séance de suggestion, non plus en présence de la famille ou de mes confrères, mais seul ù seul avec la malade, dans tout le recueillement désirable : ¦ Vous êtes guérie, cnlendcz-vous bien, lui dis-jc, tout à fait guérie, radicalement guérie !... Restez bien endormie; vous dormirez toute la nuit seule dans votre chambre; vous n'éprouverez aucun accident et demain vous pourrez vous lever. »

Le lendemain, je devais prendre le train de bon matin pour rentrer à Paris. Une lettre m'apprit le plein succès de mes suggestions. La malade et sa famille étaient ébahies d'une si prompte réussite, — mes deux confrères aussi. L'un d'eux, cependant, sans mesurer, sans doute, la portée de ses paroles, eut l'imprudence de dire sur un petit ton sceptique et dégagé : « Bah! cela reviendra! » En outre, le môme jour, à propos d'une question d'argent, une très violente discussion de famille survint en présence de la malade qui ne put s'empêcher d'y prendre part. Celte émotion morale, survenant peu de temps après la contre-suggestion do mon confrère, ne manqua pas de porter ses fruits. En effet, après deux jours de cessation complete, les symptômes reparaissent, quoique avec une moindre intensité.

Affolée par celle rechute, la malade voulait qu'on me rappelât auprès d'elle par dépêche : Moi, et moi seul, clic îe sentait bien, serais capable de la tirer à nouveau de son mauvais cas... II me suffil de lui faire dire que la rechute élail tout a fait passagère et qu'elle ne durerait pai plue île quelques jours. Pleinement rassurée par mon affirmation, oette/page>

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malade redevint 1res vite toui à fait bien portante.

J'insiste particulièrement sur ces points qui sont d'une importance capitale en ce qui concerne !e traitjment psychologique.

D'abord, une telle médication devrait comporter un peu plus d'une ou de deux séances ; il no suffit pas, en effet, de supprimer un état morbide ; il faut rendre cette suppression stable et définitive. Dans le cas acticl, je me serais certainement appliqué à réaliser ce second point, si je n'avais dû rentrer précipitamment à Paris.

lin outre, les médecins consultants ou traitants doivent bien peser la portée de toutes leurs paroles et se garder de faire auprès du malade, même d'une façon indirecte. la moindre contre-suggestion.

Et puis, le succès n'est guère possible que si les personnes do lo famille et de l'entourage du malade sont ß psychiquement aseptiques ». C'est souvent sur elles qu'il faut d'abord agir, par une sorte de suggestion collective.

Quant aux satisfactions intimes que peut procurer In pratique convaincue etdévouéc de la psychothérapie, il faut les avoir éprouvées pour en connaître toute la suavité; il est doux de constater qu'en très peu de temps on a pu mettre un terme aux angoisses de toute une famille et supprimer tout un cortège de symptômes morbides; il est doux encore d'entendre la voix émue et reconnaissante d'une personne qui vous parle avec son cœur, sentant bien que vous l'avez guérie non pas seulement par votre intelligence, mais aussi et surtout par votre ccour.

¦

• ·

Pour ce qui est du rôle des maladies infectieuses dans le développement de ces psycho-névroses, j'admettrais bien volontiers que l'agent infectieux agit ici, sur un terrain prédisposé, à la manière de l'émotion ou du choc moral, comme un agent de dissociation, de désorganisation et de désagrégation de la conscience. Dès lors, la suggestion est offi-cace cn temps qu'elle stimule et fortifie le pouvoir de coordination et de synthèse mentale, qu'elle corrige et redresse la mauvaise habitude qui est en train de s'installer, qu'elle réalise, on somme, une véritable restauration fouetfonnelle.

HISTOIRE DES SUGGESTIONS RELIGIEUSES dans la famille de Biaise Pascal

Par M. !e D' Cbarlca Bisit-SascU

(Suilt)

CHAPITRE XVII Etienne, Locie et Blaise PAribr aux petites écoles de Port-Royal.

Cependant, dès avaut le 10 février 16G0, les nièces do Jacqueline, demeurées à Port-Royal de Paris tandis que leur tante ullalt remplir les-/page>

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fonctions de sous-prieuse à l'abbaye des Champs, échappaient à son influence directe. Rite ne laissait pas cependant que de leur écrire, pour entretenir en elles les idées et ;en sentiments dévots qu'elle y avait mis. Quant à ses neveux, Etienne, Louis cl lilaisc Perler, leur salut devait lui paraître en bonnes moins; car Us étaient aux petiles écoles de Port-lÎoyal.

L'idée de ces écoles était due à Du Vergier de Hauranne. On en recrutait les élèves parmi les fils des solitaires de Port-Royal ou de leurs amis, et lo milieu venait en aide à l'hérédité pour la formation de nouveaux mystiques. - On nous inspirait surtout la crainte de Dieu dit du Fossé dans ses Mémoires, et l'on avait pour catéchisme la Théologie familière de Du Vergier.

Les écoles étaient divisées en trois groupes,dont l'un était aux Granges, un autre au château des Trous, vers Chevreuso, et lo troisième au Ches-nai près Versailles. — Les petits Péricr étaient au Chesnai et avaient pour maître Wallon de lïeaupuis.

Wallon de lïeaupuis, né en août 1621, avait un oncle capucin, une sœur à Port-Royal, une autro ursuiine, et trois nièces également religieuses. Un de ses neveux n'avait pu cire reçu à la Trappe, o à cause de la délicatesse et de la vivacité de son tempérament {'] » ; Wallon était lui-môme d'une faible santé. 11 avait eu Antoine Arnault pour muilre au collège du Mans et était entré plus tard, par l'intermédiaire de M. Man-guelcn, en rclalion uvec Singlin et de Rebours qu'il avait pris pour directeurs, tl s'était joint aux solitaires des Champs, le 16 Mai 1C44. Singlin le poussait au diaconat.

Entre 165G et IGGÛ, a le travail et lu vie pénitente l'avaient tellement afTaihli, qu'il en cutunc grande maladie. » Il couchaitsur uno paillasse posée sur un lit de planches de tréteaux. 11 lisait sans cesse, immobile et debout, et ne s'asseyait que pour manger cl écrire. II ne faisait jamais do feu dans sa chambre, ne fermait sa fenêtre et ne se couvrait la tôle que par les grands froids. Enfin, pour toute promenade, il allait, sans regarder ni à droite ni ' gauche, de sa cellule à l'église et de l'église à sa cellule. Dans la seconde moitié de sa vie, ¦ il assistait à tout ce qui se disait tous les jours aux différentes heures d'Offices et de Prières a la Paroisse, même aux Gbits et aux Enterrements, chantant toujours, et avec soin, tout ce qui se chantoit. »

11 avait composé pour les enfants un recueil des maximes les plue importantes tirées des livres de Du Vergier, et il nous a laissé, entre autres œuvres, un mémoire sur l'organisation de son école du Cïiesnai. t L'on tachait, dit-il, parlant des enfants, d'affermir dans leurs cœurs les mépris du monde. ».Leurs exercices religieux étaient fréquents et sévères. Levés les plus grands à cinq heures, les plus petits «six heures, ß ils se pros le ruaient à genoux aussitôt qu'ils étaient levés, pour adorer Dieu, » et s habillaient en faisant des actes de grâce. A six heures, ils

(I) Supplément au Necrotogeoe Port-Royat/page>

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disaient à genoux devant un crucifix, le Veni Creator, le Pater, l'Ave, le Credo. Les grands récitaient en outre debout les prières de Prime. Ceux qu'on jugeait assez sages allaient à la messe et y disaient l'office des anges. L'on avait soin d'ailleurs qu'ils se tinssent à l'église dans une tenue très respectueuse, sans tourner jamais la tête de côté et d'autre. — ? onze heures, ils s'assemblaient, disaient le Confileor et le Mes. culpa, faisaient l'examen de conscience et allaient déjeuner. Un de ceux qui avaient été confirmés récitaient alors un verset du nouveau Testament latin.

Pendant le déjeuner, la lecture était faite dans des livres tels que, VHisloire desJuifs,\Q Joseph, cU'HistoircdeVEglise, dcGodeau,mais, les fêtes et dimanches on ne lisait que des livres dévots, comme les confessions d'Augustin. Une récréation suivait le déjeuner. Ils y jouaient à divers jeux, et se servaient, entre autres, de cartes où étaient imprimés le lieu et la date des principaux Conciles, la chronologie des papes et des grands Saints.

Après la récréation, ils rentraient dans la salle d'étude, et faisaient une courte prière « pour demander à Dieu de passer saintement le reste de la journée, et pour les accoutumer à ne faire aucune action sans la commencer et la finir par la prière, a — Pour les leçons d'écriture, on se servait comme modèle d'une sentence tirée des livres saints. « La prière du soir se faisait en commun à huit heures et demie, et l'on y disait le Pater, VAve, \aCredo, le Confileor en latin, les Litanies de la Vierge, Sub tuurn praesidium, etc.. El après avoir fait l'examen do conscience, chacun s'en retournait dans sa chambre en grand silence.»» Enfin ils faisaient un acte d'adoration et se couchaient. Les dimanches et fêtes, après Prime, Us lisaient des livres pieux, et allaient au catéchisme qui durait jusqu'à la messe, « On leur faisait toujours apprendre par cœur deux ou trois articles du catéchisme de M. de Saint-Cyran. ? « On leur faisait toujours ouir la grande Messe de la Paroisse, car il faut accoutumer de bonne heure les enfants de qualité h se soumettre à l'ordre qui a été établi dans l'Eglise. » Le soir ils allaient à Vêpres, c Comme ces écoles, dit Wallon, frère de Wallon de Deaupuis, étaient plus pour la piété que pour les sciences, on ne pressoit pas si forties enfants pour les études, dont on leur donnoît cependant de solides principes. »

La jalousie et la haine des Jésuites ruinèrent les écoles de Port-Royal, qui n'existaient plus le 10 mars 1660.

Après la disparition des écoles, les petits Périer eurent encore pour maître le solitaire Charles de Rcberques, qui avait une sœur religieuse à Port-Royal.

Biaise se chargcaaussi, pendant un certain temps, deses trois neveux } mais il ne garda en définitive auprès de lui qu'Etienne Périer, l'aîné d'entre eux.

Ce qu'une toile éducation devait faire des jeunes Périer, on le conçoit discutent. — Voici d'ailleurs ce qu'écrivait, le 24 Mars 1661, Jacqueline/page>

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à Gilberte, à propos do ses filles et de ses 01s. c Xous avons'lieu d'espérer que toutes les deux seront préservées de la corruption du monde. L'ainéc ('J a fort bien parlé à M. do Roboars; et, pour la jeune («) elle est si fervente que, si cela continue, on ne pourra pas se dispenser de la mettre au noviciat avant l'âge, si vous avez dessein de la donnera Dieu, comme je le crois. Elle dit que son miracle est un privilège particulier, eten effet difficilement cela Urcra-l-il ù conséquence. Et pour votre ??? aîné (3) il a été trouvé M. Singlîn ù qui il u déclaré son eccur, et lui a témoigné qu'il a un élaîgncmcnt entier du monde et qu'il ne pense qu'à se donner à Dieu. M. Singlîn fit tout ce qu'il put pour le tenter... Tout cela ne l'ébranla point, et il le fut encore moins après; car M. Singlin le voyant si ferme, se mît de son côté et le confirma autant qu'il put dans son dessein qui est fort bon. »

CHAPITRE XV11I

DEitXIÙItES ANNÉES DE JACQUELINE PASCAL.

Cependant le Jansénisme, considéré comme une hérésie depuis les bulles papales, avait contre lui les Jésuites, et avec les Jésuites le roi. Une lettre frondeuse du cardinal de Retz, ami de Port-Royal, fut attribuée aux plumes des sectaires, et causa une recrudescence de la persécution. L'assemblée du clergé de France de IG6I décida que le formulaire dressé par l'assemblée de 1657, et déclarant: G quo les cinq propositions sur la grâce condamnées par les bulles étaient dans l'Augustinus de Jan&cn ; 2* que ces propositions étaient contraires à la foi, serait signé non seulement par tous les ecclésiastiques, mais par tous les religieux et par toutes les religieuses. — Avant même de réclamer cette signature ù Port-Royal, lu roi envoya, cn avril 16(11, aux maisons de Paris et des Champs l'ordre de faire sortir les pensionnaires, Ie3 postulantes et les novices, et lu défense d'en recevoir à l'avenir. Jacqueline et Marguerite Périer, l'une ayant dix-sept a is et l'autre quinze, se retirèrent chez leurs parents, qui habitaient alors Paris, rue Sair.t-Etiennc-du-Mont.

Le I" Juin 1GG1, Jacqueline Pascal leur écrivait :

«?ie3 très chères sceurs, Je no sépare point ma lcttroparcc que Dieu mo donne cette consoluïion dans r.ia deuk-ur da vous voir parfaitement unies, dans le dessein d'être entièrement a Dieu- Je le supplie de tout mon cœur do vous affermir de plus en plus dans cetie disposition ; mais, mes chères sceurs, vos actions et votre fidélité à suivre les lumières que vous avez reçues doivent être les plus efficaces prières de toutes, et il est sans doute que sans celles-ci les nôtres seraient peu écoutées de Dieu. Je sons une jote extraordinaire

(1) Jacqueline Périer.

(2) Marguarito Pirior.

(3) '-::.·: .· l'firlor./page>

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quand je me souviens des bonnes dispositions qui sont marquées dans vos lettres; et comme je ne souhaite aucun bien ni aucun avantage à mes amis que les éternels, j'ai une grande joie quand je les y vois' tendre. Mais, mon Dieu! mes chères sœurs, qu'il y a encore peu que vous êtes dans le monde ! Je loue Dieu de ce que le peu que vous en avez déjà vu vous déplait ; mais si vous n'y prenez garde cl si vous ne vous armez d'une prière et d'une vigilance continuelle, vous vous trouverez insensiblement déchues des sentiments où vous êtes à présent. C'est pourquoi, mes chères sœurs, séparez-vous du monde le plus qu'il vous sera possible; vous êtes avec des personnes si remplies do pieté et qui sont si affectionnées à saint Bernard, qu'elles ne s'offenseront pas que vous suiviez son conseil. 11 avertit les âmes qui veulent être les véritables épouses de J. C. de ne pas se contenter de fuir le monde, mais môme leurs amis et ceux de la même maison, et enfin toutes les créatures, parce que le fils de Dieu veut nous trouver dans la solitude pour parler à notre cœur.... La mère prieure vous salue etvous assure qu'elle ne vous oubliera point. »

Cependant le formulaire nettement anti-janséniste avait été envoyé à la signature de Port-Royal. Les solitaires s'assemblèrent plusieurs fois pour délibérer, etl'on composa des mémoires,dont quelques-uns, écrits de la main de Biaise, concluent à la résistance. Cependant, dans une dernière conférence tenue chez Biaise, et à laquelle assistait Etienne Périer, la majorité se prononça pour la signature. L'émotion de Pascal fut si violente qu'il tomba en syncope. « Quand j'ai vu, disait-il à Gii-berte peu après, toutes ces personnes, que je regarde comme ceux à qui Dieu a fait connoitre les vérités et qui doivent en 6trc les défenseurs s'ébranler, je vous avoue que j'ai été si saisi de douleur que je n'ai pu la soutenir et il a fallu succomber. » Jacqueline refusa longtemps de signer. rJlle écrivait, en juin 1661, à la mère Angélique de Saint-Jean: ß Je ne puis plus dissimuler la douleur qui me perce jusqu'au fond du cœur de voir que les seules personnes à qui il semblait que Dieu eût confié sa vérité lui soient si infidèles, si j'ose le dire, que de n'avoir pas le courage de s'exposer à souffrir, quand ce devrait être la mort, pour la confesser hautement. Je sçais le respect qui est dû aux premières puissances de l'Eglise ; je mourrais d'aussi bon cœur pour le conserver inviolable, comme je suis prête à mourir, avec l'aide de Dieu, pour la confession de ma foi dans les affaires présentes ; mais je ne vois rien de plus aisé que d'allier i'un à l'autre », — * Chacun sçait, comme M. de Saint-Cyran lo dit souvent, que la moindre vérité de la foi doit être défendue avec autant de fidélité que Jésus Christ o. « Arrive ce qui pourra, les prisons, la mort, la dispersion et la pauvreté ; tout cela ne me sembïe rien en comparaison de l'angoisse où je passerais le reste de mes jours si j'avais été si malheureuse que de fairo alliance avec la

Marie du tfargi*./page>

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mort en une si belle occasion do rendre à Dieu Jes vcoux de fidélité que mes lèvres ont prononcée. »

Néanmoins, sous la pression d'Antoine Arnautd, Jacqueline finit par signer le formulaire précédé de deux éclaireissements l'un de Port-Royal, l'autre d'elle-même.

Ce n'était pas tout. Les grands vicaires de Paris avaient remplacé, dans la direction de Port-Royal, Antoine Singlin par M. Bail qui, assisté de l'un d'eux, procéda à l'interrogatoire des religieuses touchant leur foi. — Celui de Jacqueline nous a été conservé.

« D'où vient, lui demande le grand-vicaire, qu'il y a tant de personnes qui so perdent éternellement ?

II. Je vous avoue, Monsieur, quo cela me met souvent en peine, et que d'ordinaire, quand je suis à la prière, et particulièrement devant le crucifix, cela me vient à l'esprit, et je dis à notre Seigneur en moi-même: Mon Dieu! comment se peut-il faire, après tout ce que vous avez fait pour nous, que tant de personnes périssent misérablement! Mais quand ces pensées me viennent, Je les regrette, parce que je ne crois pas que je doive sonder les secrets de Dieu....

11 répliqua... Quels livres lisez-vous?

R. Présentement, ce sont les Morales de Saint Basile.... et le plus souvent ma règle. »

Elle s'étend ensuite sur la douleur qu'elle avait éprouvée lors de la sortie des novices, et sur lo ¦ danger où elles étoient dans le monde. »

* N'avez-Vous point de plaintes à faire ? demande le grand-vicaire.

R. Non, Monsieur, paria grâce do Dieu ; je suis parfaitement contente.

11 me dit: Mais cela est étrange : quand je vais quelquefois voir des religieuses, elles me tiennent des deux heures de suite à me faire des plaintes a

l'eu après, Jacqueline tomba malade, à la suite, scmble-t-il, de l'affaiblissement déterminé par la douleurque ces événements lui causèrent, et mourut le i octobre 1661, a l'âge do trente-six ans.

Le lendemain, Singlin écrivait à Port-Royal une lettre où l'on lit : * Elle avait.., beaucoup de confiance en moi » ; et, de son celé, la mère Agnès adressait à Pascal des compliments de condoléance qui pourront sembler cruellement ironiques : « Ëlic fut dans ses qualités naturelles du nombre des sages, Dieu lui ayant fait la grâce de renoncer entièrement à tout ce qu'il avait mie d'excellent on elle. »

Nicole enfin parle à Gilberte, * de la piété non discontinue » de la morte, de sa « dévotion sans éclat et toute solide, accompagnée de la plus austère pénitence ? et termine sa lettre ainsi : ß II y a tant de marques de bénédiction de Dieu sur votre famille que je mets entre les grâces qu'il m'a faites celle de l'avoir connue et de ce que vous m'avez mis au nombre de vos amis. »

(1) Elle lisait encore les ouvrages cités au sujet du Réglement pour les enfants de Port-Royal./page>

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JURISPRUDENCE MÉDICALE

Condamnation d'an mèdeoin qui a couvert do son diplôms un cas d'exercice illégal

...Attendu que la femme Guertiau, demeurant à Montreuil (Seine) déclare qu'il y a cinq ans elle s'est reconnu un don naturel, lui permettant, à l'état de sommeil somnambulique, de découvrir les affections de la personne qui lui touche la main et d'indiquer le remède convenable; que presque chaque jour, depuis cette époque, elle a donné des consultations ;

Attendu que deux fois condamnée pour exercice illégal de la médecine, en mars 1898, elle se fait assister depuis cette époque du sieur Gibert, docteur en médecine ;

Attendu que le D1 Gibert allègue qu'il prend soin d'examiner lui-même les malades pour contrôler le diagnostic de la femme Guertiau, qu'il modifie parfois les ordonnances que lui dicte celle-ci, qu'il donne lui-même laconsultation, en s'aidant toutefois du don de seconde vue, dont jouit, d'après lui, la femme Guertiau ;

Mais attendu que les consultations ont toujours continué à être données chez la femme Guertiau ; que les malades s'adressent à elle ; qu'elle leur prend la main, énonce leur maladie et dicte l'ordonnance au D' Gibert ; que, même en admettant que le Dr Gibert se livre parfois à un contre-examen et modifie les ordonnances qui lui sont dictées, on doit, néanmoins, reconnaître que c'est la femme Guertiau qui, dans cette sorte d'association destinée à tourner la loi, joue le rôle prépondérant;

Attendu en effet, que devant le commissaire de police, le D' Gibert a reconnu qu'il était payé par ladame Guertiau â raison de 2 francs l'heure; qu'il a déclaré devant le jury d'instruction quM ne s'était jamais trouvé en désaccord avec elle pour le diagnostic ; que le don de seconde vue de la dame Guerliau s'exerçait, dit-il, très utilement lorsque le malade ne se présentant pas, quelqu'un apportait une mèche de ses cheveux ou un objet que le malade avait porté.

Attendu qu'il résulte de ce qui précède, que le Dr Gibert est sorti des attributions que la loi lui confère en prêtant son concours à la femme Guerliau, coupable d'exercice illégal de la médecine, à l'effet de la soustraire aux prescriptions de la loi qui règle cet exercice; que ces faits constituent, à la charge des prévenus, le délit prévu par les paragraphes 1 ot 3 de^'article 16 de la loi du 30 novembre 1892 et puni par l'article 18 de cette loi ;

Attendu quo la femme Guertiau se trouve en état de récidive légale, aux lermes de l'article 24 de la loi sus-visée.

Condamne solidairement la" femme Guertiau à 50 fr. d'amende et Gibert à 16 fr. d'amende ; les condamne, en outre, solidairement aux dépens./page>

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FOLKLORE

L'hypnotisme dans les légendes populaires.

Le peuple, bon observateur a connu de tous temps les faits d'hypnotisme dont la science s'est si longtemps désintéressée. Plusieurs coutumes usitées encore dans nos provinces méritent d'être rapprochées des expériences de nos plus célèbres hypnotiseurs.

En Alsace et dans presque toute l'Allemagne, le 2g Novembre, jour de la Saint-André, la jeune fille verra en rêve l'homme qu'elle doit épouser si en se mettant au lit, elle récite avec conviction :

Aujourd'hui Saint-André Dorment tous les gens. Tous les gens, vivant Entre le ciel et la terre A l'exception de l'homme Qui devra m'épouser.

Dans quelques provinces la demoiselle pour augmenter l'autosuggestion, pétrit un gâteau de farine, lui donne la forme humaine, et le mange. Sa prière est pressante dans les vers qui suivent;

Je vais entrer au lit Saint-André, je te prie

;-mol voir mon bien aime' Qu'il soit jeune ou vieux. Laisse-moi le voir.

Nul doute qu'encouragée par son rêve, la jouvencelle n'aide à sa réalisation dans la mesure de ses moyens. -

Il arriva, content les vieilles le soir autour de l'âtre, qu'une de ces jeunesses, au lieu d'un beau jeune homme, vit un fantôme enveloppé de linges blancs. Elle n'avait déjà point confiance ; cette apparition lui enleva son dernier espoir, elle devint vieille fille, et plus tard épousa la mort (i).

Il est facile à une imagination juvénile de se forger le rêve qu'elle désire. Moins commode est la réalisation de l'expérience hypnotique que pratiquent les jeunes paysannes de la Loire-Inférieure, la nuit de la Chandeleur, du premierau deux février. Elles disposent avant de se coucher une glace entre deux bougies allumées ; sur le coup de minuit, elles descendent du lit, le pied droit le premier, et vont voir dans la giace l'image du futur qui s'y dessine en cet instan: précis.

Le miroir magique de la renaissance, encore si utilisé par le (1) Revue des traditions populaires, 1S89, page 32./page>

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baron du Potet vers 1840, n'ofire rien de plus extraordinaire (1).

Il y a une ballade irès populaire en France : la jeune fille qui fait la morte pour son honneur garder. Trois capitaines, enlèvent une jeune pucelle et l'emmènent à Paris; ils lui servent un magnifique repas et lui affirment que : « avec trois capitaines vous passerez la nuit ». Au milieu du festin, la belle tombe morte, et on l'enterre « dessous des fleurs de lis ».

Mais au bout de trois jours la belle y ressuscite. « Ouvrez, ouvrez ces portes. — Mon père si vous m'aimez. — J'ai fait trois jours la morte. — Pour mon honneur garder. *

Georges Doncieux (2) qui a étudié cette ballade et l'a retrouvée sous diverses formes, non seulement dans, nos provinces, mais encore en Piémont, aux pays Basques, chez les Scandinaves et les Slaves, estime « ce conte le plus absurde du monde et le plus charmant ». Il admire le stratagème de la mort simulée.

Nos lecteurs qui sont médecins ne s'y seront pas trompés. II s'agit très simplement d'une attaque de léthargie très légitime chez une jeune fille qui craint un viol. Pareille aventure a dû être fréquente dans les guerres des derniers siècles. La poésie populaire s'est emparée de ce fait émotionnant et a créé la touchante ballade.

Félix Regnault.

REVUE CRITIQUE DE PSYCHOLOGIE ET DE NEUROLOGIE

Par M. le docteur Paul Faiiez.

Les .·..··:¦·'· iènhs crïptoîdes, par M. Emile Boirac, Reaue philosophique, 1899.

Jadis, l'objet des sciences occultes apparaissait comme mystique, anormal, tératologique; c'était un monde mystérieux, une sorto rie seconde' nature en marge de l'autre. Dès lors les esprits amoureux d'exactitude, do précision, de mesure, d'observation et d'expérimentation refusaient d'étudier un objet qui ne comportait aucune rigueur scientifique; cette même absence de rigueur scientifique était sans cesse reprochée aux esprits curieux qui se passionnaient pour le côté nocturne de la nature.

Or, de ires récentes découvertes scientifiques ont surgi : des faits que la veille on niait ou déclarait impossibles sont reconnus aujourd'hui comme réels, tels l'analyse spectrale, les rayons de Rœntgen, etc. D'autre part, avec les progrès de la critique philosophique s'est solidement éta-

(!) Revue des traditions populaires, '.893, page 542. |S( iielusint. Tome Vi, page 52, 145, 184, 217./page>

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bïïe 1.1 thèse de In relativité de notre connaissance. Tl faut bien admettre, enfin, que le connaissahle actuel n'est pas la réalité tout entière, qu'entre ce qui n'existe pas et ce qui n'apparaît pas, il y a une différence. Il est donc prudent, comme le disait Mme de Staël, » de ne pas mépriser le cote nocturne de la nature, en attendant qu'on puisse y répandre la clarté. »

Les phénomènes do la nature peuvent donc être répartis en deux classes : les uns, ostensifs ou phznéroîdcs, lés autres clandestins ou cryptoïdes. L«s premiers sont ceux que les savants ont considérés jusqu'ici comme l'objet do notre connaissance et de notre étude; quant aux seconds, s'ils diffèrent des phénomènes les pius sensibles et les plus constants, ce n'est ni en eux-mêmes, ni par leur nature, c'est par rapport à nous, c'est en somme par la difficulté avec laquelle ils se révèlent. Ces phénomènes spéciaux, la science ne peut encore ni les connaître ni les maîtriser par ses moyens habituels d'investigation ; mais ils sont liés d'une manière constante et régulière au système des forces et des lois dont l'ensemble constitue l'univers; ils obéissent à la loi suprême de tout ce qui existe, c'est û dire à la causalité; ils sont enserrés dans le réseau du déterminisme naturel. Il convient de considérer comme réels ces phénomènes autrefois tenus pour imaginaires et chimériques, de 1rs soumettre aux sures et rigoureuses méthodes d'observation et de con-trêle, d'agrandir les vraies sciences, les sciences modernes fondées sur l'expérience et le calcul, de manière à y faire rentrer tous les ordres de phénomènes visibles et invisibles. Ainsi compris, lo concept de l'occultisme est élargi, transformé, laïcisé, pour ainsi dire ; l'antique notion mystique est devenue rationnelle.

Les phénomènes cryptoïdes sont de deux sortes.

En premier Heu on peut distinguer ceux qui se produisent avec une très grande fréquence ou même perpétuellement, mais qui cependant sont pour nous comme s'ils n'existaient pas parce que, d'une pari, nous manquons d'un réactif ou d'un révélateur spécial ou que, d'autre pari, nous n'avons aucun moyen do les enregistrer et même de les percevoir. Par exemple, la pesanteur de l'air est un phénomène constant, mais, pour le luetlte en lumière, il a fallu instituer des expériences ù des altitude-; différentes et réaliser lo vide. L'électricité est une force toujours présente et agissante; ou ne l'a connue qu'après avoir trouvé le moyen de la produire et de l'accumuler arliltciellemeni. Les rayons iÎœntgcn nous oui été révélés parce quo des corps d'une cortaine sorte se sont trouvée placés dans un certain ordre, à proximité d'une ampoule do Crookes traversée par un courant électrique. La télégraphie sans fil dale du tune à limaille de Îïrnnly. La transmission ou lecture des pensées :'..'·¦.¦. elle aussi, rationnellement : en effet. émotions, nos volontés, nos pensées n'accompagnent dans les muscles de contractions fibrilh'ires imperceptibles dont nous n'avons pas le moindre soupçon, mais qui traduisent fidèlement ers phénomènes psychologiques au fur et à mesure que ces derniers se déroulent et se modifient; ces contrac-/page>

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tïons fibrillaires ont été révélées par le pendule de Chcvreul et Gley en a fait une étude minutieuse à l'aide d'appareils enregistreurs spéciaux. L'écriture automatique se ramène aussi à des sensations ou des mouvements perçus mais devenus cryptoides, tels « ces cours d'eau qui semblent tout à coup s'évanouir, mais qui n'en continuent pas moins à des profondeurs où l'art savant des ingénieurs ne peut qu'à grand'peine-les retrouver et les atteindre ». Les diverses manœuvres dites hypnotiques, magnétiques etc., comportent aussi des phénomènes cryptoides qui souvent ne se révèlent qu'après coup; les révélateurs spéciaux sont ici : la suggestion par la parole ou par le geste, la fixation prolongée d'un point brillant, les passes mesmériennes, les piqûres ou pincements brusques quasi-instantanés (de Rochas}, la présentation de la main (Boi-rac).

Ainsi certains phénomènes réputés rares, accidentels, anormaux sont peut-être normaux, mais cryptoides, c'est à dire qu'on ne sait pas encore les mettre en évidence au moyen d'un révélateur approprié.

Le sujet réactif ou révélateur est tel, en raison de son impressionnabi-lité très délicate. Son rôle se manifeste de diverses manières. Tantôt il empêche l'apparition d'un phénomène qui interrompt, suspend, éclipse, annule celui que nous cherchons; tantôt il arrête au passage, retarde, redouble, ampliûe une action qui d'ordinaire passe trop rapidement pour qu'il soit possible de la saisir; tantôt encore il continue et reproduit, pour ainsi dire, le phénomène qu'il révèle. Le système nerveux est le révélateur suprême, le plus délicat de tous, mais aussi le plus facile à fausser; le mieux est de lui donner des révélateurs artificiels comme les appareils de la physique et les réactifs de la chimie. Ces sortes de phénomènes sont facilement troublés par un grand nombre de causes accidentelles ; mais, de ce que, dans certains cas, on n'a pas pu les produire, il ne faut pas en rejeter l'existence.

Il est un second groupe de phénomènes cryptoides; ce sont ceux que la nature, dans le cours ordinaire de ses opérations, ne pioduit que très rarement ou même jamais, mais qui, cependant, sont enveloppés dans ses lois, à l'état de possibilités certaines; c'est dans un autre sens qu'ils sont cryptoides; quand ils se réalisent (soit spontanément, soit grâce à nous), ils tombent en général sous nos sens et l'on n'a pas de peine à les observer; cependant, ils restent inaccessibles tantque nous n'allons pas jusqu'à eux pour poser nous-mêmes les conditions nécessaires et suffisantes de leur réalisation. Ne les ayant jamais observées, la plupart des hommes sont disposés à les déclarer d'avance invraisemblables et impossibles jusqu'au jour où la science aura trouvé le moyen de les produire et de les reproduire à volonté. Ils demandent non pas des révélateurs mais des réalisateurs spéciaux faute desquels ces phénomènes sont, non seulement invisibles, mais insaisissables. Quand les conditions de réalisation sont données, les phénomènes surgissent du fond des possibilités latentes de la nature.

En somme, chacun de nous est un monde de phénomènes cryptoïdes,/page>

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si l'on considère les traces que laissent toutes nos impressions et toutes nos pensées. Comme le dit Charles Richet, il est mille fois certain que nous passons, sans les voir, à côté de phénomènes qui sont éclatants et que nous ne savons ni observer ni provoquer. Plus la science poursuivra ses recherches, plus se multiplieront devant elle ces vérités à la fois éclatantes et cachées à côté desquelles les hommes passent depuis des siècles sans les voir.

De quelques superstitions médicales chinoises, parloD'j.-j. Matignon, Rev. obstêtr. int., il avril 1899, p. 84.

Un accouchement laborieux ne peut être attribué qu'aux esprits mal intentionnés s'opposant à la sortie de l'enfant. Un prêtre taoïste est dans ce cas requis pour pratiquer certaines cérémonies ayant pour but de faire fuir les démons. Sur une table, on dispose des chandelles, des bâtonnets odoriférants, des simili monnaies en papier d'argent, troiscoupes de vin, une assiette contenant trois sortes de grains. Le prêtre commence îi réciter entre ses dents quelques prières, accompagnées de coups rhythmés frappés sur la table. Puis, après une demi-heuro de cet exercice, le bonze remet au mari trois morceaux de papier, de deux à trois pouces de large, sur un pied de longueur. L'un est collé au-dessns de la porte d'entrée de la chambre de la femme, l'autre sur son front et le troisième, réduit en cendre, est avalé, dans du thé, par la parluriente. Puis on attend que les charmes fassent leur effet.

On attend souvent fort longtemps, et la vie de la malade paraissant en danger, on recourt au moyen suprême, auquel pas un accouchement ne saurait résister : une séance de marionnettes; dans laquelle figure la déesse de la Maternité. La chose se passe en général au niveau de la porto de la chambre de la parturiente. Mais, dans certains cas, lorsqu'il faut produire le maximum d'effet dans le minimum de temps, la déesse dè la Maternité est enlevée de son théâtre et promenée sur le ventre de la femme. Ce procédé est considéré comme infaillible et, quand il est suivi d'insuccès, les Chinois, au lieu de douter de son efficacité, préfèrent croire que le résultat négatif est dû uniquement à une mauvaise application de celte excellente méthode.

Pour guérir la nervosité des femmes enceintes et aussi pour les garantir contre toutes sortes de mauvais esprits qui pourraient gêner l'accouchement, on place devant la porte de leur maison un vieux morceau de filet : les démons ne peuvent manquer de prendre la fuite, car ils savent que c'est avec de tels instruments qu'ils sont pinces par les prêtres taoïstes.

Qui ne voit que toutes ces pratiques ont pour but de frapper l'imagination et n'agissent que par suggestion?/page>

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CHRONIQUE Eï CORRESPONDANCE

Société d'hypnologte et de psychologie

Les séances de la Société d'hypnologi? et de psychologie ont lieu le troisième lundi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, ruo Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.

La prochaine séanoo de la Société aura lieu le Mardi 17 Octobre

1899, h 4 heures et demie.

Les séances sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités

à y assister.

Adresser les communications h M. le D' Bérillon, secrétairo général, 14, ruoTaîtbout, et les cotisations ? M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussiou.

Association française pour l'avancement des Sciences

Le Congrès de l'Association française qui se tiendra à Boulogne sur mer du 14 au 21 Septembre, présentera un éolat exceptionnel. La réunion concordera avec celle de l'Association britanique qui tiendra sa cession annuelle à Douvres à la même époque. Les deux Associations se réuniront en réunion générale et se rendront réciproquement visite, alternativement de chaque coté de la Manche. La Reçue de l'Hypnotisme sera représentée à cet important Congrès.

Le sens stéréognostique

Le sens stèrëognosiique n'est pas à proprement parler un sens, c'est un résultat de l'éducation de* sensibilités profondes, do la sensibilité musculaire et articulaire. Ce sens peut s'acquérir, et, lorsqu'il manque c'est que l'éducation de la sensibilité profonde n'a pu être faite comme par exemple chez les malades atteints d'hémiplégie cérébrale Infantile ou chez ceux qui offrent des troubles de la sensibilité musculaire ou articulaire. M. Déjerlne, dans un de ses cours à ta Salpétrlérc, a montré a ce sujet tics CD3 typiques d'hémiplégie cérébrale Infantile chez lesquels le sens stéréognostique a complètement disparu, et une Mexique remarquable par l'ensemble des symptômes tabétïques qu'elle présonte. Le sens stéréognostique de octtomalade a disparu aussi, bien qu'au premier abord sa sensibilité paraisse peu altérée. TJn examen minutieux permet de constater chez elle une légère dissociation de la sensibilité. Le tact est normal, tandis que la chaleur et ?a douleur subissent un certain retard danc la perception de la sensation. En outre, les cercles de Veber qui indiquent la distance nécessaire pour percevoir distinctement deux piqûres, sont plus grands et la sensibilité plus altérée.

On a objecté que, pour démontrer l'autonomie du icns etéréognostioue. Il suffisait d'observer ses modifications dan? l'hystérie. M. Déjerlne proteste/page>

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contre de pareilles conclusions. Les expériences sur les hystériques sont nulles au point de vue psychologique. L'hystérique est un être éminemment suggestionnablc qui fait ce que l'on veut, et M. 1··· ··.... montre un sujet très facilement hypnotisable auquel il a enlevé par la suggestion hypnotique le sens slôréognostique bien que la sensibilité profonde soit restée Intacte.

Traitement des morphinomanes

La Société de médecine et de chirurgie pratiques, reconnaissant qu'il y a une lacune dans la législation en ce qui concerne les toxicomanes (mor-pbino-cocalne-éthérG-dipso-raanes, etc.) qui veulent se faire soigner, émet le vœu que les pouvoirs publics, par une addition a la loi de 1838, s'occupent du sort de ces malades et déterminent s'il n'y aurait pas lieu d'admettre (dans telle forme judiciaire à arrêter et avec l'assentiment formel du malade et son engagement par écrit) un internement essentiellement temporaire qui serait maintenu légalement, dans le lieu choisi par te malade et pendant le temps nécessaire à la cure dont la durée sera fixée par avance dans l'engagement écrit et signé par ledit malade.

La dormeuse de Thenelles

Un anniversaire dont on chercherait en vain un autre exemple, est celui de la dormeuse de Thenelles dont on a beaucoup parlé depuis quelques années, et qui est entrée dans la seizième année de son sommeil léthargique.

C'est le 29 mai 1833 qu'elle s'est endormie brusquement, a la suite d'une vive émotion. Elle était âgée de dix-neuf ans.

Bile est d'une maigreur extreme, d'une p&leur effrayante. Pourtant son pouls bat plus de SU pulsations. Elle est couchée les mains jointes ; son bras demeure en l'air si on l'élève. Elle est absolument insensible sur toute la surface du corps. On la nourrit à peine avec quelques lavements nutritifs.

Nous avons publié en 1837, dans le numéro 10 (l" année) de la Revue de l'Hypnotisme des détails circonstanciés sur l'état de cette malade.

NOUVELLES

Enseignement de 1 hypnotisme et de la psychologie physiologique institut psycho-physiologique, k9, rue S&int-Andrè-des-Arts.

L'Institut psycho—physiologique de Paris, fondé en 1880 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants c: de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement/page>

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pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.

L'organisation de l'Institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.

Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique), est annexée à l'Institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.

Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérilion, médecin inspecteur des asiles publics d'aliénés, y complète son cours à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine (semestre d'été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l'hypnotisme.!! est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les D" Henry Lemcsle, Vlavïanos, Faure, Wolf, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les D" Paul Farez, A. Guimbeau, Bianchi, Branly, et par M. Charles Verdin.

Depuis 1892, pendant le semestre d'hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits, les jeudis à cinq heures, par MM. les D™ Dumontpallier, Bérilion, Max Nordau, E. Caustier, Henry Lemesle, Paul Farez, Collineau, Saint-Hilaire, Oscar Jennings, Armand Paulîer, Tison, Bianchi, Légué,et par MM. Lionel Dauriac, Jules Bois, Lépinay, Laisant, Albert Coutaud, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.

M- le Dr Paul Joire, correspondant de l'Institut psycho-physiologique, fait, chaque année à Lille, un cours annexe d'hypnologie.

Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l'acquisition des appareils les plus nouveaux.

Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l'histoire de l'hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.

Chaque année, un certain nombre d'étudiants trouvent d'importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l'Institut psycho-physiologique.

IS Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT U 170, rue Saint-Antoine./page>

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«· annee. — ?· 2.

Août 18S9.

DEUXIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'HYPNOTISME

EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE

Le premier Congrès international de Y Hypnotisme experimental et thérapeutique qui s'est réuni en 1889, à l'Hôtel-Dieu, sous la présidence de M. Dumontpallier, membre de l'Académie de médecine, avait confié à une commission composée de MM.Dumontpallier, Bérillon, GilbertBalIol.Bernheim, Grasset, Liégeois, Auguste Voisin, Ladame (de Genève), Masoin (de Louvain), le soin d'organiser le congrès suivant.

Cette commission ayant délégué ses pouvoirs au bureau de (a Société d'Hypnologie, cette société s'est réunie en assemblée générale le 16 mai 1898, et a exprimé le vœu que le second congrès de l'Hypnotisme expérimental et thérapeutique eût lieu a Paris, au mois d'août 1900, immédiatement après la clôture du Congrès international de médecine.

Se conformant à ce vœu, la commission supérieure des congrès a décidé de rattacher le second Congrès international de l'Hypnotisme à la série des congrès de l'Exposition et M. le commissaire-général a nommé une commission d'organisation.

Cette commission, convoquée par M. le professeur Garïel, délégué général des congrès, s'est réunie le 17 avril 1899. Elle a constitué son bureau, institué un comité de patronage, mis à l'ordre du jour un certain nombre de questions générales et fixé l'ouverture du congrès au dimanche 12 août 1900, à trois heures, au Palais des congrès de l'Exposition.

EXPOSÉ

En conviant au deuxième Congrès international de i'Hypnotistye expérimental et thérapeutique les savants français et étrangers qui s'intéressent au progrès de l'Hypnotisme, les organisateurs rappellent que le premier congrès a réuni on 1889 un nombre/page>

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considérable de médecins, de professeurs de philosophie, de magistrats, d'avocats et de sociologues et que les communications ont donné lieu â des débats fort importants.

Tous ceux qui ont pris part aux travaux de ce congrès se souviennent de l'esprit de concorde et de progrès qui a animé les congressistes pendant la durée de ces assises mémorables.

Le deuxième congrès aura pour but principal :

1. De fixer d'une façon définitive la terminologie de la science de l'hypnotisme ;

2. D'enregistrer et de déterminer les acquisitions réelles faites jusqu'à ce jour dans le domaine de l'hypnotisme.

Pour conserver au congrès son caractère exclusivement scientifique, le comité n'acceptera que des communications se rapportant aux applications cliniques, médico-légales, psycho* physiologiques, pédagogiques et sociologiques de l'hypnotisme et des phénomènes qui s'y rattachent.

Le but du second Congrès de l'hypnotisme est ainsi nettement tracé.

Il est donc entendu que le congrès de l'Hypnotisme n'empiétera sur aucun des domaines réservés à d'autres congrès se réunissant vers la même époque. La réunion du congrès suivra presque immédiatement celle du Congrès international des sciences médicales.

RÈGLEMENT Art. I*.

Le Congres se réunira à Paris du 12 au 16 août 1900. — La séance d'ouverture est fixée au dimanche 12 août, à trois heures.—Les séances auront Heu au Palais des Congrès.

Seront membres du Congrès : 1° Les membres de la Société d'Hyp* nologïe et de Psychologie ;

a* Tous les adhérents jui auront fait parvenir leur adhésion avant le 1er août 1900.

Art. IL

Les adhérents au Congrès auront seuls le droit de prendre part aux

discussions.

Art. ?G.

Le droit d'admission est fixé à 20 francs.

Art. TV.

Le Congrès se- composera :

1. D'une séance d'ouverture;

2. De séances consacrées à la discussion des rapports et aux commu-nications;/page>

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3. De conférences générales;

4. De visites dans les hôpitaux et hospices ;

5. D'excursions, de réceptions et de fêtes organisées par le Bureau.

Art. V.

Les communications seront divisées en quatre groupes:

1. Applications cliniques et thérapeutiques de l'hypnotisme et de la suggestion ;

2. Applications pédagogiques et sociologiques;

3. Applications psycho-physiologiques ;

4. Applications médico-légales.

??t. VI.

Les communications et les comptes rendus des discussions seront réunis dans une publication adressée à tous les adhérents.

Art. VII.

Les adhérents sont invités à adresser le plus tôt possible le titre de leurs communications à M. le Secrétaire général.

Les manuscrits des communications devront être déposés sur le Bureau avant la fin de ?a séance. — Les orateurs qui auront pris la purolo dans la discussion devront remettre leur argumentation au cours même de la séance.

Art. VIII.

Toutes les communications relatives au congrès, demandes d'admission, ouvrages manuscrits et imprimés, etc., doivent être adressées a M. le D^ BÉRILLON, secrétaire général, 14, rue Taitbout, à Paris (Tîî^wî îîi-fig). _

COMMISSION D'ORGANISATION Président.

M. le Dr Voisin (Jules), médecin de la Salpêtrière, président de la Société d'hypnologie.

Vice-Présiden te.

MM. Dauriac (Lionel), professeur à la Faculté des lettres de Montpellier, charge de cours à Paris, le D' Grasset,professeur a In Faculté de médecine de Montpellier. Liégeois, professeur à la Faculté de droit de Nancy. Melcot, avocat général à la Cour de cassation.

Secrétaire général. M. le Df Bkmllon, médecin inspecteur des asiles d'aliénés do la Seine, directeur de la Jîeoue de l'Hypnotisme.

Se^iêtaire général adjoint. M. le Lr (Paul), licencié en philosophie.

Secrétaires.

MM. Julliot, docteur en droit; IcD' Lsmhsi-e (Henry), licencié en droit; Lépina?, médecin vétérinaire ; le Dr Regnault (Félix), ancien interne des hôpitaux./page>

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Trésorier.

M. Colas (Albert), président de la Société d'études philosophiques et sociales.

Présidents d'honneur.

MM. le Dr Azam, professeur honoraire à la Faculté de médecine de Bordeaux.

le Dr Joffroy, professeur à la Faculté de médecine de Paris.

le Dr Raymond, professeur à la Faculté de médecine de Paris.

le Dr Richet (Charles), professeur à la Faculté de médecine de

Paris. le Dr Durand de Gros. le Dr Liébeault, de Nancy.

Soury Mules), sous-direetcur à l'Ecole pratique des Hautes Études.

Membres de la Commission d'organisation

MM. le Dr Babinski. médecin de la Pitié.

le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles d'aliénés de la Seine.

directeur de la Revue de l'Hypnolisme. le Dr Bernheim, professeur à la Faculté de Nancy. Boirac, recteur de l'Académie do Grenoble, le Dr Briand, médecin en chef de l'Asile de Villejuif. Caustibr, professeur au lycée Hoche.

Colas (Albert), président de la Société d'études philosophiques et

sociales. Coutaud, docteur en droit, le Dr Charpentier, médecin de la Salpêtrière. Dauriag (Lionel), prof, à la Faculté des Lettres de Montpellier, le Dr Deny, médecin de la Salpêtriere. Dyvrande, procureur de la République, à Dieppe, le Dr Déjerine, médecin de la Salpétrière, agrégé à la Faculté, le Dr Farez (Paul), licencié en philosophie. Je Dr Grasset, professeur à la Faculté de Montpellier, le Dr Legrain, médecin de l'asile de Ville-Evrard. le Dr Lépinë, professeur à la Faculté do Lyon. Liégeois, professeur à la Faculté de droit de Nancy. Magnin (Paul), vice-président de la Société d'hypnologie. le Dr Marandon de Mostrysl, médecin de l'asile de Ville-Évrard. Melcot, avocat général à la Cour de cassation, le Dr Pau de Saint-?art??-, médecin-major de 1" classe, le Dr Pitres, professeur à la Faculté de Bordeaux, le Dr RiCHER (Paul), membre des l'Académie de médecine, le Dr Robin (Albert), membre de l'Académie de médecine./page>

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MM. Tarde, chef de la statistique au Ministère de la. Justice. Toutée (Paul), vice-président du Tribunal de la Seine, le Dr Voisin (Jules), médecin du la Salpèirière.

COMITÉ DE PATR0NAGE Allemagne.

MM. le Dr Biswasger, professeur à l'Université d'Iéna.

le professeur Dessoih (Max), prof, à l'Université de Berlin, le Dr von Scbrbnk Notzing, prakt-arzt, Munich, le professeur Stumpf, prof, à l'Université de Berlin.

Angleterre.

MM. Myers (Frédéric), examinateur, à Cambridge. • le professeur Crookes (William), a Londres, le D Cruise (Francis), de Dublin, le Dr Lloyd Tockey, de Londres, le D' Milne Bramwell, de Londres.

le professeur Solly (James), prof, à l'Université do Londres.

Autriche.

M. le dr Khaft-Ebing, professeur à l'Université de Vienne.

Belgique.

MM. le Dr FnANCOTTE, professeur à l'Université de Liège, le Dr Masoik, professeur k l'Université de I^ouvain.

Ètals-Unis.

MM. le Dr Mac Donald, directeur du Bureau d'Éducation, à Washington, le Dr Hamilton Osgood, de Boston, le Dr Henirk Petersen, de Boston, le professeur Zéliqson (Maurice), Cleveland (Ohio), le professeur William James, prof, à l'Université de Cambridge.

Espagne.

M. le D' Heimano, prof, ù la Faculté do médecine de Madrid.

Grèce.

M. le Dr Catsahas, prof, à la Faculté de médecine d'Athènes.

Hollande.

M. le Dr Van Kentërghem, directeur de la clinique psychothérapique, à Amsterdam.

Italie.

MM. le Dr Lombroso, professeur à l'Université de Turin, le Dr Morsblli, professeur à l'Université de Turin, lu Dr .ci....:, médecin de l'asile de Keggio-Emilia.

RusSie.

MM. le Dr Becetereff, prof, à l'Université de St-Pétersbourg. le Dr Kojénikow, professeur à l'Universté de Moscou, lo D' Ochorowicz, de Varsovie./page>

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Serbie.

M. le Dr Subotic. professeur à la Faculté do Belgrade.

Suède et Norwège. MM. le Dr Wettersîbako, à Stockholm.

le professeur ????a? VotD, à Christiania.

Suisse.

MM. le Dr Forel, professeur à l'Université de Zurich, le Dr Laoame, privât docent.à Genève, le Dr Widmeïi, à Nyon.

QUESTIONS MISES A L'ORDRE DU JOUR («)

I

Rédaction d'un vocabulaire concernant la terminologie de l'hypnotisme et des phénomènes qui s'y rapportent. Rapporteurs : M. le Dr Berillon, M. le Dr Paul Farez.

H

Les rapports de l'hypnotisme avec l'hystérie. .Rapporteur : M. le D' Paul Magmin.

III

Les applications de l'hypnotisme à la thérapeutique générale. Rapporteur : M. le Dr Milne Bramwell (de Londres).

IV

Les indications de l'hypnotisme et de la suggestion dans le traitement des maladies mentales et de l'alcoolisme.

Rapporteurs : M. le D' Tokarsky (de Londres), et M. le Dr Lloyd. TuckEY (de Londres).

V

Les applications de l'hypnotisme à la pédagogie générale et à l'orthopédie mentale. Rapporteur: M. le Dr Bérillon.

VI

Valeur de l'hypnotisme comme moyen d'investigation psychologique.

Rapporteurs : M. le Dr Vogt (de Berlin), M. le Dr Paul Farez, M. le Dr Félix RegnaUlt.

VII

L'hypnotisme devant la loi du 30 novembre 1892, sur l'exercice de la médecine.— Intervention des pouvoirs publics dans la réglementation de l'hypnotisme.

Rapporteurs ; M. le D' Henry Lemesle, M. Ch. Julliot, docteur ; en droit.

(1) Sis mois avant la réunion du Congrès, MM. les Rapporteurs devront adresser à M. le Secrétaire général le résumé et les conclusions de leurs rapports. Ces contusions seront adressées à tous les adhérents, afin de permettre la discussion approfondie des sujets mis à l'ordre du Jour./page>

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vm

La suggestion et l'hypnotisme dans leurs rapports avec la jurisprudence

Rapporteur : M. le LV Von 8a?????-??t???a (do Munich).

IX

Responsabilités spéciales résultant de la pratique de l'hypnotisme expérimental. Rapporteur: M. le professeur Boiiiac.

INTRODUCTION A L'ÉTUDE DE L'HYPNOTISME (')-

Par il- le D' Edgar Biîkillon. (Suite)

A l'époque contemporaine deux théories physiologiques sont venues fournir des notions presque inespérées sur le mécanisme intime des phénomènes psychiques. La première, duc à Brown-^équard découle de ses nombreuses expériences de vivisection. C'est la théorie de l'inhibition et de la dynamogénie. La seconde n'est encore qu'une hypothèse inspirée par les connaissances récentes sur la morphologie et les rapports dos cellules nerveuses. Les méthodes do Golgi, de Nissl et de Cajal, en démontrant que les éléments nerveux, leSi;ewiO//c.çn'ont entre eux quedes relations de contact ou de contiguïté ont donné naissance à plusieurs théories psychologiques du plus grand intérêt. Toutes ces conceptions nouvelles laissent entrevoir la certitude d'arriver à une interprétation rationnelle des phénomènes' de l'hypnotisme.

La théorie de l'inhibition est venue confirmer l'idée de Bi-chat (2) sur ia division du travail mental et la dissociation psychique pendant le sommeil normal. Bichat pensait avec raison que chacun des organes de ia vie de relation peut être en état de sommeil, pendant que d'autres organes du même ordre

t'j Leçon faite a l'E^oIo pratique de la Faculté de inédcciue. Semestre (d'été 1898-93).

(î) Bichat- — Recherches pliyeiotogiiUQt* *ur )¦ vie et sur la mort. {Œuvras, Tome l ; ? 27)./page>

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restent en activité. Il est ic premier qui ait attribué une grande importance à la possibilité du sommeil partiel ou local de certaines parties pendant que d'autres restent à l'état de veille, c'est-à-dire demeurent aptes à fonctionner. II avait été frappé de ce fait que d'ordinaire l'influence du sommeil s'étend progressivement sur des facultés mentales différentes. « Le sommeil général, dit-il, est l'ensemble des sommeils particuliers. » Les états de conscience que Ton comprend sous le nom d'hypnotisme correspondent à ces sommeils particuliers dont parlait Bichat. lis en sont la reproduction expérimentale.

Quand le sommeil normal est accompagné de rêves, l'indépendance desdi versos fonctions del'écorcecérébi'aledevient très manifeste. Tandisquecertainesrégionsducerveause reposent, d'au-très fonctionnentsanscontrôle etsouventmômeavec plus d'activité quedansl'état de veille. L'étudeattentive du sommeil naturel et des rêves a fourni la première démonstration de la division du travail mental. Les recherches des physiologistes contemporains ont conlirmé d'une façon éclatante ces premières données sur l'indépendance fonctionnelle des divers territoires de l'écorce cérébrale. Mais c'est surtout à Brown-Séquard que l'on doit les notions les plus précises sur les divers modalités de l'activité fonctionnelle du système nerveux. Grâce à ses recherches sur l'inhibition et la dynamogénie, on peut se rendre un compte plus exact des variations qui peuvent survenir dans le dynamisme des centres nerveux. L'inhibition, selon Brown-Séquard, est l'action par laquelle une propriété est soudainement ou presque soudainement suspendue et, en apparence, annihilée.

La faculté, la puissance inhibitoire appartient à nombre de parties du système nerveux, et elle peut être mise en jeu, soit d'une manière directe, soit d'une façon indirecte. L'inhibition a son corollaire dans une action qui lui est absolument opposée, la dynamogénie. De même que l'inhibition est essentiellement une action dynamique et peut survenir sans la moindre intervention du sang ou de la nutrition, de même la manifestation de propriété, de force ou d'activité qui caractérise l'acte dyaamogénique, est aussi purement dynamique. La puissance dynamogénique appartient à nombre de parlies du système nerveux et, comme l'inhibition, elle peutêtre mise en jeu, soit d'une manière directe, soit par action réflexe; elle peut augmenter l'énergie de toutes les propriétés, de toutes les acti-/page>

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vités et conséqucmment de toutes les fonctions du système nerveux.

L'inhibition ne doit pas être confondue avec les pertes de puissance ou d'activité, plus ou moins lentes à se produire qui dépendent d'altérations de structure dues à des causes trau-matiques ou pathologiques. De même, la dynamogénie n'est pas comparable aux augmentations d'énergie qui se produisent assez rapidement par suite d'une simple accumulalion de sang dans une partie des centres nerveux ou ailleurs.

L'attention de Brown-Sequard avait été appelée sur les perturbations dynamiques du système nerveux par un fait des plus surprenants, qui mérite d'être relaté. En 1851, il avait été appelé par un commissaire de police à fin de s'assurer s'il y avait maladie ou simulation chez une jeune fille de vingt ou vingt et un ans, qui était en apparence atteinte d'extase une fois par semaine. Tous les dimanches, au moment oit la cloche d'une église voisine (St-Sulpicc) commençait à sonner, à huit heures du matin, cette jeune fille montait sur le rebord courbe et poli du pied d'un lit en noyer et elle y restait debout, sur la pointe des pieds, jusqu'à ce que la même cloche sonnât à huit heures du soir. Elle s'y tenait dans l'attitude de la prière, la tête un peu renversée en arrière, les yeux grandement ouverts, regardant en haut, et elle adressait des invocations à la vierge Marie, articulant d'une manière assez distincte et d'une voix assez élevée pour être entendue dans toute la petite chambre où la scène se passait.

A première vue, il était évident que toute simulation était d'une impossibilité absolue et que cette jeune fille était atteinte d'extase causée par une exaltation religieuse. Si la mère faisait entrer dans cette chambre des personnes qui payaient pour être témoins de ce qu'on leur disait être un miracle.il n'y avait pas déception de la part de la jeune fille. Le commissaire de police, cependant, désirant qu'une expérience au moins fût faite pour s'assurer de l'état de la sensibilité chez cette malade, Brown-Séquard fit venir deux de ses élèves et les ayant placés de manière à supporter la malade si elle tombait, lui appliqua deux ou trois chocs électro-magnétiques violents sur un des cotés de la face. Il y eut, comme on le pense bien, une contraction énergique des muscles de la face du côté correspondant, mais rien ne changea dans l'altitude des diverses parties du corps de la malade. L'articulation des sons fut un instant troublée mais les mêmes prières continuèrent d'être/page>

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émises à haute voix. Ayant employé lu même courant sur la face du commissaire qui montrait encore du scepticisme,celui-ci jeta un cri et reconnut qu'incontestablement il n'y avait pas simulation chez la malade. Cette jeune fille était obligée de garder le lit presque loute la semaine après chacun des dimanches nombreux où elle avait été soumise à une attaque de l'espèce décrite. Elle était dans un état d'épuisement extrême et presque incapable pendant plusieurs jours de mouvoir ses jambes ou son corps. Elle était d'ailleurs profondément anémique et très faible et l'avait été môme avant la première de ses attaques d'extase.

Comme il n'est possible à personne, dans l'état de santé, de rester debout sur la pointe des pieds (c'est-à-dire sur les orteils et une très petite parue de, la surface plantaire), plus d'un nombre peu considérable de minutes, même sur une surface plane, non glissante, il est évident que pour pouvoir persister dans l'exécution de ce tour de force et d'adresse, pendant douze fois soixante minutes (de huit heures du matin à huit heures du soir), il a fallu que sous l'influence d'une cause morale, il y eût chez cette malade un développement vraiment prodigieux de puissance d'action dans l'appareil moteur, en y comprenant, non seulement les centres nerveux et les nerfs, mais aussi les muscles du tronc, de la tête, de la face et des membres. Il a fallu, en outre, une augmentation considérable de la puissance du sens musculaire. De plus, il y avait chez cette malade, en même temps que de la dynamogénie dans nombre de parties, de l'inhibition de certaines facultés; (absence absolue de connaissance de ce qui se passait autour d'elle et perte de sensibilité, car aucune trace de douleur n'a été donnée sous l'iniluence de la violente irritation de la face.)

Rapprochant de ce fait les pertes et les augmentations rapides et quelquefois soudaines de force chez les hystériques et chez les hypnotisés, Brown-Séquard est arrivé à reconnaître que ces phénomènes devaient être rangés dans la catégorie des phénomènes inhibitoires et dynamogéniques.

Les symptômes de l'hystérie, de même que les phénomènes de l'hypnotisme consistent essentiellement en suspensions, en diminutions d'activité de certaines fonctions, ou en augmentations, en exaltations d'activité de ces mêmes fonctions. Les démonstrations les plus frappantes de ce dynamisme variable se trouvent d'une part dan? les paralysies psychiques, dans les anesthésies et les amnésies provoquées, et, d'autre part,/page>

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dans les contractures, dans les hallucinations suggérées, dans les hypéresthésies et surtout dans l'exaltation des diverses perceptions sensorielles (visuelles, auditives, tactiles, gusta-tives, thermiques, etc.). Nous nous proposons, dans le cours de ces leçons, de nous livrer à l'étude approfondie des principaux de ces phénomènes.

Ce que nous voulons simplement retenir pour le moment, c'est ce fait capital que l'acte initial par lequel un sujet est plongé dans l'état d'hypnotisme n'est que le résultat d'une irritation périphérique (excitation d'un des sens ou de la peau par l'action d'un agent physique) ou centrale (résultant d'une idée spontanée ou suggérée). Cette irritation a pour principal effet de déterminer primitivement une diminution de l'activité ou de la puissance dans certaines parties de l'encéphale.

A 'notre avis, l'interprétation la plus rationnelle des états d'hypnotisme est celle qui établit une assimilation entre ces états et entre les phénomènes d'inhibition et de dynamogéuie décrits par Brown-Séquard.

En résumé, l'hypnotisme est essentiellement la science de l'inhibition et de la dynamogénie des centres nerveux, que cette inhibition ait son point de départ dans une excitation d'origine phy-siqueou d'origine psychique.

Pour nous, hypnose est synonyme d'inhibition. Dans la majeure partie des cas, cette inhibition est limitée aux cellules nerveuses affectées aux fonctions supérieures du cerveau, à ces fonctions que l'on pourrait désigner sous le nom de fonctions de contrôle. Quand l'inhibition s'est étendue aux régions de l'écorce cérébrale dans lesquelles sont localisées la conscience, l'attention, le jugement, le raisonnement et la volonté, on constate l'apparition des deux phénomènes fondamentaux de l'état d'hypnotisme: L'automatisme et l'hallucination.

(à suivre)

SOCIÉTÉ D'HVPNOLÛGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance annuelle de la Société d'Hypnologis et de Psychologie

Le lundi iO juillet iS&O

Présidence de M. Jules Voisin

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et approuve.

La correspondance comprend des lettres d'e\cuscs de MM. Iîoirac,/page>

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vice-président, recteur de l'Académie de Grenoble ; de M. le professeur Raymond; de M. le D'Babinski, médecin de la Pitié; de M. le professeur IJernheim fde Nancy); de M. Tarde, chef de la statistique au Ministère do la justice; de M. le Dr Stadclmann, de Wurlzbourg; de M. le Dr Coste de Lagrave; de M. le Dr Le Menant des Chesnais; de M. le Ur Gascnrd; de M. le Dr Hamaidc ; de M. Mutcau, secrétaire général de la Société d'assistance ; de M. le D' Marandon do Monthyel, médecin de Ville-Kvrard; de M. le Dr Deny, médecin de la Salpétrière ; de M. le Dr Henry Lemeslc; de M. lo D' Bourdon, de Méru ; de M. le Dr Orner Wakefield, de Bîoominglon (États-Unis) ; de M. le Dr Raulin ; de M. le Dr Marage, etc., etc.

M. le Président annonce la présence à la séance de M.le D'de Peters, médecin de l'hôpital des enfants de Saint-Pétersbourg et de M. Melcot, avocat général à la Cour de cassation.

M. le Secrétaire général fait l'exposé de ia situation morale de la Société. L'action scientifique de la Société rayonne au loin et les nouvelles adhésions de savants français et étrangers témoignent de la prospérité de la Société.

M. Albert Colas, trésorier, fait l'exposé de la situation financière de lu Société. Les recettes de l'année courante se sont élevées a 1,857 fr. L'encaisse a été, celte année, supérieur de 97 fr. 15 » celui de l'année précédente et un certain nombre de cotisations restent encore à recouvrer. L'excédent des receltes sur les dépenses a été de 7U7 fr. 75. En somme, la fortune de la Sociélé, s'accroitebaque année et si les recettes continuent ainsi à l'emporter sur les dépenses, le temps aidant, nous pourrons songer à constituer â noire Société un petit capital do réserve.

La Société, après approbation des comptes, vote des félicitations â M. Albert Colas.

Le bureau est ainsi constitué. Président : M. Jules Voisin; vice-présidents : MM. Boirac, Lionel Dauriac et Paul Magnin; secrétaire-général : M. Bérillon; secrétaire-général-adjoint : M. Paul Parez; trésorier : M. Albert Colas; secrétaires des séances : MM. Ch. Julliot, Henry Lemeslc, Lcpinay; comité de publication : MM. Iîabinski, Poltier, Péjc-riue; commission des candidatures : MM. Paul Richer, Melcot, Félix Resnault.

M. le Secrétaire général annonce que toutes les dispositions relatives-à l'organisation du Congrès sont prises et que prochainement les membres de la Sociélé recevront la circulaire relative à ce Congres.

La Société décide que désormais les séances auront lieu le mardi it •? heures et demie.

La séance est levée â 7 heures.

Banquet de la Société d'Hypnologie et de Psycho^o^o

Après la séance annuelle, les membres de la Société se sont réunis,/page>

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selon l'usage, en un banquet confraternel. M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétriere, présidait.

Parmi les nombreux convives, nous devons citer M. le Dr Paul Richer, membre de l'Académie de médecine; M. Melcot, avocat général à la Cour de cassation ; M. Lionel Dauriac, professeur â la Faculté des lettres de Montpellier; M. le Dr Paul Magnin, vice-président de la Société ; M. le D' Bérillon, inspecteur des asiles d'aliénés de la Seine; M. Albert Colas, trésorier de la Société; M. Jean Dumontpallicr; MM. les D" Paul Farez, secrétaire-général-adjoint; Apostoli, Le Menant des Chesnais, Baraduc, Pottier, Maire, Charpentier, Bilhaut, Maurice Bloch, Gar-nault, Pau de Saint-Martin, Archamhault, directeur de la Revue médicale, Leter(de Sannois), Vlavianos (d'Athènes), Bernard (de Cannes). Jullîot, avocat à la Cour d'appel, Guimbeau, Wolf.

M. le Secrétaire général donne lecture de nombreuses lettres d'excuses parmi lesquelles celles de MM.le professeur Raymond; de M.le professeur Bernheim (de Nancy); de M. Boirac, recteur de l'Académie de Grenoble; de M. le D' Albert Robin, membre de l'Académie ee médecine : de M. le D'Babinski, médecin de la Pitié; Tarde, chef de la statistique au Ministère de la justice; Paul Joire, de Lille; Bourdon, de Méru: Legrain, médecin de l'asile de Villcjuif; Christian, médecin de l'asile de Charcn-ton; Deny, médecin de la Salpétriere, etc.

.M. le Secrétaire général souhaite la bienvenue à M. Jean Dumont-pallier.fils de notre regretté président. Il synthétise dans un toast à Char-cot,à Dumontpallicr, à Durand de Gros et à Liébcault l'esprit scientifique dont la Société d'hypnologic est animée. Faisant allusion à la présence de M. Melcot, avocat général h la Cour de cassation, il salue en lui le magistrat animé de l'esprit scientifique et exprime le souhait que beaucoup de magistrats suivent l'exemple qui leur est donné par un desreprésentants les plus autorisés de notre haute magistrature.

M. leD' Paul Magnin prononce l'éloge de M. Dumontpallicr et, par des traits tirés de la vie du premier président perpétuel de la Société, montre quelle fut sa grandeur d'âme et la noblesse de son caractère.

M- Jean Dumontpallicr remercie la Société des hommages qu'elle a rendus à la mémoire de son père.

M. le Président porte la santé de MM. Paul Richer et Raymond, dont il célèbre l'élection à l'Académie de médecine, et celle des nouveaux vice-présidents : MM. Lionel Dauriac et Paul Magnin.

M. le D' Pau! Archambault, se fait l'interprète des sentiments de la presse médicale en souhaitant l'union des médecins sur le terrain scientifique. _

Des applications thérapeutiques de l'aimant

par le d' Paul .Joibe (de Lille).

Les applications thérapeutiques les plus ordinaires de l'aimant ont/page>

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pour but de guérir des paralysies ou des contractures, d'origine, le plus souvent, hystérique.

La guérison s'obtient par le phénomène du transfert, phénomène qui u été observé et bien décrit û l'époque où il a été découvert, mais qui semble maintenant assez mal connu généralement, car il a donné lieu â bien des interprétations erronées.

En somme, voici ce qui se passe : Un malade est atteint de paralysie ou de contracture d'un membre, le bras droit, je suppose. On applique l'aimant contre le membre correspondant du côté sain, dans le cas quo nous supposons, ce serait le bras gauche.

II arrive alors qu'au bout d'un certain temps la contracture, non pas disparaît d'emblée, mais se trouve reportée dans le membre primitivement sain, quittant le membre malade.

Voilà ce qu'est le phénomène du transfert, et l'on peut obtenir de la même façon le transfert de la sensibilité, anesthésie, hypéreslhésie ou de tout autre phénomène nerveux. Mais le malade n'est pas guéri, son infirmité a simplement changé de côté.

Pour le guérir, il faudra recommencer encore la même méthode, appliquer l'aimant du côté qui est devenu le côté sain, mais qui était J primitivement malade. L'on peut suivre alors facilement le mécanisme de la guérison en constatant qu'à chaque fois que le phénomène du transfert se produit, il y a une diminution dans l'intensité du symptôme morbide.

Le transfert ainsi ohlcnu. comme nous venons de le définir, est bien réellement et ne peut être qu'un phénomène spécial dû à l'action qu'exerce l'aimant sur le système nerveux.

L'on voit quelquefois des opérateurs agir d'une façon tout à fait différente et appliquer l'aimant du côte malade. Il peut alors se présenter trois cas différents: ou bien l'on n'obtient aucun résultat; ou bien on obtient une guérison immédiate; ou bien le phénomène de transfert se produit malgré l'application anormale, mais son mécanisme, dans ces cas rares, est tout différent du transfert dont nous avons parlé d'abord.

On a dit que le transfert n'est que le résultat d'une suggestion, c'est-à-dire que, pour ceux qui soutiennent cette théorie, il n'y aurait pas une action propre de l'aimant sur le système nerveux, mais l'application de l'aimant ne servirait qu'à imposer au sujet la suggestion de la guérison.

Que l'on puisse obtenir par suggestion le phénomène de transfert, cela ne fait aucun doute. Tout le monde suit en effet que, chez certains sujets, on peut, même à l'état de veille, provoquer une contracture ou une anesthésie générale ou partielle, comme toute autre modification de la sensibilité. Chez ces mêmes sujets, si une paralysie, une contracture ou un trouble de la sensibilité s'est produit par une cause morbide quelconque, il est tout aussi facile de les faire disparaître par suggestion qu'il était facile du les produire lorsqu'ils n'existaient pas./page>

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Puisque l'on peut faire apparaître et faire disparaître isolément les troubles de la motricité ou de la sensibilité chez les sujets très suggestionnâmes, on peut aussi provoquer simultanément ces deux actions ël faire apparaître une paralysie ou une contracture d'un côté, en même temps qu'on la fait disparaître de l'autre.

Ce que l'on peut obtenir par suggestion directe, on peut l'obtenir aussi, chez ces mêmes sujets, en provoquant une auto-suggestion ou en renforçant la suggestion par une application quelconque qui n'a pour but que d'éveiller l'attention du sujet

Je ne contesterai pas de 'ait que l'on ait obtenu par le mémo mécanisme et avec l'application de l'aimant la guérison ou le transfert de ces paralysies, contractures, etc.. Quand on s'est placé dans des conditions pouvant provoquer une auto-suggeslion chez le sujet, ou quand l'opérateur lui-même a pu même inconsciemment, faire une suggestion. C'est ici, en effet, que semblent triompher ceux qui disent que le phénomène du transfert est dù h une suggestion. Ils appliquent, en effet, un barreau de fer non aimanté ou un morceau de bois ayant la forme d'un aimant et ils montrent triomphalement qu'ils ont obtenu le même résultat qu'avec un aimant.

Encore une fois, je ne conteste pas le résultat obtenu, puisque j'ai montré tout à l'heure qu'il était possible; mais ce que je prétends c'est que l'opérateur ? fait une suggestion volontaire ou inconsciente, ou qu'il s'est mis dans les conditions de favoriser une aulo-suggestion.

Et maintenant jç dis que quand l'aimant est appliqué correctement, comme il doit l'être pour le transfert, on obtient des effets qui ne sont dus ni à la suggestion ni à l'auto-suggcstion.

Pour qu'une suggestion s'effectue, en effet, il faut qu'une idée soit émise, il faut qu'elle soit reçue et comprise par le cerveau du sujet · enfin, il faut qu'il la réalise. Or, un Tait d'expérience très important, c'est que le sujet ne réalise une suggestion qu'autant qu'il l'a comprise et seulement de la manière dont il l'a comprise.

Je n'insiste pas sur ce fait qui nous entraînerait trop loin, et qui, du reste, est bien connu de tous ceux qui s'occupent de suggestion. Quand il y a auto-suggestion, l'idée est éveillée chez le sujet par le désir, la crainte, l'espérance d'un événement, et il la réalise de la façon dont le phénomène est compris par son intelligence.

On peut facilemcnr, avec un peu de soin et d'attention, éviter de faire une suggestion à un sujet, mais on no pourra dire qu'il n'y a pas d'auto* Suggestion que si îe phénomène accompli n'a pu être ni compris ni prévu par le sujer.

Un malade se f-.-ra très facilement une auto-suggeslion relative à sa guérison, parce qu'il la désire, il l'espère, il l'appelle de tous ses vœux. Si donc, il peut être convaincu qu'elle est possible, s'il croit qu'elle doit être le résultai de certaines applications, i! pourra la réaliser. Tel fut le cas du malade île Davy, guéri par l'application du thermomètre avec lequel on nrenait sa température. Tel est encore bien souvent le/page>

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secret du succès de certains médicaments, inertes ou à dose inefficace et qui pourtant guérissent.

Dans les cas de transfert, quand vous avez un malade atteint de paralysie ou de contracture du bras droit, par exemple, qu'arrîvera-t-il si le malade se fait une au to-suggestion ? 11 désire retrouver l'usage de son membre, il sait qu'on veut le guérir, il croit que l'application est faite dans ce but, le mal disparaîtra purement et simplement.

Mais si c'est un véritable transfert qui se produit, au lieu que le malade soit guéri, comme il l'espère et comme il le pense, la paralysie se déplace simplement et passe du bras droit dans le bras gauche, il ne peut en aucune façon s'être produit d'auto-suggestion.

Quel est, en effet, le malade qui peut supposer qu'au lieu de le guérir on va simplement changer la place de son mal?

Cela est si vrai que, ne connaissant pas que c'est là un mécanisme de guérison, si on lui proposait d'obtenir ce changement, il n'y consentirait pas. Cela est encore prouvé par ce fait que, très souvent, le malade déçu dans son espérance de guérison n'est pas content de ce qui est arrivé, et il faut ensuite lui expliquer que c'est là un phénomène nécessaire, qui, un peu à la fois, amènera ensuite la guérison de son infirmité; chose qu'il ne veut pas croire tout d'abord, tant elle est en opposition avec toutes ses idées.

Donc, quand il se produira une auto-suggestion, dans lecas d'application de l'aimant, il y aura guérison immédiate et jamais de transfert. Comme nous avons vu, d'autre part, que pour amener la guérison par le transfert, on était obligé, dans la plupart des cas, de provoquer plusieurs transferts successifs, on pourra dire sans doute que dans les applications subséquentes de l'aimant il y a auto-suggestion, puisque le malade a vu dans une première séance le phénomène qui se produit et que le plus souvent aussi on a dû ensuite lui expliquer le mécanisme do la guérison.

Ici je ne dirai pas que l'auto-suggestion puisse avoir Heu, bien qu'il ne suffise pas qu'elle puisse exister et que je serais très fondé à demander la preuve qu'il existe; mais je veux seulement m'en tenir à la première application de l'aimant, au premier phénomène de transfert qui se produit chez un malade. Pour ce premier transfert, si l'opérateur n'a fait par lui-même aucune suggestion, c'est-à-dire s'il a agi de façon que le malade ne puisse pas se douter de ce qui allait se passer ; si, d'antre part, le malade n'a jamais été témoin de ce phénomène, s'il n'en a jamais entendu parler et n'en a jamais lu la description, si, en un mot, il no le connaît pas, il ne peut y avoir d'auto-suggestion, puisque, comme je l'aï montré tout à l'heure, l'idée ne peut se trouver dans le cerveau du sujet, il ne peut donc la réaliser. Si donc, dans ces conditions, et iors d'une première application de l'aimant, le phénomène de transfert se produit une première fois, c'est qu'il y a, dans ce cas, autre/page>

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chose qu'une suggestion, et cette autre chose, c'est une action spéciale et directe de l'aimant sur le système nerveux.

Je veux ici répondre de suite à une objection qui ne manquera pas d'être faite. Puisque, me dira-t-on, on peut obtenir le transfert ou la guérison directement par suggestion, pourquoi ne pas faire de suite tout simplement cette suggestion et s'embarrasser d'un appareil inutile?

De ce que l'on peut, chez certains sujets, produire la guérison ou le transfert d'un trouble nerveux par suggestion, il ne s'en suit pas que l'on puisse le faire dans tous les cas où l'application de l'aimant produit le transfert; pas plus que l'on ne pourra obtenir le transfert par l'aimant dans tous les cas où l'on psut faire une suggestion cilicace. Et précisément cette application thérapeutique et raisonnee de l'aimant nous permet de guérir un certain nombre de personnes chez lesquelles la suggestion a peu de prise ou reste sans succès. Cette action spéciale de l'aimant sur l'organisme qui est prouvée, comme nous venons de le voir, par le transfert chez les malades, j'ai pu aussi le démontrer expérimentalement dans mes conférences de cette année.

Première expérience. — J'applique l'aimant sur la tête à la région pariétale gauche d'un homme sain. Au bout de quelques minutes, la main droite est prise d'un tremblement convulsif qui gagne peu à peu le bras droit tout entier, puis le bras gauche.

Le tremblement devient de plus en plus violent, mais reste toujours plus accusé dans le membre droit que dans le membre gauche. Après que l'aimant est enlevé, le tremblement se dissipe peu à peu.

Je place alors l'aimant au milieu de la nuque, très rapidement se montre d'abord une contracture des muscles du cou, la tête se renverse légèrement en arrière, le corps se raidit et bientôt survient un tremblement des membres inférieurs.

Deuxième expérience. — J'applique un aimant au niveau de la région temporale gauche d'un homme. Au bout de quelques minutes, on voit battre les paupières du sujet, elles s'alourdissent, le sujet s'endort. Je l'éveille en appliquant l'aimant du côté droit.

Plusieurs autres sujets accusent de la somnolence sous l'influence de l'application de l'aimant.

Troisième expérience. — J'applique l'aimant au niveau de la région pariétale gauche chez une jeune lÎllc. Bientôt elle déclare qu'elle sent de l'engourdissement, de îa faiblesse qui envahissent ses membres inférieurs, elle sent, dit-elle, ses jambes comme du coton. En effet, si on les soulève, on constate qu'eues retombent inertes, elles sont paralysées.

Je continue l'application de l'aimant. Au bout de quelques minutes encore le sujet déclare que ses jambes se raidissent; on les voit, en effet, s'allonger toutes droites, on no peut plus fléchir les articulations. On commando au sujet de ce lever, il fait de vains efforts pour plier les genoux, il ne peut y arriver, il lui est impossible de quitter son siège. Les membres inférieurs sont complètement contractures./page>

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Je place l'aimant du côté droit, et, en très peu de temps, les membres du sujet repassent par la période de paralysie et reviennent ensuite à leur état norma!.

Je me borne à citer ces quelques expériences. Elles prouvent que l'action de l'aimant s'exerce en dehors de toute suggestion. En effet, je n'ai fait aucune suggestion au sujet, car, en appliquant l'aimant, je n'avais pas pour objectif de produire tel ou tel phénomène, j'attendais patiemment ce qui allait se passer et j'avoue avoir été très surpris moi-même en voyant dans la première expérience le tremblement des bras, puis ensuite par une autre application la contracture des muscles du cou et le tremblement des membres inférieurs. Dans la seconde expérience, je n'attendais pas plus le sommeil que je n'attendais le tremblement dans la première.

Enfin dans la troisième, à plus forte raison, après avoir vu se produire du tremblement et du sommeil, je ne prévoyais pas et je ne pouvais même pas prévoir qu'il se produirait paralysie et contracture successivement des membres inférieurs.

En second lieu, puisque je ne savais pas moi-même ce qui allait se passer, je ne pouvais pas faire au sujet de suggestion mentale, pas plus que je ne lui avait fait de suggestion verbale.

Enfin il ne pouvait pas non plus se produire d'auto-suggestion chez ces sujets, car il serait absurde de prétendre que l'un s'est figuré qu'il devait éprouver du tremblement, l'autre du sommeil, le troisième de la paralysie, puis de la contracture.

Pion plus, si le second sujet avait connaissance de la première expérience, il devait s'attendre à éprouver du tremblement, et au lieu de cela, il éprouve du sommeil. Le troisième sujet pouvait croire dans les mêmes circonstances qu'il se produirait du tremblement ou du sommeil au lieu de la paralysie et de la contracture qui ne pouvait que dérouler les prévisions.

Celle action spéciale de l'aimant sur le système nerveux, quelle que soit sa nature, une fois constatée, il était naturel de chercher à l'appliquer au soulagement des malades.

Voici en résumé quelques-uns des cas les plus intéressants que j'ai observés.

1. — Une jeune fille était atteinte depuis plusieurs années d'insomnies, elle ne pouvait trouver le sommeil en se couchant,quand elle s'assoupissait après plusieurs heures, elle était prise de cauchemars eï s'éveillait brusquement.

Ses parents me disent qu'il lui arrive souvent, fatiguée d'être au lit sans dormir.de se lover la nuit et de se mettre à lire. Elle passe ainsi la plupart de ses nuits et ne trouva un peu de sommeil que lo matin.

Dans ïa journée, elle est d'une irritabilité très grande. Le moindre bruit inattendu la fait sursauter. Pour la moindre contrariété elle s'emporte c-t. éprouve une prise de tremblement. Les émotions lui oectision-nent des douleurs â l'estomac qui durent plusieurs heures./page>

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Je lui fais une application de l'aimant pendant dix minutes.

Le lendemain l'on me dit que le reste de la journée a été très calme et que la nuit elle a dormi cinq heures consécutives, d'un sommeil calme, ce qui ne lui arrivait plus depuis longtemps. Les applications d'aimant sont faites pendant quelques jours consécutifs, puis tous les deux ou trois jours. Le sommeil revient progressivement, et bientôt elle dort toute la nuit sans agitation ctclle n'éprouve plus le moindre cauchemar. En même temps elle est plus calme dans la journée, le bruit ne la fait plus tressaillir; elle n'a pas été reprise, une seule fois, de ses douleurs d'estomac. Un jour un orage violent éclata pendant que je lui fais une application d'aimant dans mon cabinet, eilc n'en témoigne nulle i m-pression à la grande surprise de ses parents.

II. — Un homme était atteint de crises dont le point de départ se témoignait par des douleurs internes violentes et des crampes dans la jambe droite. Son membre ne pouvait plus le soutenir et il était oblige de s'appuyer ou de s'asseoir, ou bien il tombait. ? avait alors une fni-blessse qui durait plus ou moins longtemps, mais sans perte absolue de connaissance.

En lout temps, dans l'intervalle de ses crises, il avait une faiblesse de la jambe droite qui le faisait boiter et l'obligeait à marcher avec une canne.

II n'osait plus s'éloigner de chez lui pour son travail de crainte d'être pris par une crise.

Je lui fais une application de l'aimant pendant dix minutes.

Pendant l'application, il éprouve de l'engourdissement et de la raideur dans les bras. A la suite de cette application il marche facilement sans canne pendant deux jours. Le troisième jour la faiblesse de ia jambo a reparu, mais i! n'a plus éprouvé ni douleur ni crise.

Après quelques applications d'aimant la force reparaît progressivement dans son membre pour un temps de plus en plus long; il n'a plus éprouvé une seule fois de crampe douloureuse ni de crise.

III. — Une jeune fille souffrait de névralgies faciales qui lui occasionnaient la nuit des insomnies et l'empêchaient dans lu journée de se livrer à son travail. Elle fui guérie par trois applications d'aimant.

IV. — Un homme se plaignait de douleurs très violentes dans le bras gauche. Ces douleurs ont débuté il y a six mois, elles semblent résider dans les masses musculaires, mais elles n'ont pas de point absolument fixe, leur maximum se fait sentir tantôt dans l'avant-bras, tantôt dans le bras, tantôt dans l'épaule.

Les douleurs ont toujours été en augmentant d'intensité et, depuis quinze jours, elles sont devenues insupportables. C'est un homme énergique, mais il ne peut s'empêcher de se plaindre quand il éprouve ces crises douloureuses. Les douleurs sont plu3 fortes et plus fréquentes la nuit que le jour, elles commencent avec une violence extrême dès qu'il/page>

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s'étend dans son lit, de sorte que ce malade passe ses nuits à se promener dans toute sa maison.

Ce malade a consulté plusieurs médecins depuis six mois.

Je reKve dans ses traitements antérieurs des prescriptions d'analgé-sine, dos applications do salicylate do méthyle, des pointes de feu, des pilules calmantes... Rien ne lui a procuré le moindre résultat, je vois qu'il n'a plus grande confiance en aucune médication.

Je lui fais une application d'aimant pendant douze minutes.

Le reste de l'après-midi, il éprouve une sorte de somnolence, dès la nuit suivante il peut rester couché et dort d'un sommeil calme. Les douleurs, sans avoir totalement disparu ont été tellement atténuées qu'il me dit lui-même qu'elles ont diminué de 05 pour 100.

Application de l'aimant tous les deux jours, puis tous les trois jours.

Après trois ou quatre applications toute douleur a disparu, il n'existe qu'un peu d'engourdissement dans le membre à la suite des applications. Le malade passe de bonnes nuits et peut se livrer à ses affaires.

V. — Je dirai encore quelques mots d'un cas qui nous montre une vote nouvelle pour les applications do l'aimant.

Un jeune étudiant d'une de nos facultés vient se plaindre d'une inaptitude au travail, qu'il éprouve depuis uncertain temps et qui le tourmente d'autant plus qu'il a à préparer des examens.

Quand il a travaillé environ vingt minutes, me dit-il, il se sent accablé de fatigue, son esprit se trouble, se distrait et il n'est plus capable de faire un travail utile.

Après une première application de l'aimant, il se sent reposé, il lui semble que sa téte se dégage, et lorsqu'il revient trois jours après, il reconnaît que déjà le travail lui a été beaucoup plus facile, qu'il comprend mieux ce qu'il étudie et s'est trouvé moins fatigué.

Celte amélioration fait de rapides progrès grâce à des applications d'aimant faites ù intervalles de trois, six puis huit jours.

Bientôt il peut travailler plusieurs heures de suite sans fatigue et après sept ou huit séances, il a repris toute sa vigueur intellectuelle et trouve même à son grand étonnement le travail plus facile qu'autrefois.

Dans les cas que je viens de citer, il s'agissait de sujets chez lesquels la suggestion avait peu de prise ou qui, pour une cause ou pour une autre, auraient rejeté la suggestion hypnotique.

J'ai choisi, parmi un plus grand nombre, des cas variés, afin de montrer plusieurs catégories de malades chez lesquels l'application thérapeutique de l'aimant peut donner des succès. II ne faudra pas s'embarrasser do ce procédé plus compliqué quand on pourra employer la suggestion, soit à l'état de veille, soit pendant l'hypnose, car on obtiendra dans la majorité* des cas des résultais plus s'Âvs et plus rapides par la suggestion: mais dans des cas particuliers, comme ceux que j'ai cités, je crois que nos malades pourront obtenir de l'application thérapeutique de l'aimant des résultats vraiment utiles./page>

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Incontinence d'urine et suggestion pendant le sommeil naturel-

Par M. le D' Paul V/ ;-.:;/..

L'incontinence nocturne d'urine n'est certes pas rare chez les enfants ; d'ordinaire, elle se montre assez rebelle ; parfois même clic fait le desespoir des parents et des médecins. C'est en vain, en effet, que trop souvent on recourt à des interventions diverses et multiples. Et cependant, en dehors de tout traitement médicamenteux, la suggestion apparaît comme le traitement de choix de l'incontinence urinaire : le fait a été établi par bon nombre de psychothérapeutes et, en j-articulier, par celui qui est notre maître à tous, j'ai nommé Liébeault.

Un instituteur de l'Aisne m'écrit un jour au sujet de son jeune fils qui urine au lit chaque nuit. Tout naturellement je recommande l'hypnotisme comme moyen curateur et nous prenons rendez-vous pour l'un des jeudis suivants.

• Au jour convenu, cet instituteur m'arrive avec sa femme et son bambin âgé de cinq ans et demi. J'installe celui-ci dans le fauteuil où d'ordinaire j'endors mes malades, puis je cause avec les parents.

Or, cet enfant a dû se lever tôt le matin pour venir à Paris : le voyage en chemin de fer, les courses dans les magasins, les marches à travers les rues Pont exténué ; il « tombe de sommeil a. comme on dit ; en effet, au bout de quelques minutes, il a cédé à la fatigue ; ses yeux se sont fermés et il dort le plus naturellement du monde.

L'occasion me parait belle pour appliquer, pendant ce sommeil normal, le mode de suggestion dont j'ai précédemment recommandé l'emploi et décrit la technique. Je laisse donc dormir mon petit bonhomme ; je m'approche de lui, puis, tout près de son oreille, je me mets à lui faire les suggestions appropriées avec, bien entendu, toutes les précautions qui conviennent en pareil cas et que j'ai particulièrement signalées (').

Je fais une longue, une très longue séance. C'est que le soir même mon bambin doit retourner en province et je mets mon amour-propre à obtenir un effet utile même en une seule séance. Je répète mes suggestions un grand nombre de fois, je les formules sur un ton à la fois très autoritaire et très persuasif. Au bout d'une heure de suggestion intensive je réveille l'enfant.

A la suite de cette visite, ic dit instituteur me laisse quelque temps sans nouvelle. Cependant, un beau jour, j'ai le plaisir de recevoir une lettre par laquelle on m'apprend que, depuis trois mois, l'enfant n'est pas retombé une seule fois dans sa mauvaise habitude.

S'agit-il d'une guérison définitive? Je n'oserais l'affirmer. Chacun sait, en efTct, que les résultats obtenus par une intervention psychique ont besoin d'être consolidés pendant plusieurs séances. II n'y aurait

(1J De la suggestion pendant le sommeil naturel, (Revue de l'Hypnotisme) et broth. Maloine, Paris, 18S8./page>

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donc Wen d'étrange à ce que, l'un de ces jours, une récidive survint. Alors, je demanderais qu'on me ramenât l'enfant et je reviendrais à la charge. Je conseillerais même qu'on le laissât quelques jours à Paris afin que je pusse lui faire plusieurs séances quotidiennes.

Toutefois, tel qu'il est, ce succès est appréciable ; il vient prendre place dans le bilan cucorc trop menu des bons effets dus à la suggestion pendant le sommeil normal ; il ne fera qu'encourager les psychothérapeutes à recourir à ce mode de suggestion, toutes les fois que le sommeil hypnotique n'aura pas été accepté par les familles ou que, après avoir été accepté par ces dernières, il n'aura pas pu être obtenu par le médecin.

Le sommeil naturel est un état passif que nous n'avons pas besoin de produire et que la nature nous offre tout réalisé. A nous donc de savoir en tirer parti.

La suggestion pendant cet état est une sorte de succédané de la suggestion hypnotique ; sans doute, elle comporte une formulation beaq-coup plus délicate, mais le domaino en est encore plus étendu et l'efficacité tout aussi grande.

FOLKLORE

Toucheurs et guérisseurs,

Par le D' Tiffauo (i)

Les toucheurs et guérisseurs pullullcut en Poitou. Leurs pratiques sont complétées par des prières destinées à conjurer les maladies ou â compléter l'action exercée par les toucheurs.

A titre de curiosité, nous en donnons quelques-unes. Nous passerons ensuite en revue quelques remèdes conseillés par nos guérisseurs poitevins.

— Prière spéciale pour toucher les brûlures (2) : — Le bon Dieu et saint Jean passaient par une ville : ils trouvèrent un homme (ou une femme, garçon...) qui était brûlé ; et le bon Dieu dit à saint .'ean : bulle (souffle) cet homme (ou femme...) trois fois i'haleine de ton vent. Tu feras au nom du Père et du Fils. (En même temps le touchëur fait le signe de la croix et souffle trois fois), cette homme sera guéri.

— Pour le mal de gorge. — Mal de gorge et grenuchon (fièvre

(1) Thèse récemment soutenue à la faculté de Paris, (î) E. Souche, toc. cit./page>

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scarlatine) et tout espèce de mal de gorge, je vous touche tous à la fois, au nom du Père... Notre Père... Je crois en Dieu...

— Pour les dartres. —¦ Les dartres vives et venimeuses, y en aurait de dix-huit espèces, je vous louche toutes à la fois, Au nom du Père... Je crois en Dieu... (Trois fois).

Pour les forçures ou étressail lures (i).(fatigue musculaire). — Paternoster, forcé dans les nerfs: c'est ici que le bon Dieu guérit.

— Pour les piqûres de serpents. — Notre aide soit au nom de Dieu qui a fait le ciel et la terre. Amen. Notre Père... Mauvaise grappe, vermine, aneui! (orvet), grapaon (crapaud), en un mot toutes les bêtes vrimeuscs et venimeuses. Au nom du Père... (Trois fois).

" Voici maintenant, pris parmi les plus typiques, les remèdes prescrits par les médicastres campagnards. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que les paysans les préfèrent, et de beaucoup, aux substances vendues par le pharmacien.

II est aussi une constatation à faire : la plupart de ces remèdes, qui nous paraissent aujourd'hui ridicules, sont donnés en toutes lettres dans les ouvrages médicaux d'il y a cent ans. Le peuple est toujours en retard sur la science, il prend pour du neuf ce qui n'est plus déjà qu'un souvenir. On sait le rôle important qu'il fait jouer aux humeurs et aux nerfs. Que de fois n'avons-nous pas entendu, dans les consultations hospitalières, le malade expliquer son affec-fection par le croisement des nerfs sur l'estomac, ou l'attribuer aux nerfs plus forts que te sang ! Heureux quand encore l'estomac n'est pas décroché!

Ce sont des restes de vieilles doctrines médicales que le peuple a conservées et qu'il répète encore sans chercher a se rendre compte.

— Quand un adolescent pisse au lit toutes les nuits, faites-le boire sur des ossements humains, et il se rétablira. (Bas-Poitou.)

« Il y en a, dit Pierre-André Mattiole (2) dans ses Commentaires, il en a qui croient que les os des corps morts, réduits en poudre et baillés en breuvage, profitent contre diverses infirmités du corps en appropriant chaque os ù son membre. J'ai eu souvent l'os de test servir grandement en haut mal, aux coliques graveleuses et autres douleurs de rems ».

(1) 11 existe aussi un moyen prophylactique : s'entourer le poignet d'uno ficelle, ou mieux d'un brin de laine I I I

(2) Médecin né ù Sienne en 1500, mort de la peste, ù Trente, ea 1557.

Les os humains, en effet, étaient souvent employés dans l'ancienne médecine, Charras (i), Lemery et d'autres nous apprennent à les préparer. Le Clerc (2} nous en indique les usages : — L'huile distillée de tartre et d'os humains, rectifiée de la corne de cerf brûlée fait disparaître la tumeur œdémateuse du membre luxé. Si l'os est jeté hors de sa place, par une matière coagulée en forme de plâtre, on bassinera avec l'es prit volatil d'os humains. — Si l'on a pas remis de bonne heure l'os disloqué, il se forme dans la cavité un coagu-lum qui empêche de le remettre, pour faire fondre ce coagulum, fomenter avec un mélange d'une partie d'huile distillée d'os humains et de deux parties d'huile de tartre.

L'huile de vers de terre était également employée par les médecins pour guérir les maux de gorge des enfants. Nos paysans poitevins emploient encore un collier de toile rempli de ces anneaux.

Si l'enfant a des vers, on lui fera manger cuit le premier ver expulsé, afin de détruire les autres. Dans quelques endroits, au lieu de cette pratique dégoûtante, on fait porter à l'enfant du fil filé par une vierge ! !

Plusieurs remèdes cependant, par les principes qu'ils contiennent, peuvent avoir une certaine action. Par exemple : pour guérir la gale, on prend un jaune d'œufeuit sous la cendre, et on le délaye dans une demi-livre de beurre saupoudré de cendres de javelle. Puis on frictionne avec cette sorte d'onguent les parties atteintes. Nous ignorons si le remède est vraiment efficace ; toutefois, les sels de potasse ou de soude de la cendre pourraient, bien agir sur l'acare.

Quelquefois le vulgaire prend pour le résultat ce qui est la cause ou l'accessoire.

— Netir^pas les petits enfants par le ne%(3),ils deviendraient punais.

On sait qu'on trouve chez les enfants atteints d'ozène, une conformation particulière des fosses nasales; c'est même sur cette disposition qu'est fondée la théorie pathogénique nouvelle de l'ozêne, édifiée par les auteurs allemands. Or, les gens de la campagne avaient remarqué, eux aussi sans doute, que le nez de ces enfants était déformé. De là à conclure qu'on leur avait tiré cet appendice, et que l'ozène en était la conséquence, il n'y avait qu'un pas.

[V, Pharmacie royale, galcnique ·! chimique, par M. Charras. MDCLIIÏ, p. '71· — Pharmacopée universelle, par Nico-as Lenwy, do l'Académie royale des sciences docteur en médecine, MliCCLXI, p. %. — Histoire générale des Drogues, par le" sieur Poaiet fus, apotiqumre, MDCCXXXV. p. !fJ.

(2} Op. cit., p. 568 et seq.

(?) Docteur Léo Desaire, toc. cit./page>

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— Les femmes qui accouchent d'un enfant bête souffrent beaucoup. Si la chose est vrai, et nous en douions fort, pourrait-on pas l'expliquer par le fait d'une malformation de la tète fœtale.

Puisque nous sommes eu obstétrique, encore quelques conseils.

— Pour preserver les jemmes de tout mal au sein, froite^-leur la poitrine avec le cordon ombilical aussitôt après i' accouchemut. Quant à la délivrance., elle se fera sûrement si l'accouchée mange dé la galette cuite la veille de Noël.

On comprend combien de telles pratiques sont absurdes et surtout dangereuses. On a toujours confiance en la vertu de la galette, et le médecin est appelé à la dernière extrémité, alors que souvent il n'y a plus rien à laire.

Avez-vous mal aux dents ? Nos guérisseurs ont des spécifiques merveilleux : — Plante^ un clou dans ta muraille, ou placez sur l& dent cariée de i'urine de bœuf rouge.

Un jour, unefemmede la campagne vint nous parler. Après bien des détours qui témoignait de son embarras, elle finit par nous avouer l'objet de sa visite. Ayant appris que nous possédions un crâne humain, elle venait nous demander une dent. — « Quand on la porte sur soi, dit-elle, ça guérit les maux de dents. » — Comme nous lui montrions le peu de valeur du remède. : « Vous ne guérissez pas, vous Monsieur, parce que vous n'avez pas confiance. »

Toujours le faith-healing l

Cette croyance n'existe pas seulement dans le Bas-Poitou. I.edoc-teur W. Edg. Darnclli (I) d'Atlanlic-City, (Etats-Unis) rapporte que le même remède est employé en Amérique.

Les guérisseurs sont encore des hygiénistes connaissant et enseignant la prophylaxie ; écoutez plutôt :

— Pour se préserver des anthrax, allez dans un bois, et quand vous aurez trouvé une ronce qui soit enracinée par les deux bouts, formant par conséquent un demi-cercle, passez dessous, et faites cela trois matins de suite, avant le lever du soleil ; mais que personne ne vous voie, autrement vous aurez opéré en pure perte.

— Pour se préserver des maux de reins, chauffez-vous le dos au feu de laSaint-Jcsii.

— Encore un conseil aux femmes stériles : Mangez de la galette desrelevailleset vous êtes sûres de devenir enceintes (sponsoreadjuvante, bien entendu).

Nous n'en finirions pas si nous voulions nous arrêter à tous les

(t) Lu médecine de la superstition, International médical Magasine, juillet 1898./page>

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remèdes baroques (1) employés dans le Bas-Poitou pour guérir les fièvres, les hémorroïdes, etc. La pratique absurde pour guérir les cancers de sein ulcérés mérite cependant d'être mentionnée. Les femmes s'imaginent que le cancer est produit par une bête leur rongeant le corps. Partant de ce principe, elles s'appliquent, en guise de pansement un morceau de viande de bœuf, car la prétendue bête s'en nourrira au lieu de dévorer leur propre chair. Nous avons connu une cancéreuse qui suivait ce traitement : elle répandait une odeur infecte, mais rien ne lui empêcha de le continuer jusqu'à sa mort.

Terminons par un dernier remède (2) pour le carreau.

— Soulevez un pavé de l'église avant le lever du soleil et sans être vu de personne; puis appliquez-le sur le ventre du malade. Il est vrai que si ce dernier ne peut supporter ce cataplasme d'un nouveau genre, on se bornera à le frictionner avec la poussière trouvée sous le pavé.

Il est parfois curieux de constater les singuliers errements dans lesquels tombent des personnes qui guidées uniquement par l'esprit incohérent de leurs pratiques, ne peuvent rien produire qui puisse légitimer leur action.

Le choc moral, créé par la maladie, peut certainement établir une tendance à accepter l'inexplicable, et les proches eux-mêmes, en état de débilité émotive, peuvent favoriser parfois l'application de procédés plus souvent nuisibles qu'utiles. L'affolement engendré par le péril excuserait à la rigueur ces défaillances de l'esprit ; mais qu'elles sont nombreuses les personnes qui repoussent départi pris les déductions logiques pour se réfugier dans d'absurdes et d'incompréhensibles pratiques !

SOCIETES SAVANTES

Académie des Sciences

Bechôrches experimental es sur les réves — De la continuité des rêves pendant le sommeil.

par M. Vaschide.

A notre connaissance, aucune recherche expérimentale méthodique n'a été faite sur la continuité des rêves pendant la sommeil. Les autours inclinent généralement à croire que ce serait seulement à J'épo-

(1) Dans lesquels entrent toujours les bêtes les plus répugnantes, araignées, crapauds, etc., rappelant les horribles mixtures ces sorcières.

(2) Cité par l'abbe Noguès, in Revue poitevine et sainlongea se, 1888-1889./page>

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que prémorphéique du sommeil, de même qu'au moment du réveil, que les rêves auraient lieu. ?. Maury et Dechambre tout en faisant des restrictions, inclinent à croire à lu continuité : le marquis d'Hervey, Lelut, Serguyeff cn sont partisans plus catégoriques.

Depuis plus de cinq ans, mes recherches sur cette question ont porté sur 36 sujets âgés de i an à SO ans, et sur moi-même.

Dans l'extrême Di-jorité des cas, les sujets n'ont jnmaûi été au courant de mes recherches. En plus, nos observations ont été contrôlées par 46 autres personnes recueillant toujours propria visu les faits. Notro méthode consistait à surveiller les sujets toute la nuit, ou au moins une partie de la nuit, et à les observer de tout près, recueillant avec soin les changements de physionomie, les gestes, les mouvements, de même que les rêves faits à haute voix et les rêves communiqués par les sujets n'oubliant jamais de déterminer la profondeur du sommeil par des expériences préalables, notamment celles de Kolechutter, Spitla et Michel-son. De temps en temps, dans certains cas, nous réveillons le sujet, en lui cachant toujours que son réveil avait été provoqué par nous, et soit laissant le sujet à lui-même, soit on lui posant des questions, nous étions renseigné suffisamment sur son état d'esprit et ses rêves. Des réveils spontanés facilitaient parfois notre tâche.

Voici les principales conclusions auxquelles nous sommes arrivé.

1° On rêve pendant tout le sommeil et même pendant le sommeil le plus profond, le sommeil qui rappelle la syncope. La vraie vie psychique du sommeil, comme la vrai vie des rêves, ne se révèle que lorsque le sommeil commence à devenir profond ; c'est alors qu'entre en action l'inconscient. Les rêves recueillis pendant io sommeil profond révèlent les étapes et l'existence de ee travail cérébral inconscient, auquel nous devons, à notre grand élonnement, la solution des problèmes qui nous occupent depuis longtemps et qui ressortent brusquement, comme par un miracle.

2° On a étudié, sous le nom de rêve et songe, deux expressions dont le contenu estloin d'être bien limité, plutôt les hallucinations hypnago-giques de l'époque prémorphéique et celle voisine du réveil normal. Lessongesdusommei! profond ont un tout autre caractère que ls3 autres rêves ; ?ß ???&?? du rûoe, pour employer l'expression de Gruthuisen, de même que les clidiés souvenirs, expression dont le marquis d'Hervey caractérise si bien les rêves, sont presque absents dans les vrais songes, qui paraissent être dirigés par une certaine logique inconsciente, par l'uttention et 1; volonté, et encore parce quelque chose qui nous échappe et qui nous ùit penser au-delà des images du rêve dont parlait Anatole. On pourrait comparer l'état mental de ces rêves avec le travail inconscient de la veille.

3· Il y a une relation étroite entre Sa qualité, la nature des rêves, et la profondeur iiu sommeil. Plus le sommeil est profond, plus les rêves concernent une purtie antérieure de notre exiewnee et sont loin de la/page>

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réalité : ou contraire, plus lo sommeil est superficiel, plus les sensations journalières apparaissent ei plus les rêves reflètent las préoccupations et les émotions de la veille. Lo l)r Pilcz, un remarquable observateur, est récemment arrivé à des conclusions semblables.

A° L'existence deâ rêves dans le sommeil profond, comateux, n'impli-quo pas la possibilité de certains cas de sommeil très profond sans rêve 11 y ?? comme dans" tout phénomène, une question de relativité. L'état comateux ou do syncope est loin de répondre, eoo'.me on le prétend, au sommeil profond, quoique nous soyons loin de connaître l'état mental dans ces conditions pathologiques. En somme, comme il y a une probable inertie mentale pour la veille, il y en a une pareille pour le sommeil.

ôo Les personnes qui ne rêvent pas, ou plutôt qui prétendent n'avoir jamais rêvé, sont victimes d'une illusion d'analyse psychique très curieuse. Comme habituellement on ne fait attention qu'au moment du réveil ou pendant l'époque prémorphéique, le réveil étant brusque de môme que la transition entre l'assoupissement du coucher et le som-meil comateux, les étapes hypnagogiques et du réveil n'ont lieu que sous une forme vertigineuse et il y a impossibilité d'attirer l'attention du sujet. Il se peut bien quo l'illusion persiste pendant plusieurs années (mon cas par exemple) et qu'elle se révèle dans une nuit do fatigue.

tï° Les rêves d'une intensité moyenne persistentplus dans la mémoire et ils sont plus continus,- tandis que les rêves énergiques, actionnels, disparaissent rapidement. Pilez a observé ce même fait. Les rêves plus intenses caractérisent le réveil et l'époque prémorphéique du réveil.

7° Les enfants en bas âge et qui ont toujours un sommeil comateux commencent à rêver à haute voix ; il y a concordance des rêves faits à haute voix avec ceux du réveil spontané ou provoqué.

8° Les vrais rêves sont plus lucides, et la lucidité est en rapport avec la-profondeur du sommeil ; dans le sommeil d'une profondeur moyenne les rêves sont plus stables, plus précis et moins fugitifs que dans le sommeil superficiel. Le marquis d'Hervey a d'ailleurs très bien deviné ce fait.

0* En recueillant les rêves de toute une nuit, on est induit; â croire qu'il y a toute une continuité qui se suit dans les conceptions même les plus haUuciuatoires. Ce caractère est plus net pour le vrai rêve. Pour une personne réveillée plusieurs fois cans une nuit et d'une façon méthodique, on peut remarquer un certain nombre d'idées dans ses rêves : une association étrange mais nette, et généralement difficile à expliquer parles opinions courantes sur l'association des idées, reliait tous les rêves en apparence très disparates. Cette association rappelle parfois ce ipnre d'association de la veille, dans laquelle un met n'agit que pour provoquer une réaction qucîco.'.que, ou encore ces associations immédiates où.il s'agit d'une cooxiaîence dans le temps ou dans l'espace (Axchaffcnbu rg).

En réôiiiué, nous pensons, â ii; suite de nos recherches, que le pre-bîciuedc la continuité des rêves pendant le sommeil e;sl en paittc résoluj/page>

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et qu'on doit reconnaître, avec Descartes, Leibnitz et Lélut, qu'il n'y a pas de sommeil sans rove. Le sommeil ne serait pas, d'après nous, un frère de la mort, comme le désignait Homère, mais, au contraire, un frère de la vie.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Le premier Gongrès interr ational de l'hypnotisme fi}.

Au moment où la Commission d'organisation du deuxième Congrès international de l'hypnotisme lance son appel aux savants, nous croyons utile de reproduire les termes dans lesquels la IieOUe scientifique, dirigée par Charles Richet, appréciait au lendemain de ce Congrès, les résultats du premier Congrès de l'hypnotisme.

On sait qu'au moment de l'organisation des Congrès internationaux du Centenaire, l'hypnotisme, considéré spécialement au point de vue médical, avait été séparé du groupe des études de psychologie physiologique dont il fait naturellement partie, et qu'on avait tenu à lui consacrer un Congrès spécial. On aurait pu craindre que cette combinaison n'amenât une dissémination des ressources préjudiciable à l'une ou l'autre réunion ; mais il n'en a rien été, et, en réalité, la psychologie physiologique et expérimentale a gagné à être allégée de l'hypnotisme thérapeutique, auquel sont liées des questions qui, chez elle, eussent pu être considérées comme des hors-d'œuvre un peu encombrants.

Le Congrès de l'hypnotisme a donc été surtout une réunion de médecins qui sont venus exposer leurs procédés, leurs cures et un peu leurs théories. Bien entendu, aucun élément nouveau n'a été introduit dans la science — les congrès ne sont d'ailleurs pas faits pour cela — mais deux grandes questions de principe, l'une de pratique, l'autre théorique et pratique toute à la fois, ont été longuement discutées, et non sans profit.

En premier lieu, ir. question portée de suite à la tribune par M. La-dame (de Genève) a été cette do la réglementation de l'hypnotisme et de la nécessité d'en interdire les séances publiques. A ce propos, des termes un peu vifs, où Itge^us irritabile a montré le boni de l'oreille, ont été échangés entre cet orateur et M". Del bœuf, qui, n'étant pas médecin, ne pouvait évidemment laisser plaider le monopole des médecins pour les pratiques d'hypnotisme. Malgré notre sympathie pour Je laissez faire laissez passer, il est difficile d'admettre, avec le professeur de psychologie belge, qu'on laisse libre entre les mains les plus ignorantes et les plus imprudentes une pratique qui n'est assurément pas exempte de danger et qui suppose des notions exactes de physiologie, une étude préalable aussi complète que possible de la pratique même de l'hypnotisme, dont les phénomènes sont emblement variables, et Taplilude à

(1) Com ? tes-rend ni formant I vol. lu-S- de 30S page*; Paris, Doin, 1890./page>

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purer à oerînina accidents immédiats, forts troublants, qui se produisent parfois. Qu'on fasse comme on voudra, mais on vient de réglementer la pratique de l'art dentaire, ot ce serait vraiment une étrange aberration dene pas réglementer, d'une façon ou d'une autre, celle de l'hypnotisme, qui est, à notre avis, beaucoup plus délicate, et Unira, si l'on n'y prend garde, à tomber dans les mains des charlatans 3ans aveu.

La seconde question, comme l'on s'y'attendait bien, a été celle de la suggestion, et de son rôle dans les phénomènes hypnotiques. Comme on devait s'y attendre, l'école de Nancy, représentée par MM. Bernheim et Liégeois, a vigoureusement donné pour affirmer que la suggestion était tout et pouvait tout. Une critique très serrée leur a été opposée par MM. Dumontpallier et Gilles de la Tourette, dont les arguments en faveur de l'action des agents physiques nous paraissent être restés sans réplique. Nous rapporterons, entre autre, le fait suivant, cité par M. Dumontpallier, fait contre lequel l'école de la suggestion ne pourra jamais rien. C'était à une époque où les professeurs Claude Bernard, Charcot et Béclard étaient déjà convaincus de la valeur réelle de la métalloscopie, mais où Vulpian doutait encore et voulait être converti par des expériences auxquelles il devait assister. Ce dernier vint donc à la Salpètriêre, où M. Dumontpallier lui montra uoe malade hystérique hémianesthésique, sur le bras de laquelle il appliqua des plaquettes de cuivre. Voici, que depuis quelques minutes, les plaques étaient appliquées, et la sensibilité ne réapparaissait pas. M. Vulpian souriait déjà, quand l'opérateur ôta les plaquettes, (es confia ? celui-ci, et recommence l'expérience avec d'autres plaques. Au bout de quelques instants, la malade avait recouvré la sensibilité cutanée et sensorielle ; verification faite, les premières plaquettes appliquées étaient en or. et c'était au cuivre que la malade était sensible. Vulpian fut convaincu.

F.n dehors de ces deux questions capitales, nous ne pouvons guère' accorder une mention spéciale qu'à la relation due à M. Fonlan de quelques faits tendant à prouver la réalité des effets de la suggestion hypnotique môme dans les affections cum ?naienadu système nerveux. Cetlc action ne nous parait d'ailleurs pas discutable, et, de plus, son mécanisme serait môme assez simple, si on veut bien se reporter aux faits de stigmates spontanés ou expérimentaux, réellement constatés, d>, qui témoignent que le système des vaso-moteurs, et par suite l'irrigation sanguine des organes, sont soumis â l'action inconsciente des ï'.ii^estions. Or, par l'action des vaso-moteurs, c'est-à-dive par in congestion et J'anémie expérimentales; un peut expliquer, en pathologie, toute espèce de modification organique.

Notons enfin l'exposé fait par M.M. Voisin et Forci (de Zurich), des indications ée l'hypnotisme choz les aliénés. Longtemps on t> cru que cet malades spéciaux n'étaient pas accessibles aux manifestations de l'état hypnotique ; mais il parait maintenant indiscutable que. sous la condition d'un modus f&ciendl un peu spécial, et surtout d'une grande/page>

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persévérance de la part de3 opérateurs, certains aliénés, tels que les dipsomancs, les mélancoliques, se trouvent notablement améliorés, si** non complètement guéris, par les pratiques de la suggestion.

Enfin, du traitement de quelques aliénations, qui ne sont que des manifestations de la dégénérescence, h l'emploi de la suggestion pour l'éducation des enfants vicieux, qui ne sont, eux aussi, que des dégénérés d'une autre espèce, il n'y avait qu'un pas ; et des médecins et des professeurs ont fait depuis peu quelque agitation autour de cette application de l'hypnotisme à la pédiatrie. C'est en cette matière évidemment que la plus grande modération et un tact parfait doivent être observés pur les opérateurs. Sous le bénéfice de ces conditions, il n'est pas douteux que de bons résultats soient obtenus. D'ailleurs, la pratique de la suggestion chez les enfants diffère peu le plus souvent de la pratique douce et patiente des moyens ordinaires de persUation qui devraient toujours être employés et qui ne sont en somme que de la suggestion à à l'état de veille à laquelle chacun de nous est plus ou moins accessible.

En somme, il ressort clairement de l'ensemble des travaux de ce Congrès que l'hypnotisme est entré décidément dans la pratique des médecins, et cela pour le plus grand profit des malades, qui, à peu de frais et en peu de temps, en obtiennent des soulagements et des améliorations et môme des guérisons pour lesquels on eût en vain, à une autre époque, fait donner jusqu'aux dernières réserves de la matière médicale. Puisque maintenant les médecins sont largement entrés dans cette voie, ceux-ci sont sans doute assez nombreux pour qu'il ne soit pas besoin d'autoriser toute une catégorie de pseudo-médecins à se li-. vrcrà cOté d'eux, à la même pratique; d'autant plus que les psychologues sérieux peuvent se rassurer, et qu'il ne viendra à l'esprit de personne de leur chercher chicane pour avoir recherché, dans les phénomènes de l'hypnotisme, quelque point nouveau de notre mécanisme mental ou de quelque nouveau rapport entre le physique et le moral.

Contributions à la psychologie du sommeil

M. A. Pilez vient de publier (Uni les Annales psyclwlogiqucs (1899, p. 66) les notes qu'iïa prises sur ses rêves depuis plus de cinq ans: il s'est soumis, parfois, à une influence expérimentale, en absorbant avant de s'endormir du bromure, delà paraldehyde, de l'alcool, etc., en faisant des excès de travail physique ou psychique. D'intensité des rêves au réveil était notée par des obifïreB du 0 à 100.

D'abord, il ne put vérifier lapériodicité de ;'intensité des rêves avancée par Nelson qui admettait que, durant vingt jours la nettoie et la clarté avec laquelle on ne rappelle les rêves atteignait un raaximun et un minimum.

Mais il trouva une certaine corrélation entre la profondeur du som-/page>

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meH et la nature des rcve3. Le sommeil le plus profond est sans rêve conscient; mais plus :c sommeil est profond, plus les associations d'idées et les images constituant le rêve se rapportent à des souvenirs anciens et éloignés : dans le sommeil léger, celui du matin par exemple les impressions nouvelles, les préoccupations quotidiennes forment le substratum du rêve, ß On pourrait s'imaginer, dil-? que les cellules nerveuses et les fibres d'association de l'écorce cérébrale qui travaillent le plus fort dans la journée, ont le plus grand besoin de repos et sont mises hors fonctions, paralysés dans le sommeil profond, tandis que ces groupes d'idées qui, à l'état de veille, se trouvent plus ou moins en subconscience, pourraient développer plus d'énergie. »

O'est de cette façon qu'il explique que des aliénés hallucinés délirants ne rêvent pas de leurs hallucinations.

11 relate l'analogie qui existe entre cette disparition des acquisitions nouvelles dans le sommeil profond et le rappel des vieux souvenirs, avec ce qui se pusse dans la mémoire des déments (cas de régression de Ribot). Si l'on considère le sommeil comme un état psychique dont le caractère est la suppression de la faculté de penser avec conscience, nous voyons dépérir, en premier lieu, les idées nouvelles, et le contenu des rêves se forme d'images anciennes dès que le sommeil a atteint un certain degré de profondeur.

Le délire de la jalousie

D'après le D' ViLLEns,qui en a fait l'objet sa thèse.ce délire a une symp-tomatologie très nette; ce qui domine le tableau clinique, c'est une croyance morbide dans l'adultère de l'époux ou de l'épouse; mais longtemps avant que la maladie mentale soit constituée, on observe divers troubles graves du caractère : apathie, paresse, tendance à la violence, tristesse habituelle, puis le malade émet ouvertement ses soupçons ; il est jaloux et avec ce qu'il prend pour des preuves, il a trouvé la formule de son délire. Les illusions et les hallucinations jouent ici le même rôle que dans l'éclosion des autres psychoses. Pour le jaloux tous les hommes qui approchent de la maison sont les amants de sa femme ; il espionne et voit dans ses enfants même l'œuvre de la trahison de sa femme. Le parfum inusité d'un mouchoir, un coup d'oeil, un couple se dissimulant le soir, dans les rues, sont pour le malade atîcintdu délire de la jalousie autant de preuves de son malheur.

Les hallucinations intéres?entsurtout la vuo et l'ouïe; lo3 premières contribuent adonner au délire un cachet qui lui est propre ; celui d'une grande obscénité : le malade croit assister ù des scènes de débauche, auxquelles prend part la personne qu'il soupçonne.

L'Administrateur-Gérant : Emile lîÛw'RÎOT U ___170, rue Saint-Antoine./page>

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14e année. — ?* 3.

Septembre 1899.

DE L'HYPNOXTISME &DE LA PSYCHOLOGIE

LE Dr Durand de Gros (1)

« Vos déclarations ne prouvent rien, me disait récemment avec sévérité un de* mes amis, esprit éminemment parisien, il n'y a encore que dans la Capitale qu'on trouve de vrais savants, et tous sont titré.-, professeurs à la Faculté, au Muséum, au Collège de France, membres de l'Institut. Je voue

(I) Nous sommes heureux do reproduire la biographie de notre maître, M. Duraud de Gros, que notre collaborateur, M. le Dr Félix Regnault, vient de publier dans le Correspondant Médical,/page>

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défie de citer un médecin de province qui leur vienne à la cheville. »

¦Te veux répondre à ce défi par la biographie d'un médecin rural dont les découvertes ont été longtemps méconnues : Durand de Gros.

Durand (Joseph-Pierre), né à Gros, en 1826, d'une famille d'agriculteurs, montrait, dès sa jeunesse, l'esprit abstrait et généralisateur qui devait le caractériser : à dix-huit ans, il écrivait un travail philosophique sur les principes de l'algèbre: universelle.

Il Ut sa médecine d'abord à Montpellier (1845), puis â Paris. Il se lança dans la politique comme toute la jeunesse de cette époque, participa à la Hévolution de février 1848, écrivit en: 1850 un petit catéchisme politique et social.

Le coup d'État survint, son père fut déporté en Algérie, lui-même s'exila à Londres.

Là se place un épisode marquant dans l'histoire de sa vie. II; entend parler d'une nouvelle science, l'électro-biologie, qui passionnait alors l'Amérique, il suit des conférences sur ce sujet,, se passionne à son tour, cherche l'explication du merveilleux.. Son esprit de prosélytisme le pousse à multiplier les conférences, un jour à Bruxelles, l'autre à Marseille: sous le nom de docteur Philips, on ne peut reconnaître l'exilé. Plus tard, il, passe en Amérique où il se fait recevoir docteur de Philadelphie; en 1857, revient en France en I860, grâce à l'amnistie, etj rouvre ses cours à Paris.

Il multiplie également les écrits. Citons le cours théorique et: pratique de Braidisme ou hypnotisme nerveux (1860), et son récent livre sur le Merveilleux scientilique (1894, Félix Alcanjl où sont repris et condensés ses anciens travaux.

Durand de Gros ne fut pas seulement un précurseur de l'hypa notisme, car on peut donner ce titre à des centaines de magnée liseurs et remonter ainsi jusqu'à l'antiquité, mais, le premier,] il l'étudia avec une méthode scientifique. Comme il n'y a pas dei science sans taxinomie, il commence par classer les faits d'hyp-i notisme, puis il eu déduit les lois générales.

Il divise les phénomènes hypnotiques en trois classes dis-; tinctes :

La première, qu'il dénommait Fario-Grimisme (des noms dôj Paria et Grimes), comprenait les phénomènes de suggestion aujourd'hui vulgaires;

La seconde classe de phénomènes ou Braidisme (du nomj/page>

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de Braid, le médecin anglais) a pour cause la fixation d'un point brillant. On confond aujourd'hui cette classe avec la première, peut-être à tort. La fascination mérite une étude à part dans la science hypnotique;

Enfin le Mesmérisme comprend les phénomènes de télépathie ou transmission de pensée à distance.

Tandis que le mesmérisme est dû à un fluide spécial bioma-gnélique, le braidisme reconnaît pour cause l'inertie de la pensée. Le Fario-Grimisme, enfin, s'explique par le polypsychisme; il y a en nous plusieurs moi qui se manifestent suivant les circonstances. A la pluralité des centres nerveux, médullaires et cérébraux, correspondent des consciences multiples. La suggestion s'adresse à l'un de ces moi à ï'insu des autres ou mémo malgré les autres.

L'histoire naturelle l'intéresse également, mais toujours au point de vue des idées générales.

Charles Martins, en détordant l'humérus, avait découvert les analogies qui existent entre les membres antérieurs et postérieurs. Durand de Gros généralise l'idée de Martins, trouve la torsion humorale chez un grand nombre de vertébrés et montre que cette torsion est due àl'adaptation des membres au milieu.

Il recherche cette influence du milieu sur l'homme et prouve que les races subissent l'influence du terrain géologique. Dans l'Aveyron, sur le terrain siliceux, le seigle nourrit des hommes petits à ossature grêle, les hommes des terrains calcaires ont une taille supérieure avec un squelette massif.

Les villes modifient également la race; alors que les têtes rondes, les brachycéphalcs, dominent dans les campagnes, les citadins sont en majorité dolichocéphales ou à tête longue.

L'homme si modifiable n'est pas un être irréductible, chaque être est une agglomération d'individualités animales distinctes se prêtant concours dans la lutte pour l'existence (poly-zoisme).

Tous ces travaux restèrent longtemps lettre morte. En ces dernières années, d'autres savants les reprirent en les complétant et crurent les découvrir.

Pourtant, les théories do Durand de Gros n'étaient point de simples spéculations: elles se basaient sur des faits bien observés et faciles à observer.Ce savant n'adonc point seulement préparé le terrain, il l'a fécondé. Il faut avoir le courage de/page>

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l'avouer, Durand avait deux torts graves : le premier de n'être point officiel, le second d'être en avance sur son siècle.

Les écoles de Nancy et delà Salpêtrière étudièrent l'hypnotisme en ignorant absolument le nom de Durand de Gros, la Société d'hypnologie lui a rendu un hommage tardif en lo nommant président d'honneur.

Spencer et Claude Bernard reprirent pour leur compte la théorie du polyzoisme et du polypsychisme. Janet, en ces dernières années, en créant la psychologie de l'inconscient, a fait revivre sans s'en douter les théories de Philips.

Les recherches de Durand sur la torsion numérale commencent à peine à être connues des zoologistes, ceux sur la dolichocephalic des citadins et l'influence du milieu suria race viennent de recevoir une confirmation éclatante.

Il semble que l'heure de la justice a enfin sonné. Durand de Gros Ta patiemment attendue, retiré depuis une trentaine d'années dans son pays natal, loin des luttes et des ambitions. S'il a l'heureuse fortune d'assister à son triomphe, c'est qu'il a eu le rare bonheur de vivre vieux.

Combien ont semé qui meurent sans voir les récoltes !

D* Félix IÎEGNAULT.

INTRODUCTION A L'ÉTUDE DE L'HYPNOTISME (')>

Par M. le 1> Eduaii Iîéhillon (Suite)

Les caractères fondamentaux de l'inhibition hypnotique sont les suivants :

1· La suspension ou l'augmentation des activités ou des propriétés des éléments nerveux est provoquée expérimentalement ;

2e La durée de l'action est déterminée par la volonté de l'expérimentateur;

3e L'action peut être limitée à des territoires nettement déterminés du système nerveux et à des fonctions influencées isolement.

4" La production de l'inhibition dans telle ou telle fonction ou région de l'organisme est corrélative de l'apparition des/page>

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phénomènes cls dynamogénie dans d'autres fonctions ou d'autres régions.

5e Après l'expérience, les cellules nerveuses influencées se retrouvent dans les mêmes conditions normales qu'avant le début de l'expérience.

L'inhibition hypnotique est donc un état expérimental essentiellement physiologique. Cet état ne saurait devenir pathologique que par le fait de fautes expérimentales. Dans ce cas, il faudrait incriminer, non la méthode, mais le défaut de compétence de l'expérimentateur.

L'hypnotisme constitue avant tout, un véritable procédé expérimental, applicable à l'étude des phénomènes physiologiques aussi bien que des phénomènes psychologiques. En effet, par analogie avec la vivisection expérimentale, il permet de suspendre l'activité de tel ou tel organe pour en dévoiler la fonction. Il permet également, en variant les conditions du fonctionnement psychique, d'en étudier le mécanisme et d'en mesurer l'étendue.

En effet, l'hypnotisme n'est-il pas, selon l'expression de Charles Richet, un admirable appareil de vivisection psychologique? N'est-ce pas à lui que l'on doit d'avoir pu plonger les regards dans l'obscur domaine de l'inconscient et de l'automatisme psychologique? D'autre part, les expériences de dissociation des phénomènes mentaux ont fourni le moyen d'analyser d'une façon minutieuse les éléments constitutifs de la personnalité. L'hypnotisme, en permettant de varier les conditions des expériences, fournit également un intéressant moyen de contrôle pour l'étude des sensations et la mesure des réactions.

Cela ne suffit-il pas pour reconnaître à l'hypnotisme la valeur d'une méthode expérimentale et pour lui assurer droit de cité dans le domaine de la philosophie contemporaine.

Les procédés capables de provoquer l'inhibition hypnotique sont très nombreux. On peut les diviser en deux catégories, selon qu'ils impressionnent le système nerveux par action psychique ou que l'excUationaitsonpointde départ dans une action physique portantsurl'unoul'autredosdifférents sens. Nous devons reconnaître que, d'une façon générale, le mode d'action d'hypnotisatîon est complexe. Dans un grand nombre de cas il est.très difficile de séparer la part qui revient à l'influence psychique, de celle qu'il faut attribuer aux agents physiques./page>

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Néanmoins des expériences rigoureuses ont permis d'étudier isolément le mode d'action des divers agents hypnogènes.

Les procédés psychiques, c'est-à-dire ceux qui s'adressent uniquement aux facultés mentales du sujet sont:

1° La suggestion directe (Liébeault) ;

2° La suggestion indirecte ;

3° L'auto-suggestion volontaire et consciente ;

4° La concentration de l'attention {expectant attention) ;

5° L'imitation ulilisée dans un but expérimental.

Les agents physiques sont :

1° La lumière agissant sur l'appareil visuel et déterminant l'état do fascination (Braid, Charcot, Bremand) ;

2° Le son et les vibrations sonores (bruits monotones ou ' bruits intenses et inattendus. — Heidenhain, Charcot) ;

3e Les excitations périphériques s'adressant à la sensibilité cutanée (irritations périphériques faibles et répétées. — lîurq, Dumontpallier et Magnin) ;

4° Les actions vibratoires générales (casque et tabouret vibrants de Charcot) ;

5° L'électricité statique (Bérillon) ;

6° L'aimant (Ochorowitz, Babinski, Paul Joire).

Quelques expérimentateurs ont fait intervenir l'action des agents chimiques comme adjuvants à la provocation de l'hypnose.

Les narcotiques et les anesthésiques employés à faible dose au début des expériences, peuvent faciliter l'apparition de phénomènes hypnotiques chez des sujets réfractaires aux procédés habituels d'hypnotisation, en supprimant d'une façon passagère la résistance opposée par les facultés mentales de contrôle. (Auguste Voisin, Schrenk-Xotzing, Bérillon.)

Le sommeil naturel peut être également utilisé pour la production de l'inhibition hypnotique. Berger, de Breslau, , un des collaborateurs d'IIeidenhain, a le premier mis en on valeur ce fait intéressant, que le sommeil normal pouvait être transformé en sommeil hypnotique. Dans l'état de sommeil les facultés de contrôle sont suspendues et il est facile de concevoir que les prédispositions naturelles du sujet â subir l'influence des excitations extérieures en sont accentuées.

Le caractère fondamental de l'inhibition hypnotique c'est sa provocation expérimentale. A notre avis, le mot hypnotisme devrait être réservé aux états d'inhibition psychique ou phy-/page>

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siologique résultant de manœuvres instituées dans un but expérimental.

En dehors de toute manœuvre expérimentale.des états analogues à l'hypnose peuvent se manifester spontanément sous l'influence des excitations les plus diverses, agissant d'une façon variable selon la prédisposition des sujets.

Les excitations d'ordre psychique susceptibles de provoquer des états d'inhibition ou de dynamogénie non expérimentaux sont:

lo La suggestion inconsciente ;

2° L'auto-suggestïon involontaire et inconsciente ;

3o La suggestion collective (Max Nordau) ;

4o L'imitation (somnambulisme social de Tarde) ;

5° Certains états affectifs et émotifs;

6° Les rêves.

Tous les agents physiques peuvent également déterminer des états d'inhibition ou de dynamogénie. On peut mentionner, parmi ceux dont les effets ont été constatés :

i° La lumière, (les lumières colorées, la lumière vive et projetée d'une façon soudaine) ;

2° Le son, (le bruit des cloches, la musique, les chants monotones) ;

3° Les odeurs ;

4o Les actions thermiques prolongées (le froid, la chaleur) ; 5° La pression atmosphérique (raréfaction de l'air) ; 6° Les excitations périphériques (les abouchements sur les cheveux, le massage, les vibrations de la méthode de Zander); 7° Le schock opératoire ;

8° Les commotions et les ébranlements physiques (ralway spine) ;

9° L'action spécifique de la foudre ;

10° Les ébranlements du système nerveux consécutifs aux crises des maladies convulsives, (hystérie, épilepsie).

Les agents chimiques peuventaussi intervenir pour suspendre l'activité des faculrë3de contrôle.Les diverses intoxications volontaires (alcool, éther, tabac, opium, hachich, etc.) plongent ceux qui s'y adonnent, dans des états analogues àKinhibi-tion hypnotique et facilitent l'apparition de l'automatisme et des hallucinations.Les mêmes effets peuvent résulter d'intoxications involontaires, telles que celles qui sont la conséquence des auto-intoxications viscérales, des fermentations microbiennes, de l'inanition, de la fatigue. Les propriétés du système nerveux/page>

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sont aussi influencées par la composition chimique de l'air, (excès d'acide carbonique) et par los troubles de l'hématose qui en dépendent.

Un certain nombre de sectes religieuses réalisent, avec un certain art, le3 phénomènes de l'hypnotisme expérimental par l'association des agents psychiques, physiques et toxiques. En voici quelques exemples :

1° immobilité prolongée, jeûne et fascination, par la fixation d'un point, chez les moines du mont Athos et chez les Fakirs.

2° Mouvements automatiques rhythmés, mélodies monotones et inhalations d'aromates chez les Derviches et les Aissaouas.

L'apparition de l'inhibition ou de la dynamogénie résultant de manœuvres expérimentales, comme lorsqu'il s'agit d'expériences d'hypnotisme, peut être soumise à un déterminisme rigoureux. Mais l'interprétation devient très difficile lorsqu'on se trouve en présence de phénomènes survenus spontanément sousTinfluencedecauses latentes, imprévues, passagèresoumal connues. Nous nous bornerons à envisager isolément le problème de l'hypnotisme expérimental.

La production des phénomènes d'hypnotisme est liée à un grand nombre de conditions dont voici les principales :

i° Influence personnelle de l'expérimentateur (compétence, autorité, éloquence) ;

2° Choix des procédés hypnogènes ;

3° Influence du milieu (imitation, entraînement collectif);

4° Prédisposition individuelle du sujet (suggestibilité naturelle propension au sommeil normal, au tomatisme impulsif, somnambulisme spontanés, inhibitions hystériques (sensitives, sensorielles, musculaires, viscérales);

5e Immixtion de phénomènes d'ordre affectif ou émotif (élec-tivité, sympathie, besoin de direction).

(à suivre)

SOCIÉTÉ D'HYPHOLOGIE ET IDE PSYCHOLOGIE

Séance du 10 Juillet 1S99. — Présidence de 1S. Jules Voisis

Tic convulsif du cou et de la tôte guéri par la suggestion

hypnotique, par M. le Docteur Vlayiaxos, (d'Athènes).

¦lai l'honneur de vous rapporter le cas d'une malade atteinte de tic convulsif du cou et de la tète et guérie par la suggestion hypnotique./page>

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Jeanne A..., âgée de vingt-cinq ans, est vigoureuse et bien constituée. Dans ses antécédents héréditaires il n'y a rien d'important à signaler, tous les membres de sa famille sont doués d'une bonne santé. Chose rare et tout à fait exceptionnelle on ne trouve rien de spécial dans les antécédants personnels, elle a tçujours été bien portante et son tic est la première affection dont elle ait souffert. Elle fut réglée à l'âge de quinze ans et depuis lors elle n'a jamais eu aucun trouble relatif à celte fonction.

Le début de la maladie remonte à décembre 1895, c'est-à-dire à Irois ans et demi. A cette époque ses parents ont remarqué qu'elle remuait la tête comme dans le mouvement que nous faisons pour dire non; cela était fréquent et inconscient ; on appela son attention sur ces mouve-vements qui, au bout de quelques jours devinrent conscients mais involontaires. Conformément aux reproches qu'on lui faisait elle s'appliquait & vaincre ce trouble fonctionnel, mais elle n'y a jamais réussi; chose curieuse, quand elle parvenait à suspendre pour un moment son tic. il réapparaissait rapidement et coup sur coup, comme pour suppléer aux mouvements manques. Elle avait alors de l'angoisse et ne pouvait pas ne pas se laisser aller à son tic. On lui a ordonné des douches, du bromure, le massage, l'électricité, mais rien ne put empêcher que celte maladie ne devint stable et durable.

Les jours se passaient ainsi, lorsqu'au mois de février 1896, c'est-à-dire trois mois après l'apparition du tic, un événement vint apporter un remède momentanément efficace. Ses parents qui le lui avaient toujours refusé, lui permirent d'assister à un bal, pour la première fois. Elle en éprouva une joie si grande qu'aussitôt le tic cessa. Mais il ne s'agissait que d'une simple rémission ; au bout de cinq mois Je même tic réapparut sans qu'on ait pu en déterminer la cause. Au mois de novembre 1898 elle s'est brûlé les deux mains et les avant-bras; elle en éprouva une vive frayeur et de nouveau le tic cessa pendant trois mois, au bout desquels i) reparut comme la première fois. C'est alors que la malade vint k la clinique du D'Bérillon, le 8 juin.

J'ai pensé aussitôt à l'hystérie, mais je n'ai rien trouvé dans cette direction. D'autre part, c'est une jolie fille, qui ne révèle aucun signe de dégénérescence physique ou psychique. Je sais bien que les tics sont considérés par certains comme des stigmates de dégénérescence (1), mais il serait exagéré dédire qu'un seul symptôme, comme ce mouvement spasmodique puisse constituer ou déceler une dégénérescence ou marquer l'hystérie ; car à ce titre, tous nous serions plus ou moins dégénérés, plus ou moins hystériques.

Le mouvement que notre malade faisait était celui de la négation ; elle faisait toujours avec la tête le signe de non. Le spasme était restreint au muscle sterno-cléido-mastoîdicn, et seulr-ment celui du côte gauche, ainsi qu'aux muscles de la nuque; la tète se tournait brusquement un

(l). Cb. Fébx. — La Famille névropatique, p. 312, éd./page>

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peu à gaucheet puisse projetait en haut. Cela se produisait un nombre considérable de fois pendant la journée. Le tic s'exagérait chaque fois que la malade était émue. Gomme Charcot le disait, ces secousses aboutissent à la production de mouvements usuels ; « Le mouvement complexe du tic, dit-il, n'est pas absurde en soi ; il est absurde, illogique, pareequ'il s'opère hors de propos, sans motif apparent, o. Du reste tous les auteurs ont remarqué que les mouvements des tiqueurs ne sont pas sans signification et sans but, comme ceux de choréiques ; ils offrent l'apparence de mouvements exécutés dans une intention donnée.

Comme vous le savez, Guinon a défini le tic convulsif comme ·. un mouvement convulsif, habituel et conscient, résultant de la contraction involontaire d'un ou de plusieurs muscles du corps et reproduisant le plus souvent, mais d'une façon intempestive, quelque geste réflexe ou automatique de la vie ordinaire. » Grasset a complété cette définition en ajoutant deux éléments d'une importance capitale :

Ie La brusquerie;

2° L'arythmie.

En outre, les secousses sont systématiques et se répètent par crises.

Nous retrouvons tous ces caractères dans notre cas, excepté le dernier; notre malade présente ce mouvement d'une manière continue.Les mouvements voulus sont tout à fait normaux, tandis que les mouvements convulsifs sont involontaires, mais conscients. Je la prie de faire effort pour suspendre ces mouvements convulsifs; elle n'y parvient qu'au prix d'uue angoisse extrême et d'un malaise très pénible; cela ne dure que deux minutes, montre en main; au bout de ce temps, les secousses se répètent plus violentes, plus brusques et plus fréquentes; on peut en compter dix par minute.

Notre cas rentre done, par ses caractères, dans la première variété de la maladie des tics. Nous n'avons pas les anomalies du langage, c'est-à-dire l'exclamation involontaire,' Técholalie, la coprolalie qui constitue une deuxième période de la maladie des tics, ni l'imitation des gestes (échokinésie), ni un état mental particulier (tic psychique), qui constituent la troisième et la quatrième période. C'est le ftc convulsif selon la division que Grasset fait de cette bizarre maladie des tics, qualifié encore Névrose tiqueuse ou Maladie de Gilles de la Tourelle. Est-ce à dire que le terrain n'était pas prédisposé et que la maladie n'a pas eu une tendance à progresser? C'est possible, bien qu'il soit rare qu'un lie convulsif existe isolément pendant près de trois ans et demi sans que d'autres syndromes moteurs ou psychiques ne soient survenus.

Traitement. — Jl est aisé de comprendre que, dans une maladie où la cause la moins discutable est l'hérédité nerveuse, toute médication doit fatalement échouer. » Ainsi s'exprime M. André en ce qui concerne le traitement des tics (1). Beaucoup d'auteurs partagent cette opinion en ce qui concerne la thérapeutique de la maladie des tics.

(1) G. ÂNDttu : Les nouvelles maladies nerveuses, 1892, p. 18*2./page>

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Presque tous lui reconnaissent un pronostic grave ; quelques-uns même la déclarent incurable. Je me contenterai de citer ici l'opinion de M. Grasset (i) : a Le traitement de la maladie des tics, dit-il, est le paragraphe le plus ingrat de son histoire. L'affection, avons-nous dit, est généralement incurable et résiste à tous les efforts de la thérapeutique. *> Quant à l'hypnotisme, la plupart des auteurs n'en disent pas un mot. M. Grasset pense que « cet agent ne saurait avoir aucune action sur la maladie des tics proprement dite, et qu'il n'a de chance d'aboutir que dans les cas où l'hystérie simule la névrose tiqucuse. »

Malgré l'opinion générale, les cas de guérison de la maladie des tics par l'hypnotisme sont déjà très démonstratifs. Burot en a constaté les bons effets (2) et Wetterstrand en a publié plusieurs guéri-sons (3).

Quant à notre malade nous l'avons endormie légèrement dès la première séance et nous lui avons suggéré qu'elle cesserait d'avoir ces mouvements une fois réveillée ; pendant la durée de son sommeil elle ne fit pas le moindre mouvement. Â la deuxième séance qui eut lieu deux jours après, nous avons eu recours à Vaction psycho-mêcanique et par une gymnastique de la téle portée à droite et à gauche suivant un rythme monotome et régulier, nous lui avons suggéré que, chaque fois qu'elle accomplirait le mouvement involontaire du tic, elle se rappellerait notre suggestion et aurait le pouvoir de le faire avorter ; elle fut endormie plus profondément à cette deuxième séance. A la troisième séance elle était déjà tellement améliorée que les mouvements devinrent très rares et nous n'avons pas pu en voir un seul pendant son séjour à la Clinique. Après cette troisième séance nous l'avons perdue de vue ; une semaine après elle revint pleine de joie avec sa maman et nous raconta qu'à son grand étonnement elle ne faisait plus aucun mouvement et qu'elle est complètement guérie. Elle était si contente de nos soins, qu'elle nous a envoyé une de ses amies atteinte d'tm tic des yeux et des épaules. Cette seconde malade est aussi en voie d'amélioration.

Je vous rapporte ce cas tel qu'il s'est présenté à mon observation ; je ne manquerai pas de m'assurer que cette guérison est définitive et si une récidive survient je m'appliquerai à la supprimer'. En somme, dans un cas de tic convulsif datant de trois ans et demi l'amélioration s'accusa dès la deuxième séance ; la guérison fut complète dès la quatrième séance de suggestion hypnotique associée à l'action psycho-mécanique.

(1) GkaïSEt : Traité des maladies nerveuses, tome II, p: 592.

(i) ? chût : Congrès de Toulouse, 1681. — Semaine médicale, 28 octobre 1S87. — Revue de G Hypnotisme, novembre 1887.

(3) WsTTiiUSTBAîiu : L'Hypnotisme ei ses applications à la médecine pratique, p. 73-76./page>

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HISTOIRE DES SUGGESTIONS RELIGIEUSES

dans la famille de Biaise Pascal

Par M. le D* Charles Bwet-Sakolb (Fin)

CHAPITRE XIX Dernières années de Blaiss Pascal.

A ce moment, et depuis l'année Î658, Biaise Pascal était, dit Gi'.berte, « dans une continuelle langueur. » Terrassé par la neurasthénie, il ne pouvait converser, lire, écrire, ni travailler, mais il continuait à se livrer aux austérités. Il ne voulait pas qu'on lui préparât d'aliments agréables et, comme on était obligé de le nourrir délicatement, il ne goûtait pas ce qu'il mangeait. Il s'était fixé une ration qu'il ne restreignait pas, ni ne dépassait, ne tenant point compte du degré de son appétit. Si Gilberte lui disait qu'elle avait rencontré une belle femme, cette impudeur l'irritait, et il ne pouvait souffrir les caresses qu'elle recevait de ses enfants.

Son intelligence était affaiblie ; sa sensibilité presque absolument réduite au sentiment religieux et, en apprenant la mort de Jacqueline qu'il aimait plus que tout au monde, il dît simplement : « Dieu nous fasse la grâce d'aussi bien mourir, » a Non seulement il n'avoit point d'attache pour les autres, mais il nevouloit pas que les autres en eussent pour lui, >> sous prétexte qu'on ne devait aimer que Dieu seul. « Il avoit un amour sensible pour l'office divin, mais surtout pour les petites Heures parce qu'elles sont composées du psaume CXV11, dans lequel il trouvoîl tant de choses admirables, qu'il sentoit de la délectation à le réciter. Quand il s'cnlretenoit avec ses amis de la beauté de ce psaume.il se transportoiten sorte qu'il paraissoit hors de lui-même. Et cette méditation l'avait rendu si sensible à toutes les choses par lesquelles on tâche d'honorer Dieu, qu'il n'en négligeoit pas une. Lorsqu'on lui envoyoit des billets tous les mois, comme on fait en beaucoup de lieux, il les recevait avec un respect admirable , il en récitoit tous les jours la sentence; et dans les quatre dernières années de sa vie, comme il ne pouvoit travailler, son principal divertissement était d'aller visiter les églises où il y avoit des reliques exposées, ou quelque solennité ; et, il avoit pour cela un almanach spirituel qui l'instruisoit des lieux où il y avoit des dévolions particulières ; il faisoit si dévotement et si simplement que ceux qui le voyoient en cela étoient surpris. » Enû.i, « il avoit un si grand zèle pour la gloire de Dieu qu'il no pouvoil sjuffrir qu'elle fûl violée.»

Pendant la maladie qui l'emporta il recevait, entre autres visites, ccilcs de Domat de Sainte-Marthe et de Beurrier, curé de St-Etienne-du-Mont, qui disait de lui : ? C'est un enfant : il est humble, il est soumis comme un enfant » U prononça au cours do celte maladie, ces fameuses paroles plus profondément vraies qu'on ne croit, « La maladie est l'état/page>

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naturel des chrétiens j>. II y ajoutait : o parce que l'on est par-là comme on devrait toujours être dans la souffrance des maux, dans la privation de tous les biens et de tous les plaisirs des sens. » Le li juillet 1662, il se confessa; il se confessa encore le 14 août, et supplia qu'on le fit communier. Les médecins s'y opposèrent. Le 17 août, il demanda un ecclésiastique pour passer la nuit auprès de lui. Enfin, ayant reçu le 18, avec des sentiments si tendres «qu'il en versait des larmes, » le viatique et l'extrême-onction, il mourut, le 19 août 1662, à une heure du matin, âgé de trente-neuf ans et deux mois.

Il avait écrit, à une époque indéterminée les ouvrages dévots suivants : Lettres touchant la possibilité d'accomplir les commandements de Dieu ; Dissertation sur les véritables paroles du concile de Trente que les commandements ne sont pas impossibles aux justes ; Sur la distinction entre la' possibilité et le pouvoir ; Sur la conversion du pêcheur ; Comparaison des anciens chrétiens avec ceux d'aujourd'hui ; et enfin des abrégés de la Vie de Jésus-Christ.

CHAPITRE XX Dernières années de Gilberte Pascal et de Florin Perish.

Des victimes immédiates des suggestions de 1646, il ne restait plus que Gilberte. Elle continua l'action de son frère sur Charlotte dcRoannez, qu'elle voyait souvent, et qu'elle sût, pendant la persécution, mettre en rapport avec Singlin caché. Les relations que cette jeune fille continuait d'entretenir avec Port-Royal lui avait valu une lettre de cachet, lui intimant l'ordre de se retirer en Poitou. Elle ne dût de rester à Paris qu'à l'intervention de son frère, qui représenta sa faiblesse et l'impossibilité où elle était d'accomplir ce voyage. Elle avait renouvelé ses vœux et promis à Dieu de se retirer chez les carmélites. L'influence du milieu mondain où elle vivait ne laissait pas cependant que d'agir sur elle. Elle fut un moment sur le poin t de se marier. Mais son frère lui envoya Gilberte, dont les suggestion s réussirent si bien que Charlotte, non seulement rentra dansla voie étroite, mais, rendant à une amie sortie du cloître l'étrange service qu'elle avait reçu, sut à son tour la détourner du mariage. Sur ces entrefaites, Singlin mourut, et Gilberte quitta Paris. C'était en quelque sorte la libération de Mademoiselle de Roannez. Elle parvint à se faire relever de ses vœux, et épousa le duc de la Feuillade « effet terrible de la faiblesse humaine ¦>, dit le Nécrologe. 11 n'y a rien « de plus scandaleux, écrit, de son côté en mars 1666, Antoine Arnauld à Gilberte que l'oubli où elle parait être aujourd'hui de toutes les grâces de Dieu. »

Au demeurant, il eût mieux valu que Charlotte, comme beaucoup de mystiques, ma! constituée et fréquemment malade, ne se mariât point. Un de ses enfants mourut en bas âge. Un autre naquit contrefait. Un troisième, une fille naine, ne dépassa point la dix-neuvième année. La duchesse de la Feuillade mourûlelle-mèmoàcinquante ans, le 13février 1683, léguant trois mille livres à Port-Royal./page>

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Quant à son frère Artus, après avoir vendu son gouvernement du Poitou et cédé son duché à sa sœur, il continua à mener une vie austère, demeura en relations suivies avec Port-Royal, fut "agent des religieuses pendant la persécution, et mourut en odeur de dévotion, le ? octobre 1696.

Déjà Florin Périer et sa femme n'étaient plus. Le premier avait terminé subitement sa a vie pénitente » (i) le 23 février 1072; et GUberte, qui depuis sa mort n'avait guère cessé d'habiter Paris, où Perier avait vécu lui-même plusieurs années pour surveiller l'éducation de ses enfants, était morte comme lui de mort subite, le 25 avril 16»7, à l'âge de soi-xante-septans et quatre mois.

CHAPITRE XXI La Fin d'une Famille.

Deux des fils do Gilberte, Etienne, né en 1642, et Biaise, né en 1653 près de Port-Royal des Champs, l'avaient déjà précédée dans la tombe.

Etienne Périer qui était doué d'une grande mémoire et qui montra très jeune des dispositions pour les mathématiques, n'avait en revanche les qualités du métaphysicien. Etant enfant, il comprenait bien que Dieu n'eut pas de fin, mais il avait peine à saisir qu'il n'eût pas de commencement. On développa peu, on l'a vu, sa vocation scientifique. Commencée par son grand père Etienne Pascal, son éducation fut continuée par sa mère. Elle lui apprit le catéchisme entre quatre et cinq ans, lui expliqua qu'en religion, il n'était pas nécessaire de comprendre, mais qu'il fallait croire et calma son besoin do clarté particulièrement en ce qui concernait Dieu. Comme elle lui affirmait un jour que si notre raison ne peut aller jusqu'à lui, les saints qui sont dans le ciel le voient tel qu'il est, et le connaissent, l'enfant précoce eût un joli mot. « Voilà une grande récompense! » dit-il.

Bien qu'il eût été mis dès neuf ans aux petites écoles de Port-Royal, et qu'il eût eu, chose plus grave, son oncle Biaise pour maître, ce fût le seul des enfants de Gilberte qui sut résister un peu aux suggestions qu'on lui fit subir, et qui ne se fit pas religieux. Du moins il resta dévot. A vingt-sept ans on lui proposa une jeune fille, unique, dotée de quarante à cinquante mille écus. Sa mère et sa secur Marguerite le détournaient du mariage. Hésitant, il va consulter à Paris M. de Sainte-Beuve, docteur en théologie et ami de Port-Royal, qui soutint, en se basant sur l'Ecriture sainte, l'avis de sa famille. Alors Etienne refusa le parti. Peu à peu cependant sa volonté se dégagea, et il put se marier en 1677. Il mourut moins d'un an après, âgé de trente-huit ans.

Ses deux frères, Biaise, et Louis, qui fit de fréquentes maladies dans son enfance, avaient été élevés comme lui dans la dévotion, et comme lui avaient eu pour maître Wallon de Beaupuis aux peli-cs écoles, jusqu'en 1661, et, de 1661 à 1CG4 chez leur père, où Wallon était venu habiter après la suppression des écoles.

(1) Kccrolose, suppl./page>

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Retournés ensuite en Auvergne avec leurs'parents" (1664) ils avaient été pendant sept ans sous le préceptorat de Mgr de Rebergues. Giiberte, qui lesdestinait à l'état ecclésiastique, les ramena à Paris où, d'octobre 1675 a octobre 1678, ils suivirent régulièrement chaque jour au séminaire de Saint-Magloire le cours de théologie scolastique du Père Morel, et celui de théologie positive du Père Duguet, homme éloquent, d'un langage délicat et orné, auteur du Traité des principes de ta foi chrétienne, enfin ami de Port-Royal. —Ils allaient passer toutes leurs soirées chez Antoine Arnauld ou chez Nicole, qui habitaient proche le séminaire, et qui leur donnaient des éclairciments sur leurs cours. Cela dura jusqu'en 1679, époque où Arnauld et Nicole quittaient Paris.

Biaise Périer mourut sous-diacre, le 15 mars 1684, âgé de trente ans et sept mois, après une vie de dévotion et de tristesse. Au moment de sa mort, comme Marguerite lui annonçait que les médecins désespéraient de le sauver. «Ah! ma sœur, s'écria-t-il, quelle bonne nouvelle m'apprenez-vous ! » .

Louis, qui avait été un enfant enjoué et bouffon, et qui à sept ans savait à peine son Pater, dévint très dévot, fut doyen de la Collégiale de Saint-Pierre-de-Clermont, puis chanoine de la cathédrale de celte ville. Il mourut le 13 octobre 1713, âgé de soixante-trois ans.

La destinée des filles fut analogue. On nous les peint Tune à quarante et un, l'autre à quarante-trois ans, n'osant mémo aller à la messe sans leur mère, qui, si elles parlaient dans la rue à quelque amie, leur demandait d'un ton sec ce qu'elles avaient dit.

Après sa sortie de Port-Royal, Jacqueline, qui était forte intelligente, refusa un beau parti pour demeurer toute aux idées et aux sentiments qu'on lui avait inculqués, et alla bientôt habiter Clermont avec sa mère et Marguerite. Continuellement accablée de maladies, elle mourut le 9 avril 1695, après uno vie malheureuse et solitaire toute employée à la prière et à de pieuses lectures.

Il ne restait plus des rejetons d'Etienne Pascal et d'Antoinette Begon que l'héroïne du miracle du 2? mars 1656.

Attirée à chaque instant par ses amis de Port-Royal, Marguerite Périer habitait tantôt Clermont et tantôt Paris ; mais, ici et là, elle observait la retraite et la pénitence. Sa sœur morte elle se fixa définitivement à Clermont chez son frère Biaise, alors doyen de la Collégiale de Saint-Pierre. Ils menaient une vie sévère, servis par des domestiques pieux, elle toujours vêtue de noir et d'étoffes communes, portant des cornettes blanches comme les religieuses.

Dans ses dernières années, elle fut atteinte de paraplégie, et, dès lors, sa vie se passa sur un canapé à prier et à lire des ouvrages mystiques. On venait s'édifier à ses discours. Les dimanches et fêtes, clic se faisait porter à la cathédrale pour entendre !a messe et faire ses dévotions. L'instruction religieuse qu'elle avait re«;ue à Port-Royal avait laissé en elle un fond sectaire. En février 1733, étant tombée malade/page>

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de la complication dont elle mourut, elle demanda la communion. Maie, avant de la lui donner, le curé exigea d'elle son renoncement à lire les ouvrages écrits contre la bulle Unigenitus et à fréquenter les personnes opposées à celte bulle, comme ses amis, les évûques de Senez et de Montpellier. Elle s'y refusa, et serait morte san3 sacrements, si Massillon, évequede Clermont, après avoir vainement tenté d'adoucir le curé, ne lui avait envoyé un vicaire.

Elle mourut le 14 avril de cette année, à l'Age de quatre-vingt-sept ans et neuf juurs, laissant une profession de foi où elle déclarait s'unir d'esprit et de cœur-à l'appel des quatre évoques contre la bulle. Elle fit entre autres legs pieux celui de sa bibliothèque aux oraloricns de Clermont. « Je suis restée seule, écrit-elle dans ses mémoires... Je dois dire, comme Simon Machabée, le dernier de tous ses frères : Tous mes parents et tous mes frères sont morts dans le service de Dieu. *

CONCLUSION

Ainsi s'éteignit, frustrant l'humanité des précieux rejetons qu'on en pouvait attendre, cette grande famille décimée par l'erreur. Que n'eût-elle pas été, si elle eût donné son enthousiasme soit aux idées scientifiques qu'un Dieu puissant et juste ne présenterait pas à tant d'hommes si elles étaient fausses avec les plus hautes qualités d'évidence, soit aux fictions d'art pur n'ayant pour but que la volupté psychique?

Quel homme n'eût pas été Biaise Pascal, s'il fût resté l'admirable mathématicien du Traité des sections coniques, de la Machine arithmétique, des Nombres multiples, des Sommes simples, triangulaires et pyramidales, du Triangle arithmétique, du Traité des arcs de cercle et des solides circulaires, du Traité des trilignes rectangles et de leurs onglets, du Problème de la cycloîde, le physicien émérite du Traité du vide et de la pesenteur de l'air, où s'il eût déployé l'incomparable talent d'écrivain que révèlent le Discours sur les passions de l'amour, et les Provinciales ! — Que n'eussent pas été peut-être, poète, Jacqueline Pascal, mathématicien, Etienne Périer?

Les Pascal étaient remarquablement doués pour l'intelligence, l'émo-tîvilé et la sensibilité, ces trois qualités principales des grands artistes si la sensibilité s'attache au beau, des grands savants si la sensibilité s'attache au vrai. Il faut dire qu'un autre don, l'activité leur est nécessaire, et que Biaise Pascal tout au moins était né avec les principes d'une maladie de l'activité.

Pourtant ils furent moins victimes do ïeurbéréditéquc de leur milieu. Des suggestions répétées détournèrent leurs sensibilités du but normal. Nous les avons vu répudier leur grandeur, annihiler leur force, se repentir d'avoir un instant aimé la science ou l'art.

Noua avons vu 'es idées suggérées, véritables agents morbides, augmenter en eux de puissance et, néfastes à. eux-mêmes, devenir pour eux et pour d'autres plus néfastes encore./page>

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On peut penser que Jacqueline et Gilberte n'eurent guères d'autres victimes, la première que ses élèves, la seconde que ses enfants. Mais l'action d'un Biaise Pascal ne finit point à sa mort. ? dévoya d'autres esprits que ceux d'Artus ou de Charlotte ce Roannez. Les Pensées ont été et sont dans toutes les mains. Or, si l'on ne connaît bien Pascal, si l'on n'est armé par la science, on ne lit pas sans trouble les Pensées. Que d'erreurs n'ont-elle? point corroboré, que d'erreurs n'ont-elles point fait naître, ces phrases d'un géomètre malade, tantôt ordonnées, tantôt incohérentes, toujours fermes, souvent passionnées, respirant une conviction profonde malgré les hésitations, parfois précises, parfois obscures, pleines de la beauté trouble des livres sacrés, chaos de ténèbres sillonné d'éclairs !

Les hygiénistes ont parlé de la contagion par le livre. Que n'ont-ils fait craindre cette contagion de l'erreur, plus terrible que toutes les autres. Certes l'erreur est mortelle, mais elle a la mort lente. Elle donne des spores qui peuvent mûrir. Aux hygiénistes de l'intelligence à tuer ces spores, en instruisant, et en développant le sens critique.

Quand on apprendra l'hierologie et la morale rationnelle aux enfants au lieu de leur inculper une religion hasardeuse dans ses effets, et à laquelle on ne croit plus, on verra bien des malaises sociaux disparaître. On fera des hommes disposés à porter la réflexion cn toutes choses, et qui comprendront, non que nous ne savons rien, mais que nous ne savons pas tout, et que cette religion du mystère est la seule où doivent s'arrêter les raisonnables.

Dr Charles Binet-Sanglé

COURS ET CONFÉRENCES

Automatisme ambulatoire et somnambulisme hypnotique. (')

par M. ie Docteur Baeikski, Médecin de la Pitié.

Cette dame que je vous présente et qui est venue hier à la consultation pour la première fois, est atteinte de troubles nerveux singuliers qu'elle va vous raconter en partie et sur lesquels je vous donnerai les renseignements complémentaires indispensables.

De l'interrogatoire, il résulte qu'il s'agit d'un3 femme de 55 ans. Quand elle sort pour faire une emplette par exemple, il lui arrive d'aller dans un endroit où elle n'avait pas l'intention de se rendre, et dans lequel revenant à elle et comme si elle sorteit d'un profond sommeil, elle est toute surprise de se trouver. La première fois que pareil accident lui est arrivé, elle était aux bains de mer ; c'était il y a dix ans, elle avait donc 45 ans,

La crise débute par une sensation douloureuse dans l'estomac comme (1) Leçon cliaiquj faite à l'Hôpital de la Pitié./page>

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par un coup dans l'estomac. * Puis je me sens m'en aller, dit la malade, et je m'assieds, » Elle ne tombe donc pas. Elle garde l'instinct de la conservation.

Elle demeure assise de cette façon pendant un quart d'heure au bout duquel elle revient à elle, se rappelle ses intentions premières, se reconnaisse ressaisit, mais ignore absolument ce qu'elle a pu faire pendant ce quart d'heure.

Mémo étant seule dans la rue, elle n'a jamais commis d'excentricités dans ces moments d'absence ; jamais, par exemple, elle ne s'est déshabillée en public ; autour du banc où elle s'est assise personne n'a fait cercle, elle n'a point attiré l'attention des passants par des gestes, des paroles, des actions insolites. Un jour qu'elleétaitsortiesansôtre accompagnée et qu'elle s'était ainsi reposée sur un banc à l'approche d'une crise, elle a pendant cette crise abandonné le banc en y laissant un paquet et est rentrée d'instinct chez elle ; et ce fut pour elle à l'heure du réveil, une grande surprise de se trouver déjà à la maison, alors qu'elle avait encore plusieurs courses à faire.

La malade nous apprend que si on l'emmène tandis qu'elle estplongéc dans cet état second, elle marche sans savoir où elle est ni où elle va. Son lils, dans une note qu'il nous fait remettre, dit que sa mère, en état de crise, marche comme une personne normale, cause, s'entretient à peu près correctement, mais cependant parle d'une façon légèrement précipitée. Jamais on n'a été obligé de la soutenir ou de la ramener en voiture ; jamais elle n'est tombée.

Quand elle a recouvré ses esprits, nous dit-elle elle-même, elle divague un peu et elle a peur de mourir. — Elle n'a donc pas en ce moment tcute sa lucidité. D'ailleurs, pendant les crises, elle n'est pas toujours d'une correction absolue.

Ainsi, un soir au théâtre, étant malade, elle voulait prendre la lorgnette de sa voisine. Un autre jour, alors qu'elle se rendait au théâtre avec son fils, elle est prise d'un accès ; son fils la fait entrer chez un pharmacien dans l'officine duquel elle veut éteindre toutes les lumières. Cependant elle rentre chez elle, se déshabille et c'est alors qu'elle se réveille, si on peut ainsi parler et dit à son fils: ? Mais ne devions-nous pas passer la soirée au théâtre? » A cette minute, elle ne se souvenait pas de son séjour chez le pharmacien, ni de sa conduite chez lui.

En somme, une femme de 55 ans a des accès particuliers pendant lesquels elle est plongée dans un état second. Dans cette situation, elle est capable de trouver son chemin; elle marche, comme une personne normale et cause à peu près de môme. D'autres fois, il lui arrive d'être incorrecte. Elle revient enfin à elle et sort de cet état second comme d'un profond sommeil ; elle ne sait plus ce qui s'est passé durant ce temps

Tenons-nous à ces données pour le moment.

Ces crises qu'on nous racontent appartiennent à l'automatisme ambulatoire. — 11 en existe plusieurs formes./page>

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Un individu d'apparence normale jusqu'alors se livre tout d'un coup à des actes excentriques, inconvenants. Tel est ce monsieur qui, ayant causé raisonnablement en chemin de fer avec ses voisins, se déshabille tout-à-coup et urine sur eux, on le saisit; il sort de cet état second, s'excuse des actes qu'on lui reproche, mais cela ne l'empêche pas d'être conduit au Dépôt où l'on reconnaît enfin son cas pathologique.

D'autres malades sont pris d'une envie brusque de courir dix ou quinze minutes et parfois se livrent à des actes incorrects ou criminels.

Dans un troisième groupe sont des individus qui, dans leur étatsecond, se comportent comme tout le monde et personne autour d'eux, ne se doute de leur situation ; ee sont des gens, par exemple, qui sortent de chez eux pour faire une course et s'en vont involontairement ailleurs. D'ordinaire ces fugues ne durent pas longtemps, mais elles peuvent parfois durer plusieurs heures et même des mois entiers. Je puis vous citer le cas d'un Parisien qui a le temps, pendant sa crise, d'aller à Melun où il est stupéfait de se trouver sur le quai de la gare. Un autre malade étant sur un pont à Brest sort de son état second : il était parti de Paris, avait fait inconsciemment le voyage Paris-Brest; pendant le trajet il s'était comporté comme tout le monde. Legrand du Saulle raconte l'histoire d'un homme sujet à ces manifestations d'automatisme ambulatoire et qui, un jour, se réveille en mer sur le pont d'un navire. II aperçoit une côte et demande quelle terre on aborde; on lui répond qu'on allait bientôt arriver à Bombay ! Il avait fait toute la traversée, alors qu'il était plongé dans son état second; pendant toute la traversée, sa conduite avait été régulière et ce fut au moment où il revint à l'état normal, qu'on le prit pour un fou.

On admet généralement deux causes de l'automatisme ambulatoire ; ce sont l'hystérie et le mal comitial.

Afin de prouver que les accès d'automatisme sont des manifestations hystériques, on donne cette première raison que l'on relève les stigmates de l'hystérie chez les automatiques ; mais à cela on peut répondre que rien n'empêche la coexistence d'une seconde névrose à côté de l'hystérie, en sorte que la preuve avancée n'est pas absolument démonstrative. Par contre, l'absence de tout stigmate d'hystérie ne doit pas faire élimiter l'hystérie comme cause de l'automatisme puisque l'on connaît ß l'hystérie monosymptomalique » et que pareille hystérie pourrait n'avoir précisément comme symptôme que les accès d'automatisme. En somme, les stigmates fournissent un* argument important quoique non décisif pour rattacher l'automatisme à l'hystérie.

Mais en voici un autre tout à fait concluant. On peut prolonger certains automatiques dans le sommeil hypnotique et leur faire reproduire tout ce qu'ils ont fait lorsqu'ils étaient dans leur état second. Les malades hypnotisés se souviennent des moindres incidents de leur vie seconde; et j'ai vu plusieurs fois un de ces sujets qui, à diverses reprises, s'étaient rendu à une vingtaine do kilomètres dans la banlieue./page>

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que j'ai endormi et qui se rappelait alors tout son voyage, tout ce qu'il avait rencontré ; tout ce qu'il avait dit ou accompli dans sa fugue.

L'accès ambulatoire est donc sous la dépendance de l'hystérie et cette vérité n'est pas étonnante car on peut endormir, comme je le ferai devant vous, une hystérique simple et la mettre dons un étaL second analogue à celui des accès ambulatoires.

J'ai connu une femmo qui est encore à la Salpétriere où elle est entrée cn 1879. J'ai été chef de clinique de Charcot, de 1885 à 1887; c'est vous dire que j'ai vu cette femme pendant deux ans, chaque jour et plusieurs fois dans la même journée ; do 1887 à 1890 je l'ai encore rencontrée deux fois par semaine. C'était une grande hystérique. Or, en en 1890, elle eut une crise très forte et quand elle se réveilla, eile était dans un état singulier. Elle croyait être dans l'année 1882 et tout ce qui s'était passe de 1882 à 1890 était sorti de sa mémoire ; elle avait oublié toui. les événements accomplis dans ces huit années, même ceux qui pouvaient le plus intéresser personnellement. Elle avait été â l'exposition de 1889 ; quand on lui en parlait, quand on lui nommait la Tour Eiffel, elle ne savait ce que cela voulait dire. Elle ne reconnaissait plus aucune des personnes dont elle avait fait connaissance depuis 1882 tandis qu'elle avait gardé le souvenir de tous ceux qui l'avaient entourée de 1879 à 1882. Elle avait donc été plongée pendant huit années de 1882 à 1890 dans un état second dont elle était sortie par une attaque d'hystérie. Voilà un bel exemple qui montre bien la dépendance dans laquelle se trouve l'automatisme ambulatoire vis-à-vis de l'hystérie.

On le place aussi sous celle du mal comitial. Est-ce avec juste raison et ne pourrait-on craindre une erreur bien explicable grâce à une confusion entre les attaques d'épilepsie et celle de l'hystérie qu'on ne distinguait pas les unes des autres jadis, avant qu'on eût des notions suffisantes sur l'hystérie? Dire que les gens atteints d'automatisme ont eu des crises comitiales n'est pas probant parce que le malade épileptique peut être un hystérique et que son automatisme peut 'relever de son hystérie et non de son épilepsie. J'aime mieux les deux preuves suivantes. La première tient à ce qu'on voit une sorte de balancement entre les deux espèces de crises dont l'une succède à l'autre. La deuxième preuve, c'est que le traitement du mal comitial agit favorablement sur l'automatisme.

Ainsi l'automatisme se voit chez des hystériques et chez des épilep-tiques. 71 importe maintenant à propos de chaque malade, de savoir, d'après le caractère intrinsèque de ses crises, rattacher la maladie ù sa cause véritable, soit à l'hystérie, soit à ï'épiiepsie. Le problème est parfois difficile et Je«j traités classiques sont muets de renseignements. A-ce sujet, je vous enseignerai donc nia pratique.

Quand la criss ambulatoire est de longue durée^ quand pendant la crise la conduite du sujet est correcte, le malade n'est point un comitial. La femme de la Salpétriere qui est restée huit ans dans un état second/page>

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était une hystérique ; l'homme de Legrand du Saulie qui fait un voyage à Bombay n'était pas un épileptique.

Lorsque les crises d'automatisme sont courtes et lorsque pendant la fugue, les actes, l'attitude, la parole de la personne égarée peuvent faire soupçonner un étui pathologique, celte personne est atteinte de mal comitial et non pas d'hystérie. L'individu qui urine sur ses voisins au milieu d'une conversation raisonnable, l'individu qui se met à courir dix minutes, qui a des hallucinations terrifiantes, qui est capable de se précipiter sur des passants et de se livrer à des actes criminels sont tous deux des épileptiques.

Revenons à notre malade et voyons comment résoudre pour elle, cette question hystérie ou épilepsic ?

Cette dame, nous dit-on, a eu de tout temps des crises où elle se débattait; quand on la taquinait, elle avait aisément des colères suivies de ces attaques à grand tapage. Elle disait qu'elle était malhem-eufe, qu'elle allait mourir. Elle criait, mais ne perdait pas connaissance ; elle se rendait compte de ce qui se [passait autour d'elle ; elle sait que ces crises-succédaientà la colère, elle ne se mordait pas la langue, elle ne perdait pas ses urines. C'étaient des crises d'hystérie. Elles ont disparu quand se sont produites celles dont nous allons parler et nous ne trouvons chez la malade aucun stigmate d'hystérie.

A l'âge de quarante-cinq ans,d'après ce que nous apprend son fils,elle fut frappée de nouveaux accidents bien différents de ceux qu'elle avait eus jusqu'alors. Les crises se produisaient la nuit avec morsure de la langue et grincement des dents. La malade ne se réveillait pas. Le lendemain matin, elle sentait sa langue tuméfiée, douloureuse ; elle était accablée, elle avait la migraine mais ne se souvenait pas de ce qui s'était passé. Jamais on ne s'est aperçu qu'elle eût perdu ses urines. Une attaque nocturne d'hystérie n'est possible, ne se développe que quand le malade a sa connaissance. Donc, crise nocturne sans interruption du sommeil, avec morsure de la langue el dont le sujet n'a nulle notion, et qui lui laisse de l'accablement, c'est une crise ayant tous les caractères d'une crise épileptique, sauf un, celui qui est relatif à la porte involontaire des urines. L'âge avancé n'ost pas une objection à notre diagnostic. Ainsi quo je vous l'ai dit dernièrement à propos d'un homme de quarante ans devenu malade deux ans plutôt, l'épilcpsie peut apparaître tardivement, quoiqu'on ait cru longtemps qu'elle débutait seulement dans la jeunesse et. pour mapai-t, je l'ai rencontrée se manifestant pour la première fois chez une personne de cinquante-cinq ans.

En résumé, cette dame qui nous demande conseil, a des crises d'automatisme ambulatoire et elle a le droit d'en avoir de par son hystérie et de par son épilepsie.

Analysons maintenant le caractère de ses crises. Premier caractère : "Ulles sont courtes. Pendant qu'elles évoluent, la malade n'est pas d'une correction absolue, puisqu'elle veut prendre la lorgnette de sa voisine/page>

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ou éteindre les lumières d'une pharmacie. Voilà une deuxième propriété des crises.

La troisième, c'est que quand elles finissent, Ie3 idées de la malade n'ont point leur netteté normale, et la quatrième, c'est que leur venue a fait disparaître les crises hystériques.

Il n'est guère douteux qu'il faille rattacher l'automatisme de notre cliente au mal comitial.

Et la conséquence naturelle de cette décision, c'est que nous lui donnerons du bromure de potassium.

J'espère que ses crises s'atténueront rapidement et que nous la guérirons. Le pronostic, en effet, est favorable, car ces epilepsies tordivent cèdent facilement au traitement ; elles sont moins graves que celles qui débutent dans l'enfance et on a plus de prises sur elles.

Si, en tous cas, nous ne réussissons pas, nous aurons la ressource du sommeil hypnotique et de la suggestion puisque nous avons affaire à une femme jadis ouvertement hystérique.

Il me reste maintenant à compléter ce que je vous ai dit sur l'automatisme ambulatoire en vous montrant que le somnambulisme hypnotique est idontique à celui de la crise ambulatoire.

Voici une jeune hystérique qui fut chassée jadis du service par l'administration et qui vient de rentrer et que j'endors facilement — les hystériques ne sont pas toujours dociles — en lui mettant les doigts sur les yeux.

Je l'ai donc endormie, je lui ai ouvert les yeux et vous voyez qu'elle ressemble à ce qu'elle était tout-à-l'heure. Elle effiloche un chiffon qu'elle regarde obstinément, elle répond un peu lentement, elle parait plus sombre qu'à l'état normal, mais tous ces détails ne sont pas très apparents et échapperaient à une personne non prévenue.

Je lui commande d'aller prendre un livre dans la salle et elle y va en sautant franchement de l'estrade, je lui dit de monter sur une chaise et elle y monte malgré qu'elle ait exprimé la crainte de tomber j sur mon ordre, elle a sauté en bas de la chaise tout comme une personne ordinaire.

Je la réveille en soufflant sur ses yeux ; je l'interroge. Elle ne se rappelle ni qu'elle est allée dans la salle, ni qu'elle est montée sur une chaise. Si je ne l'avais point réveillée, elle eût pu rester dans l'état second où je l'avais placée pendant un jour, une semaine, des années.

3i j'endormais de nouveau cette jeune fille, elle se souviendrait de sa promenade dans la salle et de son ascension sur la chaise ; eiie se souviendrait en outre des actes accomplis par elle à l'état normal. A ce point de vue les malades soat supérieurs dans l'état de sommeil à ce point qu'ils sont dans l'état de veille.

Qu'un pareil état se développe spontanément et persiste pendant vingt-quatre heures, ne sera-ce point une véritable crise d'automatisme ambulatoire V/page>

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REVUE CRITIQUE DE NEUROLOGIE ET OÈ PSYCHOLOGIE

Pur M. la Docteur Pnu! Fakë2.

Db l'Hîmiasesthêsie d'origine cêhîbiiale, par M. le Professeur Dbjerine, (Semaine Médicale, 26 Juillet 1899).

L'hémianesthésie d'origine cérébrale se présente avec des caractères cliniques qui permettent de ne pas la confondre avec l'hémianesthésie hystérique.

La première est parfois si peu intense qu'elle pourrail passer Inaperçue si l'on n'avait recours à une technique délicate (compas de Webes); elle ne comporte ni dissociation entre les diverses sensibilités au contact, à la douleur ou à la température, ni perte du sens stéréognostique avec intégrité de tous les autres ; elle ne s'arrête pas exactement surla ligne médiane du corps; elle n'est jamais totalement abolie. De plus, il y a toujours parallélisme entre l'état de la mobilité et de la sensibilité ; c'est le membre le plus paralysé qui est le plus anesthésic. En outre, l'anesthésie d'origine cérébrale affecte une distribution qui lui est propre : les troubles de sensibilité sont plus accusés au membre supérieur qu'au membre inférieur, au tronc qu'à la face et, dans un membre, aux regions les plus éloignées de la racine. Elle n'est jamais Segmentairo. Enfin, Je rétrécissement du champ visuel n'existe pas, et, si les autres sens participent à l'anesthésie, c'est avec des caractères de libéralité.

La seconde, généralement très intense, comporte parfois une dissociation entre les diverses sensibilités tactiles, douloureuse ou thermique, parfois aussi la disparition de la perception stéréognostique seule avec intégrité complète de tous les modes de sensibilité superficielle et profonde ; elle est d'ordinaire rigoureusement limitée à une moitié du corps ; elle peut être totale et absolue. L'état de la inutilité n'est pas toujours parallèle avec celui de la sensibilité. La distribution de tout à l'heure ne convient pas ici : l'anesthésie hystérique est souvent marquée également au niveau de toutes les parties qu'elle atteint; parfois elle revêlla forme segmentaire en gant, en manchette, engigot, etc. Elle est, en général, subconsciente; en effet, l'hystérique n'offre jamais surla peau les cicatrices de brûlures que l'on rencontre, par exemple, chez les syringonyéliques ; les troubles de la coordination des mouvements ne sont pas proportionnels uux altérations des sensibilités superficielles et profondes; déplus, pendant que l'hystérique croit qu'on ne l'observe pas, ou lorsqu'on dirige ailleurs son attention, il peut arriver que l'anesthésie cesse ou qu'elle soit fortement diminuée. En outre, des sens spéciaux du même côté participent presque toujours ? cette anes-thésie que la suggestion sous ses différentes formes sert à la fois à diagnostiquer et à guérir./page>

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La Paracousie, par M. Bonnier, Archives internat, de laryng.de rhinol. el'jd'olol. nov.-déc. !898. — Paracousie, Diplacousie et Autophonib, par M. A. Malherbe, (Bulletin médical, 10 avril IS99.)

La paracousie est une audition paradoxale ou audition fausse; elle peut être aérienne ou solidienne.

La paracousie aérienne a pour type la paracousie dite de Willis; elle est caractérisée par l'amélioration de l'ouïe au milieu du bruit. Oer-' taine personne qui ne peut suivre une conversation dans une voiture au repos la suit parfaitement quand la voiture est en marche ; elle entend en général mieux, en chemin de fer ou dans la rue que dans un appartement; même au milieu d'un grand vacarme,c'est l'oreille para-cousique qui entend beaucoup mieux que l'oreille normale.

La paracousie solidienne a pour type la paracousie dite de Weber. L'audition cranio-tympanique semble gagner à mesure que se perd l'audition aérienne ; bien plus, elle dépasse, souvent de beaucoup, l'audition cranio-tympanique normale. L'oreille paracousique tient même lieu de véritable microphone. Si un diapason est placé non plus sur le crâne, mais sur un autre point du corps, de préférence une saillie osseuse, le diapason est souvent mieux perçu par l'oreille paracousique que quand il était placé sur le crâne; dans beaucoup de cas, même, il est d'autant mieux perçu et mieux latéralisé du côté malade qu'il est placé sur un point plus éloigné de l'oreille.

Lorsque la paracousie est bilatérale mais à un degré différent, on dit qu'il y a paracousie double ou diplacowie biauriculaire.

h'aulophonie ou tympanophonic consiste en ce fait que le malade entend sa propre voix résonner dans son oreille avec une grande intensité; elle est plus marquée pour les lettres nasales.

Ces sensations paradoxales dépendent de lésions labyrinthiques, d'ankylose des osselets, d'otite, de catarrhe, d'obstx-uction des trompes, etc. ; il est néanmoins curieux d'en connaître les diverses modalités psychologiques.

Un cas d'épilepsib purement psïcuique, par m. John Norman Henry (de Philadelphie), The journ. of New. and Ment. Disease juin 1899.

Un homme âgé de 43 ans, alcoolique, n'ayant aucune hérédité épilep-tique a eu trois attaques qui ont duré chacune plusieurs heures. Il présente d'abord des nausées, de la dépression, de l'hébétude mentale ; puis, il perd connaissance, accomplit des actes automatiques et parcourt inconsciemment des distances ; le tout est interrompu par un certain nombre de courts moments conscients telles les alternatives toniques et dont ques. 7A:quilibrc mental est normal en dehors des attaques, lesquelles se ramènent, en somme, uniquement à une aberration psychique ; c'est ce dernier point qui est fort curieux./page>

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La Suggestion hypnotique et le traitement de l'onanisme, par M. Bech-tebew (de St-Pétersbourg), Obozrênîé Psychialryi, mars 1899.

Une jeune fille de sept ans se livrait depuis plusieurs années â l'onanisme. On lui administra du bromure et on lui attacha les mains: rien n'y fit. Elle fut hypnotisée et reçut la suggestion d'oublier complètement sa mauvaise habitude. Une nouvelle séance de suggestion produisit d'excellents résultats : mais la jeune fille négligea de se faire hypnotiser le mois suivant, comme on le lui avait recommandé; elie retomba dans son vice et dut recourir à toutes sortes de ruses pour le cacher. De nouveau hypnotisée plusieurs fois de suite elle oublia complètement sa mauvaise habitude. Cette guérison date de deux ans. Une fois encore les moyens coercitifs avaient été impuissants : la psychothérapie est le traitement de choix de l'onanisme.

Sun les Obsessions et les Illusions importunes, par M, Bechterew (de St-Pétersbourg), Obozrénié Psychiatnji, février 1899.

Ce genre d'obsession présente une variété inGnie ; elle affecte à la fois la sensation générale et les sens spéciaux. Par exemple une personne éprouve un sentiment désagréable en mettant ses doigts dans une certaine position, ou elle voit des éclairs ou elle est incapable d'ouvrir les yeux, ou elle a la sensation de la cécité, ou elle se figure marcher en l'air à une certaine distance du sol, ou elle a l'impression qu'un sosie marche derrière elle. Ces phénomènes surviennent épisodiquement au cours de diverses psychoses ; ce sont des illusions plutôt que des hallucinations proprement dites et souvent le sujet peut en faire la critique. La suggestion en est, comme on le sait, le seul traitement efficace.

Phénomènes de iiétropolsion dans la forme d'épilepsie procursive, par M. Launois (Soc. nai. de mêd. de Lyon, 3 juillet 181*9).

D'ordinaire, au moment de la crise, ces malades ont une tendance h marcher ou à se précipiter en avant. Chez quelques-uns de ses malades. M. Launois a observé un mouvement inverse; l'un d'eux, atteint de petits vertiges, marche quelquefois en avant, mais, s'il est sur un plan incliné et fait un effort de volonté, il effectue sept ou huit pas en arrière et tombe; une autre, avant sa crise, fait presque toujours trois ou quatre pas en arriére et tombe ; une autre femme, au moment de sa crise marche en arrière: la touche-t-on, elle crie » au voleur» et marche jusqu'à ce qu'elle rencontre un obstacle ; alors elles'anelectee déshabille. Lo second malade est mort de tuberculose : le résultat de la nécrop-sie a été négatif/page>

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Un cas d'épilepsie taudive chez une mangeuse de r.iiAms de cape, par M. Otto Marbubg (do Vienne,) Wiener Klinische Rundschau, 21 mai 1899.

Une dame âgée de 44 ens a depuis six ans l'habitude de manger des grains decafé brûlé, afin de stimuler son appétit. Elle en mange de30à 40 par jour, ce qui représente une dose quotidienne de 40 centigrammes décaféiné. Tous les quinze jours environ, elle présente un accès con-vulsifavec incontinence d'urine, morsure de la langue, amnésie et grande lassitude. îi s'agit donc d'une épilepsie tardive et de cause alimentaire chez une personne qui ne présentait à ce point de vue aucun antécédent personnel ou héréditaire.

Role de la suggestion dans le développement du goût et de l'odorat Indépendance Méd., 18 janvier et 15 février 1899.

La suggestion maternelle d'abord, puis la suggestion du milieu façonnent notre goût. C'est par la suggestion aussi que s'expliquent la plupart de nos répugnances gustatives auxquelles nous pouvons imposer silence en faisant de la contre-suggestion. Le goût et l'odorat s'édu-quent et se suggestionnent ensemble, peut-être l'un l'autre. Tel aliment dont la saveur flatte agréablement notre palais nous plaît aussi par son odeur et réciproquement.

Voici un exemple curieux de suggestion olfactive :

Une dame, atteinte d'une affection vénérienne, a dû recourir à la pommade iodoformée. Sa bonne découvre un jour la petite boite, laquelle a coûté huit francs. Huit francs une si petite boîte de pommade, dit la bonne, mais alors, ce doit être un parfum très rare! Justement c'est celui que sa maîtresse a adopté depuis quelque temps !... L'autosuggestion est faite et la brave domestique s'enduit les cheveux de la précieuse pommade. L'odorat est un sens que l'on peut facilement tromper et par conséquent modifier par suggestion.

Polvurie et Hystérie, par M. Mathieu, Soc. méd. des Hôp. Séance du 10 février 1899.

Chez les névropathes, la polyurie est fonction de l'hystérie et même, peu' en ê^re. d'après Debove, le seul stigmate. Babinski a d'ailleurs confirmé la nature hystérique de ces polyuries nerveuses en montrant qu'elles guérissent par suggestion. Un cas de grand diabète insipide 3ans aucun stigmate hystérique a pu être guéri par suggestion médicamenteuse ; pour déclarer qu'ui.c* polyurie n'est pas hystérique, i! ne suf-pas de constater l'absence des stigmates habituels de la névrose: rien ne dit qu'une suggestion bien faite n'en aurait pas démontré la nature réelle./page>

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JURISPRUDENCE

TJne application de la Zcî du 30 novembre 1S9S, aux masseurs-magnétiseurs.

La dixième chambre du tribunal correctionnel vient dans un jugement du 6 janvier d'appliquer les peines de l'exercice illégal de la médecine à des magnétiseurs. Ils avaient donné des soins à une dame B..., atteinte de paralysie en se recommandant de diplômes délivrés par la Faculté des Sciences magnétiques, îa Sociéié magnétique de France, etc. Ils se retranchaient derrière le rapport de M. Chevandier aux termes duquel : « Les articles visant et punissant l'exercice illégale de la médecine ne pourraient leur être appliqués que le jour où ils sortiraient de leurs pratiques habituelles et où sous le couvert de leurs procédés, ils prescriraient des médicaments, chercheraient à réduire des luxations ou des fractures, a Ils invoquaient aussi le rapport de M. le Dr Comil au Sénat, qui laisse à la jurisprudence toute latitude pour examiner les actes d'exercice illégal de la médecine.

Or le jugement que nous commentons applique l'article 18 de la loi aux magnétiseurs parce qu'ils ont voulu « faire croire qu'ils ont des titres justifiant d'études sérieuses et ont acquis les connaissances scien-tifiques leur donnant toute compétence pour traiter eux-mêmes les maladies et faire concurrence aux médecins ».

Le jugement n'a pas dégagé suffisamment la question de principe parce qu'il se trouvait en face d'une espèce particulière où les prévenus, usant de manœuvres frauduleuse, avaient fait croire à la malade, dont l'état s'était aggravé, à leur compétence médicale.

Une distinction s'impose selon nous pour comprenerdre l'article 18. Quand les masseurs-magnétiseurs ne sont que les exécuteurs de l'ordonnance du médecin la loi cesse de leur être applicable, mais quand ils improvisent le traitement, en un mot quand ils prescrivent le remède et l'appliquent en même temps, l'acte devient alors délictueux et constitue un fait d'exer.:ice illégal de la médeciue (1).

Il est intéressant d'opposer aux jugement prononcés par le Tribunal et la Cour d'Angers acquittant les magnétiseurs poursuivis, les considérants de ia 10· chambre ccrrectionnelle de la Seine ratifiés par la Cour de Paris qui interprètent sainement la loi sur l'exercice de la médecine dans un procès intente à deux magnétiseurs : rî;ms un jugement prononcé le 6 janvier 1899 :

En droit : attendu que les prévenus soutiennent qu'il Jeur est licite, sans diplôme de docteur eu médecine ni d'officier de sanlé, de soigner

(1) Dans Je sens du jugement recueilli: Seine, 26 janvier 1893 (Ga^ettedu Palais, 1893, 1, 156). — Sirey, 1891,1, 281; Tribunal correctionnel de Lille, 8 juillet I8îi7 {Gaj.Pal. 97, 2, 121). — Bu sens contraire, Angers, 2« juin 1891 (Gaj. Pal. 9*. 2, 99. — S. 9i. 2, 252) : 23 juillet 1897 (Gaj. Pal., 97. 2, 261.)/page>

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habituellement toutes les maladies pourvu que leur traitement ne consiste pas à administrer des médicaments; qu'ils invoquent dans leurs conclusions l'avis exprimé par le Dr Chovandier rapporteur do la loi du 30 novembre 1892;

Attendu que le rapport de M. Chevandier, du il juin 1892, contient, en effet, le passage suivant :

t Récemment, un volumineux dossier nous a été remis ; il est formé des protestations formulées par les masseurs et les magnétiseurs. Où donc ont-ils vu un article qui visât leurs pratiques ? Les articles visant et punissant l'exercice illégal de la médecine ne pourraient leur être appliqués que le jour où ils sortiraient de leurs pratiques habituelles et où. sous le couvert de leurs procédés, ils prescriraient des médicaments, chercheraient à réduire des luxations ou des fractures. Jamais notre inteution n'a été de les viser. C'est donc mal â propos qu'ils ont pris l'alarme ! ·

Hais attendu que l'article 16 de la loi du 30 novembre 1892 est conçu dans les termes les plus généraux; qu'il interdit formellement à toute personne non munie d'un diplôme délivré par une faculté de médecine, de prendre part habituellement ou par directions chirurgicales, sauf en cas d'urgence avérée ; que ce texte ne subordonne pas l'existence de l'infraction qu'il prévoit à l'administration de médicaments, mais qu'il frappe, abstraction faite du modo de traitement, tout exercice habituel de l'art de guérir sans diplôme de médecin ; que lo passage du rapport de M. Chevandier cité en partie dans les conclusions dçs prévenus ne paraît pas avoir la portée que ceux-ci lui attribuent; que ce passage semble avoir simplement pour objet d'indiquer que les pratiques magnétiques de même que les opérations de massage, ne doivent pas être considérées comme constituant par elles-mêmes l'exercice de la médecine ; que, par suite, les expériences magnétiques faites soit dans un but scientifique, soit pour constituer un simple spectacle, seraient permises à toute personne, même non munie d'un diplôme de médecin, mais que rien n'autorise à admettre que le législateur ait voulu laisser les simples magnétiseurs libres de traiter les maladies au moyen de procédés qu'ils emploient; qu'en effet, M: Chevandier, dans son rapport, répondait à la pétition envoyée par un groupe de magnétîsseurs et de masssurs, lesquels demandaient au Parlement d'ajouter au projet de loi sur l'exercice de la médecine un article qui, s'il avait été inséré dans la loi, pourrait faire absoudre les prévenus, et qui était ainsi conçu :

« L'action magnétique et le massage étant œuvres exclusivement manuelles, restent dans la thérapeutique naturelle au même titre que les bains, l'air et la lumière, leurs partisans ne tomberont p:.s sous le coup des lois ci-dessus tant qu'ils resteront dans leurs attributions » ;

Attendu que, ni cet article, ni une disposition analogue, n'a été insérée dans la loi du 30 novembre 1892; que. d'autre part, la commission a rejeté un amendement de M. le Dr David, député, tendant à assimiler/page>

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l'hypnotisme appliqué au traitement des maladies à l'exercice de la médecine; qu'ainsi, il n'y a pas d'argument sûr à tirer des travaux préparatoires ;

Attendu, en réalité, que d'après les explications de M; le Dr Cornil dans son rapport au Sénat, le 21 décembre 1891, on a renoncé à énu-mérer avec précision les actes constituant ou ne constituant pas l'exercice de la médecins gt qu'on a préféré « laisser aux tribunaux plus de latitude dans l'appr&iation de l'exercice illégal » :

Attendu que les prévenus n'allèguent pas seulement une tolérance du législateur, qu'il invoquent de prétendus titres scientifiques et ont déposé à la barre du tribunal une sorte de diplôme orné d'un sceau et ainsi libellé:

? Université libre des hautes études. — Faculté des Sciences magnétiques. — Ecole pratique de magnétisme et de massage sous le patronage de la Société magnétique de France. — Enseignement supérieur libre reconnu par décision du 26 mars 1890. — Diplôme de magnétisme, masseur praticien. — La Société magnétique de France... Vu le certificat d'aptitude au titre de magnétiseur masseur-praticien accordé aujourd'hui par le jury d'examen sur avis conforme des professeurs de la Faculté des sciences magnétiques, à M. Desbouis (Charles), né à Sichôs (Nièvre), le 31 mai 1844. — Vu l'approbation donnée à ce certificat par la direction de la dite Faculté. Ratifiant ce certificat, donne par les présentes, à M. Desbouis, le diplôme de magnétisseur masseur-praticien. Fait à Paris, le 3 juillet 1897. » (Suivent les signatures du président de la Société magnétique de Paris et du secrétaire, etc., etc.)

Attendu que les prévenus, en se targuant dans leurs prospectus et dans leurs conclusions devant le tribunal de ce titre de diplômé de la Faculté des sciences magnétiques, s'appliquent à faire croire qu'ils ont des titres justifiant d'études sérieuses et ont acquis les connaissances scientifiques leur donnant toute compétence pour traiter eux-mêmes les maladies et faire ainsi concurrence aux médecins ;

Attendu que si leurs pratiques sont sans aucun effet sur la santé, elles peuvent du moins empêcher le client qui s'y fie de recourir cn temps utile à un médecin dans le cas ùo une médication prompte et énergique serait nécessaire ; que si, au contraire, ces pratiques agissent sur l'organisme humain et produisent certains résultats, elles ne seraient pas absolument inolVensives et ne devraient dès lors être utilisées pour le traitement des maladies que par des personnes compétentes, qu'ainsi, dans l'une ou l'autre hypothèse, la prétention des prévenus de traiter les maladies peut compromettre la sante et la vie des citoyens et qu'il y a intérêt public à réprimer leurs actes, etc./page>

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CHRONIQUE ET CORRÉSPûHDAiiCE

Un cas de suggestion visuelle

En visitant le Musée des Arts à Copenhague, M. Ferrari, ce Rome, fut, tout à coup, frappé d'une lueur éblouissante qui provenait d'un tableau placé un pen haut, au-dessus d'une porte, près d'une fenêtre exposée au nord. Il n'a pas pu voir ce que représentait le tableau. Il n'a vu qu'une masse noire à gauche et, au centre, un foyer lumineux; la lumière s'atténuait au premier plan. Un collègue,qui était avec lui, eut la même impression. Finalement ils ont pu distinguer que lu tableau représentait un coucher de soleil La masse noire était un paysage avec une église. Autour du jaune ardent représentant le soleil étaient peints des cercles violels, verts et mauves diversement posés ot d'un diamètre un peu plus petit quo celui du soleil. Il y en avait en grand nombre et le peintre en avait placé même sur l'herbe du premier plan, jusque sur le mur obscur de l'église. Evidemment, ils représentaient les phosphènes projetés à l'extérieur par la rétine excessivement fatiguée de l'intensité d'une lueur surgissante. Après celte analyse, l'impression d'éblouisse-ment qui s'était produite au premier aspect avait disparu.

L'impression de l'éblouissement doit être attribuée aux phosphènes peints. Par réflexe, la paupière s'est close, car la conscience de se trouver en présence d'une peinture n'était pas éveillée. Un centre du mouvement palpebral ayant, par expérience, éprouvé la vue des cercles colorés quand la vue est fixée sur un point lumineux a fait clore les paupières en concluant par un raisonnement inverse que là où il y a des cercles colorés, il doit y avoir un point lumineux.

Un autre fait curieux est celui-ci : en regardant, depuis, le tableau, avec l'intention de commencer ? voir d'abord les phosphènes, on a remarqué que les phosphènes devenaient de plus en plus pâles et diminuaient de nombre; ceux du premier plan sortaient du champ visuel, tandis que la couleur jaune du soleil devenait plus resplendissante.

Association française pour l'avancement des Sciences.

La session de l'Association Française pour l'Avancement des Sciences à Boulogne en 1809 (14-21 Septembre), aura une importance particulière parce que l'Association Britannique tiendra en même temps sa session à Douvres et que les deux Associations ont combiné leur programme de manière à se réunir en séances communes.

La 16° section (Pédagogie et Enseignement) présidée par M. Levasseur membre de l'Institut, professeur au Collège de France, pourra offrir spécialement un intérêt d'actualité par la discussion de questions qui préoccupent vivement en ce moment l'opinion publique en France, telles que la nomination des instituteurs, îc développement de l'enseignement primaire supérieur, l'enseignement secondaire industriel, le double enseignement classique et moderne, les méthodes d'enseignement des langues vivantes, l'enseignement technique, lo baccalauréat, l'étude comparative de l'enseignement supérieur en France et à l'étranger. La question suivante a été mise à l'ordre du jour, sur la proposition du D' Bérillon:

a La question de l'éducation des enfants vicieux peut-elle être résolue/page>

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par l'organisation d'écoles de réforme analogues aux Reformatory schools de la Grande-Bretagne ? d

A l'ordre du jour delà section de pédagogie figure également une comniu-nication du Dr Bérillon sur les applications de la suggestion hypnotique au traitement des enfants vicieux ou nerveux.

La Revue de l'Hypnotisme sera d'ailleurs représentée au congrès de Boulogne par plusieurs de ses collaborateurs français et étrangers.

La Psychologie des foules

M. Edmond Haraucourt, dans une nouvelle publiée dans le Journal, établit le curieux parallèle entre l'assemblée et la foule:

a — Monsieur, dit le vieillard, il n'y a point d'éloquence dans une assemblée. Je sursautai. Il m'invita, du geste, à me calmer, et poursuivit : Au moment précis où l'éloquence s'y manifeste, une assemblée devient une foule. L'étonnement arrondissait mes yeux. Je balbutiai : — Une assemblée peut donc devenir une foule? — Dès qu'elle se lève. Une assemblée «si assise ; une foule est debout.—Je croyais... — Qu'une foule est dans la rue, une assemblée dans l'enceinte ? Que celle-là porto la blouse et celle-ci la redingote ? Que a l'habit fait le moine », que le local fait les vertus, que le cadre fait les âmes ? Non, monsieur, pas à ce point. J'étais las d'entendre affirmer et je voulais affirmer à mon tour. Je répondis avec netteté : — La foule et l'assemblée sont deux animaux tout à fait différents. — Totalement, mais c'est par leurs facultés qu'ils diffèrent ; or, comme ces facultés sont latentes en tout homme, vous pouvez, par la réunion des hommes, obtenir l'assemblée ou la foule, selon que vous exciterez en eux tel ou tel des éléments psychiques qui constituent la foule ou l'assemblée, »

Nous serions heureux de savoir si M. Tarde partage l'opinion de M. Haraucourt sur la distinction qu'il convient d'établir entre la foule et l'assemblée. _

Chute émotionnelle et généralisée du système pileux: M. H. Bidon (de Uarseillej a commenté le fait suivant au dernier Congrès dcsaliénlstcs et neurologistcs. —Un homme parfaitement sain, chargé à un moment donné de ramener un troupeau à une heure du matin, voit entre les arbres une forme blanche apparaître et s'évanouir; il s'agissait d'un mulet biànc qu'il connaissait; il rit de sa pour, se couche, se lève et n'observe rien d'anormal; deux heures après, en saluant un propriétaire, il s'aperçoit que son chapeau est rempli de cheveux et sa tete chauve ; les jours suivants, il perd peu à peu les sourciïs et les elle. Cet état demeure définitif. A î8 ans, la barbe apparaît blonde mais peu fournie, ainsi que pour les poils du pubis. A 78 ans, à la suite de la chute d'une échelle et d'une contusion lombaire, il est pris d'une diarrhée émotive et les poils delà barbe, du pubis et des aisselles, très rares, s'écîaircissent. Pendant cette diarrhée, la maison s'écroule pendant son repas (le 4 mars 1887, à 1/2): il reçoit une blessure ; à Ï3 suite de cette nouvelle émotion, les poiis restant tombent tous à la fois et la diarrhée guérit subitement. Ce malade est aujourd'hui âgé de Di ans, c'est un vieillard robuste, la calvitie est absolue,/page>

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les sourcils et les cils font entièrement défaut, ni barbe ni moustaches. Les fonction de la peau sont normales, les ongles des mains et des pieds sont bien développés, les dents régulières et peu usées. M. Bidon pense que les troubles circulatoires et la suspension de l'action trophique au moment de l'émotion expliquent comment les choses ont dû se passer, bien qu'on ne puisse en. pénétrer tout à fait le mécanisme.-

Calvitie d'origine émotive

Le DrBoIssier rapporte dans le Progrès Médical l'intéressante observation suivante :

Voici la simple relation d'un fait à ranger parmi les cas de chute et de décoloration consécutives ou combinées, signalés chez les animaux comme chez l'homme par divers auteurs (Yong et Tompson). B... est un paysan des Cévenncs, âgé de 33 ans, vigoureux, sans tare dlathésique ni nerveuse autre qu'une légère tendance à -l'émûtivité, rendue peu gênante par la vie calme et douce du hameau retiré où il cultive lui-môme son lopin de terre. Pas de maladie antérieure autre que les habituelles pyrexies de l'enfance; rien a noter dans son ascendance pas plus que chez ses enfants. Le sujet est de taille moyenne, bien musclé, sans obésité ni maigreur, la peau est brune, surtout halée par le soleil ; les cheveux avant l'accident, étaient abondants et d'un châtain très foncé sans apparition de file blancs môme clairsemés. Un soir, il rentrait chez lui, son travail achevé, précédé à quelques pas de son mulot sur lequel était monté son fils ago de huit ans. Le sentier suivi était un raidillon très abrupt et rocailleux, la monture glissa tout à coup sur une dalle de schiste, l'enfant désarçonné fut précipité et piétiné plusieurs fois par l'animal qui faisait des efforts pour ne pas s'abattre et reprendre sa stabilité. Le petit garçon n'eut d'autre mal que de profondes contusions, mais B..., qui avait vu se dérouler toute la scène, avait cru son enfant tué, et tout en courant lui porter secours il éprouva une sensation terrible d'effroi et d'angoisse, suivie de tremblement, de palpitations et de sentiment de froid et do tension dans la face et sur la téte. Dès le lendemain, les cheveux, la barbe et les sourcils tombaient enmasse, si bien qu'au bout de huit j1 ¦...·¦ B... était absolument glabre; en môme temps, la teinte des téguments de la této et de la face devint plus pâle. Mais sans aucun retard, les cheveux, barbe et sourcils commencèrent à repousser, formant d'abord un léger duvet incolore, et bientôt tout lo système piloux des régions dépouillées était reconstitué, mais plus fin, plus soyeux, un peu plus clairsemé et complètement blanc, ou pour mieux préciser présentant la teinte exacte des poils d'alDino3. A aucun moment, les sensibilités cutanées de ia tête et de la face n'avaient été altérées. Les poils des autres régions du corps n'avaient subi aucune espèce do modification.

L'Administrateur-Gér&nt : Emile BOURIOT ej/page>

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14» année. — N° 4-

Octobre 1899.

L'anniversaire du Dr Liébeault 0).

Le vieux maître est retiré à Nancy, presque hors delà ville, dans le plus désert de ses faubourgs : il habite la petite maison du sage, construite scion la parabole, avec les pierres que les méchants et les envieux ont jetées dans son jardin. La maison est silencieuse et déserte comme un cloître, toute blanche dans la verdure souriante de l'été.

Que de fois, le dimanche, en compagnie de mon éloquent et généreux ami Auguste Leclaîre, un fidèle du maître, ai-je été sonner à la petite maison de Bellevue, pour chercher un peu de recueillement auprès du bon docteur, sage comme Nestor et comme lui encore, l'esprit fleuri de souvenirs, et la parole abondante et douce.

C'est une faconde saint laïque. C'està Littré, je crois, quel'on donna pour la première fois ce beau nom, évocateur d'une bonté libre et seulement humaine, sans ombres mystiques. Il a plu â quelques-uns de l'appliquer au docteur Liébeault, qui pendant cinquante ans prodigua sa science à des milliers de pauvres, sa science merveilleuse, consolant les tristes, faisant marcher les paralytiques, toujours bon, toujours fort, malgré les attaques, les calomnies, les injures, le cœur et l'esprit inépuisables d'actes et d'idées. Vincent de Paul en mémo temps que savant.

Cette vie fut au service de la science, sans défaillance ; chercheur obstiné de la vérité, ce rude laboureur lorrain a fait germer d'un sol sec et rocailleux la plus splendide moisson. Le soc de sa charrue fut plus fort que toutes les pierres des sillons qu'il ouvrait à, la lumière, et de ce long combat, il n'a récolté que l'apaisement, la tranquillité. Jamais une parole amère — rien que de la douceur et de la bonté : c'est le soir d'un beau jour.

U) Nous pcosoaj quo nos le-zteure et nos collaborateurs seront heureux de lire '"homoiage rendu i. noue jaaiire ventre, il. le D' Liébeault par un de ses élevés, M. Maxime Leroy./page>

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Le docteur Liébeault est né à Favières, en 1820, petitvillage inconnu de Meurthe-et-Moselle, simple et gris sous l'horizon bas de Lorraine. Tandis qu'il venait au monde, les appareils à broyer le chanvre manœuvraient dans la grange voisine : les vagissements du petit enfant furent couverts par la voix chevrotante du fer qui mâchait la plante anesthésique. Le bon docteur, — c'est lui qui m'a conté cette menue anecdote — y voit comme un naïfprésage de conte de fées, annonçant le futur hypnotiseur, maître lui aussi de Panesthésie, dominatrice des pleurs et des souffrances.

11 grandit en liberté dans les champs, et, comme Proudhon, it garda les vaches et lés dindons, petit pastour rêveur et robuste. ? se fortifia d'air libre et fraternisa avec les bêtes qu'il aimait « comme des êtres humains ». Il restera fort, toute sa vie, de ces rustiques contacts : le cœur simple et l'esprit libre.

Son indépendance se témoigna de bonne heure. Dans sa soli, tude campagnarde, un panthéisme humanitaire avait germé peu à peu, reflet des forces infinies qu'il observait partout, autour de lui, dans la plante, dans la pierre, dans l'animal. Et lorsque la famille voulut faire de lui un prêtre il se rebiffa et préféra, ses études terminées, retourner à ses chères bêtes de Favières.

11 n'y retourna pas et devint étudiant en médecine, à Strasbourg. Et alors deux hasards préparèrent sa destinée, le menant vers ses découvertes futures.

Un jour, à la clinique, le maître du jeune Liébeault provoqua chez un malade un saignement de nez par le magnétisme et en dit quelques mots. Le soir même un camarade apportait au restaurant un rapport de Dubois à l'Académie de médecine sur les expériences magnétiques d'Azam, de Bordeaux : il lut fié-* vreusementce rapport. Quelques jours plus tard il n'y pensait plus. Mais la destinée veillait : l'obscure petite graine germera.

Docteur, il va s'installer à Pont-Saint-Vincent, petite cité couchée sur les bords de la Moselle, près de Nancy, en pleine campagne. En été, la plaine est charmante, tachetée de bouquets d'arbres ; l'eau y a des transparences grises comme il n'en est qu'en Lorraine ; le paysage un peu neutre et pâle a le charme des choses jeunes et inachevées, il est propice au travail, parce que sa simplicité ne distrait pas, et aux longues promenades sur son plateau uni./page>

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C'est là qu'il traita son premier malade, par l'hypnotisme, accidentellement: le mémoire de Dubois jaillissait subitement de sa conscience. La cure réussit, puis une seconde, et tant d'autres après, que l'hypnotisme devint sa coutumière médication. En i860, il publiait son premier ouvrage, chez Doin ; Du Sommeil et de ses états analogues.

C'était la théorie de la suggestion hypnotique, entrevue par Braid en Angleterre, par Durand de Gros en France, exposée pour la première fois complètement dans son complexe ensemble, par Liébeault, et depuis par tous les neurologistes.

Avant Liébeault, on connaissait l'hypnotisme sous le nom de magnétisme animal. On croyait qu'il était un fluide qui, émané de la chair de l'expérimentateur, passait dans celle de l'expérimente, par la volonté de celui-là. Il n'avait pas de valeur thérapeutique : c'était un chapitre de la physique amusante.

Le magnétisme, mis à la mode par Mesmer et par Puysé-gur, eut une grande vogue à la fin du dix-huitième siècle. C'était du merveilleux, du miraculeux, peut-être une force de l'au-delà, de la magie : cela charmait les esprits sceptiques du temps. Cagliostro, personnage de légende, hyposthase du démon, sans doute, lui apporta plus tard son entente merveilleuse de la mise en scène. Dumas, romancier parfois historien, a raconté avec verve, les exploits de cet aventurier presque génial.

Le magnétisme tomba, peu après ce grand tapage, dans un complet discrédit.

Alors Liébeault vint. Sa théorie est très simple. Pour lui, il n'y a pas de fluide, il y a simplement suggestion. Le médecin suggère de faire tel acte : il persuade au malade qu'il a sommeil, que ses paupières sont lourdes de fatigue, qu'elles se ferment — les voilà fermées, le sujet dort. Le merveilleux surnaturel disparaissait faisant place à la science.

Et pendant le sommeil (hypnose), le sujet est merveilleusement plastique sous la main du médecin; alors intervient la nouvelle thérapeutique, la psychothérapie. C'est le traitement par l'âme, par le système nerveux, si vous préférez, grand maître de nos muscles et de notre physiologie.

Cette médication immatérielle ne tue pas, évidemment, le bacille de la tuberculose ; elle n'arrête pas miraculeusement l'évolution d'une ataxie locomotrice, mais elle combat efficacement les symptômes, elle diminue la fréquence ou la violence/page>

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de ces maladies. Par exemple elle modérera la toux d'un tuberculeux et le fera dormir, elle calmera les douleurs fulgurantes d'un ataxique. En un mot, la thérapeutique neutralise en partie les troubles fonctionnels de l'organisme : celui-ci, libéré partiellement de ces troubles, pourra se reconstituer dans une tranquillité inaccoutumée. Le patient est anesthésié.

Tout cela est bien simple : je n'ai pas voulu entrer dans les détails, iis n'intéressent que les professionnels. J'ai voulu très brièvement esquisser.

C'est de Liébeault qu'il faut faire partir tout le mouvement médical contemporain, si remarquable par ses résultats, vers l'étude des maladies nerveuses ; et aussi tout le mouvement contemporain, encore faible, vers le traitement des affections mentales par des moyens en ? ? rationnels. Et tout cela est parti, étincelle magique d'un beau feu, d'un petit bourg lorrain, de la maison rustique d'un simple médecin de campagne. Par sa volonté il avait groupé toute une école célèbre : l'école de Nancy, rivale heureuse de la Salpêtrière.

Il y a quelques années, une fête internationale groupait autour du vieux maître, qui célébrait son cinquantième anniversaire de doctorat, des savants du monde entier, dont quelques-uns illustres, le professeur Bernheim, le professeur Liégeois— mon ancien maître de la Faculté de droit, à qui je suis heureux de pouvoir rendre un rapide hommage — Dumontpal-lier, Lîérillon, Beaunis, Dumont (le premier ami scientifique du docteur), Déjerine, Voisin, Delbœuf, Morselli, Preyer, (.) tous des maîtres, professeurs d'Universités et membres d'Académies.

C'était là gloire! les disciples offrirent au vieux savant un bronze symbolique : David terrassant Goliath. La suscription portait:

Au DocTEcn Liébeault Pour services rendu à la science cl à rhumanilè.

EL depuis celle glorieuse journée, le maître vit tout à fait relire, simple comme au début de sa carrière, étonné de tout oc bruit, et plus lier de son honnêteté que de son génie.

Voilà une destinée réconfortante: il plaira à quelques-uns de la méditer. L'effort d'un seul à vaincu toutes les

(1) ? ces :iciins, il conviendrait d'ajuuter ceux du MM. MUne Bramwull, Cruise, Lloyd Tiicltcy, V,\n Ëeden, Van Rentcrgheia, Myers, Forci. MoJi, Scbrcnk-NoUing, Kroït-Ebing, Dcllneuf, Van Velsen. Hubert Ncilson, Hamiison-Osgood, Tokarsky, Wcttcrsirand, Vetander, Sanchez llerroro, Peelers, A. de Jong, Paul Magnin, etc.» qui ont collabora i>ar d'importantes souscriptions à l'hommage rendu au Docleur Liébeault./page>

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coalitions anti-scientifiques et toutes les injures ; l'effort du pauvre médecin de campagne, resté foute sa vie provincial, a rayonné sur toute l'Europe en transformant la vieille thérapeutique — rude bousculade des méthodes séculaires. Et tout cela s'est fait sans tapage, sans réclame, dans le silence d'une petite clinique de pauvres, par la seule magie d'une volonté forte et d'un cœur bienveillant !

Maxime Leroy. L'évolution médicale en France au XIXe siècle (')

Par M. le professeur Giiasset (de Montpellier).

N'éprouvez-vous pas un peu de mélancolie et une réelle émotion à voir s'achever un siècle dont l'œuvre a été si considérable en médecine comme dans toutes les branches de l'activité humaine et à voir finir un temps où il a été si a bon de vivre, quand on s'intéresse aux choses de la médecine »?

Ne trouvez-vous pas, en tout cas, que l'heure est propice pour jeter un large regard sur ce grand siècle, au moment où

Ce coucher d'un soleil csi d'un attire l'aurore,

et pour montrer combien la marche en avant de la vérité médicale a été rapide et continue dans notre pays?

J'ai été, pour ma part, séduit par cette pensée qui m'a paru opportune, et puisque je suis condamné à vous infliger aujourd'hui un discours, il m'a semblé que le meilleur moyen de me faire excuser et écouter était de marquer devant vous les grandes étapes de l'évolution médicale en France au XIXe siècle, en indiquant l'importance et l'intimité des rapports qui unissent ce mouvement médical au mouvement littéraire et philosophique, ou, pour mieux dire, à l'ensemble du mouvement intellectuel de notre pays à celte époque.

En esquissant ainsi rapidement l'histoire de la médecine française dans ces derniers cent ans, j'essaierai de vous démontrer qu'elle se résume en deux choses : d'une part, la merveilleuse accumulation de très nombreux faits nouveaux et de découvertes de premier ordre et, d'autre part, l'évolution, souvent inconsciente ou inavouée, mais positive et continue, du Vitalisme philosophique et synthétique de Barthez et de Bichat, au Vitalisme expérimental et analytique de Laennec, Claude Bernard et Pasteur.

(1) Extraits du discours prononcé i l'inauguration du Congrus do médecine EatcrCu à Lille, le '.'8 juillet 1893, par nntr.> roUaborateur M. le professeur Grasfst./page>

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Deux noms. Messieurs, doivent, en effet, être inscrits tout d'abord en lettres d'or comme sur le solennel Portique qui donne accès au XIXe siècle: ce sont ceux de Barthez et de Bichat, dont les statues sont si justement placées au seuil des Facultés de Montpellier et de Paris.

Le Chancelier de l'Université de Montpellier a d'abord introduit en médecine la méthode inductive, la méthode de Bacon, qui faisait déjà la force d'autres sciences et qui devait rester la méthode scientifique et vraiment féconde de toute la médecine du XIX' siècle.

En second lieu, il dégagea les phénomènes vitaux, montra que la vie a son autonomie et ses lois, que l'être vivant réagit par lui-même, à sa manière, dans son unité indépendante, vis-à-vis des éléments étrangers et des causes de maladie. En fondant ce large vitalisme que nous verrons reparaître, après des fluctuations, à la fin même de ce siècle, il fonda, à proprement parler, la Biologie qui est la science de la vie.

Cette dernière gloire, Bichat la partagea avec Barthez.

Car Bichat, comme Barthez, étudie l'être vivant à part, montre ses réactions vis-à-vis du monde extérieur, et quand il définit la vie « l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort » il proclame le vitalisme et crée, lui aussi, la Biologie.

Mais en même temps ;et ceci est sa gloire propre) il fonde 1'Anatomic générale.

Il ne se contente plus d'étudier les organes, les uns après les autres, comme des individualités distinctes ; il étudie les éléments communs à ces divers organes, il crée la « science des parties similaires » ; « le premier, il introduit dans la science la notion des tissus, c'est-à-dire d'éléments différents qui, par leur réunion, constituent des organes plus ou moins complexes et possédant des propriétés variables. »

Et, ces tissus, il ies étudie et les décrit aussi complètement qu'on peut le faire sans microscope.

Et il voit l'importance de ce groupement par systèmes'à l'état morbide comme à l'état normal : il crée ainsi du même coup Tanatornie générale et l'anatomie pathologique générale.

Ainsi s'ouvrait brillamment pour la médecine ce XIX0 siècle, que la Révolution française et une profonde évolution littéraire séparent du XVIII* siècle, et qui constitue vrai-/page>

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ment une époque nouvelle dans toutes les branches des connaissances humaines.

A ce moment. Madame de Staël écrit qu' « il faut avoir l'esprit européen », et, suivant l'expression de Théophile Gautier, Chateaubriand « rouvre la grande nature fermée » : c'est la naissance du romantisme, de cette grande École littéraire qui réagit contre l'imitation, base de l'École classique, et veut que !a France, « puisqu'elle existe », ait « une littérature à elle et non d'emprunt, une littérature nationale », originale dans la forme et les procédés comme elle Pétait depuis longtemps dans le fond.

La première grande explosion du progrès se fait vers les sciences avec Laplace et Monge, Berthollet et Fourcroy, Chaptal, Cuvier, Lamarck, Geoffroy Saint-Hilaire.

Mais bientôt l'épanouissement intellectuel se fait simultanément dans tous les sens.

L'année do la découverte de l'auscultation, en 1819, de Maistre et de Bonald ont plus de 60 ans. Mais Maine de Biran, Paul-Louis Courier, Béranger, Lamennais et Stendhal sont dans la force de l'âge. Et si Victor Hugo, Prosper Mérimée, George Sand et Sainte-Beuve ne sont que des adolescents, Guizot, Villemain, Lamartine, Cousin, Casimir Delavigne, Augustin Thierry, Mignet, Alfred de Vigny, Michelet et Balzac ont atteint ou dépassé vingt ans.

Quelle pléiade !

En médecine, les Écoles de santé ont été fondées à Paris, Montpellier et Strasbourg, et l'Université de France vient d'être créée. La première période de fondation de la Biologie et de l'Anatomie générales que nous avons incarnée dans Barthez et Bichat est terminée et une deuxième période s'épanouit, que nous pouvons appeler la première Ecole clinique française du XIX* siècle.

I'1 11

La première Clinique française avait été fondée à Montpellier par Baumes et par Fouquet, et y était représentée par Charles-Louis Dumas.

A Paris, le premier professeur de clinique médicale est Cor-visart. Ce grand médecin fait connaître en France et perfectionne la percussion qu'Auenbrugner avait découverte 2û ans avant, mais qui est restée peu connue et peu répandue, même en Autriche. En même temps, il fonde l'élude clinique des/page>

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maladies du cœur que, la veille encore, Portai déclarait impossible.

Après ces précurseurs qui marquent simplement la voie, apparaît la grande figure deLaCnnec, dont le nom domine et personnifie, en quelque sorte, toute cette première École clinique.

Une découverte comme ceile de l'auscultation suffît à établir une gloire et à immortaliser un nom. Mais pour établir la pérennité de cette gloire, il faut encore que l'auteur ait non seulement trouvé, mais qu'il ait porté sa découverte à la perfection, r. moissonnant à pleines mains dans ce nouveau champ d'observation et laissant à peine de quoi glaner à ses successeurs ».

C'est ce qu'a fait Laênnec et c'est pour cela qu'on peut le classer parmi nos gloires nationales...

III

La troisième des périodes que nous sommes obligé d'établir par une division, nécessairement un peu artificielle, du XIX· siècle, comprend le développement de l'anatomie pathologique, des sciences physicochimiques et naturelles, de la physiologie.

1. — Chronologiquement, le premier nom à inscrire dans l'histoire de YAnatomie pathologique est celui de Bayle, que Broussais appelait ironiquement « le patriarche des anatomo-pathologistes modernes », et dont les travaux sur la phtisie pulmonaire sont cités encore partout aujourd'hui.

Puis nous retrouvons Laennec, dont l'œuvre anatomopatho-logique n'est pas inférieure à l'œuvre clinique; les deux se complétant sans se nuire et se développant d'une manière absolument admirable dans une aussi courte existence

La chose éclate surtout à propos du tubercule, dont il a décrit si nettement l'évolution que Broussais l'accusait de « trancher du devin » « avec uno étonnante intrépidité » comme s'il avait ß été dans l'intérieur du corps de ces malades ». Qu'eût-il dit, si, comme nous, il avait vu l'effort entier du XIX· siècle confirmer définitivement cette unité de la tuberculose que Laônnec avait établie, au nom ds la clinique et de l'anatomie pathologique?

Enfin, Messieurs, cette même période comprend la naissance et le rapide développement de la Physiologie moderne Magendie et Flourens, à des degrés divers et avec des/page>

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qualités différentes, créent la physiologie expérimentale, en même temps la font connaître et aimer et fondent ainsi vraiment une École physiologique qui est presque immédiatement illustrée et personnifiée par Claude Bernard.

Comme l'a dit un juge des plus compétents, l'œuvre de Claude Bernard « embrasse presque tout le domaine de la physiologie. Elle est marquée, dans chaque branche, par quelque découverte importante. Les deux découvertes, tout à fait hors de pair, sont relatives à la fonction glycogénique du foie et aux nerfs vasomoteurs, constricteurs et dilatateurs. Là, il a tout créé et son œuvre reste définitive ». De plus, il a fondé la physiologie générale : « il a opposé à l'opinion,.... qui arrêtait à l'homme les lois de l'animalité, la notion plus large de la généralité essentielle des phénomènes de la vie, de l'homme à l'animal et de l'animal à la plante ».

Il est ainsi « l'inventeur et le législateur de la science physiologique». On a même pu dire qu'il fuU la physiologie môme».

Avec plus de raison encore, on doit dire qu'il fut un philosophe.

Non seulement il proclame utile et nécessaire l'union de la science et de la philosophie, mais, à côté et en dehors des faits dont il analyse si bien le déterminisme, il proclame la nécessité des idées générales. Il complète ainsi, par la critique expérimentale, l'induction Baconienne, trop étroitement envisagée par beaucoup.

C'est ainsi qu'il comprend et caractérise la vie par « une idée créatrice qui se développe et se manifeste par l'organisation » et par la loi d'évolution qui est le trait le plus remarquable des êtres vivants et par conséquent de la vie ».

Tout en connaissant et analysant les rapports intimes et réciproques qui unissent le monde vivant et le monde inorganique, il montre que« les sciences biologiques se soudent aux sciences naturelles et physiques », mais ne se confondent pas avec elles.

Il proclame « ce qu'il y a de spécial dans les manifestations de la vie » en môme temps qu'il étudie a ce qu'il y a de conforme à l'action des forces générales ».

C'est pour cela que nous le plaçons parmi les vitalisteset que nous le proclamons un des plus grands artisans de l'évolution du vitalisme au XIX' siècle.

Et son action ne s'est pas exercée seulement sur le milieu médical : il a mis son enseignement en communication avec le « monde * ; il a intéressé à la physiologie « tout ce qu'il y a/page>

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d'esprits cultivés — d'honnêtes gens, comme on disait jadis » ; il afait entrer l'objet de ses études dans la «littérature générale».

On peut même dire qu'à ce titre il a agi sur la pensée contemporaine « comme en leur temps Descartes, Pascal, Bulfon et Cuvier ». « Il fut vraiment un maître des intelligences ».

Pour avoir une idée de cette grande influence extra-médicale, il suffit de se rappeler que Claude Bernard se place, comme âge, entre Auguste Comte et Littré d'une part, Leconte de Lisle, Flaubert, Renan et Taine de l'autre.

Si le romantisme n'avait subi aucune influence des progrès scientifiques du XIXe siècle (il ne connaissait que la science de Buffon et plaisantait Darwin), l'action de la science fut, au contraire, considérable sur cette grande révolution qui, vers 1850, fit passer la littérature française, du romantisme individualiste auto observateur et subjectif, qui « ne sait que son âme » et ne veut décrire qu'elle, au naturalisme (ou réalisme) observateur, objectif, impersonnel et impassible qui s'affirme dans l'histoire la critique, le roman, même au théâtre et dans la poésie, et qui est en quelque sorte le résultat de la pénétration de l'esprit scientifique dans les diverses branches de la pensée et de l'activité humaines.

Les faits, trop dédaignés par les romantiques, prennent à ce moment « leur revanche. Le réalisme triomphant du romantisme, c'est le triomphe de la science sur l'imagination et le sentiment ».

Claude Bernard occupe une place considérable dans cette école scientifique qui a fait « passer ses idées dans le courant de la circulation intellectuelle générale », et dont l'expansion et l'influence sociales ont ainsi été si grandes.

C'est pour cela que, comme Laënnec, Claude Bernard mérite d'être placé parmi nos gloires nationales.

IV

La troisième période, que nous venons d'étudier, et qui a vu naître et se développer l'anatomie pathologique, l'histologie, la physiologie, la physique et la chimie biologiques et Phistoire naturelle médicale, s'étend environ de 1825 à 1875.

En même temps, les cliniciens s'efforçaient d'appliquer toutes ces découvertes à la médecine proprement dite, qui progressait d'autant. C'est là l'œuvre que nous appellerons la. deuxième Ecole clinique du XIXmu siècle, quatrième période de notre historique.

Cette ceuvre des cliniciens étaut parallèle à celle des savants/page>

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de laboratoire, cette quatrième période est contemporaine de la troisième : comme cette dernière, elle occupe le deuxième et le troisième quart du siècle.

Dès le début, l'anatomie pathologique parut être un danger pour la clinique : l'abus qu'on en fit, et qui en dénatura la valeur, mit en péril la vraie médecine.

Cette regrettable période est symbolisée dans Broussais qui ne voulut plus voir chez le malade que la lésion; le cri de l'organe souffrant; puis cet organe souffrant fut toujours le tube digestif; sa seule lésion fut l'inflammation et toute la thérapeutique se réduisit aux émissions sanguines, dont on abusa d'une manière lamentable.

Cette médecine que Broussais appelait à tort « physiologique » était simplement un anatomisme outré, supprimant la maladie qui devenait un être imaginaire, admis exclusivement par les médecins « semiacéphales »qui faisaient encore de l'ontologie.

Les cliniciens durenttout d'abord combattre ces exagérations néfastes: on y perdit un temps précieux.

L'École de Montpellier se consacra et se dépensa tout particulièrement à cette œuvre ingrate, mais nécessaire, de combat.

Mais c'est certainement en neuropathologie que la Médecine française est la plus brillante.

Dés le commencement du siècle, Cabanis à Paris, et à Montpellier Frédéric Berard fondent, en quelque sorte, la psychophysiologie moderne, en étudiant, du reste à des points de vue différents, les rapports du physique et du moral.

Au même moment, Pinel, non seulement crée le traitement humain de l'aliénation mentale, mais encore fonde, avec Esqui-rol et Baillarger, la grande École des aliénistes français du XIXme siècle.

D'autre part, Rostan et Lallemand commencent l'anatomie pathologique des centres nerveux et étudient notamment le ramollissement cérébral, pendant quOllivier d'Angers résume les données acquises sur les maladies de la moelle.

Enfin Duchenne de Boulogne, Broca, Axenfeld, Vulpian et, au-dessus de tous, Charcot fontde la neuropathologie ce qu'elle est encore aujourd'hui.

Ils ont merveilleusement appliqué l'analyse clinique et la méthode anatomoclinique, ils ont dégagé et caractérisé les grands syndromes qui constituent la pathologie nerveuse, ils/page>

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ont appris à localiser les lésions dans le cerveau et dans la moelle, à y guider la main du chirurgien, à analyser les névroses, à utiliser l'hypnotisme.....

Charcot est incontestablement le chef ot la plus brillante incarnation de cette École. C'est lui qui a fait connaître et aimer le système nerveux, en France et à l'étranger, â tous ceux qui ont, après lui, trouvé encore à glaner dans ce magni-lique champ d'observation.

Et aujourd'hui, devant la Salpètrière, pendant que Paris sommeille, si les ombres de Pinel et de Charcot viennent animer leur bronze et « causer, la nuit », des choses de la nouropathologic française au XlXmo siècle, elles peuvent mesurer avec orgueil le chemin parcouru dans la période que ces deux grands noms encadrent magmliquemcnt.

Je n'hésite donc pas â dire que, dans cette deuxième École clinique qui constitue notre quatrième période, Andral est le chef de la première période (application de l'anatomic pathologique à la clinique), Trousseau le chef delà deuxième (séméio-logie et pathologie pratique), et Charcot le chef de la troisième (création et développement dés pathologies spéciales).

Tous les hommes de cette grande École médicale contribuèrent puissamment à continuent â accroître l'influence du mouvement médical sur les autres 'branches du mouvement intellectuel.

Ouand Claude Bernard avait proclamé ,utile et nécessaire Tunion de la science et de la philosophie, cela avait pu paraître une nouveauté...renouvelée des Grecs,puisqu'Ilippocrate avait déjà dit : « Concluons qu'il faut transporter la philosophie dans la médecine et la médecine dans la philosophie ».

Les beaux travaux de l'époque médicale que nous étudions ont amené la réalisation littérale de ce vœu, et vous savez les grands services que la philosophie et la médecine se rendent aujourd'hui mutuellement en allant sinstruirc et enseigner l'une chez l'autre.

On trouve une autre preuve, au moins aussi curieuse, de cette expansion au dehors do l'idée médicale, dans les transformations contemporaines du roman, quand on le voit appliquer la devise de Stendhal « voir clair dans ce qui est », devenir « expérimental» et « documentaire », décrire les « étals d'âme», faire des a planches d'anatomie morale » et faire « l'histoire naturelle » d'une génération, en même temps que la critique devient une « herborisation des esprits »./page>

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INTRODUCTION A L'ÉTUDE DE L'HYPNOTISME

Par \I. le Dr Edgar Bkiwllox (Fin)

' La production de l'inhibition hypnotique constitue une opération psychologique des plus complexes, dont la réalisation nous est démontrée par l'apparition de manifestations objectives très apparentes.

Mais, jusqu'ici, on n'a eu aucune donnée sur le mécanisme intime du fonctionnement de la cellule nerveuse. Aussi devons-nous accorder quelque attention aux théories psychologiques inspirées par les recherches de Golgi et de Ramon y Cajal sur la structure des neurones, car elles donnent déjà un commencement de satisfaction au besoin naturel d'interpréter les faits d'hynotisme.

Ces hypothèses ne sont pas en contradiction avec les données expérimentales acquises par les physiologistes sur l'inhibition et de la dynamogénie. Elles semblent plutôt en être la confirmation.

; C'est à M. Lépine que l'on doit la première de ces hypothèses. Frappé de la singularité et de l'extrême variabilité des phénomènes observés chez un hystérique, chez qui il y avait des alternatives d'ouïe parfaite et de surdité absolue, suivant qu'il prêtait attention ou non aux bruits, M. Lépine se demanda si ces anesthésies sensorielles, si variables sous l'influence de l'attention, ne constituaient pas chez ce malade un état analogue à celui d'une personne qui médite, c'est-à-dire à l'état d'une personne qui, attentive à un seul point, est insensible à toute autre impression. II fut ainsi amené à admettre que certaines cellules cérébrales ont à l'état normal la faculté de rompre leurs communications avec la périphérie et de fermer la porte aux sensations importunes.

Se basant alors sur la découverte de Cajal, qui démontre que les différentes cellules nerveuses ne sont en rapport que par simple contact, M. Lépine émit l'hypothèse que, lorsque son malade perdait- l'ouïe, cela résultait du défaut de l'adhé-Tence de contact enlrc les prolongements de ses cellules nerveuses, le défaut de contact pouvant être attribué à un ra/ati--aiemenl de l'extrémité des prolongements./page>

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Le rétablissement de l'adhérence de contact avait pour effet de rétablir la fonction.

Voici, en résumé, l'hypothèse de M. Lépine : puisque par leurs prolongements, les neurones ne sont pas en continuité, mais en contiguïté, le passage de Ponde nerveuse d'un neurone à l'autre ne pourrait avoir lieu que par le contact des prolongements de ces éléments nerveux. Dans cet état, les neurones seraient en activité fonctionnelle active et l'onde passerait. Par contre, lorsque les extrémités de ces prolongements, par analogie avec ce qu'on observe chez les amibes, se rétracteraient sous l'influence d'une contractilité spéciale, les neurones cesseraient d'être en activité; l'onde nerveuse ne passerait plus. Ils se reposeraient.

Si l'on admet l'hypothèse de M. Lépine sur les alternations de contact et de défaut d'adhérence des extrémités protoplas-miques des neurones, l'explication d'un grand nombre de phénomènes nerveux en découle naturellement. Ainsi, l'apparition du sommeil naturel, provoqué, de l'hypnotisme, serait constituée par le retrait des prolongements de certains neurones de l'écorce centrale. L'isolement, l'inactivité, l'inhibition de ces neurones serait synonyme de sommeil. Ce retrait des prolongements, lorsqu'il surviendrait brusquement, expliquerait la soudaineté extraordinaire du passage de l'état de veille au sommeil qu'on observe chez certains sujets. Les différents états de l'hypnotisme résulteraient de la suppression du contact des neurones dans des régions différentes du cerveau.

M. Mathieu Duval a échafaudé une théorie analogue basée sur l'amœbisme des neurones, et qu'il a désignée sous le nom de Théorie histologique du sommeil. Pour Mathieu Duval, chez l'homme qui dort, les ramifications cérébrales du neurone sen-sitif central sont rétractées, comme le sont les pseudopodes d'un leucolyte anesthésié, sous le microscope, par l'absence d'oxygène et l'excès d'acide carbonique. Les excitations faibles portées sur les nerfs sensibles provoquent, chez l'homme endormi, des réactions réflexes, mais ne passent pas dans les cellules de l'écorce cérébrale; des excitations plus fortes amènent l'allongement des ramifications cérébrales du neurone sensitif, par suite le passage jusque dans les cellules de l'écorce, et par suile le réveil, dont les phases successives traduisent bien ces rétablissements d'une série de passages, précédemment interrompus par rétraction et éloignement des ramifications pseu-dopodiques./page>

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Peu de temps après, Ramon y Oajal a apporté une nouvelle théorie mécanique desphénomènespsychiques,basée, cette fois-ci, non sur l'amcebisme des neurones, mais sur la mobilité des cellules névrogliques, interposant leurs prolongements entre les terminaisons des neurones. A l'état de repos cérébral, cette interposition des cellules névrogliques suffirait pour interrompre le courant nerveux. Ce courant se rétablirait dès que, sous une influence quelconque, surviendrait une rétraction des cellules do la névroglie. Avec cette théorie, le repos mental, le sommeil, les états de l'hypnotisme s'expliqueraient par interposition dans les articulations nerveuses, des prolongements étalés des cellules névrogliques. Les différents degrés du sommeil provoqué seraient en rapport avec le plus ou moins grand nombre de cellules psychiques isolées.

Telles sont, très résumées, les théories par lesquelles on a cherché à interpréter les phénomènes de l'hypnotisme.

En résumé, les études sur l'hypnotisme ont marché de pair avec toutes les découvertes survenues dans le domaine de l'anatomie et de la physiologie cérébrale. Après avoir présenté pendant longtemps aux investigateurs les attraits que donne la culture d'une science pure, l'hypnotisme offre aux savants de notre génération l'intérêt d'une science appliquée.

De l'étude de l'hypnotisme, abordée dans un but purement expérimental, sont dérivées des applications pratiques qui peuvent être réparties dans les cinq catégories suivantes :

i° Applications de l'hypnotisme à la psychologie expérimentale;

2e Applications de l'hypnotisme à la clinique et à la thérapeutique (hypno-diagnostic et psychothérapie);

3e Applications de l'hypnotisme à la médecine légale;

4' Applications de l'hypnotisme à la pédagogie;

5° Applications de l'hypnotisme à la sociologie.

L'objet de notre enseignement aura pour but de vous initier aux recherches les plus récentes réalisées dans le domaine des applications pratiques de l'hypnotisme./page>

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REVUE CRITIQUE DE PSYCHOLOGIE ET DE NEUROLOGIE

I'»r M. le Docteur Pnul Faiiez.

La Conscience dans l'AkesthéSib CHraunoiCALE. pur M. -lean Philippe, (Bévue philosophique, mai 1899, p. 506-527).

Depuis un certain nombre d'années, en France et dans les principaux pays d'Europe, en Amérique même, on a fondé divers laboratoires dans le but de rénover les études psychologiques Ces laboratoires se sont outillés; ils possèdent des instruments fort ingénieux; ils ont enregistre des mesures et des tracés d'une précision remarquable ; ils ont poursuivi avec persévérance des recherches d'un très grand intérêt. Et cependant il ne semble pas qu'ils aient fait faire de grands progrès à la psychologie proprement dite. C'est que, tout d'abord, ils n'atteignent guère que les manifestations physiologiques des phénomènes psychologiques; et puis, surtout, ils négligent, presque de parti pris, cette infinie variété de faits qu'offre la clinique médicale. (1)

Après quelques autres en France, M. Philippe s'en est bien rendu compte ; ayant acquis une compétence et une autorité toutes spéciales dans le maniement des appareils de psychophysique, il a, lui aussi, compris la nécessité des études médicales : c'est qu'elles permet-; tent à un très haut degré l'expérimentation véritablement psychologique.

Comment s'évanouit la conscience, se demande-t-il ? L'étude de l'anesthésie chirurgicale peut aider à y répondre. Elle offre en effet sur le vif les dégradations successives de la conscience jusqu'à la mort intellectuelle ; de môme que l'hypnotisme, elle dissocie les fonctions diverses réunies par des coordinations antérieures.

Pour exposer en une étude magistrale ce que devient la conscience dans l'anesthésie chirurgicale, M. Philippe fait, comme il convient, la critique des divers travaux déjà parus sur le sujet ; il utilise cn outre les -fragments fournis par divers observateurs comme Gerdy, Dufour, Lacas-sagne, Hermann ; surtout, il met en œuvre les observations fort curieuses qu'il à recueillies lui-même dans les hôpitaux, et en particulier dans le service de M. Reclus.

L'action des anesthésiques s'étend à tous les phénomènes vitaux. | Parmi les effets physiologiques, les principaux sont les suivants: le rythme respiratoire s'accélère et se précipite irrégulièrement; le pouls devient plus faible et moins fréquent ; la tension artérielle et la température s'abaissent; le sang devient noir; les globules rouges diminuent au profit des globules blancs. Tous ces faits sont connus ; passons aux phénomènes psychologiques qui les accompagnent, et que l'on peut.

(t) Faisons exception pour V institut psycho-physiologique de Paris. 1? en effet' les recherches se font sur des personnes qui présentent des troubles nerveux très variés, et chez lesquelles on peut modifier !es conditions experiment aies, grâce û '.? suggestion hypnotique./page>

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chronologiquement ranger en quatre groupes: 1° lourdeur et engourdissement; 2e dissociation et abolition des différentes formes de la sensibilité ; 3° perte de conscience ; 4° résolution musculaire ou anesthésie de la motilité. Insistons sur quelques points importants.

La sensibilité cutanée est la première atteinte ; on perd d'abord la finesse du toucher, puis lu. sensibilité à la douleur et à la température, puis ce tact grossier et rudimentaire qu'est la sensibilité au contact. Cette anesthésie va des extrémités au tronc ; ensuite elle atteint le haut du thorax puis l'abdomen; enfin c'est lo tour de la région cépha-liquo, du cou, du front, de la tempe gauche, puis de la droite. Fait curieux et peu connu,.la sensibilité ne cède pas à la fois des deux côtés, mais l'hémianesthésie s'établit d'abord à gauche pour s'étendre peu à peu à droite. Les derniers organes atteints sont la cornée et la partie delà muqueuse buccale qui avoisine les canines: une fois ces points touchés, l'ancsthésie est totale. La perle des sensibilités se fait dans le même ordre que, plus tard, la résolution musculairo : le massé-ter est le dernier muscle qui cède ; le réflexe pupillalre subsiste le dernier.

A un degré plus avancé d'anesthésie, c'est la sensibilité générale qui disparaît; alors se trouve réalisée l'insensibilité nécessaire au chirurgien. Il reste cependant encore parfois des traces et des résidus de sensibilité tactile, de sensibilité profonde et un certain sens musculaire. Quant aux sensibilités spéciales, leur organisation a été plus longue et moins spontanée; elles ne céderont que plus tard, lors de la résolution musculaire.

Ainsi l'audition persiste longtemps. On entend des trémulations et des vibrations semblables à celles que donne le toucher d'un corps vibrant ou d'une grosse cloche qui résonne. Ces phénomènes acoustiques semblent, chez la plupart des personnes, faire le fond de l'ancsthésie; ils prennent une importance de plus en plus grande au fur et à mesure qu'elle progresse, ß Ce sont d'abord, comme si le tympan entrait en vibrations, des bruissements ; puis des sons de cloches, augmentant sans cesse, jusqu'à une sonnerie à toute volée ; enfin le grondement énorme d'une locomotive lancée à toute vapeur, ou la chute profonde d'une cascade puissante. Et tantôt ces bruits s'aggravent jusqu'à tout anéantir; tantôt ils s'atténuent en rythme dans lequel on s'endort. a

Pendant toute !a seconde période, celle de Tanesthésie, ces bruits dominent la scène : ils n'empêchent d'ailleurs pas l'audition de persister longtemps encore après la généralisation de l'anesthésic cutanée. La vue aussi conserve quelque action ; généralement les objets environnants commencent à s'agiter, et l'on sent comme une gaze légère s'étendre entre le monde extérieur et le sens intime. Les autres sens cèdent également peu à peu î le goût, la sensibilité au chatouillement, l'odorat disparaissent ou vont disparaître. Tel qui demande alors du chloroforme, si s? lui présente de la créosote, n'aperçoit pas/page>

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la substitution ; tel autre ne reconnaît plus le vin qu'on lui offre a boire, etc. Tout se résume donc en affaiblissements graduels de nos sens, prêts à l'anéantissement, et dominés tous par la puissance des bourdonnements acoustiques. »

Tout le travail nneslhésique a donc consisté jusqu'alors à « isoler le patient d'avec le monde extérieur * ;.. * la dissociation va maintenant pénétrer dans le domaine psychique proprement dit, opérant chez l'anesthésié une sorte de séparation d'avec lui-même. »

... « Des troubles se manifesient d'abord du côté dulangage intérieur: les mots échappent, s'en vont ; les idées fuient et, si la pensée peut encore s'exercer, elle éprouve de grandes difficultés.... On sent vaguement, sans d'ailleurs pouvoir s'y soustraire, que la conscience s'en va comme s'en est allé le sens musculaire, etc. : mais les prodromes de cette régression semblent différer avec les personnes. Tantôt c'est une diminution croissante de l'attention et l'impossibilité de la fixer, jusqu'au moment où elle échappe ; tantôt c'est le sentiment d'une impuissance physiologique absolue, comme si tous nos organes étaient enlevés, et toute action physique ou morale ainsi devenue impossible : et peut-être ce sentiment est-il ce qui rend l'ancsihésïe si angoissante pour certaines personnes. D'autres fois, enfin, on s'en va tout simplement, comme une chandelle qu'on souffle ou bien submergé et englouti par ce flot de sensations uniques, où tout s'absorbe. La transition fut marquée par une sorte d'explosion des pulsations du cœur et des artères, en même temps qu'un bruit insolite fatiguait mon oreille comme celui d'un timbre écliitant qui aurait vibré, dîtDufour. »...« Alors ceux qui se sentaient descendre touchent le fond et brusquement tout est fini, le bruit a cessé, et plus rien, rien.... le néant, une mort dont on aurait conscience, la personnalité n'ayant pas subi l'effritement d'une longue maladie. »

o Ainsi cette sorte de rupture se fait de deux façons bien différentes : soit par généralisation d'une sensation unique, si intense que toute autre se tait (ou parce que toute autre se tait) et qu'elle absorbe toute attention jusqu'à l'annihiler; — soit en enlevant la possession des divers organes, tant de ceux réservés aux fonctions, automatiques que de ceux qui accomplissent les fonctions intellectuelles. Dans l'un et l'autre cas, il semble bien que ce soit, en fin de compte, l'attention qui succombe... ».

Volontiers on se représente l'anesthésié chirurgicale comme « ub complet anéantissement, sans nulle sensation ni impression *. Mais s'il y a abolition totale de la conscience, le retour.de cette dernière serait une véritable résurrection, un réveil ex nihilo.

L'opéré réiigit à certaines impressions. Parfois, dans les anesthésies générales, les associations fonctionnent con-me durant la veille, l'imagination conïinue son travail, la conscience reparaît brusquement sans que la douleur ni les diverses sensibilités reviennent; tous ces cas peuvent alterner tantôt pour une faculté tantôt pour une autre. Sans/page>

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doute, toutes les fois qu'on note en cours d'anesthésic une manifestation très nette de conscience, l'oubli est complet et profond au réveil ou très peu de temps après; l'opéré entend, et ne se souvient plus de ce qu'il a entendu, il parle, et ne sait plus ce qu'il a dit, il voit, et perd le souvenir de la chose vue.

Onainvoqué cette amnésie pour soutenir que la conscience étaittota» lement abolie pendant l'anesthésie chirurgicale ; mais on n'a pas le droit de mesurer toute capacité mentale à celle de la mémoire, et c'est h tort que l'on conclut de l'abolition de la mémoire à celle de la conscience : c'est une erreur psychologique d'identifier la mémoire et la conscience.

En effet, on sait que, grace à l'hypnotisme, on peut, des profondeurs du subconscient faire surgir des souvenirs que la conscience présente ignorait totalement. De même, le sommeil hypnotique fait nettement renaître la mémoire des états de conscience survenus pendant une anesthésie chirurgicale antérieure. II serait donc faux de prétendre que la dégradation de la mémoire mesure celle de la conscience.

Tel est le résultat auquel, par manière de conclusion, aboutit cet important travail. Telles sont aussi la valeur et la fécondité des recherches psychologiques qui reposent sur des faits médicaux. Pour notre instruction et pour le développement de la science psychologique, souhaitons que M. Philippe fasse souvent paraître des études aussi intéressantes, aussi documentées et aussi probantes que celle dont on vient de lire la trop courte analyse.

FOLKLORE

Les superstitions médicales du Morvan.

Dans son travail inaugural, qui fourmille de documents originaux et suggestifs, le D' P. Bidault (') nous initie aux superstitions médicales du Morvan et à leurs causes. Entre mille recettes, plus bizarres les unes que les autres, nous citerons celle qui a cours aux environs d'Auxy, contre la fluxion de poitrine : « On prend un litre de vin blanc sucré que l'on fait chauffer et dans lequel on laisse tomber quelques gonttes de sang provenant d'une entaille faite à la queue d'un chat » ; naturellement les sorciers en garantissent l'efficacité; mais qu'en pensent les matous !

Dans ce infime pays, on recommande contre le même mal, des têtards fricassés, pris à l'intérieur. C'est, paraît-il, l'ultime remède de bonnes femmes, et on ne se décide à appeler le médecin qu'après avoir constaté son inefficacité.

(1) Bidault, Thèse de Paris 1899./page>

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Le crapaud, lui, est employé bouilli et appliqué tel quel en cataplasme sur la figure, dans les cas d'érysîpèle.

Moins répugnant et. plus original est le remède suivant, en honneur contre l'épilepsie : décrire un certain nombre de cercles en courant avec, sous le bras gauche, un canard d'une blancheur immaculée tué, mais encore chaud. Le canard est lit sans doute pour être mangé après coup, par le sorcier.

Les excréments tiennent une large place dans la pharmacopée populaire du Morvan. « Ainsi on emploie contre le panaris de la fiente d'oie blanche; on traite les brûlures par des applications de bouse de vache fraîche, et les ulcères en les lavant avec des urines. Ce remède se trouve également indiqué dans Pline. On traite ainsi dans le Morvan les ulcères des jambes et les abcès, sur lesquels on met des linges trempés dans l'urine. On soigne delà même façon les engorgements du sein chez les nourrices, mais, dans ce cas, les applications doivent être faites avec de l'urine d'homme. »

Et le D* Bidault conclut que, même quand les médecins, les prêtres, et tous ceux qui ont quelque influence sur l'esprit de la campagne auront uni leurs efforts pour déraciner tous ces préjugés, même quand l'autorité s'astreindra à l'application rigoureuse de la loi sur l'exercice illégal de la médecine, toute superstition dans le domaine médical ne disparaîtra pas, « l'amour du surnaturel existera toujours, la crédulité ne disparaîtra pas du cœur de l'homme, et le Morvandiau serait-il instruit et plus civilisé, qu'Usera toujours homme. »

VARIÉTÉS

Le sommeil de l'enfant.

par M. le D' E. Pëiuek. Directeur île» ¦ Annulée de Médecine cl de Chirurgie Infantiles ».

Le efu6 des mères de famille de Michigan (Etats-Unis) désireux de. renseigner ses adhérents sur un certain nombre de sujets relatifs ù la santé des enfants, a adressé à un certain nombre de médecins, un questionnaire sur le sommeil de l'enfant. ï.e D' Périer a fait aux questions posées les réponses suivantes que nous sommes heureux do soumettre à l'appréciation de nos lecteurs :

Combien d'heures de sommeil faut-il par jour à un enfant par rapport à un adulte ?

En vérité, nous ne savons pas ce qu'est le sommeil dans son essence physiologique ; mais ce que nous voyons chez l'enfant nais-/page>

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sanlquin'a pas encore subi l'influence de I'habiLude, c'est qu'il dort à peu près sans cesse, ne se réveillant que pour léler et se rendormir. EL il continc ainsi pendant le cours des premiers mois de sa vie; jusqu'à deux ou trois ans H dort encore quelques heures le jour, et lorsqu'il arrive à se passer de ce sommeil diurue, il dort généralement d'un Irait, une longue nuit. Aussi d'une façon générale, il esladmis que le sommeil esl le « meilleur cordial « de l'homme, ainsi que l'appelait le philosophe anglais Locke, cl qu'il est plus indispensable encore ? l'enfant qu'à l'homme fait. Cbez lui cn effet, les mutations nutritives se font avec une activité et une énergie plus considérables.

Toutefois, si on considère le sommeil comme un étal particulier de l'orgonisincqui lui a été imposé pour se reposer, il semble au premier abord que celle loi du repos succédant au travail accompli ne doive pas s'appliquer au nouveau-né dont le seul travail est de téter ; mais cn regardant de plus près, on se rend compte que ce petit olre qui semble continuer tout simplement la torpeur qui préside à sa formation cl n'arrive que lentement à uncccrLainc activité, travaille effectivement, sans en avoir conscience, à construire son édifice organique. Nous savons, en effet, que cet enfant qui vient de naître va doubler son poids en cinq ou six mois, et allonger sa taille, eu un an, de vingt centimètres, soît de près de moitié. Dès lors quoi d'étonnant à ce que le nouveau-né partage son temps en deux parlies 1res inégales dont la plus grande est pour le sommeil? S'il tèlc8à9 fois par 24 heures el pendant 8 à 10 minutes chaque fois, c'est au total une heure et demie, soit au plus deux heures pour les repas et 22 pour le sommeil.

On admet que jusque vers la troisième ou la quatrième semaine de la vie, l'enfant ne reste guère éveillé en dehors du temps indispensable aux tétées ; alors il peut demeurer sans dormir un quart d'heure, el plus tard (vers 2 à 3 mois) une demi-heure. Vers 4 mois il reste facilemcnl deux heures, cl môme plus, éveillé, s'il est en plein jour.

Vers la fin de la première année, l'enfant, outre 10 à 12 heures de sommeil de nuit, dort deux à trois heures le jour. Peu à peu, insensiblement il se sèvre du sommeil de jour; mais celui de la nuit n'en est que plus prolongé (il fail le tour du cadran) et plus profond, surtout s'il s'agit d'un enfant fort et vigoureux, se nourrissant bien et se développant normalement. Qu'on songe, en effet, au travail ou, si on veut, à la dépense que fournît i'cnfanl qui lout en grandissant de quatre ou cinq centimètres par an et augmcnlanl de 2 à 3 kilogr., doit, en même temps qu'il continue a édifier sa/page>

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maison et à en entretenir le fonctionnement pourvoir encore à la dépense organique de cetle machine à la fois simple et complexe qui n'est que mouvement.

Dans la seconde enfance, jusqu'à 6 ou 7 ans, mes enfants en l'étal de santé dormaient à partir de 8 à 9 heures du soirjusqu'à 7 heures du matin, soit 11 heures de suite environ, sans broncher. A 10 ans, de 9 à 10 heures environ. Pendant l'adolescence les septem horas de l'École de Salerne ne suffisent pas; il faut bien huit heures, et c'est à peu près le régime de nos lycées et collèges. (Juand les enfants se lèvent, de parle règlement; ù 6 heures, ils se couchent à 9, ce qui fait plus de huit heures de lit et en réalité de sommeil, grâce à !a discipline des dortoirs.

Un adulte dans les mêmes conditions de vie se contente de sept heures, et l'homme fait, de moins de six, heureux encore quand les soucis et la « lutle pour la vie » n'empiètent pas sur ce strict nécessaire.

*

Les enfants nerveux ont-Us besoin de plus de sommeil que les autres ?

Les enfants vifs, pétulants, dépensent beaucoup plus de leur activité que les enfants mous, et ont besoin de renouveler sans cesse leurs forces par un repos réparateur; au surplus, ils réparent moins vite, leur substance nerveuse se prêlanl moins bien a condenser la force ; par contre, les enfants mous, apathiques, ont aussi beaucoup besoin de sommeil, tant il est vrai que souvent les extrêmes se touchent. La nature de l'enfant auquel on ne donne pas le sommeil qui lui est nécessaire reprendra ses droits, (heureusement d'ailleurs!) et celui à qui ? faudrait une heure de plus de lit le matin dormira toute la journée quand on le réveillera de trop bonne heure.

il ne faut pourtant pas exagérer le sommeil, quelque nécessaire qu'il soit, car si le corps a besoin de repos, il lui faut aussi du mouvement, d'autant qu'un excès de sommeil favorise la production de la graisse.

*

• a

Pourquoi le sommeil pris avant minuit est-il plus profitable que celui pris après minuit ou dans le four?— Y a-t-il une raison pour se coucher de bonne heure ?

Le véritable sommeil est celui de la nuit ; et le proverbe allemand: « Une heure de sommeil avant minuit en vaut deux du malin », a du vrai. Sans doute, il est difficile de l'étayer sur des données satis/page>

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faisantes; mais le fait est qu'on ne dorl bien que pendant la nuit, même si on réalise le jour les mêmes conditions d'isolement, de tranquillité, d'obscurité. L'aUribulion de la nuit au sommeil n'est pas arbitraire, mois réglée dans le principe par la nécessité de réserver le jour à l'activité extérieure, elle s'est transformée en une de ces lois naturelles que nous subissons sans les expliquer.

Evitons à nos enfants la soirée pendant laquelle ils se fatiguent sans profit; a mesure qu'ils grandissent, les jeunes gens peuvent l'allonger sans inconvénient, tout en la limitant à une heure raisonnable qui ne fasse pas d'eux de jeunes « noctambules », comme les mondains. Il est moins aisé de dire s'il y a une raison pour se coucher tôt que de constater que c'est un peu après le souper — ou le dîner si on veut — quand la conversation commence à languir, quese manifestent chez les enfants d'abord, puis chez les parents, la lourdeur de la tête et des paupières, la fatigue, les bâillements et autres signes avant-coureurs du sommeil.

EnGn l'enfant qui est matinal comme le paysan doit se coucher tôt s'il doit avoir, avant que le soleil l'éveille, assez de temps pour prendre une dose de sommeil suflisanle.

S'il s'agit de déterminer l'heure du coucher, —disons pour l'enfant, aussitôt après son dîner, qui moins compliqué que le nôtre se digère au lit, —pour l'adolescent ayant accès à la table de famille, une ou deux heures après le dîner; l'adulte et l'homme mûr autant que possible avant minuit, afin d'avoir les 6 ou 7 heures qui sont la dose minima qui leur est nécessaire.

Est-il vrai que la destruction des tissus soit réparée seulement pendant le sommeil?

La destruction des tissus se répare sans cesse ; mais il n'est pas douteux que les conditions de cette réparation ne soient plus favorables quand l'organisme est au repos. Je n'en veux pour preuve que le fait bien connu de l'engraissement plus rapide des animaux élevés au repos, dans l'obscurité. On sait également que les animaux hibernants, grace à une sorte de -léthargie prolongée, vivent' sans aliment autre que la graisse qu'ils empruntent à leurs propres tissus De sorte que le dicton : « qui dort dine > se trouve empiriquement vérifié.

On comprend aussi commenl le nouveau-né qui ne fait que téter et dormir pendant les premiers mois de la vie gagne une moyenne de 20 grammes par jour, tandis qu'il n'en gagne plus guère quecinq dans la seconde année./page>

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Quel est le résultat d'un sommeil insuffisant ?

Comme consequence de ce qui précède, on peut dire que d'une manière générale un sommeil insuffisant accroît la dépense organique, émousse les fonctions de réparation : de là un amaigrissement et une sorte d'éréthisme nerveux qui, par un cercle vicieux; mène alors à l'insomnie. Le sommeil appelle le sommeil, l'insomnie appelle l'insomnie.

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'Pourquoi est-il mauvais de bercer les enfants, de les faire dormir dans une chambre éclairée, de les faire coucher avec des personnes âgées ?

La pratique du berçage est sans utilité pour l'enfant, et elle n'est pas sans inconvénients. En etict, ces mouvements oscillatoires et les incanlalions monolones qui les accompagnent ordinairement créent une habitude qui deviendra une tyrannie parfois. J'en appelle aux mères qui l'ont laissé prendre u leurs enfants. À cet uge, la meilleure habitude, c'est de n'en laisser prendre aucune. Ce n'est pas tout. Si on a éprouvé quelquefois le mal de mer ou le vertige qui suit le balancement de l'escarpolette, on comprendra qu'il y ait des inconvénients ù provoquer cet élat désagréable qui peut amener des vomissements, et qui n'est peut-être pas sans influence sur le cerveau.

S'il est mauvais de chercher dans le berçage un moyen de provoquer le sommeil chez le nouveau-né, il est une pratique encore plus dangereuse, qui consiste à lui donner des opiacés ou des substances alcooliques. Je pourrais citer entre autres l'exemple suggestif d'un enfant nouveau-nô qui avait perdu le sommeil sans être cependant malade. Une surveillance de la nourrice permit de découvrir que celle-ci, de son chef et en cachette, administrait la nuit un lavement de pavot au bébé qui, aussitôt, s'endormait pour se réveiller bientôt et ne plus se rendormir de la nuit. Ce cas isolé en France n'est pas aussi rare en Angleterre, où on vend des spécialités destinées h calmer l'enfant : lisez à l'empoisonner par l'opium.

Dans la seconde enfance, les inconvénients du berçage sont remplacés par uu autre qu'il convient de signaler : l'enfant dont l'intelligence s'ouvre, écoule volontiers une histoire, vraie ou fausse; le plus souvent c'est un conlc imaginaire qui lui est servi en guise de somnifère. Or, les histoires de voleurs ou de revenants, loiu de disposer au sommeil, excitent les sens et l'imagina*/page>

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lion, font naître et entretiennent le sentiment de la peur et produisent souvent de l'insomnie et, en tout cas, des rêves, des cauchemars, des terreurs.

Les mères de famille doivent être averties par le méJecin de ce danger, plus réel qu'on ne lo croit.

Ceci est certainement aussi antihygiénique que de faire dormir les enfants avec des personnes âgées, si celles-ci oui des habitudes de propreté et si elles ne sout pas bruyantes, ù la condition toutefois que la chambre de l'enfant ait un cube d'air suffisant et que l'oxygène qui lui est nécessaire pendant les dix a douze heures qu'il reste dans la pièce ne lui soit pas ravi. Toutefois, l'enfant ne dort bien que seul dans son lit, et tous les médecins s'élèvent contre l'habitude de les coucher avec leur nourrice ou une grand'mère.

• *

'Pourquoi est-il mauvais de faire dormir les enfants dans une chambre éclairée? La lumière électrique a-t-elle une influence nuisible sur le sommeil?

D'une manière générale, le chimisme respiratoire est accru par la lumière, alors même qu'il s'agit d'animaux hibernants, comme ceux sur lesquels ont expérimenté Fubini et Bencdiccnti. La lumière semble exercer sur la formation de l'hémoglobine une action analogue à celle qui règle la production de la chlorophylle chez les végétaux. La lumière, j'entends celle du soleil, est la condition d'activité de l'air considéré comme milieu chimique ; aussi la vie devient-elle languissante chez les enfants quand elle ne trouve pas la quantité de cet excitant lumineux qui lui esL indispensable.

L'étiolemcnt, l'anémie, la bouffissure caractérisent souvent 1rs enfants vivant dans des appartements sans soleil. Les fleurs prennent des couleurs d'autant plus vives qu'elles sont écloscs dans un endroit plus ensoleillé ; les feuilles de nos plantesd'appariemeatse tournent vers les points d'où vient la lumière, laquelle lumière a justement uuc ad ion microbicide. Elle devient ainsi notre alliée contre les maladies. Mais que sait-ou is. cet égard de la lumière électrique. Comme lumière artificielle, je la préfère à toutes, convenablement utilisée. Avec e:le pas de lampes qui filent, :ie bougies qui sentent, de pétrole qui met le feu à la maison, pas de combustion qui absorbe l'oxygène c!c l'enfant. C'est un progrès à ce point de vue; mais, d'une manière génère:;;, les cxcUrnls sont défavorables/page>

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au sommeil. Il suffit parfois d'approcher une lampe d'un enfant qui dort pour l'éveiller, et il y a des cas d'insomnie qui cessent par la suppression de la lumière. Aussi nous conseillons de faire l'obscurité dans lu 'chambre de l'enfant; maïs dès qu'on a besoin d'y avoir de la lumière, en dehors de celle du jour qui est la plus saine, d'employer l'éclairage électrique convenablement, atténué.

C'est aussi colle qui convient le mieux a la chambre de l'enfant déjà livré à ïa scolarité, et qui doit travailler à un éclairage artificiel dans celte pièce.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société d'hypnologie et de psychologie

Les séances de la Société d'hypnologic et do psychologie ont Heu le troisième lundi de chaque mois, â 4 heures et demie, au Palais dee Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpétrïêre.

La prochaine séance de la Société aura lieu le Mardi 17 Octobre 1899, à 4 heures et demie.

Les séances sont publiques. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les communications à M. le Dr Iïérillon, secrétaire général, 14, rue Taitbout, et les cotisations à M- Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.

Congrès de l'Association Française à Boulogne-sur-Mer

Le Congrès de l'Association française pour l'Avancement des Sciences s'est réuni le 1-i septembre à Boulogne-sur-Mer sous la présidence de M. le P' Iirouardel.

Le grand attrait de ce Congrès était ln réception réciproque que s'offraient les deux associations Britannique et Française.

Trois cents congressistes français se sont rendus à l'invitation de l'association britannique. Après une traversée assez mouvementée sur lo vapeur Empress affrété dans ce bu!, ils ont été reçus ù Douvres par les déléguée de la British Association, les soldats de la garnison faisant la haie sur leur passage. Après une collation dès l'arrivée, leg tramways électriques les transportèrent au Communal Hall de Douvres où le mayor de la ville, sir W. H. Crundall, en costume traditionnel, escorté de massiers portant la perruque, leur a souhaite la bienvenue. Sir Michel Forster, président de la British Association, lord Lister ont/page>

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prononcé des discours auxquels le Pr Brouardel a répondu. Los congressistes se sont alors divisés en sections qui se sont confondues avec les sections similaires de l'Association britannique. Un banquet fut ensuite servi dans le parc de l'Ecole supérieure et un millier de convives y prirent par1., la plus grande cordialité a régné entre Français et Anglais, les toasts et les bans ont été sans nombre et les congressistes français se sont embarqués sur YEmprsss emportant le meilleur souvenir de leurs confrères de la British Association.

Quelques jours après les membres de l'Association britannique ont été reçus à Boulogne. Inutile de dire que la ville de Boulogne et le comité de l'Association française, n'ont rien négligé pour que nos hôtes anglais fussent satisfaits de leur visite.

Pour donner une idée de la courtoisie des relations scientifiques, il suffira de dire que cette année, le soin de faire la grande conférence de l'Association britannique avait été confié à un Français. Notre émi* nent collaborateur, M. le professeur Charles Richet avait choisi pour sujet de la Conférence: La vibration nerveuse. La façon magistrale dont il a traité le sujet lui a valu un très vif succès. De pareilles manifestations font le plus grand honneur à ceux qui en prennent l'initiative; les savants étrangers peuvent être assurés que les Congrès de 1900 seront pour nous une occasion de leur prouver les sentiments de cor-'djalité dont nous sommes animés à leur égard.

Menstruation par l'oreille.

M. Lermoyez a communiqué à la Société médicale des hôpitaux l'observation curieuse d'une jeune fille qui est réglée par l'oreille droite. La menstruation s'établit chez elle pour la première fois, il y a trois ans, et débuta d'emblée par le conduit auditif droit. Tous les mois, assez régulièrement, après une période de prodromes caractérisée par des maux de tête et une lassitude générale, un écoulement de sang clair, non coagulable, se fait par le conduit auditif droit, sans qu'aucune lésion locale préexistante ou consécutive y puisse être déceîée. Au bout de trois ans environ de ce régime, la menstruation génitale commença à apparaître. Kile a lieu depuis cette année : et, peu à peu, elle tend à remplacer les règles auriculaires qui ne se produisent plut que toutes les deux ou icsls périodes menstruelles: celles-ci, après avoir été supplémentaires, ne sont plus que complémentaires. Trois points sont à remarquer dans cette observation. La «afure de l'hémorragie auriculaire n'est pas douteuse. Ce sont bien des règles précédées d'un véritable molimeni régional qui en accentue le caractère; et la non coagula-bilité du sang auriculaire est un fait digne d'attention. Le siège de l'hémorragie est le conduit auditif droit qui saigne par ses parois. Le tympan est intact. Les vaisseaux cutanés du conduit sont très dilatés, ce qui laisse à penser que l'hémorragie se fait par rupture de ceux-ci, favorisée par une excessive dilatation. La cause de l'hémorragie en/page>

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dehors de toute affection de l'oreille est difficile à déterminer. Dans les cas de ce genre, on trouve presque toujours l'hystérie : ici, aucun des stigmates généraux n'en a pu, il est vrai, être trouvé. Cependant, il est probable que cette menstruation auriculaire doit être la manifestation ncurc-symplômotique d'une hystérie encore latente ; car on trouve du côté de l'oreille qui saigne, une légère hypocsthé&ie du tympan et du conduit, en même tempsjqu'un certain degré d'anesthésie auditive : et l'on sait que la coïncidence de ces deux symptômes est un des meilleurs signes de l'hystérie auriculaire que nous possédions.

Les ventriloques

MM. Klateau et Gutziaann, de Leipzig, se sont amusés ù faire la psychologie de la ventriloquie On avait prétendu jusqu'à ce jour que cette singulière propriété venait de ce que les ventriloques parlaient non en expirant l'air comme nous le faisons ordinairement, mais cn l'inspirant. Et les auteurs en question, ont constaté que cette opinion était absolument fausse: la respiration des ventriloques est la mémo que celle de vous et moi, quand nous parlons. En examinant le fond de la gorge, on remarque seulement que la position des cordes vocales est voisine de celle qui a lieu pendant la toux. De plus, la pression do l'air pendant la voix du ventriloque est sensiblement supérieure à celle de la voix ordinaire; ccllc-cl, quant à sa hauteur, est Inférieure d'un octave à la voix des ventriloques : le registre pour les ventriloques très exercés embrasse jusqu'à une octave.

D'aprè3 l'analyse que M. Victor Henri a donné du travail en question, le ventriloque en parlant ne doit pas présenter de mouvements apparents d'articulation, qui feraient disparaître l'illusion ; il se comporte toujours comme un auditeur. L'articulation des ventriloques diffère beaucoup de celle de la voix ordinaire, les lèvres sont un peu entr'ouvertes, la lèvre inférieure un peu tirée en arrière et appuyée contre les dents de la mâchoire supérieure comme pour prononcer un / ou un ? icette position permet au ventriloque.de prononcer le plus grand nombre de voyelles et do consonnes sans mouvement externe, seulement les s et les ch sont difficiles à prononcer dans cette position et ils sont pourectte raison remplacés io plus souvent pnrun / ; en ce qui concerne les mouvements de la langue, la régis générale paraît être que le ventriloque essaie de produire ces mouvements avec la p;.rtie de la langue la plus profonde possible. ; les mouvements de la glotte sor.i cachés le plus souvent au public par un col spécial ou par la barbe naîureiie ou artificielle.

L'étude de la respiration a montré que l'emploi de l'air pendant la voix de ventriloque est beaucoup plus faible que pendant la voix ordinaire ; ainsi, pour la prononciation décrois lignes de vers avec la vote ordinaire, une porsonce emploie 1.300 centimitro& cube', et pour la prononciation avec la voix de ventriloque la même personne a besoin do 9(1 fi centimètres cubes. Los mouvements respiratoires diffèrent dans Ja voix de ventriloque surtout par la partie inférieure de la poitrine correspondant au diaphragme, la courbe d'aspiration monte plus lentement que pendant la parole ordinaire./page>

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En résumé, deux genres de modifications sont apportées par la voix do ventriloque ; les premieres qui ont pour but de rendre la vois plus sourde, de modifier son timbre et de la faire produire aussi profondeiae il que possible; ce sont les différents mouvements de la glotte, des cordes vocales et de la partie profonde de la langue ; les secondes qui ont pour but de rendre invisibles les mouvements apparents de l'articulation.

A quoi donc est due l'illusion produite par le ventriloque ? D'abord on est habitué à ce que chaque personne ait un timbre spécial de voix, de sorte que si, après avoir entendu parler celte personne, on entend tout à coup des mots prononcés avec un timbre différent, on est tenté d'attribuer ces mots à une autre personne; en second lieu, nous avons l'habitude, en entendant une personne parler, de lui voir faire certains mouvements des lèvres et des autres parties du visage ; le ventriloque, au contraire, ne présente pas ces mouvements apparents, ses lèvres restent immobiles, sur sou visage est marqué un certain étonnement, comme s'il était surpris par les paroles d'une autre personne; il fait, de plus, des mouvements de tête vers la ligure d'où le son parait venir, et enfin l'attention des auditeurs est attirée par des mouvements souvent comiques des poupées ; on est donc conduit inconsciemment à attribuer les paroles prononcées en réalité par lo ventriloque à la poupée qu'on meut.

Médecine et mysticisme

A côté des Christian Scientist's, qui ne veulent demander qu'à la seule prière la guérison de leurs maux, il s'est fondé à Londres une secte nouvelle, également dédaigneuse de la médecine, mais pour d'autres raisons. Ses adeptes se nomment -. -mêmes the Peculiar People. Dans le langage usuel, cela veut dire * Ici Originaux ». mais dans la langue archaïque, cela signifie a les Privilégiés », et c'est évidemment ainsi qu'il faut l'entendre. Les Peculiar PeopU se considèrent, en effet, comme placés spécialement sous la protection de Dieu et, en conséquence, lorsqu'un d'eux est malade, estiment tout à fait inutile de faire venir le médecin. Les Christian Scientist's ont déjà eu plusieurs fois maille à partir avec la justice : les Peculiar People viennent d'avoir leur tour en la personne des époux Norman, condamnés par le juge Riddley pour avoir laissé mourir, faute de soins, leur fille Grace, âgée de cinq ans.

D'autre part, il s'est formé dans la Nouvelle-Angleterre une école de Médecine qui est pratique et qui réussit. Les études, le diagnostic, les remèdes y sont supprimas. C'esi u:ie grande simplification. Le principe ùe la doctrine est idéaliste : les maladies existent principalement par la représentation que nous en faisons. Kilo; sont u:i produit de l'imagination. Nous les chasserons donc par la prière et l'élévation de l'esprit vers Dieu. Les médecins de cette école s'appellent a peu près guérisseurs par la foi. ils ont un Immense succès. L'un d'eux; a même pénétré récemment 4 New-York, duns l'hôpital Bellevue. Il disait aux malades : a Les médecins de la maison sont vos pires ennemis. Mais je suis un guérisseur envoyé par Dieu. -le guéris toutes les maladies avec son aide et un onguent qui est merveilleux et que je vous donnerai pour 50 centimes, par philanthropie, » Ses curies portaient la raison sociale: Docteur Derwin et Jésus-Christ. Tous deux promettaient de guérir pour 50 centimes. Ils demandèrent ce pendant 50 dollars à un phtisique/page>

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arrivé au dernier période pour te rétablir en troi3 jours. Je ne sais si cette cure vraiment admirable réussit. Mais la surexcitation des malades fut si grande que les Infirmières mirent a la porte le guérisseur de la foi...

Les faux témoignages suggérés.

Notre collaborateur, M. le Dr Joir.;, de Lille, a fait au congrus qui vient do se réunir dans cotte Ville une communication dont voici les conclusions:

Les faux témoignages suggérés peuvent se rattacher à trois types différents.

Le premier cas a trait aux suggestions volontaires. Il se présentera quand lui individu fera, à une personne hypnotisée, la suggestion de donner ultérieurement un témoignage destiné à dérouter la justice.

Co cas, s'il se présente jamais sera forcément très rare, car il faudra d'abord un homme connaissant à fond l'hypnotisme et habile à manier la suggestion, ot en second lieu un sujet tellement sensible qu'il puisse être placé rapidement et sans en avoir conscience dans un état de somnambu-lisme profond.

Si ce cas se présentait, les médecins qui connaissent bien l'hypnotisme sont suffisamment armés dans l'état actuel de la science pour reconnaître l'inconscience du sujet et même le plus souvent, pour retrouver le coupable.

La seconde catégorie de faux témoignages suggérés se rapporte aux cas d'auto-suggestion. Il n'y a donc ici qu'une seule personne eu cause ; la suggestion, qui prend sa source dans une cause antérieure quelconque, est faite et reçue à la fois par le même sujet.

Ici les cas sont nombreux, on les rencontre surtout dans les auto-suggestions que se font les hystériques.

Le troisième type, le plus important et celui sur lequel l'auteur de la communication veut surtout attirer l'attention parce qu'il est trop peu connu, est celui dans lequel un faux témoignage est suggéré d'une manière involontaire et même Inconsciente.

Ou sait déjà combien les enfants sont disposés à reconnaître comme vrai un fait qui leur est simplement affirmé par une personne qui leur en impose: Mais ce qu'on ignore trop c'est que beaucoup d'adultes, lie présentant dans la vie commune aucune particularité capable de les faire remarquer, sont susceptibles de se laisser suggestionner au point de croire absolument vraie une chose qui leur est involontairement suggérée sous la ferme d'un simple interrogatoire. C'est ainsi qu'un homme placé dans les conditions d'un simple Interrogatoire qui pourrait être fait par un juge d'instruction ou par un commissaire do police, n'hésita pas à témoigner par écrit qu'il avait été present à la perpétration do crimes absolument fictifs. Bien plus il reconnut le criminel dans des portraits qui lui furent présentés.

La conclusion de ces intéressantes expériences est la nécessité d'appeler l'attention de la justice et des avocats sur la possibilité de ces faux témoignages. En cas de doute les avocats ce devront pas hésiter à réclamer l'examen mental des témoins, par un médecin compétent, au point de vue spécial de la possibilité d'une suggestion./page>

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NOUVELLES

Enseigne; ne; de l'hypnotisme et tU 1« psychologie physiologique Institut psycho-physiologiquè, U9, rue Saint-André-des-Arts.

L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l'étude des applications ciimquc-e, médico-légales et physiologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiante un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de ia pédagogie suggestive.

L'organisation de l'Institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire do psychologie expérimentale.

Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique), est annexée à l'Institut psychologique- Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés ù la pratique de la psychothérapie.

Tous les jeudis, ù 10 heures et demie, M. le Dr Bcrillon, médecin inspecteur des asiles publics d'aliénés, y complète son cours à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine (semestre d'été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l'hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les D" Henry Lemesle, Vlavianos, Faure, Wolf, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les D" Paul Farez, A. Guimbeau, Bianchi, Branly et par M. Charles Verdin.

Depuis 1892, pendant le semestre d'hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, par MM. les D™ Dumontpallicr, Bériilon, Max Nordau, E. Caustier, Henry Lemesle, Paul Farez, Coiiinoau, Saint-Hllaire, Oscar Jennings, Armand Paulier, Tison, Bianchi, Légué, et par MM. Lionel Dauriac, Jules Bois, Lépinay Laisant, Albert Coutaud, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.

M. le Dr Paul Joirc, correspondant de l'Institut psycho-physiologique, fait, chaque année à Lille, un cours annexe d'hypnologie.

Le laboratoire de psychologie, grâce a unu dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs" nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complété chaque année par l'acquisition des appareils les plus nouveaux.

Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l'histoire de l'hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiante inscrits.

Chaque année, un ceriain nombre d'étudiants trouvent d'importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l'Institut psycho-physiologique.

Cours pratique d'hypnoîogie et de psychologie. — M. le Dr Bériilon reprendra s.>n enseignement clinique de l'hypnologie et de la psychologie, le jeudi 2? Octobre courant, u 10 heures et demie, à la clinique des maladies nerveuse», 49, rue Saint-André-des-Arts. 11 le continuera les jeudis à 10 heures et demie./page>

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Congrès de la Société italienne de Psychiatrie. — Le Congrès des médecins aliénistes italiens se tiendra à Naples du 10 au 14 octobre 1839 dan3 la grande salle do l'institut Tarsia (via Fuori Port a Medina).

Les questions principales traitées au Congrès seront:

le Méthodes pratiques pour les recherches de psychologie dans les asiles ot les cliniques, rapporteur: Dr Ferrari;

20 Rapports entre les psychologies normale et pathologique d'une part et l'anatomis de l'autre, rapporteur : Dr E. Lugaro ;

3o La psychiatrie et l'étude de l'individu et de sca activité dans les rapporte sociaux, rapporteur : Pr Venturi ;

-4° Rôles des intoxications et des infections dans la pathogénie des maladies mentales et nerveuses, rapporteurs : Pr D'Abundo et Dr C. Agostini.

On est prié dadresser toutes les communications relatives à ce Congrès au président : M. le Pr Tamburini.

NECROLOGIE

M. le Dr KHUFF.

Nous avons le regret d'annoncer la mort du Dr Khuff (de Paris) à l'âge de 52 ans. Né à Strasbourg, ancien préparateur de Broca à l'École d anthropologie, chevalier de la Légion d'honneur, le Dr Khuff était universellement estimé dans le corps médical parisien. 11 s'était pendant longtemps consacre a l'étude du cerveau, et il avait publié un atlas d'anatomie cérébrale. 11 avait été un des premiers collaborateurs de l'Institut psychophysiologique de Paris, et ses démonstrations sur l'anatomia du cerveau y avaient été fort goûtées.

M- le Dr Jules SIMON (de Paris).

La semaine dernière a succombé M. le Dr Jules-Fénélon Simon, médecin honoraire des hôpitaux de Paris. Le célèbre praticien renommé comme spécialiste des maladies de l'enfance est décédé à GO ans, dans sa belle propriété de Conflans-Sainte-Honorine, bleu connue de ses anciens internes. Les obsèques ont eu lieu à Saint-Philippe-du-Route.

Jules Simon, qui a passé presque toute son existence hospitalière à l'Hôpital des .Enfante Malades, où il se trouvait lorsqu'il a pris sa retraite, a été plutôt un praticien entérite qu'un savane de laboratoire. Mais ses leçons, publiées pour la plupart dans le Progrès Médical, n'eu demeurent pas moins comme un modèle de clarté et d'esprit pratique.

Parmi ses nombreux travaux nous devons citer:

De l'insomnie chez les enfants, envisaged au double point vue de l'é'.iologîe et du traitement. Paris, 1890, 29 p., etc.

M. Jules Simon connaissait !a valeur du l'action psychothérapique dans, le traitement des maladies de l'enfonce et nous considérons comme un devoir de remercier ce maître ciuiiicn- «les mirques do bienvcilhtiiye qu'il" n'avait cessé d'accorder à nos Prudes.

l'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON/page>

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14· année. — ?

Novembre 1899.

LES MAITRES DE LA PSYCHOLOGIE

Le Dr Max Nordau (1)

Dû tous temps, ir.-s grandes capitales intellectuelles ont attiré les penseurs de tous les pays. Athènes, Rome, Florence, Bologne n'ont pas été seulement célèbres par le génie de leurs

(1) Nous sommet heureux de reproduire l'étude q:ie notre collaborateur le Dr Félix Regnault vient de publier sur le Dr Max Nordau dans le Correspondant Médical./page>

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citoyens, mais elles abritaient une colonie étrangère nombreuse d'artistes, de philosophes et de savants qui trouvaient en leur patrie d'adoption un excellent milieu de culture.

Paris, en notre siècle, a joué ce rôle d'aimant. Citons Axen-feld, Damaschino, Galezowski, Mechnikoff, Oppert parmi les médecins et les savants; Offenbach, Verdi parmi les artistes et surtout Henri Heine, le puissant littérateur qui écrivait aussi bien en français qu'en allemand. Bien qu'aujourd'hui le libéralisme ait beaucoup diminué il serait encore aisé de citer de nombreux noms. Entre tous, un des plus justement connus est celui du br Max Nordau. Né à Budapest, le 29 juillet 1849, Max Nordau est un des littérateurs allemands les plus connus qui, à l'exemple de Henri Heine, se double d'un philosophe. Ajoutons, pour continuer la comparaison, qu'il est critique et mordant comme ce dernier, et qu'à son exemple, s'il est fort lu en Allemagne, il y est quelque peu haï.

Max Nordau est une des ligures les plus originales de notre époque. Médecin estimé, aimable causeur, figure fine et sympathique, aux traits calmes et vigoureux qu'encadre une longue, barbe, il offre un caractère de parisien affiné et sympathique.

Uien ne fail penser au philosophe mordant qui dit brutalement des vérités et parfois des paradoxes.

Le philosophe a écrit, en allemand, la Comédie du sentiment, où il montre que l'homme est toujours et fatalement roulé par la femme. Il a écrit Le Mal du Siècle roman où il met en opposition l'esprit pratique actif d'Habert avec l'idéaliste Eyn-hardt. Le premier réussit, est un homme utile. Le second, qui a Pacte enadversion, disparait sans rien laisser. Il se demande qui fait faire a l'humanité les plus grands progrès? Qui remplit le mieux son devoir d'hourme? Qui, des deux, interprète avec le plus de justesse la vie et le monde ? Et il répond avec Pyrrhon : « ouSev «pif» », je ne décide rien.

Son œuvre la plus connue, Les Mensonges conventionnels de noire civilisation, parue à Leipziz en 1883, atteignent, douze ans après, la douzième édition, chiffre qui équivaut chez nous à trente ou quarante éditions.

Cette publication prit les proportions d'un événement et excita de violentes controverses. Citons-en quelques extraits qui feront mieux comprendre l'état d'àme de notre héros : « La maladie dont notre époque souffre le plus, c'est la lâcheté.

(1) Le Mal du Siècle, par Max Xordau, Paris, Louis Westhausser, éditeur, 1899./page>

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(L'auteur prétend reproduire fidèlement la manière de voir de la plupart des hommes instruits de son époque. Malgré cela il s'attend à ce que beaucoup de ses lecteurs fassent la grimace et lèvent les bras au ciel, ceux-là peut-être surtout qui trouveront exprimées dans ce livre leurs propres opinions les plus secrètes.)

« Notre vie entière repose sur des hypothèses empruntées à un autre temps, et qui sur aucun autre point, ne répondent à nos idées actuelles.

« Cetéternel conflit entre les conventions sociales et nos convictions a un contre-coup fatal. On se produit à soi-même l'effet d'un clown qui fait rire tout le monde, mais que ses propres plaisanteries dégoûtent et laissent profondément attristé.

« En dépit de toutes les lois et de tous les règlements, on vole et on pille, soit directement comme un pick-pocket, soit indirectement en exploitant, suivant les occasions, les individus et les masses. Quelle protection trouvera-t-on contre le tripo-teur qui enlève des millions au peuple économe, ou contre le le boursier jouant à la baisse et diminuant ou détruisant par un coup de main, de nombreuses fortunes?

a Dans son organisation actuelle, l'état civilisé est une machine qui travaille avec un gaspillage de forces énorme. Pour l'effet utile, il ne subsiste qu'une toute petite partie de la force produite aux plus grands frais possibles. Le citoyen travaille et souffre pour que l'on construise des forteresses, des palais, des chemins de fer, des ports ou des canaux dont ni lui ni les neuf dixièmes de la nation de tirerontjamaisle moindre profit, pour que naissent de nouvelles administrations qui rendront la machine de l'Etat encore plus lourde, le frottement de ses roues encore plus dur, pour que l'on paie grassement des employés qui n'ont pas d'autre but que de mènera ses frais une existence magnifique et de lui rendre la vie pénible.

« En théorie, les députés doivent n'avoir devant les yeux que le bien de la nation, en fait, ils songent avant tout à leurs propres intérêts et à ceux de leurs amis. En théorie, les députés doivent être les meilleurs et les plus sages parmi les citoyens ; en fait, ils sont les plus ambitieux, les plus entreprenants, les plus violents. En théorie, le vote pour un candidat indique que l'électeur le connaît et a confiance en lui, en fait, l'électeur vote pour un hommedontle plus souvent il ne sait rien, sinon qu'un groupe de tapageurs (comité électoral) lui a durant des semaines, répété son nom. »/page>

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Et le fléau du journal : « Le premier venu, un portefaix, un bohème, un spéculateur, peut s'il a de l'argent ou s'il trouve des commarïditaires,fonderun journal, grouper autour deluiunnom-breux état-major de journalistes de profession, et devenir pour ainsi dire du jour au lendemain, une puissance qui exerce une pression sur les Ministres et le Parlement, sur l'Art et la Littérature, sur la Bourse et le Commerce ».

Nous passons rapidement sur Le vrai pays des milliards, études et tableaux parisiens, 1878. — Du Kremlin à VAlhambra, études sur la civilisation, 1879. — Bulles de savon. — Paris sous la Troisième République. — Les nouveaux journalistes, comédie en collaboration avec Perd. Gross, i880. — De la castration de la femme, thèse, 1882. — La guerre des millions, drame, 1882, — Recueil de lettres parisiennes, 1884. — Paradoxes, 1885.— Les maladies du Siècle, 1889.

Les derniers travaux publiés chez Alcan, ont pour titre : Paradoxes sociologiques ; Paradoxes psychologiques ; Psychophysiologique du génie et du talent.

Dégénérescence a produit dans le monde littéraire et artistique le même éclat que Les Mensonges conventionnels dans le monde politique. Il y étudie les nouvelles écoles et les maîtres contemporains et démontre, œuvres en main, qu'ils sont dégénérés. Mais tandis que Lombroso cherche ses preuves dans la vie de l'homme, Max Nordau les prend dans leurs œuvres. Il ne lui est pas difficile de trouver des exemples chez tous ces poètes parnassiens et symbolistes, décadents et égotistes, mystiques préraphaélites et mystiques tolsloïens, ibsénistes, wagnéromanes et naturalistes. Il n'est pas d'ailleurs plus tendre pour les génies allemands et s'attaque à Wagner et à Frédéric Nietzche. Certainement ses critiques portent; il sait trouver, dans une œuvre, le point faible, le dctraquage, souvent il se refuse même à en voir les parties belles et poétiques, de façon que pour se rapprocher de la vérité, il faudrait se tenir à égale distance des critiques de Nordau et des louanges excessives des admirateurs.

Max Nordau est un audacieux, il s'attaque à tous les préjugés ou à ce qu'il croit être tel, sans s'arrêter aux partis pris du public.

? faut comprendre ainsi certaines critiques qu'il a faites de notre société française, et non s'imaginer qu'il est allemand et a la haine de tout ce qui est français, car ces vérités, il les dit aussi aux allemands. 11 aime Paris, y aenréa-/page>

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lité de nombreux amis, et se mêle, d'une façon active, à notre mouvement scientiiique. Onpeutlerencontreral'Institut hypnotique du Dr Bérillon où il étudie les maladies nerveuses (') et il écrit parfois en excellent français dans la Revue de l'Hypnotisme.

Les critiques qu'il nous adresse, soyons heureux de les recevoir et tâchons qu'elles nous soient profitables.

Maisen vérité ne disons pas de Max Nordau qu'il est allemand, c'est bien véritablement un parisien et qui serait désolé le jour où il ne pourrait plus fouler aux pieds le bitume de nos boulevards.

Dr Félix Regxault.

(1) Nous devons dire, pour rendre hommage à la vérité, que lo D' Mai Xordau vient surtout à l'Institut psycho-physiologique pour y apporter le concours do son expérience et de sa vaste érudition. Les conférences qu'il y fait dons le courant de l'hiver sur diverses questions de psychiatrie et de psychologie sociologique, y attirent un auditoire aussi empressé que sympathique au professeur.

Les états mentaux impliqués dans l'appréciation post-hypnotique du temps.

Par M. le D' Milne-Brawwell (de Londres)

On se rappelle que Beaunis et Liégeois ont rapporté des cas d'appréciation du temps par les hypnotisés ,* ces cas, qui se rapportent l'un à une durée de 172 jours, l'autre à une durée de 365jours, ontdonné lieu à des interprétations différentes.

D'après Bernheim, l'hypnose est un état conscient caractérisé par la concentration mentale et la mémoire hypnotique n'est pas toujours latente.

Quanta Beaunis, il admet bien l'influence de l'attention et de la concentration, mais il les considère comme insuffisantes pour expliquer la suggestion à longue échéance. Il y a dans cette dernière quelque chose d'analogue au réveil à telle heure déterminée ou à l'appréciation du temps par les sauvages et par les animaux. Ilexiste d'ailleurs des relations entre la périodicité desjours,desmois,dessaisonsetcertainesmodiiicationsorgani-ques périodiques. Contrairement à ce que croit Bernheim, l'influence de l'association des idées diffère beaucoup suivant qu'il s'agit de faire revivre la mémoire hypnotique ou la mémoire ordinaire. Pierre Janet objecte bien qu'un nombre de jours représente une abstraction et non une sensation. Le temps, répond Beaunis, est non pas une abstraction mais une succès-/page>

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sion de sensations et de réactions liées entre elles par une certaine loi.

Delbceuf de son côté objecte aux expériences de Beaunis et de Liégeois que le jour de l'échéance tombait à une date déterminée comme du sujet. Dans ses propres expériences, Delbceuf disait au sujet d'accomplir un acte au bout d'un certain nombre de minutes variant de 350 à 3.200. Sur treize expériences, l'acte fut accompli au moment indiqué. Dans ces cas, on supposait que le sujet calculait le moment auquel devait s'accomplir la suggestion, puis disposait son organisme comme une sorte de réveille-matin, qui fonctionne au moment voulu. Mais les sujets de Delbceuf étaient incapable de calculer avec assez d'exactitude pour le faire à l'état normal.

Gurney considère que l'explication de Beaunis ne répond pas entièrement à l'objection de Janet, à savoir que tel laps de temps est simplement une abstraction. Accordons, en effet, que « un jour » soit une unité suffisamment familière et définie pour avoir un caractère concret; accordons qu'il représente une série de réactions conscientes ; accordons même que des changements organiques périodiques peuvent couvrir des semaines et des mois: cela prouve non pas que la mesure du temps n'est pas une abstraction mais qu'elle a sa base et ses conditions dans la vie même de l'organisme. Il ne s'ensuit pas que « soixante-neuf jours » soient quelque chose de concret, même en admettant que cela soit vrai d'« un jour » ; de plus, les conditions organiques en rapport avec l'établissement de périodes physiologiques manquent totalement quand il s'agit de durée arbitrairement fixée par la volonté humaine. Accordons à Gurney que le temps écoulé doit être enregistré, du moins au point de vue du cerveau seulement, non pas par une modification générale progressive, mais par des séries de changements particuliers correspondant aux jours et aux unités de mesure; c'est même là le seul procédé cérébral capable de différencier clairement ces cas de ceux .qui comportent le calcul du temps physiologique ordinaire. Déplus, à moins qu'il n'existe réellement des processus cérébraux analogues à ceux qui correspondent aux termes « soixante », « soixante-un », « soixante-deux », comment l'intervalle de temps pourrait-il être mesuré avec précision ? Aucun autre changement ne saurait établir que le temps est échu ni associer tel moment avec l'ordre donné longtemps auparavant. Si l'on accorde que de telles modilications particulières existent dans le cerveau*/page>

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n'est-il pas raisonnable d'admettre aussi un état mental correspondant? Ainsi il existerait un contrôle latent mais réel de la marche du temps. Cette hypothèse écarte la difficulté soulevée par Paul Janet ; à ce point de vue, la « faculté inconnue » devient une faculté connue s'exerçant d'une façon normale quoique subsconsciente.

Entre autres expériences, Gurney rapporte les suivantes :

On suggère à un sujet hypnotisé d'accomplir tel acte à une certaine heure, trente-neuf jours plus tard. A son réveil, il ne se souvient de rien et on ne fait aucune allusion à ce qu'on lui a suggéré. A quelque temps de là, on l'hypnotise à nouveau, puis, à brûle pourpoint on lui demande combien de jours se sont écoulés depuis qu'on lui a donné l'ordre énoncé ci-dessus. Il répond à l'instant même: « seize » ; puis il ajoute qu'il reste encore une période de vingt-trois jours avant le moment fixé. Ces réponses étaient tout à fait exactes.

A un autre sujet on donne le 28 mars un ordre qui devra être exécuté 123 jours après. Le 18 avril on l'hypnotise à nouveau et on lui demande s'il se rappelle la suggestion qu'on lui a faite. — « Oui, répond-il, nous sommes au vingt-troisième jour; il en reste encore cent. > Questionné sur d'autres points, il raconte que cette suggestion lui revient à l'esprit au bout de quelques jours; il calcule alors mentalement combien il s'est écoulé de jours et combien il en reste encore ; de plus, pendant l'état de veille, il n'a aucun souvenir ni de la suggestion, ni des calculs qu'il décrit pendant le sommeil provoqué.

J'eus l'idée de faire aussi quelques expériences de ce genre et je vais donner ici le résumé de quelques-unes d'entre elles. Je pris pour sujet une jeune iille qui s'appelle C... qui est assez intelligente, mais dont l'instruction a été négligée.

D'une manière générale, mes expériences ont présenté toutes le même caractère. Par exemple, je suggère à C..., pendant qu'elle est hypnotisée, qu'à l'expiration d'un nombre de minutes déterminé elle tracera une croix sur du papier, puis, que, sans regarder aucune pendule ou aucune montre, elle écrira l'heure qu'il est, d'après elle, à ce moment-là.

Je fis un certain nombre d'expériences de ce genre, puis je questionnai C..., pendant l'hypnose, afin de découvrir ce qui s'était passé dans son esprit. Voici ce qu'elle m'a répondu :

1° Au moment où les suggestions lui sont faites, elle ne calcule jamais à quelle époque elles devront être exécutées;

2° Elle ne le calcule jamais ensuite ;/page>

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3° Au réveil elle n'a aucun souvenir de la suggestion ; 4° Ce souvenir ne lui revient à aucun moment pendant l'état de veille ;

5° Il ne lui vient même pas quand elle passe spontanément à l'état d'hypnose ;

6° Quelques instants avant l'accomplissement do la suggestion, elle sent toujours une impulsion motrice, ses doigts entrent en mouvement comme pour saisir un crayon et accomplir l'acte d'écrire ;

7° Cette impulsion est toujours immédiatement suivie de l'idée de tracer une croix et d'écrire certains chiffres ;

8° Elle ne regarde jamais une montre ou une pendule qu'après avoir écrit ces chiffres.

(à suivre.)

Le traitement de l'asthme par la psychothérapie et * l'éducation asthmatique >.

par M. le Dr Brugeuiaxn, de Berlin.

Je me suis permis de substituer le terme français « éducation asthmatique » au terme allemand, parce qu'il exprime beaucoup mieux que la traduction allemande l'existence et la valeur de cette partie très importante de la thérapeutique asthmatique. Dans l'éducation asthmatique, on comprend le traitement psychique général des asthmatiques; depuis la simple exhortation à l'état de veille jusqu'à la suggestion répétée, faite dans l'état d'hypnotisme. Tous les asthmatiques, vieux ou jeunes, hommes ou femmes, riches ou pauvres, exagèrent leurs souffrances. Le médecin de l'asthme doit discerner toujours entre l'autosuggestion et la vérité. Il est reconnu que les malades cherchent toutes les causes possibles, même les plus baroques, pourexpliquerl'apparition d'un accès et nulle part le « post hoc, ergopropterhoc » n'est aussi applicable que chez les asthma! iques. Ceci est aussi compréhensible que pardonnable.

Les malades se croient naturellement justifiés eux-mêmes à exercer leur sagacité profane; ainsi se produisent des suggestions et des autosuggestions, qui apparaissent aussi contradictoires que difficiles à surmonter. En premier lieu, je dois penser au grand nombre de fautes, do négligences, concernant l'air, la lumière et l'eau. Qluand un asthmatique a tout entre-prisvainementpoursaguérison.alorsildevientprogressivement/page>

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toujours plus craintif et sa crainte insensée pour les soi-disant refroidissements lui fait, à la fin, négliger les soins de propreté et se déshabituer de vivre cn plein air. Les médecins ne sont pas non plus tout à fait à l'abri de reproches, car ils exhortent leurs malades toujours à la prudence, au lieu de les encourager à s'exposer davantage. Survient alors le désespoir des malades et aussi de l'entourage, de se trouver en face d'une maladie inguérissable. Les malades sont presque toujours à la maison, ne se lavent ou ne se baignent presque jamais, ne parlent ainsi que leur entourage que d'asthme, emploient tous les remèdes réels ou secrets, croient toujours avoir trouvé le bon, et l'abandonnent bientôt. Ils toussent jusqu'à extinction, parce que, ainsi que leur entourage, ils sont persuadés que les mucosités doivent être expectorées de la poitrine. Ils ne pensent jamais que, par les efforts de toux, de nouvelles mucosi* tés se forment toujours ; sans parler des effets nuisibles de la toux sur l'estomac, la gorge et les viscères- Ils tiennent à leur docteur et aux profanes des discours scientifiques sur la nature de leur maladie, s'ordonnant à eux-mêmes les cures les plus insensées. Dans de pareils cas l'éducation asthmatique, bien comprise, peut agir favorablement. Après un examen minutieux, on fait part au malade du diagnostic de sa maladie et, avant tout, du pronostic qui n'est toujours pas absolument mauvais, mais comporte beaucoup d'espoir; d'abord on lui explique clairement qu'il doit rompre avec le passé et se rendre maître absolument de sa volonté. Son ancienne manière de voir sur la nature de la maladie lui sera mise sous les yeux comme tout à fait fausse ; sa manière de vivre jusqu'à présent, avec la privation d'air et de lumière, lui sera démontrée comme directement nuisible. Le matin, entre septet huit heures, douche tiède, ensuite boire uno eau diurétique; promenade et puis déjeuner ; bientôt après air comprime et alors le traitement local entrepris quel qu'il soit. A midi, on est tenu de diner cn société ; l'après-midi nouvel air comprimé, et le soir encore une fois prendre les eaux et promenade. Pas de morphine le soir. Naturellement le pauvre asthmatique est d'abord en proie à de grandes inquiétudes; mais il ne tarde pas à se rassurer.

L'éducation asthmatique demande une tranquillité inébranlable, une fermeté chevaleresque. Je veux maintenant dire ici à l'avance que l'éducation asthmatique n'est naturellement possible entièrement que dans un institut privé. Elle est, comme/page>

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cela se conçoit, également possible dans la pratique privée, mais cependant seulement dans des circonstances plus difficiles, elle ne peut se passer que difficilement du contrôle perpétuel et de l'exemple d'autres malades.

La douche tiède convenablement administrée apporte vraiment un grand soulagement à ces malades, et l'expérience nous apprend que même ceux qui la redoutent le plus au début se douchent plus tard avec plaisir. Après la douche, le facteur de la guérison le plus important est la pneumatothérapie. Je fais employer l'appareil pneumatique avec des bouts de caoutchouc, en suspendant la respiration nasale selon les règles de l'art, et il en résulte : 1° une amélioration extrême de la respiration, avec retour de l'appétit et des forces corporelles ; 2° une guérison des catarrhes et une dilatation des parties atélecta-siées des poumons ; 3° un effet psychique excellent, à savoir que les malades gagnent beaucoup de confiance par l'augmentation de la capacité respiratoire visible à l'appareil pneumatique et se soumettent, toujours plus obéissants, aux prescriptions de Téducalion asthmatique. Cette dernière a à surmonter un obstacle difficile dans la disparition de la toux. On ?-encontre des asthmatiques qui, en effet, toussent sans discontinuer toute la nuit, jusqu'à ce que, couverts de sueur, tout à fait abattus, rauques, l'estomac vide à la suite de vomissements, ils se laissent tomber et seulement le temps nécessaire pour rassembler de nouvelles forces et recommencer de nouveau. Réussit-on alors définitivement à persuader le malade que son accès diminue réellement, ou disparait tout à fait s'il ne tousse pas : on l'amène petit à petit à apprendre à surmonter sa toux.

La crainte de se refroidir est difficile à surmonter et il est vraiment incroyable de constater combien les malades s'amollissent souvent. Non seulement d'octobre en mai, ils ne sortent pas de la maison, mais encore, dans la maison, les mesures les plus raffinées et les plus exagérées doivent être prises pour éloigner le malade de chaque changement de température. L'éducation asthmatique ne réussit ordinairement là que lorsqu'elle est appliquée avec la plus grande persévérance et la plus grande sévérité. Il faut arriver à obtenir que les malades soient exposés au froid malgré leur résistance sans que pour cela les accès d'asthme surviennent.

Les malades doivent apprendre qu'ils peuvent supporter tranquillement la nourriture habituelle et qu'il est tout à fait/page>

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inutile qu'un régime particulier leur soit préparé. Mais la chose principale est la discipline de l'accès. Ceux qui n'ont pas l'expérience de cette action morale no peuvent se rendre compte de ce que l'exercice de la volonté peut avoir d'iniluence sur l'accès.

En terminant, je dois parler d'un facteur dans l'éducation asthmatique, qui est d'une nature toute particulière, et qui nous amène naturellement sur le terrain de la suggestion, c'est l'influence personnelle. Chaque médecin, dans la pratique, sait jusqu'où il peut réussir auprès de ses malades par la seule action de sa parole ou par sa présence. Pour commencer l'éducation thérapeutique on doit avant tout s'efforcer d'acquérir la confiance illimitée, et même si possible l'ami lié de ses malades, car c'est le principal agent du succès. Mais ce serait une erreur de croire qu'on arrivera à ce but par une grande amabilité, par des excès d'indulgence ou de compassion, etc. Naturellement on doit individualiser, découvrir les faiblesses des malades, les utiliser. On commencera le traitement au moment propice, en tête-à-tête, d'abord en instruisant avec douceur, ensuite en faisant des reproches et enfin en parlant avec sévérité; tout en faisant toujours sentir au malade que, quoi qu'il arrive, son bien-être seul est la chose déterminante.

Pour conclure ; j'ajouterai encore quelques mots sur la psychothérapie de l'asthme. Pour plus de détails je renverrai le lecteur à mon travail, paru sous ce titre dans le second volume du Zeitschriftfur hypnotismus parce qu'il est impossible d'épuiser ici ce chapitre d'un si grand intérêt.

Tout médecin qui a traité l'asthme dans plusieurs cas, sait que l'accès peut souvent être coupé si l'on attire l'attention du malade sur d'autres choses. C'est ce qui prouve que l'accès a besoin, pour continuer à se produire, d'un facteur qui produise le réflexe par irritation qui, aussitôt que d'autres facteurs, principalement des influences psychiques, interviennent, disparait aussi longtemps dans la même proportion, que le deuxième facteur produit un plus grand effet que le premier. En d'autres mots, si un système de phénomènes associés, qui a trait à une affaire intéressante pour le malade, occupe le règne de la conscience générale, l'autre système de phénomènes qui a produit un effet réflexe sur le centre respiratoire ne pourra produire son effet et, au contraire, il se présentera de nouveau avec son effet réficxeaussïtotquele système d'association nommé en premier lieu tend à disparaître. Cette connaissance doit donner naturellement une place marquée, dans le traitement/page>

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do l'asthme, à la suggestion thérapeutique, et, réellement, ici la pratique correspond à la théorie. Dans des accès simples, la parole calmante suffit déjà; dans de plus graves, on arrive au but le plus souvent par l'application des mains, des passes sur le visage et les extrémités du corps : naturellement tout avec l'affirmation que l'accès disparaîtra à présent ; dans de forts accès, par l'hypnotisme et éventuellement par la réunion de la suggestion avec les passes citées plus haut. On combat également avec un grand succès, parla suggestion hypnotique, l'insomnie, cette mère des accidents d'irritation nerveuse, et l'effet que par là on obtient indirectement sur l'asthme lui-même est très remarquable. Les plus différentes auto-suggestions que se fait le malade seront également neutralisées parle même procédé. Le seul trailomenlulilc contre la névrose anxieuse sera aussi trouvé dans l'application méthodique de l'hypnotisme.

Voici à grands traits le résultat de mes plus nouvelles expériences et recherches dans le domaine de l'asthme. Espérons qu'il contribuera à répandre une plus grande clarté sur cette sombre maladie et aidera à préserver les malheureux malades des prescriptions si souvent inutiles, souvent même nuisibles, (elles que l'abus du chloral, de la morphine et du tabac, les fumigations, les auto-suggestions pernicieuses et les fautes par négligence, la prescription pour ainsi dire enfantine de respirer de l'oxygène ou de la pyridine, etc., tout le cortège de remèdes empiriques et en particulier celui du changement de climat, ce qui prouve l'incertitude des médecins et nui équivaut à une condamnation à mort. Du reste, l'immunité d'un climat pour l'asthme n'existe pas. La circonstance que des asthmatiques, surtout ceux atteints de l'asthme des foins, restent indemnes àunlieu,pasàunautre,supportentcertainesodeurs, etpas d'autres démontre uniquement quelo mélange d'air qui irrite dans un cas spécial les points asthmogènes se trouve dans un lieu, ne se rencontre pas dans l'autre et qu'il produit des effets absolument individuels. Naturellement il ne peut être question, dans ce cas, seulement que ce malades atteints d'accès asthmatiques réflexes et dont les points asthmogènes existent dans la muqueuse respiratoire; toutes les autres formes n'entrent pas cn considération dans la question d'immunité. En tous cas, l'immunité préserve seulement pour un espace de quelques semaines ou de quelques mois, car bientôt survient un acclimatement qui fait reparaître l'ensemble des symptômes qui/page>

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constitue l'asthme et oblige le malade à chercher asile en un nouvel endroit.

En résumé lo traitement vraiment rationnel de l'asthme consiste dans « l'éducation asthmatique » secondée selon les indications psychiques par l'emploi de l'hypnotisme et delà suggestion.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLQGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du 12 Juillet 1SM. — Présidence de M. Jules Voisin

La médecine primitive par les semblables

Par le Docleur Felix Reonault.

SimUi.ii similîbus cur&ntur est un aphorisme bien connu. Je n'en veux point discuter la valeur, mais je me bornerai à montrer que ce précepte était suivi par la médecine primitive, et que, non seulement les sauvages, mais nos paysans l'appliquent journellement.

Bien des plantes sont prises comme remèdes parce qu'elles ont une vague analogie avec la maladie qu'elles doivent guérir.

Nos paysans mangent des carottes dans les maladies du foie parce qu'un aliment jaune doit être souverain contre la jaunisse.

La capsule du Martynia est souveraine contre la blessure du serpent (Birmanie, états Shans), parce qu'elle ressemble au crâne de cet animal avec ses deux crochets courbes.

La noix à serpent (snake nut ou scientifiquement ophiocaryon serpen-tinum), qui provient d'un arbre parent du marronnier, est un antidote do même nature (Demerara). L'amande a une ressemblance frappante avec la téte d'un serpent : crâne, bouche, yeux, sont comme dessinés de main d'homme.

Les graines de buglossc ayant vaguement la forme de la tête de la vipère étaient souveraines contre sa morsure (France, xvin» siècle).

La racine de ginseng, cultivée en Corée et en Chine pour ses propriéiés médicales, présente une forme vaguement humaine.

Il en est de même cheznous de la racine de mandragore qui a la forme humaine. Ici l'analogie est moins rigoureuse que dans les premiers exemples ; la vertu curative étant attribuée simplement ù un pouvoir divin.

¦

? *

Nos bergers conservent soigneusement les pierres piquetées ou variolites, s'imaginant qu'elles préservent leurs moulons de la clavelée.

Les femmes enceintes, en Italie, croient qu'elles accoucheront heureusement sî elles possèdent une pierre d'aigle ou aétite : C'est une limonitc argileuse, concrétion en forme de boule. Une partie so/page>

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détache dans son intérieur, noyau fille inclus dans la pierre mere et qu'on entend remuer dès qu'on l'agite: c'est une pierre enceinte. Les matrones de Naples se font de beaux revenus en louant leur pierre d'aigle. Il suffît de la faire porter à la parturiente pour qu'elle accouche heureusement. Cette coutume existait à Paris dans la première moitié du siècle (*). M. d'ÏIervilly, dans l'Avenir National, de 1848, écrit « qu'il n'y a pas de semaine où, à Paris, on ne vienne chercher une pierre d'aigle (qui passe pour faciliter les accouchements), chez un directeur d'un grand comptoir de minéralogie. Cette superstition a une origine bien ancienne, car elle serait citée dans les ouvrages de Pline.

Pour se préserver des maladies, les sauvages portent comme fétiche une image grossière d'un dieu humain ou animal.Ce fétiche est efficace contre toutes sortes de maux ; niais parfois il n'a d'action que sur certains organes.

Le musée de Berlin possède une belle collection d'amulettes en bois

Fi£. i. — Amulette» des Giliaks contre FIg. 3 et 3. — Fétiches contre les maladies du ner les maladies de poitrine. et contre celles du co*ur.

à vertus curatives spécialisées, provenant surtout de peuples sibériens (Giliaks et Goldes).

Ces fétiches portent, sur l'endroit du corps qu'ils sont censés guérir, un animal sacré. Voici une amulette des Giliaks contre les maladies de la poitrine et de l'abdomen ; un crapaud est posé sur sa poitrine. Les Goldes taillent une figure humaine en bois, et dessinent sur ses lombes un oiseau volant: précieux talisman contre les maladies de rein.

Allons plus loin dans cette thérapeutique des semblables. Pour guérir d'une maladie, il suffit de porter un fétiche représentant l'organe atteint, un morceau de bois taillé en forme de cœur et suspendu au cou forme le traitement des maladies cardiaques (Goldes). un nez grossièrement représenté guérit les affections de cet organe (Goldes), une

(1) Balfocs: Evolution ofdécovative art London aivïngton Peruvol 1893, p. 83 et 86.

(2) Revue des Traditions populaires, 1S87, p. 1&4./page>

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main en bois est efficace contre les blessures de ce membre (t). On emploie contre les maux de dents, un bois taillé en forme de dent et recouvert inférieurement d'une peau pour simuler la gencive.

Autre manière d'indiquer la partie à guérir: un ours grossièrement tailié qui se dévore la poitrine (Giliaks). Ou encore un homme au ventre ouvert est souverain contre les dévoiement (Giliaks). Contre les rhumatismes, douleurs articulaires, raideurs, etc. Goldes et Giliaks possèdent des membres en bois articulés ou des bonshommes dont les jambes,les reins, etc., sont mobiles.

Les Goldes ont, pour guérir les maladies de consomption, la phtisie, des poupées en bois longues et maigres sur lesquelles sont marquées les vertèbres et les côtes. Celles-ci sont même plus nombreuses qu'il ne convient.

Fig. 4. — Amulettes contre les rhumatismes. Fi*. 5. — Amulette» contre les rhumatismes.

Les idoles des Chamans (Sibérie) montrent une représentation schématique de la contracture hystérique de la face avec leur bouche et leur cou de travers. Ce sont sans doute des statuettes de sorciers qui, au dire des voyageurs, sont de parfaits hystériques. Elles doivent être souveraines en cas de torticolis.

Un bonhomme en terre cuite, couvert de pustules, servait de fétiche aux anciens Péruviens.

Le médecin, en simulant la divinité, peut devenir lui-même remède. ? en revêt le masque, et sa figure n'est plus la sienne propre maïs celle de la maladie dont le patient souffre et qu'il prétend guérir ainsi.

Certains masques sacrés de Ccylan représentent ainsi des maladies. Ce sont principalement la contracture faciale et le bec de lièvre. Cette

(1) Mat Bartels, Die Medicitt àer nalunélker, Leipzig, 1893./page>

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dernière blessure congénitale est souveraine contre les plaies de la face (*).

Au Japon, la guérison par les semblables est pratiquée au temple d'Asatusa (Tokio). Les fidèles frottent avec les mains la partie de la statue divine correspondante à la région malade, puis frictionnent cette région.

Ces exemples ne nous surprendront point. En France môme, la chapelle de Notre-Dame du Haut (;). canton de Moncontour possède une

statue de saint Mamère dont le ventreouverllaîs-se sortir les entrailles. Ce saint guérit des coliques et des affections du ventre.

Les Gdèles se font mesurer la partie malade avec de la cire jaune qui est ensuite brûlée aux piedsde lastatuc.

Elle a aussi une statue de saint Ivertin qui porte les mains à sa tète ; celle-ci est inclinée sur l'épaule droite. Ce saint guérit des maux de tète, des vertiges, des

étourdissements, des défaillances.

Les scrofuleux devront se livrer à des attouchements sur les ploies des sainte.

Un buslo d'évê-que du ?????· siècle porte des scrofulides ulcérées des deux côtés, à droite et à gauche sur les confins de la joue et de la région sous-maxillaire. Au-dessous existe une tuméfaction ganglion -naire placée au lieu d'élection. Ce buste avait le don de guérir les écrouellcs p).

t'eut-étre les rois de France n'avaient-ïis cette propriété que parce qu'un des leurs aurait été atteint par ce mal ?

Saint Eutropo guérissait la migraine parce qu'il avait eu la tète fendue à coups do hache ; saint Lubin et saint Etienne guérissent de la pierre, l'un parce qu'il en était mort naturellement, l'autre parce qu'il avait été lapidé. Les gens malheureux en ménage invoquent saint Gcngoul et saint Orner dont les femmes avaient un caractère intraitable: une d'elles trompa môme son époux.

Kig. G — Amulettei contre !a phttoic.

(1) Correspondent médical, 15 février 1897, p. 4, et Chronique médicale. ?? sept. 1898, p. 569.

(2) Revue des traditions populaires 1887, n* 433.

(3) Gilles do la Tourelle, l'Ieon galpet, 1891, p. 1G7,/page>

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Un curieux cas d'incontinence nrlnaire epasmodigue (). par M. le D' Paul Faiiez.

Une femme mariée, mère de famille, âgée de 30 ans, laisse échapper inconsciemment cinq ou six petits jets d'urine, lors du spasme vénérien et au moment même où ce spasme survient. C'est qu'alors les contractions des muscles droits de l'abdomen agissent directement sur une vessie distendue et forcent l'urine à s'échapper sous forme de jets synchrones à ces mômes contractions musculaires. Cette femme est hystérique; elle est atteinte de « bégaiement urinaire », c'est-à-dire que, par une sorte d'inhibition psychique, elle ne peut vider sa vessie avant de se coucher, à cause de la présence de son mari. Grâce à l'hypnotisme, j'ai combattu celte phobie, obtenu la depletion normale de la vessie et renforcé par suggestion l'action constrictive du sphincter vesical. Il y a de cela quinze mois, et, depuis lors, celte incontinence n'a pas reparu une seule fois.

L'Alcoolisme et le Tabagisme traités avec succès par la suggestion hypnotique:

Par M. le D' Bounnox (de Méru).

I

Alcoolisme et Tabagisme

Albert \V... esl un garçon de 29 ans, originaire du déparlement du Nord, où il était cultivateur et où il a pris l'habitude de fumer beaucoup, comme on fait dans la Belgique limitrophe. Insensiblement, quoique fort bien élevé, il est arrivé à boire (de l'eau-de-vie, surtout) et à se mettre en état d'ivresse, d'autant plus facilement qu'il est faible de caractère, facile à entraîner et que quelques pelils verres lui suffisent, chose très fâcheuse, parce qu'il a, comme on dit, « le vin mauvais ».

Il a été soldat et ne buvait pas alors; il n'a pris cette habitude que depuis qu'il est mon domestique. Comme il a des qualités solides, que, à part ces défauts, dus surtout â sa faiblesse, c'est un bon serviteur, j'envisageais avec peine la perspective d'être, tôt ou tard, obligé de me priver de ses services.

Do telle sorte que c'est par inlérèl pour moi autant que pour lui, que je fus amené à essayer de l'endormir, pour tâcher de le guérir par la suggestion hypnotique, et cela sous le prétexte de le débarrasser d'un mal de dents et d'un certain tremblement (probablement alcoolique) qui l'ennuyait beaucoup.

(1) Cotte communication a paru in-exteaso dans \'Indê[end,ince médicale, 2 août 18W/page>

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Le résultat vint couronner mes efforts plus vite que je n'osais l'espérer, grâce peut-être un peu à sa docilité.

Il est de constitution assez bonne, de tempérament mixte ; les membres supérieurs présentent un tremblement notable, les fonctions cardiaques et respiratoires s'accomplissent bien, la sensibilité est normale.

La premiere séance eut lieu le 2 mai 1899.

L'ayant déjà guéri de verrues parsuggestion à l'état de veille, je n'eus pas grand'peine à l'endormir, sans toutefois obtenir un sommeil profond pour commencer. Je lui suggère tout d'abord qu'il ne tremble plus, qu'il fume de moins en moins, qu'il ne boit plus la goutte le matin, qu'il fuit les occasions de boire, qu'il a le dégoût du tabac et de l'eau-de-vie, qu'il ne songe qu'à travailler, qu'il est calme et dort bien toute la nuit. Je le laisse dormir un certain temps, afin d'augmenter l'effet de la suggestion. Au réveil, il dit se trouver très bien, n'avoir pas mal à la téte.

La nuit suivante a été très bonne.

Le lendemain, il n'a plus fumé que deux cigarettes, il n'a pas été boire la goutte et a travaillé sérieusement toute la journée. On voyait qu'il y avait déjà quelque chose de changé dans tout son être. II ne parait plus le même.

Je le soumets à une seconde séance le lendemain soir. Il arrive au second degré de l'hypnose et, les jours suivants, nous obtenons un sommeil profond avec amnésie complète au réveil.

Je lui suggère de ne plus boire une seule goutte de liqueur alcoolique, de ne plus fumer du tout. Je répète avec insistance qu'il a un dégoût profond pour le tabac et pour toute liqueur alcoolique.

Je l'endors toujours le soir, quand la journée est finie et avant qu'il n'aille se coucher. ? est ainsi plus disposé au sommeil et je puis aussi le laisser dormir plus longtemps, ce qui est un puissant adjuvant dans les pratiques de l'hypnotisme.

Le résultat favorable s'accentue chaque jour davantage. Quinze jours sont à peine écoulés et on ne le voit plus fumer, ni boire. Pour ce qui est de boire, d'ailleurs, l'occasion est beaucoup plus rare et l'on s'attache à l'éviter le plus possible.

La passion de fumer étant chez lui plus ancienne et plus enracinée et aussi plus facile à satisfaire, est celle qui aurait le plus de tendance à se réveiller, si l'action répétée de la suggestion hynotique n'était pas là. Aussi les séances sont continuées d'abord tous les soirs pendant dix jours, ensuite tous les deux jours, puis tous les trois jours pendant un mois environ, en tout deux mois.

Le sujet ne fume plus ci ne boit plus, il en a perdu tout à fait l'habitude et 11 n'en recherche plus les occasions.

On peut donc, après environ deux mois, considérer le résultat comme acquis; mais, néanmoins, en pareille matière, il faut toujours veiller. Il est bon de revenir de temps en temps aux suggestions, de travailler/page>

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à éloigner les occasions, de tenir enfin le sujet en surveillance le plus longtemps possible.

II

Alcoolisme

M. L., 52 ans. de bonne constitution de tempérament nerveux, irascible, est un bon ouvrier, mais alcoolique quelque peu endurci, buvant de tout, vin, eau-de-vie, absinthe, etc., sans se mettre bien souvent en état d'ivresse. Je l'ai déjà guéri deux foisd'une cirrhose commençante, hypertrophique, puis d'un ictère très prononcé et provoqué par une violente colère, puis d'un accès grave de delirium tremens, tout cela par les moyens médicaux ou pharmaceutiques. Il ne lui reste qu'un léger tremblement des mains, quelquefois un peu d'agitation la nuit, un peu de céphalalgie, mais plus de cauchemars ni d'hallucinations. La sensibilité est normale et les fonctions du cœur et de la respiration sont bonnes.

C'est après tous ces méfaits de l'alcool, que j'eus l'idée d'essayer de le déshabituer de cette pernicieuse boisson par la suggestion hypnotique et, dans ce but, de tâcher de le séquestrer ou au moins de l'isoler chez un de ses parents, agriculteur, buveur d'eau, qui pouvait être pour lui un surveillant, un exemple et un conseil. De connivence avec moi, ce parent feignit d'avoir besoin de lui pour certains travaux des champs. Comme notre alcoolique n'avait rien à lui refuser, il accepta facilement et sans défiance. C'est donc là que, à l'approche de la nuit, après la fatigue du jour, quand vient le besoin de sommeil, prétextant la nécessité d'assurer ses guérisons antérieures, je tentai mon expérience sans beaucoup d'espoir d'ailleurs, tant la tâche semblait difficile.

Dans la première séance, par le regard, la parole, la main droite appliquée sur le front et bientôt sur les paupières, j'arrivai assez laborieusement à obtenir un premier degré de sommeil, dans lequel je lui suggérai qu'il était calme et qu'il dormait toute la nuit, que travaillant aux champs, il n'avait plus besoin de boire ni eau-de-vie, ni absinthe, ni madère, ni vermouth, ni vin pur, ni aucune liqueur alcoolique, que d'ailleurs il ne les aimait plus, qu'il n'aimait plus que le lait, pur ou additionné d'eau de Vais ou de Vichy, qu'il ne pouvait plus boire autre chose, en mangeant ou autrement, sans quoi II retomberait tout de suite malade, ce dont il avait grand'peur.

J'ajoutai que, plus tard, s'il se fatiguait du lait, ce qui n'arriverait pas de sitôt, il aimerait à boire de l'eau comme son parent ou de la bière légère s'il la préférait, mais de la bière sans alcool. Je lui affirme qu'il a le dégoût de toutes les boissons alcooliques, surtout de l'absinthe et de Peau-de-vie, qu'il a de l'appétit comme on en a quand on travaille au grand air, qu'il n'a plus de tremblement ni d'agitation, que sa santé est bonne, qu'elle se maintiendra bonne, qu'il ne retombera plus jamais malade en restant ih la campagne avec son parent, qui s'est toujours bien porté en ne buvant que de l'eau. Le lendemain, je répète les/page>

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mémos suggestions. Après les deux premières séances, i! ne songe plus qu'à boire du lait, il est calme et les nuits sont bonnes, plus d'agitation ni de céphalalgie, ni jamais d'hallucinations.

A la troisième séance de suggestion hypnotique,il arrive au deuxième degré du sommeil et, les jours suivants, il y a sommeil profond avec amnésie au réveil. Je lui suggère toujours qu'il n'aime plus que le lait, qu'il ne boit plus jamais une seule goutte d'aucune liqueur alcoolique, dont il est absolument dégoûté. Il promet de le faire, paraissant très raisonnable et désireux de guérir.

Il ne fume pas, mais comme il prise un peu, je n'essaie pas de l'en deshabituer, d'autant plus qu'il me demande de lui laisser sa prise, pour l'aider a oublier l'alcool,au cas où il y penserait encore,s'il voyait boire.

Il ne boit plus que du lait et il lui semble qu'il ne pourrait plus boire autre chose; il lui semble que le vin et les liqueurs qu'il verrait boire à d'autres ne l'attireraient plus. D'ailleurs, son parent, buvant seul de l'eau, notre malade voit boire du cidre aux autres personnes et cela ne lui donne pas envie d'en boire, quoique n'ayant pas encore le dégoût. La santé est bonne ; il dort bien, il mange et digère bien, il n'a pas de constipation. Ses forces augmentent.

Depuis près de trois mois, les suggestions sont continuées, d'abord tous les jours, puis tous les deux ou trois jours, puis une ou deux fois par semaine.

Il va de mieux en mieux.

Le milieu dans lequel j'ai imaginé de le placer aura pu, je crois, contribuer ù ce résultat : l'exemple, les occasions évitées, le travail, ainsi que la vie calme et paisible des champs, auront efficacement secondé la suggestion hypnotique.

Au bout de trois mois encore, en tout six mois, il peut revenir à la ville. Pendant les trois derniers mois, la suggestion hypnotique avec sommeil prolongé a été encore appliquée de temps en temps, tous les huit jours environ.

Je procède ainsi parce que, avec MM. Forel, Lloyd-Tuckey, Bérillon, Ribokoff et tous ceux qui se sont occupés de îa question, je pense qu'il faut l'abstinence totale et la surveillance prolongée des mois, quelquefois plus, c'est-â-dire des années.

III

Tabagisme f.t Habitudes vicieuses. — Orthopédie morale.

Il y a environ une douzaine d'années, lors de mes débuts en hypnolo-gie, me trouvant en rapport avec le Président de la Société contre l'abus du tabac, M. Dccroix, je fus sollicité par lui de travailler à lui fournir quelques observations {ne fût-ce que trois ou quatre) de jeunes sujets guéris de l'habitude de fumer par la suggestion hypnotique, moyennant quoi, disait-il, je pourrais gagner un prix de ??? francs qu'il avait fondé./page>

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Pour plusieurs raisons, l'œuvre â réaliser n'était pas aussi facile qu'elle semblait au premier abord, mais pour faire acte de bonne volonté, je résolus d'essayer et me mis à recruter quelques jeunes gars (ou plutôt garnements) auxquels je donnais plusieurs rendez-vous chez moi, mais ils ne venaient jamais et, ne pouvant courir après eux, j'eus seulement la possibilité d'en rejoindre deux (un peu plus dociles que les autres, l'un de quinze ans, l'autre de seize), chez leurs parents, aux heures des repas.

Or, ces deux-la, que je parvins à endormir assez facilement et d'un sommeil assez profond, à la troisième ou quatrième séance; en une douzaine de séances pour l'un et une dizaine pour l'autre, je parvins â les guérir, non seulement de l'habitude de fumer, mais d'autres mauvaises habitudes encore, telles que la masturbation, Tonychophagic, l'amour du cabaret et du billard. Je les rendis meilleurs, plus laborieux; je les transformai en quelque sorte, profitant de l'occasion pour faire de l'orthopédie morale, de cette orthopédie plus utile encore que l'orthopédie physique et que l'on devrait tenter plus souvcntqu'on ne le fait.

Mais comme je n'avais pas atteint le chiffre de faits demandé par M. Decroix, les observations ne furent jamais rédigées et c'est pour mémoire seulement et ù l'appui de celle communication que j'en parle aujourd'hui, pensanl que la question ne doit pas cesser de rester à l'ordre du jour.

COURS ET CONFÉRENCES

Chorée hystérique et suggestion.

Conrcrenco faite par SI. le Dr Babjssk!, médecin de la Pitié.

La choréc hystérique est une chorée rythmée. Le rythme et les modifications brusques qui surviennent dans sa marche en sont deux caractères importants. — Elle en possède un troisième que je veux mettre en évidence devant vous, c'esl qu'elle est influencée par la suggestion et,— point capital, — s'il est vrai que cette influence peut causer son apparition, elle est, par contre, utilisable pour sa guérison.

Deux exemples vous persuaderont de ces vérités.

Voici deux sœurs. L'aînée a présenté des désordres choréiques insignifiants de nature hystérique. Néanmoins, ils ont été suffisants pour en provoquer d'autres chez la sœur cadette qui, comme vous lo voyez, a une chorée rythmée à grands mouvements. Pareil accident ne doit pas vous surprendre. La suggestion est tellement puissante qu'elle a engendré de véritables épidémies de choréc ; Us épidémies de danse de Saint-Guy n? sont pas autre chose que des chorées rythmées. L'effet de la suggestion se fait, de plus, sentir très rapidement. On rapporte, en effet, qu'une jeune fille ayant eu, pendant une cérémonie à l'Eglise/page>

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Saint-Philippe-du-Iïoule une crise de choree, il y avait un quartd'heure plus tard, soixante choréiques dans l'Eglise.

Pour en revenir à nos deux jeunes sœurs, l'aînée est encore sujette à des crises d'hystérie. Je la traite par la suggestion. Mais, mon action sur elle n'a pas été rapide parce que ses accidents remontent à plusieurs années. De plus, elle a été enfermée à Viilejuif et l'internement lui a été préjudiciable comme à toute personne suggcstionnablc. Entourée de gens malades depuis des années, elle a cru elle-même être incurable. Cette idée a été inconsciente chez elle, car elle ne l'a pas avouée, mais j'ai dû lutter contre elle. Enfin il faut dire que si la malade était isolée, elle guérirait plus vite ; en effet, il est arrivé qu'au moment précis on elle allait mieux, entrait dans nos salles une nouvelle hystérique dont elle voyait les accès; ce qui retardait sa guérison. Mais, j'ai rencontré des femmes qui ont séjourné à l'hôpital pendant sept ans, présentant des paralysies, du mutisme, de l'aphonie, ayant jusque trente crises par jour et qui, au bout de sept années sont sorties bien portantes et sont restées telles depuis dix ans que je les connais. L'une d'elles, sortie de l'hospice en 1888 après un séjour de six ans y est actuellement sous-surveillante et quoiqu'on contact avec les grands nerveux ne s'est jamais laissée influencer par eux.

Il n'est donc pas douteux pour moi que nos deux soeurs guériront de leur hystérie et de leur chorée....

La suggestion provoque la chorée. Elle la guérit aussi.

Plusieurs d'entre vous ont déjà vu, il y a trois semaines cette jeune personne que voici et qui, ayant de la chorée rythmée à cette époque en est débarrassée aujourd'hui. — C'est une jeune fille de 16 ans, atteinte de monoparésic brachiale due à une lésion cérébrale datant de l'enfance. Son membre gauche est plus musclé que celui de droite et ses os sont plus gros. La lésion est cérébrale car la contractilité électrique musculaire est conservée et les réflexes sont exagérés au lieu d'être atténués ou abolis comme dans un cas médullaire.

CeUeenfantest,cnoutrc, hystérique et par suggestion et imitation de ses compagnes, elle est devenue choréique. II y a trois semaines quand je vous l'ai présentée, ses mouvements, rythmés consistaient en violents mouvements successifs de rotation et de supination des deux bras placés en adduction.

Quand elle était assise, les avant-bras, posés sur les cuisses, continuaient à être agités de la même façon.

Quelle conduite ai-je donc tenue à cette époque pour entrer dans la voie de la guérison qui est obtenue aujourd'hui. ?

J'ai endormi un sujet hypnotisablc, puis je l'ai réveillé. Dans cet état de veille hypnotique, je lui ai ordonné de regarder notre choréique et de l'imiter cl il m'a obéi ponctuellement, reproduisant exactement les mouvements choréiques qu'il voyait. Prenant alors les électrodes d'une machine électrique, je les ai promenées d'une façon banale sur ses bras agités cn lui répétant que ses bras allaient devenir immobiles./page>

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Encore une fois j'ai été obéi et les bras peu à peu ont cessé leurs mouvements. — Pendant le môme temps, j'excitais la vraie choréique à bien regarder sa compagne, — dont je l'avais détournée pendant la période d'hypnotisation, — et je lui affirmais que la maladie guérissait sous l'influence des attouchements non douloureux que je faisais sur les bras. Enfin, quand les bras de l'hypnotisée eurent retrouvé leur repos, j'appliquai les électrodes sur les bras de la choréique en lui répétant qu'elle aussi allait être guérie. Au bout de quelques passes, les mouvements rythmés diminuaient de grandeur, puis s'éteignaient presqu'entièrement en quelques minutes.

C'est par celte méthode que j'ai guéri la malade et ceci vous prouve, comme je désirais que vous le sachiez, que la suggestion est un moyen très efficace contre la chorée hystérique.

CHRONIQUE DES SCIENCES PSYCHIQUES

Par M. Jules Bois.

I

Victor Hugo et les tables de Jersey

Les articles que M. Camille Flammarion vient de publier dans les Annales politiques et littéraires, sur la question du spiritisme ont remis d'actualité les « tables de Jersey · Je suis un des rares qui aient eu la chance de parcourir les cahiers manuscrits, de l'écriture de Hugo le plus souvent, où dorment les révélations des soi-disant esprits qui visitèrent le grand exilé. C'est à M. Paul Meurice, l'exécuteur testamentaire du poète des Contemplations, que je dois ce privilège. A propos de ces fameuses séances, Auguste Vacquerie écrivait dans les Miettes de l'Histoire, non sans esprit : « la certitude est si peu naturelle à l'homme qu On doute môme des choses qu'on a vues de ses yeux et touchées de ses mains. — J'ai toujours trouvé St Thomas bien crédule, a

J'ai écrit pour * la Revue Encyclopédique ß un article détaillé sur ces phénomènes, à qui le nom de Hugo et des autres illustres « sitters ?, comme on dirait à Londres, prête beaucoup d'éclat. D'ailleurs ces pages sont d'une littérature de grande envolée. Je donnerai de ces faits une étude in-extenso dans un livre que je vais faire paraître chez Flammarion, sous ce titre « l'Invisible », qui eût convenu peut-être à la grandiloquence du maître exilé alors sur son rocher.

En fait, pendant quinze mois depuis le 1" février 1854, chaque jour, après la visite de Mme de Girardin qui avait mis le spiritisme a la mode chez les lettrés, Mme Hugo, Charles Hugo, Auguste Vacquerie et quelques autres trompaient les longs loisirs de Mari ne-Terrace en faisant parler les tables. Victor Hugo s'intéressait beaucoup aux séances, auxquelles il assistait, et dont il daignait se faire le scribe ; mais il n'y prenait/page>

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jamais part directement. Le medium semblait d'ailleurs être surtout son fils Charles.

Il venait dans les tables de Jersey des messages psychiques qui se prétendaient émanés de Luther, de Cervantes, d'Eschyle, de Shakespeare, de Walter Scott, etc., et môme du « lion d'Androclès a et même d'? idées a comme a le Drame » ou * la Mort » ou « la Dame Blanche » de l'ile. Inutile de dire que M. Paul Meuricc, lui-même, qui admire beaucoup les communications magnifiquement écrites, ne voit là aucunement une intervention d'esprits. Tous, prosateurs ou poètes, philosophes ou fantaisistes de quelque pays ou de quelque siècle qu'ils soient écrivent en français, dans la langue romantique, selon la formule de Hugo. Le Dr Berillon présumerait sans doute, non sans flair psychologique, un cas de suggestion puissante, inconscient d'ailleurs, mais émanant bien du Chantre des Châtiments, une sorte de rêve éveillé qu'il aurait vécu. M. le prop Myers, de Cambridge, verrait là une manifestation du su&/i-minal sef et nous aurions le « génie de Victor Hugo » comme nous avons déjà le « génie de Socrate ». L'histoire en tout cas vaut la peine d'être contée et les procès-verbaux de ces séances auront certainement un vif succès de curiosité à leurs publications.

La télépathie américaine

Décidément on va vite aux Etats-Unis.

D'après un journal français, le Spiritualiste moderne, tel serait le cas extraordinaire d'un révérend, bon père et meilleur journaliste.

Le Révérend Thos Shelton, éditeur eu journal a Christian * (1), raconte que depuis dix ans il est en communication télépathique avec sa fille. Laissons-lui la parole : « Depuis dix ans j'emploie avec ma fille la télépathie comme moyen de correspondance, et elle nous est devenue aussi familière que le langage parlé. A des milliers de milles de distance je guéris des malades, je réponds à des lettres et conclus des affaires par ma fille (qui est mon aide) sans autre moyen que la télépathie. — Par exemple : Un jour je me trouvais à Denver, elle à Little Rock. Elle m'écrivit n'avoir pas assez de copie pour le journal. Je savais que trois à quatre jours se perdraient à lui écriro par la poste. Assis devant mon bureau je dis : « Vous trouverez dans mon pupitre trois articles : Veiling « Religion, Who are you ? et Half Truthes, donnez-les à l'imprimeur. » Dans ces mêmes paperasses se trouvaient au moins une douzaine d'autres articles, mais elle n'eut aucun mal à choisir ceux que j'avais nommés. — Quand je suis absent, elle m'envoie rarement les lettres qui me sont adressées, me les communique télépathiqucmcnt et je réponds par une dictée mentale. — Dans les choses journalières de la vie les membres de la famille sont habitués à l'entendre citer mes paroles, que je sois à des milles de distance où dans la chambre attenante.—Nous n'avons rien fait pour cultiver celte faculté, elle s'est développée peu à peu, et est devenue une habitude régulière.

(1) Paraissant à Little Rock (Etats-Unis)./page>

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Si la mode de cette correspondance psychique venait à prendre, ne pensez-vous pas que le fameux cible inauguré par Mac-ICinley et Félix Faure deviendrait quasi inutile?

Les dompteurs du feu.

Voici un étrange fait d'anesthésie,créé par des méthodes suggestives orientales, que nous connaissons encore bien mal. Il nous est rapporté parle Dr Th. Pascal, qui en a été témoin pendant son voyage dans l'Inde. Les Annales des Sciences psychiques (juillet-aout),du D'Dariex, reproduisent son récit. Je le résume pour les lecteurs de la Repue de ^Hypnotisme:

C'était à Bénarès, la Sainte Kashi, le 26 octobre 1893.

Une fosse rectangulaire de 9 mètres de long sur 2 de largo et 75centi-mètres de profondeur avait été creusée dans le vaste jardin de la villa Gopul Lai. Une quinzaine de troncs d'arbre y brûlaient dès deux heures de l'après-midi et répandaient autour du foyer une chaleur intense. Vers les sept heures et demie du soir, les grands charbons ardents étaient brisés à coups de longs bambous énormes, et l'on en faisait un lit régulier de braise flamboyante. Ce lit avait 5 mètres do longueur, 2 mètres de hauteur et 20 centimètres d'épaisseur moyenne.

? huit heures, il y avait déjà un public de 2.000 personnes. Enfin, une petite procession s'avance, précédée par un Hindou vêtu de blanc, coiffé d'un turban et brandissant un bâton de commandement assez semblable à celui de nos tambours-majors. Deux thuriféraires et quelques porte-flambeaux. Puis un ? shrine », une châsse à parois vitrées contenant des images, des plaques, des épées. Le brahme termine le cortège.

La procession s'arrête à quelques mètres du brasier. Le prêtre s'assied et prononce les incantations. Le maître des cérémonies jette quelques syllabes brèves auxquelles répondent les fidèles énergiquement. Deux énergumenes entrent en crise. On leur lance quelques noix de coco qu'ils brisent ù coups d'épée. La procession fait deux fois le tour du foyer et l'asperge d'eau consacrée. Enfin, une des noix mutilées est précipitée dans le brasier.

Le plus agité des crîsiaques se rue sur la braise en hurlant. Il est si frénétique, qu'on doit lui arracher l'épôe. Les assistants commencent à sa suite leur promenade dans le feu, qu'ils traversent à plusieurs reprises, hommes du peuple, enfants, gens de marque.

. Certains sr- lavent les mains dans la braise; un môme en sort avec un charbon enflammé, gros comme un petit œuf de poule, collé au bas de la jambe, et ne s'en débarrasse au bout de quelques secondes que parce qu'on l'en avertit. C'est surtout une partie de plaisir pour les enfants qui montrent, après maintes courses, dans le feu, leurs petits pieds respectés.

Bientôt tout est fini ; car, dit-on, après le départ du prêtre et de la châsse, le » charme d cesse et le feu * recommence ù brûler ». Alors/page>

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des indigènes remplissent de charbons ardents des récipients afin de faire cuire leurs aliments avec le feu qu'ils pensent sacré.

ß Nous descendons sur les bords du foyer pour juger de la chaleur, dit le Dr Pascal, il est difficile de la supporter; nous sommes obligés de détourner la face et de nous écarter. »

Plusieurs Hindous, qui ont traversé le brasier, sont observés : les une ont l'épiderme absolument intact, les autres ont de petites cloques guéries le surlendemain.

L'un des expérimentateurs a remarqué que la sensation de chaleur était plus forte devant le foyer que dans son milieu.

Le brahme prétendit que le contrôle du feu n'avait pas été aussi complet que d'habitude, parce que les images du ß Shrine - avaient été touchées par des Mahometans et des personnes de la foule-.

Dans une autre cérémonie, le Df Pascal traversa lui-même le brasier, les pieds nus, bien entendu; il fut brûlé, mais si légèrement, qu'il put marcher sans gène.

A une troisième cérémonie, trois Hindous s'élant heurtés dans leur course, tombèrent dans le brasier. 11 leur fallut quelques secondes pour se relever et en sortir. Aucun ne fut brûlé; et pourtant il y eut contact direct des jambes, bras, etc., avec le foyer. Leurs vêtements furent indemnes, quoique composés de tissus très légers, vaporeux, éminemment inflammables.

Le IV Th. Pascal termine ainsi son intéressant procès-verbal :

a En Europe, l'épreuve du feu subie victorieusement par les sorciers, il y a quelques siècles, était considérée comme une preuve de possession, et les malheureux étaient mis à mort; on ne songeait point que le démon, avec les pouvoirs qu'on lui accordait, aurait pu, s'il l'avait voulu, arracher les fidèles non seulement à l'action du feu, mais à n'importe quel genre de mort,— mais la logique n'était pas la qualité dominante à cette époque.

« ...Ces phénomènes ne sont donc pas nouveaux. Ceux auxquels nous avons assisté sont, pour nous, une preuve suffisante d'un pouvoir capable de dompter à un degré considérable l'énergie destructive du feu : celui-ci n'est pas éteint, mais il ne brûle pas. Nous estimons qu'une fournaise, semblable à celle que nous avons eue sous les yeux, ne peut être traversée nu-pieds.dans les conditions exposées, sans que de graves brûlures en soient chaque fois le résultat. *

J'ai cité ce phénomène oriental avec tous les détails, parce qu'il tendrait à prouver une action psychique capable d'arrêter la puissance du feu. Pour ma part, jusqu'à preuve du contraire, je me borne à admettre que l'impression de la cérémonie, du fanatisme ambiant suffit poui* créer en une certaine mesure une tendance à l'anesthésie pour les assistants crédules. Et je ferai remarquer au Dr Pascal que, malgré ses croyances mystiques très arrêtées et le prédisposant à l'autosuggestion, il a été le pius brûlé de tous les expérimentateurs. C'est sans doute que l'esprit critique du savant Européen restait encore trop éveillé.

Jules Bois./page>

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REVUE CRITIQUE DE PSYCHOLOGIE ET DE NEUROLOGIE

Par M. le Docteur Paul Farsz.

Contribution a la pathologie de la sympathie conjugale, par M. Ch. FérP., Soc. de Biologie, 15 avril 1899, compt. rend., p. 258.

Il n'est pas très rare de voir les maris prendre leur part des vomissements de la grossesse ; dans certains cas, ils imitent le rôle de la femme enceinte et de l'accouchée ; c'est ce que, chez certaines peuplades d'origine diverse, on appelle la « Couvade ». Weir Mitchell explique ces phénomènes de contagion par le mécanisme de l'imitation automatique ; Féré partage cette opinion à l'occasion de trois cas qu'il rapporte et qui intéressent tous des neurasthéniques. Voici le plus typique.

Un homme qui présentait des crises neurasthéniques se marie ; sa neurasthénie parait se guérir ; mais, dix-huit mois après, il se met à vomir : 1* un quart de litre de liquide clair et filant, peu de temps après le réveil ; 2· des aliments après le repas de midi. C'est que sa femme, enceinte de deux mois et demi, raconte un jour, en rentrant de sa promenade, qu'elle a été prise de nausées et que même elle a rendu quelques glaires. Frappé par ce récit, le mari s'est mis à vomir régulièrement comme il vient d'être dit. Cela dure depuis trois semaines ; il quitte le domicile conjugal pendant huit jours et les vomissements cessent. Mais des qu'approche le terme do la grossesse, ce même homme se plaint de douleurs lombaires et d'affaiblissement des membres inférieurs ; deux jours après, sa marche est difficile, it souffre d'une céphalée intense et continue ¦ son sommeil à peu près nul est interrompu par des chocs céphaliques qui lui arrachent des cris. En outre, il est dans une anxiété permanente ; il redoute la lumière, le bruit, les odeurs ; chaque changement de position provoque des douleurs rachidiennes ; la peau de l'abdomen et de la région mammaire sont hyperesthésiés. Une détente se manifeste lors de l'accouchement, mais l'amélioration n'est réelle qu'au bout de trois semaines, quand la jeune mère est de nouveau sur pied.

Deux ans après, survient une nouvelle grossesse : les vomissements réapparaissent, puis cèdent à une absence de dix jours; aux approches de l'accouchement ho reproduisent les mêmes crises, amenées, comme on le voit, par une sorte de suggestion inconsciente, à la suite d'un choc émotionnel, chez un individu prédisposé par la neurasthénie.

L'importance de la suggestion hypnotique dans le traitement de l'alcoolisme chronique, par M. Bbchterbw, Centr&lbl. (. Neroenheilk,

XXII, x, \m.

L'hypnotisme donne des résultats excellents chez les buveurs d'habitude; la cessation définitive de l'alcoolisme s'obtient très rapidement,/page>

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parfois brusquement. Pour éviter les rechutes, il est nécessaire de renouveler do temps en temps les suggestions ; les séances doivent être de plus cn plus espacées de semaine cn semaine, puis de mois en mois. La rechute dépend le plus souvent de la suppression brutale et prématurée des séances de suggestion. Sur tous ces points, Bechterew est complètement d'accord avec les autres psychothérapeutes auxquels l'hypnotisme a permis de combattre efficacement l'alcoolisme, comme Auguste Voisin, Ladame, Knory, Ribokoff, Kralït-Ebing, Forel, Bérîl-lon, Lloyd-Tuckey. Welterstrand, etc. Bechterew insiste sur ce point particulier, à savoir que l'hypnotisme peut rendre des services, même en plein délire alcoolique ; il n'est pas contre-indiqué par les hallucinations. Dans ces cas. la suggestion s'applique d'abord à calmer les malades et à les faire dormir profondément. C'est ce que j'ai montre moi-même (Cf. Revue de l'Hypnotisme, mai 1809, p. 336) à propos d'un malade atteint de délire alcoolique aigu; on voulait l'interner d'office : je parvins à le faire dormir pendant près de trois jours consécutifs et à le remettre très promptement sur pied. J'ai insisté à ce propos, non seulement sur l'efficacité de la suggestion dans le traitement de la prophylaxie de l'alcoolisme aigu ou chronique, — mais encore sur la grande utilité du sommeil prolongé comme un agent héroïque de sedation.

L'Hystérie dans ses rapports avec les émotions sexuelles, par M. le Dr IIavelock Ellis, The alienist and neurol, oct. 1898.

D'après Hippocrate, l'utérus est le siège de l'hystérie, d'où le nom de cette dernière. Pour de nombreux médecins et aussi pour la masse du peuple, l'hystérie a passé et passe encore injustement pour une affection dégradante. Tout récemment, à l'hôpital, j'entendais une malade se plaindre amèrement d'une infirmière qui l'avait appelée a hystérique. » « Je ne suis pas une hystérique, disait cette malade; une hystérique est une femme qui court après les hommes; or,moi,je me suis toujours bien conduite, j'ai toujours été fidèle à mon mari ! »

C'est en 1618 qu'un médecin français, Carolus Piso, soutint que l'hystérie apparaît à tout âge, dans les deux sexes et qu'elle a son siège dans le cerveau. Violemment combattu par les médecins de son temps, il fut soutenu par Willis et Sydenham. Depuis, Briquet, Charcot, Brener, Freud ont montré qu'il n'existe aucune connexion entre l'hystérie et les faits de la vie sexuelle. L'hystérie comporte un désordre nettement défini et n'est pas plus déshonorante que Îouto autre maladie./page>

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CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société d'hypnologie et de psychologie

Les séances de la Société d'hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième lundi de chaque mois, à k heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.

Les prochaines séances de la Société auront lieules Mardis 21 Novembre et 19 Décembre 18!)9, a 4 heures et demie.

Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les communications à M. le DT Bérillon, secrétaire général, 14, rue Taiibout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.

Le monument de Duchêne de Boulogne.

? l'occasion de l'érection du monument qui vient d'être inauguré à BouIogne-sur-Mer, M. Brissaud a fait une conférence dans laquelle l'œuvre du dr Duchêne était magistralement exposée. Nous en reproduisons les lignes suivantes qui feront comprendro tout l'intérêt avec laquelle la conférence à été suivie :

a Ce que tout le monde sait, c'est que Duchêne était médecin, médecin praticien, qu'il électrlsait des gens paralytiques, et même des gens qui ne l'étaient pas, qu'il guérissait tes uns et qu'il ne faisait pas de ma! aux autres. Et ainsi l'opinion publique a pris l'habitude de se le représenter comme un de ces hommes à système, qui traitent toutes les maladies par le même moyen et qui après tout n'ont pas tort, puisqu'ils croient que le talisman dont Us sont détenteurs est souverain et confère à leur propre personne l'unique et suprême secret do l'art de guérir. Aussi lorsque les bonnes femmes de la Salpêtrière voyaient venir Duchêne, porîant toujours comme un minuscule orgue de Barbarie, la caisse d'acajou a manivelle qui renfermait sa fameuse pile et sa bobine d'induction, elles disaient aveo une pointe de mystère : a Voila le petit vieux et sa boite a malice ». Mais aucune d'elles n'avalent la moindre Intention d'ironie. Bien au contraire, toutes réclamaient la faveur d'être électrisées. J'ai maintes fois assisté & ces scènes; j'ai vu Duchêne dépenser libéralement le fluide ; il ne se faisait jamais prier ; sa bienveillance s'exerçait sans effort, car 11 avait la bonté naturelle, et 11 y trouvait le premier sa récompense. J'oserai ajouter qu'il était souvent le seul a l'y trouver ; car s'il ne se faisait pas illusion sur l'eiflcaeité infaillible de sa complaisance, il savait du moins qu'une expérience, est toujours instructive. II était de ceux qui, t l'exemple de Claude Bernard, font des expériences a pour voir ». Et comme il savait très bien voir, il pouvait quitter l'hôpital deux fois content, se disant : a J'ai fait plaisir à ces bonnes femmes et je n'ai pas perdu ma journée. »/page>

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? Ce n'est donc pas par de3 cures étonnantes que Duchéne s'est distingué parmi tousles médecins de son époque. C'est encore moins par la découverte d'un procédé exclusif de traitement, que trop de spécialistes également dépourvus de diplôme et de conscience, font servir à leur détestable industrie. Sans doute Duchéne croyait à l'utilité de l'électrlsation médicale, mats sa foi honnête n'est ni fanatique ni superstitieuse Le premier il nous a mis en garde contre les dangers de l'électro-thérapique. Sans diminuer les services que Duchéne a rendus à la thérapeutique, on peut dire que ses titres à notre reconnaissance sont d'un ordre tout différent. Ce qui fait sa gloire — il n'y a vraiment pas d'autre mot — c'est d'avoir découvert une méthode dont les bienfaits réels ont été reconnus surtout après lui, mais qu'il avait su prévoir clairement ; c'est le caractère d'utilité générale de de cette méthode, non seulement dans ses applications médicales, mais encore dans ses adaptations multiples à la physiologie humaine ; c'est la sûreté impeccable de ses observations cliniques, préparant à la fols le cadre et les éléments d'une classification naturelle, avant laquelle la neurologie n'était que confusion et chaos; c'est la continuité de son effort, c'est la somme prodigieuse de matériaux qu'il a rassemblés pour l'édification d'un monument scientifique impérissable, dont El posa lui-même et affermit la base, et dont il pu voir l'achèvement grâce à son ami et collaborateur Charcot, merveilleux architecte. »

Les Chemineaux

Le Dr Plédran a consacré sa thèse à l'étude des chemineaux. Il nous apprend qu'il y a, do par les routes de France, quarante mille vagabonds parmi lesquels un fort contingent est fourni par des aliénés, des débiles, des détraqués, dos dégénérés qui, le plus souvent, devraient appartenir aux asiles plutôt qu'aux prisons où on les envoie si fréquemment. Beaucoup de ces chemineaux subissent en effet, condamnations sur condamnations jusqu'à, ce qu'enfin la folie, arrivée à ses dernières périodes, saute aux yeux des gendarmes et des juges et rende à l'asile les victimes qui lui sont dues.

Ces chemineaux constituent un grand danger pour les habitants des campagnes. L'exemple tristement célèbre de Vacher, le chemineau assassin, est loin d'être Isolé. Les chemineaux commettent sur leur passage beaucoup de méfaits qui ne sont pas dénoncés par crainte de vengeance. L'état mental du vagabond et de l'homme errant ne tarde pas aie mettre au niveau de la bote fauve, avec cette différence que l'homme errant est beaucoup plus dangereux. Homo errans Jera errante péjor, tel est le titre fort justifié d'un chapitre de l'Homme gui rît de Victor Hugo. — Pourquoi les pouvoirs publics tardont-ils à prendre à l'égard des chemineaux et des vagabonds professionnels les mesures que commandent à la fois l'humanité et le souci de la sécurité publique ?

Peut-on aggraver son mal en y pensant trop ?

De tout temps le populaire a eu la ferme croyance que, de penser cons' taroment à une partie du corps ou à un organe, produisait de ce côté un effet néfaste ou que, s'il s'agissait d'un endroit ou d'un organe déjà malade, il en résultait une aggravation locale; mais au point de vue médical ou physio-/page>

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logique, ies preuves de cette croyanco populaire ont été jusqu'à présent rares et discutables.

Le professeur Carpcnticr a été, d'après notre confrère anglais, The Lancet, qui a soulevé cette question dernièrement, le premier à faire remarquer et à démontrer expérimentalement que la concentration de la pensée localisée chez le même sujet sur une partie du corps pouvait y produire une hyperé-mie locale accompagnée de démangeaisons et d'élancements sans arriver à une inflammation.

On peut concevoir, en effet, facilement qu'une tension de l'esprit dirigé vers un point particulier de l'organisme puisse modifier l'afflux sanguin vers cette partie.

Si on admet cela comme possible, et il n'y a pas de raisons qui s'y opposent, on peut logiquement déduire que ce léger désordre initial pourra amener plus tard des changements morbides ou y prédisposer. Mais les cas produits ou qui pourraient être élucidés au moyen de la théorie exposée ci-dessus, sont, il faut l'avouer, très peu nombreux.

D'après The Lancet. M. W. 11. Bermett a cité, dans une conférence clinique tenue à Saint-George's Hospital, deux cas très probables, et suggestifs s'ils ne sont pas concluants.

Il s'agit dans chacun de ces cas d'une tumeur, dont le volumo augmenta d'une manière rapide, à la suite d'une préoccupation constante de l'esprit du malade sur son mal et d'une attention perpétuelle à la partie malade.

D'autre part, on a quelques exemples que des médecins ou des chirurgiens , e'étant adonnés d'une manière toute spéciale a l'étude et au traitement de tel ou tel organe ou de telle affection, aient subi un commencement de la maladie vers laquelle s'étaient portées leurs études.

Ces exemples sont en assez petit nombre, pour ne pas dépasser les moyennes ordinaires de la probabilité.

C'est heureux, car si l'on pouvait donner à cette opinion des traces certaines, les adeptes de la profession médicale y regarderaient à deux fois avant de se spécialiser, surtout quand il s'agit des maladies les plus douloureuses ou les plus désagréables.

(Nature.) VlBUAON.

NOUVELLES

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique Insiiiutpsycho-p/ii/stoioi/ique, 4°, rue Saint-Andrè-des-Arts.

L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage desavants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.

L'organisation de l'Institut psycho-physiologique en fait à la fois une/page>

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Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.

Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique), est annexée à l'Institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.

Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d'aliénés, y complète son cours à l'école pratique de la Faculté de médecine (semestre d'été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l'hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les D" Henry Lemesle, Vlavîanos, Lapinski, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les Dre Paul Parez, A. Guimbeau, Bianchi, Branly et par M. Charles Verdin.

Depuis 1892, pendant le semestre d'hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, par MM. les D™ Dumontpallicr, Bérillon, Max Nordau, E. Caustier, Henry Lemesle, Paul Farez, Collineau, Saint-Hilaire, Oscar Jennings. Armand Paulier, Tison, Bianchi, Légué, et par MM. Lionel Dauriac, Jules Bois, Lépinay Laisant, Albert Coutaud, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.

M. le Dr Paul Joire, correspondant de l'Institut psycho-physiologique, fait, chaque année à Lille, un cours annexe d'hypnologie.

Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l'acqui-sition des appareils les plus nouveaux.

Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l'histoire de l'hypnoiisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.

Chaque année, un certain nombre d'étudiants trouvent d'importantes, contributions a leur thèse de doctorat dans les travaux de l'Institut psycho-physiologique.

Cours pratique d'hypnologie et do psychologie. — M. le Df Bérillon reprendra son enseignen: :nt clinique de l'hypnologie et de la psychologie, le jeudi 26 Octobre L-ourant, à 10 heures et demie, à la clinique des maladies nerveuses, 49, rue Saint-André-des-Arts. Il le continuera les jeudis à 10 heures et demie.

Conférences do l'Institut psycho-physiologique.— Les conférences du semestre d'hiver reprendront le jeudi 11 janvier à 8 h. 1/2 du soir, et continueront les jeudis suivants.

Université. — Nous apprenons avac plaisir que notre eminent collaborateur M. Lionel Dauriac, professeur à la Faculté de lettres de Montpellier, vice président de la sociéié d'hypnologie et de psychologie, vient d'être nommé professeur de philosophie au Lycée Janson de Sailly. àPaiis._

_L'Administrateur-Gérant : Ed. BElïlLLQN/page>

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14« année. — ?» ß.

Décembre 1899.

Les lois psychologiques de l'hiérogénie (')

Par M, le Dr Charles Bixet-Sanglé.

L'histoire est à la sociologie ce qu'est la clinique à la pathologie. Après avoir essayé de faire œuvre d'historien, j'essaierai de faire œuvre de sociologue, et de poser, d'après mon Histoire des suggestions religieuses dans la famille de "Biaise Pascal (*), les premières assises psychologiques de l'hiérogénie.

J'étudierai successivement le type dévot et ses variétés, la suggestion religieuse, la contagion religieuse et la formation des groupes religieux.

I

le type dévot

I. Le type dévot en général. — J'ai donné, dans mon Histoire, des renseignements sur 103 dévots, 54 hommes et 49 femmes.

Ces renseignements, empruntés pour la plupart au Nécrologe de Port-Royal, à son Supplément et au Nêcrologe des principaux défenseurs de ?a vérité, c'est-à-dire à des recueils singulièrement favorables aux sujets considérés, suffisent à se faire une idée du type dévGt.

Je trouve, parmi les hommes, dont 6 seulement, paraissent s'être mariés, et dont 36 étaient des solitaires de Port-Royal;

1 professeur de philosophie, 1 chirurgien, 1 médecin, 3 administrateurs, 2 employés de commerce, dont l'un devint prêtre,

2 avocats, 1 sous-diacre, I diacre, 14 prêtres.

Des femmes, 4 seulement paraissent s'être mariées et 33 étaient des religieuses de Port-Royal.

(1) Genèse et âcvcloppumeut des religions-

(2) Voir U 'R.evu: de l'Hypnotisme de mars lêrfS a oeplembro l&HJ./page>

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Plusieurs de nos dévots moururent jeunes :

Antoine Le Maistre à 50 ans.

Catherine Champaigne 49 —

Magdeleîne Briquet 47 —

Suzanne Robert 45 —

Biaise Pascal 39 —

Etienne Périer 38 —

Jacqueline Pascal 36 —

Blaise Périer 30 1/2

Antoinette Begon 28 —

Marguerite d'Angennes 17 —

Plusieurs étaient infirmes, maladifs, travaillés par des « malaises » (1) et des « incommodités » (-). Tels furent Louis Périer, Claude Lancelot, dont l'agitation était telle qu'il ne dormait que trois heures par nuit, Charles du Chemin, François Bouilli, Angélique Arnauld d'Andilly, Charlotte de Roan-- nez, Marie Suireau, une migraineuse, Anne-Marie deFlexellesde Bregi, Anne-Julie de Rémicourt, Hippolyte-Antoinette Clément, Marie d'Angennes du Fargis, Suzanne Robert et M"' Le Charron d'Espinoy.

Je relève la tuberculose pulmonaire chez Marguerite d'Angennes; l'asthme et la pierre chez Domat; une céphalée continue chez Nicolas Hucqueville; la neurasthénie ou la mélancolie chez Blaise Pascal, Marie-Angélique Arnauld d'Andilly, tombée « en langueur » à la suite d'une douleur morale, Charles Akakia du Mont,atteint d'une « maladie de langueur et de défaillance » (3); le norvosisme avec tendance à la neurasthénie chez Jacqueline Pascal.

Etienne de Bascle, Magdeleine Baudrand et Catherine Cham-paigne furent guéris miraculeusement, c'est-à-dire par suggestion, le premier d'une « maladie longue et fâcheuse » (1), la seconde d'une hydropisie (météorismeï), la troisième d'une paralysie accompagnée de douleurs et de lièvre.

Catherine Coulas était atteinte d'hémiplégie, et Marguerite Périer de paraplégie,

Jeanne Arnauld (la mère Agnès) était sujette aux congestions cérébrales Fiançoise de Sainte-Marthe fut frappée dune maladie qui - se porta tout à coup à la tête » (5), lui enlevant tout senti-ment et presque le langage. Magdeleine de Ligny eût plusieurs attaques d'aploplexie. Du Vergier de Hauraune, Hené Nicole

tu (2) (3) Nécrologe de Port-Royal. (4), (5) Sécrologe de P. R./page>

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et Pierre Moreau moururent de cette affection. Florin Périer et Gilberte Pascal moururent de mort subite.

Mlle do Montpensier(1) trouvait une « mine naïve et simple a à la plupart des religieuses de Port-Iioyal, mais la pauvreté d'esprit de Louise de la Bonnerie était telle que le Nécrologe nous la signale.

Je note la surérnotivité chez Etienne Pascal, Biaise Pascal, Jacqueline Pascal, Marguerite Périer, Angélique Arnauld d'An-dilly et Catherine Goulas;

La tristesse chronique chez Biaise Pascal, Jacqueline Pascal, Biaise Périer, Jacqueline Arnauld ;ia mère Angélique), Jeanne Arnauld, Catherine Goulas, Suzanne Robert qui avait « le don des larmes »(2), et Marie Suireau, qui « poussoit vers Dieu des gémissements continuels ». (s)

L'humilité excessive chez Biaise Pascal (à la fin de sa vie), Jean Guillebert, Antoine Singlin, Charles-Henri Arnauld de Lusanci, AntoineBaudri de Saint-Giles d'Asson, Gilberte Pascal, Jacqueline Pascal, Marguerite Périer, Jacqueline Périer, Jacqueline Arnauld, Jeanne Arnauld, Marie-Dorothée Lecomte, Marie Suireau «humble jusqu'à désirer être foulée aux pieds(4)», Françoise de Sainte-Marthe, Madeleine Bochard de Champigni de Chaze, Marie de Rubantel Le Camus;

La timidité et la crainte chronique, crainte de Dieu ou crainte de la mort, chez Biaise Pascal, Antoine Singlin, Charles-Henri Arnauld de Lasanci, Antoine Le Maistre, François Bouilli, Jacqueline Arnauld, Jeanne Arnauld et Suzanne Robert;

L'affaiblissement des sentiments altruistes chez Biaise Pascal, Jacqueline Pascal, Jacqueline Arnauld et Magdeleine de Ligny.

L'activité de la plupart se réduit à l'accomplissement des exercices religieux.

La soumission, la docilité, l'obédience, la malléabilité, la suggestibilité sont particulièrement remarquables chez Blaise Pascal, Louis de Pontis, Raphaël Lo Charron d'Espinoy et Jacqueline Pascal.

Ces divers caractères psychiques se manifestent dansl'attitude de nos sujets, dans leur démarche, dans leurs gestes, dans leur elocution, dans leur costume, dans leur genre de vie-

Cette attitude, la tête baissée,lesyeuxbaissés,souvent les mains Jointes, cette attitude de reploiement sur soi-même, cette démar-

(I) Mémoires.

P). (3), (i> Nécrologie de P. R./page>

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che lente, ces gestes discrets, cette elocution timide, nous les connaissons ; ils sont communs aux dévots et aux lypémania-ques. Quelques-uns des uns et des autres sont absolument taciturnes. C'est le cas d'Euphrasie Legros, de Magdeleine de Ligny et de Magdeleine Bochard.

Pour leur costumenos sujets choisissent des étoffes sombres et grossières. Les femmes s'habillent sans corps de jupe, portent des coiffes embarrassantes, et des souliers bas (Jacqueline Pascal), des cornettes (Marguerite Périer), des chemises de serge (Religieuses de Port-Royal), ou bien elles se coupent les cheveux (Jacqueline Pascal, Charlotte de Roannez).

Leur nourriture est grossière et rare. Ils se forcent à manger ce qu'ils n'aiment pas (Biaise Pascal. Novices de Port-Royal), et on les voit absorber des œufs pourris ou du jus de morelle (Novices). Ils pratiquent le jeûne, parfois d'une façon excessive, comme Biaise Pascal, Claude de Sainte-Marthe, Jean Hamon, François Bouilli, Charles Henri Arnauld de Luzanci, qui y perd ses forces, Jeanne Arnauld, Suzanne Robert, et Jacqueline Pascal, qui arrive à ne plus pouvoir digérer la ration normale.

Ils couchent sur la dure (Florin Périer, Antoine de Rebours, Wallon de Beaupuis, Innocent Paï) ou dans des draps grossiers (Jacqueline Arnauld et les religieuses de Port-Royal).

Ils se livrent à la veille (Charles du Chemin, Jacqueline Pascal, Suzanne Robert.)

Ils se privent de feu (Antoine Le Maistre, Wallon de Beau-puis, Jean Hamon, Jacqueline Pascal). Ils recherchent la solitude (Biaise Pascal, Antoine Le Maistre, Claude de Sainte-Marthe, Jean Hamon, Madeleine Bochard).

Ile vivent, dans de misérables chambres ou dans de misérable^ cellules (Biaise Pascal, Jean Hamon, Françoise de Sainte-Marthe), Ils se complaisent même dans une certaine malpropreté (Biaise Pascal).

Ils portent la haire comme Innocent Faï, qui se donne aussi la discipline, ou la ceinture à pointes de fer comme Biaise Pascal et Florin Périer. Nous voyons enfin Jacqueline Arnauld laisser couler sur ses bras nus de la cire bouillante.

Ces austérités les « consument » (') (Pierre Thomas du Fossé), rendent leur corps a comme un squelette » (*) (Suzanne Robert), et parfois ils en meurent (Antoine Singlin)

C'en est assez pour définir le dévot, ou tout au moins le

(1) (2} Nécrcloge de P. R,/page>

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dcvotjansénisle comme «néïresoz/^f malsain, maladif, prédisposé aux troubles et aux maladies du système nerveux, surémotif, et triste, humble, timide ou craintif égoïste, éminemment suggestible, et menant une vie anormale, parce qu'il est anormal.

II. Variétés du type dévot. — On peut diviser les dévots en : 1° Créateurs-suggestionneurs; 2° Suggestionnés; 3« Sug-gestionnés-suggestionneurs.

Créateurs-suggestionneurs. — Les suggestion ? eurs, non préalablement suggestionnés pour les idées qu'ils répandent, sont les fondateurs de religions, de sectes et d'hérésies. Au-gustinus fut un créateur-suggestionneurpour l'idée delà grâce efficace, s'il est vrai que cette idée soit dans ses œuvres. Sinon, cette qualité appartient à Corneille Jansen.

2° Suggestionnés. — Les suggestionnés, qui ne suggestion-nentpas à!eurtour,sembIentêtrereprésentés dansmonHistoire par 30 hommes et 36 femmes. Cette classe comprend la majorité des dévots, le gros des prosélytes, le troupeau des ouailles. — Ce qui parait les caractériser, c'est la faiblesse d'esprit, l'humilité, la timidité, la docilité.

.3° Suggeslionnés-suggestionneurs. — Les suggestionnés, qui suggestionnent à leur tour, sont représentés dans mon Histoire au moins par 24 hommes et 13 femmes. Les créateurs-suggestionneurs étant les dévots de génie, si j'ose m'exprimer ainsi, ceux-ci sont les dévots de talent. Ils sont parfois intelligents, mais leur intelligence est fragmentaire, c'est-à-dire qu'embrassant avec clairvoyance un ou plusieurs groupes de phénomènes, elle reste négligente ou impuissante à l'égard des autres. Si BlaisePascal, mathématicien et physicien de premier ordre, si Arnauld l'avocat et Domat, juristes avertis, si Pierre Nicole, érudit eminent, si Etienne Pascal, administrateur habile, si Jacqueline Pascal enfin, poète précoce, purent être des dévots, c'est qu'ils demeurèrent fermés aux phénomènes psychiques et sociaux qui permettent l'explication rationnelle de la genèse des religions.

Les plus accentués d'entre eux, les propagandistes, sont, au point de vue du caractère, tantôt des hommes onctueux et prenants, comme Jean Guillebert, tantôt des hommes unissant la force et la douceur, comme Claude de Sainte-Marthe et Antoine Singlin, tantôt des volontaires et des opiniâtres, comme Jacqueline Arnauld, tantôt des passionnés et des violents, comme du Vergier de Hauranne.

{A suivre.)/page>

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Les états mentaux impliqués dans l'appréciation post-hypnotique du temps.

par M. le D' MiûfE-BiuuwELX (de Londres). " '(Suite et fin)

Désireux de compliquer les expériences, je demande à C. (aussitôt après l'avoir suggestionnée et avant de la réveiller) : 1° de calculer mentalement à quel moment la suggestion doit être exécutée, 2e de me faire connailre le résultat de son calcul.

Voici quelques exemples :

Mercredi 8 janvier 1898

N° 10. — 4 heures moins cinq de l'après-midi. — Je suggère un actequi devra être accompli dans 4.417 minutes. Elle me répond : Cela fait dans 3 jours, 37 minutes, c'est-à-dire samedi prochain à 5 heures moins 23 minutes de l'après-midi.

Remarque. — Il y a une avance de 1 heure 5 minutes. Le calcul a été fait apparemment à partir de 4 heures, au lieu de 4 heures moins 5 minutes.

N° 11. —4 heures cinq de l'après-midi. — Je suggère un acte qui devra être accompli dans 11.417 minutes. Elle me répond: Gela fait dans 187 heures, 50 minutes ou 7 jours, 9 heures, 50 minutes, c'est-à-dire mercredi prochain à 12 heures 5 minutes.

Remarque. —II y auneavancede 1 jour,3heures, 20minutes. Cette fois, 1° la durée a été calculée comme étant de 187 heures, 50 minutes, c'est-à-dire, que le nombre 11.470 a été pris par erreur pour celui de il.270 ; — 2° 187 heures 50 minutes ont été considérées comme faisant 7 jours 9 heures 50 minutes, au lieu de 7 jours, 19 heures, 50 minutes ; — 3° la réponse paraît avoir été calculée sur cette donnée, mais avec une erreur d'un jour.

N° 12. — 4 heures So de l'après-midi. — Je suggère un acte qui devra être accompli dans 10.070 minutes. Elle me répond: Cela fait dans 1.067 heures, -iO minutes ou 6 jours, 23 heures, 40 minutes, c'est-à-dire mercredi prochain à 4 heures moins 20.

Remarque. — Cette dernière réponse est exacte, mais n'est pas conforme au calcul: 10.070 minutes font 167 heures ;>0 minutes et non 1067 heures 40 minutes. Dans ce cas, ï° un/page>

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chiffre a été inséré par erreur, et S6 40 minutes ont été prises par erreur pour 50 minutes. La première erreur a été corrigée, mais la seconde maintenue, puisque 6 jours, 23 heures, 40 minutes ont subsisté au lieu de 6 jours 23 heures 50 minutes.

L'expérience N° 12 se fit dans mon cabinet de consultation où C. se trouvait depuis une heure dans Pétat profond d'hypnose. Soudain les doigts de sa main droite s'agitèrent, puis, sans s'éveiller ni ouvrir les yeux, elle déclara qu'elle devait tracer une croix et écrire 4 heures 20 minutes. Cela se passait exactement à 4 heures 20 minutes.

Résultats. — En dépit des erreurs commises par C. toutes ces expériences réussirent au moment que j'avais désigné. J'en fus fort surpris, car je m'étais naturellement imaginé que C. exécuterait mes ordres au moment déterminé par son calcul mental pendant l'état d'hypnose. Quelques jours après ces diverses échéances j'hypnotise de nouveau C

— « Vous n'avez pas, lui dis-je, réalisé mes suggestions au moment où vous m'aviez déclaré qu'elles devaient l'être. Pourquoi ?

— c Ce que je vous avais dit, répond-elle, n'était pas juste.

— « Comment avez-vous su que le moment auquel vous avez exécuté mes ordres était le bon?

— « Il m'est impossible de vous le dire ; j'ai eu la sensation que ce moment était venu. »

Je ne pus faire jaillirde sa mémoire les procédés par lesquels elle avait corrige les premières erreurs. Toutefois, pendantson sommeil, cette personne m'affirma que, depuis le moment où j'avais fait mes suggestions jusqu'à celui où je les lui rappelais, elle n'y avait pas songé du tout. Au moment où elle allait les accomplir, eue sentait une impulsion soudaine à tracer les chiffres et elie n'avait aucun souvenir des premiers calculs.

Je voulus compliquer encore les expériences en les faisant partir d'une heure conventionnelle. Je dis â C. : « Nous supposons qu'il est telie heure; vous devrez exécuter ma suggestion dans tant de minutes à partir de l'heure convenue. »

alercredi iS janvier, 4 heures.

No 13. — Suggestion à réaliser dans 4.453 minutes à partir dc4heures45minules. —Cela fait dit C. dans722 heures ^minutes, ou mercredi prochain à 11 heures moins 15 minutes du soir./page>

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Remarque. — ? y a un retard de 4 jours, 4 heures, 17 minutes. En effet, 4453 minutes font 74 heures 13 minutes et non 722 heures 33 minutes.

N° 14. — Suggestion à réaliser dans 10.470 minutes à partir de 2 heures de i'après midi. — Ceiafait, dit C, dans 197 heures 30 minutes, ou mercredi prochain à 4 heures moins cinq de l'après-midi.

Remarque. — H y a une avance de 4 heures 35 minutes. En effet, 10.470 minutes font 174 heures 30 minutes et non 197 heures 30 minutes. Je ne trouve aucune explication ni à cette erreur ni à !a précédente.

. N° 15. — Suggestion à réaliser dans 10.060 minutes, à partir de 3 heures de l'après-midi. — Ceiafait, dit C, dans 8 jours d heures 30 minutes ou mercredi prochain à 4 heures moins 25 de l'après-midi.

Remarque. — Il y a un retard de 1 heure 45 minutes. La durée mal calculée de 8 jours, 5 heures, 30 minutes correspondait à la durée mal calculée de 197 heures 30 minutes du N° 14. Ceile durée est apparemment restée dans l'esprit. L'échéance de la suggestion avait été calculée avec 4 heures moins 45 minutes comme heure initiale (ainsi que dans le N> 13), au lieu de 3 heures du soir.

Résultats. — Ici encore, comme dans la première série d'expériences, la suggestion a été exécutée au moment précis où elle devait l'être. Il fut fait en tout 55 expériences ; j'ai perdu le résultat de l'une d'elles ; une fois, le sujet n'a pas bien compris ma suggestion mais l'a accomplie conformément à ce qu'il a cru comprendre ; 45 fois, l'ordre fut exécuté à la minute ; 8 fois le sujet écrivit l'heure à laquelle la suggestion arrivait à échéance, mais avec de légères erreurs qui n'excédèrent jamais cinq minutes.

Il serait trop long de donner ici un récit détaillé de toutes ces expériences. Je les résumerai ainsi:

i. — Longtemps avant que ces expériences eussent été entreprises... C'était déjà une grande somnambule, c'est-à-dire qu'elle n'avait au réveil aucun souvenir de ce qui s'était passé pendant le sommeil provoqué.

2.— Pendant l'état de veille, elle était incapable de résoudre mentalement les plus simples problèmes portant sur les additions ou les soustractions./page>

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3, — Les suggestions impliquant des séries compliquées de chiffres n'ont été lues à G. qu'une fois ou deux au plus.

4.— C. restait endormie une heure et même plus après que la suggestion avait été faite ; en outre, elle ne pouvait consulter l'heure, ni noter les suggestions autrement que mentalement.

5. —Les résultats, à part les quelques exceptions que j'ai mentionnées, ont été exacts, mais les questions posées pendant l'hypnose n'ont révélé rien ou presque rien du mécanisme suivant lequel ces résultats avaient été obtenus.

6. — Les calculs faits par C. pendant l'hypnose touchant l'échéance des suggestions ont été généralement faux et cependant l'exécution est survenue au moment exact.

7. — Quelques-unes des suggestions qui ont réussi se sont réalisées pendant l'état de veille, quelques autres pendant le sommeil ordinaire et les autres pendant l'hypnose.

8. —La plupart de ces expériences ont eu lieu en ma présence et pourraient être attestées par des témoins dignes do foi. C. est restée quelquefois plusieurs heures dans de telles conditions qu'il lui a été impossible de regarder l'heure.

9.— L'exactitude de quelques-uns des résultats n'a été confirmée que par le témoignage de C. et de ses amis. Il est cependant à noter que, pendant la veille normale, C. n'avait pas assez de mémoire pour retenir la série compliquée des nombres suggérés et qu'en outre cette personne n'était pas assez forte en arithmétique pour pouvoir calculer la date de l'échéance.

10. —Dans la plupart des cas, je n'ai fait mes calculs qu'après l'expérience. Si dans quelques cas je les ai faits avant, ils n'ont été qu'approximatifs. Pour ces raisons et d'autres encore, il était donc impossible que C. reçut de moi une aide quelconque, soit directement soit indirectement.

D'après le Dr Bernheîm, chaque homme possède une certaine quantité de force nerveuse ou d'activité cérébrale. A l'état de veille,cette force se trouve concentrée dans les centres nerveux les plus élevés, c'est-à-dire dans la partie du cerveau où siège la raison; durant l'hypnose, elle est concentrée dans les centres inférieurs, dans la partie imaginative ou automatique. Tous les phénomènes produits durant l'hypnose (conceptions, mouvements, sensations, images) doivent leur origine à cette force nerveuse qui s'est concentrée et accumulée. Quand le sujet s'éveille, cette concentration cesse d'exister et les impressions/page>

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reçues durant l'hypnose s'effacent. Quand on produit de nouveau l'hypnose, l'état antérieur de concentration reparait et, en même temps, les souvenirs se réveillent.

Cette explication est ingénieuse; mais elle ne concorde pas avec les faits observés.

Si je suggère à un sujet qu'au réveil il se souviendra des événements de l'hypnose, il ne manquera pas de le faire. Cependant, d'après celle théorie, le retour des forces aux centres les plus élevés aurait dû, inévitablement, empêcher ce souvenir.

En outre, la suggestion peut enlever au sujet hypnotisé le souvenir des événements qui se sont accomplis pendant les hypnoses précédentes. Or, si l'explication de Bernheim est exacte, le souvenir disparu ne devrait pas manquer de reparaître lorsque la force nerveuse est de nouveau concentrée dans les centres inférieurs.

De plus, comme on peut simultanément évoquer chez un même sujet des phénomènes hypnotiques nombreux et variés, cela prouve clairement que l'hypnose ne peut s'expliquer par la concentration de l'attention sur un point donné. Et puis, le fait que les phénomènes multiples sont parfois d'un caractère analogue à celui des phénomènes isolés, indique que l'explication des phénomènes hypnotiques au moyen de l'attention concentrée est également illusoire. Si toute l'attention est requise pour la production d'un phénomène hypnotique et si, pendant qu'il dure encore on peut en produire simultanément beaucoup d'autres, comment ces derniers peuvent-ils altirer vers eux cette somme d'attention réputée nécessaire pour la production du premier phénomène?

Quant au fait que deux sujets à l'état d'hypnose ont déclaré que chacun d'eux avait rêvé une fois d'une suggestion pendant le sommeil naturel, il ne justifie pas cetle conclusion que les somnambules passent aisément et spontanément de l'état normal à l'état hypnotique.

De plus, bien que les souvenirs à l'état d'hypnose, spontanée ou provoquée, disparaissent au réveil, on peut facilement les évoquer a nouveau par des questions posées pendant de nouveaux états d'hypnose.

Ainsi, des sujets qui avaient passé spontanément à l'état hypnotique et qui avaient pensé aux suggestions, ont pu être amenés à se souvenir de ce qui était survenu. Malgré cela, les généralisations de Bernheim sont basées sur deux rêves et i/page>

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n'a nullement essayé de découvrir !es conditions mentales qui y étaient impliquées, ce qu'il aurait pu faire par la simple méthode d'interrogation pendant les nouveaux états d'hypnose:

Même en admettant la concentration psychique et son apparition spontanée, la difficulté est loin d'être résolue. S'il né reste à l'état normal aucune trace de la mémoire hypnotique, quel avantage la conscience normale retire-t-elle de ce fait que la conscience hypnotique se souvient de la suggestion avant la date fixée pour l'accomplissement de celte suggestion? L'explication de Beaunis suppose : 10 l'existence d'une sorte de faculté inconsciente servant à la mesure du temps et 2? l'application de cette faculté aux cas en question.

Beaunis prétend que certaines personnes peuvent s'éveiller à une heure déterminée, que d'autres savent toujours quelle heure il est, que les sauvages ont conscience du temps; mais, à l'appui de tout cela, il ne peut citer aucun exemple.

Si nous prenons le cas le plus simple, c'est-à-dire celui qui consiste à s'éveiller à une heure donnée, bien des personnes s'imaginent pouvoir le faire. D'ordinaire, cependant, celui qui s'éveille de lui-même montre qu'il a le pouvoir de dormir plus légèrement qu'à l'habitude; il s'éveille plusieurs fois pendant la nuit et, à la fin, ne s'éveille pas toujours à l'heure dite.

A la demande de la Société des Recherches Psychiques, plusieurs personnes, qui croyaient posséder le pouvoir de s'éveiller à une heure déterminée, font mis à l'épreuve d'une façon rigoureusement scientifique. Les résultats ont été désappointants. Un expérimentateur réussit seulement deux fois sur il et l'une de ces fois était l'heure à laquelle il avait coutume de s'éveiller. Un autre a réussi 5 fois sur 29, mais, dans trois occasions, il s'est réveillé aussi à d'autres heures. Le troisième a réussi 2 fois sur 13 et le quatrième 4 fois sur 46.

En admettant que certaines personnes possèdent la faculté de s'éveiller aune heure déterminée, cela n'explique pas qu'il en soit de même pour tous les somnambules.

Ce serait vouloir expliquer le peu connu par le moins connu, et l'analogie, même si elle est justifiée, loin de résoudre le problème, en superpose un autre au premier.

En admettant que le sauvage possédât quelque disposition naturelle d'apprécier le temps écoulé, cela lui serait de peu d'utilité dans des cas comme ceux qui ont été cités par Del-/page>

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bœuf et par moi-même. S'il ne sait pas compter au-delà de 5, comment sa faculté pourrait-elle mesurer une durée qui commençait par exemple hier à 3 h. 15 et qui doit comporter 20.840 minutes?

Les objections que Gurney adresse à Bernheim et à Beaunis sont justifiées. Néanmoins, tout en les admettant, j'estime qu'il faut les compléter par d'autres : la théorie de Gurney, en effet, n'est pas applicable à tous les cas. D'après lui, la conscience hypnotique apprécie le temps écoulé de la même façon que la conscience arrive à le faire à l'état de veille. La conscience hypnotique sait exactement quand l'échéance est arrivée et, laissant pour ainsi dire de côté la conscience normale, elle exécute l'ordre.

Cette théorie serait acceptable si toutes les personnes hypnotisées agissaient de la même manière que celles dont il a parlé. Mais celles que j'ai observées ne rentrent pas entièrement dans ce cadre.

Quand, par exemple, on posait des questions à C.,dans l'intervalle compris entre renonciation de l'ordre et sa mise à exécution, elle ne savait ni combien de jours s'étaient écoulés, ni combien il devait s'en écouler encore.

A moins qu'elle n'en eût reçu l'ordre exprès, sa conscience hypnotique ne faisait jamais, apparemment, aucun calcul. De plus, quand elle disposait son organisme à agir à l'heure désignée par des calculs erronés et des auto-suggestions, les phénomènes apparaissaient à la date exacte et, cependant, il ne subsistait dans la conscience hypnotique aucun souvenir du procédé par lequel l'erreur primitive avait été corrigée.

Pour que C. puisse accomplir ses expériences sur le temps, elle doit posséder quelque procédé mental qui : 1° résout un problème compliqué d'arithmétique, puis : 2° note le temps à mesure qu'il s'écoule; enfin : 3° suscite et régularise les actes qui exécutent et enregistrent la suggestion.

Or, à peu d'exceptions près (et celles-ci ne comprennent pas des phénomènes tels que ceux auxquels on vient de faire allusion), tout fait de la vie hypnotique peut être remémoré par des questions posées pendant les hypnoses suivantes.

Toutefois, C. n'a pu se souvenir que du fait suivant : les doigts de la main droite se sont crispés au moment où la suggestion devait s'accomplir, et l'idée de certains chiffres lui est venue à l'esprit en même temps qu'une impulsion à les écrire. A l'exception de cela, tout était obscur dans son esprit./page>

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Apparemment, la conscience hypnotique ordinaire de C. n'était responsable ni de ses prodiges de calcul, ni de son appréciation du temps.

Est-ce que C. possède une troisième personnalité douée de pouvoirs qui dépassent encore ceux de la personnalité hypnotique ordinaire? Si oui, d'où \'iennent-ils et comment peut-on les évoquer?

Il est impossible, pour le moment, de donner aucune réponse à ces questions.

Suggestion et anesthésie dans les extractions dentaires (l)

Par le D' Albert Bloch.

Dans l'appréciation des résultats que donne l'anesthésie pour l'extraction des dents, il nous semble que l'on ait jusqu'à présent négligé un facteur important, à savoir la suggestion, voulue ou non, mais certaine, que l'opérateur exerce sur son patient.

Il est bien évident que le client qui vient s'asseoir dans le fauteuil pour subir une extraction se trouve dans un état psychique particulier, il est très propre à être impressionné par les influences extérieures, et nous croyons qu'on doit le suggestionner dans un sens favorable pour que, après l'opération pratiquée avec anesthésie locale ou générale, il ait conscience de n'avoir rien senti.

Si nous analysons, en effet, les sensations éprouvées par le patient au cours d'une extraction, nous devons distinguer, d'une part, la sensation très désagréable et très impressionnante de l'effort, souvent considérable, exercé par l'opérateur et transmis par l'intermédiaire du levier employé (davier ou élévateur) aux os de la face et, d'autre part, la sensation plus ou moins douloureuse que produit la torsion et la rupture du ligament alvéolo-dentaire.

Le patient, dans la plupart des cas, n'est pas assez psychologue pour sélectionner ses sensations ou, du moins, ne jouit pas pour cela d'une liberté d'esprit suffisante; de sorte que. même parfaitement insensibilisé, il est toujours porté à interpréter dans un sens douloureux l'impression désagréable qu'il a ressentie.

{1} 'Revue de Stomatologie./page>

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Il convient donc, avant de procéder à une extraction, de bien établir dans l'esprit du patient la conviction de l'insensibilisation qui va se produire et de l'avertir des manœuvres peut-être laborieuses, mais non point douloureuses que nous allons exercer sur sa mâchoire.

Du reste, il nous sait infiniment gré de l'assurance, parfois mensongère, que nous lui donnons de ne point le faire souffrir : il se trouve dans des conditions de réception parfaites pour accepter notre suggestion ; bien mieux, il demande â la recevoir, et son regard interrogateur et suppliant nous en avertit assez; car il est à remarquer que l'espèce humaine éprouve une répugnance invincible à subir la douleur, toute spéciale, que cause l'extraction d'une dent, si bien que des missionnaires ont obtenu, chez des nègres, leurs plus belles conversions, grâce à une application judicieuse de nos daviers modernes. Peut-être y a-t-il chez nous un effet d'atavisme, et le souvenir des extractions diilicilcs qu'ont subies nos ascendants, qui ne connaissaient pas les bienfaits de l'anesthésié, s'est-il transmis de génération en généralion d'une façon assez vivace pour faire naître chez les patients cette appréhension, qu'ils vont éprouver, quoique anesthésiés, une douleur insupportable. D'où la nécessité de leur inspirer la conviclion qu'ils n'éprouveront rien que le sentiment d'énucléation de la dent, dégagé de toute sensation douloureuse, non seulement afin de les voir nous témoigner leur satisfaction, à défaut de leur reconnaissance après l'extraction, mais afin d'obtenir leur concours pendant l'opération, qui peut être longue et difficile.

Une extraction dentaire étant une opération chirurgicale, il importe avant tout de bien voir afin de réserver la totalité de notre puissance musculaire pour un effet utile et de ne pas faire de dégâts superflus dans la région où nous opérons; pour cela, il est indispensable d'obtenir de notre patient à la fois confiance et soumission. Ceci nous permettra d'avoir un champ opératoire bien éclairé et commodément accessible. Puis, au cours de l'extraction, pendant la prise de la dent et durant les mouvements de luxation, dont la durée, si courte qu'elle soit, est toujours très appréciable pour le patient, il vaut mieux ne point être distraits de notre travail par des cris et des mouvements intempestifs qui ne sont point la traduction d'une souffrance éprouvée, mais l'expression d'une terreur à laquelle les natures les mieux trempées n'échappent pas./page>

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Quoique anesthésie, le patient « vit » le temps de l'extraction avec l'angoisse d'éprouver à un moment donné une douleur atroce; il attend cette douleur avec une appréhension pénible, se figure généralement la ressentir au moment où i! perçoit l'énucléation de la dent et, l'opération terminée, il a, dans son imagination, éprouvé une véritable souffrance qui, ajoutée à la sensation désagréable des mouvements de luxation, laisse dans son esprit une impression douloureuse.

Nous devons donc suggestionner notre patient pour réduire au minimum l'appréhension et la douleur, si nous ne pouvons les supprimer entièrement,afin de compléter ainsi les effets de l'anesthésique.

D'ailleurs, il ne faut pas croire que, pour obtenir une suggestion efficace, il faille rencontrer* « un sujet. » Tout individu, de par sa qualité de patient, se trouve dans les conditions requises pour être suggestionné, avec succès, et je me demande s'il ne serait pas possible d'expliquer les divergences d'opinion au sujet de l'anesthésie locale, par le plus ou moins d'aptitude de l'opérateur à persuader le patient de l'insensibilisation qui va se produire. — Autrement dit, un opérateur expérimenté n'obtiendrait-il pas le même degré d'anesthésie et un résultat satisfaisant avec une quelconque des solutions actuellement en usage pour l'anesthésie locale; et la même solution titrée, de cocaïne, par exemple, ne donnera-t-elle pas, en des mains dif-rentes, des résultats insuffisants ou excellents, suivant les aptitudes individuelles de l'opérateur et l'ascendant qu'il sait prendre sur son patient?

Dans l'application de l'anesthésie générale, la suggestion n'est pas moins nécessaire. Les livres classiques qui traitent de la chloroformisation recommandent particulièrement de rassurer le malade, de causer avec lui, de dissiper toute appréhension, c'est-à-dire de lui suggérer la conviction que tout se passera bien. En ce qui concerne notre spécialité, je ne saurais mieux faire que d'emprunter au Df Abraham (de Berlin) les quelques lignes suivantes, dont la lecture est instructive :

.....Lorsqu'on emploie un anesthésique général, il faut causer avec

l'assistant, de telle façon que le sens de la conversation produise un effet suggestif; par exemple, on dit: « Voyou comme le patient s'endort doucement : il n'éprouvera certainement pas la moindre douleur. » L'effet de la suggestion est d'une importance extraordinaire au réveil, et peu de temps après la cessation de I:t narcose. Il faut éviter soigneusement toute question concernant l'état du patient, et surtout celte/page>

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question détestable : ? Avcz-vous senti quelque chose? » Neuf fois sur dix, le patient ne manque pas de répondre « oui >, et il se ligure avoir senti quelque chose, alors qu'il n'en est rien. La question : * Avez-vous senti? » suggère évidemment : « Vous avez senti. »

Lorsque le patient ouvre les yeux et regarde autour de lui, il faut dire d'un air assuré et tranquille : « Eh bien! vous revenez de loin! Vous avez dormi profondément et vous n'avez rien remarqué de toute l'opération. » Celte affirmation a un effet suggestif si le patient s'est réveillé et a crié au cours de l'extraction. Si, par hasard, il a quelque souvenir, on doit soutenir tranquillement que, ce qu'il a remarqué, ce n'était pas l'extraction, mais l'enlèvement du bâillon ou de l'ouvrc-bouche, que l'extraction était déjà faite à ce moment et qu'il a fort bien dormi.

Ces sortes de mensonges ne manquent pas d'être acceptées et contribuent au bien-être du patient. Pour s'en convaincre, il faut réfléchir à cela que, certains anesthésiques, comme le protoxyde d'azote, peuvent produire une complète analgésie, mais sans amnésie. Le patient se souvient de quelques manœuvres au commencement de la perte de la conscience et, comme il connaît la marche d'une extraction ou qu'il peut se la figurer au moyen de quelques souvenirs, il s'en représente le spectacle complet et se figure y avoir assisté tout au long. Une suggestion efficace peut, aussitôt après la narcose, et au moment où la réceptivité suggestive est peut-être plus marquée, empêcher cette reconstitution et imposer au malade le sentiment bienfaisant qu'il n'a rien remarqué de cette cérémonie effrayante.

On ne saurait donc négliger dans la pratique de l'anesthésie un élément aussi important que la suggestion, et nous avons tout avantage à nous en faire un auxiliaire utile, au lieu de laisser notre client s'autosuggestionner lui-même : mentionnons, par exemple, l'accalmie qui succède la plupart du temps aux plus violentes rages de dents lorsque le patient pénètre dans notre cabinet; et ce phénomène se produisant souvent à l'instant précis où il franchit la porte de notre maison, notre client, se leurrant d'une fausse espérance, remet à une date ultérieure le traitement d'une pulpe infectée et nous revient un beau jour avec une périostite bien établie et le regret d'avoir obéi à sa suggestion.

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Présidence de M. le D' Jules Voisin. Accouchements «ans douleurs par laméthode du DrJoire(de Lille).

Anesthésio suggestive,

Par le D* Bouhdox (de Méru).

L'année dernière, avec une grande précision, un très grand sens pratique, M. le Dr Paul Joire nous a montré comment tout accoucheur un/page>

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peu attentif, sans apprentissage préalable, pouvait simplifier l'accouchement et supprimer, pour la pauvre parturiente, la douleur, quelquefois si atroce.

Pour mon compte, j'avais déjà fait un accouchement dans le sommeil hypnotique, chez une femme préalablement entraînée, que j'avais antérieurement guérie, par l'hypnotisme, de bien des choses (hystéro-épi-lepsie, constipation opiniâtre et extraordinaire, eventration, etc.)et dont j'avais, par suggestion, retardé de huit jours l'accouchement imminent, qui allait se faire dans un quart d'heure (fait remarquable d'inhibition et trouvé tel par notre cher et regretté Président, Dumontpallier.lorsque j'en ûs la communication à la Société d'Iîypnologie et de Psychologie), mais je n'avais jamais appliqué le procédé du Dr Joire, qui n'exige pas l'hypnose ni les précautions ou l'entraînement qu'elle réclame, ni l'expérience journalière de l'hypnotiseur qui, en un mot, est beaucoup plus simple et à la portée de tous les accoucheurs.

Ce procédé, depuis la communication de notre distingué collègue, j'ai eu l'occasion de l'appliquer deux fois, dans deux cas dont voici l'histoire.

I

M™ M..., sujet de la première observation, est une femme de 24 ans, de taille moyenne, de tempérament assez nerveux, primipare arrivée au terme de sa grossesse après une certaine pathologie, troubles divers de la digestion, de la respiration, de la circulation, des sécrétions, etc., dont elle fut traitée pharmaceutiquement et pour lesquels elle ne voulut pas de la suggestion hypnotique.

Je suis appelé pour elle à cinq heures du matin par un de ses parents qui, durant le trajet, assez long, répétait sans cesse que ce serait fini quand nous arriverions, parce que les douleurs, disait-il, étaient très fortes avant son départ. Nous arrivons vers six heures, le travail était commencé depuis une heure à peu près, mais n'était pas encore près de finir. Je constatai une présentation du sommet, en position normale {?. I- G. ?.), avec effacement du col et dilatation de la largeur d'une pièce de cinq francs environ, la poche des eaux étant conservée. Les douleurs, inégales, plus ou moins violentes et de durée moyenne, se répétaient à intervalles inégaux, toutes les 5, 10 ou 15 minutes, avec écoulement de matières glaireuses.

Après avoir préparé tout ce qui était nécessaire, je reviens à la patiente, qui avait à ce moment une contraction assez douloureuse ; la douleur passée, je commence l'expérience et, lui appliquant une main sur le ventre, l'autre sur les yeux, sans laisser soupçonner ce que je voulais faire, nî à elle, ni à son entourage, je lui dis d'un ton alSrmatif et aussi persuasif que possible que, dans cinq minutes, elle aurait une contraction énergique de la matrice, utile pour l'expulsion, mais sans cette douleur de reins dont elle se plaignait tant jusque-là ; au bout de cinq minutes,en cÎTct,de cette application, une contraction utérine assez/page>

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forte se produisit sous ma main, accusant un effort violent, mais sans douleur apparente; cet effort dura quelques minutes sans que la patiente fît entendre aucune plainte; elle dit, en effet, qu'elle souffre beaucoup moins, tout en sentant la contraction. Je lui affirme encore que les contractions vont revenir toutes les cinq minutes et qu'elles ne lui feront plus de mal.

En effet, après cinq minutes écoulées, une nouvelle contraction se produit, je la sens sous ma main, mon autre main étant restée sur ses yeux et, sous l'influence de mes affirmations, plusieurs autres se succèdent toutes les cinq minutes, avec une précision remarquable, la patiente poussant à ce moment quelques soupirs, comme ceux qui suivent un effort que l'on vient de faire, mais elle m'assure qu'elle ne souffre plus.

Après m'ètre éloigné quelques instants dans une pièce voisine, je fais l'expérience que les contractions reviennent régulièrement toutes les cinq minutes, mais que la malade souffre et se plaint alors beaucoup de ressentir de vives douleurs à chaque contraction. Elle me demande instamment de revenir près d'elle pour continuer à la soulager, à l'empêcher de souffrir, en plaçant mes mains comme j'avais commencé à le faire. Cette expérience faite, je me rends à sa prière et, cette fois, mes mains étant appliquées toujours, l'une sur le ventre, l'autre sur les yeux, je lui affirme que maintenant les contractions vont être plus énergiques et plus fréquentes, qu'elles vont se répéter toutes les trois minutes. Au bout de ce temps, en effet, une contraction a lieu, forte et prolongée et, à partir de ce moment, les contractions se succèdent toutes les trois minutes exactement, avec les quelques soupirs qui suivent toujours un effort, mais sans souffrance aucune.

La poche des eaux s'étant rompue, avec écoulement abondant de-liquide amniotique, la fin du travail en est facilitée. Dans les dernières douleurs seulement (celles qu'on appelle concassantes), l'anesthésie n'étant pas complète, la patiente se plaint un peu plus, mais ses plaintes et ses souffrances ne sont rien comparativement à celles habituellement observées, même chez les multipares. La suggestion est assez efficace pour que, au moment du passage de la tête à la vulve, sur ma parole, la violence de la contraction puisse être maîtrisée et modérée ; on la voit se ralentir et, sans presque aucune souffrance, sans déchirure, la tète peut sortir et l'accouchement se terminer très heureusement avant dix heures. Le travail avait duré environ quatre heures.

Cette femme n'avait jamais été hypnotisée et, en réalité, n'a pas été endormie un seul instant.

Chez cette primipare, qui avait une grande frayeur de l'accouchement, les douleurs ont commencé vers 4 heures l/i du matin, irrégu-licres el plus ou moins espacées d'abord, puis, sous l'influence de la suggestion, les contractions se sont succédées avec une régularité mathématique, d'abord toutes les cinq, puis toutes les trois minutes et, en même temps, sont devenues indolores, la patiente réclamant l'in-/page>

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tervention du procédé quand on cesse de l'appliquer. L'accouchement s'est terminé en moins de quatre heures et les suites ont été des plus normales.

II

Mon second sujet n'est pas une primipare. Mm* D... a déjà eu un en-fant.mais comme depuis cette époque,environ neuf ans se sont écoulés, et pour d'autres raisons encore, cette seconde grossesse a été pour elle une surprise plutôt désagréable, d'aulant plus que sa santé a été troublée presque tout le temps : étouffements, inappétence, etc.; elle a des idées noires, elle redoute le moment de l'accouchement, surtout ayant un kyste de la vulve qui, dans les derniers jours, a pris subitement un développement considérable, et elle se figure que l'accouchement sera difficile et présentera des complications, bien que le premier ait été normal.

Bile n'est rassurée que par la pensée que je serai là. Elle n'a jamais été ni hypnotisée ni suggestionnée.

J'allais un jour pour l'opérer de son kyste lorsque, justement, étant arrivée à terme, contre mon attente, elle était prise des premières dou-leurs;au toucher, je constate une présentation du sommet,en deuxième position, qui semble à peu près normale (?. I. G. P.). Le col est effacé avec une dilatation déjà notable, plus grande qu'une pièce de cinq francs, et les douleurs se répètent à faire croire, par leur force et leur durée, que cela va marcher vite. Aussi, au lieu d'opérer le kyste comme j'en avais l'intention, je me contente, pour ne pas être gène par son volume pendant l'accouchement, de faire,avec toutes les précautions antiseptiques, une ponction qui laisse écouler plus d'un demi-litre d'un liquide épais rouge foncé, indiquant un kyste sanguin.

Après toutes les précautions antiseptiques voulues, sans prévenir la patiente, ni l'entourage, je me mets en devoir de pratiquer le procédé du Dr Joire.Une main sur le ventre et l'autre sur les yeux, je lui affirme qu'elle va avoir une contraction de la matrice avec effet utile pour l'expulsion du fœtus, mais qu'elle ne ressentira pas de douleur, surtout dans les reins, comme elle s'en plaignait jusque-là; j'ajoute que ces contractions vont se répéter toutes les trois minutes avec une durée égale à leur énergie.

Trois minutes s'étaient à peine écoulées, que je sens sous ma main une contraction se produire, mais sans souffrance visible de la part de la malade qui, auparavant, criait et gémissait; quelques soupirs seulement, comme ceux qui suivent un effort. La patiente dit elle-même qu'elle n'a presque pas souffert, que ce qu'elle a ressenti est insignifiant, comparé aux douleurs précédentes. Quand je la quitte, clic souffre.

L'application de mes mains est continuée; je fais une suggestion nouvelle d'analgésie et, avec une régularité mathématique, les contractions se succèdent toutes les trois minutes, fortes et prolongées,/page>

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sans apparence d'aucune douleur de la part de la malade. La tête est descendue au détroit inférieur; comme, au bout d'un temps assez long, les contractions paraissent se répéter en vain, malgré leur force et leur durée, et que le travail n'avance pas, je me décide à une application de forceps sans suggestion; mais des tentatives répétées et laborieuses n'aboutissent pas et demeurent infructueuses.

La tète du fœtus (qui sans doute s'est défléchie avant que l'occiput ait achevé son dégagement au-devant du périnée) paraît enclavée à faire craindre la nécessité du broiement.

Renonçant au forceps, avec l'espoir toutefois qu'il aura pu modifier la position de la tôte et opérer un changement favorable, j'en reviens aux efforts de la nature, aidés de la suggestion, dont le prix se fait sentir à ce moment critique. Les contractions énergiques et longues se répètent toutes les trois minutes, heureusement sans douleur; elle souffre quand je m'éloigne et, au bout d'une heure environ, la téte apparaît enfin à la vulve, avec des efforts modérés et ralentis par la suggestion ; elle sort pour ne plus rentrer, la rotation s'opère sans douleur autre que celle du forceps et un accouchement laborieux se termine heureusement à trois heures du matin, grâce à la précieuse méthode, sans déchirure, sans épuisement de la parturiente qui, elle-même, déclare que, malgré toutes les complications et péripéties, malgré le forceps, elle a beaucoup moins souffert qu'à son premier accouchement, il y aneuf ans. L'intérêt de l'observation résidant dans la comparaison possible entre cet accouchement et l'autre.

Les suites ont été normales et l'opération radicale du kyste, dont le liquide se reproduisait, a été faite avec succès, quelque temps après.

Il résulte de ces observations, comme de celles du D' Joire, que la suggestion, ainsi appliquée, se montre réellement efficace pour régulariser les contractions utérines, car il est en effet difficile d'admettre une simple coincidence pour ce retour à des intervalles fixés d'avance et avec une telle régularité. Le phénomène douleur aboli à chaque suggestion ou très considérablement atténué, la disparition des grandes douleurs, qui sont la règle dans presque tous les accouchements, sont des faits indéniables, irrécusables, attestés par le témoignage des patientes. Pour les phénomènes consécutifs, ils suivent une marche normale et ne présentent pas la moindre complication.

J'ai constate aussi qu'il n'y a chez les femmes, après l'accouchement, ni énervement, ni fatigue, et que le repos qui suit est calme, normal, réparateur, aussi exempt d'agitation que d'accablement.

Tels sont les résultats obtenus avec le procédé de notre excellent et distingué collègue de Lille. Comme lui et pour les mômes raisons, je pense que ce procédé est appelé à rendre de grands services.

a Exempt de ces violentes douleurs qui en font habituellement un/page>

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juste objet de crainte, dit avec raison M. Joire, le moment de l'accouchement ne sera presque plus pénible, cessera d'être redouté à l'avance et ne laissera plus un souvenir de souffrances et de larmes. »

Le manuel opératoire est des plus simples, puisqu'il consiste uniquement à appliquer une des mains sur les yeux du sujet qui ferme spontanément les paupières sous cette légère pression.

L'autre main est appliquée sur le ventre et, en même temps, l'on fait une suggestion verbale douce, lente, persuasive, sans avoir l'air.en quoi que ce soit, d'imposer à la patiente une volonté; on fait entrer dans son esprit une idée qui s'insinue doucement, qu'elle accepte et qu'elle réalise, sans se douter qu'elle est suggestionnée.

Ce procédé, qui ne présente aucun des dangers des états profonds de l'hypnose, peut être aisément appliqué par tout médecin capable de faire un accouchement.

Avec l'auteur, je crois que les cas absolument réfractaires seront tout à fait exceptionnels, même dans ceux où le succès ne serait pas complet, aucun désagrément n'est à craindre ni pour le médecin, ni pour la malade. Ne lui ayant pas promis d'avance de la faire accoucher sans douleur, quand même on n'aurait réussi qu'à diminuer la somme de souffrance qu'elle devait éprouver, elle ne peut que s'en montrer reconnaissante.

Comme notre collègue, j'estime que « le résultat à obtenir vaut la peine que les médecins s'en préoccupent. Ils ne doivent pas oublier quo leur rôle n'est pas uniquement de soigner et de guérir, mais plus souvent encore de soulager, a

Il ne suffit pas, dans les accouchements, de faire de l'antiseptie et de rester spectateur impassible des douleurs contre lesquelles nous pouvons et nous devons lutter.

Or, par la vertu de la psychothérapie, le procédé de M. Joire fait en quelque sorte mentir la fameuse parole biblique, disant à la femme : Tu 'enfanteras dans la douleur...

Je répéterai donc, en terminant, que le médecin qui n'a pas à son service les moyens de la psychothérapie, ne dispose pas d'une thérapeutique complète. Il manque à son arc une des cordes essentielles, sinon la plus précieuse.

LE ROMAN PSYCHOLOGIQUE

UXE NOUVELLE DOULEUR t1)

Vous souvenez-vous, mon cher ami, de ce diner que nous fîmes, à trois, Albert Colas, le brillant et profond philosophe de l'Amour, vous et moi, avant une Conférence que j'allais donner a la Société des Etudes

(1) Ollendork, éditeur, ïn-12. — Paris./page>

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philosophiques sur les Femmes philosophes et où vous étiez certes pour beaucoup? Nous vînmes à parler du roman psychologique. Et nous étions d'accord, sur ce point, qu'il y avait tout à faire dans ce sens. Vous aviez raison de vanter les trésors que renferme au point de vue littéraire la psychologie expérimentale. Voilà mon premier essai en ce genre. Et je suis heureux que vous m'ouvriez la Revue de l'Hypnotisme pour m'en expliquer avec vos doctes lecteurs.

Je sais bien que ce vocable de ? roman psychologique » a été déjà employé maintes fois; mais je ne crois pas qu'il ait été pris jusqu'ici dans son acception véritable qu'il s'agit d'instaurer. M. Paul Bourget, par exemple, a été souvent traité de psychologue. Et qui ne se souvient de la colère qui fut déchaînée contre celte école au moment du fameux procès Chambige? Ohé! les psychologues! écrivit Gyp, non certes sans motif. C'est que la psychologie, sa psychologie,du moins, M. Paul Bourget ne la comprit guère qu'à travers les livres et particulièrement à travers cette œuvre capitale : L'Intelligence, de Taine, aujourd'hui bien dépassée, et que M. Jules Soury déclare en maint endroit périmée. Les psychologues de ce temps (il y a une dizaine d'années) étaient essentiellement, je ne dis pas « immoraux », mais « amoraux ». Ils renonçaient volontiers à la direction de leur propre nature, en regardaient les rouages intimes d'ailleurs assez mal et, do plus, avec un tel éton-nement, qu'ils n'osaient intervenir dans leur petit mécanisme émotif et croyaient cette intervention impossible. Rien ne fut plus néfaste que cette littérature, d'ailleurs captivante et un tantinet scientifique, mais qui développa à un remarquable degré la neurasthénie nationale et fut surtout un exemple de plus à joindre au livre de M. Ribot : Les Maladies de la volonté.

La psychologie expérimentale devait enfin se faire jour et, avec elle, la morale devait renaître. Vous rappelez-vous encore, mon cher Bérillon, cette autre Conférence : La Psychologie crée la morale, dont nous fixâmes ensemble les points principaux?

J'ai une vraie joie à dire ici que vous m'avez révélé la méthode pour faire enfin du roman psychologique,quelque chose de « psychologique », vraiment, c'est-à-dire d'efficace, de réel, de vivant, de « moral », Vous no vous êtes pas contenté des théories froides et desséchantes. Résolu1-ment, vous qui êtes un déterministe, vous ôtes entré on action. Vous avez fait comme ce philosophe qui marcha pour démontrer le mouvement. Grâce à l'hypnotisme et à la suggestion, vous avez créé l'orthopédie mentale et, ainsi, la psychologie est devenue une science utile, bienfaisante, qui régénère le corps, qui réconforte l'âme. Tant qu'elle ergotait, elle menaçait d'être funeste; en devenant expérimentale, elle se bonifia au contact des faits. Elle nous montra que cette conscience, si dédaignée par Taine el son école, cette liberté, déclarée une chimère, sont des faits patents, qui peuvent même être ressuscites là où ils semblent irrémédiablement éteints chez les pires des hommes : les alcooliques, les vicieux, les désorientés./page>

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Les lecteurs de votre Revue connaissent trop vos travaux pour que j'insiste; mais je me dois de leur apprendre qu'un homme de lettres y a trouvé une voie pour une littérature nouvelle, sérieuse, suivant les faits, positive et cependant'animant l'humanité vers plus de joie et plus d'énergie.

Le sujet que j'ai traité est, par excellence, un duel de a suggestion ». Par cela même, il se rattache à la psychologie et à la moraie. J'ai mis face à face, d'une part, un littérateur moderne, un de ceux qui, pareils à M. Paul Bourget et sa suite, corrompirent longtemps le public français par la séduction, l'adultère et cette croyance dans la fatalité incoercible de nos passions, — et, d'autre part, une jeune fille telle qu'il commence à s'en dresser aujourd'hui et qui est vraiment nouvelle par la conscience, la dignité, le caractère. Ils s'aiment; l'amour choisit les siens, sans les consulter au préalable. Mais ils souffrent, ils se font du mal, ils se combattent. Les deux esprits contemporains se concentrent en eux : l'un, qui s'acharne à la décadence, au découragement; l'autre, qui veut le progrès, l'effort sur soi-même. Je me suis efforcé de décrire de plus près le choc de ces deux suggestions et j'ai souligné la façon pénétrante et sourde dont se glisse la volonté de la femme. Voici un passage. Le héros du livre y parle lui-même : • ? ...C'est un étrange sentiment, que la suggestion muette, rayonnant de la femme amoureuse. Ses volontés descendent par les mystérieux chemins de l'atmosphère psychique et sèment leurs grains invisibles dans les campagnes de nos nerfs. La moisson lève sans que l'on ee soit aperçu des semailles. J'ai savouré auprès d'Hélène cette expérience. L'emprise s'accomplit avec une serre qu'on ne voit point. Le lent phénomène d'attraction créée par la femme se transforme chez l'homme en irrésistible désir. Peu repoussent ces envahissements d'âme; peu même s'en doutent, et ils attribuent à une résolution brusque leur obéissance à de secrètes suggestions, d

Comme nous avons cette fois affaire non pas à des personnalités hypnotiques, mais à des caractères qui se défendent, les deux suggestions s'annulent presque tout d'abord, et le résultat c'est la séparation salutaire de ces deux êtres que l'amour avait liés. Mais la suggestion féminine est à longue échéance. Après le déchirement qui suit la crise de rupture, quand l'homme se reprend, il constate que cette jeune femme avait raison et il se détache de ses idées anciennes d'art égoïste, déprimant et corrupteur, pour s'acheminer vers une littérature plus belle et plus haute.

Remarquez que la solution des romans psychologiquos d'autrefois était désespérée, tandis que la solution du roman psychologique d'aujourd'hui est la transformation, l'amélioration, l'espoir.

Et cela est du en grande partie à ces expériences admirables de l'hypnotisme qui nous a permis de vérifier, expérimentalement, que l'homme n'était jamais ou presque jamais perdu, même quand il est tombé très bas — qu'il y a un salut scientifique. Jules Bois./page>

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REVUE CRITIQUE DE PSYCHOLOGIE ET DE NEUROLOGIE

Par il. lo Docteur Paul Faaez.

Patholésib, par M. Buckley (de San-Francisco), Pacific medical journal, juillet 1890.

Patholésie, tel est le vocable sous lequel M. Buckley propose de dénommer l'hystérie, puisque cette dernière consiste surtout dans une maladie de la volonté (pathos, thélésis). Il rapporte à ce propos deux observations intéressantes. C'est d'abord une jeune fille que l'on soigne et que l'on retient au lit depuis trois mois pour une affection de la hanche. On se rend compte enfin qu'il ne s'agit ni d'affection de la hanche, ni d'affection spinale, mais d'une hypéresthésie généralisée, telle que le moindre attouchement provoque un spasme tétanique. On essaie inutilement la persuasion; la menace du bistouri reste vaine. Un jour, cependant, on lui fait une petite piqûre : alors, d'un bond, elle saute à bas de son lit et se réfugie auprès de sa mère. La pseudo-affection de la hanche était guérie.

L'autre cas intéresse une femme de 30 ans qui vomit tout ce qu'elle mange ; on songe à une ulcération gastrique, à une tumeur cérébrale... Enfin, on l'occupe à la peinture, qu'elle aime beaucoup, et elle recouvre la santé. Des cas analogues supposent des troubles psychiques pour lesquels la psychothérapie est toute indiquée.

Ëpilepsie jacksonienne hystérique, par M. le Dr Cbocq (do Bruxelles), S« Congrès de médec. int. tenu ù Lille, 28 juillet-!" août 1899; Sem. mêd., 9 août 1899.

Un homme âgé de 45 ans, issu de parents tuberculeux, guéri lui-même d'ostéite tuberculeuse, éprouve une émotion violente : il présente bientôt des accès fréquents d'épilepsie jacksonienne qui débutent par la jambe gauche pour gagner ensuito le membre supérieur du même côté; puis, à la tête, apparaissent de la céphalée ù droite, ainsi qu'une douleur à la pression dans la zone rolandiquc du côté droit. Le bromure de potassium reste sans effet. S'agit-il d'une lésion tuberculeuse située au au niveau de la zone rolandique droite?

En présence du malade, le Dr Crocq annonce â ses élèves qu'il va le soumettre à un traitement qui, certainement, sera suivi de guérison : au bout d'un mois, les accès cessent et n'ont plus reparu depuis.

Ainsi, dans ce cas, l'épilepsie jacksonienne simulait un syndrome de lésion organique. Or, dans de nombreux cas d'épilepsie jacksonienne, l'opération n'a révélé aucune lésion; n'est-ce pas en agissant par'suggestion que la trépanation a pu alors être suivie de guérison?

Des exemples comme celui-ci expliquent que l'hypnotisme revendique certaines cures d'épilcptiques; ils justifient, en outre, les tentatives de suggestion chez les pauvres malades atteints du mal comitial./page>

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Un cas de toux hystérique, par M. Sorbl. Société de médecine de Toulouse, séance de 11 juillet 1839.

Une jeune fille de 18 ans, issue de famille névropathique, a été atteinte de la phobie des chiens, à la suite d'une morsure. Il y a un mois et demi, elle a, dit-elle, avalé une épingle : il en est résulté une toux sèche, quinteuse, sur laquelle l'opium et la belladone restent sans effet. Le l)r Escat procède à un examen Iaryngologique et ne trouva aucune trace de corps étranger. Le D' Marguès endort alors cette jeune fille et, pendant le sommeil hypnotique, lui fait une petite incision épigas-trique, afin, dit-il, de laisser passage à l'épingle. A la suite de cette suggestion, la toux disparait pendant trois jours. Mais, depuis, les crises ont recommencé : la toux est encore plus intense toutes les fois qu'on examine cette personne ou qu'on s'occupe d'elle.

Faut-il encore une fois insister sur la nécessité des suggestions répétées? Dans des cas analogues, on doit revenir à la charge, renouveler les séances d'hypnotisme et les espacer ensuite peu à peu ; c'est seulement ainsi que l'on peut rendre la guérison stable et empêcher les rechutes. La psychothérapie n'est efficace que si elle met à son service une persévérance inlassable.

CHRONIQUE DES SCIENCES PSYCHIQUES

Par M. Jules Bois.

La fausse et la vraie suggestion de la mort.

A propos de la Toussaint et sous ce titre : Pour les Amoureux de la nie, M. Jean Finot, dans la Reuue des Revues, du 1" novembre, nous apporte un aspect consolant de la mort, en s'appuyant aur les données de la psycho-physiologie moderne. Jusqu'ici, les conceptions déterministes et positives de notre désagrégation finale étaient plutôt attristantes. M. Finot les ? rajeunies et faites séduisantes.

Groupant en faisceau les notions diverses sur l'évolution de la vie a. travers le changement des formes, il nous a montré uï:« mort, en quelque sorte nouvelle, et dont le visage sourît gravement comme la lèvre muette de ces Kros mortels que les Grecs dressaient sur les Tombeaux. Dsns cette Revue de l'Hypnotisme, qui analyee de si ?t?ß les phénomènes de la suggestion, je me dois de citer cette opinion ß» iustc, quoique d'apparence paradoxale :

« On mène le monde, dit M. Jean Finot, non seulement Avec des idées, mai»* surtout avec des mots. Il sufiit quelquefois do donner ? la chose un nom doux ou repoussant et il s'infiltrera dans notre conscience en même temps que lu signification qu'on lui prête.Le mot devient idée, pensée, conviction; la gaine s'identifie ainsi ? l'objet lul-Bl6mo. 3i l'évanouissement de notre corps, au lisu d'être appelé mort, disparition,/page>

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avait été conçu comme une résurrection, une sorte de retour à l'immortalité de la nature, il évoquerait plus facilement un frisson délicieux du mystère de la survie, au lieu des horreurs du néant, a

En effet, toujours d'après le psychologue original et précis de la Jîeuue ties Hernies, la mort transforme, mais ne détruit point C'est la continuation et le renouvellement essentiel de la vie. Nous mourons en détail à tous les instants {quotidie morior, disait Paul Tarse). Envisagé à ce point de vue, notre organisme n'est qu'un vaste cimetière et nos processus vitaux une série d'enterrements successifs.

Ces morts partielles de notre moi se réalisent cependant sans provoquer en nous aucun trouble.Est-ce parce que nous n'y pensons point?

Les raisons de cette indifférence sont en même temps instructives et consolantes.

Notre moi moral et intellectuel n'est aussi qu'un vaste cimetière où gisent nos consciences consécutives.

Donc, c'est la conception de la mort, l'idée que nous nous en faisons, qui nous terrorise et nous fait mal — et non la mort elle-même. M. Jean Finot trace donc une voie utile au bon psychologue et au moraliste. Ceux-ci ne devraient pas laisser aux superstitions le privilège de coriso-ler, maïs en doter la science psychique. Sans se perdre dans le merveilleux et le mysticisme, il n'est besoin que d'observer la nature et de reformer nos idées pour fournir aux inquiets et aux craintifs des possibilités rationnelles de courage et d'espoir.

La réhabilitation de Nanndorff

Trois fascicules de fa Plume, organisés par le probe et judicieux historien Otto Friedrichs. viennent de tenter — et beaucoup disent — d'établir la réhabilitation de N'aundorff qui ne serait plus un imposteur que pour les Orléanistes. L'ceuvre d'Otto Friedrichs mérite d'être désignée aux psychologues, car cet esprit sagace et prudent a su grouper non seulement les preuves en quelque sorte matérielles, mais aussi les présomptions morales. A ce propos il faut citer dans le deuxième fascicule l'article intitulé: Etude sur l'identité, morate de N&undorff avec Louis XVII. J'ai moi-même, à propos de lettres inédites du prétendant, ébauché sa psychologie intime. Maïs Naundorff n'est pas seulement le plus mystérieux des personnages historiques, ce fui aussi un médium, un thaumaturge, un voyanc. Toujours dans ta Plume, le C" tie Rochas étudie ses facultés de «guérisseur ß. Il y a quelques années dans ilsis Moderne je me suis essayé à présenter le pseudo-imposteur en tant que fondateur du spiritualisme moderne. Bien avant Allan Kardeo, it formula l'évangile de la foi spirite. Mais comme Swedenborg, Naundorff pensait communiquer moins avec les morts qu'avec les Anges et Jésus Christ lui-même qu'il crut voir à Paris dans sa chambre misérable/page>

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alors que tous l'avaient abandonné. NaundoriT tenait d'ailleurs autant à sa ß révélation » qu'à son titre de Bourbon authentique. Et cet étrange «imposteur» se fâcha avec les plu? riches de ses partisans plutôt que de renoncer à ses croyances. Ce qui d'ailleurs est tout à son honneur; car H tenait plus à ses convictions qu'à l'argent, à la réussite et à la situation de fils de Roi.

Une voyante américaine.

C'est une physionomie originale que celle de la nouvelle voyante, Mrs Pipers, une Américaine des environs de Boston. Le Figaro en a parlé le premier sous la plume autorisée de M. Paul Bourget. Le psychologue d'Ouire-Mer rendit visite à Mme Pipers et mît entre ses mains une pendule de voyage qui avait appartenu à.un peintre, mort depuis. Comment, raconte M. Paul Bourget, arriva-t-clle à me dire et cette profession de l'ancien propriétaire de la pendule et sa folie cl le genre même de son suicide? Y avail-il une communication entre mon esprit et son esprit à elle? .Ou bien, car il faut toujours réserver une place au scepticisme, était-elle une comédienne incomparable, et qui devinait mes pensées au ton seul de mes questions et de mes réponses? . .. Mais non, elle était sincère. Les physiologistes qui l'ont observée dans ses crises ont trop souvent reconnu le magnétique caractère de son sommeil à des indices mécaniques et qui ne trompent pas.

Depuis, Mme Pipers, a fait du chemin. Elle se contentait autrefois d'être voyante, aujourd'hui, elle affirme être en communication avec les âmes des morts. Disons tout de suite que ce genre de spiritisme a laissé Paris scepiiquc depuis le fameux procès du photographe Buguet, qui fabriquait aux dépens des crédules des portraits truqués de leurs parents morts. Aussi, ce qu'il y a de particulièrement intéressant dans le cas de Mme Pipers, ce n'est pas Mme Pipers seulement, mais la confirmation éclatante que vient de lui apporter la « Society for psychical research » de Londres et d'Amérique, qui. après sept ans d'expériences auxquelles la voyante a été soumise, l'a publiquement consacrée.

Ils sont quatre qui se sontparticulicremcntcngagés àfond : M. Myers, professeur à l'université de Cambridge, un des hommes les plus, énii-nents d'Angleterre, non seulement comme expérimentateur, mais comme moraliste et philosophe; M. le professeur James, dont !a Nouvelle Psychologie f:iit fureur aux États-Unis, aussi bion dans les milieux sa\unts que dans le monde ; M. le professeur Lodge, physicien distingué, et enfin ie docteur Hodgson, qui s'était fait jusqu'ici une spécialité de démasquer les irucs du spiritisme et la mauvaise fo: vénale des médiums.

J'ai vu M. Myers à Cambridge et Je l)r Hodgson à Londres. Celui-ci m'expliqua comment,grâce aux confidences de prestidigitateurs, il avait/page>

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pu prendre en flagrant délit maints fantômes qui n'étaient que des chevaliers d'industries enveloppés de draperies blanches. Les tables marchant toutes seules et les crayons automatiques n'avaient pas de plus terrible ennemi. Mais il ne faut jurer de rien... C'est dans la petite maison de bois de MM Pipers que le ß tombeur des médiums a devait trouver son chemin de Damas !

Quelle est donc cette irrésistible thaumr.turge?Une simple bourgeoise américaine honnêtement mariée, ayant de gentils r-nfant3. Chez elle, rien de la sorcière classique, dont elle ne rappelle ni l'âge, ni l'allure. Elle n'a que trente-huit ans. Son métier de voyante la fatigue un peu, elle en a gardé des yeux inquiétants et une voix dolente. Elle s'endort toute seule, en prenant les mains du visiteur et, après quelques sursauts et quelques soupirs, voilà que, comme une actrice qui change de rôle, elle n'est plus M18' Pipers, elle devient ou plutôt s'imagine devenir une personne étrangère.

Cette deuxième personnalité se disait être, dans le cas présent, George Pelham. Ce George Pclham était un vivant comme vous et moi, un jeune homme, un avocat, membre correspondant en Amérique de la Société des Recherches psychiques de Londres. II mourut à trente-deux ans, d'une chute de cheval. Cinq semaines après sa mort, Hodg-e?? rendait de nouveau visite à M™' Pipers. Celle-ci, en état de transe, dit :

— Votre ami, George Pelham, a quelque chose à vous dire.

—. Qu'il parle, répondit Hodgson, étonné d'entendre ce nom dans la bouche d'une femme qui ne pouvait le connaître.

M. George Pelham parla — bien entendu — par la bouche du médium.

Il raconta qu'il avait laissé ses affaires bien en désordre, en raison de sa mort subite. Particulièrement certaines lettres oubliées au fond d'un petit meuble, dans sa chambre de travail, le tracassaient. A tout prix, il ne voulait pas que sa famille y jetât les yeux, et il priait son camarade Hodgson de prendre le train pour s'emparer de cette correspondance. Hodgson se dit : o Tout cela me paraît une fable ; je ne serai pas si naif de me déranger. » Mal lui en prit. Avant un mois, il reçut une lettre éplorée des parents de George Pelham. Us avaient trouvé les lettres en question dans la cachette indiquée par le médium.

Hodgson fut bouleversé. Il décida de mettre en observation la voyante. D'une part, il la désigna â la police, afin de savoir si M. Pipers, le mari, ne recevait pas des renseignements des agences. La police ne trouva rien. Hodgson amena à MBe Pipers endormie des amis de George Pelham, que le revenant reconnaissait dès leur arrivée et accueillait souvent par des boutades tantôt comiques, tantôt émouvantes. Ce mort obtint un succès que peu de fiis acquirent pendant leur vivant : il convertit son père et sa mère en leur racontant les moindres détails qui suivirent son départ de ce monde. « Tous les faits cités par vous,/page>

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répondent-ils aux expérimentateurs, sont inexplicables par une autre supposition que celle de les tenir directement de notre fila. *

J'ai lu et résumé quinze cents pages de proceedings de la Society for psychic&l research, où plus de cinq cents séances sont sténographiées. Les Anglais, d'esprit pratique et positif pourtant, arrivent aux; mêmes conclusions que les observateurs américains.

Naturellement, on a demandé à ce mort quelques documents sur sa vie extra terrestre. Il a répondu, non sans désinvolture : No use kit-kind up a broil over nothing. {Il n'y a pas lieu de renverser la marmite. On sort du corps, et tout est dit.)

— Que faites-vous, George, là où vous êtes? lui demanda-t-on

— Je ne suis guère en état de faire grand'chose... répliqua le revenant. Je m'éveille seulement à la réalité de la vie après la mort C'était comme des ténèbres. Je ne pouvais rien distinguer d'abord. J'étais étourdi, embarrassé... Mais j'aurai une «occupation » bientôt.

Ce mot d' « occupation a est amusant, dans la bouche d'un Américain, car il veut dire un travail, une situation. C'est à peu près le langage d'un bachelier qui annoncerait à ses amis qu'il ne tardera pas à entrer dans une étude ou un ministère.

En tout cas, voilà un document qui n'est point trop banal ; car si, jusqu'ici, on permettait au vulgaire de croire aux somnambules, aux lecteurs de pensées et aux médiums, jamais des savants officiels ne s'étaient encore réunis, pour admettre cette hypothèse qui, pour tout croyant, n'a pas même besoin d'être discutée, mais qui n'avait jamais pu se présenter encore comme probable à des matérialistes.

Il est instructif de citer en termes exacts la déclaration du docteur Hodgson :

« Il peut très bien exister quelque communication, même à titre seulement partiel et fragmentaire, avec la personnalité des morts. Je suis maintenant pleinement convaincu que de telles communications existent aujourd'hui à l'aide des transes de Mrs Pipers *

. Je me rappelle avoir fait à une des réunions de la Société psychologique un exposé de ces phénomènes. Le Dr Berlllon m'adressa à ce propos des observations légitimes et fit des réserves perspicaces. Il critiqua le procédé des expérimentateurs, qui ne conduisent jamais les séances ou laissent le médium, si j'ose m'exprimer ainsi, la bride sur le cou ; d'aiilcurs le dernier Proceding de la Société des recherches psychiques de Londres—très intéressant comme tous les numéros de ce recueil — semble apporter plus de réserves dans l'examen des faits. Le Dr Newborn et M. Podmore se contentent de supposer la télépathie et la suggestion involontaire ou mentale. En tout cas Mrs Pipers est un eujet nrécicux, et il serait intéressant qu'elle se prêtât au contrôle des savants français. ./page>

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CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société d'hypnologie et de psychologie

Les séances de la Société d'hypnologie ot de psychologie ont lieu le troisième lundi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous ia présidence de M. Jules Voisin, médecin de ïa Salpélrière.

Les prochaines séances de ta Société auront lîeules Mardis ^Décembre 18i)9 et 16 janvier 1900, à 4 heures et demie.

Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois â 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 14, rue Taitbout, et les cotisations à M!. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.

Une nourrice tétée par une couleuvre pendant son sommeil.

C'est un préjugé répandu dans les campagnes que les vaches laitières dans les étables sont quelquefois dégarnies de leur lait, pendant la nuit, par des couleuvres qui viennent sucer leurs pis. Les personnes sérieuses et les savants n'ont jusqu'ici accepté qu'avec la plus grande Incrédulité ce qui leur semblait une fable ou une excuse d'employés intidèlcs. Le Lyon médical vient de publier un récit prouvant que le fait peut être réel. Le Dr Mabboux, médecin à Contrexéville, alors qu'il était aide-major aux hôpir taux de la division d'Algérie, en 1869, fut détaché pour assurer le service médical de 1,500* ouvriers employés au tunnel d'Adelia, sur le chemin de fer de Blida .. Orléanvllle ; plusieurs de ces ouvriers, français, espagnols et italiens, étaient mariés et vivaient sous des gourbis improvisés. La femme de l'un deux, accouchéo depuis deux mois, se plaignait un jour à lui d'être extrêmement fatiguée au réveil, d'avoir pendant la nuit de pénibles cauchemars, de trouver ses seins vides le matin, quoiqu'elle eût beaucoup de lait dans la journée ; son nourrisson dépérissait. EIIo déclarait sentir pendant la nuit un poids qui l'étouiTait, comme si une bête lui tirait son lait. Naturellement cette idée fut taxée de billevesée. Déjà ce malaise s'était produit quatre lois dans la même semaine, quand arriva le fait suivant. Rappelé un soir à l'iniprovisie à la maison par une suspension imprévue de son travail de nuit au tunnel, le mari trouva sa :·· .. comme paralysée dans son lit, dans un demi-sommeil. En la découvrant, il aperçut, roulée sur sa poitrine, une énorme couleuvre; le campement était d'ailleurs infesté do ces reptiles ; il s'empressa de tuer cette couleuvre, et on en montra le cadavre au D' Mabboux, qui aval: été appelé en toute hâte, parce que la femme était en proie à une crise nerveuse des plus violentes. M. Mabboux lit ouvrir l'animal et constata la présence de lait dans l'estomac. Dès le lendemain le malaise nocturne cessa, le lait reparut chaque matin au réveil; et la nourriture de l'enfant se poursuivit régulièrement. .

Si extraordinaire que le cas ai; paru au médecin, bien que ce dernier reconnaisse qu'on n'a pas vu absolument ia couleuvre téter 1» femme, il ne doute pas de la réalité du fuît. Nous ajouterons que nous connaissons per-/page>

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sonnellemcnt et depuis de longues années le DrMabboux comme un médecin distingué, instruit et judicieux, et qu'une erreur de sa part nous parait difficile. Ce qui nous étoune le plus, c'est que la nourrice n'ait pas été réveillée, mais seulement hypnotisée, par cet incube inaccoutumé.

Le travail mental et la température.

C'est une question très discutée parmi les physiologistes, que celle de savoir si le travail mental cause une sensible élévation de température dans le corps humain. Les docteurs Pembcry et Nicol viennent de publier, dans le Journal of Physiology, les résultats do leurs études à ce sujet.

Ils en arrivent à cette conclusion que le travail intellectuel n'a que peu ou point d'action sur la température profonde du corps. Le travail mental entraîne le repos musculaire proprement dit, et il en résulte une chute de température plus que suffisante pour masquer toute élévation due à l'activité des portions supérieures du système nerveux.

Les auteurs insistent, du reste, sur ce que, pour eux, les mesures de température que l'on prend dans la bouche sont toujours inexactes : la bouche subit, en effet, des causes de refroidissement considérables.

NOUVELLES

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique Institut psycho-physiologique, k9, rue Saint-André-des-Arls.

L'Institut psycho-physiologique do Paris, fondé en 1889 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage desavants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.

L'organisation de l'Institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie ¦expérimentale.

Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique), est annexée k l'Institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pralique de la psychothérapie.

Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le D' Bérillon, médecin inspecteur des iisiles publics d'aliénés, y complète son cours à l'Ecole pratique doia pHtîultc d;i :v.édecine (semestre d'été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l'hypnotisme. XI est secondé dans se-, demonstrations cliniques par MM. les D" Henry Lemesle, Vlavïanos, Lapinski, ei; dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les D" Paul Parez, A. Guîuibeau, Bianchi, ? ran U et par M. Charles Verdin.

Depuis 1892, pendant le semestre d'hiver de chaque année, de3 cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, par MM. les/page>

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De* Dumontpallier, Bérillon, Max Nordau, E. Caustier, Henry Lemesle, Paul Farez, Collineau, Saint-Hilaire, Oscar Jennings, Armand Paulier, Tison, Bianchi, Légué, et par MM. Lionel Dauriac, Jules Bois, Lépinay Laisant. Albert Coutaud, sur les diverses branches de la psychologie physi. logique et pathologique.

M. le Dr Paul Joire, correspondant de l'Institut psycho-physiologique, fait, chaque année à Lille, un cours annexe d'hypnologie.

Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l'acquisition des appareils les plus nouveaux.

Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l'histoire de l'hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise ù la disposition des étudiants inscrits.

Chaque année, un certain nombre d'étudiants trouvent d'importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l'Institut psycho-physiologique.

Cours pratique d'hypnologie et de psychologie. — M. le Dr Bérillon reprendra son enseignement clinique de l'hypnologie et de la psychologie, le jeudi 14 Décembre courant, à 10 heures et demie, à la clinique des maladies nerveuses, 49, rue Saint-André-dcs-Arts. Il le continuera les jeudis à 10 heures et demie.

Conférences do l'Institut psycho-physiologique.—Les conférences du semestre d'hiver reprendront le jeudi M janvier à 8 h. 1/2 du soir, et continueront les jeudis suivants.

Ouvrages reçus à la Revue.

Dr Dalleuagne. — La volonté et la responsabilité pénale, 212 p., Masson, Paris, 1899.

Dr DallemaGne. — Pathologie de la volonté, 191 p., Masson, Paris, 1899.

DT Dalleuagne. — Stigmates anatomiques de la criminalité, 185 p., Masson, Paris, 1899.

D' Dalleuagne. — Physiologie de ia volonté, 203 p., Masson, Parie, 1899.

DT Daclbuagne. — Théories de la criminalité. 213 p., Masson, Paris, 1899.

Dr Dalleuaoxe. — Stigmates biologiques et sociologiques de la criminalité, 212 p., Masson, Paris, ï899.

D? Marcel Manheimer. — Les Troubles mentaux dei'cnfance, 188 p., prix: 5 fr, Société d'éditions scientifiques, Paris, 1593.

Albert MoNTflBUiL. — La charité privée à l'étranger, 338 p., prix: 4fr, Société française d'éditions d'art, Paris, 189S.

LMdttunisirateur-Gérant : Ed. BERILLON/page>

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14· ANNÉE. — ?- 7.

Janvier i'jOO.

M. le Professeur AZAM (de Bordeaux).

ÎNous apprenons avec un vif regret la mort, à l'âge de 77 ans, de M. le Dr Azam, professeur honoraire à la Faculté de Médecine, associé national de l'Académie de Médecine de Paris depuis 1895, chevalier de la Légion d'honneur. M. le Dr Azam avait été reçu docteur en 1848, à la Faculté de Paris. Le premier, il vulgarisa en France les expériences de Braid, dans un mémoire sur le Sommeil nerveux ou hypnotisme paru, en 18G0, dans les Archives gé-. nérales de médecine.

Ce travail fut le premier publié en France sur l'hypnotisme. Il débutait par cette définition : « L'hypnotisme est un moyen particulier de provoquer un sommeil nerveux, un somnambulisme artificiel, accompagné d'anesthésie, d'hyperesthésie, de catalepsie et de quelques autres phénomènes portant sur le sens musculaire et l'intelligence.» Il concluait sa première étude sur l'hypnotisme on exprimant la croyance qu'on finirait par trouver un jour un moyen commode et facile d'agir sur tous tes hommes et à volonté, sur l'intelligence comme sur les set:s et que ï'étude do l'hypnotisme y conduirait.

L'article d'Azam eut un grand retentissement. Non seulement les Académies et les Sociétés savantes s'en émurent, mais le grand public s'y intéressa. En effet, îa parole autorisée do Veipeau avait fait connaître à l'Académie des Sciences que Broca, sous l'inspiration d'Azam, après avoir hypnotisé une jeune femme, avait pu lui ouvrir un abcès sans qu'elle s'en aperçut. L'anesthésie avait été parfaite.

Loui3 Figuier, qui publiait alors son Histoire du Mer-/page>

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vûl\euky s'empressa de demander â Azam les documents nécessaires pour vulgariser la connaissance do l'hypnotisme, qui apparaissait alors comme une science nouvelle.

Lo lendemain de la communication de Velpeau, Azam, assîstantà la clinique de Trousseau, lui demanda s'il avait connaissance de l'hypnotisme. Trousseau répondit : «- Xon,je ne sais ce que vous voulez me dire: mais c'est quelque gasconnado quo vous me dites là- » « M. Azam est de Bordeaux, dit-il à ses élèves, et il faut se défier des Gascons, ?

C'est ainsi qu'Azam fut amené à démontrer àTrousseau la réalité de l'hypnotisme. On lui présenta une jeune fille de quinze ans et, ,au milieu d'une assistance attentive et railleuse de médecins et d'étudiants, il l'endormit par les procédés de Braid. Après l'avoir plongée en catalepsie, il lui transperça la main avec une aiguille et fit diverses expériences destinées à amener la conviction. Grand fut l'étonnement de Trousseau et de l'assistance. Depuis lors, des faits analogues se sont souvent reproduits dans les hôpitaux do Paris et ont eu raison du scepticisme le plus renforcé.

Azam recueillit les encouragements les plus flatteurs pour son initiative. Parmi ceux qui ne lui ménageaient pas leurs sympathies, il convient de citer Broca, Ver-ncuil, Mesnet, Paul Bert, Charcot, Iîibot, Dumontpallier. Paul Bert lui écrivait : « Quel magnifique instrument d'analyse que l'hypnotisme! Ce sera un jour Je procédé expérimental le plus fructueux de la nouvelle psychologie, o

Mais il eut, par contre, à subir quelques affronts : sa candidature ayant été posée à l'Académie do Médecine, un des membres les plus considérables, sinon des plus perspicaces, refusa de voter pour lui en disant: «Ah! oui, Azam! celui qui a lancé l'hypnotisme... Jamais 1 »

Aujourd'hui, le nom de l'honorable académicien qui prononçait ces paroles est complètement oublié. Par ses travaux sur l'hypnotisme etïa double conscience, Azam a assuré l'immortalité de sen nom./page>

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Les divers travaux d'Azam ont été publiés dans les Comptes rendus de l'Académie des Sciences morales et dans la Revue scientifique.

Voici les principaux : Amnésie périodique ou dédoublement de la vie;— Hypothèses sur la double conscience;—'¦ Les Altérations de la personnalité; — Le Dédoublement de la personnalité et le Somnambulisme ; — Les Troubles intellectuels provoqués par les trauniatismes cérébraux ;— Le Caractère dans la Santé et dans la Maladie.

Ces travaux ont été groupés depuis sous les titres suivants :

Hypnotisme, Double Conscience et Altérations de la personnalité, Paris, 1887, Baillière, in-i2, 283 pages;— Le Caractère dans la Santé et dans la Maladie, Paris, Alcan, 18S7,, 227 pages ; — Hypnotisme et Double Conscience; origine de leur étude et divers travaux sur des sujets analogizes, Paris, Alcan, 1893, in-8°, vn-375 pages.

M. le D'Azam était le fondateur du groupe girondin de Y Associa lion pour V avancement des Sciences. 11 y Ut des communications remarquées sur la Double Conscience, entre autres aux Congrès de 1879 et de 1883.

Pour reconnaître les services rendus par Azam à la cause de l'hypnotisme, il avait été nommé président d'honneur du premier Congrès international de l'Hypnotisme en 1869 et de la Société d'Hypnologie et de Psychologie lore de sa fondation. ÏI était également président d'honneur du Congres international de l'Hypnotisme en 1900. Il avait été un des premiers collaborateurs de la Revue de l'Hypnotisme, son premier article y parut sous le titre : « Comment j'ai été amené à l'étude de l'Hypnotisme. »

Nous publions à la fin de la Revue le récit dos honneurs qui lui ont été rendus, lors de ses obsèques. En adressant à la mémoire de notre eminent maître Azam un adic-u respectueux, nous exprimons également le souhait qu'un de nos collaborateurs fasse revivre devant nos lecteurs l'histoire de la célèbre Felida, dont l'observation a fourni .à Azam le sujet do tant de travaux psychologiques d'un s: puissant intérêt.

La Rédaction./page>

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Les fans: témoignages suggérés par lo Docteur Paul Joiaa (do LilteJ.

Les faux témoignages suggérés peuvent se diviser en trois catégories, aussi différentes par la manière dont la suggestion ost faite que par Ic3 conséquences qui peuvent en résulter.

Dans la première catégorie, la suggestion est faite volontairement. C'est le cas qui se présentera quand un individu fera, ù une personne hypnotisée, la suggestion de donner, ultérieurement un témoignage destiné à dérouter la justice.

.Te dirai tout de suite que ce cas, s'il so présente jamais, sera forcément très rare;

La seconde catégorie comprondjles cas d'auto-suggestion. Ici, la suggestion prend sa source dans une circonstance quelconque, le suggestionneur et le suggestionné ne sont qu'un seul et même individu.

Les faux témoignages par auto-suggestion se rencontrent surtout chez les hystériques, et les exemples nous montrent qu'ils ne sont pas très rares. .

Enfin, dans la troisième catégorie, la suggestion est faite involontairement et même inconsciemment ; la chose est d'autant plus grave que ni le suggestionneur, ni le suggestionné ne se doutent qu'il y a eu suggestion et qu'il y a faux témoignage.

Les cas de ce genre sont trop peu connus jusqu'ici. Ce sont ceux dont j'ai pu, par mes expériences, démontrer la possibilité fréquente, et sur lesquels j'ai voulu attirer tout partirai-ment l'attention.

Pour qu'un cas de la première catégorie que nous avons énoncée so présente, il faut qu'un suggestionneur criminel ait intérêt à ce qu'un faux témoignage soit porfc-i devant la justice et qu'il suggère ce faux témoignage à un individu hypnotisé.

Facile à concevoir en théorie, il est peu probable que le fait se rencontre dan3 la pratique.

Il faut d'abord que le criminel soit doublé d'un hypnotiseur habite pour amener un sujet à faire une fausse déposition k un moment qui est toujours plus ou moins indéterminé. Cela, malgré tout, n'est pas impossible, car un criminel ou un individu mal intentionné pourra étudier les phénomènes hypnotiques, et apprendre à se servir de la suggestion.

Mai3 ce n'est pas tout, l'hypnotiseur le pins habile ne pourra/page>

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agir, dans les circonstances que nous supposons, que s'il a sous la main ur. sujet capable de subir les suggestions qu'il veut lui imposer. Or, quelle est la nature de la suggestion qui doit être faite ici? Il est évident qu'il ne peut être question que d'une suggestion post-hypnoiique. Le sujet devrait exécuter la suggestion hors de la présence du suggestionneur. puisque, d'après !a loi, le témoin est interrogé par le juge d'instruction en présence de son greffier. De plus, il est évident que cette suggestion est contraire aux idées morales, à la volonté du sujet, car, sans cela, il ne serait pas nécessaire de recourir à ha suggestion pour lui faire faire un faux témoignage. Il faut donc, pour obtenir de la sorte un faux témoignage suggéré, un sujet très hypnotisable et très sensible à la suggestion. Nous n'insistons pas sur ce point que nous avons développé ailleurs, dans l'étude médico-légale de l'hypnotisme et de la suggestion. (Congres de Bruxelles, 1897).

Quoi qu'il en soit, quand un cas de ce genre se présentera, l'hypnotiseur nous échappe tout d'abord, il est vrai, mais nous avons le sujet entre les mains. Dans ces conditions, un médecin neurologiste expert, commis par le juge d'instruction à l'examen du témoin, pourra facilement reconnaître : 1° que celui-ci est hypnotisable; 2e qu'il a été hypnotisé; 3e qu'il a agi sous l'influence d'une suggestion. Ces conclusions suffisent d'abord pour réduire à néant les dépositions du témoin. Mais s'il y a eu faux témoignage, il y a de ce chef un coupable â poursuivre en vertu de l'article 361 du Code pénal. La mémo expertise ne sera pas moins formelle sur ce fait, et la conclusion sera toujours que le témoin présent n'est pas coupable. En effet, il sera établi qu'il a agi sous la dépendance d'une impulsion inconsciente par le fait même de la suggestion, et l'on ne pourra qu'affirmer son irresponsabilité absolue. Le seul et véritable coupable, ici, c'est donc bien l'hypnotiseur; il est xcoupable du faux témoignage, et s'il s'agit d'une enquête au sujet d'un crime, il se trouvera, par le fait, complice du crime, et le plus souvent Tautens-du crime lui-même. Nous avons dit tout à l'heure que Toxperî pourrait affirmer que le sujet a agi eous l'influence dîne suggestion; maintenant nous irons plus loin et, comme non.: nous trouvons en présence d'une véritable "victime d'un hypnotiseur criminel, nous pouvons et nous «levons mettre la science au service do la justice pour la découverte de la vérité, et nous n'hésitons pas à affirmer que lo médecin neurologiste pourra, dans un grand nombre de cas./page>

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au moyen du sujet qui lui est soumis, retrouver î'auteur de ?a suggestion.

Les cas de faux témoignages par auto-suggestion, c'est-à-dire ceux que nous avons placés dans ia deuxième catégorie des faits que nous avons à étudier, sont beaucoup plus fréquents. Ici, la suggestion s© trouve bien éveillée par une impression venue du dehors, maïs eu réalité, Pauteur de la suggestion et le sujet qui la reçoit ne sont qu'un seul et même individu; il faut donc qu'il présente un état menial particulier. C'est surtout chez les hystériques qu'on a observé les faits de co genre. Nous ne nous attarderons pas à. signaler lee nombreux cas de médecine légale qui ont irait aux témoignages des hystériques devant ia justice; un grand nombre ont été racontés par Lasègue, Legrand du Saule, Iirouardel et bien d'autres. Nous nous bornerons ici à une remarque sur l'état mental des hystériques dans les cas qui nous intéressent.

Un élément très important du diagnostic du mensonge ou du faux témoignage chez les hystériques ressort do larecherche même des motifs qui les poussent â mentir ou à rendre un faux témoignage.

Pourquoi l'hystérique ment-elle, invenic-t-elle une émotion ou une affection, donne-t-elle un faux témoignage? Alors que, chez les sujets ordinaires, nous trouvons toujours un intérêt, une crainte, la recherche d'un avantage ou une impulsion passionnelle à la source des faux témoignages, ces motifs n'existent pas chez les hystériques. Sans doute, il pourra se faire quelquefois qu'un intérêt quelconque du sujet coïncide, plus ou moins exactement, avec ce qui peut résulter pour lui du faux témoignage, mais ce cas sera exceptionnel ou du moins, il n'est pas prémédité, ni préparé en aucune façon. L'hystérique simule pour cette seule raison qu'elle est hystérique. C'est dans l'état mental qui résulte de sa maladie et qui en est une des caractéristiques principales, qu'il faut ciierc-ier et que Ton trouvera .toujours la cause déterminante de son faux témoignage.

L'hystérique passe pour essentiellement menteuse, mais il ne faut pas croire, comme on le dit quelquefois, qu'elle ment riour le plaisir de mentir; elJe ment par nécessité, ou il serait plus exact de dire par fatalité. Hon penchant au mensonge est le fait de son affection, au même litre que les anomalies que présente sa sensibilité générale ou celle des organes des sens. Quoi qu'il en soit, c'est avec une habileté extraordinaire/page>

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et un luxe de détails d'une apparence absolument vraisemblables! que les hystériques affirment leurs mensonges ou leurs faux témoignages. On en a vu tromper ainsi, non seulement leur famille, mais les médecins et les tribunaux, qui se laissaient prendre à l'art inouï avec lequel elles soutenaient leurs mensonges. En effet, tant que l'on n'a pas l'idée de chercher ce qu'il peut y avoir de simulation, il est d'autant plus difficile de dévoiler leur imposture que l'on ne comprend pas le but qu'elles se proposent! Les hystériques, dans le cours ordinaire de la vie, mentent pour des choses de peu d'importance par suite du même penchant maladif qui leur fait soutenir les faux témoignages avec l'habileté qui nous est montrée dans les exemples célèbres.

Ce qui prouve bien que le mensonge et la simulation sont dus, chez elles, à un état mental particulier et à une impulsion irrésistible, c'est que l'éducation, les considérations morales, les menaces ou la crainte des dangers n'ont, pour ainsi dire, pas de prise sur cette aberration mentale.

On peut donc dire, ce qui, au premier abord, peut sembler paradoxal, que l'hystérique, dans ses mensonges ou ses faux témoignages, le plus souvent manque, non de sincérité, mais de véracité.

Nous avons connu nombre d'hystériques qui, pour rien au monde, n'auraient voulu commettre une imposture, et qui pourtant, à chaque instant, pouvaient être prises en flagrant délit de mensonge. C'est que l'hystérique, quand elle ne peut pas ou ne veut pas mentir aux autres, se ment à elle-même; elle se réprésente les choses les plus fausses, soit comme les ayant vues, ecit comme les ayant entendues ou apprises de quelque façon, et, une fois bien persuadée elle-même de son mensonge, elle le débite et le soutient avec toute la sincérité possible.

Nous n'hésitons donc pas à dire que les hystériques sont, bien moins qu'on ne les en accuse, menteuses dans le sens propre du mot, qui signifie altérer sciemment et volontairement la vérité- Elles se font des auto-suggestions, et, persuadées de la réalité de leurs rêves ou de leurs chimères, elles les affirment lo plus souvent avec sincérité.

C'est pourquoi, dans la question des faux témoignages en justice, nous plaçons les hystériques dans la catégorie des faux-témoins par auto-suggestion. Sans doute, il ne faut pas trop généraliser, car, malgré leur état menial spécial, il peut/page>

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so trouver dos hystériques donnant volontairement de faux témoignages, mais dans les cas spéciaux que nous considérons ici, on peut dire que, le plus souvent, elles ne sont ni responsables ni coupables et que, par conséquent, elles ne doivent pas erre poursuivies pour le fait du faux témoignage.

Nous arrivons maintenant à la troisième catégorie de faits que nous avons envisagés, qui est de beaucoup la partie la plus importante de celle étude. Ce sont les faux témoignages qui peu vent résulter d'une suggestion involontaire et incons-cïenlo. Ici encore le concours de deux sujets est nécessaire : l'un qui joue le rôle de suggestionneur; l'autre, le témoin, qui est suggestionné. Mais ici, à rencontre précisément dé ce qui se passe dans les suggestions volontaires que nous avons étudiées, le suggestionneur n'est pas le criminel, ni un complice, ni même un individu quelconque animé de mauvaises intentions. C'est au contraire un de ceux qui ont le devoir et la volonté de faire tous leurs efforts pour éclairer la justice, qui le plus souvent est l'auteur involontaire et inconscient d'une suggestion qui peut dérouter l'enquête la mieux dirigée. Les conséquences qui peuvent résulter de tels faits sont des plus graves et donnent à leur étude une importance considérable : Il n'est en effet pas de circonstances plus capables de tromper les magistrats, et quelquefois de donner lieu à une erreur judiciaire irréparable. Le témoin est véritablement suggestionné, c'est-à-dire que ce n'est pas un homme à qui l'on a persuadé une chose, qui s'est laissé convaincre par un raisonnement. Dans ce cas il aurait conscience d'avoir douté, d'avoir lutté contre son doute, et le raisonnement qui a entraîné sa conviction pourrait être combattu. Le suggestionné au contraire, croit par le fait même de la suggestion, persuadé qu'il a vu, qu'il a entendu par lui-même ce qu'il affirme. Tout dans son témoignage est empreint de sincérité, car il est sincère en effet.

? résulte encore de cette conviction sincère qu'il est affir-matii, on ne peut découvrir chez lui aucune trace d'hésitation. Alors que beaucoup de témoins ordinaires, devant la gravité de certains faits, impressionnés parles conséquences que peuvent avoir leurs affirmations, se prennent à douter du témoignage même do leurs propres sens, ce doute n'existe pas pour le suggestionné. Il ajoute les détails ias plus circonstanciés au fait qui lui a été suggéré, et il est tout aussi persuadé de la réalité de ces détails que du fait lui-même. Comme d'autre part un certain nombre de ces détails se trouvent être absolument/page>

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réels et sont confirmés par d'autres témoins, personne ne songe à élever le moindre doute sur l'ensemble de sa déposition.

Il faut encore noter ici que le sujet n'est pas malade, qu'il ne présente aucun signe d'un état mental anormal. Dans les cas que nous avons étudiés plus haut, nous avions affaire, soit à un individu très hypnotisable, ayant subi une suggestion pendant le sommeil hypnotique, soit à un névrosé capable de se suggestionner lui-même ; dans les deux cas il était facile de trouver chez lui des symptômes spéciaux de son état nerveux. Ici au contraire le sujet ne se distingue en rien de toutes les personnes qui l'entourent, il voit sainement toutes choses et raisonne de la façon la plus correcte. Nous avons prié une fois un avocat d'examiner un sujet qui a donné lieu à une des expériences que nous allons citer. Après avoir causé quelques instants avec lui et lui avoir posé un certain nombre de questions, il nous déclara qu'il ne voyait aucun motif pour récuser son témoignage.

De pareils sujets paraissent en effet absolument normaux à tous ceux qui les entourent et qui les examinent superficiellement, même étant prévenus. Eux-mêmes n'ayant jamais été hypnotisés, et ayant toujours joui d'une façon complète de leur libre arbitre, ne peuvent se douter qu'ils ont été suggestionnés.

Si maintenant nous nous tournons vers celui qui est l'auteur delà suggestion, nous voyons qu'ici encore, tout concourt à entourer de difficultés les cas dont nous nous occupons.

Celui qui a fait la suggestion l'ignore absolument, et d'autant plus complètement que la plupart du temps il n'a aucune connaissance des phénomènes hypnotiques; il n'a peut être jamais vu faire de suggestions, ou, s'il en a vu, c'est dans des représentations publiques, par des prestidigitateurs, au milieu d'une mise en scène qui ne donne aucune confiance dans les phénomènes observés. Dans l'enquête qu'il poursuit, il cherche sincèrement la vérité, et c'est dans cette recherche même de la vérité qu'il fait la suggestion qui l'en éloigne. Et une fois cette suggestion déposée dans l'esprit du sujet, plus l'interrogateur fait d'efforts pour s'assurer de la sincérité et de la véracité du témoin, plus il accentue la suggestion. Et comment pourrait-il se douter qu'il fait une suggestion, quand il n'emploie que les procédés interrogatoires les plus habituels, ceux qui sont employés par tout lo monde, qui, dans une foule d'enquêtes analogues, lui ont fait découvrir la vérité. Dans ce cas, en effet,/page>

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c'est la seule disposition mentale du témoin qui leur donne un résultat diamétralement opposé.

Maintenant encore, ces phénomènes paraîtront si extraordinaires à beaucoup dé personnes, queues se demanderont si le fait est possible. Pour un certain nombre, ce sera la crainte même des conséquences que pourraient avoir les faits que nous étudions qui les empêchera de les admettre, car beaucoup aiment à nier la réaiité des phénomènes qui leur semblent redoutables.

Il y a déjà longtemps, cependant, le Dr Motet, sous le titre : « Les faux témoignages des enfants devant la justice », a fait une communication qui a eu un grand retentissement. Bérillon, dans un travail sur les faux témoignages suggérés chez les enfants, a démontré, en s'appuyant sur de nombreuses expériences, qu'il était possible d'arriver chez beaucoup d'entre eux, par suggestion, à l'état de veille, à la réalisation d'un faux témoignage. Le même auteur a démontré aussi que chez des sujets âgés de plus de quinze ans c'est-à-dire ayant la capacité d'âge exigée pour assumer la responsabilité légale d'un témoignage, on pouvait, par simple suggestion à l'état de veille, obtenir des déclarations aboutissant à la constitution d'un faux témoignage.

Les expériences que nous avons faites cette année viennent confirmer ces conclusions.

(A suture)

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Scance du 17 octobre 1899.

Le procès-verbal de la Séance précédente est lu et adopté.

La correspondance comprend des lettres de M. Boirac vîce-président( s'excusant de ne pouvoir assister à la séance, et de M. le Df Crocq, de Bruxelles.

M. le secrétaire gênerai annonce la candidature de MNf. les D" Mihran-Kern adjan, Lapinsky (de Kiew), Albert Charpentier, Donadieu (de la Matou), Vauriot (de Nimes). Ces candidatures seront l'objet de rapports à la société et scrutinies dans tes séances suivantes.

Chloroforme et suggestion.

M. Paul Farez.

— Dans la Presse Médicale du 4 octobre 1899j/page>

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MM. Carrière et Huyghes rapportent une observation d'hémichorée arythmique hystérique. On.y peut lire les'; lignés suivantes :

Désireux de précipiter la guérison, nous mettons, le 29 août, la a malade sous le chloroforme et, alors méme^qu'elle n'est pas complè-« tement endormie, nous faisons de la mafaxa/ion des membres atteints, s en disant à haute voix et de manière.à ce qu'elle entende bien, qu'elle « va guérir, que les mouvements disparaissent, qu'ils ne se produisent c plus. Nous entourons ensuite de bandes les membres atteints.

« Le lendemain, les mouvements choréiques du membre inférieur « ont disparu; ceux du membre supérieur'ont diminué. Huit jours « après, nouvelle séance à la suite de laquelle la malade fut totalement « guérie.

«.... En l'espèce, nous préférons le modus faciendi employé par nous c à l'hypnotisaiion. L'hypnolisation, en effet, offre bien des dangers; « c'est une arme à deux tranchants dont il convient de n'user qu'aoec c une extrême prudence, et quand on ne peut atteindre la. guérison « par line autre méthode ».

J'ai tenu à soumettre ces lignes à notre Compagnie, car je ne doute pas que vous ne protestiez contre l'opinion que vous venez d'entendre. C'est, en effet, un lieu commun de prétendre que l'hypnotisme est dangereux; il est vrai qu'on s'en lient à cette affirmation de parti pris, et qu'on se garde bien de préciser en quoi consistent ces dangers si redoutables. On peut poser en principe que les accidents susceptibles d'être attribués à l'hypnotisme résultent d'une faute opératoire. Or, comme toute autre intervention médicale spéciale, la pratique de l'hypnotisme exige un apprentissage; on ne s'improvise pas psychothérapeute, pas plus qu'on ne s'improvise oculiste, chirurgien, micro-biologisle. mis qu'il soit besoin d'insister sur les avantages considérables de l'hypnotisme, on peut dire qu'il est, à tout le moins, inoflensif entre les mains de ceux qui en ont fait une étude approfondie, qui le pratiquent journellement et dont la compétence est consacrée par dos résultats thérapeutiques indéniables.

En accordant même que l'hypnotisme soit dangereux, il l'est, à coup sûr, beaucoup moins que le chloroforme. Aussi, contrairement à ce que prétendent les auteurs cités plus haut, j'estime qu'il est prudent de ne recourir à la chloroformisation que précisément lorsque toutes les ressources de la suggestion hypnotique ont été vainement épuisées.

M. Pau-de-Salst-Mautis. — Je suis tout à fait de cet avis et le chloroforme n'est excusable que quand l'hypnotisme a échoué.

M. Le Menant des Cuesnais. — J'avais dernièrement une malade que j'ai essayé sept ou huit fois d'hypnotiser ; chaque séance nie demandait au moins trois quarts d'heure et me causait beaucoup de fatigue : tous mes efforts restaient vains. C'est alors seulement que je mo suis cru autorisé à recourir à l'éther.

M. Féiix Rbonadlt. — Si, comme on le prétend, l'hypnotisme est à/page>

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ce point dangereux, la suggestion après chloroformisation présentera & la fois les dangers de la suggestion et ceux du chloroforme. D'ailleurs si, après échec de l'hypnotisme, on se décide à recourir à un anesthé-sique, on est impardonnable de s'adresser nu chloroforme puisqu'on dispose de l'éthér. Et puis, l'art de la suggestion est très complexe; il comporte une série de précautions parfois negligées ; ainsi, le malade dort mieux le soi:-, à jeun, etc. Lorsqu'une personne es: réputée réfrac-taïre à l'hypnotisme, cela tient fort souvent bien moins à elle qu'au médecin.

M. Bérillon. — Il convient, en effet, de préparer tout d'abord les malades, de leur donner toutes sortes d'explications, d'aller au devant de leurs objections, de déployer une grande richesse d'argumentation et de créer en eux une parfaite quiétude d'esprit. Le succès est si ce prix.

M. Jules Voisin.— Dans ma pratique, j'évite d'endormir mon malade dès la première visite ; je le prépare, je gagne sa confiance, de manière qu'ensuite, il demande de lui-même à être hypnotisé.

Séance du mardi 21 novembre 1699.

Hyperhidrose abondante des mains guérie par l'hypnotisme par M. le Dr Albert Charpentier.

Messieurs,

Nous désirons attirer votre attention sur un cas d'hyperhidrose abondante localisée à la face palmaire des deux mains, cas intéressant par sa rareté d'uno part, et aussi par l'histoire de sa guérison.

Il s'agit d'un jeune homme âgé aujourd'hui de 22 ans, M. D... C'est il y a 7 ans. à la suite d'une peur, que la maladie commença. Nous n'avons pas de renseignements précis sur la cause de cette peur. Nous croyons savoir, cependant, qu'elle a été due à un accident arrivé à un membre très proche de la famille de notre malade.

Aussitôt revenu de sa terreur, M. D..., âgé alors de 15 ans. s'aperçut que ses mains étaient tout humides.

Dès lors, M. D... transpira des mains à tout instant, plus particulièrement lorsque son attention se portait sur ce phénomène, ou à propos d'un acte nécessitant u::e association d'idées dans la quelle intervenait la main. Par exemple, les mouvement;; de préhension et surtout le fait de donner la main à une personne, déterminaient immédiatement une 'sudation abondante.

Celte transpiration, d'abord intermittente, devint, ces dernières années; presque continue. La température n'avale pas d influence sur e. M. D... transpirait autant en hiver qu'en été. De même, la quantité/page>

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de liquide ingéré n'influençait en rien celte transpiration, Lorsqu'il c-st venu nous voir, le phénomène était d'une intensité vraiment extraordinaire. A peine avait-on essuyé les mains que l'on voyait apparaître, comme au sortir d'une écumoirc, les gouttelettes de sueur, et M. D... n'avait qu'à tenir ses mains pendantes pour que chaque dernière phalange digitale donnât l'illusion d'un robinet de filtre.

En_regardant sourdre les gouttelettes dans la main de ce jeune homme, on devinait la distribution des glandes sudoripares et leur lieu d'élection. C'est ainsi que la sueur commençait à apparaître à "eminence hypothénar, cl. une ou deux secondes après, sur les dernières phalanges des doigts et ù l'éminencc thenar; en dernier lieu, et avec beaucoup moins d'intensité, dans le creux de la main et sur les deux premières phalanges digitales.

M. D... avait consulté de nombreux médecins et avait suivi, il va sans dire, de nombreux traitements. Le diagnostic n'était pas difficile. 11 restait à savoir quelle était la cause de celte hyperhidrose extraordinaire. Deux hypothèses pouvaient être examinées, et chacune d'elles entraînait un traitement spécial.

La première hypothèse, celle qui fut consciemment ou inconsciemment acceptée par le plus grand nombre, c'est que l'hypcrhidrose était due à un trouble périphérique siégeant, soit dans les glandes sudoripares, soit sur le trajet des nerfs vaso-moteurs et excito-sécrétoires qui s'y rendent. A cette hypothèse répondaient les traitements suivants qui furent suivis par le malade : bains de mains dans des solutions modificatrices de hi peau, eau glacée, infusions de feuilles de noyer, solution de tannin dans l'alcool camphré, permanganate de potasse, thymol, etc..., sans compter les badigeonnages au perchlorure de fer, à l'acide chromique, etc., les poudres astringentes (talc, salicylates, etc.).

Après un essai prolongé mais infructueux de ces divers moyens, s'adressant aux glandes sudoripares par modification du derme, on eut Recours à une médication plus violente, â savoir les pointes de feu profondes et les scarifications; les mains de ce jeune homme furent labourées en tous sens. En même temps, on donna à l'intérieur les modificateurs des réflexes (agaric blanc, atropine, ergotin ·).

Tous ces. traitements échouèrent. Le malade ne transpirait pas une minute de moms pur jour, et l'abondance de la sueur restait la même.

Il essaya l'électricité sous toutes ses formes, étincelles, effluves, douche slatique, courants galvaniques, courants faradiques séparés ou combinés.

L'électricité modifiait la transpiration pendant tout le temps de l'application. mais dès qu'on la cessait, l'hyperhidrose reparaissait. - La deuxième hypothèse relative à la nature interne de cette hyperhidrose était que cette dernière dépendait d'une affection centrale, c'est-à-dirc d'un trouble dynamique siégeant dans les différents centres de la sudation, centres que Luchsinger a placés dans l'axe gris de la moelle, au-dessus de la neuvième vertèbre dorsale. L'examen du malade/page>

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n'avait en effet révélé aucun signe objectif de lésion organique du système nerveux.

Toutefois, nous avons pensé que les hemispheres cérébraux jouaient, dans ce cas, un r6le considérable, et que, même en admettant comme exacte la localisation de Luchsinger, il convenait d'admettre aussi que le centre médullaire de lu sudation était, comme tous les autres centres de la vie organique, relié par un neurone aux centres psychiques et que, dès lors, c'était par une medication psychique que l'on pourrait essayer d'agir sur ce centre médullaire.

A cette hypothèse répondait un traitement psychique : l'hypnotisme était tout indiqué; d'ailleurs, le malade lui-même, lasse de tous les autres traitements, le réclamait, et c'est pour se faire hypnotiser qu'il vint nous trouver.

Disons tout de suite que le résultat a été remarquable. Dès les premières séances d'hypnotisme, alors même que le malade n'était pas en léthargie complète, l'amélioration se fit sentir. C'est lorsque, par un procédé sur lequel nous attirerons prochainement votre attention, nous sommes parvenus à plonger le malade dans le somnambulisme véritable, dans l'hypnose profonde, que la guérison a pu être obtenue. Le malade aujourd'hui, après A mois de traitement, n'a les mains moites que de temps à autre. Cette moiteur ne dure pas ce fait place ii un état de sécheresse très satisfaisant.

M. Paul Farez. — Je connais un cas analogue traité avec succès par M. Bérillon et par moi. Il s'agissait d'un jeune éiève du Conservatoire qui devait concourir cn Comédie. Affligé, lui aussi, d'hyperhidrose palmaire, et, obligé de prendre par la taille la jeune lille qui lui donnait la réplique, il maculait régulièrement la robe de cette dernière. L'hypnotisme eut raison de cette sudation exagérée qui constitue, au premier chef, un phénomène émotif, au même litre, par exemple, que le ß trac ».· Il existe une hyperhidrosc émotive bien connue des derrnatologistes : à la consultation de l'hôpital Saint-Louis, les malades dénient tout nus devant Je personnel médical et tous suent abondamment des aisselles. C'est en vertu d'un même mécanisme que l'hypersécrétion sudorale est, d'une part, provoquée par l'émotion et, d'autre part, tarie par la suggestion : ces deux facteurs, en eliet, agissent comme ageuts de la vasomotricité. Et il y a là un nouvel argument cn faveur de la doctrine physiologique qui fait provenir la sueur non pus des gîandes dites sudoripares, mais des bouquets papiilaires. La sécrétion sudorale devient ainsi fonction de la vasoconstriction et de la vasodilatation; tout ce qui modifie ceiles-ci inodilte du même coup la quantité de sueur sécrétée./page>

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Des Émotions gaies chez quelques animaux.

Par M. Albert Coutadd, docteur ca droit.

Le Rire, ses causes, ses effets, tel a été le sujet d'un certain nombre d'écrits, depuis le traité d'Aristote dont il n'est rien resté qu'une définition, jusqu'au livre de M. Louis Philbert, honoré, en son temps, du suffrage de l'Académie française avec cette mention spéciale que, dans ce gros travail sur le Rire, il n'y avait pas le plus petit mot pour rire. (1J

De tous les auteurs qui ont, savamment ou agréablement, disserté sur cette matière, je ne retiendrai ni M. Herbert Spencer dont la Physiologie du rire présente de si intéressants développements, ni M. Cha-ra'ux, qui, dans son Essai sur le Rire et te Sourire, a des aperçus philo, sophiquestres ingénieux, ni M-Alfred Michiels dont l'Essai sur Regnard et le talent comique fut considéré en son temps comme une étude achevée au point de vue littéraire. Ils n'ont que peu ou point touché à la question de psychologie comparée que je voudrais examiner ici, à savoir si la faculté de Rire a été étroitement départie, exclusivement accordée à l'homme et si, par extraordinaire, il n'y aurait pas, parmi les animaux supérieurs, de ceux dont on dit qu'ils sont des candidats à l'humanité, des espèces ayant, au cerveau, ce qu'on pourrait appeler l'élément ana-tomique de la gaité, la cellule plaisante.

*

» *

A la fîn du XVP siècle, en un temps bien troublé où l'on avait oublié les suggestives leçons du maître rieur, Rabelais, et où l'on semblait aussi avoir perdu la force, le goût, le sens du rire, deux doctes et graves médecins, l'un en France, l'autre en Allemagne, dissertaient en latin sur cette matière et y trouvaient le sujet d'une étude copieuse. L'un, le Français, en faisait un traité du Ris, méthodique, ordonné, solennel, professoral, avecquelqucsjolieséchappëesd'humour; l'autre, l'Allemand, psychologue, mais surtoutphysiologiste, s'en occupait d'une façon moins dogmatique, et comme à propos seulement d'un phénomène dont la claire définition ne peut être décemment donnée que dans l'idiome employé par l'auteur,

Le latin dans les mots bravant l'honnêteté. (2)

Cedernierécrivain, Gocleniuslïudolphus.filsd'un philosophe du mémo nom, fut lui-même un médecin, un savant, un hygiéniste de valeur, qui a peut-être un peu trop versé dans l'occultismemaisqui doit, àces excursions en terre réservée, l'Uranoscopie, la Chiroscopie, laMétaposcopie et autres sciences chimériques, d'avoireu des vues vraiment géniales pour son épo-

(I) v. Elude anatomique psycho-physiologique el pathologique sur le Rire et les exhitarants, tbése île doctorat en médecine par J. il. Raclis.

(?) Physiologia crepitus ventris, item risu et ridiculi et elogîum nihili/page>

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que, sur le magnétisme et la thérapeutique qu'on en peut déduire. Son Traité sur la guérison des blessures, sans causer aucune douleur, sans employer de remèdes, sans recourir à des pratiques superstitieuses, par le seul magnétisme, soulève, comme il le dit, les voiles sous lesquels la nature nous dérobe des choses admirables : il est par là, en psychiatrie, le précurseur de Mesmer et l'ancêtre de nos modernes thérapeutes; comme 11 l'est de nos hygiénistes par son Traité de l'art de vivre, de vitâ prorogand&.(i)

Quant à l'autre spécialiste sur la matière du Rire, dont la monographie n'est pas indigne d'examen, il se nommait Laurent Joubert il était médecin ordinaire et conseiller du roi, premier docteur régent, chancelier et juge de l'université en médecine de Montpellier. Son Traité futd'abord composé en latin, puis traduit en langue vulgaire dans un intérêt de propagande, sans doute, afin de sortir du cercle des lettrés. La dédicace, d'un stylo pompeux, en avait été offerte à « très auguste, très excellente et très vertueuse reine de Navarre, Marguerite de Valois, bien connue dans la petite histoire du XVI* siècle, sous le nom familier de Reine Margot, dont l'avaient baptisée une foule de personnes de son intimité la plus... intime.

Ce théoricien du Rire ne croit pas que les animaux jouissent de cette faculté de manifester leur gaitè. 11 s'autorise pour conclure ainsi d'un mot d'Aristote attribuant le rire à un chatouillement dans la région du diaphragme.

« Or, dit-il, la cause pourquoi le seul homme entre tous animaux soit ¦ chatouillé est la minceté de sa peau et que lui seul de tous les ani-« maux rit ; car le chatouillement est un ris par le mouvement de la « partie qui accomplit l'esselle ». i

Il est vrai qu'un peu plus loin, il semble se contredire : « nul animal ne rit sinon par aventure d'uu ris bâtard, que nous appelons canin et ? sardonique ».

Mais celte façon de rire, par aventure, n'est pas particulière à l'animal à quatre pattes ! Ou a beau l'appeler le «: rire-chien », l'homme s'en sert aussi, et celui aux dépens de qui il l'exerce trouve que c'est un « chien de rire ».

Cela fait au moins une espèce de rire à la portée de l'homme et de l'animal î Si celui-ci n'a pas toute la gamme du rire, il dispose de quelques notes. De même, pour le don des larmes, du reste ! 11 est incontestable que certains ruminants peuvent pleurer, et dan- des circonstances telles qu'ils semblent poussés â cet acte physiologique par un profond désespoir, par un complet abattement physique et moral ; tel le cerf, a nous demandant mercy » et, comme dit Montaigne, « n'ayant plus

(1) Tractaïus do magoeuca dira ullum et dolorein et rcmedi: sppHcationem et supersUtîoaem, mirandarum cl in naturœ luajestate abditarum rcruoi caucus palefa-cenia. Francfort, 1613.

(2) Magunlia:, 1608, petit in-12.

(2) LiuassT JoUB&ar, Traité du Ris , p. 202, 231./page>

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aultre remède ». Pour ne pas pleurer tout-à-fait comme un homme, il n'en verse pas moins de grosses larmes 1

Laurent Joubert, auquel je m'attache surtout pour déterminer les raisons de douter,a remarqué que ie rire a son principal siège au visage et surtout aux yeux; il trouve très «raisonnable que l'acte propre à t l'homme, qui le fait évidemment différer de tous les autres animaux, c soit logé en la partie qui est particulière à l'homme, à parler propre-ß ment ».

L'argument n!est pas topique. Un sentimental, comme Lamartine qui ? chanté ¦¦¦ l'œil fraternel » du chien Fido, ou comme François d'Assise qui parlait de ses frères * les petits oiseaux » et de ses sœurs a les brebis » pas plus qu'un peintre anatomistc, n'accepterait à la lettre cette définition du visage de l'animal.

Si le rire ne convenait qu'à des êtres ayant une certaine coupe de visage et certains traits dessinés d'après une esthétique particulière, il y aurait, convenez-en, pas mal d'hommes â éliminer, soit pour la forme, soit pour la couleur de leur face.

Il est exact que peu d'animaux arrivent à copier le visage humain. Par contre, — et le dessinateur-écrivain, J. J. Granville, l'humoristique trop oublié de la génération présente, l'avait fait ressortir par des coups de crayon saisissants, — combien de visages d'hommes se rapprochent du faciès d'un animal, chien, cheval, bœuf, mouton, porc, singe, comme si de très lointaines alliances, de primitifs croisements venaient, par un phénomène de reviviscence partielle, faire retrouver dans une famille d'hommes des types oubliés, des ancêtres méconnus de la lignée animale! C'est la revanche indiscrète du parent pauvre!

Notre vieux docteur Laurent Joubert se croit encore autorisé à dénier le rire aux animaux, même â ceux de laséric où l'homme prend ses utiles serviteurs, par celte considération: « pour rire, il faut l'imagina-« tion ; or nature n'adonné aux bêles connaissance que des choses « appartenant aux nécessités de la vie ». D'autre part, le principal siège de la joyeuseté étant, d'après Aristole et Pline, au diaphragme, « chez t les hommes le péricarde est attaché au diaphragme d'une grande lar-« geur, fort différemment deà bétes ; de quoi nous coÎligeons que l'homme « seul rire ».

C'était la conclusion à laquelle était arrivé un grand humaniste de ce temps, mort d'ailleurs trente ans avant la publication du îivre ce Laurent Joubert. Louis Vives, qui a été un éducateur remarquable, u» des premiers pédagogues féministes, écrivait dans son Traite De Anima, et Vita (1. Ill) : c de tous les animaux, l'homme eut le seul qui rit, parce « que seul il a un visage qui puisse exprimer le rire ; chez tousles auîres, € les traits de la face renient constamment immobiles ; ce n'est pas qu'ils « ne soient portés, plus fortement mémo que l'homme, à éprouver les/page>

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« sensations de l'agréable et du plaisir, ils produisent même certains * signes qui ont la même force et la morne valeur que le rire, par exem-« pie des bonds ou certains airs désordonnés, mais, comme leur visage ? ne change point comme le notre, on ne dit pas qu'ils rient. »

C'est comme si l'on disait que le cerf ne pleure point parce que son larmier n'est pas constitué comme notre glande lacrymale et ne donne pas le même produit.

M. Léon Dumont, un spécialiste du Rire, à qui j'ai emprunté cette citation do Vives, a lui-même répondu à cette considération, tout en adoptant la conclusion de l'auteur espagnol :

«c Une pareille explication, dît-il, n'est pas admissible : les signes dont « parle Vives sont des équivalents non du rire mais du sourire. Beaucoup ß d'animaux ont ious les organes nécessaires pour rire : ils ont un dhv « phragme, des poumons, des organes respiratoires comme nous; et, « 3'ils n'en font pas le même usage, il faut en chercher la cause plus loin, ? dans des différences plus intimes. Les animaux n'ont pas plus le rire « intérieur que ie rire extérieur; c'est un sentiment qui leur manque « avec ceux du brave, du sublime, du pittoresque.... »

Avec cet auteur, ta difficulté se déplace, le problème s'élève. Nous entrons ainsi dans le vif de la question : comment déterminer la limite extrême entre l'instinct et l'intelligence, entre l'automatisme et le raisonnement?

• ·

Je n'aurai pas la prétention de résoudre ici le problème, à propos d'une question aussi accessoire quo celle dont j'ai fait mon texte.

Depuis Aristote jusqu'aux plus modernes amis des animaux, en passant par les plus savants qui no voient que l'analomie et la physiologie et par les sentimentaux qui voudraient, à l'exemple de M. Engelhardt(i) et du D' Julius Pasig ('-}, relever la condition civi le et sociale des bêtes, ils sont innombrables, ceux qui ont écrit sur les caractères différentiels entre l'instinct dévolu â l'animal et la raison apanage de l'homme. J'nnalyse rapidement la controverse.

C'est Descartes qui pose nettement le principe de l'automatisme.

« Jamais, dit-il, les bêtes ne sauraient user de paroies ni d'autres « signes, comme nous faisons pour déclarer aux autres nos pensées, a D'ailleurs, quoique les bêtes fassent plusieurs choses aussi bien et «t peut-être mieux nue nous, elles manquent infailiiblementcn quelques

0 autres, lesquelles on découvre qu'elles n'agissent pas par connais-

1 sance, mais seulement par la disposition de leurs organes. »

Le système est poussé à fond par des gens comme le Père Malebran-ciie, dont on connaît certain mot et le geste à l'appui. Des spiritual!stes d'une vieille école orthodoxe veulent démontrer qu'il ne peut y avoir

(1) L'animalité et son droit par M. KiigelUardt, ministre plénipotentiaire.

(2) Dos Seelenlebe-x der Tiiiere (l'une vivante des animaux), V. Bulletin -le I» société protectrice des animaux, mai 1S99, p. 44./page>

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aucun point de coniact entre l'homme et l'animal. Leur sentiment conduit quelques ouirancicrs à croire qu'on peut impunément en user jusqu'à l'abus, tailler, trancher dans cet automate plus ou moins bien articulé qu'est un uuimal.

Des écrivains, pour d'autres raisons que la supérxoriiê providentielle de l'homme, pensent, avec Spencer, par exemple, que l'instinct est une « action réflexe composée », que ? la vie intelligente... est un automa-s tisme qui doit sa conscience à sa lenteur comme une machine que ses « frottements même rendraient lumineuse {*¦] a.

N'y aurait-il pas, entre les partisans décidés de l'automatisme et les ultra-sentimentaux, qu'ils soient entraînés par la rigueur de l'observation scientifique, ou par des considérations mystiques, philosophiques, religieuses, la place d'une doctrine intermédiaire qui nous conduirait, en dehors même, mais à l'appui des résultats fournis par l'expérimentation directe el attentive, a la conclusion que nous cherchons dans la thèse du rire chez les animaux supérieurs ?

« Si chacun se donnait la peine de regarder autour de nous— .a « écrit un publiciste,M.J.Corcelle(-),i! serait possible d'écrircune histoire c moins élégante et moins trompeuse que celle de Buffon, mais autre-t ment profonde et suggestive».

Cette histoire fondée sur l'observation, comme la psychologie à priori, démontre, ce semble, que la vie de l'animal n'est pas constituée par une série de mouvements réflexes automatiques, que, d'autre part, il y a exagération à affirmer qu'en outre de la mémoire, do certaines idées conçues spontanément ou suggérées par l'éducation, il y a, chez l'anima!, intelligence raisonnes et pleine possession de lui-même: il existe, entre l'homme et l'animal, ce trait commun, un certain a état de conscience » qui fait que, sous le coup des mêmes sensations, à parité d'organes, l'un et l'autre se comporteront de !a môme manière, produiront le3 mêmes mouvements impulsifs, auront des gestes similaires.

Le trait commun, î'idée-force, comme dirait M. Fouillée, pour expliquer ces mouvements impulsifs, serait l'appétit, su sens le plus large de l'expression.

a ·

Sans entrer dan? le détail des preuves d'ordre expérimental, 30 constate que c'esi aussi par cette idée que certains psyche-physiologistes ont essay'- d'expliquer le mécanisme, la genèse du rire.

Ils partent deceits observation que, lorsque l'on rit, les lèvres s'écartent, les dents se aecbiivrchi, la bouche s'élargir, le nez' se dilate, les yeux s'allongent, la peau de la joue se creuse ou se gonfic, l'œil se bride.

(1) V. Revue des Deux-Mondes, 1" août et 15 octobre l3Stl, article do M. Alfred Fouillée.

% Revue scientifique, 1835, II, p. 318./page>

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Or, le simulacre d'ouvrir la bouche, de montrer les dents, de contracter les traits, de déformer lesiignes du visage, ne se produit pas seulement dans l'action d'appréhender une proie, de mordre, de manger. L'appétence, l'attente de cette proie, le plaisir qui doit être la résultante de la saiisfaction entrevue, la sensation imaginée par le sens du goût, tout cela ne suffirait-il pas à faire ouvrir la bouche, à découvrir les dents, à dilater le cœur, bref, à provoquer la série des mouvements qui constituent le rire ?

M. Edouard Cuyer, qui, dans une conférence faite en 1895 à la société d'anthropologie, traitait celte question convenait que, si l'action de rire tire sa primitive origine; du besoin de manger et du plaisir d'avaler, elle n'a pas une origine très pure.

Mais combien d'autres manifestations de la vie auxquelles on serait en droit d'adresser le même reproche !

Le sourire idéal de l'héroïne enchanteresse qu'a célébrée un Pétrarque serait donc l'heureuse inversion du besoin de manger, du plaisir de manger, première aspiration de la bête humaine? Pourquoi pas?

L'amour le plus éthéré, le plus lyrique, n'est-il pas Îe produit délicat et subtil d'une immémoriale fonction dont la cause primitive est un pur instinct?

Pour l'ancêtre lointain, le besoin de manger, Yappétit, la félicité du palais, a dû provoquer ce mouvement des lèvres, des dents, ce rire-A l'époque où ce vertébré supérieur avait de bonnes raisons d'ordre physiologique pour avoir surtout, exclusivement, à sa disposition, le rire canin ou sardonique, le rire-chien, le rire tumultueux ou thorybade, suivant les distinctions du vieux Laurent Joubcrt, quelques mammifères pouvaient rire comme lui. La différence en faveur de celui-là vient de ce qu'il a plus rapidement perfectionné ses organes, et les a rendus.par une évolution à laquelle l'autre est resté étranger, adéquates aux sentiments nouveaux. L'appétit primitif s'est transformé. Aussi le rire a-t-il varié pour l'homme dans certaines conditions de milieu, de culture, de climat. Pour l'animal devenu l'auxiliaire, le commensal de rhomme,qui, tout en évoluant dans un plan bien inférieur à celui de l'homme, participe dans une certaine mesure â la transformation qu'a subie celui-ci qui s'améliore sous la triple iniluence du milieu, de l'hérédité, de la sélection, on peut supposer une mentalité supérieure, une conscience moins tâtonnante et moins confuse.

En fait, l'animal n'a pas seulement de la gaieté à sa manière par des bonds, des appels de voix, des caresses, des mouvements de membres ou de la queue; il en manifeste ù uotre manière par des modifications de 84 physionomie, par des contractions particulières de la face. Vivant dans la familiarité de l'homme, il a insensiblement perfectionné ses moyens de plaire: son émotivité s'est affinée, sa sensibilité a augmente; en se civilisant, il est aussi devenu plus apte à comprendre et à souffrir, à nous aimer et à nous servir.

(lj V. iievue scitntifiqus, 1691, il, p. 4«7 cl fcuiv./page>

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? est probable, et le D' Delbœuf l'a très agréablement, autrefois, prouvé par l'histoire de ses lézards familiers (t}, que l'homme a, peu à peu, moyennan! une certaine méthode d'entraînement, acquis sur Pàni-N mal une influence psychique.

Des magnétiseurs n'ont-ils pas prétendu exercer une action hypnotique sur des grenouilles, des poules, des crapauds ?

Delbœuf n'avail-il pas l'intention d'employer la médication hypnotique pour guérir un de ses lézards malade d'une ophtalmie passée à l'élat chronique?

L'animal placé au contact de l'homme, dans sa sphère d'influence, ne reste pas étranger à ses habitudes, à ses passions, à ses impressions. Ce que M. le DrCoste de Lagrave aappeté « de l'hypnotisme inconscient » s'exerce de l'homme à son compagnon à quatre pattes.

L'influence de la gaieté ou de la tristesse détermine chez le chien qui subit le milieu triste ou joyeux, des manifestations correspondantes. Si personne ne joue avec lui, il finit par devenir lui aussi, morose et mélancolique.

Au contraire, le rire, les jeux dont il est le témoin lui suggèrent des sentiments de plaisir, de bien-être. De son maître il se dégage de l'hypnotisme à l'état de veille : il y cède irrésistiblement, il veut être des jeux, du rire des autres; il saute, il se trémousse, il aboie; sa physionomie exprime ses sentiments; sa gueule s'entr'ouvre ; il semble rire; c'estqu'il rit, en effet, à sa manière, qui correspond à l'une des façons de rire de l'homme lui-même.

Après avoir décrit le mécanisme intime de la fonction, M. Edouard Cuyer, dans sa conférence précitée, constatait que le cheval et le chien ont un grand zygomatique : « Ils doivent donc rire, disait-il, et en effet, ils prennent celte expression sous l'influence de certains sentiments de bien-être et d'espoir de bien-être.

C'est toujours l'appétit préhistorique, mais transformé, ennobli! Sous cette réserve prudente que l'animal ne possède encore qu'à l'état rudi-mentaire ie sens du comique et, quoi qu'en ait dit Pline, qu'il n'est pas susceptible de concevoir pleinement l'admiration ou lo ridicule (c'est quelquefois heureux pour !e maître de l'animal ! J on doit admettre qu'il participe â noire gaieté ou à notre tristesse, qu'il est sensible à l'atmosphère mov;--le dans laquelle i! vît, qu'il a à sa disposition,pourexprimer son phiisi,- eu son désir des ressources physiognomoniques, et qu'il y a intérêt;. !>?s Jiudier comme une des formes du langage de l'animal, enfin quo nos compagnons à quatre pattes ne sont pas seulement gais passivement, cu'ils peuvent devenir facétieux afin de provoquer chez ceux auxquels ils ont le désir de plaire le sentiment «le joie qu'ils ont eux-mêmes éprouvé.

Rabelais a dit qup « rire est le propre de l'homme, s On voit dans quel sens cette proposition trop exclusive doitètre acceptée. L'animal, domesli-

(lj Revue Scientifique, 1895; IX, p. 57 et 616./page>

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que ou non, qui est arrivé, par l'éducation, à aubier ainsi sa nature qu'il

participe ù la condition humaine par doux éléments de son fonctionnement moral, la gaictéet les larmes, tend à passer une sorte de candidat à l'humanité.

En tous cas si la certitude scientifique de cette d'éduction n'est pas acquise, revenons, faute de mieux, à la conclusion à la fois utilitaire et sentimentale, que l'animal, être complexe, capable d'actes spontanés et réfléchis; grâce peut-être à ce que Durand de Gros appelait des centres psychiques indépendants, est capable, de génération en génération, de s'assimiler les atomes Intellectuels qui flottent en quelque sorte autour de lui, qui 3e dégagent de l'influence ambiante, de modifier peu à peu its conditions de son existence, de transformer avec Je temps les organes qui présidaient à certaines fonctions, et, par suite, ces fonctions elles-mêmes. Son instinct de solidarité qui s'exerce entre individus d'une même race et, parfois, entre individus de races notoirement hostiles, comme sa passion d'attachement pour ceux qui l'ont nourri, choyé, élevé, tout montre en lui une sorte d'âme confuse, un moi embryonnaire en situation de devenir plus actif, plus réfléchi, plus conscient, d'autant plus que le ' moi supérieur de l'homme dans la familiarité de qui l'animal vit est doué d'une influence plus énergique, plus suggestionnante.

A ce titre seul, ranimai n'est pas indigne d'une étude psychologique. Il ne m'appartient pas de la présenter autrement que par cet essai, et j'en laisse le soin à de plus autorisés!

Mais je ne croirai pas avoir perdu (ni fait perdre!; tout le temps de cette lecture, simplemement en rappelant, à ceux qui sont curieux des choses du passé, le souvenir de ces deux ancêtres, l'un, Laurent Joubert, qui donnait ù ses contemporains du XVI· siècle des leçons de pédagogie suggestive, l'autre, Goclenius, qui, tout au commencement du XVII', se révélait l'humble précurseur de nos recherches psycho-physiologistes et.dans une certaine mesure, l'initiateur de la thérapeutique psychique (1).

RECUEIL DE FAITS

Un cas d'hémiplégie hystérique guéri pat- la suggestion hypnotique et étudié à l'aide de la chrrv.opi-.otographie f ^

Par M. le Professeur Maein-bsco {do Bufciucrt).

J'ai observé une femme de vingt-huit ans, sujet' .*·. divers accidents'

(!) Cuit i la page*» du TrzctAtus de ilagnttica .jet se trouva lcpaMagc. décisif seïoa moi. a ou jinlcro le «nlfcnent de Goclecias sur l>ff'.;cur*Uf ac I» suggestion raeiiiÎiiC- « Cette guérison ?'l'une b;esr.are sans remèdes; arrive par la nature elle-

ineiiio et par na certain crt«t nagn-kLjue____» Mais je ucuac loinxte: ¦ Intertill-

? nus et Mlum est vis laagnctïca ittractri? et dedoctrtx, ill,-, partem apectat affec* « Una. :d cal vulutie. hoc tst. al'.ruTtio ait ad p»rten vulueralaiii, virtutis rerû c deyucliù ad i/îiuni medientura ». ß it craint gu on ne l'accu«n d'oirc trop chimérique daon la rcoherchedo tc!s secrets il avwUt riut » non omne aiauïcum est impos-toriuai b.(p.M) .

(4) Académie des Sciences, stance du 1 dôcembro 18SB./page>

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nerveux et qui, à la suite d'une discussion avec son mari, fut prise d'un tremblement de la moitié droite du corps, puis d'un mutisme absolu, suivi d'une syncope. Au réveil, le mutisme persistait et la malade présentait une hémiplégie du côté droit. La parole revint, mais l'hémiplégie subsista, sans qu'il y eût cependant déviation de la face. Au bou d'un mois, l'hémiplégie persistait, bien que moins accusée. Le bras droi n'exécutait que des mouvements restreints; la main, tout en eonservan le mouvement des doigts, ne développait aucune pression sensible au dynamomètre. A la jambe, la malade accusait une sensation d'engour dissementet de fourmillement; les mouvements de flexion du genou c de la cheville étaient à peu près abolis. Il existait une hémianesthésie sensitivo-sensoriellc du côté droit ; on notait, en outre, l'abolition du réflexe plantaire, avec conservation du réflexe rolulien et des réflexes du membre supérieur. L'intelligence était conservée, très vive même On se trouvait donc bien cn présence d'une hémiplégie hystérique.

La façon dont marchait cette femme répondait parfaitement aux caractères que Todd et Charcot ont assignés â l'hémiplégie hystérique. . Or, comme les cas de ce genre sont susceptibles de guérir sous l'influence de la suggestionne mis la mala.de en étal d'hypnotisme et lui suggérai l'idée que ses membres n'étaient plus engourdis et qu'elle pouvait marcher.De fait, cette femme a recouvré la marche, et la guérison s'est maintenue jusqu'à ce jour, c'est-à-dire depuis deux mois, avec disparition de tous les stigmates hystériques.

L'étude chronophotographique de la marche de cette patiente a montré que le type de la marche des hémiplégiques hystériques est sensiblement plus compliqué que celui qu'on admet après Todd. La patiente ne traîne pas simplement la jambe paralysée, mais le transport de ce membre se fait péniblement et se trouve secondé par les inclinaisons du tronc en avant et latéralement. En outre, dans l'appui sur l'extrémité malade, la jambe saine accomplit très rapidement la seconde phase de son oscillation.

REVUE CRiTlQUE DE PSYCHOLOGIE ET DE NEUROLOGIE

Technique du Chronomètre de d'Arsonval pour la mesure de temps psychiques, par M. îo Dr Jean Philippe, chef des Travaux au Laboratoire de Psychologie physiologique de la Sorbonne. Carré et Xaud, 1899.

Dans celte remarquable thèse, dédiée â M. ïïeaunis, M. îo D'Jean Philippe précise et décrit la technique non encore exposed de ce précieux instrument dont il se sert depuis dix ans au Laboratoire de la Sorbonne.

Le temps physiologique, ou temps de réaction, ou temps psychique/page>

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a d'abord été mesuré par la méthode graphique sur cylindre; mais ce procédé est fort lent; il nécessite, en outre, un dispositif peu maniable. La méthode de Marey exige une préparation longue et difficile, un dispositif compliqué, une surveillance étroite; elle expose, d'autre part, à des erreurs psychiques qui agissent à l'insu de l'observateur sur les idées directrices de l'expérience; en outre, le cylindre de Marey, étant un instrument de laboratoire difficile h transporter, ne saurait être très pratique pour le clinicien ou le psychologue. Le Chronoscope de Hipp, de sen côté, par la complexité de tous ses organes, rond difficile toute surveillance attentive et efficace; il est, lui aussi, difficile à manier et à transporter. Le Chronoscope de. d'Arsonval, au contraire, par sa simplicité d'organes, est d'une surveillance et d'un maniement faciles; il donne, en outre, des mesures très exactes et très précises. « Ces mesures sont un de nos rares moyens d'atteindre, dans l'organisme le plus élevé, la manifestation la plus complexe de l'activité nerveuse : les fonctions mentales. Sans doute, on ne pénètre encore que leur durée, sans atteindre au mécanisme intime : on ne mesure que la rapidité et la régularité; maïs elles sont un indice de quelque chose de plus profond : l'attention. C'est par là que la psychométrie peut rendre de précieux services en clinique mentale et nerveuse, aussi bien qu'en psychologie et en pédagogie. »

L'Htpnotisme ou Magnétisme animal devant la Science, par M. le Dr Jean Foustanos. (En grec), 119 pages. Phérè frères. Syra.

Ce livre, écrit par un praticien expérimenté de Syra, contient quelques observations d'un grand intérêt. Voici, par exemple, un curieux cas dont l'auteur a été témoin. A une heure très avancée de la nuit, il allait â cheval de Sparte à Gythion; le roulier suivait à pied. Le D' Foustanos lui ayant à plusieurs reprises adressé la parole sans obtenir aucune réponse, se mit à faire du bruit : le roulier, aussitôt, expliqua qu'obligé par son métier à voyager la nuit, il avait contracté l'habitude de dormir tout en marchant. Qu'est-ce à dire? Cet homme, sans cesser de dormir, exécute d'une manière automatique et, pour ainsi dire inconsciente, les mouvements de la marche, comme les hypnotisés réalisent, tout endormis, l'automatisme rotatoirc des bras. Dans le môme ordre d'idées, un ancien in'srne de Charcot, le D' Regnard, raconte avoir connu une jeune fille de 12 ans qui, ayant l'habitude de se promener pendant les longues soirées d'été, ne tardait pas à s'endormir, 3ans toutefois cesser de marcher ; s: on la secouait un peu, elle s'éveillait aussitôt. D'ailleurs, les gens de la campagne savent bien que les chevaux, la nuit, s'endorment sur les chemins, tout en continuant à galoper ; si l'on ne s'applique pas à les tonir éveillés, ils risquent de faire des faux pas.

On 30 rappelle que chez les Sybarites, la sensibilité cutanée était à ce point développée que, dans leur lit, les plis d'un seul pétale de rose les faisait souffrir. Or, l'auteur a connu à Sparte un aveugle qui avait édu-/page>

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que et développé à un degré extrême son sens auditif; est aveugle, en effet, reconnaissait sans hésitation tous les habitants de la ville, rien qu'au son de leur veix.

Pendant le sommeil naturel, la mémoire du passé peut se trouver-exaltée. Ainsi, l'un des parents de M. Foustanos pariait fort mal le français à l'état de veille, mats, une fois endormi, le parlait couramment et sans faute.

Les poisons, comme l'éther, le chloroforme, l'opium, le chanvre indien, etc., donnent un sommeil pendant lequel la mémoire subit parfois une excitation pathologique. Ainsi, un malade que l'on vient de chloroformer en vue d'une opération, se met à parler en albanais; il avait, il est vrai, appris cette langue dans son tout jeune âge et le chloroforme avait produit le réveil de connaissances réputées oubliées.

Ces exemples, d'autres encore, ainsi qu'un clair exposé des théories scientifiques actuelles, recommandent la lecture de ce livre qui fait honneur â son auteur et à la science grecque. Dans le pays d'Ilippo-crate et de Galien, les médecins se tiennent au courant du mouvement thérapeutique ; ils n'hésitent pas à se montrer partisans de la psychothérapie; quelques-uns, même, ne reculent pas devant un assez long séjour à Paris pour s'initier à la pratique de l'hypnotisme, et l'on ne saurait irop les en louer.

Valeur de l'êlectro-diagnostjc, par MM. P. Lereboullet et F. Allaud, Revue neurologique 1899.

L'hystérie simule souvent les accidents organiques les plus divers et expose à do nombreuses erreurs de diagnostic. Dans les cas de paralysies, hémiplégies, névrites, contractures, accès convulsifs, mouvements choréiformes, astasie-abasie, tremblements, l'exploration électrique permet de déterminer s'il s'agit uniquement d'hystérie, ou de lésion organique pure, ou de lésion organique compliquée d'hystérie. Témoin l'étude fort intéressante de MM. Lereboullet et AUard. L'éleelro-diagnostic vient en aide al'hypno-diagncstic et parfois même le supplée. L'hypnotisme offre néanmoins un avantage incomparable : c'est par la guérison même d'un symptôme qu'il en démontre la nature hystérique, ou nerveuse, ou fonctionnelle.

Un cas de paralysie HYSTÉitiQUii no diaphragms, par M. le D1 G.??::????, Riform. meet., 1899, vol. 3, p. 231.

Une fennec de 51 ans présente une dyspepsie intense; eeu's enîrsnt en action !ea -nterco&taux supérieurs, les pectoraux, les scalèaee et les sterno-cleidc-mustoîdien'j; la partie inférieure du thorax detaeure immobile; l'épigastre est comme tiré et s'enfonce à ehaqvu in^pbaiiun. Or, la malade présente ies stigmates suivants : anèsthésle dit voile du palais, du pharynx et des deux conjonctives, hypoesthésie cutanéo, rétrécissement concentrique du champ visuel, hyperesthesia oyari-ionc bilatérale, etc. M. Mariani en conclut que cette immobilité du dia-/page>

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phragmc est de nature hystérique et il décide de la traiter par un des nombreux procédés de la psychothérapie : grâce à des suggestions verbales répétées, il communique à li malade une pleine confiance dans leF effets curatifs de la galvanisation j sur un terrain ainsi prépavé, l'électrisation suggestive ne tarde pas à faire merveille. Cinq mois après, àia suite d'un courant d'air, celte même malade présente une névralgie de route la partie du corps qui est hypceslhésiée ; une fois encore, sous les espèces de l'électricité, !a suggestion apporte la guérison.désirée.

CHRONIQUE ET C03RESP0KDAHCE

Société d'hypnologie et de psychologie

Les séances de la Société d'hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième lundi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.

Les prochaines séances de la Société auront lieules Mardis 16 janvier et 20 février 1900, à 4 heures et demie.

Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister'.

Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 14, rue Taitbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jus si eu.

Le poids du cerveau et l'intelligence.

un exagère souvent le rapport entre le poîdti du cerveau humain et le développement du l'intelligence; les comparaisons que l'on fait sont, dans la réalité, pleines do co ni radie, ions.

J. Slm'ïas, ditr.j Popular Science Monthly, a réuni un certain nombre de ces cbhtr&diasloâs'. BVtp:-ês seo recherches la cerveau le plus pesant connu sentît celui d'un vendeur do journaux do Lisndrcs, qui était un véritable type d'idiot. Le poids des':n cerveau était de 2.400 grammes. Puis vient le cerveau Ce Kuotan, un pauvre misérable paysan de îa Scandinavie ; son cerveau pesait 2.3-iO gramme". Celui d'une jcino Indienne pesait 2.200, soit 70 grammes de plus que le fis/veau lo plus lourd des hommes de génie, par exemple do l'écrivain russo Tourgiicniuiï. Lo poids moyen du cerveau humain varie notablement. Suivant t'I'n, H est de 1.500 grammes ; d'après Kraupo, de 1.050. Or Sinirus a trouvé que les cerveaux de soixante per--o: ::?= célèbres donnaient ïo poids moyen da 1.530 grammes, ce qui le met :-.,&:,\:^ co la moyenne minima ordinaire, car î*j poids moyen de dix cerveaux' d'idiots à et do cinq d'Imbéciles etteignait ! grammes. Il faut donc, en réfère de cerveau, comme en lout, distinguer entre la quantité et la qualité. il est certain toutefois que pour un organe aussi complexe que/page>

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l'est celui de !a pensée, la structure intime et la disposition des rapports des éléments cc-irulaires doivent; jouer un rôle principal.

Gangrène cutauée tihez Vue hystérique.

M. Balzcr vient de presenter à la Société de dermatologie une' jeu:ic femme portant des cicatrices aux mains, aux pieds, aux joue?, a la région antérieure du thorax. Ces cicatrices sont dues & des lésions de gangrène spontanée remontant a des époques variables. Cette malade, qui est actuellement au service d'un médecin, vient de voir se reproduire ces accidents. En temps normal elle n'est affectée que de crachements de sang, d'hématè-mèses et de tremblement, jamais elle n'a eu d'attaque d'hystérie commune. Les accidents dont elle souffre se produisent en quelques heures, et nous les avons vus évoluer bous nos yeux. Une région de la peau s'anémie, autour de la région se produit un cercle rouge, puis la teinte de la région prend rapidement l'apparence d'une escarre, qui ne se détache ensuite que très lentement en laissant des cicatrices considérables. Nous avons fait plusieurs fois analyser l'escarre et l'épiderme dés le début des lésions, jamais on n'a pu déceler la moindre trace de caustique. ? ne raurait pas ici être question de brûlure, car une brûlure, si habilement faite soit-cllc produit des accidents rapides caractéristiques et d'emblée localisés. Or, nous avons vu, chez cette femme, les accidents gagner de proche en proche, d'heure cn heure, sans jamais manifester les apparences d'une lésion par action physique ou chimique.

nécrologie

Le docteur Azam

Les obsèques du regretté professeur Azam, mort à l'âge de soixante-dix-huit ans et domî, viennent d'avoir lieu a Bordeaux.

Le deuil était conduit par les deux gendres du défunt : MM. l-louch, uégo-*lant, et Jullian, professeur a !c Faculté des Lettres, suivis d'unefoule nom--breuse en tète do laquelle marchaient er: robe les professeurs et agrégés de l'Université de Bordeaux, et G Association -les Etudiants avec son drapeau cravaté de deuil.

Les cordons du poêle é:r.iont tenus par MM. de Nablas. doyen de la Faculté de Médecine ; Saignât, professeur à ïa Faculté de Droit, vioe-présïdent du Conseil de l'Université ; Froment, président do l'Académie d.^s Sciences, Lettres et Arts de 2'jrd3-i>'.x ; Lande, président de I'Aesooisiticn des médecins de la Gironde ; Davezsc, président de la Sociélé de Médecine ci de Chirurgie ; Samaaoullh, président do la Poclétf' us '.ïéographtc ; Tisscyre, président de la Sociotô Phdomathique ; le D1 LftncÎofiguè, et MM. Coulnn-ceau et Fci-dinand Dcshunuos, amis pcrsonu;ls du défunt,

Des discours ont été prononcés-sur la tombe de M. Azam, par M. Davezac, Froment et Tisseyre./page>

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— Discours de >î. lo D" Davozao : MESSIEURS,

L'imflîcysble mort n'a pas voulu laisser finir l'année sans frapper U SooIétédeMédectoectde Chirurgie, et elle IV fait en atteignant en six joum un do ses inombros les plus anciens, les plus f dèle?, dont la vieillesse ilistîiïîi¦¦ '¦ ¦ semblait invulnCntble.

Son grand-père maternel, le chirurgion Î-'abos, fut l'un dos fondateurs de notre Société, en 1700, et son père y entra également dis 1816. Luî-rcéne y fut adrat:* en malt une scission a'étant produite sur l'ini-

tiative do Elle Gintrai, Il s'en sépara aveo co dernier cinq ans après, et contribua avec lui a fonder, en 1850, la Société médico-chirurgicale des Hôpitaux, dont il devient le Secrétaire général. Piustard, la fusion si désirable de cea ceux groupes médicaux finit par s'opérer ; il nous revint, et nous i'avens eu puur président en 18'G. Enfin, le 29 mal 1885, prônant en quelque sorto aa retraite, 11 sollicitait et obtenait lo titre de membre honoraire de la Société de Médecine ot do Chirurgie. La chaîne séculaire qui unissait & nous cette belle famJlIa médicale est maintenant, hélas 1 Interrompue.

L'âge avancé auquel Azam était parvenu l'avait done éloigné de nous; maie nous savions que son esprit remarquablement cultivé continuait à lui procurer les joies profondes de l'étude, aussi bien dans les sciences medicaids quo dans les choses artistiques où sa compétence était unanimement reconnue et appréciée. Quello fin d'existonso enviable que lu sienne, et combien serait-il désirablo qu'elle pût être résorvéo par la fortune a tous les travailleurs de nos carrières libérales I

A ces bienfaits de l'ordre Intellectuel le plus élevé s'ajoutaient pour notre cher et regretté collègue ceux également sans prix qu'il dut a une famillo nombreuse et favorisée de tous poluts par lo destin; si bien qu'au cours do aa longue et belle vie, de même qu'aux jours affreux du mal qui duvalt lo terrasser, il a goûté en patriarche, aimé le bonheur domestique le plus Absolu* Quels sujets do regrets mais aussi de consolations pour tous ceux qui pleurent sa perto aujourd'hui I

Pour nous, ses collègues do tous ûges, SI suffiru de rappeler sa bonhomie, sa doucetir, sa simplicité, sa sympatliio toujours ucqui.se par avance aux progrès de no3 tirades et do nos !cya*c3 discussions. Précurseur en plusieurs matières dis notions qui fj^t l'orgueil de la médecine con temporaire, il voulait quo rica ne lui fût étra::£«:r, et son pro · ;. ·. . toujours prêt fut mis a contribution aveo ïc plus grand suecè^pardo nombreuses Sociélés, dont la prÎBenco rohausïo la boau'.o do eß3 cheques. Aussi revendiquons-nous pour notro Compagnlo d'avoir compté ïî. Aaam pnrmi loz membres chargés è'bonneur.i et haut placés qui lu! hccorâirer.Î uno par; constante dans une vin très occupée.

î! D3 mna^ua jamais do n. us .;!::Ir la pr'raeur de ses principaux travaux. Ces', c/nsi que, dès 1870, lirons Ci consaîî.e lo paa^ntntditdo Bordeaux, qui, cnt:c 1-j mains de nos chirugiens de rai.-.t-Andr,:, «"draïnaa la mortalité géné;.V:î ér.ns des proportion: Inconnues et définitivement acquises, ainsi qu'il résulte de son beau mémoire de 1879.

Rappellerai-je ses publications d'ordre nerveux, sur l'hypnotisme en par-/page>

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ticulier. à l'étude scientifique duquel son nom demeura historiquement attaché ? Quand on traitera du caractère, do la double conscience, ou dos amnésies réirogrades post-lraumat!ques, on ne pourra pas ne pea psnseralui.

Au deuil sîncJrc où sa mort est venus nous plonger succédera do:io le souvenir reconnaissant que nous gardons â tous ceux dont l'éclat a reja'ill sur nous, qui en* travaillé pour nous et 3vec nous. Surîeîjord de cetto tombe désormais illustre, nous l'affirmons & la famille désolée ds notre cher et, vénéré collègue.

Au nom de la Société de Médecine et de Chirurgie, qui a tenu à le suivre jusqu'à sa dernière demeure, je lui adresso avec une respectueuse émotion un dernier adfcu 1

— Discours de M. Froment :

Messieurs,

En venant, au nom de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts dn Bordeaux, rendre au D' Azam un suprême hommage, je ne puis oublier que nous entrions ensemble, il y a vingt-cinq ans, au sein de la Compagnie, frappée à cette heure d'un deuil si cruel. Nous avions été élus le mémo jour ; nous primes séance le même jour ; et j'entends encore Azam, dans un discours aimable et simple, promettre à- nos nouveaux collègues le concours d'un zèle qui ne s'est jamais ralenti.

Malgré des occupations très diverses, il fut toujours fidèle a l'Académie. Il assistait encore, il n'y a pas quinze jours, à notre dernière réunion : nous reçûmes sa dernière visite ; et par sa présence comme par ses travaux 11 contribua à maintenir nos laborieuses traditions, notre discrète et légitime inlluence.

N'avons-nous pas eu la primeur de ces curieuses recherches sur la doublo conscience et rhypnotissnc? !a confidence de ces essais qui préparèrent l'avènement d'une science, alors à peine constituée, ?a psychologie expérimentale ?

Physiologiste et moraliste, iî excellait dans l'étude délicate de ces phénomènes où l'âme et le corps semblent se toucher et se confondre ; dans l'examen de ces problèmes qu'avait agités Cabanis au début do ce siècle ot qu'Azam renouvelait en les posant, en les attaquant d'une manière originale et personnelle.

Voue rappelez-vous, mes ch?rs Collogues, cette âne et piquante lecture, où l'ingénieux analyste nous entretenait de ces grands er.fanls ballottes entre la raison et la folie, de ces toqués, qu'il nous décrivait avec une si Indulgent'.- sagacité?

.Observateur pénétrant de la c&ture humaine, Azam était en même temps un archéologue, un artiste, un amateur écîafré. Qui n'a connu — au moins de réputation la galerie où e?? goût a rassemblé tant va tableaux de maîtres eî d'ecuvres d'élite ? et la précieuse collection cù (es faïences de Delft, de Rouen, de Strasbourg rivalisaient avec les anciennes faîencos de Bordeaux ?

. A tous ces titres, il était des nôtres. Il appartenait par ess dons variés à l'Académie des Sciences, des Lettres et des Arts. ïl lui appartenait aussi par celte urbanité, qui rendait ses relations si ÎaeiÎQs et si chères à tous ses collègues./page>

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Avec queue brnr.o gràte souriante, pendant sa présidence de 1888, Il reçut dans notro Compagnie le jeune et remarquable professeur qui devait bientôt aprea dovcph- son cendre I

Si vie, partagée entre la famille et la science, fut celle d'un sage ; et sa fin. si courageuse et si cabre, n'en fut que le naturel couronnement.

C'est d'un œil ferme et d'une âme sereine qu'il vit approcher le moment suprême. Maître jusqu'au bout do sa pensée, ii s'endormit paisiblement au milieu des siens, avec ïa conscience du do-voir accompli et les espérances immortelles qu'inspirent aux esprits comni'j le sien la religion et la philosophie.

L'Académie, qu'il honora par son talent et son caractère, lut dit par ma bouche un dernier adieu. Nous savions tous combien il l'aimait ; et nous garderons chèrement la mémoire du maître, du savant et.de l'ami.

NOUVELLES

Enseignement ds l'hypnotisme et ds la psychologie physiologique Institut psycho-physiologique, £9, rue SainMfuîré-des-Xr/s.

L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l'étude des applications cliniques, médico-légaleset physiologiques de l'hypnotisme^ et placé sous ?? palrouage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.

L'organisation de l'Institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.

Une clinique de maladies nerveuses [dispensairo neurologique etpêr dngogique), est annexée à l'Institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis ot samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et .étudiants régulièrement inscrits sont admis ù y assister et eent exerce^ à la pratique de la psychothérapie.

Tons les jeudis, à 10 heures et demie, M. Î3 Dr Bérllîon, médecin inspecteur des asiles publics d'aliénés, y complète son cours à. l'Ecole pratique delà Faculté de médecine (aemosirc d'été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogique de l'hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations c!iniq::e3 par MM. les D" lîenry Lemesle, Viavïaaoa, Lapinski, et da.-a s*-s dé mens triions de psychologie expériwcntalc par MM. ïçs Dr Faut Favez, A. Guimbeau, Bianchi, ïïv-nly et par M. Charles Verdie..

Depuis i«9î, pendant le semestre d'hiver de chaq.:e année, des coure et ces conferences ont été faits les jeudis;à cinq heures, par MM. les D** buœoatpaiHei, Bérillon, Kpx Nordau, ?. Causiier, Fenry Lemesle, Paul Fircz, Colline&u, Saint-Hilcire, Ojrar Jénnîcgs, Armand Paulier, îisç?) Bianchi, Légué, et. par MM. Lisr.cj Dauriac, .Talcs Dois, Lépinay Laissât, AJberi Coutaud", sur bs diverses branches de ïa psychologie physiologique ot pathologique./page>

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M. le Dr Paul Joire, correspondant de 1'Inslitiit psycho-physiologique, fait, chaque année à Lille, un cours annexe d'hypnologie.

Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l'acquisition des appareils les plus nouveaux.

Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs · à l'histoire de l'hypnotisme et de la psychologie. La bibliolhèquo est mise h la disposition des étudiants inscrits.

Chaque année, un certain nombre d'étudiants trouvent d'importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l'Institut psycho-physiclogiquc.

Cours pratique de psychothérapie et d'hypnologie

M. le D' Bérillon commencera un cours pratique de psychothérapie ot d'hypnologie, à l'Institut psycho-psychologique, 49, rue Saint-André-dcs-Arts, ?? jeudi 25 janvier, à 10 heures et demie. Il le continuera lous les jeudis, à la mémo heure. Plusieurs conférences seront consacrées à l'étude pratique des applications de la suggestion hypnotique à la pédagogie et à l'éducation des enfants vicieux ou dégénérés.

COURS & CONFÉRENCES DE 1900 â l'Institut psycho-physiologique 4g, *Rue Saint-Ânàrè-âes-Arts, 49·

LES JEUDIS, A. 8 HEURES ET DEMIE DU SOIR CONFÉRENCES

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Jeudi il Janvier, à huit heures et demie, M. le Dr Bérillon, inspecteur des Asiles nublîcs d'aliénés, fera une conférence sur : L'hypnotisme expérimental et thérapeutique; la technique et les procédés d'kyp-notisafion. (Cette conférence sera accompagnée de projections ù la lumière oxydrique.)

Jeudi 18 Janvier, à huit heures et demie, M. le Df Pr.nl Farez, licencié en philosophie, fera une conférence sur : L'hypnotisme et la psychologie dzns l'œuvre de Durand de Gros.

Jeudi 25 Janvier, à huit heures et demie, M. LionelDauriuc, professeur honoraire do la Faeu'.té de lettres de Montpellier, chargé du eours d'Esthétique musicale à ïa Sorbonne, fera une conférence sur: Psycholo-jic musicale : Lasurdifé tonah ef U suvdito musicale.

Jeudi 1" Fâviura, à huit heures et demie, M. I* O' Bérillon fera une eonféranso sur : Psychologie des feuies : Les sectes religieuse: en Russie {Skoptsy1 rnclolianes, ascè.'es, emmurés t etc.). (Celle conférence sera accompagnée de projections h ?» lumière oxj -drique.)

.ïsum S Fîvb:eb, b. huit heures et demie, M. Albert Coutaud, docteur en droit, fera une conférence sur : Le race à É'étai de veille chez les hommes de lettres.

Jeuci Î5 Février, à huit heures et demis, M. Eugène Caustier, professeur agrégé de l'Université, fera une conférence sur : Psychologie comparée : L'hypnotisme et la fascination chez les animaux. (Cette conférence sera accompagnée de projections à la lumière oxy-drique.)/page>

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Jeudi 22 Février, à huit heures et demie, M. le D? Bérillon fera une conférence sur : Excursion psychologique à travers les anomalies et les excentricités de l'espèce humaine. (Cette conférence sera accom-gnëe de projections à la lumière oxydrique.)

Jeudi 1« Mars, à huit heures et demie, M. le Dr Garnault, docteur es-sciences, fera une conférence sur : La vontriloquie religieuse.

Jeudi 28 Mars, à huit heures et demie. M. Jules Bois fera une conférence sur : La psychologie dans le roman et dans la littérature con temporaine.

Jeudi 15 Mars, à huit heures et demie, M.le D'Henry Lemesle, licencié en droit, fera une conférence sur : Vidée de responsabilité au moyen âge : les procès de sorcellerie et les procédures intentées contre les animaux.

La plupart des Conférences seront accompagnées de présentations de malades, de démonstrations cliniques de psychothérapie, de démonstrations expérimentales et de présentations d'appareils.

Ouvrages reçus à le Revue.

Henri Constant. — Etude philosophique. Le Christ, !e Christianisme et la religion de l'avenir, 405 p., Société d'éditions littéraires, Paris,

Î8S9.

Dr Coi.longue3. — De ïa valeur médicale du bioscope et de la biosco-pie, ô3 p., A. Vallon, Vichy, 1339.

Dc Doxaoieu.-Lavit (de Lamaïou). — Tabes ci iraumatisme, 7 p., Institut international da bibliographie scientifique, Paris, 1899-

ï> Jean ???????e. — Technique du chronomètre de D'Arsonnal pour Ïa ïceanrè des temp3 psychiques, 43 fr., Carré et Naud, Paris, 1899.

ï> ?. Grasset. — L'Evolution médicale en France au XIXe siècle, 117 p.; Camille Goulet, Montpellier, 1899.

^'^rdnïHraÎ^r^r-^U "ÉâTBL'RILLON/page>

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??· ann ? e. — ?· 8.

Février iâOO

Les lois psychologiques de l'hiérogénie (')

Par le D' Charles Binet-Sanglé.

II

la suggestion religieuse

La suggestion religieuse se divise en auto-suggestion et en hétéro-suggeslïon religieuse.

I. Auto-suggestion religieuse. — L'auto-suggestion religieuse s'opère au cours des méditations pieuses, des examens de conscience et de la prière, dont les tons émotifs, sentimentaux et même passionnels, parcourent plusieurs gammes depuis l'acte de foi jusqu'à l'action de grâce. « La grâce, écrit Jacqueline Pascal, est particulièrement accordée à la prière » (*).

Tantôt la prière est orale, et alors elle se fait à voix haute et k voix basse. Tantôt elle est mentale, ci alors elle se fait dans le langage intérieur. Il semble que les dévots intelligents, qui sont aussi les plus suggestîbles, emploient plus souvent la prière mentale, alors que les dévots bornés sont obligés de prier de bouche pour tirer quelque fruit de leurs dévouons. ? l'église, l'adulte et le citadin méditent, l'enfant récite, le vieillard et le paysan marmottent. Et Ton pourrait dire que, d'une façon générale, la retentivîté psychique, la capacité intellectuelle, est en raison inverse des mouvements des lèvres dans la prière.

' La prière agît d'autant mieux qu'elle est plus prolongée et plus fréquente. De là, dans la religion catholique, l'institution des offices aux huit heures canoniales du jour et l'obligation où sont les prêtres de lire quotidiennement leur bréviaire.

(1) Voir la Revue de l'Hypnotisme de décembre 1S&Q.

(2) Lettre du 5 novembre i6*8./page>

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On sait qu'il suffit de faire prendre â certains sujets, en état d'hypnose, certaines attitudes expressives, pour qu'ils ressentent et manifestent d'autre part l'émotion ou le sentiment qu'on a commencé de leur faire mimer. Ce phénomène parait se produire aussi, d'ailleurs atténué, à l'état de veille et chez un grand nombre de sujets. Biaise Pascal semble l'avoir remarqué pour les sentiments religieux et les idées qui s'y associent. Il dit que, pour arriver à croire, il faut faire comme si Von croyait^ a en prenant de l'eau bénite, en faisant dire la messe, etc. Naturellement, cela vous fera croire et vous abêtira ? (').

L'auto-suggestion religieuse était de tous les instants chez les novices, les professes, les élèves et Jes solitaires de Port-Royal. Les novices disaient, outre celles de la messe et des offices, des prières en se levant, en se peignant, après la messe, avant Sexto, après la récréation, après les classes, avant coucher, avant et après chaque repas, avant et après leurs principales actions, et à chaque heure du joui*, sans compter les prières à la vierge, le chapelet, les litanies, les examens de conscience et les Saintes Méditations.

Les élèves des Petites Ecoles, dont plusieurs assistaient à la messe chaque jour, priaient en se levant, puis à six heures, à onze heures, en entrant dans la salle d'étude et avant de se coucher. Enfin, on les accoutumait « à ne faire aucune action sans la commencer et la finir par la prière » (2). i_.es solitaires, qui assistaient chaque jour à la messe et aux offices des heures canoniales, priaient en se levant, en entrant dans leur chambre, avant et après chaque repas, en se couchantetà chaque heure du jour. Ils rendaient enfin, autant que possible, leur oraison continuelle « en priant tantôt par pensées et par mouvements, tantôt par paroles, tantôt dans l'office, tantôt en disant leur chapelet, tantôt en méditant sur le Saint Rosaire » (*).

II. Hétéro-suggestion religieuîîe. — L'hétéro-suggestion religieuse s'opère par les deux grands modes de la transmission des idées, par la parole et par les signes graphiques.

1. Suggestion t-eligîsuse par la parole. — Ce mode de suggestion comprend le3 leçons catéchistiques, les conférences et le3 entretiens spirituels, les lectures pieuses à haute voix, les prédications. Dans la religion catholique, le catéchisme d'avant la communion, le catéchisme do persévérance, les cours d'ins-

(1) Pensées.

(2) Wallon de Beaupui* ? In Néctologe de P. R.

(3) Giroust, id./page>

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truction religieuse, les octaves, les sermons des retraites, du mois de Mario, de l'Aventet du Carême ont une action suggestive considérable. Les prédications sont encore employées dans les religions juive, calviniste, luthérienne, dans la secte méthodiste qui a institué les camp-meeting ou prédications en plein air, dans la religion musulmane.

Les ouvriers de la suggestion religieuse par la parole : confesseurs et directeurs de consciences, prédicateurs (rabbins, évêques, curés, vicaires, dominicains, oratoriens, predicants, itinérants, hodjias), reçoivent pour la plupart une instruction particulière, car la suggestion religieuse est un art. Elle a ses professeurs, ses traités, ses recueils (sermonologes, homiliaires), ses travaux pratiques, et celui qui monte dans la chaire chrétienne ou dans la Koursy musulmane est un suggestionneur, inconscient sans doute, mais non moins bien averti que les plus habiles médecins hypnotiseurs. '

Au demeurant, cet art n'est ni plus ni moins immoral que toute autre rhétorique et que toute autre feinte, car, lorsqu'il s'agit d'enseigner la vérité, point n'est besoin de litotes, d'euphémismes et de contrefixions.d'ithos et de pathos, de rythme et de cadence. Le meilleur langage est un langage simple, méthodique et clair; et les Jean Chrysostome d'entre les savants sont ceux qui, tout en sachant bien dire, manquent absolument d'éloquence. L'art de l'éloquence est fait pour charmer et non pour convaincre. Il appartient aux artistes, et aux seuls artistes, et le temps est proche, où il disparaîtra comme une pratique déplacée des tribunaux et des assemblées politiques. Quand les juristes et les politiciens se griseront moins do de mots et de phrases, ils seront bien près d'y voir clair dans les faits et dans les idées. La sociologie tuera l'éloquence judiciaire et l'éloquence parlementaire, comme l'hiérologie, tuera l'éloquence sacrée. D'une façon générale, tout ce qui constitue l'éloquence, les diverses qualités du style, de l'élocution et de l'a mimique, rentre dans les procédés de suggestion. Or, la vérité n'a pas besoin d'être suggérée, et il n'est pas bon qu'elle lé soit. Elle doit être acceptée de plein gré, après réflexion.

Les exemples de suggestion religieuse par la parole ne sont point rares dans mon Histoire. Les entretiens de la Bouteil-lerie et do des Champs des Landes préparèrent la conversion des Pascal. Jean Quellebert fonda, par see prédications, la secte de3 Houvillistes. Biaise Pascal, qui avait su toucher par/page>

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ses pieux discours son père et ses sœurs, donnait encore à « des gens de grand esprit et de grande condition » (') des éclaircissements sur des points de religion et des conseils qu'ils s'empressaient de suivre. Antoine Langlois prit à la parole de Du Vorgier de iiauranne « comme l'allumette au feu. » Deux sermons, dont l'un du Père Basile, suggèrent dans la voie de la réforme monacale l'abbesse Jacqueline Arnauld, qui persuadait elle-même à ses ouailles « tout ce qu'elle disait» (0-Charles-Henri Arnauld de Luzancy sortit « percé de la crainte de Dieu » (3) d'une conversation avec une de ses sœurs qui était religieuse. Et c'est à la suggestion par la parole qu'il faut rapporter sans doute ce phénomène signalé par la mère Angélique de Saint Jean, de l'augmentation de la dévotion à PorUloyal, à la suite de l'arrivée des religieuses de Maubuisson.

2. Suggestion religieuse par les signes graphiques. — Ce mode peut se subdiviser en deux modes secondaires :

a) Suggestion par le manuscrit; Suggestion par l'imprimé.

Ils diffèrent l'un de l'autre en ce que:

1° L'imprimé se multiplie et se répand incomparablement plus vite que le manuscrit;

2° L'imprimé impressionne plus que le manuscrit. En effet, le fait même qu'il a été imprimé semble indiquer qu'un ouvrage a paru pouvoir être bien accueilli par un certain nombre de personnes, et qu'ainsi chaque lecteur subit, dans une certaine mesure, la suggestion de l'exemple. Ce phénomène est bien évident, dans le cas de livre à gros tirage.

Comme exemples de suggestion par le manuscrit, je citerai les lettres édifiantes de Jeanne Arnauld à Jacqueline Pascal, lettres qui eurent tant d'influence sur l'entrée en religion de celle-ci; celles de Jacqueline à Biaise et à Gilberte Pascal, à Florin, à Marguerite et à Jacqueline Périer; celles, enfin, de Biaise Pascal à Charlotte de Roannez.

Comme exempies de suggestion par l'imprimé, je rappellerai la suggestion d'Andiiiy par la Reformation de l'homme intérieur de Jansen; celle d'Antoine Arnauld par les ouvrages de Jansen et de du Vergier deHauranne; celîesdela Bouleillerie, de des Champs des Landes et deBaudri de Saint-Gilesd'Asson parla Fréquente Communion, d'Antoine Arnauld; celies d'Etienne, de

(1) Gilberte Pascal : Vie de Biaise Pascal.

(2) Necrotoge de P. R.

(3) Id./page>

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BIaise.de Gilberte,de Jacqueline Pascal et de Florin Périer par les ouvrages de Jansen, de du Vergier de Hauranne et d'Antoine Arnauld ; celles des religieuses, des élèves des Petites Ecoles et des solitaires de Port-Royal par diverses lectures pieuses.

Les solitaires de P. R., ditGiroust('),« ne lisentquasi jamais que des livres sainls et ecclésiastiques..., aïant reconnu par expérience que l'Esprit Saint, qui habite dans les vrais chrétiens, doit être entretenu de vérités saintes. »

C'est là une vérité psychologique.

{A suivre.)

(1) In Nécrotoge de P. R.

Les faux témoignages suggérés

Par le D' Paul Joine (de Lille). (suite)

Nous avons agi sur des sujets n'ayant jamais été hypnotisés, et en plaçant ces sujets dans les conditions exactes d'un témoin interrogé par un commissaire de police ou un juge d'instruction, c'est-à-dire en présence seulement d'une ou deux personnes et sans aucun appareil ou mise en scène capable d'impressionner l'esprit du sujet.

Nous citerons quelques-unes de ces expériences. Voici les conditions de la première expérience: M. X... est un jeune homme de 20 ans, il n'a jamais été hypnotisé, je n'ai jamais expérimenté avec lui et je n'ai jamais fait d'expériences de ce genre devant lui, je ne le préviens pas que je fais une expérience. Je sais qu'il est allé la veille faire une visite à M. C..., avec qui il est en relations d'affaires. Je me place dans l'hypothèse où un vol aurait été commis chez M. C... et où X... serait interrogé en raison de ses relations et sa visite de la veille. Après avoir causé avec lui de différentes choses, je continue sur le même ton de conversation :

D. — Vous avez été hier chez M. G...?

R. — Oui Monsieur.

D. — Avec qui vous y êtes vous rencontré?

R.—J'ai attendu un certain temps, dans le salon, M. C... qui était occupé, puis il est venu, nous avons causé d'affaires et je suis rentré chez moi./page>

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D. — Pendant que vous attendiez M. C..., vous n'étiez pas seul dans le salon. C'est qu'un vol a été commis chez M. C..., on a pris un portefeuille sur son bureau, et vous avez pu rencontrer l'auteur du vol.

Ti. — (X... semble réfléchir). On a volé chez M. X..., dit-il.

D. — Rappelez bien vos souvenirs; pendant que vous attendiez M. C... dans son salon, vous avez vu un homme qui s'y trouvait, ou qui y est entré?

R. — (X... réfléchit encore, mais on voit que la suggestion est commencée. Tout-à-coup, il semble se souvenir et dit :) Mais oui, c'est vrai, il y avait un monsieur quand je suis entré. Il se trouvait tout près du bureau.

D. — Que faisait-il?

R. — Jo ne sais; il semblait lire, il a pris quelque chose sur le bureau qu'il a eu l'air de dissimuler dans la poche de son pardessus, cela ressemblait en effet à un portefeuille.

La suggestion, maintenant, suit son cours, il n'y a plus qu'à interroger ou laisser parler le sujet, il donnera des détails sans qu'on les lui insinue.

D. — L'individu soupçonné est un nommé Antoine, dites bien tout ce que vous avez vu.

R. — Ce doit être lui, car je me rappelle bien, maintenant, qu'il avait l'air gêné. Il a boutonné son pardessus comme y dissimulant quelque chose, puis i! a pris son chapeau et n'a pas tardé à partir sous un prétexte quelconque.

D; — Pourriez-vous le reconnaître? — et brusquement, je présente une photographie au sujet en lui disant : Tenez, voiià la photographie de M. Antoine.

R. — Oui, c'est bien lui. Je le reconnais parfaitement, c'est bien lui.

D. — Maintenant que vous vous souvenez bien de tous ces faits, vous pourriez donner votre témoignage par écrit. Je donne alors une feuille de papier à X... en lui disant : Faites Lien attention, votre déposition est grave, n'écrivez que ce dont vous êtes certain. Il écrit alors sans hésiter ce qui suit:

« Je soussigné X..., déclare reconnaître la photographie de M. Antoine pour être la personne que j'ai vue quand je suis entré dans le salon de M. C... Il se trouvait auprès du bureau et avait l'air de dissimuler ??-écipitamment, dans la poche de son pardessus, quelque chose qui ressemblait à un portefeuille. Ensuite il reboutonna son pardessus avec un air gêné, prit son chapeau et chercha un prétexte pour s'en aller. Les personnes/page>

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de la maison sont alors arrivées pour me voir et, pendant que nous causions, M. Antoine est parti. Pour moi, ce ne peut être que lui qui a pris le portefeuille qui se trouvait sur le bureau, car ce monsieur en était tout près, quoique n'ayant rien à y faire. Ce qui me fait croire surtout que c'est lui, c'est son air gêné, et pour se dissimuler, il faisait semblant de lire un journal qui se trouvait sur ce bureau. Je reconnais très bien M. Antoine dans la photographie qui m'a été montrée aujourd'hui ».

Comme on le voit, les questions que nous avons posées à ce sujet n'était ni plus affirmatives ni plus suggestives que celles qu'un juge d'instruction peut posera un témoin. Il est certain aussi que le fait même de se trouver devant le magistrat, de voir le greffier prendre note de toutes ses réponses, doit troubler et suggestionner bien plus un témoin qu'une simple conversation comme celle-ci. Et pourtant, ce sujet, qui présente toutes les rualités requises pour témoigner dans une affaire criminelle, qui n'est pas un malade et ne présente aucune anomalie apparente, n'a pas hésité a écrire la déposition que nous venons de lire.

Dans une autre expérience, nous avons fait passer sous les yeux du sujet, toute une scène imaginaire de meurtre de la façon suivante ;

Le sujet avait été, la veille, dans un café. Après l'avoir interrogé sur ce qu'il avait fait la veille, nous arrivons au dialogue suivant :

D. — Avez-vous remarqué, dans le café ou vous vous trouviez, un monsieur d'un certain âge qui causait avec un jeune homme?

R. — (Le sujet réfléchit et dit :) Non. Je ne me souviens pas bien.

D. — Rappelez bien vos souvenirs. C'était un monsieur bien mis, portant une barbe grisonnante. Il était assis à une table près de la porte, et à la même table se trouvait avec lui un individu plus jeune.

R. — Peut-être bien; il me semble.

D. —Ils causaient 1res haut, vous les entendiez bien. Puis ils en sont arrivés à se disputer.

R. — Oui, oui, c'est vrai! Maintenant je me souviens.

D. — Au bout de peu de temps, la discussion fut très vive et, à un moment donné, vous avez vu le plus âgé donner au plus/page>

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jeune un coup de couteau; puis il s'est esquivé au milieu du tumuite.

it. — Oui. Il a tiré un couteau-poignard de sa poche et a frappé son interlocuteur, puis il a essuyé son couteau sur son mouchoir. Comme tout cela s'était fait très vite, il a eu le temps de s'en aller tandis qu'on croyait que le jeune homme se trouvait mal.

D. — Mais vous, vous l'avez vu. Reconnaitriez-vous l'assassin? R. — Je le pense bien. Je lui passe alors un portrait.

R. — Oh! oui. C'est bien lui. Je le reconnais bien avec ses lunettes et sa grande barbe blanche. C'est lui, c'est tout-à-fait lui!

D. — Ecrivez donc maintenant voire déclaration.

Il écrit alors très simplement et sans hésiter :

« Je soussigné, déclare avoir été témoin des fails suivants : Etant passé hier, mardi, dans la rue de la Gare, je suis entré dans un café où j'ai remarqué un monsieur déjà âgé qui était attablé avec un monsieur plus jeune, avec lequel il discutait assez haut la qualité de leur consommation. Ils unirent même par s'injurier, et le monsieur âgé, qui avait une longue barbe blanche et des lunettes, lira un couteau-poignard de sa poche et frappa son interlocuteur. Ensuite, il essuya le couteau avec sou mouchoir de poche et s'en alla tranquillement tandis qu'on s'empressait auprès du blessé.

c J'ai reconnu la photographie que l'on m'a montrée pour être celle de la personne que j'avais vue dans le café, et pour être l'auteur de l'attentat. » Au sujet.de ces deux observations qui nous semblent typiques et que nous avons voulu citer, noue insisterons surtout sur les circonstances suivantes :

i° Il suilit d'énoncer le fait, comme on le ferait dans un simple interrogatoire pour qu'il devienne une véritable suggestion pour le sujet.

2° Le sujet parait quelquefois hésiter d'abord mais il semble alors recueillir ses souvenirs et il suflitde préciser quelque peu les circonstances pour que la suggestion deviennne à ses yeux une réalité.

3J Nous n'avons jamais donné à la suggeslion la forme d'un ordre précis, comme on le fait souvent dans les suggeslions expérimentales, alin de Lien montrer combien elle peut être ici involontaire et inconsciente de la part de son auteur./page>

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4„ Une fois l'idée suggérée entrée dans l'esprit du sujet, il n'çst plus besoin de ie pousseren aucune façon. Il voit par lui-même et il donne d'une façon précise des détails qu'on ne lui demande pas et qui ne lui ont pas été suggérés directement.

5o La reconnaissance des portraits a la plus grande importance, car si, dans une expérience toute la scène eat imaginaire, dans la réalité un grand nombre de circonslances seront réelles et Ton interrogera seulement le témoin suc les détails du fait et surtout sur Pauteur présumé du crime. Or ces détails il les affirmera avec d'autant plus d'assurance qu'ils seront mélangés à des circonstances réelles et il reconnaîtra pour l'auteur d'un attentat l'individu avec lequel on le confrontera ou dont on lui présentera la photographie s'il est suggestionné par la rumeur publique ou par l'entourage du prévenu. Nous ne voulons pas prétendre que ces faits se présenteront fréquemment, et cependantBérillondanssesexpériencessur lessugges-tions criminelles a trouvé parmi les sujets qui se sont soumis à ses expériences environ 20 pour 100 chez lesquels on pouvait obtenir expérimentalement des déclarations aboutissant à la constitution d'un faux témoignage. Notre but ici a été de montrer non pas la fréquence mais la possibilité du fait etl'un des mécanismes par lequel il peut se produire. Quand bien même ce danger ne se présenterait que rarement, et il est certain que tous les cas n'en sont pas connus, il est assez sérieux, il expose à des conséquences assez graves pour mériter de fixer sérieusement l'attention. ? suffit qu'un tel fait puisse se produire pour qu'on le redoute toujours et que l'on s'entoure de toutes les-précautions possibles pour l'éviter.

La législation française se montre très large pour les catégories d'individus qui peuvent être cités comme témoins. « Le juge d'instruction, dit Varticle yi du Code d'Instruction criminelle, fera citer devant lui les personnes qui auront été indiquées par la dénonciation, par la plainte, par ie procureur ou autrement, comme ayant connaissance soit du crime ou délit, soit de ses circonstances, ? Il suffit donc de passer pour connaître quelque chose du fait poursuivi ou de ses circonstances pour pouvoir être cité comme témoin.

Au point de vue des garanties exigées do ces témoins eux-mêmes, l'article 75 du même code exige d'eux la prestation du serment, et prévoit une catégorie dû personnes que leurs lions ,de parenté ou leur dépendance de l'accusé pourrait rendre suspectes de partialité. Le législateur reconnaissant aussi la faci-/page>

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lité avec laquelle on pourrait influencer les enfants et le peu de fondement que présenterait leur témoignage, prescrit par l'article 79 que « tes enfants de Vun et de l'autre sexe, au-dessous de quinze ans, pourront être entendus, seulement par forme de déclaration et sans prestation de serment. » Mais, malgré cette restriction, il faut reconnaître que les témoignages des enfants ont souvent été invoqués en justice comme ayant une valeur égale à celle des témoins. De nombreuses condamnations, et surtout des condamnations pour le délit d'attentat à la pudeur ont été prononcées sur des témoignages d'enfants.

Un autre article du même code d'instruction criminelle semble aussi destiné à prévenir certaines influences qui pourraient s'exercer sur les témoins, c'est l'article 73. 11 prescrit en effet que les témoins seront entendus séparément, el hors de la présence du prévenu, par le juge d'instruction assisté de son greffier. Cet article, très utile dans certains cas, se trouve, dans d'autres circonstances, ainsi que nous l'avons vu tout à l'heure, aller précisément à rencontre du but poursuivi par le législateur.

D'un autre côté, le code pénal prévoit le faux témoignage^ qui est considéré, d'après l'article 361, comme crime s'il se produit dans une affaire criminelle, et comme délit dans les autres cas : articles 362 et 363. Le faux témoignage est encore considéré comme crime, en matière correctionnelle ou civile, quand le faux témoin s'est laissé séduire par l'appât d'une récompense.

La peine du faux témoin est au moins égale ù celle que le faux témoignage a fait ou aurait fait infliger à l'accusé, et elle s'aggrave du fait de corruption par de l'argent ou des promesses. Mais, dans tous les articles que nous venons d'exa* miner, la loi semble n'avoir prévu que le faux témoignage conscient fait avec l'intention de nuire ou de servir. En somme,;: la loi accorde, au sens du faux témoignage une acception trop restreinte et moins étendu» que celle qu'il comporte en réalité. ? est évident, en réalité, que tout individu qui donne, sur un incident dont il a été témoin, des renseignements contraires^; ??. vérité, commet un faux témoignage. Tandis qu'au point de vue légal, pour constituer le u;?r.e ou le délit de faux témoi-V-ugc, c'est-à-dire pour que le faux témoignage entraine une pénalité, il faut: l'une déposition mensongère faite sous la foi du serment; 2° que cette déposition ai? été faite dans les débats; 3° enfin que le faux témoignage ai; été fait, soit contre le prévenu, soit en sa faveur./page>

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Eh bien, si lu législation, telle qu'elle existe là, est incomplete au point de vue do la conception des faux témoignages, il faut avouerqu'eueestasscntiellementjusteau point de vue de la répression et de l'application de la pénalité. En effet, dans le cas de faux témoignage suggéré, quelle que soit la forme do ce faux ^témoignage ou son importance, quelle que soit la catégorie de suggestion à laquelle il appartienne, le faux témoin n'est pas coupable, il n'est donc pas punissable. Le coupable, quand il y en a un, c'est l'auteur de la suggestion, lui seul peut être légalement et justement poursuivi, et sa culpabilité comme sa responsabilité varient, comme nous l'avons vu, suivant que la suggestion a été inconsciente, involontaire ou volontaire, depuis la simple imprudence ou inexpérience dans l'exercice de ses fonctions délicates, jusqu'à la véritable complicité du délit ou du crime. Dans ces cas, le délit est celui do subornation do témoins, qui est prévu par l'article 365 du Code pénal français, et passible des mêmes peines que le faux témoignage, considéré aussi comme délit ou comme crime selon les mêmes ¦distinctions. (Articles 361, 362, 363, 36i).

De plus, un arrêt de la Cour de cassation do Paris, du 7 décembre 1883, a précisé le caractère du délit dans les conditions suivant-.- · : « La subornation de témoins est un fait délictueux, sui generis, qui existe indépendamment des circonstances constitutives de ta complicité ordinaire spécifiée dans G article 6o du Code pénal, par cela seul qu'il y a eu emploi de suggestions ou excita-étions dohiires adressées à des personnes appelées à déposer sous la foi du serment et de nature à les amener à faire des déclarations contraires à la vérité ». Ces dispositions pénalos constituent un moyen do répression suffisant contre l'auteur do suggestions faites systématiquement dans le but do provoquer un faux témoignage, et, en général, les auteurs de suggestions Sôlontairr-s, c'est-à-dire celles qui appartiennent à ?a première JgKtégoric que nous avons étudiée.

La loi .i».' peut poursuivre,les auteurs de suggestions inconsciente- de faux temoignageâ, puisque là où il n'y pus conscience de l'acte accompli il ne peut par conséquent pas y avoir de répression.

Les conséquences qui découlent naturellement de la possibilité que nous avons démontrée de suggérer de faux témoignages sont :

1° La nécessité do permettre de récuser les témoins qui «ont de nature à subir ainsi une suggestion involontaire ;/page>

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2» Tous Igs magistrats enquêteurs, commissaires de police, juges d'instruction, etc., devront avoir présente à l'esprit cette redoutable éventualité, et s'appliquer à. ce que rien, dans l'interrogatoire des témoins, ne puisse les influencer dans un sens ou dans l'autre;

3» Les avocate et les magistrats seront obligés, dans les cas qui leur paraîtront douteux, à demander un examen médico-légal fait par un médecin compétent de l'état de suggestion-nabilité de certains témoins.

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SOCIÉTÉ D'HYPNÛLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance ?a 19 Décembre 1809. — Présidence de iûM. Paul Macsin et Lionel Dadriac.

Un Procédé pour produire l'hypnose profonde chez des sujete

réfractaires

Par M. le Dr Albert Charpentier.

Messieurs,

Dans l'observation que je vous ai rapportée ïe mois dernier, je vous ai dit que, pour plonger le malade dans un état profond d'bypnose, je me suis servi d'un procédé spécial. C'est de ce procédé que je désire vous entretenir aujourd'hui.

Supposons-nous en présence d'un malade nettement atteint d'une psychose, d'un malade chez lequel un examen attentif n'a révélé aucun signe objectif de lésion organique du système cérébro-spinal, et qui est, par conséquent, susceptible de guérir par la suggestion hypnotique mieux et plus vite que par tout autre traitement.

C'est un point sur lequel nous sommes ici tous d'accord et qui a été mis en lumière avec beaucoup d'éclat par notre irès distingué secrétaire général, le Dr Tïérilîon.

Nous voici donc .n présence d'une- maladie psychique, véritable disharmonie fonctionnel!?; ce ser.,, par exemple, une Manifestation hystérique, des douleurs polymorphes très ïntensss.cs sera une de cesphpr hies que vous voyez guérir jourricliement h 3a Civique de la rue Saint-André-dcs-Arts.

On essaye d'hypnotiser le malade. Apivs une promière séance, dont la durée varie entre vingt minutes e' une demi-heure, on n'a pas obtenu

de résultats.

Le malade n'éprouve rien, si ce n'est une légère fatigue duc à la fixation prolongée de son regard. Après un certain nombre d'essais, chaque/page>

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fois plus longs, chaque fois plus importants, le malade no peuc décidément pas être hypnotisé, nu sens que l'école de la Salpétriùre attribuait à ce mot. Cependant, ce malade, placé dans un état intermédiaire entre l'état de veille et l'état d'hypnose, dans cet état que Durand de Gros appelait Î'rt/poiaxie, n'est pas sans avoir bénéficié de la suggestion orthopédique. Certains phénomènes se sont amendés : un mieux appréciable s'est fait sentir. Vous continuelles séances et,au bout d'un certain temps, vous constatez que les progrès se sont arrêtés et vous vous demandez si ie malade, plus profondément endormi, à l'état de léthargie ou de somnambulisme ('), ne bénéficierait pas davantage do votre suggestion. En un mot, tandis que jusque-là vous avez pratiqué la suggestion pendant Vhypotuxîe, vous voudriez essayer la suggestion pendant l'hypnose profonde.

C'est précisément ce qui m'est arrivé pour deux malades. Et voici ce que j'ai fait :

Après avoir ausculté leur cœur attentivement et m'étre assuré qu'il n'y avait aucun danger â leur faire respirer quelques vapeurs d'élher, après leur avoir demandé leur assentimentj'ai pratiqué de la façon suivante :

Le malade est couché sur le lit de sangle. Je commence par plonger le malade, avec les moyens habituels de l'hypnotisme, dans le même élut où H avait coutume d'être. Lorsque le malade est en hypotaxie, dans ce premier degré d'hypnose, alors, sans bruit, je lui fais respirer les vapeurs d'éther à L'aide d'un masque.

30 grammes d'éther suffisent parfaitement; ils sont respires en deux minutes. Puis je relire le masque et je constate que le malade peut facilement entrer dans un état profond d'hypnose.

11 n'entend plus les bruits du dehors; il obéit aux suggestions motrices; on peut lui provoquer des hallucinations visuelles, et surtout on peut lui donner une suggestion thérapeutique très intense.

Cet état dure assez longtemps, lorsque le masque est enlevé. Je l'ai vu durer une heure. 11 aurait peut-être duré davantage, mais j'ai réveillé le malade.

Pour réveiller lu malade, j'emploie l'un quelconque des procédés usités en hypnotisme : je lui souille sur les yeux, ou bien je lui ordonne do se réveiller.

Le malade ne présente, une fois réveillé, aucun symptôme anormal. U n'a pas mal à la téte, il ne vomit pas et, très rapidement (dans l'espace de deux ou trois minutes), il revient à i'état de veille parfaite.

Messieurs, ce procédé soulève différentes questions théoriques et pratiques. Au point de vue pratique, il va sans dire qu'il doit être exceptionnel, réservé aux malades atteints d'affections fonctionnelles gru-

(1) Je prends les mots t léthargie c et « somnambulisme » dans le sens que Charcot leur donnait, sans eu discuter pour aujourd'hui lu valeur./page>

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ves et chea lesquels des tentatives répétées d'hypnotisme simple ont échoué.

Je prétends qu'il n'offre pas do dangers si l'on s'enquiert au préalable, de l'état du cœur. Nous savons, en effet, que les chances de mortalité, dans l'introduction de l'éthcr sont excessivement faibles ·'! pour 6.000}, alors que l'on arrive à l'anesthésie opératoire.

Dans ce procédé,il est inutile et impossible d'obtenir ce résultat aveo 30 grammes d'éther.

Au point de vue théorique, ce procédé soulève des questions multiples:

1° Quelle est la nature du sommeil hypnotique?

2e Y a-t-il dans les phases par lesquelles passe un malade endormi à l'éthcr une phase primordiale analogue à l'état hypnotique et à laquelle' celui-ci puisse succéder sans réveil?

Celte idée me parait probable et démontrée par les faits.

Car le sujet est d'abord placé dans un état d'hypnose légère, puis il respire les vapeurs de l'éther qui 3e conduisent à cette phase du sommeil éthéré semblable au somnambulisme hypnotique, phase qui peut être remplacée par lui, puisque le sujet, sans élher, s'y maintient assez longtemps.

Il n'y a rien là d'ailleurs qui soit très surprenant. M. Farez vous a déjà entretenu de ses heureux essais do suggestion dans le sommeil naturel.

Et j'ajouterai que je suis arrivé à essayer ce procédé, basé sur l'idée' d'équivalence de certaines phases des différents sommeils par le fait suivant : je connais une jeune femme, mariée, et que j'hypnotise pour des troubles psychiques variés. J'eus l'idée de l'endormir un soir dans son lit et de la laisser ainsi toute la nuit; je priai le mari d'observer ce qui se passerait.

Or, il ne se passa rien. La malade dormit et se réveilla le matin à l'heure habituelle, sans présenter aucun phénomène qui put faire distinguer son état de l'état de veille des autres jours. Eue ne s'était pas réveillée dans la nuit.

L'expérience fut répétée plusieurs fois. Je pus croire, dès lors, qu'il s'agissait d'une succession de sommeils. Au sommeil hypnotique, à la période somnambulique, faisait suite, sans aucun incident, le sommeil naturel.

Il y a, peur cette femme, équivalence entre le somnambulisme hypnotique et une certaine phase du sommeil naturel, puisque l'un fait suite à l'autre sans démarcation.

!I serait curieux de savoir si, sans la réveiller, on pourrait la faire repasser dans le sommeil hypnotique. Dès lors, le cycle serait complet, l'équivalence parfaite.

Ainsi, Messieurs, je termine celle communication déjà longue. Je aous livre le procédé qui m'a servi chez deux malades avec succès,/page>

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Quant aux nombreuses questions théoriques qu'il soulève, je ne mo permettrai que de vous inviter à y répondre.

Discussion

M. Paul Farez. — Trente grammes d'éther peuvent suffire à produire un sommeil médicamenteux et c'est, à mon sens, dans un sommeil de ce genre que les suggestions précédentes ont été faites. D'ailleurs, déjà, à cette morne Société, comme à la Revue de VHypnotisme, ont été exposés un certain nombre de travaux louchant les anesthésiques médicamenteux duns leurs rapports avec la suggestion.

Tout d'abord, on sait que pendant le sommeil chloroformîque, par exemple, la suggestion bien faite se montre efficace. Ainsi, le Dr Gibert fdu Havre), avait donné du chloroforme en vue d'une application de forceps; la parturiente se mit alors à raconter à haute voix tout un roman passionnel qui donnait la clef d'un état psychopathique dont elle souffrait beaucoup et pour lequel elle avait même été internée pendant deux ans. Durant le sommeil chloroformiquo, le Dr Gibert put, grâce à la suggestion, faire oublier la cause du mal et cette amnésie détermina la guérison de tout un complexus de troubles nerveux et mentaux. Une autre fois encore, après administration de chloroforme, le même auteur put suggérer l'oubli d'une attitude de défense qui avait persisté pendant plus d'un an chez une jeune fille, sous forme do coxalgie droite avec luxation externe.

Un médecin espagnol, le Dr Abdon Sanchez Herrero, professeur de clinique médicale à la Faculté de médecine de Valladolid, a montré que, par la chloroformïsation préalable, on arrive toujours à l'hypnoti-eation, quelles que soient les résistances conscientes ou inconscientes, volontaires ou involontaires du sujet ; il estime donc que le chloroforme est un moyen suggestif de premier ordre et qu'avec lui on arriverait à hypnotiser tout le monde.

D'autre part, jadis, à la Société de Médecine do Salonique, le D' Rifat â montré que le sommeil produit par le chloroforme, le chloral, la morphine, l'opium, en un mot par un narcotique ou un toxique quelconque présente des périodes aussi favorables â la suggestion que l'hypnotisme lui-même. Dans cet ordre d'idées, un membre très distingué de notre Compagnie, le Dr Desjardins de Régla, a obtenu la guérison d'une tympanîte très douleureusc par suggestion faite sous l'influence du iiaschisch. *

D'ailleurs, il n'est pas indispensable de recourir à des doses relativement élevées de narcotiques pour produire Un état suffisant de sug-gestibilité chez des malades réfractaircs à l'hypnotisme. On connaît les efforts très méritoires et souvent efficaces de notre très regretté vice-président Auguste Voisin dans l'application de la suggestion au traitement des aliénés; il avait affaire à des malades accaparés par des idées fixes, distraits, mobiles, incapables de fixer leur attention; pour arriver à déterminer chez eux une minime concentration de la pensée, il lui/page>

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fnllai'. dépenser une somm* de temps et de fatigue considérable, s'occuper même d'une seule malade sans aucune trêve pendant plusieurs heures consécutives. Dans ces circonstances, il avait recours à de très petites quantités de chloroformo : cinq à six gouttes lui suflïsaient pour supprimer les résistances volontaires ou involontaires. Donc, à des malades qui s'agitaient, se débuttaient, brisaient tout, criaient, vociféraient, H faisait respirer quelques gouttes de chloroforme et produisait ainsi une accalmie pendant laquelle, grâce à la suggestion, ii endormait ses malades. La quantité de chloroforme employée ayant été à ce point minime, on ne peut soutenir qu'il se soit agi de sommeil chloroformique. C'était bien le sommeil hypnotique, car if durait ce que l'on voulait et cessait pur sutrtreslion ; une fois, il fut continué pendant trois et une amrc fois pendant quatre jours.

Ainsi, une malade qui a respiré cinq à six gouttes de chloroforme peut élre plus facilement hypnotisée, voila un fait bien établi. Cependant, h cause ries dangers du chloroforme, j'estime avec M. le D' Charpentier que l'éiher doit être préféré. N'oublions pas toutefois quel'élher n'est pas non plus tout à fuit inoffensif, car son action sur la muqueuse respiratoire peut déterminer des complications pulmonaires.

M. BnitiLLOx. — H y a quelques années, j'ai moi-même étudié â ma clinique le secours que pourraient nous apporter les narcotiques et les aneslhésîquf-s pour augmenter l'action de la suggestion. Mes recherches ont porté sur le chloroforme, lo bromure d'élhyle, le protoxyde d'azote, la morphine, l'hypnol, le chloral, le bromidia, etc. Je les ai abandonnés et même je bannis systématiquement de ma pratique l'emploi des anes-thésiques chimiques.

C'est qu'en effet il y aurait là une responsabilité considérable à assumer. Par exemple, le chloroforme est dangereux, même à la dose dè quelques gouttes, car la première inhalation peut, par un réflexe inhibiteur, produire une syncope mortelle. Et puis, lorsque les malades viennent duns une clinique ou duns le cabinet du médecin, peut-on être sûr qu'ils sont réellement ù jeun? De son coté, le protoxyde d'azote présente aussi de grands dangers d'asphyxie.

Supposons que, par malheur, un malade chloroformé dans un but de suggestion vienne à mourir entre nos mains. Les experts, avec les dispositions d'esprit qu'on leur connaît, ne manqueront pas de dire que 'l'indication du chloroforme était insuflisanle et ils concluront contre nous.

D'autre part, il convient de no faire aucune concession à la toxico-manie. Notre rôle est précisément d'agir par des agents psychiques. Si l'hypnotisation d'un sujet nous paraît longue et difJicilc, ne nous laissons ' pas décourager. Exigeons des délais : il faut, eu effet, que le malade lui-même fasse l'apprentissage de ce traitement, qu'il apprenne à s'en servir, qu'il s'y prépare tt s'y entraîne. On s'expose souvent ù des déboires quand on affiche lu prétention d'endormir des malades dès la premiere fois. Sans doute, Aug. Voisin, dont nous vénérons la mémoire,/page>

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s'est souvent servi de chloroforme, mais il opérait ù l'hôpital et n'oublions pas que là, la responsabilité du médecin est considérablement atténuée. Il n'en est pas de même quand on fait de la médecine privée dans son cabinet.

M. Albert Chaiipentier. — Cependant, un médecin de Tîelfort ne craint aucunement de recourir à l'éther pour soigner des hystériques, et memo, chez ces malades, il pousse systématiquement l'éthérisHlion jusqu'à l'anesthésie opératoire.

M. Bkiullon. — Agir ainsi, c'est tout simplement fabriquer des éthéromanes.

M. Paul Magnin. — Cela ressemble à ce qui est arrivé jadis, à la Pitié, à un médecin des hôpitaux qu'il est superflu de nommer. Il préconisait les injections sous-cutanées de morphine comme traitement curatif de l'hystérie, et... quelque temps après, il présenta a la Société anatomiquo le foie d'une de ses hystériques comme le foie d'une morphinomane !

M. Bkiullon. — Je désire ajouter un mot. A coté des anesthésiques médicamenteux, il convient de placer les anesthésiques hypothétiques, c'est-à-dire ceux qui n'agissent que par suggestion. Lors des recherches que j'ai rapportées tout à l'heure, je me suis adressé à l'un de nos savants le plus universellement estimés, notre collègue M. lîranly, et je lui ai démandé de me rechercher, pour agir sur mes malades, un corps qui pût passer pour un onesthésiquo, tout en étant d'une innocuité complete. Il me désigna l'acélal, doit l'inhalation est incapable de produire aucun trouble physiologique, mais dunl cependant l'odeur pénétrante peut indirectement exercer une action psychique suggestive. - M. Pau op. Saint-Martin. — Je me suis servi moi aussi d'acétal dans le même but. Pour ce qui est des autres produits médicamenteux dont il vient d'être question, je partage l'avis de M. Je Dr lîérillun et je suis d'avis de les proscrire pour les mûmes raisons.

Troubles psychiques d'origine tuberculeuse

par m. le dr Samuel Jïernhf.im.

Quels troubles mentaux la tuberculose confirmée ou la diathèse tuberculeuse est-elle susceptible de produire? Quels sont lea rapports de la folie et de la tuberculose? L'infection bacillaïre.peut-elle engendrer, "sinon l'aliénation de toutes pièces, du moins certains troubles psychiques, certaines psychoses qui sont sur la frontière de la raison et de la folie? Quelle est la pathogenic de ces affections mentales? Tels sont les points d'interrogation auxquels je vais tenter de répondre."

Il reste bien entendu qu'en étudiant les rapports pouvant exister entre les troubles mentaux et la diathèse bacillaire, je n'ai pas en vue certaines bacilloses encéphaliques ou médullaires. Je ne m'occuperai/page>

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pas davantage des troubles cérébraux causés par des néoplasies tuberculeuses qui ont envahi les méninges. Ce groupe de maladies a été bien étudié et est bien connu aujourd'hui. Je veux consacrer ces recherches appuyées de quelques observations concluantes à l'étude puthogénique de certains états mentaux plus obscurs en leur origine, parfois observables seulement pour un clinicien sagace et psychologue, souvent constatés par l'entourage même du malade.

C'est un fait d'observation courante que le tuberculeux, au début même de la maladie, ou au cours de sa longue agonie, présente des variations d'humeur et de caractère que très rationnellement ceux qui l'approchent mettent sur le compte de son mal. Il est vrai que s'ils rapportent des changements de caractère à la maladie elle-même, ils en entrevoient fort mal l'origine et l'explication scientifique. On dit : a Un tel est malade depuis plusieurs mois, il s'en va de la poitrine. Son caractère a bien changé. Lui, naguère, encore d'esprit si alerte et d'humeur si facile, est devenu peu ù peu irritable, taciturne, mélancolique. II reste des journées entières sans mot dire, ou, s'il parle, c'est sur un ton d'emportement, presque do rage que rend excusable, après tout, son long martyre. » D'autres fois, le malade se signale par des bizarreries d'actes ou de désirs qu'on rapporte encore à son mal, mais sans comprendre, exactement comme si le malade était atteint de lèpre, de syphilis maligne ou d'une consomption cancéreuse. Le bons sens vulgaire, qui constate sans expliquer, a cependant raison quand il dit : « La maladie aigrit et change le caractère du patient, ? Dans l'espèce, la nature du mal n'est pas indifférente, et c'est à cette origine tuberculeuse que je suis certain de pouvoir rapporter de nombreux troubles psychiques, légers ou profonds, observés chez un certain nombre de mes phtisiques.

B

* *

Rien n'est plus démonstratif que des faits. Aussi, avant d'entrer dans aucune interprétation ou aucune discussion, je désire rapporter uncertain nombre de documents cliniques.

Obs. I. — "Mlle Alice D..., 20 ans, modiste, issue d'un pére mort de phtisie et d'une mère bleu portante. A maigri, pendant ces derniers mois, de plusieurs kilos. Inappétence. Est allée plusieurs fois ? la consultation de Lari-boisière où l'on a constaté des troubles psychiques, tels que hébétude, perte de mémoire, altération des facultés intellectuelles. Quoiqu'elle n'ait jamais rcssenll des phénomènes neurasthéniques précis, on a attribué ces troubles à de l'hystérie, et le médecin consultant de Lariboîsièro a conseillé du bromure de potassium a hautes doses.

La malade se présente à moi avec une face paie, l'œil hagard, et elle me déclare que la vie actuelle lui est impossible. Puisqu'elle est certaine de mourir, elle aime autant en Unir do suite. A plusieurs reprises, elle a déjà avalé du laudanum : elle me prie de lui indiquer uu poison plus efficace, alin de mourir avec son amant, auquel elle a du reste proposé uu suicide commun./page>

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A l'examen clinique, je trouve une hypertrophie notable des ganglions de ohaque cote du cou. ? la percussion, submatité du sommet gauche et nombreux craquements en arrière. Respiration soufflante en avant. Température du soir 38*5, ..as crachats renferment des bacilles de Koch.

J'ai conseillé A la famille d'envoyer cette jeune malade à la campagne et de la suralimenter. Voilà plusieurs mois qu'elle suit ce régime et d'après ce que des parents m'ont affirmé, les troubles mentaux ont disparu.

Obi. IL — Félix t..., âgé de 50 ans, financier, est diabétique depuis cinq ans. Malgré des doses élevées de sucre contenues dans les urines, le patient continue à s'occuper très activement de ses affaires. L'état général a été, du reste, satisfaisant jusqu'en 1897, époque a laquelle le malade commença â maigrir. Il me déclare aussi être moins actif, moins entreprenant dans ses affaires, et il commet de fréquentes erreurs dans ses comptes et des oublis. 11 attribue ces malaises à une grippe assez violente qui l'a obligé d garder le lit pendant quelques jours. ? l'examen de la cage thora-çique, je trouve de l'induration des deux sommets et des signes pathogno-moniques de tuberculose. L'examen des crachats décèle do nombreux bacilles àe Koch. Malgré mes recommandations, lo patient veut reprendre ses occupations, mais ses employés s'aperçoivent d'erreurs grossières. De plus, il reçoit mal ses clients les plus importants, les insulte pour la moindre observation. Un jour, il entre dans une telle colère qu il menace de tuer son caissier. Sur mon Intervention, les affaires sont suspendues. Malgré le repos, les troubles psychiques ne font que s'accentuer. Tantôt le patient exprime des sentiments de tendresso exagérés & sa femme, tantôt il menace de la tuer. D'autres fois, il est en proie â des sentiments excessifs de jalousie et 11 lui fait des reproches amers. Un jour, il veut enjamber le parapet du balcon et se lancer dans le vide : le valet de chambre le maîtrise à peine. Les tubercules pulmonaires s'étendant, le malade est pris de lièvre continue et succombe dans lo marasme.

Obs. III. — Mme A...', âgée de 25 ans, est devenue enceinte au bout de quatro ans de mariage. Pondant la grossesse, elle a vécu presque jour-neilc;. avec sa sœur arrivée à la troisième période de la phtisie pulmonaire. Toujours durant la mémo époque, son mari fut atteint d'une fistule tuberculeuse de l'anus, qui mit plusieurs semaines à guérir. Néanmoins, la grossesse fut bonne et l'accouchement normal quoique très lent. Comme la malade avait bon aspect, et qu'elle le demandait, oà l'autorisa â nourrir son enfant qu'elle adorait. Mais quinze jours après son accouchement, les sentiments de la jeune mère se modifièrent. Elle ne donna plus des soins qu'à contrecœur à son enfant qui lui devint indifférent Elle prit aussi en grippe son mari. Uuc nuit, elle enjamba le lit et se sauva vers la fenêtre pour se lancer dans le vide : le mari eut toutes les peines pour la rattraper. Quelques jours après, on la trouva suspendue au plafond pur une corde solide et la domestique put encore la détacher vivante. Comme la patiente refusait de s'alimenter et que je la jugeai dangereuse, je la fis enfermer, avec le concours d'un autre confrère, dans unu maison de saute.

Malgré la tuberculose de la sœur de lu jeune accouchée, malgré la fistule bacillaire du mari, plusieurs confrères consultés ne songèrent pas que ces troubles psychiques avaient une origine tuberculeuse. Tel était cependant le cas. En effet, aprè3 plusieurs semaines de séjour daus cette maison de santé, je pus constater des lésions nettes des deux sommets. Sous l'intluence/page>

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du repos absolu, les phénomènes cérébraux se modifièrent, et la malade put quitter bientôt l'asile d'aliénés. U n'en fut pas de môme des lésions tuberculeuses qui marchèrent avec éclat et entraînèrent la mort au bout de trois mois.

Obs.IV.— Paul T.... âgé de 33 ans, issu d'un père tuberculeux. Marié depuis cinq ans a une jeune femme. Pas d'enfants. Le patient maigrit depuis quelque temps et se plaint de légères quintes de toux. D'un caractère qui était très gai et très aimable autrefois, il devint sombre et maussade. Très irritable vis-à-vis des domestiques, il agonise sa femme do sottises et de grossièretés. 11 s'occupe moins activement de ses affaires et reste des journées entières suns adresser la parole à ceux qu'il chérissait autrefois. Un soir, au milieu d'un diner, il se leva brusquement et lança une paire de gifles à son meilleur ami qu'il accusait d'être l'amant de sa femme. A partir de ce moment, les crises devinrent plus aiguCs. M. T... me parla de tuer sa femme, son ami, et de se suicider ensuite; quand il parlait d'autres membres de sa famille, il divaguait. Comme je considérais ce sujet dangereux pour lut et sa famille, je le fis enfermer dans une maison de santé. Au bout de quelques semaines de repos, les troubles cérébraux s'amendèrent et le sujet revint au calme. Mais je pus constater alors des signes certains de tuberculose pulmonaire dont l'évolution continua lente mais progressive. Lo malade vint mourir dans une de ses propriétés aux environs de Paris.

Obs. V. — Gaston F... est un jeune fils de famille de 30 ans, qui s'est marié avec une belle veuve de 38 ans : cette dernière a déjà une fille de 13 ans d'un premier lit. D'une nature assez calme et posée jusqu'au jour du mariage, mon malade devint biemôt irritable et emporté. Mais ce qui le caractérise particulièrement, ce sont des désirs génitaux effrénés. Quoiqu'il soit atteint fréquemment de fièvre, surtout le soir, il est possédé d'un rut insatiable. Dans ces moments de passion, il ne sait plus ce qu'il lait ni ce qu'il dit : il est certainement inconscient. Un jour, dans un de ces moments de folie, Il se jeta sur sa belle-fille, une enfant de 13 ans, et chercha à la violer : on eut toutes les peines du monde à le calmer et à empocher son acte criminel pour lequel il aurait comparu en justice sans mou intervention.

Quand j'examine le sujet, je constato immédiatement des lésions tuberculeuses assez étendues aux deux sommets : les crachats renferment de nombreux bacilics de Koch.

Je conseille & mou malade la suralimentation et un séjour dans le midi, d'où sa fcranio m'a écrit. Il y a quelques jours, que malgré un peu d'amélioration, ces rages de passion possèdent de temps ft autre son mari qui présente encore d'autres troubles mentaux assez nets, tels que violentes colères, menaces de tuer, etc. etc.

Voici donc cinq observations très nettes et très précises de troubles psychiques incontestables chez des phtisiques où il estdiffleilede rattacher l'aliénation mentale à une autre cause que la tuberculose. Cela veut-il dire que lu démence cal d'origine bacil'aire? Peut-être est-on en mesure do le démontrer non seulement par des faits cliniques mais encore expérimenta! cm en t./page>

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Cette démonstration, je la tenterai plus loin et par analogic et p»r des expériences qui ont été faites. En attendant, je désire, -, l'appui de ma thèse, rappeler les observations relevées par d'autre.? cliniciens.

II a été reconnu, depuis longtemps, que In phtisie c:;t tri» fréquente dans les asiles d'aliénés. Dagoncl () a trouvé sur 428 décès 100 cas où la mort avilit été causée par la phtisie pulmonaire. De même, les statistiques de flagcn confirment ce fait, que les déments succombent 5 fois plus fréquemment à la phti?ie que les individus sains d'esprit. D'autre part, toujours d'après le même auteur, l'aliénation mentale est extrêmement fréquente chez les tuberculeux. Esquirol dit que la phtisie s'observe surtout chez les lypémnniaqucs. I! ajoute d'une façon précise : « Il est certain que la phtisie cause, ou, du moins, précède 1 aliénation mentale et alterne avec elle, ?

M. CV Swell combat ectto thèse et déclare quo la tuberculose n'est qu'une conséquence vulgaire de l'aliénation mentale.

Telle n'est pas l'opinion de nombreux cliniciens anciens et modernes qui attestent que la bacillosc peut engendrer toute espèce do psychoses. C'est ainsi que lîégis considère les psychoses d'origine tuberculeuse comme une sorte de « folie sympathique ». En précisant à ce point de vue les rapports de l'évolution bacillaire etdu processus psychopathique, Morel prétend que la mélancolie est la compagne habituelle de la tuber-culisation commençante, tandis que l'exacerbalion maniaque caractérise ordinairement la dernière période de la phtisie pulmonaire. ? rapporte l'observation fort intéressante d'une phtisique chez qui il nota, au début de l'examen, des accès de tristesse et de mélancolie coïncidant avec une tuberculose commençante, plus tard une amélioration passagère de la phtisie et des troubles mentaux à la foi?-, et enfin une folie furieuse avec recrudescence do la bacillosc.

De son côté, Clnuston (5) donne une :«uulyse pénétrante de ce qu'il appelle « Phtisical Insanity* ·>, c'est-à-dire la folie chez les phtisiques.

Benj. Bail, dans une leçon consacrée à la folie des tuberculeux, et plus tnrb 8'Raé notent la fréquence de la démence chez les phtisiques et déclarent qu'il n'est pas rare de voir alterner plusieurs fois les deux affections. C'est ainsi qu'une hémoptysie survenant brusquement au cours d'une maladie mentale ferait cesser pendant un certain temps les troubles intellectuels cl inversement.

Mil. Dufour et Ilabaud rapportent ;j observations de malades mélancoliques et tuberculeux. La première a trait â une femme de M uns qui, à la suite d'ennuis de famille, devint triste jusqu'à l'obsession. Dientot apparut le délire mélancolique : la malade interpréta les faits les plus insignifiants comme des préludes de sa mort prochaine ; par intervalles, il y eut une véritable obsession, de l'angoisse, des haî'ueinations do l'ouie. Puis l'évolution des troubles cérébraux amena îo mutisme, la

(t) Traité des maladies mentales.

(2) Clinical lectures en .'Jental di Prases./page>

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stupeur, le refus des aliments. Physiquement, on constata, dès l'entrée de la malade à Ste-Anne, un léger degré d'albuminurie et de l'amaigrissement. MM. D;i:our et Rabaud insistent sur les signes négatifs suivants: \" la malade n'a jamais toussé, s?uf 15 jours avant la mort, et la toux a été très passagère ; 2° la malade n'a présenté de la dyspnée que les deux derniers jours ds son existence; 30 la malade n'a jamais expectoré; 40 l'auscultation pratiquée souvent avec Je pius grand soin, n'a jamais permis de déceler la présence de râles si ce n'est le jour de la mort. A l'autopsie, on trouva des altérations tuberculeuses profondes au niveau des deux poumons.

De cette observation et de deux autres analogues rapportées dans leur élude, MM. Dufour et Rabaud tirent les conclusions suivantes-: « D'une façon générale, ce qui caractérise la tuberculose pulmonaire à forme mélancolique, c'est l'absence do signes fonctionnels qui, le plus; habituellement, încilent à l'examen des poumons. La dyspnée, la fièvre, les signes d'auscultation^font défaut le plus souvent. La toux et l'expectoration sont supprimées. De ce fait, on peut dire iju'il s'agit d'une forme latente; forme latente oui, mais non pas forme lente. »

*

* * ?

Ce ne sont pas seulement les mélancoliques, certains neurasthéniques qu'un examen incomplet déclare ou déments ou neuropathes sans rapporter ces troubles morbides à une maladie générale dont ils ne sont rouvent que les épisodes. Certains tuberculeux deviennent des déments confirmés; des fous dangereux. Rappelons le cas de ce phtisique soigné au Sanatorium do Ley sin. Co malade, dans un accès de colère morbide, tira plusieurs coups de revolver sur le médecin en chef de l'établissement qui succomba. Condamné à 20 any de travaux forcés, lo meurtrier, qui, pour nous, a toujours été un irresponsable, a été enfermé depuis duns une maison de santé.

Un autre confrère italien, M. Baudi, médecin en chef do l'hôpital Santo-Spirilo, fut également !a victime d'un tuberculeux aliéné. C©: dernier, soigné y, l'hôpital, so représenta de nci-vea» n-j-jr être hospita-Usé. L'entrée de l'hôpital lui ayant été refusée parce qu'il n'était pas muni de pièces régulières, le misérable attendit le passage du D' Baudi et lui planta dans la nuque en long stylet qui détermina la mort immé* diato. L'assassin arrêté et examiné, en dehors des lésions tuberculeuses des poumons, fut reconnu fou.

Le môme hôpital de Sanio-Spirito fu«. également h\ scène d'un drame à pea près identique. Un phtisique soigné avec un dévouement exceptionnel par la sœur Sainte-Augus'.ino, ;!3.;omma cette dernière dans un accès de folie subite et aiguë. '

Que devons-nous penser aussi do ce lubeivulcax maniaque qui,

obligea sa jeune femme à déguster s,;j cmchaly, N-csl.C£s pas la encore

Un meurtre commis par ua inuividu, ?? , . . .

appartenant a la bourgeoisie et,/page>

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par consëquenl, n'étant pas coutumior de se livrer à des actes de violence et de brutalité?

Que de fois aussi, clans des affaires criminelles retentissantes, on a trouvé parmi les tristes héros de ces drames dos phtisiques peut-être incomplètement responsables et d'une mentalité qui ne pouvait être comparée à cc-llc d'un homme sain. Dans un procès d'assises récent,

•n'a-t-on pas vu le malheureux père d'un des jeunes criminels, mû par un sentiment de pitié qui traduisait peut-être une vérité scientifique

: encore ignorée, venir disputer la tète de son enfant aux juges, cn leur déclarant qu'il le considérait comme n'ayant pas agi dans la plénitude

" de sa raison et de sa liberté, et fondant son argumentation sur ce fait

. que l'enfant avait toujours été malingre et débile, que son enfance n'avait été qu'une longue suite de maladies, qu'il était sans doute tuberculeux, sa mère et son Irëre ainé étant morts de la poitrine!

* »

Ces faits et d'autres encore qui sont restés obscurs démontrent que tous les troubles psychiques, depuis la simple hypocondrie jusqu'à la folie furieuse, peuvent être précédés ou accompagnés d'une tuberculose le plus souvent latente, ignorée sans doute, comme le disent MM. Du-four et Habaud, parce que l'attention des médecins n'a pas été appelée du côté de l'appareil pulmonaire par aucun signe imposant ou tragique. Mais quelle est l'origine vraie de ces troubles mentaux? La peut-on déclarer tuberculeuse, et dans ce cas, comment Interpréter cette patho-génie? C'est un point que je désire examiner maintenant. Si, dans la défense de l'organisme contre les maladies, les phagocytes

¦Jouent un râle très important, l'influence du système nerveux n'est pas

i moindre. Cette influence est si prépondérante en physiologie et cn pathogénie qu'on peut affirmer que les causes morbides, les agents pathogènes ne sont capables de produire la déchéance de l'organisme quo parce qu'ils amènent une défaillance du système nerveux. C'est lui qui assure la solidarité organique, le concours des divers organes à la vie du tout e*. qui gouverne le mode de réaction de chaque organisme vis-

. à-vis des actions du monde extérieur et des agents pathogènes. De son importance cn physiologie on peut déduire son importance en pathologie, les phénomènes morbides n'étant, selon la remarque de "'rôtissais et de

, Claude Lcirmrd, ? que des phénomènes physiologiques perturbés dans leur intensité. »

C'est si;".-tout vis-à vis des agents infectieux qua la système nerveux aune infiu:-/;ccconsiderable. Sa façon de se comporter est double: 1° il a une aciici ïe défense ;ïans la genèse do la plupart des maladies infectieuses; i-ecipruqwiiiiicni les agents infectieux agissent sur lui en paralysant plus ·;.: moins etûic action défensive, en atiénuanî la vigilance et en prépara rit la déchéance.

De nombreuses expériences, faites dans ce bat, démontrent celte vérité. Je me contente de rappeler celle de Villemin qui devint lo point de/page>

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départ de beaucoup d'autres: un lupin, auiucl on a coupé un nerf scia-îique, reçoit dans ic péritoine un fragment de substance tuberculeuse; peu à peu, on voit s'établir une tumeur blanche de l'articulation tibio-tar.sienne du côté énervé, et lorsque l'anima! fut sacrifié, un mois après l'acte opératoire, on constata que la tuberculose s'était localisée exclusivement sur l'articulation ou membre paralysé sans qu'il y eut trace de généralisation.

d'iniquement, H. Meunier a relevé de nombreuses observations pour démontrer l'influence des lésions ou des affections nerveuses sur le développement dos diverses infections pulmonaires.

Mais, réciproquement aussi, l'agent infectieux retentit sur le système nerveux et en entrave l'action défensive. 11 active cl provoquesadéfaîte et son abdication.

Les exemples qu'on pourrait citer sont trop nombreux. Ne connalt-on l'influence nocive si prépondérante du pneumocoque, du bacille d'Ebcrth, du gonocoque et du streptocoque sur le névraxe* Le rhumatisme et la rage, dont on ignore encore l'élément pathogène, ne sont-ils pasaccom-pagnés, compliqués desymptômes nerveux des plus graves? Et la simple lièvre n'est-ellc pas causée par des bactéries ou leurs toxines dont la pénétration dan3 l'organisme entraîne presque toujours des troubles mentaux sérieux?

Ces exemples généraux, que je rappelle brièvement à l'appui de ma thèse, ne démontrent sans doute pas d'une façon absolue les relations étroites qui peuvent exister entre les diverses psychoses et la phtisie. Ile" prouvent néanmoins l'influence néfaste considérable de la plupart des bactéries sur le névraxe. Pourquoi le bacille de Koch n'agirait-ÎI pas comme le streptocoque ou le bacille deNicolaîer? D'autre part, les nombreux faits cliniques personnels et autres que j'ai rapportés ne sont pas de simples coïncidences et démontrent que la phtisie précède très souvent les troubles mentaux. Pourquoi n'en serait-elle pas la cause effective?

Lorsque Robert Koch a fait ses premières injectior.s de tuberculine, j'ai passé plusieurs semaines dans les hôpiiaux de Berlin, et là j'ai observé de véritables troubles cérébraux survenus quelques heures après l'injection de tuberculine: quelquefois, ces phénomènes psychiques persistaient et s'acccnluaic;;! chez certains nhusiques jusqu'à la mort. Récemment, MM. Dt.i'our et Dit*» or.! n-nouvclé ces expériences et en inoculant de la icbei*u)liK h ÎO phtisiques, i s ont pu provoquer do l'oncéphalopalhie délirante chez trois d'entre eux.

* '3

L'importance étiologiquc de In phtisie puimoraue dans l'origine des maladies mentales me semble à piéscnt ressortir nettement des faits cliniques d'abord, ensuite des analogies décisives qu'on ne peut s'empêcher de trouver entre la pathogène: des troubles psychiques d'origine infectieuse et la pathogenic des psychopathies coexcilant avec une/page>

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tuberculose, maladie infectieuse également, et enfin, des preuves expérimentales. Ici et là, même mode du réaction du système nerveux vis à vis de l'agent infectieux, microbes ou toxines et de l'élément pathogène vis-à-vis du névraxe. Avant de tirer des conclusions île ces dillérents faits précis, je désire encore examiner brièvement deux points cliniques assez curieux : 1° comment évolue la folie chez les tuberculeux; 2° quelles sont les formes de psychoses qui cocxcitcnt le plus souvent avec la phtisie. Ces deux points vont du reste se foudre en un seul chapitre.

Clauston, dont j'ai cilé plus haut une observation, a fait une description clinique spéciale complète de l'aliénation mentale des phtisiques. Peut-être cette description est-elle un peu trop didactique, mais elle est néanmoins exacte dans les grandes lignes. D'après cet auteur, la maladie débute par une altération graduelle du caractère, de la conduite et des sentiments qui se transforment et s'aigrissent ; à la joie de vivre succède une absence totale de ressort. En même temps, il y a dépérissement de l'état général. 11 peut y avoir ou non des symptômes pulmonaires; souvent ils passent inaperçus. Puis, se produit la phase algue* de la psychose : le patient perd le sommeil, devient mélancolique ou maniaque sans manifestations externes, en même temps que l'organisme périclite. Ce dépérissement prend souvent une marche rapide parce que le malade refuse tout aliment, parce qu'il se figure être exposé à un empoisonnement. Peu à peu, le patient devient irriiable, morose, insociable, soupçonneux avec des alternatives de mieux et de pire. Les aptitudes intellectuelles faiblissent. Il se produit dos accès d'excitation chez le malade qui se croit persécuté et exposé à dee démonstrations hostiles. Tout est motif à récriminations. Si l'existence se prolonge, le malheureux est pris de folie religieuse, ou tombe dans le mutisme, dans une porte de dénu-nce apparente dont il peut être tiré momentanément. La démence définitive peut survenir, mais eat cependant rare La lésion tuberculeuse des poumons elle-même ne se révèle guère par des signes extérieurs: en effet, absence de toux, d'expectoration et ce n'est que plus tard, lorsque l'amaigrissement est accentué et que la fièvre vespérale s'établit, que l'attention est attirée du côté du. thorax, à une époque où généralement les lésions sont déjà profondes.

D'après Bail, la folie des tuberculeux évolue de trois façons différentes: 1° Les deux affections psychiques et sonialiques suivent une inarche parallèle ; i° chez d'autres, la phtisie et la folie onéisstutà une loi d'alternance et se remplacent mutuellement; 3° enfin, souvent la folie rem-placo la tuberculose : dans une famille de phtisiques, ou ne verra un sujet n'échapper au bacille de Koch que pour succomber à la folie et vice versa.

Quand les phénomènes psychiques sont très aigus, la tuberculose évolue très rapidement et presque sans rémission. D'autre part, le bacille de Koch doit singulièrement prédisposer à la paralysie générale, car Cri .. Brown, sur cent autopsies de parai) tiques généraux, a constaté viugt-cinq fois l'existence de tuberculose pulmonaire./page>

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Quant aux formes cliniques des psychoses chez les tuberculeux, il est difficile de préciser. Sens coure, ce sont les variétés mélancoliques qui prédominent. Puis viennent de suite les psychoses délirantes et les excitations génitales allant parfois jusqu'à la perversion, jusqu'au satyriasis. -T'ai cité plus haut une observation semblable qui. du reste, n'est pas rare : on dit des tuberculeux qu'ils sont très passionnés. M. Cullere a observé également un malade mort phtisique à l'asile d'aliénés et chez lequel la période latente de la tuberculose pendant laquelle la psychose s'est développée s'accompagna d'une excitation sexuelle si extraordinaire que, pendant 24 heures,!! ne cessa de se livrer au coït et qu'il fallut l'intei vention de la police pour soustraire sa femme à ses importunités. « Souvent, dit M. Chartier, nous retrouvons ce phénomène qui semble fréquent chez les tuberculeux et il n'est pas déraisonnable de penser qu'il peut être la conséquence directe de l'infection bacillaire. Nous, pensons qu'il en est de l'infection tuberculeuse comme des autresetque son rôle déterminant, bien que très souvent occulte, n'en est pas moins réel et décisif, ?

Que conclure de cette longue étude ? Les conséquences à tirer concernent à la fois la pathologie générale et la médecine légale :

1° Au cours de la phtisie pulmonaire, on peut observer et on note fréquemment des formes multiples de psychoses, depuis la simple mélancolie jusqu'à la folie délirante. Quelquefois, même, la phtisie se termine tardivement par la paralysie générale;

2° Les troubles mentaux et les lésions tuberculeuses peuvent marcher de front ou alterner mutuellement. Presque toujours, l'amélioration de la lésion bacillaire est accompagnée d'une rémission ou de la guérison des phénomènes psychiques;

3° Cet état pathologique double n'est pas une simple coïncidence et il semble démontré cliniquement, expérimentalement et par analogie de faits que l'infection bacillaire exerce une action directe sur le névraxe et qu'elle peut causer la défaillance du système nerveux central : en conséquence, les psychoses dont il s'agit sont d'origine bacillaire;

4° A cause de la latence de l'évolution des phénomènes tuberculeux chez les aliénés, il me paraît utile, quand on est en présence d'un mélancolique, d'un maniaque ou d'un délirant,de se préoccuper de son état thoracique, surtout quand le sujet maigrit, tousse ou a eu des hémoply-sies ou lorsque son organisme subit une déchéance brusque accompagnée de fièvre ;

5° En ce qui concerne la médecine légale, il serait désirable que les Inculpés de quelque forfait fussent examinés d'une façon attentive, aussi bien au point de vue des manifestations tuberculeuses qu'au point de vue de la mentalité — celles-là pouvant souvent fournir d'uliles indications sur celle-ci et laisser prévoir la prochaine déchéance de la raison, par suite mitigeant singulièrement îa responsabilité actuelle chez les tuberculeux./page>

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Séance du 21 novembre. — Présidence de M. Jute? Vowis.

Dédoublement de la personnalité et phénomènes subconscients provoqués par des manœuvres de spiritisme.

Par M. le D' Bérillon.

La malade que je vous présente a fréquenté, il y a quelques années, des réunions spirites et n'a pas tardé à y jouer le rôle d'excellent médium à réincarnations. Sous l'influence de la concentration de l'attention, elle présentait des variations de personnalité analogues à celles que l'on peut provoquer expérimentalement chez les hypnotisés. Elle subissait inconsciemment les suggestions du milieu ambiant, mais, à la fin de chaque séance, elle n'était ni réveillée, ni ¦¦¦ déshypnotisée », comme cela doit toujours être fait après une séance d'hypnotisme. Il en est résulté un état mental particulier qui se manifeste par des phénomènes inconscients et automatiques survenant à des intervalles de plus en plus rapprochés. H suffit de parler devant elle du spiritisme. Immédiatement, elle prend une allure aliiêre et se promène en faisant de grandes enjambées. En même temps, eile prononce des pi roles à peu prés incompréhensibles; on finit cependant par comprendre qu'elle joue lé rôle do Bismark. Bientôt, le ton de la voix s'élève, devient comminatoire. Elle parait en proie à une grande colère. Elle frappo du pied et semble injurier des personnes qui résisteraient à ses ordres. Celte scène se prolonge assez longtemps, plusieurs heures consécutives, jusqu'à ce qu'enfin, à bout de forces, elle tombe épuisée. On peut faire varier la personnalité du sujet en parlant de danse ou en imitant avec les doigts le bruit des castagnettes. Immédiatement, on voit apparaître un sourire sur son visage, elle se cambre el se met à danser comme une danseuse espagnole en faisant claquer ses doigts. On éprouve beaucoup de peine . à faire cesser cet état quand il a été provoqué. Lorsque la malade est dans l'état d'excitation, ses mouvements automatiques et ses actes impulsifs ont, pour un esprit non averti, toutes les allures d'un délire maniaque. C'est ce qui explique son séjour de plusieurs mois dans un asile d'aliénés. Il s'agit, en somme, d'une hystérique très dégénérée qui s:au-tohypnotise, tombe dans un état de somnambulisme spontané, puis extériorise les rêves qui surgissent dans son esprit. Tous ces états ont pu être reproduits expérimentalement : ils disparaissent aussi sous l'influence de la suggestion. L'hypnotisme a déjà considérablement amélioré cette malade. laquelle va continuer à être soumise à la psychothérapie.

M. Jules Voisin.— On peut se demander si cette malade est tout à fait inconsciente ou si elle ne se complaît pas dans les rôles qu'elle joue?

M. Paul Magnin. — Elle a bien l'apparence d'une hystérique qui simule et veut se rendre intéressante./page>

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M. Paul Farez. — Elle a, en tous cas, très certainement, la notion au moins subconsciente du monde extérieur, puisque, dans ses diverses realisations de types, elle évolue aisément dans cette salle sans heurter ni tables, ni chaises.

M. lis sillon. — Peul-ôlre, au début, s'est-elle prêtée avec complaisance aux prétendues réincarnations ; sa vanité a pu être agréablement chatouillée quand on lui a déclare qu'un grand médium venait d'éclore. Mais, actuellement, son état lui est devenu insupportable et elle désire beaucoup en sortir, car il l'expose à toutes sortes d'ennuis chez elle et dans les milieux qu'elle fréquente. Elle a subi un internement de plusieurs mois dans un asile d'aliénés et si elle demande nos soins, c'est qu'elle n'a pas envie d'être internée de nouveau.

REVUE CRITIQUE DE PSYCHOLOGIE ET DE NEUROLOGIE

par M. le Dr Paul Farez.

Un cas de tic traité par suggestion, par M. le Dr Féron, Journal de JVeur., 2Ujuin 1899, ne 13.

Le tic dont il s'agit consiste en ceci : l'occiput tend à se rapprocKer de l'épaule droite et en même temps cette épaule est vivement soulevé, au point que ces deux régions se touchent presque. Cette attitude vicieuse se répète fréquemment et rend tout travail impossible. Le tic du. bras droit est provoqué par des convulsions qui intéressent les muscles, innervés par le radial, le tic du cou par des convulsions qui frappent surtout le slerno-cléido-mastoïdien droit et, it un moindre degré, le trapèze, innervés tous deux par le spinal. Le deltoïde, innervé par le circonflexe participe aussi aux mouvements convulsifs.

Contrairement à l'opinion courante qui déclare ces tics incurables, le professeur Spehl considéra le cas actuel comme justiciable de la suggestion. Mais le sujet étant d'intelligence bornée, il fallut renoncer à la suggestion directe et recourir à la suggestion indirecte. Cette dernière consista: 1° en un semblant de traitement interne, sous forme de potion iodurée faible, quelques frictions sur le cou, une application de pointes de feu, — 2° on une sorte de rééducation de la volonté et du-pouvoir inhibiteur, par une gymnastique consistant en des mouvements lents des membres supérieurs.

Le tic du slerno-cléido-mastoïdien a totalement disparu ; il no persiste plus que quelques convulsions très atténuées du membre supérieur droit. En outre cet homme a pu reprendre son travail.

Etat mental des hystériques, par ie Dr Glorieux, La Policlinique,

18119, p. 219.

M. Glorieux résume sous une forme concise, originale et claire l'état actuel de celte question./page>

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- Dans l'hystérie, il peut n'exister que des manifestations psychiques, de même que, dans certains cas, on peut ne rencontrer que des manifestations uniquement somatiques, avec intégrité de l'état mental.

L'état mental dit hystérique est bien une maladie à part. Ceux chez lesquels l'hystérie se manifeste dès leur enfance sont de? héréditaires; ils sont en outre impressionnables, monteurs, versatiles, irritables, violents, exagérés, simulateurs, inconstants: ils ont l'esprit de contradiction développé à un très haut degré : chez eux, la lubricité, loin d'être la règle, est, au contraire, l'exception; il n'est même pas rare de rencontrer chez eux la frigidité sexuelle.

Un cas original de névrose tbaumatiqub, Obozrénié Psychiatry, février . 1899.

Un militaire a reçu un coup de pied de cheval dans la figure et plus tard un coup de couteau dans la cuisse. Il eu a éprouvé une vive frayeur. Il souffre actuellement de douleurs dans les extrémités; i! est déprimé, parle à voix basse et ne comprend pas bien ce qu'on lui dit; en outre, les paupières ne s'ouvrent qu'incomplètement, le champ visuel est con-centriquement rétréci, certains muscles sont contractures. Tous ces symptômes ont disparu sous l'influence de lo chloroformisation.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société d'hypnologie et de psyohologïe

Les séances de la Société d'hypnoiogie et de psychologie ont lieu Je troisième lundi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la SHlpéirière.

Les prochaines séances de la Société auront Heu lc6 Mardis 20 février ët 20 mars 1900. à 4 heures et demie.

Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les communications a M le liérillon, secrétaire général, 14, rue Taiibout, et les cotisations à M. Alb rt Colas, trésorier, 1, place Jussieu.

Règlement du deuxième Congrès International fie l'Hypnotisme en 1000.

Art. I".

Le Congrès se réunira à Paria du 12 au 16 août î900. — La séance d'ouverture est fixée au dimanche 12 août, à trois heures.—Les séances auront lieu eu Palais des Congrès./page>

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Seront membres du Congrès : 1· Les membres de la Société d'Hyp-nologie et de Psychologie ;

2° Tous les adhérents qui auront fait parvenir leur adhésion avant loi» août 1900.

Art. II.

Les adhérents aa Congrès auront seuls le droit de prendre part aux

discussions.

Art. III.

Le droit d'admission est Ûxé à 20 francs.

Art. IV.

Lo Congrès se composera :

1. D'une séance d'ouverture;

2. De séances consacrées à la discussion des rapports et aux communications;

3. De conférences générales;

4. De visites duns les hôpitaux et hospices ;

5. D'excursions,de réceptions et de fûtes organisées par le Bureau.

Art. V.

Les communications seront divisées en quatre groupes:

1. Applications cliniques et thérapeutiques de l'hypnotisme et de la suggestion ;

2. Applications pédagogiques et sociologiques;

3. Applications psycho-physiologiques;

4. Applications médico-légales.

Art. VI.

Les communications et les comptes rendus des discussions seront réunis dans une publication adressée k tous les adhérents.

Art. VII.

Les adhérents sont invités b adresser ie plus tôt possible le titre de leurs communications à M. le Secrétaire général.

Les manuscrits des communiouUona devront étro déposés sur le Bureau avant la fin de la séance. — Les orateurs qui auront pris la parole dins la discussion devront remettre leur argumentation au cours même do ïn séance.

Art. VIII.

Toutes les communications relatives au congrus, demandes d'admission, ouvrages manuscrits et imprimes, etc., doivent être adressées à M. lo Dp Bkrillom, secrétaire générai, ??. vue Tailbout, à Parie

(taf?» iy-oi).

NOUVELLES

Eu3ciguemsDt de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique

Insiïitiipsyc/io-p/ii/sioiui7iqu5, M, rue Saint-André-des-Arts.

L'Institut psycho-physiologique do Paris, fondé en 1839 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l'hypno-/page>

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tisme, et place* sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné â fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggesiive.

L'organtsaiion de l'Institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire do psychologie expérimentale.

Une clinique de maladies nerveuses (dispeiisaire neurologique- et pédagogique), est annexée à l'Institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. h midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.

Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d'aliénés, y complète son couis à l'Ecole pratique delà Faculté de médecine (semestre d'été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l'hypnotisme. Il eslsecondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les D" Henry Lemesle, Vlavianos, Lapinski, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les D" Paul Farez, ?. Guimbeau, Bianchi, Branly et par M. Charles Verdin.

Depuis 1892, pendant ie semestre d'hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, par MM. les D*9 Dumontpallîcr, Bérillon, Max Xorduu, E. Caustier, Henry Lemesle, Paul Farez, Collineau, Saint-IIilaire, Oscar Jennings, Armand Paulier, Tison, Bianchi, Légué, et par MM. Lionel Dauriac, Jules Bois, Lépinay Laisant, Albert Coutaud, sur les diverses branches de la psychologie physi logique et pathologique.

M. le Dr Paul Joire, correspondant de l'Institut psycho-physiologique, fait, chaque année à Lille, un cours annexe d'hypnologie.

Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l'acquisition des appareils les plus nouveaux.-

Un musée psychologique contient un nombre considérable do documents relatifs à l'histoire de l'hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.

Chaque année, un certain nombre d'étudiants trouvent d'importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l'Institut psycho-physiologique.

CoUItS pb4txq.Ufi DE psïchothèrapis ET D'HVPNOIOQIE

* M. le D' Bciillou a commence un couva pratique de psychothérapie «d'hypnologie. à l'Institut psycho-psychologique, 49, rue Saîul-Antîré-des-Arts, le jeudi 25 janvier, à 10 heures et demie. II le continuera loua les jeudis, ù !a même heure. Plusieurs conférences seront consacra h l'étude pratique des applications de la suggestion hijpnotiquo X !& pédagogie et à l'éducation des enfants vicieux ou dégénérés./page>

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COURS & CONFÉRENCES DE 1900 à l'Institut psycho-physiologique

4g, T^ie Saint-Aniré-dcs-Arti, fg.

LES JEUDIS, A 8 HEURES ET DEMIE DU SOIR CONFÉRENCES (suite)

Jeudi 6 Févmiîr, à huil heures et demie, M. Albert Ooutaud, docteur en droit, fera une conférence sur : Le rêce ît Vêtat de veille chez les hommes de lettres.

Jeudi 15 Fstmrr, à huit heures et demie, M. Eugène Caustier, proies-scur agrégé de l'Université, fera une conférence sur : Psychologie comparée : L'hypnotisme et la fascination chez Us animaux. (Cette conférence sera accompagnée de projections à la lumière oxy-drique.)

Jeudi 22 Février, h huit heures ot demie, M. le Dr Bérillon fera une conférence sur : Excursion psycholo'iiqnf U travers les anomalies et les excentri.-ités de t'espère humaine. (Celte conférence seraaccom-gnée de projections * la lumière oxydrique.}

Jeudi I" Mars, à huit heures et demie, M le Ii'Garnuull, docteur es-; sciences, fera une conférence sur : La venirUoquie religieuse.

Jeudi 28 Mans, à hait heures et demie. M- Jules lïoïs fera une conférence sur: La psychologie dan- le roman ci dans la littérature

contemporaine.

Jeudi lâ Mars, à huit heures et demie, M.le D' Henry Lemesle, licencié en droit, fera une conférence sur : L'idéf* on responsabilité au moyen Age : les procès de sorcellerie ci fe.s procédures intentées contre les animaux.

La plupart de* Conférences seront accompagnée:* cic présentations de malades, de démonstration? clinique* de psychothérapie, de démonstra--tlons expérimentales et du présentations d'appareils.

Sorbonne. — M. Lion-! Dauriac commencera le mercredi 31 janvier lUOu à \:t Sorbonne, un cours de psychologie et d'esthétique musicale: Sujet dr cours : Esthétique de Richard Wagner clans ses œuvres de la première période.

Collège de France. — Notre c*roin»nt collaborateur, M. Tarde vie» d'être élu par l'Assemblée des Professeurs po;:r occuper la chaire do philosophie moderne.

Institut de France. — M. le professeur Riaor vient d'être élu Membrdi de l'Académie des Sciences morales et politiques.

¦........ '

L'Administrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON/page>

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14· année. — ?ß 9.

Mars 1900.

L'auto-suggestion naturelle (')

Par M. le D' Coste de LaGrave.

Les faibles ont tort; les forts et les puissants ont raison : telle est la loi fatale à laquelle l'humanité est soumise.

Nous devons donc faire tous nos efforts pour devenir forts et puissants.

C'est par l'éducation, par l'entraînement de nos facultés et aptitudes que nous développons nos corps et nos intelligences, que nous devenons forts et puissants.

C'est en connaissant nos facultés et nos aptitudes que nous pourrons les mieux développer.

De toutes ces aptitudes, je ne choisirai pour l'instant que la pratique de l'auto-suggestion. J'étudierai cette aptitude telle qu'elle a lieu naturellement, sans préméditation, sans méthode, car le traité de l'auto-suggestion n'a pas encore paru

Exposé

L'auto-suggestion se rattache à l'étude des impressions.

Nos actes sont déterminés par les impressions.

Les impressions diverses et multiples auxquelles nous sommes soumis sont cause de résultantes qui sont nos actes.

Suivant les impressions différentes, les actes sont différents.

La loi à laquelle je suis arrivé comme fondement de l'autosuggestion est la suivante :

« L'impression perçue est cause de représentation mentale dans la suite, »

Développement. — L'impression est perçue par le centre nerveux au moyen des nerfs périphériques. Cette impression est cause dans la suite d'une représentation mentale dans le même centre nerveux.

(1) Momoîre lu à la Société d'hypoologie ù la sconce annuelle./page>

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Cette représentation mentale de l'impression dans le centre nerveux a lieu sans (nie les nerfs périphériques soient intéressés ou soient participants.

La représentation mentale est un travail, une opération, un acte qui a lieu dans le centre nerveux seulement.

Exemple : « Vue de visage souriant ». Cette impression est perçue aujourd'hui.

Par suite de la loi sur la représentation mentale, cette impression sera perçue de nouveau par le centre nerveux; mais elle sera perçue dans la suite sans que le visage souriant soit présent et forme impression.

L'impression qui a été perçue, ou perception, en se reproduisant spontanément dans le centre nerveux devient représentation mentale.

Autre exemple : Idée émise, « secourir les malheureux ?.

Cette idée perçue aujourd'hui parce qu'elle est formulée, sera l'objet dans l'avenir d'une représentation mentale venant se présenter à l'esprit sans qu'elle soit provoquée par un signe extérieur.

L'auto-suggestion prend la représentation mentale et l'accepte ou la repousse.

L'auto-suggestion prend la réprésentation mentale utile pour l'accepter. L'auto-suggestion développe, grandit et multiplie cette représentation mentale utile.

Le bien, la force, la puissance en résultent.

Cependant, il arrive souvent que l'auto-suggestion naturelle accepte la représentation mentale mauvaise ; le mal s'en suit.

Celui qui voit voler peut accepter avec plaisir la représentation mentale de vol. H peut cultiver, développer cette représentation mentale; il deviendra voleur.

Celui qui voit tuer peut accepter avec satisfaction la représentation mentale de tuer. ? cultive et développe cette représentation mentale et devient assassin.

??a?.

Nous examinerons l'auto-suggestion naturelle telle qu'elle a lieu chez les hommes qui s'en servent avec de bons résultats.

Pour mieux la faire comprendre, nous commencerons par l'auto-suggestion qui se fait par l'intermédiaire de la vue; continuant par l'auto-suggestion qui se fait par l'intermédiaire/page>

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de l'ouïe, nous terminerons par l'auto-suggestion de la pensée, vaste domaine que nous ne pourrons parcourir en entier, mais nous en examinerons quelques parties.

Vue.

Les hommes qui pratiquent l'auto-suggestion de la vue sont les peintres, les sculpteurs, les architectes.

Le Peintre.

Le peintre voit son tableau avant de l'avoir commencé. Il y pense, il choisit le sujet, il voit les personnages. S'il veut peindre une kermesse, il voit les groupes et les plans dans un coup d'œil d'ensemble. Il voit les lignes et le dessin de son tableau, il voit la couleur des différentes parties.

Si le peintre veut fixer une bataille, il voit les armées qui luttent, la fumée des fusils et'des canons.les obus, les charges de cavalerie, etc., etc.

Tout ce travail se fait dans le centre nerveux par autosuggestion.

Voici ce que pense le peintre dans le recueillement et le silence de la nuit :

« Je veux faire un tableau qui sera un chef-d'œuvre. Il fera l'admiration des connaisseurs. Le sujetchoisi sera intéressant. Les.plans seront bien disposés pour faire valoir le sujet. La couleur sera vive et gaie.

« Je travaillerai sans distraction. Je ne penserai qu'à mon tableau, et je trouverai ma récompense dans l'estime des hommes. »

Tout ce travail de l'esprit constitue la pratique de l'autosuggestion.

Le Sculpteur.

Le sculpteur voit la statue avant qu'elle ne soit ciselée. Le sculpteur a dans sa tête un idéal de beauté qu'il veut traduire par le marbre. Il y pense le jour, il y pense la nuit, il voit sa statue en tous lieux dans sa pensée, s'il marche dans la campagne, sa statue est présente, c'est elle qu'il voit toujours, en tous lieux, à toute heure./page>

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Que pense le sculpteur dans la contemplation de l'œuvre future?

« Ma statue sera belle, aussi belle que celle que je vois en rêve. La ligure sera douce et respirera la vie.

« Les traits seront uns et distingués, les formes seront modelées à la perfection, la taille sera bien prise, l'ensemble sera harmonieux.

? Mon œuvre persistera dans les siècles. Elle sera admirée par tous les hommes et trouvera sa place dans un musée qui la protégera des injures du temps. »

L'e/îrçhiUcté. Que dit l'architecLe en sa pensée?

Le palais que je vais construire sera plus beau que tous ceux

qui existent.

La façade frappera d'admiration les hommes venus de toutes parts pour la voir.

Les côtés seront ensuite admirés parce ce qu'ils seront d'un genre différent.

Les colonnades superbes forceront l'attention même des indifférents.

L'intérieur du palais sera encore plus merveilleux.

Dos marbres de toute beauté et de nuances variées seront placés à profusion.

L'escalier monumental arrêtera par sa splendeur ceux qui le monteront, leur faisant oublier le but qu'ils poursuivent.

Les salles seront plus belles que toutes celles que l'on a vues.

Elles seront décorées par des fresques, par des découpures, par des ornements d'une finesse et d'une perfection inconnues.

Mon palais, assis sur des fondations de rochers, défiera le temps qui ne pourra le détruire et transmettra mon nom aux générations à venir.

Il est bien évident quo nous ne faisons que résumer ce que pensent le peintre, le sculpteur et l'architecte. Ce n'est pas la millième partie qui est énoncée ici, mais ces pensées sont celles qu'ils développent.

Or, ces pensées sont des auto-suggestions, celles qui pro-/page>

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duisent les œuvres d'art, celles que conseille la pratique rai-sonnée et méthodique de l'auto-suggestion.

Ouïe.

L'auto-suggestion, en ce qui a rapport à l'ouïe ou à l'audition, est pratiquée parle compositeur de musique.

Le plus célèbre d'entre eux, à la fin de ses jours, étant sourd, a composé des œuvres sublimes. Etant sourd pour les bruits extérieurs, il entendait dans son cerveau la musique harmonieuse qu'il composait et que sa main traduisait sur le papier. Par la force de l'auto-suggestion, il entendait les harmonies qu'il créait et il exprimait par le langage musical les tristesses et les désespoirs de sa vie malheureuse.

Le compositeur de musique peut entendre tous les sons avec leurs différences.

Si le compositeur veut traduire le langage de l'amour, dans sa pensée, avant de l'avoir formulé, avant de l'avoir traduit par aucun signe, par aucun acte, le compositeur entendra la chanson d'amour. Ce sera une voix d'homme ou une voix de femme.

La voix sera entendue seule ou accompagnée d'instruments. Dans toutes ces variétés, c'est par l'effort de la pensée que le chant d'amour sera entendu, puis traduit.

Le compositeur peut traduire également l'espoir, la joie, le bonheur, comme le désespoir, la tristesse et les pleurs.

L'effort n'est pas grand, car, chez le compositeur, l'aptitude naturelle facilite l'auto-suggestion auditive.

Si le compositeur veut traduire en musique une tempêîe, il entendra d'abord dans sa pensée le vent qui mugit, puis nous le traduira. Il entendra d'abord dans sa pensée la pluie qui tombe, il entendra le murmure de l'eau qui coule. Avec tous ces sons, il compose un tableau auditif, une narration auditive. Ce qu'il entend d'abord dans sa pensée, dans son cerveau, avec ses aptitudes puissantes à entendre, grâce à la seule auto-suggestion, il nous le traduit ensuite sur le papier etpeut nous faire part de ce même régal.

C'est par l'auto-suggestion pratiquée naturellement qu'il choisit ce qui est beau, qu'il rejette ce qui est laid, de façon à faire une œuvre qui plaise et qui séduise. \ Si le compositeur veut traduire une bataille, il entend dans sa pensée, par auto-suggestion, les coups de canons, la fusillade, les cris des blessés, le roulement des voitures, etc./page>

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Tous ces sons, tous ces bruits qu'il entend dans sa pensée, par auto-suggestion, il nous les traduit en un morceau musical.

L'auto-suggestion lui fait produire l'œuvre qui existe et qui reste.

La 'Pensée.

Que! domaine plus vaste que celui de la pensée?

Nous ne ferons qu'effleurer la question de l'auto-suggestion en ce qui concerne la pensée.

Pour commencer, nous prendrons un exemple prouvant que l'idée ou la pensée peut être prise par l'auto-suggestion naturelle.

Soit l'idée déjà citée : Secours aux malheureux.

Cette idée, une fois perçue, par suite de la loi de la représentation mentale, se reproduira de nouveau dans notre pensée.

Comme l'idée est bonne et que nous sommes par nature se-courables aux malheureux, cette idée qui revient est acceptée et, par auto-suggestion naturelle, chacun développe cette idée de secourir les malheureux, suivant ses aptitudes person--nelles.

Dans le recueillement et le silence de la nuit, nous pensons : Le nombre des malheureux est très grand. Comment pourrait-on organiser les secours pour les malheureux? 11 faudrait une maison où les malheureux et les faibles puissent trouver tout de suite l'aide dont ils ont besoin.

Pour les malades, il y a les hôpitaux. Cependant, tous les malades malheureux n'y trouvent pas leur place.

En outre, il existe des malheureux qui ne sont pas malades et qui demandent du travail. La maison de secours aux malheureux leur donnerait du travail, leur donnerait le moyen de se procurer les ressources indispensables à la vie. Le malheureux pourrait entrer dans la maison de secours quand il voudrait, on lui donnerait à manger et à travailler, il en sortirait quand il voudrait.

Il ne faut pas compter avec l'ingratitude. Si l'on a à faire à des ingrats, ce n'est pas une raison pour ne pas faire le bien, etc., etc.

Voilà la série des auto-suggestions qui peuvent être acceptées et qui développent dans l'individu l'aptitude à faire le bien./page>

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Ceux qui pratiquent le mieux l'auto-suggestion naturelle, en ce qui concerne la pensée, ce sont les savants, mathématiciens, philosophes, littérateurs, etc. Cependant, dans la recherche de l'auto-suggestion naturelle de la pensée, nous débuterons par une classe de personnes qui pratiquent l'autosuggestion naturelle en ce qui concerne la mémoire. La mémoire est une faculté bien délimitée qui fera comprendre d'autant mieux le mécanisme de l'auto-suggestion naturelle,

^Mémoire.

Ce sont les acteurs, comédiens, artistes lyriques qui font l'appel le plus puissant à la mémoire.

L'acteur apprend son rôle et s'adapte tous les sentiments du personnage.

Quand le rôle comporte la colère, le véritable acteur se met réellement en colère. Il ressent la haine, le dépit. Il se livre à des accès de fureur.

Tout le monde acceptera comme évident que c'est par une auto-suggestion préméditée que l'acteur se met en colère, qu'il se livre à la fureur. Par auto-suggestion renouvelée plusieurs fois, l'acteur se met dans l'esprit la colère et la haine usqu'à ce qu'il ressente réellement cette colère et cette haine.

Si l'acteur doit faire une déclaration d'amour, il pense cette déclaration, il la fait sienne, il se l'imprime à lui-même, et cela par pure auto-suggestion.

L'acteur qui pense ce qu'il dit, l'acteur qui éprouve les sentiments qu'il traduit est un bon acteur. S'il veut faire pleurer, il pleurera d'abord lui-même.

L'acteur qui ne fait que réciter sans s'être servi de l'autosuggestion pour penser lo rôle, l'acteur qui ne pense pas ce qu'il dit a un jeu différent. Ce sera un virtuose qui pourraétre admiré pour son habileté, mais il ne fera pas pleurer, car il ne sait pas pleurer lui-même.

Le Mathématicien.

Le mathématicien est l'homme qui emploie avec le plus de perfection l'auto-suggestion naturelle. Par suite d'un entraînement naturel, il possède une puissance d'abstraction étonnante; or, cette puissance d'abstraction est une conséquence/page>

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de l'auto-suggestion puissante. Par auto-suggestion, le mathématicien arrive à supprimer de sa pensée tout ce qui n'est pas le problème cherché.

Au milieu de la foule qui crie, le mathématicien n'entend rien ; il s'abstrait dans la recherche des nombres par entraînement d'auto-suggestion. Les impressions et idées qu'il se suggère ont plus de puissance que les impressions et idées étrangères. L'auto-suggesiion chez le mathématicien est plus puissante que les impressions causées par les cris et l'agitation de la multitude.

Dans le silence du cabinet, l'auto-suggestion est pratiquée par le savant avec toute la perfection désirable.

C'est l'astronome cherchant à mesurer la distance des étoiles, et dont l'esprit absorbé est porté par auto-suggestion dans les espaces stellaires, aussi loin que la pensée peut le comprendre.

C'est le géomètre occupé de la recherche de son problème, et traçant ses lignes sur tout ce qu'il trouve. Au dehors, il continue le travail commencé à l'intérieur.

C'est le physicien ou le chimiste absorbés dans la recherche des corps et des lois qui les régissent.

Tous ces savants pratiquent l'auto-suggestion. Ils impriment à leur pensée le problème à chercher. Ils persévèrent à accepter cette pensée pendant un temps prolongé. Ils imposent le problème à leur occupation cérébrale, à l'exclusion de toute autre pensée.

Le Philosophe.

Le philosophe, lui aussi, se perd dans la méditation de ses problèmes; c'est-à-dire qu'il s'abstrait du monde extérieur pour ne penser qu'aux questions de philosophie. Il s'impose ces méditations, il accepte certaines idées par auto-suggestion. C'est parce qu'il emploie l'auto-suggestion persévérante qu'il peut traiter et discuter les questions de psychologie et de métaphysique.

Le Littérateur.

C'est le romancier préoccupé de son roman et de ses personnages.

C est ie journaliste préoccupé d'écrire l'article du jour et d'intéresser le public./page>

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C'est Vauteur dramatique préoccupé de ses dialogues et de ses situations.

Ces producteurs de la pensée peuvent s'y prendre de façon différente.

Les uns méditent leur sujet pendant des heures. C'est de l'auto-suggestion excellente. Ils impriment à leur attention les idées qu'ils pourront développer.

Les autres, dont les aptitudes sont plus grandes et l'entraînement plus parfait, écrivent au courant de la plume. L'autosuggestion est immédiate, elle n'a pas besoin d'une longue durée pour se produire.

Le résultat de cette auto-suggestion pratiquée par le littérateur, c'est l'œuvre littéraire qui persiste.

L'auto-suggestion a lieu naturellement chez presque toutes les personnes qui pensent. Le plus souvent, l'auto-suggestion forme un ensemble qui comprend tous les sens et toutes les facultés de l'individu.

Si nous prenons comme exemple l'amoureux, nous constatons que la vue, l'ouïe, le toucher, la mémoire, l'intelligence et toutes les facultés intellectuelles sont en jeu. L'amoureux voit la bien-aimée dans sa pensée. Il l'entend parler, il lui parle, toujours dans sa pensée. Il se promène avec elle, il la touche, il la prend dans ses bras, toujours en pensée et par auto-suggestion naturelle, etc., etc. Il serait trop long d'énu-mérer toutes les auto-suggestions de l'amoureux.

Toutes les professions donnent lieu également à l'autosuggestion naturelle, plus ou moins bien pratiquée.

Nous avons observé l'auto-suggestion chez les personnes qui s'en servent dans un but louable et profitable; mais il est d'autres cas très nombreux où l'auto-suggestion est cause d'actes blâmables.

Qu'il nous suffise pour le moment de les signaler.

Commentaire.

Vouloir c'est pouvoir.

Mais il faut savoir s'y prendre. Il faut connaître les règles de la volonté pour lui faire produire le plus grand travail possible.

L'auto-suggestion est comparable à un élan que prend la volonté, et qui fait produire un effort dix fois plus grand et plus puissant./page>

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Nous voyons par les exemples cités que l'élite des intelligences pratique l'auto-suggestion d'une façon constante et persévérante. De là à admettre que l'auto-suggestion est cause.de supériorité intellectuelle, il n'y a qu'un pas.

Les intelligences, comme les muscles, doivent être l'objet d'exercice et d'entraînement méthodique. Par entraînement raisonné on fait produire au corps le maximum de travail utile, on fait produire à l'intelligence le maximum de production louable.

Les nations sont des personnalités qui ont une naissance, une vie, une mort.

Si la nation met en oeuvre toutes les forces physiques et intellectuelles dont elle dispose, elle sera forte et puissante.

Si la nation s'oublie dans les délices d'un bonheur sans nuage et d'une paix sans trouble, elle sera faible et sans force. Elle sera dévorée et anéantie par la nation puissante.

Apprenons aux générations à développer leurs corps. Apprenons encore plus aux générations à développer leurs intelligences. La gymnastique du corps est louable.

La gymnastique de l'intelligence, de la volonté, de la raison, est encore plus louable. Par elle nous dominons la force brutale, nous développons les facultés supérieures de l'individu et nous préparons le perfectionnement de l'espèce.

Les lois psychologiques de l'hiérogénie (')

Par le Dr Charles Binet-Sangi-b.

m

ADJUVANTS DE LA SUGGESTION RELIGIEUSE I. — ADJUVANTS PROPRES AUX SUGGESTIONNEUÏtS

1. La pass ion et V énergie. — Les plus persuasifs d'entre les suggestionneurs religieux sont les plus passionnés et les plus énergiques.

Du VergiCr de Hauranne disait : « Le royaume du ciel est

(1) Voir les numéros précédents. — Dans celui de Janvier, lira Guillebert au Ueu de Qucllebert ut Singlin au lieu de Langlois.

aux violents » ; et Antoine Singlin, qui avait pour les âmes « un amour de la jalousie » : « Je suis prêt à rompre avec tout le monde plutôt que de me relâcher des vérités que je connais » (').

Je retrouve chez d'autres grands suggestionneurs les mêmes qualités psychiques.

Jacqueline Arnauld faisait preuve d'une « charité ardente qui étoit tendre et vigoureuse tout ensemble » et exhortait ses ouailles « avec une si grande effusion de cœur et des manières si pathétiques qu'elle persuadoit aisément ce qu'elle disoit» Q.

Pour Jeanne Arnauld, « le salut des âmes fut tout ce qu'elle désirât, leur perte tout ce qu'elle craignit » (3).

Antoine de Rebours avait aussi « un zèle ardent » pour le salut des âmes (>)·

Et Gilberte Pascal nous dit de son frère Biaise : « L'amour de la perfection chrétienne l'enflammoit de telle sorte qu'il se répandoit sur toute la maison » (&).

2. Le sexe masculin. — Sur les 37 suggestionneurs avérés de mon Histoire, j'ai relevé 24 hommes et seulement 13 femmes.

L'élément masculin l'emporte donc ici de près de moitié sur l'élément féminin.

3. L'âge adulte.— La plupart de ces suggestionneurs exercèrent et réussirent leurs suggestions dans la seconde jeunesse, à l'âge adulte ou dans la première vieillesse.

Jacqueline Arnauld avait 17 ans lorsqu'elle réforma le monastère de Port-Royal, 27 ans lorsqu'elle commença à réformer le monastère de Maubuisson, et57ans lorsqu'elle suggestionna Jacqueline Pascal. Jeanne Arnauld, qui contribua à cette conversion, avait alors 55 ans.

Biaise Pascal avait 23 ans lorsqu'il convertit sa famille, 30 ans à l'époque où il dirigeait la piété de « gens de grand esprit et de grande condition » (c), 32 ans lorsqu'il suggestionna Charlotte de Hoannez et écrivit la première des Lettres à un provincial, 33 ans lorsqu'il commença à écrire les Censées.

Jacqueline Pascal avait 27 ans lorsqu'elle suggestionna Gil-

(1) Nécrologe de Port-Royal.

(2) Id.

(3) Id.

(4) Nécrologe des principaux défenseurs de la vérité.

(5) Vie de Biaise 'Pascal. (ß) Id./page>

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berte et Blaise, et 32 ans lorsqu'elle composa le Règlement pour les enfants de Port-Royal.

Antoine Arnauld avait 31 ans lorsqu'il publia la Fréquente Communion, ouvrage dont le succès fut considérable.

Du Vcrgier de Hauranne avait 39 ans lorsqu'il suggestionna Arnauld d'Andilly.

Jean Guillebert avait 41 ans lorsqu'il suggestionna Biaise T'a seal.

Si nous faisons la moyenne de ces divers âges, nous trouvons le nombre 34. Or il semble que ce soit l'âge vers lequel la volonté atteint son maximum de puissance.

Au surplus, le suggestionneur religieux est en général plus âgé que sa victime. Tel est le cas pour la suggestion religieuse d'ascendant à descendant, dont je parlerai plus loin. Tel fut le cas pour Du Vergier de Hauranne à l'égard d'Antoine Arnauld, d1 Arnauld d'Andilly et de Marie d'Angennes du Fargis; pour Antoine Singlin à l'égard de Biaise Pascal ; pour Biaise et pour Gilberte Pascal à l'égard de Charlotte de Roannez; pour Jacqueline et pour Jeanne Arnauld à l'égard de leurs ouailles; pour Jacqueline Pascal à l'égard de ses novices; pour Wallon de Beaupuis à l'égard de ses élèves.

Enfin la haute situation sociale du suggestionneur n'est pas sans impressionner sa victime. Le sermon d'un jeune évêque émeut plus que celui d'un vieux curé; et la célébrité précoce de Biaise Pascal aide à comprendre qu'il ait pu répandre, à 23 ans, « l'amour de la perfection chrétienne » (') dans toute sa famille. De même il est peu de sujets prédisposés à la dévotion qui eussent pu résister à l'action d'abbesses aussi renommées que Jacqueline et que Jeanne Arnauld, et à des théologiens comme Antoine Arnauld, dont la Fréquente Communion parut avec l'approbation de seize évéques ou archevêques, ou comme Du Verifier de Hauranne qui comptait des ministres d'état parmi ses disciples.

U. — ADJUVANTS PROPRES AUX SUGGESTIONNÉS

Je divise les adjuvants propres aux suggestionnés en adjuvants de premier plan, adjuvants de second plan aï adjuvants accessoires.

Les adjuvants de premier plan sont: la docilité, la suré-motivité, la suramalivité, la surcraintivité, la faiblesse d'es-

(I) Gilberte Pascal : Vie de Biaise Pascal./page>

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prit, l'ignorance, la spécialisation, le sexe féminin, le jeune âge.

Les adjuvants de second plan sont : le jeûne, la veille, la maladie, la tristesse et l'humilité.

Les adjuvants accessoires sontcertaines sensations visuelles, auditives et olfactives.

i. — Adjuvants de premier pus

1. La docilité, — On lit dans une Méditation sur la mort de Jésus-Christ,où Jacqueline Pascal se traçaitdes règles morales : Il faut « que je ne produise plus de moi-même aucune action, mais que tout ce que j'opérerai soit tellement produit par l'obéissance que je dois aux maximes du christianisme etaux supérieurs que Dieu m'a donnés que l'on puisse dire véritablement que mon esprit n'est plus et qu'il est de telle sorte séparé de mon corps que ce n'est nullement lui qui le fait agir.» Et elle écrivait à une jeune fille ou à une femme qu'elle engageait à quitter le monde : On vous demandera au couvent de Port-Royal « une obéissance qui vous empêche de discerner aucun des commandements qu'on vous fera, ni de pénétrer dans l'intention de ceux qui ordonnent» ('). Elle nous avertit eniin qu'on avait bien soin de dire aux petites novices qu'un des plus grands défauts de la jeunesse était l'indocilité.

Catherine Goulas ne trouvait « rien à redire sur tout ce qu'on lui ordonnoit » (*).

Antoine Le Maistre mettait « toute sa religion à obéir humblement à ces personnes qui avoient sur lui l'autorité de l'Eglise » t3)-

La docilité de Raphaël Le Charron d'Espinoy à l'égard de sa mère Anne de Boulogne, le fit entrer dans la voie étroite.

Louis de Pontis avait pour le Maistre de Saci, son directeur de conscience, - une soumission d'enfant » (*).

Et, s'il faut en croire le curé Beurrier, c'est aussi une soumission d'enfant qu'offrait, vers la fin de sa vie,aux dévots de son entourage, le grand Biaise Pascal.

2. La surémotivité. — J'ai relevé la surémotivité chez 6 do mes dévots. Le substratum de cette affection parait être l'hy-perplasticité, l'instabilité moléculaire du tissu nerveux. S'il en

(1) Lettre du 3 octobre 1656.

(2) Nicrologc de Port-Royal.

(3) Id.

(4) Id./page>

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est ainsi, on conçoit qu'une idée, ou mieux que l'ondulation nerveuse correspondante s'imprimera d'autant plus profondément que le sujet sera plus impressionnable, plus tendre ('). Mais aussi, dans bien des cas, elle s'effacera de même, et beaucoup de surémotifs sont à l'égard des suggestions qui les assaillent comme l'eau sous le vent. Bien des déclassés et des démoralisés, bien des politiciens, des artistes qui changent d'orientation sans motif, en sont aussi peu responsables que le flot n'est responsable de sa direction. La surémotivité, qui est souvent le principal élément de la vocation religieuse et la condition première de la conversion, est souvent aussi la condition première de l'apostasie.

3. ha suramativilé. — Quand la suramativité s'attache aux objets religieux, elle est un adjuvant efficace de la suggestion religieuse. Dans certains cas, il s'agit d'une véritable spécialisation. C'est ainsi que j'ai relevé chez quatre de mes dévots la diminution ou la suppression des sentiments altruistes.

Jacqueline Pascal écrivait, dans la Méditation citée plus haut : «Je dois mourir au monde par amour envers Dieu »; et, parlant de Dieu, dans une lettre du 1'" avril 1648 : « Il n'y a pas de crime qui soit plus injurieux et plus détestable que d'aimer souverainement les créatures, quoiqu'elles le représentent ». Dans une lettre de juillet 1653, adressée à Florin Périer, au sujet de Gilberte dangereusement malade, on lit encore : « Etouffons autant qu'il nous sera possible tous les sentiments de la nature qui s'opposent trop fortement à ceux que la foi et la charité nous doh'ent donner sur ce sujet ». Et elle n'est pas loin de souhaiter la mort de sa sœur qui, de cette manière, possédera Dieu c avec une entière plénitude et une assurance 'certaine de ne le perdre jamais »

Biaise Pascal, dans sa Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies, s'écrie : « Je crois que je ne puis aimer le monde sans vous déplaire, sans me nuire et sans me déshonorer ». A la fin de sa vie, « il n'avait point, nous dit Gilberte, d'attache pour les autres, mais il ne voulait pas que les autres en eussent pour lui. »

(1) Les termes psychologiques ont été choisis avec une pénétration singulière par ceux qui les ont mis en cours. Beaucoup 4e mots appliqués aux qualités ou aux phénomène* psychiques paraissent "on effet Être la représentation exacte des propriétés et de* phénomènes cérébraux correspondants. M. Maurice Griveau a tiré parti de cet instinct populaire, et a composé une EsUiétique basée sur le sens des mots, qui est un ouvrage remarquable à tous égards.

Pourtant Jacqueline et Biaise Pascal étaient des sentimentaux. Et si les dévots sont, socialement parlant, des égoïstes, c'est que notre puissance d'amour est limitée, et que nous ne pouvons beaucoup aimer un objet ou une entité, sans négliger tous les autres.

La chasteté ou la continence de certains dévots paraît n'être pas sans influence sur leur exaltation mystique; et l'inverse n'est peut-être pas moins vrai. Ce sont là des modifications qui, dans certains cas, se balancent. L'une des crises dévotes de Biaise Pascal fut à ce qu'il semble l'effet d'une rupture amoureuse, et nous lisons dans les Pensées : « Vous auriez bientôt la foi si vous aviez quitté les plaisirs ». Au temps où sa dévotion était extraordinaire, il ne pouvait souffrir que Gilberte lui parlât de la beauté des femmes, et il trouvait même mauvais qu'elle se laissât caresser par ses enfants.

Jacqueline Pascal composa, dès l'âge de puberté (12 ans), de petits poèmes d'amour. Mais, après que les marques de la variole lui eurent enlevé l'espoir de se bien marier, elle s'adonna à la poésie religieuse. « Je dois faire mourir en moi la chair et tous ses désirs » écrira-t-elle plus lard dans sa Méditation sur la mort de Jésus-Christ.

Angélique Arnauld d'Andilly dit de son côté « que le sacrifice est imparfait si la pénitence n'immole le corps en même temps que la charité doit sacrifier le cœur. »

Ce n'est pas à la légère que le vœu de chasteté a été imposé aux religieux catholiques , après l'avoir été aux vestales. Comment la suppression d'une fonction aussi importante que la fonction génératrice ne déterminerait-elle pas des troubles somatiqueset psychiques? II se produit alors, selon moi, une véritable commutation nerveuse qui explique assez bien la dévotion de certaines amoureuses déçues, et la lasciveté de certaines dévotes oublieuses de leurs devoirs. Et je ne suis pas éloigné de penser que la béatitude mystique n'est qu'une forme sublimée de la volupté sexuelle.

4. La sureraintivité. — D'Holbach écrivait : « L'homme n'est superstitieux que parce qu'il est craintif». Peut-être y a-t-il quelque excès dans cette proposition. La crainte est du moins l'un des éléments principaux de la dévotion. Avoir la crainte de Dieu n'es^il pas, dans le langage mystique, presque l'équivalent de croire? Et pour qu'un homme naturellement craintif tourne à la dévotion, il suffit souvent que son attention/page>

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soit attirée vers la mort ou vers les hypothétiques sanctions d'outre-to m be. Jean de Borgia se convertit devant le cadavre pe la femme de Charles-Quint, et Antoine Le Maistre, après avoir assisté àl'agoniede MmeArnauld d'Andilly, satante.

Toutes les religions ont tiré parti de la crainte. Toutes ou presque toutes ont leurs chambres de torture. C'est le naraka et le patala chez les Hindous, le dsigokf chez les Japonais, le douzakh chez les Iraniens, le palais d'Allat et de N'amctar chez les Summéro-Accadiens, le schéol chez les Hébreux, le douaout chez les Egyptiens, le tartare chez les païens, l'enfer chez les chrétiens, le niflheïm chez les Scandinaves. Le judaïsme et le catholicisme ont en outre institué les excommunications. T'ai relevé chez 8 de mes dévots la timidité ou la crainte chronique.

5 et 6. La faiblesse d'esprit, l'ignorance et la spécialisation. — Pour qu'une idée religieuse soit reçue, il faut qu'elle ne soit suivie ni dans ses origines, ni dans ses conséquences. Or cela ne sera possible que dans les deux cas suivants :

1° Le sujet ne peut ou ne veut pas, soit par paresse, soit par crainte de ruiner ses croyances, établir un lien entre ses idées ;

2° Ses idées sont si rares et si disséminées qu'il ne peut passer rationnellement de l'une à l'autre; ou bien elles sont absolument spécialisées.

Ainsi s'explique qu'on rencontre parmi les dévots des ignorantes comme les religieuses de Maubuisson, dont la plupart ne savaient ni lire, ni écrire, des imbéciles comme Louise de la Bonnerie, et des mathématiciens de génie comme Biaise Pascal. Celles-là n'avaient qu'un îlot d'idées, celui-ci qu'un magnifique archipel.

« Heureux les simples d'esprit, dit Joshua, le royaume des cieux leur appartient. »

ß Les efforts de l'imagination et de la partie intellectuelle, dit Giroust, solitaire de Port-Royal, font plus de mal à la tête que de bien au cœur » (').

De l'aveu de Jacqueline Pascal f2), les livres qu'on faisait lire aux petites novices de Port-Royal tendaient « bien plus à les rendre chrétiennes qu'à les rendre savantes. »

Et Wallon de Beaupuis reconnaît que les Petites Ecoles

(1) Nécrologe de P.-R.

(2) Règlement pour les enfants de Port-Royal.

de Port-Royal « étaient bien plus pour la piété que pour les sciences. «

Au reste, loin de chercher à expliquer leurs dogmes, les religions se sont toujours appliquées à les entourer de mystère. Comme le dieu dans le sanctuaire derrière le para-pétasme, comme l'hostie dans le tabernacle et dans l'ostensoir, le dogme est caché dans la langue sacrée. La religion égyptienne avait les hiéroglyphes. La religion catholique a le latin.

Mais si le mystifié (i) ne comprend rien à la doctrine, le mystagogue n'y comprend pas grand'chose. Et il n'en admire que plus. Il existe en effet une loi psychologique qui peut s'exprimer ainsi :

Pour certains esprits, une chose est d'autant plus admirable qu'elle est 'plus incompréhensible.

Certaines notoriétés n'ont pas d'autre cause, et l'on pourrait appliquer à nos modernes snobs ce que dit naïvement Giroust des solitaires de Port-Royal. Lisant chaque jour un chapitre de l'Evangile ou de Saiil (St-Paul), « ils adoraient celles de ces paroles divines qu'ils n'entendaient pas » (2).

La solitude est un adjuvant des suggestions religieuses parce qu'elle est un adjuvant de l'ignorance. Aussi, toutes les religions Tont-elles recommandée, et la vie érémitique ou monastique est-elle de tous les pays et de tous les temps. Il existait déjà des reclus dans l'Inde brahmanique, où le couvent avait son équivalent dans le turcol, ainsi que dans l'Egypte ancienne, où ces reclus occupaient des cellules dans l'enceinte des temples. Parmi les moines, il me suffira de citer les byraguis, les fakirs et les gyrovagues hindous, les talapoins siamois, les bonzes chinois, les jammabos japonais, les lamas tartares, les abdalas persans, les nazaréens et les thérapeutes juifs, les santons égyptiens, les derviches arabes, les calenders turcs, les caloyers grecs, les culdées écossais. L'usage des retraites où l'on ne s'entretient « qu'avec Dieu seul, et parmi des personnes qui ne soient qu'à lui » (3) a été établi dans le môme but.

Le premier devoir d'un abbé ou d'une abbesse est de tenir

(1) Je prends ce terme dans le sens élyrnologiqae et lui retire tout ce qu'il peut comporter il'ironio. Les dévots ont droit à notre respect, en tant que malades d'abord, et aussi parce qu'ils comptent dans leurs range dos hommes vraiment supérieurs d'autre naît.

(2) Nécrologe de !\-R.

(3) Jacqueline Pascal. — Lettre du 19 juin 1648./page>

page n="276">

son couvent fermé aux idées et aux sentiments extérieurs. Jacqueline Arnauld était si attachée à la clôture qu'elle refusait à son propre père l'entrée de son abbaye. Elle avait aussi bien soin d'avertir les novices dont elle redoutait le départ, qu'il y avait beaucoup de difficulté à se sauver dans le monde.

Dans la Méditation déjà citée, Jacqueline Pascal dit : « Je dois me séparer, autant que je le pourrai, des personnes qui ont renoncé au monde comme moi, et même des parfaits, afin de nv établir dans une solitude réelle et parfaite ». Et de fait, avant d'entrer en religion, elle resta tout un hiver cloîtrée dans sa chambre. Plus tard, le 17 juin 1661, elle écrivait à ses nièces, les petites Périer : « Séparez-vous du monde le plus qu'il vous sera possible », et elle leur rappelait un conseil de Bernard Tescelin (St Bernard) : « Il avertit les âmes qui veulent être les véritables épouses de Jésus-Christ de ne pas se contenter de fuir le monde, mais même leurs amis et ceux de la même maison, et enfin toutes les créatures, parce que le fils de Dieu veut nous trouver dans la solitude pour parler à notre cœur. »

Souvent aussi les dévots aiment la solitude à la façon des mélancoliques et des lypémaniaques, et nous avons vu que Madeleine Bochard faisait ses délices de la retraite.

Dans sa Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies. Biaise Pascal écrivait : « Faites que je me considère en cette vie comme en une espèce de mort, séparé du monde. » Et encore, dans une lettre à Charlotte de Roannez : « Malheur à ceux qui ont des attachements au monde qui les y retiennent! »

Avant de se retirer à Port-Koyal, l'abbé Claude de Sainte-Marthe faisait partie d'une société d'ecclésiastiques où il vivait « dans une si grande solitude, dans un recueillement si profond, qu'il n'y avait de commerce qu'avec Dieu » (').

Antoine Le Maistre pratiquait aussi la « sainte solitude » (*).

D'ailleurs, et d'une façon générale, les Solitaires de Port-Royal, nous dit Giroust (3), ne voyaient personne, n'étaient vus de personne et « ne s'cntretenoient que des nouvelles de l'autre monde. »

Le silence agit comme la solitude. Il permet au suggestionné de ruminer tout à son aise ses suggestions. C'est ce qu'ex-

(1) Mcrologc de P. R.

m id.

(3) Id./page>

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prime Blaise. Pascal d'une manière frappante : « Il faut se tenir en silence autant qu'on peut et ne s'entretenir que de Dieu qu'on sait être la vérité; et ainsi on se le persuade à soi-même * (t).

Jacqueline Arnauld imposait, pendant d'assez longues périodes, le silence à ses ouailles, et elle écrivait à l'une d'elles : « Il faut avoir une continuelle attention au silence. »

Avant son entrée en religion, Jacqueline Pascal se montrait ennemie des conversations.

Les novices de Port-Royal étaient accoutumées au silence. Les solitaires et les élèves des Petites Ecoles l'observaient à plusieurs moments de la journée.

7. Le sexe jéminin. — Dans mon Histoire, sur 66 suggestionnées, j'ai relevé 36 femmes, et l'on sait que, dans l'assistance des cérémonies religieuses, les femmes sont en majorité. Cela tient à ce que, chez la femme, la docilité, la surémotivité, la suramativité, la surcraintivité, la faiblesse d'esprit et l'ignorance sont plus fréquentes ou plus prononcées que chez l'homme.

8. Le jeune âge. — Ces caractères psychiques sont aussi plus fréquents ou plus prononcés dans le jeune âge que dans l'âge adulte. C'est surtout avec les femmes et avec les enfants que les religions se fondent. Aussi les prêtres se sont-ils toujours montrés prêts à élever les enfants. Déjà, dans l'Egypte ancienne, les écoles dépendaient des temples.

Les suggestionnés de mon Histoire l'ont été, pour l'immense majorité, dans l'enfance, l'adolescence ou :lnnsla première jeunesse.

Voici quelques exemples :

Les novices de Port-Royal étaient âgées de 4 à 18 ans.

Nicolas Hucqueville, Henri Arnauld c!j Luzanci, Charlotte de Roannez et Magdeleine de Ligny furent suggestionnés avec succès, le premier à 19 ans, le second à 18 ans, la troisième à 17 ans, la quatrième à 16 ans. Il ne s'agit pas évidemment de la première suggestion.

Marie Suireau et Marguerite d'Angennes entrèrent à Port-Royal à 16 ans.

Le Maistre de Sacy futsuggestionné vers i4 ans, Domatdans sa jeunesse. Claude de SainLc-Marthe s'adonna, dès l'adolescence, aux études théologiques.

(1} Pensées./page>

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Catherine Champaigne entra à Port-Royal à 12 ans 1/2, et fit profession à 18 ans.

Suzanne Robert fit vœu de chasteté à 12 ans.

Claude Lancelot entra à 12 ans au séminaire de Saint-Nico-las-du-Chardonnet.

Etienne Périer entra à 11 ans, Pierre-Thomas du Fossé à 10 ans, Louis Périer, Biaise Périer et Raphael Le Charron d'Espinoy, dès l'enfance, aux petites écoles de Port-Royal.

Marie-Charlotte Arnauld d'Andilly et Marie Desseaux entrèrent au couvent dès l'enfance. La seconde lit profession à 22 ans.

Magdeleine Baudran et Marie-Madeleine Pothierde Buzenval entrèrent à Port-Royal à 9 ans. La seconde fit profession à 10 ans.

Jacqueline Arnauld entra à Saint-Cyr à 7 ans, fut nommée abbesse de Port-Royal à 7 ans 1/2, et fit profession à 9 ans.

Marie d'Angennes du Fargis, Elisabeth Boulard, Angélique Arnauld d'Andilly et Louise de la Bonnerie entrèrent à Port-Royal, les deux premières à 7 ans, la troisième à 6 ans, la quatrième à 5 ans.

Jeanne Arnauld entra, à 4 ans au couvent de Saint-Cyr, dont elle fut nommée abbesse à 5 ans.

(à suivre) -

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance de Janvier 1900. — Présidence de M. Jules Voisin

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.

M. le Secrétaire général fait part à la Société de l'élection de notre collègue, M. Tarde, à la cliaire de philosophie moderne du Collège de France. La Sociélé décide que des félicitations lui seront adressées à cette occasion.

M. le Secrétaire général fait part du deuil que vient d'éprouver notre collègue, M: le D' Lemesle. en la personne de son père.

La Société décide de prendre part à la souscription ouverte par les élèves du professeur Ribot, dans le but de lui offrir un objet d'art à l'occasion de son élection à l'Académie des sciences morales et politiques. Lu bureau est chargé recueillir les souscriptions, qui seront adressées â M. liinel, directeur du laboratoire de psychologie à la Sorbonne./page>

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Fugues hystériques et métrorrhagies guéries par la suggestion

hypaoticrue par le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétriere.

Je comptais vous présenter aujourd'hui une dame fort intéressante, mais, prévenue assez tard, elle n'a pu se rendre à ma convocation; je vais néanmoins vous rapporter son cas.

Il s'agit de la malade au sujet de laquelle j'ai publié, en 1880, mon mémoire sur « Les Fugues hystériques ». Le matin, il lui arrivait de s'éloigner de son quartier jusqu'à des distances atteignant 5 à 6 kilomètres, par exemple, à Pantin, au cimetière d'Ivry, etc. Ensuite, elle revenait à son domicile, près de Sainl-Uermain-des-l'rés. et n'avait conservé aucun souvenir de sa fugue, bien que. pourtant, pendant la durée de cette dernière, elle eût accompli des actes bien coordonnés, discerné nettement son chemin, pris des correspondances d'omnibus, etc. Il est vrai de dire que le souvenir précis de ces fugues lui revenait pendant le sommeil hypnotique; plongée dans cet état, elle racontait qu'en descendant de chez elle, le matin, elle se sentait priso de vertige avec sentiment de constriction à la gorge, puis l'idée de circuler la dominait d'une manière irrésistible. En somme, c'était là l'ébauche et comme l'équivalent d'une crise d'hystérie. Le diagnostic entre l'hystérie et l'épilepsie était fait grâce à cet interrogatoire pendant le sommeil hypnotique.

Depuis 1889, cette personne a reproduit une seule fois ce phénomène : elle est allée à Montreuil où on l'a trouvée endormie devant la porte de son beau-frère. Je l'ai guérie tout-à-fait de ses fugues en lui faisant la suggestion suivante : « Chaque fois que vous vous sentirez sur le point de faire une fugue, vous rentrerez chez vous immédiatement, vous vous coucherez et vous endormirez; puis, au bout d'un certain temps, vous vous réveillerez seule très bien portante n. En effet, chaque fois qu'est apparue une velléité de fugue, ma malade a réalisé ponctuellement ma suggestion; ne conservant aucun souvenir de ce qui venait de se passer, elle s'éveillait it dix heures, fort étonnée de se lover si tard ce jour-là.

Cette dame allait fort bien depuis une dizaine d'années. Tout récemment, elle est revenue me tiouver, se plaignant de malaises, d'hémi-anesthénie, de phénomènes ovariens et surtoutd*; pertes très abondantes. Je 1 endormis à nouveau et, par suggestion, je pus la débarrasser de ses malaises, faire renaître son appétit, régulariser sa menstruation et ses métrorrhagies./page>

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Auto-mutilation survenant sous l'influence de rêves chez un hystéro-épileptique

par 31. le D' Edgar Bérillos.

Le malade que je présente à la Société est un cultivateur, âgé de 31 ans, qui depuis quelques années est sujet à des crises dans lesquelles il se livre sur lui-même à des mutilations très graves. Voici les conditions dans lesquelles il se livre à ces actes impulsifs assez fréquemment;

Le matin, quelques miuutes après son réveil, il se met à pousser des cris d'effroi et on le voit commettre d'une façon inconsciente des tentatives de suicide qui n'aboutissent qu'à des mutilations. Dans une de ces circonstances, il s'est frappé le crâne avec une hache et a saigné abondamment ; une autre fois, il a essayé avec ses doigts de s'arracher l'œil droit de l'orbite et, comme il n'y parvenait pas, il eut recours à son couteau, la cornée porte les traces de ces blessures et il a complètement perdu la vue de cet œil. Il s'est arraché coup sur coup sept dents avec des tenailles. Dans le cours d'une crise, un beau jour, il saisie ses organes génitaux dans les mains et les tira fortement, comme pour les arracher ; parfois anssi, il fait pénétrer sa main dans l'arrière-gorge qu'il laboure jusqu'au sang ; une fois il avança la langue entre les dents, puis frappa un violent coup de poing de bas en haut sur la mâchoire inférieure, la langue fut profondément coupée par les dents et la blessure fut la siège d'une hemorrhagic abondante. Quand il réalise ces actes, il n'éprouve aucune souffrance ; il éprouve même une sorte de satisfaction de les avoir accomplis. Ces crises ne sont jamais accompagnées de pertes de connaissance, ni d'écume a la bouche, ni de miction involontaire. Elles reproduisent un rêve survenu pendant la nuit, ruve dans lequel il croit exécuter ces actes.

Ce malade a été soumis au traitement hypnotique. Dès le lendemain de la première séance, il a encore eu des idées d'auto-mutilation, mais ses mains se sont paralysées et lui ont refusé tout service, ainsi que je l'avais expressément suggéré. Actuellement ce malheureux qui, dans son pays, en province, est devenu un objet de scandale et d'horreur pour ses concitoyens peut être considéré comme guéri. Les crises se sont atténuées progressivement et il ne s'est plus livré aux. mômes actes d'auto-mutilatiou. Son état mental s'est modifié dans le sens le plus favorable. TI est devenu sociable, a repris ses relations avec ses voisins qui l'évitaient et il a retrouvé sa gaieté et son aptitude au travail. C'est par l'inhibition des rôves, réalisée par la suggestion hypnotique, ainsi qu'à des exercices mécaniques, ayant pour but de créer le pouvoir d'arrêt dans les centres moteurs des membres supérieurs qu'il faut attribuer la guérison de ces impulsions./page>

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REVUE CRITIQUE DE PSYCHOLOGIE ET DE NEUROLOGIE

par M. Je D' Paul Farez.

Relations entre les troubles des jiéflexes pupillaires et la syphilis, par M. le Dr Albert Charpentier, Steinheil, 1899, 67 pages.

Cette thèse fort intéressante et fort consciencieuse, a été inspirée par le Dr Babinski dont elle reflète l'enseignement clinique. L'appréciation des symptômes subjectifs est fort difficile; elle peut être entachée d'erreur par l'exagération coutumicre des ina!adcs: par l'autosuggestion dont ceux-ci peuvent être victimes, par la suggestion qu'exerce le médecin interrogateur. La critique et le classement des symptômes objec-ifs a fait progresser les sciences médicales: c'est ainsi que tout récemment, en dérivant le « signe des orteils » le Dr Babinski a pu établir le diagnostic précis et sûr de l'hémiplégie hystérique et de l'hémiplégie organique. Parmi ces symptômes objectifs, les phénomènes oculo-pu-pillaires occupent une importance de premier ordre.

On sait que, pour le Professeur Fournier, le tabes et la paralysie générale ont une origine syphilitique; le Professeur Erb confirme cette opinion. Néanmoins des neurologîstes refusent d'admettre que la syphilis eoit nécessairement la cause de ces deux affections. Or M. Babinski s'est posé ce problème: Est-ce que le symptôme le plus important et le plus fréquent du tabes, à savoir le signe d'Argyll-Robertson ne se rencontrerait pas chez des syphilitiques qui ne présentent point la symptoma-tologie complexe des tabes ou de la paralysie générale? C'est la solution de ce problème quo M. Albert Charpentier s'est attaché à mettre en lumière en s'appuyant sur des faits cliniques, thérapeutiques et statistiques. Voici les conclusions auxquelles il est arrivé : Peut-être conviendrait-il de placer dans l'hérédo-syphilis, à côté de la triade d'il utchinson, une modification permanente, unilatérale ou bilatérale dans les réflexes pupillaires à la lumière et notamment le signe de Robertson; ces troubles pupillaires réflexes existent aussi dans la syphilis acquise et ils Sont d'autant plus accusés que la syphilis est plus ancienne. Mais ces témoins d'une syphilis active survivraient-ils à un traitement sérieux et prolongé? En tous cas, le Dr Charpentier émet cette hypothèse de synthèse étiologique que l'observaiion ultérieure se chargera de confirmer, d'infirmer ou de modifier; a La syphilis devient la raison nécessaire d'un certain nombre d'états morbides qui, dans leur épanouissement deviennent le tabes et la paralysie générale. » Ce qui, au moins, en ressort, pour le moment, c'est l'importance du traitcnient précoce et prolongé de la syphilis au point de vue de l'individu et de la race.

Nêvrosb traukatique simulant l'épilepsie jacksoniennb , par le Dr J. Crocq, Journal de Neurologie de Bruxelles, 1899, IV, p. 70. Un homme, âgé de 44 ans, présente des mouvements coniques et toniques dans toute l'étendue du membre supérieur gauche avec conirac-/page>

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turcs musculaires. Le tableau clinique reproduit celui de l'épilepsie jacksonienne; en outre, la percussion du crâne est quelque peu douloureuse dans une région correspondant approximativement à la partie moyenne des circonvolutions centrales du côté droit. Mais le membre malade, bien qu'ayant conservé la sensibilité tactile, musculaire et thermique, a complètement perdu la sensibilité à la douleur.

Or, cet homme est machiniste au chemin de fer; huit mois auparavant, lors d'une rencontre de trains près de Namur, il a été vivement projeté contre la paroi de la locomotive qu'il conduisait. Il n'a reçu aucune blessure, mais il a éprouvé une violente commotion physique et morale. Le soir, il est allé à l'estaminet et, quoique ne buvant presque jamais d'alcool, il a vidé l'un après l'autre cinq verres à vin de genièvre. Quelques jours après, il a fait avec sa main gauche quelques mouvements auxquels il n'était pas habitué ; à la même époque, il a senti des fourmillements dans la main gauche. Néanmoins, il a joui d'une santé excellente pendant huit mois. Notons que, la nuit, il rêve souvent de l'accident rapporté ci-dessus.

Cela étant connu, le diagnostic de névrose traumatique semble très probable, d'autant plus qu'il explique l'analgésie totale du membre supérieur gauche.

Il convient donc d'apporter une extrême réserve dans le diagnostic d'épilepsie jacksonienne, « car, en somme, si ce diagnostic avait été maintenu, il aurait fallu proposer inévitablement une intervention chirurgicale grave. La trépanation n'aurait mis au jour aucune lésion ni des méninges, ni de I'écorce. Faite d'après toutes les règles de l'antisepsie, elle aurait plus que probablement amené une guérison et le cas actuel serait venu augmenter d'une unité le nombre des cas d'épilepsie de ce genre guéris par trépanation. On se demande même, en présence du fait rapporté plus haut, si les guérisons obtenus par les chirurgiens, par la simple trépanation, s'appliquent à des cas d'épilepsie corticale ou si ce n'était pas là des névroses traumatiques ou des epilepsies hystériques méconnues qic-nt à leur véritable nature. *

L'électbisation suggestive. Société belge de Neurologie, 29 avril 1899, Joum. de Neur., 20mai 1899, p. 210.

A propos de vomissements hystériques guéris, grâce à l'électricité, l'un par M. Decroly, l'autre par M. Claus, M. J. Crocq rappelle ce qu'il a déjà maintes fois exprimé :

? Là où. dit-il, la suggestion directe échoue, on voit bien souvent réussir la suggestion indirecte, celle que l'on fait en appliquant au malade une méthode thérapeutique nouvelle que l'on pratique soigneusement. Le malade sent parfaitement toute l'importance que l'expérimentateur attribue au traitement qu'il essaie et dontil suit scrupuleusement toutes les indications. J'ai très souvent observé ce fait; il m'est arrivé à différentes reprises de guérir par des pseudo-électrisations des manifestations névrosiques rebelles à tous les traitements. Aussi suis-je de-/page>

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venu scoptique dans ce cas et, chaque fois que je vois un symptôme névrosique céder d'une manière inattendue à un traitement électrique ou à toute autre méthode par l'impression qu'elle peut faire naître chez le malade, je me demande si la guérison n'est pas tout simplement due à la suggestion. Et plus je cherche à résoudre cette question, plus je me vois forcé d'incliner en iaveur de cette hypothèse. »

Le professeur Van Gehucten est tout à fait de cet avis. D'après lui séance du 24 décembre 1898, Journal de Neurologie, 20 février 1899, p. 72), l'électricité, quelle que soit la forme sous laquelle on l'applique, agit surtout par suggestion dans les cas de vomissements hystériques. Il a d'ailleurs tout récemment supprimé d'un seul coup les vomissements chez une femme en badigeonnant la région épigastrique avec du collodion coloré par du bleu de méthylène. Niera-t-on, cette fois, l'effet de la suggestion?

Pour écarter l'action suggestive, M. Lentz propose très judicieusement d'essayer de traiter le malade sans faire passer le courant. M. S wolfs recommande même avec raison de faire croire que le courant passe réellement et pour cela de recouvrir les électrodes d'un morceau de sinapisme Kigollot.

Quelle que soit la solution de cette question théorique, il reste acquis que, au point de vue pratique, la méthode dont le I)[ Apostoli est le propagateur a déjà à son actif de très nombreux succès et nous ne pouvons que nous en réjouir, en tant que thérapeutes.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société d'hypnologie et de psychologie

Les séa .^es de la Société d'hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième lundi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Snlpctriore.

La prochaine séance de la Société aura lieu le Mardi 20 mars 1900, à 4 heures et demie.

Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 14, rue Taitbout, et les cotisations à Mi Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.

Règlement du deuxième Congrès International de l'Hypnotisme de 1900

Aïit. I*r.

Le Congrès se réunira a Paris du 12 au 16 août 1900. — La séance d'ouverture est fixée au dimanche 12 août, à trois heures. —Les séances auront lieu au Palais des Congres./page>

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Seront membres du Congrès : 1° Les membres de la Société d'Hypno-iogic et de Psychologie;

2° Tous les adhérents qui auront fait parvenir leur adhésion avant le 1"août 1900

Art. II.

Les adhérents au Congres auront seuls le droit de prendre part aux discussions.

Art. III.

Le droit d'admission est fixé à 20 francs.

Abt. IV.

Le Congrès se composera :

1. D'une séance d'ouverture :

2. De séances consacrées à la discussion des rapports et aux communications ;

3. De conférences générales :

4. De visites dans les hôpitaux et hospices ;

5. D'excursions, de réceptions et de fêtes organisées par le Bureau.

Art. V.

Les communications seront divisées en quatre groupes :

1. Applications cliniques et thérapeutiques d'hypnotisme et de la suggestion ;

2. Applications pédagogiques et sociologiques ;

3. Applications psycho-physiologiques ;

4. Applications médico-légales.

Art. VI.

Les communications et les comptes rendus des discussions seront réunis dans une publication adressée à tous les adhérents.

Art. VIL

Les adhérents sont invités à adresser le plus tôt possible le titre de leurs communications à M. le Secrétaire général.

Les manuscrits des communications devront être déposés sur le Bureau avant la fin de la séance. — Les orateurs qui auront pris la parole dans la discussion devront remettre leur argumentation au cours môme de la séance.

Art. VIII.

Toutes les communications relatives au congrès, demandes d'admission, ouvrages manuscrits et imprimés, etc. , doivent ôtre adressées à M. le D' Bérillon, Secrétaire général, 14, rue Taitbout, à Paris (Téléphone 22k-0ij./page>

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QUESTIONS MISES A L'ORDRE DU JOUR (ij

I

Rédaction d'un vocabulaire concernant la terminologie de l'hypnotisme et des phénomènes qui s'y rapportent. Rapporteurs : M. le Dr Bérillon, M. le Dr Paul Farez.

II

Les rapports de l'hypnotisme avec l'hystérie.

Rapporteurs: M. le D' Paul Magnin, M. le D' J. Crocq (de Bruxelles).

Ill

Les applications de l'hypnotisme à la thérapeutique générale. Rapporteur: M. le Dr Milne Bramwell (de Londres).

IV

Les indications de l'hypnotisme et de la suggestion dans le traitement des maladies mentales et de l'alcoolisme.

Rapporteurs : M. le Dr Tokarsky (de Moscou), et M. le D' Llovo Tdckev de (Londres).

V

Les applications de l'hypnotisme à la pédagogie générale et à l'orthopédie mentale. Rapporteur : M. le Dr Bérillon.

VI

Valeur de l'hypnotisme comme moyen d'investigation psychologique.

Rapporteurs : M. le Dr Voot (de Berlin), M. le D' Paul Farez, M. le D' Félix Regnault.

VII

L'hypnotisme devant la loi du 30 novembre 189.'. sur l'exercice de la médecine. — Intervention des pouvoirs publics dans la réglementation de l'hypnotisme.

Rapporteurs ; M. !c Dr Henry Leiiesle, M. Ch. Julliot, docteur en droit.

(I) Deux mois avant la réunion du Contre*. MM. les Rapporteurs devrontadres-sor û M. le Secretaire général le résumé et. les conclusion* de leurs rapports. Ces conclusions seront adressées a tous les adhérents, «nu de permettre la discussion approfondie des sujets mis à l'ordre du jour./page>

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L'écriture en miroir

L'écriture en miroir, ou écriture spéculnire, est une écriture inverse, qui ne peut se lire qu'au moyen d'un miroir ou par transparence. Dans le cas présenté par M. le D* Marinesco à l'Académie des sciences, il s'agissait d'un jeune homme de 25 ans, à hérédité nerveuse chargée : père ivrogne, mère hystérique avec troubles mentaux; ses frères et sœurs sont nerveux.

Dans son enfance, le malade a eu obsessions et phobies ; il avait également tendance â se servir de la main gauche ; parfois, tl s'amusait à lire à l'envers.

L'aspect de ce malade est spécial ; il s'agite et gesticule sans cesse ; il est Impressionnableetémotif. Ses mains tremblent, c'est alors que,pour étudierle tremblement de l'écriture, on le fit écrire. Spontanément il écrit de droite à gauche en écriture de miroir ; il écrit également de la même façon le roumain, le français et l'allemand. Cette écriture est la mémo, que lo sujet écrive spontanément ou qu'il copie. L'écriture des chiffres se fait de la même façon. Bien plus, si on lui demande do tracer des mots sur le sable avec la pointe du pied, il écrit de la même manière en écriture de miroir.

Le malade étant Israélite et sachant écrire l'hébreu, on Ta prié d'écrire quelques mots de la main gaucho et de droite à gauche, c'est-à-dire dans le sens de cette langue. Or, on a constaté que cette écriture n'était pas intervertie mais si, au contraire, le malade écrivait de la même main gauche, mais do gauche à droito l'écriture était en miroir, il n'y a quo pour la copie d'un dessin que l'image n'est pas intervertie.

A la question pourquoi il écrivait de la main gauche et en miroir il a répondu que c'est par suite d'une impulsion irrésistible et que c'est seulement ainsi qu'il voit l'image des lettres.

M. Marinesco rappelle qu'il a retrouvé l'écriture en miroir chez des sujets atteints d'hémiplégie droite avec ou sans aphasie, dans deux cas de crampe des écrivains ou encore simplement chez des sujets normaux qu'on fait écrire de la main gauche.

Mais jusqu'à présent on n'a rencontré personne écrivant d'une manière irrésistible en miroir comme ce malade, aussi peut-on admettre que chez lui cette écriture est la conséquence d'une perturbât Ion de la vision mentale associée â une déviation constante dans la direction des mouvements nécessaires à l'écriture./page>

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La suggestion et l'hypnotisme dans leurs rapports avec la jurisprudence.

Rapporteurs : M. le D' Von Sciirenk-Not7.in& fde Munich) ; M. le Dr Paul Joire (de Lille).

IX

Responsabilités spéciales résultant de la pratique de l'hypnotisme expérimental. Rapporteur : M. le professeur BoinAC.

La mémoire dans les différentes races.

Les psychologues américains continuent à se poser et à poser au public des questions étrauges. Ce qu'il y a de plus curieux c'est que, si étranges que soient les questions, elles obtiennent cependant des réponses.

Ainsi M. Colegrave s'est posé ies graves problèmes suivants : « D'un blanc, d'un noir ou d'un Indien, d'un homme ou d'une femme, qui a la mémoire la plus longue ? Se rappellc-t-on mieux les événements gais ou les événements tristes? Quelles sont les matières scolaires dont on souvient le plus aisément et le plus longtemps? »

M. Colegrave a adressé ce questionnaire, agrémenté d'une douzaine d'autres points d'interrogations analogues, à une foule de pcrsonnos de tout âge, de tout sexe et de toute couleur; 4.65tJ ont répondu.

De ces réponses il résulte que l'homme blanc ou rouge garde mieux lo souvenir des jours heureux que des jours de malheur. Mais le nègre fait exception à cette règle. Ses douleurs s'inscrivent en traits ineffaçables ; ses joies s'évaporent comme la mousse du champagne.

M. Colegrave a trouvé chez des blancs, des nègres, et des Indiens, des individus ayaut gardé la mémoire d'événements remontant à la première année de leur existence.

Mais c'estde leur dix-huitième année que les personnes consultées ont, en grande majorité, conservé le meilleur souvenir.

Quant aux matières d'enseignement, c'est l'histoire qui laisse les souvenirs les plus profonds dans l'esprit des anciens écoliers. Puis viennent la géométrie, le français, l'allemand.

Le martelage de la rate.

M. Gaston Vuillier publie dans le Tour du monde le réoit d'une excursion chez les metjes, c'est-à-dire les magiciens et les sorciers de la Corrèze. Ceux-ci avaient encore il y a quelques années une grande réputation pour traiter les fièvres intermittentes. L'un deux, Chazal, un metze célèbre, avait la spécialité de guérir de la rate, comme on dit là-bas, en parlant de l'hypertrophie de cet organe occasionnée par la fièvre, l'hypertrophie du foie et mémo le carreau des enfants.

Laissons M. Vuillier nous raconter ce qu'il a vu : « Le spectacle qui s'offre à mes yeux est étrange. Chazal, en manches de chemise, un lourd marteau de fer à la main, se tient debout devant l'enclume. Il parait transfiguré, ses yeux brillent ; une rougeur inusitée colore son visage et ses mèches blanches flottent, lumineuses, autour de sa tète. Près de lui des femmes couvertes de grandes capes sombres, déshabillent un jeune garçon, maigre presque exsangue, qui roule des yeux d'effroi.

Un vieillard, les bras nus, agite frénétiquement le grand soufflet qui va et vient avec rapidité, faisant un grand bruit rythmé. La forge entière est éclairée des reflets sanglants du brasier, tandis quo dans l'ombre se meuvent confusément des silhouettes.

Cbazal est toujours debout, immobile, grave, la main sur le marteau, ceint de rouge, Illuminé par la fiamme.

L'enfant est nu, très pâle. Chazal murmure quelques mots d'une voix brève ; aussitôt l'enfant est étendu sur l'enclume et, tandis que sa mère le/page>

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saisit par le bras, une autre femme retient ses jambes et le forgeron de sa main gauche soutient sa nuque.

Un effroyable rugissement tout a coup fait trembler tes vitres, en même temps le bras de Chazal se lève et s'abaisse ; le marteau frappo l'enclume avec violence. Le corps de l'enfant est tout secoué par des frissons. Sur eon visage défait ses yeux terrifiés s'ouvrent et de grosses larmes coulent le loi g des joues de la mère. Un autre cri sauvage retentit de nouveau, le marteau tombe sur l'enclume, dont les vibrations métalliques font tressaillir un instant la forge.

Le vieillard, environné d'étincelles, active toujours lo brasier qu'il attise avec la pointe incandescente d'un fer. On eût dit qu'un grand vent de tempête passait et repassait sur nos tètes; c'était le bruit Infernal du soufQet. Chazal pousse un troisième rugissement plus effroyable encore.

Cette fols le marteau retombant s'arrête net au dessus du ventre du malade, puis doucement il vient frôler l'épidermc.

Aussitôt le soufflet infernal se tait, le brasier recouvert de mâchefer s'éteint.

L'enfant épouvanté, est habillé a la hâte et emporté par les femmes. Le vieillard a disparu. Chazal remet sa veste et s'en va. Stupéfait, je reste cloué sur place.

J'ai de la peine à me ressaisir.

La scène inouïe, fantastique, â laquelle je viens d'assister m'a troublé au plus profond de mon être. ·

NOUVELLES

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique

Institut psycho-physiologique, k9, rue Saint-André-des-Arts.

L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques dcl'hypno-n'éprouve aucune souffrance ; il éprouve même une sorte de satisfaction de les avoir accomplis. Ces crises ne sont jamais accompagnées de pertes de connaissance, ni d'écume à la bouche, ni de miction involontaire. Elles reproduisent un rôve survenu pendant la nuit, rêve dans lequel il croit exécuter ces actes.

Ce malade a été soumis au traitement hypnotique. Dès le lendemain de la première séance, il a encore eu des idées d'auto-mutilation, mais ses mains se sont paralysées et lui ont refusé tout service, ainsi que je l'avais expressément suggéré. Actuellement ce malheureux qui, dans son pays, en province, est devenu un objet de scandale et d'horreur pour ses concitoyens peut être considéré comme guéri. Les crises se sont atténuées progressivement et il no s'est plus livré aux mêmes actes d'auto-mutilation. Son état mental s'est modifié dans le sens le plus favorable. Il est devenu sociable; a repris ses relations avec ses voisins qui l'évitaient et il a retrouvé sa gaieté et son aptitude au travail. C'est par l'inhibition des rêves, réalisée par la suggestion hypnotique, ainsi qu'à dch exercices mécaniques, ayant pour but de créer le pouvoir d'arrêt dans les centres moteurs des membres supérieurs qu'il faut attribuer la guérison de ces impulsions./page>

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tisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.

L'organisation de l'Institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.

Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique et pédagogique), est annexée à l'Institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. a midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.

Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d'aliénés, y complète son cours à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine (semestre d'été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l'hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les D" Henry Lemesle, Vlavianos, Lapinski, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les D" Paul Farez, A. Guimbeau, Bianchi, Branly et par M. Charles Verdin.

Depuis 1892, pendant le semestre d'hiver de chaque année, des cours et des conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, par MM. les Dra Dumontpallier, Bérillon, Max Nordau, E. Caustier, Henry Lemesle, Paul Farez, Collineau, Saint-Hilaire, Oscar Jennings, Armand Paulier, Tison, Bianchi, Légué, et par MM. Lionel Dauriac, Jules Bois, Lépinay Laisant, Albert Coutaud, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.

M. le Dr Paul Joire, correspondant de l'Institut psycho-physiologique, fait, chaque année ù Lille, un cours annexe d'hypnologie.

Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l'acquisition des appareils les plus nouveaux.

Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l'histoire de l'hypnotisme et de la psychologie, La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.

Chaque année, un certain nombre d'étudiants trouvent d'importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l'Institut psycho-physiologique.

Cours pratique de psychothérapie et d'hypnologie

M. le Dr Bérillon a commencé un cours pratique de psychothérapie et d'hypnologie, à l'Institut psycho-psychologique. 49, rue Saint-André-des-Arts, le jeudi 25 janvier, à 10 heures et demie. Il le continuera tous lesjeudis, à la même heure. Plusieurs conférences seront consacrées à l'étude pratique des applications de la suggestion hypnotique à fa pédagogie et a l'éducation des enfants vicieux ou dégénérés./page>

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COURS & CONFÉRENCES DE 1900 o. l'Institut psycho - physiologique

49, Saint-André-des-Arts, 49·

LES JEUDIS, ? 8 HEURES ET DEMIE DU SOIR CONFÉRENCES (suite)

Jeudi 28 Mars, à huit heures et demie, M. Jules Dois fera une conférence sur: La psychologie dans le roman et dans la littérature contemporaine.

Jeudi 15 Mars, à huit heures et demie, M. le Dr Henry Lemesle, licencié en droit, fera une conférence sur : L'idée de responsabilité au moyen âge : les procès de sorcellerie et les procédures intentées contre les animaux.

La plupart des Conférences seront accompagnées de présentations de malades, de démonstrations cliniques de psychothérapie, de démonstrations expérimentales et de présentations d'appareils.

Institut de France. — Notre eminent collaborateur M. Liégeois, professeur à l'Université de Nancy vient d'Être élu Membre correspondant de l'Académie des Sciences morales et politiques.

Distinctions honorifiques. — Nous apprenons avec plaisir la nomination au grade d'Officier d'Académie de nos collaborateurs les docteurs Paul Magnin, auteur de travaux bien connus sur l'hypnotisme expérimental, le docteur Henry Lemesle, ainsi que de MM. les DM Anselmier, Audlhert, Coizeau, Diamantberger, Euvrard, Levassort, Sauvez, Soulier (de Paris), Damalix (de Charenton), Davezac (de Bordeaux), Moutin (de lîoulogne-sur-Seine), Serpaggi (de Pierrefitte), Simeray (de Melun).

Ouvrages reçus

Dr Fernand Lagrange. — Les Mouvements mécaniques et la « Méca-nothérapie -, 470 p., prix: 10 fr, Félix Alcan. Paris, 1899.

Professeur Grasset. — La Distribution segmentaire des symptômes en séméiologie médullaire, 77 p., Delordlîoehm et Martial, Montpellier, 1899.

Dr Maurice Dccosté. — De l'épilepsie consciente et mnésique, 92 p., G. Gounouilhou, Bordeaux, 1899.

W. Tesicheff. — L'Activité de l'homme, 261 p., Cornély, Paris, 1898.

Albert Coutaud. — La Pédagogie de Rabelais, 275 p., prix: 4 fr. Librairie de la France scolaire, Paris, 1898.

VAdministrateur-Gérant : Ed. BERILLON/page>

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Les lois psychologiques de l'hiérogénle (')

Par le Dr Charles Binet-Sanglê.

II. — Adjuvants de second plan.

1. Le jeûne et la veille. — Beaucoup de religions ont recommandé le jeûne. Je rappellerai les jeunes des fakirs, les nestées des païens et le ramadan des mahométans. On sait que, dans la religion catholique, le jeûne est obligatoire, aux Quatre-Temps, pendant le Carême, ainsi que le vendredi toute l'année.

Mais les dévots jeûnent beaucoup plus souvent. Les religieuses de Port-Royal s'abstenaient de viande. Les solitaires ne faisaient qu'un repas par jour. Dès 30 ans, Biaise Pascal s'était fixé une ration qu'il ne dépassait jamais.

François Bouilli jeûnait souvent huit jours au pain et à l'eau, et, lorsqu'il allait à Paris, no prenait qu'une once à peine de pain, le soir.

Claude de Sainte-Marthe et Jean Ilamon ne se nourrissaient que de pain et d'eau. Le second faisait jusqu'à douze lieues à jeun.

Les jeûnes de Charles-Henri Arnauld de Luzanci étaient si austères et si fréquents, que souvent ses forces y succombèrent.

Jeanne Arnauld et Jacqueline Pascal jeûnaient aussi à l'ex* ces. Suzanne Robert ne prenait « delà nourriture qu'avec une extrême répugnance » (s).

Le jeûne parait faciliter la suggestion religieuse, d'une part en affaiblissant la volonté et l'intelligence d'autre part, en exaltant l'émolivité et la sentimentalité.

(1) Voir les numéros precedents. 12) Nécrotoge de P. R./page>

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14« ANNEE. — ?· IU.

Avril 1900.

Il en est de même de la veille, qui est imposée par les règles monastiques.

Les professes de Port-Royal chantaient matines à deux heures du matin et laudes à l'aurore. Les novices se levaient à quatre heures et à quatre heures et demie, les solitaires à trois heures, les élèves des Petites Ecoles à cinq et à six heures.

Enfinles veilles de Charles du Chemin,de Jacqueline Pascal et de Suzanne Robert étonnèrent les compagnons de l'un et les compagnes des autres.

2. La maladie. — Beaucoup de mes dévots étaient, on l'a vu, leur- psychopathie spéciale mise à part, des maladifs ou des malades.

Or la maladiveté et la maladie sont de puissants adj uvants de la suggestion religieuse. Biaise Pascal écrivit une prière pour demander à Dieu « le bon usage des maladies. »

Jacqueline Pascal priait aussi pour que sa sœur Gilberte, dangereusement malade, fit « un bon usage de sa maladie » (').

D'autre part la dévotion de Biaise Pascal suivit les modifications de sa neurasthénie.

Celle de Jacqueline Pascal augmenta sensiblement après une variole qui lui laissa des cicatrices de la face.

Etienne Pascal fut suggestionné au cours du séjour au lit qui suivit un accident.

Enfin, une variole et une chute de cheval sur la tête paraissent avoir sensiblement contribué à la conversion de Charles-Henri Arnauld de Luzanci.

Ces exemples nous permettent dé concevoir les divers modes d'action de la maladie.

Elle agit : 1° En déterminant des troubles psychiques;

2o En donnant lieu à des infirmités qui attristent ou modifient le genre de vie ;

3° En isolant.

Dans tous les cas, son action est indirecte. C'est un adjuvant de second plan.

3. La tristesse. — Il en est de même de la tristesse. Si elle aide à la suggestion religieuse, c'est en affaiblissant la volonté et l'intelligence et en exaltant la craintivité.

Souvent aussi elle n'est dans la psychopathie dévote, dont l'hyper-suggestibilité est un des symptômes, qu'un symptôme

(1) Lettre le juillet 1C53./page>

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concomitant et qui ne modifie pas sensiblement le premier. C'est ainsi du moins que je considère la tristesse chronique, relevée chez six de mes dévots.

4. L'humilité. — J'en dirai autant de l'humilité, qui fut excessive chez seize de ces malades. L'humilité n'est souvent qu'un symptôme de faiblesse intellectuelle ou de faiblesse volontaire. Trop souvent le dévot, qui a honte de soi, s'apprécie à sa valeur. Elle est un signe plutôt qu'une cause de sug-gestibilité.

iii. — Adjuvants accessoires. i. —¦ Sensations visuelles.

De même qu'une belle maison induit les âmes simples au respect du propriétaire, de même un beau temple impose de la vénération pour le dieu. Aussi les pagodes hindoues, les miaos chinois.les mias japonais,les ziggourats babyloniennes, les synagogues juives, les temples égyptiens, les temples grecs, les mosquées et les cathédrales ont-ils rivalisé de magnificence. Notre-Dame de Paris est peut-être le chef-d'œuvre de l'architecture de tous les pays et de tous les temps.

On sait quel luxe on apporte dans l'ameublement des églises, autels, credences, pupitres, lutrins, chaires stalles, agenouil-loirs, confessionnaux, orgues, piscines et bénitiers sont le plus souvent artistiquement travaillés. Les statues, les bas-r liefs, les tableaux et les verrières sont, parfois signés du nom d'un maître. Les candélabres, les lustres, les veilleuses, les châsses, les reliquaires, les chrismals, les calices, les ostensoirs, les crucifix, les encensoirs, les aspersoirs, les patènes et les plats d'offrandes ont passé par les mains du ciseleur. Les dais, les chapes, les chasubles, les dalmatiques, les camails, les aubes, les étoles, les amicts, les manipules, les pales, les tavaïolles, les corporals, les légiles et les manuterges brochés, brodés, incrustés ou ornés de dentelles, forment un magasin de costumes et d'accessoires véritablement incomparable.

C'est que la suggestion artistique est un adjuvant très efficace de la suggestion religieuse. Comme M. Souriau (') l'a bien vu, l'admiration met un frein â la réflexion. Soyez élo-qûôr.f, et vous ferez croire à des auditeurs de moyenne intellignce les choses les plus extraordinaires. Soyez fastueux,

(1) Souriau : La Suggestion dans fArt/page>

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etiln'estpas de crime qu'on ne vous pardonne. Auxyeuxdu vulgaire, !e vol et l'assassinat ne commencent qu'en deçà d'une certaine classe. Le vol des riches s'appelle spéculation. Les assassinats des conquérants s'intitulent victoires. Si vous volez cent sous à un banquier, vous passerez en correctionnelle; mais si vous subtilisez dix millions à des actionnaires ou si vous faites main base sur une province ou sur une nation, vous passerez à la postérité. De la place de la Roquetteà la place Vendôme, il n'y a guère que la distance de la rue de Rivoli.

Ce luxe des églises fait que nombre de gens s'y plaisent comme au théâtre. C'est là que le pauvre vient satisfaire son obscur besoin de beauté. Ce besoin était sans doute demeuré très vif chez Biaise Pascal, après sa seconde conversion ; car Gilberte nous dit qu'à la lin de sa vie « son principal divertissement étoit d'aller visiter les églises où if y avoit des reliques exposées, ou quelque solennité; et il avoit pour cela un almanach spirituel qui l'instruisoit des lieux où il y avoit des dévotions parliculières » (')· C'est que l'auleur des Lettres à un provincial et du Discours sur les passions de l'amour était un artiste.

Si l'on rélléchit qu'à l'église, l'admiration est provoquée par des tableaux, des verrières, des tapisseries, des bas-reliefs, des statues où les mythes sont en quelque sorte matérialisés, on comprendra quelle aide puissante ce sentiment apporte à la foi. La seule vue du tableau de Philippe de Champaigne, représentant le Miracle de l'Epine, suffirait à faire croire à un enfant que ce miracle est de l'histoire. Quant à moi, les vignettes des missels qu'on me mettait dans les mains, étant enfant, se sontsi profondément gravées dans mon esprit, que la légende de Joshua se superpose, malgré moi, à la biographie par Renan de l'illustre suggestionneur, et queje sépare difficilement ces deux versions l'une de l'aulre.

Je crois que l'opposition de la lumière avec l'ombre dans les églises n'est pas sans influence sur les fonctions psychi-qnes. Cette opposition a été recherchée par toutes les religions. Dans les temples égyptiens, la lumière n'arrivait que par des soupiraux à claire-voie ménagés dans la terrasse, et ces soupiraux se faisaient de plus en plus rares, à mesure qu'on approchait du sanctuaire. Il semble que ce soit à la constatation empirique de cette influence qu'est due aussi la

(1) Gilberts Pascal : Vie de Biaise Pascal./page>

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construction des cryples, et l'institution des offices du soir et de la nuit : satuts, nocturnes et ténèbres. Selon moi, dans ces conditions, l'ombre et la lumière agissent, l'une en affaiblissant le travail cérébral, l'autre en déterminant, lorsqu'elle émane de petits foyers isolés, une sorte de subfascination.

La mimique de l'officiant et de ses aides, mimique spéciale lente, arythmique, monotone, est encore, parce qu'elle assoupit, un adjuvant de la suggestion religieuse. Cette influence hypnogène des mouvements rhythmiques et lents est connue. Il suffit de suivre des yeux, pendant quelque temps, l'oscillation d'un balancier d'horloge (ou d'un encensoir) pour s'assurer qu'elle existe. Dans toutes les religions la mimique des prêtres a présenté les mêmes caractères. La religion catholique aconnu le « baller » du grand chantre. Elle a maintenant les aspersions, les bénédictions, les impositions de mains, les saluts, les génuflexions, les prosternements, et enfin l'allure particulière des processions.

Au cours de la rédaction de mon Histoire, mon attention fut attirée par une expression de Jeanne Arnauld. Elle écrit, parlant du site de Port-Royal-des-Champs, qu'on y ressentait « un certain mouvement de dévotion qu'on ne ressent pas ailleurs ». Or ce monastère était situé dans un vallon entouré de collines boisées. Il semble en effet que les sites de cette nature déterminent un état émotif particulier. Cet état voisin de celui qu'on éprouve au milieu d'une forêt, diffère de celui qu'on ressent sur une cime ou dans une plaine. I! paraît tenir à la hauteur et à l'étroitesse de l'horizon, à l'ombre, à la couleur des verdures. Les moines et les ermite sont parfois recherché les sommets, mais ils se sont surtout iixés dans les vallons. Les noms des monastères indiquent même cette préférence. Je citerai le Yal-des-Choux, près de Langres, le Val-des-Ecoliers, près de Chaumont, le Val-de-Grâce, le Val-Vert et enfin le Val-Ombreuse, dont le nom parait contenir toute l'explication du phénomène.

II. — Sensations auditives.

Un autre adjuvant de la suggestion religieuse est la musique. La religion catholique en a tiré un merveilleux parti. Elle eut ses compositeurs, ses professeurs (maîlres de chapelle), ses écoles de chant (manicanteries, psallettes), ses chantres, dont elle fit des dignitaires (archipaiaphonisle, préchantre), son genre spécial (chant ambrosien, plain-chant,/page>

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oratorios). Ce qui paraît caractériser la musique d'église, si l'on fait abstraction des chœurs de castrats, de jeunes filles et d'enfants qui sont exceptionnels, c'est la lenteur, la gravité et la monotonie. Tout concourt à lui donner ce caractère: l'acoustique de la nef, qui est le résonnateur d'une note grave, les instruments (orgues, harmoniums, cloches), les voix enfin, car les chantres sont choisis de préférence parmi les basses. Ce caractère ne se retrouve pas seulement dans la musique religieuse proprement dite, mais dans la lecture, la récitation et dans le sermon, où la musique entre pour une certaine part. Ces lectures, récitations et sermons se font toujours, en effet, d'une voix lente, grave et monotone.

La stichométrie ou division en versets est observée pour beaucoup de proses religieuses ; mais la monotonie est poussée au plus haut point dans les litanies et dans les kyrielles.

L'effet de cette musique ne se fait pas attendre. Quand elle n'endort pas, et cela arrive assez fréquemment aux vieillards dans les églises, elle plonge en une torpeur qui est la négation même de la réflexion. Cette torpeur peut même aller jusqu'à l'hypnose, comme l'a montré de Rochas.

III. — Sensations olfactives.

L'usage des parfums se retrouve dans toutes les religions. Les Egyptiens employaient le kyphi et l'encens. Je crois que beaucoup de parfums sont des modificateurs de la pensée, et que l'encens en particulier détermine de la somnolence. Sur ce sujet, quelques expériences seraient à faire.

Je terminerai ces considérations par ces paroles de l'abbé Fleury (') :

« Il ne faut pascroire que les saints qui ont gouverné l'Eglise pendant les premiers siècles se fussent amusés à de petites choses en réglant avec tant de soin tout son extérieur. Ils avaient compris l'importance de tout ce qui frappe nos sens, comme la beauté des lieux, l'ordre des assemblées, le silence, le chant, la majesté des cérémonies. Tout cela aide même les plus spirituels à s'élever à Dieu, et est absolument nécessaire aux gens grossiers pour leur donner une grande idée de la religion, et leur en faire aimer l'exercice. »

(A suivre.)

(1) Institutions ecclésiastiques./page>

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SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Seance rie Janvier 1000. (Suite)

Fumeurs et fumeuses d'opium.

par le Dr BÉanxox.

Depuis quelques années, les fonctionnaires français de l'Indo-Chine ont apporté en France l'habitude de fumer l'opium. Le nombre de fumeurs d'opium qui se livrent à cet exercice est même devenu à Paris assez considérable. JI n'y a pas seulement des fumeurs d'opium, il y a aussi des fumeuses d'opium. Contrairement à ce qui se passe en Chine ou les opiomanes se réunissent de préférence dans des locaux spécialement aménagés à cet effet (fumeries d'opium), les fumeurs parisiens s'adonnent à leur habitude dans leur appartement. Dans ces conditions, la fumée d'opium ne tarde pas à étendre ses ravages ù d'autres victimes que le lumeur lui-même Ceux qui résident dans l'appartement subissent assez rapidement l'influence de l'intoxication par la fumée. C'est ce qui arriva à une jeune Parisienne qui se prétait avec complaisance à la préparation des pipes que fumait son mari. L'atmosphère opiacée fut suffisante pour constituer l'état de besoin et pour le satisfaire plus complètement elle se mit à fumer également l'opium. Dès lors le besoin d'opium se manifesta sous une double forme. Pour obtenir le sommeil opiomique il était indispensable non seulement de recourir nu fumage direct de la pipe, mais aussi à l'atmosphère de fumée créée par un autre fumeur. Quand une de ces conditions manquait, le sommeil était incomplet.

I/abus de l'opium ne tarda pas à provoquer chez elle de graves accidents d'intoxication compliqués de troubles convulsifs d'hystérie et d'états d'anxiété neurasthénique. Son aboulie était si marquée qu'elle se déclarait incapable de la moindre initiative. Elle était en outre devenue d'une timidité excessive qui lui faisait perdre contenance dès quo quelqu'un lui adressait la parole.

Elle vint demander à la suggestion hypnotique la guérison de ses troubles nerveux. Elle se montre très hypnotisable, néanmoinslc traitement psychothérapique se montra sans efficacité. C'est alors qu'elle se décida à avouer l'habitude de fumer de l'opium. L'emploi delà suggestion hypnotique permit d'opérer la suppression de l'intoxication sans grande difficulté. Elle ne tarda pas à ressentir un véritable dégoût pour la fumée d'opium. Quinze jours après la suppression du fumage les accidents hystériques et neurasthéniques avaient à peu près complètement disparu. C'est à l'emploi de la suggestion hypnotique que la malade doit la guérison de la funeste habitude qui avait déjà gravement altéré sa santé, car diverses tentatives qu'elle avait faite pour se guérir elle-même étaient restées complètement infructueuses./page>

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Il est curieux de noter que le chat de la maison et une bonne qui vivait dans l'appartement présentèrent des signes de l'état de besoin, lorsqu'ils ne furent plus soumis à l'action de la fumée d'opium.

Cette malade nous a révélé l'existence à Paris d'une fumerie d'opium fréquentée, parait-il, par un assez grand nombre d'habitués. Nous ne craignons pas d'appeler l'attention des pouvoirs publics sur le développement de ce nouveau mode d'intoxication. Il nous semble qu'une administration soucieuse de la santé de ses administrés ne doit rester indifférente en présence du nouveau danger social qui lui est signalé-Il n'y a encore â Paris que quelques douzaines de fumeurs ou de fumeuses d'opium, si l'on n'y prend garde, il y en aura bientôt une légion.

Séance du mardi 20 février 1900. — Présidence de M. Jules Voisin

Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.

La correspondance imprimée comprend un périodique : La Cliniea, publiée par notre collègue Sanchez Herrero, professeur à la Faculté de Madrid; une brochure intitulée: Analyse de l'idée de morale, par M. Aars, de Christiania.

La correspondance manuscrite comprend des lettres de M. Binet, directeur du laboratoire de psychologie, à la Sorbonne, remerciant la société des souscriptions pour l'objet d'art à offrir à M. Ribot ; de M. le 1 Paul Joire, de Lille. Le secrétaire général de la société annonce l'élection de M. le professeur Liégeois, de Nancy, comme membre correspondant de l'Académie des sciences morales et politiques.

Idées délirantes de persécution avec hallucinations auditives et visuelles consécutives à un traumatisme psychique, chez une glycosurique. Traitement hypnotique et gruérison des troubles mentaux, malgré la persistance de la glycosurie.

Par M. le D' Paul Parez.

Le samedi 18 novembre 1899, je recevais la visite d'un commerçant de province, M. B..., qui me parla ainsi : « Ma femme présente depuis plusieurs mois des troubles mentaux qui ne font que s'aggraver; nous avons d'abord pris patience, mais maintenant la situation n'est plus tenable et, sur le conseil de notre médecin, j'ai pu amener la pauvre malade à Paris, afin de la faire entrer dans une maison de santé; or j'ai entendu parler de vous, et je viens vous demander si, par le traitement hypnotique, vous ne pourriez pas la guérir ou, tout au moins, nous épargner cet internement. »

Je demande alors d'amples détails sur l'évolution de la maladie et je fais insister tout particulièrement sur les symptômes. Malgré cela, je suis, comme on le pense, très insuffisamment éclairé sur le cas de/page>

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Mme ?... ; jo manifeste donc le désir de la voir avant de me prononcer et de dire si le traitement psychique me parait convenir ou ne pas convenir à son genre d'aliénation.

a — Mais, riposte le mari, ma femme se proclame tout à fait bien portante, et elle refuse de recevoir aucun médecin. Si vous vous présentez comme docteur, vous lui deviendrez par le fait môme antipathique et elle refusera de vous parler, a

Nous convenons alors que le lendemain dimanche, dans l'après-midi, sa femme cl lui se rendront en visite chez une de leurs parentes; je les y aurai précédés et l'on fera croire à la malade que je suis une personne venue, comme elle, en visite; la conversation s'engagera et, tout en causant, je pourrai observer Mme B... sans éveiller sa méfiance ou provoquer son hostilité.

Le lendemain, donc, à l'heure convenue, j'arrive au rendez-vous. J'y trouve quelques parentes ou amies de Mme B..., lesquelles auront, tout à l'heure, l'habileté de ramener à moi l'attention de la malade et me prêteront un concours aussi intelligent qu'efficace. Dès que l'on annonce nos deux visiteurs, je vois entrer, à côté du monsieur de la veille, une dame jeune, ayant le teint cireux, la face maigre, le front plissé et le regard atone. Elle répond aux questions qu'on lui adresse, mais mollement, par poltesse, sans s'intéresser à ce qui se dit. Elle parait éprouver une certaine fatigue intellectuelle à suivre le fil de la conversation. Souvent son attention est absente et comme accaparée par quelque idée fixe; il faut alors, en quelque sorte, tirer Mme B... du monde imaginaire dans lequel elle vit, pour la faire rentrer dans la réalité. Sans doute, elle s observe, dans une certaine mesure, et ne divague ni ne déraisonne ; mais elle ne fait guère d'effort intellectuel, ainsi, par une sorte dVcholalie, elle répète machinalement et sans conviction les paroles qu'on lui adresse, ou qu'elle entend prononcer. Lorsqu'on cesse de lui parler et qu'on l'abandonne à elle-même, elle offre très vite l'apparence d'une personne déprimée, abattue, anéantie, sans forces au physique et au moral. Ce qui domine le tableau, c'est manifestement, d'après ce que je puis en juger, la mélancolie et l'aboulie.

Cette entrevue ne peut, certes, pas tenir lieu d'interrogatoire et surtout d'examen médical Néanmoins, j'ai l'impression que les troubles mentaux dont il s'agit sont seulement dynamiques, c'est-à-dire fonctionnels et n'impliquent pas de lésion -organique. J'exprime donc à M. B... l'avis que, selon toute vraisemblance, sa femme est justiciable de la psychothérapie.

Nous décidons alors que le mardi suivant, dans l'après-midi, c'est-à-dire le 21 novembre, M. et Mme B... viendront « me rendre visite » ; ils seront accompagnés d'une cousine très intelligente et très dévouée, que la nul.·.le aime beaucoup et qui exerce sur elle un très salutaire ascendant.

Une fois que, le mardi, ces trois personnes sont installées dans mon/page>

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cabinet, je m'applique à inspirer confiance à la malade et je l'enveloppe avec toutes sortes de bonnes paroles. Je suis, d'ailleurs, excellemment secondé par la cousine de Mme B..., qui, jadis, a éprouvé elle-même les bons effets du traitement suggestif. Elle explique à sapa-rente « quejenesuis pas un médecin comme un autre..., que je ne prescris pas de médicaments..., que je soigne et guéris la volonté par des moyens purement moraux, etc. etc. ß Ainsi présenté, je triomphe des hésitations de la malade; elle m'avoue que, chez elle, en effet, la volonté est presque anéantie. Alléchée par l'espoir de ne point ingérer de drogues, elle veut bien s'abandonner à moi pour que je lui apprenne à vouloir de nouveau et que je restaure en elle l'énergie qui s'en est allée.

Alors, grâce à la fixation du regard, à l'occlusion des paupières et, en outre, à une impression auditive simple, homogène, uniforme, continue, exclusive, je mets assez aisément Mme ? .. en état d'hypolaxie; puis je lui suggère la croyance en l'efficacité du traitement que j'inaugure, je fais renaître en elle l'espoir, je lui fai voir l'avenir sous des riantes couleurs, je lui prédis une guérison certaine, à la condition, bien entendu, qu'elle se montre tout à fait obéissante et docile... C'en est assez pour une première fois, et je l'éveille. Elle est calme et sereine. Comme j'ai tout à fait conquis sa confiance, elle consent à me raconter par le menu ce qu'elle éprouve et ce qui s'est passé depuis le début de sa maladie.

A l'aide des témoignages qui m'ont déjà été fournis par l'entourage de Mme B..., je puis faire la critique de son récit, ainsi que le rectifier ou le compléter sur plusieurs points. Dans les séances ultérieures, au fur et à mesure que la mémoire et le discernement lui reviendront, elle me donnera de nouveaux détails qui m'éclaireront de plus en plus sur les modalités diverses de son état mental. Pour la commodité de l'exposition, je vais, dès maintenant, présenter un tableau d'ensemble de ce cas et expliquer comment je l'ai compris.

• • *

Mme B... est âgée de 34 ans. Sa mère est morte albuminurique à 67 ans, son père est eczémateux, plusieurs oncles et tantes sont diabétiques ou asthmatiques. Elle a toujours été bien portante. Cependant, même toute jeune elle s'est montrée triste, ombrageuse, renfermée, peu exubérante. Elle ne présente pas de stigmates d'hystérie Elle a fait à 17 ans un mariage d'inclination et a eu quatre enfants dont l'aîné est âgé de quinze ans et le plus jeune de quatre ; son mari est très bon pourelle; elle est très heureuse en ménage et n'a aucun souci pécu-niaiie. Jusqu'à ces derniers mois, elle a été une très diligente mère de famille, s'occupant avec soin des moindres détails de son ménage et surveillant avec intelligence l'instruction de ses enfants.

M. et Mme B..., sont Israélites. Ils habitent une grande ville de province, qui, l'an dernier, tout particulièrement, pour des questions poli-/page>

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tiques et religieuses, a été le théâtre de graves dissentiments et même de quelques désordres sur la voie publique. Mme B... a été très douloureusement affectée parla violence de la campagne antisémite; la vue des petits placards collés sur les murs et portant cette exhortation: « N'achetez rien aux Juifs l ? la désola beaucoup et lui fit craindre pour la prospérité de leur importante maison de commerce; puis elle souffrit au plus haut point des taquineries et des vexations dont ses fils furent plus d'une fois l'objet, au lycée, delà part de leurs condisciples catholiques. En outre, un de ses enfants, atteint d'appendicite, dut être opéré, ce qui ne fut pas sans causer à la pauvre mère les angoisses que l'on devine; ensuite, un de ses parents qu'elle chérissait beaucoup et auquel son mari devait sa situation vint à mourir : elle en éprouva un très grand chagrin. Notons que, vers le même temps, une modification complète dans leur installation lui a causé une très grande fatigue physique.

Or. sur ces entrefaites, au mois de juillet 1899, un dimanche, Mme B... fait avec son mari et des amis, une promenade en automobile sous un soleil torride. Elle rentre le soir avec un violent mal de tète et se couche. Mais la nuit, elle est réveillée en sursaut et entend crier : « A bas lesJuifsl Mort aux Juifs ! » Elle se lève et se précipice à la fenêtre de sa chambre : elle aperçoit alors des gendarmes en train de réprimer une bagarre et de disperser les manifestants. ? cette vue, elle éprouve une frayeur extrême, contre laquelle elle lutte en vain. Le coup est porté... Ce traumatisme psychique survenant chez une prédisposée, soumise depuis quelque temps à un surmenage physique et émotionnel, va être la cause occasionnelle, le point de départ, le signal des désordres mentaux.

Mme B... est, dès lors, en proie à une idée fixe : on la poursuit, on veut lu frapper et la faire mourir! Elle entend des menaces; elle connaît les gens qui lui en veulent; elle les voit; elle les nomme.

Au mois d'août, pour la distraire et la changer de milieu, on décide de la mener passer quelque temps chez une dé ses sœurs qui habite un grand port de mer. A l'aller et au retour, on passe par Paris. Or, à Paris, aussi bien que dans ce port de mer, elle entend les mômes voix et les mômes menaces. Ce sont dit-elle, ses persécuteurs habituels qui ont appris son voyage, l'ont suivie à la gare, ont pris le même train qu'elle et ne cessent de la harceler.

Dans la rue, elle entend aussi des menaces de mort. Chez elle, chea des amis, chez des parents, elle interprète les moindres bruits d'après ses idées de persécution ; ce sont surtout les locataires du dessus et du dessous qu'elle incrimine, dès qu'elle entend remuer un meuble ou une chaise, fermer une porte, etc. : on est en train dit-elle de se préparer à lui faire un mauvais coup!

Elle n'admet pas le moindre doute sur la réalité objective de ses hallucinations. Son entourage a beau lui afflrmerei lui prouver qu'aucun ennemi n'est à sa portée ; elle ne veut rien entendre et, pour un peu»/page>

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elle considérerait les membres de sa famille comme les complice des ceux qui lui en veulent, a S'il le fallait, s'écrie-t-ellc tragiquement, je me couperais la main pour témoigner que je dis la vérité ! »

Afin d'empêcher ses persécuteurs de parvenir jusqu'à elle, il lui arrive de s'enfermer dans sa chambre et d'y rester plusieurs jours... Mais elle ne cesse d'entendre les mômes menaces de mort. De plus, elle craint qu'on ne l'empoisonne et, à cause de cela refuse tout médicament. Elle ne consent à manger que si son mari goûte d'abord ses aliments.

La nuit n'apporte guère de trêve à ces terreurs obsédantes. Les idées délirantes de la veille reviennent sous forme de rêve et provoquent un réveil subit, accompagné de cris de frayeur; puis l'insomnie s'installe pour le restant de la nuit. Rien, en somme, ne vient redresser, ni réfréner ce délire qui s'alimente et s'entretient lui-môme, se développe et se complique petit à petit.

Ainsi, de semaine en semaine, les idées terrifiantes se modifient et évoluent. Tantôt Mme B .. s'écrie : ß Nous allons tous mourir ! » Tantôt des hallucinations visuelles surviennent : en plein jour, toute éveillée, elle assiste à son propre enterrement ; elle voit se dérouler des convois funèbres, des cortèges de personnes décédées, etc. Souvent seule dans sa chambre, elle reste de longs moments figée dans une attitude de torpeur, de prostration, d'hébétude et de dépression douloureuse. Parfois aussi, anxieuse et agitée, elle dépense une activité débordante, mais sans but, ou pour accomplir quelque extravagance, comme, par exemple, pour baigner ses enfants dans l'eau froide en plein hiver.

Son caractère s'est beaucoup modifié ; elle est devenue inquiète, défiante, dune jalousie vraiment morbide; elle craint, par exemple, que ses ennemis ne lui volent l'affection que ses enfants et son mari ressentent pour elle : et, cependant, ses propres sentiments affectifs sont presque annihilés. En outre, elle, autrefois si douce, est devenue colère, violente, brutale; elle n'hésite même pas à recourir aux coups. Elle se montre, de plus, d'une avarice sordide.

Notons encore que les fonctions intellectuelles de Mme B... sont, jusqu'à un certain point, obnubilées ou perverties. Elle se rappelle mal les jours et les dates, ou bien, elle les embrouille : si elle est sortie le matin, elle soutient, une fois rentrée, qu'elle est restée chez elle toute la matinée ; plusieurs fois, de suite, certains jours, elle se met à table pour déjeuner, oubliant tout à fait qu'elle vient d'achever son repas. Il lui est arrivé aussi de s'habiller pour sortir, puis, une fois habillée, de rester inerte, sans trouver assez d'énergie pour entreprendre la promenade que son esprit a conçue ; alors, désespérant de triompher de son aboulie, résignée, elle se déshabille... pour s'habiller à nouveau quelques instants après et recommencer le môme manège jusqu'à dix fois dans la même demi-journée.

Elle émet des jugements étranges, comme, par exemple, celui-ci :/page>

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ß Tout le monde lit dans ma pensée et devine mes" moindres projets ! » Elle énonce ou exécute sans contrôle, sans défense, sans critique, tout ce qui lui vient à l'esprit, car elle a perdu la pleine possession d'elle-même et la libre direction de ses représentations ; son pouvoir de coordination et de synthèse mentale est considérablement affaibli ; son processus intellectuel va à la dérive, suivant l'automatisme de ses associations morbides.

Sans doute, cet état est fort complexe. Par dessus le délire de persécution, consécutif au traumatisme psychique que l'on sait, est venu se superposer un état de plus en plus délirant ; de jour en jour, la désagrégation mentale s'est accentuée. Mme Iï... est, au sens véritable du mot, une aliénée. Néanmoins étant donné le point de départ émotionnel, je persiste à croire que le traitement psychique est capable de restaurer chez elle le fonctionnement normal de l'intelligence. Aussi lui donnè-je rendez-vous pour le lendemain et les jours suivants.

* • ·

Ainsi qu'il convient en pareil cas, j'avais eu soin de demander une analyse complète d'urine. Celle-ci a été faite le 20 novembre. Quand le lendemain, on m'en fait connaître le résultat, je constate que Mme B... est glycosurique : la moyenne des dosages donne 3 gr. 85 de sucre par litre ('}. Vu l'état de la malade, on n'avait pas osé espérer qu'elle consentirait à recueillir l'urine des 24 heures; l'examen a été fait à son insu, sur une petite quantité prélevée dans le vase de nuit. Retenons donc, dès maintenant, que les 3 gr. 85 représentent seulement le taux par litre.

Comment faut-il interpréter cette glycosurie ? Est-elle ancienne ou récente? A-t-elle simplement précédé les troubles mentaux ou les a-t-elle provoqués? Leur est-elle postérieure ou même en est-elle véritablement l'effet ? Y a-t-il, entre cette glycosurie et l'aliénation un rapport de. causalité ou de simple coïncidence? Ou bien, faut-il les considérer comme deux phénomènes parallèles, concomitants, déterminés tous deux par une cause unique ? Je me trouve en face d'un fait patent, mais je manque d'éléments pour résoudre ces problèmes. Tout ce que je puis dire, c'est que l'émission du sucre par les urines n'a pas été soupçonnée; la malade, en effet, n'a présenté ni polyphagic, ni polydipsie, ni polyurie, ni aucun des symptômes du diabète confirmé. Notons, toutefois, qu'elle a manifestement maigri pendant ces derniers mois.

Je deis donc, à côté de mon intervention psychique, me préoccuper

(1) Voici quelques autres indications complémentaires qui résultent de celte analyse : c Quel que soit le procédé employé, même après sursaturation au sulfate de soude, on ne trouve pas trace d'albumine. Densité h 4- 15· : 1020. Le dépôt, très peu abondant, floconneux, recueilli et examiné au microscope, ne présente rien d'anormal: débris organiques, tels que fragment» filiformes, cellules épithé-tîales simples, cependant quelques-unes cornées ; absence complète de leucocytes' et hématies: pas de mucus. Acideurique 0/00 : 0,72. — Urée : 20,78.-— Phosphates: 2,07. — Chlorures totaux : 9.82. »/page>

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de celte glycosurie, et j'institue, d'abord, pour une quinzaine de jours, le régime antidiabétique seul, me réservant de recourir au traitement médicamenteux, si le régime ne suffit pas.

Revenons à l'état mental lui-même.

Avant de reconstruire une maison, on démolit le vieil édifice et l'on déblaye le terrain de tous les mauvais matériaux qui l'encombrent. De même ici, la restauration mentale, la pars mdificans, comme disait Bacon, devra être précédée d'une pars distruens. Empêchons donc Mme B... de ¦ ruminer », d'entretenir son mal, el de s'intoxiquer avec ses idées délirantes; provoquons la sedation de son processus représentatif. Pour cela, suivant une pratique qui m'a déjà donné d'excellents résultats, en laquelle j'ai pleine confiance et que je ne saurais trop recommander, j'ai recours au chloral, au sulfonal el au trional, pris alternativement (car je veux éviter les effets de l'accumulation).

J'ai dit précédemment que Mme B... m'avait accordé sa pleine confiance ; en dépit de son aversion pour toute espèce de drogue, elle veut bien se conformer à mes prescriptions. J'ai soin, d'ailleurs, de lui expliquer que ces médicaments ont pour but de « tonifier le système nerveux et d'accélérer le retour de l'énergie volontaire. »

11 est donc entendu que, chaque soir, Mme B... se mettra au lit de bonne heure et qu'aussitôt couchée, elle prendra, par exemple, un cachet de trional. Le lendemain, à 6 heures du matin, on l'éveillera et on lui fera absorber un cachet de sulfonal. Ainsi, de 9 heures du soir au lendemain à midi, en moyenne, Mme B... reste dans son lit soit profondément endormie, soit simplement assoupie : pendant cette durée d'environ 15 heures, elle a l'esprit en repos et ses idées délirantes sont suspendues; à midi, elle se lève et déjeune en famille, puis s'habille, vient à pied à mon cabinet où je lui fais une longue séance de suggestion; elle retourne ensuite à pied chez sa scour qui tâche de l'intéresser à tout ce qu'elles rencontrent sur le trajet; une fois rentrée, elle écrit soit à sa belle-mère qui garde ses enfants, soit — quelques jours plus tard — à son mari; le moment du dinerarrive;après une courte causerie en famille, une partie de cartes ou de dominos, elle se couche à l'heure convenue, pour retrouver à nouveau ses 15 heures de repos non seulement physique mais surtout intellectuel.

Pendant nos séances de suggestion, j'accentue la dissociation des représentations morbides et la rupture des habitudes mentales pathologiques; je développe chez Mme B... l'esprit critique; je réveille son pouvoir de contrôle et de défense ; je discipline son atention : je l'habitue à déloger résolumentde son esprit toute image terrifiante ou simplement triste ; je lui apprends à faire la chasse à toutes ces idées qui ont constitué la matière de son délire.

Au bout de quelques jours, l'amélioration est considérable. Mme B... dort bien et n'a plus de cauchemars. Au réveil,elle se trouve très/page>

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calme et très bien disposée. Les obsessions de jadis ne reviennent que par instants ; alors, elle s'applique à les « réduire » et y réussit assez souvent. La famille, étonnée et ravie, caresse l'espoir d'une guérison prochaine.

A ce moment, le mari aurait besoin de retourner en province pour ses alTaires. J'autorise son dépari, sachant bien que Mme B... trouvera auprès de sa propre scour à la fois le dévouement et l'asepsie psychique nécessaires. Mais la malade, très contente de l'amélioration déjà obtenue, la trouve suffisante et prétend partir avec son mari. Je m'y oppose, comme de juste, car je n'ai guère encore réalisé que ce que j'appelais tout à l'heure la pars distruens. Nous avons beaucoup de peine à la décider; en cette circonstance encore, la cousine, dont j'ai parlé plus haut, nous apporte un secours appréciable. Enfin, Mme B... consent à rester à Paris sans son mari et à se laisser soigner jusqu'à sa complète guérison.

*

Sur ces entrefaites, je lis dans la Semaine médicale les articles de MM. Léptne et P. Marie sur le ß syndrome lévulosurique » {'}. Il existe, dit M. Marie, un état mélancolique avec prédominance des idées de ruine et tendance au suicide, insomnie rebelle, impuissance permanente, peu ou pas de polydipsie, de polyphagie et de polyurie, densité normale ou presque normale de l'urine, présence dans celle-ci d'une substance réduisant la liqueur de Fehling et déviant à gauche le plan de polarisation. Dans ce cas, ajoutc-t-il, l'amélioration est extrêmement rapide ; elle survient deux ou trois jours après que l'on a supprimé les hydrates de carbone.

Sans doute, la symptomatologie offerte par Mme B... n'est pas absolument identique à celle décrite par M. Marie; elle présente, toutefois, de nombreux points de ressemblance. L'idée de ruine n'est pas, il est vrai, prédominante, mais elle existe. 11 n'y a pas de tendance au suicide, mais cette tendance est remplacée par la crainte constante de la mort et il peut y avoir là, au moins, un phénomène d'équivalence. Mais, ce qui est manifestement commun, c'est la mélancolie, l'impuissance, l'insomnie, l'absence de polyphagie.de polydipsie et de polyurie; en outre, la densité de l'urine est à peu près normale; et puis,l'amélioration est survenue très peu de temps après la suppression des hydrates de carbone.

Mais alors, mon interprétation psychologique était peut-être erronée? Les troubles mentaux dépendaient peut-être simplement de la

(!) R. LÉPiSE : Sur le syndrome lévulosurirme de M. P. Marie et sur les troubles mentaux consécutifs au diabète, .Sri». méd„ 25 oct. 1899, p. 353. — Pierre Marie : ? propos du ß symiroinc lévulosurique. ¦ Sem. med., 22 nuv. 1899, p. 395. — Cf. :iussi : P. Marie et R-ibinson. Sur un syndrom-j clinique et urologique se montrant dan* le liiabète et caractérisé par un état mélancolique. av*c insomnie et impuissance, Bull, et Mem. de la Soc. mcd. des JIùp,, 25 Juin 1897./page>

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glycosurie et, peut-être aussi, se sont-us trouvés atténués par le fait seul que le régime a fait diminuer la quantité de sucre émise dans les urines?

Justement, ce jour-là, 27 novembre, ma malade doit m'apporter un flacon d'urine. Je fais aussitôt un essai avec la liqueur de Fehling et je n'obtiens qu'un léger changement de coloration. Le régime aurait donc si vite et à ce point amendé la glycosurie? Décidément, ce cas ressemblerait donc de plus en plus à ceux de M. Marie?

Reste à savoir, pourtant, si le sucre décelé par l'analyse du 20 novembre déviait à gauche le plan de polarisation. Je me reporte à la feuille d'analyse : le sens de la déviation n'y est pas mentionne. Je demande alors au pharmacien de consulter ses registres et de me renseigner à ce sujet. Il me répond que la déviation était nettement dexlro-gyre... C'est donc à tort que j'ai pu supposer un instant être en présence d'un cas de ? sydrome lévulosurique. »

D'autre part, je reprends mon tube à essai de tout à l'heure et j'y trouve, en même temps que la coloration typique, un abondant précipité. La réduction de la liqueur de Fehling, pour s'être effectuée lentement, est cependant très nette.

Je peux donc tirer les conclusions suivantes :

1· La glycosurie de Mme B... n'était pas lévogyre;

2° Cette glycosurie persiste malgré la suppression des hydrates de carbone; et le régime, n'ayant pas fait disparaître ni même diminuer, à ce qu'il semble, la glycosurie, n'a pu. à lui seul, produire les modifications mentales signalées plus haut.

Cette double constatation me donne plus de confiance encore dans mon traitement psychique. Je renouvelle chaque jour ma séance de suggestion. Assez vite et assez facilement je produis l'hypotaxie avec souvent perte complète de conscience et amnésie partielle au réveil ; je donne tous mes soins à la phase idéo-plastique et je m'applique à réaliser la pars œdificans.

¦

De jour en jour, les progrès s'accentuent. Malgré la diminution des soporifiques médicamenteux, Mme B... jouit la nuit d'un sommeil calme, comme jadis avant sa maladie. Non seulement elle n'est plus la proie de cauchemars terrifiants, mais môme elle a des rêves agréables.

— ß Ce ne sont peut-être pas encore, lui dis-je, ce que l'on appelle des rêves dorés ; disons, si vous le voulez bien, qu'ils sont « argentés. *

— Non, non, reprend-elle, ce sont bien des rôves dorés, tellement les choses qui se déroulent dans mon esprit sont belles et réconfortantes. »

Son aspect physique se modifie : le plissement du front, qui ressemblait à une sorte de tic, diminue puis disparait; la mine s'éveille, le/page>

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regard devient vif et animé, le visage prend une expression do contentement et de sérénité. Puis idle se montre souriante, gaie, expansive, manifote de l'entrain el entrevoit l'avenir avec confiance. Ses sentiments affectifs redeviennent normaux et elle éprouve une joie très vive à revoir certains de ses parents pour lesquels elle n'avait eu, pendant ces derniers mois, que de l'indifférence ou de l'aversion. Toutes les personnes qui l'ont vue avant le traitement la déclarent tout ù fait transformée; « si on ne le savait pas, on ne dirait jamais qu'elle a été malade. * Elle a "recouvré son appétit, aussi souffre-t-elle d'être privée de pain; néanmoins, elle s'en abstient et le remplace, suivant mes conseils, par de la purée de pomme de terre. Elle suit ponctuellement toutes mes prescriptions, comprenant que plus elle sera docile, plus vite elle pourra retourner auprès des tiens. Elle me remercie d'avoir tant insisté auprès d'elle pour la faire rester à Paris après le départ de son mari. Mais elle ne me demandera pas â rentrer chez elle avant que je ne le lui permette, car elle veut que je la guérisse complètement. Son attention s'est considérablement accrue; elle s'intéresse à toutes choses, s'occupe des moindres détails do sa toilette et range méticuleu-sement tous les objets de sa chambre pour éviter tout désordre. Les fonctions intellectuelles n'étant plus accaparées ni étouffées par les idées délirantes, reprennent leur cours logique, les souvenirs reviennent très nets et se localisent exactement dans le temps; parfois encore, do loin en loin, des imaginations morbides et des idées tristes ont une tendance à reparaître, mais Mme B... a recouvré le pouvoir de les déloger et de leur substituer d'autres représentations. C'est comme si elle sortait d'un rêve; elle renaît à la vie normale et se ressaisit pleinement. Par dessus tout, elle se rend compte que les menaces de jadis étaient les illusions d'un esprit malade et des hallucinations sans objet.

Vers le 4 décembre, j'estime que Mme B... est en très bon état. Cependant, je désire la garder encore pendant quelques jours pour consolider la guérison et la rendre durable. Le vendredi 8 décembre, je l'autorise à quitter Paris et à rentrer chez elle; la cure de ce cas si complexe n'a demandé que dix-neuf séances quotidiennes.

On pense bien que je n'ai pus négligé de faire faire une nouvelle analyse d'urine. Voici ce qu'elle donne à la date du 6 décembre : « Déviation dextrogyre; Glycose : 2 gr. 44. — liéduction cuivrique lente, mais rigoureuse ; Glycose : 2 gr. 27. La moyenne est donc par litre : 2 gr. 35 » (>).

(1) La feuille d'analyse porie en outre les renseignements suivants : * Densité à -f 15" : 1020 Îaiblc. Dépôt nul. Acide urique 11/00 : 0-64. - Urée : 27.74- — Phosphates : 2.09. — Quel que soit le procédé employé, on ne précipite aucune Irace d'albumine. Jl a été fait plusieurs essais avant et après sursaturation par le sulfate de soude. Les réaclUs Tunret et Méhu n'ont donné aucun précipité. Ces réac-/page>

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Ainsi, la glycosurie persiste. — Mais, au moins, dira-l-on, la quantité de sucre a diminué, puisque, le 20 novembre, elle était de 3 gr. 85 par litre.

On se rappelle que, le 20 novembre, la quantité d'urine des 24 heures n'a pu être dosée. Or, depuis que je la soigne, Mme B .. prend en plus, comme boisson avec son chloral, son sulfonal ou son trional : 1" le soir au coucher; 2e le matin à 6 heures, une grande tasse d'infu6ion chaude de tilleul. La quantité d'urine émise par jour est donc plus abondante, partant le sucre est plus dilué. Ainsi, à la date du 6 décembre, l'urine des vingt-|uatre heures s'élève à 1.820 centimètres cubes, ce qui fait, pour une durée de vingt-quatre heures (2.35 X 1820) : I00O = 4 g. 27 de sucre. En somme, donc, la quantité totale de sucre est, peut-on dire, restée sensiblement la même.

Ainsi, la glycosurie persiste et cependant les désordres mentaux ont disparu. C'est donc bien par l'hypnotisme qu'a été guéri ce cas d'aliénation mentale.

Avant de prendre contré de Mme B..., que son mari est venu chercher, je prescris un emploi du temps varié, mais minutieux, suivant lequel elle devra allier les soins du ménage, la direction de ses en-fanis, la promrnade au grand air et l'exercice physique; ainsi, son attention sera constamment t-n éveil et elle ne restera pas un seul instant inoccupée. Je maintiens rigoureusement le régime alimentaire précédemment recommandé ; mais, comme il n'a pas sutfi à faire disparaître le fcucre, je passe au traitement médicamenteux et j'institue la première étape de la médication alternante formulée par Albert Robin dans son Traité de Thérapeutique appliquée (fasc. I, p. 136). Je fais promettre qu'on m'enverra une analyse d'urine à la fin de cette première étape, me réservant de passer a la seconde, puis à ta troisième/s'il y a lieu.

Le 11 décembre, on m'écrit : » Nous avons eu un bon retour; les trois journées qui viennent de s'écouler ont été très bonnes. » Comme les règles ne lardent pas à apparaître, l'examen de l'urine se trouve retardé de quelques jours ; it est fait le 22 décembre; voici la note que l'on m'adresse : a L'urine ne contient pas de sucre et ne produit pas de déviation, ni dextrogyre, ni lévogyre au polarimèlrc, » Dès lors, je ne prescris ni la seconde, ni la troisième étape du traitement alter-

tifs sont employés en vue de découvrir dans les urines une élimination quelconque d'antîpyrine : résultat nu). De même l'urine no présente pas d'acide carbonique pouvant provenir d'une décomposition de produits dérivés du chloral et, par conséquent, l'essai au polarimcre peut être fait sans cause d'erreur. » Ces demurs reus-ifc'neaicntft répondent par avance à l'objection suivante tirée des travaux de àltisculus el von Menng : après l'ingestion *·© chloral, on trouve p&rfo'b dans l'urine do l'acide uro chloraiiquc fiuuiaut.ilaiu certaines conditluue,réduire la liqu tide Fctiling et déviant a gauche le plan de !a lumière polarisée. (Cf. Gaj. mid. de Strasbourg, 1" mai >" j.,/page>

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nant, mais je maintiens le régime alimentaire, tout en l'adoucissant un peu.

Vers le même moment, M. B... m'écrivait les lignes suivantes : « Ma femme reprend peu â peu toutes ses habitudes; son caractère est redevenu ce qu'il était; elle s'endort maintenant sans soporifique et repose bien; elle retrouve de l'entrain et du goût pour tout. C'est, en un mot, le complet rétablissement. »

Depuis lors,à intervalles assez rapprochés, j'ai eu de nombreuses fois d'excellentes nouvelles de Mme B... Nous sommes donc en face d'une guérison confirmée.

Pour conclure, nous ne pouvons, il est vrai déterminer rigoureusement quel est le rapport, chronologique ou causal, qui reliait chez Mme B... l'aliénation et la glycosurie ; mais ce qui a été nettement mis en lumière, c'est que chacun de ces deux ordres de symptômes est justiciable de sa médication spéciale et cède au traitement qui lui est approprié; le désordre mental, cn particulier, peut, comme on l'a vu plus haut, être traité et amendé séparément: il peut être supprimé, bien que l'autre persiste.

D'ailleurs, l'hypnotisme est l'arme thérapeutique qui convient dans les états mentaux en rapport avec les maladies infectieuses, les endo-ou exo-intoxicalions, les modifications pathologiques de la nutrition, comme la glycosurie et l'albuminurie.Sans sortir de ma seule pratique personnelle, je puis citer, outre le cas présent, deux observations que j'ai déjà publiées el qui se rapportent l'une â une broncho-pneumonie ('), l'autre à une intoxication alcoolique (*). Je compte prochainement vous rapporter l'observation d'un quatrième cas, lequel intéresse une femme qui, l'an dernier, était internée à la Sulpclrière, dans le service de M. le D' Charpentier. Cel'c malade était albummurique depuis très longtemps; je l'ai soumise au traitement hypnotique et, ainsi, guérie de son aliénation; cette guérison a été obtenue et persiste depuis plusieurs mois, bien que celte femme fût encore «lbumi-nurique u sa sortie de la dalpèlrière et qu'elle le soit encore à l'heure actuelle.

Un mode de suggestion suggéré par une malade

par M. le Dr Maurice Bloch.

I! est indispensable, avant d'aborder le sujet de ma communication, de vous donner quelques détails préliminaires.

J'applique, depuis quelques années déjà, une méthode spéciale au

(1) Revue Je G Hypnotisme, Juillet t*W. p. 15.

(2) Revue de l'Hypnotisme, mai 1899, p.,33fl./page>

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traitement, non pas de la tuberculose en évolution, mais du terrain tuberculeux. J'ai décrit cette méthode sous les différents noms de vaccination par la famille, de méthode des congénères et d'hérédothérapie.

L'ensemble de mes recherches est consigné dans cet ouvrage dont j'ai l'honneur de faire hommage à la Société. (Société d'Editions Scientifiques, 4, rue Antoine-Dubois). J'y ai démontré qu'une seule inoculation de quelques gouttes de sang, puisé dans les tissus sous-cutanés d'un sujet arthritique et transfusé à son congénère tuberculeux, non cavitaire, guérissait la prédisposition tuberculeuse de ce dernier.

Je possède aujourd'hui plus de soixante observations, et comme le plus petit fait vaut mieux que tous les beaux discours, je vous ai amené ce jeune malade, guéri depuis un an d'une ostéite tuberculeuse du radius, inutilement opérée par un chirurgien de Beaujon. Une seule inoculation avec le sang de son père, (la mère ayant des antécédents bacillaires), a suffi pour amener le beau résultat que vous voyez.

J'arrive maintenant à l'objet de ma communication.

Le hasard voulut qu'une dame, atteinte de paraplégie hystérique et présentant les stigmates de cette affection, (hémi-anesthésie sensitive et sensorielle, anesthésie pharyngée, etc.), entendit parler de quelques succès obtenus par mon procédé. Elle me fit appeler, et, dans le cours de notre conversation, je pus comprendre facilement qu'elle avait grande confiance dans ce traitement. J'avoue que, pour ma part, je n'avais pas songé à ce mode de suggestion.

La foi dans une médication, quelle qu'elle soit, étant la base essentielle du succès dans l'hystérie, je consentis volontiers à faire l'inoculation. Le sang fui donné par une jeune fille, âgée de 18 ans, étrangère à la famille. Le lendemain de mon intervention, ma cliente, qui était immobilisée depuis plusieurs mois, a pu se promener dans sa chambre, et huit jours après, elle venait me voir, parcourant une distance d'un kilomètre.

Enhardi par ce succès et pensant que le sang, qui contient des principes vitaux, avait peut-être une influence autre que celle de la suggestion, j'appliquai cette méthode, en me servant du même sujet, sur une hystérique, atteinte principalement de troubles mentaux. Le résultat fut nul. On peut donc conclure, jusqu'à présent du moins, que la suggestion seule peut être invoquée pour expliquer le succès de l'inoculation sanguine dans l'hystérie.

Altérations de la personnalité sous l'influence du morphinisme

Par M. le Dr Bérillon

La personnalité est constituée par un ensemble de faits physiques, intellectuels et moraux qui caractérisent l'individu elle différencient des autres. Sous l'influence d'états morbideson voit survenir des aliéra-tions de la personnalité si accentuées que celui qui en est atteint a l'apparence d'avoir consécutivement deux ou plusieurs moi./page>

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C'est ce que j'ai observé chez une jeune femme atteinte de morphï-nomanie. Selon qu'elle est ou non dans une période de morphinomanie, elle présente une personnalité absolument différente.

? l'âge de 23 ans, en 1896, elle fut amenée, à bord d'un navire, dans la mer des Indes, sans aucune nécessité, par simple influence suggestive, à s'adonner à la morphine. Jusqu'alors elle avait mené une existence assez singulière ; elle manifestait des dégoûts excentriques et un besoin incessant de déplacement. Elle avait à l'âge de 23 ans parcouru presque toutes les contrées des deux hémisphères, ayant fait trois fois le tour de monde. Elle n'accepta la morphine que par ce qu'on lui avait dit qu'elle l'aiderait k supporter la température tropicale. Dès lors on vit survenir une transformation complète de sa personnalité. Elle devint absolument sédentaire, calculatrice et intéressée, subordonnant tous ses actes à cette nouvelle disposition de son esprit. Douée d'une mémoire prodigieuse, de facultés de raisonnement très développées, ses aptitudes à penser, à réfléchir, à associer des idées, à compter, à cogitationner devinrent prépondérantes ; les dispositions affectives étant abolies. ¦ En résumé, dans l'état de morphinisme ce qui la caractérise essentiellement, c'est la disposition à calculer, à défendre ses intérêts, à raisonner logiquement et à mettre ses actes en rapport avec le caractère principal de son esprit.

En 1897, elle tente pour la première fois une cure sérieuse de morphinomanie. On arrive à une suppression complète de morphine d'une durée d'un mois. Dès que les troubles nerveux qui avaient accompagné la suppression complète furent dissipés, on put noter une nouvelle transformation de la personnalité. La disposition ù l'intérêt, au calcul fait place à une tendance toute contraire. Elle cesse complètement de s'occuper de ses comptes, faisant preuve de tendances très remarquées aux libéralités n'attachant plus aucun prix à l'argent, ne se préoccupant en aucune façon do l'avenir; en même temps, l'affectivité réapparaît, se manifestant par des impulsions passionnelles, des accès de jalousie. Au bout d'un mois de suppression de la morphine, sous l'influence d'une contrariété, de cause passionnelle, elle reprend l'habitude de la morphine. Immédiatement, elle se remet à éplucher minutieusement ses comptes, à arranger ses affaires,à remplacer les questions de sentiment par les questions d'intérêt. Cela dure pendant dix-huit mois, elle suit alors un nouveau traitement de la morphinomanie devenu efficace par l'emploi de la suggestion hypnotique et elle entre dans une nouvelle période de guérison. Cette période fut caractérisée delà façon la plus manifeste par le retour de la personnalité d'émotionnelle et affective.

Cet état de guérison durait depuis huit mois, lorsque la malado fut atteinte d'une diphtérie des plus graves. Dans le cours de cette maladie, pour remédier à des troubles cardiaques, le médecin pourtant dut recourir à des injeetions hypodermiques 'le morphine. Dans ces conditions, une rechute de morphinomanie était inévitable. Dès la première piqûre, la personnalité calculatrice, intéressée, exclusive de sensibilité/page>

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affective réapparaissait. Elle se fit apporter immédiatement ses livres de comptes et se mit en devoir d'éplucher minutieusement les comptes de ménage qu'elle avait complètement négligés depuis huit mois. Cette première séance de comptabilité ne dura pas moins de huit heures consécutives. La disposition au calcul, aux raisonnements positifs, persista pendant quatre mois, c'est-à-dire jusqu'à l'époque où elle fut guérie par un nouveau traitement psychothérapique.

Etant guérie, elle était redevenue prodigue, impulsive, portée aux manifestations d'ordre affectif.

Des circonstances imprévues nécessitèrent de nouveau l'usage de la morphine, la malade présentant de nombreuses syncopes très inquiétantes, dans l'intervalle desquelles le pouls ne cessait de marquer de 140 à 160 pulsations. Devant l'impossibilité de modérer cette tachycardie par d'autre moyens thérapeutiques, on dut faire des injections de morphine. L'emploi inattendu de la morphine constituait ainsi une véritable vérification expérimentale de l'action exercée par ce médicament sur la personnalité de la malade. En effet, la morphine produisit encore une fois son effet accoutumé et replaça ia malade dans la personnalité à dispositions positives et calculatrices.

Ainsi, nous avons pu observer chez la même personne deux manières d'être distinctes se succédant à intervalles réguliers.

L'une de ces manières d'être est absolument sous la dépendance de l'intoxication morphinique qui joue le rôle de cause provocatrice.

L'altération de la personnalité évolue d'après un mécanisme alternant. La mémoire parait complète dans chacune des modalités de la personnalité et Mme X... semble se souvenir exactement dans chaque état de ce qu'elle fait dans l'autre. En parlant de son sujet Felida, Azam disait :€ Elle parait avoir l eux * ies ; en réalité, elle n'a que Jeux mémoires.» De la personne qui faitVobjct de notre étude, on peut dire qu'elle n'a qu'une mémoire, mais qu'elle a deux sensibilités morales. L'altération porte surtout sur la sphère des dispositions intellectuelles et affectives. Dans la personnalité morphinique, elle est cogitationnelle ; dans la personnalité normale, elle est aff-ctive et émotive. Comme si l'action spécifique de la morphine venait influencer la localisation cérébrale affectée à la sensibilité morale et comme si l'inhibition des centres affectifs déterminée par une cause toxi"ue laissait Mme X... en présence de ses seules réactions instructives et intellectuelles se manifestant indépendamment de toute intervention d'ordre affectif ou sentimental.

Discussion.

M. Jules Voisin. — A l'état habituel, d'après cette observation, la malade présente un certain nombre de manifestations mentales de l'hystérie. Par contre, sous l'influence de la morphine, elle devient économe, rangée, calculatrice, sédentaire. Ce changement d'état ne serait-il pas dû à une action curative exercée par la morphine sur l'état d'hystérie? Plusieurs auteurs ont prétendu avoir guéri des hystériques par/page>

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la morphine; ils les ont, il est vrai, rendu morphinomanes; mais, chez ces malades, la morphine avait exercé une action plutôt favorable.

M Bérillon. — C'est, en effet, ce qui se présente chez celle malade. En effet, on peut se demander si la personnalité qu'elle présente dans l'état morphinique n'est pas supérieur.au point de vue moral et au point de vue de l'équilibre fonctionnel, à celui qu'elle présente dans l'état d'abstinence, alors même que cette abstinence se maintient depuis une assez longue durée.

RECUEIL DE FAITS

Un cas de pseudo-rabies. Auto-suggestion occasionnée par la malaria.

Par le Dr J. Lebell. Directeur suppléant de l'Institut antirabique de Jassy.

Le cas suivant, que j'ai observé dans notre Institut, est doublement intéressant, aussi bien au point de vue de sa rareté que relativement à la manière dont il s'est manifesté, ayant eu pour fueteur occasionnel des accès de malaria.

Eftirn Olereijia, âxé de 16 ans, originaire de Vaslui, Moldavie, domestique, ne présentant rien d'anormal, pas plus sous le r: pport de ses antécédents héréditaires, que des siens propres, avait l'habitude, de peu d'importance d'ailleuis, de dormir dun sommeil agité, de parler pendant son sommeil et de se lever quelquefois sans s'éveiller.

Le patient avait également coutume de dormi, avec le chat de la maison. Une nuit, il remarque quelqu'inquiétude chez l'animal; il crut apercevoir de la bave lui coulant de la gueule et il lui sembla que sa ma>n en avait été souillée. Le lendemain matin, le chat, jusqu'alors doux et inoffensif, devint agressif, se jeta sur les gens de la maison, pour les mordre, de même que sur le patient, et, comme on le chas, sait, il se précipita sur les chiens et les volailles de la basse-cour. Notre sujet, effrayé, ubattil le chat (le jour même).

Si-pt jours plus lard, le 2G juin 1899, notre individu se met à se plaindre de vertiges, dedifûcutté uc respirer et d'avaler des liquides, plaintes dont le patron n'eut aucun souci. Cependant l.-s symptômes s'accentuent de plus en plus, tant et si bien que le maître fut forcé de nous amener son domestique cn consultation.

Le patient, de consultation débile, les traits tirés et manifestant des signes de frayeur; les téguments pâles avec légère coloration subicté-rique des conjonctives ; il est agité, il accuse des vertiges, de la difficulté à avaler el à respirer. Lui présentant de l'eau, il la lient dans la bouche, sans touielois l'avaler el subit, en même temps, un spaeme de/page>

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déglutition ; lui insufflant de l'air au nez et ù la bouche, le patient est saisi d'un spasme respiratoire.

Température axillaire 39«5, pouls 124, petit et faible. La rate enflée, débordant de 4 doigts les fausses côtes. Le patient nous dit qu'il souffre de la fièvre à dater du jour où se sont manifestés les symptômes énoncés plus haut. La fièvre se présente sous forme quotidienne, vers le soir, et se termine par des sueurs abondantes.

Tout d'abord le patient m'a paru présenter des symptômes rabiques résultant de l'infection par la bave de l'animal enragé, car le chat, d'après les symptômes présentés lorsqu'il était encore en vie, était, selon toutes les probabilités atteint de la rage et, le patient dormant avec lui lorsqu'il était déjà agité et qu'il bavait, le patient, dis-jc, a pu aisément être infecté sans même avoir été mordu, fait qui se présente, quoique rarement.

Cependant, voici les circonstances qui m'ont amené à exclure toute idée d'une infection rabique : la durée de l'incubation de 7 jours, telle qu'elle résulte de l'anamncse, quoique possible, se présente très rarement dans les statistiques, et encore, alors seulement, dans les cas de morsures très graves à la figure et à la tète ; lhydrophobie et l'aéro-phobie ensuite, durant 16 jours après leur manifestation jusqu'à la présentation à l'Institut, fait qui plaide d'une façon à peu près certaine contre la supposition d'une infection rabique; car la durée maximum de la rage déclarée, et enregistrée jusqu'à présent par la science, n'a jamais dépassé sept jours.

Outre ces particularités, j'ai observé, chez notre patient, le mode absolument spécial dont l'hydrophobie s'est manifestée chez lui. Dans la rage, rien que le bruit ou l'idée de l'eau réveillent déjà le spasme de déglutition et le malade n'étant pas du tout capable de retenir l'eau dans la bouche, tout contact de l'eau avec les terminaisons des nerfs de la muqueuse buccale produit un spasme insupportable de déglutition. Pourtant, notre patient pouvait retenir l'eau dans la bouche, sans manifester le moindre mouvement spasmodique s'il ne se forçait pas d'avaler cette eau.

En second lieu, l'aérophobie de notre patient se présente également sous une forme particulière.

On sait, en effet, que dans la rage, une simple insufflation d'air sur là peau suffit pour déterminer un réflexe spasmodique (symptôme cutané) tandis que chez notre patient, ce réflexe ne se manifeste que lorsque l'insufflation de l'air a lieu directement dans la bouche .

En vertu de ces observations et en excluant la rage, j'ai pensé avoir affaire à une pseudo-rabies à base suggestive, occasionnée par des accès fébriles, chez notre malade atteint de malaria, comme je l'ai vu. La craint" d'infection rabique qui 1 a saisi lorsqu'il a eu devant les yeux le ch: t enragé avec lequel il avait dormi lorsque coulait la bave dont il s'était souillé, crainte fortifiée par les discussions qui avaient heu chez/page>

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son maître à propos delà possibilité d'une infection, de môme que par le récit des symptômes de la rage (hydro et aérophobie) qu'on lui fit, ainsi que nous l'affirme son maître, l'ont prédisposé à l'auto-suggestion. Cette suggestion a été occasionnée ensuite par des accès fébriles suivis de leurs manifestations telles que céphalalgies, agitations, insomnies, vertiges, etc.

Il ne pouvait être en aucun cas question d'un traitement (méthode Paetcur), car ou nous nous trouvions en présence d'une rage manifeste, et dans ce cas tout traitement est superflu, comme chacun le sait, ou bien nous n'avions à nous occuper que d'une rage suggestive, et alors un traitement antirabique n'a pas lieu d'être employé.

Le traitement antima'arique et psychique employé par moi, a pleinement réussi et a justifié ma 'supposition, c'est-à-dire que nous nous trouvions en présence d'une pseudo-rabies par l'auto-suggestion, lysso-phobie causée par des accès de malaria. Le j) août, jour de son entrée à l'Institut, j'ai administré au patient une dose de quinine et de bromure de potassium et en môme temps je lui ai fait deux injections opérées pendant les heures habituelles d'inoculation pour les patients de l'Institut.

Le lendemain 10 août, le malade affirma qu'il respirait mieux et qu'il avalait l'eau encore plus facilement : mouvements fébriles moins fréquents, pouls moins agité, éruption d'herpès labial. On répète exactement le traitement ci-dessus. Le malin du 11 août, le patient est complètement guéri. Nous le gardons encore trois jours en observation à l'Institut, au bout desquels nous lui donnons la liberté.

{Archives orientales de m'decinej

REVUE CRITIQUE DE PSYCHOLOGIE ET DE NEUROLOGIE

par m. le D' Paul Fahez.

Deux cas de photophobie névropathique, par m. le Prof. Raymond, Joum. de mèd. et de chir. prat.. 10 janv. 1900.

Une femme de 59 ans ne peut supporter la vue de la lumière; elle ne présente aucune lésion oculaire et l'acuité visuelle est conservée dans toute son intégrité. La photophobie disparaît â peu près complètement quand on accapare l'attention de la malade, quand, "par exemple, on l'interroge. Or, il-y a 4 ans, on lui rapporta sa fille presque mourante; elle l'a soignée'pendant trois jours en faisant sur elle des efforts violents pour ne pas pleurer. C'est à la suite de cela qu'est survenue la photophobie. 11 existe des photophobies hystériques; mais chez cette femme, 1 hystérie doit être écarlée, et, comme il n'existe aucune lésion oculaire, il s'agit d'une photophobie purement mentale. Comme !e dit le Professeur Raymond, a c'est par le traitement moral beaucoup plus que par les médicaments qu'il sera possible d'agir sur cet état singulier »./page>

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Zoophilie, par M. le Prof. Raymond, Journ. deméd. et de chir.pr&t., lOjanv. 1900. Une femme avait une passion pour son chat; comme celui-ci vint à mourir, elle en fut tellement affectée qu'elle ne tarda pas à être obsédée par des idées do suicide. Développée à ce point, la zoophilie est sans contredît un état maladif,'car'cette femme que In mort de son chat impressionne à ce point a perdu jadis un enfant sans que son moral fût aucunement atteint; il y a d'ailleurs des aliénés dans la famille et la malade a eu déjà des idées fixes. Elle est très difficile à traiter, car elle se montre peu accessible aux raisonnements. Une autre femme plus gravement atteinte et bouleversée par la mort d'un animal semblable, fut guérie lorsqu'on l'eut décidée à reporter son affection sur un autre chat. Mais cela même n'est pas toujours facile à obtenir. On pense bien que des cas de ce genre sont justiciables de la suggestion hypnotique ; c'est elle qui en constitue le traitement de choix.

Choree hystérique, par M. le Prof. Raymond, Journ. de méd. et de chir. praliq., 10 janv. 1900. Un homme de 32 ans reste assez calme quand on le laisse au repos complet; mais, dès qu'on veut l'examiner, il manifeste une agitation musculaire extrême ; des mouvements incohérents, non systématisés, s'étendent jusqu'aux muscles de la langue; celle-ci est projetée hors de la bouche et la parole devient impossible. Il y a dix ans, à la suite d'une émotion violente, cet homme présenta une agitation du même genre : ses mouvements étaient si intenses, qu'il lui était très difficile de rester dans son lit sans tomber; son état s'est modifié peu à peu et la guérison est venue progressivement. Cette fois, il a éprouvé de vives contrariétés et des mouvements analogues ont reparu, revêtant la forme d'une chorée généralisée.Néanmoins,la santé généraleest bonne,le sommeil régulier et la force musculaire conservée. Il s'agit d'une chorée récidiviste, hystérique bien qu'arythmique, et développée sous l'influence de l'émotion. Tout porte à croire que cette fois, comme jadis, les mouvements vont s'atténuer progressivement ; ils cesseront tout à fait, à ce qu'on peut espérer, lorsque la cause provocatrice sera tout à fait oubliée.

Etiologie de la CHonÉE de Sydenham, par le Prof, von Krafft-Ebing, Wiener Kliniscke Wochenschrift, 1899, n° 43, p. 1059. On connaît l'influence considérablefdu facteur psychique sur l'apparition de la chorée. Pour le Dr Peacok, la chorée est due à une cause morale 38 fois sur 100 et, pour le Dr Angel Money, 28 fois sur Î00. Sur 200 cas personnels, le Prof, von Kralït-Ebing a relevé 06 fois un traumatisme psychique, ce qui fait, en gros, une proportion d'un tiers. Ce traumatisme psychique est, le plus souvent, un songe terrifiant, une émotion violente, une peur, etc.; il joue le rôle de cause occasionnelle/page>

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agissant sur un terrain névropathique. Sur ces 200 cas, la chorée est survenue ?? fois pendant la convalescence de maladies infectieuses. Cette constatation s'ajoute â celles déjà faites et appelle de nouveau l'attention sur les reliquats nerveux ou mentaux que laissent souvent après elles les maladies infectieuses et que nous savons être justiciables de la psychothérapie.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société d'hypnologie et de psychologie

Les séances de la Société d'hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpélrière.

La prochaine séance de la Société aura lieu le Mardi 12 avril 1900, à 4 heures et demie. (Le troisième mardi d'avril, lombantdans les vacances de Pâques, le séance de la société aura lieu exceptionnellement le deuxième mardi.

Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 14, rue Tailbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu. - _

Règlement du deuxième Congrès International de

l'Hypnotisme de 1900

Art. I'r.

Le Congrès se réunira à Paris du 12 au 16 août 1900. — La séance d'ouverture est fixée au dimanche 12 août, à trois heures. —Les séances auront lieu au Palais des Congrès.

Seront membres du Congrès : Ie Les membres de la Société d'Hypno-logie et de Psychologie;

2* Tous les adhérents qui auront fait parvenir leur adhésion avant le *"août 1900

Art. IL

Les adhérents au Congrès auront seuls le droit de prendre part aux discussions.

Art. ??.

Le droit d'admission est fixé à 20 francs.

??t. IV.

Le Congrès se composera :

1. D'une séance d'ouverture :

2. De séances consacrées à la discussion des rapports et aux communications ;/page>

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3. De conférences générales ;

4. De visites dans les hôpitaux et hospices ;

5. D'excursions, de réceptions et de fêles organisées par le Bureau.

Art. V.

Les communications seront divisées en quatre groupes :

1. Applications cliniques et thérapeutiques d'hypnotisme et de la suggestion ;

2. Applications pédagogiques et sociologiques ;

3. Applications psycho-physiologiques ;

4. Applications médico-légales.

Art. VI.

Les communications et les comptes rendus des discussions seront réunis dans une publication adressée à tous les adhérents.

Art. VIL

Les adhérents sont invités à adresser le plus tôt possible le titre de leurs communications à M le Secrétaire général.

Les manuscrits des communications devront être déposés sur le Bureau avant la fin de la séance. — Les orateurs qui auront pris la parole dans la discussion devront remettre leur argumentation au cours même de la séance.

??t. VIIL

Toutes les communications relatives au congrès, demandes d'admission, ouvrages manuscrits et imprimés, etc. , doivent être adressées à M. le D' Bérillon, Secrétaire général, 14, rue Tailbout, à Paris C Téléphone 22'i-Oi). _

Le Mécanisme des jouissances artistiques.

Le D' Lange, do Copenhague, bieu eonnu par ses travaux sur la psychologie des émotions, vient de publier un mémoire, traduit dans le numéro de janvier du Journ I of mental Science, sur la physiologie du plaisir ou plutôt des sensations agréables, dans lequel il étudie surtout le mécanisme des jouissances artistiques.

Les émotions, d'après Lange, sont essentiellement des phénomènes vaso-moteurs. Les unes sont dues â une vaso-dilatation, les autres, comme par exemple, la sensation d'être tenu en suspnns, à la vaso-con strict ion. L'extase est la plus pure, la plus intense et sans doute la plus haute des sensations agréables que puisse éprouver l'organisme humain. Une forme atténuée de l'extase est l'admiration ; les sujets d'admiration se rencontrent en grand nombre autour de nous, mais l'homme peut aussi en créer lui-même par les arts.

Une joieprofondc et prolongée peut s'expliquer par uneparésîe de la tunique musculaire des vaisseaux du cerveau qui.pcut persister quelque temps./page>

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La colère et la tristesse sont en relation avec un état tie vaso-eonstriction spasmodique qui ne peut être que d'une courte durée. Il résulterait de là que nos sensations agréables sont plus persistantes que nos sensations pénibles, je ne sais jusqu'à quel point cette physiologie s'accorde avec lu ¦réalité des joies et des tristesses humaines.

Quoi qu'il en soit, le Dr Lange classe biologiqucnicnt cn trois groupes les sources de nos jouissances.

Dans le premier groupe, l'Impression nerveuse gagne les contres vaso-moteurs, soit par la route directe des nerfs de sensation, soit par une voie plus détournée passant par les centres « psychiques « du cerveau ». Les sensations agréables produites par des modifications do température, par le goût, par le loucher, appartiennent au groupe des jouissances simples, duo« à une sensation unique, tandis que celles qui dérivent des couleurs et des sons réclament la coopération de plusieurs sensations. Les races méridionales d'Europe sont caractérisées par des sens plus obtus et demandent des Impressions plus fortes que les races du Nord. Cette assertion paraîtra encore assez inattendue, et je doute que les » méridionaux » y souscrivent.

Les sources de jouissances du second groupe agissent sous forme de substances physiques ou chimiques, entrant dans la circulation par la voie alimentaire ou autrement. Par exemple, le café, le tabac, et l'alcool ou l'opium.

Le troisième comprend les mouvements mécanique». Il renferme les danses et les divers mouvements par lesquels, instinctivement, les -enfants s'amusent. Cependant, la fureur peut être provoquée aussi par les danses guerrières et l'extaso par les daases religieuses.

Deux conditions sont, en outre, d'une grande importance pour engendrer et accroître la sensation do plaisir : c'est le changement et la sympathie. Le rythme s'associe de près au changement, mais eu y ajoutant un élément de méthode Pour renforcer la jouissance du changement el du rythme, nous avons ß la surprise », rupture brusque du rythme. Ceci constitue « l'art coini-f que d.

La sympathie a des racines profondes dans la nature humaine et se rattache intimement à l'instinct de reproduction Imitative.

Le G? ¦' Lange emprunte de nombreux exemples à la peinture et à la poésie*, a l'architecture, à l'art dramatique, pour établir que la sympathie, le changement et l'admiration sont les conditions essentielles du plaisir.

Les hommes, dit-il, ont recours, instinctivement, à ces trois expédients, pour satisfaire artificiellement leur besoin de plaisir quand les moyens naturels leur font défaut. Kt ce sont les productions de l'homme pour remplir ces conditions qui constituent les ? œuvres d'art ».

La morphinomanie chez les médecins.

M. Crothers, chargé par un comité d'études de procéder à une statistique sur les ravages produits dans la société par l'abus de l'alcool et de -l'opium, public un rapport préliminaire ne concernant que les résultats de ses observations sur la morphinomanie chez les médecins.

Sur 3244 médecins exerçant dans l'est, le centre et quelques provinces de l'ouest des Etats-Unis d'Amérique. 21 °/0 furent trouvés alcooliques ou morphinomanes, 6 % abusaient d'une façon permanente de la morphine ou de l'opium. En plus de ce nombre, 10 -/* s'adonnaient à des excès en secret. Et/page>

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sur la quantité totale, 20 °/0, c'est-à-dire presque tous, buvaicut de l'alcool avec Intempérance.

Dans une autre série d'observations. 170 médecins (soit 7 ·/„) usaient ouvertement d'opium et de morphine, et 6% le faisaient en cachette.

D'après ces résultats édifiants, on voit que de 6àiû°/odes praticiens examinés ont été trouvés morphinomanes.

M. Crothcrs, conclut on ces termes : « Des médecins ne devraient jamais se faire d'Injection de morphine, à moins d'avoir pris, au préalable, l'avis autorisé d'un confrère sérieux.

* Il ne faudrait jamais prescrire de morphine à un médecin névropathe, tant quo l'on ne serait pas intimement convaincu do l'absolue nécessité du remède. Enfin, si le médecin se laisse aller à l'usage de la morphine, il doit l'abandonner le plus tôt possible ou, du moins, faire tous ses efforts pour se défaire au plus vite dè cette vicieuse manie ».

NOUVELLES

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique

Institut psycho-physiologique, ?9, rue Saint-Andrê-des-Arts.

L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de là pédagogie suggestive.

L'organisation de l'Institut psycho physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.

Une clinique de maladies nerveuses [dispensaire neurologique et pédagogique), est annexée à l'Institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 h. à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.

Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le D' Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d'aliénés, y complète son cours à l'Ecole pratique delà Faculté de médecine (semestre d'été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l'hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les D" Henry Lemesle, Vlavianos, Lapinski, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les D" Paul Farez, A. Guîmbeau, Bianchi, Branly et par M. Charles Vérdin.

Depuis 1892, pendant le semestre d'hiver de chaque année, des cours et dc3 conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, par MM. les/page>

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D» Dumontpallier, Bérillon, Max Nordau, E. Caustier, Henry Lemesle, Paul Farez, Collineau, Saint-Hilaire, Oscar Jennings, Armand Paulier, Tison, Bianchi, Légué, et par MM. Lionel Dauriac, Jules Bois, Lépinay Laisant, Albert Coutaud, sur les diverses branches de la psychologie physi logique et pathologique.

M. le Dr Paul Joire, correspondant de l'Institut psycho-physiologique, fait, chaque année à Lille, un cours annexe d'hypnologie.

Le laboratoire de psychologie, grâce à une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l'acquisition des appareils les plus nouveaux.

Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs à l'histoire de l'hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise à la disposition des étudiants inscrits.

Chaque année, un certain nombre d'étudiants trouvent d'importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l'Institut psycho-physiologique.

Cours annexe professé à Lille par le Dr P. Joire

Le cours est public et a lieu tous les Mercredis, à 8 h. 1J2 du soir, (amphithéâtre de Vancienne Faculté des Sciences.)

Programme des Cours de 1900

28 Maiîs. — Nécessité de l'emploi de nouvelles méthodes, et en particulier de méthodes expérimentales, dans l'étude de la Psychologie.

4 Avril. — Troubles des diverses facultés, et en particulier maladies de la volonté. Des moyens d'y remédier.

il Avril.— Éducation de la volonté. Développement de l'activité

volontaire. Pouvoir de l'autosuggestion. 18 Avril. — Congésdc Pâques.

25 Avril. — L'Hypnotisme comme moyen d'analyse psychologique. La

suggestion pédagogique et moralisatrice, Etats superficiels. 2 Mai. — Autosuggestion et suggestion aux divers degrés. État de la

volonté et de la conscience. 9 Mai. — L'analyse hypnotique dans les arts. Leur développement par

la suggestion. L'Hypnotisme au théâtre. Étude de la musique et

de la danse.

16 Mai. — Phénomènes psychiques supérieurs. Analyse psychologique. 23 Mai. — Phénomènes psychiques supérieurs. Faits et observations./page>

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30 Mai. — Influence des états psychiquee sur les sens. Sur les organes de la sensibilité et du mouvement. 6 Juin. — Delaméthoded'expérimentationdesphénomènespsychiques.

13 Juin. — Mensuration des forces psychiques au moyen d'appareils enregistreurs. Biométrie.

20 Juin. — La responsabilité humaine dans les différents états psychiques. Considératians sur les témoignages suggérés.

27 Juin. — La responsabilité humaine dans les différents états psychiques. Appréciation médico-légale de la responsabilité pénale.

Salpetrière. — M. le professeur Raymond reprendra ses leçons de clinique des maladies du système nerveux le mardi 20 mars 1000, à dix heures du matin (hospice de la Salpetrière}, et les continuera les vendredis et mardis suivants à la même heure.

Faculté de médecine (École pratique). — M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d aliénés commencera le lundi 7 mai à cinq heures, à lEcolc pratique de la Faculté de médecine (amphithéâtre Cruveilhier) un cours libre de Psychologie physiologique et pathologique: sujet du cours: U hypnotisme expérimental et l'hypnotisme thérapeutique.

Le cours aura lieu les lundis et vendredis à cinq heures.

Distinctions honorifiques. — M. le D' Foustanos, directeur du Progrès médical grec et de la Grèce médicale vient, de recevoir la croix du Sauveur pour ses services rendus à la science médicale.

Ouvrages reçus â la Revue.

Kn. A.mis. — Untcrsuchung zur Farbenmischung im Auge, 34 p. Jacob Dybwad, Krisliana, 1897.

Kn. Aabs. — The Parallel Relation Between the Soul and the Body, IG p. Jacob Dybwad. Kristiania. 1898.

Kb. Aahs. — Der aeslheiische Farbensinn bei Kindern, 7 p., Hermann Wallher, Berlin, 1S99.

Kb. Aars. — Ueber die Beziehung zwischen apriorischen Causalgesetz und der Thatsache der Reizhôhe, 10 p., Barth. Leipzig, 1899.

Kn. Aabs.— Die Autonomie der Moral, 123 p., Leopold Voss, Hambourg et Leipzig, 189G.

Kb. Aabs. — Analyse de l'idée de la morale, 27 p., Jacob Dybwad, Krisriania, 1899.

LAdministrateur-Gérant : Ed. BERILLON/page>

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Les lois psychologiques de l'Mérogénie (')

Par lo D' Charles Binkt-Sanglé.

IV

LA CONTAGION RELIGIEUSE I. — DÉFINITION DE LA CONTAGION' RELIGIEUSE.

Quels sont les substrats physiologiques de la sensation, de l'image simple, de limage composée, de l'idée et du jugement?

Tout, dans l'état actuel de la science, nous invite à donner de ces substrats les définitions suivantes :

1° La sensation correspond à l'impression, sur une partie d'un neurone, sur un neurone, ou sur plusieurs neurones, d'ondulations nerveuses résultant de la transformation, dans les voies nerveuses centripètes, des mouvements du milieu ambiant;

2° L'image simple, ou souvenir de la sensation, correspond à la reproduction de ces ondulations sur l'empreinte qu'elles ont laissée au moment de la sensation ;

3° L'image composée, l'idée et le jugement correspondent à l'impression sur une partie d'un neurone, sur un neurone ou sur plusieurs neurones d'ondulations nerveuses résultant de la combinaison, dans les circuits intra-cérébraux, des ondulations d'origine sensorielle;

4° Les souvenirs de l'image composée, de l'idée et du jugement correspondent à la reproduction de ces ondulations résultantes sur l'empreinte qu'elles ont laissée au moment de leur formation.

Le neurone peut être comparé :

1» A un cliché photographique;

2 A un accumulateur.

(1) Voir les numéros precedents.

il/page>

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14« année. — ?· 11.

Mai 1900.

1· ïl semble que le neurone contienne une substance a- extrêmement sensible, c'est-à-dire extrêmement instable et comparable au bromure d'argent.

De même que les ondulations lumineuses ont la propriété de convertir le bromure d'argent en sous-bromure, et cela proportionnellement à leur intensité, de même les ondulations nerveuses ont la propriété de convertir, proportionnellement à leur intensité, la substance a- en une autre substance a*' (') et de laisser ainsi sur les neurones trace de leur passage.

2° Mais la substance a-' présente une propriété particulière. 11 semble qu'elle puisse revenir en partie â son premier état de substance a-, et ce, en restituant de l'énergie, non sous forme de chaleur, de lumière ou d'électricité, mais sous forme d'ondulations nerveuses. C'est en ce sens que le neurone est comparable à un accumulateur, comme l'accumulateur Planté par exemple. On sait que, dans cet appareil, l'eau étant décomposée par le courant, l'oxygène va oxyder le plomb de l'anode, tandis que l'hydrogène se iixe sur la cathode, sous forme d'hydrogène condensé. La recombinaison des éléments fait renaître le courant. Il se produit certainement un phénomène analogue dans le neurone. Les ondulations nerveuses peuvent renaître sur leur empreinte. C'est le souvenir.

J'ai dit que la substance a-' ne revenait qu'en partie seulement à son premier état de substance a-. En effet, sauf dans l'hallucination, le souvenir de la sensation, par exemple, est moins vif que la sensation. De plus les souvenirs vont s'effaçant, comme si la substance x1 s'épuisait.

Les empreintes intraneuroniennes diffèrent à l'infini. De même qu'à chaque mot correspond uu système d'ondulations sonores, de même à chaque sensation, à chaque image, à chaque idée, à chaque jugement correspond un système d'ondulations nerveuses. Le cerveau de l'homme est un monde. On peut le comparer à un beau ciel nocturne. Autant d'étoiles, autantde neurones. Autant de scintillements, autant de pensées.

Voyons maintenant comment une pensée se transmet d'un sujet A à un sujet B.

Cette transmission peut se faire de trois manières.

1° Directement. Dans ce cas, les ondulations nerveuses traversent les parois des deux crânes, et les enveloppes des deux

(1) Peut-être trouverons-nous quelque Jour le révélateur de cotte substance et pourroQS-nous suivre, au microscope perfectionne, sur les neurones du cadavre les arabesques de la pensée du vivant/page>

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cerveaux, comme les rayons Rœntgen traversent le bois et le cuir.

2° Par le geste et par l'écriture. Dans ce cas, les ondulations nerveuses du sujet A, lancées sur ses voies nerveuses centrifuges se transforment, dans les muscles de la mimique ou de l'écriture, en mouvements mécaniques qui donnent lieu à des ondulations lumineuses, lesquelles vont frapper les rétines du sujet B.

3° Par la parole. Dans ce cas, les ondulations nerveuses du sujet A lancées sur ses voies centrifuges se transforment, dans les muscles de la parole, en mouvements mécaniques qui donnent lieu à des ondulations sonores, lesquelles vont frapper les organes de Corti du sujet B.

Dans un ouvrage en cours de publication ('), je comparais la transmission directe de la pensée à la télégraphie sans fils. Celte comparaison s'imposait; et je l'ai retrouvée dans des articles d'Edouard Branly et de William Crookes. Je ferai remarquer ici qu'on peut l'étendre à la transmission de la pensée par le moyen des signes. Dans tous les cas, en effet, il n'y a que propagation d'ondulations, transformées ou non, d'un cerveau à un autre.

Soit les ondulations nerveuses correspondantes à un jugement. Lorsque ces ondulations émises par le cerveau A atteignent le cerveau B, deux ordres de phénomènes peuvent se produire.

ie Ou bien ces ondulations, dirigées ou non par cette force hypothétique qu'est le mot, parcourent divers circuits intracéré-braux, avant de se fixer, c'est-à-dire avant de laisser, en un certain point, une empreinte profonde. On dit alors que le jugement a été reçu après réflexion.

% Ou bien ces ondulations se fixent, sans avoir effectué le périple intracerebral, sans qu'il y ait eu comparaison, assimilation, perception d'analogies, différenciation, etc., ou sans que ces opérations aient été suffisamment longues et suffisamment étendues. Et l'on dit quo le jugement a été reçu sans réflexion.

J'appelle contagion psychique l'enregistrement, sans réflexion préalable, par un cerveau B, des ondulations ? euro-psychiques émises par un cerveau A, et contagion religieuse Penregistre-

(l) Ch. Hixet-Sanclé. — Du tremblement à la paralysie. Théorie des neuro-diélectriques. (In Arch. méd. d'Angers, ?d??????.)/page>

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ment, dans les mêmes conditions, des jugements religieux. Soit un prêtre et un enfant. Le prêtre dit à l'enfant:

c Jésus-Christ est duu» l'Jiustio. »

Les acquisitions sensorielles de l'enfant sont encore trop peu nombreuses, et il est encore trop peu entraîné au jugement et au raisonnement, pour pouvoir affirmer l'impossibilité de ce phénomèneet l'absurdité de cette proposition. Aussi en registre-t-il docilement :

Jésus-Christ est dans l'hostie.

Qu'on lui répète cette phrase dix l'ois, vingt fois, cent fois, au cours des leçons catéchistiques, et l'empreinte du jugement énoncé, à chaque fois un peu plus approfondie, deviendra bientôt presque indélébile ; si bien que, soixante ans après, si elle n'a pas été effacée par d'autres opérations cérébrales, l'enfant, devenu vieillard, croira encore que :

Jésus-Christ est dans l'hostie.

Telle est la contagion religieuse.

Comme la contagion microbienne, la contagion religieuse donne lieu à des foyers épidémiques. Etudions la formation de ces foyers.

II. — CHAPELETS DE SUGGESTION RELIGIEUSE.

I. "Dejinitions. — J'appelle chapelets de suggestion religieuse la série des individus suggestionnés successivement l'un par l'autre, pour un jugement ou un groupe do jugements religieux.

Voici trois chapelets de suggestion pour la théorie janséniste :

Du Vergier de Hauranne. Du Vergier de Hauranne. Du Vergier de Hauranne.

I

¦ Guîlleberl.

1

Om ('Jumps de* tondes.

I

Biaise Pascal. Jacqueline Pascal.

Gilberte Pascal. Marguerite PMer.

I

Arnauld d'Andilly. I

Hamel.

Jacqueline Arnauld. I

Le Maistre de Saci. I

Biaise Pascal. 1

Charlotte de Roanne,:.

. I

Une inconnue.

I .

Antoine Sing lui.

I

Biaise Pascal I

Lttenne Périer.

J'appelle grain de chapelet chacun des individus qui entrent/page>

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dans la composition d'un chapelet, et je désigne chaque chapelet par le nombre de ses grains. Ainsi le premier chapelet esta sept grains, le second à huit grains, le troisième à quatre grains.

On peut arriver à construire des chapelets de suggestion d'une longueur considérable. C'est ainsi que l'histoire du christianisme nous fournirait les éléments de plusieurs chapelets partant de Joshua pour aboutir à des contemporains.

Soudure des chapelets. — J'ai .choisi les trois chapelets ci-dessus parce qu'ils présentent ce caractère particulier d'avoir plusieurs grains communs. En effet Du Vergier de Hauranne et Biaise Pascal se retrouvent dans les trois séries. Ce phénomène constitue ce que j'appelle la soudure des chapelets de suggestion. Il nous conduit aune conception nouvelle.

f-4 suivre.}

La polyurie hystérique et la suggestion (')

par M. le. Dr SnuQuES, médecin des hôpitaux.

Cette polyurie, pour être rare, n'est cependant pas exceptionnelle. Elle atteint surtout les hommes.

Son début est tantôt brusque et tantôt insidieux; il est, le plus souvent, consécutif à une cause occasionnelle banale, telle que l'alcoolisme, les émotions, etc. Son évolution est discontinue ; elle disparait pour reparaître ensuite et ses récidives sont nombreuses.

On peut dire qu'il y a polyurie, lorsque le volume des urines dépasse deux litres par jour ; mais I'hyperdiurèse hystérique peut devenir considérable, atteindre jusqu'à quatre, cinq, huit, dix, vingt et même vingt-cinq litres par 24 heures. L'urine alors est pâle, décolorée, sans saveur, d'une densité presque égale â celle de Peau.

Cette polyurie s'accompagne naturellement de polydipsie ; mais la polydipsie n'est que secondaire et non pas initiale, comme on l'a prétendu. La polyurie entraine aussi la polla-kiurie et celle-ci, à son tour, est une cause d'insomnie.

Il est curieux de noter que ces polyuriques sont difficilement soumis aux intoxications médicamenteuses et cela se

(I) Kxlrail d'une leçon faite k l'liospi>e de la SalpeiriOre./page>

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comprend, car ils éliminent au furet à mesure qu'ils absorbent. Trousseau rapporte le cas d'un malade qui, émettant chaque jour quarante-cinq litres d'urine, pouvait boire, également chaque jour, un litre de trois-six sans en être incommodé.

La polyurie dite alcoolique a vécu ; elle est de nature hystérique. Sont hystériques aussi les polyuries dites trauma-tiques.

Il est rationnel de penser que l'alcool ou l'émotion, localisant la névrose hystérique dans le rein, le déclanchent. Néanmoins, la pathogénie de celte polyurie est encore obscure. Quant à son diagnostic, il est facile ; en effet, même en l'absence de stigmates d'hystérie, on peut affirmer qu'une polyurie est hystérique, lorsque, comme l'a bien montré M. Babinski, on peut la faire varier par suggestion.

S'il en estainsi, on comprend que le traitementde cette affection réside dans la suggestion. Celle-ci pourra être faite directement, pendant l'hypnose, ou bien indirectement, grâce à un médicament quelconque, ergot de seigle, bicarbonate de soude, belladone, valériane, opium, etc.

Par exemple, un alcoolique qui, à la suite d'un grand chagrin, émettait chaque jour environ 18 litres d'urine, a été traité jadis à Lille dans le service de M. Duret. On lui a donné de l'ergot de seigle et, au bout de vingt-quatre heures, l'urine est tombée de 18 à 3 litres. En dépit des propriétés vas ?-constrictives de l'ergot de seigle il faut bien admettre que celui-ci n'a pu agir si vite que par action suggestive. En voici d'ailleurs la preuve. Après une longue odyssée à travers différents hôpitaux de Paris, ce même malade, chez qui la polyurie avait récidivé, est reçu à la Pitié dans le service de M. Albert Robin. Là, on lui annonce qu'on va reprendre le traitement qui a si bien réussi autrefois à Lille; on prescrit, en effet, de l'ergot de seigle, mais on a soin de ne donner que du bicarbonate de soude coloré. Grâce â cette suggestion indirecte, l'urine tombe le lendemain à 3 litres.

Un procédé de suggestion indirecte très pratique et très efficace consiste à donner au malade une pilule par jour pendant trois jours et de le convaincre qu'il guérira lorsque ses urines seront devenues vertes : la première et la seconde pilule sont faites de mica panis, la troisième contient du bleu de méthylène.

La suggestion agit ainsi â la manière d'un agent vaso-constricteur; elle fait œuvre d'inhibition./page>

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SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du mardi 20 février 1900. — Présidence de M. Jules v016in {suite)

Auto-micro sthésie

par M. le Dr Maurice Bloch.

Un auteur allemand, dont je n'ai pu retrouver le nom, a désigné par le terme do microsthésie une maladie du toucher, caractérisée par une altération spéciale des sensations de poids et de volume.

Lorsqu'un malade, atteint de cette affection, tient dans sa main un objet d'une certaine dimension, il lui semble que cet objet a diminué de poids et de volume.

J'ai eu l'occasion d'observer une malade, devenue hystérique à la suite d'un ébranlement moral considérable, et qui présentait une complication microsthcsique à laquelle on pourrait, je crois, donner le nom d'auto-microsthésie. Elle se plaignait, en effet, d'avoir considérablement maigri, alors qu'en réalité il n'en était rien. Elle ne présentait aucun symptôme d'une affection quelconque capable de provoquer une désas-similation organique; elle n'avait ni sucre, ni albumine, ni aucun signe de tuberculose ou de cancer. Elle souffrait, par contre, de troubles variés hystéro-ncurasthéniques, et comme vous allca le voir, ce prétendu amaigrissement était uniquement dû à la microslhésie, dont l'origine remontait à trois mois, alors que l'hystérie datait de trois ans. Cette malade, en se palpant, trouvait naturellement que ses membres étaient diminués de .volume, que sa poitrine était rétrécie, que sa tête était devenue plus petite, etc.

Tous les malades atteints de microsthésie sont-ils en môme temps auto-microsthesiquesV Voilà ce qu'il serait intéressant de rechercher. J'ai perdu de vue cette malade, mais j'ai appris récemment qu'elle était loin d'être guérie. La microthésie serait donc d'un pronostic peu favorable dans l'hystérie. _

Séance du Mardi 20 mars 1900. — Présidence de M. Jules Voisin.

Le procès verbal de la précédente séance est lu et adopté.

La correspondance imprimée comprend une lettre de M. le professeur Tarde, remerciant la Société de ses témoignages de sympathie à l'occasion de sa nomination au Collège de France.

M. Albert Colas présente et analyse le nouveau livre de Mme Clémence Royer : La constitution du monde ; dynamique des atomes ; nouveaux principes de philosophie naturelle.

M. le Secrétaire général présente un travail de M. le professeur Stumpf, de Berlin, dans lequel l'auteur, après avoir exposé et critiqué/page>

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les théories de lïibot, W. James et Lange, montre l'importance des recherches médicales, psychiatriques, physiologiques et expérimentales pour la détermination de la nature des émotions.

Le Secrétaire général fait un rapport sur la candidature do M. le docteur Bellemanière. de Paris, de M. le docteur Watteau, licencié en droit, de Paris, deM. Bérubé, licencié en droit, d'Orléans, de M. Lavault, vétérinaire, de Versailles, Ces candidatures, mises aux voix, sont adoptées à l'unanimité.

PRÉSENTATION DE MALADE

Tremblement à forme parkin s onlenne traité avec succès par la suggestion hypnotique, par M. le Dr Bérillon.

M. Bérillon. — Le malade que je présente à la Société, offrait, il y ? trois mois, dans ses grandes lignes, la symptomatologie de la maladie de Parkinson, en particulier le tremblement tout à fait typique dans le bras droit et la main droite. Ce tremblement était continu et le malade avait perdu complètement la faculté d'écrire et de se servir de sa main. Sous l'influence des mouvements, les doigts s'étaient pour ainsi dire effilés et allongés. La physionomie avait également revêtu l'expression permanente d'hébétude, de tristesse, de passivité, si caractéristiques dans la maladie de Parkinson confirmée. Après avoir été trois fois par semaine pendant trois mois,soumis au traitement hypnotique, il peut maintenant se servir de sa main pour manger, boire, écrire et travailler: son faciès est redevenu normal; le tremblement n'a pas complètement disparu, mais il est considérablement atténué; même il peut souvent élre suspendu par la volonté du sujet et grâce à certains artifices de psycho-mécanique. Le degré de l'amélioration obtenue est tel qu'on peut se demander si, malgré la symptomatologie du début, i! s'agit bien de maladie de Parkinson ou d'une affection qui la simule.

Discussion.

M. Pau de Saint-Martin. — Je soigne en ce moment un parkinso-nien très avancé, chez lequel j'ai essayé tour à tour les divers médicaments préconisés en pareil cas. C'est encore l'hypnotisme qui m'a donné les résultats les plus satisfaisants et les rémissions les plus longues.

M. Bérillon. — Co n'est pas le seul cas dans lequel la suggestion hypnotique ait amené une amélioration très appréciable. Luys a publié une observation de maladie de Parkinson, dans laquelle l'emploi de miroirs rotatifs avait amené la guérison. Charcot, d'ailleurs, ne considérait pas la maladie de Parkinson comme fatalement incurable./page>

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Bleu de méthylène comme moyen de suggestion, par M. ie Dr Jules Voisin, médecin de la Salpê:rière.

Une jeune fille de 22 ans, hystérique, présentait depuis trois jours des spasmes rythmés du diaphragme qui l'empêchaient presque complètement de parler et de déglutir ; son abdomen était animé de contractions spasmodiques ; elle se plaignait de strangulation, déboule à la gorge; elle avait de3 crises de larmes et des plaques d'anesthésie.

Cette jeune fille a une pleine confiance en moi, mais, très impressionnable, très émotive, elle ne veut pas être endormie. Je lui affirme que je la guérirai quand même et, cela, dans l'espace d'une heure; elle va prendre, sous forme de pilule, un médicament d'une énergie considérable ; ses urines deviendront bleues et à ce moment précis, la guérison sera effectuée.

Je prescris en effet cinq centigrammes de bleu de méthylène. Au bout d'un quart d'heure, la malade émet une potito quantité d'urine, mais le liquide a encore sa coloration normale; au bout d'une demi-heure, nouvelle miction et pas encore de changement de coloration. Au bout d'une heure environ, les urines sont bleues et le spasme du diaphragme disparaît, ainsi que tous les troubles nerveux qui lui sont associés. La guérison s'est maintenue.

Discussion.

M. Bérillon. — Ce cas rentre dans ce que j'ai appelé la « suggestion armée »; il est souvent utile de donner un point d'appui à la suggestion et, souvent, la suggestion indirecte à l'aide des agents physiques permet de réussir, là où la suggestion verbale, employé seule, a échoué.

M. Paul Faiiez. — Van Gehuchten a pu juguler des vomissements incoercibles de nature hystérique, grâce à des applications cutanées de bleu de méthylène dissous dans du collodion. J'ai eu plusieurs fois recours à cette pratique avec un plein succès chez trois malades qui présentaient des troubles hystériques variés. II ne faut voir là bien entendu, qu'une action psychique.

M. Lemesle. — Pour hâter le passage du bleu de méthylène dans les urines, ne serait-il pas préférable d'introduire cette substance par la voie hypodermique?

M. Jules Voisin. — L'injection d'un liquide bleu sous la peau pourrait mettre en éveil les malades dont l'esprit critique serait un peu développé et enlever à ce médicament sa puissance suggestive. Celle-ci au contraire court moins de risque d'être atténuée ou ébranlée, si l'on a recours à des pilules argentées et bien enrobées./page>

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Traitement psychique d'un cas de folie délirante(iiwaiipsirresemy

Par m. le dr Henri Stadelmann (de Wurl/.bourg)

' Il s'agit d'un homme âge de trente ans, de bonne constitution, sans tare nerveuse héréditaire. Déjà pendant sa vie scolaire, il montrait une tendance très marquée aux rêveries, aux spéculations, aux recherches minutieuses et subtiles. Par exemple, encore aujourd'hui, il se rappelle qu'à l'âge de treize ans il ne pouvait se débarrasser d'une pensée qui l'obséda longtemps. Ses méditations d'écolier avaient principalement un caractère philosophique : avec son esprit d'adolescent, il voulait comprendre jusque dans leur profondeur l'être de toutes choses et surtout de la créature humaine. Naturellement, il ne cessa de s'égarer dans toutes les directions possibles ; il ne put trouver auprès d'autrui d'éclaircissement précis ; l'école qu'il fréquentait ne put, à ce point de vue, lui être d'aucun secours et, ainsi, les pensées méditatives de notre jeune homme purent errer sans trêve.

Les années passèrent. Il occupa une situation qui lui donna un travail régulier, maie trop peu absorbant. Sa vie intellectuelle manqua d'objet qui pût la satisfaire ; son esprit eut trop d'occasions d'être oisif.

Alors, ce ne fut plus à des réflexions sérieuses sur l'existence et la valeur du monde, mais à des pensées mesquines que s'adonna son esprit. Ce qui l'intéresse maintenant, c'est la destinée de la mouche qui vole dans sa chambre, du bout d'allumette qui gît à terre, etc. A l'heure actuelle, le pauvre malade ne peut plus s'arracher à ses pensées méditatives ; celles-ci, d'une course vagabonde et désordonnée, se confondent pèle-môle ou se succèdent dans son esprit avec une force irrésistible. Il aimait beaucoup fumer, mais il a dû depuis longtemps renoncer à cette habitude, car, à cause du bout de cigare qu'il avait coupé, de la cendre qui était tombée, de l'allumette dont il s'était servi, il ne pouvait plus jouir d'aucun repos, ni le jour, ni la nuit.

Un jour, il alla au concert ; on lui délivra une carte d'entrée et dès lors il fut angoisse, se demandant où il allait la placer pour que rien de la destinée ultérieure de ce petit bout de carton ne lui échappât. Néanmoins, voulant cn finir avec un tel sentiment d'angoisse, il jeta cet objet ¦si insignifiant. Mais, bien qu'il eût pleinement conscience que ce qu'il allait faire était inutile et peu raisonnable, il se sentit forcé à aller ramasser ce minuscule carton. Il prit même l'habitude de conserver et de ranger soigneusement de tels objets.

I.c soir, au moment de se coucher, il éclaire le dessous de son lit pour s'assurer que personne ne s'y est caché ; mais, s'il lui arrive d'avoir laissé tomber une goutte de bougie sur le parquet, il ne peut parvenir à s'endormir; il lui faut, en effet, sortir du lit et gratter la stéarine, car, lorsque lu femme de chambre viendra, elle pourra l'écraser du pied et il ne pourra plus s'intéresser au sort ultérieur de cette goutte de bougie./page>

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Un jour, en se promenant, il aperçoit à terre un morceau de fer. Brusquement, il accélère la marche pour n'avoir pas à se soucier du sort de ce fer ; mais, à peine a-t-il fait quelques pas que son besoin de se creuser la tête l'a repris. Il retourne en arrière et se met à considérer le fer, mais il le laisse parterre. Cependant, après des luttes diverses, il est enfin terrassé; il ramasse le fer, le met dans sa poche et croit qu'il va trouver du repos. — ß C'est folie d'emporter cet objet », pense-t-il, et il le jette sur le toit d'une maison basse située' sur le bord du chemin. Mais, les tourments surviennent de nouveau ; il est très surexcité, ne peut dormir pendant toute la nuit suivante, obsédé par la préoccupation de ce que deviendra ce fer. Le lendemain, il retourne en toute hâte auprès de la maison et décide un homme à monter sur le toit à l'aide d'une échelle, pour retrouver le fer. Il le met dans sa poche et redevient calme. De retour chez lui, il enferme le fer dans sa table de travail. Pendant une année, il l'y laisse, et pendant toute une année, le pauvre malade est, encore et toujours, tourmenté par la préoccupation de ce que deviendra ce petit morceau de fer. Il est incapable d'aucune pensée raisonnable. — « Ma maison pourrait brûler, dit-il, je n'en serais.pas moins tourmenté par la pensée de ce fer; mes préoccupations à son sujet, n'en deviendraient que plus grandes. » Que faire? Un beau jour, il prend cet objet et le jette au fond d'un fleuve. Alors seulement, notre malade est délivré de son supplice.

Cependant, bientôt, d'autres obsessions entrent en scène. Je pourrais citer des centaines d'objets à propos desquels notre malade fut harcelé sans relâche par le même état angoissant; la vie, en somme, lui est devenue insupportable.

La guérison s'accomplit relativement vite. J'ai recours à la suggestion hypnotique et, pendant 14 jours, je fais chaque jour deux séances.

Je suggère au malade qu'il pourra, à l'avenir, jeter ou voir à terre ces objets qui n'ont aucune valeur, comme des allumettes, etc., sans en en éprouver aucune émotion et sans être préoccupé au sujet de leur sort ultérieur. Dès le troisième jour, l'obsession irrésistible fait place à une hésitation ; le malade peut se dire : « Vais-je ou ne vais- ¦ pas jeter cet objet ? » Dès le cinquième jour, il sait so décider à jeter au vent une adresse de lettre et d'autres objets analogues. II peut recommencer k fumer sans retomber dans ses mesquines préoccupations touchant le sort de la cendre ou du bout de cigare non fumé. Tout joyeux, il s'en vante, comme s'il venait d'accomplir un exploit. Sa confiance en lui-même s'est, accrue et. conformément à ma suggestion, il sent que la guérison complète approche.

Le sixième jour, nous avons une légère rechute. C'est que je lui ai accordé une sortie et qu'il a cédé à l'occasion de boire de l'alcool. Mais bientôt la suggestion a raison de cette rechute et, au bout de 14 jours, je cesse mon traitement suggestif.

Mes suggestions avaient eu pour but, non seulement d'écarter les symptômes morbides, mais encore de soumettre cet esprit tant éprouvé/page>

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à une éducation spéciale devant lui donner une saine idée du monde et de la vie. Ce double but a été pleinement rempli, ainsi qu'en font foi les lettres du malade. Celui-ci s'est adonné à ses alfaires avec beaucoup de zèle et il a pris goût aux questions essentielles de la vie. j'avais développé en lui le goût de la nature et de l'art; dès lors, il y avait trouvé de quoi satisfaire amplement sa disposition curieuse. Maintenant il applique son esprit à des choses qui en valent la peine et il ne s'épuise plus, comme jadis, dans ces préoccupations qui lui enlevaient tout repos.

Depuis mon traitement, il s'est écoulé quinze mois et notre homme demeure délivré de ses phénomènes morbides. Sans doute, dans les cas analogues à celui-ci, il ne faut pas négliger la gymnastique, l'hydrothérapie, le régime approprié, les occupations corporelles, etc. Mais le traitement psychique, sous forme de suggestion et d'orthopédie mentale constitue le seul moyen d'influencer favorablement les étals délirants. Bien plus, il permet de faire de la prophylaxie, grâce à une éducation adaptée aux besoins du malade.

Discussion.

M. Paul Farez. — j'ai observé plusieurs cas, beaucoup moins accentués, mais analogues à celui de M. Stadclmann. C'est d'abord une jeune fille de seize ans. Lorsque, par exemple, elle s'est servie d'une allumette pour allumer une lampe, elle est gênée, incommodée, inquiète, et se demande anxieusement ce qu'elle va faire du pelit morceau de bois, en partie carbonise, qui lui reste dans la main; finalement, elle le jette loin d'elle, par la fenêtre, pour ne plus la voir. Si, le matin, au moment de se laver, elle s'aperçoit que la femme de chambre a jeté dans le seau de toilette un bout d'allumelte, elle est malheureuse, angoissée, et finit par sortir de sa chambre pour n'y rentrer qu'après que le seau a été vidé. Si elle voit quelque tache de bougie sur le parquet, sur un meuble, sur une bobèche, elle s'en éloigne irrésistiblement; elle éprouve un profond dégoût à toucher une bougie, même si celle-ci n'a pas encore été allumée: sa répulsion est bien plus grande encore si la bougie a déjà servi, surloutsi clleestréduiteàun tout petit bout. La sœur aiuée de celle jeune fille, aujourd'hui mariée et mère de famille, a présenté jadis les mêmes troubles, donl elle esi d'ailleurs débarrassée à présent. Notons qu'une de leurs tantes, après avoir touché un objet quelconque, même le plus insignifiant, ne manquait jamais d'aller se laver les mains et qu'elle le faisait bien jusqu'à cent fois par jour. Une autre jeune fille, âgée de trente ans, esl angoissée lorsqu'elle voit sur une table un buuchon isolé; une autre personne, aujourd'hui mariée, éprouvait la même anxiété dans les mêmes circonstances, mais redevenait tout à fait calme lorsque le bouchon tant redouté avait été employé à boucher une bouteille. Cette même femme, étant jeune enfant, avait déjà cette aversion très marquée pour les bouchons; elle avait soin de recouvrir soigneusement d'un papier le récipient dans lequel on conservait les vieux bouchons et ainsi les cachait à sa vue./page>

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Ces personnes jouissent d'une santé générale excellente; elles paraissent tout à fait bien portantes et ne songent nullement à se faire soigner. Mais ces petits indices ont leur importance au double point de vue du pronostic et de la prophylaxie. Les personnes qui les présentent devront être placées dans un milieu psychiquement aseptique; on devra leur éviter les émotions, les surmenages, les traumatismes et les surveiller tout particulièrement dans les cas d'infection ou d'intoxication; ces diverses conditions pourraient, en effet, provoquer l'éclosion de troubles mentaux plus accentués.

M. Jules Voisin". — Dans ce cas, il s'agit d'individus dont l'hérédité est chargée; en cherchant bien, on trouverait des stigmates de dégénérescence. Ces personnes peuvent, à un moment donné, présenter de l'agoraphobie, de la claustrophobie, etc. Il est à remarquer qu'elles ne deviennent jamais démentes. Néanmoins, il faut réserver l'avenir et se mettre en garde contre les causes aggravantes que M. Farez vient de citer.

M Berillon. — Il ne faut pas exagérer l'importance de l'hérédité et de la dégénérescence ; d'ailleurs, bien peu nombreux sont ceux dans l'ascendance desquels on ne pourrait pas relever une tare quelconque et il n'est, pour ainsi dire, pas de grands hommes qui n'aient eu leurs manies,leurs phobies et leurs impulsions. Souvent, l'éducation etle milieu jouentun rôle considérable dans l'éclosion de ces dernières et cela est tout à fait vrai pour des phobies et des aversions collectives telles qu'en présentent certaines sectes russes, comme les molokanes, les skoptzi, les emmurés volontaires, etc... Or, ces sectaires, tout impulsifs qu'ils soient, sont trop nombreux pour qu'on puisse les considérer dans leur ensemble comme des dégénérés.

COURS ET CONFÉRENCES

Quelques cas de fugues inconscientes (i)

Par M. le professeur Raymond

On peut distinguer trois sortes de fugues, celles des épilep tiques _ celles des hystériques et enfin celles des psychasthéniques ou dégénérés (dromomanic).

La première est brusque, rapide, de courte durée. La seconde, au contraire, peut durer des semaines, des mois môme, et, chose étonnante, passer inaperçue pour ceux qui approchent le malade ou lui parlent. Pour ces deux espèces de fugues, il y a consécutivement amnésie complète. Quant à la fugue des psychasthéniques, elle est, elle, tout à fait consciente et dépend d'une idée obsédante.

(1) Présentation de malades faite à la Clinique des maladies du système nerveux, à lo Salpetrière./page>

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Notre premier malade est un homme qui, il y a plusieurs années, a déjà fait une fugue qui a duré 8 jours : parti du pont de Nancy, il s'est retrouvé à Bruxelles .près de la gare du Nord, sans se rappeler en aucune façon ce qu'il avait fait pendant ces 8 jours. Cette fugue a été caractérisée par les trois éléments suivants : 1° impulsion irrésistible à accomplir un acte ou une série d'actes ; 2e mouvements compliqués et bien coordonnés, en rapport avec les circonstances extérieures; 3°amnésie consécutive complexe.

Rapatrié on France par les soins de notre consul, il n'a plus présenté de fugues pendant cinq ans. Il est employé dans une grande administration et habite P... dans les environs de Paris ; tous les matins, il prend le train pour se rendre à son bureau et descend à la gare Saint-Lazare.

Or, le 15 décembre IS99, au matin, arrivé à la gare Saint-Lazare, il se trouve mal à l'aise, va chez un de ses amis, demande une chambre, s'y repose quelques heures et en part à midi et demi. Il ignore totalement ce qu'il a fait à partir de cette heure jusqu'à 11 heures du soir. Alors il s'est ressaisi et est rentré chez lui, dans la banlieue. Le lendemain, 16 décembre, il reprend le train pour venir à Paris et disparait pendant trois jours. Lo troisième jour, à 11 heures du soir, il se retrouve à la gare Saint-Lazare, prend le train pour P..., mais s'endort et dépasse celte localité. Quant il se réveille, il descend, reprend un autre train qui doit le rcmencr chez lui, s'endort de nouveau, laisse, une fois encore, passer la gare de P... et se retrouve à Paris où il erre toute la nuit. Détail curieux, pendant ces trois jours, notre malade est allé chez son frère ; il y a couché, déjeuné, dîné et personne ne s'est aperçu qu'il s'agissait d'une fugue.

Après quelques jours de repos, notre malade reprend son travail. Le 26 décembre, il arrive à la gare Saint-Lazare, a une discussion à propos d'un travail supplémentaire qu'on lui a confié et on ne sait plus encore ce qu'il devient pendant trois jours. Sa femme le retrouve à la Chapelle. Dans la journée, on l'avait vu avec un de ses amis, rue Lafayette, et il avait parlé d'aller passer la nuit au dortoir des rapatriés coloniaux de la Chapelle. C'est le 29 décembre qu'il reprend conscience.

Ayant, à ce sujet, obtenu un congé d'un an, il reste à P... pendant tout un mois, ;n bonne santé.

Le 2 février de celte année, il vient à Paris pour touchersapaye mensuelle. Au siège de son administration, il parle de sa fugue, en est émotion né et repart pour trois jours ; il se retrouve au bout de ce temps à la gare Saint-Lazare.

Le père et la mère de ce malade ont présenté du somnambulisme naturel ; quand â lui, il était nerveux, émotif, coléreux et ne pouvait se contenir. L'hérédité a préparé le terrain, les fièvres intermittentes contractées au Gabon ont abaissé la résistance du sujet el l'ont frappé à son point faible qui, ici, élaii le système nerveux. Quant à la cause occasionnelle, il faut la chercher dans le surmenage ; notre homme, en effet,/page>

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s'est épuise à faire des travaux supplémentaires presque chaque jour pendant la soirée et une bonne partie de la nuit.

Que s'cst-il passé exactement pendant ta durée de ces fugues ? D'ordinaire, grâce à l'hypnotisme, on amène les malades à le raconter en détail. Malheureusement, notre homme s'est montré réfractaîrc a toute tentative d'hypnotisation.

Il ne présente, il est vrai, aucun des stigmates habituels de l'hystérie, ni anesthésie, ni hypéresthésie, ni rétrécissement du champ visuel. Néanmoins, ces fugues doivent être considérées comme hystériques en raison de leur longue durée et des mouvements bien coordonnés qu'elles ont comportés. II a eu, d'ailleurs, pendant plusieurs jours, une contracture de la jambe gauche qui pourrait bien avoir été hystérique.

•Ces fugues constituent une maladie mentale, une affection psychique dont l'hypnotisme a, d'ordinaire, assez facilement raison. ? défaut de ce dernier, ce malade se guérira en raisonnant son cas et surlout en éloignant la cause qui a déterminé et entretenu ses fugues, à savoir les travaux supplémentaires.

Jadis, je vous aï parle d'un enfant de douze ans qui avait fait une fugue de six semaines et qui s'est ressaisi, un beau jour, sur lo bord de la Nièvre, en train de se disputer avec un batelier.

Je vous présente aujourd'hui cette jeune fille, actuellement âgée de 16 ans. Elle s'est toujours montrée difficile, coléreuse, emportée. Mise en apprentissage à 13 ans, elle fait une fugue un an après. Pendant cette fugue, elle lie connaissance avec un homme qui l'emmène au restaurant, puis dans sa chambre et qui la renvoie indemne, après avoir appris d'elle qu'elle n'avaitpasencore quinze ans.Sa dernière fugue, toute récente, a duré quatre semaines. Cette jeune fille n'est pas une vicieuse, mais une hystérique qui tombe dans l'état second et accomplit des actes coordonnés qu'elle oublie complètement, une fois qu'elle est revenue à l'état normal. L'hypnotisme nous fournira le moyen delà guérir, après nous avoir permis de retrouver la suite des événements qui ont constitué la trame de sa fugue.

RECUEIL DE FAITS

Association de la sclérose en plaques avec l'hystérie. — Traitement des accidents hystériques par la suggestion hypnotique.

Par M. le !>' Ii. Vehiubu.

1" observation. — Jeune femme de 22 ans, née à lerrae; son père est asthmatique, sa mère est hystérique, ainsi que ses trois sœurs.

La malade a eu des convulsions ù 4 ans, la rougeole a. 5 ans. les règles sont venues à 14 ans, avec dysménorrhée. A 16 ans, elle eut les/page>

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doigts pris dans mi engrenage; quelque temps après, la malade éprouvait de la difficulté dans la marche.

On crut devoir conseiller le mariage;elle fut grosse presque aussitôt, mais elle fit une fausse couche de deux mois. A la suite de cet accident, la difficulté de la marche augmente, il s'y joint du tremblement et de l'agitation des membres inférieurs.

Survient une deuxième grossesse, qui évolue jusqu'à terme. La maladie s'aggrave encore, au point que la malade est obligée de garder le lit.

C'était en 1890. Il survint, à cette époque, de la diplopie et, en 1897, à la suite de contrariétés, elle eut de nouveau des crises convulsives, quatre dans l'année, qui se répétèrent en 1898.

C'est alors qu'elle entra à la Salpétricre, où on constata une démarche oscillante; la malade talonnait, elle écartait sa base de sustentation et déviait de la ligne droite, même les yeux ouverts.

Sa marche était labeto-cérêbelleuse. La force musculaire des membres inférieurs était conservée, mais il y avait de la raideur spasmo-dique, un peu de parésie, pas de troubles tropbiques, ni d'atrophie musculaire. Les réflexes étaient exagérés, il y avait trépidation spinale. Le signe de Babinski était très net (orteil en extension).

On en conclut qu'outre l'hystérie héréditaire, il y avait une lésion médullaire qui ne pouvait être que la sclérose en plaque.

Et, en effet, les membres supérieurs étaient aussi agités de tremblement en portant un verre à la bouche, il y avait exagération des réflexes du poignet et du coude des deux côtés, mais la parole était nette et les mouvements de la langue normaux. L'intelligence était intacte.

Du côté des yeux, il y avait un nystagmus horizontal.

En somme, il y avait dans ce cas une association de deux maladies : l'hystérie, la première en date, et la sclérose en plaques cérébro-spinales, qui parait avoir débuté après l'accident de l'engrenage, il y a six ans.

Elle est hystérique hypnotisable; M. Picard, l'interne de M. Raymond, après l'avoir endormie, lui suggère de ne plus trembler et, en effet, le tremblement cesse, la marche s'améliore, elle rapproche les jambes en marchant et no talonne plus.

Tous ces phénomènes étaient donc hystériques.

Mais la trépidation spinale et l'exagération des réflexes persistent. Ces phénomènes sont dûs à une lésion organique qui ne peut être que la sclérose en plaques.

La malade marche très bien à genoux.

On guérira l'hystérie par la suggestion, et l'autre maladie suivra probablement son cours.

2e observation. — Femme de 35 ans, couturière essayeuse. Père et mère atteints de rhumatismes. La malade a eu une vie très ora-/page>

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geuse, elle a tenté de se suicider. Elle a fait des excès de toute nature, mais rien n'indique les suites d'une syphilis avérée. C'est une névropathe.

Au mois d'août 1898, elle est renversée par une voiture, place de la Concorde. Le gros orteil a été fortement froissé,on la transporte à l'hôpital Beaujon.

L'émotion avait été très vive. La malade croit ne plus pouvoir se tenir debout, ni continuer sa profession d'essayeuse.

Le gros orteil reste engourdi, la malade y ressent des fourmillements nets. Il y a insomnie, tremblement.

Elle vient consulter à la Salpetrière. La force musculaire marque au dynamomètre 8 à 10°. Les réflexes sont exagérés, il y a rétrécissement du champ visuel, nystagmus et ptosis à gauche. La démarche est bonne. Les yeux fermés, elle éprouve un tremblement général. Les réflexes rotulicns paraissent exagérés et il semble qu'il y ait trépidation spinale, ce qui indiquerait une lésion organique. Mais ce n'est qu'une apparence due au tremblement général hystérique, car si on consulte le réflexe cutané plantaire, le gros orteil se met immédiatement en flexion, le signe de Babinski n'existe pas.-

Donc, il n'y a pas de lésion organique, c'est de l'hystérie trauma-tique.

Un cas d'œdème hystérique ; rôle de l'auto-suggestion.

Par le professeur Com be ma le, et l. CamL'S, externe des hôpitaux.

Le 23 janvier 1900, la nommé Jeanne S..., âgée de (8 ans. est amenée à la consultation de l'hôpital de la Charité,portée à bras par ses parents. Elle dit que, durant son travail d'étirageuse, le matin même, elle a dû se laisser choir à terre, ses jambes refusant de la porter. On la fait entrer d'urgence salle Sainte-Clotilde, lit n° 19.

Après quelques essais pour, séance tenante, la mettre debout afin de la déshabiller, on y renonce, ses jambes se dérobant sous elle.

Examinée aussitôt, on constate que les deux jambes sont œdématiées depuis le tubercule du jambier antérieur jusqu'au niveau des malléoles. Cet œdème dur, ne gardant pas l'empreinte du doigt, est extrêmement douloureux et a tout moindre essai de palpation, la malade repousc instinctivement la main qui la touche. Sur toute la surface œdémateuse, la peau est d'un rouge vif marbré de plaques violacées. On ne perçoit aucune nodosité, ni dépression, et de plus les limites supérieures et inférieures de l'œdème sont très nettes. Après ce court oxamen, le diagnostic d'œdème hystérique est posé.

Il devenait intéressant devant la négation formelle de toute attaque d'hystérie antérieure, de connaître la cause efficiente de cet œdème hystérique survenant aussi brusquement ; l'auto-suggestion ayant mani-/page>

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festement joué un rôle capital, nous avons cru devoir publier cette observation.

Observation.—Antécédents héréditaires.— La mère de la malade est morte il y a 13 ans, après avoir souffert pendant deux ans d'une tumeur blanche suppurée.

Le père, bien portant, est un éthylique, nerveux et irritable, ayant r. la boisson très mauvaise », nous dit la jeune fille, qui s'en est ? aperçue plus d'une fois en recevant des horions ».

Elle a deux sœurs : l'une d'elles, âgée de 24 ans, mariée et mère d'une fillette, est une grande nerveuse, une a tête chaude · se fâchant très aisément ; une petite toux sèche, nerveuse la secoue constamment. L'autre sœur, célibataire, est âgée de 22 ans. D'une vivacité presquo égale à celle de son aînée, clic a dû quitter son père avec qui elle était continuellement en dispute.

Ces détails nous sont donnés par la malade avec une volubilité vraiment extraordinaire. Elle est satisfaite de voir que l'on s'intéresse â son élat et à sa famille. Son teint animé et son œil brillant contrastent singulièrement avec l'air d'accablement qu'elle avait l'instant d'auparavant.

Antécédents personnels. — Quant à notre malade, elle no peut renier ses ascendants et collatéraux au' point de vue d'une névrose.

Elle a fait la varicelle à l'âge de 10 ans.

Réglée à l'âge de 15 ans, de façon très irrégulière et comme intervalles menstruels et comme durée du flux, elle présente la leucorrhée légère des vierges.

Interrogée sur son propre caractère, elle répond avec vivacité « Oh ! moi ! j'ai une sale tète ! » Elle pleure avec une facilité déplorable aussi bien dans les circonsiances tristes que dans les événements joyeux. Sentant vivement la plus légère observation, muis s'empressant d'ailleurs de l'oublier très vite. Elle ne se plaint d'ailleurs pas et parait heureuse de son existence.

Les nuits sans rêves sont rares pour elle et c'est avec beaucoup de facilité qu'elle s'en rappelle les moindres détails. Les souvenirs de son travail reviennent constamment dans ses rêves.

Cependant les rêves sensationnels ne manquent pas : elle tombe assez souvent à l'eau et se réveille au moment où elle plonge. Fréquemment elle se voit poursuivie par un militaire qui veut la tuer ; il faut ajouter qu'un sien cousin, soldat â Lille, vient très souvent dans sa famille. — Lo récit de ses rêves n'en finirait pas si nous n'y mettions un terme.

Histoire de la maladie. — Dix jours avant son entrée à Phôpiial, elle eut à l'atelier une discussion assez violente avec une de ses meilleures camarades : la brouille s'ensuivit. Sur ces entrefaites son amie vit survenir, au niveau d'un de ses poignets, un œdème très douloureux qui lui laissait sa main sans force aucune, lui arrachant fréquemment des larmes et la forçant à se faire aider dans son travail.

Notre malade, dont le métier se trouvait en face de celui de son amie, fut, nous dît-elle, très affectée des souffrances de sa voisine. Et bien souvent en la voyant pleurer elle éprouvait le besoin de l'imiter.

Elle sentit alors au niveau des mollets des douleurs comme fulgurantes qui la forçaient à s'asseoir quelques minutes chaque fois qu'elles apparaissaient. Pendant (rois jours ces douleurs ne la quittèrent que rarement. Ce-/page>

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pendant nous devons dire qu'elles ne se produisaient jamais la nuit. Puis brusquement tout disparut, la malade avait même oublié ses souffrances de la veille quand le 23 janvier, vers sept heures iu matin, peu après son entrée à l'atelier, elle fut, comme nous l'avons dit au début, brusquement obligée de se laisser choir.

REVUE CRITIQUE DE PSYCHOLOGIE ET DE NEUROLOGIE

Le talent mathématique, par le Dr P.-J. Mœbius (de Vienne), Wiener Klinische Rundschau, 7 janv. 1900.

Le talent mathématique imprime sa signature sur la figure de ceux qui le possèdent. C'est du moins ce qu'affirme un savant médecin de Vienne, le Dr Mœbius. D'après lui, le talent mathématique ressemble aux dons artistiques en général; on l'a ou on né l'a pas et on ne peut pas le faire naître si l'on n'a pas eu le bonheur d'en être doué en naissant. Ce talent est hérité; il est légué par l'ascendance masculine, laquelle présente à un degré quelconque, sinon toujours des dispositions calculatrices, au moins des dispositions â la musique, à la peinture, à la sculpture, etc. En contemplant le portrait de son grand-pêrc, qui fut un grand géomètre, lo Dr Mœbius avait souvent remarqué que le coin supéro-exlerne de l'orbite, surtout du côté gauche, était particulièrement développé. Il étudia le visage des mathématiciens contemporains, ainsi que les masques et les bustes des mathématiciens des temps passés et, chez tous, il constata la même particularité.. D'ailleurs, les initiés de la science anthropologique estiment que la tète féminine présente précisément, pour caractère essentiel, des bords orbitaires très peu développés, et l'on sait que les femmes ont, d'ordinaire, un goût très modéré pour les mathématiques. Inversement, des hommes qui n'ont jamais eu le sens des chiffres, tc'.s Gœlhe, Beethoven, Luther, ont ce qu'on appelle le coin frontal féminin. Mais si les grands mathématiciens présentent ce développement marqué de la partie supéro-exlerne de l'orbite, la réciproque est-elle vraie? Est-ce que tous ceux chez lesquels on rencontre cette conformation spéciale sont ou soront de grands mathématiciens? Il y aurait là un curieux sujet d'enquêtes. En tous cas, voilà de quoi consoler ceux ou celles qui ne « mordent * pas à la science mathématique : dame Nature leur a refusé ce don et Ton ne saurait le leur reprocher.

Démence épileptiqce ¦ paralytique - spasmodique a l'époque de la puberté, par M. Jules Voisin, Gazette hebdomadaire de Médecine et de Chirurgie, 24 dec. 1S99, p. 12;'ô.

M. Jules Voisin vient d'individualiser, sous le nom de démence épi-leplique-paralytique-spasmodique, une affection mal ou insulfisamment/page>

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décrite jusqu'à maintenant et qui, par l'étiologie, la sj*mptomatologie, l'évolution, mérite une place à part dans le cadre nosologique. Suivant une tradition constante en pathologie, il conviendra donc d'appeler la démence épileptique-paralytique-spasmodique, maladie de Jules Voisin.

Cette affection est une démence précoce qui évolue surtout chez de jeunes sujets, principalement au moment de la puberté. Ceux-ci sont, vers 12 ou lô ans, semblables à des enfants normaux; ils savent lire, écrire, calculer; ils sont alertes et agiles. ? la suite d'états de mal répétés, d'accès sériels prolongés, nocturnes ou diurnes, des lacunes s'établissent dans la mémoire; l'enfant, à l'école, ne peut plus suivre ses condisciples; non seulement il ne progresse plus,mais il désapprend et cette évolution rétrograde se retrouve même dans la vie journalière ; il ne sait plus ni lire, ni écrire, ni s'habiller, ni manger proprement; la déchéance intellectuelle va en augmentant, après chaque série d'accès, pour aboutir à une stupeur et aune hébétude permanentes. Les troubles somatiques évoluent parallèlement aux troubles intellectuels. Précédée ou non de paraplégies, monoplégics ou hémiplégies passagères, la spas-modicitése constitue avec raideur musculaire, lenteur des mouvements, exagération des réflexes, trépidation épîleptoîde; la démarche est sautillante et spasmodique; les pupilles restent égales et sensiblesàlalumière comme à l'accommodation ; « la parole présente un embarras tout particulier; elle est précédée d'une inspiration qui marque un effort ; elle est traînante, difficile, se termine souvent par une expiration très brève ; le malade avance les lèvres en les arrondissant, puis ouvre largement la bouche et prononce péniblement le mot unique qui, bien souvent, constitue la seule réponse... » « La langue, tirée hors de la bouche, reste dehors sans aucun mouvement, comme contracturée pendant une demi-minute, puis rentre tout d'un coup comme mue par un ressort, en même temps que la bouche se ferme. » Notons que l'état spasmodique et la démence s'établissent en bloc, sans suivre une progressivité continue ; le malade en arrive à garder complètement le lit et le fauteuil; dément et gâteux, il ne comprend plus ce qu'on lui dit; la mort survient, avant 30 ans, en pleine déchéance physique et intellectuelle, souvent du fait d'une complication intercurrente.

Il ne faut pas confondre cette affection avec les autres démences. L'idiotie comporte la privation do l'intelligence et non la perte de cette dernière à un moment donné. La maladie de Little ne s'accompagne pas d'épilepsie; elle a plutêt tendance à s'améliorer qu'à s'aggraver et elle offre d'une manière constante le signe de Babinski, ou relèvement des deux premiers orteils sous l'influence du chatouillement plantaire. La calatomie de Kalbaum n'a pas pour cause essentielle déterminante l'épilepsie sérielle. Quant aux démences précoces ou hébéphrénies, elles ne forment pas un tout syraptomatique et leur pathogénie est variable. .

A première vue, il existe une ressemblance entre la démence épilep-/page>

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tique-paralytique-spasmodiquc et la paralysie générale progressive. Mais, dans cette dernière, les troubles intellectuels et les troubles soma-tiques précèdent le plus souvent les accès épîleptiformes ; les réponses sont moins brèves, la compréhension plus immédiate, l'effort d'articulation moins grand ; les lèvres ne s'arrondissent pas lentement pour l'articulation du mot; elles sont bien plutôt animées de mouvements fibril-laires, ainsi, d'ailleurs, que la langue; la démarche est traînante, les pupilles inégales avec peu ou pas de réflexe à la lumière; le délire est multiple, mobile, non motivé, contradictoire.

On pourrait objecter que la démence épilcplique-paralytiquc-spas-modique est une forme plus ou moins anormale de méningo-encépha-lite ; mais l'examen anatomo-pathologique est venu confirmer les données de la clinique et c'est â juste titre que la maladie de Jules Voisin doit être individualisée comme une véritable entité morbide.

MÉDECINE LÉGALE

Les Sourds-Muets et l'article 64 du Code pénal.

Deux faits récents d'ordre administratif semblent constater un réveil dans l'attention des pouvoirs publics sur la situation spéciale, presque anormale, des sourds-muets dans notre société: 1° La décision prise en septembre dernier par le président du Conseil d'abaisser le prix de pension des élèves de l'Institution nationale des Sourds-Muets de Paris ; 2° le rapport présenté au mois de décembre dernier par M.Laurent Cely.au nom de la 5°Conimission du Conseil municipal, et tendant à une augmentation de subsides pour l'Institut des Sourds-Muets d'Asnières.

Il serait désirable que ces deux louables efforts fussent un acheminement vers le système de l'instruction obligatoire des enfants sourds-muets, système qui n'est qu'à l'étal d'ébauche en France, mais qui existe en Norwège, depuis déjà 18 ans, depuis la loi du 8 juin 1881, qui édicté une amende contre les parents ou les tuteurs en infraction avec elle.

L'urgence de cette réforme se fait d'autant plus sentir que notre Droit criminel se trouve, faute de textes, très embarrassé en présence des sourds-muets dont le vagabondage ou le défaut d'éducation ont fait des délinquants !

Peut-on considérer tel sourd-muet déterminé comme un irrespon-ponsable ? L'article 64 du Code pénal n'édicle que trois causes de non-responsabilité : l'âge, la démence et la contrainte. Le juge correctionnel ne peut donc acquitter un sourd-muet comme irresponsable/page>

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qu'au prix d'une violation de la loi. lit, d'autre part, le Président d'assises ne peut poser au Jury la question spéciale de surdi-mutité, ce qui, en cas d'acquittement par le Jury, laisse la société dans l'ignorance du véritable motif du verdict.

Et, cependant, la surdi-mutité est, par elle-même, un état pathologique susceptible d'amener la non-responsabilité! Certes! on ne peut plus aujourd'hui dire comme Io M. le Dr Bonnafont, que, de l'insuffisance de développement de leur intelligence, il résulte pour les sourds-muets une véritable irresponsabilité. Le Dr Celle a pu affirmer depuis victorieusement que ? l'instruction par la parole et l'éducation les placent au niveau des autres hommes. »

Mais quand cette éducation patiente, quand cette instruction délicate ont fait défaut, quand il s'agit de ces sourds-muets par hérédité ou par dégénérescence, voisins des crétins et des goitreux, dont la proportion, si grande en Suisse, est de 20 pour ?0.000 cn Savoie, de 12.4 dans les Côtes-du-Nord et de 10.7 dans le Puy-de-Dôme — dans ces cas, dis-je, comme dans les cas de méningite cérébro-spinale — il est permis de mettre en avant la question de non-responsabilité parce qu'il y a évidemment chez ces dégénérés et chez ces malades la moindre résistance au crime.

Aussi ne saurait-on mieux faire que d'adopter la réforme proposée par M. Gaston Bonnefoy, avocat à la Cour de Paris, dans la thèse remarquable,thèse de doctorat qu'il a soutenue ces temps-ci, et intitulée : La surdi-mutilé au point de vue civil et criminel (Larose et Force!, 1899).

Il propose d'étendre l'article Ci du Code pénal à tous les états pathologiques susceptibles d'amener la non-responsabilité, tels que folie, démence, imbécillité, idiotie, inconscience, surdi-mutité, sommeil hypnotique, etc.

La rédaction du nouvel article 64 du Code pénal, calquée d'ailleurs sur celle de l'article 37 du Code hollandais de 1886, serait la suivante :

? N'est pas punissable quiconque commet un acte qui ne peut lui être imputé à cause du développement incomplet ou du trouble maladif de son intelligence, s'il est évident que l'acte commis ne peut lui être imputé à cause du développement incomplet ou du trouble maladif de son intelligence. »

On voit qu'avant d'appliquer ce texte, avant de déclarer le sourd-muet irresponsable, le juge devra être certain de la relation de cause à effet entre la surdi-mutité et la moindre résistance au crime commis.

C'est là un système logique et consolant à la fois en ce qu'il est compatible avec la perfectibilité possible et aujourd'hui reconnue de l'intelligence du sourd-muet, puisque contre cette moindre résistance au crime, base de l'irresponsabilité et de l'impunité consécutive,/page>

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l'éducation que nous voulons obligatoire est là pour victorieusement lutter.

Ce système permettrait en outre de poser une question spéciale de surdi-mutité au Jury ou de provoquer de sa part une réponse motivée, au cas où la cause déterminante de son acquittement serait, non pas rinsulTisance de preuves, mais l'irresponsabilité de l'accusé sourd-muet.

Quant aux mesures d'éducation corrélatives à l'acquittement, et nécessaires dans un but de préservation sociale, elles seraient actuellement édictées, soit par le Tribunal correctionnel lui-même en cas de délit, soit par la Cour d'assises en cas de crime. Et cela d'accord avec la théorie nouvelle, modificalive de la loi de 1838 sur les aliénés, .qui veut que tout ce qui touche aux mesures d'internement après intervention judiciaire et de préservation sociale,* soit confié à la juridiction qui a connu de la répression et, par là même, soustrait à la négligence et à l'aléa administratifs. (Léon PrîbOB, avocat à la Cour d'appel in France médicale.)

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société d'hypnologie et de psychologie

Les séances de la Société d'hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, rus Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.

La prochaine séance de la Société aura lieu le Mardi 15 mai 1900, à 4 heures et demie.

Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures et demie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 14, rue Taitbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.

Règlement du deuxième Congrès International de 1 Hypnotisme de 1900

Art. I".

Le Congrès se réunira à Paris du 12 au 16 août 1900. — La séance d'ouvertureest fixée au dimanche 12aoûl, à trois heures. —Les séances auront Heu au Palais des Congrès.

Seront membres du Congres : I· Les membres de la Société d'IIypno-logie et de Psychologie;/page>

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2° Tous les adhérents qui auront fait parvenir leur adhésion avant le l"août 1900

Art. II.

Les adhérents au Congrès auront seuls le droit de prendre part aux discussions.

Art. ??.

Le droit d'admission est fixé à 20 francs.

art. IV.

Le Congrès se composera :

1. D'une séance d'ouverture :

2. De séances consacrées à la discussion des rapports et aux communications ;

3. De conférences générales ;

4. De visites dans les hôpitaux et hospices ;

5. D'excursions, de réceptions et de fêtes organisées par le Bureau.

Art. V.

Les communications seront divisées en quatre groupes :

1. Applications cliniques et thérapeutiques d'hypnotisme et de la suggestion ;

2. Applications pédagogiques et sociologiques ;

3. Applications psycho-physiologiques ;

4. Applications médico-légales.

Art. VI.

Les communications et les comptes rendus des discussions seront réunis dans une publication adressée à tous les adhérents.

Art. VH.

Les adhérents sont invités à adresser le plus tôt possible le titre de leurs communications à M. le Secrétaire général.

Les manuscrits des communications devront être déposés sur le Bureau avant la fin de la séance. — Les orateurs qui auront pris la parole dans la discussion devront remettre leur argumentation au cours même de la séance.

Art. VIII.

Toutes les communications relatives au congrès, demandes d'admission, ouvrages manuscrits et imprimés, etc. , doivent être adressées â M. le D' Bérillon, Secrétaire général, 14, rue Taitbout, à Paris ( Téléphone 224-ûf)./page>

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COMMISSION D'ORGANISATION.

Bureau

Président.

M. lo docteur Voisin (Jules), médecin de lr. Salpetrière, président de la Société d'hypnologie.

Vice-Président*.

MM. Dauriac (Lionel), professeur honoraire à la Faculté des lettres de Montpellier, professeur de philosophie au lycée Janson de Sailly. le docteur Grasset, professeur à la Faculté de médecine de Montpellier. Liégeois, professeur à la Faculté de droit de Nancy. Mklcot, avocat général h la Cour de Cassation.

Secrétaire général.

M. le docteur Bëhillon, médecin Inspecteur des asiles d'aliénés de la Seine, directeur de la Revue de l'Hypnotisme.

Secrétaire général adjoint. M. le docteur Farez IPaull, licencié en philosophie.

Secrétaire.

MM. Juu.iot, docteur en droit.

le docteur Lemesle (Henry); licencié en droit. I-épinay, médecin vétérinaire.

le docteur Regnault (Fi-lixt, ancien Interne des hôpitaux.

Trésorier.

M. Colas (Albert), président de la Société d'études philosophiques et sociales.

Présidents d'honneur. .

MM. le docteur Azam. professeur honoraire à la Faculté de médecine de Bordeaux.

le docteur Jopfboy, professeur à la Faculté de médecine de Paris, le docteur Raymond, professeur à la Faculté de médecine de Paris, le docteur Hichet (Charles), professeur à la Faculté de médecine d«-Paris.

le docteur Durand de Gros. lo docteur Liébeault, de Nancy.

Souby (Jules), professeur à l'École pratique des Hautes-Etudes./page>

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QUESTIONS MISES A L'ORDRE DU JOUR (1)

I

Rédaction d'un vocabulaire concernant la terminologie de l'hypnotisme et des phénomènes qui s'y rapportent. Rapporteurs : M. le Dr Bérillon, M. le Dr Paul Farbz.

II

Les rapports de l'hypnotisme avec l'hystérie.

Rapporteurs: M. le D' Paul Magnin, M. le Dr J.Crocq (de Bruxelles.

Ill

Les applications de l'hypnotisme â la thérapeutique générale. Rapporteur: M. le D' Milnb Bramwell (de Londres).

IV

Les indications de l'hypnotisme et de la suggestion dans le traitemen des maladies mentales et de l'alcoolisme.

Rapporteurs : M. le I>r Tokarskv (de Moscou), et M. le l)r Llovd Tue ? ? y de (Londres).

V

Les applications de l'hypnotisme à la pédagogie générale et à l'orthopédie mentale. Rapporteur : M. le Dr Békillon*.

VI

Valeur de l'hypnotisme comme moyen d'investigation psychologique.

Rapporteurs : M. le D' Vogt (de Berlin), M. le Dr Paul Parez, M. le D' Félix Regnault.

VII

L'hypnotisme devant la loi du 30 novembre IS92, sur l'exercice de la médecine. — Intervention des pouvoirs publics dans la réglementation de l'hypnotisme.

Rapporteurs : M. le D' Henry Lbmesle, M. Ch. Juluot, docteur en droit.

(t) Deux mois avant la réunion du Congrès. MM. les Rapporteurs devront adresser AM. le Secrétaire général le résumé ci les conclusions de leurs rapports. Ces concluions seront adressées à tous les adhérents, afin de permettre la discussion approfondie des sujets mis à l'ordre du jour./page>

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Un Député hypnotiseur.

Il parait que la pratique de l'hypnotisme peut avoir quelque inllucnce sur le corps électoral. Tel est du moins l'opinion d'un rédacteur du Journal des Débats. Voici le portrait qu'il nous trace du Dr Ferroul. député de Narbonne:

« Quant au citoyen Ferroul, il est considéré, par la population sage du pays, comme un illuminé dangereux. Médecin, il s'est voué à la pratique des experiences a"hypnotisme, et il semble que son penchant naturel à l'exaltation se soit exaspéré à la suite des expériences auxquelles il s'est livré- Orateur violent, il excite les hommes: beau parleur sentimental, U est très écouté et très goûté des femmes qu'il admet à ses réunions. // exerce sur les uns et sur les autres une véritable puissance hypnotique. Hommes et femmes l'accompagnent, lui font cortège dans toutes les manifestations qu'il provoque.

¦ Ce Ferroul, tout de même, disait un jour une manifestante, chaque poil de sa barbe vaut un million! »

Si ce que nous raconte le rédacteur des Débats n'était pas empreint d'une exagération d'ailleurs toute méridionale, il y aurait de quoi convertir beaucoup de nos honorables à l'étude et à la pratique de l'hypnotisme. Il y a lieu de croire que la popularité du l)r Ferroul est due à de toutes autres causes qu'à son influence d'hynoptiseur et en particulier au dévouement avec lequel Il exerçait l'art médical dans les milieux ouvrier* de Narbonne.

Le temple d'Esculape.

On vient de faire à l'île de Cos (Stankeuy) une fmportaute découverte archéologique qui conduira, espère-t-on, à la mise au jour du célèbre temple d'Esculape.

Le 4/17, un vigneron musulman plantait un cep quand sa bêche heurta une coupole en maçonnerie. Le vigueron avisa immédiatement les autorités./page>

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La suggestion et l'hypnotisme dans leurs rapports avec la jurispru-dence.

Rapporteurs ; M. le Df Von Sen rekk-Notzikg (de Munich) ; M. le Df Paul Joire (de Lille}.

IX

Responsabilités spéciales résultant de la pratique de l'hypnotisme expérimental. Rapporteur : M. le professeur Boirac.

N. B. — Pendant la durée du Congrès, les cartes de membre donneront lieu à l'entrée gratuite à l'Exposition. Ces cartes parviendront aux adhérents avant l'ouverture du Congrès par les soins du secrétaire général.

Des fouilles, entreprises sous la direction du kofmakam, mirent à nu un mausolée de 30 à 33 mètres carrés, dans lequel se trouvaient des ossements et des débris de poteries. Le monument est en briques et paraît dater de répoquo romaine. On y descend par une échelle do 2 ? "» mètres de hauteur. L'intérieur ressemble â une chapelle. En face de l'entrée sont trois niches pouvant contenir chacune un cercueil, otau dessus une ouverture en forme de porte basse voûtée. De chaque côté, i! y a deux autres niches. Aucune inscription n'a été découverte pouvant donner une indication sur l'affectation exacte du monument. Sans doute une étude minutieuse des objets qui se trouvent encore dans l'intérieur du tombeau donnera la solution dn problème. Cependant divers Indices permettent do supposer qu'il existait aux environs un temple on autre établissement publie, si ce n'est le temple même d'Esculape.

Un cas de toux hystérique, par M. Sorel. Société de médecine

de Toulouse.

Une. jeune fille de 18 ans, issue de famille névropat hique, a été atteinte de la phobie des chiens, à la suite d'une morsure. Il y a un mois et demi, elle a dit-elle, avalé une épingle : il en est résulté une toux sèche, quinteuse, sur laquelle l'opium et la belladone restent sans effet. Le Dr Escat procède à un examen laryngologlqoc et ne trouve aucune trace de corps étranger. Le D' Marguès endort alors cette jeune fille et pendant le sommeil hypnotique, lui fait une petite incision épigastrlquc, afin disait-il, de laisser passage à l'épingle. Ala suite de cette suggestion la toux disparait pendant trois jours. Mais, depuis, les crises ont recommencé : la toux est encore plus intense toutes les fois qu'on examine cette personne ou qu'on s'occupe d'elle. Faut-il encore une fois insister sur la nécessité des suggestions répétées ? Dans des cas analogues, on doit revenir à lacharge; renouveler les séances d'hypnotisme, et les espacer ensuite peu à peu; c'est ainsi que l'on pem rendre la guérison stable et empêcher les rechutes.

Hommage au professeur Lépine.

Les élèves et les amis de M. le professeur R. Lépine (de Lyon) ont eu l'heureuse Idée de commémorer le vingt-cinquième anniversaire de son entrée dans l'enseignement. Le samedi 1 avril un grand nombre d'élèves et d'amis du professeur Lépine se sont réunis à Lyon pour lui remettre une plaquette en bronze représentant la médecine expérimentale, œuvre de Roty.

Répondant au président du comité, M. le docteur Chauvet, le plue ancien de ses chefs de clinique, M. Lépine a dit qu'en mettant sous ses yeux l'image de la Médecine expérimentale, ses élèves avaient sans doute voulu l'encourager à mener de front la clinique et l'expérimentation. Cette association, à laquelle Il tient, a été déjà réalisée en ce siècle par des médecins illustres; elle l'est par le chef actuel de l'école française, M. le professeur Ch. Bouchard.

Comme le disait Claude Bernard, l'expérimentation n'est que l'observation provoquée; on est obligé de recourir à elle quand l'observation pure est im-/page>

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puissante. L'expérimentation ne sert pas seulement ù l'investigation, elle est le moyen nécessaire pour la vérification, pour savoir ce qu'il faut croire et ce dont il faut douter.

C'est à Lyon que le profos&eur Lépiiic a formé de longues générations d'élèves; c'est le riche matériel de la clinique lyonnaise qu'il a utilisé dans ses nombreuses publications, dont toutes, sauf trois, nous viennent de cette ville.

L'œuvre scientifique de M. Lépine peut se diviser en quatre parties.

En neuropatbologie, uous signalerons entre autres une série de travaux expérimentaux et anatomo-cliniques sur les localisations cérébrales et lu première description de la paralysie pseudo-bulbaire d'origine cérébrale. .Vu point de vue de la nutrition et des maladies des reins, nous citerons, outre sa traduction et surtout sa précieuse annotation du livre de lîarlels, des recherches nombreuses sut* l'urémie et les néphrites et sur la perméabilité rénale. Mais la maladie qu'il a le plus spécialement étudiée et pour laquelle ses travaux feront autorité pendant longtemps, c'est le diabète.

La haute valeur scientifique de M. Lépine avait attiré l'attention sur ce digne représentant de la science- médicale et dès 1887 il était élu par l'Académie des sciences correspondant de l'Institut: l'année suivante, ce fut l'Académie de médecine qui le nomma correspondant pour l'élire plus tard (1890) associé national. Nous ajouterons ù tous ces titres que M. le professeur Lépine eel un de ceux qui se sont le plus intéressés aux études de l'hypnotisme. Il a fourni une théorie ingénieuse pour expliquer les états hystériques, le somnambulisme et l'hypnotisme par l'ainœbisme des neurones.

NOUVELLES

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique Institut psycho-physiologique, 40, rue Sainl-André-des-Arts.

L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1889 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et physiologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme, de la psychologie physiologique et de la pédagogie suggestive.

L'organisation de l'Institut psycho-physiologique en fait à la fois une Ecole pratique de psychothérapie et un laboratoire de psychologie expérimentale.

Une clinique de maladies nerveuses (dispensaire neurologique etpé-dagogique), est annexée à ITnstitut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis.de 10 h. ù midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis ù y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.

Tous les jeudis, à 10 heures et demie, M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d'aliénés, y complote son cours à l'Ecole pra-/page>

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tique delà Faculté de médecine (semestre d'été) par des conférences sur les applications cliniques et pédagogiques de l'hypnotisme. Il est secondé dans ses démonstrations cliniques par MM. les D" Henry Lemesle, Vlavïanos, Lapinski, et dans ses démonstrations de psychologie expérimentale par MM. les D" Paul Farez, A. Guimbeau, Bianchi, Branly et par M. Charles Verdïn.

Depuis 1892, pendant le semestre d'hiver de chaque année, des cours et dés conférences ont été faits les jeudis à cinq heures, par MM. les D" Dumontpallier, Bérillon, Max Nordau, E. Causlier, Henry Lemesle, Paul Farez, Collineau, Saint-Hilaire, Oscar Jennings, Armand Paulier, Tison, Bianchi, Légué, et par MM. Lionel Dauriac, Jules Bois, Lépinay Laisant, Albert Coutaud, sur les diverses branches de la psychologie physiologique et pathologique.

M. le Dr Paul Joire, correspondant de l'Institut psycho-physiologique, fait, chaque année à Lille, un cours annexe d'hypnologie.

Le laboratoire de psychologie, grâce â une dotation importante, est actuellement pourvu de tous les appareils enregistreurs nécessaires aux recherches expérimentales. Il se complète chaque année par l'acquisition des appareils les plus nouveaux.

Un musée psychologique contient un nombre considérable de documents relatifs â l'hisloire de l'hypnotisme et de la psychologie. La bibliothèque est mise â la disposition des étudiants inscrits.

Chaque année, un certain nombre d'étudiants trouvent d'importantes contributions à leur thèse de doctorat dans les travaux de l'Institut psycho-physiologique.

COURS A L'ÉCOLE PRATIQUE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE

Semestre d'été 1900.

M. le Dr Bérillon, médecin inspecteur des asiles publics d'aliénés, commencera, le lundi 7 mai à cinq heures, à l'Ecole pratique de la Faculté de Médecine [amphithéâtre Cruvcilhier) un cours libre de Psychologie physiologique et pathologique : sujet du cours : L'hypnotisme expérimental et l'hypnotisme thérapeutique. Le cours aura lieu les lundis et vendredis à cinq heures.

PROGRAMME

Psychologie physiologique et pathologique. — Hypnotisme expérimental.

Lundi 7 — Introduction à l'étude de l'hypnotisme. — Le sommeil et les étals analogues. — Le somnambulisme et les états passifs. — L'hypnose et le sommeil provoqué. — L'inhibition et la dynamogénie dans les états hypnotiques. — La théorie du neurone. — L'hy-/page>

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potaxic et l'idéoplastie de Durand de Gros. — Les états hypnoides et les états analogues à l'état d'hypnose. Vendredi ii mai. — Les maîtres de l'hypnotisme expérimental : Braid, Azam, Durand de Gros, Hcidchhaîn, Charles Richet, Mesnet, Charcot, Dumontpallier, Luys, Beaunis, etc..... — Définitions de l'hypnotisme, — L'hypnotisme et la psychologie expérimentale. — Valeur de l'hypnotisme comme moyen d'investigation psychologique.

— Opinions de Wundt, Ribot, Paul Janet, Liégeois, Fouillée, Pierre Janet, Vogl. — Les laboratoires de psychologie et les cliniques d'hypnologie. — La technique de l'hypnotisme expérimental. —Les états profonds de l'hypnose. —Choix des sujets réactifs. — Le diagnostic de la suggestibilité. — Proportion des hypnolisablcs. — Les procédés pour provoquer l'hypnose : l'action psychique et les agents physiques. — Rôle de l'attention dans la production des états hypnotique (Liébeault). — L'induction psychique. — Action spécifique de la musique chez les sujets hypnotisés.

Lundi 14 mai. — Etude psychologique de l'hypnotisme. — Division du travail mental dans les états hypnotiques: dissociation des phénomènes psycho-moteurs ; hypnotisme uni-latéral; indépendance fonctionnelle des hémisphères cérébraux. — Phénomènes psychiques de l'hypnotisme : illusions, hallucinations, variations de la personnalité.

— La mémoire dans les étals hypnotiques : amnésies, hypermnésies.

— Appréciation du temps par les somnambules.

Vendredi 18 mai. — Etude physiologique de l'hypnotisme. — Les lois delà suggestion.—Les degrés et les états profonds de l'hypnotisme. — Les phénomènes somatiques. — Contractures. — Anes-Ihésies. — Les paralysies psychiques. — Influence de la suggestion hypnotique sur les fonctions de la vie organique et les sensations internes. — L'hypnotisme et la psychologie de la douleur. — Les mouvements inconscients cl l'écriture automatique. — Les fonctions de la vie organique. — La respiration et la circulation dans les étals hypnotiques. — Action de la suggestion sur les phénomènes vaso-moteurs. — Applications de la méthode graphique à l'étude de l'hypnotisme.

Hypnotisme thérapeutique.

Lundi 21 mai. — Les maîtres de l'hypnotisme thérapeutique. — L'œuvre psychothérapeutique de Liébeault. — Du mécanisme intime des gué-risons pendant le sommeil. — Considérations générales sur l'art d'endormir et de faire la suggestion. — Interprétation physiologique de l'action curative du sommeil provoqué. — La méthode de Wet-terstrand. — La technique de l'hypnotisme therapeulique. — Les principes de la psychothérapie. — Applications de la suggestion hypnotique â la thérapeutique générale. — L'auto-hypnotisalion thérapeutique. — Les anesthésiques et les narcotiques envisagés comme adju\rants â l'hypnose. — Les artifices destinée à renforcer/page>

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l'action thérapeutique : Le transfert ; les changements de personnalité; les actions psycho-mécaniques, etc.. — Organisation et outillage d'une clinique de psychothérapie et d'hypnothérapic. Vendredi 25 mai. — Les névroses convulsives. — Rôle de l'éducation dans l'étiologie de l'hystérie. — Le traitement psychothérapique de l'hystérie. — L'hystérie mentale. — Action complémentaire de la suggestion hypnotique dans le traitement de l'épilepsie.—Les névroses par épuisement nerveux. — La neurasthénie anxieuse. —Les maladies des sentiments et l'émotivité morbide. — Les phobies neu-. rusthéniques. — Le traitement psychothérapique de la neurasthénie.

Lundi 28 mai. — Applications de la suggestion hypnotique au traitement de certaines formes de l'aliénation mentale. — Les états hypocondriaques. — Les obsessions. — Les idées fixes. — La mélancolie.— La joie et la tristesse suggérées.—Action spécifique de la musique chez les sujets hypnotisés. — Les maladies de la volonté. — Les aboulies. — Les impulsions irrésistibles. — Les paralysies psychiques. — Le traitement psychothérapique de la morphinomanie et de la dipsomanie.

Vendredi i" juin. — L'hypnotisme et l'orthopédie mentale. — Traitement de la kleptomanie, de l'onychophagie, des habitudes automatiques.— Applications de l'hypnotisme à la pédagogie. — La méthode médico-pédagogique (Seguin et Bourneville}. — La méthode hypno-pédagogique (Bérillon). — L'éducation psycho-physiologique de la volonté. — Création expérimentale de centres d'arrêt psychiques.—Le pouvoir excito-moteur et l'impulsion. — Le pouvoir modérateur et l'inhibition. — Le traitement psycho-mécanique des habitudes automatiques et des impulsions instinctives. — La lutte entre l'hérédité et la suggestion.

N.-B. — Le cours sera accompagné de présentations d'appareils avec la collaboration de M. Charles Verdin, constructeur. 11 sera complété par des démonstrations expérimentales à VInstitut psycho-physiologique, 49, rue Saint-André-des-Arts (le jeudi à 10 h. 1/2).

Hôpital de la Pitié. — M. Babinski, médecin à l'hôpital de la Pitié, reprendra ses conférences cliniques sur les maladies du système nerveux, samedi 28 avril, à dix heures un quart, et les continuera les samedis suivants â la même heure.

Asile d'aliénés de la Seine. — M. Marie, médecin-directeur de la colonie familiale de Dun-sur-Auron, est nommé médecin en chef à l'asile de Villejuif.

VAdministrateur-Gérant : Ed. BÉRILLON Paris, Imp. a. Quelqcejzu, rue Gerbert, 10./page>

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Les lois psycholb^iiï^fes de rhiorogénie (»)

Par le D' Charles Binet-Sanglé.

IV

LA CONTAGION RELIGIEUSE III. — TRIANGLES DE SUGGESTION' RELIGIEUSE

i. Triangles à sommet supérieur. —Biaise Pascal se retrouve dans les trois chapelets précédents, parce qu'il suggestionna Jacqueline Pascal, Charlotte de Roannez et Etienne Périer. Ce phénomène peut être représenté par le scheme suivant :

Biaise Pascal.

J'appelle cette figure « triangle de suggestion à sommet supe-(1) Voir les numéros précédents./page>

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!4· année. — N» 12.

Juin 1900.

rieur ?. Le suggestionneur en occupe le sommet, les suggestionnés la base. Les lignes qui unissent le suggestionneur aux suggestionnés sont des rayons de suggestion.

Aiin que ces triangles soient comparables entre eux, je les construits de la manière suivante : je les fais équilatéraux, et je leur donne autant d'unités de longueur de côté, soit autant de centimètres de côté, qu'il y a de suggestionnés à la base.

Ainsi le triangle figure ci-dessus, où il y a trois suggestionnés à la base, a trois unités de côté. CTest un triangle 3. Il est loin d'être exact. J'ai en effet pu construire, d!après mon Histoire, un triangle 8 à sommet supérieur Biaise Pascal :

Biaise Pascal

FiR- 2

Encore celui-ci cst-il fort incomplet, car nous savons que Biaise Pascal dirigeait la piété de « gens de grand esprit et de grande condition (') », qu'il suggestionnait ses compagnons à

il) Gilberto Pascal. — Vie de niaise Pascal./page>

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Port-Royal des Champs, et que ses ouvrages religieux firent un grand nombre de prosélytes.

Voici l'énumération des triangles de suggestion religieuse à sommet supérieur dont je trouve les éléments dans mon Histoire.

Triangles 2.

1° Sommet : Pierre Nicole.

'Base: Louis Périer, Biaise Périer.

Sommet : Jeanne Arnauld.

Base: Jacqueline Pascal, Chai-lotte de Roannez.

le Sommet: Antoine de Rebours.

Base: Gilberte Pascal, Wallon de Beaupuis.

Triangles 3.

1° Sommet : Charles de Rcbergues.

Base : Etienne, Louis et Biaise Périer. 2* Sommet : Le Maïstre de Saci.

Base: Biaise Pascal, Louis de Pontis, Pierre Thomas du Fossé.

3° Sommet : De Sainte-Beuve.

Base : Marie-Louise Séguier duchesse de Luynes, Pierre Nicole, Etienne Périer.

Triangles 5.

1° Sommet : La Bouteillerie.

Base : Etienne, Biaise, Gilberte, Jacqueline Pascal et Florin Périer.

2e Sommet: Jacqueline Pascal.

Base : Biaise et Gilberte Pascal, Florin, Marguerite et Jacqueline Périer.

Triangles 6.

1° Sommet: Des Champs des Landes.

Base : Les mêmes que dans le triangle à sommet La Bouteillerie, avec, en plus, le fils Des Champs des Landes./page>

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2° Sommet : Gilberte Pascal

Base : Etienne, Louis, Biaise, Jacqueline et Marguerite

Périer, Charlotte de Roannez.

Triangles 8.

1· Sommet : Jean Guillebert.

Base : La Bouteillerie, des Champs des Landes, Etienne, Biaise, Jacqueline et Gilberte Pascal, Le Maistre de Saci, Florin Périer.

2e Sommet : Biaise Pascal.

Base : Etienne, Jacqueline et Gilberte Pascal, Artus et Charlotte de Roannez, Etienne, Louis et Biaise Périer.

3« Sommet : Jacqueline Arnauld.

Base : Jeanne Arnauld, Marie d'Angennes du Fargis, Françoise de Sainte-Marthe, Madeleine Bochard, les deux filles de Charles-Albert duc de Luynes, Le Maistre de Saci, Raphaël Le Charron d'Espinoy.

Triangle 10.

Sommet : Corneille Jansen.

Base : Du Vergierde Hauranne, Antoine Arnauld, Arnauld d'Andilly, La Bouteillerie, Des Champs des Landes, Etienne, Biaise, Jacqueline et Gilberte Pascal, Florin Périer.

Triangle 11.

Sommet : Antoine Arnauld.

Base : Lo Maistre do Saci, Wallon de Beaupuis, Etienne, Biaise, Jacqueline et Gilberte Pascal, Florin, Louis et Biaise Périer, La Bouteillerie, Des Champs des Landes.

Triangle 15.

Sommet: Antoine Singlin.

'Base : Biaise et Jacqueline Pascal, Charles du Chemin, M*" de Longuevillo, Marie-Louise Séguier duchesse de Luynes, Le Maistre do Saci, Pierre Nicole, Antoine Giroust, Jean Hamon, Claude de Sainte-Marthe, Jean Bernard du Belair, Artus et Charlotte de Roannez, Wallon de Beaupuis, Etienne Périer./page>

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Triangle 31.

Sommet : Du Vergier de Hauranne.

'Base : La Bouteillerie, des Champs des Landes, Etienne, Biaise, Jacqueline et Gilberte Pascal, La Roche-Pozay, Zamet, Jacqueline Arnauld, Jean Racine, Boileau, Nicole le Tardif, Antoine Arnauld, Arnauld l'avocat, Jean Guillebert, Antoine Singlin, Arnauld d'Andilly, Marie d'Angennes du Fargis, Angélique Arnauld d'Andilly, Madeleine de Ligny, Madeleine Bochard, Antoine Le Maistre, Charles-Henri Arnauld de Luzanci, Etienne de Basclc, Hillerin, Antoine Baudri de St-Giles d'Asson, Le Maistre de Saci, Antoine Giroust, Raphaël Le Charron d'Espinoy, Claude Lancelot, Charles Akakia du Mont.

La grandeur du triangle de suggestion à sommet supérieur mesure la puissance de suggestion, l'ascendant du suggestionneur qui en occupe le sommet. — Comme on a pu le remarquer, ce sommet est occupé, dans mes plus grands triangles, par des propagandistes célèbres, par des personnages qui ont fait une profonde impression sur les hommes de leur temps: Corneille Jansen, du Vergier de Hauranne, Antoine Arnauld, Antoine Singlin, Jacqueline Arnauld, Biaise Pascal.

Le propagandiste entouré de ses prosélytes peut être comparé à un astre entouré de ses satellites, à un aimant chargé de limaille de fer, à un cristal plongé dans une eau-mère et s'ao-croissant par l'adjonction de nouvelles molécules. Ces comparaisons n'ont pas seulement valeur d'images. L'attraction religieuse n'est en effet qu'un cas particulier de l'attraction universelle.

2. Triangles à sommet inférieur. — Si l'on compare les divers triangles de suggestion à sommet supérieurque je viens d'énumérer, on s'aperçoit qu'on retrouve les mêmes noms à la base de plusieurs d'entre eux.

C'est ainsi que le nom de Biaise Pascal se retrouve à la base des triangles à sommet:

Le Maistre de Saci. La Bouteillerie./page>

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Jacqueline Pascal.

des Champs des Landes.

Jean Guillebert.

Corneille Jansen.

Antoine Arnauld.

Antoine Singlin.

du Vergier de Hauranne.

Ce qui veut dire que Biaise Pascal a subi l'influence de ces neuf suggestionneurs, phénomène qui peut être représenté par le scheme suivant :

Fig. s

Biaise Pascal

Cette figure est ce que j'appelle un triangle de suggestion à sommet inférieur Je construis ces triangles de la même/page>

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manière que les précédents, c'est-à-dire que je les fais équi-latéraux, et que je leur donne autant d'unités de longueur de côté, soit autant de centimètres de côté, qu'il y a de sugges-tionneurs à la base.

Le triangle figuré ci-dessus est un triangle 9. Je ne le donne que pour l'exemple, car il est incomplet. 11 ne comprend en effet que les suggestionneurs de Biaise Pascal par la parole, lesquels ne nous sont d'ailleurs pas tous connus, et ses trois principaux suggestionneurs par les signes graphiques. Mais, dans son œuvre. Biaise Pascal ne cite pas moins de 106 auteurs religieux, sans compter 26 ouvrages de dévotion dont j'ignore les auteurs.

Voici rénumération des triangles de suggestion religieuse à sommet inférieur que j'ai pu construire d'après mon Histoire:

Triaxgles 2.

1° Base : de Sainte-Beuve, Antoine Singlin.

Sommet : Marie-Louise Séguier duchesse de Luynes. 2° Base : Gilberte et Jacqueline Pascal.

Sommet : Marguerite Périer.

3e Base : Gilberte et Jacqueline Pascal. Sommet : Jacqueline Périer.

4° Base: Biaise Pascal, Antoine Singlin. Sommet : Artus de Roannez.

Triangle 3.

Base : Antoine de Rebours, Antoine Arnauld, Antoine

Singlin. Sommet : Wallon de Beaupuis.

Triangles 4.

Ie Base: Biaise et Gilberte Pascal, Antoine Singlin, Jeanne Arnauld. Sommet : Charlotte de Roannez.

2· Base: Antoine et Jacqueline Arnauld, Jean Guillebert, du Vergier de Ilauranne. Sommet : Le Maistre de Saci./page>

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3" Base: Jansen, du Vergier de Hauranne, Antoine Arnauld, Jean Guillebert.

Sommet : La Bouteillerie.

4e 'Base : Comme la base précédente. Sommet: des Champs des Landes.

Triangle 5.

Base : Pierre Nicole, Charles de Rebergues, Antoine Arnauld, Biaise et Gilberte Pascal.

Sommet : Biaise Périer. Triangle 6.

Base: Antoine Singlin, de Sainte-Beuve, et les quatre derniers de la base précédente.

Sommet : Etienne Périer. Triangles 9.

1° Celui à sommet Biaise Pascal construit ci-dessus.

2" 'Base : Jansen, du Vergier de Hauranne, Antoine Arnauld, La Bouteillerie, desChamps des Landes, Jean Guillebert, Biaise et Jacqueline Pascal, Antoine de Rebours.

Sommet : Gilberte Pascal.

3e 'Base : Les sept premiers de la base précédente, plus Antoine Singlin et Jeanne Arnauld.

Sommet: Jacqueline Pascal.

Tous ces triangles auraient besoin d'être complétés. La grandeur du triangle de suggestion à sommet inférieur mesure le nombre des suggestions diverses qu'a subies le sujet qui en occupe le sommet, et, d'une façon générale, sa subjugation, sa dépendance.

3. Doubles triangles de suggestion. — Si je mets en contact par leurs sommets le triangle à sommet inférieur Biaise Pascal avec le triangle à sommet supérieur Biaise Pascal, j'obtiens la figure suivante :/page>

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Fig. 4/page>

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Cette figure est ce que j'appelle un double triangle de suggestion. Elle est extrêmement intéressante à étudier.

Supposons que ce double triangle soit complet. Nous y voyons que Biaise Pascal, suggestionné par neuf personnes différentes, suggestionna huit personnes différentes. Le rapport |-, qui est le rapport du triangle supérieur au triangle inférieur, mesure ainsi approximativement le rapport de la suggestibilité de Biaise Pascal, à sa puissance de suggestion.

Le sujet qui occupe le foyer du double triangle peut être comparé à une lentille biconcave à petite courbure. Il reçoit et concentre des suggestions, puis les restitue en les dispersant. Si Ton y réfléchit bien, cette comparaison n'est que l'expression du phénomène.

En effet oublions un instant que les ondes nerveuses peuvent se fixer dans les neurones, en donnant à un composé chimique qui emmagasine momentanément leur énergie. Oublions aussi que ces ondes subissent le plus souvent, en passant d'un cerveau A à un cerveau B, une transformation (en mouvements mécaniques et en ondes lumineuses ou en ondes sonores) d'ailleurs momentanée puisqu'en atteignant le cerveau B elles ont repris la forme qu'elles avaient en quittant le cerveau A. Chaque pensée, ai-je dit, correspond à un système particulier d'ondes nerveuses. Or, on peut dire que les divers systèmes d'ondes nerveuses se réfractent au travers de la plupart des cerveaux, sans se modifier, comme les ondes lumineuses du soleil au travers de l'atmosphère terrestre, de telle sorte qu'on voit des idées traverser, telles quelles, dix-neuf siècles et soixante générations ! — On peut encore comparer les ondes nerveuses aux ondes sonores, et la plupart des cerveaux aux accidents de terrain qui renvoient, syllabe par syllabe, les phrases jetées à l'écho.

Nous trouvons dans le langage psychologique vulgaire, à côté du mot cliché, l'expression idée courante. Tous les deux sont remarquablement exacts et vont au fond des choses.

Pour ce qui est de la pensée, on peut diviser les hommes en deux classes : les transmetteurs et les transformateurs. Les transmetteurs sont la foule, le vulgaire. Les transformateurs sont l'exception, les hommes de génie, ceux qui, recevant plusieurs systèmes différents d'ondes nerveuses, plusieurs pensées diverses, les combinent pour émettre un système nouveau, une pensée, une idée nouvelle, plus simple, et par conséquent plus près de la vérité, car la complexité apparente des/page>

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phénomènes est fonction d'une loi simple. Ce qui distingue l'homme de génie dans la science, c'est avant tout la simplicité. Quoi de plus simple que le système de Lamarck et de Darwin, et quoi de plus génial ? Avant eux autant d'espèces, autant d'idées disparates. Ils viennent, et voici que ce chaos s'organise, que ce fatras s'ordonne, que les phénomènes biologiques s'enchaînent sous l'œil ébloui, que la vie universelle apparaît dans son ensemble! Quel pas de géant ces hommes ont fait faireà l'humanité 1 Aussi bien c'est par les transformateurs qu'elle avance. Ils sont autant de soleils qui entraînent autour d'eux tout un système planétaire humain.

Or ce qui fait les transmetteurs, c'est la suggestibilité; ce qui fait les transformateurs, c'est l'indépendance. Le jour où nous aurons guéri les hommes de la suggestibilité, nous aurons multiplié à l'infini les hommes de génie (')¦

Voici l'énumération des doubles triangles de suggestion religieuse que j'ai pu construire d'après mon Histoire :

Double triangle Augustinus : -y- (créateur-suggestionneur).

— Corneille Jansen : -rg-

— Du Vergier de Hauranne : -jr

— Antoine Singlin : -rg-

— Le Maistre de Saci : -y*

¦

— La Bouteillerie : -?

— des Champs des Landes : -|-

g

— Biaise Pascal : -g-

— Gilberte Pascal : -g-

a

— Jacqueline Pascal : -t-

4· Triangles provisoires 'et triangles définitifs. — J'ai fait des réserves sur l'exactitude des triangles à sommet supérieur ou inférieur et des doubles triangles que j'ai construits. Tous sont en effet des triangles provisoires. Pour les compléter, il faudra étudier en détail la biographie des sujets

(1) C'est parce qu'en science Biaise Pascal sut se dégager des autorités, qu'il fut uo mathématicien et un physicien de génie (Voir fa préface de son Traité du vide). Cette indépendance partielle n'est pas le coté le moins curieux de ea personnalité./page>

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considérés. Encore, pour ia plupart, surtout pour ceux qui ont beaucoup écrit, les triangles définitifs, construits d'après une biographie complète, ne seront-ils pas complets, car on ne pourra dénombrer les sujets suggestionnés par leurs œuvres. Toutefois plusieurs seront assez exacts pour servir de base à la recherche des grandes lois qui président aux suggestions sociales.

5. Suggestion réciproque. — Si l'on se reporte audouble triangle â foyer Biaise Pascal, on peut rembarquer que Jacqueline Pascal est sur les deux bases. Cela veut dire que Biaise et Jacqueline Pascal se sont suggestionnés réciproquement. Ce phénomène est fréquent, surtout dans les familles. Je l'ai constaté dans mon Histoire, non seulement entre les sujets susdits, mais entre Etienne et Biaise Pascal, entre Jacqueline et Jeanne Arnauld, entre Corneille Jansen et du Vergier de Hauranne. [A suivre.)

SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE

Séance du 10 avril 1900. — Présidence de M. Jules Voisin.

Les Procès aux animaux.

Par m. le Dr Henry Lemesle, avocat à la Cour d'appel.

Il m'a paru intéressant d'appeler l'attention de la Société sur une série de faits qui, dès l'abord, pourraient sembler plaisants, mais que nous devons retenir et étudier en raison des caractères de rigoureuse authenticité dont ils sont revêtus. Je veux parler des procédures dirigées contre des animaux pendant le Moyen-Age et même pendant les temps modernes.

L'étude de ces faits nous montrera de quelle nuit fut entourée, durant cette période, la conception des responsabilités morale et pénale et quelle en fut la perversion. Je veux me borner, quant à présent, à citer quelques-uns de ces procès étranges, dont j'ai trouvé un grand nombre, dans mes recherches aux bibliothèques Nationale et Mazarine.

D'une façon générale, il convient de dire, à la louange des dépositaires de la justice d'alors, que toutes les formes de la procédure étaient observées et que les inculpés a quatre pattes étaient mis dans la prison commune : l'autorité payait le même prix pour l'entretien de tous les prisonniers sans distinction de race.

En 11-20, l'évêque de Laoïi, pour combattre des chenilles, lança contre elles la même excommunication que le Concile de Reims fulminait l'année précédente contre les prêtres mariés./page>

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En 1386, une truie, qui avait tué un enfant, fut condamnée à être pendue. Les manuscrits qui nous rapportent ces hauts faits ajoutent que l'exécution coûta 10 sols 10 deniers, plus un gant neuf donné à l'exécuteur et que la truie fut exécutée en habit d'homme sur la place de l'église de Falaise. Une fresque de l'église de Falaise consacre même le souvenir de cette exécution.

Au IVe siècle, Félix Malleolus, théologien, rapporte le procès intenté à. des mouches cani/iarides de Maycncc. Le juge leur lança, avec le plus grand sérieux un ordre de comparaître, ce qu'elles ne firent point. On attribua cela à «leur petitesse et à leur éloignemenl de l'âge de majorité », et l'on nomma un curateur chargé de les défendre, ce qu'il fit avec une grande correction. Le tribunal conclut paternellement que les cantharides devaient être chassées du pays, mais à la condition qu'on leur réservât un espace spécial où elles pussent se retirer et finir leurs jours.

En 1405, un bœuf est exécuté pour ses « démérites. »

En 1454, l'évéque de Lausanne introduisit une instance en justice contre les sangsues qui infestaientleseauxdelïerne. L'évéque envoya aux juges de Berne un délégué porteur de ses instructions : « Il serait convenable « de se procurer un de ces vers aquatiques et de le mettre en présence ? d'un magistrat... Le délégué avertira ensuite lesdites sangsues, tant « celles qui sont présentes que les absentes, d'avoir à abandonner les « lieux qu'elles ont témérairement occupés et de se retirer là où elles ne b peuvent nuire, leur accordant à cette fin trois délais d'un jour chacun, ß formant en tout trois jours pleins... »

Citées à comparaître personnellement les sangsues firent défaut. Un curateur leur fut nommé et elles furent jugées par contumace. L'évéque de Lausanne eut gain de cause: les bestioles furent condamnées à se retirer dans les trois jours aux lieux désignés sous peine d'excommunication. Les délais expirés sans résultat elles furent anotliémalisées.

En 1457, nous trouvons dans une procédure suivie contre une truie et ses six pourceaux coupables de meurtre et homicide: « Le demandeur u pour noble demoiselle dame de Savigny, et le défendeur entendus, ß disons et prononçons la truye de Jean Baîlly pour raison de multre et « homicide par elle commis et perpétré en la personne de Jean Martin « être confisquée à la justice pour être mise au dernier supplice et être b pendue par les pieds de derrière à un arbre... et a ladite truye, menée b sur une charrette été pandue par les pieds de derrière, en exécution de u ladite sentence, par Estienne liinceuu. maître de la haultc justice, de-« mourant à Chnlons-sur-Saone.

(Du 10 janvier 1457 au vendredi après la Purification de Notre-Dame Vierge.)

En 1474 à Bàle. un coq fut accusé et convaincu de sorcellerie. Il fut condamné à être brûlé par la main du bourreau et l'exécution eut lieu devant un grand concours de population.

En 1499 un taureau des environs de Beauvais est condamné à être/page>

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suspendu à la potence jusqu'à mort inclusivement... pour avoir par fu-riosité occis un jeune fils de 14 à 15 ans.

En 1516, le dispositif d'une sentence prononcée par l'officiai deTroyefi se terminait ainsi : ? Parties ouïes, faisant droit à la rcqueste des habi-« tants de ViUcnoxe, admonestons les chenilles de se retirer dans six « jours et à défaut de ce faire les déclarons maudites et excommuniées. *

En 1522, les habitants d'Aulun engagèrent un procès qui dura 8 ans contre les rats, dont leurs maisons étaient infestées. Le tribunal donna aux accusés un défenseur d'office : le jurisconsulte Chassanée. Celui-ci employa des moyens dilatoires ; il représenta au tribunal que beaucoup de ses clients étaient dispersés dans la campagne et n'avaient pu être touchés par la citation, il obtient en conséquence qu'on leur notifierait une seconde citation au moyen de publications faites en chaire aux jours de proche de chaque paroisse. — Les rats allaient être déclarés contumaces, Chassanée invoqua pour leur défense, la longueur et les difficultés du voyage, les dangers auxquels ils étaient exposés de la part des chats leurs ennemis mortels lesquels ayant été informés de la chose les guettaient au passage; enfin il ajouta qu'il était injuste d'accuser tous les rats des méfaits de quelques-uns et eut recours à d'autres considérations sentimentales.

En 1546, une vache est condamnée à être pendue et brûlée avec un homme.

En 1552, le 2 mars, le Chapitre de Chartres, après information faite, condamna un pourceau qui avait occis une fille, à être pendu à une potence placée sur le lieu même du délit.

En 1572, un porc est condamné à être pendu à une potence par les maire et échevinsde Nancy pour avoirdévoré un enfant à Moyen-Moutîer

En 1601, le Parlement condamne dame Claude de Culaire à être pendue, ainsi que son chien, à une potence.

En 1685, les clienilles du diocèse de Vauclusc furent traduites à la barre. Le procès fut plaidé très solennellement. Finalement on enjoignit aux chenilles de quitter le diocèse.

En 1690, on note un procès identique contre les chenilles de l'Auvergne que l'on pria de se réfugier dans un terrain spécial que le tribunal voulut bien spécifier.

Vers la même époque, le grand vicaire de Valence fit citer d'autres chenilles par devant lui et les condamna à vider le diocèse. Elles ne tinrent auccn compte de ce verdict et continuèrent leurs déprédations. Ce que voyant on eut recours à la malédiction et à l'excommunication ; mais deux jurisconsultes et deux théologiens s'y opposèrent et l'on n'usa que d'adjurations, de prières et d'aspersions d'eau bénite. L'effet fut merveilleux, les chenilles disparurent: c'était apparemment que pendant le procès qui fut fort long, les chenilles étaient devenues papillons...

En 1720, un procès fut instruit contre une ânesse, complice de son maître dans un crime abominable. A cette ùnesse, qui étaitlrès estimée/page>

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dans le pays, le curé et les notables délivrèrent le certificat suivant : * Nous soussignés, prieur et habitants de la paroisse de Vanvres, ccrti-"! fions que depuis 4 ans que nous fréquentons l'âncssc de Jacques « FciTon. celle-ci s'est toujours montrée sage et de bonne conduite, « tant à la maison que dehors, n'ayant jamais été importune â personne « ni en actions, ni en paroles et quant à ses mœurs nous nous portons « garants de sa parfaite honnêteté ; en foi de quoi nous avons signé de a notre main. — Fait à Vanvres, le 19 septembre 1730. Pintuel, prieur ». — Le maître fut condamné et l'ânesse fut acquittée.

Le 27 Brumaire an II, Je tribunal révolutionnaire, présidé par Dumas, eut à juger un chien qui fut condamné à mort. ¦ »

Nous terminerons ici celte enumeration que nous estimons suflisante pour établir l'existence indiscutable de procédures contre les animaux. Malgré le ridicule des pareils actes, pouvons-nous, en conscience, être fiers des progrès accomplis ?

Si l'aberration qui consistait à punir des animaux a disparu, n'est-il pas décevant de songer qu'au regard des humains, la machine ne va guère mieux qu'autrefois, et qu'au grand comme au petit criminel, l'erreur judiciaire eet souvent cultivée par des magistrats fermés aux lois de la psychologie pathologique et qui s'obstinent â vouloir découvrir dans les corpus juris le fonctionnement cérébral du corpus humanum.

Suggestion par lettre.

Par M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrlère.

Je vous ni entretenus, le mois dernier, d'une malade que j'avais guérie de spasmes rythmés du diaphragme, grâce à une suggestion indirecte, par le moyen d'une pilulcdebleu de méthylène. Cette même jeune fille présentait aussi des phobies et des obsessions pour lesquelles je prescrivis l'isolement dans une maison de santé. Toutefois, avant de me quiller, elle se montre inquiète : « — Mais, dit-elle, dans cette maison: je ne vous verrai plus, vous me manquerez ; donnez-moi quelque chose qui vous rappelle à mon souvenir et qui me fasse du bien, a Je lui remets alors une lcltie dans laquelle j'écris les suggestions appropriées ù non cas et lui recommande de la lire attentivement. Chaque fois qu'elle se livre à celte lecture, il lui semble que je suis auprès d'elle et qu'elle entend ma voix. Cette suggestion écrite eut de très heureux résultats, carcette jeune fillcest actuellement débarrassée des troublcsqui avaient nécessité son séjour dans cette maison de santé.

Dicussiûn.

M. Bbknheim (de Nancy). — Jo suis à même de rapporter un cas analogue de guérison par lettre. Il s'agit d'une Brésilienne, qui, â Rio-dc*/page>

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Janeiro, après avoir vu un cheval prendre le mors aux dents, avait présenté des crises d'hystérie, et, consécutivement, un tic de la face.

Au Brésil même, on l'avait, grâce à l'hypnotisme, guérie de son tic. Elle vin: me trouver, un beau jour, parce qu'elle avait quotidiennement cinq â six crises, à table, entre le premier et le second plat. Je lui fis alors du vrai hypnotisme et elle n'eut plus aucune crise pendant dix-huit mois. Mais de retour au Brésil, elle a une émotion morale et les crises reparaissent. « — Pouvez-vous me traiter par correspondance, m'écrit-elle ?» a — Certainement, lui répondis-je. Tous les jours, à dix heures du matin, vous vous mettrez dans un fauteuil, vous lirez attentivement ma lettre, vous m'entendrez dire : « Dormez! » etvous vous endormirez pendant dix minutes, après quoi vous vous éveillerez toute seule; ainsi vous serez guérie de vos crises. Vous ferez ce traitement pendant dix jours, et au bout de ce temps, vous m'écrirez. Je reçois en effet une lettre dithyrambique; pendant ces séances de dix minutes, non seulement elle m'entendait, mais elle causait et tenait des conversations avec moi. Deux années se passent sans encombre. Au bout de ce temps, je reçois une nouvelle lettre : cette personne n'a plus de crises ; mais, depuis plusieurs semaines, elle a des obsessions ; par exemple, elle se sent attirée par la fenélre et n'ose s'en approcher de peur de se précipiter dehors. Je renvoie une lettre analogue à celle qui avait si bien réussi une première fois et je reçois de nouveaux remerciements dithyrambiques : cette femme avait guéri parce qu'elle avait foi en moi.

M. Bébillox. — Un jeune homme atteint d'incontinence d'urine venait d'être reçu à l'Ecole navale. Trèsaffecté de son infirmité, craignant d'être réformé, il vînt me trouver l'avant-veille de son entrée au Borda, et je pus le guérir en une seule séance. Mais, trois mois après, l'incontinence reparait. Il m'écrit une lettre cploréc. Alors je lui envoie ma carte de visite sur laquelle j'ai écrit des suggestions qu'il devra lire attentivement chaque soir avant de se coucher. L'incontinence disparut définitivement.

Hypnotisme et suggestion par M. le Dr Beknheim, Professeur â la Faculté de Médecine de Nancy.

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le Dr Liébeault et avec le D' Bérîllon sur quelques points principaux.

J'estime qu'il y a suggestion toutes les fois qu'un cerveau est actionné par une idée; suggestion veut dire, si l'on veut, influence, mais je nie refuse à appeler sommeil tout état quelconque à la faveur duquel on persuade un cerveau.

L'hypnotisme n'est un état ni anormal, ni antiphysiologique, ni pathologique. Ou peut réaliser tous les phénomènes dits hypnotiques chez/page>

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des sujets qui ne sont pas, le moins du monde endormis. Les personnes chez lesquelles on constate la catalepsie, dite hypnotique, soit élastique, soit rigide, présentent le même phénomène dans l'état de veille parfaite. Je prends dans mon service un malade atteint, je suppose, de fièvre typhoïde : si je lui lève la main, une fois sur trois, au moins, il gardera la main cn l'air, parce qu'il n'a pas assez de spontanéité intellectuelle pour changer sa main de place.

.Si, dans la pratique civile, vous prétendez endormir tous les malades avant de leur faire des suggestions, vous courez au-devant de nombreux échecs, car vous n'endormirez guère qu'une personne sur cinq. Au contraire, je suppose que je me trouve en présence d'un individu atteint, par exemple de rhumatisme; ce malade s'abstient de marcher parce qu'il existe chez lui, au point de vue du mouvement, une inhibition créée et entretenue par la douleur psychique : je le décide à marcher, et pendant qu'il marche, je lui fais de la suggestion active et j'arrive ainsi à vaincre sa douleur. S'agit-il de guérir des crises hystériques? Je donne une crise, je la laisse se développer, et alors, je l'arrête parla parole ; je dis à la malade : Je vous touche, vos membres se décontracturent, je vous défie d'avoir encore une crise, ? J'apprends ainsi son cerveau à ne plus l'avoir.

Ce qui agit, c'est la suggestion à l'état de veille; celle-ci est la mise en action d'une propriété normale, la suggestibilité. Grâce à elle, on apprend au malade à faire œuvre d'inhibition et de dynamogénie.

Discussion.

M. BfiniLLON. — La psychothérapie comprend un domaine beaucoup plus étendu que celui que lui assigne M. Bernheim. Tout d'abord on peut recourir à l'emploi du sommeil provoqué, envisagé comme procédé pour calmer l'excitation, indépendamment de toute suggestion. Nous utilisons couramment le sommeil provoqué, d'une durée plus ou moins prolongée dans le traitement d'un grand nombre d'états nerveux. La durée des séances de sommeil à notre clinique est d'environ une heure. Les malades considèrent ce sommeil comme un état réparateur. comme un sédatif puissant, et nous sollicitent de le leur appliquer. — Un autre procédé psychothérapique consiste à utiliser la suggestion faite dans l'état d'hypnose. Enfin, dans certains cas, on aura simplement recours â la suggestion â l'état de veille. Xous devons reconaître que la suggestion à l'état de veille est un procédé qui ne donne pas satisfaction aux malades et qu'ils ne lui attribuent aucune efficacité. Si nous nous bornions à faire la suggestion à l'état de veille, notre clinique serait bientôt désertée. Ce que les malades viennent nous demander, c'est l'hypnotisme, c'est le sommeil provoqué. Nous l'obtenons presque chez tous nos malades après un nombre variable de séances. Dans certains cas nous avons recours à des adjuvants d'ordre physique .vibrations, miroirs rotatifs, fatigue des yeux) et aussi à l'influence del'i-/page>

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irritation. Avant de faire de la suggestion curative, nous considérons comme le Dr Liébeault, qu'il est indispensable de préparer le terrain, de plonger le sujet dans un état qui ne comporte ni discussion ni résistance, de créer un état passif, en un mot de réaliser l'inhibition et le monoidéisme. La suggestion à l'état de veille s'est montrée parfois puissante, mais le plus souvent aussi elle est tout à fait inefficace ; notre conception de l'hypnotisme est identique à celle qu'en ont eue d'illustres précurseurs: Braid, Azam, Durand de Gros, Charcot, Liébeault, Dumontpallicr et Voisin.Négliger l'hypnotisme pour ramener la psychothérapie à la simple suggestion à l'étal de veille serait nous priver volontairement d'un agent thérapeutique précieux. Nous pensons que ceux qui resteront fidèles à la doctrine de l'hypnotisme auront à leur disposition une méthode thérapeutique beaucoup plus puissante etbeau-coup plus efficace que ceux qui limitent leur moyen d'action ? la suggestion vigile. Traiter un malade par la suggestion à l'état do veille, c'est ce que tous les médecins font dans la pratique courante ; provoquer l'hypnotisme, c'est réaliser l'application d'un art difficile, délicat, pour lequel on ne saurait acquérir d'aptitude sans un entraînement spécial. Tenter de faire de la suggestion l'état de veille, c'est à la portée de tout le monde. Provoquer l'état d'hypnotisme constitue une intervention qui, comme l'intervention chirurgicale exige une compétence particulière.

M. Pau de Saint-Martin. — Il y a dans l'hypnotisme quelque chose de plus que dans la suggestion. Chez un de mes malades, j'obtiens facilement pendant l'hypnose ce qu'il me refuse systématiquement quand je le lui suggère à l'état de veille. D'ailleurs, la simple contemplation d'un objet brillant peut endormir sans que la moindre suggestion intervienne.

M. Paul Magnin. — C'est ainsi que j'ai vu une personne tomber en somnambulisme après qu'elle eut reçu dans les yeux des rayons solaires reflétés dans une glace. J'ai vu aussi chez Dumontpallier des malades présenter un sommeil pathologique, et une fois guéries, cesser d'être suggestibles.

M. Jules Voisin. —Au fond, tout le monde est du mèmeavls; le désaccord ne porte que sur les mots, même quand nous n'avons pas profondément endormi notre malade, nous l'avons plongé dans un état particulier, et, ainsi, rendu plus suggestible.

RECUEIL DE FAITS

Rage imaginaire guérie par suggestion religieuse.

par M. le Dr Manouvriez (de Valenciennes) Membre correspondant de l'Académie de Médecine.

Le 15 février 1809,1a Sous-Préfecture nous communiquait un télégramme d'un maire, l'informant qu'un cas de rage était constaté dans sa commune, el nous chargeait d'examiner te malade ie plus tôt possible et/page>

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défaire connaître nos appréciations et propositions sur les mesures à prendre. Le jour même, après midi, nous avons rempli cette mission, avec l'assistance du médecin du Bureau de bienfaisance,en présence du maire et du greffier.

Au commencement de novembre dernier, plusieurs habitants avaient été mordus par un chien enragé, venant d'une commune contigue, qui fut abattu et dont la tête a été adressée ? l'Institut Pasteur de Lille. Un seul d'entre eux, un garçon de neuf ans, fut soigné â cet établissement ; les autres refusèrent de se soumettre à ce traitement préventif.

Le 30 du même mois, X..., âgé de vingt ans, sujet belge, demeurant chez son beau-père, était aussi mordu par un chien inconnu, paraissant enragé, qui pourrait être le chien suspect abattu dans la localité vers cette époque.

D'après les renseignements du médecin, ce jeune homme n'aurait commencé qu'il y a trois semaines environ à devenir souffrant et à ressentir des douleurs vagues, quant le 11 février, vers 10 heures du soir après avoir prévenu ses parents qu'il craignait de faire un malheur et et qu'on se méfiât de lui, il fut pris d'un violent accès nerveux présentant les caractères d'un accès rabique; durant trois heures, il fut en proie à un délire furieux, avec violente surexcitation, yeux hagards, globes oculaires convulsés et écume à la bouche ; il bavait, crachait sans cesse et cherchait à mordro et à griffer. II ne fallait pas moins de cinq ou six personnes pour le maîtriser ; on dut même l'attacher au lit. Pendant la crise, il avait refusé de boire, mais ensuite, il but et mangea sans difficulté.

Le 13, àsix heures du soir, soit quarante-et-une heureaprès,se déclarait un second accès semblable, qui dura près de douze heures. Trois personnes avaient été égratignées : le beau-père, un frère du malade et le curé. Les habitants étaient terrorisés; le garde se tenait en permanence devant la maison, pour écarter les curieux et prêter main-forte au besoin; la rue avait été interdite aux voitures. C'est avec les plus grandes précautions que les parents s'approchaient du malheureux pour lui donner boissons et aliments. L'affollcment était grand dans la population ; tel assistant de marque s'était empressé de brûler le mouchoir dont il s'était protégé la bouche dans la chambre de l'enragé ; le curé s'était rendu au pèlerinage ù Saint-Hubert (Belgique). C'est alors que la municipalité en avait référé â l'autorité supérieure.

A notre arrivée, un parent prépare lo malade â notre visite. Nous trouvons celui-ci couché sur le dos, maintenu, pieds et poings liés, dans son lit. La physionomie aune expression concentrée; les yeux ne paraissent pas souffrir de la lumière, que l'unique fenêtre de son réduit darde directement sur lui. Copime nous lui demandions s'il se trouvait mieux, brusquement il répondqu'il va bien etqu'il est guéri, « Depuis quand? a hasardons-nous. Se tournant alors, pour la première fois vers nous : * Depuis que le vicaire est venu ~» réplique-t-îl, d'une voix comme inspirée; et son masque moyen-âgeux nous frappe. Le diagnostic de rage/page>

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imaginaire s'impose à nous. Ce que l'auto-suggestion avait fait, la suggestion religieuse l'avait défait. Aussi nous gardons-nous d'ébranler sa conviction ; aussitôt, au contraire, nous affirmons solennellement que cela se passe toujours ainsi en pareil cas et, nous adressant aux assistants étonnés, nous leur confirmons la guérison.

Confiant dès lors, il raconte que le vicaire lui a mis la médaille de Saint-Hubert; qu'immédiatement les douleurs dans la jambe mordue ont cessé, et qu'il sent bien qu'il est tout-â-fait guéri. Le chien qui l'a mordu était certainement enragé, « puisqu'il écumait a ajoute-t-il péremptoirement.

Ce n'est cependant pas sans appréhension qu'on nous voit approcher le malade, examiner sa langue légèrement chargée, tâter son pouls, normal quoique un peu fréquent (100 pulsations par minute), et prendre sa température axillaire, à peine au-dessus de la moyenne : 37" 1. La respiration se fait bien ; le sujet boit facilement, bien qu'il soit étendu à plat. On constate, à la jonction des tiers supérieur et moyen de la face antéio-externe de la jambe gauche, une petite cicatrice blanche, arrondie, déprimée, de deux millimètres de diamètre, trace de morsure.

Il parait que, profitant d'un moment de solitude, le malheureux a réussi, malgré les liens, à uriner dans la ruelle du lit. Un urinai improvisé, tel qu'un bocal, et une torche devraient être mis à sa disposition. Nous faisons comprendre au patient qu'il a tellement effrayé les siens qu'il doit leur faire cette concession de laisser substituer aux liens une camisole de force, immobilisant les membres sans douleur, comme on le fait pour les délirants ; il y consent.

Il était à craindre que les parents détruisissent l'impression suggestive ; en partant, dans la chambre voisine où le malade entend tout, devant leurs questions, nous réitérons l'assurance de la guérison, tout en les entraînant au dehors.

Au médecin, devant le maire et le greffier, nous exposâmes alors que, vu l'absence des symptômes habituellement constatés dans l'intervalle des accès rabiques: fièvre, hydrophobie, constriction à la gorge, anhélation, etc., nous ne pouvions porter le diagnostic de rage ; qu'il s'agissait là très probablement de rage imaginaire, par crainte de la maladîei comme on en a déjà observé plusieurs cas. Bien que le chien mordeur eût pu être enragé, sa bave avait dû être essuyée par le pantalon à travers lequel avait eu lieu la morsure. Notre confrère objecta que le sujet, ignorant, ne devait pas avoir eu connaissance du tableau sympto-matique de la maladie, et que, par suite, il n'avait pû s'autosuggeetion-ner; nous avons néanmoins persisté dans notre opinion qu'il avait dû lire des descriptions de la rage.

En tout cas, il ne pouvait être ici question du traitement pastorien, qui n'a, on le sait, qu'une action préventive et non curative.

Nous fîmes, d'autre part, remarquer qu'il n'était nullement établi que la maladie fut transmissible d'homme à homme par morsure ou/page>

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égratignure, puisque dans les trois cas de morsure connus, il n'y avait pas eu contagion.

A notre retour, en chemin, un frère du malade affirma devant le greffier que le patient avait déjà ressenti des douleurs dans la jambe mordue, quelques jours après l'accident, et que, dès le début, il n'avait cessé d'être impressionné et de lire des livres traitant de la rage.

Le surlendemain, le maire faisait savoir que le malade se trouvait toujours dans le même état, sans fièvre, avec toute sa lucidité, mangeant et buvant parfaitement. 11 demandait d'ailleurs conseil sur plusieurs points. - Si nous le délions, écrivait-il, et que ses accès lui reprennent, il fera sans doute des victime3 ; et du reste, /a popula'ion apeurée ne permet pas son relâchement. D'un autre coté, comme il est étroitement lié sur son lit, si nous l'y maintenons, ne sommes-nous pas exposés, par les odeurs malsaines qui se dégageront (et il y a déjà un commencement), à voir éclore une nouvelle maladie pour la famille ? » Le mieux, à son avis, était de réclamer son hospitalisation. Enfin, le beau-père et un frère griffés au cours d'un accès demandaient s'ils devaient se rendre à l'Institut Pasteur.

Voici les observations et conseils que nous avons cru devoir lui faire transmettre, le jour même, par la sous-préfecture. Vu la persistance de l'état relativement satisfaisant du malade, il y avait lieu d'attendre encore, afin de s'assurer d'une façon indubitable s'il était réellement guéri. D'autre part, il convenait, par mesure d'humanité, de remplacer les liens par une camisole de force, qui n'immobiliserait que tes membres supérieurs, de sorte que le malheureux pût quitter le lit. Tout au plus, tant pour rassurer la famille que pour éviter une fugue do nature à compromettre la sécurité du patient, aurait-on pu lui mettre aux pieds des entraves assez lâches pour permettre la marche, mais non une véritable course. II était bien entendu que ces mesures ne devaient être prises qu'en présence, ou d'après les indications du médecin traitant. Il n'y avait d'ailleurs aucune urgence à prendre de décision, pour l'instant, à l'égard des personnes griffées, puisqu'il n'était encore nullement prouvé qu'on eût affaire à la rage.

Le 19, sans autres nouvelles, nous avons, dans un rapport, estimé qu'il y avait lieu de croire que la situation ne s'était point modifiée, et que, par suite, vu le laps de temps (cinq jours), écoulé depuis le dernier accès, notre diagnostic de rage devait être considéré comme exact.

Le 5 mars, après lecture d'une lettre du médecin traitant, insérée dans un journal, nous adressions à M. le Sous-Préfet la note suivante: «Ayant appris que le sicux X... était, tout au moins encore le 27 février, maintenu attache à un anneau scellé au mur de sa chambre, et craignant que, par suite de malentendu, cette contention de mode anormal soit continuée pendant un temps indéterminé, j'ai l'honneur de vous proposer de vouloir bien aviser le Maire de su commune qu'il n'y a plus à redouter, chez co névrosé, le retour de ses accès de rage imaginaire par/page>

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auto-suggestion, et que, par conséquent, il est urgent, dans l'intérêt de sa santé physique et morale, de cesser d'exercer sur lui la moindre contention quelconque. »

En réalité, depuis le 17 février, c'est-à-dire au reçu de notre premier rapport, le patient était resté attaché avec une longue chaîne, scellée au mur, soi-disant par ordre de la Sous-Préfecture et sur notre avis. On peut se demander quel aurait été, sans la révélation de la presse, le * temps indéterminé » pendant lequel aurait duré cette contention tout au moins extraordinaire.

(Echo médical du Nord).

COURS & CONFÉRENCES

Aboulie et délire de persécution par Interruption de pratiques journalières de somnambulisme (')

par M. le professeur Raymond.

Cette femme, âgée de quarante-quatre ans, vient il y a quelques mois au laboratoire de psychologie, et voici ce qu'elle raconte : quelqu'un s'est, de loin, emparé d'elle et l'empêche de parler; il a avec lui une ß clique » de femmes qui pénètrent en elle; on devine toutes ses pensées, on les lui vole, on les répète, même on les travestit, ce qui la fait mettre en colère; puis ce persécuteur a des pensées à lui, il les impose à cette femme d'un ton orgueilleux; avec un appareil spécial, il lui envoie des fluides et fait naître en elle des sensations bizarres, surtout dans la langue et le nez, etc.

Ce délire de persécution, avec hallucinations de tous les sens, est arrivé à son apogée en quelques mois ; puis il est devenu chronique. N'était la rapidité de son évolution, on se croirait en présence du véritable délire de persécution, proprement dit, tel qu'on le décrit en pathologie mentale. Ici le somnambulisme est seul en cause. Que s'est-il donc passé ?

Il y a quelques années, cette femme a été un médium célèbre et une somnambule « extralucide ». Pendant dix ans, elle a fait retrouver toutes sortes d'objets perdus ou volés ; elle a une clientèle de fervents, d'adorateurs ot d'adoratrices ; elle s'est ainsi créé une situation qui lui permettait d'avoir cheval et voiture. Elle s'est retirée des affaires, après fortune faite, et c'est au moment où elle a cessé son mitier qu'est survenu ce délire de persécution.

Pendant cesdix ans, elle a été journellement endormie par un certain DrX...; mise ainsi en somnambulisme, elle devenait, paraît-il, extralucide et alors son automatisme cérébral se développait sans entrave. M. Janet a bien montré que les hystériques, ayant un impérieux besoin

{1} Présentation de malade faite à la Clinique ùc* mnladios du système nerveux, à la Salpétriere./page>

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de direction, ont parfois la passion du somnambulisme. Or,celte femme a cessé tout à coup d'6tre endormie quotidiennement; comme aucune volonté ne la dominait plus et qu'elle s'est vue livrée à elle-même, elle est devenue aboulique. Telle est l'origine de son délire de persécution.

Dès que M. Janet a commencé â l'hypnotiser, cette malade s'est trouvée mieux. Aujourd'hui, elle revient à elle, raisonne son cas, reconnaît qu'elle a été le jouet de ses sens abusés; en moins d'un mois, ce délire de persécution est en voie de disparition.

Xotez que cette femme compte, dans ce qu'on appelle le grand monde, bon nombre d'admiratrices qui lui font des offres superbes pour qu'elle reprenne son ancienne profession.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société d'hypnologie et de psychologie

Les séances de la Société d'hypnologie et de psychologie ont lieu le troisième mardi de chaque mois, à 4 heures et demie, au Palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. Jules Voisin, médecin de la Salpêtrière.

La prochaine séance de la Société aura lieu les Mardi 19 juin et 17 juillet 1900, à 4 heures et demie.

Les séances publiques ont lieu les troisièmes mardis de chaque mois à 4 heures etdemie. Les médecins et les étudiants sont invités à y assister.

Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 14, rue Tailbout, et les cotisations à M. Albert Colas, trésorier, 1, place Jussieu.

Renseignements relatifs au Congrès de l'Hypnotisme.

Cartes d'adhérents, — Pendant la durée du congrès international de l'Hypnotisme (du 12 au 10 août), les membres du congrès auront droit à l'entrée gratuite à l'exposition.

Les adhérents qui n'auront pas reçu la carte qui leur sera délivrée à cet effet, pourront la retirer au Secrétariat général, 14, rue Taitbout, au moment de l'ouverture de la session.

Dès leur arrivée à Paris, les membres du congres sont invités à donner leur adresse au Secrétariat général.

Délégués officiels. — M. le ministre de la guorre a désigne comme délégué officiel de son département au congrès de l'Hypnotisme, M. le colonel Pistor, breveté d'état-major.

— M. le ministre de la marine a délégué au même titre M. le DT Vincent, médecin principal de la marine.

— L'Académie royale de médecine de Belgique a délégué M. le pro-/page>

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fesseur Masoin de Louvain, pour la représenter officiellement au congrès de l'Hypnotisme.

Réceptions. — Parmi les réceptions qui seront offertes aux membres du congrès de l'Hypnotisme, nous pouvons déjà citer :

1* Une visite à l'hospice de la Salpétriere, sous la direction de M. le Dr Jules Voisin, médecin de la Salpétriere. Cette visite sera suivie d'un lunch.

2e Une visite à la maison de santé du D'Raffegeac, au Vésinet (pho-thothérapie, hydrothérapie et électrothérapieJ.Cette visite sera suivie d'un lunch.

3° Une réception à l'Institut psycho-physiologique (49, rue Saint-An-dré-des-Arts).

Conférences. — Plusieurs conférences avec projections retraceront l'histoire de l'hypnotisme expérimental et thérapeutique (l'œuvre de Charcot à la Salpétriere et de Dumontpallier à la Pitié).

Séance d'ouverture. — La séance d'ouverture du congrès aura lieu le dimanche 12 août, à trois heures, sous la présidence de M. le professeur Raymond, membre de l'Académie de médecine.

programme provisoire :

i° Discours de réception par M. le D' Jules Voisin, médecin de la Salpétriere, président du congrès.

2° Discours d'inauguration, par M. le professeur Raymond, président d'honneur du congrès.

3« Communications sur l'organisation du congrès par le Secrétaire général.

4° Commencement des travaux par la lecture des rapports généraux soumis à la discussion du congrès (le programme détaillé des travaux du congrès sera distribué à cette séance).

Communications. — Nous publierons dans le prochain numéro la liste des communications qui nous ont été annoncées. — Des appareils à projections seront mis â la disposition des auteurs.

Cours de M. Jules Voisin a la Salpétriere.

M. Jules Voisin, présidentde la Société d'IIypnologie et de Psychologie, médecin de la Salpétriere, a commencé dans son service (section Esqui-rol), le jeudi lu mai 1900, à dix heures du matin, un cours qu'il continuera chaque jeudi, à la même heure. Ce cours a trait aux maladies nerveuses et mentales.

Dans sa leçon d'ouverture, M. Jules Voisin a présenté une malade fortcurieuse, chez laquelle, à la suite d'un choc moral, s'est déclarée une confusion mentale primitive très accentuée. Après en avoir présente par le menu le tableau symptoniatologîque, M. Voisin, àl'nide do l'analyse clinique, a fait d'une manière complète et lumineuse, le diagnostic différentiel do cette affection et montré cn quoi elle ne devait pas/page>

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être confondue avec l'hystérie, la mélancolie stupid c, la démence précoce, la paralysie générale.

Dans la seconde partie de sa leçon. M. Voisin a entretenu son auditoire d'une épileptique qui, dans l'espace de quelques jours, a eu huit cent quinze attaques diurnes et quatre cent cinquante-neul nocturnes, soit, en tout, douze cent soixante-quatorze attaques, avec une température atteignant * ' '". Le traitementprescrit a consisté surtout en injections de sérum, lavements froids et bains froids. Ainsi, les crises qui, par vingt-quatre heures, s'étaient élevées à 23$, 178, 269, 317, 146. tombèrent à 15, 11, 2, !. Des tracés très détaillés montrent avec évidence que la diminution des crises et l'abaissement de la température sont en rapport avec ces moyens thérapeutiques. Il serait utile que ce mode de traitement si efûcace fût connu et vulgarisé comme il le mérite.

On ne saurait trop recommander aux étudiants et aux praticiensd'as-sister assidûment au cours de M. Jules Voisin. Les unset les autres, pour leur instruction générale et pour leur pratique journalière, puiseront de précieux enseignements auprès d'un maître si clair, si méthodique, dont le sens clinique est si sûr et si précis.

Règlement du deuxième Congrès International de l'Hypnotisme de 1900

Art. I".

Le Congrès se réunira à Paris du 12 au lu août 190O. — La séance d'ouverture est fixée au dimanche 12 août, à trois heures. —Les séances auront lieu au Palais des Congrès.

Seront membres du Congres : 1° Les membres de la Société d'Ilypno-logie et de Psychologie;

2e Tous les adhérents qui auront fait parvenir leur adhésion avant le I"aoùt 1900

Art. IL

Les adhérents au Congrès auront seuls le droit de prendre pnrt aux discussions.

Art. III.

Le droit d'admission est fixé à 20 francs.

Aht. IV.

Le Congrès se composera :

1. D'une séance d'ouverture :

2. De séances consacrées à la discussion des rapports et aux communications ;

3. De conférences générales ;

4. De visites dans les hôpitaux et hospices ;

5. D'excursions, de réceptions et de fêtes organisées par le Bureau./page>

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Art. V.

Les communications seront divisées en quatre groupes :

1. Applications cliniques et thérapeutiques d'hypnotisme et de la suggestion ;

2. Applications pédagogiques et sociologiques ;

3. Applications psycho-physiologiques ;

4. Applications médico-légales.

Art. VI.

Les communications et les comptes rendus des discussions seront réunis dans une publication adressée à tous les adhérents.

Art. VII.

Les adhérents sont invités à adresser le plus tôt possible le titre de leurs communications à M. le Secrétaire général.

Les manuscrits des communications devront être déposés sur le Bureau avant la fin de la séance. — Les orateurs qui auront pris la parole dans la discussion devront remettre leur argumentation au cours même de la séance.

Art. VIII.

Toutes les communications relatives au congrès, demandes d'admission, ouvrages manuscrits et imprimés, etc. , doivent être adressées à M. le D' Bérillon, Secrétaire général, 14, rue Taitbout, à Paris (Téléphone 22k-0i). _

Le pied des hindous. Sa préhensibilité.

Le rôle actif du pied dans les industries variées qu'exercent les habitants des Indes, est une chose des plus curieuses. Le menuisier s'en sert comme de sabot; le cordonnier maintient sou soulier avec ses pieds au lieu de l'appliquer sur une forme immobile; le boucher tient un couteau fixé entre le premier et le deuxième orteil, et, prenant la viande à pleines mains, il la coupe ainsi en l'attirant de bas en haut. M. F. Regnault a vu un enfant qui pour se tenir à un arbre, prenait une branche entre son premier et son sc-sond orteil du pied droit.

Dans ce rôle des membres inférieurs, il faut distinguer la part qui revient : 1° à l'articulation delà hanche qui, très lâche, fait que le naturel de l'Inde peut s'asseoir accroupi par terre de façon u avoir ses pieds rapprochés de la main et leur permettre de travailler ensemble ; 2° aux articulations tibio et médio-tarisienne très extensibles; 3" entin aux mouvements très étendus du gros orteil : extension, flexion, adduction, abduction, mais jamais d(* mouvements d'opposition.

Ce fait est d'autant plus important à signaler, qu'il existe quelquefoischcz l'hindou une disposition anatomique spéciale, à savoir un écart notable entre le premier et le second orteil, non seulement entre leurs extrémités, mais encore entre leurs racines, à la naissance desquels il peut atteindre jusqu'à !6 millimètres. Quand à la distance aux extrémités elle peut aller jusqu'à CO millimètres.

L'usage du patin, simple planche ne tenant à la plante du pied que par un boulon en bois quisemetentre le premier et le second orteil, est absolument spécial àl'Indc./page>

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TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES

Abolition du pouvoir modérateur chez un délinquant, par Bérillon, p. 14.

Aboulie et délire de persécution, par Raymond, p. 374.

Accouchements sans douleur, par Bourdon (de Méru), p. 176.

Agoraphobie traitée par ?a suggestion hypnotique, par Vlavianos, p. 11.

Aggraver son mal en y pensant trop ? (Peut-on), p, 158.

Alcoolisme et tabagisme traités avec succès par la suggestion hypnotique par Bourdon (de Méru), p. 145.

Alcoolisme chronique (L'importance de la suggestion hypnotique dans le traitement de), par Bechterow, p. 155.

Altération de la personnalité sous l'influence du morphinisme, par Bérillon,

p. 308.

Anesthésie chirurgicale (La conscience dans) par Jean Philippe, p. 112.

Anesthésie dans les extractions dentaires (Suggestion et), par Albert Bloch, p. 173.

Anesthésie suggestive, par Bourdon

(de Méru), p. 176. Anniversaire du Liébeault, par

Maxime Leroy, p. 97. Applications thérapeutiques de l'aimant,

par Paul Joire, p. 45. Asiles d'aliénés de la Seine, p. 352. Association française pour l'avancement

des Sciences p. 30. 94, 122. Asthme (Traitement de l'asthme par la

psychotérapie), par Brugelmann,p. 136. Automatisme ambulatoire ctsomnambu-

lisme hystérique, par Babinski, p. 81. Automicrostbésie, par Maurice Bloch,

p. 327.

Autophonie (Paracousie, diplacousie et), par A. Malherbe, p. 88.

Automutilations survenant sous l'influence de rêves chez un hystéro-épi-leptique, par Bérillon, p. 278.

Autosuggestion occasionnée par ta malaria, par Lebell, p. 34.

Autosuggestion naturelle(L'). par Coste de Lagrave, p. 257.

Azam (de Bordeaux), nécrologie, p. 193, 219.

Banquet de la Société d'hypnologie et de

psychologie, p. 44. Bleu de méthylène comme moyen de

suggestion, par J. Voisin, p. 329.

Calvitie d'origine émotive, par Boissier, p. 96.

Chemincaux (Les), par Plédran, p. 158.

Chorée hystérique, par Raymond, p. 314.

Chorée de Sydenham (Etiologie de la), par Von Krafft. libing, p. 314.

Chorée hystérique ci suggestion, par Bablnski, p. 149.

Chloroforme et suggestion par Paul Farez, p. 202.

Chronique des Sciences psychiques, par Jules Bois, p-151, 185.

Chronomètre de d'Arsonval pour la mesure des temps psychiques (Technique du) par Jean Philippe, p. 215.

Chronophotographie, par Marinesco, p. 214.

Collège de France, p. 256.

Condamnation d'un médecin qui a couvert de son diplôme un cas d'exercice illégal, p. 20.

Conférences de l'Institut psycho-physiologique p, 160. 192, 233, 256, 288.

Congrès international de l'hypnotisme (Le premier), p. 61.

Congres internai ional de l'hypnotisme expérimental et thérapeutique (Deuxième) p. 33, 253, 281,315,343.

Congrès do l'Association française a Boulogne-sur-Mer. p. 123.

Congrès de la Société italienne de Psychiatrie, p. 128./page>

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Contribution a la psychologie du sommeil) par A. Pilez, p. 63.

Continuité des rêves pendantle sommeil, par Vaschide, p. 58.

Conscience dans l'anesthésie chirurgicale, par Jean Philippe, p. 112.

Cours pratique d'hypnologie et de psychothérapie, p. 127, 160. 192, 223, 255, 287, 350.

Coure à l'école pratique do la faculté de

médecine (Programme), p. 350. Cours annexe professé à Lille par le

Dr P. Joire, p. 319. Chute émotionnelle et généralisée du

système pileux, par H. Bidon, p. 95. Cryptoides (Les phénomènes), par Boirac,

p. 26.

Curieux cas d'incontinence urinaire spasmodique, par Paul Farez, p. 145.

Dédoublement de la personnalité et phénomènes de subconscience provoqués par des manœuvres de spiritisme, par Bérillon, p. 251.

Délire de la jalousie (Le), par Villers, p. 64.

Démence épileptique paralytique spasmodique à l'époque de la puberté, par J. Voisin, p. 339.

Dentaires (Suggestion et anesthésie dans les extractions), par Albert Bloch, p. 173.

Député hypnotiseur (Un), p. 347.

Diplacousie (Paracousie et autophonie), par A. Malherbe, p. 88.

Distinctions honorifiques, p. 288, 320.

Donneuse de Thenelles (La), p. 31.

Dompteurs du feu (Les), par Jules bois, p. 153.

Duchéne de Boulogne (Le monument de), p. 157.

Durand (de Gros), par Félix Regnault, p. 65.

Ecriture en miroir (L'), par Marinesco, p. 284.

Education asthmatique, par Brugelmann, p. 136.

Electrodiagnostic, par Lereboullet et

Allard, p. 217. Electrisation suggestive, p. 281. Enfant (Le sommeil de l'), par E. Périer,

p. 116.

Emotions gaies chez quelques animaux par Albert Coutaud, page 207.

Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique, p. 31, 127, 159, 191, 222, 254, 286, 318, 349.

Epilepsie jacksonionne (Névrose trau-matique simulant), par J. Crocq, p. 279.

Epilepsie purement psychique (Un cas d'), par John Norman Henry, p. 88.

Epilepsie tardive chez une mangeuse de grains de café, par Otto Marburg, p. 99

Epilepsie jacksonienne hystérique, par J. Crocq, p. 184.

Etats mentaux impliqués dans l'appréciation post-hypnotique du temps, par Milne-Bramwell, p. 133, 166.

Etat mental des hystériques, par GIorieux, p. 252.

Evolution médicale en France au XIX siècle, par Grasset, p. 101.

Faculté de médecine, p. 320.

Faux témoignages suggérés, par Paul

Joire, p. 126, 196. Folie délirante (Traitement psychique

d'un cas de), par Henri Stadelmann,

p. 330. Folklore, p. 25, 54, 115. Fugues hystériques et métrorrhagies

guéries par la suggestion hypnotique,

par Jules Voisin, p. 277. Fugues inconscientes (Quelques cas de),

par Raymond, p. 333. Fumeurs et fumeuses d'opium, p. 295.

Gangrène cutanée chez une hystérique, par Balzer, p. 219.

Glycosurie (Idées délirantes de persécution avec hallucinations auditives et visuelles consécutives à un traumatisme psychique, chez une glycosurique. Traitement hypnotique et guérison des troubles mentaux, malgré la persistance de la), par Paul Farez, p. 296.

Hémianesthésie d'origine cérébrale, par Déjerine, p. 87.

Hémiplégie hystérique guérie par la suggestion hypnotique (Un cas de) par Marinesco, p. 214.

Hiérogénie (Les lois psychologiques de 1') par Binet-Sanglé. p. 161, 225, 266, 289, 321, 353.

Hôpital de la Pitié, p. 352.

Hugo (Victor) et les (tables de Jersey, par Jules Bois, p. 151./page>

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Hyperhidrose abondante des mains gué-rie par l'hypnotisme, par Albert Charpentier, p. 204.

Hypnotisme ou magnétisme animal de-vent la Science, par Jean Foustanos, p. 216.

Hypnotisme dans les légendes populaî-res, p. 25.

Hypnotisme et suggestion, par Bernheim, p. 368.

Hypnotisme (Introduction à l'étude de l') par Edgar Bérillon. p. 1, 30, 68, 109.

Hystérie (Polyurie et), par Mathieu, p. 90.

Hystérie dans ses rapports avec les émotions sexuelles, par Havelock Ellis, p. 156.

Idées délirantes de persécution, par Paul Farez, p. 296.

Incontinence d'urine et suggestion pendant le sommeil naturel, par Paul Farez, p. 53.

Incontinence urinaire spasmodique (Un curieux cas) par Paul Farez, p. 145.

Institut de France p. 256, 288.

Introduction à l'étude de l'hypnotisme, par Edgar Bérillon, p. 1, 39, 68, 109.

Jalousie (Le délire de la) par Villers, p. 64.

Jurisprudence médicale, p. 24, 91.

Khuff (Nécrologie), p. 128.

Lépine (Hommage au professeur), p. 348. Liébeault (Anniversaire du Dr). par

Maxime Leroy, p. 97. Lois psychologiques de l'hiérogénie, par

Binet-Sanglé, p. 161, 225, 266, 289, 321.

353.

Lumière colorée en thérapeutique nerveuse, par Félix Regnault, p. 7.

Maîtres de l'hypnotisme et de la psychologie, par Félix Regnault, p. 65, 129.

Martelage de la rate, par Gaston Vuillier, p. 285.

Masseurs-magnétiseurs (Une application de la loi du 30 novembre 1892 aux), p. 91.

Mécanisme des jouissances artistiques (Le) par Lange, (de Copenhague), p. 316.

Médecine et Mysticisme, p. 125. Médecine primitive par les semblables

(La), par Félix Regnault, p. 141. Médecine légale, 341.

Mémoire dans les différentes races, par

Colegrave, p. 285. Menstruation par l'oreille, par Lermoyez,

p. 123.

Métrorrhagies guéries par la suggestion hypnotique (Fugues hystériques et), par Jules Voisin, p. 277.

Miroir (L'écriture en), par Marinesco, p. 284.

Morphinomanes (Traitement des), p. 31.

Morphinisme (Altération de la personnalité sous l'influence du), par Bérillon, p. 308.

Morphinomanie chez les médecins (La), par Crothers, p. 317.

Naundorff (La réhabilitation de), par

Jutes Bois, p. 187. Nécrologie, p. 128.

Névrose traumatique (Un cas original

de), p. 253. Névrose traumatique simulant l'épilep-

sie jacksonnienne, par Joan Crocq,

p. 279.

Nordau (Max), par Félix Regnault, p. 129.

Nourrice tétée par une couleuvre pendant son sommeil, p. 190.

Obsessions et illusions importunes (Sur

les), par Bechterew, p. 89. Œdème hystérique (Un cas d'). par

Combemale et Camus, p. 337. Onanisme (La suggestion hypnotique et

la traitement de l'), par Bechterew,

p. 89.

Opium Fume un et fumeuses d'), par

Bérillon, p. 295. Oreille (Menstruation par), par Lermoyez,

p. 123.

Ouvrages reçus à la Revue, p. 192, 224, 288, 320.

Paracousie, par Bonnier p. 88.

Paracousîe, diplacousie et autophonie par A. Malherbe, p. 88.

Paralysie hystérique du diaphragme (Un Cas de) par Mariani, p. 217.

Patholésie, par Buckley, p. 184.

Persécution (Idées de), avec hallucinations auditives et visuelles etc.. par Paul Farez. p. 296.

Phénomènes cryptoïdes (Les),par Boirac, p. 26.

Photophobie névropathique (Deux cas de), par Raymond, p. 313./page>

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Poids du cerveau el l'Intelligence (Le), par J. Simms, p· 218.

Polyurie hystérique et suggestion, par Souques, p, 325.

Polyurie et hystérie, par Mathieu, p. 90.

Procédé pour produire l'hypnose profonde chez des sujets réfractaires, par Albert Charpentier, p. 236.

Procès aux animaux (Les), par Henry Lemesle, p. 364.

Pseudo-rabies (Un cas de), par Lebell, p. 311.

Psychiques (Chronique des Sciences), par Jules Bois, p. 151, 185.

Psychologie des foules (La), par Edmond Haraucourt, p. 13.

Psychonévrose post-infectieuse guérie par suggestion, par Paul Farez, p. 15.

Rage imaginaire guérie par suggestion religieuse, par Manouvrier, p. 370.

Recherches expérimentales sur les rêves, par Vaschide, p. 58.

Réhabilitation de Naundoff (La), par Jules Bois, p. 186.

Relations entre les troubles des réflexes pupillaires et la syphilis, par Albert Charpentier, p. 279.

Rétropulsion dans la forme d'épilepsie procursive, par Launois, p. 89.

Rêves chez un hystéro-épileptique (Au-tomutilations survenant sous l'influence de) par Bérillon, p. 278.

Revue critique de psychologie et de neurologie, par Paul Farez, p. 26, 87; 112, 155, 184, 215, 252, 270, 313, 339.

Salpêtrière, p. 320.

Sclérose en plaque avec l'hystérie (Association de), par Verrier, p. 335.

Simon (Jules), nécrologie, p. 128.

Sens stéréognostique (Le), p. 30.

Somnambulisme (Interruption de pratiques de), par Raymond, p. 374.

Spiritisme (Dédoublement de la personnalité et phénomènes subconscients provoqués par des manœuvres de), par Bérillon, p. 251.

Suggestions religieuses dans la famille de Blaise Pascal (Histoire des), par Binet-Sanglé, p. 18.

Sommeil de reniant (Le), par E. Perler, p. 116.

Sommeil (contribution à la psychologie

du), par A. Pilez, p. 63. Superstitions médicales chinoises (De

quelques), par Matignon, p. 29. Superstitions médicales du Morvan, par

Bidault, p. 115. Suggestions religieuses dans la famille

de Blaise Pascal (Histoire des), par

Binet-Sanglé, p. 76. Somnambulisme hypnotique (Automatisme ambulatoire et), par Babinski,

p. 81.

Suggestion hypnotique et le traitement de l'onanisme, par Bechterew, p. 89.

Suggestion dans le développement du goût et de l'odorat (Rôle de la), p. 90.

Suggestion visuelle (Un cas de), p. 94.

Société d'Hypnologie et de Psychologie, p. 7, 30, 43, 72, 122, 141, 157, 176, 190, 202, 218, 253, 277, 281, 295, 315, 296, 327, 343.

Sympathie conjugale (Contribution à la pathologie de la), par Ch. Féré, p. 155.

Suggestion et anesthésie dans les extractions dentaires, par Albert Bloch, p. 173

Suggestion de la mort (La fausse et la vraie), par Jules Bois, p. 185.

Sorbonne, p. 256.

Suggestion par lettre, par Jules Voisin, p. 367.

Suggestion suggérée par une malade (Un mode de), par Maurice Bloch, p. 307.

Sourds-muets et l'art. 64 du code pénal, p. 311.

Sommeil naturel (Incontinence d'urine et suggestion pendant le), par Paul Farez, p. 53.

Tabagisme et alcoolisme traités avec succès par la suggestion hypnotique, par Bourdon (do Méru), p. 145.

Tables de Jersey (Victor-Hugo et les), par Jules Bois, p. 151.

Talent mathématique (Le), par Mœbius, p. 339.

Télépathie américaine, par Jules Bois, p. 152.

Témoignages suggérés (Les faux), par

Paul Joire, 126, 196, 229. Temple d'Esculape (Le), p. 317. Thenelles (La dormeuse de), p. 31. Tic convulsif du cou et de la tête

guéri par la suggestion hypnotique,

par Vlavianos, p. 72./page>

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Toucheurs et guérisseurs, par Tiffaud, p. 54.

Tic traité par suggestion (Un cas de),

par Féron, p. 252. Toux hystérique (Un cas de), par Sorel,

p. 348.

Traitement des morphinomanes, p. 31.

Traitement de L'asthme par la psychothérapie, par Brugelmann, p. 136.

Traitement psychique d'un cas do folie délirante, par Henri Stadelmann, p. 330.

Traumatisme psychique (idées délirantes de persécution consécutives à un traumatisme psychique, par Paul Farez, p. 296.

Travail mental ot température, par Pembury et Nicol, p. 191.

Tremblement a forme parkinsonienne traité avec succès par la suggestion hypnotique, par Bérillon, p. 32.

Troubles psychiques d'origine tuberculeuse, par S. Bernheim, p. 241.

université, p. 160.

Ventriloques (Les), par Flateau et

Gutzmann, p. 134. Voyante américaine (Une), par Jules Bois,

p. 187.

Zoophilie, par Raymond, 314.

FIGURES CONTENUES DANS LE TEXTE

Durand de Gros, p. 65. Max Nordau, p. 129.

Amulettes des Giliaks, contre les maladies de poitrine, p. 142.

Fétiches contre les maladies du nez et

contre celles des oreilles, p. 142. Amulettes contre le rhumatisme, p. 143. Amulettes contre la phtisie, p. 144./page>

page n="386">

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Allard (F), 217. Apostoli. 281. Babinski, 81,1«. Balzer, 219. Bechterew, 89, 155.

Bérillon, 1, 10, !4, 39, 68, 109, 201, 206, 240, 241, 251, 252 , 278, 295 , 308, 311, 328» 329, 332, 333, 350.

Bernheim (de Nancy).

Bernheim (Samuel), 241.

Bidault, 115.

Bidon (H.), 95.

Binet-Sanglé (Ch.), 18. 76, 161, 225, 266.

289, 321. Bloch (Albert), 173. Bloch (Maurice), 307, 327. Bois (Jules), 151,152,153,181,185,186,187. Boirac, 26. Boissier. 96. Bonnier, 88-

Bourdon (de Méru), 145,176. Brugclmaon, 136. Buckley, 184. Camus. 337. Claus, 280.

Charpentier (Albert), 204, 236, 241, 279.

Costc de Lagrave, 257.

Coutaud (Albert, 207.

Colegravc, 285.

Combemalc, 337.

Crocq (Jean), 184, 279, 280.

Crothers. 317.

Decroly, 280.

Davczac, 220.

Déjcrine, 87.

Farez (Paul), 15,26,53, 87, 112, 145, 155, 184, 202, 206, 215, 239, 251, 252, 279, 296, 313. 329. 339.

Féré (Ch), 155.

Féron, 252.

Flateau, 124.

Froment, 221.

Foustanos (Jean), 216.

Gehuchton(Van), 281.

Glorieux, 252.

Grasset, 101.

Grignan,9.

Gutzmnnn, 124.

Havelock Ellis, 156.

Haraucourt (Edmond), 95.

Henry (John Norman). 88-

Joire (Paul), 45,126, 176, 196, 229, 319.

Krafft-Ebing (Von), 34.

Lange, 316.

Launois, 89.

Lcbell, 311.

Le Menant dos Chesnais, 203.

Lentz, 281.

Lemesle (Henry), 329.

Lermoyez, 123.

Leroy (Maxime), 97,

Lereboullet, 217.

Mabboux, 190.

Magnin (Paul), 241, 251.

Manouvrier, 370.

Marburg (Otto), 90.

Malherbe (A.) 88.

Mathieu, 90.

Mariant, 217.

Milne-Bramwell, 133, 1G6.

Mœbius, 339-

Matïgnon, 29.

Marinesco, 214, 284.

Nicol. 191.

Pau de Saint-Martin, 203, 241, 328. Pembery, 191. Perier (E.). 116. Philippe (Jean), 112, 215. Plédran, 158. Pilez, 63.

Raymond, 313, 314 , 333.

Regnault (Félix). 7, 65, 129, 141, 203.

Stadelmann (Henri), 330.

Simms (J.) 218.

Sorel, 318.

Souques, 325.

Tiffaud, 54-

Vascbide, 58.

Vorrier, 335.

Villers, 61.

Vlavianos, 11,72.

Voisin (Jules) 204, 251, 277, 311, 329, 333, 339.

Vuillier (Gaston), 285.