REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
L'ONYCHOPHAGIE
Sa fréquence chez les dégénères, et son traitement psychothérapique
Par M. le docteur E. BERILLON Médecin inspecteur-adjoint des Asiles d'aliénés.
De toutes les habitudes vicieuses ou nuisibles que les neuro-logisles et les psychiàtres rencontrent chez les dégénérés, l'habitude de se ronger les ongles esl certainement la plus fré-quente. Dès que l'attention du clinicien est appelée sur celle habitude, il ne larde pas à constater chez un grand nombre de sujets des deux sexes et de tout âge. la déformation des doigts si caractéristique qui en est la conséquence. Ne fut-ce que par sa fréquence, celle habitude mérite d'être désignée par une appellation spéciale, C'est pourquoi nous avons cru devoir créer pour elle un néologisme, onychophagie. de W£- ongle, et -sa^:». manger.
La plupart des médecins qui se sont occupes de la dégénérescence héréditaire envisagée dans ses causes aussi bien que dans ses effets. ne nous paraissent pas avoir accordé à l'onychophagie une attention suffisante. En effet comment ne pas reconnaître la valeur séméiologique d'une habitude de cette nature lorsque par sa constance et sa fréquence chez les dégénérés elle prend le Caractère d'un véritable stigmate'? Sans compter les considérations d'ordre hygiénique, psychologique et pédagogique qui en découlent nécessairement.
CONSIDERATIONS HYGIENIQUES
Avant d'aller plus loin, envisageons d'abord les conséquences que peut avoir au point de vue de l'hygiène élémentaire, une
habitude dont le principal effet est d'apporter constamment dans la liouchc les matières pulvérulentes ramassées par la main mise on contact successif avec les objets les plus divers. Tout le monde sait le rôle important attribué, dans la production des maladies, à l'ingestion de microbes pathogènes. Les remarquables expériences instituées par M. le professeur Chauvcau ont mis hors de doute la facilité redoutable avec laquelle la tuberculose peut cire transmise par les voies digestivos. Tous les animaux auxquels la matière tuberculeuse, même à faible dose, avait été administrée par la voie buccale, furent infectés. (liiez un certain nombre de ces animaux, les lésions tuberculeuses apparurent dans de telles proportions que M. Chauveau les qunliliait de véritablement épouvantables. Le sentiment populaire n'avait d'ailleurs pas attendu ces expériences pour exprimer l'idée que 1 habitude de se ronger les ongles peut prédisposer à la phtisie.
L'ingestion de la tuberculose par la voie buccale est un mode de contagion fréquent chez l'enfant. Dans les premières années de la vie. les sécrétions stomacales, n'étant pas encore capables d'atténuer la virulence des bacilles ingérés, on comprend très bien le danger auquel sont exposés les onvehophages lorsqu'ils vivent dans un milieu infecté; on pourrait peut-être trouver là l'origine de certaines péritonites tuberculeuses dont rien ne faisait prévoir l'apparition.
Comme le fait remarquer M. le professeur Bouchard, dans ses magistrales leçons sur les auto-intoxications, l'homme assiégé palles microbes les plus dangereux, envahi constamment par des agents infectieux, réagit contre eux et garde généralement le dessus. Encore faut-il que par des habitudes nuisibles il ne vienne pas favoriser l'infection, la rendre presque inévitable, en amoindrissant lui-même les défenses que l'organisme sain apporte naturellement aux microbes. Or, n'est-ce pas le cas de celui qui, du malin an soir, ne fait pas autre chose que de porter directement dans sa bouche les poussières pathogènes qui pullulent dans l'atmosphère ?
Les onvehophages ne se bornent pas toujours à mordiller leurs ongles, très souvent ils avalent les particules ungueales qu'ils ont détachées avec leurs dents. Or, l'ongle est composé essentiellement d'une substance particulière, la kératine, qui se retrouve dans toutes les productions cornées. La kératine, à l'inverse de toutes les autres substances organiques, n'est pas soluble dans la potasse, et le suc gastrique n'a pas d'action sur les tissus cornés. C'est vraisemblablement à cette insolubilité que doivent être rapportés les
prétendus effet» toxiques, voir même émétiques que l'on a dons ions les tempe attribues: à l'ongle. Dans certaines campagnes arriérées, «»n prétend c|uc, pour mettre immédiatement quelqu'un en état d'ivresse et provoquer elle/ lui «les vomissements, îl sullit de lui "il'iir un verre de vin. dans leqiuel on a laissé loin des rognures d'ongles. Assez souvent des aeeidents très graves ont été la conséquence de ce jeu aussi dangereux qu'inqualifiable.
Que la cause principale en soit due à l'absorption de poussières pathogènes OU à l'irritation de la muqueuse stomacale causée par la présence «les rognures d'ongles ingérées, les onv-clKiphnges sont généralement atteints de troubles gastro-intestinaux. Leur état général n'est jamais absolument satisfaisant. Ce qui prouve d'ailleurs la relation étroite qui existe entre leurs troubles gastro-intestinaux et l'habitude dont nous nous occupons, c'est la disparition presque assurée de ces symptômes après la guérison de l'habitude.
1/hygiène professionnelle peut aussi revendiquer quelque chose dans cette question.
Chez l'homme les usages des ongles sont de protéger l'extrémité des doigts, d'eu uHennir la pulpe, de l'appliquer plus exactement sur les corps qu'on palpe ou qu'on saisit et de contribuer ainsi à la perfection du toucher.
Sous l'influence de r«»nvehophagic. l'extrémité des doigts subit une déformation très caractéristique. L'extrémité de la phalangette s'arrondit et s'épaissit, un bourrelet plus ou moins saillant se forme au-devant des vestiges «le l'ongle réduit à sa plus simple expression. En même temps, la sensibilité tactile s'atténue, se pervertit. On peut même supposer que l'habitude crée ou entretient une certaine aneslhésie de l'extrémité digitale, car quelques-uns se rongent les téguments jusqu'au sang sans manifester la moindre douleur, L'onvchophage perd donc beaucoup de sa dextérité. Il devient inapte à tous les travaux qui demandent une certaine agilité manuelle. Ce n'est qu'avec une peine inlînic que beaucoup «l'entre eux peuvent boutonner leurs vêlements, tenir une anguille, nouer un il!, ramasser les pièces de monnaie ou des objets «le petite dimension. Ils suppléent à leur inhabilité par «les mouvements compliqués qui leur sont particuliers et habituellement se servent des deux mains dans beaucoup de circonstances où l'on eu emploie qu'une seule. C'est dire que les onycho-phages sont maladroits de leurs mains et qu'ils ne sauraient en général être des ouvriers très habiles. Dans les écoles profes-
sionnelles. quelques professeurs onl déjà remarqué qu'ils avaient peu d'aptitude pour les travaux de précision (I).
Considérations psychologiques
Abordons maintenant le côté psychologique, non moins intéressant. C'est en effet dans l'analyse psychologique du sujet que lions trouverons à la fois les indications capables d'éclairer I élio-logic de l'oiivcliojdiagie et la base du traitement à instituer.
Lorsqu'on étudie les conditions dans lesquelles a pu naître une telle habitude, on est immédiatement porté à trouver une explication pins ou mois satisfaisante dans l'instinct qui porte l'enfant, dès sa naissance, à sucer. OU plutôt à léter d'une façon réflexe les objets qui sont mis en contact avec sa bouche. Il est vraisemblable que chez beaucoup d'onychophages. l'habitude doit être la continuation, par simple habitude, d'une impulsion primitivement instinctive et la transformation de cette impulsion en un acte automatique et inconscient. Mais il est des onychophages chez lesquels l'habitude n'est apparue qu'à un certain âge. Dans ces cas la. il s'agirait de ce que M. le professeur Charles Richct a appelé un réflexe psychique, provoqué par l'imitation inconsciente. Il est rare, en cherchant bien, qu'on ne trouve pas chez les ascendants OU dans l'entourage des onvehophages des personnes cédant â la même habitude et qui leur en ont donné le fâcheux exemple.
Il sera toujours ditlicile de délimiter, dans la genèse d'une habitude, la part qui revient à l'hérédité et celle qui revient à l'imitation. Moins que personne nous sommes disposés â nier l'influence de l'imitation sur les actes de l'enfant. Néanmoins, alors même que nous constatons que I imitation a joué un rôle dans la constitution d'une habitude automatique, nous sommes portés à BOUS demander si celle adaptation n'est pas subordonnée â une prédisposition héréditaire constitutionnelle. Pourquoi, en effet, l'imitation n'exerce-t-elle son action que sur quelques-uns ? Cela ne tient-il pas à ce que ceux-là ne sont pas doués au même degré que les autres de ce pouvoir d'inhibition motrice sans lequel nous ne serions que le jouet inconscient de toutes nos impulsions internes ou de toutes les excitations extérieures?
Dans presque toutes les observations que nous avons recueillies, nous trouvons associées l'influence de l'hérédité et celle de l'imi-
(1) 11 a«ra'.L intéressant de vi-riOer «relie observation dans les ateliers de travail manuel qui vont Otre o ^anisés dans un certain nombre dVcoles communale» de t'aris.
tation. Dans une famille composée de six enfants, tous les ni m rongeaient les ongles. Leur père, alcoolique, leur avait transmis
la dégénérescence. Il leur donnait en plus l'exemple de cette mauvaise habitude.
On sait qu'une des propriétés les plus remarquables du système nerveux est la tendance à l'activité automatique. L'accomplissement d'un acte et sa répétition entraînent la tendance à executer île nouveau, et bientôt cette tendance ne tarde pas à devenir irrésistible quand la conscience ne veille pas et quand l'attention n'engage pas une lutte énergique contre l'cntraincmcnt automatique. Or, impulsion et automatisme ne sont-ils pas les termes qui caractérisent l'état psvchologiquc du dégénéré ?
L'ouvchopliagie. constitué essentiellement par un acte automatique, est aussi un acte inconscient. Beaucoup de ceux qui se rongent les ongles le font sans s'en rendre compte. Il en e»t qui ont les ongles réduits à la plus simple expression et qui n'ont jamais été vus en train de se livrer à cet exercice. On en est réduit à supposer qu'ils le font pendant la nuit, peut-être en dormant. On a remarqué que l'habitude acquiert généralement son maximum d'intensité lorsque l'attention du sujet est absorbée par une préoc-ËU pat ion, un travail, une tension d'esprit quelconque. Les enfants jse rongent souvent les ongles en apprenant leurs leçons. Tel col légien ressent pendant quelque temps, sous l'inlluence d'une surveillance attentive, de se ronger les ongles. Survienne une composition qui le préoccupe, les Ongles qu'il a eu tant de peine à laisser pousser sont dévorés eu un clin d'o'il. In professeur de sciences nous disait récemment qu'il ne cesse de se ronger un ongle lorsqu'il est occupé à corriger les devoirs de ses élèves.
Lorsque nous avons établi une relation entre l'onvehophagic et la dégénérescence, nous avons prévu l'objection suivante: « L'habitude de •.«' ronger les ongles cousiitue-t-elle par elle-même un stigmate de dégénérescence, ou la dégénérescence que vous constatez chez les sujets n'est-elle pas plutôt la conséquence de l'habitude»
Tout ce que nous pouvons répondre, c'est que l'onvchophagie ¦est toujours liée a d'autres manifestations de la dégénérescence, telle que l'incontinence nocturne d'urine, les tendances impulsives, les terreurs nocturnes, h- somnambulisme. la soinuiloquic. le bégaiement, la pusillanimité, les troubles moraux, les phobies diverses et surtout l'onanisme. Cela est si vrai que dans beaucoup de localités la constatation d'oncles rongés chez un enfant et considérée comme une présomption, sinon comme une preuve
d'habitude d'onanisme. Tel est l'avis aussi de M. Jules Voisin, médecin de la Salpètrière. dont le service comprend la section des enfants idiots, épileptiques et arriérés. Appelé à constater journellement la coexistence de l'onanisme et de l'habitude de se ronger les ongles chez ces dégénérés inférieurs, il a fait à ce sujet d'intéressantes remarques. C'est habituellement quelques instants après s'être livrés à l'onanisme que les idiots et les enfants atteints de débilité mentale se mettent à se ronger les ongles. M. Jules Voisin considère les onyehophages ouanisles comme étant beaucoup plus difficiles â guérir que les autres.
La recherche des antécédents continue le plus souvent la présomption de dégénérescence héréditaire. Il est extrêmement fréquent de retrouver chez les ascendants directs ou collatéraux non seulement l'onvchophagie elle-même, mais aussi les tares psychiques et physiques les plus variées. La dégénérescence dans certaines familles fertiles en onychophages atteint un tel degré qu'on n'y trouve pas un seul parent qui ne soit ou alcoolique, ou joueur effréné, ou convulsivant. ou faible d'esprit, ou aliéné, ou délinquant, on hémiplégique, ou tuberculeux, sans compter les suicidés. Dans ces cas-Iâ. rinlhience de l'hérédité est malheureusement trop manifeste pour être discutée. Si nous prenons maintenant le sujet luî-mème. la constatation des signes physiques n'est pas moins édifiante que celle des stigmates psychiques. Le crâne présente toutes les espèces de déformations, telles que mierocéphalie. crêtes osseuses et proéminences exagérées sur différents points de la tète, plagioréplialie. asymétrie frontale. L'examen de la face révèle une ou plusieurs des anomalies suivantes : asymétrie, strabisme, nvstagmus. tics, irrégularités dentaires, étroilessc de la voûte palatine, asymétrie des deux pavillons de l'oreille, déplissement des mêmes organes. On rencontre aussi très fréquemment le phimosis, les adhérences préputiales et cliloridiennes. le pied plat.
En portant l'investigation sur les organes des sens on trouve de l'inégalité pupillairc. une diminution de l'acuité auditive, des zones d'anesthésie. Beaucoup d'onychophages respirent mal par le nez. donnent la bouche ouverte, ce qui peut faire supposer l'existence de tumeurs adénoïdes du pharynx nasal.
Dans ses [leçons cliniques. M. le professeur Charcot insiste sur la présence des stigmates de dégénérescence phvsiquc et des-troubles nerveux chez les individus de race îsraélite. La constatation de l'onychopliagie chez un grand nombre d'israélites vient corroborer cette opinion.
Rien ne prévaut d'ailleurs contre l'observation rigoureuse tics fails. Or. actuellement, les examens cliniques portant Mir plusieurs rentables d'onychophagcs nous ont démontré d'une laçon intliscutalile que si. dans lieauroup de cas. l'imitation et la contagion île l'exemple oui pu Constituer le stimulus indispensable pour la mise en Iruiu de loule impulsion aulomalitpie, la dégénérescence héréditaire n'en est, pas moins le facteur le plus puissant dlans l'apparition de l'onychophagic.
CONSIDERATIONS PEDAGOGIQUES
l.n plupart des mauvaises habitudes de l'enfance tiennent le plus
souvent au défaut de vigilance, à la négligeance ou à L'indifference
de ceux qui ont le soin de leur éducation, C'est ce qu'exprime fort heureusement Montaigne, lorsqu'il dit : « Je trouve que nos plus grands vices prennent leur ply dès noire plus grande enfance et que nostre principal gouvernement est entre les mains îles nourrices, d Sans remonter jusqu'à la nourrice, on pourrait s'étonner que les éducateurs patiiculièrement chargés de réprimer les tlis-posilioiis nuisibles ou vicieuses qui se manifestent chez les enfants n'aient pas été frappés tle la fréquence de l'onychophagie dans les écoles. Il n'eu est question dans aucun Imité tle pédagogie. Ou peut cependant se rendre compte de l'importance de la question par les statistiques portant sur des enfanta appartenant a des classes sociales très dilféreutcs.
Nos premières recherches ont été faites dans une école communale tle garçons tle Paris. Sur 265 élèves examinés, on ;t trouvé entants qui se rongeaient les ongles à un degré très accentue, soit environ le quart. Dans la même école on trouve .VI rongeurs de portc-plumes. Des recherches analogues faites dans plusieurs classes d'un lycée de Paris ont révélé que le nombre des onw-ho-phages était sensiblement le même chez les élèves de l'enscigne-nienl secondaire que chez ceux tle renseignement primaire.
Nous supposions qu'en province, el surtout dans les campagnes, les enfants ayant beaucoup plus de facilité pour donner satisfaction a leurs besoins d'activité automatique seraient moins portés à w livrer aux habitudes nuisibles. Il n'en est rien, ainsi queu témoignent les chiffres suivants relevés dans une école mixte du département de l'Yonne:
La proportion des rongeurs d'ongles dans colle écolo osl doue pour les garçons de 20 0/0: pour les hiles elle s'élève à 52 0/0.
Dans une école primaire supérieure de Seine-et-Marne, bien que les élèves soient plus Agés, la nombre de ceux qui se rongent les ongles est encore très considérable, ainsi qu'eu témoigne le tableau ei-dessous :
Une enquête faite avec beaucoup de soin dans un établisseinen d'enseignement secondaire de jeunes lilles prouve que le sexe féminin, sous le rapport des habitudes automatique», n'est pas mieux partagé que le sexe masculin:
Tout récemment, nous avons continué nos investigations dans quatre classes d'une école communale de Paris, située dans un quartier populaire. Elles nous ont donné les résultais suivants:
Dans celte dernière école, admirablement tenue, où les enfants sont l'objet des soins les plus attentifs el les plus dévoués, le quart des élèves se ronge les ongles. Les professeurs que nous avons interrogés sur les aptitudes des élèves qui s'adonnent aux habitudes automatiques ont été unanimes ù reconnaître qu'eu général les enfants sont plus ehétils que les autres, qu'ils sont enclins à In mollesse, présentent des défectuosités marquées du Caractère, font
preuve d'une attention moins soutenue. Il semble aussi que leur écriture soit moins lisible et moins régulière.
Quelques-uns d'entre eux, il est vrai, échappent à la règle générale et l'ont preuve de facultés intellectuelles assez brillantes. D'autres sont doués d'une mémoire étonnante ou manifestent des dispositions exceptionnelles pour certains arts ou certaines études spéciales. On rencontre aussi des rongeurs d'Ongles parmi ces enfants que leurs succès prématurés font encenser comme de « petits prodiges ». Arrive la puberté, toutes ces brillantes qualités s'évanouissent. L'onanisme, l'oiiYchnphagic. le surmenage intellectuel ont compromis l'évolution normale du système nerveux.
D'une façon générale les «mychophages sont dans un eiat d'infériorité très appréciable soit au point de vue du développement intellectuel, soit au point de vue de la sensibilité morale. Nous pourrions en citer beaucoup d'exemples très frappants. Lors d'une visite récente faite dans une classe d'enfants de six à huit ans. six élèves, jugés par le maître comme étant les plus mauvais au point de vue de la discipline et du travail avaient été isolés des autres et installés à une table spéciale. Lorsqu'on examina les mains de ces imliscipliuables. on trouva que sur les six. cinq se rongeaient les ongles au plus haut degré. Cette démonstration imprévue venait inopinément continuer ce que nous savions déjà. D'ailleurs, dans beaucoup de pays, le sentiment populaire a fait aux onvehophages la réputation d'être affligés d'un caractère difli-cile et nous pourrions citer à ce sujet un certain nombre île dictons populaires.
Ce n'est pas seulement en France que sévit l'onveliophagie. Dans certaines écoles d'Angleterre elle a été constatée chez un assez grand nombre d'enfants. Ainsi, dans trois classes formant un total de Xi élèves qui appartiennent à des familles aisées, ou a observé 16" rongeurs d'ongles. L'onvchophagie. désignée en Angleterre sous le nom de nail-baiting. v est considérée comme une habitude des plus nuisibles. Dans certaines écoles, les mains des «'-lèves sont l'olijel de fréquentes inspections. Les nt/il -ùî/rrs sont .sévèrement réprimandés. Toutefois, en Angleterre pas plus qu'en France, les punitions ne semblent avoir pour effet d'amener la guérison de l'habitude.
PROPHYLAXIE ET TRAITEMENT
Si les pédagogues ont juscpi'à ce jour paru se soucier médiocrement de l'onvchophagie et des autres habitudes automatiquesde
l'enfant, les médecins, il faut le reconhaltrcj ne s'eri soni pas préoccupés davantage. Aurini manuel d'hygiène scolaire n'en fait mention. Cesi dire que le cote prophylactique de la question n a jamais été abordé. Il n'est cependant pas le mois intéressant : on en jugera par le fait suivant qui est loin d'être isolé, l'u petit garçon ,de. neuf ans. de constitution assez délicate, est placé dans un établissement d'enseignement secondaire. Jusque-la. il ne s'était jamais rongé les ongles: à sa première sortie, au bout d'un mois, on s'aperçut qu'il avait contracté cette habitude. Dans ce ras-la l'influence de l'imitation était hors ile doule. Plusieurs des nouveaux camarades avec lesquels il s'était lié étaient des olivello-phages avérés. Il avait subi d'une façon inconsciente In contagion de ce mauvais exemple, (le n'était pas le seul qui lui eût été donné.
Une série de faits analogues justilieraient fort bien l'idée île grouper dans la même classe les enfants qui manifestent des habitudes nuisibles, ntiu île les soumettre a une hvgiène et à une discipline spéciale. L'institution des lleformatorij Sehools. si tlo-rissante en Angleterre. pourrait servir de modèle. mesure d'isolement relatif prise â l'égard îles enfants atteints d'habitude automatiques ne serait d'ailleurs que passagère. Kl le cesserait dès qu'ils en seraient guéris. La prophvlaxie rationnelle comprendrait en outre la mise en œuvre de tous les moyens capables d'enrayer la dégénérescence et de fortifier l'enfant.
Divers traitement ont été préconisés contre l'onyrhophagic.
Fonssagrives. dans son Dictionnaire t/e la santé, rappelle qu'on peu! contrarier le développement de celte habitude chez les enfants en leur frottant l'extrémité des doigts avec une substance amère aloès. pied d'artichauts, sulfate de quinine, macération de quassia amara, rte...) D autres médecins ont conseillé de porter constamment des gants ou d'attacher les mains pendant la nuit. La pratique ne tarde pas à démontrer l'insuffisance de tous ces moyens, l'enfant reprenant sou habitude vicieuse dès que le moven de coercition est supprimé. C'est ce qui uous a donné, dès 1886, l'idée de recourir, contre l'onychophagie et les habitudes vicieuses de même nature.à un Irait entent purement moral ou plutot psychique.
En effet, depuis 1886 (I). sans nous laisser arrêter par les objections
(1) BERILLON.— De ta suggestion envisagée au point de vue pédagogique. l'aria 1s89. brochure ln-8. cl Revue I'hypnotisme. 1e année. I. I. p. 81.
BERILLON. — De la suggestion et de tes appliquions à la pédagogie, brochure in-8. et Revue de l'hypnmisme, t. II. p. 169. Parts 1888.
Btsiumt. — Essai de pédagogie expérimentale. Revue de l'Hypnotisme, t. II,
BÉBiLLON. — Les applications de la suggestion a la pédiatrie et & l'éducation
d'ordre purement métaphysique el sentimental, nous avons poursuivi la démonstration que nous avions entreprise. Nous avons pu démontrer que les principes de In pédagogie suggestive et préventive ri'posent sur des données seientiliques et des faits positifs, rigoureusement observés. Depuis lors de nombreuses expériences sont venues contrôler et ronlirmer les observations qui nous avaient permis de proclamer la valeur de la suggestion hvpnotiqm-eonime agent moralisateur et éducateur, chez les enfants mauvais, impulsifs ou vicieux. I.e traitement psychothérapiipie de l'oincbo-pliagie i'l des habitudes nulomuliques chez l'enfant n'est guère qu'une des multiples applications delà pédagogie suggestive, dont nous avons été. on nous permettra de le rappeler, le premier à for-muler les principes au Congrès de l'Association française |ioiir l'avancement des sciences, tenu u Nancy, en 1886 (1) .
Observation 1
HABITUDE AUTOMATIQUE DATANT DE DIX ANS. - GUERISON RAPIDE PAR LA
SUGGESTION HYPNOTIQUE.
L'observation suivante est une des premières que nous ayons publiées : elle présente un grand intérêt par la précision avec laquelle se sont manifestés les résultats de la méthode suggestive 2 .
I.'enfant Emile P.... âgé- de onze ans. avait contracté en nonrriec. \erm l'Age d nn an. l'hahilndc de lenir consomment dan" sa I- . h. deux doigis de sa tuaïn gauche, l'index et le médius, jusqu'au milieu de la deuxième phalange. Depuis lors, tr soir, dès qu'il élnit dans son lit. il commençait à sucer ses et ne poutail s endor-
mir sans les lenir dans sa bouche. Il lui arrivait fréquemment nussi de le faire dans In journée. 8-ule. nue occupation néressilanl l'emploi des deux mains interrompait
mentale des enfants vicieux ou dégénérés. (Comptes rendus du Congrès international de l'hypnotisme en 1889. p. 157 et brochure in-8. Doin Paris 1890).
BERILLON. — Les applications de la suggestion hj-pnotique A l'éducation. International Conof expérimental psychology. Londres 189?. p. 166.
(1) Malgré les travaux successifs que nous avons publiés sur la même question, nous avons été surpris de constater qu'un livre posthume, dont la première partie est consacrée à uno étude assez diffuse sur les rapports de la suggestion et de la pédagogie, ovait paru sans que noire nom y fût cité, bien que des phrases entières aient été presque textuellement empruntées à l'une de nos communications.
Dans un autre volume sur l'hypnotisme, formé de compilations mal reliées ensemble, el qui n paru Il y n un an environ, nos communications sur les applications d-' la suggestion à la pédagogie ont été intentionnellement attribuées A un autre écrivain qui s'était borné ù les vulgariser sans y nvoir collaboré. L'auteur du livre nous a avoué depuis qu'il avait été mû dans son action par un esprit d'animosité qu'il reconnaissait lui-même injustifié. Si nous signalons ces faits, c'est moins pour en faire l'objet d'une revendication de priorité que pour nous élever contre des actes de mauvaise foi. indignes de vrata savants. Dans le premier cas. le livre ayant paru quelque temps après la mort de son auteur présumé, il y aurait peut-être quelque injustice A faire remonter jusqu'à lui la responsabilité du plagiat.
2. Revue de l'hypnotisme t.1, page 218, 1887.
cette succion. Tout fui mis en œuvre pour le guérir de celle habitude tirieusc, mais en vain. Les remontrances, les conseils, les menaces, les violcures. les moyens Cocrcilifs furent successivement employés. Dès que le moyen Je coercí lion cessait, dès que la main .; .uelie était libre, l'entant reprenait son habitude t trieuse.
I.es pnn ni- purent justement attribuer au fait d introduire dans sa bouche ses doigts. — «mal malpropres, un grand nombre tle troubles digestifs el d embarras gastriques.
lorsqu'on me (amena, sous l'effet des sucrions prolongées dont ils étaieol constamment l'objet. I index el le médius de la maiu gauche présentaient une déformation spéciale. I.rs ongles élaienl usés jusqu s la racine. Au niveau de 1 articulation de la première phalange atec la deuxième, le nullement des dents avait déterminé la formation de productions cornées, rondes, de quatre millimètres d'épaisseur. Les extrémités des deux doigts sueés étaient ratatinées.
L'enfant, compreuanl loul ce que non habitude avait de répugnant, manifestait le plus .ifdésîi d'en être guéri, mais il se readait compte de I impuissance de sa volonté pour obtenir ta guéri son.
Dés la première séaace d'bypaolisalion. bien que le sommeil obtenu fût très superficiel. j'en profitai néanmoins pour faire la suggestion de s endormir dès le aoir même, rt les jours suivants, sans mettre ses doigts dans sa bouche. Dès le lendemain, j étais averti par hss parents qu à leur grand étonneinenl I enfant avait obéi d'une façon précise à la suggestion et qu'il s'était endormi la veille romme je le lui avais ordonné. Il avaît bien eu une légère leulalion de inellre comme û 1 ordinaire ses doigls dans sn bouche, mais il avait eu la force de résister à celle tenta-lion. Il en fut île même la nuil suivante. Seulement, dans la matinée du surlendemain, il senlil renallrr plus vivement l'idée de sa mauvaise habitude, sans cependant la mettre à exécution. Il en Cl part à sa grand mère dans les termes su i vauts : C'est siegjlier. j'ai à chaque instant entie de mellre u.- - doigts dans ma bouehc. mais je sens que je ne peux pas.
Après trois seance dans lesquelles il fui plongé dans on sommeîl de pins en plus
prjfoud. il poutail s'endormir le soîr sans penser à sucer ses doigis. Depuis lors il n'a jamais cédé â son habitude vicieuse. La guéri son s'cst birn mainlenue.
L'enfant éta 1 cependant très dégénéré. Il ¡o ait Jes antécédents héréJilaírcs très graves. Sou jure élaît alcoolique, sa mère avait des crises conduisîtes d hystérie, sou grand-père uialeruel était buveur.
Observation II
ONYCHOPHAGIE invétérée. — onanisme. - troubles du CARACTERE -
GUERISON RAPIDE par la SUGGESTION HYPNOTIQUE.
Vu des derniers sujets que nons atous eu â traiter nons a élé adressé par notre dislingué confrère, le docteur Detineau. Voici le résumé de son observation. quiesl des plus caractéristiques :
Léon Lelong. âgé de 16 ans, n'a pas d'antécédents héréditaires tres chargés. Son père cal bien portant ; sa mère esl très impressionnable cl émotive. II n'a qu'une sieur: elle esl bien portante. Ses antécédents personnels "ont beaucoup moius favorables r bien qu'il eût élé assez précoce pour sa dent ilion el sa marche, il lut 1res en retard pour le langage : â cinq ans il ne disait pas encore s raoasienr •. Ce relard peal rire imputé • une Gèvre lyphoidr surtense à l'âge de trois ans et demi. C'est à partir de cet aase. après la maladie, qu il a à commencé à se ronger les ongles. I.a convalescence fal longue et son enfance s'en est r . Il eut longtemps le
sommeil troublé par Ji-s cauchemars et il sis réveillait en sursaut, poussant Jcsrris. Actuellement, il esl encore agité pendant non sommeil, bien qu'il soit Irés dimrilrà réveiller. Le malade nous a avoué qu il s'adonnait assez souvent û I onanisme. Son caractère est inégal, il esl sombre, peu affectueux, tres porté à la colère. Son in-vlligcncc est paresseuse, if est mou. manque d'activité el son travail laisse
toujours â désirer. Il est vrai que sa croissance a été très rapide puisqu'â l'âge de
16 ans, il merare 1 m. 68. Plusieurs médecins ont élé consultés à son sujet ; l'ail d'eux a dit que Ihahiludc de se ronger les ongles était incurable et qu'elle èlail la cause de ses ! rouilles de caractère et de sa mollesse. M. le doelenr Delîneau pensa qu'il y avait iulêrèt à tenter la guérison. Sur son conseil, on a eu recours à divers traitements, en particulier à l'usage de doigts en caoutchoue. Dès qu'ils étaient retirés, le sujet retombait dans sois habitude, t.a famille ne négligea ni les punitions, ni les châtiments ; tout lut inutile.
Sur le conseil de mon confrère, le malade m'est amené le 1er février 1893. A ce moment. Léon I.... parait affaibli. il est routé, ses digestions sont pénibles. Tous les ongles sont réduits â la plus simple expression ; à certains doigts de la main gauche, il n'en reste pour ainsi dire plus. Ils n'ont pas plus d'un millimètre do long. La déformation de ses doigts est très accusée et il est devenu d'une maladresse telle qu'il ne peut boutonner ses vêtements sans le secours des deux mains. On ne le voit jamais se ronger les ongles ; il le fait sans en avoir conscience. Dès la première séance il est plongé dans un sommeil profond. Je lui mets les deux bras en contracture et je lui fais les suggestions appropriées.
Le 8 février, l'ongle de médius de la main droite et celui du pouce gauche étaient manilcstcmcut repousses.
Le 8 mars, tous les ongles sont repoussés et ils ont environ un centimètre de longueur.
Les séances suivantes ont été consacrées â modifier son état mental, qui s'est prompleinenl amélioré. Il est actuellement guéri de l'onychophagie et de I onanisme, et sa conduite donne une entière satisfaction à sa famille.
Observation III
oxyciiopiiacie. - SOMNAMBULISME NocTURNE. - TROUBLES DU CARACTERE. - indiscipline. - APPLICATIONs pedagogique de la suggestion HYPNOTIQUE.
G..., âgé de 14 ans, élève du lycée lakanal. nous est amené parce qu'il a. de temps eu temps. îles accès de somnambulisme nocturne. Il se lève la nuit et parcourt le.s dortoirs en chemise: à son réveil, il ne se souvient plus de ce qu'il a fait; quelques vertiges survenus dans la journée ont fait redouter l'épilepsie, mais ils ont disparu rapidement sous l'influence du traitement. Son père est nerveux Cl doué d'un caractère emporté. Sa mère n'accuse aucun trouble nerveux. Un oncle maternel a eu quelques crises de somnambulisme; vers l'âge de 15 ans. il se levait et criait, ayant peur, Un frère de l'enfant est bien portant, mais il a deux so-urs qui sont nerveuses. Siss ilenls sont défectueuses ; ses oreilles sont grandes et mal bordées. .Vu lycée, on se plaint de son travail, de sa conduite. Il se soumet difficilement â la discipline et esl constamment puni pour sa légèreté et sa dissipation. Il a quelques tendances au mensonge. Il se ronge les ongles au plus haut degré.
Dès la première séance, il esteudormi profondément. Sous l'influence îles suggestions, les troubles nerveux, onychophagie. vertiges, somnambulisme, oui disparu prompleinent. Nous avons alors continué le traitement au point de vue purement pédagogique, nous appliquant par des suggestions appropriées â stimuler son application au travail, à éveiller le pouvoir de résister â ses impulsions et à celles de ses camarades. Les uotes de I enfant nous onl été communiquées ivgulièrcmenl. Mlles couslalcnl que. depuis le commencement du Irailemenl pédagogique, l'enfanl apprend ses leçons, s'applique à l'aire ses devoirs. Le résultai obleuu est lollcment frappant qu'il n'a cessé d'être porté au tableau d'honneur. Dès qu'il ressent la moindre défaillance, il exprime le désir de venir nous consulter et sa guêrison s'est admirablement maiuteuue.
OBSERVATION IV
oxychopiucie. -onanisme. - paresse. -altératiox M kl sensibilité
morale. - Gl erisox r (pide.
André M.... âgé de 8 ans 1/2. présenle de nombreux stigmates physiques de
degenerescence il a les oreilles mal plantées, mal ourlées, le voile du palais In -
profond cl rétréci, les dents défee tueuses. Nous avons constaté I existence d adbé-renées préputiiles le.'s étendues. I. examen de In sensibilité cutanee. révèh des zones d'ancslhésic occupant la mi-région oceipilale à gauche et tont le membre supérieur gauche. I. enfanl se ronge les ongles. On le surprend maintes fois se livrait! h I onanisme. Il u'inl pas dépolirs n d'intelligence, mais il esl extrêmement Uou, paresseux. Jusqu'à l'âge de six ans. il étail considéré routine tin petit prodige, nais depuis lors sa mémoire autrefois remarquable n a cessé de diminuer. Sa sensibilité morale rsl asser obtuse, il esl indifférent et peu affectueux. Il a le sommeil agité par des rêves, parle toute la nuil. Il est gourmand, il mange gloutonnement, Des diarrbées alternent rhrs |n¡ avec des constipations opiniâtres. Son père esl apathique. Sa grand'mère du roté paternel est très exallée ; une lanle maternelle a été internée dans un asile d'aliénés. Sa mère est hystérique, impressionnable à l'excès. Le grand-père maternel el la grand mère sont morts tous les deux de cancer. Son frère aiaé. âgé de 10 ans. se ronge les ongles.
Il esl facilement plongé dans un sommeil profond. L'onyrhophagie esl promple-cal guérie. Les adhérences prépuliales qui ont pu jouer uu rôle dans le dévclop-ment de l'onanisme devront être l'objet d un Irailemenl chirurgical ouc nous
peinen
avons conseillé.
OBSERVATION V
ONYCHOPHAGIE. - INCONTINENCE NOCTURNE D'URINE. - .GUERISON RAPIDE
PAR la suggestion hypnotique.
Cécile R.... âgée de 13 ans. sscsl toujours rongé les ongles. C'est une enfant grande et forte, dont l'aspect n'indique pas la dégénérescence. Il faut cependant la considérer comme une héréditaire ; son père est alcoolique, buveur ; sa mère a élé somnambule dans son enfance; elle se levait la nuit en chemise et ses srrurs lai faisaient cirer leurs chaussures : elle a uriné aa lil jusqu'à 12 ans. L'enfant a élé lardi'e pour marcher el pour parier; elle dort la Imuche ouverte, a le sommeil agile, réve beaucoup, rit aux éclats et parle en donnant Elle a uriné au lil toutes les nuits jusqu'à l'âge de 10 sus : actuellement elle n urine que tons les 15 jours environ. A l'école, elle travaille assez bien, quoique un peu molle. Elle ronge ses porlcplumes jusqu au IhiiiI. (In ue l'a jamais surprise se lîvraul à l'onanisme.
linéiques séances de suggestion ont suffi pour faire disparaître définitivement 1 incontinence nocturne d'urine et guérir l'onyrhophagie.
Observation V| onychopiivgii: par iuitstiox. — guéri sons rapide.
Enfant I..... âgée de 9 ans. s'est toujours sucé les doigts et rongé Ions les oagles. Elle lient celle habitude de son père qui. âgé de 10 ans. se ronge les ongles encore maintenant. L'enfant se trouve dans d assez bonnes conditions physiques. Son caractère ne présente pas de défectuosités. Son intelligence est très vive ; elle est bonne musicienne. Elle dort bien la nail. Ses parents ne croient pas qu'elle se livre à l'onanisme. Dans relie obsenalion, en l'absence de niauifes-
talions héréditaires chez, le sujet, nous croyons devoir reporter le développement de l'habitude à l'influenre de l'imitation el à l'exemple donné par le père. L'enfant a fait preuve de beaucoup de bonne volonté pour se soumettre au traitement. A partir de la première séance, elle a cessé de se ronger les ongles.
Observation VII
ONYCHOPHAGIE PAR IMITATION. — SIX ENFANTS DANS LA MEME FAMILLE
PRÉSENTANT DES MANIFESTATIONS DE DÉGÉNÉRESCENCE.
Les six enfants M... sonl inégalement partagés au point de vue de la dégénérescence. L'ainé. nn garçon âgé de l'i ans. est atteint d'onanisme, d'incontinence nio turne d'urine, d'ouycliophagie : le plus jeune, garçon de 1 ans. présente exactement les mêmes troubles. Quatre petites Elles, âgées respectivement de 12, 10. 8 el 6 ais, sont mieux partagées que leurs deux fières. Kl les se rongent seulement les ongles, Les six enfants me sont amenés â la fois à la clinique de la rue Saiul-André-des-Arls. Les quatre petites filles sont dès la première séance plongera, sans la moindre résistance, dans un sommeil profond. Elles sont plus intelligentes el pins dociles que leurs frères, qui donnent des signes de frayeur. On finil cependant par les décider. Le père de ces six enfants, marchand de vins, est un buveur profess sionnel ; il se ronge les ongles. La mère est bien portante ; c'est une femme très intelligente, qui seconde bien le traitement. L'onychophagie a été rapidement guérie chez Ira six enfants. L'iiiconlinence nocturne d'urine el l'onanisme de l'ainé el du plus jeune ont demandé un peu plus de persévérance. La guérison a été obtenue finalement et elle s'est maintenue.
Observation VIII
onychophagie. - HYSTÈRO-ÉPlLEPSIE. - — GUÉRISON RAPIDE PAR LA
suggestion.
Mlle Marie F… âgée de lfi ans. nous est adressée par noire confrère le Dr Arnaud. Depuis l'âge de 12 ans, elle a des crises d'hysléro-épilepsie qui reviennent presque loua les jours, généralement de 7 à S heures du soir. L'aura débute par une sensation pénîhle nu creux épïgnslrique. le regard devient fixe, le corps Se raidit, elle tombe à la renverse el perd complètement connaissance. La durée delà crise varie de quelques minutes â nu quart d'heure. Son père esl marchand de vins, c est-à-dire buveur professionnellement : su mère esl nerveuse. La malade a élé en retard dans son dé\cloppciucnl ; â sJ mois, la scissure inter-pariélale n'élaîl pas encore soudée. Elle a le sommeil troublé par des rêves, des cauchemars. Elle se réveille en sursaul. disant quelle voîl des animaux ; son caractère esl inégal, elle esl emportée. Il y a sepl ou huit ans qu'elle se ronge les ongles. Sepl ou huit séance» de suggestion oui amené la disparition complète de» crises d'hystérie el de l'onyrhophagic.
Observation IX
onychophagie.-incontinence nocture d'urine. —-onanisme.-— troubles
du caractère. — guérison par la suggestion.
Lise R..,. âgée de 15 ans, est orpheline, Elle n'a pas connu ses parents, morts de tuberculose pulmonaire pendant sou enfance. Elle a eu trois s.rurs mortes en bas âge. La dégénérescence est plus accentuée au point de vue mental qu'au point de vue physique. Elle est grande el d'apparence assez forte. Elle a élé placée en
apprentissage par un de ses oncles, et voici le» mauvais renseignement» qui nou« sont fournis par sa patronne : Lise H... non seulement se ronge les ongle", mais elle urine an lit trois ou quatre foi" par mois II lui arrive, en riant, d'uriner dans sos pantalon. On l'a surprise en train de se livrer à l'onanisme. Son sommeil r»l 1res prof mc'.ona Irauroup de peine à la nHeiller le matin : elle rêve fréquemment el parle en dormant. On nous la représente comme affligée des défauts les plus graves. Elle e«t meuleuse, paresseuse, malpropre, désobéissante el sitrloui gourmande. Elle ne i d'abord au Irailetiicutqu'avec quelque rési"lanee. Au
bout de i|iie1ques "éances. elle se décide enfin à se laisaer traiter. Il esl facile de constater que lonvrhophagir et I incontinence nocturne d urine ont disparu empiétement sons l'influence de la suggestion. 1-e» résultat» au point de »nr de» troubles du caractère sont moin» facile» â apprécier. On constate cependant qn elle fail preuve de meilleure »olonté el qu'elle cberche â se rendre utile, re qu elle n'avait jamais fait auparutnnl.
Ile qu'il v a de plus inléres-saitl dans les observations «|iii pré-eitlenl.de même «pie dans toutes celles quêtions avons recueillies, c'est de conslaler qu'une simple action psychique sitllil pour amener une •juérison «pti a résisté a lous les moyens de contrainte physique. Le fait que II plupart des onychpphages se rongent les ongles sans s'en rendre compte prouve assez, que cette hahilude esl constituée par un acte inconscient, aulomatitpiement accompli. Leur cerveau, en s'adaptanl â l'exécution automatique de cet acte, semble avoir perdu peu â peu ce pouvoir d'inhibition, cette puissance modératrice, celle volonté «I arrêt qui est une des propriétés les plus remarquables du système nerveux: c'est ce qui explique In dilliculté de la gttérison et la persistance habituelle de l'hahitude dans. l'a g's mûr.
Les dégénérés doués, comme ou le sait.d'une résistance moindre pour réagir contre les impulsions automatiques instinctives ou réflexes, prédisposés à l'accomplissement des mouvements in-
eonseieiils.ollreiil un terrain favorable au développement de toutes les habitudes. l.:i première indication consiste donc, puisqu'on se trouve en présence de nioiivements accomplis inconsciemment, à appeler l'atteulion du sujet sur «'es mouvemeiits. à éveiller sa conscience; en un mot, pour nous servir d'une expression empruntée an langage philosophique. à transformer une sensation non peinte en a/Krception. Cela est tellement vrai qu'un certain nombre de sujets s»s guérissent d'eux-mèmes. dès que leur attention a é!»; appelée sur l'habitude.
Mais il en est d'autres qui se déclarent impuissants â résister a l'impulsion : elle/ ceux-là. il est indiqué de recourir à l'intervention d'une excitation extérieure. Pour cela, il esl nécessaire de plonger le sujet dans le sommeil hypnotique et d'olfrir â l'automatisme impulsif l'obstacle d'un automatisme contraire. Bientôt, sous I influence des suggestions destinées à élargir le champ de In coa-
science du sujet, à développer son activité volontaire, à exercer sa résistance. l'automatisme impulsirdont il subissait inconsciemment la tyrannie est vaincu.
En résumé, dans leseas où la volonté du sujet est impuissante â réagir contre une habitude vicieuse, le traitement devra être constitué par une opération psychologique qui peut être décomposée dans les trois temps suivants: l" Réagir contre l'automatisme impulsif par la création «l'un autre automatisme agissant en sens contraire : 2°Eveiller la conscience et transformer, par des excitations extérieures, une perception inconsciente en perception consciente; 3° Déterminer la résistance définitive à l'impulsion par l'intervention de l'énergie volontaire du sujet.
C'est ainsi que l'opération psychologique de l'hypnotisalion. qui apparaît au début comme un asservissement de la conscience, se traduit finalement, grâce à la suggestion, par un développement de la personnalité consciente.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du lundi 19 juin 1893. — Présidence de M. DUMONTPALLIER.
Une observation d'enfant menteur
Par Mme le Dr E. V de MEZERAY.
La jeune Catherine B fillette de 14 ans. de lionne apparence, à
I aspect plutôt svmpathiquc. nous est amenée, d v a environ six semailles, par ses parents honnêtes ouvriers, absolument désespérés de posséder une pareille enfant.
Dès 1 âge de (i ans environ, la petite Bile était déjà menteuse, indisciplinée, forgeant à plaisir des histoires incroyables. A cause de son jeune âge, ses parents n'y prêtaient aucune attention.
Mais en grandissant, re défaut s'accentuait toujours, on lui en faisait
des reproches.
Elle répondait presque naïvement : « Je ne sais pourquoi je dis tout cela ; ça nie vient tout seul, je crois moi-même que c'est la vérité que je dis. n
A 1 âge de 12 ans. tout à fait indocile, elle se fait renvoyer de l'école de la rue Gemacr. où elle donne de mauvais exemples aux autres enfants, et les dissipe Complètement.
Envoyée en Alsace, l'an dernier, chez, sou oncle et sa tante, ceux-ci, au bout de fort peu île temps, demandent au père de reprendre sa
fille. Malgré le boa vouloir qu'ils apportaient, ces bravai gens ne ¦ pouvaient plu» y tenir » selon leur expression. Ses manières provocantes, ses mensonges réitères, sa mauvaise langue, axaient lassé leur patience ri rendu la vie insupportable avec elle. Ici M" place un fait capital :
L'enfant, de rrhmr u Paris, accablée de reproches par ses |tarents. raconta, cl aw une énergie qui convainquit son pore, qui- son oncle avait ru avec clic des rapports sexuels complets, et qu'il eu abusait jusqu'à ." fuis dans une même journée, tout ceci avec des détails saisissants.
L'émotion des parents fut grande, comme «m se l'imagine, et la
belle-mère car la jeune tille n'a plus sa mère, et sou père est remarié; la Iwlle-nière donc écrivit confidentiellement il lu liilile. piî rebondit une longue lettreipic nous avons lue. où. ipioi que illettrée, celle leinine expose avec beaucoup il intelligence l'impossibilité du fait.
Entrée dans la voie des confidences, la |ctitc conta encore que déjà vers l'âge de 10 ans. un de ses cousins, qui avait alors 10 au», avait eu souvent des rapjiort» semblables avec elle.
Nouveau cliagriu des |iarrntsqui attendirent impatiemment le retour du cousin alors absent, pour agir vis-à-vis de lui.
A ce moment ou eut l'idée de faire partir l'enfant pour un couvent de Bretagne.
Là, fâchée de celle claustral ion. elle se mil îi se frotter les veux du iitalîu au soir, avec ses mains, et lit nailre une congestion îles paupières, si bien, que les religieuses profitèrent du prétexte pour écrire au père de reprendre sa Mlle, heureuses de se débarrasser d'une brebis galeuse qui donnait le mauvais exemple a ses conqiagues.
Bref, successivement, cette enfant a été chassée de» écoles où on a tenté de la mettre.
Même à riiospii-e des Ouinze-Yingts. où elle fui admise pour une kératite interstitielle, ou dut renoncer à la garder.
Klle lit des mensonges graves au sujet des înlirmières.
Ni voleuse, in gourmande, elle allirnie des tendances lubriques cl surtout cette mouomanie du mensonge.
Paresseuse, hvpoctilc, elle est pourtant d'un caractère assez aimable et même d'un r«istir généreux.
C'est donc racontant ces faits et tout ee que je viens de dire que l'enfant nous fut présentée au mois de mai dernier.
Les parents s ;ip|hsuutissaicnt surtout sur leur vif chagrin qu'une fille si jeune eut déjà subî'ile si cruels outrages à la pudeur.
L'examen des parties génitales ne fut pas ah-olunieul décisif.
On ne constate aucune rougeur, ni trace île violence, â l'orilice do canal vulvo-vaginal.
L'absence de la membrane livnicu donnait une preuve à l'appui du dire de l'enfant, mais l'onanisme auquel elle »"est livrée activement dès le bas agi-, et d'autre part l'étroitesse excessive du canal vulvo-vaginal
donnaient lieu à hésitation avant dr prononcer le gros mol de viol.
Depuis plusieurs semaines. tel était donc résumé des faits.
L'enfant avait été endormir. l'hypnose avait été facile : on lui suggérait de ne corriger des défauts signalés, etc.
La semaine dernière, tunnel incident : la belle-mère arrivait avec une explosion dr soulagement nous eonter ce qui suit :
Le fameux cousin était dr retour : il avait pris très mal l'accusation porter contre lui, et avec une indignation justifiée protesta de sou innocence.
C'est alors que l'enfant arriva à dire que son récit était un monstrueux mensonge.
Elle maintient toujours l'histoire de l'oncle d'Alsace (c'est peut-être paire qu'il est en Alsace .
Pendant son état hypnotique, nous avons essayé de la confesser. Nous obtinmes un récit qui semlde absolument juste, et qu'elle répète sans cesse le même — mais il y a dans ce récit des lacunes — el elle parle des circonstances concomitants du viol comme une enfant qui les ignore complètement.
Il y a donc tout lieu de penser qu'il v a là encore faux témoignage.
Je tiens à mettre sous vos veux l'hérédité de cette enfant et ses alité-
cèdents personnels.
Hérédité : Mère morte tuberculeuse— d'une légèreté île moeurs avérée, Grand d'mère maternelle — crises nerveuses — porlée un lihrrti-nage. Oncle maternel : menteur.
Du coté paternel, aucune tare appréciable.
Antérédents |ersonnels : Knfance chélive. onanisme.
l'ne remarque que je croîs intéressante :
Ces mensonges ont dans la p!ii|iart des cas la sensualité et la luhri-cité comme mobile.
Elle parle de ses a amants ». qu'elle a eus ou qu'elle aura, avec un cynisme qui n'est ni de son âge ni de son sexe.
Elle n été jusqu'il débaucher ses deux petits frères âgés d'environ 5 ans. deux jumniux très bien venus qui, depuis quelque temps, en étaient arrivés par l'onanisme à dépérir d'une façon remarquable.
Nous soignons assidûment cette enfant qui déjà, pur la stiggrstion, a subi une amélioration marquer rl nous espérons avre la persévérance ublenir un équilibre eomplet.
Nous lui suggérons, à cette monomane. — car nous crovons devoir la classer jianiii les monomancs et les inconscients — de se rendre compte den paroles et des faits qu'elle articule.
Car pour nous il est évident qu'il v a là autre suggestion, que cette enfant croit ce qu'elle dit. en un mot que son étal mental est anormal.
On pourrait I assimiler aux « animaleries » de Bnurdin. aux instinctifs qui mentent sans raison.
Sans axoir des stigmates d'itvslérie, ïl v a là analogie avre ces men-
teuses hvstériqucs dont nous avons tant d'exemples dans Ics causes médico-légales, avéc lequel ce fait peut du reste être rapproché, car le père de renfaut dont je vous parle pensait sérieusement à porter cette all'aire en justice, lorsque heureusement le désaveu de la petite menteuse est venu l'arrêter à temps.
FOLKLORE ET HISTOIRE DE LA MÉDECINE
L'École arabe et la croyance aux sortilèges
par M. le professeur PROUST.
M. le professeur Proust, étudiant dans son cours, à la faculté de médecine, les progrès de l'hygiène à travers les âges, a fait ressortir le rôle prépondérant joué pur la croyance aux sortilèges et aux panacées dans les premières périodes de l'histoire de la médecine. Il a été amené il étahlir une comparaison qui s'imposait entre les pratiques bizarres du moven àjsc et les tentations de retour au mysticime ima-giuécs par un certain nomhre d'esprits déséquilibrés.
L'Ecole arabe marque plutôt un pas rétrograde, car à la doctrine de Galien elle ajoute deux grandes erreurs : l'influence des astres et l'importance des panacées, Chez les Arabes, les Chated. sortes d'astrologues ou de magiciens, sont à la fois astrologues, musiciens, poêles, législateurs, médecins, prêtres, Pour eux les corps célestes avaient une influence réelle sur la santé, la vie et le sort des hommes; ils avaient la prétention de lin- leur destinée dans les astres, par les astres ils pouvaient savoir la direction à imprimera leur vie pour conserver ou retrouver la santé! Ils cherchaient dans les médicaments particuliers des vertus pour conserver exclusivement la santé du corps, pour préserver des malatlies ; les panacées remplaçaient pour eux les règles de l'hygiène. Hérodote (344 ans avant J.-C. parlait des mains des dieux : Pline en taisait aussi l'éloge : Andromaque. médecin de Néron, inventait la tliériaque. sorte d électuaire extrêmement complexe, que l'on retrouve encore, quoique bien délaissé, dans la pharmacopée contemporaine, et qui était doué de propriétés prestigieuses. Ces propriétés ont été acceptées par Roger Bacon et par le chancelier Bacon.
Quels progrès, d ailleurs, les musulmans auraient-ils pu faire faire à la science sous le régime il une loi qui aurait considéré l'ouverture d'un cadavre comme un sacrilège et qui ne permettait même pas lu dissection des animaux ?
Le peu de lumière qui existait s'ail'aiblit uu milieu du tumulte des armes et s'éteignit au sein de la volupté : l'Alcoran fut le seul livre : on
brûla les autres ou parce qu'ils étaient superflus s'ils ne contenaient que ce qui est dans l'Alcoran. on parée qu'ils étaient pernicieux s'ils contenaient quelque chose qui n'y fût pas.
Apres la prise de Constantiuople (1453). les préjugés astrologiques ne furent pas déracinés en Europe, et. en 1470. Marsilitis Ficinius conseille de consulter les astrologues à l'époque des septen-naires.
Ne voyons-nous pas encore de nos jours, sur les limites du .xxe siècle, des écoles qui ressemblent à l'école des Arabes; les mages, le sahr. les grands prêtres, ne nous rappellent-ils pas les astrologues? L'envoûtement ne peut-il entrer en parallèle avec leurs pratiques barbares ? les Arabes les plus perfectionnés n auraient certes pu trouver quelque chose de mieux. Et puisque je vous parle de l'envoûtement, qui-je vous dise rapidement en quoi il consiste. Il y a trois espèces d'envoûtements: l'envoûtement par le crapaud, l'envoûtement par la cire et l'envoûtement par l'esprit volant.
Dans la méthode du crapaud, que des personnes qui se prétendent extrêmement sérieuses emploient encore a noire époque, on prend un gros crapaud et on lui administre le baptême en lui donnant les noms et prénoms de la personne que l'on veut maudire. On lui fait avaler ensuite une hostie consacrée sur laquelle on a prononcé des formules d'exécration, puis on l'enveloppe dans des objets magnétisés,on les lie avec les cheveux de la victime, sur lesquels l'opérateur aura d'abord craché. Puis on tue l'animal d'un seul coup de couteau, on lui arrache le cœur, on enveloppe ce cœur palpitant dans les objets magnétisés, et pendant trois jours, à toutes les heures, on enfonce dans ce co-ur des clous, des épingles rougies au feu. de longues épines, en prononçant des malédictions sur le nom de la personne envoûtée. La victime de ces manœuvres éprouve autant de tortures que si c'était son cœur ii elle qui était ainsi tourmenté, elle dépérit et meurt bientôt d un mal inconnu.
Dans l'envoûtement par les images de cire, on forme, avec de la cire maudite, une image aussi ressemblante que possible de celui qu'on veut envoûter. On revêt cette image de vêtements semblables, on lui inllige des tortures imaginaires pour atteindre la personne que la ligure représente. Ces deux procédés sont anciens et ont été remis en laveur par certains esprits bizarres; il n'en est pas de même de l'envoûtement dit â l'esprit volant, qui est un envoûtement moderne.
Dans cette troisième méthode. on prend un sujet hypnotisé dont le corps astral est dirigé vers l'ennemi à atteindre. Mais il y a certains observateurs ! qui oui peur que la personne hypnotisée ne commette une indiscrétion et qui la remplacent par un cadavre !
Tous ces salir, tous ces mages ne sont en somme que des plagiaires et des imitateurs de l'Ecole arabe.
RECUEIL DE FAITS
ENQUÊTE SUR LES HABITUDES AUTOMATIQUES CHEZ LES ENFANTS
L'tude des habitudes automatiques, ai fréquentos cher les enfants, présente un tres grand intérêt au point de vue médical aussi bien qu'au point de vue pedagoqiue Une enquéte portant »ur un grand nombre de sujets appartenant à des milieux differents peut fournir
de» renseignements précieux pour tous ceux qui s'intéressent aux progrès de la pédagogie.
MM. les professeurs el instituteurs qui voudront collaborer à cette enquête sont invités û remplir la feuille ci dessous à l'envover à M. le Dr BERILLON. directeur de la Revue tle r hypnotisme, 10 bis, rue de Rivoli, à Paris. Il leur sera accusé réception de leur envoî et lia seront tenus au courant des résultats obtenus.
Les enfants qui présentent des liabitudcs automatiques et en particulier celle de se ronger les ongles (onvcliopliagic: sont-ils dans un état d'infériorité appréciable aux divers points de vue :
1. De la santé générale 'absences motivées par maladie......----------.....-
2. De lu force physique (notos île gymnastique, apparence extérieure)
(1) Indiquer s'il s'agit de garçons on de filles s'ilss habitent la ville ou la cam-pagne, s'ils reeoivont l'enseignements primaire nu ipcopdairc.
3 De la docilite, du caractère (notes de conduite)
4. De l'aiipb'cation, de l'attention, de la mémoire 'ilotes de travail
5. Des sentiments affectifs
6. De la moralité
7. De la propreté—
8. De la dextérité manuelle écriture, ateliers de travail manuel
9. Des aptitudes spéciales (dessin, chant, etc.)
10. Quel peut être le rôle de l'imitation au point de vue de la propagation des habitudes automatiques aux élèves de la même classe?
11. Quels sont les moyens employés pour corriger ces hahiliules'.'
Un cas de somnambulisme.
M. Charcol a montré, à sa clinique, une malade présentant un état de somnambulisme singulier, survenu dans les circonstances suivantes :
(.elle malade. âgée de 2( ans, très impressionnée par la perle d nue parente ipii s'était jetée par la fenêtre, se leva une nuit et allait se précipiter de la même manière, lorsque son mari put la retenir. (le fait se reproduisit fréquemment et il fallait beaucoup de surveillance au moment de cette attaque de somnambulisme qui se produisait généralement il In même heure.
Cependant, son état s'améliora et elle put reprendre son travail ; mais ou reniarqua alors que. lorsqu elle écrivait, elle devenait rêveuse et s eiidoriuail comme spontanément livpnotisée. mais, dans cette situation, elle continuait ¡1 écrire ; toutefois, ce qu'elle écrivait alors, c'était le nom de son enfant, mort plusieurs mois auparavant ; elle ne pensait plus à sa parente, mais à cet enfant qu'elle exprimait le désir d'aller retrouver. Or. lorsqu'elle est dans cet étal particulier, elle est complètement ancstliésiée. lundis «pie dans l'état normal où on la fail revenir; en In réveillant un peu vivement, la seusihilité existe partout, sauf au niveau du poignet cl de la main droite. Il existe en même temps un rétrécissement du champ visuel, «pii ne laisse pas dis ilotite sur l'existence
de I hystérie.
Ces attaques diurnes sont de même nature que les attaques nocturnes de somnambulisme qui les oui précédées, et M. Chnrcnt considère les unes et les autres comme des attaques hystériques modifiées el prolongées. Mais le point intéressant ici est que cette malade, aussitôt qu'elle reste quelques instants inoccupée, s'endort les yeux ouverts et passe ainsi dans une condition toute différente de l'état normal, bien que son
12. Quelle est IclBcacité de ces movens?
l'a. ()ltservaliiins générales
aspect extérieur ne soit pas sensiblement different de ce qu'il est habituellement.
Or. ce fait esl fort important au point de vue de l'hystérie, car ces malades sont certainement très souvent dans un état analogue, quoique à un moindre degré. On les accuse île mensonge, d'oubli, d'inattention volontaire, niais bien souvent elles sont de bonne foi. parce que leur personnalité se modifie spontanément, malgré elles, ù certains moments. Ce qui domine en effet chez elles, c'est la tendance à la dislocation du moi. ce qui les fait entrer dans ces états de rèverir où la personnalité se dédouble. Ces modifications, ipii se montrent avec une grande netteté citez certains malades et sont très faciles à démontrer, sont, au contraire, très obscures chez d'autres et peuvent passer complètement inaperçues.
(Joum. de méd el chir. pral.)
VARIÉTÉS
La Vulgarisation médicale (1)
Fidèle à la coutume de nos réunions, votre président éphémère se propose, aujourd'hui, de vous parler d'une question, dans laquelle il a pu; dequis quinze ans. acquérir quelque compétence : la vulgarisation médicale.
A côté île ses avantages, que je développerai tout à l'heure, cette sorte d'enrobage littéraire de scienta amara présente divers inconvénients qu'il faut, tout d'abord, savoir reconnaître.
La vulgarisation des choses de la médecine est néfastes aux personnes predisposéesà l'hypocondrie. Malheureusement, c'est surtout parmi elles que se recrutent nos lecteurs les plus avides. — je veux dire ceux qui rebrousseront chemin le moins facilement en face d une chronique médicale. C'est pourquoi le vulgarisateur devra sui-tout s'attacher aux notions préventives: il évitera ainsi aux gens du monde les occasions de se frapper cl surtout les tentations de se droguer, que leur offre suffisamment la quatrième page de nos journaux quotidiens. Les questions d'hygiène individuelle et de régime alimentaire dont les effets sont souvent [dus marqués et plus durables que ceux des médicaments : les généralités écologiques sur les maladies qui nous apparaissent, d'ordinaire, comme autant d'infractions à l'hygiène : l' expose des ressources cunitivcs multiple» recelées dans les agents physiques : voilà de quoi alimenter longtemps uu écrivain nourri des écrits traditionnels et suffisamment rompu à l'ars scribvndi.
(1) Allocation par M. le Dr Monin au banquet de la presse scientifique.
Quand nous nous égarons sur des questions nosologiques proprement dites, évitons toujours, ô mes confrères, tic verser dans la médecine cadavériste. Notre chronique doit rester vivante et toujours optimiste. au delà même des limites permises : n'oublions pas, en effet, que le noso-mane nous guette surtout paire qu'il cherche à être nissuré. Que de malades anonymes ne pourrions-nous guérir de leurs obsessions, si nous savions nous attacher davantage il leur en découvrir nettement l'inanité? La formule, ici comme au théâtre, est de voir gai et ce sont les docteurs Pangloss qui servent encore le mieux, quoi qu'on dise, les intérêts de noire science. L'espoir, s'il pouvait être dragéilié, détrônerait, aisément, toutes les spécialités pharmaceutiques, et ferait terriblement baisser la vente îles remèdes olbcinaux et même magistraux!
La vulgarisation médicale bien faite remontera ta foi du malade en la médecine et lui suggérera de guérir : en montrant au client ce que fait le médecin et pourquoi il le fait, nous enseignons à la masse l'importance de l'art médical et nous consolidons, pour ainsi dire. le respect de nos proscriptions. On traite volontiers d'inutile ce qu'on ne mimait pas. et l'orgueil de lu science est. comme l'a dit Spencer, de l'humilité, en face de l'orgueil de l'ignorance.
Le public, d'ailleurs dans toutes les castes sociales;, a grand besoin d être un peu éclairé sur notre science, quand ce ne serait que pour échapper aux griffes des sorciers, qui font, de l'argent des sots, leur patrimoine quotidien, en dépit de toutes les lois Chevandier passées, présentes et a venir!...
La vulgarisation médicale n'est pas inutile aux médecins : elle remémore â nos confrères les notions exactes et incontestées de la science, surtout parce quelle sait élaguer toute description embrouillée pour s'en tenir aux vérités fondamentales et vraiment pratiques. D'ailleurs, ou a si joliment intercepté, aujourd'hui, les rapports entre les anciens et les modernes, que vieux et jeunes médecins ne sauraient plus se comprendre sans interprètes. Ce rôle d'interprète semble dévolu au vulgarisateur : s'il sait le remplir, il sent récompensé bientôt par le succès auprès de ses pairs et fera mentir la Itouladc tle Muimret : « I_es gens du monde lisent trop de livres de médecine et les médecins pas assez! »
Nos confrères nous reprochent, parfois, d'être encvclopédistes : mais
c'est encore, en médecine, la meilleure manière d'être I..... spécialiste.
Généraliser, c'est ennoblir. Pour être large et fécond, notre art a besoin de se retremper, sans cesse, aux sources vivifiantes de la biologie générale. Peut-on individualiser ce que Nature a fait solidaire, sous peine.: nouveaux astrologues de la l'aide, de délaisser l'organisme en nousbvp-uotisaiit sur l'organe?
On dit aussi que mitre langage, trop familier, est indigne de la science. Je soutiens, moi, qu'il est souvent plus précis, idest plus scientifique, dans sa simplicité. Le jargon médical n'est guère, en effet, qu'une mixture hétéroclite, où I' on retrouve 1 empreinte successive de toutes les théories, et comme les alluvions de tous les systèmes qui ont, périu-
diqucnicut. inondé lu médecine. Combien de ces systènies n'uni tenu et ne tiennent sur place que par lu grandiloquence des expressions ! K» le» ilr-i touillant de la majesté du verbe, le vulgarisateur saura les restreindre à une domination plus modestes, tout ni avant -.....en extraire
la moelle de vérité scientifique qu'ils contiennent tous ou presque tous : obscurilttle rerunt verba sa'pe obscuriinlur.
Je vous ai montré, jusqu'ici, chers collègues. |e vulgarisateur comme un petit saint. Mais il y a des taches au soleil. L'un de nos péchés habituels, c'est d'accueillir, trop largement, les vérités provisoires et de ne point assez respecter les vérités fondamentales. La recherche extrême de l'actualité, le besoin, inhérent aux idées du jour, de paraître renseigné, sont cause «pie. trop souvent, nous nous inféodons à l'esprit de svstèiue. Voilà Surtout CC qui. parfois, peut rendre la vulgarisation dangereuse : « J ai peur écrit, je crois. Leibtutz . que les grands médecins fassent mourir autant île monde que les grands capitaines ! ¦
Il n'est |ias nécessaire de posséder trois ou quatre avis sur la même question, alin tic se concilier 1rs chances d'être, au moins une fois, dans le vrai : mais, quand nous écrivons, ne soyons jamais doctrinaires. N'oublions pas que notre science a pour destinée détendre idéalement â devenir exacte, mais sans jamais parvenir à être autre chose «pi'iin calcul de probabilités ! L'introduction en médecine îles nouvelles méthodes a évidemment comblé un grand vide: mais n en n-t-el|e pas creusé un autre, par suite de la négligence dédaigneuse que les modernistes apportent n l'étude des symptômes cliniques, devenus pour eux terre-à-terre, surannés, vieux-jeu r En vérité, si admirateur que je sois du progrès, je doute que lesacquisitions contemporaines coiiqieiiscraîent. pour les malades, ce reniement de l'observation symptômatique. s'il devait se prolonger !
La vulgarisation doit être, scion moi. étroitement rivée â la tradition des hommes séculaires, pour employer la Iwlle expression de Baglivi. Parmi les plus sérieux obstacles à l'avènement de la vraie science, ce grand homme range en première ligne : derisio vêtent M. Quelle confiance, en effet, voulez-viius que le public ait eu notre art. lorsqu'il voit ses instituteurs dénigrer et battre en brèche les plus illustres ouvrages de leurs prédécesseurs les plus immédiats, mu prolit et sous prétexte de conceptions expérimentales nouvelles, mais incertaines? Et pourtant, que de nouveautés, que de certitudes, dans les anciens ! ("est parleur contact que nous jkiuyoiis faire entrevoir à tous la médecine agissante et ces lumineuses clartés qui sortent de l'observation éternelle, dont le public attend de nous une instructive synthèse.
Ne sacrilions donc |as trop aux dieux de pa«age : nous serons |arfois plus utiles en enseignant plutôt la médecine des gardes-malades que celle des laboratoires. Observons, toutefois, ici comme en toute chose, le juste milieu, l'our vulgariser la science, il la faut solide, car, ainsi que le dit Jules Simon dans son récent éloge d'Edouard Charlon : « Tromper l'ignorant, c'est empoisonner le pain du pauvre. Il ne faut
jamais se baisser pour parler au grand publie, mais Imijnurs viser en haut : si l'on s'abaisse, il vous relient ; si l'on s'élève. ¡1 vous suit. s
Nous sommes îles h v brides médico-littéraires, auxquels Apollon, dieu des lettres et des sciences, enjoint de soigner notre style, armure de noire pensée rl de notre combat contre l'ignorance. Mais, veillons, avant tout. ;i ce que nos éluruhralions soient précises et concises : mettons le temps voulu pour faire court. D'Alembert l'a dit justement : « Le lecteur se tue à abréjtrr ce que l'auteur se lui' il allongers » Pour ma part-j'estime que la forme aphoristique et sentencieuse, illustrée par les Boerhaave. les Stoll, les Haller, convient parfaitemeiil à la vulgarisation. Elle enfonce dans le sol du souvenir les jalons île la vérité.
Elle n'est, d'ailleurs, pas incompatible avec l'anecdote bien maniée, quoique je ne conseille pas trop d'abuser de cette boutique à treize sous delà science : vouloir toujours instruire en amusant, c est s exposer a ne guère amuser el à ne point instruire du tout. L'anecdote servira fréquemment à faire retenir au lecteur quelque moyen eu rat if d'urgence, qui peut, à certaines heures graves, revêtir une importance capitale. Elle-nous est également un prétexte pour exposer les déeonverles de I empirisme, dont un guérisseur, o mes confrères, ne doit jamais faire fi : si orgueilleux que nous soyons de la belle et pure médecine scientifique, n'oublions jamais que la plupart de nos grandes initiatives thérapeutiques ont été uniquement les résultats du hasard...
Mais je m'excuse, chers collègues et amis, de troubler plus longtemps vos sécrétions pepsiqiles. Je me suis laissé entraîner il causer avec vous du métier et (malgré tout I ennui que j ai déversé sur vos digestions . je m'aperçois que je n'ai traité qu'une bien faible partie de mou sujet ! Au moins. l'ai-je fait sincèrement, et soucieux, avant tout, de votre bienveillante estime. Il ne me reste plus qu'à porter un toast à la santé de tous nos collègues présents et absents, et à la prospérité de cette réunion amicale.
IV K. Moxix.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Les r .TOT rsvciio-pHYsioLocujcr de i'.i i-, 49. rue Saint-And régies-Arts, -L'Institut psyeho-physiologique de Paris, fondé en lSî'l psiur l'étutle des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hvpnolisme. et place sous le |iatronagc de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hvpno-tisme el de la psychologie physiologique.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée à l'Institut psycho-physiologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de dix heures à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés a la pratique de la psychothérapie.
Des conférences sont faites le jeudi, à dix heures et demie. par M. le Dr Bérillon. sur les applications cliniques de la suggestion et de l'hypnotisme, etc.
M. le Dr J.-O. Jennintigs fait le samedi des démonstrations pratiques d" électro-physiologie ¦
Faculté de médecine de Paiiis. — L'assemblée des professeurs a dressé la liste de présentation pour la chaire de clinique des maladies mentales, vacante par suite du décès de M. le professeur Bail. Voici cette liste :
Fit première ligne M. Joflroy ; en seconde ligne M. Gilbert Ballet. M. Joffroy remplacera douc M. Ball.
Faculté de médecine dk Madrid. — M. le Dr Sanchez Herrero. professeur ii la faculté de Valladolid. bien connu par d'importants travaux sur l'hypnotisme et la suggestion, vient d'être nommé professeur a la Faculté de Madrid.
Institut hypnotique et électrothérapique de Bruxelles. — Nous sommes heureux d'apprendre que MM. les docteurs Van Velsen et Edouard Maes viennent d'ouvrir à Bruxelles un Institut hypnotique dont nous ferons prochainement connaître l'organisation.
La mémoire des hypnotises.
Nous recevons de notre éminent collaborateur. M. le professeur Delbœuf, la lettre suivante que nous nous empressons d'insérer.
Liêge, 26 juin 1893.
Mon cher Directeur.
A la page .338 de la dernière livraison île la Renie ijuini, un de vos collaborateurs, s'occupant de In mémoire 'les hypnotisés, me cite el m'attribue, ainsi qu'à d'autres, l'opinion suivante : « Les personnes qui ont été hypnotisées ne conservent, après leur réveil, aucun souvenir de ce qu'elles ont fait ou appris pendant qu'elles étaient en état de sommeil hypnotique. »
L'auteur n'a. Évidemment, lu aucun de mes ouvrages sur l'hypnotisme.
En 1880. eu présence de M. Ch. Féré, à la Salpèlriére même, j'ai ravivé riiez la fameuse W illinnnn, la mémoire des actions qu'elle avait exécutées à l'élat île Somnambule, el le fait a élé communiqué le lendemain à la Soriètè rie psychologie physiologique l'eu de temps après Imai 1886 je publiais dans la Iterue philoxc-phique un article étendu sur la Mémoire des hypnotise.où, me fondant sur île nombreuses expériences, j'établissais que le souvenir des images hypnotiques était soumis aux mêmes règles que celui des rêves, et où je donnais le moyen de le provoquer a volonté. »
Depuis, dans mes nouveaux écrits sur l'hypnotisme ( Visile à la Salpètriïre.
Vìsite à l'Ecole de Naney. lettres à M. Thiriar. les Fêtes de Montpellier. l'Hypno-tisme devant les Chambres belges. l892.dans cette- Revue- même et ailleurs, je n'ai cessé de rappeler ce principe qui plus ou moins combattu à l'origine, est aujourd'hui accepté par l'École de Nancy. J.Delebœuf.
Congres de médecine mentale. "Session dc La Kochclle. aoùl
Mardi Ier août. — Ouverture du Congrès à 9 h. du matin, salle haute de la Bourse. Des aulo-iiitoxicatioiis dans les maladies mentales. — Séance de 2 h. à 6 h. du soir. Des auto-intoxications dans les maladies mentales. A 6 h., visile des tours de La Roehelle. Réception des membres du Congrès par la municipalité à l'Hôtel de Ville de La Rochelle.
Mercredi 2 août. — Séance de S h. à 11 h. Les faux témoignages des aliénés devant la justice. —Séance de 2 h. 1/2 â 13 h. Les Sociétés de patronage des aliènes. Itampiet à 7 h. du soir.
Jeudi 4 août. — A 8 h. du matin, séance à l'asile de Lafond. Communications particulières. A 10 h., visite de La fond. A 11 h. /2. déjeuner offert aux membres du Congrès par l'administration de l'asile. Dans l'après-midi, visile à l'église forlitiée d'Esnandes et aux u houcliots i.
Vendredi malin. -— Départ :i 7 h. 1/4 pour l'Ile île Hé. Visile du dépôt îles forçats de Saint-Marliii-de-Ro. Déjeuner il I Ile de Hé. \ isitc nu phare des Haleines. Ketour il La Rochelle il 7 II. du soir.
Samedi matin, de 8 heures à H heures: Communications particulières.
Samedi soir, de 2 heures 1/2 â 6 heures : Communications particulières. — Clôture du Congrès.
Dimanche matin : Départ .. .à 5 heures du matin ; — Visite de l'asile de La Hoche-sur-Yon; — Déjeuner offert aux membres du Congrès par l'administration de l'asile : — Visite des Sables-d'Olonne.
Nous croyons devoir rappeler à nos confrères des asiles que la ligne de l'Etat délivre des billets dits hîll ets de bains de mer pour La Rochelle et les autres villes du littoral, avec arrêt sur le parcours. Ces billets sont accordés avec une réduction de '40 0/0 sur le douille du billet simple et sont valables pendant ."13 jours.
L'hypnotisme en Russie
Le département de médecine au Ministère de l'intérieur vient de reconnaître officiellement le traitement par l'hypnotisme :
« Les médecins auront le droit il appliquer I hvpnose au traitement des malades, en observant strirtenient les disposition» de l'article 115 du code de médecine. Ils seront tenus seulement d'informer les aulori-tés administratives de chaque cas d application de traitement par 1 hvpnose, en désignant les médecins en présence desquels le malade aura été hypnotisé. Les hôpitaux de l'r-tat ne sont pas astreints ù ces restrictions,
« Toute annonce du traitement par l'hypnotisme demeure interdite. »
Ces mesures restrictives peuvent être considérées comme un progrès tres appréciable.
En Russie, comme ailleurs. les autorités s'inspirent volontiers des conseils de professeurs émérites chez lesquels l'age a affaibli la notion
du progrès scientifique. Il en était résulté que lu pratique de l'hypnotisme était à plein tolérée. La décision qui vient d'être prise nous prouve que les sommités médicales auxquelles nous faisons allusion ont perdu quelque peu de leur influence. Le ministre de l'Intérieur de Russie a pensé avec justice que nos jeunes confrè.res russes «pli s'occupent avec tant de sagacité et de prudence des questions d'hypnologir et de psvrhologie méritaient «juclqucs encouragements. Il a reconnu ofliciel-lement la valeur thérapeutique de l'hypnotisme. Lorsqu'il aura été convaincu que l'hypnotisme i-st peut-être h- m«»ins dangereux de tous les traitements actuellement utilisés en médecine, il laissera tomber eu dé-suétiidc les dernières restrictions apportées à sou emploi.
Deû porte aux somnambules extra-lucides.
Sî 1 on en croît certains adeptes du magiii'tîsnie animal et eu particulier les magnétiseurs nomades, la clairv«iyanre des somnambules serait un fait assez fréquent. Pendant de longues années. l'Académie de médecine n été assaillie de communications dans lesquelles des gens, souvent furt honorables, mais doués de courte vue. annonçaient des faits surprenants de fucidité. de transposition dessens. Lorsque l'Académie désignait une Commission chargée de vérifier la véracité de faits annoncés, tous les faiseurs de tours île force se dérobaient. Enfin. un jour, le 12 septembre 1837, un homme avisé, M. Bardin. pensa qu'il était temps de mettre un terme a ces inauvais«'s plaisanteries. Il offrit à l'Académie une somme de 3.000 francs « destinée et donnée en prix à celui «|uï donnerait la preuve du fait «pi'on peut lire sans ic secours des yèujf, de [a lumière et de la bouche, l'ne Commission de sept membres fut élue par l'Académie : elle attendit les concurrents.
L'n seul se présenta, un certain M. Pigeaire «|ui amena sa propre lille. Mis au pied du mur. il ne voulut pas mettre sur les yeux de son sujet un autre hamlcau «pu- celui «pi d avait apporté et «pu était sujet à caution. Pendant plusieurs séances, il se moipia agréablement des académii'ïcus et le prix Burdiu ne fut pas décerné.
Depuis quelque temps un certain nombre de magnétiseurs-prestidigitateurs ont remis en circulation les idées de lucidité somnanibulîquc, de la clairvoyance à travers les corps opaques. de suggestion mentale à distance. M. le professeur Poucliet a pensé qu'il était temps de recommencer l'expérience proposée déjà par M. Burdin. et il vient «I adresser à M. le Dr Darxier, directeur des Annales des sciences psychiaues. la lettre suivante :
Et M. (ieorges Pouchet, accompagné de deux personnes itésiguées par lui. présentera une carte sous envckqqic opaque, scellée, qui ne sortira
pas de sa vue'. Cette carte pourra être examinée, touchés, palpée pendant mie heure, devant lui.
« Ellcconticiidra. en caractères majuscules, un mot ou un ensemble de mots compris entre dix et quinze lettres, connu île lui. Si le mut ou l'ensemble est lu. M. Pouehet versera sur l'heure la somme dé mille francs, dont il sera porteur, à la personne ayant lu l'écrit.
a En cas d'insuccès, vingt-cinq francs seront immédiatement verses au profit des pauvres du VI" arrondissement, entre les mains de M. Poiiehet. ¦pi! en fournira le reçu du Bureau de bienfaisance, le lendemain avant midi. «' G. I'ovchut. »
La clause de vingt-cinq francs au profit îles pauvres, à verser, en cas d'insuccès, entre les mains de M. l'ouchet. n'a pas d'autre luit, on le devine sans peine, «pie de tenir â l'écart les trop nombreuses somnambules pii se prétendent extra-lucides et qui. alléchées parle beau billet de mille francs, voudraient essayer de le gagner, si elles n'avaient rien II risquer.
Cette clause est d'autant plus nécessaire que le professeur Pouehet, dans son impartialité et son désir de pénétrer la vérîlé. ne veut refuser l'essai ii personne ; mais, si M. l'ouchet. de par son offre, se trouve dans l'obligation de teñirla balance égale pour tous, le directeur des Annules îles sciences psychiquess désireux aussi de voir la vérité se faire jour, de savoir si parmi ces liseurs de pensées, ou prétendus tels, il y a autre cjtose «pie des truqueurs et des escamoteurs habiles, ahusaíit de la Crédulité et surtout de l'inexpérience du publie, offre aux sujets tels que Picknian, Zamora, l.ulli. qui se sont déjà acquis une certaine notoriété, de prendre à sa charge l'enjeu île vingt-cinq francs, stipulé au prolit des pauvres, en cas d'insuccès de leur part.
Les paris sont ouverts. Il ne manque plus que les concurrents. Nous craignons bien qu'ils se fassent longtemps attendre.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE .
Astère Denis. — La Voie naturelle et l'utilité de l'hypnotisme. (In-12° de 107 pages. — Prix 1 franc.. Ernest Gilon, Paris;. Ch. Barbaud et A. Rouillara. — Le Sertosisme aux stations thermales, précédé d'une préface de il. Jules Clarette. — (In-12° de 123 pages. — Jouvel et C'«. Paris 1893).
Gomer Sandberg;. — Quelques Mois sur l'hypnotisme comme auxiliaire dans
l'art dentaire, (ln-12. 18 pages. Norsledt et Soner. Stockholm 1803). Gelineau. — Maladies et hygiène des gens aerteiu? (un volume in-12» 413 pajies. prix fr..O. Dom. Paris 1893).
A. Joltcain — Les Sercices sanitaires de tu cille de raris et du département de
la Sein'. (In-12» «1« 269pages. — Bergcr-Levrnull. Paris 1893;. J. Janicot — L'Exereiee dr la médecine thermale au point de no-de !a Déontologie médicale (Inlïs 11» pa^es, prix 1 fr. :•». O. Doin. Paris 1893.
L'Administrateur-Gérant : Emile B0URIOT.
170. rue Sai » (-Antoine.
l'ours. — loiprliiK-riv lanjard-Knp.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPERIMENTAL ET THERAPEUTIQUE
LA
MORT DE M. LE PROFESSEUR CHARCOT
La science médicale vient de perdre un de ses plus illustres représentants. La mort inopinée du professeur Charroi plonge «tans le deuil les innombrables élèves, français et étrangers, qu'avait groupés son enseignement personnel et si elevé.
Nous n'oublierons jaimais le précieux patronage donl il avait honore la Revue de l'hypnotisme lors de sa fondation. Avant même on.- le premier numéro eu lût paru, ilavait accepté d'en être un des collaborateurs. nous donnant ainsi un témoignage de confiance et d'estime dont nous avons apprécie tout la valeur.
M. Cha mit ne s'était pas borné à nous accorder une collaborai! ou toute platonique ; il avait liieu voulu, à maintes reprises, nous guider de ses conseils. Prévoyant les dangers que pouvaient faire courir û la cause de l'hypnotisme des sce-tatcurs trop zélés, il nous engageait vivementà rester lidélcs à la méthode scientifique à laquelle nu amis Claude Bernard. Paul llerl cl Vulpian avaient dû de réaliser de si grands progrès dans le domaine de la physiologie. Cette préoccupation de la méthode expérimentale se relromc a chaque page dans les Eludes cliniques sur la grande hystérie. Dans In préface de ce livre remarquable à tant d'égards et dont Tailleur.
M. le Dr l'ani Richer doit être considéré comme un des meil-leurs et des plus fidèles interprètes de renseignement du maitre. M. Charroi renversait Ies derniers obstacles qui s'opposaient à l'entrée de l'hypnotisme dans la domaine scientifique : • A l'heure qu'il est. disait-il. en présence de l'évidence des faits, le scepticisme prétendu scienti-Oqnc que quelques-uns semblent affecter encore vis-à-vis de ces éludes ne saurait être considéré que coin me un scepticisme purement arbitraire, marquant â peine le parli pris de ne rien entendre el de ne rien voir. » Grâce à Paulonie de sa parole, l'hypnotisme et les éludes qui s-il dérivent acques raient immédiatement droit de cité dans la science officielle.
Les travaux de M. Charcol sur l'anatomie pathologique et la ncuropatludogic auraient stilli pour le placer â un rang hors de pair parmi les médecins de ce siècle. Les leçons sur l'hypnotisme ont rendu son nom célèbre dans les deux par-lies du inonde.
Alors même qu'ils appartenaient à des écoles rivales de Celle de la Salpé trière, tous les savants adonnés à l'étude de l'hypnotisme rendaient hommage à la puissance de son esprit et à son immense valeur scienliliciite. Il avait été 1ss premier prèsi, dent d'honneur acclamé par le Congrès international de l'hypnotisme, en 1889. et la Société d'hypiiologie et de psychologie l'avait placé au premier rang des hommes dont elle reclamait le patronage. Des paroles autorisées lui rendront dans celle Société' les témoignages d'admiration qui lui sont dus.
Comme Ions les grands hommes. M. Charcol avait des courtisans. Quelques-uns. plus désireux de se concilier les bonnes grâces du maître spic de servir utilement sa mémoire, ont. dans leurs écrits, outrepassé- ses doctrines. La critique scientifique, qui ne s'attarde pas aux petites considérations, saura éliminer d'une seuvre géniale les exagérations intéressées de quelques disciples trop zélés : elle jugera celle œuvre dans ses grandes lignes.
M. Charcol fut un puissant remuetir d'idées. I.a postérité dira de lui qu'il fut plus qu'un chef d'école préoccupé de l'avenir de ses disciples intimes. Elle le rangera au nombre des penseurs dont s'honoro l'humanité.
DEUX CAS DE DIAGNOSTIC CHIRURGICAL POSÉ AU MOYEN
DE L'HYPNOSE
Par M. le professeur J. delbœuf, de Liège
Dans son article intitulé Suggestionslehre und Wisscnschaft (1) mon ami le professeur A. Forel m'a pour ainsi dire invité à faire le récit des cas de dingnostie chirurgical posé au moyen de l'hypnose et ou j'ai eu l'occasion d'intervenir.
Dans, mon travail sur l'Origine des effets curatifs de l'hypnotisme 2. je disais que dans l'état ordinaire, la vie de relation distrait notre attention des phénomènes de la vie végétative; mais que l'étal d'hypnose rendait à l'individu la connaissance de son propre corps el le pouvoir d'en diriger, dans une certaine mesure; les fonctions. J'écrivais, entre autres choses, ceci :
« Une personne s-st menacée d'une bronchite : elle ressent des chatouillements slans la poitrine et des envies sle tousser. De petits coups frappés s;à et là sur la cngs' thoracique provoquent la toux. Mais celle exploration s-si vague et l'incomplète. I.a personne est hypnotisée: à l'instant elle prend pour ainsi dire connaissance de sou être interne. Elle saisira le doigt de l'hypnotisenr et le promènera avec précision sur tous les points irrités. Celui-ci lui dira que l'irritation va disparaître, el que l'envie de tousser cessera, et frappant graduellement île plus en plus fort sur ces divers points, il donnera au malade sles preuvess sle plus en plus inarquantes de sa puissance. En réalité, ce sera le malade lui-même qui aura tout fait, el comment .' en reprenant possession d un pouvoir qu'il a cessé d'exercer, niais qu'il n'a pas abdique.
« Un somnambule, dit-on. possédait une pendule tres compli-quée. qui faisait son orgueil. Elle indiquait li-s jours, les mois, les phases de la lune, ses levers el ses couchers. Une nuit, dans sm accès, il s'avise sle la démonter, et, une autre nuit, la remonta avec soin sle manière spi'elle marcha sonline auparavant. Il a slu voir et il a vu lâ une, mauvaise plaisanteries de la pari d'un horloger. Si. sans être horloger, il a pu, à force d'attention, faire suvre d'horloger, à plus forte raison, senilile-t-il.il pourrait, sur les indications d'un hoinnn- entendu, porter remède dans une certaine mesure aux troubles sle son propre corps, celte horloge
(1). Zeiltehiiflptr Nvpmolitmma. Ilefl III. p. 80. (2) Paris, Félix Alcaa, 1887. pp. 4e et suiv.
dont, en dernière analyse, sons l'impulsion que lui oui transmise ses ancêtres, il a été lui-même le constructeur. »
Telles sont les idées qui nie servent de guide dans mes explora lions d'hypnotisme.
Le fait que je vais raconter remonte an mois d'octobre de I année 1886. En juin ou juillet de cette année, une jeune Mlle d'une vingtaine d'années, en service dans une ville d'enu renommée de la Belgique, lit une chute malheureuse sur le pavé. Elle eut la peau du genou horriblement fendue. Ou fit venir l'un des médecins les plus connus de la localité, qui nettoya la plaie, la recousit, y mit nu bandage approprié, recommanda le repos, et certifia une prompte guérison. Mais la guérison ne vint pas. La jeune Mlle ne pouvait presque pas remuer la jambe, ni marcher sans beaucoup de douleur, ni faire son service. Bains, onguents, massage n'y faisaient rien. Après un mois de séjour chez ses maîtres, elle fui congédiée.
Elle revint chez sa mère, pauvre femme, ma voisine de campagne. Là elle eut recours pendant quelque temps aux médecins île la localité qui ne purent améliorer son état. En désespoir de cause, elle s'adressa à nu forgeron, vétérinaire sans diplôme, qui lui prescrivit les onguents et les liniments dont il faisait usage pour les chevaux et les Anes. Même insuccès.
Je venais justement de traiter une jeune fille dont je raconte l'histoire dans le même opuscule, histoire qu'il est peut être bon de reproduire :
« Une jeune et forte paysanne de 19 ans. ma voisine de campagne, avait un amoureux qu'un beau jour elle congédie, et qui, dans son dépit cherche à la tuer. Le 15 juin, il lui avait tiré à bout portant quatre coups de revolver. Une balle l'avait atteinte et avait pénétré profondément par le dos dans les (issus. On n'avait pu l'extraire. Pendant plusieurs jours son élat avait été îles plus graves, même presque désespéré.
Quand je la vis, tout danger immédiat était écarté. Mlle était d'une faiblesse extrême: pouvant à peine se tenir assise dans un fauteuil une demi-heure par jour: excessivement maigrie, les yeux démesurément ouverts et sans regard : toujours grelottant et toujours transpirant : vile épuisée par la parole, ne prenant que des aliments liquides et encore les vomissant, même le lait: presque pas de sommeil : douleur continuelles dans le ventre, miction pénible: selles rares et douloureuses. la blessure béante et entretenue telle par des mèches antiseptiques.
Sans rien lui annoncer, je lui prends la main et lui demande de
tenir ses veux fixés sur les miens. Au bout d'une minuté à peine, ils pleuraient, elle me dit qu'elle ne pourrait me régulier longtemps ainsi. Les parents assistaient curieux à la scène sans rien comprendre. Je n'osai aller jusqu'au sommeil. Néanmoins, je lui assurai que désormais elle digérerait ce que je lui ferais porter. Je lui lis donner ce jour-là une aïte de poulet qui passa parfaitement.
I.c lendemain était un dimanche, et. comme In pièce mi elle se tenait sert de cabaret, j'étais assez contrarié par l'allée et venue des chalands. Je me contentai donc de la regarder fixement de nouveau quelques instante, puis lui annonçai ce paisible sommeil. I.a suggestionne réalisa. Elle digéra ce même jour une mime tranche de veau froid.
Le lendemain, soutenue par une voisine, elle put si' rendre péniblement chez moi. La distance est à peine de 40 mètres. Je l'hypnotisai tout à l'ait, en 4 ou .5 minutes. Elle présenta immédiatement des phénomènes d'insensibilité, d'amnésie partielle, et ses paupières tremblotaient : elle m'entendait, me répondait, mais n'entendait pas les autres bruits, ni même une voix quand je ne m'adressais pas à elle directement. Je lis disparaître par le loucher et la pression lesdouleurs qu'elle ressentait dans le ventre et lui suggérai que désormais elle émettrait selles et urines sans gène — à preuve que. à peine rentrée chez elle, elle aurait envie d'uriner, et pourrait s'assurer de suite de la vérité île ma prédiction.
Itéveillée. je la renvoyai. la suivis, et tout se passa conformément à la suggestion.
Bref, le juin, c'csl-â-dire en 5 jours, elle élnil rétablie au point qu'elle pouvait coudre et tricoter debout sur le seuil de sa porle.
Quelque» jours après, je lui persuadai, dans son sommeil, qu'elle était en état de reprendre ses occupations ordinaires que le jour même elle laverait sa maison sans éprouver de fatigue. C'est ce qui eut lieu.
Quant à la pluie, cela allait se fermant a mesure que les forces revenaient; et, à la lin de la première semaine de juillet, elle était complètement cicatrisée. Cette campagnarde est bientôt entrée au service d'uni' famille de Liège connue servante, et elle y est encore.
Le bruit de celle guérisous'était répandu à l'entour. et il vint aux oreilles de la mère de S...C... c'est le nom île la servante. Celle-ci était condamnée à vivre dans son lil ou sur une chaise, ne va qui, n
aux petits soins du ménage qu'au prix «les plus vives douleurs. Mes servantes allaient de temps en temps la voir et l'encourager: elle demeurait pour ainsi dire â ma porte, à trente melres de distance. Elles m'en parlèrent, et me demandèrent «l'essayer mon art. J'hésitais, puis je nie décida! à voir s'il n'y aurait pas moyen de faire quelque chose.
Elle se traîna péniblement jusqu'à la maison, et fut endormie profondément en quelques minutes. Puis je procédai à l'examen du genou. I .1 chose ne put se faire tout de suite. Il y avait autour de la plate îles monceaux de loques enduites de tous les liuiments possibles et impossibles qui les collaient les unes aux autres. Je la réveillai pour procéder au déballage: lorsque le genou lut mis à nu. il fallut procéder au nettoyage. Il y avait certainement un millimètre d'enduit. A force d'eau chaude et de savon nous finîmes par arrivera la peau.
Je trouvai une plaie fermée par une croule sèche d'un à deux centimètres de large sur huil â dix cenlimèlres de longueur. Il s'agissait d'enlever cette croûte. Je rendormis la jeune lillu. t.a croûte enlevée avec soin laissa voir la peau intacte, c'est-à-dire sans ouverture et présentant une marque de suture d'un rouge violacé, de trois â quatre millimètres de largeur, sauf en un poiul où il y .1 v .1.1 une lâche «le deux centimètre environ de diamètre.
Pendant toute celle opération, qui prit bien un quarl d'heure, la jeune lillc resta insensible. Alors je lui annonçai qu'elle n'aurait plus mal, qu'elle allait marcher sans douleur, et sans gène. C'est ce qu'elle lil sans être reveillée. Puis je lui commandai «le se mettre à genoux. Elle le lit. mais avec gène et eu accusant une vive douleur.
Je lui annonçai que Cette «louleur allait disparaître: elle disparut eu effet, mais non complètement.
Ceci ne parut assez, suspeci : que signifiai! ce restant do sensibilité Je la renvoyai néanmoins, lui recommandant de revenir le soir, et lui «humant à entendre «pic je la guérirais tout à fait.
Réveillée, elle fit allègre m eut le trajet de chez moi. chez elle, et circula dans sa maison, étonnée elle-même «lu changement qui S'était Opéré dans ses mouvements.
Elle revint le soir, comme je lui avais dit. Je fus frappé de l'asp-d de la ligue rouge; elle avait certainement diminue de plus de moitié en épaisseur. Les mouvements étaient restés aussi libres que le matin, mais, la gêne persistait quand elle voulait se mettre à genoux, et la même douleur restai! localisée â la même place. Je pensai tout de suite qu'il y avait la quelque chose, et
pendant le sommeil de la jeune lillc. je lui enjoignis de se rendre le lendemain à Liège par le premier train, île se présenter à l'hôpital avec un billet «pie j'allais lui remettre, et lui affirmait que, s'il était nécessaire de lui laire une opération, elle n'aurait pas de mal. —Celait la première lois que je risquais une suggestion à Échéance d'une nature aussi grave.
Réveillée, je lui remis un billet pour le docteur llenrijean. M. llenrijean. aujourd'hui chargé de cours â l'Université de Liège, était alors l'assistant de M. Von Winiwarter. Dansée billet, je me bornais â lui raconter l'aventure de la patiente, que je l'avais hypnotisée, que je lui avais rendu ses mouvements, que je n'avais pas l'ait disparaître toute douleur, et je le priais de bien observer le cas pour m'en rendre compte. Je ne parlai ni «le mes soupçons ni de la suggestion d'insensibilité.
Je ne sais s'il est en Allemagne comme en Belgique, et. en particulier dans les environs de Liège, mais il n'y a rien de difficile comme d'obtenir d'un paysan qu'il entre dans un hôpital. Ce n'est que lorsqu'il a épuisé toutes les ressoures «le la superstition et qu'il n'a plus le sou qu'il se résigne â recourir à la charité publique. J'étais doue assez inquiet. et j'éprouvai une grande joie lors-que le lendemain je vis S. C. se mettre en route vers li heures du matin, elaudieaut légèrement.
L'après-midi, comme elle n'était pas revenue, je n'y tins plus et partis pour Liège. J'allai voir M. llenrijean. Il me raconta que dès l'abord .M. Von Winïwarter et lui en voyant le genou «le la jeune lille et en constatant la liberté de ses mouvements, s'étaient écriés qu'elle n'avait plus rien : que lui-même explorant ensuite avec uu soin plus minutieux la trace de la plaie, avait eru sentir sous la tache plus large, dans la profondeur, comme un corps étranger : qu'il avait appelé l'attention du professeur sur ce point et qu'eulin ils avaient dëi'îdé. pour en avoir le cieurnel. de lui ouvrir le genou, et qu'on y avait trouvé en effet uu fragment «le houille de la grosseur d'un petit pois, la patiente (levait rester encore quelques jours â l'hôpital jusqu'à ce que la plaie fût de nouveau fermée. Elle avait subi l'opération sans être chloroformée.
De chez M. llenrijean. je me rendis chez M. Von Winiwartcr, Voici sa première parole : » Ah ! drôle «te fille celle à laquelle vous vous intéresses. ! elle s'est laissé tailler dans le genou sans bougcr ni crier ! « Je lui racontai alors toute l'histoire.
Cette histoire a un épilogue. S. C. au bout île quelques jours
revînt riiez elle. Mais elle n'était pas guérie: la gène du genou.
disparue à peu près, revint plus forte au bout d'une semaine.
L'hypnolismc se montra impuissant a l'annihiler. Je la renvoyai à l'hôpital en priant mon collègue d'examiner s'il n'y avait pas encore d'autres fragments. »n rouvrit donc le genou dans les mêmes conditions, et relie fols ci. eu examinant la plaie de plus près, on s'aperçut qu'elle était bourrée de poussière de charbon. Inutile de bouger a enlever un à un les fragments microscopiques de corps durs qui v avaient été reuleriués par le premier pansement. On laissa donc la plaie Ouverte. In suppuration nettoya la blessure, cl au boutile dix à quinze jours. S... C... sortit do l'hôpital, guérie, celle rois-ci. pour tout de bon.
Je me dispense de commenter re fait, les lecteurs le feront sans peine. L'histoire suivante en est d'ailleurs une illustration des plus caractéristiques. Elle date de quatre ou cinq ans.
Je reçois un jour une invitation de M. Von Winiwartcr à passer par l'hôpital. Il y a là une jeune lille d'une vingtaine d'années eu traitement depuis sept OU huit mois, et qui se plaint continuellement de douleurs vagues laulôl d'un côté, tantôt (l'un autre, sans que l'on puisse constater une altération pathologique quelconque. Quand elle marche, elle accuse lesplus vives soutirâmes. Comme on l'estimait hvstérique. l'on attribuait ses douleurs à son a lier-lion nerveuse. M. Von Winiwarter me priaitde venir l'Inpnoliser. Il avait fa il ou lait faire quelque», tentatives d'hvpnolisaliou qui n'avaient pas réussi, et il me demandait mon intervention.
J'arrivai: la jeune tille me fui présentée. C'était une assez forte lille de : il:- moyenne, de physionomie assez agréable quoique maussade. La cuisse jusques y compris le genou n'était qu'un réseau île coulures. Elle avait rte opérée déjà pour une allèclinn tuberculeuse de la hanche : elle avait été guérie, mais comme elle n'avait cessé de se plaindre, on avait cherché la cause du mal partout où elle en signalait la présence.
La voilà hvpiiotisée assez promptement. |.a marche devint tout de suite plus facile. Je revins plusieurs jours de suile et chaque jour elle fautait des progrès : à la (in. elle pouvait mouler assez facilement, descendre plus dillicilciucul : mais ils s'arrêtèrent la el je n'obtins plus rien. Elle avait dés le premier jour localisé le f,iège du mal dans le genou. Mais ou avait déjà exploré cette région même avec le couteau et l'on Bavait rien trouvé. Knlin, comme pendant l'hypnose, elle ne variait pas dans sa réponse, j'osai inviter M. Von Winiwarter à faire de nouveau une exploration de la |tartie. Il vint près du sujet, la tàta de nouveau à I articulation sans provoquer de douleur, bien qu'elle prétendit que là était le siège du mal. Enfin, autant pour me contenter que pour en avoir
le coeur net. ou l'opéra de nouveau cl alors « on découvrit, en faisant une incision à la partie intérieure du tibia. en dessous du genou — au point où elle accusa de la douleur— un loyer d'os-telle luherenleiise. qui ovait échappé à loules les investigations antérieures. » Ces lignes sont tirées d'une lettre que j'ai demandes» a M. Von Winiwarter. pour ne |ias m'exposer, moi qui ne suis pas médecin, à donner des renseignements inexacts.
Je pourrais â ces deux lais en ajouter quelques autres. Ainsi. par exemple, celui d'un pelit garçon d'une dizaine d'années, affligé d'une dillicullé d'uriner qui le faisait horriblement souirrir. Les médecins traitants croyaient à l'existence de calculs. Ou avait essayé plusieurs fois de le sonder, mais il criait si fort el se débat-tail avec nue telle violence que le soudage n'avait pu se faire convenablement.
Comme on ne voulait pas employer avec lui le chloroforme, on me pria de l'hypnotîser. J'y parvins: mais je ne me bornai pas à lui dire qu'il supporter.iil la solide sans souffrancc. j'ajoutai que désormais il urinerait copieusement et sans douleur. C'est ce qui eu) lieu. Il vint elle, moi deux ou trois fois. car. instruit par l'expérience, j'étais loin d'être assuré que le petit s'endormirait le jour «le l'examen: mais comme la miction avait continué à se faire sans effort et sans douleur et régulièrement, j'avais cru pouvoir dire aux parents que. dans mon opinion, il n'avait rien.
Toutes mes prévisions se réalisèrent. Le jour de l'examen, le petit ne s'endormit que tres légèrement, et au moment où le chirurgien tira sa sonde, il se réveilla : nos efforts Ultérieur furent vains, seulement. » ce qu'on m'a dit. il se prêta jusqu'à un certain point â l'examen qui se lit jusqu'au bout et donna un résultat négatif. Quand je dis qu'il se prêta, je répète les paroles des parents, car il hurla, se démena et se débattit comme un diable. Mais précédemment, il ne voulait même pas mouler sur le lit. ni se déshabiller, ni même s'asseoir dans un fauteuil. Depuis lors. i1 va très— bien. Ici aussi je m'abstiens de commenter.
A TRAVERS LES ÉTATS PASSIFS, LE SOMMEIL & LES RÊVES
Par M. le •docteur LIEBEAULT de Nancy
AVANT-PROPOS
L'article qui suite je l'intitule : A travers les états passifs, le sommeil et tes rêves. S'il est homogène dans son sujet, il ne l'est pas autant dans les choses y ayant rapport, car je puise un pou
partout et sans ordre dans ce qui s'y rattache : et je me répète quelquefois, parée que je liens avant tout à être bien compris.
Je parle des états passifs en général, et particulièrement du sommeil que j'envisage seulement dans ses grandes lignes et sous ses deux aspects opposés, en tant qu'il est profond ou léger. Je parle au long surtout des rêves qui ont lieu dans eel état, et prennent pendant le sommeil profond, tantôt suggeslivonicnt ou aiitosuggesliveiueu! leur poiul de départ au eerveau. dans le Centre intellectuel de la pensée : et tantôt, pendant le sommeil léger, le prennent plus librement il l'opposé, dans les organes iinpressifs et perceptifs des sens el de la mémoire : appliquant largement au sommeil et aux états analogues la loi do balances ment organique dos forées signalée depuis longtemps par Cabanis
el Ricbat.
Si. dans cet article, je m'occupe peu de ce qu'il y a de plus connu : de l'influence naturellement bienfaisante du sommeil.et, qu'on dorme ou non. île l'action utile ou nuisible de la suggestion et île l'autosuggestion, c'est-à-dire de la puissance de l'idée, soil sur le corps, soit sur l'esprit, en revanche, je m'appesantis davantage sur la nature automatique des faits du sommeil el de quelques faits passifs de In veille, ainsi que sur les phénomènes de conscience inconsciente qu'oïl rencontre à chaque pas dans l'étude dusoinineil el de quelques étals analogues.
Je me fais enlin l'adversaire des savants qui prétendent que les rêveurs du sommeil provoqué-ont assez île volonté pour résister toujours aux suggestions criminelles, et. pour déinonlrorquelque peu la justesse de mon assertion, j'ai écrit ici mon petit examen de conscience en tant que rêveur. et à ce dernier propos, j'invite ceux qui vont lire ce court travail à suivre mou exemple : ils s'apercevront comme je m'en suis aperçu sur moi-même, que. dans leurs rêves, ils sont loin de briller par l'esprit, ou d'être des anges de vertu, ou des hommes d'initiative et de volonté-.
A TRAVERS LES ETATS PASSIFS. LE SOMMEIL ET LES REVES.
I
Dans la vie de relation, par suite île l'appel au cerveau de l'at-tentioii, ou autrement dit. de la force nerveuse qui. dans cet organe, vient se concentrer avec accumulation sur uni- seule ou seulement quelques idées el s'y lixer. il ms manifeste par contrecoup et a l'opposé, dans le reste de 1 organisme, de nombreux phénomènes physiologiques ou morbides, variant selon les idées
ditférentrs sur lesquelles celle Force esl venue en grande partie se porter.
Par l'idée où les idées qui sont à leur hase, res phénomènes sont les produits, durteoté: de l'imitation, du calme de l'esprit, de passions douces. île la paix du rieur, du liesoiu d'amener au repos les organes fatigués, etc.: et de l'autre, ils sont non seulement les produilsde l'imitation, mais aussi de réllexions trisles. de chagrins plus ou moins continus, d'émotions violentes, de passions vives, etc., c'est-à-dire que, d'une part, ils sonl l'expression d'une actionutilcde la pensée sur les tissus, et. d'aulre part. qu'Us sont 1 expression d'une action malfaisante de la pensée sur ces mêmes tissus.
Il résulte aussi de cet afflux abondant de l'attention vers l'organe cérébral sur les idées qui sont les noyaux de ces phénomènes divers, el cela aux dépens de l'attention qui était répartie partout ailleurs dans l'organisme que le mouvement de la pensée se dédouble. Dans le sommeil, par exemple, qui est en grande partie l'objet de ce travail, la force nerveuse s'accumule et se lixe sur l'idée de dormir: de là le nom de pôle et inertie il que j'ai donné à ce point idéal, parecque. par suite de cette fixation', le dormeur ne peut plus l'aire acte par lui-même d'initiative el de volonté, contrairement au nom d' pôle et activité que j'ai conservé a tous les autres points du corps où. comme auparavant, il reste encore au dormeur quelque peu de force nerveuse libre et en mouvement.
Par l'effet de relie distribution île l'attention à deux pôles opposés et de cette dissociation consécutive de l'action pensante, l'homme qui dort, faute d'en pouvoir prendre encore l'initiative, devient donc plus ou moins long temps, d'une part, incapable d'abandonner les idées lixes, réparatrices ou non, sur lesquelles son attention s'est accumulée : et en même temps. île l'autre part, il reste dans 1 impossibilité de bien sentir, de bien percevoir et «le penser encore avec la même liberté d'esprit. Delà encore le nom généralement accepté états passifs, donné à tous les phénomènes divers dont je viens d'énumérer les causes, el qui sont des ellcts de In dissociation de la pensée, qu'il soient bienfaisants ou nuisibles: contrairement à la dénomination d'états arctifs, donnée aux phénomènes psychiques de non-dissociation de la pensée.
(1) Que le lecleur me permettre ce langage figuré. que j'emploie et que j'eni-ploirai notre à propos de» mouvement- du cerveau pendant, el ronoéculivemcnl dr la force nerveuse. Sans îmago.il me wrail difficile de bien rendre ma pen«êe.
comme le sont habituellement ceux de la veille où l'esprit équilibré possèilc son libre fonctionnement.
Les états passifs sont physiologiques ou morbides., naturels ou provoqués, suggérés ou nutosuggérés. l'armi les physiologiques, on range : le sommeil qui en est le type le plus parfait : l'abstraction, la fascination, certaines hallucinations et certains sentiments affectifs, tels que l'admiration, la m ou r, la joie, l'enthousiasme, etc.. tous états, moins le sommeil et l'abstraction, tous états émotifs différents d'expression et d'intensité, selon 1 idée suggestive ou autosuggestive qui en est l'élément formateur, et selon la profondeur de la concentration de l'esprit sur cette idée. Parmi les pathologiques.ou range la maladie dusomuieil. la peur, la colere, les accidents nerveux qui succèdent aux grandes exci-" talions morales, tels que les accès hystériques et autres, des conceptions délirantes de la folie, l'hypocondrie, etc., tous états qu'on se suggère avec émotion, involontairement et avec inconscience du mécanisme suggestif, et qui. de même que les étals physiologiques aussi précités varient de torme selon leur cause idéale et sont aussi comme eux. en naissant, des effeta plus ou moins émotifs d'une primitive concentration de la pensée.
Ici. je ne fais que compléter davantage ce que j'ai publié autrefois dans un ouvrage 1 suri nu «les étals passifs dont je viens de parler, sur le sommeil, ouvrage dans lequel j'ai déjà abordé, d'une manière spéciale, son mécanisme et ses manifestations psycho-physiologiques les plus importantes.
Il a eie établi, dans le travail en question, que le sommeil est l'effet d'une idée qu'on se suggère, quand le dormeurs 'endort de sa propre initiative, ainsi qu'il arrive dans le sommeil ordinaire, et qu'il est l'effet d'une suggestion, s'il s'endort, comme dans le sommeil provoqué, de sou propre consentement, mais sous l'influence d'une affirmation de dormir venant d'autrui. Il a été aussi établi, dans cet ouvrage, que dans ces deux cas. c'est une grande partie de l'attention accumulée al devenue immobilisée cl lixe au cerveau sur une idée, laquelle est d'habitude l'idée de reposer, qui est la cause de cet élat psychique et le maintient.
Ces deux manières d'arriver au sommeil, l'une par autosuggestion et l'autre par suggestion, présentent une seule différence dans leurs effets : c'est que lorsqu'on s'est endormi profondément parautosuggestiou. on n'est plus. —en apparence du moins. — on n'est plus en rapport avec le momie extérieur; le uiouves
(1) Du Sommeil et des états analogues. Paris, V. Masson, 1866.
mont de la pensée élant arrêté, nu est sans ressort ri incapable de faire des efforts pour se servir de ses sens el «le son intelligence, el surtout d'agir. Et si l'on est endormi par suggestion de manière à entrer en somnambulisme, on reste encore aussi inerte et aussi isolé que dans le ras précédent, sauf qu'on continue à demeurer en rapport avec l'opérateur seul, au pouvoir duquel on est. par l'esprit, comme uu objet qu'il peut diriger dans lotis le-1 sens. (Ici isolement, qui est seulement apparent et non réel, est dû. dans l'un et l'autre de ces cas. à rc que le dormeur, comme je l'ai déjà indiqué, par suite de la dissociation de l'acliou pensante qui a eu lieu en lui. n'a plus le pouvoir de produire assez d'efforts d attention pourfaire réapparaître et associer dans sa mémoire les traces de perceptions qui s'v sont formées et qui. ce «pie l'on va voir plus loin, s'v forment encore â son insu, pendant le sommeil, et cela comme dans la pénombre de la conscience. Dans le champ mémoriel. le dormeur, par l'attention qui est diminuée en lui. a comme perdu le llambeau qui lui permettait d'éclairer ce champ, ("es faits de l'isolement îles sujets endormis, en tanl que cet
isolement est seulement apparent, a été démontré par .....i.
eu 1866. dans mou livre sur le sommeil (1), et il a élé confirme depuis par un grand nombre d'expérimentateurs, entre autres par MM. les professeurs Hernheim et Delbieuf.
" En outre, en ce livre il a été établi que. dans le sommeil, la force nerveuse d'attention, force abstraite que j'y ai considérée comme étant, avant que cet élat se forme. répartie en égale quantité dans l'organisme, quantité susceptible de diminution d'un côté quand elle augmente de l'autre : il a été établi que. dans le sommeil, cette force s'est, de tous les points du corps, portée en grande partie au cerveau, avec accumulation sur l'idée fixe de dormir et y est restée en arrêt : de la le nom. el je le répète encore. de pole passif ou inerte du sommeil donné déjà à ce point d'arrêt ; et de là. dans le même état. le nom île pôle actif donné aux autres parties de l'organisme, où les mouvements de l'action nerveuse diminués continuent toujours à se produire, mais nécessairement avec moins d'intensité. Dans ce livre, il a élé aussi établi que. par suite île celle dissociation inverse dans la distribution «le la forée nerveuse d'attention, il arrive que. dans le sommeil, les mouvements nerveux habituels étant devenus beaucoup moins actifs, ces mouvements ne causent el n'entretiennent presque plus dans les tissus de fatigue ni de douleurs, ni aucun
(1) 1re édition. Ch. IV § 2. 1866.
trouble quelconque : cerveau, sens, muscles, etc.. demeurent plus ou moins eu repos, el consécutivement l'harmonie des fonc-lions du corps tendu se rétablir.
Ce n'est pas tout. Il y a été enfin exposé d'une manière positive que si. par le cumul de l'attention sur des idées perturbatrices, l'équilibre du corps se dérange, par le même cumul en sons inverse sur des idées pondératrices, la pensée cérébrale clans laquelle ons'esl endormi est comme vivifiée par une grande provision d'énergie nerveuse mise en réserve sur ces idées. Alors cette pensée, au lieu de laisser se développer ou subsister des troubles physiologiques dans l'organisme, ainsi qu'il en naît sous l'influence îles travaux actifs de la veille, cette pensée, grâce à l'idée de reposer prise par le dormeur, ce que démontre sans réplique les expériences curalives par suggestion, cette pensée a la faculté, du point presque idéal où elle est en arrêt, de faire refluer vers les organes laligués ou soutirants l'énergie qui est à sa disposition pour ramener les forces nerveuses â l'harmonie là où l'harmonie était troublée.
Dans ce petit travail, je me propose d'étudier davantage certaines manifestations psychiques que je n'ai encore fait qti effleurer jusqu'ici, ou même que je n'ai pas encore abordées dans mon livre snr le sommeil. Je vais surtout tenter quelques excursions dans le domaine des rêves, qu'ils soient automatiques el déterminés au pôle d'inertie par autosuggestion ou par suggestion ; ou qu'ils se développent un peu plus librement, au pôle d'activité. Les premiers de ces rêves ordinairement inronscients sont construits, pendant le sommeil profond, avec de la force nerveuse en excès et arrêtée d'abord siu L'idée de dormir, force mise en mouvement par une impulsion toujours communiquée: et les seconds. Souvent conscients, sont construits, pendant le sommeil léger. au moyen de ce qui reste île celle force demeurant active et flottante dans le cerveau et principalement la mémoire et les sens, par l'effet de l'accumulation d'une grande partie d'elle-même sur 1 idée fixe de reposer prise en eulranl dans le sommeil.
Contrairement aux mouvements actifs de leur pensée, lors de la veille, les mouvements de l'esprit de ceux qui rêvent, sans rester dans la mémoire au réveil, sont parfois logiques, raisonnables, aurtout lorsqu'ils sont construits avec de l'attention accumulée prise, n'importe comment, sur 1 idée lise «le reposer : c'est dans les rêves somuambuliqiies. Mais généralement, dans toutes autres circonstances où cette force manque, ils sont diffus, désordonnés, absurdes el reslent ordinairement conscients au réveil : c'esl dans
les rêves du sommeil léger. Dans leur construction, ou a comparé les conceptions de ces derniers rêves, avec juste raison, aux conceptions qui naissent dans la folie maniaque où l'incohérence «les idées est portée â l'extrême, et où les mouvements délirants de la pensée dépassent toute mesure, tandis que les constructions des rêves somuaiuhuliqucs ont été comparées aux conceptions des fous monoinaniaqiU's.
Je le répète : au pôle d'inertie, pendant le sommeil profond, là on la force nerveuse s'est en grande partie immobilisée sur l'idée continue de garder les organes en repos, le dormeur, par cela qu'il est inerte; est devenu un automate qui reste toujours inconscient au réveil, au moins eu apparence: et. de ce côté, il suit machinalement, mais dans un sens étroit et assez ordonné, les impulsions qui sont imprimées à son esprit par suggestion ou par autosuggestion. Maïs au pôle d'activité, pendant le sommeil léger, où se produisaient les mouvements pensants de la veille, ces mouvements pensants, devenus allaihlis par diminution de force nerveuse, continuent encore à se faire d'eux-mêmes avec liberté chez le sujet endormi, mais le plus souvent avec conscience et dans un grand désordre
Ces quelques généralités, établies sans démonstration, ne peuvent être acceptées tout d'abord par ceux qui lisent ce travail ; mais j'espère qu'à nu-sure qu'ils avanceront dans leur lecture, ces généralités leur paraîtront plus vraisemblables el qu'ils les regarderont enfin comme vraies, ainsi que beaucoup d'autres choses qu'ils ignorent et dont je vais m'oceuper.
II
Ce qui prouve que le sommeil est l'effet d'une action pensante à deux pôles opposés, ce sont des faits très ordinaires que l'on peut produire à volonté, faits qui sont des analogues de cet état. Je choisis le plus simple. Lorsque, par exemple, on regarde un objet avec une grande attention, et que l'on n'a que l'idée de cet objet dans l'esprit, il arrive que. tout â cette chose qui frappe le sens de la vue, on la distingue peu à peu beaucoup mieux, â mesure «pie par l'attention on se porte à observer celle chose , tandis que les autres sens, par suite de celte fixité, deviennent partout ailleurs et par contre-coup délaissés de force nerveuse, au point de perdre de leur acuité et de cesser presque d'être impressionnés.
Que faisons-nous en nous endormant .' De mémo que dans
l'expérimentation précédente, nous concentrons notre attention : mais, au lieu de Ia diriger sur une idée quelconque, comme celle d'un objet, nuiis la coiircntroiis et la fixons au eerveau sur la pensée d'amener au repos les organes fatigués ; el par suile, ainsi que dans l'expérimentation précédente, les sens restent délaissé» par la forée nerveuse au ; 'tut de n'être plus parfois susceptibles d'être encore excités. On le voit, en la seule dîirérenee d'idée qui est introduite dans l'esprit des sujets de ces deux catégories, consiste toute la dissemblance entre les deux étals produit-. Les effets de dissociation sont les mêmes ; et si l'un de ces elfels. celui qui alioulil au sommeil, se prolonge davantage que l'uni riel reste fixé, c'est que le dormeur en a exprimé le désir et en a conservé l'idée arrêtée. Je ne m étends pas davantage sur ce sujet. Je ferais d'autres expériences comparatives avec des étals analogues au sommeil, que toutes convergeraient à do mêmes résultats.
lïraid. en faisant concentrer l'attention des sujels qu'il endormait sur un objet île lu vision crut «pie le sommeil ainsi produit était non seulement un effet consécutif de celle coucentration, mais aussi qu'il était dû à la direction oblique et à la fatigue îles yeux, Il ra i il se trompai! grandement, quant à l'action île ces deux dernières causes comme entrant pour une bonne part dans la formation du sommeil. Il ne se doutait pasque, oui re la concentration d'esprit si favorable a la produclioii de cet état, il y a encore pour cela, un autre facteur bien différent de ceux qu'il croyait exister: c'est l'idée de dormir. Car si l'idée devenue fixe d'un objet produit nu arrêt de l'allenliou et une sorte de fascina-lion, ce n'est le sommeil qu'aillant qu'on v ajoute en même temps dans l'esprit des sujets l'idée de se reposer plus ou moins longtemps, idée qui. avec la concentration seule de l'esprit, est la couse des caractères principaux de cet étal passif.
lie plus. Braid, ne soupçonnant pas la ressemblance étroite qui existe entre le sommeil ordinaire et celui qu'il faisait naître, crut faussement qu'il avait déterminé un sommeil spécial qu'il appela sommeil nerveux ou hypnose. Ainsi, il dit dans sa Neurypnologie I que. « selon lui. l'hypnotisme n'est qu'un certain mode simple et rapide de plonger le système nerveux dans un étal nouveau ». C'était une grande erreur, que beaucoup de savants partagent encore. un sommeil physiologique nouveau. c'est ce que l'on ne verra jamais !
(1) Page 13. Delahaye 1883. paris.
Si Braiil découvrit que le sommeil cal le résultat d'une concentration de l'attention nu pôle d'inertie du cerveau pensant, c'est là son grand nn-rile. sou ru ut patriote Diigald-Stcwarl. avant lui, avait constate qu'au pôle d'activité, vers tmis les autres poiuts du corps, le sommeil préseule, dans les sens amortis. îles caractère» marqués dsiualtentioii. Sous un autre point de vue. de sou rôle, il était aussi dans le vrai, Ces psychologues distingués, à eux deux, oui signalé les deux éléments fondamentaux de ce que j'appelle la dissociation de l'action pensante à deux pôles opposés, dissociation qui. à la suite de la concentration de l'attention sur une idée, est le phénomène essentiel de la formation des états passifs, quels qu'ils soient, cl du sommeil eu particulier.
Ainsi, par les découvertes tic ces deux psychologues, s'est complétée pour moi cette conception qu'on peut se faire du sommeil en voie de formation ou formé : qu'à un pôle, le (tôle d'inertie, la plus grande somme d'attention ou de la force nerveuse libre s'est accumulée et lixée sur l'idée de reposer et qu'à l'autre pôle, le pole d'activité, le reste «le l'attention encore libre, quoique très diminuée, continue encore, avec confusion, a présider à la réception des sensations et au remuement des idées, coin nie avant la formation du sommeil, mais avec absence d'intelligence et manque de bon sens.
Du moulent que. dans le sommeil complètement formé, «m distingue doux pôles, dnpl~es la distribution des forces nerveuses et pensantes durant cel état, il s'ensuit qu'il y a nécessairement deux classes de rêves : les uns. au pôle «l'inertie, prenant naissance
sous l'élincelle «le la suggestion, ou naissant avant hs sommeil
ers
sous celle «!«• l'autosuggestion ; et les autres prenant simplement naissance au pôle d'activité, dans les sensations internes et externes et ilans les maltu-iaiix «le la mémoire : les premiers, inconscients on apparence, et construits avec un excès de forci" nerveuse portée et mise en ri-serve sur l'idée fixe de dormir : d'où parfois par contre-coup «le la surexcitation des sens, de In mémoire et «le l'intelligence : les seconds, souvent conscients et construits prescpie toujours avec «le la force nerveuse encore resiée libre «lans les sens «¦! la mémoire, mais très diminuée «tans ces organes . d'où presque toujours dos rêves «iéc«»usiis. ternes cl sans vie.
Je ne m'étendrai pas trop sur les rêves de la première classe, rêves dans lesquels ou doit ranger t«tul ce que font les dormeurs en somnambulisme, lorsqu'ils sont mis en rapport avec leur entourage. Je n'envisagerai les rêves de celte première classe que par quelques-uns de leurs caractères les plus essentiels, et, pour être
impartial et nullement suspect d'exagération, je prendrai pour
type de ces rêves Ie somnambulisme naturel connu de tout temps, qui chez les dormeurs se développe involontairement de lui-même et en dehors ile toute intervention étrangère, tout différemment de re qui a lieu Inrsqu on fait naître les rêves somnambulitiques provoques. On verra ensuite, en les eoutrôlant. que res derniers rêves, sont absolument «le uiéiue nature que les rêves somnambu-liques ordinaires.
Voici, m sujet de ces rêves du sommeil ordinaire, l'opinion de A. Maury. l'auteur le plus compétent qui en ait parle. On trouvera que. quoique peu nettement rendus, les earaelères de ce sommeil soni 1rs moules sur lesquels se forment les rêves du sommeil profond provoqué. J'abrège sa description île res rêvrs. tout ni conservant le plus possible ses propres expressions. Il dit (1) epic cette forme dr rêvrs est la conséquence de la continua-lion des occupations l'esprit de la trille : ainsi, un cordier achève la corde qu'il a commencée avant de s'endormir ; un maître de dessin achève la nuit le modèle destiné à ses élèves, etc. Il dit aussi que tout ce que font les somnambules, ils l'exécutent automatiquement, et. quoiqu'ils aient au moment même la notion de ce qu'ils font, ils n'ont pas la lilcrlé de diriger leur pensée à leur gré el d'agir avec connaissance complète. Tout le temps qu'ils rêvent, ils restent ordinairement isolés du monde extérieur, hommes et choses. et sont exclusivement concentrés sur le thème en voie de développement dans leur esprit. Il ajoute que cher, ces dormeurs, sous l'impulsion automatique transmise de la veille, ou trouve des exemples d'un plus grand développement des fueullés intellectuelles au détriment de l'équilibre des facultés générales, et que leurs rêveries sont marquées encore par de l'exaltation des sens el de la mémoire ; mais que ces dormeurs n'ont de sens et île conceptions que pour ce qui rentre dans le cadre étroit du sujet qui les occupe : sous tous les autres rapports, les somuam-bules naturels sont isolés. C'est parce que ces rêveurs ont l'esprit et les sens fermes â la majorité des impressions venant du dehors qu'ils exécutent d'une manière régulière et bien 2 leurs opérations intellectuelles. Aussi, ajoute t-i|, s'ils écrivent quelque chose, ils rendent souvent mieux leurs pensées qu'ils ne le faisaient pendant la veille, el. s'ils agissent, c'est avec une grande préci sion et une grande suite dans les actes. Enfin. A. Maury note
(I) Le Sommeil et les Rèves, Didier, Ch. IX. 1861, Paris. (2) Ceci est contestable.
encore qu'a la suite de leur sommeil ces somnambules ne se souviennent de rien.
De ce que je tiens de rendre le mieux possible à propos du somnambulisme naturel, on ilegagc nettement les caractères qui suivent el «pii sont suffisants pour servir de canevas commun â ce que l'on peut dire de plus important sur les somnambules ordinaires et sur ceux qui sont endormis artificiellement, car ces deux Sortes de rêveurs se ressemblent â tous les points de vue. On trouve chez, les uns et les autres les quatre ordres de phénomènes suivants : 1° Production par anto-suggestion ou suggestion des rêves somnambuliques: par auto-suggestion, ces rêves sont transmis de la veille au sommeil, les occupations psychiques îles dormeurs se continuant d'un étal à l'autre, grâce â un enchaînement d'idée, ou bien, (b )par suggestion, ces rêves —et c'est tout ce qui les différencie des précédents — prennent leurs éléments dans le choix de celui qui c'est en rapport avec ceux qui «forment. 2° Automatisme complet du sujet endormi : il est impuissant de sa propre initiative pour faire des et loris suffisante ayant pour but de remplir encore, comme pendant la veille, tontes les fonctions psychiques de la sensibilité, de la mémoire, de l'intelligence et des mouvements volontaires, à moins qu'il n'y soit porté par suggestion ou par auto-suggestion, .3° D'une part, chez les mêmes dormeurs, mais à la suite d'une impulsion suggestive on auto-sug geslive. grande surexcitation ou amoindrissement des fonctions ci-dessus énumérées. lesquelles se font dans des limites élroites aux dépens, d'autre part, des mêmes fonctions nerveuses deve-nues à l'opposé moins actives par contre-coup. Perte du souvenir au réveil. Ces quatre ordres de finis déjà connus el dont je rends le sens plus concis résument les caractères fondamentaux communs aux deux variétés de somnambulisme.
Ce qui, en dehors des observations de A. Maurv, démontre que le somnambulisme naturel naît de la continuation d'une succession d'idées ayant pris naissance dans l'étatde teille antérieur au sommeil, ctqu'ilcst de même essence subjeclivcque l'autre ; c'est une expérience que j'ai faite plusieurs fois sur des personnes très influençables. Il suflitdc leur dire, dès qu'elles sont endormies, el même lorsqu'elles sont éveillées, que. dans la nuit prochaine, elles auront un rêve dont je suggère a chacune le sujet, pour que ce rêve se développe selon le programme tracé d'avance.
(A suivre.)
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Réunion annuelle de la Société d'Hypnologie et de Psychologie, tenue a Paris le 17 juillet 1893.
Présidence De M. Dumontpallier
Le procès-verbal de la séance du 19 juin est lu et adopté.
La correspondance comprend des lettres de MM. les Drs Pinel. Apos-toli. O. Jennings, Grimoux. Hilhuul. I.uys. Llovd-Tuckev de Londres . J. Crocq dr Bruxelles. Hamilton-Osgond (de Boston). Petersen (de
Boston) etc. MM. A. Cremieux, Delattre, P. Bandin, qui s'excusent dîne pouvoir assister à la séance.
M. le secrétaire général fait un exposé de la situation morale et financière de la Société. Les comptes de la première aimer 1891-92 ont été définitivement arrêtés : cinquante-neuf membres ont pavé cotisations et adhésions une Minime totale de 1,438 Ira nes. Les dépenses Tirages à part, loyer, imprimés. location, affranchissements, etc.) se sont élevées à 1,309 francs : d'où un excédant de 129 francs.
Les comptes de la seconde année ne peuvent être arrêtés, un certain nombre de membres il avant pas encore pavé leur cotisation. Cependant soixante-seize membres ont déjà payé une somme de 1,443 francs.
L'empressement mis par les membres il paver le moulant de leurs Cotisations est l'indice de lu grande vitalité de la Société. Le nombre des adhérents s'est promptement accru, et elle compte actuellement huit présidents d'honneur. cinquante-cinq membres titulaires résidant à Paris, vingt et un membres titulaires résidant en province, trente membres titulaires résidant à l'étranger, soit un total de cent six membres titulaires cotisants. Dans ce nombre ne sont pas comptés plusieurs adhérents de la première heure qui n'ont pas versé leur cotisation. Dans le cours de l'année 1892- 1893, la Société, plus favorisée que dans le cours de l'année précédente, n'a eu il enregistrer le décès d'aucun de ses membres.
La situation morale et financière est dour de plus eu plus satisfaî-sante et justifie pleinement l'initiative des organisateurs de la Suciété.
M. le président met aux voix l'approbation des comptes de l'année 1891-92. Cette approbation est volée à l'unanimité. Il propose d'y joindre des félicitations au secrétaire général. Cette motion est adoptée.
M. le Président met aux voix les candidatures de M. le Dr Lacaille. de M. le Dr Grimoux (ces deux candidats avant l'ait partie du congrès de l'hypnotisme eu étaient de droit membres de la Société . et de
M. Desplas, avocat à la cour d'appel ; ces candidatures sont adoptées â l'unanimité.
Un cas de claustrophobie guéri par la suggestion hypnotique.
par 1e- Docteur l «initm/i
M. le Docteur Berillon et M. le Ductmr Mmroukakis mit conimuui|Uc il v à un mois. l'un à la Societe de médecine et de chirurgie pratiques. I autre à la Société d'hypnologie un cas d'agoraphobie chez un dégénéré traité avec succès par la suggestion.
Je veux vous entretenir aujourd'hui d'un état cerchral fort analogue, quonpic eu apparence tout opposé qui pourrait lui servir de pointant.
C'est une simple variété de topophabie Docteur llnu-d, «le New-York]
que la peur des csjiarrsfermés. M. le Docteur Raggi. de Bologne, a fait Uti ni assez cldidu sur ce sujet el M. le professeur Verga, de
Milan, en fait l'objet d'une communication à l'Institut des science» de Milan liislîttito Ijombarilo tlellr scinizr. i-lv. Mais i-n r'raurc c'est le regretté professeur Hall I qui a décrit cet élut smis le nom de claustrophobie. ne voulant pas acclimater clic nous le nom de cli-Impholiie que lui avait donné le Docteur Raggi de craiute sans doute que ce mot ne prête â I équivoque pour des oreille» françaises.
I.a claustroph«diie présente le caractère tvpûpie et commun â toutes les obsessions el impulsions de la folie héréditaire «les dégénères que M. Magnan ,. ttésigne sous le nom de syndromes episodiques, l'an-goissr. qui disparaît aussitôt tpie le malade a eéile à l'incitation cérébrals', Psychiquement, nous assistons u une maladie, à un truiible de la volonté, puisque le patient rend très bien compte de I alisiinlité de son acte. Mais c'est plus fort que lui, dit-il. On (murrait si
plus tort que lui. On poarrail supposer h
priori «pie «laus des eus pareil:: la sugestión serait d' un effet excellent si le malade était toutefois suggestible. qu' il s agisse d un dégénéré héréditaire ou d'un trouble psychique acquis. La clinii|Ue en effet nous douue raison : le cas de M. It'-rillnn et le mien ne sont pas les premiers succès «pie la psychothérapie a u enregistrer a sou actif dans c«sIIe voie. J'attends seulement la consécration du temps pour puldier un cas «le délire du «Imite et ilu toucher ii sa pins haute expression également guéri par la siiggi-stinn.
Voila plus de 10 mois que M" D.. qui l'ait l'objet de celle oliserva lion, est «leharrassée de sa peur morhide. X cM •ou ¡ws en droit alors «le parler ici de vraie guérisou. mais 11011 pus d'une amélioration fortuite et passagère".1 Kl nous sommes en présence ici «l'un élut cérébral duran! depuis plus de S ans. Voici «lu reste sou histoire.
Madame D... est âgée actuellement de 38 ans. Sou père est mort a 58 ans eu 1883 de démence paralvtiipie â forme rongcstive dan» 1 asile d'aliénés de Ville-Evrard. Il était alcoolique Mère 1res iinpressionualde. Apres avoir appris la mort d'un ami en 1865 I l'année du cholera, elle a eu une bouffée de mélancolie avec refus d'aliments ayant duré
1 Annales Médico psychologique 1879-n; P- 3"8-
PQ
plusieurs mois. Même plus tard toujours inquiète, réveillant sou mari dans In nuit chaque lois qu'elle entendait sonnet chex le pharmacien d'en face : « Vodà encore un moribond pour lequel on envoie chercher des médicaments ». Très superstitieuse, hypocondriaque. Frère et sœur jumeaux, morts en bas âge.
Mme D…, étant jeune fille, axait des crises de somnambulisme
spontané. Pas d'autres accidents pathologiques. Réglée à 13 ans. Mariée à 18 ans. devient enceinte deux ans plus lard, avorte à quatre mois, et plus de conception depuis.
A la suite d'excès de travail et de surmenage, elle commence par éprouver en 1880 des signes très accusés de neurasthénie: douleurs de tète, insomnie. bourdounement dans les oreilles. faiblesse générale surtout dans les jambes, rachialgie, étourdisseinents. etc., qui vont toujours en s aggravant jusipi'n 1883. Devient vers cette époque très éinn-tionuable. très peureuse. A peur de l'obscurité, de la nuit même en dormatit.ee ipiî l'obligea avoir toujours de la lumière à cote d'elle. A peur de devenir folle, tendance au suicide. Ne sort jamais sans avoir sur elle un flacon de sels qui l'empêchera, dit-elle, de mourir subitement dans la rue. Fut prise d'une crise d'angoisse accompagnée d'une sensation d'étouffement, de constriction à l'épignstre avec palpitations un jour en traversant avec sou mari un tunnel sur la ligne «lu chemin de fer de ceinture. Heureusement le trajet dans le tunnel fut de courte durée, la malade allait ouvrir la portière pour sauter sur la voie. Ce fut sa première crise de claustrophobie. I n séjour assez prolongé à lacam-pague amène une amélioration sensihle. mais à son retour à Paris les malaises reviennent avec une intensité bien plus grande encore. Ne peut entrer ni dans une église, ni dans un musée ou monument publie sans être prise immédiatement d'une crise violente qui disparaît aussitôt que Mme D... Retrouve dehors. Il faut qu'elle sorte, qu'elle s'en échappé, bouscule tout le momie, renverse ceux qui se trouvent sur son chemin, rien au momie ne saurait la retenir. Il lui semble qu'elle mourrait si on l'empêchait de sortir. Ne peut également se trouver dans une foule, évite les fêtes publiques à cause-de la sensation qu'elle éprouve d'y être enfermée. Les crises d'angoisse se produisent aussi quand elle se trouve à une certaine hauteur du sol. l'acropliobie. svmptôme «lé-ci it par Verga. quienêtaîl lui-même atteint. Se sent perdue également dans un endroit désert et éloigné de sa maison, Uu de nos maîtres si conseilléau mois de février 1892 des douches et du bromure, sansque la malade en ait éprouve nue amélioration quelconque au bout de 6 mois. C est alors que mon tres distingué confrère, le Docteur Benêt, a bien voulu me l'adresser.
Mme D— comme presque toutes les neurasthéniques, est hypnotî-
sable facilement, niais d'une suggestîbilité fragile, si je puis m'exprt-iner ainsi. Il ne faut pas brns«pier h-s neurasthéniques; il l.otl éviter .i tout prix de leur faire sentir «pu- leurs malaises sont dus .. ce qu'ils
ne savent pas vouloir, a ce qu'ils se tinssent aller, il ce qu'ils s'écoulent, Ces malades alors se rebiffent, se révoltent contre vous à l'idée que vous les prenez pour îles malades imaginaires, ils se contresuggestionnent et vous perdez, ainsi la possibilité de guérir votre malade parce que vous ne savez pas lui faire accepter le remède. Il faut mettre de coté le ton autoritaire, être avec eux, au contraire, doux, persuasif, insinuant. Promettre la guérison au malade d'une façon absolue, sans toutefois fixer une date même approximative, dire ipie la maladie ne peu! guérir que graduellement, de façon à ce qu une guénsoii rapide, théâtrale ne
soit vile suivie d'une rechute parce (pie le malade par un retour sur lui-même voudra rééditer les obsessions de crainte de passer aux veux de tout le monde pour un farceur. Je crains aussi qu'un grand nombre d'insuccès auprès îles neurasthéniques ne tiennent au manque de persévérance et de patience que ces malades exigent.
Toutes ces réflexions m'ont été inspirées par l'expérience que j'ai acquise eu soignant un grand nombre de ces malades qui faisaient jadis et font encore niaiulciiaiil le désespoir du médecin.
Au Imut d'un mois de traitement, les angoisses ont complètement disparu et avec elles tous les symptômes concomitants. Depuis plus de dix mois, Mme D... n'a eu rien qui lui rappelle sa maladie. Je crois être autorisé à considérer ma malade comme complètement guérie en mettant sous réserve, bien entendu, qu'une nouvelle cause de surmenage physique ou inoral pourrait encore une fois faire éclater la maladie sur son terrain de dégénérescence, héréditaire.
Troubles mentaux traites avec succes par la suggestion
Par M. le Docteur Auguste Voisin. médecin de la Salpètriere
1° Nêvràlgîe tri/aciale. — Attaques convtilsivts. — Hallucinations de Ui vue et de Coule. — Délire de persécution. — Den.r ans plus tard, délire amoureux mystique. — Guèrison par ta méthode hypnotico-suggestive.
Mme D.... 17 ans, me consulte le 11 mais 1891. Pas d'hérédité. Pas de convulsions dans l'enfance.
La maladie a commencé il y a 2 mois par une névralgie faciale droite occupant les 3 branches du trifacîal et paraissant liée à révolution d'une dent de sagesse inférieure du même côté.
Les accès durent de 1 à 4 h. et se reproduisent 2 à .l fois par semaine.
Apres 2 mois de cette névralgie. Mme D… a été prise d'une première
attaque caractérisée par une demi-perte de connaissance : mouvements Désordonnés des '1 membres : se roule à terre, jette tout ce qui est a sa portée, éloufiemcuts : sensation de brulùre. pleurs ou rires. Durée 4 h.
Depuis S jours, une attaque par jour, de plus douleurs du dos, de
l'épigastre à la gorge et état hallucinatoire: vue d'araignées et de figures effrayantes.
Menstruation suspendue depuis 2 mois. J'ai commencé à la traiter sans succès pardes mouches morphînées, posées derrière I oreille droite, par de la valériane, de l'oxyde de zinc de lassa fœtida, par du sulfonal, des bains de gélatine et de valériane.
Les attaques ont continué et elles se compliquèrent de troubles moraux et mentaux consistant en aversion pour la mère et la grand mère on idées de persécution fondées sur des hallucinations de l'ouïe et en scènes de violence 16 avril. En présence de cet insuccès de l'aggravation de la maladie, je proposai à la famille d'employer le traitement hypnotico-suggestif. Il fut accepté. J'employai le procédé de Braid et la suggestion de dormir.
Après 10 mois, la malade dormait, je lui suggérai de ne plus avoir de douleur de dents, d'étouffements, de ne plus voir d'araignées, de ne plus entendre de voix injurieuses et d'avoir ses règles le 28 avril.
18 avril. — A eu moins de douleur, a eu par moments des pleurs, a encore des idées de persécution, mais n'a plus vu d'araignées, mêmes hallucinations de l'ouïe.
2e séance. — Mêmes suggestions ut supra, mais de plus suggestion de ne plus avoir d'attaques ni d'idées de persécution.
22. N'a eu ni crises ni hallucinations, n'a plus de névralgie.
3e séance. — Mêmes suggestions. Les règles ont paru le 28 avril.
Au jour suggéré j'ai fait à cette jeune fille trois autres séances de sug-gestion hypnotique à 8 jours d'intervalle et j'ai cessé, tout phénomène morbide avant disparu.
La dent de sagesse a terminé son évolution fin mai.
Lannée suivante en mai cette jeune fille m'est ramenée, sans avoir eu d'attaques, mais pour un délire amoureux. Elle prétend qu'un employé d'un bureau du Crédit Lyonnais qui ne l'a jamais approchée, dont elle ne sait pas le nom et qu'elle voit en passant de son bureau, l'aime et veut l'épouser.
Elle parle avec une grande volubilité, se montre très raisonneuse avec sa mère, lui dit qu'elle se mêle de choses qu'elle ne sait pas et menace de se suicider, si «m ne la laisse pas épouser cet employé.
Pas d'hallucinations, l'influence de ce jeune homme s'csl faite comme par jettatura.
J'échouai une première fois dans ma tentative de l'hypnotiser. Mais 5 jours après, je réussis. Mes suggestions portèrent sur ce délire amoureux et sur la non-venue d'attaques.
Six séances faites avec 7 jours d'intervalle firent disparaître toute idée délirante.
20 Juin 1893. —J'ai revu cette jeune fille, sa santé est restée par-faite.
L'action évidente et heureuse de la suggestion hypnotique dans ce
cas de délire amoureux mystique produit par influencé sympathique; sans hallucinations, dun homme sur une femme, uic rappelle le ras absolument identique d'une de mes malades actuellement encore internée à la Salpélrière dans un état de manie chronique incurable que j'aurais peut-étre guérie si j'avais connu la thérapeutique hypnotico-suggestive, (1)
2° Hystérie avec hallucinations psychiques. —Influence singulière et durable produite pur la vue d'un inconnu.
(Observation recueillie par M. Valude, interne des hôpitaux.
Mlle S... ( Louise), gantière, âgée de trente-quatre ans. entre le 3 février 1881 à la section Rambuteau de I'hospice de la Salpélrière.
Tout d'abord, la malade nous trappe par l'expression de tristesse qui trahit la forme lypémaniaque de son état mental.
L'examen physique ne- montre aucune irrégularité dans les traits les pupilles sont égales, le front moyen et bien découvert. La inataile rapportis qu'elle Scalai! depuis lungtemps de fréqucentes coustrictions à la gorge.
Bien réglée alani le début île ses accitents. la malailr est actuellement dysine-uorrhéique ; elle n'a pas d'ovarie. mais l'exploration de la sensibilité générale montre une diminution surtout prononcée à droite.
Avant d'interroger ta malade au sujet île ses hallucinations, nous recueillons disa Bere les renseignements suivants ;
Son mari, père de la malade, a été placé à Bicétre deux fois et s'est tué en se jetant par la fenètre. Quant â elle, elle a toujours été Lieu portatile. De son mariages elle a ru quatre enfants, dont deux sont morts en bas agis pétulant une épidémie, un lrttisième. jeune garçon, est idiot cl le dernier enfant esl cellis fille qui fait le sujet de noire observation.
D'un caractère facile, réservé. Louis,- S.... bien portante jusque-là. a eu son premier accès d hystérie avec étouffements. perte à peu prés complète île connaissance, il y a cinq ans. après unis rìsile faite dans les bureaux île l'administration de l'Opéra pour obtenir des places de spectacle.
Cet incident tenant uue place capitale dans l'obsorv ation mérile d'être rapporté dans lotis ses détails :
Ayant une réclamation à fair,s dans les bureaux de l'Opéra, Louise S... dm s'adressi r à un nommé Louis. huissierdis I antichambre du directeur, qui lui tlonna les renseignements dont elle avait besoiu.
C'est de celle entrevue qui se dura ,|ue queltpies inslanls que datent tous les phénomène.s psychiques el tous les troublet. qui amènent la malade devant nous.
Depuis cette rencontre, en effet. I influence de cet homme n'a cessé île peser à toute heure sur tons les actes ile sa vie.
« C'est un homme puissant, disait-elle, qui commande â toutes choses et à qui tout le monde obéit. Il m a Commandess d'attendre quatre ans. apres quoi il lue fera
entrer à l'Opéra, ou je surpasserai Nilson. »
Puis nous rapporte sa nr'-re. son caractère ehaagca. elle devint irritable, se plaisant a contredire ses parents sur toutes choses et avec des expressions inconvenantes et irrespectueuses.
En même temps, elle cul linéiques crises de nerfs sans perle absolue de ratinais. sance, iles alternatives dis gaieté et de trislesse. Ses règles devinrent irrégulieres et cessèrent melile loul à lait.
L'inquiétude de sa lucre fui surtout éveillée par une incohérence dans les acte.s et les paroles, incohérence qui était due à îles hallucinattions tic la vue, de l'ouïe et
(l) Voici son observation rédigée et publiée eu 1881 par mon interne M. Valude.
surtout de L'odorat. Elle prétendait voir passer par Ia fenêtre l'âme de son cousin mort quelques jours avant. elle croyait entendre la voix de Louis lui parler, et surtout elle se disait incessamment poursuivie par des odeurs affreuses quelle sentait même à table et au milieu d'un salon.
Si maîntenant nous interrogeons la malade au sujet de ses hallucination-, elle nous affirme sans hésiter qu'elle entend dans sa tète et sa poitrine la voix dr Louis, avec lequel elle n'entretient toute la journée, qui lui dicte tous les actes de sa vie cl la dirige dans sa conduite.
Elle dépeint le nommé Louis connue un homme inspiré. quii l'aurait magnétisée et qui. depuis ce temps, la tiendrait en sa puissance, la conduisant d'une façon occulte au but qu'il loi avait destiné, c'est-à-dire « à la gloire et â la fortune sur une scène de théâtre. »
Nous avons voulu nous rendre compte de l'effet si tmpressionnant du nommmé
Louis et nous n'avons trouvé dans l'antichambre du directeur de l'Opéra qu'un homme .à figuée réjouie, portant d'une façon laint ordinaire lr coutume des geus de m profession, absolument ignorant île la perturbation psychique qu'il avait pu rauser chez, la nommée S.... el tout à fait incapable tir cherchée à magnrii-er les persiinurs qn il a pour mission île renseigner.
Après quoique temps de -.jour dans le serv ice. Louise S... Se dit moins influencée par les obsessions de Louis : mais elle ne reconnaît pas son erreur, elle parle par momenl- de cet entretien dans les bureaux de l'Opéra, et reconnaît â cet homme de ! l'influence . sur sa conduite quotidienne.
Les halliirïnrtions de la vue el de l'odorat persistent, elle se plaini à nous de sentir les mauvaises odeurs que ses compliques lui font respirer en s'approchaut la nuit de son lit.
Juin 1881. L'obsession dominante du nommé Louis ne disparaît pas; c est ainsi que la semaine dernière, sous l'inlluonce d'une de ses époques menstruelles, sans écoulement sanguin d ailleurs, elle a été poussèe. ainsi qu elle le dit elle—meute, par une force invincible, û écrire deux lettres dans lesquelles le désordre intellectuel te manifeste à un haut degré.
.Vous on extrayons le passage suivant : « M. Louis B... se plaignait que 1rs s hommes dédaignaient les femmes rouges, et îl 'a promis des faits matériels après des choses idéales, ne devant étn- mou mari que de loin, le jour où je trou- verni quelqu'un qui me plairait ; il avait offert la préfecture, j'ai accepté, »
Ces hallucinations et ce- idérs délirantes se sont manifestées au milieu d'une période d'excitation nerveuse pendant laquelle la malade pleurait et riait tour â tour, mais nous n avons pas constaté d'nllaque d'hystérie.
Dans d'autres moments elle parait calme. raisonne froidement sur tous les points et reconnaît rînron-équenre de ses hallucinations et de ses lellres.
Nnus avons rapporté, peut-être un peu longuement. cette curieuse observation pour bien montrer cette forme particulière d'hystérie qui. latente pendant un grand nombre d'années, éclate brusquomeut à 29 ans. â l'occasion d'un entretien insigniljaut avec une personne dont les allures et le langage sont peu laits pour produire une semblable impression.
Ce fait nons parait rentrer absolument dans la catégorie des manifestations hystériques duos aux influences du regard.
En résumé, le traitement hvpnotico-suggeslif m'a promis dans le premier cas slr faire disparaître Une première fois des attaques convul-sives hystériques el des hallucinations cl un délire de persécution, et cl une deuxième fois un délire amoureux mvstique.
Anesthesie chirurgicale par suggestion.
par M. le Docteur Bourdon. de Méru
Opération d'un polype fibreux de futérus dans le sommeil hypnotique, peu profond, aidé de la simulation du chloroforme.
Je savais déjà, par expérience, que la suggestion pouvait avantageusement remplacer le chloroforme, en obstétrique, pour atténuer et même supprimer les douleurs de l'enfantement ; mais je ne l'avais jamais appliquée encore pour une opération chirugicale de quelque importance parce que je l'avais déjà fait servir à l'extraction des dents.
Je savais déjà, par expérience, que la suggestion pouvait avantageusement remplacer le chloroforme, en obstétrique, pour atténuer et même supprimer les douleurs de l'enfantement ; mais je ne l'avais jamais appliquée encore pour une opération chirugicale de quelque importance parce que je l'avais déjà fait servir à l'extraction des dents.
En pareille matière la chose n'offre pas de difficulté quand l'opérateur est asss-z heureux pour avoir affaire à un malade préparé sl'avance ou susceptible d'être, d'emblée, mis en sommeil profond ou en somnambulisme, c'est-à-dire slans un état où existe l'analgésie complète et dans les|ucl les douleurs peuvent être facilement supprimées par la suggestion. Mais il n'en est pas toujours ainsi et. quoique plus ou inoins hyp-notisablcs, beaucoup de personnes n'arrivent pas au degré de sommeil voulu. D'autres ne s'y prêtent pas volontiers.— C'était le cas pour la malade dont je veux rapporter l'histoire et dont, cependant, je n'eus pas trop à me plaindre .
Mme D.... .34 ans se présente un jour, le l0 novembre 1892. à ma consultation. Elle est profondément anémique ; teint pâle et jaunâtre, muqueuses absolument décolorées. Kilo a. depuis longtemps, sles pertes utérines abondantes et presque continuelles, qui l'ont extrêmement affaiblie et rendue presque exsangue.
On la traitait pour une met rite interne avec fongosités et on voulait l'envoyer à Paris sans donts'pour se faire pratiquer le curetage sle l'utérus .
Ayant pratiqué le toucher vaginal, je constate qu'il s'agit d'un polype libreux. de la grosseur du poing (sessile), implanté très haut dans le canal cervical, à son oritice interne et presque dans la cavité utérine, avec écoulement abondant de sang
Je prescris des hémostatiques avec le décubitus horizontal, sles injections très chaices. en attendant le jour fixé pour l'ablation.
Ce jour venu, la malade étant placé sur le bord de son lit. je tente l'hypnotisât ion. mais sans succès aucun. tout d abord Voyant cela et craignant une hémorragie, j'imagine le petit stratagème suivant :
Je fais mine de prendre du chloroforme spi'elle réclamait, mats que je ne voulais pas lui administrer, à cause de sa grande faiblesse. Je- feins d'en verser slans un cornet ipie je lui place sous le nez et je continue mes suggestions verbales afin de faire entrer dans son cerveau I idée slu sommeil.
Au bout d'environ quinze minutes, la patiente paraissait endormie.
elle ne l'était pas profondément, mais elle était însensible. Je lui suggérai qu'elle ne sentait rien.
Alors je commençai l'opération à l'aide du spéculum et du serre-nœud de Grafe. Elle fut assez laborieuse, en raison de I'implantation élevée du polype dans la cavité du col utérin et de la difficulté de passer le fil à sa base.
Non seulement je pus effectiver l'opération sans que la malade pro-férât une plainte, mais je pus arrêter le sang qui coulait à Ilots, en lui suggérant qu'elle n'avait pas d'hémorragie, que le sang ne coulait pas.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
INSTITUT PSYCHO-PRYSIOLOGIQUE DE PARIS. 49. rue Saînt-André-des-Arts.— L'Institut psycho-phvsîologiquc de Paris; fondé en 1891 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de- savants et de- professeurs autorisés, est destiné a fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypno tisme et de la psveliologie physiologique.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée à l'Institut psvcho-physiologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de dix heures à midi. Les médecins et étudiants réguliè-remeut inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Des conférences sont faites le jeudi, à dix heures et demie, par M. le Dr Bérîllon. sur h-s applications cliniques de la suggestion et de Chypnotisme, etc.
M. le Dr J.-O. Jenninngs fait le samedi des démonstrations pratiques d'électro-physiologie.
Banquet de la Société d'hypnologie et de psychologie.
Après la séance annuelle, les membres de la Société d'hypnologie et de psychologie, comme les années précédentes, se sont rétinisen un Itampiet. sous la présidence île M. le D' Dtimontpatlier. l'a nui les assisiants nous pouvons citer M M.les Dr Auguste Voisin. niédrcn de la Sal|h-trièrr. M. Itoirac. profrsseur «le philusophir «lu lyres- Oin-dorcel. M. le IV Kruould. de Liège. M. le D' Jules V oisin. médecin de la Salpétrière. .M. le IV Bérillon. médecin inspecteur adjoint des asiles d'aliénés, M. l'échard, rommissaire de police, MM. les Dr Goro-dichze. Bourdon de Méru, Desjardins. Drimux, Le Menant des Chesnais. Saint-Hilaire. Gélineau. .MM. Albert Colas, Plista. etc.
M. Albert Colas ouvre la serie des toasts en portant la sante- de
président de la Société. M. I tumoilt pallier.
M. Duraontpallier, dans un discours élevé, conseilla d'abandonner les discussions stériles pour s'en tenir ii la recherche slricle de la vérité. Il hoit ii l'union des di\ erses écoles sur 1« terrain scientifique el propose de donner aux absents un témoignage de sympathie. l.a proposition d'adresser un télégramme au vaillant inspirateur de l'Kcole de Nancy, M. le |s Liéheaiilt, ésl accueillie par des applaudissements.
M. le I)' K. Auguste Voisin, vice-président, porte un toast aux tiieuiiires étrangers. M. le Dr Krnould. de Liège, lève son verre en l'honneur de la Société d'hypuolugic. Cette fêle intime se termine par des toasts portes par MM. Itoirae. Bérillnu. Desjardins, (o-lincau et Bourdon df Méru.
Le Congre» do l'association française a Besançon.
I.e Congrès de l'association française tenu à Besancon au mois d'août ISï'.'ï. pourra être compté an nomhre des réunions les plus hrillautrs de I association.
La séance d'inauguration a eu lieu le 3. août, à deux heures et deniie au théâtre de Besancon, sous lu présidence de M. le professeur Bouchard, de l'Institut, et au milieu d'une aflluence considérable.
Après un discours de bienvenue de M. le maire, très applaudi. M. Bouchard a prononcé le discours d'ouverture.
Bans ce discours, très fréi|ueminenl interrompu par d'unanimes applaudissements, M. Bouchard a hien précisé l'importunée pic les sciences hvgiéniojues et médicales ont prises à notre époque. A ce propos il dit :
« Iji Société est changeante dans ses prédilections. Certaines professions. ;i certaines epocpies. sont plus en faveur. Les ingénieurs ont en une helle période, illustrée par le roman et le théâtre. Avant eux. c'étaient les avocats. [lii avaient succédé aux militaires. Ce n'est a lia ire ni «le mode ni de caprice. Ces courants d'opinion ont leur raison d'être: ils vont vers ceux qui rendent nu qu'on croit capables de rendre les services différents ijue réclament les époques différentes : les militaires sous le premier Km pire ; les avocats sous la Hestaura-tion ; les ingénieurs à la lin de la monarchie de juillet et sous le second Empire, dans la période de création des chemins de fer. Le tour des médecins est peut-être arrivé. J'incline à l'admettre quand je constate le nombre extraordinaire de médecins qui siègent dans les conseils électifs et le rôle qu'ils y jouttnt. Au Parlement, ils ont fait adopter les lois d'assistance et de protection, le» lois sur l'exercice de la médecine et sur la santé publique. »
ï-a présidence île M. le professeur Bouchard avait ap|c|é à Besancon
un grand nombre de médecins éminents étrangers et francais. Beaucoup de ses élèves avaient aussi tenu a lui donner par leur présence un témoignage de la profonde affection qui les unît au maître.
La section de médecine a entendu des communications aussi nombreuses qu'instructives et les débats ont eu souvent l'ampleur qu'ils
ont dans les Sociétés les plus autorisées.
Les autres sections ont été aussi très bien représentées à ce congrès, dont l'une des excursions, celle de Belfort. a eu le caractère d'une manifestation patriotique des plus touchantes.
Nous publierons dans les prochains numéros les communications qui se rattachent au cadre de notre llevue.
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE Hypnotisme et double conscience (1)
Par le Docteur Azam. professeur honoraire à la Faculté de médecine de Bordeaux.
Le docteur Aza m a été un initiateur. Le premier en France, il eut l'idée de répéter les expériences de Braid et le courage de se livrer à des expériences d'hypuostisme. qui étaient alors entre les mains seules des charlatans avant de devenir une branche importante de la neurologie.
Le premier aussi, publia une observation, aujourd'hui classique, de dédoublement de la personnalité. Tout le monde a lu cent lois, plus ou moins résumée, l'histoire de la fameuse Félida X.... qui est citée dans tous les ouvrages — et ils sont nombreux aujourd'hui — où sont étu-diés ces faits si peu élucidés encore, concernant des troubles de la personnalité ou île la mémoire.
On peut dire que ce médecin a crée, par ses quelques publications, ce formidable mouvement de psychologie physiologique qui, loin de s'éteindre, envahit aujourd'hui les divers terrains de la science médicale.
Il était donc naturel de rassembler dans un volume les articles, épars ci et là. de M. le docteur Azam Tous ces articles, en ell'et. sont à chaque instant cités, e il fllait permettre aux travailleurs de les avoir réunis dans un seul ouvrage, comme à ceux qui s'intéressent à ces questions d'en faire une lecture d'ensemble.
On trouvera dans ce livre l'histoire très complète de la fameuse l'elida X... et beaucoup de mémoires fort intéressants sur divers sujets de psycho-physiologie, Un des plus importants et des plus nouveaux sans aucun doute est celui louchant le caractère des animaux, des nations, des individus, de l'homme sain et de l'homme malade. Cette question-là n'avait jamais donne lieu jusqu'à présent à une étude d'ensemble et quelque peli fouillée.
(1) In-8. prix : 9 francs. — Paris. F. Alcan.
Cette lacune, M- Azam a essayé de la combler avec son talent de fin observateur et d'érudit sagace. Les pages qu'il a écritss là-dessus sont îles plus attrayantes a lire, cl elles auront."coinnus leurs aînées, le sort le plus heureux, celui d'inspirer à d'autres chercheurs des investigations dans ee coin de la psychologie encore si inculte, dont la connaissance serait si utile à tant de médecins, mais surtout aux allenistes;
NÉCROLOGIE
Charcot
Avec M. Charroi, qui vient de mourir à l'Age de uns, disparaît
l'une des gloires de la science française, s évanouît une îles physionomie-s les plus personnelles de ce temps.
Savant distingué, professeur émiucut. observateur saguee. rliuieien prudent et avisé, innovateur hardi souvent, le docteur Charcot a exerce sur la médecine routemporaine une inHuence considérable autant que salutaire : dans le domaine de cet art il est peu de parties qu'il n'ait laborieusement explorées.
Doué d'une intelligence remarquable, d'une grande largeur de vues, acceptant, enseignant, disrulant et disséquant avec une rans sûreté de jugement toutes les idées nouvelles dans ce qu'elles avaient île vrai et de pratique, Charcot fut un professeur incomparable. Quel silence
lorsque, impénétrable, autoritaire et dominateur, le maître à la face glabre et au profil d'un César romain, le front dénudé. l'oœil brillant d'un feu sombre, lu lèvre dédaigneuse, se levait et prenait la parole dans su clinique de lu Salpétrîère dont il avait su faire le rendez-vous des sommités médicales du monde entier et où il avait su grouper une légion de jeunes savants dont il était l'inspirateur ! Quel silence encore lorsque sa voix s'élevait à l'Académie de médecine ou a l'Institut ! Partout son opinion et ses discours étaient attendus comme dev uni donner la note juste, brillante, sonore, basée sur les meilleurs arguments, entourée des images les plus frappantes, les plus irréfutables et des comparaisons les plus heureuses.
Sa parole chaude et souvent vibrante, vigoureusement soulignée |sar un geste tranchant qui lui était familier, faisait autorité dans toutes les enceintes comme dans celles des congres saventsou celles îles cliniques étrangères, qu'il se plaisait à visiter.
L'œuvre de Charcot est trop vaste pour que nous puissions dans cette courte note nécrologique mentionner antre chose que les grandes phases de cette existence si glorieuse pour la science française.
Né à Paris le 29 novembre 1825, Jean-Martin Charcot avait été reçu docteur en 1853. En 1856, il était nommé médecin du bureau central des hôpitaux ; professeur agrégé de lu Faculté de médecine de Paris en 1860, il était, en l862, attaché au service des aliénés de
in Salpetrière. C'est de cette epoque que datent ses iniportantes études sur les maladies du système nerveux. Membre de l'Aeadémie de mède, cine en 1873. il fut nommé ru 1886 professeur de clinique des mala-dies nerveuses, chaire créée spécialement pour lui : il fonda alors les Archives tir neurologie, publication la plus importante en France sur les maladies du système nerveux. Eu 1883. il était élu membre de l'Institut, en remplaeeuieut de M. Cloquet.
Charcitl laisse un hiurd bagage seieutifique. Outre ses Cliniques des maladies du système nerveux, ses travaux publiés dans la revue de médecine, dans les Archives de pathologie expérimentale et d'anatomie pathologique expérimentale dans l'Iconographie de la Salpé-rière. etc.. etc.. toutes publications qu'il dirigeait, le savant clinicien est l'auteur d'une série d'admirables études bien connues des praticiens de tous les pays. qui ont consacré la gloire du savant français.
Elles sont afférentes à toutes les branches de la pathologie cérébrale et des affections nerveuses : l'ataxie locomotrice, les perturbations
médullaires. l'aphasie, la folie, l'hystérie. etc.
Ce sont, ou le sait, les admirables leçons du maître sur cette dernière affection. celles sur l'hypnotisme, celles même sur les différentes formes de l'hystérie, qui sanctionnèrent la gloire de l'école de la Salpétrièrc à une époque où dans aucune chaire officielle on n'avait osé encore passer au crible du positivisme expérimental tout un ordre de phénomènes occultes qui. la plupart déjà exploités dans l'antiquité, ont. dans la suite des siècles, passionné la curiosité de tant d'observateurs.
Sans chercher à savoir cependant ici si les conclusions tirées dans cet ordre d idées par le maître ont toujours été marquées au coin de la rigueur scientifique la plus impeccable, sans relever le bien ou le mal fondé des polémiques engagées entre les partisans des idées de l'école de la Salpètrière et ceux des écoles dissidentes ou adverses, notre devoir impartial aujourd hui est de marquer notre reconnaissance au docteur Charroi d'avoir, un des premiers parmi les savants orthodoxes, osé franchir le seuil du mystère et d'avoir réussi à faire des choses simple; et compréhensibles de phénomènes m'vstérienx qui ne sont, en somme, la plupart de temps, que les conséquences naturelles d'affections du ressort de la pathologie nerveuse ou mentale.
Quoi qu'il en soit, le nom du docteur Charcot évoque une doctrine ; ce nom survivra en raison de ces admirables travaux qui font la gloire incontestée de leur auteur. Charlier.
L' Administrateur -Gérant : Emile BOURIOT.
170, rue Saint-Antoine.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ÉT THÉRAPEUTIQUE
A TRAVERS LES ÉTATS PASSIFS, LE SOMMEIL & LES RÊVES
Par M. le docteur LIEBAULT, de Nancy.
( Suite)
Une fois entre autres, de concert avec M. Ic professeur Liégeois, nous finies ù une jeune tille endormie qui s'occupait de peinture, la suggestion de crayonner dans In nuit prochaine l'esquisse d'un petit tableau dmit nous déterminâmes le sujet. l'heure et le temps à y consacrer. Il arriva qu'à l'heure indiquée la jeune lillesc leva et se dirigée vers son chevalet où elle travailla tout le temps qui lu! avait été lixé. Sa mère, chargée par nous «le la surveiller et témoin inaperçu de ce rêve en action, vint avec elle lejourd'après nous apporter l'ébauche de son travail nocturne. La somnambule ne se souvenait de rien et était fort étonnée du produit de sou rêve.
Presque tout le monde, par l'emploi de procédé» convenables, peut arriver dans le sommeil, au moins au degré habituel Vie son sommeil de tous les jours. Il y a même des individus, ceux surtout qui sont somnambules naturels, auxquels il suffit de leur affirmer avec assurance qu'ils vont dormir, pour qu'ils s'endorment aussitôt, tant ils sont suggcstibles. Des qu'on les a endormis un»! première fois, ils entrent ensuite dans le sommeil à quelle heure que ce soit, avec la même facilité qu'ils le fout chaque soir. Ils ne font ainsi que répéter, dans un autre temps, ce qu'ils reproduisent journellement. Sous l'influence de l'idée suggérée de dormir, ils tombent eu idée fixe, s'immobilisent, deviennent insensibles et isolés du monde extérieur, excepté de leur emlorincur. avec lequel ils continuent par les sens et le cerveau, â communiquer comme auparavant ; car, ils sont éveillés pour ce qui à seul rapport avec
8e ANNEE N° III
Sept. 1983
ce dernier- J'engage ceux qui ont la curiosité de faire naître le sommeil artificiel, à choisir d'abord pour sujets d'expérimentation des somnambules naturels : ils n'auront aucun déboire.
Par le fait qu'on peut endormir à peu près tout le monde, et surtout les rêveurs somnambules du sommeil ordinaire, je me lemande ce que MM. les professeur Rernhein et Delbu-uf out voulu dire en se ralliant tous deux à cette formule cnigmntiquc : « Iln'y il pas if h ypnotisme, il n'y a que de la suggestion ». Veulent-ils nier, en général, le sommeil provoqué ? Ou veulent-ils seulement uîerrhvpnose que Rraid définit : un sommeil physiologique nouveau ? Ou enlin ont-ils voulu regarder, comme une inutile super-félation. l'emploi du sommeil provoqué dans le but de guérir les malades, et dire que la suggestion négative des signes morludes à l'état de veille suffit pour cela? Mystère! En tout cas, c'est cette dernière interprétation qui me semble lu plus acceptable, parce qu'elle est la plus sensée.
En attendant que ces professeurs jettent plus de lumière sur leur singulière formule, je m'attaque ici à cette dernière interprétation, la seule soutenable. et j'affirme, c'est ma conviction profonde, que la suggestion seule, même maniée habilement, n'est pas toujours suffisante pour causer des effets curalifs sur les personnes que l'on veut guérir. Le sommeil, a écrit un ancien médecin est le meilleur des remèdes. Rien ne prévaudra jamais contre celte vieille vérité. Comme isolant, cet état est l'adjuvant le plus précieux de la suggestion : écartant toute distraction de l'esprit, il augmente nécessairement la suggestibilîté des dormeurs et les rend aptes à mieux recevoir les affirmations qui ont pour luit de les débarrasser de leurs maux. Et n'aurait-il que la propriété d'être un calmant. — il en a bien d'autres. — qu'il fau-draily recourir. Aucun artifice île suggestion, dans une foule île cas. ne remplacera jamais un état phvsiolngjque où l'on se replonge tous les jours avec attrait. Pourquoi l'exclure de la thérapeutique du inoral sur le physique ? Pourquoi ne servirait-il pas de point d'appui â la suggelligli dont il est lui-mèineun dérivé ? Il ine semble, qu'on me permette une comparaison triviale, que lorsqu'on peut se faire un lit, et qu'on le possède ce serait folie de ne pas s'y coucher et de s'étendre à còlè sur la dure. Le sommeil n'est-il pas comparable à un lion lit oii l'on doit mettre le dormeur et l'y suggestionner, s'il est malade, au lieu de lui lairc la suggestion a grands renforts d'insinuations et d'artifices de langage pendant Pétai de vrille?
Le sommeil est, parmi les états passifs, celui qui se forme avec
le pins île calme. Outre qu'on glisse vers lui par une habitude contractée, on peut aussi, par un exercice quotidien de concentration de l'esprit pour lo l'aire naître, le développer dans un autre temps qu'aux heures ordinaires, cl arriver par là encore à rendre certains sujets plus suggcsliblos qu'il-- ne relaient, et par conséquent plus guérissables, l.e sujet qui est endormi, et par suite isolé, ne peul plus réngir par lu pensée, comme lors de la veille, contre les choses qu'on veut lui inculquer: il accepte tout, et, sous ce rapport, on peul dire que sou sommeil esl un vrai multiplicateur. Non seulement pour cela j'en continue l'emploi ; mais encore je le continue parer qu'en plongeant ce sujet dans cet état, on favorise grandement les ell'cts suggestifs dont on parsème son cours.
Certes, il esl possible d'être guéri par de simples suggestions el parctè Simples autosuggestions faites pendant la veille ou dans des états analogues au sommeil, principalement s'il s'y mêle un élément émotif; et même on peut l'être à l'aide d'artifices ingénieux qui agissent sur l'imagination des malades : dans mon ouvrage sur la thérapeutique suggestive, je cite un grand nombre de cas degnérisons parées moyens ; mais avant tout, il faut tenir compte du plus important des étals passifs, le plus important qu'il nous soit donné.
Quand l'endornieur adresse la parole à un sujet qu'il a mis profondément dans le sommeil et qui. par suite, est devenu par les sens isolé de ce qui l'entoure, ce sujet reçoit el exécute sans résistance les suggestions les plus diverses que cet endonneur lui fait. Et si. par exemple, il lui dit alors qu'un effet physiologique, une douleur va se produire sur un point de son corps ou en disparaître, cet effet qui a lieu aussitôt dans un sens ou L'antre,y a lieu eu proportion île la quantité de la force, nerveuse quia quitté auparavant les sens et les autres parties de l'organisme, au moment de la formation du sommeil, pour se porter de ces points avec accumulation sur l'idée de dormir. Os faits sont connus. Ce qui prouve que. du cerveau, cela doit se passer sur un point de son corps, eu la proportion que je viens d'indiquer, c'est que, pendant le sommeil, avant, pendant et après suggestion, l'isolement et l'insensibilité relative des sens du sujet endormi n'a. hormis ce point. Changé nulle pari, ni en plus ni en jnoius. Pour nu tel résullat physiologique, la force nerveuse n'a donc pu être prise qu'aux dépens de celle qui s'est accumulée tout d'abord au pôle d'inertie.
Les faits du genre de celui dont je parle et qu'où peul rendre
nombreux presque à volonté, n'ont pas besoin «pus je m'y arrête davantage. Ce que j'en dis me permet de pouvoir assurer déjà que de la dissociation inversement proportionnelle de l'action nerveuse pendant le sommeil, résulte l'automatisme ou l'activité involontaire de l'esprit: ou enfin l'absence de volonté que A. Maury a signalée comme un raraelère marquant du rêve somnambuliqiie naturel et qui est pour moi le signe culminant et le plus irréductible, et de ce rêve et du rêve du sommeil profond provoqué.
L'automatisme existe de même dans ce qu'éprouvent et finit les sujets mis dans le sommeil léger. Ces dormeurs moins concentrés acceptent aussi, mais avec plus de résistance ce qui leur est suggéré et tout ce qu'ils accepteul forcément ainsi se relie comme par un trait d'union an cadre des phénomènes automatiques appartenant au pôle d'inertie. En tout cas. que les sujets donnent profondément ou non. les phénomènes suggérés du sommeil se produisent chez eux automatiquement, en proportion de la profondeur de leur sommeil ; et tous, quels qu'ils soient, même lorsqu'ils sont peu endormis, ne peuvent pas plus résister par un ell'orl aux suggestions qui leur sont faites, qu'ils ne peuvent aussi, par un effort et d'eux-mêmes, se remémorer, associer des idées, raisonner, mais surtout se déterminer et agir.
L'impuissance où sont les dormeurs pour résister aux suggestions d'autrui et pour diriger â leur gré leurs facultés psychiques et redevenir actifs : bref la perte de la volonté est l'élément fondamental de tout ce qui se passe de spécial et de caractéristique, non seulement dans les rêves du sommeil le plus profond, niais aussi dans ceux du sommeil le plus léger. Mais si chez, les sujets qu'on vient d'endormir profondément, l'activité de la pensée et du corps reste arrêtée, faute d initiative de leur part, il n'en est plus de même dès qu'on leur fait une suggestion pour réveiller cette activité qui n'est que latente : alors, de toute l'impulsion donnée â la suggestion, ace levier puissant de l'idée, leurs opérations d'esprit augmentées de toute l'action nerveuse qui est accumulée au pôle d'inertie, deviennent remarquables en bien comme en mal. soit qu'on leur suggère de la sédalion ou de l'excitation des sens et de l'intelligence, soît qu'on leur suggère des actes utiles ou non à exécuter, soit, comme je l'ai déjà dit plus haut, qu'on leur suggère la production d'effets physiolo-giques ou morbides devant se développer sur l'organisme.
Contre aucune de ces choses, ils ne peuvent faire opposition.
Quoique l'attention chez, les dormeurs profonds à rêves somuam-buliques, se soit avant que leurs rêves ne se forment, en grande
partie accumulée el immobilisée sur L'idée fixe de dormir, celte cheville ouvrière de l'état de sommeil ; et quoique par suite de ce cumul au pôle d'inertie, ces dormeurs ne puissent plus par eux-mêmes l'aire des cllorts assez grands de volonté pour exécuter les mouvements fonctionnels de la pensée el du corps, tant ils sont devenus inerte, — à moins bien entendu qu'ils n'en reçoivent l'impulsion. — il se passe pourtant en eux, au pôle opposé et comme à leur insu, il se passe de nombreux phénomènes d'impressions dans les sens et de perceptions dans la mémoire, preuve qu'à ce pole ils ne sont isolés qu'en apparence el cela par manque d'initiative.
Tandis que d'une part, au pôle d'inertie el sous L'influence d'une impulsion suggestive de l'opérateur, ces dormeurs, eu rapport avec ce dernier, se remémorent, associent des idées, portent des jugements, il continue à se développer d'autre part au pôle opposé, el cela à l'égard du inonde extérieur et des personnes qui les entourent dont ils sont comme isolés ; il continue a se développer chez eux par un mouvement intestin de l'esprit, mais sans aide de la volonté ni de la suggestion, des mouvements fonctionnels latents -de leurs facultés impressives et perceptives : celles des sens et de la mémoire. Chez eux. de ce second côté comme du premier, le pouvoir de faire effort el de vouloir et consécutivement le pouvoir intellectuel étant annihilés ou amoindris, ils sont dans l'impossibilité de se rendre compte, au moment même, des perceptions mémorielles et des impressions des sens en voie de formation qui se passent en eux pendant qu'ils dorment. Et je ne crains pas de le dire, ces faits psychiques, en tant qu'ils se font avec une conscience à pari, ont quelque chose de ressemblant aux fails variés qui, dans la vie de nutrition, oui presque toujours lien à notre insu.
Des fails de ce genre j'en ai constaté, il y a près de Et ans, et je les aï relatés dans mon livre le Sommeil (1). Alors je remarquai déjà que si l'on faisait avec insislance aux dormeurs profonds tout â fait isolés, la suggestion de retrouver dans leur esprit les linéaments de ce qui, au pôle d'activité, s'était passé autour d'eux et dont ils n'avaient pas paru s'apercevoit, pendant que dans leur sommeil, leur attention, au pôle d'inertie, était portée par suggestion â me répondre; je remarquai qu'ils retrouvaient toujours dans leur mémoire, dès qu'on le leur suggérait, ces linéaments pris par eux pour ainsi dire au vol, et ils se les rendaient alors conscients. Ainsi doue, taudis qu'une impulsion Suggestive est
(I) Chap. IV, § II, 1re partie.
donnée à l'exercice des facultés intellectuelles des dormeurs profonds privés de leur volonté, et que ces fatuités, par l'effet du rapport établi avec rendorineur. fonctionnent encore étroitement comme au grand jour île la conscience d'un coté : de 1 autre il y a deux facultés actives : la sensibilité et la perception méino-rielle qui s'exercent aus.»i et comme parallèlement dansleur esprit, et cela d'une manière cachée et l'on dirait presque à leur insu, preuve d'un large intervalle entre ces facultés actives el la volonté, el preuve d'un dédoublement évident dans l'action pensante, si ce n'est plus.
Les impressions seusitives el perceptives, non soumises à la volonté, qui. affaiblies, se reflètent ainsi dans les sens et la mémoire des dormeurs profonds, au pôle d'activité du sommeil, et cela commedans un miroir, ces impressions imagées étant en général peu marquées, puisqu'elles ne renaissent ensuite dans la mémoire que par suggestion, doivent s'effacer plus rite que les impressions psychiques du même genre, plus vives mais plus désordonnées, qui ont lieu d'ordinaire dans le sommeil léger, au même pôle d'activité. Aussi, étant peu marquées, elles doivent être à peine le point de départ de quelques rêveries. n'est qu'a mesure que le sommeil se prolonge pour devenir plus léger, que les impressions reçues se gravant alors mieux dans l'esprit, doivent être l'origine de rêves analogues à ceux du sommeil léger, rêves beaucoup plus perceptifs et plus mouvementés.
Ces faits de réception latente de sensations an pôle actif île la pensée dissociée, chez les dormeurs somnambules, taudis que leur esprit est occupé suggestivement au pôle d'inertie de celte même pensée, ne sont plus niables. D'autres observateurs que moi en ont observé, el même M. Beruhein. en n aussi depuis constaté la réalité dans le sommeil profond des dormeurs ordinaires. J'ai vu. dans leur lit. à la clinique de ce professeur, des malades donnant de ce sommeil, qui paraissaient entièrement isolés, comme pour le vulgaire on l'est dans cet état, je les ai vus et entendus répéter tout ce qui avait été dit devant eux. pendant qu'ils dormaient, dès que le rapport établi, il leur eut suggéré de s'en souvenir. Aussi, concluait-il de ce fait, et non sans raison, qu'il faut se méfier des gens qui donnent.
III
Si la concentration de l'esprit sur l'idée de dormir amène la dissociation de l'action pensante â deux pôles opposés, et par
suite l'état île repos des organes, celte disposition, à son tour, est la cause pour laquelle le dormeur devient impuissant û faire des efforts de volonté pour diriger sa pensée comme pendant la veille. Il rêve : dans le sommeil profond, c'est aux dépens de la forée nerveuse portée au pôle d'inertie; el dans le sommeil léger, c'est aux dépens de la force nerveuse restée au pôle d'activité. De là. deux sortes de rêves : ceux du sommeil profond, que je viens d'effleurer; et ceux du sommeil légerdont je parlerai spécialement plus loin.
Dans ce qui va suivre, au lieu d'examiner les mouvements de la pensée des rêveurs en ce qu'ils ont d'involontaire et de plus nu moins conscient, mais avant lieu au grand jour ou au crépuscule de l'esprit, je les examine aussi dans ce qu'ils ont de pareillement involontaire et de plus ou moins conscient, mais se faisant encore plus dans la nuit du cerveau pensant que ce qui a déjà été constaté jusqu'ici.
Les actions pensantes de ce dernier genre. lesquelles paraissent inconscientes, sont communes. Par exemple, lorsque d'habitude nous nous endormons, nous n'avons nulle conscience au moment même que c'est par suite d'une concentration de l'esprit, au pôle d'inertie, sur une idée qui devient tixe à mesure que celte concentration se tait; et cette idée que nous nous suggérons à notre insu, c'est celle de prendre du repos, idée à laquelle nous n'avions jamais attribué tant d'influence. Voilà déjà une action réelle «le lu pensée qui nous échappe au moment même où nous nous endormons : elle nous échappe aussi, entant que continuant à dormir, elle fixe le sommeil par l'idée que nous avons de le faire durer. Cette action déjà est. au pôle d'inertie, un signe manifeste de la division qui s'établit dans le mouvement de l'esprit, lorsqu'on s'endort el pendant que le sommeil se prolonge: les seconds signes à l'autre pôle, sont les rêves ordinaires.
Il en est de même pour les rêveurs somnambules du sommeil provoqué que pour les rêveurs du sommeil ordinaire ; non seulement quand ils s'endorment : mais aussi quand par suggestion ou par autosuggestion, ils écrivent, parlent, se mettent en mouvement, etc. En entrant dans leur concentration psychique el en y restant, ils ne saisissent pas plus que dans le cas qui précède, le mécanisme de la formation de leur sommeil et-de sa prolongation. Et quand aux rêves profonds qu'ils font, ces rêves se transforment bientôt en eux en inconscience, car. au réveil il ne leur en reste rien, à tel point que ce qu'ils ont fail dans cel état, ils l' attribuent parfois à d'autres, comme certains fous qui attribuent à
autrui des choses qu'ils ont faites, n'ayant ni voulu ni crû faire ces chose».
Et quand les dormeurs, après une décision prise par eux avant de se livrer au sommeil : quand ils comptent le temps dans la nuit, afin de s'éveiller à une heure qu'ils ont fixée d'avance, et qu ils -'éveillent à cette heure; quand soumises ù su volonté. les infirmières endormies de M. le professeur Forel surveillent les malades confiées à leurs soins, grâce a une suggestion qu'il leur en a faite, et ne s'éveillent que lorsqu'il se produit en ces malades des symptômes insolites, est-ce que les idées qu'il leur a suggérées ne sont pas. tout le temps qu'elles durent chez, ces femmes, involontaires et comme inconscientes ? A leur réveil, à moins qu on ne leur en fasse la suggeslion. en reste-t-il quelque chose ?
Des faits ayant de la ressemblance avec les précédents se passent inconsciemment aussi chez beaucoup île gens, pendant le sommeil. Je connais une personne qui craint le feu et dont le sommeil esl 1res lourd : la preuve en est que son mari a pu. nombre de fois, sortir du lit. lu quitter plusieurs heures de suite et venir si- recoucher auprès d'elle, sans qu'elle se doutai qu il S'' fui absenté. Eh bien, à peine sunne-t-on un incendie qu'elle s'éveille aussitôt, comme les infirmières de M. Forel pour ce qui survient à leurs malades. Aucune autre sonnerie n'a jamais produit cet effet.
Lorsque j'exerçais In médecine, afin qu'on n'éveillât personne autre que moi dans la maison, je recommandais toujours, en cas où l'on serait obligé de venir me chercher la nuit, de gratter seulement la prrsienne du rez-de-chaussée où je couchais : le simple grattement produit suffisait pour queje me réveillasse immédiatement. Tant que je restais endormi avec celte idée de grattement lixée dans la lèle au pôle d'inertie, ce qui m'est arrivé plusieurs années de suite, cela, pas plus que l'idée de reposer dans laquelle je m'endors toujours, n'a jamais empêché qu'au pôle d'activité je rêvasse d'une foule d'autres choses chaque nuit. El tout ce long temps, pendant mes sommeils et mes rêves, cette idée lixc de m'éveillcr au bruit d'un grattement fit toujours sentinelle pour ce qui, en ce sens étroit, se passerait à ma fenêtre. A mon insu, cette idée était comme un œil ouvert continuellement pour épier le bruit nttendu. ainsi que cela se passait encore chez les infirmières île M. Forel.
Dans la plupart des faits précédents, on remarque que l'idée qui est à la base de ces laits, chez chacun des dormeurs, dure dans leur esprit, au pôle d'inertie, d'une manière continue cl invariable.
tant qu'un événement que l'on prévoit et que l'on attend ne vient pus en rompre I» continuité: et l'on a bien vite la confirmation, si l'on y réfléchit, que ces dormeurs n'ont nullement conscience de cette idée toute existante qu'elle est. On sait, depuis longtemps, qu'une sensation n'est perçue au cerveau qu'autant qu'elle est discontinue et variable. Si, par exemple on n'avait jamais entendu qu'un même son. quoiqu'il parvint tout le temps à la conscience, ou ignorerait ce qu'est le son. Il en est ici de même pour les idées dominantes que je viens île signaler, idées qui sont des sensations transformées rt fixées dans l'esprit ; elles restent inconscientes parce qu'elles sont uniformément continues; et pour qu'elles deviennent conscientes, il faut que les dormeurs puissent les revivifier par un retour d'attention qui en rompt la continuité, comme il advient pour les autres idées qu'ils immobilisent tous les jours dans leur mémoire et qui y deviennent inconscientes, à inoins qu'ils ne les rendent variables en se les remémorant.
Je viens d'établir qu'une idée qui est permanente et invariable dans le cerveau pensant, devient par cela même inconsciente pour celui qui dort. C'est par une semblable permanence et une nom blable invariabilité d'idée, qu'un chagrin douloureux dans lequel on s'endort, étant toujours présent au pôle d'inertie des dormeurs el nullement différencié, ne fait jamais partie citez eux des rêves don! les conditions d'existence sont la variabilité des étals de conscience : perdant ainsi la conscience de ce qui les préoccupe, ils ue peuvent en rêver. Il y a quelque chose d'analogue, comme mécanisme psvehique. chez les malades endormis qu'on traite par suggestion : devenus absorbés d'une manière continue par l'idée négative de leur mal qui leur est inculquée, ils n'en fou! plus la différenciation et l'oublient.
Et quand on suggère à des personnes mises en sommeil très proton : de voir, d'entendre, etc.. peudant qu'elles dorment ou après réveil, certaines choses fictives, et qu'elles se représentent ces choses et sont alors assurées de leur réalile sans pouvoir se ressaisir maîtresses d'elles-mêmes et par suite s'en dissuader ; quand ou leur ordonne d'exécuter des actes insolites et même immoraux, sans qu'elles puissent s'en défendre, elles sont encore sous le coup de ces suggestions, aussi incapable.-, que les malades, qu'où traite par suggestion, de se dégager des idées fixes et permanentes qu'on leur u imposées. Comme une bille posée sur un plan et qui ne peut changer de position par elle-même, toutes mobiles qu'elles puissent être de pensée, les personnes sur lesquelles ou expérimente ainsi, faute de pouvoir faire effort pour
3.
varier leurs étals do conscience et sortir dos idées fixes qu'on leur a imposées, restent inartives d'esprit, à tel point qu'aussitôt après la formation et L'exécution de eo qui leur a été suggéré, ils n'ont plus même la conscience de l'avoir éprouvé ou exécuté : ils oui tout oublié.
Si les dormeurs ordinaires se rappellent de leurs rêves parce qu'ils sont difl'érenciés et variahles, pourquoi les dormeurs som-nambules donl les rêves sont aussi dill'érenciés et variés, ne se souviennent-ils pas des leurs ? c'est qu'au moment où ces derniers sortent de leur smmneil qui est profond, il se produit en eux, au foyer mémoriel. une lorie diminution de ratleulion ou de la force nerveuse qui s'était accumulée au cerveau : celle force reprenant dans tout le corps les positions qu'elle y occupait avant le sommeil, redevient relativement en moindre quantité qu'auparavant dans le cerveau et le champ de la mémoire, et par conséquent y étant nécessairement affaiblie, elle n'y peut plus saisir, faute d'effort possible, ce qu'elle y retrouvait durant le sommeil.
IV
Ce n'es! pas seulement dans l'état do sommeil que l'on trouve à deux pôles opposés, une dissociation de l'action pensante avec des marques d'inconscience. C'est aussi flans les états passifs qui onl de l'analogie avec le sommeil, qu'ils soient physiologiques ou non. Je vais in'occuper de quelques-unes de ces dissociations.
Déjà on rencontre cette division commençante de la pensée i deux pôles différents, lorsqu'on esl dans celle indilTéreneo mentale de faire plutôt une chose qu'une antre, ainsi, quand étant peu occupé, ou se laisse aller par imitation, sans s'en douter, ce qui arrive souvent. à exécuter des actes qui se passent non loin. Tout en pensant. d'un côté. indifféremment à quelque chose, entraîné par ce que l'on voit ou ce que l'on entend, on va. de l'autre machinalement el en aveugle.
Cette dissociation dans le mouvement de la pensée est plus complète, lorsqu'un expérimentateur naïf concentre son esprit, en regardant, par exemple, un objet immobile suspendu à un til qu'il tient à l'aide du pouce et de l'index, el cela afin de prouver nue théorie préconçue qui lui esl chère. Tandis que cel opérateur cherche a surprendre des yeux le mouvement de rotation de cet objet, mouvement qu'il attribue à une cause autre que lui-même, il arrive que cet objet tourne dans le sens de son désir, sans qu'il se doute que l'impulsion donnée se fait involontairement de ses
doigts à l'objet, par une trahison inconsciente de sa pensée. Pendant qu'il est occupé, d'une part, ù observer cet objet, il le fait de l'autre el à son insu, tourner dans le sens attendu par lui. croyant fermement que c'est sous l'influence d'une autre cause que sa propre pensée.
C'est aussi par une même illusion que dans le cas précédent, et un même dédoublement de l'action pensante â deux pôles opposés, que les partisans de l'occultisme attribuent à un fluide ou à une influence nerveuse quelconque involontaire, et même à des êtres hyperphysiques. les mouvements que. sans se douter qu'ils en sont la cause pensante, ils obtiennent eu appuyant les mains sur des guéridons, des tables, etc. C'est aussi par une même illusion que les spirites écrivent automatiquement des phrases dont ils ne trouvent le sens qu'en les lisant après coup. Aucun d'eux n'ont le moindre doute qu'ils sont ainsi les dupes «le l'être pensant qui. en chacun d'eux, d'une part, observe; et de l'autre pense et agit en même temps.
J'ai vu. de mes veux vu, une médium spirile. el ce fait n'est pas . rare, qui. en crise, tenait parfaitement conversation avec deux personnes et moi. pendant qu'au même moment elle couvrait de mots, et fébrilement, sans s'interrompre et sans savoir ce qu'elle écrivait, plusieurs grandes pages de papier dont elle attribuait le contenu â l'inspiration d'un esprit (i). Et ce qui. pour moi. fail encore mieux ressortir ici l'action dédoublée de l'esprit de celte médium, c'est que. m'adressant alors la parole, tout en écrivant, elle me fil ta remarque que c'était bien un esprit qui conduisait sa main et pas elle, puisqu'elle ne savait absolument rien de ce que sa plume écrivait. Dans ce cas de prétendue possession par un esprit, il y avait un dédoublement plus que manifeste de l'action pensante. On peut dire (pie l'un des hémisphères cérébraux nous parlait par la bouche de la spirile. et que l'autre hémisphère la faisait écrire comme s'il y avait en elle deux moi s'ignorant l'un l'autre.
Il y a encore, en dehors du Sommeil, d'autres phénomènes passifs de dédoublement île la pensée qui ressemblent à ceux des phénomènes précédents dans leur mode de formation, en ce qu'ils se fout avec inconscience el en l'absence de toute volonté. Ils gardent, comme ces derniers, les apparences des actes de la veille. Je citerai les hallucinations qui surgissent parfois tout d'un
(I) Taine cite un cas de ce genre dans la préface de la 6e édilion de son livre : De l'intelligence.
coup riiez des personnes éveillées et saines d'intelligence ; les opérations intellectuelles rapides que l'on a désignées sons les noms d'intuition el d'inspiration, lesquelles ressemblent aux rêves oubliés d'un court sommeil: le travail mental, émotif ou non. qu'on ne saisit pas dans son développement et qui est à la base de beaucoup de maladies par cause morale, telles que: l'hypocondrie, certaines névralgies, le tremblement des écrivains, des névroses diverses, etc.. toutes affectations d'esprit où l'attention, se dédoublant, se concentre inseîeiument sur une ou plusieurs idées lixes aux dépons de la force nerveuse répartie partout ailleurs dans l'organisme.
J'ai souvent parlé de la mémoire. Est-ce que les nombreuses ¡dees qu'elle contient sont toujours conscientes ? A la fois, elles ne le sont jamais qu'en petit nombre. Toutes, surtout à l'état de veille, moins quelques-unes d'entre elles, restent inconscientes et fixées, chacune à leur place, au pôle véritable d'inertie, jusqu'à ce que par un effort on les évoque, Une chose remarquable et que j'ai constatée depuis 30 ans. chose qui est une preuve de l'action divisée et multiple de la pensée cérébrale dans les états passifs, et aussi implicitement de l'action spéciale de chaque centre ou ganglion nerveux qui agissent sous l'influence de cette pensée, c'est que diverses idées imposées par suggestion à un dormeur somnambule, peuvent chacune à part, produire à la fois des résultais différents sur des points très opposés de l'organisme, résultats toujours en rapport avec le sens de l'idée spéciale suggérée pour chacun de ces résultats. El si une ou plusieurs de ces idées sont allirmées au donneur, par exemple, pour que reflet qui les concerne s'exécute en lui après réveil, l'idée de ce qui doit lui arriver ainsi, reste latente inaperçue par lui tant qu'il est éveillé, et cela au milieu du remuement mémoriel des autres idées, jusqu'à ce que ecl effet ail son accomplissement exact. Pendant que les mouvements intimes de la vie passent et s'exécutent de toutes sortes de manières différentes, les idées suggérées restent en arrét, immobiles au foyer de la mémoire, en attendant qu'elles s'ébranlent enfin elles-mêmes à leur tour pour produire les phénomènes multiples qu'elles doivent déterminer.
Nous voyons déjà par tout ce qui a été dit antérieurement que. dans le domaine de la vie de relation concernant les états passifs et surtout le sommeil, les phénomènes pensant qui s'y passent, se font plus ou moins consciemment et à deux pôles opposés: les uns. y ont lieu comme à la clarté de la conscience, ce sont les moins communs : et les autres y ont lieu dans son obscurité, ce
sont les plus nombreux ; les premiers involontaires, sont mouvementés et différenciés au cerveau ; les seconds aussi réels et aussi involontaires s'y passent sans presque de variations apparentes et d'une manière inconsciente : mais tous jouent un rôle dansée domaine de la vie. On peut dire que. dans le cours des états passifs, les mouvements dits inconscienls sont pour la pensée, la règle ; et les mouvements conscients, l'exception. Ce qui, dans la pensée, est conscient, fait son sillon dans ce qui est inconscient, comme une étoile filante à travers l'air qui l'échauffe, devient lumineuse puis disparait.
Mais parallèlement â ces mouvements inconscients qui ont lieu dans les états passifs, il en est d'autres se passant dans le système de la vie végétative qui ne nous sont conscients que par exception, et qui sont de même sous l'influx de la pensée. Je ne puis les passer sous silence. Ils dépendent presque exclusivement du nerf grand sympathique, et apparaissent comme les signes d'une intelligence profonde qui, à notre insu et sans notre volonté, veille avec une conscience â elle, à la formation, au développement et u la conservation du corps, de même que les manifestations intelligentes, conscientes et volontaires par lesquelles à l'aide des sens et du cerveau, nous communiquons avec nous-mêmes et avec le inonde extérieur; île même que ces manifestations apparaissent comme les sigues de notre intelligence ordinaire, en tant qu'employée à trouver les moyens d'entretenir les besoins de l'organisme, et en tant qu'employée aussi à nous défendre contre les dangers du dehors auxquels nous sommes exposés.
On ne peut le nier, il y a des actions pensantes qui forment, développent et entretiennent le corps, comme il y en a qui servent á le défendre ; et les mouvements quels qu'ils soient, qui se passent dans l'économie et qui dépendent tous de la pensée, seraient mieux compris, si les physiologistes savaient les rapporter à leur source psychique, à la pensée en action. Cette conception d'une intelligence qui veille à notre insu sur la vie organique, et comme si elle était un autre nous-mèinc. a déjà été soutenue par moi. en 1866, dans mon livre du Sommeil. Elle est fondée sur les considérations suivantes. Pour moi. comme pour le psychologue anglais G. Lewes, le nerf grand sympathique, a, dans le cerveau, un foyer commun avec les nerfs de la vie de relation. Le cerveau est le centre qui résume tous les autres, qu'ils soient rachidîens ou ganglionnaires ; car les nerfs de ces centres y aboutissent : aucune interruption n'existe entre eux et lui. Ce qui indique déjà une
action psychique venant île cet organe important, ce sont les phénomènes réflexes, — car tout réllexc est déjà la pensée a sa plus simple expression. — phénomènes à action croisée des nerfs de la vie animale à ceux de la vie végétative et réciproquement, et cela par l'intermédiaire de la moelle, phénomènes dont les impressions venant du grand svmpathïque sont parfois perçues au su du cerveau, même à l'état de veille. C'est ensuite chez des dormeurs somnambules au plus haut degré, l'action de cet organe sur les tissus. Par des pensées qui leur sont suggérées, on peut déterminer sur eux, par action cérébrale, des lésions dans le domaine des nerfs de la vie végétative, sur des points quelconques du corps désignés d'avancé, tels, par exemple : de la rougeur, des phlyctènes. des plaies, des hémorrhagics, etc.; et aussi, ces mêmes dormeurs, dans le même degré de sommeil, peuvent par suggestion, retrouver dans les tissus innervés par le grand sympathique, des sensations el des perceptions internes qui leur étaient restées inconnues jusqu'alors, et qu'ils reportent au cerveau, ce centre des centres.
C'est parce que. ce queje dis esl déjà connu depuis longtemps, que des physiologistes ont autrefois donné le nom de tact général aux sensations perçues au cerveau, dont les unes correspondent, d'un côté, a la vie de relation, el de l'autre, à la vie végétative. Et comme les phénomènes réflexes, composés à la fois d'impressions senties. de perceptions dans un centre et de mouvements communiqués, sont des signes de la pensée dans le système de la vie de relation, ils doivent l'être aussi dans celui de la vie végétative. lorsqu'ils se font par l'intermédiaire du nerf grand sympathique : et ils le sont en effet. Incontestablement, ces phénomènes réflexes doivent être dans leurs trois propriétés: impression dans un nerf des sens, réception dans un centre, -mouvement communiqué ; ils doivent être, pour l'une comme pour l'autre vie et sous la haute direction du centre cérébral, les trois éléments caractéristiques et irréductibles de la pensée : d'où il s'ensuit que des pensées concernant la vie végétative s'élaborent nécessairement aussi à noire insu, mais comme avec une intelligence et une mémoire à elles, dans ce foyer commun, le cerveau, à côté de celles qui ont rapport à la vie de relation, et cela, afiu de veiller à la nutrition et au développement des organes.
Nécessairement du cerveau, ce foyer commun aux deux vies, les idées, par le grand sympathique, doivent donc, de cet organe aux extrémités des nerfs trophiques. d'une part, se répercuter sur le corps en voie de formation et de développement, par une
représentation mentale analogue â celle qui crée les liallucina lions des nerfs des sens; pendant que. d'autre part, ce même nerf veille à la fois et séparément, par la pensée, sur les mouvements alternatifs et réguliers du cœur, des vaisseaux sanguins, de l'œsophage, des intestins : sur les mouvements spéciaux de chaque glande, etc. Et ces mouvements pour chaque fonction, se font comme dans des sphères séparées, indépendamment les uns des autres, et cela dans une complète harmonie. Jusqu'aux repos qui. dans le système de la vie organique, alternent avec chaque mouvement qui s'y passe, ainsi qu'il arrive dans le système de la vie de relation entre l'activité du jour et le repos de la nuit, tout, dans les deux vies, présente des analogies pour ce qui s'y produit de perceptif et d'intelligent-
V
J'aborde maintenant les rêves de la seconde classe qui apparaissent principalement dans le sommeil léger. Au lieu de se former automatiquement au cerveau, aux dépens de l'attention accumulée sur l'idée lixe de dormir, en étant une sorte de continuation des idées de la veille ou un effet de suggestion, ils prennent naissance dans les points du svslème nerveux et du corps, sens et mémoire, où par contre-coup, depuis l'entrée en sommeil, cette force est restée diminuée, mais toujours libre comme auparavant.
C'est maintenant de ces manifestations: c'est des rêves naissant au pôle d activité de l'esprit, rêves île la seconde classe dont je vais parler tlans cette seconde moitié de mon travail. Je lésai étudiés au passage sur moi-même, du 5 octobre 1891 nu 21 février 1892. et j'en livre quelques-uns au lecteur, en même temps que les remarques que j'ai Urées de tous, plein du désir que. sans houte d'eux-mêmes, d'autres psychologues suivent mes traces. Par des monographies personnelles du même genre, il n'v a nul doute qu'on ne parvienne à pénétrer plus avant qu'on ne l'a fait, dans le domaine si mouvant, si varié et si ténébreux de l'esprit de l'homme endormi.
Il suflil pour que le rêve de seconde classe se forme, qu'il reste au pôle actif de l'action pensante, au moins quelque peu de force nerveuse d'attention dans le domaine îles sens et dans celui de la mémoire. Ce rêve est moins intellectuel, et moins automatique que celui de la première classe : mais il est beaucoup plus sensoriel, plus mémoriel. plus libre dans ses mouvements.
Il y a peu de mes rêves qui aient quelques caractères des rêves, somnambuliques. A peine, si par autosuggestion, il s'est présenté dans leurs cours quelques mouvements intellectuels coordonnés et transmis de la veille au sommeil. Tout le temps que j'ai dormi, mes rêves, très variés, ont presque toujours été. en tout, tirésdu magasin inépuisable de la mémoire. Très rarement, comme on va le voir, ils ont pris leur origine dans les impressions des sens, ou rarement aussi, il s'y est mêlé des matériaux sensoriels dans leur cours. Ainsi une seule fois, j'ai éprouvé une hallucination hypna-gogique. dont l'origine est toujours sensorielle. Quatre fois, une sensation de sécheresse à la bouche ou des besoins mal satisfaits ont précédé ou accompagné mes premiers rêves, et sont entrés pour une bonne part dans leur construction. El pendant la durée du sommeil : de la gène douloureuse dans la position d'un membre, des bruits lels que le tic-lac d'une pendule, le roulement d'un train, le mouvement alternatif d'abaissement el de soulèvement de la paillasse élastique de mon lit. etc., ont été dix fois, causes d'illusions pendant les rêves, el s'y sont transformés en idée d'argent que l'on compte, en idée d'une morsure de chien, d'une canonnade, d'un vol agréable dans l'air, etc. A l'exception de ces quelques cas de sensations perçues dans le sommeil, et du besoin d'uriner qui, d'ordinaire, précède presque tous mes réveils, la grande majorité de mes rêves a été mémorielle dans ses éléments. Celte particularité se comprend : je suis culré dans ma soixanlc-dixième année de vie, el mes sens, à l'exception de la vue et de l'ouïe, sont déjà de beaucoup amortis. Comment mes rêves pourraient-ils être en plus grande partie sensoriels qu'ils ne le sont, quand en outre de cette laihlesse déjà acquise des sens, ces organes, pendant le sommeil en voie de formation ou formé, deviennent encore inoins impressionnables, par la cause qu'ils sont eu forte partie abandonnés de la force nerveuse qui s'est portée, de ces organes sur l'idée fixe qui maintient cet état? Chez moi. les sens cèdent nécessaireinent ici la place à la mémoire toujours bien fournie d'idées.
Autant que j'ai pu m'en convaincre, il est beaucoup de personnes dont les rêves présentent de nombreux caractères sensoriels, soit lorsque le sommeil se forme, soit lorsqu'il est déve-foppé. J'ai été moi-même autrefois dans cette disposition à avoir des rêves de ce genre ; mou sommeil étaul alors plus léger, rendait mes sens moins obtus. Entre autres, j'ai toujours souvenir d'un rêve concernant un incendie réel que je fis, étant étudiant, et dont, avant qu'il ne fut signalé par le tocsin, mon esprit était
déjà occupa, et cola grâce à une odeur particulière tic fumée qui. de loin, arrivai! dans la chambre où je dormais, la fenêtre étant restée ouverte. Maintenant, durant mou sommeil, toute la ville de Nancy brûlerait que mon odorat ne m'en dirait rien.
Les songes que j'ai eus dans les 4 mois et demi d'observations .que j'ai faites sur moi-même, sont tout différents des rêves sora-nauibuliques. Au lien d'être suggérés on autosuggérés et de prendre leur direction dans une voie étroite et avec une certaine logique: au lieu d'être surtout intellectuels et de ne laisserait réveil pas de traces dans la mémoire, etc., mes rêves sont incohérents, et leurs souvenirs, c'est le plus grand nombre, ne s'efl'acent pas de mon esprit immédiatement après la sortie du sommeil. Et loin d'être la continuation d'un mouvement intellectuel allant de la veille au sommeil : loin de naître à la suite d'une idée déposée dans mou esprit par une suggestion quelconque venue du dehors, mes rêves sont d'habitude et en immense majorité construits avec des images visuelles remémorées prises indifféremment dans des scènes récentes et pour la plupart insignifiantes de la vie active îles jours précédents ; maïs associées très souvent à de plus anciennes images. Par un mouvement intestin et involontaire de l'esprit, les images, qui servent à composer mes rêves, ont reparu de nouveau dans ma mémoire, comme à la suite d'un éclairage soudain des objets se reflètent devant une glace, et continuent à s'y reproduire à chaque éclairage nouveau, par une répétition renouvelée et imitalive dont il y a tant d'exemples dans les phénomènes organiques.
Aux images visuelles le plus souvent d'origine récente de mes rêves, se sont associées des images de choses qui se sont passées autrefois. Cette association rétroactive bizarre n'en a augmenté que plus leur incohérence et leur a donné un caractère encore plus étrange. Des psychologues, entre autres A. Maurv. ont étudié l'évolution illogique des rêves et en ont expliqué la marche d'après les lois de l'association des idées. Ils ont fait, sous ce rapport, des observations très intéressantes. Mais avant tout, il faut le dire, le mouvement désordonné des rêves, à quelles lois secondaires ils obéissent, a pour cause primitive un état d'inertie de l'esprit caractérisé par l'absence de volonté : c'est-à-dire, l'impuissance où l'on est de faire «les efforts pour diriger la pensée.
Jamais la série des images de mes rêves n'a présenté un ordre quelque peu suivi, même quand une idée principale a persisté tout le temps de leur durée. Et il eu a été de même, lorsque cette idée principale et fixe a continué de servir tic canevas à des rêve-
ries d'un sommeil ultérieur, ce qui m'est arrivé seulement ileux fois. Toujours, ilnns mes rêves, ma pensée a marché comme un homme ivre, et ces rêves ont toujours échappé à ma direction, parce que je n'ai jamais pu disposer, au pôle d'activité, d'une quantité assez grande île force d'attention approchant même de celle dont disposent les rêveurs somnambules, quand ces rêveurs, tout automates qu'ils sont, suivent une direction où les opérations de l'esprit, presque toujours fausses, deviennent parfois logiques et marquées du sceau de la raison.
En dehors des quelques sensations dont j'ai parlé plus haut, et qui y ont été des éléments rares, je dois dire que dans les cent trente-deux rêves qui m'ont été personnels et dont j'ai pu prendre les observations ; je dois dire qu'à l'exception de ces quelques laits de sensations vraies, j'ai puisé cent trente-deux fois, pour la formation et le développement de chacun d'eux, en grande majorité, dans les éléments imagés et remémorés du sens de la vue. Tout fermé qu'il est pendant le sommeil, et peut-être pour cela, r'est lui qui, de tous les sens, a prêté toujours le plus et en grande abondance, îles matériaux à mes rêves psychiques par remé-moralion. Kl si, au point de vue des images visuelles, mes rêves ont été des tableaux rcmémoratifs, on pourrait déjà conclure que les images venues des autres sens oui du fournir des représentations en môme proportion, chacune dans leur genre. Il n'en est rien : ainsi, les images auditives par remémuralioit. dans ce qu'elles ont eues, en moi, do nettement représentatif, se sont présentées seulement dans cinquante-neuf cas, sur cent trente-deux rêves ; les guslatîves dans quinze ; les tactiles, dans douze ; les viscérales, dans trois ou quatre; les olfactives et celles du sens musculaire, chacune dans un cas; et celles du sens génital pas du tout.
On le voit, c'est surtout le tableau des images luémorîclles
de la vision, images psychiques, s'il en fut, que j'ai, parle souvenir, puisé la grande majorité des matériaux de mes rêves ; et l'on voit aussi que les images venues des sens autres que la vue, v ont été bien moins souvent reproduites. Cela ne veut pas dire que, chez d autres, les rêves soient en aussi lorte quantité visuels, et que les images venant des autres sens ne participent pas à ces rêves, plus souvent chez eux que chez moi. Loin de lu. Je suis porté û croire qu'il doit exister des rêveurs, même en dehors des aveugles, chez lesquels les images des sens, autres que la vue. prédominent; et qu'il yen a présentant des images remémorées en majorité, auditives, tactiles, etc.
Et ce que je viens d'émettre ne porte pas non plus à conclure que toutes les personnes qui font des rêves se rattachant comme les miens au pôle d'activité de la pensée, n'éprouvent pas aussi des réminiscences au réveil qui soient davantage sensorielles que les miennes : c'est-à-dire des rêves où les sensations vraies ne se soient entre mêlées,en plus forte proportion que chez moi avec les images remémorées. Je ne doute pas que les gens nerveux, que les personnes dont les sens sont très excitables, dont les fonctions digestives sont délicates; que des hommes énervés par un tra 'vail agaçant, ne doivent souvent présenter, pendant le sommeil en voie de formation et pendant sa durée, des rêves où les sensations réelles se mêlent aux images sensibles remémorées,'et même en plus grande quantité qu'on ne le croit. Excepté la vue, lorsque les paupières sont closes, —et ce sens alors reçoit encore des phosphorescences lumineuses du dehors. —les sens ne sont jamais fermés entièrement tout le temps que l'on dort : je l'ai démontré pour les somnambules et M. Bernheim pour les dormeurs profonds du sommeil ordinaire. Il n'y a donc rien que de très raisonnable, même sans des preuves sullisantes. d'avancer au'un grand nombre de rêves nés au pôle d'activité de l'esprit, s'y font aussi accompagner même de nombreuses sensations puisées par les dormeurs, autour d'eux et à leur insu, au moment de la formation et de la continuation de leurs rêves. Et ces sensations, ils les doivent certainement ajouter, comme je l'ai fait, mais plus souvent, à des images remémorées.
J'ai pu constater aussi, en m'observant, que les dormeurs légers n'ont par eux-mêmes, faute d'initiative pour compter les heures, aucune idée du temps qui s'écoule, à moins que. par autosuggestion : c'est-à-dire par un effort venu de la veille, ils n'en suivent attentivement la marche, comme il arrive aux dormeurs profonds, quand ils y sont invités, lors de leur sommeil. Alors, quoique dormant même peu profondément, dans leurs rêves, ils comptent à peu près bien les tractions du temps et s'éveillent souvent, an moment à peu près, qu'ils se sont fixés d'avance.
J'ai remarqué aussi que tout ce qui s'est passé dans mes rêves a toujours été rapporté par moi au temps présent ; et si. dans ce qui s'y est produit, au point de vue des idées-images surtout, tout a été dans sa distribution changeant, contradictoire, ce qui y a eu lieu sous le rapport du temps et de l'espace, a été aussi insensé. Ces deux dimensions, dans lesquelles s'écoule la vie y ont été rapelissées ou rallongées dans des mesures fantastiques : des personnages de pays éloignés et morts depuis plus de 50 ans, ont
jour, tels qu'ils étaient autrefois cl où je réside actuellement, un rôle dons mes rêves, et je n'en ai pas été choqué, Instantanément, j'ai franchi de grandes distances, cl pendant longtemps je me su» vu chercher mon chemin dans les carrefours inextricables d'une ville que j'ai habitée, et cela en une durée de inoins de quelques minutes, quand il m'aurait fallu plus d'une heure au moins pour les parcourir eu réalité. Et l'on viendra, après de telles insanités, me soutenir que dans les rêves on est encore capable de volonté-et de libre examen, quand dans ceux où il reste le plus d'activité libre, on accepte sans broucher des absurdités pareilles à celles dont je parle!
Il est un côté de ce qui se passe dans !cs rêves qui a, au moins autant que ce qui précède, attiré mon attention, c'est celui qui a rapport a la vivacité des représentations mentales, entre autres. Il y a des personnes qui. étant éveillées, se représentent, les yeux fermés, la nature et les êtres animés tels qu'ils sont, et ce fait de représentation du inonde extérieur est encore plus commun, mais plus fantaisiste, chez la plupart des dormeurs somnambules. Dans quelles proportions ? Je n'en sais rien. Quoique, à ce point de vue. je n'aie pas examiné beaucoup de personnes autres que moi. je croîs pouvoir dire cependant, d'après certaines inductions,que eo sont déjà celles qui sont sujettes à tomber dans les sommeil profond au plus haut degré.
En fermant les yeux, je n'entrevois, en me liguraul un être quelconque, que des linéaments obscurs de cet être, lineaments so détachant sur un fond gris foncé ; mais si je suis endormi et que je rêve, les traits de cet être sont d'ordinaire moins obscurs dans mon esprit. A quelques exceptions près, du reste, les images visuelles de ce qui me parait en songe, sont vagues, décolorées. A leur tour, les mouvements qui les accompagnent sont tantôt instantanés et sans apparence, et c'est le plus souvent; et tantôt apparents et rapides, mais peu nets. Une, seule fois il s'y est. adjoint une perception réelle, me sentant transporté mollement en l'air, illusionné que j'étais par la sensation des mouvements delà! paillasse elastique de mon lit. Et quant à la scène de presque tous mes rêves, elle m'a paru peu étendue et les personnages en ont été réduits à un petit nombre, ce qui s'accorde avec mes habitudes retirées.
(A suivre.)
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du lundli 17 juillet 1893. — Présidence de M. DUMONTPALLIER.
Quelques exemples de troubles nerveux observés chez des
Musiciens.
Par M. IE Docteur I.LOlD-TuCKEY . île Londres.
Quanti on rapporte des cas traités par l'hypnotisme ou tout autre agent thérapeutique, il est nécessaire de classer les faits pour éviter les confusions et il est à peine besoin de dire que la meilleure classification est celle qui s'appuie sur la pathologie.
Les quatre malades dont je vais parler sont tous hystériques à un remarquable degré. Mais l'hystérie aller le tant de formes et est si répandue que ce caractère est à peine stillisaul : je puis ajouter que tous ces malades sont des musiciens d'un talenI exceptionnel. Trois d'entre eux sont des musiciens de profession. Ils sont tous caractérisés à un degré remarquable par leur tempérament artistique et impressionnable. Il semblerait qu'ils doivent payer par là le tribut du don exceptionnel qu'ils possèdent.
I° OBSERVATION'
M"° F. âgée de W ans. est une pianiste de grand talent. Elle vint me consulter en août 1892. Klle avait eu à supporter beaucoup d'ennuis, venait de faire un beau marinee et était dans une haute situation. Elle n'avait pas d'enfant. La cause de son chagrin avait été la conduite de son unique frère auquel elle était profondément attachée, quoiqu'il fût débauché et prodigue. Elle l'avait soigné durant la maladie qui l'avait emporté, deux ans avant de venir nie consulter. Son devoir avait été d'autant plus pénible à remplir que le malade était assujetti à des excitations maniaques alternant avec tles accès de mélancolie. 11 lui faisait jouer du piano pendant des heures de suite. Il lui avait arraché la promesse de ne jamais toucher son instrument quand il serait mort. Pour le forcer à tenir parole, il lui avait déclaré que si «die manquait à sa promesse il lui apparaîtrait sous une forme terrible.
Outre ses chagrins moraux, elle avait depuis dix ans des attaques d'asthme qui revenaient presque chaque nuit, et d'éternuements spas-modiques accompagnés de douleur et d'inflammation de la conjonctive et suivis d'un abattement semblable à ¡a fièvre de loin, mais qui durait toute l'année. Elle avait suivi le traitement habituel : séjour dans des villes d'eaux ilu continent, cautérisation des cornets du ne/. Elle ne pouvait faire de • promenades en voiture découverts parce que le courant d'air Irais occasionnait l'éternuement ; elle ne pouvait aller à cheval pour la même raison, quoiqu'elle aimât beaucoup ce genre-
d'exercice et elle était devenue très craintive. La santé morale et physique de la pauvre dame était complètement ruinée.
A la première séance elle tomba en somnambulisme; je I hypnotisai trois fois en août et après un intervalle de quinze jours quinze fois en septembre. L'elfe! sur les malaises du nez et du poumon se fil sentir immédiatement. Les attaques d'éternuement et d'asthme devinrent de moins en moins fréquentes et cessèrent complètement après deux semaines de traitement. Elle put venir chez moi en voiture découverte. Après avoir obtenu ces résultats au point de vue physique, j'essayai d'agir sur l'état mental, ce que je trouvai bien plus dillicile. Quoiqu'elle fût profondément hvpnotisée avec amnésie au réveil, la malade nie parlait tout à fait raisonnablement et bien qu'elle se reconnût forcée de faire ce que je lui ordonnai, elle me supplia avec tant d'instance de- ne rien lui faire faire qui pût lui faire mal ou la choquer «pie je trouvai difficile d'insister pour la faire asseoir au piano el placer ses doigts sur les touches. Tout d'abord je lui fis taire le simulacre de jouer de courts morceaux: ensuite j'essayai de lui faire frapper les touches. Elle refusa et comme j'insistai elle eut une attaque d'hystérie aux mouvements convulsifs. Après deux ou trois jours, je la forçai à jouer en pressant fortement sur ses mains qui étaient sur le piano, mais chaque accord sembla lui causer une angoisse intense. Il était manifeste qu'il faudrait beaucoup de temps pour faire disparaître entièrement les effets de la conduite de son frère. Elle arriva pourtant à pouvoir écouter de la musique sans souffrir et à jouer de la guitare. Pendant deux ans. toute espèce de musique avait été terrible pour elle, et elle avait été obligée de sortir quand ou en jouait devant elle.
Ce cas me semble intéressant en ce qu'il montre le pouvoir de l'hypnotisme et ses limites. La suggestion hypnotique fit plus pour la malheureuse dame qu'aucune autre forme de traitement ; en effet. dans un cas semblable, il était a prévoir qu'un traitement ordinaire n'aurait pas le moindre effet. Il est curieux de voir comment les troubles physiques disparurent promptement taudis que les troubles moraux résistèrent il des suggestions répétées. Je ne doute pas que si le traitement avait pu être prolongé l'impression monde intense produite en elle par la demande de sou hère et par sa promesse aurait pu être surmontée. Mais son obstination à refuser la suggestion, quoi-qu' elle fût profondément endormie, montre combien il est facile de s'exagérer son pouvoir sur un espril au préalable fortement millième.
2e Observation
Mlle Dr Belge. àgee de vingt-quatre ans. Elle était cantatrice et avait
tenu des roles importants à l'Opéra. Elle vint me trouver en mai 1892 me disant que sa voix devenue trop incertaine l'avait forcée d'abandonner sa profession. Quand elle avait chanté quelques mesures, elle
se sentait la gorge serrée et sa voix se brisait. Ceci s'était produit dans plusieurs circonstances importantes et elle était devenue si nerveuse qu'elle n'avait plus osé chanter pendant près d'un an. Elle avait consulté plusieurs spécialistes émînents qui lui avaient donné peu d'espoir de guérison. L'examen au laryngoscope ne révéla rien qui valût la peine d'être noté. Quand elle parlait sa voix n'était pas affectée. En plus de ces troubles, elle avait souffert pendant trois ou quatre ans de douleurs et de flatulences après les repas. île dysménorrhée ; les règles étaient peu abondantes et irrégulières ; elle avait de fréquents maux de tête, des palpitations, un sommeil troublé et était d'une nervosité extrême. La malade fui facilement hypnotisée et tomba immédiatement en état cataleptique, mais sans amnésie au réveil..Je lui suggérai d'avoir confiance en elle, de ressaisir sa faculté de chanter, de reprendre des forces et je l'assurai que les autres symptômes disparaîtraient. Elle vint tous les jours pendant quelque temps, puis une fois par semaine pendant un mois. Après ce temps, l'état général s'était fort amélioré, les digestions se faisaient normalement, les nuits n'étaient plus troublées et elle pouvait chanter île courts morceaux sans douleurs ni spasmes, je continuai le traitement tout l'été et durant ce temps elle put accepter quelques engagements, bien que sa voix n'eût pas repris la force et l'ampleur qu'elle avait auparavant. Les règles revinrent régulièrement et sans douleur et le nervosisme disparut. En revenant de mes vacances, en automne, je fus désappointé d'apprendre qu'elle avait de nouveau perdu la faculté de chanter. Cette fois il y avait peu on poiut de spasmes, maïs simplement incapacité. L'état général était bon. L'hypnotisme essayé à nouveau ne produisît aucune amélioration dans la voix. Je fus alors frappé de l'idée que les troubles pouvaient être dus à une manière défectueuse de ehanler et j'obtins que la malade vit une dame professeur de talent, qui lui enseignât à émettre scientiliquenient les sons. Cette dame me dit que Mlle D. essayait de tirer sa voix entièrement du gosier el non de la poilrine ,ce qui la fatiguait et t'avait rendue incapable de chanter. Elle donna donc â la malade des leçons sur la manière de respirer et de conduire sa voix. Le résultai fut que Mlle d. put de nouveau exerrer sa profession avec succès. Il y a dans cette observation quelques points intéressants et pour le médecin ordinaire et pour l'hypnotiseur. Le traitement hypnotique cul pour effet de guérir rapidement les indigestions, les insomnies, la nervosité, les palpitations et aussi la dysménorrhée. Il réussît en partie a ramener la voix. Ceci est d'autant plus remarquable que la cause des troubles— manière défectueuse d'émettre la voix — ne fut pas guérie. A ma connaissance beaucoup de chanteurs ont perdu la voix par suite de l'emploi d'une méthode défectueuse. Souvent le médecin ne s en aperçoit pas. de sorte que le malade continue â lutter jusqu'à ce que les organes vocaux soient irrémédiablement faussés et endommagés.
3e OBSERVATION
Miss G..., une Hollandaise île vingt ans. pianiste de profession, vint me consulter en 1802. Elle se plaignait d'éprouver de la nervosité quand elle était au piano et de la répugnance à jouer devant quclqu un.
C'était un bon sujet hvpnotiquc mais non somnambule. Je 1 hypnotisai trois fois et lui suggérai d'avoir de la confiance et du courage. Le résultai fut satisfaisant, car elle me dit que depuis le traitement elle n'a pas été gênée par le retour de sa nervosité excessive.
4° observation
Miss E.... une Irlandaise de trente ans vint me consulter en mars 1803. C'est une pianiste de profession, et pendant un an elle fut incapable de travailler par suite de toux sèches et spasmodiques qui la prenaient quand elle était excitée si peu que ce fût. La malade était impressionnable et névropathe il un haut degré, mais elle n'avait jamais eu de maladie grave et elle était d'une force et d'une vigueur exceptionnelles, la toux semblait dater d'un grave trouble mental survenu trois ans auparavant. Cela avait beaucoup empiré dans la dernière année. Tous les organes étaient sains, le trouble était évidemment d'origine hystérique. Mais malgré cela il avait résisté à tous les traitements et il empoisonnait la vie de la femme et celle de ses amis. Elle se montra un îles meilleurs sujets que j'aie jamais vus. A la suite de la première séance, elle n'eut plus de toux pendant une semaine. Il y eut alors une légère rechute, elle revint me trouver. Elle n'a pas toussé depuis sa dernière visite avril et semble guérie.
Tolstoï et la philosophie de l'Amour.
Par M. Georges Dumas. professeur agrégé de philosophie. Analyse par M. Alberi Colas.
Un de nos collègues. M. Dumas, a bien voulu faire hommage à noire Compagnie de son étude : Tolstoï cl la philosophie de l'autour.
Vous m avez donni' pour tâche d'en faire un compte rendu, je m'exécute.
Avons-nous affaire à un système, à un corps de doctrines complet, suffisamment distinct qui sera le Tolstofsme? Je. ne le crois pas. Mais, cependant, il est possible de prendre toute l'œuvre de Tolstoï, d eu chercher la cause inspiratrice, l'idée dominante qui revient toujours prendre la première place dans chaque partie tic l'œuvre, pour la ramènera une doctrine, à une philosophie. — C'est ce qu'a fort bien fait M. Dumas.
Il a su condenser en quelques formules simples une truvre conoide-
rable et diverse on ses éléments, qui nous fout loucher du doigt l'influence que Tolstoï n exercé et exerce encore sur la littérature contemporaine.
Le besoin de charité universelle qu'on trouve dans tous les temps, ri qui est représenté par l'esprit chrétien, a pris une acuité toute parti-culiere dans la littérature des Slaves qui, à une sensibilité excessive joignent un nihilisme non moins excessif. — Il y a la un état psychique spécial qui pourra tenter lu plume de quelqu'un parmi les philosophes qui font partie de notre compagnie et M. Dumas aura commencé l'initiation.
Si tes prémices m- sont pas vraies, elles sont simples ; les voici : « La « recherche du sens de- la vie » a amené Tolstoï ûàcelle constatation : que la vie est contradictoire, en ce sens : « que l'on ne vit que pour « être heureux et qu'il se représente son Ininheur comme personnel.
• C'est là tpl'esl la contradiction ; car il s'aperçoit que tous les hommes
• oui même désir et qu ils sont prêts à se disputer le bonheur, dans
• la lutte, la guerre, etc., etc. — Cette contradiction il la cons-- taie : mais il agît comme si elle a'exislail pa«. Il ne sort pas de sou « égoïsme. »
C'est pour l'en faire sortir que Tolstoï écril el «gît : car c est un moraliste et un a poire. — Nous Talions voir sous la conduite de M. Dumas.
Dans sa rriliipie de la société, rien ne reste debout de ce qui constitue tins sociétés modernes oii le désir personnel de jouir a créé tout le mal qui consiste en la richesse des uns et In misère des autres. Tous sont malheureux. le riche plus encore que le pauvre, car il a conscience de la contradiction, ¡1 se -ait engage dans une impasse dont il ne peut sortir.
La science elle-même est impuissante à résoudre la coulradirlion humaine: d'abord parce quelle la nie. qu'elle ne veut pas admettre chez nous deux modes distincts d existence : une vie animale analogue à celle des betes, une vie rationelle qui aspire à être intime. —Qu'elle exige de tous les savants un credo où ton! est phénomène soumis au mouvement et à l'énergie et qu'elle ne voit dans l'humanité qu'un système de forces complexes qu'il s'agit de décomposer. — De là à jeter l'anathème aux savants il n'y a qu'un pas cl Tolstoï le franchit, u Nuisibles sont les savants, nuisible» leurs théories ».
La religion n'échappe pas non plus à la critique -I cependant elle a une supériorité sur la science : elle reconnaît et proclame la contradiction de la vie : — mais aucun des dogmes religieux n'apporte de solution. — Si tous proclament le même besoin de charité que l'apôtre Tolstoï, cs ne sont chez leurs udêles que paroles et rien que paroles : mais lui qui n'e»l pas imstique. qui n'attend pas le règne de la Justice dans l'au delà, des parole» il passe aux actes et c'est dans l'aclion qu'il trouvera la solution. — C'est là que viendmul se condenser les idées de Tolstoï dans un panthéisme socialiste où l'égnïsme viendra se lon-dre pour donner naissance à la philosophie de l' autour.
L'homme croit trouver le bonheur dans l'amour. là encore ¡1 se trompe: car l'amour charnel forme supérieure de fégoïsme ne peut que détruire l'union qu'il devait conserver.
C'est la raison, principe éternel qui gouverne à la fois la nature et l'homme, qui viendra démontrer l'inanité de la vie individuelle, de la vie finie, pour mettre à sa place la vie infinie, la vie éternelle. Quand son œuvre sein accomplie, l'homme, aura trouvé le bonheur qui est de vivre pour les autres.
« Tu seras heureux si tu renonces à un bonheur que tu ne peux » atteindre, pour préférer à lou être périssable l'humanité immortelle « et participer à l'éternelle vie.»
De là. le renoncement au moi. l'amour de tout et de tous avec sacrifice constant : maïs sacrifice inconscient, car le sacrifice conscient pourrait encore laisser place à une satisfaction égoïste.
L'union des sexes pourra encore s'accomplir pour entretenir la vie dans le monde: mais tant qu'elle s'accomplira le bonheur absolu reçus ieni tliins l'avenir, jusqu'au jour où l'amour sexuel disparaîtra pour faire place à un amour infini dans lequel l'Humanité réalisera sa Loi.
Après avoir donné la substance de ce que M. Dumas appelle le Tols-toïsme, il en fait ensuite une critique fort judicieuse et très philosophique quoique un peu admirative; mais qui donc n'admirerait pas un si grand esprit et surtout un si grand caractère?
Dans ses conclusions, nous avons un résumé philosophique excellent qui a le précieux avantage de remettre toute l'œuvre en mémoire et surtout de donner à la philosophie de Tolstoï un caractère sérieux et logique que nous lui aurions peut-être refusé.
Je n'ai pas voulu me livrer, â propos de cette si courte et s! incomplète analvse. à des dissertations philosophiques qui ne touchent du resté que de fort loin à nos études habituelles : j'ai essavé seulement de l'aire comprendre la philosophie de Tolstoï telle que nous la présente M. Dumas en parcourant avec lui les grandes lignes qui sont le fond essentiel de son étude.
Je termine en remerciant M. Dumas en mon nom personnel et en votre nom à tous et j'ajoute que nul ne devra entreprendre de comprendre Tolstoï sans avoir lu cette œuvre.
Habitudes -vicieuses associées chez une petite fille. — Onanisme et onychophagie, traités avec succès par la suggestion.
Par M. le docteur K. Berillon
Il est rare qu'une habitude vicieuse se manifeste isolément chez un enfant. Le plus souvent plusieurs de ces habitudes sont associées et la constatation de l'une d elles doit faire songer à l'existence des autres.
Ces habitudes qui disparaissent facilement chez des sujets normaux.
se montrent d'une extrême ténacité chez les dégénérés. Chez ces malades, il faut recourir à l'emploi de la suggestion hypnotique qui donne habituellement îles résultats favorables.
Pour montrer comment l'onychophagie peut coïncider avec d'antres lares psychiques, je rapporterai brièvement l'observation suivante, qui montre l'effet salutaire de la suggestion hypnotique sur ces diverses tares :
Mlle S. L âgée de douze ans et demi, n'a cessé de se livrer à l'onanisme depuis l'âge de quatre ans. Elle se touche continuellement la nuit : on a essayé, en vain, tous les moyens de traitement, même la cautérisation du clitoris, pratiquée par M. de Saint-Germain.
Au moment oii je l'examine, elle se touche en plein jour, devant les étrangers, avec impudeur. Les mana-uvres de l'onanisme semblent lui procurer des sensations très voluptueuses. La nuit, quand elle s'est touchée pendant quelque temps, elle pousse des cris et réveille les personnes qui couchent dans la même chambre.
Depuis quelques temps, son caractère s'est modifié, elle est devenue irritable, menteuse. Elle commet fréquemment des vols. Quant ou interroge l'enfant sur son habitude, elle répond qu'elle s'y livre malgré elle, parée qu'elle ne peut faire autrement.
L'examen de ses doigts nous révèle qu'elle se ronge les ongles avec rage. Les antécédents héréditaires sont mauvais. Le père était buveur nu moment où il l'a engendrée. La mère est atteinte d'hystérie confirmée. Plusieurs personnes de la famille sont des alcooliques ou des névropathes.
L'enfant se soumet avec docilité à l'hypnotisation. Elle est plongée dans un sommeil profond. Elle n été endormie trois fois à huit jours d'intervalle. Au bout d'un mois les ongles étaient repousses d'une façon appréciable et malgré une surveillance attentive ou ne pouvait plus constater chez elle, ni le jour, ni la nuit, la moindre tendance à l'onanisme La guérison s'est maintenue depuis plusieurs mois.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société dTiypnologle ot de psychologie.
La Société d'hypnologie se réunira en séance ordinaire le lundi 16 octobre, il quatre heures et demie précises, au palais des Sociétés savantes. 28. rue Serpente, sous la présidence de M. le dr Dumont-pallier :
1o Lectures et communications diverses.
2° Présentation des malades.
3° Note sur l'admission de nouveaux membres.
Adresser les communications à M. le Dr Bérîllon, secrétaire général, rue de Rivoli, 40 bis.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Institut mycho-physiologique de Paris, 49, rue Saint-André-des-Arts.— L'Institut psycho-phvsiologiquc de Paris, fondé en 1891 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques île l'hypnotisme, et place sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné :à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les quetions qui relèvent de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée à l'Institut psycho-phvsiologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis-et samedis, de dix heures à midi. Les médecins et étudiants régulié-remeut inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Des conférences sont laites le jeudi, à dix heures et demie, par M. le Dr Bérillion, sur les applications cliniques de la suggestion et de l'hypnotisme, etc. Une série de leçons commencera le 5 octobre. Ou s'inscrit à la Clinique.
M. Ie Dr J.-O. Jcunîngs fera le samedi des démonstrations pratiques l'electro-physiologue.
Distinctions honorifiques
Nous enregistrons avec le plus grand plaisir la nomination au grade de chevalier de la Légion d'honneur de M. le Dr Thulié. professeur à l'Ecole d'anthropologie et de M. le Dr Babinski, médecin îles hôpitaux de Paris.
Esprits frappeurs.
Qu'il nous soit permis de l'aire mention d'une communication des plus intéressantes, quia été faite au Congres de Besançon par M. le professeur Schiff. non en séance de section, mais inter pocula.
Nous étions à la période des toasts d'un repas succulent offert, avec une exquise cordialité, aux membres médecins du congres par la Société de médecine de- Besancon et de la Franche-Comté, lorsque M. le professeur Schiff, se levant, demanda qu'on lui prêtât un peu d'attention et s'exprima ainsi :
« J avais été appelé auprès d'une jeune fille hantée, disait-on. par les esprits, en particulier parles esprits frappeurs. Depuis longtemps, elle était dans cet étal démoniaque couchée, étendue dans sou lit. Lorsque j arrivais, je trouvais la jeune fille dans cette position, recouvnte jus-qu' au cou par ses couvertures, et paraissant en léthargie. On me dit de vouloir bien attendre quelques instants, en faisant silence : que les esprits frappeurs ne tarderaient pas à se manifester par leurs bruits accoutumés, En effet, bientôt j'entendais des bruits, d'abord faibles, comme lointai-nement frappes à une porte, puis de plus en plus forts, comme frappés
dans la chàmbre, vibrants, secs. Ces bruits se répétaient, très distincte sans que rien ni» bougeât dans la chambre, sans que la jeune fille parût sortir de son sommeil léthargique, sans que le moindre mouvement :iit pu être perçu dans le lit. sous les couvertures. Cependant, il n'y avait aucun doutepourmoi; ces bruits secs, vibrants, provenaient du lit. Un examen de celui-ci me démontra qu'il n'y avait rien de suspect.
Je sortis d'àuprès de la jeune fille convaincu que c'était elle-même qui produisitit ces bruits vibrants et secs, que c'était elle qui représentait les esprits frappeur».
« Mais, me disais-je, le corps humain est composé d'éléments humides. Comment donc peut-il produire des bruits secs ? »
Ce nouveau problème psycho-physiologique me passionna au plus haut point. Je me rappelais que les bruits des esprits frappeurs étaient vibrants et à tonalité basse; c'était l'indice qu'ils étaient produits par la vibration il une corde tendue, assez longue. Je pensais aussitôt il un tendon du membre inférieur. Mais comment pouvait-on faire vibrer un tel tendon Ml fallait pour cela que le tendon, tendu par la Contraction, lut pour ainsi dire pincé, sautât par exemple d'une apophyse, dans une dépression. Or le tendon des longs péroniers latéraux pouvaient réaliser ces conditions; tendus ils peuvent sauter par dessus les petites crête-, qui séparent leurs gaines derrière la malléole externe.
Je me mis donc il 1'œuvre pour vérifier cette hypothèse, et après des exercices variés, d'abord eu appuyant la pointe du pied contre le mur. puis sans appui aucun en faisant remuer à peine le pied. Je suis parvenu à avoir aussi mes esprits frappeurs, au point que je puis faire jouer la Marseillais?, ù mes esprits frappeurs, c'est-à-dire à mes tendons longs péroniers. comme vous pouvez en juger, a
M. le professeur Schiff, très applaudi, se mettant au milieu de l'immense salle, assis, sans avoir l'air de remuer le pied, nous lit enteudn-el sentir les bruits nets. secs, vibrants, s'entendant clairement à plus de deux mètres, qu'il produisait en contractant ses longs péroniers latéraux et eu les luxant tant soit peu.
Telle rst la légende merveilleuse des esprits frappeurs.
Le délire cofeinique.
Depuis trois ou quatre ans, M. Faisans a été frappé par quelque faits dans lesquels la caféine a paru provoquer une excitation cérébrale intense, de l'insomnie et même du délire. Dans l'un de ces cas. un délire violent, avec prédominance d'hallucinations visuelles, débuta dès la première injection de caféine; il persista aussi longtemps que le médicament fut continué et avec la même violence pendant les vingt-quatre heures qui suivirent la suppression de la caféine; puis il diminua et disparut finalement deux jours après. Dans ce cas, comme dans deux autres à peu près semblables, il s'agissait de malades atteints de pneumonie et pour lesquels l'action stimulante diffusible de la caféine devrait être recherchée.
La fréquence du délire chez les pnenmonîques est bien connue ; mais il est fort rare qu'il revête le caractère hallucinatoire au moins au degré où il existait chez des malades auxquels il est fait allusion et qui en outre avaient une température normale au moment où le médicament fut employé. D'autre pan. dans les trois observations et dans plusieurs autres dont l'auteur a gardé le souvenir, il y eut une coïncidence tout à fait frappante entre le commencement du traitement par la caféine et l'apparition du délire, entre la suppression de la caféine et la disparition du délire.
M. Faisans est donc convaincu que la caféine peut produire un délire violent à caractère hallucinatoire hallucinations visuelles surtout et susceptible, comme tous les délires de cet ordre, de conduire à des tentavives de suicide.
Resterait à savoir s'il est nécessaire, pour que la caféine ait ce résultat, qu'il existe un état névropathique spécial, jouant le role de cause prédisposante. Deux de ces trois cas tendraient à le faire admettre, car il s'agissait dans l'un dune vieille femme dont le système nerveux laissait fort à désirer, et dans l'autre d'un névropathe doublé d'un alcoolique. Mais peut-être aussi n y a-t-il là qu'une coîncidenccde hasard.
L'auteur pense donc, en résumé, que la caféine peut produire certains effets d'intoxication, dont le plus important est un délire hallucinatoire et que par suite son action doit être attentivement surveillée, surtout lorsqu'il s'agit de malatles nerveux ou alcooliques.
Association de la Presse médicale.
Réunion du 7 juillet l893. Le 3e dîner statutaire, pour l'année 1893, de l'Association de la Presse médicale, a eu lieu au restaurant Mar-guery. Dix-sept membres ont assisté à cette séance que présidait M. le professeur Corail, et à laquelle ont pris part les deux membres nouvellement admis. MM. Fournier et Bérillon.
Candidatures : M. le professeur Fargues, de Montpellier, pour le journal le Nouveau Montpellier médical ; parrains : MM. Comil et Dujardin-Beaumelz : rapporteur : M. Landouzy.
M. le- Dr Olivier, pour le journal les Annales de la Policlinique; parrains : MM. Auvard et Doléris; rapporteur : M. Chouppe.
Ces candidatures seront rapportées au dinerdu 1er vendredi d'octobre. On informe les membres présents de la réponse négative de la Cie des chemins de fer de l'Etat, qui n'a pas consenti à faire à l'Association les réductions consenties par d'autres Compagnies. Celle du Midi n'a pas encore répondu : on répétera les démarches.
M. le Président, dans une communication spéciale, fait le récit, très intéressant, des démarches qu'il a laites pour obtenir l'adoption, par la Commission de l'armée, de sou projet de loi. qui permet aux elu-diants de ne faire leur service militaire que lorsqu'ils sont pourvus du diplôme de docteur en médecine, il raconte les difficultés qu'il a ren--contrées et qui ont amené un ajournement du projet.
Après une discussion approfondie, la réunion décide que chaque directeur de journal fera ses efforts pour que la Commission de l'armée, éclairée sur les véritables intérêts du pavs, revienne sur sa détermination. Le prochain dîner aura lieu après la clôture du Congrès international de Home. en octobre.
La force des mains chez les nouveau-nés
On sait qu'un des caractères les plus marqués, chez les singes de toutes espèces, c'est l'aptitude à se tenir suspendus par les mains, aptitude qui joue un ride important dans leur mode d'existence et qui développe leur poigne à ce point qu'on a pu comparer la main des anthropoïdes à un véritable grappin. Cette faculté n'existe d'ailleurs pas seulement chez les singes adultes, et les nouveau-nés la possèdent également : quand une guenon s'enfuit, sautant de branche en branche, elle ne s'occupe pas de son petit, qui sait s'accrocher à la fourrure de sa mère et ne reste jamais en route.
M. Louis Robinson a eu la curiosité de rechercher si, dans l'espèce humaine, les nouvéau-nés présentaient une aptitude analogue. Il a examiné, à ce point de vue. une soixantaine de bébés de moins d'un mois, la plupart dès les premières heures après la naissance, et dans tous les cas, sauf deux, il a constaté que reniant pouvait se tenir suspendu par les mains, soit aux doigts de l'observateur, soit à une baguette de même diamètre, pendant 10 secondes au moins. Dans 12 cas. chez des nouveeu-nés d'une heure, la suspension dura une demi-minute, et, dans 3 cas. près d'une minute 1/2 à 2 minutes 35 secondes. Dans un cas même, l'observateur vit un enfant lâcher prise de la main droite au bout de 10 secondes et se tenir suspendu par la main gauche encore pendant 5 secondes.
Ce sont là des observations dont les résultats sont assez imprévus.
Épidémie de contractures hystériques dans une école de village.
Le fait suivant est à rapprocher de l'épidémie de contracture des extrémités qui a été décrite par M. Jules Simon.
Le Journal de médecine de Bruxelles rapporte, d'après Hirt (de Berlin . qu'une fillette de 10 ans fut prise un jour pendant la classe d'un accès de tremblement débutant par la main droite et s'étendant à toute la musculature du corps. Durée, une demi-heure : terminaison brusque par des phénomènes convulsifs. Le lendemain plusieurs autres enfants présentent des accidents identiques et depuis lors ces phénomènes se reproduisent tous les jours et vont en s'aggravant.
Un mois après l'accident initial, le nombre des malades, petites paysannes vigoureuses et bien constituées, toutes bien portantes précédemment, s'élevait à vingt. A la fin de l'année scolaire. 38 fillettes étaient frappées : aucun des garçons la classe était mixte n'avait été atteint.
A la rentrée, il n'était plus question de rien, mais bientôt quelques
fillettes se plaignirent de violentes céphalalgies, Elles Dirent renvoyées chez elles et. peu à peu. tout rentra dans l'ordre.
Hirt a examiné plusieurs de ees enfants et décrit iansi les crises qui Reproduisaient. L'accès débutait par un.tremblement généralisé, auquel succédait la contraction musculaire; accélération de la respiration, bouche écornante, puis crampes toniques et cloniques, arc de cercle, hallucinations, conceptions délirantes, etc. D'autres enfants aboyaient pendant l'accès. La compression ovarique ne pouvait faire avorter l'accès. Aucun des 32 garçons qui suivaient la même classe ne devînt malade.
Il s'agit ici d'une véritable épidémie d'hystéro-épilepsie.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
E- Mollin. — La Vulgarisation médicale Broehure in-8°, le 17 avril 1893). Pinel. — La Régression sensorielle dit sens de la cue (15 pages ir.-12). Schorenck-Notzing. — Die Psychiscke und Suggestive Behaivlluag der Neuras thenie ( Du Traitement psychique et suggestif de la neurasthénie). Brochure. in-8:
Ch.. Vie. — De là Scoliose hystérique. Thèse (in-5° de 63 pages. G. Steinheil, Paris, 1892).
W. Wundt. — Hypnotisme et Suggestion, étude critique traduite de l'allemand, pur A. Keller (U'n volume in-12. 167 pages. Félix Alcan. Paris 1893). Zambaco-Pacha. —Lèpre dans le midi de ta France, en 1893. — Communication faite à l'Académie de Médecine, le 9 mai 1893 (in-8° 62 pages. G. Musson, Paris. 1893).
Jules Voisin. — L'idiotie (Un volume cartonne, in-12. 292 pages avec 17 gravures.
Félix Alcan. Paris. 1893). Félix Alcan. Paris. 1893). A. Mac Donald. — Ahuorinal man being essays on education and crime. was
kington (445 pages, in-8. Washington, 1883). Flournay. — Des phenomènes de synopsie [audition colorée] (Avee 82 figures,
in-8. 260 pages, Félix Alcan. Paris. 1893. 6 fr.).
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
Nous invitons nos lecteurs a compléter, par leurs indications, les lacunes et les omissions de l'Index bibliographique.
L.. bremier. — Cas d'astnsie-abasie hystérique. Demande de dommages-intérêts. (The Journal nf Kereons and Mental Diseases. 1er janvier 1893. p. 13 ù 27.)
BRUGIA — Hysterie masculine d'origine toxique, et folie les acte-.. (Il Manico Moderno. VII. fasc. 2 et 3. p. 312 à 334.)
A. BINET et V. HENRI. — La Simulation Je la mémoire. (Revue Scientifique. 10 juin 1898.)
W. r. BECHTEREW. — Ueber die Gesohwindig-koitsvcran torun.ren der psychischen l'roccssc zu verscîiieJenen Tageszeiten. (Neurologischers Centralblatt, 1893.)
Uhecer et Fkkud .— Du mécanisme psychique des phénomènes hystériques, ( Ueber den psychischen Mechanismus ) Wien. mat. Presse, nos 4 et 5.
DROBNER. — Psychoses et névroses de chemin do fer. (Wien. Presse n°s 15 et suiv.)
DONATH — De l'hynoptisme et de la thérapeutique par suggestion.(Wien . med Wochen nos 5 et suiv.)
L'Administrateur-Gérant: Emile BOURIOT.
170, rue Saint-Antoine.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
Octobre 1893.
ALIÉNÉS CRIMINELS AYANT LES APPARENCES DE LA RAISON (1)
Par M. le Docteur Rouby, Dîrecteur de la Maison de saule, à Dôle.
La théorie italienne des aliénés tous criminels, que nous ne discuterons même pas. a eu du moins ce résultat de nous faire étudier de plus prés la question et do nous faire reconaaitre que parmi les criminels, un certain nombre ont commis l'acte punissable sous l'influence de la maladie; comme conséquence qu'ils doivent n'étant pas responsables, être enfermés dans un asile publie ou privé, nu lieu d'être condamnés à la prison, aux travaux forcés ou à la mort.
On peut diviser les criminels en quatre classes au point de vue médico-légal :
1° Les criminels avant toute leur raison ;
2° Les criminels à responsabilité limitée;
3° Les criminels aliénés avec les apparences de raison;
4° Les criminels aliénés dont la folie n'est pas douteuse.
Aujourd'hui je m'occuperai seulement de la troisième classe, c'est-à-dire des criminels ne paraissant pas aliénés et malgré cela irresponsables et ne pouvant subir une condamnation quelconque.
Nous relaterons ici seulcmeut deux observations ; dans la première c'est un père qui veut luer sa lille, mais le meurtre n'a pas été commis; dans la seconde, au contraire, un lils qui veut
tuer son père, il y a eu tentative d'assassinat. Ces doux faits sont intéressants A plusieurs litres, nous allons les raconter.
La première observation présente cette particularité qu'un meurtre faisant une impression très grande sur le cerveau du malade, a déterminé peu à peu l'idée homicide. Le sujet de l'observation est un propriétaire cultivateur, riche, vigoureux, rouge de teint, non alcoolique, d'une forte constitution ; marié, heureux en ménage, il n'a qu'un entant, une jeune fille de douze ans. Tout alla bien jusqu'à l'innée 1891 : le père n'avait jamais eu aucun trouble de l'intelligence ni dans son enfance, ni dans sa jeunesse ; il n'avait même éprouvé aucune maladie générale grave. A cette époque survint dans sa famille un terrible événement qui. en frappant M. X... dans ses affections, amena peu à peu une perte d'équilibre dans sou cerveau.
Son beau-frère étuit un alcoolique ; dans un accès d'ivresse, il frappa sa femme et la tua. Arrêté, il ne fut condamné qu'à deux ans de prison ; sou temps de peine fini, il revint habiter quelques mois le môme pays. M. X... éprouva un violent chagrin de la mort de sa sœur qu'il aimait beaucoup : il l'avait vue, morte, couverte de sang et en avait éprouvé une impression épouvantable. En même temps une haine féroce se faisait jour contre son boau-frère : il l'aurait tué si on ne l'avait empêché. Pendant tout le temps du procès. M. X.. avait des cauchemars, se réveillait en sursaut et restait dans son lit les yeux ouverts voyant le sang couler du corps de sa sœur ; il prenait, en imagination, un rouleau pour courir sur son beau-frère et le lui plonger dans le ventre. Il grinçait des «lents de rage contre lui. Il espérait que l'échafaud serait une peine trop douce ; lorsqu'il entendit l'arrêt qui ne le condamnait qu'à quelques années île prison, il étouffa de colère. Pendant la durée de la peine de son beau-frère, ses sentiments contre lui ne s'apaisèrent pus et sa haine resta à l'état aigu.
La vue de l'assassin lorsqu'il rentra dans le pavs l'exaspéra : if parlait jour et nuit de le tuer, il le menaçait et sa le m me dut cacher ses armes et prendre des précautions pour qu'un nouveau crime ne lût pas commis.
Enfin le meurtrier après avoir vendu ses propriétés, quitta le pays; on ue le revit plus. Il sembla qu'en ce moment, les sentiments de vengeance eussent dû s'éteindre et laisser le malade en repos ; il n'en fut pas ainsi ; il arriva alors une chose étrange : cette idée de meurtre qui avait duré si longtemps, ne trouvant plus â se porter sur l'objet de sa haine, se porta sur la personne qu'il aimait le mieux au monde, sur sa petite fille.
Il avait pour ainsi dire tenu un poignard suspendu sur une tôle ; cette tête manquant, c'est sur une autre tète, celle de son enfant,
que le poignard reste toujours suspendu.
Les sentiments de haine, le désir de la vengeance contre son beau-frère étaient choses raisonnables ou du moins avaient leur raison d'être, c'étaient des tentations d'un homme sain d'esprit: tout à coup le même sentiment en changeant d'objet devient celui d'un fou.
M. X... à ce moment est un aliéné. Ce sentiment ne s'accompagne pas de haine, bien au contraire, M. X... adore sou enfant. Il la gale, mais il veut la tuer, il ne voudrait pas qu'il lu! arrivât le moindre aeeideut. il serait au désespoir si elle était prise d'une maladie, mais il veut la tuer. 11 travaille encore pour lui ramasser une plus forte dot, il veut lui laisser une fortune plus grande que celle qu'il a reçue, mais il veut la tuer.
Cette pensée le désole, il verse des larmes amères. il s'arrache les cheveux ; pendant une nuit d'insomnie comme il en a tant, M. X... s'est vu armé d'un couteau prêt à frapper sa fille. Cette image est restée et maintenant il a quelque chose en lui, dit-il, qui le pousse : Tuc-là. tuc-là. Il peut résister a la tentation le plus souvent: mais parfois elle est irrésistible,l'impulsion est trop forte, il réveille sa femme : « Emmène l'enfant, vite. vite. ». — Lorsque reniant n'est plus là, il se calme mais toujours l'idée persiste. Dans le jour il regarde de loin sa petite-fille jouer avec les enfants de son âge; il pleure de ne pouvoir l'embrasser et rétreindre dans ses bras, mais en même temps l'impulsion revient et il cherche son couteau dans sa poche. À plusieurs reprises, sur sa demande, on a dû placer l'enfant au loin chez des parents, pour éviter un malheur. Mais lorsqu'il u été privé de sa présence pendant deux ou trois semaines, il souffre de son absence et, accompagné de Mme X.... il part avec le plus vif désir de l'embrasser; alors il a peur, me dit-il, de trouver au fond de sa pensée le désir de l'assassiner.
Il faut noter chez ce malade un symptôme que nous avions lait remarquer déjà dans d'autre cas, le changement de personne à tuer. Comme depuis deux semaines il n'avait pas vu son enfant, il arrive qu'un jour, l'idée homicide changea de but et qu'il déclara froidement à sa femme qu'il avait le désir de la faire mourir. Cette idée homicide contre sa femme n'a duré qu'un jour, le lendemain c'est contre l'enfant que l'obsession revient.
Depuis six mois l'exploitation agricole est négligée; M. X. n'a de goût à rien, il n'aime plus le travail, il surveille encore son
bétail par habitude mais sans plaisir: du malin au soir il se désole. Il aime changer de place, il ne se trouve bien nulle part, volontiers il se ferait errant, vagabond.
Je conseille à Mme X... l'internement de son mari pour deux raisons : 1° suivre un traitement : 2° être éloigné pendant quelques mois de sa petite fille. I.e malade accepte, n'inquiétant moins de lui-même que du danger que son enfant court en babilant auprès de lui. mais il hésite encore à s'interner volontairement et il retarde son entrée.
Etudions ce cas au point de vue médico-légal et voyons ce qui scrail arrivé si un crime eut été commis : M. X... a cédé à l'obsession et a lue sa fille. Il est bien certain que cet acte étant accompli sous l'empire' d'une idée maniaque, n'entraine pas la répression. M. X... pour nous est un aliéné très caractérisé, l'irresponsabilité est complète, le crime n'a été qu'un symptôme d'une maladie mentale. Ce n'est pas la prison, c'est l'asile d'aliénés qui doit recevoir ce malheureux malade. Remontons plus haut, continuons nos suppositions et admettons un instant que M. X... comme il le voulait, ait tué son beau-frère lorsque celui-ci revint au pays à sa sortie de prison. Comme nul n'a le droit île se faire justice et surtout de frapper, que l'arrêt soit juste ou injuste lorsque le crime a été expié, M. X... aurait été arrêté et aurait passé en cour d'assises. Il est évident qu'à ce moment on n'aurait vu qu'un crime ayant la vengeance pour cause et pour but; peut être même ne serait-il venu à l'esprit de personne de faire examiner M. X... au point de vue mental ; en admettant qu'un médecin ait été commis, certainement il n'aurait trouvé aucun symptôme d'aliénation, il n'aurait reconnu aucun affaiblissement intellectuel, il n'aurait pu donner aucun prétexte à l'application des circonstances atténuantes. Pourtant, en relisant attentivement cette observation, un doute est permis. En voyant ce passage subit du délire du malade qui veut tuer un coupable sous l'influence d'un sentiment mauvais mais raisonuablc et qui. le coupable manquant, veut tuer un innocent, sous l'influence d'une idée délirante, on se demande si déjà l'idée de tuer son beau-frère n'était pas une idée obsédante, un svmptôme de manie homicide, une manifestation de la folie.
Chez ce malade, ce qui constitue la folie est de tenir le couteau suspendu au-dessus d'une tête coupable ou innocente ; si M. X... n'est pas responsable en le laissant tomber sur la tète de son enfant, il ne l'est pas non plus en le laissant tomber sur la tète de son beau-frère.
En sorte que dans ce cas il y aurait eu une grave erreur judi-
cíaîre commise, bien qu'excusable; un aliéné irresponsable cul été comíanme. Continuons nos suppositions; le beau-frère est revena le mois passé dans son pays ; M. X... en apprenant son retour est transporté île rage, l'idée obsédante de tuer sa fille lui sort de la tète : c'est son beau-frère qui devient l'objet de sa colère ou de son délire, un assassinat est commis. M. X... est arrêté et passe eu cour d'assises, niais aujourd'hui le procès change complètement de face : les idées obsédantes du malade sont de notoriété publique, le médecin commis connaît le malade, son rapport conclut à l'irresponsabilité. Le même crime aurait eu des conséquences bien dilíérenics dans les deux cas-, dans le premier condamnation à une peine grave, dans le second, internement dans un asile.
l'eut-ètre plus souvent qu'on ne le suppose, se produisent des cas analogues à celui-ei. dans lesquels le crime n'est que le symptôme de l'affection mentale ; on croit punir un coupable ; on frappe nu malade déjà irresponsable. Ce n'est que plus tard lorsque le malade subit sa peine que l'on voit évoluer la folie, on comprend seulement alors que l'arrêt de la justice a frappé un innocent et a puni un premier acte d'aliénation mentale, on a vengé la société lorsqu'il fallait seulement la protéger.
Malheureusement au moment du crime, rien ne pouvait faire reconnaître la maladie ; tout le monde se trompe ; si l'erreur est excusable, elle est profondément regrettable par les conséquences qu'elle peut avoir. Dans des cas pareils, lorsque par l'évolution des symptômes il est bien avéré que le crime commis l'a été sous rintluenec de la folie, on devrait pouvoir réviser le procès et rendre au pauvre aliéné sinon la liberté du moins l'honneur que sa condamnation ;i fait perdre à lui et à sa famille.
Dans une autre observation nous n'avons plus seulement allairc à des idées obsédantes pouvant amener la mort, mais bien à une véritable tentative d'homicide.
I.e sujet est un dégénéré comme dans les cas précédents, il n'y a pas de cas d'aliénation dans sa famille, mais le père est un alcoolique invétéré, il était alcoolique avant son mariage, il l'est encore après; ce n'est pas un ivrogne qu'on rainasse dans la rue : c'est un buveur toujours debout qui commence le malin et ne finit de boire qu'à minuit, il est toujours cuire deux vins pour me servir d'une expression populaire.
Ce père a supporté admirablement l'alcool ; il est bruyant, tra-cassicr. emporté mais nullement méchant. Le malade est élevé jusqu'à l'âge de 12 ans chez ses grands-parents, intendants dans
une grande famille, avec les enfants d'un prince. Il est gaté bso-lumcnl. sets grands-parents sonl soumis à tous sos caprice; d autre part, il prend des goûts et des habitudes qui ne sont pas ceux de sa posilion future dans le monde: dès celle époque quelques scènes de colère orgueilleuse se produisent, il retourne chez son père à 13 ans. Place dans un collège secondaire, il travaille beaucoup, esl un des premiers de sa classe, mais il ne s'amuse pas avec ses camarades; à 14 ans il a les goûts d'un homme de 40 ans ; au lieu de jouer il s'occupe de questions métaphysiques. A la fin de ses éludes se produit un premier symptôme île maladie : il est un des plus forts de sa classe, il a toutes les chances de passer un bon examen; or il quitte brusquement le collège et revient chez. lui. Il demande alors à entrer dans une école de commerce et commence dos études préparatoires : au bout de l'année il est le troisième de sa classe, mais à la veille de passer l'examen, il se sauve comme la première fois, sans dire où il va; comme explication il raconte plus tard qu'il n'était pas assez, fort en langue étrangère. Il a cent francs dans sa poche, il vient à Paris, visite les monuments de la capitale, ne s arrêtant jamais, errant la nuit sur les boulevards sans but et sans motifs. A la lin du troisième jour, l'idée lui vient d'aller à Marseille: il pari aussitôt, La. pendant plusieurs jours il erre dans les rues; lorsque ses ressources sont épuisées, il vil comme un misérable, couche dans les asiles de nuit, puis prenant la route du bord de la mer, il va devant lui vivant d'aumônes. Enfin il écrità ses parents pour leur demander de l'argent pour vivre, s'ils le veulent bien, dit-il.
Son père accourt pour le chercher: le lils lu borde comme s'il l'avait vu la veille, sans éprouver aucune émotion, s'étoiiuaut de le voir. Pourquoi es-tu venu? Il ne comprend pas l'anxiété de ses parents. Depuis ce moment il vit a la campagne dans sa famille. Bientôt surviennent des froissements entre ses parents qui voudraient le voir travaillera la culture et lui qui ne veut s'occuper que de lectures scîentifiques et autres: des scènes ont lieu : aux reproches du père, il répond par des injures, bientôt il ne peut plus le supporter. Enfin un jour le père qui pourtant aime ce lils unique plus que lui-même, est exaspéré par ses injures et lui lance de loin un morceau de bois qu'il lient à la main, le fils riposte en lui lançant le même bâton : le fils a été légèrement touché à la tète : il en est résulté une bosse sanguine insignifiante qui disparait le lendemain. Cette altercation va être le point de dépari de l'idée maladive. A ce moment nait chez M, Y... la pensée de luer son père: le coup qu'il a reçu lui donne, croit-il, le
droit de lui ôter la vie. Cette idée devient obsédante et impulsive, à deux reprises il veut mettre son projeta exécution et la scronde tentative a lieu avec préméditation. L'idée homicide n'existe pas continuellement; elle nait au milieu de ce que la famille appelle une crise. Ces accès surviennent ainsi; tantôt sous l'influence d une contrariété, tantôt sans cause connue; il devient pâle, sa physionomie change d'expression, ses yeux deviennent brillants et pleins de fureur. « sa mère dit : voici mon fils fou », alors éclate une violente scène de colère: le jeune homme injurie son père, plus rarement sa mère: il menace, il veut frapper; il casse les meubles et les portes; puis la crise passe, il est calme, doux, parle comme tout le monde et donne des explications plausibles des faits qui viennent de se passer, en sorte que ceux qui l'entendent après coup, ne peuvent croire que c'est un acte de folie qu'il a commis, tandis que les témoins de la scène ne doutent pas que ce qu'ils ont vu ne soit l'effet, non d'un accès de colère, mais d'un accès de folie. Dans une de ces crises, il poursuit son père avec une bûche de bois disant qu'il veut le tuer, tout le village est ameuté par ses crîs : le père s'est enfermé et il faut plusieurs personnes pour contenir l'enfant qui essaye de briser la porte pour arriver jusqu'à lui. Quelques jours après il monte dans une chambre haute, un énorme bloc de pierre et il guette son père pour l'écraser au passage. Lorsque celui-ci sort de la maison, il précipite la pierre qui, heureusement tombe â côté en effleurant le bras. Sa volonté est très précise ; il a voulu tuer son père ; il me le dit encore huit jours après, au moment de son entrée, d'une façon très nette; il n'a aucun remords de son acte, il a voulu le tuer, dit-il. parce qu'il a des manières communes qui l'exaspèrent. — Je lui parle de ses sentiments religieux très exaltés chez lui lorsqu'on nous l'amène il récite son chapelet pendant la route', mais il n'a rien fait de mal : il a eu raison de vouloir tuer son père, telles sont ses réponses. — Son père quitte sa maison et et va se réfugier chez des parents dans une ville voisine; on espère que la vue de celui qui est l'objet de son délire des persécutions fera cesser les mauvaises pensées et tranquillisera son esprit.
Pendant les jours qui suivent, les mêmes accès de colère se reproduisent : pendant une de ses crises il regarde fixement sa mère et lui dit : « Toi aussi, tu y passeras ». Un autre jour, tout à coup, pendant une crise, il monte dans sa chambre et fait partir une espèce de machine infernale qu'il a préparée avec une amorce pour allumer la poudre. Le bruit de l'explosion est énorme, sa mère me raconte qu'il a placé la machine sur une table en la diri-
géant contre lui et qu'il a voulu se tuer, comme il l'a dit tout d'abord, mais que le marteau en frappant l'amorce a fait dévier le projectile qui a été s'enfoncer dans la cloison. Aujourd'hui il me raconte que c'est une farce qu'il a voulu faire pour effrayer ses parents et se rendre redoutable. A-t-il voulu effrayer? A-t-il voulu se suicider? Que doit-on croire?
Dans la même journée il voit une grande échelle placée contre une maison qu'on réparc, tout à coup en présence de sa mère, il pousse des cris, escalade l'échelle, grimpe sur le toit, court sur le faite, en criant qu'il va se précipiter. Arrivé au bout du pignon, il aperçoit un de ses amis qui est venu le voir, il descend aussitôt, ne crie plus, serre cordialement la main à sou camarade et lui explique qu'il a voulu faire un peu de gymmaslique
Ses parents se décident à l'interner et le médecin de la famille qui a suivi le développement de la maladie signe un certificat qui conclut ainsi : « le soussigné certifie qu'il est prudent de faire interner le plus lot possible ce jeune malade dans une maison de santé pour chercher son rétablissement d'abord et aussi pour éviter les accidents que son état mental pourrait occasionner ».
Au montent de quitter son domicile. M. Y... met ses souliers pour parlir : un cordon casse ; aussitôt, crise île colère violente ; il entre dans sa chambre, en frappant la porte à la casser, s'enferme et, pendant deux heures, se laisse aller à la fureur, tapant les meubles, criant, injuriant sans s'inquiéter de la personne qui l'attend et pour laquelle ordinairement il a un grand respect.
Le malade pendant trois mois de présence dans la maison de santé, ne donne aucun signe d'aliénation mentale: aucune crise de colère ne survient; parfois lorsque je le pousse un peu dans la discussion, je vois son œil s'allumer et devenir méchant, mais cela ne dure qu'un moment; la volonté est assez forte pour le retenir; ceux qui l'approchent et causent avec lui ne peuvent croire qu'il soit aliéné. Il s'occupe de lectures scientifiques, prend des notes, s'occupe d'agriculture : avec tout le monde il est poli, gracieux, beau parleur, charmant les gens par son esprit, sa complaisance et ses bonnes manières.
Ses parents viennent le voir, ses oncles cl cousins d'abord, puis sa mère; il est très affectueux, s'étonne qu'on l'ait interné pour de simples plaisanteries; dit qu'il les regrette profondément et qu'il ne les recommencera plus; se dit très malheureux d'être séparé de sa mère cl demande sa sortie. Son père vient le voir, avec lui il est moins affectueux, pourtant il l'embrasse, et se lient convenablement ; son œil reste dur pendant l'entrevue; le malade
reste glacé au milieu «les effusions du père: d'autres entrevues avec le père ont lieu, elles ont le même caractère, aucune crise ne survient : aucun reproche ne se produit, aucun mot de haine ne se dit : le malade reste froid, mais ¡1 est très convenable. Je laisse le malade en liberté faire des promenades an dehors, d'abord accompagné d'un gardien, puis avec un autre malade, puis seul : tout se passe bien. Je ne m'oppose pas à la sortiedéfînitive : mais j'avertis la famille que cette forme de maladie ne se guérit jamais bien et que le jeune homme peut-être encore dangereux. Il est convenu qu'à la première crise de colère on l'internera de nouveau. Le jour de son départ un fait se passe qui nous montre que le malade est loin d'être guéri complètement et que son délire des persécutions persiste. Il m'a demandé à aller au devant de son père, jusqu'à h gare, ce que j'ai autorisé. Il voit son père descendre du train, il se cache et pendant que son père vient chez nous le chercher, le malade prend un autre train et s'en retourne seul à la maison.
Discussion ; Supposons que le crime ait été commis et que le père ait été tué par le fils dans le guet-apens préparé par ce dernier. Amené devant le jury, répondant avec tant d'apparence de raison à toutes les questions, ne montrant aucun symptôme apparent de folie, ¡1 aurait été condamné à une peine des plus graves. Mais si l'examen de son état mental par un médecin allénïstc avait été ordonné, on aurait certainement conclu à l'irresponsabilité complète du malade, je dis complète car je ne crois pas. après avoir lu celte observation qu'on puisse conclure à irresponsabilité limitée à un degré quelconque. — L'hérédité alcoolique, les troubles produits par l'émotion, ses examens qui le font errer comme un vagabond, ses crises de colère survenant pour des motifs à peine appréciables et faisant voir rouge au malade, le prétexte de l'assassinat n'ayant aucun rapport par son peu d'importance avec la gravité de l'acte, le but absent, tout nous indique que nous avons a flaire non à un criminel, mais à un aliéné.
Chez ce malade aussi se pose la question de l'internement. Pourquoi ne l'ai-je pas retenu puisqu'il était dangereux et qu'il peut recommencer les mêmes tentatives criminelles. D'une part sa famille demandait sa sortie et prenait la responsabilité de ses actes: d'autre part, pendant son séjour dans la maison dosante, non seulement le malade n'a manifesté aucun seutimeut. n'a commis aucun acte qui indiquât la persistance de l'idée impulsive, mais encore il n'a eu aucun des accès de colère maniaque qu'il avait si souvent chez, lui et qui faisaient dire par sa mère : voilà la folie qui vient.
Le malade, sachant les causes de son internement. a-l-il simulé la guérisou en cachant ses idées d'obsession et en faisant des efforts de volonté pour empêcher les accès de colère d'éclater? Peut-être, mais la chose est peu probable. Depuis trois mois il séjourne tranquille dans sa famille: il m'écrit qu'il n'a cessé de bien se porter et comme ses parents me disent la même chose nous devons croire à sa guérisou. sinon complète, du moins momentanée.
D'autres observations analogues ont été citées au Congrès de Besancon: on pourra les trouver dans les Archives CAnthropologie criminelle où elles seront publiées. Mais les deux faits qu'on vient de lire suffiront à amener la conviction dans l'esprit de mes lecteurs en leur montrant qu'il existe des criminels avant toutes les apparences de raison, pouvant répondre convenablement à toutes les questions devant un tribunal, et pourtant u'avant aucune responsabilité, ni limitée, ni autre, c'est une classe de criminels à pari, qui relèvent complètement et seulement du médecin : ce sont de véritables aliénés.
A TRAVERS LES ÉTATS PASSIFS, LE SOMMEIL & LES RÊVES
l'ar M. la docteur i-iïaiACLT, de Nancy
(Smile et fin.)
C'est que tant que l'on dort, il n'est pas possible, les rêves étant un reflet des habitudes de la vie. — cl mes habitudes étant d'un solitaire. — il n'est possible, pas plus à un autre qu'à moi. de sortir du cercle rétréci des quelques sensations et idées récentes que l'on a prises autour de soi. La scène des rêves ne peut guère qu'être proportionnée au théâtre de la vie de la veille où l'on puise : aussi pour ma part, il ne m'a pas été donné de lui faire beaucoup de plarc et de l'éclairer de beaucoup de lumière, par manque d'assez de force nerveux- à ma disposition. Cependant j'ai vu des scènes de rêves plus étendues dans l'espace qu'elles ne me le paraissent d'ordinaire : mais elles n'étaient presque toutes pas plus visibles qu'elles ne le sont daus une nuit sans lune. J'ai vu pourtant une fois des constructions élevées, d'un blanc assez net : et une autre fois des coteaux verdoyants de vignes sous les rayons d'un pale soleil. Une fois enfin, transporté je ne sais comment, dans une localité de Trance où j'ai habité autrefois, j'ai de là entrevu la ville d'Oran, que je ne connais pas. dominée par des
tours crénelées se détachant assez bien sous un ciel gris. Ce sont là de rares exceptions. Les autres images de mes rêves ont presque toujours été incolores et n'ont occupé dans mon esprit qu'une scène peu étendue.
J'ai noté encore le nom tles lieux où. de Xancv que j'habite, j'ai transporté leur théâtre. Pour construire ces rêves, j'ai pris une partie de leurs matériaux autour de moi, dans ce qui y a été récent et une partie dans des endroits, inoins un seul, où j'ai autrefois demeuré. 57 fois ils se sont passés en apparence, hors de Nancy : .'i8 fois dans le canton où. 14 ans, j'ai exercé la médecine des remèdes, il y a 28 ans ; 12 fois, il y a 57 ans. où je suis né el où j'ai vécu les 12 premières années de ma vie ; "J fois, il y a déjà 49 ans. dans le Heu où j'ai fait des études classiques : -i fois, il y a 42 ans, à Srasbourg où j'ai étudié la médecine, et enfin I fois en un lieu où je ne suis jamais allé, Aix. en Provence.
La traîne de ces rêves situés dans des lieux où j'ai habité, moins un seul, a été ourdie chaque lois avec des matériaux imagés peu nombreux gravés dans ma mémoire lors de ces époques, mais mêlés avec de nombreux matériaux de l'époque présente et s'v rattachant. En tenant compte des 12 ans de ma première jeunesse dont on en peut au moins retrancher les 5 premiers, il y a de cela 57 ans. et en tenant compte aussi des 14 ans que j'ai passés dans le bourg où j'ai exercé la médecine, il y a 28 ans. je ne vois pas qu'à propos de ces rêves très distancés les uns des autres dans le passé et des images qui, de ces époques, se sont reproduites dans mon esprit, ma mémoire ail été plus allaiblic pour le rappel de celles de la première jeunesse que pour le rappel de celles de l'âge mur. étant admis que la somme d'attention pour se souvenir soit égale dans les deux cas. A. Maury, en 185G. a déjà constaté dans son livre sur le Sommeil et (es Hêves 1 que la mémoire tient plutôt à l'énergie de l'impression première sur elle, qu'au temps écoulé et qu'à la faculté spéciale de se souvenir. La mémoire ne garde-t-elle pas le tableau de ses impressions les plus vieillies, connue le corps, malgré les ans. garde toujours quelque chose de ses formes d'autrefois
S ai dit plus haut que les images remémorées de nies rêves, et spécialement celles qui ont rapport à la vision, ont été ternes et mal dessinées. Pires encore ont été les représentations que je me suis faites des sons et des autres sensations. Ainsi, des détonations que j'entendais, voyant mettre le leu à des cartouches de
dynamite, n'ont réveillé dans mes oreilles aucune impression sonore et des paroles que, dans des rêves, l'on m'a adressées, ont été parfois toutes mentales et n'ont été entendues par moi qu'avec les oreilles de l'esprit, comme le sont pour chacun, les paroles concernant les idées abstraites et non représentatives des sensations.
A ce que je viens d'écrire, il y a eu cependant des exceptions : Il fois j'ai eu dans mes rêves la vision très nette d'un ou de quelques objets; ils ressemblaient tout â fait à ce qu'ils sont en réalité. C'était vraiment, dans chacun des cas, une hallucination réelle. 12 autres fois j'ai encore eu de semblables visions hallucinatoires mais moins bien dessinées que les précédentes, et elles se sont formées en mon esprit dans des limites très bornées, comme presque toutes les images qui s'y sont du reste reflétées. 4 fois j'ai éprouvé des impressions hallucinatoires nettes du sens du toucher : 3 fois de celui du goût et une seule fois, de chacun des sens auditif, olfactif et musculaire. Il est évident que dans ces cas exceptionnels j'ai dù avoir, au moment même de leur reproduction, l'esprit plus concentré qu'il ne l'est habituellement quand je dors, et sous quelque rapport je me suis trouvé dans un état voisin de celui des rêveurs somnambules chez lesquels, par suggestion, on fait accumuler au pôle d'inertie, l'attention sur une idée-image au point de la faire apparaître comme si son objet était présent.
Il me reste à dire quelques mots à propos de la distribution de mes rêves et de leurs caractères plus ou moins conscients. Les détails qui suivent y ayant rapport, tout fastidieux qu'ils sont, ne doivent pas être négligés. X'arrivc-t-il pas parfois que les plus insignifiants détails renferment le germe de choses importantes ?
D'ordinaire il arrive que je me réveille 2, 3 et même 4 fois dans une seule nuit. En 13'» jours il n'y en a eu que 2 où je ne fis qu'un seul sommeil, et dans l'un d'eux mon repos fut si profond que je n'entendis pas des bruits assourdissants qui éclatèrent dans mou quartier et dont tout le voisinage fut troublé. Une telle dureté de l'ouïe n'accompagncrail-elle pas toujours cet état lorsqu'il se prolonge plus que d'habitude, et sa courte durée n'en marquc-t-elle pas le peu de profondeur?
Mes rêves se sont le plus souvent représentés â la mémoire dès le réveil, contrairement à ce qui arrive chez les dormeurs profonds qui ne se souviennent qu'autant qu'on le leur suggère. Un certain nombre d'entre ces rêves, qui me paraissaient ell'acés ou obscurs, ont reparu â la conscience un peu après, lorsque je faisais des
efforts pour en découvrir les Iraces; une idée trouvée me menait sur la voie des autres.
A propos des notes que j'ai prises sur moi-même et qui concernent mes rêves, je dois dire que dans la période de 4 mois et demi où j'ai pris ces notes, il m'a été impossible au réveil de me rappeler un très grand nombre d'entre eux, malgré même que j'eusse fait des ellbrls dans ce but. Kt cependant j'ai dù rêver chaque fois que j'ai dormi; car souvcnt.au sortir du sommeil, il m'en est resté comme uu écho dans l'esprit; même aussi dans ces cas de non-souvenir, on s'est aperçu autour de moi. lorsque je donnais, que j'avais plusieurs fois manifesté une agitation qui ne pouvait être qu'un ctl'el de la pensée.
Ce sont les rêves des premiers sommeils de la nuit qui se sont effacés le plus souvent et le plus complètement de ma mémoire et cela dans les proportions suivantes, ainsi que l'indique ce tableau :
Ils se sont effacés :
Aussi, de ce petit tableau, il résulte que les rêves du second sommeil, presque aussi nombreux que ceux du premier, ont été au moins du double plus i-ouscicnlicls. Quant à ceux de la troisième et de la quatrième catégorie, dont je n'ai pas bien compté le nombre des périodes de repos, ils ont été, j'en suis certain le» plus conscientiels de tous : ce qui indique qu'à mesure que l'on dort plus longtempsdans la nuit, les forces nerveuses se détachent peu à peu du pôle d'inertie où elles s'étaient accumulées, pour revenir reprendre insensiblement et peu à peu les positions qu'elles occupaient auparavant dans l'organisme, puisque, déjà même dans les seconds sommeils de la nuit, elles ont, comme on le voit plus haut, la propriété de rendre plus fidèle une faculté aussi importante que la mémoire.
Pour en finir, j'ajoute que les rêves de seconde classe dont je m'oscupc et qui se passent au pôle d'activité de la pensée, sont, chez moi, en petite partie : soit les cflets de sensations perçues en ¦n'endormant ou pendant le sommeil : soit en bien plus grande partie, les effets de ce qui reste des mouvements libres de la pensée de la veille, pensée se reflétant dans le champ de la mémoire. Sauf des proportions différentes dans l'intensité et le nombre des
sensations perçues et des souvenirs remémorés, ces rêves doivent être les mêmes chez tout le inonde, puisqu'ils ont chez tous, leur cause dans ce qu'il reste encore de force nerveuse libre dans les sens et la mémoire. Et c'est par suite de la dissociation de la pensée durant le sommeil, que les donneurs légers avant perdu toute volonté tombent dans ces rêves oii ils divaguent et sont incapables d'opérations psychiques suivies.
I.'homme, pendant qu'il dort du sommeil léger, est d'autant moins attentif pour saisir ce qui se passe en lui ou hors de lui qu'il a plus de force nerveuse portée au pôle d'inertie. Ce qui lui manque, c'est moins pourtant, au pôle actif de la pensée, la finesse des sens et riiupressionuabilité de la mémoire qui ont été reconnues dans le sommeil le plus profond, que le pouvoir de faire effort pour rendre conscientes les perceptions nombreuses qui se font à son insu dans la mémoire ou qui y sont déjà gravées.
Est-ce A dire que, admettant ainsi que je l'ai fait, la conscience inconsciente comme présente partout dans les fonctions de l'être humain et dans son cerveau ; est-ce à dire que l'inconscience vraie n'existe pas?Quoique l'on serait parfois tenté d'induire que rien ne s'efface dans le champ du ressouvenir, à en juger par certains somnambules dont la mémoire est prodigieuse, et par quelques remémorations qui, ù la suite d'une simple association d'idées, reviennent à la pensée au bout de longues années, l'expérience journalière et le raisonnement par l'absurde prouvent qu'il ne peut v avoir assez île place, dans l'esprit, pour conserver , nirueu-sité des traces idéales qui. depuis toute la vie y ont pris naissance. Il v a donc, chez le dormeur, aussi bien que chez l'homme éveillé, une véritable inconscience, une conscience abolie ou devenue nulle, non seulement dans le cerveau pensant ; mais même il y a un courant continu d'inconscience dans les mouvements des organes sensibles du corps ; à mesure que. dans ces organes. îles actes conscients nouveaux s'y forment et s'y perpétuent, les actes précédents s'v effacent pour toujours.
Vi
Pendant le sommeil, j'ai eu aussi des rêves affectifs. Il y en a deux surtout fort remarquables, auxquels je n'ai pu échapper qui. depuis 26 et 43 ans, se renouvellent dans mon esprit un assez grand nombre de fois par an. et y laissent chaque fois des impressions presque toujours aussi pénibles. L'un de ces rêves, c'est le plus ancien, a trait à l'examen d'anatomic que je dus subir lors de mes études médicales, examen que je passai en deux fois, par la
raison qu'il fut suspendu, au beau milieu, pour une cause fortuite, cl repris seulement le lendemain : ce qui me contraria beaucoup. L'autre a rapport à un excellent cheval qui fut mon compagnon fidêle de voyage, pendant 14 ans, mais dont je fus obligé de me séparer, sans pouvoir fui donner les invalides qu'il méritait. Ces deux rêves affectifs, sauf de légères variations dans leur développement, me reviennent assez souvent, et chaque fois qu'ils se manifestent, les idées qui. à leur propos, accourent me tourmenter, me font éprouver une angoisse poignante dont je sors toujours avec un véritable soulagement, ce qui est bien là nue preuve du pouvoir qu'a l'émotion de vivifier pour longtemps les idées qui raccompagnent. Ces deux rêves qui me liautcnt depuis tant d années, n'ont certainement une telle persistance, chez moi. que parce que les idées imagées qui sont à leur base, s'y sont implantées au moment même de leur formation première, en proportion de leur amplitude émotive. Ils s'y sont renouvelés ensuite, certains souvenirs reparaissant, de même que les accès nerveux des épileptiqucs ou d'autres malades, lesquels renaissent de temps en temps, quand les même impressions qui les ont fail nallre apparaissent de nouveau. Comme chez ces névrosés pour leurs accès, il m'a donc suffi dans ces cas, pour le retour de mes rêves, que dans des sommeils ultérieurs, des impressions inaperçues au moment même, mais semblables à celles que j'ai éprouvées lors de leur formation première, reparussent de temps en temps dans mon esprit, par une sorte de renouvellement imitalif de chacune de ces impressions.
Dans les cent trente-neuf nuits que j'ai employées à observer mon sommeil j'ai eu. en tout vingt-sept rêves qui ont présenté des caractères franchement émotifs ; et dans la plupart d'entre eux. les images représentées dans mon esprit, sans être toutes élevées n la hauteur de l'hallucination, mit été pour la plupart mieux dessinées que les images des rêves non affectifs, preuve que l'élément émotif qui revêt les idées en augmente le iclicl. Assez souvent, j'ai été réveillé par des émotions. Sept lois, elles m' ont fait pousser des cris gutturaux; mais il n'v a eu que le larynx seul qui ail pris part à ce commencement de l'action de la pensée sur le corps. Chose remarquable, quand il m'est arrivé de sortir du sommeil sous le coup de ces émotions, j'ai plusieurs fois trouvé mou pouls calme et régulier : j'étais d'une tranquillité comparable à celle de l'artiste lorsque, en ce qu'il fait il ne s'identifie pas avec son sujet ; à celle du peintre sans foi qui représenterait le Jugement dernier.
Cette infériorité du cerveau pensant duc quand on rêve, à l'impuissance où l'on csl d'être le maître de sa pensée cl de ses actes comme pendant la veille, je l'ai constatée aussi chez moi. sous le rapport moral. Voici, à ce point de vue. les incidents principaux des rêves que j'ai faits et qui prouvent cette infériorité.
Une nuit durant laquelle je dormais, je traversais en songe plusieurs vergers continus et non clos «le murs, avec un de mes anciens clients qui. presque aussitôt, se mit à ramasser des fruits tombes des arbres et les croqua à belles dents, comme s'ils étaient siens, C'étaient des poires, fruits que j'aime beaucoup. Je trouvai d'abord son mode d'agir indélicat; puis, après un bout de chemin, lente du démon en le voyant si heureux de son larcin et débarrassé comme lui de tout scrupule, je me mis a imiter mou compagnon de route, sans cfierrher plus que lui à dissimuler ma conduite. Ces fruits ne présentèrent a ma bout he aucune saveur, pas plus que leur prise de possession n'avait mis de honte dans ma cons-cience. et je continuai quand même!
L'ne autre fois, un paysan disait devant moi a un autre pnysan: comment faut-il s'y prendre pour empoisonner cet homme? Il désignait quelqu'un qui se trouvait plus loin. Son compère lui répond : il faut mettre le poison dans son verre. Moi, témoin de ce propos, je leur dis avec indifférence : cela n'est pas à faire. Celait, de ma part, bien commencer; mais ma vertu s'arrêta là: je ne fus pas scandalisé du propos, je ne m'indignai pas de cette connivence criminelle : je les laissai aller et je continuai à dormir!
Dans un autre rêve, je m'y permets. eu public, des incougriiilés malsaines. On ne s'en aperçoit que trop. Je fais quelques excuses. Mais, des rires se produisant, j'eus boute de mes actions et m'éveillai, tres heureux que cette scène humiliante ne fût pas vraie ! Ce rêve, tout à mon honneur, dans sa conséquence finale, ne l'est pas comme détermination première. Si j'eusse eu ma liberlé d'examen, comme lorsque je suis éveillé, certes, ici, je ne me serais pas laissé aller à ces faits dégoûtants: ils n'auraient pas eu lieu.
Je retrouve encore dans mes notes quelques incidents de rêves moins avouables que les précédents; maïs les conséquences a en tirer n'étant pas insignifiantes, je ne redoute pas d'en parler. Honni soit qui mal y pense. Dans mou premier sommeil, après m'ètre couché avant que la digestion n'eut été faite, je rêvai un jour que je mangeais de la chair humaine avec des amis. Cette chair, de belle apparence, je la trouvai fade; mais ce fut tout. Ni répugnance, ni nausées ; et je ne me réveillai pas à ce repas de cannibales! Où s'était réfugiée ma liberté d'examen et de détermination ?
Si. pendant le sommeil, faute d'en pouvoir faire l'effort. l'on est incapable de sortir de sa torpeur intellectuelle et morale; si l'on est saus réaction pour s'opposer à de basses actions que l'on cou-çoit et que l'on croit exécuter, on ne résiste pas d'avantage à des impulsions agressives ou autres qui naissent aussi dans l'esprit et sont bien autrement criminelles; on les suit quand même et avec le même automatisme; et dans ces cas. il y a toujours pour les maîtriser la même impuissance de la raison et de la volonté- Pour prouver ce que j'avance, j'apporte deux parcelles de mes rêves ayant un caractère de violence, et en même temps un extrait du livre si consciencieux d'A. Maury sur le sommeil et les rêves, Une première fois je menaçai de giiller d'importance un quidam qui me molestait, et j'en lis le geste impératif. Cela s'arrêta la. mais pouvait aller plus loiu. Ce fut donc peu de chose. Une seconde fois, je me suis surpris tirant un couteau ouvert de ma poche pour en frapper quelqu'un qui disparut en même temps que j'avançai le bras. Du coup à la blessure, il n'y eut que l'épaisseur d'un cheveu. Comme les grands criminels, j'agissais ici d'un cœur léger; ma conscience ne se troubla pas.
« Dans les rêves, écrit A. Maury (1), nous commettons en imagination, des actes reprehensibles, des crimes même dont nous ne nous rendrions jamais coupables à l'état de veille. J'ai mes défauts et mes penchants vicieux : à l'état de veille, je tâche de lutter contre eux, et il m'arrive assez souvent de n'y pas succomber. Mais, dans messonges. j'y succombe toujours, ou pour mieux dire, j'agis par leur impulsion, sans crainte et sans remords... M. M...., dit plus loin A. Maury (2), d'un caractère très doux et nullement porté au meurtre, ma déclaré avoir tué plusieurs personnes en
rêve.....En rêve, l'homme se révèle tout entier à soi-même dans
sa nudité et sa misère native. Dès qu'il suspend l'exercice de sa volonté, il devient le jouet de toutes les passions contre lesquelles à l'état de veille, la conscience, le sentiment d'honneur. la crainte nous défendent. »
On voit combien, dans les faits que je viens de citer, la volonté cl par suite le jugement sont absents, lorsqu'on rêve. Il n'y a plus de direction dans les mouvements de la pensée; la pensée va à la dérive et ballotte comme une épave. Si les savants, qui ne voient que des délits de laboratoire, des crimes de complaisance, dans les expériences qui ont été faites sur des dormeurs somnambules: s'ils
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lisent ce qui précède, ils devraient bien jeter les veux sur ce qu'ils sont dans leurs rêves, et sérieusement méditer sur la nature du sommeil dont le signe le plus culminant, le plus caractéristique est l'absence du pouvoir volontaire, du pouvoir de résister aux impulsions, quelles qu'elles soient, que l'on reçoit alors. Ils se repentiraient peut-être déjà un peu de leurs assertions inconsidérées.
Dans leur réalité, les rêves du sommeil léger sont des liaisons bizarres de sensations perçues et principalement d'idées remémorées, dont les incohérences sont ducs à l'impossibilité où sont ceux qui dorment de faire effort pour associer ces sensations et ces idées selon leurs rapports naturels, cl les ranger selon l'ordre logique du raisonnement. Si les dormeurs du sommeil léger sont sans volonté, à plus forte raison aussi les dormeurs du sommeil profond sont-ils incapables d'avoir la moindre initiative et la moindre énergie pour diriger les rênes de leur pensée. Les plus influencés d'entre eux, 4 1/2 pour cent, sont immobiles dans l'idée fixe du sommeil, d'esprit et de corps, comme le fut le dieu Terme, lorsque Jupiter entra au Capitole : rien ne les ébranle. Dans leur motiodéisme. les dormeurs les plus profonds n'agissent que suscités par une auto-suggestion ou une suggestion ; auto-suggestion venant chez eux d'une impulsion idéale de la veille continuée dans le sommeil : suggestion qui, flans ce dernier état, quand il est provoqué, leur est transmise par un endormeur. Dans l'une ou l'autre occurrence les dormeurs profonds sont des automates, capables d'être entraînés vers le bien, mais aussi incapables de se détourner du mal; ils sont comparables aux projectiles qui. lancés, ne peuvent d'eux-mêmes changer leur trajectoire.
Il s'est posé de nouveau, en ces derniers temps, une question qui, malgré la résistance de deux ou trois médecins légistes d'autrefois, a été déjà vidée en faveur des dormeurs ayant commis des actes criminels, qu'ils fussent plongés dans le sommeil ordinaire ou même mis en sommeil provoqué: c'est celle de leur responsabilité. Déjà un certain nombre d'entre eux ont bénéficié de verdicts d'acquittement et d'ordounances de non lieu. Et même encore, en 1858, dans une affaire de viol commis en ce dernier étal, leur irresponsabilité a été confirmée par un des membres les plus accrédités de l'Académie de médecine de Paris, Devergie, qui approuva le rapport d'une commission de médecins de Marseille, fait en faveur d'une jeune fille enceinte qui avait été déflorée et rendue mère, pendant le sommeil provoqué, contrairement à sa volonté. Ce dernier fait montre bien que si un dormeur n'a pas de volonté pour se défendre d'un attentat, il n'en peut guère avoir
un plus, à l'occasion, pour résister à la suggestion d'en commettre un. La question dont il s'agit était vidée. II n'a fallu rien moins, en ces derniers temps, que l'intervention autoritaire de médecins-légistes haut placés, mais incompétents, pour qu'elle fût de nouveau posée dans la science et qu'on niât carrément l'irresponsabilité des rêveurs du sommeil provoqué, comme s'ils ne dormaient pas du même sommeil que les rêveurs profonds du sommeil ordinaire; comme si les états de conscience et d'esprit du rêve somnainbulique artificiel étaient différents de ceux du somnambulisme naturel!
Le rêve somnainbulique du sommeil provoqué n'est plus contesté par personne. IL ne différe du rêve somnainbulique naturel que parce qu'il est suggéré, au lieu d'être autosuggéré, et qu'en ce qu'il y a un rapport établi entre le dormeur du sommeil provoqué et l'opérateur, tandis que le dormeur somnambule ordinaire est isolé de tout le monde par le cerveau et les sens. Grâre à cette similitude incontestable qui me sautait aux yeux, je fus amené, il v a plus de 30 ans. à croire que. comme chez les somnambules naturels, l'automatisme devait être aussi toujours à la base des phénomènes qui se passent chez les somnambules par provocation ; c'est-à-dire que ces derniers dormeurs devaient être de même dépourvus du pouvoir de faire des elforts de volonté. Je lis des expériences dans le but de vérifier cette induction pour le sommeil provoqué, et je devins convaincu qu'après des ordres bien compris cl réitérés avec insistance, les dormeurs ne se réveillent pas même sous l'influence de ce qui les expose aux plus grandes émotions. — ce que prouve le sujet du rapport Devergie dont je viens de parler. — et qu'ils sont entraînés irrésistiblement, sans qu'il leur soit possible de réagir, lorsqu'il leur vient à l'esprit ou qu'on leur suggère de commettre des actes délictueux. J'étais donc d'accord avec les anciens médecins légistes.
J'arrivai alors à cette conclusion, qu'à la suite d'une suggestion faite pendant le sommeil provoqué, un certain nombre de dormeurs, au moins 4 pour cent, parviennent dans un état d'esprit, tel que dans la folie plivsiologique ou ils sont plongés, ils agissent avec irrésistibilité et sont dans l'impuissance de se défendre des sug-gestionsles plus criminelles, même devantavoir leur exécution après le réveil. El j'arrivai jusqu'à dire: « Le plus sage deviendra immoral, le plus chaste, impudique » (1), ainsi que. dans l'étal de folie, des personnes très douces auparavant deviennent violentes; que
lli Tht rajx tiliqito »ii^t£t'^tiïo, p. 210.
ties jeunes filles pudiques, il y a quelques jours, perdent toute chasteté; ainsi que des hommes pieux deviennent fanatiques, et tuent leurs propres enfants pour les envoyer au ciel.
Certes on peut trouver de la résistance à mal faire, même chez les dormeurs les plus profonds, si surtout ils ont l'habitude du bien ; maiscelte résistance disparaît sous l'influence d allifiliations impéralivcs. Grace à la crédivîté naturelle qui est en eux comme en tout le monde, on peut, s'ils résistent, faire naître dans leur esprit des illusions et des liallueinations mensongères; on peut y changer le sentiment de la personnalité, leur faire prendre des actes coupables pour des actes moraux, etc.. etc. el les conduire ainsi peu à peu dans les pièges qu'on leur tend ; bref, on peut chez eux fausser tous les ressorts du cerveau pensant, sans qu'ils puissent se défendre du cercle où on les a circonvenus, et le franchir.
Il est surtout des gens û esprit faible et sans convictions arrêtées, qui Boni indifférents pour le bien comme pour le mal : telle la célèbre Cahricllc Bompard. dont la froide participation à l'assassinat de l'huissier Gouffé. fit penser avec raison à M. Liégeois, de même qu'à beaucoup d'autres endornieurs. que cette femme, déjà mise auparavant en somnambulisme el par là devenue très sug-gestible, n'avait pas été capable de résister à la pression des conseils d'Eyraud. son amant; el qu'elle s'était laissé aller à accomplir, sans lui résister, tout ce que celui-ci désira d'elle. La facilité de Gabrielle Bompard à tomber dans le sommeil, démontre qu'elle manquait d'initiative pour entreprendre un crime par elle-même, et par conséquent pour entraîner un homme résolu comme Eyraud ; elle démontre implicitement encore que celui-ci mentait quand, ainsi qu'on l'a répété, il disait que c'était cette femme qui l'avait entraîné à assassiner l'huissier Couffé.
VII
C'est parce que l'on n'a pas perdu toute attention, en donnant, que l'on s'éveille. On connaît les causes occasionnelles du réveil: c'est un malaise ou un besoin, lequel chez moi est presque toujours celui d'uriner; c'est encore, ou une gène de respirer, ou une douleur, ou l'émotion du rêve, ou un bruit, ou la décision prise en se livrant au repos, de s'éveiller au moment désiré : bref, c'est tout ce qui est sensation, émotion, idée et qui a la propriété de rappeler vers les sens et le cerveau, la force nerveuse qui, depuis la formation du sommeil, y était devenue amoindrie, par
suite de l'accumulation et de l'immobilisation temporaire de cette
force sur la pensée fixe de procurer du repos à l'organisme.
On commit moins les causes physiologiques du réveil. C'est la formation, pendant le sommeil, en même temps que par la peau, les reins, le foie, etc.. les organes se débarrassent des matériaux de désassimilatioii ; c'est, par la nutrition, la formation de nouvelles forces qui rendent tous les organes plus excitables, grâce à l'apport vers eux de nouveaux matériaux assimialables. C'est ensuite, par le retour des forces accumulées vers le pôle d'inertie; c'est par leur retour du côté des tissus qu'elles avaient en grande partie abandonnés, qu'il arrive que les organes des sens redeviennent nécessairement aussi moins amortis, pour sortir enfin de la torpeur où ils étaient tombés. Les forces, celles de nouvelles formations et celles de retour, s'ajoutant ensemble pour servir à l'entretien nerveux des fonctions organiques, il s'ensuit que ces fonctions reprennent forcément et tout doucement plus d'activité; les sens gagnent plus d'acuité, la pensée plus de liberté dans ses mouvements, et les dormeurs, moins engourdis d'esprit et de corps, sortent enfin du sommeil à la moindre excitation, dès que son rôle fonctionnel est à peu près rempli.
J'ai dit plus haut que la pensée de s'éveiller à une heure fixée d'avance, amène le réveil à ce moment même ou à peu près. C'est là un fait connu depuis longtemps. Ce qui continue, d'une manière péremptoire, ce fait indéniable dû à une idée qu'on se suggère. c'est un fait opposé, où l'idée fixe de ne pas s'éveiller, maintient le sommeil, même lorsqu'il se manifeste des causes puissantes du réveil. Je connais un ingénieur qui m'a assuré être parvenu, par l'habitude qu'il eu prit, à toujours bien dormir non loin d'une chaudronnerie d'où partaient îles bruits assourdissants. Cette même habitude, on la constate dans beaucoup d'autres circonstances. Un de mes clients, ancien capitaine d'artillerie, m'a raconté qu'au siège de Sébastopol, il dormait très bien malgré les détonations qui se produisaient d'une manière continue; mais, dès que le feu eut cessé des deux parts, ni beaucoup de ses compagnons, ni lui, ne purent plus, pendant quelques jours, aussi bien reposer; il leur manquait le bruit sourd du canon. Je suis aussi arrivé moi-même à toujours bien dormir dans ma maison située â l'entrée de ta gare de Nancy, mais lors de la guerre de 1870. le chemin de fer ayant été coupé, j'eus beaucoup de peine à m'habituer an calme qui se fit: te silence inquiétait mon sommeil (I).
(l) N'est-ce pas parce qu'il entend, pendan; win -ornmeil, le tic -tac de MM moulin, que le meunier n'éteille à la cessation de ce tic-tac ;
Dans le premier des ras précités, s'il y eut production du sommeil, malgré des bruits agaçants, c'est que le dormeur, par une opéra-lion de l'esprit, était arrivé à faire abstraction des sons qu'il entendait, n'y portant plus sa pensée: il avait réduit leur intensité à un minimum qui lui permettait de dormir. Dans les deux autres cas. les dormeurs, qui pouvaient auparavant reposer comme le précédent, par suite de la moindre attention qu'ils prêtaient â des bruits intenses, ne purent que difficilement dormir â la cessation subite de ces bruits, preuve certaine que dans leur sommeil antérieur, ils les entendaient. On entend donc toujours dans le cours du sommeil, elle sens de l'ouïe y continue toujours d'ètreouvert. même quand il n'y parait pas. Il en doit être de même pour les autres sens: tact, odorat, etc.
FIN
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 17 juillet 1893. — Présidence de M. Dumontpallier.
(Suite)
De la suggestion hypnotique comme moyen de diagnostic des affections du système nerveux.
Par M. le docteur Ernould, de Liège.
Il arrive assez souvent que l'on confonde des phénomènes morbides purement psychiques avec ceux qui peuvent dépendre de lésions matérielles du système nerveux. Le diagnostic qui. dans nombre de cas. est d'une difficulté extrême trouve dans l'usage de la suggestion hypno-tique, employée avec persévérance et suffisamment prolongée, un de ses éléments les plus précieux et les plus certains. A ce point de vue. les deux observations suivantes sont aussi démonstratives que possible :
Dans le premier cas, il s agit d'un jeune homme qui. convalescent, depuis un mois et demi, d'une variole grave, présente tout â coup de la parésie des membres inférieurs avec anesthésie complète remontant jusqu'au genou, des deux cotés. Il avait en même temps des fourmillements dans les mains; il ne pouvait pas écrire.
La maladie infectieuse dont il venait d'être atteint, tel fourmillements des membres supérieurs cl l'étude de la parésie. firent d'abord admettre l'existence d'une myélite. On institua alors les traitements ordinaire-ment employés en pareil cas; ils furent régulièrement suivis pendant
trois semaines, sans amener la moindre amélioration. Conservant alors quelques doutes sur la possibilité de l'origine el ele In unture purement psychiques des symptômes observés, je soumis ee jeune homme à la suggestion hypnotique, qui devait être pour le moins inoffensive. En six séances il fut radicalement guéri. Dans ce cas. la suggestion avait été non seulement curative, mais elle avait réformé le diagnostic.
Daus le second cas. la suggestion hypnotique a eu les marnes résultats, mais elle n'a agi que bien plus lentement, ce qu! prouve qu'avant de la déclarer impuissante. ¡1 finit savoir persévérer dans son emploi.
U s'agît d'une dame âgée de soixante-sept ans et atteinte, depuis vingt-six ans. de crampes de la région lombaire gauche el de In cuisse gauche, revenant loules les nuit» et se reproduisant de quinze il vingt fuis par nuit. I.a longue durée du mal devait faire admettre l'existence de lésions matérielles; cependant il n'en était rien.
Soumise à 1a suggestion hypnotique quotidienne, elle résiste pendant huit jours, sans éprouver aucun changement. 1-e neuvième jour, elle devient suggestible: les crampes sont moins fortes. A partir de ce moment, la guérison fut rapidement obtenue. Elle peniate depuis huit mois.
Torticolis intermittent survenant sous l'influence d'un rave. Ouôrlson parla sugjsstion hypnotique.
Par M. le docteur Joies Voi«is. mrdccïa de la Salpèlrtèrr.
J'ai observé récemment dans mon service une jeune fille de dix-neuf ans. qui présentait un torticolis intermittent très prononcé du côté droit. Ce torticolis survenait tous les trois mois el deux ou Irois fois de suite. Il était très prononcé.
Quand on voulait lui redresser l.i tête, on soulevait le corps eu entier et on déterniinuil de la douleur. Cette jeune tille n'avait jamais eu de rhumatisme et ne présentait aui-uu signe de lésion osseuse. Elle est dans mon service depuis l'âge de sept ans. Elle était atteinte d'épilep-sie. Les crises ont dîsparj depuis qu'elle est en traitement ; pour mol c est une hystérique.
En recherchant comment la maladie s'était déclarée, voici ce que
nous apprîmes :
Dans l» nuit qui précède l'apparition de son torticolis cette jeune fille est très agitée, elle rêve loul haut el se pla'ml de souffrir du cou ; à son réveil on la trouve la tête complètement couchée sur l'épaule droite, la face déviée du côté opposé et les muscles correspondants contractures. Après avoir essayé en vain le sulfate de quinine, le sali-cylate de soude, etc.. je réussis à guérir cette maladie par la suggestion faite en état d'hypnose.
Ce qui est digne de remarque daus cette observation, c'est la causa du torticolis. La malade rêve qu'elle souffre du cou. et le lendemain malin elle accuse de la douleur et de la contraction dans cette région.
Chez les hystériques, il n'est pas rare de voir le rêve imprimera la
malade toute une modification de la personnalité : or. notre malade présente, indépendamment de cette contracture, de l'ovarie et des trouilles de la sensibilité d'un côté du corps, qui démontrent bien qu'elle est hystérique.
Enfin, je signalerai la facilité de la disparition des symptômes par l'hypnotisation et la suggestion. Cette suggestion agît chez la petite malade pendant son état de veille, mais l'auto-susgestion du rêve réapparaît tons les deux à trois mois, chaque fois â deux ou trois reprises différentes, et nous trouvons le matin la malade contracturée. Il semble ici que le rêve et la contracture soient des équivalents psychiques et physiques d'une attaque d'hystérie. Quoi qu'il en soit, le traitement indique bien la nature de cette contracture.
DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE
L'application de la loi sur l'hypnotisme devant l'Académie de médecine de Belgique.
On se souvient qu'après d'importantes discussions qui eurent lieu tant j l'Académie de médecine de Belgique qu'à la Chambres des députés belge. une loi règle-mentant l'hypnotisme fut votée, Un des articles de relie loi visait l'application de l'hypnotsme par des personnes non pourvues du diplôme de médecin. Il est vraî-semblable que dans l'esprit de beaucoup cet article de loi, destiné à donner aux intéressé une satifaction platonique, devait rester lettre morte. Il n'en a pas été ainsi et le ministère a cru devoir faire bénéficier M. A Mère Denis, de Liège, de cet article de loi.
Nos lecteurs liront avec intérêt la discussion à laquelle celle autorisation vient de donner lieu â l'Académie de médecine.
II. — M. Crocq. — Messieurs, je suis chargé pur la Société medice-chirurgicale du Brbant de déposer sur le bureau de l'Académie deux exemplaires d'une brochure due à lu plume du Dr Brasseur. médecin de l'hôpital de Schaerbeeh. Elle est intitulée : Première autorisation officielle île pratiquer l'hypnotisme, ou la protection gouvernementale ilu charlatanisme.
Je vous demande la permission de vous lire trois passades qui vous feront apprécier le but que poursuit cette brochure el la nature du fait auquel elle fait allusion :
« Il y a quelques jours a paru, à la partie officielle des journaux politiques, l'entrefilet suivant :
« Le sîeur Astère Denis est autorisé â pratiquer l'hypnotisme pen-« dant un an. »
Ce petit communiqué a certainement passé inaperçu de la plupart d'entre nous : il a cependant, â mon avis, une certaine importance, et mérite d'être signale a l'attention du corps médical. Et cela pour plusieurs motifs :
1° Nous y voyons la première autorisation officielle. donnée à une
personne non diplômée, de pratiquer l'hypnotisme. c'est-à-dire son application à la thérapeutique des maladies;
2° Il serait utile de savoir, et de faire savoir, quelles sont les con -ditions requises pour obtenir pareille autorisation. Suffit-il du bon vouloir du Ministre; ou l'autorisation est-elle sultordonnéc à l'avis favorable et motivé d'un jury ou de l'Académie?
Plus loin : « Depuis quelques jours, à nia stupéfaction, mon héros est parvenu à décrocher l'autorisation officielle. Il s'en pare comme d'un diplôme d'nulanl plus précieux qu'il est encore unique. Il va battre monnaie, et les journaux vont l'aider. .N'est-ce pas un plaisir divin pour un journaliste que de se gausser des médecins diplômés et de la médecine ?
« Déjà, le journal le Soir, dans un article en vedetle. embouche la trompette de la renommée et lance dans la circulation le nom, hier encore inconnu, du nouveau savant ! »
La brochure se termine par ces mots : « Si ces pratiques offrent des dangers, raison de plus pour mettre des conditions sérieuses à l'autorisation de les pratiquer, soit en exigeant le diplôme médical, soit au moins un diplôme particulier basé sur des preuves sérieuses. publiquement contrôlées, d aptitude à exercer des manœuvres therapeutiques, dont on peut soutenir l'utilité quand elles sont faites avec discernement par des hommes compétents. Des garanties sérieuses d'aptitude sont les seuls obstacle» qui peuvent écarter, dans la mesure du possible, les escrocs à bonnet scientifique, comme celui dont je viens de vous parler ».
Tel est. messieurs, l'objet dont j'ai cru devoir vous entretenir. M. Gille. — Le Moniteur n'a-t-il pas fait valoir des considérants à l'appui de la faveur accordée à cette personne. M. Masoin. — Je ne le pense pas.
M. Thiry. — L'Académie a ouvert, il y a quelques années, une discussion sur l'application de l'hypnotisme au traitement des maladies.
A la suite du vole de l'Académie, une loi n'a-t-elle pas interdit les pratiques hypnotiques ?
M. le Président. — C'est, en effet, à la suite du long début qui s'est engagé nu sein de l'Académie que des mesures ont été prises pur le Gouvernement et par la Législature.
M. Thiry . — Je rappelle cette circonstance, parce qu'elle me semble avoir une importance particulière dans l'espèce. L'Académie ne ferait-elle pas bien de rappeler au Gouvernement ce qu'elle a décide anté-rieurement ?
M. Masoin.— En jetant un coup d'œil sur cette brochure, je m 'aperçois que mon nom y est cité à différentes reprises. Comme je n'ai pas eu le temps de la lire, je fais toutes mes réserves au sujet des observations qui pourraient me viser dans cette publication.
En réponse à l'observation de M. Thiry. je ferai observer que le
Gouvernement a le droit incontestable d'accorder l'autorisation de pratiquer l'hypnotisme en vertu de la loi qui a été volée par les Chambres législatives. Dans l'espèce, il a ouvert une enquête dont je ne connais pas les détails, et dont nous n'avons pas même le droit, je pense, de lui demander compte.
M. Thiry. — Si l'on permet à un homme qui ne connaît pas la médecine de pratiquer l'hypnotisme et de l'appliquer au traitement des maladies, cela équivaut à une autorisation d'exercer le charlatanisme, et. dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi on ne donnerait pas des autorisations semblables à des gens qui. sous prétexte de guérir les maladies des veux, éborgnent ceux a qui ils sont parvenus à inspirer confiance.
M. Crocq. — Certainement, c'est le cas de Goolam-Kader. J'estime-qu'il y a beaucoup a redire û cela.
M. Masoin. — Il fallait le dire au Sénat.
M. Chocq. — Je n'étais pas au Sénat lorsque cette loi a été disculée el je n'assume, par conséquent, aucune responsabilité de ce chef.
M. Thiry.— Si des principes semblables pouvaient être admis par des hommes aussi intelligents quelles ministres et des membres delà Chambre je ne vois pas pourquoi on ne supprimerait pas les jurys d'examen. Tout le monde pourrait être médecin sans subir d épreuves préalables.
J'estime qu'il y a là un abus que les Chambres ne ratifieront pas. car c'est un véritable danger au point de vue de la santé publique. Cela ne souffre pas de discussion. C'est pourquoi. à mon avis, nous manquerions à notre devoir si nous n'appelions pas l'attention du Gouvernement sur cet état de choses, dans l'intérêt de la salubrité publique.
M. Masoin. — Le Gouvernement n'a fait qu'user d'un droit strict que lui accorde la loi.
M. Thiry. — Ici il s'agit d'un arrêté ministériel.
M. Masoin. — Pris en exécution de la loi. C'est d'ailleurs la première autorisation de ce genre qui est accordée.
M. Thiry. — Mais il peut y en avoir d mitres. Vous devriez être de notre avis et reconnaître qu'il y à là un abus et un danger à signaler.
M. Masoin.— Autant je me suis énergiquement prononcé jadis en faveur de l'intervention de la Législature, afin de supprimer, par exemple, les séances publiques d'hypnotisme, autant je me suis montré véhément. — à l'excès, d'après quelques collègues. — pour signaler certains dangers de l'hypnotisme, autant je trouve équitable que. dans certaines circonstances, le Gouvernement accorde des autorisations de-l'espèce à des hommes qui offrent des garanties suffisantes d'honorabilité et de capacité. Or. je connais la personne dont il s'agit, je l'aï m» â IVuvrc, et j'estime qu'on pouvait lui accorder l'autorisation sollicitée.
M. Tiiibv. — Je viens encore de recevoir d'un expérimentateur une invitation ii assister ii des séances où l'on devine les pensées. Tout cela n'est pas sérieux.
M. le président. — Il n'appartient pas à l'Académie d'interroger le
Ministre sur les raisons quî l'ont engagé à accorder cette autorisation. Mais il appartient à M. Crocq. sénateur, d'interpeller à re sujet le Ministre, - s'il le juge convenable.
M. Crocq — Messieurs, le Ministre a évidemment le droit d'accor-drr une semblable autorisation, et nous n'avons absolument rien à objecter au point de vue de ce droit considéréen lui-mème. Cependant, il faut reconnaître qu'il y a quelque chose d anormal dans la façon dnnl il a rte rxercé. Voici comment :
Lorsqu'un médecin étranger, diplômé, praticien distingué mémo, demande l'aulorisalion de s établir en Belgique, le- jury d'examen du troisième doctorat est chargé d'apprécier les aptitudes de ce médecin et de dire s'il peut être autorisé à pratiquer la médecine dans le pays. Il ne semble donc que. lorsqu'il s'agit d'autoriser un individu non médecin a exercer une branche médicale quelconque, ou pseudu-médi-oale. le Gouvernement agirait sagement eu s'entourant de garanties analogues et eu demandant I avis de 1 Académie ou d un jury d'examen. J'estime que nous ferions bien de faire une démarche aupres du Minis-tre. pour lui indiquer cette voir, qui serait de nature à sauvegarder sa responsabilité rt empecherait éventuellement des fails regrettables de se produire.
M. le Président. — Vous demandez à l'Académie de fairr une démarche, mais vous êtes mirux placé qu'elle pour la faire. Vous pouvez, en effet. prendre la parole au Sénat et demander au Ministre des renseignements sur la mesure qu'il a prise. Ne croyez-vous pas devoir agir de la sorte ?
M. Choco. — J'examinerai s'il vaut mieux que je prenne la parole au Sénat ou que j'entretienne personnellement le Ministre de celte a lia ire.
M. Le Président. — Nous vous laissons libre. Monsieur Crocq. d'agir connue vous le croirez le plus convenable.
M. Masoin. — En principe. M. Crocq a parfaitement raison; il faut des garanties; mais je ne croîs pas qu'il entre dans les attributions de l'Académie de médecine de faire subir des espèces d'examens de capacité.
M. Crocq. — Et le jury du troisième doctorat en médecine?
M. Masoin. — Oui, mais il y a un autre rouage que vous négligez, et c'est le meilleur dans l'orrurrence : je veux parler de la Commission medicale provinciale.
M. Crocq. — Encore.
M. Masoin. — Cette Commission fait bien subir des examens pour l'exercice de professions subalternes, comme celles de sâge-femme et de dentiste.
M. Vax Ermengem. — N'a-t-on pas consulté la Commission médicale?
M. Masoin. — Je n'en sais rien.
M. Vas Ermengem. —Voilà la question.
M. Crocq. —Je suppose qu'elle n'a pas été consultée, sinon l'auteur aurait mentionne cette circonstance dans sa brochure.
M. RoMMelaere. — Je demande qu'il soit donné lecture de l'arrêté ministériel.
M. Masoin. — Voici, messieurs, l'arrêté ministériel dont M. rom-melaere a tantôt réclamé la lecture (Moniteur belge du 14 juillet 1803 :
« Ministère de l'agriculture, de l'industrie et des travaux publics.
« Sérvice de santè. hygiène publique et voirie communale.
« Hypnotisme — AuTorisation temporaire
¦ Le Ministre de l'agriculture, et des travaux public». « Vu l'article 2 de la loi du 30 mai 1892. sur l'hypnotisme : « Vu l'instruction à laquelle a été soumise la demande du sieur Astère Denis, de Verviers. tendinite a obtenir l'autorisation de pratiquer l'hypnotisme.
« Arrête :
« Article premier— Le sinir Astère Denis est autorisé aux fins de sa demande.
« Art. 2. — La présente autorisation est valable jusqu'au 11 juillet 1894. Elle est révocable et pourra toujours etre suspendue.
« Art. 3. — Communication du présent arrêté sera donnée à l'iule-ressé. à la Commission médicale de la province de Liège et au Ministre de la justice.
« Bruxelles, le 11 juillet 1803.
« Leon De Bruyn. »
Or, l'article 2 de la loi du 30 mai 1802 repris plus haut est ainsi conçu :
« Sera puni d'un emprisonnement de quinze jours il un au et d'une amende de vingt-six Inities à mille francs, quiconque aura hypnotîsé une personne n'ayant pas atteint l'âge de 21 ans accomplis ou n'étant pas saine d'esprît. s'il n'est docteur en médecine ou munì d'une autorisation de Gouverement.
« L'autorisation ne sera valable que pour une année ; elle sera révocable et pourra. toujours, être suspendue.
« En cas île concours avec les infractions prétues par les dispositions légales concernant l'art de guérir, la peine prononcée par le présent article sera seule appliquée. »
Le Sénat avait d'abord fait intervenir les commissions médicales au point de vue de l'octroi îles autorisations dont il s'agit. Mais la Chambre des représentants a modifié le projet voté par le Sénat et elle a accordé au Gouvernement le pouvoir eu question.
Voici comment M. le Ministre île la justice s'exprimait â ce sujet :
« Deux ordres de considérations doivent présider aux décisions à prendre sur les demandes relatives û ces autorisations : il faut tenir compte des aptitudes spéciales du candidat et de sa moralité.
« En chargeant les commissions médicales de délivrer les autorisations, le projet de loi réalisait les garanties nécessaires en tant tpi'elles intéressent la protection due ii la santé publique ; mais, il faut le reconnaître, le Gouvernement est. mieux que les commissions médicales, â même de se renseigner sur la moralité des candidats.
« La disposition votée par la Chambre se borne, en réalité, à ajouter aux garanties établies parle Sénat une garantie de plus, puisque, cela va de soi. le Gouvernement, avant d'accorder une autorisation, aura soin de consulter la Commission médicale. »
M. Crocq. —La Commission médicale a-l-elle été consultée ?
M. Masoin. — Mais, je vous le répète, je n'en sais rien.
M. Gille. — L'arrêté dit qu'il y a eu une instruction; c'est probablement la Commisiou médicale de Liège «pli n été consultée.
M. MaSOIXn —Une instruction a été faite, c'est certain ; je vous dirai même que je suis intervenu dans cette instruction, parce que. avec plusieurs de mos confrères, j'avais vu cet hypnotiseur ù l'œuvre, et. soit dit ici. je le considère comme capable de magnétiser. Quant à me rendre responsable des choses plus ou moins bizarres qu'il a écrites dans sa brochure. Dieu m'en garde. Je le lui ni dit à lui-même : Il y a la des choses absolument téméraires el inadmissibles qui dénotent une appréciation étrange — que d'ailleurs certaines personnalités partagent — des données théoriques de l'hypnotisme; mais, pratiquement. je le répèle, c'est un hypnotiseur habile. En ce qui concerne la clairvoyance «le son sujet, au point de vue de In découverte de certaines maladies, je ne l'ai pas constatée, et je n'y crois pas.
M. Thiry. —Allons donc ! Ne parlons pas de cela !
M. Masoin. —- Mais, messieurs, tout cela est en discussion dans la brochure que l'honorable M. Crocq vient de nous remettre !
M. Thiry. — Je crois bien qu'il ne peut pas reconnaître les maladies !
M. Crocq. — Il se vante eepeudant de les deviner. M. Thiry. — Il est très habile pour en imposer aux autres ! C'est fort dangereux !
M. Masoix. — Vous ne savez seulement pas à quelle instruction il a été procédé: vous n'êtes pas au courant de l' élat de la question ; vous ne connaissez ni le personnage, ni ses faits et gestes...
M. Thiry. — Je connais le lait que M. Crocq vient de signaler.
M. Masoin. — Le fait ne suffit pas: il faut apprécier les circonstances du fait. Voilà ce que la raison commande I
M. Thiry. — Lorsqu'il s'agit d'une chose aussi précieuse que la santé publique, qui faut-il ronsuller. si ce n'est l'Académie ou une Commission médicale ?
M. Masoin. — Croyez-vous d'ailleurs que cet homme pratiquera l'hypnotisme sans l'assistance de médecins ? J'aî de sérieux motifs de ne pas le croire.
M. Thiry. — Mon Dieu! voilà où nous en sommes en l'an de grâce 1893 !
— L'incident est clos.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologle et de psychologie.
La Société d'hypnologie se réunira en séance ordinaire le lundi 10 octobre, à quatre heures et demie précises, au palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. le Dr Dumont-pallier :
1° Lectures et communications diverses.
2° Présentation des malades.
3° Vote sur l'admission de nouveaux membres.
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, rue de Rivoli, 40 bis.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Institut psycho-physiologique de Paris. 49. rue Saint-André-des-Arts. — L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1891 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, el placé gous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiauls un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l' hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée à l'Institut psycho-phvsiologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de dix heures à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis â y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Des conférences sont faites le jeudi, à dix heures et demie, par M. le Dr liérillon, sur les applications cliniques de Ut suggestion et île Chypnotîsinc, etc. Une série de leçons commencera le 19 octobre-On s'inscrit à la Clinique.
M. le D'J.-O. Jennings fem le samedi des démonstrations pratiques d'électro-ph ysiologie.
Le professeur Senator (Berlin) a célébré le 7 coût dernier le vingt-ciuquième anniversaire de ses débuts dans la carrière de l'cnseigne-mentt médical à l'Université de Herlin. Il avait été nommé prù'tlt-ilocent de pathologie interne en 1808. Agé aujourd'hui de 60 ans, il est depuis 18S8 directeur de la policlinique de l'Université,
L'hypnotisme chez lea Annamites.
L'ingénieux move n employé par M. Luys pour endormit les hyaté-riques en faisant tourner un miroir à alouettes ne lui est, parait-il. pas absolument exclusif. Les Annamites, rapporte le Dr Michaut d'Haï-phong. employaient depuis un temps immemorial un procède analogue. Dans les cérémonie» religieuses de ce pays, le sorcier »e fixe derrière le pavillon des oreille» deux baguettes de bois odorant: ces baguettes sont allumée» et brûlent lentement en formant deux charbons brillants. Après avoir fait asseoir le sujet en face «le lui. le sorcier lui tient un long discours accompagne de gestes. F.n même temps il agite la tète très vïte et dans tous les sens. Le patient qui a reçu au préalable l'ordre de fixer ses regards sur les points lumineux produits par les baguettes en combustion ne tarde pus à s endormir s'il est hypuotisable.
Monoplêgie brachiale hystérique produite par le sulfure de carbone ; guerlson par la suggestion.
L'opinion qui rattache à l'hystérie les phénomènes paralytiques provoqués par l'intoxication sulfocarbonique a été émise d'abord par M. Achard. puis détendue par MM. Charrot, Marie et plusieurs autres. Cependant la question des hystéries toxiques est encore fort obscure et tous les faits qui peuvent contribuer à l'élucider méritent d'être signalés. De ce nombre est l'observation que M- Brunon vient de publier dans la Normandie médicale :
Il s'agit d'un homme non alcoolique, qui se présenta il l'hôpital en déclarant qu'il ne pouvait plus travailler, sa main gauche étant devenue trop faible et inapte aux ouvrages un peu minutieux. En effet, le membre supérieur gauche est très affaibli, de plus, cet homme a de l'hémianesthésie avec insensibilité du la cornée à gauche, et légère diminution de l'ouïe du même côté.
Evidemment tous ces phénomènes ressortissaient de l'hystérie. Cependant on ne retrouvait chez le malade aucun antécédent pouvant expliquer la névrose, Un examen attentif révéla que cet homme était sous l'influence du sulfure de carbone et que le début des accidents parélïques avait coïncidé nettement avec I action de cette substance.
S'agissait-il dès lors de troubles nerveux toxiques cum materîa ou de phénomènes hystériques développés sous l'influence du sulfure de carbone ? Le traitement a permis de juger la question ; la parésie musculaire, seul symptôme qui préoccupait le malade, a cédé en deux jours à la suggestion. Il est donc évident que, dans ce cas, le sulfure do carbone avait agi comme agent provocateur de l'hystérie.
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
L'Idiotie, hérédité et dégénérescence mentale, psychologie et éducation de l'idiot. par le Dr jvles Voisin, médecin de In Salpétrière. t vol. in-12 avec 17 gravures dans le texte, cartonné à l'anglaise, A fr. — Félix Alcan. éditeur.)
Cette étude sur l'Idiotie a été l'objet d'une série de leçons faites à la Salpétrière au commencement de l'année 1893.
C'est un traité complet et moderne de l'idiotie. On y trouvera tout ce qu'il est nécessaire au praticien de savoir sur les causes, l'anatomie pathologique, les symptômes et le traitement de ces états complexes qu'on est convenu d'appeler du terme générique d'idiotie.
M. Jules Voisin prend comme point de départ les lois de l'hérédité en général et de l'hérédité morbide en particulier, ainsi que les causes de la dégénérescence mentale dont l'Idiotie est le dernier degré.
Choisissant ses exemples parmi les différents types d'idiots de son service, dont les photographies démonstratives sont reproduites dans ce volume, il examine leurs instincts, leurs sentiments. leurs lueurs d'intelligence et de volonté, ainsi que leurs caractères physiques. De là, il passe à l'éducation et au traitement qui doivent être appliqués à ces déshérités, pour qu'ils cessent d'être à chargea tous, et qu'ils deviennent
utiles à eux-mêmes et à la société.
Le savant médecin de la Salpétrière a écrit un livre essentiellement clinique. C'est l'enseignement au lit du malade, fixé dans quelques chapitres imprimés: car M. Voisin a tiré de son service les observations nécessaires pour 1 illustration de son texte. Ce manuel est appelé à rendre de grands services à tous ceux qui s'intéressent à ce sujet, à la fois pathologique et social, des enfants arriérés et idiots.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
Nous invitons nos lecteurs à comploter, par leurs indications, les lacunes et les omissions de l'Index bibliographique.
DufAY. — Observation ds somnambulisme naturel ou spontané avec conscience de
double personnalité. Brochure in-8 de 32 pages. — Blois 1893. Franco. — La nouvelle théorie de la suggestion, destinée à expliquer l'hypnotisme.
Examen critique. traduit de l'italien par Aug. Onclair. Paris. Téqui. 1892. in-12.
vn-132 pares. Etudes religieuses 31 mai 1893 gibert. — Saffcallon à l'état de veille. (Normandie médicale.14 avril 1893. p.132 à
136.)
GibErT. — Des eau «et morales de l'hystérie. (Normandis méd.. 4.) J.-D. justice. — Est-ce de l'epilepsie. de la catalepsie ou de l'hytiene t (The medical and Surgical reporter, 23 mars 1893. p. 448.)
L'Administrateur-Gérant: Emile BOURIOT.
170. rue Saint-Antoine.
Tours. — Imprimerie Danjard'Kop.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPERIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
8e Annee. — n° 5.
Novembre 1893.
L'HYPNOTISME ET LA RÉSISTANCE AUX SUGGESTIONS
Par M. le Dr A. de Jong, d'Amsterdam.
Depuis le moment où l'hypnotisme et la suggestion ont fait leur entrée dans la pratique médicale, se sont manifestées de tous cotés des objections contre cette nouvelle méthode thérapeutique.
Quelques-uns prétendaient que. étant sans aucune valeur médicale, elle n'avait pas de raison d'élrc dans la médecine, que les résultats obtenus n'étaient que des guérisons imaginaires ; d'au-trcs appelaient cette méthode un charlatanisme indigne de la profession de médecin et considéraient l'hypnose et la suggestion comme des procédés très dangereux aussi bien au point de vue physique qu'au point de vue moral. Heureusement, le nombre de ces adversaires a diminué considérablement, et beaucoup de représentants de la science médicale ont acquis la conviction que la psychothérapie est digne de prendre place dans les sciences médicales.
Quant au danger physique, je crois que cette méthode n'est pas plus dangereuse que toutes les autres méthodes thérapeutiques, du moins quand elle est appliquée par un médecin compétent. Quant au danger de l'hypnose et de la suggestion au point de vue moral, les opinions sont très différentes. Tandis que quelques-uns prétendent que l'hypnotisé, c'est-à-dire «le somnambule, est un automate psychique qui exécute tout acte commandé, qu'il soit sans conséquences ou qu'il soit criminel, il v en a d'autres qui u acceptent pas cet automatisme psychique qui croient que les somnambules n'exécutent que les actes qui leur sont agréables et
que, quand ils exécutent des actes criminels, c'est par complaisance pour leur hypnotiseur et dans lu conviction que les crimes suggérés ne sont que des expériences inoffensives; d'autres encore ad met te ni qu'il y a des somnambules qui sont tuul entiers des automates psychiques, mais qu'il y a aussi des somnambules qui peuvent parfaitement résister â la suggestion.
J'ai connu une jeune israélite. âgée de dix nus. élevée sévèrement selon le rite israélite: c'était une somnambule dune très grande suggeslibililé. elle réalisait toutes les suggestions sans la moindre résistance. Je lui suggérai dans l'étal hypnotique, qu'a son réveil elle devait prendre et mellre dans sa poche une pièce de monnaie mise sur la lable, elle réalisa celle suggestion que je répétai plusieurs jours de suite avec le même succès, sans aucune résistance de sa part. Un samedi, je lui lis la même suggestion en ajoutant qu'elle ne pourrait quitter mon cabinet avant d'avoir pris la pièce de monnaie.
A son réveil, elle s'approche de la lable. semble convoiter du regard la pièce, mais ne la louche pas. .Je- lui demande pourquoi elle ne prend pas cette pièce, elle me répond : C'est le jour de sabbat, il n'est pas permis de toucher de l'argent. J'insistai pour qu'elle prit la pièce, mais elle persista dans sou refus. Ce cas nous démontre que l'autosuggestion religieuse était assez forte pour résister à ma suggestion.
l'n autre cas qui me semble intéressant ù ce point de vue. c'est
le suivant : Une île mes servantes, la nommée I.....hystérique, est
une somnambule d'une suggeslibililé parfaite. Elle réalise toute suggestion immédiatement et elle exécute tous les actes les plus innocents comme les plus criminels ou les plus délictueux, sans aucune résistance. Un jour, je lui suggère de se déshabiller devant une autre personne, mais elle retuse malgré les suggestions les plus impératives de ma pari. Un autre jour, je propose à ma cuisinière de lui confier un secret très insignifiant cl de lui faire promettre, sur sa parole d'honneur, de ne le divulguer ni à moi ni à ma tille. Quelques jours après, elle me demande que je l'hypno-lise pour un tic douloureux dont elle souffrait beaucoup. Je profilai de cette occasion pour tenter de m'emparer de son secret par suggestion pendant l'état hypnotique, mais ce fut en vain: elle ne voulut pas le trahir, malgré les suggestions les plus impératives. J'ai essayé à plusieurs reprises, quand elle était hypnotisée de lui faire trahir ce secret, je n'ai jamais pu y réussir.
Voici encore un autre cas : M11e H... est une somnambule d'une suggestibililé parfaite ; elle exécute les actes les plus innocents
comme les plus criminels immédiatement et sans résistance pendant et après l'hypnose. aussi bien qu'à l'élat de vrille. Un jour, elle était en état d'hypnose: après la suggestion, avait été laissée à elle-même comme d'ordinaire et, contre son habitude, était très inquiète, elle présentait tous les symptômes il un rêve très désagréable. Je lui demaudai ce qu'elle avait, elle merépon-dit : « Je ne peux pas le dire ».
Je lui suggère de me raconter son rêve, elle refuse, je lui suggère encore plus impérativement qu'elle se souvienne et raconte son rêve après son réveil. Je la réveille et je lui demaude de me raconter son rève. Elle me dit qu'elle rêvait d'une histoire qui s'était passée, il y avait deux jours, dans le chemin de Scheve-ningue a l.a Haye, mais elle persista dans son refus de m'en révéler le sujet, prétendant qu'il lui était impossible de me faire pari .de cctle histoire. Je lis encore diverses tentatives pendant qu'elle était en hypnose, mais toujours sans avoir la. satisfaction de m'emparer de son secret. J'appris par une de ses amies, qu'un soir retournant de Schcveningue à la Haye, elle avait vu le long de la roule deux amoureux dans une situation un peu trop intime et que. rentrée chez elle, elle en avait été très impressionnée. Ce cas nous démontre que la pudeur féminine lit naître dans ce cerveau une autosuggestion suffisante pour résister à mes suggestions les plus impératives.
Ces expériences nous prouvent que les somnambules les plus suggestibles peuvent résister à certaines suggestions. Dans beaucoup de mes expériences sur ce sujet, j'ai observé quelque chose qui m'a toujours semblé très étrange.
Tandis que les suggestions les plus criminelles ou les plus délie-tueuses étaient exécutées généralement sans aucune résistance, je voyais les sujets résister souvent à des suggestions beaucoup moins graves dans les deux cas cités précédemment, l'une refuse de trahir son secret parce qu'elle a donné sa parole d'honneur et refuse de se déshabiller en présence d'un étranger; l'autre refuse de trahir son secret par pudeur. Tandis que toutes deux exécutent les actes les plus criminels avec la plus grande facilité et sans aucune résistance, dominent expliquer cela ?
Pour ceux qui partagent l'opinion des représentants des écoles de la Salpêtrière. l'explication est très simple. Elles refusent de réaliser la suggestion parce que ce sont îles faits réels qui leur sont très désagréables à exécuter. Tandis que les suggestions criminelles sont exécutées sans aucune résistance, parce qu'elles les considèrent comme des expériences de laboratoire dont l'exécu-
tion ne présente aucun danger ni pour les uns. ni pour les autres.
Mais comment expliquer alors la réalisation des suggestions très désagréables pour le sujet, comme par exemple dans l'expérience suivante :
M. H.... âgé de 50 ans. homme très instruit, auteur bien connu, descend d'une famille dont aucun membre n'a soufiert de maladie nerveuse ni mentale. Il jouît dune santé parfaite. Un jour, entrant dans mon cabinet au moment ou je finissais d'électriser un de mes malades, il me pria de l'éleetriser. seulement par curiosité, pour lui faire sentir l'ellel de l'électricité. J'y consentis, au moment où je lui donnai les électrodes dans les mains et ou je fermai le courant, qui était assez fort, il commença à crier et me pria d'arrêter. Il m'assura qu'il en avait ressenti une sensation si désagréable qu'il ne voudrait, pour tout l'or du monde, recommencer l'expérience.
Huit jours- après, je l"livpnotisais, — il est somnambule très suggestible — et je lui suggérai ceci : Après votre réveil, vous me prierez de vous électriser de nouveau, et vous insisterez malgré toutes les objections que je pourrais vous faire et vous ne pourrez pas quitter mon cabinet avant d'avoir été éleclrisé. A sonréveil.jelui dis : Au revoir. Vous reviendrez dans quelques jours, n'est-ce pas? Au Heu de partir, il se tourne du côté de son beau-frère qui l'accompagnait et lui demande : Avez-vous aussi été éleclrisé ? Celui-ci répond : Je ne l'ai jamais été, mais je n y tiens pas, parce que je me figure que ce doit être très désagréable. — Mais ce n'est pas si désagréable que vous pensez, je me suis déjà fait électriser. moi. — Mais. Monsieur, lui dis-je, alors rappelez-vous donc ce qiû s'est passé quand je vous ai électrisé, vous avez trouvé celle opération si désagréable que vous m'avez dit que pour tout l'or di» monde, vous ne recommenceriez pas. — Pardon, Monsieur le docteur, dit-il. je ne suis pas aussi lâche que vous avez l'air de le supposer et pour vous en donner la preuve, électrisez-moi de nouveau.
Je lui objecte que l'électricité ne lui fait aucun bien, mais qu'au contraire, elle lui est plutôt nuisible. Je refuse donc de le satisfaire, mais il insiste et me prie de l'éleetriser pour montrer a son beau-frère qu'il le supportera très facilement. Je cède devant ses instances et aussitôt, il recommence les scènes qu'il a déjà faites In dernière fois, criant et me suppliant d'arrêter le courant. J'interromps alors le courant et aussitôt je lui commande de dormir. Pendant le sommeil, je lui donne encore une fois la même suggestion, et après son réveil, il recommence les mêmes scènes. Je l'en-
dors de nouveau et après un sommeil de quelques minutes, je le réveille, il n'avait aucune souvenance île tout ce qui venait de se passer.
J'ai fait beaucoup d'expériences du même genre, et j'ai trouvé que plusieurs de mes sujets réalisaient immédiatement les suggestions ; quelques-uns résistaient, mais dans tous ces cas. on pouvait observer que la résistance leur était pénible. J'ai essayé d'en trouver l'explication.
J'ai observé souvent que quelques suggestions se réalisent immédiatement chez le malade qui, plongé dans un état de légère hypnose, se souvient parfaitement à sou réveil de ce qui s'est passé, tandis qu'il résiste à d'autres qui ont tout à fuit le même caractère apparent. Je suggère, par exemple, à quelqu'un en hypnose qu'il ne peut pas lever la main et il n'y réussit pas; ensuite je lui suggère de ne pas ouvrir les veux et il les ouvre aussitôt. Des expériences analogues, mais réalisées de diverses façons, m'ont souvent donné des résultats semblables. Souvent.j'ai observé qu'une personne réalisait certaines suggestions, tandis qu'elle résistait a d'autres du même caractère, si je l'interrogeais à l'état de veille : Pourquoi accomplissez-vous telle chose plutôt que telle autre, je recevais toujours la même réponse : Parce que je pouvais faire l'une très facilement et l'autre m'était impossible.
Quand je suggère â un sujet qu'il lui est impossible de lever la main et qu'il réalise cette suggestion, je crois que dans les voies nerveuses qui conduisent du centre où se forme l'idée du mouvement aux organes moteurs, la suggestion diminue ou enlève totalement la conduction parce que l'idée du mouvement se forme complètement et que la volonté de résister â la suggestion existe, mais qu'elle ne peut se manifester si la suggestion s'accompagne de diminution ou d'enlèvement total de la conduction nerveuse: les expériences démontrent que chez le même individu l'influence de la suggestion n'est pas la même pour toutes les voies nerveuses.
Quelle est la cause de celte différence dans l'influence suggestive ? Je ne saurais pas l'expliquer, en tout cas, cette différence existe et dépend peut-être de variations accidentelles dans l'organisation du système nerveux, l.a même influence suggestive sur la conduction se fait valoir sur les voies nerveuses dans le cerveau et, par conséquent, sur les voies d'associations. Figurons-nous que nous suggérons a quelqu'un en étal hypnotique, un acte criminel ou un acte qui lui est désagréable d'exécuter, il exécutera cet acte ou ne l'exécutera pas, il pourra résister à la suggestion
quand les idées contradictoires à l'idée do l'acte suggéré entreront avec assez de força dans le cerveau- Pour que ces idées contradictoires puissent entrer avec assez de force dans le cerveau, il faut que la conduction soit complètement intacte dans les voies d'association par lesquelles les centres de l'idée suggérée et des idées contradictoires sont réunies.
Si cette conduction est diminuée, l'entrée des idées contradictoires est plus dîfficile et pour cette raison, il est possible que la suggestion no soit pas réalisée et que le sujet n'exécute pas l'acte ou qu'il exécute l'acte suggéré, mais immédiatement on voit qu'il y a résistance. Si lu conduction est totalement annihilée, les idées contradictoires ne peuvent plus entrer dans le cerveau et l'exécution des actes se caractérise par un automatisme complet.
Si un acte suggéré est exécuté, tandis qu'un autre ne l'est pas. cela peut dépendre comme je l'ai dit déjà des variations individuelles dans l'organisme du système nerveux ; souvent chez le même individu, les suggestions les plus criminelles ou les plus délictueuses se réalisent sans aucune résistance et presque autos matiquement, tandis que des suggestions beaucoup moins sérieuses ne s'exécutent pas ou rencontrent énormément de résistance chez le sujet. J'ai essayé d'expliquer ce fait do la façon suivante : C'est une loi physiologique que la puissance conductrice dans les fibres nerveuses devient plus grande à mesure que la conduction se renouvelle ; cette loi se manisfeste naturellement dans le cerveau pour les voies d'association.
Lorsqu'on suggère un acte criminel ou délictueux à un individu d'une nature absolument honnête et morale, qui n'y a même jamais pensé, on provoque dans son cerveau une idée tout à fait nouvelle, les voies d'associations entre le centre nerveux où se forme cette nouvelle idée et les centres où se forment des idées opposées, ne possèdent qu'une puissance locomotrice très peu développée, parce que ces associations ne se sont pas manifestées. Jusqu'alors cette puissance conductrice peut être facilement amoindrie ou disparaître totalement sous l'influence puissante de la suggestion. C'est pour cela que les idées contradictoires ne peuvent pas entrer dans le cerveau où n'y entrent que très dîfficilement et que le sujet suit immédiatement la puissance impérative de la suggestion, et exécute l'acte comme un automate. Si l'on suggère â un sujet un acte ordinaire, mais qui lui est désagréable et peut-être contraire à ses principes, il ne l'exécute pas : cela vient de ce que l'idée suggérée n'est pas nouvelle pour son cerveau et de co que les associations avec les idées contradictoires se sont manifestées déjà
plusieurs fois chez, lui : il faut en conclure que la puissance conductrice des voies d'association entre les centres où l'idée s'est formée et que les centres des idées opposées, s'est assez développée pour résister a l'influence de suggestion, que par suite les idées contradictoires ne rencontrant pas une résistance suffisante entrent plus facilement dans le cerveau.
Si mes idées sont justes, on peut en conclure qu'il y a dans la suggestion de grands dangers au point de vue de la justice criminelle, car l'exécution îles actes suggérés ne dépendrait pas de la volonté propre du sujet, mais bien de l'état de conductibilité des voies d'association de son cerveau, conductibilité très variable et différente selon chaque individu.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOCIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 17 juillet 1893. — Présidence de M. Dumostpallier.
(Suite)
Monoplégie hystérique guérie par suggestion. Aménorrhée et mâtrorrhagie coïncidant avec l'apparition et la disparition de la monoplégie.
Par M. le Dr Félix Regnault.
La femme X..., mariée, sans enfant, est âgée de .15 ans. Elle présente les stigmates hystériques : anesthésie parfaite des globes oculaires et dit pharynx, sensation de boule hystérique..., mais elle n'a jamais eu de grandes attaques.
Elle n'a éprouvé aucun accident du fait de son hystérie jusqu'à l'irruption de sa paralysie. Celle-ci survint brusquement a sa jambe gauche, il y a un an juste. Depuis, la malade garde la chaise ou le lit : elle ne peut absolument pas marcher et ne quitte pas son appartement. jambe esl comme morte, les articulations lubio-tarsienne et du genou absolument flasques, la malade a conservé les mouvements de flexion et d extension de la cuisse.
En même temps que la monoplégie, existe une anesthésïe se terminant en ligne d'amputation à cinq travers de doigt au-dessus de l'articulai ion du genou.
La piqûre faîte pour essayer la sensibilité ne donne issue à aucune gouteletle de sang.
En même temps que la paralysie la malade a vu survenir une interruption complète de ses règles. Auparavant elle ne les voyait du reste que trois ou quatre fois par an. Ces détails ne m'ont été donnée qu'après
guérison suggestivo de la malade. Je n'y avais auparavant pas même fait attentîon. Je cherchai ii endormir la malade et n'y parvins point. Je me résolus à opérer une suggestion graduelle à l'état de veille. Je massai la jambe paralysée, lui persuadant avec autorité que cet acte allait peu à peu ramener le mouvement. Et effectivement au bout d'une demi-heure l'une première séance la malade pouvait remuer les doigts de pied: il existait quelques mouvements limités du cou-de-pied et du genou, Enfin elle ressentait des fourmillements multiples; le massage la « travaillait ».
Je reviens trois jours après pour une seconde séance. La malade me déclare que les fourmillements se sont produits dans tout cet intervalle. Les mouvements limités ont persisté. Enfin elle m'avertît que ses sangs lui sont revenus avec une extrême abondance, re qui l'inquiète beaucoup. Or je ne lui avais pas parlé de son aménorrhée; celte perte fut donc un phénomène tout spontané.
Par la piqûre, la malade accuse une douleur, et le sang coule.
Je pratiquai deux autres massages, après lesquels la malade put se lever, marcher et sortir.
Elle était guérie.
Maïs la métrorrhagie dura quinze jours et fut très forte. Je revis la malade trois mois après, la guërison avait persisté, les règles étaient revenues. Mais la malade se plaignait maintenant d'une grande faiblesse et de dyspepsie opiniâtre. Tant il est vrai que cher les hystériques la suggestion ne parvient qu'à guérir un symptôme qui est bientôt remplacé par un autre plus ou moins gênant.
Il serait utile de rechercher si la suggestion a souvent une action vaso-motrice aussi nette que dans celte observation.
De l'Hematophobie.
Par M. le Docteur Gelineau.
On peut poser en principe que l'homme civilisé a, par un sentiment instinctif, l'horreur du sang. Il n'en est pas ainsi cher les peuples sauvages et ces tyrans farouches qui dans les déserts mystérieux du continent noir se repaissent de la vue de sacrifices humains, sont à l'abri de pareilles faiblesses; leurs habitudes guerrières, la religion mahométane, la vue quotidienne de combats sanglants les ont familiarisés avec ces atroces spectacles ; mais, on peut établir en règle générale que chez les races civilisées, l'homme a de I horreur et du dégoût pour le sang versé autrement que dans les combats !
Au temps lointain déjà où on pratiquait la saignée, rien n'était plus fréquent que de voir la personne de l'assistance qui tenait la cuvette pâlir soudainement — et se plaindre d'obnubilation, de tournement
gira Loire des objets autour d'elle, — aussitôt des sueurs froides couvraient son visage; elle chancelait, comme étourdie, sentait une faiblesse générale l'envahir, et si elle ne se hâtait pas de sortir vivement et de respirer à Ilots l'air extérieur, elle s'évanouissait et s'affaissait en perdant complètement connaissance. Cela s'observait principalement chez les femmes et surtout chez, les jeunes filles; cela arrivait bien aussi sans doute à In personne saignée, mais c'était par un tout autre motif; la déplétîon des vaisseaux sanguins trop brusque. ou. poussée trop loin déterminait chez elle l'anémie cérébrale, d'où syncope, tandis que dans le premier cas, si l'anémie cérébrale se produit, ce n'est pas par soustraction, mais bien par arrêt brusque de la circulation, par inhibition du système sanguin encéphalique.
Quoi qu'il en soit, l'hématophobie a toujours existé, seulement on n'v avait pas pris garde et surtout on ne l'avait pas encore baptisée.
Il y a, en effet, une foule de gens qui ne peuvent sans se troubler voir verser une goutte de sang; ils se détournent avec horreur, ils pâlissent, frissonnent, et quelques-uns ont même, des convulsions. J'ai été pendant 15 ans le médecin d'une famille où un hématophobe se révéla dès sa jeunesse de cette manière.
Observatios
A. D... habitait la campagne avec ses parents, la famille était ainsi composée : un grand-père très bien portant, une grand'mêrc diabétique, une mère et un père tres sains et deux enfants, le jeune A... et sa sœur ni maladifs, ni nerveux. A 7 ou 8 ans. A... vît sa grand'mère saigner un poulet dans la cuisine et à la vue du sang, il tomba raîde, pâle, inanimé. Puis après quelques secondes, se déclaraient des convulsions épileptiformes (agitation, mouvements cloniques violents) qui durèrent deux minutes, suivis de stertor et de sommeil comateux; le malade transporté sur son lit. y fait un bon somme et. à mon arrivée, je le trouve plus gai que ses parents consternés de cet événement fâcheux, et inexplicable pour eux. Il n'y avait eu, en effet, dans la famille, aucun antécédent nerveux et surtout point de ces convulsions si fréquentes en bas âge.
Une seconde attaque survenue dans des circonstances identiques (la vue d'un saignement de nez chez le fils d'un bordier de la propriété) me fit plus tard soupçonner la cause de la crise névrosique bien que cela me parût tout à fait extraordinaire.
II est vrai que l'année suivante, une autre survint sans que celte cause put être invoquée; ce qui me fit envisager l'avenir avec crainte pour cet enfant. Ses parents désireux d'éclaircîr ce qu'il y avait d'obscur dans l'origine de cette affection le conduisirent à Rochefort où le médecin diagnostiqua l'épilepsie, bien que le sujet eût le crâne très régulier, la face symétrique cl que l'accouchement de la mère ne se fut pas opéré avec les fers. Par mesure de prudence, A... fut soumis par
moi à l'usage des dragées anti-nerveuses Célîneau (arsenic, bromure et picrotoxine) à dose progressive... Il survint encore, les années suivantes, deux autres accès, maïs atténués — on put le mettre au collège où il se fortifia beaucoup. A 15 ans. les accidents nerveux idiopathiquea avaient disparu complètement, grâce à l'emploi régulier et constant de la médication, mais cependant jusqu'à 21 ans. il resta fort impressionnable à la vue du sang : si quelqu'un se coupait quelque part devant lui avec un couteau, il s'enfuyait au plus vite, pâlissant, suant, se Irou-vanl mal à l'aise, et tout près encore à s'évanouir, ou bien s'il ne fuyait pas, il détournait la tète en se raidissant et s'efforçait de chasser cette image nauséeuse. Quant aux volailles, la consigne était donnée à la cuisine et jamais on ne les immola plus devant lui. Et cependant, chose bizarre, ce jeune homme, devenu passionné pour la chasse, ne sourcillait pas quand îl achevait une perdrix, ou un lièvre blessés, dont le sang se répandait à ilot sur ses doigts, et les teignait en rouge. Je l'ai revu, il y a deux ans, sa crainte du sang versé a complètement disparu, et tout symptomc de sensibilité névrosique s'est éteint chez lui !
Dans cette observation, et chez ce jeune homme indemne d'ascendants névrosiques. l'apparition de l'hématophobie ne s'explique pas, maïs, généralement, l'horreur du sang est, comme, le dit le professeur Mendés de Barcelone (1) le patrimoine des neurasthéniques, on devrait dire des névropathes. Cependant, mon confrère a, lui aussi, connu un sujet de constitution enviable, d'un tempérament bien équilibré, sans la moindre tache de nervosisme bien que les grandes occasions n'aient pas manqué à ce dernier pour favoriser son éclosion (traumatisme, émotions violentes, déraillement d'un train en marche) et qui est cependant incapable de supporter la vue d'une goutte de sang. 11 courrait à perdre haleine et ferait dix lieues plutôt que d'être témoin d'une saignée faite par nos cuisinières au cou d'un de nos oiseaux domestiques. Dans ce cas, comme chez mon malade, l'hématophobie est réellement essentielle.
En réalité, il est incontestable que l'hématophobie est le plus souvent secondaire et mille fois plus fréquente chez les héréditaires que chez les autres personnes.
L'étude de cette phobie a été un peu trop délaissée et cependant elle est réellement intéressante et originale.
Elle n'est pas moins héréditaire que les autres phobies. On a vu des familles entières en être frappées, et cette névrose se succéder de génération en génération avec les mêmes stigmates. Quand l'hérédité n'existe pas chez les descendants directs, on la voit affecter, nous dit le docteur Mendés les cousins et les cousines.
Causes. — Comme principe étiologique, on peut établir que l'hématophobic s'adresse de préférence aux émotifs, aux frissonnants.
Dans cette conception des choses, l'impossibilité de voir le sang- n'est
(1) Revista de Hygiène y Policia sanitoria. Barcelone. 17 septembre 1891.
plus qu'une émotion plus intense, plus violente que les autres avant dans ses formes les plus graves une parenté très grande avec les syncopes et par l'intermédiaire de ces dernières avec certaines formes vertigineuses. Un pas de plus (et il se lait sans effort) et l'hématophobie s'associe avec les autres syndromes du patrimoine névropathique,— sï fécond en déséquilibrations de toute espèce, — un pas de plus encore et alors, comme le démontre notre dernière observation, les crises épilep-tiques surviennent.
Le plus souvent, dît le docteur Mendès, c'est une syncope, survenant à la suite d'une émotion profonde, caractérisée par de la pâleur, de l'anémie cérébrale, la diminution de la pression artérielle, la suspension brusque des mouvements du cœur et la perte du sentiment et des mouvements volontaires.
Fréquence. — L'hématophobie se rencontre le plus souvent chez les neurasthéniques et chez les hystériques, ce qui explique sa fréquence chez la femme, chez les jeunes gens et les personnes vouées à de grands travaux scientifiques ou littéraires.
Le Dr Mendès l'a vue coexister avec certaines vésanies d'origine déprimante. Un lypémaniaque triste, réservé, taciturne sortait de son étroite cellule quand il voit du sang jaillir de la narine d'un de ses compagnons de réclusion qui était albuminurîquc et aussitôt il pâlit, s'en-goisse, et s'enfuit à toutes jambes. Depuis cette impression, il suffisait de s'écrier devant lui que son compagnon allait saigner du nez pourvoir apparaître aussitôt les mêmes symptômes.
Ferré rapporte un cas remarquable d'hématophobie chez une hystérique de quarante ans; toute la famille y était sujette du reste, mais celle-là l'était depuis son enfance et hystérique par-dessus le marché.
Saignée plusieurs fois au bras pendant diverses affections de poitrine, elle eut une syncope à chaque saignée, même lorsque le médecin l'empêchait de voir son sang couler. Plus tard, ce fut bien pis, la syncope survenait aussitôt qu'on touchait une de ses cicatrices, aussi fut-on obligé de lui faire porter des manches très larges afin que ses vêtements ne fassent pas de plis comprimant ses anciennes saignées. Il est certain que dans ce cas, comme dans ceux que nous avons cités plus haut, l'émotivité était arrivée à son maximum d'intensité puisqu'il suffisait chez ces personnes d'évoquer l'idée du sang prêt à couler pour susciter le spectre de l'hématophobie depuis l'horreur instinctive du sang, jusqu'à la syncope complète.
On pourrait citer des milliers d'exemples où la vue du sang inspire les mêmes affres et le médecin qui exerce à ta campagne et qui est obligé, quand le péril est pressant, d'exécuter une opération à l'impro-viste en requérant l'aides premiers venus qui l'entourent, est souvent spectateur de semblables accidents. Le D' Mendès raconte qu étant jeune, il eut à opérer à la campagne un jeune homme porteur d'un hygroma prcrotulie très douloureux qui l'empêchait de gagner son paie de chaque jour. Une cour tint lieu d'amphithéâtre ; une méchante table.
votive d'un de ses pieds servit de lit an patient et un garçon qui passait pour être plein de sang-froid dans ces solitudes lointaines s'offrit pour remplir le rôle d'aide. Il n'avait pas peur du sang, même versé par torrents, disait-il. L'opérateur ajoutant foi . ses paroles lui confia le pied à maintenir et se mit à faire l'incision de la peau sans se presser; mais aussitôt que le sang eut jailli de l'incision... changement complet de décoration, le fameux aide tomba raille et inanimé sur le sol, renversant d'une ruade violente la table boiteuse et le patient qui du même coup donna de son genou sur la terre. Les rôles furent renversés et le malade dut malgré sa blessure, aider à transporter cet aide fameux, le garçon le plus déterminé de toute la contrée, en dehors du camp d'Agra-mant. L'opération fut ensuite faite tranquillement et réussit fort bien.
C'est ordinairement en voyant couler le sang que l'hématophobie se révêle, mais une simple tache de sang sur la manche d'un opérateur suffit pour faire frissonner et évanouir certains sujets. On a vu un jeune homme, devenu aujourd'hui chirurgien célèbre, visitant un an avant de commencer ses études de médecine, un hôpital propre et ciré comme pour un jour de fête, tomber en syncope en voyant une tache sur une manche de linge blanc, s'imaginant que c'était du sang... Or ce n'était qu'une simple tache de nitrate d'argent !
Nous avons dit plus haut que l'hématophobie ne survenait pas seulement à la vue du sang humain et nous avons cîté mon client se trouvant mal en voyant saigner un poulet ou couper le cou d'un canard.
Il est rare que la vue du sang menstruel puisse la déterminer; beaucoup de jeunes filles lors de sa première apparition sont plutôt honteuses qu'épouvantées, mais généralement cela ne va pas plus loin; l'habitude finit ensuite par émousscr cette impression ; M. Mendès a cependant connu une jeune fille qui s'évanouissait quand elle voyait le sang de ses règles, aussi prit-elle le parti pour éviter cet accident de faire sa toilette génitale dans une complète obscurité.
Diagnostic. — On peut redouter l'hématophobie quand les sujets se sentent mal à l'aise a la vue du sang, mais on ne peut la diagnostiquer réellement que lorsque le sujet perd connaissance et qu'on relie l'effet à la cause. Quant au Pronostic, il ne saurait être bien grave ; il dépend surtout des conditions dans lesquelles se trouve le sujet, de la plus ou moins grande facilité à s'émotionner, de l'énergie de sa volonté, etc. Il devient plus sérieux quand il s'agit d'un soldat lancé au milieu de la mêlée. Dans cette circonstance, le militaire hématophobe en vovant ses compagnons décimés par la mitraille ou blessés par un coup de sabre et couverts de sang tomberait-il à côté d'eux, impuissant, sans connaissance et hors d'état de servir sa patrie ? Je l'ignore, mais j'en doute; je crois que l'exaltation du moment, la voix entraînante des chefs conduisant à la victoire ou à la mort, le bruit de la fusillade, la furîe guerrière l'empêcheraient sinon de voir, du moins de réfléchir; dans l'ivresse du combat, les mêmes hommes ne foulent-Îls pas aux pieds, ne brisent-ils pas sous les roues des essieux de leurs pièces, des camarades
blessés et pleurant que. dans la rue. ils s'empresseraient secourir ? Comme on le dit. un clou chasse l'autre? Dans la mêlée - sanglante. rhématophohe n'est plus qu'un fou furieux de plus, insensible à tout ce qui se passe autour de lui.
Traitement..— C'est bien rarement qu'un nous consulte pour cette
phobie. On se contente d'appeler l'hématophobe « poule mouillée capon,
propre à rien et d'autres aménités de ce genre. » Cependant Féré a été consulté par deux ouvriers qui s'évanouissaient comme des femmes quand ils recevaient la plus légère piqûre ou coupure Peut-étre la suggestion donnerait-elle ici de bons résultats, mais le meilleur traitement sera dans tous les cas. puisque le mal dépend d'une impression-nabilîté excessive de fortiOeren même temps le moral et le physique des sujets parla gymnastique, l'hydrothérapie, le séjour à la campagne, les travaux îles champs et une !onnc éducation morale. Le chirurgien dont nous avons parlé est un bon exemple à citer ; il n'a pas lardé a se corriger de sa faiblesse; une volonté ferme lui a permis de s'aguerrir et de voir sans sourciller le triste spectacle si saisissant jadis pour lui, du sang et des misères humaines.
l/hématophobie est dune essentiellement eu m hic si on ms lu laisse pas trop longtemps dominer la scène et envahir le terrain de manière à empêcher la svncope de devenir épileptifornie. Avec de l'énergie, de la résolution, du raisonnement et au besoin avec l'uide de la suggestion hypnotique, on peut, on doit guérir de celle névrose d ordre secondaire.
Jalousie morbide, compromettant la vie. guérie par la suggestion
hypnotique.
Par M. le Docteur Bocrdon, de Méru.
Il s'agit ici d'un de ces cas qui. s'ils se sont déjà présentés à l'observation du médecin, n'ont peut-être pas eu souvent le même dénouement.
La jalousie, même excessive, n'est malheureusement pas chose bien rare et. sans parler des drames divers dont elle est assez souvent l'objet, sa guérisou, surtout par le fait de la médecine ou du médecin, ne doit pas être chose fréquente. Voilà pourquoi il m'a paru intéressant de rapporter ce fait à l'actif de la psychothérapie, seule méthode, sans doute, capable de fournir un tel résultat.
Mme X, 24 ans, anémique, vive et nerveuse, sans être hystérique, grande et belle femme il y a quelque temps encore, est aujourd'hui extrêmement amaigrie et arrivée au dernier degré de l'émanation.
Depuis longtemps, sous l'empire de la jalousie, cette jeune femme était devenue méchante et se livrait à tous les emportements de la colère. Elle ne mangeait plus, ne dormait plus.
Elle avait l'apparence d'un squelette, elle commençait à tousser et la respiration offrait de la rudesse aux sommets, ele.
Ses parents, qui habitent une localité voisine de Méru, très inquiets sur le compte de leur fille unique à laquelle son médecin avait dit qu'il n'y pouvait rien, me font venir pour me faire part de cet état de choses et me demander si je pouvais y apporter quelque remède. Il était question pour eux de la mort de leur fille et pour le mari, du divorce.
Me souvenant que j'avais déjà obtenu un résultat dans un cas moins grave, il est vrai, mais analogue, je répondis que je voulais bien essayer.
On la fit donc venir des environs de Paris, où elle habite et. le 20 octobre 1892. sa mère l'ayant amener chez moi. je commençai une première séance d'hypnotisme.
Au bout d'un quart d'heure je parviens à l'endormir par le regard, en lui suggérant l'idée du sommeil, Le sommeil, sans être profond, est assez satisfaisant pour une première séance.
Je lui suggère alors qu'elle est désormais indifférente a ce qu'elle verra. que son mari n'est pas coupable, qu'elle en est convaincue, qu'elle n'est plus jalouse, qu'elle n'a pas de raison de l'être, qu'elle n'a plus d'irritation, de méchanceté, ni d'emportement, qu elle ne fait plus de scènes à son mari, qu'elle est aimable pour lui : qu'elle a de l'appétil. du sommeil, du calme : qu'elle mange et dort bien, etc.
Au réveil, elle ne se souvient de rien bien qu'au commencement de la séance elle entendit sa mère".
Elle M trouve déjà mieux, plus calme. Elle s'en va avec l'espoir de guérir.
Le lendemain, nouvelle séance et mêmes suggestions, mais elle s'endort plus difficilement et le sommeil est moins profond ;elle entend sa mère toute la durer de la séance et au réveil, elle a moins d'amnésie.
Cependant elle se trouve encore un peu mieux que la veille, un peu plus calme. Les séances sont continuées sans interruption pendant sept jours, parce que les jours étant comptés, elle doit réiulégrer le domicile conjugal, attendu que cela se fait à l'insu de son mari et qu'elle en est arrivée à désirer le revoir, à s'ennuyer de lui. (iliaque jour, en rentrant avec sa mère, son père la trouve mieux et constate un progrès nouveau.
Après la septième séance, elle se trouve tout à fait bien, elle désire vivement repartir, revoir son mari.
Et cependant le sommeil n'a jamais été profond, mais les suggestions ont été faites avec insistance pendant ce sommeil et aussi, il faut le dire, répétées par moi après les séances et par une autre personne qu'elle affectionnait et qui avait sur elle un grand ascendant.
Toujours est-il qu au bout de sept jours, elle repart satisfaite, convaincue qu'elle est guérie, impatiente de revoir son mari qu'elle craint de mécontenter et pour lequel son affection renaît; elle se fait une joie de lui faire la surprise de sa guérison, d'une guerison à laquelle
on ne s'attendait pas puisque, pour le mari, il était question de divorce, et que. pour les parents, il était question de mort.
Quelque temps après. le calme et la bonne harmonie étaient revenus dans le ménage et, chose eu rieuse, la suggestion d'indifférence, dans ce qu'elle verrait, avait porté ses fruits puisque, pendant quelque temps, elle accompagnait encore son mari chez les femmes qui avaient été cause de cette jalousie, jusqu'à ce qu'il eût perdu l'habitude d'y aller.
il n'était plus question ni de mort, ni de divorce, elle m'écrivait la lettre suivante :
« Monsieur le Docteur,
« Permettez a une cliente bien reconnaissante de venir vous remercier des bons soins que vous lui avez donnés et qui ont si vivement guéri sa maladie tant au moral qu'au physique.
« Je me porte très bien et commence à avoir meilleure mine. Je mange comme un ogre, je sens ma gaieté revenir de jour en jour et par conséquent la paix et le calme dans notre intérieur que mon caractère acariâtre et emporté avait fait disparaître. Il aurait bien mieux valu pour nous vous connaître plus tôt, ça nous aurait évité, ainsi qu'à mes parents, bien des ennui» et des tourments. Enfin le principal est que ea aille bien et que ça continue à aller de mieux en mieux.
« Je vais continuer, pendant quelque temps. le traité reconstituant
consodé mes
nouvelles. »
que vous m'ayez prescrit (pepto-fer, etc.), pour me fortifier et lider ma guérison. J'espère aller vous porter bientôt moi-même
Huit mois se sont écoulés. I.a guérîson s'est confirmée, le ménage est heureux et il l'est d'autant plus que celte jeune femme est sur le point de devenir mère pour la première fois.
Cette guérison est d'autant plus méritoire, nous »emble-t-il. que la jalousie, cause de tout ce mal, qui avait mis les jour» de cette femme en danger, avait sa raison d'être et que, tans avoir d'action sur le mari, à son insu même, il fallait en triompher.
C'est donc là un nouveau et intéressant succè» pour la psychothérapie.
Hypercsthésie de la sensibilité chez un sujet hypnotisé.
Par M. le Dr Antoîne MawroukAKis.
Permettez-moi de vous présenter une malade venue à la clinique du Dr Bérillou le 15 juin, pour nous consulter pour des crises convulsivos et sur laquelle j'ai fait quelques constatations intéressantes au point de vue de l'hyperesthésic dans l'état d'hypnotisme.
Mme Cl..., âgée de 35 ans, a eu trois enfants et fait deux fausses
rouriies. Un des enfants est mort de convulsions.un antre d'une inflammation des intestins. Le troisième présente des signes physique tres précis de dégénérescence et surtout une voûte palatine unique dans son genre.
Deux oncles paternels de la malade étaient très nerveux. Elle présente des hallucinations de la vue et de l'ouïe, elle voit des ombres et des personnes, elle entend des voix et des bruits qui n'existent pas et elle affirme les avoir vus et entendus. Réflexes exagérés. Appétit irré-gulier. Insommies. Sommeil agité accompagné île cauchemars. Menstruation irrégulière (7 fois par an) et très douloureuse. Caractère emporté. Emotivité exagérée. Mémoire et volonté très faibles.
Il y a quatre ans elle eut beaucoup de chagrin causé par la mort de son second enfant, et huit jours après survenait sa première fausse couche. Jusqu'à ce moment la malade ne sentait rien d'anormal, mais en la délivrant on lui a fait une écorchure au col de la matrice pour laquelle elle s'est fait soigner pendant trois mois. Depuis cette époque des crises hystérîques complètes ont commencé avec de l'ovarie, de la constriction épigastrique de boule, de strangulation, des sifflements d'oreilles, perte de connaissance, des cris, des convulsions, des suffocations.
Les crises d'abord rares apparaissaient une ou deux fois par mois. Mais il y a quatre mois, à la suite d'une crise, plus violente que les précédentes et qui a duré deux heures, la malade fit sa seconde fausse couche accompagnée d'une forte hémorragie.
Depuis ce temps la maladie s'est aggravée; elle avait des crises tous les deux jours, quelquefois même tous les jours. Sa sensibilité culauée présente le signe suivant : les yeux fermés elle ne sent rien; les veux ouverts, la sensibilité reparaît.
La malade est tres hypnotisable. Je l'ai endormie au bout d'une minute; et après la première séance les crises ont considérablement diminué, car elle n'en a eu que trois ou quatre et très incomplètes depuis.
J'ai suggestionné la malade en lui disant : chaque fois qu'une crise sera pour vous prendre vous penserez à moi et vous vous endormirez profondément, la crise passera et une minute après vous vous réveillerez tout à fait bien portante. Elle a suivi mes prescriptions qui ont parfaitement réussi.
Cette malade présente une singulière particularité de suggestibilîté ; c'est pourquoi j'ai déridé de In présenter à la Société. Elle n'obéit qu'à moi. Je peux obtenir chez elle n'importe quel acte posthypuntique. tandis qu'un autre opérateur ne réussira même pas à mettre ses membres en catalepsie. Plusieurs personnes ont essayé mais n'ont pu obtenir aucun résultat. Cependant je ne lui ai jamais commandé la désobéissance.
Cette suggestibilité particulière m'a fait penser que cette malade serait un très bon sujet pour vérifier la pseudoextériorisation de la
sensîbilité- dont MM. C.rocq de Bruxelles el de Enrhas se sont occupés" M. de Rochas parle d'une couche sensihle s élevant île ipiehpies centimètres au-dessus de la peau. En cherchant a vérifier ce phénomène j'ai remarqué que cette sensibilité extériorisée était un phénomène produit par la suggestion. Je me suis mîs à quatre mètres de la malade et je lui ai dit : Madame, je vais vous piquera la main gauche où vous ressentirez une très forte douleur; je vous pique : et sans toucher la malade j'ai obtenu la sensation de la douleur: après j'ai dit au sujet : je vais vous piquer à la main gauche et vous sentirez la douleur à la main droite, aux oreilles, aux pieds, au bout du nez. etc., etc.; et le phénomène s'est produit. J'ai vu que la prétendue couche sensihle était d'une étendue beaucoup plus considérable. Pour m'en mieux assurer j'ai fait la même expérience que M. de Rochas. J ai pris un verre plein d'eau je l'ai placé dans la main du sujet. J'ai attendu dix minutes, j'ai piqué les parois du verre sans faire de bruit et le sujet est resté insensible. Après cela je lui ai dit : Une partie de votre sensibilité va passer dans le verre, chaque fois que je le piquerai c'est vous, qui sentirez la douleur. J'ai piqué le verre sans bruit et j'ai observé la même insensibilité, après j'a! touché brusquement le verre en produisant un son. et la douleur fut aussitôt ressentie.
Pour continuer mes expériences, je pris le verre dans mes mains je me suis éloigné de 3 ou 4 mètres, j'ai recommencé mes essais et j'ai obtenu les mêmes résultats. Et j'ai conclu que ce n'était pas le fluide magnétique qui provoquait celte prétendue extériorisation de la sensibilité, mais que c'était tout simplement la suggestion; car. si c'était le lluide. pourquoi le sujet ne sentait-il pas la douleur quand il n'entendait pas le bruit de l'épingle piquant le verre ? Si c'était le fluide magnétique pourquoi sentait-il lorsque je piquais des verres n'ayant pas été en contact avec lui ? Si c'était le lluide magnétique pourquoi ne sentait-il pas avant d'être suggéré ?
Je ne me suis pas borné à ces expériences, j'en a! fait d'autres: J'ai pris nue sonnette et j'ai dit au sujet : Au premier coup de sonnette vous sentirez une espèce de fluide. une force qui vous obligent à vous lever de la chaise et à vous mettre bien doucement à genoux : au second coup de sonnette vous reprendrez votre place et la malade l'a fait sans hésitation.
Une autre fois je lui ai dit qu'au premier coup de sonnette il lèverait les bras et prendrait la position de catalepsie et que ses membres deviendraient raides et qu'au second coup il baisserait les membres et cela a réussi. Enfin j'ai obtenu toutes sortes d'hallucinations et toutes sortes île sensibilité et non seulement sur ce sujet mais encore sur d'autres et particulièrement sur une demoiselle M. Cart... qui a une contracture du bras et du pied gauche à la suite d'une paralysie infantile.
Ces expériences m'ont convaincu que ce n'est pas le lluide magnétique qui agit dans ces cas, mais tout simplement la suggestion et que.
probablement. les auteurs de In pscudncxlériorisaliou de la sensibilité ont été trompés par les faits: voici comment : En essayant d obtenir les résoluts cherchés ils ont. à leur insu, suggéré leurs sujets soit à l'état de veille, soit à l'état de sommeil hypnotique, en parlant, par exemple, à une tierce personne ou tout simplement en leur faisant comprendre ce qu'ils voulaient obtenir cl les sujets, une fois endormis ont exécuté ce qu'ils axaient entendu ou compris. Je crois que celle malade est un sujet très intéressant à étudier miu tous les points de wie hypnotique» el qu'avec lui on peut prouver que c est la suggestion qui lait tout et que, pendant le sommeil provoqué, ne se développe aucun fluide magnétique.
niscLSSiox'
M. iu . — Il est possible que le phénomène décrit sous le nom d'extériorisation de la sensibilité n'existe pas cher ce sujet, sans que pour cela on soït eu droit d'en nier l'existence. Kn ce qui me concerne, j'ai répété avec succès plusieurs lois l'expérience île M. de Hochas qui consiste, comme nu le sait, à transférer la sensibilité du sujet dans un verre d'eau; il est vrai que je n'ai peut-être pris toutes les -'eau-
lions voulues pour mettre mon sujet à l'abri de la suggestion.
M. A. Voisin. — J'ai invité M. de Hochas â venir dans mon service pour me démontrer l'existence de l'extériorisalion de la sensibilité. Je I ai mis en présence d'un sujet modèle en ne lui imposant comme condition que de ne pas prononcer un seul mot et de ne pas faire un seul geste ; Min expérience a totalement échoué.
M. Knvoi'LD (de Liège.. — Je n'ai jamais réussi non plus à extérioriser la sensibilité ; je veux bien admettre que ce phénomène ne soit réalisable que chez un petit nombre de sujets; encore est-il que ces sujets devraient se rencontrer et devraient présenter des caractères sur lesquels il serait intéressant d'être édilié.
M. DUMONTAPALLIER. — Il n'est pas douteux que si nos sujets pouvaient sentira distance avant le contact de l'épingle, l'un de nous, dans les nombreuses expériences que nous axons faites, l'aurait constaté.
VARIÉTÉS
Le Juif errant A la Salpetriere.
Sous les auspices de M. le professeur Chareot. M. le Dr Henry Meige n étudié certains névropathes voyageurs qui depuis plusieurs années font leur apparition â la Salpétrière dans des conditions identiques et qui offrent des symptômes communs vraiment dignes de remarque.
Chaque annuée. on voit se présenter à la clinique de pauvres diables misérablement vêtus; leur face amaigrie, aux rides profondes et tristes, disparait sous une barbe immense et jamais peignée. D'un ton lamen-
table, ils rôtitt une histoire pleine de douloureuses péripéties, et si on ne les interrompait, i1 semble «pie jamais on n'en verrait la lin.
Né» bien loin, du coté de la Pomma ou dans le fond de l'Allemagne, dès leur enfance, lu misère et la maludic les ont accompagné» partout. Ils ont fin le pavs natal pour échapper ù l'une et a l'autre; niais nulle part ils n'ont encore rencontré le travail qui leur convirnt ni le remède qu'ils cherchent. Et c'est après des lieues et des lieues parcourues à pied, sous la pluie et le venl. jiar le soleil et le froid et dans le plus alleux dénuement, qu'ils viennent échouer à la Salpetricre dont la renommée les attirait.
Tous sont Israélites, et tous sont tles neurasthéniques renforcés, (1res-sanl la liste de leurs souffrances e| s'attardaiit u la lecture des sensations olwetlantes qu'ils ont méticuleusement analvsées et mises en notes. Plusieurs sont aussi hystériques avec des attaques, des hémiplégies, tles tremblements, etc.
Mais ce qu'il importe surtout d'examiner, c'est V cl fit mental de ces malades. Constamment obsédés par le besoin de se déplacer, d aller de ville en ville, de rliuique en clinique, à la recherche d'un traitement inconnu, d'un remède introuvable, ils essaient toutes les médications qu'on leur propose, avides tle nouveautés ; mais bientôt ils les repoussent, inventant un prétexte futile pour ne plus continuer à les suivre; et l'impulsion reparaissant, ils s'enfuient un beau jour, entraînés par le mirage d'une lointaine guérison.
Au point de vue cliologiquc. ¡1 est intéressant de remarquer l'origine même îles malades. Les Israélites sont en effet plus exposés, par leur race même, à toutes les manifestations de la névrose, ("est lu un point sur letpiel M. le professeur Charcot a fréquemment insisté dans ses leçons, et les statistiques qu'il a dressées ii la Salpetricre montrent clairement Cette prédominance des affections nerveuses dans la race juive. Qu'il s'agisse d'hystérie, d'épilepsie, de neurasthenie.de maladies mentales ou de diabète, la proportion d'israélites atteints ett toujours plus considérable.
Les causes occasionnelles de cette maladie du vovage sont sensiblement les mêmes que les causes provocatrices de l'hystérie ou de la neurasthénie : fatigues extrêmes, émotions murales dépressives, impressions douloureuses, ou bien des traumatismes violents, des chocs moraux imprévus.
Le faciès et l'habitas des névropathes voyageurs ont été particulièrement analysés par M. le l)r Meige :
« l.a physionomie exprime la souffrance, la lassitude et le désespoir. Leur face est amaigrie, aux pommettes saillantes au-dessus de joues creusées. Les rides du front sont remarquables : on les retrouve chez tous les malades et sur tous les portraits. Très longues, très profondes, elle» se perdent en haut dans l'attnrbe des cheveux, forment autour du front un triple ou un quadruple cercle. Au-dessus du nez deux sillons obliquement ascendants sont l'indice de la fréquente contraction des
sourcillers, les muscles de la douleur. L'oeil est potit, triste, enfoncé, cerclé de rides qui s'enchevêtrent rt le brident parfois en uu cligno-tement furlif. Le nez tanlùt long et busqué, plus souvent large, épaté, comme il se voit fréquemment dans la race germanique, Un profond sillon sépare le nez el les lèvres des joues, gagnant la commissure qu il abaisse el ajoutant encore à l'expression douloureuse...
« La richesse de leur mimique est extrême, et de même qu ils exagéras! les récits de leurs souffrancas, de même aussi ils accompagnent ce» récits d'un luxe de grimaces et de gestes d'une infinie variété, »
Les principaux symptômes morbides que présentent ces malades relèvent des deux névrose» qu'on retrouve chez eux plus ou moins accusées.
A la neurasthénie se rattachent la céphalée en casque, les douleurs rachidiennes qui l'ont que le malade marche lentement, évitant de se tourner trop brusquement par crainte de réveiller sa souffrance.
L'insonimie, les troubles dyspeptiques manquent rarement.
Il existe aussi des troubles de la sensibilité qui se manifestent par des sensations bizarres : fourmillements, picotements, douleurs erratiques dans les membres. El une sensation de fatigue, de courbature générale 'amyosthénie) qui ne doit pas être seulement attribuée aux longues pérégrinations, vu qu'elle persiste après plusieurs jours de repos à l'hôpital.
L'hystérie se manifeste |»ar des attaques classiques, quelques-unes seulement ébauchée», des trouble» de la sensibilité (anesthésies localisées, des troubles oculaires (rétrécissement du champ visuel, arhro-malopsie. micromégalopsie).
Enfin des hémiplégies avec ou sans contractures, quelquefois axer un hémitremblemelit.
Les facultés intellectuelles sont également touchées. Il faut noter une réelle diminution de la mémoire. L'n des malades avait oublié trois langues sur quatre qu'il parlait couramment.
L'asthénie psychique dont ils souffrent est la cause qui amène celte impossibilité de suivre une voie régulièrement tracée. L'esprit vacille dans toute» les directions: qu'une idée soit suggérée alors, ou qu'elle germe spontanément sous forme d'impulsion, le malade s'y abandonnera tout entier et la suivra jusqu'à ce que la fatigue l'en empêche. Or cette fatigue n'est pas longue à venir, car ces malades ne sont plus maitresde leur énergie psvehique.
Avant tout, la preoccupation de leur sauté les obsède. et les impulsions semblent n'apparaître que pour les entraîner vers un nouveau mode de traitement bientôt d'ailleurs abandonné.
C'est avec une faconde intarissable, avec des larmes, des sanglots, de» gestes éperdus qu'ils poursuivent tou» les médecins de leurs doléances. et jamais on ne verrait la lin de leurs discours lameutubles. si on ne brusquait le» entrevue».
I.e diagnostic de cette névropathie des voyageurs n'est pas malaisé
à faire si on a déjà vu quelques-uns de ces malades. A peine pourrait-on confondre leur maladie avec certaines autres affrétions.
Le mal décrit par M. Charcot sous le nom d'automatisme comilitil ambulatoire relève de l'épilepsie dont il n'est qu'un « équivalent ». Et l'amnésie qui succède aux crises Ml caractéristique.
Les pérégrinations du somnambulisme (soit naturel, soit provoqué) sont bien plus incohérentes, sans but précis, et l'attitude des malades, leur démarche sont typiques.
On ne prendra pas non plus l'état mental des névropathes errants pour une manifestation de l'hypocondrie. Dans cette forme de vésanie, l'idée obsédante est fixe, fatale, très tenace. Rien ne peut la chasser. Au contraire, ces voyageurs sont accessibles a toutes les suggestions.
Le pronostic, sans être grave, n'est pas très rassurant. Car rien n est plus tenace que cette forme de névrose. Sans doute il peut sur-venir des améliorations, mais elles sont passagères, et la maladie suit son cours pendant de longues années. Le traitement par l'éleetrothé-rapie et l'hydrothérapie combinées amène de bons résultats.
L'histoire des névropathes voyageurs rappelle aussi une question d'ordre médico-légal posée autrefois par M. Chareot dans ses leçons: Les vagabonds ne sont-ils pas tous des neurasthéniques? Le Pr Bene-diri,( de Vienne) a résidu la question par l'affirmative : » Le premier élément constituant du vagabondage, dit-il, est la neurasthénie physique, morale et intellectuelle, » Cette proposition est exacte dans bien îles cas et en particulier pour les israéliles voyageurs de la Salpètrïère; mais il serait peut-être dangereux de la généraliser.
A côté de celte étude de neuropathologie. M. le Dr Meige a placé une critique rétrospective drs Israélites voyageurs. En se basant sur les textes anciens et sur les documents figurés qu'il a pu recueillir, il mon-tre que « le Juif errant de la légende n'est en réalité que le prototype des Israélites voyageurs peregrinant de par le monde ».
Sans entrer dans les détails de cette élude d'exégèse, il sullit de constater que le» plus vieux chroniqueurs parlent «l'un certain Ahasvérus ou Cartophilus eourant le monde sans trêve ni merci. « A certaines époques, dit Mathieu Paris, bénédictin anglais qui vivait au temps de Henri Ili. il fait une maladie qu'on croirait incurable. Il est comme ravi en extase: mais bientôt guéri, il renaît. » — « Pendant un mois, dit Collin de Plancy. il s'obstina à repousser tout aliment : mais chaque nuit le sommeil rétablissait ses organes. » — Il n'est pas invraisemblable de retrouver là des arguments en faveur de la névrose chez le personnage légendaire.
Enfin, l'étude iconographique de M. Meige a aussi son intérêt, car les portails qu'il a recueillis et qui représentent le Juif errant mythique, olfrent de frappantes analogies avec les dessins des malades de la Salpê-trière.
Il est probable que les artistes anciens n'ont fait que reproduire fidèlement des types israéliles peregrinant à travers les villes et les
campagnes Les plus anciennes estampes sont en effet les plus ressemblâmes. C'étaient aussi les plus naïvement exactes.
« Le Juif errant existe donc encore aujourd'hui. Il existe sons la forme qu il avait prise aux siècles passés. Sa figure, son costume, ses manières conservent les mêmes caractères à travers les âges. C'est que ce mystérieux voyageur est un malade : ce qui nous frappe en lut. c'est précisément le cachet spécial que lui imprime sa maladie et qu'on retrouve dans toutes ses apparitions. »
DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE
Lettre de Belgique.
Monsieur le Directeur.
Permettez-moi de vous tenir nu courant des détails de l'organisation à Bruxelles d'une clinique de psycholhéraphïe.
Il y a deux ans je vous avais fait part de mon projet de créer ici une institution où seraient traitées toutes les maladies où la suggestion pouvait être indiquée. Comme je le prévoyais, j'ai eu à surmonter beaucoup d'obstacles provenant des préjugés qui toujours s opposent aux choses nouvelles. Malgré tout, je persévérai dans mon intention, car la confiance très grande que j'avais dans le traitement par la suggestion était solidement basée sur les faits nombreux vus â votre clinique et it celle de M. Bernheim et aussi sur beaucoup de résultats obtenus personnellement.
I.e premier malade traité avec succès amena un autre malade qui, lui. m'en amena un troisième. Au bout de quelques mois, les deux places dont je disposais pour l'hypnotisatiou devinrent insuffisantes. En janvier dernier (1893) enhardi par le succès, je faisais construire un iustilul dont l'inauguration eut lieu le 25 mai dernier en présence d'une cinquantaine de médecins.
Voici quelle est la disposition de l'établissement :
Le rez-de-chaussée se compose d'un vaste salon d'attente auquel font suite mon cabinet et la salle d'examen des malades.
Suivent 9 petites loges complètement isolées par une séparation et donnant sur un corridor de 2 mètres de largeur.
Chacune des petites loges a deux mètres de largeur sur trois de longueur. L'ameiiblemenl se compose «l'un fauteuil ou d'une chaise longue, de deux ou trois chaises et d'un nécessaire de toilette. Le jour venant d'un lanterneau percé nu plafond peut être masqué complètement par un rideau noir. Au bout du corridor s'ouvre une grande salle carrée dans laquelle sont installés le long des murs des divans confortables sur lesquels peuvent prendre place une quinzaine de personnes qui ne se refusent pas â être hypnotisées en commun.
Le premier étage est compose de trois salles. La plus grande sert de cabinet d'électricité. Des deux mitres. l'une sert de laboratoire de chimie et de microseopie, I autre d'atelier de photographie.
Le second étage se compose de quatre loges qui servent à recevoir les personnes que nous traitons par l'hypnose prolongée.
Je puis donc traiter eu même temps 28 malades. Pour n'assister1 dans cette lâche rude je me suis adjoint M. le Dr Macs qui. outre qu'il me seconde dans le prestige de l'hypnotisme est chargé de l'électricité, de la chimie, de la microseopie et de la photographie. Quelques médecins désireux de s'initiera la pratique de la psychothérapie sont également assistants à la clinique. Parmi mes premiers élèves se trouve M. le Df Vermeren qui vient de fonder un institut hypnotique à Chicago.
Voua voyez, mon cher Rédacteur en chef, que mon installation est assez vaste et je suis heureux de pouvoir vous dire que le succès en est considérable.
Je vous enverrai d'ici peu de temps le compte rendu des résultats obtenus. Je me contente pour le moment de vous dire que nous avons traité avec succès quantité d'hvstériqucs, d'alcooliques, de bègues, d invertis sexuels, de neurasthéniques, d'enfants vicieux, ainsi que des cas d'incontinence d'urine, d'agoraphobie, de crampe des écrivains, de contractures, d'aphonies, etc. Nous avons même fait plusieurs opé-rattons chirurgicales en employant, avec un succès merveilleux, l'hypnose comme moyen auesthésique.
Nous pouvez voir que depuis 1890, époque à laquelle j'ai eu l'honneur d'être, pendant six mois, l'élève assidu de votre clinique et de vos leçons, je n'ai pas perdu mon temps.
Les difficultés créées par les préjugés sont quasi-aplanies. j'ai rencon tre beaucoup de sympathies dans le corps médical et des concours précieux dans tous les mondes ; et je tiens à rendre particulièrement hommage à la bienveillance du clergé belge. Beaucoup de mes collègues, d'abord un peu sceptiques, se sont rendus à l'évidence des faits et ont compris que pour ta pratique sérieuse de l'hypnotisme, il faut une installation spéciale.
Quant aux membres du clergé, d'abord un peu retenus par une interprétation extra-naturelle reconnue fausse après examen sérieux, ils n'hésitent plus pour la plupart du moins; à m'envoyer quantité de malheureux à secourir. Eux-mémes, ainsi que des religieuses, se soumettent volontiers au traitement par l'hypnose.
J ai cependant une plainte à formuler- Un certain nombre de ceux qui devraient avoir les idées les plus larges font une opposition quasi-systématique à la psychothéraphte. On traite encore les partisans de cette nouvelle méthode d'illuminés, voire même de charlatans. Vous avez deviné qu'il s'agit du monde olliciellement scientilîque. Quoi d'étonnant d'ailleurs à cela ? N'avons-nous pas vu toujours les « classiques » rejeter les idées nouvelles sans même daigner les examiner.
Mais qu'importe après tout ? Malgré quelques sourires stéréotypés d'incrédulité, nous saurons faire reconnaître la valeur clinique «le la psychothérapie.
Pour terminer cette correspondance, je vous rappelle que notre clinique est libéralement ouverte aux médecins qui désirent voir notre installation et s'initier à la pratique de la suggestion hypnotique.
Dr Prosper van Velsen.
Bruxelles, le 14 octobre 1893.
L'hypnotisme â l'Académie de médecine de Belgique.
M. Masoin interpellé par un de ses collgues dans une précédente séance, nu sujet dis la première autorisation accordée à un professeur d'appliquer l'hypnotisme a présente ù l'Académie les explications suivantes que nous donne le compte rend a :
M. Masoin. — Messieurs, je désire revenir en quelques mots, par voie de motion d'ordre, sur la question soulevée à la dernière séance par l'honorable M. Crocq. Je veux préciser la situation, pour que les membres de l'Académie soient éclairés, comme aussi en vue de prévenir et d'arrêter des interprétations qui semblent se former nu dehors, et qui reposent à la fois sur des intentions plus ou moins malveillantes et sur une connaissance absolument insuffisante des faits.
Il s'agit de l'autorisation de pratiquer l'hypnotisme, accordée à M. A. Denis, de Verriers, qui est un homme très honorable et désintéressé.
Certains faits ont donc été signalés à la Société médico-chirurgien le du Brabant. dans un article publié par certaine presse médicale sous le titre quelque peu impertinent de : Protection gouvernementale du charlatanisme. Pour faire voir dans quelles conditions le droit du gouvernement s'est exercé et quelle a été mon attitude dans cette affaire. Je vous demande purement et simplement la permission de donner lecture de deux pièces.
Voici d'abord la demande d'autorisation : elle est ainsi conçue :
« MoNsieur le Ministre,
« Je me permets de venir solliciter de votre bienveillance l'autorisation de pratiquer l'hypnotisme conformément â la loi du 30 mai 1892.
« A 1 appui de ma demande, j'ai l'honneur de me recommander de M. le Dr Masoin. l'éminent secrétaire perpétuel de l'Académie rovale de médecine, et de M. Léopold Mallar, représentant de Verriers, si compétent en matière d'hypnotisme.
« A la présente je crois devoir joindre.
« Une lettre de M. le Dr Frtipont, de Pepinsker. appréciant ma manière d'opérer.
« Quelques attestations de personnes que la médecine courante n'a pu guérir et que j'ai eu l'occasion de traiter.
« Un certifient de moralité île l'administration communale ;
« Deux exemplaires de l'ouvrage : La Voie naturelle et f utilité de Chypnotisme, dont je suis l'auteur.
« Depuis que cet opuscule est édité, j'ai encore fait île nouvelles recherches.
« Je voudrais pouvoir travailler de concert avec des médecins désireux de s'initiera la science de l'hypnotisme. Il leur en coûte aujourd'hui d'appeler en consultation un simple particulier, sî compétent que celui-ci soit dans la matière. Leur dignité serait sauvegardée si ce particulier était muni d'une autorisation du gouvernement.
« La difficulté levée les malades seraient les premiers à eu profiter.
« Espérant que vous ferez droit à ma demande.îje vous prie de recevoir, Monsieur le Ministre, l'assurance de ma très haute considération.
« (S.) Astère Denis.
« Verriers, le 1S février 1893. »
Veuillez remarquer, Messieurs, ce point capital qui indique par avance dans quelle mesure le Gouvernement exercera son droit : « Je voudrais pouvoir travailler de concert avec des médecins, etc. ».
Le Ministre ouvre une enquête, comme c'est son droit et son devoir; or, au cours de l'instruction, il désire connaître mon opinion, et je la transmets dans les termes suivants, le 10 mai 1893 :
« Monsieur le Ministre,
« J'ai l'honneur de vous donner, ainsi qu'il suit, l'avis que vous me demandez concernant la requête de M. Astêre Denis, de Verviers. qui vomirait obtenir de votre part l'autorisation de pratiquer l'hypnotisme.
a J'ai vu M. Denis à l'œuvre en présence de trois médecins de Verviers, et ses procédés ou démonstrations m'ont paru très sincères ; toutefois, en faisant cette déclaration, je n'entends point assumer la responsabilité des conclusions et des affirmations qu'il produit dans ses paroles et ses écrits.
« En second lieu, je constate qu'il pose la question d'une manière très correcte quand il demande de « pouvoir travailler avec des médecins désireux de s'instruire à la science «le l'hypnotisme s ; à part ceci, qu'il aurait dû plutôt dire : la science pratique de l'hypnotisme.
« Enfin les malades pourraient bénéficier de son intervention spéciale s'exercant toujours sous l'œil du médecin, ou du moins sous la direction générale du médecin.
« En conséquence, j'estime qu'il y a lieu, de donner â M. Astère Denis, l'autorisation qu'il sollicite.
Veuillez recevoir. Monsieur le Ministre, etc.
« Sicile : E. Masoin. »
Ainsi donc. les faits sont bien clairs, parfaitement précisés : il s'agît non pas d'une autorisation générale, mais d'une autorisation de pratiquer l'hypnotisme avec le concours et sons le couvert de médecins, pas autrement. Veuillez noter enfin que l'arrêté ministériel a soin de mentionner celte condition : « le sieur Astêre Denis est autorisé aux fins de sa demande. »
Messieurs, je n'en dirai pas davantage sur ce point. Je me borne a faire remarquer que nous sommes bien loin de l'accusation qui se résume dans le titre doublement insolent de la brochure et de la communication â la Société médico-chirurgicale du Brabant sous le titre : Protection gouvernementale du charlatanisme.
M. Crocq. — Cette personne ne peut donc pratiquer l'hypnotisme qu'en présence et sous l'égide d'un médecin ?
M. Masoin. — Assurément. Je dirai même que la chose m'a été personnellement confirmée eu ce sens depuis lors.
Il parait que l'autorisation accordée n'a pas eu le don de satisfaire tout le momie, car la Gazette médicale de Liège qui défend avec tant d'énergie les prérogatives du corps médical fait suivre le compte rendu à l'Académie les lignes suivantes :
« N. D. L.. R. —Nous sommes heureux de constater que M. Masoin ne tolérerait la pratique de I hvpnotisme que sous la direction générale d'un médecin. Malheureusement, tel n'est pas le cas pour la première autorisation. L'arrêté royal ne contient rien de semblable. Le sieur X... y esl-il dit. « est autorisé aux fins de sa demande s et. dans sa requête, il demande de pouvoir se livrer à la pratique de l'hypnotisme, sans plus ni moins. Si un rapport officieux contient certaines restrictions. ¡1 n'en est pas de mémo de l'arrêté Officiel fluì a force de loi. Il est donc â espérer que si l'on renouvelle l'année prochaine l'autorisation, il sera expressément stipulé que le sieur X... devra opérer sous l'œil et la direction d'un médecin. Et alors, nous osons espérer qu'il aura conquis une sinécure : car il ne se trouvera pas beaucoup de médecins qui s'adresseront â une personne étrangère à toute science, dédaignant les services de confrères savants et expérimentés. In peu de confraternité existe encore dans le corps médical. »
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie.
La Société d'hypnologie se réunira en séance ordinaire le lundi 20 novembre, à quatre heures et demie précises, au palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. le Dr Du-montpallier :
1° Lectures et communications diverses.
2° Présentation des malades.
3° Vote sur l'admission de nouveaux membres.
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, rue de Rivoli. 40 bis.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Faculté de médecine de Paris: M. le Dr Brissaud, agrégé est chargé pendant l'année 1802-93. de la suppléance et de la chaire de clinique des maladies nerveuses.
M. le Dr Wogislaw Soubotisch. membre de la Société d'hypnologie vient d'être nommé médecin de l'asile d'aliénés de Belgrade (Serbie).
Institut psycho-physiologique de Paris. 49. rue Saint-André-des-Arts.— L'Institut psycho-phvsiologique de Paris, fondé en 1891 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée à l'Institut psycho-physiologiquc. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de dix heures a midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Des conférences sont faites le jeudi, à dix heures et demie, par M. le Dr Bérillon, sur les applications cliniques de la suggestion et de l'hypnotisme, etc. Ou s'inscrit à la Clinique.
M. le DrJ.-0. Jennings fera le samedi des démonstrations pratiques d'électro-physiologie.
Faculté de médecine de Vienne. — M. le Df J. von Wagner, professeur extraordinaire â la Faculté de médecine de Gratz, a été nommé professeur ordinaire de psychiatrie et de neurologie.
M. le docteur Joh. Fritsch, privât docent de psychîatrie. est nommé professeur extraordinaire.
Un LAboratoire de Psycho-Physique a Bruxelles. — Un laboratoire de Psycho-Physique, dû à l'initiative privée, vient d'être créé à Bruxelles. Il constitue une annexe à l'Université : le recteur. M. IL Denis.
professeur de philosophie i la Factthédês Sciences, i chargé MM.
Dwclshauvers, docteur en philosophie et lettres, et P. Stroobant, docteur ès sciences, de la direction des recherches et des travaux pratiques.
M. le D' Morîcourt. ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique du docteur Burq. recommencera ses conférences cliniques sur le traitement des maladies nerveuses et du diabète par la métallo-thérapie, le dimanche 5 novembre, de neuf heures à dix heures, à sa
clinique, 9. rue de Chanaleilles. et les continuera tous les dimanches à la même heure.
Ecole d'Anthropologie. — Cours d'anthropologie biologique : M. Labortle. professeur, le mercredi à 4 heures : Les Sensations et les organes des sens.
Cours d'anthropologie physiologique : M. Mauouvrier, professeur, le vendredi à 5 heures : L'intelligence et tes sentiments.
Cours de sociologie : M. Letourneau, professeur, le samedi à 'i heures : L'évolution de f esclavage.
Banquet offert aux médecins de l'escadre russe.
Vendredi dernier. 20 octobre, à 7 h. 1/2. a eu lieu, dans un des vastes salons du Grand-Hôtel, le banquet offert sur l'initiation de I Association de la presse médicale aux médecins de la (lotte russe, venus à Paris avec 1 amiral Avellan et son état-major.
A la table d'honneur, présidée par M- le professeur Cornil, on remarquait «l'abord les cinq médecins de l'escadre russe : MM. les Dr' Brandt (Nicolas 1er) Medvedeff (Amiral-Nachimoff) Ochotine (Pamial-Azowa), Aristow (Teretz) et Botkin; ce dernier, quoique reçu docteur, est officier de marine à bord du Hynda, et l'un des (ils du regretté professeur Botkin. de Saint-Péterbourg. A côté d'eux avaient pris place M. le Dr Roux, remplaçant M. Pasteur empêché. MM. les professeurs \ crncuil. Bouchard. Sappcv, M. Brouardcl de l'Institut: M. le Dr bujardin-Bcaumctz. directeur de la 7s direction au Ministère de la Guerre, la médecine militaire: M. le DrLucas, M. le Dr Leroy de Mérlcourt, M. le Dr' Bonnafy, M. le Dr Hyades. médecin en chef de l'escadre de la Méditerranée: M. le Dr Kuff. président «le l'Association des médecins de la réserve et de la territoriale. MM. les Dr Strauss, M. Léon Labbé. Landouzy, Joffrov, Bourneville, de M a lirans, Cézilly. I.aborde. Lereboullel. Jailieot. Hochard. Forgue, Gou-guenheim. Vahlde. Meyer. Leblond, Ollivier : et de nombreux médecins et chirurgiens des hôpitaux, M. Marcel Baudouin, le dévoué commissaire général du banquet cl MM. Chevallereau, Gorecki, Bilhaut. E. Gautier, Chervin, Bérillon et Fouruicr, commissaires, recevaient les invités.
Au dessert, le président du banquet, M. Cornil, sénateur de l'Allier, porte un toast au tzar.
M. Okhotïne lui répond eu portant un toast à M. Carnot.
Puis M. Cornu, reprenant la parole, prononce le discours suivant :
Messieurs,
En fêtant aujourd'hui les médecins de la flootte raste et en leur souhaitant la bien, venue, je m'adresse en mime temps â tout le corps médical de la Russie et à l'union. , à la pénétration réciproque de la science française et de la science russe. Cette intimité, messieurs, est un fait depuis longtemps accompli. En ce qui me concerne, si j'évoque me» plu» ancien» souvenir», je voi«. il y a trente el un au». Botkin. le «avant, le médecin célèbre, dont le fil» c»l juste en face de moi el avec
qui je m'étais lié d'amitié. Bolkin avait alora »a barbe blonde, cl nona l'avons ni depuis -phi-, nt à Pari» avec la barbe blanche el l'année même de sa perle M regrette Depuis que j'ai moi-même dirigé 11, laboratoire, j'ai eu le bonheur d'y
recevoir et d'y offrir l'hospitalité ù un .....I nombre déjeune» savants donl je suis
devenu l'ami, dont j'ai apprécié fonte la valeur scientifique ; MM. Horvath, Afa-nassiew. l'odwiaaowskcy. Puulowsky. Strhastanuiv. Dobroklonsky. el bien d aulrea
qui ont m .i- pu leur place dans lea universités el dans la pratique médicale. C'est
dans ce milieu paisible des recke relie» communes au laboratoire que ae nouent le»
solides .amitié » .que » échangeai lea pensées el lea espoirs patriotiques. Nous avons tous agi de de même dans la limite de nos muyen». Mais quel exemple pourrais-je citer de celte union qui raille ce qui s'est paaaé à propos des travauv de autre illustre maître M. Pasteur? Ses découverte» ont été acclamées en Russie el son inslilul a'eal peuplé déjeunes savants russes qui de là onl porté la bonne parole. M. Metschinikoff est un trait d'union entre la science de l'une el de l'autre nation. Aussi peut-on dire que les savants île nos deux Pays marchent la main dans la main.
C'est dan- cet c-pril queje voua convie tous, messieurs, à boire en 1 honneur
du corps médical de la Rusa . .
Après lui. MM. Brouardcl, doyen de la Faculté; Lucas, directeur du service de sauté de la marine: Dujardiu-Beauraelz. directeur du service de tante de l'armée de terre; Hyades, médecin principal de la flotte; Laborde, prononcent tour à tour drs discours très applaudi».
M. Botkin, qui est à la fois médecin et enseigne de vaisseau de la Hotte russe, remercie en quelques paroles émues.
A la lin de son toast. M. Botkiu. parlant des deux nations su-ur» el de l'union s'est écrié : « S'il était des obstacles à l'union tle la France et de lu Russie, qu'ils soient brisés de la même façon que je brise ma coupe de champagne. »
Le Journalisme médical.
Le Dr Hart vient de faire sur cette question une conférence qui renferme quelques vérités aussi justes que mal connues.
Il n'est pas possible, dit M. Hart, de faire du journalisme par occa-«ion et de diriger un journal à ses moments perdus. Les hommes les plus distingués y ont échoué et la direction d'un grand journal absorbe un homme tout entier. Le journal de mrderiue. comme du reste le journal politique, représenle l'opinion publique et la forme en même temps; son directeur peut exercer une influence considérable sur les opinions et sur les événements, mais cette puissance, il la paie au prix de sa personnalité ; se» idée», son travail sont dépensés, disséminés en articles signé» ou non et il ne saurait laisser après lui d'œuvre durable scientifique ou littéraire.
M. Hart passe ensuite en revue un certain nombre de difficultés que l' on rencontre dan» le métier. Le directeur d'un journal doit éviter les. polémiques surtout personnelles. car « la controverse rend égaux les fous et les sage», et le» fous le savent bien ». dit O. -W. Holmes.
Les analyses doivent pencher du cote de la bienveillance. L'auteur qui envoie son livre à un journal compte toujours sur de» éloges, le
livre médiocre maïs consciencieux d'un inconnu doit être passé sous silence ou analysé avec indulgence. Il faut réserver toute sa sévérité pour le livre dont le seul but est de faire de la réclame à son auteur ou pour le livre bâclé de l'homme arrivé, qui ne se donne plus la peine de travailler.
Œdème nerveux a la suite de traumatisme.
Beaucoup plus souvent qu'on ne le croit l'œdème qu on voit survenir après un traumatisme est d'origine nerveuse, trois faits recueillis par M. Horwîtz viennent confirme cette opinion.
Un homme, à la suite d'une uréthrotomie interne, est pris subitement d'un ardente énorme de toutes les parties génitales. Le lendemain matin, toute trace de gonflement avait complètement disparu. — Un vieux gentleman souffrait d'un petit furoncle à la téte ; M. Horwitz l'incise et le presse légèrement. Quelques instants après, tuméfaction considérable de la moitié droite de la face et de l'oreille du même coté. Deux jours après, il ne restait plus rien. — Un homme âgé se fait une petite blessure à l'occiput : peu de temps après ce léger traumatisme, gonflement de la face, des paupières et de la lèvre supérieure. Le lendemain soir, l'o-dème n'existait plus. M. Horwilz élimine absolument, pour expliquer ces phénomènes, l'idée d'une inflammation quelconque dont tous les signes locaux ou généraux finit défaut, ou d'une thrombose veineuse dont les effet» ne se dissiperaient pas aussi promptemeut. L'hvpolliesc d'infiltration d'urine ne lui semble pas admissible pour le premier cas. La brusquerie du début des accidents et la rapidité de leur disparition lui font croire qu'il s'agit de troubles simplement nerveux.
Nouvelles.
M. le Dr Poussié, de Paris, est chargé d'une mission scientifique en Amérique (Etats-Unis. Mexique. Colombie, Venezuela. Bolivie et Pérou . à reflet d'y poursuivre des recherches ethnographiques et de linguistique comparée.
— Le congrès des médecins aliénistes a décidé, qu à l'avenir il associerait à ses travaux les médecins qui s'occupent de neurologie.
Désormais le congrès prendra le nom plus compréhensif de Congrès des médecins aliénistes et neurologistcs de France et des pays de tangue française.
Le prochain congrès se réunira l'année prochaine à Clennont-Fer-rand et sera présidé par le Dr Pierret, de Lyon.
Il a été décidé que. pour les -t questions mises à l'ordre du jour, la première serait une question de psychiatrie ; pour la seconde une question de neurologie; la troisième une question de médecine légale ou d'administration.
L'Académie des sciences a procédé, aujourd'hui lundi, â l'élection d'un membre titulaire dans la section de médecine et de chirurgie, en rem pincement de M. Charcot.
Au premier tour de scrutin. M. Potain a été élu par 43 voix sur 54 votants.
Cette nomination recueillera l'assentiment unanime du corps médical.
Fêtes en l'honneur de virchow. — l.e 20 octobre, le professeur virchow a fêté sou cinquantenaire de doctorat.
Distinctions honorifiques. — MM. les docteurs Okhotine. Medvie-def et Arîstof (médecins de la marine russe) sont chevaliers de la Légion d'honneur.
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Des Phénomènes de Synopsie (audition colorée), photismes, schè-
mes visuels, personnifications, par Th. FlournoY. professeur extraor-dinaire de Psychologie expérimentale à l'Université de Genève. I vol. in-8 avec 92 ligures dans le texte. 6 fr. — Félix Alcali éditeur.
Les phénomènes qui font l'objet de cette étude sont des représentations relevant essentiellement du domaine de la vue, provoques par des sensations ou idées quelconques, en dehors au moins en apparence) des lois ordinaires de la perception ou de l'association.
Les observations lui sertaut de base unt été recueillies par l'auteur, personnellement, depuis 10 ans, ou sont extraites des réponses écrites aune enquête qu'il a ouverte en mai 1892. avec le concours de M. Edouard Claparéuc.
M. Flournov s'cst proposé de classer, de relier et d'interpréter les faits, et s'il n a pas découvert les lois générales de ces phénomènes, son livre est de ceux qui devront être consultés pur toutes les personnes qui «'adonneront à l'étude de cette partie si intéressante île la psvehologie.
Un des chapitres les plus intéressants est celui où I auteur étudie les faits «le synopstes déterminées par «les sons musicaux, par des odeurs, des saveurs, par l'idée dos nombres, des jours de la semaine ou des mois. etc. (Quelques lignes sont consacrées aux phénomènes de synes-thésîes, où les sensations évocatrices et celles qui sont évoquées appartiennent aux autres sens que celui de la vue. C est ainsi que, chez quelques personnes, certains mots éveillent des sensations olfactives ; chez d'autres, une impression gustative. Mais les faits de ce genre sont très rares ; et ce chapitre n'est encore que le cadre de phénomènes non encore observés.
M. Flournov «'occupe ensuite des cas où la sensation visuelle s'organise en une figure, en un symbole, représentant une forme géométrique par exemple, ou encore en un diagramme, consistant eu des lignes, une série de chilires ou un espace d'une teinte particulière. Ainsi tel se représentera les jours de la semaine comme une série de parallélogrammes ayant des grandeurs différentes ; tel autre verra un mois sous la forme d'un animal; celui-ci évoquera, pour l'idée d'année, une ellipse divisée en douze parties, celui-là imaginera la «éric des nombres comme formant une ligne ondulée, etc.
Un le voit, les faits de syucsthésîes sont nombreux et curieux. Pour
les expliquer, M. Flournoy propose trois hypothèses. Tantôt c'est l'association habituelle, qui est la cause du phénomène, par exemple, la coutume de voir les mois et les jours inscrits en colonnes sur les calendriers. qui donne un diagramme représentant cette disposition. Tantôt encore il s'agit d'association privilégiée, notamment dans les cas où. à la faveur d'une forte impression, deux sensations se sont unies d'une façon presque indissoluble. Tantôt enfin, et ce serait le cas le plus fréquent, c'est l'association sympathique qui est en cause. Voici comment l'auteur l'explique. Une sensation quelconque, par exemple, l'audition d'un bruit, éveille dans notre organisme une série de modifications vaso-motrices et autres, dont nous avons plus ou moins conscience.et qui est la tonalité affective de cette sensation. En d'autres termes, une sensation, une idée est toujours accompagnée d'un certain étal émotionnel, lequel consiste, physiologiquement. en une série de troubles dans notre circulation, dans notre innervation, dans notre nutrition, dont l'ensemble est la condition d'une émotion. De même que toute sensation éveille un état émotionnel particulier, de même elle peut être provoquée par cet état : c'est-à-dire chaque phénomène est capable de produire l'autre. En outre, une sensation différente, mais ayant la même réaction émotionnelle, doit aussi pouvoir provoquer, par l'intermédiaire de ces modifications organiques, la première sensation qui les accompagne d'habitude. Celte dernière théorie, qui semble tout d'abord assez spécieuse, parait la bonne. Si l'explication contient beaucoup de faits hypothétiques, incontrôlés et incontrôlables, et ou notre imagination peut se donner libre cours, il faut admettre aussi qu'elle indique à peu près comment les choses doivent se passer.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
Nous invitons nos lecteurs i compléter, par leurs indications, les lacunes et les omissions de l'Index bibliographique.
Moricourt. — Nouveau procédé de métalloscopic à l'aide d'un sujet hypnotisé (Gazette
des Hôpitaux. 10 juin 18U3.) G. Lemoine. — Un cas de surdi-mutité hystérique (Médecine moderne, 31 mai.et
3 juin 1803.)
O. Lassas. — Zur Thérapie der haulkrebse. (Berliner ktiit. Wochchhrip. 1893. n« 53.)
F. Petkksex.— Le traitement des aliénés hors des asiles. (Médical Sexes, 11 mars 1893. p. 25» a s53.)
SUERBLED georges. — I.c sommeil, étude de psvcbo-phvsiotogic. Roger et Chcrnoviz,
jn-8s. p. 47. Paris, 18i«. ToulouSE. L'inversion sexuelle chez les aliénés. (Tribune, mèd.. 11.) H. Toc loche. — !lv|iioosme et suEjesiioa chez les aliénés. (Tribniw mérl., îli. lï. WottorvxsKl, W. v. Bmrrairw. — L'eber den Einmiss der suspension aur die
Setisloeruny bei Alïectioncn des Rückenmarkes. (\mrofoyitrhrt CsntratMsil,
o»7.)
Zaburousäi. — I-e crime- et les criminels â Paris. 'Revue Scienlifiju?. 8) mai ish3.i
L Administrateur-Gérant: Émilr BOL'RIOT.
170, roc .saint-antoine
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPERIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
8° ANNEE — Décembre 1893,
CARACTÈRES DIFFÉRENTIELS DES DEUX SOMNAMBULISMES LE PROVOQUE & LE SPONTANÉ(1)
Par M le Dr MENNET. membre de l'Académie de médecine, inédcriu de l'Hùtct-Diea.
I.e somnambulisme provoqué osi. chez l'homme comine citez les animaux. Ic résultai d'un choc, d'une impression psvehique ou oculaire, délurminée par l'influence propre cl dircele d'une personne étrangère ou d'un objet extérieur.
Il n'est attire chose qu'une des manifestations île l'hypnotisme an même titre que l'cxlase. que la catalepsie cl la léthargie.
Dès que le trouble livpnoliqtic s'csl produit, dès que le sujet largement entré dans la phase soinuamhulique a cessé d'être en relations avec le monde extérieur, il n'a plus d'attache avec le dehors qu'en la personne «le son hypnotiseur qui est devenu l'agent exclusif cl nécessaire de toutes ses activités physiques et mentales.
Abandonné â lui-même il est absolument privé de spontanéité, et reste iudillérent à toutes les provocations d'où qu'elles lui viennent: l'attention fixée sur la personne do l'hypnotiseur il se tieni immobile, attendant de lui un geste, un tigne, un mot qui le solliciteù l'action. Les divers chapitres do ce livre vous feronl connaître, d'une manière claire et pratique l'étendue considérable des troubles que l'acte hypnotique produit dans l'harmonie des fonctions du somnambule: vous verrez ses sensibilités périphériques, soil du côté de la peau, soit du côté des muqueuses plus ou moins profondément éteintes.
(I) I. v : r - ii da livre qui vicat de paraître ebez Ru off. «oui le iure : OïlragrM m la pmJtui Nom dos acroma un compte rendu de celte imporla air élude mòdico- lèdale.
fi
Il en est de même tics organes des sens, de même des fonctions de In musculation.
Vous verrez l'influence souveraîno de l'hypnotiseur diriger l'exercice des facultés mentales de son sujet avec une autorité telle qu'il pourra les engourdir, les éveiller. les dissocier à sa volonté, surexcitant telles d'entre elles, annihilant telles autres.
Il imposera de même par ses suggestions tels actes dont il réglementera l'exécution a plus ou moins longue échéance, sans que son sujet en ait connaissance au réveil, alors qu'il en retrouvera la mémoire fidèle et précise dans une nouvelle phase som-namhulique.
Et toutes ces perturbations psyc ho- se nso ri elles, subordonnées à l'action personnelle de l'hypnotiseur qui les a provoquées, qui les dirige à sa volonté, disparaîtront de même sur un mot, sur un ordre qu'il donnera ou par une simple projection d'air froid qu'il fera sur les yeux do son sujet.
Tout autre est le somnambulisme spontané qui procède du sujet lui-même et n'a point a compter avec les influences extérieures. 11 échappe a toute tentative faite pour le produire, cl survient ù l'improviste. Il naît de lui-même, sans provocation, sans arlifîce, dans telles conditions d'imprcssiimnnhilité. d'éniotivité.de nervosisme, observés chez le sujet comme prélude «le son apparition. La première manifestation se fera le plus souvent la nuit pendaut le sommeil et sera dans ses ternies les plus simples, limitée à la répétition de quelques actes de la vie ordinaire: simple rêve mis en action, véritable automatisme doux cl paisible, compatible avec la santé, survenant fréquemment chez les enfants, au premier Age de l'adolescence, auquel on a «loiiné le nom «le noclamhiilisme. Entra cette forme élémentaire etlcsgraudi-s manifestations du grand somnambulisme, les somnambules se présentent souvent avec des variétés de forme et d'allures qui sembleraient a priori condamner l'unité pathologique que nous croyons cependant exister en eux. Ces différences d'aspects, bien plus apparentes que réelles, ne sont que les diverses expressions d'un même état dans lequel chaque individualité apporte son Cttrac-1ère, ses entraînements, les attributs de sa personnalité. Le somnambule spontané qui n'est pas, comme le provoqué, sous une domination étrangère qui lui impose son mouvement et ses actes. agit de lui-même, sous l'impulsion de ses propres excitations, avec un semblant d'indépendance qu'il n'a pas.
L'éveil de son intelligence, se faisant autour d'une idée née spontanément dans son cerveau, vous verrez, le développement «le
ses facultés suivre l'exécution des diverses phnsi-de- la mise en œuvre de celte idée, et les somnambules se présenter à vous sous de nombreux aspects qui pourraient sembler appartenir à des varióles différentes, bien que Ionien, psychnlngiqueincnt.se ronron-dent dans le même groupe.
Le grand somnambulisme éclate tout à coup sous forme d'accès impétueux dans lequel le malade accomplît avec une grande activité physique et mentale des actes plus ou moins en désaccord avec son caractère, avec les tendances habituelles de son esprit. Plus la crise est intense, plus le trouble est étendu, plus l'intelligence so développe dans le sens de l'idée dominatrice. Nous avons observé et suivi tels malades, chez lesquels les facultés intellectuelles, s'élevant bien au-dessus de leur niveau habituel, ont produit des compositions artistiques et littéraires incompatibles avec les capacités de leur état normal.
Ces accès de grand somnambulisme sont rarement isolés ; ils se groupent dans une série de crises à périodicité régulière, qui se succèdent pendant une période de temps plus ou moins longue, connue il arrive d'habitude dans les grandes névroses. Leur pathogénie si longtemps méconnue, attribuée aux influences occultes des époques de la sorcellerie, de la démonopathie, s'est éclairée des lumières de l'observation. Les enseignements de la clinique battant en brèche le merveilleux, nous ont appris que l'accès de somnambulisme —au même titre que l'extase, la catalepsie, la léthargie — relevait de l'hystérie et que toutes ces manifestations si souvent unies et associées les unes aux autres, n'étaient que les expressions différentes d'une même unité. l'hysleria major.
Ces considérations générales ne peuvent laisser de doutes sur la différence originelle des deux somnambulismos dont l'un relève de l'expérimentateur qui le provoque à son gré, le dirige ù son caprice, dont l'autre, le somnambulisme spontané, échappe à toute direction, à toute influence et surgit tout à coup comme une surprise. Voyez ce que sera dans telles conditions le rôle «le l'observateur : près du somuambuh' provoqué il sera l'agent essentiel et nécessaire du mouvement : il déterminera la crise à son heure, à sa convenance, rallongera ou la supprimera à son bon plaisir. Il sera maître absolu de la position. Il sera le deus ex machina !
Près du somnambule spontané il n'aura qu'un rôle bien restreint, celui de simple observateur. Il assistera rarement à la première crise survenue inopinément. La périodicité établie sera pour lui une précieuse indication qui lui permettra de disposer son temps de manière u arriver chez son malade a l'heure où coin-
mencera l'accès, dont il sera et ne pourra être que le simple
spectateur.
Son rôle se bornera à enregistrer les divers incidents de la crise, à observer l'évolution de ses différentes phases. Qu'il se garde bien d'intervenir, qu'il ait bien soin de rester neutre, qu'il laisse le somnambule poursuivre sans entrave son idée et il le verra développer une somme d'intelligence qu'il ne soupçonnait pas au début ; il assistera d'un jour à l'autre aux scènes les plus variées, peut-être aux spectacles les plus tristement réalistes. Il apprendra de la famille, s'il ne l'a observé lui même, que tel geste, tel mou-vement, telle expression, correspondent à telle période de la crise; qu'elle est dans une phase de progrès ou de déclin ; que le somnambule va se calmer ou s'agiter davantage ; et il verra chaque jour ces observations justifiées par l'événement, tant l'évolution du somnambulisme esl fatale! Si vous intervenez dans ses actes, si vous lui créez des obstacles qui contrarient ses projets, vous trouverez de sa part une résistance souvent énergique : il luttera avec vous sans se réveiller, il vous repoussera comme un corps étranger qu'il ne voit ni ne connaît. Il vous donnera mille preuves de sa volonté énergique pour atteindre son but: il vous prouvera qu'il sait au besoiu déployer une certaine somme d'intelligence pour tourner les dillicultés.
C'est à celte longue et patiente observation que je dois l'étude des faits dont j'aurai plus lard à parler, et dans lesquels j'exposerai des compositions artistiques et littéraires produites en plein accès de somnambulisme dont les malades n'avaient point connaissance à leur réveil et qu'ils considéreraient, si on les leur mettait sous les yeux, comme l'oeuvre d'une personne étrangère.
Continuant le parallèle des deux somnambulismes il me serait facile, ayant tracé les grandes lignes qui les séparent, d'exposer maintenant les traits d'union qui les rapprochent.
Aptes l'indication de leurs caractères différentiels, vovons en quelques mots leurs analogies. Les deux somnambulisnics quelle qu'en soit l'origine, présentent sensiblement les mêmes troubles analgésiques,anesthésiques, hyperesthésiques, vers les sensibilités de la peau des muqueuses ; ils ont sensiblement aussi les mêmes perturbations fonctionnelles vers les organes des sens. Vous les trouverez, en dehors de toute provocation, indifférents et insensibles aux expérimentations que vous tenterez sur leurs personnes. Mais que l'hypnotiseur intervienne près du somnambule provoqué il éveillera telles de ses sensibilités physiques et murales, tels de ses sens qu'il mettra en exercice et dirigera à sa volonté.
Voyez d'autre part le somnambule spontané poursuivre une idée, accomplir un acte, vous ne pourrez mettre en doute l'éveil de ses sens et de ses sensibilités, mais dans une mesure restreinte, limitée exclusivement à l'exercice de l'idée qui le préoccupe, il ne verra, ne sentira, ne percevra que des choses directement en rapport avec son but. avec son idée ; vous trouverez donc chez les deux somnainbitles les mêmes pouvoirs d'action sensilivo-sensoriel sur les choses extérieures, mais pouvoir communiqué et d'emprunt chez l'un deux, pouvoir spontané et personnel chez l'autre. Tous les deux obéissent à une impulsion dominatrice qui les fait înscon-cients et les prive de leur liberté.
On les voit l'un comme l'autre développer une somme d'activité physique et mentale souvent fort remarquable et agir dans leurs combinaisons et dans leurs mouvements avec une indépendance complète du milieu dans lequel ils s'exercent.
Le but atteint, l'œuvre accomplie, ils présentent les même phénomènes d'amnésie, avec intermission complète de la mémoire au moment où ils se réveillent. Vienne une autre crise provoquée ou spontanée, il retrouve l'entière connaissance de ce qu'ils ignoraient à quelques minutes d'intervalle.
La reviviscence de la mémoire est donc aussi la même pour tous les deux. Je m'arrête en faisant appel à mes collègues et amis et en signalant plus particulièrement aux recherches de nos jeunes psychologues l'imminent intérêt scientifique qu'il y aurait à poursuivre l'étude des facultés intellectuelles et effectives dans ces différentes manières d'être des somnambules, qui se présentent a nous avec des apparences contradictoires, tout en nous offrant d'autre part certaine analogie dans leurs expressions pathologiques.
UNE EXPÉRIENCE DE TRANSMISSION DE VOLONTÉ
Par M Charles Benoist
M. le docteur Bérillon, directeur de la Revue de l'hypnotisme, m'avait fait l'honneur de me convier, dimanche, a une séance que devait donner chez lui un jeune Hollandais. M. de Levila. La réunion était fort peu nombreuse, exclusivement composée de médecins, de philosophes, professeurs ou amateurs, et de publi-cîstes qui subissent plus ou moins, comme disent les décadents, l'attirance du mystère, mais qui, jusque dans le mystère, deman-
dent â y voir un pou. C'est dire que l'expérience devait s'accomplir dans le milieu le plus favorable, sinon pour le sujet, du moins pour l'expérience elle-même. Je vais tacher de la décrire et de l'analyser en la décomposant—ainsi que l'on analyse les actescommamlés — aussi exactement que possible.
Le sujet, d'abord. C'est un garçon de vingt-deux à vingt-cinq ans. assez grand, plutôt maigre, de type sémitique assez recon-naissnble, sans rien de particulièrement frappant. Le front est haut et large, la conformation de la tète, régulière ; les yeux ne sont ni trop saillants, ni trop enfoncés : le visage, somme toute, est symétrique. Je me suis enquis de son curriculum vil». M. de Levita était commis marchand a Itotterdam. mais ayant cru se découvrir de bonne heure un pouvoir extraordinaire, il s'est, depuis longtemps—de tout temps— occupé d'hypnotisme et de magnétisme. Il m'a paru suffisamment instruit et je crois qu'il possède des notions {peut-être plus étendues que précises mit la physique, la physiologie, etc.. Il a déjà fait montre publique de ses facultés eu plusieurs villes; il est, par conséquent un professionnel habile et entraîné.
Les expériences auxquelles il s'est livré devant nous sont des expériences de transmission de pensée ou plus exactement île volonté. Elles consistent essentiellement dans l'accomplissement d'un acte matériel suggéré. L'accomplissement de cet acte est. pour M. de Levita. subordonné à plusieurs conditions. Il exige un opérateur qui le commande mentalement, et qui le commande en détail, presque mouvement par mouvement, en concentrant sur chaque mouvement loutr sa volonté. Si. par exemple, il s'agit d'aller prendre une épingle posée sur la cheminée, il faut que l'opérateur ordonne mentalement : « Allez vers la cheminée — à tel angle de la cheminée — touchez à la toilette, prenez l'épingle qui est dessus, apportez-la moi. » Il ne suffirait pas d'émettre par la pensée le commandement d'un seul coup et puis de s'en détacher l'esprit. Première condition qui impose à l'opérateur plus d'attention et de fatigue qu'on n'imagine et le met parfois — on le verra tout a l'heure —- dans un état fort singulier.
L'acte peut-être assez complexe, pas trop pourtant ; l'indispensable est qu'il soit matériel et que l'opérateur le décompose, en l'ordonnant. Ecrire est un acte trop complexe et surtout trop intellectuel pour ce genre d'expériences. Il exige le plus souvent le secours d'un objet : prendre tel objet et le porter à tel endroit-II peut être commandé sur la personne d'un tiers : « Prenez le paquet de cigarettes de M. X... et mettez-le dans la poche de M. Z....»
La personne tin sujet et celle de l'opérateur sont exclus de l'expérience. On ne peut pas commander : « Prenez votre paquet de cigarettes et mettez-le dans ma poche. » Pourquoi? M. de Levita ne l'a pas dit.
Voici exactement le sujet en action. On lui bande les yeux, non point que ce soit nécessaire, niais pour lui permettre de n'être distrait par rien et augmenter ainsi sa puissance de réception. Tandis que l'on prépare l'expérience, on le fait passer dans une autre pièce, d'où il ne sort que pour être mis en contact avec l'opérateur. Le sujet serre fortement les mains de l'opérateur, surtout les pouces, que M. de Lcvita compare à des pointes aimantées (la pression des pouces est, en effet, un moyen de provoquer le somnambulisme. ; puis il les porte à ses tempes en appuyant très fortement encore et. au bout de quelques secondes, il les lâche, d'une saccade brusque. Alors, il commence à marcher, pendant que, mentalement, l'opérateur commande l'acte, en le décomposant : • Vers cette porte. Par ici, par là. »
Chez le docteur Hérillon, M. de Levita a fait cinq expériences. La première consistait à trouver une pièce de cinquante centimes cachée dans une des branches d'un flambeau. Elle n'a point réussi. Le sujet a bien touché le flambeau, en a bien enlevé les bougies, mais n'a pas su trouver la pièce. Avant qu'on l'arrêtât, a demandé si, par hasard, l'objet ne serait pas enfermé dans une boite de métal. C'était presque le cas. On a répondu que oui : « Je ne trouverai donc pas, » a-t-il dit. De cette particularité il ne saurait, d'ailleurs, donner aucune explication, mais, quand elle se présente, huit fois sur dix, il manque l'expérience.
La seconde épreuve différait peu de la précédente : Trouver la même pièce glissée dans les pages d'un livre. Elle a réussi à peu près. M. de Levita est bien allé prendre le livre sur un guéridon, l'a bien secoué, a bien fouillé entre les pages. La pièce était tombée sans que ni lui ni l'opérateur s'en fussent aperçu. Le sujet continuait à chercher. On a considéré l'expérience comme acquise.
l-a troisième expérience était plus compliquée : Prendre une serviette sur la cheminée et en bander les yeux du docteur S. H... (que M. de Levita ne connaissait pas). Elle a également a peu près réussi. Le sujet a pris la serviette, est allé faire lever le docteur S. H... et lui a posé la serviette sur la tète. S'il n'a pas achevé et ne l'a pas nouée en bandeau, on peut admettre que c'est parce qu'on l'a arrêté trop tôt.
La quatrième expérience était une variante de la troisième :
prendre une carte de visite déposée dans la serviette et la porter dans la poche du docteur D... Elle n'a pas tout à fait réussi — mais uniquement par cette circonstance, qu'on n'avait pas prévue, que le docteur D... n'avait pas de poche extérieure â sou veston. L'insuccès partiel n'est pas la faute du sujet.
Mais la cinquième et dernière épreuve a complètement cl absolument échoué- Elle n'était cependant ni plus compliquée, ni plus difficile : prendre un cahier de papier à cigarettes et le déposer dans la poche du docteur S. H... Seulement, si le sujet y mettait autant de bonne volonté, l'opérateur se surveillait lui-même plu» rigoureusement.
A diverses reprises, en cours d'expérience» M. de Levila a changé d'opérateur. I.e meilleur qu'il ait rencontré parmi nous est notre distingué confrère, M. G. M... C'est uvec lui qu'il a fuit la seconde et la troisième expérience et c'est sur M. G. M... que nous avons pu nettement observer ce phénomène très curieux el très important. Les expériences durant assez longtemps, ce n est pas le sujet, mais bien l'opérateur, qui paraissait être tombé dans un étal assez proche du somnambulisme. Ses mouvements devenaient automatiques, il marchait raide el tout d'une pièce, avançait une jambe sans s'en apercevoir et quand, dans sa haie de trouver, lcsujel le tirait violemment, il semblait ne pas peser une once. DansJ'intcrvalic de deux épreuves, il se plaignait, du reste, d'un commencement de migraine, causé par une attention trop contrainte et trop prolongée.
Le docteur S. H..., lui aussi, quoique moins sensible, remuait automatiquement bras et jambes, cl nous l'avons surpris à faire, malgré lui. el ne s'en rendant pas compte, un geste impérieux de commandement. En même temps, on observait que le bandeau, placé sur les yeux du sujel, encore qu'il l'empêchât de voir horizontalement, lui permettait de voirie parquet par petites bandes, en quelque. sorte raie par raie, et lorsque l'opérateur était tout près de lui, comme il le recommandait sans cesse, la pointe des pieds de l'opérateur était machinalement tournée vers l'endroit où il voulait conduire le sujet.
Il a paru, dès lors, qu'il serait facile de faire échouer l'expérience Il suffisait de choisir un opérateur qui fût parfaitement froid et maître de lui -même. Le docteur de S... s'est proposé. Chez les personnes tres nerveuses. les émotions. les impressions et même les pensées les plus fugitives se traduisent par une multitude tic petits mouvements musculaires, inconscients el imperceptibles — sauf pour un sujet exercé, dont tous les sens sont
tendus à l'excès, afin de les saisir et de les interpréter. M. de Levita revenait, plusieurs fois par expérience, vers l'opérateur, renouvelait l'imposition des pouces et repartait. Vainement, avec le docteur D... et le docteur de S... Vainement, avec M. G... M.... la dernière fois, lorsqu'il s'est tenu a quatre. Plus le moindre mouvement -. les pieds et le corps tout entier tournés du côté opposé et néanmoins le commandement le plus énergique, le plus élevé, le plus bref, le plus analytique. 1-e sujet n'obéissait plus. « Mais, interrogeait-il, î-avez-vous bien co que vous voulez? Me commandez-vous bien? Je ne sais ce que c'est. » Au bout de plus d'une heure d'elTorts, il a dû s'avouer vaincu. Il l'a fait de bonne grâce, attribuant sa défaite finale à une mauvaise disposition.
De toute cette séance que peut-on et doit-on conclure ? Rien, à coup sûr. ni pour ni contre le magnétisme ou le somnambulisme. M. de Levita agit à l'état de veille. Sans doute, il a la respiration haletante, pousse de petits cris, frappe convulsivement du pied, quand il s'impatiente, mais justement. C'est comme une exaltation factice ; il se monte à l'extrême diapason des nerfs, où toutes les cordes vibrent dans la machine humaine. Tels les voit vou ! des femmes arabes et l'étourdissante mélopée des derviches tourneurs. L'excitation ne devient la surexcitation nécessaire que si les spectateurs vibrent avec le sujet, multipliant autour de lui les mouvements inconscients qui le guident. Rien ne prouve que dans un cercle d'enfants et de femmes les expériences inaugurées dimanche, n'eussent pas réussi. Mais les mouvements inconscients de l'opérateur et de l'assistance n'expliquent peut-être pas â eux seuls le procédé de M. de Lcvita-
Il reste, de la séance de dimanche, quelque chose qu'il ne faut pas rejeter trop délibérément. C'est la seconde partie de la troisième et de la quatrième épreuve : bander les yeux du docteur S. H.... poser la carte dans la poche du docteur I).... Il semble qu'il n'y ait pas de mouvement inconscient, intelligible pour le sujet, qui pût, physiologiqiieinent, transmettre sur ce point au sujet un ordre de l'opérateur. Faut-il avoir recours, lâ-dessus. à l'hypothèse du courant magnétique ? On a remarqué qu'au début de toutes les expériences M. de Levita avait l'air de chercher à se placer dans ce courant, qu'on supposerait aller de l'opérateur ii l'objet, ut l'on parlait de sensibilité transmises» travers une personne interposée qui, elle, demeurait insensible. Pour moi. je comparerais plus volontiers le sujet â un pigeon voyageur qui s'oriente, ou a un chien de chasse sauf le respect que nous
devons au merveilleux) quêtant avant de prendre un frais. En tout cas. ni somnambulisme, ni création de personnalité seconde. Le sujet n'a pas cessé une minute d'être M. de Lévita.
Un ignorant a-t-il ledroitde se permettre une hypothèse de savant? M. de Levita va lentement. I . moins longue de ses expériences a duré plus d'une demi-henre. Il opère dans un salon où il est entré sans baudeau et dont l'arrangement lui est connu, du moins en gros- Le nombre des objets qui sont dans ce salon est limité et de même le nombre des objets que les assistants peu nombreux peuvent avoir dans leur poche. M. de Levita n'est nullement endormi et il est pleinement conscient. — Eh ! mais alors, ses actes, loin d'être impulsifs, suggérés, ne seraient-ils pas tout ce qu'il y a de plus réfléchi, de plus volontaire et de plus logique ? Ce qu'il exerce surtout, ne scmil-ce pas sa mémoire et un flair développé par l'habitude ? Loin d'être une machine humaine obéissante, ne serait-ce pas tout bonnement un homme d'une intelligence aiguisée qui fait à sa manière de la philosophie hueonienne et procède par élimination, en tâtonnantAvec du temps il arrivera toujours à toucher l'objet demandé : quelque chuchotement l'en avertira, et de même que le nombre des objets est très limité, de même est très limité le nombre des actes qu'on peut raisonnablement commander et accomplir. A l'aide de chacun de ces objets... Je termine en répétant que ce n'est qu'une hvpothèse et qu'elle ne m'enlève rien du plaisir que j'ai pris aux expériences faites, l'autre jour, chez M. le docteur Ilérillon. Un homme qui n'est qu'un homme m'intéresse tout autant, et même plus, qu'un homme qui serait une mécanique.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance da 16 octobre 1893. — Presidence do M. Diuostfalueb.
Le procès-verbal de la séance annuelle du mois de juillet est lu et adopté.
La correspondance imprimée comprend l'Ipnotismo (organe de la Société médico-psychologique italienne). La Tribuna Giudiziaria; Zeitschrifï fiïr hypjiotismus; The medico-legal Journal; le Bulletin de la Psychological section de la Société de médecine légale de New-York.
La correspondance écrite comprend une lettre du Dr Prosper van
Velsen de Bruxelles, faisant part de la création à Bruxelles d'un Institut hypnotique dirige par les D" van Yelsen et Edouard Maës.
M. le secrétaire général rappelle la perte faite par la Société d'un de ses présidents honoraires le» plus illustres, M. le professeur Char-cot. I.a Société d hypnologîe ot de psychologie était représentée aux obsèques par son hureau et par un grand nombre de ses membres.
Les candidatures de M. le Dr Levillaîn, médecin de l'établisse nu-ut hvdrolhérapique de Nice et de M. Kouaix, de lîéziere, sont mises aux voix et adoptées.
A la (in de la séance le président prononce l'allocution suivante :
ALLOCUTION DE M.DUMONTAPALLIER PRESIDENT A L'OCCASION DE LA MORT DU PROFESSEUR
CHARCOT
t Avant de lever la séance je lien» à dire la pari que la Société d'hypnologic el de psychologie a prise au deuil du monde M vaut, à la Irîslc nouvelle de la inorl subite du professeur Charcot.
« L'avenir consacrera l'importance durable des travaux de Charcot en an j tomie pathologique el on nonropathologie. Dans les dernière» années de sa vie te professeur Charcot avait vulgarisé, par sou enseignement à la Sa I pétri ère, l'action des agent» physiques dans l'hystérie.
¦ L'École de la Salpèlrière a fail une graude opposition aux travaux de l'école de Nancy el avait restreint dans d'étroites limites l'action de la suggestion. Celle opposition de la première heure devait cependant perdre sa ténacité avec la marche du loups.
• En effet tous pays la suggestion avait fail ses preuves thérapeutiques, cl, le maître était trop bon observateur pour ne pas en tirer parti. Aussi dans ses leçons cliniques il ne négligeait pas de payer lui-même son tribal â la méthode suggestive, lorsqu'il déterminait par la suggestion des paralysies ou des contractures qu'il faisait disparaître par la même méthode.
« Il donnait donc la preuve, dans son enseigacment de la valeur des études de l'Ecole de Nancy el certes il eùl un jour reudu pleine cl entière jntlîre aux travaux de Liebeault el de Bernheim. Du reste n'a-t-il pas fail celle confession lorsque le 1e décembre 1892. il publiait, dans la Nouvelle revue de Loudrcs. un long article sur la s foi qui guérit . N'a-t-il pas écrit dans ce même article la aug-geMiou cl 1 aiilo-suggeslioa guérissent les paralysies, les contractures, les œdèmes el certaines plaies s.
«Je suis doue autorisé à dire que Charcot à la On de sa vie acceptait en grande partie le» enseignements de l'Ecole de Nancy.
« Le professeur Charcot était membre honoraire de notre Société d'hypuulogiv et de psychologie et c'était un devoir pour voire président de rappeler daus celle séance la grande autorité scientifique d'un mailre dont la vie entière a élé consacrée à la science médicale. »
UNE RECTIFICATION
MONSIEUR LE PRESIDENT,
« Permettez-moi de vous demander une petite recliliration an compte rendu de la discussion qui a suivi dans la séance du 17 juillet 1893 la lecture faite par M. le docteur Mavroukakt» devant la Société d'hypnologic. compte rendu publié dans le dernier numéro (nov. 93) de la Revue de l'hypnotisme.
« On m'y fail dire à propos de l'expérience de M. de Rochas, répétée plu-ieurs
fois par moi avec succès, et que je n'ai peut-être pas pri« toutes le» précautions voulues pour mettre mon sujet à l'abri de la suggestion, s Or. tout au contraire, j'ai été surtout préoccupé dans mes expériences de la nécessité d'éliminer la suggestion, et c'est ainsi que je me suis gardé d'annoncer d'avance au sujet on à aucune des personne» préseutes le résultat que je pouvais attendre (d'ailleurs je n'en attendais aucun : je recherchais simplement i observer ce qui allait se produire!; j'ai tâché de ne faire aucun bruit en touchant l'eau du verre, soit avec mes doigts, soit avec une épingle, etc., etc. J'ajoute que les expériences ont été faites non avec un seul sujet, mais avec quatre sujets différents.
Ce que j'ai pu dire, c'est qu'en présence de phénomènes aussi étranges, aussi obscurs, je n'osais pas être aussi décisif cl aussi catégorique que M. le docteur Mavroukakis qui déclare sans hésiter que tous les cas d'extériorisation sont produits par la suggestion.
¦ Il se peut, ai-jc dit. que les phénomènes dont j'ai élé témoin soient produits
• par un mécanisme suggestif, c'est ce que de nouvelle» expériences écliircirom ;
• mais, en tout cas. le mécanisme suggestif, s'il existe, n'a rien de commun, je
• puis l'affirmer dès maintenant,avec celui que M. le 1)" Maironkakit a employé, et
¦ qui est tri tentent visible qu'en vérité il as pourrai! faire illusion â personne, s
a J'espère qur. dans l'intérêt de la térité. ioui voudrez bien insérer eelte petite rectification dans le prochain numéro de la Revme de riirpaoliime. et tous prie d'agréer. Monsieur le Docteur et cher collègue, l'expression de mes smliuieuls bien dévoués s.
E. BOIRAC.
De la sensibilité a distance et de l'extérioration de la sensibilité.
Par le M. D' Paul Joih. de Lille.
Le phénomène décrit dans ces derniers temps sous le nom «l'extérioration de la sensibilité est un fait d'observation assez rare, sans être toutefois exceptionnel. C'est pourquoi dans une des dernières séances de la Société d'hypnologie un des membres présents à une discussion sur ce sujet s'étonnait qu'un fait aussi saillant n'ait pas été signalé plus tôt par quelques observateurs.
Je crois pouvoir à cette observation, d'ailleurs très juste, répondre que le nom seul d'extérioratton de la sensibililé est nouveau mais que le phénomène en lui-même avait été observé et même décrit depuis longtemps. Je pense que l'on peut en effet rapporter h la même cause le phénomène que j'ai décrit autrefois sous le nom de sensibilité à dis~ lance, que d'autres observateurs ont encore signalé sous d'attirés dénominations et qui me parait devoir être dédoublé, sinon dans sa cause, du moins dans la manière dont il se manifeste. Il serait alors assez clairement exprimé par le nom de sensibilité â dislance de la part du sujet récepteur et d'influence nerveuse a distance de lu part de l'agent transmetteur.
Voilà comment j'ai décrit le phénomène que j'avais observé dans le Précis de neuro-hypnologie que j'ai publié en 1892. Dans le chapitre qui traite du sommeil hypnotique, pages 119 et suivantes, je disais :
« Avant d'aller plus loin, nous devons décrire un phénomène qui n'est guère signalé por 1es auteurs. Ce phénomène peut cependant avoir une certaine importance dans la pratique de l'hvpnotisme. On le dévoile au moyen d'une pointe, métallique de préférence, comme une branche de ciseaux ou de compas, tout autre objet légèrement pointu comme un crayon, un morceau de bois ou de baleine taillé en pointe, donnent aussi des résultats analogues, quoique un peu moins accusés.
« Dansccsconditïons.lephénomènc se produit, même l'état devcille, chez un certain nombre de sujets, et se révèle avec une intensité beaucoup plus grande dans le sommeil hypnotique. Si, en tenant un de ces instruments entre les doigts, à la manière d'une plume û écrire, on en dirige la pointe entre les deux yeux de la personne que l'on soumet à l'expérience, celle-ci perçoit, exactement dans le point visé par l'instrument, une sensation «le fourmillement et de pesanteur bien accusée. Quand on a obtenu cette première sensation en laissant pendant quelques secondes l'instrument immobile à une petite distance de la surface entamée ; on peut, en le maintenant toujours à la même distance et le promenant lentement dans diverses directions, le présenter successivement en regard des différents points du visage et même des différentes parties du corps chez les personnes les plus sensibles. Le sujet, à qui on aun fermé les yeux depuis le commencement de l'expé-•rîence. pourra suivre exactement tout le trajet parcouru par la pointe et, à tous les instants, préciser exactement le point en regard duquel on aura arrêté l'Instrument.
« La distance it laquelle cette sensation peut-être perçue, de même que l'étendue de la surface sensible, varíe essentiellement avec la sensibilité nerveuse de la personne en expérience; et c'est même là un bon moyen pour reconnaître rapidement à quel degré une personne sera hypnoti-sable. Nous avons trouvé, eu movenne, que la distance sensible varie de un à dix centimètres ; de sorte qu'il est peu de personnes pour peu qu'elles soient hypuotisablcs. chez lesquelles ce résultat ne puisse être •obtenu en tenant la pointe a environ un centimètre de la surface de la peau.
- « Quant à la sensibilité comparée de différentes réglons, nons l'avons trouvée développée au plus haut point entre les deux yeux, puis sur le front et les autres parties du visage, ensuite la poitrine, la face palmaire des mains, les bras, le cou, etc..
« Cette sensibilité spéciale se développe et s'accroît parallèlement â la sensibilité hypnotique et comme elle, par l'exercice, a - Les phénomènes décrits sons le nom d'extérioratîon de la sensibilité ne peuvent-ils pas être expliqués de la façon la plus plausible par celui-ci que nous avuns appelé la sensibilité à distance ? Ou plutôt n'est-ce pas en somme le même phénomène observé et décrit de deux façons différentes.
Dans les faits de sensibilité îi distance que nous avons nous nous nous trouvons m présence d'une véritable exaltation de la sensibilité chez le sujet en observation. Ceci, remarquons le bien, n'es! ¡tas une exception pour 1« sens du loucher, mais on observe également une exagération de l'acuité «les autres sens chez les sujet» hypnotises. L'on sait en effet que bien souvent les sujets hypnotisés entendent parfaitement des bruits absolument imperceptibles pour les personnes en étal de veille qui les entourent, ou qui se passent en dehors du champ normal de l'audition. De même pour le sens de la vue ils reconnaissent parfois des objets à unr distance à laquelle personne, à l'état normal, ne pent les distinguer ; ou bien sur des objets observés à une petite distance ils distinguent des détails qui échappent absolument à l'u-il le plus exercé. Dans une des observations que j'aî publiées dans une autre circonstance, j'ai signalé un malade, qui, dans le sommeil hypnotique distinguait parfaitement l'une de l'autre les deux faces «l'un feuillet de papier parfaitement blanc et choisi, spécialement pour l'expérience, avec soïn, de façon qu'il ne s'y trouve rien d'apparent a l'œil le plus attentif.
Qu'v a-t-il d'étonnant, si le sommeil hypnotique développe à ce point l'acuité des autres sens, qu'il exalte aussi la sensibilité du sens du toucher, au point que le sujet puisse ressentir l'influence d'un objet qui a été eu contact avec lui, même après que ce contact a cessé ; ou qu'il sente l'impression d'un objet soît à travers un obstacle, soit" à travers l'espace à une distance inaccoutumée et plus ou moins considérable.
Ce principe de la sensibilité â distance étant reconnu, et puisque celte sensibilité varie d'un sujet â un autre, il ne faut pas s'étonner que cette distance a laquelle le sujet est sensible et que javais trouvée, dans la moyenne de mes premières expériences, d'une dizaine de centimètres, puisse être de beaucoup dépassée dans certains cas : soit que l'on ait affaire à des sujets exceptionnellement prédisposés, soît que les sujets aient subi un certain entraînement hvpnotique.
Comme je le disais au début de cette étude, celte question doit être étudiée à un double point de vue et il faudrait maînlenant examiner quelle est la part qui revient à l'expérimentateur dans la mise en jeu de cette sensibilité spéciale du sujet.
Je croîs en effet que l'on peut démontrer que, dans cet cas, il y a une intervention active de la part de celui que j'ai appelé tout â l'heure agent transmelteur. Cette intervention de la part de l'expérimentateur peut être involontaire et inconsciente, elle consiste en une influence nerveuse qui s'exerce à distance, mais dont nous ne connaissons exac-, tcmcnt ni la nature ni le mécanisme. C'est pourquoi je tiens à ne pas la désigner sous un autre nom qfle l'énoncé même du fait : influence nerveuse à distance.
Névralgie faciale avec clignotement des paupières, datant de trois ans, guérie en une seule séance par la suggestion hypnotique.
Par M. le Dr Bourdon. de Meru.
Mlle G... institutrice. 20 ans, anémique, nerveuse et sensïtive était atteinte d'influenza, à forme surtout abdominale et thoraeique. depuis quelques jours, lorsque je la vis pour la première fois. Elle avait eu la veille une syncope, avec perte de connaissance, assez prolongée. On l'avait trouvée étendue sur le carreau de sa cuisine et l'un avait eu de la peine . la réchauffer.
Mais sa maladie fut sans gravité. Au bout de huit à dix jours, elle était guérie.
A l'une de mes dernières visites, lui avant appliqué, un peu machinalement d'abord, ma maîn droite sur le front, afin de voir si elle avait la tête encore chaude et lui ayant demandé ce qu'elle éprouvait, je m'aperçus qu'elle s'endormait. Cette application, un peu plus prolongée, amena assez rapidement un sommeil profond, somnambuliquc.
Cela au grand étonnement de sa mère, qui se trouvait là et qui prétendait que j'avais quelque chose dans la main.
Bien que n'ayant pas cherché ce résultat, j'eus l'idée d'en profiter pour la débarrasser d'une névralgie faciale et sus-orbitaire avec clignotement continuel des paupières, datant de plus de trois ans. Je lui suggérai la disparition de cet état, fort ennuyeux, reliquat, disait-elle, de l'épidémie de 1889, auquel elle était résignée et qui était rebelle à tous les traitements.
- Elle sortit tout abasourdie de ce sommeil dont j'eus de la peine à la tirer et dont elle fut un certain temps à se remettre. J'avais négligé de la suggestionner en conséquence.
Mais au réveil, elle s'empressa de me dire qu'elle ne ressentait plus aucune douleur, nî clignotement des paupières, ni aucune douleur des reins, celle-là plus récente et en rapport avec la nouvelle atteinte d'in-fluenza.
Une seule séance avait suffi et la guérison s'est confirmée. Elle dure encore depuis plus d'un an.
Au réveil, qui fut facile, elle était heureuse que j'aie bien voulu lui donner le chloroforme, et moi j'étais satisfait de ne pas en avoir eu les inconvénients.
L'enseignement à tirer de ce fait, c'est que. ainsi que l'a fort bien montré le professeur Bernheim. l'état de suggestibilité domine les choses de l'hypnotisme.
Bégaiement nerveux traité par la suggestion hypnotique. Guériaon complète en trois séances.
Par le Dr À. Mavroukakis.
M. Gaston Volb... est iigé «le douze ans ; son père est atteint d'artro-phie musculaire progressive, sa mère est bien portante, mais trèa emportée de caractère. Allaitement artificiel : â l'âge de einq ans il a eu la scarlatine. Voûte palatine profonde, c'est le seul signe de dégénérescence le plus manifeste que présente le sujet. Tremblement nerveux des mains «le temps en temps. Aucun trouble de la vue. de l'oufe, de l'odorat, «lu goul, du tact et toucher. Sensibilité cutanée normale. Itien d'anormal ni du côte du cœur ni de l'appareil respiratoire, ni du tube digestif. Sommeil tranquille et sans rêves féquents. Emotmté exagérée, il pleure à la moindre observation qu'on lui fait. Mémoire, intelligence, volonté assez bonnes. Son état général ne laisse rien a désirer. Il ne présente aucune malformation «le la langue ni des eonles vocales d'après un examen minutieux fait par notre collègue M. le Dr Saint-llilaire.
Sa maladie consiste en un bégaiement d'origine nerveuse. Depuis l'âge de trois ans. il bégaie tellement qu'il ne peut pas tenir une conversation. Surtout il lui est impossible «le prononcer une phrase ou un mot qui commence par les lettres C, G, K. Q. II. sans hésiter longtemps et même sans répéter plusieurs fois les premières lettres de la phrase, il ne peut par exemple dire les mots, quand, quatorze, quatre vingt-quinze, etc., et pour y arriver, il place devant une autre phrase ou un autre mot qui ne commence pas par lesdites lettres. A lahle pour demander ce qu'il désire, il bégaie tellement que ses parents se trouvèrent obligés, il y a déjà cinq ans de lui commander de lui demander en chantant les choses dont il a besoin.
Quand il parle à haute voix, et «piand il chante il bégaie beaucoup moins qu'à voix basse. Il a la conception assez bien développée, il apprend bien, maïs il ne peut pas réciter et â l'école on le met toujours parmi les derniers élèves malgré tout le mal qu'il se donne pour faire ses devoirs. Il écrit bien, mais la lecture lui est très ilillieile. En lisant trois ou quatre lignes il hésite dix fois el il répète plusieurs fois le» premières lettres d'un mot avant de pouvoir prononcer le mol lout entier, parfois même il ne peut pas du lout v arriver ; il s'arrête alors complètement etune ou deux minutes après il recommence. En allant faire une commission quelconque il reste parfois comme muet sans pouvoir demander ce qu'il désire, il fait des tentatives pour parler mais cela lui est impossible, deux minutes après il parvient à le dire, pourtant il n'est ni peureux, ni timide. Ses parents sont très contents de lui, cor comme ils le disent il est tres sérieux pour son age- et il ne raisonne pas mal.
Il a le caractère doux, il est tres obéissant et ses sentiments affectifs sont normaux. Quelquefois il se met en colère contre lui-même à cause de cette difficulté de parler.
Son bégaiement est en quelque sorte intermittent, quclqucfoispcndanl cinq ou six jours il parle mieux mais la plupart du temps il ne peut pas articuler un mot sans bégayer et sans hésiter. Parfois même dans la journée il présente une amélioration pendant une ou deux heures.
Le malade est hypnotisante et surtout très suggestible. Le 3 septembre, dès la première tentative, j'ai obtenu un sommeil léger et je n'ai pas cherché davantage. Au bout d'une demi-heure, après l'avoir fortement suggéré je l'ai réveillé et j'ai été surpris de sa subite et considérable amélioration. Il m'a récité deux fables sans arrêter, il a lu quinze lignes d'un jounal sans hésiter, j'ai tenu une conversation avec lui pendant un quart d'heure el uni- seule fois il a éprouvé une certaine difficulté en prononçant la phrase : quatre vingt-quinze centimètres de calicot. Cette amélioration a dure quatre heures environ selon les renseignements que sa mère m'a donnés. Le 5 septembre je l'ai endormi de nouveau : mais après la troisième séance le 7 septembre sa guérison est reconnue indiscutable. Il parle, il lit, il récite bien, il demande :à table ce qu'il désire sans être obligé de chanter quand il n'en éprouve pas le plaisir.
Depuis, je l'ai endormi cinq ou six fois encore pour consolider sa guérison sans chercher un sommeil profond, je puis même dire qu'il n'a jamais éléeudormicoiiiplètementet cependant ce ' état entre la veilleet le sommeil a sulli pour rendre son cerveau capable de recevoir l'idée de la guérison et la réaliser. Ce cas m'a permis de mieux m'assurer qu'il n est pas toujours nécessaire d'endormir le sujet profondément pour obtenir une guérison.
discussion
M. A. ir Jonc (de la Haye).—A ma clinique psychothérapique de la Haye, je reçois un nombre considérable de malades présentant les troubles nerveux les plus divers. J'ai eu à traiter beaucoup de sujets atteints de bégaiement. Sur une vingtaine de cas, je n'ai noté que trois guérisons certaines. Chez beaucoup dr sujets, le bégaiement disparaît pendant le sommeil hypnotique. Souvent il cesse d'exister pendant les instants qui suivent le réveil, mais il reparaît «piami le malade n'est plus en présence du médecin. La différence dans les résultats obtenus tient aux variétés de bégaiement.
M. Dumontpallier. — Il y a dans le bégaiement un certain nombre d'éléments. La conformation de la bouche, l'implantation des dents, diverses causes physiques jouent assurément un grand rôle. Mais l'habitude eL l'intimidation n'en ont pas moins une pari prépondérante. Beaucoup de personnes perdent contenance et balbutient dès qu'elles sont intimidées. Cela est fréquent dans les examens et les concours. La
part qui revient aus causes psvchiques est donc assez grand pour expliquer certaines _ m-risons de bégaiement par la suggestion.
M. Auguste Vomis. — Parmi les observations de bégaiement traité avec succès par la suggestion, je citerai celle d'une jeune bile de treize ans. Cette enfant prêtait peu d'attention aux conseils à l'état de veille. Dans l'état d'hypnose elle devenait très attentive. La gué ri son fut obtenue complètement parle procédé suivant : on lui faisait réciter des leçons étant endormie et elle s'en acquittait bien. Au bout de quatre mois le bégaiement était guéri.
M. berillon. — Le cas de bégaiement qui vient de nous être décrit par M. Mavniukakis peut être par certains caractères considéré comme de nature hystérique. Les momenlsd'interinîttenee du bégaiement et les tremblements passagers observés chez l'enfant me confirmeraient dans cette opinion. Le bégaieinent hystérique a été décrit «l'une façon isolée par M. Gilbert Ballet chez un malade présenté à la Société «les hôpitaux. Chez ce sujet la suggestion n'avait cependant donné aucun résultat! Comme M. de Jung, je n'ai obtenu de résultat favorable que dans quelques cas de bégaiement. Les malades chez lesquels je nsai obtenu ni guérison. ni amélioration présentaient les stigmates accentués de la dégénérescence. Récemment j ai observé une malade qui préente un trouble nerveux qui peut être rapproché du bégaiement hystérique. Cette malade a du bégaiement de l'écriture qui se manifeste lorsqu'elle a â donner sa signature devant certain espersouues. Je soumettrai cette observation a la Société.
M. A. or Joxc. — Un de mes malades présente un trouble analogue, dù aussi ii une cause psychique. Il donne souvent sa signature et cela sans hésitation, mais il ne peut signer son nom quand il s'agit d'une pièce ayant quelque importance, alors même que sa responsabilité ne serait pas engagée.
Les modalités du bégaiement sont très variables ; ainsi, tel malade qui bégaie en hollandais, ne bégaie plus lorsqu'il parle en anglais ou en français. Dans les ras où l'intimidation et l'émotion accentuent le bégaiement, l'intervention de la suggestion se trouve indiquée à côté des autres procédés employés par les spécialistes.
RECUEIL DE FAITS
Trois cas de paralysie non hystérique ; guérison par la
suggestion (1).
Par M. le Dr Tatzei.
1° Mlle St... (de Hamm), vint me trouver le 24 avril de cette année, de la part du Dr llceruiaiin. C'est une personne de 19 ans, saine et fin-
(1) Zetschrift fur hrpnotismus.
rimante, grand amateur de sport faisant avec ses frères de longues excursions sans la moindre fatigue. L'hystérie est absolument hors de cause.
Depuis environ trois semaines, après un léger refroidissement elle sentit un douloureux enrouement qui, en peu de jours se changea en une aphonie complète. Cette aphonie persista sans altérer la santé générale. La malade consulta de nombreux spécialistes et tous les movens (en première ligne l'électricité) furent employés mais sans résultat. Elle était et restait aphone et sa parole n'était qu'un faible murmure.
Lorsqu'elle vint avec sa mère, je leur conseillai le traitement hypnotique, conseil que ces dames n'acceptèrent qu'avec une grande répugnance. Leur crainte tomba cependant lorsque j'hypnotisai une autre malade en leur présence. Alors la malade consentit el se montra pleine de confiance. Je l'hypnotisai et la mis tout de suite dans un second sommeil. Après quelques essais infructueux elle eu vint d'après mes suggestions pendant son sommeil à émettre un haut el fort son, ensuite elle put à pleine voix compter de 20 à 30 et de 80 à 90. Alors je l'éveillai et elle put continuer à parler de sa voix naturelle. Toute la procédure avait duré à peine dix minutes. La malade ainsi que sa mère étaient hors d'elles de surprise.
Pour contrôle, je visitai encore quelquefois cette dame, sa voix était forte et claire comme avant sa maladie.
2° Mlle J... (de Hamm). 20 ans, envoyée aussi par le Dr lleermann vint le 11 juillet de cette année.
Elle est à première vue saine., d'une stature forte, robuste douée d'un caractère calme, accomplissant librement et volontiers son travail : d'hvstérie. aucune trace.
Elle a. depuis sa quatorzième année, un enrouement, peu à peu le mal empira jusqu'il eu que depuis un an déjà elle est complètement aphone. Elle aussi fut traitée de toutes façons principalement aussi par 1 électricité, maïs sans aucun succès.
Je la mis facilement dans un sommeil assez profond, mes suggestions se réalisèrent et elle put pendant le sommeil compter à haute voix. Le résultat se maintient jusqu'à présent.
Je mandai encore quelquefois la jeune fille et rien d'anormal n'est à remarquer dans sa voix.
3° H H... (de Cronenberg), lillette de 12 ans. vint me trouver le 3 février de cette année. Elle est d'ailleurs absolument saine et pour son âge bien développée, d'un caractère bon et confiant, pas la moindre hystérie.
L'enfant dut l'été dernier beaucoup agrafer et broder; par la pénible tenue de la line aiguille il lui vint une très douloureuse contracture des muscles pliants de la main droite et les doigts perdirent peu â peu toute leur puissance de s'étendre, tellement que la main se res-
serra en forme de boule. Elle ne pouvait plus ni coudre,'ni écrire et était aussi incapable pour les travaux du ménage.
Pendant six mois tous les moyens furent employés mais en vain et les parents s'étaient habitués à la pensée qne l'enfant resterait toute sa vie estropiée. Elle me fut amenée par une personne amie laquelle s'était précisément fort bien trouvée du traitement hypnotique.
Je la mis facilement dans un profond sommeil, ouvris sans difficulté sa main et lui suggérai la souplesse et la mobilité des doigts et des muscles. Apre» quelques minutes lorsque je l'éveillai, la main droite était aussi souple et aussi libre de ses mouvements que la gauche et elle est restée ainsi depuis. La fillette vint encore souvent me trouver depuis à cause de douleurs dans le bras, maïs de la précédente raideur de la main il n'y avait plus la moindre trace.
Nouvelles expériences d'hypnotisme.
Par M. le Dr Henry Hilst, des Grands-Rapides (Michigan).
Les expériences dont le récit va suivre ont été pratiquées sur Lucy W.... la malade dont j'ai parlé dans mon article sur les usages thérapeutiques de l'hypnotisme, article qui a été publié dans le Médical Record du 14 mars 1893, et analysé dans le Medico-Legal Journal du même mois. Lucy est âgée de 14 ans; jamais, auparavant, elle n'a été soumise à aucune expérience de cette nature, et elle n'a pas la moindre connaissance des prétendus phénomènes de spiritisme. — Ses parents sont de zélés et sévères calvinistes, qui ne se permettent jamais de discuter la question.
Expérience «° 1, 4 février 1893. — J'ai fait asseoir Lucy devant une table, avec un crayon â la main et du papier lout prêt pour écrire. — Puis je lui dîs de penser un mot. — Pas de résultat.
N° 2.— Les mêmes préparations ont été faites, que pour l'expérience n° 1. — Cette fois-ci. j'y ajoute la suggestion à l'étal de veille (par suggestion à l'état de veille, j'entends que le sujet â qui est faite la suggestion est éveillé et non pas hypnotisé) : de telle sorte que je vais essayer d'écrire avec sa mani le mot qu elle a dans l'esprit.—Je prends sa main dans la mienne, comme afin de la guider pour écrire.—Encore pas de résultat.
N° .3. —Les mêmes préparations ont été faites que pour l'expérience n° 2, en y ajoutant une suggestion â l'état de veille, de telle sorte que son bras droit et sa main droite deviennent complètement insensibles, et qu'elle ne peut plus les remuer. — Sur l'ordre que je lui adresse de remuer sa main, elle se trouve désormais incapable de le faire. — En conséquence, l'ancsthesie est bien là présente, je le reconnais à l'épreuve. — Pendant que je contiens son babillage impétueux, et que
je garde sa main comme pour la guider, cette main commence à se remuer, et elle écrit le mot rat. — Je lui montre le résultat de l'expérience, et elle m'exprime sa stupéfaction, car elle suppose que je possedr le pouvoir de lire ses pensées.
L'expérience précédente a été répétée en diverses occasions, avec de légères modifications. — Par exemple, je voulus demander à Lacy de penser un mot et de l'écrire sur une bande de papier qui serait ensuite remise entre les mains d'un témoin, de manière à pouvoir certifier que le mot finalement écrit était bien le seul qu'elle avait dans l'esprit dès le début. — Le lecteur comprend que c'était là, de ma part, simplement, uniquement une ruse pour fixer plus solidement l'ullcntion de l,ucv sur le mot. et pour l'arracher de sa main.
N° 4. — Après avoir, une bonne fois, complété les dispositions relatives à l'expérience n° .1, j'ajoute la suggestion à l'état de veille, de telle manière que Lucv m'écrive un court billet : si bien que sa main paralysée écrira ce billet sans qu'elle ait elle-même conscience de cet actr, et sans que je guide cette main.
En même temps qu'elle me parle, sa main écrit : Vous êtes bon. Comme je lui demandais si cette phrase avait été tout entière dans sa pensée pendant qu'elle écrivait ou bien avant d'écrire, elle me répondit que la phrase ne s'était, à aucun moment, présentée » son esprit et qu'elle n'avait pas du tout conscience de l'avoir écrite.
N° 5. — Des préparatifs furent faits comme pour le n° 4 — Ma femme est entrée dans la chambre, et, pour occuper entièrement l'attention de Lucv, elle la pria de lui raconter l'histoire de la Touche d'or. — Lucv satisfit à cette demande avec une extrême vivacité. — Pendant ce temps je prenais place derrière sa chaise et je chuchotais à son bras: alors elle dit : Lucy ne m'entends pus, mais la main paralysée m entend. — La main va écrire. — Et elle écrivit Henry Hulst. — Tandis qu'elle continuait le récit de son histoire, je repris : Maintenant il faut que la main signe; appelons la main Kalie. Elle signa du nom qui était suggéré : Kalie W, et spontanément, elle y ajouta une croix.
Ensuite, je lui dis, de la même manière qu'auparavant : Katie, Je sais que vous désirez me dire quelque chose ; qu'est-ce ? Sa réponse me fut transmise au moyen de sa main. Vous allez me conduire à la maison. — Et, cette fois elle signa : Lacy, son propre uom au lieu de Katie. —Je puis ajouter ici qu'avant de commencer les expériences, je lui avais proposé de la ramener chez elle dans nu voiture quand nous aurions fini.
Il n'est pas inutile de rappeler, que, lors de l'expérience n'°3 Lucy s'étonna comment je pouvais lire sa pensée ; car telle était l'explication que je lui avais suggérée par la façon dont l'expérienre avait été conduite. — Mais, lorsque je lui eus montré les résultats des expériences 4 et 5, elle fut absolument hors d'état de comprendre comment sa main
avait pu agir indépendamment d'elle-memc, sans qu'elle et Oui connaissance, et cela surtout alors qu'elle était incapable de mouvoir sa main par sa propre volonté. — En vérité, elle ne revenait pas de sa stupéfaction, ne pouvant se rendre le moindre compte de ce qui s'était fait,
(The Medîco-legal Journal.)
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Distinction honorifique.
M. Bernheim, professeur à la Faculté île médecine de Nancy, a été nommé chevalier de la Légion d'honneur.
Nous applaudissons à la distinction si méritée dont notre êminent collaborateur vient d'être l'objet et nous lui adressons nos vives félicitations.
A propos d'une « suggestion originnle » .
« Mon cher. Directeur,
« Vos lecteurs se rappellent peut-être ma communication intitulée une suggestion originale (Revue de l'hypn. Septième année, p. 315).
Il y était question d'un névropathe dont la vie était empoisonnée par la crainte du choléra. Je lui avais suggéré pendant l'hypnose de se moquer agréablement de l'objet de sa crainte, et vous avez publié son épître s! humoristique et si spirituelle. J'ai vu ce malade il y a quelques jours. Je n'étais pas sans quelque appréhension à son sujet. En effet, ces mois passé», les journaux étaient pleins de nouvelles alarmantes signalant un peu partout des réapparitions soudaines de la terrible maladie. Mon appréhension s'est heureusement trouvée sans fondement. Non seulement la personne est délivrée de son obsession, maïs elle s'est mise ù plaisanter sur ses terreurs passées et — qui mieux est — suri- les terreurs des autres. Même il y a quelque temps, elle a suivi le cortège funèbre d'un cholérique de sa commune. I.a suggestion origi' nale avait donc admirablement réussi.
« Agréez, etc.
« J. Delbœuf. »
Eloge de Charcot à, la Société de médecine de Berlin.
En ouvrant la séance de reprise des travaux de la Société de médecine de Berlin, M- le professeur Leyden a prononcé quelques paroles émues en l'honneur du professeur J.-M. Charcot, dont la renommée s'est étendue bien au delà de la France sur tout le monde scieutiGquc.
Su personnalité, sa conduite, son influenceavaienl quelque chose d'abéo-lamctil génial. Sa couceplîon et sa description des - maladies avaient un vernis artistique: son stvle avait quelque chose de fascinant, de persuasif, même là où le terrain se dérobait sous ses pas ; souvent meme d'ailleurs ses assertion», d'abord intuitives mais issues de ses études, étaient confirmées dans la suite. Son influence scientifique a été conforme aux progrès qu'il a pu réaliser dans la neurologie, c'est-à-dire immense, bien qu'il ait parfois uu peu laissé dans l'ombre la neurologie allemande avec ses jugements plus réservés et dont les semées, par exemple, en ce qui concerne les localisations cérébrales, n'ont pas été suffisamment appréciés.
La croix pour le docteur Lièbeuult.
L'Est républicain publie la lettre suivante :
a Le monde médical, avec une unanimité d'autant plus remarquable qu'elle est plus rare, a accueilli la nomination du docteur Bernhein au grade de chevalier de la légion d'honneur dans le sentiment de la plus sincère satisfaction. Cette distinction flatte socialement nos concitoyens, car en l'honorant dans son chef, elle routière les travaux et l'éclatante réputation de l'Ecole de Nancy, heureuse rivale de celle de Paris. les théories dts notre Ecole admises et admirées en France, et plus encore à l'étranger, et qui renversent bien des préjugés, combattent bien de» erreurs tant dans la science médicale que dans celle du droit, ont été triomphalement répandues grâce aux incessants travaux de MM. Bernheim. Beaunis. Liégeois, Du m ont, qui ont du lutter si longtemps contre ces terribles adversaires : l'ignorance et l'opinion publique. A cette heure que la cause est gagnée, il est juste qu'à côté des satisfactions désintéressées des chercheurs, le gouvernement récompense officiellement leurs travaux : on vient de songer à M. Bernheim. Mais un autre nom. inséparable des mots de suggestion et d'hypnotisme, celui de M. Liébcaull. premier fondateur de l'Ecole de Nancv, dont la science égale la modestie, n'a p;is encore paru à l'Officiel. L'étranger serait bien étonné assurément, ii qui l'on apprendrait que M. Liebeault. dont les ouvrages sont universellement appréciés, n'est même pas décoré de ce petit ruban rouge parfois si facilement distribué pourtant. Pour lui aussi, il serait temps «pie justice se fasse : cela ne tardera pas, nous l'espérons. Toute la presse nancéienne ne manquera pas de s'intéresser à une si juste cause et son cèle, sans doute, sera couronné d'un plus rapide succès que quand elle fit naguère la même demande pour le vénérable abbé Didclot. »
Nous ne pouvons que nous rallier à rette proposition. Nous n avons pas été surpris de la trouver exprimée dans le journal que dirige avec tant de distinction M. Léon Gouletle. Lors de la touchante manifesta-
tion organise il y a deux ans, par de nombreux élèves reconnaissants, en l'honneur de M. le Dr Liébeault. celte idée avait déjà été émise et elle avait rencontré une approbation unanime. Depuis longtemps l'attention de» pouvoirs publics aurait du être appelée non seulement sur le mouvement scientifique dont M. Liêbault. par ses travaux, a été le premier initiateur, mais aussi sur les consultations charitables auxquelles ce vénéré mitre a consacré toute une vie de travail, d'honneur et de désintéressement.
La psychologie du neurasthénique.
M. le professeur Kournier, dans une de ses leçons à Saint-Louis, vient d'enrichir la psychologie du neiinisthénitpic.
Ce sont, bien entendu. les plaintes d'un neurasthénique syphilitique qu'il a enregistrées. En somme elles diffèrent peu de celles qu'expriment souvent les neurasthéniques non syphilitiques. Les voici dons toute leur saveur :
« Docteur, je ne sais ce que j'ai, mais ça ne va pas. Je ne suis plus ce que j'étais avant d'avoir contracté ma damnée syphilis.
« Sans doute je ne suis pas malade, en ce sens que je suis debout, que je vais et viens, que je n'ai pas abandonne mes affaires, mais je me sens mal à l'aise.
« C'est, d'abord, ma tète qui est toujours lourde et chargée, comme si j'avais un poids sur le mine ou si je portais un casque.
« Puis, je me sens toujours las, fatigué, avec des jambes molles, faibles, harassées, comme si j'avais fait dix lieues, et je marche à peine : et, chose étonnante, je suis encore plus fatigue en sortant du lit, le matin, que le soir en me couchant.
s Il en est d ailleurs de mon cerveau comme de mes jambes ; il ne vaut guère mieux. ï.c travail me fatigue. Je n'ai plus d'entrain ; les idées ne me viennent pas. C'est une aflsairc d'état pour moi que d'expédier mon courrier; moi qui écrirais, sans m'en apercevoir, quinze à vingt lettres dans mon après-midi, je suis à bout maintenant quand j'en ai écrit trois ou quatre, et il faut que je me force pour continuer.
« D'autre part, je mange sans appétit: j'ai des gaz sur l'estomac, des digestions lourdes, lentes, pénibles ; je ne vais à la selle que tous les deux ou trois jours.
« Je dors mal ; j'ai le sommeil agité.
« Sans parler de cent autres petites misères. Croiriez-vous que je suis devenu nerveux comme une le m me ? Un rien m'agace, nie tourmente, me met se:is dessus dessous. Sî l'on m'apporte une lettre, si je rencontre quelq :':;n dans la rue, je me sens pris d'un tremblement. Je suis impressionnable comme je ne l'ai jamais été; je tourne h la sen-silive. Joignez à cela des douleurs ici on là, des fourmillements, des engourdissements, des impatiences dans les jambes. Si cela continue, j'aurai bientôt « mes nerfs » comme une jolie mondaine.
C'est sans doute ma sale maladie qui m'a valu lotit eela. D'autant, je vous l'avoue, que j'y pense toujours. C'est cela qui me ronge. Vous avez beau, monsieur le docteur, médire le contraire, je sais bien, moi, qu'on n'en guérît jamais. Mes amis (qui ne savent pas ce que j'ai) me l'ont bien dit. Récemment encore l'un d'eux en est mort, et dans une maison «l'aliénés ; il paraît qu'il était pourri jusqu'aux os. Et c'est là ce qui m'attend, n
Comme on le voit le tact du médecin chargé de raisonner cet esprit inquiet n'est pas des plus faciles. Bien qu'on ait prétendu le contraire, c'est encore à la suggestion hypnotique qu'il faudra recourir pour soulager le malade lorsque toutes les autres médications auront échoué.
Mutisme hystérique avec conservation de la faculté de chanter.
Dans les paralysies psychiques il n'est pas rare d'observer les symptômes les plus paradoxaux ; cependant, il est quelques cas qui. vu leur rareté, méritent d'être signalés. De ce nombre est l'observation rapportée par M. Hurrisson-Griffin dans le New-York Médical Journal et relative à une jeune fille atteinte de mutisme, ou mieux d'aphonie hystérique, et qui avait conservé la puissance et la netteté de sa voix lorsqu'elle chaulait.
Cette jeune fille était âgée de dix-neuf ans quand M. Ilarrisson-Grilfin fut consulté. Elle était aphone depuis onze moi». !..La nature de sou mutisme était facile à établir. Elle était, en effet devenue aphone brusque nient, sans cause apparente et sans aucun symptôme laryngé. Ausm n'es-il pas étonnant que le traitement local, auquel elle avait d'abord été soumise, n'ait produit aucun effet.
Quand M. Griflm la vil, elle n'était pas tout â fait aphone, mais sa voix n'était qu'un murmure imperceptible. Dans ces conditions, elle surprit beaucoup le médecin qui en alhrmant que. m elle ne pouvait pas parler, elle pouvait chauler à haute voix. Elle luî en fournit immédiatement la preuve. M. Crillin put alors s'assurer qu'elle pouvait émettre les notes les plus élevées et les plus basses avec une grande netteté et sans qu'on put constater aucune altération de sa voix. Eu chantant elle prononçait les mots avec une grande pureté.
L'auteur fit alors l'expérience suivante ; il lu! fil chanter les notes de la gamme. Les syllabes sortaient alors à pleine voix. Il voulut ensuite lui faire nommer ces mémes notes sans chanter. Aussitôt l'aphonie reparut et la voix ne fut plus qu'un murmure :
Le diagnostic était dès lors précis et non douteux; aussi M. Grilfin. s'abstiut-il de tout traitement local. Grâce à un régime tonique, à l'isolement et surtout à la suggestion, le mutisme disparut rapidement. Depuis plusieurs mois, la voix parlée est nette et forte.
Les commotion de la moelle et la nôvroae traumatique.
M. le Dr Bvrom Bramwell vient Je faire une 1res intéressante communication sur la névrose traumatique dont voici les conclusions:
Les lésions et les affections spinales d'origine traumatique peuvent être classées dans les cinq groupes suivants :
1° l-e premier comprend les cas dans lesquels les vertèbres sont fracturées ou déplacées et la moelle contusionnée ou comprimée.
2° Dans le second groupe il s'agit de troubles survenant après un coup sur le dos, une torsion ou une commotion violente du racliis par suite d'une chute sur les pieds. Ces troubles, souvent graves, ne sont pas nécessairement permanents: ils apparaissent immédiatement après le traumatisme, indiquant une suppression de certaines fonctions de la moelle, niais ne sont pas accompagnés de fractures ni de déplacements des vertèbres.
Les symptômes sont à peu près les mêmes dans ces deux catégories de cas. bien qu'ils puissent différer comme intensité, Ils indiquent toujours une lésion grave de la moelle, de ses racines ou de ses enveloppes.
3° Les cas du troisième groupe sont ceux où, â la suite d'un coup ou d'une chute sur le dos ou sur les pieds, on voit apparaître les symptômes caractéristiques d'une affection de la moelle ou île ses enveloppes. Ces symptômes surviennent soit immédiatement après l'accident, soit au bout d'une certaine période de temps, qui peut-être parfois très longue. Cependant, les cas où l'apparition de» symptômes morbides est tardive sont très peu fréquents dans lu clientèle privée ; ils sont extrêmement rares après les accidents de chemin de fer.
Je ferai ressortir tout particulièrement l'extrême rareté des inflammations chroniques des méninges spinales à la suite de coups ou d'une chute sur le dos. La myélite transverse, le tabès et l'atrophie musculaire progressive sont aussi très rarement d'origine traumatique; elles sont particulièrement rares après les accidents de chemin de fer.
4° Un quatrième groupe est constitué par les cas dans lesquels un traumatisme direct de la colonne vertébrale, tel, par exemple, que la chute de pierres ou de blocs de charbon sur la région dorsale, provoque l'apparition des symptômes non douteux d'une commotion de la moelle. Le» cas de ce genre sont peu fréquents dans la clientèle ordinaire, mais on les observe assez souvent chez les mineurs. Dans certains de ces faits, heureusement peu nombreux, il se produit une fracture ou une luxation des vertèbres pouvant proroquer l'apparition d'une myélite transverse, une méningite spinale, une paralysie permanente et même la mort. Plus fréquemment les traumatismes du dos chez les mineurs produisent uue paralysie passagère de la vessie, ainsi que de la faiblesse et de l'insensibilité temporaire des membres inférieurs. Les informations que j'ai prises auprès des médecins exerçant dans les régions minières dn Xor-thumberland, de Durham, de l'Ecosse et du pays de Galles me permet-
lent de formuler 1es conclusions suivantes relativement aux lésions traumatiques observées chez. les mineurs : la chuit- de blocs de charbon sur le dos produit souvent les symptôme» de la commotion spinale ; ces symptôme» ne sont que passagers dans la grande majorité des cas; la commotion spinale ne détermine que très rare ni eut des affections organiques de lu moelle ou de ses enveloppes, ainsi que le syndrome de la névrose traumatique.
5° Un cinquième et dernier groupe de cas comprend la névrose traumatique dont le syndrome, connu aussi sous le nom de • railwav spîne ». s'observe très fréquemment a la suite d'accidents de chemin de fer. tandis qu'il est relativement rare après les traumatisme» ordinaires.
Les symptômes île la névrose traumatique sont en grande partie purement subjectifs ; ceux d'entre eux qui pourraient indiquer l'existence d'une affection organique du cerveau ou de la moelle sont extrêmement rares.
Leur mode d'invasion et leur évolution sont assez variables. disproportion qu on remarque souvent entre l'intensité du traumatisme local et la gravité, ainsi que la persistance des troubles qu'il amène à sa suite, constitue une particularité très caractéristique des cas de a ruilwiiy spmc ».
Fail remarquable, chez les emplovés de chemin de fer la névrose trau-matique est relativement rare après les accidents. D'autre part, les svmptômes de cette affection surviennent moins fréquemment chez les vovageurs ayant été atteints de lésions locales plus Jou moins graves, telles que fractures des membres, que chez ceux d'entre eux qui n'ont subi qu'un simple ébranlement général du corps.
Autant que je puis en juger d'après mon expérience personnelle, les symptômes consécutifs aux accidents de chemin de fer sont dus. dans la très grande majorité des cas, à des troubles purement fonctionnels et non à des affections organiques du système nerveux. Cependant la guérison de ces malades est souvent lente. Dans presque tous les cas. les symptômes persistent ou même augmentent d'intensité tant que dure le procès en dédommagement intenté par le malade. Le procès une fois gagné, certains malades se rétablissent rapidement, tandis que chez d'autres, la guérison ne survient que dillirilement. Cependant la plupart des malades finissent par guérir. Les chances de guérison sont d aillant plus grandes que le malade est plus jeune et plus vigoureux ; mais, même dans les cas les plus défavorables, on voit survenir habituellement une amélioration considérable.
L'éducation des éplleptiqnes.
Dans un mémoire sur ce sujet, lu en présence de l'Association des sciences sociales, à Saratogn (Etats-Unis), le 5 septembre dernier, le D' Louise Fiske Bryson appelle l'attention sur ce point : à savoir, qu'
existe, dans l'opinion du public, deux erreurs bien déterminées relativement à l'épilepsie. — L'une de ces erreurs, c'est «que tous les épilepliques seraient aliénés. — L'antre, c'est qu'un très petit nombre de personnes seraient atteintes d'épilepsie. — Or, dans la réalité, l'épi-lepsie est un nul répandu dans de vastes proportions. — On estime qu'elle frappe une personne sur cinq cents en moyenne. — Dans les Etats-Unis seulement, il v a environ cent trente mille épilepliques, et l'Etat de New-York, à lui seul, en possède plus de douze mille. — On en rencontre partout nu milieu du monde où nous vivons. — Il y a des médecins épilepliques, des prêtres épilepliques, des teneurs de livres épilepliques, des tailleurs épilepliques, des murons épilepliques, des emplovés au télégraphe épilepliques. qui. tous, en dépit de leur malheureuse position, continuent à exécuter leurs utiles travaux. — Il n'est pas vrai que tous les épilepliques soient aliénés, ni qu'ils soient sur le point de le devenir, ni qu'ils portent la folie autour d'eux comme une arme cachée. — Le chiffre proportionnel des épilepliques aliénés est. en fait, trè» fiable : il y en a moins de dix pour cent, mente en poussant les choses à l'extrême. — (Pelerson).
L'enfant épilcpliqur est toujours un enfant malade. — Il diffère des autres épilepliques; ; — il n'esl pas aliéné, mais il est malade et sujet à des périodes d'infirmité, d'impuissance, pendant loule sa vie. — C'est là le fait dont il faudrait tenir compte dès le commencement. — Quand un enfant est aflligé d'une aussi terrible maladie. tous les efforts devraient tendre à faire de lui un être à la fois agréable cl utile à ses semblables. — Tout son avenir peut dépendre de son pouvoir de plaire aux autres et de se plaire à lui-même. — Trop souvent rêveur, soupçonneux, irritable, irrésolu, et sujet à de violents accès de mauvaise humeur quià rendent sa société absolument insupportable ». le malheureux enfant a pour première leçon d'appreudre à se dominer soi-même et à effacer sa propre personne. — Les éclats d'humeur qui de temps eu temps. pourraient être tolérés chez les gens en bonne santé, devraient toujours être réprimés avec calme et fermeté. — L'entraînement à la violence dans la parole et dans les aclrs peut durer tout le temps de la vie. — El le pouvoir de maîtriser cet entraînement peut s acquérir. — Alors que l'épîlepsie ne conduit pas nécessairement à la dégéuéraliou intellectuelle et morale, il est tout à fait possible et indispensable que le. malade et la famille du malade exercent une intelligence toujours alerte et en éveil, s'ils veulent être certains que la maladie ne finira pas par anéantir plusieurs de» plus belles manifestations de l'esprit et de l'ame. —Les épilepliques qui ont été capables dt» teuîr leur place dans le monde malgré leur grande infirmité, doivent, à n'en pas douter, la plus large part de leur succès à la sage éducation qu'ils ont reçue de pareuts qui ont su ne pas trop sacrifier au sentiment, et qui, tout d'abord, ont développé en eux de» habitudes d'ordre et d'empire sur soi-même.
Comme la droite et vraie éducation des facultés de l'intelligence est une source de vigueur physique, l'éducation, dans son sens le plus étendu, est 1 espérance capitale de l'épileptique. — Des lors, quelle doit en être la portée, quel le but? — Les mêmes que chez L'enfant bien portant : la seule et unique différence, nécessairement, concerne les modifications introduites dans l'application des méthodes. — Les heures (de travail) doivent être plus courtes, et les intervalles entre les devoirs et les leçons, plus longs. — A l'exemple de tous les autres enfants, l'épileptique devrait commencer son éducation dans le « Kinder-garten ». c'est-à-dire l'école enfantine au milieu des compagnons de sou âge, là où, par des voies parfaitement naturelles et spontanées, il apprend à avoir de l'empire sur lui-même, de la confiance en lui-même, et à connaître le prix, la valeur des mutuelles concessions. — Le r Kindergarten » est un système d'éducation de nature scientifique, très propre à substituer des habitudes justes et exactes d observation à cette sorte de fatal regard intérieur sî fréquent dans les maladies nerveuses. — Après le « Kindergarten », après l'âge de l'école primaire et de l'école de grammaire, après les années consacrées à l'acquisition des outils, des instruments et des règles, l'éducation, pour être pratique, devrait s'appliquer à l'universalité des objets intéressants dont la durée persistera, quand tous les autres objets disparaîtront, ou quand, étant dépassés, ils deviendront hors d'usage. — Parmi ces objets d un intérêt permanent, les principaux sont : la littérature, l'histoire, l'économie sociale et les sciences objectives, tempérées, assaisonnées avec quelques notions surl'art et quelque teinte de langues étrangères. L'éducation physique est d'une suprême importance; puisque, l'épîlepsie ne peut pas exister sans qu'il y ait quelque imperfection, quelque défectuosité physique, soit structurale, soit chimique. — La nécessité des jeux en plein air saute aux yeux du premier coup. — De même que les autres personnes qui sont faibles des nerfs, il faut que l'épileptique retienne sans cesse dans sa mémoire deux mots qui devraient toujours être unis ensemble aussi étroitement que les deux frères siamois : modération, exercice. — Avec cela, les épileptiques n'ont nullement besoin de craindre l'usage de beaucoup de plaisirs légitimes, ni même, à l'occasion, de quelques défauts de 'régularité dans la nourriture cl dans le sommeil.
A la suite de l'école et du collège, vient à son tour l'éducation technique spéciale en vue de la carrière choisie. — Quoique bien des professions att ravautes soient, de façon permanente, fermées à l'épileptique. parce que la conscience de lui-même peut l'abandonner b tout moment et sans l'avertir, la part qui lui reste est, néanmoins, encore considérable et consolante ; et l'épileptique qui a reçu de l'éducation trouvera toujours à se fraver une route. — Il faut rappeler incessamment, en manière d'encouragement et de stimulant, que l'épilepsîe et le génie peuvent coexister. — Le Df Peterson appelle l'attention sur certains
types bien ronnus dans l'histoire, types cher, lesquels épilepsie et génie se sont trouvés réunis. — Il est vrai qu à tout cpileptique n a pas été donné le talent de décrire ses propres souffrances comme la lait l'épi-leplique Dostoïcwsky dans son romau « l.'ldiot »; ni de charmer le monde par la musique comme l'a fut l'épileptique Haendel ; ni de l'amuser par la comédie comme l'a fait Molière ; ni par la poésie comme l'a fait Pétrarque : ni de le remplir de ses exploits militaires comme l'ont fait César et Napoléon; ni de lui apporter uue religion comme ont fait Mahomet et saint Paul. —Eh bien ! malgré tout, il est encore possible à l'épileptique d'exercer toutes ses facultés pour se protéger soi-même, et pour affermir son propre bien-être et sa prospérité.
Assurer les vraies et exactes conditions de l'exercice et de l'entraînement de ces capacités, tel est le devoir, telle est la lâche de l'éducation. — d'abord, de l'éducation publique, ensuite, de l'éducation spéciale a l'épileptique.
(Médical Record.)
Mémoire visuelle.
M. Paeelti signale, dans la Riforma medica, l'observation d'un jeune épileptiquc. d'intelligence débile, qui est doué d'une mémoire prodigieuse, d'origine visuelle. A peine a-t-il regardé prndant un court moment un panorama très compliqué, qu'il est capable île le décrire ensuite avec une grande exaclitode. Cette visualité est tellement prédominante que les sensations auditives, un peu intenses, se transforment immédiatement chez ce sujet en sensations colorées. Il a aussi imaginé des procédés de simplification des quatre opérations, sans avoir pu opérer une division d'après la méthode classique. (Revue scientifique.)
NOUVELLES
Société d'hypnologie at de psychologie.
La Société d'hypnologie se réunira en séance ordinaire le hindi 18 décembre, à quatre heures et demie précises, au palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. le Dr Du-muntpallier:
1° Lectures et communications diverses.
2° Présentation des malades.
Vote sur l'admission de nouveaux membres.
Adresser les communications a M. le D' Bérillon, secrétaire général, rue de Rivoli, 40 bis.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
— Institut PSYCMO-PHYSIOLOGIQuE dr Paris. 40. rue Saint-André-des.
Arts. — L'Iustitut psycho-physiologique de Paris, fondé eu 1891 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeur» autorisés, est destiné h fournîr aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée s l'Institut psveho-pfiysiologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de dix heures â midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Des conférences sont faîtes le jeudi, à dix heures et demie, par M. le D- Bérillon, sur les applications cliniques de la suggestion et de riiypnolisme, etc. Série de leçons commencera le 25 novembre. On s'inscrit à la Clinique.
M. le Dr J.-O. Jenuîngs fera le samedi des démonstrations pratiques
d'electro-physiologie.
— Asile Saint. - ANNE . — M. Magnan a repris, dans l'Amphi-théâtre de l'admission, ses leçons cliniques, et les continuera les lundis et samedis à quatre heures. . Les conférences du mardi seront consacrées îi l'étude pratique du diagnostic de la folie. Les leçons auront pour objet, cette année,« les délires systématisés dans les diverses psychoses ».
Hôpital Saint-Antoine. — M. Gilbert Ballet reprendra ses leçons cliniques sur la pathologie mentale et nerveuse, â l'hôpital Saint-Antoine, le dimanche 3 décembre à dix heures, et les continuera les dimanches suivants, à la même heure, pendant les mois de décembre et janvier.
—AssociATion.neEuroLogiQUe AMeriCAinE. —L'Association neurologique américaine a pris récemment la résolution suivante : « L'Association neurologique américaine considérant, â l'unanimité, que les soins à donner aux épileptiqucs si longtemps abandonnés sont réclamés par le public, par les autorités et surtout par les intéressés indigents, décide qu'ils seront retirés des asiles où on les enferme et qu'il leur sera donné, dans des établissements spéciaux, les soins que demande leur déplorable situation. »
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
Dr E. Regis et A. ChevalieR-LaVaure. — Des Auto-intoxieations dan» les maladies mentales (Session de la Rochelle. 1993). — Us rolurac in-4°, 94 pages. G. Marcs-chal. rue de l'Escale, 20, La Rochelle.
Louis Theureau . — Les Casiers judiciaires et un projet de casiers civils (Un volume
in-4°. 24 pages; Guillaumin et Cie. 14. rue Richelieu. Paris 1892). Ds Cairoti». —/'..'ri tur la Syringomyélie {Va voi. in-i". 127 pages. G. Slcia-
hoil. 2. rue Casiniir-Delavîgnc. Paris, 1892). William W. Irolaxd. — The Mot Vpcn thr Rrain (Uu vol. in-4s. .188 pages,
Edinburg. Bell et BradGshe. 12. Bank Street. 1893). Albert Colas, — L'Amour (Un vol. in-8". 12 pages. Henri Jouve, éditeur, 15,
rue Racine. Paris. 1893). D'R. VIGOUROUX.— Neurasthénie et Arthritisme (Un vol. in-t°. 116 pages. A.,
Maloine. éditeur. 91, boulevard Saint-Germain. Paris. 1893). Dr E. Momx. — Hygiène et traitement des maladies de ta peau (Un vol in-8s,
100 pages. Société d'éditions scientifiques. i. rue Antoine-Dubois. Paris). BARTHELE m y. — Etudes sur te Dermographismr (in-8s de 300 pages. illus!ré de
17 pl. hors toile: 7 fr.50.Société d'éditions scientifiques, 4. rue.Antoine-Dubois,
Paris).-
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
Nous Invitons nos lecteurs & compléter, par leurs indications, les lacunes et les omissions de l'Index bibliographique.
Thomas G. Ashtox. — Trois cas d œdème nerveux (Médical News, 8 avril 1893, p. 391).
Léon Cimuel. — lie la simulation de la folie eue: les aliénés. in-4° do 81 pages,
thèse de Paris. 1893; G. Steinheil. éditeur. Paris. 1893. Bourneville. — liu traitement chirurgical et médico-pédagogique des enfants
idiots et arriérés (Progrès médical, 21 juin 1893). Arnaud (K.-L.). — I.a folie à deux, ses diverses formes cliniques (Ann. médieo-
psvchol.. t. XVII, 7e série. 3. 1893). freud (S.). —Quelques considérations pour «ne étude comparative des paralysies
motrice, organique et hystérique (Arch. de neurol., 77). Pronier. — De l'anesthésie généralisée. Son influence sur la conscience et le mouvement (Rev: de méd.. juillet). Tabcowla. — Trouble de la sensibilité sc produisant par une sensation de sable
du côté malade dans un cas d'hérai-choréc post-hémorragique méd.-
psychol.. t.XVIII, 7° série. I. 2). Paul SeRieux. — Sur un cas de surdité verbale pure (Rer. de méd., août 1893,
IX pages).
GoeTz. (Ed.). — contracture hystéro-traumatique de la main gauche (Réf. méd.
de la Suisse romande, S. Blocq (P.). — De l'inversion sexuelle (Gaz. hebd. de méd. et de chir.. 27). MoBEAO. — Le crime à deux (.Ann. médico-psyeh., t. XVIII, 7e série, I, 2). Simelaioxe (R.). — La cause du « Libre «lel Commando j, cas de folie à cinq
(Ann. médico-psych., t. XVIII, 7' série. 3).
Erratum. — Dans quelques numéros, l'annonce de M. Chassaing portait en dernière ligne: Véritable poudre de Méchy: il faut lire : Véritable poudre de
Vichy.
L'Administrateur-Girant : Emile BOURIOT.
170. rue Saint-Antoine.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
8e annee — n° 7.
Janvier 1894..
LA VOLONTÉ
Par M. T.. Manouvrier, professeur à l'école l'anthropologie de Paris
I
Les efforts tics psyehologistes tondent à transformer do plus en plus les anciens concepts métaphysiques en concepts scientifiques. Les interprétations actuelles îles phénomènes psychiques paraîtront bien confuses aux physiologistes de l'avenir, mais il n'est pas douteux pourtant qu'elles soient déjà infiniment supérieures aux doctrines des métaphysiciens, dont la base est ruinée de fond en comble. A défaut d'explications absolument précises et complètes, il est déjà satisfaisant de pouvoir traduire d'une façon physiologique ment intelligible les actes mentaux conscients ou inconscients.
Je m'étais proposé de traiter ici, dans ce sens, de la volonté considérée dans ses rappris avec les actes. avec l'attention et avec la mémoire, mais les étroites limites qui me sont imposées m'obligent à diviser cette étude et à n'en exposer pour le moment que la première partie. C'est comme antécédent des actes, comme phase des processus moteurs, que la volonté est le mieux caractérisée et qu'il convient de l'étudier tout d'abord. Ensuite viendra l'étude de l'attention et de la réminiscence volontaires.
En ce qui concerne la direction des mouvements, le rôle de la volonté a été réduit depuis longtemps déjà à une valeur bien inférieure à celle qui lui avait été métaphysiqucment attribuée. Sans parler des contestations d'ordre métaphysique rencontrées par la
doctrine du libre arbitre, on reconnu! de mieux en mieux que l'assentiment général dont se prévalait cette doctrine provenait d'une pure illusion résultant, comme le disait Locke, de l'ignorance des cause» qui nous font agir. Cette ignorance ayant diminué progressivement, la croyance a ce singulier pouvoir qu'aurait eu la volonté d'être à elle-même sa propre cause a subi une régression proportionnelle. Forcés d admettre au moins un certain degré de déterminisme, des psychologues ont pensé que. tout en se laissant déterminer par les motifs, la volonté possédait néanmoins le pouvoir de modifier plus ou moins la valeur de ces motifs, à la façon d'une balance qui influerait sur la valeur des poids mis sur ses plateaux. D'autres se contenteraient qu'on accordai a la volonté un simple suffrage capable de trancher les débats importants à issue douteuse. Moins exigeants encore sont les partisans de la liberté d'indilférence. Habilement entouré de formules mathématiques ou d'expérienres de psycho-physique, re minimum de métaphysique a pu revêtir l'apparence d'une notion positive, mais insuffisamment pour que le libre arbitre puisse encore servir d'attribut positif à l'entité immatérielle des meta-physiciens. Telle qu'elle a été conçue très logiquement par nos ancêtres néolithiques ou paléolithiques, telle qu'elle est encore conçue par les peuples sauvages, cette entité qui double » chaque être humain était encore convenable : c'est une ombre, une image, un souffle, etc. Tylor. H. Spencer. Letourncau, etc. ; mais à force de dépouiller ce double de tous ses attributs saisissahlcs. on a fini par le réduire a n'être plus qu'un simple mot, flatus vocis, ne repondant plus à rien d'intelligible. En vain s'effor-ce-t-on de sauver l'attribut par le substratum ou le substratum par l'attribut. On parle de l'éther des physiciens, mais cet éther est quelque chose qui vibre et qui ondule ; on parle du potentiel. comme si le potentiel n'était pas soumis lui aussi aux lois de la mécanique; on fait observer que. la variété des actes possibles croissant avec le degré de l'intelligence, les actes finissent par échapper a toute prévision comme s'ils étaient indéterminés: mais le champ des possibilités aura beau s'étendre et la probabilité d'un acte donné aura beau diminuer, cela ne pourra faire que cet acte se produise sans avoir été déterminé tout aussi complètement que le tirage d'un numéro de loterie parmi des millions d'autres numéros, Les mouvements d'une feuille emportée par le vent échappent eux aussi ù tout calcul ; ils n'en sont pas plus libres pour cela.
Les causes de l'illusion du libre arbitre sont donc palpables et
l'indépendance de la volonté, absolument distincte, d'ailleurs, de la liberté admise par le sens intime, se trouve réduite à l'état d'attribut inconcevable d'un substratum non moins inconcevable. Nous possédons la liberté d'agir suivant notre volonté, d'après nos propres goûts, nos propres penchants, nos propres motifs, et c'est tout ce qu'il nous faut pour être libres : mais notre volonté n'est-elle-méme qu'un résultat déterminé par des composantes organiques et extra-organiques évidemment soumises à un rigoureux déterminisme. Il est vrai qu'il nous arrive souvent d'agir ton-trairemeut à certains de nos goûts, de nos penchants, de nos motifs d'action, mais ce u'esl que pour obéir à d'autres goûts, penchants cl motifs plus forts, dont l'existence et la force relative sont hors de notre pouvoir.
Sans insister sur la controverse du libre arbitre métaphysique, remarquons seulement qu'en l'absence des notions phvsico-chimi-ques et biologiques dont l'acquisition nous permet aujourd'hui d'analyser. bien que vaguement. le déterminisme de nos actes, la volonté devait apparaître invinciblement comme une puissance directrice, puisque nous ne connaissons directement que la succession de nos états de conscience. Sensation, motifs divers, délibération, choix et décision, voila exprimée comme états successifs de conscience, la chaîne psycho-motrice qui nous apparaît aujourd'hui souk la forme d'une série d'opérations physiologiques. mais qui n'était connue auparavant que sous la forme de faits de conscience, précédant la plupart des actes. Nerfs ou centres nerveux sensitifs et moteurs hiérarchisés, tension nerveuse et courants nerveux, actions réflexes simples et com|tosées. impressions et images, associations et actes sans conscience, pouvoir moteur des images, conditions des sensations, temps de réaction, conditions d'apparition et de disparition de la conscience, analyse des troubles variés de tous ces phénomènes, troubb-s et variations anatomiques corrélatifs, etc., ce sont la des notions d'acquisition moderue.
Rappelons aussi que tous les métaphysiciens n'ont point partagé l'illusion du libre arbitre.
Supposez, disait Spinoza, une pierre qui veut tomber et qui tombe aussitôt : elle croira que c'est elle-même qui s'est fait tomber. Pour Leibnitz, notre volonté était comparable à celle qu'aurait une aiguille aimantée, consciente île sa nature, de se tourner vers le Nord, en même temps que de petites influences la pousses nient effectivement dans celte direction. Ces comparaison- suffi-sent pour rappeler le déterminisme admis par divers métaphysi-
riens- La science permet aux déterministes actuels d'être plus explicites. C'est Herbert Spencer qui nie parait avoir le mieux établi la doctrine généralement acceptée par la psychologie positive contemporaine (1).
Après avoir exposé comment, par des expériences accumulées, les actions réflexes composées peuvent sortir des actions réflexe» simples. II. Spencer montre que ces actions réflexescomposéesqui constituent l'instinct, à mesure qu'elles deviennent plus compo-séesdevieunenl comparativement indéterminécsel tendent à perdre le caractère automatique qui les distingue. Quand, par suite dune complexité croissante et d'une fréquence décroissante. I ajustement automatique des relations internes aux relations externes devient incertain ou hésitant, les actes que nous appelons instinctifs se transforment insensiblement en actes que nous appelons rationnels. En même temps que les connexions internes cessent d'être parfaitement organisées et automatiques apparaît la conscience sous la forme de mémoire, raison, sentiment et volonté. Considérons seulement la volonté et citons ici textuellement :
« Quand les actions automatiques deviennent si compliquées et d'espèces si diverses, et pour la plupart si rares, qu'elles ne peuvent plus désormais se produire avec précision et sans hésitation; — quand, après la réception «l'une impression complexe, les phénomènes de mouvement appropriés naissent, mais ne peuvent passer à l'action immédiate à cause de l'antagonisme île certain» autres phénomènes de mouvement, également naissants et appropriés à quelque impression intimement unie à la précédente, alors il se produit un état de conscience qui. quand il aboutit finalement à l'action, détermine ce que nous appelons uue volition. Dans de telles conditions, il se produit un conflit entre deux séries de phénomènes de mouvement à l'étal naissant, dont l'une finalement prévaut, et se traduit par uue série de phénomènes actuels de mou veulent. Chaque série de phénomènes naissants de mouvement guise produit dans te cours de ce conflit est une forme faible de Cêtut de conscience qui accompagne des phénomènes de mouvement pareils, quand ils s'accomplissent actuellement ; — c'est une représentation de phénomènes de mouvements pareils, tels qu'ils se sont déjà produits dans des circonstances semblables; c'est une itlée de pareils phénomènes de mouvement. Mous avons donc un conflit entre certains phénomènes de mouvement idéaux
I Principes de Psychologîe, irait. Ribt et Espines. I. I, p. 400 à .530.
qui tous tendent à devenir réels, et il arrive à un seul de le devenir ; et ce passage d'un phénomène de mouvement idéal à la réalité est ce que nous distinguons sous le nom de volonté. Dans l'arie volontaire, considéré sous sa forme la plus simple, étant mis â pari ces états île conscience agrégés qui constituent la plus grande partie du motif d'action, nous ne pouvons rien trouver de plus qu'une représentation mentale de l'acte suivie de son accomplissement,— une transformation de ce changement psychique naissant qui constitue à la fois la tendance à l'acte et l'idée de l'acte, en un changement psychique positif qui constitue l'accomplissement de l'acte en tant qu'il est mental...
Ce qui fait voir clairement que la volonté est produite à l'exis-tence par suite de la complexité croissante et de la cohérence imparfaite des cliangemente automatiques, c'est ce lait contraire : que. quand des changements qui ont été à l'origine incohérents et volontaires ont été fréquemment répétés, ils deviennent cohérents et involontaires » (1).
La volonté se trouve ainsi définie et classée comme phénomène de conscience accompagnant la solution d'un conflit de motifs, c'est-â-dire d'images, de tendances motrices. Cette solution consciente que nous traduisons par le mot volonté n'est autre chose, physiologiqucmcnt, qu'une tendance motrice résultante ou prédominante, une tension nerveuse intra-cérébrale â direction centrifuge déterminée. C'est un résultat mécanique qui se traduira extérieurement et tout aussi mécaniquement par des actions musculaires, sauf obstacle à celle phase ultime île l'acte volontaire. De l'excitation d'une série d'images à l'acte linai, il existe une chaîne physiologique, une série ininterrompue de phénomènes mécaniques dans laquelle le phénomène conscience apparaît comme attribut sans y rien ajouter mécaniquement. L'excitation initiale île cette chaîne volitive a pu être consciente ou inconsciente ; parmi les images ou motifs excités dans le complexité de l'association, il y en a eu de conscients et d'inconscients; et ces derniers ont produit leur effet aussi bien, peut-être mieux, que les autres ; le conflit de tous ces motifs, que nous appelons délibération, ayant précédé la volonté, n'a pu être dirigé par elle ; le résultat du conflit a dépendu nécessairement de la force actuelle et relative des motifs engagés : ce résultai une fois produit, l'acte peut être considéré comme exécuté cérébralement. Or la volonté n'étant autre chose que la conscience qui accompagne
(I) Herbert Spencer (op. cit., p. 539 à 541).
ce résultai mécanique, il suit que la volonté n'a été cause à aucun moment dans la détermination psvehique «le l'acte volontaire.
Parmi les opinions le plus récemment émises et avec le plus d'autorité, celle de M. le professeur Ribot me parait présenter une importance particulière à divers titres, et notamment parce qu'elle est liée a une élude approfondie d'états pathologiques :
« La volition. dit-il. n'est pour nous qu'un simple état de conscience. Elle n'est qu'un effet de ce travail psycho-physiologique dont une partie seulement entre dans la conscience sous la forme d'une délibéralion. De plus, elle n'est coûté de n'en. Los actes et mouvements qui la suivent résultent directement dos tendances, sentiments, images et idées qui ont abouti à se coordonner sous la forme d'un choix. C'est de ce groupe quo vient toute l'efficacité. Kn d'autres ternies, et pour no vous laisser aucune équivoque, le travail psycho-physiologique de la délibération aboutit d'une part à un état de conscience, la volition. d'autre part à un ensemble de mouvements ou d'arrêts. Le « Je veux » constale une situation, mais ne la constitue pas...
Si l'on s'obstine à faire de la volonté une faculté, une entité, tout devient obscurité, embarras, contradiction. On est pris au piège d'une question mal posée. Si l'on accepte au contraire les faits comme ils sont, on se débarrasse au moins de difficultés factices. On n'a pas â se demander, après Hume et tant d'autres, comment un « je veux » peut faire mouvoir nos membres. C'est un mystère qu'il n'y a pas lieu d'éclaircir puisqu'il n'existe pas. puisque la volition n'est cause A aucun degré. C'est dans la tendance naturelle des sentiments et des imagos à se traduire en mouvements que le secret dos actes produits doil être cherché. Nous n'avons ici qu'un cas extrêmement compliqué de la loi des réflexes, dans lequel, entre la période dite d'excitation et la période motrice apparaît un fait psychique capital —la volition — montrant que la première période tînit et que 'la seconde commence » (1).
Il me parait nécessaire d'ajouter à ce passage très catégorique un autre passage qui le suit à une demi-page de distance et qui termine le livre de M. Ribot :
« La volonté chez, l'homme raisonnable est une coordination extrêmement complexe et instable, fragile par sa supériorité mémo parce qu'elle est la force de l'ordre le plus élevé que la nature
(1) Th Ribot. Les maladies de ta volonté (Conclusions grui-ralcs. p. 175).
ait encore produite, la dernière ellloresecnee consommée de toutes ses œuvres merveilleuses. »
Celle dernière partie de la définition. M. Itibot l'emprunte â Maudslcy {Physiologie de fesprit, trad. Herzon, p. 't29).
Le lecteur n'aura pas manqué de saisir entre les deux passages reproduits ci-dessus, une dill'érence qui. an premier abord, semblerait constituer une contradiction. Dans l'un, le je veux est représenté comme une pure constatation qui n'est cause de rien. Dans l'autre la volonté devient une force, qui ne saurait manquer d'èlre cause de quelque chose et qu'un puissant esprit comme Maudslcy n'aurait pas qualifiée aussi pompeusement s'il l'eût considérée comme une force de minime importance. Il v a donc là quelque chose à éclaircir.
Il
Dans le premier passage, il s'agît de la volonté des « psychologues intérieurs « et cette volonté est considérée comme un simple état de conscience. Cet état de conscience est considéré lui-même comme un simple elïet d'un processus psycho-physiologique. Ainsi envisagée, il est clair qu'en elïel la volonté n'est cause de rien puisqu'elle est seulement juxtaposée au véritable processus moteur. Kl il est aussi clair que. pour les psychologues intérieur; l'étal de conscience volonté était considéré ainsi isolément, c'est-à-dire indépendamment de tout processus physiologique. Cette volonté-là serait tout aussi peu active que celle de l'aiguille aimantée de Lcibuitz. Il en est encore de même si l'on considère la volonté comme un étal de conscience résultant d'un processus physiologique, mais ayant une existence propre, dislincle de celle de ce processus, si. en d'autres termes, c'est un phénomène particulier résultant d'un autre phénomène.
« Dans lqsa acte volontaire, dit M. Ribot. il y a deux éléments bien distincts : Vétal de conscience, le « je veux » qui constate une situation, mais qui n'a par lui-même aucune efficacité; et un mécanisme psycho-physiologique en qui seul réside le pouvoir d'agir ou d'empêcher. « /bit/., p. 3.)
Suivant celle manière de voir, la conscience aurait une existence distincte de celle des processus phystologiquesqu'elle accompagne.
On pourrait admettre, au contraire, que ce sont ces processus eux-mêmes qui peuvent être conscients; que la conscience n'est ¦MS un phénomène particulier, isolable. mais bien une partie inté-
grantedecerlaîns processus physiologiques, qu'elle est constituée par eux.
D'après l'opinion tic M. Ribot. si nous la saisissons bien, il y aurait deux faits distincts dans la volonté : 1° un état de conscience pur et simple traduisant en quelque sorte un certain processus physiologique ; 2° ce processus phvsiologique lui-même qui aboutit d'une part à la formation de l'état de conscience et qui. d'autre part, est la seule elliciente de l'acte â accomplir.
L'état de conscience volonté ainsi envisagé ne pourrait avoir île valeur propre que dans un domaine spécial réservé aux faits île conscience. Mais son influence sur les mouvements serait nulle puisque cette influence appartient, exclusivement aux processus physiologiques dont l'état de conscience volonté ne serait lui-même qu'un effet, une simple « constatation ».
En identifiant au contraire la conscience avec les processus physiologiques actifs, les deux éléments distingués par M. Ribot dans la volonté ne feraient en réalité qu'une seule et même chose: un processus psycho-phvsiologique conscient dont le « je veux » est simplement l'expression verbale.
Dans la page de H. Spencer reproduite plus haut et notamment dans le passage que nous avons souligné en italiques, il ne semble pas que cet auteur admette une distinction entre l'idée d'un mouvement et la tendance â la reproduction actuelle de ce mouvement. De même dans le passage suivant où est expliquée fort bien l'illusion du libre arbitre.
« Un homme, dit Spencer, qui, après avoir été soumis à une impulsion produite par un groupe d'états psychiques réels et a l'état naissant, accomplit une certaine action, affirme d'ordinaire qu il a déterminé d'accomplir cette action et qu'il l'a accomplie sous l'influence de cette impulsion ; et en partant de lui comme «le quelque chose de distinct du groupe d'états psychiques qui a produit I impulsion, il tombe dans l'erreur de supposer que ce n'est pas l'impulsion seule qui a déterminé l'action. Mais le groupe entier des états psychiques qui constituaient l'antécédent de l'action, constitue aussi l'homme même a ce moment. Il est également vrai que c'est lui qui a déterminé l'action et que c'est l'impulsion qui l'a déterminée, vu que, pendant qu'elle existe. Cimpulsion constitue son état île conscience qui n'est autre chose que lui-même... Ainsi il est assez naturel que le sujet de tels changements psychiques dise qu'il veut l'action, vu que, considéré au point de vue psychique, il n'est en ce moment rien de plus que l'état de conscience composé parlequel l'attention est excitée. Mais
dire que la production de l'artion est. pour celte raison, le résultat du libre arbitre, du moi. c'est dire qu'il determine les cohésions des états psychiques par lesquels l'action est excitée; et comme ces états psychiques constituent le moi en ce moicent. c'est dire que ces étals psychiques déterminent leur propre cohésion, ce qui est absurde » (1).
Suivant In manière de voir qui identifie le fait de conscience volonté avec le processus physiologique psyr ho-moteur, il n'v a pas a rejeter la question posée par Munie de savoir comment un «je veux » peut l'aire mouvoir nos membres. C'est là une question devant laquelle In physiologie actuelle n'a pas à reculer, comme on le montrera plus loin, car elle permet de considérer le je veux comme cxprimant non pas un phénomène de conscience pure, mais bien un phénomène de conscience constitué par une image prépondérante, une image qui a la propriété d'être consciente en même temps qu'elle jouit d'une propriété motrice, en même temps qu'elle est physùdogiqucment active.
Ce qui n'est cause de rien, c'est la volonté îles psychologues intérieurs considérée indépendamment des processus physiologiques. Ce qui n'est cause de rien, c'est encore cet élat de conscience que l'on suppose separable du processus physiologique dont il serait un simple accompagnement. Mais s'il est vrai que l'état de conscience et le processus physiologique qui constitue la volonté active soient une seule et même chose, alors il ne reste plus rien dans la volonté qui ne soit cause de rien. Il reste la volonté à la l'ois fait de conscience et processus moteur.
L'autre manière de voir soulève la question de savoir quel est le siège île lu conscience qui accompagne les sensations et les déterminations motrices. « Y a-t-il, dit M. Ch. Hichet, un siège unique, mi des sièges multiples, ou une dissémination de la conscience A toute la phériphérie du cerveau '.' Tout cela est possible, quoiqu'on en ail dit. si l'on admet que le centre unique est relié -étroitement a Ions les centres sensitîfs et moteurs... Nous voguons à ce sujet eu plusieurs hypothèses, saus aucune vraisemblance d'arriver à un terrain solide. Rien n'esl plus, mystérieux, plus profondément inconnu »(2).
Ajoutons toutefois que parmi les diverses hypothèses éniimé-rées ci-dessus il en est une que l'analomie du cerveau lend à rendre de plus en plus improblable, c'est celle du siège unique de
(1) H. Spencer. Op. cil. T. I. p. 544.
(2) Ch. Etichet, Essai de psychologie gémeràle, p. 126 (1887).
la conscience. On ne voit guère, en effet, dans le manteau cérébral, les innombrables voies de communication convergentes vers un même point que comporterai! L'existence d'un centre unique pour la conscience : et pourtant il n'est guère possible d'admettre que ce centre unique, s'il existe, soil siluc dans quelqu'une des parties du cerveau sous-jacentes au manteau cérébral.
L'hypothèse suivant laquelle la conscience serait inhérente aux processus psychiques et psycho-moteurs eux-mêmes dont on a conscience aurait l'avantage de simplifier cette question mystérieuse. Il resterait toujours aussi dillicile de comprendre comment un processus physiologique peut-être conscient. Mais ce mystère ne serait autre que celui qui est inhérent à tout phénomène irréductible. Puisqu'il faut toujours admettre que le phénomène conscience possède un substratuni cérébral, on ne simplifie guère le mvstère en supposant que ce substratum est spécifiquement et exclusivement relui de la conscience. Il est plus simple et il n'est pas plus mystérieux de supposer que le substratum de la conscience n'est autre que celui des processus physio-psychologiques sensitifs et moteurs.
Au lieu de chercher un setixorium commun qui aura toujours, en définitive, une étendue, des dimensions et des parties, n'est-il pas plus aussi satisfaisant de considérer comme siège de la conscience la totalité du manteau cérébral dont les diverses portions, même physiologiquement distinctes, sont assez richement unies entre elles pour constituer un ensemble harmonique dans lequel la variété et la complexité ne sont pas contradictoires avec l'unité?
Assurément, ces questions ne comportent, au moins pour le moment, que des solutions hypothétiques; mais il est permis de placer en regard des hypothèses courantes d'autres hypothèses paraissant plus simples â un point de vue sans être plus e m harassantes aux autres points de vue.
Si la conscience ici volonté a une existence propre en dehors des, processus physiologiques qu'elle accompagne et dont elle est le résultat subjectif, ce sera toujours une sorte de « témoin ». de •¦ spectateur » impuissant d'une partie des processus actifs. Celle théorie me semble constituer un nouveau dualisme inutile et fâcheux. Klle diffère profondément du dualisme métaphysique en ce qu'elle attribue à des processus organiques toute l'activité psychique, y compris la production de la conscience; mais elle a l'inconvénient d'admettre l'existence, â côté des phénomènes agissant-, d'autres phénomènes qui ne sont cause de rien et ne font
que constater les nuire». Ce serait là une fonction toute trouvée pour Yâme qui n'en a plus.
On pourrait alléguer, en faveur de cette théorie, que la conscience est effectivement absente de nombreux processus phvsiolo-giques aboutissant a des mouvements, et que des mouvements qui ont été précédés de volonté arrivent â se produire par l'habitude, toutâ fait automatiquement, sans avoir été précédés de conscience. Ils doivent être pourtant déterminés par des processus psychomoteurs, et par conséquent la conscience est né para b le de tels processus.
Mais l'on peut répondre à cela que les processus psvcbo-moleurs qui sont devenus inscouscienls ont du subir quelque mnelitiration physiologique en rapport avec l'attribut disparu. De ce que certains processus sensilifs et moteurs se produisent inconsciemment et d'autres avec conscience, on peut conclure que certaines conditions existent dans la production de ces derniers qui font défaut dans la production des premiers: qu'il s'ensuit entre eux nécessairement une différence de nature en tant qui1 processus. Celui qui n'est pas habituel doit différer toujours de celui qui est habituel, et s'ils sont différenciés uniquement par le terme conscience d'après la seule connaissance directe, l'analyse physiologique n'autorise pas à considérer pour cela le phénomène conscience comme séparable de ceux des processus qu'il accompagne.
Suivant cette seconde théorie. la volonté n'est plus un phénomène de conscience juxtaposé ou superposé à un point de la chaîne psycho-motrice : elle prend place dans celte chaîne même comme partie intégrante d'un processus physiologique moteur constituant par lui-même un état de conscience. Dès lors la volonté n'est plus inerte, cause de rien. Elle devient un facteur complètement détermine, mais un facteur véritable. Il n'y a pourtant aucun élément ajouté ù la série physiologique psycho-motrice, mais il est restitué à l'un des processus île la série quelque chose dont la théorie opposée ferait un épiphéiioineiic ne prenant aucune parla la détermination de l'acte volontaire.
Au point de vue du déterminisme absolu des actes, la théorie de l'immanence de la volonté dans un processus fonctionnel n introduit, cela va sans dire, aucun élément de libre arbitre: les actes restent toujours déterminés comme la chute d'une pierre ou le mouvement d'une aiguille aimantée, encore que l'on reconnaisse explicitement l'intervention active, dans les actes d'un animal doué de conscience, de cet état de conscience qui n'existe pas dans la pierre ni dans l'aiguille.
D'auire par, la théorie de l'inséparabilité de la conscience d'avec les processus actifs constituant eux-mêmes les états de conscience, théorie que me parait impliquer celle des idées-forces de M. Fouillée expliquerait peut-être le fait sur lequel a insisté cet auteur : « que l'idée de l'action est impossible à déraciner de l'esprit humain, qu'elle se retrouve sous les idées d'effort, de cause, d'efficacité, de volonté, etc. o (1). Effectivement la volonté constitue une cause, une action réelle. L'illusion du libre arbitre n'est pas là : elle consiste en ce que la volonté apparait comme cause initiale tandis qu'elle constitue un point singulier de l'arc réflexe, point à position intermédiaire entre la portion dite sensi-tive et la portion dite motrice, et point initial de cette portion motrice.
Nous venons de comparer entre elles deux théories dont la seconde, celle qui fait entrer la volonté dans la chaîne physiologique psvcho-inotricc. nous a paru la plus satisfaisante. Entre autres défauts, nous avons reproché â la première de constituer une sorte de dualisme inutile. Mais nous n'avons pas voulu insinuer pour cela qu'il s'agissait d'un retour vers le dualisme inét.iphvsique. On peut très bien concevoir la volonté comme épi-phénomène central ayant pour siège soit des éléments cérébraux juxtaposés ou superposés aux éléments psycho-moteurs et mis en activité par le fonctionnement de ceux-ci. On pourrait même supposer que l'épiphénomèue volonté, considéré comme une sorte d'enregistrement psychique de certains processus psychomoteurs, n'a pas d'autre siège que les éléments cérébraux mêmes où se produisent les faits enregistrés. Cet épiphénomène psychique constituerait alors un eflet sur place et comme résidual de l'activité motrice de ces éléments.
L'épiphénomèue en question peut donc être considéré comme ayant une existence distincte sans être abstrait complètement pour cela des processus physiologiques qu'il accompagne, à tel titre que la divergence d'interprétation dont il s'agit n'apparaît pas toujours très nettement et semble même, dans certains passages des ouvrages »itês plus haut, exister plutôt dans la forme que dans le fond. Kl le n'en existe pas moins et je dois avouer en ce qui me concerne que. dans un travail publié il y a dix ans [2], j'adoptaisla manière de voir qui me parait critiquable aujourd'hui.
¡1) A. Fouillt-e. I.e sentiment dV l'rffbri et la n.- . , ;. .
f889,|î.58i(. s s-J Le .onction pivehc-motriec, Rcvae philos.. 188't.
Dans ce travail où j'ai voulu présenter sous nu aspect philosophique l'ensemble de la fonction psyrlio-inolrice. la volonté était présentée comme étant la concscience d'un courant cérébral centrifuge tendant à se produire, accompagnée de la représentation des phénomènes consécutifs ou supposés devoir suivre l'émission de ce courant. Sans qu'il y eut rien de métaphysique, dans cette définition, la conscience y était présentée comme un phénomène doublant en quelque sorte par juxtaposition ou superposition un processus physiologique, ce qui n'altérait pas. d'ailleurs, les vues qu il s agissait d'exposer. Le mol épiphénomene, déjà en usage, me parut très commode pour classer non métaphysiquemenl un pur état de conscience auquel je ne trouvais aucune place, aucun rôle à assigner dans la série des phénomènes psycho-moteurs. L'inaction de cette sorte de phénomène spectateur sullirait pour en faire soupçonner la qualité d'abstraction pure.
De même il est naturel qu'au point de vue de l'explication des états pathologiques affectant la volonté. la manière de voir de M. Itibot n'ait pas été un obstacle sensible. En effet, que l'élément science ne soit pas admis comme possédant dans la volonté une existence distincte, on qu'il soit laissé de côté comme dépourvu d'influence physiologique, cela dans les deux cas les explications seront toujours cherchées exclusivement, ce qui est l'essentiel, dans les réalités physiologiques.
L'éminent auteur des Maladies île la volonté, ne méconnaît nullement d'ailleurs l'existence d'une relation étroite entre l'idée et le mouvement [Op. cit.. p. 7 et S. H admet formellement que dans la constitution des idées entrent des éléments moteurs. Comme A. Bain, il admet que si, « lorsque nous voyons réellement un objet, le mouvement est un élément essentiel, il doil jouer le même rôle quand nous voyons un objel idéalement ».
Suivant Bain « l'image d'un bâtiment est une série d'impressions retenues dans l'appareil optique et moteur de l'œil et dans les parties du cerveau mises enjeu quand nous regardons le bâtiment... La même volition qui gouverne l'œil du corps peut gouverner l'œil mental, parce que l'œil mental n'est encore que l'o-il du corps » (1). — Il est vrai, dit M. Ribot. qu'on pourrait distinguer deux espèces d'éléments moteurs : « ceux qui servent à constituer un état de conscience et ceux qui servent à le dépenser: les uns intrinsèques, les autres extrinsèques. L'idée d'une boule, par exemple, est la résultante d'impressions de surfa-
(1) A. Bain, /Lessens et l'intelligence, irad. H. Cazelle. p. 446.
ces et d'ajustements musculaires particuliers, mais ces derniers sont le résultat de la sensibilité musculaire el. à ce titre, sont des sensations de mouvement plutôt que des mouvements proprement dits : ce sont des éléments constitutifs de notre idée plutôt qu'une manière de la traduire au dehors. Toutefois, cette relation étroite, établie par la physiologie entre l'idée et le mouvement, nous laisse entrevoir comment Tune produit l'autre » (I).
Mais cela ne suffit point: sans méconnaître les relations de ce genre, on peut admettre quelque chose de plus qu'une fusion entre des idées et des se risa lions de mouvement. Il faut admettre el pouvoir expliquer une relation plus intime encore, plus directe, entre l'idée et le mouvement, entre un événement psychique et un mouvement actuel. Or cela est possible : on peut, au moins hypo-thétiquement, identifier la conscience, l'idée pure de mouvement avec un processus moteur, el l'on peut justifier scientifiquement cette identification.
Considérons que le dégagement d'énergie dans les centres nerveux est le résultat d'une désintégration moléculaire, du passage d'un état moléculaire très instable à un état relativement stable. Considérons d'autre part que la conscience ne peut ni naître ni se maintenir sans qu'il se produise tlans son état des changements. ¦ V. II. Spencer, op. cit., t. II. p. 313.) On peut donc exprimer en termes semblables les conditions de production de l'activité cérébrale et celles de la conscience. Différenciation de leur état, telle est la condition nécessaire de la production de l'une et de l'autre.
La désintégration moléculaire est suivie d'une réintégration qui emmagasine de l'énergie et rend possible une désintégration ou une dépeuse nouvelle. Si la production d'un état de conscience est une dépense d'énergie, ce qui n'est pas douteux, il est évident que la conscience est exclusivement liée, comme le dit llerzen, à la phase désintégrative, c'est-à-dire à la phase de dépense des actes nerveux centraux, llerzen ajoute à cela que l'intensité de la conscience est en proportion directe de celte désintégration et» simultanément, en proportion inverse de la facilité avec laquelle chacun des éléments nerveux centraux transmet à d'autres la désintégration qui s'empare de lui (2). Cette facilité atteint en effet son maximum dans les actes automatiques, ceux qui exigent le moins de dépense. H admet en outre que la désintégration ne produit la conscience que lorsqu'elle a une certaine intensité. La
(1) Ribot. Op.. cit. p. S.
(2) A. Hcrzrn. Le cerveau et l'activitê cêrebrale, p. 221.
loi ci-dessus implique l'existence de degrés dans la conscience comme il y en a dans le désintégration. Il v a des états de conscience faibles et des forts. Tout se passe comme si la conscience et la désintégration moléculaire des éléments nerveux centraux n'étaient que deux faces du même phénomène.
Sans méconnaître pour cela l'excellence du livre de M. Ribot, je crois que la distinction admise par cet éminent psychologiste entre la conscience et le processus nerveux qui l'accompagne cl s qui lui seul est l'événement essentiel » peut devenir la cause de malentendus. « Si l'on s'obstine à faire de la conscience une cause, «lit-il. tout reste obscur » (ibidem). Nullement si l'on ne sépare pas la conscience (ici volonté du processus nerveux qu'elle accompagne. Cette séparation semble être au premier abord une analyse, mais ce n'est qu'une abstraction inutile. Klle semble simplifier l'étude de deux sortes de faits en isolant chacun d'eux, mais en réalité clic mcl deux faits là ou il n'y en a qu'un seul, ajoutant ainsi un problème factice au véritable problème sans faciliter en rien la solution de celui-ci.
Dans l'hypothèse séparatiste il semble que l'on supprime une question embarrassante ; comment une idée peut-elle donner lieu à un mouvement, c'est-à-dire à un phénomène d'un ordre opposé. Or. en supposant que l'opposition existât, cette question ne serait point supprimée, mais simplement reculée. A moins de retomber dans la métaphysique on n'évitera pas la nécessité d'identifier l'idée pure avec un mouvement moléculaire. Pourquoi donc imaginer un mouvement moléculaire spécial pour la conscience, en dehors des processus physiologiques qui sont, eux aussi, des mouvements moléculaires? Si un mouvement moléculaire peut constituer la conscience el si un mouvement moléculaire peut se traduire par un courant nerveux, alors il n'y a aucune difficulté a admettre qu'un état de conscience et un processus moteur soient un seul et même processus. Non seulement l'hypothèse séparatiste n'est pas imposée par les faits, mais elle est une complication inutile : elle nécessite une physiologie en partie double pour ainsi dire, et suscitant le problème factice des contacts cl des rapports entre les deux parties.
Nous venons de montrer la possibilité de réunir en un seul élément psvcho-phvsiologique les deux éléments conscience et processus moteurs communément distingués dans la volonté. Voyons maintenant comment se présente, suivant cette théorie do
(l) Op.. cit., p. 8.
l'unification, la psychologie de la volonté. Nous y trouverons, indépendamment de la question qui vient d'être examinée, un certain nombre de points surlesquels les doctrines actuellement courantes-ont besoin d'être recti liées.
(A suivre.)
THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE
Par M. iv D' Liébkaclt.
Comme quoi le vrai n'est pas toujours vraisemblable.
Ce fut le 23 mars 1874, que j'eus l'occasion de traiter une malade qui vint m'apporter une preuve de plus que celles que j'avais déjà acquises, en faveur de ce qu'exprime l'intitulé de ce présent article. Ce jour là. une dame de Nancy, Mme Robert, m'amena sa tille Lucie, âgée de 14 ans. pour que je la soignasse par la méthode de suggestion hypnotique. Jouant avec celle-ci. il y a cinq ans. une autre enfant de son âge fît imprudemment entrer une perle oblongue en verre dans le conduit auditif droit de son oreille qui en fut obstrué. Il eu résulta, au point où ce corps, étranger fut introduit, un léger sentiment de gène et de la diminution dans la finesse de l'ouïe. Pendant quelque temps ce fut tout. Mais après, de l'inflammation se développi dans les tissus en contact avec le corps étranger et. eu même temps, on y vit apparaître un écoulement séro-puruleut. Comme cette jeune fille n'avait rien dit de son accident, on s'en aperçut seulement alors, et l'on fit venir un médecin qui tenta en vain d'extraire ce corps. Puis on en alla trouver d'autres qui, presque tous, cherchèrent. aussi à retirer l'objet, cause de l'irritation survenue, mais sans pouvoir y parvenir.
Le jour du 23 mars 1874 par conséquent depuis près de 5 ans, on sortait de consulter le 22s praticien, lorsqu'on me conduisit cette intéressante malade dont l'étal morbide avait beaucoup empiré, depuis qu'en novembre 1873. un chirurgien de profession, lort connu, l'eût soumise à une opération sanglante au chloroforme, opération qui dura longtemps pour n'aboutir a rien, de même qu'il eu avait été des autres essais d'extraction qui axaient été faits auparavant. Des maiuruvres de cet opérateur il s'ensuivit aussitôt une paralysie du nerf facial droit, duc sans doute à une lésion du tronc de ce nerf; car l'œil du même côté se ferma à demi, le sourcil s'abaissa: le nez, la bouche, la langue se dévièrent à
gauche, la jolie s'aplatit et d'horribles grimaces se lircnl quand clic parla. Puis, une sécrétion séro-purulente s'écoula en plus grandi' quantité par le trou auditif; l'irritation des tissus augmenta dan-» l'oreille externe tout entière et les régions temporale, mastoïdienne et parotidienne environnantes. Kn outre il survint une aman rose du globe oculaire droit, et quelques jours après, un tremblement de la main du même côté; enfin, un engourdissement général du corps ressemblant à celui du sommeil. Nul doute que ces derniers symptômes ne fussent des manifestations d'un étal nerveux hystérique.
Ce fut alors qu'un professeur d'humanités. M. Petilpoisson. qui s'intéressait a celle jeune lillc el qui fui témoin de sa somnolence, s'avisa de se mettre en rapport avec elle, comme cela se pratique dans le sommeil provoqué. A son grand étonncmcnt il en tira des réponses. Comme M1"s Robert, qui était là. avait un de ses (ils éloigné de Nancy depuis 14 ans. dont elle ni personne autour d'elle n'avait plus entendu parler, ce lîls ayant à la suite d'une altercation avec son père, quille la maison paternelle et juré «le ne plus jamais v revenir, on s'empressa de questionner la dormeuse sur ce qu'était devenu ce frère disparu depuis si longtemps et duquel on n'avait plus retrouvé les traces, malgré des recherches réitérées. Devnnl M"" Robert, devant une dame. M1s" de Saint-Vin-cent dont M"" Robert était une locataire et devant l'honorable professeur Petitpoisson qui. tous trois, m'ont assuré la réalité du fail. elle répondit : mon frère habite Marseille, et elle donna en même temps le nom de la nie et le numéro de la maison : mais dans mes notes, je ne trouve pas d'indications plus précises que celles-lù. On écrivit à l'adresse signalée et, chose étrange, au bout de quelques jours, ou recul une lettre de ce fils qu'on croyait perdu pour toujours. Celui-ci, émerveillé de la manière don) sa jeune sœur venait de découvrir son domicile, avait répondu avec empressement à la missive qu'il recevait ; il revint a résipiscence et se réconcilia avec sa famille. Puis, comme il s'était créé une aaaei belle position sociale, il exprima à ses patenta le grand désir de faire connaissance avec «ou étonnante su-ur: il voulut la voir à toute force, et comme il lui était impossible de quifer Marseille pour venir à Nancy, il demanda qu'on la lui envoyai à ses frais, ce qui fut accordé. Dés qu'elle fui arrivée près de son Irère, elle fui fêtée par lui. et il chercha à lui procurer foules les distractions honnêtes qu'à sou Age on peut goûter dans une grande ville. Ce fui alors qu'au cours d'une promenade en bateau dans le port de Marseille, la jeune Lucie s'élanl penchée au-dessus de l'eau,
tomba dans la mer d'oii elle fut retirée, mais en proie à une attaque nerveuse qui, s'étant ensuite renouvelée, fut reconnue plus tard pour un accès de nature hystérique, ainsi que les autres symptômes énumérés plus haut et à la suite (1).
Ce n'est pas tout. Ces attaques, éloignées les unes des autres, devinrent plus rapprochées à mesure que l'inflammation de l'oreille externe et des tissus avoisinants prit de l'augmentation; bientôt il s'en produisit jusqu'à une cinquantaine par jour, puis elles cessèrent tout d'un coup pour faire place à des symptômes de dérangement de l'esprit. Ces symptômes marquaient le commencement de l'état maladif qu'on appelle : folie hystérique. Par suite de cette nouvelle forme morbide, on fut obligé d'interner la malade à l'asile de Maréville. d'où elle sortit deux mois et demi après son entrée, à peu près débarrassée de son affection mentale, mais pour redevenir ensuite la proie de crises nerveuses aussi fréquentes qu'autrefois.
Ce fut comme je l'ai déjà dît, le 23 mars 1874, que l'on me conduisit Lucie Robert, au sortir du cabinet d'un voyageur empirique dont la spécialité était île traiter les affections des oreilles. Cet homme, en cherchant à extraire le corps étranger au moven d'un petit forceps ad hoc, détermina chez elle un violent accès hystérique pour lequel on appela un médecin de mon voisinage qui. l'accès calmé, conseilla de me l'amener, et vint avec elle. Je fus le 23e médecin consulté pour l'objet, cause de tant de maux depuis 5 ans !
Dans mitre exploration, nous constatâmes facilement, en soulevant le pavillon de l'oreille, qu'on apercevait à l'orifice du canal auditif une tache noirâtre qui n'était autre chose que le corps étranger. Sous le choc d'un stylet, ce corps rendait un son sec. Il n'y avait pas à s'y méprendre, c'était la perle déjà tant recherchée qui avait déterminé tous les accidents dont j'ai parlé jusqu'ici, moins l'apparition des crises nerveuses. Cet examen fait, je lis immédiatement à la malade l'affirmation de dormir, et aussitôt clic tomba en somnambulisme. Alors je lui suggérai avec auto-
I Je »ui» porté à «uppowr, car jr n'en ai pa» do pn-uve. q|u il y cm |¦ ¦ ' «-tr«-dan» 1 entourage de MtM fille, de» indices plu» ou motn» vague» qui qui la mirent sur 1« voie de parler comme elle Ir lit. Car chaque foi» que plu» lard, pendant Mi ion nam bu li «me. je tentai de» recherche» ; -i découvrir en elle, de nouresn. la faculté (rai.-eeoiJanle don! elle psrai»ait douée, je n abouti» absolument m rie». Vourtant ce fait étrange que je rapporte d'apre» de» témoin» dignes de (oi, «aerile d'clre relaté. Cwl uu jalon poac pour le» chercheur» qui »e livrent ù de» investigation» dan» le domaine de la payehologie avant rapport à ce qui est oeeulle.
rite qui' I inflammation de l'oreille et des parties adjacentes allait disparaître en moins de 8 jours, et qu'après cette résolution, le grain de verre serait ensuite repoussé du conduit auditif vers son orifice extérieur, ainsi qu'un noyau de cerise que l'on presse entre les doigts et qui, par suite de la pression, s'en échappe. En même temps, je lui suggérai encore, mais en bloc, la disparition des autres signes morbides.
Ce qui me lit espérer une telle solution, c'est d'abord que j'avais constaté sur moi-même, en introduisant le doigt auriculaire dans le tuyau d'une de mes oreilles, lors des mouvements de mastication, qu'on sent, tout autour de ce doigt, une pression qui le repousse au dehors; c'est ensuite que j'avais déjà remarqué que divers objets ; une épine, une aiguille implantées dans les tissus, un sou introduit dans les organes digestifs, avaient suivi le trajet le plus direct, vers le dehors, trajet que par suggestion hypnotique on leur avait marqué, ou que le sujet endormi s'était indiqué lui-même. Pendant l'état somnambulique et consécutivement après, les libres musculaires, entre autres, sont prédisposées en se contractant, à obéir, avec une certaine exactitude, aux ordres qui leur sont donnés en dehors de leurs fonctions les plus naturelles, et qu'elles n'ont pas l'habitude d'exécuter. Par exemple, si un corps étranger pénètre ces fibres, elles font c!Tbrt pour le diriger, d'après l'idée suggérée, dans le sens choisi de la plus faible résistance des tissus, et ce corps obéit.
Toujours est il, au cas présent, que non seulement les accès nerveux disparurent dès le premier jour: que l'inflammation des parties lésées diminua et qu'au bout de 'i jours, au retour d'une cérémonie religieuse, prenant des aliments en compagnie de plusieurs autres personnes, elle sentit la perle de verre s'échapper. Elle signala le lait, on accourut, et l'un des témoins voyant cet objet arrêté a l'ouverture du trou auditif et prêt à sortir, prit une aiguille à cheveux et le fit tomber sur le sol. On me l'apporta : c'était un grain de collier, oblong de couleur vert foncé, poli, luisant et percé d'un trou.
I.c 2'J mars, on me ramena la malade. Battements dans l'oreille et craquements au fond du conduit auditif qui sécrète encore du liquide muco-purulcnt abondant : audition redevenue normale: inflammation moindre destissus; état de eéciléde I osil droit resté le même et aucun changement dans les signes de la paralysie faciale. Mise en somnambulisme, la inalades'anuonceque.dansqiiatrcjours, elle verra et distinguera bien lesobjetsavec l'œil privé encore de la vue. ce qui eut lieu ; et que dans trois semaines, sa paralysie
fiscale' aurait disparu, ce qui ne se réalisa pas et fuit croire que celte paralysie était lrniim.-itiqiie. Avant réveil, je lui suggérai, en gros et en détail, la guérison de tousses maux.
9 avril. Plus d'attaques: cneore battements et craquements humides dans l'oreille : l'inflammation de ret organe disparail et l'excrétion du muco-pus diminue. On me raconte que la malade, en outre de ce que j'ai énuméré. est afligée de deux hernies, toutes les deux intestinales et maintenues chacune parmi bandage. 1. nue, de la grosseur d'un «cul. est rongéniale et affecte I ombilic . I autre est inguinale et de la grosseur d'une noix. A l'énoncé de ce nouveau renseignement, je me dis : si. par suggestion hypnotique, eu excitant leur contraction, on peut, sur une bonne somnambule., provoquer dans les tissus organisés, l'expulsion d'un corps étranger, telle qu'une épine, une aiguille, un sou. un grain de verre, on doit de même aussi et sur la même personne, déjà heureusement traitée pourchoses semblables, l'aire reveniren placeles tissus musculaires et lîbreux écartés par une tumeur herniaire. Pénétré de cette pensée qu'il en devait être ainsi au cas présenl.jesuggérai a la malade, qu'en outre de la guérison de ce qu'elle éprouvait encore elle allait s'apercevoir que les ouvertures de ses hernies tendaient à se refermer : les intestins ne descendraient plus.
13 avril. Oreille externe encore un peu enflammée et rouge ; l'écoulement séro-pnrulent continue â diminuer. Il n'y a plus de tremblement des doigts: la déviation de la face a favorablement changé : la bouche se contourne moins en parlant et. pour la première fois, la malade peut souiller une bougie. En outre, ni l'une ni l'autre «les hernies, qui s'échappaient aisément, ne sont sorties depuis le 9 avril, et pourtant à peine si l'on s'apcrt;oil que les ouvertures en soient rétrécies. Je lais enlever les baudages.
22 avril. Les hernies ne se sont plus reformées. Ou peu! encore introduire le doigt indicateur dans le trou herniaire ombilical, mais il v entre avec plus de résistance et moins loin. — OC il droit plus entrouvert, bouche toujours moins déviée, même lorsqu'il v a émission des sons. en se préparant à venir chez moi. celte jeune fille s'est hier endormie d'elle-même d'un sommeil subit, un peu différent de son sommeil hystérique d'autrefois ; car elle est restée isolée de tout le monde, tout en repondant a «les êtres imaginaires. Elle ne s'est réveillée qu'au bout de deux heures
28 avril. Interruption des séances. A partir de ce jour, des causes plus ou moins indépendantes de sa mère et d'elle les empêchèrent de revenir pendant plus de trois mois. Le 6 mai réapparurent les accès hystériques, mais seulement deux â trois fois par jour avec
intervalles de près de trois semaines sans rechute. Du reste, la vision de l'œril droit est bien conservée, les hernies n'ont pas redescendu . bien que leur orifice de sortie demeurât le même, et au repos, la déviation de la bouche est à peine visible, quoique encore très inarquée â l'émission de la parole.
Le 2 août, je recommence mes séances d'hypnotisation. 15 séances jusqu'au 7 septembre. On seul accès le premier du même mois. Les signes de paralysie île la face ne se montrent plus qu'aux lèvres, à la prononciation des mots, et les hernies ne se sont pas reformées.
En juillet 1870. j'ai revu cette jeune fille. Elle va bien sous Ions les rapports, sauf quelle présente toujours une légère déviation des lèvres lorsqu'elle parle et que les hernies, longtemps inaperçues, montrent de nouveau leur présence au dehors. Et cependant je ne doute pas que je ne fusse parvenu, à la longue, à les guérir, si j'eusse pu. avec plus de régularité, continuer davantage le traitement par suggestion hypnotique.
Enfin, il v a quelques années, j'ai eu, par hasard, des nouvelles indirectes de cette ancienne malade, qui habitait alors Metz : on m'en a parlé comme d'une personne dont la prestance indiquait une sauté a faire envie.
On doit résumer l'observation précédente en ces points : 1° lucidité extraordinaire pendant un état de sommeil hystérique; 2° diminution, puis disparition lente, par suggestion hypnotique, d'une inflammation du canal auditif de l'oreille droite, s'irradiant au pavillon du même organe et aux tissus voisins, inllammalion due a la présence d'une perle de verre dans ce même canal: 3° par ce procédé encore, sans opération, au quatrième jour d'une première séance, cinq ans après son entrée, expulsion de cette même perle, et cela grâce â une propulsion à tergo due à la contraction des tissus dans lesquels elle avait été introduite ; 4° à la suite de l'élimination île ce corps étranger, guérison. aussi par suggestion hvpnotique. et en quatre jours, comme la malade l'avait annoncé, d'une amaurose de l'u-il droit â forme hystérique : 5° non réapparition d'une folie de même nature datant de plus de deux mois et demi: 6° amélioration, toujours par le même procédé, de deux hernies intestinales qui furent ensuite plusieurs mois sans se représenter au dehors: 7" guérison presque complète d'une paralysie faciale droite par cause traumatique.
Lorsque, en septembre IS74. Mme Robert, sur mon invitation, alla présenter sa fille aux quatre médecins qui lui avaient montré le plus d'intérêt, ils prirent ce qu'elle leur raconta pour d'insignes
absurdités. Il y avait longtemps que de pareilles choses étaient jugées! Les deux médecins de Maréville en rirent de bon cœur et lui assurèrent qu'elle se trompait en crovanl a la guérison de son enfant: celle-ci leur reviendrait plus tard et sans faute. Le chirurgien, pendant l'opération duquel avait apparu la névralgie de la face, rejeta bien loin ses histoires de vieille femme et lui dit. quant â la sortie du corps étranger de l'oreille de la jeune Lucie, qu il -n y croirait que quand cette petite ne grimacerait plus en parlant! Enfin un médecin qui avait constaté la cécité complète de l'œil droit, nargua la Illicite en disant qu'il allait bien voir si l'on ne le trompait pas. Il (it apporter une aiguille et du fil. lui ferma hermétiquement l'œil gauche, en expert méfiant, et lui ordonna d'introduire le fil dans léchas de l'aiguille. Et quand elle eut. -lu premier coup, fait ce dont il l'avait défiée, il se tira de là en déclarant qu'elle s'était fait la main à cet exercice, comme si l'on se fut doulé qu'il la soumettrait à une telle épreuve ! Manière d'agir plus qu'incroyable, aucun de ces médecins ne voulut jeter les yeux sur la perle de verre qu'on leur présenta, et encore bien moins s'assurer que cet objet n'était plus â la place qu'il avait occupée !
Ces hommes de science, d'accord entre eux. d'une manière si touchante, pour ne rien examiner à propos de faits qu'ils croyaient au-dessous de leur raison, montrèrent ici. dans leur conduite, ce que presque tous les autres hommes font dans des circonstances analogues : par exemple, lorsqu'il s'agit de choses nouvelles contradictoires avec les connaissances qu'ils ont acquises. On est d'une crédulité stupide pour ce qui est de tradition cl de sens commun, el l'on esl plein de répulsion pour les vérités probables, mais qui demandent d'être vérifiées et que, par leur étrangeté. on regarde comme impossibles. D'après leur état d'esprit, ces médecins ne purent guère agir ni parler autrement qu'ils le firent.
C'est une telle disposition intellectuelle qui explique l'opposi-lion el la résistance ,quc l'on a montrées, dans tous les temps, aux auteurs des grandes découvertes. Et pour ne parler que de ce qui touche â la science qui m'occupe, — il est vrai qu'elle était alors au berceau sons des apparences misérables. — â combien do divagations ne s'est-on pas livré, autrefois et hier encore, pour en nier à priori la possibilité et encore plus la réalité, lorsque pourtant il sullirail presque de se baisser pour s'en convaincre ! Depuis plus d'un siècle, n ;i-l-on pas crié, aux quatre vents de la renommée, que ceux qui s'en occupaient n'étaient que des illuminés, des Ions ou des imbéciles? Et maintenant que cette science se constitua; ses adversaires, blessés dans leur amour-propre et aux abois, en
sont réduits à la déclarer dangereuse et à la proscrire sans en savoir même le premier mot; mais c'est bien en vain !
Pour en finir, une des conclusions à tirer de cette présente observation que des médecins ont prise pour une jonglerie, c'est qu'on doit, avant de parler sur des choses que l'on ignore, les soumettre â l'examen, quand même elles paraîtraient contradictoires avec les connaissances acquises : on ne doit rejeter que ce qui est mathématiquement absurde. C'est en vérifiant leurs hypothèses, qu'on est arrivé à ne plus avoir de doutes à propos de faits thérapeutiques plus ou moins semblables à ceux qui se sont produits sur la jeune Lucie Robert, et à propos d'autres faits du même genre, ou de faits exclusivement psychiques sur lesquels des penseurs osent maintenant diriger leurs recherches. Kl ce sera surtout, grâce à ce principe d'examen établi, qu'on parviendra peut-être â admettre des phénomènes de télépathie comme celui qucj'ai signalé plus haut et qui parait en dehors de ce qui est possible. Si des phénomènes de ce genre ne sont que des leurres, il résultera des examens qui auront été fails. un déblaiement du terrain scientifique, un rejet des scories qui pouvaient l'encombrer: mais s'ils sont réels, si l'on en découvre les causes. le mécanisme, les lois et leurs liens avec les conquêtes acquises de la science, ils marqueront un pas en avant de plus dans les chemins épineux du progrès de l'humanité. Et. pour s'être avancé dans un de ces chemins pleins de péril, on ne saurait trop féliciter MM. Gurney. J. Myers et l'odmore (voyez leur livre : Phantasms of the Living) en même temps que les savants courageux de tous les pays qui les y ont suivis. Dans les sciences psychiques, aussi bien que dans les autres branches des connaissances humaines l'avenir est à ceux qui ont pour ces choses le feu sacré, el non aux savants par métier qui ont des oreilles pour ne pas entendre el des yeux pour ne point voir.
Nancy, le 24 novembre 1893.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Slance du 20 Novembre 1893. — Présidence de M. Du MU dumontpallier
Le procès-verbal de la séance du mois d'octobre esl lu et adopté.
Les candidatures de M. Basquin, avocat à la Cour d'appel de Paris, el de M. le Dr Julien Pioger sont mises aux voix et adoptées â l'unanimité.
Les suggestions criminelles.
Par M. le D' Auguste Vvosin medecin à la Satuèlrivrc.
I-a Revue de CHypnotisme de novembre 1893 renferme une commuai» cation du Dpdc Jong dans laquelle se trouvent les passages suivants : il est des personnes qui n'acceptent pas l'automatisme psychique, et qui croient que les somnambules n'exécutent que les actes qui « leur sont agréables et que lorsqu'ils exéculent des actes criminels c c'est par complaisance pour leur hypnotiseur cl dans la conviction a que les crimes suggérés ne sont que des expériences înoircnsîves. »
Ce que je tiens à dire ne s'applique pas a M. de Joug, qui pense comme moi, mais répond à l'opinion qu'il a reproduite.
Dans cette opinion, en effet. on ne tient pas compte d'une observation que j'ai publiée et qui démontre le remords et le trouble de conscience d'une femme à qui j'avais suggéré pendant l'hypnose, de commettre un crime de laboratoire.
En 1888. devant trois magistrats de l'ordre le plus élevé, nous avons fait commettre ii cette personne l'acte suivant :
Sur un lit. un mannequin affublé d une robe et coiffé d un bonnet représentait à s'y méprendre une femme couchée.
Nous avons suggéré à notre sujet, pendant le sommeil provoqué, d'aller, à son réveil, s'emparer d'un couteau véritable, posé sur nue table, et d'aller en frapper la femme couchée : en outre, nous lui avons intimé fermement l'ordre de ne dire à personne l'action qu'elle allait commettre, et surtout de ne pas dévoiler que c'était nous qui lui avions commandé cet acte.
A son réveil, clic se dirigea rapidement vers la table, saisit l'arme et, s'approchant brusquement du lit, elle frappa la femme couchée d'un grand coup de couteau, machinalement, sans la moindre expression sur le visage, agissant comme si elle était mue par un ressort.
Elle attendit un instant, puis revint à sa place. L'acte accompli, nous interrogeâmes la malade : « Que venez-vous de faire .' lui demande un des magistrats présents. N'avez-vous pas commis un crime ? Ne venez-vous pas de tuer une femme ? » A toutes nos questions elle répond non avec assurance ; clic ne sait pas même si elle a fait quelque chose ; elle ne comprend rien â cette histoire de crime. El quand on insiste pour lui demander si elle n'a pas obéi à un ordre, si quelqu'un ne l'a pas poussée à commettre celte action, clic nie encore avec énergie et prétend ne rien connaître de ce qu'on lui raconte.
Cependant, au bout de trois jours, nous revoyons notre sujet; la malade était triste, sombre, le visage pâli, les traits tirés comme â la suite de grands chagrins et de longues veilles. « Depuis trois nuits. « dit-elle avec avec anxiété, je ne dors plus, j'ai d'affreux cauchemars : « je crois voir une femme qui me poursuit sans trêve et m'accuse de
« l'avoir assassinée. Je ne puis me débarrasser de celle horrible « obsession. » Mise de nouveau dans le sommeil hvpnntiquc, nous lui demandâmes s'il était vrai qu'elle eût assassiné une femme et qui lui avait ordonne ce crime.
Klle nous répondit qu'en elTel elle avail assassiné, et que c'était nous-mênie l'instigateur du crime. Nous lui disons alors, pour apporter le remède à ses peines, que toute cette histoire de crime n'était qu'une plaisanterie, que lu femme n'était qu'un mannequin grossier qu'elle avait frappé, et que dorénavant ses nuits aéraient calmes et sans cauchemars, sans la vision de l'assassinée. Cette suggestion se réalisa ; elle reprit sa physionomie tranquille el se remit au travail courageusement ; son sommeil redevint paisible, sans nouvelles visions terri-liantes.
Cette première expérience prouve que notre sujet qui a accompli, par suggestion, un acte criminel expérimental, n'élait nullement convaincu qu'il s'agissait d'une plaisanterie, qu'il a. au contraire, conservé un vague souvenir d'un acte grave, commis par lui-même, acte dont la gravité l'obsédait et le faisait soulTrir cruellement.
Celle souffrance, celle anxiété qui a suivi l'accomplissement de la suggestion criminelle, est In meilleure preuve de la sincérité du sujet. Ce qui vient encore corroborercette idée delà sineérîtédu sujet, c'est la disparition de son anxiété après une nouvelle séance d'hypnotisme pendant laquelle nous l'avons rassurée en lui disant qu'elle avait frappé un mannequin et non pas un être vivant.
Tout récemment mon opinion sur la possibilité des délits et crimes par suggestion hvpnotiquc a été renforcée par un mémoire lu par le juge Dalley, de New-York, au Congrès de jurisprudence médicale de Chicago.
¦ Une personne, dit-il. qui est hypnotisée est soumise au pouvoir absolu de l'hypnotiseur. De même qu'il est possible par l'hypnotisme de calmer et de guérir les chagrins et les douleurs, de même aussi, on peut porter aussi le sujet à commettre des fraudes, des crimes el des actes immoraux. The Monlhly Summ/iry, Elmira, septembre 1893.
J'ai pensé que celte citation d'oulre-mer intéresserait la Société.
A propos de la pseado-extériorisation de sensibilité.
Par le U 1 Crocq (Us, !-• Bruxelles.
Dans une communication h la Société d'hypnologie. M.Mavroukakis a rapporté quelques expériences faites dans le but de s'assurer de la réalité de l'extériorisation de la sensibilité : « En cherchant à vérifier ce phénomène, a-t-il dit. j'ai remarqué que cette sensibilité extério
risée était un phénomène produit par la suggestion... J'ai conclu (pie ce n'était pas le lluide magie-tique qui provoquait cette prétendue extériorisation île la sensibilité, mais que c'était tout simplement la suggestion. »
Pour prouver ce fait, l'auteur se place à quatre mètres d'une somnambule, il lui dit : - Madame, je vais vous piquer à la main gauche où vous ressentirez une très forte douleur » : dans une autre expérience l'auteur place un verre d'eau dans la main du sujet, il lui dit : « Une partie de votre sensibilité va passer dans le verre, chaque lois que je le piquerai, c'esl voit» qui sentirez la douleur ». s'il piquait le verre sans bruit, il ifv irait aucune sensation, s'il louchait le verre en produisant un son, hs sujet ressentait la piqûre.
Les expériences rapportées par M. Mavroukakis snnl probablement réalisables chez toute» les somnambules, elles sont il une simplicité extraordinaire et l'on s'étonne réellement devoir citer des expériences île suggestion aussi élémentaire pour arrivera conclure que l'extériorisation de la sensibilité n'est que de la suggestion.
M. Mavroukakis cite « Croeq de Bruxelles et de Rochas «comme s'élant occupés de l'extériorisation de la sensibilité, il ajoute : « ces expériences m'ont convaincu que ce n'est pas le lluide magnétique qui agit dans ces cas. mais tout simplement la suggestiou. et que. probablement, les auteurs île la pseudo-extériorisation île la sensibilité oui été trompes par les faits. "
Il ressort clairement de la communication de M. Mavroukakis qu'il me considère comme partisan «le l'extériorisation de la sensibilité telle que de itochas l'a décrite el que par conséquent il a mal compris mon récent article sur la pseudo-extériorisation de la sensibilité.
Je dois d'ahfird faire remarquer que j'ai été le premier à appeler ftseifdo-exiêrîorisatton de la sensibilité le phénomène décrit par Rochas et l.uvs sous le nom d'extériorisation de la sensibilité. Je voulais par cette dénomination indiquer nettement que le phénomène considéré par son inventeur comme une manifestation fluidique et surnaturelle, je le considérais au contraire comme purement phvsique.
« Nous avons à dessein. ai-je dit, appelé pseudo-extériorisation ce que le Hochas appelle extériorisation, parce que nous croyons que ces phénomènes doivent être expliqués tout autrenient qu'on ne l'a lait jusqu'à présent. O qui parait surnaturel pourrait bien n'être qu'un phénomène phvsique tres -impie, tel que : vibration île l'air, température de l'objet approché • lu corps, etc. »
Ceci étant posé, voici ce que nous avons observé : 1. Pseiirto-exlé-riorisfition spontonér : Collette. H.... âgée de 2-'ï ans, est atteinte d'accès d'hystérie suivis d'un sommeil comateux, elle tombe rapidement en mi m na uibuli sine véritable avec insensibilité complète. Dès la première séance Collette présentait les phénomène.- suivants : la sensibilité étail complètement absente; si au 1 î»-u de piqut dans la peau.
on piquait à plusieurs reprises dans l'atmosphère, û une distance de un a deux centimètres, la malade interrogée indiquait parfaitement l'endroit exact où l'on opérait, si l'on piquait à une distance plus grande, elle ne ressentait rîen.
Ayant constaté ce premier point, nous avons voulu essaver de charger une statuette ou un verre d'eau de cette sensibilité : jamais nous n'avons obtenu aucun résultat, avec des plaques photographiques nous pavons pas été plus heureux les expériences, avons-nous dit. faites sans paru pris, car nous avouons n'avoir pas cru jusqu'ici â ces phénomènes, prouvent que. chez certains sujets spéciaux, il y a un semblant d'extériorisation de la sensibilité, existant spontanément pendant le sommeil hypnotique. »
Nous n'avons pas fait comme M. Mavroukakis, nous ne disions pas à lu malade l'endroit que nous piquions extérieurement, nous demandions simplement sentez-vous quelque chose ? » — a A quel endroit? » et presque toujours la malade indiquait parfaitement la région au-dessus de laquelle j'opérais. Ces expériences ont été faîtes avec toutes les garanties possibles pour éviter une erreur, la suggestion n'était pas
admissible.
Nous n'avons rencontré ce phénomène qu'une seule fois, la pseudo-extériorisation arlificielle paraît être un peu plus fréquemment réalisa hic.
II. Pseudo-extériorisation artificielle ou suggestive. — Nous avons appelé pseudo-extériorisation spontanée, celle qui se manifeste d elle-même, sans suggestion aucune ; pour mettre les expérimentateurs à l'abri de toute cause d'erreur, nous allons montrer que l'on peut produire par suggestion une pseiido-exterîorisation artificielle, ahsoluinent semblable à la précédente.
Joséphine D..., âgée de 17 ans. est atteinte d'hystérie convulsive; La première fois que nous Cavons hypnotisée, elle ne présentait aucun phénomène d extériorisation de la sensibilité ; comme elle est très intelligente, nous lui disons : « Ecoutez bien : votre sensibilité, au Heu d'être sur votre peau, sera maintenant au-dessus de votre peau, de telle sorte que quand je piquerai la peau, vous continuerez à ne rien sentir et quand, au contraire, je piquerai dans l'air qui se trouve au-dessus de la peau, vous sentirez. Est-ce bîen compris ' » La malade nous répond affirmativement et aussitôt elle présente une extériorisation de la sensibilité aussi développé.- que celle de Collette.
Si nous lut plaçons la figurine de cire en mains, elle ne sent pas quand nous piquons dans la cire, à la poitrine, les résultats sont les mêmes ; avec un verre d'eau, les phénomènes sont semblables. Comme précédemment aussi, si nous enlevons l'objet de la zone sensible, le sujet ne ressent pas les piqûres.
Avec les plaques photographiques sensibilisées, les résultats ont été aussi négatifs.
Ces phénomènes se sont reproduits chaque fois que nous avons hypnotisé la malade, sans nouvelle suggestion.
Nous avons pu reproduire cette pseudo-extériorisation suggestive chez u-'e seconde hystérique.
Nous conclurons donc que chez certains sujets spéciaux on peut produire, pur suggestion, une pseudo-extériorisation artificielle de la sensibilité en tout semblable à la pseudo-extériorisation spontanée.
Il v a six mois déjà, j'ai pu produire une pseudo-extériorisation artificielle bien plus caractéristique que celle que rapporte M. Mavrou-kakis, je n'ai cependant pas conclu à la non existence de la pseudo-extériorisation spontanée.
On le voit, la communication de M. Mavroukakis ne fait que conlir-mer le fait que j'ai énoncé au mois de juillet dernier, â savoir qu il peut se produire une extériorisation suggestive de la sensibilité, absolument pareille à l'extériorisation spontanée ; les expériences rapportées dans ce travail ne prouvent nullement la non existence de la pseudo-extériorisation spontanée de la sensibilité.
Je le répète, mes vues diffèrent totalement de celles de M. de Hochas : taudis que ce dernier auteur considère le phénomène qui nous occupe Comme fréquent, je le crois d une rareté exceptionnelle ; au lieu de considérercette extériorisation comme «lue à des émanations fluidiques. je crois qu'elle dépend tout simplement de phénomènes physiques inconnus ; enfin je n'ai pu réaliser la pseudo-extériorisation qu'en expérimentant à une distance de un centimètre de la peau du sujet, toutes les autres expériences rapportées par de Hochas n'ont pu être réalisées : jamais le verre d'eau ni la statuette de cire, ni les plaques photographiques ne se sont chargées de la sensibilité du sujet, ce qui tend â prouver qu'il s'agit simplement de phénomènes physiques ressentis par un sujet hypnotisé.
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Le somnambulisme provoqué et la fascination.
t'ar M. le D' laaaaonr (I).
Depuis l'année 1S55. l'auteur de ces ouvrage n'a jamais cesse de s'occuper de l'intéressante question du somnambulisme. Il l'a fait sans prendre souci de ce qui avait été éerïl avant lui sur ce sujel. et il s'est volontairement renfermé dans le domaine de l'observation personnelle. Ce faisant, il a eu cent fois raison, parce que la clinique lui a révélé un grand nombre de phénomènes qui tous ont été confirmés par les cher-
(I) Rueff. mu.Paru. 1893.
cheurs indépendants qui lui mit succédé dans l'étude du somnambulisme, d la lasc iiiatinu il dr la suggestion.
C'est précisément ce soin qu'a prît M. Mesnet de se maintenir sur le terrain clinique et de se mettre en garde contre toute interprétation théorique hâtive, qui prouve une foi» de plus que tout observateur sage et consciencieux sert mieux la science que celui qui veut légiférer avant d'avoir longtemps analysé les faits. Aucun des phénomènes acceptés aujourd'hui en hypnotisme n'était, je le repète, ignoré de M. Mestiet, et cela de longue date; aussi j'ai lieu de croire que souvent il a dû discrètement sourire lorsqu'il lisait loules les communications de ces dernières années, où l'on exposait comme nouveaux des faits qu'il avait depuis longtemps enregistrés.
Pour ceux qui n'avaient pas vu à l\riivre le clinicien de l'hôpital Saint-Antoine et de l'Hôtel-Dieu. et qui n'avaient pas médité les différents travaux qu'il avait publie- depuis leîGtl dans les Archives générales île médecine, les nombreux mémoires qu'il avait communiqués â la Société médico-psychologique, à l'Académie de médecine, son livre sur le somnambulisme et la fascination sera une véritable révélation.
Cette dernière publication, au double point de vue de la clinique et de la médecine légale, fixe, et cela d'une manière irréfutable, des faits qui étaient contestés par des homme» très rccommandahles â tous égards, mai» qui n'ont pas eu le loisir ou la volonté de le» constater personindh-iiient ni créa faire une analyse consciencieuse et scientifique.
Conçu avec conscience, rédige avec cette clarté, cette netteté de style inspirée» par une longue médilalinu du sujet traité, cet ouvrage portera la conviction dans l'esprit «le tous ceux qui ont soif de ht vérité.
Comment ne serait-on pas frappé de I exposé clinique qui est donné du somnambulisme spontané, que personne ne nie, et du somnambulisme provoqué, que beaucoup discutent
Cette analyse a été inspirée â M. Me-uel par les nombreuse» observations eliuiques qu'il a recueillie» avec un soin méticuleux, depuis pré» d'un demi-siècle; et il est vraiment bien juste de remarquer qu'avant l'u-uvre d'un homme que je vénère. M. le docteur l.iébeault. œuvre qui n'a paru qu'en l'année ISOG. sur le sommeil et le» état» analogues: qu'avant l'œuvre de Bernhcim (de Nancy ; qu'avant les leçon» de notre regretté collègue et ami, le professeur Charcot, sur l'hystérie et l'hypnotisme, il e»t juste, dis-je, de remarquer que l'auteur avait relevé dans se» observations la double personnalité à laquelle le professeur A/.iii de Bordeaux a attaché son nom ; qu'il avait constaté tous le» phénomène» qui ressortissent â l'hystérie, â l'hypnotisme et à la fascination.
Quand moi-même je coium uni quais timidement s la Société de biologie le» résultats de mes expériences cliniques sur l'action des agents physiques chez les hystériques hypnotisable» : sur l'indépendance fonctionnelle de chaque hémisphère cérébral: sur les carartr-rrs différentiels
des états somnambulique,. cataleptique et léthargique de l'hypnose : quand je uni.liais les résultats thérapeutiques de la suggestion; quand tous les chercheurs étaient à l'œuvre et qu'on faisait grand bruit autour de leurs expériences, il me semble que M. Mcsnet devait se dire : « Tout cela je l'ai vu. je l'ai dit, j'en ai la preuve écrite, enregistrée jour par jour depuis plusieurs années ». et cependant il gardait le silence.
Mais je nie prends à penser que ce désintéressement n'était qu'apparent et que peut-être M. Mcsnet gardait en lui cette secrète satisfaction que l'agitation de tous travaillait à la confirmation des faits qu'il avait observés lui-même et qu'un jour viendrait où les esprits, mieux préparés pour en extraire la valeur, pourraient rendre justice à ses travaux personnels.
Dr Ul'NOXTPALLH.N,
(A suivre) Membre de l'Académie de médecine.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
L'attentit contre M. Gilles de la Tourette.
I.a tentative d'assassinat, dont M. Gilles de la Tourelle a été l'objet, a donné liru. dans les journaux, aux commentaires les plus variés. On disait que noire confrère avait été victime d'une • suggestion criminelle • destinée à le convaincre de In possibilité de pareilles suggestions.
En supposant que l'auteur de cette tentative d'assassinat eût agi sous l'inspiration d'une suggestion criminelle, il n'est pas certain que cela eût suffi à convaincre M. tailles de la Tourelle. Il en nie la possibilité avec une telle maestria, que nous ne croyons pas que rien puisse jamais modifier ses convictions sur ce point, pas même une expérience dont il serait la victime.
Il s'agissait d ailleurs simplement, non d'une suggestion, mais d'une impulsion, d'aucuns diraient d'une auto-suggestion criminelle. L'auteur de l'attentat est une malheureuse aliénée atteinte du délire de persécution systématisé. Admise à ! As:..- Sainte-Anne, puis transférée à la Salpètrière. elle avait été l'objet d'une sortie provisoire et s'était gardée de réintégrer l'asile.
Tous ceux qui soignent des aliénés ou sont en contact fréquent avec eux. sont exposés aux luèm.'s accidents. S uh liions que la nouvelle loi sur les aliénés, que nous préparent des législateurs zélés, ne vienne pas contribuer à augmenter le nombre, déjà trop considérable, des victimes du devoir professionnel.
NOUVELLES
Société d'hypaolorjie et de psychologie.
I.a Société d'hypnologie se réunira en séance ordinaire le lundi 16 janvier, à quatre heures et demie précises, au palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. le Dr Du-montpallier :
1° Lectures et communications diverses.
2° Présentation «les malade»,
3° Vote sur l'admission de nouveaux membres.
AVIS. — Afin d'éviter les frais fie recouvrement, MM. les membres étrangers sont invites à adresser directement par la poste le montant du droit d~admission (10 fr.), et leur cotisation annuelle (15 fi:), à M. le Dr Bèrillon, secrétaire général, rue de Rivoli, 40 bis.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
— Institut psycho-physiologique de Paris. 49, rue Saint-André-des-Arts.— L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1891 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée â l'Institut psveho-physiologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de dix heures à midi. Les médecins et étudiants réguliè-rement inscrits sont admis :i y assister et sont exercés a la pratique de la psychothérapie.
Des conférences sont faites le jeudi, à dix heures et demie, par M. le Dr Bèrillon. sur les applications cliniques de la suggestion et de l'hypnotisme, etc. Série de leçons commencera le 25 novembre. On s'inscrit à la Clinique.
M. le Dr J.-0. Jennings fera le samedi des démonstrations pratiques d'électro-physiologie.
Asile clinique (Sainte-Aune). — Maladies nerveuses et mentales. — M. Magnan : Amphithéâtre de l'Admission, les mardis et vendredis, â lu heures. Les leçon» porteront plus particulièrement, cette année, sur les délires systématisés dans Us diverses psychoses.
Asili clinique. — Cours de cliniqur des maladies mentales et des maladies de l'encéphale. — M. le professeur Uomor. Amphithéâtre de l'asile Sainte-Anne, les mercredis et samedis, à 9 heures -'t i. Les samedis : leçons à l'Amphithéâtre. Les mercredis : interrogatoire des malades. Un cours élémentaire de médecine mentale en quinze leçons sera fait par M. le Dr I'actet, chef de clinique.
Hôpital Saist-Astoise. — Pathologie mentale et nerveuse. — M. Gilbert Ballet a repris ses leçons cliniques sur la pathologie mentale et nerveuse, à l'hôpital Saint-Antoine, le dimanche, à 10 heures, et les continuera les dimanches suivants pendant le mois de janvier.
Faculté de Bordeaux. — M. le D' Ricis est chargé, pour l'nonée 1891. du cours des maladies mentales près la Faculté de Bordeaux.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
J.-P. DuranD. — Le merveilleux identifique (in-4-° 343 pagos, Félix Alean, 108, boulevard Saiut-Gcrniain. Paris. 1894).
E. Mesnet. — Le somnambulisme provoqué et la fascination (in-4°, 264 pages, Rucffet C". 106. boulevard Saint-Germain. Paris. 1894.
Rese Serrand et L. Jordam». — Puissance d'action des injections Brwn-Séquardiennes chez l'adulte et le vieillard (in-4°. 32 pages. A. Maloine, éditeur. TI. boulevard Saint-Gerniain. Paris)
Zambaco-Pacha. — Les lépreux ambulants de Constantinople (imprimerie A. Chrislidis. Constantinople. 1893).
Hermams Brieger. — Suggestions thérapie, suggestionslehre und verwandte psychologische Forschungen. Berliu. 1893.
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L'Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT.
170, rue Saint-Antoine.
Tours, — Imprimerie Danjard-Kop.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
8°- ANNEE - N° 8. Fevrier 1891.
LA VOLONTÉ
Par M. !.. Makouvrier. professeur à l'école d'Anthropologic de Paris.
(Suite.)
III
A la suite d'une] excitation quelconque propagée suivant les processus associatifs dans lesquels on ne saurait attribuer un rôle à In volonté, il arrive qu'un certain nombre de groupes d'éléments cérébraux sont le siège d'une désintégration moléculaire plus ou moins forte, laquelle constitue à la fois une représentation plus ou moins vive de mouvements et une tendance à l'exécution de ces mouvements. La désintégration moléculaire des éléments cérébraux est une cause directe de courant nerveux, de sorte que toute désintégration commençante est une tendance au passage ;"i l'étal actuel du mouvement représenté par l'état de conscience résultant de la désintégration du groupe cellulaire excité. Mais il peut v avoir simultanément plusieurs groupes excités, plusieurs désintégrations naissantes, plusieurs états de conscience naissants par là même, plusieurs mouvements représentés et tendant à devenir actuels. Suivant le degré de désintégration atteint dans chaque groupe, la conscience sera plus ou moins nette, plus ou moins vive, et la tendance à l'exécution du mouvement sera plus ou moins iorte corrélativement. Parmi toutes ces désintégrations moléculaires commençantes, il y en a qui sont trop habituelles pour être conscientes, d'autres trop faibles, quoique non habituelles, pour constituer antre chose
9
qu'un état subconscient, d'autres qui sont assez fortes pour être parfaitement conscientes. Celles-ci constituent des tendances motrices déjà fortes. Si, parmi elles, l'une arrive à cire prépondérante soit par elle-même soit en vertu de son association avec des groupes synergiques, alors elle constitue un état de conscience prépondérant qui est à la fois la représentation vive d'un acte et le début du courant centrifuge qui produira cet acte. C'est la volonté.
On pourrait dire que chacune des désintégrations naissantes, mais non cohérentes, restées trop faibles pour produire un courant nerveux suffisant, a été cependant accompagnée d'un certain effet moteur faible qui n'a pu constituer un acte et qui a pu pourtant se traduire par quelque courant centrifuge agissant d'une façon plus ou moins sensible sur des muscles striés ou lisses. Cela se produit au moins dans les cas où existe un conllit entre diverses images fortement excitées et à. tendances motrices contraires. Alors peut être mise en jeu [innervation vaso-motrice [rougeur, pâleur, sécrétions). Alors peuvent se produire une accélération ou un ralentissement des battements du cœur, la contraction des mâchoires, le serrement des poings, des jeux divers de physionomie résultant de contractions des muscles de la face, des mouvements tibrillaires, etc., indiquant la vivacité de la délibération. La forte excitation de motifs opposés peut même donner lieu ù des mouvements plus généralisés. J'interpréterais ainsi le tremblement que j'ai observé plusieurs fois chez un jeune chien de chasse élevé avec un lièvre domestiqué auquel il lui était interdit de toucher (I). Le chien se mettait en position de se précipiter sur le lièvre, mais l'image île la punition produisait en même temps son effet inhibiteur, et il résultait de la réalisation partielle de ces tendances opposées des courants nerveux actuels dont les inhibiteurs étaient les plus forts.
On pourrait dire aussi que chacune des désintégrations naissantes restées trop faibles pour produire un courant nerveux, a constitué une volonté faible ou naissante. Ce sont tous ces états île conscience naissants à un moment donné, toutes ces volontés naissantes, qui constituent le complcxus appelé délibération. Et si l'une de ces désintégrations uaissautes, de ces volontés, arrive à prédominer sur les autres, à être suffisamment intense, il y a volonté actuelle, tendance actuelle à un acte.
(I) Note sur les relations mutuelles d'animaux d'espèces différentes réunis par doiuettication (Bull, de la Soc, zool. de France, 1893.
Séparer létal de conscience appelé volonté de la désintégration moléculaire dont il résulte, cela ne me parait point possible El si cette désintégration est le début de l'acte volontaire, on peut aussi bien dire que la volonté est cause de cet acte. D'une façon ou de l'autre, il s'agit toujours d'un processus^ purement mécanique.
Comment une désintégration moléculaire arrivé t-elle à prédominer en un point plutôt qu'en d'autres ? Comment un groupe d'éléments cérébraux arrive-t-il à être le sièw d'une désinlé«ra-tion forte de préférence à un autre groupe ? C'est là ce qui constitue le choir entre les motifs. Si ce mot choir n'exprime point le fait même de la prédominance en question, il n'a aucun sens, lin reprenant le cas du rhieu pris ci-dessus comme exemple, nous verrous fucilement apparaître la véritable nature du choix et sa cause. Nous avons assisté à la prédominance de l'image punition et de la volonté correspondante : ne pas toucher au lièvre. L'image du lièvre était pourtant très vive, puisque le lièvre était sous les yeux du chien, mais l'image de la punition suscitée par celle du maître, qui aussi était présent, n'était pas moins active. Supposons que le maître eût été absent; l'image de punition, également associée à celle du lièvre et a celle des mouvements à faire pour le saisir eût été moins vive et alors l'imago opposée eût pu devenir la plus forte- Inutile d'envisager le cas contraire. Mette/ dans les plateaux d'une balance des poids égaux de part et d'autre; il y aura comme deux volontés égales qui se neutraliseront réciproquement : ajoutez à l'un des poids ou retranche/, à l'autre et vous assisterez a un choix.
simplicité de l'exemple importe peu : au lieu de deux motifs, s'il v en a trente en activité. le groupe qui l'emportera, l'emportera parce qu'il sera le plus fort, et ce seul fait représentera le choix. Le choix ne représente donc aucune opération spéciale. C'est en ce qui concerne le choix que la comparaison de In volonté humaine avec celle qu'aurait une balance douée de conscience est altsolumeul juste. Iire que la volonté choisit les motifs dont l'excitation doit constituer une délibération et qu'elle fait un choix parmi ces motifs, autrement dit qu'elle influe sur leur valeur relative, c'est une proposition dépourvue de sens en dehors de la doctrine du libre arliitre.
En déliuilive. nous arrivons à voir que la volonté n'a aucune influence sur la délibération puisque celle-ci la précède, ni sur la cohésion des motifs qui s'unissent dans la détermination puisque c'est le résultat même de cette cohésion. Dans la série des états
de conscience qui précèdent les actes. la volonté, se produisant en dernier lieu, peut être considérée, par cela même, comme la cause des actes volontaires, puisque ces actes résultent de contractions musculaires causées par des courants nerveux centrifuges à l'origine desquels se trouve une désintégration moléculaire centrale qui représente physiologique ment la volonté. La volonté est donc cause des mouvements, en ce sens qu'elle est cause du courant nerveux incitateur des muscles; elle est, à la rigueur, une force en ce sens qu'elle est une désintégration moléculaire, l'ne portion de l'appareil central psycho-moteur où siège une telle désintégration n'est pas complètement comparable à l'un des rouages d'une montre dans laquelle les organes n'ont d'autre force que celle communiquée par un ressort animant toute la machine. Ici chaque portion de l'appareil fournil au moins une partie de l'énergie qu'elle développe.
En disanl que la volonté est cause de quelque chose et qu'elle est à la rigueur une force en tant que désintégration moléculaire, je n'entends pas le moins du monde attribuer A la volonté une existence physiologique isolable des phénomènes cérébraux qui la précèdent et qui In suivent. Je pense, au contraire, que si l'ensemble de la fonction psycho-motrice pouvait être traité physio-logiquement d'une façon aussi complète que le fonctionnement d'une balance, on ne trouverait aucune nécessité de donner un nom spécial au fail de la prédominance d'un courant à direction centrifuge résultant de tendances variées ou antagonistes, pas plus qu'on ne distingue par un nom spécial le début de l'abaissement d'un plateau de balance nu moment où l'équilibre du levier de celte bnlnnce est rompu. Il s'agit simplement de traduire phvsio-logiquemcnl et mécaniquement cet état de conscience appelé volonté donl la distinction résulte de ce qu'il possède une netteté toule particulière comme succédant â un état complexe et relativement obscur constitué par cette lutte entre des tendances conscientes, subconscientes et inconscientes que l'on appelle délibération.
Je n'entends pas davantage justifier des expressions issues de l'illusion du libre arbitre et impliquant la personnification de la volonté, expressions telles que « l'effort de la volonté, la force de la volonté ». Ou. du moins, en considérant la volonté comme une force a titre de mouvement donnant Heu à un autre mouve-monl, l'on ne fait que donner à ces expressions le sens puremenl mécanique qui leur convient.
La notion d'effort et aussi le sentiment île l'effort représentent
tantôt le fait d'une résistance vaincue plus ou moins difficilement, tantôt seulement le fait de l'accroissement d'une force qui était ou qui reste insullisante.
Or une volonté, telle que nous la concevons, représente effectivement une force plus ou moins grande susceptible d'accroissement et pouvant accomplir avec plus ou moins de ditliculté un certain travail, mais elle ne se renforce pas elle-même. Klle n'est renforcée que par un changement dans la valeur ou le nombre de ses composantes.
Pour abréger, prenons deux exemples. l'n tumeur prétend s'être débarrassé de son habitude par un effort de volonté. Cela signifie que la somme des motifs qui engageaient cet homme a ne pas fumer s'est accrue comme nombre ou comme valeur, ou bien que les motifs qui le poussaient à fumer ont diminué en nombre ou en valeur. Alors la volonté de ne pas fumer, après avoir été longtemps vaincue par la volonté de fumer s'est trouvée prédominante. Il v a eu effort parce qu'il y a eu conscience d'une lutte entre des forces contraires dout l'une est devenue victorieuse. L'n homme qui doit se lever île grand matin entend sonner l'heure ; il ne bouge point d'abord bien que le désir de se lever ne lui manque point. Mais ce désir est contrebalancé par une forte somme de résistances psychiques et par la masse à mouvoir. Peu à peu cependant le cerveau s'éveille: des images motifs déjà excitées, l'excitation se propage aux images associées, de là à d'autres images représentant les conséquences fâcheuses d'un relard, les conséquences heureuses du lever. Tout à coup, l'ensemble de ces motifs ayant constitué une force motrice suffisante, notre homme saule en bas du lit. bien convaincu qu'il a élé tiré hors de ses draps par un effort de sa volonté ce qui n'est pas inexact phvsiologiqucmcnt mais bien convaincu en outre que sa volonté a influé sur la valeur mécanique des motifs déterminants, et c'est là que glt l'illusion.
IV
Envisagée comme force, la volonté n'est pas distincte de la force nerveuse en général.
Aussi la force de la volonté est-elle liée à celle des autres états de conscience qui la précèdent et qui sont, eux aussi, des désintégrations moléculaires. Quand les cellules cérébrales sont le siège d'une nutrition très active, quand leur composition moléculaire est telle que la quantité d'énergie mise en liberté par leur
désintégration est à son maximum, et quand relie désintégration est suivie rapidement d'une réintégration parfaite, alors les sensations sont vives cl nombreuses; il y a des délibérations larges et vives parce que «le nombreux groupes cellulaires associés sont mis en jeu et fortement excités; les délibérations sont largement conscientes parce que l'excitation se propage jusqu'aux groupes les plus nouvellement formés et parce que la désintégration moléculaire d'où résulte la conscience est très active : la délibération esl brève parce que cette activité même entraîne la cohésion rapide de plusieurs désirs ou volontés naissantes d'où résulte celle désintégration moléculaire prépondérante qui constitue la volonté.
Knlin celte volonté esl sûrement, rapidement et énergiquement suivie d'exécution parce que le courant nerveux énergiquement commencé par celte désintégration centrale, participe lui-même de la vigueur générale que l'on peut appeler neurasthénie (sthe-nos, force, vigueur).
Dans l'état opposé, ou neurasthénique astheneia. faiblesse), la volonté, au contraire, esl affaiblie romrae pour les étals de conscience qui la précèdent. I-es sensations sonl faibles, les images éveillées dans le processus associatif sont excitées faihlamcnti en pelil nombre et successivement. Les premières éveillées sont déjà éteintes au moment où l'excitation parvient aux groupes voisins, de sorte «pie les coordination» sont pauvres et précaires; la délibération est étroiteet molle par suite de l'exiguïté qualitative et numérique des motifs mis en jeu; les désirs sont sans énergie. Il peut arriver qu'aucun d'eux n'acquière une intensité sullisante pour constituer la volonté. En ce cas. c'est Y aboulie. Ou bien il peut arriver que la désintégration moléculaire soit sullisante pour constituer la volonté, mais insullisantc pour donner Heu â la formation d'un courant nerveux centrifuge capable de mettre enjeu les muscles. En ce cas le sujet peut vouloir mais il reste inactif comme s'il ne voulait pas. Les nerfs, du reste, doivent partager l'état de faiblesse des centres nerveux. Ainsi peuvent être inleprétécs ces maladies de la volonté fort bien analvsées par M. Ifibot.
La notion de neurosibénic et de neurasthénie me paraît devoir acquérir une très grande importance en psychologie, car l'état de vigueur ou de faiblesse des modifications moléculaires d'où résultent les courants nerveux cérébraux ou extra -cérébraux suffit pour expliquer des variations très considérables dans l'intensité et l'efli-cacilé des processus psychiques, depuis les plus simples jusqu'aux
plus complexes. Sensations, idées, associations, réflexion, attention, mémoire, raison, délibération, volonté, présence d'esprit, imagination, tout cela est atteint dans l'état neurasthénique, tout cela croit en vivacité ou en complexité dans l'état neurasthénique. Je n'ajouterai rien aux remarques faîtes un peu plus haut pour la justilicalion théorique de cette affirmation qui exigerait de trop longs développements et qui me parait d'ailleurs devoir être approuvée de prime abord par tous les psychologistcs.
Elle correspond exactement à une série de remarques très importantes de Herbert Spencer sur l'influencc de la variabilité de la pression ou de la tension du fluide nerveux (I). Chacun peut la contrôler par l'observation de soi-même, car tout homme passe par les deux états en question qui se produisent successivement pendant des périodes de temps plus ou moins longues.
Il ne s'agit pas ici de la neurasthénie comme syndrome pathologique dont la description, l'étiologic et le classement, la marche et le traitement attirent l'attention des médecins depuis quelques années. Je n'envisage le svmptôme neurasthénie qu'en lui-même, élymologiquenient et quelles qu'en soient les causes certainement très diverses.
Cet étal de faiblesse nerveuse peut résulter palhologíquemcnl de décharges intempestives et exagérées des courants nerveux, par exemple à la suite des attaques d'épilepsie et d'hystérie, à la suite de convulsions diverses on de délires à manifestations bruyantes, dans la choree, etc. C'est la neurasthénie par excès pathologique de dépense nerveuse.
Le cerveau est comparable, en ce cas. à une arme à feu qui partirait par la culasse. J'ai attiré spécialement l'attention sur cette forme en 1884 dans un travail cilé plus haut.
On peut distinguer aussi la neurasthénie par insuflisanre pathologique de la nutrition générale et de la nutrition du système nerveux en particulier. Telle est sans doute la forme qui se rattache au syndrome neurasthénie des cliniciens, dans l'étiologic duquel les troubles gastriques et intestinaux paraissent occuper la place principale.
On peutdistinguerencore une neurasthénie idiopnthique observée chez, les personnes dont l'étal général, au point de vue des fonctions de nutrition parait satisfaisant et qui présentent néanmoins une dépression persistante du système nerveux ; les émotions tristes, les excès vénériens, les excès de travail prolongés suffi-
(I) Op. cit.. r. I, p. 635 et suiîv.
raient pour produire cet état qui, dans certains cas, pourrait résulter d'altérations pathologiques à déterminer.
Je distinguerai enfin une neurasthénie normale qui représenterait sous une forme légère et très passagère la forme précédente avec des causes analogues, mais atténuées. C'est celle forme passagère que chacun peut observer sur soi-même, en cas de tristesse, de lassitude, d'envie de dormir, de surmenage cérébral ou musculaire, d'une nuit passée sans sommeil, d'excès divers, etc.
A ces|Jdifl'érentes classes, évidemment subdivisibles en genres et en espèces, il faut encore ajouter la neurasthénie produite par des agents extérieurs tels que le froid, l'abaissement de la pression atmosphérique, l'état électrique de l'atmosphère, etc., et puis par les ingcsta'(poisons divers).
Peut-être existe-t-il d'autres classifications préférables dans la littérature médicale? Je n'envisage d'ailleurs, je le répèle, que Pétai de faiblesse nerveuse en lui-même jet plus spécialement dans le cerveau "jsans avoir aucunement la prétention de discuter les opinions existantes au point de vue clinique.
Ce qui me parait avoir une très grande portée psychologique, c'est l'opposition entre la neurasthénie et la neurasthénie ou, si l'on veut, entre la cérébrosthénie et la cérébraslhénie. quant aux effets produits par ces deux états sur l'intensité et même sur la forme du fonctionnement intellectuel.
L'état neurasthénique est simplement l'opposé de Pélat neurasthénique et doit résulter des conditions opposés à celles que j'ai tenté de classer plus haut. J'insisterai seulement sur les dernières classes où l'observation et l'expérimentation sur soi-même sont possibles et en un sens très faciles. L'ingestion «lu café, du thé, de la coca, par exemple, fournit facilement un état neurasthénique passager durant lequel on se trouve psychologiquement, par rapport à son état moyen, dans des conditions qui peuvent donner une idée de l'état où sont normalement, certains individus bien doués par rapport à la moyenne et surtout par rapport aux neurasthéniques.
On produit inversement sur soi-même une neurasthénie passagère par la suppression brusque d'un excitant auquel on s'est fortement habitué.
Il esta peine besoin'de faire remarquer que la volonté se ressent de ces différents étals non seulement d'une laçon quantitative en tant que tendance molrice, mais encore qualitativement, en vertu de la supériorité que donne la neurasthénie à toutes les opérations psychiques dont la volonté n'est que le résultat final.
Forte ou faible, voilà ce que peut être la volonté isolée de tout ce qui la précède, c'est-à-dire réduite à une représentation mentale d'un acte, à une tendance motrice. Que cette représentation soit le résultat d'opérations plus ou moins compliquées, qu'elle soit consécutive à des délibérations larges ou étroites, cela ne lui donne aucun caractère propre. L'n acie volontaire est tel par le seul lait qu'il a clé représenté avant d'être exécuté. I a volonté n'est pas autre chose que cette représentation; si elle se distingue spéciûquement d'une antre représentation, c'est parce qu'elle est une représentation plus forte que d'autres existantes en même temps qu'elle. Mais les causes qui ont amené cette prédominance sont distinctes de la représentation prédominante ou volonté, sans quoi la volonté renfermerait en elle ses propres causes, ce qui serait l'absurdité même du libre arbitre.
Ainsi réduite à une image, la volonté ne peut posséder d'autres qualités propres que la force ou la faiblesse, qualités génériques «lu reste et comportant une certaine variété dans les expressions.
Quand une volonté est physiologiquement forte, nette au point de vue conscience, cette qualité à double face résulte de la quantité de désintégration moléculaire qui est la cause immédiate de la production de conscience et de la tension centrifuge. Et cette désintégration moléculaire atteint un degré sullisanl pour être à la fois consciente et motrice parce que l'étal général du centre nerveux est neuroslhéniquc, parce qu'en même temps il y a un consensus de désintégrations cohérentes représentant un certain nombre d'images à tendances motrices convergentes.
On peut s'expliquer ainsi pourquoi la volonté se distingue des autres représentations de mouvement coexistantes par une propriété impulsive. Ce n'est pas une simple image, c'est une image mentale prédominante, et ce n'est pas seulement une image prédominante, car il peut exister des images conscientes parmi lesquelles une prédomine sans qu'il y ait volonté; l'image prédominante, en ce cas, constitue simplement un désir ou une crainte. Pour que l'image de mouvement prédominante soil volonté, il faut qu'elle soit engagée dans un processus moteur, c'est-à-dire à direction centrifuge.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 18 Décembre. — Préiult'tirr de M. Ih Dumontpallier
L'affaire Chambige (étude de psychologie criminelle)
Pai M. Jules Liegeois Professeur à la Faculté de Droit de Nancy.
De 1888 à 1891, la question de l'hypnotisme ou de la suggestion s'est posée, à des degrés divers, dans trois grandes affaires criminelles : les affaires Chambige. Weiss et Goutte. Il n'entre pas dans le plan de ce travail de faire une étude approfondie des deux dernières : cela nous culminerait trop loin; nous nous occuperons seulement de la première, qui présente une certaine importance au point de vue de la doctrine des suggestions criminelles.
L'a flaire Chambige a eu eu Algérie, en 1888. un grand retentissement; elle a été portée devant la Cour d'assises de Constanline et l'accusé a été condamné à sept ans de travaux forcés. Rappelons le» faits en quelques mots.
Chambige. fils d'un notaire de Constanline. faisait son droit à Paris. Rappelé en Algérie par une grave maladie de sa mère, il fit la connaissance de Mme G... femme d'un ingénieur de la Compagnie du chemin de fer de l'Est algérien. L'intimité entre les deux familles était grande, mais, la réputation de Mme G... était si universellement établie qu'il ne vint à la pensée de personne d'en suspecter la nature. Or. Chambige. s'il faut l'en croire, aurait été pris d'une passion violente pour M" G... et serait parvenu à la lui faire partager. Celle-ci. placée entre son amour et ses devoirs de famille, aurait formé le projet d'abandonner son mari et ses enfants pour suivre Chambige. à la villa de Sîdi-Mabrouh, ci se livrer à son amant; puis, ce dernier la tua de deux coups de pistolet à la tempe: il essaya ensuite de se suicider, mais, ne parvint qu'à se blesser légèrement.
Je viens de relire très attentivement les débats du procès et la plaidoirie du regretté Me Durier, avocat de Chambige (1).
Je n'ai pas la prétention de faire une lumière complète sur les faits de la cause, dont plusieurs restent, et resteront sans doute toujours, enveloppés d'obscurité. Je voudrais seulement montrer
(1) Affaire Chambige. Plaidoirie de Me Durier. Paris, imp. Alcan-Levy, 1889.
ce que l'étal psychologique de la victime offrit île particulier dans cette affaire.
Et d'abord Mme G... était très hypnotisable. Son mari a déposé, à l'une des audiences de la Cour d'assises, qu'un jour, revenant d'une promenade à cheval, il avait trouvé dans le jardin de sa villa, sa femme hypnotisée devant une cuillère à café :
« Je lui frappai sur l'épaule. Elle demeura immobile, comme en « catalepsie. Elle eut alors comme un réveil brusque et s'écria : « Oh ! je ne suis pas. Il me semblait que j'étais complètement « endormie. N'y avait-il pas un objet brillant devant moi ? J'étais « comme un coq devant une raie.» In soir aussi, sous un réverbère, « nous rencontrâmes trois arabes. File eut une telle peur queje fus « littéralement obligé de la porter jusqu'à la maison. Elle ne pou-
vait ouvrir la bouche, ni marcher, ni crier. Je dus la déshabiller « complètement et elle ne reprit ses sens qu'une heure après. »
« Enfin, un autre incident du même genre se produisit, à une
s séance d'Atssaoïtas. Ma femme fut tellement impressionnée qu'elle ne put y rester plus d'un quart d'heure. Elle s'attendait a à être prise des mêmes balancements que les jongleurs. »
Le Président de la Cour d'assises : « Mme C... ne vous a-telle - pas fait connaître que le regard de Henri Chambigc la gênait?
« R. « Oui ! c'était un regard droit, mais papillotant et gênant. « Nous en avions fait la remarque, sans la moindre pensée de
s malveillance d'ailleurs » (I).
Chambigc a toujours soutenu que Mme G... et lui. animés d'uni-même et violente passion, avaient résolu de concert de se domicr run a l'autre, puis de se suicider ensuite. Ce serait donc sur la volonté formellement exprimée par son amante qu'il lui aurait lin-deux coups de revolver dans la tête. Elle aurait même voulu tenir le canon de l'arme, afin de l'appliquer à l'endroit convenable Après qu'il eut obéi à ses injonctions, il aurait tenté de se tuer lui-même: mais, de deux coups mal dirigés, l'un lui fit seulement une blessure à la joue, l'autre ne fit que lui roussir la barbe.
Ce système, que Me Durier devait soutenir avec beaucoup «le talent, ne fut pas admis par l'accusation. Selon elle. Chambigc, n'ayant pu faire partager son amour à Mme G... lui avait tendu un piège : il l'avait attirée, sous un prétexte plus ou moins plausible, à la villa de Sidi-Mabrouk. qui appartenait à sa famille; là. pai un moyen quelconque, qu'on n'a pu préciser : narcotique, hypnotisme ou autrement, il a abusé d'elle; puis, pour supprime.
(1) Le Temps, 11 nov. 1888, Journal des Délais. 10 nov. 1888.
tout danger de révélation, il a tué sa victime, eu arrangeant tout pour faire croire ù un suicide; quant à lui: il n'aurait jamais eu l'intention de se suicider et aurait organisé, en se tirant deux coups de revolver peu dangereux, la plus odieuse des comédies.
Dans l'audience du S novembre 1888. le Président dit à Chani-bige : « On a indiqué que vous auriez pu employer des mamru-« vres hypnotiques : L'instruction n'a rien trouvé qui confirme u cette hvpothèsc. Cependant vous aviez chez vous des livraisons « de la Revue philosophique traitant de l'hvpnotisir.e. a
L'accusé répond, avec beaucoup de sang-froid ; « M. Lascoux (1) « a remarqué justement que ces articles n'étaient pas coupes (2).
Il semble que la réponse ait paru péremptoire. car, on n'y a pas insisté- Pourtant, je ne saurais la juger telle. N'arrive-t-il pas souvent je l'ai fait moi-même plus d'une fois) qu'après avoir lu un livre ou un article intéressant, on veuille se le procurer et le posséder, précisément parce qu'on en a apprécié la valeur, et avec la pensée qu'on pourra désormais l'utiliser, si le besoin s'en fait sentir ?
Quoi qu'il en soit de ce point particulier, et tout en maintenant que Chambigc pouvait parfaitement être au courant des moyens, assez faciles et assez simples, qui permettent de faire une hvpno-tisalion.jc suis frappé du nombre et de la gravité des circonstances qui semblent indiquer que Mme G... n'était pas dans un état normal et en pleine possession d'elle-même, quand elle a accompagné l'accusé à la villa de Sidi-Mabrouk.
D'abord, la vie antérieure de Mme G... est absolument intacte, sur ce point l'opinion de tous ceux qui l'ont connue est unanime. C'était, on l'a dit, une des plus jolies femmes de l'Algérie, cependant, elle a toujours été une épouse fidèle, une mère irréprochable. Elle inspirait une telle confiance que, forcée de faire une longue absence, la mère de Chambige. Mme Ducamper, lui avait confié deux de ses petites filles. Si Mme G... avait, comme son mari d'ailleurs, témoigné à Chambige un affectueux intérêt, c'était uniquement en vue de rendre la tranquillité â un esprit inquiet, dévoyé, ayant perdu toute idée de religion et de morale, hanté de l'idée de suicide qui l'obsédait, peut-être par une sorte de fatalité héréditaire (son père, homme fort honorable d'ailleurs, s'était
{I) M. I.Lascoux. juge an tribunal de la Seine, avait, en vertu d'une commission rogatoire. fail des péri]uit.ittons dans l'appartement «ju.s Chambige occupait â Pari».
(2) Journal des Débats. 10 nov. 1888.
tue). « J'en vins, a dit de lui-même l'accusé, au mysticisme uni-if vcrsel- Ma seule intelligence avait dévoré en moi le charbon de « ma volonté. Plus f ai pensé, plus je me suis déséquilibré (1). -
On a invoqué des lettres et un télégramme adressés, de Cons-lantinc à Paris, par Mme G... à Chambige et qui révéleraient un amour partagé ; mais, de ces documents, les uns sont fort innocents, les autres sont d'une écriture que les experts déclarent n'être pas de la personne à qui on les attribue ; enfin, M. G... a expliqué lui-même l'envoi du télégramme; si cette dépèche avait été motivée par une intrigue amoureuse Mme G... s'en serait cachée et n'aurait pu vouloir, comme elle l'a fait, en faire figurer le prix, à sa date, sur son livre de dépense.
Kl quelle liberté d'esprit ne montre pas la victime, le 25 janvier 1888. dans les instants qui ont précédé le crime !
Le malin, à cinq heures et demie, Chambige avait accompagné à la gare, sa sœur Mme Y... qui retournait à Alger, et M. G... que son service y appelait également. Il avait annoncé, la veille, qu'il partirait, lui aussi, pour retourner à Paris. Mais, il déclare qu'il a changé d'idée et, en faisant ses adieux à sa sœur, il demande à M. G... l'autorisation d'aller prendre congé de sa femme.
Un peu après huit heures, il se présente à la villa G..., où on le reçut au salon, il en sort vers neuf heures et demie. Après la visite de Chambige, Mme G... fit déjeuner ses petites filles et partagea très gaiement leur repas. Puis, elle commença d'écrire à une de ses parentes une longue lettre, pleine d'aisance, de naturel, de simplicité, d'enjouement, qui dénote, à n'en pas douter, l'esprit le plus libre, le plus calme, le plus éloigné de toute conception douloureuse, de toute résolution désespérée (2).
Cette lettre est demeurée inachevée. Mme G... envoie ensuite la femme de chambre promener les enfants, auxquels elle ne fait point d'adieux, et elle sort pour faire des visites. Vers deux heures, quelques minutes avant de rentrer chez elle, elle rencontre des personnes amies et leur parle avec beaucoup d'animation et de naturel. M. Hougier, inspecteur au chemin de fer, dépose : ce J'ai « rencontré Mme G... entre une heure etdemie et deux heures ; j'ac-« compagnais, avec ma femme, une autre dame au chemin de fer. s Ces dames ont causé environ quinze minutes. Mme G... avait « l'air le plus naturel. Elle dit à ma femme : « Quel est votre
(1) Journal des Débats. 7 nov. 1888.
(2) Voy. celle lellre d'une importance considerable, dan» le Journal des Débats, 11 nov. 1888.
«jour? j'irai vous voir vendredi. « Elle ms pou su il assurément « pas. ajoute le témoin, mourir quelques heures après! »
A deux heures et demie. Mme Daujon. femme d'un ingénieur des ponts et chaussées, se promenant en voilure, passe devant la villa G... Mme G... était à sa fenêtre ; elle lui (il signe de la main et lui dit : « Montez, nous ferons un tour dans les pins. » Mme Daujon répondit qu'elle ne pouvait pas (1).
Tous ces faits peuvent-ils s'accorder avec l'hypothèse que. durant cette journée fatale du 25 janvier. Mme G... projetait d'abandonner son mari, ses enfants, de se livrer à Chambige et de se suicider avec lui?
Maintenant que devons-nous penser des faits qui ont suivi et que nous ne connaissons guère, au moins pour les plus essentiels, que par la version de Chambige?
Il nous parait que l'on doit écarter la pensée d'un narcotique, administré à Mme G... eu vue de lui rendre tonte résistance impossible : on n'a pu établir d'aucune façon que l'accusé en ait eu à sa disposition.
Je serais beaucoup moins aflirmatif. quant à moi. pour la question de suggestion, tout en reconnaissant que les faits de la cause ne permettent d'apporlcr aucune preuve décisive. Et ici. il faut s'entendre. Je ne prétends pas que Chambige ait, de propos délibéré, pratiqué les manœuvres d'une hypnolisation en règle, mais, voici comment je conçois que les choses ont pu se passer.
Chambige aime Mme G..., ceci est certain. Qu'il le lui ait depuis longtemps avoué, c'est ce qui reste douteux, malgré ses allirmations. Qu'elle ait partagé sa passion, je n'en suis nullement convaincu. Je serais plutôt tenté de croire que. avec une bonté de femme sûre d'elle-méme, elle a pris en grande pitié cet esprit, distingué par quelques côtés, mais affolé pas un abus constant de l'analyse, un perpétuel repliement sur soi-mèuir. une conception pessimiste des choses, enlin. par des idées de suicide. C'est dans cette disposition, je le suppose, qu'elle reçoit Chambige. le matin du 25 janvier. Or, ne l'oublions pas, elle est très hypnolisable, un objet brillant l'a plusieurs-fois fuit tomber en somnambulisme; évidemment, clic est très suggesliùle à l'état de veille et, peut-être, comme chez, plus d'un sujet que je pourrais nommer, la transition de l'êtat normal à l'état second est insensible. Donc, elle écoule son dangereux visiteur ; celui-ci lui parle
(1) Déposition deMme Daujon. Journal des Débatx, 11 nov. 1888.
de son amour, lui .lit qu'il veut la fuir, lui laisse entrevoir qu'il ne pourra survivre à la séparation. Elle l'écoute avec l'inilulgencc qu'on accortle à un pauvre être soutirant, maladif, dont les douleurs nous touchent: elle le regarde avec compassion d'abord, avec terreur ensuite, quand il parle de sa mort prochaine. Les yeux « papillotants s de son interlocuteur la fascinent : elle perd sa conscience normale, elle tombe en condition seconde, et. dans cet étal, il lui est impossible de résisterai! projet d'enlèvement et. éventuellement, de suicide a deux dont Chambige a conçu l'idée. Mais celui-ci est parti : il s'est rendu a Constautiiie pour essayer de se procurer les 10.0110 fr. dont il croit avoir besoin, pour enlever Mme G... : pendant ce temps, la pauvre femme restée a la campagne, recouvre toute sn présence d'esprit : elle s'occupe de ses Mlles, les Tait déjeuner, mange gaiement avec elles, se rend ensuite à la ville et fait des visites : elle a. avec les amis qu'elle rencontre, «les conversations semblables à celles des autres jours... A deux heures et demie, une amie passe en voiture sous ses fenêtres et elle lui fait sigue. elle t'engage à entrer. Est-ce la l'attitude d'une femme qui attend l'homme avec qui elle a projeté de s'enfuir.' Mais cette amie pourrait re-ler un certain temps se trouver encore là quand l'amr.nt reviendrait cl luire manquer le projet de fuite !
Tout cela est évident.
Chambige n'a pu se procurer les 10,000 fr. qu'il aurait désiré emprunter sur l'heure : il a acheté un revolver cl des cartouche» et a rejoint Mme G... à la villa. Si notre hypothèse est exacte, il la l'ail, volontairement OU non. retom ber en condition seconde; et alors elle n'est plus la même personne, elle a oublié mari, enfants, famille, situatiou sociale, devoirs, etc Tout cela n'existe plus pour elle. Elle ne voit plus que Chambige. n'entend plus que lui, ne voit que par ses yeux, ne pense que par son cerveau, n'agit qu'en vertu de son impulsion. Celui-ci. sans croire même faire une suggestion formelle et intentionnelle j'irai jusque-là, au risque de provoquer bien «les sourires . n'a plus qu une pensée ; posséder cette femme, pour laquelle il se meurt d'amour, et ne pouvant être heureux avec elle sur cette terre, l'entraîner avec lui dans la mort.
El Mme G... sort presque aussitôt avec lui : les domestiques lui ont trouvé l'air calme et sa sortie ne les étonne nullement; en voiture, Chambige et elle 'n se partent pas ; elle arrive à la villa de Sidi-Mabrouk. elle entend son compagnon dire au cocher « qu'il attendra peut-être longtemps - : elle l'entend fermer la
porte à l'intérieur, mais, que lui importe ! Ou plutôt, si elle est en condition seconde, elle n'a nu eu ne perception de ces bruils. occupée qu'elle est tout entière par l'idée fixe qu'on lui a suggérée ! Et le drame se déroule à peu près comme Chambige l'a raconté. Celui-ci la possède peut-être en lui disant : « Ton mari, ton vrai mari, c'est moi ! » et toutes les folies que la passion peut inspirer, puis il la tue et tente de se tuer lui-même. Il semble bien avoir voulu le faire sérieusement, car. la balle passe à un millimètre de l'artère carotide, et. si elle l'avait atteinte, c'était la mort certaine. El alors bien des choses s'expliquent, qui. autrement, restent, et resteront toujours, incompréhensibles. Tels sont : la sérénité, l'enjouement, le naturel qu'a montrés Mme Cependant la funéste journée du 25 janvier : son attitude avec ses enfants, qu'elle aurait quittés pour toujours sciemment, sans un mot, sons une caresse, sans un baiser suprêmes ! celle lettre commencée, qu'elle écrit à une parente et où il est question de sa petite « Nanette. qui fait ses devoirs toute seule, qui est tou-i jours bien sage ; son écriture est bien mauvaise, cela me « navre... j'etpère que demain '(1) je pourrai la décider a l'écrire...» et mille détails familiers qui suivent, et que personne au monde ne pourrait exprimer avec celte aisance, au moment même d'une résolution aussi tragique que celle qu'il faudrait lui attribuer!
Enfin, comment comprendre autrement, que Mme G... ait pu vouloir mourir dans l'état de nudité où l'on a trouvé son cadavre, elle, une femme, jusque-là. si pure, si honorée, si respectée ! Une prostituée même voudrait mourir, au moins avec décence, et Mme G... ne l'aurait pas voulu !
Je crois donc, pour me résumer, que la victime de Chambigc était, quand elle l'a suivi, dans un état hypnotique, véritable condition seconde, qui lui enlevait toute possibilité de résistance, cl qu'ainsi elle ne peut être considérée comme étant, à aucun degré, responsable des actes qu'elle a accomplis ou subis dans cet état !
Pauvre femme ! Et dire qu'il eût sans doute suffi d'une ou plusieurs hypnntisations. avec suggestions appropriées, pour la rendre insuggestible, même a l'êtat de veille, et éviter ainsi l'effroyable catastrophe qui lui a coûté la vie. et qui a détruit le bonheur et le repos de son infortuné mari et de ses petits enfants !...
(1) Demain » c'est le jour où clic mourra.
Les phobies neurasthéniques envisagées au point de vue du service militaire.
Par M. le Dr BiaiLLox Médecin inspecteur adjoint des asiles publics d'aliénés de la Seine.
Depuis quelques années, divers travaux dus â des médecins militaires ont appelé l'attention sur la fréquence de l'hystérie dans tes diverses armées européennes. En ISSli, le I)r Oscretzkowsky (1;. dans une étude très complète, basée sur onze observations recueillies à l'hôpital militaire de Moscou, faisait ressortir l'importance pratique que la connaissance de l'hystérie mâle peut avoir pour le médecin militaire. Presque simultanément, M. le Dr Dupon-chel (2) publiait dans la Revue de médecine un mémoire dans lequel il démontrait le rôle considérable joué par l'hystérie dans la nosologie générale de l'armée.
Depuis lors, de nouveaux faits, parmi lesquels nous signalerons ceux qui ont été recueillis par Charcot et par Grasset (3% sont venus prouver que l'hystérie peut se rencontrer sous toutes ses formes chez les jeunes soldats et devenir un motif légitime d'exemption et de réforme.
Les questions de jurisprudence militaire soulevées par la constatation de l'hystérie mâle nous paraissent actuellement devoir être étendues à la neurasthénie.
En effet, la neurasthénie ou maladie de lîeard, dont les monographies de Bouveret et de Levillain nous ont donné une connaissance si précise, se rencontre au moins aussi fréquemment dans l'armée que l'hystérie et elle mérite, par conséquent, d'attirer au même titre l'attention des médecins militaires.
En 1890, nous avons publié dans la Revue de Chypnotisme (4) une observation très caractéristique de neurasthénie chez un officier. M. F..., âgé de 40 ans, commandant d'état-major, chargé de travaux importants relatifs à la mobilisation, s'était imposé un surmenage intellectuel intense. Sous l'influence de ses préoecu-
(1) OsrtETZKOWSKT : Quelques ras d'hystérie dans les troupes russes. [Archives de Neurologie.}
(2) DUPONCHEL : L'hvslcric dans l'armée. (Revue de médecine, 10 juin 1886, n° 6, p. 517.)
(3) GaassiT : Quelques cas d'hystérie màlo cl de neurasthénie. {Montpellier médical, 2« série, t. XVIII. 1891.)
(5) îii RM i on : Neurasthénie grave traitée avec succès par la suggestion hypnotique Revue de l'hypnotisme, t. IV, p. 337, 1890.)
pations. il était arrîvé à présenter à un tel degré les manifesta-lions physiques et psvehiques de la neurasthénie. qu il eût été dans la nécessité d'interrompre une brillante carrière, si les symptômes dont il souffrait n'avaient cédé au traitement psychothérapique.
Plus récemment. M. le D' Albert Lévy (I), médccin-inajor. donnait dans la Gazette des hôpitaux la relation d'un cas singulier de neurasthénie viscérale chez un colonel âgé de 56 ans. Comme le faisait remarquer le Dr Lévy, la neurasthénie. « maladie d'otlicier plutôt que île soldat, affecte de la prédilection pour les plus intelligents, les plus travailleurs, tes plus ambitieux. »
Mais, s'il est vrai que la neurasthénie semble frapper de préférence les officiers. elle se manifeste aussi fréquemment dans une catégorie de jeunes soldats, celle qui se recrute parmi les jeunes gens qui se destinent aux professions libérales.
Comme l'hystérie mâle, la neurasthénie se présente sous les aspects les plus variés : et si. dans la plupart des cas, il est facile d'établir le diagnostic par la constatation des troubles fonctionnels, qui par leur constance ont mérité la qualification de stigmates de lu neurasthénie, il en est d'autres d'une analyse plus délicate et bien faits pour mettre à l'épreuve la sagacité du médecin le plus compétent cl le plus exercé. Nous voulons parler de ces symptômes d'ordre purement subjectif, désignés par Beard sous le nom de phobies, et par lîouveret sous celui d'états danxiété neurasthénique.
Ce qui augmente la difficulté du diagnostic, c'est que l'état des malades n'est pas toujours révélé par leur aspect extéricur.commc le faisait déjà remarquer Du poncho) à propos de l'hystérie mile-La névrose se rencontre chez des hommes de constitution vigoureuse et d'aspect absolument viril, lîouveret insiste sur le môme fait, et à l'appui rapporte cette remarque d'un de ses confrères qui lui disait avec étonnement : « Tous vos malades sont de vrais géants ». Il est. en effet, certain que l'épuisement nerveux le plus accentué peut coïncider avec des apparences phvsiques trompeuses. Ajoutez à cela que si beaucoup de neurasthéniques se montrent prolixes dans la description de leurs souffrances, par contre, il en est un assez grand nombre qui s'ingénient A dissimuler leur état d'anxiété. Le type le plus fréquent de ces états est
(I) A. l.£vir : Un cas singulier de ncurasllit-nic vîsctrjlis. [Gazelle des kùpitaus, n" 69. p. 66». 1893.)
l'agoraphobie, dont Wcstphal 'il a donné le premier la description suivante :
•r Les malades sont pris d'un sentiment d'angoisse ou de crainte lorsqu'ils traversent une place, une église, un endroit désert ou rempli par la foule, ils deviennent incapables de remuer les membres, de détacher les pieds du sol. et celle impuissance lient plus a une disposition naturelle qu'à une incapacité physique; c'est surtout la uuil. quand les rues sont désertes et les boutiques fermées, que l'agoraphobie se manifeste le plus bellement et, chose curieuse, il suffit du voisinage de quelqu'un ou de la compagnie d'une canne pour que ce phénomène s'oblienne ou disparaisse. s
Une observation d'agoraphobie devenue classique est celle que Legrand du Saulle 2, publiait, en 1878, dans les Annales métftco-psyc/totogt'uucs. Kllc concernait justement un lieutenant d'infanterie qui. lorsqu'il était en habit bourgeois, se sentait défaillir cl était pris d'une angoisse indéfinissable lorsqu'il s'agissait de traverser une grande place, tandis que soit à cheval, soit en uniforme et lo sabre au coté, il pouvait impunément parcourir la même voie. Pendant trois ans. cet oflicicr put dissimuler ses angoisses, mais un jour il l'éprouva dans la grande cour de la caserne el. comme soit attitude donnait lieu aux plus désobligeantes suppositions et qu'on lui avait déjà fait plusieurs fois de très sots compliments, il se dit malade, menacé gravement d'apoplexie et sollicita de longs congés, puis sa mise en retraite d'emploi pour infirmité temporaire (3i. Les variétés de phobies sont innombrables: une tic celles qu'on rencontre parfois esl la mono-phobie ou la peur de la solitude. Bouveret [4) en cite un cas intéressant. Un de ses malades, jeune oflicicr fort intelligent, ayant donne des preuves de bravoure, ne peut rester seul pendant la uuil et oblige son ordonnance à coucher dans sa chambre.
Lorsqu'il s'agit d un oflicicr atteint de neurasthénie, il lui est encore possible de sortir, par la demande de congé ou par la démission, d'une situation intolérable: il n'en esl pas de même
(1) Wkstphai. : 1° Die agoraphobie, eine neuropatixchc Erscheinung. 2° Naehlag zu dern Aufstzeuber « Agoraphobie » (Archiv fur Psychiatrie und nervenkran-kheiten. III Baad. 2 Heft. 1872.
(2) legrand du saulle Etude clinique sur ta peur des espaces. Paris. 1878.
(3) Après quelques mois de traitement, cet officier a pu rentrer dans l'armée et reprendre son service.
(4) Bouveret : La Neurasthénie, p 92, Paris. 1891.
pour un soldat. Les trois observations suivantes montrent quelles aggravations â leur état peuvent résulter, pour «les sujets atteints de phobies neurasthéniques, de certaines obligations du service militaire. Les malades qui en font l'objet ont été longuement observés par nous et ce n'est pas sans nous être rendu compte de l'importance de ces faits au point de vue de la jurisprudence militaire que nous nous sommes décidés à les publier.
Observation I. — M. l'aul C... âgé de 25 ans. étudiant en droit. vient me trouver le 1er mai 1892 pour dei troubles nerveux qui ont débuté pendant son volontariat. Les premiers mois qui suivirent son arrivée au régiment, il se porta très bien. Ayant jusqu'alors mené une vie très sédentaire, il se trouvait fort bien des exercices physiques auxquels il était soumis. Il s'accommodait de la discipline, ayant l'esprit naturellement fort docile.
Mais un jour, étant allé à la gymnastique, on lui commanda de traverser le portique. Il fut pris d'une appréhension extrême et n'arriva à exécuter cet exercice qu'après beaucoup d'excitations, et en se mettant à cheval sur la poutre. Depuis lors, l'idée de passer sur le portique le préoccupa, cl lorsqu'il fut de nouveau soumis â l'obligation de recommencer, une telle angoisse le saisit qu'il demanda à son lieutenant de l'en dispenser. C'est alors que commencèrent pour lui une série de tribulations dont il ne se souvient qu'avec un sentiment d anxiété très pénible. Bien qu'il eût été jusqu'alors très bien noté, se pliant avec zèle et docilité à toutes les exigences du service militaire, sa requête fnl repoussée. On lui imposa l'obligation de traverser le portique debout, mettant sa pâleur, ses vertiges et ses angoisses sur le compte de la poltronnerie.
Il fut même en butte â une véritable persécution de la part d'uu de ses supérieurs, â tel point qu'il sentît naître dans son esprit l'idée de déserter pour échap-per au supplice du portique.
Un jour, qu'on l'avait contraint de s'aventurer sur la poutre horirontale. dès qu'il eut fait un ou deux pas, l'intensité de l'accès vertigineux fut telle que sa vue se troubla, l'équilibre Gl défaut, et îl tomba d'une hauteur de quatre mètres, la tète la première. 11 fut gravement contusionné et resta quelques semaines à l'hôpital.
Le seul souvenir de cet événemeut suffit pour réveiller son angoisse.
Depuis lors, l'étal d'anxîété s'est accentué et une véritable agoraphobie s'en constituée.
Actuellement, surnuméraire dan» une grande administration, il remplit ses fonctions à la satisfaction de ses chefs, méritaul par sou assiduité, son zèle, son exactitude d'être considéré comme un employé modèle. Il manie de grosses sommes d'argent sans qu'aucune erreur se trouve jamais dans sa comptabilité. Tant qu'il est à son bureau, il n'éprouve aucune sensation pénible, mais lorsqu'il s'agit pour lui de traverser seul une place, uue rue et surtout un pont, il se sent pris d'une anxiété fort pénible, il a peurde perdre connaissance, étant en proie à une angoisse mortelle. Aussi il ne sort qu'accompagné par une personne attachée â son service et à laquelle îl donne le bras. En marchant dans la rue. il pousse constamment celle personne contre les maisons.
Comme on s'est moqué de lui chaque fois qu'il s'est plaint de ces sensations, ¡1 y a longtemps qu'il u en parle plus à personne.
Ce malade est franchement neurasthénique. il a de la dilatation d'estomac, des borborygme». L'influence héréditaire est très marquée; son père est lui-même neurasthénique hypocondriaque, sa mère est morte d'une paraplégie; il a une sceur qui présente des symptôme» hystériques.
Le malade n'est pas libéré du service militaire. Il a encore à accomplir quelque périodes d'instruction et il n envisage pas sans terreur le retour de cette obligation.
Diverses démarches ont été faites pour lui assurer la bienveillance de ses supérieurs et il y a lien de croire qu'il sera désormais dispensé des exercices capables d'exaspérer à un trop haut point sa sensibilité nerveuse.
Obs. II. — M. C... âgé de 21 ans. étant en 1885. élève dans un lycée de province, après avoir entendu une conversation relative aux rapports sexuels, se sentit envahir par des scrupules relatifs à cette question. Sur ces entrefaites, il tombe malade et on lui prescrit un régime spécial à l'infirmerie. Là il est servi par une infirmière très âgée, et malgré cela il ressent l'appréhension d'éprouver à l'égard de cette personne une envie sexuelle. Tout en se rendant compte de ce que cette idée avait d'illogique, il n'en fut pas moins très impressionné, à ce point que lorsqu'il se trouvait en présence de cette femme, il balbutiait, rougissait, se troublait, n'osait la regarder en face. Cette obsession se généralisa et à un moment donné il ne pouvait se trouver en présence d'un de ses camarades, d'une personne de sa famille et surtout d'une femme, sans crainte qu'on ne put lire dans ses yeux qu'il était hanté de désirs sexuels.
Ayant passé avec succès ses baccalauréats, il prit ses premières inscriptions à la Faculté de médecine. Quand il eut à passer ses examens, il se fit refuser, bien qu'ayant beaucoup travaillé, parce qu'il perdit contenance devant les examinateur», S'étaut imaginé qu'uu des juges le regardait avec insistance, il baissa les yeux, se mit à rougir, répondit d'une voix étranglée, à tel point qu'après l'examen les assistants lui demandèrent pourquoi il s'était troublé de la sorte. Humilie, il n'osa plus remettre les pieds à l'Ecole de médecine et se lit inscrire à l'Ecole de droit. L'époque du volontariat arrivait. Doué d'une robuste constitution, il fut reconnu bon pour le service. Il invoqua sa timidité : on lui répoudit que cela se passerait au régiment. Il en eut l'espoir et dans les premiers jours il s'appliqua à dominer ses appréhensions. Etant légèrement myope, il brouillait les verres de ses lunettes avec de la buée pour ne pas voir ses supérieurs et surtout pour qu'ils ne vissent pas ses yeux. Ce procédé ne suffisant pas. il porta des verres de myope n° 4. L'oculiste lui fit observer qu'ils étaient trop forts pour lui et qu'il s'exposait à un décollement de la rétine; il répondit : • J'en ai besoin pour la cible, s Avec ces verres-là, il ne distinguait plus les yeux de ceux qui lui parlaient, mais il s'exposait à commettre certaines bévues sur le chapitre desquelles on ne badine pas au régiment et il se lit punir. Pour se soustraire à ses angoisses et à ses ennuis, il eut successivement l'idée de se suicider, de se couper le poignet, et de déserter, niais il était retenu par des idées religieuses. Un jour, pendant une halte, une rantinière passa ; il n'avait jamais ba d'alcool, un camarade le voyant déprimé, lui en offrit un peu, il accepta, s'en trouva bien, et dès lors s'adonna à l'abus des liqueurs fortes an point de devenir complètement alcoolique. Son volontariat lui coûta fort cher. Il avait compris la nécessité de se concilier la bienveillance des gradés avec lesquels il était immédiatement en contact et son service militaire s'accomplissait tant bien que mal lorsque la période des exercices de gymnastique arriva.
Une première fois, malgré les vertiges, il parvint â passer à cheval sur le portique. Mais lorsqu'il fut dans l'obligation de traverser debout, l'anxiété fut telle qu il refusa de le faire. Le lieutenant intervint; il dut se risquer. Il était dune telle pâleur, titubant comme un homme ivre, que sa chute était prévue. L'n de ses camarades, très robuste, le suivait des yeux. Dès qu'il le vit pcndier, il s'approcha et le reçut dans ses bras. C... était tombé comme une masse inerte, ayant perdu connaissance.
Chaque fois que l'exercice de la gymnastique revenait, il était repris des mêmes angoisses et relusait démonter sur le portique. Il cul de ce fait 38 jours de salle de police. On ne pouvait tirer autre chose de lui que ces paroles : « J'aime mieux être puni que de me casser la tète ». A la fin. il n'arrivait plus à la gymnastique dans s'être remonté par l'ingestion d'une forte dose d'alcool. Il n'était pas le seul dans ces conditions; dans sa compagnie, il y avait un paysan qui restait une demi-heure à genoux avant de passer, priant, invoquant la Vierge cl les Saints.
C... vit arriver sa libération du service mUilaire comme une délivrance N'ayant plus de services à attendre de l'alcool, il ssen déshabitua promptement. Actuelle-ment, il continue son droit : ses états d'angoisse ne l'ont pas abandonné. Il souffre presque uniquement de l'impossibilité de regarder quelqu'un en face. Il est le premier à trouver celte angoisse incompréhensible. « D'où vient, ra'écrivait-il. que le regard «les autres me trouble et me fascine? • Sa phobie est bien caractérisée par la peur qu'on ne lise dans ses yeux des sentiments qu'il n'a pas en réalité, car ayant appris qu'une jeune dame est douée d'une vue excessivement courte, il n'éprouve aucune difficulté à loi parler.
Chez ce malade, l'iuftucuce héréditaire est très manifeste. Son père est un homme irritable, de relations difficiles Uu de ses oncles paternel est un original ayant des idées de persécution et vivant enfermé seul chez lui depuis trente ans.
En ce qui concerne M. C... nous devons nous empresser de le reconnaître, la tache des médecins militaires, s'il n'avait eu à leur égard une défiance invincible, enl été particulièrement difficile. Comment supposer, à la seule inspection de son excellent étal physique, qu'on se trouve en présence d'un être aussi profondément déséquilibré Eu effet, chef ce malade, les troubles cérébraux de la neurasthénie acquièrent, dans certaines conditions, un tel degré d'intensité, qu'ils conGncnt à l'aliénation mentale.
Malgré leur gravité. M. C... serait cependant parvenu à les concilier avec les exigences du régiment si l'agoraphobie provoquée et entretenue par l'exercice du portique de gymnastique n'était venue lui rendre la vie militaire absolument intolérable.
En ce qui concerne les aptitudes professionnelles, la phobie particulière dont il est atteint, c'est-à-dire la peur de regarder les gens en face, eu fait un être â |».u près incapable d'exercer une profession quelconque. II croit cependant qu'il lui serait possible d'être médecin dans une campagne retirée, ayant remarqué qu'il n'éprouvait pas la même angoisse lorsqu'il se trouve eu relation avec des per-sonnes peu lettrées, des paysans. C'est ce qui va probablement le déterminer à reprendre ses études de médecine, car. noas ne devons pas l'oublier, les facultés intellectuelles de M. C... sont intactes. Sur tout autre sujet que sa phobie, il raisonne juste. Il peut même passer pour un homme d'une moralité presque exemplaire, puisque protestant rigide, très pratiquant, il met sa conduite en rapport avec ses idées religieuses.
S'il se livre parfois à l'onanisme, c'est qu'il trouve cela plus moral que d'avoir des relations avec une femme en dehors de l'état de mariage.
Observation III. — M. M.... négociant, âgé de 37 ans. m'est adressé le l'rjuin 1892 par le Dr l.evillain. Voici les renseignements qu'il nous donne sur son singulier état psychologique. Il accuse de bons antécédents héréditaires, ne connaissant dans sa famille qu'un cousin maternel qui ait présenté des troubles nerveux. Ce parent éprouvait uu sentiment de crainte, lorsqu'il était dans la nécessité de traverser les places...
Jusqu'à l'âge de vingt ans. M. M... s'est bien porté. Il a fait son volontariat d'un an sans éprouver aucun malaise. Devenu voyageur de commerce, il se trouva incommodé par une diarrhée chronique qui l'obligeait à aller à la garde-robe de 10 à 13 foi» par jour. Cette maladie le gênait beaucoup et lui faisait appréhender les vovages eu chemin de fer. Pendant dix-huit mois il suivit divers traitements sans succès : puis la guérison étant survenue, il remarqua, non sans ennui, qu'il avait conservé les inquiétudes que la maladie avait fait uailre. Aiusi. à l'idée de l'embarras dans lequel il se trouverait si un besoin intempestif le surprenait, soit en chemin de fer. soit à une certaine distance de chez, lui, il éprouvait une sensation d'anxiété assez pénible, l'n jour, étant arrivé à une centaine de pas de sa demeure, la sensation d'anxiété fut si forte qu'il se trouva dans l'impossibilité de continuer sa roule. Malgré ses efforts pour dominer celte émoliou. il ne put y parvenir el dut revenir sur ses pas. Depuis ce moment, c'est-à-dire depuis sept ans, il n'a pas quitté le
quartier qu'il habite. Il circule, vil dans un espace de deux cents mètres de ra von tout au plus. Il y a adopté un café, un restaurant, s'y est rréé des relations, des muyens d'existence très honorables. A chaque ¡oslan! il rot sollicité par des ainis à sortir du cercle daus lequel sa phobie l'a enfermé : ses attires l'appellent à-s'en éloigner. Rien n'a jamais pu le dérider à le faire. Lorsque quelqu'un insiste trop pour l'emmener, il parall s'y décider, mais arrivé - l'eudroit ou la crise d'auxièté éclate, il s'arrête brusquement et imagine an prétexte plausible pour ne pas aller plus loin. Si ce prétexte n'est pas jugé valable, il en trouve un autre et cela indéfiniment jusqu'à ce qu'il ait lassé la patients de celui qni veut le décider à l'accompagner. Une des manifestations les pins caractéristiques de son étal, c'est la fertilité de son imagination lorsqu'il s'agit de dissimuler la cause réelle de sa sédeuti-rité forcée. Dans la vie ordinaire, il est extrêmement loyal et courtois: pour éviter l'anxiété qu'il éprouve au moment de traverser une rue qu'il ne coanait pas. il ne recule devant aucun mensonge ni aucune incorrection.
Lorsqu'il fut appelé à faire comme réserviste sa première période de vingt-huit jours d'exercices militaires, il put encore s'acquitter assez facilement de sou service; mais, à la seconde période, l'agoraphobie était constituée.
A force de diplomatie el de souplesse, eu s'astreignant à un travail extraordinaire dans les bureaux, en m mettant en frais considérables de géuérosité. il parvint à se soustraire à tous les services qui nécessitaient une sortie de la caserue.
Lorsque la convocation pour la période de 13 jours comme soldat de l'armée territoriale arriva, ses accès d'anxiété s'étaient accentués. L'effort pour rejoindre son corps fui très pénible. Prévoyant les difficultés qui l'attendaient, il s'était muni d'une somme respectable et de recommandations de toutes sortes. Cette fois-ci encore, grâce à son ingéniosité, grâce surtout aux services qu'il s'appliquait à rendre eu travaillant aux écritures, il parvint à éviter tous les services el même se lit dispenser de la revue d'intendant a laquelle ¡I est fort difficile de se soustraire. A la lin période, il était à bout de forces.
En cas de mobilisation, il doit se trouver â la gare du Nord à sept heures du malin. A une question que nous lui posions à ce sujet, il nous a répondu : s Je vous garantis queje n'y serai pas. D'ailleurs ¡I neme serait pas possible de voyager en chemin de fer s. En effet, il réalise au plus haut drg.-é le type de l'agoraphobe tel qu'il a été décrit par Weslpbil ; il joint à la peur des espaces, la peur de la foule et il n'est pas plus â son aise dans une rue qu'il ne rouaait pas que dans un endroit clos tel qu'un compartiment de chemin de fer ou un omnibus. Dans les premiers temps de sa maladie, quand il voyageait encore, nul ne saurait dépeindre tout ce que son esprit ingénieux lui suggérait pour arriver à rester seul en possession d'un compartiment de première classe, l'a jour, tous les compartiments étant bondés, il trouva moven. au moment où le train se mettait en marche, de sauter dans le wagon des bagages. Il y lit un long trajet, s'étant â grand prix assuré la complaisance du conducteur du train.
Comme l'agoraphobie n'a pas diminué chez lui la vivacité de l'intelligence, il a tenujroniple de l'influence que sa maladie exerçait : sur ses aptitudes professionnelles. Il a renoncé à la profession de voyageur de commerce cl ses! créé une situation sédentaire compatible avec son état.
On peut dire de lui que. lorsque rien ne le sollicite à s'éloigner dn quartier où il se trouve cantonné por ses angoisses, il jouit de la plénitude de ses facultés. L'émotivité. le désordre mental u'apparaissent que lorsqu'il est expoté â s'aventurer dans une rue qu'il ne parcourt pas habituellement. Devenu associé d'une importante maison de commerce située dans son quartier de prédilection, il a choisi la pari qui convient le mieux à ses aptitudes. Là. comme ailleurs, il s'astreint volontiers à une besogne considérable pourvu quelle ne contribue pas â réveiller l'anxiété tant redoutée.
Par contre, il esl incapable de rendre aucun service en dehors des limites tracées par sa phobie. Aux yeux de tous ceux qui le connaissent, et qui ignore ut les motifs qui lui inspirent sa conduite, ils passe pour un parfait original.
Deux personnes - ont seules l'explication de ses allures incompréhensibles. M. le docteur Lrrillain et moi. Il n'a jamais osé faire part de ses émotions à aucun médecin militaire dans la crainte d'être signalé comme un carottier et par suite mis en demeure d'exécuter les sorties pour lesquelles il éprouve tant d'appréhension.
Nous avons eu l'occasion d'observer un quatrième sujet chez. lequel l'anxiété neurasthénique s'était manifesté! dans les circonstances suivantes : Alsacien, incorporé dans l'armée allemande, il s'était trouvé, à maintes reprises, au cours dos manœuvres, dans l'obligation de passer sur une planche jetée en travers d'un étroit cours d'eau. Rien n'avait pu le dérider à le faire. Toutes les fois qu'il se trouvait dans le même cas. il préférait se jeter résolument à l'eau, ce qui lui avait valu de nombreuses punitions. A la fin. lassé des vexations sans nombre que lui valaient ses anxiétés, il avait déserté.
Dans la cavalerie, les phobies affectent un caractère différent. Les officiers instructeurs constatent assez fréquemment chez de jeunes recrues une appréhension du cheval portée au plus haut degré. II en est chez lesquels ni les menaces, ni les punitions, ni la persuasion n'arrivent à vaincre cette appréhension. Dès qu'ils son) en selle, on les voit osciller. Leur pâleur, leurs tremblements, leurs cris d'effroi et surtout leurs chutes témoignent assez de l'intensité de leur état d'anxiété. Dans un certain nombre de cas. il s'agit d'une véritable phobie neurasthénique qui justifie le transfert du soldat dans l'infanterie.
Lorsque les phobies acquièrent une telle intensité qu'elles poussent les neurasthéniques à des résolutions extrêmes, on serait porté à les considérer comme des manifestations de la folie avec conscience. La qualification d'aliénés ne me parait rependant nullement convenir à ces malades, malgré le earaetère souvent héréditaire de lenr affection. Il est difficile de considérer comme un symptôme d'aliénation mentale des sensations normales et qui ne sont accompagnées ni de dépression mélancolique, ni d'actes déraisonnables, ni d'impulsions irrésistibles ; à moins de considérer comme une impulsion en sens contraire la répulsion qu'ils manifestent pour l'accomplissement de tel ou tel acte déterminé. Il n'est, d'ailleurs, jamais venu à personne l'idée de demauder l'inleruement de ces malade» dans des asiles d'aliénés.
Nous n'insisterons pas dans celle communication sur les conséquences légales que peut entraîner, au point de vue de la mise à la retraite, de la réforme de la mise eu disponibilité temporaire, la constatation des stigmates physiques ou psychiques de la neurasthénie. Nous voulons seulement, dès â présent, attirer l'attention de nos confrères militaires sur ces symptômes morhides qui méritent d'appeler leur attention, Les considérations médico-légales de celte étude feront l'objet d'une prochaine communication.
RECUEIL DE FAITS
Vomissements incoercibles chez une femme enceinte de 4 mois traités par suggestion. — Guèrison.
Par M. le Dr ChoTeau.
Dans le courant du mois de juillet 1890 j'étais appelé auprès d'une femme demeurant au village voisin du mien. Il s'agissait d'une femme
atteinte de vomissements répétés. J'interrogeai sur ses antécédents : 25 ans : premières règles. 18 ans ; enceinte de 4 mois ; pas de maladies antérieures.
Elle eontmença t vomir dès le début de sa grossesse, pas d'autres particularités. Des le 4e mois de grossesse, augmentation des vomissements, les matières expectorées contiennent du sang en grande abondance, la malade s'épuise notablement.
On appelle un confrère qui administre élber, chloroforme à l'intérieur: la situation ne s'améliore pas. Je suis uppelé à ce moment, voici ce que je constate : la femme arrivée à un grnud degré d'épuisement, peau terreuse, yeux excavés. pouls 120 pulsations par minute, température 38°, urine rare, pas d'albumine, l'ingestion, même la vue
d'une parcelle d'aliments ou d'un peu d'eau, provoquent dos vomissements douloureux, sanguinolents. Pas de délire ni de coma. Du côté de l'utérus et des annexes je ne constate rien d'anormal.
Je prescris : pulvérisation, éther sur région stomacale, révulsion à l'intérieur, potion fortement cocaînée, chloral. bromure.
Je la vois le lendemain, aucune amélioration ; l'état va s'aggra-vant.
A bout de ressources et avant d'en arriver aux moyens extrêmes (dilatation du col, etc), j'eus l'idée d'emplover la suggestion. A mon grand étonnement je l'endormis très aisément par la pression bi-ocu-laire et lui suggérai pendant son sommeil l'idée de guérison, je lui défendis de vomir et lui ordonnai de boire et de manger û son réveil.
L'ayant tiré île non élut hypnotique, elle demanda aussitôt à boire un bol de luit et mangea quelques biscuits ; elle s'endormit ensuite durant quelques heures. Le lendemain les vomissements s'atténuent, la malade cesse de s'affaiblir.
Le surlendemain je l'endors de nouveau et lui suggère I idée de guérison complète ; dès lors cessation complète des vomissements durant quinze jours. Entre le cinquième mois de grossesse et I accouchement quelques vomissements çà et là, mais sans gravité ; la malade reprend ses forces.
Accouchement normal à terme, enfant vivant.
Actuellement la malade jouit d'une santé satisfaisante.
REVUE DES SOCIÉTÉS SAVANTES ET DES CONGRÈS
Des taux témoignages des aliénés devant la Justice.
Communication faite an Congrès des médecins aliéuislcs (La Rochelle).
M. le Dr Cullerre. médecin de l'asile de La Roche-sur-Yon. — Les problèmes relatifs au témoignage des aliénés devant la justice n'ont pas exercé beaucoup jusqu'ici la sagacité des médecins légistes, sans doute
parer que les occasions de les étudier n'ont pas été fréquent Ci. Dans les traités les plus réputès consacrés a la médecine légale des aliénés, c'est â peine s'il est l'ail mention de la possibilité pour un de ces malades de tromper la justice par ses dépositions, et afin de mettre en garde contre ce danger quasi-hypothétique, on se contente d'énumérer quelques préceptes généraux d'ordre théorique, comme par acquit de c inscience, et pour ne pas. semhle-t-il. encourir le reproche d'avoir livré au public une o-uvre incomplète.
Maïs, d'une part, la science progresse, le domaine de la folie s'élargit de plus en plus rt tel y trouve aujourd'hui légitimement sa place qui naguère eût été considéré comme appartenant â la partie saine de la population ; de l'autre, les mœurs changent, le nombre des aliénés augmente; ceux, de plus en plus nombreux, que surexcite le milieu contemporain, prennent, en dépit des séquestrations dont ils sont l'objet, une part plus grande â notre vie de tous les jours ; d'où il résulte qu'ils sont de plus en plus mêlés aux affaires judiciaires dans lesquelles leur intervention peut avoir, surtout au point de vue du témoignage, les plus fâcheuse conséquences.
Le taux témoignage des aliénés devant la justice se présente sous des aspects assrx divers. Pour les envisager tous, il est nécessaire de prendre le mol témoignage non seulement dans le sens de déposition d'un témoin, mais encore dans celui d'attestation, de déclaration affirmative, de dénonciation, c'est-à-dire dans son acception la plus étendue.
Le témoignage des aliénés est toujours entouré d'incertitude. Aussi ne doivent-ils pas être admis à prêter serment et à témoigner en la forme ordinaire. Tout au plus peuvent-ils être entendus û litre de renseignement, comme les enfants et les mineurs. Certaines formes partielles île l'aliénation sont, à la vérité, compatibles avec une observation exacte du monde extérieur, mais à moins d'avoir une connaissance approfondie des maladies mentales nul ne peut être sûr quis dans le récit des faits qu'il demande il un aliéné atteint île folie partielle, ce dernier ne mêle aucune illusion, aucune interprétation délirante. Georgct dans les ligues suivantes a nettement résidu le problème :
Quelle configure peut-on accorder aux assertions île ces malades? Beaucoup peuvent très bien rendre compte de ce qu'ils observent ; mais il faut bien connaître leur genre de folie |sour y ajouter foi. pour être sur qu'ils ne mêlent pas leurs illusions au récit des faits. Lorsqu'il s agit de choses importantes, on ne doit même pas se lier entièrement au rapport de ces aliénés à demi-raisonnables ; il faut s'éclairer d'autres témoignages. Quant aux aliénés tout à fait déraisonnables, on ne peut aucunement se lier à leurs récits: ils sont sujets à prendra des chimères pour des réalités, ils peuvent sans doute donner quelquefois des renseignements justes: mais le plus souvent, ce qui est vrai est mêlé à ce qui est faux, et on ne peut faire que de vagues
conjectures sur leur dire. En résumé, je crois que. dans un procés criminel, la déposition d'un aligné ne peut avoir â peu près aucune-valeur.
Les aliénés, dans certains cas déterminés, peuvent faussement témoigner contre eux-mêmes. Lorsque l'affection mentale est bien caractérisée, il est on général facile de rattacher ces auto-accusations à leur véritable origine. Mais, ainsi que le fait observer Morel. il arrive sou-vent quelles se produisent dam la période d'incubation de la folie, alors qus l'on peut à peine se douter de l'existence du mal et quelques exemples tendent a prouver que. dans ces conditions, une erreur judiciaire n'est pas absolument impossible.
Les aliénés qui s'acussont le plus fréquemment sont les mélancoliques. Leurs faux aveux sont le la résultante logique de leurs conceptions délirantes, qui tendent â s'objectiver sous cette forme.
La plupart de ces melancolîqucc :auto-accusateurs sont des alcooliques. Ils sont conduits à s'attribuer des culpabilités imaginaires par l'affaiblissement du pouvoîr de contrôle de la conscience sur le cours des idées. En proie à l'angoisse et â la terreur, ils prennent une hallucination, un souvenir, un rêve pour la réalité et viennent s'accuser d'un crime qu'ils s'imaginent simplement avoir commit. La rapidité avec laquelle, sous l'influence de l'abstinence, la conscience se ressaisit, enlève en général toute importunée médico-légale ,ces faux aveux.
Les faux aveux des hvstériqucs sont puisés à une source analogue, l'hallucination et le rêve, mais ¡1s sont d'une importance bien plus grande en ce que la conviction dont ils sonl l'expression persiste indéfiniment chez le malade, aucun retour de ta conscience ne venant la modifier. Heureusement, s'ils paraissent avoir été fréquents a une époque éloignée de nous, ils semblent devenus bien rares à l'heure actuelle.
Enfin l'aveu d'une culpabilité imaginaire se rencontre dans le cours de certains paroxvsmes psychiques relevant île la dégénérescence mentale acquise ou héréditaire. Certains congestifs, certains raison-nants et quelques dégénérés atteints de folie morale s'accusent de crimes qu'ils n'ont pas commis par orgueil, par exaltation de leur personne.
VARIÉTÉS
La lecture des pensées.
Avant assisté à des expériences de « lecture de pensée », an journaliste émi-nent, M. Georges Montorgueil. en à donné le compte rendu suivant dans l'Eclair. Les appréciations sont celles d'un spectateur impartial. Comme il serait difficile de donner un compte rendu plus exact de ce qui s'est passé, nous nous empressons de reproduire son article : Il a toute la valeur d'un procès-verbal :
« Il court, en ce moment, à travers le monde, un certain nombre de liseurs de pensées. C'est un état particulier, mais seulement dans le sens de profession. La foule, curieuse d'émotions d'un certain ordre, va volontiers vers ces personnages qui semblent lui ouvrir des portes sur l'inconnu.
Beaucoup ont plu par ce coté. M. de Levita pourra ne point déplaire pour les mêmes causes. C'est un charmant jeune homme. Hollandais de naissance, qui s'exprime assez facilement en français; la difficulté qu'il a pour dire certains mots ne saurait nuire à son entreprise, elle donne à son langage comme une saveur d'ingénuité. Il vient faire la conquête de Paris après tant d'autres, el rien ne prouve qu'il ne la fera point : la grande ville s'enflamme aisément quand on lui dit : « Voyez cette merveille ! » Au reste, il a fort bonne mine et, sans être encore un maître homme eu sa partie, il n'est point un sot.
Il a fort gracieusement donné une répétition de son savoir — d'autres diraient de son pouvoir — chez le docteur Rérillon. Cercle tout intime de la Société d'hypnologic. huit à dix personnes, ni sceptiques, ni crédules, mais par études peu enclines aux nervosités qui font du plus honnête homme et du plus intelligent le complice des duperies. C'étaient M. le docteur Duinoutpallier, membre de l'Académie de médecine: M. le docteur Manouvrier, de l'Ecole d'anthropologie; M. Boïrac, professeur de philosophie à Condorcet ; l'auteur de tant de belles études de philosophie politique, notre confrère, Charles Benoist; M. le docteur de Savalle ; M. le docteur Marot, préparateur à la Faculté; M. le docteur Suint-Hilaire, secrétaire général de la Société d'otologie et de laryngologie : M. le docteur Dariex, directeur des Aniuilcs des sciences psychiques.
Devant cet aéropage, M. de Lcvita fit ce qu'ils font tous.
Il fit six expériences dont trois semblèrent avoir réussi. Elles ne se distinguaient en rien de toutes celles qu'on a pu voir avec les Cum-berlaud. les Pikmann, les Zamora. Il s'agit chaque fois de trouver un objet, et lorsque l'expérience était compliquée, de faire de cet objet tel usage défini.
Trouver une pièce de monnaie cachée dans un livre ; prendre dans
une poche une carte et la porter dans une autre poche; n'emparer d'une serviette sur la cheminée pour aller bander les veux d'une tierce personne. Le champ de ces petites épreuves est forcément limité ; cette circonstance est précieuse pour le liseur de pensees, elle restreint ses efforts et la longue répétition des mémos scènes doit lui faire assez rite un répertoire où il n'a, en quelque sorte, qu'à puiser de mémoire pour être fixé sur ce que l'on veut de lui.
Le liseur opère à l'état de veille: mais il assure être inconscient pendant l'expérience, ce qui reste à établir. Il a les yeux bandés, mais le nez si court qu'il soit, ne permet jamais l'adhérence complète du bandeau, et le laible jour d'en dessous, pourrait être, par exemple, mis à profit, ne serait-ce que pour apercevoir la position si particulièrement expressive des pieds du conducteur.
Le sujet prrnd le contact avec son conducteur en appuyant ses pouces sur les tempes, puis il le lâche pour chercher sa direction : cette orientation est plus ou moins longue et hésitante. Le conducteur, mentalement, lui ordonne, en les décomposant, les phases de l'acte â accomplir. Sans cesse le sujet revient à son conducteur, l'attire, le place près de soi. lui prend les mains, le tàte. lui touche In tête, s'efforce de saisir le sens de la direction dans les mouvements qu'il recueille.
On se demandait avec M. le docteur Dumontpallier. si la volonté s'agissait pas selon la vieille formule magnétique, comme un fluide. Ce serait un phénomène de transfert qui ne serait pas sans analogie avec tant d'autres expériences victorieusement faîtes. La volonté serait perçue par une voie ténébreuse, mais à voir les hésitations du liseur, peu sûre et péniblement accidentée.
Une autre explication, qui emprunterait moins nu merveilleux, ce serait celle des mouvements inconscients.
Ils ont été étudiés par M. Chevreul. dans son livre sur la baguette divinatoire, le pendule et les tables tournantes. Ils ont été repris par M. Charles Richet. qui a vu opérer Cumberland et qui est resté persuade qu'en ses expériences la transmission de pensées n'existe pas : c'est le conducteur qui a laissé trahir sa pensée.
« On ne soupçonne jamais, dit II. Richet. si l'on n'a pas fait soi-même cette expérience, à quel point des individus de bonne foi. indiquent par des mouvements de la main, la pensée intérieure qui les anime. Sans le savoir, sans le vouloir, ils guident avec une grande force, et ils sont lout étonnés eux-mêmes du resultal obtenu, tellement leurs mouvements échappent à leur appréciation, »
Le liseur de pensées exploite cette circonsiancc qu'une pensée est toujours accompagnée d'un mouvement. Chaque fois qu'une émotion ou qu'une image se présente à l'esprit, il y a simultanément un changement dans la pression du sang, dans la tension des muscles. Ce mouvement est involontaire; presque toujours inconscient ; par-
fois à peine perceptible et encore pour qui s'exerce seulement à le découvrir.
Au sortir des expériences que M. de Lcvita a bien voulu faire hier soir chez M. le docteur Bérillon, nous avons emporté cette conviction, d'autant plus profonde que nous avons servi trois fois de guide et au choix du sujet — que notre pensée n'était point lue par lui mais devinée par notre action musculaire personnelle inconsciente.
La dernière expérience ne réussit point. Nous avions supprimé le plus possible des chances de trahison. « Pensez-vous assez fortement? » disait le sujet haletant. — Oui, mon ami, mais nous avons réduit au strict nécessaire la somme de nos mouvements. « C'est là le malheur, ripostait avec son ingénuité charmante le Cumherland hollandais, vous vous observez trop! »
C'était un aveu. Le liseur de pensées n'opère bien, en effet qu'avec le nerveux qui ne s'observe pas. »
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Le somnambulisme provoqué et la fascination
Par M. le Dr Mennet. (Suite)
Le jour est venu où justice enfin doit être rendue aux constants efforts de l'auteur, et c'est pour moi, j'aime à le dire, un devoir d'y contribuer.
C'est en notant chez ses malades chaque jour, pendant des mois, pendant de longues années. les troubles variés et variables de la sensibilité générale et spéciale, les différents troubles psychiques. qu'il a pu étudier utilement la scission et la reviviscence de la mémoire l:ins les états de veille et d'hypnose.
Dans le premier chapitre de soe ouvrage, l'auteur a été bien inspiré en rapportant la biographie pathologique du nommé Didier qui, condamné en police correctionnelle pour outrage public à la pudeur, a été acquitté en Cour d'appel, grâce à l'intervention de M. Mesnet et à celle de notre sympathique confrère M. le docteur Motet : cet accusé était un malade et non un coupable.
Certes, il serait dangereux pour la société de confier certaines expertises médico-légales à des médecins qui. n'ayant pas de connaissances pratiques, expérimentales, suffisantes, concluraient trop facilement à l'irresponsabilité des accusés délinquants ou criminels : mais, d'autre part, ne parait-il pas cruellement injuste de condamner des sujets irresponsables d'actes qu'ils ont commis en état de somnambulisme ou de fascination, c'est-à-dire en état de personnalité seconde complètement étrangère à la personnalité normale et réelle ?
Une jeune fille, une jeune femme peuvent être coupables en apparence
sans l'être en réalité. Il sullira. pour se faire une sage conviction à ce sujet, de relire l'observâtion de Félida, rédigée par le professeur Azam pendant une période de trente années, et plusieurs des observations consignées dans le second chapitre du livre de M. Mesnet. Sur ces faits, le doute n'est plus permis et il est parfaitement établi aujourd'hui que le viol étant accompli dans l'état hypnotique, la jeune fille, une fois réveillée, ignore la violence dont elle a été victime jusqu'au jour où les mouvements du fœtus lu! révéleront qu'elle est devenue mëre. Dans l'état de veille elle n'aura aucun souvenir de l'attentat commis, mais ce souvenir revivra entier, complet dans un nouvel état de somnambulisme provoqué et elle dira quel a été le coupable, le jour l'endroit et toutes tes conditions dans lesquelles le viol a été accompli, puis, de nouveau réveillée, elle aura tout oublié.
Tout cela est étrange, suivant l'expression d'un illustre savant ; tout cela est troublant ; mais cela est et il n'est pas besoin d'insister longuement pour démontrer combien le médecin expert, l'avocat et le magistrat ont intérêt â bien connaître ces faits.
En état de somnambulisme, une femme peut accoucher et se réveiller sans avoir le souvenir de son accouchement. Tout médecin, tout magistrat, sur cette affirmation d'une personnalité seconde dans l'acte de l'accouchement, comprendront combien sont nombreuses et importantes les questions de médecine légale qui se rapportent à ce sujet : avortements. substitution d'enfant, etc.. etc.
Et l'auteur a si bien compris l'importance de semblables révélations, qu'il a eu grand soin de les établir sur des bases cliniques indiscutables, bases qui sont exposées avec de grands détails dans les observations recueillies par lui et confirmées par les expériences qu'il a maintes fois répétées devant les élèves de son service.
A ceux qui douteraient de la possibilité du viol avec inconscience de la femme hypnotisée, il me sulhra de rappeler que l'on peut pratiquer les opérations les plus douloureuses sur les organes génitaux de la femme pendant le somnambulisme, sans qu'au réveil l'opérée ait le souvenir du traumatisme chirurgical.
J'en ai assez dit sur ce sujet pour que ceux qui liront cet article soient désireux de consulter le livre de M. Mesnel. Ils y trouveront tons les éléments d'une conviction scientifique. J'ajouterai que le troisième chapitre, qui traite de la fascination, est d'un grand intérêt et fournit encore à la médecine légale des arguments irréfutables sur l'irresponsabilité : l'observation du chef de gare qui. en état de fascination, est écrasé par une locomotive, fera naître dans l'esprit l'idée de l'irresponsabilité dans la production des accident les plus graves, conséquence d'une fausse manœuvre, d'un manque d'avertissement dans l'étal de fascination.
Mais si. dans l'état de somnambulisme, il est possible d'établir l'irresponsabilité du somnambule, il reste un devoir au médecin expert.
c'est d'établir la responsabilitéde l'hypnotiseur, du fascinateur. et.dans cet ouvrage, le médecin trouvera encore les éléments nécessaires à cette détermination.
J'aurai terminé cette analyse d'une œuvre magistrale en faisant remarquer la valeur de ces arguments qui ont permis à l'auteur de conclure à la possibilité de l'acte criminel suggestionné ; et la valeur de ces arguments, qui pour moi est absolue, est encore confirmée par la réserve extrême qu'il apporte dans chacune de ses conclusions.
Le rôle que H. Mesnet accorde au médecin en ces graves questions de somnambulisme prouve une fois de plus la sagesse consciencieuse qui a présidé a la rédaction d'une œuvre qui fait grand honneur à la médecine française.
Cet ouvrage est de ceux que le médecin aura le devoir de lire et de méditer.
Dr DUMONTPALLIEr,
Membre de l'Académie de médecine.
Maladies et hygiène des gens nerveux.
Par le Dr GELINEAU, un volume relié chez O. Doin, libraire-éditeur. place de l'Odeon. Paris. Prix i franca.
Nous n'avons pas encore annoncé ni rendu compte de ce nouvel ouvrage de notre collaborateur, le Dr Gélineau. où il passe en revue les principales maladies nerveuses qui sont, pour ainsi dire, la caractéristique de notre siècle.
Fruit d'une longue expérience, cette étude où abondent les souvenirs personnels et où les rôles arides de la science sont habilement dissimulés par des causeries gaies et humoristiques, ce volume nous a singulièrement intéressé.
A notre époque envahie par le nervosismr, c'est presque un devoir pour tout le monde, les chefs de famille, d'ateliers, d'usines, de collèges et de pensions tout autant que pour les médecins de soupçonner partout cet ennemi menaçant, de le découvrir et de le combattre immédiatement par les ressources de l'hygiène autant qu'avec les médicaments. Aussi, espérons-nous que nos lecteurs s'efforceront d'avoir sous la main el de consulter souvent cet ouvrage agréable à lire malgré la sévérité du sujet.
L'Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT 170, rue - Saint-Antoine
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
8e annee. - N° 9.
Mars 1894..
LA VOLONTÉ
Par M. L. .Manouvrier. professeur à Pérole d'anthropologie de Paris. (Suite et fin.)
Bien que l'échelle des variations propres de la volonté soit extrêmement réduite, il n'est peut être pas de « faculté » qui soit pourvue, non pas dans le langage commun, mais dans le langage courant des lettrés, généralement trop imbus de métaphysique et de rhétorique, d'une litanie de qualificatifs aussi abon dante. Droite, ferme, sage, ardente, intelligente, vive, égale, calme, réfléchie, consciencieuse, pénétrante, insinuante, etc., tous les adjectifs qui peuvent servira définir le caractère moral d'un homme et qui ressort cul soit de sa conduite, soit de ses écrits, c'est à sa volonté qu'on les attribue. Cela se conçoit aussi aisément que l'illusion du libre arbitre et de la même façon, puisqu'on effet les actes de quelque importance ont pour antécédent presque constant la volonté qui semble régir â la fois les phénomènes qui la suivent et. par le choix. ceux qui la précèdent. Il est à peine besoin de montrer que l'on résume et que l'on personnifie sous le nom de volonté tout un enchaînement de phénomènes intellectuels dont la volonté réelle n'est qu'une bien minime partie. Prenons, par exemple, parmi les qualificatifs énumérés plus haut, les plus légitimes.
Ce que l'on appelle une volonté vive, c'est une volonté qui est déterminée par des motifs puissants, très cohérents et faiblement contrariés dans la délibération. Une balanco dans l'un des plateaux de laquelle on mettrait un poids de 2 kîlog. et quelques
menus poids dans l'autre plateau aurait une volonté, vive de pencher du premier côté. On dît de certains hommes qu'ils ont une volonté ferme. C'est en grande partie parce que. chez ces hommes, l'homogénéité d«s l'éducation et les conditions extérieures dans lesquelles ils se trouvent donnent aux motifs une action convergente.
Tel serait le cas. par exemple, d'un soldat, qui aurait en quelque sorte hérité île la profession de ses parents et qui élevé, instruit en conséquence, presque exclusivement entouré de militaires ayant en vue un certain avenir en quelque sorte écrit d'avance avec toutes les conditions à remplir, concevrait à peine une ligne de conduite différente de celle qui lui est tracée. En pareil cas il ne peut y avoir hésitation si ce n'est dans les difficultés de détail. Toute velléité d'écart hors de la ligne tracée serait immédiatement écartée par la somme des motifs contraires. Cet homme est dit avoir une volonté droite et ferme dans «les circonstances où c'est tout juste s'il y a conflit entre des motifs contraires sullisamment pour qu'il y ail volonté.
Dans le cas contraire la volonté est dite hésitante, comme celle qu'aurait la balance pétulant que l'on verserait de la grenaille à peu près également dans chacun de ses plateaux. Ici encore la vigueur générale peut intervenir et donner à la résultante volonté un aspect particulier, mais ce n'est pas assez pour que l'on attribue à la volonté, simple étal de conscience, des attributs semblant indiquer chez elle une activité élective el directrice qu'elle ne possède pas.
Peut-on dire que la volonté soit une coordination? Il est vrai qu'elle est précédée et suivie de processus psychiques et moteurs coordonnés par le fail même de l'ajustement organique de l'appareil psycho-moteur, mais la volonté n'est pas elle-même une coordination.
Elle est le résultat d'une coordination de motifs ou images qui constitue la délibération et le choix dont nous avons parlé précédemment. Cette coordination peut être extrêmement « complexe, instable, fragile » selon I expression de M. Hibot. C'est parce que la valeur relative et le degré d'excitation des images motifs varient continuellement. Cette variation est d'ailleurs en grande partie un ajustement interne à des variations externes, ajustement sans lequel les volontés el les actes consécutifs ne se trouveraient plus en correspondance avec les conditions et circonstances extérieures. Celles-ci introduisent sans cesse dans noire cerveau de nouvelles images, de nouveaux motifs dont la présence renforce
ou infirme les motifs préexistants. Parmi les images antérieurement formées, les unes sont affaiblies et peuvent disparaître. les autres sont entretenues et avivées par les perceptions nouvelles, de sorte que. dans un milieu changeant, la coordination des motifs, autrement dit la délibération, donne lieu a des résultais ou a desvolontés variables. Il n'y a point là. comme le conçoit Maudsley. une « force de l'ordre le plus élevé que la nature ait encore produite »: il s'agit simplement du résultat d'un conflit entre mouvements divers, et ce résultat n'a rien de plus élevé ni de plus merveilleux que les phénomènes antécédents dont il est l'effet. La volonté est. comme l'a si bien montré H. Spencer, la dernière phase de cette correspondance eutre des relations internes et des relations externes qui constitue l'intelligence considérée in abstracto. C'est a la totalité de cette correspondance que conviendrait plutôt la qualification pompeuse de Maudsley, et la volopté n'a bénéficié de cette qualification que parce qu'elle a été abusivement considérée non pas comme phase ultime de la correspondance psycho-motrice, mais bien comme cette correspondance toute entière envisagée au point de vue de son résultat lina!. Or c'est là une conception de la volonté qui, si acceptable qu'elle soit philosophiquement, ne me paraît pas justifiable au point de. vue de l'analyse physiologique et psychologique.
Dans le langage commun, qui est souvent un profond psychologue, on trouve avec l'expression volonté beaucoup d'autres expressions qui ont pu représenter indûment des entités, des facultés, maîs qui. toute théorie métaphysique ou autre mise à part, représentent aillant défaits ou d'états réels distingués aua-lytiquemeut dans l'ensemble des phénomènes d'intelligence. Idées, attention, réflexion, raison, imagination, motifs, délibération, hésitation, tout cela est aperçu communément comme distinct de volonté et comme phénomènes ou étals précédait la volonté.
L'analvse physio-psychologique confirme la plupart de ces distinctions tout en transformant la conception îles faits ou étals psvehiques ainsi distingués. Cette analyse arrive même, comme nous avons essayé de le montrer plus haut, a donner un corps et une valeur dynamique a la volonté, élat particulièrement défiguré par l'illusion du libre arbitre, mais elle confirme par la même la distinction de cet état d'avec la coordination dont il résulte et qu'il ne constitue pas.
On pourrait croire que ce sont là des distinctions subtiles, et que l'interprétation ci-dessus ne diffère de l'interprétation courante que par de simples nuances d'expression. Il me semble
pourtant qu'il n'en est pas ninsi et j'en trouve la preuve dans l'une des conclusions de M. Ribot lui-mème. quelque positif que soit ce savant psychologïsle.
€ Si la volonté, dil-il, : ame coordination, e'est-â-dirc sac somme de rapporta, on pont prédire a priori qu'elle se produira beaucoup pins rarement que le» forme» plus simple» d'arlivilé. parce qu'an état complète a beaucoup moins de chances de se produire cl de durer qusua état aimple. Ainsi vont le» chou» en réalité; si 1 on compte dan» chaque tic humaine m qui doit être inscrit au compte de l'automatisme, de l'habitude, des passion» el surtout de l'imitation, on verra que le nombre des actes purement volontaires, au sens strict du mot. est bien petit. Pour la plus part de» hommes l'imitation suffît ; ils »e cootenlenl de ce qui a été de la volonté cher d'autres, el, comme ils pen--nl avec le» idées de tout le monde, ils agissent acee la Toloalé de tout le monde. Prise entre les habitudes qui la rendent inutile rl le» maladie» qui la mutilent on la détruisent, la volonté est, ainsi que noaft t'avons dit plus haut, un accident heureux a (1).
Ce passage justifierait assez, on le voit, les termes pompeux empruntés par M. Ribol à Maudsley pour qualifier la volonté. Mais il s'agît là simplement, â mon avis, d'un mélange de la volonté avec des processus antécédents qui pour avoir do l'influence sur elle, n'en doivent pas moins rester distincts.
L'originalité d'un acte, d'une volonté, a pour cause l'originalité des combinaisons mentales antécédentes à la volonté.
M. Ribot a insisté sur la distinction de trois ordres de coordination formant en quelque sorte trois étages superposés: les automatiques, les affectives et les raisonnées. I.i il est certain que bien souvent ces dernières ont le dessous dans la détermination des volontés. Il faut remarquer toutefois que, même si la lutte îles motifs a lieu exclusivement entre étals affectifs, le résultat de celte lutte n'en est pas moins une volonté parfaitement caractérisée.
La lutte enlre états afTectifs est très fréquente et la volonté résultante est souvent en opposition plus ou moins nette avec la raison, même à l'état normal. Cependant les motifs do l'ordre affectif, bien que .loués en général d'une puissance supérieure, peuvent être et sont très fréquemment contre-balancés par les motifs de l'ordre purement iulcllecliiel à moins d'être excités outre mesure. Des états affectifs peuvent mémo entrer synergique ment dans des coordinations raisonnables et réciproquement, si bien que. dans la multitude d'actes volontaires que nous accomplissons chaque jour il en est peu qui. lotit en étant dictés principalement par des états affectifs. 110 soient pas d'accord plus ou moins avec nos idées rationnelles, hormis les cas d'imbécillité ou do folie. Il v a d'ail-
¦ ïjTh. Riboi. op. rit,, p. I7S-
leurs une foule de menus acles, parfaitement volontaires, succédant à des délibérations où les états affectifs ne sont pas entrés en jeu avec ce degré d'excitation «gui caractérise la passion.
Enfin, dans des cas relativement rares, les idées les plus .abstraites arrivent à constituer des états affectifs, et même à un très haut degré. Dans les cas contraires il n'y a pas moins volonté au sens le plus propre, quand deux ou plusieurs états affectifs sont en concurrence ou lorsqu'un état affectif est en concurrence avec un état non affectif on moins affectif, quel que soit d'ailleurs le résultat du conflit.
Les coordinations automatiques peuvent être elles-mêmes contrariées par l'intervention d'états de conscience de l'ordre affectif ou même purement rationnels, d'où possibilité d'un arrêt volontaire d'actes automatiquement commencés.
Réduite à sa plus simple expression, c'est-à-dire réduite à elle seule, la volonté n'est autre chose que cet état du conscience exprimé par le « je veux », consistant en une représentation de mouvements, en une tendance motrice plus forte que celles qui existent au même moment. Quand un individu, aussi inférieur qu'on pourra le supposer, dit qu'il veut ou qu'il ne veut pas et que l'effet indiqué suit l'état de conscience ainsi exprimé, cet individu fait un acte volontaire, quelle qu'ait été la pauvreté des motifs déterminants. Il a fait un acte volontaire aussi bien qu'il a des sensations, aussi bien qu'il a des motifs, aussi bien qu'il existe en lui un conflit entre divers motifs. Les motifs sont vulgaires, c'est possible; ils n'ont rien d'original et sa volonté non plus, c'est encore possible; mais ses motifs et sa volonté n'en sont pas moins pleinement des motifs cl une volonté. Un motif tend à me faire porter la main à droite: un autre tend à me faire porter la main à gauche. L'image du mouvement à droite prédomine : je porte la main â droite, et ce mouvement est exécuté parce que je l'ai voulu. Le chien dont il a été question plus haut manifestait de la volonté, Un joueur qui, après avoir hésité entre la rougr et la blanche ponte sur la rouge, une petite fille qui. priée de chanter se décide à chanter, font des actes volontaires même au cas où le joueur a imité un autre joueur qui avait de la chance, même au cas où la petite fille a été décidée par l'exemple d'une voisine. Il y a eu volonté d'agir parce qu'il y a eu avant l'acte une représentation prédominante parmi un certain nombre d'autres. En «lisant je veux chanter, la petite fille n'a fait que constater une situation sans la créer; cependant son « je veux » a été l'expression verbale d'un état de conscience qui n'est pas la pure consta-
talion d'une image motrice mais qui est celte image motrice elle-n:ême. La volonté de cette petite tille n'est pas moins de la volonté que celle d'un Christophe Colomb. Originalité, importance, complexité de l'acte voulu et dos opérations intellectuelles qui ont précédé de près ou de loin la volition, tout cela est autre chose que la volonté.
VI
Si l'on isole ainsi la volonté de tout ce qui n'esl pas elle, comme ce doit être le but de l'analvse psycho-physiologique, il est certain que la chute de cette ci-devant Faculté impérative est profonde. Elle reste pourtant représentée par quelque chose de plus qu'une simple constatation d'un état de conscience, s'il est vrai, comme nous l'avons admis, que la conscience n'est pas un phénomène séparable des processus physiologiques correspondants. En ce cas, la volonté est une image plus ou moins vive d'un acte, image possédant une valeur physiologique, car elle constitue une tendance à l'exécution de l'acte représenté : c'est une image agissante et. fait essentiel, triomphante parmi d'autres images.
Assurément, cette image ne constitue pas une faculté, mais elle possède une haute signification, et. si je puis ainsi dire, une dignité toute particulière qui lui vient de ce qu'elle a été délibérée, de ce qu'elle n'a acquis la prédominance et de ce qu'elle n'est devenue canse actuelle qu'après cette délibération où ont pris place une foule de faits d'attention, de mémoire, de réflexion, d'imagination, de raison. Celte délibération a élé tamise enjeu plus ou moins large de tous ces faits suivant la valeur qu'ils ont pu avoir dans l'individu d'après sa constitution mentale et les circonstances existantes nu moment donné. El celte constitution mentale représente à la fois la valeur intellectuelle et morale de l'individu telle qu'elle résulte de sa conformation et de l'infinité de conditions de milieu qui ont agi sur lui pendant toute sa vie. I.e résultat de la délibération ou la volonté esl donc l'expression synthétique d'une individualité mentale à un certain moment. C'est pourquoi l'on attache à ce résultat la plus grande importance, et c'est avec raison puisqu'en somme nous n'avons pas d'autres indices de l'état intellectuel et moral d'un homme que ses actes, c'est-à-dire que ses volontés dans le déterminisme desquelles sont entrées les images mentales qu'il possède selon leurs qualités, leurs associations, leur valeur relative.
Pour apprécier, toutefois, l'état intellectuel et moral d'un indi-
vidu d'après ses actes voulus, nous louons compte des conditions de durée, de tranquillité, d'indépendance dans lesquelles ne sont effectuées ses délibérations. Nous considérons autant que possible ce que nous aurions voulu et fait nous-mêmes dans des conditions ut aussi dans des circonstances semblables. Opération fort difficile â la vérité. et fort sujette à caution, car autre chose est d'être effectivement soumis à certaines conditions de milieu, de se trouver effectivement dans certaines circonstances, autre chose est d'imaginer simplement qu'on y est soumis, surtout lorsqu'on s'est trouvé constamment dans des conditions et circonstances différentes ou même opposées. Il faut bien faire cette remarque si simple en présence des stupéfiants écarts récemment commis avec un succès trop facilement explicable i propos du crime ou de la prostitution par une école qui a négligé au dernier point toute analyse psychologique ou sociologique dans l'étude de questions d'anthropologie essentiellement psychologiques et sociologiques.
En dehors du point de vue purement scientifique se présente à chaque instant la question pratique de savoir quelle conduite on doit tenir ù l'égard de l'auteur d'un acte offensant. Cet acte a-t-il été volontaire c'est-à-dire précédé d'une délibération ? Cette délibération a-t-elle eu lieu dans des conditions telles que le résultat puisse être considéré comme représentant l'ensemble des motifs existants chez l'offenseur? La valeur relative des motifs entrés en jeu peut-elle être considérée comme passagère, ou bien peu susceptible de changements de telle sorte que l'acte commis puisse être renouvelé ? Faut-il se tenir sur ses gardes ? Faut-it réagir et de quelle façon ? Etant donné le caractère sle l'offenseur d'après l'ensemble de ses actes antérieurs, étant donnés sa situation et ses intérêts, quels sont les motifs qui. ajoutés aux motifs déjà existants, seraient capables de modifier la résultante de délibérations ultérieures et même d'une volonté déjà en voie d'exécution. Autrement dit : comment pourrait-on motiver un changement de conduite? Autant de questions qui impliquent la reconnaissance intuitive sle ce l'ail : que la volonté dépend entièrement des motifs existants et excités à un moment donné, qu'elle constitue un résultat, un effet ultime et non pas une cause mentale, l'hysiologiquc-ment cela signifie qu'une volonté n'est autre chose qu'une résultante d'images motrices composantes, qu'une image ou mouvement nerveux conscient prépondérant parmi d'autres images, que celte image est modifiable tant que le processus moteur qu'elle représente cérébralement n'est pas engagé définitivement dans les voies centrifuges, au point que l'acte représenté ne puisse plus être
révoqué par L'excitation ou la surexcitation tardives de motifs ayant été faibles durant la délibération ou par l'introduction de nouveaux motifs. Il n'est pas rare que des volontés bien allirmécs et en voie d'exécution actuelle soient ainsi révoquées au dernier moment. S'il est trop tard, les motifs nouveaux ou les motifs qui ont eu le dessous dans la délibération constituent la substance même du remords.
Si l'on veut faire de la volonté autre chose que celte image, la volonté no sera plus qu'une pure abstraction, un mot exprimant l'état et la valeur dynamique de l'individu tout entier.
Le verbe vouloir conserve donc toute l'importance qu'on lui donne dans le langage courant en dehors des prétentions de la métaphysique. Quand on dit que tel acte nuisible exécuté « on n'a pas voulu le faire», on insinue par là qu'on réprouve cet acte et que si on l'avait comparé aux actes contraires on ne l'aurait pas choisi. Cela signifie, physiologiquement, que l'image de cet acte n'a pas été en conflit avec d'autres images, sans quoi elle n'eût pas manqué d'être infériorisée par une de celles-ci. étant donné le caractère que l'on possède. L'acte a été accompli sans avoir été voulu, y'est-à-dirc sans que son image ait eu cette netteté, cette vivacité, cette prépondérance qui caractérise les images des actes volontaires. Il n'y a pas eu délibération, pas de volonté par conséquent. On distingue parfaitement cet état de celui où l'acte a été voulu, c'est-à-dire représenté consciemment après délibération, sans que cette délibération ait pourtant été su disante. Alors on dit que l'on a voulu à la vérité faire cet acte, mais que. par précipita-lion, l'on n'a pas fait attention à lel motif qui n'eût pas manqué sans cela d'avoir une influence prépondérante, on bien encore que l'on a mal raisonné.
Le « je veux » n'est que l'expression verbale d'un élat de conscience qui. le plus souvent, existe sans être exprimé. Cet élat de conscience apparaît au vulgaire exactement ce qu'il apparaît au physiologiste, romnic une disposition active existant à la suite d'une délibération. Pour le physiologiste cette disposition consciente, cet élat de conscience résultant de faits île conscience antécédents, c'est un état nerveux conscient résultant de processus antécédents. La volonté vulgaire et la volonté au sens physiologique sont une seule et même chose.
Si l'état de conscience volonté n'est pas l'étal nerveux même qui résulte de la délibération et qui précède l'acte, alors la volonté n'est cause de rien. Ce n'est plus qu'une pure abstraction sous l'apparence d'un témoin inactif et impuissant.
Si. au contraire. la volonté n'est nuire chose que cet étal nerveux lui-même, alors elle apparaît comme une idée île mouvement discutée, délibérée, victorieuse, présentant à un «legré plus ou moins élevé les conditions dans lesquelles une image on une idée constitue un processus moteur. L'importance d'une telle idée est considerable, puisque, par définition, elle traduit plus ou moins largement et fidèlement le caractère de l'individu, sa valeur physique et inorale au moment do la détermination.
Telle est la signification attribuée à la volonté dans le langage courant : telle est la volonté du vulgaire. La psychologie scientifique n'en distingue pas d'autre. En adoptant la doctrine de l'inséparabi lité (§2 et 3) . on reconnaît à l'état de conscience exprimé par le je veux ou le je ne veux pus. la valeur d'un processus physiologique en même temps que son importance morale. On n'éprouve plus le besoin, par conséquent, de donner plus de consistance à la volonté simple état de ronscicncc, ou plus de dignité à la volonté simple processus moteur. La fusion des deux étals indûment séparés en un seul et même état physio-psychologique indivisible rend superflue toute tentative de eonstruclion d'une volonté nouvelle. Les tentatives de ce genre faites de nos jours n'ont abouti qu'à des assemblages hétérogènes, où l'on n"a pas de peine à trouver des éléments empruntés à des processus psycho-physiologiques de toute sorte, absolument distincts de la volonté.
SOCIÉTÉ D'HYPNÛLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 15 janvier 1894. — Presidence de M. Dumontpallier.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
La correspondance imprimée comprend les journaux el les revues que la Société reçoit habituellement.
La correspondance manuscrite comprend une lettre de M. le Dr Gross-mann, directeur du Zeitschrift für hypnotismus.
Cette lettre relate les mesures administratives prises par le gouvernement russe au sujet de l'application médicale el thérapeutique de l'hypnotisme. Après discussion, la Société déride qu'elle se rallie à la proposition du Dr Crossmann tendant à seconder les médecins russes qui se proposent de demander à être traités d'une façon plus libérale.
M. le président met aux voix les candidatures de .MM. Ploîx, ancien président de la Société d'anthropologie, de M. le Dr Bouffé, de M. le
Dr Potiier, directeur de lu maison de santé de Picpus. de M. Vnlenlino, chef de bureau au ministère de l'Instruction publique, de M. Savignon. avocat à la Cour d'appel, ces candidatures sont adoptées a I unanimité.
La suggestion Indirecte.
Par M. le Dr Antoine MAVROUKAKIS
D'après M. le professeur Beruheîm la suggestion est une influence provoquée par une idée suggérée et acceptée par le cerveiiu.
Cette influence est due la plupart du temps à la suggestion que l'upérateur adresse directe ment au sujet, mais il y a quelques sujets très hypnotisa blés et très suggestibles qui peuvent accomplir un acte dû à ladite influence sans que la suggestion soit directement exprimée et même sans quelquefois qu'en apparence il existe aucune trace de suggestion. L'opérateur eu désirant obtenir un phénomène quelconque pendant le sommeil hypnotique, ou un acte post-hypnotique, suggère ce phénomène sans le vouloir, sans s'en apercevoir et même plus, eu s'adressa ni à un sujet, il peut en influencer un autre qui se trouve â peu de distance du premier et auquel l'opérateur ne songe même pas. Cette suggestion, on peut l'appeler indirecte, la distinguant de I autre qui est bien connue et à laquelle on |k'ut donner le nom de directe.
C'est le hasard qui m'a fait faire cette remarque et voilà comment :
Kn constatant que les hypereslhesiss de la sensibilité et toutes les particularités de la suggestibilité que présentent quelques sujets sont due» à la suggestion seule, je fus trappe du phénomène suivant :
J'expérimentais sur une malade. M"' Marie J.... atteinte d'une contracture ilu bras et du pied gauches, avec une atrophie musculaire assez remarquable ii la suit's d une pandvsie infantile : a un moment donné, il me vint à l'esprit de vérifier le degré de suggestibilité de ce sujet en lui faisant réaliser une série d'actes assez coinpliqilés et je lui dis : • Mademoiselle, au premier coup de sonnette que vous entendrez, vous lèverez les bras el les pieds et vous resterez en catalepsie, puis vos membres deviendront si raides que personne ne pourra les fléchir, même en y mettant toute mi force. Au second coup de sonnette la raideur dispa-raîlra vous vous lèverex de votre chaise, vous ferez trois fois le lourde la salle cl après mois vous mettrez à genoux. Au troisième coup de sonnette vous irez embrasser M"' Henriette, vous regagnerez votre place et au IkuI de ." minutes vous vous réveillerez sans avoir le moindre souvenir de ce qui vient de se passer, a Celte suggestion assez compliquée terminée, je sonne, ayant fixé toute mon attention sur mou sujet et je le vois exécuter la première partie de mon ordre, je sonne une seconde fois et mon sujet s'était levé pour accomplir la
seconde parts de la suggestion lorsque je lus Ires étonne en me retour-nant de voir mrs suggestions exécutées pur deux sujets au lien d'un. Deux sujets.. Marie T... et Eugénie G..., accomplissant toutes les deux les actes que je n'avais commandé qu'à une seule. Marie T...
Tout d'abord je crus que le second sujet avait accompli ces actes, pensant que je m adrrssais à lui. cela n ayant rien d'extraordinaire : niais une répétition fréquente des expériences m'a persuade qu'il n'en était pas ainsi. Ce n'était pas par erreur que le second sujet accomplissait les actes suggères au premier. Je l'influençais indirectement. Tombée dans l'état de passivité absolue dans lequel se trouvent la plupart des sujets hypnotisés, elle était incapable de réagir contre un ordre qui venait frapper son oreille. Elle le recevait en même temps que le premier sujet et le mettait à exécution d une façon inconsciente et ;iulo-matique. La suggestion pour arriver à sou cerveau d'une façon indirecte, n'en avait pas moins un caractère d'irrésistibilité très frappant.
J'ai varié ces expériences. Le résultat fut le même, ce qui n'avait rien d'étonnant. Ainsi, je réveille Mlle Eugénie G... je la pince à l'extrémité ae la salle, à une distance de quatre mètres de Mlle Marie T... que j'ai laissée endormie ; je dis alors à haute voix — Mlle Marie T... (en l'appelant cette fois par son nom et en précisant que c'est à elle que je m'adresse et non à une autre, lorsque vous serez réveillée, si je vous présente une boule rouge vous pleurerez, si je vous présente une boule jaune vous rirez, et si je vous présente une boule bleue, vous sentirez au bras droit un courant électrique assez fort pour vous faire faire toutes les grimaces possibles.
Je réveille mon sujet et la suggestion réussît complètement.
Dix minutes après j'endors le second sujet et sans rien lui suggérer je le réveille au bout de quelques minutes, je lui présente les boules et j'obtiens le même résultat qu'avec le premier sujet.
Ensuite les deux sujets étant réveillés, je m'adresse à une tierce personne à laquelle je dis : « Il y des malades chez qui la sensibilité cuta-née pendant le sommeil le plus profond ne disparaît pas ; même si celte sensibilité fait défaut à l'état de veille, elle revient pendant le sommeil provoqué et si on pique légèrement ces malades ils sentent une forte douleur. J endors ensuite mes deux sujets et j'aî été vraiment étonné en constatant chez Mlle Eugénie G... qui était hemi-anesthésique du côté gauche le retour de la sensibilité dès qu elle est endormie.
Dans une quatrième expérience, je place mes deux sujets, debout l'une endormie, l'autre. Mlle Eugénie G... éveillée cl m'adressait a un assistant, je lui dis : Chez quelques sujets la suggestibililé motrice est très développée de sorte que si on pose les mains sur leur dos ou même si on lance brusquement la main en avant de façon que ce mouvement provoque un léger bruit ou déplace un courant d'air dont le sujet ail la sensation, on peut le faire reculer ou avancer, sans qu'on ait besoin d'ajouter aucune suggestion verbale.
Je fais ce geste et il fait avancer nu reculer le sujet endormi, j'endors l'autre, je répète la même opération, sans renouveler la suggpstion et j'obtiens le même résultat-
Huit jours après, je mets les deux sujets l'un à côté de l'autre et sans rien suggérer de nouveau, je réalise toutes les expériences déjà faites, avec la même précision que précédemment : j 'ai renouvelé ces expériences sur d'autres personnes et les résultats obtenus m'ont convaincu que des personnes très suggcstibles peuvent être influencées par suggestion indirecte, non seulement à l'état de sommeil hypnotique maïs encore en étal de veille.
Cette suggestion ne se produit pus seulement par la parole mais de différentes laçons. Si on a attribué à un acte exécuté par l'expérimentateur un pouvoir quelconque, la répétition de cet acte rappellera dans le cerveau du sujet l'idée qui s'v rattache et le sujet réalisera la sug-gestion automatiquement, comme mû par une force supérieure à sa volonté.
Beaucoup de suggestions indirectes peuvent ètre inconsciemment faites par l'expérimentateur.
Je ne prétends pas qu'on rencontre cette aptitude à être impressionné cher ions les sujets hypnotîsables d'une façon austî nette que je l'ai observée chez Mlle Eugénie G... mais en interprétant avec soin les différents phénomènes hypnotiques ou post-hypnotiqucs on constaterait plus souvent qu'on ne pense l'action d'une suggestion inconsciente et indirecte.
Il ne serait pas difficile de trouver dans la vie courante des exemples de l'action exercée par des suggestions qui ne s'adressent pas directes ment à ceux qu'elles viennent inopinément influencer. Il n'est pas rare dans les écoles, que des reproches adressés à un élève pour le corriger de tel ou lel défaut agissent indirectement sur d'autres élèves atteints des mêmes défauts et auxquels les reproches ne sont cependant pas adressés. La plupart des juristes considèrent que dans l'application tics peines, il faut accorder une part considérable à l'effet salutaire exercé snr la généralité des esprits par l'exemple des châtiments infligés.
Les expériences que je viens «le rapporter avaient cessé le
10 décembre dernier par le départ de Mlle Eugénie G... Mais le 30 du même mois une antre malade. Mlle Gabriclle H..., atteinte d'hvstérie. qu venait à la clinique «lepuîs déjà un mois et qu'on croyait comme réfrac-i taire, vint tout â coup apporter une confirmation à nos idées. Un beau jour cette malade tombe inopinément dans un sommeil profond, après avoir regardé une autre malade qui se trouvait endormie à côte d'elle.
Il y avait là une manifestation très frappante de l'influence de l'imitation. J'examinai attentivement cette malade et je constatai qu'elle subissait au plus haut degré l'action de la suggestion indirecte.
J'entrepris une nouvelle série d'expériences qui montrent très nettement cette action.
Voici deux de ces expériences :
1°M 'adressant à une jeune fille. Henriette L …trës hvpnotisable. je
lui dis : Dés que vous serez réveillée vous irez chez la concierge demander un bonbon, vous reviendrez ici et vous le mangerez devant moi. mais comme ce bonbon contient beaucoup d'idems! vous serez grise, en voyant votre état déplorable vous regretterez ce que vous venez de faire, vous vous mettrez à genoux et vous me direz : Monsieur, pardon nez-moi la sottise que je viens de faire; puis vous regagnerez votre place et vous rendormirez. Après son réveil, elle exécuta les suggestions faites. Les deux autres sujets se réveillèrent en même temps et tous les trois exécutèrent les mêmes suggestions.
2° La sensibilité cutanée était intacte chez les trois jeunes filles et cependant en m'adressant à une seule ù l'état de veille, je les ai rendues toutes les trois complètement aueslliésiques de façon que j'ai enfoncé une épingle sur différentes parties de leurs corps sans qu'elles manifestent la moindre sensation. Ces expériences n'ont en elles-mêmes rien d'extraordinaire, les différents hypuotiseurs les ont répétées maintes et maintes fois, mais ce qu'il y a de plus intéressant c'est l'effet si frappant de la suggestion indirecte. Il m'est arrivé ni m adressant à une malade, d'influencer une autre qui se trouvait dans l'autre salle et qui. naturellement, entendait ma voix.
Un des amis de M. le Dr Bérillon m'a prié en expérimentant d'ajouter ces mots : « Mademoiselle, je m'adresse à vous toute seule et je vous recommande d'exécuter toute seule mes ordres. Je constatai malgré cela, après l'entraînement créé par 1rs premières expériences que les sujet sensibles â la suggestion indirecte, avaient une tendance à y obéir d'une façon irrésistible.
M. Bérillon a pensé que ces expériences pouvaient intéresser les membres de lu Société d'hvpnologîe et de psychologie; c'est pourquoi je les ai reproduites devant la Société. Il s'en dégage un plus haut point un enseignement. La suggestion indirecte a une action aussi inattendue que puissante; il faut doue. lorsqu'on s' adresse un sujet hvpnolisé. ne lui dire que ce qui doit être entendu de lui seul et continuer selon le conseil de M. le professeur Bernheim. â se défier des gens qui dorment.
Séance du 19 février 1894. — Présidence de M. DUMONPALLIER.
Le procès-verbal de la séance précédente est lu et adopté : La correspondance comprend des lettres de MM. les Bouffé. Julien Pioger, de M. Valentino, remerciant la Société de leur admission, de M. le Dr Le Menant des Chesnais s'cxcusant de ne pouvoir assister à la séance.
M. le Président offre à la Société, de la part de M. le Dr Mosnel. membre de l'Académie de médecine, un livre sur Le somnambulisme provoqué et la fascina lion. Ce livre sera l'objet d un rapport
M. le Dr Julien Pîoger. présente â la Société un livre sur La vie et la pensée, dont il esl l'auteur. Ce livre sera l'objet d'un rapport.
M. le président adresse des souhaits de bienvenue à MM. les Dr Crocq. de Bruxelles, Pottier, Bouffe et Julien Pioger, â MM. Ploix et Valentino, qui assîstent pour la première fois à une réunion de la Société.
M. le Président met aux voix la candidature de M. le Dr Mendoya, de Medellin Colombie .
La Société désigne pour la représenter au Congrès international de Rome. MM. Luys etBérillou.
De l'hypnotisme dans la genèse des miracles
par M. la Dr. Felix regnault.
L'hypnotisme en dehors de son importance en médecine et en psvchologie. occupe encore une grande place dans l'histoire de l'humanité. Les historiens méconnaissent trop cette importance, qu'il s'agisse de luttes entre peuples ou de la fondation des religions.
Dans la guerre, la victoire reste souvent à celui qui. y croyant, se refuse à lâcher pied. Wolseley un des premiers a dit (Temps. 1888) que « la suprème qualité d'un général est de communiquer cette crovance a ses soldats. »
Dans les révolutions et les troubles civils, lorsqu'un parlement vote une décision, l'avantage ne reste pas à l'orateur qui développe les arguments les plus logiques, mais au tribun qui parle avec le plus île fougue el de conviction.
Mais le rôle de l'hypnotisme est surtout prédominant dans la vie religieuse dos peuples. Liebeault cl Charcot ont les premiers développé ce point de VUe. Il est bien probable que les martyrs qui supportaient les tortures en souriant, devaient celle impassibilité a une anesthésie hystérique.
C'est actuellement dans les gué ri so ns miraculeuses que je me propose d'étudier le rôle de l'hypnotisme.
J'ai eu l'occasion de visiter plusieurs pèlerinages, entre autres celui de Paray-le-Monial au moment de la célébration du centenaire de Marie Alacoque. celui de Kali-Ghat â Calcutta, et je puis avouer qu'en ce qui concerne la production des mil iules. Lourdes présente sur tous les autres nue supériorité marquée.
Elle doit celle supériorité a ce que tout est prépare en vue que la suggestion s'accomplisse : tout d'abord les mendiants et infirmes sont soigneusement écartés de la grotte. Tandis qu'à Paray-le-Monial on est entouré de paralytiques et de gibbeux et que les pèlerinages des Indes sont de vrais musées pathologiques Ou lépreux, étéphantiasiques. microcéphales et déformés de toutes sortes semblent s'être donnés rendez-vous, ici. aucun souffreteux. Celte pensée involontaire ne viendra pas aux malades : « si la vertu du pèlerinage est souveraine, pourquoi tous ces malheureux n'en profitent-ils pas? »
Les mesures d'ordre sont aussi admirablement entendues- Les pèlerinages se font par provinces. Des bandes de plusieurs centaines de personnes arrivent sous la direction de leurs curés. Elles chantent les cantiques dans leur patois, qui est évidemment bien plus suggestif pour eux que la langue nationale.
Les malades sont conduits par des înfirmiers volontaires qui pour une partie au moins sont recrutés parmi les miraculés. On voit la puissance suggestive de ces infirmiers convaincus qui réconfortent le patient avec l'histoire de leur guérison.
L'action hypnotique elle-même se produit de deux façons dill'é-rentes : soit au-devant de la grotte, les malades, traînés par des înlirmiers dans leurs petites voilures y séjournent en prières plusieurs heures, parfois toute la journée. La grotte est brillamment illuminée, la statue de la Vierge se détache sur cette lumière, un curé joue de l'orgue, et la multitude quelquefois au nombre ite plusieurs mille, chante des cantiques. Quel médecin hypnotiseur peut déployer une pareille mise en scène? Aussi les extatiques ne sont pas rares. On voit des ligures ligées dans la prière avec le vague dans le regard, absolument comme ces fakirs de l'Inde qui. nus et immobiles fixent le soleil des heures entières.
Dans le cas où la grotte ne réussit pas, on peut boire de l'eau sacrée, mais il reste comme dernière ressource les bains froids.
Ils sont à la température de G degrés, dans un petit espace qui contient seulement trois cuves. L'eau sert successivement à plusieurs malades et n'est renouvelée que lorsqu'elle est sale. La conviction et l'ardeur à la prière sont peut-être plus grands ici qu'a la grotte.
Enfin, une des pratiques les plus habiles est assurément celle des certificats de guérison constatés par un docteur en médecine.
Celui-ci ne voit le client que guérison établie, et il s'assure si elle n'est pas fictive. Maïs d'ordinaire des certificats délivrés
par des médecins de province, autorisés par l'administration de Lourdes, indiquent l'état du malade avant son transfert au lieu saint. Parfois ce sont même des certificats d'infirmité délivrés, un peu à la légère peut-être, par des médecins qui ne croyaient pas du tout en agissant ainsi favoriser le pèlerinage. C'est ainsi qu'on a diagnostiqué des sténoses de l'œsophage qui n'étaient fort probablement que des spasmes hystériques.
De la sorte, les malades sont armés contre les objections des incrédules. La discussion devient possible. On cite l'opinion des médecins qui, parfois, sont des autorités dans l'art médical. La conviction des patients n'est plus ébranlablc.
Après avoir noté les conditions qui favorisent la suggestion dans la production des miracles, il est bon d'indiquer en regard les facteurs nécessaires à cette production.
Ce sont :
1° Que le miraculé ait la foi.
Il est bien évident que les incrédules ne peuvent être l'objet d'un miracle. Ce point avait déjà été noté dans la Bible. Dans l'évangile selon saint Mathieu, chap. XIII, nous lisons : « Il ne fit pas là beaucoup de miracles à cause de leur incrédulité ». Ce que les commentateurs de la Bible expliquent par ce fait qu'il ne voulut pas faire de miracles pour les punir. Mais l'évangile selon saint Marc (chap. VI) contredit cette assertion. Car il dit qu'il ne put faire là aucun miracle, si ce n'est qu'il guérit quelques malades en leur imposant les mains. Et il s'étonnait de leur incrédulité. »
Les hypnotiseurs savent bien qu'il est nécessaire que le sujet croie en eux ; aussi ne négligent-ils rien pour lui persuader qu'il devra nécessairement succomber dans la lutte hypnotique. C'est ce qui explique pourquoi on ne peut endormir certaines hystériques pourtant très suggestionnables : c'est qu'elles s'en défendent.
2° Que l'opérateur ait la foi.
Cette condition paraîtra moins indispensable que la précédente, elle est pourtant bien réelle. Si l'opérateur doute de sa puissance, il n'aura pas pour suggestionner cette certitude dans la parole, cette sincérité de l'accent, cette assurance du regard si nécessaires. C'est ce qui explique la faiblesse de certains médecins débutant dans cet art, et comment d'autres n'y parviennent jamais.
Ce fait avait été également signalé dans les évangiles. Jésus-Christ avait chassé le démon du corps d'un possédé, alors que ses
apôtres n'y avaient pu réussir; « Pourquoi n'avons-nous pu le chasser, demanderent-ils ? — A cause Je votre incrédulité ». et il leur conseilla de jeûner et de prier, ajoutait qu'avec la foi on soulevait des montagnes. (Chap. XVII. saint Mathieu.)
Dans la cas particulier je crois absolument erronée l'opinion de certains esprits, qui ne voient dans le pèlerinage de Lourdes qu'une exploitation savamment organisée par d'habiles metteurs en scène. Ces curés.ce personnel, tous sont absolument convaincus. Il y a dans la sincérité de leurs paroles un accent qui ne peut tromper.
Quelle théorie, quelle explication les catholiques actuels donnent-ils à la genèse des miracles? Aucune. Et ils croient qu'il n'y a miracle que lorsqu'il se produit une contravention aux lois de la nature. Ainsi le médecin officiel des pèlerinages rejette du compté des miracles toutes les gué ri son s hystériques qui seraient nombreuses.
Néanmoins ils ne s'accordent pas avec l'esprit des chrétien primitifs qui. a lire la Bible, était tout autre et expliquait parfaitement le miracle.
L'étude des miracles de la Bible n'a pas été laite par Renau: bien que merveilleux logicien, il n'a pu comprendre la part de vérité qui existait dans ces récils. Il a fallu le développement récent de la science hypnologique et de la sociologie pour les expliquer.En ce qui concerne cette dernière, on sait le rôle capital qu'Herbert Spencer fait jouer à l'idée du double. D'elle dt-rive le culte des morts, et par suite la religion et toute la complication sociale telle que nous l'observons actuellement. Celte théorie du double servait à celte époque à expliquer les miracles. Généralement Jésus-Christ guérissait des possédés, des lunatique.», des muets, des paralytiques et des cataleptiques : les lépreux et les aveugles sont bien rares. Or ces gens étaient possédés par un double, un esprit, un démou et quelquefois même par une légion. Jésus conversait avec ces démons et les chassait. Quelquefois il les faisait entrer dans le corps d'autres animaux, tel un troupeau de porcs qui fut ainsi possédé.
Ces miracles n'étaient évidemment pas faits pour déplaire au peuple. Mais on tend trop à s'imaginer qu il y voyait nécessairement une preuve de divinité. C'est qu'en effet il devait exister à cette époque de nombreux hypnotiseurs qui chassaient les doubles et taisaient concurrence au Christ. La Bible nous conserve la mémoire d'un d'entre eux évangile selon saint Marc. chap. IX : s Nous avons vu quelqu'un, dirent les apôtres a Jésus, qui chas-
sait les démons en voire nom et qui no vous suit pas. et nous l'en avons empêché. »
Bien loin d'adorer Jésus après qu'il eût chassé les esprits impurs dans le corps de pores, les gens du pays le prièrent de partir. Ils le prenaient en effet pour un soreier et craignaient d'être envoûtés.
Enfin nous voyons les juifs discuter la question de savoir s'il est permis de guérir le jour de sabbat (chap. XII). Ils ne voyaient donc là qu'un travail, et n'auraient pas eu celte idée s'ils l'avaient regardé comme un miracle dans le sens où nous le prenons aujourd'hui.
Au reste Jésus témoignant d'une sincérité et d'une lionne foi absolument exceptionnelle chez un thaumaturge et qui doit le faire admirer même de nos jours en dehors de toute idée religieuse. Comme on l'appelait auprès d'une jeune fille qu'on croyait . morte, « Elle dort simplement ». dit-il, et il la réveilla, diminuant ainsi de beaucoup la portée de son miracle. (Ch. IX. S. Mat.)
Ces récits de miracles dont les détails apparaissent aujourd'hui à la science comme si vrais, permettent d'affirmer à nouveau l'authenticité des évangiles, ou tout au moins saint Mathieu, saint Marc et saint luc. alors qu'ils sont regardés par certains comme une preuve de leur lausselé. Si ces documents étaient apocryphes, nous ne retrouverions pas cette bonne loi et cette véracité dans les détails, de faits qui jusqu'à ces dernières années paraissaient inexplicables. Cette constatation n'est pas oiseuse, car on sait qu'il existe une école qui uîe l'authenticité des évangiles et même l'exislance de Jésus. La science nous permet aujourd'hui de faire justice des opinions passionnées de quelque côté qu'elles viennent.
Passons à l'examen des miraculés guéris. Ceux de Notre-Dame de Lourdes, nous montrent qu'on en observe une plus grande variété qu'on ne pense généralement. Ce sont :
I" Les hystériques. C'est le plus grand nombre, m'a avoué le médecin de Lourdes. Il s'agit de paraplégies, «le mutité, tremblements, et tous les maux qui peuvent frapper celte catégorie de malades. J'ai vu une demoiselle morphinomane qui était en train de guérir, et iliminuail chaque jour sa ration «h- morphine.
2° Une seconde catégorie nous sera fournie par des pseudn-guéris qui de bonne foi croient avoir ét«- l'objet d'un miracle.
« Il faut nous mettre eu garde contre ces prétentions » m'a dit mon excellent confrère. On peut voir aussi des phtisiques, des asthmatiques. . . qui se prétendent guéris alors qu'il n'en est
rien. Je trouve même que souvent, on ne prend pas assez de précautions. Ainsi on m'a présenté comme miraculé un malade don! voici l'histoire.
Il s'agit d'un pauvre diable, maigre, efflanqué. mais distigué, de bonne famille el qui sert maintenant d'infirmier volontaire. Il a eu en 1880, un mal de Pott avec abcès multiples et paraplégie consécutive. Tous ces accidents se sont lentement développés avec des alternatives d'exacerbation et de rémission. Il a fait de 1880 à 1890. de nombreuses saisons à Notre-Dame de Lourdes. les premières furent infructueuses au point qu'il eu vint à douter de son efficacité. « Je fus puni de cette mauvaise pensée, ajoute-t-il naïvement par une exacerbation de mou état. Mais la foi revint je fis d'autres pèlerinages et l'amélioration succéda au point que maintenant je puis marcher el aider les autres. » Le tout dit sur une voix lente, monotone, avec des redites et des digressions nombreuses, mais d'une bonne foi incontestable.
Ce malade est-il guéri? H sullit de voir sa déformation vertébrale, sa tète rentrée dans ses épaules, mais surtout ce corps efflanqué sur lequel dansent ses vètemenis cl son faciès de phtisique pour affirmer le contraire. Comme miracle, il ne s'agit la simplement que d'un mal de Pott amélioré suivant les procédés ordinaires de dame Nature : nous ne retrouvons pas celte rapidité et cet absolu dans la guérison qui fonl crier les croyants au miracle.
3° Enfin. on peut observer des améliorations réelles chez, des malades organiques.
On m'a montré un jeune curé phtisique qui depuis trois mois ne pouvait plus dire la messe, et était au plus bas. anorexique et cachectique.
Après trois bains froids pris à la piscine, il vit la fièvre disparaître, l'appétit revenir formidable, les forces renaître. Il se remit à marcher el à dire la messe.
Les raies qui étaient généralisés dans l'étendue des poumons sont actuellement localisés au sommet. S'agit-il d'une poussée congeslive guérie par le changement d'air ou le bain froid? La crovance à la guérison a-t-elle produit celte amélioration ? Peul-ètre les deux causes se sont elles réunies en l'espèce?
En Ions cas. il esl d'opinion vulgaire et les vieux praticiens savent bien qu'un bon moral dans une maladie est un facteur important de guérison.
Quant aux prétendus miracles d'ulcères disparus immédiatement, de fractures consolidées en quelques minutes, etc., etc., inutile
de dire que nous n'en avons pas vu. Nous ne pouvons trouver d'autre cause à ces faits que le principe d'exagération si répandu dans l'espèce humaine.
Notre-Dame de Lourdes peut donc donner des succès thérapeutiques au médecin qui l'ordonne.
Mais il ne faudrait pas croire que le nombre des malades guéris lut bien fort. On nous a donné une moyenne de 20 à 30 pour 1.000. Sans toutefois attacher une véracité absolue a l'exactitude de ces chiffres, il faut avouer que c'est peu.
Discussion.
M. berillon. — L'action suggestive qui résulte des pratiques religieuses mises en courre a Lourdes est extrêmement intense. Il arrive même que des esprits prévenus la subissent d'une façon aussi irrésistible qu'inconsciente, Un membre de notre société qui s'élait rendu a Lourdes en simple curieux, vit passer devant lui une troupe nombreuse de pèlerins qui s'avançaient sur les genoux, en priant et en récitant des litanies. Bien qu'il ail des idées philosophiques assez avancées. il se sentît porté a les imiter irrésistiblement et a réciter les litanies. Il avait été envahi par une émotion assez appréciable el il dut faire un sérieux effort de volonté pour réagir contre l'influence de l'imitation et de l'exemple. L'action de cette influence doit être décuplée chez les personnes qui se trouvent disposées naturellement par l'éducation el par un entraînement préalable a en ressentir les effets.
Quant aux guérisous obtenues, nul ne doute que la foi n'ait pu. dans nu certain nombre de cas avoir une action curative. M. Liébeault a cité un cas dans lequel la suggestion fut faite, par lui. dans son cabinet, â une malade, qu'elle guérirait à Lourdes. La suggestion se réalisa de point en point, et Lourdes compta un miracle authentique de plus.
M. J. Chocq (de Bruxelles). — Pour prouver que la foi peut guérir il n'est pas indispensable d'aller à Lourdes. M. le professeur Romme-laere avait traité sans succès une malade atteinte d'une paralvsie nerveuse. La malade avait dans l'esprit que le médecin serait impuissant à la guérir et qu'un miracle pourrait seul la guérir. Elle demanda à aller à Lourdes. M. Rommelacre l'engagea il se borner a aller à Marseille où le même effet pourrait se produire. C'est ce qui advint.
M. Jolien Pioger. — Il faut tenir compte dans I» production des miracles del influeiiea exercée par le milieu. L'étude de la psvchologie collective apprend que l'action sur l'individu est en raison directe du nombre de ceux qui l'entourent. Dans la série animale les mêmes effets sont observés. Les individus réunis ont une tendance automatique à exécuter les mêmes mouvements et cet automatisme s'étend aux idées, avec d'autant plus de force que la foule es) plu» nombreuse.
M. Félix REGNAULGT. — A Lourdes. les miracles qui surviennent dans la piscine ne peuvent guère être attribués .". l'influence collective, car le nombre de ceux qui se trouvent dans la grotte est très limité.
M. Dcmoxtpai.uf.h.—¦ Lorsque je suis allé à Lourdes, j'ai pu constater que les faits qui s'y passent doivent être expliqués par la suggestion. Je me souviens d'avoir gardé pendant plusieurs années dans mon service à l'IIôtel-Dieu, une malade qui fut observée avec soin par deux savants des plus distingués, MM. les D" Jules et Pierre Janet. Elle était atteinte d'une paraplégie hystérique la condamnant à une immobilité absolue. Un jour la malade demande à être transportée il Lourdes. Elle en revient absolument guérie. La suggestion religieuse avait été plus forte que nos suggestions hypnotiques. L'n des derniers travaux de M. (lharcot. ayant pour titre : « La foi qui guérit ». prouve qu'il s'était rallié à nos idées sur la suggestion. Il pensait comme nous que ta suggestion est l'agent curatif des miracles de Lourdes ou de ceux qui surviennent dansdes conditions analogues.
VARIÉTÉS
La Gaieté agent curatif (l)
('m Maîtres. COU Camahaiiks,
Suivant un adage célèbre, les Présidents doivent savoir .Vf soumettre ou se démettre.
La formule étant évidemment applicable même aux éphémères Présidents de notre banquet, je me soumets... au Règlement de Y Association amicale de la Presse scientifique — que j'eus l'audace de violer jadis — et je vous impose, par ordre, mon discours post prandium.
Le morceau oratoire qu'il vous faut avaler, au dessert, vient en droite ligne du gaule-manger médical. J'en demande humblement pardon a ceux de mes collègues qui ont le malheur —ou la chance — de ne jamais tenir la queue de la poêle hipporratique). c'est un chapitre traitant d'un agent curatif dont il n'est pas souillé mot dans les savants ouvrage» spéciaux de Trousseau. dePidoux, dcGubler, de Bouehardat. de Dujardin-Heaumetz. voire du professeur Germain Sée. tous maîtres qui sont, révérence parler, comme les meilleurs auteurs de la parfaite cuisinière bourgeoise pharmaceutique.
Mon remède n'est pas spécialisé, comme le baume Kamollmi ou l'elixir Nigodino. On ne le prend ni en dragées, ni en pilules : on n'eu confectionne ni tisane, aï apn/ème; il n'empale pas la bouche à l'instar
(1) Allocution prononcée par M. le D» Fett« BhImoxd, président du 131- banquet de la Presse scientifique.
des potions selon la formule; il n'englue pas !» peau à la manière des emplâtres ; il n'est pas la propriété d'un pharmacien et il n'est pas exploité par une grande société à capital variable : chimiquement parlant, il ne rougit pas la teinture de tournesol, pas plus qu'il ne verdit le sirop de violettes.
N'étant ni alcalin, ni acide, il lui arrive d'être sel. Son nom. oublié par les dictionnaires de matière médicale — même celui de Monin (du gai Gil Blas — devrait se trouver dans tous sans exception, à la colonne G. après Gaîac et avant Galbanum : c'est GAIETE !
Ne vous eselaflez pas. je vous prie, et permettez que je démontre, avec preuves ù l'appui, que Gaieté, non inscrit aux formulaires magistraux, vaut infiniment mieux que Guide et Galbanum. qui se prélassent en belles majuscules dans Ions les vocabulaires d'apothicaireric. jusques et y compris le Codex, évangile selon sainte Routine laïque.
Loin de moi la pensée de mépriser le gaîac. ci-devant Saint-Bois. Le gatac (gaiacuin officinal, de la famille des rut accès; est utile, évidemment, aux goutteux et aux véroles, car il entre dans la composition du célèbre elixir des Jésuites, supérieur à bien des spécifiques vantés, à la quatrième page des journaux, comme propres à être employés en secret — et même eu voyage.
Le galbanum (bubon galbanum, de la famille des oinbcllifcrcs n'est pas dénué de qualités. Il rend des services indiscutables en hiver aux gens frileux, puisqu'il sullit de le fondre dans un mélange d'alcool et de térébenthine, avec un peu de succin. un peu de résine élemi. un peu de styrax, un peu de myrrhe, un peu d'aloès. un peu de galanga, un peu de cauelle. un peu de gigembre, un peu de girofle, un peu de muscade, un peu de dictame de Crète — et beaucoup de baies de laurier — pour composer facilement le Beaume de Fioraventi, topique fumeux contre les engelures.
Je sais, vous le voyez, reconnaître les mérites de mes adversaires, et les reconnaître en plein, à preuve la divulgation de deux détails d'histoire, cpie vous ignorez peut-être, savoir : que le gidbanum fut ordonné à Marguerite de Navarre, pour le pansement d'un furoncle mal placé, et que lu bibliothèque de Florence possède un livre imprimé en 1545. sous le titre de Cicalamenti, parlant d'une belle personne qui avait travaillé fortement à taire augmenter le prix du gaîac.
Je suis doue juste, salomonesquement juste. Cela me lait espérer que vous voudrez bien 1 être de même et proclamer, avec moi. que ni galbanum m gaîac ne sont dignes de mesurer avec mon remède, seul capable d'agir intus et extra, en médecine el en chirurgie, j'ai nommé la Gaieté (Jocus honestus, de la famille des déridés derideri déridera, tra la la).
J'ai promis des observations. En voici :
Les cures sont énumérées en un beau désordre qui n'est nullement l'effet de l'art, — inutile en la circonstance.
Apepsi et Dyspsie. —ouvrons la grande fiicyclopédic que dirige M. Rochard. non- voyons cette (telle vérité dans le volume signe Pouchel:
« Chacun sait l'influence exercée sur l'appétit et la lionne digestion de tout individu par des idées gaies, un milieu agréable. ou le l'ail de manger en compagnie au lieu délie seul.
Consultons un précurseur île M. liochard. le vieux Noirot auteur de l' Art de vivre longtemps, il nous dit :
Rien ne facilite autant la digestion que la gaieté. »
Donc nous digérerons bien ce soir, sans avoir recours aux roulements de tambour que Récamier ordonnait à la marquise dyspeptique, en lui expliquant que sou estomac aimait le rythme.
Goutte. — Miiord Lanesbrow. dont parle Pogc dans ses Epitres morales. se mettait à danser quand il était pris d'un accès de goutte. Il avait tellement confiance dans son gai procédé que. il la mort du prince de Danemark, époux de la reine Anne, il demanda une audience spéciale à la gracieuse Majesté en deuil, pour lui représenter quelle ferait bien de commande! des violons afin de conserver sa précieuse santé.
Pleuresie — Le rire peut être employé avec avantage dans le cas où, après l'opération de la thoniceiitèse, le poumon, refoule par l'épan-chemcnl contre la colonne vertébrale, ne revient pas occuper son siège primitif. L'air, alors, qui ne peut plus s'échapper tic la poitrine que par brusques saccades, dans le phénomène du rire, à cause de l'occlusion convulsive de la glotte, cherche une issue vers les extrémités ler-minâtes des bronches, et force ainsi, peu il peu. les alvéoles a se déplisser.
L'observation provient du service du docteur Thomas, médecin-professeur de la marine.
Catakiuik iiiioxciiiolk. — Le rire est un stimulus avantageux pour la plupart des fonctions de l'économie : il imprime à la poitrine des secousses utiles qui favorisent énergiquement les excrétions alvéolaires et bronchiques: il joue, dans ce cas: le rôle des médicaments incisifs.
C'est signé : docteur Denis-Prudent Itoy.
fievre cerebrale. — Pendant que Henri IV s'occupait de réduire les ligueurs, le duc d'Allgoulcinc, qui suivait l'année du roi. fut attaqué de la lièvre, et. sentant redoubler son mal. il resta il Meiilan. On commençait il désespérer de sa vie. et le due. averti de son étal, demanda aussitôt ii se confesser. Lorsqu il eut accompli ce devoir religieux; les médecins déclarèrent à ses serviteurs qu'il n'y avait plus qu'un seul moveii de sauver leur maître, c'était de le faire rire.
Voici comment on s'y prit pour opérer cette cure :
Le secrétaire du duc d'Angoiilèmc. et son intendant, qui étaient tous deux agés de 60 ans. et Son capitaine des gardes, vieux militaire d'un extérieur très grave, se présentèrent ensemble devant le lit du prince.
entièrement vetus Je blanc; le capitaine «les gardes étant au milieu, frappait alternativement sur la joue de ses deux voisins; qui avaient chacun sur la tète un bonnet rouge avec des plumes de coq. el qui de leur côte, tâchaient à tour de rôle, de lui abattre â lui-même un chapeau de forme ridicule. A la vue de cette scène burlesque, le malade éclata dr rîre. saigna du nez abondamment, et une si grande révolution s'opéra lui qu'au bout de deux heures il se sentit soulagé. La fièvre qui le tourmentait depuis vingt-deux jours, diminua sensiblement, et en moins d'une semaine il put se faire transporter en litière à la campagne où il acheva de se guérir.
C'est extrait du Journal d'hygiène de notre excellent confrère de Pietra Santn.
COLIQUES .NEPHRETIQUES.— Déniocriteles guérissaitavec un aîrde flûte.
SCIATIQUE. — Athénée. Aulu-Gelle et Codius Aurelïanus la guérissaient par le même instrument. Tel, de nos jours, l'induré de cadmium, couteau â deux tranchants, coupant, selon le cas, à droite ou à gauche.
Céphalalgie. — Le rire guérit le mal «le tète, parce qu'il déblaie les sinus frontaux et régularise la sécrétion lacrymale. Un de mes clients; marié un peu tardivement, souffrait horriblement dans la région frontale: il s'est proniptement débarrassé de son mal en lisant les Anec dotes mèdicales de Witkowski.
Scorbut. — Lînd, qui a écrit un gros volume sur cette maladie — dont il ne faudrait pas juger la fréquence d après la vente du bénin sirop antisrorbutique) — fait remarquer que les hommes d'un caractère gai. d'un naturel content, sont moins atteints par l'affection que les homme» tristes et mélancoliques.
Mon excellent maître, le professeur Fonssagrives. qui n'était pas un homme folâtre — il s'en faut de beaucoup — a écrit sur ce sujet quelques lignes qu'il faut citer : « La gaieté, dit-il, est te levier le plus puissant de la santé, elle peut tenir lieu de tout, rien ne saurait la remplacer : plus l'ennui a d'accès facile dans un équipage, par l'isolement, la séquestration, la monotonie de la mer. la longueur des campagnes, l'absence de nouvelles, plus il faut lu! opposer d'efforts persévérants, » Ailleurs, le doux professeur insiste encore : « La gaieté des matelots est le meilleur éloge de l'officier qui les commande. L'n bâtiment où l'on ne chante pas, nous a toujours fait suspecter la prudence du régime moral auquel il est soumis ».
Scrofule. —Tissot. qui fit un roman scientifique, remanié et réédité en Belgique, sous le litre de Charlot s'amuse, Tissot dit avoir guéri des enfants scrofulcux, rien qu'en les chatouillant pour les faire rire. Je bu lai w la responsabilité de l'observation clinique.
Plaie d'arme blanche. — Je me porterais plus volontiers garant de cette narration de Dcsrurct. Dans sa Medecine des passions, il dit : « Le rire ne produit pas seulement une accélération notable dans la
circulation, il imprime aussi à certains muscles une secousse qui devient quelquefois curative. Pechlin rapporte qu'un jeune homme, grièvement blessé à la poitrine, était abandonné des médecins, qui le croyaient sur le point d'expirer. Ses camarades, qui le veillaient, s'amusèrent à noircir avec de la mouchure de chandelle le plus jeune d'entre eux, qui s'élait endormi au pied du lit. Le mourant, ayant ouvert les yeux, fui si frappé de ce grotesqur spectacle, que. s'étant mis à rire, il sortit par sa plaie plus de deux litres de sang épanche, et qu'il se rétablit parfaitement.
FIEVRE INTERMITTENTE. — Mou malheureux ami Dumont de Monteux. mort après une douloureuse hypocondrie, qui était de la philanthropie â rebours, m'envoyait cette note, en 1876 :
« J'ai connu un vieux monsieur de Dunkerque qui. dans sa jeunesse, fut pris d'une fièvre intermittente des plus rebelles. Finalement il part pour Paris afin de consulter Antoine Dubois. Le jour de son arrivée, on le conduit au Théâtre-Français pour voir jouer le Maritime de Figaro, Cette pièce le fit tant rire, qu'à partir de ce moment il fut guéri d'une manière si radicale que jamais plus il ne revit la fièvre.
Cachexie paludeenne. — On trouve dans Voltaire l'histoire d'une dame. qui. voyant sa fille chérie presque agonisante, s'écria : « Mon Dieu ! rendez-la moi. et prenez tous les autres ! » Un île ses beaux-fils s'avance et lu! dit gravement : « Madame, les gendres en sont-ils ? a Le sang-froid de l'interlocuteur, le comique sérieux de la réponse, font éclater de rire les spectateurs, la mère éplorée cl la fille mourante; et. dès ce moment, cette dernière marcha rapidement ver» la guérïson.
Extraction des corps étrangers. — l'n homme avait un hameçon dans la gorge, l'extraction en semblait impossible. Que fil l'opérateur? Il chatouilla le périnée du patient avec un onguent. Le chatouillé fut pris d'un fou rire et cracha le corps importun. L'observation a été cueillie par l'Union Médicale dans the Collège ami médical Recovd.
Ane t.s Divers. — Ceci ne vient plus d'Angleterre, mais du pays du macaroni :
Abandonné à une mort inévitable, un prélat romain, suffoqué par la présence «l'un abcès dans le pharynx, languissait sur son lit de douleur. Tous ses gens, plus empressés de se partager ses dépouilles que de lui prodiguer les derniers soins, s'emparaient déjà des effets les plus précieux du malade. Son singe qui. selon toute apparence, ne voulait pas rester eu arrière dans une si belle occasion de montrer son adresse, prétendit huiler ces serviteurs à gages. Posté en face du lit. il s'affubla de la mitre du pain re agonisant. — Le prélat l'aperçoit et l'idée lui parait si plaisante, qu'il pousse involontairement un grand éclat de rire : l'abcès rompt ses digues. et le prélat recouvre la santé.
Autres faits, d'origine française :
Rïcherand a vu se vider, pendant les secousses du rire, le contenu d'un abcès, par congestion, provenant de la région lombaire.
Barthez cite, dans ses cahiers de thérapeutique, l'observation d'un nommé Asti, chez lequel une vomique s'ouvrit el s'évacua au dehors, à la suite de rires provoqués en lisant un ouvrage plaisant. Ce malade guérit.
La même chose arriva, dit-on. à Erasme.
Tubeucclose. — Dans le développement de l'affection spécifique localisée par le mésentère, Chopard recommandait l'exercice du rire. Cela valait mieux, certainement, que de parquer, comme on tend à le faire aujourd'hui, tous les poitrinaires — ceux du ventre compris — dans des léproseries plus épouvantables que celles du moven âge.
Syphilis. — Lisez, dans les œuvres d'Ambroise Paré, un Péan d'autrefois, le chapitre sur la manière de préparer la décoction de gaïac (déjà nommé . vous v verrez cette prudente prescription.
« Le vérole doit éviter toutes passions qui enflambent les esprits animaux : à quoi lui servira beaucoup passer le temps à quelque chose joyeuse, comme deviser, jouer des instruments musicaux, aussi lire chose plaisante, »
Médecine OPÉratoire. — Je ne dois pas oublier de mentionner l'application de la bonne humeur à l'anesthésie. à cause d'un souvenir personnel, Chanter le couteau il la main, pour faire rire un opéré, cela vaut In peine d'être noté. Il m'a été donné d'assister à ce spectacle original dans un hôpital de Paris, au temps où le chloroforme était encore une nouveauté. L opérateur, spécialiste connu du monde entier, chaulait ce refrain :
Coupons, morbleu, coupon» court. Aus erreurs de la jeunesse.
Et. pendant ce temps, il coupait... je n'ai pas besoin de dire quoi. Fasse le ciel des... lits qu'on n'ait jamais à rogner ainsi ni vous, ni moi.
Accouchements difficiles. — Chez les dames Israélites — c'est un entant d'Israël qui me l'a appris — on peut se passer du forceps, en présentant une pièce de cent sous à la vulve, car le métal argent appète le Juif comme I aimant attire le fer; chez les catholiques el les protestantes on peut déterminer la délivrance rien qu'eu leur chantant, avec gestes Idoines, sur l'air de Fualdès. la complainte de Saintc-Lipopette. qui avait des glandes mammaires en bois. et qui mourut vierge et martyre, par suite de couches, à l'ombre du clocher des Eygalades.
Rétention d'urine. — Pourquoi dît-on. dans la préface de Pantagruel : n Lisez ceci â l'aise du corps et au profit des rognons », si ce n'est pour indiquer que cet exercice joveux, amenant la contraction saccadée des muscles abdominaux, comprime la vessie et chasse au dehors le liquide distillé par les reins?
Tynpamsme. — Qui peut faire une plus sérieuse concurrence à l'anis vert (pimpinella anisuni, de la famille des ombelliferes), célèbre en
thérapeutique comme carminatif, si ce n'est le bon gros rïre h ventre déboutonné. Ne vide-t-il pas merveilleusement, à petits coups, l'outre humaine, où s'emprisonne Kole. le gazomètre portatif, trop sonore parfois, sur lequel Sylvestre a brodé tant d'exquises chroniques, en digérant son cher cassoulet toulousain.
•
Je ne pousserai pas plus loin. Messieurs, l'examen des maladies curables par le rire et la bonne humeur, niais vous me permettrez de compléter mon morceau de thérapeutique par un lopin d'hygiène.
Exceller en thérapeutique, disait, il y a quelques jours, un maître de renseignement officiel, le Professeur Landouzy, « c'est exceller en l'art de faire la guerre, c'est exceller dans l'art de rétablir la santé, c'est cultiver l'art de pénétrer les processus morbides, de s'attaquer à eux. d'augmenter la résistance des assiégés, d'avoir toujours bien en mains l'armement le meilleur et le plus perfectionné. »
Je m empare de cette image, qui semble venue de l' école de guerre sur un caisson d'artillerie, et. brandissant, en guise de sabre, le vieil adage : Si VIS pacem para bellum. je vous crie : aux armes, citoyens, pour la prophylaxie! formez le bataillon de francs rieurs! Ce sont de rudes soldats, constituant un corps d'élite, auquel la maladie n'ose guère se frotter.
Les joyeux guérissent toujours, disait maître François Rabelais. D'autres ont pensé — je suis de ceux-lâ : les joyeux sont rarement malades.
Notre bon Reveillé-Parise s'en est expliqué ainsi dans son Etude de l'homme : « Un de mes confrères, dit-il. âgé de 83 ans. ramenait aux trois points suivants l'hygiène qui a prolongé sa carrière : je mange peu. je marche beaucoup et je suis gai. »
L'auteur du livre Sur la Santé des gens de lettres, proclame que « rien au monde ne contribue autant à la sauté que la gaieté ».
Sir Makensïe, qui se connaissait en augustes tristesses, disait : « La joie est le soutien de la santé et le contre-poison de la maladie. »
C'en est assez, je suppose, pour justifier mon éloge de la lionne humeur.
Vous foudrait-il d'autres témoignages pris en dehors de la science ? En voici encore deux, pas davantage, car le café refroidit. Voici venir un philosophe antique, Séuêque. qui nous dit :
La gaîrle esi le premier bien.
Derrière lui, s'avance un père de l'Eglise. Saint Paul, qui vous donne ce bon conseil, extrait de son Epitre aux Thessaliens :
Semper gaudele'. — C'est la grâce que je vous souhaite !
L'hypnotisme en Angleterre.
commission de l'hvpnnlisme, nommée par la Société anglaise de médecine il l'assemblée de Birmingham en 1890, a présenté son rapport, deux ans après, à l'assemblée de Nottingham, le 26 juillet 1892. Les membres de celle Commission étaient : les D" Hroadhcnt. Clous-ton, Caîrdner, Ncedham Chairman;. M. Langley ^Cambridge), le» Dr Kingsburg, Connolly. Norman, Hack Tnke. Olterson. Wood, et Yelluwlees.
Les termes de la question qu'il s'agissait a étudier sont énoncés en téte même du rapport.
Rapport de la Commission nommée pour rechercher et étudier la nature des phénomènes d'hypnotisme : valeur de l'hypnotisme comme agent thérapeutique, et conditions favorables de son emploi.
Après avoir achevé ses recherches et études sur l'hypnotisme, autant que le temps le lui a permis, la commission se fait un devoir de déclarer qu'elle a été convaincue de la complète réalité de l'étal hypnotique. Par Contre, aucun des phénomènes qui ont été soumis à son examen n'autorise à donner un corps â la théorie dite du « magnétisme animal ».
Les expériences qui. à titre d'essais, ont été exécutées par les membres de la commission, ont établi que cet état '.hypnotique) est accompagné de phénomènes psychiques et physiques, et que ces phénomènes dînèrent grandement, suivant les divers cas.
Au nombre des phénomènes psychiques figurent : la modification de la conscience de soi-même, l'arrêt temporaire de la puissance de la volonté, le développement de la faculté de recevoir la suggestion du dehors, parfois même allant au point de produire de courtes illusions et des hallucinations fugitives, un état il attention poussé jusqu'à l'excès, et des suggestions post-hypnotiques.
Parmi les phénomènes physiques. il faut noter : les modifications vaseulaires ftels que le rouge qui monte au visage et l'altération des conditions du pouls. ; la profondeur de la respiration. l'accroissement de la fréquence de la déglutition, de légers tremblements musculaires, l'impossibilité de maîtriser les mouvements suggérés, l'altération delà sensibilité musculaire l'aneslliésie. la modification de la puissance de contraction musculaire, la catalepsie et une rigidité souvent intense.— Néanmoins, il faut bien entendre que tous ces phénomènes psvehiques et physiques se produisent rarement dans un seul et même cas. commission saisit cette occasion pour dire que le mot « livpnotisme » induit quelque peu en erreur, puisque le sommeil, tel qu'on le comprend d'ordinaire, n'est pas nécessairement présent. — La commission est d'avis que, pomme agent thérapeutique, l'hvpuotisnie est souvent il une puissante efficacité pour alteuuer la douleur, pour procurer hs sommeil, et pour soulager beaucoup de maladies fonctionnelles. — En
ce qui concerne son efficacité permanente pour le traitement de l'ivrognerie, lu preuve qui en a été faite en présence de la commission est encourageante, mais non pas concluante.
Dans l'emploi de l'hypnotisme, des dangers peuvent résulter du manque de compétence et d'expérience, du manque de précautions, ou bien de l'abus fait avec intention, ou bien encore de la trop continuelle répétition des suggestions dans des cas qui ne sont pas favorables. La commission émet l'avis que, quand on applique l'hvpnotisine à des usages thérapeutiques, son emploi devrait être confié exclusivement à des médecins expérimentés, et que jamais il ne faudrait hvpnotiser des femmes en présence d'un de leurs parents, ou bien d'une personne de leur sexe.
En concluant, la commission tient a exprimer énergiquement sa désapprobation, pour exhibitions publiques des phénomènes hypnotiques, et son espoir qu'une- loi interviendra bientôt pour V mettre un terme.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Association de la Presse médicale.
Réunion il» 12 janvier 1891.— Le Ier dincr statutaire pour l'année 1891. de l'Association de la Presar médicale, a eu lieu le 12 janvier 1891. au restaurant Margucry. wms la présidence de M. Cornil. Dix-huit membres ont assisté à cette séance, parmi lesquels les syndics: MM. de Hanse et Cézilly.
Le Secrétaire général a présenté la brochure, imprimée par les soins île l'Association, pour perpétuer le souvenir du banquet offert sous son initalive par le corps médical français aux médecins de l'escadre russe. Celle brochure est désormais à la disposition de tous les médecius qui ont adhéré et souscrit au banquet ils peuvent la faire prendre au secrétariat. Il, boulevard Saint-Germain. Elle est mise en vente au Secrétariat général pour tous ceux qui n'ont pas pu assister à cette fête. On peut la demander par lettre en envoyant 1 fr. en timbres-poste. M. le trésorier a ensuite fait approuver les comptes du banquet. En raison des dépense» supplémentaires qu à occasionnées à l'Association son initiative aucours des fêles franco-russes, le montant de la cotisation sera cette année et par exception augmentée de 10 francs.
Enfin, le secrétaire général a mis l'Association au courant des démarches qu'il a faites, à l'occasion du prochain congre» international de médecine de Rome. comme secrétaire du Comité d'initiative français. La Sorièlé dex Voyages pratiques a été autorisée à organiser toute nue série d excursions en Italie, eu Grèce et eu Tunisie, sous le controle du Comité français.
Un avis ultérieur fournira à ce sujet tous les renseignements désirables. Au cours de celte réunion. M. de Rause. syndic sortant a. en outre, été réélu à l'unanimité,
Le Secrétaire gêneral: Marcel. Baudoix.
XIe Congres international de médecine de Rome.
Les membres de l''Association de la Presse médicale française, réunis en Assembié.- générale le 12 janvier 1891. sont davis que les médecin» français doivent prendre une part active au Congrès international de médecine de Rome.
Ils se fondent sur les raisons suivantes : 1° Ce Congrès est la suite des ri-unions analogues et les médecins français doivent d'autans, moins déserter ces grandes assises qu'ils en ont pris los premiers l'initiative (Congrès ile l'aris. 1367). Le bui de ces Congrès. exelusivement scientifiques, consiste à poser et à discuter les questions de médecine générale et spéciale et d'hygiène qui intéressent tous les états :
2° Le francais osi l'une des langues ofliciollcs du Congrès, pelle qu'emploiera la arande majorité des dolorilos belges, espagnols, grecs, hollandais, roumains. russes. suisses. turcs, américains du sud. On ne peut abandonner crut qui nons
font coi honneur :
3° Le corps médical frauçais a le dósir de so produire. de faire connaître ses méthodes et les résultats de ses travaux dans une réunion de savants destiner à discuter les projets los plus importants a l'ordre du jour.
Dans ce concours d'hommes de sciences nous devons mettre au mieux en évidence notre travail national, notre enseignement, nos savants et nos publications. Coruil. Céxilly, ile Ranse. Chevallcrcau. Dérillon, Bilhaut: Dolelosse. De Maurans.
Fonrnior. Gauthier, Gorecki. Gougueuhoitu, Janicol. Laborde. Mover, Ollivier. Valude. M. Baudoin, secretaire. Pour tous renseignements s'adresser 14. boulevard Saint-Germain.
Projet de modifications a la loi de 1838 sur les aliénés.
On rient de distribuer aux députés une proposition de loi sur le régime des aliénés présentée pour la seconde fois par MM. Joseph Reinach et Ernost Lafont.
Le texte de celte proposition de loi peut être considéré comme la svnthèse d'une proposition préparéo antérieurement par le gouvernement, développée par le Sénat. modifiée sur quelques points par MM. J. Reinach et l.afonl. corrigée sur d'autres par les Commissions des deux dernières Chambres, revue enlin par le Conseil supérieur de l'Assistance publique.
Les modifications essentielles à la loi de 1838 que réclame la proposition de MM. Reinach et Lafont se résume en ceci :
1° L'internement ne sera jamais ordonné, jusqu'à l'arrêt judiciaire, qu'à titre provisoire. Tant que le tribunal n'aura point statué sur le cas du malade, celui-ci sera placé dans un quartier d'observation.
2° Les établissements publics devront comprendre deux quartiers annexes desti-nés au traitement. l'un des épileptiques, l'autre des idiots et des crétins.
3° Asiles spéciaux — et non pas seulement quartiers spéciaux — pour les aliénés criminels, dont I internement pourra être perpétuel. Il le sera sile médecin déclare que l'aliéné dont il s'agit est légitimement suspect de reebuto— ce qui est la règle. il ne serait reluis eu liberté que si le médecin déclarait le contraire.
La proposition de loi de MM. Keinarb et Lafont réclame de nombreuses améliorations matérielles à la situation îles aliénés rumine à celle de ceux qui les soignent. Chaque département, en outre, serait tenu d'avoir, dans un délai de dix ans, un établissement public destiné à recevoir les aliénés, ou de traiter à cet effet avec un établissement public d'un autre département.
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Dégénérescence.
Par M. Man Nordau.
Le tome second terminant l'ouvrage de. Dégénérescence, par Max Nordau, vient de paraître chez l'éditeur Félix Alcan. Ce: volume n'est pas inférieur en intérêt au premier.
L'auteur y complète- l'étude des mystiques parcelle des« égotistes ». des esthètes et des réalistes ou naturalistes et établit lcsdiflercncesentri-l'égofsme qui reste normal et l'égotisme qui ne l'est pas, et il étudie les manifestations particulières de celui-ci dans la littérature moderne.
Sous le litre de « parnassiens et diaboliques ». il comprend d'abord Théophile Gautier, de Banville. Baudelaire, et montre la dégénérescence caractérisée par le souci exclusif de la forme joint au mépris du sens, une recherche maladive des excitations voluptueuses, la déprava-lion des sens. etc.
Parmi les esthètes, il étudie longuement Ibsen et, sans méconnaître son talent, il montre, par nombre de citations extraites de ses pièces, que ses héros sont des êtres dangereux, que leur momie est celle des impulsifs de nos maisons de santé. Nietsehe. qui finit actuellement son existence dans une maison de fous, est de même sévèrement jugé, et M. Nordau établit comment les vérités, sous sa plume, se transforment en erreurs et en sophismes.
Pour Zola, l'auteur dénonce la prétention exagérée de son école de nous offrir le miroir du monde, tandis que le roman « réaliste » n'est antre chose que le miroir de l'écrivain ; le penchant instinctif des réalistes est de représenter des insensés, des criminels, des prostituées ; leur svmbolisnie. leur pessimisme, leur coprolalie el leur prédilection pour l'argot, autant de sv m plûmes de dégénérescence ! Un chapitre est
consacré aux imitateurs de Zola qui ont la prétention d'avoir fondé la littérature « jeune allemande ».
L'auteur conclut qne In science l'emporter.! sur l'art el que l'imagination devra céder de plus en plus la place à l'observation. Les dégénérés seront, il est vrai, fatalement vaincus dans la lutte pour la vie: mais il faut cependant mettre en garde contre le mal les gens qui suivent la mode et s'abandonnent à la contagion. En montrant dans certains écrivains et artistes des malades. M. Nordau a cherché à protéger la société elle-même, la santé publique.
NOUVELLES
Enseignement da l'hypnotlame et do la psychologie physiologique.
— Uarnvr psycHo-physiologique De. Paris. 49. rue Saint-André-des-Arts. — L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 189l pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants el de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un ensei-gnement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l' hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée à l'Institut psycho-
physiologique. Dos consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de dix heure» à midi. I.es médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister et sont exercés â la pratique de la psychothérapie.
Des conférences sont faites le jeudi, à dix heures et demie, par M. le dr Bérillon, sur les applications cliniques de la suggestion et de l'hypnotisme, etc. Série de leçons commencera le 25 novembre. On s'inscrit à la Clinique.
M. le Dr J.-O. Jennings fera le samedi des démonstrations pratiques d'électro-physiologic.
Cours à l'Ecole pratique de la Faculté de Médecine.
M. le docteur Bérillon. médecin inspecteur adjoint des asiles publics d'aliénés, directeur de la Revue de l'Hypnotisme commencera le lundi 23 avril, à cinq heures du soir, dans l'amphitéàtre Cruvellier, à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine, un cours libre de pathologie nerveuse et de psychiatrie sur les applications cliniques de Chypno-tisme, et le continuera les lundis et les vendredis suivants, à cinq heures.
Dans ce cours, le docteur Bérillon passera en revue les acquisitions récentes faites flans le domaine de l'hypnotisme. Il étudiera spécialement les indications et les contre-indications de l'hypnotisme et de la suggestion dans le traitement des maladies nerveuses et mentales.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
Nous invitons nos lecteurs à compléter, par leurs indications, les lacunes et les omissions de l'Index bibliographique.
BRUNSCHVIG.— Sue,i;eslion à l'état de veille (Xormandie mêd., 18). DELMAS.— Du tremblement hystériquee (Juurn. de mêd. de brdeaux, 40 et suiv.). DURAT (L.).— Le sommeil cl le rêve (Gaz. tiebdom. des sciences mèd. de Bordeaux, 41).
HIGIER — Du bégaiement hystérique (Merlin Min. H'veft.. n° 34). I.loid (J.).— llyytcrical ireraor and hystérical anorvxia (anorexu uvrvosa) ofa severe type (Amer. Jiiurn. nf tlte Med. sciene.. »epl.).
MARANDON DE MONTVEL (E.). — Folie multiple partiellement communiquée avec dissimulaition combinée des deux codélirauls (France mèd.. 37).
REGIS (E.).— Cas de folie consécutive à une Ot aro-salpîngcctomic (Juurn. de mrd. de Bordeaux. 37).
ROBE.(H.) . — Folie pendant ht lactation Juurn. of (lie amer. med. assuc, t. XXI. 10).
Tonoli. — Ipuotinmo cd ipnotcrapîa (Gazzelta medictt lumhatda. n°29, 30).
L'Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT .
170, rue Saint-Antoine.
tours. — Imprimerie Danjard-Kop.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
8° ANNEE. — N° 10.
Avril 1894..
L'HYPNOTISME A L'HOPITAL DE MUNICH
Étude critique
Par M. le Dr BERNHEIM professeur â la Faculté de médecine dis Nancy.
L'hypnose comme moyen thérapeutique, tel est le titre d'un travail publié dans les Annales des hôpitaux municipaux de Munich, tome VI, par le ï)r L. Friedrich, ancien assistant de la clinique du professeur Zicmssen, de Munich.
Voici les conclusions de cette étude : « Les grandes espérances qu'on avait fondées sur la valeur thérapeulique de l'hypnose ne se sont pas confirmées. Aucun médecin, ayant en vue l'intérêt vrai tle ses clients, n'aura l'idée d'employer un procédé thérapeutique, aussi incertain comme résultat, et qui peut avoir pour la vie psychique les conséquences les plus désastreuses. Aussi l'indication de l'hypnose comme moyen thérapeutique sera très restreinte. C'est seulement lorsqu'il s'agit de lutter contre des étals hystériques graves qui défient tous les autres moyens, qu'on est autorisé à essayer aussi l'hypnose et a expulser le diable par Bel-zébuth ».
Ce terrible verdict est basé sur vingt observations de malades traités par l'auteur â La clinique, d'après ma méthode, dit-il expressément; et me voilà donc directement pris à parti par lui.
J'aurais mauvaise grâce à m'en plaindre, puisque la psychothérapie ainsi attaquée a été magistralement défendue par le L)r de Schrenck-Notzing, dans une étude intitulée : a L'hypnotisme à l'hôpital de Munich, étude critique sur les dangers du traitement suggestif, Leipzig. 1894 ».
Je ne puis que remercier mon excellent et distingué confrère et si je prends la plume, c'est pour abonder dans son sens.
Ce n'est pas que le Df Friedrich n'ait constaté des résultats thérapeutiques. dans l'observation 1. une jeune fille qui no dormait pas depuis six semaines retrouva le sommeil.
Dans l'observation 2. idem : « Les nuits, après les séances d'hypnose, étaient décidément meilleures que les autres ».
Dans les observations 9, 12. 14 et 15, des aphonies nerveuses sont guéries par suggestion, à l'état hypnotique ou même à l'état de veille.
Dans l'observation 17. des douleurs de dents avaient disparu après la séance.
Dans les observations 19 cl 20, plusieurs racines dentaires forent extraites pendant l'hypnose sans la moindre réaction.
Il est vrai que des douleurs disparues par l'hypnose reparurent au réveil (obs. 1), qu'un rhumatisme articulaire aigu ne put être influencé (obs. 2, que des douleurs de dents ne purent être enlevées (obs. 5). qu'une amygdalotomîe ne put être laite pendant l'hypnose sans douleur (obs. 6) que des règles suggérées pour la nuit suivante ne parurent pas (obs. 7), qu'une anesthésie du bras gauche ne put être transférée à droite, qu'une céphalalgie ne guérit pas, malgré la suggestion (obs. 18;.
Est-ce que l'auteur s'est imaginé peut être que la suggestion a la prétention d'être infaillible? Croit-il qu'on peut au premier sujet endormi laire une opération douloureuse sans douleur, qu'on peut â la première femme hypnotisée suggérer les règles pour la nuit suivante? Non ! la suggestion ne remplace pas chez tous le chloroforme, elle n'appelle pas les menstrues infailliblement, elle n'est pas un analgésique chez tous. Elle n'influence pas les microbes, agents toxiques des maladies infectieuses, elle ne modilic pas directement le contenu des globules sanguins en hémoglobine, elle n'arrête pas l'évolution du rhumatisme articulaire nigu. Je n'ai commis aucune assertion de cette nature, comme l'auteur semble l'insinuer. J'ai dit et répété que la suggestion, comme d'ailleurs la plupart des autres, est uni' médication pure ment syinptomatique, qu'elle ne fait pas l'impossible, qu'elle n'est pas une panacée universelle, mais que dans bien des circonstances, elle est éminemment utile el réussit là où la pharma-codynamie échoue; mais elle ne réussit que lorsqu'elle est bien maniée et le D' Friedrich la manie avec une inexpérience rare.
Aussi peut-il constater que chez les malades traités par lai, les succès thérapeutiques ne compensent pas les dangers de la pratique, de sa pratiqué.
Voici ce qu'il observe : « Au réveil de l'hypnose, même quand elle a été lacile, il est rare que les malades n'aient pas ressenti quelques symptômes désagréables, quoique se dissipant rapidement. C'était d'abord du vertige, de la céphalalgie, un embarras de la tète, Ils disaient souvent que leur tète était comme bète.
Souvent aussi on constalo des malaises plus accentués, comme lourdeur, douleur dans les jambes, impossibilitò d'ouvrir les pati-pièros. Quélques sujets se plaignaient de ne pas voir clair, etc.
M est possible que ces troubles soient plus fréquents avec la méthode de Itraiil : mais mes observations montrent suflisamment que l'hypnose provoquée par suggestion les détermine aussi.
Comme u chaque hypnose, la disposition au sommeil hypnotique augmenta, le réveil devient de plus en plus difficile I .
D'après Hernheim. on peut obvier à cet inconvénient, simplement en suggérant un bon réveil.
Que de fois nous avons suggéré cela en vain, et nous étions là. perplexes, comme l'élève sorcier qui ne peut plus chasser les esprits qu'il a invoqués. Et pour continuer cette comparaison, le maitre lui-même dans nos cas, n'aurait pu chasser ces esprits.
Finalement, le réveil ne réussît plus du tout. Les sujets ne reviennent peut-être à eux qu'après plusieurs heures ; ils se sentent très mal ù l'aise, se plaignent de maux de tète ; leur physionomie est hébétée, etc. Ces troubles, dans nos expériences existaient encore le lendemain. Et ce qui démontre bien que l'action produite par l'hypnose n'est pas terminée au réveil, ce sont les symptômes qui se déclarent souvent pendant le sommeil de la nuit, après les séances. Les uns, qui avaient été en apparence bien réveillés, se trouvaient de nouveau en vraie hypnose : d'autres étaient excités, se jetaient de côté et d'autres, parlaient haut pendant leur sommeil. Ces états constituaient la transition vers l'auto-hypnose, comme le montre d'une façon éclatante le sujet de l'observation 20 ».
Tel est le noir tableau des désastres que commet l'hypnotisme. Et comme l'auteur dit à chaque page de l'observation qu'il a cmplové ma méthode (Hypnose nach Hernheim) il faut bien que je montre que les inconvénients observés appartiennent non à ma méthode, mais à celle personnelle au D' Friedrich.
Vovons cette observation 20, qui constitue la pièce d'accusation principale.
il s'agit d'une jeune domestique de 20 ans, lille d'intelligence bornée, au rire bète, qui a la suite d'une légère blessure au genou guérie en quelques jours avait conservé des douleurs vives, survenant surtout a l'extension du membre, et rendant la marche impossible. On ne constate aucune altération dans le genou. La jeune lille avait fait un premier séjour à l'hôpital dans un autre
(1)Nous observons exactement le contraire.
service- L'hypnose avait été essayés- comme moyen thérapeutique : elle était très suggestible et avait quitté ce service améliorée.
Rentrée dans celui du professeur Ziemssen. elle fui soumise de nouveau à L'hypnotisme par le Dr Friedrich, et c'est de cette pratique que dérivent les accidents.
Voici comment fut dirigée par ce médecin la suggestion dite thérapeutique.
M... est endormie par fixation d'un réflexe lumineux. Elle tombe en hvpnosc profonde. On lui suggère un faux nom qu'elle porte à la place du sien. Les douleurs sont enlevées par suggestion pendant l'hypnose, maïs elles reviennent plus tard et l'hypnose souvent répétée n'en prévient pas le retour. Alors on use du système suivant : On suggère pendant l'hypnose que la nuit suivante elle sera réveillée par une lumière vive dans la chambre et qu'elle verra apparaître la sainte Vierge qui lui ordonnera de se lever et de faire certaines prières. En même temps elle lui annonce la guérîson. Dans la nuit en effet la Sainte-Vierge apparaît et lui parle; mais la malade reste couchée. La suggestion est répétée : on ajoute que la Sainle-Vierge est très irritée de ce que la malade ne soit pas sortie de son lit. Cela réussit : la malade se lève et récite les prières demandées, — mais les douleurs ne disparaissent pas. — On peut cependant à trois reprises lui enlever, grâce à la suggestion hvpnotique, sans aucune réaction douloureuse, des racines dentaires.
M... continue à être hypnotisée et influencée de toutes façons; paralysie, contracture, crampes, tétanie, etc. tout peut être provoqué chez elle : On presse, par exemple, sur la pointe du nez : les deux membres inférieurs se tétanisent en extension. On halluciné tous les sens, on lui suggère par ex. que les aliments ont un goût d'ail. Au réveil, elle trouve ce goût partout. On lui met dans la main une grenouille fictive. Au réveil ses mains lui paraïs-sent avoir un goût de grenouille, si bien qu'elle n'ose toucher les aliments de peur de le leur communiquer et demande qu'on les lui donne. On lui suggère d'attraper un chat; elle se lève en sursaut et déploie tous ses efforts et toute son habileté pour l'attraper.
Les premières séances ne laissaient qu'un vestige fugitif. Mais à mesure qu'elles se répétèrent, la malade devint de plus en plus difficile à éveiller. A la fin, on ne réussit plus à la ramener à l'étal normal. La face était le plus souvent injectée ; il y avait de fa céphalalgie. Pendant l'hypnose, elle répondait à son nom fictif suggéré, parlait avec volubilité de tout ce qui se passait dans la salle, et avait des hallucinations spontanées. Livrée à elle-même.
elle s'endort et tombe en hypnose. Pendant le sommeil de la niiil. elle y était aussi, les globes oculaires convulsés en bas et à gauche et répondant à son faux nom. D'ailleurs pour s'endormir, elle fixai! le robinet de laiton du tuyau à gaz et s'hypnotisait. A l'état de veille, les jours île séance, elle.marchait en titubant, la physionomie hébétée. Si on lui demande son nom. elle dit lé vrai, mais après avoir regardé In pancarte de son lit pour être bien sûre qu'elle ne se trompe pas On ne peut plus pendant le sommeil lui suggérer son vrai nom. A la lin. les impressions de la veille surgissent pendant l'hypnose, et réciproquement : les sensations vraies et suggérées se confondaient : la malade ne pouvait dans une certaine mesure distinguer ce qui était vrai de ce qui était suggéré.
Elle guérit cependant de ses douleurs par massage et quitta l'hôpital.
On la revit le mois suivant. Elle était bien, sa face avait son expression normale. Elle dormait parfaitement la nuit, et au réveil, était bien à elle. Toutefois dix jours auparavant elle avait eu la nuit un accès do somnambulisme pendant lequel elle s'était levée pour attraper un chat réminiscence de suggestion antérieure : sa voisine n'avait pu la réveiller.
Telle est cette observation fondamentale destinée à démontrer tirbi et orbi les méfaits de la suggestion. Mais l'auteur n-t-il pu s'imaginer sérieusement qu'eu suggérant à une pauvre fille crédule, impressionnable, de porter un faux nom. devoir la Sainte-Vierge, d'avoir nue grenouille dans In main, de sentir partout un goût d'ail, de courir après un chat, il faisait de la suggestion thérapeutique ? A-t-il pensé qu'il faisait de l'hypnotisme tinch lïern-heim. j'entends de la suggestion thérapeutique?
Voici quelques lignes de mon livre « De la suggestion et de ses applications à la thérapeutique ». sur les dangers de l'hypnotisme. J'engage le Dr Friedrich à les relire.
« Un autre ordre de danger peut résulter des hallucinations provoquées. Sans doute les hallucinations inofl'ensives provoquées à d'assez longs intervalles, soit hypnotiques, soit posthypnoliques. troublent momentanément l'esprit au même titre que les rêves; mais l'équilibre se rétablit vite, quand le rêve hallucinatoire a disparu. Eu est-il de même si ces hallucinations sont fréquemment suggérées à l'imagination '.' Ne peut-il à la longue rester quelque trouble persistant dans le cerveau N'est-il pas à craindre qu'un dérangement plus ou moins notable des facultés intellectuelles survive ? Je ne voudrais pas aflirmer que certains cerveaux fragiles, prédisposés à l'aliénation mentale ne puissent recevoir de
ces expériences : inopportunes et maladroites une atteinte sérieuse, etc..... »
« Un autre danger réel est celui-ci : certains sujets, après «le nom hreuses hypuolisalioiis, après de nombreuses hallucinations provoquées pendant le sommeil, deviennent suggestihles et hallucinables â l'état de veille. Leur cerveau réalise avec une extrême facilité toutes les conceptions qu'on y dépose : toute idée devient acte, toute image évoquée devient chez eux une réalité, ils ne distinguent plus le monde réel du monde imaginaire suggéré, etc.
Et cette hallucinabililé extrême une lois produite, celte maladie nerveuse une fois créée n'est pas toujours facile à guérir, ou à atténuer par une nouvelle intervention suggestive. Aussi ne faut-il pas livrer le cerveau humain à des jeux de celle nature. Sans doute quelques expériences d'hallucinations.provoquées de temps en temps sont inoffensives si elles sont faites avec réserve : répétées sans mesure sur le même sujet, elles peuvent devenir dangereuses,
Et voici plus loin, un précepte que je donne et auquel tout médecin devra s'astreindre pour sauvegarder sa conscience et son honneur professionnel.
a Ne pas donner au sujet hypnotisé, sans son consentement d'au très suggestions que celles nécessaires a sa guérison. Le médecin n'a de droits que ceux qui lui sont conférés par le malade; il doit se bornera la suggestion thérapeutique: toute autre expérience lui est interdite, sans le consentement formel du malade, fut-elle dans l'intérêt de la science. Encore le médecin ne doit-il pas profiter de son autorité sur le malade pour provoquer ce consentement lorsqu'il pense que l'expérience qu'il veut faire peut avoir le moindre inconvénient. »
Voilà ce que j'ai écrit. Le lecteur jugera maintenant si c'est ma méthode pu la méthode du Dr Friedrich qui doit encourir la responsabilité des méfaits commis.
L'auteur, il est vrai, n'a pas procédé chez, tous ses sujets par hallucinations. A-t-il alors suivi la méthode de Nancy ?
Voici, p. ex. 'obs. 5), une jeune fille de 15 ans. anémique et prédisposée à l'hystérie, puisque 8 jours avant son entrée à l'hôpital, elle avait en des secousses musculaires. Elle est hypnotisée non par notre procédé, mais par l'audition d'une montre durant 20 minutes. Puis le bras est levé eu catalepsie pendant 15 minutes. Au réveil il est douloureux ainsi que l'épaule; des crises d'hystérie convulsive éclatent dans la nuit. Le Df Friedrich ne trouve rien de mieux que de suggérer une nouvelle crise convulsive à la malade. Puis il l'hypnotise par fixation d'une boule de laiton.
A la suite, céphalalgie, vision nuageuse : la houle danse devant .ses yeux : crises hystériques.
C'est après une semaine de celle singulière thérapeutique suggestive que l'auteur se décide à hypnotiser par suggestion 'exactement d'après Bcrnheim : mais il ne réussit pus a conjurer les accidents hystériques multiples, vertiges, secousses, convulsions, insomnie, agitation nocturne, céphalalgie, diarrhée, etc.. qu'il avait provoqués.
Laisser une pauvre fille peureuse et candidate à l'hystérie, attendre pendant 20 longues minutes, l'oreille lixée sur le bruit d'une montre, un état hypnotique, puis tenir son bras en catalepsie pendant un quart d'heure, c'est plus qu'il n'en faut pour provoquer de l'hystérie. Suggérer ensuite une nouvelle crise, puis lixer l'œil terrilié de la patiente sur une boule de laiton, tout cela n'est pas delà thérapeutique suggestive, c'est de la suggestion hyslérogènc.
En vain l'auteur rherrhe-t-il ensuite à guérir par une nouvelle suggestion le mal produit. A chaque séance d'hypnotisme, la jeune fdle a peur, l'auto-suggcstion des phénomène morbides antérieurement provoqués la domine: c'est une hypnose mauvaise de culture que l'auteur ne peut plus déraciner. Au contraire, chaque suggestion faite par lui réveille l'auto-suggestion.
Je ne poursuivrai pas cet examen des observations relatées par l'auteur. M. de Schrcnck-Notzing les a analysée» toutes avec perspicacité et relevé les erreurs commises. Et dire que M. Friedrich ajoute: i J'insiste expressément sur ce fait que j'ai employé la suggestion exactement d'après les préceptes que Bernheim donne dans son livre. Possible que quelques finesses m'aient échappé, qu'on n'apprend que dans la pratique directe du maître ». Le lecteur jugera encore une fois si c'est bien là notre méthode, a quelques finesse» près. Tout est d'ailleurs dans ces finesses et notre contradicteur ne parait pas assez psychologue pour les saisir.
Pour produire l'étal de suggestion, je n'ai recours â aucun pro. cède phvsique : je ne fais pas fixer un point brillant ; je ne plonge pas mes yeux dans ceux du sujet ; je me contente d'appliquer la main sur son front, et de l'inviter à dormir. S'il ne clot pas les yeux, je les tiens clos pour soustraire son cerveau aux impressions du monde extérieur el je m'applique en parlant a captiver sou esprit par l'idée du sommeil. Cela sutlit chez beaucoup pour que en une ou deux minutes, au plus, le sommeil ou un état voisin du sommeil se manifeste. Si le sujet ne dort pas nu n'a pas conscience de dormir, je me contente de lixer dans son cerveau l'idée que je veux suggérer, disparition d'une douleur, d'un spasme, sensation de chaleur, etc.
Ainsi pratiquée, la suggestion, ou l'hypnotisme, si l'on veut appeler tle ce mot le sommeil provoqué par suggestion, est-ce chose dangereuse? Autant dire qu'il est dangereux pour la mère d'endormir son enfant en le lierçant, en le captivant parla chanson du sommeil. Car c'est le procédé de la mère que j'emploie pour suggérer le sommeil.
On dit cependant que l'hypnotisme par lui-même donne lieu à des accidents nerveux. Des sujets au réveil se plaignent de céphalalgie, de vertiges, de lourdeur de tète, de sensations diverses; il en est qui ont des crises de nerfs. Ces accidents peuvent se produire avant même que le malade ne soit endormi, alors même que la tentative d'hvpnolisalion échoue, comme dans plusieurs observations de Friedrich. L'essai qu'on fait pour provoquer le sommeil sullit à produire ces manifestations.
Tout cela est vrai pour certains sujets. Mais ces accidents sont dus à l'impressionnabilité nerveuse, à l'émotivité spéciale du malade. L'idée seule qu'on va l'hypnotiser, le magnétiser, produit des tremblements, des sueurs froides, des battements de cœur, des crises de nerls. Ce n'est pas l'hypnotisation. c'est l'autosuggestion émotive provoquée par la peur de cet inconnu «pu lait ces sxniplômcs. Aussi, quand j'ai .«flaire à une personne trop impressionnable, je commence par éloigner d'elle toute émotion ; j'évite de prononcer les mots d hvpuotisme et de magnétisme, je ne cherche ni à fasciner, ni â en imposer, je calme, je rassure ; si malgré tout, le malade reste inquiet et agité, je préfère remettre la séance a un autre jour, et attendre qu'il ait vu d'autres sujets traités par celte méthode et qu'il soit familiarisé avec l'idée d'hypnotisme. Il est d'autres sujets au contraire, très sceptiques et peu impressionnables, qui demandent a être influencés non par la douceur, mais par l'énergie et la gravité du ton. En procédant ainsi avec circonspection, variant d'ailleurs les procédés suivant l'impressionnabilité individuelle de chacun, je ne détermine jamais aucun trouble nerveux. Quelques hystériques seuls peuvent avoir, dans les premiers essais, des crises d'hystérie faciles d'ailleurs à réprimer; ce sont celles qui éclatent en crises, pour peu qu'on s'occupe d'elles. Mais on réussit toujours, en procédant par suggestion douce ou énergique, suivant les cas, en 1res peu de séances, trois ou quatre au plus, à maîtriser cette émotivité hys-térogène, et j'ajoute, quand ce premier résultat est obtenu, on arrive toujours à supprimer radicalement les crises d'hystérie.
j'affirme donc que tous les troubles nerveux persistants, faussement attribués à l'hypnose, ne sont dus qu'à l'émotivité du sujet maladroitement actionnée par un hypnotiseur inexpérimenté, et
la brochure du D' Friedrich en est la meilleure démonstration.
Si le sommeil provoqué n'est en lui-même pas plus dangereux que te sommeil naturel. le danger ne peut être que dans la suggestion. Sans doute, les mauvaises suggestions peuvent être offensives. Mais la suggestion thérapeutique ne consiste pas à faire des hallucinations. Accuser la psychothérapie des méfaits que les suggestions mauvaises peuvent produire, c'est accuser la chirurgie des crimes que le couteau peut commettre.
Si la suggestion hypnotique avait la prétention de tout guérir infailliblement, il y aurait lieu d'invoquer avec le Dr Friedrich, une puissance occulte comme Belzebuth. Or elle n'a d'autres prétentions que d'agir physiologiquement par l'esprit sur le corps, par le cerveau sur les autres organes et fonctions subordonnés au cerveau.
La suggestion ne réu-sit pas toujours, mais souvent; et cela suffit pour qu'elle constitue un levier thérapeutique puissant. Je suggère la disparition d'un douleur ancienne. Plusieurs choses peuvent arriver. — La douleur disparaît définitivement. — Elle diminue seulement. — Elle disparaît pour un certain temps, quelques heures ou quelques jours. — Elle cède à un certain nombre de séances. —- Elle ne se dissipe définitivement qu'après un temps très long. — La suggestion reste complètement inefficace.
Le résultat obtenu dépend de la nature de la douleur, du degré de suggeslibililé, du mode de la suggestion. Si la douleur est due à une maladie organique, un cancer, par exemple, qui l'entretient elle régénère, la suggestion ne peutque l'atténuer ou la supprimer momentanément. Si elle est due â une névritesciatique, la suggestion peut la dissiper pour un temps, mais elle renaîtra sans cesse, jusqu'à ce que l'évolution anatomique de la maladie soit terminée. Si cette douleur est purement fonctionnelle, du moins sans lésion notable, si elle est due à une scîaliquc névrose, la suggestion peut souvent, en peu de temps, la guérir définitivement. Et que de douleurs ou autres symptômes purement nerveux, se greffent sur les maladies organiques les plus diverses et que la suggestion réprime !
Le succès dépend aussi de la suggeslibililé cl du mode de la suggestion. Car l'hypnotisme ne coule pas tous les sujets dans un même moule ; il ne supprime pas l'individualité psychique. Un cerveau hvpnolisé n'est pas un cerveau inerte dans lequel on peut mettre ce que l'on veut. II ne suffit pas de dire à un sujet endormi : » Vous n'avez plus de douleur », pour que le phénomène, même s'il est possible,' se réalise. Chez quelques-uns. il est vrai, très suggestihles, la simple parole suflit. Chez d'autres.
la parole a besoin, pour être assimilée, d'être renforcée par quelque manipulation : la suggestion a besoin d'être incarnée dans une pratique matérielle.
Je connais par exemple une jeune fille nervo-artbrilique, qui a souvent des douleurs nerveuses, une vraie hyperesthésie doulou-rense. 11 m'est arrivé de l'hypnotiser, et de lui suggérer, en sommeil profond, a plusieurs reprises que les douleurs disparaissent, de la laisser dormir même pendant une heure ou plus, en répétant cette suggestion. Et cependant l'hyperesthésic persistait. Alors je dis à la malade, en touchant la région douloureuse, en la frictionnant doucement : « Je vais vous enlever la douleur. Sentez la chaleur de ma main, à mesure que je frictionne, la douleur diminue, vous n'avez plus aussi mal. vous sentez bien que cela diminue. Avez-vous encore mal ? » Elle dit : « oui ». Je continue à toucher la région. Après 2 minutes, je dis avec conviction. « vous n'avez plus mal du tout. » Elle dit : « Encore un peu ». — « Je vais vous enlever le restant de la douleur. » Je continue a frictionner pendant 2 minutes, puis je dis: « Enfin tout est fini. Vous n'avez plus mal du tout, » La douleur a en effet disparu. Elle avait résisté pendant une heure ou plus à la suggestion par la parole, elle a cédé en quelques minutes la suggestion ainsi matérialisée.
Voici un vieillard qui à la suite d'une pneumonie prolongée, accuse de la faiblesse dans les jambes et ne peut se tenir debout. Au réveil, s'il veut se mettre debout, ses jambes fléchissent: l'auto-suggestion agit : il ne peut faire l'action dynamogénique nécessaire ;' la station. Si alors je le fais mettre debout. en le soutenant, et lui suggérant à l'état de veille, qu'il peut se tenir seul, qu'il ne tombe pas. que ses jambes sont assez fortes, il arrive bientôt à se tenir sans s'appuyer, puis à marcher seul, pendant que je continue a l'encourager et à faire la suggestion en le faisant marcher: j'incite ainsi son cerveau a faire l'acte dynamogénique nécessaire, destiné à lutter contre l'auto-suggestiou résultant d'un sentiment de faiblesse exagéré par riiuprcssiouuabilité du malade; je le guéris par l'entrainement suggestif, alors que la parole ne réussissait pas.
Certains neutralisent très bien la douleur, ou les autres symptômes, pendant le temps qu'ils sont sous l'influence suggestive immédiate. Mais une fois celle-ci disparue, l'autosuggestion du phénomène morbide réparait et les domine; ils ne peuvent pas. malgré la suggestion antérieure, la neutraliser. On réussit parfois, si on se contente de suggérer la diminution graduelle du symptôme: la douleur p. ex. reparait, mais moins vive et s'atténue peu à peu. Si cependant je constate que la suggestion par la parole
seule ne réussi! pu » prévenir le retour du trouble fonctionnel, je n'insiste pas : j'ajoute à la suggestion verbale, une suggestion matérielle qui puisse être faite au moment même ou elle est nécessaire. C'est ainsi que j'ai provoqué le sommeil de la nuit, enlevé des douleurs, par une notion au protoxyde d'hydrogène, par l'application de pseudo-aimants, par des frictions, pur des pulvérisations avec un liquide inerte, mais très odorant, par un procédé suggestif enlin qui agisse au moment même oit l'autosuggestion a besoin d'être déracinée.
Voici pour terminer une observation qui montre à quoi tient le succès de la suggestion, t'nc jeune dame de 23 ans habitant Itio-Janeiro vint me consulter le 23 juin dernier pour des crises d'hvs-térie datant de lïs mois, développées à la suite d'une frayeur due à un accident de voilure; les chevaux s'étaient emportés; la dame ne fut pas blessée, mais elfrayée. Immédiatement elle eut une névralgie faciale droite à laquelle elle était sujette: cl 2 heures après, une grande crise d'hystérie: pendant un an. elle eut 7 à et crises par jour. A partir de la première, la névralgie s'accompagna d'un tic facial convulsif continu.
Au bout de six mois un médecin du Brésil essaya l'hypnotisme cl parvint dès la seconde séance à guérir le tic facial. Mais les crises continuèrent malgré l'hypnotisme, en diminuant un peu de fréquence et d'intensité, l.e mari emmena sa femme en Europe, continuant lui-même à l'hypnotiser avec la plus grande facilité. Les crises étaient plus courtes, mais persistaient. La malade avait un minimum de crises par jour, survenant régulièrement a chaque repas, toujours au second plat: déplus la moindre émotion en ramenait une.
Toutes les médications usuelles furent essayées : l'hydrothés rapie, trois cents douches froides cl chaudes, l'électricité statique, tous les bromures; je fus le l!V médecin consulté. Charcol l'avait été avant moi. Le 21 juin la malade vint chez moi. Dans mon cabinet elle eut une crise durant une minute, perte de connaissance, secousse des quatre membres. Pendant cetle crise, je lui dis doucement : « Vous savez ; cela est votre dernière crise, »
ReVenoe â elle, je l'endormis instantanément, en lui disant simplement : « Dormez. » Son mari et le médecin brésilien lavaient endormie comme moi. Elle était très docile, très suggeslîblc.
(Jiinud elle fui endormie, je vis sa respiration devenir haletante el sa face s'injecter. Alors je 'u dis : « Vous ne devez avoir aucune émotion, aucune peur ; vous respirez bien ; vous ètee bien a voire aise, comme quand vous èlcs éveillée. D'ailleurs vous pouvez n:e causer en dormant. Comment vous trouvez-vous? »
— « Bien » — s Vous n'avez plus peur ?» — Non. » — u El maintenant, vous sentez que vous êtes guérie. » Elle dit : « oui, d'une voix brève et assurée. — « Vous mangerez avez plaisir, et après le premier plat, vous serez très gaie, parce que vous sentez que vous ne pourrez plus avoir de crise. — Elle dit : « oui ».— «El quoi qu'il arrive, vos chevaux prendraient de nouveau le mors aux dents, vous resterez calme, vous n'aurez plus jamais de crise. » Elle répond avec assurance : « Jamais ». Au réveil, elle étaîl bien, et convaîucue qu'elle était guérie. Elle resta encore 6 jours à Nanrv et je répétai la suggestion chaque jour. Elle n'a plus eu une seule crise depuis la première séance, et me l'a conlirmé par lettre.
Qu'ai-je fait de plus que ce qui avait été fait ? Pendant le soms mcil provoqué, j'ai empêché la malade de so concentrer sur se» impressions personnelles, j'ai calmé son émotivite, j'ai dérivé son attention au dehors d'elle, je l'ai fait converser avec moi pour être sur qu'elle était tout entière à ce que je lui disais, pour neutraliser ainsi la tendance à l'extase ou à l'auto-suggcslion émotive qui pouvait dans une certaine mesure neutraliser celle des opérateurs; et ce faisant, j'ai obtenu une guérison immédiate, la ou les autres avaient échoué.
On ne réussit pas toujours aussi vite, mais on réussit toujours à supprimer les grandes crises d'hystérie en peu de temps, (rois semaines au plus; on réussit toujours, je puis l'affirmer, quand on sait manier son sujet: et pour cela, je le répète, il faut être quelque peu psychologue et avoir une certaine expérience. Pour acquérir celte expérience, il faut savoir se dégager de toute idée a priori, cl le D Friedrich qui est certainement de bonne loi n'a peut-cire pas apporté à celle étude un esprit suffisamment affranchi, du moins si j'en juge parles assertions suivantes :
« Seeligmiiller a montré sur quelle faible base repose la démonstration cliniquç que Bernheim apporte dans ses observations pour ses meilleurs succès. Aussi dans ses tentatives pour expliquer physiologiqucment les manifestations de l'hypnotisme, le professeur français reste à un point de vue que la science alle-mande a dépassé depuis longtemps. »
Les assertions de Seeligmiiller ont été combattues et rejetées par tous les hommes compétents sur la question, en Allemagne même et je n'ai pas eu la peine d'y répondre. D'autre part je ne connais aucun travail allemand qui ait contredit mes conceptions physiologiques sur la nature des phénomènes hypnotiques. Je ne connais d'ailleurs qu'une science qui n'est ni allemande ni française, mais qui est cultivée par des savants de toutes nationalités. J'ai
beaucoup d'amis parmi les savants, allemands et je m'en honore; j'ai trouvé chez la plupart, je dois le reconnaître, une appréciation juste et impartiale de mes travaux.
« La France, dit encore l'auteur, est le pays classique de l'hystérie et de la névropnthie. » A en juger par la facilité avec Inquelle les sujets traités par lui-même ont des svmptômes d'hvstérie. je pourrais conclure que c'est l'Allemagne qui a le monopole de l'hystérie. Cette conclusion serait fausse, car ni Schrenk-Notzing â Munich même, ni Molí à Berlin, ni Krafft-Ebing et Freud à Vienne, ni Wetleralrand à Stokhnlm, ni Van Kenterghem et Van-Eeden à Amsterdam, ni Forel etHingier à Zurich, ni Lloyd Tuckey à Londres, ni Osgood à Boston, etc. etc., ne font de l'hystérie arec l'hypnose. Le Dr Friedrich seul parait avoir ce monopole, grâce à son inexpérience.
Je puis assurer qu'il n'y a certainement pas plus de névropathes ni d'hystériques en France que dans les autres pays. Il existe à la Salpétrière une demi-douzaine d'hvstériques autour desquelles on a fait grand bruit; ce sont toujours les mêmes. Le docteur Friedrich me rappelle ces observateurs superficiels qui ne connaissent la société française que par les romans, les petits théâtres, les boulevards de Paris. les lieux où l'on s'amuse, et qui se figurent de bonne foi qu'il n'y a en France ni bonnes mères, ni honnêtes épouses.
Les jugements précipités sont faussés par l'idée préconçue: celle-ci devient une auto-suggestion qui égare l'expériineniateur. Si le Dr Friedrich parvient à s'en dégager et veut reprendre ses recherches avec plus de tact, il se convaincra que l'hypnose n'est pas l'hystérie, que la suggestion thérapeutique est très souvent efficace et jamais dangereuse, quand elle est bien maniée. Mais la suggestion thérapeutique ne consiste pas a faire des hallucinations, ni a créer des symptômes d'hystérie, ce qu'il est facile de faire chez les sujets prédisposes, par suggestion consciente ou inconsciente. C'est ce qu'il faut ne pas faire.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 19 fevrier 1894.. — Présidence de M. Dumontpallier
(Suite.)
De la mémoire dans le somnambulisme provoqué
Par M. le Dr Jean Crocq. à Bruxelles.
Messieurs,
J'ai donné tout récemment, au jeune Barreau de Bruxelles, quelques
conférences sur l'hypnotisme et le crime ; afin Je bien exposer ce sujet aux avocats. J'ai cru qu'il était indispensable Je le diviser en deux parties bien distinctes, la première comprenant une étude purement scientifique des principaux phénomènes de l'hypnose. la seconde traitant au contraire des questions médico-légales te rapportant à l'hypnotisme. Parmi les nombreux points que j'ai eu l'occasion de traiter dans ces conférences, il en est deux sur lesquels je voudrais attirer l'attention de la Société : quels sont les caractères de la mémoire dans le somnambulisme provoqué et que faut-il entendre par délit ou crime se rapportant à l'hypnotisme.
Beaunis, Pitres, l.uys et bien d'autres ont cru pouvoir représenter l'état de la mémoire pendant le somnambulisme par les 3 propositions suivantes :
1° Les personnes hypnotisées se rappellent, dans l'état de sommeil, tout ce quelles ont appris antérieurement lorsqu'elles étaient à l'état de veille.
2° Les personnes qui ont été hypnotisées, ne conservent, aucun souvenir de ce qu'elles ont fait ou appris pendant qu'elles étaient en état de sommeil hypnotique.
3° Les personnes en état de somnambulisme spontané ou provoqué se souviennent de tout ce qu'elles ont appris, soit dans l'état de veille normale, soit dans les états hypnotiques antérieurs.
Dans un article paru, en juiu 1893, dans la Reçue de l'hypnotisme, je me suis efforcé de prouver que si la première de ces propositions-est toujours exacte, les deux dernières au contraire comportent de nombreuses exceptions.
Quelques sujets se souviennent, en effet, à leur réveil de tout ce qui s'est passé pendant leur sommeil.
Ces données sont du reste conformes aux résultats de certains auteurs : Dès 1884, mon compatriote, M. le Pr Delbœuf, avait indiqué l'existence du souvenir des faits écoulés pendant le sommeil hypnotique : « l'absence du souvenir au réveil, dit-il. n'est pas un caractère essentiel du rêve hypnotique... une conclusion légitime et rigoureuse, c'est que l'oubli n'est pas la règle ».
M. Bcrnheim de son côté professe comme une vérité indiscutable que certains sujets se rappellent spontanément au réveil les faits écoulés pendant le sommeil.
La troisième proposition est également trop exclusive, j'ai observé de nombreux sujets qui. plongés en somnambulisme ne se souviennent absolument de rien de ce qui s'est passé pendant un sommeil antérieur. Qu'il me suffise de citer à l'appui de cette opinon l'exemple de Mlle H....qui se trouve en ce moment dans la clinique de notre savant secrétaire M. le Dr Bérillon : ayant fait mardi dernier quelques expériences de graphologie sur cette somnambule, je ne pus réveiller plus tard le souvenir des actes accomplis précédemment en somnambulisme.
Jusqu'ici nous avons envisagé l'élat de la mémoire chez des sujets endormis ou non. sans leur avoir rien suggéré relativement à ces sou-
venin : il est un fuît très intéressant se rattachant .. redonnées et qu'on ne peut plisser sous silence, surtout un point de vue juridique, c'est que l'on peut produire :i l'état de veille, par suggestion, le souvenir des faits écoulés pendant le sommeil. C'est là un point sur lequel MM. Dellwuf et lïcrnheim ont attiré l'attention : j'ai vu M. Bernhcim faire des expériences nombreuses sur ce sujet et toujours avec un plein succès. I.e professeur de Nancv n affirme cependant pas que | on pourrait par suggestion produire toujours ce soutenir, mais il croit que les cas ou l'on ne pourrait y parvenir son exceptionnels.Les expériences faites en ma présence pur M. Bernheim m'ont paru convaincantes, aussi je crois pouvoir affirmer l'exactitude du phénomène.
Je viens a établir que le somnambulisme peut, dans certains cas, se rappeler spontanément au réveil les faits écoulés pendant le sommeil. je viens également de prouver que lorsqu'il ne s'en rappelle pas spontanément, on peut quelquefois, par suggestion, provoquer cette réminiscence, enfin, j'ai dit que très souvent le somuambule se rappelle pendant son sommeil ce qui s'est passé pendant ses sommeils antérieurs. Il semble résulter de ces trois propositions que l'on puorrait dans bien des cas. soît â l'élat de veille, soit à l'état de sommeil, obtenir du sujet la révélation de» faits et gestes de son hypnotiseur. I . justice pourrait dès lors être éclairée, et les dangers médico-légaux de l'hypnotisme en seraient singulièrement amoindris. Mais un hypnotiseur criminel, s'il est habile, ne se contentent pus de compter sur l'aide du hasard pour s'assurer l'impunité, il aura soin, avant de réveiller le somnambule, de lui suggérer l'amnésie complète.
Cette amnésie suggérée doit nous arrêter un instant, elle possède au point de vue juridique une importance effrayante. Si, en effet, le sujet auquel l'hypnotiseur a suggéré l'amnésie est incapable de se rappeler, soit spontanément, soit par suggestion ce qui s'est passé pendant son sommeil, un criminel habile pourra toujours rassurer l'impunité en osant de ce moven : si. au contraire. le sujet peut, malgré l'ordre de l'hvpnoliseur, se ressouvenir de certains faits, ou bien si. eu endormant ce sujet, on peut obtenir de lui la révélation de ces faits, l'hypnotiseur criminel ne pourra être certain de l'impunité et l'hypnotisme lui paraîtra un moyeu peu sur pour arriver a ses lins.
Deux question- se posent pour résoudre ce problème : 1° Un somnambule pcut-il, malgré la défense de son hypnotiseur, se rappeler à l'état de veille, ce gui s'est passé pendant son sommeil?
2° Un somnambule peut-il, malgré la défense de son hypnotiseur, se rappeler pendant le sommeil, ce qui s'est passé pendant un sommeil antérieur.
1° Pour répondre â la première de ces questions il est nécessaire de rapporter quelques expériences.
Joséphine D..., endormie, présente le somnambulisme véritable arec perte de la sensibilité; au réveil elle se rappelle spontanément
de ce qui s'est passé pendant son sommeil. Si je lui dis : « Marchez, asseyez-vous, vous avez une attaque de nerfs », elle marche, s assied, une crise se développe, mais à son réveil, elle se souvient de tout. Un jour je lui dis :
— Mettez mon chapeau sur votre tète ; Elle rit.
— Voyons, obéissez ; Elle obéit.
— Vous ne vous souviendrez pas de ce que vous avez lait, je vous le défends.
Je la réveille, elle s'étonne d'avoir mon chapeau sur sa tète;
— Mais c'est vous même qui l'y avez mis !
— Moi, par exemple, je ne ferais pas une chose pareille.
— Vous ne vous souvenez pas que, sur mon ordre, vous avez mis mon chapeau sur votre tète.
— Pas du tout, du reste vous ne m'avez pas endormie.
Je n'ai pu suggérer à Joséphine que des actes peu importants, elle refusait de réaliser tout ordre contraire à ses sentiments instinctifs, soit qu'il blesse son amour-propre, soit qu'il révolte son sens moral, L'am-nétie suggestive n'en est que plus intéressante ; si elle se produit chez un sujet peu sensible aux suggestions, elle pourra d'autant plus facilement se réaliser chez les sujets très suggestibles. D'ailleurs, dans les expériences que j'ai faites, l'amnésie suggérée a très souvent réussi, c'est à dire que. presque toujours, les somnambules qui d'habitude M rappelaient au réveil les faits écoulés pendant leur sommeil, en perdaient tout souvenir si je leur suggérais l'amnésie.
Je ne puis cependant généraliser et admettre que cette amnésie suggestive est infaillible, j'ai été témoin de faits, exceptionnels il est vrai, maïs réels, qui prouvent que quelquefois, malgré la défense de l'hypnotiseur, le somnambule peut se rappeler certains actes exécutés, certaines paroles prunoneées pendant son sommeil.
Emma H... se souvient spontanément au réveil, de ce qui s'est passé pendant son sommeil; elle est très suggestiblc, je lui dis :
— Il y a sur la table une montre et une chaîne en or, quandje vous réveillerai, vous irez furtivement les prendre, sans que personne ne s'en aperçoive et vous me les donnerez, ils appartiennent à M. X..., mais je veux les lui prendre. Surtout, retenez que l'on vous a dit de commettre cet acte, vous le ferez de votre propre initiative.
Je réveille Emma ; deux personnes sont présentes, elles feignent de s'occuper ii feuilleter un livre: la somnambule s'approche lentement de la table, elle observe les deux témoins et, rapidement, elle prend les objets, désignés, elle revient vers moi et me les donne; je les mets en poche.
Au bout de quelques instants, l'une des personnes présentes regarde a l'endroit où se trouvait la montre et dit :
— Tiens j'avais mis ma montre et ma chaîne sur la table, où sont-ils donc ?
— Je viens de voir Mademoiselle s'en emparer, dit le second témoin.
— Moi! dit Rmma. me prenez-vous pour une voleuse?
— Cependant Monsieur a vu ce qu'il avance, dis-je.
— Je vous assure que je n'ai rien pris, fouitIex-moi ai vous en doutez.
— Songez lu'rn ace que vous dites, mademoiselle, reprend le premier tt-moin. rappelez-vous : vous vous êtes approchée de la table vous avez pris les objets en question et vous vous êtes dirigée vers Monsieur.
— Je me rappelle à présent, dit-elle, oui, j'ai pris la montre et je l'ai donnée à Monsieur; mais je ne suis pas une voleuse, je n'ai agi ainsi que parce qu'on me l'avait ordonné pendant mon sommeil.
— Qui vous avait ordonné cela ? «lit le premier témoin.
— Munsieiir. dit-elle en me désignant.
— Rtes-vous bien sûre de ce que vous avancez?
— Parfaitement bien, je me souviens même qu'il m'a défendu de nie rappeler, je devais agir spontanément.
— Vous êtes folle dis-je. je ne vous ai jamais ordonné de voler.
— Je me rappelle parfaitement, monsieur, de tout ce que vous m'avez dit. et je suis certaine que la montre se trouve encore dans Totre poche.
Emma se rappelait tout malgré l'amnésie suggérée.
Ces cas sont assez rares, mais ils existent, ils montrent que l'on ne peut être exclusif. Nous devons conclure de ces expériences, qu'un somnambule peut, malgré la défense de son hypnotiseur, se rappeler spontanément à l'état de veille ce qui s'est passé pendant son sommeil.
2° Le sujet est interrogé en somnambulisme.
On comprend a priori que. s'il est possible de l'obtenir à l'état de veille, la révélation des faits écoulés pendant le sommeil, malgré la défense formelle de l'hvpnotiseur. il sera également possible d'obtenir cette révélation du somnambule endormi. Il est en eflet de règle, lorsque l'hvpnotiseur ne suggère pas l'amnésie, que le sujet ne se rappelle de rien au réveil, tandis qu'endormi, il se rappelle au contraire de tout ce qui s'est passé pendant un sommeil antérieur.
L'expérimentation confirme ce raisonnement théorique.
Joséphine I).... dont je viens de parler: ne peut se rappeler à son réveil qu'elle a mis mon chapeau sur sa tète parce que je lui ai suggéré l'amnésie : si je l'endors et lui dis :
— Qui a mis mon chapeau sur votre tète ?
— Je ne sais pas.
— Happelez-vous bien.
— Je vous assure que je ne le sais pas.
— Mais c'est vous qui avez agi sous mon impulsion.
— Moi? Jamais de la vie.
— Mais si. je vous ai endormie et je vous ai commandé de mettre mon chapeau sur votre tète.
— Je ne me rappelle de rien.
Tel est le résultat le plus habituel : généralement l'amnésie suggé-
réc persiste malgré touts,- maïs il v a «les exceptions qui prouvent comme tantôt que l'on ne peut être exclusif.
Eudoxie M.... se souvient ordinairement, pendant Ion sommeil, des taits écoulés pendant un sommeil antérieur, un jour je lui dis :
— Il y a près de vous une personne qui dort, elle porte à la main gauche une bague, je désire lui prendre celte bagne, vous allez la lui enlever doucement et vous me la donnerez; vous agirez de vous même et je vous défends de vous souvenir que c'est moi qui vous ai ordonné cet acte.
Je réveille Eudoxie, il y a à quelques pas d'elle, une autre somnambule qui porte une bague a la main gauche: elle se dirige vers cette dernière, prend la bague et me la donne.
Je réveille la somnambule volée, elle s'aperçoit que sa bague manque.
— Qui a pris la bague, est-ce vous Eudoxie?
— Moi. non! Je l'endors.
— Qui a pris la bague?
— C'est moi.
— Pourquoi avez-vous commis ce vol?
— C'est vous qui me I avez ordonné, j ai obéi.
— Je vous avais pourtant ordonné de ne pas vous en rappeler.
— Je m'en rappelle cependant.
De ces expériences, nous devons conclure qu'un somnambule peut, malgré la défense de l'hypnotiseur, se rappeler pendant le sommeil ce qui s'est passé pendant un sommeil antérieur.
L'amnésie suggérée n'est donc jamais infaillible, un indice insignifiant, une question d'une personne de l'entourage, peut faire renaître, dans l'esprit du sujet, le tableau complet de ce qui s'est passé pendant son sommeil; c'est là un fait très important au point de vue médico-légal; j'aurai l'occasion d'y revenir.
Séance du 19 mars 189«. — Présidence de M. Dumontpallier.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Président met aux voix les candidatures de MM. Julliot. avocat a la cour d'appel et de M. Helis. publicïsle; elle» sont adoptées à l'unanimité.
M. le Dr Verrier dépose sur le bureau une brochure : Or l'hypno-tisme dans le travail de l'accouchement.
La contagion du meurtre.
Par M. 1e Dr Paul Aubry (de Saint-Brieue)
Le phénomène de psychologie morbide que nous avons l'intention d'étudier n'est pas simplement de l'imitation, ce n'est pas non plus de la suggestion, quoique, sans aucun doute, cet élément y unire pour
une certaine part. C'est un mélange, une combinaison de ce» quatre termes : suggestion, imitation, hérédité et contagion. Th. Gallard a dit 1 ci I,a contagion rat l'acte par lequrl une maladie déterminée se communique d'uu individu qui en est affecté à un individu qui est sain, au moven d"un contact soit immédiat. soit médiat ». Prise à la lettre, nous pourrions presque adopter cette définition pour les besoins de notre cause, mais ce procédé serait peu honnête, car l'auteur cité dit, uu peu plus loin. qu'une personne mine en présence d'une nuire, affectée d'une névrose quelconque, peu! contracter la même maladie, et il ajoute ; ce n'est pas là une contagion. D'autre part, il entre dans cette définition un terme que nous ne pouvons admettre sans une certaine discussion, c'est celui-ci : « un individu tain ». Nous croyons, et en ceci, nous sommes absolument d'accord avec tous les raient-biologistes, qu'une maladie ne peut-être contractée que lorsque ces deux conditions sont remplies : pénétration d'un élément morbide dans un terrain préparé. Ces deux facteurs sont indispensables, sans cela il n'existerait plus un seul être humain. Quel est celui de nous, en effet, qui n a absorbé par millions des bacilles de Koch, des bacillrs virgules, des bacilles de la diphtérie ou de la variole.' Nous dirons plus : ces rhumes, ces bronchites, ces angines simples, ces diarrhées, que nous, médecins, avons contractées en soignant tels ou tels malades, n'étaient-elles pas des manifestations bénignes de ces maladies, qui n'ont pas pris un plus grand développement, parce que les germes ont été répandus sur un terrain insuffisamment préparé ? Si nous insistons sur ces faits, c'est que plu» loin, nous aurons occasion de relever de nombreuses analogies.
Il va sans dire que nous n'avons pas la prétention de ranger le crime parmi les maladies infectieuses et de chercher le microbe, ni même de supposer son existence. Il n'est cependant pas démontré, qu'indirectement, ilans certaines espèces de crimes, ressortissant sans nul conteste » l'aliénation mentale, il ne puisse intervenir, comme en d'autre» névroses, une action bien réellement infectieuse. Quoi qu'il en soit, il y aura contagion, elle sera directe ou indirecte et agira presque toujours chez un sujet préparé, le plus souvent chez un héréditaire. Rarement elle agira chez un individu absolument sain, quoiqu'il soit hors de doute que l'élément moral de la contagion, agissant d'une façon plus ou moins continue, suffise à lui seul pour préparer admirablement un terrain.
Avant d'aller plus loin je tiens à fixer bien nettement deux points. Tout d'abord, parce que j'admets la contagion dans le meurtre, ce n'est pas à dire que j'affirme que tout meurtre soit dû à la contagion, ceci suffit pour différencier biologiquement la contagion du meurtre, que nous voulons étudier, de la véritable contagion microbirnne. En second lieu, quelques personnes ont voulu voir, dans la première édition île cet ouvrage, d'étranges théories sur la responsabilité. Cette
(1) Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques.
question fort complexe ne peut même pas être indiquée ici, elle y serait déplacée; on trouvera en effet, souvent rapprochés l'un de l'autre, l'exemple de deux crimes commis, l'un par un individu franchement aliéné, l'autre par une personne jouissant de la plénitude de sa raison. Dans la majorité des cas je ne m'inquiéterai pas de savoir si je suis en présence d'un responsable ou d'un irresponsable.
Nous dirons donc que la contagion du meutre est l'acte par lequel l'idée du meutre s'impose ou se transmet à un individu le plus souvent prédisposé, par des moyens qui nous restent à déterminer (I).
Pendant des siècles le phénomène de la transmission du son, de la lumière et de la chaleur sont restés des mystères absolument impéné-nétrables. Les physiciens, à force de tâtonnements et d'expériences, sont arrivés à nous démontrer que certains corps, soit d'une façon continue, soit sous l'action de certaines influences, transmettent au milieu ambiant des ondes vibratoires, qui se propagent de proche en proche, indéfiniment pour ainsi dire : une glace par vibration des molécules de l'éther reçoit l'impression dusoleil de même la rétine; de même le tympan pour le son. Au siècle dernier. les magnétiseurs croyaient transmettre â leurs sujets des effluves d'une nature particulière qui soumettaient l'influence du succube (2) à celle de l' incube. Y a-t-il simplement réceptivité du sujet, ou bien y a-t-il réellement échange de fluide magnétique ? Je n'en sais rien et ne chercherai point il l'éclaircir. Si nous admettons la seconde de ces hvpothèses. le fluide magnétique s'échangera ou se transmettra encore au moyen de vibrations.
Il est un troisième mode de transmission qui. jusqu'à notre immortel Pasteur, est resté complètement mystérieux, et cependant, au point de vue pratique, il est plus important de connaître de quelle façon les maladies passent d'un organisme à un autre, que de savoir comment le soleil fait pour nous éclairer ou nous chauffer. Il le fait, et c'est tout ce qu'il nous faut, car nous sommes incapables, quoi qu'il arrive, d'augmenter ou de diminuer sa puissance. Les maladies nous intéressent davantage et si nous connaissons leur nature, nous arriverons â les combattre et à les annihiler ; felix qui potuit.... Il faut bien le dire, le public, avec son gros bon sens, prévoyait et sentait depuis longtemps ce qu'il en était, tandis que les savants, qui ne jugent qu'avec leur raison et avec des preuves irréfragables en mains, qui ne veulent point croire à leur intuition, repoussaient comme sornettes les fontaines empoisonnées. Seulement les empoisonneurs n'étaient point des malfaiteurs, comme le pensait le publie, mais bien son incurie et sa
(1) M.inouvricr exprime à peu près ta ra'-mc Idée : • La plupart de» assassins oui n-çu une certaine rulture appropriée à la conception du meurtre et à sa rèa-liaatiou. s' ni pie nient !acilitêv par leur conformation nullement exceptionnelle. ¦ La Genèse normale du crime. Ru de la Soc. d'Anth., 1893, p. 434
(2) J'emploie ces termes dans le sen" |uc le» alleluiles leur donueut aujourd'hui, part'culier dans la folie à deui. el nou le »cu. adopte par le» démoniaque).
prolonge saleté. Aussi les savants n'avaient-ils qu'à demi tort. Ce mode de transmission est trop connu pour qu'il soit nécessaire de l'exposer en détail : un malade, un tuberculeux par exemple, par un crachat, laisse sur la voie publique une colonie de bacilles, qui bientôt séchéc et emportée par le vent, ou la pluie, ne tarde pas à venir se déposer sur ma muqueuse bronchique ou stomacale. Là. si le milieu est bien préparé, se formeront une série de colonies qui, plus ou moins rapidement, infecteront mon individu par les produits, les toxines que fabriqueront sans relâche les bacilles.
Nous avons ici un mode de transmission plus tangible, que la transmission vibratoire plus facilement contrôlable par l'expérimentation.
Là, s'arrêtent les phénomènes de transmission, qui aujourd'hui, non seulement sont observés, mais encore sont expliqués par les expériences physiques, cliniques ou autres. Ceux qui nous restent à étudier son constatés journellement, sont parfaitement conuus; mais il leur manque le contrôle de l'expérimentation. Nous ne savons pas, en effet, sous l'influence de quel agent les névroses se transmettent d'un individu qui en est affecté ii un individu sain jusque-là. Ces faits différemment interprétés, suivant les époques, n'ont jamais été niés et ont toujours été considérés comme revêtant le caractère épulémique et l'histoire a, en effet, religieusement enregistré toutes ces grandes épidémies de névroses : l'épidémie de danse Saint-Guy vers 1374; le tarentisme en Italie à la même époque: l'épidémie des nonnains dans les couvents de femmes en Allemagne et en Hollande au xve siècle; l'épidémie de Lou-duu eu 1632, enfin les convulsionnaires de Saint-Médard en 1724.
On sait que certains savants ont vu dans les névroses : hystérie, êpilepsic, tétanos, des modiHcations de l'organisme dues à des agents chimiques. Les faits sont encore trop vagues et trop obscurs pour que nous puissions v insister, mais il v a un fait certain, c est que sous l'influence de la crise épîleptique. l'urine devient particulièrement toxique. Est-ce le malade, qui, sans le secours d'un agent extérieur, a seul fabriqué ces toxines, ou bleu a-t-il fallu la présence d'un ferment, d'un germe quelconque servant de point de départ ?
On ne peut non plus nier le coulage dans les phénomènes d'ordre purement psvehique : esprit d'imitation, suggestion, contagion, peu importe, la chose n'en est pas moins patente. Noyons de près quelques exemples de suggestion très simple, à l'étal de veille, ils nous serviront à comprendre plus facilement les laits plus complexes que nous rencontrerons dans la suite. Si nous nous trouvons dans tel état que nous n'ayons aucune raison de bâiller, et que nous nous transportions dans un milieu où tout le monde bâille, immédiatement et involontairement, presque sans nous en ¦percevoir, nous accomplirons bien malgré nous ce mouvement absolument dépourvu de grâce (1). Que nous sortions de dîner, après avoir pleinement satisfait notre appétit, et que nous
(l) Charcot a fait une tres curieuse leçon sur celle transmission contagieuse du baillement. Je croit qu'elle n'a pas été publiée.
allions rendre visite à un nmi en train «le prendre son repas, si nous nous asseyons en lace de lui, il est bien rare que nous ne cédions pas à la tentation — surtout si son dîner se prolonge — et que nous ne prenions quelque légère friandise; nous n'eussions jamais songé à la prendre, même en étant entouré de toute part, si nous n'avions été vivement sollicité par l'exemple de noire ami.
Nous voyons quelqu'un arrêté dans la rue regardant une fenêtre, instinctivement nos yeux se portent du même côté. Si nous n'avons pas de force de résistance, nous resterons à regarder, nous inquiétant peu d'ailleurs de ce qu'il peut y avoir. Bientôt un rassemble ment se forme. Nous nous rappellerons toujours avoir, plusieurs soirs de suite, avec quelques amis, provoqué sur le Pont-au-Change, un attroupement assez considérable. Nous nous penchions sur le parapet et regardions couler l'eau, quelques personnes se mettaient derrière nous. Lorsque nous avions assez de spectateurs, le dialogue suivant s'échangeait entre nous, en indiquant dans la rivière un point du doigt : Le voilà —où ? — à gauche — il disparait — le voilà encore,etc... Les passants qui n'étaient pas dans la confidence finissaient par le voir. et... donnaient des explications aux autres.
Etant étudiant, l'un de mes camarades avait imaginé, â l'amphithéâtre de dissection, un petit jeu que nous avions baptisé le réflexe BlUSiCM. Au moment d'un grand calme, nous chantions quelques mesures d'un air en vogue, puis brusquement nous nous arrêtions. Toujours, au bout d'un certain temps, plus ou moins long, que j'ai eu le tort de ne pas relever sur une montre, mais qui ne devait pas excéder quelques secondes, l'air était repris dans un autre coin de la salle, tantôt par celui-ci, tantôt par celui-là, et. j'insiste sur ce point, inconsciemment. Quelques instants après, le suggestionné avait le plus souvent perdu le souvenir «l'avoir chanté, el jamais il ne s'était aperçu qu'il avait achevé un air commencé ou laissé en suspens (I).
Les faits que nous venons d'exposer sont très simples, ils sont faciles à vérifier. On les expliquerait même psychologiquement avec la plus grande facilité. En s'avauçant encore plus loin, nous rencontrons la
(1) J 'ajouterai pour les personnes qui n'ont pas passé par l'école ,le médecine, que la dissection est un travail intellectuel qui n'absorbe pas constamment toute I activité île I esprit, et que l'on peut, en ménie temps, siffler, chauler. Je comparerai volontiers le travail de dissection à celui que fait le peintre ou le sculpteur.
Tarde (Revue des Deux Monde-.. 15 nov. 1873. p. 367), citaut ce fait, que je lui avais communiqué, ajoute : « Le Dr Bajenow, aliéniste russe, rapporte un irait qui continue et amplifie singulièrement I observation du Dr Aubtv. Il v a une dizaine d'années, sur une scène de Moscou. Sarah Bernhardt jouait la Dame aux Camélias. Au cinquième acte, au moment le plus dramatique, quand tout le monde était suspendu à ses lèvres et qu'on eut entendu une mouche voler, Marguerite Gauthier, se mourant de phtisie, s'est mise â tousser. Aussitôt une épidémie de toux a gagné l'auditoire, et pendant quelques minutes ou n'a pu entendre les paroles de la grande actrice. «
Lu lousseur continue, irrite mon poulmon et mon gosier. »
(MonTAigne.)
contagion de la folie. Lasi-guc a admirablement décrit !.. folie it deux. il a fait voir comment deux individus vivant la même vie. avant les mêmes soucis, les mêmes inquiétudes, deux époux, deux vieilles sœurs, d'intelligence inégale, finissent par adopter identiquement les mêmes idées, les mêmes défiances, les mêmes haines. Que l'un d'eux soit sujet a des hallucinations auditives par exemple, d'abord vagues, il finira par les imposer, lui incube, à son compagnon succube. Ce dernier, après avoir résisté peut-être, en définitive s'identifiera complètement avec le délire de l'autre. A partir de ce moment, les deux délires suivront une marche parallèle. La folie à trois, à cinq, ;i plusieurs est plus rare, mais elle existe (l).
Féré rapporte même (2) île curieux exemples de folie communiquée chez des chiens de races dégénérées adoptant l'émotivité morbide de leurs maîtresses devenant agoraphobes n'osant plus traverser une rue. ne pouvant plus supporter certaines odeurs. Dans une salle d'hvsté-riques. que l'une d'elles tombe en catalepsie, toutes les autres seront vite dans le même ét:it. Qu'un épileptique. qu'un hystérique, vierge d'attaques, voie un malade tomber, bientôt ils seront pris à leur tour (3). .
Nous arrivons à la foule, dans laquelle l'individualité disparaît, et qui forme une espèce de tout obéissant avec la plus grande facilité à l'impulsion de quelques-uns. les meneurs, qui. chose remarquable, ne
1.Wollenberg (la Corre, Crime et Suicide, p. 220) admet une sorte d'infection psychique, sous trois modes : 1° folie communiquée (un sujet B se laisse suggérer par un autre îles idees délirantes, qui ferment dans sou cerveau troublé); folie imposée (un sujet B ne se laisse suggérer îles idée délirantes que de la part et au Contact d'un antre sujet A: sitôt qn'il est séparé do ce dernier, il échappe à ces idées délirantes) ;3° la psychose de it n est contingente de la psychose de A qu'au début de la maladie; plus tard elle poursuit une évolution indépendante et personnelle : ia folie simultanée (les psychoses contractées isolément et il une façon indépendante par A et par B s'influencent réciproquement), presque toujours la transmission du trouble mental s'effectue d'un sujet à un parent plus ou moins proche. Elle suppose les prédispositions habituelles, précisément rencontrées le plus ordinairement entre individus de même souche.
« Les faits contemporains scientifiquement observas, n expliquent que trop les faits des temps passés si épouvantablcmcnt interprétés dans un sens criminel, par des magistrats ignorants et fanatiques. Et faiet bien a noter qu il ne faut que nu sorcier pour on taire cinq cens. ¦ Bodin. en écrivant ces lignes (Demonomante, p. 80(. ne songe pas à limitation, au rayonnement contagieux d'actes morbides il ne voit en cette multiplication très réelle des sorciers, autour d'un sujet ou d'un couple, que l'effet d'un zèle de convertisseurs r agréable du diable Il ne soupçonne pas davantage la transmission héréditaire d'une lare acquise • et ordinaire nient la femme attire son mari, mère mène sa filic (Il s agit du Sabbat) et quelquefois toute la famille routinur plusieurs siècles aiusi qu il a été avéré par infiniz procès.)
2.Société de biologie, 28 février 1893.
3 Rapprochons le fait suivant : un homme marie, chaque fois que sa femme avait ses règles, éprouvait certains phénomènes équivalents.
sont pas des gens trèfl intelligents, mais qui. par contre, sont presque toujours de* dégénérés. Ils imposent à la loule leurs vues, leurs haines, et l'cntraincut, ainsi que nous le verrons, aux pires excès. Aux massacres de septembre, ilisent les chroniqueurs, ou égorgea d abord quelques personnes, puis la vue du sang, bientôt l'ivresse qu'il produit, excitèrent la foule qui. s'élant contentée de regarder les premières victimes, se précipita sur les prisonniers, tuant au hasard avec furie, et ne s'arrêta, harassée de fatigue, que lorsqu'il n'y eut plus personne à immoler.
Mais cette transmission de l'idée, cette suggestion, nous l'avons déjà dit. ne s'impose pas au premier venu. L'incube et le succube, le sug-gestionneur et le suggestionné doivent avoir, surtout ce dernier, des qualités spéciales. Celui qui impose son idée, sa volonté à une individualité isolée ou â une foule, qui renforce en quelque sorte sa personnalité de celle de ses auditeurs, n'est pas toujours, nous le répétons, un individu supérieur. Il doit cependant avoir une sorte de feu sacré, qu'il fait passer, soit par sa violence, soit par sa persuasion insinueuse, soit par son exemple, dans l'âme de son auditoire.
Le suggestionné, le succube, présente lui aussi un état d'à me particulier. Ce n'est pas au premier venu qu'on persuadera, par un moyen quelconque, qu'il doit commettre un homicide, il faut qu'il y ait en lui une réceptivité spéciale préparée de plus ou moins longue main. Elle sera préparée par l'hérédité, la dégénérescence ; elle sera préparée par des névroses latentes ou avérées; elle sera préparée par l'éducation et l'exemple familial, elle sera préparée par la presse et les romans, elle sera préparée par ces mœurs ignobles, qui peu à peu emoussent, puis détruisent le sens moral, enlèvent à l'intelligence la pondération sociale des actes. S'étonne-t-on jamais de voir un Alphonse quel «|ne so'it le monde auquel il appartienne, tuer son rival ou la femme qui le fait vivre? Non. car c'est dans l'ordre des choses. Au contraire, on reste toujours péniblement surpris lorsqu'on voit un homme jusque-là honnête, d'une conduite irréprochable, oubliant sa dignité et son honneur, commettre un crime quelconque. En un mot. l'état de réccplmté sera préparé ou determiné par tout ce qui provoque une sorte d'état de désagrégation, suivant l'expression de Janet, amenant comme un dédoublement ou une perversion de la personnalité.
On peut comprendre maintenant comment l'idée homicide, qu'elle emane d'un individu, d'une lecture, d'un exemple, d'une leçon de chose», comme ou dit aujourd'hui, pénétrant chez un individu en état de réceptivité agit d'une façon absolument comparable â celle du mi* crobe ensemence dans un bon bouillon de culture : là l'idée germera grandira, mûrira et à un moment donné sécrétera des toxines qui feront d'un cerveau normal un cerveau criminel.
D'ailleurs celte démonstration n'est pour ainsi dire pas â faire ; on sait, et nous aurons bien des exemples à citer dans le cours de cet ouvrage, que les cas simultanés se produisent indépendamment les uns
des autres sous l'action d'une même influence : une épidémie. la trop Célèbre influenza par exemple, a engendró une recrudescence de folis-, de suicides de crimes : il y u là une ambiance fouettant les dispositions Intentes, formunt des éclats multiples, mais indépendants les uns des autres, sans cause occasionnelle et commune et créant, augmentant tout au moins l'état de réceptivité. Les tourmentes politiques créent eucore une réceptivité spéciale que. l'on peut absolument comparer â certaines constitutions médicales suspectes qui sont éminemment favorables à l'éclosion de diverses épidémies dès qu'intervient la plus légère importation d'une infection.
L'épidéimie peut au contraire ne pas éclater partout n la fois simultanément, elle peut partir d'un coulage parfaitement déterminé, d'un foyer isolé comme dans les cas de sorcellerie, de monomanie, d'hystérie des couvents de Loudun (1), etc.... elle peut se répandre dans une foule, subitement et avec une grande intensité. Les exemples de cet ordre ne nous manqueront malheureusement pas.
Notons enfin que. de même que les folies individuelles empruntent leurs formes aux moments et aux choses du moment (possession diabolique autrefois, police secrète depuis, téléphone ou dynamite aujourd'hui , ou bien à des faits politiques plus spéciaux; combien avons-nous eu d'aliénés se croyant le général Boulanger? tout dernièrement un fou ne s'est-il pas présenté à l'Elysée se disant le Tzar! Nous verrons de même que le crime affécte par séries diverses formes : autrefois les empoisonnements, étaient fréquents, â un autre moment ce sera le dépeçage criminel, le witriol.
La contagion du meurtre existe donc sans conteste. On nous objectera peut-être, en se basant sur les belles statistiques de Socquet (2), que ta contagion n'existe pas, puisque le nombre des crimes n'augmente pas sensiblement. La contagion du choléra ne fait de doute pour personne, et cependant à chaque nouvelle épidémie, la mortalité va en diminuant. Four la tuberculose, au contraire, elle augmente dans des proportions considérables. Dans une société qui a la prétention d'être aussi civilisée que la nôtre, la criminalité devrait tendre â disparaître. Si elle n'augmente point, elle ne diminue certainement pas. Dans cet état de choses, avec nos mœurs policées, le statu quo ne peut être considéré que comme une progression ascendante. D'ailleurs le crime-délit augmente, ou a augmenté tout au moins jusqu'en ces dernières années. II a commencé à diminuer sous l'aspect objectif: mais
1. Ce n'est que depuis un petit nombre d''annees que la nature véritablement pntholoffiqae de ces épidémies s été entres ne. 1es travaux d'esquirol. Brtcrre ds Boismoat, Calmcil. prosper Lacas, Morcan de Tours, Trélal. pour ne citer que les principaux, ont été l'origine de recherches plus precises, plus nettes, et à ce titre l'école de la Salpctrièrc s jeté un jour nouveau sur l'élude de ces phénomènes en les classant définitivement et en leur assignant leur véritable place dans le cadre nosologique.
2. J. Socquet. Criminalité en France de 1836 à 1880. Paris, Asselin. 1884.
tous prouve combien il y ;•. «hm* in» mo-urs. multiplication du frime-ilélilucfullf.ii lei piiinl qu'il semble que nous allions ù une complète désagrégation sociale : eu haut de l'échelle les politiciens ne marchent qu'avec de* pots-dc-vin. comme dan* le Panama 1 . ou de leur côté les entrepreneurs se Tout payer pour du travail qu'ils ne font pas : en bas, plus de conscience nulle part, (.elle démoralisation est la conséquence d'une incontestable action contagieuse.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Congrès de Rome
Le numéro d'avril était composé lorsque ont pris fiu le» grandes assise* médicales qui viennent de se terminer à Roane. Xous remettons au prochain numéro I*
I« com-
pir rendu des travaux de la section de psychiatrie, neurologie et anthropologie ¦ :¦ i! i ¦ .¦ bitons dès aujourd hni que l'accueil fait par le* médecins italiens • ton» leurs confrères, sans distinction de nationalité a été empreint de la pins, grande cordialité'. Ils n'uni rien négligé de en "lui pouvait rendre le séjour de leurs invile en Italie fructueux pour la sei care cl agréable pour Ion*.
La présidence générale du Congrès a élé donnée * M. !¦ professeur Bacelli, minisire de l'Instruction publique t'ii Italie,
Dan* la premièri- séance les sections oui nommé leur bureau et élu un certain nombre de présidents d'honneur. Voici quel* ont été les Français désignés comme présidents d honneur et secrétaire» des section» :
Asaiumr et rUKioiocu : Présidents d'honneur . Kiehrt. Debîrrre. Chauvean. Roux ; : '.lires : tilry. I.angloîs.
Askiuuo: r*.Tiioioc.ioi » *r ra.ruoLo«lK oi.\£n*ii : Corni! ; secrétaire : Calìa.
Pharmacologie : Dujardin-Beauuiet/.
Mi al i ¦'. mikxk : Bouchard, [.épine: secrétaire : Tissier. PfniAïaïc : Comby. Moussons ; secrétaire* : «ilici. Càuelpa.
i 1 i.-.l . • .'i : î' 'if. -. V- rr. ¦:. BlOel, I !¦ r ¦ i.
Cuintsbi* : Oller. Péan. l.oos-Chaïupiunuicrc : secretairi- : Ménard. Oastltniiji'r : Pinard. Charpentier ; «cerétaire : Varnier.
I .«î. i ¦'. a ¦ .i- : Gouguenheiiii. Moure. Kuault; secrétnire : Rougê.
OtoLooil : Celle.
Mini, i-i Miuraiaa : Bertrand. Colin; secrétaires : Antony. Girard. llictt.se ; Brouardel.
BiauAioLOAii : Hallopeaa. Jnllicn. Perno. Mini fis» ifcale : Brouardel. Laeassagne. UibHoi-uciE : lUranl-Kardel.
In&uence de la civilisation sur l'organisme.
Dan» la conférence qu'il a faite au Congrès de Rome sur ¦ la substance fondamentale du protoplasma el ses modification» par la 'ic ». le professeur llanilewsky signale Ira conséquences que l'escei de civilisation apporte a la constitution de nos tissu*.
a Le naturel, dit-il, n'est conservé par nous que dans l'essence même des chose*, la où il nous est absolument impossible de le modifier, dans le fait que nons respirons I air. que nous but ou* l'eau, el que uoua nous nourrisson* de graisse*, d'albumine, d'hydrates de carbone et de sel*. Pour lonl le reste, la civilisation continue â élaborer des conditions dr»i»lcnec. Ie« unes plus artificielles que les autres, toujours plu* étrangères à notre proiopla.ni».
Ju est-ce qui nous pou «se dans celtr voie ? Pour être court. disons que re»l 1« tendinee » In «li* faci ion. 1« plu* rapide. la plus fréquente possible, de la soif du plaisir et de la jouissance. Mais liai moderai io a dans la jouissance H I iaronsidé-ratîon dans le rboîi de» ¦genti instigateurs sont aussi nuisibles â notre protoplasma que la foudre, le froid glacial et la chaleur torride Ce» ageni*. doué, d'une Certaine iiitco-ilé d'action, sont aussi funeste» à l'organisme que les poison*. Et — - • ¦ j x ¦ iji. I agent instigateur de In jouissance e*t par lui-même une substance toxique.
La vie humaine actuelle parcourt toute* se» phase» plu* rapidemeni qu auparasant. Nous faisons plu» vile : non» nous développons plus lût. nous mûrissons plu» file, nous détenons eipert» dan» des choses pour lesquelles noire cerveau el notre eorp» ne sont pas encore prêts. I.a recherche de |s jouissance est detenne plu» fréquente et débute plus toi. Les mêmes plaisirs nous lassent vile : nous cherchons à le» varier sans cesse. Nos nerfs sémousseiit rapidement et. pour obtenir la même joui-- ¦ nous remplissons noire corps d'une quantité toujours plus
grande de ¦iihstanres stimulantes.
Kl la fabrique de citilisation se donne toutes le* peines du monde jiour satisfaire tou» le* goût*, el recherche eomplai*ammrnl de nouveaui agents, toujours dans le même but.
Tel e»t le schéma général de la tic matérielle de toute» les elasse» de 1» société contemporaine. Il n'y a de différence que dans les moyens par lesquels les unes et les autre* cherchent el trouvent une satisfaction. ¦
Tact médical -
M. Brouardel a consacré quelques leçons de son cours de médecine légale au secret médical.
Il insiste sur la réserve qui est toujours recommandée au médecin, même ris-i-vïs de son malade.
Dans les cas d'affection cardiaque, par exemple d'une dilatation, d'nne insuffisance aortique. doit-on dire au malade qu il est menacé dune mort subite* M. Brouardel répond non. pas pins qu'on ne doit dire m sa femme qu'elle peut, un matin, trooter son mari mort à raté d elle.
El â l'appui de celle discrétion nécessaire; il cite le fait suivant.
En 1877. M. Brouardel fut consulte par ou client de proviure. atteint dune însuf-Saancc aortique. Ce malade était un grand chasseur M. Brouardel *e rontenta dd lui donner quelques conseils de prudence el le rassura.
Mai» avant de quitter Paris, le client s'en alla consulter un antre médecin ancien chef de clinique de Bouillaud, qui se crut obligé de Invertir qu'il avait une instif-6sance aortique. qu il ne devait plus chasser, qu il ne de*il jsmais sortir seul. Mo alfcctiou le prédisposant à une mon subite.
Le malade épouvanté revint chef M. Broaardel pâle et indescriptible. Celui-ci ssaintinl ses affirmation» rassurante» et pour trancher le différend proposa an malade d'aller voir M. Bouillaud lui-même.
Prévenu. Boailland voulut bien répéter an malade ce que M. Bronardel Inî avait dît * Mai», dit alors le client, je »ni» allé cher, le II' V... pareeque je savais qn'il a été cotre ehel de clinique ¦ Bouillaud lui répondit en sonrianl : • Calignla avait bien fait bob chetal consul ! s
l.e malade partit rassuré, continua â chasser, el il c-l BjoH l'année dernière... d une pneumonie.
Le Doctorat en droit.
Les professeur» de la faculté de droit de Pari», qui avaient tenu plusieurs séances sans pouvoir s'entendre sur les réformes à introduire dans le doctorat, se sont mis d'accord dans leur dernière réunion sur le projet suivant.
Il y aurait désormais deux doctorats :
1°LE doctorat de droit privé, comprenant le droit romain, le droit civil et leur histoire. Ce doctoral conviendrait surtout ans étudiants qui se destinent la magistrature.an barreau, etc.
2° Le doctorat de droit public, comprenant l'histoire du droit public, le droit a administratif. le droit constitutionnel. le droil international public, l'économie poli-tique la législation financière, la législation industrielle et les questions ouvrières. Ce doctorat conviendrait surtout aus étudiants qui se destinent aux carrières administratives ou à la vîe politique.
En outre, tandis que le programme actuel du doctorat unique comporte, avec trois examens oraux, deux thèses écrites, dont l'une de droit romain obligatoire, il n'y aurait désormais que deux examens oraux et une seule thèse écrite dont le sujet serait choisi par le candidat.
Cette réforme allégerait et abrégerait sensiblement les éludes préparatoires sa doctorat. Si les étudiants emploient présentement deux à trois ans à relie préparation, c'est parce que le programme est très chargé; mais les règlements n'exigent que quatre inscriptions, ci par conséquent les candidats pourraient, s'ils étaient prêts, se présenter au doctorat un an après avoir obtenu la licence.
Pour lu licence en droit, la Faculté est d'avis de n'apporter aucune modification au régime actuel.
M. le doyen Colmet de Sanierre est chargé de rédiger le rapport sur les conclusions de la Faculté.
NÉCROLOGIE
Georges Pouchet.
Le professeur Georges l'ouchet a succombé, vendredi dernier, aux ;Ucintcs d'ene pneumonie infectieuse. Professeur d Analouiic comparée au Muséum d'Histoire naturelle. Georges Pouchel s'élall. par ses travaux biologiques, placé an premier rang des savants français et sa mort sera vivement regrettée par ses amis et ses élèves, qni conserveront toujours le souvenir de sa franchise et de sa bienveillance
Le professeur l'ouchet lègue toule sa fortune à la Société de Biologie, et. par une de Ses originalités de caractère dont il élail un peu coutuniier. il a défendu â ses collègues du Muséum d'assister à ses obsèques émettant le désir que quelques paroles d'adieu soient seules pronoucees. au nom de ses amis, par M. Gri-maux, professeur de chimie â l'École polytechnique.
Nous avions elè pendant quelques mois l'élève du professeur Pouchel. an Muséum d'histoire naturelle. Au premier .ibord il paraissait doué d'un caractère assez. dîiScilc : quand on le conuaissaïl davantage on apprenait vite que son esprit était large et b'enveîllant. Disciple des Charles Robin et des Litirè. il resta fidèle aux doctrines de ces deux savants.
Ces doctrines philosophiques expliquent son insouciance en matière de religion et la haine vivace dont il poursuivait les n pi ri tes et les ni a cm'liseurs. On se rapplle sa dernière provocation aux liseurs de l'ensec. Son défi ne fnt pas relevé, ce n'était que la suite d'une longue série de poursuites qu'il avait entreprises coulre les charlatans, et dont le premier début avait été marqué par un avantage signalé remporté par lui sur les fameux frères Davcnporl.
S'il s'attaquait aux magnétiseurs. Pouchel par contre s'intéressait aux éludes sur l'hypnotisme. Il acceptait volontiers les récentes interprétations par la suggestion qui satisfaisaient son esprit positif beaucoup mieux que les interprétations finidïques on ne peut lui reprocher d'avoir souvent demandé que les expérieuces d hypnotisme fusent soumises à un contrôle scientifique plus rigoureux. Savant de
goude valeur, homme loyal, ami sur. Pouchel sera vivement regrette de tous reni qui l'ont connu.
E. B.
Brown-Sequerd.
La nouvelle «le la mort de Brown-Séqanrd survenue pendant le congrès de Honnit donné lieu à une manifestation éclatante. M. le professeur Kichel qui présidait lu section de psychologie a interrompu les lra\ aux de celte section pour prouoncer l'éloge mérité du grand savant que venait de |crdrr la Fronce. Son discours écoulé avec recueillement fat accueilli par les applaudissements de tous les physiologistes présents.
La vie de Brown-Séquard fut des plus ngîtées. Né en 1817 â Port-Louis, dans l'île Maurice, d'un père anglais et d'une mère trnnçnise, le jeune savant vint à Paris en 1838 pour y compléter ses études médicales. Il fut reçu docteur de noire Faculté en 1810. Il revint alors à Mnurtce pour y exercer la médecine. Mais il n'y lit qu'un court séjour. Paris l'attirait et c'est là qu'il revint eu somme, après une fugue aux Etats-Unis. On lui confia à celte époque un cours à la Facullé. Des propositions venue* d'Amérique lui firent pourtaut quitter la France, pour aller occuper la chaire de physiologie et des maladies du système uerveux â Harvard L'uiversily. Nous le retrouvons à Paris en 1878. et cette fois nous le voyons, en dépit des dîf* ficulté» créées par sa nationalité, succéder d'emblée à l'illustre Claude Bernard, comme professeur de médecine expérimentale au Collège de France. F^n 1886. il était nommé, à la place de Vulpian, membre de l'Académie des sciences, dans la section de médecine et de chirurgie.
La ii- éuuméraiion des travaux de Brown-Séquard demanderait plusieurs colonnes de la Revue. Nous nous bornerons ici à dire qu'il avait puissamment contribué â faire entrer l'hypnotisme dans la voie scientifique. Il avait trouvé dans le» phénomènes dr l'inhibition et de la dynamogénic une interprétation séduisante de faits d hypuotisinc. On lui devait la connaissance en F'ranee du livre de Braid qu'il avait fait traduire et dont il faisait l'éloge dans une préface instructive. Itronu-Séquanl n'av»it pas ménagé le» encouragements aux recherches entreprise» à la Pitié en 188- par M. Dumonlpallicr et ses élève». Il avait donné au congrès international de l'hypnotisme en 1889 un appui considérable en acceptant d'être uu de» présidents d'honneur de ce congre» el il était membre d'honneur de la Société d'hypnologie el de psychologie depuis sa fondatioo.
Brown-Séquard qui fut uu grand savant, un chercheur aussi infatigable qu'original laisse cet exemple très rare d'un homme ayant gardé la jeunesse du ru-ur et de l'esprit jusqu'à un âge extrêmement avancé. H a travaillé avec ardeur jusqu'à son dernier jour et »a vie scientifique peut servir de modèle aux génération» ù venir.
Le» obsèques civile* de M. le professeur Brown-Séquard ont eu lieu au milieu d'un grand concours d'amis, d'élève» et de notabilité» scientifique».
DISCUSSION
M. BtatLLO*. — Dans aa communication M. Aubry ¦ , »i appliqué à établir la plus grande analogie entre la contagion d'nue maladie virulente et la transmission de Certaines idee* d une personne à One antre. Celte assimilation se retrouve dna* le dtetioanaire philosophique de Voltaire. Parlant du fanatisme religieux il «exprime ainsi : ¦ C'en! une maladie de I esprit qui »¦ gagne comme la petite vérole. ¦ qn il • agisse d imitation on de contagion psychique le processus est le mèmr. M. Tarde ¦ est appliqué à donner l'explication de ce» fait» dan* un livre remarquable intitulé : io loia «I I imitation.
M. PLOIX. — La difference entre I'imitatimi et la contagion etl constitués par ans différence df de gre. La constagion a quelque chose d inconscient d irresis-lible. Les effets de la contagimi ae manifestent aussi d une façon pins smulaine, plus inattendue, c'est ce qui a tans doute déterminé M. Auhrt à préférer cello désignation.
M. DUMONTPALLIER. —Cette action contagieuse des idées s''exerce an plus haut degrés dans le domaine scientifique et surtout dans le domaine médical. Des générations subissent sans pouvoir s'y soustraire l'influence de certaines doctrines, bonnes ou mauvaises. mises eu circulation par des esprits ayant plus ou moins l'autorité pour le faire de certains moments, des idées prévalent avec une telle forée, qu'il y a lémétïlé à les combattre et a défendre la vérité. l'histoire de I hypnotisme fourmille d'exemples frappants à ce point de vue.
NOUVELLES
Société d'hypnologie et de psychologie.
La Société d'hypnologîe se réunira en séance ordinaire le lundi 21 mai. à quatre heures et demie précises, au palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. le Dr le Dumontpallier;
1° lectures et communications diverses.
2° Présentation des malades.
3° Vote sur l'admission de nouveaux membres.
AVIS. — Afin d'éviter les frais de recouvrement. MM. les membres Orangers sont invités à adresser directement pur la poste le montant du droit d' admission (10 fr. ), et leur cotisation annuelle (15 fr.), à M. le D' Bérillon, secrétaire sénèral, rue de ittioli, 40 bis.
Enseignement de l'hypnotisme et de lu psychologie physiologique.
Institut psycho-physiologique de Paris, 49. rue Saint-André-des-Arts. — L'Instimi psycho-physiologiquc île Paris, fonde en 1891 pour l'élude des applications cliniques, médico-légales cl psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorises, est destiné a fournir au médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanali! tsur les questions qui relèvent de l hypnotisme el de In psychologie physìologiquc.
une clinique de maladies nerveuses est annexée à I Institut psvchos physiologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de dix heures à midi. Les médecins el étudiants régulièrement inseriis sont admis à y assister el sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Polyclinique de genes. — Une polycliniquc vient d'être créée à Genes. M. le professeur Morselli s'est chargé de la direction de lu
consultation des maladies nerveuses. L'installation de sa clinique est très confortable. M, le professeur Morselli y appliquera le traitement psychothérapique.
Courss n l'Ecole pratique de In Faculté ds Médecine.
M. le docteur Bérillon. médecin inspecteur adjoint des asiles publics d'aliénés, directeur de la Révue île l'Hypnotisme commencera le lundi 23 avril, â cinq heures du soir, dans l'amphithéâtre Cruvellier. à l'Ecole pratique de la Faculté de médecine, un cours libre de pathologie nerveuse es de psychiatrie sur les applications cliniques de l'hypno-tisme, et le continuera les lundis et les vendredis suivants, n cinq heures.
Dans ce cours, le docteur Bérillon passera en revue les acquisitions récentes faîtes dans le domaine tir l'hypnotisme. Il étudiera spécialement les indications et les conlre-indications de l'hypnotisme et de la suggestion dans le traitement tics maladies nerveuses et mentales.
Facclte de .medecine de Paris — M. Itayiunnd vient d'être nommé professeur à. la chaire de Clinique des maladies du système nerveux en remplacement de M. professeur Chareol.
— Par arrèlé préfectoral, le Ds Saint-Hilaire. sécrétaire-général de la Société de laryngologîe cl dolologic de Paris. a été nommé médecin auriste de l'Institut départemental des sourds-muets.
Nous adressons nos félicilations à noire collègue de la Société d'hypnologie et de psychologie.
— D'après 1 étal officiel dressé par I administration de l'Assistance publique, le nombre des médecins, chirurgien- et accoucheurs îles hôpilaux de l'aris, à la date du 1er février 1894.. était de 202.
Médecin- honoraires. 16; — chirurgiens honoraires, 9; — médecins en exercice. 88 : — chirurgiens en exercice, 44; — Bureau central : médecins. 18 ; chirurgiens. 14 Accoucheurs titulaires. 7 ; suppléants, 4.
Ecole d anthropologie— M. le D' Kegnault fera les mercredis s| samedis â 4 heures, à ('broie d antrhropologie, 15. rue de l'Ecolc-dc-Medecine, une série de conférences sur les déformations crâniennes considérées plus spécialement en mèderine cl dans l'art.
Asiles d'alienes. — l"n concours pour l'admissibilité aux emplois de mèdecîns-adjo'iits de- a-ilrs publics d'aliénés aura lieu à l'aris. Lille. Nancy. Lyon. Bordeaux et Montpellier dans les derniers jours du mois de mai ou dans le courant du mois de juin prochain.
Un avis ultérieur fera connaître la date exacte douverture de chacun des concours ainsi que celle à laquelle devront être parvenues au ministère de l'intérieur les demandes des candidats qui solliciteront l'autorisation de concourir.
Distinctions. iiONOliriorts. — Nons sommes heureux d enregistrer les nominations suivantes :
— M Félix Alran. l'éditeur bien connu de tant de travaux psychologiques vient d'èlre nommé chevalier de la Légion d honneur.
— Note- distingué collaborateur. M. le professeur Brèmaud. de Brest, membre de In Société d'hypnologie et de psychologie vient d'être nommé ofucicr d'Académie.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
A. Julien. — Loi de l'ossification des os longs. — Loi de la position des centres
nerveux brochure in-4°. 8 pages, chez-Iauteur. 35. rue Monge. Paris, 1892.
emmanuel vaughez — La terre. Evolution à sa surface. Son passè. son prêsent. son avenir. 2 in-4°.393 pages. C. HcinnaM et Cie .éditeurs. 15. rue des Saints.
Pères. Paris, 1893.
emm. vauchez. — Manuel d'instruction nationale, I vol. in-8°. 113 pages,- Ha— chette et Cie. 79. boulevard Saint-Germain, París. 1887.
Dr P. Van Velsen. — L'hvpnotisme et la psychothérapie. brochure in-4°, 22 pages.
Bruxel les.
Dr Domenico ventra. — La imffemtionr non ipmotita nelle persone sane et nella psicotrrapin, brochure in-4°. 50 pages, Nocera inl. Tipografía del Manicomîo-1891.
L'Administrateur-Gêrant : Emile BOURIOT
170, rue Saint-Antoine
REVUE DE HYPNOTISME
EXPÉRlMENTAL ET THERAPEUTIQUE
8° anne. — n- 11.
Mai 1831.
LE CONGRÈS DE ROME
Le Congrès de Rome, tant par l'extraordinaire affluencc des congressistes que par le nombre des communications, a été un grand succès. Malgré l'éloignement du Policlinico, situé hors des murs de la ville et où avaient été installés les services du Congrès, les travaux des sections ont été suivis avec une grande assiduité. Le nombre des assistants était en général si considérable que la lecture des communications était fort difficile et que beaucoup des discussions n'ont pas pu prendre toute l'ampleur que méritait le sujet traité. A part quelques critiques de détail on peut dire que tout s'est bien passé et que la courtoisie des organisateurs, ainsi que leur empressement à satisfaire les membres du Congiès, pourront être difficilement surpassés.
La présence du professeur Lombroso comme président de la section de neurologie, psychiatrie et anthropologie criminelle a contribué à faire de cette section une des plus animées du Congrès. C'est là que devaient naturellement se retrouver tous ceux qui s'intéressent aux études sur la psychothérapie. M. Lombroso était secondé par MM. les professeurs Tamburini et Bianchi, vice-présidents pour la neurologie et la psychiatrie, et par M. Enrico Ferri, membre de la chambre des députés, vice-président pour l'anthropologie criminelle. M. Mingazzini remplissait avec zèle les fonctions de secrétaire général.
Dans la première séance, un certain nombre des délégués étrangers furent élus comme presidenta d'honneur. Ce furent pour l'Allemagne, MM. Hitzig, Hirt, Mendel, Siemerling, Kalbaum et Mesched ; pour la Russie : MM. Tschisch et de Rhodc ; pour la France : MM. Pitres, Pierretct Bérîlion;
pour l'Autriche : M. Bénédickt ; pour l'Angleterre : M. Ferrier; pour la Suède: M. Henschen; pour la Belgique, M. Morel.
Dans la seconde séance cette liste était complétée par l'adjonction de MM. Curella (Allemagne) G. Ballet et Sollier (France).
Un certain nombre de communications ayant trait à l'hypnotisme et à la suggestion ont provoqué d'intéressantes discussions. Dans une communication sur la nature de l'hystérie, M. Sollier dont les idées qui se rapprochent sensiblement de celles que M. Pierre Janet a exprimées dans ses études sur l'état mental des hystériques, disait notamment :
« En me basant sur les modifications de la mémoire suivant l'état de guérison ou de maladie, sur le parallélisme des troubles de la sensibilité et des accidents hystériques, sur les phénomènes que j*ai observés chez les sujets auxquels, en état d'hypnose, on enlève et on rend les divers modes de sensibilité, enfin et surtout sur l'insomnie rebelle dont sont frappés un grand nombre d'hystériques, je suis arrivé à me convaincre que l'insomnie des hystériques n'était due qu'à ce que ces malades étaient dans un état de vigilambulisme plus ou moins profond.
« Quand on plonge ces sujets dans un état d'hypnose profonde et qu'on leur ordonne de se réveiller complètement, au lieu de se réveiller dans l'état de personnalité où elles étaient avant d'être endormies, on constate qu'elles sont dans un état de personnalité antérieure, qui les reporte à plusieurs années en arrière...
« Les hystériques ainsi ramenées à un état de personnalité antérieure, à un état prime, dans lequel elles ont encore des stigmates, des troubles de la sensibilité, ou des troubles moteurs ou viscéraux, peuvent revenir à l'état normal. Il suffit pour cela de les plonger dans un état d'hypnose profonde, et de leur ordonner alors par simple commandement de sentir leurs membres ou leurs différents viscères. »
D'après les termes mêmes dont il s'était servi, on pouvait supposer que M. Sollier admettait la légitimité de l'emploi de l'hypnose. Il parait que c'était une erreur dans laquelle il ne voulait pas laisser ses auditeurs, car il terminait par la conclusion suivante, tout à fait inattendue :
« L'isolement et le traitement psychologique sont les meilleurs moyens de provoquer ce réveil de la sensibilité, on ne doit recourir à l'hypnotisme qu'en dernier ressort. »
Il a paru à M. Bérillon qu'il y avait entre les prémisses et la
conclusion une contradiction évidente. Il a fait remarquer que si l'emploi de l'hypnose donnait de si bons résultats dans certains cas, il n'y avait aucune raison pour se montrer ni dédaigneux à son égard dans d'autres et cela d'une façon absolument arbitraire. Il a ajouté que bien que M. Sol lier eût évité de se servir du mot suggestion, il n'avait pas paru, cela résultait de la communication elle même, avoir fait autre chose que suggérer a ses malades le retour de la sensibilité aussi bien cutanée que musculaire et viscérale. Or, l'école de Nancy et cela n'est pas son moindre mérite, s'est surtout appliquée à démontrer que tous les symptômes de l'hystérie sont justiciables de la suggestion et qu'il n'existe pas de meilleur mode de traitement. Le fait n'est d'ailleurs plus contesté par personne. M. Sollier a persisté à se défendre énergiquement de faire de la suggestion. 11 déclare recourir au traitement psychologique. Malgré tous nos efforts nous n'avons pu parvenir à saisir la différence qu'il y a entre la suggestion, la psychothérapie et le traitement psychologique. Il nous a paru qu'il s'agissait surtout d'une querelle de mots; la substitution d'un terme à un autre n'empêchant pas que les procédés fussent identiques. Cette discussion courtoise apparaissant comme un dernier écho des luttes ardentes entre deux écoles célèbres n'était que le prélude d'une série de discussions plus importantes. Le lendemain une communication de M. le professeur Hirt, de Brcslau, remettait la question de l'hypnotisme sur son véritable terrain. Il s'appliquait à démontrer les services que l'emploi de la suggestion hypnotique est appelée à rendre dans le traitement de maladies nerveuses et mentales. M. Bcncdickt, do Vienne, dont on connaît l'esprit conservateur en hypnologle, a combattu vivement les idées tic l'auteur, mais M. le professeur Hitzig, de Hallé, dont l'autorité dans toutes ces questions est si grande.s'est rallié à l'avis de M. Hirt et Thypnotismea remporté une première victoire.
Dans l'après-midi du même jour, M. Bérillon a fait une communication sur le traitement de la morphinomanie par la suggestion hypnotique M. Bérillon n'est pas partisan de la suppression brusque qui peut présenter de grands dangers. Il est plutôt d'avis d'opérer par suppression graduée. Il reconnaît que cette méthode n'est cependant pas sans inconvénients, puisque, selon l'expression pittoresque d'un malade, le patient dont on diminue graduellement la morphine, se trouverait dans la condition d'un chien, â qui * on couperait chaque jour un morceau do la queue- « Cela cesse d'être exact lorsqu'on
emploie l'hypnotisme comme auxiliaire. La queue est bien coupée par morceaux, mais ces opérations successives s'effec tuant sans douleur, il y a tout à gagner à recourir à la suppression lente qui, entre autres avantages, a celui de diminuer la durée de la convalescence, et surtout les dangers de rechute. M. le professeur Tanzi (de Palerme), quia traité un morphinomane invétéré par le même procédé avec un grand succès, a appuyé la thèse de M. Bërillon. M. Hitzig. tout en se ralliant aux mêmes conclusions,a proposé de faciliter la démorphinisa-tion par l'emploi de divers moyens curatifs, en particulier, par le lavage do l'estomac qui lui a rendu de grands services.
Une autre communication ayant trait à l'hypnotisme fut également faile par M. de Jong (de la Haye), qui a traité avec succès par la suggestion un certain nombre de malades atteints de mélancolie.
Comme on le voit par ces citations trop écourtées, la cause de l'hypnotisme et de la psychothérapie a été soutenue avec autant de compétence que de conviction. Nous avons d'ailleurs été heureux de constater au Congrès la présence d'un assez grand nombre de membres de la société d'hypnolocic et de psychologie et parmi lesquels nous citerons indépendamment de MM. Luys et Bérillon, délégués par la Société, MM. G. Ballet, de Jong.Schrenk-Notzing, Camille Martinet, et Giulio Friedman. M. Friedman, qui réside à Rome, s'est appliqué avec un grand empressement â rendre le séjour de Rome agréable à tous ses collègues. Nous l'en remercions vivement. Avant de se séparer on a décidé que le prochain Congrès aurait lieu en Russie dans trois ans. Dès maintenant nous donnons rendez-vous à nos collègues à la prochaine réunion internationale.
C. M.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 19 Mars 1891. — Présidence de M. Dumontpallier.
(Suite.)
Avantages du sommeil suggéré contre certaines douleurs, en particulier contre celles de l'accouchement. — Observations.
Par le Dr le MenanT dES Chesnais. J'ai parfois entendu noire secrétaire général exprimer le regret qu'un très grand nombre d'entre nous, au lieu de communiquer à la Société leurs observations, les gardent dans leurs cartons en attendant qu'elles
puissent servir à un trnvnil d'ensemble. Evidemment noire confrère a raison, car c'est ici, à ln Société, quo doit se faim le travail d'ensemble à la collaboration duquel chneun de nous ne peut mieux participer qu'en apportant îles faits, le plus de faits possible.
Pour ne pas m'exposer plus longtemps à ce reproche, je viens communiquer à la Société quelques faits, en attendant qu'ils servent à un travail ultérieur que mes malades ne me donneront peut-être jamais le temps de faire.
La première personne dont il s'agit est une demoiselle M... 30 ans, grande, bien constituée, tempérament lymphatico-sanguin, caractère doux, humeur asscx égale, esprit calme et confiant, intelligence ordinaire, système nerveux paraissant bien équilibre, santé très bonne.
Au mois d'avril 1892, elle me fait appeler pour une douleur sciatique du coté gauche, qui depuis la veille la fait souffrir dès qu'elle veut faire un mouvement, et l'a empechee de bien reposer la nuit. Elle s'est levée quand même et Je la trouve assise.
Quelques mois auparavant j'avais constaté qu'elle s'endormait par suggestion avec une grande facilité. L'idée me vint donc nussitot d'employer ce traitement avant tout autre comme étant le plus simple.
« Nous allons profiter, lui dis-je, de ce que votre système nerveux m est sous la dépendance du mien, pour vous guérir sans médicaments. Et sans plus ample discussion à ce sujet, j'allais à elle et relevant un peu sa téte avec ma main droite, je lui dis en la regardant dans les yeux : « Vous allex vous endormir rapidement, fixez mes yeux. » Je répétais une ou deux fois la même suggestion. * Laissez bien le sommeil se développer; de plus en plus, bien, endormez-vous, etc. » Au bout d'une minute clic dormait profondément, tout son corps obéissant automatiquement à tout mouvement imprimé.
Sa mère et sa sœur sont présentes : je fais la suggestion indirecte, qui est toujours la plus effective, en n'excitant pas l'esprit d'opposition du sujet, et Jo leur dis : « Elle va se lever sans sentir la moindre douleur. Je la prends pnr les mains, elle obéit et se lève, sa ligure n'exprimant aucune douleur. « Elle va ramasser ce mouchoir et se redresser, toujours sans rossentir sa douleur. » Elle exécute cette seconde suggestion. Alors je dis à la malade : « Tout en continuant à dormir profondément, vos yeux vont s'ouvrir et vous allez me suivre partout où j'irai. » Je vais vers la porte, je l'ouvre, et je descends l'escalier ; la malade me suit. Arrivé au bas de l'escalier, je lui dis : « Je vais remonter, et vous allez remonter aussi rapidement que moi. » Sa mère et sa sœur sont restées en haut de l'escalier et observent. Je remonte l'escalier rapidement et trois marches à la fois. Mlle M... pour la première fois de sa vie remonte l'escalier deux marches â la fois. Nous rentrons dans sa chambre où je la réveille. Elle ne se souvient absolument de rien, est tout étonnée des exercices dont sa mère et sa sœur lui font le récit, elle ne sent plus sa sciatique et depuis, la douleur n'a pas reparu.
A propos do cette malade, jo dois ajouter que sa mère s'endort comme elle très rapidement et même avec amnésie au réveil. Sa sœur au
contraire, malgré sa grande confiance en moi et sa bonne volonté, s'est toujours montrée tres rêfractaire au sommeil suggéré. Je signale ce fait parce que j'ai plusieurs fois remarqué u.ie véritable disposition de famille, soit à subir la suggestion hypnotique, soit à y résister. Et dans le cas présent j'ai employé divers subterfuges et répété plusieurs (ois mes tentatives, sans arriver à autre chose qu'à un peu d'engourdissement général et de la fatigue des paupières. Cependant je désirais beaucoup l'endormir, car cette dame était enceinte, et j'aurais voulu au moment de son accouchement obtenir le même résultat que chez une autre malad dont l'observation nous présente un très intéressant résultat de l'action précieuse de l'hypnotisme dans les accouchements. Voici cette observation :
Mme G..., taille moyenne, bonne constitution et bonne santé ordinaire, tempérament lymphalico-nervcux, caractère léger et capricieux, intelligence plutôt au-dessus de la moyenne. Je connais Mme G... depuis plus d'un an, mais je ne l'ai jamais hypnotisée, et je n'avais même jamais parlé d'hypnotisme devant elle, quand clic me fait appeler le 15 mai 1890 pour l'accoucher.
Elle est enceinte de son 4° enfant cl dans un mois va avoir 20 ans. Déjà dans la nuit clic a éprouve des douleurs assez fortes intermittentes. L'enfant se présente bien en O. I. G. P., la této est très basse, et le col quoique presque tout à fuit effacé est très en arrière avec une dilatation d'une pièce de 2 fr.
11 est onze heures du matin, et la malade est déjà très agacée à la pensée qu'elle va peut-être souffrir encore longtemps. Aussi son mari me prenant à part me dit qu'il a entendu parler en Italie de femmes que l'on hypnotisait pour les accoucher sans souffrance, et il ma demande si je ne pourrais agir de même dans la circonstance présente. J'étais enchanté de la proposition, car l'hypnotisme est un mode de traitement qu'il faut employer avec prudence dans la clientèle, non seulement à cause des insuccès désagréables et susceptibles de nuire à la considération du médecin, mais parce que, dans certaines familles, les accidents qui peuvent survenir au cours de tout accouchement seraient facilement mis sur le compte de ce traitement aux apparences mystérieuses.
Ici, c'était le mari lui-même qui le désirait, j'allais donc me trouver tout à fait à mon aise pour faire cette expérience. « J'y consens, lui dis-jc, mais votre femme a-t-elle clé déjà endormie? — Non jamais. — Eh bien, ne lui en parlez pas et laissez-moi faire. Nous rentrons dans la chambre, et après avoir parié avec Mme G. de choses insignifiantes, je lui dis doucement mais avec autorité en relevant un peu sa tête avec ma main droite : * Vous allez bien fixer mes yeux cl vous endormir. » A peine son regard a-t-il rencontré le mien que ses yeux se ferment, et aussitôt M"! G. entre dans un profond sommeil et passo à l'état de parfait automate : j'avais entre les mains un excellent sujet pour l'expérience projetée, c'est pourquoi je concentrai aussitôt toute son attention sur le plaisir que lui ferait ce que j'allais lui dire : puis j'ajou-
lai a pris quelques secondes de silence : a Toute douleur va disparaître, mais les contractions continueront comme elles se sont montrées déjà, et votre accouchement s'achèvera régulièrement, sans que vous ressentiez de nouvelles douleurs » et je répétai plusieurs fois la même suggestion « des contractions, mais non des douleurs, parce qu'en vous réveillant je laisserai votre sensibilité complètement endormie ». Je ûs ensuito devant son mari quelques expériences classiques.
• A votre réveil vous ne verrez que moi dans la chambre, et non votre mari parce qu'il est descendu. Vous ne le verre* que quand il rentrera. *
L'expérience réussit de la façon la plus satisfaisante.
Le mari était assis devant elle, j'étais debout derrière lui, et elle me parlait sans le voir, demandant pourquoi il n'était pas lu.
Il se leva et sortît sur le palier sans qu'elle le remarqua, mais elle le vit dès qu'il rentra dâns la chambre et lui reprocha son absence.
Seconde expérience. — Je la conduis près de la fenétro d'où l'on ne voit que des arbres et lui dis :
« Vous voyez la maison de votre sœur. » Elle regarde et déclare qu'elle voit même sa sœur avec sa fille sur le balcon de la maison. Enfin je lui dis : « Vous êtes vous mise à la fenêtre ce matin à 8 heures. • c Xon, dit-elle, je crois mémo que je dormais à cette heure. » — * Vous ne dormiez pas. Rappelez-vous, vous avez ouvert votre fenêtre, vous m'avez vu, je causais avec un monsieur qui me disputait et a voulu me frapper. Rappelez-vous. » — « Mais c'est vrai, s'écric-t-ellc, avec étonne-ment, en se tournant vers son mari, je me rappel lo très bien avoir va ce monsieur menacer le dr avec sa canne. » — « Le reconnntirez-vous? Oui, je le reconnaîtrai, car je revois très bien sa ligure. Je le connais même ce Monsieur, je l'ai vu déj'i à la gare. »
• Rendormez-vous , lui dis-je. Et aussitôt ses yeux se refermèrent. Je la laissai dormir une dizaine de minutes, après lui avoir dit très
nettement que le seul souvenir qui lui resterait au réveil serait celui de sa sensibilité endormie.
A trois heures de l'après-midi je la revois, elle a eu des contractions, me dit-elle, mais pas de douleurs. Son mari conlirmo son dire ; elle ne s'est pas plainte.
Le travail a fait peu de progrès. Je dois diner le soir chez un ami qui demeuro à 15 minutes de chez ma malade. Mme des Chesnais à qui j'ai raconté nos expériences du mutin, me dit au moment où je repars à 5 heures voir Madame 0. :
« Si elle ne doit pas accoucher avant 7 heures, tu devrais bien lui suggérer de ne pas accoucher avant 10 heures. »
C'est ce que je fis: la dilatation se faisait lentement, mais tout allait bien, mère et enfant. Je rendors Madame G. et la préviens qu'elle n'accouchera pas avant dix heures, et que comme je serai près d'elle à cette heure là et que même la dernière période de son accouchement
se fera sans douleur. Je la réveille, et je vais dîner chez mon ami. Après le diner on fume
et l'on cause politique locale.
Tout à coup je regarde l'heure a ma montre II est 10 heures un quart. Je quitte en hâte mon hôte, et rencontre en chemin la bonne de Madame Ci. qui me dit que jusqu'à 10 heures tout n bien été, mais que depuis un quart d'heure elle crie, s'énerve et dit qu'elle soulTre.
J'arrive : Mme G. me crie : « docteur, je souffre. Je souffre, dunnez-moi du chloroforme. » — Je vais pour fixer ses yeux, lille détourne la lóto et me dit : « Non, c'est du chloroforme que je veux, donnez-moi du chloroforme. » — «En voila, lui dis-je, respirez en et dormez. « En même temps j'abaisse avec la main gauche ses paupières. Elle s'endort aussitôt et son mari me dit que jusqu'à 10 heures elle a clé tranquille, ayant souvent des contractions qui parafaient fortes, mais ne se plaignant pas.
Le travail depuis ma dernière visite a fait bien des progrès, la dilatation est complète, la poche des eaux saillante. Je la crève, la téle s'engage près jue aussitôt dans la vulve qui se dilate bien régulièrement, pendant que la malade pousse tans paraître souffrir, et en se retenant quand je lui dis : Allez moins vite .
Le mari et la sœur de Mme G... assit-tent à son accouchement; tous deux sont très impressionnés du calme de Mme G... et au moment où l'accouchement se termine sans que Mme G... ait laisse échapper la moindre plainte, sa sœur enthousiasmée d'un pareil résultat nous dit : « Voilà la première fois que je regrette d'être veuve ».
Les suites de couche furent très bonnes ; mais le troisième jour je trouvai le mari très ennuyé; en voici le motif; Les cheveux de sa femme que l'on n'a pas eu soin de tresser avant l'accouchement sont à l'ctal de vrai buisson, et Mme G— depuis le matin veut qu'on les lui coupe, et so refuse à ce qu'on csbalc de démêler sa chevelure.
« D'ordinaire, me dit le mari, quand sa bonne la peigne, si la malheureuse lille tire un peu fort sur un cheveu, cela suffit pour faire éclater la colère de ma femme. •
« Eh bien ! lui dis-je, et notre hypnotisme, vous n'y pensez donc plus. Montons. »
En effet Mme G... était en race, et à l'aide de ses deux mains, elle achevait de mettre le désordre danti sa chevelure : « Regardez, regardez, docteur, dans quel état sont mes cheveux, ils ne veulent pas qu'on les coupe, moi je le voux. »
« Et vous avez raison, lui dis-je, mais auparavant endormez-vous, » « En même temps je fermai ses paupières avec les doigts de ma main gauche. Puis doucement Je lui répétai plusieurs fois : « Dormez bien tranquillement, bien profondément, sans vous préoccuper de quoi que ce soit ». Et me retournant vers la femme de chambre, je lui dis à haute voix : « Vous pouvez maintenant venir peigner madame en prenant tout votre temps, elle ne dira absolument rien. »
La bonne, une bravo fille de campagne, tout en ne comprenant rien à ce qui se passait, et en me regardant avec une certaine frayeur, obéit, et H. G... et moi appuyés sur le bois du pied du lit, nous la regardons faire. Elle démêle les cheveux avec une douceur très relative, et quand
de temps en temps le peigne s'arrête brusquement dans l'enchevêtrement des mèches, la ligure de Mme G... reste impassible, on n'y perçoit pas la plus petite contraction, à tel point que M. G... qui connaît la sensibilité de sa femme en est peut-être plus surpris encore que de l'accouchement. Bien plus. Mme G... en parfait automate incline sa tète suivant les besoins de la bonne.
Cette opération du démêlage a duré environ trois quarts d'heure, pendant lesquels ma conversation avec le mari n'a cessé d'avoir pour but de maintenir sa femme dans cet état passif.
Enfin quand la chevelure a été débrouillée et divisée en deux grosses tresses, après avoir laissé le peigne dans les traces non douteuses de nombreux tiraillements, je m'approchai de nouveau de Mme G..., et lui mettant dans une de ses mains les deux bouts des tresses, ornées de rubans, je lui dis : a Quand en causant avec votre mari, je lui demanderai l'heure qu'il est, à ce moment vous vous trouverez complètement réveillée et vous serez bien contente ; d'ici là continuez à vous reposer en dormant tranquillement, »
Puis nous parlons avec M. G... de tout autre chose et tout à coup je lui dis brusquement: « Mais quelle heure est-il ? » — « Il est 11 heures, docteur, » répondit-il. — « C'est pour cela que j'ai si grand faim. » dit aussitôt Mme G... en nous regardant, puis reportant ses yeux sur ce qu'elle tient dans la main. Tiens, dit-elle en riant, mais je suis donc démêlée. Ah ! merci, docteur.
Peu de semaines après, Mme G.., a quitté Ville-d'Avray, et je ne l'ai pas revue depuis.
Les avantages que l'on peut retirer du sommeil suggéré, contre l'élément douleur sont évidemment le fait dominant de ces deux observations.
Mais à côté de ce fait il y en a un autre qui facilement. passerait inaperçu, et sur lequel je crois qu'il y a un intérêt réel à porter notre attention.
L'liypnolisée de ma première observation, sa mère, sa sœur, ainsi que Mme G... sont toutes les quatre bien constituées, et leur bonne santé ordinaire dénote que chez toutes les quatre le système nerveux de la vie végétative fonctionne régulièrement.
Il n'en est pas de même quand on les considère au point de vue psychique, Mme G.., diffère beaucoup des trois autres. Elle. est capricieuse, fantastique et très facilement irascible, tandis que les trois autres sont d'un caractère calme, et d'une humeur douce et égale.
Et cependant Mme M... et sa mère s'endorment aussi rapidement et aussi profondément que Mme G..., tandis que sa sœur a résisté à toutes mes tentatives d'hypnotisme.
A quoi cela peut-il tenir? Et n'y aurait-il pas quelque ressemblance entre nos trois hypnotisables, et qui expliquerait leur égale suggesti-bilité.
Or en étudiant attentivement les caractères de ces quatre sujets, j'ai constaté que seule la sœur de Mlle M... montre dans tous les actes de
*
sa vie une grande décision, qui révèle une volonté très développée. Sa mère et sa sœur sont au contraire très confiantes et dociles, elles éprouvent pour ainsi dire plus de plaisir â faire la volonté des autres que la leur : et en cela elles ressemblent beaucoup à Mme O... qui est une impulsive, une jeune femme gâtée, volontaire, mais dépourvue do volonté réfléchie.
Dès lors toutes les trois deviennent aussi promptement passives devant la volonté d'autrui et par conséquent faciles à suggestionner, tandis que la quatrième garde son activité propre.
Je ne m'étendrai pas davantage aujourd'hui sur ce dernier point que je tenais seulement à signaler et sur lequel j'ai l'intention de revenir dans une prochaine communication.
Seance da 19 Avril. — Presidence de M. Dumontpallier.
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
La correspondance comprend des lettres de MM. Hélis et Julliot remerciant la Société de leur admission, de M. le D' Henrik Petersen, de Boston, adressant le montant de sa cotisation pour 1894.
La correspondance imprimée comprend une brochure de M. le Dr Van Velsen, de Bruxelles : l'hypnotisme et la psychothérapie relatant les résultats obtenus dans le service neurologique de l'Institut chirurgical de Bruxelles.
M. le secrétaire général donne le résumé des discussions auxquelles l'hypnotisme a donné lieu au Congrès de Home dans la section de neurologie, de psychiatrie et d'anthropologie criminelle présidée par M. le professeur Lombroso, membre d'honneur de notre Société.
La Société décide qu'un diplome conçu sur le modèle de celui de la Société de Biologie sera imprimé.
A la fin de la séance M. le président prononce l'allocution suivante :
ALLOCUTION DE M. DUMONTPALLIER, PRÉSIDENT, A L'OCCASION DE LA MORT DU PROFESSEUR BROWN-SÉQUARD.
« Messieurs,
Un savant qui, depuis plus d'un demi-siècle, avait acquis une situation considérable dans les études physiologiques, le professeur Brown-Séquard, vient de mourir â Paris à l'âge de 75 ans.
Il serait téméraire d'entreprendre aujourd'hui une analyse autorisée de tous les travaux de ce savant. Il n'est guère de sujet en physiologie qui n'ait été pour lui l'objet d'expériences personnelles et où il n'ait manifesté son esprit critique et investigateur.
Les principales fonctions de l'organismo ont été pour lui un vaste champ d'expériences originales et il s'est toujours attaché â démontrer la part majeure du système nerveux dans tous les phénomènes delà vie.
Ses patientes recherches sur les fonctions du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs vaso-moteurs ont eu pour conséquence des découvertes d'une grande importance, et, lorsque la chaire de médecine générale au Collège de France devint vacante à la mort de Claude-Bernard, l'opinion publique, sanctionnée par l'administration supérieure, désigna Broun-Séquard pour occuper cette haute fonction dans l'enseignement.
Depuis l'année 1877 jusqu'en 1894, Brown-Séquard fit chaque année des leçons qui restèrent célèbres et qui devaient ouvrir la voie à de nouvelles applications cliniques : chacun se rappelle les belles expériences sur l'hémisection de la moelle ; sur les excitations périphériques du système nerveux dans l'étiologic de l'épilepsie expérimentale héréditaire; sur les lésions viscérales déterminées par les lésions cérébrales.
La doctrine de la dynamogénie et de l'inhibition, acceptée aujourd'hui par le monde savant, eut son origine et sa confirmation dans les nombreuses expériences que le savant professeur avait entreprises sur le système nerveux et se rattachait aux leçons déjà anciennes qu'il avait publiées sur les paralysies et les convulsions réflexes.
On ne saurait passer sous silence l'ardeur avec laquelle le savant professeur chercha à démontrer que la théorie des localisations cérébrales devait être révisée, puisque la physiologie expérimentale établissait que plusieurs lésions cérébrales n'avaient pas les conséquences qui leur étaient généralement attribuées et que de plus des lésions cérébrales ou médullaires secondaires pouvaient faire disparaître les troubles fonctionnels primilicement constatés.
Aucun sujet d'étude se rapportant ù la physiologie, à la médecine, à la thérapeutique ne restait étranger pour lo professeur du Collège de France. Aussi, lorsque le monde savant dut se préoccuper de la question de l'hypnotisme, ne voyons-nous pas Brown-Séquard, l'un des premiers, encourager les éludes expérimentales qui devaient consacrer la valeur des travaux de Braid. Aussi n'hésita-t-il pas, pour fixer l'attention sur la sagacité du chirurgien de Manchester et pour affirmer la justesse de la plupart «le ses observations, n'hésita-t-il pas à rédiger la préface de lu traduction française du traité de la Neurypnologie.
A la même époque, Brown-Séquard prouva qu'il était au courant des différents travaux français et étrangers sur l'hypnose expérimentale et déjà précurseur de l'Ecole de Nancy, il faisait ressortir tout l'intérêt expérimental et thérapeutique de la suggestion.
Toujours actif et en quête de découvertes nouvelles, lo savant professeur du Collège de France démontrait l'action toxique do l'air expiré et les avantages physiologiques et thérapeutiques qui pouvaient résulter du libre accès de l'air extérieur dans les habitations, surtout pendant la nuit.
Dans les dernières années de sa vie, Brown-Séquard, à la suite de déductions d'ordre physiologique et pathologique, expérimenta sur les animaux et sur lui-même l'action des injections sous-cutanées de différents extraits organiques et il fut conduit à émettre cette propo-
silion que toute glande avait des fondions multiples: Les liquides gl an du lui res, qu'ils soient fournis par une glande proprement dite comme le pancréas ou une glande sanguine comme le corps thyroïde sont en partie résorbés. Le liquide orchilique excreté servait à la vie de l'espèce, résorbé il servait à la vie de l'individu.
Les critiques jadis formulées contre les injections sous-cutanées de liquide orchilique perdent en grande partie leur valeur après les expériences qui ont été faites, soit avec les greffes du pancréas, soit avec les injections sous-cutanées d'extraits do la même glande sur les animaux et sur l"être humain. Meme remarque favorable â la théorie de Brown-•Séquard est fournie par les nombreux succès obtenus en tous pays sans le traitement du mydedème en ayant recours aux injections sous-cutanées et ù l'injection stomacale de diverses préparations du corps thyroïde.
Retenons de ces faits que les cellules des glandes sécrètent des éléments qui, résorbés, sont utiles à l'entretien de la vie physiologique. Il n'est pas nécessaire d'insister longuement pour faire entrevoir l'importance de cette proposition, laquelle généralisée ù toutes les cellules de l'organisme, établirait le consensus fonctionnel et solidaire de tous les éléments de l'être vivant.
Si l'avenir consacre cette proposition il sera juste d'en rapporter la plus grande part au professeur du Collège do France.
Dans ce rapide exposé de quelques-uns des travaux de Brown-Sequard notre but a été do montrer que, jusqu'à la dernière heure de sa vie, le célèbre professeur n'a cessé de travailler. Tout son temps se passait dans le laboratoire ou dans son cabinei de travail. On tic le voyait dans aucune réunion, si ce n'est à l'académio des sciences dont il était membre cl à la société de Biologie dont il avait été le président.
C'éluit avec une grande curiosité qu'il se tenait au courant de toutes les publications afférentes à la physiologie et à la médecine. 11 fonda cl dirigea, pendant de longues années, les principales Archives françaises de physiologie normale et pathologique. Il ne négligea jamais d'encourager ceux qui travaillaient autour de lui, et quand le moment était venu, il mettait tout son cœur â leur prêter un puissant appui.
Su vie a été celle d un savant -— son nom restera attaché â plusieurs des découvertes les plus importantes dans lu physiologie expérimentale.
Observation de Narcolcpslc
par M. le D' Gelineau
M. X... employé dans un bureau de l'Hotel de Ville de Paris, est âgé de 36 ans ; il est gros, très fort et d'un tempérament sanguin — Son père, mort à 55 ans d'apoplexie, cuit également sanguin, buvait sec et était sujet â des congestions, à des coups de sang, comme on dit vulgairement. Sumère était morto paralysée à 68 ans. 1'- leur union étaient nés cinq enfants ; trois sururs dont deux vivantes cl une morte lymphatique à l'excès ; deux frères, dont l'ainé, joyeux garçon, grand amateur
de pêche et de chasse, sujet également aux contestions, est mort d'une pneumonie infectieuse et le cadet qui est l'objet do notre observation.
M. X... n'a eu aucune des maladies habituelles de l'enfance et après avoir pansé sans fatigue les examens nécessaires pour entrer dans l'administration des ponts et chaussées, il a eu à 20 ans le premier de ses accès de narcolepsie qui ont continué depuis, se présentant principalement après les repas et surtout après celui de midi, ce qui ne l'empêchait pas, du reste, de bien dormir la nuit. Quand il sentait approcher ce besoin impérieux de sommeil, il avait assez d'énergie, ne voulant pas que ses chefs s'aperçussent de sa faiblesse, pour aller se réfugier dans les cabinets d'aisance, y dormait tranquillement pendant S à 10 minutes, jamais plus, et rentrait tout à fait dispos dans son bureau pour se remettre à la besogne. Pendant ce sommeil, il entendait, mais comme dans un rève, ce qui se disait ou qui se passait autour de lui.
Cet état particulier qui,avec des chefs indulgents,ne présentait aucun inconvénient sérieux et pour lequel mon malade ne fit alors aucun traitement, dura dix ans sans s'aggraver, bien qu'il se fatlgurat souvent en veilles et excès amoureux. Mais à trente ans. X... devint plus émotif et ses accès se présentèrent plus fréquemment. Bien des circonstances sans influence jadis sur lui. les faisaient naître à chaque Instant. Ainsi éprouvait-il une émotion, riait-il aux éclats, entendait-il raconter une histoire plaisante, assistait-il au théâtre à quelque bouffonnerie, il se sentait subitement envahi par un affaissement irrésistible ; debout, il était forcé de s'asseoir : a «sis, sa tète s'inclinait sur sa poitrine, ses bras retombaient inertes le long de son corps; parlait-il avec animation à quelqu'un, voyait-il un de ses camarades de bureau faire une niche à un autre, il était forcé de s'asseoir, mou comme un chiffon et s'il était assis, il lui fallait s'étendre alors tout de son long par terre, s'endor-mant une minute, mais reprenant, nouvel Anthée, ses forces aussitôt qu'il touchait le sol.
Il a remarqué que les émotions pénibles qu'il n ressenties, ou dont il est le témoin, ne provoquent point les accès, pas plus que les visites qui lui sont faites à son bureau par des personnes indifférentes ou désagréables, tandis que celles qu'il reçoit avec plaisir, ou la vue de spectacles gais et riants le paralysent et l'endorment après quelques instants d'attention. Tout son influx nerveux disparaît, épuisé, en un instant ! S'il a de belles cartes en jouant, sa parole s'arrête, il ne peut annoncer son jeu, son bras droit est inerte et a toutes les peines du monde à prendre et jeter une carte sur le tapis! Veut-il se raidir et résister, il tonifie affaissé, il en est de même quand il veut gronder un de ses employés ; la seule pensée de lui faire de la peine suffit pour le paralyser, ses paupières s'abaissent, deviennent lourdes, il ne peut pas les relever, maltrré tous ses efforts ; la vision des objets disparait, la perception de co qui l'entoure est confuse et enfin, dernier termo de cet état anervique, il dort pendant quelques minutes. Ce court instant de calme absolu, d'inconscience où il ne pense plus et perd ses esprits, suffît pour le ranimer. Il ne ressent avant aucun bruissement dans les oreilles, aucune
palpitation de cœur. Tous les organes sont sains chez lui et son aspect extérieur indique la santé la plus belle. Il n'a jamais ressenti la moindre céphalalgie ni la plus légère atteinte de rhumatisme.
Depuis quelques années, ses instincts génésiques fort puissants jadis ont beaucoup baissé, et il a remarqué que s'il y obéissait le matin, il éprouvait plus souvent le besoin de dormir dans l'après midi.
Cest surtout par les temps orageux et après les repas qu'il est sujet à ses accès narcolepliqucs. Il lui arrive souvent après avoir déjeuné, d'être pris en se rendant à son bureau d'un besoin si invincible de dormir qu'il entre dans un café, demande une consommation, sommeille quelques instants sans attendre qu'on ln lui serve; après quoi, il se réveille, boit, paye, continue sa route et arrive à son bureau.
Il va quelquefois au café le soir vers cinq ou six heures et parcourt un instant les journaux ; s'il y lit un article jovial, le voilà qui s'endort ï il en est de même s'il reste seul un quart d'heure. Dans les deux cas, il a une tendance ou sommeil invincible et s'il ne la satisfait pas, il en veut aux personnes qui l'en empêchent et s'irrite contre elles, tant pour lui, ne pas penser et dormir lui semblent, en ces moments lit, un bonheur immense.
Du reste, cette exaspération contre tous ceux qui interrompent leur sommeil maladif, mais nécessaire, s'observe fréquemment chez les arcolcptiqucs.
Ainsi, mon malade me raconte qu'ayant trouvé un ouvrier ajusteur atteint, lui nussi, de celte névrose et s'endormant sur son étau. ce dernier lui a avoué que si ses camarades cherchaient à troubler son sommeil, il devenait furieux contre eux — Par contre, le laissait-on se réveiller tout seul, il se remettait avec ardeur à son ouvrage; ce repos de quelques minutes lui ayant redonné une nouvelle activité.
Le même ouvrier avait observé que. si dans une partie, ses amis et lui se grisaient après d'abondantes libations, son ivresse se dissipait bien plus vite que celle de ses amis, car ses sommeils répétés le refaisaient et dissipaient promptement les fumées du vin.
La confession de ce malade ne s'est pas faite dans mon cabinet sans que la narcolepsie l'ait envahi à plusieurs reprises. A la longue, ses ennuis sont devenus assez grands pour qu'il ait songé â consulter et à se soigner. Il a fait surtout de l'hydrothérapie, mats In douche en pluie a produit sur lui une fâcheuse impression ; il n'on n pas été de même pour la douche en lame qu'il a bien supportée. On lut a conseillé en outre, l'équitation ou le vélocipède, exercices qui me semblent particulièrement dangereux pour un homme que la vue du moindre accident peut renverser inconscient, inanimé sur la route. — Je l'engage à continuer la douche en lame, à prendre 0, 8 et plus tard !s milligrammes d'arsé-niate de strychnine par jour et je lui injecte trois fois par semaine, un. trois et plus lard 4 milligrammes de phosphore injectable de Houssel, le phosphore étant, par excellence l'agent nutritif dos centres nerveux. — M. X... fumait beaucoup, je lui conseille d'être modéré sous ce rapport, comme en toutes choses — lui permets cependant le café pour
prévenir l'obnibulation intellectuelle qui précède ou accompagne l'accès narcoleptiquc. Enfin dès la seconde séance, l'hypnotise mon malade, ce qui m'est très facile — ma volonté suffit pour cela, plus tard, l'occlusion des yeux et la vue d'une pointe dirigée sur son front réussirent également bien sur lui.
Cette médication a été commencée le 19 juin et a été fidèlement suivie jusqu'au 3 juillet, époque â laquelle M. X... forcé par ses devoirs professionnels do faire un voyage, reste cinq jours sans se médicamenter et cependant à son retour, le 8 juillet, il a moins de faiblesse, plus d'énergie, plus de force, de résistance et moins de sommeils maladifs.
Je lui injecte ce jour là quatre milligrammes de phosphore in|ertablc de Roussel, et je continue à lui faire mes recommandations ou plutôt mes injoncllons pendant son sommeil hypnotique. Nous gagnons sensiblement du terrain ; i! avait beaucoup perdu île sa volonté ; aujourd'hui, il a de l'énergie pour résister au besoin de sommeil et d'affaissé ment — Son écriture est régulière et ne présente plus de traces de son ancien état neurolylique, jadis quand il persistait à écrire, ses lettres chevauchaient les unes sur les autres, quelques-unes étaient omises, des jambages manquaient, des fautes grossières d'orthographe s'y glissaient, puis des traits confus, des barres se substituaient aux lettres, aujourd'hui, il n'en est plus ainsi, me dit-il.
Le traitement sus-lndiqué a été suivi jusqu'au 28 juillet, mais à intervalles irréguliers, M. X... étant souvent forcé de s'absenter, il avait certainement amélioré son état, mais a-t-il guéri complètement? Je l'ignore, étant parti en vacances le 1er avril et ne l'ayant pas revu depuis cette époque ; je dois dire cependant que c'est le traitement par l'hypnotisme qui m'a paru influencer le plus favorablement les narcoleptiques. Toutes les autres médications que j'avais employées jusqu'alors dans d'autres cas,n'ont pas eu de prise sur cette névrose et je ne vois pas que les auteurs qui ont écrit sur ce sujet aient été plus heureux que mol.
J'ai cru prudent d'y joindre lu strychnine et le phosphore en injections sous-cutnnées afin de reconstituer le plus rapidement possible la cellule cérébrale frappée subitement cher ce genre de malades d'épuisement et de stérilité passagères. Peut-être, me dira-t-on qu'avec un traitement aussi complexe, il est bien difficile d'attribuer à tel ou tel agent les honneurs de ta cure! C'est vrai, mais qu'importe? Quand il s'agit de guérir une maladie rebelle, peu nous chaut le moyen, pourvu que le sujet guérisse! Quand un chasseur tire, sans viser, ses deux coups de fusil dans une compagnie de perdrix, peu importe qu'il ait pressé la détente sans ajuster, l'essentiel est pour lui de ramasser du gibier. Faisons comme lui et cherchons à rester les inaitres du champ de bataille ! Guérissons d'abord, nous discuterons ensuite!
Dégénérescence. — Etude critique
par M. Henri Valentino
Le livre de Max Xordau intitulé « Dégénéresccnce(l) » qui vient d'être traduit en Français a fait quelque bruit et a causé une certaine émotion dans le monde littéraire en raison des jugements sévères qu'il contient sur des hommes de lettres et des artistes célèbres, pour la plupart Français; car bien que l'auteur soit allemand, la France tient une place prépondérante dans cet ouvrage.
Mais M. Xordan ne formule pas seulement des critiques au point de vue littéraire, il étudie surtout d'une façon nouvelle l'état psychique des auteurs au moyen de leurs œuvres mêmes dont il fait des manifestations de certains états pathologiques nouvellement décrits.
Dans une courte préface, ou plutôt dans une dédicace au professeur Lombroso — dont les théories même les plus discutées sont religieusement acceptées par M. Xordau — l'auteur indique ce qu'il a voulu faire. 11 portera le flambeau de la méthode du fameux professeur italien dans le domaine de l'art et de la littérature, car les dégénérés ne sont pas toujours des criminels mais souvent des écrivains et des artistes « qui présentent les mêmes traits intellectuels et le plus souvent aussi somatiques que les membres de la même famille anthropologique qui satisfont leurs instincts malsains avec le surin de l'assassin ou la cartouche du dynamiteur, au lieu de les satisfaire avec la plume et le pinceau. »
D'ailleurs, les livres et les œuvres exerçant sur les masses une puissante suggestion, il y n un intérêt primordial à rechercher si cette suggestion est bienfaisante ou funeste. Pour M. Xordau, les rhéteurs qui habituellement tiennent la férule du critique sont incapables d'accomplir pareille besogne, car ils ne peuvent qu'exprimer les impressions subjectives qu'ils reçoivent des œuvres critiquées mais ne sont pas aptes à juger si ces œuvres sont le produit d'un cerveau malade et de quelle nature est le trouble d'esprit qui s'y révèle.
Or les tendances à la mode en art et en littérature ont incontestablement, d'après M. Xordau, leur source dans la dégénérescence des auteurs, et ceux qui admirent ces tendances « s'enthousiasment pour les manifestations de la folio et de l'imbecillité . C'est à l'eiTet de démontrer le bien fondé de cette assertion qu'il a publié un essai de critique scientifique « qui ne juge pas une œuvre d'après les émotions qu'elle éveille, émotions très contingentes, capricieuses et variables selon le tempérament et la disposition d'esprit de chaque lecteur, mais d'après les éléments psycho-physiologiques qui leur ont donné naissance ».
L'auteur atteindra-t-il son but? ma foi, presque. En 900 pages four-
(1) Félix Alcan. — Partis 2 voI.in-8.
millantes d'idées. il disséquera avec férocité les œuvres sur lesquelles il juge que la faveur populaire s'est portée à tort et conduira leurs auteurs, de par leurs couvres et leurs habitudes, avec une logique troublante, à l'asile d'aliénés ou tout au moins à la clinique de psychiatrie. Est-ce à dire que toutes les affirmations et les déductions de M. Nordau doivent être acceptées ? Lion de là. Mais sa verve et sa logique sont telles qu'on a besoin de se reprendre et de remonter avec énergie, pour les contrôler, les associations d'idées qu'il a eu l'habileté île provoquer.
Une importante remarque doit être faite tout d'abord. M. Nordau est sans contredit un savant authentique, mais il n'a pas, du savant, l'impassibilité. En arl et en littérature, il a des préférences qu'il soutient avec passion. Celte passion rend peut-être ses écrits plus attrayants, mais elle enlève au critique une grande partie de son autorité.
Voici quelles sont les préférences de M. Nordau : — ce n'est pas ici le lieu de les discuter, mais il importe qu'on les connaisse — comme tous les hommes demeurés sains, il aime les romani de M. Georges Ohnet, préfère aux œuvres de Wagner, la Cavalleria rusticana de Mascagni, s'ammusc aux farces à gifles et aux chansons de beuglants, et bâille aux pièces d'Ibsen, s'arrête avec plaisir devant les chromos représentant des scènes de brasserie et d'estaminet rustique et passe sans un regard devant les peintres du plein air.
Il faut remarquer cela, qui jette un jour éclatant sur l'état d'esprit de M. Nordau et qui suffit à donner la clef de bien des critiques violentes que l'on trouve dans son œuvre. C'est un hommo évidemment bien équilibré qui marche avec les gros bataillons et attend, pour admettre les nouvelles formes do l'art, que l'avant-gardc ait fait son œuvre et que les gros bataillons soient entrés dans la place. Comme il est en même temps, et sous d'autres rapports, une intelligence d'élite, et qu'il le sait, on ne s'étonne pas qu'il considère comme des fous ou des hystériques les écrivains ou les artistes précurseurs.
Cela posé, il est assez facile de se rendre compte de la manière dont procède M. Nordau critique. Les œuvres qui lui échappent étant de par cela même idiotes et conséquemment l'œuvre d'un dégénéré, M. Nordau s'applique uniquement à découvrir à quelle espèce de dégénéré appartient l'auteur. Partant de cette idée qu'il y a dégénérescence, il examine l'œuvre avec attention et rattache les fautes ou les erreurs do l'auteur à l'un des stigmates qui caractérisent la neurasthénie, l'hystérie, ou l'imbécillité. Sa conviction est telle qu'il ne craint pas d'affirmer qu'on pourrait trouver, chez lesartistes en question, l'un des signes somatiques qui, d'après Lombroso, trahissent la dégénérescence, ce qui naturellement confirmerait son diagnostic.
Au surplus, les stigmates intellectuels suffisent à établir ce diagnostic, et ils sont nombreux : absence de moralité, égoisme, impulsivité, émo-tivitc, adynamie et découragement intellectuel*, aboulie, manie du doute, mysticisme, etc.. Comme il suffit que M. Nordau découvre un seul de ces stigmates pour qu'il classifie son malade, on voit combien peu d'artistes peuvent échapper à une condamnation.
Qu'on se rassure cependant, car notre critique admet que le dégénéré peut être un homme de génie. Mais alors on en revient au mot de Lasègue: « Le génie est une névrose ». Affirmation imprudente, s'écrie M. Nordau. Il y a des génies sains. L'homme de génie sain, dit-il, a une faculté intellectuelle extraordinairement développée sans que les autres soient en deçà de In mesure moyenne, tandis que, si l'on otait au dégénéré la faculté particulière par laquelle il est un génie, on n'aurait plus qu'un criminel ou un fou que l'humanité saine ne pourrait employer à rien.
Voyons cependant comment raisonne M. Nordau et admirons sa logique. Voici, par exemple, les peintres que l'on appelle impressionnistes, pointillistes ou coloristes. Ils représentent la naturo telle qu'ils la voient, mais alors ils In voient mal, puisque autrement que M. Xordau; ils sont donc dégénérés. En effet, s'ils voient mal. c'est qu'ils éprouvent des troubles visuels, or les troubles visuels des dégénérés et des hystériques ne sont-ils pas démontrés?..,. Le peintre qui montre In nature sans contours fermes souffre de tremblement du globe oculaire; celui qui place sur sa toile des points ou des taches est atteint d'ancsthésîe d'une partie de la rétine ; ceux qui revêtent leurs toiles de couleurs blafardes — comme Pu vis de Chavannes — sont atteints d'achroma-topsie ; ceux qui — comme Besnard ou même Carolus Duran — prodiguent le jaune, le bleu et le rouge sont atteints d'amblyopie hystérique, etc..
Ce raisonnement ne manque pas de force mais il s'écroule si l'on n'admet pas le point de départ; il est vrai que pour M. Xordau ce point de départ ne saurait etro discuté par un homme: sain.
En tous cas on voit que l'auteur a eu raison de prévenir ses lecteurs que sa méthode de critique était nouvelle et peu h la portée des simples littérateurs.
Si, dans cette étude, nous sommes portés a nous attacher de préférence aux points discutables de l'œuvre de M. Xordau nous devons déclarer que la plupart de ses remarques et observations sont ingénieuses et qu'il en est beaucoup de particulièrement intéressantes. « Les expériences ont établi, dit-il encore à propos des couleurs, que les impressions amenées au cerveau par les nerfs sensitifs exercent une influence considérable sur la nature et l'intensité des impulsions que celui-ci envoie aux nerfs moteurs. Certaines sensations ont une action dépressive et inhibitive sur les mouvements : d'autres, au contraire, rendent ceux-ci plus vigoureux, plus rapides et plus intenses : elles sont dynamogènes; or à la dynumogénie est toujours attaché un sentiment de plaisir. Le rouge est remarquablement dynamogène. Ainsi, rapporte Binet — en décrivant une expérience tentée sur une hystérique atteinte d'insensibilité d'une moitié du corps — nous lui mettons dans la main droite, .inesthétique, un dynamomètre.... la main donne en moyenne le chiffre12. Si on fait contempler â ce moment à la malade un disque rouge, aussitôt le chiffre de la pression inconsciente double. On comprend donc que les peintres hystériques se plongent à ccaur joio dans le
rouge, et que les spectateurs hystériques éprouvent un plaisir particulier à la vue «le tableaux qui agissent sur eux d'une façon dynamogène et éveillent en eux des sensations agréables ».
Va donc pour les amateurs de rouge ; mais par contre les personnes qui préfèrent les couleurs effacées doivent être saines? Pardon, repartit M. Nordau, les couleurs effacécs répondent à l'état de fatigue et d'épuisement des hystériques. Alors, tous hystériques !...
On se rend compte de l'écueil de ce procédé — certainement curieux mais qui demanderait à être dirigé par une main délicate et une âme froide — c'est la généralisation à outrance et conséquemment l'exagération extrême.
M. Xordau a classé les dégénérés en trois grandes divisions : les mystiques, les égoïstes et les réalistes.
Il y a un chapitre intitulé « Psychologie du mysticisme » qui est de tous points remarquable : il serait malheureusement trop long de nous y arrêter. Voici seulement la définition du mysticisme et comment l'auteur démontre que le dégénéré doit être mystique.
Après avoir exposé le mécanisme du phénomène appelé association d'idées. Il fait ressortir que pour que cette association joue utilement un rôle dans l'activité cérébrale il faut que son cours soit endigué, pour ainsi dire, par l'attention. Mais l'attention ne peut exister sans la volonté. Or l'un des principaux stigmates du dégénéré étant l'aboulie, il en résulte que son attention est insuffisante et que ses associations d'idées se forment automatiquoment et sont conséquemment incohérentes. D'autre part la conscience, qui aperçoit des représentations informes, les interprète sans sûreté à peu près de la même façon qu'on indiquerait, si l'on était obligé de le faire, la ressemblance des nuages avec les choses et les êtres. « Cet état d'esprit, dans lequel on s'efforce de voir et où l'on croit voir mais où l'on ne voit pas ; dans lequel on doit former des idées à l'aide d'aperceptions qui dupent la conscience à la façon des feux follets ou des vapeurs sur les marécages ; dans lequel on s'imagine percevoir entre des phénomènes nets et des ombres ambiguës et informes des rapports impossibles à suivre, c'est ce que l'on nomme le mysticisme ».
A In pensée flottante du mystique correspond sa façon indécise de s'exprimer. Le mol, même le plus abstrait, répond à une représentation concrôle. Pour ce qu'on aperçoit comme à travers de la fumée, sans forme reconnaissablc. aucune langue n'a de mol. Or le mystique, pour rendre ce qu'il croil apercevoir, est obligé ou do forger des mots nouveaux ou d'employer des mots connus qu'il détourne de leur sens. Et alors se produisent ces récils étranges, ces poésies sans queue ni tète qui mettent au Mipplice l'homme sain.
II y a là à notre avis une explication très plausible des productions absolument incompréhensibles qu'ont publiées en ces dernières années les poètes chevelus des écoles symboliques, décadentes ou autres. Et même, chez certains auteurs d'un mérite indiscutable, comme Villicrs
de l'Isle Adam par exemple on trouve assez fréquemment, au milieu de belles périodes, comme des déserts d'obscurité : ne serait-ce pas que la volonté subirait des éclipses pendant lesquelles l'association d'idées reprendrait son automatisme?
Parmi les mystiques, M. Nordau range les préraphaélites anglais ; en France, le groupe des hydropathes — un peu plus négligeable quo M. Nordau ne parait le croire — les poètes Verlaine, Stéphane Mallarmé, Jean Moreas. Ici on doit s'incliner. Il est indiscutable que les œuvres de ces poètes dénotent trop souvent une maladie mentale : cependant il faudrait encore distinguer les sincères des autres, et, bien que M. Nordau ait classé les faiseurs de jeux de mots parmi les imbéciles avérés, on pourrait avancer timidement qu'il faut se tarder de confondre les mystificateurs avec les mystiques.
On accepte peut-être moins facilement le classement, dans la division des dégénérés mystiques, de Mre Edouard Rod, Paul Desjardins, Mel-chior de Vogué, Tolstoi et Wagner quoiqu'il faille bien reconnaître que M. Xordau étaie ses affirmations de citations troublantes !....
Apres le mysticisme vient l'égoiisme dont M. Xordau nous fait ausi la psychologie dans un chapitre qui ne le cède en rien an précédent. De même qu'il u prouvé que le dégénéré doit être mystique, il établit qu'il est égotiste et ne peut être autrement.
C'est un lieu commun philosophique de dire que nous obtenons seulement la connaissance des transformations qui s'opèrent dans notre propre organisme. Cependant nous distinguons deux sortes de perceptions différentes : les unes apparaissent imprévues, les autres précédées d'autres phénomènes. Rien ne précède les excitations des sens, tandis qu'un acte de volonté précède les mouvements conscients. Avant que nos sens perçoivent quelque chose, notre conscience n'a aucune Idée de ce qu'ils percevront ; au contraire, avant le mouvement musculaire, une image de ce mouvement s'est dessinée dans le cerveau. Nous sentons donc clairement que la cause du mouvement est en nous-méme tandis qu'elle est en dehors de nous pour les impressions des sens. De là le mot et le non moi.
« De mémo que la formation d'un moi, d'une individualité clairement consciente de son existence particulière est la plus hauteœuvre de la matière vivante, de même le plus haut degré de développement du moi consiste à s'incorporer le non moi, à comprendre le monde, à vaincre l'égoismc cl à établir d'étroites relations avec les autres êtres, les choses et les phénomènes », c'est ce qu'on a appelé l'altruisme. Pendant que l'homme s'occupe du non moi, il ne songe pas à son moi et celui-ci descend nu-dessous du seuil de la conscience. « Afin que le non moi l'emporte sur le moi, les nerfs sensoriels doivent bien conduire les impressions extérieures, les centres de perception du cerveau doivent être sensibles aux excitations des nerfs sensoriels, les centres les plus élevés doivent développer d'une manière sûre, rapide et vigoureuse les perceptions en aperceptions, unir celles-ci en concepts et en Jugements
et, le cas échéant, les transformer en actes volitionnels, en impulsions motrices et, comme la plus grande partie de ces différentes activités est accomplie par l'écorco grise des lobes frontaux, cela veut dire que celte dernière doiC être bien développée et travailler vigoureusement ».
Ainsi est riiomme sain. Tout autre est le dégénéré. L'anomalie de son système nerveux l'ompcclie d'apprécier le monde extérieur, il ne s'occupe que des processus organiques dans son propre corps et consc-quemment est dans l'impossibilité d'atteindre le plus haut degré de développement de l'individu:l'altruisme. C'est plus qu'un égoïste, c'est l'égotistc.
Naturellement il est amené à exagérer sa propre importance et celle do tous ses actes, et à so figurer que le reste des hommes partage sur ce point son sentiment. Il n'hésite pas à déclarer, s'il est écrivain, comme Mallarmé : « Le monde est fait pour aboutir à un beau livre ». En présence d'une telle disposition d'esprit on comprend qu'il nu cherche aucunement à maîtriser ses sentiments toujours nuisibles pour la société puisqu'elle le gène, le fait souffrir et que d'ailleurs elle ne compte pas pour lui.
En effet l'égotiste ne peut s'adapter aux conditions dans lesquelles il doit vivre, cela est forcé puisqu'il n'a pas une notion exacte des faits auxquels il devrait s'adapter. L'adaptation avant pour effet de donner des sentiments de plaisir ou de diminuer ceux de déplaisir, l'égotistc doit nécessairement souffrir du monde et des hommes ui éprouver de la haine contre la nature et la société.
C'est l'égotisme qui produit les Ravachol, les Emile Henry, et en littérature ou en philosophie les Baudelaire, Maurice Bancs, Ibsen, Schopenhauer et Nietzsche.
La partie relative au réalisme est moins développe que les autres: la raison en est que le réalisme est mort taudis que le mysticisme et l'égotisme sont encore dans une période de développement.
Ici d'ailleurs les critiques adressées â l'école réaliste et à son célèbre chef ne sont ni très nouvelles ni très scientifiques. Cependant comme il faut bien que M. Nordau découvre les fameux stigmates delà dégénérescence il déclare que la manie qu'a M. Zola de placer au centre de son œuvre une sorte d'apparition qui pénètre dans ta vie des personnages — l'appareil de distillation dans l'Assommoir, l'Escalier de Pot Douille, etc. —dénoie un penser non développé qui se trouve chez les sauvages comme forme naturelle et chez les dégénérés comme forme atavique do l'activité intellectuelle. On touche ici du doigt la préoccupation de trouver la lare pour justifier la théorie, car le symbolisme dont il s'agit n'est qu'un procédé — qui n'a rien de réaliste si l'on veut —- mais qui. bien manié, est d'une grande puissance et peut produire un grand effet.
Enfin M. Nordau inscrit au compte de M. Zola le culte prémédité du pessimisme et de l'ordure. Or, pour M. Nordau. le pessimisme n'est pas une philosophie mais un tempérament. L'homme sain serait optimiste, le neurasthénique et le dégénéré pessimistes. C'est là une vue bien
superficielle, compréhensible chez un brave homme qui se retira du commerce après fortune faite el qui trouve que tout est bien quand sa digestion est bonne, mais s expliquant moins chez un penseur, chez un philosophe qui voit les hommes'et les juge.
Où l'observation parait plus forte c'est quand il découvre chez M. Zola les symptômes de la psychopathîc sexuelle. Il est certain qu'on peut rattacher le chef de l'école naturaliste a cette catégorie de malades à qui la vue du linge de femme procure une excitation particulière et qui montrent une prédominance maladive des sensations de l'odorat.
M. Xordau est plein d'horreur en prévoyant quelle société nous feraient l'art et la littérature s'ils continuaient à évoluer dans le même sens et si les dégénérés actuels engendraient de plus dégénérés encore. Ecoutons la prophétie. Chaque ville posséderait un club des suicidés — Il veut dire sans doute des partisans du suicide. — A la place des cabarets on trouverait des maisons de consommation d'éther, de chloral, de naphte ou de haschih. Dans des boutiques on absorberait des ordures ou on respirerait des parfums de pourriture et d'excréments. Il y aurait des commissionnaires chargés de faire traverser les places aux personnes atteintes d'agoraphobie. Les masochistes porteraient le costume féminin. Les se11s à sentiment sexuel contraire pourraient conclure un mariage légaf.
Cependant, ajoute-t-il aussitôt, il n'y a aucun danger à tout cela, car les dégénérés ne peuvent se perpétuer.
Après le pronostic, la thérapeutique. Tout d'abord l'auteur avertit qu'il n'n pas eu la naïveté de vouloir convaincre les dégénérés qui le tiendront pour un imbécile incapable de compréhension », ni les fanatiques des modes actuelles en art et en littérature qui lui répondront : « ce livre, ce tableau sont des délires, soit. Mais affreux ? C'est ce que vous ne me ferez jamais croire. Je sais cela mieux que vous. Ils m'émeuvent profondément et délicieusement, et tout ce que vous direz ne fera pas qu'ils ne me produisent cet effet ». Avouons que la réponse serait assez topique et que pour des dégénérés ce ne serait pas trop mal raisonner.
Pour qui donc a-t-il écrit? Four les gens légèrement malades et pour les gens sains. Pour les « légèrement malades » passe encore, mais pour les gens sains, à quoi bon puisque sont sains exclusivement ceux-là qui partagent déjà ses idées ?
Les remèdes seraient : une Ligue formée des hommes les plus qualifiés qui se constituerait gardienne volontaire de la moralité du peuple ; et une série de conférences dans lesquelles les médecins aliénistes montreraient à la masse le trouble intellectuel des artistes et des autres degenere-. C'est tout.
M. Nordau, qui est un homme positif, est persuadé de l'efficacité de ces
remèdes ! N'insistons pas.
En somme M. Nordau a-t-i! fait une œuvre inutile ? Nous ne le pensons pas. D'abord il a créé une nouvelle méthode de critique qui peut être
fecondc ; ensuite, s'il a généralise avec excès, il n'en a pas moins signalé un état d'esprit fâcheux et a montré au public le rapport étroit qu'il y a entre cet état d'esprit et certaines maladies mentales. Il est possible qu'après cette enquête littéraire et scicntillque les décadents ou autres se montrent plus hésitants à publier leurs élucubratlons.
A notre avis sa principale erreur est de croire que le mal qu'il dévoile est special :. notre époque . et dénote la lin d'une race. Il est de tous les temps et M. Nordau s'en sentit vite rendu compte s'il avait étudié la littérature des siècles passés avec autant d'attention quo celle de cotte lin de siècle.
Et maintenant, sans vouloir offenser un homme de grande valeur, mais seulement pour marquer le danger de son système, si nous reprenons quelques-uns des stigmates intellectuels de la dégénérescence : la graphomanic, l'aptitudo à grossir les faits,l'inconséquence, lu contradiction, etc., nous verrons qu'ils s'appliquent fort bien à M. Nordau lui-même que l'on pourrait ainsi présenter comme l'un des plus beaux types de dégénérés qui soit
Graphologie et Psychologie
Par M. F. Varinard, directeur de la Graphologie.
Je vous ai déjà parlé de la graphologie, au point de vue de sa démonstration physiologique, permettez-moi aujourd'hui d'y revenir pour vous en montrer l'utilité dans l'étude directe des phénomènes psychologiques.
La psychologie est le compte que l'on se rend à soi-même de ce qui se passe dans l'âme, dans la conscience qui est la scène visible de l'Ame, dit Victor Cousin. Elle étudie par l'observation intellectuelle le principc intime dans lequel chacun de nous sent que sa personnalité est concentrée et qui n'est autre que le principe intelligent. C'est la conscience de nous-méme transformée, et le moyen de transformation, c'est la réflexion, qui n'est autre que l'intelligence repliée en elle-même. Donc l'objet et l'instrument sont une seule et môme chose : le principe intelligent.
Mais l'intelligence ne peut observer comme elle observe les choses extérieures à elle-même, qu'elle peut avoir ; elle a le sentiment d'elle-même ou conscience.
La psychologie est donc un produit de la réflexion, tandis que les autres sciences proviennent de l'attention. Elle embrasse tout ce qu'on peut savoir de l'âme et des facultés humaines.
Mais les facultés ne peuvent être étudiées directement, car elles ne nous sont connues que par leurs produits et nous ne les comprenons et ne pouvons les concevoir quo par cet acte de réflexion de notre être pensant qui nous pousse à être sûr qu'il n'y a pas d'effet sans cause, et, l'effet pusse, la cause demeure dans un état latent et comme inactive, jusqu'à ce qu'une occasion pareille lui fasse produire de nom eau le meme effet et cela indéfiniment chaque fois que cette même circons-
lance se reproduira. Celte cause, c'est ce que l'on appelle, suivant le cas, une puissance, une propriété, une vertu, une force ou enfin une faculté.
Donc, en partant de l'observation, en passant par la description et la classification, on arrive â une conclusion qui est une faculté de l'àme.
C'est donc pour les effets, c'est-à-dire par les manifestations extérieures, que nous pouvons arriver à cette étude des facultés dont l'ensemble forme le caractère d'un être humain. Entre tous les signes extérieurs des facultés de l'âme, il n'en est pas de plus certain et de plus palpable que l'écriture. C'est là l'objet particulier de la Graphologie. Le caractère particulier de quelqu'un, c'est ce qui le distingue d'entre les autres èlrcs de son espèce ; c'est sa marque propre ; c'est le naturel qui m été modifié par les circonstances au milieu desquelles il se développe et par l'éducation. Ainsi les premiers éléments du caractère sont les inclinations que l'homme apporte en naissant et qui varient suivant les temps et les lieux, l'hérédité et le tempérament, en un mot, suivant les conditions sociales où l'on vit. C'est ainsi que se crée le caractère dune nation.
On peut alors remarquer qu'il y a une relation intime entre le caractère d'une nation et la langue qu'elle parle et on peut connaître les tendances, les sympathies, les goûts d'un peuple à l'abondance de certains mois de son vocabulaire. Les Lapons ont une dizaine de mots pour désigner le renne, les Chinois pour le chien, l'instinct dominateur de l'Anglais se manifeste par la quantité de mots qu'il possède pour désigner le commandement, etc..
De même, d'une manière générale, plus une faculté a d'importance pour la nature humaine, plus elle a de formes différentes de manifestations et d'appellations.
L'activité est l'attribut fondamental et le plus général du sujet conscient, l'essence même de la vie psychique, car toutes nos facultés sont actives. Parmi tous les éléments de l'activité, celui qui lient la première place, c'est la volonté. Par l'attention et la réflexion, elle domine notre système intellectuel, par l'intention, elle domine notre système moral. Les facultés intellectuelles préparent la voie à la volonté; mais elle seule réalise et accomplit nos pensées et les transforme en actions.
Nous ne faisons ni nos sentiments, ni nos pensées : nous les recevons, nous les subissons, nous y assistons, nous n'en sommes pas la cause. Ces phénomènes se produisent sans nous et souvent malgré nous; la volonté seule est ce qu'il y a en nous de plus proprement nôtre.
Une faculté d'une telle importance doit donc avoir un grand nombre de manifestations, suivant les cas et les manières dont elle se produit.
Aussi nous trouvons: décision, résolution, détermination, vivacité, emportement, despotisme, constance, persévérance, persistance, domination de soi-même, opiniâtreté, fermeté, ténacité, entêtement, raideur, obstination.
La différence de nos facultés nous est attestée par l'expérience de la
vie. Les personnes chez lesquelles In sensibilité est très développée n'ont pns, en général, un caractère bien énergique; ceux qui pensent beaucoup, les meditati fs sont rarement des hommes d'action ; l'habitude d'envisager longuement les raisons contraires les rend indécis et hésitants.
En admettant que par analyse et par synthèse on arrive à déterminer à priori et d'une maniere exacte les différences qui existent entre ces divers termes, c'est-à-dire leur donner une valeur exacte et à les isoler les uns des autres, comment, lorsqu'ils se trouveront réunis en certain nombre dans un caractère, savoir celui qui produit son action ?
Il faudrait pour cela une connaissance absolue de tous les faits qui ont précédé l'acte à étudier et les motifs qui l'ont déterminé et encore l'analyse qui en serait le résultat serait tres difficile à établir.
C'est alors que la Graphologie vient puissamment en aide à la psychologie, car chacune de ces manifestations de la volonté a son graphique représentatif, qui permet de trouver immédiatement le ou les principes agissant et non seulement de déterminer leur qualité, mais leur valeur et leur force par l'intensité et par la fréquence de leur emploi.
On obtient donc par le procédé graphologique une mensuration palpable et mathématique des facultés intellectuelles, et l'étude psychologique n'est plus seulement basée sur la réflexion, mais aussi sur l'observation et l'attention.
Et non seulement nous pouvons ainsi mesurer la cause immédiate d'un acte, mais le mobile de l'action première. Si In volonté est toujours libre, et c'est là son caractère essentiel, elle est aussi réfléchie et soumise à l'intelligence. Ainsi la résolution est presque toujours précédée de la délibération. Elle est soumise aussi à la sensibilité et aux inclinations naturelles, aux instincts qui eux aussi ont leurs représentations graphiques d'autant plus nombreuses quo leur valeur a plus d'importance dans le caractère.
Par exemple, un de ces instincts principaux le plus répandu, car on peut dire qu'il domine tous les hommes à des degrés et sous des formes différentes, c'est l'orgueil, qui gravît douze degrés, absolument différents par la tendance psychologique, et qui a tout autant de représentations graphiques différentes. Chacune de ces formes nous permet donc de savoir de suite en face de quel orgueil nous nous trouvons et quel est sa puissance, d'où nous déduirons le mobile de l'action que nous étudions.
Il en sera ainsi pour chaque composant du caractère, ce qui nous démontre que la Graphologie est l'instrument unique et absolu des observations psychologiques et que son usage est destiné à l'avancement rapide de cette partie de la philosophie.
Traitement de la morphinomanie par la suppression lente
par M. le docteur O. Jennings
Mon principal but, en vous présentant le malade qui a bien voulu m'accompagner est de combattre une théorie qui a cours parmi certains médecins psychologues, c'est-à-dire que la fin d'un traitement de la morphinomanie étant toujours très pénible, il vaut mieux adopter la méthode brusque ou rapide, la méthode graduée ne faisant qu'ajourner et prolonger la souffrance.
J'ai connaissance de plusieurs cas où les malades soignés très lentement à leur insu ont guéri sans s'en douter et je crois qu'on peut dire que toutes choses égales le degré de souffrance est en rapport avec la rapidité du traitement. Le malade a pris la morphine pendant seize ans et en dernier lieu à raison de 60 centigrammes par jour. Il a guéri en deux mois et demi, et quels qu'aient été les malaises qu'il a éprouvés, sauf un jour quand il a pris une dose dangereuse d'hyoscine, il n'a jamais manqué de jouer nu whist toute la soirée après avoir diné de mieux en mieux à mesure que le traitement avançait. II prenait aussi chaque jour une leçon de français et une autre de violon.
Comparez ceci avec l'état d'esprit dans la suppression brusque, décrit par Livenstein, obsession infernale dont je n'ai pas à vous rappeler les horreurs.
Parmi les agents thérapeutiques, l'hyoscine, l'hydrate d'amylene, l'eau chloroformée, l'extrait fluide de coca et le vaterianate d'ammoniaque ont fait du bien tour à tour et selon leurs indications, mais le malade très sceptique n'était pas un bon sujet, croyant toujours à de simples coïncidences.
Il a été cependant contraint de reconnaître l'efficacité du galvanisme cérébral qui a transformé l'insomnie résultant de la cessation do la morphine et que je n'avais pu vaincre par aucun médicament en un sommeil calme et régulier de huit heures qui ne s'est jamais démenti. Pour terminer je dirais que mon client me parait a l'heure qu'il est dans l'état d'un homme qui n'aurait jamais pris de morphine, sommeil, appétit, force, tout est satisfaisant, aucune velléité de piqûres. Il n'a gardé de la morphine qu'un souvenir pénible qu'il ne parait pas disposé à laisser échapper de son esprit.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Cinquantenaire du Doctorat du D' M abrogent pacha
Pour fêter le 50e anniversaire de sa réception nu doctorat, on n célébré avec éclnt le jubilé scientifique du IV Mavrogeni pacha, médecin particulier du sultan. A cette occasion, le D' Pardo, n lu à la Société de médecine de Constanlinoplc, une notice sur In vie et les travaux de l'illustre savant, à qui le sultan a fait honneur de confier sa santé. Le Dr Mavrogcni pacha a toujours usé de sa haute influence pour relever le prestige du corps médical, en même temps qu'il fournissait généreusement son appui aux confrères qui le sollicitaient. Les Français lui doivent une reconnaissance particulière, pour avoir fait aimer en Turquie la France. Noue sommes heureux de nous associer aux éloges qui lui ont élé adressés et aux vœux exprimes au nom de tous les amis de Mavrogrni par le Dr l'ardo qui s'est exprimé ainsi : « Puissiez-vous jouir, illustre confrère, pour de longues années encore, d'une parfaite santé et conserver vos facultés intellectuelles intactes, afin de continuer à travailler pour la science et l'humanité comme vous lavez fait jusqu'à présent, et surtout pour veiller sur la précieuse santé du grand monarque auquel vous êtes si dévoué. »
Une nouvelle cause d'Insomnie
Un statisticien ingénieux a calculé que Brooklyn, la ville secur de New-York, possède environ 100,000 chats, dont plus de la moitié sont sans domicile.
Il ne croit pas faire un calcul exagéré en estimant â 10 % le nombre de citoyens que les miaulements de ces 100 000 chats maintiennent éveillés chaque nuit. Ce qui, pour uno population d'un million d'habitants donne un cas d'insomnie par chat et conduit à penser que Brooklyn est une ville où l'on dort fort mal.
Si les chats et l'insomnie sévissaient avec la même intensité sur la population française, cela donnerait une proportion de 4 millions de chats et de 4 millions de cas d'insomnie pour toute la France.
Les articles didactiques sur l'insomnie ne font cependant aucune mention de ce facteur étiologique.
L'influence des parfums sur la voix
On s'est beaucoup occupé dans ces derniers temps de l'influence des parfums sur la voix. Voici quelques renseignemements nouveaux fournis par un journal qui a interviewé sur ce sujet des chanteurs et des laryngologistes.
Les cantatrices sont peut-être les seules femmes qui craignent les parfums. Mme Richard, de l'Opéra, interdit à ses élèves de porter même un simple bouquet de violettes à leur corsage. Comme elle munie habilement le laryngoscope, elle aurait noté qu'en ce cas les cordes vocales apparaissent tuméfiées.
Christine Nillson ayant chanté dans un salon où l'air était saturé de parfum des tubéreuses fut prise d'une extinction de voix qui dura plusieurs mois. A part la rose, tous les parfums sont nuisibles â la voix de Mme Isaae. Mlle Emma Calvé craint surtout le lilas blanc. Au conservatoire on proscrit l'usage des fleurs.
Faure craint surtout la violette. Enfin Mme Bilbaut Vauchelet est la seule qui ne redoute pas les parfums des fleurs. s Que dans une pièce surchauffée, dit-elle avec grand sens, des artistes mal disposées ou nerveuses aient accusé des symptômes laryngés, c'est possible, mais en co cas le parfum n'y était pour rien. s
Nous croyons en effet qu'il y a surtout là une affaire d'imagination ou plutôt d'auto-suggcstion.
L'abus des drogues
La communication du professeur Stokvis, d'Amsterdam, au Congrès de Rome, sur c lu chimie dans ses rapports avec la pharmacothérapie et la matière médicale s, contient quelques passages qui méritent une citation.
D'abord cette tirade sur la manie actuelle des médicaments nouveaux, à noms sonores, annonçant pompeusement leur usage et leur supériorité thérapeutique :
s Il ne suffit pas de nos jours d'avoir un bon médicament, l'agathine,
il faut le meilleur du monde, et voilà l'aristol ; vous voulez combattre la
dyspnée, voilà l'euphorine ; lo manque d'appétit, voilà l'orexine; vous
voulez procurer le sommeil, voilà l'hypmtl, l'hypnon, le somnal, la
somnifêrine ; vous voulez abaisser la température fébrile, ne soyez pas
en peine, voilà l'antipyrine, l'antifêbrine, l'antillierrnine, la thêornine,
la thcrmiogîne, la pyrodino, la thermodine; vous voulez adoucir les
douleurs, voilà à votre ordre l'analgêsine, l'anulgène, l'exalgine, l'exo—
dîne, la neurodine ; il vous faut un médicament pour le cœur, voilà la
cardine; il vous en faut un pour raviver la sécrétion urinaire, voilà la
diurétinc, la phédurétine, l'urophêine ; pour entraver la formation du
pus, voilà la pyohtanine; pour faire disparaitre les spasmes, voilà l'an-
tipxsrnine. Je ne veux pas abuser de votre patience, et je vous épargne
les antiseptines, les désinfectots, les microcidines. »
Et cette esquisse du clinicien thérapeute moderne :
• Auprès du chimiste vous trouverez, en dernière instance, le praticien, le clinicien affairé, désolé des insuffisances de son art, avide do nouveautés, ne se donnant ni le temps d'observer, ni le temps de
raisonner, ni le temps de conclure, publiant, avec la vitesse d'un train-éclair, ses observations et ses impressions... de chemin do fer, poursuivi de lu crainte qu'un autre vienne le devancer ; c'est lui qui fait jouer aux autres le role des moutons de Panurgc, lui-même représente un imprésario turbulent, toujours aux aguets, s'agitant, et agitunt le public; sachant qu'il a affaire à un auditoire inquiet, impatient, volage, il s'empresse d'engager de nouveaux sujets presque chaque jour ou chaque semaine (dans l'année 1893 j'ai compté 68 nouveaux produits chimiques qui ont été recommandés, abstraction faite des drogues nouvelles et de leurs principes actifs). C'est toujours la même histoire : le nouveau remède est de premier ordre, d'une valeur thérapeutique hors ligne, au moins égale aux meilleurs médicaments, et d'une innocuité parfaite. • La conclusion de Stokvis est qu'il vaut mieux prendre position franchement contre ces nouveautés, en disant avec Henriette, dans les Femmes sivantes :« Pardonner-moi, monsieur, je n'entends pas le grec , ou avec Dante : « Itiguarda e passa ».
Le temple d Epidaurc
Le temple d'Epidaure, consacré à Esculapc, était pour les anciens ce que la grotte de Lourdes est pour les pèlerins d'aujourd'hui. On se rappelle les vers fameux de Millevoye :
Fatal oracle d'Epidaure, Tu m'as dit : les feuilles des bois A tes yeux jauniront encore, Mais c'est pour la dernière fois.
On venait à Epidaurc de tous les coins de la Grèce, attiré par la renommée des miracles que les fidèle* avaient vu s'accomplir dans la ville suinte. Et les malades ne parlaient jamais sans remercier la bonté du dieu par l'offrande d'un ex-voto, sur lequel on gravait souvent le récit des maux endurés et des guérisons obtenues.
Dans des fouilles faites à Epidaurc on a découvert un certain nombre de ces ex-voto et on a déchiffré les inscriptions qui y étaient gravées :
Voici deux des histoires quelles racontent:
Un homme, natif de Toroné en Macédonic, avait une bellc-mcre très méchante. Cette femme dénxturéc avait fait avaler à son gendre des sang*ucs. qu'elle avait jetées dans une potion de miel. Le malheureux s'endormit. Il lui sembla que le dieu lui ouvrait l'estomac avec un couteau, retirait les sangsues et recousait les chairs. Quand le jour parut, le malade tenait les sangsues dans ses mains. Il était guéri.
L'autre observation n'est pas moins curieuse :
Pandaros, Thcssalicn, avait des taches sur le front. Il vint au Temple. Le dieu lui apparut pendant son sommeil, lui attacha un bandeau autour de ses taches et lui ordonna, quand il serait sorti du dortoir, d'enlever le bandeau cl de le placer comme offrande dans le temple.
Lorsque le jour parut, le front do Pandaros était aussi net qu'une plaque d'ivoire. Cet homme alla trouver un de ses amis, nommé Echégore, qui avait, lui aussi, des taches sur le front. Il lui raconta ce qui s'était passé, lui conseilla d'aller au temple et lui confia une somme d'argent, destinée aux prêtres du dieu. Échégorc s'endormit dans l'enceinte sacrée. Le dieu lui apparut et lui dit : « N'as-tu pas reçu, pour mes piètres, une somme d'urgent ? — Non, répondit, sans hésiter, ce dépositaire intl-dele. Alors le dieu attacha un bandeau sur son front, en disant : a Quand tu sortiras d'ici, enlève ce bandeau et va regarder ton visage dans la piscine ». Lchégore obéit, mais il fut bien puni, car ses taches n'avaient pas disparu et le dieu avait ajouté encore toutes celles dont le vertueux Pandaros avait été délivre.
On voit que les prêtres d'Epidaurc n'entendaient pas la plaisanterie sur la question des honoraires.
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Le Sentiment et la Pensée et leurs principaux aspects physiologiques, essai de psychologie expérimentale et comparée, par Andre GoDfErnauX. Docteur ès lettres (1 vol. in 8° de la Bibliothèque de Phi-losophie contemporaine, 5 fr. — Félix Alcan éditeur).
M. Codfcrnaux s'est proposé la rechercho et la détermination, au moins approximative, des rapports qui peuvent exister entre le sentiment et la pensée, le premier de ces deux mots désignant les phénomènes de ht vie affective et dont l'origine, du moins chez l'individu, est subjective ou interne, le second désignant les phénomènes de la vie représentative et dont l'origine est externe ou objective.
L'auteur a d'abord examiné s'il n'était pas possible de rencontrer, soit le sentiment, soit la pensée, à l'état isolé. L'homme normal n'offre rien de semblable, mais la maladie mentale réalise pour l'observateur les expérimentations les plus variées et les plus inattendues. C'est donc la pathologie mentale qu'il a d'abord interrogée.
M. Godfernaux a ensuite cherché dans l'individu sain l'application des indications générales que lui avait fournies la folie. Un des problèmes qu'il a essayé de résoudre a été de constater s'il n'existe pas en chacun de nous des troubles comparables aux psychoses simples et si, chez l'individu normal, l'association des idées no se développe pas sur un fond perpétuellement mouvant et troublé.
Le sens général de cette étude est que si, dans l'espèce, c'est la pensée qui crée le sentiment, puisque ce sont les excitations extérieures lentement enregistrées dans l'organisme qui constituent peu à peu les tendances et les émotions, dans l'individu, au contraire, c'est le sentiment qui crée la pensae, puisque ce n'est qu'en obéissant aux tendances héréditaires que la pensée peut naître et se constituer.
La Famille nèvropaïhique, théorie tératologiquc de l'hérédité et de la prédisposition morbides et de la dégénérescence, pur Ch Fêrê, médecin de Bicetre. (1 vol. in-12 avec Sa gravures dans le texte, cartonné à l'anglaise, i fr. — Félix Alcan éditeur).
L'hérédité des maladies nerveuses et leur parenté avec les maladies diathésiques est udmise depuis longtemps, mais il restait à expliquer comment elles peuvent »e manifester en dehors d'une hérédité qui présente d'ailleurs des exceptions à la règle normale.
M. Féré montre que ces exceptions connues sous le nom d'hérédité dissemblable et d'hérédité collatérale, se retrouvent dans les familles térntologiques qui souvent sont aussi des familles pathologiques. Ce qui est héréditaire, ce sont des troubles de la nutrition de la période embryonnaire, entraînant des elTcts diiTJrcnts suivant l'époque à laquelle ils se produisent. Les troubles du développement commandent la prédisposition morbide, de nombreux faits le prouvent. Ces troubles héréditaires ou accidentels de l'évolution réalisent une destruction progressive des caractères de la race ; la dégénérescence, quelle que soit la cause, peut élro définie une dissolution de l'hérédité, qui aboutit enlln de compte à la stérilité.
L'n chapitre est consacré au caractère tératologiquc do la dégénéres-venue. L'auteur montre, par des expériences de tératogénic expérimentale, qu'il n y a aucun rapport nécessaire entre une déformation et telle ou telle cause de dégénérescence ; on reproduit dans des couvées artificielles les mêmes dissemblances que dans les familles térntologiques ou pathologiques. Des faits cliniques cl expérimentaux semblent indiquer que l'on peut, en agissant sur la nutrition de l'embryon, résister aux influences déirénéralivcs.
NOUVELLES
Société d'hypnologie et de psychologie
La Société d'hypnologie se réunira en séance ordinaire le lundi 8 Juin a quatre heures et demie précises, au palais des Société» savantes, M, rue Serpente, sous la pré»idcncc de M. le Dr Dumontpallier.
1° Lectures et communications diverses.
2° Présentation des malades.
3° Vote sur l'admission de nouveaux membres.
AVIS. — Afin d'éviter les frais de recouvrement, MM: les membres étrangers sont invités à adresser directement par la foste le montant du droit d'admission (10 fr.), et leur cotisation annuelle (15 fr.), à M. le D' Bérillon, secrétaire général, rue de Rivoli, 40 bis.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Institut psycho-physiologique de Paris, 19, rue Satnt-André-des-Art?. — L'Institut pivehophysiologique de Paris, fonda en 1891 pour l'étude des applications clinique*, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sou* le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné a fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme et do la psychologie physiologique.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée â l'Institut psychologique. Des consultations gratuites ont Heu les mardis, jeudis et samedis, de 10 heures à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis a y assister et sont exercés à la pratique do la psychothérapie.
Hospice de la Salpêtriére. — Le Docteur Auguste Voisin, reprendra ses conférences cliniques sur les maladies et les affections nerveuses, le jeudi 31 niai 1801, a 10 heures du matin, et les jeudis suivant» a la même heure.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
A. Binet. — Introduction à la Psychologie expérimentale, In-8°, 116 pages. Alcaii, Paris, 1891.
df aubel. — Les maladies par réactions nerveuses et tes eaux de Neris, in-8°. Hi pages. Henri Jouve, Paris, 1894.
dr CROCQ fils. — L'hypnotisme et le crime, In'4°,'193 pages. IL Lamertîn, Bruxelles, 1891.
André Godfernaux. — Le sentiment et ta pensée et leurs principaux aspects physiologiques, iu-4e, 524 pages. Alcan, Pari*, 1891.
d' Antonio Bariietto Praguer. — Da psychothérapia suggestiva, In-P, ITT pages,1893.
Emmanuel Vauchez. — La Terre, în-8°, 111 pages. Itochc Jourdain. Les Sables d'Olonnc, 1891.
d' Fere. — La famille nevropathique, in-8°. 331 pages. Alcan, Paris, 1891.
d* ScHrENCK-NoTziNg. — Ein Beitrag jur psychischen uni suggestive* Behandlung der Neurasthenie. in-P, 48 pages. Hermann Brieger, Berlin, 1891.
dr ScimENCK-Notzing. — Der hyynotis Munchener, Krenkenhaus*. Leipzig, 1894.
dr o. Manganotti. — L'Ipnotismo ncirospitale di Monaco, ln-6; 35 psses. Milano 189».
L'Adminisîrateur-Gêrant : Emile BOL'RIOT
170, rue Saint-Antoine.
Psris. — Imprimerie A. quequeieu, rue Cerberi, 10.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPERIMENTAL ET THÊRAPEUTIQUE
8e ANNEE - n°12 Juin 1891
LES pseudo-phobies par M.le.Dr Delineau
Unc foule «le sentiments de conlrainlc ou de répugnance que le vulgaire, n'y entendant pas malice, englobe sous le nom d'aversions, ne sont pas autre chose que des pseudophobies dont la seule pensée fait tressaillir à dislance les sujets qui en sont atteints. Quand ils les ressentent leur corps frissonne, leur visage pâlit, leur peau s'horripile, leur creur s'arrête, menacé par la syncope. D'autres reçoivent, en ces circonstances, comme on dit, un coup de barre dans l'estomac qui se soulève et H se produit un effet nauséeux qui va parfois jusqu'au vomissement.
Ces phobies-là, reconnaissons-le, se rencontrent très fréquemment surtout chez les névropathes, on général, et les neurasthéniques, en particulier. En étudiant avec soin leur histoire, leur ascendance et leur filiation, en scrutant le genre de vie et la cause de la mort de cette classe d'êtres rangés si souvent par les gens du monde dans la classe des originaux, on se confirme dans la pensée que tous, ou presque tous sont des nerveux destinés à devenir la proie du minotaure neurasthénique.
Les névropathes sont, en effet, presque tous assiégés par des peurs absolument inexplicables ; car, hors de ce point de faiblesse et d'impuissance de leur volonté, ils valent les autres honuiies. Citons pour le démontrer quelques noms pris pour ainsi dire au hasard :
Henri III, qui était un roi plein de bravoure et qui l'avait bien montré au siège de La Rochelle, ainsi que dans une
(1) Extrait des Peurs maladive* ou phobies, un vol. in-12-(Société d'Editions *cicn-
foule d'autres circonstances, ne pouvait supporter la vue d'un chat et ne pouvait en souffrir dans sa chambre, tandis qu'il aimait à s'entourer de chiens.
Tallemant raconte que le maréchal de Brézé, avant fait tuer à l'affût, au coin d'un bois un de ses valets de chambre, marié à une de ses maîtresses, s'évanouissait toujours depuis, quand il voyait un lapin.
« La première occasion, dit Brantôme, dans la Vie des Dames illustres, qu'eut la Reyne de Naples, Jeanne II, de faire entendre à Carraccioli qu'elle l'aymait, fut qu'il craignait fort les souris. Un jour qu'il jouait aux échecs en la garde-robe de la reine, elle-même lit mettre une souris devant luy ; et luy de pour, courant de çà, de là, et heurtant l'un, puis l'autre, s'enfuit à la porte de la chambre de la reyne et vint chcoir sur elle ; et ainsi, par ce moyen, la reyne lui découvrit bientôt son amour et eurent tôt faict leurs affaires ensemble ; et après ne demeura guières qu'elle ne l'eust faict son grand scneschal. »
« Un jour, dit Bussy dans ses mémoires, les maréchaux d'Albret et de Clérambaul, François de Clermont, marquis de montglat, maitre de la garde-robe du roi et le commandeur de Souvray, ambassadeur de Malte à la cour, depuis grand-prieur de l'rancc, dinant tous chez moi. le maréchal d'Albret se mit a nous faire un conte, et comme il était au plus fort de sa narration, il pâlit tout d'un coup et la voix lui devint plus faible ; pas un de nous n'y prit garde que le maréchal de Clérambaul, parce qu'il n'y avait que lui qui en sût la raison. Il se mit donc à crier au inaitre d'hôtel qui venait de lui servir un marcassin, de lui ôter promptement la tête, ce .que celui-ci ayant fait, le maréchal d'Albret qui allait s'évanouir, se remit aussitôt et acheva son conte. »
La vue d'un ânon faisait perdre connaissance au duc d'Epernon.
Wladislas, roi de Pologne, se troublait et prenait la fuite quand il voyait des pommes. Erasme ne pouvait sentir le poisson et les lentilles sans en avoir la fièvre. Scaliger frémissait de tout son corps en voyant du cresson. Tycho-Brahé sentait ses jambes défaillir à la rencontre d'un lièvre ou d'un renard. Le chancelier Bacon tombait en défaillance lorsqu'il y avait une éclipse de lune. Itayle avait des convulsions quand il entendait le bruit que fait l'eau en tombant d'un robinet. Lamotlc le Voyer ne pouvait souffrir le son d'aucun ins-
trament, l'avoriti, poète italien, mort en 1862, ne pouvait souffrir l'odeur de la rose.
Tout cela continue bien le jugement de Montaigne sexpri-mant ainsi : J'ai vu des gens fuir la senteur des pommes plus que des arquebusadcs ; d'autres s'effrayer pour une souris ; d'autres rendre gorge a voir de la crème, d'autres a voir brasser un lit de plumes.
I.esmédccins.pas plus que les autres hommes ne sont exempts de ces pseudo-phobies. Ainsi un médecin de beaucoup d'esprit. Pierre d'Apono. éprouvait une telle frayeur à la vue du lait et du fromage qu'il tombait en défaillance.
Dc grands artistes ont été également affligés do pseudophobies ; Meyerbeer, un génie bien équilibré cependant, s'informait toujours, quand on l'invitait à diner en ville, s'il y :avait des chats dan* l'appartement, auquel cas. il fallait les renfermer soigneusement ; on n'a jamais pu savoir pourquoi, mais probablement avait-il une peur folle de la rage féline- reconnue de nos jours la plus dangereuse de toutes.
Ces Pseudo-Phobies ne s'expliquent point et le raisonnement ne sullit pas à les détruire. Dans ces derniers temps j'ai été appelé en consultation auprès d'une dame d*unc santé exubérante, entourée de tous les soins, de toutes les satisfactions que procure la richesse, mais tourmentée par une neurasthénie imaginative a l'excès. Elle est sans cesse a l'affût d'une maladie ou d'un événement susceptible d'ébranler -on système nerveux. Or, il y a quelques mois, entrant au Printemps, sa robe fut frôlée par des chien*; qui jouaient. Il n'en fallut pas davantage pour qu'elle s'imaginàl qu'elle allait mourir enragée. C'est vainement que parents, mari, médecin, cherchèrent à lui démontrer qu'il ne pouvait y avoir de rage quand il n'y avait pas morsure : elle pensa et elle pense parfois encore, que le chien a pu inordre sa robe, que sa robe a pu transmettre le virus a son jupon, le jupon A sa chemise, la chemise â sa peau et pendant quatre ù cinq mois elle a vécu folle de peur, sous l'étreinte de cette crainte absurde qu'elle allait se réveiller le lendemain, enragée.
Quelquefois ces pseudo-phobies se sont transmises de la mère à l' enfant. On sait que la malheureuse mère de Jacques I", roi d'Angleterre, Marie-Stuart, vit assassiner devant elle, par son mari jaloux, son poète lavori, soupçonné d'être son amant. La pauvre femme, qui alors était enceinte, éprouva, à l'aspect des épees nues, une frayeur indicible ; or, son iils ne pouvait
voir les épées sortir du fourreau, sans pâlir et frissonner aussi.
C'est encore un pseudo-phobique cel individu qui a peur d'oublier des détails importants et dont M. Charcot a esquissé la silhouette avec celte sûreté de main et cette humeur pittoresque qui le caractérisaient ; c'est l'homme aux petits papiers. 11 en a les poches pleines ; songeant sans cesse à ses souffrances, il s'étudie, se recueille et s'annote lui-même à chaque instant de la vie; le matin, il relate avec un soin méticuleux ce qui s'est passé la nuit, s'il a bien ou mal dormi, le genre de rêves qu'il a eus. puis il se tàte de la tète aux pieds. N'attachant à chaque fonction, et le soir venu il en fait autant. .Se défiant de sa mémoire, il a une feuille ou un carnet bourrés de notes sur sa vue, son appétit, son pouls, ses sueurs, ses urines, sa mémoire, ses souffrances, ses ascendants, il a toujours peur d'oublier une seule de ces circonstances, même la plus insignifiante, car il y attache, lui, une gravité extrême et se dit qu'en ne la révélant pas à son docteur, ce dernier s'égarera dans le labyrinthe aussi compliqué que touflu de ses souffrances, labyrinthe où il est perdu lui-même. Aussi n'en finit-il pas de ses descriptions assommantes, véritables mémoires écrits sans ordre, au caprice de ses sensations, mais auxquels il attribue une importance capitale. La peur d'oublier; voilà bien sa caractéristique, accompagnée du défaut de confiance en sa mémoire, en son intelligence et d'une impossibilité absolue de coordonner ce qu'il ressent, en attribuant à chaque chose, la juste valeur qu'elle mérite.
Nous ferons remarquer qu'en créant ou en proposant de créer cette classe des phobies avec sa sous-division des pseudo-phobies, nous ne faisons qu'aller au devant des vœux exprimés par plusieurs de nos confrères en maints endroits de leurs ouvrages.
Il existe, a dit M. Bouveret. des formes légères atténuées, de l'état anxieux qu'il est plus facile de ciler. denumérer que de dénommer, et le même auteur « reconnaît qu'un terme générique manque à la science pour désigner chez les neurasthéniques ces états particuliers de l'esprit que caractérise un sentiment de crainte arec anxiété. »
Eh bien, mais ce terme désiré par notre confrère Bouveret, il est tout trouvé, c'est le mot « phobie », el il représente bien cette situation toute particulière de l'esprit de l'émotif, tressaillant à chaque instant, vibrant sous le choc d'une impres-
sion qui passerait inaperçue chez un autre et suffisante cependant pour réveiller en lui l'anxiété suivie bientôt de la crainte irraisonnée et déraisonnable.
Phobiques et sous-phobiques sont des émotifs a la millionième puissance ; leur force de résistance aux impressions et aux sensations morales et physiques, est si faible qu'ils sont frappés et sidérés aussi promptement qu'un homme atteint par la foudre.
En adoptant ce genre « les phobies » avec leurs variétés, on jettera, j'ose le dire, un peu de clarté, un peu de lumière sur un des points les plus obscurs de la pathologie nerveuse. Chaque nerveux, en effet, a sa manière d'être particulière, son impresssionnabilité propre, un côté vers lequel il penche, une tendance, une singuliarité spéciales. Comment le classer? Où le ranger ? Eh bien, la classe des phobies nous aidera A l'étiqueter, a le cataloguer dorénavant comme un livre dans une bibliothèque. Et c'est dans ce catalogue que nous rangerons tels ou tels malades cités par plusieurs de nos con-fi-éres, Bouveret, entre autres. Un homme fort intelligent, neurasthénique par excès de travail intellectuel, avec de vives préoccupations morales, ne peut se résoudre àjeter une lettre à la poste, il la retourne et souvent la décacheté, crai-fanant de s'etre trompe, lîéard raconte que beaucoup de neurasthéniques de sa clientèle arrivent jusqu'à sa porte et s'en vont sans avoir le courage de sonner; ils attendent des semaines avant rie renouveler leur tentative. C'est « qu'ils ont peur de se confesser au médecin » cl cependant quelques-uns de ces hommes sont à la tête d'établissements commerciaux d'une importance extrême. D'autres, effrayés à l'idée de prendre une détermination décisive pour leurs affaires, tremblent en y songeant, hésitent et ne peuvent s'y décider. Béard parle encore d'un prédicateur célèbre qui, dans sa chaire, maniait la parole avec beaucoup de hardiesse et de verve et qui, au confessionnal, alors qu'il s'agissait de conseiller à ses pénitentes une règle de conduite à suivre, pâlissait, frissonnait, et se taisait épouranté â l'idée de sa responsabilité.
Un autre malade de M. Bouveret, âgé de 70 ans, a souffert toute sa vie d'une bizarrerie analogue. Il a le plus grand désir d'aller voir son frère qui habite une ville éloignée, mais chaque fois qu'il arrive â la gare, il éprouve un tel malaise qu'il rentre précipitamment chez lui, parce qu'il a peur de tomber malade et d'être privé de secours en route.
Je range encore dans les sous-phobiques les deux variétés suivantes que IL Mathieu (1) signale, Un médecin nerveux, arthritique, atteint de colite pseudo-membraneuse, ne peut supporter de traverser un tunnel dans un train. Il est pris d'un tel malaise qu'il préfère même contre son désir et son intérêt, ne pas entreprendre un trajet en chemin de fer, dès qu'il existe sur la ligne à parcourir, un tunnel de courte étendue. L'n autre malade hystérique a peur de l'ombre. Lorsqu'il chemine dans la rue, il évite de franchir soit l'ombre d'un arbre, soit l'ombre d'un réverbère. II aime mieux faire un détour que de passer outre. Avoir le soleil derrière lui le met dans une situation insupportable qu'il évite en changeant de direction, ne pouvant supporter la vue d'une ombre projetée devant lui sur le sol. Un malade neurasthénique, signalé par le Df Ballet, dans une communication orale au Dr Mathieu, éprouvait la nuit une angoisse indéfinissable. Nombre de personnes (et chacun de nous en connaît), ne s'endormiraient pas sans trouble et sans anxiété, si elles n'avaient pas une veilleuse et même une lumière moins pale dans leur chambre.
Tous ces personnages divers dans leur genre, sont en réalité des sous-phobiques et méritent d'être classés comme tels, afin de ne pas diversifier à l'infini ces émotifs reliés entre eux par une peur intime, secrète, inexplicable, en un mot par la phobie.
J'ai dit et je le répète bien volontiers, beaucoup de ces sous-phobiques sont des neurasthéniques ou des déséquilibrés à un faible degré, mais il ne suit pas de là que tous les neurasthéniques soient des phobiques et même des sous-phobiques.
Sans doute on observe chez les neurasthéniques do lïéard et les Galéati, de Charcot, développée jusqu'à un certain point, tantôt la peur du ridicule, tantôt la peur de la souffrance morale ou de la douleur physique. Ainsi, tous sont craintifs ; ils évitent et redoutent la contradiction ; beaucoup d'entre eux sont aveugles, ne sedécident pas à prendre une décision, surtout s'il s'agit d'une chose d'importance ; ils sont flottants, indécis, peureux, voilà le fond de leur nature ; mais enfin, ce flot d'indécision qui les assaille ne constitue point pour nous, la Phobie spéciale, véritable. Chez les neurasthéniques la
(1) Neurasthénie, par M. le D' Mathieu, itucff, éditeur
peur est vague, générale ; elle n'a pas une expression saisissante, déterminée, tandis que le genre de malade que je propose d'appeler les « phobiques », sont la proie d'une peur angoissante, isolée, toujours la même et constituant leur critérium maladif.
Cette peur, unique le plus souvent, les domine et les possède ; ils ne lui résistent pas, qu'ils soient solides, vigoureux, non émotionnables, hormis ce point spécial, et du raisonnement le plus sain, ou qu'ils soient débiles, affaissés, incapables de résister aux moindres chocs physiques ou aux plus légères émotions morales. J'accentuerai plus tard, du reste, les différences capitales existant entre les neurasthéniques et les phobiques.
LE TRAITEMENT PSYCHIQUE DE L'INCONTINENCE NOCTURNE D'URINE (1)
Par le Docteur Bérillon.
Le but de cette communication est moins de préconiser un nouveau traitement de l'incontinence nocturne d'urine que d'apporter quelque lumière sur les causes d'une affection dont l'étiologie reste encore à élucider. Pour expliquer l'incontinence d'urine si fréquente chez les enfants, les théories les plus diverses ont été successivement émises. La plupart des auteurs attribuent encore aujourd'hui, l'incontinence à une sorte d'atonie du sphincter vésical. Trousseau pensait que la cause résidait tantôt dans une irritabilité spéciale de la muqueuse vésicale, tantôt dans une parésie du sphincter, d'où son double traitement, selon l'indication, par la belladone oti par le sirop de strychnine. Plus récemment, M. Jules Janet a voulu voir, chez la plupart des enfants atteints d'incontinence nocturne, des névropathes, des émotifs, qui, lorsqu'ils sont profondément endormis, rêvent et mêlent à leurs rêves l'envie d'uriner. Toutes ces théories sont séduisantes, mais, en réalité, les faits se passent beaucoup plus simplement.
Dans l'état normal l'urine est maintenue dans la vessie par le concours des deux systèmes de muscles : I* Les fibres musculaires lisses du sphincter vésical et de l'orbiculaire uréthral ; 2° les muscles volontaires de Guthrie et de W'ilson.
(I) Communication fait à la Société de Medecine et de Chirurgie pratiques de Paris.
Tant que la vessie n'est pas complètement remplie, la tonicité des fibres musculaires lisses suffit pour contenir l'urine. Au contraire, dès que la quantité d'urine, dépassant une certaine mesure, commence à distendre l'orifice uréthro-vésical, cette distension donne naissance au besoin d'uriner.
L'intervention des muscles volontaires devient alors indispensable pour retenir l'urine dans la vessie.
Dès la plus tendre enfance, les muscles lisses suffisent pour maintenir dans la vessie une certaine quantité d'urine et pour assurer l'intermittence de la miction. Néanmoins, comme l'enfant cède involontairement au besoin dès qu'il le ressent, on peut dire que tous les enfants sont primitivement atteints d'incontinence diurne et nocturne d'urine.
Par l'éducation, on obtient généralement, vers l'âge de 15 mois, que l'enfant apprenne à résister pendant le jour au besoin d'uriner. Peu de temps après, il cesse naturellement d'uriner au lit pendant la nuit.
Il arrive cependant assez souvent que l'incontinence d'urine persiste pendant la nuit au-delà de la troisième année. Dans ce cas l'infirmité est constituée, et elle nécessite un traitement médical.
Pendant longtemps la matière médicale a fait tous les frais du traitement. Chacun, selon l'idée qu'il se faisait de la cause de l'incontinence, administrait le médicament qui lui paraissait le mieux indiqué. Chose étonnante, les médicaments d'aclion la plus différente ont amené des guérisons et joui d'une vogue aussi inattendue qu'éphémère. Nous rappellerons, pour mémoire, les préparations souvent dangereuses, a base de belladone, d'ergot de seigle, de noix vomique, de cantharide, de ginseng, d'atropine et même de morphine (potion de Thomson). Tous ces médicaments ont eu leur heure de succès.
L'antipyrine, la panacée moderne, ne pouvait manquer; d'être utilisée dans ce cas. M. le D'Gaudez a fait, en 1891, du traitement de l'incontinence nocturne d'urine par l'antipyrine, le sujet de sa thèse inaugurale. Sur vingt-neuf applications de l'antipyrine contre cette affection, il avait obtenu 14 guérisons et douze améliorations.
L'introduction dans la thérapeuthique de nouvelles méthodes de traitement a fait abandonner l'emploi des préparations officinales. L'électricité statique, les courants induits, le massage, les injections hypodermiques, le cathétérisme uréthral ont donné souvent d'excellents résultats, mais aucun de ces traite-
mcnts n'a mérité, par la constance de ses succès, d'être consi-déré comme le remède spécifique de l'incontinence nocturne, pas plus, d'ailleurs, que nombre de traitements des plus originaux proposés dans ces derniers temps et dont quelques-uns méritent d'être mentionnés. Convaincu que la cause de l'incontinence nocturne d'urine réside dans ce fait que le sphincter vésical n'est pas assez, fort pour retenir derrière lui l'urine qui se collecte dans la vessie pendant les premières heures de la nuit, le D' Van Tienhoven propose de faire dormir les enfants de façon que le bassin reste élevé. Dans cette position, la ves-sie peut contenir une certaine quantité d'urine avant que celle-ci n'atteigne l'orifice uréthral. Pour cela, on élève le pied du lit qui doit former un angle de 45 cm. avec l'horizontale. Quatorze enfants traités par ce procédé ont été guéris après une moyenne de 42 jours.
Le procédé du D' Powers est plus ingénieux encore. Il conseille, chez les enfants mâles, d'obturer, au moment du coucher, avec du collodîon. l'orifice du prépuce. S'il ne se passe rien d'anormal, on trouve le malin le prépuce légèrement distendu par une petite quantité d'urino. Si l'enfant se réveille dans la nuit avec le besoin d'uriner, il peut très facilement enlever lui-même, avec le doigt, la petite couche de collodion. Par ce procédé. M. Powers aurait obtenu rapidement, parfois en quinze jours, la suppression complète de l'incontinence nocturni' d'urine; mais, outre que ce procédé n'est applicable qu'aux «arçons et encore à ceux qui n'ont pas été circoncis, il présenterait d'autres inconvénients qui l'e m pécheraient d'être pris en sérieuse considération.
Les succès constatés à la suite de l'emploi de traitements si différents auraient pu faire supposer, a priori, que l'élément psychique jouait un rôle considérable dans les résultats obtenus. Mais cette pensée n'est venue ù l'esprit d'aucun des auteurs. Seul, en 1891, M. le D' Liébeault. de Nancy, affirmait que l'incontinence d'urine était justiciable d*un traitement purement psychique. En 1886, au Congrès de l'Association française pour l'avancement des Sciences, il présentait une statistique portant sur 77 cas d'incontinence d'urine traités par la suggestion hypnotique, et il indiquait 7-2 % de guérisons. En tenant compte d'améliorations, il arrivait au chiffre de 84 0.0 de succès positifs ou factices.
Depuis lors, nous inspirant des conseils formulés par M. Liébeault, nous avons appliqué le traitement suggestif û un
grand nombre d'enfants des deux sexes atteints d'incontinence nocturne et diurne Les guérisons obtenues ont été la règle, les insuccès l'exception, puisque, comme le docteur Ltébcault, nous sommes arrivés à une proportion de guérison de 70 %.
Nos succès sont sensiblement plus favorables que ceux obtenus par le D' Ringer, de Combrement (Suisse;, qui n'arrive, par le traitement suggestif, qu'à une proportion de 47 % de guérisons.
Cette différence dans les résultats obtenus nous parait devoir résulter de différences dans l'application du procédé. En effet, il ne faut pas croire qu'il suffit, après avoir plongé l'enfance dans un variable de l'hypnose, de lui faire simplement la suggestion de ne plus uriner au lit. C'est évidemment par là qu'il faut commencer; mais si, au bout de quatre ou cinq séances, le résultat favorable n'est pas obtenu, il faut recourir à divers artifices qu'enseigné la pratique. Tout d'abord, il faut, avec une certaine insistance, suggérer à l'enfant qu'il s'endormira le soir avec la préoccupation de ne pas uriner au lit ; qu'il ressentira vivement le besoin d'uriner dès que la vessie sera pleine ; que le besoin d'uriner le réveillera complètement et qu'il se hâtera de se lever pour satisfaire ce besoin.
Si cette suggestion ne suilit pas, il faut alors supposer que l'enfant dort très profondément et que son sommeil est tellement profond qu'il détermine une réelle aneslhésic du col vésical.
La sensation vésicale est donc insuffisante pour le réveiller; dans ce cas, il faut suggérer ù l'enfant une véritable insomnie. Je m'exprime habituellement dans les termes suivants : « Vous aurez tellement le désir de ne plus uriner au lit, que cette préoccupation vous empêchera de vous endormir le soir. Nous serez agité dans votre lit, ne dormant pas; ne pensant qu'à vous lever pour uriner, dès que le besoin s'en fera sentir. »
Beaucoup d'enfants, et surtout de jeunes gens, éprouvent cette insomnie et vous disent : « Je n'ai pas uriné au lit, mais cela tient à ce que je n'ai pas pu mendormir.
Au bout de quelques jours, l'insomnie disparait d'elle-même et le malade, habitué à veiller sur la fonction urinaire, semble continuer à la surveiller tout en dormant. »
Chez d'autres sujets, la suggestion qui amènera la guérison est différente. On leur suggère qu'à telle heure de la nuit, à minuit par exemple, ils se réveilleront, se lèveront et videront leur vessie.
Un certain nombre accomplissent ponctuellement la suggestion, le plus souvent dune façon apparemment inconsciente et automatique. Pour obtenir la réussite de cette suggestion, il est indispensable de placer dans la pièce où se trouve le dormeur une pendule sounant les heures ou un réveille-matin arrêté à l'heure indiquée pour le réveil.
Il arrive que plusieurs séances de suggestion ont lieu sans donner un résultat satisfaisant ; le traitement est alors généralement interrompu et l'on est autorise à douter de son elïica-caoité, lorsque laçuérison apparaît inopinément.
IL y a là encore la manifestation d'un artilice de suggestion, car l'expérimentateur ne doit pas manquer d'affirmer au sujet endormi que la préoccupation de se retenir d'uriner pendant son sommeil persistera toujours dans son esprit, môme après la cessation du traitement, et que la guérison arrivera nécessairement à bref délai.
Un fait d'observation courante des plus intéressants, c'est que lorsque l'enfant urine au lit toutes les nuits, on peut presque sûrement compter sur une guérison définitive et rapide par la suggestion hypnotique. Il n'en est pas toujours ainsi lorsque l'incontinence d'urine n'a lieu que de temps en temps. II est probable que l'incontinence d'urine intermittente est liée à des causes bien différentes. Elle doit faire songer à répilepsic nocturne ; elle est. en tout cas, souvent liée à des accidents névropatbiques (rêves, terreurs nocturnes, polla-kiurio, etc..)
J'ai appliqué co traitement à des enfants de tout âge ; le plus Jeune était âgé de trois ans.
Une des dernières guérisons obtenues l'a été chez une jeune fille de 26 ans, dont l'observation présente surtout quelque intérêt à cause do l'ancienneté de l'affection :
Observation I.
Mademoiselle V..., âgée de 26 ans, domestique. Antécédents: père mort très jeune, alcoolique. Grand'mèrc paternelle, morte de paralysie, mère bien portante ; très nerveuse. Depuis son enfance, la malade a toujours uriné au lit. Il y a eu de rares interruptions, ne durant jamais plus de huit ou dix jours. Vers l'àsc de douze ans. l'incontinence cessa pendant six mois, mais elle reparut et continua sans interruption jusqu'à 19 ans. Pendant une année entière, de dix-neuf ans et demi à vingt ans et demi, elle n'a urine au lit qu'une dizaine do fois au plus. L'in-
continence a repris et continué pendant einq ans. Au mois de décembre 1891, elle s'est décidée à entrer à l'hôpital Necker pour s'y faire traiter, elle y est restée jusqu'au 23 mars 1S9'2. Le traitement par l'électricité amène une amélioration passagère, suivie bientôt d'aggravation, car la malade s'aperçut qu'elle urinait depuis, deux et même trois fois par nuit, ce qui ne lui arrivait pas avant. Elle avait remarqué que l'incontinence était plus intense l'hiver que l'été et surtout pendant les temps sombres et pluvieux. Elle vint a la clinique, le 15 août 1893; une amélioration évidente se manifesta : elle resta huit jours consécutifs sans uriner au lit.
Elle interrompit ce traitement et l'incontinence reparut. Elle le refait alors et ne tarde pas à ressentir un effet favorable, car en deux mois elle n'a uriné au lit que deux fois. Elle se considère comme guérie, car elle est maintenant réveillée par le besoin d'uriner, ce qui ne lui arrivait pas auparavant el elle aie temps de se lever avant la miction.
Observation II.
B. ., âgé de 17 ans, garçon épicier. Antécédents : père mort à 36 ans, d'une pneumonie; mère bien portante ; un frère âgé de 11 ans, est bien portant. Le malade m'est adressé par M. le D' Landry, de Courtenay.
L'incontinence nocturne d'urine a débuté seulement il y a trois ans. Depuis ce moment, il urine toute les nuits dans son lit. Le malade est entré en apprentissage chez un épicier. Il travaillait beaucoup, se couchait assez tard et se Jevait de bonne heure. Il dormait d'un sommeil très profond, tellement profond même qu'il ne se réveillait pas après avoir uriné au lit. Son sommeil est troublé par des rêves, des cauchemars ; il parle à haute voix en dormant.
Il est plongé assez difficilement dans le sommeil hypnotique, car il offre une résistance Mais à la quatrième séance, il s'endormit profondément et nous pûmes constater qu'il rêvait en dormant, car il murmurait des paroles décousues et avait les bras agités de soubresauts.
Les premières séances ne donnèrent aucun résultat. Il continuait à uriner au lit. Nous eûmes l'idée de lui suggérer de l'insomnie avec la préoccupation constinle de retenir son urine, préoccupation devant avoir pour effet de le tenir éveillé. Cette suggestion réussit pleinement. L'insomnie fut entretenue pendant quelques jours par le même procédé;
elle eut pour effet de l'habituer à se lever pendant la nuit pour uriner.
La guérison obtenue par ce procédé s'est maintenue. Elle dure depuis deux ans. Cette observation présente comme particularité le début tardif de l'incontinence.
En résumé, on peut conclure, en présence des résultats obtenus par l'application d'un traitement purement psychique, que les succès attribués aux médicaments ou aux manœuvres diverses, dont nous parlions plus haut, sont dus, au moins dans une certaine mesure, à un effet de suggestion, sinon d'auto-suggestion.
L'adaçe connu : Naturam morborum curât ioues ostendunt trouve ici une nouvelle application. L'incontinence nocturne d'urine n'est ni un symptôme, ni, à plus forte raison, une maladie ; elle serait souvent le résultat d'une éducation défectueuse; c'est ce qui explique l'effet d'un traitement qui s'adresse à l'esprit et dont le but est de tenir en éveil la conscience du sujet et de redresser une habitude nuisible.
Il est bien entendu que le traitement psychique n'exclut pas, dans notre esprit, l'emploi d'autres médicaments correspondant à des indications fournies par l'état général du sujet atteint d'incontinence nocturne d'urine.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE ET DE PSYCHOLOGIE
Séance du 19 Avril 1* — Présidence de M. dumontpallier (Suite.)
La Vie et la Pensée (I)
Élude critique par M. Albert Cous.
Messieurs.
Un membre de notre compagnie, le D'Julien Pioger, a bien voulu nous faire hommage d'une œuvre de haute portée : « la vie et la pensée » qui esl la suite nécessaire et un des compléments logiques d'une œuvre primitive : • le monde physique. »
Nous avons affaire à un médecin philosophe et c'est ici surtout qu'on
(I) L'n vol. in-8- (Bibliothèque ile Philosophie contemporaine), par le D' Julien Pioger. — alcandit
doit s'en féliciter; car nos éludes préférées pour médicales qu'elles soient, sont aussi et surioui philosophiques dans leurs déductions.
Nous somme* en présence d'un essai do conception expérimentale qui, d'une ba«e logique, ira jusqu'à emhrasser les problèmes les plus ardus et les plus compliqués «le la vie sociale, sans nlmndonncr jamais l'ordre des phenomènes. C'est tout une philosophie mécanislc.
C'est à la science expérimentale que le D' Julien l'ioger a emprunté tous les matériaux de sa synthèse philosophique, et c'est ce qui donne à ce rameau pui-sant de la philosophie évolutionniste toute sa force et toute son originalité. Nous avons là une suite nécessaire et comme un complément indispensable à la philosophie de Spencer.
Je vais, en quelques mots, essayer de vous faire apercevoir l'œuvre, qui est bien un peu trop compacte dans ses affirmations répétées pour être succintement analysée; mais l'auteur a sans doute jugé nécessaire de montrer les phénomènes dans toutes les conditions et sous tous les aspects pour les- faire mieux apparaître à Inconscience, et n'est-ce pas une excuse légitime pour celui qui veut convaincre? Il y n bien aussi quelques conclurions hâtives et quelques analogies hasardées, mais elles ne portent pas à conséquence et ne nuisent en rien à la valeur de l'œuvre et puis, n'est-ce pas là défaut inhérent à toute conception générale?
Ceci mis à part examinons les conceptions d'ensemble. Il faut d'abord concevoir le monde physique et nous savons par expérience que notre connaissance est bornée, qu'elle résulte de rapports nécessaires entre les choses et nous. Il s'établit, dans ces connaissances diverses, un ordre, un ensemble qui se synthétise et qui est la conception expérimentale.
Mais vient la nécessité d'analyser les phénomènes dans leurs rapports entre eux et dans leurs relations avec nous et de les réduire à leur aspect le plus simple. L'aspect le plus simple : c'est le mouvement. Le mouvement peut être conçu ¦ non comme une cause en sol; mais en » dernier terme, comme deux points, deux infinités unies en mouve-
- ment par rapport l'un à l'autre, qui forment un système dynamique ¦ qui est la force d'équilibration.
La théorie atomique illustrée par Wurtz cl qui a été lu source de si grands progrès en chimie n'est plus jugée suffisante ; l'auteur y substitue une théorie de I équilibration des inimités unies, qui se complète par une loi de solîdarisme universel qui est condition nécessaire de tout ce qui existe, de tout ce qui est possible, sans abandonner pour cela la théorie mécanique de l'équilibre des forces.
Tout obéit à cette loi de l'équilibration et du solidarisnte universels. Elle suffit à tout expliquer Dans son hypothêse simpliste, elle anime l'Univers qui nous apparaît toujours en travail d'élaboration dans
- son perpétuel enfantement des phénomènes, qui ne sont que les résul-• tantes inlinics des actions et réactions incessantes des forces en « mouvement que nous retrouvons en tout et partout. ¦
Suivant l'auteur le problème de la vie a été mal pose. Il n'y a pas de
différence essentielle dans la matière, il n'y a que simples expressions de rapports relatives à nos moyens de connaître. C'e-t ainsi que la vie n'est connaissable qu'autant qu'elle so détermine dans notre connaissance, qu'autant qu'elle est en rapports et en rapports différenciables ; ce qui nous conduit à la considérer dans ses propriétés caractéristiques.
De là à borner la connaissance ù l'ordre des phénomène* dans leurs rapports réciproques et aussi dans leurs rapports avec nous-mêmes, c'est rester d'accord avec la méthode expérimentale, seule méthode scientifique qui, comme le disait noire regretté maître Claude Bernard, sait conserver à l'hypothèse toute sa valeur en rejetant les hypothèses inutiles.
Nous connaissons maintenant l'hypothèse du D( Julien l'iogor, c'est l'hypothèse utile qui cadre avec tous les faits scientifiques et qu'aucun n'infirme; car il a soin de rappeler - qu'il ne faut jamais oublier que la i théorie, l'idée, doit toujours so plier aux faits et non les faits à la « théorie ou à l'idée que nous nous en faisons. »
II n'y a pas différence essentielle entre les propriétés physioo-chi-miques des corps vivants et les phénomènes physico-chimiques proprement dits, il n'y a chex les premiers que complexité plus grande, organisation plus haute, instabilité plus considérable qui constituent le fait biologique. Ici apparaît la propriété qui caractérise la matiere vivante, celle de faire de la matière vivante aux dépons de la matière brute. C'est le phénomène de la nutrition, do l'assimilation auquel le D'Piogcr accorde une importance considérable; car, souvent on le voit insister et revenir sur l'importance des mouvements tro-phiques.
Le phénomène de dialyse qui consiste en la séparation des corps colloïdes d'avec les cristalloîdes sera le pont qui permettra de réunir les phénomènes d'apparences trophiques des corps physiques avec les phe-nomènes des corps vivants. Quand on les étudie dans les organismes les plus rudimentaires, les monéres par exemple, il suffit de faire intervenir des phénomènes purement physiques pour expliquer le phénomène de la nutrition. Et du haut en bas de l'échelle des êtres, depuis les plus rudimentaires jusqu'aux plus élevés, le phénomène de la nutrition se réduit en dernière analyse â un simple échange moléculaire inleror-ganique, que la dyalise, l'osmose et l'endosmose assimilent suffisamment à un phémomène physique, qui rentre lui-même dans la loi de l'équilii bration.
Le développement organique qui s'ensuit et les différenciations qui s'opèrent dans l'évolution générale, ne sont que des actions et réactions de forces internes et externes dans leurs tendances continues à l'équilibration. — « Nous trouvons alors que partout les phénomènes sont - conditionnes dans leurs rapports et relations entre eux, comme ils le sont dans notre connaissance »
Le phénomène de la sensibilité n'est pas plus que les autres sans rapport avec les lois purement physiques dans lesquelles il rentre néces-
sairement. La sensibilité n'est qu'une expression, une abstraction, une généralisation par laquelle nous exprimons une réaction spéciale des êtres vivants en présence des excitations. Elle n'est que l'expression d'un rapport d'influence entre le sujet et l'objet cl cette influence est toujours une modification moléculaire que le Dr Pioger qualifie de vibration.
Ce sont ces vibrations moléculaires qui sous leur complexité revêtent les modes les plus divers dans les faits de : sensation, perception, mémoire, imagination, raisonnement, pensée, etc.
Celle théorie vibratoire de la sensibilité a pour avantage de s'nccor-der avec la théorie physique en faisant mieux comprendre que la matière vivante en raison de son instabilité moléculaire excessive, se trouve nécessairement sensible à toutes les diversités d'influences de son milieu. Elle obéit à. la loi générale en présidant a unerééquilibra-lion constante qui estla condition de la vie en même temps que l'explication d'une adaptation de plus en plus complète de l'organe à sa fonction.
C'est ici que se placent, dans une différenciation plus complète de l'organisme, l'instinct, l'habitude, la mémoire, et tous les phénomènes de sensibilité interne qui caractérisent notre mentalité; car plus la différenciation organique s'accentue, plus se complique la fonction.
Notre organisme, on le sait, est un merveilleux enregistreur des divers modes do cibra fions qui lui arrivent de toutes parts et notre mentalité n'est autre qu'une adaptation, une organisation de ces différents modes qui forment nos idées, notre éducation, enfin notre caractère psychique.
c La conscience comporte le même effet d'irrésistible certitude que
¦ l'évidence dans le monde physique : il nous est aussi difficile de ne « pas croire à ce que nous voyons en dehors. » La conscience n'est qu'une forme supérieure de la sensibilité, elle est soumise aux mêmes lois organiques que cette dernière. Elle appartient au munde physique auquel elle doit s'adapter organiquement : c'est la conscience physique, susbratum nécessaire de la conscience psychique proprement dite.
« La conscience sensorielle ou physique perçoit le monde exté-
¦ rieur; la conscience physiologique ou organique perçoit la vie inlra-« organique; la conscience psychologique prend connaissance des sen-a sations dans leurs rapports et relations réciproques. » C'est le phénomène intellectuel avec ses attributs : mémoire, jugement, volonté, pensée, etc., sur lequel je ne m'appesantirai pas, son caractère mécanique apparaissant suffisamment dans la théorie générale de l'auteur et aussi parce que je n ai pas trouve, au sujet des attributs, de théorie nouvelle originale.
La partie analytique de l'ouvrage est terminée, il faut en faire la synthèse : c'est l'objet du second chapitre où sont examinées, dans un court espace, les origines de la vie, dans une critique de la génération spontanée, de la pauspermie, pour aboutir à ce que le D' Julien Piogcr appelle : la genèse spoutanéo dans l'atmosphère organique.
Résumons, maintenant, dans les terme? de l'auteur, la synthèse finale :
* Nous voyons ainsi la vie organique d'abord, psychologique ensuite,
• et enlin sociale, résulter des déterminations ou différenciations que n provoquent sur la matière organique, sur les organismes vivants, sur i le système nerveux, sur le corps social, les innombrables actions des
• milieux ambiants et leurs correspondances internes. Nous pouvons « donc embrasser d'un seul coup d'ceil l'évolution du monde organique « qui nous parait causée, c'est-ù dire provoquée par la tendance des « forces internes et des actions externes à se contrebalancer, à s'équi-
¦ librer, et conditionnée, déterminée, fixée par les moments ou périodes d'équilibration, c'est-à-dire par leur solidarisation. De sorte que, en « définitive, la genèse de la vie, l'organisation et l'évolution du règne « végétal et animal, la genèse de la conscience, la différenciation et . l'évolution psychiques, la genèse et l'évolution morales et sociales, ne « sont que les résultantes de l'enchaînement infini des actions et réac-
¦ lions qui constituent les phénomènes conformément à la loi commune « générale de l'équilibration, c'est à-dire de la tendance nécessaire des
• forces et des mouvements à se contrebalancer, h s'équilibrer, d'où « résulte un mouvement perpétuel de va-et-vient, do composition et de « recomposition qui constitue l'universel el éternel devenir des choses,
¦ des phénomènes, des existences, des consciences et des sociétés, « i-haquo sériation, coordination, groupement, unification résultant
¦ d'une équilibration mutuelle, réciproque des parties composantes « dans chaque tout, c'est-à-dire leur solidarisation. »
La conclusion est plus spécialement philosophique. La relativité de la connaissance qui est la condition môme de toute philosophie scientifique y est encore une fois ramenée au développement organique; car c'est avec insistance que M. Pioger traite, dans le cours de son ouvrage de la relativité de la connaissance, dans sa préoccupation constante de faire pièce à la métaphysique et de combattre partout où elle peut se poser la doctrine de Vessenlûiiisme. Du reste, les conceptions mécaniques ont cela de spécial : qu'elles s'expliquent par des déductions identiques et simples qui ne s'interrompent jamais des prémices à la conclusion. C'est l'ordre scientifique dans toute sa clarté convaincante.
Avant de terminer, je veux vous fa;re part d'une impression qui m'a accompagné pendant toute la lecture de cet ouvrage si savant et si intéressant : c'est qu'il a été écrit avec la préoccupation d'en tirer des conclusions sociales et morales. Attendons donc pour juger de l'œuvre entière qui est un véritable corps de doctrines embrassant toutes les sciences jusqu'aux sciences morales et politiques que M. Pioger ait fait paraître « la vie sociale et la vie morale ¦ qu'il nous annonce.
Remercions-le, Messieurs, pour notre agrément personnel et aussi pour le mérite qui s'attache à une œuvre de synthèse scientifique aussi savamment et aussi consciencieusement écrite.
Albert Colas.
Séance du 31 Mai 1894. — Présidante de M. Dumontimllier
Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté.
M. le Secrétaire général fait part à la Société des travaux concernant l'hypnotisme qui ont été communiqués à la section de neurologie et de psychiatrie, au Congrès de Rome. Un certain nombre de membres de la Société d'hypnologie ont pris part aux travaux de cette section qui comprenait également une sous-section d'anthropologie criminelle; ce sont MM. Gilbert Ballet. Luys de Joug (d'Amsterdam) Schrenck-Notzing (de Munich), C. Martinet, Giulio Friedman (de Rome). Bérillon, etc...
M. le président met aux voix la proposition de nommer membres d'honneur de la Société MM. les professeurs Tamburini (de Reggio-Emilia), Hilzig(dc Halle), M. Enrico Ferri (de Romcjet M. le D'Mavrogeni-Pacha (de Conslantinople). Cette proposition esl adoptée à l'unanimité.
M. le président met aux voix les candidatures de MM. le D'Milne Bramwell, de Londres, présenté par MM. Dumontpallicr et Bérillon, de Packiewicz, de Riga, présenté par MM. de Joug et Bérillon, de M. le D' Marcellin Cazaux, des Eaux-Bonn.:s, présenté par MM. Julliol cl Bérillon, de M. Daguilhon, ancien interne des asiles d'aliénés de la Seine, présenté par MM. Dumontpallicr et Auguste Voisin.
Les effets de l'auto-suggestion dans la nosophobie ou pathophobie
Par M. le Dr Antoine Mavroukakis
A l'état normal la peur est une conséquence de l'instinct de conservation. Cet instinct nous prévient des différents dangers qui peuvent mettre notre vie en jeu et elle nous oblige à prendre les précautions nécessaires pour les éviter. Mais la peur normale qui est une des conditions de la vie humaine, dépasse quelquefois les limites physiologiques et devient une idée fixc, une manifestation morbide apparaissant sous des formes variées, tantôt sous la forme de l'agoraphobie, de la claustrophobie, de l'as trop h obic. de la potamophobic, etc. Une de ses formes est la nosophobie ou pathophobic, c'est-à-dire la peur de la maladie. Cette idée fixe ou plutôt celte obsession est plus fréquente que toutes les autres el elle se présente chez des personnes atteintes de dégénérescence héréditaire, et chez lesquelles on trouve des stigmates de la folie héréditaire dont elle est un des syndromes épisodiques. La nosophobie présente tous, ou à peu près tous les caractères communs des obsessions, et ce qui la diffèrentic de la vraie hypocondrie c'est, parmi les autres signes le caractère paroxystique de la maladie, caractère qui ne fait presque jamais défaut. Je n'ai pas l'intention de faire la description détaillée de la maladie. Je veux seulement signaler diverses remarques que j'ai eu l'occasion de faire chez les pathophobes, en particulier.
celles qui sont sous l'influence d'une sorte d'auto-suggestion qui peut arriver quelquefois à des résultats vraiment inattendus. J'ai soigne1 deux nosophobes (un ayant la peur de l'épilcpsic et l'autre lu peur de l'ataxie locomotrice), chez lesquels l'aulo-sucgestion est arrivee à un tel degré qu'elle a provoqué les symptômes de la maladie qu'ils craignaient. Les deux malades, aussitôt que la peur les a pris, ont parcouru les traités de médecine et, en étudiant les symptômes do la maladie qu'ils craignaient, sont arrivés au point d'avoir l'un, une attaque cpilepliforme, et l'autre, la marche des atuxiques. l'abolition des réflexes rotutiens, comme vous allez en juger lout-à-l'licure. Le mécanisme n'est pas difllcilc à saisir, quand on songe qu'un cerveau sain aulo-suggéré peut éprouver des malaises et des choses qui vraiment n'existent pas, on peut facilement admettre que cette aulo-sugges-tion peut, être plus considérable et plus opiniâtre quand le terrain cérébral est prépnrc par la dégénérescence comme celui des nnsophobes. Suus l'empire de cette auto-suggestion, le malade croit qu'il a attrapé la maladie qu'il cruint et, surtout après l'avoir étudiée dans les livres médicaux, il s'examine lui-même et par son imagination, par la fixation de son attention, fait naître à un moment donné des symptômes passagers, mais qui avec le temps se consolident et donnent des sensations et des souffrances au nosophobe. comme s'il était vraiment atteint de la maladie dont il a peur. Mais, aussitôt que le malade ou en état de veille ou en état de sommeil hypnotique subit une influence supérieure à celle de son cerveau, ces symptômes imaginaires disparaissent et le malade revient à son état normal.
La nosophobie n'est pas la seule obsession dans laquelle l'autosuggestion peut avoir lieu. Si nous examinons d'autres obsessions impulsives ou abouliques, nous la trouverons agissant.
J'ai remarqué que la plupart des nosophobes craignent soit une maladie de poitrine, de la mœllc épinière ou du cerveau. Ils craignent de devenir tuberculeux, paralysés ou fous, el ils sont désolés, surtout pendant l'accès de la nosophobie. Un employé des postes et télégraphes me disait : J'ai peur d'être fou et pourtant je fais bien mon service; si j'étais fou je ne pourrais le continuer, par conséquent je ne suis pas fou. Mais la peur que j'ai est une peur folle, par conséquent je suis fou. Et par une série de semblables raisonnements il linissait toujours par croire qu'il était fou, et en était tellement désolé qu'il aurait préféré se suicider, selon son expression.
Mais, je préfère vous communiquer tout de suite deux observations qui m'ont surtout inspire l'idée de l'uuto-suggcstion chez les nosophobes.
1° Louis C…, 21 ans, célibataire, garçon boucher. Père alcoolique, mort d'un cancer de l'estomac. Mère hystérique. Un oncle du côté paternel est mort de délire alcoolique. Stigmates physiques de dégénérescence suivants : Macrocéphalie, bec de lièvre simple et congénital, monorchidéc, hypoxpadyas. Le calcul mental est impossible. Il n'a jamais subi aucune maladie, et à part quelques originalités il n'a
jamais éprouvé aucun trouble nerveux. Lorsqu'un jour vers trois heures de faprès midi, ayant vu un épjleptique dans son attaque et cet accident fuyant beaucoup frappé, il n'a pu dormir de la nuit suivante, en songeant continuellement à l'épileptique et en pensant qu'il serait malheureux s'il devait souffrir comme cela, et qu'il n'y survivrait pas. Dès ce moment, la peur de devenir épilcptique s'impose à son esprit. Très inquiet à la pensée qu'il pourrait devenir épilcptique, il a été consulter différents médecins qui lui ont affirmé qu'il n'avait rien, mais son inquiétude n'a pas cessé. N'étant pas satisfait, il cherche des livres médicaux concernant cette maladie, il étudie à fond les symptômes, depuis au lieu de se débarrasserde son idée Gxe, elle devient au contraire plus grave. Du jour au lendemain, en s'examinant continuellement il découvrait quelques symptômes, il éprouvait des vertiges et de l'anxiété. Il ne peut se distraire nulle part, et avec une frayeur épouvantable attend tous les jours 3 heures de l'après-midi et depuis quelque temps vers 3 heures il pâlit, devient anxieux-, tremble, en un mot il souffre horriblement. 11 ne dort pas la nuit et si quelquefois le sommeil le gagne il se réveille aussitôt enrayé et se demande si pendant son sommeil il n'a pas eu une crise épileptique. La troisième fois qu'il vînt a la clinique de M. le D' Bérillon, une de nos malades a eu une attaque épilcptique. Surpris, le malheureux Louis est tombé par terre et un tremblement général a gagné son corps. Je n'ai jamais vu l'image de la frayeur et de l'agonie aussi frappantes que sur son visage qui est devenu pâle comme celui d'un mort. Il avait 120 pulsations et -10 respirations. Ses membres étaient souples, il enten* dait bien, la sensibilité cutanée était intacte, ses pupilles réagissaient bien, mais il avait un peu d'écume sur les lèvres. Sa crise, d'une durée de 4 minutes s'est terminée par une sueur qui a inonde tout son corps. L'ne fois revenu à son état normal, il nous n affirmé que c'était la peur qui l'avait fait souffrir ainsi en voyant la crise de l'autre malade. Depuis je l'ai perdu de vue.
2* La seconde observation est un peu longue et je ne vous donnerai qu'un résumé des points les plus importants.
Il s'agît n'un négociant, M. Alfred A.... 43 ans, célibataire. Son père était d'un tempérament très nerveux, et sa grand'mère paternelle est morte d'une apoplexie. — Paralysie infantile à l'âge de 3 ans. Jusqu'à l'âge de 8 ans, il n'a pas pu parler nettement subissant de temps en temps une aphasie d'origine probablement nerveuse car on a examiné son larynx et on n'a rien trouvé, mais depuis il n'a jamais eu d'embarras do la parole. Sa marche a toujours été difficile et depuis l'âge de 3 ans la jambe gauche était plus faible que la droite, et en marchant il la traînait un peu. Peur du vide depuis l'âge de 10 ans. Agoraphobie très nette dès l'âge do 23 ans.
Tel était son état de santé jusqu'à l'âge de 38 ans, lorsqu'un jour il a eu une congestion cérébrale qui n'a laissé aucun trouble. Au bout d'un an il est tombé malade d'une grippe suivie d'une bronchite,
à lu suite de laquelle il a gardé le lit pendant un mois. Au momcnl de sa maladie il a confié sa maison de commerce â son premier employé qui un beau jour lui a volé 250 000 francs en argent et obligations et a pris la fuite. Cette nouvelle l'a frappé, et depuis ce moment quelques symptômes d'incoordination motrice ont apparu, mais se sont passés quelques jours après. Cette incoordination a servi de point de départ au malade pour faire naître dans son esprit la peur de lalaxie locomotrice dont il avait entendu parler à un de ses omis. La peur de l'ataxie locomotrice est devenue une obsession pour le malade qu'cllo a obligé à en étudier dans les livres médicaux tous les symptômes, et l'a forcé d'aller consulter plusieurs médecins dont les certificats disent qu'il est atteint de troubles nerveux. Cette obsession augmentait petit à petit et un beau jour, il y a trois ans. des symptômes d'ataxie locomotrice se déclaraient chez lui, l'abolition des réflexes rotuliens, la marche des ataxiques, les flexions, le signe de Romberg. En même temps l'agoraphobie est devenue plus persistante et les vertiges se sont multipliés. Au moment où il est venu nous voir, son état était le suivant : Marche difficile, mais la marche ataxique n'apparaît que lorsque le malade y porte attention. Quand par exemple il essaye de descendre l'escalier, si quelqu'un causant avec lui arrive à détourner son attention de l'idée que ses genoux vont fléchir et qu'il tombera, Il descend l'escalier sans s'appuyer ni sur sa canne, ni sur la rampe, mais si on le laisse libre ses genoux fléchissent vraiment, son pied se jette en arrière et il tombe s'il n'a pas eu le temps de s'appuyer. Il ne sort jamais sans canne ou sans parapluie, d'un côté l'agoraphobie, et de l'autre côté l'idée qu'il est ataxique ut que les ataxiques tombent en marchant lui imposent le besoin de s'appuyer, mais si au milieu de la rue In pluie le surprend, il marche une demi-heure et même une heure sans tomber, mais aussitôt que la peur lui revient la marche ataxique apparaît, il chancelé comme un homme ivre, il devient anxieux il ferme vivement son parapluie et s'appuie pour ne pas tomber. Bien des fois il lui arrive de marcher un quart d'heure ou une demi-heure ayant levé sa canne sans s'en apercevoir, en pensant à tout autre chose qu'à sa maladie sans éprouver aucune difficulté. Voyant, me disait le malade, que je peux marcher sans m'appuyer j'ai essayé maintes fois de sortir de chez moi sans canne et sans parapluie, mais aussitôt que je me trouve dans la rue la peur me prend avec de l'anxiété et do l'angoisse, une sueur inonde tout mon corps et je me trouble, je lutte contre celte obsession, mais plus je lutte, plus elle devient forte et elle me force à remonter chez moi et â m armer, cl immédiatement toute souffrance disparait.
Le signe de Romberg existe chez lui mais par une suggestion assez forte, à l'état de veille je l'ai persuadé qu'il ne tombera pas en fermant les yeux et approchant les talons, et il a gardé la position indiquée pendant dix minutes sans chanceler, il a même fait treis fois le tour de lu salle avec les yeux fermés.
Les réflexes rotuliens sont abolis, mais pendant qu'on lui applique l'électricité ils reviennent momentanément, du reste le réflexe de la mâchoire, le réflexe du poignet, le reflexo plemtaire existent et en plus le malade est chatouilleux. Les pupilles réagissent bien et s'il a les yeux fermés et qu'on le pique n'importe â quel endroit du corps, il sent immédiatement la piqûre. Il sent bien le sol. Il n'a jamais vu double, il n'a jamais eu embarras de la parole depuis l'Age de 8 ans. Il n'a eu des douleurs fulgurantes que deux ans après l'apparition des symptômes alaxiques, mais ces douleurs ne sont point caractéristiques, il n'a jamais fait abus ni des femmes, ni de l'alcool, et il n'a pas eu la syphilis. Pas d'incontinence d'urine, ni de matières fécales. Aucune paralysie. 11 marche en avant et en arriére avec les yeux fermés sans perdre l'équilibre.
Ce qui est encore â remarquer c'est que cette idée de l'ataxie occupe le cerveau du malade par périodes, dans les intervalles desquels il se trouve bien mieux. Le membre inférieur gauche présente une atrophie musculaire.
Le malade est persuadé qu'il est atteint d'une ataxie locomotrice dont il peut vous donner une description parfaite. Ayant étudie la maladie il a subi une auto-suggestion, s'examinant lui-même et se trouvant tous les symptômes.
Ce malade, selon notre opinion, est un simple obsédé et particulièrement un nosophobe, â part les accidents de la paralysie infantile. L'état général du malade nous mène ù ce diagnostic, l'agoraphobie précédente avec la cremnophobie, l'absence de quelques symptômes alaxiques très importants, la disparition des symptômes présents après une forte suggestion, la conservation de la sensibilité générale même avec les yeux fermés, le caractère paroxystique de la maladie avec l'anxiété et l'angoisse, et en plus le fait suivant : Après avoir essayé différents traitements sans résultats, il a été voir un magnétiseur qui a cherché à le magnétiser, mais comme il n'a pu le faire directement il a pris son médium qu'il a placé à côté du malade et il a ordonne au médium de rendre la santé à l'ataxique en prenant lui-même tous les symptômes et toutes les souffrances qu'il éprouvait, et sur l'injonction du magnétiseur, le médium a présenté les symtômes de l'aiaxie et tandis que le malade au bout de quelques séances s'était considérablement amélioré. Ce fait nous montre que notre malade l'était surtout par auto-suggestion. Dès qu'il se trouva sous 1 influence d'une suggestion plus puissante que la sienne, il fut débarrassé do sa nosophobic, ou tout au moins clic lui a laisse un repos de quelques mois.
Je n'ai jamais pu endormir le malade, mais par la suggestion en état de veille j'ai pu l'améliorer en lui faisant en même cmpsquelques piqûres du liquide organique, quand au bout de quelques séances il a attrapé la fièvre typhoïde avec du délire. Cette maladie, d'une durée de deux mois environ, a aggravé un peu sa nosophobie on épuisant son système nerveux déjà fatigué, et j'ai été obligé de recommencer de nouveau.
Ces faits et bien d'autres encore m'ont fait penser que la nosophobie est surtout constituée par une auto-suggestion, qui lorsqu'elle évolue dans un terrain cérébral prédisposé, peut exercer sur le malade une action telle, qu'elle peut amener l'apparition de symptômes simulateurs de la maladie redoutée.
Le rôle de l'auto-suggestion étant ainsi établi, il n'est pas téméraire de penser surtout après quelques résultats obtenus, que la nosophobie sera justifiable de la suggestion thérapeutique. Il faudra dans ces cas s'appliquer à endormir profondément les malades, ce qui n'est pas toujours facile, et leur imposer les suggestions appropriées avec autant de précision que de fermeté.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Epidémie d'hypnotisme
D'après le New- York Herald, on serait très inquiet à l'Université de Cambridge des progrès que fait l'hypnotisme parmi les étudiants.
Beaucoup de jeune* gens désertent les jeux et les exercices de sport pour expcrimenlrr sur eux-mêmes et sur leurs camarades les effets du magnétisme animal.
L'ne professionnelle de l'hypnotisme dont les séances avaient un grand succès à Cambridge, avait fini par exercer un tel empire sur la volonté de certains jeunes sujets qu'on a dû prendre une mesure radicale et expulser de la ville celle émule de Donato.
Mais, dit le .New-York Herald, le mouvement se continue, malgré cette expulsion, et on ne sait comment l'enrayer.
Une suggestion criminelle
Les journaux politiques rapportent le cas suivant de suggestion à l'état de veille :
Il y a quelques semaines, une marchande de vin, Mme' R..., avait été trouvée ligottée dans la cave de son établissement, pendant qu'un commencement d'incendie se déclarait dans son logement personnel, au premier étage.
L'enquête du commissaire de police du quartier aboutit à l'arrestation de la veuve R. ., qui, soupçonnée d'avoir mis elle-même le feu dans sa chambre et simulé la scène du meurtre, fut envoyée au Dépôt et de là à Saint-Lazare, où elle est encore.
La marchande de vin avait laissé dans le quartier quelques amis qui, pour la faire sortir de prison, eurent l'ingénieuse et peu honnête idée de lui donner un remplaçant.
Ils choisiront pour jouer ce rôle un pauvre garçon de dix-huit ans.
connu et estimé de tout le quartier, mais faible d'esprit et tombé dans dans un dénùment absolu.
Avant-hier, ils lui répétèrent sur tous les tons qu'il était un meurtrier un incendiaire, un voleur. A force de l'entendre dire, le pauvre jeune homme finit par le croire. Si bien que, vers six heures, un de ses camarades voulant lui donner la main :
— Non, répondit le suggestionné, non, ne m'approche pas, je ne suis pas digne de te serrer la main. Je suis un assassin.
A sept heures du soir, il était encore relancé par les premiers individus qui lui payèrent divers apéritifs. A neuf heures, ils lui donnèrent un louis d'or. Cette fois, le brave garçon n'y tint plus : il courut d'une traite au poste de la Folie -Méricourt et se constitua prisonnier.
On recherche les auteurs de celte mauvaise farce.
Morphinisme chez le chien
MM. Cuinard et Devay publient dans la Province mèdicsle une étude expérimentale de morphinisme poursuivie chez un chien pendant neuf mois environ. Une des particularités les plus curieuses de cette expérience est une sorte de suggestion se faisant sur cet animal. Voici ce que disent les auteurs à cet égard :
Classiquement, on admet que chez l'homme la morphine excite la sécrétion sudorale, mais diminue considérablement, au contraire, les autres sécrétions, y compris lu sécrétion salivaire ; or, chez notre sujet, l'hypersalivaiion a toujours été exagérée mais ne s'est pas montrée au même moment par rapport à la piqûre.
A la suite des premières injections, la salive apparaissait après un temps suffisant pour que l'absorption du médicament ait pu se faire, mais bientôt on l'a vue se rapprocher de plus en plus du moment de l'injection et, vers le douzième ou le quatorzième jour, l'hypersalivaiion coïncidait presque avec celle-ci.
Le mouvement s'est accentué dans ce sens et, après un mois, l'animal se mettait à saliver avant même qu'on lui eût pratiqué sa piqûre habituelle. Il suffisait que la personne, chargée chaque jour de lui administrer la morphine, ouvre la porte de sa loge à l'heure habituelle pour qu'immédiatement on voie s'écouler, par les commissures, une salive visqueuse, qui tombait sur le sol, à jets filants, presque continus.
Cette particularité curieuse a été déjà signalée par Calvet qui ne l'a cependant pas observée aussi longtemps que nous l'avons fait nous-mêmes. L'hypersalivaiion est devenue absolument automatique, et, pendant toute la durée de l'expérience, elle n'a pas manqué une seule fois de se montrer avec les mêmes caractères et la même régularité.
Influence de l'alcool sur la vie humaine.
La Bristish médical Association, désirant se rendre un compte exact de l'influence exercée par l'alcool sur la durée de la vie humaine, avait
chargé une de ses commissions de procéder 5 une enquête sur l'âge moyen dr trois ealégories de gens :
1° Ceux qui s'abstiennent complètement de boissons alcooliques;
2° Ceux qui en usent modérément ;
3° Ceux qui en font abus.
Cette commission vient de déposer son rapport qu'elle publie dans le bulletin de la Société.
Ses observations ont porté sur 4234 cas de décès, portant sur cinq catégories d'individus, et voici l'âge moyen atteint par chacune de ces catégories :
1° Ceux qui ne boivent pas du tout l'alcool : 51 uns 22 jours; 2° Ceux qui sont modérés dans leur consommation alcoolique : 63 ans 13 jours :
3° Ceux qui boivent sans intention de se griser, par simple imprudence : 59 ans 67 jours; 4° Les buveurs habituels : 57 ans 59 jours; 5° Enfin les ivrognes : 53 ans 13 jours.
Il résulte donc de cette statistique, que l'âge lo plus avancé est atteint par ceux qui boivent modérément, ce qui parait assez naturel ; mais ce qui l'est moins, c'est que le minimum de vie soit pour les abstinents, au lieu d'être, comme on le croirait, pour les ivrognes incorrigibles.
Pour mieux dormir
Le Dr Wilhem Fischer a fait toute une série de recherches pour établir quelle est la façon la plus rationnelle de dormir. Vous me direz que ceux qui dorment se moqueront un peu des belles recherches du docteur. Cette objection ne fa pas arrêté et il a public le résultat de ce laborieux travail.
Pour bien dormir, pour obtenir le plus rapidement et le plus sûrement le repos intellectuel, il faut dormir la tête basse et les pieds élevés, ou tout le moins horizontalement. Dormir, comme le font d'ordinaire les Ignorants, lu tête tant soit peu élevée est une hérésie.
Voici pourquoi, vous le devinez sans peine; dans cette attitudo le cerveau est mieux irrigué.
Devinant sans doute les difficultés d'adoption d'une habitude si opposée à celle de tout le monde, l'auteur propose do n'agir que graduellement.
On supprimera un oreiller par exemple tous les 14 jours, puis quand on aura atteint la position horizontale on la gardera un certain temps ; alors on commencera, chaque nuit, à placer ses membres inférieurs dans une position de plus en plus élevee par rapport à la tête. ur arriver en tin de compte à dormir, non pas comme d'ordinaire la tôle sur l'oreiller, mais les pieds sur l'oreiller.
Déglutition de dentiers pendant le sommeil.
Le professeur Krönlein [de Zurich-, dnns une communication faite à la Société odontologique sursse, a rapporté quatre cas personnellement observés de râteliers avalés pendant le sommeil ; un de ces cas s'est termine par la mort.
Le premier de ces cas est celui d'une femme de trente ans qui vint se faire soigner une heure après l'accident. La pièce fut extraite à l'aide du panier de Gräfe.
Une seconde malade, après des tentatives inlructucuscs d'extraction, vint, au bout de douze heures, à la clinique ; on lui tit immédiatement l'œsophagotomie externe et elle guérit en l'espace de quatre semaines. Une troisième femme de trente-deux ans fut de même sauvée par 1'œsophagotomie pratiquée onze heures après l'accident.
Chez le quatrième malade, le seul homme de cette série, bien qu'il fut très affirmatif sur la'présence d'un dentier dans son tube digestif, les sondes œsophagiennes les plus volumineuses ne rencontraient aucun obstacle. On admit que la pièce était arrivée dans l'estomac. Le cinquième jour, une hémorragie considérable se fit jour à la fois par la bouche et par l'anus. Le malade fut amené alors à l' hôpital. Une sonde œsophagienne volumineuse arriva sans difficulté jusque dans l'estomac. Néanmoins, comme on percevait dans le catéthérisme un léger frottement, M. Kronlein fit l'œsophagotomie et trouva la pièce logée dans la paroi œsophagienne; cette pièce avait sa concavité tournée vers le milieu du conduit et c'est cette disposition qui permettait le passage des sondes. Malgré l'extraction, le malade succomba quinze jours après l'opération d'une hémorragie que l'autopsie montra venir de l'artère thyroïdienne inférieure droite ulcérée.
M. Krônlien à relevé, dans la littérature médicale, 37 cas d'œsopha-gotomie faite pour enlever des pièces dentaires avalées; il y a eu 29 guérisons et 8 morts.
Conclusion : conseiller aux porteurs de pièces dentaires non seule ment de les maintenir en bon état, mais encore et surtout de les relirer la nuit.
NOUVELLES
Société d'hypnologie et de psychologie
La Société- d'hypnnlojfie se réunira en séance ordinaire le lundi 8 Juin. à quatre heurtes et demie précises, nu palais des Sociétés Rayantes, 28. rui-Serpente, sous la presidence de M. le Dr Dumontpallier.
1° Lecture» et communications diverses.
2° Cré-entât Ion des malades.
3° Vote sur l'admission de nouveaux membres.
AVIS. — Afin d'éviter les frais de recouvrement, MM. les membres étrangers sont invités à adrsser directement par la poste le montent du droit d'admission (10 fr.), et leur cotisation annuelle (15 fr.), à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, rue de Rivoli, 40 bis.
Avis important. — La séance annuelle de la Société aura lieu le lundi 16 juillet. Les auteurs sont invités à adresser à l'avance au secrétaire général le litre de leurs mémoires ou communications.
Comme les années précédentes, le banquet annuel aura lieu à 7 heures, après la réunion, quelques leçons seront consacrées aux applications psychothérapiques de l'hypnotisme.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique
Institut pmchu-physiologique de Paris, 49, rue Saint- Andrc-des-Arts.— L'Instltut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1891 pour l'étude dc« applications cliniques. médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants, un enseignement pratique permanent sur les questions qui relèvent de l'hypnotisme et do la psychologie psysiologique.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée à l'Institut psychologique. Des consultations gratuites ont lieu les mardi-, Jeudis et samedis, de 10 h. a midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis a y assister et sont exercés à la pratique de la psychothérapie.
Hospice de La Salpetriére. - Le docteur Auguste Voisin a repris ses
conférences cliniques sur les maladies et les affections nerveuses , le jeudi 31 mai 1894, à 10 h du matin, e. le- jeudi, suivants .Ma même heure
quelques leçons seront consacrées aux applications cliniques a l'hypnotisme.
Académie des sciences. — l'Académie a procédé à l'élection d'un membre titulaire dans la section de médecine en remplacement de Et. B rown-Séquard. M. d'Arsonval, professeur suppléant au Collège de France, a été nommé par 31 suffrages contre 23 donnés à M. Ollier de Lyon.
Colonie d'epileptiques a New-York. — La législature de l'Etal de New-York vient de voler une lot réglementant l'établissement d'une colonie d'épilepliques dans l'Etat do New-York. 1 . Les terrains mis à la disposition de la colonie sont parfaitement appropriés. La direction en est confiée à un médecin assisté de plusieurs confrères et qui aura la haute main sur toul le personnel. Il sera assisté de professeurs et d'ouvriers capables de diriger les épileptiques apprentis dans les divers métiers. Le nombre des épileptiques admis à la colonie, sera 1500 à 2000.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
Abus des drogus (l'), 348. Académie de médecine de Belgique, 120.
Accouchement (sommeil suggéré
dans l'), 324.
Affaire Chamblge (étude de psychologie criminelle), par J. Liégeois,
234.
Affections du système nerveux (de la suggestion hypnotique comme moyen de diagnostic des), 118.
Aliénés (faux témoignages des), 249.
Aliénés (modification à la loi de 1858 sur les), 286.
Aliénés criminels ayant les apparen-
- ces de la raison, par Rouby, 97.
Aménorrhée et métrorrhagie coinci-dans avec l'apparition et la disparition de la monoplégie. 135.
Amour (Tolstoï et la philosophie de 1'). 88.
Anesthésie chirurgicale par suggestion, par Bourdon, 59.
Association de la Presse médicale, 94, 283.
Association neurologique américaine, 191.
A travers les états passifs, le sommeil et les rêves, par Liébault. 41, 65, 106, 135.
Attentat contre M. Gilles de la Tou-rette (l'). 222.
Audition colorée, 159.
Avantages du sommeil suggéré contre certaines douleurs, en particulier contre celles de l'accouchement, par Le Menant des Chesnais, 324.
Banquet offert aux médecins de l'escadre russe, 156.
Banquet de la Société d'hypnologie et de psychologie, 60.
Bégaiement nerveux traité par la suggestion hypnotique, guérîson complète en trois séances, par A. Ma-vroukakis, 176.
Brown-Séquard (éloge de), par Du-montpallier, 331.
Brown-Séquard (nécrologie), 317.
Caractères différentiels des deux somnambulismes, le provoqué et le spontané, par Mesnet, 161.
Charcot (éloge de), par Dumontpal-lier. 171.
Charcot (nécrologie), 63.
Cinquantenaire du doctorat du Dr Mavroseni pacha, 347.
Civilisation (influence de la), 314.
Claustrophobie guérie par la suggestion hypnotique (un cas de), par Gorodichze. 53.
Congrès de Rome, 314, 321.
Congrès international de médecine de Rome (XIe), 285.
Congrès de l'Association française à Besançon, 61.
Congrès de médecine mentale, 28.
Contagion du meurtre (la), par Paul Aubry. 306.
Contractures hystériques dans une école de village (épidémie de). 95,
Criminels ayant les apparences de la raison (aliénés), 97.
Croix pour le Dr Liébeault (la), 183.
Cours a l'école pratique de la Faculté de Médecine, 288, 319.
Dégénéres (fréquence de l'onycho-
phagie chez les), 1. Dégénérescence, élude critique, par
Henri Valentino, 336. Dégénérescence, par Max Nordau,
286.
Délire caféinique, 93. Distinctions honorifiques, 92, 182. Diagnostic chirurgical posé au moyen
de l'hypnose (deux cas de), par J.
Delbœuf, 35. Doctorat en droit (le), 315. Double conscience et hypnotisme,
par le professeur Azam, 28, 62. Douleur (sommeil suggéré contre la),
324.
Ecole arabe et la croyance aux sortilèges (l'), par Proust, 20.
Eloge de Charcot a la Société de médecine de Berlin. 182.
Enfant menteur (une observation d'), 17.
Enfants (habitudes automatiques
chez les), 27. Enquête sur les habitudes automa-
tiques chez les enfants (une), 22.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique, 28,
60, 92, 126, 155, 191, 223, 287, 318,
352.
Epidémie de contractures hystériques dans une école de village, 95.
Epidémie d'hypnotisme, 375.
Epidaure (le temple d'), 349.
Epileptiques (éducation des), 187.
Esprits frappeurs (les), 92.
Expériences d'hypnotisme (nouvelles), par Henri Hulst. 180.
Expérience de transmission de volonté (une), par Ch. Benoist, 165
Extériorisation de la sensibilité (de la sensibilité à distance et de l'), par P. Joire, 172.
Famille névropathique (la), 351.
Fascination (la). 220, 254
Faux témoignages des aliénés devant la justice, 249.
Force des mains chez les nouveaux-nés, 95.
Force de volonté, 229.
Gaieté agent curatif (la), par F. Bre-
mond, 277. Graphologie et psychologie. par Va-
rinard. 343
Habitude automatique guérie par suggestion. 11.
Habitudes automatiques chez les enfants (enquête sur les), 22.
Habitudes vicieuses associées, chez une petite fille. Onanisme et ony-chophagie traités avec succès par la suggestion, par E. Bérillon, 90.
Hématophobie (de l'), par Gélineau. 136
Hygiène des gens nerveux. 256. Hyperesthésie de la sensibilité chez
un sujet hypnotisé, par Mavrouka-
kis, 143 Hypnotisme en Russie (l'), 28. Hypnotisme et double conscience,
28, 62.
Hypnotisme chez les Annamites, 127.
Hypnotisme et la résistance aux suggestions par A. de Jong, 130.
Hypnotisme à l'Académie de Médecine de Belgique (l'), 152.
Hypnotisme dans la genèse des miracles (de l'), par F. Regnault, 270.
Hypnolisme en Angleterre (l'), 284.
Hypnotisme à l'hôpital de Munich (l'). étude critique, par Bernheim, 289.
Hystérie avec hallucinations psychiques. Influence singulière et durable produite par la vue d'un in-
connu, par Valude, 57.
Hystéro-épilepsie traitée par la suggestion, 15.
Idiotie (l'), par Jules Voisin, 128.
Incontinence nocturne d'urine traitée par suggestion, 14, 15.
Incontinence d'urine (le traitement psychique de l'), 359.
Index bibliographique international, 96, 128, 160, 192, 288.
Influence de la civilisation sur l'organisme, 314.
Influence des parfums sur la voix, 347.
Insomnie (une nouvelle cause d'), 347.
Jalousie morbide, compromettant la vie, guérie par la suggestion hypnotique, par Bounlon, de Méru, 141.
Journalisme médical (le), 157.
Juif-errant à la Salpétrière (le). 146.
Laboratoire de psychologie physiologique à Bruxelles (un), 155.
Lecture des pensées (la), 252.
Lettres de Belgique, 150.
Loi sur l'hypnotisme devant l'académie de Belgique, 120.
Maladies et hygiène des gens nerveux, par Gélineau, 256.
Mémoire des hypnotisés (la), 29.
Mémoire visuelle, 190.
Mémoire dans le somnambulisme provoqué (de la), par Jean Crocq, 301.
Meurtre (la contagion du). 306.
Militaire (phobies envisagées au point de vue du service), 241.
Miracles (hypnotisme dans la genèse des, 270.
Monoplégie brachiale hystérique produite par te sulfure de carbone, guérison par la suggestion. 127.
Monoplégie hystérique guérie par suggestion. Aménorrhée et métror-rhagie coincidant avec l'apparition et la disparition de la monoplégie, par Félix Regnault, 135.
Nosophobie (auto-suggestion dans la), 370.
Morphinisme chez les chiens, 376.
Morphinomanie par la suppression lente (traitement de la), par O. Jen-nings, 346.
Musiciens (troubles nerveux observés chez des), 85.
Mutisme hystérique avec conservation de la faculté de chanter, 185.
Narcolepsi (Observation de), par
Gélineau. 332. Nerveux à la suite de traumatisme
(œdème) , 158. Neurasthéniques (psychologie des),
185.
Neurasthéniques (phobies), 241.
Neurosthénie. 230.
Névralgie faciale avec clignotement des paupières, datant de trois ans, guérie en une seule séance par la suggestion hypnotique, par Bourdon, 175.
Névralgie trifaciale traitée par suggestion, 55.
Névrose traumatique (la commotion de la moëlle et la), 186.
Onanisme et Onychophagie, traités avec succès par la suggestion, 90.
Onanisme traité avec succés par suggestion. 12, 13, 14 ; 15.
Onychophagie, sa fréquence chez les dégénérés, par E. Bérillon. 1.
Onychophagie guérie par suggestion, 12, 13, 14.
Onychophagie par imitation. 14, 15.
Ouvrages reçus à la revue. 32, 96. 191, 224, 320, 352.
Paralysie non hystérique (trois cas de), guérison par la suggestion, par Vatzel, 178.
Paresse traitée par la suggestion, 13.
Phobies neurasthéniques envisagées au point de vue du service militaire (les), par Bérillon, 241. Pouchet Georges (nécrologie). 316 Pseudo-extériorisation de sensibilité (à propos de la), par Crocq fils,
Pseudo-phobies (les), 353. Psychologie criminelle (étude de), 234.
Psychologie et graphologie, 343. Psychologie du neurasthénique (la). 184.
Résistance aux suggestions (l'hypno-
tisme et la), 130. Réunion annuelle de la Société d'hyp-
nologie et de psychologie, 52. Revue bibliographique. 128, 159, 220. Rêves (les), 41.
Rêve amenant un torticolis, 119.
Sentiment et la pensée (le), 350. Sensibilité (pseudo-extériorisation de la), 172, 217.
Sensibilité a distance et de l'extériorisation de la sensibilité (de la), par P. Joire. 172.
Service militaire (les phobies neurasthéniques envisagées au point de vue du). 241.
Société d'hypnologie et de psycholo-gie, 52, 91, 126, 154, 170, 190, 215, 222, 234, 265, 301, 318, 324, 351.
Sommeil et les rêves (à travers les états passifs. le),. 41, 65, 106, 135.
Sommeil suggéré contre certaines douleurs, en particulier contre celles de l'accouchement, 324.
Somnambules extra-lucides (défi porté aux), 28.
Somnambulisme nocturne traité par suggestion, 13.
Somnambulisme provoqué (de la mémoire dans le), 301.
Somnambulisme (un cas de), par Charcot, 24.
Somnambulismes, le provoqué et le spontané (caractères différentiels des deux), 161.
Somnambulisme provoqué et la fasci-nition (le). par Mesnet, 220, 254.
Sortilièges (l'école arabe et la croyance aux), 20.
Suggestions criminelles (les), par Ai
Voisin. 216. Suggestion criminelle (une), 375. Suggestion hypnotique comme moyen
de diagnostic des affections du sys-
tème nerveux, par Ernould. de
Liège, 118. Suggestion hypnotique (guérison par
la), 119.
Suggestion hypnotique (névralgie faciale avec clignotement des pau-pières, datant de trois ans, guérie par la), 175.
Suggestion hypnotique (bégaiement nerveux traité par la), 176.
Suggestion indirecte (la), par A. Ma vroukakis, 266.
Suggestion originale (a propos d'une), 182.
Synopsie (phénomènes de), par Flour-noy, 159.
Tact médical, 315.
Thérapeutique suggestive : comme quoi le vrai n'est pas toujours vraisemblable, par Liébeault. 208.
Tolstoï et la philosophie de l'Amour, par G. Dumas, 88.
Torticolis Intermittent survenant sous l'influence d'un rève, guérison
par la suggestion hypnotique. par Jules Voisin. 119. Troubles du caractère, traités par
suggestion, 12, 13, 15.
Troubles mentaux traités avec succès par la suggestion, par A. Voisin,
Troubles nerveux observés chez des musiciens, par Lloyd-Tuckey, de Londres,85.
Transmission de volonté (une expérience de). 165.
Vie et la pensée (la), 365.
Volonté (expériences de transmission
de), 165. Volonté (la), par L.. Manouvrier.
Vomissements incoercibles chez une femme enceinte de quatre mois traites par suggestion par Cho-teau, 248.
Vulgarisation médicale (la), par E. Monin, 25.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Azau. 28, 62. Auhry ( Paul), 300.
Benost (Chartes), 165.
Bérillon. 1, 90, 178, 24l, 276, 317, Bernheim. 289. Boirac. 146, 171. Bouchard. 61. Bourdon. 59, 141, 175. Bremond (Felix), 277. Brunon. 127. Byrom-Bramwell. 186.
Charcot, 33.
Charlier, 64
Choteau. 248.
Colas (Albert). 88, 365.
Crock (Jean. 120, 122, 123, 121, 125,
154, 217. 276, 301. Cullerre, 249.
Denis (Astère). 153. Delbœuf. 29, 35, 182. Devay, 378.
Dumontpallier. 110, 171, 177, 222, 250,
277, 318, 330 Dumas (Georges), 88.
Ermengem (Van), 123, 124. Ernould, 118. 146.
Faisans, 93 Féré 351.
Fiske-Bryson (Louise). 187. Flournoy, 159. Foumier, 181.
Gélineau. 136, 256, 332. Gilles. 125. Godfernaux. 350. Gorodichze. 53. Guinard, 378.
Hart, 157.
Harisson-Griflin, 158. Hirt, 95. Horwitz, 158. Hulst (Henri), 180.
Jennings (O.). 346,
Joire (Paul). 172.
Jong (A. de). 129, 177, 178.
Leyden, 182.
Liebeault, 41, 65, 106, 183, 208. Liegeois, 234. Lloyd-Tuckey, 85.
Manonvrier, (L.), 193, 225, 257. Masoin, 121, 122, 123, 121, 125, 126,
153, 154. Mavroukakis. 143, 170, 266. Meige (Henry). 146. Menant des Chesnais (Le). 324. Mezeray (E. de). 17. Mesner 161, 220, 254. Michaud. 127. Monin. 28.
Montorgueil (Georges), 252.
Nordau (Max). 288.
Pacetli. 191. Pardo. 347. Pioger (Julien), 270. Ploix. 318. Pouchet, 32.. Proust. 20.
Regnault. 135, 270, 277. Robinson. 95. Rouby. 97. Rommelaere; 124.
Schiff. 92. Senator. 126. Simon (Jules). 95. Stokvis, 348.
Tatzel. 178.
Thiry, 121, 122, 125, 126.
Valentino (Henri). 336.
Valude. 57.
Varinard (P.), 343.
Voisin (Anguste). 55, 116, 178, 216.
Voisin (Jules). 119.
Velsen (Prosper Van, 152.
Winiwarter (Von), 39.