hypno_1892
REVUE
DE
L'HYPNOTISME
ET DE LA
PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
PARIS. — IMPRIMERIE BREVETÉE MICHELS ET FILS, PASSAGE DU CURE. 8 ET 10
REVUE
L'HYPNOTISME
ET DR LA
PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
Paraissant tous les mois
PSYCHOLOGIE — PÉDAGOGIE — MÉDECINE LÉGALE MALADIES MENTALES ET NERVEUSES
Rédacteur en Chef : Docteur Edgar BÉRILLON
PRINCIPAUX COLLABORATEURS :
MM. les Docteur» AZAM. professeur i la Faculté de Bordeaux; BARETY (de Nice): DE BEAU VAIS, médecin do Mazas; BERNHEIM, prof. à la Faculté de Nancy :L BOUYER (d'Angoulême) : BREMAUD de Brest) BRIAND, médecin de l'Asile de Villejalf : CHARCOT, prof, à la Faculté de Paris, membre de l'Institut ; CHIILTOFF, professeur i l'Université de Kharkoff: COLUNEAU; COSTER (d'Amsterdam); W. DEKHTEREFF (de St-Pétersbourg); DUMONTPALUER, méd. de l'Hôtel-Dieu : Eug. DUPUY; Van EEDEN (d'Amsterdam): A. FOREL (de Zurich;; FRAENKEL (de Dessau); HACK Ti:KE (de Londres); G.GAUTIER; GRASSET, prof, à la Faculté de Montpellier; KINGSBURY (de Blackpool); W. IRELAND (d'Edimbourg): LACASSAGNE. professeur à la Faculté de Lvoo; LADAME (de Genève); LIEBEAULT (de Nancy): LEGRAIN, méd. de l'Asile de Vaucluse;
Emile LAURENT; LLOYD-TUCKEY (de Londrea); LETOURNEAU. prof. A l'École d'Anthropologie; MAS0IN, prof. A l'Univ. de Louvain; MANOUVRIER, prof, i l'École d'Anthropologie: MESNET. médecin de l'hôtel-Dieu : MABILLE. méd. en chef de l'Asile de Lafond; Paul MAGNIN ; MOLL (de Beriin); I. OCHOROWICZ ; MORSELLI, professeur A l'Université de Gènes ;
Von SCHRENK-NOTZING (de Munich) ; SPERUNG (de Berlin); SEMAL (do Mous); Aug. VOISIN, médecin de la Salpétriere, eu.; STEMBO (de Vilna); 0. WETTERSTRAND (de Stockholm); et MM. A. LALANDE, agrégé de l'Univ.; LIÉGEOIS, prof. A !a Faculté de droit de Nancy ; DELBOEUF. professeur à université de Liège; Pierre JANET, agrégé de ITniv.; Mas DESSOIR rde Berlin;; A. NICOT ; A. DE ROCHAS; Jules SOURY ; Emile YUNG, prof, à a'niv. de Genève, etc., etc. Secrétaire de la Rédaction : E. LE GALI.
LE NUMERO : 75 CENT.
PARIS
RÉDACTION ADMINISTRATION
40 bis, rue de Rivoli 170, rue Saint-Antoine
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
LA SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
En 1889, à la fin du Congrès international de l'Hypnotisme, un de nos distingués confrères, M. le IV Levillain, dans le bat de resserrer les liens qui s'étaient établis entre les savants français et étrangers, et de créer un terrain d'entente pour tous ceux que préoccupent les études sur l'hypnotisme, avait émis la proposition de fonder à Paris une société d'hypnologie. Cette société établirait des relations permanentes avec les sociétés similaires de tous les pays.
Comme la grande majorité de ses collègues du Congrès, le Dr Levillain avait pensé que les divisions qui séparaient les diverses écoles étaient plus apparentes que réelles et qu'elles avaient surtout leur origine dans les difficultés qu'éprouvent les expérimentateurs lorsqu'ils Teulent soumettre les phénomènes étudiés par eux au contrôle des hommes compétents.
Envisageant la question à un point de vue élevé et faisant abstraction de tout parti-pris d'école ou de doctrine, il faisait reposer sa proposition sur les considérations suivantes, qu'il nous parait utile de rappeler :
« Il y a sûrement, disait-il, à côté de l'hypnotisme moral, un hypnotisme physique; car personne n'oserait soutenir aujourd'hui qu'il y a un système nerveux moral fonctionnant indépendamment du système nerveux anatomique. L'hypnose ou mieux l'ensemble des phénomènes si variés de ce que nous appelons tous l'hypnotisme, peut commencer tantôt par le côté moral ou psychique, c'est la suggestion; tantôt aussi par le côté physique, c'est le braidisme. Mais, quel qu'en soit le point de départ, il y a toujours à côté de l'influence et de l'état suggestif, une influence et un état organiques correspondants, de môme qu'il y a toujours derrière le braidisme un état psychique ou moral proportionnel à l'intensité du procédé et de ses résultats physiques.
« Il n'y a donc pas deux hypnotismes, il n'y en a qu'un ; mais il peut «'introduire dans l'organisme humain par deux portes différentes et s'offrir à nous, primitivement du moins, sous deux aspects différents. Ce sont ces conditions psycho-physiologiques, ces deux faces spéciales des effets hypnotiques, qu'il faut étudier avec patience, déterminer avec précision et enregistrer avec méthode.
« Il n'est pas besoin d'explications théoriques pour le moment, ni de généralisations ordinairement trop hâtives : il est besoin de faits précis et nombreux, observés avec impartialité, analysés avec finesse et décrits avec la méthode rigoureuse des investigations scientifiques modernes.
« Ce sont ces faits qui nous permettront plus tard de formuler des lois. >
Ce sont ces idées générales qui amenaient notre confrère à demander la création d'une société dont les réunions périodiques permettraient de favoriser les recherches communes et d'arriver à des conclusions rigoureusement scientifiques. Cette proposition répondait si bien au besoin d'entente qui animait tous les esprits, que l'assemblée, avant de se séparer, vota à l'unanimité la constitution d'une société d'hypnologie. Pour assurer la réalisation de son vœu, elle proclamait comme membres du bureau d'organisation. MM. Dumontpallier. G. Ballet, Grasset, Liégeois. Auguste Voisin et Bérillon. membres du bureau du Congrès. Un grand nombre de savants français et étrangers donnaient immédiatement leur adhésion et s'inscrivaient sur la liste des membres fondateurs.
Depuis le vote de cette proposition, l'évolution qui entraîne les esprits philosophiques vers l'étude de l'hypnotisme s'est encore accentuée et les organisateurs ont pensé que le moment était venu de mettre a exécution la décision du Congrès international. Les mêmes tendances se manifestaient simultanément en Allemagne, par la formation de la « Société 1 allemande d'études psychologiques », destinée à poursuivre un but à peu ] près analogue.
La réunion de la « Société d'HypnoIogie » aura lieu à Paris, le lundi I 20 juillet, au Palais des Sociétés savantes, sous la présidence de I M. le Dr Dumontpallier, médecin-de l'Hôtel-Dieu.
Les communications et les discussions occuperont plusieurs séances, j Tout fait prévoir que. sans cependant sortir du domaine positif de la 1 clinique et de la médecine légale, elles présenteront un grand intérêt I pour tous ceux qui suivent de près le mouvement philosophique I contemporain. Les jurisconsultes, magistrats et avocats, ne peuvent rester 1 indifférents en présence de ces expériences qui permettent (l'envisagera sous un nouveau jour les limites de la responsabilité pénale. Les psy-
chologues et les pédagogues ne peuvent manquer non plus de porter leur attention sur des recherches appelées à donner la clef de quelques-ans des mystères de l'âme humaine.
Mais s'il en est que la question de l'hypnotisme doive préoccuper à plus d'un titre, ce sont surtout les médecins. N'ont-ils pas à vérifier la valeur du procédé thérapeutique dont tant de praticiens estimés préconisent actuellement l'emploi?
Naguère encore, dans certains milieux médicaux, il était de bon goût de nier systématiquement les résultats thérapeutiques attribués à l'hypnutisme. 11 semble qu'une évolution se soit opérée dans beaucoup d'esprits qui, tout en admettant, aujourd'hui, l'action physiologique de la suggestion, sont encore animés de la préoccupation d'en limiter les indications. C'est ainsi que M. Dujardin-Beaumetz disait récemment dans une de ses conférences de l'hôpital Cochin :
« Grâce â l'étude plus attentive des phénomènes de suggestion, nous pouvons établir aujourd'hui les bases d'une psychothérapie; mais cette psychothérapie ne sera jamais qu'une exception dans la pratique de notre art; si l'on veut, toutefois, la limiter aux phénomènes d'hypnotisme proprement dits ; car, comme je l'ai démontré, depuis la création de la médecine jusqu'à nos jours, la suggestion, c'est-à-dire l'influence du médecin sur son malade, a joué, et jouera toujours, un rôle considérable dans le résultat de la médication qu'il ordonne. C'est là un fait qui rentre dans ce grand groupe de la vie animale, qui veut que certains ¿tres aient l'influence sur d'autres. Mais il restera toujours ce grand groupe de la pathologie qui constitue les maladies proprement dites : les pneumonies, la fièvre typhoïde, le rhumatisme, etc., etc., contre lesquelles il nous faudra employer une médication spéciale, dans laquelle l'hypnotisme ne peut jouer aucun rôle; et supposer un seul instant que l'on pourrait, par la seule affirmation, faire disparaître tout le cortège des symptômes morbides, c'est une illusion, et — pis que cela — une erreur. »
Que l'honorable académicien se rassure. Les cliniciens qai s'adonnent avec le plus de passion aux applications thérapeutiques de l'hypnotisme, ne sont pas tentés de sortir des limites de la neuropathologie et de la psychiatrie. Et le champ en est vaste, l'our s'en assurer, il suffit de voir les maladesqui, sur le conseil de leur propre médecin, viennent frapper à la porte des cliniques de psychothérapie. C'est d'abord la légion des hystériques présentant le cortège des symptômes variés de cette névrose protéiforme. Ce sont ensuite les neurasthéniques qui viennent demander à la suggestion un secours contre leurs insomnies, leurs souffrances phy-
siques, leur aboulie et leurs idées obsédantes. Ce sont aussi, quoi qu'on en ait dit, des malades atteints d'affections chroniques, de tabes, de sclérose en plaques qui, ainsi que des observations, déjà nombreuses, recueillies par des médecins estimés, viennent en témoigner, obtiennent pour leurs troubles oculaires, ceux de la mixtion et pour divers autres symptômes un soulagement plus ou moins durable qui leur avait été refusé par les autres médications. On ne se doute pas du nombre considérable de déséquilibrés et de dégénérés qui trouvent souvent dans la suggestion un frein contre leurs impulsions, un stimulant utile contre leur dépression cérébrale et une direction morale efficace contre le désordre de leur esprit. Il n'y a pas jusqu'à des épileptiques qui n'aient bénéficié de la suggestion et n'aient va se modifier favorablement, sous son influence, leur état général et leur état mental. Nous voudrions aussi qu'on nous indiquât un traitement qui soit plus rationnel contre les tics, les chorees anormales, les habitudes vicieuses, les penchants pervers, l'onanisme, les terreurs nocturnes, l'incontinence d'urine qu'on observe si fréquemment chez les prédisposés et les nerveux précoces.
Plusieurs de nos confrères étrangers ont appliqué la suggestion avec succès au traitement de la dipsomanie. Tous les jours de nouvelles observations de morphinomanie guérie par le traitement suggestif sont publiées par des médecins exerçant dans les pays les plus opposés. Enfin, la suggestion, qui doit être considérée avant tout comme-une médication de symptômes, a fait ses preuves contre des insomnies réfractaires à tout traitement, des névralgies rebelles, des douleurs musculaires anciennes. Elle constitue enfin un agent antispasmodique de premier ordre
Que peut-on demander de plus à une thérapeutique née d'hier? A moins qu'on ne veuille mettre en doute la probité et la valeur scientifiques de savants et de cliniciens comme MM. Kraft-Ebing, Prayer, Morselli, Forel, Wetterstrand, Moll, Ladame, Sperling, Schrenk-Notzing, Lloyd-Tuckey, Cruise, Van Renterghem, D union tpallier, I.iébeault, Bernheim, Ileaunis, Déjerine, Auguste Voisin, Briand, Jules Voisin, etc., il faut reconnaître que l'hypnotisme a acquis droit de cité dans la thérapeutique contemporaine.
Est-ce à dire que cette méthode ne comptera point d'insuccès, même appliquée par les médecins les plus compétents et les mieux exerces? Personne n'a dit cela. Ce qu'on doit déclarer, au contraire, c'est qu'il n'est peut-être pas de procédé qui présente dans son application plus de nuances délicates à apprécier, qui nécessite un apprentissage plus complet et des aptitudes spéciales plus difficiles à acquérir. Voilà pourquoi les résultats de la suggestion sont si variables selon les médecins qui l'appliquent. Il ne faut pas chercher ailleurs le secret des divergences
d'opinion qui se manifestent au sujet de la valeur thérapeutique de l'hypnotisme.
Il appartiendra à la Société d'hypnologie, de l'examen approfondi et de la comparaison de faits nombreux qui lui seront présentés, de déduire d'une façon précise les indications de la psychothérapie et de formuler les principes qui lui donneront le caractère d'une médication positive et rationnelle.
Son œuvre s'accomplira sans précipitation, par la force même des choses, et l'on peut prévoir le moment où toute discussion d'école ayant pris fin. il n'y aura pins en présence que les médecins qui se désintéresseront des études sur l'hypnotisme et ceux qui les envisageront comme une des applications les plus utiles et les plus intéressantes de la psychologie physiologique. Dr Edg. Bérillon.
LES OBSESSIONS(I)
Par M. le Dr van EEDEN, d'Amsterdam.
Les « Zwangs Vorstellungen » — comme a nommé le premier le professeur von Kraft Ebing : « les idées fixes dont la durée et l'intensité morbides sont appréciées par le malade » — forment un groupe de psychoses qui n'etnbrasse pas entièrement, à ce qu'il me semble, ce que j'entends par obsessions. Une partie restreinte seulement de la vie psychique du malade présente une altération pathologique, et ni la raison, ni le jugement ne se trouvent altérés dans l'obsession. Le point de départ de beaucoup d'états d'angoisse, par exemple, n'est nullement une « Zwangs Vorstellungen » (conception obsédante). Il n'y a conception obsédante que du moment où la pensée déraisonnable d'un acte quelconque — celui, par exemple, de se précipiter du haut d'une tour, ou de se jeter devant une locomotive en marche, ou bien de tuer une personne aimée — s'introduit et se loge dans le cerveau, avec tant d'obstination, que. le malade se sent contraint à exécuter l'acte contre son gré et malgré une résistance sérieuse de sa part.
Lorsqu'un neurasthénique, comme on l'observe souvent, est obsédé sans relâche de l'idée qu'il se jettera à l'eau, quoiqu'il ne sente nul dégoût de la vie, bien qu'il considère le suicide comme un acte insensé que même, il craint la mort, et lorsqu'il voit sans discontinuer cet acte s'accomplir mentalement avec des variations incessantes; ou
(I) Communication faite i la séance d'hiver de la Société des Psychiâtres, à Utrecht, novembre 1800.
bien lorsqu'un autre est tourmenté de l'idée que ce serait une chose effroyable que de tuer ses enfants, qu'il commence à craindre de ne pouvoir s'empêcher de commettre ce crime et que poussé par cette crainte, il évite ses enfants, cache tout instrument tranchant et que cette idée fixe hante jour et nuit, c'est dans ces cas qu'on peut parler de conceptions obsédantes.
L'agoraphobie et la claurstrophobie ne sont pas des Zwangs vorstellungen » (conceptions obsédantes), la conception préalable faisant difaut. L'idée de frayeur se présente tout d'un coup éveillée par l'impression du milieu, par la vue d'un grand espace, par l'assurance qu'une porte est fermée. Ce n'est que plus tard, après avoir éprouvé cette émotion d'angoisse, que les malades évitent les grands espaces, ou les espaces fermés, par crainte de la frayeur. Ici c'est donc l'angoisse qui fait l'obsession, — c'est une émotion obsédante.
Cette opinion est opposée à la définition donnée par Westphal, qui admet comme signe caractéristique de ce genre de psychoses, une conception précédant l'émotion. Plusieurs fois cependant des malades m'ont assuré que la frayeur s'est imposée tout à coup sans qu'ils s'y attendissent le moins du monde et que leur conduite anormale résultat de la tendance d'éviter tout ce qui pourrait de nouveau éveiller l'angoisse. On peut s'assurer qu'il en est bien ainsi surtout dans la frayeur qu'inspire l'orage, phénomène qui peut se présenter isolément et passagèrement chez des personnes du reste parfaitement normales. S'iTn'y a pas d'orage, le seul symptôme psycho-pathîque présententé par ces personnes est la crainte de leur frayeur. La plupart des auteurs, du reste : Morel, von Kraft-Ebing, Legrand du Saulle, partagent cette opinion.
L'écholalie, la coprolalie, la manie blasphématoire ne constituent pas davantage des conceptions, mais simplement des impulsions obsédantes, sans conception préalable. Toutes ces affections ont l'obsession en commun. Cela veut dire que l'intelligence contrôlante, la volonté consciente ne disposent plus de l'autorité normale sur une part de la vie psychique. Les malades savent que leurs actes, leurs pensées, leurs émotions sont dénués de fondement, mais ils ne peuvent les empêcher. Il me semble que le mot « obsession », choisi par les auteurs français, est bien celui qui définit ces états avec le plus de précision.
L'obsession revêt des aspects infiniment variables, et je suis d'avis que ce groupe de psychoses a été encore relativement peu systématisé. Ce n'est pas que ces affec'ions soient rares ou dénuées d'intérêt. Elles sont au contraire assez communes et constituent une affection grave pour le malade et très intéressante pour le psychiatre. Cependant ces états psychopathiques sont rares dans les asiles; beaucoup de malades, du
reste, aiment a taire leur maladie, de sorte qu'on peut établir comme règle que les patients de cette espèce voient dans leur maladie un état exceptionnel, puisque jamais ils n'ont entendu parler de quelque chose de semblable, ni par leurs parents ou amis, ni par leur médecin. Comme ils Toient dans la suggestion hypnotique un contre-poison spécial de leur maladie — et il faut avouer qu'ils n'ont pas tout a fait tort, — U se fait que le p«ychc-thérapeute a l'occasion d'observer mieux que les autres médecins la multiplicité et la variété de ces psychoses.
Je veux essayer, en groupant ces états psychopathiques, de contribuer à une nomenclature systématique.
1* Il y a d'abord les conceptions obsédanles; ici l'obsession ressort d'une conception précise et détaillée d'un acte quelconque qui acquiert une force impulsive.
2° Il y a en deuxième lieu les émotions obsédantes, surtout l'angoisse, dans lesquelles une émotion momentanée, une impression — que pourrait ressentir aussi bien un homme normal, mais qu'il réprimerait aussitôt, — domine la volonté et la raison. Le point essentiel caractérisant cet état est que tes malades ne savent pas dire de quoi ils ont peur, ou bien s'ils allèguent une raison, c'en est une de circonstance. Ainsi, par exemple, quelqu'un qui a peur de se rendre seul dans la rue expliquera sa conduite en prétextant la crainte de se trouver mal, quoique n'ayant jamais présenté une crise quelconque, tandis qu'un épi-leptique craint rarement un accès de son mal ou ne le craint qu'incidemment.
3° En troisième lieu il y a les impulsions obsédantes, la tendance irrésistible à commettre des actes bizarres ou malséants. Ces déviations psychiques côtoient de très près l'état sain, et le côté pathologique réside moins dans l'impulsion spontanée que dans le trop peu de résistance que lui oppose l'organe psychique, de sorte que l'impulsion acquiert de l'autorité et devient obsédante. Tout le monde a sans doute senti naître une fois ou l'autre l'envie de dire un mot indu ou non motivé, en grande société ou dans un lieu public. L'homme mal équilibré ou à intelligence affaiblie n'y sait pas résister.
Il ressort déjà de cette particularité que les psychoses susdites dans le sens vrai du mot «e sont jamais idiopathiques. Le plus souvent elles sont symptomatiques et créées par un affaiblissement de l'organe psychique ou du système nerveux en général. Aussi observe-t-on souvent les émotions obsédantes (angoisse et timidité) (1 ; chez les neurasthéniques ou chez les personnes affaiblies par l'onanisme ou par d'autres excès
(1) Schotz a bien fait de ranger la timidité dans l'ordre des émotions impulsives.
sexuels. Les impulsions et les conceptions obsédantes se présentent plutôt chez les dégénères.
Il va sans dire qu'on ne saurait tracer de limites sérieuses entre ces différentes formes. La conception se transforme en impulsion ; celle-ci devient conception et l'une et l'autre se changent en émotion. Cependant ce groupement ne tient compte que du svmptôme primaire le plus évident.
4« Aussi j'ajouterai, en quatrième lieu, les idées obsédantes proprement dites, les obsessions intellectuelles des Français, la Orûbelsucht de Berger et de Griesinger. Le malade ne peut se soustraire à l'obsession de penser constamment à un certain sujet, à une certaine question, souvent, du reste, sans la moindre importance. Ici, il ne s'agit ni d'une perception, ni d'une émotion, ni d'une impulsion à commettre un acte; il n'y a qu'une idée isolée, un mot, une phrase poursuivant incessamment le malade et occupant sans discontinuer sa faculté de penser.
Presque chaque cas d'obsession constitue un syndrome isolé; les idées, les perceptions, les impulsions diffèrent presque toutes entre elles d'une façon ou d'une autre. Les émotions, surtout celles d'angoisse, se ressemblent un peu plus. Ainsi la peur des espaces est un phénomène assez connu et bien défini. Mais la peur de se trouver seul dans la rue ou celle de l'orage s'observent plus souvent que l'agoraphobie, et l'on ne saurait faire de chacun de ces états psychopathiques une maladie distincte. Ce sont des variétés d'une maladie ou d'un phénomène pathologique.
Parmi toutes ces psychoses, il faut distinguer cependant un état psychopalhique présentant une .combinaison de symptômes qui se répètent assez régulièrement et qu'on peut décrire comme une maladie spéciale idiopathique. C'est la c folie du doute avec délire du toucher » de Lcgrand du Saulle, que je proposerais de nommer « crainte de souillure » d'après son symptôme principal.
Ladame, dans sa communication faite sur ce sujet au Congrès de Berlin, a eu raison de dire que dans la folie du doute, le doute a passé des malades aux savants qui continuent à discuter si la conception de la maladie, comme se l'est faite Legrand du Saulle, est justifiée on non. Le professeur genevois produit deux observations brèves et concises prouvant à l'évidence sa thèse que le délire du toucher peut exister sans être associé au doute, et que la folie du doute existe sans délire du toucher. J'ai constaté quelquefois ce même état de choses. Mais dans quatre cas traités par moi, j'ai observé une connexion entre ces deux symptômes impossible à méconnaître et formant un syndrome si uni-
forme que j'ose plaider l'existence indépendante de la maladie de Legrand du Saulle.
Je me permettrai de donner en résumé mes observations; elles ont porté sur des personnes de vingt-cinq à quarante ans, dont un homme et trois femmes.
Dans la majorité des cas la maladie a débuté ou du moins s'est aggravée à 1 "âge du développement de la puberté ; dans tous, l'hérédité joue un rôle. Une sœur de mon malade. M. X.... présentait les mêmes symptômes que lui, quoique à on degré moins prononcé. Je n'ai pas pu l'observer. Lui-même avait à son compte des excès sexuels et présentait une exagération notable des appétits vénériens. Dans deux cas il y avait à noter une cause occasionnelle décidée. La maladie d'une des femmes faisant l'objet de mes observations avait débuté après qu'elle eût Uni de donner ses soins à sa mère morte d'un anthrax ; chez l'homme les symptômes se sont montrés après qu'il eût été fortement impressionné par le récit d'un cas de syphilis. Il était atteint de syphilphobie au plus haut degré; je ne me rappelle pas avoir vu un second cas présentant les symptômes de cette maladie d'une manière aussi prononcée.
Scholz à tort de définir la syphilphobie, une forme d'hypocondrie dans laquelle les malades croient être syphilitiques. C'est un état psycho-pathique très différent. Je pense que le malade qui craint de gagner la syphilis devrait plutôt être nommé syphilophobe que celui qui est obsédé par la pensée d'être syphilitique. Le dernier état constitue un délire hypocondriaque, le premier est une obsession, une idée obsédante.
Dans ces quatre cas, sans exception aucune, la folie du doute s'est évoluée après le délire du toucher et est une conséquence évidente de celui-ci. Le syphilophobe n'a pas été tourmenté de doute dans les premières années de sa maladie. Il se gardait seulement de toucher toute personne suspecte ou tout objet qui aurait pu être contaminé. Si, cependant, cela lui arrivait, il prenait soin de se laver scrupuleusement les mains et de détruire ou de jeter les objets suspects. Il exagérait tellement ces soins qu'il en vint à jeter ses livres, son linge, môme la selle de son cheval ; il répétait le lavage des mains plusieurs fois par jour et se servait alors de nombre de désinfectants; une fois même il s'est servi d'acide phénique pur.
Après chacun de ces actes il goûtait an moment de repos jusqu'à ce que le besoin se fit sentir de nouveau.
Peu à peu, malgré l'exagération de ses précautions, le doute revint; il ne douta non seulement que les mesures prises par lui ne fussent péremptoires, mais il douta aussi de l'intégrité de son jugement. Après un lavage, il craignait d'avoir omis de nettoyer un point ou un autre de
ses mains et il recommença à se laver. Malgré l'attention excessive apportée à ces lavages réitérés, il ne put obtenir la certitude d'une propreté absolue. Si dans la rue quelqu'un passait présentant une légère rougeur ou une efflorescence à la peau, le doute lui venait d'avoir touché cet individu. L'obsession devint si forte que la vue d'un passant dans la rue, alors que le malade se trouva assis derrière sa fenêtre, éveilla chez lui le doute si, oui ou non, il aurait touché la personne. Sa toilette lui demandait beaucoup de temps, parce qu'il voulait que ses habits fussent bien fermés pour éviter mieux toute contamination et il ne pût arriver à cette conviction que tant qu'ils fussent bien boutonnés. Le doute le plus insupportable était celui de soupçonner ses propres et ses meilleures intentions. Il s'était produit notamment une complication dans ses pensées. Il commença à soupçonner sa femme, d'infidélité, quoiqu'étant parfaitement assuré que sa méfiance était mal fondée et d'ordre pathologique. Le doute ainsi se compliquait. Il commença à se demander s'il ne s'exposait pas de propos délibéré à être contaminé afin de se venger ainsi de sa femme. Sa pensée n'était plus uniquement : « Ai-je touché cet homme? » mais: « N'était-ce pas à dessein prémédité que je l'ai touché pour tirer ainsi vengeance de ma femme? » Cet état psychique fit naître un tourment continuel et une souffrance inouïe. Dans l'acmé de sa maladie le malade restait couché sans boire ni manger des heures durant, une fois même pendant trente-six heures.
Une même évolution progressive a été observée chez une des femmes malades. D'abord la crainte de souillure, puis le doute et enfin la méfiance de soi-même. Le délire du toucher débutait par la crainte de souiller sa nourriture. Elle avait peur qu'elle n'introduisit avec les mains, avec les habits, des épingles, des débris de verre, du poison ou d'autres choses uuisibles dans ses aliments. Antécédents héréditaires douteux. Déjà dans sa première jeunesse elle présentait des indices de sa maladie, celle-ci s'aggrava après son accouchement, pendant la période de lactation. La nutrition laissait à désirer. Chez elle aussi le doute s'était présenté dans une période avancée de sa maladie. Elle se lavait les mains à chaque instant, mais en outre elle eut la manie d'envelopper des menus objets dans des morceaux de papier et de les serrer ensuite : ainsi des plumes, des allumettes, des débris de toutes sortes. Du moment où elle avait touché un tel objet, : elle était inquiète de ce qu'il devenait. D'abord elle éprouvait du soulagement après avoir serré l'objet, mais ensuite le doute survenait : aurait- . elle vraiment serré l'objet ou non ? Ou encore ne l'aurait-eile pas ramassé peut-être avec l'intention de le jeter dans les aliments? A cette idée j s'associait un déplacement de la crainte ; elle ne craignait plus pour I elle-même mais elle craignait pour son enfant et le doute lui venait
qu'elle n'eût l'intention de l'empoisonner. Sa cruauté irrationnelle la poussa à préférer laisser son enfant sans manger plutôt que de lui donner sa nourriture elle-même.
La maladie des deux autres dames n'était pas aussi grave. Chez elles aussi le délire du toucher était primaire, le doute secondaire; elles n'en étaient pas encore arrivées à la méfiance d'elles-mêmes.
Chez un cinquième malade, une tonte jeune personne, j'ai pu étudier les débuts de la maladie. Après avoir soigné quelque temps une personne affectée d'un cancer, la peur lui prit pendant un certain temps, quelques mois durant, d'être contaminée.
Elle se lavait les mains à chaque instant, elle était constamment inquiète et elle évitait ostensiblement le contact de personnes suspectes, mais ni le doute, ni la méfiance n'étaient encore entrés en scène. Un traitement suggestif, pendant trois semaines, amena la guérison.
Tous mes malades accusèrent des maux de tête et des douleurs diffuses dans tous les membres; ils présentèrent un pouls faible et fréquent, de fortes palpitations de cœur, de l'oppression, une anxiété générale, de l'inquiétude. Leur sommeil était calme. Les symptômes présentèrent des alternatives d'exacerbation et de mieux relatif; chez les femmes, les plus fortes crises coïncidaient avec la période.
Il faudrait trop de temps et de développements pour vous communiquer des observations complètes; je me propose seulement, en les résumant, de les faire servir d'appui à mon opinion, que parmi les formes variées d'obsessions, le délire du toucher occupe une place spéciale, et que la folie du doute qui, dans d'autres cas, peut être idiopathique et se présenter isolément, devient un symptôme secondaire; elle se greffe sur le délire du toucher dans un état avancé et dans ses formes graves; elle doit être considéré comme un symptôme d'une faiblesse psychique avancée.
Avant définir, je me permettrai de réclamer un instant votre attention pour une variété d'obsession très intéressante, qui déviant très peu de l'état normal, nous fait jeter un coup d'œil sur le modus quo de la naissance de ces psychoses et nous donne une idée exacte de leur nature.
On pourrait la baptiser du nom de manie de superstition. Je n'en ai pas trouvé d'exemples dans la littérature que j'ai pu consulter, mais je crois que les formes légères de cette manie se présentent beaucoup.
Le malade, un homme de quarante ans, d'une constitution saine, sans antécédents héréditaires prononcés, a été accoutumé, dès son bas âge, à prêter une signification prophétique aux faits ou événements les plus puérils. Voilà, du reste, une chose qui se produit souvent chez des per-
sonnes au cerveau parfaitement sain et qu'on observe beaucoup dans le milieu accoutumé de mon patient, celui des hommes qui manient l'argent.
De porter une certaine cravate lui promettait bonheur ou malheur; se promenant dans la rue. il pensait : « Si je ne touche encore une fois cette borne ou si je ne regarde encore une fois cette personne, ou si je ne passe de nouveau une fois cette maison, il m'arrivera malheur, j'attraperai une maladie, je ferai de mauvaises affaires ». Parcourant la gazette, il se disait : « Si je ne relis une fois de plus cette ligne, il m'ar-rivera quelque chose de néfaste ». En écrivant, il se disait : « Il faut que j'épaississe cette lettre, sans cela il m'arrivera quelque chose d'horrible ».
Dans la jeunesse du malade, cela ne portait guère à conséquence; ces idées bizarres étaient assez insignifiantes, de sorte qu'elles ne différaient guère des pensées qui peuvent venir à tout le monde ; ou bien si elles étaient, en effet, trop folles, il n'y cédait pas. Mais avançant en âge, elles tournèrent en véritables obsessions, qui remplissaient toute sa vie et la rendaient intolérable. Cela ne le quitta plus toute la journée durant, et ses lubies vinrent à assumer une autorité telle sur lui, qu'elles le portèrent à faire des actes parfaitement anormaux. Il a fait ainsi, pour vous citer un exemple, pendant vingt ans, tous les dimanches, un pèlerinage à la gare pour heurter un certain poteau trois fois du pied gauche et autant de fois du pied droit.
S'il ne le faisait pas. son père mourrait. Si des occupations le retenaient le jour, il faisait quelquefois cette promenade la nuit, même par les plus mauvais temps. Après la mort de son père, il supprima ces courses. Il lui est arrivé de faire un voyage de 30 kilomètres en chemin de fer, dans le seul but de toucher uue fois encore un caillou qu'il se rappelait avoir vu giser là, à un point donné, lors d'un voyage précé-dent: Ses caprices variaient à l'infini; il ne lui était permis de manger à j table qu'un nombre impair de pommes de terre ; le vendredi et le samedi. ] il lui était interdit de porter une cravate de couleur; chaque lettre V j et W qu'il écrivait devait être épaissie ; il y avait des rues qu'il ne se 1 permettait pas de passer; il s'imposait de lire tous les jours une certaine gazette depuis la première jusqu'à la dernière lettre.
Il parait que des excès vénériens ont fait empirer son état. Une com- I plication est survenue. Pour se débarrasser, du moins pendant quelque j temps, des idées obsédantes qui entravaient sérieusement son travail, il prononçait des vœux auxquels il associait des menaces. Il se disait, j par exemple : Si je cède à un de mes caprices dans le cours d'une heure, j'aurai une apoplexie avant vingt-quatre heures ». D'abord, il n'a eu qu'à
se louer de ce stratagème. Mais bientôt l'effet produit par les vœux alla en diminuant et il lui fallût les renforcer. Il se dit alors : « Si je succombe à la tentation de céder à une de mes lubies dans le cours de la première heure, il m'a lviendra un malheur dans une semaine, un mois, on an »! En éloignant le terme fatal, il ajoutait a la menace, puisque cela prolongeait d'autant la durée de sa crainte.
Les menaces individuelles ayant perdu leur influence, il commença à y mêler sa famille : « Ma sœur, mon frère tomberont malades, deviendront phthisiques si je cède » ! Et maintenant, dans ces derniers temps, le malheureux se tient quelquefois un quart d'heure debout dans un lieu quelconque, marmottant en lui-même les imprécations les plus effroyables pour se donner le pouvoir suffisant à faire une course. S'il s'abstient de ces imprécations, il est forcé d'obéir à des ordres obsédants les plus ineptes : il doit s'arrêter devant telle maison, rebrousser chemin, toucher des bornes, fixer des passants ou leur toucher les habits; en un mot, il est forcé à se conduire comme un fou.
Le caractère de ses pensées subites devient de plus en plus effroyable, de sorte qu'il a même peur de me les confier.
L'intellect du malade est parfaitement normal ; il vaque à ses affaires comme si de rien n'était. Sa mémoire n'est plus aussi bonne qu'auparavant. Il n'y a pas le moindre symptôme de folie du doute, ni de véritable méfiance de soi-même, ni de soupçon.
Cependant le malade n'est pas aussi convaincu de l'ineptie de ses idées que d'autres obsédés. Il continue à attacher une importance réelle à ses pensées subites, ce qui paralyse les efforts de la psychothérapie et lui oppose des difficultés à peu près insurmontables. A chaque instant il me cite des exemples de choses « qui se sont cependant réalisées » et il ajoute : « Cela pourrait être vrai et je ne puis pas exposer ma famille n de telles possibilités ». Lui aussi so croit un homme exceptionnel et il pense que la fatalité le pousse a faire toutes sortes d'inepties afin de préserver d'autres personnes d'un malheur. Aussi, il ne me demande pas de lui donner l'énergie nécessaire à s'opposer et à ne pas céder à ses pensées subites, il réclame plutôt que je lui enlève ses idées fantastiques.
Je confesse que les résultats obtenus par le traitement suggestif ne sont guère brillants. D'après ce que le malade me dit. son état a continué d'empirer malgré mes soins. Cependant il continue a les réclamer, si je ne puis pas lui enlever ses idées obsédantes et ses impulsions ; la suggestion agit salutairement sur son état général, elle diminue ses angoisses et sa nervosité.
Quant à ce qui regarde l'effet eu général obtenu d'un traitement
psychique des idées obsédantes, je dois dire que rarement celui-ci est nul. Dans le délire du toucher, môme dans les formes graves, ce traitement fait beaucoup de bien. On ne guérira que les cas légers, de date récente. Dans les autres cas. on réussit à enlever les maux de tôte, l'état nerveux, les palpitations ; surtout on arrive à amoindrir sérieusement la force impulsive des obsessions. Mais il est important de penser que l'anomalie de l'état psychique réside moins dans les idées obsédantes que dans un défaut d'énergie et dans la résistance psychique moins sérieuse du malade.
Aussi, agirait-on mal de vouloir combattre les idées obsédantes en leur opposant des idées obsédantes contraires par suggestion. On fera le plus de bien an malade si on se contente à lui donner des suggestions de repos, de calme, d'énergie et en ne s'acharnant pas à vouloir lui enlever par suggestion son idée obsédante.
LE TRAITEMENT HYPNOTIQUE DE LA DIPSOMANIE
Par M. le Dr Hubert NEILSON, chirurgien-major d'artillerie à Kingston (Canada).
La Revue de l'Hypnotisme a mis sous les yeux de ses lecteurs, à plusieurs reprises, des éludes assurément très intéressantes sur ce sujet. Jadis, en présence de cette terrible manie, le médecin demeurait impuissant, n'ayant pour arme que la pharmacopée of6cicllc : ses bons avis, son éloquence, les influences de la famille, de la religion, les intérêts les plus chers du malade ne réussissaient guère mieux à améliorer son état, à lui faire abandonner ses habitudes vicieuses. Que faire ? Dans ces derniers temps, des savants distingués comme MM. Liébault, Voisin, Forel nous l'on! appris, c'est à la suggestion hypnotique qu'il faut avoir recours.
Mon expérience personnelle en hypnotisme ne date que de vingt mois ; pendant ce laps de temps, cinq dipsomanes ont été traités par mot par suggestion, et des résultats obtenus je conclus comme suit : Éant donné un sujet suffisamment suggcstible (au moins le 7me degré de Bernheim). douze à trente séances espacées pendant six mois et plus, suivant la gravité du cas, et il y aura lieu de croire a une guérison complète.
Tout d'abord un peu incrédule mais vivement intéressé par les résultats obtenus par nos correspondants de la Revue, j'étais déterminé à expérimenter la suggestion hypnotique sitôt que l'occasion s'en présenterait. Elle s'offrit au commencement d'octobre 1889, à mon retour d'Europe : je venais de visiter Nancy et Paris, j'avais assisté au Congrès de l'Hypno-
tisme, mes connaissances hypnotiques étaient donc des plus récentes. Avant de relater l'observation que j'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui, j'ai laissé écouler dix-neuf mois, il sera donc difficile d'objecter actuellement que la guérison de mon malade n'est pas absolument complète.
Ce cas mérite d'être signalé pour un double motif : I° le sujet était ivrogne « fieffé » depuis plus de vingt années, reconnu comme tel par un grand nombre de personnes ; jouissant d'une réputation d'ivrognerie habituelle, il était constamment entre « deux vins », s'adonnait à des excès plus accentues pendant plusieurs jours consécutifs, jamais il ne désira ni ne tenta de se reformer; 2° les deux dernières séances hypnotiques lui furent données à vingt lieues de distance, par le moyen d'un ordre écrit transmis par la poste.
OBSERVATION.
Henri Mac..., soldat, âgé de 42 ans, dans ses moments de sobriété jouissant d'une intelligence bien supérieure à la moyenne, bonne éducation commerciale, ancien commis, musicien de talent et faisant partie de la fanfare militaire ; séparé depuis plusieurs années de sa femme et de ses enfants a cause de ses débauches et excès alcooliques ; le « violon » et la prison étaient pour lui des endroits familiers, il eut même à subir plusieurs cours martiales en raison de son ivrognerie. Malgré tout, bon camarade et aimé de ses compagnons d'armes : santé assez robuste, constitution pas trop détériorée. Au mois d'août 1889, il fut atteint d'une gonorrhée suivie d'un rhumatisme articulaire aigu. Quand je le vis au commencement d'octobre suivant, il était encore très souffrant, les douleurs étaient localisées aux genoux et aux pieds, de sorte qu'il pouvait à peine marcher.
10 octobre. — Sous prétexte de Élire cesser ses douleurs (car il n'eût jamais consenti à se laisser endormir s'il eût su que mon intention était de lui enlever ses habitudes d'ivrognerie), je l'hypnotisai à neuf heures du matin c« il passa presque aussitôt au 6me degré (Bernheim). Le même soir, à six heures, nouvelle séance; il y consentit volontiers, car ses douleurs étaient notablement diminuées ; il tomba dans un degré de sommeil plus profond, avec amnésie au réveil. Après trois ou quatre séances, il était susceptible d'hallucinations post-hypnotiques. Voici les suggestions que je lui fis dès la première séance : « Vos douleurs disparaissent ; sous peu de jours vous serez parfaitement bien ; vous êtes saisi d'un dégoût invincible pour la bière (sa boisson favorite) et toute autre boisson enivrante ; vous ne pouvez les voir ni même y penser sans éprouver un malaise insupportable ; vous savez que si vous y goutiez
vous seriez horriblement malade, ce sont de véritables poisons pour vous. Vous aurez maintenant du caractère, de la volonté comme vous n'en avez jamais eu ; vous avez pris la détermination irrévocable de ne plus boire, d'abandonner la société de vos amis ivrognes, même de les fuir; de ne plus aller dans les lieux que vous fréquentiez assidûment: les auberges, les débits de boissons ; vous offrir à boire, c'est vous insulter. Vous êtes fier de vos nouvelles résolutions, vous êtes fier de l'empire que vous avez sur vous-même. Dorénavant vous voulez être un modelé de conduite, rangé dans vos affaires, et avant longtemps vous allez rejoindre votre fimille et vivre une vie nouvelle et heureuse, c'est la votre plus grand désir. »
A la première et seconde séances, comme a toutes les autres, je lui répétai les suggestions ci-dessus, et en plus, le laissai sommeiller une heure. — Les séances suivantes durèrent de cinq à dix minutes ; je les répartis de la manière suivante :
2 séances pendant......... » — I jour = 2 séance;
x — journalière pendant. . . » — 8 — S —
I — tous les 2 jours pendant » — 10 — — 5 —
I — par semaine pendant . . » — 15 — — 4 —
2 - - par mois pendant.... 2 mois » — = 4 —
I — — .... 2 — » — 2 —
I — après........... 3 » — = I —
I (par ordre écrit) après . 2 — a — I —
I — — — 7 — ¦ — = x —
Total. . . . 17 mois 6 jours = 28 séances.
Tous ceux qui avaient connu H. Mac... depuis longtemps, ainsi que moi-même, fûmes étonnés du changement qui s'opéra chez lui. Dès la première séance, il me déclara, ainsi qu'à tous ceux qui voulaient l'entendre, qu'il n'avait plus le moindre désir de boire. Au bout de quinze jours, il quittait l'hôpital complètement guéri de son rhumatisme, et à la caserne il devint l'homme le mieux rangé et le plus régulier. Au mois de juin suivant, il avait économisé assez d'argent sur sa solde pour acheter sa libération ; il alla rejoindre sa femme et ses enfants qui consentirent à vivre avec lui, et il s'établit dans une petite ville à vingt lieues d'ici, où il obtint un emploi sur le chemin de fer Pacifie-Canadien.
Ses occupations ne lui permettaient pas de venir me voir à Kingston, et comme je craignais que l'influence de mes suggestions ne s'affaiblit par la distance et par le temps, je crus que faute de mieux, une « séance à distance » lui serait utile. Je lui envoyai la lettre suivante :
« Kingston, 12 août 1890.
« Mon cher Mac...,
« Quand vous le jugerez convenable, vous presserez ce billet sur votre
« front ayec votre main droite, en fermant les yeux, et vous vous endor-
« mirez pendant une demi-heure. Durant ce sommeil, vous me croirez « à vos côtes, vous répétant les suggestions des trois dernières séances
• que je vous ai données ici. »
Voici la traduction de la réponse de Mac...
« B... ville, Ontario, 15 août 1890.
« Mon cher docteur Neilson,
« J'ai reçu votre billet le 15 courant et j'ai agi comme vous me l'aviez « ordonné : j'ai appliqué le billet sur mon front et je mis trois minutes a à m'endormir; j'ai un souvenir confus de vous avoir entendu parler,
« me défendant de boire, etc., etc. Je vous aurais écrit depuis quelques « jours, si je n'avais espéré pouvoir venir vous voir à Kingston ; avant « de quitter cette ville, j'ai attendu jusqu'au 7 juillet, espérant toujours
• votre retour, j'étais alors à Québec, mais je n'ai pu attendre plus « longtemps. Comptez cependant sur ma visite à la première occasion,
« car je désire une nouvelle séance, et ce, le plus tôt possible...
« ... Mon cher docteur, vous pouvez être certain que je n'oublierai
• jamais ce que vous avez fait pour moi et pour ma famille. Dans l'espoir « que vos ctforts pour améliorer la condition de ceux qui souffrent, « auront autant de succès qu'avec moi, je suis votre obéissant serviteur :
« H. Mac... »
Le 10 mars 1891, sept mois après le premier ordre écrit, je lui en envoyai un second conçu à. peu près dans les mêmes termes : j'avais appris dans l'intervalle qu'il continuait à aller a merveille. Il me renvoya la lettre suivante :
« B..... ville, Ontario, 15 mars 1891.
« Mon cher docteur Ncilson,
« J'ai été on ne peut plus heureux de recevoir votre lettre du 10 et de
• savoir que M. le capitaine R... vous avait parlé de moi dès son retour « a Kingston. Je jouis maintenant de la meilleure santé possible. Je me « suis gardé de faire usage de votre lettre avant aujourd'hui dimanche, « car je voulais en profiter le plus possible ; je l'ai emportée avec moi
« cet après-midi dans ma chambre à coucher, et j'ai exécuté vos ordres « à la lettre : j'ai joui d'un repos parfait. Je ne puis oublier vos bontés « pour moi. tellement ma condition est améliorée au point de vue moral, « social et matériel... J'espère que ce n'est pas trop vous demander que « de vouloir bien m'écrire encore pour le même objet. « Croyez à ma profonde reconnaissance.
« H. Mac... »
Jusqu'aujourd'hui, j'ai eu à traiter en tout cinq cas de dipsomanie, et j'ai obtenu les résultats suivants: 2 guérisons, I amélioration, 2insuccès. Mes deux malades guéris ont été hypnotisés aux 8me et 9me degrés (Bernheim), le malade amélioré au 4me degré, et les deux insuccès n'ont pas dépassé le 2me degré même après 15 séances consécutives.
DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE
Les paysans magnétiseurs de Braine- le -Château. — Réponse de M. le professeur Masoin à M. le professeur Delbceuf.
Monsieur le Directeur,
Quoique la lettre de M. Delbœuf, insérée dans la livraison de mars de votre estimable Revue, fût absolument outrageante pour moi. je n'ai pas encore cru pouvoir la dédaigner. Gomme première réponse à ces nouveaux outrages, j'ai communiqué à l'Académie royale de Médecine le rapport composé par M. le docteur Schoofs et par moi dans l'affaire des clients de M. Delbœuf, les paysans magnétiseurs de Braine-le-Château, condamnés comme escrocs par le Tribunal de Nivelles et par la Cour d'appel de Bruxelles. En présentant ce rapport à la tribune académique, je l'ai fait suivre de commentaires scientifiques sur les expertises dans les cas de simulation d'hyp-notisme; puis j'ai dénoncé, pièces en main, les procédés de discussion mis en œuvre par M. Delbœuf, et surtout j'ai flétri les insinuations calomnieuses dont il s'est rendu coupable à l'égard d'experts qui, Assurément, n'ont aucune prétention â la haute science de l'hypnologie, mais qui ont rempli leur mandat avec toute la conscience possible.
Le rapport, avec certains commentaires scientifiques, se trouve donc à la disposition de tout lecteur dans le Bulletin de l'Académie royale de Médecine de Belgique, année 1891, n° 3; je soumets cette œuvre modeste à l'appréciation du corps médical avec une confiance égale au dégoût que doivent inspirer les agissements de mon fougueux adversaire.
En vertu du droit de réponse, je viens aujourd'hui donner ici la réplique
que des procédés de violence chronique appellent et justifient ; car je m'aperçois, une fois de plus, que suivant ce vers du grand Corneille : Pardonner aisément encourage à l'injure.
D'après M. Delbœuf, devant le Tribunal, dans l'affaire Sylvain Vandevoir et consorts, « le point était bien délimité : le sieur Vandevoir était-il hypno-
« tisable ou non? On vient de lire les certificats de l'École de Nancy et les « miens. Devant le Tribunal j'ai simplement affirmé que le sieur Vande-« voir était hypnotisante et avait été hypnotisé par moi. M. Masoin a sou-« tenu qu'il simulait l'hypnose. C'était donc une question de fait et facile à « résoudre. Eh bien 1 le Tribunal, au lieu de faire faire une expérience très « simple et qui eût été concluante, — le doute à cet égard n'est pas pos-« sible, — a préféré clore brusquement le débat....
Eh bien! non, le point litigieux n'était pas ainsi délimité, et cette expérience décisive n'eût pas été concluante : le doute à cet égard est possible. Que dis-je? Il s'impose, si l'on a quelque souci des lois du raisonnement. En effet, il ne s'agissait pas de savoir si l'individu était hypnotisable à ce moment; il s'agissait de savoir s'il était réellement hypnotisé par ses compères ou complices dix mois auparavant, un an et plus, dans le cabaret-sanctuaire où il rendait ses oracles médicaux, et dans le cabinet du juge d'instruction, alors qu'il nous était présenté comme endormi (voir le Rapport, tirage à part, p. 5).
La prétention de M. Delbœuf devient absolument ridicule, si on la rapproche de certaine affirmation produite au Congrès international de psychologie physiologique tenu à Paris en 1889 : à la page 59 du Compte rendu de cette assemblée, on lit : - Je crois qu'en Belgique tout le monde est hypnotisable ».
El qui donc a prononcé ces paroles? — M. Delbœuf lui-même.
Après cela, il est évident que l'expérience concluante (!) de M. Delbœuf aurait à peine démontré une chose : qu'on était en Belgique.
Mais non, elle aurait encore démontré autre chose : c'est qu'il est en Belgique certain professeur de philosophie qui ne sait même plus appliquer les règles de la logique, tant la passion lui cause d'aveuglement.
Qui garantissait, d'ailleurs, que dans l'intervalle entre notre expertise (décembre 1889) et le mois d'octobre 1890, ou ne s'était pas appliqué à faire subir un entraînement irrésistible d'hypnotisation à Sylvain Vandevoir? Le Dr G..., autre souteneur de Sylvain, et directeur d'Institut medico-magné-tique, u'en était-il point capable et n'avait-il pas intérêt à le faire?
Je passe sur des chicanes pitoyables, sur des équivoques de détail ; car après tout je ne suis pas l'auteur de la correspondance, d'ailleurs anodine, qui a lait prendre la plume à M. Delbœuf, et j'arrive au trait final : In caudà venenum ; « Nous voyons un suggestible, un hypnotisable, s'il en fui « jamais, — il ne faul pas avoir eu en main un hypnotisé pour le nier, — « déclaré simulateur par des médecins; et cela pourquoi? Qu'on le dise! »
J'avoue que pour l'honneur d'un homme qui appartient à l'enseignement
supérieur de mon pays et qui, à chaque instant, s'efforce d'attirer sur lui l'attention publique ici et ailleurs, j'ai cherché el j'ai fait chercher dans ces paroles un sens honnête ou convenable, et que malheureusement ou ne l'a point trouvé.
Ainsi donc, il faut admettre que M. Delbœuf nous accuse, le Dr Schoofs et moi, d'avoir sacrifié notre conscience et nos convictions à l'intérêt de nos confrères dans la profession médicale; car tel est le vrai sens do ces lignes rapprochées du contexte, et il n'est vraiment ni courageux ni sérieux de leur attribuer une autre signification comme M. Dell-vuf essaie de te faire dans un récent pamphlet qu'il vient de confier à l'officine d'un journal rpirite. Cela étant, voici ma réponse :
Sans doute je suis dévoué aux intérêts de mes confrères et je professe une haute estime pour la carrière médicale (1); mais do là à déguiser la vérité, à violer un serment prêté, à faire condamner des innocents pour servir des confrères, il y a loin, el je lo dis hautement ici, comme je l'ai dit à la tribune académique : si quelqu'un affirme ou insinue que M. le Dr Schoofs et moi nous a von- commis une telle forfaiture, celui-là est un calomniateur.
Après avoir rencontré les agressions personnelles de mon adversaire, il doit m'être permis ici dans celle Revue, qui représente, pour ainsi dire, en permanence l'Œuvre du Congrès de l'Hypnotisme, il doit m'ètre permis de faire certaines rectifications devenues nécessaires ; je terminerai par des réflexions générales sur le spectacle auquel nous assistons depuis quelques années, je veux dire, depuis que M. Delbœuf se débat contre l'opinion presque unanime des médecins, des moralistes, des gouvernants qui considèrent les séances publiques d'hypnotisme comme dangereuses et blâmables, tandis que lui les déclare « inoffensives, instructives et morales ».
On me reudra celle justice que je n'ai point cherché à me commettre avec M. Delbœuf dans une discussion personnelle. En remplissant les fonction? do rapporteur à l'Académie royale de Médecine pour la question des dangers de l'hypnotisme, comme en prononçant le discours qui a clôture le débat, jo ne me suis point départi des règles qui doivent présider à toute discussion entre hommes de science, si bien que M. Delbœuf lui-même a du reudre un hommage public à celte discussion académique qui, « dans la forme, a été absolument grave et digne » en opjosition aux « cris d'animaux, aux piétinements,
(I) A propos de la profession médicale tant de fais persiflée par M. Delbœuf, veut-on savoir comment il apprécie les revendications d'un honorable confrère, et, je pour rais le dire, du corps médical tout entier? Voici, sans commentaires, ce qu'il écrit à
propos du procès Deschamps, qui a ému — avec raison — toute notre corporation mé-icale el dont l'heureuse issue vient d'obtenir un retentissement général dans la presse française :
« Dernièrement, i I—, des parents conduisaient leur enfant à l'hôpital pour un mal - quelconque à la jambe. Le médecin, jugeant te» autres moyens inefficaces, coupe la
« jambe a reniant, puis le renvoie chez lui. Indignation de la famille, action en justice. « Le médecin est condamné à 10,000 francs de dommages-intérêts. Aussitôt la Faculté « toute sic> entière s'alarme; de cette affaire elle fait son affaire et se cotise pour qu'on
« la porte devant ta juridiction supérieure. Que réclame-t-elle donc? N'est-ce pas ta
« jui impunc covpandi? Voilà en action les privilèges. »
aux hurlements, aux grognements (sic) » du Congres de l'Hypnotisme. Plus lard, ayant apprécié l'irritabilité du personnage, j'évitai systématiquement de citer son nom dans une série d'articles publiés par la Revue des Questions scientifiques. Au Congrès de l'Hypnotisme, le bureau, dont je faisais partie, l'a défendu contre l'indignation de l'assemblée, indignation qui était dans la force même des choses; car celui qui sème le vent récolle la tempête; sans aucune réserve, — ce qui fut un tort, — nous l'avons autorisé à publier une réponse au rapport de l'honorable M. Ladame. On a pu voir depuis comment il a usé avec délicatesse de cette concession ! Pour moi. j'ai tout particulièrement le droit de me plaindre, puisque dans une note de sa réponse il a faussé mon opinion et accumulé presque autant d'erreurs que de mots. Et que l'on ne croie pas qu'il s'agisse d'une note banale; assurément non, puisque l'auteur, après l'avoir insérée dans les comptes rendus du Congrès — où je ne pouvais lui répliquer, — l'? reproduite encore et dans la Revue de Belgique et dans un pamphlet : Magnétiseurs et Médecins, où il jette à pleines mains le ridicule et le discrédit sur les premières assises internationales de l'hypnologie.
Puisque cette fameuse note est si importante aux yeux de son auteur, puisqu'elle se répèle comme je viens de le dire, il est temps de montrer ce qu'elle vaut. En voici d'abord le texte, d'après le compte rendu du Congrès de l'Hypnotisme :
« Après quoi, il (M. le rapporteur Masoin)... s'écrie qu'il m'a placé dans un i isolement superbe, comme le grand-prêtre d'un autel déserté (p. 41 du » rapport). Pour justifier cette péroraison, aussi superbe que mon isolement, « il laisse ignorer et l'assemblée devant laquelle il parle fait semblant
« d'ignorer que M. Brouardel soutient le même combat que moi contre
« M. Liégeois, que celui-ci (p. 627 et passim, et notamment dans une « longue lettre à M. Semai p. 722-72'.), dont pas uu mot chez M. Masoin) « et ses collègues de Nancy et d'Italie se sont alliés à moi pour la défense « des magnétiseurs publics, et que la thèse sur l'inocuité [sic) de ??????-« tisme entre des maiins exercées, est appuyée par les premier praticiens « du monde, qui ont à eux seuls hypnotisé mille fois plus de personnes que « tous nos académiciens ensemble ».
P.eprenons pour rectifier :
J'ai montré (pourquoi placé?) M. Delbœuf dans l'isolement parmi nos auteurs belges, lorsqu'il défend l'innocuité des pratiques de l'hypnotisme, ce qui ??1 encore autre chose que la liberté des séances publiques. Pour me répondre, M. Delbœuf confond deux thèses distinctes. Je dis, tout en confirmant mon placement, deux thèses distinctes; car on peut avouer les dangers de hypnotisme et ne pas combattre sa divulgation opérée par des magnétiseurs ambulants.
C'est à tort que M. Brouardel, accaparé par M. Delbœuf, est opposé à M. Liégeois en cette question : l'éminent doyen do la Faculté do Paris ne
méconnaît pas les dangers de l'hypnotisme et il s'est très énergiquement prononcé contre les représentations publiques ; il en est de même des collègues d'Italie pour l'immense majorité.
Mon rapport a été présenté à l'Académie de Médecine le 25 février 1888 ; comment y tenir compte d'une lettre écrite par M. Liégeois le 14 juin suivant? Ici donc encore M- Delbœuf a commis une erreur : ce n'est pas où il l'indique que se trouve sou placement dans l'isolement c'est dans mon discours académique du 24 novembre 1888; or à cette date, le livre si intéressant de M. Liégeois, avec la lettre en question, n'était pas encore livré au commerce, en Belgique du moins. Il est bien vrai que mon honorable collègue, M. Semai, avait communiqué à l'Académie de Médecine une grande partie de la lettre qui lui avait été adressée par l'honorable professeur de Nancy; mais celte partie communiquée ne touchait pas à la question des séances publiques : elle concernait certaines expériences de M. Delbœuf, « écartées comme non probantes ».
Avec les erreurs ainsi entassées, arrive naturellement la note spéciale qui caractérise la manière de M. Delbœuf : « Le rapporteur laisse ignorer » — réticence blâmable; t l'assemblée (l'Académie) fait semblant d'ignorer » — hypocrisie ou duplicité.
Et voilà comment travaille M. Delbœuf.
Mais faut-il s'étonner de choses semblables ?
Qu'on lise les lettres publiées dans un journal quotidien par M. Delbœuf, à l'adresse de notre distingué collègue de Bruxelles, le professeur Thiriar, qui ne l'avait pas môme cité dans un discours sur l'hypnotisme à la Chambre des Représentants; qu'on Use sa réplique à l'honorable professeur de Genève, M. Ladame; qu'on prenne la peine de voir combien d'outrages il a distillé sur le célèbre Lombroso, au point d'intercaler à deux reprises, dans un de ses libelles, cette impertinence suprême : • Il n'y a qu'un seul homme que les expériences de Donato aient rendu fou, c'est le docteur Lombroso ».
Et pendant qu'il traite ainsi des hommes de talent et de science, M. Delbœuf réserve toutes les indulgences de sa plume pour les magnétiseurs ambulants et pour de vulgaires escrocs !
Que dis-je? — Il les patronne ouvertement, si bien qu'ils s'abritent tous derrière lui pour nous insulter et nous narguer. Modifiant deux vers d'un de vos grands poètes, on peut dire de lui :
« Des charlatans do jour H colle les affiches, « II rédige la science en pamphlets odieux ».
Oui, des pamphlets, où il môle cruellement ensemble la plaisanterie grossière et l'ironie amère, s'appliquant moins a prouver l'erreur qu'à démontrer l'incapacité ou la mauvaise foi de ses adversaires. Grand écumeur de textes, vieux praticien du paradoxe, aussi tenace dans la lutte que versatile dans ses opinions — en quelques années nous l'avons vu successivement Salpétriériste, Nancéen, Brouardélien — tel est l'homme; il ne discute pas sérieusement, il persifle; il ne réfute point, il outrage, et ses procédés de
polémique présentent enfin le plus surprenant mélange de virulence et de gaudriole.
Eh bien ! dussé-je attirer sur moi de nouveaux torrents d'injures, je proteste contre ces procédés de polémique ; je prie mes honorables confrères de l'étranger, je les prie de bien croire que telles ne sont pas les formes ordinairement usitées en Belgique sur le terrain de la science, ei je leur assure qu'ils rencontreront ici autant de dignité que de sympathie le jour où ils y viendront pour tenir un nouveau Congrès de l'Hypnotisme.
Agréez, monsieur le Directeur, ele. E. Masoin.
Louvain, le 26 mai 189.
COURS ET CONFÉRENCES
L'hypnotisme et l'hystérie, par M. le Dr Babinski, médecin des hôpitaux.
M. le docteur Babinski, invité par M. le professeur Charcot, à la clinique des maladies nerveuses, à exposer les doctrines professées à la Salpétrière, s'est appliqué, devant un nombreux auditoire, à faire ressortir les différences capitales qui séparent l'École de Nancy de celle de M. Charcot. Selon lui, l'œuvre de la Salpétrière, malgré les critiques dont elle a été l'objet dans ces derniers temps, est restée intacte. L'identité établie, à la suite d'un grand nombre d'observations, entre les phases de la grande hystérie et les périodes du grand hypnotisme, est bien réelle. Il en a donné pour preuve des malades chez lesquels il a provoqué devant les auditeurs, les trois états : léthargie, catalepsie et somnambulisme, qui constituent la base du grand hypnotisme. Les phénomènes hypnotiques étant survenus spontanément chez ces malades à la suite de crises d'hystérie, on ne saurait, a déclaré M. Babinski, admettre que la suggestion ait joué un rôle dans leur production. Puis, usant d'un procédé de discussion qui n'est pas fait pour jeter beaucoup de lumière dans de tels débats, il a repris, l'une après l'autre, un assez grand nombre des observations contenues dans le livre de M. Bernheim. Là où le clinicien de Nancy a pensé qu'il s'agissait d'affections organiques et où la suggestion hypnotique avait donné des résultats thérapeutiques favorables, M. Babinski est convaincu que son adversaire s'est trouvé en présence d'une hystérie méconnue. Les sujets hypnotisés à Nancy ne seraient donc que des hystériques, et l'erreur de diagnostic attribuée par M. Babinski à IL Bernheim, tiendrait à ce qu'il n'aurait pas tenu un compte suffisant de ce fait, mis en lumière par M. Charcot, à savoir que l'hystérie peut revêtir tous les caractères des affections organiques. Ce qui, pour M. Babinski. prouve péremptoirement qu'il s'agit bien d'hystériques, c'est que les sujets de Nancy présentent
(I) Leçon faite à la Saipéuierc le vendredi 19 juin 1891.
dans leur sommeil hypnotique des contractures, des paralysies, des anes-thésies, tous le» symptômes, en un mot, qui dominent le tableau clinique de l'hystérie. Or, la suggestion, à elle-seule. serait impuissante à provoquer l'apparition de ces symptômes physiques. Elle a agi comme un agent révélateur de l'hystérie.
Après la leçon de M. Babinski, M. Charcot, prenant la parole, a revendiqué pour l'école de la Salpétrière le privilège d'avoir étudié scientifiquement les états de l'hypnotisme. Là où les auteurs de Nancy n'ont ni vu ni constaté l'hystérie, leurs propres observations, quand on les examine de près, prouvent que cette névrose, chez leurs sujets, existe. Il n'accepte aucune des théories proposées par l'Ecole de Nancy pour laquelle, a-t-il dit en terminant, la définition de l'homme devrait être modifiée ainsi : - L'homme est à la fois un animal raisonnable et hypnotisante ».
L'hypnotisme au point de vue médico-légal (!), par M. le Dr Gilbert Ballet, professeur agrégé à la Faculté de Paris. Le vendredi suivant, devant le même auditoire, M. G. Ballet a entrepris le procès des doctrines de l'École de Nancy au point de vue médico-légal. Il a consacré deux leçons à celle intéressante élude.
L'éminent agrégé, tout en déclarant que les doctrines de l'Ecole de Nancy lui paraissent exagérées, ne les a pas traitées avec le dédain absolu qu'avait manifesté pour elles M. Babinski. Il reconnaît qu'elles contiennent une grande part de vérité. Il ne se refuse pas à croire à la possibilité des suggestions criminelles, car il ne veut rien nier à priori; il pense seulement que le danger qu'elles pourraient présenter ue sera jamais bien considérable. En effet, il s'est proposé de démontrer, par des expériences, que les sujets accomplissent l'acte suggéré avec d'autant moins d'automatisme que cet acte leur est moins agréable et qu'il est moins conforme a leurs idées personnelles. En effet, il a présenté aux auditeurs deux sujets qui ont accompli, après leur réveil, avec la plus grande facilité, les actes insignifiants qui leur avaient été suggérés, et qui ont mis une plus grande hésitation à commettre des actes reprehensibles. Cependant, malgré l'opinion de M. Ballet, qui avait affirmé qu'un de ses sujets aurait une violente attaque de nerfs avant de frapper le chef de clinique avec une arme supposée, les spectateurs ont pu constater que le sujet a bien eu la crise de nerfs annoncée, mais seulement après avoir porté le coup. Et, ce qui prouverait que M. Ballet n'a qu'une confiance limitée dans la résistance intérieure des hypnotisés, c'est qu'il s'est borné à mettre dans la main de son sujet un simple morceau de carton, au lieu de lui confier uu couteau bien affilé. Ce n'est pas nous qui le blâmerons de celle prudence, sans laquelle l'intervention d'en chirurgien aurait pu devenir nécessaire.
(1) Leçons faites à la Salpetrière le mardi 23 et le vendredi 26 juin 1891.
Comme M. Ballet l'a dît fort justement et en termes des plus éloquents, la question ne peut être complètement tranchée par des expériences de laboratoire. Il faut attendre que de crimes réels aient été commis sous l'influence de la suggestion. Le fait peut tarder à se produire, d'abord parce que les sujets absolument automatiques sont rares, et que, comme l'ont reconnu eux-mêmes les représentants les plus autorisés de l'École de Nancy, ainsi que M. Pitres, de Bordeaux, les sujets présentent souvent une résistance inattendue ; ensuite parce que les savants qui s'adonnent à l'étude de l'hypnotisme sont des hommes honorables, incapables de mettre la force psychique (désignée sous le nom de suggestion}, au service de leurs passions. Il n'y a donc pas là de danger social à redouter, et M. Ballet n'a pas eu de peine à démontrer à son sympathique auditoire que les médecins légistes ne seraient pas embarrassés, le cas échéant, pour démasquer les coupables.
En résumé, sur ce terrain médico-légal, les dissidences entre l'École de Paris et l'École de Nancy ne sont pas aussi accentuées qu'on pourrait le croire.
Souhaitons que bientôt la même entente puisse se faire sur le terrain clinique et thérapeutique.
chronique et correspondance
Société d'hypnologie.
La Société d'hypnologie se réunira à quatre heures, au palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, le lundi 20 juillet, sous la présidence de M. te Dr Dumontpallier, médecin de l'Hôtel-Dieu.
ordre du jour :
1° Présentation de nouveaux membres;
2° Organisation du deuxième Congrès international do l'Hypnotisme on 1802; 3° Questions mises à l'étude :
a. « Des rapports de l'hystérie avec l'hypnotisme. >
b. « Les suggestions criminelles et la responsabilité pénale. «
c. « De d'influence que certaines impressions psychiques ressenties par la
mère peuvent exercer sur le fœtus. > 4° Communications diverses. La réunion comprendra plusieurs séances.
Adresser les titres des communications à M. le Dr Dumontpallier, président, 24, rue Vignon, ou à M. le D' Bérillon, secrétaire général, 40 bis, rue de Rivoli, Paris.
Enseignement de l'hypnotisme.
institut PSYCHO-PHYSIOlogique db paris (49, rue Saint-André-des-Arts). — L'Institut Psycho-physiologique de Paris est consacré aux recherches expérimentales sur l'hypnotisme cl à l'étude dos applications cliniques de cette science. — Des consultations gratuites ont lieu à l'Institut, les mardis, jeudis et samedis, de dix heures à midi. Les médecins et les élèves régulièrement inscrits à la clinique y sont exercés à la pratique de l'hypnotisme et de la psychothérapie.
hospice de la salpêtrière. — Cours; M. le Dr Auguste Voisin continue le
dimanche, à neuf heures et demie, ses leçons cliniques sur les Maladies mentales.
M. Voisin fait, pendant le cours, un certain nombre do démonstrations pratiques de l'application de l'hypnotisme au traitement des maladies mentales.
cours. — M. le Dr Léglas a commencé un cours clinique sur les Maladies mentales. Ce cours a lieu tous les vendredis, à la Salpêtrière, a neuf heures.
Un suggestionneur précoce.
M. le Dr Dumontpallier, médecin à l'Hôtel-Dieu, nous adresse l'intéressante communication suivante :
Mon cher Directeur,
Permettez-moi de vous signaler une observation de suggestion à l'état de veille, qui ne manque pas d'intérêt, d'autant plus qu'elle rentre dans les faits de pédagogie suggestive. Voici le fait :
Un jeune élève, fort, bien portant et, il paraît, assez mauvais élève, se trouvant fort embarrassé pour traiter convenablement un sujetdecomposition, s'avisa de dire à son voisin, bon éiève et assez délicat de santé, israélite de race et peut-être un peu nerveux : « Donne-moi ta composition, je vais la signer, et tu signeras la mienne ». La résistance de l'élève travailleur est, on le voit, vaincue par l'élève paresseux, et celui-ci obtient de son camarade ce qu'il lui demande.
A la lecture des deux copies, le professur ne s'y trompe pas; il découvre la supercherie et les deux élèves, le suggestionneur et le suggestionné, sont appelés pré- du censeur, puis près du proviseur. La mauvaise action est avouée, et le suggestionné avoue qu'il n'a pu résister à l'ordre qui lui était intimé, N'est-ce pas là un fait intéressant de suggestion à l'état de veille? Ce fait ne peut-il être rapproché de celui du commissaire de police qui fait avouer un délit à une jeune servante? délit qu'elle n'a pas commis, etc., etc.
Tirez du rapprochement de ces observations les conclusions que vous jugerez convenables, et, sans faire allusion au Lycée où l'acte suggestif a été commis, publiez le fait, si vous le jugez opportun.
Bien à vous. Dumontpallier.
Méfait de somnambule lucide.
Nous lisons dans le Paris .•
a Que les somnambules nous éclairent dans la recherche des objets perdus, qu'elles nous prédisent l'avenir, qu'elles nous déclarent si tel mariage aura lieu ou s'il est impossible, si tel héritage nous reviendra ou s'il Ira dans d'autres mains, à elle permis. Comme nous ne les avons jamais consultées, il nous est indifférent qu'on les prenne au sérieux ou non. Mais, pour Dieu! qu'elles ne se mêlent pas de médecine. Pour t'en être occupée, voici M™* veuve Auftingee et son li'.s devant la police correctionnelle.
« Une dame Sténos, veave aussi, avait une bronchite. Elle la fit soigner par MMe Aufliger, mais elle faillit étouffer par suite de la violence et de l'etrangeté du remède appliqué au mal.
Lisez l'ordonnance de la somnambule :
« Conseils à suivre pendant dix jours :
« Sirop pectoral à faire soi-même :
• Couper un radis noir en rondelles, ainsi qu'un ou deux oignons, les étendre dans un saladier, en les couvrant par couches de poudre de sucre candi, et laisser macérer trente-six ou quarante-huit heures au plus. Passer à clair en exprimant le jus à travers un linge Un, conserver dans une bouteille et en prendre une petite gorgée dans des forts accès de toux.
« Antre remède non moin* sain, mais peu ragoûtant :
« Prenez arec les mains, ou autrement, une bonne bouse de vache, fumante autant que possiible. et «tendez la proprement sur la poitrine.
« Détournons nos regards d'une méiectne pareille et disons que, pour exercice illégal de l'art merveilleux d'Esculape, après la plaidoirie de Me Comby, Mme Auffinger a été condamnée, aussi bien que «on fils, à seize amendes de 5 francs pour seize ordonnance* du genre ei-dessus.
« Quant à Mme Siéran. qui était plaignante, sur la plaidoirie de Me Puech, elle a obtenu 200 francs de dommages-intérêts.
« Il n'est pas à présumer qu'elle les utilisera, pour sa bronchite, en acquisitions de radis noirs, d'oignons et de bouses de vache. »
Si M Auffinger avait fait ses prescriptions en Belgique ou en Suisse, elle eût été inévitablement soumise à l'examen d'experts chargés de vérifier si son somnambulisme était réel ou simulé. En France, nos juges n'ont pas cru devoir s'attacher a ces considérations tout à fait accessoires, dans l'espèce. Ils ont vu là simplement un cas d'exercice illégal nettement caractérisé et ils ont appliqué la loi, ce dont on ne saurait les blâmer.
L'hypnotisme au café.
Du Figaro :
On sait quo des séances, de prestidigitation et de physique amusante sont fréquemment données, dans de nombreux cafés, débits de vins et liqueurs, par de modestes disciples de Robert-Houdin, et qu'une autorisation du commissaire de police du quartier doit être obtenue pour chacune de ces séances.
Depuis que les phénomènes de l'hypnotisme et de la suggestion sont a la mode, dÎTcrs abus t'étaient produits. Pour « coiser • leur programme, quelques-ans des physiciens ambulants avaient pris l'habitude de régaler leur public d'exhibitions scientitiques, procédant, disaient-ils, des expériences faites a la Salpétrière par le docteur Charcot et d'autres princes de la science.
Il n'y avait souvent dans ces sortes de « numéros » que de la jonglerie et du compérage. Mais, parfois, des « sujets » improTÎsés, jeune- gens et jeunes filles, qui s'étaient prêtés bénévolement aux pratiques de magnétiseurs inexpérimentés, avaient été victimes d'indispositions pins ou moins graves, de troubles.nerveux passagers, etc.
Afin de couper court à cette situation, il est enjoint maintenant aux commissaires de police de spécifier, dan* les autorisations écrites qu'ils peuvent être appelés à donner aux prestidigitateurs et physiciens, que nulle expérience de magnétisme ou d'hypnotisme ne pourra entrer dans la composition du progmmmo des séances.
On ne peut qu'approuver cette mesure.
Maladie du sommeil.
M. Mauthner a soutenu une théorie suivant laquelle la maladie du sommeil observée chez les nègres d'Afrique serait due à une poliencéphatite supérieure, a une inflammation de la substance grise qui entoure les ventricules cérébraux.
Celte théorie semblerait confirmée par un cas de cette rare affection observé tout récemment à Londres, chez un nègre du Congo. L'autopsie de cet individu, laite par des médecins de Londres, n'a montré aucune lésion nerveuse consia-table à l'œil nu. Cela semble indiquer a priori qu'il s'agit d'une altération non superficielle, vraisemblablement située dans la substance grise centrale ; l'examen microscopique lèvera les doutes à ce sujet.
Les paralysies des muscles moteurs des yeux semblent confirmer cette localisation. Le malade eu question a eu eu particulier ce ptosls special qui est le premier symptôme de la maladie et qui, pour les médecins qui out exercé eu Afrique, eu est le signe révélateur.
M. Mauthner croit que le sommeil naturel résulte d'uu trouble fonctionnel de celte mémo substance grise. On lui a objecté le rétrécissemeat pupillaire que l'on obserre dans Io sommeil. Pour lui, cette objection n'a pat de valeur. Si la pupillo est rétrécie, e'ost parce que le dilatateur de la pupille est au repos, ce qui permet au sphincter irien d'exercer une action prépondérante.
La consanguinité; la fin d'une erreur (?)
On considère à tort los mariages entre consanguins comme produisant les effets les plus désastreux, notamment la surdi-mutité. Nous ne croyons pas inutile de publier les résultais d'une enquête faite par Georges Darwin, ea Angleterre, de laquelle résulte la confirmation de recherches faites par un autre médecin anglais, recherches qui avaient déjà établi que la consaoguinité ne produit, sur la progéniture de* conjoints consanguin*, aucun effet, ni en bien, ni en mal. Voici les résultats de l'enquête de Georges Darwin :
Cette enquête porte sur 4.822 aliéné* e: 300 sourds-muets, que Darwin a trouvés dans ses asiles eu Angleterre.
Or, sur les 4,822 aliéné*. 170 seulement étaient issus de consanguins tandis que sur les 366 sourds-muets, il n'y en a que 81
H ressort des statistiques qui précèdent que la proportion de sourds-muets et d'aliénés, is«ue d'unions consanguines, est de 3 % environ.
Or, les statistiques relovées par Darwin accusent que la proportion entre les mariages ordinaires est également de 3 % environ. Ces chiffres sont donc normaux.
Interdiction des séances publiques d'hypnotisme et de magnétisme en Amérique.
La première interdiction des séances publiques d'hypnotisme dans cette contrée a eu lieu au Cincinnati. Le Dr J. W. Prendergast, directeur de la Commission d'hygiène, a donné aux autorités de cette ville le conseil d'interdire toute représentation publique d'hypnotisme, par la raison que l'application mal failo de l'hypnotisme est. dans un grand nombre de ca«, nuisible à la santé mentale des sujets. Le Conseil municipal, conformément à cet avis, a interdit ces représentations et publié uue ordonnance déclarant que, désormais le fait de donner une séance publique d'hypnotisme ou de magnétisme, serait considéré comme un délit.
« Myriachit » et maladie des tics convulsifs.
Il parati que le vrai nom de la maladie n'est pas comme on le prononce en France et en Amérique, myriakit. oa mtriichit, unis meriatchenje. D'ailleurs, peu imporle. L'auteur. M. A- Tokarski, « eu l'occasion d'en observer un grand nombre de cas en Sibérie. On uil que le symptôme fondamental du cette étrange maladie consi»le dans le fait que les sujets qui en sont atteints accomplissent des actes insensés, parfois criminels, contre leur volonté, et poussés par une force intérieure irrésistible, dés qu'on les leur commande. Ils reproduisent instantanément les mouvements qu'ils voient exécuter, répètent d'eux-mêmes le» mots qu'il-, entendent prononcer, etc., tout cela d'ailleurs, sans autres manifestations anormales du côté des fonctions phsychiques ou, d'une façon plus générale, des fonctions du système nerveux.
M. Tokarski en rapporte deux observations : 1 - Une femme de soixante-dix ans, encore active et intelligente, est affectée de ce trouble singulier depuis l'Age de trente ans, à la suite d'une chute de cheval qui avait déterminé une perte de connaissance prolongée. Elle déclarait spontanément qu'il lui (allait faire attention pour ne pas être la cause d'un malheur : « On m'ordonnerait d'assassiner, je ne pourrais pas m'en empêcher. » 2° Une femme de trente ans commença à être malade ver* vingt-huit ans, après la mort de son mari; l'alTection se présentait sous une forme analogue. Quatre autres cas étaient caractérisés par un besoin d'imitation irrésistible qui se manifestait quand on avait provoqué chez les sujets soit la colère, soit la frayeur. Dans ces cas-là, il s'agissait donc seulement d'une variété bâtarde de myriachit.
La maladie affecic principalement les habitants autochtones de la Sibérie orientale, mais aussi les Russes immigrés. Quelquefois, elle se déclare sous la forme cpidémique. M. le docteur Kaschin a observé, dans le cercle de Baikal, en 1SCS, un cas très original. Un corps de troupes, pendant les manœuvres, répétait les ordres du commandant sans les exécuter. Le commandant invectivait et menaçait les soldats (c'étaient des Cosaques et des Sybériens orientaux); ceux-ci lui répondaient par les mômes invectives et les mômes menaces. Les maladies décrites sous les noms de latah, sakitlakar, jumping, par les voyageurs de Java, singapore et nord-américains, semblent être identiques au myriachit ou me-rîats - L'auteur, en revanche, conteste l'identité de ces formes morbides avec la maladie des tics convulsifs, étudiée par Charcot et Guinon.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Hygiène des gens nerveux, par le docteur Levillain. Paris, Alcan, 1891.
Sons ce litre. M. le docteur Levillain. ancien élève de la Salpétrière. a réuni à l'usage du grand public, des préceptes hygiéniques qui s'appliquent spécialement aux personnes prédisposées et à celles atteintes de maladies nerveuses. M. Levillain expose d'abord l'hygiène spéciale des grandes fonctions nerveuses : les sens, l'intelligence et le mouvement; puis il fait l'application spéciale des préceptes généraux de l'hygiène ordinaire (milieu cosmique, vêtements, aliments, boisions) à l'hygiène spéciale des névropathes.
Ces préceptes, essentiellement pratiques, sont précédés d'une description du système nerveux et de son mécanisme, des diverses affections nerveuses qui sont à redouter et par suite à éviter, et d'un examen des sources et des causes du nervosismo sous toutes ses formes.
Thérapeutique suggestive, son mécanisme, propriétés diverses du sommeil provoqué et des états analogues, par le douleur a. Liébbault. — Paris, 0. Doin, 1891.
Dans son nouveau livre, l'auteur cherche a démontrer que c'est sous une influence suggestive de la pensée, pendant la veille ou pendant le sommeil et ses analogues, et. d'après la loi de fluctuation de la force nerveuse établie par Cabanis et Bichat, que naissent : non seulement les phénomènes psycho-physio-logiques tels que ceux de beaucoup d'affections morbides par causes morales; mais encore que suggestivement s'améliorent ou guérissent, a l'aide d'un mouvement nerveux en sens contraire de ces phénomènes, un très grand nombre de maladies qui sont le triste apanage de l'espèce humaine.
Dans ce second volume sont aussi traitées la question de la médecine légale de l'hypnotisme et celle du zoomagnétisme. Bien que l'auteur n'ait pu résoudre la question de la lucidité, il l'a examinée sérieusement et a cherché à rattacher à la science positive les faits rares et étranges de lucidité qu'il lui a été donné de rencontrer dans sa longue carrière d'hypnotiseur.
On trouve en terminant, comme appendice, la Confession d'un hypnotiseur déjà parue, en 1886, dans la Rente de l'hypnotisme. M. Liébeault a pour but de montrer de nouveau, et cela n'est pas inutile, que le sommeil et les procédés pour le faire naître sont sans danger aocun, et que, s'il arrive des accidents dans lenr emploi, c'est toujours par suite de l'ignorance ou de l'étourderie de l'opérateur.
Maladies et médicaments à la mode, par le Dr Degoix (1).
Sous ce titre, M. 1E DR Degoix vient de publier un volume qui a sa place toute désignée dans nos bibliothèques. Toutefois, avant de l'y loger, à portée de notre main, ne saurions-nous trop le lire et le relire. L'auteur, fuyant l'aridité des connaissances spéciales et techniques, a fait œuvre d'écrivain et d'humoriste. Nous conseillons à ceux qui en douteraient de lire le* chapitres suivants : ta Morphinomanie, F Hypocondrie, le Mal de mer, le Délire de la persécution, l'Obésité et la Maigreur, la Dilatation de l'estomac, la Dyspepsie, et, parmi les médicaments antiseptiques, l'acide phénique, le salol, 1e naphtol, l'antipy-rioe, etc., etc. On comprend que nous ne puissions tout citer.
NOUVELLES
Congrès des Sociétés savantes do Paris ot des départements. — Les hallucination» et la folie de Cenfant. — M. Moreau (de Tours) appelle l'attention sur la nature de l'hallucination chez l'enfant, l'ne analyse méticuleuse de nombreuses observations, tant personnelles que puisées dans les auteurs, lui a permis d'établir la nature spéciale de l'hallucination dn jeune âge. quel que soit le sens que ces hallucinations affectent; dans l'immense majorité des cas, eues révèlent une forme terrifiante, pénible, douloureuse même, qu'on pourrait comparer a celle que l'on observe dan» le délire- alcoolique.
M. Moreau lit ensuite une note sur « quelques considérations médico-légales sur la folie chez les enfants Après avoir passé en revue les textes de loi qui arment la société contre les délits commis par l'enfant, il constate que le rôle de la médecine légale dans l'appréciation des actes commis par les enfants est un rôle très borné. La loi est formelle. L'âge du discernement établit nettement rage auquel on enfant peut être déclaré coupable et, par suite, responsable de ses faits et gestes. Des lors, l'enfant qui aura commis un délit sera enfermé dans une maison de correction jusqu'à sa majorité s'il a été reconnu sain d'esprit, dans un asile d'aliénés s'il a été prouvé son état de délire ou d'imbécilité.
Congrès d'ethnologie. — En septembre 1892, s'ouvrira à Paris un Congrès d'ethnologie, de l'organisation duquel on s'occupe activement. Ce Congrès sera précédé d'une exposition d'ordre spécial, permettant l'étude des différentes races humaines. On amènera à Paris des groupes d'individus appartenant aux populations s moins connues.
La Revue de l'École d'anthropologie nous annonce qne quelques-uns de nos explorateurs les plus connus doivent aller eux-mêmes à la recherche de nos hôtes de 1892 dans les différentes parties du monde. Cette intéressante exposition se tiendra au Champ de Mars.
(1) J.-B. Baillière, Paris, 1891, I fr.
— Une nouvelle clinique de maladies mentales et nerveuses vient d'être inaugurée à Balle.
— Un mémoire de 31. Aristote Neophitos relate un curieux cas de gigantisme : jeune Grec né en 1864 et mort en 1887; mesures relevées: taille 2me33; grande envergure 2me 45; largeur de la poitrine 0,57; largeur des épaules 0,58; circonférence de la tête 0,690; circonférence du cou 0,16 ; du genoa au sol 0,70; longueur du niédm* 0,16; longueur du pied 0.41 ; poids du corps 188 kil.
Il serait Intéressant de connaître les particularités mentales que ne peut manquer de présenter un tel sujet.
Société médico-légale de Hew-York. — Cette Société" vient de décider la création d'une section de recherches sur l'hypnotisme.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
Ball (Le professeur B-). — Leçons sur les maladies mintales, deuxième édition, in-8e, 1042 pages. — Assolta et Houxeau, place de l'Ecole-de-Médecine. Paris. 1890.
Bernard-Roussaud (Dr A.). — Critiques sur l'Enseignement médical actuel et des modifications nécessaires, brochure 25 pages. — Imprimerie M. Décembre, 326, rue de Vaugirard. — Paris. 1891.
Bloco (Dr Paul). — La neurasthénie et les Xruraslhéniques, brochure 32 pages. — F. Levé, 17, rue Cassette. Paris. 1891.
Bonamaison (Dr I..). — Annales cliniques de l'Institut hydrothérapique de Saint-Didier (Vaucluse). 1er fascicule (Hystérie, Neurasthénie), ln-8°, 95 pages. — Octave Doin, 8, place de l'Odeon. 1891.
Danilewsky (H.), professeur i l'Université de Kharkoff. — Substitution physiologique réciproque dé l'activité cérébrale et des impulsions extérieures. — Hecherches sur la dyspnée proroquée chez la grenouille, brochure 30 pages, in-8°. — Paris, 111, boulevard Saint-Germain.
Dasilewssy (B) — Théorie unitaire et phylogénélique de Vhypnotisme de f homme et des animaux russe), discours fait en janvier IS91, a KharkofT.
Garmer (Paul). — La Mélancolie dans ses rapports avec ta Médecine tégole, in-8", 18 pages. — Masson, Paris, 1891.
Hamilton Osgood (M. D.). — Outcome of Personal Experience in the application of hypnotism and hypnotic suggestion (en anglais), brochure 26 pages. — Iramrell et Upbam. Publishers, ¿S3 Washington Street. 1891.
Lalot. — Étude des applications thérapeutiques de suggestion hypnotique (thèse de Paris), In-8°. 41 pages. — Ollier-Uenry, 1891.
Levillain (Dr F.). — Hygiène des gens nerveux, précédée de notions générales et observations sur la structure, les fonctions et les malndica du système nerveux, gravures dans le texte, in-12, 310 pages. — Paris, Félix Alean, éditeur, 1US, boulevard Saint-Germain. 1891.
Maréchal (Dr), de Bruxelles. — Contribution à l'élude des contractures post-hémiplégiques, brochure 8 pages. — Presse médicale belge.
Moreau (L'Abbé P.-G.), vicaire-frenerai de Langres). — L'Hypnotisme, élude scientifique el religieuse, in-lï, 610 pages. — Paris, ancienne librairie religieuse J. Leday et C", 10, rue de Mézières. 1891.
Pitres (Dr A.), professeur et doyen de la Faculté de médecine de Bordeaux. — Leçons cliniques sur l'Hystérie et l'Hypnotisme faites ù l'hôpital Saint-André de Hordeaus. — Ouvrage précédé d'une lettre-préface de M. le professeur Charcot, 9 volumes in-8* de 530 pages chacun, avec 133 ligures dans le texte et 16 planches hors-texte. — Octave Dois, éditeur, 8, place de l'Odèon. Paris, 1891.
Ringier (Dr Greorg). — Erfolge des therapeutischen Hypnotismus in der Landpraxis (en allemand), In-8*. 210 pages. — J. F. Lehman. Munich, 1891.
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SéGUIN (E. C). — Lectures on Some Points in the treatment and Management of Sevrait (ta anglais), brochure ia-12, 10O pages. — New-York, Medical Journal. '5 et 26; avril, 17,31 mai 1890.
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Soury (Jules), maitre de conférences à l'École des hautes éludes. — Les Fonctions du cerveau; doctrines de l'École de Strasbourg; doctrines de l'École Italienne, in-S*, 461 pages. — Bureaux du Progrès médical, rue des Carmes, M ; Lccrosnier et Babé, place de l'École-de-Médecine. Paris, 1891.
index bibliographique international
Nous invitons nos lecteurs ? compléter, par leurs Indications, les lacunes et les omlMtona de l'Index ;bibliographique
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Curnelles (F. di). — L'hypnotisme. (In-18*, 323 p., avec fig. Hachette).
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Fouillée (Alfred). — Ia Physique tl le Mental, à propos de Chypnolisme. (Rerue des
Deux-Mondes, 15 mai 1891). Guinon et Woltre — De l'influence des excitations sensitives et sensorielles dans les
phases cataleptique et somnambulique du grand hypnotisme. (.Voue, iconog. de la
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Janet (Pirans). — Sur un cas d'aboutie et d'idées fixes. (Reçut philosophique, mars-avril 1891).
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SchRenK-Notzing (von). — Suggestion und psychothérapie. (Sonderabdruck der aerzlieche Prackiker, n' 15, 1891).
L Administrateur-Gérant : Émilb BOÜRIOT.
Paris. — Imprimerie brevetée MICHELS rr Fiu, passage du Cure. 8 et 10.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE THÉORIQUE ET PRATIQUE DE LA SUGGESTION
Par le Docteur L. STEMBO, de Wilna
« Il n'y n d'Impouible que ce qui se contredit soi-même, et non pas ce qui contredit l'expérience. ¦
(Preyer. Hypn 1830, s H2-)
Je tous communique aujourd'hui un cas qui me semble avoir de l'importance, non seulement au point de vue de l'application thérapeutique de l'hypnose, mais aussi au p^int de vue de la doctrine entière de l'hypnotisme. Ce cas est d'autant plus intéressant qu'il concerne une dame exemple de tout symptôme d'hystérie.
Voici l'histoire rapide des prodromes de l'affection :
M™ D. P..., femme d'un colonel, âgée de 37 ans, descend d'une famille névropathique. Son père a souffert de diabètes melUtus; une sœur de sa mère a succombé à une maladie psychique. Deux de ses frères sont morts de phtisie.
Dans son enfance, elle a été toujours bien portante, fut réglée à 12 ans. régulièrement jusqu'à 1C ans. où il y eut une interruption de plusieurs mois par suite d'une forte chlorose.
A 18 ans. elle sortit de l'Alexander-Institut, a Moscou, et fut mariée deux ans plus tard. Apres dix mois, elle mit au monde un fils. L'enfantement fut très difficile; elle y subit de graves déchirements de la vessie, du vagin et du gros intestin, ce qui occasionna la formation d'une fistule vésico-vagi no-rectale.
Après cela, subsista chez la patiente une paralysie de l'extrémité inférieure droite, qui disparut d'elle-même plus tard.
Deux mois après, la malade se rendit à Saint-Pétersbourg, près du
professeur Korschenewski, qui l'opéra. Après cette opération, elle souffrit très longtemps et la fistule persista comme avant.
Dix mois plus tard, elle se rendit à Heidelberg, près du professeur Simon, alors en renom. Comme le désordre des tissus était très grand, il ne put travailler que petit à petit et par transplantations; il aurait certainement conduit l'entreprise à bonne fin, si la mort venue subitement ne l'en avait empêché.
Après la mort de Simon, la malade se rendit à Fribourg, chez le professeur Hegar, qui l'opéra également plusieurs fois, mais malheureusement sans succès.
Au temps de son séjour à Fribourg se manifestèrent, pour la première fois, des douleurs sur les bords de la fistule; tout d'abord elles étaient insignifiantes et rares, puis elles devinrent plus violentes et se reproduisirent très souvent, au point de troubler le sommeil. En outre, survinrent de violents maux de tète. A cela s'ajoutèrent encore des douleurs fortement lancinantes dans la partie inférieure du corps, surtout par obstipation.
De Fribourg, la malade se rendit à Strasbourg, près du professeur Kœberle, qui ne voulut pas l'opérer parce qu'il la trouvait trop affaiblie.
A cette époque, s'ajoutèrent aux douleurs déjà décrites, de nouvelles dans la région fessière droite, où se trouvent des cicatrices, partie par suite de décubitus, partie par suite de l'enlèvement de la peau, pour la transplantation de Réverdin. Ces cicatrices ne permettaient aucunement à la malade de s'asseoir sur le côté droit.
De Strasbourg, la malade se rendit à Moscou, où elle se refit un peu par de bons soins à la campagne, quoiqu'elle souffrit de ses douleurs comme avant. Mais comme des nombreuses opérations auxquelles elle s'était soumise elle n'en avait pas retiré la moindre amélioration, elle se résigna à supporter stoïquement ses douleurs. Pendant de nombreuses années, notre malade vécut ainsi, dans une petite ville éloignée de prorince. Mais dans les derniers temps, les douleurs et les nuits d'insomnie devinrent si intolérables, qu'elle résolut de se rendre à Moscou pour s'y suicider. En y arrivant, elle appela près d'elle notre collègue Swiderski, qui avait été son médecin et son ami. Celui-ci lui > conseilla de se rendre à Wilna pour essayer de l'influence de l'hypnose sur ses douleurs. En chemin, elle fut encore atteinte d'une paralysie i de la moitié droite du visage (forme moyenne.)
Dans l'examen de la malade, que j'ai fait en présence de mon collègue Swiderski. voici ce que je constatai : sujet d'une taille un peu au-dessus de la moyenne, squelette bon, mais système musculaire faible.
Les tissus généraux d'une couleur pâle, le tissu sous-cutané manque
presque complètement. La moitié droite de la figure est contractée vers la gauche; l'œil droit ne peut être fermé môme avec les plus grands efforts. Les pupilles sont également dilatées et réagissent promptement à la lumière ; le champ visuel n'est pas rétréci, aucune dyschromatopsie. Arrière-fond de l'œil normal. Ouïe, odorat et goût normaux. Appétit mauvais. Organes de la poitrine intacts; ventre gonflé; foie et rate de dimension normale. Constipation opiniâtre. Selles ne se présentant qu'après absoption de forts purgatifs. Entre la vessie, le vagin et le gros intestin se trouve un trajet ristuleux. entouré de bords épais, à travers leqael l'urine s'échappe goutte à goutte.
Le voisinage de la fistule est très douloureux, spécialement au plus léger contact. A la moindre pression sur les bords de cette fistule se produisent les douleurs les plus violentes pendant lesquelles la malade éprouve une forte compression dans les organes du bassin et à la tète; ces accès se terminent avec une impression semblable à celle produite par quelque chose qui se briserait dans son intérieur. Sur la moitié droite du siège se trouvent également trois grandes cicatrices très douloureuses a la m.oindre compression. Sensibilité de la peau ; réflexes de la peau et des tendons normaux. L'examen électrique des nerfs des muscles de la moitié droite du visage démontre que nous nous trouvons en présence d'une paralysie périphérique de la branche droite du facial appartenant à la forme moyenne, occasionnée par le froid : l'excitabilité faradique et galvanique des nerfs est diminuée, mais celle des muscles pour le courant galvanique est augmentée et la formule des secousses est changée: AnSZ>KaSZ.
La malade se plaint surtout de douleurs intolérables pendant le jour et la nuit, lui rendant le sommeil impossible et qui durent depuis quinze années.
Ayant constaté que l'insomnie était occasionnée par ces douleurs, et que celles-ci avaient pour cause les cicatrices existant aux différentes parties du corps, je pensai que ce cas n'était point du domaine de l'hypnothérapie, vu que par l'hypnose les cicatrices ne pourraient être supprimées. C'est dans ce sens que je m'entretins avec mon collègue Iwiderski. Malgré cela, la malade, son mari et le docteur insistèrent tellement, que j'acceptai, mais sans aucune confiance, le travail qui m'était imposé.
Evidemment, en pareille occurrence, ma suggestion devait être énergique et accentuée. C'est pourquoi je me préoccupai d'abord de déterminer l'hypnotisabilité de la patiente au moyen de l'hypnoscope indiqué par Ochorowicz, et je me servis d'un gros aimant ordinaire en forme de fer à cheval. Dans ma conférence faite en 1888 devant cette
Société, et imprimée dans le Wochcnschrtft Médical de Saint-Pétersbourg. n" 28 et 29 de 1889, je dis que, avec beaucoup d'autres, je n'attribue aucune importance particulière à l'hypnoscope ; mais en réalité les malades chez lesquels des signes de parasthésie se manifestent dans les membres soumis à l'hypnoscope. ce qui est un indice certain de leur facile hypnotisabilité, ces malades présentent très facilement le sommeil hypnotique ; en d'autres termes, l'usage de l'hypnoscope produit l'effet de suggestion à l'état de veille (suggestion sans hypnose). L'essai de l'hypnoscope sur notre malade avait donné un résultat positif, et elle s'endormit effectivement après avoir fixé un court instant un point de mon œil gauche, et en même temps je la suggestionnais lui disant que ses yeux se fermaient, qu'elle s'endormait, etc. Je fis même quelques passes pour accentuer davantage le sommeil. A cette première séance, je ne lui fis qu'une seule suggestion relative à l'hypnose qui devait avoir Heu le soir suivant. Il est très intéressant de remarquer qu'à son réveil elle demanda quand on l'endormirait à nouveau. Klle répondit négativement à la question que je lui fis, si elle avait entendu ce que je lui avais dit pendant son sommeil; et cependant le Dr Iwiderski et son mari qui étaient assis à quelque distance de nous, avaient parfaitement entendu toute ma conversation avec elle. II est donc évident qu'à l'état de veille elle n'avait aucune idée de s'être trouvée dans le sommeil hypnotique. Cela se renouvela dans toutes les hypnoses suivantes.
Il fallut à peine une minute pour l'endormir la seconde fois: je lui suggérai l'absence de douleurs pendant vingt-quatre heures et un sommeil paisible pendant la nuit suivante. La malade dormit effectivement et ne ressentit aucune douleur jusqu'au lendemain soir à huit heures. Après huit heures les douleurs revinrent, la nuit fut sans sommeil et elle commençait à perdre courage; mais le soir suivant je lui expliquai que c'était au contraire un très bon signe que les douleurs se fassent présentées si ponctuellement à mon commandement, et que c'était pour moi la preuve qu'elles disparaîtraient complètement.
Dans la troisième hypnose, suggestion que les douleurs disparaîtront pour toujours, sommeil calme ordonné et possibilité de s'asseoir normalement. Depuis ce moment, les douleurs ne sont pas revenues et pendant la nuit le sommeil est toujours tranquille. Pendant les sept semaines suivantes, les séances eurent lieu à quelques jours d'intervalle et la suggestion ci-dessus fut répétée. Notre injonction d'avoir chaque jour une selle n'eut malheureusement pas d'effet, je recommandai le massage pour influencer l'intestin.
La paralysie faciale fut traitée par l'électricité. Il est très intéressant à noter que, quoique après un traitement de cinq semaines, les muscles
de la face n'obéissent point encore à la volonté de la malade, dans l'état hypnotique ils se contractaient parfaitement à mon ordre et que l'œil se fermait complètement.
Ce cas, messieurs, ne vous est pas communiqué simplement pour vous montrer que les douleurs et l'insomnie qui y est liée peuvent être enlevés par l'hypnose, cela est connu depuis longtemps, mais il en ressort plusieurs points importants pour toute l'hypnologie:
1° Les douleurs dépendaient de causes matérielles; 2* Les muscles paralysés qui, à l'état de veille, ne pouvaient être mis en contraction par la volonté, pouvaient l'être pendant l'hypnose; 3° I-a malade n'avait aucune idée d'avoir été hypnotisée.
Examinons ces points un peu plus en détail:
1° Jusqu'à ce jour, la plupart des hypnologues qui font autorité, parmi eux Forel et Moll, prétendaient que les douleurs qui n'ont pas de substance anatomique sont seules susceptibles d'être enlevées par l'hypnose. Vous voyez que, dans ce cas, des douleurs qui dépendaient de cicatrices et qui, par conséquent, avaient un point de départ anatomique. se laissèrent néanmoins influencer par la suggestion hypnotique. C'est à cette occasion que me viennent à l'esprit ces paroles de Preyers: ¦ Il n'y a que les choses qui se contredisent elles-mêmes qui soient impossibles, et non ce qui contredit à l'expérience! »
2° Nous possédons beaucoup de cas où des hémiplégiques, sous l'influence de la suggestion, mirent en mouvement leurs membres paralysés depuis de longues années. Quoique des cas semblables aient également été communiqués par Itraid et par l'éminent psychiatre et psychologue Hack-Tuck, beaucoup mettent en doute leur exactitude. La possibilité de ces observations est continuée par le cas présent.
Comment peut-on expliquer que des paralysies qui dépendaient de modifications matérielles dans le cerveau et qui existaient depuis très longtemps, puissent disparaître dans l'hypnose et souvent ne reviennent pas après celle-ci?
Expliquer cela par l'excitabilité des muscles et des nerfs augmentée dans l'état hypnotique, en vertu de laquelle l'impulsion de la volonté à l'état normal ne serait pas capable de provoquer d'excitation dans les nerfs et les muscles ne fonctionnant pas depuis longtemps, mais le serait dans J'état hypnotique; expliquer cela ainsi n'est pas légitime, vu que les recherches de Heidenhain, de Berger, de Bieger. de Moll et les miennes (Revue de l'Hypnotisme, septembre 1890, page 67) ont démontré que dans l'hypnose les muscles et les nerfs ne manifestent aucune excitabilité augmentée. Je puis donc en donner l'explication suivante :
Nous savons, par les leçons de Dubois-Reymond, que les exercices de notre corps sont non seulement des exercices de notre système musculaire, mais aussi des exercices de notre système nerveux central, du cerveau et de la moelle épinière. Les mouvements plus ou moins compliqués de nos muscles sont d'autant plus facilement exécutés qu'ils le sont plus souvent, et ce n'est que dans ces cas que nous réussissons à séparer pratiquement les muscles qui restent en repos, de ceux qui doivent être mis en activité. Quand un groupe de muscles n'a pas fonctionné depuis longtemps, non seulement les muscles qui le composent s'atrophient, mais aussi les parties du cerveau dans lesquelles se trouvent les cellules médullaires motrices régissant les dits muscles; et, par suite, les mouvements qui en dépendent sont exécutés beaucoup moins facilement.
Par la communication suivante de Raymond (Progrès médical, 1882. n* 21 . on voit clairement jusqu'à quel point peuvent arriver les centres psychomoteurs par suite de l'entière inactivité de quelque partie de notre corps. En 18£2, il fit l'autopsie d'un phtisique qui avait subi l'amputation de la main gauche, en 1870. à la main droite; il ne manquait que le médius et l'index. En comparant les deux parties du cerveau, il trouva une différence frappante: dans la région des centres psychomoteurs, à gauche, tout était normal, tandis que du côté droit les parties correspondantes étaientdéprimées et atrophiées. Des transformations aussi graves se produisent rarement, mais souvent par suite d'une inactivité prolongée, le sujet oublie comment il faut exécuter un mouvement compliqué ou prendre une position du corps déterminée. Dans ces cas, sous l'influence de l'hypnose, le comment revient en mémoire. 11 n'est pas rare que tels mouvements oubliés reviennent sous l'influence de quelque chose. Voici comme exemple un cas qui n'est pas dépourvu d'intérêt :
Vous savez tous que Charcot et ses élèves Paul Block, Tyssen, Ladame et autres décrivent un état maladif consistant en ceci, que le malade ne peut se tenir debout, ne peut marcher d'une raauière normale, mais lorsqu'il est couché ou assis, il maîtrise notablement ses extrémités inférieures; simultanément la sensibilité, le sens musculaire, la coordination du moral et du physique sont dans un état parfait. D'après Block, le principe de la maladie provient de ce que les malades oublient les mouvements spéciaux qui sont nécessaires pour la station droite et la marche normale. Biswanger explique cet état par une altération psychique, mais cela subsidiairement. En France, cette maladie est nommée « abasie-astasie ».
Presque toujours la maladie apparaît brusquement et surtout chez des
hystériques; mais elle peut aussi se développer lentement et chez des non hystériques, par exemple après de longues maladies aiguës et chroniques comme dans le cas dont je vais donner communication :
Une jeune femme de vingt-trois ou vingt-quatre ans enfanta pour la première fois au temps normal : les neuf ou dix premiers jours se passèrent très bien ; le onzième jour, elle souffre d'une raétrite à laquelle vint s'ajouter ce que l'on appelle le « phlegmasia alba dolens » de chaque côté. En même temps, se développa un processus métaslatique, et la malade se trouva dans le plus grand danger. Elle commença heureusement à se remettre au bout de deux mois, et lorsque après dix mois je la vis pour la première fois, on ne pouvait plus constater qu'un léger œdème des deux extrémités inférieures, une atrophie insignifiante de leurs muscles et une légère difficulté de marcher dans les deux articulations des pieds. Couchée ou assise, elle remuait parfaitement les jambes, pouvait se retourner dans son lit, se tenir à quatre pattes, etc. Il était évident que nous nous trouvions en présence d'un cas d'abasie-astasie qui s'était développée au cours d'une longue maladie ; en d'autres termes, par suite du non-usage prolongé de ses extrémités inférieures, la malade avait oublié de se tenir droite et de marcher. Cela n'est pas douteux et a été prouvé ex juvantibus: quelques jours après, la malade soutenue sous les bras par deux personnes, fut conduite au milieu de la chambre et subitement abandonnée. Ce choc fut suffisant pour lui rappeler la station debout qu'elle avait oubliée.
Chez un grand nombre d'hémiplégiques ou autres paralysés chez lesquels la cause de la paralysie a disparu depuis longtemps, subsiste encore l'impossibilité de remuer les membres ou certaines parties, parce que les malades ne savent plus comment s'y prendre pour les mettre en mouvement. Dans ces cas, l'hypnose peut ramener dans la mémoire le comment oublié. Et dans les cas communiqués par les auteurs, il s'agissait vraisemblablement de malades de cette espèce.
3. — Vous avez entendu que, chez notre malade, il y avait amnésie non seulement pour tout ce qui lui arrivait dans l'hypnose, mais en outre qu'elle n'avait aucune idée de l'hypnose elle-même; si. par exemple, on lui avait fait une suggestion dans un but criminel, non seulement elle n'en aurait eu nullement conscience, mais bien plus, si on lui avait demandé si elle avait été hypnotisée, elle eût certainement répondu: « Non », ce qui est de la plus grande importance au point de vue juridique.
Appendice. — Notre malade a passé sans dormir les nuits des 22 et 23 décembre, non que ses douleurs fussent revenues, mais, comme elle l'a déclaré, parce qu'on avait fait beaucoup de bruit dans la maison
voisine pour les préparatifs de la fête de Noël. Depuis lors, ainsi qu'on me l'a écrit, le sommeil a toujours été excellent.
Je conclus et tiens à remplir an devoir agréable en remerciant le D1 Iwiderski du concours qu'il m'a donné pendant toutes les hypnotisa-tions de la malade.
(Traduit de l'allemand par M. Clément.)
DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE
L'alfaire des magnétiseurs de Braine-le-Château. — Première et dernière réponse de M le professeur Delbceuf, de Liège, â M. le professeur Masoin. de Louvain.
Mon cher directeur,
11 n'y a pas qu'en Italie que l'hypnotisme rend les gens fous. C'est ce qu'ont dû se dire foi lecteurs qui ont lu ta lettre épileplique de M. Masoin, parue dans la livraison de juillet. Ils se demandent en vain sans doute à quoi peut rimer ce débordement d'injures à mon adresse, injures qu'il avait déjà débitées le 28 mars dans une séance publique do l'Académie do Médecine de Belgique et dont lui. secrétaire, s'est vu refuser l'insertion dans le Bulletin. S'ils veulent bien relire ma lettre du mois de mars, qui en est le prétexte, ils n'y trouveront autre chose que l'expression, â peine indiquée, d'un dissentiment scientifique C'est qu'ils ne savent pas que M. Masoin est tourmenté de toutes les ambitions et avide de tous les genres de gloire. Jusqu'à présent toutes les gloires qu'il a ambitionnées, il les a obtenues; les revues générales et spéciales se disputent ses communications et publient avec bonheur ses découvertes. Mais malgré tout l'éclat dont il rayonne, il y a un cheveu dans son existence, et ce cheveu, c'est moi, — qui n'en ai plus. — Soit jalousie, soit aveuglement, je suis seul, — du moins il le croit, — à ne pas être convaincu de sa haute compétence en hypnotisme, bien que tout disposé d'ailleurs à m'incliner devant ses mérites en tout le reste, en éloquence comme en urbanité, comme en grammaire. Un moment, il a cru deviner sous mon dédain apparent une manœuvre habile : je l'attaquais avec l'intention tour-noise de me tailler un lambeau de réputation en le forçant à s'occuper de moi, et, pendant un temps, il a su ne pas donner dans le panneau en évitant avec soin, comme il le rappelle, de me citer dans ses savants ouvrages.
De peur de voir Deltouf, sor l'aile du génie, Voler, grâce à 3laaoin, à la postérité.
Mais il vient de faillir à sa résolution et n'a plus même recours aux périphrases pour me désigner.
Eh bien! de mon coté, je renonce à luUer avec M. Masoin. Nous n'usons pas des mêmes armes. Seulement, mon cher directeur, satisfaites donc, je
tous prie, au désir que j'ai exprimé ici même; imprimez ce fameux rapport que son auteur, par antiphrase, qualifie de modeste. Croyez-moi, vos lecteurs vous en sauront gré. Car ils demandent à lire dans ce recueil des discussions scientifiques et non des querelles personnelles. Ils y verront des choses bien instructives.
En attendant, veuillez publier en réponse à la lettre de mon redoutable adversaire, la critique vraiment modeste que j'ai fait, de ce rapport critique, que M. Masoin appelle un pamphlet, et qui pourrait bien avoir été l'allumette qui a mis le feu à sa réserve de poudre.
Après quoi, je vous jure que ce sera l'unique fois que j'abuserai de vos pages pour y prendre à partie l'éminent professeur de l'Université Catholique de Louvain. secrétaire de l'Académie royale de Médecine de Belgique.
Examen critique du rapport des médecins experts.
Qu'est-ce que celle affaire? Un rien dont on a fait quelque chose. Un somnambule plus ou moins forain et «es complices attraits avec fracas devant le tribunal de Nivelle» et condamnés pour escroquerie à pas mal de mois de prison du chef d'exercice illégal et frauduleux de l'art de guérir.
En octobre, je fut cité par la défense devant la Cour d'appel. La Revue de l'hypnotisme de février dernier m'ayantpara présenter sons un faux jour le rdle que j'avais joué, bien malgré moi, dans le procès, je crus devoir, par une lettre insérée dans le numéro de mars, rétablir l'exactitude des fait*.
Cette lettre me valat, en séance publique de l'Académie de Médecine, le 28 mars, une réponse de la part de al. Masoin, son secrétaire, professeur à l'Université de Louvain, expert dans le procès.
Cette réponse contenait, a ce qu'il parait, des attaques directes et personnelles contre moi. L'assemblée, aprè* un débat animé, a décidé que les attaques ne figureraient pu au Bulletin, et que la partie scientifique seule serait imprimée.
Elle comprend le rapport des experts et sa justification. M. Masoin n'a pas jugé à propos d'imprimer un premier rapport dû à M. Schoofs, médecin à Nivelles, qui. lorsque la défense eut invoqué commo contre-expert le D'Carlier, trouva prudent de s'adjoindre un illuure confrère.
L'expertise avait conclu que Sylvain Vandevoir, le somnambule, n'était qu'un faux somnambule, qu'il simulait l'hypnose. En quoi un faux somnambule est plus dangereux qu'on vrai somnambule, c'est ce que personne ne parviendra à saisir. Toutefois, c'est a établir la simulation que ten-lait l'expertise; et son système l'avait emporté. De là le singulier libellé du jugement.
Devant la Cour, la défense produisit des certificats de MM. Liébcaolt, Liégeois et Bernheim et de moi, corrobores par ma déposition verbale, affirmant la sincérité du sujet. C'est cette déposition que M. Masoin auaque.
Voyons donc les argument» de l'accusation et suivons pas à pas le rapport des experts. [Bulletin de l'Académie du ¿8 mars /891.)
P. 234, première preuve de simulation : • S. Vandevoir paraît imentibte aux pincements que nous lui pratiquons à la peau des bras, mais if ne passe pas à l'état cataleptique quand nous lui relevons les paupières; des frictions sur le vertex n'amènent pas l'état somnambutique. »
P. 238 : « Nous malaxons les muscles fléchisseurs de lavant-bras et les mas-séters mais sans obtenir le phénomène de l'hyperexcitabitité neuro-musculaire. ce symptôme quasi constant de l'état léthargique, etc. »
Ainsi, M. Masoin n'a pas obtenu les fameux trois états que, p. 246, il appelle
« les phénomènes classsiqus et objectifs de 1 hypnose ». Or. il y a beau tcmp que la science a fait justice de ces fois étals, qui soot restés le monopole exclusif de la SvJpêlrière. et qu'aucun magnétiseur, ni d- France (Nancy. Marseille, Bordeaux), ni de l'étranger, ni de Paris même, en dehors de quelques salpêirié-ri-te» de plus en plus rares. — peut-être n'en reste-t-il qu'un, — ne sont jamais arrivés i produire, si ce n'est par suggestion. Et par suggestion, rien >in'en malaxant l'orteil, M. Mi«oin aurait pu sans diftirulté exciter les muscles de l'avant-bras et le* raaseter*.
Dans toute la suite du mémoire, le rapporteur ne fait que passer de la surprise à l'étoonement et de l'étonnement a la surprime. Ainsi, p. 235. deuxième preuve de simulation : « 11 cherche à pratiquer le réveil par le moyen ordinaire si efficace. qui consiste A souffler sur la racine du ne: de l'hypnotisé; ce moyen ne produit ici aucun résultat ». Deirez le réveillant par de» pa«ses, le rapporteur • lu) fait part de sa surprise devant ce singulier procédé de réveil ». Et a ce sujet, M. Masoin traite Deirez d'ignorant.
Or tout hypnotiseur sait — sauf les ignorants comme Deirez — que tous les procédés sont bon» pour réveiller comme pour endormir, et quo tous reposent sur la suggestion, c'est à- dire la croyance du sujet.
P. 230 et plus loin, p. 243. troisième preuve : le rapporteur s'étonne a plusieurs reprises de ce que Vandevoir cause et répond « sans avoir été préalablement mis eu communication avec les assistants, et sans qu'aucune délégation leur ait été laite ».
Ici il confond Vandevoir avec Louise Lateau qui, elle, ne répondait qu'à ceux qui avaient reçu une délégation de l'évêque — donnée à haute voix devant elle. Quand il n'y a pas eu défense spéciale, le sujet est en communication avec tout le monde.
P. 243. Il n'y a pas lieu davantage de s'étonner — quatrième preuve — que « pendant son sommeil, Vandevoir voit tout ce qui se passe autour de lui ». C'est ce que fait tout somnambule auquel on ne bande pas les yeux — à moins toujours de suggestion contraire.
P. 244, cinquième preuve : En présence de certaines difficultés que Vandevoir fait pour s'endormir devant le juge d'instruction, le procureur du roi, le greftier et les deux experts, ceux-ci préientem que c'est pure comédie de sa part et qu'il doit être arrive à un tel degré de sensibilité que « sou émotion personelle ni une légère atteinte d'influenza ne seraient capables d'empêcher l'action « du tluide ».
A cela nous répondons : « C'est un fait connu dans la science que l'émotion, l'appréhension, ladéliance peuvent entraver et même détruire l'hypno. e. Ainsi les meilleurs sujots no s'endormiront point s'ils doivent subir une opération chirurgicale. El nous connai'tons des sujets de Donato et de Léon qui ont su fort bien résister aux injonctions de ces fameux hypnotiseur* quand ils n'eurent plus envie ou que leurs parents leur eurent détendu de s'exhiber on public.
P. 246, sixième preuve : Le rapporteur -'étonne de ce que Vandevoir. piqué à la nuque dans la première expertise par le docteur Schoofs, ail senti la piqûre aa réveil. « Une telle piqûre, dit-il, reste indolore par ta suite. La seule interprétât ion qui reste pour comprendre? ses plaintes, c'est d'admettre qu'en réalité il avait senti la piqûre au moment même, loin d'y être insensible, mai* que, s inspirant d'one debance bien naturelle, il avait su reprimer toute réaction qui l'eût trahi ».
11 est d'abord parfaitement inexact qu'une piqûre reste indolore par la suite. La jeune ulle que J'ai vu brûler par suggestion à la Salpêtrière, sentait bel et bien sa brûlure le lendemain et s'en plaignait. Tous les jours sur les théâtres, on donne à mâcher quelques grains d'aloès aux sujets, et, réveillés, ils montrent energiqueroent qu'il* en goûtent l'amertume. L'absence de douleur est le produit de la suggestion, d* même qu'inversement la douleur peut être provoquée
sans lésion (exemple : on mal de dents). Ensnite, si Vaudevoir savait simuler l'insensibilité quand on le piquait, à plus forte raison lui aurait-il été facile de simuler l'insensibilité quand il simulait le réveil.
Tels sont les arguments, qualifiés de scientifiques, sur lesquels le rapport s'appuie pour affirmer que Vandevoir simulait l'hypnose, et le faire condamner, non pour exercice illégal de l'art de guérir, mais pour escroquerie.
Devant la Cour, dans sa lettre à la Rerue de Chypnotismc, dans le procès-verbil de la séance du 28 mars, dans sa lecture (notamment p. 252) le rapporteur formule toujours sa conclusion en ces termes : « Ni au point de vue de la Salpè-trière, ni au point de l'Ecole de Nancy, S. Vandevoir ne présentait les caractères do l'état hypnotique ».
Nous avons essayé, des amis et moi, — mais sans y parvenir, — de nous figurer un individu qui serait hypnotisé au point de vue de l'École de Paris et ne le serait pas au point de vue de l'Kcole de Nancy, ou inversement. Nous serions curieux devoir et de loucher un pareil phénomène.
Ceci dit. je ne suspecte en aucune façon la sincérité du rapport: 11 montre Vandevoir se conduisant dans le cabinet du juge d'instruction comme devant moi, comme devant les «avants de Nancy : MM. Liébeault, Liégeois et Bemheim, qui ont porté te même jugement que moi. De sorte que M. Masoin est mal venu à laisser entendre que Vandevoir aurait bien pu être hypnotisé par ces savants ou moi sans l'avoir été par ses complices. C'est là un pur argument d'avocat [1].
Maintenant pourquoi cette grande colère contre moi? J'en suis encore à m'en demander la cause, car. dans ma déposition devant le juge d'appel, je m'étais auaché à ménager mon contradicteur. La voici : « S. Vandevoir était hypnoti-sablo puisque je lavai* hypnotisé. Avait-il été hypnotisé chez le juge d'instruction? je ne coulais pas me prononcer sur ce point, puisque je n'assistais pas aux expériences. Toutefois les raisons invoquées par tes experts en faveur de ta simulation ne paraissaient guère suffire à l'établir. S. Vandevoir n'était capable, ni de découvrir les maladies, ni, à plus forte raison, de prescrire des remèdes appropriés. Dans le sommeil hypnotique, il se conduisait comme un illuminé. Sur la question de sa responsabilité, je m'en rapportais à l'opinion de M. Bernbeira, qui le déclarait irresponsable. »
Voilà ce que je dis, rien de plus, rien de moins.
Est-ce le passage souligné, reproduit dans ma lettre à la Révue de l'hypnotisme, qui a fâché M. Masoin? J'en suis au regret. Ou bien seraii-ce cette phrase finale: « Ici nous voyons un suggestible. un hypnolisable, s'il en fût jamais, — il ne faut pas avoir eu en main un hypnotisé pour le nier, — déclaré simulateur par des médecins, et cela pourquoi? Qu'on le dise! » Je laissais deviner la réponse. On la connaît maintenant : c'est parce que, malgré des efforts louables, M. Masoin est resté malheureusement étrangère la science au nom do laquelle il émit appelé à donner son témoignage.
Je disais encore ceci : « La question a une importance beaucoup plus grande qu'elle n'en a l'air ». En effet, le Gouvernement, à ce qu'il paraît, poursuit son intention de faire une loi — grosse de dangers et mortelle pour la science et les malades (voir l'Union libérale de Verviers, dn S mai). — en vue de réglementer la pratique de l'hypnotisme. Cette loi a été réclamée et inspirée par l'Académie de Médecine où, chose inquiétante, M. le secrétaire passe pour une autorité en science hypnotique. Je redoute le jour — qui n'est peut-être pas éloigné — où les pouvoirs publics et les tribunaux remettront entre les mains de pareilles autorités le sort de? savants des innocents et des coupables.
C'est pourquoi j'ai cru de mon devoir d'écrire ces quelques pages.
J.
(1) Je ne sais même pas jusqu'à quel point on pourrait hypnoUser par la suile quoiqu'un qui aurait commence par jouer la comédie de l'hypnotisme.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
Fondée en 1889, pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'Hypnotisme.
STATUTS (1) Titre I. — Constitution de la Société.
Art. 1. — La Société d'Hypnologie est fondée dan* le bot de concourir aux propres de la méthode bypnotique et suggestive appliquée à la physiologie, à la psychologie, à la pathologie, à la thérapeutique et à l'étude de la responsabilité en médecine légale.
Art. 2. — La Société se compose de membres titulaires fondateurs, de membres titulaires et de membres honoraires. Le nombre des membres de la Société n'est point limité.
Art. 3. — Sont membres fondateurs titulaires, les médecins, chirurgiens, accoucheurs, physiologistes, psychologues, professeurs de philosophie de l'Université, avocats et magistrats, ayant fait jusqu'à ce jour acte d'adhésion à la Société.
Art. 4. — Pourra sur sa demande être nommé membre honoraire, tout membre fondateur ayant participé depuis deux ans aux travaux de la Société.
Art. S. — Pourra sur sa demande être nommé membre honoraire, tout membre titulaire ayant fait partie de la Société pendant dix ans.
Art. 6. — Pourront être nommés membres honoraires, les savants qui, sans être médecins, chirurgiens, accoucheurs, physiologistes, psychologues, professeurs, avocats ou magistrats, se livrent à l'étude des sciences se rapportant au but de la Société.
Titre IL — Conditions d'admission.
Art. 7. — Tout candidat au titre de membre titulaire doit lire en séance publique un travail inédit.
Art. 8. — Toute demande d'admission, à quelque titre que ce soit, est renvoyée à l'examen d'une commission de trois membres, qui fera un rapport sur l'honorabilité et les titres scientifiques du candidat.
Art. 9. — Toute élection a lieu au scrutin secret, à la majorité absolue des votants.
Art. 10. — L'élection a lieu immédiatement après la lecture du rapport de la commission.
Tittre III. — Composition du bureau.
Art. 11. — Le bureau se compose :
1° D'un président ;
2° D'un Tice-président ;
3° D'un secrétaire général;
4* De deux secrétaires des séances.
5° D'un trésorier archiviste. Art. 12. — 1° Le président est rééligible ; 2° Le secrétaire général est élu pour trois ans et est rééligible ; 3' Le trésorier archiviste est rééligible.
Art. 13. — Le bureau fait fonction de commission permanente et de conïeil de famille.
(1) Os statuts ont été adoptés dans la st-ance du il juillet 1891.
REGLEMENT DE LA SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
Titre Ier. — Des séances et de la publication 'des travaux.
Article Ier — La Société se réunit réglementairement une foit par mois, sauf pendant la durée des vacances. — Les séances sont publiques; mais la Société peut se former en comité secret, toute* les fois qu'elle le Juge nécessaire.
Art. II. — Le lieu de réunion de la Société est au Palais des Sociétés Savantes. 28, rue Serpente.
Art. Uf. — Le Jour des séance* de la Société est fixé au I" lundi de chaque mois. L'heure de* séances est fixée à 4 heures 1/2.
Art. IV. — Le président a le droit de convoquer la Société en séance supplémentaire et extraordinaire, toutes les fols qu'il y aura intérêt pour la Société à cette convocation supplémentaire.
Art. V. — Les comptes rendus des éances seront publiés officiellement dans la Revue de l'Hypnotisme, et à la fin do chaque année, le* comptes rendus de la Société seront réunis en un volume, sous le titre de Bulletin et Mémoires de la Société d~I!ypnoloyie.
Art. — Le* mémoires lus à la Société seront publiés dans les Bulletins et Hémoires de la Société. Le* auteurs auront le droit d'en faire Taire à leurs frais un tirage à part.
Art. VII. — La publication du Bulletin, et celle des mémoires lus à la Société, sont placés sous la surveillance d'un comité de publication.
Art. VHI. — Le comité de publication se compose du président, du secrétaire général et de trois membres titulaires élus chaque année au scrutin de liste et rééligibles.
Art. IX. — La rédaction des Bulletins est faite par le secrétaire général, avec l'aide du secrétaire des séances.
Art. S. — Le secrétaire général s'entend avec les auteurs, pour les coupures et suppression* que, d'après la décision do comité de publication, il y aurait lien de faire dans les travaux primitifs. Il donne seul les bons à tirer.
Art XI- — Toutes les réclamations relatives aux publications de la Société doivent être portées devant le comité do publication. Dans le cas où sa décision ne serait pas acceptée par l'auteur, il en sera référé à la Société réunie en comité secret.
Art. XII. — Tous les auteurs, quels qu'ils soient, sont tenus de se conformer d'une manière absolue an mode de publicité adopté par la Société. 11« peuvent, à leur gré, publier les titres et conclusions de leurs travaux ; mais s'ils devançaient autrement la publicité de la Société, Us perdraient leur droit à cette publicité, et mention en serait faite, en séance d'abord, puis dans le prochain numéro du bulletin.
Art. XIII. — Tout manuscrit, qui par sa forme ou son étendue, *es dessins, ses tableaux numériques, entraînerait des frais de publication supplémentaires, ne pourra être publié qu'après engagement écrit de l'auteur d'acquitter ces frais; à moins que sur l'avis du comité de publication et du trésorior, la Société ne décide qu'elle en accepte la charge.
Art. XIV. — Il devra rester en dépôt aux archives au moins cinquante exemplaire* de la collection complète du Bulletin, dont il ne pourra être disposé sans une décision du bureau.
Art. XV. — Les archives de la Société sont déposée* au siège de la Société.
Art, XVI. — Toute personne étrangère à la Société qui désirera faire une communication, devra se faire inscrire à l'avance, et déposer son manuscrit chez le secrétaire général.
Art. XVII. — Toute communication émanant d'un membre de la Société, à
quelque titre que ce soit, primera de droit le» communication» faites par des personnes étrangère* à la Société.
Art. XVIIL — TJ pourra être accordé un tour de faveur anx candidat» au titre de membre de 'a Société.
Art. XIX. — L'ordre des séances est établi de la façon suivante :
!• Lecture du procès-verbal ;
2* Observations sor le procès-verbal ou a propos du procès-verbal ; 3° Corre»pondance manuscrite ou imprimée ; 4° Rapports et discussions ; 5° Communications;
6° Présentation de malades, do pièces anatomiques ou d'instruments.
Titre IL — Recettes de ta Société.
Art. XX. — Les recettes de la Société se composent : 1* Des dons volontaires; 2* Du produit des diplômes.
Chaque membre de la Société recevra on diplôme, dont le prix est fixé à la
somme de 10 francs. Seul» les membres honoraires seront dispensé* des frais de diplôme-3° D'une cotisation annuelle et personnelle qui est fixée à la somme de
15 francs;
4» De la vente des Bulletins et Mémoires de la Société.
Art. XXL — Les membres titulaire» doivent la cotisation de l'année entière, à dater du Jour de leur nomination. A dalor du même jour, ils reçoivent gratuitement un exemplaire de toutes le» publications de la Société (pour cetto mémo année). Il» pourront obtenir les Bulletin* et Mémoires des années antérieures à leur nomination, en les pavant le prix de revient. (Autant bien entendu qu'il y en aura de disponibles.}
Art. XXII. — Les cotisations seront perçues pendant les deux premiers mois de l'année courante.
Art. XXIII. — Tout membre de la Société qui aura laissé s'écouler six mois sans acquitter le montant de sa cotisation, sera averti une première foi» par le trésorier, une féconde fois par le président. Si dans un délai de trois mois ces avertissements restaient fans effet, le membre sera considéré comme démissionnaire, et perdra tout droit à la propriété de» objets appartenant à la Société.
Titre III. — Dépenses de la Société.
Art. XXIV. — Les dépenses de la Société consistent en : 1° Frais de correspondance et d'imprimés ; 2° Frai» de location ; 3° Frais de publication.
Art. XXV. — Les fonds de la Société sont gérés par le bureau réuni en conseil d'administration.
Art. XXVI. — A la fin de chaque année, le trésorier présente se* comptes au bureau, réuni en conseil d'administration. — Le bureau en fait connaître le résultat a la Société dans la première séance de l'année suivante-
Bureau de la Société :
Président.- M. Dumontpallier. Vice-Président : M. Auguste Voisin. Secrétaire général ; M. Bébillon. Trésorier.- M. Maestrati.
Secrétaires des séances .- MM. Maonin et Guérin.
Comité de publication :
MM. Bablnski, G. Ballet, Déjbrine.
Membres titulaires fondateurs :
MM. Achille, Paris Apostoli. Paris.
Babinssi. Paris. Ballet [G.J, Paris. Baradcc, Paris. Barbty, Nice. BÉnard, Saint-Germain. BÉrillon Paris. BERNEIm, Nancy. Bbrtin. Nancy. Bonamaison. Saint-Didier. Bourdon, Méru. Brbgmax, Varsovie.
Causel, Paris. Colas (A.', Paris. Colunbau, Paris.
David, Sigoan. déjbrinb, Paris. Desjardiss. Paris. Dl'mont-Carpbntibr, Pa is. Dumontpallier, Paris Duput, Paris.
Eeden (Van], Amsterdam.
Fitz-Gbrard, Dublin. Forbl, Zurich. Friedman (Giulio), Korne.
Gascard, Paris. Gautier, Paris. Gora, Paris. Grasset, Montpellier. Gukrin, Paris.
Henrivaux, Saint-Gobain. Hideux (Raoul), Compicgne.
MM Hubert, Paris.
Hubbrt-Nbilson, Kingston.
Jono (db), La Haye.
Ladame, Genève. Lb Gall. Paris.
Lb Menant des Chesnais. Pari.-Lbvillain, Part«. Liébbaclt, Nancy. Liégeois, Nancy. Lloyd-Tuck bv . Nancy. Lombroso. Turin. Lorrain, Nogent-«ur-Marne
Marstrati, Paris. Maonin I P.), Paris. Martinet (C.J, Paris. Masoin, Louvain.
Pbktbbs, Bruxelles. Pixel, Pari«.
Raffegeau. Paris
Kama diu, Paris.
Raymond, Paris.
Renterghem (Van), Amsterdam
Respaut, Paris.
Both (Mathias). Divonne.
Sanchez Herrero, Valladolid. Schenk-Notzing, Munich. Soury Jules), Pari«.
Tambubini, Reggio-Emilia.
tokarsky, moscou.
Voisin (Auguste), Paris. Widmer, Lausanne
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
Seance da Su Juillet 1891. — Présidence de M. Dumontpallier.
En ouvrant la séanco, le président rappelle qu'en I8S9, les membres du Congrès international de l'Hypnotisme, avant de se séparer, ont, sur la proposition de M. le docteur Levillain, voté la création, à Paris, d'une Société d'Hypnologie.
Le but de cette Société étant de faciliter le contrôle scientifique des faits
observés journellement dans l'état d'hypnotisme ou dans les éuta analogues, il a été décidé que les membre* du Congre* seraient convoqués périodiquement et qu'un appel serait adressé à tous les savants qui s'intéressent à ces études. Le Congrès avait en outre désigné pour composer ta commission d'organisation: MM. Dumontpaltier. G. Ballet, Grasset, Liégeois, Augu'te Voisin et Bérillon, membres du bureau du Congrès. La commission a pensé que le moment était venu de mettre k exécution les décisions du Congres, et le nombre do ceux qui ont répondu a sou appel a amplement justifié les prévisions des organisateurs. La Société d'Hypnologie est créée, des études importantes sont déjà inscrites à son ordre du Jour, elle a reçu l'adhésion des savants les plus compétents et les plu* honorables. Si l'entente ne cesse de régner entre ses membres, si ses travaux sont toujours inspires par l'e-pnt scientifique le plus rigoureux, elle contribuera, dans une très large mesure, a ta vulgarisation des études «i variées qui se rapportent à l'hypnotisme, et par les serrices qu'elle aura rendus à ta scien-e et a l'humanité, elle méritera d'occuper un rang honorable dans le monde savant.
Puis il donne ta parole à M. le professeur Bemheim sur la première question mise à l'ordre du Jour :
Des rapports de l'hystérie avec l'hypnotisme.
M. Bermikim. — On a affirmé que l'hypnotisme et l'hystérie étaient de même nature, qu'on ne pouvait hypnotiser que des hystériques, et que tous les malades dont j'ai publié les observations étaient des hystériques chez lesquels je n'avais pas fait le diagnostic ; l'hypnose, dans ces conditions, serait comme l'hystérie, une névrose, une maladie véritable. Les malades mis par nous en état d'hypnose étaient, de ce fait, placés dans un état pathologique comparable à ta crise d'hystérie.
Cette manière de voir me parait erronée, et j'estime, au contraire, ainsi que cela a été déjà démontré par Braid, que l'hypnose n'a aucun rapport avec l'hystérie.
Tout récemment encore, avant de venir ici, j'ai examiné au point do vue de l'hypnose, tous les malades de mon service sans exception. Ces malades étaient au nombre de 72 et je ne les avais nullement choisis. Chargé d'un service de clinique interne, mes malades (tuberculeux, emphysémateux, rhumatisants, etc., etc..) ne diffèrent eu rien des malades que renferment les services similaires. Or. sur ces 72 malades, j"ai pu en hypnotiser 69. Les trois autres étaient un ramolli et des déments sur lesquels je n*ai même fait aucune tentative. Je puis donc dire que tous mes malades out été hypnotisantes ; il est vrai qu'il l'ont été à des degrés divers. Sur ces 69, 65 ont pu être hypnotisés avec amnésie suggérée au réveil, et 51étaient susceptibles d'hallucinations pendant le sommeil. Comme il s'agit là d'une tentative unique, je demeure persuadé que tous fussent devenus hailucinables si j'avais insisté.
Or, je ne crois pas que l'on puisse raisonnablement soutenir que tous ces sujets étaient des hystériques. Cela reviendrait â dire que l'espèce humaine n'est composée que d'hystériques.
Mais ce n est pas tout : si l'hystérie et l'hypnose étaient la même chose, les
phénomènes de l'hypnotisme s'obtiendraient d'autant plus facilement qu'on aurait affaire a des hystéries plus prononcées et a des malades nerveux. Eb bien, c'est le contraire qui se produit. L'hypnotisme réussit mieux chez les personnes noa nerveuses que chez certaines personnes nerveuses.
Les neurasthéniques, par exemple, se laissent très difficilement suggestionner, ils résistent parce qu'ils s'aulo-suggestionnent eux-mêmes. Il y a une grande différence au point de vue de la facilite avec laquelle un endort un malade de la ville et un malade d'hôpital. II semblerait que les premiers, généralement plus nerveux, fussent plus facilement hypnotisables que les seconds, c'est le contraire qui arrive. En ville, on n'obtient que trois fois sur dix Invernóse avec amnésie, et sur ce nombre un quart à peine est hallucinante, à l'hôpital, 51 sur 69 sont hallucinantes. La population d'hôpital, quoique moins nerveuse que la population de la ville, se laisse plus facilement suggestionner et elle est plus facilement sujette i l'entraînement par imitation.
Je ferai remarquer encore, dans le même ordre d'idée, que dans l'armée, qui ne saurait cependant être considérée comme renfermant une majorité d'hystériques, les phénomènes de l'hypnose ont été obtenus avec la plus grande facilité par les médecius qui ont fait des recherches dans ce sens, à l'époque où la pratique de l'hypnotisme n'était pas encore interdite aux médecins militaires.
Dans le sommeil naturel, on peut quelquefois, sans réveiller le sujet, entrer en communication avec lui comme lorsqu'il est hypnotisé, et il est possible, dans ces cas, de provoquer chez lui des hallucinations comparables i celles des sujets hypnotisés ; ce sont des rêves provoqués, analogues d'ailleurs aux rêves spontanés. En d'autres termes, le sommeil naturel permet d'obtenir les mêmes phénomènes que le sommeil hypnotique. Dira-t-ou pour cela que le sommeil naturel est de l'hystérie? Évidemment non, et nous en revenons toujours a celte considération que, si l'on admet avec nos adversaires que l'hypnose et l'hystérie constituent un seul et même état, il faut admettre en même temps que nous sommes tous hystériques.
Ceci dît, je reconnais parfaitement qu'il y a un lien de parenté entre l'hystérie et l'hypnose. L'hystérique est un auto-hypnolisé, il peut s'auto-sugges-lionner lui-même, et un grand nombre des symptômes de l'hystérie ont toutes les allures des phénomènes d'auto-suggestion.
Les crises hystériques, les hallucinations, les convulsions, ce sont des rêves, des auto-suggestions dont on ignore la cause. Et la preuve, c'est que rien n'est facile comme de désuggestionner de semblables sujets. Bien souvent, en présence d'un sujet en proie à la crise la plus violente, ayant de la contracture, de la catalepsie, j'ai pu faire cesser tous ces accidents en lui adressant la parole et en lui disant : « La malade va s'éveiller dans une minute, tout cela n'est rien ». La malade, qui parait être dans un autre monde, vous entend, se met en relation avec vous, obéit à votre suggesiion, et cela suffit ; elle se réveille au moment indiqué. A plusieurs reprises, même
à niOtcl-Dîeu, j'ai nu rendre M. Du mont pallier, notre honorable présideul, témoin de faits de ce genre.
Un grand nombre d'autres phénomènes de l'hystérie se comportent comme des phénomènes d'auto-suggestion. L'anesihèSie, lamaurose des hystériques, sont souvent des anesthésies purement psychiques. L'impression est perçue, mais par auto-suggestion, le sujet neutralise ce qu'il voit. Il suffit de vous rappeler à ce propos certaines amblyopies unilatérales. A l'état habituel, le sujet ne voit que d'un œil, mais mettez-lui un prisme devant l'œil sain, il verra deux images, preuve incontestable que l'autre œil eu api»arence amblyope possède la perception lumineuse. N'est-ce jas là un phéoomèue analogue à celui que j'obtiens lorsque je suggère à un sujet qu'il ne voit pas. En réalité, au moment de l'expérience, il ue voit pas. puisque je puis le menacer, approcher un instrument piquant de son œil sau* qu'il fasse un mouvement. Et cependant ce sujet a perçu ce quo je lui faisais, puisque je peux par suggestion réveiller le souvenir de tout ce qui s'est passé.
Ces faits me panassent suffisants pour démontrer ce que je disais tout à l'heure, au sujet des liens qui unissent l'hystérique au sujet hypnotisé. L'hystérique, comme l'hypnotisé, qui ne voit pas, voit cependant ; ceux qui ne sentent pas, sentent, et les phénomènes que Ton observe chez les hystériques sont des phénomènes que l'on provoque chez les hypnotisés : l'état psychique des hystériques est semblable par certains côtés à t'ètal psychique des hypnotisés, mais pour les raisons que je vous ai données en commençant, cela ne veut dire nullement que l'hypnotisme soit de l'hystérie.
M. Babinski. — D'après ce que il. Bernheim vient de dire, il me semble qu'il est déjà disposé à faire quelques concessions aux doctrines de la Sal-pèlrière.
11 reconnaît, en effet, que bien des manifestations de l'hystérie (anasthé-sies, amauroscs, etc.), se rapprochent (je dirais, moi, sont identiques) de celles qu'on peut observer dans l'hystérie. 11 maintient pourtant que l'hypnotisme n'a aucune relation avec l'hystérie et que c'est uu état physiologique.
Contrairement à cette opinion, et comme j'ai eu l'occasion de l'exposer dernièrement dans une leçon que mon maître, M. le professeur Charcot. a bien voulu m'inviter à faite à la Sal pétri ère, je soutiens qu'il existe une relation intime entre l'hystérie et l'hypnotisme L'hystérie est beaucoup plus vaste que ne le pense M. Bernheim. et il est facile d'établir, par l'analyse des observations contenues dans les deux ouvrages qu'il a publiés sur la matière, qu'un grand nombre de sujets, chez lesquels il parait ne pas avoir soupçonné l'existence de celle névrose, en sont pourtant affectés.
Je reconnais parfaitement que l'on peut endormir des sujets n'ayant pas présenté jusque-là des stigmates hystériques, mais ce n'est pas une raison pour rejeter la réalité de cet eut qui peut être latent. L'hystérie, en effet, occupe un champ plus étendu que ne le croit M. Bernheim ; c'est ainsi que l'hystérie de l'homme, qu'il considère comme exceptionnelle, est au contraire
très fréquente, plus fréquente peut être que l'hystérie de la femme. Dans ces conditions, au lieu d'invoquer des statistiques dont les résultats sont plus que contestables, n est-il pas préférable, pour chercher à résoudre la question, d'analyser les caractères appartenant à l'hypnotisme et de voir s'ils présentent des analogies avec ceux qui relèvent de l'hystérie.
Or, 1° les anathésies, les paralysies flasques, les contractures, la catalepsie, existent toujours au moins en partie chez les hypnotiques, et ils constituent d'autre part les manifestations les plus communes de l'hystérie.
M. Bernheim vient précisément de reconnaître entre les amauroscs hystériques et l'hypnotisme une relation intime qui peut être invoquée à l'appui de cette manière de voir.
Quant à l'objection tirée du fait que pendant le sommeil naturel, qui n'a certainement rien à faire avec l'hystérie, on peut produire des effets suggestifs analogues à ceux que l'on provoque pendant le sommeil hynoplique, voici ce que je répondrai : Si pendant la période où le sommeil naturel est encore incomplet, M. Bernheim arrive à se mettre suffisamment eu rapport avec son sujet pour provoquer chez lui les phénomènes de l'hynoptisme, c'est précisément parce qu'il est arrivé à transformer chez ce sujet un sommeil naturel en un sommeil hypnotique. En d'autres termes, les sujets chez lesquels on peut donner des hallucinations pendant le sommeil naturel, sont des sujets hypnotisables, par conséquent, à mon sens, des hystériques.
2° L'exaltation de la suggeslibililé, caractère fondamental de l'hypnotisme, appartient aussi à l'hystérie, et du reste M. Bernheim vient de le reconnaître lui-même.
3* Les somnambules hypnotiques sont parfois plongés dans un état second et les somnambules hystériques peuvent se trouver dans une situation semblable.
4* L'état hypnotique influe sur les excréta urinaires de vingt-quatre heures de la même façon que l'attaque hystérique ;
5° L'influence thérapeutique de l'hypnotisme s'exerce d'une façon prédominante sur les troubles qui relèvent de l'hystérie ;
6° Il peut exister entre l'hypnotisme et les manifestations hystériques, un balancement analogue à celui qu'on peut observer entre les divers accidents qui dépendent de l'hystérie ;
7° On voit parfois des attaques hypnotiques s'enchevêtrer avec des attaques hystériques.
L'hypnotisme, ai-je dit, ne donne de'résultals sérieux que dans les affections relevant de l'hystérie. C'est l'une des preuves que je viens de donner des relations qui unissent l'hypnotisme à l'hystérie.
M. Bernheim conteste l'exactitude de cet argument et il cite dans ses ouvrages de nombreuses observations dans lesquelles il aurait obtenu des guérisons dans des affections indépendantes de cette névrose. Or, une analyse rigoureuse de ces observations démontre que, contrairement â l'opinion de M. Bernheim, pour un grand nombre l'hystérie est manifestement en cause,
et que dans beaucoup d'autres, tien ne démontre qu'il s'agisse d'affections indépendantes de l'hystérie.
Pour toutes les raisons que je viens de résumer, je crois que les relations intimes qui relient l'hystérie à l'hypnotisme sont absolument indéniables.
M. Bernheim — M. Rabinski trouve dans une observation de thérapeutique suggestive beaucoup de symptômes nerveux, parce que c'est à ces symptômes que la thérapeutique s'adresse. Beaucoup de maladies organiques ont un retentissement nerveux ; le champ des troubles fonctionnels dépasse celui de la lésion organique. La. dyspepsie, le rhumatisme articulaire, la tuberculose, toutes les maladies peuvent donner lieu à des troubles dynamiques du système nerveux. Si on veut donner a tous ces troubles le nom d'hystérie, si on veut admettre que toute modalité nerveuse anormale sans lésion constitue l'hystérie, alors nous sommes tous hystériques à nos heures ; ce n'est qu'une question de définition !
M. Bkrillon. — Ce qui tendrait à prouver que l'hystérie n'a pas de rapport avec l'hypnotisme, c'est que les enfants, comme je l'indiquerai dans une communication ultérieure, sont d'autant plus facilement hypnotisantes qu'ils paraissent plus normaux. D'ailleurs, le sommeil est, en général, facile à provoquer chez l'enfant, et l'on sait que les manifestations hystériques sont beaucoup moins fréquentes chez lui que chez l'adulte. De ces faits on pourrait déduire que les rapports entre l'hystérie et l'hypnotisme, s'ils existent, n'ont rien d'étroit.
De l'influence psychique exercée par la mère sur le fœtus,
Par M. le Dr LIÉBEAULT (de Nancy).
En 1886, j'ai déjà parlé de l'influence de l'esprit des mères sur leurs fœtus. Je me basais alors sur vingt-cinq faits — depuis j'ai eu connaissance de beaucoup d'autres — et j'écrivais que : Les préoccupations mentales des parents, rejaillissent sur les produits de la conception en caractères tranchés, soit sur le moral, soit sur le physique, par des idées-images répercutées dans trois circonstances différentes : 1* lors de l'acte très court de la copulation ; 2» et 3« lors de la grossesse, ou à la suite d'un appel subit de l'attention accumulée sur une idée émotive, ou par une incubation lente et continue de cette force sur une idée prédominante. •
J'ai cru devoir rapporter aujourd'hui devant la Société, un dernier et important tribut à cette question de l'influence psychique de la mère sur le fœtus; il consiste en une seule observation; la voici :
Le 23 juillet 1889, MM L.... m'amena sa fille, Agée de onze ans. Cet enfant présentait, sur la joue gauche et le cou, une tache lie de vin de 12 centimètres de largeur sur 20 centimètres de hauteur, tache parlant de la clavicule el remontant au-dessus de l'oreille.
Mme L..... me raconta qu'au cours de la gestation de celte enfant, se trouvant dans une rue de Nancy, elle se vit tout à coup face à face avec une femme dont la moitié de la Ggure était affreusement colorée d'une teinte vineuse. A sa vue, prise d'un grand émoi, MM L...., qui avait une fluxion dentaire et la joue gauche recouverte d'un tampon de ouate retenu par un bandeau, porta machinalement une main sur son bandeau, là où elle souffrait. Mais aussitôt qu'elle eut accompli ce mouvement involontaire, elle s'aperçut, avec éionnement, que la plupart des personnes qui parcouraient la rue, présentaient, à ses yeux, sur un côté de la figure, une tache semblable à celle qu'elle venait de voir avec un subit effroi.
Cette vision lui parut alors une réalité, elle n'arriva que peu à peu, par les raisonnements qu'elle fil et grâce aux affirmations négatives de son mari, à croire qu'elle était fictive. Quand celle profonde émolion se produisit, Mme L.... avait élé réglée depuis peu de temps, et ce ne fut que plus tard, qu'elle soupçonna être enceinte et qu'elle eut enfin une preuve que son émotion violente avait eu lieu dans le premier mois d'une grossesse. Chose étrange, depuis, en rencontrant les passants, au moins une fois sur quatre personnes, cette vision d'une moitié de la face marquée en rouge, persista tout le temps qu'elle fut enceinte, et ne s'éteignit qu'après son accouchement. De plus, tant qu'elle fut grosse, elle n'eut jamais l'idée que l'enfant qu'elle portait dans son sein, pourrait être affligé des stigmates dont elle voyait si souvent la marque sur la Ggure d'autruî. Ce ne fut qu'après la naissance de sa fille, trouvant qu'on tardait bien à la lui montrer, car on n'osait la lui présenter, qu'elle se douta que celte enfant avait une marque rouge à la figure, et aussitôt elle en exprima la craiute à haute voix.
Ayant obtenu ces renseignements de Mme L...., je fus presque certain qu'elle avait dû se suggestionner ce signe à l'égard de sa fille, il est vrai sans avoir conscience, lors de la rencontre de la femme atteinte de pareille infirmité. Aussi j'en conclus que Mme L.... devait être très sensible à l'affirmation suggestive. Pour m'en assurer, je lui proposai de se laisser endormir, ce qu'elle me permit, et par renonciation que je lui fis des principaux signes du sommeil, elle tomba, en moins d'une minute, dans l'étal de somnambulisme léger où elle n'avait jamais été mise, ce qui confirme mon induction.
Celle observation n'a pas besoin de commentaires ; elle parle d'elle-même. A ce propos, je demanderai à mes confrères, non pas de rechercher chez les femmes qui ont eu des enfants avec marques anormales, s'il y a eu des rapports de cause à effet, s'étanl exprimés à leur su, par un contre-coup de la pensée de chacune de leurs fœtus ; mais de faire eux-mêmes, sur dt-s femmes endormies, et de la mère au fœtus, la suggestion de marques à paraître, après la naissance, sur la peau de ce dernier; bref, un tatouage par action suggestive.
Pour tenter de pareilles expériences, on doit choisir des femmes qui, de même que Mme L...., peuvent tomber dans un état analogue au somnambu-
lisme le plus profond, c'est-à-dire dans l'élat conditionnel qui nous a déjà permis, sur quatre ou cinq sujets sur cent, de déterminer expérimentalement des hallucinations post-hypnotiques de tous les sens, et parfois même de créer sur quelques personnes le phénomène, pour cause morale, de La stigmatisation cutanée,phénomène si longtemps nié. Car c'est danslexpé-rimenutioa par suggestion hypnotique de la mère au fœtus sur des dormeuses au plus haut degré, que repose la solution de la question d'avenir des influences maternelles. Pour moi, le résultat des ex|iérimentalions qui seront établies n'est pas douteux : il confirmera mes inductions.
I.es membres de la Société sont invités à communiquer les faits d'observation et d'expérimentation qu'ils pourraient posséder sur le même sujet.
La suggestibilité des enfants.
Par M. le V UhltlLLOX.
Au Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences, en 1886, à Nancy, j'ai appelé l'attention de mes confrères sur les indications que l'emploi de la suggestion, envisagée comme méthode thérapeutique, peut rencontrer en pédagogie et en pédiatrie. Dès ce moment, des faits précis me permettaient de démontrer toute la valeur de la pédagogie suggestive et préventive. Depuis lors, j'ai eu l'occasion de provoquer l'hypnotisme chez plus de '200 enfants des deux sexes. De mes expériences, je puis déduire les conclusions générales suivantes :
1* Sur 10 enfauts, de 6 à 15 ans, pris dans toutes les classes de la société, 8 sont susceptibles d'être endormis profondément dès la première ou la seconde séance.
2° Contrairement à l'opinion courante, les difficultés pour provoquer chez l'enfaoi un sommeil profond, soûl d'autant plus grandes, que l'enfant présente plus de tares névropalhiques héréditaires. Ainsi, les idiots sont absolument réfraclaires à loulc tentalive d'hypnolisation. Les imbéciles s'endorment, mais le sommeil est léger, iriégulier, et ils ne réalisent pas, avec le caractère habituel d'automatisme, les suggestions rost-hypuoliques qui leur sont faites.
3° Les enfants qui présentent des stigmates hystériques, cl en particulier des mouvements choreiques, sont tantôt très facilement hypnotisablcs et se montrent sensibles à la suggestion hypnotique, tantôt, au contraire, ils sont difficiles à inlluencer ; pour arriver à les endormir complètement et obtenir chez eux un effet thérapeutique, un assez grand nombre de séances sont souvent nécessaires. Cela tient vraisemblablement au peu d'attention qu'ils sont capables d'apporter.
4° Si les hystériques manifestent parfois un esprit de contradiction très développé et résistent aux suggestions avec une certaine obstination, par contre les épileplîquea sont habituellement suggeslibles au plus haut degré,
el sont facilement et profondément hypnotisantes. C'est là un fait d'observation journalière.
5° Les enfants robustes, bien portants, dont les antécédents héréditaires n'ont rien de défavorable, sont en général très suggestJbles et par suite très hypnolisables. Ils sont très sensibles à l'influence de l'imitation; ils s'endorment souvent, lorsqu'on a endormi préalablement d'autres personnes devant eux, d'une façon presque spontanée. Il suffit de leur affirmer qu'ils vont dormir pour vaincre leur dernière résistance. Leur sommeil a toutes les apparences du sommeil normal; ils reposent tranquillement, les yeux fermés, en réalité ils donnent profondément d'un sommeil absolument analogue â celui de la nuit. Ces faits avaient déjà été entrevus et utilisés en pédagogie par divers observateurs. Le docteur Michou, aujourd'hui député, avait été instituteur dans un village avant de commencer ses études de médecine. Il nous a maintes fois dit que lorsqu'il se trouvait en présence d'élèves turbulents et indisciplinés, il avait pris l'habitude de les endormir pendant une partie de la classe. Il les laissait souvent dormir pendant presque toute la durée de la classe et ne les réveillait qu'au moment de la sortie.
6° Bien que le sommeil des enfants endormis artificiellement, par imitation ou par suggestion, ait, comme nous l'avons déjà dit, toutes les apparences du sommeil normal, il est cependant facile d'obtenir dans cet étal, par simple suggestion, l'amnésie au réveil, les hallucinations négatives, les rêves suggérés, l'aptitude à exécuter automatiquement après leur réveil les suggestions post-hypnotiques. De plus, en déterminant chez eux, par simple affirmation, la création de points hypnogènes artificiels, on peut faire la démonstration de l'intensité de leur suggesubilité.
L'anesthésie cutanée est le phénomène qu'on obtient chez eux avec le plus de difficulté. Il ne s'observe que dans la moitié des cas environ.
7» La suggestibililé, beaucoup plus développée chez l'enfant que chez l'adulte, a pour conséquence de le rendre beaucoup plus hypnotisable. Ce n'est pas s'avancer trop que d'affirmer que plus des deux tiers des enfants peuvent être hypnotisés profondément dès la première tentative.
8* Celte sensibilité à la suggestion et à l'hypnotisme, que présentent les enfants, peut même être utilisée pour les mettre à l'abri d'hypnoti salions non justifiées. Nous conformant à l'exemple donné par MM. Beaunis, Lié-beaull et par d'autres observateurs, nous faisons toujours à l'enfant la suggestion de ne pouvoir être endormi que par Le médecin. Cette suggestion est toujours suivie d'effet et les tentatives faites par d'autres pour endormir le sujet n'aboutissent généralement qu'à un insuccès.
9° Indépendamment des applications thérapeutiques que la suggestion peut trouver contre un certain nombre de symptômes dépendant de troubles fonctionnels, elle est nettement indiquée dans les cas suivants, qui sont autant du domaine de la pédagogie que de la pédiatrie : insomnies nerveuses, terreurs nocturnes, somnambulisme, kleptomanie, onanisme, incontinence
d'urine, tics, bégaiement, paresse invétérée, malpropreté, pusillanimité, habitude de se ronger les ongles, perversité morale, etc.
10° Les affections nerveuses dans lesquelles le traitement psychothérapique a donné, jusqu'à ce jour, les résultats les plus favorables, sont : les crises, convulsions d'hystérie, les chorees anormales, les tendances impulsives précoces.
11» Lorsque la suggestion est appliquée rationnellement, avec patience et avec douceur, quand on évite de faire des suggestions inutiles pour se limiter aux suggestions justifiées par l'état du malade, surtout lorsqu'on procède avec soin au réveil du sujet, le succès thérapeutique est la règle, l'insuccès l'exception.
De plus, on peut affirmer que l'innocuité de ce procédé thérapeutique est absolue, à la condition que l'utilisation de la suggestibilité propre à l'enfant et que la production du sommeil reposent uniquement sur l'emploi de ces deux moyens, dont personne ne saurait contester la valeur psychologique et la légitimité : la persuation et l'imitation.
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Contracture spasmodique. — Guérison en une seule séance.
Par le D" DAVID (de Sigean).
Vers le mois de mars 1890, j'eus à soigner deux jeunes fillettes atteintes en même temps de contracture du bras. Chez l'une, le bras gauche; chez l'autre, le bras droit. Chez toutes les deux le tableau symptomatique était le même : flexion de l'avant-bras sur le bras, le tendon du biceps tendu comme une corde de violon, la main fermée énergiquemenl avec le pouce en dedans. L'affection avait débuté par une douleur dans le coude et à l'épaule et presque immédiatement après la contracture s'était déclarée. D'ailleurs pas de lièvre, bon appétit, gaieté habituelle. La douleur ne se réveillait que lorsqu'on touchait même légèrement le bras droit. Dans l'extension forcée la petite malade criait bien un peu, mais la douleur provoquée était supportable, et quand on lâchait le bras, instantanément, et comme un ressort, le bras reprenait sa position.
J'ai d'abord employé l'électricité, le massage, les fumigations, les plaques métalliques et administré tour à tour des potions à lantipyrine et au bromure de potassium. Ce traitement a été continué peudant deux mois sans que j'aie pu constater la moindre amélioration. J'ai songé alors à la méthode hypnotique, mais au Heu de pratiquer la suggestion directe, j'ai opéré par le transfert sur un sujet profondément hypnotisante. Instantanément, avec la rapidité du courant électrique, l'affection a été transmise au sujet, et les fillettes ont pu reprendre à l'instant même leurs jeux et leurs amusements comme si elles n'avaient jamais été malades.
Trois mois après, l'une des deux enfants m'a été amenée présentant exactement la même contracture. Cette récidive m'a fourni l'occasion de constater
que le transfert était inutile en pareil cas et que la méthode suggestive directement appliquée à la malade suffisait. Dans moins de dix minutes, en effet, celle-ci était guérie, et la guéri son a été définitive.
Le transfert ne serait donc qu'une simple suggestion, avec la différence que son action est peut-être plus rapide et plus efficace, parce que le sujet est généralement plus vivement impressionné. Un autre avantage du transfert, c'est qu'il donne lieu à moins de contre-suggestions. Le médeciu qui aura le plus de succès dans la pratique du traitement psychique, est celui qui se mettra à l'abri de toutes les contre-suggestions possibles, auxquelles donnent toujours lieu l'état psychique ou Tétai mental du malade. De même qu'il n'y a pas d'action sans réaction, il n'y a pas de suggestion sans contre-suggestion.
L'effet demandé esi d'aulant mieux obtenu que la contre-suggestion a été mieux écartée. Si, par exemple, vous donnez l'ordre au sujet d'accomplir un acte qui ne soit pas en rapport avec ses instincts, avec son éducation, cet acte ne s'accomplira que si la suggestion passe tout entière; il ne s'accomplira qu'à moitié si la contre-suggestion n'est qu'à moitié écartée; il ne s'accomplira pas du tout si la contre-suggestion l'emporte, et, dans ce dernier cas, il peut arriver que cette lutte provoque une crise, comme on l'observe souvent à la Salpétrièïc, chez les sujets hystériques que l'on soumet aux exi»ériences hypnotiques.
Névropathie caractérisée par des crises de pleurs, datant de dix ans; guérison.
Par le Dr DAVID (de Sigean)
Au mois de mai 1886, une dame des environs de Narbonne vient me trouver pour une affection nerveuse remontant à dix ans. Elle ne peut rien Lire sans éclater en sanglots, de telle sorte qu'on l'entend pleurer du dehors. La crise éclate sous le moindre prétexte : quand elle s'habille, quand elle habille ses eufants, quand elle met la table, quand elle change un objet de place. Cette singulière maladie daie de la mort de son mari, survenue il y a dix ans d'une façon tragique pendant que toute la famille était réunie à table Inutile rémunérer ici tous les remèdes que celte pauvre dame a absorbés et tous les établissements de bains qu'elle a parcourus. Elle me demande si l'hypnotisme est capable de la guérir. A celte époque mon expérience n'était pas bien grande, et je n'osais pas affirmer une guérison certaine. Toutefois comme celte malade était bien décidée à essayer ce traitement, je crus qu'il serait bon de la faire assister à une séance pour augmenter sa confiance. C'est ce qui arriva, et dès le lendemain je commençais à l'hypnotiser. Je n'.ii jamais pu obtenir un sommeil profond ; malgré cela, au bout de quelques jours les crises sont devenues moins fortes et moins fréquentes, et un mois après elles étaient définitivement vaincues. Nous avons continué le traitement suggestif pendant un mois de plus pour assurer la guérison, et, en effet, celte dame est revenue chez elle tout à fait débarrassée de sa
désagréable affection. La guérison date de cinq ans, el elle ne s est pas démentie un seul instant, malgré les diverses émotions et secousses nerveuses qu'elle doit avoir éprouvées depuis.
Considérations générales sur les applications thérapeutiques de l'hypnotisme,
Par le Dr TOKARSKY (de Moscou).
1. — L'état hypnotique et la suggestion sont des agents thérapeutiques d'une grande valeur.
2. — Leur rôle est suffisamment connu actuellement pour permettre d'apprécier leur valeur exacte.
3. — L'état hypnotique et la suggestion {comme tous les autres agents thérapeutiques connus), ne peuvent avoir d'action que sur les maladies susceptibles de guérison, el il ne faul pas songer à appliquer l'hypnotisme pour réparer un tissu détruit.
4. — Ce sont les caractères particuliers à chaque individu qui décideront si l'hypnotisme peut être appliqué dans un cas donné.
5. — Il n'existe pas actuellement des moyens propres à rendre tous les individus accessibles à l'action de l'hypnotisme.
6. — Par conséquent, quand il s'agira de déterminer s'il y a lieu d'avoir recours à l'hypnotisme, ou devra tout d'abord élucider la question de la susceptibilité.
7. — Il n'existe pas de moyens pour déterminer d'avance le degré de cette susceptibilité.
8. — L'hypnotisation est le seul moyen qui permette de résoudre ce problème.
9. — Le domaine où l'application de l'hypnotisme est surtout indiquée est celui des maladies fonctionnelles du système nerveux, c'est-à-dire celles où le rétablissement de la fonction est possible.
Dans ces cas, on obtient souvent une disparition complète de tous les phénomènes morbides, et 1 hypnotisme peut être considéré alors comme un moyen de guérison radicale.
10. — L'hypnotisme donne encore des résultats favorables dans les maladies où des lésions locales sont provoquées par des troubles de la nutrition ou de la circulation résultant d'une inlerveution défectueuse.
11. — L'hypnotisme reste impuissant, comme toutes les autres médications, d'ailleurs, dans les manifestations morbides déterminées par la destruction d'un tissu.
12. — Mais quand, en dehors des symptômes déterminés par la lésion matérielle, on en observe d'autres, liées à la perturbation de la fonction des éléments nerveux, il est possible de les faire disparaître, et il ne reste alors que les symptômes qui tiennent à la lésion elle-même.
13. — Ceci explique la guérison des maladies déterminées eu apparence par des lésions matérielles, mais qui, en réalité, tenaient à un trouble fonctionnel réflexe du système nerveux.
14. — En dehors des cas de guérison totale, l'état hypnotique et la suggestion peuvent être utilisés dans le traitement des symptômes isolés et. de la sorte, faciliter la guérison.
15. — Les principaux symptômes justiciables de l'application de l'hypnotisme sont : l'insomnie, la douleur, le refus des aliments, la peur et l'état d'inquiétude intérieure.
16. — La question de la valeur thérapeutique de l'hypnotisme dans les affections locales d'ordre inflammatoire et dans les fièvres intermittentes, reste ouverte.
17. — Le médecin doit, par conséquent, avoir recours à l'hypnotisme dans les cas où tous les autres moyens thérapeutiques étant épuisés, la guérison se présente encore comme possible.
18. — Il en est de même des cas oii tous les genres de traitement symptô-matique ayant été employés, le résultat obtenu est insuffisant.
19. — Il n'y a pas lieu d'insister sur l'application de l'hypnotisme, dans les cas où d'autres moyens peuvent être employés; chaque médecin a le droit de se servir des médications qui sont à sa portée et dans l'ordre qu'il juge plus rationnel et plus utile dans le cas donné.
20. — Mais un médecin qui refuse actuellement de se servir de l'hypnotisme, doit justifier son refus par des considérations sérieuses.
21. — L'éventualité d'une aciiou nuisible, qu'on attribue si souvent a l'hypnotisme, n'est pas une raison suffisante pour rejeter son emploi; toutes les autres médications énergiques présentent au moins autant de dangers.
22. — L'aplication de l'hypnotisme est accessible à tous les médecins.
23. — 11 est indispensable cependant de connaître la technique de l'hyp-notisalion et avoir des notions exactes sur les phénomènes hypnotiques en général.
24. — L'application de l'hypnotisme constituant une médication presque exclusivement psychique, le médecin doit posséder des notions de psychiatrie suffisantes pour pouvoir apprécier l'état psychique de son malade et les changements qui peuvent se produire dans cet état psychique.
25. — L'application de l'hypnotisme n'exclut pas celle des autres médications.
26. — Il n'est pas désirable, par conséquent, d'avoir une classe spéciale des médecins hypnotiseurs, qui rejettent, en principe, tout autre mode de traitement.
Cette spécialisation ne pourra être que nuisible, parce qu'elle donnera nécessairement lieu à des erreurs de thérapeutique et fera considérer les médecins et la médecine à un faux point de vue.
27. — L'expérience nécessaire à l'hypnotisme peut être acquise sans porter
préjudice aux études générales que doit faire tout médecin, et n'exige pas qu'on s'occupe exclusivement de l'hypnotisme.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
L'Hypnotisme à la Chambre des Représentants de Belgique.
Rapport fait au nom de la Commission (I) par M. Eeman.
Messieurs,
J'ai l'honneur de présenter à la Chambre le rapport de la Commission spéciale qui a examiné le projet de loi relatif à l'hypnotisme.
Ce projet de îoiaété déposé le 15 avril 1890 La question qu'il avait pour but de trancher préoccupait vivement l'opinion publique. Des exhibitions nombreuses avaient attiré l'attention de tous les observateurs. On se demandait si les phénomènes étranges de cette puissance, encore inexpliquée, que l'on désigne sous le nom général d'hypnoti«mc. pouvaient être ainsi jetés dans le domaine public, si ces phénomènes ne devaient pas entraîner des conséquences graves pour la santé physique ou morale des individus chez lesquels il- étaient provoqués. On s'effrayait à l'idée qu'ils pouvaient devenir une arme terrible aux mains des malfaiteurs; on entrevoyait des pertubations profondes dans les règles de la responsabilité pénale!
Et, si quelques-uns afunnaieot l'innocuité des pratiques de 1 hypnotisme, la crande majorité des hommes de science soutenaient qu'elles pouvaient présenter le* inconvénients, les dangers les plus sérieux.
C'est à cette dernière opinion que s'est arrêtée, après une longue et minutieuse discussion, l'Académie royalo de Médecine de Belgique : l'expose des motifs fait connaître, au moins dan* ses grandes lignes, les raisons et la portée de cette décision, dont personne ue peut méconnaître la haute signification.
Voici le* termes de cette solennelle déclaration du premier corps savant médical belge :
« L'Académie royale de Médecine de Belgique, considérant les inconvénients « et les dangers de la pratique vulgarisée de l'hypnotisme,
« Estime qu'il y a lieu de solliciter de la Législature des dispositions len-- dant à:
« 1' Interdire les représentations publiques d'hypnotisme; « 2» Prévenir et réprimer les abus qui peuvent résulter de la pratique de « l'hypnotisme. »
Ce vœu a été émis à l'unanimité, moins deux voix.
Nous avons cru, messieurs, devoir relire.avec l'attention qu'ellos méritent, les délibérations à la suite desquelles cette résolution a été votée, et, sans entrer nous-mlmes dans cette discussion, nous voulons faire suivre ici quelques considérations que nous extrayons des savants di»cours que l'Académie a entendus.
Dans le remarquable rapport — remarquable au double point de vue du fond et de la forme — déposé au nom de la Commission spéciale que l'Académie avait nommée pour l'examen de cette question, l'honorable M. Masoin, après avoir indiqué l'iuiérét qui s'attache à l'bypnotisme et les services que l'on peut en attendre, arrive à l'examen des dangers qu'il peut présenter. Il s'occupe d'abord des dangers de l'ordre moral.
s Un des faits dominants de l'hypnose, dit-il, c'est l'affaiblissement de la * volonté personnelle, qui, finalement, dans la plupart des ca«, sinon toujours.
(Il La Commission était composée de mm. De Lanuheere, président; Thiriar, de Kerchove de Denterghem, Nothomb, de Borcbgrave, de Sadeleer, Eeman.
« abdique complètement son empire pour s'identifier avec la volonté du magné-
«tiseur. »
On peut se demander, messieurs, s'il convient qu'un homme se soumette jamais, sans motif impérieux, à des pratiques qui donnent naissance à une pareille situation. C'est la question que se pose l'honorable rapporteur de l'Académie, et il répond :
« Nous ne le pensons pas : l'individu ne doit point aliéner sa volonté... La « dépendance du sujet hypnotisé vis-à-vis du magnétiseur est plus complète que « celle de l'esclavage antique. C'est assez dire pour apprécier, au point île vue de
« la dignité humaine et de l'ordre moral, cette pratique grave. »
Mais, messieurs, jusqu'où va cet anéantissement de la volonté humaine chez le magnétisé ? Ecoutons encore l'honorable professeur de Louvatn. Voici comment il s'exprime :
« Il importe de savoir, de dire et de répéter qu'il n'est pas un acte, exirava-
« gant oucomique.délictueux. criminel, pervers, atroce même, qui no puisse être
« exécuté par le sujet docile d'un magnétiseur.
« Suivant une formule courante de l'école de Nancy, la somnambule appar-
« tient au magnétiseur, comme le bâton du voyageur appartient au voyageur. « Ailleurs, on a dit que le sujet hypnotisé devient comme l'argile entre les « mains du potier. A travers ces formules saisissantes vous entrevoyez toujours « lo môme péril redoutable : vous voyez un homme se livrant aux actes les plus
« graves avec une inconscience abrolue, avec une brutalité complcle, mais avec « toutes les apparences de la raison, de la liberté, de la responsabilité, tandis « qu'il est l'instrument d'un autre, qui a pu même — et ceci met le comblo « au danger de la situation — fui imposer l'oubli de l'origine d'où procède la « suggestion. »
L'honorable rapporteur oxamine ensuite les dangers que présente l'hypnotisme dans l'ordre médical. Voici comment il résume l'énoncé de ces dangers : « Il y a les accidents immédiats, qui sont d'ordinaire fugaces et bénins, et qui
« résultent d'une bypnoûsatîon isolée; ily adesaccidentsplusou moins durables, « même définitifs, que l'on observe parfois chez les personnes qui se sont laissé
« plonger souvent dans l'état d'hypnose, ou qui fréquemment ont pratiqué la « magnétisation des autres.
L'honorable professeur de Louvain terminait ce qu'il appelait le bilan de Chypnotîsme en disant :
« Le magnétisme est un agent qui peut mettre en péril la santé du magnétiseur, « de ses sujets et même des assistants. *
El il disait : « De même que nos législateurs ont cru faire chose utile et morale « en fermant les maisons de jeu, en punissant l'ivresse publique, en réglant la
« vente des substances médicamenteuses et toxiques, de même leurs convictions
« et la logique les porteront, pensons-nous, à intervenir aussi dans la matière
« qui nous occupe ».
A son tour, messieurs, l'honorable M. Lefebvre s'élève avec vigueur contre les dangers de l'hypnotisme : » Constatons encore une fois, dit-il, que le somoam-
« bule et surtout la somnambule ne s'appartient plus; elle devient la chose de « l'hypnotiseur, elle abtlique entre ses mains sa dignité, sa pudeur, sa fortune,
« sa vie même. » Et, après avoir cité de nombreux exemples à l'appui de cette affirmation, il fait une remarque qui me semble importante au point de vue du projet de loi qui nous est soumis :
s On pourrait s'étonner, dit-il, que le nombre des délits et des crimes commis
« a la faveur de l'hypnotisme ne soit pas plus considérable; mais laissez cetle « science mystérieuse descendre dans les couches sociales où se recrutement d'or-
« dinaire les malfaiteurs de tous ordres, et vous ne tarderez pas à en voir les « résultats sociaux. » Et l'émineot professeur conclut avec le rapporteur: « La « pratique de l'hypnotisme doit être réservée à des mains habiles et prudentes... « Les représentations publiques doivent être interdites s.
L'honorable M. Semai, laliéniste bien connu, qui avait fait partie de la commission de l'Académie, e*t venu, lui aussi. dans un travail très intéressant et très détaillé, défendre les conclusions de celte commission. Il constate, d'après ta longue expérience personnelle, que chez les hypnotisés, « l'oubli, au réveil,
« est la règle habituelle; que cette amnésie force certains sujets a ignorer tou-
« Jours qu'ils sont sont le coup d'une suggestion i laquelle ils obéissent en croyant
« cependant agir de leur propre initiative; qu'elle enlève aux sujets la possibilité
« de remonter à l'origine des bits criminels dont ils auraient été victimes pendant
« l'hypnose et d'en désigner l'auteur », et il affirme, à son tour, que l'hypnotisme
« annihile en réalité la liberté du sujet. » « L'oubli au réveil et l'asservissement
« de la volonté sont des règles générales », dit-il.
_ (A suivre.)
Un cas d'amnésie rétrograde.
La publication, dans la Revue scientifique, de deux cas d'amnésie rétrograde (noméos des 2$ mars et 11 avril 1891) me détermine à en communiquer un troisième qui, grâce à certaines particularités, me parait avoir un intérêt propre. Je le liens d'un excellent observateur, esprit positif s'il en fut, Ch. Graux, philologue émineul el paléographe de premier ordre, qui me l'a raconté quelques mois avant sa mort prématurée. J'atais pris note de ce récit presque aussitôt après l'avoir entendu.
Ver» 1778.Graux était eo Espagne, à l'Escurial ; il t'y délassait de ses recherches dans la bibliothèque en prenant part à une réunion d'été. Un jeune Espagnol qu'il connaissait se trouvait là avec sa fiancée; il y eut un bal qui dura Jusqu'à deux heures du matin. Le lendemain matin, on alla à la messe cl de là au jardin. Le Jeune Espagnol voulut prendre des figues à un arbre; il s'y prit mal et tomba d'une hautenr de trois mètres. 11 se relève et va se laver à une fontaine; mais bientôt il tombe sans connaissance. Il resta malade pendant trois jours, au boni desquel* il était complètement remis, amnésie à part. Quand on lui demandait comment il était tombé, il répondait qu'il ne savait pa;. Un lui parlait du figuier el de la fontaine; il répondait : « Un me l'a dit ». Graux, qui ne l'avait pas quitté la veille et le jour de l'accident, fut curieux de savoir quelle étaitaa juste l'étendue de cet oubli; U l'interrogea et obtint des réponses d'autant plus sincères que le sujet, très léger, très insouciant, ne portail à celte question aucune espèce d'intérêt. Ses souvenirs étaient précis jusqu'à une certaine heure du bal, confus pour une période intermédiaire d'environ une heure, abolis pour la fin du bal, la nuit, la malinéo, l'accident. Autant qu'on put continuer l'observation, te temps n'amena guère ou n'amena pas de guenson graduelle ; un certain nombre d'heures restèrent définitivement onbliées
Le plus curieux de lauaire. c'est qu'un instant avant sa chute, le jeune Espagnol rappelait à sa fiancée des circonstances de la fin du bal et de la messe. Le souvenir de ces circonstance", bien qu'il eut été renforcé par une remémoraiion active accompagnée de paroles disparut avec le reste. Les étais de conscience revivifiés par la répétition ne jouissent pas, en pareil cas. d'an privilège; la répétition ne les garantit pas contre l'oubli, si leurs appariiions successives dans le champ de la conscience sont toutes comprises dans la période dont l'oubli général est imposé par l'ébranlement du cerveau. Victora Egger.
bulletin bibliographique
Les Hallucinations télépathiques. par MM. Gurney, Myebs et Podmore, traduit et abrégé des Phastusms of thc Living, par L. Mabiluer, maître de conférences à l'École des Hautes-Études, avec nue préface de M. Ch. Richet. (I vol. in-8* de la Bibliothèque de Philosophie contemporaine, Félix Alcan, éditeur.)
Cet ouvrage fera connaître au public français tout un ordre de questions très nouvelles encore pour lui et qui préoccupent vivement, depuis plusieurs années, les psychologues et les penseurs anglais et américains le* plus éminents.
Le livre de MM. Myers, Gurney et Podmore est consacré à l'étude de ces actions, mystérieuses encore pour la science, qu'un esprit semble pouvoir exercer sur un autre esprit. Les résultats les plus nouveaux des expériences sur la transmission des pensées y sont résumés, mais ce n'est là que l'introduction de l'ouvrage ; les auteurs se sont donnés pour tache principale l'étude des hallucinations véridiques, c'est-à-dire des hallucinations qui coïncident avec un événement réel. Ils cherchent à prouver que la véritable cause de l'hallucination est alors l'état d'esprit particulier où se trouve la personne qui apparaît. Ce livre contient peu de théories; c'est un ensemble de documents recueillis dans do bonnes conditions critiques et soigneusement choisis; les auteurs ont tenu à laisser parler les faits plus éloquents que tous les raisonnements. Nous reviendrons, d'ailleurs, sur l'élude de ces phénomènes auxquels s'intéressent actuellement un grand nombre de psychologues.
La Neurasthénie, par L. Booveret, in-8° de 480 pages 2° édition).
Baillière et fils.
Cet ouvrage, dont la première édition a été rapidement épui'ée, est un exposé très complet et très clair de l'état actuel de la science sur cette affection à la fois si commune et si complexe dans ses manifestations. C'est san* contredit le meilleur traité sur la maladie de Beard que nous possédons à l'heure actuelle. Cet ouvrage en effet n'est pas une compilation bien faite, comme tant d'autres du même genre. M. Bouveret y fait preuve d'un sens crilique et clinique très développé, et on voit qu'il connaît à fond le sujet qu'il traite. Aussi cet ouvrage ne se prête-il pas à une analyse, il doit èlre lu en entier, entre autres le chapitre consacre à la symptomatologie de la neurasthénie et ceux dans lesquels sont étudiés la neurasthénie et l'hysléro-neurasibénie d'origine traumalique. A propos de l'étiologie, l'auteur entre dans d'intéressants développements qui doivent être lus dans l'original. Pour ce qui concerne les relations qui existent entre la neurasthénie et la dilatation de l'estomac, M. Bouveret fait cependant, selon moi, une part trop petite à cette dernière dans la pathogénie de l'affection qu'il étudie dans son livre. Depuis que M. Bouchard a montré le rôle important joué par la dilatation de l'estomac dans la production de certains états nerveux morbides, beaucoup d'auteurs ont pu confirmer la justesse de cette vue à propos de la neurasthénie. Pour ma part, la plupart des neurasthéniques que j'ai vus et que je vois, sont atteints en même temps de dilatation de l'estomac, et le traitement de cette dernière affection m'a toujours paru être un auxiliaire précieux pour amener leurguérison. Dans la partie de son ouvrage consacré au traitement de la neurasthénie, M. Bouveret passe en revue les différentes méthodes en usage actuellement, méthodes dont il donne un historique et une description très complètes. A cet égard, je le trouve un peu trop éclectique et restreignant
un peu trop le* indications de certaines entre elles, celles de Welr Mitebell en particulier, à laquelle nous devons tous de si beaux résultats. Il en est de même pour la suggestion hypnotique. Ici il faut faire remarquer arec Dernheim que les neurasthéniques sont en général peu hypnotisablca, et cela parco qu'il est en général difficile de concentrer leur attention, trop préoccupés, trop obsédés que sont ces malades de l'état de leur santé. Mais de 14 à admettre arec Ziemmsen, comme le fait l'auteur, que l'hypnotisme thérapeutique pui*se avoir de fâcheux résultats, c'est la une proposition à laquelle je ne saurais souscrire. On peut dire en effet de l'hypnotisme thérapeutique que, lorsqu'il est manié par des gens compétents, il e*t absolument inotfensif. Il est certain que ce n'est pas une panacée, que l'on échoue arec lui comme arec d'autres méthodes de traitement, mais il ne faut pas oublier que, dans certains cas, il nous a rendu et nous rend encore de grands servi ces, et, je le répète, n'est pas plu* dangereux que la suggestion à l'état de veille dont M. Boureret préconise l'emploi dan* le traitement de la neurasthénie. Enfin, il ne faut pas oublier du reste que la plupart des méthode* du traitement de la neurasthénie — celle de Weir Mitebell entre autres qui nous donne le* meilleurs résultats — sont en réalité des méthodes dans lesquelles la suggestion joue souvent le principal sinon l'unique rôle. Les remarques précédentes portant seulement sur des point* do détail n'enlèvent du reste rien aux mérites de cet ouvrage, le plus complet et J'ajouterai le plus su'jgettif que nou* possédions sur la maladie de Bcard. Aussi Je ne puis que recommander sa lecture à tous ceux qui, de près ou de loin, tiennent à se tenir au courant des récentes conquêtes de la pathologio nerveuse
Déjerine.
(Médecine moderne.)
NOUVELLES
-'Association américaine contre l'ivresse, dans la dernière réunion qu'elle vient de tenir à l'Académie de Médecine de New-York, a adopté la proposition suivante du IT J.-B. Mattison :
• Attendu, que la cause prépondérante des intoxications chroniques par la morphine, le chloral et la cocaïne, réside dans la trop grande facilité qu'on a de se procurer ces médicaments:
- Attendu, que la possibilité de se les procurer sur une ordonnance médicale déjà exécutée est un facteur puissant pour engendrer et propager les maladies qui en résultent ;
- L'Association décide:
• 1* Que tout pharmacien ou droguiste ne pourra fournir que sur ordonnance du médecin, la morphine, le chloral et la cocaïne :
• 2* Que toute nouvelle dose de médicament réclamée par le client ne sera délivrée que sur nouvelle ordonnance du médecin ».
Congrès de jurisprudence médicale. — La Société médico-légale de New-York organise, pour 1892, un congrès International de jurisprudence médicale, qui promet de présenter un intérêt considérable.
Congrès do la Société italienne do Médecine interne en 1891. — Le-4e Congrès
de la Société Italienne de Médecine interne se tiendra à Rome, du 19 au 22 octobre 1891.
L'Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT.
Paris. — Imprimerie brevetée MICHELS et fils. passage du Caire. 8 et 10.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
LA LECTURE DES PENSÉES(1)
HISTORIQUE DE LA QUESTION
Par H. Jean TARCNANOFF. professeur de physiologie à l'Académie impériale de Médecine
de Saint-Pétersbourg.
En ce moment, chez nous comme à l'étranger, le public est intéressé par les phénomènes « de la lecture des pensées », ou de la divination muette; ces phénomènes, comme on sait, par leur caractère mystérieux et énigmatique, provoquent une masse d'explications contradictoires et en mémo temps fantastiques.
Dans les pages qui suivent, je me propose de prouver que ces phénomènes sont fondés sur nne tromperie de soi-même invotontaire. et qu'ils représentent l'un des exemples les plus propres à mettre en lumière les erreurs qui se commettent par la voie de la conscience humaine. Les points acquits en ce qui concerne l'hypnose et la suggestion seront d'une grande utilité pour l'explication de certains côtés énigmatiques du mécanisme de la lecture des pensées.
La découverte de cette lecture particulière et muette des pensées a été faite, non point par des hommes de science, mais par un jeune Américain sans notoriété et a demi instruit, M. Brown, qui, en 1874, parut en public à New-York et, grâce à la nouveauté mystérieuse de ses expériences, accapara l'attention de toute la société américaine et de la presse.
En appliquant sur son front la paume de la main de son inducteur, ainsi qu'on appelle celui qui propose l'énigme i deviner, et en la soutenant légèrement avec sa main, Brown, les yeux fermés, trouvait la personne mentalement désignée, ou un objet quelconque qu'il remettait, suivant la volonté occulte de son inducteur, à la personne qui devait le
(1) Extrait d'un volume paru chez Masson, éditeur, Paris.
recevoir, etc. L'apparition de M. Brown à New-York fut, dans le domaine de la lecture des pensées, la môme chose que l'apparition de Mesmer à Paris dans le domaine de l'hypnotisme.
L'impression produite par les expériences de M. Brown a été d'autant plus frappante, que les phénomènes de la lecture des pensées étaient aussi nouveaux pour le monde scientifique que le téléphone et le phonographe au moment de leur invention. Il est naturel que l'on ait recouru alors aux explications les plus diverses, et surtout les plus fantaisistes : comme, par exemple, que la pensée de l'homme peut agir à distance par le rayonnement dans l'air, ou que la volonté d'un homme peut asservir complètement la volonté d'un autre jusqu'à l'obliger d'exécuter tout ce qu'il pense, ou qu'il existe une action particulière magnétique du cerveau d'un homme sur le cerveau d'un autre, ou enfin que la pensée qui apparaît dans la tète d'un homme peut induire la môme pensée dans la tète d'un autre homme, comme un courant interrompu électrique, passant par une spirale, induit le môme courant dans une bobine secondaire voisine. En un mot, on n'a pas craint d'imaginer les explications les plus chimériques, les plus aventurées, et c'étaient principalement ces explications qui attiraient l'intérêt du public sur les phénomènes de la lecture des pensées.
II
C'est au neuropathologue américain, M. Bird, qu'appartient l'honneur d'une première explication rationnelle du vrai mécanisme de la lecture des pensées; c'est lui qui, le premier, a tâché de prouver que toute cette lecture est fondée sur ce fait, « que le lecteur des pensées saisit toute la série des mouvements musculaires inconscients exécutés par l'inducteur, pendant que ce dernier concentre son attention sur telle ou telle représentation > ; et c'est pour cela que M. Bird a appelé cette lecture, non point lecture des pensées, mais lecture des mouvements musculaires (muscle-reading.)
Brown inaugura ses expériences énigmatiques en juillet 1874, et au mois d'octobre de la môme année, Bird présentait son explication, la plus naturelle de toutes, et la soutenait dans une séance publique, où il produisit une centaine de personnes capables, grâce à la pratique, de lire les pensées comme Brown, en se guidant seulement sur les faibles mouvements inconscients de leurs inducteurs. C'est par ce procédé que Bird réussit à dissiper l'auréole mystérieuse .dont on entourait le premier lecteur de pensées, M. Brown; mais, chose bien singulière, le goût des explications fantastiques était si grand, que la commission scientifique
de la Faculté de New-York rejeta, à la majorité des voix, l'explication de M. Bird.
Sept ans après, en 1881, parut en Angleterre M. Bischopp, le lecteur des pensées bien connu, qui exécutait les expériences de M. Brown sous des formes beaucoup plus variées. Sur l'initiative de M. Carpenter, les savants anglais se livrèrent à l'étude de ces phénomènes, et aboutirent, en ce qui concerne l'explication, aux mômes résultats que M Bird sept ans avant. Une commission scientifique, qui tint ses séances à Londres et qui se composait de MM. les professeurs Robertson, Francis Gai ton. Lancaster et Georges Romanes, analysa sérieusement, en présence du prince héritier, les phénomènes de la lecture des pensées. On couvrait les yeux à M. Bischopp, et l'on bouchait, avec de la ouate, la fente qui restait au-dessous du mouchoir. De cette manière, on éliminait complètement la participation de la vision dans les expériences. Dans ces conditions, on laissait M. Bischopp faire ses expériences habituelles, c'est-à-dire découvrir un objet caché, indiquer la personne que l'on « pensait ». etc. Ayant appliqué la main de l'inducteur sur son front, et la maintenant légèrement avec une de ses mains, Bischopp se servait de l'autre pour trouver l'objet. Comme résultat, on remarqua que ces expériences ne réussissaient pas également bien avec différents inducteurs.
Si l'inducteur fermait les yeux et n'était plus en état de suivre les mouvements du lecteur des pensées et de les rectifier, si Bischopp et son inducteur étaient liés par une ficelle ou par une corde non tendue, les expériences ne réussissaient jamais. Pareillement, l'expérience ne réussissait jamais non plus dans le cas où entre Bischopp et son inducteur, au lieu de la corde, se trouvait une tierce personne n'ayant aucune connaissance de ce qui devait être accompli; et, au contraire, l'expérience réussissait toujours quand l'inducteur tenait la personne intermédiaire, qui ne connaissait rien, par la paume de la main que tenait en même temps Bischopp.
Suivant l'opinion de ces quatre savants, tout le modtis operandi de Bischopp consistait à se laisser guider, pendant qu'il cherchait un objet ou un endroit, par les mouvements involontaires, inconscients que produisait l'inducteur, et qui s'exprimaient par différents degrés de pressions, de poussées jouant, dans la lecture des pensées, le meme-rdle que les mots : chaud » ou « froid ». dans le jeu bien connu des enfants, quand ils cherchent un objet caché.
Puisque la sensibilité cutanée de Bischopp, pendant une séance de lecture des pensées, n'était pas, suivant les investigations de ces savants, plus élevée qu'à l'état normal, ils en conclurent que cette faculté de lire
les pensées ne dépendait pas d'one sensibilité cutanée supérieure, mais n'était que le résultat d'un exercice continu dans ces sortes d'expériences.
III
L'apparition de Biscbopp et de Cumber'and chez nous, en Russie, a provoqué un vif mouvement d'intérêt pour les phénomènes de la lecture des pensées, et la majorité la plus influente de nos organes de la presse a su, du premier coup, apprécier rationnellement ces phénomènes si mystérieux, sans tomber dans des conclusions aussi fausses que celles qui ont été formulées par plusieurs représentants de la presse étrangère. Nous avons plaisir a constater que la plupart de nos écrivains scientifiques (1) ont su. presque indépendamment les uns des autres, et en se fondant sur une quantité alors limitée de faits connus, se placer sur la voie dans l'explication de la « lecture des pensées » et, par là. endiguer le flot des hypothèses fantaisistes si contraire au bon sens de l'homme.
L'opinion générale de notre presse coïncidait, en beaucoup de points, avec les résultats obtenus par la commission scientifique de Londres, dont nous avons parlé plus haut, quoique les travaux de cette dernière, non plus que ceux de Bird, ne fussent pas, à ce qu'il semble, très connus en Russie. C'est ainsi que, chez nous comme à l'étranger, se formait la conviction que ce ne sont pas les pensées proprement dites qui se lisent, mais les mouvements musculaires dont s'accompagnent les pensées chez l'inducteur.
Le professeur Sikorsky a publié presque en môme temps, dans un travail spécial, des données psycho-physiologiques qui expliquent la participation, dans le mécanisme de la lecture des pensées, de mouvements musculaires inconscients produits pendant une attente concentrée, et, se fondant sur cette analyse, a appris lui-même plusieurs procédés de lecture des pensées.
Après lui, le professeur Preyer, fort de ses expériences sur le même sujet, est arrivé aussi à la même conclusion. Il a remarqué que les gens qui gouvernent bien leurs muscles et qui ne manifestent pas leur impatience, leurs désirs sous la forme de tel ou tel mouvement, sont de mauvais inducteurs avec lesquels les expériences de lecture des pensées ne réussissent jamais ; ainsi, les expériences dans lesquelles il jouait le rôle d'inducteur donnaient toujours des résultats négatifs, tandis que l'on observait le contraire avec plusieurs de ses savants collègues.
(1) Ceci vise surtout les articles de M. Elpe, dans le Novoïé wremia, et du professeur Morochowetz, dans le Rousskié Wédamosti.
Ce savant émincnt a inventé toute une série d'appareils simples pour faire inscrire sur un cylindre enfumé les faibles mouvements que produisent les doigts de la main de l'homme dans toutes les directions possibles; mais malheureusement il n'a pas profité de ces appareils pour résoudre la question principale, et précisément pour mettre en lumière et les mouvements inconscients effectués par l'inducteur pendant la séance môme de La lecture des pensées, et les modifications provoquées dans la direction de ces mouvements inconscients sous l'influence de telle ou telle représentation motrice.
Ce reproche pourtant peut être adressé à toutes les investigations précédentes sur la lecture des pensées, lesquelles perdaient toujours de vue la nécessité d'illustrer graphiquement ces mouvements inconscients, et ne les admettaient que comme la conclusion logique, inévitable des faits étudiés. Il est hors de doute que le lecteur des pensées se guide, dans la résolution des problèmes qu'on lui pose, sur ces mouvements inconscients de l'inducteur et les petits coups qu'il donne involontairement au lecteur des pensées ; maïs on ne doit pas oublier que c'est précisément grâce à cette lacune que la question reste jusqu'à présent ouverte pour beaucoup de personnes quant à sa confirmation expérimentale. Il faut saisir ces mouvements, les inscrire d'une manière graphique au moyen d'appareils délicats, et prouver que, là ou ces mouvements sont nuls, la lecture des pensées n'est plus possible.
(A suivre.J
DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE
Deuxième lettre à M. le Dr Bérillon, rédacteur en chef de la i Revue de l'Hypnotisme », par le Dr Masoin, professeur à l'Université de Louvain.
Mon cher Directeur,
Enfin, Dieu soit loué! la question des dangers de l'hypnotisme vient de faire un pas décisif, grâce à La « première et dernière réponse » de M. Del-bœuf, insérée dans les livraisons d'août de votre estimable Revue. En effet, on voit l'éminent clinicien... Pardon, je veux dire philologue de l'Université de Liège, après avoir soutenu, dans un isolement superbe, l'innocuité médicale des manœuvres hypnotiques, apporter lui-même un contingent de preuves décisives contre sa thèse. Depuis plusieurs années déjà, il avait signalé la folie du malheureux Lombroso, le créateur de l'anthropologie criminelle « rendu fou par l'effet des expériences do Donato ». Maintenant, voici qu'à mon tour, humble victime de cette funeste question, je suis frappé
de folie et d'épilepsie, d'après le diagnostic de l'illustre praticien do Liège. Mais pourquoi ne pas tout dire? Pourquoi tenir dans l'ombre une troisième victime de l'hypnotisme? N'existe-t-il ??? un personnage rai est atteint d'hallucinations et qui les décrit lui-même sans réticence (I)? N'a-l-on pas vu ce pauvre halluciné sujet a des emportements maladifs au cours d'une discussion scientifique? Après avoir bafoué cruellement ses adversaires, oe le voit-on pas soutenir aujourd'hui, avec une aisance parfaite et au milieu d'un aimable persiflage, n'avoir formulé ¦ que l'expression à peine indiquée d'un dissentiment scieniifique »!!! C'est une triste chose, je vous l'assure, que le spectacle donné par ce doux et bon vieillard, qui est, en outre, hélas! atteint d'une calvitie complète, ainsi que lui-même, (homme-cheveu, a pris la peine de le notifier à tous vos lecteurs dans le dernier numéro de la Renie de l'Hypnotisme (p. 40}. Moi-même, quoique la folie et l'épilepsie oblitèrent chaque jour davantage mon sens moral, je ne puis voir une telle chose sans être douloureusement ému, et je maudis l'hypnotisme, auteur de tels méfaits. Aussi, j'espère qu'il n'y aura plus désormais qu'une seule voix pour proclamer bien haut que l'hypnotisme n'est pas l'agent iiioflcofcif que ce pauvre M. Delbceuf avait décrit... et dont il est enfin devenu la sympathique victime!!! La ¦ querelle personnelle > provoquée par * mon redoutable adversaire * aura, du moins, ce résultat, — si elle ennuie vos lecteurs, comme c'est possible, et je m'en excuse, — d'attirer l'attention des gouvernements sur les dangers de « l'hypnotisme, qui rend les gens fous », ainsi que M. Delbœuf vient enfin de le reconnalire lui-même.
Dans cette querelle entre aliénés, ofturçons-nous de dire encore quelques petites choses sérieuses..., s'il y a moyen. Heureusement pour ma pauvre cervelle de fou et d'épileptique, dans cette tentative je risque peu désormais; mes forces suffiront peut-être encore à la lâche; car mon ¦ redoutable adversaire s n'a point répondu aux faits généraux et particuliers articulés dans ma première Lettre; je liens à le constater. Il se borne à produire une plaquette que j'avais déjà signalée comme sortie de l'officine d'un journal spi-rite, et il lui donne comme portique quelques réflexions plaisantes, parmi lesquelles un seul fait mérite d'être relevé : c'est le fait inexact consistant en ce que l'Académie de Médecine de Belgique m'aurait refusé une insertion dans le Bulletin. 1? vérité est que je n'ai aucunement recherché ou sollicité l'hospitalité du Bulletin académique pour la partie personnelle de ma communication du 28 mars dernier. J'ai voulu dire et j'ai dit à la tribune académique tout ce que j'avais à dire, sans rencontrer aucune contradiction ; puis cette partie personnelle a été réservée d'un accord unanime, sans que j'aie réclamé sa publication. Peut-être arrivera-t-elle au jour si M. Delbœuf provoque suffisamment l'Académie; à lui d'aviser. Enaltendant, on est exempté d'une collaboration forcée, des abus do réplique interminables, choses que beaucoup de membres voulaient éviter, dans l'intérêt même du recueil académique. Qnoi qu'il en soit, il ne reste plus à examiner ici que la plaquette
(1) Revue phylosophique, 1885, t xx, p. 513, article de M. Delbœuf.
spirite éditée sous le titre : Examen critique du rapport des médecins experts, et qui, arrivant dans une revue notable comme celle-ci, mérite enfin réfutation.
Établissons d'abord une remarque générale.
L'examen critique de M. Delbœuf prouve que notre professeur de philologie ne se fait pas une idée exacte de ce que doit être une expertise médico-légale. Expliquons-nous à cet égard.
Dans le cabinet du juge d'instruction, pas plus que devant le tribunal, l'expert ne peut, sans forfaire à tous les droits, se placer exclusivement au Point de vue de ses préférences scieutifiques ou de ses théories personnelles. Sinon, voyez ce qui arriverait avec M. Delbœuf lui-même : d'abord partisan des doctrines de la Salpêtrière il aurait donc apprécié au même point de vue que M. Charcot et ses élèves; un an plus tard, devenu Nancéen, il aurait invoqué MM. Liébeault, Dernheim, Liégeois, Beaunis; repassant au tribunal un an plus tard encore, on l'aurait vu pour M. Brouardel. Et notez bien que je ne tais pas ici de la fantaisie: M. Delbœuf avoue lui-même toutes ces fluctuations. Cet exemple topique prouve combien est juste la règle que je formulais tantôt cl qui, sous une autre forme, s'exprime dans les termes suivants : L'expert doit se placer au point de vue des diverses opinions sérieuses qui ont cours dans la feience pour la matière dont il s'agit. C'est assez dire qu'il lui arrivera même d'introduire dans le débat des théories qu'au fond de son esprit il repousse comme erronées.
Appliquons celle règle à l'affaire des paysans de Braine-le-Châleau. D'après le mandat qui nous était confié nous devions rechercher la réalité de l'hypnotisme el deux points de vue s'imposaient; nous nous y sommes placés, et, devant le Tribunal de Nivelles comme devant la Cour de Nivelles, nous avons insisté surco dilemme : « Ni au point de vue de la Salpêtrière, ni au poini de vue de l'École de Nancy, Sylvain Vandevoir n'offrait les caractères de l'étal hypnotique •. Ali ! sans doute, il devient facile d'exercer une verve gouailleuse sur l'experlise si l'on se place à un seul point de vue, si l'on estime que l'École de la Salpêtrièro s'est fourvoyée, si l'on admet que MM. Charcot, Richer, Binet, Féré, Babinski, Gilles de La Tourelle, Laugicr, sont des unités scientifiques qu'il .-st jiermis de négliger. Nous n'avons pas cru pouvoir dédaigner à ce poinl l'opinion d'observateurs distingués qui forment une école eélèbre.
Mais ici nous rencontrons M. Delbœuf qui, avec une troupe de ses amis, —sans doute des spirile?, — est en train ¦ d'essayer—mais sans y parvenir— de se figurer un individu qui serait hypnotisé au point de vue de l'École de Paris et ne le serait pas au point de vue de l'École de Nancy ou inversement, • Nous serions curieux de voir et de toucher un pareil phénomène », disent ces messieurs.
On peut aisément donner satisfaction à celle curiosité! Qu'il suffise à M. Delbœuf et à ses amis de se figurer un individu qui présente tout simplement une certaine exaltation de suggestibilité : pour les Nancéens cet individu
sera magnétisé, mais il ne le sera pas pour les Parisiens, car ceux-ci réclament des symptômes soma tiques.
Que le philologue de Liège et ses amis les spirites renoncent donc à leurs essais jusqu'ici demeurés stériles : voilà l'objet de leurs désirs.
Maintenant suivons pas à pas M. Delbœuf dans son Examen critique, sauf à passer sur maints détails où la vérité se trouve travestie; car vraiment, sans être importun, je ne pourrais tout relever dans des pages qui fourmillent d'erreur, je dois m attacher aux grandes lignes sous peine d'abuser du droit de réponso de légitime défense.
« Qu'est-ce que cette affaire? » s'écric-t-il d'abord. « Un rien dont ou a fait quelque chose ». Mais qui donc cet on derrière lequel se cache encore une insinuation perfide? — Assurément ce n'est pas moi : je puis en toute sincérité attester que je n'ai ni écrit ni inspiré le moindre articulel à un journal de la presse quotidienne pour faire du « fracas ¦ comme ledit encore M. Delbœuf. Mais pourrait-il faire la même déclaration, lui qui, dès le 15 janvier 1890, alors que l'affaire était en suspens devaut nos tribunaux, prenait déjà position avec fracas dans les journaux — conformément d'ailleurs a sa vieille habitude — et formulait cette conclusion plus que surprenante : « N'entravons pas Sylvain (Sylvain Vandevoir, le prétendu magnétisé) dans sa petite industrie > ? Vraiment oui, on aurait dû respecter ce paysan médecin comme s'il n'existait pas en Belgique des lois sur l'art de guérir, comme si la justice pouvait fermer les yeux sur les faits scandaleux de Braine-le-Château où trois villageois pratiquaient journellement la médeciue d'une manière absolument ignare, frauduleuse, dangereuse même, prescrivant jusqu'à 15 grammes d'iodure de potassium pour un jour, prescrivant même des substances absolument chimériques, telles que le maluaire calcine'. Oui, sans doute ou aurait dû respecter f cette petite industrie * d'individus que nous avons vu diagnostiquant, par la palpation d'un linge et en l'absence du malade l'emphysème pulmonaire, c'est-à-dire d'après eux, • l'eau dans l'enveloppe des poumons », alors qu'il s'agissait d'une affection intestinale; — d'individus qui reconnaissaient une atbumie [sic] « avec une espèce de dépôt dans le bas-ventre, souffrances dans la vessie et dans Yirlelte » [sic), tandis que le malade se plaignait uniquement d'une laryngite ! Car tels étaient les exploits des magnétiseurs clairvoyants (!) que Ycminent (!) philologue de Liège a pris sons son patronage.
M. Delbœuf rapporte que je n'ai « pas jugé à propos d'imprimer un premier rapport dû à M. Schoofs, médecin à Nivelles ». Mais pourquoi donc l'aurai s-je fait imprimer? Personne ne le reclamait, pas même M. Delbœuf. Et puis ce premier rapport est l'œuvre exclusive de mon houorable collègue de Nivelles ; c'est assez dire qu'il ne m'appartient pas de le livrer à l'impression ou de le tenir en réserve. Vraiment ce M. Delbœuf est un minotaure : je lui -ai jeté en pliure un volumineux rapport dont je n'avais composé qu'une partie, et voilà que son appétit de critique rapace réclame un autre aliment I qu'il n'avait j*s sollicité d'abord. Pourquoi ne pas réclamer aussi le rapport de M. Semai qui antérieurement avait démasqué la fourberie de
paysans magnétiseurs parmi lesquels brillait déjà le nom désormais immorlel des Vandevoir; aussi, reprenant les deux vers intercalés ici môme, nous dirons :
Que l'on verra Sylvain, sur l'aile du génie, Voler, grâce à Delbœuf, à la postérité.
Il est vrai que le protégé de M. Delbœuf avait encore une autre manière de voler.....qui l'a conduit, non pas à la postérité, mais à la prison.
Dans le paragraphe suivant de sa plaquette, M. Delbœuf écrit : ¦ En quoi un faux somnambule est plus dangereux qu'un vrai somnambule, c'est ce que personne ne parviendra à saisir. Toutefois, c'est à établir la simulation que tendait l'expertise, et son système l'avait emporté. De là le singulier libellé du jugement. »
Par ces lignes le professeur de Liège prouve qu'il n'a pas môme compris comment la question se posait devant le tribunal. Aussi je l'engage à ouvrir le Code pénal pour savoir s'il est indifférent d'employer des manœuvres frauduleuses en vue de s'approprier le bien d'autrui, de l'argent, ainsi que Sylvain Vandevoir et ses complices s'en faisaient remettre par les dupes de leur mise en scène. Un vrai somnambule peut être de bonne foi, et ses facultés cérébrales exaltées peuvent môme lui donner parfois des lumières spéciales ; un faux somnambule est toujours un escroc.
J'espère que M. Delbœuf a parviendra à saisir » cette différence.
Notre philologue me reproche ensuite d'avoir tenu compte des « fameux trois états * et de l'hyperexcitabilité meuro-musculaîre. Mais quel reproche n'aurions-nous pas encouru — de sa part môme, sans doute, si, pas cette année, au moins l'année prochaine, car souvent M. Delbœuf varie — si nous avions institué notre expertise, sans tenir compte de l'opinion d'une École célèbre? Que ces « fameux trois étals soient restés le monopole exclusif de la Salpé-trière », ce n'est pas exact; mais encore celle écoleest-elledonc à dédaigner, et, ici, je me reporte à la remarque générale que j'ai posée d'abord, concernant la manière dont l'expert doit entendre son rôle.
Notre critique continue :
« P. 236 et plus loin, p. 243, troisième preuve : le rapporteur s'étonne à plusieurs reprises, de ce que Vandevoir cause et répond « sans avoir été préalablement mis en communication avec les assistants, et sans qu'aucune délégation leur ait été faite ».
Ici, il confond Vandevoir avec Louise Laieau qui, elle, ne répondait qu'à ceux qui avaient reçu une délégation de l'évoque — donnée à haute voix devant elle. Quand il n'y a pas eu de défense spéciale, le sujet est en communication avec tout le monde ».
Reprenons d'abord cette dernière affirmation doctrinale sur l'absence d'isolement du sujet endormi.
M. Liébeault écrit : « Il esl d'observation que presque toujours les somnambules artificiels sont en relation par l'esprit el les sens avec les endor-meurs, mais rien qu'avec eux » (i).
(I) Le Sommeil provoqué et les États anatoguet,p. 43.
r
De son côté, M. Beauois, expose « que le sujet n'est en rapport qu'avec la personne qui l'a mis en état de somnambulisme, pourvu que le sommeil soit assez profond; il n'entend que lui et ne répond qu'à lui » (1).
Il faut avouer que, si je me suis trompé, en invoquaul l'isolement du sujet hypnotisé, c'est en bonne compagnie.
Mais voici Louise Laleau qui apparaît dans cette affaire, comme si je l'avais a confondue avec Vandevoir ». Pour le coup, c'est trop fort ; car M. Delbœuf lui-même a très bruyamment fait savoir que Louise Laleau était une hypnotisée, selon lui. du moins ; il a écrit aux gazettes, suivant son habitude, pour révéler au monde cette opinion, et, avec sa modestie ordinaire, il pe vante d'avoir reconnu « par une sorte de divination • l'état réel de la stigmatisée. Dès lors, il est impossible de comprendre comment le divin Delbœuf récuse, en matière d'hypnotisme, les faits observés à Bois-d'Haine.
Arrivons à Vexamen critique de notre quatrième preuve.
• Il n'y apas lieu davantage de s'étonner — quatrième preuve — que « pendant son sommeil, Vandevoir voit tout ce qui se passe autour de lui ». C'est ce que fait tout sommambule auquel on ne bande pas les yeux, à moins, toutefois, de suggestion contraire ».
Ainsi s'exprime M. Delbœuf.
A cela nous répondrons :
En admettant la réalité des phénomènes, Vandevoir devrait être mis dans les rangs les plus avancés de toute classification du sommeil hypnotique, puisqu'il présente l'amnésie au réveil. Or, à ces degrés, les diverses sensibilités sont généralement éteintes ; elles peuvent même cesser de produire les actes réflexes, et je n'hésite pas à répéter que, pour soutenir le contraire,
• il faut une certaine audace », ainsi que le disait mon collègue, le professeur Crocq, à propos d'une autre affirmation de M. Delbœuf.
Inutile d'insister sur des négations aussi audacieuses; passons à la cinquième preuve.
Ici M. Delbœuf déplace encore une fois la question : il ne s'agissait pas a de certaines difficultés que Vandevoir fait pour s'endormir ». Non, mais il s'agissait du refus que Vandevoir nous opposait, de « travailler » comme médecin pendant l'hypnose (?) à raison de l'influenra dont il souffrait, alors que la veille, étant atteint déjà, il avait, suivant sa propre déclaration,
• visité deux cents malades à sa consultation ; les uns venus en personne, les autres ayant envoyé des linges ».
Et voilà les faux-fuyants que M. Delbœuf couvre et approuve ! Quel admirable expert il formerait à l'occasion, et comme on reconnaît bien là le personnage qui, suivant son propre aveu « serait capable de jouer du tambour ou de l'orgue de Barbarie devant la lune même, si on lui soutenait qu'elle y est sensible > (2).
Enfin, discutant ce qu'il lui plaît d'appeler notre sixième preuve,
(1) Le Somnambulisme provoqué p. 33.
(2) Delbœuf. Le Mgnétisme anima page 21.
DISCUSSIONS ET POLÉMIQUe 73
M. Delbœuf affirme « qu'il est parfaitement inexact qu'une piqûre reste indolore par la suite ». Et pour nous réfuter il nous oppose « la jeune fille qu'il a vu brûler par suggestion à la Salpêtrière et qui sentait bel et bien sa brûlure le lendemain et s'en plaignait », — comme si les deux cas étaient comparables : dans l'un une brûlure par suggestion, dans l'autre une piqûre d'épingle faite a l'însu du sujet! 11 nous oppose les individus hypnotisés à qui Ton donne i mâcher quelques grains d'aloès, et qui. réveillés, montrent éner-giquement qu'ils en goûtent l'amertume, comme si Talons ne possédait pas une saveur étrangement durable, et comme s'il était permis d'assimiler à cette impression persistante l'effet fugace d'une légère piqûre d'épingle ! « Ensuite, dit-il encore, si Vandevoir savait simuler l'insensibilité quand on le piquait, à plus forte raison lui aurait-il été facile de simuler l'insensibilité quand il simulait le réveil ». Assurément; mais comme Vandevoir craignait qu'on ne le soumit à l'une ou l'autre expérience douloureuse, il a jugé prudent et malin de ne pas simuler l'amnésie d'une impression douloureuse. Voilà l'explication bien simple de son attitude.
Sous avons rencontré toutes les objections scientifiques formulées contre notre rapport et groupées plus ou moins exactement par M. Delbœuf, sous la rubrique de : « Six preuves •. Mais qu'on veuille bien se reporter à notre travail lui-même, et l'on se convaincra que d'autres arguments s'ajoutaient encore â ceux replis par M. Delbœuf: ainsi nous avons consigné l'absence de suggesti-bilité, si importante pour les adeptes de Nancy, et M. Delbu-uf ne la relève point! Voilà comme on écrit loyalement l'histoire scientifique d'une expertise.
A remarquer encore comment on m'isole malicieusement à diverses reprises : on dit : • M. Masoin ». on dit: • le rapporteur ». alors que le rapport est rédigé pour la première partie, la plus étendue et la plus détaillée par mon jeune collègue et ami M. le Dr ¿choofe. Pourquoi donc cette manœuvre alors qu'on s'est montré si sensible au reproche fondé de l'isolement où l'on s'était obstinément placé à propos des dangers de l'hypnotisme, conformément, d'ailleurs, à d'anciennes habitudes de paradoxes?
Mais passons ; car il est des choses plus graves à relever avant de clore cette longue lettre.
Affectant un air d'innocence, M. Delbœuf se pose en victime : ¦ Maintenant, pourquoi celle grande colère contre moi?jen suis encore à m'endeman-der la cause, car, dans ma déposition devant le juge d'appel, je m'étais attaché à ménager mon contradicteur ».
Eh bien, oui, monsieur, devant le juge d'appel vous avez été convenable ; je vous rends cette justice, sans avoir eu besoin de vos ménagements. Mais, sans doute, la présence de quelques gendarmes exerçait sur vous une influence sédative ou suggestive, qu'on ne retrouve pas dans les pamphlets que vous élaborez au fond de votre cabinet. Si vous vous étiez comporté dans toute cette affaire comme à l'audience, nous n'en serions pas, aujourd'hui, à ferrailler dans la Revue de l'Hypnottsme. Renoncez, monsieur, au role d'ingénu ; cessez de faire l'ignorant, car. en ceci, vous ne l'êtes pas : vous savez très bien de quelles avanies vous vous êtes rendu coupable, et j'ose
dire que pas un homme d'honneur ne verra, sans indignation, votre conduite en celte affaire. Que l'on puisseavoir, concernant la sincérité de Sylvain Vandevoir, une opinion différente de celle adoptée par les rapporteurs, soit ; vous aviez le droit de discuter, mais vous ne deviez pas outrager. Or, dans une première lettre, insérée ici même, vous aviez insinué que M. le docteur Schoofs et moi, avions fait un rapport de complaisance, pour favoriser nos collègues, les médecins de Nivelles. Mais, ensuite, effrayé, sans duule, d'avoir ainsi dépassé toute mesure, vous êtes venu dire, que vous aviez voulu simplement m'accuser d'ignorance. Vous èles bien bon, monsieur, de remplacer ainsi la calomnie par l'injure. Mais on pourrait vous dire aussi qu'il n'est pas courageux de reculer comme vous le faites; et, en supposant même qu'on admette votre interprétation actuelle, n'avez-vous pas posé un acte capable de « faire fâcher », de provoquer une grande colère » en jetant publiquement à la face d'un homme le reproche d'ignorance ? Cessez donc de vous draper dans une innocence que vous ne possédez pas : votre texte renferme une calomnie ; votre explication un outrage.
Mais, vous avez fait plus que de vouloir m'abaisser dans l'opinion publique : vous avez voulu me nuire d'une manière plus palpable, par un fait précis, que je signale en terminant, et ceci va faire comprendre et apprécier le dernier trait de votre réponse : In caudabovis venenwn.
Depuis plusieurs mois, il était question d'organiser dans les prisons de Belgique un service permanent d'expertises, portant sur les détenus qui fournissent des signes vrais ou simulés d'aliénation mentale. Avant même que la chose ne fût complètement élaborée dans les sphères administratives, la presse quotidienne intervint, cl nomma, en toutes lettres, les futurs titulaires des trois circonscriptions pénitentiaires ; dans ces articles de journaux, je fus désigné comme devant occuper un des irois postes nouveaux ; mais, les nominations n'étaient point faites. Or, c'est a ce moment que vous avez écrit dans votre plaquette, confiée à uue officine spirile, et répandue ensuite par vos soins, dans le pays, c'esl alors, dis-je, que vous avez écrit les lignes suivantes, qui ont dû paraître mystérieuses aux lecteurs de la Revue de l'Hypnotisme, mais qui, maintenant, deviendront lumineuses pour faire resplendir la générosité de votre caractère.
« Je redoute le jour — qui n'esl peut-être pas éloigné — où les pouvoirs publics et les tribunaux remettront entre les mains de pareilles autorités le sort des savants, des innocents et des coupables. »
Que l'on rompe vivement une lance avec uu adversaire, soit; la conviction forte ei l'ardeur du combat peuvent excuser quelques violences de plume. Mais ici, nous sommes en présence d'un fait précis, arrivant après des injures répétées et accusant L'intention formelle de nuire.
Je n'en dis pas davantage; je livre sans commentaires cet acte de mauvais gré, avec toutes vos impertinences, au jugement de mes collègues et du public. Je Guis sur des sentiments plus doux, en vous adressant, mon cher monsieur Bérillon, la nouvelle assurance de mon affectueux dévouement. Louvain, le 29 août 1991. E. Maoin.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
Scance du 21 juillet 1891. — Présidence de M. Dumontpallier
Le procès-verbal de la séance du lundi 21 juillet est lu et adopté.
M. le président annonce la présence k la séance de M. le D* À. Pierson, professeur à l'Université d'Amsterdam.
La correspondance comprend des lettres de MM. le Dr Lloyd Tuckey, de Londres; de M- le professeur Masoin, de Louvain; de M. le Dr Ladame. de Genève; de M. le professeur Herrero, de Walladolid; de M. le professeur Lombroso, de Tunis; de M. Giulio Friedman, do Rome; de M. le D' Schrbnck Notzing, de Munich: de M. le professeur Fou kl, de Zurich; de M. le Dr Lié-•baclt, de Nancy; de M. le professeur Liégeois, de Nancy, etc., qui s'excusent de ne pouvoir assister à la réunion de la Société.
La correspondance comprend en outre des lettres de M. le professeur Bas-naert, membre de l'Académie de Médecine de Belgique, et de M. le D' Hcbbsr Schlbidbn, de Munich, qui adressent à la Société leurs voeux de succès et l'expression do leurs sympathies. M. Albssandro Lioy, directeur de la Tribuna giudiziana, de Naples, envole par télégramme à la Société le* souhaits de l'École positiviste italienne.
M. le président met aux voix les candidatures de MM. les D™ A posto li, de Paris; Bénard, de Saint-Germain; Bektin, de Nancy; Bonamaison, de Vaucluse; Brbgman, de Varsovie; de M. Causbl, avocat à la Cour de Paris; de MM. les Drs David, do Sigean; Dbsjardins, de Paris; do M. Dumont-Carpentier, de Pari«: de MM. les Drs Fitz-Gbrald. de Dublin; Gautier, de Paris; Goox, de Paris; de M. Guérïn. avocat a la Cour d'appel de Paris; de M. IlBuarvAUX, de Saint-Gobaia; de M. La Gall, de Paris; de MM. les Drs Li Menant des Chbsnais, de Paris; Lorrain, de Saint-Mandé; Preters, de Bruxelles; Pînel, de Paris; Raffegeau, de Paris; Raymond, professeur agrégé k la Faculté; Rbspaut, de Paris ; de M. Jules Soury, maître de conférences k l'École pratique des Hautes-Études; de MM. les Drt Tamburini, professeur i l'Université de Reggio-Kmllia; Widmer. de Lausanne.
Ces candidatures sont adoptées, et il est dèzidé que les membres nouvellement admis auront la titre de membres fondateurs, comme les membres du Congrès de 1 "hypnotisme qui donneront leur adhésion k la Société d'hypnolopic.
M. le président donne lecture d'un projet de statuts et de règlement. Les articles de ces statuts et de ce règlement sont mis aux voix. Ils sont adoptés k l'unanimité, tels qu'ils figurent en tète des comptes rendus.
D est ensuite procédé à l'élection du bureau définitif. Sont élus, président : M. Dumontpallier; vice-président. M. Aova» te Voisin; secrétaire généra!, M. Bérillon; trésorier, M. Maestrati; secrétaires des séances, MM. Guéria et P. Magnin; membres do comité de publication. MM. Babinski, G. Ballet et Déjerine.
Quelques observations sur la valeur médicale de la psychothérapie,
Par M. le Dr DE JONG, médecin spéciali*t» pour les maladies mentales et nerveuses,
à la Haye (Hollande).
Monsieur le Président, Messieurs,
J'ai commencé, depuis environ quatre ans, à appliquer la psychothérapie dans les cas où elle me paraissait appropriée, et la grande quantité de malades qui se présentent chaque jour pour suivre ce traitement médical, est pour moi une preuve irréfutable que le traitement par suggestion s'est acquis dans le public une réputation méritée.
Loin de moi pourtant la pensée de vouloir considérer l'opinion publique comme une preuve scientifique de la valeur de cette thérapie; il me semble cependant qu'elle mérite quelque attention. Méconnaître l'opinion du public est, je crois, aussi insensé que d'y attacher une trop grande importance.
Nous pouvons heureusement constater que les représentants de la Faculté médicale ont eux-mêmes beaucoup changé d'opinion en faveur de la psychothérapie. Plusieurs d'entre ceux qui se sont donné la peine de l'examiner de plus près, ont avoué d'un commun accord que, dans plusieurs cas, elle peut rendre d'éminents services à l'humanité. Par contre, il s'en trouve, hélas! un trop grand nombre qui s'obstinent à la déclarer de nulle valeur et indigne de l'attention d'un médecin scientifique. Ce n'est pas qu'au cours de leurs investigations ils aient été trompés dans leur attente, mais uniquement parce qu'ils n'ont pas eu le courage de se livrer à un examen sérieux.
D'autres, — nos plus grands adversaires, naturellement, — vont plus loin encore : ils se croient obligés de prémunir le public contre l'influence pernicieuse de cette thérapie sur les malades qui s'y soumettent. Une telle assertion, aux yeux d'examinateurs sérieux, n'a certainement pas la moindre raison d'être. Appliquée avec la circonspection nécessaire dans les cas où elle a chance de succès, la psychothérapie n'est pas plus dangereuse que tout autre traitement médical.
Il est évident qu'un jugement prononcé par ceux qui n'ont pas le droit de formuler une opinion, est de nulle valeur aux yeux de la science, et qu'on ne peut attacher d importance qu'aux assertions de ceux qui se sont adonnés à un examen sérieux et prolongé. Nous ne saurions non plus profiter des données de ceux qui ne publient que les bons résultats obtenus dans leurs recherches, et gardent un silence absolu sur les déceptions auquelles ils ont été exposés. Ce serait élever la psychothéraphie au rang de panacée universelle. Ellea sa raison d'être aussi bien que toute autre thérapie : lui contester ce droit est le fait d'un esprit borné. Eu effet, le principe fondamental de tout traitement médical e.-t de guérir ou d'adoucir les souffrances du malade, et chaque moyen tendant à ce but, appliqué par un médecin de bonne foi, est
justifié; négliger d'agir ainsi sérail le rendre indigne de la profession qu'il exerce.
Envisagée au point de vue scientifique, la psychothérapie a droit d'existence aussi bien que tout aulre traitement médical. On ne peut pas nier qu'elle est une thérapie presque absolument empirique; mais, n'en est-il pas de même de la plupart des autres thérapies? Expliquer physiologiquement comment et pourquoi certain traitement médical mène à certain résultat, n'est-ce pas, — excepté dans la chirurgie et dans la thérapie opératoire, — un des desiderata auxquels nous n'avons pu encore arriver?
Quant aux dangers moraux, ils sont autant niés qu'affirmés. Mon opinion personnelle est qu'il n'y faut pas attacher une trop grande importance.
En ce qui concerne les dangers physiques, j'ose affirmer, tant par mon expérience que par celle de mes collègues qui se sont livrés à un sérieux examen, que le traitement psychique, appliqué avec prudence et discernement, n'en offre pas plus que tout autre traitement médical. Je ne veux pas dire que, par l'hypnose et par des suggestions faites maladroitetneul, il soit absolument impossible de nuire à un individu plutôt que de le soulager; mais, dans chaque traitement médical, le malade est exposé au même danger : pour peu que le médecin ne soit pas à la hauteur de sa mission, il s'expose la aux conséquences les plus désagréables. Dans la psychothérapie, comme dans toutes les autres branches thérapeutiques, il sera donc d'une importance capitale que le médecin acquière ses connaissances par des éludes sérieuses et approfondies.
11 ne m'est pas possible, vu le peu de temps dont je dispose, de vous relater les résultats des quatre années pendant lesquelles j'ai appliqué la psychothérapie; je me bornerai donc à quelques observations générales sur les succès que j'ai obtenus.
Eu ma qualité de médecin spécialiste pour les maladies mentales et nerveuses, il n'est pas besoin de dire que la plupart des malades que j'ai soumis à un traitement psychique étaient des neuropathiques ou des psychopa-thiques. Sur 2,000 malades que j'ai hypnotisés, il ne m'a été possible de contrôler les résultats obtenus que sur 1,7U0 environ; les autres ayant, soit discontinué la euro avant d'avoir obtenu la guérison, soit négligé de me donner de leurs nouvelles après m'avoir quitté. Sur ces 2,000 malades, 1,300 appartenaient à la classe des prolétaires et furent soignés dans ma clinique. Ceux-ci appartenaient, en moyenne, à la classe populaire, moins civilisée, quoiqu'il y en eut plusieurs de plus intelligents, mais qui, en raison de leur situation de fortune, ne pouvaient payer l'honoraire de mes consultations.
Dans ma clinique, la moyenne des susceptibles à l'hypnose, fut de 92% tandis que dans ma clientèle privée, elle ue monta qu'à 83 à 8i % Des premiers 150 malades exclusivement traités dans ma clinique, il n'y en eut que trois absolument réfraclaires; de sorte que le nombre des susceptibles se montait à 98 %- -Je crois devoir attribuer celle différence de 6 % avec mes résultats habituels, à une patience moins grande de ma pari, occasionnée par un surcroît de travail par suite d'une plus grande affluence de malades
dans le même espace de lemps. La différence du chiffre de ma clinique et de ma clientèle privée, je crois pouvoir l'attribuer au plus grand sentiment de dépendance chez les inférieurs, à la coutume d'obéir sans réplique aux ordres de leurs supérieurs, sentiment moins développé dans les classes plus élevées de la société. En ce qui concerne les soldats, je n'en ai jamais rencontré un seul qui ne fût dans l'hypnose » la première séance. Je ne saurais vous dire s'il en est de même des militaires grades, n'ayant pu l'expérimenter suffisamment.
Afin de tacher de résoudre une question, à mon avis une des plus importantes, à savoir s'il y a quelque affinité entre l'hypnose et l'hystérie où d'autres affections névropathiques ou psychopatiques, je me suis mis à hypnotiser un grand nombre d'individus, jouissant d'une parfaite santé et en les comparant à mes malades nerveux je n'ai pas remarqué de différence sensible. J'ai trouvé ordinairement le plus de réfraeiaires parmi les hystériques; il faut l'attribuer, ce me semble, à la manière toute spéciale dont la vie intellectuelle se caractérise chez eux. Il me fallut en excepter les grands hystériques, comme on les qualifie généralement, qui se montraient fort sensibles a la suggestion et tombaient pour la plupart dans un état profond de somnambulisme. C'est alors que je fis l'expérience que les grands hypnotiques n'étaient pas toujours grands hystériques, ni mêmes hystériques ou névropathiques. J'en citerai un exemple qui me parait très instructif : Un monsieur, d'environ cinquante ans, me consulta, souffrant d'une migraine accompagnée de surdité et de bourdonnements d'oreilles. Un spécialiste pour les maladies do l'oreille ne trouva aucun dérangement visible; hypnotisé par suggestion verbale, il se manifesta tout de suite comme somnambule du plus haut degré : il obéit directement et complètement aux suggestions. En hypnose comme en état de veille, on peut provoquer chez lui avec la plus grande facilité tous les phénomènes possibles qui caractérisent le somnambulisme. U est un grand hypnotique par excellence; j'ai bien rarement vu son pareil. Si l'on excepte les perturbations ci-dessus nommées, on peut dire qu'il jouit d'une parfaite santé. U m'a affirmé être issu d'une famille robuste, et il ne connaît aucun malade nerveux parmi ses parents. C'est un homme de grande énergie, un auteur fêté du public ; ses œuvres témoignent de beaucoup de talent et d'une grande dose de patience. Par l'influence de la suggestion la migraine l'a quitté, mais la surdité et le bourdonnement de l'oreille n'ont subi aucun changement. 11 me serait très facile de vous citer encore plus d'un fait éminemment propre à vous démontrer que le grand hypnotisme n'est nullement un caractère absolument dislinctif de l*hystério ou d'autres états neuro ou psychopathiques; je préfère néanmoins employer le temps qui me reste & vous faire part de quelques observations sur les résultats thérapeutiques que j'ai constatés. En passant, je désire vous réitérer que mon opinion sur les méthodes d'hypnotiser n'a subi aucun changement depuis 1889, époque où j'avais l'honneur de prendre la parole au Congrès international d'hypnologie.
La méthode verbale suggestive, comme elle est recommandée par MM. le
Dr Liébeault et le professeur Bemheim, me semble encore toujours la plus pratique. En quelques cas où cette méthode me fit défaut, j'atteignis à mon but, soit en appuyant les doigts sur les globes oculaires, soit en suivant la méthode de Braid ou toute autre. Le miroir à alouettes, recommandé par M. le docteur Luys, me rendit en beaucoup de cas d'éminents services, surtout mis en rapport avec la méthode verbale suggestive. De plus en plus je me sens fortifié dans mon opinion, émise au Congrès sus nommé, que quelque méthode qu'on suive, l'hypnose ne se produit que par suggestion.
Quant à la valeur thérapeutique, j'ai souvent trouvé dans la psychothérapie un remède excellent dans plusieurs cas traités depuis longtemps déjà sans succès par d'autres méthodes thérapeutiques; mais souvent aussi je fus désappointé. Cependant, ces désappointements ne purent me décourager et je vis récompenser mon opiniâtreté par les résultats favorables que j'obtins. Ils me décidèrent à continuer consciencieusement mes recherches.
La psychothérapie a rendu de grands services, surtout à beaucoup de mes malades souffrant d'un affection psychique.
Au Congrès international d'hypnologie, je mentionnai les résultats du traitement psychique des quelques psychoses élémentaires et je suis heureux de pouvoir constater aujourd'hui que les résultats ont dépassé mes prévisions. Depuis ce temps-là de nouvelles expériences m'ont fortifié dans ma conviction, que dans le traitement de ces affections la psychothérapie est un des remèdes les plus précieux ; dans le traitement de la mélancolie, elle m'a rendu à nouveau de grands services. En beaucoup de cas, j'ai obervé qu'elle amène en très peu de temps un changement favorable surprenant; surtout dans les mélancolies élémentaires, c'est-à-dire celles où il n'y a pas encore de complications d'idées fausses ou d'hallucinations. Dans les deux dernières années principalement, j'ai eu l'occasion de traiter beaucoup de ces mélancolies élémentaires causées par i'influenza. Je fus de plus en plus convaincu que, pour obtenir un résultat chez ces malades, il fallait leur suggérer le repos psychique. Non seulement au commencement de la mélancolie, mais aussi au plus haut degré de cette maladie compliquée même par des idées fausses et des hallucinations, j'observais dans quelques cas la bonne influence de l'hypnose et de la suggestion.
11 va sans dire que parmi des femmes mélancoliques, on en trouve plusieurs qui sont réfractaires au traitement hypnotique et qui exigent grande patience de la part du médecin.
En quelques cas, les malades, jusqu'ici réfractaires, tombaient en hypnose par suggestion verbale, après avoir pris quelques médicaments soporitifs, comme sulfonal, ou bien un bromure ou tout autre. Peu à peu, chez ces malades, je ne me trouvais plus forcé de donner des médicaments, l'hypnose et la suggestion seules suffisaient au repos psychique.
Dans la manie, dans la monomanie, dans la folie hallucinatoire, ni dans quelques cas de véritable folie, je n'ai réussi à provoquer aucun changement appréciable, par le traitement psychique. Mais je dois avouer que mes recherches de ce côté sont en très petit nombre, ma situation médicale ne me
permettant pas de visiter régulièrement les malades à domicile el ces malades à mon avis ne se prêtant pas à un traitement ambulatoire.
J'ai la conviction que le traitement psychiaue peut faire beaucoup de bien aux pauvres aliénés, ainsi qu'il a été démontré en plusieurs cas par le savant professeur, le Dr Aug. Voisin, et d'autres médecins aliénistes.
Il est évident que les résultats les plus faciles à reconnaître pour le médecin, sont ceux acquis par la thérapeutique suggestive dans les perturbations de la vie intellectuelle, qui se manifestent surtout par des mauvaises habitudes.
Par le traitement psychique, j'ai obtenu de grands résultats chez les alcooliques.
Un assez grand nombre de ces malheureux, démoralisés par l'intoxication chronique de l'alcool, furent guéris de cette façon et rendus à leur famille el à la société. Je ne sais pas si la guérison resta permanente dans tous les cas que je traitai; mais, chez quelques personnes que j'avais l'occasion de contrôler encore plus lard, je pus constater qu'elle est restée durable après deux el trois ans.
Dne grande application de l'hypnotisme el de la suggestion doit être faite pour la pédagogie et la pédiatrie, ainsi que l'a démontré entre autres notre savant collègue, le Dr Edgar Bériilon : j'ai pu le constater par mes expériences personnelles.
D'un assez grand nombre de résultats favorables chez des individus jeunes, sujets à des habitudes vicieuses ou des inclinations mauvaises, les deux cas suivants méritent, je crois, une attention spéciale :
La nommée P.... âgée de onze ans, fille d'une mère excessivement nerveuse, souffrant d'une mélancolie périodique, est sujette à une habitude qui donne beaucoup de chagrin à ses parents; depuis longtemps, elle se rend coupable de vol. D'après le récit de la mère, c'est une voleuse d'un raffinement incroyable et tous les moyens pour la corriger étaient demeurés jusqu'à ce jour sans succès. L'hypnotisalion réussît parfailement par suggestion verbale. Elle est une somnambule excellente el d'une suggestibilité complète. Depuis la première séance, le 27 février 1891, jusqu'à ce moment, l'habitude ne se manifeste plus.
Le nommé K.... garçon âgé de sept ans, traité pour un blepbarospasme avec un résultat complet, est un enfant d'un caractère mauvais et pervers. Selon ses parents, il n'y a pas un vice qu'on ne lui puisse attribuer : il est paresseux, menteur, brûlai; il vole, il maltraite ses petits frères et surtout les animaux d'une façon excessivement cruelle; il me fait l'effet, en un mot, d'un de ces pauvres individus dépravés, dépourvus de sens moral, et qui sont connus dans la psychopathologie sous le nom d'idiots moraux. Dans l'état hypnotique, obtenu facilement sur l'injonction que je lui fis de dormir, il se montrait un somnambule d'une très grande suggestibilité. Je le suggérai eu hypnose tous les jours, et dans trois mois, son caractère fût tellement changé qu'il ne fut presque plus reconnaissable. Il est aujourd'hui âgé de dix ans et sa conduite est irréprochable ; à l'école il est un des meilleurs
élèves de sa classe, et chez ses parents sa mère l'appelle Tentant chéri de la maison.
Dans un grand nombre de cas d'insomnie et de somnambulisme spontané, ainsi que dans le traitement des affections nommées névroses, la psychothérapie m'a rendu de grands services.
Le traitement psychique de l'épilepsie ne m'a pas produit les bons résultats que j'en attendais.
Je ne puis citer qu'un seul résultat favorable du traitement absolument psychique de l'épilepsie.
La nommée F..., une jeune fille juive de 20 ans, appartenant à une famille névropathique, me consulta quatre mois après sa première attaque d'épilepsie; je ne La traitai que par l'hypnose et la suggestion, et il y a un an et demi que ses attaques ne sont plus revenues.
Dans tous les autres cas d'épilepsie où j'appliquai la psychothérapie, elle se montra insuffisante à faire disparaître les attaques, et j'étais obligé do prescrire un médicament. Cependant, elle me rendit le service de pouvoir successivement diminuer la dose du médicament, ordinairement au bromure, sans que les attaques fussent plus fréquentes.
 une jeune malade traitée psychiquement sans aucun résultat, je donnai, en augmentant progressivement, une dose de dix grammes de bromure, c'est-à-dire sept grammes de bromure de soude et trois grammes de bromure d'ammoniaque, dose que je ne pouvais diminuer, ou immédiatement les attaques se manifestaient à nouveau.
La suggestion en hypnose me permit de diminuer successivement la dose de bromure, et il y a déjà deux ans que les attaques ne se manifestent plus, tandis qu'elle ne prend que deux grammes de bromure (1 gr. 5 de bromure de soude et 0 gr. 5 de bromure d'ammoniaque}. En plusieurs autres cas, j'acquis le môme succès.
Les résultats dans le traitement psychique des attaques hystériques furent différents.
Chez un grand nombre de malades, je vis diminuer les attaques, ou même disparaître complètement; rarement je les vis augmenter. Quelques malades ne furent point influencés par le traitement suggestif.
Quant à la catalepsie, mes espérances sont très restreintes.
Deux malades cataleptiques, les seuls qui me consultèrent, furent guéris en très peu de temps par la thérapie suggestive.
Dans le traitement de la chorée, j'ai trouvé dans la psychothérapie un remède d'une très grande valeur. Surtout chez les jeunes malades que je traitais, j'observais souvent des changements considérables, et en très peu de temps une guérison complète.
Les malades choréiques plus âgés et surtout ceux montrant distinctement des symptèmes psychiques, ne me donnèrent pas autant de bons résultats.
Un cas très intéressant s'offrit chez un sculpteur de 22 ans qui avait été traité longtemps par deux excellents médecins sans amélioration : je m'avisai de le traiter par suggestion ; en hypnose, il se montra un somnam-
bule d'une très grande suggestibilité, en quatre semaines, il fut complètement guéri. Depuis trois ans, il jouit d'une parfaite santé.
Pareillement, dans le traitement des névralgies, j'ai pu me rendre compte que la psychothérapie était un remède excessivement utile : souvent, j'étais étonné de voir guérir en très peu de temps des névralgies traitées depuis longtemps sans aucun résultat favorable. En nombre de cas, le traitement psychique des névralgies procure une vive satisfaction à l'hypnotiseur, a cause de la rapidité avec laquelle les douleurs très vives sont enlevées aux malades, et c'est un des traitements les plus faciles à appliquer.
Je ne puis entrer dans le détail de toutes mes expériences sur le traitement suggestif des névralgies; je me bornerai à citer les quatre cas suivants :
MM G... souffrait déjà depuis plus d'un an d'une névralgie sciatique très grave, et les douleurs presque insupportables ne lui permettaient de marcher qu'à l'aide d'une béquille. Traitée sans aucun résultat par l'électricité et d'autres moyens thérapeutiques depuis très longtemps, elle viDt me consulter.
Elle commença par me déclarer qu'elle n'avait aucune confiance dans la psychothérapie, mais que ses parents l'avaient persuadée de me consulter. Malgré sa défiance, la bonne dame était d'une suggeslibilité extrême ; une minute suffit pour la faire tomber dans un sommeil très profond, et, après la première séance, son opinion s'était déjà tout à fait modifiée. Quatre séances suffirent pour la faire marcher sans béquille et, après onze séances, la sciatique avait disparu sans laisser la moiudre trace de la maladie. Sa convalescence est restée durable, ce fait date de plus de trois ans.
J'obtins le même succès chez M00 B... qui, en quatre séances, fut délivrée d'une sciatique qui l'avait rendue presque incapable de marcher depuis plusieurs mois, malgré toutes les thérapies qui lui furent appliquées.
Les deux dames ci-dessus sont toutes les deux ce qu'on appelle un peu nerveuses, mais elles n'accusent aucun symptôme d'hystérie.
Au mois de septembre 1890, M. D... me consulta à cause d'une violente névralgie intercostale causée probablement par l'infiuenza. Mis eu hypnose, le mal disparut immédiatement sous l'influence de la suggestion et n'est jamais revenu depuis ce jour.
Mlle V... M..., institutrice, souffrait depuis cinq mois d'une névralgie plantaire également causée par l'infiuenza. Traitée par l'éleclrothérapie et plusieurs autres thérapies, la douleur ne la quittait pas. Le 29 juillet 1889, elle fut mise en hypnose pour la première fois et la suggestion fil disparaître le mal aussitôt. Le jour suivant, quoiqu'elle ne ressentit plus aucune douleur, je l'hypnotisai à nouveau. Trois semaines après, elle me visitait pour m'annoncer l'heureuse nouvelle de la stabilité de sa guérison. Elle venait de rentrer d'un voyage en Belgique où elle avait pu marcher huit heures par jour sans avoir éprouvé aucune douleur. *
La malade descendait d'une famille où les maladies nerveuses ou mentales étaient absolument inconnues, n'accusait pas le moindre svmptômc d'hystérie cl toutes les affections nerveuses lui sont tout à fail étrangères.
Dans les névralgies citées, un examen physique sérieux fit exclure chaque cause matérielle. Dan* très peu de cas où les douleurs étaient causées par des tumeurs ou d'autres changements pathologiques anatomiques, je me suis convaincu que la psychothérapie, daus quelques cas, peut diminuer les douleurs et rendre de grands services aux malades.
Encore dans un grand nombre d'autres maladies, la psychothérapie me donna l'occasion de faire beaucoup de bien. Je passe sous silence son emploi dans le traitement des troubles des organes moteurs; il est trop connu. Chaque médecin hypnotiseur connaît assez bien les effets thérapeutiques du ttaitement suggestif dans les paralysies et parésies fonctionnelles hystérique», et non hystériques des effets qui nous expliquent parfaitement pourquoi, aux yeux d'une grande partie du public, l'hypnotisme est une puissance surnaturelle, et le médecin hypnotiseur un véritable thaumaturge.
Messieurs, ayant abusé déjà trop de votre bienveillance, je voux terminer en vous faisant part de mes résultats dans le traitement psychique de quelques maladies trophîques, et d'un grand nombre de perturbations d'une nature vasomotrice, et je vous demande encore quelques moments d'attention pour la communication d'un cas qui me semble assez intéressant.
Le nommé B.-II., âgé de neuf ans, montrait, à l'Age de un an et demi, les premiers symptômes d'une diathèse hémorrhagique et hémophilique. Une de ses sœurs mourut en I88U, à l'âge de onze ans, de la même maladie. Une sœur et un frère, encore vivants, souffraient beaucoup de saignements de nez. Le malade est d'une longueur suffisante, très maigre et d'une muscul-ture très peu développée. 11 porte tous les symptômes d'une anémie extravagante. Les conjunetwes, comme les membranes muqueuses des lèvres et du palais, sont d'une couleur blanche jaunâtre. Excepté la figure, tout le corps est couvert do taches de différentes couleurs, parsemé*.de petechiaea Par suite d'un saignement de nez qui venait de s'arrêter, il était dans un état de grande faiblesse. Les yeux sont fermés. A mes demandes, il ne répond qu'avec des mouvements de tète; il ne peut presque se bouger. Selon le récit de la mère, les saignements, soit de la bouche, soit du nez, se montrent très irrégulièrement; quelquefois il était libre pendant deux mois, et quelquefois les saignements se montraient deux fois par n-jois. Après un saignement, il lui faut toujours huit à dix jours pour se redresser tant soit peu. Ce cas m'embarrassait beaucoup. Je ne croyais pas pouvoir le soulager beaucoup, et parfois je n'avais pas le courage, en voyant la mère désolée, les larmes aux yeux, me priant de sauver son enfant, de lui avouer mon impuissance. Je me sauvais en lui disant que pour le moment, à cause de l'état de faiblesse, ne pouvant rien faire pour l'enfant, je la priais de revenir dès qu'il se serait redressé. Dix jours après, la mère et l'enfant me visitèrent de nouveau, et je me résolus de le traiter psychiquement, uniquement à cause de l'expérimentation, convaincu que, dans ce cas, je ne pouvais rien gâter... Il y a aujourd'hui un an et demi que je l'ai traité par la psychothérapie, et je peux dire que je suis reconnaissant à la pauvre mère de m'avoir inspiré par ses larmes.
Le résultat était extraordinairement intéressant. Le premier saignement se montrait cinq mois après la première séance, mais la perte de sang était beaucoup moindre, et la durée, au lieu de deux ou trois jours, n'était que de quatre heures. Depuis ce temps-là, les saignements ne se manifestent presque plus. Seulement, de temps en temps, très rarement, il perd un peu de sang par la bouche ou le nez; mais, selon la mère, c'est à peine une goutte. Le garçon a l'air très bien; les muqueuses sont d'une couleur normale; il est joyeux, et les pétechiaes «ont disparu». Comment expliquer ce résultat? Je ne le sais pas, mais je me contente d'avoir fait du bien. Et maintenant, messieurs, je vais terminer en vous assurant que, malgré les déceptions que j'ai éprouvées, les bons résultats m'ont suffisamment convaincu de la grande valeur de la psychothérapie dans le traitement médical, pour m'encourager à continuer sérieusement mes expériences.
Définition et Conception des mots Suggestion et Hypnotisme
Par le D' Bernheim, professeur à la Faculté de Médecine de Nancy.
J'ai pensé qu'il était bon, à notre première séance de la Société Hypno-logique, qui a pour but l'étude des phénomènes de suggestion et d'hypnotisme, de commencer par la définition des mots : Qu'est-ce que la suggestion? Qu'est-ce que l'hypnotisme?
Beaucoup de médecins, et des plus instruits, je ne parle pas du gros public, ont horreur de ces choses, parce qu'ils se figurent qu'un homme suggestionné, un homme hypnotisé estatteint de névrose cérébrale ; la catalepsie, l'analgésie, l'hallucinabilité sont pour eux des manifestations étranges, hyslériformes, qui dénotent un état normal, pathologique, monstrueux, un détraquement du cerveau qui laisse des suites fâcheuses, une véritable aliénation mentale. Les quelques résultats thérapeutiques qu'on peut obtenir de ces pratiques sont loin de compenser leurs dangers; car elles détruisent notre individualité psychique. Suggérer et hypnotiser, même dans un but thérapeutique, c'est commettre un attentat contre la dignité humaine.
Ils ne savent pas qu'eux-mêmes, tous les jours, suggèrent et sont suggestionnés à leur insu. Ils oublient qu'ils dorment et rêvent pendant plus du quart de leur existence et que, pendant leurs rêves, ils sont hallucinés et ne peuvent pas se soustraire aux illusions et hallucinations spontanément écloses dans leur cerveau. Ils ne savent pas que, dans leur sommeil, on peut leur imposer des rêves, des idées, des sensations, des actes comme Altred Maury et d'autres l'ont établi ; on peut les cataleptiser, les analgésier, les halluciner, comme dans le sommeil provoqué. Dira-t-on que le sommeil, c'est de l'hystérie ou de l'aliénation mentale ? Les rêves du sommeil que nous avons tous, les illusions et hallucinations passagères qui affectent physiolo-giquement notre cerveau pendant plus du quart de notre existence, altèrent-
ils notre intelligence? Le sommeil serait-il un attentat commis par la Providence contre la dignité humaine.
J'ai défini la suggestion : l'acte par lequel une idée est introduite dans le cerveau et acceptée. Ce n'est, en vérité, que cela. On a trouvé cette définition trop large. « Selon vous, dit-on, toute idée est une suggestion ». Je réponds : Certainement. La suggestion est dans tout ; c'est le déterminisme.
Quand je dis à quelqu'un : • Donnez-moi la main » ; j'ai introduit dans son cerveau l'idée de me donner la main ; j'ai fait une suggestion. Le sujet me donne la main : il transforme l'idée acceptée en mouvement ; la suggestion est réalisée. Elle peut ne pas se réaliser ; le sujet refuse de me donner la main : ce refus se traduit par un mouvement de recul. Alors j'ai éveillé dans son cerveau une idée contraire à celle que je voulais y mettre : ma parole a éveillé une suggestion qui, pour ne pas être celle que je voulais réaliser, n'en est pas moins une ; elle se traduit par un acte : mouvement de recul de la main. Car c'est le cerveau du sujet, c'est son terrain psychique fécondé par une impression quelconque émanant de moi, du monde extérieur, de lui-même, qui fait la suggestion. Quand, par exemple, une sensation douloureuse à la région thoracique, perçue par le cerveau, fait naître l'idée d'une affection du cœur, crée de l'angoisse, des palpitations, de la respiration haletante, des cauchemars nocturnes, quand elle pousse le sujet à consulter le médecin, à se médicamenter à outrance, quand elle devient le point de départ de conceptions hypocondriaques qui, finalement, le poussent au suicide, c'est une auto-suggestion; c'est-à-dire une idée consécutive à une impression perçue, idée qui, élaborée par un cerveau spécial, développe une association d'idées, lesquelles idées se transforment en sensations qui engendrent à leur tour de nouvelles idées; des émotions, des actes surgissent; c'est un dynamisme cérébral complexe que la première idée a créé.
Soit. C'est là de lauto-suggestion. Mais on m'a posé cette question : ¦ Quelqu'un me dit, par exemple, M. Carnot est président de la République. Ai-je été suggestionné? »
Je réponds : Si la phrase prononcée n'éveille aucune idée dans l'esprit de la personne, il n'y a pas suggestion. Mais si l'esprit du sujet médite la phrase et se demande pourquoi je l'ai dite, si celle phrase méditée éveille chez lui d'autres idées, j'ai fait une suggestion. Nous parlons, par exemple, de l'état de la France, de la considération dont elle jouit à l'étranger. L'allusion à Carnot fait naître dans le cerveau du sujet l'idée que la correction, l'honnêteté, la sagesse de notre président sont de nature à éveiller des sympathies pour la France. J'ai suggéré une pensée. Ou si quelqu'un, se plaignant à moi d'être sacrifié, parce qu'il est sans protection, je prononce la phrase en question; il se peut que ces mots, interrogés par lui, lui suggèrent l'idée que telle personne de sa connaissance est un ami de M. Carnot et peut lui être utile. Hors cette idée élaborée par le cerveau l'incite à faire une démarche auprès de cet ami. N'ai-je pas fait une suggestion qui devient le point de départ de voulions et d'actes?
U est difficile qu'un mot quelconque, même prononcé sans motifs, ne crée
pas dans le cerveau qui le recueille un acte quelconque, c'esl-à-dire une suggestion. Le simple mol Carnot éveille aussitôt l'image du président de la République : nous la voyons plus ou moins nettement. Les mots pomme, musc, froid, musique. Panthéon, éveillent ou tendent à éveiller des sensations guslatives, olfactives, tactiles, visuelles, plus ou moins ébauchées. Ce sont des suggestions sensorielles que le cerveau réalise plus ou moins. Car autre chose est la suggestion faite, autre chose est la suggestion réalisée.
La suggestion faite, c'est l'idée introduite; la suggestion réalisée, c'est l'idée devenue acte.
J'ai démontré ailleurs que toute idée tend à se faire acte. Si je dis brusquement à quelqu'un : « Levez-vous! » Il se lève ou tend à se lever. Même alors que la critique intervient et neutralise l'idée, que la volonté la rejette, le premier mouvement, involontaire, réflexe, aura toujours été une tendance à l'acte de se lever. Nul doute que si on pouvait inscrire par un tracé graphique tous les mouvements musculaires du sujet, on constaterait un tracé correspondant à une ébauche de mouvement commandé, mais arrêté par la volonté, alors quo sa réalisation était en train.
Les idées qui font naître des émotions diverses : joie, colère, frayeur, tristesse, etc., réalisent, en dehors de la volonté du sujet, des mouvements, des contractions, des altitudes complexes; le corps se met à l'unisson de l'idée conçue. Le faciès de chacun prend souvent l'expression correspondante aux pensées qui l'agitent habituellement. Le prêtre, le médecin, l'acteur, l'artiste, le soldat, portent souvent leur profession inscrite sur leur ligure et dans leur altitude. De même les passions habituelles de l'âme se reflètent sur le miroir du visage; la physionomie de chacun à son expression : joviale, sérieuse, austère, concentrée. L'esprit a comme moulé la matière à son image; l'idée s'est matérialisée. Toute idée acceptée constitue donc une suggestion; mais toutes les suggestions ne peuvent se réaliser. « Levez votre bras ! > J'évoque une image motrice que le sujet pourra facilement traduire en acte. Si je lui suggère, au contraire, l'idée que son bras est paralysé, ou bien il n'acceptera pas l'idée suggérée (il n'y a pas suggestion), ou bien, impressionné par ce que je dis, il croira un moment (la suggestion a lieu}; mais le cerveau ne pourra pas réaliser l'image de la paralysie suggérée : la paralysie n'est pas suivie d'effet. De même si je dis : « Voici un chien. » Le sujet croit un instant ; le cerveau cherche à ébaucher l'image suggérée, nrais n'y arrive pas. La suggestion n'a pas abouti. Dans certaines circonstances, comme nous verrons, elle aboutit.
Que l'acte suggéré soit plus ou moins facile à réaliser par le cerveau, l'essence du phénomène est toujours la même. Chaque fois qu'un dynamisme cérébral est provoqué par une idée, que ce soit dans le domaine psychique, passionnel, sensoriel, moteur, sensitif, le phénomène suggestion existe; c'est une idée transformée en mouvement, acte, sensation, éraotiou, image. On a dit : « Pour qu'il y ait suggestion, il faut que l'idée, au moment où elle est présentée, soit au contraire à la réalité objective, ou au moins non conforme aux perceptions actuelles du sujet ». C'est méconnaître la nature psycholo-
pique du phénomène, c'est détourner le mot suggestion de son sens habituel, c'est arbitrairement l'appliquer aux seules illusions et hallucinations provoquées.
Quand un marchand rusé avise le spectateur d'un objet qui n'a rien d'at-travant pour lui, quand il en fait valoir les soît-disant avantages, de façon à faire impression sur l'esprit du spectateur, à allumer en lui le désir de le posséder, à déterminer l'acte de l'acheter, n'a-t-il pu fait une suggestion? L'idée, au moment où elle a été présentée, n'était pas conforme aux perceptions actuelles du sujet; elle l'est devenue par une suggestion habile.
Quand un orateur éloquent et persuasif enflamme des esprits calmes et modérés et les pousse à des actes violents, n'a-t-il pas modifié le dynamisme psychique des sujets auxquels il s'est adressé? N'est-ce pas de la suggestion? Les orateurs, les professeurs, les journalistes, les hommes d'affaires, les charlatans, sont autant de suggesliouneurs.
Sans doute, je reviens sur ce point; toutes les conceptions suggérées ne sont pas réalisables. I.es phénomènes accomplis par le dynamisme cérébral sont de deui ordres : les uns, subordonnés à la volonté, sont exécutés facilement pai l'initiative éveillée de notre moi, pour peu que ces actes soient de ceux que notre système nerveux a appris à réaliser. Si je suggère à A... une violente colère contre B... et que, le terrain ainsi préparé, je lui donne l'idée de le battre, la volonté, actionnée par la passion, traduira facilement l'idée en acte. J'ai suggéré une émotion, une idée et un acte facile à réaliser.
D'autres phénomènes, au contraire, accomplis par le cerveau, sont soustraits à notre volonté, à l'initiative de notre moi. L'automatisme cérébral lestait spontanément, à notre insu, en dehors de notre volonté. Tels sont d'abord tous les phénomènes réflexes d'origine cérébrale. L'action des centres nerveux sur la circulation, sur la respiration, sur la digestion, se passe en dehors du domaine do la conscience. Ce sont des réflexes de la vie végétative, dont je ne veux pas m'occuper ici : ils sont indépendants de l'idée, c'est-à-dire de la suggestion.
Mais d'autres relèvent de la suggestion; l'idée les fait automatiquement, sans que la volonté intervienne. Les douleurs des hypochondriaques, les paralysies d'origine psychique, la chorée par imitation, la purgation par les pilules de mie de pain, l'anllgésie par extase religieux, les illusions et les faaUucinauoas provoquées chez les hystériques et les aliénés par l'idée fixe, celles que les impressions du rêve déterminent, sont autant de phénomènes automatiques suggérés par une idée et que le cerveau réalise, sans que la volonté intervienne.
Mais le mécanisme cérébral de ces phénomènes soustraits à l'influence du moi, est souvent plus difficile à mettre en activité. La suggestion expérimentale, non aidée par le concours de la volonté, réussit moins aisément; l'automatique cérébral n'obéit pas toujours à une simplo réquisition.
Si je dis à quelqu'un : • Tiens, votre bras est paralysé! », ce quelqu'un, impressionné par ma parole, pourra me croire tout d'abord. Mais la paralysie
ne se fait pas comme le mouvement par la volonté seule actionnée par l'idée. Il faut que l'idée fasse inhibition sur le centre moteur cortical du bras; il faut que celui-ci, frappé d'inertie par un mécanisme inconnu mis en œuvre par la suggestion, n'envoie plus au bras l'influx nerveux destiné à le mouvoir. Or, la tentative même que le sujet fait pour vérifier si la paralysie existe, actionne plus puissamment par une contre-suggestion plus efficace, parce qu'elle est plus facile à réaliser, le centre moteur du bras. La contre-suggestion résultant du contrôle cérébral a neutralisé et rendu inefficace l'idée que j'ai déposée.
Si je dis à quelqu'un : c Voyez ce gros chien ! •, il me croira au premier abord, car il n'a aucune raison de ne pas me croire. L'idée du chien se présente à son esprit; il se peut même que l'idée soit assez forte pour ébaucher l'image du chien. Mais cette ébauche est trop imparfaite pour entraîner la conviction. Le contrôle cérébral intervient alors pour effacer l'ébauche et neutraliser la suggestion.
Cependant, en suggérant une paralysie du bras, je n'ai pas suggéré une chose irréalisable, contraire à notre dynamisme cérébral; car nous savons que, dans certaines circonstances, l'idée de paralysie peut créer l'image de paralysie psychique et la réaliser. En suggérant la vue d'un chien, je ne fais que chercher à évoquer une image, souvenir inscrite dans notre cerveau ; et nous savons que dans le sommeil, dans la période hypnagogique qui précède le sommeil, et même dans certains états de concentration d'esprit, à l'étal de veille, nous voyons les choses pensées ; les souvenirs images deviennent éclatants comme la réalité et sont extériorisés, réalisant ainsi de véritables hallucinations. Le mécanisme que je suggère est donc un mécanisme physiologique dont la réalisation est compatible avec les propriétés de notre cerveau. Seulement, comme je l'ai expliqué ailleurs, chez la plupart des personnes, l'automatisme cérébral dans les sphères motrices, sensitives, sensorielles, qui fait la transformation de l'idée en mouvement, sensation, image, est réfréné par les facultés d'attention, raison, jugement, qui constituent ce que j'appelle le contrôle cérébral : grâce à lui, l'automatisme ne règne pas en maître. Les impressions, les images diverses qui tendent sans cesse à surgir dans notre sensorium, sont balayées par ce contrôle. La sug-geslibilité, ou la transformation idéo-dynautique, est limitée par la clarté raisonnante du cerveau.
Pour que l'automatisme cérébral puisse pleinement réaliser les conceptions de notre imagination, pour que la suggestion puisse aboutir pour nombre de phénomènes du domaine automatique, il faut que la suggestibilité soit exallée, il faut que le cerveau soit mis dans un état particulier qu'on appelle état hypnotique et que je préfère appeler état de suggestibilité exaltée. C'est là la définition du mot hypnotisme. Hypnotiser quelqu'un, c'est exaller artificiellement sa suggestibilité.
Nous avons vu que deux facteurs interviennent dans cet acte : l* l'idée ; celle-ci doit être imposée avec force; 28 la réalisation; le cerveau doit réaliser la transforma lion de l'idée en acte.
L'idée est imposée avec plus de force par la voix persuasive, par le geste, par l'autorité, par la rase, par sou incarnation dans un procédé matériel (pilules de mie de pain, électrisation, suggestion, etc.)
L'idée se transforme plus facilement en acte lorsque l'automatisme cérébral idée-moteur, idéo-sensitif, idéo-sensoriel, idée- motif, n'est plus modéré par les facultés de raison ou le contrôle.
Supprimez cotte influence modératrice, la critique du contrôle : l'automatisme réalise l'acte dans la mesure du possible.
L'observation apprend que le sommeil qui engourdit l'initiative intellectuelle laisse libre cours aux phénomènes automatiques. Alors, les impressions émanant de la périphérie deviennent images, nettes comme la réalité, et qui s'imposent comme la vérité. Dans le sommeil, une personne qui réussit à se mettre en rapport avec le sujet endormi, peut lui suggérer des actes, des sensations, des émotions, des rêves hallucinatoires. Dans le sommeil, le cerveau est donc dans un état de suggostibilité exaltée qui permet au dynamisme automatique d'avoir toute la plénitude de sou jeu. De là l'idée d'endormir les sujets pour créer artificiellement l'état de suggestibilité exaltée. De là la définition du mot hypnotisme, sommeil provoqué.
Mais l'expérience apprend que le sommeil n'est pas nécessaire pour obtenir un état psychique ttvorable à la production de tous les phénomènes dits hypnotiques, y compris les illusions et les hallucinations. On peut par affirmation réitérée et persuasive, par gestes, par des procédés divers, par l'exaltation religieuse, par exemple, imposer silence au contrôle cérébral et réaliser sans sommeil, ou du moins sans que le sujet ail conscience du sommeil, un état psychique qui crée la suggestibilité aussi profonde que si le sommeil ou l'idée du sommeil l'accompagnait. C'est pour cela que je dis que l'hypnose peut exister sans sommeil ; que le mol d"hypnotisme pourrait être supprimé et remplacé simplement par celui de suggestibilité exallée. J'ai développé ailleurs celle thère qui repose sur l'observation journalière des faits.
11 est des sujets, el plus nombreux qu'on ne s'imagine, chez qui la suggestibilité est assez développée pour quo tous les phénomènes dits hypnotiques puissenl être réalisés chez eux par simple affirmation à l'état de veille. Chez eux l'idée reçue actionne suffisamment les centres automatiques pour se transformer en actes; il y a chez eux une réflectivité idéo-motrice, idéo-sensiiive, idéo-seusorielle si grande que l'influence modératrice du contrôle n'a pas le temps ou pas la force de faire inhibition.
Voici un homme de soixante-six ans, affecté de tuberculose sénile à évolution lente. Son intelligence est nette. Il n'a jamais été hystérique. Un jour, sans l'avoir jamais hypnotisé, j'ai voulu essayer de l'hallucinor d'emblée, autrement dit, de lui donner un rêve à l'état de veille. Je lui dis : « Où êtes-vous? — A l'hôpital. — Eh bien! maintenant, vous allez vous promener... Tenez! vous n'êtes plus à l'hôpital; où étes-vous donc? » — Après quelques instants : « Je me promène. Je suis au faubourg Saint-Pierre. Je regarde la fête. Je vois toutes sortes de jeux. Cela m'amuse de regarder cela. » — J'interviens : * Tiens ! voilà quelqu'un qui vous parle. — C'est un jeune homme.
Il veut que je lui paie une chope. Je n'ai pas le sou. Oui, le voilà qui m'invite à boire : une petite, une grosse, ce serait trop. » — Je dis : « Ils vont se disputer. — Le voilà qui me cherche des raisons. Je ne veux plus boire avec lui; il dispute toujours. T'es trop gueulard. Tout-à-l'heure, si tu ne te tais pas, je te dounc un coup de poing. Tu le sentiras plutôt que la pointe du jour!»
Je change le rêve, en disant : • Voilà un incendie. — Oui, cela brûle fort. Les pompiers ne sont pas encore là. Enfin, voici une pompe qui vient. I!s ue sont pas lestes... Voilà qu'ils pompent. Quelle fumée noire... Voilà une autre maison qui prend feu sur le toit... ils devraient la préserver La toiture s'écroule... Ils en deviennent maîtres tout de môme... Mais la toiture est f... j Le monde qui déménage, les locataires! » — Je dis : Tiens ! qu'est-ce qu'il y a donc? — Voici les gendarmes, voici la troupe qui arrive... Ah! al, ail Ils font reculer toutle monde. En voilà un qu'ils emmènent... un homme! C'est sans doute celui qui a mis le feu... Ils lui melleul des cordes après les bras. Cela va être fini. » — Je dis : « Un pompier qui tombe ». — Le voilà ! On va le ramasser... On le met sur un brancard. Ils devraient l'amener ici à l'hôpital. » Ainsi, comme souvent dans le rêve normal, il y a chez notre homme dédoublement de la personnalité : il se voit ailleurs et se sent en même temps à l'hôpital.
Je lui dis : « Où êles-vous donc? — Je suis au faubourg Saint-Pierre. — Pourquoi dites-vous qu'il faut l'amener à l'hôpital, ici? Ètes-vous à l'hôpital? — Non, je n'y suis pas, puisque je suis ici... Mais ils devraient l'y porter, puisqu'il est blessé. -- Tout cela est dit de l'air le plus naturel du monde, les yeux ouverts, sans l'apparence du sommeil.
Pour dissiper ce rêve provoqué, bien que je n'ai pas suggéré le sommeil, je dis: t Réveillez-vous ». Il se frotte les yeux, l'expression de sa figure se modifie, un nouvel état de conscience s'y peint: « Tiens! je suis couché. Cependant je n'ai pas rêvé. — Où êtes-vous? — Je suis chez moi, rue des Fabriques. — Et moi, qui suis-je? — Je ne vous connais pas. » Il n'est pas encore revenu à son état normal. Après quelques instants : Eh ! noo, non. » II regarde autour de lui : « Tiens, je suis à l'hôpital. Cependant je n'ai pas rêvé, puisque j'avais vu le feu. Je me promenais au faubourg Saint-Pierre, j'ai vu la troupe, le toit qui s'est écroulé. — Vous avez rêvé. — Je ne crois pas. J'étais levé. » J'insiste : « C'est un rêve que vous avez eu. t II finit par me dire : « II faut croire, puisque j'étais à l'hôpital. »
(A suivre.)
SOCIÉTÉS SAVANTES
BRITISH MEDICAL ASSOCIATION
Session de Juillet 1891.
Section db Psychologie.— De l'Hypnotisme.
M. Aug. Voisin (de Paris).—Je discuterai spécialement la question de savoir si un crime peut être commis sous l'influence de la suggestion hypnotique, et je vous rappellerai à ce propos qu'il existe en France deux Écoles : celle de la Salpêlrière et celle de Nancy ; ces deux Écoles sont d'accord sur certains points et admettent, entre autres, qu'un acte suggéré à une personne hypnotisée peut être ensuite accompli inconsciemment par cette même personne a l'état de veille.
L'École de Nancy affirme, en outre, et ici elle s'écarte de celle de la Salpêlrière, que l'acte commis peut être de nature criminelle, qu'un crime peut être commis inconsciemment par une personne i laquelle il a été suggéré pendant le sommeil hypnotique.
Récemment on a emprisonné une femme à Paris, pour vol, et on s'est aperçu que ses actes répréhensibles lui avaient été suggérés; après avoir fait instituer une série d'expériences, le parquet a fait mettre celte femme en liberté.
La loi devrait tenir compte des cas de ce genre et punir, non pas la personne qui obéit passivement, mais celle qui suggère l'acte illicite.
M. Benedickt (de Vienne). — J'étudie cette question depuis 1867 et je ne suis pas encore arrivé à me faire une opinion sur ce sujet. Je ne comprends pas comment mes confrères peuvent arriver, comme ils le prétendent, à hypnotiser lant de personnes, alors que je n'ai jamais obtenu que très peu de résultats chez un très petit nombre de sujets. Je ne crois pas à la réalité des faits d'hypnotisme qui nous sont journellement exposés, et je pense qu'ils reposent surtout sur la simulation des hystériques sur lesquelles on expérimente. Les savants devraient laisser ces études aux romanciers, car la psychologie et la physiologie n'ont rien à retirer de ces études. En un mot, et ceci est l'expression de mon sentiment personnel, j'éprouve une profonde répulsion pour tout ce qui concerne l'hypnotisme, et je n'hésite pas à le déclarer. La science proprement dite, n'a rien de commun avec l'bynoUsme, qui est un amusement plutôt qu'un sujet d'études sérieux.
M. E. Habt (de Londres). — Je m'occupe aussi depuis longtemps de cette question, et les essais que j'ai faits comme étudiant â l'bôpilal Sainte-Marie, ont failli motiver mon expulsion. L'hypnotisme lui-même ne peut être mis en doute et il ne suffit pas de le nier, comme le fait M. Benedickt; il faut, si l'on n'y croit pas, le combattre par des faits aussi soigneusement observés que ceux des médecins français et permettant de tirer des conclu-
sions opposées. Le cas mentionné par M. Voisin est difficile à admettre, mais cola ne veut pas dire qu'il ne soit pas réel.
Après la discussion, la section a adopté une motion tendant à demander aux pouvoirs publics l'interdiction des séances publiques d'hypnotisme et de magnétisme.
chronique et correspondance
Société d'hypnologie.
La Société d'hypnologie se réunira le lundi 12 octobre, i quatre heures, au palais de» Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence do M. le L" Dumontpallier.
Adresser les titre* et communications à M. le Dr Bérillou. secrétaire général, (0 bis, rue de Itivoli.
Communications annoncées
Tambukini (de Reggîo-Emilia;. — Sur la nature des phénomènes so ma tiques de l'hypnousme.
Lajois, de Na«hua (États-Unis). — Observations de thérapeutique suggestive. Bérillon. — Un cas d'alaxie locomotrice progressive traité arec succès par la suggestion. — Présentation du malade. Gilio FRIEDMANN (de Rome). — Considérations générales sur l'hypnotisme.
Un Congrès du folklorisme.
Le second Congrès do folklorisme se tiendra à Londres, du l*r au 6 octobre. Le Comité d'organisation propose trois sections : des contes et des chants populaires; des mythes et des rites; des coutumes et des institutions. Il indique particulièrement, comme questions à traiter : a, relations entre le* contes européens et ceux des peuples sauvages; traces des contes modernes dam les anciens auteurs; — b. 1« théorie solaire appliquée aux mythes; le folklore moderne et les Eddas; survivance de mythes dans les légendes modernes; magie et hypnotisme; culte des ancêtres et des esprits; — c, identité de coutumes nuptiales en contrées éloignées; pratiques funéraires; renseignement- du folklore sur les origines aryennes, etc.
Le nombre des étudiante en Europe.
Chex toutes les nations de l'Europe, on observe une augmentation de plus en plus considérable du nombre des Jeunes gens fréquentant les écoles supérieures. En laissant de côté les étudiants en théologie, on trouve actuellement, par 100,000 habitants, 82,3 étudiants en Belgique, 70.6 en Norwège, 57,3 en Suède, 55,9 en Autriche, 51,3 en Italie, 50,4 en Suisse, 48,1 en Allemagne, 45,4 en Hollande. 42.6 en France, 9,9 en Russie. La durée plus ou moins longue de* études, l'organisation de l'enseignement moyen et supérieur, ont une influence marqué* sur le nombre des étudiants en cours d'études; mais au moins, pour ce qui est de la France et de l'Allemagne, le développement exagéré de l'armée, le nombre
énorme des officiers, sont en partie canse dn rang mediocre qu'occupent ces deux nations dans le tableau précédent.
Par 100,000 habitants, il y a, en France et en Allemagne, 14,4 étudiants en médecine, 23,8 en Autriche, 26,7 en Hollande, 24,2 en Belgique, et 20,6 en Italie; ces chiffres, on le voit, ne sont nullement proportionnels à la richesse des pays correspondants.
Si on compare la proportion actuelle du nombre des étudiants au chiffre de la population, à celle qui existait au XVïI» siècle, on voit que le nombre relatif des étudiants s'est accru, en Norvège, de 214 % ; en Danemark, de 182; on France, de !G2; en Suisse, de 102; en Autriche, de 158; en Belgique, de 156; en Italie, de 155; en Hollande, de 150; en Allemagne, de 148.
NOUVELLES
— Dans sa dernière séance, le Congrès des aliénistes a discuté les modifications à apporter à la loi de 1838. A l'unanimité, Tordre du jour suivant a été voté : • Les membres du Congrès des aliénistes de Lyon, considérant que la loi de 1838, appliquée journellement depuis cinquante ans, répond aux besoins des malades et n'a donné lieu qu'à des abus très restreints comme nombre, et très contestables comme fait, émettent le vœu que la loi de 1838. susceptible de quelques perfectionnements dans ses détails, soit maintenue dans ses dispositions générales. •
Lss suicides à Berlin. — Le ministre de la justice de Prusse vient d'inviter différents directeurs des hôpitaux de Berlin à lui transmettre leurs appréciations sur les causes des suicides dont le nombre va augmentant d'une manière effrayante dans la capitale. Du 1" juillet au 15, il y en a eu, à Berlin, 147. La plupart des chefs de servico dans les cliniques attribuent ces suicides à l'abus croissant du schnaps ou eau-de-vie de pommes de terre, que les Berlinois ont pris l'habitude, depuis peu, de boire avec la bière.
Institut départemental médico-légal do Paris. — On sait que M. Alpy avait proposé au Conseil général de la Seine de créer un institut médico-légal distinct de la Morgue et où seraient faites les autopsies. Le Conseil général a adopté le principe de cette création et il a invité le préfet de la Seine & préparer un projet de création de cet Institut, qui devra répondre à toutes les nécessités pratiques de l'information judiciaire et de l'enseignement spécial de la médecine légale.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
Babinski (J.), médecln des bùpilaux. — Hypnotisms et hystérie; du rôle de l'hypnotisme en Thérarapeutique. (Brochure 43 pages in-12. — G. Masson, éditeur, boulevard Saìnt-Genmain. Paris, 1891.)
Joire. (Dr Paix), ancien médecin-major. — Precis historic ut et pratique de nevro-hypno-logie; elude sur rhypnotisme. (ln-8" de 327 pages. — A. Maloine, éditeur, PI, boulevard Salnt-Ormain, Paris, 1391.)
LADAME (Pan). — La descendance des alcooliques (In-8°. 32 paces. Lausanne.)
Monin (Ir E.). — L'hygiéne des riches, In-12 de 360 pages. — Octave Dolo, éditeur. 8, place de l'Odéon, Paris, 1891.)
Moasaui (Prof, Eiaico). — Xota clinica rulla dismorfofobia e sulla taf efobia due forme non per anco descritte di pania del dubbio [paranoia rudimentaria). (Brochure io-S*. 40pages. Genova, 1891.)
Schrenck-Notzing. (Dr A. Frethern von). — Hypnotismus uid luggeitionstheropie. Etne, rhritische studie in der neuen Literatur. (Brochure 19 pages, in- *, en allentami Verbs de« Anion. Wien 1891.)
Tarchanoff (Jean m), professeur de physiologie à l'Académie impériale de Saint-Pe-tersbourg. — Hypnotisme, suggestion et lecture des pensées. (Un volume in-18 de 163 pages, traduit du russe par Ernest Jaubert. — G. Masson, éditeur, 120, boulevard Saint-Germain, Paris, 1891.)
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
Nous lnvitons nos lecteurss compléter, par leurs Indications, loi lacunes et les omissions de l'Index bibliographique.
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L'Administrateur-Gérant : Emile UUUHIOT.
Pari*. — Imprimerie brevetée MICHELS ir Fils, pssiage du Cmire. t) ci 10.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
QUELQUES MOTS SUR LE PÉDAGOGUE ET LA PÉDAGOGIE (1)
Par M. GREARD (de l'Institut).
La pédagogie a pour objet l'éducation des enfants. Les Grecs, à qui nous devons le mot, distinguaient le paidonume. maître commun à un certain nombre d'enfants, du pédagogue, maître spécial à un enfant ou a une famille. C'est a peu près la différence que nos lois établissent entre l'instituteur public et l'instituteur privé. Le nom de pédagogue a seul survécu chez les Romains, et, après eux. chez les peuples modernes. Il était, au seizième siècle, en France, le titre attaché aux directeurs des collèges.
Les collèges s'enflans d'escoliers. dit Etienne Pasquier dans ses Recherches sur la France, on fut contraint d'y "faire des classes et y avoir divers Précepteurs pour enseigner les enfans selon le plus ou le moins de leur capacitez : ceux-ci furent appelez Regens, d'un mot emprunté du concile général tenu dans Rome en l'église Saint-Jean-de-Latran... Depuis cet ordre ainsi étably, parce que les Regens dévoient estre passez maistres es Arts, celuy auquel le fondatour du collège avoit donné le nom de maistre, pour avoir l'œil dessus tous les escoliers boursiers, fut tantost appelé Magister padagogus, tantost Principalis pœdagogus... Et comme le temps seul donne la vogue aux paroles, aussi est seulement demeuré le mot de Regent, et au principal gouverneur celui de Principal seulement. Et ainsi que les affaires des collèges vont, il y a trois sortes de maistres : le surintendant de tous les autres que nous appelons Principal, les Regens qui enseignent aux classes, et les autres qui sans faire lectures publiques tiennent chambres à louage du Principal, que l'on nomme pédagogues, parce qu'ils ont la charge et gouvernement sur quelques enfants de maisons. »
(1) Noie lue à l'Académie tics sciences morales ci politiques.
Restreint à ce sens, le mot de pédagogue ne se maintint pas en honneur. Il servait le plus souvent à caractériser un pédantisme hautain et morose. La Fontaine, qui n'aimait pas les enfants, n'est pas plus tendre au pédagogue. Molière le tourne en ridicule. Rollin s'abstient d'en parler. Jean-Jacques Rousseau le prend à partie sans ménagement. De nos jours le nom a repris faveur. C'est la pédagogie qui a réhabilité le pédagogue.
Nul, en effet, ne conteste aujourd'hui qu'il y ait une science pédagogique. Historiquement, on en recueille à l'envi les éléments épars chez les philosophes et chez les moralistes, chez les hommes et chez les femmes, d'Aristote A Kant, de Montaigne à Pestalozzi, de M8" de Main-tenon à Miss Edgewortb. Philosophiquement, on en discute les principes. C'est une opinion bien établie que la pédagogie a des règles pour tous les âges ; qu'elle embrasse l'ensemble de la culture humaine, culture physique, culture intellectuelle, culture morale ; que, prise à ses sources hautes et considérée dans ses effets précis, elle n'est autre chose qu'une application de la psychologie. Aux termes de la définition antique, le pédagogue était surtout chargé de veiller à la tenue de l'enfant et de le garder des mauvaises rencontres. Cette vigilance, dans la pensée de Rollin. comprend tous les devoirs de tutelle intellectuelle et morale dont le père se décharge. Mais Rollin lui-même donne des conseils plutôt qu'il n'impose des préceptes. C'est le fruit de son expérience qu'il offre; à peine se sent-il le droit de le recommander. Pédagogue excellent, on ne saurait dire qu'il a fixé les règles de la pédagogie. Le Traité des études est un trésor de remarques judicieuses ; il n'a rien d'un code. Rollin se défend môme de lui donner ce caractère. La pédagogie moderne a la prétention de former un corps d'idées directrices qu'elle emprunte à la psychologie proprement dite, à la morale, à l'hygiène. Elle est devenue un enseignement dont tous les enseignements doivent s'inspirer, qui les domine, les éclaire et les discipline. Elle a ses chaires dans les écoles normales et les Facultés. Par les droits qu'on lui reconnaît, par l'autorité qu'elle exerce ou qu'on lui demande d'exercer, elle est, en quelque sorte, ce que voulait être la théologie, au moyen fige, la maltresse de l'école et la lumière de la vie, magistra scholœ, lux vitœ.
Est-elle une science au sens absolu du mot? S'il faut entendre par la qu'elle a sa base au plus profond de l'être dont elle est chargée de régler la vie ; qu'elle se compose d'une suite d'observations qui, reliées les unes aux autres, permettent d'en déduire une doctrine et d'en tirer des lois; que tel système est préférable à tel autre parce qu'il fait plus équitable-nient la part de tous les besoins de la jeunesse, — la dénomination est exacte. On ne refuse pas le nom de science aux études expérimentales
qui, par des analyses bien conduites, aboutissent à des synthèses justifiées. Bien plus, on peut dire que, de toutes les études expérimentales, il n'en est point qui se prête mieux à une coordination de principes que celle qui repose sur la connaissance des conditions éternelles et universelles de la vie physique, intellectuelle et morale de l'humanité. Ce qui a pu faire dénier le nom de science à la pédagogie, c'est que, tel qu'on l'établissait, elle n'avait pour fondement qu'une observation tronquée par ignorance ou volontairement incomplète, et qu'elle sacrifiait, soit l'intelligence au caractère, soit le caractère à l'intelligence, soit la santé du corps au développement de l'esprit. Du jour où l'instituteur éclairé a embrassé dans leur ensemble inséparable, dans leur unité vivante, toutes les forces de l'enfant, tous les éléments nécessaires à sa croissance régulière et saine, l'œuvre de l'éducation a pris rang parmi celles auxquelles la science peut appliquer ses règles de précision. S'ensuit-il qu'il y ait lieu d'y introduire une rigueur mathématique ? Si l'appellation de science n'était acceptable qu'à cette condition, nous serions plus tenté d'en répudier que d'en rechercher le patronage. La pédagogie est une science, mais une science morale, c'est-à-dire une science qui doit considérer, sous peine de se rendre inefficace, tout ce qui peut venir à rencontre des lois générales. On n'agit point sur une intelligence comme sur une matière qui offre partout et toujours les mêmes conditions d'existence souple ou incoercible. H faut avoir égard à la constitution de l'individu qui a sa vie propre ; il faut compter avec les défaillances ou les résistances de la volonté libre et dont cette liberté, sujette à l'erreur, mais susceptible de redressement, fait la force comme la dignité. Malheur à la science qui, par une rigidité systématique, en briserait le ressort! Son devoir est de s'ajuster aux nécessités particulières créées par l'inévitable influence des milieux ou par la fatalité physiologique de l'hérédité. La pédagogie contemporaine n'est digne de la confiance que l'opinion lui témoigne chaque jour davantage que parce que ses doctrines intelligentes et libérales reconnaissent parmi les lois communes toutes les diversités de la nature, parce qu'elle rassemble, en les corrigeant ou en les tempérant les uns par les antres, les systèmes de Rabelais et de Montaigne, de Locke et de Rousseau.
De là vient que, dans certaine école, on incline à l'envisager moins comme une science que comme un art. La vérité est qu'il n'est pas de science morale qui, dans ses applications, puisse se passer du concours de l'art. J'ajoute qu'ici ce concours est une absolue condition de succès. Le danger sans doute est qu'on prenne des expédients pour une méthode et qu'on confonde l'art avec les artifices. Mais où la science est solide et intelligente, l'art ne peut être que sérieux et sincère. Ce n'est point
un talent commun, certes, que de s'établir dans la conscience de l'enfant, de s'en rendre maître en la ménageant, de la guider sans la contraindre. Il n'est pas donné à tous, môme aux plus savants, de faire judicieusement la part de l'autorité nécessaire de la part de la liberté utile, d'aider à l'essor de la sensibilité et de l'imagination en dehors desquelles il n'y a pas d'existence morale complète, sans que la raison, suivant le mot de MM de Maintenon, cesse jamais d'avoir raison. Le progrès de l'âge modifie les difficultés; U ne les diminue point. Elles s'accroissent au contraire avec la force des passions. On a toujours plus ou moins de prise sur l'enfant qui ne résiste point ou qui cède vite. L'adolescent, qui sent sa volonté s'affermir et qui n'ignore pas que c'est l'instrnment qu'une bonne éducation travaille à forger en lui, a ses retranchements, ses lignes de défense. Il ne se laisse prendre que par ceux qui ont trouvé l'accès, et il n'y faut rien de moins qu'une grande dextérité de conduite et toute la souplesse d'une main délicate. Notre pédagogie féminine excelle en ce genre de direction. Je ne crois pas qu'il en existe de plus riche, de plus pénétrante dans ses moyens d'action: on y sent la mère avec toute son expérience et tout son cœur. Cette supériorité de vues naturelles et d'habileté instinctive est le motif dont s'autorisent ceux qui seraient disposés à n'attacher à la science en pédagogie qu'une importance secondaire. C'est là proprement, en effet, ce qu'on appelle le don. Mais si le don est indispensable dans toute fonction où l'éducation est intéressée, il ne suffit pas à lui-même. Ce que la nature a préparé a besoin d'être approfondi, confirmé, complété par la science. Les ressources de l'art le plus actif et le pins ingénieux s'épuisent si la méditation des principes ne le soutient, si l'étude des faits psychologiques ne le renouvelle.
L'union de la doctrine et de l'expérience, voilà donc ce qui constitue la pédagogie. Elle n'est féconde qu'à ce prix. Les uns peuvent l'étudier dans ses principes, les autres la suivre dans le détail des applications : c'est ainsi que l'œuvre s'enrichit: elle forme aujourd'hui, dans tous les pays, dans le nôtre non moins qu'ailleurs, ce que les Allemands appellent une littérature. Mais ceux qui font profession d'appliquer à l'éducation te fruit de l'œuvre commune sont tenus à la fois et d'avoir réfléchi aux fins de la podagogie et d'en avoir observé les moyens. L'enseignement primaire n'est décidément entré chez nous dans la voie du progrès que depuis que l'idée pédagogique y a été introduite avec l'élévation de vues et la sûreté d'impulsion qu'elle comporte. C'est l'idée pédagogique qui a transformé en ces derniers temps notre enseignement supérieur. Elle commence à renouveler aussi notre enseignement secondaire en faisant pénétrer de mieux en mieux dans la direction du développement
physique, intellectuel et moral de la jeunesse l'esprit d'harmonie et de mesure qui est le fond de toute éducation, en même temps que l'habitude de la vie intérieure et de l'action personnelle qui en est l'âme. Les écoles des Jésuites, l'Oratoire, Port-Royal, n'ont place dans l'histoire que parce qu'elles ont créé one pédagogie. Ce qui a manqué à l'Université avant Rollin et le président Rolland, c'est d'avoir la sienne. La pédagogie ainsi comprise est le point de départ et le point d'appui de toute réforme sociale. C'est en ce sens que Leibnitz a pu dire que « celui qui est le maître de l'éducation est le maître du monde ».
LA LECTURE DES PENSÉES
HISTORIQUE DE LA QUESTION
Par M. Jean de TARCHANOFF, professeur de physiologie à l'Académie impériale de Médecine
de Saint-Pétersbourg.
Suite (1)
IV
L'absence d'investigations semblables indiquant clairement ces mouvements et les mettant à nu, conduit à ce résultat fâcheux, que, même à présent, on entend des voix affirmer que la lecture des pensées est fondée sur le rayonnement de la force psychique et des impulsions volontaires, sur l'influence magnétique à distance d'un sujet sur l'autre, que ces influences se transmettent par l'air d'un cerveau à un autre, et plus facilement quand les sujets se touchent, etc., etc.
Je ne m'arrêterai pas longtemps à ces hypothèses fantaisistes qui n'ont, au fond, rien de scientifique; mais je n'ai pas le droit de les passer sous silence.
Au fond de l'activité des centres nerveux, au fond des sensations, des représentations qui constituent nos idées, nos pensées, se trouve, comme on sait, un mouvement moléculaire des particules du protoplasma de ces centres ; ce mouvement se propage sur les cordons nerveux qui sont liés avec eux, arrive jusqu'à tel ou tel organe sensitif ou moteur, et provoque ou la projection des sensations, des représentations, ou le mouvement des membres, la contraction des vaisseaux, la sécrétion de sucs spéciaux, etc. Ce mouvement moléculaire, nommé excitation nerveuse, se manifeste sur le galvanomètre par de faibles oscillations du Courant électrique et ne développe presque pas de chaleur. Voilà tout ce
(1) V. Revue de l'hypnotisme. p. 65.
que l'on observe en fait de forces physiques accompagnant l'activité des éléments nerveux, et il en va de môme dans le cas où cette activité se manifeste sous la forme soit de sensations, de représentations, soit de différents mouvements musculaires; celui qui admet la possibilité de l'induction des représentations à distance d'un cerveau  un autre, est obligé, par cela même, d'admettre que ce mouvement moléculaire peut se passer des centres nerveux de l'inducteur dans l'air et de l'air dans les centres nerveux du « lecteur » des pensées; et dans le cas où l'inducteur et le lecteur se touchent, ce mouvement moléculaire de l'excitation nerveuse devrait se transmettre des nerfs d'un homme, par les couches de la peau, aux nerfs d'un autre.
Une pareille supposition serait pourtant en contradiction directe avec les faits physiologiques connus.
L'excitation nerveuse est incapable non seulement de traverser les couches d'air, ou de se communiquer des nerfs non dénudés d'un homme aux nerfs non dénudés d'un autre pendant que les mains se touchent, mais elle est même incapable de passer d'un cordon nerveux mis à nu dans un autre nerf mis à nu, fussent-ils intimement appliqués l'un contre l'autre.
Voici des expériences qui établissent péremptoirement ce point. Si l'on sépare du corps de la grenouille les deux pattes postérieures, chacune avec son nerf sciatique, l'on sait que l'excitation électrique, par un courant interrompu, de chacun des nerfs sciatiques, provoque de fortes contractions tétaniques dans les muscles de la patte correspondantes. Si maintenant on applique directement, et sur une certaine longueur, le nerf sciatique de la patte A au nerf sciatique de la patte B, et que l'on excite, avec un courant induit, ce dernier nerf au-dessus de l'endroit où se touchent les deux nerfs, l'on verra que ce n'est que la patte B qui sera mise en contraction, c'est-à-dire celle dont le nerf a été directement excité, tandis que l'autre patte A demeurera tout le temps à l'état de repos. Ce fait prouve clairement que l'excitation nerveuse, si forte qu'elle soit, n'est pas capable de se propager d'un nerf dénudé à un autre qui le touche immédiatement, ou pour s'exprimer d'une façon moins scientifique, mais plus mystérieuse, l'excitation nerveuse qui se propage le long d'un nerf n'est pas capable d'induire la même excitation dans un autre nerf, qui le touche même immédiatement.
C'est aux mômes résultats que mènent les expériences faites sous une autre forme. Nous avons dit que l'excitation du nerf sciatique provoque un tétanos général dans les muscles de la patte correspondante. Si l'on lie fortement avec du fil le nerf au milieu de sa longueur, l'excitation du
nerf, au-dessus de l'endroit où a été faite la ligature, ne provoque plus alors la moindre contraction de la patte, tandis que l'excitation du nerf, entre la ligature et les muscles de la patte, provoque une contraction nette des muscles. Il est évident que l'excitation nerveuse n'est pas capable de passer par les endroits liés du nerf, si petite que soit la partie du nerf qui a été serrée par la ligature.
Si l'on prend le nerf sciatique vivant, dont l'excitation par un courant interrompu provoque la contraction des muscles de la patte, et que, l'ayant coupé vivement, l'on applique à l'instant même, l'une contre l'autre, les surfaces de la section transversale des deux bouts du nerf, l'on verra que la même excitation du nerf, aa-dessus du point de section, ne provoquera plus de contraction, tandis que la môme excitation, appliquée au-dessous de l'endroit de la section, donne la contraction en pleine forme.
De tous ces faits résulte avec évidence cet axiome général physiologique, que l'excitation nerveuse n'est pas capable de passer ou de sauter d'un nerf à l'autre, de passer par les points étranglés ou coupés du nerf; ou, en d'autres termes, la loi de la propagation isolée de l'excitation nerveuse par des filets nerveux isolés et continus est obligatoire poulies phénomènes de l'activité nerveuse.
Ce qui a été dit à propos des nerfs est complètement applicable au système nerveux central.
Des expériences analogues faites avec le cerveau ou la moelle épinière mis à nu prouvent que l'excitation de ces organes ne se transmet pas du tout au cerveau d'un autre animal, même dans le cas où les deux cerveaux se touchent immédiatement. Ici régnent aussi les lois de la transmission isolée de l'excitation nerveuse suivant les centres et les filets nerveux à l'état intact, et le caractère, la propagation et la direction des actes nerveux se déterminent par la liaison des filets nerveux avec des centres déterminés, et par les connexions réciproques de ces derniers.
V
Supposons maintenant, pour une minute, que les choses se passent autrement, et que l'excitation nerveuse ne se limite pas aux sphères directement excitées des centres et des filets nerveux, mais se propage d'un filet nerveux à tous les autres filets voisins, et d'un centre à tous les autres centres du cerveau, ou, en d'autres termes, s'induise dans tous les éléments nerveux voisins. On pourrait bien se demander si, dans ces conditions, une activité régulière nerveuse serait possible? Sans aucun doute. — non. puisque l'excitation d'une catégorie de centres
cérébraux, par exemple les centres visuels, devrait s'accompagner, par induction, d'une excitation simultanée des centres d'autres sensations, ainsi que des centres moteurs du cerveau, et les sensations visuelles devraient s'accompagner de toutes les autres catégories de sensations, ainsi que de toute une série de mouvements généraux, qui écarteraient la possibilité d'une activité nerveuse normale.
En admettant cette hypothèse, nous devrions nous attendre à ce que chaque excitation extérieure de nos organes des sens arrivant jusqu'à tel ou tel groupe de centres nerveux, ou chaque excitation apparaissant en eux indépendamment, devrait, suivant l'induction des excitations d'un nerf à l'autre, d'un centre à l'autre, mettre en jeu simultané toute la sphère des centres nerveux sensoriels, psychiques et moteur-*, et provoquer ainsi une activité insensée de tous les appareils du corps. En admettant l'induction de l'excitation nerveuse dans les éléments nerveux de notre corps, l'affaire se réduit, comme on voit, ad absurdum, et, par conséquent, si ce principe, en accord avec tous les faits physiologiques, n'est pas applicable aux éléments nerveux du même organisme, il doit l'être encore moins dans le cas où le système nerveux d'un homme devrait agir sur celui d'un autre.
L'excitation nerveuse, se trouvant au fond de notre activité nerveuse, se manifeste, subjectivement, par l'apparition en nous d'une série de sentiments, de sensations, de représentations, d'idées et d'impulsions volontaires, et, objectivement, dans l'activité de différents organes de notre corps : des muscles, des glandes, des vaisseaux, etc., qui sont gouvernés par le système nerveux. La nature de l'excitation nerveuse reste dans tous les cas la môme, et les différences subjectives et objectives de son action dépendent des différences des appareils centraux et périphériques auxquels se transmet cette excitation. En arrivant jusqu'aux centres des sensations, des représentations, etc., l'excitation nerveuse provoque en eux une série de phénomènes qui mènent au développement de sensations et de représentations, visuelles dans un groupe de centres, auditives dans un autre, olfactives dans un troisième, etc., etc.; en arrivant par les nerfs périphériques jusqu'aux organes du corps, cette excitation nerveuse provoque, dans un cas, l'activité des muscles, dans un autre celle des glandes, dans un troisième celle des vaisseaux, suivant la nature de l'organe dans lequel se termine le nerf excité, n y a même des insectes, par exemple le vert luisant (Lampyris), chez lesquels l'excitation nerveuse provoque même le développement de la lumière, grâce à l'existence, dans la partie postérieure du corps de l'insecte, de cellules particulières luminantes qui se trouvent sous l'influence du système nerveux. Dans ce cas, le développement de la lumière est une
fonction spéciale de ces cellules laborieuses de l'appareil luminant, et ce dernier entre en jeu sous les impulsions nerveuses que lui envoient les centres nerveux. Détruisez, éliminez ces impulsions en chloroformant l'insecte, et sa lanterne s'éteint à l'instant; donnez-lui le temps de se remettre de la narcose, et sa lanterne recommence A briller.
Ainsi, la sphère de l'activité de l'excitation nerveuse est limitée par les frontières du corps, et les différentes formes de la manifestation de l'excitation nerveuse dépendent des fonctions particulières physiologiques des différents organes qu'elle met en jeu.
Examinée à ce point de vue-là, qui est le seul correct, l'excitation nerveuse ne fait que donner l'impulsion à l'activité de tels ou tels organes du corps; et telle qu'elle est. sans ces organes, l'excitation nerveuse ne se transforme en aucune des formes connues de mouvement lumineux ou calorifique, non plus qu'en travail mécanique, elle s'accompagne seulement de faibles courants électriques se développant dans les limites des éléments nerveux excités.
Je crois qu'après tout ce qui a été dit, il est inutile d'insister, que toutes les hypothèses émises par M. Hartmann, pour expliquer plusieurs phénomènes spiritiques mystérieux qu'il n'a jamais vus (comme il l'avance lui-même), et surtout le rayonnement de la force nerveuse, sa transformation en lumière, en force dynamique, et tout cela hors du corps, dans le milieu ambiant, ne sont que le produit, ou d'un profond mépris des faits, ou de leur ignorance complète.
VI
Nous voyons ainsi qu'il ne peut être question d'induction ou de rayonnement de la force psychique d'un cerveau à un autre cerveau, ou d'un nerf à un autre nerf; et, par conséquent, il ne nous reste qu'à admettre que le « lecteur > se guide, pour deviner les pensées, sur quelques manifestations extérieures de l'activité psychique de l'inducteur, et dont celui-ci n'a pas conscience lui-même.
Que les sensations et les représentations, qui passent par le champ de vision de notre conscience, se répercutent involontairement sur l'activité de différents organes de notre corps, c'est là un fait établi et qui est hors de doute.
Il me suffit de rappeler plusieurs faits bien connus.
Tout lu monde sait certainement que le chagrin, la tristesse, s'accompagnent bien souvent d'une effusion de larmes; que l'idée d'un plat savoureux, surtout quand on a faim, provoque une excrétion de la salive. Lians ces cas, les sensations et les représentations correspon-
dantes, se reproduisant dans les centres du cerveau, s'accompagnent d'une transmission excentrique de l'excitation nerveuse sur les nerfs sécréteurs des glandes lacrymales et salivaires et, par là, provoquent une suractivité de ces organes.
Quand le froid agit sur le corps, la surface de la peau devient, comme on le sait, raboteuse, rude, à cause de la formation de la chair de poule. Il est très intéressant de noter que certaines personnes, douées d'une forte imagination, peuvent, en se trouvant même dans une chambre bien chauffée, provoquer à leur gré cette chair de poule, rien qu'en se représentant la sensation du froid. Et, dans ce cas, cette représentation volontaire suffit pour mettre en jeu les nerfs qui gouvernent les muscles des bulbes pileux de la peau et qui, par leur contraction, provoquent cet état particulier de l'épiderme.
Nos vaisseaux sanguins sont des organes qui réagissent très notablement sous l'action de divers sentiments, sensations et représentations qui parcourent notre champ interne psychique. Chaque sensation, chaque représentation plus ou moins forte provoque une diminution nette dans le volume du bras ou du pied, grâce à la contraction de leurs vaisseaux sanguins. Cette diminution ne se remarque pas directement à l'œil nu, mais elle peut être constatée par des appareils spéciaux — les plétismo-graphes de M. Mosso et de M. François Franck. — et inscrite très exactement sur un cylindre enfumé. Ce rétrécissement des vaisseaux périphériques qui accompagne nos différentes sensations et représentations, ainsi que tout travail intellectuel, par exemple, la solution d'un problème d'arithmétique, a pour cause la contraction provoquée dans les muscles des parois des vaisseaux sanguins par la transmission excentrique de l'excitation nerveuse des centres de sensations et de représentations sur les nerfs qui règlent le diamètre des vaisseaux ; et tout cela se produit sans aucune intervention de la volonté de l'homme et sans la moindre conscience de ce qui se passe ainsi en lui (1).
Non moins dépendants des sentiments, des sensations et des représentations qui passent par le champ de vision de notre conscience, se trouvent les muscles de notre squelette; mais les mouvements que nous remarquons le mieux sont ceux qui s'exécutent par notre volonté, c'est-à-dire les mouvements purement volontaires. Pourtant il existe, en dehors d'eux, une nombreuse catégorie de mouvements exécutes par le corps et de mouvements inconscients.
Premièrement, il existe toute une série de mouvements réflexes, qui ne se compliquent d'aucun élément psychique. Comme exemple, on peut
(1) Les détails concernant ces sortes de phénomènes sont indiqués dans mon livre ur les - Centres psychomoteurs • et dans le • Messager de l'Europe • (en russe), 18S4.
citer tous les mouvements très conformes au but et effectués par les centres réflexes du cerveau et de la moelle épinière surtout. Ces centres réflexes transmettent l'excitation des voies sensibles aux voies motrices, et provoquent, par cela môme, toute une série de différents mouvements purement réflexes. Ces mouvements sont possibles dans l'absence complète de la conscience et de la volonté chez les individus, pendant le sommeil et môme après la décapitation.
Secondement, il y a une autre catégorie de mouvements involontaires qui accompagnent différentes formes d'émotions, de caractère excitant ou déprimant, et qui se traduisent par le jeu varié des muscles de la face et de tout le corps. Dans cette catégorie rentre le langage de la mimique et des gestes qui exprime nettement le caractère de l'humeur et des émotions dominantes. Chacun sait que ce jeu des muscles est tout à fait involontaire, et s'effectue sous la seule influence des excitations provoquées dans les centres actifs qui participent à la production de tels ou tels sentiments ou émotions.
Enfin la troisième et, pour nous, la plus importante catégorie de mouvements inconscients, c'est celle qui est déterminée par la domination d'une certaine idée définie et bien conçue, pendant que le sujet se trouve dans un état à'attente intense de sa réalisation par un acte correspondant [expectant-altention des Anglais). Que les idées, qui consistent en une série de représentations, puissent servir de motifs et d'impulsions pour les mouvements, sans aucune participation de la conscience et de la volonté, c'est ce que démontrent jusqu'à l'évidence les mouvements compliqués et variés qu'exécutent les hypnotiques et les somnambules sous l'influence des idées prédominantes.
Ces mouvements ont déjà été, depuis longtemps, appelés par Carpenter mouvements idéo-moteurs, et il est facile de prouver qu'ils existent, sonsnne forme plus ou moins nette, chez les personnes bien équilibrées et bien portantes, et qui se trouvent à l'état de veille parfait. Pendant l'attente intense de la réalisation d'une certaine idée, la volonté perd son contrôle sur les muscles, à cause de la concentration de l'attention sur les idées méditées, et l'attente d'un certain résultat provoque l'irritation de centres nerveux déterminés, qui président précisément aux mouvements capables de contribuer a l'accomplissement da résultat expecté, et tout cela, certainement, sans aucune participation de la volonté.
(A suivre.,
DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE
Lettre de M. le Dr David, de Sigean, à M. le Br Auguste Voisin, à propos de suggestions criminelles.
Très honoré confrère.
Permettez-moi de vous faire part de mes réflexions à l'occasion de l'observation, très intéressante d'ailleurs, que vous avez publiée dans le Bulletin de Thérapeutique, et tendant à démontrer la possibilité : 1° de faire accomplir un acte criminel par suggestion hypnotique; 2B de découvrir l'auteur principal de ce crime.
Que l'on puisse faire accomplir un acte criminel par suggestion hypnotique, cela n'est pas douteux. Ceux-là seuls peuvent le nier qui sont étrangers aux phénomènes de l'hypnotisme. — Que l'on puisse remonter à la source cl connaître, par le procédé que vous indiquez, l'auteur du crime, le véritable instigateur, ceci c'est une autre affaire. Pour ma part, je me charge de provoquer par suggestion un acte criminel, sans que l'on puisse faire dire à mon sujet qu'il a agi sous mon impulsion : 1° Personne ne réussira à endormir mon sujet; '2' si je veux qu'on l'endorme, il ne dira que ce que je voudrai el racontera les faits comme je l'entendrai.
Est-ce à dire que l'ou soit totalement impuissant en présence d'un crime commis dans de pareilles conditions? Tout d'abord, je répondrai qu'en hypnotisme il n'y a pas de règle absolue. Ce qui est vrai chez tel sujet ne l'est plus chez un autre. On en rencontrera certainement un bon nombre que l'on pourra endormir et faire parler, soit que l'auteur de la suggestion criminelle n'ait pas su prendre ses précautions, soit que le sujet s'endorme et parle malgré la défense qui lui aura élé faile. Ce dernier cas se présente surtout dans la catégorie de ceux qui veulent se révolter contre leur suborneur et secouer le joug. Quant à ceux dont les instincts sont naturellement pervers, ils ne diront jamais la vérité si le suborneur connaît bien la pratique de la suggestion. Eh bien ! dans ce dernier cas encore, on peut tourner la difficulté et arriver quelquefois à la découverte du criminel. Mais ce n'est pas ici le lieu de donner de plus amples explications. Cette lettre n'avait qu'un but, c'était de démontrer qu'en médecine légale il n'était pas toujours facile d'arriver à la découverte de la vérité dans les cas de suggestions criminelles.
Dr David.
Sigean, 20 septembre 1891.
société d'hypnologie
Séance du 21 juillet 1891. — Présidence de M. Dumontpallier. (Suite et fin.)
Définition et conception des mots Suggestion et Hypnotisme
Par le Dr BERNHEIM, professeur a la Faculté de Médecine de Nancy.
Suite (1)
Voici un autre homme, âgé de soixante-six ans, écrivain public, convalescent d'une hémiplégie organique avec hémianopsie persistante, en possession de toute son intelligence, nullement hystérique.
Je lui dis, avant de lavoir jamais hypnotisé : • Je peux vous donner un rêve. Tenez! Écoutez-moi. Tout ce que je vais dire va arriver... Vous allez être à Paris ». Il ferme les yeux pour évoquer son rêve; mais je puis lui dire de les ouvrir, le rêve continue. Je le laisse évoluer spontanément. Il est à Paris, traverse le Jardin des Tuileries, la Seine, arrive à la rue du Bac. Il est avec une personne, un client dont il gère les affaires; il raccompagne au Ministère. Ce client a été la dupe d'un homme d'affaires, etc. Ce sont des souvenirs se rapportant à des faits réels qui sont revivifiés.
J'interviens dans le rêve : « Votre client cause avec quelqu'un. Voici un homme avec une machine électrique. Faites-vous électriser votre bras qui est encore douloureux. Il dit qu'il va vous guérir. > — Il écoute, comme si un interlocuteur lui parlait; il unit par dire : « Je veux bien, mais c'est trop cher. Je ne suis pas riche. Enfin, soit ». U tend son bras. Après quelques instants, le membre est secoué par de. violentes secousses. Cela dure trois minutes. Sa face se contracte douloureusement, sa respiration devient haletante. Il cherche à retirer son bras. A la fin, il pousse un grand cri de douleur et rouvre les yeux comme un homme qui se réveille. Il est tout effaré, regarde autour de lui, cherche où il est. « Où suis-je donc? Je me croyais à Paris. » 11 me raconte tout ce qu'il a vu, me donne le signalement de l'homme qui l'a électrisé, me décrit sa machine, etc. — Je lui ai souvent donné des rêves variés. Chaque fois il était convaincu, dit-il au réveil, que c'était la réalité I Jamais l'idée ne lui est venue, dans cet état, que ce pouvait être un rêve !
Chez ces deux hommes, comme chez nombre de sujets, je puis d'ailleurs, à l'eut de veille, produire de la contracture, de la paralysie, des actes émotifs, de l'anelgésie absolue.
Je puis aussi les endormir avec amnésie au réveil.
Les exemples de ce genre sont nombreux. M. Déjerine a cité récemment deux cas analogues.
(I) Y. Revue de l'Hypnotisme, p. 86.
Ces faits sont d'une importance capitale. Leur étude s'impose aux cri minai istes, aux jurisconsultes. On a dit qu'il n'y a pas d'exemple certain d crime commis sous l'influence de l'hypnotisme! C'est possible. Les médecim légistes appelés à se prononcer dans les cas douteux, se contentent de constater que le sujet n'a pas subi de manœuvres hypnotiques. Us oe saven pas que certaines personnes, et presque tous les bons somnambules sont dans ce cas, sont suggestibles à l'état de veille, sans avoir jamais été mises eu sommeil préalable. L'affirmation seule bien faite, au besoin réitérée avec insinuation et assurance, d'une personne qui a su prendre sur elle de l'autorité, met en jeu un idéo-dynamisme cérébral facile i actionner. Le sugges-tionneur peut faire de la suggestion à son insu ; le suggestionné peut l'être h son insu. Aux médecins légistes s'impose, en face des cas douteux, lé devoir de mesurer avec soin, et l'expérience apprend à le faire, la suggesti-bilité normale du sujet ; ils devront s'assurer si on peut provoquer chez lui. par affirmation de l'anelgésie, des illusions, des hallucinations, des actes, des souvenirs fictifs. Sans doute, je ne veux pas dire que tous les suggestibles chez qui ces phénomènes peuvent être provoqués facilement, soient eo tous cas irresponsables; je veux dire simplement que la suggc.-tibilité excessive, dûment constatée, est un élément qui doit entrer en ligne de compte dans l'appréciation des faits.
Les considérations que je viens d'exposer n'ajoutent rien de nouveau à ce que j'ai dit ailleurs. Si j'y reviens avec insistance, c'est qu'elles dominent toute notre doctrine et que beaucoup de personnes n'ont pas suffisamment compris mes idées. Je résume en disant : que toute idée acceptée par le cerveau constitue une suggestion; que ces idées se transforment plutôt en actes, lorsqu'un état psychique particulier est provoqué, qui exalte la sug-gestibilité; que chez certains sujets, la suggeslibilité est naturellement suffisante pour déterminer la réalisation des phénomènes dits hypnotiques.
Ce ne sont pas là des vues théoriques, mais des faits que je démontre tous les jours; ils sont indéniables, lis s'imposent avec une évidence irrésistible à tous ceux qui veulent voir la vérité, non pas telle que les idées préconçues et l'enseignement traditionnel la suggèrent, falsifiée, mais telle que la réalité la démontre, dans toute sa brutalité.
Discussion.
M. Babinski — L'exaltation de la suggestibilité constitue évidemment, comme le prétend M. Bernheim, le caractère fondamental de l'hypnotisme. Mais il ne faut pas croire que les hypnotiques soient, comme on l'a dit, a la merci la plus complète de l'expérimentateur. Les grands hypnotiques eux-mêmes ne sont pas toujours d'une docilité parfaite, surtout quand ou veut les contraindre à des actes qui leur répugnent. Le degré de suggestibilité varie du reste notablement suivant les sujets auxquels on a affaire. Il en est qui se révoltent quand on leur donne un ordre qui leur semble contraire à leurs principes, ou qui se refusent de se soumettre aux injonctions qui ne
sont pas à leur convenance. Certains sujets, tout en paraissant plus crédules qui l'étal de veille, n'acceptent pas les idées qu'on cherche a leur suggérer, si elles sont en désaccord trop grand avec ce que le bon sens indique. Enfin tous les hypnotiques sont loin d'être succeptibles d'avoir, aussi facilement que le sujet type, des hallucinations sensorielles sous l'influence de la suggestion.
Dy a à ce point de vue une série de cas intermédiaires entre l'état d'hypnotisme parfait et l'état de veille.
Néanmoins il me parait essentiel d'indiquer avec précision la limite que devra atteindre l'exaltation de la suggestibilité pour qu'il soit légitime d'admettre que l'individu en observation est hypnotisé.
11 me semble aussi qu'il est capital de chercher comme indice de cette exaltation un caractère dont il soit possible de démontrer scientifiquement la réalité. Je crois qu'il n'est possible d'arriver à cette démonstration que par l'étude des phénomènes somatiques auxquels, à mon avis, l'Ecole de Nancy n'a pas accordé dans ses travaux l'importance qui leur est due.
Les contractures et la plasticité cataleptique en particulier ont une importance fondamentale en raison même des doutes qu'il convient d'avoir bien souvent sur la sincérité des sujets en expérience. MM. Charcol et Richer ont en effet démontré, à l'aide de méthodes graphiques, que ces phénomènes ne pouvaient être simulés, tandis qu'il est très difficile, sinon impossible, d'établir avec une rigueur scientifique la réalité des troubles psychiques dont nous venons de parler.
Les paralysies flasques et les anesthésies présentent, au point de vue de l'absence de simulation, une garantie moins complète. Ils sont intermédiaires à cet égard entre les contractures et la catalepsie et les phénomènes psychiques. Comme ces derniers, ils sont subjectifs jusqu'à un certain point. Quand un sujet, dont je traverse les téguments avec une aiguille, ou sur les membres duquel j'exerce une pression énergique, me dit qu'il n'éprouve aucune sensation, la réalité de ce trouble n'apparaît pas à mon esprit avec autant d'évidence que lorsqu'il s'agit d'une contracture; dans le premier cas je suis obligé d'ajouter foi à la parole du malade, dans le second je puis m'en dispenser. Toutefois, lorsqu'une anesthésie est bien marquée, il est possible de l'objectiver en quelque sorte d'une façon indirecte; en voici un moyen. Le sujet en expérience prétend par exemple que sa peau est tout à fait insensible; j'applique alors à l'improvîste sur son dos un fragment de glace et j'observe en même temps le malade avec attention. S'il reste impassible et si sa physionomie ne semble pas dénoter qu'il ait perçu cette impression brusque, j'ai là une preuve presque matérielle de sa sincérité. Il est possible aussi de s'assurer par des moyens détournés de la réalité d'une paralysie flasque d'origine psychique.
Ainsi donc les caractères somatiques ont une valeur capitale, car ils mettent l'expérimentateur à l'abri de la supercherie, et quand on peut les faire apparaître et disparaître par suggestion, on est en droit d'affirmer que la suggestibilité du sujet en observation est exaltée.
Jo ne crois pas pourtant qu'il faille exiger pour admettre qu'un sujet est hypnotisé ta réunion de tous les caractères somatiques que nous avons éuumérés; l'existence de deux ou trois d'entre eui, ou d'un seul même, pourvu qu'il soit bien caractérisé, me parait suffire.
Est-ce à dire pour cela que je n'accorde aucune importance aux manifestations psychiques et que les phénomènes somatiques soient, selon moi, les seuls dont il faille tenir compte? En aucune façon. J'observerais, par exemple, un malade chez lequel je pourrais développer par suggestion des hallucinations sensorielles, comme dans les cas types, mais qui ne serait pas susceptible de présenter de manifestations somatiques; si en pareille circonsunce. j'avais toutes les raisons morales de croire à la sincérité du sujet en question, j'admettrais volontiers que j'ai affaire là à de l'hypnotisme. 11 ne faut pas en effet exagérer le rôle de la simulation et voir partout des simulateurs. Mais encore une fois, en pareil cas. la preuve rigoureuse ferait défaut et je n'aurais tout au plus que de grandes probabilités.
Du reste, l'observation me semble montrer que, dans la hiérarchie des troubles que la suggestion peut provoquer, les phénomènes somatiques. sauf peut-être la catalepsie qui est plus rare, occupent le rang le moins élevé. C'est ainsi qu'il sera généralement bien plus facile de développer par suggestion une anesthésie ou une contracture que de faire accepter une idée en désaccord avec la logique élémentaireou de provoquer une hallucination sensorielle.
Quand les manifestations somatiques font défiut. on se trouve donc dans l'une ou l'autre des deux situations suivantes : a. Ou bien, et c'est ce qui a lieu le plus généralement, les phénomènes psychiques eux-mêmes sont vagues; le sujet est tout simplement dans un étal de torpeur qui peut à la rigueur être considéré comme de l'hypnotisme à l'étal naissant, mais qui peut aussi être assimilé à cet état d'obnubilalîon plus ou moins prononcée qui précède le sommeil naturel, ou bien encore être mis sur le compte de la simulation. Rien n'autorise à dire en ] arvil cas que le sujet est hypnotisé. — 6, Ou bien, ces cas du reste sont exceptionnels, les phénomènes psychiques sont liés nets. Sans avoir le droit de rejeter catégoriquement la réalité de l'hypnotisme, il convient de rester dans le doute, surtout lorsqu'il s'agit d'une expertise médico-légale.
Il me parait donc légitime, sons te bénéfice des remarques précédentes, d'exiger pour admettre qu'un sujet est hypnotisé qu'il soit possible de faire apparaître che; lui par suggestion tout au moins un des phénomènes somatiques sus-énumérés et de le faire disparaître ensuite par le même procédé.
On aura ainsi à la fois une preuve de l'absence de la simulation et un critérium de l'exaltation de la suggeslibilitê qui constitue te caractère capital de l'hypnotisme.
Je trouve donc que la définition de l'hypnotisme, telle que l'a formulée M. Bernheim, est beaucoup trop large. Pour lui, l'hypnotisme est un « état psychique particulier, qui met en activité ou exalte à des degrés divers la suggeslibilitê, c'est-à-dire l'aptitude à être influencé par une idée acceptée
par le cerveau, et à la réaliser ». Je ne vois pas comment celle définition peut permetre de distinguer l'état de veille de l'étal hypnotique.
La suggestibilité serait « 1 aptitude à être influencé par une idée acceptée par le cerveau et à la réaliser. > Mais à ce compte, tout homme raisonnable est suggestionnable : à qui n'est-il arrivé de se laisser influencer par une idée émise devant lui ei d'en tirer profil ?
L'hypnose sérail tout simplement un état dans lequel celle aptitude serait exaltée. L'état do veille ne se distinguerait donc de l'état hypnotique que par le degré do suggestibilité! Mais quelle est la ligne de démarcation?
L'exaltation do la suggestibilité est aussi pour nous un des caractères de rhvpnotismc, mais nous avons eu soin d'indiquer un critérium de cette exaltation.
Si l'on accepte la définition de M. Bemheim, l'hypnotisme peut être considéré à bon droit comme une propriété physiologique de l'homme, mais dans ce cas l'introduction de ce mot dans le vocabulaire médical n'a pas sa raison d'être. Il suffirait de dire que tout homme est susceptible de suivre les conseils qu'on lui donne, et que les malades en particulier sont souvent disposés, fort heureusement pour eux, à ajouter foi aux paroles encourageantes du médecin, ce qui est vrai, mais n'est pas nouveau. Définir l'hypnotisme d'une façon aussi large ou plutôt aussi vague revient presque à contester l'existence de cet état psychique spécial.
Pour M. Bemheim, le sommeil hypnotique ne diffère pas du sommeil naturel; d'après lui, les phénomènes de suggestibilité qu'on observe dans l'hypnotisme peuvent être obtenus dans le sommeil naturel « lorsqu'on • réussit i se mettre en rapport avec une personne endormie sans la « réveiller. »
Forl bien, mais pour établir l'identité des deux sommeils, il faudrait au moins démontrer que dans les deux cas il est aussi facile de se mettre en rapport avec le dormeur. Si au contraire, dans le sommeil naturel, ce résultat ne peut être obtenu qu'exceptionnellement, il me parait plus logique de dire qu'on transforme alors le sommeil naturel en sommeil hypnotique.
Si M. Bernheim, en soutenant que l'hypnotisme est un étal physiologique, voulait dire tout simplement que les propriétés hypnotiques existent peut-être en germe chez un grand nombre d'individus indemnes de toute tare nêvropathique, je ne prolesterais pas contre cette opinion, car, en définitive, les phénomènes pathologiques ne sont bien souvent que l'exagération de phénomènes physiologiques. Mais est-ce là une raison pour soutenir que l'hypnotisme bien constitué n'est pas un état morbide?
Autant dire que la pathologie n'existe pas. Prétendra-t-on, par exemple, que l'onomalomanie n'est pas une maladie, parce qu'il arrive à tout homme normal de poursuivre avec entêtement et d'une façon presque impulsive la recherche d'un mot, d'un nom propre qui lui échappe, ou d'être obsédé temporairement par une mélodie?
Ainsi donc, d'une part, nos contradicteurs ont sur l'hypnotisme des notions inexactes et beaucoup trop étroites; d'autre part, ils élargissent arbitraire-
ment les limîles de l'hypnotisme en en donnant une définition qui manque de précision. Il est donc tout naturel qu'ils soient arrivés à se tormer sur les relations qui existent entre ces deux états une opinion toute différente de celle que nous avons formulée.
Séance du 22 juillet 1891. — Présidence de M. Dumontpallier.
Le procès-verbal de la séance du mardi 21 juillet est ln et adopté.
De l'aide donnée par le chloroforme à la production du sommeil hypnotique chez les aliénés et les obsédés,
Par le Dr Auguste VOISIN, médecin de la Salpétrière. Messieurs,
La thérapeutique suggestive est loin d'avoir dit son dernier mot, et les travaux que l'on entreprendra dans ce sens amèneront, je n'en doute pas, des résultats utiles pour la cure d'affections d'une guérison difficile. Les aliénés et les obsédés rentrent dans cette catégorie, parce qu'il est fréquemment impossible de fixer l'attention de ces malades et de déterminer la concentra-lion de leur pensée sur l'idée suggérée du sommeil.
Celte difficulté a quelquefois entravé mes efforts ou bien elle a nécessité de ma part une telle somme de temps, de fatigue et de concentration d'esprit, durant plusieurs heures consécutives el sans aucune trêve, que les assistants me laissaient seul avant que j'eusse obtenu le sommeil, ou bien j'ai dû abandonner le malade sans aucun résultai.
J'avais entretenu, l'année dernière, le Congrès de Médecine mentale de Rouen d'essais que j'avais entrepris avec le chloroforme et de l'aide qu'il apporte, à la production du sommeil hypnotique chez les aliénés. J'ai continué ces recherches et je suis arrivé à des résultats assez intéressants que je désire vous communiquer.
Les malades sur lesquels ont porté mes efforts sont des aliénées, des épi-leptiques et des hysiérc-épileptiques, atteintes de manie aiguë pendant les époques calaméniales, et des obsédés.
1° Aliénées épileptiques et hystëro-épileptiques atteintes de manie aiguë pendant les époques menstruelles. — Une malade que j'avais déjà hypnotisée aux périodes cataméniales pour de la manie aiguë a été atteinte un certain nombre de fois d'agitation et d'hallucinations telles qu'il m'était impossible d'être reconnu el entendu d'elle. Elle parlait des menaces dont elle était l'objet, des gens qui l'appelaient dans le jardin, d'individus qui lui disaient que j'avais assassiné son père, que j'étais un monstre, et elle ne pouvait prêter aucune attention aux paroles que je prononçais et par lesquelles je lui recommandais de dormir. Elle se débattait, elle luttait contre
les cinq employées qui la maintenaient, contre moi-même, et elle résistait contre l'élévation des paupières indispensable pour que je puisse fixer ses jeux.
Dans ces conditions, ne pouvant obtenir un seul instant, quelque court qu'il fût, la concentration de sa pensée, j'ai eu l'idée de lui Caire respirer un peu de chloroforme afin de diminuer l'état hallucinatoire et l'agitation; de cette façon je profiterais, pensais-je, d'un moment d'accalmie pendant lequel elle me reconnaîtrait, pour lui imposer la suggestion de dormir.
J'ai réussi comme je l'espérais et le résultat a été obtenu par moi un assez grand nombre de fois dans des conditions identiques pour que je sois endroit de vous le donner comme parfaitement établi.
Des malades qui s'agitaient, se débattaient, brisaient tout, criaient et vociféraient, tombent en quelques secondes dans le sommeil le plus profond, répondent d'une voix douce à mes questions et à mes recommandations.
Le spectacle de ce calme qui succède si rapidement a l'agitation la plus violente détermine une profonde impression.
C'est avec de très petites quantités de chloroforme, quelques gouttes, que le fait est produit; aussi, il est impossible de dire que l'on a obtenu le sommeil chloroformique. D'ailleurs, le sommeil obtenu est bien plus pratique avec tous ses caractères; il dure plusieurs jours et il cesse par suggestion. D'autres malades ont pu être hypnotisées dans les mêmes conditions, le sommeil obtenu est bien le sommeil hypnotique; il lui est absolument identique et il dure ce que je veux : quelques heures chez l'une, six jours chez une autre, dix jours chez une troisième, etc., jusqu'à ce quels flux catamé-nial soit terminé et que l'ictus maniaque mensuel soit passé.
L'observation de quelques-unes de ces malades m'a encore appris quelque-chose d'intéressant :
L'une d'elles est épileplique et est sujette à de grandes attaques qui, survenant pendant le sommeil hypnotique, l'ont à plusieurs reprises réveillée; aussi je la trouvais à ma visite suivante dans un état maniaque aussi violent que possible et identique à d'autres accès que j'avais déjà observés. Ces attaques sont toujours précédées pendant quelques minutes d aura avec étonffement, cris. Je me suis trouvé auprès d'elle pendant deux de mes visites au moment où elle présentait cette aura. Je lui ai fait respirer un peu de chloroforme : l'aura a cessé, l'attaque ne s'est pas produite et le sommeil hypnotique n'a pas été interrompu.
Chez une autre dont les attaques hystéro-épileptiques ont fréquemment interrompu le sommeil hypnotique (elle avait avant le traitement hypnotique jusqu'à cinquante attaques en vingt-quatre heures), j'ai été appelé deux fois auprès d'elle, pendant ma visite, au moment où elle présentait la première période de l'attaque : respiration précipitée (80 resp.), mouvements de soulèvement du ventre, stertor, rougeur de la face, agitation, incohérence du langage, délire. Plusieurs inhalations de chloroforme à des doses assez fortes pour provoquer des vomissements alimentaires, ont fait cesser ces phénomènes, ont empêché l'attaque convulsive et la malade est redevenue calme, continuant
sans nouvelle suggestion son sommeil hypnotique, qui a duré encore une fois quatre jours et une fois trois jours.
2» Obsédés. — J'ai été consulté par un certain nombre d'obsédés qui avaient antérieurement reçu des soins infructueux de plusieurs de mes confrères. J'ai essayé le traitement hypnotique et j'ai été frappé de la très grande difficulté d'obtenir le sommeil chez ces malades, l'idée fixe ne leur laissant aucune trêve et ne permettant pas un seul moment la concentration de leur pensée sur l'idée suggérée du sommeil.
Convaincu par mes succès antérieurs avec le chloroforme dans le délire de maniaques épHcptiques et d'hystéro-épilepliqucs, j'ai eu recours à et moyen dans un certain nombre de cas. J'ai réussi dans deux et j'ai échoué dans trois; mes essais continuent.
Le premier sujet est une dame de quarante-cinq ans, sujette à des obsessions de suicide et à de la céphalée, incessantes, qui ne laissaient pas uu moment do liberté d'esprit, quelque court qu'il fût. Je n'avais pu l'hypnotiser par l'un ou l'autre procédé; j'ai réussi à le faire après lui avoir fait respirer huit à dix gouttes de chloroforme.
Le deuxième cas est celui d'un monsieur qui était obsédé, d'une façon constante, des idées de rapports contre nature et à qui celle idée fixe ne laissait aucune relâche.
Une vingtaine de tentatives d'hypnotisme par des procédés de toute sorte n'avaient amené aucun résultat, la concentration de sa pensée sur le sommeil étant impossible; je lui fis respirer dix à quinze gouttes de chloroforme au plus et je pus, en profitant du début de l'action chlorofonnique, provoquer le sommeil hypnotique à chaque séance.
conclusions
À. En résumé, l'aide que m'a donné le chloroforme, dans les circonstances que je viens d'exposer, me parut des plus intéressantes. Donné en inhalations à doses minimes (quelques gouttes), il permet en effet d'hypnotiser un individu atteint de manie aiguë, en suspendant pendaiit un moment son agitation. Le malade peut ainsi reconnaître son médecin et concentrer sa pensée sur l'idée du sommeil suggéré.
II ressort, en outre de ces observations, que l'hypnose ne peut être obtenue chez ces aliénés que lorsque l'excitation hallucinatoire et maniaque a cédé et lorsque les sujets ont été mis dans un état qui les rapproche le plus de l'état normal.
Leur suggestibilité est donc une conséquence du calme qu'on leur a donné.
B. Le chloroforme administré à des doses fortes chez des épileptiques, chez des bystéro-épîleptiques en état d'hypnose, arrête les préludes et la première période d'attaques qui peuvent survenir pendant ce sommeil provoqué et qui le font toujours cesser ; de plus, il permet à ce sommeil hypnotique de continuer sans nouvelle suggestion pendant plusieurs jours encore, suivant la volonté du médecin.
C. Donné en inhalations à dose excessivement faible, chez des obsédés dont l'idée fixe ne permet aucune concentration de la pensée sur l'idée de l'hypnose, le chloroforme est utile en faisant cesser la domination de l'obsession et en permettant au médecin d'exercer une action suggestive.
Discussion.
M- Ballet. — Au cours de la communication que vous venez d'entendre, M. Voisin a dit. si je ne me trompe pas, que grâce à la suggestion hypnotique, il avait guéri des épileptiques. Celte expression traduit-elle exactement sa pensée?
M. A. Voisnc. — Oui ; j'ai fait à l'aide de la suggestion hypnotique cesser les crises cbez des épileptiques et la gaérison a été durable.
M. Ballet. — Je prends acte de cette déclaratkm formelle. Vous concevez tous, comme moi, qu'un lait aussi considérable que la guérison de l'épilepsie mérite de nous arrêter. Mais je crois qu'une affirmation aussi capitale, quelle que soit notre confiance dans notre collègue, ne suffit plus, étant donné qu'il s'agirait la d'une des plus grandes découvertes que la médecine ait faites depuis uo quart de siècle; il nous faut plus. Je demande donc à M. Voisin de publier dans les plus minutieux détails les observations des malades qu'il a guéris, afin que nous puissions les apprécier en parfaite connaissance de cause. Je désire avant tout qu'il ne puisse exister aucun doute sur la pensée qui guide ma demande. Assurément, comme nous tous, j'ai une confiance entière dans l'affirmation de notre collègue; mais il a pu se tromper. La guérison de l'épilepsie est, je le répète, un tait si considérable, non seulement sous le rapport des effets de l'hypnotisme, mais encore en thérapeutique générale, qu'énoncé ici il doit être accompagné de preuves complètes et irréfutables.
M. Bémllox. — La possibilité d'obtenir par la suggestion hypnotique la disparition d'un certain nombre des symptômes de l'épilepsie essentielle, et en particulier des crises convulsives n'est pas affirmée aujourd'hui pour la première fois. 11 y a un an, j'ai cité au Congrès de Berlin quatre cas d'épilepsie guéris par la suggestion hypnotique : ces faits ont provoque quelques surprises chez plusieurs membres de la section de neuropathologie, mais d'autres confrères n'ont pas été étonnés et ont cité des cas semblables.
Je ne voudrais pas cependant que mes expressions dépassent ma pensée; quand je dois appliquer â un épileptique le traitement par la suggestion hypnotique, j'ai d'abord la précaution de solliciter de la part de confrères autorisés la confirmation de mon propre diagnostic, et dans presque tous les cas que j'ai eu l'occasion de traiter, le diagnostic d'épilepsie avait été porté par des médecins des hôpitaux de Paris. J'ajouterai qu'en même temps que j'emploie la suggestion, j'ai soin de surveiller toutes les circonstances accessoires de la maladie et de combattre toutes les causes qui peuvent provoquer des crises. C'ost dans les conditions que je viens d'énumérer que j'ai obtenu un succès durable dans quatre cas.
Je suis surpris de l'étonnement de M. Ballet, lorsque l'on parle de guérison de certains épileptiques. Mieux que personne il sait qu'on a obtenu des résultats heureux dans l'épilepsie, non seulement avec l'hypnose, mais avec les médicaments le* plus variés. Pour mon compte, voici ce que je veux dire, et rien de plus : j'ai, dans l'épilepsie, par la suggestion hypnotique seule et sans employer aucun médicament, obtenu des résultats aussi favorables que ceux qu'on obtient au moyen des bromures.
M. Ballet. — Le traitement préconisé par M. Bérilion n'est pas la suggestion hypnotique simple, c'est un traitement mixie. Assurément, il a raison de combattre toutes les causes qui peuvent provoquer les crises, mais dans de telles conditions, après la suppression des crises, suppression si souvent passagère,
comment peut-il affirmer la guérison ? Permettez-moi donc d'accentuer encore les objections que j'ai déjà faites.
Il n'y a peut-être aucune maladie dont la marche soit a»*-; incertaine que celle de l'épilepûe, aucune dont U toit plus difficile d'affirmer la guérison. Tous nous avons observé des cas dans lesquels les crises après avoir été très fréquentes cessaient. sans cause connue, pendant un temps a«sex long.
J'ai tu une dame chex laquelle les accès disparurent pendant six mois, à la suite de la suspension du traitement bromure. Cette dame était-elle guérie T Non, car au septième mois les crises reparurent.
J'ai autrefois fait trépaner des epileptiques et je les ai cru guéris; je me trompais, ils avaient seulement bénéficié d'une amélioration transitoire. Il en sera souvent de même, en ceci je partage l'avis de M. Bérillon, avec toutes les médications.
En résumé, je croîs que SI. Voisin et M. Bérillon ont observé des améliorations coïncidant avec l'emploi de la suggestion hypnotique, et cela chez quelques-uns de leurs malades seulement ; mais je ne crois pas qu'ils puissent affirmer que celte amélioration soit due à l'emploi de la suggestion et surtout je penœ que pour affirmer la guérison de l'épiiepsie, il faut observer les malades pendant longtemps et s'assurer rigoureusement qu'ils n'ont plus aucun accident.
M. Bérillon. — Les epileptiques sont généralement très faciles & hypnotiser et très auggesubles. C'en une constatation qu'ont pu faire tout ceux qui appliquent l'hypnotisme au traitement dés affections nerveuses. Cependant, sur vingt epileptiques traités par la suggestion, je n'ai vu survenir la disparition complète des crises que chez quatre d'entre eux. Chez plusieurs autres, l'emploi de la suggestion n'avait amené qu'une diminution dans le nombre et l'intensité des crises. Les quatre malades que j'ai considérés comme guéris étalent sans crises depuis plusieurs mois, quand j'ai rapporté leurs observations au Congrès de Berlin il y a un an; depuis cette époque la guérison s'est maintenue.
Mais, dit M. Ballet, sont-ce des guérisons? J'avoue devoir me tenir sur la plus grande réserve, lorsqu'il s'agit d'être au-si absolu. Je reconnais que dans les maladies qui ont une évolution aussi irrégulière que celle de l'épiiepsie. nous ne pouvons souvent combattre que des symptômes, c'est ce que j'ai tait et c'est là le triomphe de la suggestion. N'aurions-nous obtenu par son usage que la disparition on la diminution notable des crises chex les sujets restant en puissance de la maladie, que ce serait encore là un beau résultat.
M. A. Voisin. — C'est avec grand plaisir que je me conformerai au dé«ir exprimé par M. Ballet, je publierai les observations très détaillées des malades auxquels j'ai Tait allusion. Je puis dire dès aujourd'hui que chez une de mes malades la guérUon date de quatre ans et demi; j'ai revu souvent cette malade et depuis cette époque elle n'a plus lamais eu de crises.
M. ballet — C'est évidemment là la seule solution possible de cette discussion. B faut que par des détails minutieux nous puissions savoir s'il n'y a pas eu erreur de diagnostic, que, nous nous assurions que la guérison soit maintenue. Si grande, si aveugle que soit notre confiance en nos collègues, la guérison de l'épiiepsie est. Je ne saurais trop le répéter, un bit trop considérable pour qu'on ne s'enioure pas de précautions exagérées, avant de l'affirmer-
Des Suggestions criminelles,
Par le Dr BERILLON.
Une des questions qui doivent, à juste titre, tenir une grande place dans les discussions de la Société d'Hypnologie, est celle des suggestions crimi-
nelles. Tout le monde sait qu'une des principales divergences qui séparent actuellement les deux Écoles de Paris et de Nancy tient à ce que, tandis que l'École de Nancy admet comme indiscutable et comme prouvée, la possibilité d'obtenir de certains sujets la réalisation de suggestion criminelle, celle de Paris rejette cette opinion, ou tout au moins ne l'admet qu'avec un certain nombre de restrictions.
Nous avions espéré qu'un des représentants les plus autorisés de l'École de Nancy, M. le professeur Liégeois, viendrait nous faire l'exposé des doctrines qui ont fait de sa part l'objet d'un mémoire lu, en 1884, à l'Académie des Sciences morales et politiques; en son absence, je vais ouvrir la discus-sioo en vous exprimant quelques-unes de mes idées personnelles sur celte question si iotéressante.
Je crois que, pour que la question puisse être utilement étudiée, il faut s'appliquer, avant tout, à faire la démonstration de ce fait capital, c'est que certains sujets, hypnotisés ou plongés dans un état analogue, sont susceptibles d'accomplir, malgré eux et d'une façon irrésistible, qu'ils en aient ou non conscience, un acte criminel qui leur aura été suggéré. Ce fait une fois démontré, les déductions pratiques qu'il est susceptible d'entraîner en découleront d'elles-mêmes, car il ne sera plus possible d'accepter comme responsables les individus qui auront commis un acte criminel dans ces conditions. Ils devront être admis à bénéficier de l'article 64 du Code pénal, ainsi conçu : ¦ 11 n'y a ni crime, ni délit lorsque le prévenu était en démence au temps de l'action, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister >. Dans l'espèce, la force supérieure à la volonté et à la conscience serait la suggestion hypnotique, force psychique à laquelle le legisla-' te or n'a certainement pas pensé lorsqu'il a rédigé cet article.
On a dit, et avec raison, que les expériences dites de laboratoire, c'est-à-dire faites dans des hôpitaux ou des cliniques sur des sujets habitués à être hypnotisés, ne prouvaient pas grand'chose et qu'il était impossible de se faire une opinion définitive à l'aide de ces seules expériences. C'est aussi mon avis. D'autant plus que lorsqu'on expérimente sur des sujets initiés aux secrets de la suggestion et de l'auto-suggestion, on se met par cela même dans les conditions les plus défavorables et que l'expérimentateur accumule pour ainsi dire les causes d'erreur. Le sujet qui connaît la tournure d'esprit et les idées théoriques de l'expérimentateur, sera capable, dans bien des cas, de diriger à son gré les conditions de l'expérience. Pour peu qu'il s'y soit exercé, il prendra vite l'habitude de résisler aux suggestions dont l'accomplissement lui sera pénible ou désagréable.
Il faut savoir, en effet, qu'un sujet peut parfaitement résister à une suggestion lorsqu'il en a prit d'avance la résolution. Chez les malades des hôpitaux ou des cliniques qui, en raison de la confiance qu'ils ont en l'expérimentateur, n'ont généralement aucune raison pour s'opposer par avance aux idées qu'il va leur suggérer, il obtiendra une exécution passive de tout ce qu'il leur ordonnera. Ces sujets obéiront à toutes les suggestions, sans aucune résistance, étant donné qu'ils ont inconsciemment dans l'esprit la cer-
lilude qu'oo ne leur fera poinl commettre d'acte réellement blâmable, et que l'expérimentateur a assume en fait la responsabilité de tout ce qui peut advenir dans le cours de ces expériences. Malgré cela cependant, ces sujets résistent parfois à certaines suggestions, souvent peu importantes. Cela provient de ce que je viens d'exposer, c'est-à-dire qu'avant de se soumettre à l'hypnose, ils avaient pris la résolution ferme de ne pas obéir à celte suggestion si elle était faite.
A ce propos, permettez-moi de vous citer l'opinion exprimée un jour devant moi, après une série d'expériences du genre de celles dont je viens de parler, et auxquelles il avait assisté, par un prédicateur éminent, le P. Didon.
Après avoir constaté que les sujets sur lesquels nous avions expérimenté n'avaient pas exécuté toutes les suggestions avec la même passivité, il nous dît : « Je ne suis pas surpris de cette résistance de vos sujets à certaines suggestions, car cette résistance me parait de même nature que la résistance que nous rencontrons quelquefois dans la confession. 11 nous arrive que des pénitents qui nous ont avoué des fautes graves, refusent de confesser une faute légère que nous connaissons parfaitement, et cela malgré les admonestations les plus sévères. Or cette résistance, inexplicable chez des croyants, tient à ce que, avant de venir au confession nal, ils avaient pris la résolution absolue de ne pas avouer le péché en question ».
Le P. Didon avait raison. Ce n'est donc pas chez les malades des hôpitaux, chez ceux qui connaissent le suggestionneur et savent qu'ils vont être suggestionnés, qu'il faut faire, pour arriver à des conclusions valables, des suggestions délictueuses ou criminelles.
Pour éviter La priucipale cause d'erreur, c'est-à-dire la complaisance voulue ou inconsciente du sujet, il faut modifier les conditions de l'expérience et faire inopinément l'expérience de la suggestion criminelle sur un sujet qu'on hypnotise pour la première fois, qui ne sait ce qu'on va lui suggérer. 11 faut en un mot procéder par surprise. N'est-ce pas d'ailleurs ainsi que procédera le plus souvent celui qui aurait l'idée de mettre la suggestion criminelle au service d'une idée coupable.
C'est dans ces conditions que j'ai institué des expériences. Elles portaient sur des personnes qui étaient loin de se douter qu'une expérience allait être tentée sur elles. Chez les unes, la suggestion, faite dans l'état d'hypnose, devait être réalisée dans l'état post-hypnotique ; chez d'autres, la suggestion était faite simplement à l'état de veille. Ces expériences nous ont permis de constater que la suggestibilité de certains individus était normalement si développée, et que l'accomplissement de l'acte suggéré, quel qu'il fût, s'imposait à leur esprit avec une telle impulsivité et une telle irresistibiiité, que pour nous La possibilité des suggestions criminelles n'était pas douteuse. 11 y a donc là un tait dont il serait imprudent de no pas tenir compte dans certains cas, cl nous pensons que La démonstration de la possibilité des suggestions criminelles est destinée à entraîner certaines conséquences d'ordre juridique, sur lesquelles nous nous proposons de revenir dans une prochaine communication.
Discussion.
M. Bernheim. — Il n'est pas douteuz pour moi que certains somnambules — je ne dis pas tous — puissent accepter des suggestions criminelle1, et cela par deux procède* : tantôt directement, en les transformant en véritables automates qui iront droit au bat et tueront impulsivement en faisant abnégation entière de leur personnalité; tantôt par une voio détournée, en leur suggérant un délire de persécution à la faveur duquel ils commettront un crime.
Mais, je le répèle, tous les somnambules ne sont pas accessibles a ces suggestions, et je crois, i ce point de vue, qu'il faut diriser les hypnotisés en plusieurs categorías:
1° Des sujets qu'on transforme en véritables impulsifs; ceux-là exécuteront une suggestion criminelle sans hésiter; ils agiront comme un épileplique impulsif.
2° Ceux qui antérieurement n'ont pas de sens moral ; à ces sujets vous pourrez faire des suggestions criminelles; chez eux, elles ne trouveront aucune résistance.
3° Restent les honnîtes gens; chez ees derniers, vous n'obtiendrez pas la mwe en œuvre do suggestions criminelles. Toute leur éducation antérieure, tonte leur vie ont créé dans leur cerveau une force de résistance qui rendra vaines les suggestions criminelles. 11 n'est cependant pas impossible de faire commettre un acte délictueux par une personne honnéle, mais c'est à la condition de créer, par des manœuvres antérieures et répéiéc», un état cérébral spécial. Il laul provoquer chez ces sujets une sorte de délire de persécution, et en s'appuyant sur ce délire, on pourra alors faire des suggestions criminelles efficaces.
Je n'ajouterai que quelques mots. Les médecins légistes, pour écarter la possibilité de la suggestion criminelle, se bornent à s'assurer que les sujets n'ont jamais élé soumis à des manœuvres d'hypnotisme, ou qu'ils n'ont pas été hypnotisés. Je ne crois pas que cela soit suffisant ; je pense qu'il faut tenir très grand compte de la suggestion à l'état de veille et qu'il faut, avant tout, s'assurer si le sujet est ou non suggestionnable en dehors de l'hypnose.
11. DÉJsaixB. — 11 y a, à mon avis, des sujets auxquels on peut taire exécuter tout ce qu'on veut, commettre n'importe quel acte. Mes recherches personnelles me permettent d'affirmer que ces sujets agissent comme de véritables automates. La suggestion provoquée pendant l'hypnose peut être exécutée même au bout de trois mois et sans aucune hésitation. J'ai dans mon service deux sujets qui ne permettent aucun doute à cet égard.
M. Balle: . — Je ne veux pas traiter aujourd'hui la question des suggestions criminelles au point de vue scientifique; je n'aborderai que le point de vue pratique.
M. Beruheim prétend qu'il peut exister chez certains sujets, en dehors de toute hypnolisation, une très grande suggestibililé à l'état de veille. Cela est parfaitement exact, a été admis de tous temps et par tout le monde; mais où nous différons d'avis, M. Bcrnheim et moi. c'est sur les conséquences qu'il lire de celte suggestibilité au point de vue médico-légal. Je suppose qu'il soit établi que tel sujot — qui n'est pas un malade — a commis un crime sous l'influence des suggestions d'un élrc vicieux vivant avec lui, sera-t-on en droit de demander pour ce sujet l'exonération de touie peine? Personne no l'admettra, car, en fin de compte, ce qui distingue les honnêtes gens d'avec ceux qui sont malhonnêtes, ce n'est pas leur degré de suggestibililé, c'est le pouvoir qu'ont les uns de n'accepter que de bonnes suggestions et les autres que des mauvaises. Par conséquent, même en admettant la doctrine de M. Bernheim, selon moi très contestable, je ne saurais en déduire les mêmes conséquences que lui au point de vue de la responsabilité.
Je ne crois pas, du reste, toujours en me plaçant au point de vue pratiquei qu'il soit bon de beaucoup nous étendre sur ce côté de la question. Je ne nie pas la possibilité des suggestions criminelles, je ne conteste pas les allégations de M- Déjerine, mais je crois que la divulgation de pareils faits, à l'occasion desquels certains doutes subsistent encore, demande beaucoup de circonspection. Trop do légendes ont déjà été imprimées à cet égard et jetées en pâture à un public incompétent; efforçons-nous — je crois que c'est notre devoir — de ne pas en accroître le nombre.
M. Bbrillos. — Noua n'avons jusqu'ici abordé la question des suggestions criminelles qu'au point de vue do leur danger social, et c'est là ce qui justifie la circonspection de M. Ballet; mais il y un autre côté de la question qui n'est pas moins intéressant. Vous vous souvenez tous du travail de M. Motet, dans lequel il démontra que certains enfants, de par leur extrême suggestibilité, pouvaient être amenés, en justice, à faire de fausses déclarations et à provoquer ainsi la condamnation d'innocents. Le fait s'est présenté assez souvent; il est donc bon que celte suggestibilité spéciale soit scientifiquement établie et qu'à l'occasion ello serve à l'exonération pénale de prétendus coupables. La société n'a rien à craindre de cette divulgation; elle a, au contraire, tout à y gagner, car, dans certains cas, la connaissance des faits de suggestion pourra permettre de sauver quelques innocents, sinon de démasquer les vrais coupables.
M. Attg. Voisin. — Je croîs que le devoir du médecin est d'envisager la question des suggestions criminelles sous toutes ses faces. La vérité Suit toujours par se savoir et c'est an médecin qu'il appartient, en pareil cas, d'éclairer le magistrat.
J'ai pu deux fois reconnaître le rôle de la suggestion dans la perpétration de délits et faire bénéficier les prétendus coupables d'une ordonnance de non-lieu.
M. Billet. — Je n'ai jamais dit ni voulu dire que le médecin legisle ne doit pas examiner minutieusement l'hypnotisme et la suggestibilité, même celle à l'état de veille, à laquelle je croîs comme M. Bernheim, et qu'il ne faut pas en tenir compte pour mesurer la responsabilité des prévenus. Assurément, si les sujets sont 1res suggestibles, nous devrons les regarder comme des malades et les faire déclarer plus ou moins irresponsables à titre de malades, mais rien de plus.
Je n'ai pas non plus voulu dire que la question des suggestions criminelles ne devait pas nous préoccuper, qu'elle ne devait pas être à l'ordre du jour de nos travaux ; j'ai seulement voulu faire remarquer que nous devions nous efforcer de ne pas laisier s'accréditer, dans le public, des idées erronées et de ne rien avancer que nous ne soyons en mesure de prouver.
M. de JoxQ. — On a parlé tout à l'heure de la résistance que peuvent présenter dans certains cas des sujets hypnotisés et dont l'automatisme est cependant assez développé. J'ai eu l'occasion de l'observer dans plusieurs circonstances, et j'ai constaté qu'elles s'observaient surtout à rencontre de certaines idées particulières bien invétérées. A ma clinique de La Haye, je soigne beaucoup d'Israélites atteints d'affections nerveuses, un jour, une jeune fille de cette race arrive parée d'une robe élégante et de couleur claire dont elle paraissait tonte fière. Je l'endormis comme à l'habitude, puis je lui fis la suggestion de répandre le contenu de l'encrier qui se trouvait sur ma table sur le devant de sa belle robe neuve. Elle était manifestement influencée par ma suggestion, et l'idée d'accomplir cet acte désagréable était devenue pour elle très obsédante ; néanmoins, sa résistance fut assez forte pour en triompher.
Dans un second cas, j'avais endormi un samedi une jeune Israélite qui partageait le goût qu'on prête à ses coreligionnaires d'aimer le dieu Plutus. Dans cet état, jo lui offris un florin d'or, l'invitant à le prendre, lui disant que je lui en faisais cadeau. Bien ne put triompher de sa résistance à accepter le florin. Cela tenait à ce que, en Hollande tout au moins, les Israélites obéissent à la coutume
de ne pas prendre d'or le jour du sabbat. Cependant ces mêmes sujets eussent peut-être accompli sans résistance des actes blâmables ou coupables qui n'eussent pas choqué au môme degré une idée arrêtée et personnelle.
M- Dumontpallibr. — Tons ceux qui ont eu l'occasion d'observer des sujets très hypnotisables, sont arrivés à la conclusion que, parmi ces sujets, il y en a qoi deviendraient très facilement les instruments inconscients de suggestionneurs criminels et qui. sous l'influence d'une impulsion extérieure, môme la plus contraire à leurs tendances et à leurs idées, accompliraient des actes reprehensibles. J'ai vu de ces faits et j'en ai été profondément impressionné. Que certains de nos collègues croient qu'il est préférable de ne pas porter Jusqu'au grand public la connaissance de ces faits, de peur de l'émouvoir par la crainte d'un danger social qui n'a rien d'imminent, c'est là une appréciation personnelle. Quant à moi, je pense que des hommes de science ne doivent pas avoir d'autre préoccupation que la démonstration éclatante de la vérité. Jamais la connaissance de la vérité n'a eu de conséquences nuisibles, au contraire, en appelant l'attention sur un danger possible, elle stimule en môme temps les chercheurs à l'étude des moyens propres à le neutraliser et à le conjurer.
chronique et correspondance
L'Hypnotisme à la Chambre des Représentants de Belgique.
Rapport fait ac noh de la Coxvission par M. Euh*. Suite et fin (1).
Et plus loin, après avoir discuté à ce propos les théories de l'honorable M. Delbœuf, professeur à l'Université de Liège, il ajoute : « Nous pouvons donc
« considérer comme absolument résolue, en laveur de l'affirmative, la question c de l'obéissance passive des hypnotisés ».
Ces considérations seules ne suffisent-elles pas à justifier l'interdiction des pratiques de l'hypnotisme, par toute autre personne que par un médecin, et surtout l'interdiction des séances publiques d'hypnotisme ?
Nous venons, messieurs, de citer le nom de l'honorable M. Delbœuf, qui est le grand defensour do l'absolue liberté de l'hypnotisme. M. Delbœuf, comprenant la portée de l'objection tirée de la dépendance du sujet à l'égard du magnétiseur, a soutenu que l'obéissance de ce sujet ne va pas jusqu'à l'exécution d'actes contraires à ses convictions, à sa moralité, à ses idées, à sa manière de vivre ou de faire.
L'honorable D' Crocq, dans le très intéressant discours qu'il a prononcé à l'Académie, répond à cette objection, et sa réponse est formelle :
s S cet individu a la moindre tendance vicieuse cachée dans un repli profond « de son être, il obéira. Et puis, ce qu'on n'obtient pas une première fois, on « l'obtient une deuxième, une troisième, une quatrième, une vingtième fois, si
« l'on veut persister dans cette voie. Le sujet commencera par opposer une cer-« taine résistance... mais... un beau jour, il agira en dépit des idées morales, et
« commettra l'action criminelle qui lui aura élé ordonnée, »
n faut lire aussi, messieurs, le remarquable travail de M. le Dr Boddaert, pro-fesseurà l'Université de Gand, dans lequel l'honorable praticien expose, avec une très grande clarté, les dangers de l'hypnotisme. H nous parait, après cela, qu'il ne peut plus subsister aucun doute à cet égard 1
Les rares défenseurs de la liberté absolue de la pratique de l'hypnotisme ne
(1) V. Revue de l'hypnotisme, p. 60.
nient pas, d'une manière formelle, les dangers que nous venons d'indiquer; ils se bornent à soutenir que ces dangers ne sont pas aussi grands que leurs adversaires le prétendent; qu'Us se réduisent à * un peu plus que rien qu'il yaà cet égard des « incertitudes » dont l'hypnotisme doit profiter ; que. s'il y a dans l'hypnotisme « abdication de la volonté humaine et de la liberté dans loi mains d'autrui ». de telles abdications se rencontrent encore ailleurs dans la vie sociale, et à un degré plus fort. L'un d'eux reconnaît même qu'il est convaincu que. dans certaines circonstances, les a pratiques de l'hypnotisme peuvent agir défavorablement sur la santé c des sujets en expérience >.
Seul, messieurs, l'honorable M. Delbœuf soutient l'innocuité absolue des pratiques magnétiques; mais, quelque respect qu'on puisse avoir pour l'esprit patient et chercheur du savant professeur de Liège, il est bien difficile de ne pas reconnaître que les médecins sont, en pareille matière, plus compétente que personne, et de ne pas préférer ici, à l'opinion isolée de l'honorable M. Delbœuf, celle de la presque unanimité des membres de l'Académie de Médecine.
D'ailleurs, messieurs, à notre sens, il suffirait de la possibilité d'un danger, et surtout de dangers aussi graves que ceux qu'indiquent les extraits que j'ai eu l'honneur de citer, pour qu'il soit du devoir de la législature d'empêcher que l'hypnotisme soit pratiqué par d'autres que les hommes compétents, et autrement que dans un but d'utilité scientifique ou thérapeutique.
C'est là une considération qui a paru déterminante aux yeux de votre commission : ses membres, bien que quelques-uns d'entre eux ne puissent admettre, dans l'état actuel de la science, et reprendre pour leur compte les conclusions de certains des médecins et des professeurs que nous avons cités, sont unanimes à dire que cette considération suffirait à justifier le projet de loi.
Mais les adversaires des idées qui ont amené le dépôt du projet de loi, ont fait valoir un autre argument. D'après eux, les représentations des expériences d'hypnotisme, loin d'être nuisibles, seraient très utiles: elles permettraient aux sujets prédisposés, de s'éclairer sur les dangers do l'hypnotisme, et de se prémunir contre ces dangers. D'autre part, supprimer les représentations publiques, ce serait, disent-ils, amener une augmentation du nombre des réunions privées; et celles-ci présentent incontestablement, à leur avis, plus de dangers que les exhibitions faites en public.
Les discussions qui ont eu lieu à l'Académie donnent à cette double objection une réponse qui nous paraît péremploire. Nous indiquons brièvement ici les éléments de cette réponse
« II est imprudent, — j'emprunte ce qui suit au rapport de M. Masoin, — de « montrer aux foules par quels moyens simples on arrive à produire des phéno-« mènes aussi graves. Il n'est pas convenable de donner ainsi l'homme en spec-« lacle, le découronnant vis-à-vis de tous, et le transformant en voleur, en « assassin, en faussaire... Il n'est pas prudent d'exhiber cette névrose experi-« mentale devant le peuple déjà trop impressionnable de notre époque... les
• séances publiques appellent et provoquent les autres. Desmagnétiseurs habiles « et puissante excitent le sentiment des foules; ils mettent l'hypnotisme à la « vue et à la portée de tous; ils laissent derrière eux... toute une série d'adeptes
« qui peuvent faire indéfiniment des recrues; la révélation est faite, ei possède c des apôtres souvent moins réservés et moins honnêtes que les maîtres eux-
« mêmes. »
L'honorable M. Crocq exprime la même idée : « Par les séances publiques,
« dît-il, on donne un funeste exemple à de mauvais drôles, à des chenapans, on
« leur donne des leçons dont ils tireront profit; on leur indique les procédés « qu'ils peuvent mettre un jour en usage pour arriver à leurs lins ». Il faut, d'après lui, proscrire les séances publiques d'hypnotisme; passant en revue les exhibitions diverses que la loi a interdites, il se demande si on pourrait auioriser « des manatuvres dont le résultat est d'annihiler le cerveau, de creer des nevro-
palhes, des fous et des criminels ». El il termine son discours en disant : « Cela « est absolument impossible ; il est de l'honneur de l'Académie, et il est conforme « à sa mission do provoquer, de la part du Gouvernement, l'interdiction de toute « représentation semblable comme éminemment nuisible à la santé et à ta mo-« raiUé publiques. »
M. 1« professeur Boddaert est non moins affirmauf : « En répandant dans la t masse du public la pratique de l'hypnotisme, les représentations publiques « amènent de nouveaux dangers, plus nombreux et généralement plus graves « que ceux qui dérivent de leur influence immédiate ».
Et l'honorable rapporteur de la commision de l'Académie disait à ce sujet, dans le remarquable discours qu'il a prononcé, à l'appui de son rapport, ei où il a rencontré, d'une manière qui nous parait absolument victorieuse, les objections soulevées contre les conclusions de ce rapport : « Je persiste à charger l'hypno-« Usine public de tous les méfaits imputables aux séances privées >.
Nous pouvons, croyons-nous, messieurs, dire avec l'honorable M. Masoin : € la cause est entendue »; et afiirmer que le projet de loi, soumis à nos délibérations, répond a une véritable nécessité sociale : il s'est inspiré, comme nous le disions en commençant, des vœux formulés par l'Académie royale de Médecine de Belgique, nous venons de voir dans quelles conditions de discussion complète et de quasi-unanimité.
L'article premier défend, d'une manière absolue, l'exhibition, en public, d'une personne hypnotisée, soit que cet état ait été produit chez elle par celui qui la donne en spectacle, soit que lu sujet ait été hypnotisé par un tiers. Cette disposition mettra Un aux spectacles publics, aux représentations d'hypnotisme, aux exhibitions de sujets magnétisés qui, sans pouvoir se justifier par aucune raison d'utilité quelconque, sont souvent une exploitation de la crédulité publique, et constituent toujours, — nous l'avons vu — un véritable outrage à la dignité humaine, dans la personne de ceux qui se soumettent ou sont soumis à ces exhibitions.
L'article 2 s'occupe de la pratique de l'hypnotisme prise en elle-même, en dehors de tonte exhibition publique.
La faculté de recourir & cette pratique est laissée entière à ceux qui ont qualité pour exercer l'art de guérir : cette qualité donne le droit de croire qu'ils n'auront recours à ces pratiques que pour les nécessités de renseignement, les besoins de la thérapeutique ou les recherches de la science.
Pareille faculté devrait pouvoir être formellement déniée à toute personne autre que les médecins : on ne comprend pas, en effet, que le premier venu puisse, sans études préalables, sans connaissances, se livrer sur autrui à des pratiques dont il ne peut prévoir les suites sur le sujet auquel il les applique, et dont il serait dans l'impossibilité absolue d'empêcher les conséquences immédiates dangereuses qui peuvent toujours se produire. Mais il n'a pas paru possible d'aller Jusque la; il a semblé nécessaire de tenir compte dans une certaine mesure de la liberté individuelle. Il a fallu limiter la prohibition, et la restreindre à certains cas où l'interdiction doit être absolue.
Tout d'abord, il est bien évident qu'il ne peut être permis à personne, en dehors des médecins, d'hypnotiser des sujets qui ne seraient pas en pleine possession de leurs facultés intellectuelles. Comme le dit l'exposé des motifs, ce serait là « une action odieuse », lorsque le mobile n'est pas d'essayer de guérir ces malheureux, d'adoucir leurs souffrances ou de combattre leurs penchants funestes.
Il est évident aussi que les pratiques de l'hypnotisme doivent être interdites en ce qui concerno les enfants. Mais jusqu'à quoi âge faut-il protéger la jeunesse contre ces pratiques ?
Le projet de loi indique comme limite l'âge de dix-huit ans. Votre Conimission spéciale croit qu'il faut aller plus loin, et étendre la protection de la loi à la
minorité toute entière : le majeur seul, l'homme qui peut disposer librement de soi, doit être excepté de la prohibition qui frappe les pratiques de l'hypnotisme mise en œuvre par d'autres que des médecins.
Nous proposons donc de remplacer, à l'article 2, les mots dix-huit ans, par «eux de vingt et un ans.
L'article 3 prévoit le cas où, à l'aide de l'hypnotisme, quelqu'un aurait obtena de la porsonne hypnotisée un acte ou une pièce énonçant une convention, des dispositions, un engagement, une décharge on une déclaration, ce avec une intention frauduleuse ou à dessein de noire.
Pareil fait, quelque grave qu'il soit, échappe, dans l'état actuel de nos lois, à toute répression pénale. Il était indispensable de lui appliquer toutes les rigueurs de la loi, et, pour qu'aucun acte de ce genre ne puisse rester impuni, de frapper de la même peine celui qui aurait fait écrire l'acte ou la pièce par la personne hypnotisée, et celui qui aurait fait usage de la pièce, de l'acte ainsi obtenus.
Votre Commission a donc l'honneur, messieurs, de vous proposer l'adoption du projet de lot avec la modification du texte de l'article 2, justifiée ci-dessus.
Le Rapporteur, Le Président,
A. Eeman. T. De Lantshberb.
PROJETS DE LOI
Projet de loi proposé par la Coamiflion.
Article premier. (Comme ci-contre.)
Art. 2.
Quiconque, n'étant pas qualifié pour exercer l'art de guérir aura hypnotisé une personne qui n'avait pas atteint l'âge de vingt et un ans accomplis ou n'était pas saine d'esprit, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à mille francs, alors même que la personne hypnotisée n'aurait pas été donnée en spectacle au public.
(Comme ci-contre.)
Art. 3. (Comme ci-contre.)
Projet de loi prtsealé pu le Goareraeineil.
Article prruibi.
Quiconque aura donne en spectacle au public une personne hypnotisée par lui-même ou par autrui, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende do vingt-six francs à mille francs.
Abt. 2.
Quiconque, n'étant pas qualifié pour exercer l'art de guérir, aura hypnotisé une personne qui n'aura pas atteint l'âge de dix-huit ans accomplit ou n'était pas saine d'esprit, sera puni d'an emprisonnement de quinze jours à bw an et d'une amende de vingt-six fouet? à mille francs alors même que la pen sonne hypnotisée n'aurait pas été dotrf née en spectacle, au public.
En cas de concours avec les infractions punies par les dispositions légales concernant l'art de guérir, la peint prononcée par le présent article sert seule appliquée.
Art. 3.
Sera puni de la réclusion quiconque aura, avec une intention frauduleuse
ou à dessein de nuire, fait écrire
signer par une personne hypnotisée un acte ou une pièce énonçant une convention, des dispositions, un engagement, une décharge ou une déclaration. La même peine sera appliquée à celui qui aura fait usage de l'acte ou de la pièce.
Société d'hypnologie.
La Société d'hypnologie se réunira le lundi 12 octobre, à quatre heures au palais des Sociétés savantes, 2$, rue Serpeóle, sous la présidence de M*, le D* Dumontpallier.
Adresser les litres et communicaüons à M. le D' Bérillon, secrétaire eénéral 10 bis, rue de Rivoli.
A cette réunion, des communications seront faites par MM. les D™ Tarn banni Lajoie, Bérillon. Giulio Friedmann, Dumontpallier, Gascaxd, etc., etc.
Enseignement de l'hypnotisme.
Institut psycbo-physiolooiqcb db Paris, 49, rue Saint-André-des-Arts. — Le samedi 10 octobre, à dix heures, commencera une série de leçons pratiques sur les applications cliniques de l'hypnotisme et sur les travaux récents de psychologie-physiologique.
Les leçons continueroat tous les samedis, à dix heures.
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Jésus de Nazareth, par P. de Régla.
L'auteur s'est placé sur un terrain large et profond, celui de la nature : cela lui permet d'éviter les polémiques et de prendre, comme lui appartenant, tout ce qu'il y a de positif dans les études déjà faites. A ce point de départ fécond, H a joint des vues inspirées par les constatations expérimentales tomes récentes Eûtes dans cette partie de la science, qui est le domaine de l'hypnotisme. En outre, il a mit en lumière quelques autres éléments tires du milieu psychologique, familial et historique, dont ses prédécesseurs ne semblent pas avoir, aussi richement que lui, entrevu toute la portée. L'ensemble du travail constitue un système exposé avec une suite cl on calme qui en font la force.
Le tout, d'un style clair, se soutient naturellement par une idée nette des faits et particulièrement de* lieux que l'auteur a visités et qu'il peint très heureusement.
Ce livre du Dr de Régla doit être lu par toute personne désireuse de se maintenir au courant des données sous lesquelles est envisagé le problème de « Jésus de Nazareth ¦ au point de vue historique, scientifique et social.
NOUVELLES
Distinction honorifique. — Nous sommes heureux d'apprendre ta nomination de notre éminçât collaborateur, M. le D* Meanet, au grade d'officier de la Légion dhon-neur. Cette distinction méritée est le couronnement d'une carrière bien remplie, et c'est à plu» d'an titre que nous somme» heureux de l'enregistrer.
En en*l, nous ne saurions oublier que c'est A de remarquables mémoires, communiqués par M. Mesnct à l'Académie de Médecine, sur l'automatisme dan» le somnaav bulisme spontané et provoqué, ainsi qu'à ses études sur Fhvpnoiisme. que la question doit de a cire pas complètement oubliée pendant vingt ans. Par ses travaux. M. Meanet a été un véritable initiateur dans les élude» sur l'hypnotisme. Le Congre» international de 1889 ne l'avait pas oublié, et c'est par acclamation que M. Mesnct avait été proclamé son président d'honneur.
L'hypnotisme- au Congrès international d'hygiène. — Dans le discours d'ouverture lu a la section de médecine préventive du septième Congrès internaiionsl de Londres, sir Joseph Fayrer a appelé l'attention de ses collègues sur la recrudescence de ces phénomènes psychiques, appelés hypnotisme, braidisme, dans lesquels, sous l'influence de diverses conditions, Tinfluence d'un individu s'exerce sur un autre. Il y a la. a-t-il ajouté, un sujet digne de nouvelles recherches, mais qui exige également de grandes précautions, et le rùle de la médecine préventive est de mettre en garde contre les dangereuses conséquences qui peuvent résulter de ces expériences.
Sir Joseph rayrer aurait pu indiquer avec plus de précision les dangereuses conséquences auxquelles il faisait allusion et rendre jusuee aux homme» qui s'adonnent avec autorité aux études sur l'hypnotisme, en disant que si les sppticslions de l'hypnotisme peuvent présenter quelques inconvénients, ce ne sera qu'entre les mains d individu» incompétents et que rien n'autorise, le plus souvent, à pénétrer dans le domaine de la psychologie physiologique.
Les causes de suicide dans les armés*. — Le D* Longuet a eu l'idée de rechercher les causes les plus fréquentes qui déterminent les soldats à se suicider. Voici les résultais auxquels il est arrivé:
Dans l'année autrichienne, le lier* des suicides esl attribué a la répulsion du métier militaire; ce mobile agit avec une bien moindre fréquence dans les autres armées. La crainte d'une punition intervient pour 1 en Autriche ei en Allemagne, pour 1/5 sa France, pour 1/7 en Italie. Le suicide passionnel esl beaucoup plus fréquent en France (1,0) el en Italie (1/7) qu'en Autriche et en Allemagne. Les aflections mentales représentent de 1/5 à 1/2: de l'ensemble.
Influences générales; rate, nationalité, climat, taiion, contagion. — Le classement des armées, au point de vue dn suicide, ne diffère pas de celui dès nationalités respectives. L'èlément ethnique joue nn nMe supérieur à celui des institutions «I peut-être des religions. En Autriche, il y a moins de suicides dans les régions de langue allemande que partout ailleurs. 11 y a moins de suicides dans les lies italiennes que dans l'Italie continentale; moins de suicides en Corse, en Provence, en Gascogne, que dans le reste de la France.
Influence dee saison*.— L'aggravation du suicide pendanl la saison chaude est aussi manifeste pour l'année que pour la population. Le maximum de la mortalité-suicide correspoiia a l'été, le minimum à l'hiver. La courbe du suicide a presque la régularité de celle d'une maladie saisonnière. Le rôle de la chaleur n'est pas moins sensible dans Us répartition du suicide par climalâ : l'armée française de l'Algérie, l'année anglaise des Indes, présentent deux fois plus de suicides que les mêmes éléments dans la mère patrie.
L'imitation, ou si l'on vent la contagion, s'exerce d'une manière évidente ; dans on régiment, an suicide est fréquemment «uni d'an autre suicide, accompli le plus souvent dans les mêmes conditions (série de suicides par pendaison au même crochet d'un couloir des Invalides ; plusieurs suicides dans la même guérite au camp de lioulugnel On s compté jusqu'à neuf suicides et une tentative de suicide en un an dans un régiment autrichien ; quatre suicides cl une tentative dans un même bataillon français est deux ans.
L'alcoolUme ne joue plus qu'un rôle secondaire.
L'Administrateur-Gérant ; Émilb BOURIOT.
Paris. — Imprimerie brevetée MICHELS et Fils, passage do Caire. 8 et 10.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
COMME QUOI IL N'Y A PAS D'HYPNOTISME
par M. J. DELBŒUF, professeur à l'Université de Liège.
Cette proposition a tout l'air d'être un paradoxe. Je ne douto pas que M. Iternheim le ratifierait sans hésiter.
D y a plus de trois ans que je suis arrivé k cette conviction, et je la faisais déjà pressentir dans mon travail sur la Liberté des représenta-lions publiques d'hypnotisme, pages 44 et 45.
C'est sur la fin de 1885. à la Salpètrière, dans le service de M. Charcot, qu'il m'avait été donné de voir pour la première fois un somnambule à l'état de veille, en ce sens qu'il n'avait pas été, au préalable, endormi du sommeil hypnotique. Jamais je n'oublierai l'impression que m'avait fait ce spectacle d'une personne, en apparence éveillée, acceptant sur-le-champ toutes les hallucinations qu'on lui donnait (1).
De retour à Liège, je me mis à étudier cet état. J'en vins à me persuader que le sujet était réellement endormi, et que l'ordre de s'endormir était implicitement renfermé dans l'ordre de s'halluciner, si je puis ainsi dire. Dans nia relation de ma Visite à la Salpètrière (2), je disais déjà ceci (p. 23} : « En réalité les sujets sont endormis, comme je le démontrerai un jour t. La démonstration parut dans la Revue philosophique (février et mars 1887), sous ce titre : De la prétendue veille somnambuüque. L'explication que je donnais de ce phénomène a eu l'honneur d'être regardée comme la seule plausible par M. le Dr Moll, de Berlin, dans son livre sur l'hypnotisme.
Elle n'est cependant pas bonne. Déjà, dans ces articles, je revenais à plusieurs reprises sur l'impossibilité où j'étais souvent de distinguer
(1) C'est VI. Beaunis qui avait signalé le premier ce phénomène et lui avait donné le nom de veille somnambulique
(2) Cette élude, parue d'abord dans la Revue de Belgique, a été tirée à part mais n'a pas été mise dans le commerce.
à un signe quelconque, chez mes sujets, l'état normal et l'état hypnotique, et & mesure que j'avançais dans cette étude, ma perplexité allait en augmentant.
Dans les derniers jours d'octobre 1887. Léon, le magnétiseur public, vint à Liège. Il exhiba devant une société de médecins, de professeurs, de magistrats, de journalistes une nouvelle espèce de magnétisme. En était-il l'inventeur? je n'en sais rien. Il faisait tomber à genoux sur la scène et mettait dans l'impossibilité de se relever les personnes qui se présentaient pour se soumettre à son influence. A 11 première séance publique qu'il donna, je vis un jeune et honorable pharmacien de la ville se traîner par terre avec d'autres, riant lui-môme de voir rire le public et disant aux personnes des premiers bancs : « Je voudrais bien vous y voir Par parenthèse, aucune personne que je sache ne pensa qu'il s'était avili, ni que le spectacle dont il nous avait rendus témoins c l'avait découronné », comme disent les savants belges. Au contraire, après la séance, c'était à qui viendrait près de lui pour s'informer de ses sensations, et maint sceptique se disait prêta faire l'expérience (i). Oh! les phrases ! Qui donc nous en délivrera. Seigneur !
Je me mis immédiatement en rapport avec Léon. Celui-ci pensait qne les sujets gardaient leur conscience. Moi, fort de mes études, je lui soutenais qu'ils devaient la perdre. Léon, dans sa modestie, ne s'obstinait pas k me contredire. Je le fis expérimenter chez moi, j'expérimentai moi-même sur des personnes dont j'étais sûr. Les effets furent obtenus. Ils ne me parurent pas concluants, et le 4 octobre 1S87. je publiais dans le Journal de Liège un article où je soutenais encore que ces sujets devaient perdre, au moins partiellement, leur conscience sans le savoir et sans en avoir l'air. C'était passablement obscur, mais toute autre explication me faisait défaut.
Depuis lors, j'ai repris mes expériences et je suis arrivé à la conclusion énoncée plus haut.
Ce qui m'avait induit en erreur, c'est que, à cette époque, les phénomènes de la veille somnambulique ne s'obtenaient qu'avec des sujets entraînés. Mais ayant eu à traiter des malades, je crus m'apercevoir qu'il n'était pas toujours nécessaire de les plonger dans le sommeil pour faire cesser leurs maux et leurs douleurs. C'est ainsi que je guéris brusquement une hystérique qui, depuis des mois, restait couchée dans sou lit, ne mangeant pas, ne dormant pas, fléau de son entourage, et, chose particulière, qui s'était occupée d'hypnotisme et avait souvent hypnotisé
(1) Je couru.- deux infroieun de l'État, déjà eo fonctions alors et aujourd'hui occupant de très hautes positions, qui n'ont pas cru se déshonorer an montant sur la scène
pour éprouver par eux-mémee le pouvoir de Donato.
avec succès. Plusieurs docteurs de la ville avaient entrepris sa guérison en essayant de l'endormir. Ils avaient échoué pleinement. Elle leur riait au nez. On m'avait fait venir de la campagne en désespoir de cause. On m'avait averti des insuccès des médecins. Je ne devais donc pas suivre la même voie. Installé au chevet de la soi-disant malade, passant alternativement de la pitié i la raillerie, j'en vins à lui dire qu'elle n'était pas malade, et qu'elle le savait ; qu'elle pourrait manger, marcher, vaquer à ses devoirs ?i elle le voulait. Fureur, défi. Elle appelle son mari, la garde-malade: « Voilà monsieur qui prétend que je n'ai rien, que je pourrais marcher, moi paralysée depuis tantôt six mois! » Moi, froidement: « Certainement; je vois chez vous des muscles en parfait état de santé. — Eh bien ! je vais vous montrer où j'en suis ». Elle se met sur son séant, se place au bord du lit. se dresse et s'apprête à tomber. Son mari, la garde se précipitent au devant d'elle pour la retenir. Moi, les écartant brusquement, et plongeant mon regard dans le sien, d'une voix et d'un geste impérieux: « Pas de comédie, madame, marchez ». Et elle marcha, domptée. Le soir mémo elle mangeait un bifteck et le lendemain repartageait le lit conjugal.
Jusqu'ici, rien d'absolument extraordinaire. C'est une variante du procédé si célèbre de Boerhaarepour arrêter la contagion des crises dans sa clinique. Mais ce qui m'ouvrit définitivement les yeux, c'est que la personne s'est crue hypnotisée, et que, depuis lors, elle fut soumise à mon influence au point que, dans une ou deux circonstances qui se présentèrent plus tard, ma parole fut toute puissante.
Je pourrais citer une seconde hystérique guérie par un procédé analogue, mais j'ai hute de passer à un autre genre d'affection que l'hystérie.
J'ai pour voisin de campagne un sieur J...t âgé de plus de quatre-vingts ans. qui, depuis environ vingt ans, souffrait atrocement de névralgie faciale. Comme la plupart des malheureux qui se trouvent dans son cas, il s'était fait arracher tour à tour presque tontes ses dents, d'ailleurs saines. Il lui en restait encore sept. Persuadé qu'on ne lui avait pas encore extirpé la mauvaise, il se présentait en dernier lieu chez un dentiste renommé, docteur en médecine, qui l'éclaira sur la nature de son niai. Dès lors, il avait consulté aans succès nombre de médecins de Bruxelles et de Liège, qui, à bout de remèdes, avaient fini par lui conseiller la résection du nerf sasorbiculaire. IlU s'y résigna et fut opéré par le docteur L.....de Liège, qui lui enleva un centimètre et demi du nerf.
L'opération ne lui procura qu'un soulagement momentané.
Je ne sais qui lui parla d'hypnotisme. Il vint me trouver. Je répondis évasivement.
Je n'avais pas envie, sans qu'un médecin m'y autorisât et fut présent, d'hypnotiser un homme de son âge, qui pouvait être frappé de mort subite sur sa chaise. On n'aurait pas manqué de faire endosser l'accident à moi et à l'hypnotisme. D'un autre côté, je trouve inhumain d'enlever à ceux qui souffrent un dernier espoir. Enfin, je ne recule devant aucune expérimentation, et alors je ne savais pas, non plus que je sais aujourd'hui, si L'hypnotisme avait déjà été appliqué aux névralgies faciales. Le récent discours du docteur de Jong, inséré dans le numéro de septembre de la Revue, n'en fait pas mention.
Or, au mois de septembre 1889. je reçus la visite de M. le docteur D...., de Liège, qui, dès lors, s'est exercé, non sans succès, â l'hypnotisme. Il me priait d'aller hypnotiser un de ses malades, un ancien ingénieur des plus renommés, qui, depuis huit aos entre les mains des médecins pour un rhumatisme général avec complication, ayant vu son état s'aggraver d'année en année, était tombé dans un sombre désespoir, se refusait à tont traitement et appelait la mort (i). Un service en vaut un autre. Je contai à mon visiteur le cas de mon voisin et lui demandai de ni'accompagner.
Nous trouvons J... affaissa dans son fauteuil, en proie à ses douleurs. J... a une forte barbe et des sourcils touffus. Le simple passage de la main devant la face lui causait, par l'agitation légère des poils, des cris-, pations horribles. Il nous narre ses souffrances et sa vie misérable : pas de sommeil, repas imparfaits, élancements au moindre déplacement
d'air. Quand il eut défilé ce triste chapelet, me tournant vers M. D____:
€ Vous voyez cet homme, monsieur le docteur; tous ses maux vont cesser. » Puis — le récit prend plus de temps que n'a duré l'action — regardant fixement le patient, je saisis brusquement sa barbe et la secoue avec violence, en lui disant : « Vous n'avez pas mal, vous n'aurez plus mal! * Il n'avait pas eu mal. Je lui tirai la moustache, les sourcils, je loi pétris sa joue paralysée et l'autre — impassibilité. J... et sa femme et le docteur, je pourrais ajouter moi-même, sont stupéfiés. Je m'adresse de nouveau à M. D.... : « À votre tour, docteur, essayez de lui faire mal, je ne vous regarde ni l'un ni l'autre. » M. D.... essaya, ce fut en vain.
En sortant, il me dit : « Ses névralgies reviendront. — Pourquoi? répondis-je ». La môme prédiction me fut faite par d'autres médecins. Elle ne s'est pas réalisée. Voilà plus de deux ans de cela: J... n'a plus rien ressenti.
(1J Par parpaibèse,ce malade, mort depuis,dont ou n'usait remuer le» mviulres, et,, qui uo quittait son lit que pour s'étendre dans un fauteuil, au bout de Jeux séances, descendait sans aide dans son jardin, et, au bout de la troisième ou de la quatrième, se promenait eu ville.
J'aurais pu, à l'exemple de beaucoup d'autres, publier immédiatement ce fait de guérison : j'ai préféré attendre pour constater son caractère d'irrévocabilité. J'en fis seulement le récit à une société de biologie que nous avons fondée à Liège, et en mai 1890, lorsque je passais par ?*ancv pour me rendre à Montpellier, je le communiquais avec quelques autres à M. Bernheim. Dans le cours de mon récit, je lui dis : c Vous voyez qu'il n'y a pas d'hypnotisme ?» Il m'arracha pour ainsi dire la parole : c Certes, il n'y a pas d'hypnotisme, s*écria-t-il, il n'y a que des degrés divers de suggestibilité » (1).
Ce traitement, par simple affirmation, je l'ai appliqué avec succès, en autres, à un haut personnage d'un scepticisme justifié, parce qu'il avait été promené d'hypnotiseur en hypnotiseur, à qui je demanderai un jour la permission de citer son nom, et à bon nombre de personnes de la bourgeoisie, pour migraine, sciatique, entorse-foulure (2}. Et ici j'ouvre une parenthèse.
M. Bernheim, dans le numéro d'août de la Retue, constatait que la pratique civile ne lui fournit guère autant de succès que la clinique hospitalière. Pourquoi? Parce que le client instruit est sceptique, raisonne et, par la lecture des journaux, s'est mis en tète une foule d'idées, la plupart fausses, dont il faut le débarrasser : « Est-ce que je ne deviendrai pas fou ? Ne vais-je pas être en votre pouvoir? Est-ce que je ne m'endormirai pas en pleine rue? » Questions plus saugrenues les unes que les autres.
D'autres — et j'en ai rencontré un certain nombre de cette catégorie, parmi des clients médecins — ont dans la tète des théories : « Monsieur, me disait l'un deux qui réclamait mes soins pour la crampe d'écrivain, voici, je pense, comment vous devez procéder : faites-moi des passes tout le long de mon bras, en vous arrêtant près du poignet ». Naturellement, je lui faisais les passes qu'il demandait — pour voir. Quand il en avait assez à son gré, il éprouvait si l'effet était obtenu. Comme il ne l'était pas, il m'accusait de n'avoir pas fait agir mon fluide convenablement. J'essayai en vain de lui donner quelques notions raisonnables de magnétisme thérapeutique.
Mais il est une autre cause d'insuccès auprès des clients. Ce que je vais dire n'offensera pas ceux qui savent par la pratique qu'hypnotiser est un art très délicat et tout spécial, qui ne s'apprend pas plus que la poésie. Il arrive souvent qu'ils ont été l'objet de manœuvres hypnotiques
(1) C'est pour cette raison, entre autres, qu'au Congres de Psychologie physiologique de 18S9, j'ai voté eontre l'emploi dn mot h'jpnotime pour désigner la doctrine de l'école de Nancy. M. Bernheim a voté avec moi.
(2) La répuuiion, si justement méritée, de la femme de Tellin, la masseuse, repose uniqiiemcnt sur la suggestion.
de la part de leur médecin habituel, qui explique ses insuccès en déclarant que son malade est rebelle à l'hypnotisme ou les masque en lui soutenant, contre toute évidence, qu'il a été endormi. Si vous avez le malheur de procéder comme lui, vous entendrez le patient vous prévenir que vous ne réussirez pas, et vous ne réussirez pas. J'ai en bien des mécomptes de ce chef. Aussi, instruit par l'expérience, je m'informe avec soin s'il n'y a pas eu de tentatives, et s'il y en a eu, je ne cherche plus à obtenir le sommeil. Si j'ai le temps, je ferai un jour la relation !e quelques cas intéressants traités de cette manière.
Ceci prouve que le sommeil, dit hypnotique, n'est qu'une marque de suggestibilité, et qu'il n'est nullement requis pour la thérapeutique suggestive.
Mais j'ai mieux a citer que des guérisons de malades. En mai et juin de cette année, revenant de Suisse, où j'étais allé pour assister aux fêtes de Lausanne, j'ai passé par Heidelberg. Je désirais rendre visite au célèbre physiologiste Kühne. Il me montra son laboratoire, et j'y expérimentai, entre autres, l'ergographe de Mosso, qui m'intéressait au point de vue de mes anciens travaux sur la fatigue. Il y avait là plusieurs docteurs assistants dont je n'ai pas retenu les noms. La conversation tomba sur l'hypnotisme. M. Kühne n'avait jamais approfondi ce sujet, parce que, disait-il, il ne le comprenait pas. Explications, objections, réponses. Bref, j'offris au plus âgé des docteurs, homme de trente-cinq à quarante ans, de faire sur lui une courte expérience d'insensibilité. Et, le regardant fixement, je lui fis au bras, avec une pince, un pinçon formidable, sans qu'il grimaçât et accusât une grande douleur. Quand je lui permis de regarder la peau de son bras, comprimée entre les mâchoires d'acier, son étonnement fut comique à voir. Pendant toute l'heure que je restai encore là. il ne faisait que se tater le bras, que palper la marque, pour voir si le mal n'apparaîtrait pas à la longue. J'ai raconté dans mon opuscule sur l'Origine des effets curatifs de l'hypnotisme, que La marque des pinçons faits de cette façon, disparaissait vite et ne laissait pas de gonflement. C'est ce qui eut lieu. Alors, un autre docteur, qui m'a paru de quelques années plus jeune, un grand blond, très fort, s'offrit pour une nouvelle expérience. Chez lui, la douleur disparaissait complètement à la parole. Je serrais plus fort: il sentait le serrement, puis sur mon injonction, il ne le sentait plus. J'arrivai ainsi, en quelques minutes, à lui écraser presque les chairs sans qu'il sentit rien.
Ces deux médecins étaient donc suggestibles. et certes, de toutes les catégories de clients, les médecins doivent être les plus réfractaires à la suggestion. De plus, on voit que l'insensibilité provoquée peut être, en thérapeutique, tout aussi avantageuse que le sommeil provoqué. J'ai
raconté dans mon Magnétisme animal, à propos d'une visite à l'École de Nancy (page 37 et suivantes), que ce moyen m'avait réussi, à la clinique de M. Li.'beault. auprès de deux clientes qui se montraient réfractaires au sommeil.
Je conclus et formule ma conclusion en ces termes empruntés en partie à mon ami, M. le professeur Bernheim : « Il n'y a pas d'hypnotisme, il n'y a que des degrés et des modes divers de suggestibilité! »
J. Delbœuf.
LA LECTURE DES PENSÉES
HISTORIQUE DE la QUESTION
Par h. Ji«» m TARCnANOFF. professeur de phyricl«rie 4 l'Académie impérial* de MMecioe
de Sa .-,-.jrg.
Suite et fin (1) VII
Nous voyons, ainsi, que grâce â ces mouvements idéo-moteurs Taries et inconscients, le lecteur des pensées ne manque pas de signes pxté-rieurs pour deviner le problème que se pose l'inducteur, et il se met en communication avec lui au moyen de cette langue muette des mouvements idéo-moteurs; mais puisque l'inducteur n'a presque aucune cons-. cience de ces mouvements accomplis par lui-même, et que le problème qu'il s'est posé est résolu pourtant par le lecteur, notre conscience en conclut que la clef du mystère doit être cherchée dans l'influence immédiate de notre pensée sur le lecteur; et c'est précisément de la que provient l'illusion qui étonne et frappe tellement le public qui assiste à ces expériences.
En somme, il suffit au lecteur des pensées d'étudier cette langue muette des mouvements idéo-moteurs, de se bien rendre compte quand on l'entraîne à droite ou à gauche, quand on l'arrête et quand, par un petit coup ou quelque autre signe involontaire, on le prévient qu'il se trouve près du but que l'on s'est proposé. Sans exercice, sans habitude, il ne saurait être question de résoudre les problèmes médités; un lecteur des pensées non exercé serait semblable à un cheval non dressé, attelé pour la première fois À une voiture et ne comprenant pas encore ce qu'exige de lui le cocher, en tirant la bride du coté droit ou du côté gauche, ni a quel moment il doit s'arrêter ou aller en avant; et ce n'est que par un exercice répété que l'on habitue le cheval à interpréter
(1) V. Revue de l'Hypnotisme, p. 65 et 101.
correctement les mouvements les plus faibles des rênes, à devenir l'obéissant lecteur des pensées de son conducteur.
Quels rapports établit donc le lecteur des pensées avec son inducteur pour sentir cette langue muette des mouvements idéo-moteurs?
Les expériences se font sous trois formes différentes : premièrement, quand l'inducteur touche immédiatement le lecteur des pensées, c'est-à-dire quand ils communiquent directement; secondement, quand ils ne sont reliés que par une chaîne ou nne ficelle; et troisièmement, quand ils sont à distance et ne sont aucunement reliés l'un à l'antre.
Dans les deux premières formes d'expériences, le lecteur des pensées a les yeux fermés ou bandés d'un mouchoir, ou recouverts par des lunettes très foncées. Ce procédé s'explique par.des raisons toutes naturelles. Le lecteur doit se guider, dans ce cas, sur les mouvements idéo-moteurs inconscients de son inducteur, mouvements qu'il ressent sous la forme de sensations cutanées de pression, de petits coups, ou de résistance aux obstacles que l'inducteur applique aux différentes parties du corps du lecteur. Il est évident que ce dernier doit se concentrer entièrement sur les oscillations et les modifications de ses sensations cutanées et de ses sensations musculaires. Le seul moyen pour cela, c'est d'éloigner toute la sphère des autres impressions, tombant sur les autres organes des sens, et surtout les impressions visuelles qui empêchent la concentration de l'attention dans le sens voulu et ne font que la distraire. Dans le même but, le lecteur des pensées tâche, pendant la séance, de ne penser à rien du tout, et s'abstient de toute supposition, de toute conjecture, puisque un pareil travail de la pensée, en détournant une certaine partie de l'attention, affaiblit par cela même sa pleine concentration sur les sensations cutanées et musculaires.
Cette concentration anormale, forcée, uniforme et quelquefois très prolongée de l'attention, ne s'obtient qu'au prix d'une grande dépense d'effort volontaire, ce qui mène, surtout chez les lecteurs des pensées, peu habitués à ces sortes d'expériences, à la fatigue, à l'épuisement, aux maux de tète, à des névralgies, etc., comme résultats de ces séances.
D'un autre côté, cette concentration uniforme et continue de l'attention sur les sensations d'un genre uniforme augmenta quelquefois extrêmement l'excitabilité cutanée et le sens musculaire, et jette quelques lecteurs des pensées dans un état qui rappelle beaucoup les phases premières de l'hypnose, où la connaissance ne se perd pas encore, et où, comme l'a démontré M. Berger, l'impressionabilité des sens en général s'accentue d'une manière bien nette.
La similitnde de cet état avec l'hypnose se manifeste, chez quelque
lecteurs des pensées, par une attaque de convulsions générales, par la perte do la conscience, etc.
Il est presque impossible, à qui connaît ces faits, de voir d'un bon œil cette tendance trop répandue à prodiguer ces expériences en manière de jeu, que l'on observe dans les cercles de famille, dans les écoles, etc., puisque des jeux semblables, par leur répétition fréquente, peuvent altérer la santé des personnes nerveuses et surtout des enfants, doués d'un système nerveux qui n'est pas encore stable.
Nous voyons ainsi que les procédés qu'emploie le lecteur des pensées tendent à la complète concentration de son attention sur ses sensations cutanées et musculaires, au moyen desquels ¡1 suit les mouvements inconscients idéo-moteurs de son inducteur, et s'en rend un compte rigoureux.
VIII
Tous les problèmes dont les lecteurs des pensées poursuivent la solution se réduisent aux suivants : rechercher un objet caché, montrer la personne à qui l'on pense, la faire changer de place, lui donner telle ou telle position, remettre l'objet trouvé à une autre personne, découvrir une lettre ou tout un mot sur un certaine page d'un livre, écrire des mots ou des chiffres pensés par l'inducteur, trouver sur un piano les notes d'one certaine mélodie, etc.. etc.
En un mot, tous ces phénomènes se réduisent à quelques représentations motrices, c'est-à-dire à l'accomplissement d'actes moteurs déterminés. En môme temps, le lecteur des pensées devine les nombres, les mots, les mélodies, pendant que la main de l'inducteur touche directement la main du lecteur des pensées, tandis que les autres actes que nous avons cités s'accomplissent également dans d'autres cas de communication, soit directe, soit an moyen d'une chaîne ou d'une ficelle.
Les lecteurs des pensées ne sont jamais capables de deviner des pensées abstraites, malgré toute leur simplicité, par exemple que deux fois deux font quatre, ou que le soleil chauffe, etc., et ils refusent tout net de faire le moindre essai pour résoudre de pareils problèmes; et cela est bien naturel, puisque les idées de ce genre, ne contenant pas do représentations motrices, ne s'accompagnent jamais de mouvements idéo-moteurs déterminés, qui pourraient servir de guide ordinaire pour les lecteurs des pensées pendant la séance.
Nous devons, pourtant, faire ici la remarque suivante. Quelquefois le lecteur des pensées, quoique rarement, parvient à deviner des idées de ce genre, des idées abstraites, et dans ce cas il se guide simplement sur les mouvements involontaires des lèvres, ainsi que sur le chvxtatement
à peine perceptible de l'inducteur, lesquels manifestent involontairement la pensée que Ton médite. Autrement dit, le lecteur des pensées, suivant les mouvements des lèvres et le chuchotement, reproduit les mots qui expriment la pensée méditée par l'inducteur. Cette circonstance est très importante, quand on a affaire à des lecteurs des pensées professionnels qui ne sont pas francs, et qui nous obligent, dans nos expériences de contrôle, à éliminer complètement chez eux. par des moyens appropriés, la possibilité de voir et d'entendre.
Le lecteur des pensées ne peut opérer, par conséquent, que dans un cercle très limité de problèmes, qui ont toujours plus ou moins rapport aux mouvements de nos membres.
Puisque nous avons vu que le lecteur des pensées le plus habile ne peut deviner la plus simple pensée abstraite, il est évident qu'il n'est pas capable de pénétrer d'avance dans le plan beaucoup plus compliqué du problème que l'on se pose seulement par la pensée, comme la découverte d'un objet caché, ou le déplacement des personnes pour représenter une scène quelconque, etc., et que tout ce dont il est capable se réduit à trouver sucessivement les endroits où se trouve l'objet ou la note qui ne lui sont pas connus, à déplacer l'objet ou la personne d'un endroit dans un autre, à donner à l'objet ou à la personne, ou à ses membres, une certaine position dans l'espace, et dans tous ces cas il se guide sur les mouvements idéo-moteurs inconscients de son inducteur, que ce dernier accomplit sous l'influence d'une représentation dominante qui le porte à tournera gauche, à s'arrêter, à lever la main, etc., etc. Ces petits coups inconscients, ces poussées à droite, à gauche, en haut, en bas, et dans toute autre direction, ces tiraillements de l'inducteur, et sa résistance quand le lecteur des pensées se trompe, tout cela sert de 61 conducteur pour amener ce dernier au but mentalement fixé.
IX
Il est hors de doute que, si les expériences de lecture des pensées, dans leur forme la plus simple que nous avons présentée ici, ont besoin, pour leur réussite, des mouvements idéo-moteurs que nous avons constatés, les expériences du môme genre, mais beaucoup plus compliquées quant au but proposé, ne pourront, à plus forte raison, se passer de ces mouvements inconscients de l'inducteur. Cette conclusion est logiquement obligatoire.
C'est pour cela que toutes les expériences compliquées de lecture des pensées ne sauraient prêter sérieusement matière aux investigations scientifiques, et ne peuvent servir qu'à amuser les spectateurs.
La science n'en tirera rien de nouveau, rien d'instructif, et c'est pour cela qu'elles doivent être classées dans le domaine des distractions théâtrales, plutôt que dans la catégorie des sujets dignes d'études scientifiques.
La nature des phénomènes de divination des pensées ne présente plus maintenant pour nous rien de mystérieux, rien d'éniginatiqne, et quelles que soient les formes dans lesquelles elles s'effectuent partout, la communication observée entre le lecteur des pensées et l'inducteur s'explique par les mouvements idéo-moteurs inconscients que produit celui-ci, et qui servent de guide à celui-là.
Cette conclusion se démontre par le témoignage personnel des lecteurs eux-mêmes; ainsi, Brown. l'inventeur de la lecture des pensées, a déclaré sincèrement que, pendant la séance, il sent des petits coups, des tiraillements, des résistances de la part de l'inducteur, et que c'est grâce à ces mouvements qu'il arrive au but, c'est-à-dire jusqu'à l'endroit où se trouve tel ou tel objet. Si ces mouvements sont nuls, il n'est plus capable de réussir.
Bischopp, devant la commission des savants de Londres, sans nier la possibilité d'un fait pareil, a déclaré que s'il se guide sur ces sensations, ce n'est que d'une manière inconsciente ; il ressent seulement un état tout spécial, une espèce de rêverie pendant laquelle il subit l'influence d'impressions particulières, qui apparaissent en lui sous l'action de l'inducteur. Il se peut que cette déclaration soit juste pour lui-même, puisqu'il est aisé d'admettre que sa rêverie n'est qu'un état d assombrissement de sa conscience, résultat de la concentration de sa pensée sur un point unique; il est donc évident qu'il lui est difficile ensuite de se rendre compte des sensations qui le guidaient pendant la séance de la lecture des pensées.
Moi, de mon côté, je puis m'en rapporter aux déclarations qui m'ont été faites par plusieurs lecteurs des pensées très habiles, et qui établissent unanimement qu'ils parviennent à deviner en se laissant guider par les sensations qui affectent leur peau et leur système musculaire sous l'influence des tiraillements, des résistances, des petits coups qu'ils reçoivent de l'inducteur. Et dès que celui-ci ne produit pas ces mouvements, ils se refusent net à faire avec loi aucune expérience.
Ainsi, tout démontre que les lecteurs découvrent, non les pensées de l'inducteur, mais les mouvements inconscients produits par ce dernier, et dont l'interprétation correcte exige une certaine habitude. Ce qui est frappant quelquefois, c'est la rapidité avec laquelle s'accomplissent des expériences pareilles, uniquement fondées sur les sensations cutanées et musculaires. Mais û quoi l'homme ne parvient-il pas à force d'exercice!
Comme exemple, je rappellerai jusqu'à quel haut degré se développent l'ouïe, le toucher et le sens musculaire chez certains aveugles. Ils peuvent, étant tout à fait aveugles, se mouvoir librement dans des pièces garnies de meubles, et marcher sans trébucher par des chemins très irréguliers; ils sont capables de lire très vite en passant leurs doigts sur les caractères en relief de leurs livres, etc. Grâce à un développement extraordinaire de leur ouïe, ils savent, au seul bruit des pas, reconnaître leurs amis au milieu d'une foule nombreuse et bruyante, et remarquent l'arrivée d'une personne qui ne leur est pas connue, etc.
Les faits suivants présentent un intérêt tout particulier. Giovanni Gonelli devint aveugle à vingt ans, et à sa trentième année le désir le prit de s'occuper de sculpture. On lui donna une statue en marbre de Cosme de Médicis, et il la reproduisit en argile, en se laissant guider exclusivement par son toucher et son sens musculaire. Il sculpta, en outre, les statues du pape Urbain VIII. du duc de Bracciano et de sa fille; et pour prouver qu'il ne s'aidait, pendant son travail, que du toucher et du sens musculaire, il accomplissait sa besogne dans une chambre obscure.
On connaît aussi les exemples de zoologistes et de botanistes capables, sans autre guide que les sensations cutanées, de déterminer l'espèce, le genre des plantes et des coquillages qu'ils trouvaient.
II est évident que tout exercice exagéré de nos sens mène à leur plus haut développement et à leur perfectionnement ; c'est là une loi générale qui s'applique aux lecteurs des pensées exercés et forcés d'étudier le langage muet de nos mouvements ïdéo-moteurs; ils commencent bientôt à le comprendre, et se laissent guider par les moindres coups, tiraillements et résistances; ils reconnaissent où ils doivent se diriger, où s'arrêter, etc., pour arriver au but pensé par l'inducteur. H n'y a rien de surprenant à ce qu'après plusieurs années d'un exercice assidu, ils atteignent une assez grande perfection pour étonner, par leur habileté, une foule de spectateurs curieux qu'ils entraînent dans une tromperie involontaire de soi-même
X
Il est enfin temps d'en finir avec toutes ces expériences de divination des pensées.
De l'analyse qui en a été faite ci-dessus il résulte, j'espère, qu'elles ne constituent point un sujet sérieux d'investigations scientifiques, et qu'elles ont simplement la valeur d'un jeu et d'une distraction. 11 est bien naturel de les entreprendre à titre d'amusements agréables et même piquants; et pour les spectateurs ces expériences ne sont aucunement
nuisibles; il n'en va pourtant pas de même quand on commence à leur donner une importance particulière, quasi-scientifique, à les supposer capables de découvrir de nouveaux horizons, de nouvelles forces, do nouveaux rayonnements magnétiques ou psychiques, etc. Ici, la limite de l'innocuité est franchie, puisque ces théories, qui ont pour origine une tromperie de soi-même, engendrent de fausses idées sur les phénomènes de la nature, et fortifient cette tendance mystique qui ruine le bon sens de l'homme.
Après tout ce qui a été dit, on conviendra avec moi que toute la question s'explique simplement, et qu'il n'est pas besoin, pour le moment, d'imaginer je ne sais quels rayonnements psychiques, quelle induction des pensées d'un cerveau dans l'autre, et toutes sortes d'hypothèses semblables, qui ne sont pas compatibles avec les faits bien établis de la science.
Non, la pensée de l'homme est un mystère pour les autres hommes, tant qu'elle ne s'exprime pas par des manifestations extérieures ; et il n'est pas un devineur au monde qui puisse jamais réussir à la connaître, si elle veut garder son secret.
C'est là la prérogative la plus érainente de l'homme, celle qui lui garantit sa liberté intérieure.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
Séance du 12 octobre. — Présidence de M. DoMflirALUCB.
Le procès-verbal de la dernière séance, lu par M. Magnin, secrétaire, est adopté.
M. le président met aux voix l'admission, comme membre titulaire de la Société, de M. le I)' Lajoie, de Nashua [États-Unis], présenté par MM. Giscard et Martinet, et celle de M. le D' Gorodiebze, de Paris, présenté par MM. DumontpaUier et Bértllon. L'admission est votée.
Ensuite M. le président, constatant la présence d'un grand nombre de membres de la Société, enregistre avec plaisir cette assiduité à suivre no» séances. Il pense quelle est du meilleur augure pour les travaux de la Société, qui ne tarde pas à appeler sur ello l'attention méritée du monde scientifiquo.
Sur la nature des phénomènes somatiques dans l'hypnotisme,
Par M. le Dr Auguste TAMBURINI, directeur de l'Institut psychiatrique de Reggio-Emilia.
Parmi les questions qui ont rapport à l'hypnotisme, il y en a une qui est toujours vivement discutée; c'est-à-dire si les phénomènes, nommés toma-tique, de l'hypnose, l'excitabilité neuro-musculaire, les contractures dites léthargiques et somnambuliques, la catalepsie, etc., existent réellement
comme un résultat produit par l'hypnotisme ou bien s'ils ne sont que l'effet de la suggestion.
On sait que lesdeus écoles de Charcot et de Bernheim se combattent arec acharnement sur ce terrain, et chacune des deux écoles pense que la question est déjà définitivement résolue chacune dan» son sens.
En effet, tandis que Bernheim et ceux qui suivent l'école du Nancy nient absolument l'existence des phénomènes, qui seraient caractéristiques des trois périodes décrites par Charcot, et considèrent ainsi le grand hypnotisme comme une création purement artificielle, les autres affirment positivement que seul le grand hypnotisme mérite le nom de scientifique (I).
La confusion engendrée par ce désaccord est d'autant plus grave qu'on le vérifie précisément dans cet ordre de faits, qui, par leur caractère objectif, avaient servi de point de départ à l'élude scientifique de l'hypnotisme; Us avaient même permis à celui-ci d'être admis dans le domaine de la science; et sur lesquels on avait fondé bien des espérances, non seulement pour une exacte monographie de l'hypnotisme, mais encore pour une base solide contre toute possibilité de simulation dans les questions médico-légales.
Plusieurs publications, qui viennent de paraître et qui traitent cette question, soit en défendant les deux doctrines: Bernheim (2), Delbœuf (3), Babinski (4), soit dans le sens de la conciliation : Grasset (5), démontrent l'importance que l'on attache a cette question, qui a été aussi le sujet de discussions assez vives, sans qu'on ait pu arriver à une conclusion quelconque, dans le Congrès international de l'Hypnotisme, à Paris (6).
Ayant eu occasion d'observer, tantôt les faits qui présentaient exactement les caractères décrits par l'école de Charcol, lanlêl d'autres faits qui n'offraient que les phénomènes suggestifs, décrits par Bernheim, je pense pouvoir apporter quelque contribution qui, peut-être, pourrait concourir à résoudre celle question aussi ardue et discutée.
Si de l'ensemble des faits relatés par plusieurs observateurs nous choisissons ceux qui doivent être considérés comme tout à fait caractéristiques des ainsi nommées trois périodes du grand hypnotisme, nous voyons qu'ils se réduisent à des phénomènes de mouvement, puisqu'il est facile de reconnaître que les phénomènes de la sensibilité, et ceux qu'on peut obtenir dan* la sphère psydiique, sont à peu près commun aux trois périodes.
En effet, dans la période dite léthargique, dan* ceUe désignée sous le nom
Richer et Gilles de la Tourette Article : Hypnotisme du Dictionnaire encyeiope-revue. Paris. 1888.
(2) Bernheim. La Suggestion et tei Appi notions. Paris, 1888. (3) Delbœuf. Le Magnétisme animal. Pari*. 1*0.
4) Barinski. Urand et petit Hypnotisme (Arehires de Neurologìe. Janvier et mars, 1889).
(5) Grasset. Leçons sur le grand et le pelil Hypnotisme {Reçue de l'Hypnotisme. Mai «juin ISS).
(6) Premier Congrès International de l'hypnotisme. (Comptes rendus).
de cataleptique et dans la somuanibuliquc, la sensibilité générale est abolie, tandis que dan* les autres sens on remarque une activité partielle, parfois même une augmentation.
Quant i la sphère psychique on observe un eut de suggetiibUUé remarquable, qui varie en raison du degré de l'intensité du sommeil. Au contraire, ce qui différencierait essentiellement les trois périodes, ce sont les phénomènes musculaires, et précisément t'hyperexcitabilité neuro-musculaire de la période léthargique, c'est-à-dire les contractions et les contractures produites par la simple excitation mécanique des muscles et des nerfs qui lui réagissent, comme s'ils étaient stimulés par le courant électrique, la flexibilité de cire des membres dans la période cataleptique, thyperexcitabitité cutanée, c'est-à-dire les contractions et les contractures provoquées par la simple excitation de la peau dans la période somnambuliqite.
Nous avons nettement constaté ces phénomènes de contraction et de catalepsie dans un cas typique d nystéro-épîlepsie, qui a donné lieu à plusieurs de nos communications faites en collaboration avec le Dr Seppilli (I).
Et nous sommes parfaitement convaincus et certains d'avoir obtenu les susdits phénomènes en dehors de toute espèce de suggestion.
Il faut noter eu effet qu'en 1881, lorsque nous avons commencé nos recherches, il n'était pas encore question de suggestion dans la production des phénomènes hypnoliq ues. Nous avions néanmoins pris toutes nos précautions contre quelque chose de plus grave encore que nous redoutions : c'est-à-dire contre la simulation. Lorsque nous avons commencé nos recherches sur l'hypnotisme, nous étions sous l'influence d'une grande dose de scepticisme; nous doutions que le sommeil ne fût complet, et que la conscience fût réellement supprimée. Nous craignions donc à chaque instant que la malade pourrait interpréter, avec l'adresse propre aux hystériques, ce que nous attendions d'elle. Aussi, du commencement à la fin de nos expérieuces, nous avons pris une infinité de précautions pour nous mettre eu garde contre toute espèce possible de duperie, afin que les phénomènes se produisissent dans les conditions de spontanéité la plus absolue; ei une série de contrôles et de vérifications, dont quelques-uns. ceux par exemple pratiques avec l'aimant, nous ont amenés à des résultats importants, aptes à mettre en évidence aussi l'action suggestive (2J.
En outre, la plupart des phénomènes, que nous avons observés et décrits, étaient : 'il nous tout à fait nouveaux et inattendus; quelques-uns même se produisirent, pour la première fois, accidentellement, en dehors de notre
(1) i ». k -i. ; : : • Conlribuzione allojtudUsperimeotale del/îpoosi. 1* cornu-
nicazlone sut •enoiwni di sensodfc moto délia respirufooe c délia eirtulaxione oeil ipnotismo, etc*. - [ItivUta tprrimérdaU di Frtmialria, An do VII, 1«8I. Faseicoli III.) — - 2* eomuniruione auUe fenomeoi di moto lenso d>ll* respirazione e délia circulaxione nelW«a»i kLargica. calaleuica e aooambolica delTipnosi isterica -. (/firute ut Supra Aano'vill. 1*82. Faseicoli III e IV.) „
(Si Tawbvrim r. Ricm. « SuM'Azione délai maanieto « degliagenti tenoici délia ipno»i isterica Milano. 18W.
intervention. Ainsi rimmoW/i/é cataleptique chez l'hy-u-r: ¡ue Gl-zzî, étudiée par moi et M. Seppilli, se vérifia pour la première fois à la suite d'un fort bruit causé par un coup de fusil tiré près la fenêtre du compartiment des femmes de notre asile. Et chez une autre femme hystérique, que j'ai étudiée avec le Dr Guicciardi, dans ce même établissement, nous constatâmes pour la première fois la catalepsie à la suite de 1 application do l'hypuoscope. Ce fut aussi pour nous quelque chose de vraiment imprévu, que de constater les conditions qui supprimaient les différents phénomènes de l'hyperexcita-lion, telle que l'action de l'eau froide et de la chaude, de la glace, de quelques substances narcotiques, par exemple la morphine, le chloral, l*hyosciamine, dont l'action faisait disparaltro lesdîts phénomènes, de la même manière qu'ils disparaissaient par l'action de l'élher et du chloroforme (1J.
Plusieurs auteurs, qui nous ont précédés et suivis dans ces recherches, ont pris les mêmes précautions contre la suggestion. Et nous croyons pouvoir l'affirmer avec certitude pour les plus récents qui ont observé ces mêmes phénomènes, lorsqu'on attribuait déjà à la suggestion la plus grande quantité des faits hypnotiques. Pour oe citer que les auteurs italiens, nous nommerons Gracco (2), Lombroso (3), Vizioli (4); ce dernier, surtout, a eu l'occasion d'observer ces phénomènes, même dans un cas d'hypnotisme spontané, et nullement provoqué.
Parmi les phénomènes somatiques, il y en a d'ailleurs quelques-uns que la suggestion est absolument incapable de provoquer, malgré toutes les tentatives faites, par Delbœuf surtout, et par Bernheim, qui ont cherché en vain de les produire au moyen de la suggestion. Nous parlons de Vhyperexci-labilité neuro-musculaire qui se manifeste par des mouvements nettement localisés, d'après les lois anatomo-physiologiques, dès qu'on excite mécaniquement chacun des muscles ou des nerfs correspondants. Il n'y a pas de suggestion ni consciente, ni inconsciente, qui puisse indiquer les mouvements qui doivent être exécutés, lorsqu'on excite mécaniquement et pour la première fois les muscles abducteurs du fémur, le muscle tibial extérieur, le supinateur long, le triceps extenseur, le carré du menton, le risorius d£ Cantorini, etc., ou bien les branches nerveuses du cubital, du médian, etc. La rapidité avec laquelle se manifestent les contractions et l'intensité qu'elles acquièrent en raison directe de l'énergie de l'excitation provoquée, doivent convaincre tous ceux qui pratiquent ces expériences, de la spontanéité complète et de la nature absolument réflexe desdits phénomènes. Delbœuf a bien cherché à les obtenir par des suggestions verbales assez claires, c'est-à-dire
(1) Tambcuxi e Septilu. > Contribuzioni allo studio dell Ipnotismo -. ?** comunicazione. Keggio, 188«.)
(S) Gnocco. . Ipnotismo e suggestiono {Giornali! di neurologia, 1888. Pascle. IV.)
(3) Lombroso. ¦ L'Ipnotismo come mezzo curativo >. (Giornale Sperimentale. Giugno,
(4) Y moti- ¦ Del morbo Ipnotico (Ipnotismo spontaneo) e della suggestioni >. {Giornale di Neurologia, ls>. Fase. 5" e ©*.) — Idem. - Presentazione di un caso di grande Ipnotismo nel lavori del 1* Congresso di Medicina ¦, interna del 18SS. Milano, 1889.
en suggérant, après chaque excitation, les mouvements qui devaient être exécutés; mais il n'est jamais arrivé & les obtenir complètement ni à les reproduire incomplètement deux fois de suite (1).
Moll qui, dans son ouvrage (2), se montre partisan de l'interprétation suggestive, n'ose pourtant pas se prononcer relativement à riiyperexcitabiîitô neuro-musculaire. Grasset (3) et Babinski (4) ont essayé de modifier, à l'aide de la suggestion, les phénomènes somaliques que les hypnotisées présentaient, ou bien voulurent en provoquer d'autres suggesiivement; mais ce fut toujours sans succès. Les phénomènes somatiques que les hypnotisées présentaient étaient toujours les mêmes, c'est-à-dire permanents et réfractai res à toute suggestion. Nous avons vérifié ces mêmes résultats dans l'état hypnotique de plusieurs de nos femmes hystériques, chez lesquelles les phénomènes, soit somnambuliques, fixes et permanents qu'elles présentaient, n'étaient susceptibles d'aucune modification, par n'importe quel moven employé, telles que les suggestions les plus persistantes. Ce qui prouve qu'il n'est pas exact de dire que chaque expérimentateur puisse toujours se créer des cas à son gré ou moyennant plus ou moins de suggestions voulues; mais que, dans bien des cas, on rencontre des phénomènes, surtout somatiques, fixes, constants et nullement sujets à ressentir aucune influence suggestive.
D'ailleurs, en admettant qu'à force de suggestions répétées, on arriverait à produire tous les phénomènes somaliques dont il est question.il ne serait par cela aucunement prouvé qu'ils soient un effet unique de la suggestion. S'il est possible d'obtenir, au moyen do la suggestion, le vomissement, la diarrhée et même la menstruation (et nous en avons observé un cas typique, car elle se produisait incontestablement par 1 auto-suggestion), à personne il ne viendra l'idée que ces faits soient, par cela, uniquement et constamment des phénomènes suggestifs!
Si nous sommes donc disposés à admettre que, dans beaucoup de cas, quelques-uns des soi-disant phénomènes somatiques puissent avoir été provoqués par voie suggestive, et si nous pouvons encore admettre que, par la répétition prolongée des mêmes phénomènes chez le même individu, il puisse, dans leur production, entrer l'élément suggestif, nous affirmons cependant qu'ils peuvent se produire et qu'ils se sont produits réellement en dehors de toute espèce de suggestion.
Ce qui peut être considéré comme certain, c'est que les phénomènes somatiques dont nous nous occupons, ne se rencontrent que dans un nombre restreint de cas, qui appartiennent tous à la grande hystérie, cl que c'est dans ces seuls cas rares que l'on constate les trois prétendues périodes caractéristiques, avec leurs phénomènes neuro-musculaires spéciaux, qui s'ob-
(1) Pu i.i'/i. Le Magnèlitmt animât. Paris, 1889, p. 33.
(2) Moll. Hypnotisme. Lipsia, 1889, p. 53.
(3> Gbassct. Leçons mr te grand et û petit hypnotisme. L. c. if) Babissei. Grand et petit hypnotisme. L. e.
tiennent avec une espèce de déterminisme phénoméniqtte bien net et constant. Mais, à côté de ces cas peu fréqueuts, quelle innombrable série d autres cas, qui appartiennent aussi à l'hystérie, môme la plus grave, ainsi qu'à d'autres névropathies chez lesquelles, avec l'hypnotisme, on n'obtient aucun des phénomènes susdits, ou bien ils se rencontrent seulement en partie, c'est-à-dire isolés, fractionnés, incomplets, ou bien mixtes, entrelacés, confus de telle façon qu'il est impossible de ne plus rien saisir de cette suite aussi limpide, aussi évidente des périodes établies, comme type de la phénoménologie hypnotique par l'école de Charcot, qui en a fait la base de toute la nosographie de l'hypnotisme.
El quelle autre série sans fin de cas d'individus trouvons-nous, qui n'offrent aucun des stigmates névropalhiques, chez qui nous n'observons pas de phénomènes somatiques signalés, et dont toute la phénoménologie se réduit uniquement au sommeil et à la simple suggestion. Voilà pourquoi, croyons-nous, beaucoup d'observateurs (et nous devons citer en première ligne Bern-heim) nient d'une manière absolue l'existence des phénomènes somatiques de l'hypnotisme, par la seule raison qu'ils ne les ont jamais observés. Car les observations de Bottey (1), qui dit les avoir rencontrés très nettement chez des individus tout à fait sains, ne peuvent être prises en sérieuse considération, car ses assertions sont produites sans faire mention du moindre contrôle expérimental et clinique, et sans démontrer qu'il a pris des précautions contre la suggestion. Nous pouvons adresser le même reproche, comme le fait remarquer Moll, aux recherches entreprises par Heidenhain (2) sur des personnes saines chez lesquelles, du reste, les phénomènes musculaires ne formaient qu'un ensemble symptomatique à série constante, mais ils se manifestaient détachés, fractionnés et variables à l'infini.
Mais si nous admettons que les phénomènes somatiques existent indépendamment de toute influence suggestive dans certains cas de grande hystérie, nous ne pouvons également admettre qu'ils soient de nature à justifier la division nosographique admise par l'école de Charcot, des trois périodes du grand hypnotisme, qui ne constitueraient pas seulement des divers phénomènes d'un même état nerveux, mais représenteraient, pour me servir des mêmes expressions de Charcot, une série d'états différents les uns des autres, pourvus chacun d'une symptomatologie propre (3).
Nous avons été les premiers à élever la voix contre cette théorie lorsque, en lt*82, dans notre Communication, en commun avec le Dr Seppili (4), nous avons cherché à prouver que les phénomènes qui caractérisent les dites
(1) Bottev. Le Magnétisme animal, étude critique et expérimentale sur l'hypnotisme. Paris. 1881 (ï) Uudrnhai*. Die sogemente thieritche Magnetûmus. Leipsig, 1880.
(3) C ha «cor. • Essai d'une distinction nosographique des divers «als nerveux compris sous le nom d'hypnotisme >. {Comptes rendus de l'Académie des Sciences. 1883.)
(4) Tahbcrim e Seppiuj. — Conlribuzione alto studio delf Ipnotismo, 3*1 communica-zione. pay. 19.
périodes d'une manière apparente, ne justifient point leur distinction noso-grapbique nette el precise ; parce que, au contraire, ils ue vont qu'une manifestation différente d'un eut unique, c'est-à-dire de VexcilabUité augmentée des centres nerveux, et que la variété des dites manifestations est déterminée uniquement de la nature différente, de l'intensité et de la durée des excitations employées pour les produire.
Or, le* études que nous avons faites depuis, dans ces dernières années, ainsi que celles d'autres auteurs, continuent de plus en plus notre manière de voir. Tous les auteurs sont aujourd'hui d'accord pour reconnaître que, si l'on peut admettre quelque fait général qui soit commun à tous ou presque à tous les cas d'hypnotisme, surtout chez les hystériques, c'est bien celui-ci, que les manœuvres hypnotiques produisent une augmentation de l'excitabilité réflexe, dans laquelle la suggestüntité peut aussi rentrer, car elle n'est en dernière analyse, qu'une plus grande facilité à la production des réflexes psychiques.
De même, les phénomènes musculaires qui, d'après l'école de Charcot, seraient les seuls vraiment caractéristiques et distinctifs des trois périodes léthargique, cataleptique et somnambulique {puisque les phénomènes sensoriels et psychiques sont à peu près communs aux trois périodes), el qui, précisément par leur objectivité, auraient seuls une grande valeur nosogra-phique et médico-légale, ne se produisent pas spontanément, mais ils sont provoqués par des stimulations différentes qui, loin de produire des états nouveauz et tout particuliers, ne servent qu'à mettre en jeu l'excitabilité réflexe exagérée. En effet, pour produire dans la période léthargique (qui n'est eu réalité pour nous qu'un sommeil profond avec relâchement total des membres, et que nous considérons comme l'unique et véritable état fondamental de l'hypnotisme) le phénomène de Vhyperexcilabitité neuro-musculaire, je veux dire les contractions et les contractures, on procède à une excitation mécanique sur les muscles, sur les tendons et sur les nerfs, provoquant ainsi les contractions des muscle» ou des faisceaux musculaires, aussi bien que les mouvements correspondants, d'après les lois physiologiques.
Et si l'excitation mécanique que l'on fait agir sur les muscles et sur les nerfs est faible et fugace, la contraction musculaire sera de même faible et fugace, à l'instar d'une contraction etotenique ; si, au contraire, elle est lorie et prolongée, nous aurons une contraction forte et prolongée sous la forme d'une vraie contracture; si enfin la durée et l'intensité de la stimulation augmente encore, elle se manifeste et s'étend sur d'autres faisceaux de muscles, produisant une contracture toujours plus étendue (1). Ce phénomène n'est donc évidemment qu'une manifestation de l'excitabilité réflexe neuro-musculaire exagérée, manifestation qui est en proportion de l'intensité et de la durée des moyens ou des stimulants que nous employons.
Comment provoque-l-on le passage de la période léthargique à la période cataleptique? On se sert d'ordinaire des stimulations surtout lumineuses.
(I) Tambctum o Sfppîlu, loc. cit.
mais aussi acoustiques ou tactiles, plutôt faibles, mais qui agissent d'une manière prolongée; par exemple l'action de la lumière sur les yeux ouverts, la vibration du diapason près des oreilles, le chatouillement prolongé de la peau. Sous l'action de ces excitations, on remarque la flexibilitécerea des membres, qui conservent les positions qu'on leur imprime, flexibilité qui persiste autant que dure l'action des stimulants, et, lorsque celte action cesse, le patient retombe dans l'état léthargique.
Or, peut-on dire que cet étal nerveux est véritablement nouveau et distinct? N'est-ce pas plutôt l'effet de la nouvelle stimulation employée et qui lui est proportionnée? Dans ce cas, en effet, on a fait agir sur les centres nerveux, par une voie ou i«ar une autre, une excitation faible, mais prolongée, et l'on, a obtenu, comme effet réflexe, une faible contracture générait des muscles dans laquelle, selon Ch. Michel et la plupart des physiologistes, consiste la catalepsie.
Si l'excitation, au lieu d'être médiocre, est très intense, comme par exemple le bruit du tam-tam, la lumière du magnésium ou une forte pression exercée sur une partie du corps, on obtient aussi l'immobilité cataleptique; mais à la place de la flexibilité cerea, on a une forte contracture et une rigidité générale qui persiste autant que dure l'action du stimulant. Ce qui veut dire qu'aux stimulants forts et prolongés répond une réaction musculaire intense et prolongée.
Ici encore il ne s'agit pas d'un état nerveux nouveau et distinct, mais plutôt de simples manifestations musculaires par excitabilité réflexe exagérée, manifestations qui durent autant que durent les excitants employés et qui sont proportionnées dans leur intensité à l'intensité de ceux-ci.
Finalement, dans la période dite somnambulique, qu'on provoque généralement par la pression faite sur le sommet de la tète, on observe un élit de médiocre contracture générale (résistance des membres quand on veut les mouvoir ou les plier), état qu'on doit considérer comme provoqué par l'excitation mécanique assez intense qu'on emploie. Et pour ce qui concerne le phénomène qui serait caractéristique de cette période, Y/iyperexcitabUilé culano~musculaire (la contracture des muscles lorsqu'on excite légèrement la peau qui les couvre), si nous considérons attentivement le mécanisme qui le produit, on verra que l'excitation cutanée locale ne fait qu'élever à un plus lu.ut degré dans les muscles correspondants la contracture, qui était déjà généralement répandue par l'action de la première excitation employée. Par conséquent, nous ne voyons pas ici non plus un état nerveux spécial, mais seulement une nouvelle manifestation de l'excitabilité réflexe, et provoquée par les stimulations spéciales employées. Ceci prouve que, dans tous ces phénomènes des prétendues trois périodes (qui se réduisent en résumé à des manifestations différentes de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire', on ne relève pas des caractères tels qu'on puisse constituer autant d'éiais nerveux spéciaux et distinctifs, mais nous voyons seulement les effets de l'action des divers stimulants employés sur l'excitabilité réflexe augmentée, effets qui
varient, nou pas en raison dea périodes, mais selon la nature, la durée, l'intensité et le moyen d'application des stimulants eux-mêmes.
Et qu'il en soit ainsi, et que ces phénomènes des trois périodes n'aient pas la valeur des caractères nosograpbiques dislinclifs d'étals nerveux complètement différents, nous en avons la preuve dans le fait que nous avons constaté ainsi que plusieurs observateurs, fidèles partisans de l'école de la Salpêlrière, tels que Magnin (1), Gilles de la Tourelle (2} et Richer (3) lui-même, qui l'ont aussi observé et décrit, c'est-à-dire que ces phénomènes spéciaux, dont chacun serait caractéristique d'une seule des Irois périodes, se rencontrent, au contraire, dans beaucoup de cas, qui sont néanmoins assez typiques, du grand hypnotisme, mixtea dans les différentes périodes, et qu'on peut, même, les observer indifféremment dans n'importe quelle période. Ainsi, la contracture dite somnambulique a été rencontrée dans l'état léthargique aussi bien que dans le cataleptique, et llryperexcitabilité neuro-musculaire de l'élat léthargique a été aussi observée dans l'étal somnambulique et dans l'état cataleptique [Gilles] (4) ; et Richer a été obligé de créer une periodo intermédiaire qu'il nomme cataleptiforme, qui réunit, d'après lui, les phénomènes de la période léthargique et de la période cataleptique. Et si l'on doit juger de la fréquence avec laquelle Dumonipallier, Magnin. Bcrillon, Cullerre, Richel et Marina, Silva Rainaldi ont trouvé ces étals mixtes dans des cas du grand hypnotisme on doit penser que le mélange de ces phénomènes somatiques, dans les différentes périodes, est plutôt la règle que l'exception. Si nous ajoutons encore la fréquence avec laquelle on rencontre aussi dans la grande hystérie les manifestations hypnotiques seulement sous la forme cataleptique, ou seulement de somnambulisme, ou seulement d'état léthargique, avec ses propres phénomènes somatiques plus ou moins nets et distincts, il en résulte, à noire avis assez bien démontré, qu'il n'est pas possible d'établir une distinction nosographique des différentes périodes de l'hypnotisme sur les dits phénomènes, mais qu'ils ne sont que des manifestations provoquées par la condition unique, caractéristique de l'état hypnotique, surtout dans la grande hystérie, qui esl l'excitabilité réflexe exagérée, dont les manifesta lions peuvent varier pour ainsi dire à l'inûni, par lo degré de l'excitabilité elle-même et selon la variété infinie de la nature, de l'intensité, de la durée et des applications des stimulants employés pour la mettre en jeu.
Hais ces phénomènes somatiques, non seulement ne sont pas caractéristiques, comme on l'a cru, des diverses périodes de l'hypnotisme, ne justifiant pas, par conséquent, la description classique du grand hypnotisme, donnée par Charco t, qui se fondait sur eux essenliellemonl, mais ils ne sont pas mime caractéristiques de l'état hypnolûpie lui-même.
• (1) Mus». Élude critique et expértmesUtüe nr rkypnotisme; Paria, paf. 40
et soir.
(î) «iiLLiv in. :.k Twirette. L'hypnotisme et tes états analogues; Paris, 1S87. (S) fumes. Études cliniques sur Chuttéro-epilepsie; Paris, pag. W4.
(1) UlLltS bt la ToCHETO", luC. Cit.
Ea effet, nous les vérifions, en dehors de l'hypnotisme, dans Vêlai de veille [et ce fait, nous avons encore été les premiers à le démontrer chez l'hystérique Gozzi, que j'ai étudiée avec le Dr Seppilli; nous avons constaté Yhijperexcitabililé neuro-musculaire sons l'influence du stimulant mécanique direct : l'hyperexcitabilité cutano-musculaire, la contraction musculaire paradoxale dans l'état de veille. Et chez notre hystérique, aussi bien que chez beaucoup des autres observée* à la Salpêirière, le même élat de rigidité cataleptique qu'on obtient dans l'état hypnotique lorsque, pendant la période dite léthargique, on fait agir un stimulant très énergique, comme le son du tam-tam; il est provoqué, de même, lorsqu'on le fait agir en plein élat de veille.
Brissaud et Richet (1) avaient aussi remarqué chez une hystérique, pendant la veille, un état des muscles analogue a celui de l'hypnose, soit un état intermédiaire entre la catalepsie et la contracture.
Charcot et Richer (2) constatèrent que les contractures des hystériques à rétat de veille présentent des modalités cliniques, qui correspondent aux diverses variétés qu'on observe pendant les périodes léthargiques et cataleptiques de l'hypnotisme. Magnin relate plusieurs cas de grande hystérie, où l'on vérifiait, a l'état de veille, une hyperexcîtabilité neuro-musculaire telle que l'on était amené, dit-il. à penser qu'il n'y a pas d'instrument physique capable de ressentir des influences aussi faibles que les stimulants qu'il employait.
Charcot, lui-môme, cite plusieurs cas analogues. Chez l'hystérique M..., il a constaté, pendant la veille, Vhyperexcitabilité mécanique des nerfs et
des muscles. Chez une autre, au contraire, G......la contracture dite som-
nambulique (3); chez Witt..., qui fut une des huit ou dix hystériques sur lesquelles on a fondé le tableau nosographique du grand hypnotisme, on vérifie aussi, pendant la veille, une hyperexcùabilité neuro-musculaire exquise, la contracurc paradoxe et les contractures provocables dans les muscles mêmes du visage (4). Une autre hystérique, Maldine, dont le cas est signalé dans les Lesionî, recueillies par le 1> Melotti, offrait à l'état de veille, les deux contractures : la léthargique et la somnambulique; et, de mémo dans les cas d'hystérie chez un homme (5). Il y a plus encore : Charcot nous cite un cas où il a vérifié, chez la femme hystérique Ilabillon, à l'état de vetlle, l'existence de tous les phénomènes neuro-musculaires des diverses périodes de l'hypnotisme, c'est-à-dire les contractions et les contractures par excitation mécanique, sur les muscles, sur les tendons et sur les
(I) Bauwni rt Richet. — Fait* pour servir à i'hUtoire des contre turrt Iproart» Médical. ouiiH-ros 19. tt, U). 1889.
(i) Ciawot et Kicher. — DialhHc de contracture chez les hyslérioirs iïociïU' de Biologie. 15 dôe«-mbre 1889).
(3) Crakcot. £t»JMf cliniche suite malattie del syttcma aerroiu vchille ial i»* ii. Mi* uoTTi. Paires 15 e 16. (•i) Ciarcot et Miuotti. — Loc. cit. Pages |ï et 18. (5) Ouvrage dté. — Leçons de Charcot.
nerfs (contracture léthargique), Fimmobilité cataleptique des extrémités, placées dans les positions les plus variées, et la contracture somnambulique par légères excitations cutanées.
Les mêmes cas ont été observés et enregistrés par Silva (I), par Richer (2), par Ladame (3}, par Janet (k) et Marina (5). Et Brissaud et Richet ont observé la facilité avec laquelle se produisent les contractures pendant la veille, chez presque tous les hystériques qui ont servi, à la Salpètrière, aux premières recherches sur l'hypnotisme (6). Il est même désormais admis que la facilité avec laquelle on provoque les contractures dans la veille, avec des moyens simples, tels que la pression sur les troncs nerveux, le massage des muscles, l'application du diapason, qui vibre sous la peau, la diathèse, dite contractu-rale, constitue l'un des signes typiques du grand hypnotisme.
Ces phénomènes somatîques ne sont donc pas propres du grand hypnotisme, car on les observe aussi pendant la veille, et, même dans celle-ci. on a pu les observer dans la plupart des cas où on les rencontrait dans l'hypnose.
Maintenant, si lesdits phénomènes somatiques de l'hypnotisme se présentent indubitablement et d'une façon tout à fait indépendante d'une suggestion quelconque, et seulement dans un nombre assez restreint de cas de grande hystérie, s'ils ne sont pas de nature à justifier la division nosogra-phique des trois périodes du grand hypnotisme, puisque nous les observons dans un nombre assez grand de cas pendant la veille, que sont-ils donc? On peut facilement deviner quelle est notre conclusion nécessaire. Puisqu'on les vérifie seulement dans un nombre très restreint de cas de grande hystérie, dans la plupart desquels on les rencontre aussi à l'état de veille, cela veut dire nécessairement que, lorsque ces phénomènes se présentent, ils n'appartiennent pas à l'hypnotisme, mais ils préexistent et appartiennent à l'hystérie, comme autant de stigmates hystériques. Et que, soit ainsi, le prouvent non seulement les raisons qui précèdent, mais aussi les faits et les considé-dérations suivantes :
{• Si ces phénomènes étaient propres à l'hypnotisme, ils devraient se manifester constamment, ou du moins, s'ils étaient propres seulement au grand hypnotisme des hystériques, ils devraient se vérifier dans l'hypnose, pour le moins dans tous les cas de grande hystérie; mais il n'en est rien. A l'exception de cas peu nombreux de grande hystérie, on ne les obtient pas, ou, si l'on parvient â les obtenir, ce n'est que d'une manière très imparfaite et fractionnée.
(i) Silva. Ipnotismo come agente terapeutico (Manuale de rinedj nuoci, e nuovi meto-H di cura). — Milano. 1889. (Î) Ri : ... Eludei clinùjues sur Vhyitero-épileptie', page 771.
(3) Ladane. Revue de Suisse flamande. 1881.
(4) P. Jaset. L'A utomatitnur psychologique. — Paris, 1SS9. Page 71.
(5) Marina, fléaction des nerfs et des musetti aux eicilationi étectriquet chez une femme qui présentait ta phénomène! hypnotiques perniimi Celai de ceitte. — Reazione dei nevri ecc. Revista sperimentale Freniatria. — Vol. XIII. 1887.
(6) B rissaci et Richet. L. c. Page 48.
2° Dans certains cas, quelques phénomènes somatiques ne s obtiennent, dans l'hypnotisme, pas avant que ces phénomènes ne soient entrés à faire partie spontanément du cadre phénomënique de l'hystériet comme chez la malade citée par Babinski (1), chez laquelle, pendaut l'hypnose, il n'y eut pas moyen d'obtenir la catalepsie, malgré les manœuvres de toutes sortes tentées, jusqu'au jour où la malade, étant à l'étal de veille, tomba en catalepsie spontanément, à la suite d'un coup violent et inattendu de tam-tam, et à partir de ce jour les phénomènes cataleptiques se vérifient aussi dans l'hypnose.
3° Les phénomènes généraux (vraiment essentiels) de la léthargie, de la catalepsie et du somnambulisme peuvent s'observer, soit séparés, soit réunis, se déroulant successivement, simplement, comme de véritables et propres manifestations hystériques. Ainsi on observe assez souvent que l'accès hystérique se manifeste sous la forme seulement d'une attaque léthargique, caractérisée par un sommeil plus ou moins profond, avec aneslhésîe, relâchement des membres, et quelquefois même accompagné du phénomène de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire, comme dans le cas cité par Richer (2). Les accès hystériques sous la forme de catalepsie ou de somnambulisme sont assez fréquents et bien connus. Et dans le cas de maladie hypnotique (morbo ipnolico) décrite par Vizioli, l'accès hystérique se manifestait précisément par une attaque spontanée d'hypnotisme pendant laquelle on remarquait, avec une succession assez régulière, les périodes léthargique, cataleptique et somnambulique, bien caractérisées par leurs principaux phénomènes.
4° L'hypnotisme, dans beaucoup de cas. ne fait que reproduire les phénomènes de raccès hystérique auquel est sujet le malade. Ainsi les cas ne sont pas rares dans lesquels les manœuvres hypnotiques provoquent l'attaque convulsive au lieu de l'état hypnotique. Dans un cas d'accès hystérique caractérisé par une attaque de sommeil léthargique profond que nous étudions à présent, les manœuvres hypnotiques ne servent qu'à reproduire l'attaque de léthargie. Dans un autre cas que j'ai observé avec le Dr Algeri et dans lequel la manifestation hystérique était caractérisée par des attaques de somnambulisme, ces attaques étaient exactement reproduites, avec tous leurs phénomènes, par des manœuvres hypnotiques. Dans les cas observés et cités par Richer (3) dattaques hystériques sous forme de catalepsie, celle-ci se reproduisait immédiatement à l'aide des plus simples manœuvres hvpno-tiques. Dans deux cas observés par nous dans lesquels l'attaque hystérique se manifestait sous laforme de cetétat psychique particulier qu'on est convenu d'appeler seconde condition, au moyen de l'hypnotisme, on reproduisait seul et exact le même état. Ce fait a déjà, d'autre part, été mis en évidence par Grasset (4), qui a bien distingué un groupe particulier d'hystériques hypno-
(1) Babuski. Grand et petit hypnotisme; Archives de névrolotie, 1883, pac. 26.
(2) Ricaia, loc. cit., pag. 262. (31 lt:ciiLR. loc. cit., pag. 262.
(4)^ Grasset. Histoire d'une hystérique hypnotîsable; Archives de névrologie, 1887,
Usablcs qui, dans leur sommeil provoqué, reproduisent simplement et fidèlement dans tous leurs traits leurs attaques spontanées d'hystérie antérieures.
Tous ces faits dous prouvent donc que, dans certains cas de grande bvs-lérie, les manifestations hypnotiques et les manifestations hystériques ne tout qu'une seule et même chose; que dans les dits cas rhypnotxsme ne fait que reproduire nettement et uniquement les manifestations de l'hystérie. De même les phénomènes somaliques. surtout ITryperexcitabilité, la contracture, etc., etc., qui, dans la plupart des cas, se rencontrent dans la veille comme stigmates hystériques, reparaissent dans l'hypnotisme uniquement manifestations propres de l'hystérie et nullement de l'hypnotisme, c'est-à-dire comme manifestations de l'excitabilité réflexe augmentée, qui constitue la condition propre, essentielle de l'hystérie dans ses formes les plus graves.
Mais pourquoi, nous dira-t-on, dans la majeure partie des cas, l'hypnotisme seul a mis en évidence ces phénomènes d'une façon telle qu'il nous a fait croire qu'ils ont été uniquement provoqués par lui. Cela peut dépendre :
1« Soit parce qu'ils ont été cherchés seulement dans l'état hypnotique, ou, pour mieux dire, parce que seulement alors ont été mises en jeu les excitations (mécaniques, lumineuses, acoustiques, etc.) capables de les mettre en évidence, comme il nous est arrivé en étudiant notre hystérique, chez laquelle bous ne nous sommes aperçus qu'après les avoir constatés dans l'hypnotisme, qu'on les remarquait aussi pendant la veille.
2° Ou bien parce que dans l'étal hypnotique, l'excitabilité réflexe étant toujours plus ou moins augmentée (el elle est de soi-même déjà élevée dans ces cas), on réussit mieux à les mettre en évidence.
3* Ou bien, enfin, parce que l'hypnotisme, ou les manœuvres dont on se sert pour le provoquer, font, dans certains cas, les fonctions d'agent provocateur des manifestations hystériques, lesquels peuvent être latentes, agissant, pour ainsi dire, à la manière des trauma ou d'autres moyens, par l'action desquels les diathèses hystériques latentes deviennent évidentes (1).
Pour nous donc l'hypnotisme, dans les cas même de grande hystérie, no constitue jamais une névrose par elle-même (comme le veut l'école de Charcol), mais il ne fait, dans ces cas, que mettre en évidence des phénomènes pathologiques de l'hystérie, qui se réduisent tous dans les manifestations de l'excitabilité réflexe exagérée ; phénomènes qui, ou préexistent (dans la veille même), ou sont chez le malade à tétat latent.
L'hypnotisme, par conséquent, ne représente qu'un réactif exquis capable de mettre en évidence les stigmates les plus caches de fhystérie (et aussi, pourrions-nous ajouter, les moins fréquents), parmi lesquels on doit certainement placer rhyperexcitabilité neuro-muscidaire. Dans toutes ses formes variées, c'est-à-dire la faculté des nerfs cl des muscles de réagir sous l'in-
(I) G. Gnsox. Les Agents provocateurs de fhysttrîe, Paris 1889.
fluence des excitations mécaniques ou des stimulants sensoriels en général, comme lorsqu'on les excite avec le courant électrique.
Chez les individus qui ne présentent pas les phénomènes de l'hystérie, ni en action, ni à l'état latent, et. d'autant plus, chez les individus qui ne sont pas hystériques et qui sont parfaitement sains, lesdits phénomènes ne s'oblienneni pas parce qu'ils ne préexistent point; c'est-à-dire que le haut degré d'excitabilité réflexe ne préexiste pas, condition première pour qu'ils se produisent : et dans ces cas, ni les manœuvres méthodiques (en se mettant dans des conditions ideutiques d'expérimentation), comme le prescrit Charcot et son école, ni la suggestion elle-même, ne sont aptes à les produire, comme il est arrivé à plusieurs observateurs qui nient, par conséquent, l'existence absolue de tels phénomènes.
Ceci prouve encore combien la prétention d'établir un cadre nosographique typique de fhypnotisme est erronée, surtout en l'établissant sur les résultats de l'hypnotisme chez des hystériques. Les phénomènes qui se vérifient dans l'hypnotisme peuvent varier à l'infini selon les sujets, c'est-à-dire selon qu'il s'agit de grande hystérie ou des formes variées et frustes d'hystérie, accompagnées de leurs innombrables manifestations, ou bien d'autres neuro-paihies ou d'autres maladies, ou, enfin, d'individus sains et robustes. Dans ce dernier cas (ci dans celui-ci seulement), on aura les phénomènes vrais, simples, nets, naturels du pur sommeil hypnotique. Dans les autres cas, à mesure que l'on remonte l'échelle des maladies et que l'on va des formes les plus légères aux formes les plus graves de l'hystérie, le cadre des phénomènes hypnotiques se complique, non, certes, par lui-même, mais par tout ce que la condition morbide préexistante y ajoute et y intercale, dont les manifestations diverses sont mises en évidence par l'hypnotisme.
La division aussi en grand et petit hypnotisme n'est pas justifiée non plus, car, non seulement la distinction nosographique des périodes, par laquelle le premier serait caractérisé, ne correspond pas à la réalité des faits, mais nous devons admettre que l'hypnotisme en lui-même, comme sommeil artificiel et comme effet des pratiques mises en œuvre pour provoquer le sommeil, doit être un seul, doué de caractères très simples et constants. Lesquels caractères, à notre avis, doivent être réduits à deux : une certaine augmentation de l'excitabilité réflexe et une augmentation, d'ordinaire notable, de la suggestibilité; celle-ci du reste pouvant, comme nous l'avons déjà dit, rentrer dans l'autre comme ensemble produisent l'état d'automatisme, qui est caractéristique de l'hypnose. Tandis que tes innombrables formes, que l'hypnotisme revêt en apparence dans chacun des cas divers, ne sont produites (à l'exception des degrés possibles de sommeil) que de tout ce que les conditions pathologiques préexistantes spontanément ou la suggestion artificiellement peuvent y superposer.
Cette conception explique les rapports intimes entre l'hystérie et l'hypnotisme, rapports qui ont déjà été reconnus par divers neurologis tes, tels que Ri che t, Vizioli, Babinski et Charcot lui-même, comme étant deux
faits de nature presque identique, sans pour cela qu'ils eussent réussi à expliquer l'hypnotisme des individus non hystériques et des individus sains, comme aussi les grandes différences que présentait l'hypnotisme dans ces derniers.
Par conséquent, l'hypnotisme ne doit pas être cousidéré comme un état pathologique ; il n'a ni le mérite, ni la faute dans la production de ces phénomènes merveilleux et graves qu'on a voulu lui attribuer, c'est-à-dire de constituer une névrose expérimentale, puisque l'hypnotisme n'est pas à même de produire lesdits phénomènes, s'ils ne préexistent pas déjà par la condition morbide.
Et c'est une grande erreur que de croire qu'on pourrait instituer un cadre phénoménique typique de l'hypnotisme sur l'observation faite chez les hystériques comme sur le terrain le plus adapté à cela. En effet, si l'hystérie peut offrir dans plusieurs cas une condition favorable pour obtenir plus facilement l'hypnose, et surtout les phénomènes psychologiques du somnambulisme, il ne présente pourtant pas le terrain propice sur lequel on puisse étudier les effets physiologiques nets de Chypnotisme pur et simple, puisque l'hystérie, en y mêlant ses propres phénomènes pathologiques qui peuvent être variés, trouble et confond le véritable cadre phénoménique engendrant ainsi cette confusion et ces divergences d'idées manifestées jusqu'à ce jour par les différentes écoles hypnotiques, lesquelles ont eu le tort, à mon avis, ou de nier d'une manière absolue tont ce qu'elles n'avaient pas observé par elles-mêmes ou bien d'établir comme absolue et exclusive une nosographie de l'hypnotisme, dans laquelle la majeure partie des phénomènes n'est pas due à l'hypnotisme.
Il est enfin juste d'observer qu'il est arrivé pour l'étude objective et expérimentale de l'hypnotisme, ce qui se vérifie souvent dans les recherches scientifiques en général, c'est-à-dire, qu'en cherchant des faits relatifs et on certain ordre de phénomènes on en découvre d'autres relatifs à un autre ordre et auxquels on ne s'y attendait pas. C'est ce qui cal arrivé à l'école de la Salpètrière. Ayant remarqué dans l'hypnotisme les phénomènes singuliers des diverses formes d'hyper excitabilité neuro-musculaire, culano-musculaire, etc., elle a cru que ceux-ci étaient les vrais et les plus impoi-tants phénomènes objectifs, spéciaux, caractéristiques même, de l'hypnotisme; et sur ceux-là, elle a fondé sa nouvelle description nosographique de la forme, considérée typique d'un grand hypnotisme; poussant sa conviction jusqu'à soutenir qu'en dehors de lui il n'y a qu'un hypnotisme fruste ou simulé.
Or, les recherches multipliées, la comparaison des observations, l'évaluation pondérée et exempte de passion, non pas d'un seul ordre de faits, mais de tous les phénomènes ensemble, et dans leurs manifestations variées, nous portent à conclure que lesdits phénomènes d'hyperexcitabilité neuro-musculaire ne sont pas propres et caractéristiques de l'hypnotisme, mais qu'ils appartiennent seulement à l'hystérie, dont ils représentent, quoique rares,
autant de phénomènes séméiologiques, auparavant inconnus. Ainsi, l'école de la Salpétrièrc, qui croyait avoir découvert des symptômes paihogno-moniques de cette supposée grande névrose expérimentale qui serait l'hypnotisme, se trouve au contraire avoir le mérite, non certes moins grand ni moins enviable, d'avoir fait connaître de nouveaux et plus délicats stigmates de ta névrose hystérique. Et c'est à M. Charcoi que revient tout le mérite de cette découverte, mérite qu'il peut ajouter à tant d'autres litres à la reconnaissance que loi doit cette science qu'il a tant contribué à développer et coordonner : la neuropathologie.
L'Alcoolisme et son traitement par la suggestion hypnotique.
Par le D- LLOYD-TUCKEY
Le travail de M. Lloyd-Turkey contient dix observations (1) très intéressantes qui se terminent par les conclusions suivantes :
i» Je conclus que l'hypnotisme est réellement un agent d'une trê/grande valeur dans le traitement de l'alcoolisme, et que c'est avec juste raison qu'on l'essaie dans tous les cas qui ont résisté à la simple suggestion.
2° 11 agît en augmentant jusqu'à un degré extraordinaire la susceptibilité à la suggestion, et la capacité du malade de réagir sur son impression.
3' Qu'il réussit surtout dans les cas d'ivrognerie acquise sans prédisposition héréditaire, quand le malade a le désir d'être guéri, mais manque de la force de volonté nécessaire pour que ses efforts soient couronnés de succès.
4° Quoique, en règle générale, plus l'état d'hypnotisme produit est profond, plus énergique aussi est l'effet de la suggestion, il ne s'ensuit pas nécessairement que des somnambules seront ramenés à la sobriété d'une façon durable, ou que les personnes qui ne dormiront que légèrement ne tireront aucun profit du traitement. Le résultat dépend de la constitution, du tempérament, de la docilité aux suggestions, aussi bien que du degré de profondeur du sommeil.
5° Qu'un traitement suivi est n.-ce-saire, et que, dans les premiers jours, on doit surveiller de près les malades.
6° Qu'une rechute diminue les chances de guérison, parce qu'elle affaiblit la confiance du malade dans le traitement, et que la suggestion ne réussit pas à ramener une entière conviction.
7°" Que l'on ne doit pas considérer un malade comme guéri, s'il ne s'est pas écoulé au moins une année sans rechute.
(1) Ces observations seront publiées in ejtento dans I? prochain numéro de la Htvus de l'Hypnotisme.
revue bibliographique
Corval. — Zur Suggestiv-Thérapie., in Therap. Monatûefte, sept. 1889.
Corval. — Suggestiv-Thérapie., in Real-Encyclopédie der gesammlen Heilkunde. 2> AuÛage. Heransgeber : Prof. Dr Albbbt Eulenbosq in Berlin, 1s90.
Le Dr H. van Corval, médecin principal d'état-major de l'arméee hadoisc, retiré do service après la guerre de 1870, s'est voué depuis au traitement des maladies nerveuses. Il a, depuis quelques années, élu résidence à Bade-Bade, où i! a su se faire une clientèle très sérieuse. Homme de science, doublé d'un praticien accompli, se donnant en entier à ses malades et toujours aux aguets des nouvelles conquêtes dans le domaine do l'art de guérir, notre confrère n'a pu rester étranger à la thérapie suggestive. Après avoir étudié la littérature, déjà si étendue traitant de l'hypnoti*me et de la suggestion, il s'est rendu à Stockolm, près do Df Wcttcrstrand, pour s'initier à la méthode, et est devenu depuis un des plus vaillants défenseurs de l'application systématique de la suggestion en thérapie.
Dans un premier article très bien écrit, paru en 1ss9 dans les « Tlierapeu-tische Monalthefte, le Dr von Corval rend compte de son expérience personnelle dans le traitement d'un grand nombre de maladies nerveuses. C'est à lui que le professeur Dr Albert Eulcnburg, l'auteur du grand dictionnaire de médecine et de chirurgie : « Real Encyclopâdie der gesammlen Heilkunde » a confié la rédaction de l'article « Suggestiv-Thérapie » pour la seconde édition de son encyclopédie.
Le choix du titre : thérapie suggestive, dit l'autour, indique tacitement que nous sommes partisane de l'École de Nan??. En effet, nous rapportons, avec la très grande majorité des médecins qui pratiquent l'hypnotisme, tous les phénomènes de l'hypnose à la suggestion. Celles du soi-disant grand hypnotisme ne sont que des effets de suggestion conscientes ou inconscientes.
M. Von Corval se range du côté des auteurs (Hack Tuke, van Renterghem, van Eeden , ayant proposé d'abandonner l'expression mal définie d'hypnotisme et de la remplacer, là où il s'agit de s'en servir dans le traitement des malades, du nom de psychothérapie, ou bien, si l'on veut, de psychothérapie suggestive. On évite, de ceue manière, tout malentendu, et on déclare ainsi pertinemment qu'on n'entend exercer qu'une influence sur l'organe psychique et par là secondairement sur les fonctions du corps ; on pourra obtenir cette influence de différentes manières; toute* sont permises, pourvu qu'elles ne puissent nuire au malade. Dans une notice très abrégée, l'auteur fait ressortir que la suggestion a été de tous les temps et do tous les peuples, et qu'elle agit parfaitement en dehors de tout sommeil. L'élément suggestif figure dans toutes les médications; aussi, tout médecin est psycoothérapeute à son heure et à son insu. Toute personne est sugpestible, mais sa suggestiblilité est loin d'être toujours assea développée. Il importe au médecin de rendre son sujet suffisamment snggestible dans le sens voulu, de savoir éliminer ou combattre l'auto-suggestion quand celle-ci est en opposition, et d'en profiter quand elle concorde avec la suggestion thé-rapeuthique. L'autour, se basant sur l'expérience reconnue de Liébeault, Ber-nheim. Aujr. Voisin. Bérillon, Forel, von Kraft-Ebing, Hirt, Hall, von Scbrenck Xotzîng, Wetterslrand, etc., etc., mai* encore sur la sienne propre, émet l'avis que la thérapie suggestive n'est pas, dans son application, une chose si simple que voudrait le faire croire le professeur Ewald, de Berlin; loin de pouvoir confier la suggestion au premrcr venu, aux pâtres, etc., elle doit rester dans les mains
de médecins expérimentes et consciencieux. N'est pas piychothérapeute qui le veut
Il faut, pour bien manier la suggestion, avoir d'abord nn tact spécial, de U routine; il faut aussi être bon médecin, bon observateur, posséder dei connais, sances suffisantes en psychiatrie, être psychologue, et enfin être muni d'une patience et d'une persévérance à toute épreuve.
Le D' von Corval donne, dans son travail, un aperçu concis et très Juste de la matière qui ne manquera pas d'attirer l'attention des médecins allemands et de leur ouvrir les yeux sur les avantages réels de la nouvelle méthode thérapeutique. La suggestion, dit-il en terminant, n'est pas une panacée, mais on l'appliquera dans nombre de cas qui ont résiste aux autres méthodes thérapeutiques. Il conclut que le médecin n'a pas seulement le droit, mais qu'il est obligé de ne pas priver son malade des bénéfices réels que peut lui procurer la méthode sug-
gestive. Dr A. w van Renterghem.
Amsterdam. 4 septembre 1891
CHRONIQUE ET CORRESPOiNDANCE
Société d'hypnologie. La Société d'hypnologie se réunira le lundi 9 novembre, a quatre heures, au palais des Sociétés savantes, 23, rue Serpente, sons la présidence de M. le LV Dumo m pal lier :
obdri du jour :
t* Dutfoxtpallieb : De l'action de la suggestion dans le travail de l'accouchement : un cas d'accouchement sans douleurs. 2* Bbrillon etGt'KBiN : Des faux témoignages suggérés. 3* A. Voisin : Rapport médico-légal sur un délit suggéré. 4« Communications diverses. 5* Présentation de malades. 6* Prix Liébeault.
7* Vote sur l'admission de nouveaux membres.
Adresser les titres et communications à M. le D' Bérillon, secrétaire général, *0 bis, rue de Rivoli.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Institct psyho-physiologique de Paris, 49, rue Saint-Andre-des-Arts. — L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1891 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée â l'Institut psycho-physiologique. Les consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis cl samedis, de 10 heures à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister.
MM. les Drs Bérillon et Lajoie y font tons les samedis, à 10 heures, des leçons pratiques sur les applications cliniques de l'hypnotisme el eur (et travaux récents de peychologie physiologique. M. le D" Bérillon s'occupera principalement des applications de la suggestion hypnotique à la pédiatrie et à la pédagogie.
Ecolb d'anthropolooib db Paris.— Anthropologie biologique. — M. La borde, professeur, fait le mercredi, à 4 heures, un cours sur les fonctions intellectuelles et instinctives.- la fonction du tangage.
Anthropologie psychologique. — il. Manouvrier, professeur, Tait le vendredi, à 5 heures, un cours sur Vanatomie dont te* rapporta avec la psychologie : l'hérédité psycluylogique.
Sociologie. — M. Letournean, professeur, fait le samedi, à 4 heures, un cours tor l'évolution littéraire dans tes rapporte avec l'état social et politique.
Clinique psycho-thérapique de La Haye (Lange Voorhont). — M. IeDr a. de Joug fait pendant le semestre d'hiver des leçons cliniques sur 1 "hypnotisme.
Clinique de psycho-thérapeutique suggestive d'Amsterdam. — MM. les Dn Van Henierghem et Van Eeicn font à leur clinique un cour* permanent de psjcho-lhcrapie.
Istitut psychiatrique de Gênes. — M. le professeur Morselli, directeur, a organise dans cet institut l'enseignomont de l'hypnotisme.
Institut psychiatrique db Reggio-Emilia. — M. le professeur Tamburini, directeur, a organise dans cet institut l'enseignement de l'hypnotisme.
Le lit à deux et la force nerveuse.
Un argument pour les ménages qui aiment a (aire chambre à part- C'est The Lancet qui le leur fournit. « Rien, dit ce Journal, ne détraque autant le système nerveux d'une personne qui élimine de la lorce nerveuse, comme de coucher toute une noit avec une antre personne, qui absorbe cette même force nerveuse. Celle-ci dormira profondément tonte la nuit et se lèvera le matin allègre et bien reposée, tandis que l'autre passera une nuit abominable et se réveillera tans forces, découragée, abattue, bourrue et irritable. Deux personnes ne devraient jamais dormir ensemble d'une manière habituelle. L'une gagne co que l'autre perd. C'est la loi. »
On se demando où ! The Lancel a découvert cette loi, et à quoi se reconnaissent les personnes qui éliminent et celles qui absorbent de la force nerveuse? Il y a bien quelque chose d'analogue dans l'histoire du roi David, à qui les médecins de l'époque conseillèrent de mettre dans sa couche une € Jeunesse » pour réconforter ses forces défaillantes. Mais cette histoire manque d'autorité scientifique.
Cependant un autre journal, non moins sérieux que The Lancet, les An naît 0/ Hygiène, partage l'opinion du journal : • Un grand nombre, dit-il, des malaises nerveux dont on se plaint souvent le matin an lever sont du* à l'habitude de coucher à deux. Il se bit pendant la nuit des échanges électriques entre les organismes en présence et la répartition Inégale de ces forces électriques dégagées finit par amener des résultats fâcheux. >
La médecine devant les tribunaux.
a la Cour de Poitiers, lors de la rentrée de* tribunaux, M. Von, substitut du procureur général, a traité : du juge criminel. D'après l'honorable magistrat, k méleeine légale est appelée à prendre nne importance de plus en plus considérable dans l'appréciation des responsabilités, et il est à désirer que les Juges criminels acquièrent des connaissances spéciales leur permettant d'être eux-mêmes nn peu des experts. — A la Cour do Lyon, M. Vialla avait pris pour sujet de son discours de rentrée : le projet de toi relatif aux enfants assistés.
Le prince d'Oldenbourg a Nancy.
Quelques journaux ont attribué un but militaire au voyage à Nancy du prince Alexandre d'Oldenbourg, commandant la garde russe.
Le prince d'Oldenbourg ne s'est rendu à Nancy que pour assister à une séance d'hypnotisme à la clinique du docteur Bernheim.
NÉCROLOGIE
M. Félix Hément.
Nous apprenons la mort d'un de nos dévoués collaborateurs de la première heure. Y. Félix Hément, ancien inspecteur général de l'Université pour renseignement primaire, décédé à N an terre, à l'âge de soixante-quatre ans.
Né à Avignon en 1827, M. Félix Hément fut, pendant plusieurs années, professeur à Tournon, à Strasbourg, au collège Chapial et à l'école Turgot,
M. Félix Hément t'était fait connaître comme un infatigable propagateur des sciences nouvelles, et il avait été un des premier* à reconnaître les services que l'hypnotisme peut rendre dans la pédagogie des enfants vicieux ou anormaux.
Nos lecteurs ont pu lire dans la Revue un certain nombre d'articles sur la pédagogie et l'orthopédie morale.
Nous prions la famille de M. Hément d'agréer L'expression de regrets que nous inspire la mort de notre éminent et sympathique collaborateur.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
?????? (Dr Oscar). — Précautions ù prendre dans remploi de la cocaïne pour éviter Ut-accidents généraux. (Brochure de 4 pages. — Tours, impr. Paul Bousrel.)
Brunet (Dr Daniel). — Rapport présenté au Conseil général de l'Eure sur Vasile public d'aliénét d'Évreux. (Brochure in-8* de 57 pages. — Ernest tjueltier, imprimeur, Évroux, 1891.)
Deussac (IV). — Rosa-Josepha, te nouveau phénomène en exhibition à Paris; retalion médicale. (Brochure de 12 pages. — Paris, 20, boulevard Richard-Lenolr.)
GoRODiCBZE (Dr). — Morphinomanie thérapeutique traitée par la suggestion hypnotique. (Brochure de 12 pages.—C. Lévy, imprimeur, 194, rue Lafayette, Paris, 1891.)
KrtosBCRT (D' C. George). — Schould ?? give hypnotism a trial ? (Brochure de 13 pages. —John Falconer, S3 upper, Sackville-strect, Dublin, 1891.)
Kisgsbiry (Dr ?- George) med. University of Dublin. — The practice of hypnotic suggestion. (Un volume in-8° de 206 pages, en anglais. — Bristol, John Wright et ?. London, Simpkin, Marshall. Hamilton, Kent et C°, 1891.)
Kochs.— Beilrage sur Kenntnis des Hypnotismus un des Schlafes beim Menschen (Contribution à Cétvde de l'hypnotisme et du sommeil chez l'homme.) — (Sonderabdruck aus dem • Biologischen Ceniralblait >, mai 1891.)
Jllien- (Alexis), professeur libre d'anatomie. — La loi de la position des centres nerveux. (Brochure de 8 pages. — Chez l'auteur, 35, rue Monge. Paris, 1891.)
Lada«. — La descendance des alcooliques. (Brochure in-12 de 32 pages. — Genève-Uusanne, 1891.)
Ladajie. — Quelques mole sur réliologie du verlige paralysant. (Extrait de la Revue
médicale de la Suisse Romande, 1891.) IttuLA (Paclde). — Jésus de Nazareth au point de vue historique, scientifique et sociaL
(2e édition ; un volume ln-8* de 104 pages. — Georges Carré, éditeur, c.4, rue Saint*
André-des-Arts, Paris. 1891.) IlossoLVMO. — Du rôle de l'hypnotisme dan* ta thérapie, discours fait :i la première
séance publique de la Société des Neurologistes el Aliénâtes de Moscou, le 21 octobre
18?0. (Brochure in-12, en russe, Moscou, 1891.) Rossolymo (Grégoire), privat decent ? la Faculté do médecine do Moscou. — Recherckei
expérimentales sur les voies motrices de la moelle épinière. (Brochure in-12 de 32 pages,
extrait des Archives de Neurologie.)
L'Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT.
Paris. — Imprimerie brevetée MICHELS si Fils, passade du Caire. 8 et 10.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
L'ALCOOLISME DEVANT L'EXPERTISE MÉDICO-LÉGALE
Par M. le Dr SEMAL, médecin en chef de l'Asile de Mons (1).
L'expertise médicale a à son actif plus d'acquittements que de condamnations et, quoi qu'on en puisse penser, ce n'est pas son moindre titre; son rôle ne sera jamais de dénoncer des coupables. Sa mission est de déceler la maladie et l'on ne peut guère lui faire un grief d'étendre aux délinquants aliénés la protection accordée aux fous inoffensifs. Elle n'excédera ses droits, ne franchira les limites de son devoir qu'en introduisant un plaidoyer dans son exposé scientifique, ou en fournissant une formule toute faite à ceux qui ne doivent exiger que des éléments de conviction.
On ne peut se dissimuler que la tâche ne soit rude parfois pourl'expert, mais elle ne s'amoindrira pas en recourant à la dialectique d'une science ou d'une jurisprudence qui ne lui est pas famillière, et dont il convient même qu'il se gare pour rester dans la saine appréciation des faits pathologiques.
Ainsi, prenons pour esemple la solution des divers problèmes soulevés en psychiatrie légale pour l'abus des alcooliques ? La chose est simple si l'on écarte toute discussion sur la responsabilité morale ou pénale du délinquant. S'agit-il de l'ivresse? On sait qu'en Belgique, ni en France, l'inconscience qui résulte de l'ivresse, soit accidentelle, soit habituelle, n'est admise au bénéfice des circonstances atténuantes; dès lors il sera inutile de mettre en relief les troubles psychiques transitoires qui peuvent s'y rencontrer, il suffira, le cas échéant, de montrer le lien entre l'intoxication alcoolique et le fait délictueux, car alors, bien qu'il n'y ait pas maladie dans l'acception rigoureuse du mot. il y a
(1) Extrait d'une Communication à la Société de Médecine légale de Belgique.
néanmoins uno pression morbide analogue à la force irrésistible dont parle le Code.
En effet, la susceptibilité exagérée a ressentir les effets de l'alcool est déjà par elle-même l'indice d'une anomalie degenerativo, mais en réalité le délinquant par ivresse rentre presque entièrement dans le droit commun, i plus forte raison celui qui chercherait dans l'excitation passagère de l'ivresse l'appoint manquant à sa résolution criminelle; dans l'une et l'autre hypothèse, on aperçoit guère l'utilité d'une expertise.
Il en est autrement dans les degrés plus élevés d'intoxication alcoolique où le patient offre les symptômes plus ou moins prononcés d'une véritable maladie cérébrale et mentale; ici l'intervention de l'expert médical se justifie d'elle-même et sa conclusion est aussi nette, aussi facile que si la cause des troubles morbides était ou moins connue on moins appréciable. Qu'il se garde surtout d'aborder la question de responsabilité, car il règne sur ce point spécial parmi ceux qui l'interrogeaient à cet égard de si singulières théories qu'il serait regrettable qu'un clinicien put y faire même l'apparence d'une accession.
« L'alcoolisme ne peut être assimulé à la folie, déclare péremptoire-« ment M. le conseiller Proal, et il ajoute :
« Mais, me dira-t-on, si l'état d'ivresse ne produit pas rirresponsa-4 bilité, la responsabilité légale peut donc être séparée de la respon-
« sabilité morale, car il n'est pas douteux que la liberté morale et la
« raison de l'homme ivre sont singulièrement amoindries, si elles ne
« sont pas complètement éteintes. Je réponds : non, même dans ce cas, « la pénalité n'est point séparée de la responsabilité morale. Sans doute « l'homme qui prend des habitudes d'ivrognerie, comme celui qui se « laisse dominer par une passion, perd une partie notable de ses forces
« morales; il arrive un moment où son libre arbitre est en quelque « sorte annulé par l'ivrognerie, comme par la passion. Mais n'est-ce pas
« par sa faute qu'il est tombé dans cet état? Est-ce qu'il n'est pas res-« ponsable de cotte dégradation volontaire ? J'ai vu des criminels, par-
« faitement sains d'esprit, qui, ayant commis un crime sous l'empire
« d'une violente passion, étaient complètement aveuglés par elle, il* « éprouvaient même une satisfaction extrême à s'èlre vengés, malgré « la condamnation à mort qui les attendait. De ce que la liberté morale
« ne subsistait plus en eux. au moment où le crime était commis, s'en-
« suit-il qu'ils n'en fussent moralement responsables? Assurément non;
« mais leur responsabilité morale remontait dans le passé, au moment « où ils avaient cédé à leur passion, où ils l'avaient entretenue dans
« leur cœur, la laissant grandir et asservir leur volonté. Pourquoi, dans
« ces cas, !a justice sociale se refuse-t-elle à leur accorder l'impunité « qui est accordée aux aliénés? Parce que la déchéance morale où la
« passion les a fait tomber n'est pas le résultat d'un état morbide, mais « de la dépravation volontaire.
« De ce que le criminel présente quelquefois un état de dégradation
« intellectuelle et physique qui ne laisse pas subsister une liberté morale « entière, il ne faut pas en conclure qu'il n'est que partiellement respon-« sable. Il n'est pas douteux qu'une vie de désordres, d'habitudes cra-« puleuses, d'ivrognerie, amène des troubles de la sensibilité, un obscur-« cissement de l'intelligence, un affaiblissement de la volonté. I/homme
« qui s'est abruti devient semblable à la brute; dominé par ses mauvais « instincts, ayant fait taire la voix de la conscience, insensible au remords, « il roulera de crime en crime jusqu'au fond d'un abîme de perversité. « qui n'est presque plus compatible avec la liberté. Doit-il cesser d'être « responsable légalement? Évidemment non. A-t-il cessé d'être respon-« sable moralement de ses crimes? Non, encore, parce que cet état « d'abrutissement moral et intellectuel est la conséquence logique d'une
« succession de fautes morales, le résultat nécessaire d'habitudes « vicieuses volontairement contractées » (i).
Pour saisir le caractère et la portée des déclarations contenues aux lignes qui précèdent, il faut se souvenir qu'elles émanent d'un magistrat éminent. et que peut-être elles reflètent la pennée de la magistrature toute entière. Voilà donc où l'on voudrait conduire les médecins, par quels sophismes on entendrait les faire passer pour les amener à résoudre la question de responsabilité légale ou morale, entière ou partielle qui leur est banalement posée ? On oublie sans doute que chaque jour ils sont appelés à prodiguer leurs soins et leur talent à des malades artisans incontestables de leur maladie, et auxquels il faudrait marchander le ' dévouement sous prétexte qu'ils n'ont pu résister au courant où ils se sont volontairement jetés.
Quelle chose singulière : on reconnaît que le libre arbitre est éteint au moment du crime, et pour cacher ce qu'il y a de cruel et inhumain à frapper un inconscient, on fouille dans le passé pour y trouver l'origine d'une responsabilité encore douteuse, car. notons-le, ce qu'on punit ainsi, c'est non pas le délit ni même le délinquant, c'est l'homme tel qu'il était avant de commettre le délit. Et cela parait juste? On ne songe pas un seul instant que rien n'a été fait pour corriger la tendance à l'abus des boissons, que tout est venu tenter le malheureux, qu'on s'est gardé de toute préoccupation à l'égard des boissons empoisonnées qui lui ont
(1) Annules médico-psychologiques, juuillet 1890, p. 86.
servies, et qu'en définitive, si la responsabilité doit remonter si haut dans le passé, il en retombe bien une partie sur le milieu familial, sur le milieu social qui ont laissé faire.
Heureusement la science médicale n'est pas liée par ces traditions métaphysiques et juridiques qui entraveraient sa haute mission; elle sait qu'elle ne doit aToir devant les yeux qu'un ensemble pathologique dont le délinquant à examiner est l'expression vivante, et où les commémora tifs et l'étiologie n'interviennent que pour mieux préciser les caractères morbides. Aussi n'hésite-t-elle pas à déclarer que l'alcoolisme est une forme de folie, aussi nette, aussi définie que celle qualifiée démence par le code, ayant, de plus que celle-ci, souvent des racines dansl'ascen-dance du sujet. L'ivresse elle-même, quand elle revêt la forme excito-motrice si susceptible des actes violents, procède plus encore d'une pression héréditaire. « car si l'on recherche, dit Paul Garnier, à établir
« la part de responsabilité qui revient à la substance enivrante dans la « production d'un désordre aussi grave, on est presque toujours amené « à y surprendre, ainsi que nous le remarquions plus haut, la complicité « active de la prédisposition héréditaire acquise.
« A considérer la facilité avec laquelle l'explosion se produit en bien
« des cas, on peut conclure que l'arme était toute chargée et que l'al-« cool, en intervenant, n'a joué que le rôle du doigt qui presse la dé-« tente.
c Aussi bien, cette ivresse anormale, dans sa genèse et son évolution, « emprunte t-elle moins, en quelque sorte, à l'agent toxique provoca-
« teur qu'à l'état sous-jacent. c'est-à-dire à l'excitabilité morbide qui
« est le terrain commun où se développent les troubles de ce genre qui « nous transportent bien loin de l'insouciante et exubérante galté de « l'ivresse vulgaire, b
Le médecin-expert peut donc fructueusement arrêter sa mission à l'exposé clair, précis, motivé de telles situations, sans aller jusqu'à libeller arbitrairement dans son rapport un degré quelconque de responsabilité, puisqu'il est bien prouvé maintenant qu'il ne saurait entrer sur ce point dans le même ordre d'idées que le juge ; à celui-ci à faire son devoir comme le lui dictera sa conscience, et que chacun soutienne le fardeau que ses épaules peuvent porter.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
Séance 12 octobre 1891. — Présidence de M. Dumontpallier.
Ataxie locomotrice traitée avec succès par la suggestion
hypnotique,
Par M. le Dr Edgar BÉRILLON.
Si personne ne met plus en doute l'action thérapeutique de la suggestion hypnotique contre les perturbations fonctionnelles si variées qu'on observe dans les névroses, un grand nombre d'esprits se refusent encore a admettre que la psychothérapie puisse être de quelque utilité lorsqu'on se trouve en présence de troubles fonctionnels dépendant de lésions organiques. Cependant on peut trouver, dans l'observation du malade que je vais présenter à la Société, la preuve évidente que, même dans certaines affections nerveuses cum materia, où l'apparition de symptômes fonctionnels coïncide avec L'existence d'une lésion anatomique, la suggestion peut jouer un rôle thérapeutique d'une certaine efficacité. Voici l'histoire de ce malade :
Le 9 mai, M. L....., âgé de trente-trois ans, voyageur de commerce,
vient à notre clinique (1). 11 marche appuyé sur deux cannes. Il présente au plus haut degré l'incoordination motrice caractéristique du tcites dorsalis. L'examen clinique révèle les particularités suivantes : Le malade ne peut se tenir debout lorsqu'il a les yeux fermés; les réflexes rotuliens sont abolis: il porte à demeure dans le canal de l'urèthre une sonde destinée à remédier à une rétention complète d'urine remontant à dix-huit mois. Il se plaint de fourmillements et d'élancements extrêmement pénibles dans les pieds et les jambes : les fourmillements ne lui laissent aucun répit et lui causent des insomnies qu'aucun médicament n'a pu jusqu'ici atténuer. Son état général est extrêmement défectueux. Le malade n'a éprouvé du côté de la vision que des troubles peu marqués.
Ses antécédents héréditaires sont favorables : il ne connaît pas de nerveux dans sa famille. Son père est mort à soixante-douze ans, après avoir joui d'une bonne santé durant toute sa vie. Sa mère est âgée de soixante-douze ans et se porte bien. Sa grand'mère maternelle est morte à cent deux ans, après avoir eu dix-neuf enfants.
Ses antécédents personnels sont plus graves : bien qu'il n'ait reçu qu'une instruction primaire, il est intelligent. Dans les premières années où il a exercé la profession do voyageur de commerce, il a fait des excès de bière et de café. Il a commencé à avoir des rapports sexuels à quinze ans et demi, mais s'est très peu adonné à l'onanisme. Marié à vingt et un ans, il a deux «tuants 1res bien portants. En 1884, il a eu une fièvre typhoïde pour laquelle
(I) Clinique des maladies nerveuses, 49, rue Saint-André-des-Arts.
il est resté trente-six jours au lit, et dont la convalescence a été rapide. A vingt ans. le malade a eu la syphilis. Il fut traite à l'hôpital du Midi par M. Mauriae. qui constata l'apparition de la roseole. Les accidents secondaires furent bénins, et il n'a eu aucun accident tertiaire.
Les premiers symptômes de laiaxie se sont manifestes en 185$ par une nevralgie du nerf scialiquo, à gauche, dont le début fut brusque. Il courait après un omnibus, lorsqu'une violente douleur survenant dans la cuisse gauche le mit subitement dans l'impossibilité de continuer la marche. Il alla consulter M. Le tulle, qui porta le diagnostic de sciatique. Trois mois aprèsle début de cette névralgie, qui s'était montrée rebelle à divers traitements, le malade fut atteint inopinément d'une rétention complète d'urine, coïncidant avec de violents maux de reins, qui dura vingt-quatre heures. Cette rétention se transforma bientôt en incontinence par regorgement qui le faisait uriner dans son Ht toutes les nuits. Il fut soigné par un médecin-major qui lui conseilla d'aller consulter M. le professeur Grasset. Un traitement par l'électricité statique, prolongé pendant trois mois, n'amena qu'une amélioration passagère. H urinait toujours difficilement et il souffrait d'une constipation opiniâtre. Dés ce moment, les réflexes rotuliens étaient abolis; il ne se tenait plus debout les yeux fermés. Les fourmillements se manifestaient déjà sur le cou-dc-pied et les élancements dans le talon augmentaient d'intensité et l'empêchaient de dormir. Ceci se passait dans le courant de 1889.
Revenu à Paris, il cessa un jour complètement d'uriner et entra à l'Hôtel-Dieu, dans le service de M. Germain See. II y resta douze jours; la rétention ne cédant pas, on le fit descendre en chirurgie, chez M. le professeur Verneuil. On lui passa une sonde qu'il a gardée pendant dix-huit mois (il changeailla sonde tous les cinq ou six jours). A ce moment, il est resté deux mois au Ht sans se lever. Il fut à l'hôpital l'objet de nombreux examens, et il se souvient que son affection est toujours désignée sous le nom de tabès. Si nous résumons le tableau clinique présenté par le malade lorsque nous l'avons examiné et qui comportait les symptômes suivants : incoordination motrice et marche caractéristique de l'ataxie; sensation de la marche dans du colon; abolition des réflexes rotuliens; rétention d'urine complète; élancements sous la plante des pieds et dans les muscles des jambes et des cuisses, se compliquant de contractures douloureuses; fourmillements dans la région du cou-de-pied; impuissance sexuelle; anesthêsie plantaire s'étendant au bord externe des deux pieds, — il nous parait légitime de porter le diagnostic d'ataxie locomotrice.
Le malade ayant été soumis, sans résultats appréciables, à un certain nombre de séances de suspension, nous étions autorisés à recourir à l'application de la suggestion hypnotique comme moyen palliatif des phénomènes douloureux. En même temps, pour répondre à l'indication tirée des antécédents syphilitiques, nous avons institué le traitement spécifique (1 gr. dìo-dure de potassium par jour).
Dans la première séance, qui eut heu le 9 mai, le malade se montra complètement réfraclaire à l'hypooiisalion. Dans la seconde séance, deux jours
après, il éprouva un léger engourdissement et une certaine lourdeur des paupières. Il en fut de même pendant trois ou quatre séances, lorsqu'un jour il tomba inopinément dans un sommeil profond, avec anestbésie à la piqûre et amnésie au réveil. Les premières suggestions furent dirigées contre les fourmillements et les élancements. Mais tant que le malade nefut pas endormi profondément, il n'accusa aucun soulagement appréciable. Dès qu'il eut été réellement hypnotisé, l'amélioration se manifesta rapidement. 11 fut alors facile de constater, après quelques séances, que le malade marchait mieux et que l'incoordination motrice avait diminué. C'est alors que nous eûmes l'idée de traiter sa rétention d'urine par le même procédé, de lui faire la suggestion de retirer sa sonde à une heure déterminée et d'essayer d'uriner seul. Prévenu de la suggestion après son réveil, il nous répondit : « Ce n'est pas la peine d'essayer, je sais que c'est impossible. » Néanmoins, à l'heure fixée, il relira sa sonde et il urina quelques gouttes.
Malgré quelques tentatives analogues suivies d'un succès croissant, il ne se décidait pas à se séparer de sa sonde, car il avait constaté que, lorsqu'il restait quelques instants sans la remettre, il éprouvait les plus grandes difficultés à vaincre la résistance du sphincter vésical. Le 4 juillet, pendant le sommeil hypnotique, la suggestion de retirer sa sonde avec l'idée de ne plus jamais la remettre et de la jeter par la fenêtre dès qu'il serait rentré chez lui, lui fut faite éneigiquement. Elle fut exécutée d'une façon automatique. Depuis lors, il ne l'a plus remise.
A. la fin de juillet, le malade pouvait marcher sans canne, descendre les escaliers sans appui; le signe de Romberg avait disparu; il urinait j-aos le secours d'une sonde, se rendant compte cependant qu'il ne vidait qu'incomplètement sa vessie. Il éprouvait encore des élancements et des fourmillements, mais très supportables, et bénéficiait la nuit de plusieurs heures de sommeil. La marche n'était déjà plus celle d'un alaxique, tout en gardant cependant un caractère particulier : il s'avançait en sappuyant lourdement sur les talons, en étendant les bras avec un dandinement spécial.
Après un mois d'absence, je le retrouvai encore amélioré. Mon collègue, le Dr Lajoie, et les élèves de la clinique avaient continué les suggestions pendant mon absence. Seuls, les réflexes rotuliens n'avaient pas reparu. L'aneslhésie plantaire n'occupait plus que les deux derniers doigts de chaque pied.
C'est alors que nous avons institué une expérience dont le résultat nous parait de nature à faire ressortir à la fois le rôle dynamogénique de la suggestion et l'étendue de sa valeur curalive.
Nous avons dit que dès le début du traitement, le malade avait été soumis à la médication spécifique. 11 n'avait pas cessé, depuis plusieurs mois, de prendre 1 gramme d'iodure de potassium. Il n'est pas téméraire de supposer que celle médication a pu modifier favorablement le processus de la lésion et même en amener la guérison. Néanmoins, il est certain qu'à elle seule, elle n'aurait pas suffi à amener la disparition complète des troubles fonctionnels, puisqu'ils n'ont disparu successivement que sous l'influence de la sug-
gestion. C'est ainsi que nous avions pu constater l'efficacité de la suggestion contre l'insomnie du malade, contre les élancements et les fourmillements, contre l'incoordination de la marche et enfin contre la rétention d'urine. La persistance de l'abolition des réflexes nous permettait de contrôler avec plus de précision l'influence de la suggestion, déjà manifestée contre les autres troubles fonctionnels.
Le 3 septembre, je fais constater par plusieurs médecins l'abolition complète du réflexe rotulien cher le malade. Puis il est hypnotisé profondément. L'anesthésie est complète, et les membres soulevés restent dans l'attitude cataleplolde. Alors, tout en faisant sur le tendon rotulien de légères percussions, je lui suggère le retour du réflexe. La réapparition du réflexe ne se manifeste d'abord que d'une façon peu marquée, mais dans le cours des séances gui vantes, nous assistons à son rétablissement progressif.
Après une interruption du traitement pendant quelques jours, nous fûmes surpris de constater que cette réapparition des réflexes n'avait été que passagère. Cette rechute nous permit de vérifier de nouveau l'action dynamogé-niques de la suggestion, car au bout de quelques séances, les réflexes sont réapparus et se sont maintenus, comme vous pourrez vous en assurer sur le malade. De plus, les dernières zones d'ancsihésie plantaire ont disparu sous l'influence de quelques suggestions.
Un fait important à noter, c'est que pour arriver à l'état de guérison, nous n'avons pas fait moins de soixante séances de suggestion, répétées à deux ou trois jours d'intervalle. La persévérance apportée par le malade et par le médecin ont donc été des facteurs très importants dans l'application du traitement.
A la date du 1er décembre, l'état du malade est des plus satisfaisants. L'incoordination a complètement disparu.
De celte observation et de l'examen du sujet qui dort sous vos yeux, il nous parait résulter la démonstration de l'action complémentaire exercée dans le traitement des affections nerveuses par la suggestion hypnotique. Si, d'un côté, la médication spécifique a pu agir en modifiant favorablement la lésion, de l'autre la suggestion n'en a pas moins prouvé sa réelle efficaciié. Car elle n'a pas borné son effet à activer l'assimilation du médicament, à améliorer l'état mental et l'étal général du malade ; elle a aussi manifesté sou action propre de diverses manières : 1" en rompant des habitudes fonctionnelles acquises auxquelles le malade s'accoutume si facilement et auxquelles il a tant de peine à se soustraire; 2° en donnant cette secousse, ce coup de fouet, qui semble raviver dans les cellules nerveuses encore engourdies, celle dyna-mogènie qui en constitue la vie et la force; 3° en augmentant l'intensité des phénomènes vaso-moteurs corrélatifs de la nutrition des tissus; 4° eu limitant le champ des (roubles fonctionnels et en le réduisant aux justes proportions que comporte la lésion.
En résumé, même dans les affections liées à l'existence d'altérations ana-lomiqucs, la suggestion peut encore apporter un appoint thérapeutique qui n'est pas à dédaigner, en présence de l'impuissance et de la faiblesse des moyens curatifsdont nous disposons.
Discussion.
IL ?agnin. — 1? malade que Tieni de tous présenter M. Bérillon est tout par-tfeunèrement intéressant. J'ai eu l'occasion de l'examiner alors qu'il venait pour les premières fois à la clinique de la rue Saint-André-des-Arts. Or, à cette époque, le diagnostic d'ataxie s'imposait. Le malade, J'insiste sur ce point, ne présentait pas le plus petit signe d rimerie.
Aujourd'hui, cet homme est absolument méconnaissable, et j'avoue que je suis très frappé de ce fait, car, en voyant M- Bérillon faire sur lui sa première tentative d'b'pnotisaiion, je me demandais, même en cas de réussite, quel bienfait le sujet en pourrait bien tirer. La suite a prouvé que j'avais tort.
Je ne crois pas qu'on puisse attribuer au traitement spécifique l'amélioration produite. Le malade, d'ailleurs, n'était venu trouver M. Bérillon qu'après avoir es'ayè sans succès tousles traitements. Nous savons, du reste, que si le mercure et l'iodure du potassium ont, au dire du professeur Fournîer, le don de guérir les alaxiques de l'hôpital Saint-Louis, ils ne paraissent guère, à en croire le professeur Charcot, être doués des mêmes rertus sur les tahétiques de la Sal-pé trière.
M. Dumontpallier. — Nous savons tous aujourd'hui que rien n'est plus commun que de voir les paralysies des muscles moteurs de l'oeil, chei les diabétiques, disparaître sans le secours d'aucun traitement, alors que les paralysies portant sur le nerf optique sont considérées comme incurables. Cependant, pendant longtemps, on a attribué cette gaérison des paralysies des muscles moteurs à l'application de divers traitements et en particulier de l'iodure de potassium Ce qui prouve qu'il faut toujours se demander quelle est la part de ta suggestion, ou même de la vis nature medicatrix dans l'effet de tout médi-camenL
Névralgie faciale datant de dix ans; guérison par la
suggestion,
Par M. le Dr LAJOIE, de Nashua (États-Unis).
Mme M..., que j'ai l'honneur de vous présenter, est âgée de trente-deux ans; elle est grande, forte, d'un tempérament sanguin, ébéniste de profession, n'ayant d'autres antécédents héréditaires qu'une mère un peu nerveuse et affligée de fréquents maux de tète ; son père n'a jamais été malade. Elle a quatre enfants, deux garçons et deux filles, n'a eu antérieurement aucune maladie. Aucun rétrécissement du champ visuel, pas d'anesthésie ni d'hyspereslésie cutanées : la digestion se fait bien, le sommeil est bon, sauf quelques insomnies provoquées par la violence des douleurs. Chacun de vous peut s'assurer que ce n'est pas une hystérique. Elle est sans doute un peu nerveuse, mais après dix années de souffrances il n'y a pas lieu de s'en étonner : c'est une malade intelligente, se rendant parfaitement compte de ce qui se passe en elle.
Il y a dix ans, elle éprouva de vives douleurs du côté droit de la tète; à intervalles d'abord éloignés, elles se rapprochèrent sensiblement, et depuis quatre ans revinrent tous les jours. A chaque époque menstruelle, deux ou trois jours avant l'apparition des règles, elles étaient tellement violentes que
la malade étail conlrainte de s'aliter jusqu'à la disparition des règles. Après une course en ville ou une fatigue un peu plus grande que d'habitude, ces douleurs augmentaient d'intensité pendant deux ou trois jours; tous les jours, depuis, quatre ans, le celé droit de la face devenait rouge et enflé, et chaque matin elle était prise de vomissements en se levant.
Le 6 septembre dernier, le traitement suggestif fut commencé; la malade fut simplement engourdie et somnolente. Le 8, elle dit être demeurée une journée et demie sans souffrir, ce qui ne lui était pas arrivé depuis très longtemps ; elle souffre beaucoup aujourd'hui, la joue et tout le côté droit de la tête sont très enflés, la conjonctivite droite est injectée. Le 10, les douleurs ont disparu depuis la précédente suggestion ; la malade dort aujourd'hui profondément. Le 12, elle se trouve très bien, n'a éprouvé que de légères douleurs au sommet de la tête. Le 15, les douleurs ont complètement disparu ; elles ne sont pas revenues depuis cette époque. La malade a été endormie encore pendant huit séances, de sorte que treize suggestions ont fait disparaître douleurs, enflures et vomissements.
Cette observation est intéressante à plusieurs points de vue :
D'abord, il est remarquable de voir avec quelle facilité une maladie de date si ancienne a cédé à la deuxième suggestion.
Deuxièmement, les vomissements du malin ont cessé dès la première séance, et cela sans qu'aucune suggestion spéciale ait été faite, même à l'état de veille. Pourquoi ces vomissements ont-ils cessé dès le début du traitement ? Il est difficile de l'expliquer. Cependant il est probable que la malade, en voyant ses douleurs et l'enflure disparaître, a dû se faire une auto-suggestion qui a mis Un à ces vomissements.
Troisièmement, laguérison sera-l-elle durable? Le temps nous le démontrera; il est cependant probable que si une douleur remontant à dix ans disparaît radicalement pendant un mois sous l'influence d'un traitement, il est probable, dis-je, que celle douleur ne reviendra plus.
Un autre point assez remarquable chez celte malade, c'est la facilité avec laquelle elle a pu être hypnotisée. Car il ne faut pas croire que l'on puisse toujours endormir des malades à la première séance; il est, au contraire, bien plus fréquent de ne réussir à les influencer d'une manière sérieuse qu'à la quatrième, la cinquième ou même la sixième visite. Beaucoup de médecins qui croient à la suggestion et à l'hypnotisme, voyant pratiquer leurs confrères habitués à endormir leurs malades, se figurent que c'est chose facile et veulent en essayer. Il est évident qu'ils ne réussissent pas tous, et ceux qui ont éprouvé des insuccès (il faut avouer que c'est le plus grand nombre) sont amenés à penser et surtout à dire que l'hypnotisme n'est qu'une plaisanterie, qu'il n'a rien de sérieux ni de scientifique. A ceux-là peut s'appliquer ce proverbe : « Il n'y a pas de pire ennemi qu'un ami maladroit. •
L'alcoolisme et son traitement par l'hypnotisme,
Par M. le D- Charles LLOYD-TUCKEY, de Londres.
Mon ami, le Dr Egdar Bérillon, m'ayant fait l'honneur de dire qu'un résumé de mes observations sur Temoloi de l'hypnotisme contre la dip-somanie pourrait intéresser les membres du Congrès, j'ai le plaisir de venir vous faire part de quelques observations recueillies pendant ces deux dernières années.
Peat-ètre me permettra-t-on de dire ici que le champ de l'hypnotisme est si vaste qu'il y a du danger à vouloir embrasser trop à la fois, et de causer ainsi de la confusion dans l'esprit des chercheurs. Nous nous exposerions aussi au danger d'être accusés de trop d'enthousiasme. Un écrivain opposé à l'hypnotisme a dit dernièrement qu'on n'avait qu'à laisser faire les hypnotiseurs, et qu'ils travaillaient à leur propre destruction, à cause de l'exagération et des erreurs dont ils sont coupables. Soyons donc attentifs à diminuer plutôt qu'à exagérer nos succès, et faisons connaître nos insuccès aussi bien que nos triomphes. J'ai constaté que rien ne soulève plus d'opposition parmi les médecins qu'une assertion trop générale, et si nous disons à un investigateur que la suggestion hypnotique guérira toujours la dipsomanie et qu'elle ne manque jamais de rétablir les fonctions de l'esprit, il est presque certain qu'il se retirera dégoûté et refusera de croire à la vérité d'aucune de nos assertions, tandis que si nous répondons simplement que l'hypnotisme nous permet de guérir un grand nombre de ces cas, il sera prêt à discuter tranquillement nos assertions et les acceptera comme vraies en voyant que nous ne sommes pas aveuglés, ni par les préjugés ni par l'enthousiasme. Même le Dr Pitres, dans son dernier ouvrage si complet : Leçons cliniques sur l'Hystérie et l'Hypnotisme, tombe dans l'erreur commune de dire que nous employons l'hypnotisme sans distinction pour toutes les maladies et toutes lesconditions. Certainement, le Dr Pitres et les autres écrivains qui partagent sa manière de voir se font illusion : nous sommes médecins d'abord et hypnotiseurs ensuite, et nous n'employons l'hypnotisme que quand nous le trouvons utile ou quand nous avons essayé d'autres méthodes de traitement sans calmer les symptômes. J'ai le plaisir de dire que dans toute l'Angleterre un certain nombre de praticiens font des recherches sur l'hypnotisme et l'emploient dans les cas où ils le jugent utile.
Une série de cas d'une même maladie traités par un seul remède me semble donner one précieuse indication de la valeur du traitement, et je
demande donc de vous exposer en quelques mots plusieurs cas d'ivresse ou de dipsomanie invétérée soumis au traitement hypnotique pendant
les années 1889-90.
Oes. Ire. — Le capitaine A-.., officier en retraite. Tint me consulter en janvier 1889. Il avait toujours bn sans modération, mai» depuis deux ans il s'était complètement adonne à l'alcool. II était presque toujours ivre, et avait perdu tout pouToir de résister à la tentation do boire. Je l'endormis et le trouvai sus-cepuble d'être hvpnotisé au troisième degré I Liebeault). Comme il allait voyager sur le continent! je lui conseillai d'aller a Nancy et de «e soumettre au traitement do D' Liebeault. 11 suivit mon avis. Le Dr "Liebeault l'endormit une vingtaine de foi» et le déclara guéri, n loi dit qu'il pourrait boire à se» repas deux verre? de bière légère ou de vin, mais qu'il ne pourrait absorber d'alcool et aurait les spiritueux en horreur. Les suggestions ont produit complètement leur effet : j'ai souvent en l'occasion de voir et d'observer le capitaine A...; U n'a jamais bu de vin ou de bière en plus grande quantité qu'il ne lui avait été prescrit. D n'est encore suggestible qu'au troisième degré.
Obs. II. — M. S..., négociant, âgé de 35 ans, me consulta en décembre 1888. Depuis trois années, il s'était adonné â l'intempérance et son état empirait rapidement. Il avait des crises où la passion tournait au paroxysme. Elles revenaient tous les quinze jours, et alors il allait se cacher dans quelque basse taverne et. à force de boire, se plongeait dans une ivresse profonde. Dans l'intervalle de ces crises, il n'avait aucun penchant à la boisson. Je ne le trouvai susceptible qu'au premier degré; Je remmenai cbex moi. je le fis surveiller avec »oin et je 1 hypnotisai deux fois par Jour. Il ne dormit jamais plus profondément qu'au second degré, mais l'ellet du traitement fut immédiat. Au bout d'une semaine, on put le laisser sortir seul en toute sécurité, et après trois semaines, je le renvoyai chez lui, guéri selon toute apparence. C'était en janvier 1889, et cet état subsista jusqu'en juillet- Se trouvant a cette époque assez loin de chez lui et ayant été surpris par un orage, il fut mouillé et but on verre de wiskey; dès qu'il eût goûté l'alcool, il en but avidement pendant deux jours. D réussit cependant à se dominer et vint me voir peu de temps après; Je lui répétai me» suggestions. Je ne l'ai pas revu depuis, mais souvent J'en ai entendu parler et je sais qu'il se porte très bien, qu'il n'a pas pris d'alcool depuis deux ans et qu'il n'eu a pas éprouvé la moindre envie.
Obs. IIL — Mme I...., âgée de 40ans, femme d'un fonctionnaire, vint me consulter en avril 1889. Malheureuse en ménage, très délaissée, elle avait, depui» sept ans, contracté l'habitude de boire avec excès, et ta passion augmentait chaque année, Quand Jo la vis, elle avait perdu toute pudeur; son unique désir éiail de mourir Immédiatement. Je lui procurai un logement, la plaçai sous la garde d'une bonne infirmière, et je commençai à la traiter par invpnotisme; elle était sensible jusqu'au troisième degré et très docile aux suggestions. L'agitation, l'insomnie et l'irritation disparurent, et en qoelqoes jours elle devint une tout autre femme. Elle recommença à jouir de l'existence, à trouver de la satisfaction dans la société de son mari et d» ses enfants. Après trois semâmes de traitement, Je lui permis d'aller au bord de la mer avec quelques amis; elle y demeura une semaine, et à son retour vint tous les jour» me voir do la campagne qu'elle habitait. Ce bon état persista pendant trois semaines, mai» alors &es anciens souvenirs, ses ennuis domestiques curent une trop grande influence, et elle retomba. On me la ramena à nouveau : elle était encore bTpnotisable, mais il était facile de voir qne le» suggestions avaient perdu une grande partie de leur force; elle resta morose ci irritable. A son retour, elle retomba presque immédiatement. On la conduisit dans une maison de retraite où elle restera probablement jusqu'à la fin de se» Jours.
Obs. IV. — Mary s..., demoiselle de magasin, âgée de 40 ans, vint me trouver en Juin 1889. Femme sans éducation, peu intelligente, son commerce l'exposait à de grandes tentations et elle sortait par tous les temps. Elle était hypootisable jusqu'à un léger degré de somnambulisme et éminemment sugges-tible; Je no pu» la faire surveiller, mais, autant que J'en pus juger, elle abstint
de boire pendant un mois environ, but avec modération les six semaines sui-ranies, mais elle tomba malade et se remit à boire en toute occasion. Dans ces circonstances, le traitement n'eut plus aucune utilité et on le cessa.
Obs. V. —Un clerpyman. âgé de 42 ans, fut soumis au traitement en novembre 1889. Il avait pris l'habitude de boire au collège vingt ans avant, et il avait fini par s'enivrer si souvent qu'il avait dû quitter sa paroisse. Quand il vint me trouver, il était en proie au désespoir et buvait sans cesse, dans le but avoué de meure fin le plus tôt possible à sa misérable existence. Au début du traitement, il avait le delirium tremens et. quoiqu'il ne fût que légèrement hvpnotisable, il était intéressant de voircombien la suggestion réussit facilementâlecalmer et i lui rendre l'appétit et le sommeil. Par suite de l'immense quantité de mauvais spiritueux qu'il avait consommés pendant des années, il fallut quelques jours pour calmer les symptômes de gastrite et de désorganisation du cœur et du foie dont il souffrait. Mais, après une quinzaine de jours, il fut assez bien pour sortir seul, et en moins d'un mois il put reprendre se* fonctions et se donner comme un homme sobre. Il recouvra presque entièrement la santé et la gaieté, et tout semblait bien aller quand, trois mois après la suspension du traitement, il fut exposé à une tentation exceptionnelle. Il y céda et presque aussitôt il reprit son ancienne habitude de boire avec excès. On me le ramena et il fut soumis a un nouveau traitement de quinze jours. Après cela, il resta sobre pendant trois semaines, et puis il recommença à boire graduellement, jusqu'à ce qu'enfin il redevint aussi malade qu'il était d'abord, et il y a quelques mois que je n'ai pas entendu parler de lui.
Obs. VI. — M. S...., âgé de 33 ans, négociant, fut soumis au traitement en décembre 1S89. C'était une personne calme et somnolente. Il se laissait aller à des excès alcooliques, prenant surtout de la bière en secret et continuellement. Il avait eu plusieurs attaques de nature apoplectique, et il était gros et bouffi ; en apparence, le type du buveur de bière.
11 était extrêmement hypnotisable et susceptible de recevoir des suggestions post-hypnotiques. On le garda en observation pendant trois semaines et on i'enroya au bord de la mer. Après y être resté quinze jours, il reçut une lettre portant des nouvelles pénibles, et, profondément découragé, il commanda et but une bouteille de bière. Ceci le conduisit à de nouveaux excès et, pendant deux jours, il resta dans un état d'ivresse stupide. Quand on me l'amena, il semblait menacé d'une attaque d'apoplexie, de sorte que je dus le saigner. On le garda en observation pendant trois semaines encore, et durant ce temps, je l'hypnotisai fréquemment, lui .suggérant du dégoût pour l'alcool ; je l'éprouvai fréquemment en lui donnant de petites quantités de bîère. J'eus la satisfaction do constater que, conformément à la suggestion, le bieuvage le faisait toujours vomir immédiatement. Le malade retourna chez lui, reprit ses affaires et depuis il va toujours parfaitement bien. Bien qu'il soit somnambule, on l'a rendu réirac-taire à l'hypnotisme, excepté quand l'application en est faite par moi ou son docteur, à la campagne, qui l'hypnotise à l'occasion et lui répèle mes suggestions.
Obs. VII. — M. D..., âgé de 30 ans, esl venu me consulter en mars 1890. n y avait sept ans qu'il buvait avec excès et H étaildipsomane. Il avaithéritéde cette tendance de son père, et une de ses sœurs était morte d'alcoolisme. Il était susceptible jusqu'au troisième degré et très docile aux suggestions. Après une semaine ue traitement, on lui permit de sortir seul, mais on le garda en observation pendant un mois. Il obtint alors un emploi dans une maison de commerce et put vivre à la campagae avec sa femme et ses enfants. Je me sentis très fier de ce malade, car je continuai de le voir de temps en temps el j'observai qu'il se conduisait parfaitement et avait perdu tout penchant pour les stimulants. Je crois que la guérison aurait pu être durable, mais malheureusement il quitta son emploi et alla mener une vie oisive dans une petite ville étrangère. L eau était mauvaise en cet endroit, et il commença à y ajouter un peu de vin. Du vin il passa aux spiritueux, et, six semaines après avoir quille l'Angleterre, il commença à boire.
On me le renvoya; je l'hypnotisai de nouveau et le renvoyai chez lui bien, en
apparence. II fut sobre pendant trois semaines et ent de nouveau une attaque. On l'a envoyé dans une retraite où il reste encore, et il y a lieu de craindre qu'il ne soit jamais capable de résister aux tentations du monde extérieur. C'est quelque chose qae d'avoir rendu ce véritable dipsomane sobre et respectable rendant sept mois de suite. Il a avec lui un papier que je lui ai donné eu lui affirmant que. à n'importe quel moment, il s'endormirait en le regardant fixement. Il dit que. lorsqu il *e sent malade et déprimé, U n'a qu'à se coucher et regarder ce papier; il s'endort pendant un quart d'heure environet s'éveille tout à tait bien. Pendant ce sommeil les suggestions que je lui ai faites l'année précédente reviennent à son esprit très vivant; il lui semble entendre ma voix et me voir penché sur lui.
Obs. VIII. — M. T ... âgé de 30 ans, colon, commença le traitement en mars 1890. Il avait contracté l'habitude de boire avec excès dans le sud de l'Afrique. Il avait en conséquence perdu son emploi et était revenu chex lui ruiné. Il avait bu sans mesure pendant deux ans. II était hypnotisante Jusqu'au troisième degré et je le gardai en observation pendant un mois. Après ce temps il retourna chex lut, mais revint me voir par intervalle*. Six mois après, il alla avec quelques mauvais compagnons et se laissa aller à boire sans mesure toute une nuit. Mais le jour suivant 11 resta sobre et vint me raconter sa rechute. Je l'hypnotisai de nouveau et lui répétai les suggestions; le résultat fut que depuis 11 n'a pas touché une goutte d'alcool et a repris sa situation aux colonies.
Obs. IX. — Le capitaine F..., officier en retraite, vint en traitement en mars I890. Cest un très bel homme, de proportions athlétiques, et il a eu beaucoup de services. Il a été obligé de quitter l'armée à cause de se* habitudes et il était abattu et découragé. Il se montra très sensible à l'hypnotisme et tomba tout de suite en somnambulisme. On Ini suggéra de l'éloignement pour l'alcool et on l'hypnotisa chaque jour pendant trois semaines. On le renvoya alors chez lui et depuis il a obtenu une bonne situation. Bien qu'exposé à de nombreuses tentations, il est resté parfaitement sobre. Je continue à le voir de temps à antre et lui répète les suggestions.
Obs. X. — M. E..., âgé de 27 ans, propriétaire de campagne, vint me trouver en décembre 1890. Il a hérité de tendance à l'alcoolisme, et dans son enfance on lui donnait librement des stimulants. C'est un vrai dipsomane, et des crises de désir ardent reviennent toutes les dix semaines. II se montra très sensible à l'hypnotisme et fol gardé en observation et hypnotisé chaque Jour pendant on mois. H allait bien et son caractère semblait reformé. Mai» pendant que nous nous félicitions de notre succès, il sortit seul, rejoignit quelques-uns de ses anciens compagnons de dissipation et passa deux jours dans la débauche. La suggestion hypnotique n'eut plus d'inûuence sur lui après cela, bien qu'il continuât a dormir jusqu'au cinquième degré. Il est allé à la campagne avec un ami les quatre derniers mois et. durant ce temps. U est resté sobre et tranquille. Mais on sent, lorsqu'on a affaire à un homme de celle nature, qu'il peut retomber à la première occasion.
Outre ces cas, j'ai traité beaucoup d'autres personnes; j'en ai actuellement plusieurs en traitement. Mon expérience personnelle s'étend à plus de trente cas de dipsomanie, traités par 1a suggestion hypnotique, et j'ai vu le traitement réussir d'une façon permanente, au moins en apparence, dans la moitié des cas. Une dame de ma connaissance, très philanthrope, a soigné cinq jeunes filles dans un dispensaire spécial. Trois d'entre elles sont restés sobres, bien qu'elles soient actuellement sorties depuis un an et exposées à de fréquentes tentations.
Mes observations se rapportent spécialement à une clientèle privée, et on trouvera, je crois, que la bonne volonté et le désir de s'améliorer de la part du malade sont les premières conditions essentielles do succès.
D'accord sur ces points, il me semble que, au lieu de tenir les malades confinés dans la réclusion pendant un an au moins, nous pourrons les guérir en un mois au minimum, et les renvoyer dans le monde beaucoup plus forts, moralement et physiquement, que s'ils avaient été soumis longtemps à l'Influence accablante et démoralisatrice de la réclusion.
Séance du 9 novembre 1891. — Présidence de M. Dumontpallier
Le procès-verbal de la dernière séance, lu par M. Magnin, secrétaire, est adopté.
M. le secrétaire général annonce qu'il a reçu de M. Ltébeault, la somme de 806 francs, offerte à la Société, par notre éminent collègue, pour la fondation d'un prix. M. le président propose de voter à M. Liébeault des rcmercîmeots, pour son offre généreuse. Ces remerciments sont votés.
La correspondance comprend des lettres de MM. Tarde, juge d'instruction à Sarlat; Azam, professeur à la Faculté de Bordeaux; Bourdon, de Méru; Le Menant des Chesnais, et de M. Henri Robert, avocat à la Cour d'appel.
M. le président met aux voix l'admission, comme membres titulaires de la Société, de MM. le Dr Armand Paulier, présenté par MM. Gascard et Bérillon ; Fieffé, juge au tribunal d'Avesnes, présenté par MM. Achille et Bérillon ; Toulée, juge au tribunal de la Seine, présenté par MM. Bérillon et Dumontpallier; de M. le Df Emile Laurent, présenté par MM. Le Gall et Magnin; de M. le D* Van Velsen, de Malines, présenté par MM. Masoin et Bérillon; de M. le D' Paul Kicher, chef de laboratoire à la Salpétrière, présenté par MM. Dumontpallier et Magnin; de M. le Dr Hamilton-Osgood, de Boston, présenté par MM. Lloyd-Tuckey et Bérillon.
De l'action de la suggestion pendant le travail de l'accouchement.
Par M. le Dr DUMONTPALLIER, médecin de l'Hôtel-Dieu.
Une jeune fille de vingt-quatre ans, affectée de coxalgie hystérique, avait été traitée par moi, et cela avec succès par la suggestion, et était sortie guérie de mon service. Pendant son premier séjour à l'hôpital, j'avais constaté l'existence d'une grossesse arrivée au cinquième mois. J'engageai celte jeune personne a rentrer dans mon service lorsque serait venue l'époque de son accouchement, lui promettant do l'accoucher dans l'hypnose pour lui éviter les douleurs de l'accouchement.
Celte jeune fille rentra dans mon service le 15 octobre, l'époque de la délivrance approchait. A partir du lendemain de son entrée, le 16 octobre, je rendormais chaque malin dans le but d'obtenir plus facilement l'hypnose au moment du travail. Chez elle la suggestion verbale, aidée de la fixité du regard, permettait de déterminer rapidement l'hypnose. De plus, la veille de l'accouchement, je constatais que le col était complètement effacé et la téte était déjà engagée, en 0. 1. G. A., dans le petit bassin, et comme la patiente disait avoir éprouvé de petites douleurs la nuit précédente, je l'endormis de
nouveau et lui suggérai, pendant le sommeil provoqué, de so suggérer elle-même le sommeil si elle souffrait eu mou absence.
Le 23 octobre, lorsque j'arrivai à l'hôpital, la patiente me déclarait qu'elle avait évité de souffrir en se suggérant de dormir chaque fois qu'elle ressentait une douleur. Mais ce sommeil l'avait assommée, disait-elle; elle ne voulait plus dormir et les grandes douleurs étaient très accusées. Il était neuf heures, je constatai que la tète était descendue dans le petit bassin, les lèvres amincies du col utérin étaient appliquées sur la tète, la dilatation mesurait au moins 6 a 7 centimètres de diamètre, la tète n'avait pa» encore franchit le col, il n'y avait pas formation de poche amniotique; la malade avait perdu une certaine quantité d'eaux avant mon arrivée.
Les douleurs se suivaient à trois ou quatre minutes de distance; elles étaient violentes, arrachant des cris à la malade. Toutefois, je réussis, dans cette période des grandes douleurs, à endormir la malade par suggestion verbale, et M. le professeur Tillaux, qui était présent, constatait avec moi les contractions violentes de l'utérus et les efforts de propulsion pendant l'hypnose. L'analgésie utérine était évidente, de même que l'analgésie cutanée à la piqûre profonde.
Je profitai de la présence de M. le professeur Tillaux, dans mon service, pour lui montrer une autre malade affectée de pied bot valgus hystérique, avec contracture des muscles de la jambe, de la cuisse et des muscles pelvi-trochantaires, tout le membre inférieur était en extension et en pronation. Chez celte malade, la suggestion verbale produisait facilement l'hypnose et la déconlracture des muscles du pied, de la jambe et de la hanche.
L'examen de cette dernière malade dura quelque temps et, lorsque M. le pro-* fesseur Tillaux passa de nouveau devant le lit de la parturiente, il constatait qu'elle était toujours en état d'hypnose.
Quelques instants après, je fus rappelé près de la parturiente ???? qu'elle avait été réveillée par une forte douleur. Je l'endormis de nouveau, j'allai faire ma consultation hospitalière et quand je revins près de la parturiente, trois quarts d'heure après l'avoir quittée, elle me fit reproche de l'avoir laissée souffrir depuis quelques instants. La lèle du feetus était à la vulve. Alors la malade reslaut éveillée, je lui affirmai qu'elle allait accoucher sans souffrir. Elle était rassurée, la figure n'offrait plus les signes de la douleur, la malade disait qu'elle ne souffrait pas ; je restai près d'elle en lui affirmant qu'elle no devait pas souffrir, qu'elle ne souffrait pas et que bientôt, après Irois ou quatre contractions de la matrice et quelques efforts, l'accouchement serait bientôt terminé. Je lui promis de rester près d'elle jusqu'à la naissance de l'enfant. Je lui suggérai alors, dans l'état de veille, de ne pas souffrir. Elle déclarait ne pas souffrir et sentait cependant parfaitement les progrès dn travail. Le périnée était fortement tendu, l'occiput était bien engagé au-dessous de ht symphyse, la vulve était complètement étalée sur la tête du feetus. Chacun sait combien la période d'expulsion est douloureuse, surtout chez les primipares. Les dernières contractions de la matrice et les efforts de la malade furent bien soutenus pendant trente à quarante secondes, et la tête
franchit la vulve, à dix heures et demie, sans que la malade eût jeté un cri.
L'enfant, du sexe féminin, pesait six livres et demie; la bosse sanguine du cuir chevelu était peu marquée.
Je restai près de la malade pendant dix minutes après l'accouchement, l'utérus se contractait d'une façon continue avec des contractions intermittentes plus accusées au palper abdominal; mais les contractions n'étaient pas douloureuses, au dire de la malade. Était-elle toujours sous l'influence de la suggestion verbale? Elle sentait très bien sa matrice se contracter sous forme de boule, mais elle n'avait pas de coliques utérines.
A dix heures trois quarts, elle fut délivrée ; le placenta était normal.
Sutïes de l'accouchement. — Elles furent entièrement normales ; le quatrième jour seulement, la nouvelle accouchée eut une légère élévation de température en même temps que se faisait la montée du lait. Cette jeune femme allaite son enfant; elle n'a pas cessé de se porter très bien depuis le jour de son accouchement et si, aujourd'hui, dix-huit jours après son accouchement, jo la maiuliens au lit, c'est pour rendre plus régulier le retour de la matrice à l'étal physiologique.
Cette observation nous semble digne d'intérêt, parce que, une fois de plus, elle prouve que, par la suggestion verbale, il est possible de déterminer l'hypnose avec analgésie dans le travail de 1 accouchement.
Cette observation est encore remarquable parce qu'elle établit que la malade peut, après injonction suggestive préalable pendant l'hypnose somnambulique, s'anto-suggestionner l'absence on l'atténuation des douleurs pendant la première et la seconde période du travail. Elle est encore remarquable, el c'est là le coté nouveau de celte observation, parce qu'elle démontre que la par-turiente, à Tétat de veille, peut, par le fait de la suggestion verbale, ne pas sentir les cruelles douleurs de la dernière période de l'accouchement. Enfin, celte observation montre que le bénéfice de la suggestion peut persister pendani un certain temps après l'accouchement, puisque la malade ne ressentait pas les coliques qui accompagnent habituellement le décollement et la sortie du placenta.
Observation de thérapeutique suggestive,
Par M. le Dr BERNHEIM, professeur à la Faculté de Médecine de Nancy.
Habitudes d'onanisme depuis trois ans chez un enfant de huit ans. — Insuccès des moyens thérapeutiques ordinaires. — Guérison par suggestion hypnotique.
L'enfant Georges H..., Agé de huit ans, m'est amené pas son père, le 9 avril 1891, de ???-le-Duc, envoyé par son médecin, avec prière d'essayer 'a suggestion pour déraciner des habitudes d'onanisme datant de trois an.-. S*s parents s'en sont aperçus il y a sept mois; l'enfant maigrissait, palissait) avait les yeux cerclés. Ils le surveillèrent et le surprirent en flagrant délit.
L'enfant fil des aveux. Un grand garçon lui avait appris la chose, Il avoue avoir pratiqué l'onanisme jusqu'à cinq fois la nuit. Aujourd'hui c'est encore trois ou quatre fois la nuit et deux ou trois fois le jour qu'il le fait. Depuis le mois d'octobre dernier seulement il y a écoulement de sperme.
L'enfant n'a jamais eu de maladie autre que la rougeole et des angines. Depuis l'âge de dix-huit mois, il a une hernie inguinale droite maintenue par un bandage.
L'enfant est intelligent, laborieux, docile, n'a pas d'antécédents nerveux héréditaires. Depuis deux mois on a constaté seulement que sa mémoire baissait.
Depuis sept mois qu'on a découvert les habitudes vicieuses de l'enfant, on a essayé tous les traitements : bromure de camphre, bromure de potassium, 3 grammes par jour; appareil de contention, bains, alimentation spéciale; depuis six mois il ne boit plus que de l'eau. Rien n'a réussi. L'intimidation, les menaces n'ont pas réussi davantage.
Cependant l'enfant est très docile, obéissant, iutelligent, il ne manque pas d'énergie et ne se laisse pas dominer par ses camarades; ce n'est pas une nature molle ni un caractère entêté. U a le plus vif désir de guérir; mais l'impulsion esl plus forte que lui. Depuis deux mois on ne l'envoie plus à l'école, car, malgré la surveillance du maître prévenu, il lui arrivait de se masturber.
L'enfant dit que, pendant la nuit, cela se fait pour ainsi dire seul pendant son sommeil. Quand il allait aux cabinets, il priait son père de l'accompagner pour qu'il ne succombât pas à la tentation. Il sent lui-môme que sa volonté est impuissante et consent à se prêter à toute opération pour être guéri. Il est lymphatique, assez pâle, mais bien constitué.
Le 9 avril au matin, je mets d'emblée l'enfant en sommeil profond avec amnésie au réveil; je lui suggère qu'il n'aura plus jamais l'idée de se toucher ni le jour, ni pendant le sommeil de la nuit, et qu'il sera désormais assez fort pour résister à toute tentation; j'insiste, comme je fais d'habitude, en réitérant la suggestion à plusieurs reprises; j'enlève l'idée et je lui donne la force pour résister.
La suggestion hypnotique est répétée tous les jours, jusqu'au 2:1 avril. Dès les premières séances, l'enfant a été guéri ; il n'a plus eu l'idée de se toucher. Le II avril, il pesait 44 livres 1/2; le 14, 45 livres 200grammes; le 16 avril, 46 livres 100 grammes; le 21 avril, 47 livres 100 grammes.
L'enfant, très heureux, retourne dans sa famille ce jour. Je lui suggère, avant son départ, de m'écrire dans un mois pour me donner de ses nouvelles. Je reçois une lettre datée du 23 mai, dans laquelle il me remercie de sa gué-rison et dit peser 47 livres 300 grammes. Plusieurs mois après, j'ai rencontré le médecin de l'enfant, qui m'a confirmé saguérison; l'enfant a bonne mine, et, quand il le rencontre dans la rue, vient à lui le regard franc et ouvert, tandis qu'autrefois il se sauvait devant lui.
Ainsi une seule séance de suggestion hypnotique a suffi pour déraciner des habitudes d'onanisme vétérées depuis trois ans.
Sans doule, on n'obtient pas toujours un récoltai aussi rapide. J'ai hypnotisé pendant un mois un enfant onaniste, Agé de dix ans. Lorsqu'il était sous mon influence, il paraissait avoir renoncé à cette pratique : mais quand il eui quitté Nancy, il recommença de plus belle. Une suggestion plus prolongée Ieut-elle définitivement guéri? Il s'agissait d'un enfant indiscipliné, nerveux ; je pouvais bien rendormir en sommeil profond avec amnésie au réveil. Mais pendant ce sommeil provoqué, il se tournait et se retournait sans cesse, et en dépit de toutes mes suggestions, je ne pus le faire rester en repos. Il était indocile; son père était onaniste et l'est encore. C'était chez cet enfant un vice héréditaire.
Le sujet de celte observation, au contraire, était un enfant docile, bien équilibré ; l'habitude de la masturbation n'était pas greffée sur une diathèse nerveuse héréditaire; elle était la conséquence d'une suggestion faite par un garçon vicieux. L'enfant avait de l'intelligence, de la volonté, le vif désir de guérir. Mais sa volonté était impuissante k lutter contre 1 auto-suggestion; l'idée devenait crise. Cela se faisait pour ainsi dire seul, môme pendant son sommeil, en dépit de sa volonté. La suggestion faite à l'état de veille, sous forme d'intimidation et de menace, resta infructueuse. Je no sais comment cette suggestion a été faite. Sans doute on a dit à l'enfant qu'il deviendrait malade et mourrait jeune, s'il persévérait dans cette pratique ; on a fait appel à sa volonté. On lui a dit qu'il pourrait se corriger, s'il le voulait. On la menacé ; on l'a châtié. Celte suggestion était mal faite. L'enfant voulait bien, mais il sentait que sa volonté était impuissante. Les menaces, les châtiments ne rendaient pas cette volonté plus puissante.
H est possible qu'une suggestion faite à l'état de veille, mais autrement faite, conforme au mécanisme psychique du phénomène, eût été efficace. J'avais dit à l'enfant ce que je lui ai dit à l'état de sommeil : 0 Mon ami, je sais que lu veux guérir; tu en as le vif désir. Mais malgré ta bonuo volonté, tu n'arrives pas à le maîtriser. Ce n'est pas de ta faute. Il y a quelque chose de plus fort que la volonté. Quand l'idée te vient, tu ne peux résister; tu le lais malgré toi. C'est bien cela. » L'enfant aurait compris, et m'aurait accordé tonte sa confiance. Alors j'aurais dit : t Eh bien! Regarde-moi bien. Donne-moi ta main. Celte force que tu n'as pas de résister, je le la donne. Si l'idée de te toucher te vient, à partir d'aujourd'hui, tu auras la force de résister; et tu ne toucheras plus jamais. L'idée même ne te viendra pas. Tu n'auras aucun effort à faire pour ne pas de toucher. Je suis convaincu que lu es guéri ; tu n'as plus aucune peur, ta bonne nature a repris le dessus, etc. ».
Cetie suggestion à l'état de veille, répétée plusieurs fois, eût peut-être amené la guérison. Ce n'est pas l'ordre de ne plus faire une chose qui constitue la suggestion ; c'est la confiance donnée à l'enfant, c'est l'idée mise dans son cerveau qu'il ne succomberait plus à l'impulsion; ce n'est pu la peur, c'est la persuasion. Sans doute la suggestion dans l'eut de sommeil profond a agi plus vile; car elle a supprimé l'idée même en même temps que l'acte presque réflexe qui le réalisait. Mais alors même que l'hypnose profonde eût
été impossible chex lui, je crois qu'une suggestion bien faite à l'état de veille eût pu, avec de la persévérance, triompher du mal.
Ceux qui ont une idée fausse de ce qu'est la suggestion, et qui la considèrent comme dangereuse, comme portant atteinte aux facultés intellectuelles, enchaînant le cerveau, diminuant le libre arbitre, et la volonté affaiblissant le ressort cérébral, que vont-ils dire? Ai-je diminué la volonté de cet enfant parce que j'ai modifié par suggestion les conditions psychiques qui neutralisaient cette volonté. J'ai affranchi le cerveau; je l'ai rendu plus fort et plus libre.
« La suggestion, disait un jeune psychologue prématurément enlevé à la science, est l'introduction en nous d'une croyance pratique qui se réalise elle-même. L'art moral de la suggestion peut donc se définir : l'art de modifier un individu en lui persuadant qu'il est ou peut être autre qu'tl n'est. Cet art est un des grands ressorts de l'éducation. Toute éducation même doit tendre à ce but : convaincre l'enfant qu'il est capable du bien et incapable du mal, afin de lui donner en fait cette puissance et cette impuissance ; lui persuader qu'il a une volonté forte, afin de lui communiquer la force de la volonté; lui faire croire qu'il est moralement libre, maître de soi, afin que « l'idée de liberté morale » tende à se réaliser elle-même progressivement. » (1)
Discussion.
M. Bérillon. — Depuis que j'ai eu l'honneur d'appeler l'attention sur les applications que la suggestion pourrait trouver en pédagogie, j'ai eu l'occasion de recueillir un grand nombre de faits prouvant la grande efficacité de ce procédé. Le nombre des onanistes invétérés, que j'ai traités par la suggestion, s'élève à plus d'une trentaine. Pour arriver à un résultat certain, il faut compléter l'effet de la suggestion par l'adjonction d'artifices variables, selon le degré d'intelligence du sujet, selon sa bonne volonté et aussi selon l'intensité de l'habitude vicieuse. Dans bien des cas, il a suffi de quelques séances, pour amener un résultat favorable et durable. Ce résultat était très frappant dans certains cas, où les enfants poussaient le peu de souci de la pudeur, jusqu'à se livrer à l'onanisme devant leurs parents ou devant des étrangers.
M. Dckoxtpallier. — J'ai eu, il y a quelques mois, l'occasion d'appliquer la suggestion au traitement d'un onaniste de 17 ans. Trois séances ont été faites, et autant qu'on peut s'en rapporter aux apparences, il est guéri de son habitude, à laquelle il déclarait céder d'une façon irrésistible.
M. Gorodichzb. — La suggestion m'a donné un résultat très favorable chex une jeune fille hystérique, qui se procurait l'orgasme vénérien par le frottement des cuisses, pratique à laquelle elle se livrait même dans'le monde, sans qu'on s'en aperçut. Celte habitude compromettait la santé et l'avenir théâtral de cette jeune fille, qui était élève des classes de chant au Conservatoire. La guérison lui a permis de continuer ses études.
(1) M. Guyau. Éducation et hérédité. Étude sociologique. Page 17.— Paris, Félix Alcan, 1889.
DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE
La Nutrition dans l'Hypnotisme
Par MM. Auguste VOISIN, médecin de la Salpetrière, et HARANT. interne en pharmacie.
MU. A. Voisin et Harant Viennent d adresser à la Société de Biologie la note ei-jointe.doni il» nous demandent l'insertion.
Paris, le 18 novembre 1891. Monsieur le Président de la Société de Biologie,
MM. Gilles de la Tourette et H. Cathelineau ont présenté à la Société de Biologie, dans sa séance du 13 décembre 1890, une note sur la nutrition dans l'hypnotisme, dans laquelle ils critiquent, pour la combattre, une communication que j'ai faite de concert avec M. Harant, au Congres de médecine mentale de Rouen, en août 1890, et dont les conclusions étaient : 1* Que la nutrition n'est pas troublée pendant le sommeil hypnotique; S" que l'hypnotisme n'est pas un étal pathologique; 3* que l'hypnotisme esl un moyen thérapeutique dont nous pouvons nous servir sans crainte de nuire à la nutrition de nos malades.
La critique de MM. Gilles de la Tourette el Cathelineau porte sur les caractères tirés des excréta urinaires.
Ils basent leur raisonnement sur ce fait que les urines d'une malade, la nommée R..., pendant son état normal, n'ont pu être recueillies en totalité pendant vingt-quatre heures. Or, il est dit dans la note (page 4) commniquée au Congrès de Rouen, à propos des urines de l'état de veille : « Nous ne les avons analysées que lorsque nous étions absolument certains de posséder des urines de vingt-quatre heures. »
Ce qui a pu tromper les auteurs précités, c'est que nous n'avons pu nous procurer, comme pendant le sommeil hypnotique, l'urine de trois jours consécutifs, mais nous avons eu à trois reprises différentes l'urine totale de vingt-quatre heures, de sorte que nos assertions s'appuient sur des données, non pas approximatives, mais absolument certaines.
Dans ces conditions, nous maintenons les conclusions précédentes : le volume, l'urée, le résidu sec el l'acide phosphorique total des urines émises à l'état de veille présentaient une diminution sur les chiffres des mêmes éléments obtenus pendant le sommeil hypnotique.
La nutrition so faisait donc mieux pendant le sommeil hypnotique qu'à l'eut de veille, que j'appelle l'étal normal. En effet, en dehors de ses attaques eomitiales et du délire transitoire qui leur succédait, cette malade était saine d'esprit et ne rentrait pas dans la catégorie des aliénées ordinaires. J'ajouterai que dans l'état de sommeil el que dans l'état de veille, ralimenlaiion était identique.
D'accord avec MM. Gilles de La Tourette et Cathelineau, nous avons constaté une inversion de la formule des phosphates pour cette malade, mais
nous avons dans la même communication au Congrès de Rouen (pages 6 et 1) donné les résultats de l'analyse des urines de deux autres malades : Tune hystérique et l'autre hystéro-épileptique, n'ayant pas de délire en dehors des attaques qui, plongées dans un sommeil léthargique de quinze et de huit jours, n'ont pas présenté l'inversion de la formule des phosphates. Chez la première, la proportion des alcalins aux terreux était de 32 à 100, et chez l'autre, de 23 à 100.
Nous n'avons pas fait pour ces deux dernières malades plusieurs analyses de leurs urines et, par suite, nous n'avons pu établir de moyenne, mais les urines analysées étaient celles émises après trois et quatre jours que les malades étaient plongées dans le sommeil, c'est-à-dire à un moment où l'accoutumance à cet état de léthargie était complète.
En résumé, nous maintenons absolument les conclusions que nous avons présentées au Congrès de médecine mentale de Rouen.
Dr Auguste Voisin, Harant,
Médecin de la Salpetrière. Interne en pharmacie.
RECUEIL DE FAITS
Polyurie hystérique. Influence de la suggestion aux l'évolution du syndrome, par M. Babinski, médecin des hôpitaux (1).
L'observation que je vais relater servira à établir, si je ne me trompe, que le diabète hydrurique peut relever directement de l'hystérie et constituer un des syndromes de cette névrose.
A la vérité, la thèse que je vais soutenir n'est pas nouvelle, car il s'agit là d'une relation qui a déjà été soupçonnée et même affirmée; néanmoins, la réalité de cette relation ne me paraît pas avoir été démontrée avec toute la rigueur désirable. En efTet, on s'est contenté jusqu'à présent de noter dans des cas d'hydrurie la présence de stigmates hystériques; or, cela ne suffit pas, car la simple eoïneidence, chez un sujet, de l'hystérie et de perturbations de toute nature, est chose extrêmement fréquente. Pour affirmer qu'un syndrome est tributaire de l'hystérie, il est indispensable do constater, soit dans son aspect symptomatique, soit dans son mode d'évolution, quelques-uns des caractères qui appartiennent en propre aux manifestations hystériques.
Le malade dont il s'agit présente la plupart des stigmates hystériques; il est sujet à des attaques dans lesquelles la phase délirante joue un rôle prépondérant; enfin, il est hypnotisable.
La polyurie dont il est atteint a débuté brusquement à la suite d'un repas copieux; le malade entre à l'hôpital Cocbin huit jours après le début des accidents; depuis ce moment, ses forces ont diminué, il a maigri, a de la peine à se réchauffer, ressent des frissons; il existe en plus de la polydipsie et de la poly-phagie.
On s'assure à l'hôpital, au moyen de précautions diverses, qu'il ne peut être question de supercherie; on constate l'existence d'une polyurie représentée par une évacuation quotidienne de six à huit litres d'urine; il y a aussi de l'azoturie, mais celle-ci doit être mise sur le compte de la polyphagie et de l'alimentation
(1) Observation communiquée à la Société Médicale des hôpitaux.
azotée, car, en soumettant le malade à un régime d'où les matières azotées sont exclues, l'azolurlo disparaît. La polyurie ne paraît pas relever ici de la poly-dipsie; elle tiendrait plutôt celle-ci sous sa dépendance, car la quantité des urines émises dans les vingt-quatre heures a été plusieurs fois sensiblement supérieure à la quantité des liquides ingérés pendant ce laps de temps.
Il a été possible, a l'aide de la suggestion pratiquée dans l'état hypnotique, de faire disparaître celle polyurie, de la faire reparaître ensuite et, après avoir renouvelé à plusieurs reprises et avec succès ces expériences, d'arrêter cette polvurie d'une façon définitive. Il s'agit là d'une polyurie simple, d'une variété de diabète hydrurique.
H me semble impossible de contester qu'il existe dans ce cas une étroite parenté entre la polvurie et l'hystérie; ce syndrome a été influencé par la suggestion à la manière des phénomènes hystériques.
On est donc autorisé à affirmer que la polyurie peut étro une manifestation de l'hystérie.
Cette donnée me parait avoir, non seulement une importance scientifique, mais aussi un intérêt pratique. Il y a en effet tout lieu d'admettre que l'hvdrurle hystérique peut avoir une longue durée et présenter quelques dangers par la débilitation qui pourrait en être la conséquence.
Il faut donc, en présence d'un cas de diabète hydrurique, se rappeler que ce syndrome peut être sous la dépendance de l'hystérie et qu'il est alors susceptible d'être modifié et supprimé par les méthodes de traitement dont on se sert pour combattre cette névrose.
Si l'on se rappelle enfin que tous les phénomènes hystériques peuvent se présenter à l'état d'isolement (hystérie moaosymptomalique}, on est en droit de supposer que le diabète hydrurique peut constituer aussi une manifestation Donosyaiptomatique de la névrose.
Dans un cas d'hydrurie, même en l'absence de tout stigmate hystérique, l'hypothèse de polyurie hystérique ne devrait pas être éliminée d'emblée (ce qoi ne veut pas dire," bien entendu, que je veuille considérer tous les cas de diabète hydrurique comme relevant de l'hystérie, car rien ne permettrait une pareille généralisation) et il pourra être indiqué de recourir à la méthode de traitement que nous avons employée, si toutefois on a affaire & un sujet hypnotisable.
La conclusion priucipale qui ressort de cette observation e*t que la polyurie peut être une manifestation de l'hystérie et qu'alors ello est susceptible de disparaître au moyen do la suggestion pratiquée pendant le sommeil hypnotique.
Applications de l'Hypnotisme, par M. le Dr Daniel Brunet, médecin en chef de l'Asile d'aliénés d'Évreux (Eure).
Nous avons eu recours à l'hypnotisation chez trois femmes hystériques dont l'état cérébral a été très amélioré par ce moyen thérapeutique très piopre à calmer l'irritation du système nerveux.
L'hypnose a été produite de la mémo manière chez nos trois malades par la surgestion aidée de la pres-ion des globes oculaires. Le temps nécessaire pour la déterminer a varié de quelques secondos à quelques minutes.
Le réveil est obtenu par la suggestion seule ou aidée de l'insufflation sur les globes oculaires. II ne s'accompagne pas de phénomènes morbides, à la condition de bien recommander aux malades de n'en avoir aucun ; sans cette suggestion elles éprouvent *ouvent une violente céphalalgie, de l'hébétude ou de l'agitation, de l'inappétence, de la gastralgie, etc.
Le sommeil hypnotique nous a toujours présenté les mêmes phénomènes consistant dans l'occlusion des paupières, l'insensibilité de toutes les parties du corps, la perte complète du souveuir de tout ce qui s'est passé pendant le som-
meil. Les malade» répondent à tontes les question» qu'on leur adresse, avec plus ou moins de lenteur, suivant que le sommeil est plus ou moins profond, satisfont à tous leurs besoins, obéissent à tout ce qn'on leur commande, et les fonctions nutritives t'exécutent mieux que pendant la veille. Les membres ne présentent jamais de contracture, ils conservent quelque temps la position qu'on leur donne, mais restent flasques et l'on ne constate aucune excitation musculaire.
Noos n'avon* jamais pu obtenir les trois périodes léthargique, cataleptique et somnambulique qu'on observe chez les malades de la Sa! pê trière.
Le sommeil hypnotique est maintenu de quelques secondes à trois jours, suivant la ténacité plus on moins grande des symptômes que nous voulons faire disparaître.
La nommée C... née le 19 février 1869, est entrée à l'asile en mai 1888, pour des crises d'hysiéro-épilepsie, datant de sept mois, revenant depuis quelque temps tous les jours et étant dune extrême violence. Elles avaient résisté aux traitements les plus variés qu'on avait employés pour les combattre. Pas d'antécédents héréditaires; bonne conformation physique; menstruation irrégulière; affaiblissement généra] tenant à ce que, depuis quarante Jours, elle n'a pris presque aucun aliment.
Elle a été vivement peinée de la ruine de ses parents, qui l'a forcée d'apprendre un état manuel pour vivre, et on attribue sa maladie à ceue cause. Analgésie du côté gauche, coxalgie du même côté.Douleur très vive au niveau des ovaires pour laquelle on a appliqué des cautères, «ans aucun suecès.
Les quatre périodes de l'hystéro-épilepsie sont très marquées chez cette jeune fille, et leur durée est d'an moins une heure. La période des mouvements de elonisme est très inten«e : il faut cinq personnes pour la maintenir dans son lit et l'empêcher de se faire du mal. Elle pousse des aboiements, décrit des mouvements en arc de cercle très étendus, cherche à mordre les personnes qui sont près d'elle, se d-ibat en tous sens, se frappe la tête, eu.
La compression des ovaires n'a aucune influence sur ses attaques, tandis que celle des globe» oculaires les arrête immédiatement.
L'hydrothérapie employée pendant les trois premier» moi» de son séjour à l'asile a diminué la fréquence de ses attaques, qui sont restées aussi violentes.
A partir du mois d'août, nous avons eu recours exclusivement à l'hypnotisme qui a fait disparaître complètement sa coxalgie et a rendu très rare» et très faibles ses attaques eonvulsives.
Elle est sortie très améliorée le 28 janvier 1890 et son amélioration a persisté dans sa famille.
En l'hypnotisant seulement tous les quinze jours, non» étions parvenu â suspendre pendant plusieurs mois les attaques qui revenaient quand on cessait complètement d'avoir recours à l'hypnose.
La nommée I..... née le 18 mars 1853, ayant des attaques hystériques très
rares mais bien caractérisées, a été transférée de la Salpêtriire à l'asile, en décembre 1888.
Elle est atteinte d'accès de stupeur intermittents, revenant sous l'influence d'hallucination» terrifiantes pendant lesquelles elle cherche à attenter à ses jours et refuse de prendre presque aucune nourriture. Ces accès m produisent surtout au moment de la menstruation et doraient autrefois assez longtemps, tandis que l'hypnose, d'une dorée de douze ou vingt-quatre heures, suffit ordinairement pour les faire disparaître.
La nommée O..., née le 26 janvier 1872,est entrée à l'asile en août 1887,pour des crises qu'on a rattachées à l'épilepsie et qui nous paraissent être de nature hystérique.
Elles ont débuté à l'âge de neuf ans et consistent dans des mouvements tumultueux très intense» avec perle de connaissance; elle n'a pas d'écume a la bouche ni de stertor. Elle» sonl suivies souvent d'agitation.
TJn de ses oncles ei son frère étaient épileptiques. et celui-ci est mort à l'asile en 1890.
Ses crises sont excessivement fréquentes. Du mois d'octobre 1887 à ta fin de septembre de l'année suivante, nous en avons compté 3,110.
Nous avons commencé à "hypnotiser en octobre 1888. et ses attaques sont alors devenues très rares; elle n'en a eu que quelques-unes en 1989 et 1890. et elle n'en a pas eu une seule depuis le 12 janvier 1891 jusqu'au 25 juin de cette année.
L'hypnose, d'abord très difficile à obtenir, est devenue, au bout de quelque temps, d'une facilité extrême, et, le plus souvent, il suffit de lut dire de dormir pour qu'elle s'endorme immédiatement.
Non» n'avons pu parvenir a hypnotiser les aliénés qui n'étaient pas hystériques, parce qu'ils se refusent de se prêter à ht suggestion, qui joue le principal rôle dans la production de l'hypnose.
revue bibliographique
The Practial of Hypnotic Suggestion, by G.C. Kingsbury, M. A., M. D.
Bristol, 1891.
Le Dr Kingsbury, de Blachpool, est d jà connu des lecteurs de la Revue de l'Hypnotisme par l'apologie de la thérapie suggestive faite par lui contre l'attaque du D' Normann Kerr, lors de la réunion annuelle de la British Médical Association au mois de juillet 1890.
On se rappelle que sur la proposition du président, le professeur Gairdner, la section de psychologie du Congrès a résolu d'élire un comité, parmi les membres présents, chargé d'étudier la nature des phénomènes de l'hypnotisme et leur valeur en thérapeutique. Une autre conséquence de la discussion fut le désir de s'initier à la méthode thérapeutique nouvelle, provoqué chez bon nombre de médecins anglais. Afin de pourvoir à ce désir, le Dr Kingsbury vient de publier un charmant volume de 200 pages. Il avertît, dans la préface, que son intention n'a été que d'apprendre à ses lecteurs les rudiments de la pratique de l'hypnotisme et d'en signaler les dangers et le* difficultés. La théorie du sujet a ele laissée de côté, l'auteur ne voulant pas empiéter sur les travaux du comité. Le côte historique n'a été esquissé qu'à grands traits, le lecteur pouvant se renseigner suffisamment dans les livres du Dr Albert Moll, du professeur Bernheim et et de MM. Binet et Féré qui ont été traduits en anglais.
L'auteur, largement muni du sens pratique qui distingue si bieu ses compatriotes, a réussi d'exposer, d'une manière très concise, successivement dans une dizaine de chapitres : ce qu'on entend par hypnotisme, les méthodes pour produire le sommeil, les différents degrés du sommeil provoqué, sa syroptomatologie, la susceptibilité à être endormi, la thérapie suggestive proprement dite, les suggestions post-hypnoliques, celles à l'étal de veille, les prétendus dangers et les dangers véritables de l'hypnotisme, le côté médico-légal de la question, le transfert selon Luys, les effets des médicament- à distance, l'hypnotisme appliqué aux animaux, les théories de l'hypnose. Dans un appendice, il donne une cinquantaine d'observations tirées de sa pratique personnelle.
Dans un chapitre spécial, le Dr Kingsbury résume son travail dans quelques conclusions générales :
1° Il n'est plus permis de douter qu'on peut produire réellement un état d'hypnose variable en intensité, chez la pluralité des personnes qui se soumettent aux procédés hypnotiques;
2° L'état hypnotique est caractérise par une plus grande disposition à accepter
les suggestions du dehors;
3° L'hypno-e peut è:re obtenu de différentes manières;
4° La majorité des personnes possèdent la faculté d'hypnotiser; les qualités individuelles cependant de chaque opérateur décident de ses succès et de ses échecs;
5° La croyance vulgaire, que seuls, les pauvres d'esprit, ou bien qu'eux surtout, soient hypnotisantes, paraît être mal fondée;
6° L'expérience nous apprend qu'il est faux de croire à une soumission permanente de la volonté du malade à celle de l'opérateur;
7° L'idée qu'une personne ayant hypnotisé une fois une autre personne, conserve dorénavant une influence quelconque sur les idées et les actions de celle-ci. est erronée;
8° Le sujet hypnotisé n'a pas à craindre, comme certaines gens l'ont supposé, de ne pas pouvoir être réveillé;
9* L'hypnotisme appliqué en connaissance de cause et dans des cas appropriés, peut être d'une grande utilité en médecine et en chirurgie;
10° Dans le traitement des perversions morales, la suggestion hypnotique peut rendre de réels services;
11° L'hypnotisme, dans les mains de personnes compétenles, n'expose le sujet à aucun danger physique, mental ni moral; l'intelligence, la santé et les facultés supérieures des hypnotisé* sont parfaitement sauvegardées;
12° Des gens sans scrupulo peuvent abuser de l'hypnotisme et faire courir certains dangers d'ordre moral à leurs sujets;
13° Ces dangers peuvent être prévenus en restreignant le droit d'hypnotiser aux médecins et autres personnes autorisées, et en n'opérant qu'en présence d'un témoin;
11° Les phénomènes de l'hypnotisme doivent être connus des juges, et l'étude de ces phénomènes doit faire partie de l'enseignement médico-légal;
13" Il est du devoir du gouvernement de régler l'exercice de l'hypnotisme et de défendre les séances publiques des magnétiseurs de tréteaux.
L'auteur s'étend longuement sur les procédés soumis à la Charité, qu'ils étudiés dans le service de M. Luys, pendant assez longtemps. Tout, en rendant hommage à la réception cordiale de ce médecin et de son chef de chirurgie et des facilités qu'on lui a données pour faire ses observations, il ne peut que constater que tout ce qu'il a vu s'explique de la façon la plus naturelle par la suggestion.
Noos ne doutons pas du succès du livre de notre confrère Kingsbury et lui prédisons plusieurs rééditions.
Dr A. W. van Renterghem.
Amsterdam, 18 septembre 1891.
L'Anthropologie criminelle, par le Dr X. Francotte, professeur à l'Université de Liège (1)
L'anthropologie criminelle est née d'hier et déjà les travaux auxquels elle a donné lieu se sont multipliés dans d'énormes proportions. C'est que celte science nouvelle est bien faite pour exciter la curiosité et pour provoquer les recherches. Elle soulève les questions les plus élevées, les problèmes les pins graves; elle intéresse non seulement le médecin, mais encore le magistrat, le juriste, le législateur. Elle ne se renferme pas dans le domaine purement spéculatif; mais elle cherche à pénétrer dans la pratique et à provoquer des réformes législatives et sociales.
(I) Un vol. in-16 de 363 pages, avec figures. J.-B. Bailière, 1892.
En écrivant ce liTre, M. Franeoite s'est propose de contribuer à sa vulgari«alion ; il a cherché à en fixer l'étal actuel, a dégager les faits aequis, les données positives et à la lumière de ces fait* et de ces données, d'appréeior la valeur des théories qui ont éié émi*es et des conclusions qui mit été formulées.
II s'est pa'lieulièremeol attaché au côté anthropologique proprement dit, c'est-à-dire à l'eipo'é des caractères organiques, biologiques et psychologiques des mMditeura tel* que l'école d'anthropologie criminelle nous les a fait connaître. L'ensemble de ces recherches eon'titue le meilleur résuliat des m-taox moderne*, le mérite le plus incontestable de l'école nouvelle.
L'ouvrage e*i divisé en trois parties:
1* Examen du type criminel : caractères anatomiques. physiologiques, pathologiques et psychologiques; hérédité et récidivité. 2* Interpréta lion dn type criminel : théorie aiavimque et théorie pathologique. 3* Applications de« doctrines de l'anthropologie criminelle et de la législation pénale.
L'ouvrage se termine par un exposé de la méthode des signalements anthropométriques de Bjrtlllon.
The therapeutic value of suggestion during the hypnotique s ta te f| , par Hauilton Osgood, de Boston.
Dans un travail important, lu devant le Boston Society for Médical Fmprove-ment, un de nos confrères les plus distingués des États-Unis, qui s'est appliqué, avec la plus grande compétence, à la vulgarisation de l'hypnotisme en Amérique, M. le Dr Hamilton Osgood, a donné un excellent aperçu historique de l'bypnoiisme et relaté les résuttats de trenie-cinq cas heureusement traités par la suggestion. Ces cas renferment le rhumatisme, la dyspepsie, l'insomnie, la névralgie, la bronchite aiguè, le mal de gorge, l'enrouement, la constipation, les hémorrhoïdes douloureuses, la céphalalgie chronique, les dérangements menstruels, l'intempérance, la paralysie de la langue, le sciatique, la dépression mentale, la faiblesse ou la perte de l'appétit, l'hystérie chronique, le torticolis, la paraplégie fonctionnelle et t'ataxie. Toutes ces affections, sauf une seule, furent considérablement améliorées et quelques-unes complètement guéries. Après l'intéressante discussion qui suivit la lecture de ce travail, Osgood conclut en disant : qu'il n'avait jamais vu, dans les centaines de cas où il a employé lnypnotisme, le plus léger mal résulter de cette méthode; que toutes les objections faites à la thérapeutique suggestive émanent de ceux qui n'y connaissent rien; que l'école hypnotique de Nancy s'efforce de soulager la souffrance, mais que l'école de la Salpèirière semble peu disposée à s'engager dans cette direction; que, à défaut d'expériences soigneuses faites sur des malades et ayant guidé son jugement, aucun médecin n'a logiquement le droit de rejeter l'emploi de l'hypnotisme; que, sans connaissances personnelles el techniques, on ne peut tirer un parti utile et intelligent de ce moyen thérapeutique.
chronique et correspondance
Société d'hypnologie.
La Société dnypnologie se réunira le lundi M décembre, à quatre heures, au palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. le D'Du-montpallier.
Oí Brochare de 46 pages. Boston, 1890.
ordre du jour :
1° Communications diverses : MM. Bernheim, A. Voisin, E. Laurent, etc. 2° Présentation de malades. 3° Prix Uébeault.
4° Voie sur l'admission de nouveaux membres.
Adresser les titres et communications à M- le Dr Bérillon, secrétaire général, 40 bis, rue de Rivoli.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Institut psycho-physiologique db Paris, 49, rue Saiot-André-des-Arls.— Llnslitut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1891 pour l'élude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronage de savants el de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée à l'Institut psycho-physiologique. Les consultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 heures à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister.
MM. les Drs Bêrillon et Lajoie y font, tous les samedis, à 10 heures, des leçons pratiques sur les applications cliniques de l'hypnotisme et sur Us travaux re-centode psychologie physiologique. M. le Dr Bêrillon s'occupera principalement des applications de la suggestion hypnotique à la pédiatrie et à la pédagogie.
Écolb des Hautes-Études. — M. Jules Soury, maître de conférences, (ait. le lundi et le vendredi, à 4 heures à la Sorbonne, des conférences sur les doctrine contemporaines de la psychologie physiologique.
Asile Sainte-Anne. — M. le professeur Bail fait son cours de clinique des maladies mentales,à l'asile Sainte-Anne, les dimanches et les jeudis.à 10 heures du malin.
Asilb Sainte-Anne. — M. Magnan a repris, dans l'amphithéâtre de l'admission, ses leçons cliniques, les dimanches et mercredis, à 10 heures. Les conférences du mercredi sont consacrées à l'étude pratique du diagnostic de la folie. Les leçons auront pour objet, cette année, la folie des héréditaires dégénérés (délires et syndromes épisodiques].
Faculté de Médecins. — M. J. Ballet, agrégé, fait, les mardis, jeudis et samedis, au grand amphithéâtre de l'École pratique, des conférences sur les névroses et les psycho-névroses.
Université de Vienne. — M. S. Exner a élé nommé professeur de physiologie à l'Université de Vienne.
Faculté db Médecins db Gênes. — M. E. Morselli, professeur extraordinaire de psychiatrie, est nommé professeur ordinaire.
Académie db Mbdbcinb de Saint-Pétersbourg.— Est nommé privat-docent: M. le docteur J. W. Rybalkin (neurologie).
Prix Liébeault.
La Société d'bypnologic, fondée en 1891, pour l'élude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, vient de recevoir de M. le D' Liébeault, de Nancy, une somme de 800 franes pour la fondation d'un prix destiné à récompenser un travail qui sera mis au concours par ta Société d'hypnologie sur un sujet relatif à l'bypnoti*me ou à la psychologio physiologique.
Gustation colorée.
On sait qu'on désigne sous le nom d'audition colorée un phénomène caractérisé par l'apparition dans l'œil de certaines couleurs, — couleurs n'étant pas, en réalité, placées devant cet œil, — et qui se manifeste a propos de l'excitation que certains sons produisent sur l'organe de l'ouïe; les observations de ce genre sont assez nombreuses.
M. Sollier vient de communiquer à la Société de Biologie une observation du même genre, mais, dans le cas qu'il a observé, les sensations lumineuses étaient provoquées, non par une excitation de l'oreille, mais par une excitation des organes du goût; il s'agit donc d'un cas de gustation colorée.
C'est chez une jeuno femme atteinte de neurasthénie que ce phénomène a été observé. Chez cette malade, diverses saveurs provoquaient l'apparition de différentes couleurs; toujours la même sensation lumineuse correspondant à la même saveur.
Le mauvais œil.
On écrit de New-ïord à la Wiener Mediziniache Presse : « ? y a quelques années, une femme atteinte de catarrhe se présenta a « Manhattan Eye and Ear « Hospital ». bile fut admise dans le service des maladies du nez et dû larynx du Dr Johnson, qui mourut fort peu de temps après que celte malade fut sortie de l'hôpital. Par suite de ce décès, le Dr Pond prit la direction du service. Quelques mois pins tard, la malade revint; elle sortit guérie, et quelques jours après le Dr Pond mourut subitement. Dix-huit mois se passèrent. Mercredi dernier, cette malade de fâcheux augure revint dans le service des maladies do nez et de la gorge qui, depuis, avait été confié an Dr Philippe. Naturellement, celui-ci lui donna ses soins. Le soir même. le Dr Philippe «e montra encore à la * Métropolitain Médical Society »; il alla se meure au lit en annonçant qu'il ne se trouait pas bien. Il mourut dans la nuit d'accidents cardiaques, à l'Age de trenle-hoit ans. M. Ledermann prit le service lundi en se déclarant prêt à donner ses soins à celle malade sans ta moindre crainte. Mais ?? '.minislraiion de l'hôpital rit meure sur les registre-, à côté du nom de celle-ci, la mention : tue fatal patient, et donna l'ordre au personnel de reconduire, si elle se représentait. Du reste, cette femme, informée du sort de ses premiers médecins, avait exprime la crainte que le Dp Philippe ne consente pas a la soigner. La croyance au mauvais œil el aux jeteurs de sorts, qui s'était peu à peu éteinte dans l'Ancien-Monde, nous reviendrait-elle d'Amérique?
Le Sommeil hivernal.
On a prétendu que le sommeil hivernal des mammifères est un phénomène hypnotique et qu'en abaissant artificiellement la température du corps d'un animal à sang chaud, on pouvait le transformer en animal à sang froid et le faire tomber dans le sommeil hivernal. Au retour de la sensibilité au froid, il se produit, par voie réflexe, une augmentation de chaleur, et alors l'animal, recouvrant sa température physiologique, est délivré du sommeil hivernal. Cette considération conduisit J. Marie à instituer une série d'expériences hypnotiques qui se montrèrent efficaces sur l'homme, mais non sur les animaux. Les résultats montrent que la suggestion d'une diminution de sensibilité au froid et au chaud a une influence marquée sur la température physiologique. Dans un cas, on rapporte que la température sous-linguale était à 8 h. 30 du matin de 37,1° C; après la suggestion, elle tomba et, à S h. 30 du soir, elle était seulement de 34.5* C. Dans un autre cas, la température normale était de 37" C. à 8 h. 30 du malin; après suggestion, à 8 h. 30 du soir, elle était de 35, 5° C. Dans les deux cas, tous les
symptômes désagréables disparurent et la température revint à la normale après le retour de la sensibilité au froid.
Mario et Heilieh, se ba«ani sur de» expériences conduites de celte faon, pensent que lïnfluence de la suggestion n'est pas limtiée aux foulions de la volonté et de la conscience, et que cette influence n'est pas, comme l'admet Bcrahcîm, pûrement psychique. Bsen concluent en outre que le sommeil hivernal est un phénomène hypnotique dans lequel l'animal perd »a sensibilité au froid, et quo l'homme également, en pcrdaul sa sensibiliié à la température, tombe dans un sommeil hivernal ou une mort apparente.
Civilisation et Suicide.
D'après William Matlews, le nombre des suicides par an serait de 180,000. Ce chiffre irait en augmentant d'année en année. L'augmentation des cas de suicide serait en rapport direct avee la civilisation progressive. L'auteur a établi une statistique d'après Laquelle les habitants des monlagies n'attentent presqat jamais à leurs jours, et les habitants des pays marécageux très rarement. Pu contre, les habitants des régions traversées par de grands fleuves fournissent la plus grand contingent. Un observe le maximum des suicides au mois de juin et le minimum en décembre; pats c'est toujours les dix premiers jours du mou qu'on constate le plu» grand nombre de suicides. Quant nux nations, ce sont les Allemands qui se suicident le plu» et le* Slaves lo moins souvent. La France vient en deuxième et l'Angleterre en troisième ligne.
L'Hypnotisme au Japon.
Le Japon lui-mémo ne veut pas rester eu retard et entre résolument dans la voie nouvelle de l'hypnotisme. Le Dr Nikolai M. Mandelstamen a rapporté dans le Sei-l-Kwai Medical Journal, de Tolcio, deux cas rrmarqudbles d'atTectioas nerveuses, traitée» avec succès par la suggestion hypnotique. Dans le premier, il s'agissait d'une tille de viogt-el-un ans. de famille »aine, souffrant de vomissements persistants, de constipation habituelle, avec une selle toutes les deux oa trois semaines, de céphalalgie et de douleur épigastnque. Ces troubles duraient depui* environ un an et demi. Les médicaments, les eaux minérales, l'électricité, le lavage de l'estomac n'avaient pas donné de bon résultat. 11 n'existait pas de maladie organique d'aucune sorte, et les seuls signes présents étaient une giande exagération des réflexes tendineux et deux points sensibles au côté gauche de la poitrine. Mandelstamen plongea la fille dans le sommeil hypnotique et lui suggéra de prendre et de conserver dans l'estomac une lasse do lait. Le lendemain, les vomissements avaient cessé. Après une seconde séance, le vomissement ne retint qu'une fois en dix-neuf Jours, et ensuite la patiente continua à se bien porter pendant trois mois et demi. Les sjmptômes reparurent alors, mais, après une nouvelle hypnotisation, ils disparurent entièrement.
Le second cas concerne une jeune fille, hautement hystérique, de vingt ans. qui, depuis douze ans, souffrait d'incontinence d'urine, d'insomnie, de tremblement des lèvres, de mal de tète, de dysménorrhée, de douieur abdominale d'inaptitude à la marche et d'autre* symptômes nerieux. Aucun traitement n'avat été d'aucun secours. Dan» lt première séance, on lui dit de bien dormir et de retenir son urine, ce qu'elle fil comme on le lui avait suggéré. Dès la seconde hypnotisation, on lui suggéra qu'elle marcherait bien et que ses douleurs abdominales disparaîtraient. Lot résultats furent satisfaisants. Les tremblements furent enlevés dans une troisième séance et, après quelque» jours, il ne restait plus aucun trouble.
Congrès international de psychologie expérimentale.
La seconde session do ce Congrès aura lieu à Londres, le 2 août 1892 et les jours suivants, sous la présidence de M. Sidgwick.
Parmi les questions mises a l'ordre du jour se trouvera celle des hallucinations télépathiques, phantams of the living, a l'étude de«quoU s quelques-uns de nos confrères d'outre-Manche attachent une certaine importance.
La question de I"hérédité est aussi de celles qui seront mitées, ainsi que celle de l'élude des Formes inférieures de l'esprit chez les enfants.
En un moi, rien n» été négligé pojrdo.iners.ee Congrès un éclat assez grand. Un comité de réception a été formé qui comprend, entre autres, MM. Bain, Ferrier, Ga'ion, Hodgson, Horsle.v, Hughlings Jackson. Mercier, Croom Robertson. Romane», Herbert Spencer, Stout, Ward, Watteville.
Le prix pour l'assistance au Congrès est fixé à 10 shillings.
Les communications devront être envojées avant la lin de juin à l'un des deux secrétaires honoraires : M. F.-H. Mvers, Leckhampton llouse, Cambridge, ou M. James Sully, East HeaTh road, Hampstead, London N. W.
Ajoutons que la Revue de l'Hypnotisme s'appliquera à concourir de toutes ses forces au succès de cet intéressant Congrès.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
Allaman Dr Camille). — Des aliénés criminels. (Un volume in-S° de 184 pages.
Baillière el tils, 19, rue Ilautefeuillc, Paris, 1891.) Asterò (Denis). — La voie naturelle et rutilile de l'hypnotisme. (Brochure de 112 pages.
— Ernest Gilon, éditeur, 41, rue de Seine, Paris, et 21, pont Saint-Laurent, Verviers.) Bonnler (Pierre). — Physiologie du nerf de l'es/ace. (Brochure de 4 pages. — Gauthler-
Vlllars et Dis, imprimeurs, 55, quai des Grands-Augustins, Paris, 1891.) Francotti; (D' Xavier). — L'anthropologie criminelle. (L'n volume in-12 de 3H8 pages.
avec ligures intercalées dans le lexte. — Librairie J.-B. Baillière et fils, 19, rue
Hautefeuille, Paris, 1891.) Gilles de La Tourette. — Traité clinique et thérapeutique de Vhystérie fSalpétrière).
(Un volume in-8° de £82 patees, avec 46 flgurcs dans le texte. — Librairie Pion,
10. rue Garancière, Paris, 1891.) Guimbail (D'Henri). —Les morphinomanes. {Vio volume ¡n-12 de312 pages. — Librairie
Baillière et fils, Paris, 1892.) Max-Simon (D' P.). — Les maladies de Ces prit. (Un volume in-12 de S20 pages. —
Librairie J.-B. Baillière et fils, Paris, 1892.) Morselli [Prof. Enrico). — Sulla dismorfofobia e sulla tafefobia, due forme non per
anco deteritle di pania del dubbio (paranoia rudimentaria). (Brochure de 11 pages.
— Instituto sordo-muti, Genova, 1891.)
Plytoff (G.f. — Aa magie. (Un volume ln-12 de 312 pages, avec 71 figures dans le texte. Librairie J.-B. Baillière et fil», Paris, 1892.)
Schmidkunz (Dr Phil. Bans, privat-docent der philosophie an der Universität München). — Psychologie der suggestion. (Un volume in-8° de 425 pages, en allemand.
— Verlag von Ferdinand Enke, Stuttgart, 1892.)
Séguin (Dr E.-C). — Early diagnosis of some serious diseases of the nervous system : its importance and feasibility. (Brochure de 37 pages, en anglais. — Damrell et Upbam, Boston, 1891.)
Semal (D"). — La responsabilité morale et pénale devant rexpertise médicale. (Brochure de 55 pages. — Imprimerie Eug. Vander Haeghen, rue des Champs, Gand. 1891.
Tamburiri (Prof. A.). — Pickmann e la cosi della trasmissione del pensiero. (Brochoride 20 pages, en italien. — Reggio-Emilia, 1890.)
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
Nous invitons nos lecteurs à compléter, pur leurs Indication», le» lacune» et le» omissions de l'Index bibliographique.
Bernheim. — « Habitudes d'onanisme chez un enfant, guéries par la suggestion hypnotique ». (Reo. gén. de clin, et de thérap., 25.)
Bernheim. — « Contribution a. l'étude des aphasies »- (Revue de médecine, n° 5, 10 mai 1891.)
Charcot. — « Sur un cas d'hystérie simulatrice du syndrome de Weber». (Leçon recueillie par Soucques.) (Archives de neurologie, n° 63, mai 1891.)
Charcot (J.-M.). — « Leçon sur un cas d'hystérie masculine (Arch. de neurol., 64.)
Charles Krafft. — « Paralysies hystériques provoquées par la crainte des examens Revue médicale de la Suisse romande, n" 5, 20 mal 1191.)
Chervin. — - A propos du bégaiement hystérique -. (Archives de neurologie, n* 63, mai 1891.)
Cochez (A.). — - Monoplegie de nature hystérique guérie par la suggestion •. (Bult.
méd. de f Algérie, ? 90.) Colleville. — « Sur un cas de crises comitiaies ambulatoires •. (Union médicale du
Nord-Est, 6.)
Dagoxet (II.). — « L'aliénation mentale chez les dégénérés psychiques »- (Ann. méd.-psychol., Paris, sept.-oct. 1891.)
Delbrück (A.). — « Die pathologische Lüge und die psychisch abnormen Schwindler. Eine Untersuchung über den allmaligen l'ehergang eines normalen psychologischen Vorgangs in ein pathologisches Symptom, für Azerzte und Juristen. (La sinio-latton pathologique chez les dégénérés; étude sur le passage graduel d'un état psychologique normal à un symptôme pathologique -. (ln-8°. 131 p.. Stuttgart.)
Delstanche. — « Une observation d'audition colorée (Ann. des maladies de roreitle, etc., 6.)
Ferroud. — - Note sur une stigmatisée ». (Ann. de la Soc. de Saint-Etienne et delà Loire, t X. 1891.)
Gerlier. — « Le vertige paralysant, de 1SS3 à 1891 ». (Revue médicale de la Suisse romande. n"5, 30 mai 1891.)*
GoLDscaxiDr. — - Législation des stations d'eaux et des maisons de santé. (Gesetzge-bund für Kurorte und Heilanstalten.) (Deutsche médis. Zeitung, 36.)
Gramuea*. — « Un cas d'automatisme comitial ambulatoire ». (Revue médicale de la Suisse romande, n*6, SO juin.)
Gcisox et Sophie Woltkï. — « De l'influence des excitations des organes des sens sur les hallucinations de la phase passionnelle de l'attaque hystérique »- Archives de neurologie, n*63, mai 1891.)
Jaumes. — - Un cas d'attentat contre nature considéré au point de vue médico-légal 5Montpellier méd., t. XVI, 10.)
Joire (Paul, D0. — « Précis théorique et pratique de Xeuro-Hypnologie, études sur l'Hypnotisme et les différents phénomènes nerveux, physiologiques et pathologiques qui s'v rattachent : physiologie, pathologie, thérapeutique, médecine légale (ln-18. 1891.)
Kierman (J.-G.). — « Sexual perversion as a phase of évolution »- (Med. and. surg. reporter, 16.)
Klinke (O.). — « Ueber Zwangsreden. De l'impulsion Irrésistible à parler.» (Allg.
Zeitsch. f. Psychiatr.. XLVIII, 1-2.) Kouzmine (V.) — - Contribution à l'étude des troubles psychiques survenant à la suite
ou par l'appréhension de traumatismes (en russe) ». (Rousskaîa med., 21 et 22 avril.)
L'Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT.
Paris.
— Imprimerie brevetée MICHELS et Fils, passage du Caire. 8 et 10.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
LA LOI SUR LÎÏYPNOTISME EN BELGIQUE
Nous n"avons pu suivre de près les débats qui viennent d'avoir lieu i la Chambre des Députés belges et il nous est difficile de nous rendre compte de la valeur de la loi qui vient d'être votée. Si nous en croyons les conclusions de l'article suivant que nous empruntons à la Gazette Médicale de Liège, mieux placée que nous pour apprécier la question, des réserves devraient être apportées à l'application de cette loi :
c Les affaires médicales sont fort en honneur, depuis quelque temps, auprès du Parlement belge. A peine a-t-il réglé la question de l'assistance gratuite des indigents, qu'il s'occupe d'un autre point de législation médicale vivement réclamé par l'Académie de Médecine. II s'agit de la pratique de l'hypnotisme, et voici le projet tel qu'il est sorti des délibérations de la Chambre des Représentants :
Article premier. — Quiconque aura donné en spectacle en public une personne bypnoliséo par lui-même ou par autrui, sera puni d'un emprisonnement de 15 jours a 6 mois et d'une amende de 26 à 1,000 francs.
Art. 2. — Quiconque, n'étant pas docteur en médecine, aura hypnotisé une personne qui n'avait pas atteint l'âge de vingt-un ans accomplis ou n'était pas saine d'esprit, sera puni d'un emprisonnement de 15 jours à 1 an et d'une amende de 26 â 1,000 francs, alors même que la personne hypnotisée n'aurait pas été donnée en spectacle au public.
En cas de concours avec les infractions punies par les dispositions légales concernant l'art de guérir, la peine prononcée par le présent article sera seule appliquée.
Art. 3. — Sera puni de la réclusion, quiconque aura, avec nne intention frauduleuse ou à dessein de nuire, fait écrire ou signer par une personne hypnotisée an acte ou une pièce énonçant une convention, des dépositions, un engagement, une décharge ou une déclaration. La même peine sera appliquée à celui qui aura lait sérieusement usage de l'acte ou de la pièee.
Art. 4. — Les dispositions du chapitre VII du livre 1" de l'art. 85 du Code pénal sont applicables aux infractions prévues par la présente loi.
Noos ne noos attacherons pas à montrer combien était nécessaire la loi qui vient d'être votée. A part Tune ou l'autre opposition tapageuse, tous les hommes compétents réclamaient, depuis longtemps, l'interdiction des représentations publiques d'hypnotisme, et la plupart des pays de l'Europe nous avaient précédé dans cette voie. Non seulement les dangers résultant des pratiques hypnotiques étaient grands, mais les abus des exhibitions étaient véritablement scandaleux. Ainsi, on nous rapportait dernièrement que, chez un homme occupant une haute situation, on pouvait assister, après un fin dîner, aux plus plaisantes représentations hypnotiques : les deux servantes de la maison étaient hypnotisées et on leur suggérait, à Tune le rôle du chat, à l'autre celui du chien. Les gambades, les cris, les batailles de ces deux êtres étaient des plus réjouissants/
Plaisant ! réjouissant ! un tel spectacle ! Et que font donc de la dignité humaine cet hypnotiseur et ces amateurs de représentations corsées? N'est-ce pas plutôt écœurant et monstrueux qu'on devrait appeler des jeux de cette espèce? Heureusement, tout cela ne pourra plus se faire impunément, quand la nouvelle loi aura été promulguée. Du moment où des expériences d'hypnotisme seront faites, même dans une séance privée, pour satisfaire la simple curiosité des spectateurs, il y aura infraction punissable.
La loi va même plus loin : un professeur de clinique ne pourra plus, sans se mettre en contravention, faire des expériences auxquelles assisteraient des profanes appelés par lui ou attirés par le désir de voir des choses intéressantes. Il ne pourra faire ses démonstrations devant d'autres spectateurs que les élèves admis à suivre ses leçons. D'autres personnes que des médecins se sont occupées, avec la plus grande compétence, d'études sur l'hypnotisme et la suggestion : il ne sera pas porté d'entraves à leurs recherches, pourvu qu'elles se fassent dans un but exclusivement scientifique et seulement devant des personnes travaillant à cette même fin. En un mot, « pas de spectacle public >, ni sur des théâtres, ni dans des lieux privés, voilà le sens bien clair de la loi.
L'article 2 du projet de loi, comminant l'amende et l'emprisonnement contre « quiconque n'étant pas docteur en médecine, aura hypnotisé une personne qui n'avait pas atteint l'âge de vingt-un ans ou n'était pas saine d'esprit «, a donné lieu à de vives discussions. Cet article réserve au médecin seul le droit d'hypnotiser les mineurs et les insensés. Aux yeux de plusieurs députés, ce monopole n'a pas de raison d'être. • Il ne suffit pas. disent-ils, d'être médecin pour connaître l'hypnotisme et, surtout, pour savoir hypnotiser. D'un autre cûlé, des personnes non qualifiées pour pratiquer l'art de guérir ou l'art de soigner les malades.
comme dit malicieusement M. le ministre de la Justice, jouissent d'une notoriété évidente, européenne mémo, comme maîtres-experts en hypnotisme. Quel motif sérieux y a-t-il de refuser à ces hommes compétents et dignes de tonte confiance un droit que l'on accorde a toute personne diplômée, fût-elle absolument incompétente et d'une moralité douteuse? En tous cas, pourquoi ne pas permettre aux premiers les pratiques hypnotiques snr les mineurs et les aliénés, en présence et sous b responsabilité d'un médecin ? »
A cetto argumentation. M. Lejeune, ministre de la Justice, répondit de la manière suivante :
La question de savoir s'il sera permis a lout magnétiseur d'hypnotiser un entant ou un aliéné, pourvu qu'un médecin soit présent, est d'une extrême gravité. Je ne puis, sur ce point, me ranger a l'avis que l'honorable M. Grosfils voudrait faire prévaloir et que l'honorable rapporteur a appuyé.
J'estime que la loi, en accordant au corps médical le droit qui lui est reconnu par l'article 2, lui donnera une très grande marque de confiance.
Elle comptera, tout à la fois, sur sa science, sur son habileté, sur sa prudence et sur son honneur. Je crois que le corps médical est digne de celle marque de confiance. On veut que la loi lui manifeste la même confiance, en se contentant de la seule présence d'un médecin quelconque, lorsqu'un magnétiseur quelconque te livrera à des expériences d'hypnotisme sur un enfant ou sur un aliéné. Ceci n'est plus une question de confiance.
Le médecin, sous le régime de notre loi relative à l'art de guérir, peot recourir, pour le massage, ? un aide qui n'est pas qualifié pour l'exercice de l'art de guérir. On me l'objecte : Vous admette! que, pour l'administration du chloroforme, il suffit que le docteur en médecine assiste à l'opération et vous ne voulez pas qu'il en soit de même pour rhypnotisme, lorsque le patient est un enfant ou un aliéné: Vous exigez, dans ce cas, que le docteur en médecine hypnolise lui-même où que l'enfant ou l'aliéné soit privé des secours de l'hypnotisme. Vous vous mettez en contradiction avec la législation qui ?? en vigueur. Vous écartez ici tous ceux, quelle que soit leur aptitude, qui ne sont pas diplômé* en médecine: (Interrupiions.j
???? demande pourquoi celte différence? Mais je l'ai dît, messieurs!
Surveiller une opération de ma**age, une opération chirurgicale, une méiiea-tkm. Je le conçois très bien. Surveiller l'emploi de l'hypnotisme, je ne le conçois pas du tout. Et quel rapport y a-l-il entre la confiance que le corps médical mérite el que la législation en vigueur lut témoigne et la tolérance qui laisserait hypnotiser par le premier venu un enfant ou un aliéné, pourvu qu'un médecin fût présent.
Quelque grande que puisse être ma confiance dans le corps médical, la présence d'un médecin quelconque ne m'offre aucune garantie, quand il s'agil d'hypno-lùme.
J'ajoute qu'il s'agit d'une thérapeutique douteuse et de périls certains.
? s'est naturellement trouvé un député phénomène pour répondre à cette thèse rationnelle par les plus jolies calembredaines. « Il existe de par le monde, a dit M. d'Andrimont. un très grand nombre de personnes qui ont inventé des médicaments ou des régimes très efficaces pour la santé des individus. Elles administrent ces médicaments, elles ordonnent
ce régime même à des mineures; mais, comme elles ne sont pas diplômées médecins, que font-elles?
« Elles s'adjoignent un médecin, auquel elles donnent 20, 30, 40 francs, selon l'importance de son cabinet, pour être témoin de l'administration du médicament en question, qu'il connaît ou qu'il ne connaît pas. »
La thèse défendue par M. le ministre Lejeune, thèse qui a prévalu au vote, est fort honorable pour le corps médical. Cependant, si convaincu que nous soyions du danger de laisser pratiquer l'hypnotisme, dans les cas indiqués, par un magnétiseur non médecin, en présence d'un simple paravent diplômé, si chauvin que nous puissions être dans la défense des prérogatives de notre profession, nous croyons devoir exprimer nos réserves sur un point. Il existe, en Belgique, quelques hommes, non médecins, ayant des connaissances et des aptitudes universellement proclamées en hypnotisme. Nous comprenons fort bien que, comme l'a dit l'organe du gouvernement, il ne soit pas possible, dans une loi générale, de faire des exceptions pour telle ou telle individualité, si éminente qu'elle soit. Cependant, il n'est pas possible qu'on poursuive cet hypnotiseur, homme de science avant tout, qui aurait cherché, à la demande d'un médecin consciencieux, à modifier le caractère, les défauts d'un enfant, à changer l'état cérébral d'un aliéné. C'est ici que les parquets devront montrer un peu d'intelligence et que les magistrats, si habitués à dormir les poings fermés quand il s'agit de la poursuite des manœuvres de la médecine illégale, devront savoir fermer l'œil à propos, dans l'intérêt de la science et de la société. Dr L. Merveille.
L'INFLUENCE DES IMPRESSIONS MATERNELLES SUR LE FŒTUS
Par le Dr Joseph DRZEWIECKI, de Varsovie.
Depuis longtemps, chez tous les peuples, existait cette croyance que les impressions maternelles exerçaient une certaine influence sur le fœtus; de grands philosophes et des médecins célèbres l'ont énergiquement soutenu. Malgré cela, ce sujet n'a pas encore trouvé de place propre dans la science ; il a été relégué parmi les illusions et les fables fantastiqnes. D'abord, la croyance générale dans l'influence des impressions maternelles sur le fœtus a trouvé, dans le commencement du xvm* siècle, bien des adversaires qui s'efforçaient de prouver qu'il n'existait aucune connexion nerveuse entre la mère et le fœtus; tous ces cas, collectionnés principalement par MH. Sachs, Schrœck, Haller et autres étaient réputés comme purement accidentels ou héréditaires. Mais plus tard, les
écrivains allemands firent des objections plus sérieuses, c'est-à-dire que chaque difformité résultant de défectuosité embryologicale devait être développée pendant un certain laps de temps, et pour ce motif ne pouvait être le résultat d'une impression momentanée agissant sur l'esprit de la femme enceinte.
Néanmoins, de temps en temps, les journaux anglais et américains surtout, relatent des cas de la description desquels semble résulter la preuve de la possibilité d'une pareille influence d'impressions maternelles sur le fœtus. Et ce qui attire davantage notre attention, c'est que plusieurs de ces cas sont soumis par des hommes connus comme investigateurs consciencieux et observateurs critiques. II suffit de mentionner les œuvres de W. S. Lowraan (1). Th. Wetberby [2), Thomas Hedman (3) et beaucoup d'autres, dans lesquelles ce sujet a été traité avec beaucoup de soin et de critique, et c'est pour cette raison qu'il n'est pas possible de considérer comme terminée une question aussi intéressante et énigma-tique.
Il faut bien comprendre que. par impressions maternelles, nous n'entendons pas parler des défectuosités de développement manifestées par un arrêt de l'organisme au commencement de l'état embryologique, mais plutôt des cas dans lesquels les impressions psychiques laissent une empreinte sur le développement du fœtus.
Le cas suivant, observé par moi-même, attira mon attention sur cette question :
La femme d'un de mes amis, enceinte de deux mois, éprouva une vive frayeur à la vue de la blessure que se fit au front son petit garçon, âgé de quatre ans, en tombant sur le bord d'une garde-robe; la blessure n'était nullement dangereuse, mais elle alarma la mère. A l'époque normale, elle accoucha d'une petite fille qui avait une cicatrice rouge absolument semblable à celle de son frère et au même endroit.
Le professeur L. Neugebauer a décrit dans un journal polonais (4; les deux cas suivants que je vais citer textuellement : « Le musée anato-mique de Milan possède un spécimen d'une petite fille morte à l'âge de trois mois. La peau de cette enfant est d'un brun noirâtre, couverte de poils de la tète au nombril; des taches de même couleur se trouvent encore dans d'autres endroits. Fait plus curieux : dans le cerveau, il existe également de ces taches noires. La mère de cette enfant racontait au professeur Billy (et c'est ce dernier qui me l'a communiqué person-
(I) The Médical Record, août 17. 1889. (2) Loc. cit., septembre 21, 1889.
(3) Loc. cil., novembre I, 1887.
(4) Tygodnik Lekartki, 1863, p. 81.
nellement) qu'avant la naissance de sa fille, il lui arriva un jour de regarder très attentivement pendant un certain temps un singe que l'on exhibait dans la rue. • Je dois ajouter que ce singe était revêtu d'an pantalon court qui laissait à découvert ses parties supérieures. € Pomma part, continue le professeur Neugebauer, je ne doute nullement de la possibilité de l'influence des impressions maternelles sur le fœtus, mon propre fils en est la preuve. Je me blessai un jour à la jambe avec une épine en me baignant dans la rivière. De retour chez moi, je voulus bander cette blessure et, au moment où je la nettoyai, ma femme, enceinte d'un mois, entra dans ma chambre et fut prise de frayeur. Son enfant est venu à terme, mais il a une marque de môme forme et de même couleur placée au même endroit que ma cicatrice.
Le Dr Edward Garraway (1) relate le cas fort intéressant qui suit : « Une dame d'un goût très raffiné avait coutume de se placer devant ta groupe de statues parmi lesquelles se trouvait une figurine dont elle était fort amoureuse. Cette figure représentait un Cupidon au repos, la joue placée sur le dos de la main. Elle mit au monde un enfant dont la forme et les traits étaient d'une ressemblance frappante avec le petit Cupidon. Je le vis le lendemain dans son berceau et je remarquai qoH avait pris l'attitude exacte de la petite statue : — la joue sur le dos de sa main, — et il adoptait invariablement et involontairement cette position pendant son sommeil; il la conserva non seulement pendant son enfance mais encore dans un âge avancé, pois je le perdis de vue ».
Le Dr James Brydon (2) rapporte le cas suivant qui se présenta dans sa clientèle : « Il y a peu de temps j'assistais Mme C... dans son second accouchement. Dès que l'enfant fut né, la question ordinaire: « Tout va bien? me fut faite, et je répondis affirmativement. Tout à coup, la garde-malade s'aperçut que l'orteil du pied droit manquait complètement. La mère me dit alors que, étant enceinte de quatre mois, elle avait rêvé qu'un rat lui avait arraché l'orteil du pied droit et que son impression avait été si vive qu'elle s'était éveillée en poussant des cris et avait expliqué à son mari la cause de cette frayeur ; ce dernier corroborait le fait. La sincérité du mari et de la femme est indiscutable ».
Le cas suivant, relaté par M. Charles F. Williamson (3), est bien caractéristique: « Mme D..., Agée de trente ans, ayant eu plusieurs enfants, étant enceinte de quatre mois, ouvrait la porte d'une remise dans son jardin, lorsque tout à coup se précipite sur elle un chien blanc et noir que son mari y avait enfermé sans qu'elle en eut connaissance.
(1) British Médical Journal, 1886, vol. I, p. 287.
(2) British Médical Journal, 1886, vol. I, |>. 670.
(3) The Lancet, 11 octobre 1890, p. 803.
Elle en ressentit une impression si profonde qu'elle ne cessa jusqu'au jour de son accouchement de répéter à son mari que l'enfant qu'elle mettrait au monde serait défiguré. Cette pensée l'obsédait tellement qu'elle en perdait l'appétit et ne pouvait supporter la vue d'aucun animal ni dans sa maison ni au dehors. Le 26 septembre on m'envoya chercher pour l'accouchement; le pied droit se présenta d'abord, et quand le pied et la jambe droite furent sortis, j'eus beaucoup de peine à les maintenir chauds malgré des flanelles chauffées. En examinant l'enfant, je vis que toute la cuisse droite, depuis le flanc jusqu'au genou, était couverte d'une tache qui entourait le membre. Sa couleur était d'un noir luisant et parsemée de longs poils blancs. II y en avait une autre sur l'épine dorsale et sur l'épaule gauche ».
c II y a environ trois semaines, dit M. John E. Kyslop (1), j'étais appelé à la campagne pour assister Mm' M... dans son accouchement. Qaand j'arrivai, l'enfant était né depuis quelque temps, mais le placenta n'était pas encore enlevé. Après 1 avoir délivrée, l'enfant me fut montré ; c'était un garçon bien conformé et qui, évidemment venu à terme, ne pouvait pas être mort depuis longtemps. Sa tète était la partie la plus remarquable, elle ressemblait exactement à une tète de vache en miniature : l'os occipital faisait complètement défaut; les os pariétals peu développés ; les yeux étaient placés en haut de l'os frontal qui était tout à fait plat et dont chacun des angles supérieurs était tourné en corne rudimentaire. La ressemblance frappante avec une tète de vache ou sa quasi-imitation était évidente. Quand il me fut possible quelques jours après de converser avec la mère sur ce sujet : elle me dit que, étant enceinte de deux mois, elle avait été terrifiée par un jeune taureau ».
Le Dr Charles W. Chapman (2) émet cette opinion que toute la matière que nous possédons sur ce sujet devrait être réunie dans le but d'en tirer une conclusion définitive. Il constate le cas suivant : « Une dame de vingt-quatre ans, d'une condition très aisée, n'ayant pas un tempérament nerveux, me demanda mes soins au commencement de l'année 1883 pour son second accouchement. Cette dame était très robuste et sa petite-fille, âgée de deux ans, était en parfaite santé sous tous les rapports. Elle m'informa que peu de temps après s'être reconnue enceinte, elle avait vu un mendiant dont les bras et les jambes étaient contractures. Ce spectacle lui avait fait éprouver un choc, mais elle espérait qu'il ne s'ensuivrait aucun résultat fâcheux. Naturellement, je soutins son espoir et la conviai à ne plus se tourmenter. Appelé pour l'accouchement, je vis l'épaule de l'enfant qui se présentait et. à ce mo-
(I) The Lancet, 1" novembre 1890, p. 957. (2j The Lancet, 18 octobre 1890, p. 853.
ment, tons les médecins du voisinage étant absents, je persuadai la malade de me permettre de tourner sans l'aide do chloroforme; cette opération se fit avec quelques difficultés. L'enfant était un monstre anencéphale. Les extrémités étalent rigidement courbées, les plantes des pieds presque collées l'une à l'autre et les doigts fortement serrés; l'enfant ne pouvait être mort que depuis quelques heures. La mère exprima le désir bien naturel de le voir, mais je l'en dissuadai, lui assurant que, quoique cet enfant fût imparfait, elle n'avait aucune raison de croire qu'elle ne serait pas plus heureuse une autre fois. La malade se rétablit bien et changea de domicile peu de temps après. Quatre mois plus tard, elle était de nouveau enceinte et. malheureusement, elle rencontrait souvent un individu estropié qui demeurait dans la même rue. Cette circonstance St renaître ses craintes, mais elle ne parut pas y avoir attaché une grande importance, et elle avait bon espoir pour son enfant à venir.
L'accouchement eut lieu a terme et présenta exactement les même* difficultés que le précédent. L'enfant était semblable au dernier, à l'exception de la tète qui était normale. Quelques mois après, la mère fat de nouveau enceinte et accoucha cette fois d'un enfant fort et non défiguré.
Il est impossible de citer tous les cas publiés dans les dernières années; je me suis borné à relater les quelques exemples qui me semblaient les plus caractéristiques. Je puis ajouter que les mômes faits sont observés chez les animaux. Le Dr Gray (1). directeur du British Muséum, montrait, dans une séance de la Société zoologique de Londres, le 24 février 1864, un poulet dont le bec et les pieds ressemblaient absolument à ceux d'un perroquet. Ces monstres naissaient souvent dans son poulailler, et il donnait pour explication la frayeur que causaient aux poules les cris du perroquet quand on en approchait laçage.
Mon père, avec lequel je parlais un jour des impressions maternelles, me racontait qu'un paysan d'une de ses métairies possédait un cheval dont la tète ressemblait beaucoup à celle d'une vache. Comme cela m'intéressait, je saisis avec empressement la première occasion de voir cet animal, et je pus constater que la face ressemblait absolument à celle d'une vache ; les cornes seules manquaient. Tout le village connaissait ce paysan comme possesseur d'un cheval a tète de vache. Je dois dire qu'en Pologne les paysans gardent les chevaux dans la même étable que le bétail.
En présence de tant de faits, pouvons-nous affirmer que les impression» maternelles n'ont aucune influence sur le fœtus?
(I) The Medical Record, Ier nov. 1887. « The influence of maternai impressions in
theetiology of congénital deformilies. »
Répudier ces faits et les nier parce qu'il» sont en contradiction arec l'opinion généralement acceptée, ce serait affirmer arec vanité que toutes les lois qui gouvernent la nature sont découvertes et connues.
II est vrai qu'il n'y a pas de connexion nerveuse entre la mère et le fœtus, mais cette absence exclut-elle la possibilité des impressions maternelles sur le fœtus ?
Si nous considérons seulement les faits suivants, nous n'aurons pas de raison de nier l'influence des impressions maternelles :
I. Que chaque idée, chaque impression doit être matérialisée ou, en autres termes, cela est impossible sans le travail des tissus nerveux.
II. Il existe beaucoup de phénomènes qui ne peuvent être expliqués par une connexion directe avec les nerfs, comme, par exemple, l'action d'un esprit sur un autre à distance.
III. Qu'une certaine impression ou idée est capable d'influencer la fonction de nos tissus ou organes, comme par exemple la crainte peut produire bien des désordres dans notre système, même la pensée d'un citron peut produire une sécrétion de salive abondante, etc. D'ailleurs, les psychologues et les physiologistes modernes croient que le fœtus, longtemps avant de venir au monde, a conscience de peines et de satisfactions physiques et a la sensation de beaucoup d'impressions (1).
Les affirmations des psychologues sont basées sur les expériences de Luys (2), qui prouvent qu'une main froide placée sur la paroi de l'abdomen produit immédiatement un mouvement du fœtus, et l'on sait que le corps n'est pas un bon conducteur de la chaleur. Il est également connu que la projection soudaine d'une lumière dans l'œil de la mère aussi bien qu'un bruit inattendu produisent de violents mouvements convulsifs (3), et Perez (4) constate qu'une femme qui éprouvait une grande frayeur trois mois avant la naissance de son entant sentait des nouvements convulsifs du fœtus, et l'enfant vécut seulement quelques mois, après avoir eu des attaques convulsives subites et fréquentes sans aucune cause extérieure.
Ce sont des faits qui prouvent que le fœtus exprime assurément des impressions maternelles peut-être à son insu. Mais de quelle manière le monde extérieur et intérieur agit sur l'âme à moitié formée et peut-être déjà en possession d'une certaine connaissance indistincte de soi-même, c'est une question trop difficile pour qu'elle puisse être résolue imraédia-
(1)Bernard Perez, La Psychologie de l'enfant ; les trois premières années de l'enfant, 4e édition, pages 1-12, et Ribot, L'hérédité, 1re éd., p.315
(2) Luys, le Cerveau et ses fonctions. (3) Luys, toc. cit. (4) Perez, loc. cit.
tement. Selon le Dr Luys (1), les cellules nerveuses sont pendant un certain temps dans un élat de vibratiou produit par des impulsions ou impressions extérieures. Si nous sommes d'accord avec cet auteur, la question cesse d'être obscure pour nous, ou d'exister dans les régions de l'imagination ou des fables. A côté de cela, il est connu qu'une déviation des fibres nerveuses pendant le développement, ne fût-elle que d'un dixième de millimètre, influencera fortement la structure et le développement de certains organes (2). Par conséquent, une impression soit continuelle soit accidentelle reçue pendant la vie fœtale influence le développement du cerveau et des organes individuels; c'est pourquoi une impression forte et momentanée, même dans un rêve, reçue par la mère et transmise par elle, est sufiisante pour produire plus tard une série de changements dans le développement du fœtus.
Pour ma part, je suis parfaitement convaincu que les différentes défectuosités psychiques et physiques qne l'on attribue à l'hérédité sont pour la plupart les résultats des impressions morales dérivés de l'entourage de la mère. Naturellement, toutes les femmes n'ont pas des enfants portant les traces de leurs impressions. « S'il en était ainsi, quelles créatures et quels caractères étranges ne verrions-nous pas ». dit Buffon. La nature n'a pas donné à tous les hommes la même sensibilité nerveuse, etc'est pourquoi les impressions ne sont pas les mêmes chez tout le monde. Cependant, il'faut admettre que des impressions fortes et continuelles doivent sans aucun doute avoir de l'influence sur le fœtus.
C'est un fait bien connu que chez les animaux le premier mâle détermine l'influence sur les autres petits, de même que les jeunes animaux descendant d'autres pères portent toujours les traces du premier père (3).
Le premier maie produit probablement sur la femelle de fortes impressions qui dorent très longtemps. M. Knight [\] dit que de pareils faits n'ont pas été observés dans les plantes. Il est probable que c'est aussi dans les impressions morales de la femme que se trouve la clef da secret pourquoi les enfants de mêmes parents sont souvent complètement différents de caractère, tempérament, capacité, apparence, etc. Cette différence qu'on rencontre si souvent est en contradiction flagrante avec la théorie d'hérédité si généralement acceptée.
(1) Luys. loc cit, p. 100.
|2) Bernard Perez, Loc. cit p.2
(3) Dr Alexander Harvey. A remarkable tffeci of cross-breeding. 1851. — Alexander Walker. Intermarriage, 1837; Philosophical transaction, 1821. — Charles Darwin.
The Variation! Animais and Plants under Domestication, 1835, vol. I. (1) Transactions Horticultural Society, vol. V. p. 68.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
Séance du 9 novembre 1891 — Présidence de M. Dumontpallier
(Suite)
Les faux témoignages suggérés chez les enfants,
Par M. Edgar BÉRILLON.
docteur en médecine, licencié en droit, directeur de la Revue de l'Hypnotisme
Dans une élude précédente, j'ai communiqué à la Société d"hypnologie les résultats d'un grand nombre d'expériences qui démontraient l'extrême sensibilité que présentent les enfants au point de vue de la production du sommeil expérimental . De ces expériences, portant sur deux cents sujets des deux sexes, je pouvais déduire la conclusion que, sur dix sujets normaux de six à quinze ans. pris dans toutes les classes de la société, huit sont susceptibles d'être endormis profondément, par suggestion, dès la première ou la seconde séance.
La communication actuelle a pour but de démontrer que cette suggesti-bilité des enfants n'est pas moins grande lorsqu'il s'agit de provoquer chez eux, soit des illusions de la perception, soit des illusions ou des hallucinations de la mémoire.
Tous ceux qui se sout livrés scientifiquement à l'élude de l'hypnotisme ont constaté que les premiers phénomènes observés chez les sujets profondément hypnotisés consistent surtout dans la possibilité de provoquer, par simple suggestion, des illusions sensorielles, des hallucinations, des croyances fausses. de& transformations de la personnalité, de l'amnésie au réveil et aussi l'accomplissement irrésistible d'actes commandés. Ces actes, qui peuvent être exécutés, non seulement pendant l'état d'hypnose, mais aussi après le réveil, sont très variés. M. Lîébeaull, qui a si bien étudié ces phénomènes élémentaires du sommeil provoqué, en avait aussi déduit, dès 1866, toutes les conséquences médico-légales. Depuis lors, ces faits ont été reproduits par tous les expérimentateurs, et 1 intérêt qu'ils présentaient serait peut-être épuisé, si les récents travaux de l'école de Nancy, en démontrant que les mêmes phénomènes peuvent être provoqués, à l'état de veille, chez un certain nombre de sujets, d'ailleurs fort suggestibles, n'avaient éveillé de nouvelles préoccupations juridiques.
Notre communication n'a donc pas pour but de rappeler des faits expérimentaux déjà connus. Nous voulons seulement démontrer que si cette sug-geslibîlité excessive, qui permet d'influeucer k un tel degré certains sujets à l'état de veille, sans qu'ils aient été préalablement l'objet de tentatives d'hyp-DOhsation, comporte de nombreuses exceptions chez les adultes, par contre, elle constitue presque la règle chez les enfants. En soi,l'analyse de ces divers
états de conscience, qu'il est si facile de provoquer artificiellement chez l'enfant, constitue déjà pour le psychologue et le pédagogue une étude d'un puissant intérêt; mais si l'on pense que de ces illusions de perception, de ces hallucinations de la mémoire peuvent découler des faux témoignages, la gravité d'une telle constatation laissera les esprits d'autant moins indifférents qu'on sait que les témoignages constituent la base de notre instruction judiciaire.
considerations juridiques
Il serait injuste de ne pas reconnaître que la loi a cherché à entourer le témoignage de garanties capables d'en assurer la sincérité. C'est ainsi qu'elle impose aux témoins l'obligation d'un serment solennel, qu'elle défend d'entendre une catégorie de personnes que leurs liens de parenté avec l'accusé peuvent rendre suspectes de partialité, et qu'elle punit le faux témoignage de pénalités très sévères. Mais la loi accorde au sens du mol faux témoignage une acception moins étendue que celle qu'il comporte en réalité. Pour tout le monde, commettre un faux témoignage, c'est donner sur un incident dont on a été témoin des renseignements contraires à la vérité. Au point de vue légal, trois caractères sont nécessaires pour constituer le crime ou le délit de faux témoignage, c'est-à-dire que, pour que le faux témoignage entraîne une pénalité, il faut : 1* une déposition mensongère faite sous la foi du serment; 2° que cette déposition ait été faite dans les débats; 3° enfin, que le faux témoignage ait été fait, soit contre le prévenu, soit en sa faveur.
Or, comme l'article 79 du Code d'instruction criminelle stipule que les enfants de l'un et l'autre sexe, au-dessous de l'âge de quinze ans, pourront être entendus, par forme de déclaration et sans prestation de serment, faut-il en déduire que les mineurs de moins de quinze ans ne sauraient légalement commettre le crime ou le délit de faux témoignage, que la question des faux témoignages suggérés est sans intérêt pour eux et qu'ils n'entraînent à leur égard aucune responsabilité. Ce serait là une grave erreur, car un arrêt de la Cour de cassation, du 30 juillet 1347, a décidé qu'ils peuvent eue admis au serment ou eu être dispensés, selon l'appréciation du président. Dans le premier cas, ils rentreraient donc dans les conditions générales des témoins. De plus, en fait, non seulement le témoignage des enfants est souvent invoqué devant la justice comme ayant une valeur égale à celle des autres témoins, mais jusqu'à ces derniers temps tout le monde était d'accord pour attribuer à la déclaration d'un enfant une valeur plus considérable. L'apparence pleine de candeur et de naïveté avec laquelle l'enfant fait son récit était considérée comme une preuve de sa sincérité, et il n'est pas douteux que, dans de nombreuses circonstances, le témoignage d'un enfant ait impressionué vivement les magistrats et le jury et qu'il ail exercé une influence prépondérante sur l'issue de la cause. La question a donc conservé tout son intérêt ; car bien que des observateurs plus sagaces aieul récemment appelé l'attention sur la tendance que manifestent beaucoup d'enfants à altérer sciemment ou inconsciemment la vérité, le mécanisme psychologique par
lequel ils arrivent ainsi à pervertir leurs perceptions n'a pas encore été suffisamment étudié.
Un des premiers, Bourdin, à qui l'on doit une élude intéressante sur les enfants menteurs, a fait remarquer avec raison combien le mensonge d'un enfant peut être préjudiciable à autrui lorsqu'il est fait devant la justice. Convaincu que le juge résiste difficilement à la parole d'un enfant, cet auteur considérait comme une œuvre méritoire de détruire le mythe de la sincérité de l'enfant, et il demandait instamment aux éducateurs et aux médecins de le seconder dans cette campagne. Depuis, noire collègue. M. Collineau (i), reprenant le même sujet, a observé que, si la droiture est, en général, l'apanage du jeune âge, il n'en est pas moins vrai que beaucoup d'enfants manifestent une propension extrême à l'astuce, à la dissimulation et à l'imposture. Mais ni Bourdin, ni Collineau, n'ont abordé le côté psychologique de la question ; ils se sont bornés à signaler des faits utiles a connaître. M. Motet, dans une communication fort instructive faite eu 1887. sur les faux témoignages des enfants devant la justice, est allé plus loin dans la voie de l'analyse. Après avoir cité quatre observations très précises dans lesquelles des enfants avaient, avec l'accent de la véracité le plus sincère, témoigné sur des bits dont las éléments constitutifs paraissaient puisés dans leur seul imagination, notre éminent confrère en lirait la déduction qu'il faut, en médecine légale, se tenir en garde contre les dépositions souvent mensongères des enfants. A ce sujet, il formulait les instructions suivantes, qui n'ont rien perdu do leur caractère pratique :
« Lorsqu'il s'agit de l'enfance, H ne faut jamais oublier que sa jeune intelligence est toujours prête k saisir le côté merveilleux des choses, que les fictions le charment, et qu'il objective puissamment ses idées, qu'il arrive avec une étonnante facilité a donner un corps aux fictions écloses dans son imagination ; que son inslinclive curiosité, son besoin de connaître, d'une part, et d'autre part l'influence qu'exerce sur lui l'entourage, le disposent à accepter sans contrôle possible tout ce qui lui vient do ces sources diverses. Bientôt il ne sait plus ce qui lui appartient en propre, ce qui lui a été suggéré, il est affranchi de tout travail d'analyse, et sa mémoire, entrant seule eu jeu, lui permet de reproduire sans variantes un thème qu'il a retenu; mais c'est précisément par cette répétition monotone que l'eu faut se laisse juger. Quand le médecin expert, après plusieurs visites, retrouve les mêmes termes, les mêmes détails, lorsqu'il suffit de la mise en train pour entendre se dérouler dans leur immuable succession les laits les plus graves, U peut être sur que l'enfant n'a pas dit la vérité, et qu'il substitue, à son insu, des données acquises, à la manifestation sincère d'événements auxquels il aurait pu prendre part. »
Les considérations qui précèdent, basées sur l'observation attentive des faits, suffiraient à elles seules pour édifier sur le crédit qu'il convient d'ac-
(1) Colusiac ; L'astuce ehei l'enfant, {Revue de l'hypnotisme, tome m, 1889. pages 25 et suivantes.)
corder aux déclarations de l'enfant, dont les perceptions peuvent être à chaque instant faussées par l'intervention d'une imagination trop active.
1^ psychologie expérimentale, en démontrant qne dans le jeune âge, à un degré beaucoup plus sensible qu'à l'âge adulte, les idées émanent le plus souvent des suggestions faites par l'entourage, en démontrant surtout que les idées reproduites le plus facilement et le plus fidèlement par l'enfant, sont celles qui lui ont été fournie» par suggestion, nous apporte de nouveaux éléments de suspicion à l'égard de la sincérité des enfants. En effet, s'il est prouvé expérimentalement que, lorsqu'ils racontent quelque chose, ils ne font guère que réfléchir docilement les images qu'ils ont reçu d'autrui, on se demande quelle peut être la valeur juridique de leur témoignage.
expériences
Les expériences que nous avons instituées ont eu pour but d'étudier dans quelle mesure il est possible, chez des enfants d'apparence normale, étages de six à quinze ans, de provoquer, soit à l'état de veille, soit dans l'état de sommeil, des illusions de la perception, des illusions et des hallucinations de la mémoire, ces illusions et ces hallucinations pouvant aboutir, seules ou combinées, à la constitution d'un faux témoignage.
Connaissant les objections qu'on invoque habituellement, lorsqu'il s'agit d'expériences d'hypnotisme, et qui ont trait soit à la complaisance, soit à la simulation des sujets, nous nous sommes appliqués à nous mettre dans des conditions expérimentales qui excluent ces causes d'erreur. C'est ainsi que la plupart de nos expériences ont été faites sur des sujets qne nous voyions pour la première fois, qui n'avaient jamais assisté à des faits semblables, n'avaient jamais été soumis à l'influence hypnotique cl ne se doutaient pas de la nature des phénomènes que nous avions l'intention de provoquer. Il n'est pas admissible ;u'un grand nombre de sujets s'abandonnent sans résistance et sans discussion à la direction qui leur est imprimée, par pure complaisance, alors qu'aucune relation antérieure n'est venue légitimer la confiance sans bornes qu'ils pinceraient dans l'expérimentateur. Quant à la simulation, nous nous sommes assuré qu'elle n'avait eu aucune influence sur le résultat de l'expérience, en faisant naître chez les sujets des phénomènes stomatiques fcontractures, anesthésies), capables de prouver l'origine expérimentale de leur automatisme.
Dan» nos expériences, nous avons procédé méthodiquement, allant du simple au composé et en provoquant successivement :
1* Des amnésies partielles;
2» Des déformations de la mémoire, c'est-à-dire des souvenirs faussés, représentant d'une façon inexacte des événements qui s'étaient faits réellement;
3° Des illusions de la mémoire, portant sur la durée et altérant la date d'événements réellement passés;
4° Des hallucinations de La mémoire, constituées par des souvenirs faux, auxquels ne correspondent aucun événement réel.
L'expérience que nous avons eu l'occasion de faire le plus souvent est la suivante; elle peut servir de pierre de touche pour mesurer la suggestibilité d'un enfant. Elle a trait à la provocation de diverses amnésies et il est inutile d'insister sur sou imporlauce à l'égard des faux témoignages suggérés, car l'oubli d'un incident dans une déclaration judiciaire peut avoir, au point de vue de l'accusé, la même gravité qu'un témoignage mensonger. Nous avons fait cette expérience ex abrupto un très grand nombre de fois, soit à la campagne, soit à la ville, et dans notre clinique. Nous étant approché d'un enfant, sans lui avoir parlé de sommeil ou d'hypnotisme, nous lui disons simplement : ° Douoez-moi la main; ne pensez qu'à ce que je vais vous dire et prêtez la plus grande attention à mes paroles. Dans un instant, si quelqu'un vous demande votre nom de famille, que vous connaissez cependant mieux que personne, chose étonnante, vous ne pourrez le dire ; vous l'aurez oublié. Vous aurez beau le chercher, vous ne pourrez le trouver que lorsque je vous le permettrai ». Quelques instants après, une ou deux minutes à peine, si un des assistants demande à l'enfant comment il se nomme, on peut observer chez le sujet un jeu de physionomie tout particulier. Il cherche son nom et fait des efforts visibles pour le trouver, surpris de ne pouvoir le dire. Quelques-uns donnent des marques d'impatience, comme on l'observe chez les aphasiques lorsqu'ils s'appliquent à la recherche d'un mol perdu.
Parfois l'expérience ne réussit pas de suite et il est nécessaire d'insister un peu plus. Dans ce cas, divers procédés permettent de renforcer la suggestion. On peut, par exemple, la faire indirectement, en s'adressant aux assistants et eu leur assurant que l'oubli du nom sera promptemeut obtenu. Nous n'insistons pas sur les divers procédés expérimentaux capables d'augmenter l'intensité de l'inQuence exercée sur le sujet. Ils s'apprennent par la pratique.
En général, la production de l'amnésie des noms s'obtient presque immédiatement, et elle n'est pas sans analogie avec celle que chacun de nous a pu observer sur soi-même.
Celte première expérience donne déjà la mesure du degré de suggeslibilité du sujet. Elle peut naturellement être variée à l'infini. On obtiendra ainsi, par le même mécanisme, toutes les formes d'amnésie partielle : amnésie des noms, des nombres, des figures, des signes, des couleurs, des faits. Ces amnésies pourront être produites isolément, ainsi, reniant auquel on aura suggéré l'oubli de son nom le lira si on le lui montre écrit. Il sera facile aussi de les associer, de les combiner et de les faire porter sur lout un ensemble de souvenirs.
Il est à noter que la durée de ces amnésies variera selon le degré d'insistance avec laquelle la suggestion aura été faite el selon le degré de l'influence exercée.
Les expériences précédentes porlaient sur la production d'amnésies passives, c'est-à-dire sur l'effacement plus ou moins durable de souvenirs; les suivantes ont trait à ce qu'on peut appeler la déformation des souvenirs. La méthode expérimentale ne fait en somme que reproduire, avec plus d'intensité, des altérations de souvenir analogues à celles qu'éprouvent les personnes douées d'une mémoire infidèle. En voici un exemple pris au milieu d'un grand nombre d'autres :
Je m'adresse à l'enfant Jules B..., Agé de dix ans, qui est normalement doué au point de voie intellectuel, et qui accompagne sa mère venue pour me consulter. Je lui demande de raconter ce qu'il a fait depuis le malin dans la journée du dimanche précédent. Aussitôt, sans avoir besoin de faire un long appela ses souvenirs, il répond, à mes diverses questions, qu'il s'est levé la malin à sept heures et qu'il s'est mis à faire ses devoirs : .\ midi, il est allé chercher son père à l'atelier; le père est venu avec un de ses ami» qui est resté à déjeuner à la maison; après le repas, on lui a permis d'aller jouer avec un de ses camarades; le soir, il esl rentré & sept heures, il a dloé seul avec ses parents. Je l'interromps alors et je lui affirme que ses souvenirs sont confus, qu'il ne se souvient pas exactement si c'était à déjeuner ou à dîner que ses parents ont eu M. J... pour convive. Une des personnes présentes l'interroge de nouveau. Sa physionomie exprime un certain embarras; il se souvient que M. J... a pris un repas chez lui, mais il ne sait pas si c'était au déjeuner ou au dîner.
Sa mère lui dit : « Allons, tâche de te rappeler. Tu n'as pas oublié ce qui s'est passé ». Il fait des efforts pour se souvenir, mais la suggestion a portée* il n'est plus capable de rien affirmer avec assurance.
J'ai fait beaucoup d'expériences du môme genre; elles m'ont prouvé que rien n'était plus facile, par simple suggestion à l'état de veille, de déformer les souvenirs chez les enfants, de les déconcerter, de les faire douter de leurs propres perceptions, portant cependant sur des faits précis et réels. De là an faux témoignage suggéré, la limite est facile à franchir.
III
Dans te même ordre d'idées, nous avons fait quelques expériences dans le but de provoquer des illusions sur la durée. Les résultats concordent avec ce que chacun a pu observer soi-même : c'est que le temps parait plus ou moins long, selon l'objet de l'attente, selon notre état d'esprit, selon les conditions matérielles dans lesquelles nous nous trouvons. Il n'y a pas d'opération mentale plus délicate que celle de la mesure rétrospective de la durée, et là encore U psychologie expérimentale vient vérifier les acquisitions de l'observation en montrant que rien n'est plus relatif que l'idée que nous nous faisons du temps qui s'est écoulé depuis un événement quelconque
Je dis à l'enfant B..., âgé de onze ans, traité à la clinique pour une incon-
linca ce d'urine, qu'il csl arrivé depuis très longtemps et qu'il a quitté la maison de ses parent» depuis plus de trois heures, alora qu'il en est parti seulement depuis une heure. Si je rinterroge ensuite, je consute qu'il s'en rapporte absolument à mon affirmation, ne paraissant pas avoir d'autres moyens d'appréciation de l'écoulement du temps que ceux que je lui ai tournis.
L'intérêt de ces expériences réside surtout dans ce fait qu'un témoignage qui reposerait sur une illusion mnémonique suggérée peut avoir les conséquences les plus graves, surtout lorsqu'il s'agit pour un accusé de rétablissement d'un alibi.
IV
La quatrième catégorie d'expériences que nous avons faites porte sur la possibilité de créer dans l'esprit de sujets endormis ou éveillés, des hallucinations de la mémoire constituées par des souvenirs faux auxquels ne coires-pond aucun événement réel. Ces phénomènes ont été très bien étudiés par H. Bernheim, qui leur a donné le nom d'hallucinations rétroactives, par H. Forel, qui les désigne sous celui de souvenirs illusoires rétroactifs, et par M. Liégeois qui a montré leurs rapports avec l'expertise médico-légale. Cest à M. Bernheim que revient le mérite d'avoir appelé le premier l'attention sur la facilité avec laquelle on peut, par simple affirmation à l'état de veille, créer dans le cerveau de certains sujets les images de scènes et d'événements dont ils croient avoir été spectateurs, bien que ces événements n'aient jamais existé. La démonstration expérimentale de ces hallucinations rétroactives snggérées a été vérifiée trop souvent pour que nous jugions utile d'y revenir. Nous voulons seulement insister sur ce point, c'est que l'halluciuabililé des enfants dépasse sous ce rapport tout ce qui a pu se concevoir.
Quelques exemples suffiront pour prouver que cette opinion n'a rien d'excessif :
?. L'entant C...t âgé de douze ans, se présente pour la première fois à la clinique le 15 octobre. À brûle-pourpoint, je lui dis : e Hier, lorsque tu es passé dans la rue Saint-Denis, lu as vu un rassemblement; tu l'es approché. Deux hommes se battaient; l'un d'eux a tiré un couteau; il a frappé l'autre en pleine poitrine et il s'est enfui. L'assassin était grand; il avait la barbe blonde, portail une blouse blanche ; si on t'interroge, lu n'auras oublié aucun détail de la scène à laquelle lu as assisté ». Quelques minutes après, un interrogatoire en règle est institué; l'enfant raconte avec une assurance imperturbable le récit qu'il a entendu. On a beau le démentir, il persiste dans ses déclarations, affirmant qu'il a bien assisté i la querelle, qu'il a vu le blessé, le couteau, l'assassin.
b. Quelques jours après, je dis à un autre enfant, F..., âgé de treize ans, qui vient d'entrer et qui a déjà été précédemment hypnotisé : « Tu as vu tout à l'heure dans la salle un grand monsieur ; IL a pourtant l'air honnête ; cependant, tu le constates, il s'approche de la cheminée et met dans sa poche
le thermomètre qui s'y trouve. Tuas bien vu cela, et si jamais on t'interroge, tu répondras toujours que c'est lui qui a pris le thermomètre. Tu persisteras à l'affirmer, même si je t'affirmais moi-même que lu le trompes, et même si l'on devait te conduire en prison pour cela, car tu l'as vu. tu l'as nettement vu. s
En même temps, je fais signe à un autre étudiant d'aller prendre le thermomètre en question. L'enfant voit le manège. Cependant, lorsqu'on l'interroge, il affirme avec la plus grande ténacité que c'est le premier personnage qui a pris le thermomètre. Aucune considération ne peut le convaincre du contraire. La perception illusoire reçue par l'ouïe neutralise complètement In perception réelle qu'il a reçue par la vue. On dirait que le mécanisme de cette illusion peut s'interpréter ainsi : l'image d'une scène ayant été déposée dans le cerveau du sujet par suggestion, il ne peut lui-même se rendre compte si c'est par la voie de l'œil ou de l'oreille qu'elle y a pénétré. Tout ce qu'il sait, c'est qu'il a acquis cette image, que le souvenir de cette sensation antérieure persiste et qu'il est capable de la représenter dès qu'on lui demandera de le faire. Ce qui parait avoir fait défaut chez lui, c'est Topéraliou intime de l'esprit désignée sous le nom danercepiïon, c'est-à-dire, la perception consécutive et accompagnée d'attention.
Les deux expériences que nous venons de relater ont été faites chez des enfants de la ville ; nous en avons réalisé d'identiques chez des enfants de la campagne au mois d'août 1891. aie trouvant à la Bourboule, je fus sollicité par plusieurs coofrères de leur montrer quelques faits d'hypnotisme. Parmi les sujets amenés par un habitant de la localité se trouvèrent plusieurs petits paysans.
c. Nous suggérons i l'un deux, le jeune Ch.... âgé de quatorze ans, après l'avoir endormi, que le dimanche précédent il a été témoin d'un scandale causé par un honorable fonctionnaire du pays qui avait traversé le pays sur un Ane et avait ameuté les passants par une attitude inconvenante. A son réveil l'enfant raconte avec une grande expression de sincérité la scène imaginaire qu'on lui a suggérée. Il manifeste une grande surprise lorsqu'on met eu doute l'authenticité do son récit.
d. Un second, lu nommé M..., âgé de douze ans, ne se prête pas facilement à l'hypnotisme. 11 s'endort cependant pendant qu'où fait d'autres expériences. On raconte alors devant lui qu'une des personnes présentes, qu'on lui décrit, s'est levée, est allée prendre sur la table un porte-monnaie et l'a mis dans sa poche. Après son réveil, il est interrogé; il accuse nettement la personne désignée d'avoir pris le perte-monnaie. On s'applique alors a lui faire ressortir les conséquences graves que peut avoir sa déclaration, aussi bien pour loi que pour celui qu'il accuse. Il persiste néanmoins dans ce qu'il a dit; aucune considération ne saurait l'en faire démordre. Pour un peu il paraphraserait le vers de Molière :
Je l'ai de mes yeux vu. ce qui s'appelle vu.
Nous avons reproduit les mêmes expériences sur une vingtaine d'enfants pris dans toutes les classes de la société : petits paysans, enfants d'ouvriers.
«lèves de lycées. 11 ne nous a pu paru que les plus intelligents fussent les moins suggestibles; su contraire, des enfants très bien doues au point de vue intellectuel, ont été facilement influences, comme cela s'est présenté dans le cas suivant:
e. L'enfant V..., âgé de don» ans, sans antécédents héréditaires marqués, doué d'une physionomie intelligente et noté à l'école eomrae un bon élève, est amené à la clinique pour une incontinence nocturne d'urine. M. Zakrevrskv, procureur général de Moscou, m'ayant fait l'honneur de me demander de lui exposer quelques-uns de ces faits, je m'adresse à cet enfant que je vois pour la première fois. Je commence parm'assurerde la suggestibilité en provoquant chez lui quelques amnésies partielles, puis je raconte devant lui, à l'état de Teille, qu'il a été témoin, le mercredi précédent, à son école, de la scène suivante : • Un des élèves ayant été indocile, un des frères qui faisait la classe s'est mis en colère, il a frappé l'enfant violemment avec son poing, il l'a traîné sur le sol par les cheveux, lui a déchiré l'oreille : le sang coulait. Les autres enfants, terriflés, n'osaient bouger ».
Quelques instants après, j'invite M. Zakrewsky a demander à l'enfant V... s'il n'a pas assisté récemment, dans son école, à une scène de violence. V... raconte alors qu'il a vu le frère frapper un de ses camarades, et il n'omet aucun détail. L'interrogateur désire connaître le nom du frère coupable. L'enfant hésite un peu, puis finit par dire : « C'est le frère B... -.A cette demande: Pourquoi le frère a-t-il frappé l'enfant? Y... répond: • C'est parce qu'il ne voulait pas faire du silence, qu'il ne voulait pas travailler et qu'il avait répondu insolemment Il est à noter que ces dernières réponses n'avaient pas été dictées par une suggestion. Son imagination en faisait tous les frais. Là où l'expérimentateur était resté dans des généralités, U n'hésitait pu à apporter de la précision et à faire porter le poids de l'accusation sur une personnalité qu'on ne lui avait en aucune façon désignée.
Son récit avait été débité avec un tel accent de sincérité que l'honorable magistrat qui l'avait entendu croyait que le fait avait réellement existé. Pour le détromper il fallut, par une contre-suggestion, amener l'enfant à reconnaître que son accusation ne reposait sur aucun fondement.
CONCLUSIONS
Des faits que nous avons observés, il résulte pour nous les conclusions suivantes :
1° Chez les enfants de six à quinze ans, il est facile, par simple affirmation, toit à Vital de veille, soit à l'étal de sommeil, de provoquer des illusions de la perception, des amnésies partielles, des déformations des souvenirs et des hallucinations de la mémoire.
2° La réalisation des suggestions faites expérimentalement chez l'enfant est la règle, la non-réalisation, l'exception. De ces suggestions, peuvent résulter des faux témoignages.
3° Il appartiendra aux magistrats de tenir compte, dans leurs interropa-
toires, do l'extrême suggestibilité des enfanls et de se mettre en garde contre la possibilité de suggérer à ces témoins les réponses qu'ils doivent Caire.
4* La possibilité de provoquer ces phénomènes aussi bien à l'état de veille qu'à l'eut d'hypnotisme, chez on grand nombre d'individus, les mit rentrer dans le domaine des faits psychologiques normaux et exclut, à leur égard, l'idée d'une réglementation légale.
5m L'article 365 du Code pénal, qui vise le délit de subornation do témoins et uu arrêt do la Cour de Cassation, du 7 décembre 1883, qui précise les caractères de ce délit dans les termes suivants :
• La subornation de témoins est un fait délictueux, sui generis, qui existe indépendamment des circonstances constitutives de la complicité ordinaire spécifiées dans l'article 60 du Code pénal, par cela seul qu'il y a eu emploi de suggestions ou excitations dolosives adressées à des personnes appelées à déposer sous la foi du serment et de nature a les amener à faire des déclarations contraires à la vérité. »
Constituent, à notre avis, un moyen de répression suffisant contre les abus qui pourraient résulter des suggestions faites systématiquement dans le but de provoquer uu faux témoignage.
Considérations Juridiques à propos des faux témoignages suggérés,
Par M. GUÉRIN, avocat à la Cour d'appel.
Le faux témoignage est puni par les articles 361 à 365 du Code pénal. Il est considéré comme crime s'il se produit dans uno affaire criminelle, comme délit dans les autres cas. La peine du faux témoin est au moins égale a celle que le faux témoiguage a fait ou aurait fait infligera l'accusé; elle est plus élevée lorsque le faux témoin a reçu de l'argent. La loi semble n'avoir prévu que le faux témoignage conscient.
Ces peines no peuvent s'appliquer que sous certaines conditions : d'abord il faut chez l'agent l'existence de la qualité de témoin, déposant sous la foi du serment à l'audience; il ne peut donc y avoir faux témoignât-* «ie la part de ceux que la loi n'admet pas comme témoins, savoir les enfants et les dénonciateurs payés. Mais il faut remarquer qu'en fait, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président, ces personnes sont entendues * à titre de renseignements » et que la même importance s'attache a ces renseignements qu'aux véritables dépositions. Tout le monde se rappelle encore celte émouvante affaire, où des enfants vinrent raconter devant le jury tous les détails du crime de leurs parents, coupables d'avoir brûlé leur mère; seuls témoins oculaires, ces enfants furent la cause directe de la condamnation à mort. Tous les jours, d'ailleurs, il est un ordre d'affaires où forcément la déposi-tion d'un enfant est la seule base de l'accusation (je veux parler des attentats
1 la pudeur), et n'est-ce pas là surtout qu'on peut craindre les faux témoignages suggérés? Si le faux témoin est alors à l'abri, le danger reste le même pour l'accusé, d'autant plus que la sagesse des nations fait sortir la vérité de la bouche des enfants, et qu'on ne peut les croire capables d'inventer de telles histoires ou pousses par quelque intérêt à calomnier l'accusé.
Deux autres conditions sont nécessaires pour constituer le crime ou le délit de faux témoignage : l'une, qu'il résulte pour l'accusé ou pour la société un préjudice possible de la déposition (nous la supposons remplie); l'autre, que l'agent ait eu l'intention de nuire. Ceci permettrait de sauver le faux témoin auquel a été suggéré son témoignage, si Ion pouvait établir qu'il n'a pas altéré sciemment la vérité; mais comment le prouver?
Ce qui donno surtout une grande importance, au point de vue légal, à la possibilité de suggérer de faux témoignages, c'est le danger qu'ils font courir à l'accusé qu'ils accablent ou à la société qu'ils désarment. Quant aux conséquences qui en résulteraient pour le témoin lni-même, il s'agit là d'une question plus générale : celle de la possibilité de suggérer un crime ou un délit, car le faux témoignage n'est pas autre chose.
Quand on s'occupe de cette question, on est trop souvent tenté de faire, et le jury fait toujours une confusion regrettable entre la responsabilité morale et la responsabilité pénale. Tandis que la première ne relève que de la conscience de l'individu auteur de l'acte, la seconde a son fondement dans la nécessité de la défense de la société. Il n'appartient pas à la loi et aux juges qui l'appliquent d'examiner et de décider si tel acte est bon ou mauvais, mais seulement s'il est ou non nuisible à la société. Tel acte mauvais peut échapper aux rigueurs de la loi; tel acte réputé crime peut être moralement bon. Que le criminel soit ou non un malade, la loi ne vise qu'une chose : défendre La société et mettre hors d'état de lui nuire tous ceux qui La menacent, les criminels comme les fous. La responsabilité morale et La responsabilité pénale sont donc bien distinctes.
Ce qui n'empêche pas de les confondre tous les jours, lorsque certaines circonstances ayant influé sur La volonté de l'agent semblent lui enlever sa responsabilité morale; de là des acquittements scandaleux ou des indulgences coupables. Prenons pour exemple l'ivresse : dans un procès récent, un individu ayant tué sa belle-mère et sa femme, fut soumis à l'examen de médecins légistes. Les journaux ont rapporté qu'au dire de l'expert il fallait dis-' tinguer les buveurs d'habitude des alcooliques : les premiers, plus irascibles que le commun des hommes, sont responsables; les seconds, arrivés à l'alcoolisme complet, sont irresponsables. Au point do vue moral, une telle théorie est déjà discutable : il nous semble que la responsabilité reste entière, quoique déplacée'; elle n'existe plus au moment où le crime a été commis, mais elle a commencé le jour où, commençant à boire, cet homme a rendu possible son crime. Mais c'est là une affaire de conscience, et l'on peut l'admettre irresponsable moralement. Pénalement, peut-on l'admettre? L'ne telle théorie est tout simplement l'encouragement à l'ivresse : vous n'êtes que buveur d'habitude, ce n'est pas assez, buvez encore, et quand vous serez
alcoolique, vous serez libre de commettre impunément tous les crimes. Avis aux criminels de l'avenir : qu'ils prennent un diplôme d'alcoolique, c'est on sauf-conduit.
A notre avis, il en est de même de la suggestion. Y a-t-il de» gens si éminemment suggcstibles qu'ils peuvent être sans résistance endormis et suggestionnés, que ces malades de la volonté soient soumis à un régime spécial et mis, comme les aliénés, hors d'état de nuire. Si, au contraire, nul ne peur être endormi et suggestionné contre sa volonté, c'est an moment où il consent à l'expérience que naît chez lui la possibilité d'un crime, d'un délit, faux témoignage, c'eut à ce moment qu'il est responsable et qu'il le demeure. A lui de ne se confier qu'à des personnes sûres; il est aussi coupable d'accepter les suggestions criminelles qu'il le serait de suivre de mauvais conseils : la situation est la même.
Mais, comme nous le disions plus haut, le faux témoignage n'a pas des conséquences que pour le faux témoin, il en a de terribles pour l'accusé. Et alors peu importe qu'il s'agisse d'un enfant ou d'un témoin, peu importe que la déposition ait lieu à l'audience ou dans le cabinet du juge d'instruction. Ce dernier, comme le président, peut, à son insu du reste, suggérer au témoin des ré j on ses; tout dépend souvent de la manière dont est conduit l'interrogatoire, et il suffit d'avoir vu interroger une fois ou deux des enfants pour être persuadé qu'on peut leur faire dire tout ce que l'on veut. Un témoin très affinnatif peut aussi, à l'audience même, entraîner à sa suite d autres témoins; car si les témoins sont hors de l'audience au début, ils j restent après avoir déposé et sont quelquefois rappelés après la déposition d'autres témoins qu'ils ont pu entendre. Aussi voit-on des témoins démentir à l'audience ce qu'ils ont dit à l'instruction, reconnaître dans l'accusé le criminel après être resté longtemps sans le reconnaître, rétracter leurs dépositions quand ils sont rappelés après un autre témoin.
A l'audience au moins, il est possible de deviner ce qui se passe en eux de voir l'eiTet de la suggestion ; mais comment exercer ce contrôle sur ce qui passe dans l'instruction? C'est là qu'est le danger surtout. Aux médecins de nous indiquer le remède, s'il existe, de nous dire si, par quelque procédé, l'on pourrait reconnaître le faux témoignage suggéré, c'est-à-dire sauver l'innocent accusé et atteindre le suggestionneur coupable.
En résumé, la question se réduit à celles-ci : Est-il possible d'endormir tout le monde et de faire à tout le monde des suggestions, sans résistance? Peut-on arriver à reconnaître le faux témoignage suggéré et à découvrir le suggestionneur? De la solution de ces questions pourront dépendre les modifications à apporter a notre législation pénale.
Mais dès maintenant on peut tirer de là quelques conclusions : d'abord la nécessité de remplacer l'instruction secrète par une instruction contradictoire; en second lieu la nécessité, pour les défenseurs, de tenir compte de l'importance des faits où la suggestion joue un rôle, de surveiller avec soin les influences qui ont pu agir sur tel ou tel témoin, et d'appeler sur ces questions l'attention des jurés et des magistrats; nécessité aussi pour les
magistrat- instructeurs de prendre garde à la façon dont LU dirigent l'interrogatoire. Enfin il est permis de penser qu'on pourrait, dans une très large mesure, prévenir jusqu'à la possibilité des crimes et des faux témoignages suggérés, en interdisant la pratique de l'hypnotisme, publique ou non, à tout autre que les médecins (eu prenant ce mot au sens large, médecins du corps et de l'âme, en faisant de cette pratique un délit puni assez sévèrement
pour que cette seule peine suffise à faire réfléchir les auggestionneurs criminels et en portant enfin des peines très graves contre ceux de ces médecins qui seraient convaincus d'avoir usé de cette faculté dans un but délictueux ou criminel.
Considérations médico-légales sur la séquestration des morphinomanes,
par M. le Dr GORODICHZE.
Un certain nombre d'observations personnelles se rattachant toutes à la guérison à domicile de la morphinomanie par la suggestion hypnotique sans le secours d'aucun autre moyen, m'entraîne à des considérations médico-légales sur la liberté individuelle etau mode de traitement qui est à peu près le seul employé avec quelque succès, la séquestration.
La dénomination de morphinomanie n'est nullement justifiée, si on voulait se tenir directement à l'origine étymologique du mot. La désinence manie est une étiquette terminologique commune à tout un groupe de symdrômes épisodiques ayant des caractères communs (impulsions, conceptions délirantes, obsessions, etc.). En effet, MM. Lancereaux (Sem. M éd. n" *23, 1889) et Magnan (Soc. méd. psych., février 1889) ont conseillé de réserver ce nom aux cas de morphinisation par accès et survenant en vertu d'une impulsion irrésistible, en un mol à la dipsomanie morphinique, qui ue se rencontre pas dans la clinique. L'ancienne dénomination a donc été conservée.
Au cours même de l'intoxication morphinique, non pendant la période d'abstinence, la morphine provoque-l-elle des impulsions irrésistibles au vol, au meurtre, au suicide, etc., en un mot à des impulsions pathologiques? L'état de besoin créé par la morphine n'est pas une impulsion pathologique, c'est un besoin physiologique, vital, amené par l'absorption prolongée du poison. Mais les vraies impulsions pathologiques n existent pas dans le cours dumorphinisme. Les morphinomanes, en commettant un acte délictueux, ne manquent jamais de se retrancher derrière leur intoxication, mais il n*y a pas un seul cas dans les annales judiciaires où les médecins légistes ou magistrats aient même atténué la culpabilité du prévenu, à moins qu'il ne se fût agi d'une psycbopathie constante à caractère impulsif. En Angleterre et en Amérique, la morphinomanie aggrave même le délit aux yeux des tribunaux.
Les impulsions au suicide manquent également dans le cours même du
morpbinisme, en dehors bien entendu de la période d'abstinence. Les morphinomanes aiment bien se répandre, il est vrai, en récriminations contre leurs souffrances physiques, contre l'inertie psychique, contre les déboires de leur triste passion, disent avoir la ferme volonté d'en finir avec la vie aussi pénible, mais toutes ces jérémiades finissent toujours par un nombre luxueux de piqûres et le rose revient. Il n'y a pas de cas de suicide dans le cours de lamorphinomanie comme on en rencontre dans l'alcoolisme.
Les crises nocturnes des morphinomanes ne sont autre chose que des rêves, des cauchemars, qu'on observe dans tout état toxique, mais des vraies hallucinations diurnes, à l'état de veille, à l'inanité desquelles le malade ne croit pas, n'existent pas dans le cours de celte intoxication, à moins qu'il n'y ail coexistence d'une autre intoxication ou d'un état vésanique.
Il en est de même des conceptions délirantes. C'est à la longue seulement que l'état mental pcul être atteint et des troubles dans la sphère intellectuelle amener un état dénienlal.
Tous ces développements nous conduisent à la conclusion que la mor-phinomanie ne doit pas entrer dans la catégorie des psychoses, des folies. Les auteurs qui se sont occupés dernièrement de la question sont tous de cet avis et, comme dit très bien Pichon : € L'appétence morbide pour la morphine présente cette différence capitale avec les psychoses impulsives qu'elle est créée artificiellement et que l'état de besoin peut être développé chez le premier venu. » (loc. cit., p, 165), quoiqu'il faille avouer que c'est parmi les dégénérés que se recrute le plus grand nombre de morphinomanes passionnels, euphoriques.
Cette conclusion n'a pas qu'un intérêt théorique, il s'y rattache des considérations médico-légales de la plus haute importance, vu le traitement employé
En effet, tous les auteurs, pour ne citer que quelques-uns : Pichon (p. 246-253), Jennings (p. 25), Bail (p. 80), Régnier (p. 90), Levins-tein, etc., sont unanimes à déclarer que la démorphinisaiion à domicile et même dans les hôpitaux, asiles de retraites, établissements d'hydrothérapie et autres, n'est qu'un leurre, une perte de temps pour le malade qui, par sa ruse inimaginable, sa proverbiale supercherie, trompe son entourage, continue à se piquer en cachette, décourage les meilleures volontés, faute de surveillance rigoureuse, d'isolement absolument complet, de personnel spécialement dressé à cet effet, qu'on peut trouver uniquement dans une maison d'aliénés. De trop nombreux exemples ont surabondamment prouvé la vérité de ces assertions. Ils arrivent alors tous à conseiller la séquestration. Mais n'est-ce pas un attentat à la liberté individuelle? L'administration a-t-elle le droit d'admettre dans ses maisons d'aliénés des malades qui ne sont nullement atteints de folie, de l'aveu même des partisans de la séquestration, rien qu'à cause de l'impossibilité de les guérir en dehors de ces maisons?
Assurément non! Du fait qu'une maladie non psychopathique ne puisse guérir en dehors de la surveillance rigoureuse, de l'internement, en un mot, il ne s'ensuit pas que les malheureux parents qui en sont atteints doivent
être considérés comme aliénés et privés, par conséquent, jusqu'à leur guê-rison, durant la séquestration, de toutes leurs libertés, comme les règlements des maisons d'aliénés l'entraînent. Mais l'intérêt des malades, m'objectera-t-on* C'est précisément de leur intérêt qu'il s'agit ici, en tant que membres de la société parfaitement raisonnables, pouvant se conduire, se guider eux-mêmes dans la rie, pouvant disposer librement de leur individualité.
En Amérique et en Angleterre, de même qu'en Allemagne, la question est justement tranchée dans le sens que j'indique ici. Dans les deux premiers pays, il existe des maisons spéciales pour soigner exclusivement des morphinomanes : les « The morphines accus tamed », de même qu'en Allemagne :
¦ Heilanstalt für morphium süchtige Les praticiens de ces pays-là étant partisans de la séquestration sont strictement logiques avec eux-mêmes :
¦ la morphinomanio n'est pas une folie, donc, n'assimilons pas ces malades aux aliénés, mais mettons-les dans des conditions spéciales d'internement, puisque leur santé nous le commande >.
En France, ces maisons-là n'existent pas et les médecins envoient les morphinomanes chez les aliénés.
Erlenmeyer de Bendorf a bien montré, dans une discussion engagée à ce sujet avec M. Pihon, il y a quelques années, tout ce qu'il y a d'illégal dans cette façon de procéder, d'autant plus qu'en France on conseille de séquestrer des morphinomanes même contre leur volonté.
La morphinomanie a pris, dans ces dernières années, une telle extension que la création de ces maisons spéciales s'impose absolument à la société, au risque de voir violer journellement notre droit le plus sacré, notre privilège le plus chatouilleux : la liberté individuelle. Les médecins « séques-treurs • songent-ils à toute la gravité des conséquences sociales qu'entraîne l'internement dans une maison d'aliénés communs, à l'abus qui peut-être fait de leur permission par des personnes peu scrupuleuses qui peuvent se débarrasser ainsi d'un membre de leur famille morphinomane; en entretenant même sa funeste passion? J'en connais pour ma part un exemple frappant, qui, heureusement pour les coupables, n'a pas eu de dénouement devant les tribunaux.
L'absence de ces maisons en France fait que même les malades qui accepteraient l'idée d'être enfermés, hésitent très longtemps à s'y résoudre de crainte d'être considérés à leur sortie comme des aliénés(l).
Mais, voyons maintenant ce qu'il y a de vrai dans l'affirmation : « En dehors de la séquestration, pas de salut ». Je prétends, en me basant sur quelques observations personnelles et sur des cas relatés par Forci, de Zurich; La lame, de Genève; A. Voisin, et d'autres, que cette affirmation est au moins exagérée.
La démorphinisation à domicile est impossible, dit-on, à cause de l'intensité de l'état de besoin, des souffrances intolérables que provoque l'abstili) L'alcoolisme se prêterait à des considérations presque analogue*, mu* cela m'en-traloîrait trop loin et me ferait sortir dn cadre de mon lojet. Je dirsi seulement qu'à l'étranger l'éthylosme a les mêmes honneurs qne la morphinomanie.
nence : les caractères les mieux trempes, les volontés de fer ne résistent pas à la tentation de recourir de nouveau pour une fois, disent-ils, au funeste poison qui leur apporte de suite un soulagement, et c'en est fait de leur bonne résolution : le traitement est compromis pour toujours. Mais si ou avait le moyen de calmer, d'une part, les souffrances de l'abstinence, les atténuer, les rendre supportables et exalter la volonté, d'autre part, à un degré tel que le malade regarde sa seringue sans y toucher, la solution du problème serait trouvée. Tous les médecins sont d'avis, maintenant, que les succédanés de la morphine, cocaïne, chloral, opium, bromure, éther, alcool, etc., sont bien plus nuisibles qu'utiles, parce qu'on greffe sur la morphino-manie une nouvelle appétence morbide qui augmente la gravité du mal. Ces moyens et d'autres, comme sparteine, nylroglycérine, oxygène, peuvent rendre quelques services comme adjuvauts du traitement par séquestration, mais en ce moment nous n'avons en vue que le traitement à domicile.
Eh bien, le traitement à domicile sans le secours d'aucune surveillance spéciale, peut être couronné de succès quand le traitement employé est la suggestion hypnotique.
Depuis l'impulsion donnée par l'Ecole de Nancy à l'hypnotisme thérapeutique, nous savons le parti qu'on peut tirer, pour le bien des malades, de la suggestibilîtédans laquelle les met le sommeil provoqué. On peut, parla suggestion, diminuer les souffrances des malades, voire même les enrayer, donner du courage à ces pauvres malheureux, exalter leur volonté, leur désir de guérir, leur suggérer même l'impossibilité de toucher à la seringue, leur insinuer le dégoût pour la morphine (c'est par là, du reste, que je commence), et diminuer de cette façon progressivement la dose, jusqu'au jour où le malade n'en prend plus. C'est alors qu'il est indispensable d'avoir recours à plusieurs séances par jour pour maintenir l'abstinence et calmer les symptômes douloureux et pénibles de celte période. Au fur et à mesure que vous vous éloignez du jour de la suppression, le malade reprend courage, le sommeil revient, l'agitation cesse et le bien-être qu'il ressent est augmenté encore par la suggestion. Ce traitement, conduit avec persévérance, aboutira sûrement au résultat qu'on en attend.
S'ensuit-il que tous les morphinomanes sont appelés à guérir par ce moyen? Malheureusement non, le sommeil hypnotique ne pouvant être provoqué chez tout le monde, et l'on conçoit que c'est là une condition sine qua non du succès, mais ce qu'il y a de consolant et d'encourageant pour le médecin psychothérapeute, c'est que la majorité des personnes est hypnotisante, par conséquent suggestible. A en croire Liébeault, qui a une grande compétence en la matière, les neuf dixièmes sont influencés.
C'est donc aux personnes réfractaires seulement à la suggestion qu'U faut réserver la séquestration comme ultlua ratio à la condition que l'internement ait lieu dans une maison spécialement destinée aux morpiiino-manes.
Un grand avantage du traitement hypnotique consiste en ce qu'on n'exerce sur le malade aucune contrainte, aucune violence, qu'on lui laisse la corn-
plète illusion du libre-arbitre, ce qui n'est pu peu de chose, si l'on considère arec quelle facilité les malades guéris par séquestration retombent dans leur vice sous prétexte d'un malaise quelconque, d'une névralgie, d'un chagrin insignifiant. Sa guérison psychique est exempte de ce danger, car il suffit de temps en temps de répéter la suggestion qui conserve son effet, comme des nombreuses observations l'ont prouvé, pendant très longtemps. Cn autre avantage de ce traitement est son innocuité.
Séance du 14 décembre 1891. — Présidence de M. Dchostpaluer.
Le procès-verbal de la dernière séance, lu par M. Magnin, secrétaire, est adopté.
M. le Président met aux voix l'admission, comme membres titulaires de la Société, de M. le D* Burot. présenté par MM. Déjerine et DumoDlpallier; de M. Henri Robert, avocat à la Cour d'appel, présenté par MM. Liégeois et Bérillon ; de M. le Naret. présenté par MM. Gascard et Le Gall ; de M. Louis de Fontenay, avocat à la Cour d'appel, présenté par MM. Dumontpallior et Bérillon.
Délit de vol commis sous l'influence de la suggestion hypnotique,
Par M. le Dr Auguste VOISIN, médecin de la Salpétrière.
Messieurs,
Je vous ai promis de vous communiquer l'observation d'une femme dont j'ai parlé au Congrès d'Hypnologie, comme ayant volé sous l'influence de suggestions hypnotiques.
J'ai été commis, le 17 janvier 1888, par un juge d'instruction du Tribunal de première instance de la Seine, M. M..., pour examiner l'état mental d'une nommée B..., inculpée de vol.
Cette femme, âgée de vingt ans, avait dérobé un très grand nombre d'objets aux Magasins du Louvre, de complicité avec trois autres individus : deux femmes et un homme, arrêtés en même temps qu'elle. Sa physionomie était très mobile ou bien son regard était souvent extatique et rêveur.
Elle présentait de nombreux signes d'hystérie : douleurs sus et sous-mammaires gauches, dans les fosses iliaques, hypéreslhésie du membre supérieur gauche, étouffements, sensation d'une boule posl-sternale.
Elle était sujette à de 1res fréquentes attaques hystéro-épilepliques caractérisées par un cri initial, la perte de la connaissance, la chute à terre, par de la raideur générale, de l'écume buccale et par des convulsions doniques, et, vers la fin de l'attaque, par des mouvements passionnels du ventre et du thorax et par la cambrure du tronc en avant.
Cette femme a été prise plusieurs fois d'attaques de catalepsie et de somnambulisme nocturne. Pendant le temps de l'observation à laquelle je l'ai
soumise, elle est tombée fréquemment en sommeil hypnotique lorsque les chefs de service et les élèves de Saint-Lazare et moi-même la fixions du regard.
Il a été aisé de la faire causer pendant ce sommeil à forme somnambu-lique ei de savoir d'elle qu'elle avait été hypnotisée souvent par son complice arrêté en même temps qu'elle, et qu'il lut suggérait d'aller voler dans les Magasins du Louvre.
Le fait rérélé dans le dossier est qu'elle a volé pendant trois mois avec une adresse telle que ses trois complices ont pu entasser chez eux une quantité considérable de marchandises qui a nécessité près de deux voitures de déménagement pour être transportées.
De plus, cette femme était arrivée à être d'une suggestibilité et d'une crédulité extraordinaires à l'étal de veille. Ses compagnes lui faisant croire tout ce qu'elles voulaient, lui faisaient exécuter des actes burlesques sans qu'elle fil mine de résistance.
Aussi sa suggestibilité expliquait bien les actes délictueux qu'elle avait commis.
J'exposai celte conclusion dans mon rapport; je déclarai que celle femme avait élé l'objet de pratiques hypnotiques répétées de la pari de son complice; qu'elle avait reçu pendant son sommeil hypnotique des injonctions à voler et qu'elle avait obéi sans pouvoir résister à des suggestions délictueuses; que, du reste, les pratiques répétées d'hypnotisme avaient créé en une suggestibilité telle qu'à l'état de veille elle ajoutait foi à toutes les billevesées et à toutes les plaisanteries, et que ses compagnes lui faisant exécuter des actes absurdes.
Conformément à mes conclusions, dans lesquelles je déclarai celte femme non responsable des actes qu'elle avait commis, le juge rendit une orion-nance de non lieu et il ordonna son internement dans un asile d'aliénées pour y être traitée de ses attaques convulsives.
B... a été placée dans mon service de la Sapêtrière, où j'ai pu robserver et l'hypnotiser tout à loisir. Je lui ai suggéré à plusieurs reprises de ne plot écouter de mauvais conseils et de ne plus se laisser endormir par d'autres que par moi.
Je l'ai rendue à ses parents au bout de six mois de séjour à la Salpêlrière, dans un état de guêrison aussi complète que possible.
J'en ai eu tout récemment des nouvelles absolument bonnes.
En résumé, messieurs, si le délit de vol a pu être commis par cette femme sous l'influence de suggestions hypnotiques, l'hypnolismo m'a permis, ptr contre, de faire connaître au juge d'instruction les conditions dans lesquelles B... avait volé et d'obtenir que sa culpabilité fût écartée.
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
Une Ville de criminels-nés. par le Dr Lombroso (1).
Le Dr Lombroso cous signale que Sighele. jeune Juriste, a découvert une Tille de criminels-nés.
Tous ceux qui ont étudié les statistiques criminelles savent que le crime se concentre de préférence dans un petit nombre d'endroits- Souvent, en examinant les chiffres d'un district, on se dirait : « Voilà un département qui dans son ensemble serait satisfaisant, s'il n'y avait pas une ville ou un village qui gâte LouL » Peut-être en est-il do crime comme du poison qui, — tout eo exerçant son influence pernicieuse dans tontes les parties de l'organisme, — affecte singulièrement certains organes.
En Italie, un de ces points malades, on, comme dirait M. Johr, un de ces foyers de criminalité spontanée, est le village d'Artena. dans la province de Rome.
Situé au sommet d'une colline, an milieu d'une campagne verte et riante, avec un climat très doux, ce pays, où il n'y a pas de misère, devrait Aire un des plus honnêtes et des pins heureux. An contraire, il jouit d'une célébrité infâme, et ses habitants sont considérés dans la contrée environnante comme des voleurs, des brigands et des assassins. Cette renommée ne date pas d'hier : dans les chroniques italiennes du moyen âge, on rencontre souvent le nom d'Artena, et son histoire peut se résumer en une longue série de crimes. Aujourd'hui, on dirait que le banditisme, qui agonise partout, s'est réfugié dans eo petit village et y a gagné tout ce qu'il a perdu en extension.
Un peut juger de la gravité du mal par la table statistique suivante ;
Comme on le voit, Artena se distingue par un nombre de coups et Masures, de meurtres et d'assassinats six pois plus grand que la moyenne de l'Italie (et l'Italie est à la tête de la criminalité de toutes les nations civilisées pour les crimes-personnes) et par un nombre de vols sur les chemins publics trente fois plus grand que dans la moyenne de l'Italie. Et encore ces chiffres ne sauraient donner une idée exacte de la férocité et de l'audace des criminels d'Artena. Poar s'en rendre compte, il faudrait décrire longuement tous les crime* ; il faudrait voir comme on assassine en plein jour sur la place publique, comme on étrangle les témoins qui osent dire la vérité devant le juge d'instruction 1...
Sighele a étudié aussi quelles sont les causes de ce phénomène étrange. Il en
(1) Extrait des Nouvelles recherches de Psychiatrie et d'Anthropologie criminelle. — Félix Alcan, éditeur, 168, boulevard Saint-Germain, Paris.
a trouvé plusieurs. Les premières et les plus générales sont : le caractère des habitants et l'influence exercée par les anciens gouvernements; ce sont elles qui produisent la camorra et le brigandage (qui est la forme rurale de la camorra) dans tout le midi de l'Italie. Beaucoup d'écrivains se sont occupés de ce facteur ethnique social du crime : il est mutile d'y insister.
Une autre cause, — caractérisque de l'endroit en question — est l'impuissance de l'autorité à frapper les eoupables. Dans les dernières années, presque tous les procès aboutissaient à une ordonnance de non-lieu. Le silence des témoins, qui étaient achetés ou intimidés, empêchait d'obtenir les preuves nécessaires; aussi les malfaiteurs, qui voyaient qu'on pouvait tenir la justice en échec, se croyaient autorisés à tout oser. Heureusement, le procès du mois de juin 1890, qui se termina par trente-deux condamnations (dont plusieurs à la réclusion perpétuelle) a mis fin à cette impunité dangereuse.
Mais la cause principale est sans aucun doute l'hérédité. Sighele a fouillé tous les procès intentés contre les criminels d'Artena depuis 1S52, et il y a toujours trouvé les mêmes noms. Le père, le fils, le petii-fils se suivaient à distance, comme poussés par une loi fatale. Dans le dernier procès, il y avait deux familles déjà célèbres dans les annales judiciaires : l'une do sept personnes, l'autre de six, le père, la mère et les fils; pas un ne manquait. — On peut bien répéter ici les paroles de Vidocq : « Il existe des familles dans lesquelles le crime se transmet de génération en génération, et qui ne paraissent exister que pour prouver la vérité du vieux proverbe : Bon chien chasse de race, »
Jamais — je crois — on n'a rencontré meilleures preuves de la loi de l'hérédité.
En France, dans une série de bourgs disposés sur la lisière des forêts de la Thiéraehe, prolongement de celles des Ardennes, M. Fauvelle (lj signale une race criminelle. Partout où celte race prédomine, ce ne sont que rixes et violences de toutes sortes sur lesquelles l'autorité judiciaire se voit forcée le plus souvent de fermer les yeux pour ne pas encombrer les prisons. Tout étranger qui se risque au milieu de ces populations s'expose pour le moins à être insulté, aussi bien par les femmes et les enfants que par les hommes. Même dans la classe aisée, cette brutalité reparait souvent à travers un certain vernis de civilisation. L'alcoolisme fréquent, là comme ailleurs, exagère encore celle espèce de sau- ' vagerie.
Le groupe ethnique en question a de la répugnance pour les travaux de culture; il exploite les forêts ou travaille à l'industrie du fer, mais se livre surtout avec passion à la contrebande. Sa taille est un peu au-dessus de la moyenne; il est fortement musclé; ses mâchoires sont larges et puissantes; le nez est droit et les arcades sourcilières accentuées. Le système pileux abondant est fortement pigmenlé, ce qui le distingue à distance d'une autre race à cheveux blond jaunâtre, qui occupe un certain nombre de villages de la même contrée et à laquelle il ne s'allie que très rarement.
Les Maladies de l'esprit (2), par m. le Dr P. Max-Simon, médecin-inspecteur des asiles d'aliénés du Rhône.
Le nouveau volume que M. le Dr P. Max-Simon publie dans la Bibliothèque scientifique contemporaine, sous le titre de : Les Maladies de l'esprit, résume l'état actuel de la scienee sur cette question si troublante des altérations de l'être psychique frappé par la maladie.
L'auteur a mis à profit, dans ce livre, ses travaux personnels et une expérience
(\) Bulletin de ta Société d'Anthropologie, 1891.
fi) Un volume in-16 de 320 pages. Paris, J.-B. Baillière. — Prix, 3 fr. 50.
déjà longue. On y trouvera de» recherches sur la nature de l'hallucination, une conception nouvelle de ce phénomène basée sur des faits physiologiques. Le chapitre concernant la génération et l'évolution des détires contient également des vues neuves et qui s'appuient sur de consciencieuses observations. Pour M. Max-Simon, certaines formes de délire ne sont que des actes délirants se rattachant à des idées erronées qu'une recherche attentive permet souvent de découvrir. Au lieu d'adopter les divisions habituelles des ouvrages didactiques, l'auteur a étudié successivement les altérations que l'on constate dans l'être" psychique frappé par la maladie. Les causes des aliénations ont été longuement examinées, et, dans un dernier chapitre, on trouvera le traitement de la folie.
Tout en attachant une grande importance au traitement moral, l'auteur ne tient pas compte des applications de l'hypnotisme qui ont été faites avec succès chez certains aliénés. C'est une lacune de cet ouvrage qui cependant se termine par une anecdote bien faite pour justifier les tentatives de thérapeutique psychique entreprises dans ces derniers temps.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie.
La Société d'hypnologie se réunira le lundi 1! janvier, à quatre heures, an palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. le Dr Du-montpallier :
1° Comminications diverses; MM. Goix, E. Laurent, Wizel ;
2° Présentation de malades ;
3» Vote sur l'admission de nouveaux membres.
Adresser les titres et communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 40 bis, rue de Rivoli.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Institut psycho-physiologique de Paris, 49, rue Saiot-André-des-Arts. — L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1891 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronnage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée à l'Institut psycho-physiologique. Les consultations gratuites ont lieu les mardi*, jeudis et samedis, de 10 heures à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister.
MM. les 1)" Bérillon et Lajoie y font, tons les samedis, à 10 heures, des leçons pratiques sur les applications cliniques de (hypnotisme et sur Us travaux récents de psychologie physiologique. M. le Dr Bérillon s'occupera principalement des applications de Ux suggestion hypnotique à la pédiatrie et à la pédagogie.
Hospice de la Salpêtrière. — Clinique des maladies du système nerveux. — M. le professeur Charcot a repris ses leçons du mardi depuis le 27 octobre et elles se continueront tous les mardis suivants. De 10 à 11 heures, leçons sur un malade; de 11 à 12 heures, examen des malades à la Policlinique. — Le mercredi, conférence sur les applications de l'ophtalmoscopie à. la pathologie nerveuse, arec te concours de M. Parinaud. — Une affiche ultérieure fera connaître le commencement des conférences do vendredi.
Hospice db Bicêtre. — Maladies des vieillards et maladies chroniques du système nerveux .- M. Déjerine, mercredi, à 10 heares. — Maladies mentales : M. Charponiier. mercredi, à 8 heures 1/2. — Maladies nerveuses des enfants -M. Bourneville, samedi, à 9 heures.
L'Hypnotisme à la Chambre des Députés d'Autriche.
La question de l'hypnotisme commence à intéresser les législateurs de tous les pays. Au cours d'un débat récent à la Chambre des Députés d'Autriche, M. Sçhelinger a prononcé un discours sur la valeur de l'hypnotisme et les devoirs de l'État pour en faire bénéficier les populations. L'orateur a reproché violemment aux Universités leur indifférence à l'égard de ces questions, déclarant que cette indifférence n'était rien moins qu'un « crime » , et que les législateurs devaient intervenir pour y mettre un terme et faire tout ce qui est en leur pouvoir pour encourager l'étude do ces questions et en tirer parti pour l'humanité.
La loi sur l'hypnotisme devant le Sénat belge.
Le Sénat belge a trouvé, comme nous, que le projet adopté par la Chambra des représentants aurait dépassé la mesure en ne permettant jamais aux personnes ne possédant pas le diplôme de docteur en médecine d'hypnotiser les enfants et les aliénés. Il a adopté un amendement de M. Souparl qui modifie ainsi l'article 2 :
« Sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à un an et d'une amende de 26 à 1,000 francs, quiconque aura hypnotisé une personne n'ayant pas atteint l'â.re de vingt-et-un ans accomplis ou n'étant pas saine d'esprit, s'il n'est docteur en médecine ou muni d'une autorisation de la Commission médicale provinciale et assisté d'un docteur en médecine.
« L'autorisation de la Commission médicale ne sera valable que pour une année; elle sera révocable et pourra toujours être suspendue parle bureau delà Commission.
« En cas de concours avec les infractions punies par les dispositions légales concernant l'art de guérir, la peine prononcée par le présent article sera seule appliquée. -
Le rote de cet amendement entraîne le renvoi à la Chambre du projet de loi sur l'hypnotisme.
Une Loge maçonnique médicale.
Médical Record nous apprend que la grande loge de francs-maçons d'Angleterre possède a Londres une loge désignée sous le nom de loge Esculape, n> 2*10, et qui est exclusivement composée de médecins. Il y a quelque temps, une loge de pharmaciens a été créée sous le nom de loge Galien.
Il existe aussi à Paris une loge consacrée aux études philosophiques et scientifiques, à laquelle on a donné le nom caractéristique de loge le Matérialisme scientifique. Elle renferme un grand nombre de médecins, parmi lesquels se trouvent des professeurs de l'École d'Anthropologie, des membres de l'Académie de Médecine, etc.
L'Administrateur-Gérant : Émilz BOURIOT. Puis. — Imprimerie brevetée MICHELS et Fils, passage du Caire, 8 et 10.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET, THÉRAPEUTIQUE
SUR UN CAS DE NEVROPATHIE DOULOUREUSE
GUÉRIE PAR SUGGESTION Avec considérations générales sur la névropathie ou neurasthénie
Par M. le professeur BERNHEIM, de Nancy.
L'histoire clinique que je veux retracer devant vous présente un grand intérêt au point de vue du diagnostic, du pronostic et de la thérapeutique. Elle nous permettra de pénétrer le mécanisme de l'une des formes de ce syndrome complexe et protéiforme qu'on appelle aujourd'hui neurasthénie.
Un mot d'abord sur cette dénomination nouvelle donnée par Beard, en 1868, à un ensemble de troubles fonctionnels nerveux greffés sur l'organisme, sans lésion apparente. La chose n'est pas nouvelle; depuis Hippocrate jusqu'à nos jours, tous ces troubles ont été décrits par divers auteurs sous divers noms. Robert Whyst les a nettement séparés de l'hjpochondrie et de l'hystérie ; c'est l'irritation spinale de Frank, la névralgie générale de Valleix, la névrose protéiforme de Cerise, l'état nerveux de Sandras, le nervosisme de Bouchut, la névropathie de divers auteurs, névropathie cérébro-cardiaque de Krishaber, névropathie cérébro-gastro-cardiaque, comme j'appelle une de ses variétés dans la thèse de M. Thiébaut.
Le mot neurasthénie seul est nouveau; ce nom justifîe-t-il l'honneur qu'on veut donner à Beard d'appeler maladie de Beard, l'ensemble de symptOmes qu'il a bien décrits, mais qui tous l'étaient déjà avant lui ? Dans ce mot, d'ailleurs, une lettre seule est nouvelle, car je trouve déjà le mot névrosthénie employé pour désigner cet ensemble clinique dans le Traité de pathologie interne de Mofineret, publié en 1864. Ce qui est sthénie pour le médecin français est asthénie pour le médecin amé-
ricaiu. L'une et l'autre de ces dénominations impliquent une hypothèse. Est-il démontré que tous les malades dits neurasthéniques ont de l'épuisement (nervous exhaustion) du système nerveux, comme le dit Beard, ou de l'irritation nerveuse comme ledit Mouneret? Les Anglais ont tourné la difficulté en associant les deux mots dans le nom de faiblesse irritable. Parmi les neurasthéniques, il en est qui ont une activité nerveuse excessive, psychique et physique : volonté énergique, intelligence vive et pénétrante, force musculaire considérable, spasmes, douleurs, agitation, hyperesthésie, hyperkinésie, etc., c'est-à-dire un ensemble de symptômes qui semblent annoncer plutôt une exagération qu'une diminution dans le fonctionnement nerveux. D'autres, au contraire, sont inertes, sans volonté, l'intelligence et les forces musculaires déprimées, la sensibilité émoussée, toutes les fonctions nerveuses languissantes, traduisant plutôt une asthénie nerveuse générale. La plupart ont un mélange d'excitation et de faiblesse, qui ne permet pas de les ranger ni dans l'une ni dans l'autre de ces catégories; je sais bien que l'anémie produit des phénomènes d'irritation aussi bien que l'hypérémie, la faiblesse nerveuse peut réaliser les mômes troubles fonctionnels que la suractivité nerveuse ; je veux conclure simplement que rien ne démontre que ces derniers relèvent toujours exclusivement de sthénie ou d'asthénie; ce sont deux hypothèses, et les hypothèses non démontrées ne doivent pas servir à édifier la dénomination d'une espèce nosographique. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que, dans la dite neurasthénie, il y a anomalie, modalité anormale du fonctionnement nerveux; et l'ancien terme de névropathie, que je propose de reprendre, me semble plus approprié que tous les autres à désigner ces états divers. U ne préjuge rien, il n'implique aucune idée hypothétique; il dit simplement: fonctionnement pathologique du système nerveux.
Nervosisme, état nerveux, sont des mots qui désignent plutôt un tempérament qu'une maladie. On peut être nerveux sans être névropathe, comme on peut être lymphatique sans être scrofuleux. Le tempérament nerveux prédispose aux névropathies, comme le lyraphatisme prédispose à la scrofule. Tel sujet est impressionnable, ressent vivement les émotions diverses ; son système nerveux réagit avec intensité sous l'influence des irrritations physiques et psychiques, mais cette réaction ne dépasse pas lamesure physiologique, c'est-à-dire compatibleaveclef'jnctionnement normal des organes; ce n'est pas un malade. Il ne le deviendra que si la réaction engendre un malaise fonctionnel, durable, douleurs, névralgies, palpitations de cœur, troubles digestifs, etc. Alors une névropathie s'est greffée sur un état nerveux, sur une diathèse nerveuse générale préexistante. Mais tous les nerveux ne deviennent pas névropathes.
Il y a plus. Tous les névropathes ne sont pas des nerveux, j'entends nerveux dans le sens qu'on attache d'habitude à ce mot. Tel sujet qui n'est pas impressionnable d'une façon générale, qui parait bien équilibré, calme physiquement et moralement, est sujet, par exemple, à des douleurs nerveuses abdominales revenant par accès, sans lésion organique; tel autre a des battements nerveux du cœur, un autre a des troubles digestifs gastro-intestinaux avec pneumatose, dont l'apparition et la disparition subites sans cause indiquent le caractère purement nerveux; ce sont là des névropathies locales qui impliquent bien l'idée d'une diathèse nerveuse purement locale, d'une vulnérabilité spéciale dans le système nerveux du cœur, des organes digestifs, alors que tous les autres départements du système nerveux n'ont aucune réaction insolite. Ce ne sont pas, je le répète, des nerveux d'une façon générale; ils ne sont que partiellement nerveux, dans un seul domaine.
La névropatbie peut donc être générale ou diffuse, et dans ce cas elle se développe presque toujours sur un terrain héréditairement nerveux; ou bien elle est partielle ou locale, et dans ce cas elle se développe sur un sujet nerveux ou bien sur un sujet qui, sans paraître nerveux, ne présente qu'une diathèse nerveuse localisée. Mais cette névropathie primitivement locale peut devenir diffuse et même se généraliser. Des irradiations pathologiques partent de la région primitivement atteinte et envahissent tout le système nerveux. Une douleur d'abord localisée au bras peut se propager à l'épaule, au dos, a la tète; des vertiges, des troubles visuels, des bourdonnements d'oreille, des troubles digestifs, une apathie, une dépression physique, un état hypochondriaque plus ou moins défini compliquent graduellement la scène; la névropathie locale s'est généralisée, et dans ce cas, c'est un état nerveux général héréditaire qui, presque toujours, a servi de substratum à cette généralisation névropathiqae.
Car le grand facteur de la névropathie locale ou générale, c'est, on le voit, l'hérédité. Les secousses morales, le surmènement intellectuel, la lutte pour l'existence, ne jouent, d'après mon expérience, qu'un rôle occasionnel ; ils développent la diasthèse préexistante, La névropathie est-elle, comme beaucoup le disent, une maladie de notre époque, une maladie fin desicele? Est-elle plus spécialement dévolue aux classes raffinées, qui vivent du cerveau, qui le surmènent, que l'ambition effrénée, la soif de la gloire ou de la fortune, la concurrence pour la vie incite à une suractivité fonctionnelle qui épuise le système nerveux ! La lame use le fourreau, la tension nerveuse exagérée use l'organe ! Sans doute cela est vrai et rationnel dans une certaine mesure. Mais je crois qu'on a exagéré la théorie du surmenage contemporain. Il y a vingt-cinq ou trente ans, pendant mes études médicales, il y avait autant
de névropathes qu'aujourd'hui dans les services d'hôpitaux, et mes maîtres d'alors nous en parlaient comme d'nn syndrome plus fréquent encore dans la clientèle civile. Vous voyez actuellement danslapopula-tion hospitalière et dans celledes consultations gratuites, unefoulede névropathes; vous voyez combien les complications de cette nature viennent se greffer sur les maladies organiques diverses dont elles obscurcissent le diagnostic; et la plupart de ces malades ne sont pas des cerveaux raffinés, des surmenés; ce sont des ouvriers, des paysans, cerveaux simples; ce ne sont pas toujours des misérables qui ont lutté pour l'existence ou souffert de misère morale et physique, ce sont souvent des gens dont l'existence modeste, indemne de tribulations et d'émotions vives semblait faite pour épargner toute secousse à leur système nerveux, si la loi fatale de l'hérédité n'avait imprimé à ce système ou à l'un de ses domaines une susceptibilité morbide qui devait éclater tôt ou tard. La névropathie s'attaque à toutes les classes de la société.
Après ces considérations générales, j'arrive à l'histoire de notre malade, et je possède beaucoup d'observations analogues.
Le malade dont je veux vous parler est ouvrier à la cristallerie de Baccarat. Agé de vingt-huit ans, marié, père de deux enfants, heureux dans son ménage, il n'accuse ni excès de travail physique, ni excès de tension intellectuelle, ni émotions morales vives. La maladie pour laquelle il est venu, le 28 octobre 1891, se faire traiter dans notre service, remonte au mois d'août 1890. Comme antécédents morbides, il ne relate qu'une gastrite contractée il y a deux ans et qui persista trois ou quatre mois, caractérisée par de la dyspepsie et des vomissements alimentaires après les repas; le lait même tournait et était vomi. Mais cette maladie guérit, et depuis la digestion était parfaite. Il a toujours été nerveux, sans être névropathe ; depuis son enfance, il tremblait facilement, par exemple, quand il était un peu fâché, quand il voyait deux enfants se battre; il a même conservé un tremblement léger persistante l'état habituel. Sauf cela, il se portait à merveille, sans douleur, sans autre manifestation nerveuse. Son nervosisme parait héréditaire. Son père, sur lequel il ne peut fournir de renseignements, est mort il y a vingt ans; sa mère est très impressionnable, dit-il, sans être malade. Il a perdu, il y a cinq ans, sa sœur, d'une affection nerveuse qu'il ne peut définir ; elle avait habitnelleraentdes maux de tête, des crises nerveuses: pendant la nuit, elle sautait dans son lit en rêvant.
Lui-même, sans cause connue, ressentit brusquement, en août 1890, une douleur dans le mollet gauche; cette douleur s'étendit graduellement, de bas en haut, le long de la face postérieure de la cuisse, jusqu'à l'ischion, qu'elle atteignit en décembre. Cette douleur n'était pas conti-
nue, maïs !e prenait tontes les dix à quinze minâtes, comme un éclair avec secousse. D'août en décembre, le médecin, qui pensait à une scia-tique, lui fit appliquer successive ment six grands vésicatoires sur le membre: il était calmé pendant deux jours, pais cela recommençait. Le 3 décembre, il dut arrêter son travail, qu'il n'a pas repris depuis. Alors ces mêmes douleurs fulgurantes s'étendaient du mollet jusqu'à l'os iliaque, toujours à la face postérieure du membre. Chose singulière! Quand il marchait, ces secousses douloureuses devenaient de moins en moins intenses, et de moins en moins fréquentes à mesure qu'il continuait à marcher. Aussitôt couché au lit, les yeux fermés, les secousses douloureuses le reprenaient, si bien qu'il se relevait ét passait ses nuits à marcher.
Au mois de janvier, l'autre jambe, la droite, fut prise de douleurs analogues. Une nuit, en se mouchant, il ressentit une douleur vive à la région sacro-coccygienne droite. Cette douleur s'étendit graduellement vers la région de l'aine et du scrotum droit. C'étaient de violents élancements allant du coccyx jusqu'à l'aine et parcourant tout le sillon cruro-abdominal jusque dans le scrotum; ces élancements surtout intenses dans cette dernière région (aine] duraient pendant quelques minutes et se continuaient ensuite pendant quatre heures environ sons forme de douleur obtuse, supportable. Il restait quelquefois deux jours sans la sentir; puis les accès revenaient durant un à deux jours avec exacerba-tion et rémissions irrégulières. En outre, la douleur existait à la fesse droite, s'irradiant parfois, mais rarement dans le genou.
Au moment où la jambe droite fat prise, la gauche se dégagea; mais elle fut reprise au bout de trois mois des mêmes secousses douloureuses qu'elle avait présentées auparavant seulement à des intervalles assez rares. Ce qui dominait depuis lors, c'était les douleurs à l'aine et à la fesse droite. A trois ou quatre reprises, l'intensité des douleurs dans l'aine a déterminé chez notre homme une sensation de faiblesse, avec agitation, tremblement, contracture des mâchoires et impossibilité de parler; ces crises hystériformes, sans boule, ni strangulation, durèrent environ une heure.
Comme traitement, le malade a pris de l'antipyrine. de la phénacé-tine, dn salicylate ; U a ea des vésicatoires, des pointes de feu nombreuses. Le 18 mai dernier, on l'envoya à Plombières où il prit pendant trois semaines des bains de Tapeur sans résultat. Au contraire, U revint plus malade ; il (allât le porter dans le train, et de retour à Baccarat, il resta quinze jours sans pouvoir marcher. En juillet, il fallut recourir à des injections de morphine pour calmer les crises les plus fortes; on ne dépassa jamais la dose d'une seringue par jour.
A son entrée à l'hôpital, V... était profondément amaigri; sa constitution primitivement délicate était affaiblie ; le tempérament lymphatico-nerveux; le faciès présentait l'aspect morne, abattu, triste, découragé. Le malade marchait bien, mais il ne pouvait seul se coucher au lit, à cause de la douleur au sacrum et à la fesse qui ne lui permettait pas de s'incliner en avant. Depuis sept à huit mois, U ne pouvait plus faire ce mouvement, ni ramasser par exemple un objet à terre. L'aspect déprimé du malade faisait croire à la sœur du service que le malade était dément. Je constatai cependant que c'était on homme intelligent et dont l'intelligence était conservée; elle était seulement obnubilée par quinze mois de douleur et d'insomnie ; il était incapable de travail physique et intellectuel.
Quand le malade commence à marcher, il se tient le corps incliné, surtout sur le membre inférieur gauche : l'attitude que présentent beaucoup de malades atteints de sciatique droite. Il marche cependant bien, -t quand U a marché pendant quelque temps, la douleur de la fesse et de la cuisse disparaît et l'attitude se redresse.
Les membres inférieurs ne présentent aucune atrophie musculaire; tous les mouvements s'accomplissent ; la sensibilité est normale ; ni anes-thésie, ni hypéresthésie A la cuisse droite, la pression produit une légère douleur sur la face postéro-interne, au nivean de la fesse, de l'ischion, de l'échancrure sciatique, du sacrum et du coccyx; on ne constate pas cependant les points douloureux bien accentués de la sciatique. La douleur obtuse et un peu diffuse sur la face postérieure du membre n'est pas délimitée sur la ligne du sciatique. Ajoutons que les pointes de feu dont les traces existent à la face postérieure du membre ont pu, par influence psychique, contribuer à localiser la sensation douloureuse dans cette région correspondant à peu près, mais non d'une façon précise, au domaine du sciatique. La pression de la région inguinale et du scrotum ne détermine pas de sensibilité spéciale. A la face postérieure de la cuisse gauche, la pression réveille aussi une certaine douleur peu intense à peu près sur le trajet du sciatique, sans les points douloureux classiques. Ajoutons encore, et ceci est important pour le diagnostic, que le malade n'a jamais, ni pendant les accès, ni dans leur intervalle, ressenti ni fourmillements ni engourdissement dans les membres douloureux.
Le réflexe patellaire est exagéré du côté droit; les autres réflexes tendineux sont normaux. Quand le malade, couché ou assis, soulève la jambe droite, elle est agitée d'un tremblement intense qui dégénère bientôt en grandes oscillations irrégulières ; ce tremblement existe depuis six semaines et s'est développé, dit-il, a la suite d'injections d'éther qu'on
loi fit pendant quinze jours. Avant les injections. U ne présentait qu'un tremblement léger, a petites oscillations rhythmiques, qu'il a toujours eu et qu'il présente encore à la jambe gauche et aux mains, quand on les ait étendre horizontalement en l'air.
Depuis sept à huit mois, le malade ne dort plus la nuit ; il dort quelquefois une demi-heure le jour.
Il ne présente d'ailleurs aucune antre manifestation nerveuse : pas de céphalalgie, pas de rachialgie, pas de troubles digestif» : ta vision est nette, le champ visuel normal. L'appétit a toujours été satisfaisant et les digestions bonnes.
L'examen des organes ne démontre rien d'anormal, si ce n'est une expiration légèrement soufflée dans les fosses sus-épineuses; cependant le malade n'a jamais toussé ni craché; il n'a ni âèvre, ni sueurs nocturnes En résumé, douleurs fulgurantes localisées dans les deux cnisses, à l'aine droite, à la région sacro-coccygïenne.
A quelle affection avions-nous à faire? Etait-ce une sciatique double? Peut-être y a-t-il eu au début une névralgie dans un rameau du sciatique au niveau du mollet gauche? Mais lorsque nous vîmes le malade, ce n'était pas une sciatique. L'absence des points douloureux classiques, la douleur sacro-coccygienne et inguino-scrotale, le caractère fulgurant, par secousses instantanées de ces douleurs, leur disparition par la marche, l'absence de fourmillement et d'engourdissement excluent l'idée de névrite ou névralgie sciatique. Est-ce la période préataxique du tabès? La localisation et la constance des douleurs, l'influence suspensive de la marche, la persistance des réflexes tendineux, l'absence de tout antre phénomène tabétique excluent aussi cette hypothèse. Le seul diagnostic possible était celui de névropathie douloureuse localisée dans la région sacro-fessière crurale et inguinale. On pourrait dire neurasthénie spinale ou myélasthénie. mais l'absence de rachialgie, de troubles médullaires, de paralysie réelle, ne permet pas de mettre en cause la moelle. Il me semble plus exact de dire névropathie douloureuse locale. Peut-être le point de départ de cette névropathie a-t-il été, je le répète, une névrite du mollet. La douleur incarnée dans un système nerveux impressionnable a pu être le point de départ d'une auto-suggestion inconsciente: le sen-sorinm a retenu la douleur, alors que la cause initiale productrice, la névrite, avait disparu. Le malade, couché dans son lit et fermant les yeux, le cerveau étranger à toute impression sensorielle, ne subissant plus la dérivation du monde extérieur, abandonné aux impressions automatiques, incapable de réagir, se concentrait tout entier sur l'idée de la douleur; l'idée créait l'acte, la peur des secousses douloureuses les engendrait. Le malade, debout et marchant, recevant d'autre- impressions, son
cerveau distrait par d'autres dynamismes, réagissait inconsciemment et ne se concentrait plus tout entier sur l'idée de secousse douloureuse. C'est là le mécanisme de l'auto-suggestion qui constitue la névropathie. Pourquoi le membre droit s'est-il pris consécutivement? Pourquoi cette douleur ingnino-scrotale constituant la seconde phase de la maladie? Cela peut se concevoir par les caprices d'une imagination surexcitée, hyperesthésiée par des obsessions douloureuses continues. Vous voyez tous les jours avec quelle facilité on provoque chez les nerveux ou les névropathes, des douleurs variables, par suggestion, des pseudo-ovariai gi es, par exemple, et qui peuvent persister jusqu'à ce qu'une nouvelle suggestion les ait déracinées. On conçoit donc qu'une impression quelconque de la région sacro-fessière et inguinc-scrotale droite, impression accidentelle telle qu'elles sont dues par exemple à un effort de toux, à un faux mouvement, à une contraction musculaire pour aller à la selle, et qui de nous n'a tous les jours des impressions fugitives de cette nature dans quelque point de son corps, une de ces impressions, dis-je, ait pu être grossie par le sensorium exalté, conservée et répétée par le centre nerveux, devenant ainsi le point de départ d'une nouvelle auto-suggestion.
Cette névropathie est d'ailleurs restée localisée; elle n'a eu d'antre retentissement sur l'organisme qu'une dépression physique et morale intense, ce qui s'explique par l'insomnie, parla douleurcontinue, par les préoccupations d'un ouvrier condamné pendant des mois à l'inaction.
Le résultat de la thérapeutique instituée a justifié ce diagnostic et montré que l'auto-suggestion était bien le mécanisme pathogénîque de cette névropathie. Cette thérapeutique a été purement psychique. Le 2 novembre, après avoir bien examiné le malade, j'essaie l'hypnose, ne pensant pas obtenir un sommeil profond, souvent difficile à réaliser chez les nerveux tenaces et auto-suggestionnistes. Contrairement à mes prévisions, il tombe d'emblée en hypnose profonde, avec amnésie au réveil. Je lui suggérai la disparition des douleurs et le sommeil la nuit.
Cette première séance n'eut pas grand effet; il ne dormit pas encore la nuit, ayant des douleurs au coccyx et à la région sus-inguinale droite.
Le 3, nouvelle séance, avec suggestion énergique. La nuit le malade dort bien, ne se réveille que deux fois pour se rendormir. Le 4, il soulève mieux la jambe droite, qui ne présente plus de tremblement aussi violent.
Troisième séance. — La nuit, il ne dort pas encore, malgré la suggestion, et accuse des douleurs sacro-coccygiennes. Le 6 novembre, après la quatrième séance, il a bien dormi toute la
nuit sans ressentir la moindre douleur; il s'asseoit mieux dans son lit, ce, qu'il pouvait faire difficilement, la douleur l'empêchant de se redresser.
Le 7. après la cinquième séance, le malade a bien dormi la nuit, il n'accuse plus de douleur; malgré cela, je le trouve démoralisé, le fades est déprimé ; son esprit travaille. Je constate cependant qu'il peut s'incliner à terre, ce qu'il ne pouvait faire auparavant. Mais il accuse de la raideur dans la jambe gauche, qui l'empêche de bien marcher; le tremblement existe toujours dans la jambe droite. Il croit qu'il marche moins bien; il voudrait s'en retourner chez lui. Il y a là un état psychique que j'ai observé fréquemment chez certains névropathes devenus en même temps psychopathes. Môme alors qu'ils vont mieux physiquement, le moral peut rester déprimé. Leur mauvais esprit travaille et tend à leur suggérer de nouveaux symptômes ou un malaise vague: ils veulent guérir, et cependant l'autre moi inconscient, défiant et anxieux qui les obsède, cherche à les soustraire à la guérison. Si on ne sait pas les capter, ils échappent. Alors je fais venir le malade dans mon cabinet; je l'endors, et là, seul, en tôte-à-tète avec lui, je m'applique à captiver son imagination, à enlever la tristesse et l'inquiétude qui le suggestionnent mal; je lui montre qu'il est guéri, qu'il n'a plus de douleurs, qu'il dort bien ta nuit, que cette raideur des jambes dont il se plaint va disparaître; et, pour incarner cette suggestion dans le fait matériel, je le fais lever pendant son sommeil, je le fais marcher, en lui suggérant de le faire sans peur et sans raideur; je le fais se lever et s'asseoir sans aucune sensation à la région sacro-lombaire. Je le fais s'incliner à terre et ramasser un objet sans tucune difficulté, ce qu'il ne pouvait plus faire depuis dix mois. Je le fais parler pour objectiver son attention sur mes paroles et l'empêcher de rester concentré sur ses sensations; je change par insinuation douce et persuasion le masque de sa physionomie. Au réveil il se trouve en effet mieux; sa figure exprime de la confiance et de la satisfaction. Il constate avec plaisir qu'il marche mieux, sans raideur et sans douleur au sacrum; il est fort étonné de pouvoir ramasser un objet à terre. Je réitère le môme mode de suggestion tous les jours.
Le 10, il va très bien. A très bien dormi ces deux nuits, n'accuse que quelques petits tiraillements sans douleur à la face postérieure de la cuisse droite. Le tremblement est léger comme avant sa maladie; la jambe droite soulevée ne décrit plus de grandes oscillations alaxiques. Il n'a plus de douleurs fulgurantes; le moral est très bien et il ne songe plus qu'à reprendre son travail.
Le 13, il continuait à bien se porter et demande à rentrer chez lui.
l'argent qu'il avait apporté pour payer son séjour à l'hôpital étant épuisé. Il promet, par suggestion hypnotique, de m'écrire dans quinze jours pour me donner de ses nouvelles. Je le rencontre dans le tramway, allant à la gare, très heureux; il me raconte que quand il voyagea pour venir à Nancy, le trajet en chemin de fer le faisait cruellement souffrir à la région rénale, et qu'il fut obligé de quitter le tramway, à cause des douleurs très vives que la voiture provoquait, tandis que maintenant il n'éprouve absolument rien.
Quinze jours plus tard, docile à la suggestion, le malade m'écrivait une lettre de remerclments; la guérison est restée parfaite. Les gens de son quartier ont été étonnés de le voir revenir sans bâton. Il a pu reprendre son travail; il n'est plus réveillé la nuit par la douleur, mais par la faim, car il veut rattraper le temps perdu.
Voilà donc une névropathie douloureuse localisée qui, pendant quinze mois, est restée rebelle à toutes les médications et qui a cédé en sept jours à la psychothérapie. Le traitement, dans ce cas. a confirmé le diagnostic, et l'on peut dire ici : natwatn morbi ostendit curalio. La suggestion, dans les cas obscurs, devient la pierre de touche du diagnostic. S'il y avait eu une affection organique quelconque, névrite, tumeur, lésion vertébrale ou spinale, entretenant les douleurs, la suggestion aurait pu, dans une certaine mesure, amender les symptômes, en éliminant de la scène les effets purement dynamiques greffés sur la lésion elle-même ; elle n'aurait rien pu contre celle-ci, et les symptômes ressortissant directement de la lésion eussent persisté. Le succès complet permet de conclure que tout était dynamique, que tout était, dans ce cas, auto-suggestion.
Que serait-il arrivé de ce malade, si un traitement physique n'avait mis fin à ses souffrances? Vous avez vu, par de nombreux exemples, ce qui peut arriver. La névropathie devient chronique, elle s'incarne profondément dans le système nerveux, et il arrive un moment où elle s'identifie pour ainsi dire avec lui, où elle s'automatise, où elle ne peut plus être déracinée par la suggestion. Elle peut se généraliser, envahir d'autres domaines nerveux; elle peut envahir le domaine psychique et dégénérer en hypocondrie incurable, ou bien, et j'en ai vu de fréquenta exemples, sur cet organisme miné par la douleur physique et morale, à la faveur aussi de l'internement forcé auquel les malheureux sont condamnés, se greffe souvent une tuberculose ultime.
Une dernière question se présente, à laquelle je veux répondre. Il peut paraître singulier que la où une simple influence psychique, c'est-à-dire morale, a agi efficacement en quelques jours, des thérapeutiques bien plus actives, suggestives aussi en apparence, telles que les vésica-
toires, les pointes de feu, le traitement thermal, aient échoué pendant quinze mois. Comment se fait-il. dira-t-on, que les bains de Tapeur n'aient pas agi par leur vertu purement suggestive? Car le malade était envoyé à Plombières avec la promesse et l'espoir d'y trouver la guérison. Chaque bain devait agir sur son imagination et pouvait neutraliser la douleur, si ce n'est par influence physiologique, au moins par influence morale. La suggestion par parole est-elle plus puissante que la suggestion matérialisée dans une pratique médicamenteuse? Les médecins tamiliarisésavecla thérapeutique psychique répondront facilement. Sans doute une pratique instrumentale, électricité, bain de vapeur, est aussi suggestive que la parole. Mais encore faut-il que cette pratique soit instituée et continuée de telle manière qu'elle conserve toujours sa vertu suggestive. Le cerveau n'est pas un organe passif dans lequel on imprime facilement l'idée qu'on veut; il l'accepte, puis la rejette ; il a ses impressions personnelles; il reçoit des suggestions de sa propre personne qui peuvent neutraliser et dominer les suggestions étrangères. Voilà un homme qui a des douleurs dans les cuisses et les reins; on lui prescrit des bains de vapeur en lui promettant la guérison. Il accepte cette idée ; il y va en toute confiance. Mais l'administration des bains nécessite un transport, des manipulations sur sa personne qui sont douloureuses; le jet de vapeur lui-même, projeté sans précaution, peut le surprendre douloureusement. Voilà une impression pénible due à cette pratique qui est retenue par le sensorium ; à chaque bain cette impression se répète, exagérée par l'impressionnabilité maladive du sujet; ainsi naît la contre-suggestion qui détruit la confiance première et rend le traitement inefficace. Rappelez-vous la malade dont j'ai relaté l'observation dans mon livre : Hypnotisme, Suggestion, Psychothérapie (p. 395). Elle avait une contracture douloureuse des membres d'origine rhumatismale. Je l'ai mis en hypnose profonde, j'étais convaincu que cette contracture était en grande partie dynamique et que la restauration fonctionnelle pouvait s'obtenir par une action psychique. Les premières séances de suggestion ont amené une amélioration notable ; la malade a pu élever jusqu'à l'horizontale le bras droit qu'elle pouvait à peine éloigner du corps. Qu'est-H arrivé ensuite? Pendant le sommeil provoqué, j'ai procédé avec trop de brusquerie, j'ai violenté la malade en voulant décontrac-turer trop vite le membre raidi et douloureux. En tirant trop vivement le bras. j'ai réveillé la douleur ; et alors la peur de la douleur dominant la malade à chaque séance, elle se raidissait contre la douleur redoutée. Je n'obtenais plus rien; ma suggestion appelait sa contre-suggestion.
La sœur du service procédant avec douceur, suggérant à l'état de veille le retour graduel de la mobilité et la disparition de la raideur.
faisant exécuter à la malade les mouvements du bras, tous les jours davantage, en l'encourageant sans la violenter, obtint en quelques semaines ce que je n'avais pu obtenir par la suggestion hypnotique.
Rappelez-vous ce qui s'est passé chez notre malade même. Apres quelques séances, bien que débarrassé de ses douleurs, il trouvait que ses jambes étaient plus raides, qu'il marchait moins bien. Si j'avais laissé cette idée et cette sensation prendre racine dans son cerveau, si je l'avais laissé continuer à se suggérer que l'hypnotisme n'enlevait ses douleurs qu'en rendant les mouvements plus difficiles, chaque séance aurait répété et confirmé cette auto-suggestion et tous mes efforts eussent pu rester infructueux. Mais en déracinant cette idée, en dégageant ma suggestion de tout ce que l'imagination inquiète du malade y ajoutait, je suis arrivé au but. Le plus grand ennemi de la suggestion, c'est la contre-suggestion ou l'auto-suggestion.
La psychothérapie n'est pas toujours chose facile. Elle exige de la science et du tact. Le médecin doit être doublé d'un psychologue. L'être humain n'est pas seulement un organisme vivant. Cet organisme est dominé par un esprit; et grande est l'action de l'esprit sur le corps. Un éminent collègue a dit : « Restez médecins et ne soyez pas hypnotiseurs >. Je dis: ¦ Ne négligez pas l'élément psychique dans les maladies. Apprenez à manier la suggestion et vous serez meilleurs médecins ».
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
Séance du 14 décembre l->vl. — Présidence de SI. Duvoxtpallifx.
(Suite.)
Hystérie convalsive; idées de persécution et de suicide; guérison. — Somnambulisme hystérique et somnambulisme hypnotique.
Par SI. le & DAVID (de Sigean).
Dans le courant de mai 1889, je fus appelé pour donner mes soins à la femme Emma D..., atteinte de pleurésie du côté gauche. Sous l'influence d'un traitement approprié, l'épancbement se résorba assez vite, et je croyais en avoir fini avec cette malade, lorsqu'on vint me prendre à la hâte parce que, me dit-on, elle allait mourir. Elle avait tout simplement une belle crise d'hystérie avec tout son tableau symptomatique : mouvements convulsifs, propulsion en avant, grincements de dents, cris aigus, perte de connaissance, etc.
Celle femme, âgée de vingt-six ans, n'avait jamais eu de crise semblable.
Mariée à vingt ans. elle eut un enfant sans éprouver aucun phénomène nerveux. Son mari attribue celte attaque de nerfs à une émotion très vive qu'elle aurait éprouvée la veille. U est possible que cette émotion ait provoqué la crise, mais la cause de l'affection nerveuse réside surtout dans les nouvelles conditions de vie de cette femme à partir de son mariage. Elle était habituée au bien-être et à une bonne nourriture, et tout d'un coup elle a connu la misère et les privations.
Quoi qu'il en soit, Tes crises ont continué, augmentant de fréquence et de durée, malgré les pulvérisations d'élher, l'hydrothérapie, les bromures, etc. Quand la crise était terminée, la malade se plaignait d'une cécité à peu près complète; cet état durait un quart d'heure environ, et puis les objets devenaient de plus en plus distincts, le cercle de la vision s'étendait de plus en plus, sans cependant revenir complètement à son état normal. Pendant la crise, après la période bruyante et convulsive, elle entrait en somnambulisme et parlait alors avec des êtres imaginaires; elle se croyait au ciel, voyait les personnes quelle avait connues sur la terre, avait avec elles des conversations décousues, et puis, quand elle reprenait conscience d'elle-même, elle se rappelait son voyage céleste et se plaisait à donner des nouvelles des personnes quelle avait vues. Si, pendant qu'elle était dans cet état de somnambulisme, on l'interrogeait, elle répondait sans abandonner ses idées délirantes et sans reconnaître la personne qui lui parlait.
L'intensité el la durée des attaques avaient fini par troubler l'intelligence de celte femme et par la rendre incapable de se livrer à ses occupations habituelles. J'avais déjà à plusieurs reprises proposé le traitement suggestif, mais les préjugés relatifs à ce mode de traitement sont encore très vivaces dans une certaine catégorie de gens, et je m'étais heurté à un refus formel. Ce ne fut que lorsqu'il devint évident pour tout le monde que la maladie résistait à toute espèce de médication el que la malade arrivait aux confins de la folie, ce fut alors seulement, c esl-à-dire un an environ après le début des attaques, que l'on me pria d'essayer la méthode psychique. Ce cas m'intéressait au dernier degré, et je ne demandai pas mieux de pratiquer l'hypnotisme sur celte malade. Elle tomba, en effet, dès la première séance, au sixième degré de Liébeault, avec amnésie complète au réveil. Sous l'influence de ce traitement, l'état général s'améliora rapidement, mais à cause de la situation particulière dans laquelle se trouvait alors la malade, les troubles nerveux résistaient à mes suggestions; il m'aurait fallu être continuellement auprès de la malade pour empêcher l'éclosion de suggestions nouvelles dont le point de départ était dans son entourage et dans les difficuliésde son existence. Comme cette malade n'avaii presque plus de crises, j'étais resté un bon nombre de jours sans la voir, lorsqu'on vint me prendre pour des troubles nerveux nouveaux. Il lui arrivait fréquemment de voir chez elle un individu armé d'un couteau, et alors elle avait une forte envie de se jeter par la fenêtre; d'autres fois elle se sentait poussée par l'idée de se précipiter dans un puits; d'autres fois encore, l'idée impulsive change, et alors elle veut s'en aller loin, bien loin, de façon qu'on ne la retrouve plus et qu'on ne la voie plus.
En présence de cet état cérébral, j'ai pratiqué la suggestion avec plus de régularité et j'ai eu la satisfaction de voir disparaître, non pas seulement les crises nerveuses, mais encore les idées de persécution et de suicide. J'ai tenu celte femme en observation pendant un an; j'ai éloigné de plus en plus les séances. Il y actuellement plus de trois mois que je n'ai pas pratiqué sur elle l'hypnotisme. Elle n'a plus de crise ; elle a repris toute son intelligence et son entrain d'autrefois ; elle s'est remise à ses occupations habituelles, et tous les membres de sa famille, comme ses amies, déclarent qu'elle est aujourd'hui absolument comme elle était avant d'être malade.
Hbflrxioxs. — Cette observation n'esi pas intéressante par le résultat obtenu, car pour lout médecin familiarisé avec le traitement suggestif, ce résultat était à peu près certain. Ce qu'elle offre d'intéressant, c'est l'eut de somnambulisme hystérique dans lequel passait la malade après la période convulsive, et la possibilité de le comparer à l'étal de somnambulisme hypnotique que je provoquais sans la moindre crise, ni avant ni après.
Dans l'état de somnambulisme hystérique, la malade entendait les paroles qui lui étaient adressées, mais ne reconnaissait personne autour d'elle; elle répondait conformément à ses idées délirantes et au milieu dans lequel elle croyait être. Au réveil, elle ne se souvenait pas d'avoir entendu parler ni d'avoir répondu aux questions qui lui avaient été adressées, mais elle se souvenait d'avoir été au ciel et des personnes qu'elle y avait vues. De plus, cet état durait deux jours, quelquefois davantage.
Dans l'étal de somnambulisme hypnotique, la malade était calme, ne passait par aucune période convulsive; elle n'entendait que moi et n'était en rapport qu'avec moi; au réveil, elle ne se souvenait de rien. La suggestion verbale enlevait instantanément toutes les sensations désagréables qu'elle me disait ressentir. Cet état cessait quand je voulais.
De plus, chaque fois que j'ai eu l'occasion de me trouver auprès d'elle quand elle avait une crise, il m'aété toujours très facile d'arrêter la crise immédiatement et de mettre le malade en somnambulisme hypnotique.
On peut dire que, dans le somnambulisme hystérique, le sujet se laisse aller à ses idées délirantes et morbides par auto-suggestion. D'après la loi dynamique du système nerveux donnée par M. Bernheim, le savant professeur de Naney, toute eetlule nerveuse actionnée par un phénomène extérieur actionne les fibres nerveuses correspondantes. Lorsque la conscience est absente et que le côté antimatique du cerveau est prépondérant, il n'y a pas de contrôle possible.
Dans le somnambulisme hypnotique, la volonté de l'opérateur se substitue à la volonté du sujet, et comme toutes les idées suggérées ont un but curateur, il ne peut en résulter pour le sujet qu'une heureuse modification de son éUt.
Sur un cas de névropathie douloureuse guérie par suggestion, avec considérations générales sur la névropathie ou neurasthénie (1).
Par M. le profeaieur BERNHEIM, de Nancy.
M. le professeur Bernheim rapporte a la Société l'observation d'un malade igé de vingt-huit ans, qui présente les symptômes d'une névropathie douloureuse localisée et par des insomnies, qui, pendant qninze mois, s'esi montrée rebelle i toutes les médications, et qui a cédé en wpt jours à la psychothérapie. Dans ce cas, la suggestion a été la pierre de touche du diagnostic. Elle a montré qu'il ne s'agissait pas d'une affection organique quelconque : névrite, tumeur, lésion vertébrale ou spinale, entretenant les douleurs, mais simplemement d'un état névropathique, dans lequel tout était dynamique et résultait d'une aulo-suggestion.
Considérations au sujet de la névropathie et de la neurasthénie.
Par M. le Dr LEVILLAIN.
Je remercie mon excellent ami, le D- Bérillon, de m'inviter à prendre la parole pour répondre a quelques objections soulevées par le professeur Bernheim sur la question de la neurasthénie. Mais, en réalité, je n'ai rien à ajouter aux conclusions formulées dans le travail que j'ai publié sur ce sujet, et j'avoue que l'éloquente parole du professeur de Nancy ne m'a fait en rien modifier les opinions que j'ai exposées.
Toutefois, puisque la Société veut bien m'entendre, je rappellerai en quelques mots les raisons pour lesquelles je continue de croire à la valeur du mot neurasthénio et du type qu'il représente.
Je ferai d'abord remarquer que le mot névrosthénie de Monneret est tout différent du terme neurasthénie de Béard, bien qu'il n'y ail qu'une lettre de changée. Le médecin américain avait d'ailleurs commencé par appeler f nervous exhaustion », épuisement nerveux, l'état moibide dont il est question; c'est qu'il avait voulu décrire un état clinique sans faire d'hypothèse d'interprétation patbogénique. Et c'est encore là une différence avec la terminologie du compendium français. Béard ne fit pas son mot sur une hypothèse physiologique mais sur une série d'observations cliniques ; c'est que, en effet, il ne faut pas croire, parce qu'il y a des neurasthéniques remuants, irritables, emportés, etc. que tous les neurasthéniques ne sont pas des
(I) Le travail de M. bernheim, trop lonp pour être publié dam le compte rendu de la Société, est publié in estenio dans le n° 8 de la Revue de l'Hypnotisme. 6e année, p. ¡35.
épuisés ; l'apparence est trompeuse : mesurez leur dynamométrie, chiffrez leur excrétion d'urée, soumettez-les à un travail musculaire ou intellectuel d'une certaine durée et vous verrez bientôt que ces hypernerveux ne le sont que pour la forme et que, au fond, ils ne sont pas moins que les autres des diminuée, sinon des épuisés, à dynamoméirie faible, à excrétion d'urée insuffisante, incapables de tout effort continu. El c'est la la caractéristique dominante do tout état neurasthénique, c'est l'infériorité dynamique, L'asthénie vitale générale.
Et c'est ainsi que Béard a trouvé le mot juste el vrai de cel état morbide. Pourquoi * parce que, en clinicien consciencieux, il s'était contenté d'observer sans essayer d'interpréter. Mais l'interprétation est venue plus tard et elle n'a fait que confirmer la justesse de» vues cliniques du praticien de New-York.
Je ne puis exposer ici en détail les belles expériences physiologiques que M. Fére a développées dans son liés intéressent et très suggestif travail sur : Sensation et Mouvement. Vous savez avec quel déterminisme expérimental précis il a fait ses recherches? Vous savez avec quelle exactitude mathématique il a démontré que toute excitation sensorielle ou psychique était suivie d'un épuisement numériquement proportionel quand il s'agit d'excitations numériquement mensurables? D'autre part, il a nettement établi que l'excitation est d'autant plus facile, rapide et intense quo l'organisme excité est tombé au-dessous de sa tension normale par uno série d'épuisements consécutifs à des excitations antérieures, jusqu'à ce que toutefois on arrive a un tel état d'affaissement que les réactions de l'excitation ne puissent plus se faire. Eb bien, toute l'étiologie et toule la pathogénie des états neurasthéniques estlà.
Observez avec soin vos neurasthéniques hyperexcitables, reconstituez leur histoire personnelle ou héréditaire, avec lous les détails possibles, et vous trouverez toujours dans leurs antécédents une série d'excilatious supérieures à leur force individuelle les ayant conduit à l'épuisement, ce sont presque lous des surmenés ou des descendants de surmenés ; d'ailleurs, il faut bien s'entendre sur la valeur du mol surmenage, dans son application actuelle. Je dis: « ce sont des surmenés », par rapport i leur degré de résistance individuelle à la somme d'excitations qu'ils ont ou à subir ou des fils de surmenés de môme nature. Et vous savez quo toutes les excitations physiques, morales ou intellectuelles oui ici la même valeur.
En somme, je crois et continue à soutenir cette thèse que le mot neurasthénie a une signification étiologique et palhogénique précise vraie, qu'il a tout autant de raison d'être pour les hyperexci tables que pour les déprimés: ces deux catégories ne différant qu'à l'apparence; il en est ainsi, d'ailleurs, pour les formes d'hystérie qui se traduisent chez les uns par de la paralysie, et chez d'autres par de la contracture, bien qu'il y ail là une unité morbide, aujourd'hui incontestable.
J'ajoute que la valeur clinique du type neurasthénie n'est pas moins nettement déterminée, et que Béard a fait, dans son magnifique travail de 1862, une description magistrale à laquelle, je me plais à le répéter, il y a bien peu de choses à modifier aujourd'hui.
Mais il ne faut pas faire dégénérer la discussion en étendant le cadre clinique, déjà si étendu, de la neurasthénie ; pour ma part, je n'aurais jamais songea ca:égoriser le malade de M. Bernheim dans la série de Béard. Il n'en possède ni l'étiologic ni l'allure clinique; il se rapprocherait beaucoup plus, de l'hystérie : les petites crises qu'il a présentées, un tremblement vibratoire habituel et le caractère d'exagération intentionnelle qu'il a pris à la suite d'une piqûre d'éther, feraient volontiers penser à la grande névrose; mais, dans les conditions de l'observation actuelle, je.me rallie à l'opinion de mon très honoré confrère pour en faire un névropathe. Ce mot n'est en effet aucunement compromettant, et il est pour le moment très précieux, car il permet de classer une série de malades qu'il est encore difficile aujourd'hui d'étiqueter sérieusement. Mais il faut avouer que ce mot n'a qu'une signification bien vague, puisqu'il veut simplement dire a souffrance nerveuse » ou « maladie nerveuse ». Gardons-le donc pour les maladies du système nerveux qu'on ne peut encore classifier.
Mats vraiment les neurasthéniques, qui ont appartenu longtemps à la classe des névropathes, constituent un genre bien déterminé et qu'il est facile de reconnaître quand on a bien présents à l'esprit les principaux signes qui le caractérisent.
Je ne veux pas insister plus longtemps et entrer dans la description des troubles neurasthéniques; ils sont nombreux, c'est vrai, mais ils sont toujours les mêmes; tous ne sont pas là, toujours présents à l'appel, chez le même sujet, mais toute la série labétique ou hystérique n'est pas nécessaire pour diagnostiquer le type morbide qu'elle représente. L'hystérie peut être mono-symptomaiique, elle n'en est pas moins l'hystérie.
11 ne faut pas nier la neurasthénie parce que ses représentants n'en ont pas tous les caractères officiels, parce qu'ils se présentent à vos yeux sous les accoutrements les plus variés et dans les combinaisons les plus diverses.
Mou émineni maître de la Salpêtrière, le professeur Charcot, le disait tout récemment encore: i Les types sont plutôt rares ; il ne faut pas vous attendre à voir souvent des types absolus : c'est la Vénus de Milo de la pathologie. Or, il n'y en a qu'une au Louvre, et vous savez qu'il n'y en a guère d'autres qui courent les rues. Les types sont cependant, mais ils sont précisément là pour reconnaître les formes typiques.
Eh bien, la neurasthénie-type est celle que Béard a décrite, c'est la Vénus de Milo de cet habile statuaire de la clinique ; elle est aussi incontestable que celle du Louvre, et ce n'est pas une raison, parce que ce type-là ne court pas les rues, pour mettre en doute son authenticité.
Je reviendrai d'ailleurs sur cette question dans une prochaine séance, apportant à l'appui de ces affirmations générales une série de faits que j'ai eu l'occasion d'observer durant ma dernière saison thermale à Royal, et j'espère vous démontrer que le mol de Béard el le type morbide qu'il représente sont puissamment justifiés par l'observation éliologique el clinique des malades auxquels on prétend l'appliquer.
Séance du samedi 11 janvier 1S92. — Présidence de M. Duxoxtpaujir.
Le procès-verbal de la sémce du lundi I4 décembre est ln et adopte.
M. le secrétaire général annonce la mort de deux de* membres titulaire» fondateur» de la Société : M. le Dr Berlin, de Nancy, et M. le D- Mathias Roth, de Londre».
M. le : Dr- Berlin, élève de M. Bernheim, est décédé a l'âge de trente ans, à Pari», après trois jours de maladie, des suite» do la diphtérie contractée dans le» hôpitaux en se livrant à dos étude» sur les maladies du larynx. Les obsèques de notre regretté collègue ont on lieu à Nancy.
M. lo président joint se» regret» à ceux qui viennent d'être exprimés par le secrétaire général; mai» il s'est reservé le soin de prononcer l'éloge de M. le Dr Mathias Roth, dont il a eu l'occasion d'apprécier la grande valeur scientiGqoe au Congrès de l'Hypnotisme, en 1889, dont il avait été un des adhérent». M. Matbia» Roth, qni vient de mourir à un âge avancé, avait conservé pendant toute sa vie un esprit ouvert à l'étude et à la critique de» faits nouveaux, et en même temps, il était de ceux qui ne persistent pa» dans leurs idée» anciennes lorsque le progrès scientifique eat venu démontrer qu'il» s'étaient trompes. C'est ainsi qu'il reconnaissait avec une très grande honnêteté qu'il avait accordé une grande valeur aux doctrine» de fnomceopathie et de la métallothérapie, dont il avait été à un moment donné le défenseur. Le jour où il avait étudié l'hypnotisme, il avait va que la plupart des résultats thérapeutiques obtenus par lui avaient été le résultat de la suggestion.
H y a quelques mois, lorsque des «avants, élèves du vénéré M. Liébeault, s'étaient réunis pour donner à cet excellent maître un témoignage de leur admiration, M. Mathias Roth n'avait pas hésité à se joindre à eux pour rendre hommage à un homme moins lge que lui et dont il se reconnaissait cependant le disciple. A ce sujet, il prononça un discours empreint de ce grand charme qu'on retrouve souvent dan» les paroles des étrangers lorsqu'ils s'expriment dans notre langue. La sympathie pour M. Liébault lui avait inspiré des expressions véritablement éloquentes et douées d'une originalité des plus saisitsantes. M. Matins» Roth s'était révélé ce jour-la comme un esprit des plus généreux; U n'était pa» de ceux qui so bornent a payer de leur parole, il avait au«»i pavé de sa bourse et contribué pour ta part à la création du prix Liébeault. Nous lui devion* no» remerciement» pour cet exemple qui marque une étape dans le développement de la Société dllypnologie et qui aura des imitateur», et c'est avec émotion que je déplore la mort d'un homme de science qui fut en même temps un homme decceur.
il. le professeur Liégeois exprime les regrets qu'a causés à M. Licbeault et à lui la mort de M. Mathias Roth.
Les Prénoms.
De leur utilité dans l'examen anamnestique des aliénés,
Par M. le D* Ému LAURENT, ancien intente des priions de I» Seine.
Il est quelquefois fort difficile de se procurer des renseignements sur les ascendants des aliénés de toute catégorie que l'on peut être appelé à examiner. Assez fréquemment, le sujet a perdu ses parents alors qu'il était en bas âge ou bien il les a quittés depuis fort longtemps. Il ne as rappelle plus ce qu'ils étaient, comment ils ont fini. En somme, U ne
peut fournir aucun renseignement sur leur état psychique, sur leurs facultés mentales, leur degré d'intelligence, etc. Bien des fois je ma suis trouvé ainsi dans l'impossibilité de compléter une observation intéressante.
Pourtant, j'avais remarqué que les aliénés avaient assez souvent des noms baroques ou prétentieux. Il m'a semblé qu'il y avait là peut-être un indice et que le prénom d'un individu pourrait donner quelques renseignements sur la valeur intellectuelle de celui on de ceux qui le lui ont choisi.
En effet, quand un père ou one mère afiùbleut sans motif raisonnable un des leurs de ces noms ridicules que les pauvres diables traînent tonte leur vie comme une queue de lapin qu'un farceur leur aurait pendue dans le dos, on peut bien se demander si ces gens-là jouissaient de la plénitude de leurs facultés mentales, ou au moins si leur intelligence n'était pas atrophiée ou rudimentaire. Croyez-vous que l'homme qui baptise son fils Epaminonda*. Patrocle on Euripide, soit bien équilibré? C'est à peu près comme si, pour le rendre ridicule, il déformait le nez de son enfant, ou bien lui coupait le bout de l'oreille.
Sans doute, il y a lieu de tenir compte aussi d'autres causes. Ainsi, je connais dans un village où j'ai précisément fait mes recherches, un certain nombre de sexagénaires qui s'appellent Napoléon. Je ne connais pas leurs ancêtres ni je n'ai pu me procurer de renseignements précis sur eux. Ce devait être, on peut sans peine le croire, des êtres très suggestives et facilement malléables. Mais, par contre, je connais fort bien les parents des enfants qui, aujourd'hui, dans le même village, portent les prénoms de Danton et de Gambetta. Je vous réponds qu'au point de vue intellectuel, ce ne sont pas des aigles. Ils représentent la partie bête du suffrage universel, ceux qui vont sans savoir où. qui crient plus fort que les autres. Ce sont ceux que les ambitieux et les aventuriers prennent par de belles paroles, et entraînent à leur suite. Ce sont des victimes de la suggestion ambiante.
D'autres fois, les parents, dans le choix du prénom de leur enfant, obéissent h un sentiment de haine et de défi. Telle, cette femme, qui voulait appeler son fils Lucifer, malgré tout. Est-ce qu'un esprit raisonnable aurait une pareille idée? Qui sera le plus gêné par ce nom? Ce ne sera pas ses contemporains, mais assurément celui qui le portera.
Cette question m'a intéressé et je suis allé recueillir quelques renseignements dans un petit village de la Champagne. J'ai pu, là, avoir des détails précis sur la valeur intellectuelle et morale de chaque individu et sur celle de ses ascendants. J'ai choisi dans le village tous les individus qui sont affublés d'un de ces noms baroques et prétentieux. Je me suis Tite convaincu qne, presque toujours, l'auteur du prénom était un esprit aussi baroque et aussi prétentieux que ce dernier.
Voici quelques exemples. Vous jugerez mieux vous-mêmes.
A... a pour prénoms L&titia-Cymadocée. Je n'ai pas manqué de ^'informer si ces noms ne faisaient pas allusion à un fait, à un souvenir. Or, ils ne faisaient allusion à rien. Ils avaient été choisis par la mère parce qu'ils loi avaient paru très beaux, et surtout parce qu'aucune autre enfant ne les portait encore dans le village.
Voyons maintenant ce qu'étaient les ancêtres de Lœtitia-Cymadocée.
Le père ne fut pour rien dans le choix des prénoms de sa fille. Il les subit ou, mieux, il les accepta, car, à vrai dire, il s'occupe peu des siens. C'est un esprit borné, chez qui les sentiments affectifs sont très peu développés. De plus, il s'alcoolise de temps en temps, et alors il devient querelleur et violent. Il a failli déjà, à plusieurs reprises et pour cette raison, avoir des démêlés avec la justice. Un jour môme il est allé jusqu'à frapper son père.
La mère est un esprit plus borné encore. C'est une débile et, par dessus le marché, une débile alcoolique. Son esprit est fermé à toute chose, en dehors du cercle extrêmement étroit d'idées où elle vit. C'est à elle que revient le choix des prénoms'de sa fille.
Les parents de cette femme étaient, eux aussi, des gens très peu intelligents. Son père louchait; sa mère était capricieuse, bizarre, violente, boudeuse ; un de ses frères a fait beaucoup d'excès alcooliques et a failli passer en cour d'assises pour avoir tiré, un soir d'ivresse, sur un inoÛênsif passant qu'à son dire il avait pris pour un loup, à cause de sa cigarette.
Contraste singulier : Laïtitia-Cymadocée a un frère ; sa mère ne l'a jamais appelé par son prénom; elle lui a donné le sobriquet sans prétention de Mimi, parce qu'un frère à elle portait aussi ce sobriquet. Voilà bien le propre d'un esprit mal pondéré.
Un autre exemple :
B... s'appelle Virgile-Amour. Il est vrai que ces noms ne figurent que sur les actes de la vie civile. Les parents ont reconnu de bonne heure combien ils étaient ridicules et, dans la vie courante, on l'appelle simplement Camille.
Virgile-Amour est un être très timide, un peu niais, d'un esprit très borné, d'une religiosité superstitieuse et exagérée.
Son père est un type pariait d'imbécillité prétentieuse. Dans le village, on se moque de lui et on l'a surnommé ¦ le Capitaine », par ironie, parce qu'il est petit et qu'il voudrait être grand, parce qu'il fait le fanfaron et qu'il est poltron comme pas un.
Sa mère est une imbécile et une détraquée. Si elle eût été appelée à vivre dans une ville au lieu démener la vie des champs, elle eût certainement fini dans un asile d'aliénées. La sœur de cette femme n'est guère plus intelligente, quoique d'esprit un peu plus rassis pourtant. Elle a appelé son fils Nestor-Ovide-Onésiphore.
Virgile-Amour a un oncle que, dans le village, on a surnommé, je ne sais pourquoi, « le Biberon >. C'est un véritable aliéné avec crises déli-
rantes. Il affecte, par moments, de se servir d'expressions étranges, bizarres, comprises de lui seul et de sa sœur. Il cause des heures entières avec son cheval ou ses moutons. Il prédit le beau et le mauvais temps, et ses voisins, tout en le blaguant, écoutent avec une certaine déférence les oracles météorologiques qu'il rend. Dans sa jeunesse, il fut d'une împiété notoire. Un jour qu'il était occupé à mettre du foin en tas et qu'il était contrarié par un vent violent, il courut furieux avec sa fourche sur son insaisissable ennemi, puis il s'écria avec colère : « Pilate, crucifie-le ! • Dans son esprit, cela s'adressait au Dieu Christ de Nazareth, qui laissait ainsi venter. C'était un blasphème épouvantable, une monstrueuse impiété. Pourquoi, dès ce jour, le Biberon fut-il touché de la grâce? Je ne sais. Mais cela fut. Il devint religieux à l'excès, fréquentant sans cesse les églises, voulant faire pénitence et expier son péché. Mais comme le crime avait été immense, la pénitence fut d'une rigueur sans pareille. B coucha six ans dans l'auge de son cheval, sans compter toutes les autres mortifications de moindre importance imposées par le curé.
Voilà, certes, des antécédents suffisants pour nous expliquer pourquoi le malheureux Camille s'appelle Virgile-Amour.
Je pourrais poursuivre et citer encore des exemples comme ça pendant des pages et des pages. A quoi bon? Ce serait toujours la même chose. D'ailleurs, je crois être arrivé au but que je me proposais, c'est-à-dire à prouver ceci, que quand un individu porte des prénoms prétentieux, baroques, pour lesquels on ne peut invoquer une origine rationnelle, on peut presque sûrement en inférer que ses parents étaient des détraqués ou au moins des esprits faibles.
•
¦ •
Anorexie hystérique traitée avec succès par la suggestion hypnotique,
Par SI. le D' A. GOIX.
L'anorexie hystérique, encore appelée anorexie nerveuse, se caractérise cliniquemeni par le refus systématique de toute nourriture. Les malades ne mangent pas, parce qu'ils ne veulent pas manger.
Ce refus peut persister pendant des mois et conduire peu à peu au marasme et même à la mort. Le professeur Charcot dit connaître, pour sa part, quatre cas de terminaison fatale, et, pour combattre cet état morbide, il recommande surtout l'isolement.
Sans contester l'utilité de l'isolement, la pratique médicale m'oblige à reconnaître que peu de malades peuvent ou veulent s'y soumettre. Or, l'observation suivante me parait prouver que la suggestion hypnotique est capable de rendre, en pareille circonstance, les mêmes services, sans obliger à une séparation toujours difficile à obtenir.
Je la publie d'autant plus volontiers que les observations d'anorexie hystérique guérie par la suggestion sont relativement rares dans la littérature médicale.
I
Marie Ch..., âgée de vingt-trois ans, vient avec sa míreme consulter lé jeudi 10 septembre 1891.
Cette jeune fille refuse tout aliment ei ne veut plus boire que de l'eau. Depuis quelque temps déjà ses digestions étaient pénibles lorsque, le dimanche 6 septembre 1891, les douleurs d'estomac étant plus vives qu'à l'ordinaire, pendant le déjeuner, vers midi, l'idée lui vint tout à coup de ne plus manger. Depuis lors, elle refuse tout aliment, en même temps qu'elle déploie une activité extraordinaire. • Jamais, me dit la mère, elle n'a été si active ni si laborieuse que depuis quatre jours qu'elle ne mange pas. »
La malade présente tous les caractères de l'hystérie : impressionnabilité excessive, anesthésie du pharynx, zones hysiérogènes multiples, etc.
J'avais déjà eu l'occasion de la traiter par l'hypnose, d'abord pour des crises hystériques, ensuite pour une idée obsédante (elle était persuadée qu'elle devait mourir tel jour déterminé).
Aussi u'ai-je pas bésité sur le choix du traitement.
Je l'endors en lui faisant fixer deux doigts placés au-dessus de sa tête et en lui disant : « Dormez, donnez. » J'obtiens, comme à l'ordinaire, chez celte malade, un sommeil avec anesthésie cutanée et musculaire, catalepsie et amnésie au réveil.
Pendant l'hypnose, elle n'est en rapport qu'avec moi, et ne répond nullement aux questions de sa mère qui l'accompagne.
Je fais alors une suggestion en ces termes : « Vous mangerez ce soir un potage. — Non, je ne veux pas manger, je ne mangerai pas. — Pourquoi? — Je ne sais pas; c'est une idée qui m'est venue, il y a cinq jours. Je prendrai de l'eau, mais rien d'autre ».
Malgré mon insistance, je ne puis obtenir la promesse de manger.
Vendredi II septembre. — La malade n'a rien voulu prendre, et c'est avec peine que je parviens aujourd'hui à l'hypnotiser. J'ai dû lutter pendant dix minutes : elle ne voulait pas dormir.
Pendant l'hypnose, je ne fais aucune suggestion et me contente de lui faire boire une tasse de chocolat, en lui affirmant que c'est de l'eau.
Je ne revois la malade que le jeu h suivant, 17 septembre. Je l'endors facilement, et je fais la suggestion suivante :
« Écoulez-moi bien; mercredi prochain, vous aurez la volonté de manger comme tout le monde, et d'ici là, tous les jours, vous aurez un peu plus la volonté de manger. >
Je répète plusieurs fois les mêmes paroles, et chaque fois la malade me répond : « Non, je ne mangerai pas, je ne veux pas manger. — Je ne m'occupe pas de votre volonté actuelle ; je vous dis que mercredi prochain vous aurez la volonté de manger ».
La suggestion se réalise eu partie. Dès le lendemain, la malade avoue à sa mère quelle a plus envie de manger que les jours précédents, mais elle per -siste néanmoins à refuser tout aliment.
Le dimanche soir, et le lundi à midi, elle accepte de manger.
Le mardi 22 septembre, nouvelle séance d'hypnolisation. Je répète la suggestion dans les mêmes termes. •
* Non. me dit-elle, je ne veux pas manger, je n'ai pas faim. — Vous ne pouvez pas le dire. — Oui, c'est vrai ; j'ai faim, mais je ne veux pas manger, je ne mangerai pas. — Vous mangerez, et si vous ne mangez pas, je vous mettrai un vésicatoire au creux de l'estomac. — Non, je ne veux pas manger. — Pourquoi? — Je ne sais pas. Il y a quinze jours, à midi, le déjeuner m'a bit mal à. l'estomac. Alors l'idée m'est venue de ne plus manger. Je me suis dit trois ou quatre fois : je ne veux pas manger ; et depuis je ne veux plus manger, a
Cette confidence me donne la pensée de formuler en d'autres termes ma suggestion. Je la laisse dormir quelques instants, sans lui adresser la parole, puis brusquement je lui donne cet ordre. ¦ Demain, vous direz trois ou quatre fois : je veux manger, et vous mangerez >.
La journée du lendemain, mercredi 23 septembre, est extrêmement pénible, ? Jamais, me dit la malade, je n'ai subi pareille torture; je voudrais manger et je ne veux pas. >
11 y a progrès, en ce sens qu'elle n'accepte plus aussi facilement l'idée de ne lias manger; mais elle continue toujours ? refuser les aliments, et a ne boire que de l'eau.
Le jeudi 24 septembre, je l'hypnotise de nouveau; je lui fais prendre une tasse de chocolat pour un verre d'eau.
Je lui fais la suggestion suivante : « Vous direz ce soir a neuf heures et demain à six heures, à trois reprises différentes : J'ai faim, je veux manger, je mangerai ».
Elle me le promet et répète, sur mon ordre, les paroles de la suggestion. J'ajoute alors : • Vous prendrez une tasse de bouillon, pas davantage, demain vendredi à onze heures et à cinq heures, et samedi à onze heures ».
Elle le promet et répète, sur mon ordre, les paroles que je viens de prononcer.
Samedi 26 septembre, nouvelle hypnotisation. La malade m'apprend que l'idée de ne pas manger ?? quittée hier toute la journée, mais que, depuis le malin, elle réapparaît de plus en plus forte. « J'ai failli, ajoute-1-? Ile, ne pas prendre mon bouillon ? onze heures. Si vous ne me grondez pat fort, je sens que cette idée reviendra tout ? fait ».
J'essaie, mais en vain de lui faire promettre de manger ; elle refuse, malgré la menace d'un vésicatoire, menace qui, cependant, l'impressionne vivement. Alors, au lieu de chercher à obtenir celle promesse, je lui dis simplement : ¦ Répétez : j'ai faim, je veux manger, je mangerai. > Elle le fait. Je réitère les mêmes paroles, en ajoutant : d'abord ce soir, puis tes autres jours, ensuite comme tout te monde, et en lui faisant rèpéler chaque fois mes
paroles : « J'ai faim, je veux manger, je mangerai ce soir et les autres jours, comme tout le monde. >
Puis elle me dit : t Alors je n'aurai pas de vésicatoire? — Non, si vous mangez; mais, si vous ne mangez pas, vous l'aurez >. La peur du vésicatoire semble donc avoir contribué à vaincre la répugnance de la malade.
Cette suggestion se réalise, et, dès le soir, la malade commence i manger.
Mardi 6 octobre, je l'hypnotise de nouveau. ¦ Vous mangez? — U le tant Lieu, me répond-elle en souriant, puisque vous le voulez. Je mange, maïs parce que je me répète deux ou trois fois avant le repas : J'ai faim, je veux manger, je mangerai ce soir et les autres jours ».
Celte répétition est nécessaire jusqu'au dimanche suivant 11 octobre 1891. Ce jour, vers midi, en se mettant à table, la malade est tout étonnée d'avoir faim et d'être entièrement affranchie de l'idée de ne pas manger, sans avoir besoin de répéter la phrase suggérée.
Ainsi l'idée de ne plus manger est disparue aussi brusquement qu'elle était venue, et, chose curieuse, à la même heure et le même jour, un dimanche et à midi, après avoir obsédé la malade pendant trente-cinq jours. La gué-rison s'est maintenue jusqu'à ce jour (janvier 1892).
II
Dans quelle mesure la suggestion hypnotique a-1-elle contribué à faire disparaître cette anorexie nerveuse? Il est difficile de le dire. Toutefois, l'observation prouve, d'une part, que le sommeil hypnotique a permis, dès le début, de faire prendre un aliment plus nutritif que l'eau pure. D'autre part, les suggestions faites pendant l'hypnose ont d'abord amené chez la malade le désir d'être affranchie de son obsession ; puis, du 24 septembre au 11 octobre, pendant seize jours, elles l'ont contrainte de manger, malgré son impulsion à refuser les aliments.
Je crois quo ce dernier résultat serait survenu plus têt si j'avais pu voir régulièrement la malade, et surtout si j'avais employé, au début, une autre formule do suggestion.
Il est remarquable, en effet, que l'obéissance de la malade a suivi la suggestion contradictoire de 1 auto-suggestion qui la portait à refuser tout aliment.
Elle ne mangeait pas parce qu'elle se répétait : * Je ne veux pas manger i. Elle n'a commencé à manger que le jour oh je lui ai ordonné de dire : ¦ J"ai faim, je veux manger, je mangerai. »
La formule de la suggestion n'est donc pas indifférente, et voilà pourquoi je suis entré, au cours de celle observation, dans des détails qui paraîtront à plus d'un peut-être trop minutieux.
Le professeur Trousseau disait qu'il n'y a pas de petites choses en médecine, el cela me parait vrai, surtout pour la thérapeutique suggestive. C'est à tort, à mon avis, que la plupart des auteurs se contentent de dire : « Suggestion », sans reproduire le texte exact des paroles suggérées.
Une autre remarque à faire, c'est que, dans l'anorexie hystérique, la suggestion, qu'elle soit faite pendant l'hypnose ou à l'état de veille, doit agir sur le cœur du malade. 11 ne faut pas suggérer une idée pure et simple, mais une idée associée à une crainte, sanctionnée par un châtiment.
Ainsi ma malade sentait le besoin « d'être grondée fort », pour employer ses propres paroles, t Je mange, me disait-elle encore, mais bien malgré moi; c'est pour vous obéir et parce que j'ai peur que vous me grondiez ». Enfin la crainte du vésicatoire a produit chez elle un effet salutaire.
La nécessité de cette association se rencontre d'ailleurs dans le traitement de l'anorexie hystérique par l'isolement. « Quand j'ai vu que vous étiez le maître, disait une malade au professeur Char col, j'ai eu peur et. malgré ma répugnance, j'ai essayé de manger, et cela est venu peu à peu (1) ».
Enfin il suffit de parcourir peu à peu les observations publiées par le jy Sollier, dans un article récent (août 1891) de la Revue de Médecine, pour se convaincre que l'intimidation joue un grand rôle dans le traitement moral de l'anorexie hystérique.
Discussion.
M. Liégeois. — Étant donné que l'anorexie, dans le cas de M. Goix, avait son point de départ dans une auto-suggestion, je crois qu'un artifice utile pour dissiper l'entêtement de la malade eût été de lui suggérer l'amnésie de l'idée obsédante. De plus, en faisant dormir la malade pendant un temps prolongé, à chaque séance, on a beaucoup plus de chances d'obtenir la disparition de l'idée. Il semble que les séances prolongées aient une action favorable, et comme elle» ne présentent aucun inconvénient, il est bon de signaler leur utilité aux médecins.
M. Goix. — J'avais songé à tirer parti du sommeil prolongé, car, à chaque séance, la malade n'a jamais dormi moin» d'une heure.
M. Voisix. — Dans ma pratique personnelle, j'ai eu deux cas remarquables d'anorexie guéris par suggestion. Dans le premier, il s'agissait d'une malade qui, depuis quinze jours, avait cessé de prendre le moindre aliment et qui était dans un état de délabrement complet. La malade refusait de voir tes personnes de sa famille. Après avoir endormi la malade, je lui ai fait faire pendant son sommeil un repas complet. Je l'ai laissée dormir pendant trois heures et elle a parfaitement digéré ce qu'elle avait mangé, bien que depuis longtemps son estomac n'eût reçu d'aliments. Trois séances ont suffi pour rétablir l'appétit, et la guérison s'est bien maintenue.
Dans le deuxième cas, il s'agissait d'une dame qui, depuis sept ou huit mois, avait cessé peu à peu de manger et était tombée dans un état d'inanition presque complet. Elle avait maigri de 86 livres. Elle ne mangeait que des pommes. En quelques minutes, cette femme fut plongée dans l'état hypnotique profond. Je fi» apporter les éléments d'un repas complet et je fis absorber à la malade une assiette remplie de viande. Ce qu'il y a d'intéressant à noter dans ces cas, c'est la tolérance de l'estomac qui, malgré une longue abstinence, digère sans préparation ni transition les mets qu'il n'a pas reçus depuis longtemps. La malade s'est aussi promptement rétablie.
M. Bbbillon. — J'ai pu apprécier à maintes reprises la valeur de la suggestion dans, des cas analogues. Chez une mélancolique, auprès de laquelle j'avais été inopinément appelé à Caen, qui était atteinte de sitiophobie et qni avait refusé
(1) Charcot, *ur Ut Maladie» du tytlème nerveux. Paris, 1837, t. III. p. 243.
tout aliment liquide ou solide depuis vingt-trois Jours, 11 a suffl d'une seule sug. gestion faite sur un ton impératif, sans tentative dnypnotisation préalable, pour la déterminera manger. Chez un malade de quarante-cinq ans, atteint de mélancolie anxieuse depuis dix an*, la guérison fut obtenue en deux séances. Chez une femme de vingt-six ans, qui refusait tout aliment depuis deux jours et auprès de laquelle nous avions été amené par le T>r Degoix, de Paris, ane seule luggestion suffit pour déterminer la malade à manger et à ouvrir les yeux, qu'elle tenait obstinément fermés. Il nou* a été donné d'observer fréquemment des faits analogues dans le service de M. le Dc Auguste Voisin, à la Salpétrière.
Dans les cas que nous avons traités, comme les malades étaient dans un état de stupeur ires marqué, qu'elle* tenaient les yeux obstinément fermes, nous n'avions pas tenté de provoquer l'hypnose.
Nous arions donc agi à l'état de veille, ce qui prouve que la valeur thérapeutique de la suggestion ne réside pas absolument dans l'hypnotisme, mais dans la suggestion elle-même.
M. Gorodichzb. — La suggestion peut donner des résultats favorables dans tous les états d'anorexie, alori même qu'ils ne sont pas de nature hystérique. Chez une jeune fille Agée de seize ans, atteinte de chloro-auémie et qui avait perdu l'appétit, la suggestion a rétabli promptement l'intégrité des fonctions digestives. Chez une antre salade qui présentait l'apparence de la tuberculose an début et qui se montrait réfractai™ à l'administration de l'huile de foie de morne créosotée, le médecin traitant eut l'idée de recourir à la suggestion. Il eut raison, car dès la première séance le dégoût de la malade était vaincu. A la quatrième, elle absorbait 150 gramme» d'huile. Aussi ello n a pas tardé à recouvrer la santé.
M. !>•-"-¦:¦'..: :x3. — Après avoir été longtemps convaincu du rôle prépondérant des agents physiques dans la production de l'hypnose, je sois obligé de me rendre à l'évidence, qui me prouve chaque jour que la suggestion est bien l'agent principal dans la producion de l'hypnose.
Ce matin même, dans un service de* hôpitaux de Paris, j'étais presque mis en demeure, par un de mes collègues, de tenter d'hypnotiser à brûle-pourpoint uno jeune ÛUe que je n'aiais jamais vue et qui n'avait Jamais été endormie. Il me suffisait d'affirmer à celle jeuue personne qu'elle allait s'endormir profondément pour la voir, malgré une résistance assez apparente, fermer les yeux et tomber dans un état profond d'hypnose avec perte de la sensibilité cutanée et amnésie au réveil.
Ces buts deviennent chaque jour de plus en plus fréquents, et je me demande comment il se fait qu'on hésite encore à reconnaître l'intérêt qu'ils présentent au point de vue clinique et thérapeutique.
RECUEIL DE FAITS
Note sur un cas d'hémorrhagies auriculaires, oculaires et palmaires, provoquées par suggestion (I),
Par MM. les D" ARTÍGALAS et RÊMOND
Nous avons eu récemment l'occasion d'observer dans le service de 1 un de nous une malade qui presente un phénomène hystérique assez rare, surtout lorsqu'il se présenle sans être accompagné d'aucune des manifestations habituelles de celle névrose.
(1) Extrait du Languedoc Médical.
Celle malade, dont nous donnons ci-dessous l'observation détaillée, était entrée à l'hôpital pour une affection chirurgicale légère. Ni dans ses antécédents personnels, ni dans l'histoire, racontée par elle, de ses ascendants, aucun fait ne pouvait faire songer à l'hystérie. Tout au plus, avait-elle eu quelque attaque de nerfs à peine ébauchée et dont le souvenir s'était rapidement effacé.
Brusquement, sans prodromes d'aucune sorte, sans que l'on eût pu prévoir ce qui allait se passer, elle s'aperçut un matin qu'elle pleurait du sang. Mais donnons d'abord l'histoire clinique. Nous verrons ensuite à discuter les faits.
Observation recueillie par MM. Lagutrre et Bardier, élèves du service de dermatologie et sgphiligraphie (Hôtel-Dieu).
• M»* F..., 22 ans. Pas d'antécédents héréditaires. Mère morte d'une piqûre de serpent il y a douze ans. Père, 47 ans, bien portant, présente peut-être quelques bizarreries de caractère. Pas d'antécédents personnels.
c Celte malade est entrée dans le service le 31 octobre 1891 pour une affection des organes génitaux externes. Elle présentait sur la grande lèvre gauche une tumeur pinforme à grosse entremise tournée du côté de la vulve et faisant saillie dans le rectum et dans lo vagin. Cette tumeur était fluctuante, douloureuse, obligeait la malade à garder le lit depuis déjà huit jours et coïncidait avec une vaginite légère et une cndomélrite cervicale. C'était un abcès chaud qui s'ouvrit spontanément du 1" au 2 novembre. L'abcès ouvert, la douleur disparut, mais il resta un trajet fistuleux situé de 1 centimètre à I cent. 1/2 environ du sphincter.
« Le 4 novembre, la malade se plaint de nouveau de douleurs dans le bassin; le toucher, rectal et vaginal, permet de constater la présence d'une nouvelle tumeur située dans la cloison recto-viginale.
¦ Un nouvel abcès se formait qui .-«'ouvrit, lui aussi, sans intervention chirurgicale dans le rectum, 3 centimètres plus haut que le précédent, laissant à l'endroit où il s'était ouvert un deuxième trajet fistuleux.
' Après avoir fait l'antisepsie du vagin et du rectum, après avoir fait prendre à la malade plusieurs lavements boriques, M. le professeur Artigalas sectionna un jour, avec l'écraseur, le pont do substance qui séparait les deux fistules. A la suite de cette opération et aussi grâce à la scrupuleuse propreté des pansements, la malade marcha rapidement vers la guérison, et elle allait sortir de l'hôpital lorsque le hasard nous permit de découvrir chez elle une maladie beaucoup plus intéressante que la première. • • Déjà, pendant qu'on la traitait pour son affection génitale, la malade s'était plaint de ressentir dans l'oreille gauche de vives douleurs; en même temps son conduit auditif saignait légèrement. A l'examen otoscopique on couslata une surface un peu dépolie, un peu papillomaleuse, congestionnée.
« Quelques lavages antiseptiques eurent raison de ces hémorrhagies et notre attention n'aurait pas été autrement arrêtée par ce fait si. le 27 novembre, la malade ne nous avait dit avoir, le 23, sans raison, brusquement ^cnti son
œil gauche se gonfler de larmes. Elle prit son mouchoir, s'essuya, et le retira taché de sang. Son effroi fut grand, mais elle ne fil part a personne de sa découverte. Elle se lava avec un peu d'eau phéniquée, qui la fil souffrir beaucoup; les larmes de sang cessèrent el elle se crut guérie.
« Le 24, le 25, le 26, le même phénomène se reproduisit. Elle se décida alors à attirer l'attention sur ce point et à demander qu'on l'examinât.
• L'œil était absolument sain, pas de trace de blessure, pas de rougeur nulle part. Nous l'interrogeâmes alors pour savoir s'il ne s'agissait pas d'hémophilie. Elle avait eu autrefois, nous dit-elle, à la suite de contrariétés très vives, à l'âge de 16 ans, des epistaxis répétées, quotidiennes. Au mois de juin dernier, à la suite d'une scène de famille, elle avait eu une attaque de nerfs et, deux jours après, elle aurait vomi, une seule fois, et sans jamais avoir souffert à l'eslomac, une certaine quantité de sang 1res noir. En dehors de ces hémorrhagies émotives elle ne se souvient pas d'avoir été malade.
¦ Nous cherchâmes, sur-le-champ, s'il existait des signes d'hystérie et nous arrivâmes & constater, en un grand nombre de points disséminés, des zones hysiérogènes très nettes. La région ovarienne droite, la région sous-mamelonnaire, la pointe de l'omoplate, le pli du coude, le creux poplité du même colé, étaient le siège d'autant de plaques dont la compression aurait provoqué une crise convulsive si on avait insisté. On déterminait très facilement la sensation de constriction laryngée, de boule.
« En outre, la malade était hémianesthésique du coté droit. La sensibilité pharyngée était notablement diminuée; la perception de l'œil droit très diffuse. Nous n'avons pu, fiuile d'installation suffisante, chercher les altérations du champ visuel.
« C'était donc de l'hystérie. La malade fut endormie, mais la suggestion fut incapable à ce moment de faire cesser les larmes de sang; celles-ci reparurent, au contraire, les jours suivants, avec la plus grande facilité et il suffisait de dire a la malade : « Vous saignerez dans tant de minutes », pour voir le phénomène se reproduire et se maintenir avec persistance.
« Les choses restèrent dans cet état le 28, le 29 et le 30.
• Le \" décembre, M. le professeur Artígalas l'endormit de nouveau et lui suggéra que ses hémorrhagies oculaires ne se reproduiraient plus, mais qu'elle saignerait au creux de la main gauche. Quelques minutes après avoir été réveillée, elle présenta en effet une hémorrhagie ou plutôt une sueur sanglante à la face palmaire de la main gauche. Ce phénomène se produisit sous nos yeux, sans que M. Artigalas se soit éloigné de la malade et sans que l'on puisse invoquer une supercherie quelconque. La peau était absolument saine au niveau du point qui saignait; le sang semblait sourdre surtout dans les sillons à peu près comme aurait coulé une sueur abondante; on ne trouvait, en l'essuyant, aucune modification appréciable des téguments.
« Cette hémorrhagie cessa en lavant la main à l'eau froide.
Le soir, la malade fut endormie de nouveau et on lui persuada qu'elle ne saignerait plus au niveau de la main, comme on lui avait déjà suggéré que ses hémorrhagies oculaires devaient cesser.
c Depuis ce moment la malade n'a plut rien présenté d'anormal. Sa plaie vaginale est »ur le point d'être guérie, elle va sortir de l'hôpital. Nous ne croyons pas, en présence de sa facile obéissance à la suggestion, que ces accidents se reproduisent. »
Que voyons-nous dans cette observation? Si nous laissons de côté l'histoire chirurgicale de la malade, nous trouvons des hémorrhagies auriculaires relativement abondantes. Ces hémorrhagies qu'expliquait la présence de papillomes sont peut-être aussi un phénomène de même ordre que les larmes de sang, mais rien ne peut nous permettre ni d'accepter ni ne rejeter cette hypothèse.
Notre malade est hystérique, cela est indiscutable; elle présente, comme on vient de le lire, des zones hystérogènes, des modifications de la sensibilité générale el spéciale. Mais c'est de l'hystérie fruste pour ainsi dire et elle rentre ainsi dans un groupe qui comprend un certain nombre de malades célèbres.
Il fut, en effet, facile en déplaçant, par suggestion, le siège de sou hémorrhagie conjonctivo-palpébrale, de déterminer l'apparition d'une sueur sanglante, en un point quelconque du corps. On l'amena ainsi i ressembler absolument à une de ces stigmatisées dont l'histoire religieuse du moyen âge et la chronique moderne présentent tant d'exemples.
Les extatiques, en effet, pour la plupart au moins, soit à la suite d'autosuggestions, soit pour toute autre cause, ont volontiers des hémorrhagies de ce genre. Nous ne voudrions pas noua faire accuser de sentiments irrévérencieux et nous nous abstiendrons donc de citer ou de discuter les cas de saint François d'Assise, de sainte Catherine de Sienne, de sainte Thérèse et de tant d'autres. Mais des observations plus modernes, celle de Louise Lateau, entre autres, nous fourniront d'excellents termes de comparaison avec notre malade.
Née à BoU-d'Haine, en Belgique, dans le diocèse de Lemann, cette hystérique avait depuis longtemps des accès plus ou moins bruyants, tantôt des convulsions, tantôt d'extase simple ou accompagnée d'hallucinations auditives ou visuelles. Très religieuse, très exaltée, elle eut, un vendredi, une hémorrhagie sans lésion cutanée du côté gauche de la poitrine. Ce phénomène se reproduisit et se manifesta aux mains et aux pieds. L'entourage cria au miracle. Virchovf vint la voir et déclara qu'il y avait « supercherie ou miracle ». L'enthousiasme était d'autant plus vif que Louise Lateau ne mangeait pas ou du moins faisait semblant de ne pas manger.
Bref, tout se passait de telle façon que, quelques années plus tôt, la canonisation fût devenue certaine, lorsque le gouvernement belge chargea M. Warlomont de procéder à une enquête. Celui-ci s'en acquitta scrupuleusement; il conclut à la réalité du phénomène, à sa nature névropathique et à l'absence de tout merveilleux, même dans le jeûne, dont il démontra physic-logiquemenl la fausseté.
Nous n'insisterons pas sur ces détails, mais ce que nous devons retenir, c'est la façon dont se produisait le phénomène. La peau était saine, de même
que la conjonctive de notre malade est intacte. Le sang sortait, comme nous lavons vu par nous-mêmes, par gouttelettes fines, imperceptibles. L'écoulement était intermittent. La réapparition, nous l'avons vu, était provoquée chez notre malade par ce simple fait qu'elle pensait a son hémorrhagie. Plus compliquée, chez Louise Laleau, lauto-suggestion n'était pas moins nette. Des idées mystiques avaient établi entre le phénomène morbido et certains jours, certaines heures, des relations de causalité. Elles avaient suffi, à déterminer la publicité des accidents hémorrhagiques.
Chez notre malade, un ordre, une suggestion à l'état de veille permettait de reproduire le phénomène miraculeux, et si nous avions voulu insister, si nous ne nous étions pas contenté de provoquer une seule hémorrhagie palmaire, nous aurions pu faire de notre malade une stigmatisée aussi complète, aussi miraculeuse que celle de Bois-d'Haine.
Cependant, comme on pouvait craindre la persistance des accidents et que nous risquions, en les laissant durer, de ne pouvoir plus, a un moment donné, les faire disparaître, nous avons préféré provoquer leur cessation aussitôt que leur natures été évidente.
Quel est le sort réservé à cette malade, et présentera-t-elle de nouveau ces hémorrhagies, ces sueurs de sang? Cela est peu probable, mais il est peu probable aussi que la névropaibie dont elle est atteinte reste dans l'avenir aussi silencieuse qu'elle l'a été jusqu'à présent. Elle est certainement en imminence morbide, et, pour être plus fréquemment observés, les accidents hystériques dont elle peut être atteinte n'en rendent pas moins le pronostic grave.
Quoi qu'il en soit, en tout cas, cette observation nous a paru intéressante, parce qu'elle nous a permis d'étudier sur le vif la genèse de phénomènes qui ont souvent servi à étonner des spectateurs crédules ou naïfs, et que, d'autre part, il s'agissait d'une forme rare d'accidents hystériques, se présentant, chose plus rare encore, sans provocation au moins apparente. Du moins il ne nous semble pas que l'on puisse considérer comme tels les accidents chirurgicaux dont celte malade a souffert.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie.
La Société d'hypnologie se reunira le lundi S février, à quatre heures et demie précise», an palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. le Dr Dumontpallier :
1* Communications diverses: Mit. Wixel, Bérillon (applications pédagogiques;;
2» Présentation de malades;
3* Vote sur l'admission de nouveaux membres.
Adresser les titres et eommunieation» à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, *0 bis, rue de Rivoli.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Institut psucho-physiologique de Paris, 49, rue Saint-Andre-des-Artt. — L'Institut psyeho- physiologique de Paris, fonde en 1891 pour l'étude des applications cliniques, médico-légal et et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sou» le patronnago de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent.
Une clinique de maladies nerveu*** est annexée a l'Institut psycho physiologique. Les consultations gratuite! ont lieu les mardi', jeudis et samedis, de 10 heures à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister. Le samedi, à dix heures et demie, ltçou clinique.
Hospice db la Salpêtrière— MM. les Dn Joffroy et Jules Voisin font, à la
Salpétrière, des leçons sur les maladies mentales et nerveuses, le jeudi à neuf heures et demie.
Hôpital Lariboisière. — M. le D' F. Raymond a repris ses conférences clinique* a l'hôpital Lariboisière, le samedi, à dix heures du matin, salle Trousseau.
Troisième Congrès d'anthropologie criminollo.
Voici le programme de ce Congres, qui se tiendra à Bruxelles, du 28 août au 3 septembre prochain :
1° Des caractères physiques, intellectuels et moraux reconnus chez tes criminels-nés. Y a-t-il un type criminel anatomique ? 2° Du suicide et de la folie chez les délinquants ; 3° De l'influence de la simulation sur la genèse d'accès réels de folie; 4° Des influences physiques de la délinquance; 5° Dei influences économiques de la délinquance;
6° Des applications de la biologie et de la sociologie criminelles aux législations et à la jurisprudence;
7° De la détermination de la valeur psycho-morale des parties dans les procès civil»;
8° De la récidive et de la préméditation dans ses rapport* aroc les suggestions des milieux sociaux et les obsessions individuelles;
9° Des suggestions criminelles; . 10° Des caractères de la criminalité chez les enfants, les adolescents et les vieillards;
11° Caractères de la criminalité chez la femme;
12° De la nécesssité de considérer l'examen psycho-moral de eerttias prévenus ou accusés comme un devoir de l'instruction ;
13° De l'incoirigibilité, de ses caractères et des mesures répressives qu'elle comporte;
14° Des mesures a prendre envers les fous moraux délinquants, los aliénés auteurs de crimes et les criminels devenus ou non reconnus aliéné» au cours de la détention;
15° Influence des professions sur la criminalité;
16° De l'obsession criminelle morbide;
17° Dus quelle mesure est-il nécessaire ou désirable d'entreprendre des études de psycologie ou de psycho-pathologie criminelles dans les prisons î
18* Quelles sont les mesures à prendra envers les délinquants d'habitude et quelle est l'autorité compétente à fixer a leur choix;
19' Le délit collectif, criminalité de» foules et des sexes.
Adresser le» communications à M. le Dr Semai, président, à l'asile de Mon», Belgique.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
Ball (William Platt), — Les effets de l'usage et de la désuétude sont-ils héréditaires
(Un volume in-13 de 196 pages. — Lecrosnier et Babé, libraires, 23, place de l'école-
de-Médecine, Paris, 1891.) Blocq (Paul) et Onanoff (J.). — Seméiologie et diagnostic des maladies nerveuses. (Un
ia-18 de 530 pages, avec 83 figures dans le texte. — Massoa. éditeur, 19), boulevard
Saint-Germain, Parii, 1892.) Gaidoz (Henri). — La rage de saint Hubert. (Un volume in-8) de 224 pages. — Alph.
Picard, éditeur, 82, rue Bonaparte, Paria, 1893.) Julien (Alexis). — Loi de la position des centres nerveux. (Brochure de 8 pages. —
Chez l'auteur, 35, rue Monge, Paris, 1891.) Lombroso (C). — nouvelles recherches psychiatrie et d'anthropologie criminelle, (Un
volume in-12 de 180 pages.—Alcan, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain, Paris, 1892.) Rossolimo (Grégoire). — Recherches expérimentales sur les voies motrices de la moelle
épiniére. (Brochure de 32 pages. — Publication do Progrès Médical.) Sperling (Dr Arthur). — Elektrotherapeutische studien. (Brochure de 112 pages, en
allemand. — Th. Grieben's Vealay (L. Fernan), Leipzig, 1832.) Stembo :D' L.). — Akromegalie und akromikrie. (Brochure de 33 pages, en allemand.
— Bochdruckerel von Wlenecke, Saint-Pétersbourg, 1891.)
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
Noue Invitons nos lecteur* à compléter, par leurs indication», les lacunes et les omissions de l'Index bibiograpbique.
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?uhnen. — Ueber einen Fall von psychischer Ansteckung mit Ansgang ln vollige Genesung. (Un cas de contagion psychique suivie de guérisoa complete) (Allg. Zeitsch. f. Psychiatr., XLVIII, 1-2.)
Ladame — Quelques mots sur l'étiologie du vertige paralysant. (Revue médicale de la Suisse romande, n° 6, 20 juin.)
Lépine. — Mutisme hystérique .Revue de médecine, 10 oct. 1891.)
Letourneau. — . Le passé et l'avenir de la pensée religieuse - (Revue de l'École d'en-ihropotogie, 15 octobre 1891.)
Liébault. — « Le sommeil provoqué et les états analogues ». (In-18,1889.)
Liîiiaclt. — Thérapeutique suggestive, son mécanisme, propriétés diverses du sommeil provoqué et des états analogues (In-18. 1891.)
Lucas-Championnière (Paul). — Du somnambulisme spontané avec double personnalité . (Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 10 janvier 1891.)
Manouvrière. — L'atavisme et le crime (cours d'anthropologie physiologique) ». {Revue mensuelle de récote d'anthropologie de Paris, n° 8, 15 août.)
Nuimier - H.;. — • L'audition colorée. (Gas. hebdom. de méd. et de chir., 12.)
Prioleau. — • Epilepsie. Tentative d'assassinat en dehors de l'état épileptlque. Condamnation à trois ans de prison (Annales d'hygiène publique et de médecine légale, n' 3, septembre.)
Rtou. — - Les neurasthénie» psychiques (Journal de médecine de Bordeaux, 36,
L'administrateur-Gerant : Emile BOURIOT.
Paris. — Imprimerie brevetée MICHELS et Fils, passage du Caire. 8 et 10
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIME^AL CT^-THÉRAPEUTIQOE
AUTOGR^PHISME
socvelle observation
Par M. J. DELBŒUF. professeur à lTnivershè de Lièire, membre de l'Académie royale des Selon ces de Belgique.
Le numéro de la Revue de l'Hypnotisme de mai 1890 contient un intéressant mémoire de M. le Dr Mesnet sur l'Autographisme et les stigmates. Le cas dont je vais faire la relation et mes expériences ne feront que compléter en quelques points les observations du savant clinicien.
Le sujet que je présente aux lecteurs de la Revue est la femme d'un médecin. Elle a aujourd'hui quarante-cinq ans ; elle est grande, forte, corpulente, mats, dit-elle, très sensible. Un rien peut l'agiter. Pas d'accidents nerveux dans sa famille, ni chez les ascendants, ni chez les collatéraux; chez elle-même aucune tare hystérique. Elle attribue sa nervosité à cette circonstance que ses parents lui avaient fait embrasser le cadavre de sa grand'mère qui venait de mourir. Elle avait alors quinze ans et demi. Elle avait à ce moment ses règles, qui s'arrêtèrent. Avant ce jour, elle n'avait jamais vu de mort.
Il y a quatre ans, un événement de famille vint brusquement et désagréablement la surprendre, et depuis, elle fut affectée d'une urticaire qui alla s'aggravant. Les démangeaisons, que le moindre attouchement provoquait, s'étendaient rapidement à tont le corps, et elle ne pouvait les arrêter que par le froid ou des ablutions d'eau froide. Le supplice était tel « qu'elle aurait fait à genoux le voyage de Liège à Paris si elle avait été certaine d'en être délivrée par ce moyen ».
Elle vint me trouver. Endormie en un instant, en un instant aussi ses démangeaisons cessèrent— et disons tout d'un coup qu'elles n'ont plus
reparu. Il y a de cela environ six semaines. Il n'y a pas de raisons de croire qu'elles réapparaîtront; et, en tout cas, une nouvelle suggestion s'en rendrait bientôt maltresse.
Nous voulûmes nous assurer que l'urticaire était domptée; elle mit ses épaules à nu, et je passai l'ongle à différentes places. C'est ainsi que je fus témoin, pour la première fois, du phénomène de l'autographisme.
Je ne puis mieux faire que de reproduire ici la descripion que M. Mesnet en donne.
A peine l'ongle avait-il quitté la chair qu'il se « produisait une rongeur diffuse, suivie bientôt d'une élevure d'un blond rosé qui mettait en relief le point sur lequel l'ongle avait passé... Si, prenant un stylet mousse, un crayon taillé fin, nous tracions sur ses épaules, sur ses bras une 6gure, nous voyons presque à l'instant une rougeur vive se manifester sur la ligne parcourue par l'instrument.
« Cette rougeur diffuse constitue le premier temps du phénomène.
« Deux minutes après, la figure commence à paraître sous forme d'un tracé blanc rosé, d'une teinte beaucoup plus pâle que 1 erythème rubéolique qui l'encadre de tous côtés. Ne quittez pas la malade, suivez attentivement les diverses phases de l'expérience, et vous voyez l'inscription se compléter sous vos yeux, la ligne pâle s'étendre, grossir rapidement, prendre un relief de plus en plus saillant, arrondi au sommet, et atteindre le volume d'une demi-plume d'oie appliquée sur la peau. »
Chez cette dame, l'érythème était d'un rouge violet vigoureux. Si le dessin était fait avec une pointe fine et légère, on aurait dit qu'on passait sous la peau un fil délié. On pouvait lui imprimer sur le dos des caractères de la dimension d'une grande écriture cursive, qui se lisaient sans la moindre difficulté. La marque avait-elle plus de largeur? on aurait dit qu'on avait introduit sous la peau un épais cordonnet.
La figure se maintenait pendant des huit et des dix heures.
M. Mesnet a eu à sa disposition une fille hémianesthésique et il a noté que l'autographisme se manifestait tout aussi bien sur le coté anesthésié que sur l'autre.
J'eus l'idée alors de rechercher si ce phénomène était soumis à l'action de la volonté. Je voulus, en un mot, savoir si la volonté du sujet, exaltée par l'hypnose, pouvait agrandir, amoindrir ou annihiler le phénomène. Comme mes expériences n'ont donné aucun résultat, il est peut-être inutile de faire connaître les précautions que j'avais prises pour que les conclusions à en tirer fussent certaines. D'abord, je me faisais assister d'une autre personne; M. von Winiwarter voulut même bien une fois me prêter son concours. Ensuite, je traçais en même temps plusieurs dessins, soit, pour fixer les idées, les quatre premières lettres de
l'alphabet, tantôt sur la même épaule, tantôt par moitié sur les deux épaules, puis je déterminais par le hasard celles que je voulais voir sortir, celles que je voulais voir ne pas se développer ou se développer moins. Ce procédé avait pour but de me prémunir contre la propension
à appuyer le stylet plus ou moins fort suivant le désir que j'avais formulé au moment même du tracé.
Comme je viens de le dire, le sujet s'est montré incapable de modifier la marche ou l'intensité du phénomène, même quand nous lui mentions, c'est-à-dire que nous faisions semblant de croire qu'il y réussissait.
J'anesthésiai ensuite par suggestion un endroit déterminé du dos, ou même toute une moitié du corps. Les marques n'en furent nullement influencées; elle suivirent leur cours ordinaire.
Il s'agit donc d'un phénomène, semble-t-il, purement physiologique et où le psychique n'entre pour rien.
Ces résultats viennent par conséquent corroborer les déductions de M. Mesnet.
Mais voici qui est nouveau, je crois.
Cette dame est, nous venons de le dire, débarrassée de son urticaire. Or, le phénomène de l'autographisme a l'air de tendre vers sa disparition. Déjà, le jour où H. von Winiwarter a bien voulu se faire mon collaborateur, la rougeur était beaucoup moins vive que le premier et le second jour, et les élevures semblaient marcher assez rapidement vers leur disparition complète. Mais aujourd'hui ¡3 février), ayant prié cette dame de revenir, j'ai constaté, — ceci conformément à mes soupçons, — que les élevures disparaissaient les unes en moins d'un quart d'heure, les plus fortes en une demi-heure. Quant à l'érythème auréolaire, il n'était plus d'un rouge pâle peu visible.
Certes, je ne veux par encore tirer de conclusion définitive puisque le phénomène persiste; maïs j'ai cru qu'il était inutile d'attendre davantage pour signaler au moins cet affaiblissement. Si, comme j'ai lieu de le croire, il allait s'accentuant, il serait assez légitime de rattacher, chez ce sujet du moins, l'autographisme à l'urticaire, et de faire de l'un la dépendance de l'autre.
Autre curiosité. La peau étant revenue en apparence à son état normal, si je frottais vivement l'endroit où avaient été tracés les caractères, on les voyaient reparaître momentanément et fugitivement en pâle sur la rougeur produite. Cette faculté de réapparition était encore sensible après une demi-heure. J'ai voulu m'assurer si ce n'était peut-être pas là un phénomène normal. Les deux personnes chez qui j'ai essayé de le provoquer, ne l'ont pas présenté.
PSEUDO-URTICAIRE DERMOGRAPHIQUE
(URTICAIRE FACTICE, DERMOGRAPHIE, AUTOGRAPHlSME, ETC.) Par M. le Dr CHATELAIN, de Paris.
Il a beaucoup été question, dans le cours de ces dernières années, d'un phénomène assez curieux, se développant sur le tégument externe, bien connu des cliniques spéciales soit de dermatologie, soit de maladies nerveuses, et dont l'étude avait été mise à l'ordre du jour de la science médicale par M. le Dr Dujardin-Beaumetz. dans sa communication faite à la Société Médicale des Hôpitaux de Paris, dans la séance du 11 juillet 1879. Ce phénomène consiste dans l'apparition sur la peau, chez certains sujets, de saillies urticariennes succédant à un contact quelconque.
Des faits analogues à celui de M. Dujardin-Beaumetz ont été publiés depuis par MM. Bourneville et Regnard (1), Chouel (2), Axenfeld (3), Behrend (ï). Michelson (5). Kranzfeld (6). Lwoff (7); Chambard (8). Ch. Féré et H. Lamy (Uj, Mesnet (10). V. Cornu (11). Paul Raymond (12), mais leur pathogénie, comme celle d'ailleurs de l'urticaire chronique à laquelle ils se rattachent de près sans doute, n'est pas encore complètement élucidée et il nous a paru intéressant d'ajouter un cas nouveau à ceux déjà connus.
M. Dujardin-Beaumetz considérait comme un cas fort curieux, extrêmement rare, unique même, le phénomène qu'il venait d'observer pour la première fois chez une malade de son service de l'hOpital Saint-Antoine, et qui faisait le sujet de sa très intéressante observation. II
(1) Bourneville el : Iconographie de la Salpétrière (1873-1881). (2) Chouel : Marseille médical, janvier et février 1881.
(3) A. Axenfeld : Traité des névroses, 2e édition, revue par II. Huchard 1883, p. 1031 et 103S.
(4) Behrend : Ueber urticaria factitia. la Bert klin. Hoch., août 1883. (5) Michelson : Ibld-, février 1884.
(5) Kranzfeld : Zur Frage über die Urticaria factitia. Wratsch, n° -16, 1884. (ï) Lwoff : Annale! medico-peychologigaa, novembre 1888.
(8) Chambard : Archivée de Neurologie, janvier 1880.
Ca. Féré et H. LAMY : la Dermographie. in Nouvelle Iconographie de la Salpé-irière, n° 6, novembre et décembre, 1889, p. 282.
(10) Mesnet : Autographismes et stigmates. Communication faite a l'Académie de Médecine (séance du 25 mars 1890).
(11) V. Cornu : Contribution A l'étude de la Démographie (Urticaire graphique provoquée, thèse de Paris, juillet 1890). Observation de Baumgarlen.
(12) Paul Raymond. : Remarques anatomo-pathologiques et cliniques sur l'eut dermo-graphique de la peau. Communication a la Société clinique de Paris, 1890.
avait raison jusqu'à un certain point, en se plaçant sur le terrain de l'observation médicale proprement dite : la description méthodique du fait était chose nouvelle, mais le fait en lui-même ne lVtait pas ; les misérables livrés aux bûchers du moyen âge doivent en savoir quelque chose : l'autographisme, ainsi que l'appelait M. Dujardin-Beaumetz, sur l'avis de son collègue M. Mesnet, a dû en effet, aussi bien que l'œdème hystérique, que l'hémaudrose, etc., conduire souvent à h mort, il y a quelques siècles, les sujets chez lesquels ces états se manifestaient « sous l'influence du démon », disait-on, alors.
Sans remonter aussi loin dans l'histoire, des faits du même ordre avaient d'ailleurs été déjà rapportés ou signalés par différents auteurs, Willan (1), Cazenave (2). Rayer (3), William Gull (4). Neumann (5), Bazin (6), Heusinger (7), Blachez (S), Zunker (9), et plus récemment par Lorain, Constantin Paul, Michelson, Robert Carapana, Renaut, etc., etc., mais chez des sujets souvent nrticariens. On appelait alors c« phénomène : Urticaire artificielle, urticaire factice, urticaire fictive, urticaire provoquée, urticaire nerveuse, urticaire graphique, etc.
M. Dnjardin-Beaumetz, de concert avec M. Mesnet, désigna sous le nom de femme-cliché, femme autographique (d'où autographisme), le sujet qu'il étudiait.
MM. Barthélémy et Colson mentionnent des cas analogues sous le nom de stigmatodermie polychrome ou stigmasie (10).
M Chambanl donna à cet état de la peau le nom de dermatoneurose stéréographiqae ;
MM. Ch. Féré et H. Laray proposèrent à leur tour le nom de der-mograpbie « qui ne préjuge en rien de la nature de ce phénomène ».
Enfin, notre distingué confrère et ami M. le Dr Paul Raymond a communiqué, il y a près d'nn an, à la Société Clinique de Paris, trois
(1) Abrégé pratique des maladie» de ta peau, de Willan, par Baieman, 1620, p. 131.
(2) Alph. Cazenave et H.-E. Schedel : Abrégé pratique de» maladies de la peau. f édit., 1833, p. 56.
(3) Rater : Traité des maladies de la peau, t. 1, 1835, p. 248.
(4) William Gcu : On factitions urticaria. (Guy's Hosp. Rep., 1859).
(5) I- Neumann. (Faits de William Gull, Schmidt's Jahrb,, 1880 et non de Willaa, comme l'indiquent les traducteurs?. Traité des maladies de la peau. Trad. de G. et E. Darin, I880, p. 162.
(6) Bazin : Leçons théoriques et cliniques sur les affections génériques de la peau, L. 2, p. 47. Paris, 1885
(7) Heusinger : In Archives de Virchow, 1867.
(8) Blacsez : Connu unie* Uon a I» Société médicale des Hôpitaux de Paris (séance du 8 novembre 1873).
(9) Zunker : Ueber Zwei Facile von vasooiolorisclica Neurosen. (Berlin klin. Wochenschrift (1875).
(10) Toussaint Barthélemy et Adolphe Colson : In Notes de la Traduction du Traité pratique des Maladies de la peau de L.-A. Duhring, I8SÏ, p. 693.
observations remarquables de ce fait fort intéressant sous le titre d'état dermographique de la peau.
Nous avouons qu'aucune de ces dénominations n'a pu nous satisfaire entièrement. Le mot d'urticaire factice, artificielle, provoquée, etc., tout en indiquant bien exactement la cause déterminante du phénomène, la provocation, l'irritation nécessaire à sa production, éveille en même temps dans l'esprit du lecteur l'idée d'une dermatose accompagnée de symptùmes subjectifs propres à l'urticaire, prurit très prononcé, sensation de chaleur et de cuisson; or, dans le phénomène qui nous occupe, le prurit, la chaleur, la cuisson, n'existent pour ainsi dire jamais ou sont alors tout à fait exceptionnels.
D'autre part, les mots d'autographisme, de stigmatodermie, de der-matoneurose stéréographique, de dermographie, d'état dermographique de la peau, nous semblent meilleurs, maïs ils ont le défaut, à nos yeux, tout en indiquant que la peau garde l'empreinte des signes qui ont été tracés à sa surface, de ne pas donner à comprendre l'aspect objectif des saillies blanches, rosées, urticariennes, bien caractéristiques.
Ce sont ces raisons qui nous ont déterminé à proposer le nom et à donner à notre observation le titre de :
PSEUDO-URTICAIRE DERMOGRAPHIQUE,
montrant clairement ainsi, croyons-nous, que dans ce phénomène, le signe dermographique s'accompagne de manifestations ressemblant à l'urticaire.
On fora peut-être à notre terminologie le reproche d'être un peu pléonastique, mais il nous semble qu'en tout cas, ce défaut, si défaut il y a, a l'avantage de définir immédiatement tous les caractères morphologiques du phénomène étudié.
Voici maintenant l'histoire exacte du malade qui fait l'objet de notre observation.
Ce malade s'est présenté à notre consultation le 2 octobre 1891. C'est un homme de 35 ans, employé de commerce, d'un aspect vigoureux.
Son père, bien portant, est cependant un migraineux; sa mère, sujette elle aussi aux migraines, est une nerveuse.
Notre client, comme antécédents pathologiques personnels, n'accuse qu'une fièvre scarlatine à l'âge de 10 ans, et un ictère vers la même époque.
Son interrogatoire révèle qu'il s'agit d'un nerveux (sensibilité exagérée, colères fréquentes, etc.).-Jamais rien du coté de la peau.
En novembre 1890, il commence à s'adonner à l'absinthe; il prend quotidiennement deux et trois absinthes. En dehors de cet excès, la quantité de boisson ingérée est à peu près normale.
En janvier 1891, il commence à ressentir un prurit intense s'accompagnant des élevures ortiées de l'urticaire vraie et reparaissant tous les soirs, à la même heure. Sous l'influfnce du grattage, le sujet s aperçoit que les ongles tracent sur la peau des raies blanches, saillantes, persistantes. Il cesse en avril de prendre de l'absinthe; toutefois les symptômes décrits persistent et il vient alors nous consulter en octobre.
Son récit nous fait immédiatement songer aux cas analogues déjà publiés et nous l'examinons à ce point de vue.
Voici le résultat de notre examen.
Nous traçons des caractères à l'aide d'un coupe-papier sur la peau de la région interscapulaire (lieu d'élection de ce phénomène) et déterminons ainsi des raies blanches sur lesquelles se manifeste aussitôt la cutis anstrina commune.
Au bout de quelques secondes (vingt-cinq), la raie blanche prend une couleur rosée et se borde de deux zones pâles très étroites.
Une minute après, apparition d'une zone rouge, périphérique, encadrant les premières manifestations.
Presque en même temps, s'élève sur la ligne centrale une série d'élovures blanches, ortiées, dont la réunion forme une saillie caractéristique blanche, large de sept millimètres et haute de près de six millimètres, à son point culminant.
La lésion est alors à son apogée : elle offre, d'une manière frappante, l'aspect d'une plume d'oie posée sur la peau et encadrée d'une auréole bilatérale éry thémateuse, large de deux centimètres en certains points et se fondant peu à peu ensuite avec la teinte ordinaire du tégument cutané.
Cet état persiste pendant plus d'une demi-heure, puis la bordure périphérique rosée se rétrécit progressivement pour disparaître et ne laisser persister que la ligne centrale de moins en moins saillante, mais ne disparaissant complètement qu'au bout de sept à huit heures, temps toutefois relativement court eu égard à l'intensité du phénomène, puisque chez le malade de Dujardin-Beaumetz, la saillie persistait parfois douze heures, vingt-quatre heures dans un cas de Bourneville et Regnard et deux jours dans un cas cité par Cornu.
Le malade est un pseudo-urticarien dermographique des pieds à la tète : les signes pathognomoniques se manifestent non seulemont sur la peau de la face dorsale du thorax, siège de prédilection de ce phénomène, mais sur le tégument cutané de la région presternale, sur la face
les bras, avant-bras, poignets, cuisses, jambes; toutefois, sur les membres, la saillie urticarienne semble plus lente à se produire.
Nous n'avons rien constaté sur la muqueuse buccale.
Au niveau des régions en expérience, la température est sensiblement augmentée; avec la main seule on perçoit déjà la différence qui existe entre la température de ces parties et celle des régions de la peau plus éloignées.
Nous n'avons pu noter le raccourcissement du tégument cutané dont parle Gull.
Les excitations électriques n'ont rien produit d'intéressant.
Toutefois, ce qui n'a pas encore été signalé jusqu'à présent, nous avons constaté une hyperesthésie notable au niveau des saillies pseudo-urticariennes.
Aucun phénomène subjectif, comme c'est d'ailleurs la règle dans la pseudo-urticaire dermographique, où l'on n'a noté, et encore rarement, qu'une sensation de chaleur légère.
La pseudo-urticaire dermographique de notre sujet nous paraissant tenir à des influences multiples, nous avons institué un régime alimentaire sévère et, en outre des lotions vinaigrées destinées à calmer le prurit urticarien vrai dont souffre notre malade, nous avons prescrit à l'intérieur une prise quotidienne d'un gramme d'antipyrine, suivant la méthode de Itlaschko, de Berlin, entre les mains duquel ce médicament a réussi contre toutes les dermatoses prurigineuses d'origine névro-pathique.
Dès le premier jour, les démangeaisons cessent à peu près entièrement; le malade peut résistera l'envie de se gratter et, par conséquent, ne constate plus la production de la pseudo-urticaire dermographique.
Dix jours après, le 12 octobre, nous revoyons le malade, qui n'a pas eu, la veille, nous afflrme-t-il, la moindre démangeaison.
En résumé, plusieurs points nous ont semblé intéressants à relever dans l'histoire de notre client. Tout d'abord, les conditions déterminantes de la pseudo-urticaire dermographique sont ici complexes.
En effet, en dehors des cas ou le phénomène a été observé chez des sujets en bonne santé (\V. Gull, Vulpian, Axenfeld, Michelson, Baumgarten;. on l'a noté d'une façon particulière chez les nerveux et les hystériques (Dujardin-Beaumetz, Gourbeyre, Chambard, Bourne-ville et Regnard, Lvoff. Ch. Féré et H. Lamy, Paul Raymond), chez les urticariens vrais (Blachez, Ch. Féré et H. Lamy, Huchard, Zunker), chez les alcooliques (Paul Raymond).
Or, notre sujet est à la fois nerveux, urticarien, ex-alcoolique; ce trio de circonstances favorables peut expliquer, jusqu'à un certain
point, l'intensité du phénomène observé ici véritablement au maximum.
En outre, il y a lieu d'insister sur le résultat thérapeutique obtenu et un peu inattendu, nous l'avouons, dù peut-être d'une part au régime diététique sévère institué (Paul Raymond a constaté la cessation de l'état dermographique de la peau chez des alcooliques dont la crise aiguë était passée), mais aussi à l'influence évidente de l'antypirine sur la sensation de prurit de l'urticaire vraie diminuant et cessant, d'où, par conséquent, abstention du grattage et, par suite, non production de la pseudo-urticaire dermographique. •
Que deviendra notre sujet ?
Le phénomène qu'il présente, considéré jusqu'à présent comme une névrose vaso-motrice due à l'excitation des nerfs vaso-dilatateurs, sera-t-il. comme l'urticaire vraie, amendé par le traitement? Nous l'espérons sans oser l'affirmer d'une manière absolue, les malades dont les observations ont été publiées ne paraissant guère, sauf les cas de Paul Raymond cités plus haut et le cas de Zunker (pseudo-urticaire dermographique chez un saturnin), avoir subi de modifications bien appréciables pendant le temps plus ou moins long qu'ils ont été soumis à l'observation médicale.
addesdl'M
Nous n'avons pu faire l'examen biopsique d'une saillie ortiée de notre malade. Voici, d'après M. le docteur Nicolle (1), les modifications que l'on constate dans ce cas :
c Le fragment excisé a été porté dans le liquide de Flemming (solution forte), afin de fixer le liquide exsudé dans les mailles du derme. Après séjour dans ce liquide, puis dans l'eau et dans l'alcool, des coupes ont été pratiquées et colorées par la safranine (méthode d'Her-mann Boellger).
« Elles ont montré les particularités suivantes : le phénomène d'cedème intersticiel siège uniquement dans les régions superficielles du derme et presque toujours au niveau ou au-dessus du réseau vasculaire sous-papillaire. Les zones profondes du derme présentent des caractères absolument normaux. De même on ne rencontre aucune modification, même légère, des cellules de l'épidémie.
c Si on circonscrit ses recherches aux points malades, on remarque que la lésion est constituée purement et simplement par l'exsudation d'un liquide extrêmement peu riche en albumine, que l'osmium a très
(1) V. Couse : Contribution a l'étude de la Deroiographîc (urticaire graphique, provoquée). Th. de Paris, juillet !&«), page 37.
bien fiíé et qui ne s'est que pea ou pas teinté par la safranine. Ce liquide est comparable à celui que l'on rencontre dans les alvéoles pulmonaires après la vagoïomie.
Dans les papilles, il se rencontre soit autour des capillaires, toit dans les mailles du tissu conjonctif, affectant alors des rapports variés avec les cellules fixes.
€ Celles-ci ne présentent d'ailleurs aucune modification de forme ou de structure. Au niveau du réseau sous-capillaire, le liquide est encore déposé au voisinage des vaisseaux capillaires, soit dans les mailles du derme, soit dans des espaces plus réguliers que celles-ci, tapisses d'un épilhélium régulier et normal, et qui répondent à la description des espaces lymphatiques. Dans le réseau sous-papillaire, les lacs sont bien plus grands qu'an niveau des papilles, et le liquide est bien plus riche en albumine (coloration moins pâle par la safranine). Rien d'anormal dans le calibre vasculaire. Pas la moindre trace de diapédèse.
« En somme, lésion caractérisée uniquement par un cédeme superficiel. Cet tedéme est inégalement réparti suivant les points et d'une façon générale modérément accentuée ».
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
Séance da samedi 11 janvier I*'-;. — Présidence de M. DiKtmmjJt».
(SuiU.)
La folie hystérique et la suggestion hypnotique.
Par M. le D* A. VOISIN, médecin de la Salpétriére.
Messieurs,
Notre honoré président me demande à brûle-pourpoint de vous décrire en quelques mots la folie hystérique. La chose est bien osée; cependant, je vais tacher de vous en donner un résumé succinct.
La folie hystérique peut survenir de deux façons : elle peut être instantanée, ou son évolution peut éfre progressive.
Dans le premier cas, elle peut se produire après uno attaque convulsive hystérique ou presque aussitôt après celle attaque, ou bien elle survient sans attaque convulsive antérieure. Le délire se produit alors quelques heures •prés la vue d'un individu inconnu jusqu'alors, llsemblequilscfassecomme une jeltatura.
Dans le deuxième cas. où l'évolulk.n de la folie hystérique est progressive, on peut dire que c'est la forme classique, le plus souvent héréditaire; elle subit l'influence des périodes menstruelles, et la perturbation nervo;0-
mentale, limitée d'abord à ces périodes, s'étend peu à peu à l'intervalle des règles.
Les hystériques sont hallucinées ou non. Leurs hallucinations se présentent sous la même forme que celles des autres aliénées, mais elles offrent le caractère particulier d'être plus intenses pendant les périodes calaméniales. Leurs hallucinations provoquent des idées de persécuuon, et, sous leur influence, ces malades deviennent persécutées, et plus tard peuvent devenir persécutrices.
Dans ce dernier cas, elles apportent à la satisfaction de leurs idées la lucidité d'esprit qu'elles conservent longtemps, l'astuce, le mensonge et la ruse caractéristiques de leur état.
Il n'est pas rare que ces aliénées commettent des actes dangereux et même l'homicide.
La forme délirante de la folie hystérique, et non hallucinatoire, offre toutes les formes de l'aliénation mentale ordinaire, mais elle emprunte quelques caractères spéciaux au terrain sur lequel elle germe.
Elle se caractérise par des troubles de la sensibilité morale, des pleurs, des sanglots, des variations continuelles du caractère, une mobilité d'allures incessante et par des caprices sans fin.
Le jugement est une des facultés les plus troublées ; la pondération, I'an-précialion juste des choses, des actes les plus simples, n'existent pas pour elles.
Lorsqu'il y a du délire, ses formes les plus ordinaires sont la manie, la mélancolie slupide, les conceptions délirantes de toute espèce, les hallucinations, les idées de suicide et d'homicide, les impulsions à détruire et a déchirer, à frapper, à mordre, à injurier, à taquiner, à chercher querelle.
On observe la nymphomanie, l'érotisme et ces délires lucides si bien décrits par Trélal, dans lesquels les malades inventent des mensonges, imaginent des histoires même de viols commis sur leur personne, et se montrent méchantes à un point qu'on ne peut imaginer.
La folie hystérique a les relations les plus intimes avec les idées de vol, avec les dépravations instinctives et les habitudes de boire et d'abuser des poisons, tels que la morphine, etc.
11 ne faut pas oublier comme facteur important de la déchéance intellectuelle et physique de ces malades leurs habitudes souvent invétérées d'onanisme.
La folie hystérique, dont on n'a pu arrêter la marche, conduit à l'incohérence et à la démence. A cette période, ces aliénées se livrent aux instincts les plus sales; leur goût est tellement dépravé qu'elles se repaissent d'animaux morts, d'objets de pansement, de cataplasmes, etc. Et par l'eut abject de leurs habitudes, par leur laisser-aller et par leur dépravation, elles tombent dans un état d'abrutissement absolument animal.
La thérapeutique peut heureusement arrêter l'évolution de la folie hystérique dans les premiers temps. L'isolement, certaines pratiques hydrothéra-piques, des moyens médicaux et chirurgicaux tels que la morphine, les
bromures, la valériane, l'assa-fœlida, les bains d'immersion froids, l'ablation des ovaires reconnus lésés, sont capables d'amener ces résultais. De plus, la thérapeutique suggestive et surtout la suggestion hypnotique peuvent avoir les meilleurs résultats, en suspendant les attaques convulsives et en déracinant le délire ainsi que les hallucinations.
Séance du lundi 8 février, — Présidence de M, Diao.vrPAu.tti.
Le procès-verbal de la séance du lundi 11 janvier est lu el adopté, après une rectification de M. Auguste Voisin, qui déclare n'avoir jamais constaté chez les aliénés nombreux qu'il a eus à observer pendant sa longue carrière qu'il» aient porté des prénoms plus singuliers que les autres. ,
La correspondance comprend des lettres de M. le Dr Ladame, de Genève; de MM- les docteurs Hubert Xeilson, de Kingston, et Filz Gérald, de Dublin, qui envoient le montant de leur cotisation pour l'année courante.
Le secrétaire général appelle l'attention de la Société sur la proposition qui a été faite par plusieurs membres, d'apporter une modification au titre de la Société.. Les uns proposent de désigner la Société sous le nom de : Société d'hypnologie et de psycho-pathologie. Une seconde proposition est faite de la désigner sous le nom de : Société d'hypnologie, de psychiatrie et de criminologie. A ce sujet, le DT Collineau fait observer que le mot psychiatrie n'implique pas seulement l'étude des maladies mentales. Si l'on s'en rapporte à son étymo-logie \r-jXr„ âme médecine), son acceptation est beaucoup plus étendue et
ce mot comprend tout ce qui a trait à la médecine de l'âme ou de l'esprit. Il a d'ailleurs l'avantage d'être accepté par tous les savants étrangers.
Après une discussion â laquelle prennent part MM. Duinoulpaltier, Béritlon, Voisin. Magnin. Collineau, de Fontensy, la modification est admise en principe. Le titre devra faire connaître que tout ce qui se rapporte à l'état psychique, alors même qu'il n'y aurait pas intervention de l'hypnotisme, est du domaine de noire Société.
Mécanisme des phénomènes hypnotiques provoqués chez des sujets hystériques,
Par M. le D* BÊR1LLON.
Tandis que la majorité des médecios français ou étrangers qui s'adonnent à la pratique de l'hypnotisme affirment que les phénomènes somaliques observés dans cet état sont des créations artificielles dues à l'imitation ou à des supputions inconscientes, quelques auteurs persistent à attribuer a Pïntervention des actions physiques une part prépondérante dans la production des phénomènes de l'hypnotisme.
Les mêmes auteurs sont aussi d'accord pour prétendre que les offels des excitation* physiques sout très différents selon qu'on les applique à des sujets hystériques ou i des sujets normaux. En un mot, les hystériques seraient seuls susceptibles, selon eux, de tomber dans des états spéciaux, nettement '-aractérisés par des symptômes somaliques particuliers, el cela par
la seule acLioo de l'hypnotisme ou j-ar des excitations sensorielles exercées dans cet élat.
Ainsi, pour les élèves de la Salpêtrière, la fixation prolongée d'un objet brillant, la compression dea globes oculaires, lorsqu'on soumet un sujet byslére-épitepuque à ces manœuvres, auraient pour effet de plonger ce sujet dans la iwriode de l'hypnotisme désignée sous le nom de léthargie. Celle période étant essentiellement caractérisée par la résolution des membres, par de l'analgésie complète de la peau et des muqueuses, mais surtout par l'opposition d'un phénomène somaiique fixe: rhyperexcilabilité neuro-musculaire. Lorsqu'on excite mécaniquement à travers la peau, les muscles, les tendons ou les nerfs moteurs des sujets, on voit se produire des contractures intenses des muscles excitée. Ces contractures seraient remarquable* pe leur résistance aux tractions, leur permanence et la facilité avec laquelle elles cèdent sous l'influence des mêmes excitations qui les ont produites, ou bien d'excitations analogues parlant sur les muscles antagoniste-*.
Au lieu de recourir aux excitations sensorielles lentes, si Ton emploie des excitations brusques, telles que le bruit inattendu d'un coup de gung, l'apparition soudaine d'une lumière éblouissante, l'effet obtenu serait l'étal de catalepsie. Dans celte période, rhyperexcilabilité neuro-musculaire a disparu. Elle a fait place à une plasticité musculaire très caractéristique, grâce à laquelle les muscles peuvent conserver, sans fatigue appréciable, les attitudes variées dans lesquelles on les place.
Le bit d'exercer une pression sur le vertex d'un sujet placé dans ??? des deux périodes précédentes aurait pour effet de provoquer la période dite de somnambulisme, dans laquelle le sujet reprend une partie de son activité intellectuelle et musculairo et dans laquelle on a observé souvent une hyperacuilé remarquable de tous les sens (ouïe, vue, odorat, goût). Le toucher lui-même participe à cette hyperexcilabililé qui se traduit par ce (ait que la plus légère excitation de la peau amène la contracture des muscles sous-jaceuts. On aurait dans la période de somnambulisme de l'by perexcita-bililé culano-musculatre \ar opposition a rhyperexcilabilité neuro-muscu-lairc de la [triode de léthargie.
L'étude do ces trois périodes a vivement surexcité la curiosité de3 expérimentateurs. Mais, bientôt, la plupart de ceux qui ont cherché à vérifier l'existence des phénomènes somaliques, décrits par M. le professeur Chareot, ont déclaré qu'ils ne pouvaient interpréter la production de ces phénomènes que par l'intervention de la suggestion. De là des discussions sans fin qui se sont renouvelées dans tous les congres et dans toutes les réunions où la question do l'hypnotisme a été remise sur le lapis. Malgré les efforts tentes par MM. les professeurs Grasset, Tamburini et quelques autres, pour arriver à trouver un terrain de conciliation pour les deux doctrines en présence, le différend persiste encore.
Nous n'en voulons pour preuve que l'affirmation récemment formulée par M. le professeur Pitres, de Bordeaux, qui s'exprime ainsi: • Les phénomènes somaliques du grand hypnotisme ne sont pas des créations artificielles
surajoutées par voie de suggestion aux phénomènes psychiques de l'hypnose expérimentale. La léthargie, ta catalepsie, te somnambulisme sont des états distincts dont la réalité clinique ne saurait être légitimement contestée. Mais ces états ne se montrent avec toute leur netteté que dans l'hypnotisme provoqué chez les hystériques (1). »
H y a quelques mois, dans une leçon faite à la Salpétrière sous les auspices de M. Charcot, M. le Dr Babinski maintenait que la division du grand hypnotisme en trois étals distincts : léthargie, catalepsie et somnambulisme est légitime, et il faisait tendre toute son argumentation à la démonstration de ce fait que les phénomènes hypnotiques sont de même essence que les phénomènes hystériques et que des liens intimes unissent l'hypnotisme à l'hystérie.
11 nous a paru que seuls des faits expérimentaux nombreux pourraient apporter quelque lumière dans ce débat, c'est pourquoi ayant eu l'occasion de tiaiter par l'hypnotisme un assez grand nombre de malades présentant des manifestations de la grande hystérie, nous avons pensé qu'il pourrait y avoir encore quelque intérêt à étudier chez ces malades le mode de production des phénomènes hypnotiques, et en particulier la part qui peut revenir dans celte production, soit aux agents physiques, soit à la suggestion.
Pour nous mettre le plus possible à l'abri de toutes les causes d'erreurs connues, nous avons choisi comme sujets des jeunes filles n'ayant jamais préalablement subi aucune tentative d'hypnotisation, n'ayant jamais été hospilalisées et tout à fait ignorantes de la question de l'hypnotisme.
Ces malades sont atteintes de grande hystérie, ainsi que le démontrent leurs observations. Elles se trouvaient dans les conditions voulues pour présenter les phénomènes du grand hypnotisme. Nous avons donc cherché à provoquer chez elles par les divers procédés appropriés les trois périodes de l'hypnotisme, ainsi que les états somatiques correspondant à ces périodes. La Société pourra constater sur les malades que je lui présente les résultais de mes expériences.
Observation I. — Hystérie grave. — Anorexie hystérique ; anurie; Itêmia-nesthésie sensitive et sensorielle; œdème et parésie de la jambe gauche; rétrécissement du champ visuel. — Suggestibilité exaltée. — Hypnotisa-lion facile et profonde
MIla L..., âgée de quinze ans, s'était bien portée jusqu'à la fin de l'année 1889. A cette époque, elle fut atteinte de l'influenza. La convalescence fui longue. La malade resta dans un état d'anorexie, d'inappétence et d'anémie qui l'empêcha de reprendre ses travaux habituels. Cet état persista jusqu'au mois d'août 1890, époque à laquelle nous avons été appelé à lui donner nos soins. A ce moment, l'anorexie était poussée à un tel point qu'elle se traduisait par une abstinence presque complète. Il y avait plusieurs mois
(1) Pnus. Leçons clinique* sur ChytUric et thypnotiiou. Paria, t. I. p.
que la malade n'avait pas goûté à de la viande. Elle présentait en outre des stigmates variés de l'hystérie : de l'anurie, une hémianesthèsie complète de tout le coté gauche, de l'œdème et de la parésie limités au membre inférieur gauche, de l'aménorrhée et du rétrécissement des deux champs visuels. La malade, assise dans son Ht, se déclarait incapable de se mouvoir.
Des la première tentative d'bypnolisation, après avoir reçu la suggestion de dormir, elle tombe dans un sommeil profond. Grâce à celte suggeslibilité excessive, il fut facile de combattre tous les symptômes qu'elle présentait, et aujourd'hui elle peut se considérer comme complètement guérie.
Pendant le traitement, j'eus l'idée, étant donné l'aptitude à l*hypnotisation que présentait la malade, de provoquer chez elle les diverses manifestations des trois périodes du grand hypnotisme, et cela sans recourir ? la suggestion.
Quand j'invitais la malade à fixer mes yeux, elle s'endormait presque instantanément, l'anesthésie était complète, les membres soulevés (bras et jambes) gardaient l'attitude qu'on leur donnait, et le sujet obéissait automatiquement à toutes les suggestions hypnotiques et post-hypnotiques. Ni la compression des globes oculaires, ni l'ouverture des yeux, ni le bruit d'un gong, ni la projection dans les yeux de lumière de magnésium, ni la pression du vertes ne venaient modifier cet état. La malaxation des muscles, des tendons, l'excitation du nerf cubital n'amenaient l'apparition d'aucune appareil ?- d'hyperexcitabilité neuro-musculaire. Ces tentatives furent répétées pendant plusieurs séances sans aucun résultat. Convaincu que l'action des agents physiques n'amènerait aucun effet, je fis alors intervenir la suggestion. Devant la malade endormie, j'exprimai mon élonnement que mes manœuvres n'eussent pas provoqué les phénomènes dont je fis la description. Quelques instants âpres, je pouvais constater l'apparition des phénomènes somatiques annoncés, et la malade réalisait le plus beau type de sujet, pré-senianl avec une netteté admirable les trois périodes du grand hypnotisme. En un mot, après la compression des globes oculaires, la malade paraissait devenue indifférente à toute excitation sensorielle; les membres soulevés retombaient lourdement et la friction des muscles de lavant-bras amenait l'apparition de contractures très résistantes, cédant seulement à la malaxation des muscles antagonistes. La même byperexcitabilité neuro-musculaire se retrouvait dans tous les muscles des membres supérieurs et inférieurs.
Ia simple ouverture des paupières amenait la catalepsie avec la plasticité musculaire caractéristique et la suggestion par les attitudes; la pression du vertex produisait le somnambulisme avec tous ses attributs.
Au bout de quelques séances, ces expériences se produisaient avec de tels caractères de précision que la malade nous donnait exactement l'idée des grandes hysléro-épilepiiques que nous avions autrefois observées à la Pitié, dans le service de M. Du mont pallier, ou vues à la Salpétrière. L'idée d'un simulacre était tout à fait inadmissible, le malade restant pendant toute la durée de l'hypnose dans un état d anesthésie profonde portant sur toute ? peau et toutes les muqueuses.
Eu résumé, cher un sujet alteint de grande hystérie, très hypnoUsable, la manifestation des phénomènes somatiques du grand hypnotisme avait été provoquée uniquement par la suggestion, tous les autres procédés ayant été impuissants à les produire.
Obs. II. — Hystérie grave. — Crises hystéro-épileptiques ; sensation de boule; grandes attaques; hallucinations nocturnes et diurnes de la vue; coxalyxe hystérique; aménorrhée. — Suggestibilité très gronde et hypno-tisation profonde.
Marguerite D..., Igée de quinze ans; très nerveuse. Elle s'est assez bien portée jusqu'en mai 1890. A celte époque, elle eut un grand saignement de nez, à la suite duquel elle éprouva des sensations inaccoutumées. Il lui semblait qu'elle avait la gorge serrée et qu'elle allait étouffer; peu après, elle tomba dans une crise convulsive avec perte complète de connaissance. Depuis lors, les crises se sont renouvelées un très grand nombre de fois. Toujours elles débutent par une sensation de boule au niveau de l'estomac. Elle en a eu tous les jours depuis dix-huit mois, jusqu'à huit par jour. Au mois de novembre 1891, elle a commencé à boiter ; la colonne vertébrale s'est ensellée et la malade marche actuellement avec beaucoup de difficultés. Elle éprouve de vives douleurs au niveau de l'articulation de la hanche gauche. En môme temps, des troubles mentaux sont apparus. Son sommeil est lrouble depuis ce moment par des hallucinations pénibles. Elle voit des bêles féroces, des rats, un homme qui la menace. Elle appelle au secours et elle fait allumer une bougie pour s'assurer si tous les animaux sont partis. Les hallucinations persistent après le réveil et surviennent même pendant la journée. Elle voit passer des hommes devant sa porte ; l'un d'eux entre dans la chambre et veut U tuer. Bien qu'elle soit assez développée pour son âge, elle n'est pas encore réglée. Elle n'a qu'une diminution de la sensibilité du côté gauche.
Elle a été facilement hypnotisée. Mais, bien que présentant de l'amnésieau réveil, elle offre cet état particulier qu'elle ne cesse en dormant de se retourner sur le siège où on l'a placée. Aucune des tentatives faites par les excitations physiques pour provoquer les manifestations du grand hypnotisme n'a réussi.
A la clinique, pendant qu'elle dort, je décris devant elle les phénomènes somatiques de la léthargie, et aussitôt je vois apparaître l'hyperexcitabililé neuro-musculaire. Dans l'état de catalepsie, j'ai provoqué chez elle la suggestion par les attitudes, et la photographie la montre, comme dans l'expérience que je renouvelle devant la Société, souriant lorsqu'on imprime a sa main le geste d'un baiser.
Actuellement, on peut constater que ce sujet peut être plongé dans les trois étals, et ce résultat n'a été obtenu que par l'intervention de la suggestion qui, d'ailleurs, en trois séances, a fait disparaître complètement les crises coovulsives et les hallucinations, mais n'n pas eu d'action sur l'aménorrhée ni sur la coxalgie.
Obs. III.— Hystérie grave.— Ciisesprolongccsifhysffrocpitrj>sic ; tpasmcs oesophagiens; accès partant de l'estomac; grands mouvements ; hémia-nesthesie à gauche ; hallucinations de la vue. — Suggcstibilité extrême. — /lypnotisation facile et profonde.
Marie S..., Agée de seize ans, a va survenir sa première crise en octobre 1891, à la suite d'une vive émotion. Depuis, elle en a eu un certain nombre; elles reviennent toutes les trois semaines environ. La crise débute par un accès partant de l'estomac. Il lui semble qu'elle va perdre connaissance; elle s'assoupit pendant quelques instants, puis tout à coup elle grince des dents, se raidit et tombe par terre. Les crises durent longtemps, près de deux heures, pendant lesquelles elle se livre à des mouvements tantôt limités, tantôt étendus. La nuit, elle a des cauchemars pendant lesquels elle voit des assassins, armés de couteaux et de cordes, qui veulent la tuer, la pendre. Elle présente do l'hémianesthésie de tout le côté gauche.
Dès la première séance, elle s'est endormie profondément. L'anesthésie et l'amnésie au réveil étaient complètes. Aucune excitation physique n'a amené de modification à son sommeil. Après un certain nombre de tentatives infructueuses, je l'ai emmenée près de la malade précédente et j'ai provoqué chez cette malade l'apparition des phénomènes propres aux trois étals. Après lui avoir ainsi donné par imitation la notion des expériences auxquelles je me livrais, je l'ai endormie et j'ai cherché à provoquer les mêmes expériences chez elle. Immédiatement les trois périodes ont été éublies, rhyperexcita--bilité neuro-musculaire est apparue. J'ai constaté celle byperexcitabilité sur les membres inférieurs et supérieurs. En outre, sous l'influence de la suggestion, j'ai pu développer chez elle, dans l'état de catalepsie, le phénomène de l'extase, auquel les traits expressifs de sa physionomie se prêtent admirablement.
Acluellement, bien que guérie de ses attaques, de ses hallucinations et de son hémianesthésic, celte jeune fille n'en est pas moins restée très sensible à l'hypnotisme. Comme dans les expériences précédentes, tous les phénomènes somaliques observés chez elle ne sont apparus qu'après l'intervention de la suggestion.
Obs. IV. — Hystérie eonvutsive. — Ilémianesthésie du côté gauche. — Grande suggestibililé. — Hypnotisation facile.
Angèle D..., âgée de vingt ans; père hystérique, atteint de monoplégie brachiale. Elle a été traitée par nous en 1889 pour des grandes attaques d'hystérie, avec perte complète de connaissance et grands mouvements. Elle fut bientôt guérie de ces crises par l'emploi de la suggestion. Le 9 juin 1891, clic a vu survenir une nouvelle crise en apprenant que son père venait de se casser la jambe. Elle revient à la clinique le 22 septembre, se plaignant d'une gastralgie, mais n'ayant plus de crises. Je l'endors et cherche vainement à provoquer chez elle les trois états. J'ai alors recours a la suggestion; immé-
diatemcnl ello presento les phénomènes caractéristiques du grand hypnotisme cl elle peut servir à la démonstration clinique des périodes décrites à U Salpétrière.
Obs. V. — Hystérie infantile grave. — Crises convulsives à rage de dix ans. — Hémianesthésie. — Hémiparésie à droite. — Suggestibilité très grande. — Hypnotisation facile.
Jeanne C..., âgée de quatorze ans; père mort de tuberculose à l'âge de trente-huit ans. Probablement à la suite d'une paralysie infantile, l'enfant a perdu In vue de l'œil droit, et son côte droit a subi uu arrêt de développement. L'enfant est devenue gaucheré et elle n'a jamais pu apprendre à écrire lisiblement, bien qu'elle ait facilement appris à lire. A l'Age de dix ans, on a vu survenir, pendant plusieurs mois, des crises qui survenaient tous les deux jours, le malin. Dans ces crises, elle se déballait et perdait complètement connaissance. ¦
Actuellement, elle n'a plus d'attaques convulsives. mais ello a de l'hémi-anesthèsie de tout le côté droit. Elle a également de rhémiparésic de tout le même côté. Les muscles de la langue participent à celte hémiparésie. La langue est déviée à gauche, et l'enfant parle avec difficulté. Le D' Saint-Hilairc constate chez elle l'existence de tumeurs adénoïdes du pharynx nasal.
Elle s'endort très facilement. 11 est facile, par suggestion, de faire disparaître l'hémiancsthésie el de provoquer soit de l'ancslhésîe, soit de l'hype-resthétio totales. L"hémiparésie elle-même est favorablement inlluencée, car, après son réveil, l'enfant écrit mieux. Nous avons essayé do provoquer chez elle, par les procédés connus, l'apparition de trois étais. Nous n'avons rien obtenu.
II n'eu a plus été de même lorsque nous avons eu fait, devant le sujet, la description de ces états. Immédiatement rhypcrcxcilabilité s'est manifestée, d'abord faiblement, puis elle c'est accentuée et les trois élats ont apparu. L'ouverture de l'œil droit amaurolîque, a produit la catalepsie du côté droit.
Obs. VI. — Hystérie infantile. — Troubles du caractère. — Hallucinations de ta vue. — Crises convulsives. — Suggestibilité très grande et hypnotisation facile.
Charlotte P..., âgée de neuf ans; grand-père maternel alcoolique; mère hystérique, atleinle de crises convulsives el de tremblements. — L'enfant est très impressionnable. Lorsque sa mère a des attaques, elle crio et tombe elle-même dans des crises, elle se raidit, grince des dents, a les yeux convulsés et perd connaissance. La nuit, elle a des hallucinations. Elle se itveille en sursaut, pousse des cris; elle dit qu'elle voit son âme (cette hallucination a eu son joint de départ dans des récits qui lui ont été faits à
l'école, sur l'âme el la vie future). Son ame lui apparaît sou» la forme d'une luenr rouge. KI1*» dit aussi qu'elle en élouffe, qu'elle a de gros morceaux de charbon sur l'estomac. Elle souffre souvent de gastralgies. L'enfant a aussi fréquemment le sommeil troublé par des cauchemars, des terreurs nocturnes.
Dès la première séance, elle a été profondément endormie, avec anes-thésie. catalepsie suggestive, et amnésie au réveil.
Au bout de quelques séances, la suggestion se présente; la manifestation des trois étals lui fut faite, et actuellement, elle présente au plus haut degré, le phénomène de l'hyperexcilabilité ueuro-musculaïre, et malgré son jeune âge, les trois périodes du grand symptôme apparaissent chez elle aussi nettement que chez les meilleurs sujets de la Pitié et de la dalpétrière.
Ajoutons que la suggestibilité de l'enfant a été utilisée pour réaliser quelques applications pédagogiques; mais on a pu obtenir assez facilement chez elle la modification de quelques troubles du caractère : tendance à la colère, au mensonge, habitudes de paresse, de'gourmandise, altération de l'affectivité.
Nous avoos fait des ex)>ériences identiques sur un certain nombre d'hystériques : les résultats ont été cher, tous absolument conformes à ceux qui ont été notés dans les observations qui précèdent. Nous ne nous sommes pas bornés à provoquer les phénomènes classiques du grand hypnotisme, nous avons au contraire varié à l'infini les conditions des expériences. C'est ainsi que nous avons vu que la pression des globes oculaires peut à volonté faire la léthargie, la catalepsie, le somnambulisme; il en est de même de la projection de la lumière dans les yeux, la pression sur le vértex qui amènent, non la période indiquée comme correspondant à ces manœuvres, mais celle qui a été suggérée. Quant à l'hyperexcilabilité neuro-musculaire, nous avons pu constater que son apparition était d'ordre purement suggestif, car les procédés les plus variés peuvent en amener la production ; ainsi lorsque nous avons dit à un sujet qu'un bruit quelconque amènerait successivement la contracture des muscles des bras el des jambes, nous avons vu la contracture se produire aussi rapidement sous l'influence de ce bruit que par la malaxa-tion ou la friction des muscles. En résumé, de nos expériences se dégage pour nous l'impression suivante :
Chez des sujets hystériques très hypnolisables, il est possible de faire apparaître par suggestion un certain nombre de phénomènes somatiques, tels que ancsihésies, contractures, paralysie. On peut aussi provoquer chez ces sujets des états différents, comme la léthargie, la catalepsie, le somnambulisme, mais les phénomènes qui caractérisent ces états sont artificiellement créés par l'imitation, l'influence du milieu ou plus souvent encore par des suggestions conscientes ou inconscientes de 1 expérimentateur.
L'intensité des phénomènes observés et la rapidité avec laquelle on las obtient est certainement en rapport avec le degré d'intelligence et d'imagination du sujet.
Les agents physiques exercent sur les sujets déjà entraînés et habitués à
rbypnotisation ??? action réelle. Mais celle action n'est jamais créatrice, elle n'est que secondaire et semble avoir pour effet essentiel de renforcer l'intensité des phénomènes provoqués sous l'influence d'une suggestion initiale.
Discussion.
M. DfMOSTPaLuaa. — Certes, les observations qui viennent d'être exposées par M. Bcrillonontune très grande valeur doctrinale, puisqu'elles auraient pour conséquence de nier l'action créatrice des différentes phases de l'hypnotisme au moyen des agents physiques, et puisque ces mêmes observations semblent démontrer que. chez l'hysléro-épilep tique, les différentes phases du grand hypnotisme seraient toujours la conséquence de la suggestion produite consciemment ou inconsciemmeut par l'expérimentateur ou par les conditions du milieu où se trouve l'hystéro-épileptique. Le sujet, dans ce dernier cas, s'aulnsuggeslionnerail, dans l'étal d'hypnose ou de veille, les différents phénomènes qui caractérisent les différentes phases du grand hypnotisme.
11 sera donc très important, lorsqu'on voudra poursuivre la démonstration de la valeur exclusive de la suggestion dans la production des différentes phases du grand hypnotisme :
1* D'agir sur dessujetsqui n'auront servi à aucune expérience antérieure, qui n'auront assisté antérieurement à aucune expérience, qui n'auront aucune notion de ces expériences ;
2° D'avoir grand soin de soustraire les sujets à l'influence de l'imitation, laquelle ne manquerait guère de se produire dans un milieu spécial;
3° Dans de semblables conditions expérimentales, s'il est établi qu'aucun procédé physique ne peut déterminer les caractères somaüques des différentes phases du grand hypnotisme, il faudra bien conclure que la suggestion est créatrice des caractères somatiques de la léthargie, de la catalepsie, du somnambulisme, el que les expérimentateurs les plus consciencieux ont souvent fait de la suggestion sans le savoir.
Enfin à titre de démonstration scient i tique, il serait bon, chez les sujets à expériences, de prendre, au moyen d'appareils spéciaux, les tracés de la respiration. En effet, ainsi que cela a été exposé par M. Magnin et par moi au Congrès international de l'Hypnotisme en 16*89 (1), il est possible, en consultant les traces, de reconnaître quelles sont les différentes phases dans lesquelles se trouvent les sujets hypnotisés ; toute simulation en pareille circonstance peut être écartée, puisque l'expérimentateur, en voyant le tracé et sans examen des sujets, peut dire dans quelle phase hypnotique Us se trouvent.
(1) Voir le Compte rendu de la quatrième séance du Congrès international de f//yp-notûmt, p. 279 et suîv. (Doin, éditeur. Paris, 1889), et Mémoire à l'Académie des Sciences, janv. 1882.
DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE
A propos du projet de loi sur l'hypnotisme voté par la Chambre des députés de Belgique,
Par M. V. DEXYX, avocat a Bruxelles, et M. te D* P. VAX VELSEX.
La Chambre a volé un projet de loi répressif de I"hypnotisme exercé en dehors de certaines conditions. Le Sénat est saisi de la question.
Nous voulons examiner aujourd'hui quel sera le résultat pratique de la loi, et s'il ne vaudrait pas mieux abandonner pour le moment toute réglementation.
Espérons-nous que l'altitude du Sénat différera de celle de la Chambre? A vrai dire, pas trop. Nous savons que le Sénat n'aime pas i penser autrement que la Chambre (1).
C'est ai contraire à son habitude, cette seconde nalure qui, plus que la première, à peine chassée, revient au galop. Cependant, ne faut-il jamais jurer de rien, et qui sait si les honorables sénateurs ne risqueraient pas une exception en l'occurrence..., ne fût-ce que pour prouver la règle.
Cette élude a pour but de démontrer que les dispositions volées par la Chambre, si elles deviennent loi, seront inapplicables dans la majorité des espèces.
A cet effet, nous nous efforcerons d'abord de déterminer ce que le projet entend parles mois • aura hypnotisé », « personne hypnotisée ». Tel est l'objet de cette première partie.
L'article 1er punit le fait d'avoir donné une personne hypnotisée en spectacle au public. L'article 2 punit le non-médecin qui hypnotise une personne faible d'esprit ou une personne mineure.
Ici se posait une question importante et dont la solution est grosse de conséquences.
Pour que les faits tombent sous 1 application des articles 1 et 2, f.iut-ilque l'hypnose, l'existence réelle de l'étal hypnotique, soit constatée scientifiquement, ou bien suffira-t-il que le prévenu se soil rendu coupable de pratiques généralement employées pour provoquer l'état d'hypnose, sans qu'on ail à s'occuper autrement des résultats atteints ?
Précisons encore mieux.
Voici un prévenu ; il a recouru à des passes, à la pression des globes oculaires, cl la personne soumise à ces pratiques a présenté certains des phénomènes que l'on constate dans l'hypnose.
Ce prévenu sera-1-il certainement condamné ? Ou bien, surtout lorsque la défense soulèvera la question, seia-t-on forcé de rechercher si les phénomène» étaient ou le résultat de l'hypnose ou l'effet de la simulation?
(I) L'article était écrit avant le vole du Sénat et le renvoi à la Cnam du projet amfniU. ot a m end CSMSl ne inoditie en rien le Tond de cet article.
La chose vaut la peine d'être examinée.
Nous avons lu et rein, dans les Annales parlementaires, le compte rendu de la séance du i décembre.
Nous sortons de cette lecture avec la conviction faite qu'il suffit de consulter les discussions pour ne plus savoir ce que la loi signifie.
C'est la confusion absolue, c'est le désordre-type.
Prouvons.
M. Le Jeune dit (Ann. par/., col. 159) : ¦ Nous parlons de personnes hypnotisées. Il s'agira de savoir avant tout si les effets de l'hypnotisme se sont réellement montrés en elle. Ce sont les effets de l'hypnotisme que nous punissons dans la personne qui en est la cause. •
M. Eeman, le rapporteur, déclare par contre (col. 1611 : • L'honorable M. Houzcau disait tout i l'heure qu'il était entendu que ce sera le résultat qui sera punissable et non la cause : cela est inadmissible.
a Le texte est clair : même si le résultat ne peut être prouvé, la manœuvre qui sera prouvée doit être punissable. »
Et M. Le Jeune insiste à nouveau (col. 161) et répèle son avis en opposition avec celui de M. Ecman.
Hippocrateet Gallien parlementaires : l'un dit oui el l'autre dil non; mais de même qu'on voit Hippocraie et Gallien, en désaccord sur la maladie, se mettre d'accord sur le remède, on voit MM. Le Jeune et Eeman, si opposés sur le système à introduire, se mettre d'accord sur le texte de loi qu'il faut YOter.
Nous n'hésitons pas à nous ranger du côté de M. Le Jeune.
En général, il faut assez se défier de l'interprétation des lois par les travaux parlementaires. La discussion donne jour à toules les opinions, et il n'est pas d'interprétation raisonnable el même paifois déraisonnable qui ne puisse trouver certains arguments dans les annales de nos Chambres.
Certes, un avis exprimé par le rapporteur a plus d'importance : le rapporteur examine le projet en section et l'étudié préalablement au débat public. Mais ici le rapporteur et le ministre qui dépose la loi se contredisent.
En l'espèce ou jamais, il faut écarter les travaux parlementaires.
Il reste alors le texte, tout simplement, mais un texte dont le sens grammatical est clair, indiscutable.
11 faut avoir donné en spectacle une personne hypnotisée, il faut avoir hypnotisé un mineur ou un aliéné, pour que la loi puisse trouver son application.
Il ne saurait y avoir question de punir pour avoir hypnotisé si, dans l'espèce poursuivie, le sujet des expériences n'était pas en hypnose, n'était pas hypnotisé/
Si les mots ont en français un sens propre, cela ne peut souffrir aucun doute.
Voyons d'ailleurs les motifs qui ont dicté le projet de loi.
L'hypnotisme, dit-on, a des dangers : il peut compromettre gravement la santé; l'hypnotiseur malhonnête peut abuser de son sujet; l'hypnose affaiblit le corps, l'esprit et la volonté, etc., elc.
Admettons que tout ceci soit vrai, quoique tant de sa van 15 et de médecins le nient.
Les dangers sont bien ceux de l'hypnotisme. . Mais s'il n'y a pas d'hypnotisme?...
Répétons-le : les travaux parlementaires sont embrouillés et contradictoires; le juge n'y recourra pas, il prendra le texte de la loi et décidera avec infiniment de raison que puisque la loi parle d'hypnotiser et de personne hypnotisée, il faut l'hypnose constatée pour qu'existe l'infraction.
Or, c'est de ceci que l'inapplicabilité de la loi découle nécessairement.
Nous ne reviendrons par sur les doctrines différentes de deux écoles en présence, celle de la Salpéirière et celle de Nancy, autour desquelles se sont groupés ceux qui s'adonnent à l'étude scientifique de l'hypnotisme.
Que le lecteur retienne seulement ceci : Deux écoles ayant leurs autorités, leurs savants, leurs cliniques, leurs partisans convaincus et leurs adversaires acharnés, sont en désaccord sur la nature de l'hypnotisme, sur sa cause, et l'une va jusqu'à traiter de « simulées » les expériences que l'autre déclare scientifiques.
Voit-on d'ici le résultat, et avions-nous raison d'écrire que l'effet pratique de la loi serait nul à cause de l'actuel état de la science?
Prenons un prévenu quelconque voulant se défendre jusqu'au bout et soulevant devant la juridiction répressive la question suivante : les personnes soumises aux expériences incriminées étaient-elles ou non hypnotisées?
Les partisans des deux écoles accourent, et voici qu'un adepte des théories de la Salpéirière examine les sujets.
Il les endort, puis ouvre les yeux, ensuite fait la pression sur la tète. Si le premier procédé ne produit pas la catalepsie, ou si, cette dernière obtenue, l'emploi du second moyen ne provoque pas le somnambulisme, le partisan de la Salpêtrière déclarera : « Il n'y a pas d'hypnose, il n'y a que simulation ».
On l'a pu constater dans la retentissante affaire de Braine-le-Cbàteau. M. Masoin, chargé d'examiner Sylvain Vandevoir, opéra comme nous le disons plus haut, et l'hypothèse que nous supposions s'élant réalisée, il conclut : « Simulation ! »
Plus fort! Supposons qu'il résulte de l'enquête que le prévenu, dans les expériences qui sont cause de la poursuite, n'a pas recouru aux procédés de Paris.
L'expert imbu des théories de la Salpéirière dira, quand même il aurait, lui, obtenu sur le sujet des résultats conformes à ses idées scientifiques, que dans les expériences poursuivies, le sujet simulait !
Or, tous ceux qui ont assisté à des expériences nombreuses d'hvpnotisme, savent que neuf fois sur dix les expérimentateurs opèrent sans recourir à la méthode de Paris.
Donc, neuf fois sur dix, simulation et acquittement.
C'est fatal!...
Les partisans de la suggestion soutiendront bien, il est vrai, que l'hypnose
est constatée ; qu'il csl, dans l'espèce, une • personne hypnotisée donnée en spectacle » ou un « mineur hypnotisé ».
Mais que fera le juge? Devant les contradictions — qui donc a dit que la lumière jaillit des discussions? — devant les affirmations contraires et les arguments multiples lancés et renvoyés, il n'y comprendra plus rien ou presque plus rien, et... acquittera.
Je sais bien que la défense indiquée ne sera pas toujours possible ou sera parfois très dangereuse, l'infraction prévue par la loi sur l'hypnotisme pouvant, en certains cas, être remplacée par un délit de fraude.
Mais il n'en est pas moins certain qu'en de multiples espèces — spectacles dans des réunions privées, simples faits d'hypnotisme sur mineurs — l'accusé se défendra très certainement en disant : • J'ai certes voulu provoquer l'état d'hypnose ; je ne sais s'il y a ou non simulation du sujet, qu'on examine s'il est hypnotisante », Et le tribunal ou la cour jugera.
Dès lors, neuf fois sur dix, doute... et acquittement!
En somme, il semble que le gouvernement aurait mieux fait de s'abstenir, parce que la question n'est pas mûre, et qu'il vaut mieux assurément n'avoir pns do loi que d'avoir une loi mauvaise inapplicable, que des affaires comme celle do Braine-le-Chateau ridiculiseront.
Je le sais : le gouvernement peut dire qu'il ne marche que poussé par l'Académie de Médecine, qui a demandé le projet de loi. Soit ! Mais les Académies se trompent, même souvent. En-art humanum est! fût-on académicien.
N'avons-nous pas vu, en 1842, l'Académie de Médecine de France décide, qu'elle ne s'occuperait plus du ¦ magnétisme », comme on disait alors? Décision célèbre...
Depuis sont venus Charcot, Liébeault, Liégeois, Bernheim, Dumontpallier, Bérillon cl beaucoup d'autres.
Les Académies sont souvent, f.mt-il le dire, le dernier refugo de vieilles théories et la redoute de l'ancien.
Nous ne voulons contester la science ni de M. Lefebvre, ni de M. Masoin, les deux autorités de l'Académie en matière d'hypnotisme... Nous ne sommes pas fous... de présomption.
Mais enfin, Bernheim et Delbœuf sont des savants aussi et, par dessus, des spécialistes d'hypnotisme universellement connus.
Us combattent sans merci les doctrines de l'Académie.
Le projet tranche le débat contre Bernheim et Delbœuf en faveur do l'école officielle.
Oui, la loi tranche un débat scientifique, et nos législateurs ne sont pas compétents sur de pareils sujets.
Que la loi prend parti dans une discussion entre savants officiels et d'autres, c'est beaucoup plus vrai qu'on ne 1« croirait a première vue.
Voyons les raisons invoquées à l'appui du projet.
L'Académie affirme que 1 "hypnotisme est des plus dangereux pour la sante et peut produire des troubles physiques graves et irréparables.
Nombreux soûl ceux qui le nient!
L'Académie affirme que l'hypnotisme affaiblit les facultés mentales et les détruit; l'école de Nancy pose le principe contradictoire.
On n'est d'accord que sur un point peut-être : les séances publiques sont dangereuses ou mauvaises. L'hypnotiseur ne soigne pas ses sujets, et les spectateurs impressionnables ressentent parfois des troubles nerveux devant les expériences terrifiantes des Barnums de l'hypnotisme. Et puis, il ne faut certes pas vulgariser l'hypnotisme avec excès.
Mais pour empêcher les séances publiques, il eût suffi de dire : ¦ Quiconque organisera des spectacles publics d'hypnotisme sera condamné... quelque soit le résultat atteint par les expériences ».
On a voulu trop faire, plus que l'état de la question ne le permettait; c'est pour cela que la loi, voulant trop atteindre, n'atteindra presque rien.
La Chambre elle-même a cependant si bien saisi son incompétence! Elle a si bien senti que rien n'est clair encore, ou du moins que rien encore définitivement acquis.
Elle eût dû ne point passer outre.
Écoutez M. Le Jeune. La peur de dire une... bêtise le tient si fort qu'il recourt sans cesse à l'excuse préalable : « Messieurs, ce n'est pas moi qui parle, c'est l'Académie... »
M. Eeman, pris de la même crainte, emploie le même procédé préventif.
Et c'est M. Grosfils, l'honorable député de Verriers, — celui des représentants qui a dit les choses les plus sensées sur l'hypnotisme — qui s'est chargé de prononcer la phrase typique :
¦ Je suis incompétent... mais je constate que cette discussion a cela d'étrangeet d'intéressant que nous nous jugeons et reconnaissons tous incompétents pour trancher la question... Ce sont des incompétents qui doivent prendre la parole dans cette enceinte et tacher de convaincre des collègues aussi incompétents qu'eux. » (Ann., col. loti.)
Il est vrai : la Chambre doit parfois statuer sur des points rattachés à la science et pour lesquels sa compétence ne sera donc jamais parfaite.
Mais en l'espèce, les savants sont eux-mêmes en si parfait désaccord que la Chambre les devrait renvoyer jusqu'aux temps — peut-être pas si proches ! où l'une des écoles en présence paraîtra désormais victorieuse et en possession certaine de la vérité.
On n'en est pas là.
Deux médecins ne sauraient causer d'hypnotisme sans... se prendre aux cheveux. .
Si nous étions sénateur — quel orgueilleux souhait ! — nous déclarerions la question trop peu élucidée et nous refuserions de voter une loi, que certes de nombreux médecins — l'Académie en tête — déclarent excellente, nécessaire et pratique, mais que tant d'autres — conduits par bien des sociétés scientifiques — affirmenlinulile, dangereuse et inapplicable.
VARIÉTÉS
Les possédées et les démoniaques à Genève, au xvn* siècle, par M. 'e D' Paul Ladaïïb.
étude HISTORIQUE db ïtBDECINB MENTALE
Il y a tantôt vingt-cinq ans, jeune médecin, exerçant au Locle (canton de Neucbâtel), je comptais parmi mes premiers malades une vieille dame atteinte de démence sénile. Rusée et tracasrière, elle exigeait que l'on s'occupât sans cesse de sa personne; elle inventait chaque jour quelque méchanceté nouvelle aux dépens des personnes dévouées qui lui prodiguaient leurs soins. Ses caprices et ses exigences croissaient en raison de la complaisance que l'on mettait à les satisfaire. C'était en hiver. On sait combien les hivers sont rigoureux dans les montagnes neuchâteloises ; aus*i prenait-on de grandes précautions contre le froid. Bon appartement, bien chaufTé, calfeutré partout, doubles fenêtres hermétiquement fermées. La malicieuse dame, qui ne ressentait apparemment pas une impression désagréable de la froidure, prenait plaisir à se déshabiller et à courir dans la neige, pieds nus et à peine vêtue, dès qu'elle pouvait échapper à la surveillance dontelle était l'objet. On avait placé auprès d'elle une brave diaconesse qui était littéralement sur les dents. La malade, qui ne dormait jamais beaucoup et qui ne laissait dormir personne, imagina une belle nuit un tour de sa façon, dont elle fut la première victime. Apres avoir appelé maintes fois, comme de coutume, voyant que personne ne répondait (excédés de fatigue, ses gardes étaient plongés dans un lourd sommeil), l'astucieuse démente se jeta à bas de son lit, culbutant sa table de nuit avec fracas, et se mit à crier de toutes ses Forces. On accourt, on la trouve qui se débat enchevêtrée dans ses draps, f es oreillers, son duvet (édredon) au milieu des fioles et des ustensiles qu'avait entraînés la cbntc de la table de nuit. Malheureusement, la pauvre malade s'était fracturé le col du fémur. A cet âge et dans l'état de démence, une telle fracture ne guérit qu'exceptionnellement et immobilise le patient dans son lit jusqu'à la fin de ses jours. Or, cette immobilité forcée produisit un effet surprenant sur l'état mental de notre malade, qui fut prise pendant les dernières semaines de sa vie d'un délire tranquille, avec hallucinations de la vue et de l'ouïe. Elle marmottait sans cesse des paroles inintelligibles, que la garde prenait pour des prières. La première fois que Je la trouvai dans cet état, la diaconesse me prévint qu'un grand changement s'était opéré chez la malade, que Dieu était intervenu et avait chassé Satan, qui l'avait tenue si longtemps possédée.
Une telle interprétation des maladies mentales, encore très répandue de nos jours dans les campagnes, remonte à la plus hauto antiquité. Chez les peuples ancien*, on ne pouvait voir, en effet, dans ces phénomènes, que des manifesta-lions d'un ordre surnaturel et l'intervention miraculeuse, directe des dieux, était admise dans les maladies du corps et de l'esprit aussi naturellement que dans les autres phénomènes de la nature.
Hippocrate, cependant, et tous les grands médecins de l'antiquité avec lui, rejetaient positivement cette intervention divine dans les manifestations délirantes. « La folie, dit-il, est un état de souffrance de l'organisme, c'est une maladie. »
Mais on n'en continua pas moins à croire généralement que les affections mentales étaient d'origine divine ou démoniaque. Pendant des siècles, les aliénés eurent énormément à souffrir par suite de ces croyances superstitieuses. Il a fallu arriver jusqu'à la Révolution française, jusqu'à Pinel, qui a èlcvê Us fous à
la dignité de malades, comme on l'a si bien dit, pour qu'on en revînt aux enseignements de l'école hippocraiique, et qu'on abandonnât les sombres doctrinos du moyen âge. contre lesquelles avaient déjà protesté quelques médecins éclairés et humains, entre autres Jean Wier, médecin du duc de Trêves, dont nous reparlerons plus loin.
Ces doctrines étaient en pleine floraison partout en Europe, au xvr= et au xvir» siècles, et il m'a paru intéressant de rechercher, d'après les documentó des Archives cantonales et les registres du Consistoire, ce qui se passait à Genève, sous ce rapport, cent ans après la Kvformation, et quel rôle y jouaient les démoniaques et les possédés.
COMMENT ON DEVIENT POSSEDE
L'imagination populairea toujours avidement recherché les causes mystérieuses des manifestations extraordinaires des maladies mentales et nerveuses qui se propageaient surtout dans les époques de troubles et do grandes misères. Celte recherche a donné naissance à la sorcellerie; et rien n'était plus simple et plus conforme à ce besoin instinctif à l'homme do chercher toujours en dehors de lui les causes de ses malheurs et de ses maux, que d'attribuer à certaines gens, suspects d'uno manière ou d'une autre de ne pas vivre comme lout le monde, le pouvoir de donner des maladies et en particulier d'envoyer des démons dans le corps de leurs victimes.
On devenait possédé de différentes manières. Habituellement le démon pénétrait dans le corps des malades de la façon la plus naturelle, par 1,- aliments el les boissons. En voici quelques exemples qui feront comprendre comment cela se passait d'ordinaire.
Au mois de mai loi i. on faisait le procès d'une certaine Henriette, mariée à Onex [commune genevoise] et fortement soupçonnée de sorcellerie. Un des témoins, dont la femme était possédée des démons, vient déposer que, trois ans auparavant, ladite Henriette avait apporté à sa femme « une escuellée de papet ». Dès qu'elle en eut mangé - incontinent se trouva affligée de maladie incogneue et demeurait parfois morte ». La pauvre femme, au debut d'une grossesse, avait des syncopes nerveuses qu'elle attribuait au démon. Mais en attendant, l'accusation de sorcellerie allait son train.
L'ingestion de l'aliment pouvait suffire par elle-même à donner les démons, -mais elle s'accompagnait le plus souventd'une impression morale. Les symptômes de la maladie nerveuse en étaient modifiés en conséquence.
On lit dans le procès d'une sorcière du nom de Fauravau i la déposition sui-uante, datée du í août 1618 :
Marie Galuce, âgée de 55 ans, a ouy dire â Christofle, son voisin, qu'ayant ladite Fauravaud invité la femme Chrisloûe de venir empaster (pélrir la pâte) pour elle, ce qu'ayant fait en la voulant recognoistre de ta peine qu'elle avait prise, lui fil une espoigne (petil gâteau), et la donna à ladite femme de Christofle (qui la trouva irop petite pour la peine qu'elle s'était donnée), laquelle ayant demeuré quelques jours sans s'en cognoisire, finalement au bout d'environ cinq à six jours que, au lieu de se coucher comme à l'ordinaire, la teste vers le chevet, elle y mit les pieds, jetlant de grands cris en sentant des douleurs, le col luy venant fort gros, et aucuns ayant dit que sesloît du mal de la mère (c'est ainsi qu'on désignait et qu'on designo souvent encore la maladie nommée aujourd'hui l'hystérie), ladite femme malade respondit de sa bouche : « Non, noa, ce n'est point de la mèro, mais c'est la Fauvaraud qui nous a mis céans et qui Ta donné le mal, ne la laissez point entrer, car elle nous veut charmer (enchaîner, rendre muets). »
C'étaient les démons qui s'étaient mis à parler, aussi s'empressa-t-on de leur pofer des questions. Il ne fallait pas perdre l'occasion qui, peut-être, ne revien-
drait plus. Ou obterTail souvent, en effet, que les démoniaque! ne répondaient pas aux questions qu'on leur posait, et l'on en concluait que le* Je-aions dont ils étaient possédés étaient ¦ charmés », c'est-à-dire enchaînés par la volonté du sorcier et mit dans l'impossibilité de parler. On demanda donc à la malade, en adressant la question à l'esprit malin qui la possédait : ¦ El qui es-tu? • L'esprit démoniaque répondit par la bouche de la femme Christofle : « Je suis le diable, la Faravauda est nostra maislra, tu ne trouvais pas l'espotgne prou gros*»-----»
Pendant que cette scène se passait, la prétendue sorcière s'était approchée de la maison, curieuse et inquiète, sans doute, des crû qu'elle entendait, sachant bien qu'elle était soupçonnée d'avoir mis les démons dans le corps de cette femme. On lui ordonna de s'en aller, et, comme elle ne voulait pas partir, le mari de la démoniaque, envoyé par sa femme, s'en fut la battre pour la chasser.
On racontait aussi, pour confirmer l'accusation, qu'un veau du fermier était crevé « enragé » pour avoir bu de l'eau dans laquelle la Fararauda s'était lavé les mains, après SToir cmpasté, disant : « 'l'est grand dommage de perdre une si bonne lavure. » Elle la donna donc à boire au veau. Deui heures après l'avoir bue « !e veau tomba mort en terre, les quatre pieds en l'air, ayant tourné et viré un bien peu de temps >. Enfin une dernière preuve, qui paraissait très grave : • ladite KaraTauda se laisse communément appeler sorcière et yrège |1) à (par les) petits et à (par les) grands, jusque» aux bien petit* enfants. • Plusieurs témoins insistent là-dessus et se plaignent de ce que ladite Faravauda leur a pardonné de l'avoir appelée sorcière, sans en tirer réparation. Celui qui se laissait traiter iinpunéineul de sorcier, sans poursuivre son insulteur devant la justice, devenait immédiatement suspect.
(A suivre.)
¦ CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie.
La Société d'hypnologie se réunira le lundi 14 mars, à quatre heures et demie précises, au palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous la présidence de M. le Dr Dumontpallicr :
!• Communications diverses;
2» Présentation de malades;
3° Vote sur r&àmission de nouveaux membres ;
4° Modifications aux statuts.
Adresser les tiires et communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, 40 bis, rue de Rivoli.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
COCBS A L'ÉCOLE PBaTIQUB DB La FACULTÉ DE MBDBCIXB
M. le Dr Bérillon, licencié en droit, directeur de la Revue de rilypnotisme, commencera, le samedi 19 mars, à cinq heures du soir, dans l'amphithéâtre Cruveilhier, à l'Ecole pratique de la Faculté de Médecine, un cours libre sur les applications cliniques et tnèdico-Ugales de l'hypnotisme, et le continuera les mardis et samedis suivants, à cinq heures.
(1) Yrège> érége, byrige, synonyme de hérétique, sorcière.
Programme da Cours :
Psychologie physiologique et pathologique, — Applications cliniques e.' médico-légales de Chypnotisme. I. La psychologie expérimenta'e. — Valeur de l'hypnotisme comme procédé d'investigation psychologique.
II. Les procédés pour provoquer l'hypnose. — Rôle de la suggestion dans la
production des phénomènes.
III. Étude physiologique de l'hypnotisme : Les anesthésies, les contractures,
les paralysies.
IV. Les hallucinations suggérées: Hallucinations post-hypnotiques, néga-
tives, rétroactive*.
V. Influence de la suggestion sur les fonctions de la vie organique. — Appli-
cations thérapeutiques. VI. Nouvelles applications de l'hypnotisme à la pédiatrie et a la pédagogie. VU. Les suggestions criminelles et la responsabilité pénale. VIII. Les faux témoignages suggérés. IX. Les attentats contre les hypnotisés. X. L'hypnotisme et l'expertise médico-légale.
Banquet offert à H. le professeur Charcot.
Les anciens élèves de M. Charcot ont fêté, le samedi S mars, chez Durand, la récente promotion de leur maître au grade de commandeur de la Légion d'honneur.
Autour de la table, présidée par l'éminent professeur, avaient pris place, entre autres, les profes*oura Bouchard, Debove et Corail, de Paris; Pitres, de Bor-peaux; les docteurs Bournevi'le, Gombaut, Raymond, Jolîroy, Brissaud, Marie, Dutil, etc.
Plusieurs discours ont été prononcés : M. Joûroy s'est fait l'interprète des agrégés; M. Dutil, des chefs de clinique; enfin M. le professeur Corail, sénateur, dans une allocution très applaudie, a fait l'apologie de l'œuvre scientifique de M. Charcot :
c Mon cher maître, a-t-il dit en terminant, tout tous a souri, parce que tous êtes laborieux autant qu'admirablement doué.Vos travaux vous ont donné la fortune et les honneurs; votre étoile poursuit son orbe ascendant; vos disciples vous entourent d'une affection profonde et ils sont heureux de votre gloire qni rayonne sur eux.
M. Charcot, visiblement touché de tous ces témoignages d'affection, a répondu par quelques paroles tre* applaudies.
Les organisateurs de ce banquet avaient certainement tenu à lui laifser un caractère tout intime. C'est ce qui explique pourquoi beaucoup d'élèves et d'admirateurs de M. Charcot, n'ayant pas été prévenu* de la date de cette fête, n'ont pu Tenir se Joindre au groupe des privilégiés.
Suicide provoqué chez an soldat.
La Petite République française a publié récemment le lait suÏTant :
« Il rient de se passer à Limoges un drame qui mérite d'attirer l'attention. Un soldat du 63', nommé Guilleron, âgé de 23 an«, s'est tiré un coup de fusil dans la région du cœur. H est mort quelques heures après.
« On cherchait en Tain quelles araient pu être les causes de ce suicide. Les renseignements qui nous parviennent à ce sujet ne manquent pas de erarilé.
c Le malheureux Guilleron était, parait-il, atteint d'une lâcheuse infirmité. Il
souffrait d'une incontinence d'urine. Celle maladie, que n'ignoraient pas ses supérieurs, aurait du leur attirer leur bienveillance, ou tout au moins l'intervention des médecins.
« An lieu de cela, il aurait eu à supporter les plaisanteries de ses camarades, encouragés par leurs chefs, qui ne craignaient pas d'infliger au pauvre malade les pires vexations.
¦ On l'abandonnait à la risée des hommes et on le faisait même coucher sans lit ni matelas dans les préaux et les corridors de la caserne.
« Ces persécutions, jointes à la tristes* e que lui causait sa maladie, auraient poussé Gullleron au suicide.
« Eh bien, nous sommes asseï soucieux de la dignité de notre armée et du bien-être des hommes pour nous indigner de cette révélation.
• On a assex blâmé, et avec Juste raison, les brotalités commises dans l'armée allemande, pour qu'il faille à tout prix éviter que de pareils abus se produisent chez nous.
« Nous tenons ces faits d'une source autorisée. S'ils sont exacts, 11 Importe qu'on sévisse et qu'on évite le retour de pareils scandales. En tout cas, une enquête sérieuse sUmpose et nous l'attendons. »
Ce que ne dit pas le journal auquel nous empruntons ce récit, c'est que le fait qu'il signale est loin d'être exceptionnel. Dans les casernes, on ne connaît guère d'autre traitement de l'incontinence nocturne d'urine que de soumettre le soldat qui est atteint de cette Qcheuse infirmité aux supplices les plus variés. Le moindre de ces supplices est de le condamner à une Insomnie forcée, en le faisant coucher au poste sur un lit de camp et en le faisant réveiller a chaque instant. Bien entendu, cela ne le guérit pas et il n'a d'autre moyen d'échapper à ces tortures qu'en se suicidant. Il y a cependant un moyen très rationnel et très efficace pour la guérir, c'est-à-dire l'emploi de la suggestion hypnotique. Mai* M. le Ministre do ta Guerre considère ce traitement commo diabolique et il en interdit l'usage aux médecins militaires. Il est à peine croyable qu'on fasse preuve, au Ministère de la Guerre, d'une étroite»e de vues toile qu'on l'aurait à peine conçue sous le règne de Charles X.
Déontologie médicale.
La Société médicale des Vosges a cra devoir formuler le Code suivant destiné à régir les rapports réciproques des membres du corps médical.
I. Les médecins honorent leur profession en s'honoraut eux-mêmes, et par conséquent, en observant, vis-à-vis les uns des autres, les plus grands égards, soit en action, soit en paroles. — II. Tout médecin appelé près d'un malade traité par un confrère doit, à défaut de ce dernier, se borner à procurer les médicaments et soins nécessaires pour parer aux besoins du moment. Il s'abstiendra de toute réflexion snr la médication suivie. — III. Il ne devra continuer à voir le malade que s'il est appelé de nouveau en consultation, ou ave: l'assentiment du médecin traitant. Dans le cas où le malade, après de fortes remontrances du médecin appelé en second lieu, refuserait de recevoir les soins du premier médecin, le nouvel appelé ne devra accepter qu'après s'être assuré que le premier médecin est complètement désintéressé. — IV. Le médecin appelé en consultation s'abstiendra auprès du malade et de son entourage de toutes réflexions pouvant préjudicier au médecin traitant. Le consultant ne devra apporter de changement cans le traitement, tant dans le fond que dans la forme, que dans le cas de vraie nécessité. La consultation ayant lieu à part, c'est-à-dire entre les médecins seuls, toute parole dite en dehors pouvant jeter la défaveur sur l'un des consultants, est réprébensible. Le traitement indiqué par les consultants sera appliqué par le médecin ordinaire. C'est à lui qu'appartient l'exécution des
pansement* et opérations décidés en commun, à moin* qu'il ne charge de ce soin un confrère. — V. Le consultant ne devra retourner voir le malade que s'il est appelé de nouveau on autorisé par le traitant. — VI. Nul ne doit, sous quelque prétexte que ce soit, visiter clandestinement un malade traité par un confrère.
— VU. Tout membre de l'Association doit accepter en consultation celui qui est proposé par la famille, à condition qu'il soit diplômé et pratique sou art honnêtement et conformément aux convenances professionnelles. Toutefois, le médecin traitant a le droit d'appeler un consultant de son choix en cas de désaccord.
— Le cabinet du médecin est un terrain neutre où il donne ses conseils à tous ceux qui les réclament.
Nous ne pouvons qu'approuver tous les article* de ce Code de déontologie, en souhaitant qu'il soit observé religieusement par le* médecins de tous le* pays.
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
Nous invitons nos lecteurs à compléter. par leurs indications, les lacunes et les omissions da l'index bibliographique.
Raymond. — - De l'anesthésie cutanee et musculaire généralisée dans ses rapports avec le sommeil et avec les troubles du mouvement .. (Revue de médecine, n°'5, 10 mai 1891
Ringier (G.) — Erfolge des therapeulischen Hypnotismus in der Landpraxis. Succès de l'hypnotisme thérapeutique dans la pratique a la campagne. (in-8°. 216 p., Munich.)
Sheiber (S.|. — - Ueber einen Fall von Agoraphobie (platzangst) und Koinoniphobie (Gesellschaftsangst); Beitrag zur Lehre von den Pathophobien. (Sur un cas d'agoraphobie, peur des espaces, et de koïnoalphobie, peur de la société de ses semblables, contribution à l'étude des pathophobies ». (Wien. med. Wochensch., G, 13. 20 et 27 juin.)
Séglas.— Note sur le dédoublement de la personnalité et les hallucinations verbales -. (Arch. de neurol., 64.)
Séglas. — Des idées conscientes et obsédantes de persécution et de grandeur (Progr. méd., Paris, 5 sept. 1891.)
Sérieux — Note sur un cas de paralysie hystéro-traumatique des quatre membres -. (Arch. de neurol., 64.)
Sollier. — Anorexie hystérique (sitieirgie hystérique). Formes pathogéniques. Traitement moral. (Revue de médecine, n° 8, 10 août.)
Sollier et Malapert. — Contracture volontaire chez un hystérique. (Nouvelle iconographie de la Salpétrière, 2.)
Stefanesco (I. V.). — Hypnotism si sugestiune -. ln-8°, 152 p. Bucarest.
Surbled. — Un cas d'encéphalite suivi de mort, survenu après une séance d'hypnotisme -, (Journ. des sciences méd. de Lille, 18.)
Zuccarelli (A.). — l'Anomalo, Gazzettino antropologico, psichiatrico, medico-legale, si è pubblicato il 6°-7° nomero del 1891. — Lombroso C: Educazione anticrimi-nale — Magini G, - Ancora sulla ubicazione del nucleolo nella cellula nervosa motoria. Nota preventiva — Cavagnari C-: - Ancora sulla funzione sociale della giurisprudenza nella criminalita
L'Administrateur-Gérant : Émile BOURIOT.
Paris. - Imprimerle brevetée MICHELS et fils, passage du Caire. 8 et 10.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMEXTAL ET THERAPEUTIQUE
LES FAITS SPIRITIQUÉS ET LEUR EXPLICATION PSYCHIATRIQUE
Par M. le docteur LOMBROSO, professseur à l'Université de Turin (1).
Peu de savants furent plus incrédules que moi en matière de spiritisme. Ceux qui en douteraient n'auront qu'à consulter mon ouvrage : Les Fous et les Anormaux ou mes Études sur l'Hypnotisme, dans lesquels j'insulte presque les spiritistes.
C'est qu'en effet, plusieurs faits de spiritisme étaient et sont encore peu croyables. Celui, par exemple, de faire parler les morts, sachant très bien que les morts, surtout après quelques années, ne sont qu'un Us de substance inorganique. Autant prétendre faire penser ou parler des pierres.
Une autre cause était que ces expériences se faisaient dans l'obscurité; aucun physiologue ne peut admettre des phénomènes qu'on ne puisse pas bien voir, surtout des phénomènes si discutables.
Mais, après avoir vu repousser par des savants des faits comme celui de la transmission de la pensée, du transfert des sens, qui, quoique très rares, n'en sont pas moins très réels, et que j'avais constaté de visu, j'ai commencé à croire que mon scepticisme pour les phénomènes spi-ritiques était de même nature que celui d'autres savants pour les phénomènes hypnotiques.
Sur ces entrefaites il me fut offert d'étudier des phénomènes chez un
(1) L'article de M. le professeur Lombroso sort du cadre des études positives auxquelles la Revue de l'hypnotisme est ouverte. La haute situation scientifique de notre collaborateur nous a fait au devoir d'accepter l'étude qu'il nous a adressée, bien que les idées qu'il y exprime soient sur beaucoup de points en contradiction avec les nôtres. C'est dire que nous lui laissons toute la responsabilité de ses opinions.
(N. D. L. R.)
médium certainement extraordinaire, la Eusapia; j'acceptai avec empressement, d'autant plus que je pouvais l'étudier avec d'autres aliénistes distingués, tels que Tamburini. Virgilio, Bîanchi. Vizioli, qui étaient aussi sceptiques que moi dans cette matière et qui pouvaient m'aider à contrôler les observations.
Nous avons pris tontes les plus grandes précautions possibles; nous avons examiné cette femme avec la méthode de psychiatrie moderne et nous lui avons trouvé l'obtusité tactile, des troubles hystériques, peut-être même épileptiques. et de profondes cicatrices à l'os pariétal gauche; nous lui avons lié un pied et une main avec un pied et une main des nôtres, Tamburini et moi.
Nous avons commencé et terminé les expériences avec la lampe allumée; de temps en temps l'un de nous allumait aussi subitement une allumette pour empêcher des tromperies quelconques.
Les faits observés furent très étranges. Je constatai, à la lumière, une table qui s'élevait eu même temps que nos chaises : par un effort fait avec nos mains pour abaisser cette table, je notai une résistance de o à 6 kilos à peu près.
On entendit ensuite, sur demande de M. Ciolfi. qui connaissait beaucoup le médium, des coups dans l'intérieur de la table, et ces coups répondaient parfaitement (dans leur langage spiritique et conventionnel), aux demandes qui lui étaient adressées sur l'âge des personnes présentes et sur ce qui devait arriver et qui arriva, par œuvre d'un esprit ou d'un génie !
On éteignit la lumière et on entendit des coups plus vigoureux dans la table, et peu de temps après une sonnette placée sur une table, à la distance de plus d'un mètre d'Eusapia, se mit à sonner et à tourner sur nos tètes; ensuite elle se plaça sur notre table et après sur un lit éloigné du médium d'environ deux mètres.
Tandis qu'on entendait le son de cette clochette qui remuait en l'air, le docteur Asceasi qui, d'après notre conseil, s'était placé derrière Eusapia, alluma une allumette et put voir la sonnette lancée dans l'air justement quand elle allait tomber sur le lit derrière le médium.
Plongés de nouveau dans l'obscurité, nous entendîmes une table en bois qui se remuait et, tandis que les mains du médium étaient gardées par moi et le professeur Tamburini, le professeur Vizioli se sentait tirer les moustaches ou pincer les genoux et avait l'impression d'être touché par une main petite et froide. 4
Moi j'entendis qu'on ôtait ma chaise et qu'on me la replaçait ensuite.
Un grand rideau qui divisait la chambre d'une alcôve qui était à un mètre de dislance du médium, se souleva comme agité par un coup de
vent et enveloppa toute ma personne: j'essayai de le soulever, mais j'y réussis avec beaucoup de difficulté.
Mes autres compagnons observèrent, à dix centimètres de distance, sur ma tète et sur celle du professeur Tamburini, des petites flammes jaunâtres ; mais ce qui me frappa le plus, ce fut la transfusion d'une assiette de farine, de telle sorte que la farine restait unie et coagulée comme de la gélatine. Cette assiette avait été placée derrière l'alcove, à un mètre et demi de distance de nous ; le médium avait pensé la remuer, mais non de U manière que cela se produisit : elle voulait nous jeter de la farine sur le visage; car. en effet, elle nous avait dit : « laites attention, je vais vous jeter la farine qui est ici sur le visage ».
On alluma la lampe. Nous brisâmes ¡.1 chaîne que nous faisons autour de la table et nons trouvâmes la farine renversée. Feu de temps après nous vîmes un gros meuble qui était derrière l'alcôve, à deux mètres de nous, se remuer lentement et venir vers nous comme s'il était poussé par quoiqu'un; il ressemblait à un gros pachyderme qui s'avançait près de nous.
De semblables expériences furent faites avec Eusapia par les médecins Bartlt et Deflosa, qui m'écrivirent les faits suivants :
Ils virent plusieurs fois une sonnette remuer dans l'air, sonner sans être remuée par personne. Deux fois ils entendirent claquer des mains.
Le banquier Hirsch. qui était avec eux, demanda de parler avec une personne qui lui était chère; il vit l'image de cette personne, en entendit la parole en français (car elle était Française, morte il y a vingt ans».
La môme chose fut observée par M. Hartli. qui vit son père mort et reçut deux baisers; tout le monde vit aussi des petites flammes sur la tète d'Eusapia.
Voilà les faits.
Or ces faits fil faut les admettre, car qui pourrait nier les expériences Tues;, ils sont de nature à nous faire supposer, pour les expliquer, un monde bien différent de celui qui est admis par les neuropathologues.
Il faut observer tout d'abord qu'Eusapia est une névropathe, qu'elle a eu dans son enfance, au pariétal gauche, une blessure si profonde que le doigt s'y enfonce, et qu'elle resta ensuite atteinte d'attaques épilep-tiques, cataleptiques, hystériques, et ces accès se produisent principalement pendant les phénomènes médianiqnes. et elle présente une remarquable obtusité des sens. Des autres médiums très habiles, comme Hume. Sia etc., n'étaient que des névropathes.
Or, je ne pais pas trouver absolument inadmissible que de même chez les hystériques et les hypnotises, l'excitation de certains centres qui se prononcent puissamment, par la paralysie des autres, donnent lien à
une transposition et à une transmission des forces psychiques ; ainsi elle peut donner lieu à une transformation en force lumineuse et mouvante. Alors on comprend comment la force, nous dirons corticale et cérébrale d'un médium puisse, par exemple, sous une table, tirer la barbe, baltre, caresser, qui sont les phénomènes les pins connus dans ces cas. Quand la transposition des sens arrive, quand le menton, par exemple, ou le nez, voient, dans l'état d'hystérisme, le centre cortical de la vision qui réside dans le cerveau, acquiert une telle énergie qu'il se substitue à l'œil.
Nous avons pu constater cela avec des lentilles et un spectroscope, — chez trois hypnoses, — M. Ottolenghi et moi. dans l'hallucination hypnotique.
Quand le suggestionné hypnotique voit un objet qu'on lui impose de voir et quand surtout il ne voit pas une chose que nous lui suggérons ne pas exister (suggestion négative), malgré qu'il l'eût sous ses yeux, le centre visuel cortical prend la place de l'œil : il voit sans le secoars de l'œil.
Les images qui proviennent par l'excitation intérieure (comme les hallucinations suggérées, quand on montre au sujet une mouche imaginaire sur un morceau de papier blanc); chez certains hypnotisés, ces images se présentent comme si elles étaient réelles; ainsi il faut admettre qu'elles procèdent du cerveau à la périphérie ot en sens contraire, de la même manière que les images réelles se portent de la périphérie au centre. En effet, elles sont sujettes à ces modifications qui peuvent parvenir par le*moyens interposés; ainsi, nous avons essayé ne montrer une mouche imaginaire à un sujet hypnotisé et nous avons fait avancer et reculer cette image dans l'espace, et la pupille du sujet changeait comme si l'image avait été réelle: de plus, la mouche imaginaire était par le sujet augmentée de grosseur, comme avec une lentille grossissante, ou diminuée de volume par une lentille qui la rendait p!us petite, comme si en effet le suggestionné se servait d'un spectroscope réel, tandis qu'il était imaginaire.
Mais pour que cela arrive, il faut que le centre cérébral de la vision soit substitué a l'organe de la vision même, c'est-à-dire que le cerveau puisse voir, au lieu de l'œil.
Quand on a la transmission de la pensée, qu'arrive-t-ilf Evidemment, dans une certaine condition qu'on trouve bien rarement, ce mouvement cortical dans lequel la pensée consiste se transmet à une petite ou grande distance.
Or, comme cette force se transmet, elle peut aussi se transformer, ou la force psychique peut devenir force mouvante, d'autant plus que nous
avons dans l'écorce cérébrale îles amas de substance nerveuse, centres moteurs qui président précisément aux mouvements, et que, quand ils sont irrités, comme chez les épileptiques, ils provoquent des mouvements très violents aux extrémités.
Mais on dira que ces mouvements spiritiques n'ont pas pour intermédiaire le muscle, qui est le moyen le plus commun de transmission des mouvements. C'est vrai ; mai> la penst'-e aussi, dans les cas de transmission, ne parcourt pas ses sentiers habituels de transmission, qui sont la main et le larynx. Dans ces cas. il faut admettre l'hypothèse que le moyen de communication soit celui qui sert à toutes autres énergies lumineuses, électriques, etc., et qu'on appelle, avec l'hypothèse admise par tout le monde, l'éther.
Ne voyons-nous pas l'aimant faire remuer le fer sans autre intermédiaire? Dans ces faits spiritiques, le mouvement prend une forme plus semblable au vouloir, plus intelligente, car elle part d'une force motrice qui est en même temps un centre psychique, l'écorce cérébrale.
La grande difficulté est de pouvoir admettre que le cerveau soit l'organe de la pensée, et que la pensée soit un mouvement; du reste, en physique, admettre que les forces se transforment l'une dans l'autre et qu'une certaine force mouvante devienne lumineuse, calorique, n'est pas difficile.
Les médiums écrivant n'ont plus besoin d'explications après le livre de Janet sur {'Automatisme inconscient.
Ce médium, qui croit écrire sous la dictée du Tasse ou de l'Arioste et écrit des vers qui ne seraient même pas dignes d'un élève de lycée, ce médium travaille dans un état semi-somnambulique pendant lequel il est à la merci de la majeure activité de l'hémisphère droit, tandis que l'hémisphère gauche, qui est ordinairement le plus énergique, reste inactif et n'a plus conscience de ce qu'il fait : il croit alors agir sous la dictée d'une autre personne.
Cet étnt d'activité inconsciente explique les mouvements et les gestes que peut faire une main sans que le reste du corps de l'individu y prenne part et qui semblent provoqués par l'intervention d'autrut.
Beaucoup d'autres faits spiritiques ne sont que l'effet de la transmission réciproque de la pensée entre les personnes qui sont près du médium, autour de la table dite spiritique; cette table, jusqu'à un certain point, favorise ces transmissions, car, comme je l'ai observé une autre fois, elles arrivent plus aisément à une petite distance de l'hypnotisé, et mieux avec ceux qui en sont en relation avec lui. Or, la table, autour de laquelle on forme une chaîne, est très aisément la cause de contact et de voisinage avec le médium.
Il faut observer qu'en effet les phénomènes spiritiques (tirer la barbe, claquer des mains), en ce que j'ai pu voir, arrivent plus fréquemment sur les personnes qui sont près du médium.
Quand une table donne une réponse exacte, quand elle dit par exemple l'âge d'une personne ou un vers dans un langage que le médium ne connaît pas, ce qui émerveille les profanes, c'est qu'une des personnes présentes sait ce certain nom, ce certain vers, et transmet sa pensée au médium, lequel, l'exprime ensuite avec ses mouvements et quelquefois le réfléchit dans l'une des personnes présentes. C'est qu'en effet, dès que la pensée est un mouvement, non seulement elle se transmet, mats aussi elle se réfléchit, et j'ai observé des cas d'hypnotisme dans lesquels une certaine pensée, non seulement se transmettait, mais se réfléchissait sur une troisième personne qui n'était ni l'acteur, ni le sujet, et n'avait pas été hypnotisée, comme du reste cela arrive pour la lumière et les ondes sonores.
Si, dans la société spiritique assemblée autour de la table magiqae, il n'y a personne qui connaisse le latin, la table ne parle plus en latin; mats le public, qui ne fait pas cette critique, croit que le médium parle le latin par inspiration des esprits, comme il se figure qu'il converse arec un mort.
Ainsi on explique le cas arrivé à M. Hirsch et au D' Barth, qui virent leurs parent* morts, en entendirent les voix. La pensée de la femme et du père de ces messieurs se transmit au médium et par lui à eux, car la pensée acquiert pour quelques hommes la forme d'image, image qui disparaît pour les autres à cause de la rapidité avec laquelle les idées s'assemblent. Ainsi, ces messieurs virent l'image de leurs parents, dont ils avaient la pensée et le souvenir vifs et présents.
Quant aux photographies spiritiques, j'en ai vu aussi plusieurs, mais d'aucune je ne suis sur, et jusqu'à ce que j'en aie reproduit une, je ne puis donner mon avis.
Mais l'objection que la majorité nous fait est celle-ci : « Pourquoi le médium Eusapia peut-il tout, et non les autres? a
Le soupçon d'une tromperie, toujours très naturel pour tout le monde et surtout chez les âmes vulgaires, constitue l'explication la pins simple, la plus aisée pour tous, et nous épargne la fatigue de penser et d'étudier.
Ce doute disparaît aux yeux du psychiatre qui a veilli en étudiant les hystériques et les simulateurs, et qui prend toutes ses précautions.
D'ailleurs, il s'agit de faits bien ordinaires (tirer la barbe, pousser une table ou la soulever), toujours ces mêmes faits, qui se reproduisent avec
une invariable monotonie, tandis que celui qui voudrait tromper pourrait aussi inventer des faits plus amusants, plus merveilleux.
Il est évident que les charlatans sont très nombreux et les médiums très rares. Moi, en Italie, je n'en ai trouvé que deux, tandis que des hystériques simulatrices, j'en ai trouvé et soigné pins d'une centaine. Après cela, les faits spiritiques. s'ils étaient toujours une tromperie, devraient être nombreux et non pas si rares. Donc, la cause des phénomènes des médiums doit se rechercher dans les conditions pathologiques du médium, précisément comme j'ai démontré pour les phénomènes hypnotiques {Études sur VHypnotisme, 3* édit.).
Or, le médium Eusapia présente des anomalies cérébrales très graves, pour lesquelles très probablement dérive l'interruption des fonctions de certains centrescérébraux, tandis qu'augmente l'activité d'autres centres, dans l'espèce, des centres moteurs.
Celle-ci est la cause de ces singuliers phénomènes médianiques. Quelquefois les phénomènes qui appartiennent aux hypnotiques et aux médiums arrivent, c'est vrai, chez des personnes normales, mais dans l'état d'une passion profonde, chez les mourants, qui pensent à la personne qui leur est chère avec toute l'énergie de cet état préagonique, et alors il arrive que la pensée se transmet sous forme d'image et on a ce qu'on nomme l'apparition des fantômes, que maintenant on désigne sous le nom d'hallucination télépatique.
Bien qu'il existe, ce phénomène pathologique ne se rencontre qu'en des circonstances très rares et chez des individus qui ne présentent pas des phénomènes de grande intelligence, en dehors de ces courts instants de l'accès uiédianique.
Il est probable que, dans des temps très anciens où le langage était à l'état embryonnaire, la transmission de la pensée arrivait plus fréquemment, et plus fréquents étaient les phénomènes médianiques. qu'on connaissait alors sous les noms de magie et de prophétie. Mais avec la civilisation, avec l'écriture, avec un langage perfectionné, la voie directe, celle de la transmission de la pensée, étant devenue inutile, incommode, en trahissant les secrets et confondant les idées par son incertitude toujours plus grande que par les moyens des sens, allait disparaître tout à fait; et avec l'importance diminuée des formes névropathiques, qu'on comprit être pathologiques et non divines, diminuèrent et disparurent les prophéties, les magies, le fakirisme, les fantômes et ce qu'on nomme des miracles, qui étaient presque tous des phénomènes réels, mais médianiques.
Toutes ces manifestations n'eurent plus lieu qu'en des cas très rares
parmi les peuples civilisés, tandis qu'ils existent encore sur une vaste échelle parmi les peuples sauvages et chez les névropathes.
Étudions donc, comme dans la névropathie, comme dans la crimina-logie, comme dans l'hypnotisme, le sujet plus que le phénomène, et nous en trouverons l'explication plus exacte et moins merveilleuse qu'on ne croyait tout d'abord et, en attendant, gardons-nous de cette erreur de croire que tous soient des simulateurs et nous seuls des savants, tandis que, hélas! cette prétention pourrait précisément nous entraîner dans l'erreur.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
Séance du lundi H février. — Présidence de M. Diicompaiuir. (Suiu.)
L'Hypnotisme en Australie,
Par M. le D' RICHARD ARTHUR, de Sydney (Australie).
A défaut d'autre titre, je puis, du moins, revendiquer l'honneur d'être le premier représentant des antipodes à la Société d'Hypuologie et à la Revue de l'Hypnotisme. Jusqu'à ce jour, il est certain que la science de la psychothérapie n'a pas dépassé, en ces contrées, le stade embryonnaire, quoique le monde médical commence néanmoins à se préoccuper de cette question; mais il faut avouer que l'ignorance est encore très grande, même chez les personnes instruites.
Beaucoup de préjugés et nombre d'oppositions devront être vaincus avant que la suggestion hypnotique puisse obtenir ici la place qu'elle mérite pour le traitement des maladies soit morales, soit physiques.
J'ai cependant l'espoir dedonner une démonstration convaincante de l'hypnotisme au Congrès médical intercolonial qui sera tenu à Sydney en septembre prochain.
Depuis mon arrivée, j'ai traité un certain nombre de cas, parmi lesquels plusieurs de dipsomanie et un de sclérose en plaques. Aujourd'hui je ne vous relaterai que deux cas qui, je crois, présentent quelque intérêt.
Le premier est celui d'un jeune gentleman qui me fut envoyé il y a quelques semaines. Trois semaines avant sa visite, une jeune fille, à la main de laquelle il aspirait depuis quelque temps, avait brisé lou:e relation avec lui, brusquement et sans lui donner aucun motif. Cette rupture fut véritablement dure pour le pauvre amoureux. Il perdit tout sommeil, tout appétit, et, dans l'espace de trois semaines, son poids avait diminué de seize livres. Il te pouvait, disait-il, penser à autre chose qu'à son chagriu, n'avait de goût ni
à son travail, ni à quoique ce fût, était hanté par de fréquentes idées de suicide. Assurément, il avait fort mauvaise mine.
Je l'hypnotisai facilement, et l'étatsomnambulique se produisitavec amnésie imparfaite. Je lui fis les suggestions suivantes : bien manger, bien dormir, ne plus penser à son chagrin, mais occuper son esprit d'autres choses. A son réveil, il était plus gai et me dit qu'il se sentait débarrassé d'un poids énorme. La nuit suivante, il dormit huit heures et ne se réveilla que pour se rendormir immédiatement. Le lendemain, il se trouva beaucoup mieux, mais ne revint point se faire hypnotiser. Il en résulta pour lui une nuit fort agitée; il lui fut impossible de prendre une minute de sommeil. Il revint me voir et, au bout de deux séances, se retrouva dans son état normal. En dix jours, son poids avait augmenté de six livres. U me semble que ce cas répond assez affirmativement à la question de Shakspeare :
Peux-tn, dans ton ministère, sur une amc malade. Arracher du cerveau le chagrin profondément enraciné?
Je ne prétends pas que « la tache tenace et invétérée » de Macbeth eût été enlevée par des suggestions, mais je crois que beaucoup de troubles mentaux, effets de chagrins et de soucis qui réagissent sur les organes d'une manière pernicieuse, pourraient être allégés et guéris par la suggestion hypnotique.
Le second cas est celui d'une femme que j'eus à soigner à Londres. Un jour que j'avais été appelé près d'elle, je la trouvai sous le coup d'un violent accès d'asthme. Comme le traitement hypnotique m'avait précédemment fort bien réussi dans des cas semblables, je résolus d'en faire à nouveau l'essai. La malade passa au troisième degré de Liebeault; je plaçai alors ma main sur sa poitrine et je lui suggérai qu'elle allait respirer doucement. La respiration se modéra subitement, et finalement devint silencieuse, au point que je m'arrêtai pour l'observer; mais, à ma surprise et à ma consternation, je ne pus rien entendre, mes yeux ne constataient aucun mouvement respiratoire. Une pâleur particulière envahit le visage du sujet, sa tête était tombée de côté. Un instant je la crus morte; celte pensée venait de traverser mon esprit comme un éclair : c'eût été assurément un arrêt de mort pour l'hypnotisme en Angleterre. Néanmois, je suggérai au sujet de continuer a respirer et de se réveiller. Pendant une demi-minute, aucun résultat, puis l'effet des suggestions se manifesta; il se traduisit par une respiration sensible a l'oreille, très faible d'abord, mais devenant de plus en plus furie, jusqu'à un degré bruyant absolument identique à celui de l'asthme primitif. Jamais musique n'avait résonné plus agréablement à mes oreilles. La malade se réveilla; elle n'avait qu'un souvenir très vague de ce qui s'était passé.
Je me demande si je me suis trompé en pensant que la respiration fût réellement interrompue, ou bien y a-t-il eu en réalité une inhibition complète de la respiration? D'après ce que j'ai entendu de l'action de la suggestion hypnotique sur les fonctions inhibitives, je croirais cette dernière alternative la plus probable. J'en trouve une sorte de précédent dans un cas
de Heidenhin, dans lequel il constate qu'il dût cesser de faire des suggestion* relatives à l'action du cœur, parce qu'il est à craindre que la respiration ne fut supprimée simultanément.
Mais, que je me trompe ou non, je considère ce danger comme possible; j'ai donc relaté ee cas dans le but de mettre en gardo contre un pareil accident tous ceux qui pratiquent la suggestion hypnotique.
Sydney (Socrelie-Galles du Sud). 1- février l&rï.
Pour traduction .- E. La Gall.
Séance du lundi 14 mars. — Présidence de M. Dc*ostpau.ier.
La procès-verbal de la séance du lundi 8 février est lu et adopté.
La correspondance comprend des Mires de M. le Df van Velsen, de Bruxelles ; de M. Frédéric Myers, de Cambridge, qui invite la Société à désigner set délégués au Congrès do psychologie expérimentale; de M. Auard Diaz, de Manuuas (Cuba), qui fait part dés difficultés que la pratique de l'hypnotisme reucontre, de la part du gouvernement, dan» l'Ile de Cuba.
M. le président met aux voix les candidatures de M. Denyn, avocat à Bruxelles, présenté par MM. van Velsen et Bérillon ; de M. le Dr Richard Arthur, de Sydney, présente par MM. l.loyd-Toekey et Bérillon; de M. le D: Auard Martinez Diaz, de Mantazas (Cuba), présenté par MM. Dumontpallier et Ma;nin.
La Société désigue, comme délégués au Congrès de psychologie expérimentale qui se tiendra à Londres, du l*r au 4 août 1S92, MM. Uoyd-Tuckey, van Eeden Bernheim, Liégeois et Bérillon.
Elle désigne, pour la représenter au Congrès de l'anthropologie criminelle qui *e tiendra a Bruxelles, du 7 au 14 août 1892, MM. Liégeois, Auguste Voisin, Fieffé, Bérillon et Emile Laurent.
L'Hypnotisme, la défense nationale et la société civile.
par M. J. LIÉGEOIS, professeur .V la Faculté de Droit de Nancy.
M. le ])' Bérillon a bien voulu me demander de résumer en quelques pages, pour la Société d'Hypnologie, les conclusions d'un travail que je viens de publier dans ta lievue philosophique (1), sous le titre: « Hypnotisme et Criminalité ». Je me rends bien volontiers à l'expression de ce désir.
Rappelant les travaux antérieurement publiés par l'École de Nancy, et, en particulier, mon Mémoire lu. en 1884, à l'Académie des Sciences morales et politiques, et le livre que j'ai publié, en 1888, sur la Suggestion et le Somnambulisme (2), j'ai essayé d'établir une théorie complète des suggestions criminelles.
(?) J. Liégeois. De ta Suggestion et du Somnambulisme dans leurs rapports avec la Jurisprudence et la médecine légale; I vol. in-18. Paris, Oci. Doin, éditeur.
Selon nous, quand un somnambule réalise les suggestions qui lui ont été faites, suit dans le sommeil hypnotique, soit même à l'eut de veille, il faut faire une distinction. S'il s'agit d'actes peu importants, tels que : ne pouvoir compter jusqu'à trois pièces de monnaie, ni additionner trois nombres de plusieurs chiffres jusqu'à La colonne des centaines, ou ne plus trouver le bouton d'utie porte, la manche d'un vêtement, l'ouverture d'un gant, etc., il se produit, tantôt une amnésie, tantôt une liaUucination négative, parfois môme l'un et l'autre de ces phénomènes.
Mais, pour la suggestion d'actes délictueux ou criminels, les choses se passent différemment. A l'état normal, quand une pensée mauvaise surgit en nous, nous trouvons, pour là réprimer, un secours, presque toujours efficace, dans les notions de devoir, de probité, d'honneur que nous devons à notre conscience, développée par l'éducation. Quant aux hommes chez lesquels ce frein ne serait pas suffisant, ils sont souvent arrêtes par la honte, la crainte du déshonneur ou du châtiment.
Or. tout cela disparaît chez le très bon somnambule qui a reçu une suggestion criminelle. La nuit se fait peu à peu dans M>n esprit, pour tout ce qui n'est pas l'acte suggéré. Il oublie, — et il y a ici amnésie temporaire, mais complète, — tous les sentiments qui pourraient le retenir sur la pente où on ?? lancé. Il va au but marqué, comme ?? si bien dit M. Liébeauli, • avec ta fatalité de ta pierre oui tombe C'est absolument le même mécanisme mental qui produit, dans d'autres étals psychologiques, l'automatisme du somnambule naturel ou de l'aliéné. Mais ce qui fait la gravité du somnambulisme provoqué, c'est que, ici, le sujet est livré non plus aux divagations d'un rêve souvent sans portée, mais aux suggestions d'un hypnotiseur qui pourrait être un malhoimêle homme, un criminel.
L'étal dans lequel certains somnambules réalisent les actes graves qui leur ont clé suggérés m'a toujours paru pouvoir être assimilé â celui qu'a fait connaître, il y a longtemps déjà, à propos de Féiida X..., M. le Dr Azam, de Bordeaux. El j'ai proposé de lui donner le uom de condition seconde provoquée, comme on a appelé condition seconde spontanée, l'état de Féiida.
Recherchant ensuite si, dans certains procès criminels, restés jusque là obscurs ou incompréhensibles, on ne pourrait pas trouver la vérification de celte manière de voir, j'ai cru reconnaître: !• un cas de condition seconde spontanée dans l'affaire La Roncière, qui a eu, en 1835, un si grand relcolis-sement; 2* un cas de condition seconde provoquée dans l'affaire C&stellan, qui, en I8G5, a, au contraire, passé presque inaperçue (!).
Dans mon article de la /férue jthilosophique {'l), j'ai cité un grand nombre d'affaires judiciaires plus récentes qui me paraissent confirmer les vues que j'ai exprimées en 1884. J'ai invoqué ensuite les hautes autorités scientifiques dont l'opinion est aujourd'hui favorable à la doctrine de l'Ecole de Nancy en matière de suggestions criminelles, et parmi elles notamment : MM. le
(I) Pour plus de détails, voy. mon livre et mon article déjà cités. (ÏJ Voy. pantin.
D' Dumontpallier, le D* Auguste Voisin, le D'Bérillon, le D' Proust, secrétaire de l'Académie de Médecine, le IV Déjerine, le L> Garuier. médecin de la Préfecture de police. MM. A. Binet et Ch. Féré, etc. etc.
Le temps m'a manqué pour appliquer mes idées à trots causes célèbres qui sont encore dans la mémoire de tous : les affaires Chainbige, Weiss et Gouffé. Je compte en faire l'objet d'une étude ultérieure.
Dans ce que je viens de dire, il n'y a assurément rien de bien nouveau, mais il était nécessaire de rappeler ces principes pour appuyer solidement les propositions auxquelles nous arriverons plus loin. Je veux parler des dangers que présente le somnambulisme provoqué :
!• Pour la défense nationale;
2° Pour la société civile, c'est-à-dire pour la paix et l'honneur des familles. J'essayerai ensuite d'indiquer le remède.
Voyons d'abord ce qui concerne l'armée (t) :
1* Un religieux de mes amis, prédicateur éloquent, esprit éclairé et libérai, a suggéré un roi a un jeune homme très honnête et d'une conduite irréprochable. Le vol a été réalisé, malgré la résistance du sujet, qui a passé dîx-sept fois devant l'habitation où il devait l'accomplir avant de s'y décider. Ce jeune homme est caporal de wuaves.
2° M. le commandant C..., sur le désir de son colonel, a fait des expériences sur un clairon de son régiment. Par diverses suggestions à l'état de veille, ce clairon s'est cru nommé sous-lieutenant; il a du sa nomination, qui était une feuille de papier blanc ; il a failli porter la main sur son colonel, qu'on lui faisait voir tantôt sous la forme d'une jeune femme nullement farouche, tantôt sous celle d'un malandrin qu'il fallait expulser au plus vite. Un autre jour, le même sujet, tireur ordinairement assez maladroit, a, par suggestion, mis, à 300 mètres de dislance, flx balles de suite dans la cible, dont deux dans le noir. Le soleil, qui avait d'abord gêné le tireur, avait dû être annulé par suggestion, ce qui a amené le Figaro à traiter de « Josué • le commandant hypnotiseur (2).
3' Un sergent d'infanterie de marine, tombant plusieurs fois en condition seconde spontanée, a quitté son régiment, tantôt quarante-trois heures, tantôt soixante-deux heures; il se réveillait parfois à 15, 20, 30 kilomètres de la ville où il tenait garnison. C'était d'ailleurs un excellent soldai, en dehors de ces voyages inconscients absolument automatiques (3).
4* Je connais un soldat d'infanterie appartenant au 6* corps d'armée, très bon somnambule (c'est lui qui a réalisé une suggestion que je lui avais faite au bout de trois cent soixante-cinq jours], à qui je pourrais suggérer toute sorte de crimes ou de délits civils ou militaires, qu'il exécuterait fatalement.
(1J Voy., pour plos de détails, la Kevue philosophique, eod. p. a». (S) Ibidem, p. VA. (3) Ibidem, p.
5° M. le lu Df Brémaud, médecin de la marine, a hypnotise quatre-vingt-dU-sept marins de la flotte, sujets parfaitement sains, et il conclut que • le
¦ magistrat lui-même est intéressé à la connaissance de faits qui, dans beau-« coup de cas, peuvent être de nature à déplacer singulièrement certaines t responsabilités (1} ».
6* M. le LV Déjerine, professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, a fait des suggestions à deux jeunes gens (dont l'un est encore dans son service} fraîchement débarqués à Paris, au sortir du service militaire. Le jour où il les a vus pour la première fois, il a obtenu chez eux, par suggestion à l'état de veille : contractures, paralysies, anesthésies, hallucinations sensorielles, dédoublements de la personnalité, suggestions a échéance plus ou moins lointaine qui se réalisèrent à l'époque fixée, etc., etc. On peut leur faire faire tout ce qu'on veut. • Je n'ai pas besoin d'insister, ajoute M. le D'Dejerinc. sur l'importance que présentent, au point de vue social, du pareils faits (2). »
Il est donc démontré qu'il y a, dans l'armée de terre comme dans les équipages de notre flotte militaire, des soldats et des marins suggestibles même à Cétat de veille, ou susceptibles, — même sans suggestion, — de tomber en condition seconde spontanée, d'oublier à certains moments, qui ils sont et quels devoirs ils ont à remplir.
Admettons qu'il y en ait, non pas 10 •/•• comme M. le commandant G... le disait à son colonel, mais seulement 4 •/•» comme le croit M. le LV Liébeault, dont la haute compétence en cette matière est indiscutable et indiscutée.
II n'eu reste pas moins que c'est la un fait de grande conséquence, qui peut devenir la cause de grands périls pour la défense nationale. Et cependant personne ne parait encore s'en être sérieusement inquiété.
Quoi donc ! Sur cent soldats ou marins reconnus par les conseils de révision
¦ 6ons, propres au service », selon une formule consacrée par l'usage, il y en a quatre a qui l'on peut suggérer tout ce qu'on veut ; catalepsies, paralysies, contractures, hallucinations négatives, ou bleu encore des actes criminels : rébellion, trahison, désertion à l'ennemi, abandon d'un poste, assassinai des chefs, etc., etc.? El l'on continuerait de fermer les yeux sur une (elle situation? En vérité, je n'y veux pas croire.
Car, enfin, je voudrais bien qu'on ne se bornai pas à nous opposer, à nous et aux savants distingués qui partagent noire avis sur les suggestions criminelles, des plaisanteries, des railleries ou des injures ! Que l'on discute nos expériences à tous, d'accord! Qu'on les contrôle et qu'on les répète vingt fois, ce ni fois, mille fois, j'y consens! Mais qu'on ose enfin envisager virilement un aussi terrible danger! Qu'on ne croie pas qu'il pourra être conjuré par l'inaction et le silence! Qu'on ne se leurre pas de l'espoir chimérique que la puissance de la suggestion, pour être niée, en sera annulée. Car, i de telles et si folles illusions, il pourrait bien y avoir un jour, trop lard, hélas! de terribles réveils! Puisse la France n'avoir jamais à répéter le cri de douleur d'un empereur romain : ¦ Vams! Varus! rends-moi mes légions! •
(1 cl i) Ibùlan, p. 266.
Après le péril qui peul compromettre les intérêts de la défense national il en est un autre qui touche à la paix des familles, à leur sécurité, à leur honneur. Je me crois tenu, en conscience, de dire, sur ce point, toute la vérité, au risque de me voir encore accusé de proclamer bien haut des dangers purement chimériques et de rechercher, parce moyen, une notoriété de mauvais aloi.
Cette vérité, la voici : il y a à Paris cent mtUepersonnes susceptibles d'être mises en somnambulisme profond, de recevoir, dans cet état, et d'exécuter fatalement et inconsciemment des actes délictueux ou criminels. Cette conséquence résulte nécessairement du principe, posé par M. le Dr Liébeault, que quatre personnes sur cent peuvent être réduites a un automatisme absolu. Et que l'on ne croie pas qu'il faudra toujours prendre les allures d'un magné-tiseur de profession, faire des passes, etc. Non; il suffira parfois, je l'ai dit en 1884, d'un quart de minute. MM. Binet et Féré disent quinze secondes ; nous sommes donc bien d'accord. En quinze secondes, une personne peut être endormie, entre deux portes, comme le constatent encore les mêmes savants, recevoir une suggestion criminelle et être réveillée, sans que personne s'en doute, sans que surtout la partie intéressée ail conservé le moindre souvenir de ce qu'on lui a dit. De telles manœuvres pourraient parfois être pratiquées même sur des individus qui n'ont point encore été hypnotisés! Cela résulte de nos propres expériences et de celles de M. le Dr Déjerine.
Quel danger n'esl-ce pas là pour la paix et l'honneur des familles! Sans parler des donations et des testaments — c'est, je l'ai dit en 188't. l'enfance de l'art — il esi un autre ordre de considérations qui me louchent davantage. Non seulement une jeune fille, une jeune femme peuvent, pendant le somnambulisme provoqué, être violées sans le savoir, et sans en garder aucun souvenir, une fois réveillées, mais encore elles pourraient se voir inspirer, tans eue eu étal de s'en défendre, les sentiments les plus bas, les penchants les plus vils, les aclions les plus honteuses ! Il n'est pas de famille, riche ou pauvre, opulente, princière, royale même, qui soit à l'abri de ce péril, car il n'en est pas où les enfants, les jeunes filles, les femmes ne soient exposées à la présence, souvent prolongée, d'une domestique, d'un valet de chambre ou d'un cocher.
Mais quel remède allons-nous proposer? Le voici : Quand on a affaire a un très bon somnambule, il suffit, pour le préserver de toute entreprise dangereuse, de lui suggérer que personne à l'avenir ne j-ourra, par aucun moyen, l'endormir et lui faire des suggestions. C'est un moyeu dont nous usons, à Nancy, cl qui nous a toujours réussi.
En premier lieu, je citerai la jeune A. E.... avec laquelle nous avions fait, MM. Liébeault, Beauniset moi, un grand nombre d'expériences. Elle voolnt un jour, jour je ne sais quelle raison, être hypnotisée par son frère; celui-ci *'y appliqua vainement. A. E..., se souvenant qu'on lui avait suggéré que personne ne pourrait l'endormir, excepté mes deux amis el moi, se rendit à la clinique de M. Liébcaull. Ce dernier, sur son désir, leva en ce qui concer-
naît le frère de la jeune fille, la prohibition qu'il avait formulée. J'en fis autant de mon côté. Cela ne fut pas pourtant suffisant; M. Beaunis ayant, lui aussi, suggéré antérieurement une prohibition d'hypnotisation et se trouvant alors à Paris, il fallut que A. E... lui écrivit pour solliciter la permission qu'elle désirait vivement voir accorder à son frère. L'autorisation une fois obtenue, la jeune somnambule fut, au contraire, endormie comme elle le voulait avec la plus grande facilité.
Le second exemple, que j'invoquerai à l'appui de ma thèse, m'est personnel. En 1888. je me trouvais à Liège, où mon honorable ami. M. le professeur Delbœuf, voulut me montrer, à l'hôpital de Bavière, un jeune homme el une jeune fille qu'il soignait, par suggestion, pour des affections très graves de la vue. M. Emile de Laveleye, l'éminent économiste, correspondant de l'Institut de France, dont la science déplore la perte, avait tenu à assister à quelques-unes des expériences que nous pourrions tenter. Et voici celle que j'eus l'idée de réaliser : J'endormis en quelques secondes le jeune homme qui m'avait élé présenle; jelui suggérai que personne ne pourrait plus, paraucun moyen, le mettre eu somnambulisme, puis je le réveillai. Ce fut en vain que M. Delbœuf s'escrima ensuite, pendant quinze ou vingt minutes, pour hypnotiser son jeune malade, qu'il avait antérieurement endormi un grand nombre de fois avec la plus grande facilité ! Il ne put y parvenir qu'aprèsque. de guerre lasse, il m'eût demandé de lever la prohibition que je venais de porter. Je n'eus pas plus tôt prononcé les paroles nécessaires que le sommeil se produisait de nouveau.
Donc, il est exlrêment facile d'empêcher un sujet très suggeslible d'être mis, par n'importe qui, en état de somnambulisme, et l'on pourrait évidemment, je n'en fais pas le moindre doute, faire la même chose pour les suggestions à l'état de veille.
Et voilà, tout trouvé, le remède que j'annonçais plus haut contre les dangers de la suggestion, pour les personnes susceptibles d'être mises en somnambulisme profond.
Voilà comment j'aurais pu, si j'avais passé seulemenl une demi-heure avec elles, suggérer :
!• A Mn- Gr..., de ne plus tomber en condition seconde spontanée, — ce qui l'a livrée sans défense aux entreprises de Chambige el lui a coulé la vie en même temps que l'honneur;
2» A MM Weiss, de ne pas subir et de ne pas exécuter les suggestions de Roques, et en tous cas de n'avoir plus d'hallucinations el de ne pas se suicider;
3° A Gabrielle Bompard, oui y consentait, tandis que M. Quesnay de Beaurepaire ne l'a pas voulu, — de renouer la chaîne du souvenir, entre le sommeil que j'aurais provoqué chez elle avec la plus grande facilité et les hypnot i salions antérieures que (cela a été prouvé!) elle avait fréquemment subies; de faire ainsi la lumière sur cette terrible affaire Gouffé qui, malgré mes efforts et à raison des obstacles qu'on a semés sur mon chemin, reste
encore une énigme judiciaire, dont j'essayerai bientôt de donner l'expli-caiion (1).
Et je résume ainsi qu'il suit les conclusions auxquelles nous sommes amenés :
Il serait désirable que chacun de nous, homme ou femme, sût jusqu'à quel point il est hypnotisable. Or. on ne peut le savoir que si l'on a — comme je l'ai fait bien des fois, sans succès — essayé de se faire mettre en somnambulisme, par un homme compétent et honorable. Si l'épreuve donne un résultat négatif, alors on sera parfaitement tranquille. Si, au contraire, l'on arrive à un degré très profond de somnambulisme, il est absolument nécessaire de se faire suggérer que personne, à l'avenir, ne pourra, par aucun moyen, vous hypnotiser et vous faire des suggestions. Et s'il fallait, pour plus de sûreté, renouveler celte précaution une ou deux fois par an, où serait le mal?
Voilà ce que j'appelle La suggestion atténuée. C'est une sorte de vaccina-tion morale/ (2).
Cette idée va sembler peut-élrc bien étrange, et l'on s'attachera sans doute longtemps encore à réformer des conscrits parce qu'ils ont des cors aux pieds, tout en refusant de voir si les soldats en activité soni ou non somnam-bulcs et suggestibles! Il n'importe. L'idée est jusle, je le crois du moins. J'attendrai patiemment qu'elle ail fait son chemin. Rien de durable ne se peut faire sans La patience et le temps!
Hypnotisme expérimental chez une sourde-muette,
Par MM. les D" LE MENANT DES CHESNALS, de VMe-d'Avray, et BËRJLLON.
1* PRÉSENTATION DE LA MALADE
Je vais avoir l'honneur de vous présenter une jeune fille, dont je désire auparavant vous raconter l'histoire.
Née en juillet 1869, Adèle M... avait joui d'une excellente santé jusqu'à l'âge de dix-huit mois, et commençait à parler, quand, le 19 janvier, alors que le Mont-Valérien lançait des obus sur les troupes prussiennes, un de ces projectiles vint éclater à une vingtaine de mètres de l'enfant. La commotion qu'Adèle en ressentit fut si forte qu'elle aurait,
(1) La place me manque, je le répète, pour proposer l'interprétation, que je crois la «ule possible et la seule exacte, de ces trois causes célèbres: J'y reviendrai prochainement dans un travail distinct.
(2) Les compagnies de chemins de fer font examiner par des médecins si ceux de dattonièVie^ qU' Parlic du «rvice d'exploitaUon sont, ou non, atteints de
Ne pourrait-on dire que les personnes susceptibles de tomber en condition seconde ou d y être plongées par suggestion, sont atteintes de daltonttme moral et intellectuel?
d'après ses parents, été prise de convulsions avec fièvre. Quand elle entra en convalescence, au bout d'une quinzaine de jours, ses parents remarquèrent que la surdité qu'ils avaient constatée chez elle pendant sa maladie persistait. Comme ils étaient très pauvres, ils ne consultèrent aucun spécialiste à ce sujet, et l'enfant, tout à fait revenue a la santé, continua & grandir près de ses parents. A douze ou quinze ans. elle apprit le repassage. Aujourd'hui, elle a vingt-deux ans; privée de toute instruction, même de celle que l'on donne aux sourds-muets, elle ne peut se faire comprendre que par des signes à elle, et par conséquent que de ceux qui ont coutume de vivre avec elle. Néanmoins, on voit qu'elle est bien intelligente. Sa mère me l'avait amenée à cause de palpitations fréquentes qui lui causaient une grande frayeur de mourir. Ces palpitations étaient dues à sa profession, à cette anémie des repasseuses due à l'oxyde de carbone. Je remarquais qu'après chaque consultation, où je la rassurais sur la gravité de son mal, elle en souffrait beaucoup moins, et j'attribuais cette amélioration autant à l'influence du médecin qu'aux médicaments prescrits, et forcément peu efficaces, étant donné la persistance des mauvaises conditions de milieu dans lesquelles elle vivait, soit à l'atelier de repassage, soit dans la triste chambre habitée par elle et toute sa famille.
Aussi, la guérison complète d'une surdité nerveuse chez une autre malade par la suggestion hypnotique me décida à essayer chez elle cette méthode.
Avant, je l'adressai au Dr Coupard pour savoir s'il y avait quelques chances de diminuer sa surdité. Il me répondit par le mot suivant sur sa carte : « Rien à faire ». Je résolus d'essayer quand même, et une de ces compagnes lui expliqua que je voulais l'endormir pour la guérir de sa surdité. Adèle vint donc toute contente, mais ignorant comment je l'endormirais et ce que je ferais à ses oreilles.
De mon coté, j'étais curieux de savoir si j'arriverais à l'endormir sans qu'elle m'ait vu auparavant hypnotiser d'autres malades.
L'ayant fait asseoir, je lui indiquai de regarder mes yeux et me mis à fixer les siens à mon tour sans faire aucun mouvement des lèvres. Au bout d'une minute, ses paupières supérieures s'abaissèrent franchement, sa tôto s'inclina un peu en avant, et elle parut entrer dans un bon sommeil.
Je soulevai les bras. Us restèrent comme je les plaçais; je fis tourner les mains, le mouvement se continua. Mais quand je la pinçais, elle faisait une légère grimace. Pour réveiller par suggestion son centre auditif, si la chose était encore possible, je frictionnai chaque oreille et percutais avec mes doigts toute la région périphérique; pni«, je pro-
nonçai près de ses oreilles les quatre principaux mots qu'elle dit étant éveillée : « Papa, maman, Adèle, bonjour ». Elle les répéta comme elle le fait à l'état de veille, quand elle voit les mouvements des lèvres. Ici elle avait les yeux fermés et j'étais de cdté.
J'eus une lueur d'espérance, déçue dans les séances suivantes où je pus constater que, pendant le sommeil, le secours de la vision était remplace par celui du sens du tact; seul le choc produit sur sa peau par les vibrations de l'air lui révélait à peu près exactement celui des quatre mots que j'avais prononcé. En effet, si au lieu de m'adresser à son oreille, c'était devant sa main éloignée de son corps que je parlais, elle ne répondait presque plus nettement.
Je n'obtins rien autre chose, malgré la confiance qu'elle avait dans mon pouvoir de la guérir et malgré sa grande suggestibilité posthypnotique ; car après chaque séance, elle se sentait toujours débarrassée de tout autre malaise : battements de cœur, mai de tète ou douleurs du dos ou des membres. Je l'ai cependant endormie dans ce but une vingtaine de fois.
Aussi ne l'aurais-je pas présentée à la Société, si cette jeune fille ne nous offrait, par le fait même de sa surdité si complète et si ancienne, un intérêt très grand qui n'échappera à personne au point de vue des discussions entre l'Ecole de Paris et celle de Nancy.
Dans ce but, j'ai toujours évité d'endormir d'autres malades devant Adèle, afin de pouvoir vous la présenter vierge de toute suggestion autre que celle du sommeil et de la possibilité de la guérir.
Enfin, je dois dire que pour la réveiller j'ai toujours employé le procédé qui m'avait réussi le premier jour et avait consisté simplement à lui souffler brusquement au visage, et au moment où, sous ce souffle, elle ouvrait les yeux, à lui faire signe qu'elle était très bien réveillée, que c'était fini et que tout allait bien.
Afin de lui éviter toute émotion nuisible à l'examen que son cas nous permet de faire, je vais l'endormir avant de vous la présenter, et je prierai mon confrère, M. le Df Bérillon, de vouloir bien faire sur elle les expériences qu'il jugera utiles.
2° Expériences
M,,e M... est amenée endormie devant les membres de la Société. On cherche alors à vérifier le degré d'hypnose dans lequel elle se trouve. On constate que le sommeil est déjà assez profond et que le sujet présente un certain automatisme. Ainsi lorsqu'on lui lève un bras ou une jambe, ce membre reste dans l'attitude qu'on lui a donnée : il n'a
plus assez d'initiative pour changer cette attitude. Si on fait tourner les deux bras du sujet l'un autour de l'autre, ce mouvement de rotation se continue automatiquement. La constatation de cet automatisme rotatoire dont M. Liébeault a fait un signe de tendance au sommeil profond et de grande aptitude à l'hypnose, indique que le sujet dort bien. Ces phénomènes, qui n'ont pas été suggérés verbalement, sont évidemment le résultat d'une autosuggestion. Le sujet interprète l'acte de soulever son bras ou sa jambe comme un ordre de le maintenir levé et qui, bientôt, n'a plus ni l'initiative ni la volonté de modifier à son gré l'attitude ou le mouvement habituellement suggéré, dans ce cas simplement auto-suggérê.
Néanmoins l'anesthésie cutanée ne se manifeste pas; lorsqu'on pique le sujet avec une épingle, il sursaute, cependant il ne se réveille pas; ses paupières restent closes, et si l'on continue les piqûres, la physionomie revêt une expression de souffrance ressentie péniblement par le sujet sans qu'il ait l'initiative de s'y soustraire. Nous n'avons d'ailleurs aucun moyen de lui suggérer l'anesthésie, puisqu'elle ne nous entend pas.
Pour plonger le sujet dans un état de sommeil plus profond, nous lui comprimons les globes oculaires, puis nous malaxons fortement avec les doigts les muscles extenseurs de l'avant-bas. Notre but, en agissant ainsi, est de provoquer l'apparition du phénomène de Y hyper excitabilité neuro-musculaire. Malgré la persistance de notre action et la répétition de nos tentatives, aucune contracture ne se produit.
Nous ouvrons alors les yeux du sujet et nous ne constatons aucune modification dans l'état cataleptoîde observé précédemment dès le début du sommeil ; les bras et les jambes soulevés gardent l'attitude imprimée, que les yeux soient ouverts ou fermés.
La pression sur le vertex n'amène aucun changement dans l'apparence de M11" M... Elle reste endormie et la physionomie exprime un état de repos profond.
Ne pouvant provoquer chez le sujet, par les procédés habituels, les signes caractéristiques du grand hypnotisme, ne pouvant davantage les faire naître par suggestion verbale, nous cherchons simplement à constater quelle pourrait être sur une sourde-muette l'influence de limitation. Pour cela nous ferons devant elle, à l'état de veille, des expériences sur un autre sujet.
Nous réveillons donc la jeune fille et devant elle, sans d'ailleurs appeler beaucoup son attention sur ce que nous faisons, nous provoquons les trois états du grand hypnotisme sur une jeune hystérique qui présente ces phénomènes avec une grande netteté. Nous la mettons, en
particulier, dans l'état de léthargie et, par la malaxation des extenseurs de l'avant-bras, nous faisons apparaître l'hyperexcitabilité neuro-musculaire. En continuant notre action sur le môme point, c'est-à-dire en continuant la malaxation des muscles extenseurs de l'avant-bras gauche, nous amenons la généralisation des contractures, d'abord au bras droit, puis à la jambe droite qui se soulève et enfin à la jambe gauche. Les quatre membres du sujet sont contractures. Pour défaire cette contracture, nous reproduisons la même action 'malaxation des extenseurs de l'avant-bras gauche) et nous voyons les membres retomber l'un après l'autre.
La jeune sourde-muette a paru regarder sans grand intérêt les expériences qui viennent d'être faites devant elle. M. le Dr Le Menant des Chesnais l'endort à nouveau. Lorsqu'elle est endormie, on lui comprime les yeux et on pratique sur elle la malaxation des extenseurs, et on voit apparaître chez elle la contracture des muscles excités. En continuant l'excitation sur les mêmes muscles, la contracture se généralise comme chez le sujet précédent, les deux bras se soulevant successivement, puis les deux jambes. Pour faire cesser ces contractures, il suffit de recommencer l'excitation des extenseurs de l'avant-bras. De plus, les membres soulevés, au lieu de rester dans l'état cataleptoTde, retombent comme cela se faisait chez le sujet éducateur.
On avait constaté sur ce sujet de l'anesthésie à la figure. Chez le second, l'anesthésie n'est pas apparue après les expériences.
La suggestion par imitation n'a donc porté que sur la production des contractures; mais dans ce cas son action a été des plus manifestes. . Que peut-on déduire de ces expériences, faites inopinément sur un sujet qui ne se doutait pas de ce qu'on attendait de lui, par des expérimentateurs qui ne pouvaient influencer le sujet par suggestion verbale, puisqu'il est complètement sourd? La réponse est facile : c'est que l'imitation agit par le même mécanisme que par la suggestion et que les effets se manifestent avec la même intensité, que l'idée ait été reçue par l'intermédiaire de l'ouïe ou par celui de la vue.
On pourra objecter que l'imitation qui a eu pour effet de suggérer des contractures, n'a pas eu le pouvoir de suggérer de l'anesthésie et que, par conséquent, sa puissance suggestive est très relative. Eh bien! cela est encore conforme aux faits observés journellement chez les hypnotisés, faits qui démontrent que la suggestibilité se présente sous les modalités les plus variées. Ainsi, tandis que les uns réalisent avec la plus grande facilité les suggestions des phénomènes relatifs au mouvement, se contracturent et se paralysent au commandement, tout en conservant la sensibilité, les autres, au contraire, chez lesquels on
obtient facilement l'anesthésie, ne présentent aucune aptitude à la contracture.
En résumé, nous constatons que chez une sourde-muette hypnotisante, les phénomènes d'hyperexcitabilité neuro-musculaire qui n'avaient pas été provoqués par l'excitation directe des muscles tant que le sujet ignorait le but de l'excitation, ont apparu dès qu'ils lui ont été suggérés par la voie de l'imitation, la seule qui fût accessible chez elle. Il y a donc dans l'imitation inconsciente des sujets, de môme que dans la suggestion inconsciente des expérimentateurs, des causes puissantes d'erreurs dont il est nécessaire de se mettre toujours à l'abri dans le cours d'expériences d'hypnotisme.
Lorsque des expériences sont faites sur des sujets réunis en commun, comme cela arrive dans les services hospitaliers, il faudra prendre les précautions les plus minutieuses pour être assurés que les résultats des expériences n'ont pas été influencés par l'action des sujets les uns sur les autres.
L'expérience faite sur une sourde-muette prouve, en effet, que la vue d'un phénomène hypnotique peut suffire pour en amener, chez un sujet sensible, la réalisation avec la même intensité, le même automatisme, la même irrésistibilité qu'une suggestion faite par l'expérimentateur lui-même.
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Quelques faits d'anesthésie chirurgicale sous l'influence
de la suggestion,
Par M. te D* AUAK1> MARTÍNEZ DÍAZ, de M an lazas (Cuba).
Première observation. — Bel... P..., mulôtre, vient nous consulter à notre clinique particulière pour un abcès du maxillaire supérieur à l'extrémité de la dent canine de droite. Après avoir examiné le cas avec son chirurgien-dentiste, M. Lamadrid, celui-ci propose d'arracher la dent, étant don-ié son mauvais état et l'étendue de la carie qui avait causé l'abcès. Nous proposons à la malade d'employer l'anesthésie hypnotique et suggestive, employée déjà par nous dans plusieurs opérations : incision de furoncle, d'adénite, de panaris. Il fut décidé que l'opération aurait lieu le jour suivant dans le cabinet du dentiste.
Le jour fixé, à deux heures de l'après-midi, en présence de plusieurs personnes venues, les unes par curiosité, les autres par intérêt scientifique, nous avons provoqué le sommeil hypnotique au moyen de la fixation du regard. Le sommeil fut obtenu en moins de cinq secondes.
La malade étant placée sur le fauteuil d'opérations, nous lui avons
suggéré l'insensibilité à la douleur et l'absence absolue de toute sensation douloureuse ou même simplement désagréable.
M. Lamadrid commença, avec son habileté ordinaire, i inciser la gencive afin de découvrir le peu de couronne épargné par la carie. Cette opération terminée, il saisit avec les pinces, non sans difficulté, le petit morceau de couronne qui apparaissait presque à ras de l'alvéole, et enfin, après une série d'efforts, extirpa la racine de sa cavité; non sans peine, car il y avait de nombreuses adhérences consécutives a d'anciennes périostites. L'hypnotisée, malgré la douleur éprouvée, ne fit pas le plus léger mouvement et ne manifesta pas le moindre signe de souffrance. Son visage resta impassible, comme s'il ne se passait absolument rien pour elle.
Réveillée par le procédé ordinaire. — par simple affirmation suggestive et parle mot : « Réveillez-vous », — elle ouvrit les yeux, souriant en voyant la stupéfaction de ceux qui l'entouraient et l'assaillaient de questions, lui demandant « si elle avait ressenti quelque douleur ». Elle répondit que, non seulement elle n'avait rien senti, mais qu'à ce moment-même elle n'éprouvait rien ».
Il faut dire que II. Lamadrid. quelques mois auparavant, avait, chez la même mulâtre, procédé à l'extraction de la seconde molaire gauche du maxillairo inférieur pour un abcès compliqué de fistule à la joue correspondante. Cette fois-là, dès les premières tentatives d'extraction, la malade se mit à crier et ne se laissa opérer qu'avec beaucoup de difficultés, à l'idée de la douleur qu'elle avait ressenti la première fois, elle se montrait peu disposée à se soumettre à une nouvelle extraction; seules, nos suggestions faites à l'état de veille et dans le sommeil somnam-buhque, parvinrent à vaincre son appréhension.
La pauvre femme était si satisfaite d'avoir été opérée sans douleur qu'elle se montra toute disposée à se faire arracher par le même procédé, plusieurs autres dents mauvaises.
Deuxième observation. — M1" I!..., jeune fille de quinze à seize ans. célibataire, sans antécédents nevropathiques, souffrait d'ongles incarnés, aux gros doigts de pieds; l'ongle pénétrait dans le bord de chacun des doigts, les excroissances de chair enflammées, sanguinolentes; celle du pied droit un peu ulcérée, avec un peu de pus au-dessous de l'ongle; affection des plus gênantes, condamnant la pauvre jeune fille à rester enfermée; elle ne pouvait même pas supporter de pantoufles.
Il était nécessaire de procéder à Yablation des ongles.
Cliente de M. le L> Zardoya, et ce dernier désirant se rendre compte du pouvoir de la suggestion, il eut la bonté de in'inviter à la
pratiquer. J'acceptai avec empressement et reconnaissance, parce qu'il me mettait en présence d'un nouveau cas, pour démontrer aux autres médecins et justifier la sincérité de ma ferme conviction dans l'hypnotisme et la suggestion.
La jeune fille hypnotisée, l'opération s'est faite avec le plus complet succès; on s'assura non seulement de lanesthésie pendant que se faisait l'ahlation, mais aussi de l'absence de douleur après le réveil. Nous savons tous que, dans ces cas, l'anesthésie est produite facilement avec la glace, l'éther, etc ; mais nous savons aussi qu'après les douleurs sont intolérables. Je l'ai expérimenté sur deux sujets que j'avais opérés avec les' anesthésiques ordinaires, il y a déjà quelque temps.
Cette opération a été brillamment décrite par le LV'Zardoya, dans un mémoire qu'il présenta à l'éminento corporation dont il fait partie.
Troisième observation. — Mu* M... Appelé chez un de mes clients pour as>ister une malade, je me suis rencontré avec la jeune fille M.... affectée d'angine psetuto-membraneuse qui demandait en plus du traitement général, un nettoiement direct et local avec le pinceau imprégné de substances antiseptiques. Faisant le premier pansement, la jeune fille ne pouvait l'endurer, à cause des vomissements qu'il lui provoquait.
Hypnotisée avec suggestions ad hoc, je l'ai réveillée et j'ai pu faire le nettoiement à mon entière satisfaction, sans que- la malade éprouvât la plus petite incommodité, à sa grande stupéfaction et à celle de sa famille, qui avait été témoin des difficultés antérieures et qui la voyait impassible à présent.
J'ai suivi la même méthode pour les traitements successifs.
Quatrième observation. — J.-R. V..., mulâtre, trente-six ans. ouvrier en tabacs. Il y a quelques mois qu'on le remarquait dans la maison, triste, mélancolique, dégoûté, phénomène qui s'accentuait progressivement à tel point que sa famille s'en alarma.
Il fut soigné par plusieurs confrères avec les moyens ordinaires, mais sans résultat.
La maladie empirait; il commençait i donner des signes de folie avec délire de persécution; il croyait voir trois individus qui, poignard en main, le poursuivaient pour le tuer; dans son hallucination, il les voyait d'abord sur les toits des maisons voisines,- ensuite dans la sienne, et enfin traversait les murs de la chambre qu'il occupait. Il commença à s'exciter, à prendre peur quand il se couchait, à ne pas dormir par crainte d'une attaque ou d'une surprise; son irritabilité lu: faisait perdre complètement le sommeil. L'insomnie rendait son état critique, ainsi
que celui des siens. Un jour, s'emparant d'une scie, il voulut tuer un de ses camarades de travail, qu'il accusait d'être l'auteur de tout ce qui lui arrivait.
Je fus appelé pour examiner le malade à ce moment. •
Après un examen soigneux et en raison de ses antécédents, je diagnostiquai : neurasthénie cérébrale, avec détire de persécution.
A ma première visite, il parlait parfois comme s'il était bien ; il me dit qu'il y avait quelque temps, sans pouvoir le préciser, il avait quelquefois éprouvé une douleur autour de la tête, qui la lui comprimait peu à peu comme un anneau, jusqu'à le priver de la raison, ne sachant plus ce qu'il faisait jusqu'à ce qu'elle lui passât.
Le regard vague, indécis, sans fixité, et quand il parle de ses persécuteurs, ses conjonctives s'injectent, ainsi que les vaisseaux sanguins du cou et des tempes.
Il ne se souvient pas comment a commencé la maladie et dit qu'il n'a rien et qu'il se trouve bien.
Pour ne pas fatiguer, je dirai que je crus qu'il était temps et indiquai le traitement psychique, qui fut adopté avec empressement par la famille.
Nous procédions, employant la fixation du regard, mais tous les efforts furent inutiles. J'ai donné enfin au patient, suivant les conseils du Dr Sanchez Herrero, de Valladolid, et les pratiques du Dr Van Velsen, de Belgique, 50 centigrammes de chloral hydraté, qui lui produisirent un assoupissement, profitant de ceci pour lui suggérer : tranquillité, sommeil normal pendant toute la nuit, que, le jour suivant», il pourrait me regarder fixement, que cela lui produirait du sommeil et qu'à mon commandement il dormirait.
Le lendemain, je fus informé que le malade avait dormi la nuit pendant cinq heures consécutives; les autres phénomènos subsistaient.
Je l'hypnotisai par la fixation du regard. H dormit au bout de cinq minutes du sommeil somnambulique. Le travail était fait : l'individu était suggestif et obéissait à la suggestion.
Dix hypnotisations consécutives le laissent dormir pendant deux heures tous les jours. De cette manière, j'ai rendu à la société et à sa famille ce pauvre malheureux, qui allait à pas de géant dans le chemin de l'aliénation mentale.
Ce cas s'est passé il y a près d'un au, et l'individu a continué à se porter parfaitement bien.
Finalement, nous avons fait usage de la psychothérapie, avec des résultats surprenants, dans diverses affections qui ont pour base des pertur-
bâtions plus ou moins aiguës du système nerveux, comme paralysie, tic douloureux, névralgies, bégaiement: dans les vices, comme masturbation, nymphomanie, alcoolisme et beaucoup d'antres que je ne mentionne ni ne détaille pour ne pas trop m'étendre.
Je crois donc et affirme avec conviction, d'après des faits irréfutables, que la psychothérapie n'est pas une illusion, mais une vérité incontestable, cliniquement parlant. La thérapie suggestive a >a place dans le champ de la médecine usuelle, de la sociologie et de la pédagogie, sans que pour cela nous prétendions qu'elle soit le remède universel.
Mbiiî.i-'.--. le 15 décembre I8EH.
DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE
L'Expertise médico-légale et l'affaire des magnétiseurs de Braine-le-Château.
Mon cher directeur,
Dans l'article ayant pour auteurs MM. Denyn ei van Velsen et publié par -votre estimable revue, dans sa dernière livraison, il est un passage qui me concerne personnellement et qui demande rectification, car il dénature absolument l'altitude que j'ai prise dans l'affaire des paysans magnétiseurs de B raine-le-Châ tcau.
Les auteurs de l'article s'expriment ainsi :
Prenons un prévenu quelconque voulant se défendre jusqu'au bout et a soulevant devant la juridiction répressive la question suivante : « Les per-
• sonnes soumises aux expériences incrimées étaient-elles ou non hypnoti-
• sées? »
¦ Les partisans des deux écoles accourent, et voici qu'un adepte des
• théories de La Salpéirière examine les sujets.
a II les endort, puis ouvre les yeux, ensuite fait la pression sur la lèle. Si
¦ le premier procédé ne produit pas la catalepsie, ou si, cello dernière obtenue,
¦ l'emploi du second moyen ne provoque pas letomnambultsme, le partisan
¦ de la Salpéirière déclarera: a II n'y a pas d'hypnose, il n'y a que simu-a lalion >.
a On l'a pu constater dans la reteniissante affaire de B raine-! e-ChAteau.
• M. Masoin, chargé d'examiner Sylvain Vandevoir, opéra comme nous le a disons plus haut, et l'hypothèse que nous supr*sit.ns s'étant réalisé, il i conclut : « Simulation ! »
Eh bien! non, n'en déplaise à mes deux compatriotes : ce n'est pas ainsi que j'ai opéré; je ne me suis pas conduit simplement comme un partisan de
lu Salpèlrière. et aujourd'hui encore, après des expériences de contrôle, — parmi lesquelles les vôires compteront largement, —jene voudrais me placer, ni au point de vue exclusif de M. Charcot, ni au point de vue exclusif des Nancéens, encore bien que le fougueux M. Delbœuf déclare que « l'École de la Salpétrière a vécu! a
Pour me défendre contre le reproche qui m'est adressé, il suffira de reproduire ici la sixième conclusion générale du rapport :
¦ Les phénomènes que présente Sylvain Vandevoir pendant le sommeil « hypnotique ou son prétendu sommeil hypnotique ne correspondent pas aux
¦ phénomènes classiques et objectifs de l'hypnose : ainsi l'on ne constate
* chez lui, ni la transition aux diverses phases de l'état magnétique, ni « lliyperexcilabilité neuro-musculaire, ni la suggestibilité (au contraire, à « ce dernier point de vue, c'est lui qui semble diriger et dominer son « magnétiseur), ni la communication avec le magnétiseur seul, etc. •
Ces quelques lignes démontrent combien le reproche de MM. Denyn et van Velsen tombe à faux.
D'ailleurs, j'avais ici-mème expliqué déjà ma ligne de conduite, provoqué que j'étais par certaines attaques formulées avec toute la violence ordinaire de leur auteur. Dans la Revue de l'Hypnotisme, livraison de septembre dernier, on trouve ces explications avec réfutation d'une plaquette spirîte de M. Delbœuf, qui n'a jamais répondu! Vous savez aussi qu'après certain défi brutal je ne me suis point refusé, pour ma part, à la reproduction intégrale du fameux rapport dans la Revue de rHypnotisme; mais si l'étendue de ce document fait obstacle ici à une insertion totale, je vous prie d'en accueillir le résumé tel qu'il a paru dans les procès-verbaux de l'Académie royale de Médecine; ce résumé, le voici :
• En présence des attaques dirigées contre le rapport des experts, contre « le jugement du tribunal de Nivelles et l'arrêt de la Cour d'appel dans
• l'affaire des trois paysans magnétiseurs de Braine-le-Château qui ont été « condamnés en deux instances pour escroquerie, M. Masoin croit devoir « exposer cette affaire devant l'Académie.
« Les trois paysans prétendaient reconnaître et traiter efficacement les maladies, grâce à une clairvoyance spéciale obtenue par l'hypnose de l'un « d'entre eux (Sylvain V...) ; mais il résulte de l'ensemble de l'enquête et du « rapport des experts que le sommeil hypnotique était simulé et que les « prévenus pratiquaient la médecine d'une manière ignare, frauduleuse, - dangereuse même, payant d'audace au point de se mettre en contradiction
¦ avec les notions scientifiques les mieux établies en ce qui concerne la « signification des termes techniques, le diagnostic des maladies, les pres-
¦ criptions pharmaceutiques et les connaissances spéciales de l'hypnologie.
¦ Ainsi, pendant son hypnose (?), Sylvain V... prescrit des substances
¦ actives à des doses qui peuvent être dangereuses (15 grammes d'iodure de
¦ potassium par jour) ou des substances inoffensives à des doses ridicules
¦' (sirop d'érysimum, 1 gramme, dans une potion de 460 grammes), parfois . même des substances qui n'existent pas : « malcaire calciné » et autres.
j Dans les expériences que les deux experts, MM. Masoio et Schoofs, t ont pu instituer, la clairvoyance magnétique de Sylvain V... s'est trouvée « grossièrement en défaut : dans un cas, Sylvain palpant, comme il le fait
* dans sa pratique courante, un linge porté par une personne malade, « diagnostique, au lieu d'une affection intestinale bien positiTe, un emphy-« sème qu'il définit : « l'eau dans l'envelopj.e des poumons >; dans un autre € cas, au lieu d'une laryngite bien caractérisée, il reconnaît par le linge, — i toujours en l'absence du malade, — une albumi* (sic) avec une espèce de « dépôt dans le bas-vcnlre, souffrances dans la vessie et dans Yirlette (sic).
¦ D'autre part, l'observation des faits permit aux experts de reconnaître i qu'on ne trouvait pas chez Sylvain V... les phénomènes caractéristiques ¦ de l'hypnose, soit qu'on adoptât les idées qui ont cours à la Salpèlrière, i soit qu'on se plaçât au point de vue de l'École de Nancy.
• Après quelques considérations scientifiques sur les expertises de cette a espèce. M. Masoin s'élève contre les insinuations graves et personnelles
* auxquels les experts se sont trouvés en butte, alors même que la cause « était définitivement jugée. »
En voilà bien assez pour établir que MM. Denyn et van Velsen se trompent de la manière la plus complète et la plus involontaire, sans aucun doute, en m'attribuant l'attitude que leur article m'impute. Agréez, etc.
E. Maso»,
frofesMor a rt.'nlv«n>iW de Lonvain.
Louvain. le ï avril
VARIÉTÉS
Les possédées et les démoniaques à Genève, au xvn: siècle, par M. le D' Paul Ladaub.
hir(I)
Les crises de la démoniaque étaient si violentes qu'il fallait plusieurs hommes pour la tenir. I! n'est pas dilncile de Toîr, par la description qui en est faite dans les procès-verbaux, qu'il s'agissait ici de crises nerveuses de grande hv»lérie, causées par un violent dépit. Les diables répétaient souvent [c'est-à-dire que la malade criait dans ses attaques) : « Tu le plaignais que cette espoigne estoit trop petite, elle n'était que trop grosse pour toi. >
A l'audience, on questionna la Fararaux âgée d'environ soixante an*) à propos de cette galette :
• S'il est pas vray qu'aussitost qu'elle eût baillé l'espoigne à la femme Chrts-tolle, elle devint malade? Hesporui'U qu'elle ne tomba malade qu'un mois après.
« SI elle scait pas que les diables ont dit que c'estoîl la Faravaude qui les
0) Voir len-9, p. 283.
avait mi? dans son corps et quo ladite malade se plaignait do ce que l'espoigee était trop petite, mais qu'elle estoil trop grosse pour elle? R, Qu'elle ne s:ai: si c'est le diable qui l'a dit, bien confesse que ladite malade l'a dit estant en pbrenésie.
« Si elle ne sealt pas qu'il y a des diables ? /î. Que non, qu'elle l'a bien ooy dire, mais qne Jamais il ne s'est apparu à elle. Si elle n'a pas esté à la Synagogue (1JÎ R. Que non. »
La pauvre femme n'en fut pas quitte si facilement. On l'interrogea minutieusement à plusieurs reprises, on la fît visiter par on chirurgien pour t'assurer si elle n'avait pas la marque du diable, comme le prétendait la démoniaque, et on la Ht passer deux fois à la torture. On ne parvint pas à la faire avouer et on finit par la bannir sous peine de mort.
Noos extrayons encore de son dossier les passages suivants qui ont trait a l'incident qui nous intéresse plus spécialement Ici. On lui demanda dans une de ses nombreuses répétitions :
c Si ce qu'on luy a cy-devant demandé est pas véritable, notammont touchant le veau du fermier? R. Qu'elle donna la levure à la vache cl non au veau, et que ledit fermier mangea dudit veau avec ses voisins.
« Qu'elle confesso la vérité touchant l'espoigno qu'elle bailla a la femme Christoflel R. Qu'ayant baillé ladite espoigne à ladite femme elle ne se trouva point mal, sinon quelque temps après que ladite femme tomba malade, et elle y accourut pour la soulager.
c Si incontinent après les démons disoyent pas la faravanda est noura maistra, tu as voulu manger l'eipoigne ? R. Que les démons ne le disoyent pas, confesse bien que ladite femme disoi; : Faravaux, fars vaux, le mauvai» chacheaux (2}. »
Il va uns dire que, suivant les circonstances, les démons pouvaient être introduits dans le corps d'an possédé par un aliment ou une boisson quelconque. Tout ce qui est susceptible d'être bu ou mangé pouvait devenir le véhicule au moyen duquel Satan s'introduisait dans l'organisme. La soupe, très souvent, le vin, le lait, le pain, les œuf*, le benne, les légumes et les fruits, des noix, des châtaignes, une pomme, une poire, des prones, des cerises, etc., sont maintes fois mentionnés dans les procès. Mais il faut toujours y ajouter une cause morale, la peur, le dépit, la colère, le chagrin, etc., comme on l'observe de nos jours dans les maladies mcntalos, où les aliénés font rarement intervenir le diable et les sorciers, mais d'autant plus la police, les francs-maçons, les magnétiseurs, le téléphone, les hypnotiseurs, etc.
En l'an 1612 il y avait à Bourdigny un vieux sorcier très rodoulé, du nom de Pierre. Cet homme, âgé de quatre-vingts ans, était accusé depuis longtemps de nombreux malétices. Il ne pouvait entrer dans une étable sans rondre malades les bestiaux. Il avait fait périr ainsi un grand nombre de bêtes et même plusieurs personnes. Une foule de témoins vinrent déposer contre lui, entre antres un nommé Roland, Agé de 66 ans, qui s'exprima en ce» termes :
- Pierre le sorcier a donné de la tomme et de son pain à mon fils Aymé (lorsqu'ils travaillaient ensemblement dans les vignes de Pierre Salatin),lequel en ayant mangé incontinent devint malade et fust possédé, mesme perdit U itm%
il).Au Sabbat des sorciers.
(?) Chàcha ud ou ckàchà (.Yc tu-eau G Lot taire genetcit par Jean Uumbcrt, lt6ïi, s. as. Terme de boulangerie Galette. giteau plat. Chàcbô au beurre. Cfa&chô i la driehée. Pris ûgurément ce mot désigne : 1* un enfant mou et paresseux, un enfant choyé outre mesure; *" toute personne flasque, iàche. qui se meut difilcilemcnt. ou qui se soigne, l'écoute et se dorlote A l'excès. Votre jeune dame se plaint toujours de quelque malaise, c'eet un vrai châchû. Les pavsans disent d'un enfant gâte : • Y é on ehachô ma eu* (e'esi un chàchô mal cuit». • CMèehoier, v. Dorloter, choyer i l'excès.
quasi lo reste du jour, et dès lors Jusqu'à l'heure de sa mort, advenue il y a environ trois sepmaines, ledit Aymé a esté toujours tourmenté des malins, lesquels avoyent à diverses fois parlé et dit d'ordinaire que ledit Pierre estoit leur maistre, ce qui dura l'espace d'un mois. au bout desquels les dits démons forent charmés et cessèrent de parler Jusqu'à trois à quatre jours avant la mort dudit Aymé qu'ils recommencèrent à parler et à tourmenter le possédé, en sorte qu'ils luy faisoyent faire diverses estranges contenances et enfin estranglèrent et estouffèrent ledit possédé auquel le col devinst estrangement enfle et gros avec de grands desrompemen'.s et croulements que faisoit ledit possédé peu avant de ta mort, après laquelle il demeura mol et ne vinst aucunement roide, ayant toujours soustenu que ledit Pierre luy avoit donné les démons dans les susdits pain et tomme. »
Pour fournir la preuve décisive que Pierre était bien un sorcier, Itoland ajoute « qu'il y a environ buicl ans. iceluy déposant (lui Itoland) avant une chèvre qui lui mourust peu de temps après l'avoir acheptée et soupçonnant que ledit Pierre ne l'eust fait mourir, il battit fermement ladite chèvre morte avec des bistons de coudre, et depuis a sçeu par le propre récit de la chambrière dudit Pierre qu'icelluy avoit esté grandement mallade au temps que ledit déposant battoit ladite chèvre. • C'était là un signe infaillible de sorcellerie. La preuve était irréfutable. Nous reparleroas de ces pratiques superstitieuses.
Je citerai encore l'exemple suivant d'un enfant devenu démoniaque pour avoir mange des châtaignes qu'une femme, accusée de sorcellerie, lui avait données.
• Louyse de la Ravine, 35 ans, dépose devant la justice, le 21 décembre 1635, qu'il y a environ quinze jours qu'ayant envoyé achepler pour deux quarts de poivre chez la Clauda (soupçonnée de sorcellerie), par une sienno fille nommée Andrée, âgée d'environ sept ans, après qu'elle luy eust baillé ledit poivre, elle luy donna encore deux chastaignes et le rapporta à sa mère. El incontinent le même Jour il loy vinst des tremblements et convulsions se plaignant à sadile mère de douleurs qu'elle senloit soubs les ongles qui la contraignoyent de faire des actions fort estranges, comme d'hurler et aboyer comme les chiens, ce qu'elle a continué jusqu'à Sabmedy dernier, que les démons ont parlé dans son corps, se disants estre vingt dont, disoyent-ils, il y en avoit dix de bons compagnons. Quelque» uns desquels disoyent leurs noms, comme Jacotin, Arbin. Caselin el divers autres noms, et tourmentoyent fort ladite fille la faisant debastre... •
(A suivre.)
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie
La "Société d'faypnologie se réunira le lundi 11 avril, à quatre heures et d- mie précise', au palais des Sociétés savantes, 28, rue Serpente, sous La présidence de M. le D' Dumontpallier :
1° Communications diverses;
2 Présentation de malades;
3° Vote sur l'admission de nouveaux membres:
4 Modifications aux statuts.
Adresser les titres et communications à M. le Dr Berillo:), secrétaire général, rue de Rivoli.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique.
Institut Psrciio-PHTSioLOGiyf h db Paris, *9, rue Saint-And ré-des-Arts. — L'Institut psvcbo-physiologique de Paris, fondé en 1891 pour l'étude des applications cliniques, médieo-Iégales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patrouoagc de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiant* un enseignement pratique permanent.
Une clinique de maladies nerveu*e» est annexée à l'Institut psjebo physiologique. Les constations gratuites ont Heu les mardi-, jeudis et samedis, de 10 heures à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister. «amedl, à dix heures et demie, leçon clinique.
cocas libre. — M. le D' Bérillon, licencié en droit, directeur de la Bévue de C Hypnotisme, a commencé, le samedi 19 mars, à l'Ecole pratique de la Faculté de Médecine (amphithéâtre Cruveilhier}, un cours libre sur les application)» clinique* et médico-légales -te l'hypnotisme, et le continuera le* mardis et samedis suivants, à cinq heures.
Hôpital LAtisoisritaB. — M. le D'Itavmond. professeur agrégé, fait, tous les samedis, à neuf heures, ane leçon sur les maladies nerveuses.
M. Charles Henry, maître de conférences à l'École pratique des Hautes É'ude*. a ouvert à la Sorbonne, le vendredi 2b' mars, un cours sur la Physiologie générale des Sensations. — Des exercices pratiques sur les matières du cours ont lieu le samedi, à onze heures du matin, au Laboratoire de Psychologie physiologique.
Congrès international d'Anthropologie criminelle de Bruxelles
(du 7 ai-'", au M août 189?).
Thèses mises en discussion dont les rapports préalables seront publiés et transmis avant le juillet I89£ à tous les adhérents souscripteurs (1).
anthropologie criminelle
* Existe-t-il un type criminel anatomiquemeut déterminé ? > — Rapporteurs :
D' Houzé; D* Warnots, agrégé de l'Université de Bruxelles.
i Étude critique des caractères du criminel né. » — Rapporteur : Dr Brouardel, doyen de la Faculté de Paris.
« Pluralité des types de criminels nés. » — Rapporteurs : Dr Van De venter, médecin en chef à Amsterdam (Hollande); D'Van Genuchten, professeur à l'Université de Louvain.
» Origine morbide des caractères reconnus chez les criminels nés. > — Rapporteurs : Dr Jelgersma, aliéniste à Meeremberg (Hollande; ; D' Cuylils, médecin en chef de l'asile d'Kvcre.
• De l'homicide dans ses rapports avec la race en Europe. » — Rapporteur :
Enrico Ferri, député au Parlement italien, professeur de droit criminel à l'Université de Pise. « Des caractères de la criminalité chez la femme; des caractères de l'incorri-gibilité. • — Rapporteurs : Dr Cesare Lombroso, professeur à l'Université de Turin ^Italie); Dr Morel, médecin en chef à l'hospice Guislain, aliéniste de l'administration pénitentiaire, inspecteur adjoint des asiles.
psvcholooib bt pstcho-pathologie criminelles
« L'obsession criminelle morbide. » — Rapporteur : Dr Magnan, médecin en chef à l'asile Sainte-Anne, à Paris.
(1) Le bureau déterminera Tordre de discussion des rapports.
« L'obsession du meurtre. — Rapporteur : D' Ladame, ; - professeur à Genève. « Les suggestions criminelles et la responsabilité pénale. » — Rapporteurs :
Dr Benedikt, professeur à l'Université de Vienne (Autriche) ; D' Voisin,
médecin en chef de la Salpetrière, à Paris; D' Bérillon, à Paris. « Le délit collectif (criminalité des foules et des'sectes).. — Rapporteur : Tarde.
Juge d'instruction a Sarlat Dordogne . France. « La prémédication obsessive comme circonstance atténuante. — Rapporteur :
Dr Semal.
« Le mobile du crime chez l'enfant et l'adolescent. » — Rapporteur : D' Motet, médecin-expert à Paris.
sociologie criminelle
« La délinquance dans l'histoire et dans la politique. — Rapporteur : Chev Edmond Major, secrétaire général du Congrès de Rome.
« Influence de la crise économique actuelle sur la délinquance. » — Rapporteur : Hector Denis, professeur d'économie politique â l'Université libre de Bruxelles.
« Influence des professions sur la criminalité. » — Rapporteur : D1 Coulagne, médecin-expert à Lyon.
« De limportance respective des éléments sociaux et de» éléments anthropolo-
giques dans la détermination de la pénalité. — Ripponeur : M. Gauckler, professeor de droit criminel à la Faculté de droit de Caen.
APPLICATIONS légales et ADMINISTRATIVES db L'aNTHROPOLOGIE CRIMINELLE
« Aperçu des applications de l'anthropologie criminelle. » - Rapporteurs : De Ryekère, substitut an tribunal de 1re instance à Bruges; Baron Garofolo, président du Tribunal de Ferrare (Italie); Dr Von Litszt. professeur à l'Uni-rersité de Halle (Allemagne) ; Professeur Benedickt, à Vienne ; Dr Masoin, professeor à l'Université de Louvain, secrétaire de l'Académie de Médecine, alieniste de l'adminHtration pénitentiaire.
« Des mesures applicables aux incorrigibles cl de l'autorité apte à en Gxer le choix. • — Rapporteurs : D' Van llamel, professeur do droit criminel â l'Université d'Amsterdam; Alimena, avocat à Naples; F.Thlry, professeur de droit criminel à l'Université de Liège.
« De la nécessité de considérer l'examen psycho- moral de certains délinquants comme un devoir de l'instruction à leur charge. » — Rapporteur : D- Paul Garnier, médecin en chef do la Préfecture à Paris.
« L'inversion génitale et la législation. » — Rapporteurs : Dr de Rote, vice-président de la Société de Médecine mentale de Belgique; Dr professeur Mendel, a Berlin; Dr Hubert, professeur à l'Université de Louvain.
• Les prisons asiles et le* réformes pénales qu'elles entraînent. » — Rappor-
teurs : Dr Deboek et M. Paul Otlet, avocat à Bruxelles: M. Goddyn, juge au Tribunal de Gand; Dr Ramlot, médecin adjoint des hôpitaux, a Bruxelles.
Nous rappelons que toutes les communications devront être adressées au président du Comité, rue de la Loi, II. â Bruxelles.
On est prié de foire parvenir les adhésions avant le Ier mai, afin de prévenir tout relard dans l'envoi des rapports.
Le recouvrement du montant des cotisations sera elTcctué par les soins du Comité d'organisation nu moyen de quittance postale.
L'Hypnotisme à Cuba.
Voici le texte do la circulaire par laquelle le gouverneur général de nie de Cuba vient d'interdire la pratique de l'hypnotisme dans les hôpitaux de l'Ile :
« S. Eie. M. le gouverneur général a, par décret du 15 octobre, considéré tans effets celui du 3 Juillet dernier, par lequel il admettait l'usage de l'hypnotisme comme agent thérapeutique dans les hôpitaux, pour le considérer comme préjudiciable au traitement des malades et capable d'occasionner des abus, que la susdite autorité supérieure, a le devoir d'éviter. — Communiqué à Votre Excellence, pour qu'il en prenne connaissance et se soumette à son exécution.
« Que Dieu vous garde bien des années.
« Pour copie . Le Directeur de l'hôpital. »
Ainsi, à Cuba, l'hypnotisme est jugé alternativement utile ou nuisible, à quelques mois d'intervalle. Nos confrères cubains n'ont donc rien à envier aux médecins de nos hôpitaux militaires. La-bas, comme ici, les hommes instruits sont régis par des ignorants, et les études scientifiques «ont, dans certains milieux, soumises au régime du bon plaisir.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
Blocq (P.) et Onanoff (J.). — Séméiologie et diagnostic des maladies nerveuses. (Un volume in-12 de 530 pages, avec 88 figures dam le texte. — Masson, éditeur, ISO, bou-levard Saint-Germain. Paris, 180.)
Collineau (Dr). — L'anthropologie à l'Exposition universelle de 1889(Brochure de
30 pages. — Wattier et Cie. imprimeurs, -I, rue des Déchargeurs, Paris, 1890.)
Collineau (Dr). — Les gymnases de canton. (Brochure de 23 pages. — Wattier et C, imprimeurs, 4. rue des Déchargeurs. Parla, 1891.)
Debierre (Dr Ch ) et Douser Dr E.). — Album des centres nerveux. (48 figures schématiques. — Félix Alcan. éditeur, 108, boulevard Saint-Germain, Paris, 1892.)
Fournial (Dr Henry). —- Essai sur la psychologie des foules. Considérations médico-judiciaires sur les responsabilités collectives, (Un grand in-8° de 112 pages. — Editeurs, 0. Masson, à Paris et A. Storck, a Lyon.)
Grasset (ProP). — Un cas de maladie de morvan. Leçons recueillies par le D' 11. Gui-bor:, (Une brochure de 26 pages avec figures. — G. Masson, éditeur, 120, boulevard Saint-Germain, Paris, et Camille Coulet, éditeur, 5, Grand'Rue. Montpellier. 1892.)
Hailly (Gaston d'). — La nouvelle science. (Kevue mensuelle de 16 pages. — Administration. 13, rue de Bucis, Paris)
Kingsford (Dr Anna et Maitland Edouard . — La voie parfaite ou te Christ ésolé-rique, (Un volume ln-8° de 236 pages, traduit de l'anglais par Ed. Schuré. — Félix Alcan. éditeur. 108, boulevard Saint-Germain, Paris, 1892.)
Masoin (Dr E.). — Lettre ouverte adressée A la « Revue de Belgique et réponse é M. Delbœuf. (Brochure de 12 pages. — P. Weissenbruch, imprimeur, rue du Poinçon, Bruxelles, 1892.)
Watteville A de). — 0n hypnotism-critical digest. by C. Lloyd Turkey M. D. (Brochure en anglais de 20 pages. — Macmillan and C, London, 1891.)
ERRATUM
Dans le dernier numûro de la Revue de l'Hypnotisme, le cliché représentant des phénomènes d'autographisme cutané a été intercalé dans l'article de H. le Df Delbœuf, alors qu'il eut dû l'être dans l'article de M. le Dr Châtelain. Nos lecteurs auront d'eux-mêmes rectifié cette erreur de mise en pages.
L'Administrateur-Gérant : ÉMILE BOURIOT
Paris. — Imprimerie brevetée MICHELS et Fils. passage du Caire. 8 et 10.
REVUE DE L'HVPXOTISUE
EXPÉRIM^ttÂtfto THÉRAPEUTIQUE
HALLUCINATIONS^NIL^TÉRALES HOMONYMES DANS LE ZÖSä DE LA FACE "l
Par M. Ch. FÉRÊ.
J'ai déjà eu occasion de signaler, dans un cas de zona de la face, des hallucinations visuelles coïncidant avec des douleurs oculaires et péri-orbitaires et dans lesquelles le malade voyait des personnages s'avancer vers lui du coté de la névralgie (2). Je viens d'observer récemment un cas analogue.
Le nommé K____ âgé de quarante ans, commence à se plaindre, le
26 mars 1892. d'embarras gastrique, de fièvre et de douleurs vagues dans la moitié gauche de la face. Le lendemain. la douleur s'est accentuée et s'est localisée à quelques points d'émergence des branches du trijumeau, notamment au niveau sus-orbitaire du nasal interne, du sous-orbitaire, du molaire, du temporal superficiel, du dentaire inférieur. L'appétit est nul, la langue est chargée uniformément des deux cOtés. La température n'a pas dépassé 38 degrés.
Le 27. il existe une éruption herpétique constituée seulement par quelques vésicules sur La lèvre supérieure gauche et sur l'aile du nez du même côté. Les points douloureux sont les mêmes et sont plus sensibles à la pression. La région de l'articulation temporo-maxillaire est très sensible, mais il n'y a pas trace d'éruption. Le malade se plaint en outre de deux phénomènes qui n'existaient pas du tout la veille, d'abord d'une salivation extrêmement abondante; cette salivation coïncide avec une sensibilité extrême et un empâtement de la région sous-maxillaire gauche. En outre, il entend constamment des bruits dans son oreille
(1) Communication fuie à la Société de Biologie, le samedi 30 avril 1892.
(2) Note sur quatre cas de zona et en particulier sur la douleur racbidienne dans le ion- thoracique. (Revue de Médecine, lK*J, p. 394.)
Il
gauche, sifflements ou bourdonnements, et de temps en temps des sons articulés. Il se rend parfaitement compte de la nature subjective de ces sons; les mots sont prononcés d'une voix nasillarde, qui n'est pas naturelle, dit-il, et il n'a pas de voisin du coté gauche.
Ces phénomènes ont doré trois jours et n'ont cessé que quand l'érnp-tion s'est affaissée. Dans la journée du 27, on a recueilli 450 centimètres cubes de salive et seulement loO le 28.
Ces hallucinations, provoquées par une irritation périphérique, sont peut-être plus fréquentes qu'on ne le croît dans les névralgies du trijumeau, au cours desquelles on ne les signale guère.
Les deux malades dont il s'agit sont des épileptiques. C'est là une condition qui peut être favorable à la période d'hallucinations.
CAS DE NÉVROPATHIE AVEC PERSÉCUTION DÉLIRANTE GUÉRI PAR SUGGESTION FAITE A L'ÉTAT DE VEILLE
Par M. le D* AXDRIEU.
Eu ihèse générale, dans les applications de l'hypnotisme à la thérapeutique, nous sommes invites par les malades, ou déterminés par les symptômes observés, à employer la suggestion avec ou sans hypnotisation préalable, suivant le degré plus ou moins prononcé de suggestibilité du patient.
Dans le même but, mais par un moyeu différeul, je dus intervenir dans le courant de novembre 1889.
Vous savez qu'après le passage des magnétiseurs ambulants qui furent nombreux dans ces temps de liberté charlalanesque, une véritable fièvre hypnotique envahit les salons et les cafés.
Si, aujourd'hui, messieurs les médecins militaires, victimes de règlements antiscientifiques, sont limités dans l'exercice quotidien de leurs fonctions et de leurs éludes, par contre, messieurs les officiers avaient toute liberté de sortir de leur rùle pour se livrer aux répétitions récréatives de faits hypnotiques recueillis sur les planches.
Les uns, plus enclins au plaisir, conviaient leurs amis au spectacle divertissant des métamorphoses névropalhiques provoquées sur quelque fille soumise... à la suggestion.
D'autres, d'un caractère plus sérieux, tentaient des réformes. Celui-ci, par la suggestion hypnotique, se faisait fort de régulariser le tir folâtre de ses hommes; il aurait parfaitement réussi dans celte tâche. Celui-là voulait provoquer dans le somnambulisme artificiel l'aveu d'un vol présumé.
Quelques fanatiques, dépassant loute mesure scientifique, se vantaient de réussir sur leurs sujets toute expérience de suggestion mentale.
Ces expériences nous laissent encore sceptiques. Tout contrôle sérieux
enrayant leur succès, légitimait présentement notre doute. Nous étions peut-être des rétrogrades; que nous impoitait, puisque devant nous les sujets évitaient de comparaître ou n'étaient plus aptes à la transmisMun fluidique ou vibratoire de l'idée.
C'est dans cette atmosphère névropalhique que vivait, dans une garnison de l'Est, un jeune officier s'occupaut fidèlement de son service, méritant les félicitations et les encouragements de ses chefs.
Après des séances publiques d'hypnotisme, il crut remarquer qu'un de ses collègues, avec qui il avait eu des difficultés, s'occupait passionnément de la question hypnotique, lisait beaucoup de livres de magnétisme et tentait, avec plus ou moins de succès, de répéter quelques expériences.
Malheureusement, notre jeune officier avait dans ses antécédents héréditaires un parent aliéné. Cette cause, jointe chez lui à l'existence d'un tempérament neurasthénique impressionnable à l'excès, a permis l'évolution de manifestations psychiques les plus désagréables.
En effet, dans quel but ce malade m'élail-il amené pas un confrère? Parce qu'il était persuadé et affirmait avoir été hypnotisé par son collègue et être de sa part la victime de suggestions les plus variées, mais plaisantes ou ridicules, taquines ou méchantes. Au café ou dans leurs rencontres, il était fixé par un regard pénétrant et troublant, dont il avait peine à détourner la tête et qui l'impressionnait vivement. Pendant la nuit, on devait profiter do son sommeil rendu plus profond pour pénétrer dans sa chambre et y mettre le désordre.
Devant ses supérieurs, il lui arriva plusieurs fois de so présenter sans motifs et de so mettre sans plus de raisons à verser des torrents de larmes, ce qui le rendait grotesque. Bref, pour lui, ces actes irréfléchis, quoique conscients, ne pouvaient être que des suggestions faites par ce collègue compétiteur, dans le but de nuira à son avancement ou pour rire a ses dépens.
Celte triste situation, contre laquelle le pauvre garçon avait vainement essayé de réagir, était devenue intolérable. Quelque mauvaise action pouvait et devait suivre à brève échéance.
Eu conséquence, j'étais invité i lenier de 1 "hypnotiser, à savoir par ce moyeu si le collègue incriminé l'avait antérieurement hypnotisé cl avait profilé de cet étal pour exercer sa verve suggestive, enfin à rétablir l'équilibre dans ce cerveau en voie de perdition.
D'abord, par d'adroites et minutieuses interrogations, j'eus rapidement la conviction que ce garçon était un névropathe dont l'esprit persécuté était devenu délirant par simple auto-suggestion.
Or, fait d'autant plus bizarre qu'inattendu, il n'était pas hypnotisable. même directement suggeslible?
Pour juger du degré de suggestibilité d'un sujet, et j'entends par là l'in-flueuce que l'imagination, d'une part, la crédulité d'autre part, peuvent exercer sur un individu, je me sers d'un moyen empirique. Ce procédé n'est pas de mon invention. De lointaines lectures en rapportent la paternité au Dr Dufuur. Je l'ai vu employé avec succès par le magnétiseur Moulin, qui on
donnail une explication calorifique et flunlique pour intéresser à sa cause et particulariser ses expériences. II est très simple et ou peut compter sur sa Gdélité.
Le sujet c«t debout; je me mets derrière lui et je place directement les mains sur son dos avec des sujets très sensibles, il est même inutile de le faire). Pendant ce temps, j'annunce un phénomène qui doit se produire. J'ai eu soin de recommander au sujet de n'apporter aucune complaisauce et de ne pas tenter de résistance; en un mot, j'ai cherché habilement a rendre passive sa volonté ou son activité consciente. Je déclare alors qu'il va se sentir attiré en arrière, et vous pouvez observer quo le sujet se renverse et recule plus ou moins vite, suivant qu'il est plus ou rauins suggeslible.
Je me gardais bien d'employer, pour commencer mon exploration, ce procédé psychique.
En présence d'un malade à l'auto-suggestion si prompte et si dangereuse, je devais agir avec prudence. Constater immédiatement qu'il fût suggeslible, n'était-ce pas confirmer l'hypothèse invoquée de l'influence possible du collègue suggestiooneur et, dans ce cas, si mes tentatives d'hypnotisation échouaient, diminuer mon pouvoir dêsuggesliunneur.
J'essayai donc l'hypnotisation par le procédé habituel : la simple fixation du regard avec plus ou moins de commentaires. Mais je ne pus constater ce qui se passe dans la pupille d'un sujet sensible et qui ne trompe pas un œil exercé. J'ai eu l'occasion de signaler l'alternance rapide de contraction et de dilatation pupillaire chez les personnes hypnotisables. Celte modification immédiate n'est pas observée chez les autres.
Plusieurs tentatives par la fixation directe des yeux ne donnèrent pas de résultais favorables. Je me servis de même inutilement du miroir de l'ophtal-moscope. Je l'emploie quelquefois pour ne pas me fatiguer, laissant encore aux alouettes du Dr Luys et pour opérer des transferts magiques les miroirs rotatifs.
Je remis au lendemain la suite des expériences. J'annonçais toutefois au patient que, ne pouvant réussir à l'hypnotiser, même avec son consentement et sa bonne volonté, j'étais en droit de lui affirmerque. a fortiori, malgré lui personne n'avait jamais pu l'hypnotiser.
Sans doute, je n'oubliais pas de tenir compte de l'hypothèse vraisemblable d'une suggestion post-hypnotique faite par le tiers incriminé dans le but de rendre le sujet réfraclaire à toute autre tentative d'hypnotisation.
A ce propos, j'ouvrirai uno parenthèse. Tous les médecins légistes qui, jusqu'à ce jour, se sont occupés de l'importante quesliou des suggestions criminelles, s'accordent a dire que l'expert devra d'abord s'assurer que le sujet est hypnotisable. Le conseil n'est |«s facile à suivre. L'hypnotiseur qui aura l'audace de se servir de la suggestion hypnotique pour faire commettre une action criminelle serait un maladroit s'il ne prenait la précaution de suggérer à son complice inconscient de ne pas se laisser hypnotiser ou, s'il consent à se préier aux expériences, de ne ressentir aucune impression. El je ne doute pas, dans ce cas, de l'insuccès couplet de l'expert. Je niguore pas que le
traditionnel coup do tam-tam de La Salpétrière pourrait être leoté. Je mesou-riens avoir été mandé pour délivrer une grande hystérique qu'un coup de sifflet slrideut et inattendu de chemin de fer avait plongée malgré elle dans l'état cataleptique, sur le banc d'une de nos promenades.
Reste à «avoir si La suggestion psychique ne triompherait pas de l'ébranlement physique.
D'abord, tout sujet ne tombe pas en catalepsie ou en tout autre degré de l'hypnose sous l'inlhience d'un bruit brusque cl violent. Ensuite, La possibilité d'une anesthesie suggérée de l'ouïe ne doit jas être négligée. Au reste, les procédés violents sont dangereux et doivent être rejetés.
Dans la seconde séance, je ne fus pas plus heureux. Ni la fatigue par la longue fixation des yeux ou d'un point brillant ui l'impression rétinienne plus vive produite par l'éclat d'une lampe au magnésium ne produisirent d'effets.
X... n'était pas bypnolisable. n'avait jamais été hypnotisé, les commémo-ratifs m'en donnaient l'assurance. Donc, chimères dans cette tète de nerveux. Plus de craintes à avoir. Vivre de celte salutaire vie physique que le métier militaire permet; se bien garder de donner sa démission; au besoin, demander le changement de garnison si le camarade lui faisait encore mauvaise impression.
Des extraits d'une lettre reçue quelques semaines après celle consultation serviront d'épilogue à celte observation :
......Les nouvelles sont bonnes, car je vous dirai que je me Irouve fort
bien des conseils que tous m'avez donnés. Je vais déjà mieux el j'espère que l'amélioration continuera, puisque, comme vous me le disiez, la vie militaire présente de grands avantages pour un tempérament nerveux comme le mien. Ce qui me nuisait surtout, c'était l'arsenal d'idées fausses que je m'étais forgé, ce qui me rendait 1res malheureux. Vous m'avez enlevé ces idées, et me voila débarrassé de bien des ennuis.....»
A ce propos, j'ajouterai qu'une cause fréquente d'insuccès dans les tentatives d'hypnose pour essayer la suggestion provient de l'aulo-suggestion des sujets.
Un confrère avail fait appel à ma pratique pour hypnotiser une hystérique el chasser de son cerveau l'idée de suicide qui l'obsédait.
Comme antérieurement, dans un but de passe-temps récréatif, des amis avaient essayé, plus ou moins méthodiquement, mais vainement, de l'hypnotiser, cette personne me déclara qu'elle n'était pas bypnotisable.
Malgré des apparences de bonne volonté, je ne pus rien obtenir. L'aulo-suggestion était plus forte que ma suggestion et que tous les procédés physiques. Toutes les hystériques ne sonl pashypnotisables.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
Séance du lundi M mars. — Présidence de m. w-howailkk.
(Suit*.)
Observations présentées à propos de la Communication iaite à la Société par M. A. Voisin, le 14 décembre 1891, sur un « Délit de vol commis sous l'influence de la suggestion hypnotique »,
Par H, BALLET, professeur agrésé à la Faculté, mîdecin
de l'hôpital Saint-Antoine.
Messieurs,
Je sais qu'il n'est pas dans les usages des sociétés savantes de présenter des observations sur les communications qui ont été faites à une date déjà éloignée. Celles que je désire soumettre à la Société visent La communication lue par M. Voisin à La séance de décembre. J'aurais dû les faire, soit à cette tnéine séance, soit à celle de janvier. Mais je n'étais pas présent lors de La communication de notre honoré collègue, et j'ai reçu avant-hier seulement le numéro du bulletin où se trouve le texte de son travail. Comme j'attache à sa communication une réelle importance, je demande au Bureau et à M. Voisin de bien vouloir me permettre de déroger aux habitudes.
Le tait visé par notre collègue est relatif a un délit de vol qui, suivant lui, aurait été commis sous l'influence de la suggestion hypnotique. J'avais lu naguère, dans U Revue de Wypnotisme, l'exposé abrégé du cas et j'avais été amené à critiquer la brièveté de la relation qui en avait été donnée, dans une leçon que je faisais à la Salpètrière sur les suggestions hypnotiques au point de vue médico-légal. J'avais, à cette époque, émis le vœu que M. Voisin publiât le texte intégral de sou rapport afin de fournir à la critique de plus amples éléments d'appréciation. Ce n'est pas le rapport que notre collègue vous a communiqué, mais une observation succincte du cas. Or. je dois le dire, cette observation me parait insuffisante à entraîner la conviction.
Je tiens tout d'abord à bien préciser la situation que j'entends prendre dans le débat relatif aux prétendus crimes par suggestion. Je ne nie pas La possibilité de pareils crimes, et je reproche trop vivement à ceux qui y croient de les affirmer mus preuves suffisantes, pour tomber moi-même dans le même défaut ou plutôt dans le défaut inverse, la négation a priori. Je dis seulement quo jusqu'à présent il n'y a pas un seul exemple authentique de crimes de cet ordre, et j'attends pour me prononcer qu'on en ait produit. Si l'authenticité du fait rapporté par M. Voisin était bien démontrée, il s'agissait là d'un cas du plus haut intérêt, puisqu'euûn on aurait mis la main sur un crime pu suggestion. Je ne veux \ as invoquer eu doute cette authenticité, j'affirme seulement qu'elle ne ressort pas suffisamment du texte de l'observation.
Dans le cas auquel je fais allusion, il s'agit, vous vous le rappelés sans doute, d'une femme qui avait commis aux Magasins du Louvre une série de vols. Il fut établi que cette femme était une grande hystérique (je relève le fait en passant) et qu'elle était sujette à des attaques de catalepsie et de somnambulisme nocturne. Déplus, elle était aisément hypnotisante, ce qu'il était aisé de prévoir. Or, dit M. Voisin, « il a été aisé de la faire causer pendant ce sommeil à forme somnambulique (l'hypnotisme provoqué) et de savoir d'elle qu'elle avait été hypnotisée souvent par son complice arrêté en même temps qu'elle et qu'il lui suggérait d'aller voler dans les Magasins du Louvre. Le fait révélé dans le dossier est qu'elle a volé pendant trois mois avec uue adresse telle que ses trois complices ont pu entasser chez eux une quantité considérable de marchandises qui a nécessité près de deux voitures de déménagement pour être transportées ». Et M. Voisin ajoute que cette femme était À l'état de veille d'une suggestibilité excesssive, que ses compagnes lui faisaient croire tout ce qu'elles voulaient. * Aussi, sa suggestibilité, dit-il, expliquait bien les actes délictueux qu'elle avait commis ». M. Voisin a lait rendre une ordonnance de non-lieu. Je dois commencer par dire que si j'émets ici des critiques, ces critiques ne visent pas les conclusions de l'expert. Je pense que, vu l'état maladif très accusé de l'inculpée et la nature du délit, il était parfaitement légitime de conclure à l'irresponsabilité. C'est une des formes les plus vulgaires de la criminalité morbide que ces vols d'un nombre considérable d'objets, souvent de très mince valeur, commis dans les grands magasins, sous l'influence d'un entraînement maladif, par des femmes qui sont toujours des névropathes et souvent des hystériques. Les faits de cet ordre sont bien connus depuis les travaux de Lasèguc et Legrand du Saulle, et il ne se passe pas d'année où les médecins experts n'aient à Paris à en examiner plusieurs.
Mais M. Voisin n'a pas considéré sa malade comme une vulgaire • voleuse dans les grands magasins » ; pour lui, l'inculpée a été la victime de l'hypnotisme. Eh bien, je dis que le passage laconique cité plus haut ne suffit pas à prouver la chose. Tout d'abord, M. Voisin est-il bien sûr que sa malade, intéressée à le tromper et à se faire passer pour une suggestionnée, n'ait pas abusé de sa confiance. Je ne prétends pas que cela soit, je prétends que les détails de l'observation sont insuffisants à nou* démontrer que cela n'a pas ïlé. J'aurais été curieux de savoir de quelles garanties s'était entouré M. Voisin pour s'assurer que les révélations de l'inculpée avaient été faites pendant le sommeil hypnotique vrai, et non. pendant un sommeil simulé.
Mais je concède à notre collègue que sa malade était réellement endormie lorsqu'elle a parlé, je lui concède qu'elle a été réellement suggestionnée par ses complices dans le sens qu'il nous indique. Pour dégager la part qu'il revient à la suggestion, il aurait fallu nous mettre au courant du degré de moralité de la malade; nous dire si, suggestionnée ou non, elle ne subissait pas, en dehors de toute influence hypnotique, cette fascination irrésistible qu'exercent sur certains cerveaux faibles les somptueux étalages des grands magasins. On conçoit en effet que le rôle de la suggestion perd singulièrement
de son importance lorsque celte suggestion s lieu dans le sens de tendances toutes naturelles chez l'inculpée. El je le répète, ce que la clinique médico-légale nous a appris su sujet des voleurs aux étalages, nous porte i supposer que la malade de M. Voisin pouvait bien èlre spontanément portée â ce genre de criminalité: auquel cas, les suggestions hypnotiques dont notre collègue nous parle, et dont j'admets provisoirement la realité, n'auraient fait ici (oui au plus qu'accentuer un penchant morbide. Le fait dès lors perdrait beaucoup de sa valeur, car il ne faut pas oublier comment le problème se pose en matière de criminalité par suggestion: prendre un individu honnête, l'endormir et rechercher si on peut le déterminer à commettre des actes reprehensibles contraires à ses tendances et à sa nature d'honnête homme. Hormis ce cas, dont nous prétendons qu'il n'y a pas encore d'exemple, la suggestion n'intervient que comme un facteur accessoire, et par suite, sans grande portée.
En somme, la fail dont M. Voisin vous a entretenus exigeait, pour avoir un intérêt réel, une discussion approfondie, dont je viens d'indiquer brièvement les principaux éléments, et que je ne trouve pas dans la communication qui vous en a été faite.
J'avais sollicité M. Voisin de publier son observation; il me reste dès lors i le solliciter de la compléter. Sans cet indispensable complément, elle reste-rail un document sans portée. J'attends donc, pour juger, que notre collègue ait fait le diagnostic différentiel, qui me parait être indispensable dans l'espèce.
Je terminerai par une dernière réflexion : On parle souvent d'hypnotisme, de crimes commis par suggestion hypnotique; lorsqu'on relate des cas particuliers i propos desquels l'hypothèse de la suggestion ail pu se poser, il s'agit d'ordinaire de malades, de grandes hystériques, le plus souvent. C'est ce qui a eu lieu dans l'observation de M. Voisin. La particularité vaut la peine d'être relevée. Nous attendons encore et nous appelons avec curiosité le cas dans lequel le problème se poserait à propos d'un individu sain.
Discussion
M. Aco. Voisin. — H La femme qui a fait le sujet de ma communication est d'une famille très honnête; jamais, avant d'avoir été mise par son mari, pendant son absence de Paris, en relations avec les individus, un homme, sa femme et sa sœur, jamais, dis-je, elle ne s'était rendue coupable du moindre délit.
z* Le sommeil pendant lequel cette femme m'a fait ses révélations était bien vrai ; je connais assez les caractères du sommeil hypnotique, pour les avoir constatés chez un grand nombre d'individus, pour ne pas pouvoir être trompé.
3° Que cette femme soit hystérique ou non, peu importe ; le fait indéniable est qu'elle a volé par suggestion hypnotique.
4* J'espère pouvoir obtenir, après les recherches auxquelles on se livre, ht communication de son dossier, pour donner aux membres de la Société la liste des objets qu'elle avait volés.
PRÉSENTATION DE MALADES
M. le Dr Bérillon présente à la Société trois malades, âgés de huit à quatorze ans, présentant de» troubles du caractère liés à diverses affections nerveuses (épilepsie. Chorée, imbécilité). Ces troubles du caractère ont été modifiés d'une façon très favorable par l'emploi de la suggestion. Les crises très fréquentes de colère et tes tendances impulsives que présentaient ces enfants se sont notablement atténuées, et ils se sont rapprochés, sous ce rapport, très sensiblement de l'état normal.
Cette présentation donne lieu à un échange d'observations entre MM. Sol-lier. Du mont pallier cl Bérillon.
Séance du lundi 11 avril. — Présidence de M. le Dumonpallier.
Le procès-verbal de la séance du 11 mars est lu et adopté.
La, correspondance comprend des lettres de M. le Dr Emile Laurent, de M. 1* D Bourdon, de Méru ; de M. le Dr Desjardin de Regla.
M. le président appelle les observations des membres de la Société sur l'utilité d'indiquer dans le titre de la Société que des communications peuvent être laite» sur toutes les questions de psychologie physiologique ou pathologique V Bernheim et M. Aug. Voisin expriment l'avis qne le terme psychologie leur semble mieux convenir à nos études que celui de psychiatrie. Après uue dis-cussion. à laquelle prennent part MM. Collineau. Guérin, Le Menant des Chesnais, Magnin, Dumontpallier. Bérillon, la Société décide que son litre définitif sera le suivant : Société d'Hypnologie et de Psychologie.
Suggestion thérapeutique sans hypnotisme. Nouveau lait à l'appui des doctrines de Nancy,
Par M. le Dr BOURDON, de Méru (Oise).
MME A..., âgée de vingt-cinq ans. bien que chétive et anémique, s'était toujours assez bien jusqu'à son mariage en janvier 1888. Depuis lors,
deux grossesses coup sur coup (dont la première très laborieuse et suivie de phlébites graves avec séjour prolongé au lit, etc.. et la deuxième survenue avant sa guérison) n'ont pas peu contribué a l'affaiblir davantage et à augmenter son anémie.
Cest dans ces conditions que, l'année dernière, en septembre I891, elle fut atteinte d'une pleurésie sèche, avec manifestations pulmonaires congestives, opiniâtres et répètées. qui tirent craindre l'invasion de la tuberculose et dont on eut beaucoup de peine à triompher.
Elle se remît cependant assez bien au bout de plusieurs mois, mais la prédisposition subsistant sans doute, cette année, au commencement de
mars 1892, ayanl Tait une sonie imprudente, celle jeune dame fui de nouveau reprise d'une pleurésie grippale gauche, celle fois avec épanchement.
Malgré la gravité de celle rechute, on en eui plus facilement raison que de la première alteinte, et sans avoir besoin de recourir à la thoracentèse (que beaucoup de praticiens, d'ailleurs émineuls, oui le lort d'attendre les bras croisés). Le poumon gauche récupérait donc chaque jour davantage ses fonctions, il revenait à son élat normal, ou presque normal; l'étal local enfin étail de plus en plus satisfaisant. Mais, malgré ce mieux inespéré eL assez rapide, l'état général laissait fort à désirer : l'appétit persistait à ne pas revenir; au contraire, il y avait des vomissemeuis opiniâtres, de l'insomnie, de la constipation, de l'aménorrhée, etc. Elle s'enuuyait, se désolait, avait une tendance de plus en plus marquée à la tristesse, aux idées sombres.
Après l'avoir déjà remontée plusieurs fois, je la trouvai un matin dans un élat d'agitation indescriptible, parlant de mort, se croyant perdue, se laissant aller au découragement el au désespoir le plus complet, parce que surtout sa mère n'était pas venue selon sa promesse, et cela, je le repele, au moment où la maladie locale avait presque totalement disparu. On avait beau le lui répéter, les meilleurs raisonnements ne pouvaient la ramener.
C'est alors qu'elle me demanda de la suggestionner, mais sans la regarder el en lui appliquant seulement ma main droite sur le froni, moyen dont elle avait entendu parler et qu'elle savait réussir quelquefois à endormir certains-sujets nerveux.
Cette jeune malade est ce qu'on appelle, eu psychiatrie, une seusilive ou un sujel sensitif, mais elle n'a pas de stigmates hystériques, pas d'antécédents névropathiques. Bien que l'application de ma main la laisse complètement éveillée, je la maintiens ainsi el lui suggère fortement qu'elle n'a plus de vomissements, qu'elle a de l'appétit, du sommeil, qu'elle ne s'ennuie plus, qu'elle n'a plus d'idées tristes, que la gaieté revient avec la santé, etc.
Le lendemain de celte première séance, j'apprends avec plaisir que ces suggestions à l'état de veille ont déjà eu un commencement de succès. La malade n'avait plus vomi, elle avait mieux mangé, mieux dormi, elle ne s'était presque pas ennuyée, n'avait plus eu d'idées sombres, etc. Les suggestions furent continuées chaque jour avec persévérance, et aujourd'hui, sixième jour, non seulement les vomissements ont disparu avec l'inappétence, avec l'insomnie, avec les idées noires, la constipation, etc., mais les règles sont revenues, presque tout vestige des symptômes morbides locaux a disparu, la nutrition se fait avec la digestion* elle augmente de poids, la gaieté native a reparu et l'on est tenté de ne plus voir en cette jeune femme ce qu'on a appelé avec raison : un candidat à la tuberculose, dont elle semblait être un spécimen tout à fait accompli.
Voilà donc un fait nouveau qui vient justifier les doctrines de Nancy, sur la suggestion et l'état de suggestibilité, soutenues par M. le D' Liébeauli el par M. le professeur Bernhcim, et récemment confirmées par le l)r Bérillon.
Les faits de ce genre viennent chaque jour montrer qu'il y a bien une thérapeutique suggestive, — avec ou sans hypnose, — à laquelle aucun
médecin do devrait être étranger et qui devrait être l'objet d'une plus large application.
Ils montrent en outre que la suggestion, — hypnotique ou non. — n'est pas, comme on l'a prétendu, exclusivement applicable aux hystériques, mais que c'est peut-être... le contraire.
Applications de l'Hypnotisme à l'art dentaire.
Par M. Gouk SANDBERG, dentiste i Skofde (Suéde).
L'hypuolismoest devenu aujourd'hui une question delà plus grande importance. De nombreux traités démontrent sa valeur comme moyen thérapeutique, et comme il est un précieux auxiliaire pour lesopérations chirurgicales, il me vint souvent a la pensée qu'il pourrait être d'une grande utilité au dentiste, car nos opérations présentent souvent de sérieuses difficultés, et par l'expérience j'en ai acquis la certitude la plus complète. Je me permets de vous en soumettre quelques cas que je crois intéressants.
I. — Une demoiselle A.... âgée de trente-deux ans, me vint consulter le U juillet 1889. Elle éprouvait depuis plusieurs années de très vives souffrances, occasionnées par plusieurs dents cariées à la mâchoire inférieure ; la douleur la rendait presque folle. Elle se refusait au plombage et à l'extraction. Après avoir vainement tout essayé pour la calmer, je lui proposai l'hypnotisme, elle y consentît immédiatement. J'avoue que je n'espérais guère un heureux résultat, mais je me mis à l'œuvre, et au bout de quelques minutes la malade donnait profondément. Je lui suggérai : « Plus de douleurs, très bon élit de santé, sommeil depuis dix heures jusqu'au lendemain », puis je la réveillai. Le lendemain, elle m'affirma qu'elle avait très bien dormi et que ses douleurs avaient disparu. Je rendormis à nouveau et lui fis la suggestion que ses douleurs ne reviendraient plus. Ayant entrepris un assez long voyage quelque temps après, je n'ai plus entendu parler d'elle, mais j'ai appris qu'elle avait été très bieu portante pendant les quelques jours qui pré-ci lèreut mon départ.
II. — M11* B..., vingt-trois ans, vint me voir le 10 décembre 1889, se plaignant de douleurs intolérables à la mâchoire supérieure depuis plusieurs semaines. Après examen, je reconnus que toutes ses dents étaient parfaite-meut saines et belles, ses douleurs étaient donc névralgiques. Elle me pria elle-même de l'hypnotiser et je rendormis profondément. Ses douleurs dispa-ruient. Je l'eudormis encore deux fois, et un mois après j'appris avec satisfaction qu'elle se portait à merveille et n'avait éprouvé aucun retour du mal.
III. — Le lii décembre 1889, M^C... me demanda de l'hypnotiser pour l'extraction d'une dcol ; je l'endormis au troisième degré et lui fis la suggestion suivante : « Vuus ne souffrirez ni axant, ni après l'extraction; tenez-vous bien tranquille pendant que j'opère el ne criez pas ». J'extirpai la dent
sans la moindre difficulté; il n'y eut ni résistance ni cris do sa part. A son réveil, elle me dit avoir éprouvé une petite vibration insignifiante, il ne lui restait aucune sensation désagréable dans l'alvéole après l'extraction delà dent.
IV. — Le 20 décembre 1889. j'avais à poser quatre dents artificielles à M"* Caroline !.>.... âgée de vingt-trois ans, et à lui en plomber plusieurs autres; elle éprouvait une telle frayeur chaque fois que je la touchais, qu'elle tombait en défaillance. Je l'endormis et lui iutimai de n'avoir aucune crainte, de rester calme, d'être complètement insensible aux dents, et je répétai à plusieurs reprises cette dernière suggestion. L'ayant réveillée, je pus lui travailler la bouche pendant une heure et demie sansqu'elle exprimât la moindre impatience, cl elle m'affirma n'a\*oir éprouvé aucune douleur.
V. — Deux jonrs après, M"e E..., âgée de vingt-six ans, voulait des dents artificielles; il fallait lui couper trois incisives; mais, dès que j'approchais mon instrument, une contraction nerveuse lui fermait la bouche de telle façon que mes plus grands efforts ne parvenaient pas à la lui ouvrir, et malgré toute sa bonne volonté elle ne pouvait combattre cette contraction nerveuse spasmodique. Après plusieurs tentatives infructueuses, je lui proposai l'hypnotisme, elle y consentit avec empressement; mais, nouvelle difficulté, je ne pus réussir à l'endormir. Au bout de quelques jours je l'amenai progressivement à un sommeil assez profond, et je lui suggérai qu' * à son réveil elle tiendrait la bouche ouverte et qu'elle ne la fermerait qu'avec mou autorisation, que ses mains seraient tranquilles et qu'elle n'éprouverait aucune souffrance ». Cette suggestion fut ponctuellement exécutée.
VI. — Aslxide F..., âgée de treize ans, manifestait uue extrême frayeur de se laisser plomber deux dents, versant des pleurs et ne pouvant articuler une parole ; le 1Û février 189U je ne pus la toucher, elle se sauvait en criant; mais le lendemain, au moyen de la suggestion hypnotique, je l'opérai facilement et sans aucune douleur.
VIL — Le 14 mars de la même année, une dame G..., âgée de quarante-neuf ans, souffrant beaucoup de névralgie faciale, voulait se faire plomber deux molaires, et en raison de son état nerveux, désirait être endormie. Elle m'assura à son réveil n'avoir éprouvé que des souffrances insignifiantes, tandis que les opérations semblables qui lui avaient été précédemment faites lui avaient occasionné une extrême fatigue et un anéantissement complet.
Le 16 janvier 1S9I, une petite fille de dix ans, très impressionnable, no cessait de manifester une grande frayeur pour se laisser plomber plusieurs dents-: après plusieurs séances j'obtins un sommeil assez profond, l'enfant devenait tout à fait insensible, et même à son réveil elle manifestait un eogourdissement qui me permettait de travailler, sans aucune résistance de sa part.
Le 3 février. M"0 II.... âgée de trente ans, souffrant d'un abcès, voulait faire arracher la première molaire, qui était le centre du mal ; très énervée, excitée au plus haut degré, elle sautait du fauteuil dès que j'approchais un
instrument. Je lui proposai l'hypnotisme et, malgré son incrédulité, je l'endormis au bout de deux minutes, et à son réveil, je pus lui extraire celte dent, qu'il m'avait fallu couper en deux, la racine avançant de 3 millimètres ; cette opération se fit sans aucun mouvement d'impatience de sa part; elle n'avait éprouvé qu'une très faible souffrance, un engourdissement et une complète impuissance dans la pensée et dans les mouvements. Ce qui esl plus curieux, c'est que malgré le résultat obtenu, elle n'en avait pas moins conservé son incrédulité à regard de l'hypnotisme, el un mois plus tard, elle vint se faire arracher une autre molaire après hypnotisation préalable, mais cette fois elle se mit courageusement dans le fauteuil et supporta l'extraction sans la moindre sensation douloureuse.
Le 10 mars 1891, M"* J..., vingt-deux aus, voulut être hypnotisée, et je lui fis quinze plombages dans le courant du mois, quelques-uns 1res douloureux; saseufibililéful insignifiante.
Sa sœur cadette se trouvait dans le môme cas, et je ne pouvais obtenir chez elle qu'un sommeil très léger ; elle avait été endormie quatre ans auparavant i>ar un jeune éludiaul en médecine qui lui avait fait défense de se laisser endormir par d'autres personnes. Je réussis, par de longs raisonnements, à vaincre cet empêchement, el j'obtins le résultat désiré.
Le 24 mars 1891, je reçus M110 K..., souffrant de névralgie faciale; elle avait des dents à faire plomber, et le lendemain elle éprouvait des douleurs 1res vives; j'eus recours à l'hypnolisme pour lui enlever ces symptômes douloureux, et elle m'écrivit trois mois après pour me faire savoir que sa guérison s'était maintenue.
Le lb" avril 1891, M1'* L..., dix-sept ans, se plaignait de maux de dénis in loi érables. Je l'endormis profondément, et à son réveil, je lui arrachai deux molaires de la mâchoire inférieure sans aucun mouvement musculaire dans sa physionomie. Dans l'espace de deux semaines, j'ai pratiqué sur elle cinq grandes extractions avec cautérisations, deux remplissages, trois comblements capsulaires de la pulpe toute à nu, une incision el quelques légers plombages ; je n'ai pas entendu la plus légère plainte. Toutes les opérations, sauf une seule, ont été failes à l'étal de veille ou immédiatement après le sommeil. La seule fois où j'ai tenté d'opérer pendant le sommeil, la malade se réveilla instantanément et j'eus assez de peine à l'endormir à nouveau.
Je pourrais relater beaucoup d'autres cas également très intéressants: j'ai tenu seulement à attirer l'attention sur un mode de secours qui n'est, certes, pas infaillible lorsqu'il s'agit d'éloigner l'impression de la souffrance, mais qui est le plus souvent décisif quand il est question de diminuer ou même défaire disparaître l'anxiété et l'irritation nerveuse qui, souvent, occasionnent plus de mal que le plombage ou l'extraction d'une dent mauvaise.
Les auteurs qui ont traité de l'hypnotisme nous ont appris que tout le monde n'est pas hypnotisable, mais ils nous ont aussi enseigné qu'à l'âge de quatorze ans environ, les exceptions sont rares. Quand même l'hypnotisme ne serait applicable qu'à cet âge seulement, ne serait-il pas néanmoins d'une
importance énorme * Les dentistes savent par expérience quelles difficultés ils rencontrent chez les enfants dont la frayeur est excessive. Si, au moyen de l'hypnotisme, nous pouvons calmer les craintes d'une imagination exaltée aussi bien que la souffrance physique du patient, il me semble que ce sent un avantage énoime, tant pour le patient que pour nous-mêmes, en diminuant nos inquiétudes pendant nos opérations.
Toutes mes observations ont été prises dans une clientèle appartenant à la société et non dans une clinique ; j'ai donc été forcé de me contenter des découvertes que ma clientèle a bien voulu mo fournir, en optant elle-même le plus souvent pour l'hypnolisalion.
COURS ET CONFÉRENCES
Sur un cas d'amnésie rétrograde et antérograde. — Leçon de M. le professeur Chakcot (clinique de la Salpêtrière).
M. le professeur Charcot a consacré récemment une de sas leçons à l'étude d'an cas des plus rares, mais aussi de» plus curieux au point de vue clinique comme au point de vue psychologique; nous entrerons a ce propos dan* de* détails un peu plus circonstanciés que nous le faisons d'habitude dans ces revues cliniques, car ce cas est complexe et «on exposition est un peu longue.
II s'agit d'une femme de trente-quatre ans menant habituellement une existence des plus calmes dans une ville de province, chez laquelle, le 23 août, une violente émotion a déterminé des accidents nerveux, suivis d'une amnésie de caractère très particulier. Pour bien faire comprendre ce qai s'est passé, il est nécessaire de diviser la vie de cette malade en plusieurs périodes. Une première période, qu'on peut désigner sous le nom de période AB, est formée par toute la première partie de son existence Jusqu'au U Juillot de cette année. A partir du 15 juillet, la scène change et. Jusqu'au 28 août, c'e*t-à-dire pendant *>ix «cmaines, tout ce qui se passe est complètement oublié; c'est la période d'amnésie rétrograde proprement dite. ain»i qu'il va être dit tout S l'heure, période qu'on peut indiquer par les lettres CD.
(Test le 28 août qu'est survenu l'événement qui a déterminé ce* phénomènes et il s'est éeouté là une période de trois jour» qu'on peut désigner sous le nom de EF. Jusqu'à ce moment l'amnésie rétrograde avait ses caractères habituels. Il n'est pa« - rare devoir l'amnésie embrasser planeurs jours, plusieurs semaines et même plusieurs mois, ot cela toit après un traumatisme, uno émotion vive, des convulsion*, etc. Mais ici, après le 30 août, t'e*t ouverte une période d'amnésie que M. Charcot appelle antérograde, amnésie qui a des caractères tout à fait spéciaux. Cette malade, en effet, entend parfaitement tout ce qu'on lui dit, le comprend, s'en souvient pendant une minute environ, pois l'oublie complètement. Aussi, tout ce qu'elle a fait, tout ce qu'elle a va depuis quatre mois environ (du 2i août au jour de cette leçon, 22 décembre) a été oublié immédiatement. Elle se souvient bien de la ville» où elle a habité autrefois pendant la période AB, mais ne fait où elle est maintenant, car elle l'oublie aussitôt qu'on le lui a dit. Cette forme d'amnésie est remarquable, car on ne voit pas ordinairement l'amnésie actuelle persister comme ici. Et pourtant, on peut supposer jue la mémoire n'est pas perdue définitivement et qu'elle se rétablira, car, air.*: qu'on a pu le démontrer, l'enregistrement des choses se fait dans son cerveau et U est possible de le raviver. On a remarqué, en effet, tout d'abord qu'elle rêvait tout haut la nuit
el que, dans son sommeil, elle parlait des choses qui s'étaient dites ou passées devant elle, de traitements qu'on avait discutés, de la Salpétrière qu'elle ne connaît pas dans son état normal, etc. En un mot, on a eu la preuve qu'elle était an courant des événements, mais inconsciemment. Or, le moyen de raviver toutes ces impressions et de montrer qu'elles ont été perçues consiste à la mettre en état d'hypnotisme. Elle parle alors de tout ce qui l'intéresse avec la plus grande précision, et sa mémoire d'hypnotisée est aussi brillante que sa mémoire d'autrefois.
Aussi peut-on espérer que celte faculté se rétablira, car elle n'est nullement détruite, oéjà, d'ailleurs, par ta suggestion, on est arrivé à quelques résultats.
Après ces généralités, il est nécessaire d'entrer dans les détails.
Cette malade a des antécédents héréditaires fâcheux : un père buveur, débauché, une sœur tombant facilement en syncope, et il lui est arrive à elle-même, après une peur, de présenter une apparence syncopale. Néanmoins, elle se portait parfaitement bien lorsqu'esl arrivé l'événement qui a si profondément modifié son état. Un inconnu s'est présenté chez elle le 23 août et lui a annoncé, ce qui était faux, que son mari était mort. Il est à remarquer qu'on ne connaît ce détail que parce qu'elle a pu le raconter en état d'hypnotisme, car personne n'avait assisté à cette scène. Elle se mît ai;--ilôt à pousser des cris violents, et on alla chercher son mari; mais lorsque celui-ci arriva, il se produisit une violente attaque de nerfs, suivi d'un délire qui dura quatre heures, puis d'une période de sommeil de quatorze heures; le délire reprit ensuite pendant trois jours. A la suite de cette attaque dont la nature hystérique n'est pas douteuse, l'état actuel a été constitué, c'est-à-dire que toute la période étendue du 13 juillet au 28 août, période CD, a disparu de son souvenir. La journée du 11 juillet, jour de la fête nationale, marquée par divers incidents dans la localité où elle habitait, est restée parfaitement présente à sa mémoire, et elle se souvient de ce jour comme de tout ce qui s'est passé dans le reste de la période AB, qui se termine le soir de ce Jour-même : c'est à partir du lendemain matin que les souvenirs font défaut ; c'est en somme la véritable amnésie rétrograde qui embrasse ici une première période de six semaines environ; pendant toute cette période, la vie de la malade n'avait pas différé de ce qu'elle était auparavant, et les faits s'étaient enregistrés comme d'habitude, l'état psychique et intellectuel étant à ce moment absolument normal.
Mais à partir de cette époque commence l'amnésie antérograde, c'est-à-dire que les faits ne se sont plus enregistrés, du moins en apparence (car l'hypnotisme permet de démontrer le contraire], et de plus la malade oublie presque instantanément tout ce qu'elle perçoit. C'est la grande différence avec les cas d'amnésie ordinaire.
Habituellement, en effet, à partir du moment où l'événement qui a déterminé une période d'amnésie rétrograde s'est produit, la mémoire se rétablit avec son intégrité première pour les faits qui surviennent ultérieurement. Ici, il n'en est rien. Celte faculté reste inerte et la malade demeure dans l'impossibilité d'acquérir aucune notion, sans toutefois avoir perdu celles qu'elle a acquises dans la période AB, la période normale de sa rie.
Lorsqu'ca effel on l'interroge sur son mariage, sur ses enfants, en un mol sur tout ce qui concerne sa vie avant le 13 juillet, elle répond avec une netteté parfaite. Elle lit el écrit fort bien, comme elle le faisait à cette époque, mais lorsqu'elle lit, elle oublie au bout d'un instant ce qu'elle vient de lire, de sorte qu'elle ne peut comprendre le sujet de sa lecture; si on lui fait faire une simple opération d'arithmétique, elle ne peut arriver jusqu'au bout, pour la même raison. Elle a d'ailleurs parfaitement conscience de son manque de mémoire et a coulume, pour y remédier dans une certaine mesure, d'inscrire ce qu'elle doit faire sur un carnet. C'est >lans ces conditions que le 30 octobre elle fui mordue par un chien enragé et. pour cette raison, elle fut amenée à Paris où elle a logé
chez «le* amis pour mitre un trait*ment à l'Institut Pasteur. Or elle est dans cf.ie tit nation bizarre qoe tout en connaissant le nom et l'adressa des personnes chez qui elle se trouvait, parce qne cette notion remonte à une époque antérieure à son amnésie (période A B], elle ne sait pas qu'elle est venue à Paris, chez qui elle était et, a plus forte raison, pourquoi elle e>l renuo ici. Elle ne sait pas non plus à quelle époque do l'aunée vu »e trouve; elle Juge cependant qu'on doit être en hiver parce qu'il n'j a pa.* de feuilles aux arbres; quant à tons les laits qui se sont passés depuis «on départ de chez elle, elle les a oublies comme ceux qui remontent au 15 Juillet.
Dans le service où elle est entrée depuis environ un mois, elle ne connaît pas _ ses voisines de lit, non plus qu'aucun des élèves qu'elle voit pourtant chaque jour. Seul, M. Charcot est connu d'elle, et cela par suite d'une circonstance très intéressante a noter : c'est qu'avant que commençât la période J'amnésio rétrograde, elle avait vu fréquemment chez son médecin, M. le Dr Janet, qui l'a envoyée à Paris, une pho:ogrophic représentant le profaueur, photographie qu'elle a d'ailleurs retrouvée ici. et c'est en quelque sorte par la juxtaposition de ce souvenir sur la personne qu'elle a devant elle, qu'ello peut reconnaître sa personnalité. Quant aux élève» et aux médecin* du servie que rien ne rattache à cette période antérieure. Us restent toujour» dVs inconnu* pour elle, puisque leur souvenir s'eflXee aussitôt qu'elle cesse de les voir.
Tels sont les principaux faits à relever chez cette malade, ut, à la voir en cet étal, on croirait difllcilemcnt, au premier abord, que sa mémoire n'est pas entièrement abolie : et pourtant H existe chez elle un moi talent qu'il e*i possible do réveiller par l'hypnotisme.
Si on l'hypnotise, en effet, on assiste à une transformation complète. Une fois dans cet état, lorsqu'on l'interroge, on coa-laie alors qu'ello se souvient do tout ce qui a été dit ou fait devant elle. Elle peut lire, compter; elle reconnaît les élève» du servico et nomme certains d'entre eux par leur nom; elle reconnaît également ses voisines de lit qui, tout à l'heure, étaient pour elle des étrangères. Et sa mémoire ne s'étend pas seulement aux choses du Jour : elle raconta l'épisode du chien enragé qui s'est passée le 30 octobre, par conséquent dans la période d'amnésie antérograde et à une époque à laquelle elle ne faisait les choses qu'elle avait a faire qu'a la condition de les inscrire, fous peine de les oublior immédiatement. Enfin, ello se souvient des circonstances les plus minutieuses de son traitement à l'Institut Pasteur, de son séjour chez ses amis, de ses promenades dan* Pari*, etc. Cet état se maintient tant qu'elle est endormie, mais elle retombe dans son état primitif aussitôt qu'on la réveille.
Il s'agit, on le voit, d'un état très particulier qui diffère beaucoup de certains états analogues, lesquels s'en rapprochent pourtant par certains caractères. 11 diffère de l'aranésio rétrograde ordinaire par l'existence de l'amnésie actuelle ou antérograde; il diffère aussi de cet eut particulier qu'où a désigné sous le nom de condition seconde par plusieurs caractères et «urtout par cette circonstance que, dans la condition seconde, il n'y a aucun rapport entre les deux personnalités qui se succèdent chez lu même individu, tandis qu'ici la perte de la personnalité est limitée à une période relativement courte de l'existence, cl que -la mémoire peut rattacher ensemble la période actuelle et la période antérieure à t*amné*ie.
Pour expliquer maintenant ces phénomènes il est à remarquer que les accidents ont débute à la Un d'une violente attaque hystérique; or, on sait que les différentes périodes de l'attaquo hystérique so transforment, m prolongent; ce que l'on appelle le somnambulisme hystérique parait en cire une transformation : il en est de même du vigilambulitme; de wllo sorte qu'on peui se demander s'il ne s'agit pas ici de la prolongation d'une attaque à forme particulière. Les phénomènes de ce genre qui surviennent après une crise disparaissent oureot après une nouvelle crise, et l'on pourrait conclure à l'utilité d'en provoquer
une; mais ici l'absence de zone hétérogène rend l'emploi de ce moyen
impossible
D'ailleurs, les tentatives de suggestion qu'on a faites pendant le sommeil hypnotique ont donné quelques résultats; on continuer» à agir dans le même sens et peut-être arrivera-l-ou à modifier aio»! cet état dont le pronostic ne peut être considéré comme tré» grave, puisque la conservation de la mémoire qm, au premier abord, paraît si profondément altérée, est au contraire certaine. (D'après le Journal de Médecine et de Chirurgie pratiques.)
Diabète insipide guéri par la suggestion. — Société Médicale des Hôpitaux. (Séance du 11 mars 1892
M. A, Mathieu. — J'ai, l'an dernier Bulletin médical. 1891, p. 1074), entretenu sommairement la Société d'un homme de trente ans atteint de ce qu'où pourrait appeler la grande polyurîe névropathique ; il rendait, en effet de 22 à 25 litres d'urine lorsqu'il n'était soumis à aucune intervention thérapeutique. | Était-ce un hystérique ou un névropathe non hystérique, et, plus particuliè— rement un dégénéré héréditaire?
Il était assez difficile de se prononcer, chacune de ces trois suppositions ayant quelque argument pour elle. Quoi qu'il en soit, sous l'influença de l'extrait de -valeriane (6 gr. par jour), le taux des urines s'était abaissé a 14 litres. Le malade quitta alors le service de M. Lancereaux, mais il y revint le 14 Janvier dernier.
A cette époque. H... urinait de nouveau 25 litres par jour; la densité do l'urine mesurée immédiatement après la miction était sensiblement la même que la densité de l'urine mixte des vingt quatre heures, ce qui excluait toute simulation. J'avais trouvé, de mon coté, autrefois que l'urée dosée dans l'urine directement recueillie et dan» le bocal s'élevait sensiblement au même taux. En outre, j'ai vu le malade émettre, d'un seul coup, 2 litres 1/2 d'urine, ce qui, non plus, ne se simule pas.
Avec cela, bon appétit, on certain degré de polyphagie. une polydipsie impérieuse, surtout la nuit. Aucune lésion organique appréciable, ni sucre, ni albumine.
Le 26 janvier. M. Lancercaux prescrivit 4 gr de phénacétine. Ce médicament fut pris pendant deux jours en solution; l'urine diminua un peu, elle descendit à 21 litres.
Au bout do ces deux jours, la potion fut remplacée par des cachets, mais à l'insu de tout le monde, même de M. Lancereaux, M. Thiroloix, interne du service, fit remplacer la phénacétine par du chlorure de sodium. On en donna 1 gr. 50, puis 2 gr.. puis 2 gr. 50. Le résultat fut remarquable : le 9 février, l'urine était à 9 litres; à S litres le 11. Après quelques oscillations aux environs de 7 litres, elle retomba à 5 litres les 20, 21 et 22 février. Sa densité s'était élevée en même temps que s'abaissait sa quantité. II n'y avait donc pas eu manoeuvre frauduleuse dans ce sens, non plus que dans le sens de la polyurie.
Tout le monde était émerveillé, lorsque M. Thiroloix fit connaître la substitution opérée par lui. Du coup, la charme fut rompu et. tout aussitôt, les urines reprirent une marché ascendante. Le 29 février, elles étaient à 9 litres.
Plus vexé d'avoir été trompé que satisfait d'avoir été amélioré, le malade quitta !e service.
L'influence positive de ce qu'on pourrait appeler la suggestion par illusion, par opposition A la suggestion impérative est, dans ce cas, aussi nette que possible. Chez un grand poljurique de cet ordre, c'est uu fait des plus intéressants. Les hystériques polyariques cités par M. Debove, par M. Babinski et par moi-même, n'urinaient que 5 a 8 litres par jour. Si le malade dont Je viens de vous
entretenir est également rangé parmi les hystériques, il en résulterait que cette moyenne n'a rien d'absolu et qu'elle peut être notablement dépassée.
MM. Dcbove et Babinski ont soutenu récemment ici cette idée, que la polyurie pouvait être le seul facteur appréciable de l'hystérie; l'influence si nette de la suggestion dans le ca* que je viens de vous rapporter est un* nouvel argument clinique en faveur de leur façon de voir.
VARIÉTÉS
Les possédées et les démoniaques à Genève, au svrr» siècle, par M. 'e D' Paul Ladiub-sim¡ (1)
Après l'ingestion des aliments et des boissons, ce sont les attouchements, les coups, un regard de travers, une mauvaise rencontre, un méchant rêve, une menace, une simple parole et surtout le souffle d'un sorcier ou d'une sorcière qui donnaient le plus facilement les démons.
En 1631 il y avait à Genève un ménage bourguignon, Jehan Vatrin et sa , femme, octogénaire* tous deux, fortement soupçonnés de sorcellerie et qui donnèrent beaucoup & faire à la justice du temps.
Entre autres maléfices, Jehan avait donné les démons à la femme de François Godet, en la touchant au col; et comme on demandait à la mère de la démoniaque, et en présence de celle-ci, si les démons nommaient celui qui les avait mis an corps de sa fille « au mesme instant iceox démons dirent à la déposante (qui avait fait cette question indiscrète) : P....., carogne (et autres injures démoniaques impossibles à redire) la créature t'a desja souvent dit que c'est Jehan Vatrin qui nous a mis icy » ; etc.
La pièce suivante, sans date, signée par la mère de la malade et annexée au procès, donne quelques détails sur les premiers symptômes que ressentit la possédée après avoir été touchée par le sorcier.
« La mère de la poure affligée fait un sommaire récit de ce qui est à noter depuis l'heure de l'attouchement qui fut le Vendredy devant le tirage du Roy de l'Arc, ladite affligée estant devant la boutique de Jehan Vastrin, il la toucha sur le col, et ce mesme temps elle fust appelée par sa mère à laquelle elle respondit qu'elle n'avait que faire d'aller vers elle, ce nonobstant elle monta en en haut, où estant toute esmué", se print (prit) à luy dire qu'elle n'avoit fait que deux pas en montant les degrés, et no scavoit que c'est qui la porloit, et despuis que ledit Jehan l'avoit touchée, à l'heure mesme, elle sen toit un nombre de fourmis à l'endroit où elle avoit esté touchée et puis s'espandil par tout son
corps, à l'instant H luy print une envie de vomir..... Le lendemain qui fust le
Sabmedy elle s'efforça d'aller au marché, où trouvant sa mère-grand luy dit que despuis que Jehan l'avait touchée le jour auparavant elle sentit de grands fourmillements et douleurs en son corps, de quoy on taschoit de la deslourner pour ne pas l'affliger davantage. Finalement le Dimanche suyvant qui fust le lendemain, elle demeura entièrement arrestée au lict, malade et oppressée de grandes suffocations de gorge, criant toujours ¦ le mauvais Jehan «, et du despuis a esté toujours tourmentée par divers accidents auxquels on remédioit, mais frustratoiremenl. »
Cn autre témoin dit que parfois la démoniaque avait de grandes attaques pendait le«qaelles elle se jetait à terre.
(ij Voir Htvxu de Cllypnoti*me, n- î' et lu.
Le prétendu Aoreier, interrogé minutieusement, nia de tontes se* forces le maléfice. Il finit par dire qu'il n'avait jamais toucbé eette femme ¦ au péril de sa vie ».
« Interroguê. S'il a pas sceu que les démons disoyont ouvertement que Jehan Vatrin esloil leur maistre ? Respondit n'en rien scavoir et que bien qu'ils l*au-royeni dit qu'il n'est pas vray, qu'il est autant homme de bien que point qu'il y en ait dans Genève.
• /. S'il a pas aussy sceu que les démons qui parloyent en elle à mesme instant que son mari le baltoit proche de Chesne, ils dirent que son mari battoit leur maistre ? fl. Ne l'avoir sceu, qu'il n'a à faire avec les démons et que justice luy soit faicte de ce que son mari luy a brisé les os et répandu son sang.
t /. S'il a pas sceu qu'elle est affligée des démons ? R. Que Dieu la guérisse : résistez à Satan et il vous fuira. Qu'il faudra plustost attribuer cela à son mari qui c-\ ung renieur, un blasphémateur du nom de Dieu et sans religion, qu'il a violé le droict qui appartient à la Seigneurie, l'ayant battu, appelé vieux sorcier, vieux bougre, qu'il est homme de bien, et ne fust oneques repris ni en justice ni au consistoire.
« /. S'il scait pas qu'il y a des démons ? R. Qu'il scait qu'il y a des diables, que Notre Seigneur Jésus-Christ en fist sortir une légion du corps d'ung pauvre homme qui entrèrent dans des pourceaux.
« /. Si le diable luy a jamais apparu ? R. Que non.
• /. En quelle forme il luy a paru ? /(. Qu'il ne s'est jamais présenté à luy. » La femme du sorcier fut mise à la torture sans avouer davantage que son mari
et tous deux furent bannis sous peine de mort.
Une sorcière de Saint-Cergues, sous les Voirons, fut aussi poursuivie en 162T pour des maléfices semblables. Elle avait rencontré au village de Sionnet une fille d'environ quinze ans et lui avait donné les démons en la touchant à la jambe, sous prétexte de lui prendre mesure. C'est la mère de la jeune démoniaque qui raconte l'aventure.
€ Il y a environ un an que-ladite Perneite ayant rencontré une fille de la déposante luy dit qu'elle s'approchât d'elle et qu'elle vouloit luy mesurer la jambe pour savoir si elle l'avoil aussi haute qu'elle, ce que ladite fille ayant permis, ei l'ayant la Pernette mesurée avec une chevonotle, ayant dit par deux fois : « Par Dieu, tu l'as aussy haute que moy », quinze jours apprès sadite fille tomba extrêmement malade, mesmemenl ses jambes et particulièremeul celle qui avoit esté mesurée devint extrêmement enfle et couverte d'ampoulles violettes, et que autre lesdits enflures et ampoulles (troubles trophiques) sadite fille se plaignait qu'il y avoit quelque chose qui luy courait par le corps, mesme jusqu'au bout des ongles, de sorte qu'un chascun Jugeoit qu'elle avoit les démons, auquel estai elle est demeurée tout l'hyver passé en très piteux estai. »
Le cas suivant est un exemple de ceUe étrange maladie de nature hystérique, nommée mal det abois, très fréquente au moyen âge, surtout dans les couvents, où elle était épidémique. Ce mal était considéré comme résultant de la possession démoniaque. Chez la malade dont nous allons parler, il avait été causé par la menace d'un sorcier, avec lequel elle avait eu une dispute.
C'était à Peney, en janvier 1627. Deux frères, Jean et Henri Fossaux, étaient soupçonnés depuis longtemps de sorcellerie. Un jour, Henri eut une dispute avec un habitant du village; la femme de ce dernier excitant son mari contre le prétendu sorcier, celui-ci, en grand danger d'être roué de coups de bâton, s'enfuit en criani à la femme : « Je te retrouverai bien, lu t'en repentiras », et que de»-puis ladite femme ne s'est jamais bien portée et qu'elle frémissait toute en son corps. Quelqu'un s'avisa de lui demander : « Qui vous a misées meschanu? » Aussitôt les démons commencèrent à parler et dirent : « I* voilà, le voilà, le chien de noslre maistre ». monstrant un petil chien appartenant à Henri F.. • nous lu nommerons assez. »
Plusieurs témoins racontent que celte femme est exIraordinairement tourmentée quand le chien aboyé, comme aussi quand le coq dudit Henri chante.
Ainsi Bernard de &ittignj. habitant à Pigney, » â.ré d'environ quarants ans, ensuite du serment par luy preste dil et dépose :
« Que passant auprès de la maison do la démoniaque, et mesme dès sa maison qui est proche d'icelle, il ouyt japper tellement qu'estimant que ce fust un chien appartenant à Henri F., et oyant qu'on jappoit tout incontinent après que ledit chien avoit jappé, il estimait que ce fust un des enfans de son voisin qui voutust contrefaire 1 aboyement dudit chien, mais le lendemain la femme de luy qui dépose luy dit que c'estoii la femme du voisin qui esloit possédée des malins esprits, lesquels hurloyent et contrefaisoyent le chien dudit Fossaux.
« Michel, de Penoy, fils de feu Anihoine, 35 an*, ajoute à cette déposition, qu'il demeure proche la maison de la démoniaque, et qu'il entend toutes les nuils ceUe femme, laquelle quand les coqs chantent, hurle et aboyé comme ung chien, et particulièrement lorsque le ehien de Henri Fossaux aboyé, et qu'elle ne se tourmente point quand le* autres chiens nboyent, et que chascuug soupçonne que ledit F. luy a donné le mal, et avoir ouy dire que ledit F. avoit heu dispu'.e avec ladite femme, et qua lors qu'on luy demande qui luy a donné le mal, elle dit, en se tourmentant et hurlant : J e le diray. je te diray ; il n'est pas loing, en se tournant du costé de la maison dudit Fossaux, là proche, sans le nommer. •
Transportons-nous maintenant à l'autre bout du canton. Le lor février 1625 un procè* s'instruit contre une nommée Louyse, sage-femme de Céligny. soupçonnée d'avoir mis les diables au corps d'une fille de Genève, en lui soufflant dans l'oreille. Les informations judiciaires furent prises par le € Chastelain et Curial de Sellignj et lieux adjoints ». Nous en reproduisons quelques passages :
• Premièrement, honorable Guilliaume, fils de François, citoyen de Genève, aagé de 25 ans, a déposé estre vray que Sabmedi dernier il y a quinze jours, que testant ledit déposant apperceu du bruict en la maison d'honorable Isaac Bichon, en ceste cité, il y accoureu ci auroit trouvé en ladite maison Française, lïllia dudit Isaac, laquelle estoil possédée et tourmentée par les démons et sur l'exhortation que ledit déposant luy Lise lors, qui l'a voit donné et mis ces démons, ladi-t; Françoise lui fist declairalion que c'estoit la Louyse de Selliguj qui les luy avoit donnés avec le souille, et qu'on l'amènerait dès ScIIignj, liée avec des cordes en ceste ville, et qu'en brief ou la brusleroit ».
Un autre témoin ajoute * que ladite fille estoil si grandement tourmentée desdits démons qu'elle e>ioil poussée par iceux de se jetier par les feuestres eu ba« de ladite maison, mais qu'elle en avoit esté empeschée do ce faire, retenue par ledit Isaac, son père ».
Dès qu'un démouiaque était signalé, les ministres allaient lui rendre visite et loi apportaient des consolations ainsi qu'à la famille éprouvée. A l'occasion de la G11«? d'Isaac Bichon, un témoin oculaire raconte que ¦ à l'instant estant arrivé speciable Es tienne Gros, ministre de la parolle de Dieu, pour conseilc ladite Françoise, icelle après plusieurs ebimagrées et gestes horribles cl extraordinaires qu'elle fai«oit, avoit réitéré la même déclairation que c'estoit la Louyse qui les luy avoit donnés îles démons), en luy soufflant en l'oreille ».
La présence des pasteurs avait parfois pour effet la recrudescence des crises et des convulsions démoniaques. 11 en était de même lorsqu'on lisait au possédé des passages de la sainte Écriture, ou si on lui récitait des prières. L'horreur du prêtre est encore considérée, chez les catholiques, comme le signe caractéristique de la posscs-ion démoniaque (IV.
(!) Y. l'abbé Moreau. /,7/y."'!"'>/'.(. r.:udcaelentulqae et religieuse. Paris 1891, p. 53y.
Un autre signe qui passait aussi pour tout à fait earactérli tique de la possession, « était le don de* langue*. Il n'y avait que les démon», pensait-on, qui pouvaient parlor des langues étrangères et répondre aux questions qui leur étaient posée* dans une langue censée inconnue au démoniaque. Le phénomène s'observe dans plusieurs maladies menules, dan* l'hystérie, dans le délire de la fièvre et dans le somnambulisme. Les maniaques, les agités emploient volontiers des mou ou des phrase* de langues étrangère*. On a vo des malades réciter d'assex longs morceaui de latin, de grec ou d'hébreu, et qui parlaient à peine convenablement leur propre langue lorsqu'ils avaient recouvré leur santé. Il arrive ainsi qu'une langue, entendue pendant la première enfance cl tout à fait oubliée depuis, revient subitement à la mémoire d'uoe personne dans on moment de trouble cérébral. On en trouvera de nombreux cas cité* dans les anteurs l).
on rencontre des observations analogues dans les procès de sorcelleries. Chez non*, dans la Suisse romande, la langue étrangère par excellence qui était comprise et parlée par le* démoniaques, c'était l'allemand. Kn voici un exemple :
« Damoiselle Jehanne Baptiste, aagée d'environ 60 an«, dépose que la femme d'Henri Chalando, potsé-lée des démons, avant cilo amenée en sa maison pour luy bailler à boire certaines eaux, incontinent après que ladite femme les cun beues, les démons parlèrent en elle disant que c'estoit la femme Anlonia qui les avait mis dans le corps de ladite Chalande, et que inesinc elle déposante leur ayant parlé en allemand, elle leur respondit en mtsme langue allemande. Adjouste que la chambrière de ladite démoniaque alla par le commandement d'elle qui dépose quénr du pain de ladite Anton h. qui aroit fait an foor pour scavoir si les démons le reeognoisiroyent, et à cest effect tin un pain cuit à ladite femme Chalando de son pain, dans lequel pain cuit elle mit un morceau de celui de ladite Antonio, sans toutefois qu'icelle Chalande l'eust veu me'tre. car elle esloit en une autre chambre, et néanmoin* luy estant présenté ledit pain cuit pour en manger, les démons dirent que c'estoit du pain de leur mais-tresse et qu'il y en «voit dedans et n'en vonlust manger que par force. Et aut'e n'a dit sinon que elle déposante a esté présente lorsque le fils du sieur Adelharde parloit à ladite démoniaque en allemand et qu'elle leur re*pondit en mesme langage, en estant pressée, et que ce fust en cinq ou six paroles ».
II parait que cos prodiges ne parurent pas concluants aux magistrats; car malgré une déposition aussi accablante, la prétendue sorcière fut libérée, tous les autres témoins ayant déposé en sa faveur, tandis qu'il» chargeaient la démoniaque, la dépeignant unanimement comme une femme qucrclleuM et cherchant noise à tous ses voisin*. Ce fut aussi pour la première fois, lo 18 juillet 101j. qu'une libération fut prononcée dans un procès de sorcellerie à Genève, sans être suivie de bannissement.
la POS3KSSIOS, SES STMFTÔMES 8t SES WANIVBSI Al IONS
La possession te comportait comme une maladie contagieuse. Ouand on signalait quelque part un démoniaque, il s'en trouvait bientôt un grand nombre. \.i peur superstitieuse a toujours été le terrain favorable à l'éclosion des suggestions diabolique*.
Au commencement du dix-septième siècle, le Consistoire de Genève dut prendre à diverse* reprises des mesure.* dans le but d'arrêter la propagation de* démoniaques. une de e*s mesures nous parait particulièrement intéressante. On sait qu'il n'exi*tait à cotto époque nulle part des asiles d'aliéné*. Or, d'aprè* le*
(I) Jeu ai cil"1 dans mon livre, La AVrrow hypnotfyur. Genève, 1831. Voir aussi Th. Ribot, Lei Maladit$ dê la méaoirt.
registres de l'an 1607, nous voyous que, dans la séance du Consistoire du 7 octobre, il fut question de réunir les démoniaques dans une même localité pour mieux les observer, et dans le but aussi, évidemment, d'empêcher leur multiplication. Nous lisons, en effet, dans le registre, à cette date :
« Du 7 octobre 1607. — Proposé qu'il y a plusieurs démoniaques en la rue du Boule (rue do la Fontaine actuelle) jusqu'au nombre de dix et sept, et que plusieurs bruicts et amas de gens qui parmi la ville courent avec scandale, et qu'il seroit besoing d'y pourvoir en les resserrant on tennnl en un lieu tous ensemble pour les recognoistre. Avis que Messieurs seront priés d'y pourvoir et que'de nostrecosté nous tascherons tous de céans à faire nostre debvoir par visites et prières. »
Le 15 octobre suivant, le nombre des possédés avant sensiblement augmenté, le Consistoire décide : Proposé que touchant la multitude des démoniaques qu'il y a en eeste ville, il auroit esté advisé que l'on ferait prières particulièrement ès temples, ce que messieurs les ministres ont promis. *
A la même époque le Consistoire se vit obligé de prendre des mesures d'ordre pour empêcher les démoniaques de troubler le culte et surtout la cérémonie de la Sainte-Cène, où ils étaient souvent une occasion de scandale.
« Du 31 décembre 1607. — Proposé que la Ûlle de feu égrège Isaac Iamin, mariée à Henri Vauuicr, ayant les mauvais démons, fut dimanche matin à la Cène, où elle fit des troubles et comme abboyemenls dont plusieurs s'offensent, avisé que ebascun pasteur en son quartier fera debvoir de visiter les siens pour les consoier. »
« Du Jeudy 12 d'avril 1610 — a esté proposé que plusieurs démoniaques se présentent à la Cène et avec hurlements, criements, et que avec des saults s'eslancent avec bruict. Avisé que pour le présent on n'empesebe lesdils démoniaques de participer à la Sainte-Cène, mais qu'il* seront exhortés de venir les derniers à la Cène et à la première Cène de peur de scandale. >
(A suivre.)
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie.
La Société d'hypnologie se réunira le lundi 9 mai. à quatre heures et demie précises, au palais de* Sociétés savantes. 28. rue Serpente, sous la présidence de M. le D' Dumontpallier :
1* Lectures et communications diverses. — Desjardins de Hégla : Le Ha*chich et la suggestion. — Bérillon : Chorée suggérée, etc.;
2* Présentation de malades ;
3' Vote sur l'admission de nouveaux membres:
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, rue de Hiroli, 40 bie.
Enseignement do l'hypnotisme et do la psychologie physiologique.
IxsTiTUT r-sYGHO-PHTSioLooiQCB os Paftts, 49, rue Saint-Aniré-Jes-Arts. — L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1891 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronnage de savants et de professeurs autorisés, est destiné a fournir eux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent.
Une clinique de maladies nerveuses esi annexée a l'Institut psycho physiologique. Les cousultations gratuites ont lieu les mardis, jeudis et samedis, de 10 heures a midi. Les médecins ci étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister. Le samedi, à dix heures et demie, leçon clinique.
Le Dr Bérillon fera, à partir do samedi 14 mai, une série de leçons sur la Psychologie de l'enfant et les applications de la suggestion à la pédagogie.
Sorbonne. — M. Charles Henry, maître de conférences à l'École pratique des Hautes Ê'udes, a ouvert à la Sorbonne. le vendredi 23 mars, un cours sur la Physiologie générale des Sensations. — Des exercices pratiques sur les matières du cours ont lieu le samedi, a onse heures du malin, au Laboratoire de Psychologie pbysiolojrique.
— M. Jules Soury, maître de conférences à l'École pratique des Hautes Études. a repris le lundi 21 avril, à quatre heures el demie, son cours sur l'histoire des doctrines de psychologie psychologiques contemporaines, en particulier les théories les plus récentes sur les hallucinations. 11 le continuera les lundis suivants. Le vendredi, à quatre heures et demie, il étudiera chez Luuciani diverses questions de psychologie physiologique* relatives au cervelet.
Salpétrière. — MM. les Dr A. Dutil, chef do clinique, et Paul Blocq, chef des travaux anaiomo-pathologiques. commenceront à la Salpetrière un cours clinique sur tes maladies du système nerveux, a partir du 2 mai.
Le cours aura lieu quatre fois par semaine et sera complet en vingt leçons. Les é'èves, dont le nombre sera limité, seront exercés individuellement à l'examen des malades.
S'adresser pour se faire inscrire à M. A. Dutil, à la Salpetrière.
Université db Genève. — M. le Dr Flournoy vient d'être nommé professeur de la chaire extraordinaire do Psychologie expérimentale, créée il y a quelques mois à la Faculté des Sciences de l'Université de Genève. Le Dr Flournoy y a adjoint de sou initiative privée un laboratoire qui est ouvert aux étudiants depuis le 15 février.
L'universitÉ de Zurich. — M. le professeur Forel, professeur de psychiatrie et médecin en ebef de l'Asile d'aliénés, consacre une partie de son enseignement à 1 élude de l'hypnotisme et de la psychologie.
Conférences a la Société royale de londres — Le 24 mars, M. le pro-
fesseur Mosso [de Turin) a fait, à la Société royale de Londres, dans la grande nef de Burlington-Hou«e, une conférence magistrale sur les phénomènes psychiques et sur la température du cerveau. Il a montré de nombreux tracés qui prouvent que le cerveau est un des organes où l'on rencontre la production de calorique la plus intense.
Ècole dentaire db Paris. — Le 3 avril, M. le Dr Bérillon a fait, à la séance mensuelle de la Société odontalgique, à l'École dentaire de Paris, une conférence sur l'Hypnotisme et la psychologie de la douleur.
Cette conférence était accompagnée de nombreuses projections à la lumière oxydrique.
Un «aux témoignage suggéré.
Un de nos correspondants nous adresse la note suivaate, très instructive :
Monsieur le Directeur, Permettez-moi dappor.er un nouveau fait a la série de ceux sur lesquels vous vous appuyez pour condamner l'importance que l'on accorde aux déclarations
des entants dans les enquêtes judiciaires.
Au mois de janvier dernier, à S.-L,- (Loire-Infeneure). Mme M...., habitant village de Ker l..., était accusée d'avoir volé on portefeuille contenant francs.
mais il o'y avait contre elle que des présomptions insuffisantes, et les gendarme* de la brigade d'il... cherchaient une autre piste, quand Ils eurent la pensée d'interroger le Qls de M"* M..., enfant d'environ huit ans, qui tToua que sa mère avait réellement volé le portefeuille. Ses affirmations devinrent si catégorique* que la pauvre femme allait être incarcérée, juacd une circonstance fit découvrir le véritable auteur du vol, une femme M..., de Ker D... qui fut condamnée a un an de prison.
Cet enfant, au dire de* voisins, n'avait aucun motif d'»n vouloir à sa mère que. d'ailleurs, il aimait beaucoup. Quand on lui reprochait d'avoir menti, a repondait : « J'avais peur qu'ils (les gendarmes] ne m'emmènent, et puis ils m'ont embrouillé s.
S..., 4 avril IKii.
V. E...
Lab faits epiritiques devant la presse.
Comme il fallait s'y attendre, l'article publié par le professeur I.ombroso dans le dernier numéro de la Revue de ? Hypnotisme, sur le* Phénomènes spiritlqne* et leur explication psrthiatique, devrait exciter la verro de nos chroniqueurs pour lesquels, H est Juste de le reconnaître, il n'est rien de sacré. Voici comment s'explique un de nos spirituels écrivains, M. Paul Foueher. au sujet des expériences de M. I.ombroso :
Cet illustre transalpin a vu, de ses veux vu. des choses qui lui ont paru extraordinaires. Sous l'.nflue:ice d'un médium en jupons qui s'appelle la Kusapia. les table* ont valsé, une sonnette s'est promenée en l'air en tintant et de petites mains sont venues tirer la barbe et les cheveux des personnes les plus graves de la société, tandis que d'autres mains mystérieuses applaudissaient. Ce n'est pas tout : un gros meuble**'est mis à remuer lentement et à «e diriger vers le savant. Il ressemblait, — le gros meuble, — à un énorme pachyderme qui aurait cavalcade du côté de M. Ix>mbroso.
Ce sont là des phénomènes trop intéressants pour qu'on ne songe pas à les utiliser. Il eut certain que la Eusapia serait une personne précieuse dans uu déménagement. Sous sou influence, les meubles se ineuraicni d'eux-mêmes à descendro l'escalier et on les verrait s'acheminer en longues files vers le nouveau local. Los gros meubles pourraient être employés, selon leur solidité ou luur élégance, à traîner des charrettes ou des landaus. Plus de chevaux! On entendrait M. Lombroso dire à son cocher:
— Félix, Je vais faire un tour en voiture: attelez le buuei-élagèrol
Les vieux mobiliers en acajou serviraient à traîner les fiacres, tandis que les voitures de maîtres seraient tirées par des pianos à queue attelés à la Daumout. Knlln, dans l'allée des Acacias, de gracieux cavaliers, montés sur de fringante* commodes-toilette*, salueraient au passage de fines amazones mondaines chevauchant de* table* de nuit en bois de rose.
Je ne vois pas à quoi pourraient servir les sonnettes qui tintent toutes seules; mais les mains qui applaudissent seraient très appréciée» au théâtre. Elles remplaceraient économiquement la claque pour les comédiens de second ordre.
J'ai oublié de dire que, au cours de ces expérience', de petites flammes jao—. nâires voltigeaient au-dessus de la tète de M. Lombroso et au-de»»u» du crâne d un autre docteur, M. Tamburini. Tous deux le constatèrent réciproquement:
— Tiens, vous avez de petites flammes jaunâtres sur la tète...
— Mais vous aussi, mon'cher, vous aussi !
Us prirent d'ailleurs la chose avec philosophie, en songeant que eo n'était que momentané. Personne n'aimerait à être à tout jamais transformé en veilleuse. Je sait bien qu'on aurait la satisfaction de donner aux passants, rien qu'en te découvrant et en inclinant la tête, du feu pour allumer leurs cigarci>; mais cette
occapation peut sembler médiocrement compatible arec la dignité d'un savant illustre.
Telle sont (d'aprèt le récit de Paul Foucberj les dernières nouvelles des science* occultes, — j'entends des sciences occultes sérieuses, non de celles qui passionnent nos Pcladans asphaltiques. — Qui peut dire où s'arrêtera l'esprit humain dans sa lente ascension vers la lumière?
Un guérissenr en Allemagne.
Il existe en ce moment, dans une bourgade bavaroise, à Wœrishofen, un vieux curé guérisseur, Agé de soixante-et-onze ans, l'abbé Kneipp, qui est l'objet d'une vogue tout à fait surprenante, attirant chaque année autour de lui plus de trente mille malades, vendant ses ouvrages au nombre de trois cent mille exemplaires en moins de quatre ans, considéré enfin comme le créateur d'un svstèrae complet d"hygiène et de thérapeutique, pour l'application duquel, dans presque toutes les villes d'Allemagne, on fonde des Inttituls Kneipp.
L'abbé Kneipp est surtout un hydrothérapeule, et sa pratique consiste à conseiller des bains chauds ou froids, aromatiques ou simples; des bains de vapeur, des aflusions, des lotions, le maillot mouillé, etc., à l'aide desquels il prétend guérir toutes les maladies guérissables. Cité deux fois à comparaître devant un tribunal pour exercice illégal de la médecine, l'abbé Kneipp a été acquitté deux fois.
L'abbé Kneipp est hygiéniste aussi. Naturellement, il préconise l'endurcisse— • ment par l'hydrothérapie froide ; il veut que le? petits enfants marchent nu-pieds, conseille d'habiter des logis largement ensoleillés et aérés; condamne l'usage du tabac et de l'alcool; vante ta sobriété; préfère le café de glands au café ordinaire; tonne contre la bassinoire et vante les bienfaits de la fenêtre entrouverte la nuit.
Tout cela est fort bien, et il nous semble même que nos médecins cl hygiénistes nous donnent, a l'occasion, des conseils assez semblables à ceux de l'abbé Kneipp. Mais il parait que, lorsque ces choses sont dites par un vieux curé, dans un village situé au fond de la Bavière, elles ont une vertu toute spéciale.
Nous allions oublier cependant un point important. L'abbé Kneipp n'aime pas la laine, et la seule chemise qu'il tolère est celle de nos grands •parents : la chemise de toile grossière, à peine plus fine que celle dont on confectionne les sacs à blé. Aussi, de même quo tout le monde en Allemagne a voulu porter de la laine Jœger, voici maintenantque tout le monde veut porter de la toile Kneipp, pour la fabrication de laquelle des usines s'élèvent de tous côtés, à Memmingen, à Augsbourg, à Fulda, à Munster, à Wuertzbourget même à Vienne.
Il y a aussi le pain Kneipp, le café Kneipp ei l'almanach Kneippl
En résumé, l'abbé Kneipp est un homme qui a deviné la puissance de la suggestion ei qui a compris qu'en l'appliquant à l'hygiène, il obtiendrait des cures merveilleuses. B est seulement regrettable que des empiriques tracent parfois la voie que des médecins n'ont pas osé suivre avant eux.
Le choc nerveux consécutif aux explosions de dynamite.
Les explosions de dynamite étant à l'ordre du jour, il n'est pas sans intérêt de connaître l'influence qu'elles exercent sur l'encéphale des êtres vivants, à la suite des vibrations transmises par le milieu ambiant.
M. Begnard vient d'exposer à la Société de Biologie do Paris les expériences auxquelles il s'est livré à ce propos. Comme l'eau transmet beaucoup mieux les vibrations que l'air, Il a expérimenté dans une mare, où il a fait éclater 30 gr. de dynamite. Aussitôt après l'explosion, des poissons, des grenouilles, des
têtards apparurent sur l'eau, comme s'ils étaient morts. Au moindre contact, ces animaux revenaient à la vie et échappaient â la main qui voulait les saisir, soit au bord de l'eau, soit dans une épuisette : ils no présentaient aucune lésion.
L'effet de l'explosion s'est propagé dans un rayon de 50 ou 60 mètres, en produisant sur les animaux compris dans cet espace une sidération du système nerveux, un véritable shoeb, dû à la transmission des vibrations.
Les animaux reviennent à la vie spontanément et souvent au bout de peu de temps.
Les pécheurs à la dynamite sont au courant de ces particularités et prennent leurs précautions pour ne pas laisser échapper les poissons sidérés.
Ainsi, la dynamite agit, non seulement par la masse des gaz qu'elle dégage, mais aussi par la vibration qu'elle communique aux corps qui sont dans son voisinage. Cette vibration a pour caractère d'être brisante pour les corps en contact avec la dynamite, ou très voisins du foyer de l'explosion. Ainsi l'on sait qu'une cartouche de dynamite, simplement posée sur une barre de fer, brise cette barre en mille morceaux sans qu'il y ait eu le moindre bourrage, comme cela eût été nécessaire avec la poudre noire, par exemple. C'est évidemment cette vibration explosive qui se transmet au système nerveux des animaux éloignes du foyer de l'explosion, mais trop peu d'intensité pour qu'il en puisse résulter de graves dommages.
A la suite des explosions de grisou, on observe des phénomènes tout â fait comparables aux précédents : on trouve, en effet, dans la plupart des cas, quelques ouvriers étendus sur le sol sans aucune connaissance, mais dont le cœur bat, et chez lesquels l'examen le plus scrupuleux ne peut révéler la moindre lésion. Bien plus, parfois ces individus sont tombés dan* un endroit où l'explosion n'a pas produit le moindre dégât matériel. On doit donc admettre qu'ils ont subi seulement lo choc nerveux, et qu'ils sont sous le coup d'une sorte d'inhibition cérébrale.
Ces troubles, qui peuvent disparaître rapidement, laissent cependant parfois des traces qui.persistent pendant plusieurs mois; mais on s'accorde pour considérer ce cAoc spécial, dans la majorité des cas, comme purement psychique.
Traitement de l'impuissance virile.
Les causes de l'impuissance virile sont multiples et il ne saurait être question do traiter tous les cas d'une manière uniforme.
Quand celte mesure est paralytique, comme on l'observe dans le tabe*, on a obtenu parfois un certain succès par la suspension. Mais, d'après M. Gynrko-vechky, on n'observe alors qu'une amélioration absolument transitoire. I.a suspension, quel que soit son mode d'action, a cependant une influence précise sur les fonctions sexuelles; appliquée à des individus sains, elle leur a produit une suractivité génitale, et II y aurait lieu de l'expérimenter contre la frigidité si fréquente chez les femme*. Ce procédé de traitement a plusieurs fois produit une guérison complète de l'im puissance chez les neurasthénique*.
L'impai**anee virile peut être liée â l'asthme ou à une affection nasale; le coryza intense pourrait même la causer momentanément. Le rôio de l'odorat, au point de vue génital, paraît démontré par l'expérience suivante de Schiff: ils enlevé les nerfs olfactif» de jeunes chiens et ceux-ci se sont montrés ultérieurement indifférents vis-à-vis d'animaux de sexe opposé; la perte de la vue n'aurait pas de semblables résultat* (ïîaotcgazza). Inutile d'insister sur les déductions thérapeutiques à tirer de ces faits.
La blenoorragie, quand elle dure longtemps, peut amener un affaiblissement du sens génital. L'urine a sur l'urèthre malade une action irritante qui prolonge la maladie. Pour obvier a cet inconvénient, M. Giurkovechky conseille, a la période chronique, de calhéiériser le malade trois fois par Jour avec une soude
enduite de baarae de copahu. La période terminale de la maladie aérait abrégée par ce traitement facile à «apporter. «
Mai* la cause la plus ordinaire de l'impuissance serait l'onanisme et le* pollutions pathologique» qui en sont la conséquence. C'est la sugge»tion hypnotique qui a donné le» résultats les meilleurs, tant contre les pollution» habituelles qae contre l'onanisme. On peut presque toujours, en quelques séances, taire cesser les habitudes onanlstiques le* plus invétérées, et ramener le fonctionnement normal do sens génital depuis longtemps disparu. ( Wien. rned. Preste, n. 46 et 47.)
La tarentule.
Aujourd'hui encore, lorsqu'on voit quelqu'un qui se litre à des mouvements désordonnés, on dit qu'il est piqué de la tarentule. Comme toutes les croyances populaires, celle-ci repose sur un fait réel. D'après les observations du Dr Carrieri. le tenin de la tarentule d'Apulie peut provoquer réellement dan certain* cas cette excitation particulière du système nerteux qu'on traitait autrefois par la musique et qui cède à une transpiration abondante. Localement, la morsure de l'araignée détermine du prurit. Les bromures et le chloral sont inefficaces contre le tarentulisme.
Mais notre confrère italien a soin d'ajouter qu'en outre du véritable tarentulisme, on observe aussi des états psychopathiques qui le simulent et qui sont dus à la suggestion. _
Le Langage des oiseaux.
Le savant américain Garner fait école : tandis qu'il va dans les forêts de l'Afrique étudier la langue simienne, un de nos compatriotes, M. Louis Prévôt du Houdray, grand amateur de basses-cours, a eu l'idée de prendre des notes sur le gloussement souvent si expressif des poules, des coqs et des poussins.
il. Prévôt du Houdray procède de la même façon que le D'Garnier. II a établi au milieu de la cage, où causent coqs et poulettes, un phonographe qui enregistre minutieusement les moindres sons énoncés par la gent jaboteuse. {Jabotcuse est le mot.)
Que d'indiscrétions va commettre le phonographe de M. Prévôt du Houdray, lorsque des observations suffisantes auront permis à ce dernier d'établir la grammaire des gallinacés!
M. Prévôt du Houdray, qui étudie le langage des poules depuis un mois environ, compte présenter prochainement, à l'Académie des Sciences, un premier mémoire sur les intéressantes observations qu'il a pu faire jusqu'à ce lour.
REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
DF H. Kourxial. — Essai sur la psychologie des foules. — Considérations médico-judiciaires sur les responsabilités collectives, etc., in-8* de 110 pages. Storck et Masson, 1892.
• «* Les rassemblements 6ont interdits!... Circulez) ».
Le Dr Fournial a pris cette phrase consacrée par les sergents de ville comme épigraphe de son livra, et il a bien fait, car il est le plus souvent dangereux de réunir les hommes du peuple. C'est le plus souvent la bête humaine qui surgît, et il faut s'attendre des collectivités à l'explosion plutôt des mauvais instincts quo des sentiments généreux.
La foule, selon l'heureuse expression du professeur Lacassagnc, est un être
essentiellement special et ganglionnaire, chef lequel les phénomènes réflexes sont facilement exagérés, mais à qui ia vie intellectuelle fait complètement défaut ». La foule est occipitale, pariétale, elle n'est jamais frontale.
Après avoir étudié les modificateurs physiques, chimiques, individuels et sociologique* de* foules, le D' Foumial nous les montre régies et entraînées par deux grandes raisons : l'imitation et Io suggestion. C'est une sorte de contagion morale. « Le mot contagion, dît Prosper Despine, est, dans ce cas, parfaitement adopté. La contagion des bons exemples est un fait trop généralement reconnu pour qu'il soit nécessaire d'insi-tar sur sa démonstration. On a même tiré parti de la cooniissance de la contagion morale pour exciter, développer et perfectionner les qualités du ccear, les bons sentiments de l'enfant; ce qui a lieu pour les bons sentiments a exactement lieu, et pour la même raison, pour les mauvais sentiments, pour les passions. C'est donc un fait irrécusable, démontré pir l'observation et universellement accepté ».
L'imitation peut être normale, sociale; elle a pour effet alors de propager lès sentiments, les actes de la vie ordinaire, et donner la mode, le langage, les mœurs; produit les grands mouvements d'enthousiasme, les grandes manifestations.
L'imitation peut aussi être morbide. Elle agit alors sur les facultés mentales troublées, répand les illusions, les sentiments erronés dûs à l'imagination pervertie et les mauvais instincts, pour produire les grandes névroses, les grandes épidémies mentales, les crimes.
Pourtant, Hun* les foules criminelles, il faut encore distinguer colles qui le deviennent par pur accident de celles qui le sont par intérêt ou par habitude* Tout cela a son importance, et M. Fournial a su, par des exemples très heureusement choisis, montrer quelles sont les responsabilités.
Son étude est très juste et très curieuse Tous les psychologues la liront avec intérêt. Dr E. L.
IIbnbi Joly. — Le combat contre le crime
(in-12. — L. Cerf. Paris, 1892.)
Ce volume est le troisième et lo dernier d'une sorte de trilogie dans laquelle M. H. Joly a envisage la criminalité sous toutes ses faces.
Dans un premier volume. le Crime, il a montré, contrairement aux doclrimes de l'Ecole italienne, que le crime est presque toujours un fait d'entraînement graduel, débutant par le vice, continuant par le délit, s'accroissant. s'accélérant se répandant indéfiniment par l'association irrégulière et malfaisante.
Dans un second volume, la France criminelle, il a montré comment l'agent par excellence de l'association criminelle, est le déclassement, qui fait sortir tant d'individus de la place qu'ils occupent ou auraient dû occuper dans l'organisation de la société stable et laborieuse.
Maintenant, M. Joly, pour couronner en quelque sorte son œuvre, aborde résolument le redoutable problème de la répression et surtout de la morali-sation.
Je ne suivrai pas l'auteur dans tous les développements de ce volume compact et si plein d'idées neuves et originales. Je m'arrêterai plus particulièrement aux chapitres qui nous intéressent plus particulièrement, nous autres médecins, et je laisserai un peu de côté la partie pbylosophique.
De son chapitre surl'organi-aiion de la défense, je ne retiendrai qu'une chose : sa critique, si judicieuse et si vraie de cette vieille et caduque institution du jury. En effet, le jury est impuissant et versatile. 11 ne varie pas seulement d'an ressort ou d'un département à un autre; dans un même département il varie d'une session à une autre session. Tel jury acquittera tous les accusés, par système ou par humeur; le suivant sera impitoyable. Tel individu n'aura qu'à
franchir la frontière d'un département pour avoir quarante chances au lieu de vingt, au lieu même de dix, pour être acquitté. « Est-ce la peine de Taire une loi pénale si les jurés sont omnipotents pour l'annuler**... Le jury représente la société même, il se croit au-dessus de la loi, sous prétexte qu'il se confond avec le suffrage universel, source de la loi. Et, tandis que le premier principe de la vie publique est que chacun soit esclave de la loi, — à commencer par ceux qui la font, — il y a périodiquement une douzaine de citoyens, pris un peu au hasard, qui se croient autorisés à ne tenir aucun compte des lois prolectrices de la sécurité commune. >
Quel est l'homme de science ou l'homme de loi qui refuserait d'approuver d'aussi sages récriminations?
Lejcry adonné la mesure de ce qu'il pouvait donner. C'est une institution qu'il faut faire disparaître. Mieux vaut encore l'incapacité et l'aveuglement de nos magistrats actuels.
M. Joly prend le criminel dès le début, avant même qu'il le soit. Il semble, avec juste raison, se préoccuper plus de ceux qui peuvent le devenir que de ceux qui le sont déjà. Los enfants à préserver : enfants naturels, enfants sans état-civil, enfants abandonnés, sont intéressants au plus haut point, cl le chapitre qu'il leur consacre mérile d'être médité par tous les penseurs et les moralistes.
Quant à son enquête sur les enfants à réformer et à punir, je sais avec quelle habileté elle a été menée, puisque j'ai plus d'une fois accompagné M. Joly dans ses promenades à travers les écoles de mon arrondissement. Bien que Je ne partage pas toutes ses vues, bien qu'il me semble qu'il faille faire une plus large part à l'influence de l'hérédité, je n'en reconnais pas moins la justesse de ses conclusions. Il s'élève contre le système actuel de uos maisons correctionnelles qui pervertissent au lieu d'amender. 11 n'a pas de peine, en fouillant dans ses souvenirs, à nous montrer des exemples nombreux de ce qu'elles ne devraient pas être. Il s'en est tenu h quelques paroles aigres-douces contre la colonie de la Fouilleuse, l'œuvre chérie de l'insigne M. Herbetle, une des infamies de cet homme néfaste. Je n'ai pas besoin de rappeler ce qui a été dit dans la presse et prouvé d'une façon ab-olue : les fillettes martyrisées par la directrice, créature de l'insigne M. Ilerbette. Il s'est passé là des monstruosités.
Puis M. Joly aborde la question du premier délii. Que faire du criminel qui débute? Faut-il se contenter d'un simple avertissement ou frapper de suite? M. Joly se montre assez peu partisan des courtes peines et même de la loi Béreoger, qui otlre pourtant de sérioux et incontestables avantages dans bien des cas. Si je n'étais limité dans cette brève et sèche analyse, je pourrais citer nombre d'exemples de moi connus, de jeunes gens, de jeunes tilles, sauvés du crime par lé bénéfice de la loi B--renger. Tout récemment, le ministre de la Justice de Belgique écrivait : « Si l'on songe au chiffre élevé des récidives ordinaires qui suivent les condamnations affectives, l'expérience dès maintenant acquise fait bien augurer de l'influence que l'institution de la condamnation conditionnelle exercera sur la répression générale. »
El M. Joly avance que l'expérience faite en Belgique est déjà de nature à donner do sérieuses espérances.
Voici maintenant le criminel en prison. Qu'en faire? Pour M. Joly, tout le problème e>t dVrêtcr la formation de la société criminelle. Pour obtenir ce résultat, il n'y a qu'un moyen : l'isolement par la cellule. Certes, il a pleinement raison, car il est bien prouvé maintenant que nos priions sont les pires écoles du crime. Le criminel ne peut s'amender qu'en restant seul en face de ses pensées, sans contact avec des êtres pervers comme lui. Il ne devrait y avoir qu'une peine : la cellule. C'est d'ailleurs la seule que redoutent les criminels de profession. M. Jolv nous montre qu'en Belgique l'expérience a pleinement réussi.
Mais voici que te criminel a expié; sa peine est finie. Comment fera-t-on pour les réintégrer dans la société el éviter la récidive? M. Joly préconise, avec preuves
& l'appai, le patronage et la libération conditionnelle. Ce sont deux systèmes qui doivent s'appuyer l'un sur l'autre.
Enfin, reste la question des grands criminels qu'il faut à tout jamais exclure de la société, et la question des récidivistes qu'il faut à tout prix amender. Pour le* premiers, M. Joly ne voit qu'une issue : la mort. « Mieux vaut la mort,dit-il, pour ces grands criminels dont nous discutons la destinée. Tenir à vivre pour s'amuser est un genre d'optimisme qui peut se comprendre; vivre puur le devoir et pour tout ce que le devoir postule ou révèle est une grande et noble idée, mais vivre pour essayer en vain de trouver l'oubli dans un avilissement bestial, est-ce là un sort enviable? Et faut-il traiter d'humanitaires ceux qui tiennent a réserver un sort pareil à des membres quelconques de leur espèce? s
La question de la récidive est bien plus complexe et bien plus difficile à trancher. Mais M. Joly se montre adversaire résolu de la transportation, et pour cause. 11 faut lire son enquête; c'est intéressant et décourageant au plus haut point.
Je n'ai fait, bien entendu, qu'indiquer les grandes lignes do cette importante étude, qui est la conclusion de l'œuvre de M. Joly sur la criminalité. Les trois volumes sont à lire età méditer d'un bout ò, l'autre.
Dr 11" : LaCRBNT.
Album des centres nerveux, par MM. Cit. Dbbibrre et E. Douubr.
Paris, F. Alcan, 1892.
L'Album des centres nerveux se compose de quarante-huit figures schématiques, avec légendes explicatives; il rendra les plus grands services aux étudiants en médecine, pour étudier et repasser rapidement les différentes vues d'ensemble et les coupes classiques du cerveau. Le prix très modique de cet Album permettra de le prendre comme complément de tous les cours d'anato-mie, et particulièrement de l'Album stéréosco pique des centres nerveux, de* mêmes auteurs; chacune de ces figures correspond à une des préparations représentées dans les photographies stéréoscopiques.
NÉCROLOGIE
M. le Dr A. de Fleury (de Bordeaux).
M. le DF A. de Fleury, qui vient de mourir après avoir été pendant trente-deux ans médecin des hôpitaux de Bordeaux et qui occupait dignement à la Faculté de Médecine la chaire de thérapeutique, a publié de très intéressantes éludes de physiologie. Parmi ces travaux, nous signalerons particulièrement ceux qui ont trait a la circulation cérébrale.
C'est lui qui a donné l'idée juste, définitive, de l'irrigation comparée de l'hémi-cerveau droit. C'est loi qui a montré que le surcroît de fonction, dévolu aa cerveau gauche, n'allait pas sans un surcroît d'irrigation sanguine, sans une arrivée plus directe et plus large de l'ondée sanguine, résultant de la disposition anaiomique du tronc brachio-céphalique et de la carotide primitive. Quand le mémoire, intitulé : Du dynamisme comparé des hémisphères cérébraux, fat présenté à l'Académie, le médecin Broca en fit le plus grand éloge.
Dans un travail paru en 1871 dans le Journal de Médecine de Bordeaux, 11 avait fourni une explication fort ingénieuse de la fréquence de l'hémiplégie hystérique dans le côté gauche.
M. le Dr Prosper Despine (de Marseille).
Prosper Despine. qoi Tient de mourir plus qu'octogénaire à Marseille, avait publié un certain nombre d'études psychologiques. Parmi les plus connues, nous pouvons citer les suivants : La Psychologie naturelle; Uk Folie au point de vue philosophique. En 1880, il publiait on volume très intéressant sous le titre : Etudes scientifiques sur te somnambulisme. Malgré l'importance de se» travaux. Prosper Despine était resté un peu en dehors du mouvement psychologique contemporain, et sa mort est passée presque inaperçue.
NOUVELLES
Assemblée des naturalistes et médecins allemands en 1893. — La soixante-cinquième assemblée des naturalistes et médecins allemands se tiendra a Nuremberg, du 12 au 16 septembre prochain.
Assemblée générale dos médecins suisses en 1893,— L'assemblée générale des médecins suisses se tiendra à Genève le £8 mai prochain.
Congrès des Sociétés savantes. — L'nc circulaire de il. le ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts annonce que le mardi 7 juin prochain, à deux heures précises, aura lieu, à la Sorbonne, l'ouverture du Congrès des Sociétés savantes, dont les travaux se poursuivront durant les journées du mercredi 8, jeudi y et vendredi 10 juin. Le samedi 11 juin sera consacré a la séance générale que M. le ministre présidera et qui se tiendra dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne.
Mission. — M. le C Paul Attbry, de Saint-Brieuc, vient d'être chargé par le ministère de l'Instruction publique d'usé mission à l'effet de prendre part aux travaux du Congrès international d'anthropologie criminelle, qui se tiendra à Bruxelles au mois d'août prochain.
Asiles d'aliénés. — M. le D' Ramadier, médecin adjoint desasiles de la Seine, vient d'être nommé médecin en chef de l'asile de Rodez (Aveyron).
Exercico illégal de la médecine. — Après deux audiences, le Tribunal correctionnel du Havre a prononcé son jugement dans l'affaire du cordonnier havruis, Philippe Bloche, devenu célèbre dans la région par les guérisons soi-disant miraculeuses qu'il opérait. II prétendait voir dans l'intérieur du corps humain comme s'ileûl été en verre; ses mains, disait-il, étaient attirées par une force invincible vers la partie malade, et ses attouchements étaient souverains. Plusieurs témoins ont déclaré au Tribunal avoir été réellement guéris. Une demoiselle YvoIJT, entre autres, atteinte de paralysie, raconte qu'après avoir été soignée sons succès par SI. Charcot, elle est venue au Havre consulter Bloche; elle est anjourd'bui complètement guérie. Le Tribunal a condamné Bloche a dix francs (!!) d'amende pour exercice illégal de la médecine.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
Binet alfred — l*$ Altérations de la personnalité. (Un volume in-tf de 325 pages, avec figures dans le texte. — Félix Alcan, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain, Paris, I89Î.)
Borna (Louis). — Code ci cil d'Haïti annoté. (Un volume in-12 de M5 pages. — A. Giard
et E. Brirte, éditeurs. 16, me SoufOot, Paris. 1892.) Caostâcr 'Eugène . — Les Pigeons voyageurs ei leur emploi à la guerre. — Un volume
in-12 de 120 pages, avec figures dans le texte. — Nasson, éditeur, 1*0. boulevard
Saint-Germain, Paris, 1832.) Joly (Henri). — Le Combat contre le crime. (Un volume in-12 de -CM pages. — Léopold
Cerf, libraire, 13, rue de Slédicls, Paris, I8W.J
Monin (Dr V E-). — Formulaire de médecine pratique. (Un volume in-18 de 650 pages.
—Société d'éditions scientifiques, 4, rue Antoine-Dubois [place de l'Ecole de Médecine], Paris, 1892.)
Régla (P. do). — Les Bas-fonds de Constantinople. (Un volume ln-12. — Tresse et Stock,
éditeurs, Paris, 1838.) Rochas (Colonel de). — Us États profonds de l'hypnose. (Un Volume in-8) de
120 pages. — Cbaumel. éditeur, 29, rue de Trévise, et G. Carré, éditeur, 58, rue
Saint-Andre-des-Arts, Paris, 1892.) Slomorllng (Dr E ). — Anatomischer Befund bei einseitiger congenitaler Ptosis.
(L'ne brochure de l5 pages, en allemand, avec figures. — Sonder abdruck and dem
Archiv. fin Psychiatrie. — Gedruckt bel L. Scumacher in Beriln, 1892
INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL
Kous invitent, nos lecteurs a compléter, par leur* indications, les lacunes ei las omlssiona do l'Index fimnooraptilquo.
Charcot et Dutil.. — - Sur un cas de paralysie générale progressive à début très précoce . (Archives de Neurologie, mars 1892.j
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1891-92, 2.)
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(Marseille méd., 16. — Note sur un cas d'amnésie rétrograde consécutif à l'intoxi- ,
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n°3. mars.)
Féré (Ch.). — Note sur l'asphyxie locale des extrémités cher les épileptique». ¦ (Nour, Icon. de la Salpétriere, 5.)
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Gilles de la Tourette. — Nouveaux documents scientillqaes sur Mesmer ». (Nouv.
Icon. de ta Salpétriére, t. V, janvier-février 1892.) Janet (Pierre). — Spiritisme contemporain -. Revue philosophique, avril 1892.) Lépine (R.).— - Mutisme hystérique ». (Revue de Méd., 10.)
Lombroso. Tamburinii et Ascenxi. — - Rapport au ministre de l'intérieur sur les asiles d'aliénés du royaume. (Archivio di Psichiatria ed Antropologia criminale, t. XIIII
n- 1, 1892.)
Longbois. — Contribution à l'étude de l'étal mental de» hystériques ». (Ânn. d'IIyg. et de Méd. légale. 1.)
Richer (P.). — » Diathèse de contracture ». (NouV. Icon. de la Salpétrière, 5.) Seglas et Londe, (p.). —. Hallucinations verbales psycho-motrices ». (Arch. de .Neur., mars 1892.)
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Sidwick. — - Les sentiments de désir et d'aversion ». (Mind, janvier 1892.)
Souques. — Contribution 4 l'étude des syndromes hystériques simulateur» des maladies organiques de la moelle épinière ». (Nouv. Incon. de la Salpétrière, 5.)
Riffaud. — L'éducation du sens de la vue chez le soldat -. (Arch. de Méd. milil., février 1892.)
L'Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT.
Paris. — Imprimerie breveutée MICHELS Et Fils, passage du Caire. 8 et 10.
REVUE DE L'HYPNOTISME
EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE
QUELQUES SUGGESTIONS
Par M- le D* AcccsTC FOREL, professeur à Yl'Diversité de Zurich.
Le numéro 11 (mai 1892) de la Revue de l'Hypnotisme me suggère quelques réflexions.
La controverse entre MM. Ballet et Voisin est certainement intéressante. Cependant, il me semble que la différence des points de vue produit ici des malentendus, et je crois à cette occasion devoir recommander à tous les lecteurs de la Revue de VHypnotisme le livre du Dr Delbrück sur le Mensonge pathologique et le simulateur {Die pathologische Lüge und der psychisch abnorme Schwindler, Stuttgart, bei Enke 1891), Une traduction française de ce travail intéressant et original serait, me semble-t-il, une chose fort utile.
M. Ballet a sans doute raison de réclamer des observations très minutieuses et un dossier très complet. On ne saurait jamais être assez exact ni assez critique. Mais il n'a pas le droit d'exiger que le crime commis par suggestion soit, pour être concluant, commis par un honnête homme ou une honnête femme, et voici pourquoi :
La plupart des humains ne sont ni honnêtes, ni coquins, mais ils sont pétris d'un mélange à doses variables des deux complexités de forces cérébrales qui constituent l'honnêteté et la criminalité. Or, des coquins qui voudront se servir d'un individu très suggestible comme instrument de crime n'iront pas choisir dans ce but un altruiste déterminé, car s'ils le faisaient, ils seraient d'une naïveté et d'une maladresse qui ne sont pas le propre des chevaliers de la haute industrie. Ils choisiront donc une de ces pâtes si communes qui se laissent mouler à tout usage. Les hystériques sont particulièrement propres à ce but, parce qu'elles jouent au naturel, qu'elles croient à leurs mensonges comme Tartarin de
is
Tarascon aux péripéties du voyage à Shang-Haï, qu'il n'avait jamais fait. Il y a là des nuances infinies qui ne se laissent souvent pas trancher par
oui ou non.
A ce propos, disons un mot sur les suggestions criminelles données à des altruistes, sur ces « expériences de cabinet » qui ont donné lieu à tant de controverses entre MM. Liégeois, Bernheim et Delbœuf. II est hors de doute que ces suggestions réussissent chez les gens très suggestives. J'en ai fait quelques-unes qui me paraissent fort concluantes et que j'ai décrites dans la deuxième édition de mon livre sur l'hypnotisme [Der Hypnotismus, von A. Forel, Stuttgart, Euke 1891, 2* Au-flage, pages ISO à 152;. J'ai réussi à suggérer à un brave homme qu'un jeune homme (juriste), qu'il ne connaissait pas, était un coquin qu'il fallait tuer, et il n tiré sur lui presque à bout portant deux coups de revolver, chargé à capsules seulement ; mais dans une chambre le bruit est assez fort. Le juriste simula fort bien la chute d'un homme blessé à mort après le premier coup, ce qui n'empêcha pas mon snjet de tirer le second coup. J'ai réussi à suggérer à une fille honnête et très pudibonde que je connaissais depuis plusieurs années, de se découvrir jusqu'au nombril devant ce même jeune juriste étranger (le- Dr Hùfelt). Je n'aurais jamais osé le faire, si je n'avais été certain de pouvoir lui suggérer ensuite l'amnésie complète du fait. Je suggérai a une jeune fille très honnête de voler 50 centimes qu'elle trouverait dans un seau de balayures et que j'avais eu soin d'y faire mettre adroitement. Elle vola les 50 centimes, les garda trois jours, en eat ensuite de violents remords de conscience qui ne lui laissèrent pas de repos. Elle finit alors par les remettre i une surveillante en lui disant, ce qui était vrai, qu'elle les avait trouvés. Ce simple fait explique bien clairement pourquoi il serait dangereux et absurde de la part d'un filou de donner des suggestions criminelles à un altruiste. La suggestion ne peut lutter à la longue avec succès contre l'ensemble des forces cérébrales héréditaires et tenaces qui constituent ce qu'on appelle le caractère. Entendons-nous bien : le caractère a des particularités accentuées et d'autres qui le sont peu, ou qui sont contrebalancées par des penchants ou représentations ( Vvrstellungen) contraires presque aussi développées qu'elles. De ces dernières, la suggestion peut triompher, car en combattant un penchant et en renforçant son adversaire, elle ne fait que déplacer légèrement le point d'équilibre, ce qui, dans de nombreux cas, peut devenir de grande importance et produire de grands effets, soit en bien, soit en mal. Mais lorsqu'un trait de caractère est foncièrement accentué, comme par exemple la conscience morale d'un altruiste décidé, il finira toujours par reprendre le dessus sur les influences suggestives, que ces dernières soient hypnotiques et
données exprès, ou qu'elles rentrent dans l'immense catégorie des influences du milieu, des exemples, des mœurs, etc.
Ces faits nous amènent à faire une petite digression dans le domaine de l'anthropologie criminelle. Nous voyons là deux courants se disputer le terrain : l'ancien (M. Lacassagne et bien d'autres) qui ne voit que l'influence des milieux et le prétendu libre arbitre ; le nouveau (M. Lom-broso et son école) qui accorde un rùle prépondérant à l'hérédité, à l'atavisme, aux penchants irrésistibles que notre cerveau a hérités du protoplasme du germe résulté de la conjonction du spermatozoïde et de l'œuf. Nous ne croyons pas au libre arbitre, illusion provenant de la complexité et de l'inconscience des motifs de nos pensées et de nos actions. Mais M. Lacassagne n'a pas compris Darwin ni l'école évo-lutionniste, lorsqu'il lui fait dire qu'elle rapporte tout à l'hérédité. L'homme, de même que tout être organique, est à chaque instant de son existence le produit ou plutôt la résultante de ses forces cérébrales héritées, combinées avec ce qu'on appelle l'acquis, c'est-à-dire avec les influences du milieu sur son cerveau. Le travail de la vie est l'adaptation des puissances cérébrales héritées au milieu où vit l'individu, principalement aux forces les plus importantes de ce milieu, c'est-à-dire aux autres cerveaux humains.
Or, qu'est la suggestion, sinon l'effet réalisé d'une influence du milieu sur le cerveau, effet qui se distingue de celui des influences conscientes et raisonnées par son mécanisme inconscient, subit, intuitif, et par sa force bien plus grande. On parle plus spécialement d'hypnotisme.et de suggestion lorsque celui qui suggère opère consciemment. Mais le mécanisme est le même dans les cas innombrables où l'on suggère quelque chose à quelqu'un sans le vouloir et souvent même sans le savoir (que de fois cela n'a-t-il pas lieu en médecine par exemple!)
Un animal, un objet peuvent produire chez un homme une suggestion qui se réalise, h'autosuggestion, de M. Bernheim, n'est que l'effet suggestif produit dans le cerveau môme par l'action d'un mécanisme cérébral sur l'autre, sans influence du dehors. On observe la suggestion chez les animaux; je l'ai vue même chez les fourmis (déroute subite d'une armée de fourmis, en suite d'un découragement subit et contagieux). Nous serions donc bien mal venus à nier l'effet des milieux en sociologie et en anthropologie criminelle. « C'est l'occasion qui fait le larron ». C'est la prostitution reconnue, patentée et protégée par l'Etat qui finit par augmenter les habitudes de prostitution, par faire croire au public que la prostitution est nécessaire à chacun, par faire naître dans le cerveau des tenancières de bordels l'idée qu'elles font un métier moral dans lequel elles découvrent des notions d'honneur, de justice, de bonnes
mœurs, de religion même. Ce sont les habitudes générales de cabarets, de cafés, de boissons alcooliques qui suggèrent à tout le monde et même aux médecins que l'alcool est utile, fortifiant, nécessaire au travail, etc., lors même que, en réalité, c'est un poison qui ronge et fait dégénérer notre corps social. On sait à quel point le milieu criminel (maison de force) entretient et augmente les habitudes criminelles, les suggère. Certes, les milieux de boisson, de prostitution et de maisons de force constituent une action suggestive intense, un foyer perpétuel de criminalité qui n'est pas seulement alimenté par les héréditaires prédisposés, ses artisans les plus actifs, mais qui eutralne et engouffre une grande partie de la pâte cérébrale moyenne toujours prête à céder aux plus fortes influences, si folles ou si mauvaises qu'elles soient. Les altruistes accentués résistent, en général, en vertu de leur forte conscience morale héréditaire qui renforce toutes les représentations correspondantes aux dépens des influences mauvaises. Donc, toute réforme sociale doit porter sur deux points :
1» Améliorer la race par une meilleure sélection sexuelle (action sur le facteur héréditaire).
2° Eliminer énergiquement les causes d'influences suggestives néfastes, les mauvais milieux (alcool, lieux de débauche, maisons de jeu, milieux criminels, etc.), et les remplacer par des influences altruistes. C'est en vain qu'on essayera par toutes les phrases du monde de tourner autour de ces difficultés; la logique écrasante des faits ramènera toujours aux deux causes primordiales qui ne sont que les expressions actuelles et humaines des lois antagonistes de l'hérédité et de l'adaptation (ou de la reproduction et de la variabilité).
Les suggestions médicales inconscientes sont parfois fort dangereuses. En voici deux cas que j'ai observés, il y a peu de temps. Une hystérique est atteinte de maux de tête et de faiblesses dans les jambes avec convulsions. Son médecin l'ausculte et la percute, croit trouver quelques indices suspects et lui demande: « Toussez-vous? — Non, monsieur le docteur, je ne tousse pas. — Ne toussez-vous vraiment jamais... pas du tout? — Non, monsieur le docteur, je vous assure, je n'ai absolument pas toussé, je ne tousse pas. ¦ Le médecin s'en va, mais la nuit même la malade se meta tousser et jouit depuis lors d'une toux hystérique atroce qu'on ne peut arriver à enlever.
Un jeune homme qui avait eu parfois des maux de tète est atteint d'une pneumonie et souffre de violents maux de tète. Son médecin, auquel i\ en parle et qui connaissait sa famille, lui dit : « Ce mal de tète est héréditaire; vous ne le perdrez jamais Dès ce jour, le jeune homme conserve pendant deux ans un mal de tête continu dont je le délivre en deux ou trois séances de suggestion après en avoir appris la cause.
Sans Être dentistes ni chirurgiens, nous confirmons tous les jours, comme j ai eu maintes fois l'occasion de le dire, l'utilité de l'anesthésie suggérée pour la petite chirurgie. Cette année-ci, nous avons ouvert plusieurs panaris, arraché des dents et deux portions d'ongles à des personnes hypnotisées des deux sexes, qui n'ont ressenti aucune douleur; un jeune homme ne se souvenait, après son réveil, que de l'excellente tasse de chocolat suggérée que je lui avais fait boire, pendant qu'en réalité on ouvrait son panaris.
Nous continuons, à l'asile des aliénés de Burgholzli, pour surveiller pendant la nuit les malades ayant des penchants au suicide, à nous servir d'infirmières auxquelles nous avons donné des suggestions appropriées.
Nous donnons à l'infirmière, dont le lit est disposé à côté de celui de la malade, la suggestion de n'entendre que les choses insolites que fera cette dernière, et cela tout en dormant très bien. Si la malade essaye de sortir du lit ou de se faire du mat, l'infirmière se réveillera aussitôt. Sinon elle dormira sur ses deux oreilles, malgré les bruits ou gémissements sans conséquence que fait la malade. Ce système nous réussit admirablement, pourvu que nous choisissions pour cela les infirmières les plus suggestibles. L'avantage inappréciable est que l'infirmière ne se fatigue pas (j'ai fait continuer parfois cette veille dormante à la même infirmière pendant plus de six mois sans qu'elle eût éprouvé la moindre fatigue) et que le danger des veilles ordinaires — qui est de s'endormir malgré toutes les précautions qu'on prend — n'existe pas. Je n'ai pas eu un seul accident à enregistrer chez les malades surveillées de la sorte depuis quatre ans. Il est curieux d'observer l'étonnement qu'éprouvent lesdites malades — mélancoliques — à se voir si bien surveillées de cette façon.
Nous croyons mtér^essant de rappeler, en terminant ces quelques réflexions, que nous avons donné notre premier cours universitaire sur l'hypnotisme à Zurich, pendant le semestre d'hiver 1887 à 1888, et que ce cours a été répété dès lors toutes les années.
SOCIÉTÉ D'HYPNOLOGIE
Séance du lundi 9 mai 1892. — Présidence de M. Doionti-aluih.
Le procès-Tcrbal de la séance du lundi 11 avril est lu el adopté.
La correspondance comprend des lettre» de MM. A. Voisin, Magnin, de Régla, qui s'excusent de ne pouvoir assister à la féance; de M. le D' Paul Joire. de Lille, demandant communication des tutut»; de M. le Dr Liébeauit. qui adresse à la Société une somme.de vingt-cinq francs, destinée à être jointe à la somme déjà offerte par lui pour la fondation du prix Liébeauit, huit cent six francs.
M. le président met aux voix la candidature de M. le Dr Saint-IIilaire, préparateur à la Faculté de Médecine de Pari»; de M. de Jol'y. avocat à la Cour d'Appel; de M. P. Millet, professeur au Lycée Saint-Louis, et de M. le D' Paul Joire, de Lille. Ces candidatures sont adoptées à l'unanimité.
La Société décide que la séance du lundi II Juillet, qui précède les vacances, sera suivie d'un dîner.
Applications variées de la suggestion chez une hystéro-épileptique.
Constipation extraordinaire. — Êcentration. — Accouchement commencé et retardé de huit jours par ta suggestion, puù effectué dont lt sommeil hypnotique. — Paralysie du bras (après phlegmon et phlébite grâce) guérie en une seule séance.
Par M. le D- BOURDON, de Méru (Oise).
M»* S..., âgée de trente ans, anémique, nerveuse, fille d'un alcoolique, a eu deux enfants et une fausse couche. Malade depuis trois ans environ. Pendant sa dernière grossesse, étant enceinte de deux mots, fut prise brusquement de crises nerveuses avec pleurs, agitations, sueurs, convulsions, grands mouvements, délire, congestion de la face, salivation, grincements et serrements de dents, perte de connaissance durant plus d'une heure, résolution complète, le tout annoncé par des élouffements, la sensation d'une boule qui remonte partant du ventre, etc....
Elle reste anéantie, tes yeux hagards au réveil. Ces crises se répètent pendant toute la grossease, deux à trois fois par semaine et jusqu'à deux ou trois fois par jour; jamais d'albumine ni d œdème des jambes. Un confrère, qui l'avait vue en mon absence, avait pronostiqué de l'éclampsie pendant ou après l'accouchement; il n'y en eut pas.
Ces crises, qui n'étaient pas de l'éclampsie, ont diminué après l'accouchement, n'ayant plus lieu que tous les huit ou quinze jour», trois semaines, quelquefois un mois.
Cette malade avait de l'insomnie, une céphalalgie continuelle.de l'inappétence, une constipation extraordinaire, rebelle à tout, n'allant à la selle que tous les quinze jours, ou même trois semaines.
Elle avaii de plus une éveiitration (écartement de la ligne blanche, surtout au-dessus de l'ombilic) considérable, laissant saillir une partie du contenu abdominal, ce qui nécessita une ceinture spéciale pour la contention.
Un jour de crise que je me trouvai là, en novembre 1890, j'essayai de l'hypnotiser pour la première fois. J'y réussis pleinement par une fixation du regard de cinq à dix minutes. Elle fut mise dans un sommeil assez profond, somnambulique (catalepsie suggestive, anesthésie, amnésie au réveil, etc.), qui dura environ une demi-heure.
Le résultat de cette première séance fut le retour de l'appétit et du sommeil, la disparition de la céphalalgie. C'était l'heure du déjeuner (qui, pendant son sommeil, s'était presque terminé pour les autres ; elle se précipite à table avec la crainte qu'on ne lui en eut pas laissé assez et se met à manger avidement. Elle dort bien la nuit suivante.
La deuxième séance, qui a lieu deux jours après, triomphe de la constipation opiniâtre dont j'ai parlé, constipation jusque-là invincible.
Elle va à la selle régulièrement deux fois par jour. Les séances, répétées tous les deux ou trois jours, suppriment complètement les crises et les suggestions sont continuées de temps en temps pour consolider le résultat, poursuivies aussi pour assurer la nutrition, le relèvement des forces et, s'il est possible, le rapprochement des deux moitiés de la paroi abdominale, la guc-rison de l'éventration.
Au mois de juin 1891, Ma» S... est de nouveau enceinte de trois mois, et les crises tendent à revenir; elles reviennent, mais moins Iréquentes [toujours pas d'albumine dans les urines). Elles sont supprimées de nouveau par la suggestion hypnotique. Grâce à cette suggestion, répétée de temps on temps, tous les huit ou quinze jours, la grossesse se développe sans encombre, toutes les fonctions s'accomplissent à souhait. De plus, le rapprochement de la ligne blanche semble s'opérer. Je la prépare tout doucement à l'accouchement sans douleur. Elle arrive à terme au commencement de décembre; elle doit accoucher; il y a un véritable commencement de travail ; depuis plusieurs jours, il y a des douleurs plus ou moins rapprochées, surtout la nuit; mais, le vendredi 9 décembre, au soir, je suis appelé, les douleurs sont devenues plus fortes et plus fréquentes, elles ont de la durée et se répètent toutes les dix, toutes les cinq et toutes les trois minutes, de plus en plus prolongées. Le col est effacé, il y a un commencement de dilatation. Ce n'est donc pas seulement une de ces fausses alertes comme on en voit quelquefois.
Or, comme je suis tout d'un coup obligé de m absenter pour ne revenir que le surlendemain, je l'endors et lui fais la suggestion qu'elle n'a plus de douleurs ni de contractions, que tout est arrêté et qu'elle n'accouchera que dans huit jours.
Il y a en effet, arrêt des douleurs au réveil, arrêt complet. Elle dort tranquillement toute la nuit et les nuits suivantes.
Huit jours après, jour pour jour, heure pour heure, les douleurs suspendues reprennent leur cours, le travail recommence sérieusement, la dilatation
interrompue reprend, augmente et, dans le sommeil hypnotique, je lui suggère qu'elle va accoucher sans douleur et assez promptement.
Les contractions avec efforts pour l'expulsion ont lieu, en effet, sans douleur et sans plaintes; elles se répètent toutes les cinq ou trois minutes, elles sont presque continues et l'accouchement se fait assez promptement, en moins d'une heure. Au moment des furies contractions expullrices « concassantes », elle fait mine de se réveiller. Je la rendors aussitôt avec ma main droite appliquée sur lo front... La tète du fœtus, après avoir fait sa rotation, ne tarde pas â sortir, puis le reste du corps.
Au réveil, elle esl tout étonnée de voir son ventre aplati et vide... La délivrance (l'expulsion du placenta), s'était accomplie au bout de dix à quinze minutes dans les mêmes conditions d'anestbésie.
Une petite, ou plutôt une grosse fille de neuf livres était au monde et faisait entendre ses vagissements.
Les soins, antiseptiques el autres, furent donnés, tout alla bien; les suiles furent heureuses, normales, sauf un mois après, lors de la réapparition des menstrues, celles-ci ayant pris le caractère d'une perte très abondante, elle fut arrêtée par la suggestion, ou plutôt modérée et maintenue dans les limites voulues (des règles).
Cinq semaines après, elle est prise d'un phlegmon du pouce droit, de l'émi-nence ir, avec piopagation à la gaine des tendons fléchisseurs.
Une imprudence (la lessive qu'elle voulut faire), complique la situation d'une phlébite grave -de l'avant-bras et du bras avec engorgement considérable des ganglions axillaires, phlébite suppurée, très grave, qui met ses jours en danger, mais qui guérit néanmoins, grâce à l'antisepsie.
Ce nouveau cas chirurgical esl suivi d'une subparalysie du bras et de la main, que le hasard me révèle au bout de trois mois, paralysie dont elle ne se plaignait pas et que j'enlève par suggestion en une seule séance.
Telle est l'histoire, pleine de péripéties, de celle jeune femme, histoire assez curieuse que j'ai cru devoir raconter à la Société, et qui montre, une fois de plus, l'importance supérieure de la thérapeutique suggestive, importance que l'on ne saurait plus contester, devant laquelle on est bien obligé de s'incliner.
J'ajouterai que l'éventration (l'écartement de la ligne blanche), a tout à fait disparu, au point que la ceinture est devenue inutile, fait qui, à priori, peut sembler extraordinaire pour une lésion d'ordre organique, mais qui s explique si l'on songe à l'action des nerfs sur les organes dans le sommeil hypnotique. C'est un cas curieux d'inhibition dans l'acte fonctionnel de l'accouchement à terme (qui va se faire suivant les lois de la nature), analogue sans doute à d'autres faits d'inhibition, mais curieux en ce qui concerne l'accouchement retardé el que j'ai cru intéressant de rapporter, car, s'il y a des accouchements avancés, je ne sache pas que, jusqu'ici, pareil fait ait été signalé, eu hypnologie, d'accouchement retardé ou suspendu.
Obstruction intestinale de nature hystérique, guérie par suggestion hypnotique,
P«r M. le Docteur BÉXARD, de Saint-Ormala-pn-Lare
Le U avril dernier, je suis appelé à donner mes soins à une jeune fille, âgée Je 17 ans à peine. La mère m'apprend que la malade, habituellement constipée pendant des sept, huit jours, n'a, cette fois, pas été à la garde-rvbe depuis au moins une douzaine de jours. Elle ne s'effraierait cependant pas de cet état si, depuis la veille, sa fille ne s'était mise à vomir des matières fécales, et si, en même temps, elle ne lui avait vu rendre, par l'anus, une assez grande quantité de sang pur.
Ma premièro idée est que je dois avoir affaire à une invagination intestinale ou à un étranglement d'origine herniaire, et je demande à faire coucher la mnlade afin do pouvoir l'examiner. Celle-ci, en effet, est debout, se promène et ne paraît nullement affectée de cet état qui, a première vue, m'a paru, à moi, si grave. L'abdomen est plat; il n'y a aucun point sensible, pas de douleurs a la palpation, pas trace de hernie. Cet examen du ventre et l'aspect général de la malade modifient immédiatement ma manière de voir. La face n'est pas grippée : au contraire, elle est d'une grande fraîcheur; le pouls n'est ni accéléré ni ralenti, la langue est belle; par conséquent, rien de grave, ce me semble.
J'interroge la mère sur les antécédents et j'apprends que la malade est nerveuse, rit et pleure sans motif, d'un caractère très capricieux, qu'elle rêve tout haut la nuit, qu'elle n'a cependant jamais eu d'attaque nerveuse bien caractérisée [crises hystériques ou autres). On me dit aussi que depuis quelque temps elle se surmène, car elle prépare un examen pour obtenir son brevet. L'appétit, du reste, quoique variable, n'est pas mauvais en général, mais les insomnies sont assez fréquentes.
Je prescris trois cuillerées a café, par jour, de valérianalu d'ammoniaque et je fais administrer, par acquit de conscience, du calomel pour voir si je n'obtiendrai pas une débâcle.
Le lendemain 15, je revois la malade : les selles n'ont pas reparu, mais les vomissements, eux non plus, ne se sont pas remontrés. Je conseille de continuer le valérianatc et j'explique ce qu'est la suggestion hypnotique.
Le mercredi seulement, 20 avril, la mère de la malade me fait prier de revenir: sa fille n'a toujours pas été à la selle, elle ne se trouve pas plus mal, toujours pas de vomissements. L'appétit est diminué et les nuits sont presque sans sommeil. La malade demande à être hypnotisée, car elle ne veut pas prendre de valérianate, ni par voie stomacale ni en lavement.
Le jeudi i\, j'endors chez moi la jeune malade pour la première fois. D y a dix-neuf jours qu'elle n'a eu de garde-robe. Je suggère sommeil prolongé depuis le coucher jusqu'au matin, la malade se réveillera avec un pri-.-.int besoin d'aller & la selle.
Le 23, la jeune lillo me raconte que la veille elle a été réveillée, après une bonne nuit, par des coliques ayant amené uue évacuation de matières sanguinolentes. Nouvelle hypnotisa lion, même suggesiion que it-veille.
Les hypnotîsalions ont été recommencées les 25, 27, 29 avril. 5 et 7 mai. Dès la seconde, la malade a eu tous les jours des selles régulières, mais sans hémorrhagies.
Si j'ai continué d'endormir la malade aussi longtemps, c'est que j'ai voulu lui faire avoir ses règle» sans douleur, redonner de l'appétit, assurer le sommeil parfait de la nuit, modifier l'état nerveux. La malade a bien voulu M pré 1er à ces hypnotisations répétées, dont elle ne sentait cependant pas bien l'utilité, puisque chaque fois elle me disait que tout se passait très bien et que son étal de santé s'était complètement modifié.
A la dernière séance je lui fais, quand elle arrive à ma consultation, cette question : « Kh bien! comment cela va-t-il? » — ¦ Je vais maintenant deux fois par jour •, me répond-elle; el elle se dit euchantéc d'un résultat aussi rapidement obtenu.
DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE
La loi sur l'Hypnotisme à la Chambre des Députés de Belgigue.
La loi sur l'hypnotisme votée par la Chambre de? Représentants a subi diverses modifications devant le Sénat. Elle a donc dû revenir a la première Chambre, qui a introduit de nouveaux changements dans le texte. Il y a maintenant lieu d'espérer qu'elle ne retournera devant nos pères conscrits que pour y être entérinée purement et simplement.
Dans sa première délibération, la Chambre avait refusé à toute autre personne qu'au médecin le droit d'hypnotiser les enfants et les aliénés. Le Sénat avait étendu ce droit aux personnes qui obtiendraient l'autorisation des Commissions médicales provinciales, à condition qu'elles opérassent devant un médecin. A la seconde délibération, devant la Chambre, des députes proposèrent de confier l'autorisation précitée au Gouvernement et de supprimer l'obligation du médecin répondant.
La discussion continua ainsi :
M. Lb Jbenb, ministre de la Justice. L'honorable M. Grosfils regrette que le contrôle, dont il admet, du reste, le principe, soit confié par le projet de loi aux Commissions médicales provinciales. L'honorable membre préférerait que ce contrete fût exercé par le Gouvernement. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que, pour bien rendre la pensée de l'honorable membre, et apaiser ainsi les craintes de l'honorable M. Magis, il faudrait dire : Le Gouvernement délivrera les autorisation d'hypnotiser les enfants et les fous, mais il lui est interdit de consulter les médecins! [Rires.) Cependant, en confiant au Gouvernement le soin de veiller sur la santé publique et la moralité en matière d'hypnotisme, vous ne pouvez pas l'empêcher de s'entourer des précautions qu'il Jugera nécessaires et de recourir aux lumières dans lesquelles il placera sa conüance, et, je vous en avertis, il ira toujours aux corps savants qui représentent officiellement la médecine. Pour se renseigner sur la moralité des aspirants, il s'adressera à d'autres sources, qui ne seront pas moins officielles.
M. Maois. — La moralité est la ten'e condition exigée : il n'y en a |>as d'autre!
M. Lb Jbcx», ministre de la Justice. — Pardon! La Jante des gens est en cause, d'après l'Académie de Médecine, et il t a donc une seconde condition, qui suppose certaines connaissances scientifique*. Or. pour le Gouvernement, en dehors des corps savants qui délibèrent et qui votent, il c'y a que ténèbres et incertitudes dans le domaine de la médecine el de l'hypnotisme. En toulez-vous la preuve? L'honorable M. Grosfils nous disait, tout a l'heure, que les craintes exprimées, an nom de la morale, à propos de l'hypnotisme, sont chimériques, que la suggestion ne va pas Jusqu'à imposer des actes contraires aux sentiments, à la probité, à la vertu du patient; d'autres disent que la santé du patient n'est pas en péril. Si nous en étions certain?, nous ne ferions pas la loi dont nous nous occupons. Mais où trouver la certitude?
M. M agis. — Dans la moraJitél
M. Lb Jbusb, ministre de la Justice. — Je n'en tais rien! L'n maître en hypnotisme, d'un très grand renom, enseigne ce que disait, à l'instant l'honorable M. Grosfils, el il considère noire loi comme inutile et funeste. Il enseigne aussi que, dans l'humanité, il y a les hypnotiseurs et les hypnolisables; mais il n'y a pas à s'inquiéter : la puissance des hypnotiseurs a des bornes, •*. les hypnolisables. dans le sommeil et dans la veille, conserveront toujours une force de résistance que les suggestions mauvaises ne réussiront pas à vaincre. Voilà qui est rassurant; mais voici antre chose! Il Vagit do l'affaire Chambige, un crime atroce devant la justice, un problème plein de mystère ponr l'analyse psychologique. Une Jeune femme, vertueuse, excellente mèro, épouse amante, oublie tout, enfant, mari, famille, respect de soi-même, pour, dans je ne sais quel affolement subit, suivre une sorte de détraqué qui l'assas-'ine. Un crtminaliste éminent publiait dernièrement une suite d'étude» psychologiques à propos de procès de cette espèce; l'hypnotisme y a naturellement sa large place et nous y Toyoos citer, au sujet de l'affaire Chambige, l'avis du maître en hypnotisme dont je viens de rappeler l'opinion hostile à notre loi. Cet avis, le voici : I. me parait qu'il n'y a rien de plus facile que d'abuser d'une femme mariée hypno-tisable, si elle aime son mari : On loi fait croire que l'on est le mari. De là l'air souriant de la morte. Chambige est peut-être sincère quand il affirme que M"* G... l'aimait; il a pu le croire. Ce aont ses propres paroles. Bien de plus facile; on est hypnotiseur, elle est hypnotisable, le mari n'est pas là. (Rires.) El, observe le criminaliste, c'est ainsi que tout finit par s'expliquer... Jupiter faisait de l'hypnotisme sans le savoir, dans l'aventure d*Amphylrion. M. HoczBjU' db Lehatb. — Tout le monde n'est pas Jupiter: M. Lb Jbuxb, ministre de la Justice. — Pardon! il suffit d'être hypnotiseur pour atteindre à la puissance de Jupiter, — je parle do la puissance morale qui subjugue.
M. Tack. — Ce n'est pas l'opinion de l'Académie de Médecine.
M. La Jbunb, ministre de la Justice. — Erreur! L'Académie de Médecine estime que l'hypnotisme arme d'une puissance redoutable ceux qui savent se servir de l'ascendant moral dont U est l'agent mystérieux. Avons-nous en tort de consulter l'Académie de Médecine et de nous en rapporter à ses décisions officielles? Juge? en par l'exemple que je viens de vous en donner : en dehors de cette représentation officielle de la science, où pouvions-nous trouver la certitude? Soyez sans crainte, nous dit-on, el laissez se produire librement le» exibitions de phénomènes hypnotiques; encouragez-les au contraire, la tante publique el la morale t'en trouveront bien. Ne croyez-pas qu'il y ail là une puissance occulte dont on puisse abuser et dont il faille se garer : le mieux est que l'hypnotisme se vulgarise et que ceux qui sont nés hypnotiseurs ne s'ignorent point et sachent de quelle puissance la nature les a doués! Et puis on nous donne de l'affaire Chambige l'explication que Je viens de dire. El on s'étonne de ce que nous avons tait appel à l'Académie de Médecine !
Le* honorables MM. Grosûis el Magis demandent que le contrôle qu'il s'agit d'organiser en matière d "hypnotisme soit exercé parle Gouvernement. Je déclare que le Gouvernement réclamera le concours des Commissions médicale* et, le cas échéant, celui de l'Académie de Médecine jusqu'au jour où nous aurons nae section de l'hypnotisme dans une autre Académie. Nous on revenons donc aux Commissions médicales arec le complément do garantie qui résultera de t'inler-
reniion du Gouvernement.
Faut-il, en outre, l'assistance d'un médecin aux opérations des hypnotiseurs? Je mo suis longuement expliqué sur l'efficacité de cette précaution; j'y crois très peu; mais au Sénat, l'honorable M. Souparl, parlant, en quelque sorte, au nom de la facullé, recommandait l'adoption de son amendement comme le moyen d'assurer la surveillance nécessaire sans froisser aucune susceptibilité Je vous la recommande au même titre; c'est ainsi que J'ai accepté l'assistance du médecin en même temps que la clause relative à l'autorisation délivrée par la Commission médicale. L'assistance du médecin no mo dérange pas parce quo je n'y attache aucune importance. [Hilarité.] Je n'y tiens donc pas; J'en ai dit la raison, et j'y persiste plus que Jamais. La Cour de Liège vient d'acquitter les agents de la Compagnie Sequah Limitai, pour la guérison de* rhumatismes, avec accompagnement d'orchestre! U leur fallait r&ssisiance d'un médecin; ils l'ont.
J'ai adhéré à l'amendement do l'honorable M. Souparl, ainsi que je viens de le diro, par déférence pour le corps médical...
M. Grospils. — Ce n'est pas lo veau de beaucoup de médecins.
M. La Jkl'ne, ministre de la Justice. — Que voulez-vousT Us ne seront jamais tous d'accord. [Hilarité.)
M. Maois. — C'est une raison de plus pour ne pas s'inquiéter de leur avisl
M. La Jbcnb, minislro de la Justice. — L'honorable M. Grosfils o*t revenu sur la question irè* grave de savoir ce qu'il faut entendre par les mou ¦ donnés en spectacle ».
Je croyais la discussion épuisée sur ce point; elle a été longue et approfondie à la Chambre et au Sénat, et les opinions qui t'y sont exprimées ont été nettement énoncées. D'une part, la revendication d'une entière liberté pour les exhibitions de phénomènes hypnotiques; de l'autre, la volonté d'interdire soit toutes les exhibitions destinées à flatter la curiosité des gens, soit seulement les exhibitions organisées par des entrepreneurs de specia:Ies publics.
Le vrai motif de rinterdiclion, c'était que les phénomènes de l'hypnotisme ne doivent pas êlre un sujet d'amusement. Il y va de la dignité humaine el de la santé publique. La science a ses droits et il faut les respecter; mais, associer à ses recherches une curiosité banale, parce que les phénomènes de l'hypnotisme sont amusants à voir on émouvants, c'est une profanation. Les pratiques de l'hypnotisme sont dangereuses et la vulgarisation en dehors du domaine très étroit, qui est celui de la science, n'en peut produire que du mal.
J'avais traduit en ces termes l'interdiction de toute exhibition de phénomènes magnétiques à titre de curiosité « donnés en spectacle au public ».
On m'a demandé si j'attachais i ces mots le même sens qu'à ceux-ci : * donnés en spectacle an publie ».
J'ai répondu que la prohibition ne devait pas atteindre seulement lesspectacles publics, mais qu'elle devait s'élendre aux exhibitions destinées à amuser, émouvoir ou intéresser de vulgaires curieux, et que telle était la portée des mots « donnés en spectacle public >. Les mots « au publie * ont été supprimés afin de mieux accentuer la portée de l'expression.
J'ai reconnu quo nous abandonnions au tact et à la sagacité du juge une approbation qui pourra quelquefois n'être pas sans difficulté; mais, dans la discussion à laquelle nous nous livrions, nous savions très bien ce qui devait — le principe de l'interdiction étani admis — tomber sous le coup de la répres-on pénale, et j e ne crois pas qu'il fut possible de le dire plus clairement.
Lorsqu'il y aura, chez l'hypnotiseur qui opérera et chez les assistants, une préoccupation scientifique, dont le degré de culture de leur intelligence et leurs habitudes d'esprit attesteront le caractère sérieux, il sera certain que le mobile qui les aura réunis ne sera pas une vaine curiosité. H ne sera pas permis de dire que les phénomènes de l'hypnotisme ont été donnés en spectacle et qu'on s'en est amusé, qu'une personne hypnotisée a été le sujet, involontairement ou non, de la profanation à laquelle j'ai fait allusion; il sera certain, par surcroît, que la réunion n'aura pas é;é l'occasion d'expériences indiscrètes ou dangereuses et n'aura pas contribué à une vulgarisation nuisible.
M. Gbosftls. — Cette interprétation me suffit amplement.
M. Le Jecnb, ministre de la Justice. — Je pense que nous voilà d'accord sur ce point : la suppression des mois « au public > ne modifie aucunement l'étendue de prtbibition que la Chambre avait sanctionnée en adoptant, après les explications qui en ont marqué la signification, l'expression « donnés en spectacle au publie ».
M. Heinbn. — Le texte de l'amendement présenté par l'honorable M. Sou-part et voté au Sénat, exige que la personne qui veut hypnotiser des enfants ou des aliénés, soit docteur en médecine ou munie d'une autorisation de la commission médicale provinciale et assistée d'un docteur en médecine.
Comme l'a pressenti l'honorable ministre de la Justice, je ne partage pas l'avis de IL le sénateur Son part, sur la nécessité de l'assistance d'un médecin à l'opération. 11 y jouera on rôle effacé, en quelque aorte peu digne, sauf les cas où il devrait accompagner ses clients- La présence du médecin ne servira qu'à couvrir la responsabilité de l'hypnotiseur. On sait qne les bypnousations répétées ont, entre autres inconvénients, celui de faire éclater un mal nerveox demeuré latent juique-là, de créer, chez certains sujets, un état névropathique durable et d'altérer, à la longue, la personnalité morale. Or, Je préfère laisser à l'hypnotiseur toute la responsabilité de ses manœuvres, pour ne pas voir se produire l'exemple, cité tantôt par M. le ministre Le Jeune, d'un rebouteur acquitté par la Cour d'appel de Liège, parce qu'il éiait assisté d'un médecin.
MM. Grosfils et Magis semblent perdre de vue que le projet de loi ne met une restriction que pour les enfants et les fous : l'article 2 vont une protection de celui qui n'ett pas apte à consentir et de celui qui n'est pas sain d'esprit. Dans tons les autres cas, une personne étrangère à la médecine peut librement exercer l'hypnotisme sous forme d'investigation scientifique et même comme moyen thérapeutique. Cela ne suffit-il pas dans l'intérêt de la science et d'une sage philanthropie T *
Les représentations publiques sont seules proscrite* (art. I"' et tout le monde est d'accord pour trouver la réglementa lion Juste et bien motivée. Ces exhibitions sont contraires à la dignité humaine et dangereuses pour la société. Si l'on prend des mesures contre les maladies contagieuses par infection, il importe autant et plus d'en prendre contre les troubles morbides qui sont iransmissibles par enlralncmont, c'est-à-dire par impression ou imitation.
L'hypnotisme est une impression que se forme un sujet plus ou moins sensible, impression qui peut aller depuis une tendance à suivre un conseil pour modifier ses idées, par exemple, jusqu'à un trouble dans son sang-froid, dans l'empire sur ioi. dans la conscience avec laquelle on sent qu'on agit volontairement, dans la direction de la volonté, jusqu'à une sorte pas vraiment de vertige oculaire, mais d'obnubilation. Jusqu'à une espèce de sommeil — même le sommeil — puis la léthargie ou la catalepsie ou le somnambulisme. Quand le sujet est endormi, la conscience n'est plus en étal de dominer les impressions busses et de les rejeter : il se laisse aller à la réflectivité et aux idées suggérées. Grâce d i impressionnât il lié de l'organisme, l'hypnotisé peut ainsi se trouver vis-à-vis de son maître d'un moment, dans un état de suggestion dont les effets se font même sentir après le réveil.
Au point de vue scientifique, voilà un champ assez vaste d'observations psychologiques ou physiologiques. Libre à ceux qui ont des connaissances hypnologiques, de compléter de la sorte leurs études.
Mais dans la pratique ordinaire, l'hypnotisme n'est utile qu'à la thérapeutique et doit être réservé, dans ce cas, à des mains habiles et prudentes. C'est sous forme de suggestion qu'on l'applique à la cure des aliénations mentales et à l'éducation des enfants vicieux et dégénérés.
Dans la vie commune, les parents et les précepteurs, par les exemples et les avis qu'ils donnent, par le son de la voix, l'expression du visage, le regard doux et courroucé, etc., font de la suggestion sans aller jusqu'à l'hypnose, et rarement un magnétiseur sera appelé à faire plus.
Pour tous les motifs que je viens d'indiquer, je me rallie volontiers à l'amendement (art. 2), qui supprime la présence du médecin à l'opération. Il suffit que l'hypnotiseur, s'il n'est pa* médecin, soit muni d'une autorisation du gouvernement. Celui-ci s'enquerra de la moralité et prendra l'avis de la commission médicale.
SI. Jansox. — Si on mettait :
« Le gouvernement, après avoir consulté la commission médicale..... s
M. Magis. — Je ne veux pas opposer ma compétence à celle de M. Heynen; mais je crois qu'il y a des cas où l'intervention de l'hypnotiseur est utile : on m'a assuré notamment que cette intervention pourrait être utile vis-à-vis de personnes qui ne sont pas saines d'esprit. C'est pour cela que j'ai réclamé en faveur de l'hypnotiseur la liberté la plus complète.
Je ne suis pas hostile cependant à ce que des garanties soient prises; mais il faut éviter que ces garanties puissent dégénérer en abus ou en vexations. Je ne veux rien dire de désagréable pour mon honorable collègue, mais il sait comme moi que Ut rivalité de métier, c'est un sentiment assez naturel dont on est parfois animé sans le savoir. Je préférerais donc l'intervention du gouvernement à l'intervention de la commission médicale.
Le gouvernement pourra consulter la commission médicale au point de vue des garanties que présente telle ou telle personne. A-t-on affaire à un homme nonnête ou non ? Si on a affaire à un homme honnête, on peut lui laisser pratiquer l'hypnotisme; sinon, le gouvernement lui refusera l'autorisation. (Interruptions.)
Quand il s'agit d'autoriser quelqu'un à pratiquer l'art de gnérîr, c'est le gouvernement qui intervient : pourquoi ne pas le laisser intervenir également quand il s'agit d'hypnotiseurs? C'est une faculté naturelle...
M. IIbïshn. — C'est une erreur !
M. Magis. — En quoi ?
M. Hbtnen. — Il n'y a pas de faculté naturelle pour hypnotiser : on peut s'hypnotiser soi-même.
M. Magis. — Je ne discuterai pas la question avec vous : je serais battu d'avance -, mais je me réfère à ce que j'entends dire.
On vous a cité l'exemple de M. Delbœuf. C'est un de nos amis, et je puis vous assurer que cette faculté, il ne l'a pas acquise à force d'études : il s'est aperçu an jour qu'il la possédait.
M. Ebman, rapporteur. — Et il soutient aujourd'hui qu'il n'y a pas d'hypnotisme !
il. Magis. — Je ne veux pas m'immiscer dans les querelles entre hypnotiseurs : ce n'est pas là la question.
Mais il s'agit d'une science qui n'est pas encore bien définie et sur laquelle tout n'est pas dit. 11 faat se montrer d'autant plus prudent que nous sommes en présence d'une chose moins connue.
Je dis au gouvernement : Prenez les précautions, les garanties nécessaires; mais ne venez pas, par une loi, entraver l'exercice de l'hypnotisme, quand il peut se pratiquer utilement!
Telle est la portée de mon observation et je crois que l'intervention lu gouvernement serait de beaucoup préférable a celle de la commission provinciale médicale.
M. Le Jeune, ministre de la Justice. — Messieurs, entre la disposition qui charge les commissions médicales de délivrer les autorisations dont il s'agit et la disposition préconisée par la manière de voir des honorables MM. Magis et Grosflls, la différence n'est, en réalité, que dans la forme : c'est, au fond, la même surveillance. Dans le projet de loi, cette surveillance est tout organisée ; les commissions médicales en sont chargées par la loi elle-même. Les honorables membres proposent de laisser au gouvernement le soin de l'organiser et, tout naturellement, le gouvernement y fera participer les commissions médicales.
M. Gbosfils. — Et sa responsabilité est beaucoup plus grande que celle de la commission médicale.
M. Le Jeune, ministre de la Justice. — En effet; la garantie en sera plus complète, et c'est pourquoi je me rallie à la proposition; mais je donne l'explication de mon adhésion, afin qu'il n'y ait ni méprise ni surprise.
L'intervention du gouvernement renforce la garantie; mais, dans l'organisation de la surveillance, le gouvernement se réserve d'assigner aux commissions médicales le rôle qu'il jugera convenable.
M. Magis. — Parfaitement 1
M. Le Jbunb, ministre de la Justice. — Les autorisations seront accordées, révoquées, suspendues par le gouvernement, et vous laissez au giuvernement le soin d'organiser la surveillance dont ses décisions dépendront. Vous renoncez à l'assistance du médecin : je n'y fais pas d'objection; mais il convient de noter une conséquence qui s'ensuivra. Autoriser à hypnotiser les enfants et les aliénés sans l'assistance d'un médecin ou autoriser à les hypnotiser avec l'assistance d'un médecin : il y a, en théorie, une différence entre les deux autorisations et l'on sera plus rigoureux pour l'une que pour l'autre, puisqu'il s'agit de sauvegarder la santé des enfants et des aliénés.
L'assistance du médecin n'étant plus exigée, il faudra, avant d'accorder l'autorisation, qu'on s'assure si le candidat possède les connaissances nécessaires pour ne point entreprendre inconsciemment des guérisons hypnotiques qui ruineraient la constitution du patient et ébranleraient ses facultés intellectuelles. D'où la nécessité pour le candidat de justifier de certaines connaissances médicales.
M. Jansos. — Il pourra toujours se faire assister.
M. Le Jeune, ministre de la Justice. — Sans doute, mais l'autorisation octroyée lui laissera la latitude de se passer de cette assistance.
J'ai contesté que l'obligation de se faire assister d'un médecin quelconque fût, en pratique, une garantie efficace; il sera très avantageusement suppléé à l'utilité théorique de cette exigence, qui disparaît, par une plus grande sévérité dans l'octroi des autorisations, dont la collation sera attribuée au gouvernement. Si c'est bien ainsi qu'on l'entend, j'adhère à l'amendement. La dignité du corps médical ne pourra que gagner au changement qu'on propose.
Voici le texte définitif qui a été adopté :
« Articlb premier. — Quiconque aura donné en spectacle une personne hypnotisée par lui-même ou par autrui, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de 26 franc- à 1,000 francs.
« Art. 2. — Sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à un an et d'une amende de 26 francs à 1,000 francs, quiconque aura hypnotisé une personne n'ayant pas atteint l'âge de 21 ans accomplis ou n'étant pas saine d'esprit, s'il n'est docteur en médecine ou muni d'une autorisation du gouvernemont.
« L'autorisation ne sera valable que pour uno année; elle sera révocable et pourra toujours être suspendue.
¦ Ed cas de concours avec les infractions punies par les dispositions légales concernant l'art de guérir, la peine prononcée par le présent article sera seule appliquée.
¦ Abt. 3. — Sera puni de la réclusion quiconque aura, avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire, fait écrire ou signer par une personne hypnotisée, un acte ou une pièce énonçant une convention, des dispositions, un engagement, uae décharge ou une déclaration. La même peine sera appliquée à celui qui aura fait usage de l'acte ou de la pièce.
« Ait. t. — Les dispositions du chapitre VII du livre I" et l'art. 85 du Code peu.i. sont applicables aux infractions prévues par la présente loi. >
VARIÉTÉS
Les possédées et les démoniaques & Genève, au m* siècle,
par M. le Dr Pan. Lad a me. serra rr m (1)
Si l'on voulait décrire toutes les manifestation* de la possession, il faudrait passer en revue toute la pathologie nerveuse et mentale, car on trouve sous le nom de démoniaque des malades qui offrent les symptômes des névroses et des psychoses tes plus diverses. Les archives des procès de sorcellerie renferment mie véritable clinique fossile des affections du système nerveux. Lorsqu'on parcourt les pièces de ces procès, les interrogatoires des témoins et des accusés, on assiste à un détilé qui rappelle celui des malade* dans le service de la Salpétrière. H faudrait un volume pour relever tout ce qu'il y a d'intéressant dans ces dossiers, au point de vue spécial qui non* occupe.
Dans cette forme de folie systématisée, que l'on nomme depuis Lasègue le deïire des persécutions, on sait que les malades, habituellement hallucinés de l'ouïe, ont à leurs trousses une légion de persécuteurs. Ils parlent de la « bande » qui le* tourmente. Tout récemment je donnais me* soins à un de ce* malheureux, devenu fou pour s'être occupé avec trop de conviction de* pratiques do spiritisme. Il entendait une légion d'esprits qui étaient en lui et conversaient entre eux et avec les esprit* du dehors. On retrouve le même symptôme dans d'autres formes de maladie* mentale*. Aux temps affreux de la possession, ces légions étaient des diables qui avaient été mis dan* le* corps de* démoniaques. Souvent le* malades indiquaient exactement le nombre des démon* qu'ils hébergeaient. Nous en avons déjà eité un cas. En voici un nouvel exemple :
Le 26 août 1629, la justice prenait des informations contre une certaine Mia, de Sacconex-le-Grand, réputée sorcière. Une servante, âgée de trente an*, qui souffrait de lombago, avait reçu de ladite Mia un petit pot de graisse de chat pour se frotter le* rein*. Mais cette graisse était rousse, et comme la plaignante faisait remarquer à Mia que la graisse de chat devait eue blanche. Mia lui
répondit qu'elle était devenue rousse parce qu'elle l'avait fondue..... Sérieux
motif de suspicion. Malgré la provenance douteuse de cette graisse « le mesme jour ladite eomplaignanle s'en engraissa et encore deux autres jour* ensuivants ». Cependant les conséquence* de cette imprudence ne se firent pas attendre. La pauvre servante fut immédiatement possédée de* démons. Voici ce que dépose un témoin notable :
« Il y a environ quinze jours qu'estant en la maison d'Anlhoine Mestral, charpentier, ladite déposante y vit une fille assr-z aagée et nommée Marie, ci-devant
t (1) Voir Revue de VBypnotume, a" 9 à 11.
servante do noble !»aae Lefort. Seigneur Auditeur, possédée et grandement travaillée des démons, lesquels la fai oyenl aveugle et parlant par la boucbe de ladite Marie, disoyenl que ladite Mia estoyent leur maialroise et làppeloyent « yeux de chèvre et borgne t, et qu'elle avoit mis ccii* et dix malins esprits dans le corps do ladite Marie par le moyen de la graisse de chat qu'elle luy avoit baillé pour luy engraisser lei reins auxquels ella sentoit de la douleur... »
Un autre témoin, une vieille femme de soixante ans. ajoute qu'on plaça la démoniaque chez elle en pension • afin qu'elle se peuu reprendre d'une maladie incogneue qu'elle avoit... Icelle Marie ayant demeuré eiuq sepmaine* en sa maison, commença à enre travaillée des démens, lesquels parlant par sa bouche disoyenl que la Mia, cette borgne de ses veux de chèvre, estoyent leur mais-tresse, et les avoit mis dans le corps de ladite Marie. Elle luy avoit soufflé contre et donné de la graisse de chat qu'elle avoit prise dans une boitU ronde (un antre motif de suspicion pour l'origine diabolique de la graisse!) Et luy avoit mis dans le corps quarante malins esprits pour la faire manger aux poux, la rendre tortue et bossue... »
Le nombre des esprits malins pouvait varier d'un Jour h l'autre, chex les possédés, parce qu'il en sortait souvent, soit spontanément, toit à la suite de certaines pratiques ou exorcismes dont nous aurons l'occasion de reparler dans le chapitre suivant.
La démoniaque susdite présentait des symptômes manifeste* d'hystérie, comme on en constate dans presque tous les ras de cette étrange maladie, qu'on a nommée avec raison hyslêro~démoi\opaM\\e. Voici comment, en effet, la malade décrit les sensations qu'elle éprouve après s'être frotté les reins de la graisse suspecte :
« Qu'elle s'est toujours trouvée mal du despuis, et qu'il luy semble qu'elle a dans le corps des chiens qui la rongent, luy montant Jusqu'au col, si, qu'il semble que Ton la veut eslrangler. > (Le globe" ou la boule hystérique). C'était le symptôme vulgaire de la possession.
En 16(3 habitait au Bourg-de-Four une veuve Maurice Durât, d'humeur querelleuse et violente, qui avait maille à partir avec tous ses voisins. On l'accusa bientôt de sorcellerie ; elle fut appréhendée, mise en prison et torturée. De nombreux témoins, plus d'une vingtaine, vinrent tour à tour exposer leurs griefs devant la justice.
Les époux Mocquler déposent qu'ils vécurent en mauvaise intelligence et sont demeurés en division depuis le jour où la femme Mocquier eut querelle avec ladite Maurice. Il* ont mesme esté sur le point do s'entretuer un soir que quelqu'un, resté inconnu, arnit renversé la coiffe do madame sur sa teste. S'estant incontinent retournée, elle ne vit personne en sa chambre, mais en mesme temps il y eut grand bruit à la cuisine et en la chambre, qu'il semblait qu'on renversait par terre tous les meubles, et cependant rien ne bougeait de sa plaee (! laquelle division [entre les époux susdits) a cessé incontinent après l'emprisonnement de ladite Maurice, et vivent dès lors en concorde et bonne amitié, comme ils fai-soyent auparavant. »
Exemple bien typique de désunion conjugale d'origine démoniaque, guérie radicalement le jour où la sorcière est conduite en prison 1
La femme de Nicolas Piolet s'est aussi disputée avec la Dont, vers la fontaine du Bourg-de-Four, h celle qui remplira la première son seau d'eau. Elles faillirent en venir aux coups. Suivant son habitude la Maurice fit des menaces et dit à la femme de Nicolas : Vous vous en repentirez. ¦ '.'effet fut immédiat. La déposante « fut Mtîsie soudainement et au mesme instant d'un tremblement en tout son corps, et tel qu'à peine pouvait-elle subsister ol se soutenir, et n'auroit mesme peu quasi emporter ledit seau rempli qu'à moitié!... lequel tremblement luy dura l'espace de huict jours continuellement. Alors elle rencontra de nouveau la Maurice à la fontaine, qui luy dit : * Vous vous estes ettonnéo; cela
n'est rien, il tous passera prou. » Ce qu'en effet arriva, ne s'eslant apperçeu d'aucun tremblement en estant de retour en sa maison. Mais son petit enfant ne s'est jamais bien porté depuis ce temps «jusqu'à estro allé au bout de dix-nuict mois de vie à trépas >.
La cas suivant est du même genre. On reconnaît facilement dans les symptômes nerveux manifestés chez la malade l'effet do la suggestion de la peur.
« Marguerite, femme de Jean, quarante ans, dépose qu'il y a quelques années ladite Durai estant venue visiter sa mère gisante au lict malade, après quelques discours s'estanl finallement adressée à la déposante avec des devises lamilllères sur le subjoct de la maladie de sa mère, et comme si elle l'eust voulu consoler, et en la flattant elle luy aurait mis ses deux mains sur les siennes, et que quelque temps après elle se serait trouvée incommodée extraordinairemeni des bras et des mains, lesquels luy fourmilloycnt comme aussi la face, avec des extrêmes douleurs, jusqu'à avoir souffert à ce point que de n'avoir peu en aucune façon remuer ses mains et ses bras de dessus son ventre, sur lequel ils estoyent comme attachés (contracture hystérique), et dit que elle a dès lors senti ces douleurs particulièrement aux testes de Noël, adjoute que par intervalles alors principalement qu'élis se représente ladite Durât (effet de la suggestion) les mains luy fourmillent en telle façon qu'on la cognoist à vue d'œil.
« Elle ajoute encore qu'avant le temps que la sorcière vinst visiter sa mère, elle eust quelque estrif avec elle, et que le mari d'icelle déposante fut appelé une fois comme témoin contre la femme Durai. Celte dernière passant par la rue, estant au-devant de la maison de ladite déposante, et levant les bras contre leur fenestre, elle auroit dit tout haut et à réitérées fois : « Que l'ire de Dieu tombe sur Jean, sur sa femme et sur sa génération. »
L'hystéro - demonopathie sévissait souvent chez les enfants. En voici un exemple tiré du même procès :
« Marie, veuve de Jacques Tartaril, quarante ans, dépose qu'il y a environ deux mois que sa tille, âgée de sept ans, étant tombée malade d'une maladie alors incogneue (les maladies inconnues de l'époque, c'était surtout les maladies nerveuses, qui ne lardaient pas à s'annoncer comme manifestations des esprits démoniaques;; elle auroit fait appeler un deviu et apoticquaire, entre autre sieur David Scanavin, lequel ayant veu et visité sadile fille l'auroit interrogée si elle ne croyoit point qu'elle eust esté touchée par quelqu'un de mauvais reDom, que pour luy il en avait opinion, mais qu'il luy donnerait d'une eau, par le moyen de laquelle on le pouvoit descouvrir, et qu'en effet il luy avait donaé de l'eau dite de Cry (c'était l'oau magnétisée de l'époque), et laquelle ladite fille ayant beu par son ordre le matin. Sur le soir elle commença, contre sa coustume el extraordinaiwment, à jetler des cris en forme d'hurlements et à (aire des postures du corps et des yeux extraordinaires, et à vouloir mordre et esgratiner ceux qui se irouvoyent auprès d'elle, continuant encore à présent en cesdites postures qui proviennent d'estre possédé des démons, lesdits démons ayant, troys jours après qu'elle eust beu de ladite eau, dit qu'ils estoyent quatre, puis une autre fois quatre et neuf, puis quatre et douze, puis quatre el vingt et davantage... el qu'ils chantoyent la musique, soit les notes d'icelle, ne pouvant souffrir la lecture de l'Escripture Saincte, ni les prières à Dieu, pendant lesquelles entre aulres douleurs, ils tourmentent plus rudement ladite patiente... Bien eslrc vray qu'au commencement de sa maladie ledit sieur Scanavin l'ayant interrogée comme sus est dit, et cette fille l'ayant ouy, respondit que la Maurice Durai luy avoit soufflé contre le visage. »
Depuis les mémorables expériences du professeur Chareotà la Salpèlrière sur les « paralysies psychiques », qu'on peut reproduire à volonté chez certaines personnes par suggestion dans le sommeil hypnotique, on connaît exactement les symptômes caractéristiques do ces paralysies. Ce sont elles qui ont fourni dans tous les temps plus les belles guérïsons miraculeuses. Chaquo année on
compte des paralytiques de celte espèce guéris par les eaux de Lourdes ou d'auires pèlerinages. Noos en avons observé nous-mème un certain nombre de cas tout a fait caractéristiques. Nous pourrions citer un grand nombre de cas semblables, qui sont décrits dans les procès de sorcellerie. Nous nous bornerons à relater le suivant, qui peut servir de type.
Lo 15 mars 1073, Jacob Aymé dépose devant la justice « qu'il y a environ trente-quatre mois qu'estant dans la boutique de Zacharie, sur le pont du Kosne, assis sur une chaise assez basse, la nommée Cartière serait survenue dans la boutique, faysant semblant de vouloir achepter quelque chose, et regardant fort fixement le déposant (elle ne réussit que trop bien à l'hypnotiser!) ; elle luy dit : « Qu avez-vous, maître Jacob ? » Et en mesme temps lui osta une chenille du bout du menton, qui estoit de la grosseur du doigt, et la mist dans un bassin de cuivre qu'il avoit sur ses genouils, ce qui le surprit fort, et ne peust parler de demi quart-d'heure, ne sachant si s'estoit au subject de ladite chenille ou s'il estoit enchanté (on dirait aujourd'hui hypnotisé!. El ayant repris la parole, il luy dit : « Double sorcière, il est impossible que ceslc chenille soit venue jusqnes là sans que je l'aye senti. > Veu d'ailleurs qu'il n'estait point sorti de tout le jour, et dit encore ensuite : « Messieurs, je vous en prends à lesmoinz, au cas qu'il m'arrive quelque chose. Je me plaindray. * A quoi elle repartit : « Vous me faites tort, i et se retira.
« Dépose en outre que dès ce moment le bras du costé où elle avait osié ladite chenille luy faisoit des douleurs, et au bout de quinze jours fust impotent dudît bras. »
C'est bien ainsi que les choses se paeseni dans les paralysies psychiques, suites de traumatisme- La paralysie ne se déclare jamais tout de suite après l'accident. Il faut habituellement quelques jours pour que le membre qui a reçu le choc devienne impotent. H est rare que cetlc période d'incubation donne plus de trois à quatre Jours. S'il a fallu quinze jours dans le cas particulier, cela s'explique peut-èlre par la nature de la cause, qui agit moins brusquement qu'un choc traumalique, el par la résistance individuelle plus grande du malade.
Cependant Jacob Aymé, voyant son bras paralysé, allait traduire en justice celle qu'il accusait de lui avoir donné le mal par sortilège diabolique, lorsqu'il fui guéri d'une manière inattendue, comme il le raconte dans sa déposition.
El comme il estoit 6ur le point de la faire venir en justice, elle s'en aper-Çeust, el sortoil (ledit Jacob) de sa maison un matin pour aller chez son père; et comme il fust au bout de son allée, entrant dans la Rue, il hst rencontre de ladite Cartière, à laquelle il dit que son faict viendrait à la cognoissance, et ensuite il poursuivit son chemin; en descendant par Couslance il fust encore rencontré de ladite Cartière, comme encore à Longemalle, où il estoit avec sa mère. El ayant quitté sadile mère il revenoit en sa maison; estant au Molard il fisi encore rencontre de ladite Cartière, à laquelle il dit : • Si lu as quelque chose à me dire, dis-le moy à présent. » A qnoy elle respondit, en luy passant sa main dessus le bras duquel il était impotent, trois ou quatre fois (de vraies passes magnétiques, un siècle avant Mesmer) el répétant : a Vous mo faites tort, mon Dieu, vous mo faites tort » en lui repassant toujours la main sur ledit bras. En suite de quoy et au bout de quinze Jours fie même temps qu'il fallut pour rendre la paralysie complète) le bras duquel il éiaii impotent fut remis en bon estai, et rendu sain comme il estait auparavant. ¦
Les paralysies de ce genre sont beaucoup plus fréquentes qu'on ne le supposait. Récemment encore je donnais mes soins à une dame pour une paralysie psychique du bras qui dura pendant plus de six mois, et ne céda qu'après un traiiemenl électrique prolongé. La cause de celte paralysie était assez singulière. Cette dame, qui avait l'habitude de dormir les fenêtres ouvertes, ne sut pas icnir compte, dans une circonstance décisive, des exceptions à celte règle
hygiénique excellente qu'exigent soit une indisposition passagère, soit un bru*que refroidissement de l'atmosphère. Elle avait souffert l'année précédente d'une affection nerveuse assez tenace, et se trouvait sous l'influence de causes morales déprimantes. Elle était en séjour à la montagne pour tortiller sa santé. Or, une nuit, après une journée d'orage, la température s'était sensiblement refroidie; vers les deux heures du matin lâ malade fut réveillée par une douleur dans l'épaule droite avec engourdissement du bras correspondant. Elle s'était découverte pendant son sommeil, et l'épaule, ainsi nue, avait subi l'impression da froid. Les douleurs et l'engourdissement persistèrent pendant les jours suivants. Le bras devint peu à peu insensible cl impotent. En cinq à six jours la paralysie motrice était complète. De nos jours le • frisson », cet ennemi actif, impondérable et mystérieux, toujours à l'affût, guettant l'instant propice pour fondre sur l'homme sans défense, a remplacé dans l'étiologie d'un grand nombre de maladies le diable et les sorciers incriminés par nos ancêtres. La malade dont je viens de parler se croyait victime d'un frisson, d'un refroidissement. En réalité, sa paralysie provenait d'une autosuggestion, résultant de l'impression du froid qu'elle avait ressentie pendant son sommeil, dans un état de demi-inconscience. Il en est exactement de même dans l'hypnotisme lorsqu'on suggère à une personne endormie qu'elle est paralysée d'un membre. Le même mécanisme psychique s'observe dans les paralysies consécutives à des chocs traumatiques. La suggestion de la paralysie s'élabore pendant l'étourdissement mental causé par l'accident, lorsqu'arrivenl au cerveau troublé les impressions périphériques, qui donnent la sensation confuse de l'impotence du membre contusionné par un coup ou engourdi par le froid. Si la superstition s'en mêle, que ce soit la peur d'une influence démoniaque ou celle, non moins mystérieuse, du froid, la greffe suggestive s'organise dans le cerveau et la paralysie psychique s'établit.
COMMENT OS CHASSE LES DJtMONS
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Les moyens employés pour délivrer les démoniaques étaient si nombreux et si variés qu'on ne saurait tous les énumérer. Depuis les exorcismes à grand orchestre, où l'on mettait en œuvre toutes les ressources dont disposait l'Eglise pour impressionner profondément les foules, jusqu'aux menues superstitions du peuple, qui rappellent sous plus d'un rapport les pratiques des sauvages de la Nouvelle-Zélande et de la Tasmanie, y compris les volées de coups de bâtons, on essayait tout au monde pour chasser les diables qui tourmentaient le malheureux possédé. H était bien rare que ce traitement réussît, mais il n'en était pas moins réputé Infaillible, comme les remèdes secrets qui s'étalent aujourd'hui dans les réclames des journaux.
Le Consistoire et les Conseils de Genève veillaient avec grand soin à réprimer les pratiques superstitieuses au moyen desquelles on lentait d'exorciser les démoniaques. Ils poursuivaient, censuraient et punissaient énerglquement ceux qui propageaient ces pratiques, qui pouvaient avoir les conséquences les plus déplorables et avaient conduit au bûcher plus d'un innocent.
Partant du principe qu'il faut trouver la cause pour supprimer l'effet, et que par conséquent la première chose à faire était de rechercher la personne qui avait mis les démons dans le corps du possédé, on employait dons ce but divers moyens, souvent très bizarres. Habituellement c'étaient les malins esprits eux-mêmes, parlant par la bouche des démoniaques, qui désignaient nominativement le sorcier ou la sorcière, sans omettre de rappeler que ceux-ci étaient leurs maîtres ou leurs maîtresses. Mais, nous le savons, parfois les démons étaient charmés, enchaînés, et le possédé muet, incapable de répondre aux questions les plus pressantes. Dans ce cas on savait de bons moyens pour découvrir le sorcier. Cn des meilleurs était de griller du sel dans une casserole. Pendant celte opération le sorcier était lui-même sur le gril et ne pouvait tenir en
place. On le voyait alors parcourir les rues sans s'arrêter nulle part. Le Consistoire eut connaissance d'un cas de ce genre à la fin de l'année 1C07. Voici ce que nous lisons dans les regisires :
« Du 26 novembre 1607 comparurent Pctremande. veuve de Perceval, Peraette, veuve de Georges, et Andrée, veuve d'Alexandre, et la veuve Gourmier, dite la Bossa, pour avoir mis du sel dans une casse et icelui fricassé, en la quantité de pleines les deux mains, que c'estoit sel marin, eu intention de savoir qui a>irait mis les démons au corps du fils de ladite Rossa, et qu'au sortir de leur maison passa Jean Porral, pendant que le sel fricassoit, lequel ladite Andrée brassoit avec un baslon de bois : et que c'estoit au rapport d'une païsannc de Doveinne qui leur avuit dit qu'elle et quelques siennes voisines s'estoyenl trouvées en tel soupçon et accident, et qu'elles avoient bruslé et fricassé du sel marin, pendant quoy celuy qui a mis les diables au corps des personnes brusle et ne se peust arrester en un lieu et faut qu'il coure de lieu en lieu. El que Porral passa par devant la Magdeleine temple, alla par la rue d'Enfer à Longemallo et monta par la rue Verdavne et sortit par le Four, ayant* ses deux bras derrière soy et son manteau. »
« Du Jeudy 3 de décembre. Nouvelle comparution de la principale coupable, et décision prise en Consistoire : « Avisé qu'on luy fera comprendre ses superstitions saianiques, et combien elle s'est oubliée de se vouloir jouer du Diable. Et que la Cèno luy sera interdite. -
Nous relevons dans une des pièces du dossier d'un certain greffier de Présilly, condamné a être brûlé à Genève pour sorcellerie, le 3 novembre 1013, le témoignage suivant, qui indique une autre pratique, déjà mentionnée et très répandue, pour découvrir les sorciers :
« Honorable Jean Painbis croyl que ledit greffier a fait mourir sa femme soit environ huit ans, comme aussi une sienne jeune fille... advint que sadite femme avant fréquenté la maison dudit greffier, elle tomba malade d'une estrange maladie, dont elle languit l'espace de trois ans et devint touto seiche et sadito fille aveugle, et finalement moururent; de quoy, luy qui dépose, se complaignant à ses voisins... quelqu'un luy dit qu'il falloil prendre deux verges en bois de coudre et bien battre les babils de sadite femme, ei que celuy ou celle qui luy avoit baillé le mal tomberoit incontinent ma'ade, snyvant quoy ayant pris de * telles verges et bien battu les lu habits, advint qu'alors ledit greffier et sa femme tombèrent fort malades. *
Il y avait bien d'autres moyens de découvrir une personne soupçonnée de sorcellerie. On allait secrètement prendre de la paille de son lit, que l'on fourrait dans le lit de la possédée, à son insu. Celle-ci, qui était censée n'avoir rien vu ni rien senti, de s'écrier aussitôt : « C'est de la paille do notre maislresse. » Et là dessus les convulsions, les hurlements, les crises démoniaques, jusqu'à ce qu'on ait brûlé celte paille. Le moyen était sûr, comme tous les autres, et la sorcière démasquée.
Dans beaucoup de cas, cependant, on ne parvenait pas, malgré lous ces procédés infaillibles, à trouver le sorcier, à se procurer de son pain et de son sel, ou à le faire brûler par sentence Judiciaire. On s'adressait alors aux exorcismes clandestins pour chasser les démons. Il en est fait mention à plusieurs reprises dans les registres du Consistoire. Je no reproduirai que le fait suivant, qui peut servir de type, en le faisant suivre des pièces de la procédure dont il fut l'objet :
« Du Jeudy 11 de Septembre 1609. — Proposé que la Manlilliotte se seroit faite accroire qu'elle estoit affligée des malins esprits et que pour se guérir on seroit allé vers une jeune fille nommée Jehanne, laquelle aussi a esté affligée de trois démons doni l'un estoit Pylhoniquc, en façon que elle se mesle de deviner suyvam quoy on se seroit addressé à elle pour scavoir quels et combien de daemons ladite Maniilliotte avolt, et après avoir gousté leur dit et devina tout
ce qu'on avoil fait auparavant et le Jour mesmo, Jusqu'à dire que la femme d'un certain Jehan luy avoit donné de l'eau à boire, et que deux des malins esprits estoyent sortis et que les autres quatre sortiront d'icy à un an outre deux, et que la mère de Jehanno luy flsi mettre les deux mains sur la teste et luy faisant le signe de la croix sur le front, et luy proférant les noms de la trinite, auroit conjuré les daemons. Remis à MM. Grennet et Dueest pour en avertir MM. les Syndicques à ce que, puisque la Justice en est saisie de faict, on y procède promptement et seurement.»
Le dossier de cette affaire porte le numéro 1994 aux Archives cantonales. Le 15 septembre 1609 on interrogea Pernette et sa fille Jehanne, au sujet des pratiques d'exorcisme et de divination dont elles s'étaient rendues coupables pour chasser les démons dont la Mantilliotte était possédée.
Responses de Pernette, aagee de cinquante ans. Int. Si elle cognoist la Mantilliotte ? R. Qu'ouy.
/. Quelle maladie elle a? A. Ne scavoir, sinon qu'on dit qu'elle a les mes-chants.
/. Si elle l'est pas allé voir pour la guérir? R. Qu'elle luy fist un signe de la croix, disant au nom du Père, du Fils et du Sainct E=prit, etc. et luy bailla de la rotte il) et de l'herbe au mille perlais.
/. Si elle fist pas de conjuration ? R. Qu'elle dit : « Sors dehors malin, au nom de nostre Seigneur Jésus-Christ », et qu'elle disoii : « Non feray. Je ne sortiray pas; je n'eu prendray pas » lorsqu'elle luy bailloit de la souppe, mais qu'elle en prist.
/. Combien il y a que sa fille a les esprits ? R. Trois ans, et qu'elle les a ouy parler, et qu'ils estoyent trois et so disoyent estro labouriors ¦ je veux aller labourer », etc.
/. Qui les luy a mis î R. La Cracagnoda, comme sa fille acheptoil vers elle du biscuit, elle dist : * Tiens-en mienne », et souffla sur elle.
/. Si le démon la tourmente? R. Qu'ouy, et qu'aujourd'huy à midy elle fusl morte sans le secours d'elle.
/. Qui luy a appris qu'il falloit faire ce signe de la croix pour chasser le Diable? R. Que ce sont deux femmes en ville et de Chesne.
/. Si elle scait pas que cela ne se fait en nostre religion, et que c'est mal fait d'abuser ainsi du nom de Dieu ? R. Qu'elle est marrie d'avoir mal fait, mais que voyant sa fille estre soulagée elle l'a fait, et que le diable arracboit les herbes quand elle en mettoit au col de sa fille (c'est-à-dire que celle-ci arrachait ce qu'on lut mettait autour du cou dans ses crises hystériques).
/. Si elle fait pas prier Dieu à sa fille ? R. Qu'ouy et qu'avant qu'elle luy fist ce que dessus, elle ne pouvait dire ces trois mots : Ne nous induy point... » mais [ne) disoit que le mot villenie (le mol de Cambronne. Ce phénomène, dont nous avons déjà cité un cas, est bien connu dans l'histoire clinique des maladies nerveuses; on l'appelle coprotafie).
Le même jour, interrogatoire de la fille.
Du 15 septembre 1609. — Responses de Jeanne, fille de Pierre, aagèe de treize à quatorse ans.
I. Quelle maladie elle a? R Avoir les démons. Comme elle le scait? ¿7. Qu'ils ont parlé. S'ils la tourmentent ? R. Qu'hélas ouy.
(1) Ou Rote, s. f. Rue, plante médicinale. Terme vaudois. In Jfouveau glossaire genevois de Jean Humbert, 1852. La rue a des propriétés antispasmodiques et emmé-nagogues. Le millepertuis est aromatique et tonique.
Si elle derina pas quelquefois ? R. Que c'est un démon qu'elle a au corps qui la tourmente bien.
Si elle cognoist la Mantilliotte ? R. Que non, mais elle scait bien qu'elle a les démons.
Qui le luj a dit? R. Le démon qu'elle a.
Comment elle scaroit que la Mantilliotte avoit six démons qui y demeureroyent deux ans ? R. Le démon qu'elle a le lui avoit dit.
Comment ? R. Qu'estant assise seule près du feu, il le luy dit et qu'elle tomba morte (attaque syocopale hystérique). 'Comment il parla à elle? R. Qu'elle entendist sa voix.
Qui luy a baillé ce dcmon ? /f. La Cracagnoda avec son souffle.
Combien elle en a ? R. En avoir eu deux et n'en avoir plus qu'un.
Comme elle le scait? /¦'. Que celuy qu'elle a le luy a dit.
Si elle en apperceust rien ? R. Qu'ouy et qu'elle demeura morte après qu'il luy cust pris un vomiscmcnt.
Qu'elle se recommande à Dieu et ne se mêle pas de deviner? R. Qu'elle ne devine pas.
Si elle est tombée morte d'autres fois ? R. Qu'ouy.
Si d'autres Tout interrogée pour deviner? R. Que non.
Si l'esprit parloil? /(. Que c'estoit elle, mais que l'esprit le luy avoit dit.
Si elle l'avoit demande à l'esprit ? R. Que non.
S'il parle tous lesjour? à elle? R. Que non, pas si souvent.
Que c'est qu'ils luy disent lors ? R. Qu'elle tomberoit morte et qu'ils l'estran-gleroyent parce qu'elle se fioit en Dieu.
Si l'esprit luy a dit que la Yalenciennc a mis les démons à la Mantilliotte? R. Qu'ouy.
Comment? R. En un soupper par une mouche qu'elle a mis sur son assiette. Comment l'esprit parle à elle ? R. Qu'il parle dedans elle, mais qu'elle ne lui demande rien.
Ce symptôme assez fréquent chez les aliénés, et qui s'observe dans différentes formes de maladies mentales, a été appelé le langage intérieur, les voix épigas-triques, qui paraissent venir de l'intérieur du corps, assez souvent du creux de l'estomac. Il ne faut pas confondre les « voix intérieures » que le malade entend au dedans de lui, avec les « voix * qui proviennent des hallucinations de l'ouïe et qui paraissent toujours Tenir du dehors. Le langage intérieur est une hallucination motrice de la parole. Il semble au malade que quelqu'un d'étranger p>v-nonce des mou au dedans de lui, tandis que s'il est halluciné de l'ouïe il entend des voix qui lui parlent. Tenant de l'extérieur.
L'interrogatoire de la démoniaque continue :
/. Si elle dit pas tout ce qu'avoit fait la Mantilliotte, et qu'on luy avoit mandé une souppe ? R. Qu'ouy et que le démon le luy avoit dit, et que c'estoit l'orfèvre qui luy avoit mandé la souppe.
Si sa mère se mesle de guérir des démons? R. Que non.
Comment elle fait pour les chasser? R. Que sa mère luy dist avoir signé ladite Mantilliotte, et qu'elle fust mal avisée.
Comment sadite mère le scavait? R. Que ça esté une femme du village que le luy a dit.
Si l'esprit luy a dit que lesdits démons soniroyent deux à deux du corps de la Mantilliotte ? R. Qu'ouy.
Si elle scait pas que sa mère a porté des herbes à ladite Mantilliotte ? R. Qu'elle luy a ouy dire.
SI l'esprit luy a pas dît d'autres choses ? R. Ne luy avoir jamais rien deviné d'autre.
Si elle demeura longtemps morte ? R. Une heure, et que les autres fois elle ne devinait pas.
Comment elle scavoit qu'eue tomberoit morte ? JÍ. Qu'il le luy dit lors, et qu'il perla à elle vers Noël et la remontrant, et parla seulement des filles de la maison.
Si elle prie Dieu tous les jours ? /t. Qu'ouy, et que lors le démon luy fait mal, et qu'elle demeure morte.
La dessus a récité l'oraison de Nostre Père. Et disant : « ne nous induy point », est demeurée mueue, faisant des hoquets, quelque peu après a continué avec peine et hoquets. ,
Une seconde procédure fut faite contre deux femmes [Tovne, veuve d'Abraham, et sa tille Pernette) détenues pour avoir usé de pratiques superstitieuses et être allées consulter une devineresse (qui n'était autre que Jchanne, la démoniaque ci-dessus]. Les deux femmes avaient accompagné et probablement conduit la mère de Jehanne chez la Mantilliolte- Elles furent condamnées à une amende de 23 florins et relâchées après une grande remontrance. Le dossier de cette procédure porte le u° 1995. L'information judiciaire eut lieu du 15 au 19 septembre 1609.
CONCLUSION
Nous lisons dans un livre publié celte année même et approuvé par plusieurs évêques (1) :
« Les maladies les plus étranges, avec des retours subits à la santé, sont fréquentes dans les interventions du démon. Le démon cause le mal, et levant aussitôt ses maléfices, il persuade aux hommes que c'est lui qui a guéri le malade. C'est en cessant de nuire, obîerve Tertullien, qu'il accrédite ses fausses guérisons...
c II n'est pas rare, d'ailleurs, que le démon profite de nos infirmités ou leur donne naissance pour troubler nos ames. Tantôt il détermine dans le corps un désordre organique qui déroute par son excentricité les ressources de l'art. Tantôt le mal est caractérisé, soit sous une forme générale, comme la paralysie et la léthargie; soit par une affection particulière qui atteint tel ou tel sens, l'ouïe par la surdité, la vue par la cécité, le goût, l'odorat, le tact par des anomalies étranges qui rendent ces organes inaptes à leurs fonctions... L'étal moral du sujet facilite l'action démoniaque. Il y a même des pochés qui semblent appeler en quelque sorte ce châtiment...
« Ce châtiment atteint quelquefois des innocents. Des enfants peuvent être tourmentés dans leurs corps par le démon, en punition dss fautes de leurs parents... Catherine Polus fut sorcière a huit ans; elle était d'une famille où tout le monde se déclarait voué au diable. Marie Desvignes fut sorcière à treize ans. Aujourd'hui les cas de possession sont rares : non pas que Satan ait désarmé; seulement il varie, selon les temps et les lieux, la mise en scène de ses interventions. Sou but est toujours le même : troubler les âmes. Il y arrive aujourd'hui plus facilement en nous alléchant par dos nouveautés, et en se dissimulant par la diversité de ces manifestations. C'est ainsi que certaines conditions mor-• bides, incompréhensibles si on no consulte que les données de la science, s'expliquent à l'aide des clartés de la foi. Plus d'une fois la malédiction d'un pire ou d'une mère ont eu pour effet le mal terrible de la possession. >
L'abbé Moreau dil plus loin que personne ne nie l'analogie qui existe entre la possession et l'hytléi~o-cpilepsie. « Mais, ajuute-t-il, est-ce une raison pour que ces deux états soient identiques ? A notre sens, cela ne prouve qu'une chose, c'est qu'un tempérament maladif, nerveux, est généralement mieux préparé à recevoir l'action du démou; voilà pourquoi les possessions se manifestent généralement sous les formes hideuses de l'hystéro-épilepsie.
« Personne ne nie davantage que dans le passé on a pu prendre pour des
(I) L'abbé Moreau, déjà cité, pp. 5-13 cl suivantes.
assaut' diaboliques certaines crises rioleutes de la nature, ot qu'on a exorcisé des sujets atteints d'affections simplement morbide*... L'Eglise a si bien compris elle-même qu'en ces matières l'illusion, la supercherie, certaines ressemblances arec des états morbides peuvent induire les exorcistes dans l'erreur, qu'elle leur a imposé des règlements pour les prémunir contre les surprises de l'ignorance ou de la précipitation... »
Ce qui révèle la possession démoniaque d'après les règlements de l'Église cités par l'abbé Moreau, ce ne sont pas les convulsions pins on moins extraordinaires, mais certaines circonstances qui tiennent du prodige : « parler une langue inconnue et comprendre celui qui la parle; révéler des choses éloignées ou occultes; déployer des forces au dessus de son âge et de sa condition; et autres choses de cette nature, dont la force probante est d'autant plus grande qu'elles se présentent en plus grand nombre... »
• La possession peut parfaitement exister, et de fait on en cite des cas, sans les crises qui l'accompagnent ordinairement. Rien ne nous autorise donc à conclure à la possession, même dans les affections morbide* les plus extraordinaires, tant que n'apparaît pas le signe- prodigieux qui révèle une intervention à la fois surhumaine et malsaine. Presque tous les hypnotiseurs s'acharnent (1) à prouver que le* sorcières et les possédés des xvr» et inr» siècles doivent être rangés dans la catégorie des grandes hystériques. »
Il suffit de rapprocher ces citations des extraits de procès de sorcellerie que nous avons donnés plus haut pour démontrer que la croyance à !a possession est aussi vivace, chez certaines personnes, à la hn du m' siècle qu'au commencement du xvrr».
L'abbé Moreau suppose qu'on va se moquer de lui : * Une immixtion démoniaque! dit-il, voilà le gros mot lâché I et qui fera peut-être sourire non seulement les sceptiques, mais encore d'« excellents chrétiens qui n'ont plus, selon le mot de M. Réville, le moindre souci du roi des enfers. »
Nous plaignons sincèrement ceux qui ont un sourire moqueur au spectacle bienfaisant de la foi sereine et naïve. N'est-ce pas à ceux qui croient avec ht candeur de l'enfance que la vérité est promise î Mais U ne faut pas avoir peur de la vérité et confondre l'ignorance avec la candeur. Bien que l'abbé Morean soit souvent injuste vis-à-vis des médecins qui ont étudié l'hypnotisme, en dehors de toute préoccupation dogmatique (il prétend qulls comptent se servir de l'hypnotisme comme d'une nouvelle arme de guerre contre la foi catholique], nous avons lu son livre avec intérêt, et cette lecture nous a laissé l'impression que l'auteur y affirme des convictions honnêtes et respectables. Nous sommes, il est vrai, un des collaborateurs du D' Bérillon, directeur do la Bévue de l'Hypnotisme; mais, quoi qu'en dise M. l'abbé, noua ne faisons pas partio de ce groupe dont la devise est celle de Voltaire : ¦ Ecrasons l'infâme 1 * c'est-à-dire le surnaturel. Nous ne voulons rien écraser, ni excommunier personne. Nous demandons plus de lumières, plus de charité et plus de liberté dans la discussion des phénomènes qui appartiennent au domaine scientifique, sans vouloir blesser la foi de qui que ce soit.
Malgré toute notre bonne volonté, nous cherchons en vain dans les phénomènes morbides extraordinaires dont nous nous occupons ici, le signe prodigieux qu'y découvre l'abbé Morean. Nous ne nions pas les faits anciens qui sont rapportés par des auteurs dignes de foi. Nous pensons qu'on les a observés d'une manière plus ou moins exacte, en les interprétant suivant les idées régnantes. Nous voyons journellement de pauvres malades qui offrent toutes les angoisses et tous les tourments décrits comme les sigies de la possession démoniaque, et nous nous imaginons sans peine ce que devait être l'horrible situation de ces malboureux aux siècles antérieurs, lorsque, à toutes leurs angoisses et leurs
(1) C'est nous qui soulignons ce moi qui n'est guère évangélique.
inquiétudes, ils ajoutaient encore cette épouvantable idée que le diable s'était logé dans leur corps ou qu'une légion de démons, courant dans leurs membres s'efforçaient de les étrangler ou de les éloufTer, sans compter que souvent leur maladie les conduisait à la torture et au bûcher. Puissent ces affreuses croyances ne jamais revenir pour le malheur de nos descendants, ou plutôt puissent-elles â jamais disparaître pour le bonheur de l'humanité!
Qui n'a lu la série des beaux discours religieux prononcés à Paris par Aihanase Coqnerel fils, pendant les années 1872 et 1873, dans la salle Saint-André, sous le titre : Quelle était la religion de Jésus? Dans le sixième discours, « Jésus et le miracle », l'éminenl prédicateur parle en ces termes à ses auditeurs :
« Je ne puis vous conseiller de ne lire l'Evangile qu'à condition d'en ôter, comme on sarcle de mauraises herbes dans un jardin, toute circonstance, tout détail, toute allusion qui semble le moins du monde surnaturelle. Là, comme en toutes les histoires anciennes el même modernes, ce triage est chimérique et trop artificiel. Il reste toujours des faits, des détails sur lesquels il est impossible de se prononcer, et où l'on ne peut quo suspendre son jugement, Ne violentez pas le texte; n'effacez rien. Jouissez de tout ce qui est beau et profitez de tout ce qui est bon, sans permettre à votre piété de se scandaliser du resie.
« Ce qui importe, c'est de bien comprendre que l'essentiel de la religion est tout autre, el ici je n'hésite pas à répétor un mot qui n'a pas encore été dit assez souvent ni assez haut : « Soyez chrétiens et croyez aux miracles, si vous les trouvez réels et s'ils vous sont utiles. Soyez chrétiens sans les miracles, s'ils portent le moindre obstacle, le plus léger ombrage à voire piété et à votre foi. Mais soyez chrétiens. Là est l'essentiel pour chacun de nous, pour la conscience individuelle, pour la famille, pour la patrie, pour l'humanité. »
Un des plus savants médecins a'iénistcs de la renaissance, Jean Wier, qui publia en 1363 à Bàle son livre célèbre : Histoires, disputes el discours des illusions el impostures des diables, etc., exprime des idées analogues en termes un pou différents.
Au chapitre 29 du livre V, intitulé: a Les moyens par lesquels les démoniaques et ensorcelés doyvent esire instruits de l'imposture et impuissance du diable, • AVier écrit :
¦ II ne faut doneques craindre le diable, mais plustost Dieu, qui tient cesl-ours attaché à des chaînes, si bien qu'il ne peut rien sans son exprès commandement. Ainsi le cbreslien recevra du doigt de Dieu tout ce qui luy aviendra d'infortune, car il tient tout en sa main. Et ceux ne méritent pas d'estre nommés chrestiens qui imputent les maux avenus, à quelque femme maligne, au diable et non à la volonté de Dieu- Job est affligé par le diable, touiesfois il le prend encore venant de la main de Dieu, disant : « le Seigneur l'a donné, le Seigneur l'a osté; il a esté ainsi fait comme il luy a pieu, le nom du Seigneur soit toujours bénit. * 11 n'a eu aucun esgard à la verge qui le frappait, ains seulement à la volonté du père. La verge punit le fils et toutesfois le fils ne dit pas que cela soit venu de la verge, si ce n'est qu'il ne soit encores enfant sans raison. Mais il dit que ça esté son père qui tient la verge en la main, el s'en sert à le chas lier. »
Et dans le même livre, au chapitre 37, sous le titre : « En quel temps, par quelle manière, et par quelles gens les exorcismes doyveni esire pratiquez, » Wier raconte qu'en l'an 1529, Adolphe Clarbach, « homme docte et cbreslien, fui emprisonné à cause de la religion en une tour de la ville de Cologne, fort agitée de malins osprils et appelée la porte des poule*, afin d'y esire plus rudement tourmenté, nuict et jour... Or il aToit escril de son doigt avec de l'encre fait de charbon pulvérisé et meslé en eau (pour co qu'on ne luy avoit voulu bailler encre ni papier durant sa captivité) contre la muraille deux vers latins, dont la substance estoil telle : ¦ Quand Dieu est avec nous, il faut que les illusions de Satan s'esvanouyssent. a
¦
« Voilà la conjuration, conclut Wier, voilà le grand et fort exorcisme, voilà la certaine manière de chasser le diable, Toilà le moyen sommaire, voilà les charactères par lesquels la puissance infinie est appelée pour faire les choies par dessus la commune force de la vie : voilà la vraye doctrine, le ferme fondement et la pierre des philosophes, laquelle est de toute autre efficace que n'est pas celle que les alchemistes trompez vont eerebant, ains plustost c'est la pierre angulaire sur laquelle tout bastiment o*t fermement appuyé. Voilà les t^smoi-gnages divins et les enseignemens de nos choses sacrée* ; voilà les mémoire» du vray pre*tre. les signes purs et les cérémonies, lesquelles sont contentes de peu, faciles à faire et de peu d'appareil; et desquelles nous devons user pour chasser les diable*. Voilà la science plus haute que le ciel, plus profonde que les enfers, délivrée de tous périls, ennemie des esprits espou van tours, contemptrice des luttons, haineuse des idole», laquelle n'a afaire d'encens ou de vin. et commande à toutes ombres mortelles, aux Gobelins et aux Luiton» ; ne fait cas des sépulchrcs et tombeaux, ni d'aucunes aparitioos des morts; laquelle chasse hardiment, à front ouvert, comme dit Capoioo, tous les sots es pou vantai 1s; toutes les allées et venues, et toutes les munition* des enfers... Jésus-Christ, par sa seule parole, a chaise les diables. Parquoy si vous voulez beson-gner droltement et seulement, il faut que vous mettiez ce conseil de sainet Paul devant les yeux : « Tout ce que vous faites soit en parlant, soit en beson-gnant, faites-le au nom de Nostre Seigneur Jésus-Christ. Voilà le salubre médicament; voilà la panacée, ou plustost nostre salut et guérison. »
Paul Ladaub.
CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE
Société d'hypnologie et de psychologie.
La Société d'hypnologie se réunira le lundi 13 juin, à qualro heures et demie précites, au palais des Sociétés savantes, 23, rue Serpente, sous la présidence de M. le 1»' Uumonlpallier :
1* Lectures et communications diverses;
2e Présentation de malades;
3° Vote tur l'admission de nouveaux membres:
Adresser les communications à M. le Dr Bérillon, secrétaire général, rue de Rivoli, 40 bit.
Enseignement de l'hypnotisme et de la psychologie physiologicrue.
Institut psycho-physiologique de Paris, «9. rue Saint-André-des-Arts. — L'Institut psycho-physiologique de Paris, fondé en 1891 pour l'étude des applications cliniques, médico-légales et psychologiques de l'hypnotisme, et placé sous le patronoage de savants et de professeurs autorisés, est destiné à fournir aux médecins et aux étudiants un enseignement pratique permanent.
Une clinique de maladies nerveuses est annexée à l'Institut psycho physiologique. Les consultations gratuites oat lieu les mardi9, jeudis et samedis, de 10 heures à midi. Les médecins et étudiants régulièrement inscrits sont admis à y assister. Le samedi, à dix heures et demie, leçon clinique,
Salpbtrièrb. — M. le Dr Auguste Voisin commencera le dimanche 12 juin, à dix heures, dans la salle des Cours, section Bambuteau, à la Salpétrière, une série de leçons sur les maladies mentales et nerveuses.
Plusieurs leçons seront consacrées aux applications cliniques de l'hypnotique.
Clinique médicale de l'Université de Palerme. — M. le professeur Lugatto, direcieur de la Clinique médicale de Païenne, a fait, le 26 mars 1S92, dans l'am-phithéâtre de la Clinique chirurgicale de l'hôpital de la Conception, une conférence sur les applications de l'hypnotisme- Il a comparé, devant un nombreux auditoire, les doctrines des écoles de Paris et de Nancy.
Société mbdico-psychologique italienne. — La Société médico-psychologique italienne, fondée à Florence sous la présidence de M. le Dr Olinto del Torto, a pour but d'étudier spécialement les questions qui relèvent de l'hypnotisme et de la psychologie.
Nous tiendrons nos lecteurs au courant des travaux de cette importante Société.
Congrès international db Pstckologib bxpèhimbntalb. — Le Congrès international de Psychologie expérimentale, qui se tiendra à Londres du 1« au 4 août 1892, présentera le plus grand intérêt. De nombreuses adhésions sont parvenues au Comité d'organisation. Nous publierons, dans notre prochain numéro, la liste des communications, ainsi que le programme complet des travaux du Congrès.
Symptômes psychiques de la goutte, éclairés par l'histoire
de W. Pitt.
La Revue internationale de médecine analyse à ce sujet un curieux article du Médical Standard. — La goutte a une qualruple relation avec la folie : elle peut la produire, la modifier, la guérir ou être guérie par elle. Une violente émotion peut guérir un accès de goutte. Mais il arrive souvent que la disparition des manifestations articulaires cause de grave* troubles intellectuels. C'est ce qui arriva À William Pitt, premier comte de Chatham. Goutteux héréditaire, il fut débarrassé momentanément des accès douloureux, mais il devint pendant toute cette suspension, mélancolique, irritable et capricieux, et, selon l'expression de Macaulay, il commit une foule d'actes qui. isolés, ne sont pas anormaux, mais dont le groupement et l'opposition évidente aux anciennes habitudes de Pitt indiquent bien la folie; surtout, il laissa libres ses collègues du ministère, tout en leur donnant des ordres d'une arrogance inouïe; il laissa gouverner Georges IU, qui était fou, et parut approuver ses décrets les plu* in-ensés. n finit par donner sa démission. Neuf mois après, la goutte reparut et ramena la raison; mais, chose à noter, pendant cette période de trouble psychique, il conserva toute son éloquence au point qu'on ne se doutait pas de sa folie.
OUVRAGES REÇUS A LA REVUE
Delbœuf J.j. — /.'Hypnotisme devant ta chambret législative» belges. (Brochure de
80 pages, grand format. — París, Alean, éditeur. 108, boulevard Saini-Oennaio.
— Bruxelles, Weiaaenbruch, éditeur, -15, rue du Poinçon, i Liège; Desoer, éditeur,
9, place Sai at-Lambert. Joire (D' Paul). — Précis théorique et pratique de neuro-hypnotogie, études sur
l''hypnotisme. (L'a volume in-12, de 330 pages. — Maloine, éditeur, 91, boulevard
Saini-Oenaaln, Paris, I89S.) Liebreich TT Oacar). — Sonderabdruck aus therapeutische mona ttshefte. (Brochure
de if pages, en allemand. — Julien Springer, Berlin.) Milne Bramwoll. — Hypnotism and Humbug. (Brochure de 11 pages, en anglais. —
Goodall and Süddiek, Winters, Cookrídge street, Leeds.)
L'Administrateur-Gérant: Emile BoURIOT.
TABLE ANALYTIQUE DES MATIÈRES
Accouchement [action de la suggestion pendant le travail de l'), par Dumont-pallier, 175.
Affaire des magnétiseurs de Braine-le-Château, par Delbœuf, 40.
Aide donnée par le chloroforme à la production du sommeil chez les aliénés et les obsédés, par A. Voisin, 114.
Alcoolisme devant l'expertise médico-légale, par Semal, 161.
Alcoolisme et son traitement par la suggestion hypnotique (l') par Lloyd Tuckey, 136, 171.
Amnésie rétrograde et antérograde (un cas d'), par Charcot, 334.
Amnésie rétrograde (un cas d'), 62.
Anesthésie chirurgicale sous l'influence de la suggestion, par Martinez Diaz, 309.
Anorexie hystérique, traitée avec succès par la suggestion, 901, 245.
Anthropologie criminelle, par Fran-cotti, 186.
Application de l'hypnotisme, par Bru-net, 183.
Applications variées de la suggestion chez une hystéro-épileptique, par Bourdon, 358.
Art dentaire (application de l'hypnotisme à l'), par G. Sandberg, 331.
Ataxie locomotrice traitée avec succès par la suggestion hypnotique, par Bérillon, 185.
Australie(l'hypnotisme en), par Richard Arthur, 296.
Autographisme, par Delbœuf, 257.
Banquet offert à M. le professeur Charcot, 286.
Britisch medical association, 393.
Centres nerveux (album des), 351.
Chloroforme (aide donnée par le), 114.
Choc nerveux consécutif aux explosions de dynamite, 315.
Civilisation et suicide, 190.
Combat contre le crime (le), par Joly, 348.
Comme quoi il n'y a pas d'hypnotisme, par Delbœuf, 129.
Congrès d'anthropologie criminelle, 235, 318.
Congrès international de psychologie expérimentale, 191.
Consanguinité (la), 28.
Considérations générales sur les applications thérapeutiques de l'hypnotisme, par Tokarski, 58.
Contracture spasmodique guérie par suggestion, par David (de Sigeau), 56.
Contribution à l'étude théorique et pratique de la suggestion, par Stembo. 33.
Cours à l'Ecole pratique de la Faculté, 285.
Cuba (l'hypnotisme à), 319.
Défense nationale (l'hypnotisme et la), par Liégeois, 298.
Définition et conception des mots suggestion et hypnotisme, par Bernheim, 87, 109.
Déontologie médicale, 287.
Despini (Prosper), nécrologie, 351.
Diabète insipide guéri par suggestion, par Mathieu, 337.
Dipsomanie traitée par l'hypnotisme, 14.
Enfants (les hallucinations et la folie chez les), 30.
Enfants (faux témoignages suggérés chez les], 203. Enfants (suggeitibilité des), 54.
Enseignement de l'hypnotisme. 25, 127, 158, 188, 223, 235, 318, 342, 379.
Epilepsie traitée par suggestion, 83.
Etudiants (le nombre des), 94.
Expertise médicale et l'hypnotisme (l'), 313.
Expertise médico-légale (l'alcoolisme devant 1'), 161.
Faux-témoignage suggéré (un), 343.
Faux-témoignages suggérés chez les enfants, par Bérillon, 203.
Faux-témoignages suggérés (considérations juridiques à propos des), par Guérin, 212.
Fleury (de), nécrologie. 250.
Fœtus (influence psychique exercée par la mère sur le), 52.
Fœtus (impressions maternelles sur le). 196.
Folie histérique et la suggesuon hypnotique (la), par A. Voisin, 267.
Folklorisme (un congrès de). 94.
Force nerveuse ( le lit à deux et la), 159.
Guérisseur en Allemagne (un), 245.
Gustation colorée, 189.
Hallucinations unilatérales homonymes dans la zone de la face, par Féré, 321.
Hallucinations télépathiques, 63.
Hemenet (Félix), nécrologie, 160.
Hémophillie traitée par suggestion. 83.
Hémorrhagies auriculaires, oculaires et palmaires, provoquées par suggestion, par Artigalas et Ramond, 250.
Hygiène des gens nerreux, par Levil-lain, 29.
Hypérexcitabilité neuro-musculaire, 150.
Hypnotisme (comme quoi il n'y a pas d'), 131.
Hypnotisme à la Chambre des représentants de Belgique, 60, 123.
Hypnotisme à la Chambre des députés d'Autriche, 224.
Hypnotisme (de l'), par A. Voisin, 93.
Hypnotisme au café (l'), p. 27.
Hypnotisme (définition de l'), 86.
Hypnotisme au Congrès international d'hygiène (l'), 128.
Hypnotisme au point de vue médico-légal (l'). par Bellet, 24.
Hypnotisme (grand et petit), 154.
Hypnotisme et hystérie (l'), par Ba-binski. 23.
Hypnotisme expérimental chez une sourde-muette, 304.
Hystérie avec l'hypnotisme (rapport de l'), par Babinski, 50.
Hystérie avec l'hypnotisme (rapport de l'), par Bernheim, 47.
Hystérie convulsive, guérison par David, de Sigean, 230.
Impuissance (traitement de l'), 346.
Index bibliographique international, 32, 96.
Influence psychique exercée par la mère sur le fœtus, par Liébeault, 52.
Influences des impressions maternelles sur le fœtus, Dizewiecki, 196.
Interdiction des séances publiques d'hypnotisme en Amérique, 28.
Interdiction des séances publiques d'hypnotisme (vote tendant à l'), 94.
Japon (l'hypnotisme au), 190.
Jésus de Nazareth, par P. de Regla, 127.
Langage des oiseaux (le), 34. Lecture des pensées(la), par J. Tascha-noff, 65, 101, 135.
Lettre de M. Masoin, 79.
Lit à deux et la force nerveuse (le), 159.
Loge maçonnique médicale (une), 224.
Loi sur l'hvpnotisme en Belgique (la), par Merveille, 193, 362. Loi sur l'hypnotisme devant le Sénat belge, 224.
Magnétiseurs a Braine-le-Château, 18, 40. 69.
Maladie des tics convulsifs, 28.
Maladie du sommeil. 27.
Maladies de l'esprit (les), par Max Simon, 242.
Maladies et médicaments à la mode, 30.
Manie de la superstition. 11.
Mauvais œil (le), 139.
Mécanisme des phénomènes hypnotiques provoqués chez les sujets hys-riques, par Bérillon, 269.
Méfait du somnambule lucide, 26.
Morphinomanes (considérations médico-légales sur la séquestration des) par Gorodichze, 215.
Myriachit, 28.
Nature des phénomènes somatiques dans l'hypnotisme, par Tamburini, 148.
Neurasthénie (considérations générales sur la), 225.
Neurasthénie (considérations au sujet de la), 239.
Neurasthénie, par Bouveret, 63.
Névralgie faciale datant de dix mois, guérison par suggestion, par Lajoie, 171.
Névralgies traitées par suggestion, 84. Névropathie avec persécution délirante guérie par suggestion à l'état de veille [cas de), par Andrieu, 322.
Névropathie caractérisée par des crises de pleurs, par David, de Sigean, 57.
Névropathie douloureuse guérie par la suggestion, par Bernheim, 225.
Nutrition dans l'hypnotisme (la), par A. Voisin et Harant, 181.
Obsessions (les), par Van Eeden, 5.
Obstruction intestinale guérie par suggestion, par Bénard, 361.
Onanisme guéri par suggestion, 177.
Paysans magnétiseurs de Braine-le-Château (les), 18, 69. 313.
Pédagogiques de la suggestion (applications), 82.
Pédagogue et la pédagogie (quelques mots sur le), par Gréard. 97.
Prénoms (leur utilité dans l'examen anamnestique des aliénés), par Emile Laurent, 242.
Polyurie hystérique; influence de la suggestion sur l'evolution des syndrômes, par Babinski. 182.
Possédés et démoniaques à Genève, au XXXIIe siècle (les), par Ladame, 283, 315, 338, 368.
Practical of hypnotic suggestions, par Kingsbury, 185.
Prix Liébeault. 188.
Projet de loi sur l'hypnotisme (à propos du), par V. Denys et Van Velsen, 278.
Pseudo-urticaire dermographique, par Chatelain. 261.
Psychologie des foules (essais sur la), par Fournial. 247.
Psychothérapie (observation sur la valeur de la), par de Jouy, 78.
Quelques suggestions, par Forel, 353.
Responsabilités collectives (les), 347.
Société civile (l'hypnotisme et la), par Liégeois, 298. Société d'hypnologie. 25, 44, 77, 94. 109, 127, 141, 165, 189, 203, 223, 236, 245, 254, 267, 285, 296, 317, 326, 342, 358, 379.
Société d'hypnologie (statuts et règlement). 44.
Sociétéd'hypnologie (la) par Bérillon, l.
Sommeil hivernal (le) 190.
Somnambulisme hystérique et somnambulisme hypnotique, 236.
Sourde-muette (hypnotisme expérimental chez une), par Le Menant de Ches-nais et Bérillon, 304.
Spiritiques et leur explication psychiatrique (les faits), par Lombroso, 289.
Spiritiques devant la presse (les), 244.
Suggestibilité des enfants (la), par Bé-rillon, 54.
Suggestion thérapeutique sans hypnotisme, par Bourbon, 329.
Suggestion [définition de la), 86.
Suggestionneur précoce (un), par Du-montpallier, 26.
Suggestions criminelles (des), par Bé-rillon, 118.
Suggestions criminelles (lettre de M. David à propos des), 108.
Suggestio-thérapie, par Van Renter-ghem.
Suicide dans les armées (les causes de), 128.
Suicide provoqué chez un soldat, 286.
Sujets hystériques (phénomènes hypnotiques chez les). 269. Symptômes psychiques de la goutte, 380.
Tarentule (la), 347.
Thérapeutique suggestive (observation de), par Bernheim, 177.
Thérapeutique suggestive, son mécanisme, par Liébeault, 29.
Thérapeutic-value of suggestion during the hypnotic stat, 187.
Traitment hypnotique de la dipsomanie (le), par Hubert Neilson, 14.
Tribunaux le médecin devant les), 159.
Valeur médicale de la psychothérapie, 78.
Ville de criminels-nés (une), par Lombroso, 221.
Vol commis sous l'influenee de la suggestion (délit de), par A. Voisin, 219.
Vol commis sous l'influence de la suggestion (observation présentée à propos de la communication sur un délit de), par G. Ballet, 326.
Zwangs-vorstellangen, 5.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Andrieu, 322.
Artigalas, 250.
Auard Diaz, 309.
Babinski, 23. 50, 110, 182.
Ballet (G.), 21, 117, 118, 121, 122, 326. Bénard, 361. Benedickt, 93.
Bérillon. 5, 52. 31, 118, 122, 165, 180, 203, 219, 269, 304.
Bernheim. 48. 52, 86, 109, 121, 177, 225. 239. 329.
Bourdon, 329, 358. Bouveret, 63.
Brunet, 182.
Brydon, 198.
Carrieri, 347.
Chapman, 199.
Charcot, 286, 334.
Chatelain, 263.
Levillain. 29. 239.
Liebeault. 29, 32.
Liegeois. 249, 298.
Lloyd-Tuckey, 156. 171.
Lombroso, 221. 289.
Magnin, 169.
Mandelslnamen, 190.
Marie. 189.
Marillier, 63.
Masoin, 18. 69. 313.
Mathieu, 337.
Matlews. 190.
Mautner, 27.
Max-Simon. 222.
Merveille, 196.
Moreau, 30.
Motel, 203.
Myers, 63.
Neilson. 14.
Neugebauer, 197.
Osgood (Hamilton), 187.
Podmore, 63.
Prendergast, 28.
Prevôt. 347.
Régla (P. de), 127.
Regnard, 345.
Renterghem (Van), 158, 196.
Richard (Arthur), 296.
Sandberg. 331.
Schelinger, 224.
Semal. 161. Simon (Max), 222.
Sollier, 189.
Soupart, 224.
Stembo, 33.
Tamburini, 141.
Tarchanoff, 65, 101, 135.
Tokarsky, 28, 58.
Velsen (Van), 278.
Voisin (Aug.), 93. 114. 117, 118, 122, 181, 219, 249, 267, 328.
Williamson, 198.
Paris. - imprimerie brevetée MICHELS et Fils, passage du Caire. 8 et 10
Corval, 157.
Darwin, 28.
David, 56, 57, 108, 236.
Debierre, 350.
Dejerine, 64. 121.
Delbœuf, 40, 129, 257.
Denyn, 278.
Despine, 351.
Doumer, 350.
Drzewiecki. 196.
Dumontpallier, 26, 123, 169, 175. 180 250, 277.
Eeden (Van), 5.
Eeman, 60, 123.
Egger, 62.
Eulenburg, 157.
Féré, 321.
Fleury. 350.
Forel, 353.
Foucher (Paul), 344.
Fournial, 347.
Francotte, 186.
Garraway, 198.
Goix. 245, 249.
Gorodichze, 180, 215, 250.
Gréard, 97.
Guérin, 212
GurneY, 63.
Gyurkovechky. 346.
Hamilton-Osgood, 187.
Harant, 181.
Hart, 93.
Hément, 160.
Joly, 348.
Jong (de), 78, 122.
Kingsbury, 185.
Kyslop, 199.
Ladame, 283, 315, 338, 368.
Lajoie. 169
Laurent, 242, 350.
Le Gall, 298.
Lejeune, 195. 362.
Le Menant des Chesnais, 304.