(1890) Revue de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique, Tome 5
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(1890) Revue de l'hypnotisme et de la psychologie physiologique, Tome 5

REVUE

DE

L'HYPNOTISME

ET DE LA

PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE

paris. — imprimerie breveté nicheles et fils, passage de caire, 8 et 10

REVUE

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L'HYPNOTISME

et du la

PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE

Paraissant tous les mois

PSYCHOLOGIE - PÉDAGOGIE — MÉDECINE LÉGALE MALADIES MENTALES ET NERVEUSES

Rédacteur en Chef: Docteur Edgar BÉRILLON

PRINCIPAUX COLLABORATEURS :

MM. les Docteurs AZAM. professeur à la Faculté de Bordeaux; BARETY (de Nice): DE BEAUVAIS, médecin de Mazas; BERNHEIM, prof,à la Faculté de Nancy :L.BOUYER (dAngoulême):BREMARD(de Brest) BRIAND. médecin de l'Asile de Villejuif : CHARCOT, prof, à la Faculté de Paris, membre de l'Institut ; CHILTOFF, professeur à l'Université de Kharkoff: COLLINEAU: COSTER (d'Amsterdam); W. DEKHTEREFF (de St-Pétersbourg): DESCOURTIS: DUMONTPALLIER, méd. de l'Hôtel-Dieu; Eug. DUPUY: Van EEDEN (d'Amsterdam) A. FOREL (de Zurich); FRAENKEL (de Dessau); HACK TUKE (de Londres); G. GAUTIER : GRASSET, professeur à la Faculté de Montpellier: W. IRELAND (d'Édimbourg): LACASSAGNE, professeur à la Faculté de Lyon: LADAME (de Genève); LIÉBEAULT (de Nancy); LEGRAIN. méd.de 1'Asile de Vaucluse

Emile LAURENT; LLOYD-TUCKEY (de Londres); LETOURNEAU. prof, à l'École d'Anthropologie: MASOIN. prof, à l'Unit, de Louvain MANOUVRIER. prof, à l'Ecole d'Anthropologie: MESNET. médecin de l'Hôtel-Dieu : MABILLE, méd. en chef de l'Asile de Lafond; Paul MAGNIN ; MOLL (de Berlin): I. OCHOROWICZ; MORSELLI. professeur à l'Université de Cénes:

Von SCHRENK-NOTZING (de Munich, : SPERUNG (de Berlin): SEMAL (de Mons); Aug. VOISIN, médecin de la Salpêtrie,. etc.; O. WETTERSTKAND (de Stockholm); et MM. A. LALANDE. agrégé de l'Unit.; LIÉGEOIS, prof. à la Faculté de droit de Nancy DELBŒUF. prof, à l'Université de Liège: Félix HEMENT, inspecteur général: Pierre JANET. agrégé de l'Univ.: Max DESSOIR (de Berlin); A. NICOT : A. DE ROCHAS : Jules SOURY : Émile YUNG. prof, à l'Univ. de Genève, etc.. etc.

Secrétaire de la Rédaction : É. LEGALL,

le numéro : 75 cent. 91, 493

PARIS

RÉDACTION

40 bis, rue de Rivoli

Administration 170, rue Saint-Antoine

1891

REVUE DE L'HYPNOTISME

EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE

LES LOIS DE L'IMITATION(l)

Le Somnambulisme Social

L'état social, comme l'état hypnotique, n'est qu'une forme du rêve, un rêve de commande et un rêve en action. N'avoir que des idées suggérées et les croire spontanées : telle est l'illusion propre au somnambule, et. aussi bien, à l'homme social. Pour reconnaître l'exactitude de ce point de vue sociologique, il ne faut pas nous considérer nous même : car admettre cette vérité en ce qui nous concerne, ce serait échapper â l'aveuglement qu'elle affirme et. par suite, fournir un argument contre elle. Mais il faut songer à quelque peuple ancien d'une civilisation bien étrangère à la nôtre. Egyptiens, Spartiates,

Hébreux..... Est-ce que ces gens-là ne se croyaient pas autonomes

comme nous, tout en étant, sans le savoir, des automates dont leurs ancêtres, leurs chefs politiques, leurs prophètes, pressaient le ressort, quand ils ne se le pressaient pas les uns aux autres? Ce qui distingue notre société contemporaine et européenne de ces sociétés étrangères et primitives, c'est que la magnétisation y est devenue mutuelle pour ainsi dire dans une certaine mesure au moins : et, comme nous nous exagérons un peu cette mutualité dans notre orgueil égalitaire. comme en outre nous oublions qu'en se mutualisant cette magnétisation, source de toute foi et de toute obéissance, s'est généralisée, nous nous flattons, à tort, d'être moins crédules et moins dociles, moins imitatifs, en un mot, que nos ancêtres. C'est une erreur et nous aurons à la relever. Mais cela fut-il vrai, il n'en serait pas moins clair que le rapport de modèle à copie, de maître à sujet, d'apôtre à néophyte, avant de devenir réciproque ou alternatif, comme nous le voyons, d'ordinaire dans notre monde égalisé, a dû nécessairement commencer par être unilatéral e' irréversible à l'origine. De là, les castes. Même dans les sociétés les plus égalitaires, l'unilatéralité et l'irréversibilité dont i! s'agit subsiste toujours à la base de l'initiation sociale : dans la famille. Car le père est et sera toujours le premier maître, le premier prêtre, le premier modèle du fils. Toute société même aujourd'hui commence par là.

(1). Un beau volume in-12, chez F. Alcas.Paris.

Il a donc fallu a fortiori au debut de toute société ancienne un développement d'autorité exercée par quelques hommes souverainement impérieux et affirmai! fs. Est-ce par la terreur ou l'imposture, comme on l'affirme, qu'ils ont surtout régné? Non. cette explication est mani- ; festement insuffisante.

Ils ont régné par leur prestige. L'exemple du magnétiseur nous fait seul entendre le sens profond Je ce mot. Le magnétiseur n'a pas besoin de mentir pour être cru aveuglément par le magnétisé; il n'a pas! besoin de terroriser pour être passivement obéi. Il est pres-tigieux, cela dit tout. Cela signifie, à mon avis, qu'il y a dans] le magnétisé une certaine force potentielle de croyance et de désir 1 immobilisée en souvenir de tout genre, endormis mais non morts, que cette force aspire à s'actualiser comme l'eau de l'étang à s'écouler, et j seul par suite de circonstances singulières, le magnétiseur est en mesure de lui ouvrir ce débouché nécessaire.

Au degré près, tout prestige est pareil. On a du prestige sur quel-qu'un dans la mesure où l'on répond à son besoin d'affirmer ou del vouloir quelque chose d'actuel. Le magnétiseur n'a pas non plus besoin de parler pour être cru et pour être obéi : il lui suffit d'agir, de faire un geste si imperceptible qu'il soit.

Ce mouvement, avec la pensée ou le sentiment dont il est le signes est aussitôt reproduit. « Je ne suis par sûr, dit Maudsley, que le somnambule ne puisse arriver à lire inconsciemment dans l'esprit par une imitation inconsciente de l'attitude et de l'expression de la personne dont il copie instinctivement et avec exactitude les contractions muscu laires ». Remarquons que le magnétisé imite le magnétiseur mais non celui-ci celui-là. C'est seulement dans la vie dite éveillée, cl entre gens qui paraissent n'exercer aucune action magnétique l'un sur l'autre, que se produit cette mutuelle imitation, ce mutuel prestige, appelé sympathie au sens d'Adam Smith. Si donc j'ai placé le prestige, non la sympathie, à la base et à l'origine de la société, c'est parceque, ai-je dit plus haut, l'unilatéral a dû précéder le réciproque. Quoique cela puisse surprendre, sans un âge d'autorité, il n'y aurait jamais eu un âge de fraternité relative. Mais revenons. Pourquoi nous étonner, au fond, de l'imitation à la fois unilatérale et passive du somnambule.? Une action quelconque de l'un quelconque d'entre nous donne à ceux de ses semblables qui en sont témoins l'idée plus ou moins irréfléchie de l'imiter, et. si ceux-ci résistent parfois à cette tendance, c'est qu'elle est alors neutralisée en eux par des suggestions antagonistes, nées de souvenirs présents ou del perceptions extérieures. Momentanément privé, par le somnambulisme de cette force de résistance, le somnambule peut servir à nous révéle la passivité imitative de l'être social en tant que socialf c'est-à-dire en tant que mis en relations exclusivement avec ses semblables, et d'abord avec l'un de ses semblables.

Si l'être social n'était pas en même temps un être naturel, sensible et ouvert aux impressions de la nature extérieure et aussi des sociétés étrangères à la sienne, il ne serait point susceptible de changement. Des associé pareils resteraient toujours incapable de varier spontanément le type d' idées et de besoins traditionnels que leur imprimerait l'éducation des parents, des chefs, des prêtres, copies eux-mêmes du passé, Certains

peuples connus se sont singulièrement rapprochés des conditions de mon hypothèse. En général, les peuples naissants, de même que les enfants en bas âge, sont indifférents, insensibles à tout ce qui ne touche pas l'homme et l'espèce d'homme qui leur ressemble, l'homme de leur race et de leur tribu Le somnambule ne voit et n'entend, dit M. Maury, que ce qui rentre dans les préoccupations de son rêve. Autrement dit, toute sa force de croyance et de désir se concentre sur son rôle unique. N'est-ce pas là justement l'effet de l'obéissance et de l'imitation par fascination, véritable névrose, sorte de polarisation inconsciente de l'amour et de la foi.

Mais combien de grands hommes, de Ramsès à Alexandre, d'Alexandre à Mahomet, de Mahomet à Napoléon, ont ainsi polarisé l'âme de leur peuple. Combien de fois la fixation prolongée de ce point brillant la gloire ou le génie d'un homme, a-t-elle fait tomber tout un peuple en catalepsie! La torpeur, on le sait, n'est qu'apparente dans l'état somnambulique : elle masque une surexcitation extrême. De là les tours de force ou d'adresse que le somnambule accomplit sans s'en douter. Quelque chose de semblable s'est vu au début de notre siècle quand, très engourdie à la fois et très surexci'ée aussi passive que fiévreuse, la France militaire obéissait au geste de son fascinateur impérial et accomplissait des prodiges. Rien de plus propre que ce phénomène atavique à nous faire plonger dans le haut passé, à nous faire comprendre l'action exercée sur leurs contemporains par ces grands personnages demi-fabuleux que toutes les civilisations différentes placent à leur tète et à qui les civilisations attribuent la révélation de leurs métiers, de leurs connaissances, de leur lois : Oanès en Babylonie, Quett-alcoatie au Mexique, les dynasties divines antérieures à Mènes en Egypte, etc. Regardons-y de près, tous ces rois-dieux, principes communs de toutes les dynasties humaines, et de toutes les mythologies, ont été des inventeurs ou des importateurs d'inventions étrangères, des initiateurs en un mot. Grâce à la stupeur profonde et ardente causée par leurs premiers miracles, chacune de leurs affirmations, chacun de leurs ordres, a été un débouché immense ouvert à l'immensité des aspirations impuissantes et indéterminées qu'ils avaient fait naître, besoins de foi sans idée, besoins d'activité sans moyen d'action. Quand nous parlons maintenant d'obéissance, nous entendons par là un acte conscient et voulu. Mais l'obéissance primitive est tout autre. L'opérateur ordonne au somnambule de pleurer, et celui-ci pleure : ici ce n'est pas la personne seulement, c'est l'organisme tout entier qui obéit. L'obéissance des foules à certains tribuns, des armées à certains capitaines, est parfois presque aussi étrange. Et leur crédulité ne l'est pas moins. C'est un curieux spectacle, dit M. Ch. Richet que de voir un somnambule faire des gestes de dégoût, de nausée, éprouver une véritable suffocation quand on lui met sous le nez un flacon vide en annonçant que c'est de l'ammoniaque, et. d'autre part, quand on lui annonce que c'est de l'eau claire, respirer de l'ammoniaque sans en paraître gêné le moins du monde.

Une étrangeté analogue nous est présentée par les besoins aussi factices qu'énergiques, par les croyances aussi absurdes que profondes, aussi extravagantes qu'opiniâtres des peuples anciens même du plus

libre et du plus délicat de tous, et longtemps après qu'il a eu terminé sa première phase de théocratie autocratique. N'y voyons nous pas les monstruosités les plus abominables, par exemple l'amour grec jugé digne d'être chantées par Anacréon et Théocrite. ou dogmatisèes par Platon, ou bien des serpents, des chats, des bœufs ou des vaches adorées par des populations agenouillées, ou bien les dogmes les plus contraires au témoignage direct des sens, mystères, métempsycoses, sans parler d'absurdités telles que l'art des augures, l'astrologie, la sorcellerie, unanimement crus? N'y voyons nous pas. d'autre part, les sentiments les plus naturels l'amour paternel chez les peuples où l'oncle passait avant le père, la jalousie en amour dans les tribus où règnait la communauté des femmes etc. repoussés avec horreur, ou les beautés naturelles, et artistiques les plus frappantes méprisées et niées, parce qu'elles sont contraires au goût de l'époque, même en nos temps modernes (le pittoresque des Alpes et des Pyrénées chez les Romains, les chefs-d'œuvre de Shakspeare, de l'art gothique, de la peinture hollandaise, dans notre xviie et notre xviiie siècles ?

N'est-il pas certain, en un mot, que les expériences et les observa-lions les plue claires soient contestées, les vérités les plus palpables combattues, toutes les fois qu'elles sont en opposition avec les idées, traditionnelles filles antiques du prestige et de la foi.

Les peuples civilisés se flattent d'avoir échappé à ce sommeil dogma-tique. Leur erreur s'explique. La magnétisation d'une personne est d'autant plus prompte et facile qu'elle a été plus souvent magnétisée Cette remarque nous dit pourquoi les peuples s'imitent de plus en plus aisément et rapidement, c'est-à-dire en s'en doutant de moin en moins, à mesure qu'ils se civilisent, et. par suite, qu'ils se son imités davantage. L'humanité en cela ressemble à l'individu. L'enfant on ne le niera pas, est un vrai somnambule dont le rêve se com plique avec l'âge jusqu'à ce qu'il croie se réveiller à force de compli cations. Mais c'est une erreur. Quuand un écolier de dix à doua ans passe de la famille au collège, il lui semble d'abord, qu'il ses démagnétisé, réveillé du songe respectueux où il avait vécu Jusque-là dans l'admiration de ses parents. Nullement, il devient plus admirati plus imitatif que jamais, soumis à l'ascendant ou de l'un de se maîtres ou plutôt de quelque camarade prestigieux, et ce réveil pré tendu n'est qu'un changement ou une superposition de sommeil Quand la magnétisation-mode se substitue à la magnétisation-coutume symptôme ordinaire d'une révolution sociale qui commence, un phé nomène analogue se produit, seulement sur une plus grande échelle

Ajoutons, cependant, que, plus les suggestions de l'exemple se multiplient et se diversifient autour de l'individu, plus l'intensité de chacune d'elles est faible, et plus il se détermine dans le choix à faire entre elles, par des préférences tirées de son propre caractère, d'une part. et. d'autre part, en vertu des lois logiques que nous expo-serons ailleurs. Ainsi, il est bien certain que le progrès de la civilisation a pour effet de rendre l'asservissement à l'imitation de plus en plus personnel et rationnel en même temps. Nous sommes aussi asservis que nos ancêtres aux exemples ambiants, mais nous nous les approprions mieux par le choix plus logique et plus individuel, plus adapté

à nos lins et à notre nature particulier, que nous en faisons. Cela n'empêche pas, d'ailleurs, la part des influences extra-logiques et prestigieuses d'être toujours très considérable comme nous le verrons.

Elle est remarquablement puissante et curieuse à étudier chez l'individu qui passe brusquement d'un milieu pauvre en exemples à un milieu relativement riche en suggestions de tout genre. Il n'est pas besoin alors d'un objet aussi brillant, aussi éclatant que la gloire ou le génie d'un homme pour nous fasciner et nous endormir. Non-seulement un nouveau qui arrive dans une cour de collège, mais un un Japonáis voyageant en Europe, mais un rural débarqué à Paris, sont frappés de stupeur comparable à l'état cataleptique. Leur attention, à force de s'attacher a tout ce qu'ils voient et entendent, surtout aux actions des êtres humains qui les entourent, se détache absolument de tout ce qu'ils ont vu et entendu jusqu'alors, même des actes et des pensées de leur vie passée. Ce n'est pas que leur mémoire soit abolie, elle n'a jamais été si vive, si prompte à entrer en scène et en mouvement au moindre mot qui évoque en eux la patrie lointaine, l'existence antérieure, le fover. avec une richesse de détails hallucinatoires. Mais elle est devenue toute paralysée, dépourvue de toute spontanéité propre. Dans cet état singulier d'attention exclusive et forte, d'imagination forte et passive, ces êtres stupéfiés et enfiévrés subissent invinciblement le charme magique de leur nouveau milieu : ils croient tout ce qu'ils voient croire, ils font tout ce qu'ils voient faire. Ils resteront ainsi longtemps. Penser spontanément est toujours plus fatigant que penser par autrui. Aussi, toutes les fois qu'un homme vit dans un milieu animé, dans une société intense et variée, qui lui fournit des spectacles et des concerts, des conversations et des lectures toujours renouvelés, il se dispense par degrés de tout effort intellectuel : et. s engourdissant à la fois et se surexcitant de plus en plus, son esprit, je le répète, se fait somnambule. C'est là l'état mental propre à beaucoup de citadins. Le mouvement et le bruit des rues, les étalages des magasins, l'agitation effrénée et impulsive de leur existence, leur font l'effet de passes magnétiques. Or, la vie urbaine, n'est-ce pas la vie sociale concentrée et par excellence?

S'ils finissent pourtant, quelquefois, par devenir exemplaires à leur tour, n'est-ce pas aussi par imitation? Supposer un somnambule qui pousse l'imitation de son médium jusqu'à devenir médium lui-même et magnétiser un tiers, lequel â son tour l'imitera, et ainsi de suite. N'est-ce pas là la vie sociale? Cette cascade de magnétisations successives et enchaînées est la règle : la magnétisation mutuelle dont je parlais tout-à-l'heure, n'est que l'exception. D'ordinaire, un homme naturellement prestigieux donne une impulsion, bientôt suivie par des milliers de gens qui le copient en tout et pour tout, et lui empruntent même son prestige, en vertu duquel ils agissent sur des millions d'hommes inférieurs. Et c'est seulement quand cette action de haut en bas se sera épuisée qu'on verra, en temps démocratique, l'action inverse se produire, les millions d'hommes fasciner collectivement leurs anciens médiums et les mener à la baguette. Si toute société présente une hiérarchie, c'est parce que toute société présente la cascade dont je viens de parler, et à laquelle, pour être sur stable. sa hiérarchie doit correspondre.

Ce n'est point la crainte, d'ailleurs, je le répète, c'est l'admiration. Ce n'est point la force de la victoire, c'est l'éclat de la supériorité sentie et gênante, qui donne lieu au somnambulisme social. Aussi arrive-t-il parfois que le vainqueur est magnétisé par le vaincu. De même qu'un chef sauvage dans une grande ville, un parvenu dans un salon aristocratique du dernier siècle, est 1 tout yeux et tout oreilles, et charmé ou intimidé malgré son orgueil.; Mais il n'a d'yeux et d'oreilles que pour tout ce qui l'étonné et déjà le captive. Car un mélange singulier d'anesthésie et d'hypéresthésie des sens est le caractère dominant des somnambules. Il copie donc tout les usages de ce monde nouveau, son langage, son accent. Tels les Germains dans le monde romain: ils oublient l'allemand et parlent latin, ils font des hexamètres, ils se baignent dans des baignoires de marbre, ils se font appeler patrices. Tels les Romains eux-mêmes importés dans Athènes vaincue par leurs armes. Tels les Hycsos conquérants de l'Egypte et subjugués par sa civilisation. — Mais qu'est-il besoin de fouiller l'histoire? Regardons autour de nous. Cette espèce de paralysie momentanée de l'esprit, de la langue et des bras, cette perturbations profonde de tout l'être et cette dépossession de soi qu'on appelle l'intimidation, mériterait une étude à part. L'intimidé, sous le regard de! quelqu'un, s'échappe à lui-même, et tend à devenir maniable et malléable par autrui: il le sent et veut résister, mais il ne parvient qu'à s'immobiliser gauchement, assez fort encore pour neutraliser l'impulsion externe, mais non pour reconquérir son impulsion propre. On m accor-dera peut-être que cet état singulier, par lequel nous avons tous plus oui moins passé à un certain âge. présente avec l'état somnambulique les plus grands rapports. Mais, quand la timidité a pris fin, et qu'on s'est comme on dit. mis à l'aise, est-ce à dire qu'on s'est démagnétisé! Loin de là. Se mettre à l'aise, dans une société, c'est se mettre au ton et à la mode de ce milieu, parler son jargon, copier ses gestes, c'est enfin s'abandonner, sans résistance, à ces multiples et subtils courants d'influences ambiantes contre lesquels naguère on nageait en vain, et s'y abandonner bien qu'on ait perdu toute conscience de cet aban-don. La timidité est une magnétisation consciente, et par suite incom plète, comparable à cette demi-somnolence qui précède le sommeil profond où le somnambule parle et se meut. C'est un état social naissant, qui se produit toutes les fois qu'on passe d'une société à une autre, ou qu'on entre dans la vie sociale extérieure au sortir de la famille. Voilà peut-être pourquoi les gens dits sauvages, c'est-à dire particulièrement rebelles à toute assimilation et à vrai dire inso ciables, restent timides toute leur vie, sujets à demi réfractaires au somnambulisme: à l'inverse, ceux qui n'ont jamais été gauches ni embanassés en rien, ceux qui n'ont jamais éprouvé ni timidité pro prement dite à leur apparition dans un salon ou une cour de collège, ni une stupeur analogue lors de leur première entrée dans une science ou un art quelconque (car le trouble produit par l'initiation à un nouveau métier dont les difficultés effrayent, dont les procédés à copier font violence à d'anciennes habitudes, est parfaitement comparable à l'intimidation, ne sont-ils pas ceux qui, sociables au plus haut degré, excellents copistes, c'est-à-dire dépourvus de vocation propre et d idée-

maîtresse, possèdent éminemment la faculté chinoise ou japonaise de se modeler très vite sur leur entourage, somnambules de premier ordre, extrêmement prompts à s'endormir? — Sous le nom de Respect, l'Intimidation joue socialement, de l'aveu de tous, un rôle immense, mal compris parfois, mais nullement exagéré, Le Respect, ce n'est ni la crainte, ni l'amour seulement, ni seulement leur combinaison, quoiqu'il soit une crainte aimée de celui qui l'éprouve. Le respect, avant tout, c'est une impression exemplaire d'une personne sur une autre, psychologiquement polarisée. 11 y a sans doute à distinguer le respect dont on a conscience, et celui qu'on se dissimule à soi-même sous des mépris affectés. Mais, en tenant compte de cette distinction, on verra que tous ceux qu'on imite on les respecte, et que tous ceux qu'on respecte, on les imite, ou on tend à les imiter. Il n'y a pas de signe plus certain du déplacement de l'autorité sociale que les déviations du courant des exemples.. L'homme du monde qui reflète l'argot et le débraillé de l'ouvrier. la femme du monde qui reproduit en chantant les intonations de l'actrice, ont pour l'actrice et pour l'ouvrier plus de respect et de référence qu'ils ne croient. — Or. sans une circulation générale et continuelle de respect sous les deux formes indiquées, qu'elle société vivrait un seul jour? -.Mais je ne veux pas insister davantage sur le rapprochement qui précède, Quoi qu'il en soit, j'espère au moins avoir fait sentir que le fait social essentiel, tel que je l'aperçois, exige, pour être bien compris, la connaissance de faits cérébraux infiniment délicats, et que la sociologie la plus claire en apparence, la plus superficielle même d'aspect, plonge par ses racines au sein de la psychologie, de la physiologie, la plus intime et plus obscure. La société, c'est l'imitation, et l'imitation c'est une espèce de somnambulisme: ainsi peut se résumer ce chapitre. En ce qui concerne la seconde partie de la thèse, je prie le lecteur de faire la part de l'exagération. Je dois écarter aussi une objection possible. On me dira peut-être que subir un ascendant, ce n'est pas toujours suivre l'exemple de celui auquel on obéit ou en qui l'on a foi. Mais croire en quelqu'un n'est-ce pas toujours croire ce qu'il croit ou paraît croire? Obéir à quelqu'un, n'est-ce pas toujours vouloir ce qu'il veut ou paraît vouloir? On ne commande pas une-invention, on ne suggère pas par persuasion une découverte à faire. Etre crédule et docile, et l'être au plus haut degré comme le somnambule ou l'homme en tant qu'être social, c'est donc avant tout être imitatif. Pour innover, pour découvrir, pour s'éveiller un instant de son rêve familial ou national, l'individu doit échapper momentannément à sa société. Il est supra-social, plutôt que social, en avant cette audace si rare.

DU ROLE DE LA SUGGESTION DANS LES TÉMOIGNAGES

A propos de l'affaire Borras. victime d'une erreur judiciair

par le docteur BERNHEIM

Professeur à la Faculté de Médecine de Nancy.

J'ai maintes fois dit et écrit : Rien ne se passe dans l'état hypnotique qui ne se passe à l'état de veille. La suggestion sans hypnotisme peut se mêler à tous nos actes. Elle joue un rôle dans beaucoup de procès criminels. Lorsque il y a 8 ans se déroula en cour d'assises l'affaire du crime de Chaton, personne ne songea à invoquer la suggestion comme mobile de la complicité de Gabrielle Fenayrou. La question ne se posa pas. Pas d'hystérie, pas d'hypnotisme. Pas d'hypnotisme, pas de sugges-tion. Telle était alors l'opinion médicale. Le premier, dès i88î (i), j'ai cherche à apprécier à la lumière de la doctrine de la suggestion, telle que je l'ai exposée dans mon premier livre et dans mes publications ultfl rieures. le rôle de Gabrielle Fenayrou : j'ai montré en elle une absence valide de sens moral jointe à une suggestibilité extrême.

La doctrine de Nancy a porté ses fruits. Lorsque la nouvelle affaire Bompard vint passionner les esprits, la question de responsabilité moral qui ne s'était pas posée pour la première Gabrielle. se posa d'amblée pour son émule. J'ai cru pouvoir ranger les deux dans la même catégorie : deux femmes très-suggestibles à l'état de veille et n'ayant pas le ses moral nécessaire pour rejeter les suggestions mauvaises. Cette thèse frappé les esprits ; je l'ai retrouvée dans un article très intéressant sur la Bête de Zola, dans le numéro du 7 juin de la Revue Bleue par mon distin-gué confrère M. Jules Mericourtqui accepte à peu près mes opinions sur ces deux cas de psychologie criminelle.

Il est bon que les magistrats, les avocats et même les jurés aient des notions précises sur la suggestion, qu'ils sachent comment elle peu S'insinuer dans certains cerveaux à l'insu de celui qui la fait et de celui qui en est l'objet. J'ai montré, pesé, (de la suggestion et de ses applica-tions à la thérapeutique, pages 234 et suivantes) combien il est facile de créer dans les cerveaux suggestibles, et cela sans hypnose préalable. par affirmation simple, des images souvenirs fictifs et de fabriquer ainsi des faux témoins de bonne foi.

(1) De la suggestion dans l'état hypnotique et dans l'état de veille, Paris 1884 Revue Médicale de l'Est 1883

Une erreur judiciaire récente, heureusement reconnue grâce à la généreuse initiative d'un homme de bien. le sénateur Marcou, rappelle l'attention sur ce fait ; elle montre que mes expériences n'ont pas qu'un intérêt purement théorique.

Trois espagnols volent et assassinent le nommé Pradiés, fermier du Petit-Condom près de Narbonne. La femme Pradiès. venue au secours de son mari, blessa d'une canne à lame, un des assassins et fut tuée par lui. Le mari survécut quelques jours à ses blessures et put éclairer la justice. Deux des meurtriers furent arrêtés : l'assassin de la femme restait à capturer. Pradiès donna son signalement : il est blond et gravé de la petite vérole ; il doit porter la marque du coup d'épée donné par la victime. Le signalement est net. Dans le public on accusa Borras. dit Joseph, cousin et compatriote de l'un des assassins arrêtés. Son signalement ne répondait en rien à celui donné par Pradiés.

« La rumeur publique, dit le Temps (1) le sénateur Marcou. d'après laquelle le troisième Espagnol devait être Borras, avait pris naissance dans les commérages des femmes du Petit-Condom dont quelques-unes entouraient le lit du malade. Elles ne cessaient de lui répéter ; on lui persuada que c'était Joseph. Les échos du dehors finirent par faire entrer dans sa tête celte malhereuse conviction. De ce moment, il ne cessa de dire que Joseph avait tué sa femme. C'est sous l'empire de cette influence que la confrontation de Borras avec Pradiès eut lieu ». I1 maintint son dire et expira peu de jours après. « Les médecins, ajoute l'honorable sénateur, ont affirmé que Pradiès avait conservé sa lucidité d'esprit jusqu'à sa mort. »

Le malheureux Borras fut condamné à mort. Sa peine fut commuée en celle des travaux forcés à perpétuité. Le véritable assassin fut découvert en Espagne. Borras victime d'une erreur judiciaire, vient d'être gracié après trois ans de bagne.

Aussi l'opinion publique agissant sur un cerveau.devenu peut-être plus impressionnable par la souffrance morale et physique, mais resté lucide jusqu'à sa mort, au dire des médecins, avait suggéré â ce cerveau un taux témoignage, effaçant une image réelle à cheveux blonds, à figure marquée de la petite vérole, pour y substituer une image autre. C'est une illusion sensorielle rétro-active créée par suggestion, et s'imposant avec une vérité telle que le malheureux ne cessait de dire que c'était Joseph.

Les confrères qui ont assisté à mes expériences ou les ont répétées, ne seront nullement surpris de ce faux témoignage fait de bonne foi ; car ils savent avec quelle force irrésistible, ces souvenirs illusoires s'imposent à certains cerveaux. Nos expériences sont-elles inutiles? Sont-elles objets de pure curiosité ? N'est-il pas nécessaire que les magistrats soient au courant de ces faits, qu'ils les aient vu expérimentalement produits, pour garantir leur conscience contre de regrettables erreurs?

(1) C'est le Dr Briol , médecin militaire à Nancy, qui m'a communiqué l'article du Temps et a appeleé mon attention sur le fait de suggestion que je signale.

OBSERVATION DE THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE

Par le Docteur BERNHEIM

Professur à la Faculté de médecine de Nancy.

Hyperesthésie circonscrite en un point de la région prcecordiale. — Pseudo-angine de poitrine. — Crises d'hystérie respiratoire et cardiaque; affaiblissement progressif. — Insuccès de toutes les médications instituées pendant trois ans. — Apparence de mort prochaine. — Guerison par suggestion.

?me M.... était âgée de 26 ans en janvier 1889. époque à laquelle je commençai à la traiter. — Mariée avec un de mes anciens élèves, établi comme médecin dans la région, elle est née de parents bien portants: elle-même est d'une bonne constitution, d'un tempérament lymphatico-nerveux, sans maladies antérieures. Réglée à 12 ans. régul lièrement. mariée à 17 ans, mère à 18, elle nourrit elle-même son enfant. A 21 ans, elle eût un second enfant qu'elle nourrit encore pendant 10 mois. Cet allaitement amena un certain degré d'épuise-ment. Peu de temps après, surviennent des troubles menstruels pendant! plusieurs mois. Vers cette époque (janvier 1886), cette jeune femme! eut plusieurs émotions extrêmement vives à la suite d'accidents sur-venus aux enfants.

Au mois d'avril 1886, alors âgée de 23 ans, elle fut prise subite-ment, sans cause appréciable, pendant une promenade, dune grandi faiblesse avec sentiment de douleur, d'étouffement et d'anxiété à la région prœcordiale qui l'obligea â s'arrêter. Après quelques heures de ????? elle reprit son état habituel, mais à partir de ce moment, elle accuse constamment une gène, parfois une douleur vive toujours au même point, au 5e espace de la région précordiale gauche, douleur l'empêchant de se redresser complètement.

Au mois de mai de la même année, elle fut prise d'une seconde crise beaucoup plus intense que la première, caractérisée par un sente ment extrêmement pénible d'étouffement, d'angoisse, semblable, dit; son mari qui m'a fourni tous ces renseignements, à une crise d'angine de poitrine qui dura plus d'une heure : le pouls était petit et fréquent ; à peine pouvait-on le compter : la respiration était accélérée et spasme-dique: le visage pâle exprimait une angoisse mortelle : la malade croyait étouffer à chaque instant. A la suite de cette crise, engourdissement considérable dans le bras gauche, au point qu'elle ne pouvait plus le remuer, accompagné d'une douleur s'irradiant tout le long du nerf cubital, principalement dans le petit doigt et l'annulaire. Au 5e espace intercostal sur la ligne mamillaire existait d'une façon constante un point douloureux, de l'étendue d'une pièce de 2 francs qui ne pouvait supporter le moindre attouchement sans faire pousser des cris à la malade.

A cette époque, survenaient souvent, sans cause apparente, des vomissements. Des crises semblables se renouvelaient, sans régularité, tous les 20 ou ;o jours.

La malade vint me consulter à cette époque. Après un examen minutieux, je conclus qu'il n'y avait aucun lésion organique et qu'il s'agissait d'une simple névrose locale, d'une pseudo-angine de poitrine hystérique, bien que la malade n'eut ni ovarialgie. ni anesthésie, ni aucun autre stigmate d'hystérie. L'hyperesthésie excessive localisée vers la pointe du cceur, sans cause locale, me faisait porter ce diagnostic. Je fis une seule tentative d'hypnotisation: mais la malade dominée par des sensations douloureuses, enfant gâtée par ses parents dont elle était fille unique, peu confiante, ne se laissa pas aller à cette première suggestion. Son mari, n'ayant jamais constaté chez elle de symptômes hystériques avant l'affection actuelle, ne pouvait croire â une simple névrose et inclinait vers l'idée d'une angine de poitrine organique. Je prescrivis l'iodure de potassium, les inhalations de nitrite d'amyle, des pulvérisations d'éther sur la région douloureuse : ce traitement resta inefficace. Au mois de mars de la seconde année, c'est à dire 10 mois environ après le début de la maladie, cette jeune femme devint de nouveau enceinte. Pendant les quatre premiers mois, les vomissements étaient exlrêmements fréquents : la douleur prœcordiale était plus vive: il ne se passait guère de jours sans crise. Mais à mesure que leur fréquence augmentait, leur intensité diminuait. La malade ne quittait plus le lit. Au mois de juillet, vers le y mois de sa grossesse, une amélioration notable se produisit, qui dura près de deux mois. En septembre les crises reparurent, toujours plus fréquentes, jusqu'au moment de l'accouchement qui eut lieu au commencement de décembre, sans accident. Pendant les deux premiers jours qui suivirent l'accouchement, la malade n'eut ni douleur, ni crise ; elle était trop faible d'ailleurs pour songer à l'allaitement. Après cette courte éclaircie, les crises et les douleurs reparurent comme avant.

Au mois de mai î 888. la malade consulta à Paris deux professeurs de la Faculté: l'un diagnostiqua une affection rhumatismale du cœur, l'autre une myocardite : les deux déconseillèrent l'hydrothérapie qui avait été conseillée par des confrères du pays. Le traitement par la valériane, après les autres antispasmodiques, n'amena aucun résultat : la situation resta la même jusqu'au août. 11 fallut recourir aux injections de morphine.

Le 15 août se déclare un violent frisson extrêmement douloureux qui dura une heure, suivi de chaleur et de sueurs abondantes : la température monta jusqu'à 41 degrés. Trois semaines plus tard, second frisson. Dans l'intervalle, la température revenait â la norme.

Un troisième frisson suivit bientôt, puis un quatrième. A partir du mois d'octobre, la température ne descend plus au dessous de 38°: l'appêtit disparaît ; l'amaigrissement fait des progrés : les frissons se renouvellent, chaque deux ou trois jours, sans régularité. Cet état de choses se continue en novembre. Les crises prennent un nouveau caractère. A la douleur d'une acuité excessive, à la respiration spasmodique et accélérée, à la fréquence extrême avec faiblesse du pouls, s'ajoutent des troubles cérébraux : la malade enlève ses oreillers, exécute des mouvements avec sa main comme pour arracher la douleur qui l'étreint au cœur: la dysp-

née devient extraordinaire; les muscles du cou se contractent violemment et se gonflent; la face pâle est couverte de sueurs froides; La malade ne perd pas connaissance, mais ne voit plus et n'entend plus. Cela dure plu-sieurs heures.

Dans les derniers jours de novembre et les premiers de décembre, les crises se répètent avec une violence progressive et une durée plus longue qui va jusqu'à 5 heures. A partir de ce moment, l'état général périclite:. la fièvre est permanente, la malade mange peu, n'a plus de sommeil, ne peut plus (aire quelques pas sans provoquer aussitôt une vive douleur au niveau du cœur. C'est un gémissement perpétuel. Le mari ne peut plus la quitter. L'anémie fait des progrés rapides. Tout espoir semble perdu aux deux médecins qui la soignent.

Pendant les trois années qu'a duré cette maladie, tous les traitements internes, tous les antispasmodiques, tous les antinévralgiques, tous les révulsifs, l'électrisation à courant continu ont été employés sans résultat. Les injections de morphine pouvaient seules un peu atténuer les crises.

Peu à peu la malade en prit l'habitude et il fallut en augmenter le nombre. Le mari, sagement, ne se servit que d'une solution très faible de 1 gramme pour 125 d'eau, dont il fallut faire pendant près de 2 ans. au moins 10 injections par jour. Au mois d'août 1888. la morphine fut remplacée par la cocaïne qui sembla d'abord donner de meilleurs résultats contre les douleurs et les étouffements, mais devint bientôt peu efficace La malade en prit vite l'habitude ; le mari, obligé de céder aux sollicita-, tions impérieuses de la douleur, diminua la force de la solution à mesure: que la malade réclamait des injections plus nombreuses. Dans les derniers mois, la solution employée était de 1 gramme sur 200: mais il dut rester constamment au chevet de sa femme et faire au moins. 30 injec-tions (seringue complète) par jour, c'est-à-dire 15 centigrammes de cocaïne au moins.

Là malade revint me voir vers le 27 décembre ; elle entre au pensionna» de l'Hôpital civil. Elle était pâle et amaigrie ; sa température était de 38, 5° le pouls à 90 La région du sein gauche était criblée par les injections del cocaïne au point que le sein ratatiné et dur ressemblait presque à un squir-rhe atrophique.La douleur à la pression- de l' espace intecostal gauches était excessive. Je ne constatai aucun trouble fonctionnel du cœur, pas d'anesthésie. ni d'ovarialgie.J'assitai à une crise avec le Dr Vautrin, pro fesseur agrégé à la Faculté qui avait été appelé en touie hâte. Le spectacle était effrayant: les mouvements respiratoires, courts, précipités, saccadés spasmodiques, se savaient régulièrement, bruyamment, comme le jet de vapeur d'une locomotive, comptant au moins 100 par minutes; la fece était terriblement pâle et anxieuse: le pouls d'abord normal devenant de plus en plus fréquent et faible, plus de 160 par minute; une douleur atroce l'étreignait à la région prœcordiale.

Je restai convaincu qu'il ne s'agissait que d'une hystérie locale et cet avis fut partagé par mon collègue M. Vautrin : il n'y avait aucune sibilance trachéale, aucun râle pulmonaire: la face restait pâle et non asphyctique comme dans l'asthme. La fréquence extrême et la régularité de cette res-piration hachée indiquait un état spasmodique, nerveux.

J'essayai d'arrêter la crise, comme je le fais d'habitude pour les crises d'hystérie, en affirmant énergiquement malade que tout allait se!

passer, que cela était purement nerveux : que la douleur se calmait à l'approche de ma main, que la respiration devenait plus lente et plus calme. La suggestion douce n'ayant pasd'effet. je pariai d'un ton impérieux je brusquai la malade. Rien n'y fit:la crise continua, inexorable. Au bout de 2 heures environ, la malade tout â coupexprima une terreur singulière etdit avec anxiétéet surprise: « Quel silence ! Je n'entends plus rien! • C'était plus que de la surdité. C'était une impression comme le silence de la mort. Puis après quelques minutes, sa face exprima un nouvel étonnement anxieux: « Quelle obscurité ! Je ne vois plus rien. » C'était plus que de la cécité. C'était une impression de noir lugubre qui s'associait à ce silence solennel. L'intelligence restait normale. Cet état de cécité et de surdité, avec respiration précipitée et accélération du pouls persiste encore pendant près de 2 heures. Puis la crise cesse brusquement après 4 à 5 heures de durée. La douleur prœcordiale seule persistait. Pendant la crise le mari était obligé d'injecter tous les quarts d'heure au moins une seringue de cocaïne.

Une seconde crise semblable se déclare dans la soirée. Le lendemain la malade voulut rentrer chez elle,ma tentative brusque pour arrêter la crise l'avait indisposée contre moi ; elle n'avait pas confiance Le Dr Vautrin qui la rencontra au moment de son départ, lui lit des remontrances. Plus confiant en la suggestion que moi-même, il lui affirma qu'elle se sauvait de la guérison. Cela fit impression sur elle et sur son mari qui promit de la ramener. Arrivée près de la gare, elle eut encore un accès de 5, heures qui l'obligea a paiser la nuit dans un hôtel et ne partit que le lendemain.

Son mari, me la ramena à Nancy, le 18 janvier, décide à l'abandonnera mes mains,et n'ayant d'ailleurs aucun espoir de la sauver ; je la vis revenir avec une certaine crainte, ne pensant pas réussir à la guérir Les crises avaient continué au nombre de une ou deux par jour ; elle était profondément déprimée physiquement et moralement, minée par là fièvre et la douleur, elle allait vers une mort certaine. Depuis 18 mois, elle n'avait pas marché plus de 3 minutes de suite, le mouvement de la marche exaspérant ses douleurs.

Je procédai par insinuation douce, pour effacer l'impression première que ma brusquerie lui avait causée : je lui affirmai que son affection était purement nerveuse et pouvait, devait guérir par suggestion ; je lui expliquai que la suggestion n'avait pu réussir pendant la crise, car les douleurs étaient trop intenses, mais qu'elle devait réussir, maintenant qu'elle n'avait passa crise; je m'attachai a éloigner d'elle toute peur et toute émotion, à la capter pour ainsi dire ; je la traitai comme une enfant. Puis quand je la crus suffisamment impressionnée, je lui dis: « Maintenant, écoutez-moi, vons allez vous endormir doucement. Laissez-vous aller. Vos yeux se ferment; vous avez besoin de sommeil. Vous dormez. » Ses yeux se fermèrent ; je les tins clos pendant quelques instants en continuant la suggestion: elle dormait d'un sommeil profond. Alors , parlant avec assurance, j'affirmai la disparition des douleurs et des crises, etc. Au bout d'un quart d'heure de suggestion continue, je la réveillai ; elle n'avait pas conservé le souvenir des paroles prononcées pendant son sommeil. Je lui dis immédiatement: « Vous voyez bien que la douleur est partie. Vous ne sentez plus rien. Vous n'avez plus de crise. » Elle ne ressentait plus de douleur, le touchai avec une certaine précaution la région doulou-

reuse pour lui démontrer que la douleur n'existait plus, en évitant toutefois de la réveiller par une pression trop forte.

Dans la soirée, nouvelle séance. Je continuai "insi pendant plus de 4 semaines, Dès la première séance. Us crises de douleur avec accélération respiratoire etc. avaient définitivement disparu, sans tendance au retour. La douleur continue du 5' espace intercostal aussi n'a plus existé. Pendant les huit premiers jours, il y eut encore quelques élancements passagers ; la malade portait sa main sur la région prcecordiale et avait un mo-ment d'anxiété. Maiscette velléité de douleur n'aboutissait pas. Je continuai à lui affirmer que cela ne pouvait pas aboutir ; je lui montrai que sanj l'endormir, l'application seule de ma main suffisait à enlevr toute sensi-sibilité douloureuse. J'appris à son mari à l'endormir pour prévenir le moindre indice de retour offensif.

La malade était guérie, pour ainsi dire, des la première séance ; le besoin de la cocaïne persistait. Malgré mes suggestions, elle réclamait encore une ou deux injections dans la nuit et son mari n'osait pas le refuser. Je luttai pendant une quin2aine contre cette cocaïnomante; je lui affirmai dans son sommeil que la guérison ne serait pas complète tant qu'elle n'aurait pas renoncé aux injections. Enfin, après une longue résistance, elle dit à son mari de jeter le flacon ; elle n'en voulait plus et de ce jour, elle ne parlai plus jamais de cocaïne.

Douleurs, crises, besoin de cocaïne étaient supprimés définitivement ; mais la malade restait anémiée : l'appétit ne se relevait pas ; le mouvement fébrile continuait, la température de 38° à 39°; le pouls de 90 à 110. Je découvris que le bras gauche était couvert d'abcès consécutifs aux injec-tions ; j'en ouvris huit à dix, à peu près trois semaines après le début des traitement. C'était la cause de la fièvre qui disparut après ces opérations ; l'appétit se restaura; les forces revinrent. La malade put se promener seule. en ville dès le 4e septénaire. Elle passa encore une quinzaine au pen-sionnat de l'hôpital et rentra chez elle en mars 1889, heureuse, radicale ment et définitivement guérie, à la grande surprise de sa famille et des mé-decins qui l'avaient traitée. Seize mois se sont écoulés depuis que ta suggestion a mis fin à cette douloureuse névrose. J'ai de fréquentes nouvelles de ma cliente. La guérison ne s'est pas démentie.

C'est le cas dédire: naturam morborum ostemdunt curationes. En résumé une jeune femme est prise d'une douleur aiguë vive et continue à la région prcecordiale; des crises excessivement violentes d'hystérie respiratoire et cardiaque se greffent sur cette douleur. Toutes les médications échouent. La santé générales s'altère; un dénouement fatal semble certain La suggestion hypnotique seule a enlevé douleurs et crises dès la première séance et achève la guérison en troisàquatre semaines Ce que la suggestion a tait après trois ansde souffrances continues et indescriptibles, elle aurait pu le faire dès le début,si la malade s'y était prêtée: car, sans aucun doute, avec un peu de persévérance et de tact, on aurait trouvé alors comme plus tard la libre suggestible de son individualité psychique.

Est-il besoin d'autres commentaires?

REMARQUES SUR LE TRAITEMENT DE L'INVERSION SEXUELLE PAR LA SUGGESTION HYPNOTIQUE

(Supplément du mémoire publié dans la Revue de l' Hypnotisme).

n° 6, 1889, p. 17a.

Par le Dr baron Von SCHRENK-NOTZING, de Munich.

Dans la Revue de l'Hypnotisme de 1889, j'ai rapporté un exemple de suggestion suivie de succès dans un cas d'inversion sexuelle, chez un malade héréditairement prédisposé.

Jusqu'au 22 Janvier 1889, jour de la première séance d'hypnotisme, le commerce homo-sexuel a paru à cet homme, âgé de vingt-huit ans. être le seul mode de satisfaction naturelle qui fut possible pour lui. Toutes les tentatives faites pour établir des relations hétérosexuelles, n'avaient aucun succès avant la date mentionnée. La perversion sexuelle dominait alors aussi dans les rêves du malade. Le traitement par la suggestion hypnotique, depuis le 22 Janvier 1889 jusqu'au 2 Mai de la la même année, en tout 45 séances, produisit un changement complet qui, ainsi que je l'ai dit dans le mémoire susdit, fut suivi du rétablissement des fonctions hétérosexuelles et des fiançailles de mon malade avec une amie d'enfance. A la tin de ma communication vu la possibilité d'une rechute, j'exprimai alors ainsi mes doutes. «Jusqu'à quel point le traitement a-t-il réussi à supprimer la disposition héréditaire du malade et à ramener son instinct sexuel dans la voie normale ? voilà une question qui ne pourra être jugée que dans plusieurs années. » A vrai dire il n'y a qu'un an depuis la tin du traitement — mais les rapports réguliers et précis de R.. me mettent aujourd'hui à même de publier un supplément peut-être précieux pour pouvoir juger de psycho-thérapie suggestive dans tes cas de perversions sexuelles.

Peu de temps après la publication de mon premier mémoire, le 6 octobre 1889 — mon malade m'écrivait ce qui suit :

« Je crois pouvoir me tenir pour guéri, puisque mon état est resté essentiellement le même depuis que j'ai quitté votre traitement. Bienque les souvenirs de mon ancien état me reviennent de temps à autre, ce ne sont que des actes intérieurs et passagers. Ce qui me paraît être concluant, c'est que le trouble nerveux, qui me poussait à apaiser mes penchants d'autrefois sans que j'eusse pu résister à cette inexplicable contrainte, m'a quitté à jamais, j'espère. Je trouve dans le commerce constant avec une personne extrêmement sympathique un repos et un bonheur que je n'aurais point crus possibles auparavant. Soyez persuade que je n'oublierai jamais ce que vous avez fait pour moi.

Votre tout dévoue, R.... A l'instigation du professeur docteur R. Von Krafft-Ebing, j'engageai

le malade au mois de janvier 1890, huit mois donc après la fin dutraite-

ment hypnotique, à me faire encore un rapport exact,dont voici la copie textuelle : « Par le traitement suggestif du docteur baron Von Schrenk j'obtins pour la première fois le pouvoir physique de cohabiter avec une femme, ce que, jusqu'alors — j'ai vingt-huit ans maintenant — je n'avais jamais réussi à faire malgré des tentatives réitérées. Comme mon besoin esthétique ne se trouvait pas satisfait par le commerce avec des prostituées, je crus trouver mon vrai salut dans le mariage. L'affection amicale que je portais autrefois à une demoiselle que je connaissais depuis longtemps, m'en offrit la meilleure occasion, d'autant plus que je crois qu'elle saura m'inspirer pour le sexe féminin les sentiments que |e ne connaissais point du tout jusque-là. Son être, c'est-à-dire sa conformité harmonieuse répond tant à mes goûts, que je me suis pleinement convaincu Je trouver le contentement physique dans ce mariage. Ma conviction n'a pas changé pendant mon état de fiancé, qui dure depuis huit mois. J'ai le dessein de me marier environ dans un mois et peu après mes noces je prendrai la liberté de vous donner de mes nouvelles.

Quant à ma position à l'égard des hommes, ma force de résistance est restée absolument la même au fond, ce qui est le résultat durable, le plus positif, de votre traitement, Tandis qu'il m'était impossible avant de ré- sister à une vive excitation sensuelle, de sorte qu'en voyant un cocher de tramway bien fait, par exemple, il me fallait quitter le tramway, je peux rester aujourd'hui sans excitation sensuelle quand je suis avec mon amant d'autrefois. Sans doute, il me faut avouer que ces entrevues exercent toujours sur moi une certaine attraction, non pas comparable, cependant, à ma passion antérieure. D'autre part, j'ai refusé souvent, sans que cela m'en coûtât beaucoup, des offres de commerce sexuel avec des hommes auxquels je n'aurais pas pu résister avant. J'ose bien soutenir que c'est plutôt la pitié qui me porte à ne pas rompre directement avec mon amant qui m'a toujours conservé une affection passionnée.

Ces entrevues me paraissent plutôt un devoir moral qu'un besoin intérieur. Le traitement du médecin achevé, je n'ai plus eu de relations avec des prostituées. Cette circonstance de même que les nombreuses lettres de mon amant me demandant toujours de renouer avec lui, sont bien les causes de ce que, dans nos entrevues, je me suis laissé entraîner par lui au commerce sexuel à trois ou quatre reprises pendant huit mois. Dans ces occasions j'ai toujours gardé la conscience d'être maître absolu de moi-même, ce qui, passionné comme j'étais avant, me méritait les plus vils reproches de la part de mon ami. Je sentais toujours de certaines limites infranchissables, non basées sur la morale, mais remontant, à ce qu'il me semble, tout droit au traitement. Depuis ce temps-là, je n'éprouve plus d'amour pour lui dans le sens d'autrefois. D'ailleurs depuis la fin du trai- I tement je n'ai jamais plus recherché les occasions de commerce sexuel avec les hommes, n'en sentant point la nécessité, tandis qu'avant il ne se passait pas un jour sans que je m'y fusse senti poussé, de sorte que I j'étais maintes fois absolument incapable de penser à autre chose. Les images de fantaisie à sujets sexuels qui m'obsédaient à l'état de veille aussi bien que dans mes rêves, sont extraordinairement rares maintenant.t — «Il ne m'est plus arrivé de me masturber. » (Verbalement complété).

Je crois pouvoir dire que, selon mon avis, le mariage s'effectuant dans quelques semaines et le changement de lieu qui s'ensuit et qui m'arrive à souhait parviendront à faire absolument disparaître les résidus de mon état antérieur, qui. du reste, ne me gênent plus guère. Je finis ma lettre en vous assurant que je suis devenu intérieurement un tout autre homme et que ce changement m'a rendu l'équilibre psychique qui me laisait défaut. »

Pour juger la question, la dernière lettre du malade, contenant des détails sur son voyage de noces me parait explicite. Elle est datée du 20 mars 1890 ; en voila la transcription non abrégée :

« Mon cher monsieur le Baron,

Revenu il y a quelques jours de mon voyage de noces, je me permets de vous envoyer un court rapport sur mon état actuel. La semaine qui précédait mes noces, je me trouvais dans une agitation extrême, craignant de ne pouvoir m'acquitter de certains devoirs. Les remontrances, les prières de mon ami qui voulait me revoir à tout prix, ne me touchaient guère. Nous ne nous sommes plus rencontrés depuis que je vous ai vu la dernière fois— c'est-à-dire pendant deux mois à peu près; — mais j'étais très inquiet, pensant que mon mariage devait nécessairement être malheureux. Maintenant je ne m'en soucie plus. Dans la première nuit j'eus beaucoup de peine à entrer dans une excitation sensuelle, moins dans celle qui suivit, et depuis, je crois suffire à tout ce qu'on peut exiger d'un homme normal. De plus, j'ai la conviction que l'harmonie qui nous unit, depuis longtemps, sous le rapport intellectuel, sera toujours plus parfaite aussi sous d'autres rapports. Une rechute me paraît tout-à-fait impossible; ce qui distingue peut-être mon état actuel, c'est qu'en effet j'ai rêvé la nuit dernière de mon ancien amant, mais ce rêve n'avait rien de sensuel et il ne m'a causé aucune émotion, je me sens pleinement satisfait de mes relations d'à présent. Je n'ignore point que mon affection d'aujourd'hui le cède beaucoup à celles d'autrefois; mais je crois qu'elle augmentera toujours de force. Déjà, je commence a ne plus comprendre ma vie antérieure et à me demander pourquoi je n'avais pas pensé, auparavant à repousser ma passion anormale par une satisfaction sexuelle normale Une rechute supposerait une transformation totale de ma vie psychique et me paraît, en un mot. tout-à-fait impossible.

Votre tout dévoué, R... »

Le changement de l'instinct sexuel de R... paraît être complet. Les circonstances extérieures, la nouvelle position du malade, le rapport hétérosexuel régulier basé sur une vraie sympathie, le préserveront de rechutes évidemment pour plusieurs années et domineront les rudiments de désirs homosexuels qu'il peut encore avoir. — Contrairement aux avis de M. le professeur Benedikt, (voyez: « Internationale Kliniscbe Runds-chan III T. 8. ? 040), le cas présent nous montre que « les exercices hygiéniques purement intellectuels » et « le traitement moral du malade à l'état de veille - ne servent à rien. Mais le résultat thérapeutique obtenu

exclusivement à l'aide de la suggestion hypnotique ne « démoralisa » point le malade, et il ne produisit point en lui le « sentiment écrasant » d'avoir été « l'instrument, inconscient, d'un tour d'adressed'un médecin » — il lui fit recouvrer l'équilibre psychique sans aucun effet secondaire nuisible et, comme j'espère, pour bon nombre d'années.

Parmi les cas, peu nombreux, d'inversion sexuellequ'on connaît maintenant et qui ont été traités par la suggestion hypnotique, il ne s'en trouve aucun où la suggestion ait donné un aussi bon résultat à l'égard de l'intensité de l'effet et de la durée du succès, comme dans le cas présent.

D'après les apparences, nous possédons dans le traitement suggestif un moyen très précieux pour combattre des perversions psychiques même invétérées.

1. Remarque: voyez « Inversion sexuelle chez un dégénère, traitée avantageusement par la suggestion hypnotique par le Dr Ladame (Revue de l'Hypnotisme. 4e année, 1er Septembre 1889).

« Uber psychosexuales Zwittertum » par le professeur Dr R. Vor. Krafft-Ebbing ( « Internationales Central blatt fur Harn-so Sexual-Organe ». Vol. 1, cah. 2).

PETITE HYSTÉRIE ET TROUBLES DYSMENORRHÉIQUES

TRAITÉS PAR SUGGESTION HYPNOTIQUE

Grossesse. — Hypnose pendant la première partie du travail. — Récidive des accidents au retour des règles : Suggestion. — Guérison.

Par M. le docteur JOURNÉE

Mme A..., 25 ans, israélite, mariée depuis trois mois ; constitution moyenne, tempérament lymphatique, de petite taille, vigoureuse, professeur de gymnastique, cheveux châtain-clair. Pas de maladies graves dans l'enfance, pas de convulsions, dentition facile.

Mère migraineuse, morte a 56 ans, d'apoplexie. Père mort à 10 ans environ, d une affection intestinale. Oncle maternel, mort de diabète ; tante maternelle, de santé délicate, migraineuse.

Frère atteint d'aflection cardiaque, d' arthritisme, a eu des attaques de nerfs.

Quatre sœurs migraineuses; l'aînée a eu des attaques de nerfs et est hypochondriaque et mélancolique ; la seconde, veuve de son cousin germain, a une fille de 10 ans, atteinte de choréc rhythmée, limitée au côte droit du corps et revenant périodiquement tous les ans, au printemps, pour durer tout l'été à peu prés.

La malade actuelle a été réglée à 12 ans, sans difficulté. Vers l'âge de 16 ans, elle fut prise de douleurs d'estomac, tellement intenses.

qu'elle se roulait par terre en poussant des cris. Ces douleurs, que la patiente compare à une violente compression interne, remontaient a la gorge et se réveillaient â la moindre émotion; elles se terminaient par un état syncopal qui n'allait pas jusqu'à la perte de connaissance.

Pleurs et rires sans motif et sans que l'état émotif put être régularisé par la volonté.

Ces crises, qui revenaient presque quotidiennement, brusquement, et a n'importe quel moment de la journée, étaient pourtant en général plus intenses au moment des époques, qui étaient devenues difficiles et douloureuses. Pas de perles blanches, règles peu abondantes, mais régulières sous le rapport de la périodicité et de la durée.

Appétit capricieux, dégoût de la viande. Pas de battements de cœur ni de névralgie.

Sommeil agité, cauchemars, rêves se rapportant aux choses faites, vues ou entendues pendant le jour, sensation de chute, zoopsie persistant après le réveil; insomnies fréquentes.

Au bout d'un an environ, ces crises gastriques disparaissent et sont remplacées par un état nauséeux et angoissant qui se termine par des vomissements glaireux et bilieux après lesquels le calme revient; jamais de vomissements alimentaires ni d'hematémèse. Céphalalgie presque continuelle; anorexie, constipation opiniâtre. Les urines, chargées, à l'époque des crises gastriques, sont, depuis leur disparition, redevenues normales.

Cet état se prolonge jusqu'au mois de janvier 1889 avec exacerbations et accalmies successives. A celle époque tout semble rentrer dans l'ordre, et la santé de la malade lui paraît assez rétablie pour qu'elle se marie.

L'état satisfaisant se maintint pendant deux mois après le mariage, mais alors reparurent les crises gastriques primitives avec douleurs abdominales, dorsales et intercostales. Les crises très fréquentes se compliquaient de symptômes nouveaux : convulsion oculaire, trismus et mutisme. Impulsions ambulatoires. Inappétence presque complète. Oyaralgie droite, pas de stigmates.

Vers le 15 mai, à la suite d'une crise, je vis la malade et je diagnostiquai : Hystérie mineure sous la dépendance de l'arthritisme.

Les traitements précédemment suivis avaient consisté en bromure, chloral, morphine, éther, valériane, térébenthine, bains sulfureux, etc. Ces différents traitements n'avaient pas amené d'amélioration, et pour le moment la malade suivait une cure métallo — et électro-thérapique qu'un empirique lui avait conseillée et lui faisait payer très cher.

Je fis cesser toute médication et commençai le traitement hypnotique et suggestif. Le sommeil fut obtenu rapidement par la fixation du regard, mais aucun des trois états décrits par l'école de la Salpétrière ne fut atteint: pas de catalepsie, pas d'insensibilité ni d'automatisme ; amnésie incomplète au réveil, la malade reste en communication avec le monde extérieur: état intermédiaire entre le premier et le second degré de Bernheim.

Toutefois les suggestions sont acceptées et réalisées.

Le traitement est institué sur cette base. A partir de ce moment les crises cessent, ainsi que les névralgies dorsales, intercostales et abdominales ; la menstruation s'établit sans douleur, à la date suggérée, et les règles coulent les 28, 29 et 30 mai, sans aucun trouble général ni local. L'appétit et le sommeil reviennent, et depuis le commencement du traitement la malade a engraissé de 5 kilos.

L'étal continue à s'améliorer pendant le mois de juin qui n'est marqué que par deux crises : le 8, pendant un orage, et te 19, sans cause connue.

A la fin du mois, les règles ne paraissent pas; une grossesse étant possible, pas de suggestion de ce coté: les mois suivants la grossesse s'alarme et sait son cours normal; à noter quelques légers retours offensifs de la névrose qui cèdent a la suggestion.

Au 6° mois, je diagnostique une présentation du siège ; au S*, version par manœuvres externes

Accouchement en février 1890. Présentation céphalique O. I. G. A. Période de dilatation dans l'hypnose cl dans l'inconscience. Quand les douleurs expulsives commencent, le sommeil ne peut plus être obtenu, mais l'excitation presque délirante, qui survient dans l'intervalle des contractions, est calmée par suggestion. L'enfant, arrêté à la vulve par la résistance du périnée, vient au monde après dix-huit heures de travail : c'est une fille, forte et bien constituée.

Suites de couches normales.

Au moment du retour des règles, réapparition des accidents névro-pathiques observés avant Iû grossesse. Je ne suis averti que huit jours après le début des accidents, et une seule séance de sommeil fait tout rentrer dans l'ordre.

Cette observation me semble donner lieu aux remarques suivantes : 1° La névrose est. dans le cas présent, liée — ce qui est ordinaire — à l'arthritisme héréditaire et personnel dont on peut voir les manifestations dans les crises gastriques, les vomissements de pituite et la coloration des urines.

2° La névrose a pris le nom de petite hystérie; le sommeil provoqué n'a donné que le petit hypnotisme. Il y a donc eu parallélisme partait entre la névrose naturelle et ce qu'on est convenu d'appeler la névrose expérimentale.

3° Tout impartait qu'ait été le sommeil, il n'en a pas moins sutâ pour atteindre le but thérapeutique cherché.

4° Dans ce cas, comme dans ceux qui ont été précédemment publiés, l'emploi du sommeil provoqué pendant la période de dilatation, n'en a pas retardé le travail, qui s'est accompli pour ainsi dire à l'insu de la malade. La période d'expulsion a été rendue pins facile, plus régulière, moins dangereuse pour la mère, qui a pu se reposer avec le plus grand calme dans l'intervalle des contractions, au lieu de passer ces instants de répit dans l'agitation extrême qui se produisait chaque fois que la suggestion n'intervenait pas.

5° Les récidives observées au mois de juin, vers la date probable de la conception et au retour des règles après l'accouchement, sont faites ponr attirer, une fois de plus, l'attention sur les actions du centre génital sur le système nerveux général.

Dans cet ordre d'idées, il est possible que. lorsqu'après l'allaitement, les règles reprendront leur cours, ou dans le cas d'une nouvelle grossesse, on assiste a un réveil des accidents névropathiques.

UN CAS CURIEUX DE SOMNOLENCE

Par le docteur L. N. SHARP de Minnéapolis

Le 3 mars dernier, je fus appelé auprès d'une dame âgée de quatre vingt-deux ans, qui, malgré certaine obésité avait joui jusque la d'une bonne santé.

Elle "avait eu, dix jours auparavant, une attaque durant laquelle un autre médecin l'avait soignée.

Lorsque je la vis, elle était étendue sur son lit. Son pouls marquait 90 pulsations ; la langue était propre et la température normale. Quand je lui fis ma visite le jour suivant, elle dormait, et comme elle ne s'était pas réveillée depuis la veille je pensai qu'elle avait pris quelque narcotique. A l'appui de cette idée, je n'avais aucun indice autre que le sommeil prolongé dans lequel elle était.

Je la vis chaque jour pendant trois semaines pendant lesquelles elle continua à dormir jour et nuit, ne s'éveillant que pour prendre quelque aliment liquide et répondre brièvement à deux ou trois questions; après quoi elle se rendormait. A part cela, son état ne présentait rien d anormal. Vers la fin de la seconde semaine, je m'aperçus qu'elle pouvait rester éveillée quelques minutes et pendant la troisième septénaire on parvint à la leniren éveillée en lui parlant pendant une heure, dans l'après-midi. Ensuite elle dormit de moins en moins reprit ses forces, et, l'appétit étant revenu elle pût se lever cl reprendre ses occupations.

Pendant ce sommeil le pouls et la température restèrent normaux Elle eut de l'incontinence d'urine et resta trois semaines sans avoir de gardes robes. Elle venait d'être purgée lorsque je la vis pour la première fois. Lorsqu'elle s'éveilla elle se crut dans un hopital et eut d'abord quelque peine à reconnaître ceux qui l'entouraient et à reprendre ses aises dans la chambre qu'elle avait occupée pendant son long sommeil dans la maison de sa ::ile. D'ailleurs, je ne remarquai en elle aucun autre trouble cérébral.

REVUE CRITIOUE

LES HABITUÉS DES PRISONS DE PARIS Étude d'anthropologie et de psychologie criminelle (1) par le docteur Émile LAURENT

L'ouvrage que le Dr Emile Laurent vient de publier, a eu un grand retentissement. L;i presse scientifique et la presse politique quotidienne en ont beaucoup parlé. Quelques esprits tapageurs ont. à tort, fait grand bruit autour de cette œuvre non de polémiste, mais de savant.

C'est, en effet, le premier ouvrage de ce genre qui parait en France.

(1) Un volume in-8° 650 papes avec figures dans le texte , 14 portraits en phototypie, plances et graphiques en couleur. Préface du Dr Lacassagne. — Chez Masson. à Paris et chez Situk. à Lyon. — 10 franc.

Il aura certainement, chez nous, le même succès que L'Homme criminel de Lombroso en Italie, bien qu'il soit conçu d'après une autre méthode et d'après des idées différentes.

Le Dr Émile Laurent a procédé comme le font les cliniciens et les atiénistes. 11 a laissé le côté artistique qui ne peut engendrer que de stériles discussions; il a tenu peu de compte, également, des mensurations craniomètriques en anthropologie criminelle auxquelles il semble attacher peu d'importance.

Il lait ensuite une sorte de profession de foi où il résume en quelques pages les idées de l'école de criminalogie française. Les Italiens, avec Lombroso, ont fait jouer un grand rôle A l'hérédité, à l'atavisme même. Le criminel, disaient-ils d'abord, est un sauvage égaré dans notre civilisation, un homme des époques préhistoriques, né tout-à-coup parmi nous avec les instincts et les passions de ces premiers âges. Ils ont dit ensuite que le criminel-né était un homme pathologique et Lombroso a définitivement avancé qu'il pouvait bien n'être qu un épileptique. La criminalité est aussi devenue une névrose.

Le Dr Emile Laurent a commencé ses recherches sans parti pris, sans idées préconçues, sans direction d'aucun maître, sans se rattacher â aucune école. Croyant que l'école italienne était à côté de la vérité et il a eu le courage de le dire. Aussi Lombroso lui écrivait, lors de l'apparition de son livre : « Il est curieux de voir combien nous sommes d accord sur les faits; tandis que dans leurs conclusions plus simples, vous semblez vouloir vous éloigner, comme contrarié par une suggestion.

Le Dr Emile Laurent attribue une grande importance à l'hérédité dans l'étiologie du crime. Pour lui, les criminels sont habituellement des héréditaires, des dégénérés et le plus souvent des débiles, Jes êtres sans résistance et sans volonté, cédant â tous les entraînements -des passions. « Tandis que l'honnête nomme voit se perpétuer chez ses enfants la probité et toutes les qualités morales qui font le bonheur de sa vieillesse; le criminel, au contraire, voit ses fils déchoir comme lui, aller, comme lui, s'asseoir sur les bancs de la police correctionnelle, et, comme lui, enfin échouer en prison a. Mais il a soin d'ajouter: « Néanmoins il ne faudrait pas exagérer «ctte influence de l'hérédité. Sans doute presque tous les criminels ont une tare héréditaire, mais cette tare est bien plus souvent une tare nerveuse ». Aussi il admet que

plusieurs raisons éliologiques, plus ou moins puissantes, agissent héréditairement sur le développement de la criminalité. En première ligne se place l'alcoolisme, puis viennent les césanies et les névroses, et enfin , à titre secondaire, la tuberculose.

Mais l'hérédité n'est pas tout pour le Dr Laurent. S'il est, dit-il, de ces êtres pervers, de ces taux moraux, de ces criminels-nés sur lesquels on ne peut absolument rien, et qui naissent avec le crime dans le sang, par contre beaucoup de criminels seraient éducables. L'influence de l'éducation et des milieux est donc considérable. Les milieux, sans doute, ne créent pas, mais ils ont une puissance modificatrice énorme, « Aussi, conclut le Dr Emile Laurent, je crois que beaucoup d'individus pourraient rester vicieux sans devenir criminels. si on les surveillait attentivement pendant leur enfance et leur adolescence. Une éducation sévère et bien entendue, sans en faire de bons sujets, les préserverait peut-être de la prison en les empêchant d'entrer en lutte avec la société ».

Plus tard, en quittant la famille, c'est à l'atelier que l'enfant va se corrompre ; les mauvaises fréquentations dans les cabarets et les cafés achèvent de le perdre, « Mais, de toutes les écoles du vice, dit toujours

le Dr Emile Laurent, la plus dangereuse c'esT sans contredit la prison. Quand un homme a fait deux ou trois séjours dans les prisons de Paris ou les maisons centrales, en n'en peut plus rien espérer: c'est un membre gangrené qu'il faudrait retrancher pour toujours du corps social ». Aussi l' auteur réclame-t-il le régime cellulaire pour tous. LA, dit-il, est le salut.

Quelques pages sont consacrées à l'influence de l'instruction sur le développement de la criminalité. Ce ne sont pas, certes, les moins intéressantes, puisque aujourd'hui la question de l'instruction prime tout. Eh bien ! le Dr Emile Laurent soutient que l'instruction seule est impuissante à faire rétrograder le crime, a Sans doute, dit-il, l'instruction supérieure_ élève l'ame, ramollit le cœur, enseigne le culte du beau, du vrai, du bien. Malgré tout elle restera impuissante, si elle n'a pour fidèle alliée l'éducation ».

Le jeune savant a touché aussi un mot de la responsabilité des criminels, « en montrant, dit-il, les criminels naissant avec des instincts pervers, fruits d'une malheureuse hérédité, en montrant leur volonté faible et défaillante, facilement vaincue par les impulsions, leur sensibilité affective morte on étroite, on pourrait croire que, me rangeant à l'opinion de l'École Italienne, je vais déclarer tous les criminels irresponsables et par conséquent proclamer l'inutilité des peines et des châtiments. Loin de moi cette pensée! » En effet, il réclame pour les criminels des pénalités peut-être excessives. La crainte du châtiment doit tenir en échec les mauvais instincts et les mauvais penchants de l'homme criminels. La pénalité vient au secours du misérable et lui tient lieu de conscience.

L'Ecole italienne attache une grande importance aux. caractères physiques et morphologiques des criminels. Pour Lombroso, tout criminel est marqué du sceau de la dégénérescence physique et une foule d'anomalies, le dénoncent, du premier coup d'œil,à l'observateur exercé. Le Dr Laurent admet que les criminels ont entre eux comme un air de famille, qu'ils présentent en effet, souvent des anomalies du crâne, du visage et même d'autres organes. Il reconnaît que ces anomalies se rencontre chez eux en beaucoup plus grand nombre et beaucoup plus souvent que chez les gens sains, mais, pour Ivi, il n'y a pas de signe palhognomonique du crime. Les criminels sont souvent des dégénérés : rien d'étonnant à ce qu'on rencontre fréquemment chez eux des stigmates de dégénérescence physique. Ont-ils une physionomie spéciale? se demande le Dr Emile Laurent. Les uns disent oui, les antres non. Lui, répond d'une façon moins précise, mais plus sage : oui et non.

Le criminel est-il beau ? se demande toujours le Dr Emile Laurent.

« Si on entend, dît-il, par beauté, la pureté, la régularité des lignes, l'harmonie parfaite de toutes les parties, dont le statuaire grecque nous a laissé les plus remarquables exemples, il est évident que les criminels seront plus souvent laids que beaux, puisque ce qui caractérise leur visage, c'est l'irrégularité et le manque d'harmonie. Mais

par contre, on pourra rencontrer assez fréquemment chez eux cette beauté irréguliére et canaille qui n'est qu'une forme de la laideur, cette beauté parisienne et décadente qui a fait le succès et la fortune de tant de prostituées : aussi celle beauté ne pourra charmer que des âmes vulgaires : une fille énamourée ou une bourgeoise perverse; un observateur épris d'esthétique n'y verra qu'une réunion plus ou moins piquante de défectuosités. »

Le Dr Emile Laurent reconnaît toutefois qu'il est possible de rencontrer des criminels réellement beaux. Tel le jeune assassin Ducrett. tel

le criminel dont parle Lavater et qui ressemblai! à l'un des anges du ciel, ici le chef de brigands Corbane qui, selon Lombroso, était une des plus gracieuses figures napolitaines. Le Dr Laurent confesse avoir vu lui-même un criminel d'une beauté qu'il qualifia de merveilleuse. « Son visage était d'une régularité parfaite, dit-il, et son front d'une grande pureté; de longs cils ombrageaient ses yeux noirs et profonds qui donnaient à toute sa physionomie un air de grande douceur; ses sourcils formaient deux courbes des plus harmonieuses; ses oreilles étaient petites et bien faites; sa lèvre supérieure était estompée par une moustache brune légère; ses cheveux étaient longs, noirs et très fins. Eh bien! ce corps, qu'on eut dit ciselé par un Ponsitile, renfer-mait l'ame perverse d'un vil gredin. Ivrogne, menteur, lâche et cynique, il se prostituait aux autres détenus pour un verre de quinquina ou un paquet de cigarettes. Il avait subi quatre condamnations pour ivresse et batterie...

En somme ce qui, pour l'auteur, caractérise le criminel au point de vue physique, c'est la désharmonte, le manque de proportions entre les divers organes. Il en est de même, dit-il, au point de vue psychique. 11 traite, d'ailleurs, magistralement cette question, accumulant les observations. Je ne crains pas de dire que c'est la partie capitale de son ouvrage, celle sur laquelle il a le plus longuement insisté et qu'il a le plus documentée. Pour lui, les formes extérieures, la conformation physique du criminel ne sont que des questions secondaires; ce qu'il faut analyser cl mettre à nu, c'est l'àme du criminel. Il nous le montre inintelligent, sans imagination, même dans ses ruses vieilles comme les prisons, cruel et vindicatif, paresseux et menteur, piein de vanité.

Il nous montre combien sont nombreux, également, dans les prisons les épileptiques, les hystériques, les aliénés délirants, les intoxiques de toute espèce : alcooliques; absinthiques, morphiniques. Pour lui, l'alcool est le vice du siècle.

Le Dr Emile Laurent n'a pas voulu tenter de classification doctrinale des criminels. Néanmoins il en admet une un peu arbitraire, de son propre avis, simplement pour jeter plus de lumière sur son sujet.

Il consacre un chapitre aux mendiants et aux vagabonds dans les

prisons, puis il divise la population pénitentiaire en deux catégories : la population flottante composée de criminels d'accident et d'occasion, ceux qui. après une première chute, se relèvent et ne retombent plus ; la population fixe qui comprend les criminels d'habitude et les criminels-nés ou faux-moraux, ces malheureux qui naissent avec le vice dans le sang, ces dalloniqucs de la conscience, ces êtres frappés de cécité morale et dont la rétine psychique ne répond pas aux impressions lumineuses du juste et du bien.

Le chapitre traitant des croyances cl de la religion des criminels est bien curieux. Il est bourré d'anecdotes piquantes, de faits drôles que le Dr Emile Laurent a observé dans ses pérégrinations à travers l'Europe. Quant aux criminels parisiens, ce sont des sceptiques et des railleurs. Sont-ils irréligieux ?. Bien rarement. Ce sont surtout des indifférents.

Le Dr Emile Laurent n'attache que peu d'importance à l'écriture des criminels ; il a étudié plusieurs centaines d'orthographes et il n'a rien constaté de bien caractéristique. Mais il étudie longuement la littérature criminelle: il nous apprend quels livres lisent les criminels ; il a relevé les inscriptions dont ils couvrent les murailles et les marges des livres qu'on leur prête ; il a lu des volumes entiers de prose et de poésie, sortis des cellules de la prison de la santé et il nous en donne

des échantillons bien curieux. Je ne citerai qu'un morceau : Célestine ou la marmite qui fuit, poésie naturaliste en argot. Un document bien curieux.

Le chapitre sur les beaux-arts dans les prisons avec les extraordinaires fac-similé qui l'accompagnent, est un document absolument neuf et personnel. On y trouve exposées des idées d'esthétique très élevées. Là encore l'auteur a su utiliser les souvenirs que lui ont laissé son passage à travers les différents musées de l'Europe.

Les tatouages des criminels font également l'objet d'un important chapitre. Le Dr Émile Laurent étudie les questions surtout au point de vue estétique et il consacre quelques pages à l'importante découverte du Dr Variat pour les destructions du tatouages.

Le chapitre sur les simulateurs dans les prisons contient également une observation extrêmement intéressante, celle d'un individu qui, pendant trois ans, tint les médecins aliénistcs en suspens. Encore un document humain bien curieux. Endn, je signalerai les chapitres toujours très documentés sur le suicide chez les criminels, et une classification des différents, genres de délits et de leurs mobiles. Tel est ce livre dont on ne peut donner qu'une idée incomplète par une analyse déjà trop longue pour notre revue.

Dr E. B.

L'HYPNOTISME DANS LE ROMAN Un Raffiné

Par M. L. ACHILLE (1)

Nous avons lu avec un véritable intérêt le roman de M. L. Achille, intitulé : Un Raffiné. Nous n'en parlerons ici qu'en ce qui se rapporte à une séance d'hypnotisme et de suggestion, fort exactement décrite par l'auteur. Contrairement à l'usage adopté par un grand nombre des écrivains littéraires, il a voulu se faire une exacte idée de ce qu'on nomme hypnotisme et parler en connaissance de cause de la valeur thérapeutique de la suggestion.

Trop souvent les romanciers ont abordé les questions concernant l'hypnotisme sans s'être donné la peine de les étudier, sans les connaître autrement que par ouï-dire et, suivant la coutume, presque générale aujourd'hui, d'effleurer tous les sujets sans en approfondir aucun, ils ont cru pouvoir émettre leur opinion sur des questions extrêmement ardues et complexes, par ta seule raison qu'ils avaient assisté à quelques banales expériences de somnambulisme et de transmission de pensée, laites dans les salons, à litre de passe-temps, entre deux quadrilles ou deux tasses de thé.

(1)¡ Victor Havard, éditeur, in-12 350 pages, , 1890. 3 fr.50.

jS RKVIÍB de l'hYPNOTISHK

El, d'après ces données très superficielles, le romancier impose généralement à l'hypnotiseur le rôle de traître, de génie malíaisaní dont le souffle maudit répand sur toute l'existence de ses victimes le désespoir, l'invincible terreur. Si l'ouvrage est écrit dans un style brillant, imagé, le lecteur se laisse séduire, subjuguer, nous allions dire hypnotiser, et son imagination enchérit encore sur les scènes merveilleuses si bien décrites par son auteur favori.

A ce moment 11 est prêt a tout croire. On lui dirait que, obéissant à ia suggestion d'un célèbre hypnotiseur, l'Obélisque est allé s'incliner devant l'Arc-de-Triomphc, il le croirait... Pourquoi pas?...

C'est précisément à ce Pourquoi que la plupart des romanciers seraient embarrassés de répondre d'une manière satisfaisante pour un lecteur instruit.

Si nous insistons ici sur le rôle donne à l'hypnotisme dans le roman, c'est que nous regrettons de voir se propager, parmi le peuple, les idées fausses, les préjugés qui peuvent, sinon entraver, du moins retarder la marche du progrès scientifique.

Il importe peu, il est vrai, û la vulgarisation d'une science aussi ardue, qu'un romancier en soit adversaire ou partisan ; toutefois nous voudrions trouver chez quelques-uns la tranche loyauté qui leur ferait avouer leur ignorance en ce genre d'étude.

Une longue pratique expérimentale peut seule éclairer, pour le théoricien, les points obscurs de la suggestion hypnotique. Lui seul peut démontrer scientifiquement la réalité d'un fait, dire comment il se produit et pourquoi il est impossible qu'il ait lieu dans des conditions dont les ignorants n'aperçoivent pas le côfc défavorable.

Nous rendons un sincère hommage au réel talent de M. L. Achille, nous le louons surtout de la peine qu'il a prise de visiter une clinique de l'hypnotisme avant d'en parler et de ne pas avoir abórdeles questions qui nous intéressent sans les avoir, sommairement peut-être, mais consciencieusement étudiées.

Joignons:! cela que le roman de M. Achille contient un grand nombre de scènes d'un grand intérêt dramatique et que le caractère de ses personnages est tracé de main de maître. Cela suffira pour justifier le succès très mérité de ce livre.

Ilcrminic Poitevin

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

L'îvresse au Congrès pénitentiaire de Saint-Pétersbourg-

Le quatrième Congrès pénitentiaire international, qui siège en ce moment à Saint-Pétersbourg, avait à examiner de quelle façon l'ivresse peut être envisagée dans la législation pénale: soit comme une infraction considérée en elle-même; soit comme circonstance s'ajoutant à une infraction et pouvant en détruire, atténuer ou aggraver le caractère de criminalité.

Après une longue discussion, qui a duré deux séances, la première section du Congrès a présenté les résolutions suivantes qui ont été adoptées par le Congrès dans son assemblée générale du 19 juin:

!• L'état d'ivresse considéré èn lui-même ne saurait constituer un délit; il ne donne lieu a la répression que dans le cas où il se manifeste publiquement.

dans des condition? dangereuses pour la sécurité ou par des actes de nature à produire un scandale, i troubler la tranquilité et l'ordre publie ;

2° On ne saurait nier l'utilité des dispositions législatives, établissant des mesures cœrcitives, telles que l'internement dans un hospice ou une maison de travail, à l'égard des individus habituellement adonnés i l'ivrognerie, qui viendraient i être a la charge de l'assistance ou bienfaisance publique, qui se livreraient a la mendicité ou qui deviendraient dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui ;

3° Il est urgent de rendre les propriétaires de débits de vin et spiritueux pénalement responsables pour débit de liqueurs fortes a des individus manifestement Ivres;

4° En cas d'infraction pénale commise en état d'ivresse:

A. L'état d'ivresse non complète ne peut en aucun cas exclure la responsabilité; comme circonstance ayant influence sur la mesure de la peine, cet état ne peut être défini par le législateur, ni comme circonstance atténuante, ni comme circonstance aggravante, mais son influence sur celte mesure dépend de chaque cas particulier;

B. L'état d'ivresse non complète exclut la responsabilité en principe, à Perception toutefois des cas suivants : (a) quand l'ivresse constitue par elle-même une infraction pénale, et (b) des cas des actions libeœ in causa, quand l'auteur s'enivre sachant qu'en état d'ébriété. ii doit ou peut commettre une infraction criminelle; dans le premier cas, il se rend responsable d'un délit commis avec préméditation, dans le second,d'un délit commis par négligence.

Le caractère des hystériques

Dans une de ses leçons i la faculté, M. le professeur Brouardel vient de rappeler quelques-unes des particularités du caractère des hystériques :

Après avoir exposé les moyens dont le mèdedîn légiste pour les mettre à l'abri de leur tendance innée à la dissimulation, il a ajouté :

« Lorsqu'une femme est hystérique, la note principale de son tempérament est la mobilité d'esprit et dé passion. Sa conversation est charmante, en raison même de cette facilité à passer vivement d'un sujet a l'autre. Mais l'hystérique est un peu moins charmante i rencontrer pour un mari. Elle est extrêmement égoïste et aussi disgracieuse dans son intérieur qu'elle est gracieuse à l'extérieur. Elle est capable d'inventer contre son mari toute espèce d'histoires, dans le but de se mettre en scène. Elle a une mobilité d'affection qui n'a d'égale que sa violence: quand elle aimc. c'est avec passion, mais la passion est de courte durée. Ces retours soudains peuvent troubler singulièrement la tranquilitê d'un ménage. Les femmes, elles-mêmes, reconnaissent cette singularité de leur caractère et appellent cela « avoir des toquades ».

Cette affection passionnée n'est pas réservée du reste exclusivement au sexe masculin : les hystériques peuvent avoir des amies qu'elles aiment aujourd'hui et qu'elles naissent demain. Alors, quand arrive le tour de la haine, elles ne savent quel moyen employer pour nuire a leur ancienne idole: elles font des dénonciations a la justice, écrivent des lettres anonymes, et finissent parfois par brouiller toute une petite ville.

Il y a encore deux points sur lesquels je tiens à insister particulièrement. Il n'y a chez l'hystérique aucune réflexion, elle a une idée et la met aussitôt a exécution, ses actes ne sont pas délibérés. Quelles que soient les conséquentes qui puissent en résulter pour elles, l'hystérique écrit et agit, pour obéir à sa passion.

C'est une femme qui veut paraître a tout prix et qui n'est même pas rebutée par l'idée d'aller en Cour d'assises, parce que la elle pourra raconter, à loisir et en public, toutes les tribulations dont elle aura été victime et toutes les aventures qu'elle aura eues.

La Responsabilité des déséquilibrés

La nécessite d'un remaniement des codes afin de mettre en rapport les pénalités avec nos notions scientifiques actuelles sur la criminalité se fait sentir actuellement partout Dernièrement notre collaborateur M. le Dr Forel abordait, avec sa haute autorité, ce sujet interressant devant la Société de médecine de Zurich-11 faisait remarquer l'embarras dans lequel se trouve fréquemment le praticiens vis-a-vis de ces individus dont le cerveau ne réagit plus d'une façon régulière relativement aux divers circonstances de la vie, ou dans ses rapports avec le cerveau de ses semblables.

Il est particulièrement, certaines modifications cérébrales qui ne sont point produites par une cause spéciale agissant pendant la vie de l'individu, mais qui sont de véritables monsiruosités de ce processus héréditaire, profondément automatisé, que nous appelons le caractère. Ces anomalies de caractère ne sont qu'un premier degré d'un groupe de psychoses qu'on pourrait appeler piycboses constitutionnellesl. Les individus qui en sont atteints ont été justement désignés sous le nom de déséquilibrés.

Lorsqu'ils se sont rendus coupables de quelque délit, on présente souvent les déséquilibrés au médecin, lequel se trouve fort embarrassé. S'il ne les considère pas comme malade, il laisse le champ libre aux plaidoyers les moins agréables, où souvent sa bonne foi, son savoir tout au moins, seront suspectés, — Mais, d'autre part, la loi ne connaît pas de défauts de caractère ; elle ne s'occupe pas de prêcher la morale telle est là pour rechercher le le délit et punir son auteur. — Enfin la grande majorité du pub ic, imbue du dualisme de la metaphysique religieuse, n'entend rien à ce que:le appelle nos subtilités : pour elfe, ou l'individu est malade, c'est une victime de ses troubles intellectuels, et il appartient à l'asile d'aliénés, — ou il est sain, il a pleine conscience de ses actes, et il doit en supporter les conséquences.

C'est ce qui a amené le Dr Forel â exprimer les vœux suivant que nous trouvons dans la Médecine moderne.

1° Que la notion de diminution du discernement fût inscrite de nouveau dans ta loi :

2° Que la notion de liberté ne fût plus considérée comme absolue, mais comme indiquant la plus ou moins grande facilité pour notre cerveau de s'adapter convenablement aux circonstances ambiantes ou aux manifestations du cerveau d'autrui.

3° Que l'on cherchât à atteindre, fût-ce en remaniant profondément notre droit actuel, les buts suivants :

a) Mettre hors d'état de nuire, et cela préventivement, les natures criminelles;

b) Appliquer aux monstruosités du caractère un traitement convenable, afin d'améliorer celles qui peuvent l'être encore.

c) Reporter le mépris public qui s'attache â certains êtres innocen:s (fille séduite, enfant naturel, etc.) sur des individus qui jouissent, encore de nos i jouis, de toute la considération apparente de leur entourage (adultères, spéculateurs louches, etc.,);

4° Qu'il fut fondé, au lieu de nos maisons de corection qui sont très défectueuses, des établissements ou colonies, dirigés par des hommes spéciaux, ou seraient traitées les formes sérieuses de psychoses constitu-tionnelles, et les natures criminelles ;

5° Que l'on instituât également des établissements pour les victimes encore j curables de l'ivrognerie, ou d'autres intoxications;

6° Enfin qu'il fût établi des lois permettant d'imposer à ces psychopathes, à ces intoxiqués, un examen médical, et une cure convenable dans un des 1 établissements susindiqués. Il serait souvent très nécessaire de priver de ; leur liberté des individus de cette sorte, qui sont une peste pour leur entou-rage, et deviennent plus nuisibles à ta société que tel malheureux aliéné inoffensif.

Les crises d'hystérie

M. le Professeur Bernheim vient d'indiquer dans le Bulletin Médical un moyen des plus simples d'arrêter les crises d'hystérie:

Les crises d'hystérie les plus violentes peuvent toujours ou presque toujours, selon lui, être arrêtées par la simplesuggestion. Pendant l'état d'inconscience apparente de la crise, la conscience me parait être en réalité, conservée. Alors même que, l'accès terminé, les sujets disent n'avoir aucun souvenir de ce qui s'est passé, j'arrive en général, sans les endormir, par simple suggestion, à l'état de veille, en concentrant leur attention pendant . 1 à 3 minutes, à réveiller en eux le souvenir de ce qui s'est passé pendant l'accès.

Il m'arrive souvent d'enrayer ainsi instantanément ou en peu de minutes les crises d'hystérie qui se développent en ma présence. Il me suffit en général de dire: d'hystérie est fini!La crise s'arrête. Réveillez-vous ». Ou bien je dis aux personnes présentes: « Vous allez voir comment elle va se réveiller, j'enlève la douleur,elle n'étouffe plus, elle respire bien; les convulsions s'arrêtent, etc., c'est tout à fait fini ». Il est rare que la suggestion n'arrive pas mettre lin très rapidement à la crise, Quand on a réussi une première fois chez une hystérique avec plus ou moins de facilité à l'enrayer, on réussit en général beaucoup plus vite et plus aisément à chaque accès ultérieur.

La parole ne suffit pas a guérir: il faut que cette parole soit acceptée par le cerveau et fasse impression sur lui. Ce n'est pas la parole de l'operateur.c'est le cerveau de l'opéré qui fait la suggestion et qui transforme l'idée en acte. Il peut arriver que !c cerveau de l'hystérique se refuse à accepter l'insinuation et reste sourd a la voix du médecin, l'auto-suggcstion dominant la suggestion étrangère. Mais dans le plus grand nombre des cas, l'hystérique csl suggestive; et la simple parole, imposée avec calme tt convictton, arrête dans leur évolution les grandes et petites crises d'hystérie.

La castration comme pénalité

Un médecin californien vient de ppoposer la castration comme pénalité légale. Il conseille de castrer les criminels et certains aliénés. Cette manière de faire, croit-il. serait bien plus utile que la prison, pour améliorer 'a race humaine et éviter sûrement l'hérédité criminelle. Il croit que l'intérêt bien compris de la société, exige ce mode d'intervention, car si son procédé était adopté le nombre des dégénérés décroîtrait rapidement et parallèlement le nombre des crimes.

Législation de l'hypnotisme

1.1 chambre des députés de Belgique vient d'être saisie, par le ministère de la justice, du projet de loi suivant :

Article premier. — Quiconque aura donné en spectacle au public une personne hypnotisée par lui-même ou par autrui, sera puni d'un emprisonnement de quinze jours à six mois et d'une amende de vingt-six francs à mille francs.

Art. s. — Quiconque, n'étant pas qualifié pour exercer l'art de guérir, aura hypnotisé une personne qui n'avait pas atteint l'âge de dix-huit ans accomplis ou n'était pas saine d'esprit, sera puni d'un emprisonnem-nt de quinze jours à un an et d'une amende de vingt-six francs à mille francs, alors même que la personne hypnotisée n'aurait pas été donnée en spectacle au public.

En cas de concours avec les infractions punies par les dispositions légales concernant l'art de guérir, la peine prononcée par le présent article sera seule appliquée.

Art. 3. — Sera puni de la réclusion quiconque aura, avec une intention frauduleuse ou a dessein de nuire, fait écrire ou signer par une personne0

hypnotisée un acte ou une pièce énonçant une couvention, des dispositions, un engagement, une décharge ou une déclaration. La même peine sera appliquée à celui qui aura tait usage de l'acte ou de la pièce.

Ce projet de loi est évidemment la conséquence des résolutions votées par l'Académie de médecine de Belgique. On se souvient que les conclusions générales du rapport de M. le professeur Masoin furent adoptées à la suite d'une importante discussion.

Nous tenons de bonne source que la nouvelle loi sur l'exercice de la médecine en France, loi actuellement soumise au parlement, contiendra une disposition faisant rentrer simplement la pratique de l'hypnotisme et de magnétisme dans les conditions qui régissent les autres branches de l'art de guérir.

Le projet de loi soumis aàla chambre belge appelle assurément quelques commentaires qui trouveront place dans nos prochains numéros.

BIBLIOGRAPHIE

La Syphilis chez les Anciens.

Nil sub sole sole nuvum pas même la vérole, dit le docteur F. Buret (1). Pour

lui elle date de la création de l'homme.

Et, dans une étude curieuse et documentée, il nous montre l'antiquité de cette affection qui intéresse tout le monde, parce que beaucoup l'ont et que tous peuvent l'avoir.

H ne cite, que pour mémoire, la fable rapportée par Fracastor au commencement de son poème. Le berger Syphilus, un libre-penseur de ce temps-là, avait fort irrévérencieusement pissé à la face du solcil;pour le punir Apollon lui donna la vérole. Triste présent ? Ce n'est là qu'une plaisanterie de poètes. Mais suivons le docteur Buret et nous arrivons aux documents sérieux.

11 viole les sépultures antiques ; il tire de l'argile, des conglomérats à ossements, des cavernes ou des dolmens celtiques. les débris de l'homme primitif épargnés par le grand cataclysme. L'anthropologie nous montre sur ces crânes des traces indéniables d'altérations syphilitiques. El, ajoute le docteur Buret, ces crânes des premiers spécimens de notre espèce, dont cinq ou six mille ans nous séparent, pendant que leurs squelettes, classés dans les vitrines de nos musées, redressent leurs crânes émaillés d'ostéophytes et brandissent leurs tibias boursouflés d'exostoses semblent venir crier à leurs descendants du xixe- siècle: « Oui nous avons échappé au déluge universelle ; nous sommes ces êtres humains que vous appelez préhistoriques et dont la fuite sur les cimes élevées des continents d'alors a inspiré l'image symbolique de l'arche de Noé ; la race du mammouth est à jamais perdue : il dort au milieu des glaces polaires qui lui ont servi de linceul ; le mastodonte et le dinothérium giganteum reposent entre les couches superposées du terrain tertiaire; ils sont perdus dans les sables ou enfermés au centre des roches qui furent leur tombeau : l'espèce en est éteinte ! Nous, vos ancêtres, nous avons survécu là où tout ces colosses ont péri ; or, nous avions la syphilis, sachez donc que c'est avec elle que notre race a traversé les siècles. »

C'était l'héritage de l'homme antédiluvien : celui-là nous est parvenu intact.

Et à travers les âges, chez toutes les nations, nous retrouvons l'anti Vaneris lues.

Il y a cinq mille ans les livres chinois en parlaient et les médecins

(1)Un vol. in-12. Société d'édition scientifique. Paris 1890.

iublioc.raphie

3"

pays considéraient déjà la maladie comme fort ancienne. P. Dabry, dans son livre sur La médecine cbeiles Chinois, donne des détails très circonstanciés et qui tendraient a prouver que, bien avant nous, ce peuple avait découvert la vérole, comme il avait découvert l'imprimerie, la poudre à canon et l'imprimerie, la poudre a canon et la vaccine. Savez-vous comme il l'appelaient? Ttboang! Les Japonais l'appelaient plus simplement à\»j et on la signalait chez eux dès le commencement du i\e siècle. Certains papvrus (tendraient même a prouver que les Egyptiens et surtout les Pharaons Savaient pas été oubliés par Vénus dans ses largesse syphilitiques.

Quant au peuple de Moïse, malgré les lois hygiéniques de son chef, il n'y échappa non plus. Dans le cinquième livre des /VowràVs. attribues a Salomon, on trouve des conseils qui prouvent que la fréquentation des Hétaïres de l'époque pouvait laisser des traces pénibles, capables de durer des années et de compromettre gravement la santé générale. Salomon conseille de se méfier d'elles. Nombre d'autre passages de la Bible témoignent de l'existence de cette madic chez les Hébreux. Le mal de Baal Péor n'était sans doute pas autre chose. Et puis, tout le monde connaît l'histoire du roi David qui ni tuer son lieutenant Une pour lui voler sa femme Dath-Schèba, celle que nos abrégés d'Histoire sainte appelle Bethsabée. Pour le punir, Dieu lui envoya Ta syphilis.

Et ce mari complaisant qui s'appelait d'abord Abram et se fit ensuite appeler Abraham, qui habitait entre Beihel et AI, environ 1921 ans avant Jésus-Christ ! Pour augmenter les petits bénéfices de ses troupeaux, il prêta sa femme Saraï ou Sarah au pharaon d'Egypte et a un roi de Guérar appelé Abimélech. II est dit au livre saint qu'il leur en a cuit et qu'il durent rendre à Abraham sa dangeureuse épouse, en le renvoyant chargé de présents.

En l'an 1000, les Hindous soignaient déjà la syphilis par le mercure. Les grecs qui ne la soignaient pas en étaient fort embarrassés.

Quand aux Romains, leurs poètes satyriques et erotiques ont pris soins de nous renseigner sur ce qu'ils appelaient les maladies honteuses. Qui connaît la fameuse épigramme de Martial qu'on ne peut guère traduire en français ? Le mari a mal au... pied ou ailleurs ; sa fcn.me y a mal aussi, et son fils ci sa fille; et son gendre, et son neveu, et son jardinier, et son économe, et son fermier, et son laboureur, et son journalier, tout le monde a mal au même endroit.

Et l'ode fameuse a Priape avec l'ex-voto qui l'accompagne, n'est-ellc pas d'un syphilitique guéri?

Je crois que le docteur Buret a raison. La syphilis est aussi vieille que le monde.

NOUVELLES

.VUhdws «fytales . — tiosptst de la Salpêtriere. — Le docteur Augnite VoUin reprendra ses conférence* clinique», »ur les maladie» mentale» et nerveuse», le dimanche 19 juin, à 10 heure» du matin, et le» continuera le» dimanche» suivants à la même heure.

Clb.ic - des m al ames xixvil'ms. — M le docteur Bérillon fait ton» Ici samedis, de 10 heur» à 11 heure» i,ï do matin, à la clinique de» maladie» nerveuse». 55. rue Seint-André-de*-Art*, une leçon pratique sur le» applications clinique» et medieo-leg.les de l'bypaoti»»-*. Ce» leçon» sont exclusivement destincet aux médecin» et aui étudiant' en médecine.

Socarrt Huiuamd. — Prix — Dans sa lémee du ai avril, celte Société ¦ mi» en cencoun, peur le» prix A . ire Ic» deux question» suivante» : l" L'épidémie d'injtuen-a '-. 1889-90 : Histoire, étiologic, pathologie, tnitement et complications; 2' De la responsabilité légale dei mé-detims eu et qui concerne l'cdmiitrafiem du cbhrcfc* me et des autres agents ameitbésiques. Le» mémoires écrit» en allemand, français ou anglaif doivent parvenir au secrétaire. M. A. Lfebreich (à Berlin), ayant le 1" avril 1S01.

OUVRAGES REÇUS A LA REVUE

Hawillon Osgood. — Tbe thurapeutic value of suggestion during the hypnotic state : Boston, in-16, 46 pages, 1890.

N. Bœkhoudt. — De Beteekenis van hypnotismeen suggeitic inons staefracht en strafproces : Leenwarden, in-8°, 134 pages. 1890.

Eusère Guelle y v. Bacigalupi. — L'Immunité fier Its Leuoomaines : Paris in-S% 164 panes. 104, Boulevard Saint-Germain. 1890.

AUVARD et Pingat. — Hygiène infanitle : Avec 85 figures intercalées dans le texte. — Paris, in-12°. 74 pages, 1889.

G. Lloyd Tuckey. — Psycho-Therapeutics : In-8°, i89 pages, 1890. so. Ring William Street, London.

L. Achille. — Un raffiné : In-8°, 346 pages 1890. Paris, Havard, Boulevard Saint--Germain, 168. 3 fr. 50.

Havelock ellis. — The Criminel : In-8°, 234 pages 1890. London. Dr E. Laurent. — Les habitués des prisons de Paris : In-8° 616 pages, 1890. Stork, Lyon, 78.

Dr J, Rouvier. — Revue Internationale de Bibliographie ; In-8°. 284 pages. 1890. Paris, rue Racine 23, Beyrouth. Direction de la Revue Internationnale de Bibliographie.

Dr J. E. Vivant. — Les Maladies épidimiques dans la Midi : In-8°, 120 pages,

1890. Paris, Place de l'Odeon, 8. Doin, éditeur. Dr F. buret. — Mesures repress ives à l'égard des Vénériens : in-8°, 12 pages. Paris,

1890.

J. L. Pichery. — Gymnastique des écoles. Paris, in-8°, 200 pages 1890.

Dr E. Ménière. — L'Otologie et la Rhinoloogie : In-8°, 8 pages, Paris, 1890.

Dr E. Bérillon.— Comptes rendus du Congrès international de l' Hypnotisme expé-rimentl et thérapeutique ; Paris in-8°, 365 paces, 1890. Doin, Place de l'Odeon, 8.8 fr.

Congrès International de Psychologie Physiologique : In-8°. 156 pages, 1890. Alcan, Paris.

Dr E. Reois. — ; Les Régicides dans l'histoire et dans la présent : In-8°, 96 pages, 1890. Stork, Lyon.

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par le Dr E. Bérillon, in-8°, 15 pages. Paris. 1890.

Dr delbœuf. — L'hypnotisme appliqué aux altérations de l'organe viduel, in-8°,: 32 pages. F. Alcan-, Paris. 1890.

Dr P. Garnier. — La Folie à Paris : in 8°, 425 pages, Paris J. B. Baillière, 1890. 3 fr. 50.

L'Administrateur-Gérant; Émile BOURIOT

paris. —imprimerie clamaron-graff, 57, rue de vaugirard

REVUE DÉ L'HYPNOTISME

EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE

BULLETIN

LE CONGRÈS INTERNATIONAL DE 1890

La présence au Congrès international de Berlin d'un grand nombre de nos collaborateurs nous (ait prévoir que la question de l'hypnotisme y sera sérieusement abordée et qu'elle y sera le point de départ de discussions de la plus haute importance.

Aucune occasion ne nous paraît meilleure pour soumettre au contrôle du monde médical les résultats obtenus dans ce nouvel ordre d'idées.

Déjà le grand succès du Congrès international de l'Hypnotisme, en 1889, où des praticiens de tous les pays s'étaient donné rendez-vous pour s'entretenir de leurs études communes, avait démontré que la cause de l'hypnotisme était gagnée devant les neuropathotogistes et les psychiatres, mais la masse du grand public médical reste encore à conquérir. C'est là, à notre avis, le principal rôle des congrès internationaux que de donner aux découvertes la sanction qui leur assure droit de cité dans le domaine scientifique. Là, les étroites discussions d'Ecole, dans lesquelles les questions do personnes jouent toujours un rôle prépondérant, disparaissent dans l'irrésistible courant de l'opinion et les chercheurs indépendants ont toutes les chances, du haut de la tribune qui leur est libéralement ouverte pour y exposer leurs idées, de s'y adresser à un auditoire courtois, sinon impartial.

Lorsque, il y a quarante ans, le docteur Liébeault, de Nancy, faisait ressortir la valeur prépondérante de la suggestion au point de vue thérapeutique, il ne se doutait probablement pas que les idées qu'il exposait avec tant de modestie étaient appelées à révolutionner la médecine. Cette révolution aura, dans un délai très rapproché, des conséquences qu'il est déjà dès à présent possible de prévoir.

Pour n'avoir pas tenu compte de cette cause d'erreur qui s'appelle la suggestion, combien de savants sont exposés à assister à l'effondrement de leurs théories, édifiées sur les fondements peu solides de l'autoritarisme et de l'imagination.

Désormais, pas plus dans l'étude symptomatologique des affections que dans celle de l'action physiologique des médicaments, il ne sera possible de négliger l'intervention psychique de la suggestion.

Hier encore, dans une de ses leçons cliniques, M. Bernheim ne démontrait-il pas victorieusement que la symptomatologie d'affections

organiques est souvent créée de toutes pièces par l'idée préconçue du-clinicien. Ne suffit-il pas d'une suggestion inconsciemment faite dans le cours des recherches exploratrices pour éveiller, sur tel ou tel point, une douleur dont le siège sera ensuite considéré comme ayant une valeur pathognomonique.

Demain on verra combien de médicaments sont incapables de résister â une analyse psychologique rigoureuse et combien ne doivent leur action qu'à un effet de suggestion.

Les déductions thérapeutiques qui dérivent de l'étude de la suggestion méritent d'être portées à la connaissance des représentants les plus autorisés de la grande famille médicale. 11 faut aussi qu'ils soient mis en-garde contre les causes d'erreur que peut apporter la suggestion dans les expertises médico-légales et qu'ils s'habituent à l'idée de voir la suggestion intervenir comme un mode de production de nouveaux crimes ou délits.

II faut aussi que le médecin soit appelé à se rendre compte du rôle considérable que la suggestion est appelée à jouer en pédiatrie.

Tous ces points seront nécessairement au congrès international l'objet, de discussions approfondies. Comme toujours il faut s'attendre à ce que les esprits ankylosés par l'habitude ci la routine ne se résolvent pas faci-: lement à s'incliner devant des idées avec lesquelles ils ne sont point familiarisés.

C'est là un des travers de l'esprit humain de s'insurger contre ceux qui veulent tirer de leur engourdissement les cerveaux qui se reposent sur, le mol oreiller des doctrines surannées. Nous avions récemment en France un remarquable exemple de ces tendances réactionnaires dans la circulaire des ministres de la guerre et de la marine, interdisant à leurs subordonnés de s'occuper d'hypnotisme. Quelle sera l'attitude des médecins, militaires délégués au congrès par ces ministres, lorsque s'élèvera une discussion sur l'hypnotisme. Pour se conformer rigoureusement à la cir-culaire ministérielle, ils auront le devoir de quitter la salle du congres ou de rester muets comme des carpes. Mais qu'importent les récriminations intéressées. Le progrès ne saurait être détourné de son cours par d'aussi fragiles obstacles que ceux que tenteraient d'élever les partisans de l'immobilité médicale.

Actuellement un très grand nombre de médecins éminents, appartenant â toutes les nationalités, ont acquis sur les questions d'hypnotisme unes compétence indiscutable. Beaucoup d'entre eux se retrouveront au Con-grès international.

Fidèle à son programme de dévouement aux intérêts de la science, médicale, la Revue de l'Hypnotisme se fera un devoir de publier leurs! communications avec la plus grande impartialité.

En cette circonstance, elle s'inspirera des paroles que prononçait, en 1882, au Congrès de l'Hypnotisme, un de nos hôtes étrangers : « Laissons de côté la politique qui divise et unissons-nous dans le cri de : Vive la science ! »

E. B.

CAS REMARUUABLE DE SOMNAMBULISME

Par le Docteur William IRELAND.d'Edimbourg.

Au siège de Delhi en 1857. je servais comme chirurgien à deux batteries montées. L'insurrection avait éclaté si soudainement que je n'avais pu me procurer une tente, et je devais un abri à l'hospitalité de M. le capitaine Ernle K. Money. La campagne avait été fatiguante. L'ennemi sachant que nous n'aimions pas nous exposer au soleil nous attaquait pendant les grandes chaleurs du jour. II y avait aussi de fréquentes alarmes nocturnes et quelquefois des bombes jetées des bastions de la ville tombèrent dans notre camp. A cause de la petitesse de notre armée blanche, de la défection de la plus grande partie des Ci payes et de la méfiance que nous inspiraient ceux qui nous restaient encore fidèles, c'était un temps de veille et de grande anxiété. Pour me coucher je notais rien que ma veste de linge. Une nuit, vers le milieu du mois de juillet, nous dormions dans une grande tente peu éclairée par une petite lampe. Avec le capitaine Money et moi il y avait deux jeunes officiers d'artillerie, le lieutenant Mac et le lieutenant C. Ce dernier était beau garçon mais peu robuste. Quoiqu'il n'eut que vingt-trois ans. ses cheveux étaient gris. Il était très pieux, et parlait religion aux officiers et aux canoniers de sa batterie. Il appartenait a l'Eglise Episcopale. il était sobre et réglé dans sa conduite, mais quelque fois un peu pétulant. A cause de sa faible santé il n'avait pu supporter les rudes exercices du manège, mais il se soumettait aux exigences actuelles de la guerre. On le disait sujet aux attaques de nerfs. A Dumdum il avait été plusieurs fois, pris d'accès de rire à tel point que l'on se demandait avec anxiété s'il s'arrêterait. Ces troubles nerveux m'étaient encore inconnus.

Pendant cette nuit là. je fus éveillé par ce jeune homme ; il se leva et sortit de la tente: mais il revint bientôt, et s'approcha du lit du lieutenant Mac en disant. « Viens camarade ! Voici Johnson et Chesney, à l'entrée, qui demandent quatre canons. Le lieutenant Mac et moi nous nous levâmes, le capitaine Money me fit signe de m'approcher et me dit :

On prétend que C. a des attaques de somnambulisme, je crois qu'il ena une maintenar.t. Comme je n'avais jamais entendu parler de cette singularité de C, cette nouvelle m'étonna. Je sortis de la tente mais je ne vis ni Johnson ni Chesney. Johnson était alors aide-de-camp, il fut plus tard Adjudant Général de l'armée Indienne, et Chesney. lieutenant de Génie, se lit connaître depuis par ses écrits et pour sa carrière militaire et civile. Je rentrai et je rapportai au capitaine Money qu'il n'y avait personne et je répétai la même chose à C. Ce dernier n'y fit aucune attention mais continua de se faire habiller. Ses yeux étaient ouverts mais il avait un air abstrait tout différent de ses manières habituelles. Le capitaine Money médit : « C'est votre devoir de le soigner maintenant.-Comme je n'avais' jamais été chargé d'un cas de somnambulisme il me semblait prudent d'adopter le traitement expectant. J'avais peur de le réveiller subitement. J'interdis à son domestique indien qui semblait comprendre la situation de son maître, de ne lui donner ni son épée ni ses pistolets mais de le laisser continuer de se taire habiller. Néanmoins le domestique contrairement à mes instruction lui donna le ceinturon et les

pistolets. Puis le Lieutenant C, en disant : — Venez, — sortit brusquement de la tente. Le capitaine Money me dit: « Vous n'auriez pas dû lui permettre de quitter la tente.maintenant il mettra la confusion dans le camp. » je répondis que j'avais défendu à son domestique de lui., donner ses armes. Le Capitaine Money reprit : « C'est a vous à prendre soin de lui. Suivez-le afin qu'il ne fasse point de mal. Je priai le lieutenant j Mac de m'accompagner.

D'abord il refusa, non point qu'il eut peur, ce n'était pas sa faiblesse, mais je le soupçonnais de n'être pas en bons termes avec C. et de n'avoir point trop envie de l'assister. Je lui dis : — « Est-il raisonnable de me faire arrêter, tout seul, un homme muni d'une épée et de deux pistolets chargés. » Enfin Mac consentit à venir avec moi. Nous suivîmes C. qui allait au parc pour réveiller les canonniers. Je le pris par la ceinture pour le jeter par terre: il ne résista pas fortement. Nous lui otâmes alors ses annes et je le saisi par les épaules en demandant à Mac de le sou-lever par les jambes, C. commença adonner des coups de pieds avec ses bottes éperonnées ce qui enragea tellement le Gae! rritable qu'il lut sur le point de le rosser. Mais grâce à mes remontrances C. fut transporté à la tente et déposé sur son lit. Il regarda tout autour et dit : « Qu'y a-t-il? Qu'est-ce que c'est? » et. de suite, iltomba dans un profond sommeil qui dura jusqu'à une heure avancée du matin. Lorsqu'il se réveilla, noua trouvâmes qu'il n'avait pas le moindre souvenir des événements de la nuit. Il me dit qu'il avait quelque fois des attaques de somnambulisme, que son vieux domestique savait comment le soigner, mais qu'il regrettait que ceux qui ne l'aimaient pas eussent été témoins du l'ait. Ce jeune officier fit peu de cas de l'affaire et jugea peu amicale faction du capitaine Money qui la rapporta au Général Commandant. Cependant le Capitaine Money n'était pas à blâmer. Si l'on n'eût pas empêché le Lieu tenant d'arriver près des tentes et qu'il eut fait monter quatre canons il est impossible de dire où il les eut menés. Au moins l'affaire eu: produit beaucoup de confusion dans le camp et eut pu même être la cause de quelque désastre. Tout le monde cependant, désirait épargner le jeune officier. On ne me demanda un rapport direct, mais le chirurgien en chef en envoya un disant en effet que le Lieutenant C. ne pouvait servir dans une batterie montée. Il est douteux qu'on luttout ce document dans la tente du général, car peu de gens pouvaient déchiffrer l'écriture de cet officier distingué. Le Lieutenant C. continua cependant à servir avec la batterie, quoiqu'il fut tenu sur la liste des malades pour quelques jours. On le soumit à une diète soignée et peu stimulante et le somnambulisme ne se manifesta pas pendant plus d'un mois. Une nuit que je l'entendis parler je lui demandai ce qu'il avait. Le lendemain il me reprocha de l'avoir réveillé pour lui faire une telle question. Evidemment il ignorait avoir parlé dans son sommeil. Je fus blessé dangereusement -le 25 août, à la bataille de Nujjufghar. Le Lieutenant C. vin: me voir. . Il me dit qu'il allait bien et ajouta avec une fierté justifiable qu'il avait supporté les fatigues d'une marche forcée et toutes les épreuves de la bataille. Comme j'ai craint de nuire à sa carrière, je n'ai jamais, publié les détails de ce cas jusqu'à ce moment. Trente-deux ans se sont écoulés depuis, et maintenant il n'est guère probable que cette narra-lion puisse blesser aucune susceptibilité.

LES RÉGICIDES DANS L'HISTOIRE ET DANS LE PRÉSENT

Par le Docteur E. REGIS.

Ancien chef de clinique de la Faculté,

Médecin de la Maison de Santé de Castel d'Andort (Bordeaux).

L'Anthropologie criminelle cl la Psychiatrie ont. comme on le sait, des points de contact nombreux et il n'est peut-être pas de questions plus intéressantes que celles qui touchent à U fois à ces deux branches de la science, leur servant de trait d'union et les éclairant, pour ainsi dire, l'une par l'autre.

L'étude des régicides (2) est de ce nombre, car elle peut-être envisagée, soit au point de vue des données anthropologiques de la nouvelle école, soit au point de vue de la clinique proprement dite

Anthropologiquement, cette étude a été entreprise ou tout au moins ébauchée par l'avocat Laschi qui. au premier congrès de Rome, en 1885. lui a consacré quelques pages de son intéressant rapport sur le Délit politique.

Cliniquement, elle n'a pas été abordée et c'est â peine s'il en est fait mention d'une façon tout à fait incidente dans quelques auteurs, comme Brierre de Boismont et M. Cullerre.

J'ai donc essayé de la poursuivre sur le terrain médico-psychologique et après trois ans de recherches qu'ont bien voulu me faciliter d'obligeants confrères et amis, français et étrangers, j'ai pu réunir un grand nombre de documents relatifs à plus de quatre vingt fanatiques célèbres, passés ou présents. (3)Il y avait là matière à un volume de biographies détachées, plein de détails historiques curieux, mais sans portée scien-tifique bien évidente: j'ai mieux aimé ne retenir que les faits d'ordre exclusivement médical, et en déduire quelques considérationsd'ensemble sur l'état mental des régicides, pouvant intéressera la fois la médecine légale et la nosologie

M. Laschi, dans son mémoire, a divisé .es régicides en trois catégories, 1° les régicides fous, dont l'excitation au délit réside le plus souvent dans des hallucinations que des scrupules religieux ou un fanatisme sectaire éveillent dans l'esprit malade (Ex.: Jean Châtel. dont notre collègue fait à tort l'agresseur d'Henri III, Jacques Clément, Ravaillac, Poltrot, Damicns) : 2° les régicides mattoïdes, poussés au délire par une vanité sans bornes, par le désir de faire parler d'eux, de conquérir la célébrité (Ex.: Guiteau et Passanante) ; 3° les régicides par passion,

(1)Extrait d'un volume publié par le Dr Règis, chez storck, à Lyon .(Bibliothèque de criminologie.)

(2)Le mot régicide est emploié ici, faute d'un terme plus exact pour désigner les fanatiques qui, en dehor s de toute conjuration, ont assassiné ou tenté d'assassiner un monarque ou un puissant du jour. (3) Les renseignements contenus dans cette étude ont été puisés aux sources les plus sûres et les plus autorisées? C'est pur moi ma véritable devoir de remercier ici ceux qui m'ont le plus aidé dans ce laborieur travail de réunion de documents d'observations et de portraits: les docteur Lacassagne, Motet, Deny, Rouillard, Hack Tuke, Vugilio; MM. Ch. Mortet, Bouvy, Bouchot, bibliothécaires de l'Université.

exempts de toute espèce d'anormalité psychique, mus par un sentiment élevé d'indépendance, un noble altruisme, l'exaspération causée par des désastres nationaux, les exemples glorieux cités par l'histoire, souvent' aussi le pressentiment de franchise que l'humanilé n'attend que de l'avenir (Ex. : Charlotte Corday, Vera Sassoulitch, Solowief).

Cette division bien que rationnelle en apparence est trop exclusive, menr psychologique pour être tout à fait exacte et c'est ici. comme ailleurs, la clinique seule qui offre le véritable terrain d'appui. En envi-

VERGER (Jean-Loouis)

Nê à Neuilly-sur-Seine le 20 aoôt 1826, executé le 20 janvier 1857 Régicide mixte'(délire de persécution, mysticisme réligieux) Assassinat de Mgr Sibour le 3 janvier 1857 (coup de couteau)

sageant les régicides sous cet aspect, soit à l'aide des documents de l'histoire soit par l'observation d'aujourd'hui, on s'aperçoit que des individualités multiples et parfaitement distinctes sont confondues sous ce nom.

Et d'abord, il convient de séparer nettement les vrais des faux régidices Les vrais régicides sont ceux chez lesquels l'attentat, plus apparent d'ailleur que réel, a été purement et simplement le tait du hasard,sans connexion immédiate avec le fond des idées, délirantes ou non délirantes Dans la première catégorie nous trouvons : Poltrot, blessant à mort le duc de Guise, pour cter de ce monde un ennemi juré. du Saint-Evangile et gagner ainsi le paradis : Balthasard Gérard. tuant Guillaume

de Nassau pour être un athlète généreux de l'église romaine et devenir bienheureux et martyr; Ravaillac. assassinant Henri IV pour l'empêcher de Cure la guerre au pape et de transporter le Saint-Siège à Paris ; Damiens, égratignant Louis XV de son canif pour l'avertir de remettre toutes choses en place et de rétablir la tranquilité dans ces Etats; Henri l'Amiral et Charlotte Corday, frappant Collot d'Herbois et Marat pour sauver la Republique ; Aimée Cécile Renault, essayant d'atteindre Robespierre pour provoquer le retour du roi par le sacrifice de sa vie : de Paris, l'Aimé, poignardant Lepelletier Saint-Fargeau pour venger la mort de Louis XVI : Fred. Sta/ps, projetant de tuer Napoléon Ier pour obéira une inspiration divine et rendre la paix au monde ; Karl Sand, donnant la mort à Kotzebue par dévouement politique et religieux ;

AUBERTIN (Nicolasa-AlphonSe)

Industriel, inventeur

Né le 26 juillet à Bombas (Moreille) interné à Bicêpetre en 1888 Régicide mixte ( délire raisonnant de persécution-mysticisme politique) Tentative d'assassinat sur Jules Ferry, en Décembre 1887 (coup de revolver)

Louvel, assassinant le duc de Berry avec l'idée de délivrer sucessivement la France de tous les Bourbons, ses pires ennemis ; Alibaud. tirant sur Louis-Philippe pour faire cesser un règne de sang ; l' Abbé Verger, immolant l'archevêque de Paris pour protester contre le dogme de l'Immaculée Conception : Orsini tentant de faire disparaître Napoléon III. l'ami du pape et l'adversaire de l'Italie ; Hœdel et Nobiling. déchargeant leur arme sur l'Empereur Guillaume, dans l'intérêt de l'Allemagne et du socialisme ; Guiteau. tuant le président Gartield. « par suite d'une nécessité politique et par pression divine » : Passanante, se précipitant, une- bannière socialiste à la main, sur le roi Humbert, qu'il veut mettre à mort pour fonder la République universelle : Hillairaud, attentant à la vie de Bazaine pour accomplir un serment solennel et venger, par ordre de Dieu, sa patrie ; Aubertin, tirant sur J. Ferry pour supprimer le mauvais génie de la France; Gasnier. voulant tuer une personne

attache â l'embassade d'Allemagne pour faire éclater une guerre qui doit aboutir, grâce à lui, à la reprise du commerce, etc., etc.

Dans la seconde catégorie, je puis citer Mariotti et Perrin, tirant l'un et l'autre un coup de pistolet sur la voiture des chefs du gouverne- ! ment, non pour les tuer puique !'un visait à terre et que l'autre n'avait charge son arme qu'à poudre, mais pour attirer l'attention sur eux et arriver ainsi à se faire rendre justice de griefs plus ou moins imaginaires,

Les premiers voulaient détruire un personnage important et tout chez eux convergeait vers cette idée: les autres, en se dressant en face d'hommes en vue à qui ils ne voulaient en réalité aucun mal, poursui-vatenl uniquement des revendications personnelles. Chez les premiers régicides, c'était le but, c'était le moyen chez les seconds.

On le voit, les individus de la première catégorie méritent seuls la nom de régicides, et seuls, par conséquent, ils doivent nous occuper ici Quant aux autres.ee sont en général des aliénés ordinaires, des persé-cutés raisonnants pour la plupart, appartenant à la catégorie de ces insensés qui tuent le premier venu dans la rue ou font un esclandre dans les Chambres parlementaires pour passer au grand jour des Assises et y plaider un procès que personne jusque là n'a voulu entendre.

LES FAUX RÉGICIDES

Pour donner une idée aussi exacte que possible de ces aliénés en marquer par un exemple frappant la différence qui les sépare des vrais régicides, je résumerai en quelques lignes l'histoire de l'un d'eux, Mariotti. d'après les détails de l'observation qu'a bien voulu me commu-niquer le Dr Deny de Bicêtre

Mariotti est un homme âgé de soixante-trois ans. qui a exercé tous les métiers et qui, en dernier lieu, occupait un emploi à Panama. Pendant un séjour d'un mois qu'il fit à l'hôpital pour cause de fièvre, sa fille mourut, et cette mort devint le point de départ d: ces conceptions délirantes. Il s'imagina qu'on avait habilement grisé sa fille, puis qu'on l'avait conduite habillée en homme, chez le payeur, et que là on l'avait assassinée.

A dater de ce moment, il n'eut plus qu'un but, obtenir la punition du meurtrier de sa fille et la réparation du dommage que lui avait causé sa perte.

Toutes ses démarches restant vaines, il en conclut que les actionnaires du Canal, M. de Lesseps en tête, s'entendaient pour taire le silence autour de son affaire, et c'est ainsi qu'un beau jour, las d'être éconduit et de ne pas avoir de réponse, il alla se poster sur le passage du Ministre des affaires étrangères et tira un coup de pistolet sur la voiture.

Arrête aussitôt, il nia formellement avo:r eu l'intention de tuer le Ministre. Rien ne m'aurait été plus facile, dit-il, puisque la voiture allait au pas : il n'a pas même visé la voiture et a tiré à tene. Son seul but était de forcer le gouvernement a le traduire devant les tribunaux pour obtenu- justice.

Quant à Perrin, son histoire est à peu de choses près identiques. Comme Mariotti. il aurait été traite, il y a quelques années, pour des fièvres des colonies, compliquées de troubles cérébraux.

Comme lui aussi, il était en conflit avec son administration dont il croyait avoir à se plaindre, et qui, en réalité, avait dû lui infliger des punitions sévères, à la suite de faits assez graves.

Ayant adressé en vain ses réclamations au Président de la République, au Ministre de la Marine et des Colonies, au Président du Conseil, et fatigué de ne recevoir aucune réponse « de ceux-là mêmes qui osaient fêter le Centenaire! quelle ironie!» ainsi qu'il l'écrivait lui même au Petit Journal la veille de l'attentat, ilse résolut à faire un éclat. C'est ainsi que le jour de l'ouverture de l'Exposition, il tira à blanc sur la voiture du président pour attirer l'attention et arriver ainsi à se faire rendre justice.

Fig. 3. PASSANANTE (Jean)

Cuisinier

Né à Salvia (Pontenza) en 1849,, emprinonné à Portoferraio en 1879 Régicide type (mysticisme politique) Attentat contre le roi Humbert le 17 novembre 1879 ( coup de couteau)

C'est, on le voit, par un même mécanisme psychologique, que se produisent successivement chez ces individus : les idées de persécution ; la poursuite de griefs imaginaires par des réclamations sans nombre aux plus hautes autorités ; l'entraînement fatal vers un acte criminel destiné, suivant leurs propres expressions, à attirer l'attention sur eux et à leur faire tendre justice.(1)

Tel est le taux régicide sur lequel nous ne reviendrons plus désormais.

(1)Je me puis m'empêcher de rappeller ici, en m'en étonnant la différence de traitemet appliqué sa Marioti et à Perrin. Le premier, jugé irresponsable a été interné à Bicêtre , section des éliénés, d'ou Il est passé il y a quelque temps a la section des vieillards. Quand à Perrin, il a été condamné à quatre mois de prison. Pourquoi ? Est-ce parce qu'il paraissait moins atteint au point de vue men-tal? Les nuances de degrés sont bien difficiles à saisir dans ces questions . En tout cas, à sa sortie de

prison les mois dernier, son premier acte n'a guère été l'acte d'uun homme raisonnable. IL a écrit

à Mme Carnot pour l'informer qu'il lui rendra incessamment le montant des secours envoyés par

elle à Mme Perrin, et que celle-ci a eu le tort d'accepter

LES FOUS REGICIDES

Nous voilà maintenant en face de vrais régicides. Toutefois, ici encore, une distinction importante est nécessaire au préalable.

Parmi les individus qui assassinent un grand personnage, il en est, en effet, qui sont absolument fous et qui agissent en fous.

Telle, par exemple Margaret Nicholson, atteint de mégalomanie et frappant le roi George 111, en 1786, parce que la couronne était sienne et que, si son droit ne lui était pas rendu, l'Angleterre devait être noyée dans le sang pendant cent générations. Telle encore Charlotte Carlemi-, gellix ou Aspasie Migelli traitée de folle à la Salpétrière et sortie non guérie, qui. le 1er prairial an m, poussée uniquement par son délire, blesse le: député Féraud d'un coup de sabre, l'achève avec le talon de sa galoche: et tente de faire subir le même sort aux députés Camboulas et Boissy d'Anglas.

Telle aussi Anne Neil qui, devenue folle par la perte d'une propriété, perte qu'elle attribuait au président Johnson, avait voulu le tuer pour se venger. Tel entîn Roderick Maclean tirant (le 2 Mars 1882) un coup de pistolet sur la reine Victoria, parce que le peuple anglais était son ennemi,; qu'il ne cessait de porter du bleu pour Pennuyer et qu'on lui refusait une; lettre d'admission pout la maison de santé.

Voilà bien, il est vrai, des régicides, mais de simples régicides d'occa non, plus fous au fond que régicides. C'est pourquoi on peut trouver parmi eux le type d'aliénés, depuis le pur vésanique jusqu'à des épi-leptiques agissant sous l'influence de le leurs hallucinations ou de leurs impulsions inconscientes.

Quelle que soit d'ailleurs la forme de leur folie, elle ne s'écarte pas de l'aspect ordinaire, et n'a rien qui puisse la distinguer. Ce sont des délirants quelconques, chez lesquels l'acte morbide s'est accidentellement dirigé contre un monarque ou un puissant du jour, mais qui ont obéi aux mêmes mobiles d'action que leurs congénères. A part le fait de leur attentat, qui les rend subitement célèbres, ils n'offrent pas, en tant que m::!ades, d'intérêt spécial.

Tout autre est de la dernière catégorie de régicides, qui constitue une étude particulière. Les individus dont elle se compose sont les purs régi-cides les regicides-nès ou de tempéramment, pour continuer à me servir des expressions de l'antrhopologie criminelle, et les analogies qui les rapprochent sont telles qu'il n'existe aucune différence marquée. dans la façon d'être et d'agir, entre ceux d'aujourd'hui et ceux d'autrefois. En les analysant de près, on s'aperçoit qu'ils appartiennent pour ainsi dire à la même famille, et suivant le mot si juste de Morel, que ce sont réellement des frères pathologiques.

L'ILLUSION DE LA MATIÈRE

Par M. A. de ROCHAS.

L'homme qui se contente du témoignage de ses sens pour apprécier ce qui se passe autour de lui est naturellement conduit à ramener le monde entier à deux entités essentielles : la Matière et l'Energie :

La Matière inerte et l'Energie qui la fait mouvoir.

Mais si par la pensée, il cherche à aller plus au fond des choses, il ne tarde point il s'apercevoir que la première fuit, pour ainsi dire devant lui. Quelque petit que soit l'atome auquel il la réduise, il peut concevoir un atome encore plus petit : et cet atome, il peut, par l'imagination, le dépouiller successivement de toutes les propriétés qui constituent pour lui la matière telle qu'il la perçoit tous les jours : il peut le supposer sans étendue, sans lumière, sans chaleur, sans poids, etc.

L'énergie au contraire se montre partout: aussi loin qu'on plonge ses regards dans l'infiniment grand comme dans l'infiniment petit, son action s'affirme, évidente, pour soutenir les mondes et pour réunir les atomes inconcevables.

De telle sorte qu'on est arrivé, à se demander si la Matière existait et s'il y avait autre chose que l'Energie.

D'autre part, il n'est guère possible de comprendre que l'Energie n'ait pas pour support une entité différente qui sert à propager son action. Du reste une science positive ; la mécanique rationnelle, parvient à expliquer non seulement le mouvement des astres mais encore la plupart des phénomènes physiques que nous observons à l'aide de l'hypothèse d'un milieu transmissif de la force composé d'une substance à la fois très subtile et très élastique.

Dès lors tous les corps seraient formés de particules matérielles infinitésimales animées chacune de mouvements propres extrêmement rapides dont telle composante affecte tel ou tel de nos organes et non les autres de manière à produire la sensation du toucher, de la vue. du son. de la chaleur etc.

Voilà bien l'hypothèse moderne.

Mais comment ces atomes dont la petitesse défie l'imagination, s'ils existent, peuvent-ils nous donner, à l'aide de simple vibrations, ces impressions diverses. La chose est assez difficile à concevoir pour qu'il ne soit point sans intérêt d'en chercher une preuve directe dans d'autres conditions. Cette preuve sera fournie par une expérience d'hypnotisme.

Mettez un sujet dans l'état de somnambulisme, les yeux ouverts, présentez-lui votre montre et donnez lui la suggestion suivante :

« Au réveil vous verrez sur cette table quatre montres semblables â celle-ci.

« La première, placée ici, vous la verrez seulement, mais ce ne sera qu'une apparence, vous ne la sentirez pas quand vous essaieriez de la prendre.

- « La deuxième, placée ici. vous la verrez, vous la sentirez au toucher! mais elle n'aura pas de poids.

« La troisième, ici, vous la verrez, vous sentirez sor contact, son poids, mais vous n'entendrez pas son tictac. vous ne verrez pas marcher les aiguilles.

«La quatrième, ici. vous la verrez, vous sentirez son contact, son poids: vous entendrez son tictac ; vous verrez marcher les aiguilles : celle des secondes, celles des minutes et celle des heures comme elles; doivent marcher. »

En opérant sur différents sujets, on obtient des résultats légèreme différents suivant la vivacité de leur imagination : mars, pour; tous, si la suggestion a été donnée avec la précision nécessaire et le degré d'énergie qui convient â leur impressionabilité, l'illusion est si complète qu'il ne parviennent pas à distinguer la montre n° 4 de la montre véritable quand on la leur présente à la tin de l'expérience.

La matière, telle qu'elle existe pour nous a donc été reconstituée pour eux par l'adjonction successive de ses diverses propriétés ; seulement au lieu de la percevoir à l'aide des vibrations communiquées aux extrémités extérieures des nerfs sensitifs par les vibrations des corps eux-mêmes, ils la perçoivent à laide des vibrations communiquées aux extrémités intérieures de ces mêmes nerfs par la Pensée.-. c'est-à-dire par quelque chose que nous ne concevons pas comme matière mais comme Force.

LE SYNDROME AMOUR (1)

Pa le Docteur Emile LAURENT

Erasme disait : » Il est clair que toutes les passions sont du domaine de la folie, car le fou se distingue du sage en ce qu'il se laisse conduire par ses passions, tandis que l'autre prétend les mépriser et survit la raison » (2). Et Stendhal, appliquant cette théorie à l'amour, ajoute: « L'amour est comme la fièvre; il naît et s'éteint sans que la volonté y ait la moindre part » (3). Si ces auteurs ont voulu parler de l'amour normal, de ce que j'ai appelé l'amour harmonique. de -ce senti ment qui épanouit et dilate l'âme sans mettre la cervelle a l'envers. n'ont fait qu'émettre un paradoxe. Mais s'ils ont voulu parler de l'amour morbide, de cette passion qui ne connaît ni retenue ni frein, et qui fait d'un sage un fou. ils ont dit vrai.

Oui, je le répète et le maintiens, l'amour morbide est un véritable état

(1) Extrait du livre qui va paraître prochainement: L'amner morbide, par le Dr E. Lauren Paris Société d'éditions scientifiques, 4, rue Anitoine Dubois. (2) Erasme. Eloge de la folie. Traductin Lejeal p. 52 Paris.

(3) Stendhal. De l'amour, p. 52. Edition Calman-Lévy. Paris, 1887

(4) Ann. méc. psych. janvier, 1886.

délirant, et ce délire n'éclate guère que sur des terrains préparés, chez des dégénérés le plus souvent.

II.

En effet, les dégénérés présentent des imperfections de l'intelligence, du sens moral et de la volonté, imperfections qui favorisent admira-rablement l'éclosion du délire sous l'influence d'une cause déterminante quelconque.

« Un héréditaire, dit Magnan. peut être un savant, un magistrat distingué, un grand artiste, un mathématicien, un politicien, un administrateur habile, et présenter, au point de vue du sens moral, des défectuosités profondes, des bizarreries étranges, des écarts de conduite surprenants, et comme le côté moral, les sentiments et les penchants sont la base de nos déterminations, il s'ensuit que les facultés brillantee sont mises au service d'une mauvaise cause, c'est-à-dire d'instincts, d'appétits, de sentiments maladifs qui, grâce aux défaillances de la volonté, poussent aux actes les plus extravagants, et parfois les plus dangereux (4)). -

Il y a deshannonie plus ou moins complète dans la qualité de leurs sensations : il en résulte une émotivité et une susceptibilité qui en font des êtres absolument à part.

« Leurs idées, dit le Dr Journiac, leurs actes sont dans une contradiction perpétuelle ; ils dépensent follement leur intelligence, leur activité pour n'arriver à rien. Leur amour de l'extraordinaire leur fait tout voir sous un jour faux, et souvent leurs raisonnements minutieux son bâtits sur une pointe d'aiguille.

« Leurs désirs anormaux, leurs sentiments bizarres, les mettent souvent dans des situations fausses, ne font qu'exagérer ces qualités, et ils arrivent, intelligents ou non, à jouer naturellement avec les mots, les idées et le paradoxe. A la mobilité de leurs idées, à cette contradiction perpétuelle, correspond une volonté inégale, et l'on voit ces individus mobiles arriver â cet état contradictoire : mobilité et idées fixes. Ce sont les hommes les mieux prédisposés aux habitudes, aux passions, aux bizarreries de toute espèce.

« Beaucoup d'.entre eux. grâce à leur mobilité résistent â l'envahissement de l'individu par l'idée fixe; mais chez certains la lutte est inégale ; l'idée fixe revient successivement, et à chaque apparition l'emporte sur tout le reste de l'activité cérébrale. Dans cet état, l'idée fixe se répète sous forme d'obse sion. qui, lorsqu'elle surgit dans leur cerveau, annihile tout le reste de l'activité cérébrale : tant que dure cette obsession, ils sont malades, angoissés, il leur est impossible d'y résister et toujours lu satisfaction de l'idée, si futile qu'elle soit, amène chez e ux un soulagement proportionné â l'angoisse.

« D'autres fois, ce sont des impulsions, de véritables obsessions psycho-motrices auxquelles, comme toujours, il leur est impossible de résister »(1).

Parmi ces dégénérés, plusieurs peuvent vivre longtemps côtoyant la folie, sans cependant y entrer de plein pied: mais la plupart n'attendent

(1) Dr A. Journire, Recherches cliniques sur le délire hypoconériaque, p. 19. Thèse. Paris,1889, le crosnier et Babé.

qu'un prétexte pour délirer. Et alors, sur cette manière d'être qui les laisse vivre de la vie commune, viennent apparaître des épisodes patho-logiques, de ces monomanies des anciens que Magnan et ses élèves ont étudiées sous le nom de Syndromes épisodiques de la dégeiné, escence.

III.

Je n'hésite pas à classer parmi ces syndromes l'amour morbide tel que i je l'ai défini.

En effet, l'amour, dans ces conditions, n'est-il pas une rupture dé- quilibre, une véritable obsession pathologique ? Ne s'accompagne-t-il pas de cette irrésistibilité caractéristique, et en quelque sorte fatale, de cette angoisse concomitante si pénible, de cette conscience complète de l'état, et enfin ds cette satisfaction consécutive à l'acte accompli, en un mot, de tous les symptômes caractéristiques de l'obsession ?

Imaginons un exemple et prenons les choses telles qu'elles se passent dans la majeure partie des cas.

Voici un jeune homme intelligent, bien élevé, appartenant à une bonne famille : la vie s'ouvre devant lui avec les plus belles espérances. Mais c'est un héréditaire, et il a déjà révélé son état mental par quel- ques excentricités qui n'ont été connues que de son entourage et qu'on a mises sur le compte de la jeunesse. Il vient à Paris, ou dans une autre grande ville, pour terminer ses études. Sous l'influence de quelques excès alcooliques, de quelques excès de travail pour passer des examens ou des concours, son état de déséquilibration a rapidement augmenté. Le voilà mûr pour le délire, et celui-ci va éclater à la première occa- 1 sion. Notre homme fait connaissance d'une serveuse de bocks dans une brasserie, d'une danseuse ou d'une chanteuse légère, en un mot, d'une drôlesse quelconque. Ça commence généralement par une partie de dé-bauche : puis, peu à peu, il s'éprend d'elle. Alors l'idée fixe, l'obsession s'installe sous forme de sentiment amoureux. Il ne peut plus se passer de cette femme, il ne peut plus chasser son image de devant ses yeux ; 1 elle peuple ses rêves, et cette vision obsédante le poursuit partout. 11 sait I bien que cette femme est indigne de son amour, qu'elle le trompes qu'elle le ruine: n'importe ! II sait bien qu'il est honteux d'aimer celle qu'on ne voudrait pas épouser. Son dacet ama-dact amarre quarum pudor est nup-tias affectare (1). N'importe! si elle le veut, il poussera l'infâmie Jusqu'au bou: et il l'épousera. Il volera et tuera pour elle au besoin. Et cepen-dant, dans ses rêves de jeunesse, il s'était fait une idée magnifique del celle qu'il aimerait : il la voulait amahilis ut Racbel, sapiens ut Rebecca, longœva et fidelis ut Sara (2). N'importe ! la dernière des drôlesses a pris! son cœur et il n'a pas la force de le lui reprendre. Sa volonté est comme paralysée.

Ne sont-ce point là tous les caractères de l'obsession ? Est-ce que cette passion ne remplit pas d'une angoisse douloureuse ceux qu'elle! étreint ? J'ai plus d'une fois entendu les confidences de ces infortunés . Les souffrances qu'ils endurent sont indescriptibles. C'est une lutte qui

(1) Code d'amour du xiíe siécle.

{2) Préface de la messe de mariage.

les harasse, les tue et où ils restent presque toujours les vaincus, entraines avec une irrésistibilité inexorable. Il y a donc angoisse et irrésistibilité comme chez les dipsomanes ou les keptomanes. comme chez tous les autres héréditaires syndromiques.

Quant à la satisfaction consécutive, elle n'est pas moins manifeste. La possession de l'objet aimé ainsi fait oublier à ces maheureux toutes les peines endurées pendant des semaines ou des mois, et cette satisfaction consécutive dépasse peut être en intensité la souffrance antérieure.

Ains: l'amour morbide des dégénérés n'est qu'une obsession pathologique, un syndrôme épisodique. un délire partiel.

DE LA DIPSOMANIE ET DE SON TRAITEMENT PAR LA SUGGESTION (0

Par le Docteur EnG. BÉRILLON

Depuis quelques mois nous avons eu l'occasion d'observer à notre clinique un assez grand nombre de malades chez lesquels le principal trouble mental semble consister dans une défaillance de la volonté. Ils viennent demander au traitement par la suggestion un appui qui leur permette de résister â des entraînements ou à des habitudes morbides qu'ils déplorent. Ayant pleinement conscience de l'impuissance dans laquelle ils se trouvent de résister aux impulsions dont ils sont les premières victimes, ils pensent trouver dans le traitement psychique un secours qu'ils ont déjà demandé en vain à d'autres médications.

Parmi les malades atteints d'obsessions mentales graves dont nous avons eu à nous occuper, je vous rappellerai cette femme qui vivait dans la préoccupation constante de couper le cou de son enfant avec un instrument tranchant, puis cette autre qui se plaignait d'être obsédée par la crainte de se jeter par sa fenêtre, d'un étage assez élevé.

Dans un ordre d'idées un peu différent, j'ai eu souvent l'occasion de vous entretenir de malades atteints d'inversion sexuelle, d' érotomanie, d'onanisme irrésistible, chez lesquels l'application du traitement psychique a amené la disparition de leurs impulsions.

Vous avez vu ces jours-ci appliquer la suggestion à deux malades atteints de caféimanie. Le premier, un enfant de sept ans, nous était amené par ses parents afin d'être guéri de l'étrange passion qu'il éprouve pour l'infusion de café. Il refusait presque toute autre alimentation. La seconde, jeune tille de vingt-trois ans, consommait journellement, depuis plusieurs années, une quantité assez considérable de grains de café. C'est à la satisfaction de ce penchant qu'elle dépensait ses économies.

Aujourd'hui, continuant l'étude de ces monomanics. comme on les

(1) Leçon faite à la clinique des maladies neveuse ,rue Saint-André-des-Arts,55.

appelait autrefois, je vais vous présenter deux malades atteints de dipsomanie.

La plupart des auteurs qui ont écrit sur la dipsomanie ne voient dans cet état qu'une des nombreuses manifestations de la folie héréditaire. Il est en effet admis d'une façon générale que la caractéristique fondamentale de la dégénérescence héréditaire, c'est l'impulsion plus ou moins consciente, plus ou moins irrésistible, à commettre des actes que le malade réprouve. Qu'il s'agisse d'une impulsion au suicide, à l'homicide, au vol, h l'onanisme, au jeu, ou qu'il s'agisse d'une impulsion à boire le phénomène est analogue. Il a son point de départ dans un état de dégénérescence mentale et il consiste essentiellement en une défaillance momentanée de la volonté.

En effet ces impulsions ne surviennent que par accès et dans l'inter-valle des accès les malades paraissent jouir d'une santé mentale parfaite.

Il est souvent assezdifficile de distinguer la dipsomanie de l'ivro-gnerie vulgaire, avec laquelle elle est fréquemment associée. Néanmoins on peut trouver les éléments d'un diagnostic précis dans cette définition donnée par Trélat : « Les ivrognes, dit-il. sont des gens qui s'enivrent quand ils en trouvent l'occasion », les dipsomanes sont des malades qui! s'enivrent toutes les fois que leur accès les prend. Magnan a donna une formule encore plus absolue : pour lui, le dipsomane est aliéné avant de boire, l'autre est aliéné parce qu'il a bu.

Bien qu'il ne soit pas toujours facile de trouver dans les antécédents d'un dipsomane la tare héréditaire qui justifierait son classement parmi les dégénérés, nous sommes assez disposés à nous rallier à l'opinion de Magnan qui considère la dipsomanie comme une des attitudes de l'aliéné héréditaire et dégénéré.

Cependant nous croyons que l'existence de certaines conditions spéciales est souvent nécessaire pour provoquer l'écclosion de l'accès.

C'est-à-dire que tel dipsomane chez lequel on a vu surgir un ou plusieurs accès de dipsomanie serait probablement resté indemne toute sa vie s'il se fut trouvé dans un milieu social différent ou dans de meilleures] conditions d'hygiène mentale.

Tout en admettant le rôle prépondérant de l'hérédité dans la genèse de l'impulsion irrésistible, il nous semble peu vraisemblable que la dip-somanie se manifeste chez un sujet qui n'aurait pas eu l'occasion del contracter, dans une certaine mesure, l'habitude des liqueurs alcooliques; au même titre que la morphinomanie ne se développe pas chez uni malade auquel on n'a pas fourni les moyens de se faire des injections hypodermiques de morphine. Il faut donc s'attendre à voir coincider la fréquence de la dipsomanie avec la facilité qu'auront eu les malades à se procurer des liqueurs fortes.

Chez les deux malades que je veux étudier avec vous, on peut dire que la dipsomanie s'est développée pour ainsi dire par suggestion. Voici d'ailleurs leurs observations prises aussi complètement que possible.

OBSERVATION 1

M. M... âgé de 35 ani, est un homme doué d'une constitution robuste, il est d'une taille élevée et sa force musculaire est considérable. L'examen de

sa conformation crânienne ne dénote aucune anomalie digne d'être signalée. Il est Intelligent et dirige avec succès une industrie importante. Jusqu'à ces derniers temps l'état de sa santé avait toujours été satisiaisant.

Il ne présente dans ses antécédants aucune tare héréditaire; son père et sa mère qui habitent la province, sont sobres et bien portants.

Il a contracté l'habitude de boire au régiment. Dès le matin, à défaut d'autre alimentation et convaincu que ce régime était nécessaire pour soutenir ses forces, il bavait avec ses camarades du via blanc et de leau-de-vie. Il lui arrivait de prendre le matin, à jeun, jusqu'à quinze tournées d'eau-de-vie. Il n'éprouvait jamais le moindre symptôme d'ivresse et il attribuait sa tolérance pour les liqueurs fortes à sa forte constitution

Rentré dans la vie civile, il a abandonne l'eau-de-vie et l'a remplacée par l'absinthe. Oblige de voyager pour ses affaires, iî buvait moins par goût que par nécessité. Les affaires ne pouvant se traiter, nous dit-il, que le verre en main.

Au début, il pouvait limiter très facilement sa tendance à boire. Mais il n'a pas lardé â remarquer que dés qu'il avait bu un verre d'absinthe il était pris d'un besoin inévitable de continuera en boire. Et il ne rentrait plus chez lui sans avoir bu cinq ou six verres de cette boisson, qu'il prenait étendue d'eau.

Chose singulière, tant qu'il restait chez lui, il n'éprouvait aucun besoin de boire. Il y demeurait plusieurs jours de suite sans avoir l'idée d'absorber la moindre liqueur alcoolique, bien qu'il eut a sa disposition une cave bien garnie. Mais dès qu'il était dehors pour ses affaires, son attitude se modi-nait et il s'empressait de s'attabler dans les cafés. Il était d'ail leurs convaincu que ces habitudes ne causaient aucun dommage à la santé, tandis qu'au contraire elles lui facilitaient son négoce.

Pendant quinze ans il a ainsi absorbé d'une façon un peu intermittente, d'assez grandes quantités d'absinthe. Mais, il y a quelques mois il a commencé a éprouver quelques symptômes d'intoxication alcoolique. L'appétit à diminué, il a vu survenir des gastralgies, du pyrosîs, des diarrhées fréquentes, des cauchemars pénibles: puis il a eu quelques hallucinations et même du délire de la persécution, ainsi que des idées de suicide.

Ce sont ces idées de suicide qui l'ont amené à venir nous consulter, mais en même temps sa femme nous a appris qu'il était devenu sujet à des accès revenant tous les mois ou tous tes deux mois, pendant lesquels il était en proie à des impulsions irrésistibles de boire, sortant ave; la terme résolution de résister à cette impulsion, il y cédait A un tel degré qu'il lui est arrivé de prendre vingt-quatre verres d'absinthe de suite et de boire ainsi pendant huit jours consécutifs, ayant tellement la conscience de sa dégradation qu'il n'osait pas rentrer chez lui. craignant de se trouver en présence de ses employés ou des personnes de sa famille. C'est a ce moment que naissaient ses idées de suicide. Sa femme, qui redoutait qu'il n'y donnât suite, se mettait A sa recherche dès qu'elle était restée plusieurs jours de suite sans avoir de ses nouvelles, et elle avait beaucoup de peine à le déterminer à rentrer dans la ville où il habitait.

De retour dans la maison, il ne tardait pas a se remettre et restait souvent sans boire un temps assez prolongé jusqu'à ce que les nécessites de son commerce l'obligeassent â sortir de chez lui.

« Si je n'étais pas obligé d'aller dans les cafés pour y rencontrer mes clients, je sens, disait-il, que je n'aurais jamais envie de boire. Je ne suis pas comme mes amis qui boivent par gourmandise. Je resterais des mois entiers dans ma maison en face d'une bouteille d'absinthe ou d'eau-de-vie, sans y toucher. Mais si je vais au café, l'odeur de l'absinthe, l'entraînement des affaires m'excite, je suis perdu. Des que j'ai commencé A boire, il faut que |é continue. »

Actuellement il se plaint d'être en proie A une soif ardente, accompagnée du besoin de boire de l'alcool. Il me demand: instamment de le guérir de cette soif insatiable, car il ne pourrait se retenir d'entrer boire de I absinthe dans un café.

3 mai 1888 — Le malade a le plus grand désir de guérir et il est, dès la

première séance, facilement hypnotise par suggestion. Au bout de deux minutes, il est déjà profondement endormi.

Comme il passe des nuits très pénibles, constamment en proie à des cauchemars, je lui suggère de dormir ta nuit sans avoir de rêves.

Je lui suggère en outre l'abstinence absolue de tabac et de toute boisson alcoolique, ne lui permettant que l'eau et le lait. (Cette suggestion a ete convenue avec lui.;

4 mai. — Le malade se plaint d'avoir éprouve encore le désir de boire et surtout de fumer. Il y a résiste,, mais non sans peine.

La nuit a été un peu agitée. Les suggestions de la veille lui sont revenues à l'esprit. Il a surtout rêvé a l'idée de résister désormais a toutes les impulsions et à toutes le* tentations venues d'autrui, comme je le lui avait suggéré.

Le sommeil provoqué est plus profond. .te constate déjà un peu d' anes-tbésic et de l'amnésie au réveil Les mêmes suggestions lui sont faites.

« mu. — M. M.... a résisté plus facilement au désir de boire, mais pas à celui de fumer qui a été irrésistible. La nuit a ete meilleure. Il a dormi si

profondément qu'il ne te souvient pas d'avoir eu de cauchemars. Sa femme l'a cependant entendu parler en dormant. En se couchant les suggestions lui sont revenues à l'esprit, il s'est endormi en y pensant. S'êtant réveillé pendant la nuit, il constata qu'elles lui revenaient à l'esprit.

Endormi très facilement cette fois, l'anesthésie est complète. L'amnésie au réveil est absolue. Je lui fais la suggestion post-hynotique suivante : Il devra dire à son réveil à sa femme : « Ah : je crois que je vais être guéri. »

Il accomplit ponctuellement la suggestion et s'aperçoit ensuite par la sensation qu'il en éprouve, qu'il a une épingle profondément plantée dans le dos de la main.

6 mai. — Les cauchemars ont disparu comme par enchantement sous l'in-fluence des suggestions, l'appétit est revenu. Il n a eu pendant les trois jours qui viennent de s'écouler aucun envie de boire 'de l'absinthe. La sobriété a été complète. Par contre, il a eu constamment envie de fumer. Quand il passe devant un débit de tabac, il a toutes les peines du monde à se retenir d'y entrer.

Je lui fait la suggestion port-hypnotique de jurer qu'il ne boira plus et oc fumera plus.

7 mai — L'appétit est excellent. Il est moins altéré dans l'intervalle des repas. Il a moins besoin de fumer.

8 mai.— Ayant pris du café le soir, il n'a pas dormi avant le matin. Pendant son insomnie, les suggestions des jours précédents lui sont revenues fréquemment à l'esprit. Il était néanmoins très préaccupé de la crainte de ne

mouvoir résister. Il redoute que les tentations de ses amis ne soient plus fortes que sa volonté.

9 mai. -- Les sensations du besoin de boire et de fumer ont été moins vives. Le malade est entré dans un bureau de tabac pour acheter des timbres- poste; il a vu, des cigares espagnols qui avait bonne mine. Il s'est dit: Voici des cigares qui doivent éirc bons, mais il a résisté au désir d'en acheter, sans

aucune peine.

Je l'endors, puis je l'invite a se lever. Il obéit. Je lui mets alors dans la main un verre rempli d'eau : « Voici de l'absinthe, lui dis-je. Eh bien il vous est impossible de le boire. Votre bras est paralysé. 11 en sera ainsi chaque fois que vous aurez un verre d'absinthe dans la main. » J'ajoute: « Si jamais quelqu'un vous sollicite d'en prendre vous lui répondrez que votre médecin l'a défendu. S'il insiste trop, plutôt que d'en boire, vous lui appliquerez votre main sur la figure. »

Je le réveille et lui demande ce qu'il ferait en présence d'une sollicitation d'accepter un verre d'absinthe. Il répond : Si celui qui m'invite insistait trop, je crois que je le brutaliserais plutôt que de céder.

10 mai — L'amélioration continue. Le malade a accepté sur mon conseil une invitaton à dîner. Les vins généreux, les liqueurs. les cigares ont cir-

cuit- Il a servi à boire à tout le monde: lui n'a bu que de l'eau et du lait. Il n'a pas fumé. On ne lui a pas ménagé les plaisanteries. Sa femme qui ne l'a pas quitté un instant depuis son arrivée à Paris m'assure qu'il a résiste très facilement à toutes les invitations.

11 mai. — M. M... est entré dans un café, il s'est fait servir une absinthe, a lu un journal, et est parti sans la prendre. Il déclare qu'avant le traitement, cela eût été certainement au-dessus de ses forces. Il ne croit pas que les personnes qui le connaissent le jugent capable de ce tour de force. M sent qu'il est guéri. Il est sur de résister aux tentations.

15 mai. — .Je le considère comme guéri et je lui permets de retourner chez lui.

Ainsi, après treize jours de traitement, sans avoir été isolé, en continuant à se promener dans les rues de Paris. M. M___a vu disparaître

successivement tous les troubles physiques et mentaux dont il était atteint. De plus il a été guéri de l'habitude invétérée de boire et de fumer. Il a quitté Paris ayant la force de résister aux impulsions de boire quelles que soient les sollicitations qui viendront l'assaillir. J'ai oublié de dire qu'il vit dans un milieu de buveurs de profession, de personnes qui mettent leur plus grande gloire à absorber des vins généreux, des liqueurs alcooliques de toutes sortes. Dans le milieu qu'il fréquente, les affaires ne se traitent qu'au café et il n'est pas admis qu'on se sépare sans que chacun ait absorbé autant de verres que la société, souvent nombreure. compte de membres. Lorsqu'il sa'git de boire, personne ne veut être en reste de politesse avec ses voisins.

L'état physique et mental de M. X----s'est tellement modilié dans

un sens favorable qu'il est vraisemblable qu'il serait désormais :à l'abri de toute crise de dipsomanie s'il pouvait vivre dans un milieu différent.

Sous l'influence de la thérapeutique suggestive, il a repris à tel point la possession de sa volonté que malgré toutes les tentations, malgré une sorte de conjuration organisée par ses amis dans le but de lui faire reprendre ses habitudes d'autrefois, il est resté pendant huit mois consécutifs sans boire autre chose que du lait et de l'eau. II s'est de plus complètement abstenu de fumer.

Cette attitude nouvelle chez un homme qui depuis quinze ans n'avait cessé de s'adonner aux liqueurs fortes vient éclairer le diagnostic. Le malade est bien un dipsomane. mais la dipsomanie a été en quelque sorte engendrée dans un terrain favorable par des habitudes alcooliques auxquelles le sujet n'attachait aucune importance.

I1 était à prévoir que s'il était amené à céder quelque jour à des invitations de boire, et s'il se remettait dans des conditions aussi défa-vorables pour l'hygiène de son esprit, il verrait réapparaître les crises de dipsomanie. C'est en effet ce qui est arrivé. Huit mois après sa guérison. il se croyait autorisé par son excellent état de santé à atténuer un peu la rigueur du régime de sobriété auquel je l'avais soumis.

Insensiblement, il a repris ses habitudes, ne se doutant pas qu'il préparait le retour d'une crise très grave de dipsomanie pour laquelle, au commencement de juin 1889. il venait de nouveau réclamer nos soins.

(A suivre.)

REVUE CRITIQUE

LA FOLIE A PARIS (1) Etude statistique, clinique et médico-légrale

Par le Docteur Paul garnier

Le Dr Paul Garnier vient de publier un travail important sur les causes de la folie, l'accroissement successif et les formes diverses des maladies mentales. Le succès de cet ouvrage est dû au talent avec lequel l'auteur a su grouper, dans un seul volume, un grand nombre de faits, une étude approfondie de la dégénérescence psychologique et l'analyse détaillée des phénomènes de l'aliénation. La lecture de ce livre produira d'heureux résultats chez les esprits sérieux auxquels l'auteur l'a destiné, s'ils ont le courage de regarder en face le péril imminent de la déchéance mentale des masses atïn d'en rechercher les causes et d'en trouver sûrement le remède.

Nous avons trouvé dans ce livre des réflexions qui, depuis longtemps, nous étaient suggérées par l'augmentation des cas de maladies cérébrales, de folie héréditaire, de délire alcoolique, questions importantes, qu'on les envisage soit au point de vue pathologique, soit relativement aux problèmes sociaux.

Et, malheureusement, ce ne sont pas de simples hypothèses, mais de tristes réalités. Ecoutons le langage des chiffres qui nous rend compte du développement de l'aliénation mentale à Paris. Par exemple, pour une période de 17 ans, de 1872 à 1888 inclus, la statistique générale de la préfecture de police nous montre que la première de ces 17 années (187:2) donne un total de 3,532 aliénés (1695 hommes, 1,837 femmes), et que le total de la dernière du tableau (1888) est de 4,449 aliénes, soit 2, 549 hommes et 1,900 femmes. L'accroissement a presque toujours été progressif d'année en année, sauf de très légères variations, et le résultat final est celui-ci : dans cette période de 17 ans, le nombre des aliénés s'est augmenté de plus d'un tiers. Voilà pour Paris. Sur la population entière de la France un mouvement analogue d'accroissement s'est manifesté.

Or, la folie alcoolique et la paralysie générale apportent au total des aliénations mentales un notable contingent. Les médecins ont constaté des analogies frappantes dans la marche comparative de ces deux formes morbides. Elles se solidarisent en quelque sorte dans leur action délétère. C'est, dit l'auteur, l'usure nerveuse intensive, liée au surmenage et à l'intoxication alcoolique. Ces deux conditions causales portées à leur extrême puissance dans les grands centres urbains, telles paraissent être les deux influences pathogénîques de la paralysie générale, maladie nommée avec raison la maladie du siècle.

(1) 1 vol. in-8°, 445 p., chez Baillière et Fils , rue Hautefeuille, 19; Paris,1890.

Là est le mal, et pour en arrêter les progrès, il faut en tarir les sources, c'est-à-dire diminuer les causes de l'aliénation pour atténuer, autant que possible, les périls qu'elle fait courir à la sécurité publique.

On atteindra le premier but en attaquant directement l'ennemi : l'alcool. On devra chercher et trouver un ensemble de mesures législatives propres à rendre plus rare l'usage de cette dangereuse substance et à en surveiller la production, le produit actuel étant trop souvent une cause d'empoisonnement.

Malgré les lois et les mœurs, nous le savons, l'aliénation mentale continuera à faire des victimes ; cependant, si nous tentons d'enrayer la marche du mal. nous aurons déjà fait quelque chose d'utile.

N'oublions pas que. trop souvent, le crime et la folie marchent ensemble : ici la sécurité publique revendique ses droits. Lorsque la science reconnaît et proclame l'irresponsabilité de l'agent, le magistrat s'incline; la loi ne peut punir s'il n'y a pas de coupable. Mais dans ce cas, s'il n'y a pas de coupable, il y a un être essentiellement dangereux. Et qu'ar-rivc-t-il le plus souvent ? Le prévenu d'un crime, d'un attentat contre les personnes étant renvoyé de la prévention ou acquitté à raison de son inconscience légale, on le séquestre, on le place dans un asile. Là son état s'améliore. il semble guéri, mais c'est un malade d'une nature particulière : et. cependant, le devoir du médecin, en présence des dispositions de la loi, est de lui ouvrir les portes de l'asile. Voilà donc rendu libre, au milieu de la société, un être qui a été un fou criminel, et nous pouvons dire que la récidive est à présumer ; nous en avons, malheureusement, de nombreux et tristes exemples. S'il est irresponsable, n'allez-vous pas assumer une large part de responsabilité dans les crimes que vous lui donnez la facilité de commettre. Au-dessus du respect de la liberté individuelle, il y a le principe de la sécurité sociale. Un établissement spécial doit être réservé aux aliénés criminels, et c'est là une des conclusions du travail du Dr Paul Garnier.

L'augmentation du bien-être, dit-il. les progrès de l'hygiène morale et physique, en pénétrant dans des provinces restées longtemps extrêmement pauvres, ont affaibli dans ces contrées le nombre, autrefois considérable, des agénésies intellectuelles congénitales. En effet, une meilleure alimentation, une habitation moins insalubre et la vulgarisation de l'instruction élevant le ton moral de l'individu et l'affranchissant des plus grossières superstitions, diminuent les causes de dégénérescence physique, intellectuelle et morale. Nous reconnaissons que le nombre des cas de folie et de crétinisme tend à décroître dans ces milieux ruraux. Mais l'examen de ce qui se passe dans les grandes villes est loin de nous conduire à des constatations aussi satisfaisantes. A Paris surtout, la folie suit un mouvement ascensionnel inquiétant. Il est à cela des causes multiples, au premier rang desquelles nous rangeons l'alcoolisme sans cesse grandissant et cette suractivité fonctionnelle, ce surmenage de l'organisation intellectuelle et physique, cette tension exagérée de toutes les forces vives qu'engendre l'ardeur de la lutte pour l'existence.

En parlant de la folie à Paris, l'auteur ne prétend pas décrire une forme particulière de l'aliénation mentale; les paralytiques généraux, les persécutés, les déprimés, les agités, les convulsifs. etc., sont à Paris ce qu'ils sont ailleurs : mais la capitale est le centre vers lequel convergent.

sous l'incitation de motifs divers, une foule de dévoyés, de rêveurs, d'incompris, de déséquilibrés et de brouillons vaniteux.

Quant à la dégénérescence mentale engendrée par l'hérédité, les réformateurs, les solutionnistes. les libérateurs, les persécutés persécuteurs, protestataires. Le paralytique général y apparaît surtout à la première période, où, actif encore, mais inconscient déjà, il se mêle au mouvement des affaires humaines pour y révéler sa souveraine imprévoyance.

Dans ces différentes formes d'aliénation, le Dr P. Garnier groupe un grand nombre de documents cliniques choisis avec le plus grand soin et marqués de particularités symptomatologiques fort remarquables.

Poursuivant ses études et observations cliniques, l'auteur démontre que la sphère génitale n'échappe pas aux conséquences de la désharmonie et de l'instabilité morale qui forment la base des états de dégénérescence héréditaire. Le délire ambitieux, l'état hypochondriaque lui fournissent une serie de faits qui donnent à son livre un caractère essentiellement curieux et intéressant.

Quant à la partie médico-légale qui termine l'ouvrage, l'auteur, prenant pour point de départ cette affirmation : Le crime et la folie marchent souvent ensemble, donne la relation de quelques-uns des mémoires qu'il a rédigés pour le Parquet ou le Tribunal. Il s'attache surtout à transporter sur le terrain médico-légal les questions consacrées dans la deuxième partie à la description clinique.

Sans vouloir faire autre chose que d'eflleurer l'importante question de la responsabilité partielle, le Dr P. Garnier, écartant les malentendus engendrés par les mots, déclare qu'il n'existe pas de responsabilité partielle à l'endroit d'individus que leur délire actuel désigne pour une maison d'aliénés.

D'ailleurs, il est en quelque sorte superflu de déclarer que de tels individus, si étroitement asservis au délire. sont totalement irresponsables des attentats qu'ils commettent sous la pression de leurs idées fixes, quelque habile que puisse être la combinaison du crime, quelque longue qu'en soit la préméditation. Mais si la justice ne peut sévir lorsqu'il s'agit de malades, d'inconscients, si dangereux soient-ils. il est indispensable que la société soit protégée contre eux par des mesures véritablement efficaces.

Dr Edg. Bérillox.

VARIETÉS

Deontologie médicale

Leçon de M. le professeur Eugène hubert (de Louvain}.

Messieurs, l'Université catholique de Louvain aura été la première de Belgique, et probablement du monde, à créer une chaire de Déontologie médicale. Elle vous devait, et elle se devait à elle-même celte innovation.

Lorsque notre vénéré chef m'a fait l'honneur de me proposer cet en-

seignement à donner, plus frappe de l'utilité que des difficultés du nouveau cours, et consultant mon bon vouloir plus que mes forces, j'ai accepté bravement. Aujourd'hui que je sais mieux à quoi ma bonne volonté m'a inconsidérément engagé, les difficultés surtout m'apparais-sent. et elles me feraient reculer, si je n'estimais pas qu'essayer de se rendre utile — alors même qu'on n'y réussirait pas — c'est déjà bien Uire : etiam si defucrint vires, tamen, laudanda voluntas.

Du reste, si l'essai ne satisfait ni vous ni moi, il se trouvera sans doute aisément de meilleures mains que les miennes pour reprendre l'œuvre et lai faire porter tous ses fruits.

A l'annonce de ce nouveau cours, bien des gens se sont demandé: la Déontologie, qu'est cela? — Us avouaient ainsi ingénument avoir perda cinq ou six ans à l'étude d'une langue qui, pour avoir été celle d'Homère et de St-Jean Chrysostome, ne les aidait même plus à comprendre le français. A la Chambre des Représentants, un de nos honorables, trompé sans doute par des consonnances, s'est figuré qu'il s'agissait d'un cours d'art dentaire!

La Diontologie est la science du devoir. Quel devoir ? — Le devoir du médecin envers ses malades, envers ses confrères, envers la société. Je ne parle pas du devoir envers Dieu, c'est â l'Eglise qu'il appartient de l'enseigner.

Hippocratc faisait prêter â ses disciples le serment suivant :

« Je jure par Apollon médecin ; par Esculape, par Hygie et Panacéé par tous les dieux et par toutes les déesses, les prenant à témoin que je remplirai, suivant mes forces et ma capacité, le serment et rengagement suivants : Je mettrai mon maître de médecine au même rang que les auteurs de mes jours; je partagerai avec lui mon avoir et, le cas échéant, je pourvoierai a ses besoins; je tiendrai ses enfants pour des frères, et. s ils désirent apprendre la médecine, je la leur enseignerai sans salaire ni engagement.

» Je ferai part des préceptes, des leçons orales et du reste de l'ensei-gnement à mes fils, à ceux de mes maîtres cl aux disciples liés par un engagement et serment selon la loi médicale, mais à nul autre.

» Je dirigerai le régime des malades à leur avantage, suivant mes tor-ces et mon jugement, et je m'abstiendrai de tout mal et de toute injustice. Je ne remettrai à personne du poison, si on m'en demande, ni ne prendrai l'initiative d'une pareille suggestion; sembablement je ne remettrai à aucune un pessaire aborlif.

» Je passerai ma vie et j'exercerai mon art dans l'innocence et la pureté. Je ne pratiquerai pas l'opération de la taille ; je la laisserai aux gens qui s'en occupent. Dans quelque maison que j'entre, j'y entrerai pour l'utilité des malades, me préservant de tout méfait volontaire et corrupteur, et surtout de la séduction des femmes et des garçons, libres ou esclaves.

» Quoi que je voie ou entende dans la société, pendant l'exercice, ou même en dehors de l'exercice de ma profession, je tairai ce qui n'a jamais besoin d'être divulgué, regardant la discrétion comme un devoir en pareil cas.

» Si je remplis ce serment sans l'enfreindre, qu'il me soit donné de jouir heureusement de la vie et de ma profession, honoré à jamais parmi les hommes; si je le viole et que je me parjure, puissé-je avoir on sort contraire. » (Traduction de Littré).

Ces engagements solennels montrent combien, déjà en ces temps reculés, la médecine était une noble profession

L'Université catholique exige—non pas de vous, qui obtenez vos

grades sous le régime de la loi d'hier — mais des médecins qui lui demandent le titre honorifique de Docteur de Louvain, un serment que je traduis ainsi :

« Moi, N.... je déclare devant Dieu tout puissant que dans le traitement des maladies, je m'ingénierai de toutes mes forces à appliquer le régime et les médicaments selon les règles de l'art, pour le saint et le plus grand bien des malades; ni par prière, ni pour argent, ni sous aucun prétexte, je ne délivrerai à personne une drogue nuisible, ou ne provoquerai l'avortement ; je garderai le secret sur tout ce que j entendrai ou verrai dans l'exercice de ma profession ; requis par le juge, je ferai un rapport fidèle des faits — et donnerai consciencieusement mon avis sur la nature du mal ; au quatrième jour d'une maladie aiguë, j'avertirai le malade afin qu'il puisse en temps utile mettre l'ordre dans ses affaires spirituelles et temporelles ; enfin, dans tout ce qui concerne la pratique de mon art. je m'en référerai aux prescriptions de la religion, de l'honneur et de la conscience.

» Je prends en outre rengagement sacré, quelle que soit la position à laquelle je parvienne, d'avoir à cœur l'honneur et la prospérité de l'Université catholique.

» A tout cela je m'engage par promesse et par serment. Ainsi Dieu me soit en aide et ses saints évangiles.

Belle et noble formule, a laquelle cependant je voudrais voir apporter certaines modifications. Les règles de l'art, qu'on promet d'appliquer, ne sont pas des dogmes immuables et n'obligent pas au même titre que le Décaloguc. D'autre part, le passage relatif aux rapports du médecin avec la Justice, a besoin d'être expliqué et ne peut concerner que le médecin légiste.

Le serment donnait à l'entrée de la carrière un caractère solennel et religieux — on l'a supprimé pour les médecins ; on l'a conservé pour les avocats et les gardes-champêtres ! Pourquoi cet illogisme? Si le serment devait un jour être rétabli, voici la formule que je proposerais :

« Devant Dieu, devant mes Maîtres, devant mes condisciples, je promets : de traiter mes malades et les pauvres comme, malade ou pauvre, je voudrais moi-même être traité; d'être pour mes confrères comme je voudrais qu'ils soient pour moi ; de répandre le bien autour de moi et de régler toujours ma vie selon les lois de l'honneur et de la Foi chrétienne. Dieu m'aide a tenir cet engagement sacré ! »

En commençant ce cours, je ne sais pas encore au juste où il nous conduira; je n'en vois pas le bout. Dans le pays inexploré que nous allons parcourir ensemble, de nouveaux horizons se déroulent a perte de vue. cl, si je suis très sûr de mon orientation, je ne le suis guère autant de la route qu'il me faut chercher à chaque pas.

Je me propose de vous dire cette année comment le médecin doit être; ce qu'il doit a ses malades, à ses confrères, à la Société, et, si le temps le permet, d'aborder les délicates questions des honoraires et du secret professionnel.

I- — Comment le médecin doit être.

Certaines gens a qui vous demandez où est située Braine-l'Alleud, vous répondent : — « Vous savez où est Bruxelles et Genappe? ce n'est pas la, c'est entre les deux ! » Je vous demande la permission de suivre un procédé analogue, d'aller au but par des courbes et, pour vous faire entrevoir le médecin « comme ilfaut a auquel vous devrez ressembler plus tard, de faire défiler devant vos yeux quelques types de médecins « comme si n'en faut pas » A défaut d'un diagnostic direct, on doit parfois

se contenter d'un diagnostic par exclusion. Je vous prie de ne chercher aucune allusion sous ces croquis; je vous affirme qu'il n'y en a pas.

Le Docteur Mellfu a un mot aimable pour tout le monde, depuis le portier jusqu'au chien de la maison; sa maniere de prendre le pouls ressemble A une caresse et ses paroles sont édulcorées comme ses prescriptions. « Ma chère petite dame, montrez-moi donc votre jolie petite langue.

Quelques femmes sont très sensibles à ces grâces mignardes, pas toutes, et les plus intelligentes sont bientôt écœurées de tout ce sucre. On se dégoûte moins vite du quinquina que du miel et du rostbcef que des pâtisseries. .Menez-vous des doucereux!

Est-ce à dire qu'il taille se montrer bourru pour l'entourage et rude pour le malade ? — Ce serait l'excès contraire. Il a été a la mode quelque temps, et presque tous les élèves de Dupuytren avaient pris à l'école du maître des allures qui terrorisaient véritablement le pauvre patient. D'après certaines expériences physiologiques, il paraîtrait que l'animal sur lequel fond un carnassier ne soufle pas beaucoup: la peur lui paralyserait la sensibilité. Ce serait une atténuation à la peine que la Providence aurait ménagée à ceux qu'elle a destinés à être mangés. — Aujourd'hui que nous avons le chloroforme, même les chirurgiens n'ont plus aucun prétexte de se montrer brutaux... et ils y ont presque tous renoncé.

Même pour attraper des mouches, le vinaigre ne vaut pas l'orgeat !

Le Docteur Tantpis est grave comme une porte de prison. II a le sourcil constamment froncé et il plisse le front à chaque renseignement qu'on lui donce. Un rhume peut devenir une pneumonie!... Il ne répond de rien !... et pour un bobo voilà toute la maisonnée sens dessus dessous ! — Est-ce un homme qui voit noir? — Peut-être : certains esprits portent des lunettes à verres fumées. Mais ce pourrait aussi être un malin qui s'est livré à cette petite spéculation. « Si le rhume tourne mal. on dira : quelle prévoyance ! et s il guérit: quel miracle ! i Les transes inutiles données a la famille ne comptent pas pour cet oiseau de sinistre augure.

Le Docteur jovial fait une entrée bruyante: il a bien dormi, il digère bien, la terre tourne à son gré et son contentement intérieur déborde. Le malade cependant a eu la fièvre: tant mieux, c'est que la nature travaille ; — il est relâché : tant mieux ! la diarrhée purge le sang ; — il est constipé : tant mieux f les selles trop abondantes épuisent ! El il se met à parler d'autre chose, à conter les petites nouvelles du jour et les historiettes de la veille. On le voit venir avec plaisir; il distrait, rassénère, fait rire. On dii de lui : « Quel aimable homme 1... » à moins qu'on ne dise aussi: «Qu'il est léger !» Et le cœur des lourdeaux et des venimeux de répéter à l'unisson: il a trop d'esprit pour être sérieux et trop d'enjouement pour avoir du cœur !

-Le Docteur Didacte est un verbeux : il explique, commente, argumente, démontre. « Oui, Madame, la matrice, en se déplaçant, pèse sur la vessie, le gros intestin, les vaisseaux et les nerfs ; de là tous les troubles que vous accusez, et, comme l'utérus est lié par d'ètroites sympathies avec les voies digestives et les centres nerveux, tant cérébro-spinaux que ganglionnaires, de la aussi la dyscrasie du sang et les nervosismes

que je suis obligé de combattre par les toniques et l'hydrothérapie. — Miséricorde ! — Le moindre inconvénient de ces dissertations est de s'adressera un auditoire qui »c peut en apprécier la saveur, ou qui n'en retient que ce qu'il faut pour mettre, à la visite suivante, le discoureur pédant en contradiction avec lui-même.

N'expliquez que juste ce qu'il faut aux clients très intelligents; aux autres, exigeant des explications dont ils n'ont que faire, dites: c'est un froid, c'est dans le sang, ou c'est nerveux. Cela ne dit rien, et ils s'en contentent.

En général, ne vous laissez pas entraîner en société â des dissertations médicales; c'est autoriser des discussions, où vous n'ayez rien à gagner et beaucoup à perdre. Coupez court aux interrogations sous prétexte que vous faites assez de médecine toute la journée, pour être heureux de vous en reposer un instant dans le monde, a parler d'autre chose.

Le Docteur Becclos n'est pas un prolixe : il palpe, percute, ausculte, renifle, regarde, prescrit... et ne souffle mot. Pour les bienveillants — qui ne sonl jamais les plus nombreux — c'est un puits de science ; pour les autres son mutisme masque mal sa nullité.

« Docteur Chilosca, si nous mettions des cataplasmes aux pieds? — C'est une bonne idée.—Ou aux mollets ?— C'est tout aussi bien.— Ou aux cuisses? — C'est peut-être mieux encore. — Ne pensez-vous pas qu'un laxatif ferait du bien?—Sans doute. — Et la limonade — J'allais la proposer. »

Ne vous laissez jamais ainsi suggérer une médication, vous auriez l'air d'avoir besoin de la suggestion. Bien tixé sur les indications à remplir, ordonnez; c'est le terme reçu el le mot propre. Si vous avez

parlé de soupe verte, ne concède? pas le bouillon gras. Pourquoi vou-driez-vous qu'on attachât de l'importance à des conseils auxquels vous paraissez ne pas tenir vous-même ? Il ne faut céder que devant des répugnances invincibles, pas devant des caprices, Les malades, comme les enfants capricieux, deviennent bientôt insupportables et tyranni-ques.

Je me souviens qu'à mes débuts mon père m'envoya un jour à sa place voir uu enfant dérangé. Pour avoir trop mangé, l'enfant avait une indigestion. Et qu'avez-vous fait ? me demanda mon père. —Mais je l'ai mis à la diète, tout simplement, — J'entends bien, mais qu'avez-vous présent ? — Rien, répondis-je, un peu étonné de la question. — Eh bien ! vous avez eu tort; vous venez de chez de très sottes gens, pour qui l'hygiène n'est pas de la médecine cl qui trouvent que t:e n'est pas la peine d'appeler un médecin qui ne prescrit pas de drogues. L'eau distillée et les pilules de mica panis ont été inventées précisément pour les malades inintelligents; elles ont sauvé souvent le crédit dont le médecin a besoin, et elles n'ont jamais fait de mal à personne.

Le Docteur 'Polypharmaque prescrit quelque chose contre chaque symptôme, et c'est une grosse affaire que de suivre ponctuellement toutes ses ordonnances : on n'est pas un quart d'heure sans avoir une poudre, une pilule, une potion ou un granule à ingurgiter. Cette prodigalité de médicaments, «elle profusion d'ordonnances et cette débauche de drogues sont très appréciées dans les pharmacies ; elles le sont beaucoup moins du client lorsqu'arrive le compte de l'apothicaire.

Le Dr X... vient vous voir trois fois par jour pour un coryza, tandis que Zed reste quarante-huit heures sans revoir un nouveau-né atteint d'entêrile ou d'ophihalmie. — X... s'expose à s'entendre dire : « nous vous rappellerons quand nous désirerons que vous reveniez; » — on accuse Zed de ne pas s'intéresser à ses malades; et la clientèle se détourne, avec raison, de l'un et de l'autre, de l'exploiteur et du négligent.

Tel malade se croit toujours négligé; tel autre s'inquiète de se voir soigné de trop près. Avec un peu de tact on acquiert bientôt la mesure: la maison où l'on est toujours le bienvenu est facile à distinguer de celle où il faut se faire désirer.

Revenez, au besoin d'office, aussi souvent que vous le jugerez nécessaire ou utile, auprès du malade en danger, et ménagez — par dignité et discrétion — des visites qui se paient, la où on vous en demande trop.

Le Docteur Voletile entre chez vous en courant; il n'a pas le temps de s'asseoir, à peine celui de déposer son chapeau : « La langue* — le pouls — Bien, continuez ! » Et le voilà parti.

Le Docteur Adhésif n'a pas cette hâte fébrile; il s'installe, se carre dans un fauteuil, a l'air de venir se reposer chez vous, et ne s'aperçoit pas qu'on regarde la pendule avec des veux qui disent : ah ça, mats il ne s'en ira donc jamais!

La durée des stations a faire dans une maison dépend naturellement de ce que l'on a à y constater, exécuter ou régler, Une première visite réclame toujours beaucoup de temps, puisqu'elle comporte une connaissance à faire, un interrogatoire complet et des examens minutieux a faire subir. Une fois que l'on sait son malade au bout du doigt, on peut être plus court ; on ne peut pas exiger d'un homme très occupé qu'il se prête à des causeries inutiles. Ne vous permettez cependant jamais des visites « bâclées en courant ». Le malade n'aime pas ces allures cavalières; il se croit assez important pour fixer sérieusement votre attention ; la besogne qui vous attend ailleurs ne l'intéresse pas du tout; et, s'il ne va pas mieux, il l'attribue volontiers au peu de temps que vous lui accordez.

Le Docteur Rusticus a une tenue relâchée ; il entre dans les appartements avec des souliers boueux et des pantalons crottés ; la propreté de ses mains est douteuse et il s'en va sans les laver. Il a perdu une de ses meilleures clientes pour s'être présenté un jour chez elle avec une tache de sang sur les manchettes. Et c'est bien fait ! — Les idées d'asepsie se sont répandues dans le public, qui a commencé par rire des propretés méticuleuses, mais qui les exige aujourd'hui. C'est bien le moins, qu'un médecin soit inoffensif !

Le praticien ài cravate blanche, à long cheveux d'ecclésiastique, aux joues rasées comme un acteur, est d'une race à peu près disparue — et c'est peut-être dommage: sa longue redingote rappelait la soutane et attirait le respect, ou tout au moins tenait les familiarités à distance.

Le Docteur Pommadin porte les habits de la dernière coupe ; il est toujours ganté de frais, astiqué, pimpant, et reluisant comme pour une visite de cérémonie. S'il n'est pas décoré il porte une fleur a la boutonnière. Il ne touche ses malades, que du bout des doigts et sa principale préoccupation paraît être d'éviter toute souillure à son vêtement neuf.

Les malades, en général, ne supportent pas les damerets : ils savent que les aigles ne se lissent pas les plumes comme les oies quand il va pleuvoir et que le paon est un sot oiseau lorsqu'il mue.

Le Docteur Hérisson se fâche toujours pour une vétille... et on ne le revoit plus. Le Docteur Platpied au contraire ne se fâche jamais, et on peut le charger des commissions pour la ville !

On ne rencontre le Docteur Solus, ni au café, ni dans le monde, ni nulle part ; il vit confiné dans sa solitude comme les anciens stylites sur leur perchoirs, au-dessus et en dehors des foules. Il jouit d'une haute considération, sans doute, mais le monde ne va guère à qui semble vouloir se retirer de lui.

Son confrère Mondain, au contraire, est de toutes les fêtes, dîners, bals, concerts, spectacles et on se demande quand il étudie? —Il

n'étudie pas. Aussi n'est-ce pas lui qu'on appelle pour les opérations graves et les cas sérieux.

Il n'est pas, paraît-il, de grand homme pour son valet de chambre, et le bon bourgeois à une tendance naturelle à taper sur le ventre au Docteur avec qui il lait sa partie de dominos, de whist ou de billard tous les soirs de neuf à onze !

En ville il est bon que le jeune médecin se mette d'une Société ou d'un Cercle ou il puisse apparaître de loin en loin de nouer des relations mondaines, agréables et utiles. — Je ne dis pas qu'il doive s'inféoder à un Club politique ; qui dit politique dit division — et il est l'homme de tout le monde: les maladies ne sont d'aucun parti ni d'aucun culte. Sans doute tout homme a ses devoirs de propagande du bien à exercer autour de soi et cacher ses convictions religieuses, ou même ses opinions politiques, n'est pas d'une âme généreuse ou d'un cœur fier. Ce n'est pas moi qui vous conseillerai des tachetés! Mais j'estime, qu'à moins qu'il ne se sente de force à tenir les premiers rôles, la place du médecin dans la mêlée des partis n'est pas aux avants-gardes: elle est dans les rangs où les dévouements moins bruyants ne sont pas les moins utiles.

A la campagne le jeune médecin doit éviter soigneusement d'épouser les querelles des Montaigus et des Capulets de village. Il doit éviter surtout le grand écueil. constitué — je puis bien le dire entre-nous — par le cabaret où l'on s'attarde, où l'on joue, où l'on jase et où l'on boit plus que sa soif ï J'ai vu déjà tant de naufrages sur co récif que je suis obligé de vous crier: prenez garde!

La dipsomanie commence souvent à l'Université, parfois dés la première année. Sans grand goût, par fanlaronnade, pour faire comme les autres, on se met à ingurgiter le plus grand nombre de verres de bière possible et à fumer le plus grand nombre de pipes. Les jolis exploits!-- Et arrive au dernier doctorat — quand il y arrive, — ce jeune homme intelligent, bien élevé et chrétien, qui était l'espoir et l'orgueil de sa famille, en est devenu le désespoir et l'opprobre et parlois la ruine ; il est abruti, vidé, fini et vous savez aussi bien que moi ce qui l'attend: l'albuminurie, le délirium tremens, la lolie paralytique, le ramolisseinent cérébral !

D'autres lois cela commence ainsi: Il fait chaud ou il lait froid — daus notre pays il fait toujours l'un et l'autre — on est fatigué déjà, ou l'on a une longue course à fournir. ou l'on a plus rien a faire du tout, et l'on accepte le petit verre — d'eau-de-vie ou de Porto, peu importe que le fermier vous offre pour avoir le plaisir de trinquer avec le Docteur. Le lendemain la même cérémonie se renouvelle... elle se renouvelle aussi dans les maisons voisines... et petit à petit se prend la tolérance d'abord, puis le goût, puis le besoin et, enfin, si l'on ne réagit énergiquement, l'incurable manie de l'alcool ! — Je vous en conjure, n'acceptez jamais le petit verre, sous aucun prétexte ! C'est un premier pas sur un plan incliné vers un abîme, c'est le doigt mis dans un engrenage où la tete peut passer! Profitez plutôt de l'offre qu'on vous fait pour vous lancer dans une charge à fond contre le détestable usage des spiritueux le matin : montrez les ravages de l'alcool dans un estomac à jeun, les digestions troublées, la journée empoisonnée. — Citez au besoin les plus ignobles ivrognes de votre connaissance ! et édifiés par vos discours, les tentateurs s'empresseront de vous laisser tranquille.

Je sais bien que vous ne tomberez jamais dans ce vice répugnant qu'on appelle l'alcoolisme chronique, mais je veux vous mettre en garde même contre l'alcoolisme aigu, un malheur qui. dit-on, peut

arriver à tout le monde, mais par lequel un médecin ne doit jamais se laisser surprendre. Il peut, à toute heure, être appelé à combattre les accidents les plus graves, et il doit toujours en être capable. J'ai vu un jour un médecin arriver pris de boisson auprès d'une mère de famille qui mourait d'hémorrhagie intestinale, survenue au cours d'une fièvre typhoïde. Vous voyez d'ici la scène; cet homme gai (!!) tombant dans une famille en pleurs! Croyez-vous que ces choses-là puissent se pardonner ou s'oublier jamais?

Je vous demande pardon, Messieurs, de cette digression, inutile pour vous comme les catilinaires dirigées contre les absents au cours... et que les présents sont seuls à essuyer !

Le Docteur Agame est un célibataire endurci. « Tant mieux, pensent certaines gens, cela l'empêchera au moins de confier les secrets des autres à sa femme! • A ses débuts, il a eu à soigner l'essaim bourdonnant des jeunes filles à marier, atteintes d'affections indéfinissables, embaumant la fleur d'oranger. Cette clientèle charmante est éphémère comme l'efflorescence du cerisier, un arbre fruitier qu'on ne cultive pas pour ses fleurs.

Pour beaucoup le célibataire est suspect. On m'a conté ¿ Strasbourg, qu'au moment d'émigrer. les cigognes massacrent tous les mâles surnuméraires sans ménage, afin d'assurer la paix aux ménages établis. Sans doute l'exemple de ces échassiers monogames, prévoyants et sévères, n'est pas à imiter, mais — o muthos delos — ma fable prouve que le médecin garçon est obligé à la plus grande réserve: la sévérité de sa vie doit le mettre à l'abri de tout soupçon de mauvaises mœurs. Se marier ou ne se marier pas est une affaire de tempérament, de goût ou, mieux, de vocation, et devant une résolution de cette gravité, ce n'est ni le philosophe Marphunus ni Panurge qu'il convient de consulter. Si l'on me demandait mon avis, je dirais que le jeune docteur faitbien de fonder une dynastie : il est bon qu'après les misères et les fatigues de la journée, il trouve le soir, dans une maison bien tenue, les joies réconfortantes du foyer familial. La femme peut beaucoup pour le succès du praticien ; elle peut tout pourle bonheur de sa vie; le tout est de la bien choisir: il la faut intelligente douce et dévouée.

Si vous devez un jour subir la loi commune et vous laissez aveugler par l'amour, lâchez qu'il v ait au moins de petits trous dans le bandeau!

Hoftmann conseille aux médecins de se marier lard et, pour taire un plus riche parti, d'attendre qu'une position officielle et la notoriété aient ajouté à leur valeur personnelle. Je soupçonne Hoftmann c'ètrc un banquier juif : le mariage est un sacrement, pas une spéculation.

Le chirurgien Risquons tout s'est établi dans un grand centre industriel, et, s'il n'a pas de malheur dont le procureur du roi doive se mêler, il est de trempe à y faire rapidement fortune. Il s'est tenu ce petit raisonnement:« Voici dix malades que des chirurgiens en renom ont refusé d'opérer à cause des avantages contestables que l'opération procurerait aux patients ou des risques qu'elle leur ferait courir. Je suppose que j'en perde neuf... ils étaient condamnés quand même ! mais si je sauve un seulement de ces abandonnés des grands maîtres, celui-là fera ma réputation... en avant! »

Risquons tout est un malhonnête homme: il joue un argent qui ne lui appartient pas. la vie des autres.

Nous savons maintenant à peu près au est situé Braine-l'Alleud. c'est-à-dire comment le médecin ne doit pas être, ni onctueux, ni rude.

ni morose ni évaporé, ni bavard ni muet, ni obséquieux ni raide, etc. Il me reste . dire comment il doit être pour plaire ou réussir. Cela se dégagera tout doucement de ce cours au fur et à mesure que nous progresserons.

En attendant laisser-moi vous dire : ne vous efforcez pas de plaire; « vous ne feriez rien avec grâce. » Soyez vous-mêmes. Ce n'est pas plaire aux malades qu'il faut, c'est leur être utile. Occupez-vous donc d'eux, pis de vous ; apportez-leur une sympathie sincère, affectueuse, dévouée et vous trouverez naturellement et sans offort dans vos cœurs, la note juste, celle qui touche, parce qu'elle est vraie.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Société pour les recherches psychologiques.

Le Secrétaire de la Société pour la recherches psycholoqiques nous adresse la lettre suivante que nous nous empressons d'insérer:

Monsieur,

« Il a paru dans le n° d'avril de la Revue de l''Hypnotisme note ainsi 1 conçue :

« Les journaux américains annoncent qu'une importante Société psycho- . logique des Etats-Unis (The ameriam Society for Psychical Research), cessera ses travaux après sa prochaine assemblée annuelle".

La " Society for Psychical Research " de Londres me charge officiellement de rectifier cette information inexacte.

« L'American Society for Psychial Research ne sera pas dissoute et continue ses travaux, mai* elle est devenue une branche de la " Society for Psychial

Research " de Londres.

« Ce sont des considérations d'ordre administratif qui ont amené cette affiliation de la Société américaine a la Société anglaise.

« La Société américaine s'est au reste très rapidement développée, elle compte plus de 400 membres; elle est présidée par le professeur S. P. Lan- gley. l'astronome bien connu, et le Professeur William James.

« Je vous serais infiniment obligé, monsieur, d'insérer cette rectification j dans le prochain n» de la Revue de l'Hypnotisme.

« Veuille? agréer, je vous prie, l'expression de mes sentiments très distingués.

l. Marillier.

Secrétaire pour la France de la " Society for Psychial Research"

L'hypnotisme à la Faculté de médecine

M le docteur Déjerine, prolesseur asrégè, a terminé 11 juillet dernier les 1 savantes leçons sur les maladies du système nerveux qu'il a laites pendant le semestre d'été au grand amphithéâtre de l'école pratique.

Cette dernière séance était consacrée à l'hypnotisme et à la suggestion. Apès un historique rapide de la question. M. Dèjcrinc a comparé te» théories de la Salpêtrière ef celle de Nancy. Il s'est rangé du côté de cette der- niere école et a montré que la suggestion était le facteur principal, pour ne pas dire unique, des phénomènes léthargiques, cataleptiques, somnambu-jiques et des signes somatiques qui. dit-on. caractérisent ces trois états. Il a

dit que l'hypnose n'était pas spéciale â l'hystérie et que le suggéré était uo instrument aveugle et automatique entre les mains de celui qui la mis dans l'état hypnotique. Il a ainsi ouvert au coté médico-légal de la question un horizon beaucoup plus large que celui auquel jusqu'ici, — à Paris du moins — l'enseignement officiel l'avait voulu limiter. Il a indiqué les ressources que la suggestion hypnotique fournie à la thérapeutique-Un sujet, homme, lui a servi" a démontrer expérimentalement les théories qu'il exposait.

Mais le cûté réellement nouveau et inédit de cette brillante leçon a été la suegestion de différentes maladies convutsives que le sujet avait eu occasion de" voir et qu'il a reproduit fidèlement absolument au naturel devant l'auditoire très attentif et certainement très impressionné. Nous avons ainsi vu le même homme atteint successivement de monoplégie hystéro 'raumatique, d'hystérie avec arc de cercle, de grand tic convufsif, de chorée de paramyo-clonus multiplex, etc.

En terminant M. Réréjine a déclaré n'avoir jamais vu l'hypnotisme expérimental ou thérapeutique déterminer d'accidents a condition que la suggestion soit employée méthodiquement et scientifiquement.

Q'cn pensent les directeurs des services de santé aux ministères de la guerre et de la marine r

Cette leçon a clôturé dignement renseignement pour cette année du savant agrégé. Plusieurs salves d'applaudissements lui ont témoigné la sympathie et la reconnaissance de ses auditeurs habituels. Cette leçon n'avait en effet pas été particulièrmcnt annoncée au public et on n'y voyait guère que des curieux de science.

Nous espérons du reste que le cours tout entier sera publié et nous lui promettons d'avance un légitime succès.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL

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TOWNES (W.-C.) : Hypnostisme et suggestibilité. Virginia, med, month. Nov. 1889. p.673.

OUVRAGES REÇUS A LA REVUE

L'Administrateur-Gérant; Émile BOURIOT

paris imprimerie clamaron-graff; 57, rue de vaugirard

J. R. Laborde. — La Méthode expérimentale considérée dans les sciences biologiques. in-8. 03 pages. 1890. Paris, Société d'éditions scientifiques, 4, rue Antoine-Dubois.

ersilla Caetani Lovatelli.— sogni e l'ipnotismeo nel mondo antico, in-8; 22p. 1889, Roma, typografia delta camera dei deputati.

Dr J A. A. Rattel. — Des cornet acoustiques et de leur emploir dans le traitement médical de la surdi-mutite: in-8; 134 pages, 1886. Paris, J.B Baillière et fils. e. Masoin. — Etudes sur le Magnétisme animal : in-8, 120 pages, 1890. Bruxelles,

35, rue des Ursulines. dr P. Ladame. — Hypnotitmus und Suggestion in der Behandlund des Trunksucht und

Dipsomanie : Wien, 1890. Internationalen Klinischen Rundschau. hypolita Francisco Alvarès,—- O que é Hypnotismo : in-8. 386 pages. Porto,

1889,. rue de Entre-Paredes, 80.

Georges j. Bull. — Lunettes et Pince-nez, étude médicale et pratique : in-8, 95 pages. Paris, 1890. G. Masson, boulevard Saint-Germain, 12c.

TH. Flournoy. — Métaphysique et Psycologie : in-8, 133 pages. Genève, 1890. H. Georg, libraire-éditeur.

— Le Positif et le Négatif : in-8, 160 pages. Paris, 1890. A. Lemerre, éditeur, passage Choiseul, 27..

Conféences faites aux matinées classiques de l'l'Océon :a volumes in-8, 300 pages chaque. Paris, 1890. A- Crèmieux, 11, rue du Cardinal-Lemoine.

Ladame: (de Genève). — Ces Psychoses après l'Influenza : brochure in-12, 34 pages. Genève. 1890.

Grasset et Rauzier. — Du fertige tcardio-vasculaire ou Vertige artério-scléreux : in-80 pages. Masson. Paris, 1890.

REVUE DE L'HYPNOTISME

EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE

BULLETIN

L'HYPNOTISME ET LES CONGRES

Presque simultanément quatre congrès importants ont eu lieu : Le Gin-grès international, a Berlin; the Britisch médical association, à Birmingham ; l'Association française pour l'avancement des sciences, à Limoges ; le Congrès des 3liénistes français, â Rouen.

Dans chacune de ces réunions, des communications ayant trait à l'hypnotisme ont été faites. Nous les publierons dans la Revue.

Nous appelons tout d'abord l'attention de nos lecteurs sur la discussion soulevée dans la section de psychologie de la Britisch médical association et sur les résolutions votées par l'assemblée. Pour la première fois, l'hypnotisme thérapeutique et psychologique a reçu en Angleterre la consécration d'une discussion vraiment scientifique. Là encore l'hypnotisme a été mis sur le tapis par un de ces adversaires irréconciliables comme il a l'honneur d'en compter quelques-uns dans le corps médical. Nous ne nous attarderons pas à faire ressortir le degré d'incompétence dont ce médecin a fait preuve dans son exposé. Nous nous bornerons à dire qu'il a été victorieusement réfuté par des neurologistes éminents parmi lesquels il nous suffira de citer M. le professeur Gairder, M. le docteur Hack Tuke, le savant directeur du Journal of Mental Science, et Lloyd Tuckey, de Londres.

Au Congrès de Berlin l'hypnotisme a aussi donné lieu à une intéressante discussion dans la section de psychiatrie et de neurologie. Mais il faut dire qu'il a fait aussi les frais d'un certain nombre de discours prononcés dans des réunions moins solennelles. C'est ainsi qu'au banquet de la section de neurologie, M. le professeur Meynert a cru l'occasion propice pour tenter de ranimer l'antique querelle des cliniciens et des anatomo-patho-logisles. Au hasard de l'improvisation d'un toast, après nous avoir vanté la richesse incomparable et la solidarité des éléments du système nerveux, après avoir affirmé que toutes les cellules nerveuses se prêtent un mutuel concours et se comportent entre elles comme les membres d'une république bien organisée, par une contradiction vraiment singulière, il a ajouté, que, si quelques-unes de ces cellules venaient à faire défaut, il ne fallait pas compter sur les cellules restées saines pour les suppléer ou les remplacer. Aussi, a-t-il déclaré qu'il ne comprenait pas

comment la suggestion pourrait rendre service a des malades porteurs de lésions si petites qu'elles fussent.

Là où l'examen anatomique lui a révélé la moindre altération orga- nique, M. Meynert ne croit plus qu'on puisse jamais obtenir une fonction normale. Ayant sous les yeux le cerveau de Bichat, il l'eut certainement pris pour celui d'un inférieur. Comment aurait-il accepté, avec ses doc-trines, que la puissance d'un génie incomparable a pu se concilier avec l'atrophie presque complète d'un des hémiphères cérébraux.

Qui nous révélera le mystère de la vie psychique du cerveau ? Est-ce parle scalpel de M. Meynert ou par les patientes recherches des hyp-notiseurs que seront résolus les problèmes du fonctionnement de la pen-sée? Moins exclusifs que le professeur de Vienne, nous pensons, nous, que la clinique et l'anatomie pathologique doivent se prêter un mutuel concours dans ces délicates recherches. En effet prenons un fait, entre mille : Une femme atteinte de syringomyélie nettement caractérisée se présente á notre clinique. Entre autres symptômes, elle accuse depuis deux ans une thermo-anesthésie complète du membre supérieur droit, Elle ne sent pas l'application d'un fer chauffé au rouge; elle a la main couverte des brûlures qu'elle se fait journellement sans s'en apercevoir. Une seule suggestion suffit pour rétablir la sensibilité thermique. Un mois après, une seule suggestion fait disparaîtra de nouveau la sensibilité à la chaleur. A notre gré, nous supprimons ou nous rétablissons chez la malade cette sensibilité spéciale. Les conditions de l'expérience défient toute supposition de simulation, d'ailleurs impossible. Nous soumettons le lait, constaté par un grand nombre de médecins compétents, aux méditations de M. le professeur Meynert.

Mais nous ne lui conseillons pas pour cela de s'adonner à la pratique de l'hyprotisme. S'il n'a reçu de la nature certaines aptitudes à suggérer et à persuader; si le ciel ne l'a doué de l'art d'agir sur les esprits et de provoquer des réactions mentales, qu'il ne se livre pas à des tentatives condamnées d'avance à l'insuccès. Il n'est pas donné à tous de savoir appliquer Phypnotisme. Un excellent anatomo-pathologiste peut être doublé d'un mauvais hypnotiseur. Il faut savoir se consoler de n'avoir pas toutes les vertus et c'est le propre du sage que de ne pas mépriser les arts dans lesquels il n'excelle point.

Au même banquet. M. le professeur Erb, après avoir rendu hommage, non sans quelque ironie, à la virtuosité et au succès avec lequel certains médecins français appliquent l'hypnotisme, a ajouté qu'il se pourra» grâce à la suggestion, que dans l'an 2000, l'humanité lut déjà beaucoup améliorée. Nous nous bornons, nous, à formuler un vœu plus modeste. Nous souhaitons seulement que les médecins, redevenus philosophes, utilisent plus souvent qu'il ne le font l'action du moral sur le physique, et qu'ils cessent d'être, comme le disait Voltaire, « des gens qui passent leur vie à mettre des drogues qu'ils ne connaissent pas dans des corps 1 qu'ils connaissent moins encore. »

Comme nous nous y attendions, nous avons eu le plaisir de revoir au Congrès de Berlin, dans la section de neurologie, un grand nombre des confrères qui avaient suivi les travaux du Congrès de l'hypnotisme, en 1889 Parmi eux. nous citerons MM. Sperling (de Berlin), Schrenck Notzingl

(de Munich), Velander (de Yonkoping), Fraenkel (de Dessau). Ladame (de Genève), Tokarsky (de Moscou), Rybalkin (de Saint-Pétersbourg), Zabludowski (de Berlin». Lacassagne (de Lyon), Magnan (dePariss.etc. etc.

A ces noms, si nous ajoutons ceux de MM. les professeurs Charles Ri-chet (de Paris), Mendel (de Berlin), Biswanger (d'Iéna), Bénedick (de Vienne), Heinrich Ranke (de Munich), Merziewski (de Saint-Pétersbourg), Kjellberg (d'Upsal). de MM. les docteurs Hack Tuke (de Londres), Moll (de Berlin), Stembo (de Wilna(, Rossolimo. Roth, von Korniloff, Korsa-kofff (de Moscou). Paul Dubois (de Berne), Edelide Berlin). Widmer (de Lausanne), Max Dessoir (de Berlin), Burkhnd (de Préfargier), etc., qui tous ont eu l'occasion d'appliquer avec succès l'hypnotisme et la suggestion, on verra que la médecine psychologique était bien représentée au Congrès de Berlin.

En terminant, rendons justice aux organisateurs du Congrès en disant qu'Os n'ont rien négligé pour en assurer le succès, et que ces grandes assises scientifiques ont été parfaitement ordonnées. Nous garderons le meilleur souvenir de l'accueil plein de courtoisie qui nous a été fait par les membres de la Société de psychologie expérimentale de Berlin.

Dr, Edg. los

SUR L'EXCITABILITE DES NERFS ET DES MUSCLES DAnS L'ÉTAT HYPNOTIQUE (1)

Par le docteur L. STEMBO, de Wilna.

L'état d'excitabilité des nerfs et des muscles sert, comme on le sait, a h distinction somatique des trois états du grand hypnotisme décrits par Charcot.

D'après lui, dans la période léthargique, cette excitabilité est augmentée, dans la période cataleptique elle est stationnaire au moins en présence des excitations mécaniques, enfin dans l'état somnambulique elle est exaltée dans des proportions notables et non plus seulement pour les excitations fortes : la plus légère excitation de la peau fait entrer les muscles sous-jaceuts en contraction, c'est l'hyperexcitabilité neuromusculaire.

Dumontpallier et Magnin prétendent qu'à toutes les périodes de l'hypnose, ils ont vu l'excitabilité nerveuse et musculaire augmentée.

Cette hyperexcilabilité neuro-musculaire de Charcot et de l'école de la Sapètrière tient-elle réellement à un état spécial des nerfs et des mus-cles ou n'est-elle que le fait de la suggestion et du dressage, comme le prétend l'école de Nancy ?

(1) Communication faite au Congrès international de Berlin.

Pour l'étudier. Chariot utilise surtout les procédés mécaniques, mais nous savons qu'en règle générale, les résultats de l'excitation élec- ; trique et ceux de l'excitation mécanique sont rigoureusement parallèles (Mœbius). Aussi ai-jc pensé que, pour résoudre cette question, il y ' avait lieu d'instituer des expériences démonstratives de l'excitabilité électrique de ces parties.

L'augmentation de l'excitabilité électrique fut trouvée dans l'hypnose par Moritz, Rosenthal. tandis que Heidenhain, Berger et Rieger ne ' purent constater aucune différence notable entre l'excitabilité des hyp- notisés et celle des sujets éveillés. Le docteur Moll. lui aussi, dans cent expériences faites sur des sujets différents, en excitant le cubital immédiatement au coude, n'a pas trouvé de différence appréciable. Le livre récent de Preyer « l'Hypnotisme » ne tranche pas la question de savoir si, dans l'hypnose, l'excitabilité musculaire subit des modifi- cations.

A ces expériences négatives, Charcot pourrait répondre peut-être qu'elles n'ont pas été faites avec les mêmes précautions, dans les périodes appropriées et surtout chez des sujets atteints de ce qu'il a appelé « le grand hypnotisme. »

Quoiqu'il en soit, les recherches électriques que j'ai pratiquées sur nn grand nombre d'hypnotisés ne m'ont pas donné entre l'excitabilité j pendant l'hypnose et à l'état de veille une différence plus grande que celle que l'on doit s'attendre à rencontrer dans deux expériences faites sur un seul et même sujet.

Les deux grandes hypnotisées présentées a la Société de médecine de Wilna, le i a octobre 1888, et dont j'ai publié les observations dans la : Revue médicale hebdomadaire de Saint-Péterbourg (1889 n° 1 28-29) m'ont servi à l'étude des variations de l'excitabilité neuro-musculaire,

Pour faire mieux ressortir l'exactitude des résultats que j'ai obtenus, voici les précautions que j'ai prises :

Dans toutes les expériences, je me suis toujours servi des mêmes électrodes. Le pôle indifférent, appliqué sur la nuque, avait 0m.q 70 ; le pôle actif, de om q 03, était l'électrode normale de Stinzing.

Les deux électrodes étaient appliquées aussi légèrement que possible pour éviter l'excitation mécanique qu'aurait pu déterminer leur choc contre la peau. Les points d'excitation étaient répétés à l'encre. Les électrodes étaient humectées avec de l'eau à la température de la chambre (16°) pour éliminer l'influence de la chaleur sur l'excitabilité.

Dans toutes ces expériences, j'ai étudié d'abord l'action du couran faradique, puis du courant continu.

Quatre nerfs qui ont déjà servi aux recherches d'Erb ont été soumis a l'examen électrique : le frontal, l'accessoire, le cubital et le péronier . j'ai ajouté le facial qui a servi souvent à Charcot pour la démonstation de l'excitabilité neuro-musculaire.

On pourra constater plus loin comment se comporte l'excitabilité-électrique à l'état normal et pendant les périodes de léthirgie, de catalepsie et de somnambulisme. L'examen a été fait aussi dans les 2 moitiés du corps pendant que l'une se trouvait en léthargie et l'autre en catalepsie.

Les résultats de ces expériences sont consignés dans les travaux suivants :

Vient ensuite une série de 22 tableaux où l'auteur a consigné le résultat de l'examen électrique de l'excitabilité des nerfs cités plus haut et de 7 muscles de la face et des membres. Les chiffres obtenus ne varient guère quel que soit le moment, veille ou hypnose, choisi pour l'expérience.

Je ne veux pas allonger cette communication en y introduisant l'observation des deux malades sur lesquels ces expériences ont été faites : ceux qui le désireront la trouveront dans fa Revue que j'ai citée.

Je ne veux pas non plus fatiguer l'attention par la lecture des tableaux ci-joints, je me bornerai à dire que, de leur examen, il ressort clairement que nerfs et muscles ne sont pas sensiblement plus excitables pendant le « grand hypnotisme » qu'à l'état de veille.

par le Dr Journée.

LE DÉVELOPPEMENT DE LA PUBERTÉ (0

Par M. le professeur axel KEY (Stokholm).

L'éducation de nos enfants constitue l'un de nos devoirs les plus beaux. Nous recherchons ainsi, par tous les moyens dont nous disposons, à fortifier leur santé physique et morale; notre plus grand bonheur est de voirie succès couronner nos efforts. On se demande de plus en plus si l'éducation moderne, tant à la maison qu'à l'école, est bien appropriée àson but, et si elle est conduite de façon à nous donner ce que nous ne ne devons jamais perdre de vue ; « mens sana in corpore sano. » Dans tous les payscultivés d'Europe, on examine déplus en plus attentivement quelle est l'influence du système scolaire actuel sur les adolescents. Les médecins en particulier ont accusé l'école d'influencer l'organisme de l'enfant qu'on lui confie pendant sa croissance ; ils lui ont reproché de ne sepréoccuper que de son développement intellectuel, et de négliger le côté physique au point d'avoir de dangereuses conséquences qui peuvent être ressentie toute la vie aussi bien par la santé corporelle que par la santé intellectuelle, liée intimement à la première. On a beaucoup réfléchi, on a beaucoup écrit sur ce sujet ; l'hygiène scolaire a fait récemment de grands progrès ; cependant le Danemark et la Suède seuls ont dressé, à propos de l'état de santé des enfants, des écoles, des statistiques permettant de prendre des faits pour base des assertions.

Les premières recherches de ce genre ont été publiées à Copenhague en 1881, par le Dr Hertel. En présence des résultats affligeants qu'il avait constatés, une commission hygiénique spéciale fut nommée pour reprendre ces recherches dans toutes les écoles du Danemark. En même temps,

(l) Conférence faite au Congrès de Berlin.

le gouvernement suédois institua de son coté une commission scolaire analogue. Celle-ci a passé en revue, au point de vue de la santé, a mesuré et pesé près de 15.000 garçons des écoles secondaires et 5.000 filles d'écoles privées ; tous ces enfants appartenaient aux classes aisées de la population.

On a reconnu que les garçons passaient par trois périodes différentes de développement : vers 7 ou S ans, il se produit une croissance importante; de 9 à 13 ans. l'accroissement est moindre, enfin de 14 à 16 ans, au moment de la puberté, l'enfant augmente remarquablement plus vite en taille et en poids. L'accroissement de l'adolescent se continue encore pendant plusieurs années, mais d'une façon peu accusée. Chez les jeunes filles, on retrouve ces mêmes périodes, mais elle se montrent toujours quelques années plus tôt que chez les garçons. Par comparaison, on a reconnu que les jeunes garçons américains, pendant la période de puberté, ont une taille et un poids supérieurs aux Suédois ; et cependant ceux-ci dépassent à ce point de vue les autres enfants, et à partir de la dix-neuvième année, les Américains eux-mêmes. Les garçons Danois rivalisent avec ceux de la Suède ; les garçons de Hambourg les suivent de près (recherches de Kotelmann) : les plus petits sont ceux de la Belgique et du nord de l'Italie. Les jeunes suédoises dépassent toutes les autres filles par leur taille et leur poids.

Au point de vue des différentes classes de la société, on constate que les enfants des classes aisées ont une année d'avance sur les enfants pauvres du même âge. Ainsi donc la pauvreté et les conditions défectueuses de l'existence ralentissent le développement des enfants. Leur faible développement avant la puberté retarde celle-ci. Il semble qu'une cause quelconque les empêché d'entrer dans la période la plus importante de leur accroissement, en même temps que les enfants qui vivent dans de meilleures conditions. La puberté apparaît plus tard chez eux ; mais dès quelle a commencée, elle marche d'un pas plus rapide et se termine en même temps que pour les autres enfants. Nous constatons là une preuve du ressort inhérent à l'enfance, ressort qui se manifeste d'une manière toute spéciale dans le processus de l'accroissement. Un ressort peut-être fortement courbé sans perdre son pouvoir de reprendre sa première (orme. Mais si la pression est trop forte ou si elle est maintenue trop longtemps, son élasticité se perd toujours ; le ressort se brise ou reste déformé. De même un enfant,dont la croissance a été retardée par des circonstances défavorables, trouve dans sa nature une remarquable faculté de regagner ce qu'il a perdu, et de rattraper le degré de développement qu'il devrait avoir.

Mais si les influences fâcheuses ont une action trop intense ou trop longue, l'enfant reste en retard pour toujours.

Il est intéressant et important, pour l'éducation, de rechercher si la croissance des enfants se fait de même aux diverses saisons, en hiver et en été. Le pasteur Malling-Hansen, directeur d'un institut de sourds et muets à Copenhague, a fait des recherches sur ce point. I1 a reconnu que les enfants grandissent peu de la fin de novembre à la de mars; dans une seconde période, qui va de mars à juillet et août. !a taille s'accroît beaucoup, mais non le poids; enfin, dans une troisième période,

qui va jusqu'à la lin de novembre, l'accroissement en taille est très bible, tandis que le poids augmente beaucoup.

L'accroissement quotidien en poids est souvent plus considérable que pendant les mois d'hiver; lorsque les vacances d'été sont précoces, elles donnent lieu à une augmentation de poids plus grande. Cette question a une haute importance pour déterminer à quel moment doivent-être donnée les vacances scolaires.

D'après les recherches qui ont été faites sur les 15000 enfants des écoles secondaires, il a été reconnu qu'un tiers d'entre eux étaient malade ou affligés d'affections chroniques. La myopie, si fréquente chez eux qu'elle mérite le nom de maladie des écoliers, augmente sans cesse de fréquence d'une classe à la suivante, 13,5 0/0 chez les garçons ont de la céphalagie habituelle; près de 13 0/0 chlorotiques. Les maladies sont surtout nombreuses dans les classes inférieures et supérieures, plus rares dans les moyennes. Entête des maladies organiques se trouvent les affections pulmonaires, que l'on rencontre chez 2 à 3garçons sur cent. Dans les classes supérieures on constate que les maladies du Cœur, de l'estomac et de l'intestin tendent à augmenter de fréquence. Si l'on considère l'ensemble des maladies, on trouve qu'à Stokholm, à la fin de la première année d'études, il y a 17 0 o des entants, maladies, maladifs ou souffrants ; pour la deuxième année, on arrive à 37 0/0 et à 40/0 pour la quatrième classe. Cet accroissement extraordinaire de la mauvaise santé dans les premières années d'études, n'est pas le résultat d'un hasard ; des chiffres analogues ont été observés dans toutes les écoles. Les recherches laites dans le Danemark ont abouti à des conclusions identiques.

Ces laits n'ont pas d'autres causes que l'organisation des écoles. Le travail des enfants s'accroit de classe eu classe ; les conditions hygiéniques dans lesquelles il vivent, tant à l'école que chez leurs parents, restent les mêmes. Un coup d'œil montrera que le nombre des malades présente son accroissement ordinaire de 7 à 13 ans, alors que les enfants grandissent médiocrement. Dès que la puberté commence, au moment où l'augmentation de poids est à son maximum, le chiffre des malades s'abaisse d'année en année, jusqu'à la fin de celle période. Aussitôt qu'elle est terminée il se fait une recrudescence de la morbidité. Au point de vue de la santé des entants, la meilleure année est la 17e, une des plus importantes pour le développement; la 18e redevient une des plus mauvaises.

On voit par là que. dans les années de faible accroissement qui précèdent l'apparition de la puberté, (années qui correspondent aux classes préparatoires et inférieures de nos écoles secondaires), l'organisme des enfants offre peu de résistance aux influences extérieures. Puis vient une période pendant laquelle cette résistance grandit d'année en année; enfin, après la puberté, pendant les dernières années du temps d'école, elle présente une seconde diminution.

Pour les jeunes filles, ces mères des générations futures les recherches qui ont portés sur 3.073 écoliéres, ont donné des résultats vraiment enrayants. Au total, 61 0/0 étaient malades ou présentaient les premiers signes de maladies chroniques, 36 0/0 étaient chlorotiques ;

la céphalagie habituelle a été notée chez un nombre presque aussi grand; 10 o/o au moins présentaient une déviation de la colonne ver tébrale. Il est à remarquer que, pour les jeunes filles suédoises, l'état de santé, qui s'aggrave avant la puberté et au commencement de celle-ci s'améliore à peine dans les dernières années de cette période. Le mode d'éducation des filles explique aisément ces tristes résultats. Le temps pendant lequel ces enfants travaillent et demeurent assises sans bouger, ne convient nullement à leur santé. Sans parler des influences fâcheuses pour la santé qui peuvent provenir de la maison paternelle ou qui sont liées à l'école et au travail d'écolier, on peut affirmer que la somme de travail demandée actuellement aux enfants dépasse leurs forces--C'est ainsi que le programme des collèges comporte. en moyenne, par jour, 7 heures d'études obligatoires dès les premières classes, et il monte graduellement à 11 ou 12 heures pour les classes supérieures, Ce chiffre n'est qu'un minimum, puisqu'il ne tient pas compte des leçons particulières et des études facultatives.

Dans de pareilles conditions, où les entants trouvent-ils le temps nécessaire pour la digestion, pour l'exercice corporel, pour le repos et avant tout pour le sommeil? Comment leur force intellectuelle ne serait-elle pas épuisée? Comment leur santé ne serait-elle pas altérée et leur résistance aux influences extérieures amoindrie?

A propos du sommeil, on a agité une question qui a la plus haute importance pour l'éducation rationnelle. Nous savons tous que les enfants ont besoin de dormir beaucoup plus que les adultes, et qu'il faut absolument donner à ce besoin une satisfaction suffisante. Mais il est encore difficile de préciser le temps nécessaire en général aux enfants suivant leur âge. En Suède, lesplus jeunes écoliers ont besoin de 10 à 11 heures de sommeil, les plus grands au moins de 8 à 9 heures. Et il a été constaté que. dans les écoles, on est loin de leur accorder ce chiffrez-Les élèves des hautes classes ne restent guère que 7 heures au lit en moyenne; il en est qui dorment moins encore. 11 est a remarquer que plus le nombre d'heures de travail est grand pour une classe donnée, plus est restreint le temps accordé au sommeil. C'est aux dépens du som-meil que l'on allonge la durée du travail.

Mais peut-on démontrer par la statistique que cette durée trop longue du travail à une influence sur la santé des enfants? Oui. Après avoir es-timé exactement le nombre moyen d'heures de travail fourni par une classe, les écoliers ont été divisés en deux groupes, dont l'un a travaillé plus, et l'autre moins que cette moyenne. Ceux qui ont travaillé plus, ont fourni une morbidité de s. 5, 3 0/o supérieure aux autres. Cette donnée est d'autant plus digne de remarque, que l'expérience n'a pas suppriméé les causes de maladie autre que le travail. Pour les deux classes inférieures, cet accroissement de morbidité a été plus considérable encore ; il a été de 8,6 et de 7 0/0, ce qui tient a la faible résistance des ecoliers les plus jeunes.

La commission qui a fait toutes ces constatations a reconnu qu'un très grand nombre de jeunes enfants, surtout dans les trois premières classes des écoles secondaires, n'étaient pas en état d'en suivre les cours. les-quels sont cependant appropriés aux facultés des entants de cet âge.

Nous devons avant tout avoir soin de ne pas troubler ni ralentir le développement des enfants au moment de l'établissement de la puberté. Etant donné le mode d'éducation actuel, tant h l'école qu'a la maison, nous devons très attentivement surveiller la phase qui precéde la puberté, phase pendant laquelle la résistance des enfants est à son mini-mum. La science nous apprendra à diminuer la morbidité constatée.

Plus on approfondit ces questions, et plus on reconnaît combien est vrai ce que Jean-Jacques Rousseau a dit dès les siècles derniers: « Si l'on arrive á rendre un enfant robuste et physiquement bien développé jusqu'à la puberté, ses progrès intellectuels seront ensuite plus rapides. » Cest à peine s'il consentait à obliger les enfants de savoir lire pour l'âge de 12 ans. Personne n'ira aussi loin que lui dans ce sens, mais il dut mesurer, mieux qu'on ne le fait, nos prétentions en éducation à la force et à la résistance de l'organisme des enfants pendant les diverses phases de leur développement. I1 faut nous inquiéter davantage de leur santé et de leur vigueur. II y a cent ans que le père de l'hygiène scolaire. jean-Pierre Frank a demandé que l'on n'épuise pas chez l'enfant les forces de l'homme avenir.

DE LA DIPSOMANIE ET DE SON TRAITEMENT PAR LA SUGGESTION (1)

Par le Docteur Edg. BÉRILLON (suite et fin).

Dans son livre « Hérédité et alcoolisme ». le docteur Legrain croit devoir établir une distinction entre les malades qui présentent seule-ment des tendances dipsomaniaques et ceux qui sont atteints de dipsoma-nie pure. Voici quelles seraient selon lui les différences qui permet traient de créer ces deux catégories :

« La tendance dipsomaniaque est, en général, continue et ne procède qu'exceptionnellement par accès. Le malade qui en est atteint est un buveur de profession ; loin d'avoir du dégoût pour les liqueurs fortes, il les aime. S'il survient, par hasard, un paroxysme, on assiste à une véritable débauche de quelques jours, pendant lesquels la conscience est profondément altérée : la lutte a précédé l'accès, mais ne l'accompagne pas comme chez le dipsomane. Le premier ne se cache pas, il se vautre dans l'orgie; le second, au plus fort de l'impulsion, fuit les regards parce qu'il a encore conscience. Chez le premier, l'accès est déterminé et précéde par l'appât de la liqueur qui est ardemment désirée pour elle-même si le malade lutte, c'est parfois avec un secret espoir d'être vaincu; chez le second, le dégoût des liqueurs fortes est très net; l'impulsion irrésistible domine tout. L'alcool crée la tendance dipsoma-

1. Leçon faite à la clinique des maladies, nerveuses, rue Saint-André des Ars, 55.

niaque à la faveur d'un terrain special; la dégénérescence mentale est la cause première de l'impulsion vraie. »

Il serait difficile de démontrer que notre malade mérite d'être range dans la première catégorie ou dans la seconde, car il présentait à la fois les symptômes de l'une et de l'autre.

Lorsque nous le revîmes pour la seconde fois, l'accès de dypsomanie était compliqué des troubles mentaux de l'intoxication alcoo-lique. Il se plaignait d'être en butte aux persécutions d'ennemis imaginaires. Ayant appris qu'un de ses amis avait été broyé accidentelles ment par un train, il avait eu l'esprit tellement frappé par cet accident qu'il ne cessait de répéter qu'il ne tarderait pas de se jeter sous les roues d'une locomotive pour échapper aux calomnies dont il était abreuvé

Le jour même où il arriva à Paris, pour confirmer mon pronostic, crus devoir soumettre le malade à l'examen éclairé de M. Mesnet :

Tout d'abord notre éminent maître émit l'avis qu'il croyait prudent de faire interner M. M... dans un asile. Mais en voyant la facilité avec laquelle il se laissait hypnotiser et obéissait aux suggestions, il n'opposa plus d'objections â ce qu'il fut traité en liberté.

En effet, quelques jours après, M. M.... était déjà rentré dans son état normal. Au bout de dix jours de traitement par la suggestion, il pouvait quitter Paris. Cette fois, mieux pénétré des dangers que lui faisaient courir les habitudes alcooliques, il prenait l'engagement de se soumettre au traitement par la suggestion des qu'il éprouverait b moindre défaillance en présence d'une invitation à boire.

Depuis lors (juillet 1889), sa santé s'est maintenue très satisfaisante. Il nous donne fréquemment de ses nouvelles se louant du traitement suggestif qui lui a évité un séjour, toujours très préjudiciable au point de vue social, dans une maison de santé.

La seconde observation qui a trait à une jeune fille, est surtout re-marquable parce que chez cette malade, la dipsomanie était étroitement associée à la Kleptomanie.

Observation II

Mlle L...V.... âgée de 26 ans, est d'une taille assez élevée. Sa constitution et apparemment assez forte. Elle ne présente pas d'anomalies crâniennes. Son père, ingénieur des ponts et chaussées, mort à trente ans. était buveur. Sa mère, nerveuse, impressionnable, est considérée comme ayant l'esprit pa sérieux; ce qui le prouve, c'est qu'elle était la première à inviter ses enfants à prendre des liqueurs fortes après les repss. Chez un frère,agé de vingt-cinq ans, on a note des bizarreries de caractère, une tendance aux excentricités Une jeune sœur de dix-sept ans est aussi très nerveuse . Comme on le voit. la malade possède des antécédents névropathiques assez graves.

Un examen minutieux révèle l'existence d'une hémianesthésie du membre supérieur droit. Elle n'a pas de rétrécissement du champ visuel. On nous l'amène, parce qu'elle a, à plusieurs reprises, dans la maison d'épicéries ou elle est employée volé de l'eau-de-vie ou de l'argent pour s'en procurer

Le début de la dipsomanie remonte au commencement de l' année l888 cette époque, un jeune homme qu'elle aimait, à cessé brusquement de la fré quenter. Elle ne l'a plus revu et en a éprouvé un profond chagrin. Six mois après, elle a subi de nouveau un choc moral assez violent. L'entant de ses pa-

trons, auquel Mlle V.... témoignait beaucoup d'affection, mourut subitement. Elle eut à ce moment une attaque de nerfs. Dans le courant de la semaine qui suivit. avant dérobé un litre d'absinthe, elle se mit à le boire par verres. L'absorption de cette boisson excitante provoqua des vomissements, qui ne l'empêchèrent pas de continuer à en boire. Peu de temps après, on s'aperçut de la disparition d'un billet de cent francs, d'une pièce de vingt francs. Cet argent fut gaspillé par elle en achat de gâteaux, en promenades en voiture, en dépenses futiles. Elle acheta aussi plusieurs litres d'eau-de-vie.

On avait accusé la bonne de la maison de ces vols, et Mlle V... resta indifférente en présence de cette accusation qui pouvait compromettre une innocente, plus tard, ayant été soupçonnée a son tour, elle avoua ses vols assez facilement.

Actuellement, la malade vole surtout des liqueurs alcooliques : cognac, vin, chartreuse. 11 lui est arrivé de s'ennivrer à la suite de ces excès et d'avoir pendant son ivresse de véritables crises d'hystérie. La nuit, elle a des cauchemars, du délire hystérique.

Dans son délire, elle parle de l'enfant mort, « Si le petit A... vivait, dit-elle, tout cela ne serait pas arrivé, »

La première fois qu'on l'a surprise en train de voler du cognac, on l'a menaça de la conduire en prison : « Faites-le si vous voulez, répondit-elle, vous ne comprenez donc pas que je ne puis faire autrement, que c'est malgré moi que j'ai volé ce cognac ! »

Ses patrons ont remarqué que les accès de dipsomanie et de kleptomanie coïncidaient habituellement avec l'apparition des régies.

4 Janvier 1890. — La malade qui manifestait le plus vif désir de guérir se soumet avec docilité au traitement par la suggestion. Dés la première séance, elle est plongée en état de somnambulisme et ne se souvient de rien au réveil.

Depuis lors, elle a été hypnotisée à plusieurs reprises â la clinique.

Sons l'influence des suggestions son état nerveux et son état mental se sont promptement améliorés.

Elle a eu en 5 mois trois rechutes, mais chaque fois la suggestion est venue enrayer le développement de l'accès.

15 juin 1890. — Actullement l'état de la malade est aussi satifaisant que possible. Elle déclare ne plus éprouver de tendance irrésistible à boire. Ses patrons qui la surveillent étroitement espèrent, comme nous, que la guérison sera durable.

Mlle V... vivait heureusement dans un milieu intelligent où l'on a compris que ses accès de dipsomanie et de kleptomanie étaient le résultat d'impulsions irrésistible?. Sans cela elle eut couru grand risque d'être arrêtée, puis internée dans une prison ou dans un asile. Avant de recourir à cette extrémité, les patrons de Mlle V..., pensant qu'un traitement moral pourrait avoir quelque action pour dissiper des troubles nerveux résultant d'un choc moral, ont eu l'idée de la faire traiter par suggestion hypnotique. Les résultats obtenus ont prouvé qu'ils avaient eu raison.

I1 est vrai que Mlle V..., étant donnés ses antécédents, reste exposée à de nouvelles manifestations névropathiques. Nous n'espérons donc obtenir qu'une guérison de svmptômes. Nous lui avons évité jusqu'ici les ennuis d'une séquestration et nous espérons que notre intervention continuera à produire d'excellents effets. Dans la pratique de la médecine, il faut savoir se résigner â n'obtenir souvent que des résultats relatifs.

Déjà plusieurs cliniciens avaient signalé l'heureuse influence du traitement suggestif dans la dipsomanie. MM. Auguste Voisin et Ladame. ont publié sur ce sujet, dans la Revue de l'Hypnotisme d'intéressantes observations. M. Forel a aussi obtenu quelques résultats favorables. Nous sommes donc autorisés par les faits acquis â continuer nos essais. Mais il ne faut pas oublier que

pour appliquer ta thérapeutique suggestive avec des chances sérieuses de succès le médecin doit d'abord s'assurer que les malades ne sont pas dans des conditions de milieu défavorables; il ne sera pas non plus inutile qu'il ait acquis, par la pratique «une connaissance approfondie des procédés variés par lesquels on arrive à appliquer méthodiquement la suggestion hypnotique.

REVUE CRITIQUE

LES EPILEPSIES ET LES ÉPILEPTIQUES

Par M. Ch. FÉRÉ, médecin de Bicétre.

(Vol. in-2° de 636,.avec planches et figures, chez Alcan 1890)

C'est un livre magistral et qui fera date dans l'histoire de l'Epilepsie que celte étude complète et ces recherches originales dues au labeur infatigable et à la méthode scientifique rigoureuse qui ont déjà procure a son auteur. M. Féré, de si légitimes succès chez son éditeur M. Alcan.j

11 n'y a plus dépilepsie essentielle proprement dite: il n'y a en réalité que des manifestations variées et très nombreuses d'un état névropa thique spécial, parfaitement déterminé, qu'on pourrait appeler état épileptique.

Les récentes découvertes de M. Chaslin établissant l'existence d'une sclérose névroglique diffuse dans les circonvolutions cérébrales de cinq épileptiques sont assurément très importantes : mais elles ne prouvent pas cependant que cette sclérose soit la lésion primitive et la cause directe des accidents épileptiques: elle pourrait tout aussi bien en être le résultat. « S'il était certain et non pas seulement probable que cette lésion diffuse n'est pas la conséquence de la suractivité morbide qui détermine les décharges, mais quelle est la condition anatomique de l'hy-perexcitabilité, elle aurait la plus grande importance au point de vue pratique. Cette diffusion des lésions rendrait compte de la diffusion des troubles permanents de la sensibilité et du mouvement. » (Féré)

Dans l'état actuel des choses, on ne saurait admettre une épilepsie spéciale, exclusive, essentielle ou idiopathique : il existe au contraire une série de manifestations sensorielles, motrices ou psychiques, d'or-dre épileptique, plus ou moins graves et généralisées, provoquées, c'est à dire, mises en jeu par des causes diverses, mais relevant' toutes d'un état névropathique particulier, habituellement héréditaire et caractérisées toutes par un ensemble de phénomènes somatiques que M. Féré s'est particulièrement attaché à bien déterminer.

L'auteur a utilisé de nouveau dans ces recherches les procédés phy siologiques si précis de la méthode psycho-physique dont il. a déjà su tirer de si intéressants résultats dans ses précédentes études (sensation et mouvementé 1887), dégénérescence et criminalité (1888).

Grâce à ces procédés, il a pu établir, sous des formules presque mathématiques, le déterminisme pathologique commun aux diverses manifestations épileptiques. C'est ainsi qu'il a décrit avec beaucoup de soin les phénomèmes d'épuisement consécutifs aux paroxysmes ; phénomènes qui retentissent sur la motilité, la sensibilité et la nutrition générale.

L'énergie musculaire est notablement amoindrie, la durée du temps de réaction est généralement augmentée et concorde avec la diminution de la sensibilité, persistant même assez longtemps après la terminaison complète du symdrome épileptique.

Les phénomèmes psychiques ont subi la même déchéance, attendu qu'ils sont toujours en parfaite correspondance avec l'intensité vitale des phénomèmes somatiques proprement dits ; enfin les désordres de nutrition consécutifs à ces crises ont été également l'objet d'intéressantes observations. C'est là un des côtés nouveaux et vraiment importants de ces recherches tant au point de vue pratique que doctrinal, que cette détermination rigoureuse, celte objectivation précise, des phénomènes généraux communs à toute manifestation épileptique.

C'est là une des meilleures raisons à donner pour conclure à l'identité fondamentale de toutes ces manifestations variées qui font autant d'espèces d epilepsies cliniques.

M. Feré n'en a pas. pour cela, négligé cet autre point de vue de l'étude des épilepsies : on trouve dans son livre une description très complète et détaillée des différentes formes cliniques du syndrome épileptique.

Ce syndrome se présente, en effet, sous les aspects les plus variables selon le terrain sur lequel il évolue, les conditions qui président â son développement, le milieu dans lequel il se produit : il peut se manifester à l'état aigu, ou chronique, être partiel c'est à dire limité à un membre, à un groupe musculaire, à un appareil sensoriel ou psychique, ou bien être généralisé ; il peut encore se manifester sous la forme de troubles sensoriels, moteurs, psychiques ou viscéraux.

De là. les epilepsies aiguës qui portent le nom vulgaire de convulsions, l'épilepsie hémiplégique infantile, l'éclampsie de la grossesse, les convulsions des fièvres graves, des maladies infectieuses et de certaines intoxications.

Puis les epilepsies chroniques avec leurs formes motrices, sensorielles, ou psychiques, qui peuvent à leur tour être partielles ou généralisés : parmi celles-ci. citons l'épilepsie partielle commune, le tic de Salaam, les vertiges, les absences, les attaques apoplectiformes les attaques procursives, les fugues inconscientes, les grands accès généralisés de l'épilepsie dite essentielle, et dans un autre ordre de faits, certaines angines de poitrine, certaines formes d'asthme, les spasmes de la glotte, des perversions senso-rielles passagères, des hallucinations de la vue, du goût, de l'odorat, et de l'ouië; enfin certains troubles psychiques qui constituent de véritables équivalents et quelque fois des succédanés du syndrome épileptique convulsif ordinaire.

Toutes ces variétés cliniques dont la symptomatologie apparente est Si diverse, ont été longtemps considérées comme des entités morbides spéciales, comme des espèces pathologiques distinctes. Déjà beaucoup d'entre elles avaient été rapprochées, comparées, et quelques unes réunies dans un même groupe nosographique.

Mais c'est véritablement du livre de M. Féré que datera la confusion, l'identification de toutes ces espèces et c'est à l'auteur qu'il appartient d'avoir établi sur les bases indiscutables de la méthode psycho-physique appliquée à cette étude, les caractères objectifs, et en quelque sorte matériels, qui appartiennent en commun à toutes ces formes et qui en font une seule et même manifestation épisodique de l'état somatique et névropathique particulier qui produit l'état épileptique.

H y a toujours en effet à la base de tout accident épileptique une prédisposition spéciale.

On pourrait dire encore ici : a n'est pas épileptique qui veut ». Il faut un terrain préparé; les causes multiples des désordres épileptiques, les dents chez les enfants, la menstruation et la grossesse chez les femmes, la frayeur ou les émotions vives, la misère physiologique etc. toutes ces j causes ne peuvent-être qu'occasionnelles ; c'est à l'occasion mais non en raison directe et immédiate de ces causes que le syndrome épileptique] surgit ; la cause des causes, c'est un état névropathique transmis par l'hérédité.

Pour être épileptique il faut, avant tout, être névropathe et le plus sou- ; vent névropathe héréditaire.

M. Féré a établi dans une série de tableaux généalogiques très curieux quelles sont les affections nerveuses organiques ou dynamiques qui figurent le plus fréquemment dans les familles des épileptiques. On y voit facilement que l'épilepsie, en général, est une tare de dégénérescence résultant de quelque déchéance plus ou moins grave survenue chez les générateurs. On y voit encore que plus de la moitié des enfants issus d'épileptiques sontdes convulsifs et qu'il n'y en a guère qu'un cinquième qui soient sains. Enfin, il ressort de ces tableaux que l'hérédité similaire de l'épilepsie n'est pas rare, contrairement à l'opinion de quelques auteurs.

L'état névropathique sans lequel il n'y a pas d'état épileptique possible peut d'ailleurs être acquis mais encore une fois, il est presque toujours d'origine héréditaire.

Aussi, est-il utile d'en pouvoir faire le diagnostic de bonne heure afin d'instituer l'hygiène préventive spéciale aux prédisposés. Dans ce but M. Féré s'est livré à la plus minutieuse investigation de tous les carac-téres qui peuvent déceler l'imminence de l'état épileptique. C'est ainsi qu'il a constaté chez la plupart de ses malades, l'existence d'anomalies physiques qui peuvent mettre sur la voie pour le diagnostic précoce de la tare héréditaire.

Parmis ces signes, les plus intéressants sont les asymétries chromatiques de l'iris, l'astigmatisme, la déviation de la pupille, les déplace-, ments du tourbillon des cheveux, une diminution de la capacité vitale du poumon, enfin les anomalies diverses des extrémités, telles que lon-gueur anormale des doigts, doigts palmés, syndactylies. doigts surnu-méraires etc.

La coexistence de ces anomalies, qui sont le plus souvent des troubles de développement, avec l'épilepsie, prouve bien en faveur de l'origine héréditaire du mal ; néanmoins leur constatation chez certains sujets, qui ne sont pas épileptiques n'implique pas fatalement pour eux la nécessité de le devenir.

Ce n'est pas là le seul côté pratique du livre de M. Féré, les questions du traitement de l'épilepsie, de l'assistance des épileptiques et de leur situation médico légale y occupent également une place importante. L'auteur a repris à ce sujet une de ses thèses favorites si pleine de conséquences au point de vue social, et si logiquement déduite de pures données expérimentales. A propos de la responsabilité des épileptiques, il a trouve lieu d'appliquer à ces malades les considérations développées dans son ouvrage sur la dégénérescence et la criminalité et de conclure à nouveau à la responsabilité matérielle des épileptiques comme des aliénés.

« On a fait un grand mérite, dit M. Féré. aux aliénistes du commencement de ce siècle qui ont relevé suivant la formule consacrée, les aliénés à la dignité de malades : il me semble que le meilleur moyen d'achever leur réhabilitation, si tant est que cette réhabilitation soit nécessaire, n'est pas de les soumettre à des lois d'exception, mais d'en faire des hommes soumis à la règle commune, c'est à dire à la responsabilité matérielle de leurs actes, d'autant que le sentiment de cette responsabilité peut intervenir comme un modérateur puissant, et suffire, dans un grand nombre de cas, à enrayer une impulsion délictueuse ou criminelle. «

L'auteur cile d'ailleurs à l'appui de cette doctrine une série d'exemples très remarquables.

Telles sont, en résumé et à grands traits les côtés nouveaux et originaux de cet ouvrage, en quelque sorte didactique, de M. Féré sur « Les épilepsies et les épileptiques. »

Dr Levillain

LEÇONS SUR DEUX CAS D'HYSTÉRIE PROVOQUÉS PAR UNE MALADIE AIGUË

Par le Professeur J. GRASSET

L'année denière à l'instigation de Guinon (1) l'attention des cliniciens avait été attirée sur l'influence exercée par différents toxiques : poisons minéraux ou morbides, sur l'explosion des désordres qui ressorlissent à l'hystérie. Cette année, une série de leçons faites â la clinique de Montpellier par le professeur Grasset (2) sur la part qui peut incomber à une maladie aiguë dans la production d'accidents de même nature remet la question à l'ordre du jour. Déjà il a été soutenu par le docteur Lejou-bieux (3) une thèse digne d'intérêt sur ce sujet..

i Guison Les agents provocateurs de l'hystérie. Th. inaug. 1887 Paris.

2 J. Grasset.:Leçons sur deux cas d'hustérie provoquée pari une maladie aiguë, recuillies et publiées par le Dr Rauzier. (Brochure in/8e de 54 pages. — G. Masson éditeur) 1890 Paris. 3 Lejoubieux — De l'hystérie conscientive à la gripe Th. inaug. ;° 238. — 1890, Paris.

Des deux cas qui ont servi de thème à Grasset, l'un a trait à une forme typhoïde; l'autre à une atteinte de grippe. En substance, voici les faits.

Convalescente d'une fièvre typhoïde, dont révolution n'avait présenté rien que de parfaitement régulier, une jeune fille de 23 ans, dotée d'anté-cédants héréditaires névropathique» (mère et sœur névrosées), est prise tout a coup de parésie des membres pelviens, peut, bien qu'avec peine, faire encore quelques pas, puis s'affaisse et tombe en état de paraplégie complète.

Pendant qu'il exécute un travail commandé, un jeune soldat ressenti un indicible malaise : troubles de la vision, abattement, céphalalgie, syn-cope, que viennent dès le lendemain renforcer un état saburral avec fiévré et tout le cortège des symptômes caractéristiques de la grippe (épidémie régnante en ce moment là).

Sans hérédité névropathique. exempt d'alcoolisme, sujet seulement aux crampes, la nuit, et partant prédisposé aux contractures, il éprouve brusquement le troisième jour de sa maladie de violentes coliques, est pris de crampes douloureuses et de contractures condamnant les mem-: bres pelviens a l'extension et les membres thoraciques à une attitudes fléchie qui les tient croisés sur la poitrine. Soudain, disparition de l'état de contracture, plus lentement toutefois du côte droit qui reste anesthésié durant un laps assez long. — Mixtion involontaire. — san-glets à la fin de la crise. — Localisation, enfin, les jours suivants, et persistance de la contracture ainsi que de l'incapacité de mouvement a la région du poignet et à la région palmaire du côté droit ; les doigts res-tant, malgré tous les efforts pour les étendre, en demi flexion dans l'attitude de la préhension. Conservation enfin, même au niveau des regions contracturées, de la sensibilité tactile et abolition absolue de la sensibilité à la douleur dans un espace circonscrit affectant la forme d'un gant.

Contracture, ici: paraplégie, là : Voilà deux manifestations nevropa-thiques, qui assurément figurent sur l'interminable liste de celles qu'on peut en mainte circonstance imputer à l'hystérie. Mais, d'autre part, ces deux manifestations peuvent fort bien, en une foule de cas, reconnaître une origine avec laquelle l'hystérie n'a rien de commun. Il y avait donc, avant tout, à préciser le ciagnoslic. Au lit de chacun de ses deux mala-des, le savant professeur de Clinique médicale de Montpellier, s'y est évertué.

Chez la jeune fille, à ses yeux, la paralysie n'est rien moins qu'orga- : nique. C'est une paralysie-épilogue, un phénomène concomitant avec lu période de déclin de l'affection. Hn outre, dans l'espèce, cette paralysie-épilogue répond, non au type cérébral : elle serait hémiplégique ; non au type bulbaire : elle porterait sur la langue et le voile du palais ; mais bien au type médullaire puisqu'elle affecte la modalité paraplégique. Elle pourrait, ainsi que Jaccoud l'a observé en circonstance similaire tenir a une congestion passive ou à une infiltration œdémateuse de la moelle ; ou bien encore, comme l'enseigne Gubler, il se pourrait qu'elle ait pour genèse l'épuisement nerveux, l'asthénie, auxquels la pyréxie continuel à réduit le système nerveux. Son origine, est autre : et pour en affirmera

la nature hystérique, c'est sur la constatation chez la malade, des stigmates de la névrose que se fonde Grasset: anesthésie relative à gauche, abolition du réflexe pharyngé, rétrécissement concentrique du champ visuel, clous hystériques. « Voilà, dit il, un laisceau de preuves dont l'ensemble est entièrement démonstratif. La malade est hystérique -.La paraplégie l'est aussi. L'évolution quelle a suivie le prouve. Des l'abord, en effet, elle se complique d'aphonie. Deux jours se passent et à l'apparition des règles, aphonie et paraplégie disparaissent avec une brusquerie qui n'a d'égale que celle de leur début.

Chez le jeune homme, la contracture ne saurait être attribuée ni à La sclérose des cordons latéraux de la moelle (aucun des désordres qui accompagnent la dite sclérose ne s'est produit), ni à un état tétanique, puisqu'on n'a relevé ni opisthotonos, ni trismus, ni aggravation au cours de l'évolution suiviepar les accidents. Elle est de nature hystérique ; et voici pourquoi : son debut a coïncidé avec une crise initiale dont le caractère névropathique n'a pas à être mis en doute. Sous l'influence de l'électricité (à l'occasion de l'application du gros aimant de Charcot), elle n'a bit que s'accentuer. Pour indemne de tare héréditaire en rapport direct avec les syndromes en question, le sujet ne s'en est pas moins montré essentiellement accessible aux manœuvres de l'hypnotisme. Par la suite et « à plusieurs reprises, il a éprouve de grandes crises avec contractures, clownisme et sentiment de strangulation. » La cause prédisposante a consisté, chez lui, en sa tendance aux contractures. La cau'e occasionnelle a été l'affection tébrile, la grippe, dont il a été inopinément atteint.

Conclusion de tout point plausible, portée par l'auteur : « La grippe

peut donc provoquer l'hystérie. C'est là un fait important et inédit.....

Elle agit dans ce cas, comme la fièvre typhoïde, la variole, la diphtérie qui elles mêmes peuvent, nous le savons déjà, comprendre la névrose dans le cortège de leurs complications et leurs suites». Pour la nosologie, de semblables déductions comportent, à coup sûr, un intérêt de premier ordre.

Ce groupe d'hystéries consécutives à une maladie infectieuse se rapproche naturellement, comme le fait judicieusement remarquer l'aureur de ceux des hystéries toxiques et des hystéries traumatiques. Et, à ce propos, il se pose la question diversement résolue par les observateurs, ¿tte importante question est celle-ci : Ces hystéries toxiques, traumatiques, intectieuses, sont elles distinctes les une des autres et diffférent-elles de l'hystérie ordinaire, névrose spéciale? Sans hésiter, il repond: Non. Nous avons appelé l'attention sur un danger ; celui de multiplier à l'excès et sans nécessité les espèces (1). Nous sommes heureux de nous rencontrer sur ce point avec un clinicien d'une autorité comme celle du professeur Grasset. Nous le sommes aussi de sentir noue manière de voir corroborée par cette affirmation à laquelle sa plume donne une formule si nette, si précise, si aphoristique et que pour notre part nous acceptons sans amendement : « L'hystérie est une entité morbide, une névrose indivisible dans sa nature. »

I Collineau :l'hystérie d'origine toxique.:. Revue de l'hypnotisme, nos du 1er août 1889 p. 51 et du 1er septembre 1889 p. 72.

Avec la dialectique serrée qui le distingue et attribuant aux formes si différentes, aux types si distincts qu'affecte, selon la circonstance, la névrose, la diversité de ses aspects, il défend sa thèse victorieusement. Au cours de cette intéressante discussion, nous trouvons les paroles suivantes que nous nous empressons d'enregistrer : « Entre la théorie allemande qui veut faire de l'hystérie traumatique une névrose spéciale, à part, et la théorie de la Salpétrière qui n'y voit que des formes de l'hystérie, je me prononce carrément pour la théorie de la Salpétrière et déclare mutile de créer une névrose spéciale, »

Où Grasset par exemple s'éloigne, et de la façon la plus complète de Charcot, c'est sur l'interprétation du mécanisme pathogénique de ces hystéries consécutives. Ce n'est pas d'aujourd'hui que date la querelle : les recueils médicaux en ont à maintes reprises repercuté l'écho. et la ques-tion, à notre sens, implique un très mûr examen. Les développements auxquels elle se prête ne sauraient en tout état de cause trouve; place ici. Bornons-nous à dire que pour l'interprétation des phénomènes qui accompagnent les hystéries provoquées il rejette, et ceci de la manière la plus absolue, la doctrine de l'auto-suggestion.

L'auteur expose ensuite, et de main de maître, ses idées sur l'etiologie ou mieux sur les moyens pratiques de classer et hiérarchiser les éléments étiologiques si multiples de l'hystérie. Pour se rendre un compte exact de l'ampleur des vues qui y régnent, il faut lire ces pages en entier. Afin d'en donner un succinct aperçu, nous en détacherons seulement le passage suivant où la pensée générale nous semble se condenser. «J'ai proposé, dit-il, de diviser les causes de l'hystérie en prédisposantes, fonda-mentales et occasionnelles.

« Les causes prédisposantes soit celles qui préparent le terrain, Elles ne sauraient suffire, à elles seules, à faire éclater la maladie : mais â leur suite, une cause des plus futiles en déterminera l'explosion.

« Les causes fondamentales sont constituées par le fond morbide qui le . plus souvent, se cache derrière l'hystérie, a Les causes occassionnelles provoquent l'apparition de la manifesta-

tion névrosique sur un terrain déjà préparé par les précédentes.....Sui-

vant le cas, il est des causes qui jouent le rôle de causes fondamentales ou de causes occasionnelles, c est à dire dont le coefficient d'action est va- riable d'après les circonstances. Selon leur degré d'intensité elles provo- quent simplement l'apparition d'une maladie déjà toute préparée et latente, ou bien elles la développent de toutes pièces sur un terrain qui se contente de n'être pas réfractaire. »

Nous n'entreprendrons pas la longue énumération des éléments étio-logiques qui contribuent à la genèse de l'hystérie. Revenons seulement aux deux observations cliniques sur lesquelles repose l'expose des vues générales de l'auteur. Elles permettent, en imprimant à sa pensée un i tour objectif, de la faire pénétrer sans effort.

Chez la jeune fille, une hérédité névropathique des plus nettes agit comme cause de fond. La fièvre typhoïde, se greffant sur un pareil ter-rain produit un trouble de la nutrition fondamental et agit en même temps comme cause occasionnelle d'explosion névrosique. Chez le jeune homme l'arthritisme des parents joue le rôle de cause

de fond. Pour expliquer la localisation morbide sur le système nerveux on peut invoquer l'existence chez une des sœurs de névralgies invétérées et parmi les antécédents personnels la tendance aux contractures. Enfin, la grippe s'est comportée, comme cause occasionnelle et a provoqué les manifestations névrosique».

De telles publications sont éminement utiles. Elles contribuent a préciser l'un des problèmes les plus complexes de la nosologie sans obscurcir l'unité d'aspect sous lequel il convient de l'envisager.

dr COLI.INEAU

BRITISH MEDICAL ASSOCIATION

Réunion annuelle à Birmingham, Juillet 1890 section de psycholologie

L'Hypnotisme en thérapeutique

M. Norman ?eer, président de la Société pour l'élude de l'alcoolisme, a ouvert la discussion. Il dit que plusieurs médecins ont été surpris en apprenant que des opérations chirurgicales avaient été faites pendant les séances hypno:iques sans causer aucune douleur aux patients: il ne peut s'empécher de penser a l'étonnement de ses collègues lorsqu'ils ont observe en sommeil aussi profond que celui des 11.ooo Vierges de Cologne. 11 y a trente ans, il a été témoin de phénomènes plus merveilleux encore produits pendant le sommeil hypnotique, et Mesmer, il y a cent ans. faisait des choses aussi prodigieuses.

Il ajoute que pendant une certaine période de sa carrière professionnelle, il a déjà traversé une période pendant laquelle l'emploi du mesmérisme et de l'hypnotisme comme moyen thérapeutique a sévi sur le corps médical comme une véritable manie.

Acceptant la réalité des phénomènes hypnotiques, il n'a vu dans l'hypnose. après des investigations (certainement très superficielles), qu'un trouble cérèbral et un état psychique anormal.

L'hypnotisme est-il un procédé thérapeutique a encourager, M. Norman Kerr oppose a ceux qui le pensent les objections suivantes : 1° L'hypnotisme ne peut être appliqué qu'à un nombre limité de sujets (1); 2° Il laisse un trouble mental, une diminution d'énergie, une faiblesse générale, et de fréquentes répétitions peuvent causer des troubles nerveux; 3° L'hypnose est un état morbide ; 4° Cest une véritable névrose comprenant les états léthargique, cataleptique et somnambulique. et s'il guérit une maladie, il la remplace par une autre ; 5° Si quelques douleurs sont, temporairement, soulagées par la suggestion hypnotique, elle ne guérit pas les affections chroniques. Par l'anesthèsie hypnotique, on obtient assurément l'abolition momentanée de la souffrance, mais le désordre pathologique qui en est la cause augmente sans qu'on y prenne garde. Le peu de cas dans lesquels le Dr Kerr a observé les bons résultats de l'hypnotisme se rapportent à des malades-qui, se confiant passivement s l'hypnotiseur, se guérissaient eux-mêmes par la foi etl la persuasion.

(1) M. Norman Kerr ne connissait évidemment pas les travaux modernes sur la suggestion lorsqu'il a émis les arguments qu'il opposes à l'emploi de l'hypnotisme en thérapeutique.

Le plus grand succès de l'hynotisme se rapporte aux affections nerveuses desquelles, cependant, sont parfois rendues incurables par le sommeil hypnotique.

Il préconise chez un certain nombre de malades l'emploi de la suggestion à l'état de veille. Chez un patient doué d'une certaine dose de crédiviié et désireux de guérir, les prescriptions d'un médecin sont de véritables suggestions; un échange de pensées avec un homme intelligent et revêtu, par sa profession, d'un caractère scientifique, opère chez le malade une impression mécanique souvent salutaire.

Les dangers de l'hypnotisme résident surtout en ce que chaque séance augmente Ta soumission passive de l'hypnotisé et le livre de plus en plus a la puissance de l'hypnotiseur. » Cet esclavage mental est bien pire que les jours et les nuits passés dans la souffrance ; 7° Une sympathie réelle peu naître subitement entre l'hypnotiseur et l'hypnotisé (1); 8° Des sujets hypnotisés ont été obligés de commettre des vols et des assassinats. Tous ce nuisibles effets ont été cause que, en France et en Belgique, il est défendu aux chirurgiens d'employer, l'hypnotisme sur les patients appartenant à l'armée et à la marine ; 9° 11 n'est pas â souhaiter que les pensées des ma lades soient confiées à la garde de l'hypnotiseur. Quoiqu'on ne puisse hypnotiser un sujet contre sa volonté, néanmoins l'insistance d'un étrange peut vaincre la résistance d'un esprit faible. Si l'emploi du chloroforme est quelquefois dangereux, son influence limitée n'atteint pas, comme celle de l'hypnotiseur, le domaine de la pensée et les fonctions cérébrales dont les troubles sont très difficiles à guérir. En présence de tous ces dangers possibles, le Dr Kerr ne peut comprendre comment des médecins ont été autorisés à hypnotiser des personnes des deux sexes et de tout âge dans leurs visites journalières à domicile.

Les risques d'accusations sans motifs faites par des femmes hystériques sont assez nombreux sans qu'on s'expose à aggraver ce péril.

Il critique les représentations publiques d'hypnotisme et souhaite que l'Angleterre, imitant bientôt la Suisse et la Hollande, prohibe de semblables exhibitions. L'hypnotisme, dit-il, ne doit être exercé que par un médecin assisté d'un collègue, en présence d'une tierce personne adulte tenant un compte exact des procédés mis en usage et des résultats donnés par chaque séance Il vaudrait mieux, cependant, que les médecins abandonnassent entièrement cette pratique toujours périlleuse, capable d'entraîner aux abus les plus graves, applicable seulement à un petit nombre de malades et dont les résultats généraux sont préjudiciables aux plus chers intérêts du médecin et du patient.

Le Dr G.-C. KINGSBURY (de Blakpool), dont les travaux forment avec ceux du D' Norman Kerr, la base de la discussion, esquisse en traits généraux l'histoire de l'hypnotisme. Il démontre les différences qui séparent l'école de Paris et l'école de Nancy. Il appelle l'attention sur les dangers de l'hypnotisme, affirmant que les lois doivent en contrôler l'application.

Après avoir cité des cas nombreux traites avec succès par l'hypnotisme, il conclut en disant:Tout ce'que nous souhaitons, à présent, c'est qu'on oublie les traits de ressemblance qui dans le passé réunirent l'hypnotisme a la sorcellerie, au charlatanisme, et qui, de nos jours encore, préviennent les esprits contre un agent thérapeutique appréciable et salutaire.

11 se montre, contrairement à l'avis du Dr Norman Kerr, très favorable à l'emploi thérapeutique de l'hypnotisme.

Le Dr L. TUCKEY (de Londres}, cite les opinions de plusieurs savants médecins du continent favorables au traitement hypnotique et â la suggestion faite pendant l'hypnose selon la méthode de l'école de Nancy, qui n'offre aucun danger si elle est employée par des hommes compétents- Il conclu en disant que ses propres expériences s'élèvent à plus de 500 cas de guéri son par l'hypnotisme.

(1) A moins que ce ne soit le contraire qui survienne..

Le Dr Hack Tuke (de Londres), dont la compétence est si grande sur le sujet, dit que l'hypnotisme doit être étudié sous deux aspects différents: comme démonstration des phénomènes et comme agent thérapeutique. S'in-téressant a ces faits depuis plusieurs années, il ne peut comprendre comment l'homme de talent refuse d'apprécier leur valeur et leur portée en psychologie. Quelques-uns, heureusement, commencent a apprécier cette râleur. Quant a l'importance thérapeutique de l'hvnotisme, il pense qu'elle est encore très limitée mais que ses heureux résultats doivent néanmoins en encourager l'emploi. Il proteste contre les tentatives faites pour interdire ces études aux médecins qui veulent s'en servir comme agent thérapeutique.

Il encourage les jeunes praticiens à s'y intéresser et, comme renseignement réellement scientifique sur l'aspect thérapeutique de l'hypnotisme, il renvoie la section à la lecture d'un article récent du Dr Percy Smith, de Bethlem Hôpital, et a l'article du Dr .Myers dans le Journal des Saintes mentales.

Au lieu de critiquer les modes d'emploi de l'hypnotisme, le Dr Smith Invite les médecins a faire les expériences qu'il a faites et à rendre compte de leurs résultats bons ou mauvais.

Le Dr NEech (de Manchester), dit que. ayant eu à faire l'amputation d'un doigt, il a fait l'opération avec un succès complet, après avoir hypnotisé le patient, lequel, en s'éveillant, assura n'avoir éprouve aucune douleur. Il juge que le Dr Kerr s'est trop hâté de condamner l'hypnotisme qui est plutôt une modification psychique qu'un trouble organique, et il pense que ce mode de traitement doit être appliqué lorsqu'un peut espérer modifier un état anormal.

Le Dr J.-E. Eddisom constate que depuis longtemps les gens sérieux ne discutent plus sur la réalité des faits hypnotiques. Il désire que plusieurs membres de l'assemblée, capables de diriger une enquête, de cette nature, soient chargés de. vérifier ces phénomènes surtout ceux qui se rapportent à la thérapeutique pour guider l'opinion publique et les recherches des méde-cius. Dire que l'hypnotisme peut être nuisible à certaines personnes et dans certains cas n'est pas un argument auquel on puisse s'arrêter, car il en est de même du chloroforme et de l'électricité. La science médicale est basée sur l'étude des faits, non sur des probabilités et des conjectures.

Les docteurs W.-T. Gaidner. Thomas Clffovd. Allbuit. James Stewart. A.-R. urguhart, Noble Smith, David Yellowlees, Walter K. Sibley, William Douglas et un grand nombre de médecins ont pris part à la discussion et la séance s'est terminée par les conclusions suivantes :

Le Président, après avoir remercié les membres de la Section de l'esprit essentiellement scientifique avec lequel les questions ont été traitées, remarque dans les différents discours des orateurs, un désir unanime de voir poursuivre de sérieuses recherches sur cette matière et de soumettre les phénomènes de l'hypnotisme a une enquête scientifique. Le professeur Gairdner ajouta : Si quelque résolution utile doit terminer cette discussion, et si l'association médicale peut aider â la cause de l'hypnotisme, je ferai les propositions suivantes :

1° Qu'une protestation soit faite contre les exhibitions publiques des phénomènes hypnotiques, exhibitions contraires à la morale et au respect des sujets hypnotisés.

2° Que l'hypnotisme soit étudié par un comité de médecins qui détermineront la nature des phénomènes et leur valeur en thérapeutique, et que le conseil de l'association soit chargé de nommer les membres du comité.

Ces propositions sont acceptées a l'unanimité et le comité est composé des docteurs :

Dr Needham, président de la section : le professeur Gairdner, de Glasgow ; les docteurs Hack Tuxe, de Londres: CLOUston. d'Edimbourg; YELLOwleeS, de Glasgow; Conolly Nokman, de Dublin ; Kingsnury, de Blackpool ; Ross, de Manchester; Drumond, de NewcastlE-on-Tyne ; Suckling. de Birmingham; BROADBENT, de Londres; Outterson wood, de Londres (Sécrataire).

Le Dr Normann kerr, qui avait provoque la discussion par ses critiques contre l'emploi thérapeutique de l'hypnotisme, n'a pas été appelé à faire partie de cette importante commission.

DIXIEME CONGRES INTERNATIONAL DES SCIENCES MÉDICALES

Tenu à Berlin du 4 au 9 Août 1890.

La séance d'ouverture a eu Heu le lundi 4 août, à onze heures,sous la pré-sidence de M. Virchow. président du comité d'organisation.

Après le discours de M. Virchow ont été élus présidents d'honneur : M- le docteur duc Charles-Théodore de Bavière ; M. Bouchard (France), Sir J. Pajet (Angleterre), Grainger-Stewart (Ecosse). W Stockes (Irlande;, John ; Bîllings (Amérique), Billroth (Autriche), Csatary (Hongrie). Crocq (Bruxelles), Lange (Danemarck). Hassan pacha (Egypte}, Baecelli (Italie). Rubio (Espagne), Arctaeos (Grèce), Assaky (Roumanie), Sklitïossowski (Russie), Socin (Suisse;, etc., etc.

Les membres du Congrès se sont ensuite repartis en dix-huit sections.

Nous nous bornerons à donner parmi les travaux de la section de Psy- \ chiatrie et de Neurologie ceux qui rentrent dans ie cadre de notre Revue par leur coté medico-phychologique :

section de neurologie

Les névroses traumatiques

M. Schultze (de Bonn) avait été chargé par le comité d'organisation d'un rapport sur cette intéressante question des névroses traumatiques. La lec- ture de ce rapport et la discussion a laquelle il a donné lieu ont occupé une journée entière. Nous regrettons de ne pouvoir en donner qu'un résumé très succinet :

Pour M. Schultze, il existe diverses psychoses et névroses provoquées par les traumatismes, mais il n'existe pas de névrose traumatique unique.

Les symptômes prétendus caractéristiques de ce genre d'affections. tels . que le rétrécissement du champ visuel et les troubles de la sensibilité, ne supportent pas la critique.

La simulation est fréquente chez les sujets qu'on croit atteints de psychoses et de névroses traumatiques.

Il n'y a pas de signes objectifs permettant de distinguer la simulation de | la non-simulation.

M. Oppenheim (de Berlin) maintient que l'exploration de la sensibilité et celle de la vue (au moyen du périmètre) fournissent des signes précieux

pour le diagnostic de la névrose traumatique. Il est impossible de simuler un rétrécissement concentrique du champ visuel. Du reste, la simulation est rare ; elle ne s'observe que dans 4 o/o des cas environ.

m. Seeligmuller (Je Halle) croit la simulation beaucoup plus frequente. Elle se rencontrerait, suivant lui, dans 35 0/0 des cas. Il connaît deux individus qui, ayant simule la névrose traumatique, ont touche pendant plusieurs années une pension de 2.500 fr. C'est pourquoi il voudrait qu'on tostituât des établissements spéciaux pour y etudier les sujets atteints de névrose traumatique et qui réclament une indemnité.

M. hitzig (de Malle, ne considère pas la simulation comme assez frequente pour nécessiter la création d'établissements spéciaux qui, d'ailleurs, seraient trop coûteux et pourraient, en outre, devenir de véritables écoles de simulation. Dans le diagnostic différentiel, l'élément psychique doit jouer un rôle important En effet, il ne faut pat oublier que si certains malades exagèrent les troubles dont ils sont atteints, ils le lont non pas par simula-lion, mais parce qu'ils sont des hypochondriaques.

Comme signes diagnostiques d'une certaine valeur, M. Hitzig indique encore l'insonnie (dont l'existence réelle est assez facile a constater) et la tachycardie permanente.

M. Mierfjevski (de Saint-Pétersbourg) attire l'attention sur les troubles thermiques qu'il a observes dans la névrose traumatique.

M. Thijssen (de Paris) pense que la discussion qui vient d'avoir lieu n'a pas fait avancer beaucoup la question ; il s'élève contre la dénomination de névrose traumatique et propose celle d'hystérie traumatique. Il voudrait qu'une commission fût nommée pour résoudre cette question.

M. Benedikt (de Vienne) propose que la question de la simulation soit discutée de concert avec la section de médecine légale. Il considère comme diffìcile la détermination des limites relatives de la simulation. Une étude approfondie du caractère du malade est de rigueur.

Les folies intermittentes

m. Magnan (de Paris). — Mon travail a pour but de réunir, dans une même espèce pathologique, la folie intermittente, les cas de folie périodique, de folie à double forme, de folie circulaire, de folie alterne, que rapprochent cliniquement des caractères communs constants ; ces caractères sont basés sur l'étiologie et l'évolution de l'accès, sur son invasion, sa marche, ton délire, sur la forme et le contenu du délire, sur la nature des intermittences qui séparent les accès, sur la marche générale des accès, que ceux-ci soient simples, isolés ou combinés, sur leurs rapports réciproques et tur les modifications qui se produisent dant les accès, qu'ils soient simplet, combinés, sur leurs rapports réciproques et sur les modifications qui se produisent avec le progrès de la maladie.

Ainsi envisagée, la folie intermittente, tout en étant très compréhensive, repousse néanmoins de son cadre des faits qui appartiennent à d'autres espèces pathologiques, notamment à la folie héréditaire. Tous ces caractères généraux sont déduits d'une série d'observations, portant sur un très grand nombre d'années, évoluant dans un temps très prolongé et dont il est facile de suivre la succession par l'examen de diagrammes indiquant la durée, la forme, le caractère at les modifications qui se produisent dans les accès, qu'ils soient simples, cycliques ou combinés.

La folie intermittente est donc une espèce pathologique se traduisant par

la répétition, chez un sujet à prédisposition latente, jusque-là sain d'esprit, d'accès maniaques ou mélancoliques isolés ou combinés de diverses manières, mais présentant toujours une évolution, une marche et des caractères généraux communs qui les réunissent et les distinguent de toutes les autres folies.

En conservant la denomination de folu intermittente, ¡'ai tenu à bien établir les caractères particuliers de la période intercalaire pendant laquelle l'in-telligence reste intacte, du moins au début, et pendant une longue phase de là maladie. Après avoir passé en revue l'invasion. la marche, le déclin de l'accès de folie intermittente et indiqué les signes qui. dès les premiers accès, permettent d'avoir de grandes présomptions, sinon la certitude pour le diagnostic, j'insiste encore, en terminant, sur l'un des points les plus importants de cette espèce pathologique, l'espace intercalaire ou d'inter- mittence.

Du délire chronique a évolution systématique.

M. Sérieux (de Paris). -- Il est parmi les diverses psychoses systématisées une espèce clinique qui, par sa nature, son début, son évolution et sa terminaison, doit être séparé des délires systématisés des dégénérés : M. Magnan lui a donné le nom de délire chronique à évolution systématique. Cette psychose frappe à l'âge adulte des sujets non dégénérés, sans tares herédi- taires, sans passé psychopathique Elle parcourt dans son évolution métho- dique quatre étapes qui sont : 1° période d'incubation : 2° période de perse- cution ; 3° période ambitieuse ; 40 période de démence. Les éléments symp- tomatiques principaux sont, pour (a première étape, des illusions et des interprétations délirantes ; pour la deuxième un délire systématisé de perse- - cution avec des hallucinations de l'ouïe ce sont les plus importantes), de l'odorat, du goût, des troubles, des sensibilités générales et génitales et des hallucinations psychiques ou psycho-motrices. La troisième étape est caractérisée par un délire ambitieux systématisé, avec hallucinations multiples, mais différant par leur nature agréable de celles de la troisième période ; la quatrième, par une déchéance intellectuelle progressive. Mais ce qui carac- térise avant tout cette psychose, c'est son évolution, c'est la transformation du délire, le persécuté devenant ambitieux. La marche de la maladie est progressive, sa durée longue, son pronostic fatal. Persécutés, mégalomanes, démonopathes, théormanes, ne sont que des étiquettes purement symptoma-tiques ; parmi ces diverses formes, il en est qui, loin d'être des entités mor- bides, ne sont que les étapes successives d'une même maladie : le délire chronique. Facile à distinguer du délire hypocondriaque, des états mélancoliques et ces délires hallucinatoires aigus, le délire chronique doit être nettement séparé des diverses psychoses propres aux dégénérés : a). Psychose des persécutés-persécuteurs. Dans cette forme, il n'y a ni évolution, ni hallucinations, b). Délire de persécution systématisé hallucinatoire, souvent polymorphe, de courte ou quelquefois de longue durée, sans tendance évolutive, e). Délire de persécution systématisé non hallucinatoire, à base d'in- terprétations délirantes, d). Mégalomanie avec ou sans hallucinations.

Des troubles mentaux tabagiques

M. Kjellberg (d'Upsal).— La nicotine est pour l'homme un poison énergique. Après une courte excitation, il a une action déprimante très marquée.

Chaque année il se consomme 1 .200.000 kilogrammes de nicotine, ce qui fait 1gr 50 par an, ou milligrammes par jour, pour chaque habitant. Il en est qui consomment bien plus que leur part, et ce poison a une influence écologique très appréciable sur les maladies du système nerveux.

L'action toxique de la nicotine est variable, non-seulement suivant l'espèce de tabac employée, mais encore et surtout suivant le mode d'emploi.

Les troubles mentaux tabagiques sont caractérise» par de la faiblesse, des hallucinations et de la tendance au suicide. On peut leur décrire plusieurs périodes qui sont :

1°stade prodromique dans lequel le malade est agité, anxieux, dort peu, est enclin à la tristesse et se plaint de palpitations. Cet état dure de un mois et demi à trois mois.

2° Premier stade où le malade accuse des hallucinations, des visions, entend des voix qui tronblent son sommeil; il est triste, fatigué demeure volontiers au repos et dans l'isolement, il a des idées de suicide. Il raisonne bien et sa nutrition est habituellement bonne. Ce stade a une durée de six à sept mois.

3° Deuxième stade où il prend un aspect joyeux, satisfait, chante et parle correctement Les mouvements sont faciles, mais il est constamment agité. Ce sont des périodes d'excitation qui alternent avec de la dépression ; il est alors abattu, somnolent il parle encore avec logique, mais lentement. Ce stade peut durer longtemps.

4° Troisième stade dans lequel l'excitation devient plus rare ; l'intelligence décline, les hallucinations continuent. Le malade en arrive à une grande faiblesse psychique, tandis que sa santé corporelle peut s'améliorer. Ce troisième stade est incurable ; le pronostic des deux premiers est assez favorable a la condition qne le malade soit soustrait A l'influence du poison.

Sur l'astasie-abasie

M. le Dr THIJSSEN (de Paris). — J'ai recueilli quelques observations du syndrome décrit récemment sous le nom d'astasie-abasie, et ces faits me donneront l'occasion de prendre position dans le débat qu'a soulevé dans ces derniers temps la pathogénie de ce syndrome.

J'ai noté tout d'abord que le début peut être lent et progressif, quoiqu'on disent la plupart des auteurs. De plus, l'astasie-abasie s'observe a tous les

âges : les observations rassemblées par Paul Blocq, qui a publie le travail le plus complet sur cette affection et lui a donné le nom d'astasie-abasie, ont pour la plupart trait à des enfants, mais plusieurs cas nouveaux se rapportent à des sujets âgés.

Le plus souvent l'on constate de l'hérédité nerveuse dan, les cas de ce genre.

Depuis la classification formulée par M. Charcot, des variétés nouvelles ont été observées, et bien que Binswanger se soit déjà élevé contre cette multiplité des variétés, nous devons, pour nous conformer aux enseignements de la clinique, proposer la division suivante :

Astasie- abastie ;1° par accès (Ladame) ; 2° continue A paraplégique , B ataxique trépidante, choréiforme, saltatoire (Brissaud).

Dans certains cas, l'astasie-abasie ne se présente pas i l'état de pureté, et les malades peuvent offrir divers stigmates de l'hystérie, et entre autres des anesthésies et des hyperesthésies. Binswanger a cru devoir distraire de l'astasie-abasie tous les faits dans lesquels existent ces associations. Il pense que dans ces cas le trouble fonctionnel dépend des altérations de la sensibilité. Nous ne partageons pas cette manière de voir, car les troubles de la sensibilité ne pourraient empêcher la seule progression normale, en respec-tant d'autres t'ourles Je la marche. On doit donc considérer ces troubles comme des signes associés et non pas responsables des modifications de la marche De même Binswanger n'admet pas la conception de Charcot développée par Blocq sur la nature de l'affection. Contrairement à ces ailleurs qui pensent que l'abasie est un trouble — de nature hystérique probablement - de la fonction de la marche, Binswanger croit qu'il s'agit d'une obsession anxieuse, comparable à l'agoraphobie. Il s'agit incontestablement dans les deux cas de troubles psychopathiques ; toutefois, sans même insister sur les différences considérables qui existent entre ces deux moda-

lités au point de rue clinique pur. je me contenterai de faire observer au point de vue psycholagique. que les desordres différent également dans les deux cas. L'hypochondriaque est un attentif jusqu'à l'obsession, l'hystérique est surtout un distrait. L'astasie-abasie se crée inconsciemment, sans troubles douloureux, sans angoisses ni spéculations psychiques, l'obsession agoraphobique s'impose â la conscience, s'accompagne d'angoisse et entraîne des déductions psychiques. Certaines expériences montrent de plus qu'il ne Vagit pas d'une perte d'association, mais du non-fonctionnement d'un groupe cellulaire différencié.

Sur l'excitabililé des nerfs et des muscles dans l'état hypnotique, par le docteur Stemho (de Wilna). — (Voir plus haut).

La Folie du doute et le délire du toucher par le docteur Ladame (de Genève). — (sera publié).

Les indications formelles de la suggestion hypnotique en psychiatrie et en neu~ topathologie, par le docteur Bérillon (de Paris). — (La communication et la discussion seront publiées dans le prochain numéro).

CONGRÈS DE MÉDECINE MENTALE

Tenu à Rouen du 5 au 8 août 1890

Lors du Congrès international de médecine mentale tenu l'on dernier à Paris, à l'occasion de l'Exposition 1889 il a été décidé que chaque année il y aurait un Congrès d'atiénistes français. La première session de ce Congrès a eu lieu à Rouen dans le commencement du mois d'août.

Le bureau du Congrès était ainsi composé :

Président M. le professeur Ball (de Paris)

Vice-présidents, MM. mordret (du Mans), Falret (de Paris), Delaporte (de Quatremare) Secrétaore général M. Girard (de Rouen) ;

Secrétaire des séances, , MM. Dubuisson (de Quatremare) et Combemalle. Nous nous bernerons a donner un résumé des communications qui peuvenl intéresser nos lecteurs par leur cote psychologique.

Démences precoces

M. Charpentier (de Paris). — Fait une communication très intéressante sur les démences précoces qu'il classe au point de vue étiologique dans les dix groupes suivants :

1°Les démences des enfants normaux; 2° les démences épileptiques; 3° les démences syphilitiques; 4° les démences alcooliques ; .5° les démences de certains héréditaires et de certains dégénérés: 6° les démences de la puberté ;7° les démences des maladies aiguèes, fièvre typhoïde et états puerpé raux auxquels il joint la misère, le surmenage, la paresse ; 8° les démences de la paralysie générale précoce ; 9° les démences précoces de certains maniaques, mélancoliques chroniques, de certains mystiques et de certains persécutés; 10° un groupe de démences de cause incertaine et dans les-

quels la démence complète est rare et la durée très longue ; l'auteur les dis-tingue des fous moraux et des imbéciles, avec lesquels ces déments pourraient être confondus.

Cliniquement, ii les divise en trois groupes, suivant l'intensité des troubles du langage, complets chez les uns, très bornés chez les seconds ; caractérises surtout par de l'incohérence dans le troisième groupe ; l'auteur termine en rapportant nn cas de démence chez un jeune diabétique dont le diabète aurait disparu après trois ans de traitement, et un cas d'athérome généralisé aux artères, et artérioles de l'encéphale, commençant juste au niveau de l'entrée des artères carotides et vertébrales dans les trous crâniens ; rien dans le reste de l'appareil circulatoire, ni dans les autres viscères, sauf une plaque athéromateuse à l'origine de la crosse de l'aorte.

Sur la paralysie générale conjugale.

Mr Cullerre. — J'ai eu l'occasion, dans ces dernières années : 1° de traiter successivement la femme et le mari atteints de paralysie générale; de recevoir une femme paralytique dont le mari était traité à l'hôpital pour une affection tabètique.

S'agit-il, dans ces rencontres, d'un pur hasard ? Je ne le crois pas. Mendel, Siemerlinget Westphal ont publié des cas analogues.

D'après ces auteurs, Mendel surtout, la syphilis serait la cause de la paralysie générale conjugale. Malgré mes recherches, je n'ai pu arriver à la même certitude. Chez une seule femme, la syphilis est certaine; en revanche, elle n'est probable que chez le mari. En somme, dans l'étiologie de ces paralysies conjugales, je crois qu'il faut s'en tenir aux présomptions, sans affirmer catégoriquement le rôle de la syphilis.

Mais celle-ci, même admise, n'expliquerait pas tout. On se demandera encore pourquoi elle s'attaque au même organe chez les deux conjoints, pourquoi elle y développe seulement la même maladie, etc., ec..

De l'aveu des auteurs, en effet, les manifestations cérébrales de la syphilis sont relativement rares, comparées aux autres manifestations de la maladie. Bien plus, on ne peut même pas dire que la lésion cérébrale, dans la paralysie générale d'origine syphilitique soit une lésion syphilitique ; elle n'a nen de spécifique, nen qui diffère de ce qu'on observe dans les paralysies générales d'une autre origine.

Folie puerpérale ; idées délirantes communiquées ; traitement psychique.

MM. J. Sêglas et P. Sollier (de Paris) rapportent l'observation d'une femme de quarante trois ans qui. après un accouchement et à l'occasion d'accidents puerpéraux, fut prise de troubles intellectuels avec intervalles d'excitation, quelques hallucinations, idées de mystique relatives au spiritisme, troubles de la mémoire et de la marche. A l'entrée, la malade est incapable, même soutenue,de se tenir debout et de marcher, elle lance alors ses jambes de côte et d'autre comme une ataxique. Une fois couchée, les mouvements des membres inférieurs sont absolument normaux ; rien à l'examen électrique ; sensibilité diminuée aux membres inférieurs, surtout aux jambes. Perte du sons musculaire et articulaire pour les jambeset les pieds des deux côtés, surtout à gauche ; diminution de l'odorat de ce côté :rien à la vue. Du côté intellectuel, délire incohérent, mystique dans les premiers jours; hallucinations hypnagogiques : troubles de fa mémoire prédominants et très accentués. Perte absolue des souvenirs des faits succédant à l'acouchement, quelques faits plus récents, ayant beaucoup frappé la malade, ont été retenus en eux-mêmes, mais elle ne peut les localiser dans le temps. Elle n'a d'ailleurs aucune notion du temps, ne saitni le jour, ni le mois, ni l'année. Les souvenirs intérieurs à l'accouchement sont mieux conservés, mais cependant confus Elle a surtout bien gardé la mémoire des lieux pour cette époque, et des

personnes. Son langage est correct, mais elle ne sait plus coudre, calcul très mal de tête, quoique caissière.

Les auteurs font ressortir que l'état puerpéral n'a été que l'occasion de développement de la maladie sur un terrain prédisposé et entaché d'hystérie. La couleur des idées délirantes est duc â l'influence du mari, spirite convaincu, ayant réussi A imposer A la malade la plupart de ses convictions. D'un autre cote, les auteurs mettent en relief l'importance des troubles de la mémoire s'étendant jusqu'à la mémoire organique, puisque' la malade a perdu même les actions automatiques secondaires. En effet. les troubles de la marche et de la station debout qu'elle présente réalisent le syndrome astasie-abasie de MM. Charcot et Blocq, qui rattachent ces désordres à des troubles de la mémoire organique. Ici la mémoire intellectuelle est également atteinte, comme le prouve la perte ou la fausseté de certains souvenirs et l'absence de localisations dans le temps.

Pour les auteurs, les faits sont dus à l'effacement des diverses images sensorielles, des images visuelles surtout qui, ici. ont toujours été prèdomi- -nantes, puis des images kinesthétiques ; les images auditives ont toujours été plus faibles.

A l'appui de cette opinion, les auteurs citent diverses expériences ci surtout le mode de traitement exclusivement psychologique, ayant consisté à réveiller les images mnémoniques anciennes ou à fixer les nouvelles en augmentant leur intensité par différents procédés (émotions concomitantes, fixation de l'attention, association des images).

Depuis quelques semaines de ce traitement, qui n'est en somme que le traitement par la suggestion cette malade, qui avait tout à fait l'aspect d'une j démente et qui était impotente, marche aujourd'hui seule et sans appui, coud, travaille, se rappelle beaucoup mieux les faits passés et même garde facile-' ment le souvenir de certains faits récents.

De l'auto-suggestion cause d'hystérie.

M. Coste de Lagrave donne lecture d'un mémoire sur ce sujet, dont voici les conclusions :

L'auto-suggestion voulue ou involontaire produit des accidents analogues: névralgies, congestions, contractions spasmodiques, etc.

Les accidents produits par l'auto-suggestion peuvent disparaître par une auto-suggestion inverse.

L'auto-suggestion n'est pas la seule cause des manifestations hystériques.

Forme speciale d'obsession chez une héréditaire.

M. Boucher (de Rouen). -- Mme X..., âgée de trente ans. more de Jeux enfants bien portants, héréditaire du côté maternel, est tourmentée par une facilité extrême à rougir, surtout lorsque l'on parle devant elle d'actes in- délicats, ou lorsqu'elle se trouve devant certains hommes de sa position, amis de son mari, dont on pourrait la soupçonner d'être la maîtresse. Le sentiment qu'elle va rougir est pour elle une obsession permanente, qui( augmente particulièrement au moment ou elle est enceinte. Elle maigrît d'une façon notable et à tenté de se suicider pour échapper à cette idée fixe. M, Boucher rapproche cet état particulier des différentes tares observées cher les héréditaires, telles que l'agoraphobie, la claustrophobie, la dipsomanie, la kleptomanie, la bèlénophobie, etc., etc., états bien mis en relief par M. Magnan.

(A suivre).

ASSOCIATION FRANÇAISE POUR L'AVANCEMENT DES SCIENCES

Session de Limoges

section des sciences medicales

Paraplégie totale datant de deux ans guérie par la suggestion hypnotique.

M. Raymondaud (dê Limoges). — Une femme de 40 ans, mère de cinq enfants, bien constuée et bien portante, s'aperçut qu'elle devenait paralysée des membres inférieurs et qu'elle ne pouvait plus faire que quelques 'pas dans la chambre : quelques tours après elle devenait incapable de tout mouvement, s'alitait et ne quittait plus le lit.

Jusqu'à cette époque, la malade n'avait eu que des accidents rares d'hvs-térie convulsive. Dans l'enfance, cependant, elle avait présenté quelques phénomènes de somnambulisme.

La paraplégie était totale, su bout de pen de jours, lorsque le diagnostic de paraplégie hystérique me parut rigoureusement établi.

L'impotence durait depuis deux ans lorsque je tentai le traitement par la soggestion hypnotique.

Le résultat s'est fait attendre : ce n'est qu'après un grand nombre de séances de suggestion qu'il s'est manifesté. Mais actuellement il est parfait ou peut s'en faut, l'usage des membres inférieurs ne s'est rétabli que graduellement, la progression s été constante : dans les derniers tours, la malade a pu s'intéresser aux fêtes de la ville, s'y mêler et se tenir debout pendant une journée presque entière,

Les sorciers Limousins

m. de Font-Réaltx (de Saint-Junien). — Autrefois on brûlait les sorciers, aujourd'hui on affecte de ne pas y croire. Dans nos campagnes du Limousin ; les sorciers n'ont pas disparu. Les paysans leur attribuent le pouvoir de guérir certaines maladies, et aussi celui de les produire et même de faire mourir, par des pratiques surnaturelles, bêtes et gens. En considérant les sortilèges comme inoffensifs et imaginaires, les gens instruits se trompent. A l'abri du scepticisme, les sorciers commettent de véritables crimes, que la justice ne songe pas à rechercher.

Deux exemples montrent comment ils pratiquent :

1°Le sorcier calant : Une femme de vingt-cinq ans était atteinte de pelvi-peritonite chronique et fort épuisée. On envoie le mari en pèlerinage ; on appelle le sorcier qui vient la nuit, demande a rester seul avec la malade pour conjurer le mal ; après force pratiques de sorcellerie plus ou moins diaboliques, il se retire. Le soir, la succude meurt de péritonite foudroyante. C'était un cas malheureux ; toutes ses clientes n'avaient pas eu le même sort.

2° Le sorcier empoisonneur : La fille d'un sorcier de profession voyant sa santé fortement compromise par le chagrin causé par les agissements meurtriers de son père, m'a confié, avec force larmes, un de ses procédés. Ayant perdu un procès, il avait jeté un sort sur son adversaire et sa famille leur annonçant qu'ils mourraient dans l'année. Pour réaliser ce maléfice, il prit le placenta d'une vache et le jeta à minuit dans le puits de son ennemi, aprés v avoir fixé une pierre. Peu de temps après. (Près de deux mois), toute la famille composée de cinq personnes, présenta des accidents typhoïdes : le père et les deux fils moururent; la mère et la servante s'en tirèrent à grand peine. Le médecin qui donna ses soins m'a déclaré avoir eu affaire à cinq cas de fièvre typhoïde. Ce procédé du placenta de vache dans les puits est, pa-rait-il, un des plus usuels dans le monde des tireurs de sort.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

La Société de psychologie expérimentale de Berlin

Le lundi 11 août la Société de psychologie expérimentale de Berlin offrait un banquet à quelques-uns de ses hôtes étrangers. M. le baron Goeler von Ravensburg. docteur en droit, président de la société, avait â sa droite M. le professeur Charles Richet (de Paris). Farmi les convive se trouvaient MM. les docteurs von Schrenk-Notzing (de Munich), Bérillon (de Paris). Sperling, Moll, Flaton, Vatge (de Berlin), Fraenkel (de Dessau. Max Dessoir (de Berlin), MM. de Manteuffel. de Bentivegin, M. le directeur Srllin, etc. ...

À la fin du banquet, M. le président Goe'er a porté en français dans les termes les plus courtois un toast aux représentants de la science française présents au banquet. M. le professeur Richct a porté ensuite un toast en allemand à la Société de psychologie expérimentale de Berlin et a la science internationale.

M. le Dr Schrenk-Notzing. parlant de cet enfant illégitime qu'on nomme l'hypnotisme, a fait ressortir les services qu'avaient rendus à cette science les divers savants auxquels on en attribue la paternité. Ainsi Braid lui a donné son nom ; Liébeault a pris soin de son enfance ; MM. Richet et Charcot l'ont présenté dans le monde ; M. Bérillon !'a fait apprécier par la Revue de l'Hypnotisme M. Bernheim lui a appris à se rendre utile : beaucoup d'autres ont contribue à son développement. Enfin, grâce à tous ces soins, l'enfant a prospéré. Aujourd'hui il est grand et fort, il peut marcher seul. Il n'y a plus . qu'à boire à sa santé. L'allocution fort spirituelle de M. Schrcnk-Notzing a valu à son auteur le plus légitime succès.

M. le Dr Bérillon rappelant la part prise par M. le professeur Richet dans . le développement des études psychologiques, porte un toast au maître dont la bienveillance est si grande, dont les vues sont si larges.

M. le Dr Max Dessoir clôt la strie des toasts en exposant le but que doi-vent poursuivre actuellement les sociétés de psychologie expérimentale. Il exprime l'avis qu'il faut s'efforcer de reculer sans cesse les limites du champ de nos investigations.

Les hôtes de la Société de psychologie expérimentale de Berlin ont emporté de cette soirée le souvenir le plus agréable.

Schylock médecin

Un de nos lecteurs nous adresse la lettre suivante :

Monsieur LE RÉDACTEUR,

Dans un entrefilet aigre-doux, un nouveau venu dans la presse médicale suspecte les mobiles qui déterminent les médecins A prendre part aux congrès internationaux. Dans tout autre journal, l'insinuation pourrait avoir quelque valeur. Mais n'est-ce pas le cas de rappeler à ce confrère qui distingue si bien la paille dans l'œil d'autrui, qu'il ferait bien de songer un peu à la poutre qu'il a dans le sien ?

En effet, jusqu'à ce jour, il n'a pas fait autre chose que se consacrer a l'apologie d'un professeur, dont l'œuvre scientifique aura certainement pour les générations futures l'apparence d'un catalogue Je maison de droguerie.

Nous comprenons que ce professeur émérite pas pour les congrès une sympathie exagérée, car il se doute bien que, s'il lui prenait la fantaisie d'apporter dans un congrès une des réclames pharmaceutiques dont il encombre les bulletins de l'académie de médecine, il s'élèverait certainement une voix indépendante pour lui dire : « M. le professeur, vous vous êtes trompé de porte. Vous n'êtes pas ici à la Bourse de la Droguerie. Les con-grès n'ont pas été créés pour que des marchands de drogues viennent y écouler de vieux fonds de boutique. »

En toute circonstance, le professeur en question ne man que jamais l'occasion de combattre l'hypnotisme et les médecins qui s'adonnent a son étude. Il est vrai qu'il a depuis très longtemps déjà passé l'âge où il est possible de tenter d'hypnotiser son prochain avec quelque chance de succès. Ce n'est pas nous qui nous plaindront de l'avoir pour détracteur.

En ce siècle si fertile en choses merveilleuses, une des moins surprenantes ne sera pas d'avoir vu Schylock reparaître dans une nouvelle incarnation et exerçant la médecine.

Pour l'honneur du corps médical français, les temps sont proches où toutes choses seront remises en leur place.

Juger dès prisent du succès d'un livre publié sous ce titre alléchant : La médecine moderne : Schylock médecin.

Les documents vèridiques ne feront point défaut. Mais dès maintenant, ne croyez-vous pas qu'il serait utile d'appeler de nouveau l'attention des pouvoirs publics sur cette décrépitude qui semble vouloir s'éterniser dans un poste les plus importants de notre enseignement médical. Rien ne serait

lu. facile que de provoquer, par le dépôt d'un projet de loi bien motivé, fin d'une des anomalies les plus scandaleuses qu'on ait jamais constatées dans notre enseignement supérieur.

Agréez, etc.....

Sévère, mais juste ! Dr DE ....

L'hypnotisme roi du monde

La section de neuroologie du congrès de Berlin, dans l'intervalle de ses laborieuses séances, a offert à ses membres plusieurs réceptions amicales dont ils ne perdront pas le souvenir.

Dans l'une d'elles, d'éminents professeurs, redevenus étudiants pour un instant, ont bien voulu se faire les acteurs de quelques divertissements fort applaudis.

C'est ainsi qu'ils nous ont lu et distribué le numéro exceptionnel d'une Revue internationale de psycho-névrose-traumatique, illustrée, à l'usage des alcooliques, des cérébraux et des névropathes.

Ce numéro, unique en son genre, avait été composé à l'occasion du Congrès international de Berlin. Il nous est impossible de citer toutes les poésies, fort spirituelles, composées en allemand et en latin pour fêter les professeurs, les membres du Congrès, la psychiatrie bacillaire, les femmes doctoresses, les bienfaits de l'anthropologie criminelle, la puissance thérapeutique de l'hypnotisme, tes services de la presse médicale, etc., etc. Nous nous bornerons à donner la traduction de la chanson de l'Hypnotisme répétée en chœur par les trois cents membres de la section.

l'hypnotisme roi du monde

Allons ! au diable la pharmacie ! En vérité, je vous le dis, je ne veux critique personne, quand on est dans le train, on frappe à une autre porte. Telle. dans un parterre, au joli mois de mai, la rose resplendit et éclipse les autres fleurs, tel aujourd'hui l'hypnotisme brille et règne en souverain sur l'univers. Vive, vive l'hypnotisme roi î

Avez-vous de cruelles douleurs que rien ne peut guérir ? Je n'ai qu'un

conseil à vous donner : faites-vous donc hypnotiser! Les maux dont vous souffrez, en un clin - d'œil vont disparaître.et la suggestion les changera en voluptés délicieuses : Faites-vous hypnotiser !

Voulez-vous du Champagne alors que vous n'avez sur votre table qu'une bouteille d'encre?... Aimez-vous une charmante enfant don: !c corur est-plein de la pensée d'un rival ? Nous remplaçons les fiancées par ;_n manche a balai qui lait le même effet. Allez, suivez mon conseil : Faites-vous hyp notiser!

Avez-vous des crises qui font de voire vie un enfer? Etes-vous -dèment de naissance, étes-vous gâteux même? Avez-vous la rage de barbouiller du papier? Mon pauvre garçon, venez i nous : Faites-vous hypnotiser !

Voulez-vous que tout l'univers vous vénère comme un saint ? Je vais faire coulcrdc vos mains une rosé: de sang ; une croix sanglante stigmatisent voire poitrine et vous aurez au front la couronne d'épines... Tout cela n'est qu'un jeu pour moi! Faites-vous hypnotiser 1

Avez-vous enfin les sens pervertis ? Courage ! je vais d'un coup d'ail vous tirer de votre damnable erreur et vous révéler ce qui est bien et bon... Vous allez aimer une blonde fille ; simple affaire de suggestion. Hâtez-vous, il en est temps encore : Faites-vous hypnotiser!

Vous n'avez pas envie d'être pendu et pourtant votre sens moral commence à s'atrophier. Faites-vous hypnotiser!... C'est la panache contre tonales maux, la baguette magique qui conjure tous les mauvais sorts.

L'hypnotisme est le roi du monde !

par le Dr Journée.

OUVRAGES REÇUS A LA REVUE

Dr E. Monin. — L'hygiène des sexes ; in-8°, ;290 pages. Octave Douin, 8, place de l'Odèon. Paris, 1890.

PIERSON Sperling. — Elektrohérapie : in-8°, 354 piges. Leipzig, 1890. Abel's medicinisehe lehrbücher.

Dr Albert Moll.. — Der Hypnotimus : in-8°, 352 pages. Fischer's medicinbesche buchhandlung Berlin, 1890.

E. C- Seguin. — Lecture on some Points in the Treatement and Management of Nsuroset : in-12, 100 pages. D. Appleton and Company, New-York, 1890.

Max Dessoir. — Erster Nachtrag zur Bibliographie des Modernen Hypnotismus, In-8°, 44 pages. Carl Dunker, Berlin, 1890.

Albert de Rochas. — Ce la condition des Médecins, Apothicaires, Chiryrguebes et Barbiers sous l'ancien régime : in-8°, 13 pages, 8, rue François 1er, Paris. Août, 1890.

L'Administrateur-Gérant: Émile BOURIOT

paris-— imprimerie clamaron-graff,57, rue de vaugirard

REVUE DE L'HYPNOTISME

LES INDICATIONS FORMELLES DE LA SUGGESTION HYPNOTIQUE EN PSYCHIATRIE ET EN NELROPATHOLOGIE (1).

Par le docteur Edgar bérillon.

Depuis quelques années, un grand nombre de médecins s'efforcent d'élargir le champ des applications de la suggestion comme moven thérapeutique. Les tentatives faites pour substituer la médication psychique à l'administration des médicaments dans le traitement symptomatique des maladies les plus diverses n'ont pas toutes été couronnées d'un égal succès. Cependant, des nombreux travaux qui ont été publies sur la question, il résulte, dés à présent, qu'il y a des affections assez nombreuses dans lesquelles les résultats de la suggestion hypnotique sont de beaucoup supérieurs à ceux des autres médications.

Pour se convaincre que la suggestion constitue dans un certain nombre de cas un agent thérapeutique de la plus grande valeur, il suffirait de lire les communications faites au Congrès international de l'hypnotisme, tenu à Paris en 1889. Le but de ce travail n'est donc pas de revenir sur une démonstration déjà faite, mais d'essayer de fixer les indications formelles dans lesquelles les neuropathologistes et les médecins aliénistes sont pleinement autorisés à substituer l'action de la suggestion hypnotique à l'emploi des médicaments. Pour répondre à l'objection que ce procédé thérapeutique n'était applicable qu'à un nombre limité de personnes, plusieurs auteurs ont déjà pensé, avant nous, qu'il n'était pas sans intérêt de publier la statistique des résultats de leur pratique personnelle dans le cours d'une ou de plusieurs années.

Ainsi. M. le Dr Liébeault, dans sa statistique de l'année 1880, constatait que sur 1 ,011 personnes, de tout âge, des deux sexes et de tous tempéraments soumises à l'hypnotisation, 27 seulement s'étaient montrées complètement réfractaires. Dans la statistique des sujets traités par lui, du mois d'août 1884 au mois de juillet 1885, sur 750 sujets, il trouvait 60 réfractaires.

M. le professeur Bernheim estime â 80 pour cent le nombre

EXPÉRIMENTALE ET THÉRAPEUTIQUE

(1) Communication faite au congrès international de Berlin. — Section de Psychiatrie et de Neurologie.

des personnes susceptibles d'être influencées par l'hypnotisation et, clans la seconde édition de son livre sur la suggestion, il a pu réunir un total de 105 observations portant sur des malades , atteints d'affections très variées, chez lesquels le traitement par suggestion a donné les résultats les plus concluants. En effet, dans le tableau d'ensemble publié d la lin du volume, sur les 105 cas traités, M. Bernheim a pu noter 90 guérisons et 12 amé-liorations.

Les résultats auxquels est arrivé, en Suède. M. le Dr Otto Wet- terstrand sont venus confirmer ceux de M. Bernheim : sur 718 malades traités pendant l'année 1887.il n'en a trouvé que 19 qui lussent réfractaires â l'hypnotisme.

M. le professeur Forel, sur un total de 128 personnes soumises à l'hypnotisme, a constaté que 100 l'avaient été avec succès: dans 28 cas seulement, les résultats furent négatifs.

En 1889, MM. les Drs Van Renterghem et Van Eeden corn muni- quaient au Congrès de l'hypnotisme le compte-rendu des résultats obtenus par eux. de 1887 à 1889. à la Clinique de psychothérapie suggestive d'Amsterdam. Leurs statistique portant sur 414 sujets n'en notait que 15 qui eussent été complètement réfractaires à l'hypnotisation. Lès effets du traitement par la suggestion sur ces 414 malades se répartissent ainsi : 100 guérisons. 190 améliora-

tions. 71 résultats négatifs et 52 résultats restés inconnus.

M. le Dr Lloyd-Tuckey. de Londres, déclarait récemment, au Congrès annuel de la British médical association, qu'il devait déja à la suggestion plus de 500 succès thérapeutiques.

Les bases du travail que nous soumettons au Congrès inter- j national reposent sur des observations personnelles recueillies dans notre Clinique des maladies nerveuses uniquement consacrée â la psychiatrie et à la neuropathologie.

Les relevés de nos observations nous donnent, pour l'année 1 1889 et pour le 1er semestre 1890 (18 mois), un total de 360 malades qui n'ont pas reçu d'autre traitement que la suggestion faite dans l' état d'hypnotisme.

Ces malades peuvent être divisés en trois classes :

Femmes . - . 265

Hommes . . 50

Enfants. - . 45

Total . 360

Le nombre des malades soumis par nous à l' hypnotisme. au 1er janvier 1889 au 1er juillet 1890,aété beaucoup plus considérable; mais nous ne tenons compte dans notre statistique que des malades atteints d'affections nerveuses ou mentales qui ont été l'objet d'un traitement suivi et rationnel.

Pour la clarté de notre exposé, nous avons divisé en cinq groupes les affections dans lesquelles le traitement par la sugges-tion a été appliqué :

1. Les névroses.

2. Les maladies organiques du système nerveux.

3. La neurasthénie et les névropathies.

4. Les maladies mentales.

5. Les affections nerveuses des enfants.

1. — NÉVROSES.

Hystérie. — Sur le total des 360 malades que nous avons traités par la suggestion, 155, plus du tiers, étaient atteints d'hystérie. C'est dire que nous avons rencontré les formes les plus diverses et les symptômes les plus variés de cette affection.

Contrairement à l'opinion émise il y a quelques années par M. le professeur Grasset, nous avons pu constater que la sug-

gestion est indiquée non seulement contre les manifestations locales, mais aussi contre l'ensemble des symptômes généraux de l'hystérie. D'une façon générale, nous pouvons dire que le succès de ce moyen thérapeutique a été la régie, l'insuccès la rare exception. Encore pouvons-nous affirmer que les insuccès ont tenu à des conditions d'hygiène et de milieu défavorables, tout a fait indépendantes de l'intervention médicale.

Au congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences, en 1887, les résultats de notre pratique personnelle nous permettaient de formuler les conclusions suivantes, auxquelles nous n'avons rien à changer (1). L'emploi de ta suggestion hypnotique est nettement indiqué : 1° Contre les attaques convulsives de la grande hystérie et contre les symptômes qui peuvent persister â la suite de ces attaques (paralysies, contractures, spasmes, tremblements, anesthé-sies, hyperesthésies. amauroses. etc.) ;

2° Dans le cas d'hystérie monosymptomatique (monoplégie, mutisme hystérique, aphonie, hoquet, vomissements, toux, dyspnée, blèpbarospasme, dyschromatopsie, chorèe rythmée, tics, etc.);

30 Contre les manifestations de l'hystérie vulgaire (insomnie, anorexie, dyspepsie, constipation, troubles viscéraux et menstruels, névralgies, etc.); 4° Contre les troubles mentaux de nature hystérique. Comme nous le faisions remarquer dans cette étude, il semble que jusqu'ici les cliniciens ne se soient pas assez préoccupés de ces troubles mentaux. Dans aucun auteur on ne trouve formulée d'indication thérapeutique à cet égard. On croirait presque que les médecins les plus dévoués aient trouvé la tâche au-dessus de leurs forces.

(1) ?érillon —De la suggestion hypnotique dans le traitement de l'hystérie, 11 pages in-8° Paris 1890 et Compte-rrndus de l'Association Française pour l'avancement des sciences, Paris 1889.-

« En effet, lorsqu'on considère les principaux termes qui carac-térisent le désordre de l'esprit des hystériques et qui. en allant des plus simples jusqu'aux plus complexes, sont : la mobilité des idées, l'inconstance, l'absence de volonté, l'esprit de contradic-lion, le mensonge, la simulation, l'inconscience, la perrersicn des sentiments, l'indifférence, l'érotisme, les impulsions irrésistibles, les idées fixes, les illusions, les hallucination», l'ennui, /« h.êlancoUtâ l'agitation maniaque, etc.. on serait presque tenté de se laisser aller au découragement.

« Contre cette sorte d'ataxie morale, qui se maniieste par des alternatives d'hyperexcitabilité psychique ou de dépression, il n'eût pas été rationnel de compter sur l'action spécifique de tel ou tel médicament. Seule une médication psychique pouvais apporter la solution du problème. Cette médication est aujourd'hui parfaitement connue. C'est la suggestion hypnotique. « I1 est évident que les hystériques abandonnés â eux-mêmes, livrés au désordre de leur'esprit, se déséquilibreront de plus en plus. Au contraire, maîtrisés avec fermeté, dirigés avec une certaine autorité, suggestionnés, en un mot. dans le sens de la ré-i sistance aux impulsions qui viennent les assaillir, ils ne tarderons pas à présenter d'heureuses modifications dans leur manière d'être. S' ils sont excités, on les suggestionnera dans le sens du calme. S'il sont déprimes, on les stimulera dans le sens de l'ac-tion. En un mot. les suggestions devront toujours tendre à les rapprocher de la normale- »

Les nouvelles observations que nous avons recueillies depuis, lors sont venues nous confirmer dans cetidée que chez les hysté riques la suggestion médicale doit être considérée comme le régu-lateur mental par excellence.

Nous ajoutons à cela que. bien qu'on soit tenté d'admettre que la suggestion n'ait de valeur que comme médication de symptôm-mes et qu'elle soit incapable d'amener une transformation com-plète de l'état général du système nerveux, dans la majorité des cas, elle a eu pour éffet d'amener d'une façon durable la disparition des symptômes qui avaient permis de porter le diagnostic d'hystérie.

Parmi les observations que nous avons recuellies, plusieurs paraissent mériter une mention spéciale à cause de la rapidité avec laquelle le succès a été obtenu.

Obs. I. — Mutisme hystérique

Mlle C. W.., de Mouy (Aisne). institutrice, âgée de vingt-deux ans. pré-sente pas d'antecedants héréditaires nevropathérques. Nous avons recherché en vain chez elle l'existence de stigmates hystéruques. Elle avait toujours

joui d'une excellente santé, lorsque, en faisant la classe, en juillet 1886, elle

fut atteinte a la suite d'un effort pour élever la voix, d'un enrouement bientôt suivi d'une aphonie complète. Quelques jours après, l'aphonie était trans-formée en mutisme. Amenée à Paris, elle fut soumise par plusieurs médecins à

l'examen laryngoscopique. L'absence de toute lésion fit porterie diagnostic de mutisme hvsiénque. Les applications de Pélectrothérapie n'amenèrent aucun résultat. On proposa alors a la malade le traitement par la suc-gestion hypnotique. Des qu'elle eut manisfesté le désir de s'y soumettre, un jour fut fixe pour l'application de l'hypnotisme.

Dis la première séance. elle était plongée dans un sommeil profond et a son réveil sous l'influence d'une suggestion post-hypnotique, elle prononçait distinctement les paroles que nous lui avions ordonné d'exprimer.

Mlle W... retourna en province et la guérison se maintint pendant cinq mois. A la fin Ou cinquième mois, au moment de ses époques, une rechute survint. Les médecins du pays tentèrent en vain de l'endormir. Le mutisme durait de nouveau depuis deux mois lorsqu'on nous fûmes appelé a Mouy. Cinq minutes après notre arrivée, la malade parlait et depuis deux ans fa guénson s'est définitivement maintenue.

Obs. II. — Aphonie hystérique

I Mlle M. B.... Âgée de vingt-quatre ans. demoiselle de magasin, est envoyée à notre clinique, le 20 mars 1890, par le docteur Dubousquet-Laborderie, de Saint-Ouen. Les parents sont bien portants. Une sœur ni née a eu de grandes attaques d'hystérie. La malade a éprouvé quatre ans auparavant un violent cha-grin; elle a commencé à ce moment à avoir des vomissements après chaque repas. Depuis ce temps, les vomissements ont continué. Mais elle n'a pas dépéri, parce qu'elle ne vomit qu'une partie des aliments. Elle a eu a divers reprises des attaques d'hystérie : l'aura est caractérisée par la sensation d'une boule partant de l'ovaire droit. Elle perd complètement connaissance pendant ces attaques.

L'aphonie a débuté, il y a onze mois, i la suite d'une frayeur. Un incendie s'était déclaré le matin à côté de chez elle : le soir en se couchant elle se sentait déjà enrouée. Le matin elle se réveilla sans pouvoir ouvrir la bouche. Elle était complètement devenue muette, par contracture des muscles masséters et aussi par impossibilité d'articuler les mots (mutisme hystérique.) Au bout de trois jours l'articutation des mots était redevenue possible, mais le timbre manquait â la voix. L'aphonie datait de onze mois lorsqu'elle fut hypnotisée. Dés la première séance, elle fut plongée en état de somnambulisme, avec amnésie au réveil. Dans cet état, par des suggestions répétées on la stimula à parler à haute voix. Les assistants purent constater !e retour progressif du timbre de la voix. A son réveil le résultat acquis se maintenait et dès le lendemain de la première séance d'hypnotisme, les vomissements, dont le début remontait à quatre ans. disparaissaient à leur tour. En quelques séances la guérison a été complète.

OBS. III — Blepharospasme hystérique

Mlle D..., âgée de vingt ans. se présente à noire clinique le 26 mars 1889, Elle y est adressée par le docteur Hubert, de Paris.

Le père de cette malade est mort à vingt-huit ans de tuberculose pulmonaire, sa mère est douée d'un caractère impressionnable : elle est très irritable. Une tante maternelle a eu des crises d'hvstérie. Sa sœur, plus jeune qu'elle, est atteinte d'incontinence nocturne d'urine.

Un jour. Mlle D... apprit inopinément la mort de son grand père. Dès ce moment elle éprouva des clignotements incessants de la paupière gauche. Il lui semblait que son œil allait se fermer. Trois jours après, elle était atteinte d'un blépharospasme complet. Elle alla consulter plusieurs oculistes et suivit, sans succès, un grand nombre de traitements.

Lorsqu'elle vient à la clinique, outre son blépharospasme hystérique dont le début remontait à treize mois, la malade présente un certain nombre de stigmates hystériques (hémianesthésie à gauche, diathése de contracture, etc...)

Le 26 mars, elle est soumise à l'hypnotisation en présence d'un assez grand; nombre de confrères. Elle est rapidement plongée dans un sommeil profond. Nous lui suggérons qu'à son réveil, elle ouvrira les deux yeux en même temps et que le spasme de la paupière supérieure gauche aura disparu. A soa réveil, la guérison est obtenue.

Il y a eu deux rechutes dans le cours des mois suivants. Chacune d'elles fut guérie en une séance et actuellement la guénson définitive remonte à plus d'un an.

OBS. IV. — Vomissements hystériques .Mme G..., âgée de trente-six ans, est atteinte depuis quarante-deux mois,, de vomissements incoercibles qui surviennent deux fois par jour. Toutes les médications ont été employées sans succès. La malade est arrivée à un degré d'émaciation capable d'inspirer les craintes les plus sérieuses. C'est dans ces conditions que le Dr Gouel, de Paris, nous demande d'appliquer a la malade le traitement parla suggestion. Le 20 janvier, des la première séance, elle est profondément endormie. Nous lui suggérons de penser toute la nuit en dormant qu'elle pourra, le lendemain, arrêter elle-même les vomisse-ments. Dès le lendemain les vomissements ont complètement cessé. Ils n'ont pas reparu et la malade est revenue promptement a la santé.

OBS. V. — Paraplégie hystérique

Mme A..., âgée de quarante ans, femme d'un pharmacien de la Varenne St-Hilaire, a été atteinte, à la suite de crises convulsives. d'une paraplégie complète. Elle est couchée dans son lit depuis huit ans. Dès qu'on la touche, elle accuse de vives douleurs dans la nuque, dans la région lombaire et dans les membres inférieurs. Malgré l'immobilité presque complète à laquelle elle est condamnée, nous ne notons pas une atrophie musculaire très accentuée des membres inférieurs.

Le 10 mai 1 890, la malade se prête facilement à l'hypnotisation. Les premières séances, faites à huit jours d'intervalle, furent consacrée» à imprimer aux jambes des mouvements de flexion et d'extension, dans l'état d'hypno-tisme. A la quatrième séance, nous la faisions asseoir sur le bord de son lit et, avec un peu d'aide, nous la faisions tenir debout. Deux mois après la première tentative, madame A... marchait dans sa chambre. Récemment elle a pu descendre un escalier et sortir dans la rue. Le docteur Liébault, directeur de la mai-son de santé de Nogent-sur-Marne, et le docteur Pietre, de la Varenne. avaient suivi la maladie et c'est sur leur conseil que la suggestion a été appliquée.

OBS, VI. —Hystérie et syringomyélie

Mlle Sch.... âgée de 24 ans. brocheuse, se présente à la clinique le 24 février 1882, pour y être traitée d'une atrophie considérable des deux mains, dont le début remonte à environ neuf ans. Elle se plaint surtout de n'éprouver à la main droite aucune différence du froid et du chaud. Cette thermo-anesthisie s'est manifestée il y a deux ans. La malade s'en est aperçue par les brûlures qu'elle se faisait sans s'en apercevoir, en préparant ses repas. Nous constatons qu'elle ne sent pas l'application d'un tisonnier chauffé au rouge. La mais droite toute entière est d'ailleurs couverte des brûlures qu'elle se fait journellement. L'atrophie des deux mains est très prononcée ; la disparition des muscles opposants et des interosseux leur donne l'apparence de la main simienne.

La malade a de graves antécédents héréditaires. Son père est moit à cinquante-six ans des suites dune hémiplégie avec aphasie. La mère, morte à cinquante-cinq, ans était également hémiplégique et aphasique. Un frère est mort d'excès de boissons alcooliques,à quarante-;in ans. La malade à eu depuis l'âge de treize ans des crises d'hystérie qui n'ont cessé qu'au moment de La première apparition de ses règles, à dix-huit ans.

Elle est immèditement soumise à l'hypnotisme auquel elle se montre très sensible. Nous lui faisons la suggestion qu'elle aura recouvré à son réveil la sensation du chaud et du froid. Nous constatons, non sans surprise, que la suggestion a été suivie d'une réalisation complète. Depuis lors, à plusieurs reprises, nous avons pu constater, dans un but expérimental, qu'il nous était possible de supprimer, puis de rétablir chez notre malade, à notre gré. la sensibilité thermique.

De plus, bien qu'aucun traitement autre que 1a suggestion n'ait été appliqué, nous avons vu l'atrophie des mains s'améliorer d'une façon très appréciable. Le même fait a d'ailleurs été déjà noté par le docteur Babinski, à la Salpétriére. sur une malade atleinte d'atrophie hystérique.

OBS VII. — Grandes attaques hystériques.

Mme H..., âgée de 24 ans, n'a pas d'antécédents névropathiques. Elle s'est mariée a 19 ans. et a eu deux enfants. Son second accouchement a eu lieu tout à fait sans douleurs. Huit mois après ses couches, elle fit un violent effort en poussant son lit avec son ventre, en faisant son ménage. A partir de ce moment, elle eût des crises nerveuses ainsi caractérisées : immédiatement âpres le repas, dès que l'estomac est rempli, elle sent qu'elle va perdre connaissance. La crise débute par un point de cote à gauche: ce point va en s'irradiant, elle perd complètement connaissance. Les bras se mettent en contracture le long du corps; la malade est agitée de secousses toniques et clownîques, avec une tendance a l'arc de cercle. Elle a jusqu'à huit attaques consécutives par jour. La nuit se passe en insomnie, avec des cauchemars et des hallucinations pénibles. Le 20 juin 1888, sur la demande du Dr Desoix, de Paris, je soumets la malade a une tentative d'hypnotisation. Quoique plongée à un faible degré de l'hypnose, une première suggestion peut arrêter, dés le lendemain, le retour des attaques. Quatre séances, faites à huit jours d'intervalle, ont suffi pour amener une guérison définitive. La malade n'a pas présenté depuis deux ans la moindre manifestation hystérique.

Nous avons recueilli, en collaboration avec des médecins de Paris un assez grand nombre d'observations de malades chez lesquels les attaques convulsives ont cédé à la suite d'un nombre très limité de séances de suggestion. Nous nous bornerons à citer l'observation ci-dessus qui nous a paru très caractéristique.

Nous devons faire remarquer, en passant, que nos confrères, encore peu familiarisés avec l'application de la suggestion, ne manquaient jamais de témoigner la plus grande surprise en constatant la rapidité de l'action thérapeutique de ce procédé, dans le traitement des diverses manifestations de l'hystérie.

Chorêe. — Dans la même période, nous avons traité environ vingt cas de chorée par la suggestion. Sur ce nombre. 15 cas, parmi lesquels se trouvaient toutes les formes de cette affection (rhytmique. saltatoire. athétosique, générale, partielle) ont été d'abord améliorés, puis guéris.

Dans le traitement de le choréc. la suggestion n'amène pas une amélioration ou une guérison aussi rapide uue dans l'hystérie. Pour arriver â la guérison, un certain nombre de séances sont souvent nécessaires. I.a moyenne des séances a été de 4 à 8 ; de plus, la pratique nous a appris que pour taire dispa-raître les mouvements choréiques. il était utile de faire exécuter au malade, pendant l'hypnose, des exercices de gymnastique! éguliers.

Nous avons pu guérir, par cet artifice. en une seule séance une jeune fille de seize ans atteinte d'une chorée rythmique très intense. — Un jeune homme de quinze ans. dont les secousses étaient tellement fortes qu'il ne pouvait tracer un signe sur le papier, immédiatement après son réveil, put. sur noire injonc-tion, écrire d'une façon très lisible. Quatre séances suffirent pour le rétablir complètement. Et. en même temps que son état physique, ses aptitudes intellectuelles, un instant éteintes, reprirent, sous l'influence de quelques suggestions, toute leur vivacité.

Nous n'avons éprouvé un échec complet que dans un seul cas : il s'agissait d'une jeune tille de 23 ans. atteinte d"une choréc chronique limitée au bras droit et dont le début remon-. tait a l'enfance. La malade s'est montrée a la fois réfractaire à l'hypnose et à la suggestion. Dans quatre cas. les malades ont: cessé le traitement dès la première ou la seconce séance. Ils ne doivent pas être rangés dans les cas négatifs, car il est possible que plusieurs séances eussent amené un résultat favorable.

Comme M. le professeur Bernheim. nous avons constaté que si les troubles localisés, survivant a la chorée. cèdent, en général,, très facilement â la suggestion, la chorée généralisée, traitée a son début, est plus difficile a influencer. Cependant, par des hypno-tisations répétées, on arrive assez promptement à diminuera l'intensité des secousses choréiques. De plus, et qu'on nous permette d'insister sur ce point, la suggestion est nettement indiquée pour combattre les troubles de la sensibilité moraley de l'intelligence et de la volonté, si fréquemment observés chez les malades, pour diminuer leur instabilité mentale et favo-riser leur sommeil nocturne.

On peut objecter que la chorée. ayant dans un grand nombre de cas une tendance â évoluer spontanément vers la guérison, la suggestion n'a joué dans le traitement qu'un rôle secon-daire. L'observation attentive des faits permettra de s'assu-rer que la suggestion aura eu au contraire pour principal effet d'abréger la durée de la maladie, d'empêcher le passage à l'état chronique, de diminuer les chances de récidive et de modifier dans un sens favorable l'état du choréique.

Paralysie agitante. — (Maladie de Parkinson). Nous n'avons eu l'occasion d'observer que cinq cas de paralysie agitante. Tous étaient déjà arrivés à une période avancée de la maladie. L'atro-

phic musculaire était déjà profonde. Cependant il a été permis d'arrêter les mouvements pendant la durée du sommeil provoqué et de procurer ainsi aux malades un repos salutaire. Dans deux cas le sommeil obtenu était très profond. A tel point que nous éprouvions toujours quelque difficulté à tirer le malade de son engourdissement.

Les résultats, quoique négatifs au point de vue de la guérison. seraient plutôt de nature, á encourager l'emploi de la suggestion dès le début de cette affection, considérée jusqu'ici comme incurable.

Epilepsie, — Chez vingt épileptiques traités par la suggestion, nous n'avons enregistré que quatre résultats très favorables. Nous donnous le résumé de ces quatre observations qui. selon nous, présentent un grand intérêt.

L— M. N.... âgé de 35 ans. a eu à plusieurs reprises des fugues impulsives ; il lui arrivait fréquemment de tomber dans la rue en proie i des attaques violentes, pendant lesquelles il écumait et se mordait la langue.

Ses crises ont disparu pendant une année à la suite du traitement par lasuggestion. Son état mental et son aspect physique se sont aussi très notablement améliorés sous l'influence du même traitement. Au bout d'un an, il a eu trois attaques successives pour lesquelles il est venu redemander nos soins. La suggestion a eu de nouveau chez lui un effet favorable qui se maintient depuis deux mois.

II — Une femme, âgée de 28 ans. Mme A..., mécanicienne, a uriné an lit jusqu'à 12 ans. A dix-sept ans, elle a commencé à avoir des crises très fréquentes la nuit, pendant le sommeil. Dans le cours des attaques elle écume et se mord la langue. Son mari dit qu'elle a le sommeil troublé par des cauchemars et qu'elle grince des dents en dormant. Etant devenue enceinte, elle a eu de violentes crises d'éclamp-sie pendant ses couches. De plus, elle présente sur les mains, les bras ella poitrine, de nombreuses marques de vitíligo. La malade a été soignée a Sainte-Anne; elle a été soumise pendant cinq ans a la médication bromurée, sans en retirer aucun avantage.

En deux mois, la suggestion a amené la disparition complète des crises nocturnes, la cessation des cauchemars et des grincements de dents. Avant le traitement, elle avait l'aspect hébété, inintelligent. Sa translormation intellectuelle a frappé d étonnement les médecins qui nous assistent à notre clinique.

Il importe de noter que le vitíligo a disparu progressivement. Depuis cinq mois la guérison s'est maintenue.

III. — Un jeune homme de 18 ans, J. S.... ayant des antécédents nérropathiques, a présente, depuis son enfance, des secousses choréi-formes dans les membres, surtout, dans les bras. A six ans, il a élé mordu par un chien; depuis ce moment, il a. pendant le jour, des attaques de petit mal. mais pendant la nuit il a de grandes attaques dans lesquelles il se mord la langue cl dont il ne se rend pas compte. Il a l'apparence d'un idiot, son visage est pale, boursoufflé, il est indocile et brutal. Il fut soumis pendant plusieurs mois au traitement par la suggestion, à raison d'une séance par semaine. Une amélioration

notable s'est promptement manifestée, les attaques diurnes et noclur-nés ont complètement cesse. Le caractère s'est amendé, l'intelligence' s'est éveillée. Aujourd'hui, on le laisse sortir seul et il peut s occuper à divers travaux; ce qui lui était impossible auparavant.

Etant resté un mois sans recevoir de suggestions, ses attaques! nocturnes ont reparu. La reprise du traitement les a promptement dissipées.

IV. -- Mlle P.... âgée de 12 ans. présente un tic des paupières. Elle a un caractère très indocile. Depuis le mots de mai iSSo. elle .1 tous les jours quatre ou cinq crises pendant lesquelles elle perd complètement connaissance. Elle urine sous elle pendant l'attaque ; après il lui arrive de rester sourde ou complètement aveugle pendant un temps assez ! prolongé. Ses extrémités demeurent longtemps troides, et quand elle revient A elle, elle ne recouvre que lentement la mémoire. L'enfant, autrefois intelligente, est devenue sombre et indifférente A tout. Elle a été renvoyée de l'école ou clic était auparavant une des bonnes 'élèves Le diagnostic d'épilepsie a été porté par plusieurs médecins, et la médication bromurèe a été instituée.

L'enfant a été soumise à la suggestion alternativemer.: par le docteur Paul Magnin et par nous. Quelques séances ont amené dispari-tion complète des attaques et le retour à l'état intellectuel antérieur.I

Dans celle dernière observation, les présomptions symptomati-ques faisaient incliner vers le diognostic d'épilepsie. La rapidité d'action du traitement pourrait faire croire qn'il s'agisssait d'hystèro-épilepsie.

Chez six autres malades, nous avons obtenu soit la disparition passagère des attaques, soit celle des tremblements. des. vertiges. Chez l'un d'eux. la suggestion a amené la cessation de l'inconti- : nence nocturne d'urine. Nous avons noté aussi l'amélioration de la mémoire, et de l'état mental. Enfin. chez dix autres, les résultats ont été entièrement négatifs.

En résumé, si l'on ajoute aux vingt malades traités par la sug- gestion, environ cinq ou six autres dont l'état nous a paru trop grave pour que l'emploi de la suggestion fut indiqué avec quelques chances de succès, on constate que les résultats obtenus ne sont pas plus favorables que ceux des autres méthodes de traitement et en particulier de la médication bromurèe. Cependant la suggestion nous parait trouver une indication contre les troubles au caractère, les troubles intellectuels, les impulsions irrésistibles que peuvent présenter les malades. Déplus, si le traitement psychique se montre, dans la grande majorité des cas, impuissant contre les attaques du grand mal épileptique. par contre, il pourra toujours, s'il est appliqué ave beaucoup de persévérance, améliorer dans une certaine mesure, l'état général et l'état mental du malade.

Asphyxie locale. — Plusieurs auteurs ont signalé des cas phyxie locale des extrémités d'origine hystérique dans lesquelles la guérison a été obtenue par suggestion. Nous avons pu à maintes reprises, montrera nos assistants qu'il était possible d'amener

rapidement une élévation notable de la température de la main chez des malades qui présentaient de la cyanose des extrémités. Ces faits concordent avec les expériences par lesquelles MM. Char-cot. Dumontpallier. Burot, ont démontré qu'il était possible, chez certains sujets, de provoquer par suggestion hypnotique une élévation de température sur un point du corps.

Somnambulisme nocturne.— — Dans trois cas ou l'application de

la suggestion a été tentée par nous comme moyen de traite-ment, la guérison définitive a été obtenue en une, trois et quatre séances. M. Auguste Voisin a observé aussi cinq cas de somnambulisme nocturne guéris par quelques séances de suggestion.

II. AFFECTIONS ORGANIQUES DU SYSTEME NERVEUX

Comme on l'a dit fort justement, les malades atteints d'affections chroniques du système nerveux peuvent être déjà dans un état de guérison anatomique sans être guéris physiologiquement. De plus, le trouble fonctionnel dans les maladies du centre nerveux dépasse souvent le champ de la lésion anatomique.

C'est certainement dans ces cas qu'on a pu obtenir des succès en apparence paradoxaux, mais qui n'en sont pas moins réels. Ainsi nous avons pu noter des cas d'hémiplégies, de paraplégies anciennes, de myélites chroniques améliorées à la suite de quelques séances de suggestion.

MM. Bernheim, l'ontan. Van Renterghem et Van Eeden ont pu-blié un assez grand nombre d'observations d'affections organiques du système nerveux dans lesquelles la suggestion a restauré une fonction qui semblait définitivement perdue. Chez une jeune fille de vingt-ans, hémiplégique du côté droit nous avons pu guérir en quatre séances une aphasie datant de trois ans.

Nous avons pu obtenir la disparition ou l'atténuation de quelques-uns des symptômes les plus pénibles de l'ataxie locomotrice. Chez trois de nos malades nous avons fait disparaître l'insonmic elles douleurs fulgurantes, et même obtenir chez l'un une amélioration notable de la vision. Par diverses expériences nous avons pu convaincre aussi que le traitement par la suspension agissait en grande partie, sinon en totalité, par effet suggestif.

M. Lloyd-Tuckey, de Londres, a observé trois cas de tabes dorsalis dans lesquels l'emploi de la suggestion a eu la plus grande efficacité pour amener la disparition des douleurs et l'amélioration de la vision.

Ken qu'actuellement les faits recueillis ne soient pas encore assez nombreux pour qu'on puisse en déduire des indications précises du traitement psychique contre certaines affections organiques du système nerveux nous pensons néanmoins qu'elles ont assez de valeur pour mériter d'appeler l'attention des neuropathologistes.

III. NEURASTHENIE — TROUBLES NEVROPATHIQUES.

La neurasthénie dont la fréquence est constatée de plus en plus par les cliniciens s'est montrée dans un grand nombre de cas justiciable de la suggestion hypnotique.

Chez quelques neurasthéniques la suggestion s'est montrée impuissante à triompher de leurs idées hypocondriaques. Néan-moins nous avons pu recueillir dix observations très concluantes de neurasthénies graves non seulement améliorées, maispromp-tement guéries par la suggestion.

Quand aux douleurs névralgiques que nous avons pu très facilement guérir par suggestion leur nombre est considérable. Parmi les névralgies dans le traitement desquelles l'efficacité de la suggestion a été le plus manifeste, nous devons citer : les cépha- lalgies, la migraine, les névralgies dentaires, la névralgie sciatique, les douleurs du rhumatisme chronique et surtout la gastralgie.

Dans tous les cas de névralgies, l'emploi de la suggestion nous semble formellement indiqué. L'innocuité de son application vient s'ajouter â son efficacité souvent bien supérieure à celle, des médicaments dits antinévralgiques pour justifier cette indication.

IV. MALADIES MENTALES.

On a prétendu que la suggestion ne pouvait avoir d'action que contre les troubles mentaux qui relevaient de l'hystérie. Si la constatation de manifestations hystériques constitue certainement une indication formelle de l'emploi de la suggestion, il n'en est pas moins vrai que la suggestion a pu être utilement employées contre des troubles mentaux qui n'avaient aucun rapport avec l'hystérie.

Chez quatre malades atteints de lypémanie anxieuse nous avons obtenu une guérison rapide et compléte par la sugges-tion. Chez une malade atteinte de sitiophobie et qui avait refusé tout aliment liquide ou solide depuis 23 jours, il a suffi d'une seule suggestion, faite sur un ton impératif, sans tentative d'hyp notisation préalable pour la déterminer à manger. Chez un ma-lade de quarante-cinq ans, atteint de mélancolie anxieuse depuis dix ans. la guérison fut obtenue en deux séances. Chez une femme de vingt-six ans qui refusait tout aliment depuis deux jours et auprès de laquelle nous avions été amené par le Dr De-goix, de Paris, une seul suggestion suffit pour déterminer la ma-lade à manger et a ouvrir les yeux qu'elle tenait obstinément fer-mes. Il nous a été donné d'observer lréquemment des faits analo-gues dans le service de M. le Dr Auguste Voisin, à la Salpétrière.

Des résultats aussi favorables n'ont pas été obtenus par nous dans le traitement de la manie aiguë. Le traitement n'a d'ailleurs été appliqué qu'à trois malades auxquels nous n'avons pu éviter l'internement.

Par contre, nous avons eu l'occasion d'appliquer le traitement parla suggestion à un grand nombre de malades atteints de délire

partiel et d'obsessions. Parmi les cas où un résultat favorable a été obtenu, citons trois cas de dipsomanie, cinq cas de morphi-nomanie, onze cas d obsessions agoraphobie, folie du doute, obsessions affectives, obsessions génitales, obsessions homicides, obsessions suicides, un cas d'inversion sexuelle.

Il résulte des observations publiées par MM. Auguste Voisin, Forel, Jules Voisin, Krafft-Ebing, Bnand, l.adame, Schrenck Notzing:. de Jong. Van Renterghem et Van Eeden, Burkhardt, et par quelques autres auteurs, que la suggestion peut trouver de sérieuses indications dans le traitement des formes curables de l'aliénation mentale.

V. MALADIES NERVEUSES DES ENFANTS

Depuis quelques années, nous nous sommes appliqués d'une façon toute particulière à déterminer les indications de la suggestion en pédiatrie. Dés 1886, au Congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences, a Nancy, nous appelions l'attention sur la valeur que peut avoir la suggestion dans le traitement des enfants vicieux ou malades (1). L'année suivante, au Congrès de Toulouse, nous pouvions présenter un certain nombre d'observations personnelles desquelles il résultait que la suggestion en pédiatrie trouve son application surtout lorsqn'il s'agit de traiter des habitudes vicieuses, des défauts graves de caractère, des tics nerveux, des incontinences nocturnes et diurnes de l'urine et des matières fécales, des terreurs nocturnes, des chorées, des névroses, de la paresse intellectuelle, en un mot un grand nombre des troubles mentaux et des instincts pervers qui pourraient placer, dans un avenir prochain, celui qui en est atteint dans les conditions sociales les plus défavorables.

Dès ce moment nous pouvions affirmer que nous n'avions jamais vu survenir, chez aucun des enfants soumis au traite-ment par la suggestion, le moindre accident consécutif (2).

En 1889. au premier Congrès international de l'Hypnotisme, les membres du Congrès, appelés à se prononcer sur les conclusions d'un rapport présenté par nous sur la même question (3), les adoptait d l'unanimité et décidait qu'en raison de l'intérêt qu'elles présentaient au point de vue pédagogique aussi bien qu'au point de vue de l'éducation pénitentiaire, ces conclusions devraient être transmises, par les soins du bureau, â M. le Ministre de l'Instruction publique et à M. le Ministre de l'Intérieur.

(1)De la suggestion ennvisagée au pont de vue pédagogique. Revue de l'Hypnotisme, tome I, 1887, page 84.

(2) De la suggestion et de ses applications à la pédagogie, Revue de l'Hypnotisme, t. II; 1888.

Comptes rendues de l'Association françise pour l'avancement des sciences, Congrès de Toulouse; 1887.p. 1011. (3)Les applications de la suggestion à la pédiatrie et à l'éducation mentale des enfants vicieux ou dégénérés, Comptes rendus du congrès de l'hypnotisme, Paris, in-8°.1890

Aujourd'hui, restant sur le terrain de la neurologie et de la psychiatrie, nous nous bornerons â dire que les manifesta-lions névropathiques des enfants contre lesquelles nous avons appliqué la suggestion avec un succès complet sont les suivantes: incontinence nocturne d'urine (22 cas), incontinence nocturne et diurne des matières fécales (2 cas), blépharospasme (2 cas), choréc (12 cas), onanisme irrésistible (4 cas), bégaiement (3 cas).

!.e nombre des malades traités pour l'incontinence nocturne d'urine a été de 32. Bien que l'incontinence nocturne chez les enfants puisse être attribuée â des causes étiologiqucs très diverses, nous avons obtenu une proportion de 7 guérisons sur 10 cas traités. C'est le même résultat que celui auquel est arrivé M. Liébeault. Comme nous. MM. Bernheim. Wetters-trand, Van Renterghem et Van Eeden ont pu constater l'heureuse intlucncc de la suggestion dans le traitement de l'incontinence nocturne d'urine chez les enfants.

Parmi les faits les plus concluants, nous citerons le cas d'un jeune lycéen de 15 ans, sur le point d'entrer à l'Ecole navale, qui nous avait été adressé par le Dr Bazot, de Joigny, et chez lequel l'incontinence qui n'avait pas eu d'interruption depuis la naissance, fut guérie en deux séances.

M. le Dr Armand Paulier, médecin inspecteur des écoles, voulant contrôler nos assertions sur ce point, nous propose de soumettre à ce traitement plusieurs enfants des écoles atteints d'incontinence : nous acceptous sa proposition. Il nous adresse trois enfants : une petite fille de six ans et un petit garçon de huit ans. atteints tous deux d'incontinence nocturne et diurne d'urine, et une petite fille de dix ans, atteinte d'in continence nocturne. Au bout de quelques séances (quatre cinq), faites à huit jours d'intervalle, la guérison était obtenue et notre confrère se déclarait convaincu.

Chez une petite fille de 12 ans. atteinte d'incontinence diume de l'urine et des matières fécales qui la faisaient renvoyer de toutes les écoles, le Dr Frémineau, de Paris, a pu constater guérison complète en trois séances de suggestion. Chez un malade de 18 ans, adressée a notre clinique par le Dr Moutie de Paris, l'incontiuence cédait dés la première séance. Depu sa naissance, cette jeune fille n'avait pas passé une nuit san uriner au lit.

Nous avons, en outre appliqué la suggestion a\ec un succès égal contre un grand nombre de troubles d'ordre pathologique duffèrent (terreurs nocturnes, troubles du caractère, paresse invétérée, habitudes vicieuses). Sauf de rares exceptions, la guériso a été durable.

Par contre, la suggestion ne nous a, jusqu'à ce jour, donn aucun résultat dans le traitement de l' idiotie, du créantinisme, de la surdi-mutité.

Comme nous le disions au Congrès de l'Hypnotisme : « Les travaux d'un grand nombre d'auteurs avant démontré la valeur thérapeutique de la suggestion, il fallait s'attendre â ce que des médecins eussent l'idée d'appliquer a l'enfant une médication qui donnait de brillants résultats dans certaines affections de 1 âge adulte. Il en est ainsi, d'ailleurs, de tous les agents thérapeutiques, et il appartient au praticien de mesurer la dose, qui varie naturellement de l'enfant a l'adolescent et de celui-ci à l'homme fait.

« Pour ce qui est de la suggestion, on comprendra qu'en vertu même des principes qui la régissent, elle doit avoir plus de prise et doit réussir mieux encore chez l'enfant que chez l'adulte. Eu effet, la suggestion n'est-elle pas l'art d'utiliser l'aptitude que présente un sujet à transformer l'idée reçue en acte ? Et, d'autre part, l'observation journalière ne prouve-t-elle pas que cette aptitude, déjà facile a développer chez l'adulte, l'est bien davantage chez l'enfant? »

La suggestion trouvera donc dans le traitement des troubles nerveux et mentaux chez les enfants des indications d'autant plus formelles, qu'en général les manifestations névropathi-ques de l'enfance n'offrent pas le caractère de ténacité qu'elles présentent chez l'adulte.

En résumé, la suggestion hypnotique constitue en neuropa-thologic et en psychiatrie un procédé thérapeutique dont la valeur est souvent supérieure a celle des autres médications. De plus, appliquée d'une façon rationnelle par des médecins expérimentés, elle a l'avantage d'être complètement inoffensive et de ne faire courir au malade aucun danger.

Dès maintenant, en présence des résultats positifs si nombreux qui ont été enregistrés par les cliniciens les plus autorisés de tous les pays, nous nous demandons comment on a pu méconnaître si longtemps la valeur thérapeutique de l'hypnotisme et de !a suggestion.

DU SUICIDE DES HYSTERIQUES

Par M. le professeur A. PITRES '(de Bordeaux) Leçon recueillie par M. Dr Emile Bilot, chef de clinique.(1)

Un évènement tragique s'est produit tout dernièrement à l'hôpital : une jeune femme de vingt-trois ans s'est pendue. C'était une hystérique morphinomane. Elle était entrée il y a quelques mois dans notre service.

1 Cette leçon fait partie d'un ouvrage sur les maladies du système nerveux qui doit paraître pro-

chainement.

mais n'y était restée que quatre ou cinq jours parce que j'avais abso. lument refusé de laisser à sa libre disposition une seringue de Pravaz . et une solution de morphine. Ramenée à l'hôpital quelques semaines plus tard, elle avait été placée dans un autre service. Un beau jour elle se précipita d'une fenêtre du deuxième étage dans une cour pavée et ne réussit qu'à se fracturer la cuisse. On pouvait espérer qu'elle ne ferait pas de nouvelles tentatives de suicide. Miis tjut récemment elle s'est pendue sans bruit, sans éclat; on l'? trouvée morte un malin dans . son lit.

L'occasion me parait favorable pour vous parler du suicide des hys-tériques, et je la saisis avec d'autant plus d'empressement que je voudrais vous mettre en garde contre certains jugements erronés qui se trouvent reproduits dans des ouvrages classiques que vous avez certai-nernent entre les mains.

Beaucoup d'auteurs considèrent les tentatives de suicide que font très souvent les hystériques comme des comédies sans portée.

A côté des gens qui se donnent la mort pour obéir à un sentiment d'honneur, à un préjugé, i une erreur des sens ou à une passion déli- rante, il existe dit M. Taguet, « une catégorie de malades chez qui le suicide n'est qu'une fantaisie, une mise en scène n'ayant d'autre but que celui de fixer l'attention publique, de faire du bruit, d'affliger leurs parents, leurs amis, pour vaincre les résistances qu'on oppose à leurs désirs, un besoin de faire le mal, dût-il entraîner après lui la ruine et le déshonneur ; nous avons nommé les aliénées hystériques... Ces malades ont bien soin d'être aperçues pour qu'on vienne à leur secours ou bien elles s'arrangent de manière à ne pas se nuire... L'hystérique ment dans la mort comme elle ment dans toutes les circonstances de sa vie ; elle est dans son rôle (1)

Legrand du Saule parait partager à peu près lavis de M. Taguet. Il affirme que la réalisation complète du suicide est rare chez les hystéri-ques et qu'en général ces malades « se bornent à de nombreuses tentati-ves accomplies dans des conditions telles qu'elles ne peuvent aboutir (2)». »

D'après M. Huchard. le besoin de simuler, d'attirer l'attention sur leurs actes, d'étaler une certaine mise en scène, le désir de faire parler d'elles et d'afficher des poses théâtrales, sont tellement irrésistibles qu'il pous-sent certaines hystériques à se mutiler et même à jouer la comédie du suicide. L'hystérique, dit il, ne fait pas ses préparatifs en silence, loin de tout regard indiscret comme les malheureux atteints de spleen ou de mélancolie ; elle ne se donne pas la mort par un entraînement sondain et irréfléchi comme le maniaque ou l'alcoolique: Elle déclare, souvent bien des jours et des mois à l'avance qu'elle est lasse de la vie : elle annonce urbi et orbi qu'elle veut se tuer, et tout en cherchant avec un certain art à déjouer la surveillance de son entourage, elle ne manquera pas de laisser percer son dessein par certaines paroles ou certains sous-entendus assez adroitement imaginés : elle aura bien soin d'être vue au milieu de

1 Taguet, Du suicide dans l'hystérie '(Annales médico-psychologiques, mai 1877).

2Legrand de Saule, Les hystériques Paris, 1883,p.860

ses préparatifs et s'arrangera toujours de manière à recevoir un prompt

i secours au moment opportun ( 1 ) »

Sur quoi sont basées ces affirmations? Sur quelques faits exceptionnels et complexes se rapportant autant à l'histoire de l'aliénation mentale qu'à celle de l' hystérie. M. Taguet, par exemple, rapporte trois observations recueillies dans des asiles d'aliénées et relatives à des malades qui étaient peut être hystériques mais qui avaient certainement autre chose que de l'hystérie pure puisque sur les certificats d'entrée de ces malades il est constaté que lune était atteinte «de folie instinctive avec désordres impulsifs, i l'autre, de « manie aiguë avec hallucination de l'ouïe et de la vue et trouble de la sensibilité générale la troisième . d'une intoxication chronique par le chloroforme et l'éther avec affaiblissement consécutif. » Il est de toute évidence que si on établit l'histoire de l'hystérie sur de pareilles observations, on y fera entrer toute la pathologie mentale et bien d'autres choses encore.

Legrand du Saule rapporte, au m lieu des faits aussi contestables que ceux invoques par M. Taguet, un certain nombre de cas bien authentiques de suicides hystenques. Mais les détails de ces cas neconcordent guère avec les conclusions qu'en tire l'auteur. On y trouve en effet, plusieurs exemples de suicides dûment réalisés. Deux de ces malades se pendent jusqu'à que mort s'en suive ; une troisième s'empoisonne avec de l'arsenic; une autre s'asphyxie avec ses deux sœurs ; une se précipite d'un troisième étage et en meurt le lendemain ; une se noie. Celles-là au moins ne s'étaient pas mises dans des conditions telles que leurs tentatives ne puissent aboutir.

M. Huchard raconte à l'appui de son opinion, l'histoire d'une malade de la Salpetrière qui eut l'idée, sans savoir pourquoi, de se précipiter du haut du puits de Grenelle et qu'on pût heureusement retenir avant la réalisation de son projet. Cette malade fit d'autres tentatives de suicide qui n'aboutirent pas. Je ne vois là rien qui permette de déclarer que d'une façon générale le suicide des hystériques est une comédie, une simulation voulue et habilement préparée.

M. Auguste Ritti (2; parait être beaucoup plus près de la vérité quand il dit que les tentatives de suicide, qui sont très fréquentes chez les hystériques, ont lieu le plus souvent sous l'influence d'une contrariété de peu de portée et qu'elles présentent un caractère de soudaineté et d'instantanéité très caractéristiques. Voyons d'ailleurs, ce que nous enseigne sur ce point l'observation directe des faits cliniques.

II

8ur les cent malades dont nous avons recueilli les observations dans ces dernières années, onze ont fait des tentatives de suicide. Parmi ces onze malades, on compte dix femmes et un homme. L'homme était un hystéro-neurasthenique complexe dont il n'y a pas à tenir compte si on vent ne considérer que les cas d'hystérie pure. Les femmes ont tenté de se donner la mort pour les motifs que je vais vous dire.

3 Huchard, Traité des névroses, Paris, 1883. p.961

4 Article suicide du Dictionnaire encyclopédique des sciences médicaux, t. XCII.p .313.

Oservation I. — Marie Ch..., âgée de vingt et un ans, sujette depuis son enfance à des accidents névropathiques variés et. ..depuis l'âge de dix-huit ans. à des attaques hvstériques, avale, après une querelle avec son mari, le contenu d'un flacon de laudanum qu'elle s'était procuré quelques jours au paravant pour panser une plaie douloureuse. L'idée du suicide lui est venue tout-à-coup après la querelle.

Obs. II — Mathilde L. âgée de vingt-trois ans et franchement hystérique depuis l'âge de dix-neuf ans, à avalé dans des circonstances; identiques un petit flacon de laudanum.

Obs. III. — Elisabeth M—, agée de vingt-trois ans, retenu- :au lit pendant de longs mois par des contractures hystériques et désespérée de se voir, par suite de son état maladif, incapable de subvenir à ses besons, a été prise d'une profonde tristesse et. n'ayant rien de plus aetn à sa disposition ,elle a

bu une tasse d'eau chaude dans laquelle elle avait fait macérer une .quarantaine d'allumettes. Elle en a été quitte pour quelques coliques.

Obs. IV. — Jeanne M... avant tait une scène ridicule à son. amant, celui-ci la quitta très en colère, jurant qu'il ne reviendrait jamais plus. Le soir même, Jeanne repentante et désolée avala une dizaine de grammes Je chlore-; forme qu'elle avait chez elle depuis quelques jours pour panser une dent cariée, Elle eut des douleurs épigastriques assez vives, mais pas d'accidents sérieux,

Obs- V. — Mathilde Lor..., a fait six tentatives de suicide. Mariée à dix-huit ans. elle avait épousé un homme violent, .ivrogne et liber;:-. Après des scènes de ménage d'une violence excessive, elle résolut de se donner la mort. Une fois elle alla se jeter à l'eau dans la rivière et fut sauvée par un douanier. Les autres lois elle avala des flacons de laudanum qu'elle avait sous la main.

Obs. VI —Alix s..., trompée par son premier amant avec qui elle vivait depuis cinq ans et n'ayant pas ailleurs aucune ressource, décida de se tuer. Elle acheta un litre de pétrole, alla s'asseoir dans un bois où elle s'était souvent promenée en compagnie de son ancien amant, et là. seule avec ses souvenirs elle avala d'un trait le liquide. Elle eut aussitôt une grande attaque convulsive, puis elle se mit à errer dans les champs, éprouvant une forte sen-sation de brûlure dans l'estomac et vomissant à tous les carrefours. Des paysans la rencontrèrent dans cet état et, après lui avoir donné quelques soins, la ramenèrent à Bordeaux où elle resta plusieurs jours fort malade, ne pouvant ni boire ni manger et souffrant beaucoup de l'estomac.

La seconde fois, après des chagrins de famille, elle es; allée sur la passerelle et à voulu se jeter a l'eau. Elle a emjambé la rampe. On l'avait remarquée l'œil hagard, parlant seule, l'air sinistre, courant sur la passerelle. On se précipita et on la retint avant la chute.

La troisième fois, abandonnée par son amant, se trouvant sans ressources, elle avala un flacon de 30 gr. de laudanum. Elle est tombée dans un état de prostration qui a inquiété sa propriétaire. Transportée à L'hôpital une heure après on lui m prendre un vomitif et du café. Elle resta plusieurs jours malade.

En temps ordinaire elle ne pense pas au suicide, mais aussitôt qu'elles une contrariété un peu violente, elle désire la mort.

Obs. VII. Berthe M... a essayé trois fois d'attenter à ses jours. A l'âge de quatorze ans elle se mit en tète d'épouser un garçon à. peine plus âgé qu'elle de quelques mois, et parce que sa mère refusait son consentement : elle tenu deux fois dans la même année Je s'asphyxier avec du charbon. Puis elle oublia ses amours précoces et devint la maîtresse d'un homme qu'elle aimait beaucoup. Après une querelle avec lui. elle s'empara de son revolver chargé et chercha a s'en tirer un coup dans l'oreille: mais elle oublia d'enlever la baguette de sûreté, et son amant put lui arraché l''arme des mains avant qu'elle eût réalisé son dessein.

Obs. VIII. — Irma Cat..., âgée de vingt et un ans, a fait trois tentatives de suicide. Fille d'un ivrogne invétéré qu'on a dû enfermer à plusieurs reprises à Ville-Evrard pour des accès de délirium iremens, elle était soumise à toutes sortes de mauvais traitements. Un jour (elle avait alors dix-sept ans), son

père la jeta a la porte de chez lui. Elle se dirigea vers la Seine, elle entra dans un débit de tabac, écrivit au crayon sur un morceau de papier : Maltraitée par mon père ne voulant pas me conduire mal je mets fin à mes jours : , je pardonne à mon père. il est fou » Cela fait, elle plia le papier dans sa poche et alla se jeter à l' eau du haut du quai, au voisinage du Châtelet

L'année suivante, étant chez une de ses tantes, clic apprit qu'on l'accusait d'avoir des relations avec un jeune homme du voisinage ; très froissée ces propos qui, paraît-il, ne reposaient sur aucun fondement,elle avala un flacon de laudanum. Elle dormit pendant deux jours entiers, maisne mourut pas.

Enfin, il y a un an, elle se maria avec un homme qui la rendit très mal-heureuse. Apres une querelle violente avec lui. elle se saisit du rasoir et se fit au cou une large et profonde blessure dont la cicatrice mesure huit centi mètres de longueur.

Obs. IX. — Pauline T... a tente de se suicidera ta suite d'une violente Querelle avec son pere et sa mere. Elle avait quitte depuis deux ans la maison paternelle pour vivre avec un j;une homme qu'elle aimait beaucoup. Elle avait fait avec lui de nombreux voyages. Rentrant A Paris après une longue absence, elle voulut a:lcr embrasser ses parents. Ceux-ci, au lieu de l'accueillir comme l'enfant prodigue l'accablèrent de reproches et voulurent lui faire promettre qu'elle ne retournerait plus avec son amant. Pauline refusa. Son pere irrité lui fit entendre qu'il allait la faire interner jusqu'à sa majorité dans on couvent ou dans une maison de correction. Exaspérée par cette menace, Pauline résolut de se donner la mort. Le soir même elle s'enferma dans sa chambre après y avoir furtivement introduit une certaine quantité de charbon. Elle boucha soigneusement l'ouverture de la cheminée avec un drap de lit, ferma aussi hermétiquement que possible les fentes des portes et des fenêtres, écrivit une lettre dans laquelle elle reprochait à ses parents d'avoir causé sa mort, puis elle alluma le charbon disposé en tas devant la cheminée s'étendit toute habillée sur son lit. Au bout de quelque temps une odeur étrange se répandit dans la maison. On s'aperçut qu'elle provenait de la chambre de la jeune fille ; on frappa, on enfonça la porte et on trouva notre lade sans connaissance, presque complètement asphyxiée.

Obs. X. — Marie-Louise F... a fait trois tentatives de suicide dans le cours d'une grossesse extra-conjugale qui lui causa les plus grands tourments.

Elevée par des parents parfaitement honnêtes, elle avait fait en 1882, la connaissance d'un jeune homme qui l'avait séduite. Au mois de décembre elle s'aperçut qu'elle était enceinte. Sous prétexte d'aller chez une parente, elle alla se cacher â Hcndaye où son amant venait quelquefois lui rendre visite. Il essayait de remonter son courave, mais elle était obsédée par le désespoir et la crainte du déshonneur. Elle résolut d'en finir avec la vie. Un four qu'elle était seule an logis elle avala un demi litre d'absinthe pure, A la suite de cette ingestion elle fut très malade et, bien qu'on ait pu lui Clin prendre assez tôt un vomitif, elle resta pendant deux jours dans un eut comateux fort inquiétant.

Quelques semaines plus tard. par une nuit obscure de décembre, elle alla se promener sur les berges de la Bidassoa et, se croyant seule elle se précipita dans le fleuve. Un pêcheur se jeta a l'eau et la sauva.

Enfin en mars 1883,. sa grossesse continuant à la préoccuper et à lui inspirer des idées soimbres, elle acheta un revolver et des cartouches écrivit a son amant qu'elle allait accoucher et qu'elle desirait l'avoir auprès d'elle au moment de l'accouchement. En réalité elle voulait le voir une dernière fois avant de mourir. Il arriva et, après les effusions du premier moment, elle saisit son revolver, le dirigea contre sa poitrine et pressa la détente. Son amant eut juste le temps de se précipiter sur elle et de détourner le coup: cilene se fit aucun mal et accoucha d'un enfant vivant le 18 avril. Depuis lors elle n'a fait aucune tentative nouvelle pour mettre fin â ses jours.

III

Des faits dont vous venez d'entendre le récit, il ressort bien clairement

ce me semble, que le suicide des hystériques est en général le résultat d'une détermination soudaine, irréfléchie, inconsidérée, mais que rien n'autorise à le considérer comme une comédie grossière, jouée par des simulatrices pour se rendre intéressantes ou pour alarmer leur entourage, Si les tentatives de suicide faites par les hystériques n'entraînent pas plus souvent la mort, c'est parce qu'ordinairement elle ne sont pas préméditées.

Les mélancoliques qui veulent mourir choisissent longtemps à l'avance le moment et tes moyens favorables a l'exécution de leur projet. L'hystérique ne réfléchit pas. Pour une contrariété futile, pour un chagrin qu'une personne mieux équilibrée supporterait courageusement, elle prend la résolution de se tuer et, aussitôt elle avale le poison qu'elle trouve sous sa main ou se jette à l'eau.

Le lendemain, elle est enchantée d'avoir échappe a la mon ; elle rit de sa sottise, quitte à recommencer â la première occasion, avec la même sincérité et la même imprévoyance dans le choix des moyens d'execution.

Je crois même que les hystériques sont sincères quand elles prennent des résolutions tragiques que le moindre incident leur fait oublier. Une de nos malades, Albertine M..., rudoyée par son amant achète un revolver et des balles pour le tuer et mourir après lui. Mais en rentrant le coupable lui dit quelques paroles aimables qui apaisent sa colère; elle va jeter le revolver dans les latrines et tout se termine par une violente atta-que de nerfs.

Une jeune femme de notre service a donné deux fois le spectacle de ces changements subits de resolutions dans les circonstances suivantes : Marguerite B..., âgée de vingt et un ans est sujette depuis l'âge de onze

ans et demi A des attaques convulsives. La premier est survenue à la suite

d'une petite contrariété. Mlle était réglée et sa maîtresse de pension lui infli-gea une punition imméritée : elle la mit au pain sec pour le repas suivant Cela se passait à dix heures du matin. Jusqu'à midi l'enfant rumuna sa colèra et, arrivée au réfectoire, l'émotion l'étouffa et elle eut une grand; attaque de nerfs qui dura quatre heures. Depuis cette époque, elle a eu très fréquem-ment des attaques du même genre.

D'un caractère acariâtre, irritable, mobile elle était souvent réprimandés par ses parents, particulièrement par son père.

Un soir d'été que celui-ci l'avait gourmandéc un peu plus brutalement que de coutume, (il y a trois ans environ), elle sortit de chez elle, pleura à chau-des larmes, avec l'intention d'aller se jeter a la rivière. Elle attira l'attention. des passants par l'éclat de sa douleur ;un sergent de ville la suivit et l'arrêta

au moment ou elle allait franchir le parapet du pont, lui fit entendre raison et la ramena a ses parents. Elle se jeta dans leurs bras en leur demandant pardon.

Deux ans après, elle épousa un brave garçon très intelligent, qui l'aimait beaucoup. Elle avait aussi beaucoup d'aft'ection pour lu.; mais on ne se refait pas, et quand on a eu un caractère irritable et acariâtre dans sa jeunesse, (on a oien des chances de le conserver dans l'âge mûr. C'est ce qui arriva à Marguerite et ce qui causa dans le ménage des querelles vio-lentes allant parfois jusqu'aux coups. Il y a trois mois, son mari causant avec quelaques amis, elle voulut se mêler de la conversation; il la pria de se taire, elle continua; il insista, elle répondit par des paroles grossières

alors, impatienté, il lui donna une gifle. Marguerite furieuse sortit aussitôt en criant qu'elle allait se jeter à la rivière. Un sergent de ville la rencontra, lui demanda la cause de son desespoir et lui rit si bien la morale que, quel-ques instants après, elle rentrait chez son mari, et ttombant dans ses bras,

lui demandait pardon de sa conduite.

Que faut-il penser des faits de ce genre ? A mon avis, ils s'expliquent mieux par la puérilité du caractère que par le désir de jouer sciemment des comédies ridicules ou scélérates, car les hystériques sont de grands enfants qui se déterminent d'après des sentiments fugaces et passent d'un instant à l'autre de la gaieté â la tristesse, de la douceur à la violence, de l'amour à la haine ou vice versa.

IV

D'une manière générale on a, du reste, beaucoup exagéré l'amour des hystériques pour la simulation, et cela parce qu'on a systématiquement attribué à des supercheries les phénomènes qu'on ne comprenait pas-

On a vu des accidents rebelles à des traitements réputés actifs guérir après l'administration de pilules de mica panis et on a conclu que ces accidents étaient simulés, ce qui constitue une faute de raisonnement, car l'imagination est, dans beaucoup de cas. un agent thérapeutique d'une incontestable puissance.

On a vu des hystériques accuser de crimes imaginaires des personnes innocentes, et quand la fausseté de ces accusations a été démontrée, on a déclaré que ces hystériques avaient menti sciamment, sans songer que leurs allégations pouvaient être l'expression très sincère dune hallucination ou d'une systématisation délirante ayant pour base un phénomène pathologique réel.

En fait, la simulation est infiniment moins fréquente qu'on ne la dit et qu'on ne le répète encore tous les jours. L'accusation de tromperie est le plus souvent le résultat et l'ignorance ou du parti-pris d'observateurs inexpérimentés; elle repose sur des erreurs d'interprétation et non pas sur l'analyse rigoureuse des faits. Quand les possédées ou les sorcières du moyen âge affirmaient devant les tribunaux qu'elles avaient été transportées au sabbat sur un manche à balai, qu'elles y avaient eu commerce ~vec le diable, etc., il est impossible d'admettre qu'elles imaginaient de toutes pièces, pour le plaisir de se rendre intéressantes, une déposition qui devait avoir pour résultat de les faire condamner au bûcher. Elles disaient, en toute sincérité ce qu'elles avaient vu et ressenti dans un moment d'hallucination sensorielle. Ainsi font les hystériques de nos jours: elles racontent ce qu'elles éprouvent sans se préoccuper des conséquences de leurs récit, et ne croyez pas que ces conséquences soient toujours sans inconvénients sérieux : je sais un exemple d'amputation de jambe pratiquée inconsidérément dans un cas de pied-bot hystérique Brodie (1), Coulson (2) et d'autres auteurs rapportent des faits analogues. Pensez-vous que des simulateurs eussent consenti à subir de pareilles opérations pour se jouer de la crédulité de leurs chirurgiens?

En somme, l'amour effréné des hystériques pour le mensonge est une lé-gende sans fondements sérieux contre laquelle témoignent à la fois le bon sens et l'observation clinique. Les hystériques sont très souvent mobiles, fantasques, romanesques : elles se laissent entraîner sans réflexion

1Brodie, Lectures illustrative of certain local nervous affections. London, 1837. (Trad. française par Dr Aigre, Paris; 1889).

2M. Coulson; hystérucal afffection of the hip-joint (London journal of medecine, t. III, p.6311.

aux impressions du moment ; elles ont des tendresses ou des haines peu justifiées, mais elle ne sont pas toutes d'effrontées menteuses, ainsi qu'on voudrait nous le faire croire ; et quand je vois leur prétendues comédies tourner au tragique et arriver au dénouement sur lesquels je viens d'appeler votre attention, je repousse le soupçon de supercherie qui me paraît invraisemblable jusqu'à l'absurde, et je déclare qu'à moins d'être aveuglé par le parti-pris le plus obstiné, il faut convenir que ces faits fournissent une preuve convaincante de la réalité pathologique des maux dont elles se plaignent. Et pour revenir à notre point de départ, je crois que rien ne prouve que leurs tentatives de suicide soient de simples comédies.

CHRONIQUE BIBLIOGRAPHIQUE

Quelques publications récentes sur l'hypnotisme: Moll, Lloyd-Tuckey, Luys, Delbceuf

Depuis quelque temps, nous sommes littéralement inondés par un flot toujours grossissant d'articles, de brochures, de livres sur l'hypnotisme. Lentement, mais à pas sûr, la science hypnologique pénètre; elle ne tar-tardera pas à occuper dans l'art de guérir la place prépondérante, qui lui revient de droit. Signalons, parmi ces publications, d'abord les livres des docteurs Moil, de Berlin et Lloyd- Tuckey, de Londres. De ces travaux de deux jeunes médecins, qui ont beaucoup contribue à introduire l'hypnotisme en Allemagne et en Angleterre, la deuxième édition vient de paraître presque en même temps.

Le livre de Moll (Der hypnotismus, Berlin, 1890,2e éd.) n'est pas aussi agréable à lire que celui de son collègue anglais, mais il est plus complet et mentionne presque toutes les questions de psychologie expérimentale. Il pourra parfaitement servir de préparation à l'étude de l'hypnologie.

Le travail du docteur Lloyd-Tuckey (Psycho-Therapeutics, London. 1890, 2e éd.), dédié au docteurLiebeault, de Nancy, étudié presquexclusivement l'application pratique et thérapeutique de l'hypnotisme; il renferme cependant des considérations théoriques de grande valeur. La seconde édition a été beaucoup augmentée : la brochure est devenue un livre grâce à la surajoutation de nombre d'observations et de quelques considérations théoriques sur le « modus quo » de l'action thérapeutique de la suggestion. S'il n'est pas difficile de fournir une explication plausible de quelques actions indirectes, il faut convenir que dans cette matière nous sommes loin d'avoir obtenu une clarté suffisante et que chaque tentative à y porter de nouvelles lumières à droit à une appréciation bienveillante

Le médecin qui veut s'initier aux secrets de la médecine suggestive ne consultera pas en vain le livre de Tuckey qui abonde en conseils pratiques.'

Notre collègue de Londres professe des idées très austères, quant à sa tâche et à son devoir de médecin, et il fait bien, car l'exercice de la méthode

suggestive nous met souvent dans une position difficile entre nos collègues médecins qui ne savent pas encore vaincre leur méfiance et les charlatans qui déshonorent la profession.

M. Tuckey évite tout ce qui ne sert pas directement â la guérison du malade, ainsi il s'abstient d'expérimentations et d'exibitions inutiles. Il est d'avis que l'avenir de la psycho-thérapie ne sera assuré qu'autant qu'on tiendra compte de tous les griefs et de toutes les objections éthiques.

La liberté de l'individu doit-étre respectée. Porter atteinte à cette liberté est souvent une chose inévitable de même que la lésion du corps est une conséquence nécessaire de l'intervention chirurgicale. Dans les deux cas, faisons de sorte que le défaut soit aussi minime que possible. Moll. aussi bien que Tuckey. est partisan de l'école de Nancy. Le docteur Luys fait paraître depuis le mois de janvier dernier une « Revue mensuelle d'hypnologie théorique et pratique dans ses rapports avec la psychologie, les maladies mentales et nerveuses. »

Nous ne pensons pas que la nouvelle revue réponde à un besoin, aussi nous lui prédisons peu de succès. La plupart des articles sont de de M. Luys dont la plupart des opinions sont le reflet plus ou moins fidèle des doctrines de M. Charcot.

On n'a qu'à se rappeler son travail sur « l'action des médicaments à distance », pour se méfier de ses communications. Après l'exposition magistrale de la doctrine suggestive par Bernheim on ne s'atendrait pas vraiment à voir un clinicien vraiment digne de ce nom tenir aussi peu de compte des causes d'erreur dues à la suggestion inconsciente.

Ainsi M. Luys consacre un article à l'action thérapeutique de ses miroirs rotatifs, dans un autre il nous rend compte d'une guérison par fascination.

S'il est plus qu'improbable que l'action des miroirs rotatifs soit autre chose qu'une variante de la suggestion, il est bien certain que la fascination décrite par Luys est un état de sommeil artificiel d'ordre suggestif obtenu par imitation : comme moyen thérapeutique sa valeur est moins que douteuse. M. Luys fait des applications suivies du « transfert », phénomène étudié depuis longtemps et reconnu être d'ordre suggestif Ses malades de la « Charité » sont très sensibles à la vue des petites boules différemment colorées. Ainsi il a pu produire chez eux de la catalepsie, des sensations émotionnelles diverses: joie, satisfaction, anxiété, rien qu'en les invitant à regarder fixement ces boules.

Nous pensons que le transfert, la fascination, les miroirs rotatifs, les boules colorées, toutes ces choses miraculeuses, vont devenir les spécialités de la Charité : tout comme l'hyperexcitabilité neuro-musculaire et les trois états hypnotiques furent pendant quelque temps une spécialité de la Salpêtrière.

Nous voulons dire que pour l'évolution de ces phénomènes il faut un certain milieu. Dans ce milieu, l'imitation des malades et la suggestion inconsciente de l'expérimentateur aidant, on obtiendra ce qu'on veut par tout moyen d'ailleurs parfaitement indifférent.

Nous ne saurions prouver ce que nous avançons là, maison a le droit d'exi-ger la preuve du contraire avant d'admettre la réalité des faits. Un expérimentateur qui une fois s'est laissé tromper par la suggestion incons-

dente doit absolument prouver qu'il n'en est rien dans ce cas-ci. Nous exigeons donc de M. Luys avant d'accorder crédit à ses nouvelles affirmations qu'il complète ses expériences en essayant d'obtenir le transfert par un pseudo-aimant, la fascination chez des personnes étrangères,, non préparées, n'ayant jamais vu. ni entendu, ni lu quelque chose sur cette question: en étudiant l'effet des boules colorées et des miroirs rotatifs chez d'autres personnes. Encore devra-t-il faire ses expériences en ayant soin d'éviter toutes suggestion consciente ou inconsciente.

Nous sommes d'avis qu'il est du devoir du médecin qui traite ses malades par la psycho-thérapie d'agir de sorte que le sommeil provoqué ressemble autant que possible au sommeil normal, qu'il évite de créer des états psycho pat niques étrangers et qu'il ait soin de traiter ses malades séparément, puisque beaucoup de névroses et de psychoses doivent être ' considérés comme maladies contagieuses.

Le professeur Delbœuf, de Liège, vient de publier un deuxième travail sur l'action curative de la suggestion. On se rapellera sans doute son ouvrage : « De l'origine des effets curatifs de l'hypnotisme » paru en 1887. Ce second travail est intitulé f De l'étendue de l'action curative ; de l'hypnotisme » (Paris, Félix Alcan, 1890). L'un et l'autre ont été pré-sentes par l'auteur â la classe des sciencesde l'Académie royale de Belgique.

Delbœuf y décrit l'effet de la suggestion thérapeutique dans deux cas d'altération de l'organe visuel.

Le premier cas est une enflammation de la rétine, de nature spécifique, avec enflammation du nerf optique de l'un, et de l'autre œil. L'accident primitif date de 1875, quatre ans après la malade s'aperçut de troubles passagers du côté de la vue : en 1881, apparurent des éruptions cutanées mais la vue resta bonne; vers la lin 1883. on lui fit remarquer un jour. qu'il n'écrivait pas droit. Depuis ce temps, l'acuité de la vision alla toujours en diminuant, sauf une amélioration passagère après un traite-ment mercuriel. Il a été traité successivement par le prof. Fuchs de Vienne le docteur Muhren. de Duseldorf, le docteur Jamain et le professeur Nuel de Liège. L'iode, le mercure, la strychnine, l'électricité ont été employés en vain. Au mois de décembre 188s, l'œil droit ne comptait plus les doigts, l'œil gauche ne comptait qu'à une distance de 50 cm. A gauche il y a un scotôme central, â droite l'œil a perdu la moitié interne de son champ visuel. L'œil droit destiné à être plus tard le meilleur a un aspect atro-phique, les artères rétrécies de moitié, les veines rétrécies aussi, mais moins. Des phénomènes subjectifs lumineux se produisent depuis le mois de février 1886.

Pour rendre instructive et pouvoir suivre pas à pa; l'amélioration, si elle se marquait « dit M. Delbœuf, » il était indispensable, après avoir an préalable déterminé la nature du mal, de mesurer l'etendue. actuelle des altérations. La collaboration d'un spécialiste m'était imposée. Je m'adres-sai à mon collègue, M. Nuel. professeur d'ophtalmologie à l'Universités de Liège, qui accepta mon offre avec empressement. Les premières expériences furent faites dans son cabinet. Les expériences subséquentes l'ont été à l'hôpital, avec l'aide, en outre, de son assistant. M. le doc-teur Leplat. C'est avec le concours tantôt de M. Nuel. et tantôt de

M. Leplat qu'ont été prises U plupart des mesures annotées dans ce travail. Mon rôle spécial a consiste à hypnotiser le malade et à imaginer les suggestions à lui donner. »

Le traitement a duré du 17 janvier jusqu'au 6 juillet 1888: pendant ce temps le malade a eu en tout 46 séances qui prirent chacune d'une à deux heures. L'amélioration obtenue a été assez grande à la fin du traitement, l'œil droit comptait les doigts à une distance de trois mètres, l'œil gauche aun mètre. Il ne pouvait pas lire, mais il pouvait prendre des notes, lire, l'heure sur une montre à fines aiguilles, distingue! le bleu et le rouge, se promener sans être conduit.

Ces améliorations se sont maintenues pendant les deux années qui se sont écoulées depuis la dernière séance, quoique pendant tout ce temps le malade n'ait pas été traité.

Il est certain que la suggestion a été ici le véritable agent curatif. Les suggestions ont été arrangées de sorte que chaque fois on n'influencerait qu'une fonction très déterminée. Ainsi dans une séance. M. Delbœuf suggéra aumal ade qu il verrait ses doigts, pendant le sommeil provoque, (souvent les malades de M.Delbœuf dorment les yeux ouverts)à une distance plus grande. Supposons que le sujet puteompter les doigts à 1 m. 3 heures avant la séance, la distanee était portée pendant le sommeil à 1 m. 60 pour retombera 1 m. 50 après le réveil. A la prochaine séance, la distance fut portée à 1 m. 90 durant l'hypnose et elle retomba à 1 m. 60 après le sommeil, etc.

Ces différences annotées et contrôlées par les trois observateurs, ne permettent pas de douter à l'influence directe de la suggestion.

Dans une autre séance, M. Delbœuf agissait exclusivement sur l'étendue du champ visuel, dans une certaine direction et réussit ainsi à étendre le diamètre supero-temporal de 75° —20o à 90° — 10o. A trois jours de là U était retombé à 85° — 20° et fut reporté à 90° — 5°.

La vision est devenue presque centrale, le malade ayant constaté qu'il pouvait maintenant voir ses deux yeux dans un miroir.

Au texte sont ajoutés huit figures des champs visuels, avant, pendant et après l'hypnose.

Le second cas observé et traité par M. Delbœuf est une kératite paren-chymateuse interstitielle, datant de 1884, ayant laissé sur l'un et l'autre œil une large tache cornéenne abolissant à peu près complètement la vision. De plus, les bords pupillaires des deux iris étaient adhérents au cristallin et les yeux devenant durs, on pratiqua des iridectomies.

Dans le cours de six séances données du 31 janvier au 26 avril 1888, M. Delbœuf a réussi à élargir le champ visuel de l'œil droit. En 1890. on a pu constater que l'amélioration ne s'est pas démentie. L'acuité visuelle à droite, mesurée le 27 janvier 1888, nous apprend que la malade compte les doigts à 1 m. 20 et le dix mars elle les compte à 2 m., tout comme le 26 avril 1888.

Au cours du 58° congres de la « British médical association » réuni à Birmingham dans le mois de juillet dernier, l'hypnotisme a été le but d'une attaque de la part du docteur Norman Kerr. Avec autant d'animo-sité que d'éloquence, méconnaissant les travaux récents sur la suggestion

hypnotique, il a comparé l'effet de la suggestion à la sensation du bien-être procuré par l'ivresse et a prétendu que l'état du malade est aggravé par le traitement. Les soi-disants cas de guérison par l'hypnotisme se seraient aussi bien, pour ne pas dire mieux, guéris par un traitement ordinaire. L'orateur cependant oublia d'appuyer ses arguments sur quelques faits ou observations cliniques.

Il faisait ainsi la part belle et rendait la victoire facile à ses contradic-teurs, aux défensseurs de la psycho-thérapie, MM. les docteurs Kingsbury et Lloyd Tuckey. Ils proposèrent de démontrer quelques phénomènes du sommeil provoqué sur les membres de l'assemblée qui voudraiet bien s'y prêter. L'opinion générale fut favorable aux défenseurs de hypnotisme, comme il ressort du discours du président M. le profes-seur Gairdner et des propositions faites par lui et acceptées l'unammité :

1° Les exhibitions publiques des phénomènes hypnotiques sont contrai-res à la morale et au respect des sujets hypnotisés :

2°Il sera nommé au sein de l'assemblée un comité de médecins qui détermineront la nature des phénomènes et leur valeur en thérapeutique.

Le professeur de climatalogie d'Edimbourg, bien connu par ses voya-ges en Afrique, le docteurR. Felkin. vient de publier un travail, intitulé « Hypnotim und psycho-thérapeutics London, 1890 » que nous nous] proposons d'analyser prochainement.

Amsterdam le 16 septembre 1806 Dr F. van Eeden

POLÉMIQUE L'Hypnotisme et l'Église

Nous lisons dans un journal italien (Fanfulla) l'article suivant:

A la congrégation de la sainte Inquisition universelle, on discute, depuis quelques temps, cette question: L'hypnotisme, considéré en lui-même et dans ses effets, est-il condamnable; et l'hypnotisaiion doit elle tire proscrite comme contraire a la doctrine catholique?

Une réponse partielle sera donnée à cette question tandis qu'elle continue d'être un sujet d'étude pour les savants et les théologiens.

D'un commun accord, ces derniers affirment que les pratiques de l'hypnotisme, comme spectacle public, sont absolument condamnables et qu'elles mettent en péril la foi, la morale, le salut et les bonnes mœurs.

Par conséquent, les magnétiseurs, les sujets hypnotisés et les spec-tateurs pèchent contre les lois de l'église.

Quant a la valeur thérapeutique de l'hypnotisme, les théologiens se divisent en deux camps. Les uns la condamnent parce que, manquant des éléments positifs qui produisent ses phénomènes, ils les attribuent I à une intervention surnaturelle, ce qui les rend contraires aux ensei-gnements catholiques. Les autres, au contraire, insistent pour cher-cher dans l'étude la raison de ces phénomènes et distinguer ce qui appartient à la science ce qui est charlatanisme, afin de condamner seulement ce qui est condamnable.

Ces Questions qui, depuis quelqucs années, passionnent les savants et même le public ignorant, n'ont pas encore reçu une solution théolo-gique.

Quelques prélats, quoique adversaires aux pratiques de l'hypnotisme ne les condamnent pas et laissent au Saint-Siège le soin de juger cette question.

Les phénomènes hypnotiques ont lait naître le dessein d'introduire dans le séminaires l'enseignement médical qui, de nos jours à sa place dans l'étude de la morale. Déjà, en Portugal des chaires d'hygiène sont établies dans quelques séminaires. Progrès très utile si l'on remarque la grande influence que la parole du prêtre a dans les villages et sur le peuple ignorant. Il y a peu de temps, Léon XIII, parlant à un prélat, manifestait le désir que l'enseignement des sciences reçut dans les séminaires un plus grand développement.

Si l'on donne suite à ce projet, il y aura un profit réel pour la morale et le salut du peuple.

L'artic le précédent a immédiatement provoqué la réponse suivante :

Monsieur le Rédacteur

Dans voire numéro du 28 août, se trouve un article concernant l'intention de l'Eglise de soumettre la question de l'hypnotisme au jugement de la Sainte Inquisition. Nous appartenons au public ignorant qui se passionne, non pour la solution du problème, mais pour les progrès pratiques de ces questions; nous voudrions voir les savants italiens s'y intéresser en plus grand nombre et les étudier plus sérieusement.

D'après l'exemple donné par les nations étrangères, l'Eglise a, pour ainsi dire, résolu la question, puisque selon l'opinion de la Sainte Inquisition, la puissance de l'hypnotisme ne peut plus être mise en doute.

Au point où nous en sommes, tes discussions sur ce sujet ne peuvent avoir lieu que dans le camp scientifique; les diflérents élevés entre l'école de Nancy et celle de la Salpétrièrc, à Paris, se rapportent à la valeur thérapeutique de ihvpnotismc et à son utilité dans les opérations chirurgicales.

Il s'agit spécialement de savoir si, dans un cas donné, on peut, sans péril, appliquer le traitement hypnotique sur un individu quel qu'il soit, ou s'il convient de n'y soumettre que les sujets hystériques.

Quant au coté moral, bien que l'Eglise ait raison de vouloir le juger et le soumettre à ses doctrines, néanmoins, le débat nous semble terminé et les conclusions ne peuvent être que favorables.

Vers la fin de février. le Pére Lemoigne, prédicateur de la compagnie de Jésus annonçait à la paroisse de St. Mcrry, à Paris, que, dans ao grand nombre de'cas , l'Eglise permet la pratique de l'hypnotisme.

Enumércr ces cas me semble inutile, il suffit de dire qu'il sont très oombreux, et le taureau me parait avoir la tète coupée.

Si vous voulez insérer ces quelques lignes dans votre journal, vous ferez peut-être une œuvre utile, et, certainement une chose très agréables

Votre respectueux Lux.

DIXIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL DES SCIENCES MÉDICALES Tenu à Berlin du 4 au 8 Août 1800. (suite)

SECTION DE NEUROLOGIE

Les indications formelles de la suggestion hypnotique en psychiatrie en en neuropathologie (V. plus haut p. 97)

M. MIERZEJEVIXI (de Saint-Pétersbourg)- — J'ai eu l'occasion d'applique» l'hypnotisme au traitement d'un certain nombre de maladies nerveuses et mentales et je n'ai pas obtenu les résultats favorables que j'en attendais. A côté de cas ou il m'a. a été permis de supprimer certains symptômes de l'hys térie, j'en ai d'autres où les tentatives d'hypnotisme faites chez des malades atteints de grande hystérie ont provoqué des attaques convulsives. Je ne crois pas que la suggestion ait plus d'efficacité que les autres traitements dans les cas très graves d'hystérie.

Dans le cas de syringomyélie où M. Bérillon a fait disparaître par suggest tion le symptôme thermo-anesthésie, je serais porté à croire que ce symp tôme reléverait plutôt de l'hystérie. Quant a la chorée, on sait que cette affection a une tendance a évoluer spontanément vers la guérison au bout d'un certain temps. Pour ce qui est de l'épilepsie on sait également que chaque remède chaque opération, chaqne traumatisme, chaque choc normal peut faire cesser pourun temps les accès. On peut donc se demander si dans les cas où un résultat favorable a été obtenu, la suggetion a été le seul agent curatif.

M. Ladame (de Genève). — La valeur thérapeutique de la suggestion. contre, un certain nombre d'affections et de troubles fonctionnels n'est plus a mettre, en doute. Il ne reste plus qu'à déterminer les limites dans lesquelles elle est ; applicable. En ce qui concerne la dipsomanie, elle ne m'a ps donné jus-, qu'ici des résultats complets. Dans un seul cas. j'ai pu noter un succès définitif; il s'agissait d'un dipsomane véritable dont la guérison se main-tient depuis de longues années. Les autres sujets que nous avons traités étaient des ivrognes que nous avons pu débarasser de leur habitude boire avec excès des boissons alcooliques.

-m. Stembo (de Wilna).— Je ne mets pas en doute les résultats obtenus par H. Bérillon, bien qu'il ne m'ait pas été encore donné d'appliquer la suggestion au traitement de toutes les affections dans lesquelles il déclare qu'elle est nettement indiquée .Je tiens seulement à dire que l'emploi de l'hypnotisme m'a permis d'obtenir la guérison d'un assez grand nombre de cas d'inco-tinence nocturne d'urine. Dans tous ces cas, la guérison définitive a été piomptement acquise et je n'ai pas eu de rechutes à enregistrer.

M. Lowenfeld (de Munich). — Je crois qu'il n'est pas sans intérêt d'insister dans ce congrès sur la valeur thérapeutique de la suggestion faite dans l'état d'hypnotisme. Contrairement à l'opinion de M. le professeur Merzejevski cro*is que c'est dans la grande hystérie que la suggestion trouve une de ses principales indications. A mon avis, el'e constitue contre les attaques convulsives de l'hystérie un traitement d'une efficacité presque souveraine. J'a pu en consister personnellement les bons résultats et recueillir des obsevations très concluantes que je me propose de publier. Je partage à l'égard de la suggestion l'opinion des médecins français qui en préconisent l'emploi; cependant je crois qu'en dehors d'elle on peut attribuer un effet thérapeu tique aux passes mesmériques. Le sommeil hypnotique a surtout pour but d'augmenter la suggestibilité du sujet, de le préparer A recevoir la suggestion

-qui amène la guérison par action post-hypnotique. J'ai pu aussi m'assurer que la suggestion hypnotique trouvai de sérieuses indications en psychiatrie. M. Mou (de Berlin) — J'ai quelques restrictions à apporter à la communication de M. Bérillon. Il nous a cité quelques cas d'affections mentales dans lesquelles la guérison a été obtenue par suggestion hypnotique. Je n'ai pas personnellement assez d'expérience sur ce sujet pour en juger, mais je sais que d'excellents expérimentateurs ont échoué dans presque toutes leurs tentatives. Il est vrai que M Forci a réussi a faire disparaître chez des aliénés quelques symptômes pénibles, tels que l'insomnie, l'anorexie, etc.. mais il a été impuissant à guérir la maladie mentale elle même. M. Mierze-jevski n'a fait que repéter les mêmes objections que formulait M. Forel il y a deux ans. Seulement lorsque M. Mierzcjevski prétend qu'il provoque des attaques hystériques en faisant des tentatives d'hypnotisatton chez les hystéro-épileptiques. je me vois forcé de le contredire. Ce n'est pas l'hypno-tisation. mais la peur de l'hypnotisme qui engendre la crise d'hystérie. On pourrait de même provoquer une attaque d'hystérie par l'électrisation, mais il serait injuste de dire que c'est l'electrisation elle même qui l'a causée. L'excitation psychique, la peur d'être électrisé auront seules déterminé la crise nerveuse. Je n'ai Jamais constaté d'attaques chez les hystéro-épilep-tiques que j'si hypnotisés lorsqu'ils n'étaient pas en état d'excitation avant l'hypnose et surtout lorsqu'ils n'avaient pas d'effroî

M Bérillon dit qu'il a traité avec succès par l'hypnotisme quatre malades atteints d'épilepsie. Je n'ai pas observé personnellement de bons résultats dans la véritable épilepsie. La différence de notre opinion peut tenir a des différences de diagnostic. Peut être a-t-il pris pour de l'épilepsie véritable ce qui ne serait que de l'hystéro-épilepsie-

Je crois qu'on peut guérir des morphinomanes par la suggestion, mais ce qu'il y a Je plus important Jans !e traitement, c'est non seulement de les désaccoutumer de la morphine mais de gagner a un tel point la confiance du malade qu'il revienne se soumettre à la suggestion dès qu'il éprouve la crainte de retomber dans son habitude.

Je n'ai jamais constaté l'arrêt des tremblements de la paralysie agitante pendant l'état de sommeil hypnotique- _

Je regrette que E. Bérillon n'ait publié que les cas favorables. MM Sper-ling, Schrenct- Notzing et moi n'avons jamais hésité à faire connaître nos insuccès. Je pense qu'il faut éviter tout ce qui peut provoquer des critiques contre l'emploi de la suggestion en thérapeutique, car ce traitement est destiné d occuper une place importante dans le traitement des névroses.

M. Bérillon — Une des plus grandes difficultés de l'application de l'hypnotisme réside surtout en ce qu'elle nécessite toujours un apprentissage préalable et certaines aptitudes spéciales. Par ce côté l'hypnothérapie se rapprocherait quelque peu de la pratique chirurgicale. En effet, a côté de quelques-uns de nos confrères qui arrivent difficilement à endormir 10 malades sur 100, on en rencontre d'autres qui, comme M. le professeur Bernheim, arrivent à provoquer l'hypnose chez So personnes sur 100 et et endorment tous les malades d'un service d'hôpital.

Loin de provoquer le développement des crises d'hystérie, l'hypnotisme eu mêne la disparition complète et nous considérons comme un fait d'une rareté exceptionnelle que d'assister à une crise d'hystérie. Les médecins qui suivent assidûment notre clinique, où un nombre relativement considérable de malades atteints de grande hystérie ont été hypnotisés, peuvent en témoigner.

Que les résultats obtenus varient selon les médecins qui appliquent le traitement psychique ; ce fait n'a rien qui nous surprenne. Ainsi i l'opinion de M. Ladamé qui déclare ne pas compter beaucoup sur la suggestion dans le traitement de la dipsomanie, jesuis heureux d'opposer celle de M Lloyd-Tuckey, de Londres. qni a obtenu déjà plus de 35 guérisons de dipsomanic vraie parce procédé.

Lorsque nous parions d'épilepsie traitée par suggestion, nous ne pouvons

qu'être surpris de voir invoquer la possibilité d'une erreur de diagnostic Outre que les symptômes de l'épilepsie confirmée sont malheureusement assez caractéristiques, nous avons eu rarement l'occasion de traiter malade atteint d'épilepsie sans que le diagnostic eut été préalablement déjà porté par plusieurs des médecins les plus compétents. 6e plus, dans une clinique ou les malades sont soumis a l'examen d'un certain nombre d'assistants, les chances d'erreur du diagnostic en sont d'autant diminuées.

Pour ceux qui admettent, comme moi. a complète analogie du somme» provoqué avec le sommeil normal, l'hypnose ne sera obtenue réellement chez un malade atteint de paralysie agitante que lorsque les tremblements auront complètement cesse. On sait eu effet que les tremblements de la maladie de Parkinson s'arrêtent ordinairement pendant le sommeil. Nous avons constaté que dans cette maladie, de même que dans la chorée, l'hypnose avait pour effet d'amener la cessation complète des mouvements.

Si, après le réveil des malades, nous ayons toujours constaté la réapparition des tremblements chez ceux qui étaient atteints de paralysie agitante par contre il nous est arrivé de constater chez plusieurs choréiques. la disparition totale des secousses. Le livre de M. Beaunis et celui M. Bernheim contienent a ce sujet les observations les plus caractéristiques.

Les critiques formulées contre l'application de la suggestion au traitement des maladies mentales ne s'adressent pas uniquement a nous. Elles attei-anent encore plus MM. Krafft-Ebing, Forel. Auguste Voisin, Jules Voisin Briand. de Jong, Repoud, etc.. qui ont recueilli de fortes intéressastes observations d'aliénation mentale traitées avec succès par la suegestion. Le cas d'inversion sexuelle public par M. Schrennck Notzing n'est-il pas des plus frappants?

Qu'y a-t-il d'étonnant A ce que nous ayions obtenu des succès dans le traitement d'affections mentales, puisque nous nous sommes fait une règle de n'appliquer le traitement suggestif qu'aux formes et aux symptômes de l'aliénation mentale qui sont considérés comme curables.

Quant au reproche de n'avoir pas publié de cas négatifs, il tombe de lui-même. Notre communication avait pour but de formuler les indications formelles dans lesquelles les neurologistes et les aliénées seront d'autant plus autorisés a recourir à la suggestion qu'ils ne sauraient employer une médication à la fois plus efficace et plus inoffensive. Nous croyons avoir suivi de point en point notre programme

CONGRÈ DE MEDECINE MENTALE

(suite

De l'aide que le chloroforme à très petite dose apporte à la production du sommeil hypnotique.

M. Aug. Voisin, (de Paris) -- J'ai essayé, dans un certain nombre de cas, de faire intervenir des inhalations chloroformiques pour produire le sommeil hypnotique chez les aliénés.

La sensibilité au chloroforme est augmentée chez les individus qui ont été soumis pendant quelques instant» aux pratiques de l'hypnotisme.

Tout récemment, une aliénée, que cinq infirmières avaient peine à main-tenir, put cire hypnotisée, dés que je parvins A lui faire respirer six goutte

de chloroforme.

J'ai réussi de même chez une aliénée panophobique dont l'attention ne pouvait être fixée, chez une dipsomane. chez un aliéné héréditaire d'une mobilité successive et chez une lypémaniaque affectée de céphalée qui péchait la concentration de la pensée.

Dans tous les cas, l'intervention du chloroforme ne pouvait pas être considérée comme un phénomène suggestif; le médicament agissait bien évidemment en supprimant la résistance volontaire du malade.

Recherches sur la composition de l'urine dans la léthargie hypnotique.

MM. Acg. Voisin et Haraut (de Paris) ont analysé les urines de plusieurs malades mises en léthargie, et ils ont constaté que, durant cette période léthargique prolongée de huit à vingt jours, la nutrition s'effectuait mieux que pendant l'état de veille. Cette conclusion est absolument contraire à celle du mémoire de MM. Gilles de la Tourette et Cathelineuu sur le même sujet.

Il est juste de iairc remarquer que, chez les sujets de ces auteurs, le sommeil léthargique n'avait duré que quelques heures.

Il résulte encore de ces recherches que, contrairement à ce qu'avaient avancé MM. Cilles de la Tourette et Cathelineau, l'hypnotisme ne saurait êre considéré comme un état pathologique.

On peut conclure en disant :

1° La nutrition n'est pas troublée dans le sommeil hvpnotique ; 2° L'hypnotisme n'es: pas un état pathologique :

3° L'hypnotisme est un moyen thérapeuthique dont nous pouvons nous servir sans risquer de nuire à la santé générale de nos malades.

Sur la folie dans les prisons

M. Bailleul (de Rouen) — Il existe, dans les prisons, toute une catégorie plus ou moins considérable d'individus, qu'on pourrait désigner sous le nom peu compromettant de minus babentes, qui devraient être, de la part de l'administration des prisons, l'objet d'une attention spéciale.

Il faudrait faire, à l'entrée. un examen plus complet rigoureux et plus détaillé de l'état mental de chaque détenu, prolonger pour les douteux le temps d'observation, et chaque fois que des troubles psychiques sont constatés, prescrire un régime spécial, curatif pour les incurables, palliatif pour les incurables.

Création d'un asile national pour les aliénés criminels.

M. Brunet (d'Evreux). Les aliénés criminels sont une cause permanente de désordre dans les asiles ordinaires ; d'autre part leur nombre serait largement suffisant pour alimenter un asile spécial. M. Brunet demande donc que, contrairement à l'avis de la commission de la chambre des députes l'article 38 du prejet de loi sur les aliénés voté par le Sénat, soit approuvé, en en mot qu'il soit créé un asile pour les criminels de France.

Après la discussion, le Congrès consulté vote à l'unanimité celte proposition de M. Bourneville : » Les criminels devenus aliénés doivent être isolés et maintenus dans des quartiers spéciaux. » Il repousse de même à l'unaninité moins trois voix celte contre proposition de M. Brunet : « Le Congrès émet le vœu qu'il soit cre: un asile spécial pour es aliénés criminels. »

NOUVELLES

CLINIQUE DES MALADIES NERVEUSES, 55. Rue Saint André dis Arts. -- M. !e docteur Bérillion commencera le samedi 25 octobre à 16 h. 1/2 une série de leçon» cliniques sur applications de

'l'hypnotisme et de la suggestion a la thérapeutique et à la pédiatrie : Il les continuera les. Samedis suivants à la même heure. On s'inscrit à la clinique, 55 rue St André des Arts.

Les consultations gratuites sont lieu les mardis, jeudis, samedis, de 10 heures à midi. Les mé-

decins et les étudiants en médecine peuvent y assister.

L'aliénation mentale en nouvelle zélande. — Au 31 décembre dernier, on conduit dans cette colonie anglaise 176 aliénés, c'est a dire une augmentation de 80 aliéné sur la statistique l'année 1888,. Le nombre des cas de cas de guérisons a été en moyenne de 57,72 pour cent et celui de

la mortalité 4.54 pour cent. on doit remarquer la proportion relativememnt considérable du nom-bre des aliénés par rapport au chiffre modeste de la population de cette colonie anglaise.

Le Services des aleénés en autriche. — Quelques journraux rapportent que les aliénés seraient traités en Autriche, dans certains établissements dits « de santé » avec une brutalité inouïe, Il y a quelque temps, le Landrag de Galleie a été saisi d'une protestation énergique provoquée par la mort subite da comte DziedusJuzycki, survenue â la suite de sévices graves. Des journaux de Lemberg. le « Dziennnik Poleki a entre autres, annoncent qu'un lieutenant de Hussards aurait été transporté au quartier des agités et maltraité d'une façon odieuse pour avoir oublié de saluer un employé de la maison de santé de Kulparkow.

— M. Raymondaud, directeur de l'Ecole de médecine de Limoges, est nommé chevalier de la légion d'honneur.

— Dans la séance générale de clôture de la session 1890, le bureau de l' Association française; pour l'avancement de. sciences a remis solennellement à M. le docteur Gariel. professeur de physique à la Faculté de médecine de Paru et secrétaire du Conseil de ladite association. une grande médaille pour le remercier des services rendus par lui depuis 1872 à cette compagnie pavante.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE

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mental psychologie. II-III. 8° Leipzig? 1890.)

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Milan.

BLOCQ(P.) : Des somnambulismes. (Gaz vebdom. de méd. et de chir., 12, 1990.= CHARCOT : Hypnotism and crime. ( Tee Forum, apri.1890)

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procés criminel d'un hystérique hypnotisable (Ann. médico-psych, 1. 1890.) DU PREL - Die trazweste des Hypnotismus (Sabine, Bd. IX 1890 GOELER VOS RAYEKSBORG : Die Helschen. (sphinx. Bd.IX, 1890.)

LOMBROSO G : L'ipnotismo come mezzo carativi. (Lo spérimentale.. Juin 1889.Florence) LOMSROSO : Pickman e la trismissio del pensiero (Gazetta letterario. Bd. xiV, 12,1890)

OUVRAGES REÇUS A LA REVUE

Alb. Poisson. — Cinq traités d'Alchimie des plus grands philosophes , traduits du latin en

français, in-8°.136 pages. Bibliothèque Chacornac, 11, quai Saint-Michel, Paris, 1890 L. Bloch et Sagari. — Secrets a vendre :. in-8°, 455 pages Paul Ollendorff,,28, rue

de Richelieu. Paris. 1800. Dr Ph. Tissié. — les Rêves. Physiologie et Pathologie, in-8°, 210 pages. Félix Alcan,

108, boulevard Saint-Germain, Paris, 1890. Albert Bonjean. — l' hypnotisme.- Ses rapports avec le Droit et la Thérapeutique,

in-8°, 316 pages. Félix Alcan, 108. boulevard Saint-Germain, Paris. 1890. Dr Emile. Laurent. — L'Amour morbide- Etude de Psychologe pathologique, in-8°,

286 pages. Société d'éditions scientifiques, 4, rue Antoine-Dubois, Paris, 1890.

L'.Administrateur-Gérantt: Émile BOURIOT

paris. — imprimerie clamaron-graff; 57, rue de veaugirard

REVUE DE L'HYPNOTISME

EXPÉRIMENTALE ET THÉRAPEUTIQUE

AUX ADMIRATEURS ET AUX ÉLÈVES DU Dr LI1BEAULT (DE NANCY)

Londres, Octobre 1890

Monsieur et cher confrère,

Monsieur le docteur Liébeault a fait connaître son intention de se retirer prochainement de sa profession, afin de jouir du repos qui lui est si bien acquis par son travail assidu et desintéressé. Nous qui avons pu apprécier la droiture et la bonté de son caractère, ainsi que le courage inébranlable avec lequel — pendant de longues années— il a démontré au corps médical l'importance de l'hypnotisme, nous jugeons l'occasion favorable pour lui donner un témoignage de respect et d'admiration.

Nous désirons donc lui offrir un hommage en quelque sorte international, et nous envoyons cette lettre â tous ceux de nos confrères qui ont suivi la clinique de Nancy, bien persuadés qu'ils accueilleront avec plaisir notre proposition.

Nous nous permettront de vous rappeler que le docteur Liébeault, quoiqu'il ait avec un désintéressement sans égal communiqué les fruits de son expérience à tous ceux qui sont venus les quérir, et qu'il ait par cela mis les médecins de tous les pays en état d'en tirer avantage et d'en acquérir de la renommée, est lui-même resté pauvre.

11 a travaillé dans l'intérêt général, et n'a acquis ni cherché l'opulence. Nous proposons, Monsieur, de lui présenter un album contenant les photographies de tous les donateurs, et d'y joindre un objet d'art. Tout en sollicitant votre bienveillante coopératien, et en vous invitant i faire partie de notre comité international, nous vous prions de bien vouloir nous transmettre à ce propos vos observations que nous accueillerons avec reconnaissance. La somme des donations n'a pour nous qu'une importance secondaire, étant bien persuadés que c'est des sentiments d'affection et de respect dont nous sommes inspirés que notre cher et honoré confrère fera le plus grand cas. Nous limitons donc la donation de chacun à deux guinées (environ cinquante-trois francs). Les donateurs sont priés d'envoyer leurs photographies, format " cabinet " de préférence, ainsi que leur souscription à M. le docteur Lloyd Tuckey, 14,

Green Street, Grosvenor Square. London, qui se charge de lous les details, et qui fera publier la liste des souscripteurs dans la Revue de l'Hypnotisme,

Agréez, Monsieur, l'assurance de notre considération la plus distinguée,

A. W. Van Restfrghem. M.D.. Amsterdam.

F. Van Eeden, D. D., Amsterdam. C. LlOYD TUCKEY. M. D , London.

G. C. Kingsbury, M. D., Blackpool. F. R. Cruise, M. D.. Dublin.

J. Milne Bramwell, M. D.. Goole.

La Revue de l'Hypnotisme est à l'netière- disposition de nos distingués confrères

étrangers pour les seconder dans leur touchante initiative. Beaucoup de médecins et de savants français, disciples de M. Liébeault se joindront a eux pour donner à ce grand penseur, à cet homme de bien, témoignage de leur reconnaissance et de leur admiration. Nous les remercions d'avoir bien voulu associer la Revue de l'Hypnotisme à leur généreuse idée.

Dr. Edg. Bérillon

LA FOLIE DU DOUTE ET LE DELIRE DU TOUCHER

Par M. le Docteur LADAME de Génève (1).

MESSIEURS

En parcourant le programme des travaux de la section de psychiatrie, vous aurez été surpris, assurément, d'y rencontrer, parmi tant de sujets d'une incontestable actualité, qui intéressent au plus haut degré tous les médecins, ce titre, un peu vieilli et démodé, de la folie du doute et du délire du toucher.

Les recherches bibliographiques que j'ai faites m'ont appris combien sont grandes les divergences des aliénistes qui ont étudié cette question. Pour ne parler d'abord que des plus modernes, voici quelques indica-tions des chapitres où il faut chercher la folie du doute dans les ouvrages les plus connus. Schüle fait une folie héréditaire simple, dans le groupe des psychoses er dégénératives et Magnait un Syndrom épisodique de la folie héréditaire des dégénérés : Krafft-Ebing qui a nommé, le premier, en 1867, «Zwangsvorstellungen » les idées fixes dont la duréé et l'intensité morbides sont reconnues comme telles par te m. traite de la folie du doute dans un chapitre spécial des psychode dégénératives — trouble mental par obsessions.

March (1862) la rangeait dans les monotonies intellectuelles ». Jules Falret en faisait un groupe à pan, sous la dénomination « Aliené-

1 Communication faite le vendredi 8 août au congrès de Berlin, section de psychiâtrie.

lion partiele avec crainte du contact des objets extérieurs. » Pour Morel c'était le « délire émotif. » Pour La sègne « la mélancolie perplexe. » Ball la rattache aux délires avec conscience. Dagone!. n'en parle nulle part. Meyner: (1). dit qu'elle appartient au complexus symptomatique de l'hystérie et de l'hypocondrie. Kraepelin ne la mentionne qu'il propos de la folie neurasthénique. Savage en traite dans le chapitre des • Htats hypocondriaques ». Scbolz, enfin, dans son manuel qui sort de presse, n'en parle qu'à l'occasion des troubles élémentaires de l'intellect, en avant soin de faire remarquer que les obsessions, parmi lesquelles il distingue une « Fragesucht » en une « Zweifelsucht » sont, à la vérité, fréquentes chez les héréditaires, mais ne constituent pas un signe patho-gnomonique de folie, puisqu'on les rencontre également chez lus personnes saines d'esprit.

La folie du doute est ainsi, chez les auteurs contemporains, tantôt le symptôme des affections mentales et nerveuses les plus variées, tantôt un épisode psychopathique de la dégénérescence héréditaire, tantôt une l'orme spéciale de psychose, tantôt enfin un simple trouble psychique élcmentaire qui relève de la pathologie générale de l'aliénation mentale.

Ainsi le doute n'est pas seulement chez les malades, il a passé dans la science, et l'affection dont nous parlons présente ce caractère singulier qu'elle pourrait aussi bien être appelée folie du doute, en raison de l'incertitude dans laquelle se sont trouvés les savants pour lui fixer une place dans le cadre des maladies mentales, que pour les symptômes étranges qui la caractérisent.

L'histoire de cette psychose, bien que toute moderne, est en effet déjà très complexe.

Au commencement de notre siècle. Pinel a distingué la manie sans délire, en Maley. de Genève, la folie raisonnante. Mais ni l'un ni l'autre de ces auteurs ne parait avoir compris sous ces dénominations les cas morbides dont nous traitons ici. bien qu'on les ait rangés ultérieurement dans ces deux catégories.

La première observation clinique détaillée qui rentre sans conteste dans le délire de toucher se trouve dans les œuvres d'Esquirol (2), sous le titre de « Monomanie raisonnante - qui renferme aussi les cas de folie morale observés par Prichard. Esquirol met déjà en relief dans cette observation, les deux symptômes essentiels de la folie du doute, la lutte constante du malade contre ses obsessions et la conscience très nette qu'il a de leur ridicule et de leur absurdité.

Parchappe (3) cite plusieurs cas analogues, qu'il rattache â l'hypocondrie et qui! donne comme exemples d'idées fixes; entre autres une curieuse observation de van Swieten.

La distinction entre l'obsession et l'idée fixe ne sera faite que beaucoup plus tard par Westphal. On confondra pendant bien longtemps encore

I Ueber Zwangavoratellungun, Wien klinische Woternesechrift, 3 mai 1838. N°5 p.119. (2) maladies mentales, tome II, p. 63 et suivantes, 1838.

(3)Symptomatologie de la folie. Annales médico-psychologiques, 1851, p. 92.

ces deux termes. Ce serait une erreur cependant d'en conclure que les anciens observateurs n'aient pas soupçonné déjà les traits essentiels qui distinguent l'idée fixe de l'obsession.

Delasiauve (4) rapporte les obsessions bizarres d'un jeune homme, du reste sain d'esprit, redoutant la morve, parce qu'il avait glissé sous le cou d'un cheval ou craignant de devenir enragé à la seule vue d'un chien. 11 fait laver ses habits, les vend et se reproche ensuite les maux imaginaires qu'il a pu communiquer ainsi à d'autres personnes. Dela-, siauve place cette histoire entre deux observations d'aliénés persécutés et regarde tous ces cas comme identiques.

Brierre de Boismont (5) dit aussi que l'idée irrésistible, vivement combattue par le malade, forme dans ces cas le trait dominant du tableau. Sous l'obsession même de l'idée fixe, dit-il, les malades peuvent remplir leurs devoirs.

Il me parait intéressant de mentionner ici une remarque de cet auteur qui fait voir à quel point les aliénistes de cette époque avaient déjà pénétré la signification psychologique des obsessions.

« Il y a une distinction à faire, dit Brierre de Boismont. qui n'a pas été omise par M. Baillarger « c'est qu'on peut-être malade par les idées quand elles dominent l'esprit, mais qu'on n'est réellement fou que quand la volonté est devenue impuissante à dompter les impulsions. « Puis il ajoute... « il est certain qu'au début l'idée fixe ne doit pas exercer sur les autres idées la pression qu'elle exercera plus tard... il n'en est pas ; moins vrai que l'idée fausse est l'image du fruit gâté qui ne tarde pas agiter à son tour tous ceux qui l'environnent. » Cette pensée est con-forme â l'opinion de Stricker (6) qui se demande si les idées fixes ne seraient peut-être point au début de simples obsessions ?

Dans la discussion sur les monomanies qui prit fin le juin 1854, à la Société médico-psychologique de Paris, on insista particulièrement sur deux points qui méritent d'être relevés. D'abord sur le fait de la lutte que les malades livrent â leurs obsessions, sans parvenir à s'en débarasser (7); puis sur cet autre fait important, que Westphal devait aussi plus tard considérer comme un caractère essentiel de ses « Zwangs-vorstellungen », à savoir que !e trouble est primitivement dans l'intel-ligence et non pas dans le sentiment (8).

En 1859, Delasiauve (q) fait une première tentative de différencier les pseudo-monomanies des folies systématisées, en se basant sur la: conscience que le pseudo-monomane a de son trouble mental. Malheu-reusement le travail de l'auteur est obscur, vague et confus. Les seuls exemples de pseudo-monomanie qu'il donne pour appuyer sa distinction se rapportent exclusivement a la folie systématisée par excellence. délire des persécutions !

4 De la monomanie au point de vue psycholigique et légal. Annales méd-psych. 1853 T, IV p.363, 5 De l'état de facultés dans les délires partiels ou monomanie. Annales médico-psychologiques

1853 T. V p.367.

6Uber stas Bewusstein, 1879 (cité par Wille)

7 Demasiaure. Annales méd psych. T. VI 1854 p.118 et 276.

8 Peisse ibid p. 283

9 Des pseudo-monnomanies ou folies partielles diffuses, Ibid T.V 1869 p. 217

Citons encore un curieux passage de Renaudin (1) qui distingue dans la monomanie deux espèces d'idées fixes et de conceptions délirantes, relativement à leur influence sur les déterminations ; ou bien dit-il. elles sont restrictives, c'est à dire qu'elles correspondent à la notion actuelle des obsessions d'arrêt ou d'inhibitions, ou bien elles sont un mobile plus ou moins énergique, c'est à dire, pour parler le langage moderne, qu'elles deviennent des obsessions impulsives. — Ou bien, dit Renaudin. elles sont stationnaires. ou bien elles ont une virtualité de développement et de généralisation. Le professeur Wille, comme nous le dirons tout à l'heure, a expliqué plus tard les mêmes opinions, dans des termes presque identiques.

A partir de 1860 !es observations de délire du toucher deviennent de plus en plus nombreuses. Trélat (2) en rapporte plusieurs qu'il classe sous diverses rubriques de - sa folie lucide ». Balilarger (3) en cite d'autres sous le titre de « monomanie avec conscience »,~et signale le premier un fait important, c'est que ces monomanies éclatent très souvent à l'époque de la puberté. On commence â entrevoir le rôle des influences héréditaires.

Marcé (4) confond comme tous ces prédécesseurs, le délire de toucher, don il cite un exemple caractéristique, avec le délire des persécutions et la folie systématisée.Il décrit de main de maître la genèse des idées fixes. « chez un individu prédisposé, dit-il. faible de caractère, doué d'une sensibilité vive, un mot. une émotion, une crainte, un désir laissent un jour une impression profonde. La pensée, née de cette façon, se présente à l'esprit d'une manière importune, elle ne le quitte plus, elle l'obsède, elle domine toutes ses conceptions : pendant quelque temps l'individu peut avoir conscience de tout ce que cette idée fixe a d'absurde, de

déraisonnable ou de criminel.....les actes eux mêmes ne tardent pas à se

conformer â ces préoccupations maladives, ils deviennent absurdes et extravaguants. » Tout cela s'applique aussi bien aux idées délirantes des fous systématisés qu'aux idées forcées des obsédés. Marcé le démontre par les exemples qu'il en donne.

On trouve pour la première fois le nom de folie dit doute dans la fameuse discussion sur la manie raisonnante qui eut lieu à la société médico-psychologique de Paris, en 1866 (5).Jules Falret (6) s'exprima ainsi : « Esquirol en a cité un exemple remarquable dans son livre... En général la maladie consiste dans la crainte du contact des objets extérieurs; ces malades éprouvent le besoin de lotions fréquentes. Cette crainte se rapporte surtout aux objets métalliques. C'est à cette forme de folie que mon père a donne le nom de folie du doute... »

Constatons que la maladie appelée ainsi par Falret père répondait au délire du toucher et non pas â la forme de trouble mental que Griesinger décrivit deux ans plus tard sous le nom de Grübelsucht " et „ Krank-

1Observations médico-légales sur la monomanie. Annales med.psych. 1854p 236

2La folie lucide 1861 Entre autres, les observaions II, XXVII, XXVII.

3Archivacliniques des maladies mentales et nerveuses, 1866 p140.

5 Séance du 26 Mars 1866. Annales médico-psycholigiques, 1866 p. 92 et suivantes. 6 Loc. cit. p. 94.

halte Fragesucht. " Toutefois Baillarger avait signa le sait, dans la discussion de 1866, qu'une de ses malades était sans cesse à faire des suppositions relatives â son délire. « Elle se perd, disait-il, dans les si et les peut-être... Elle a des scrupules religieux exagérés; elle craint d'avoir commis des actes d'impureté. »

Pendant la même année Morel (1) publie son important travail sur le délire émotif"', dans lequel on trouve les descriptions de plusieurs cas d'obsessions avec conscience relatives au délire du toucher.

Dans l'étiologie, à côté de toutes les causes connues de urasthénie, Morel fait une grande part à l'hérédité, non seulement. dit :.. de la folie proprement dite, mais de celle qui provient des névroses. telles que l'hystérie et l'hypochondrie. Cependant Morel. le créateur du groupe des folies héréditaires a séparé de ce groupe son délire émotif ".

Pour la première fois ces malades sont nettement distingués des hypo-condriaques et des fous systématisés. L'auteur fait remarquer que les délirants émotifs n'interprètent pas leurs obsessions à la manière ordinaire des aliénés. Ils n'éprouvent ni hallucinations, ni illusions En un mot, dit-il, ils ne subissent pas ces transformations qui l'on: des aliénés

autant de personnalités qui sont essentiellement, radicalement différen-tes de ce qu'elles étaient autrefois » Morel ajoute cependant que les malades, à la longue, peuvent devenir vraiment aliènes. Les sept obser-vations qu'il rapporte concernent exclusivement le délire du toucher et d'autres obsessions panophobiques du même genre : aucune n'a trait aux questions maladives" de la Fragesucht.

On n'a pas assez fait attention à ceci. Il importe donc de constater qu'il n'existait, en 1868, quand Griesinger {2) publia ses observations, aucun cas absolument analogue à ceux qu'il décrivait. Personne n'avait encore signalé le fait que la maladie toute entière pouvait consister en questions insolubles poursuivant sans cesse le malade, qui ne peut, échapper aux Pourquoi et aux comment. Griesinger disait que le trouble était uniquement dans les idées, indépendant de toute complication émotive ou passionnelle. Aussi, tout en indiquant que ses cas présentaient une certaine analogie avec la maladie du doute de Falret. a-t-pris pour son mémoire un titre qui ne préjugeait en rien la question. Les réflexions que cet éminent clinicien présenta, en Mars 1868. a la Société médico-psychologique de Berlin sur Iun état psychopathique peu connu ", démontrent clairement qu'il comprit la vrai nature de cette psychose nouvelle. Griesinger dit en propre termes que c'est « une . bsession avec conscience sous forme de question ou de doute.» Il n' y a pas un root dans ses trois observations qui rappelle les symptômes une nous connaissons sous le nom de délire du toucher, bien qu'un de ses malades fut un onaniste invétéré.

Les cas de Griesinger rentraient bien au fond dans la même catégorie que ceux des auteurs français dont nous avons parlé. Les uns et les autres sont des obsessions avec conscience. Ils ne diffèrent que par la forme cli-

1 Achives générales de médecine, 1864 p. 385 et 700.

2 Uber cinen weng bekanrt en psychoipatischen Zustand? Vortrag gehalten un der Berliner med-

psych. Gesltschaft. Archin fûr Psychiatrie. T. 1.1869 p.326.

nique, sous laquelle ils se présentent, la variété et le caractère des obsessions. Il n'y a pas là une différence fondamentale. et Legrand du Saulle (1) l'a bien vu en réunissant dans sa monographie les cas de Gricsinger et ceux d'EsquiroI. de Baillarger. de Falret, de Morel et des autres auteurs déjà cités. Legrand du Saulle a démontié que les mêmes malades peu vent présenter successivement les troubles de la folie du doute et ceux du délire- du toucher; On a voulu le contester, mais de nombreux auteurs sont venus coniirmer l'opinion de Legrand. en apportant comme preuves leurs propre* observations, entre autres Ritti (2). Krafft-Ebing (3). Wille (4)et Mendel Maître les assertions contraires (6) il faut donc admettre la réalité des descriptions de Legrand du Saulle. U n'en est pas moins vrai qu'il a trop vite généralisé, et que sa tentative de former avec la folie du doute unie au délire du toucher une affection mentale tout à fait spéciale, une véritable entité morbide, à trois périodes distinctes, ayant sa marche, ses terminaisons et son pronostic propres, était tout au moins prématurée.

Les faits qui ont été publiés dès lors le prouvent suffisamment et je rapporterai tout-à-l' heure deux observations personnelles qui démontrent nettement, une fois de plus. la complète indépendance clinique de la folie du doute et du délire du toucher.

La monographie de Legrand du Saulle marque néanmoins une date importante dans l'étude de cette maladie et a exercé une influence considérable sur les travaux subséquents.

Quelques années avant Legrand du Saulle. Meschede (7) avait publié deux observations de « Krarkhafte Fragesucht » qu'il déclarait identiques à celles de Griesinger. Il s'agit en effet de fous questionneurs , mais il suffît de prendre connaissance des symptômes mentaux de ces deux malades pour être certain qu'ils n'appartiennent pas a la folie du doute. L'un est un persécuté, l'autre un maniaque qui offre une singulière Kragesucht '' que l'auteur appelle Schimpfreden in Frageform (Insulteur sous forme de questions) ! Tous deux enfin sont des hallucinés. Meschede lui-même, du reste, dit que les termes de Griesinger Zwangsvortellungen in Frageform " ne désignent pas d'une manière précise et assez complète le symptôme observé. Il s'agirait plutôt d'un Fragezwang ". espèce de t. question forcée " qui se ferait sentir dans les cercles d'idées les plus divers. C'est pour cette raison que l'auteur propose un nouveau mot mieux conforme, pour désigner cette espèce de maladie mentale.

Nous arrivons maintenant à un travail qui fait époque dans l'histoire

1 La folie du doute ( avec délire du toucher) Paris 1875

2 Gazette hebdomadaire N. 42 1877 et article Folie du doute dans le Dictionnaire encyclopédique.

3 Ueber Goistessterungen dürs Zwangsvorstellüngen. Aüg. Zeit f. Psych. t. 35 1879 p. 303 4Zür Lehre der Zwangsvorstellungen Archiv fur Psychiatrie. T. XII p. 1. 1882

5 la F. Schramm; Inaug Dissertation; Ueber di Zweifelnicht ünd Berubrumgrangst. Berlin 1888 p.9 6 Vior spécialement les article du prf. Brerger ( de Breslau) in Arcchiv.f. psych. et la discus°

sion qui eut lieu à la section de Psychiatrie dans la réunion de médecins et naturalistes Allemands cassel, septembre 1883; All zeit ( Psychiatrie B4, 36,1880 p. 473

7 Ueber Krankhafte Fragesucht. Phernolepsia erotematica eine bisher wenig bekanste Forme partieller Denkstœrung. A llgetensia Zeituhift fur Psychizytie, 1872 p. 300

de la folie du doute. Je veux parler du mémoire de Westphal,(1) publié en 1877 sur les obsessions.

Pour la première fols nous rencontrons une étude approfondie de ce trouble mental, envisagé au point de vue de la psychopathologie générale. Après avoir donné une définition très arrêtée de l'obsession, Westphal montre que la Grubelsucht de Griesinger, ou folie du doute de Falret en est une variété : Les principales conclusions de Westphal peuvent être résumées comme suit.

1° Jamais l'obsession ne devient une véritable idée fixe délirante, car les malades ne les assimilent jamais comme le font les aliénés systéma-tisés, l'obsession restant toujours étrangère au moi du malade. Même-lorsque ce dernier commet des actes absurdes et :ridicules sous l'impulsion de son obsession, il n'agit pas comme le fou sous l'inspiration d'une idée délirante. L'obsédé reconnaît le ridicule et l'absurdité de son action; le fou systématisé se conforme logiquement aux déductions de son idée fixe qui a pénétré comme telle dans la conscient- du malade et s'y est incorporée.

Cette distinction que Westphal a établi scientifiquement entre l'idée-, fixe et l'obsession a été reconnue depuis des siècles par l'Eglise,'qu a toujours fait la différence entre la possession et l'obsessioni. On disait souvent « cet homme n'est pas possédé, il n'est qu'obsédé. »

2° Un second caractère fondamental de l'obsession, selon Westphal, c'est qu'elle n'est jamais produite par un état émotif ou passionnel. C'est

un trouble originel de l'idée. Ce n'est pas une émotion. Quant l'obses sion apparaît pour la première fois chez un malade, il peut être dans un état de tranquilité parfaite, d'indifférence. sans trace d'émotion, Plus tard apparaissent des accès d'angoisses. mais ces accès sont toujours secondaires. Jamais on n'observe ici l'angoisse primaire, comme dans d'autres psychoses, la mélancolie, l'hypocondrie, l'épilepsie.

S'il existe d'emblée un état émotif avec l'obsession, cet état n'estjH en rapport intime avec elle, c'est simplement un phénomène concomit-

tant. Cette opinion de Westphal, si contraire aux observations de Morel et des savants français, a été combattue, dans ledébat qui eut lieu à la Société médico-psychologique de Berlin, par Jastrow et Sander (2) Le professeur Berger, (5) de Breslau allait beaucoup plus loin encore puisqu'il rangeait sans hésitation les obsessions dans les nèvroses . émotionnelles

Westphal distingue 3 espèces d'obsessions : 1°Celles qui restent purement théoriques, parmi lesquelles il faut ranger la folie du doute sous forme de questions: 2° celles qui produisent certaines actions dans : lesquelles nous ferons rentrer le délire du toucher: et, 3° les obsessions impulsives qui provoquent une action immédiate.

Brosius (4), et surtout Wilk (5), dans une savante critique, ont dis-

I l'eber Zaang.rer.tellungMi. fi.-r.Mcr UUiwtt WocktmtbriflJWÙfrft.- ,$7t P- 39^M ' s UiKULion »„r la communient ton de Wmphai. Séance du 5 mu* m ¦>> u ioCmK 1

brrlino-*« méJico p»ycholoclnuf. WwA.'r fmr p.juù T. VIII iS;S p. ju et ;w. ?

3 GrûO*:.ùcbi ein p«yfho:i»uwh(» Symptom. Arcbivf*' Pmj.-*. t. Vi i«o p. ai? Aehit far 1^1 0*1 sùrhi un! Zwug.t-oraidlunfr?!. ibU T. VI! :-;3 p. :¦ . ' S

4 D*r Irrcnfrtond, J3- anr.ee, iWi p. jq cl 6«. I i Loc. e\u "H

cute les conclusions de Westphal et réfuté ce quelles avaient de trop -Asolu. Ils déclarent spécialement, avec Morel, Krafft-Ebing, Legrand '.'do Saulle et la grande majorité des auteurs, que les obsessions peuvent avoir une base émotive. Brosius, qui se plaint de ce qu'on ait réuni sous la rubrique Zwangsvorstellungen une vrai macédoine de formes cliniques, voudrait qu'on en sortit la folie du doute (das Gùbeln • and das Fragen.) dont les obsessions ne provoquent jamais ¿es actions positives ou négatives correspondantes.

Contrairement a Westphal, Wille admet comme Renaudin et Legrand do Saulle. que l'obsession n'est point toujours un symptôme simplement " station nuire, mais que d'habitude elle se développe et s'étend, et prend ainsi une importance pathologique de plus en plus grande.

Wille pense que les obsessions sont, plus souvent qu'on ne le croit, suivies d'une véritable aliénation mentale, et en particulier assez fréquemment de mélancolie. Il a observé aussi un cas qui a passé directement au delire hypocondriaque, c'es-à-dire à la folie systématisée, tandis que Westphal affirmait que l'obsédé ne devenait jamais fou, non plus que dément. Comme Legrand. Wille signale encore les fréquentes idées de suicide et même des tentatives qui parfois ont été suivies de mort.

Wille conclut que la folie du doute, et les obsessions en général sous toutes les varietés quelles revêtent, forment le groupe des folies avec conscience qui appartienent ii la famille considérable de la folie héréditaire, avec la manie raisonnante, la folie morale, les psychoses circulaires et périodiques, la folie systématisée ou paranoia primaire. Il considère la folie du doute et ses congénères comme une sorte d'état intermédiaire entre les névroses et les psychoses d'une part, et d'autre part entre les prédispositions psychopatiques et les maladies mentales dé-chrées. Selon Wille les obsédés sont prêts en tous temps à verser dans la folie.

Jusqu'ici nous avons vu la plupart des auteurs, depuis Morel, tenir . grand compte de l'hérédité comme facteur essentiel des obsessions, Aucun deux cependant n'avait considéré ce trouble m entai comme un signe directe! immédiat de l'hérédité morbide.

C'est ce qu'a fait avec un très grand succès, M. ?????, depuis quelques années, dans ses levons et dans une série d'études très remar-ejoable. (i) Les diverses formes cliniques des obsessions et des impulsions décrites par les auteurs deviennent, pour ce savant distingué, les Syndromes épisjdiques de la folie des héréditaires dégénérés. Ce sont là, dit Magnan. de vrais stigmates psychiques de l'hérédité, au même titre que les stigmates phvsiq'ues, décrit par Morel. Ils représentent les aspects variés de l'état mental des héréditaires et de la dégénérescence.

Les vues de Magnan ont été vivement discutées à la Société médico-piychologique de Paris (2? Jules Falret, qui partage au fond les mêmes

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idées, tit observer néanmoins qu'il fallait bien se garder, sans doute, de subdiviser à l'infini, comme l'a fait Guislain : toutefois qu'il ne fallait pas méconnaitre pour cela l'existence de certaines formes mentales avant une symptomatologje et une évolution distinctes. Et Falret ajoute qu'il faut admettre, comme une variété clinique, méritant une descrip, cription à part, la folie du doute. — Nous sommes absolument du même

avis. Nous irons même plus loin et nous demanderons que l'on sépare, en deux variétés cliniques distinctes, la folie du doute et le délire du toucher, qui s'associent souvent, cela est certain, comme la pleuro-pneu-monie. mais qui évoluent plus souvent encore isolement, comme les auteurs l'ont constaté de plus en plus, et comme le prouvent les deux observations suivantes, dont je ne puis donner qu'un court résumé,

I. Jeune homm. fils unique, 28 ans. Intelligent, bossu, asymétrie de la face. Onanisme depuis l'âge de 14 ans, scrupules religueux. Crises mentales hypocondriaques. Refus de nourriture, à plusieurs reprises. pour faire péni-tence, après ses mauvaises habitudes de masturbation. Crainte de contaml-nation. Délire de toucher. Lavage fréquent des mains comme usage de puri fication. Déverses autres obsessions... Mauvaises pensées contre Dieu et la religion. Jamais d'hallucinations d'aucune sorte, jamais de folie: de doute proprement dite, il ne craint jamais d'oublier quelque chose et jamais ne se pose de questions.

En venant me consulter, accompagné de son père, le malade m'ap-porte un cahier d'une écriture line. serrée, dans lequel il a détaillé toute l'histoire dî ses inquiétudes et de sa maladie. Il a beaucoup lu de livres de médecine, s'est instruit sur 1' hypnotisme et les maladies mentales. H a consulté une légion de médecins et de charlatans. s'est drogué de toute manière, et m'annonce d'emblée qu'il appartient au groupe des scrupuleux et qu'il est atteint de folie du doute avec délire du toucher Terreurs nocturnes dans son enfance. Préoccupations hypocondriaques variéeset persistantes. Masturbation suive de crises mentales dont le malade donne la description suivante. - Cet état mental consiste en mauvaises pensées dont je suis assailli continuellement et que je combats tout le temps. Cela m'empêche toute occupation. Quand j'allais à la selle je souffrais dans le rectum, et les jours de mauvaise habitude j'avais de la peine à faire mes nécessités comme si les : nerfs du bassin-se resserraient. L'étal mental m'obligea à rester pendant plu-

sieurs mois. Je sentais les os de la tète se resserrer;il me sembait

q'un espace vide existait dans le cerveau et que j'allais mourir. Quand je marche et que les mauvaises idées me prennent, je dois m' arrêter, puis revenir d'un pas en arriére pour corriger la mauvaise pensée. C'est comme si je corrigeais une erreur dans un livre de compte » Il est-sujet aussi à d'autres obsessions bizarres, il n'ose rien toucher, de peur dé contamination c' se lave les mains toute la journée II raconte qu'il ne peut dormir sans son bonnet de nuit et que le matin au réveil si le bonnet n'est plus sur sa tête, il se sent comme paralysé, perdu. présente, dit-il, deux signes physiques de folie raisonnante" (il a lu l'his-toire de Sandon par Legrand du Saulle). d'abord son asymétrie faciale.

qui est en effet très prononcée. la moitié droite est sensiblement plus large que la gauche : puis, second signe, après le repas, il a souvent un sentiment d'ivresse, sans avoir bu une goutte de vin.—La maladie se caractérise par des remissions et des exacerbations. Le père dit qu'il n'y a pas de maladies nerveuses dans la famille. Il offre lui-même le tvpe de la mélancolie, répond à peine aux questions qu'on lui pose et n'ouvre la bouche que pour des lamentations. La mère aussi passe pour une femme originale.

Il. Femme 33; ans. orpheline de mire dès l'âge de deux ans. Tare béré-ditaire névtopathique tris lourde. Père alcoolique. Plusieurs suicides dans la famille. Education négligée. Obsessions depuis son enfance, sous forme ie questions métaphysiques et religieuses. Jamais d'hallucinations d'aucune sorte. Jamais Je délire du toucher. Incapacité absolue de travail depuis 6 ans, à cause J- idées ".

Mlle X. de taille moyenne, sans aucun signe physique de dégénérescence, n'a jamais '.'.il de maladies, a été réglée à 13 ans et dès lors très régulièrement. S mère est morte d'un dépérissement à 44 ans. Le père peu d'années .après de fièvre chaude, suite d'ivrognerie. Il s'était mis à boire après la mort de sa femme, ne pouvant supporter son chagrin.

Hérédité matenelle. La mère avait 3 frères dont deux vivent encore et 4 sœurs, toutes mortes. La malade se souvient très bien qu'une de ses tantes (morte à 60 ans) était bizarre. Elle ne sortait jamais, causait très peu. allait s'asseoir seule dans un coin de la maison, etc..

Hérédité paternelle. Deux frères du père se sont tués, l'un s'est empoisonne parce que. disait il. sa femme lui faisait des misères: l'autre s'est fusille parce qu'il avait appris que sa femme avait connu d'autres hommes avant son mariage. Un autre frère s'est noyé dans une rivière, par accident, à ce qu'on a dit. Un 4e frère est parti pour l'étranger et l'on n'en a plus eu de nouvelles. Le père avait deux sœurs, mortes toutes deux, ni l'une ni l'autre n'avaient été aliénées.

La malade raconte que depuis son enfance elle a eu des idées " qu'elle ne pouvait chasser. Elle se posait toutes espèces de questions et cherchait en vain des réponses. Ces questions étaient surtout relatives aux choses de l'autre monde. Elle a toujours beaucoup aimé le travail etdésirait s instruire. Au sortir de l'école primaire elle aurait voulu continuera étudier, mais son oncle, qui s'était chargé de l'élever, la plaça comme bonne d'enfants. Elle lut en service pendant 14 ans. Jamais malade. Jamais d'hallucinations d'aucun sens, ni d'illusions. Jamais de crainte d'aucune sorte, ni d'appréhensions quelconques. Mais toujours des idées sous forme de questions qui parfois deviennent si pressantes qu'elles l'empêchent de travailler. Elle n'est pas très susceptible, cependant elle raconte que dès sa tendre enfance elle a dû subir des froissements de toute espèce. On l'a toujours traitée avec indifférence, en lui faisant sentir qu elle était orpheline. Dans les divers héritages, par exemple, que les nombreux décès de ses oncles et tantes laissèrent à par-

tager, elle fut toujours frustrée, et ne reçut pas les parts auxquelles elle aurait eu le droit de prétendre. Bile du qu'on l'a toujours regardée de travers.

Depuis quelques années les idées l'obsédaient de plus en plus. Dé quelle se mettait à lire ou à quelque autre occupation les questions

la tourmentaient sans relâche, â tel point qu'elle ne pouvait rien faite et resuit à refléchir. —Ce sont toujours les mêmes qu'elle ne pouvait rien faire tones et tenaces qui se présentent à son esprit. — Avant tout des ques-lions relatives à la création (Schoepfungsfragen).

Est-ce que tout ce que nous voyons S*est fait de soi-même?

Est-il vrai que c'est Dieu qui a créé toutes ces choses ?

Est ce que le monde ne s'est pas fait tout seul?

Est-ce qu'il y a un Dieu?

Puis d'autres questions meUphysiques ou religieuses.

Comment peut-on diviser les objets en parties infiniment petites,puisque chaque petite partie peut encore être divisée? Comment se fait-il qu'un objet divisé à l'infini puisse encore être divisé, alors cependant on ne peut plus le diviser? Est-ce que Dieu pourrait encore le diviser?

Dieu seul pourrait le diviser et pourtant cette particule ne peut être divisée ? Comment cela se peut-il?

Ces idées et bien d'autres semblables la tourmentaient longtemps et revenaient souvent. A la fin elle se disait, et cela la tranquillisait pour un moment. Eh bien ? s'il y a un Dieu, je le verrai et je lui demanderai.

Puis elle se creusait de nouveau la tête pour savoir s'il y a un paradis, où est le paradis? S'il y a un enfer, où se trouve l'enfer? On nous dit que le paradis est par en haut, mais tout est vide? Il faut donc que se soit bien en haut, puisqu'on ne le voit pas dans le fond du ciel?

Puis c'est le tour des idées sur la mort et l'immortalité. Quand quel-qu'un meurt pourquoi ne voit-on pas son âme? Quand l'âme sort du corps, pourquoi ne la voit-on pas?

Ya-t-il une âme? Pourquoi le corps meurt-il? etc.Peut-être ne ne meurt-on que pour un certain temps?I

Y a-t-il une autre vie après celle-ci ? etc. etc.

Toutes ces idées la tourmentaient souvent et longtemps.

La malade a eu fréquemment des idées de suicide, mais jamais elle n'a fait une tentative pour se détruire. Elle n'a aucun impulsion. Elle se nourrit régulièrement et n'a jamais refusé la nourriture. — Jamais de délire du toucher.

En terminant cette communication je n'ajouterai qu'un mot. Dans l'élude que je viens de faire, je n'ai eu en vue que les cas typiques de la forme congénitale du délire du toucher et de la folie du doute. Cette forme de trouble menu!, qui tient à la constitution originelle du cer-veau dure plus ou moins, avec des rémissions et des exacerbations. pendant toute la vie du malade. Pour le traitement, à côté des autres moyens thérapeuthiques déjà connus et employés jusqu'ici, j'ai tenté non sans quelque succès, l'électrisation statique, comme tonique de sytème nerveux et la suggestion hypnotique, qui combat directement le symptôme. Je n'ai pas encore assez expérimente ces méthodes dans

LA POLIS DO DOUTE ET LE DftURt DU tOL'CHER |'I

les cas dont nous parions pour pouvoir porter un jugement définitif sur elles. Je puis cependant en recommander l'essai, et je crois que ces moyens seront particulièrement utiles, dans certains cas accidentels de folie du doute et du délire du toucher qui se manifestent comme symptômes de neurasthésie chez les personnes prédisposées à la suite de maladies aiguës, d'hémorragies ou d'autres causes débitantes de l'organisme en général ou du cerveau en particulier.

SUR LE TRAITEMENT DE LA MORPHINOMANIE PAR LA SUGGESTION HYPNOTIQUE.

Par le docteur Otto G. WFTTERSTRAND. de Stockholm.

J'ai traité 22 cas de morphinomanie par la suggestion hypnotique-Dans deux cas. l'entêtement des malades empêcha la gué ri son. Dans un troisième, le malade me laissa sans nouvelles ultérieures; les 19 autres cas ont ete suivis de guérison. Un malade qui absorbait plus d'un gramme de morphine par jour depuis plus de trois ans (il en avait pris l'habitude pendant une maladie au Ci ire), fut débarrassé de son habitude en quinze jours. Il mourût plus tard d'une pneumonie. Mon expérience m'a enseigné qu'il est assez difficile d'acquérir de l'influence sur les morphinomanes : on a besoin de temps et de beaucoup de patience pour arriver au but. mais le médecin accoutumé au traitement suggestif peut être sûr du succès. Je ne veux décrire que trois cas en détail : le premier, parce que le malade avait plusieurs fois essayé la cure, si habituelle maintenant, de l'abstinence graduelle et le traitement hypnotique chez un de mes collègues, mais sans succès; et parce que les symptômes de la morph:nomanie étaient chez lui dissimulés et compliqués par l'alcoolisme chronique. Je cite le second cas comme exemple de la facilité avec laquelle on arrive à la guérison, si l'on veut bien suivre ma méthode, que je considère comme une révolution dans le traitement de la morphinomanie, et qui dans l'un des cas que je cite donna des résultats inespérés au bout de trois jours. Le troisième est d'une grande importance psychologique. Voici le premier :

1. R. de X..., Propriétaire. Virtgt-ttois ans. —Le malade a été gâté par sa mère depuis son enfance. Il n'a jamais rien appris et n'a jamais rien voulu apprendre, et pour cette raison n'a jamais quitté la maison paternelle. A l'âge de dix-huit ans, des troubles gastriques se produisirent contre lesquels il employa les injections de morphine ; il n'a pas cessé depuis. Il séjourna pendant quelque temps à l'hôpital de sa ville natale mais on ne put ni l'hypnotiser, ni employer avec succès le traitement de l'abstinence graduelle. Pendant les deux dernières années, il s'était livré à la consommation excessive de boissons alcooliques ; en dernier lieu il'buvait

un litre de cognac par jour. l-e 4 avril iSSq. je le visitai pour la première fois; alors je constatai ; constitution assez faible, visage rouge, yeux larmoyants, tremblements dans les muscles, marche difficile, vomissements tous les matins, douleur dans le creux de l'estomac, qu'il combat par l'injection journalière de a* â }o centigrammes de morphine et en s'eni-vrant de cognac : son inquiétude était si grande que je ne pus (influencer qu'aprèsdix séances. H s'améliora après, de jour en jour; les douleurs daus le creux de l'estomac disparurent, et après 14 séances hypnotiques il me remit son aiguille à injections. Sa manie alcoolique fut apaisée également, et il rentra chez lui. au commencement de juin 1889, tout à fait guéri. 11 m'écrit le 26 novembre 1889 : « Votre portrait est sur mon écritoire. je l'ai toujours devant les veux et il semble me repeter toujours : la morphine a été la malédiction de ta vie, il taut lavoir en horreur. Cela est vrai et lésera toujours. Je souhaite â tous les pauvres morphinomanes que vous soignerez a l'avenir le même succès que vous avez eu avec moi par l'hypnotisme. Personne ne peut témoigner mieux que moi que l'hypnotisme est le moven le plus sur contre l'abus de la morphine, moi qui ai été si fortement empoisonné. J'ai bon appétit et je dors bien, cequi est sans doute l'effet de l'équitation, du séjour en plein air et de la diète que j'étais loin de suivre autrefois, comme vous le savez mieux que personne. » Je veux ajouter encore que le * lévrier 1890 un parent du malade me lut une lettre de sa mère qui confirme sa guérison absolue et comme morphinomane et comme alcoolique : elle se réjouit de la vie active et réglée de son fils.

Le second cas offre un intérêt encore plus considérable. Après deux années d'efforts infructueux par la méthode ordinaire, je n'arrivai à la guérison que par un sommeil prolongé.

3. Mlle L. C-. Vingt-deux ans.— Depuis 1882. la malade est atteinte d'insomnie, de constipation et de vomissements fréquents. Des crampes nerveuses la tourmentent aussi ; pour les apaiser, elle commença les injections de morphine au mois de février 1885, et a continué depuis, excepté pendant des intervalles très brefs. Elle put se passer de morphine pendant deux mois en 1886, mais malgré cela elle était dans un triste état. Pendant l'automne de 1887, les vomissements aqueux verdâtres reparurent avec plus de force que jamais, et l'insomnie devint insupportable. Je vis la malade pour la première fois le 12 décembre 1887 et je commençai mon traitement le 19. Elle était pâle et amaigrie, et souffrait de vomissements, d'insomnie et de crampes, de temps en temps aussi de douleurs nerveuses. A la fin de février 1888. son état s'améliora un peu. elle Se passa de morphine pendant quelque temps, mais 'on inquiétude au sujet de son père, qui devait subir une opération à la fin du même moi8, empira de nouveau sa maladie, et elle recommença l'usage de la morphine au commencement de mars. Pendant la fin du printemps et l'été, elle se trouva mieux et ne se servit de morphine que la nuit. Au commencement de juillet, elle voyagea et dut reprendre de la morphine même pendant la journée â cause de vives douleurs névralgiques. Au commencement

d'août, elle essaya de nouveau la suppression, mais ne put supporter les vomissements qui suivirent. Pendant les mois d'août et de septembre, die devint très faiMe et ne dormit point, toutes mes suggestions pendant l'hypnose ne servirent â rien. L'automne et l'hiver suivant, elle souffrait de crampes vèsicales qui ne cédèrent qu'a des fortes injections de morphine. Des crampes se produisirent aussi dans les mains et les pieds mais celles-ci diminuèrent par la suggestion. Pendant le printemps et l'été de ï88o. elle s'opposa autant que possible ;r rusage de la morphine •contre ses douleurs que je pus adoucir. mais non pas guérir complètement. La menstruation était irréguuere : au mois de juin 1889 elle fut copieuse, et cessa après. Oins son journal, elle écrit en date du 1 * juillet : « Vaincue, j'ai pleure longtemps, les nuits sont atroces : je n'ai pris qu'une injection de morphine insignifiante : les nerfs de la tête sont atteints, je ne puis ni-penser.ni parler clairement, la mémoire disparait. Je souffre atrocement à cause décela. Le manque de morphine doit être la cause de ma misère. M. le docteur X. appelé, dit que mes larmes m'ont probablement sauvée d'une grave maladie cérébrale. • A cette époque, elle lit un voyage et le 17 juillet, elle écrivit : « mes forces ne veulent pas revenir, je suis désolée à cause de la morphine, dont je suis forcée d'augmenter la quantité. Dieu seul sait quelles misères l'avenir me réserve. « Au mois d'août, 'de était à peine cbns un état d'esprit normal, évanouissements répétés, vomissements fréquents. Chaque soir, elle prenait du chloral contre l'insomnie et. pendant les mois de septembre et d'octobre, elle souffrait de vives douleurs dans les bras, les mains et les jambes. A cette époque elle prenait de b à 7 injections par jour (5 grammes), et devenait de plus en plus indifférente en pensant à la mort certaine â laquelle elle était ainsi vouée. Mais en même temps, dit-elle, je souffrais de ne pouvoirrinirma misère. * Les coliques reparurent avec plus de force que jamais. Je n'avais pas vu la malade depuis le mois de juillet. Le 7 octobre, elle me consulte de nouveau, alors je lui propose un sommeil prolongé, de trois semaines peut-être, après lequel elle se relèverait guérie et débarrassée de sa passion. Elle v consentit avec plaisir, cl le it octobre au soir je l'endormis. Le sommeil continua toute la nuit, la journée et la nuit suivante ; au réveil le 11 octobre, au matin, légère injection de morphine. Après elle n'en eût plus besoin. Le n octobr.- les vomissements et la diarrhée recommencèrent, mais cédèrent facilement à b suggestion. Les forces augmentèrent rapidement. 1 appétit devint meilleur et je lui suggérai des évacuations journalières, régulières, résultat qu'elle n'avait acquis pendant des années qu'à l'aide de movens artificiels: la menstruation reparut par la suggestion le ;o octobre et est demeurée régulière depuis. Toutes les douleurs, toutes les crampes, tout symptôme de maladie ont disparu et la morphine n'existe plus pour elle. Elle m'écrit le 28 janvier 1890: « vous savez que je suis saine maintenant, et d'âme, et de corps et que mofl humeur noire a disparu. Comment puis-je vous remercier? » Pendant la carede trois semaines, elle dormit presque tout le tempi. D'abord, je b vis î Ibis, ensuite une seule fois par jour. Pour les repas et a d'autres occasions, elle se reveilbit à moitié, pour se rendormir de suite. A chaque visite, je lui suggérai b haine de b morphine et lui or donnai de reprendre ses forces, d'avoir bon appétit et de bien dormir.

Si l'on me demande maintenant si un traitement semblable peut-être :] employé souvent avec succès contre la morphinisme. je crois pouvoir répondre par l'affirmation. J'ai suggéré un sommeil prolonge d.ins * au- \ très cas et je compte le faire encore a l'avenir.

Suit le troisième et dernier cas. d'un grand intérêt psychologique.

y.W.M. S. B... jurisconsulte. Trente-cinq ans. —Le 17 septembre cou" rant (1890) je fus appelé auprès de ce malade, que j'avais déjà traité au mois d'avril dernier, après avoir guéri sa femme, morphinomane égale-1 ment, dans un espace de douze jours. A cette époque. M.B ne put suivwj le traitement jusqu'au bout et il v eut récidive. Je trouvai M. B. dans un état complet d'abattement, poids plat et mince, le faciès pâle. particU- , lier aux malades de ce genre, la lèvre inférieure pendante, les c :::s de la bouche étirés, une difficulté particulière d'énonciation des sifflantes, constipation opinâtre. sueurs abondantes et fétides, urine limpide mais* fétide aussi et déposant après deux heures environ un sédiment gris-clair. La nuit, point de sommeil malgré les a* centigram. de morphine en solution, compliqués de quantités considérables d'opium et de chloral que le malade absorbait tous les jours et cela depuis environ huit ans (le malade n'avait jamais pris d'injections). Toute la nuit on remarquait dans les membres les mêmes phénomènes qui se produisent par des choçfl électriques violents, ainsi que des attaques de suffocation pénibles, je ' supprimai de suite le laudanum et le chloral et combinai le traitement suggestif avec une légère dose de morphine après la deuxième séance le soir. Cette dose fut de b centigram. le premier jour et alla en diminuant' jusqu'au quatrième soir, les séances hypnotiques étant toujours suivies de repos. Jusqu'au 20 septembre, rien de particulier à remarquer, mais cette nuit-lâ des phénomènes nerveux d'une excessive violence se produisent : le malade, malgré sa faiblesse extrême, ne peut rester un instant en repos, il veut sortir, se procurer de la morphine, et veut se tuer, etc. Je pus néanmoins l'endormir trois fois dans la journée et la soirée du 21,1 mais dans la nuit, les phénomènes se reproduisirent et continuèrent avec ' plus ou moins de violence jusqu'au 33 àdeux heures du matin, quand le malade fut subitement pris de vomissements et de diarrhée d'une violence extraordinaire. Je le vis à sept heures du matin et. après une longue séance hypnotique, j'activai les vomissements au moven de ¦ Soda Wa~. ter glacé»; ils continuèrent jusqu'à onze heures. J'administn: sogram.; d'émulsion cyanydrique par cuillerées à bouche et â deux heures de l'après-, midi tous les symptômes particuliers de la morphinomanie avaient disparu et ne sont pas revenus depuis. Le malade est aujourd hui, 17] octobre, complètement guéri, une légère torpeur de l'estomac cédant, facilement au bicarbonate de soude à la dose de 50centigram. J ai suggéré au malade l'évacuation et un sommeil régulier. Des érections et des pollutions douloureuses dépendant des violentes contractions du col de h. vessie ont cédé à la suggestion également. Au point de vue moral, ce cas me fut d'une utilité extrême; il me confirma un phénomène que je soup-

connais depuis longtemps, c'est-à-dire l'auto-suggestion trop négligée Jusqu'à ce jour par les médecins psychologues. Pendant que je parlais à

foréille gauche du malade, il lui semblait que la morphine prenait corps du côté opposeet lui rappelait toutes les douleurs guéries et toutes les heures de jouissances. Dans les rêves ou plutôt les délires atroces de la cinquième et de la sixième nuit, le malade était tourmenté par une femme couronnée de pavots rouges et gris, qui tantôt le fouettait de bouquets 3e ces mêmes fleurs, tantôt lut en montrait des plaines entières en train de se faner. Il est évident que ces phénomènes ne se reproduiraient pas si le médecin hypnotisant pouvait prolonger ses séances et finir par imposer sa volonté.

je termine par quelques observations générales.

i. L'espoir de guérison des morphinomanes est en raison directe de l'état de faiblesse dans lequel le malade se trouve au commencement delacure.

a. La morphine ne doit jamais être supprimée de suite.

3. Les vomissements bilieux sont un symptôme de guérison et doivent continuer pendant au moins dix heures.

e '4. Lestom?c ne tolère après que des soupes du gruau pendant au ¦oins 4 jours. Ceci surtout pour les malades qui se sont servis de solutions.

' ç. Le médecin suggérant ne doit pas craindre la crise nerveuse qui se produit toujours vers la quatrième nuit et dure de 24 à 60 heures : cette crise est nécessaire pour la guérison. Le médecin multipliera simplement les séances en diminuant rapidement la morphine, et le malade prendra confiance et courage, tout en se souvenant de l'expérience terrible qu'il vient de traverser.

L'n mot encore. Dans un hôpital, le traitement est peut-être plus facile à suivre, mais ce n'est pas le résultat de mon expérience. Tous les morphinomanes, moins un. que j'ai traités, l'ont été chez eux. Dans un cas, on me remit l'aiguille de Pravas au bout de 24 heures ; mais ce résultat rapide est une exception, en général, la cure, quoique certaine à mon avis, n'est p;is aussi facile qu'on serait tenté de le croire après avoir lu l'article de M. Voisin (1) où il parle de la guérison dune morphinomane. Je crois que la méthode suggestive est la meilleure que nous ayions pour le moment et serait digne de plus d'attention que ne lui en consacre M. Pichon, par exemple, dans son excellent ouvrage sur le morphinisme. (2) Les malades qui ont pris la morphine en solution, toujours les plus faciles à guérir, se trouveront surtout bien en consultant un médecin au courant de la méthode suggestive: j'ai guéri } de ces malades en 24 heures.

Mlmidl rferpootibSLC. toL 1. p. l6i.

M «orphiaiMs*. fciodt» diai^ata rte p&ha 1890. p. *a«.

LES FONCTIONS INTELLECTUELLES, MORALES ET GÉNITALES;

CHEZ LES MORPHINOMANES

Par M. le Professeur B. BALL.

La morphine est un poison merveilleux, qui, chez l'intoxiqué. sem&H se substituer à ta vie elle-même, et exerce sa puissance r. seulement sur la vie physique, mais surtout sur la vie morale de I':nd:v.du. V'oyet plutôt comment s'établit cette domination et cornmentle futur morphine manc glisse sur la pente du vice.

Une malade éprouve des douleurs violentes, intolérables, un médecùf lui fait une piqûre, et aussitôt le patient éprouve un calme dont aucune expression ne peut rendre la béatitude : il s'endort d'un souunei: calme et réparateur. Il se réveille content, enthousiasmé des bienfaits de la môfl phi rte. Yars Ja d.'iibéi:r ne tarde p. a revenir, car la morphine ne guérit pas ; le malade demande vire une nouvelle piqûre et désormais le voilà pris dans un cycle sans fin.

Bientôt les doses primitives ne suffisent pas. on passe des nuligrammef et des fractions aux dixièmes et aux unités; et progressivement s'établit chez le malheureux une accoutumance qui nécessite l'augmentation constante des doses. Cette nécessité est un des caractères pa: ticuuers de h morphine: l'alcool n'est pas, comme l'opium, une substance d:::t il faille sans cesse élever les doses. A ce point de vue les deux substances ne sont pas comparables. Cependant, de même qu'il faut distingue: i alcoolisme de ladipsomanie. de même il faut séparer I- morphinisme de la morphi-nomanie. Sous le nom de morphinisme on réunit l'ensemble des accidents produits par l'abus prolongé de la morphine. La morphinomanie, au contraire, est l'habitude de prendre la morphine à doses toxiques. En sorte que l'on pourrait dire que le morphinisme est l'alcoolisme de la morphinomanie.

Néanmoins il existe une différence essentielle entre la morphinomalfl c: la dipsornanie. Le dipsomane. contrairement à l'alcoolique, qui se grisa constamment, est sobre pendant une grande partie de l'année et ne fait d'excès de boisson que de loin en loin ; le morphinomane au contraire, neconnait pas la sobriété ; l'abstinence est pour lui le pire des supplices.

Il faut distinguer parmi les morphinomanes, les néophytes, les habitues et les récidivistes Sous le nom de néophytes, je désigne ceux qui commencent ¿1 prendre le poison, les conscrits de la morphinomanie. Les débuts nesont das toujours agréables: an néophyte se fait un? piqù'e et: d'ordinaire. le premier effet qu'il obtient est un vertige, an trouble pro-t fond qui s'empare de lui et lui cause une impression très pénible. Chez certains sujets, le premier symptôme du morphinisme se traduit par un: vomissement.

Il semble qu'un tel résultat ne devrait pas les engager à recommencer.!

Il n'en est ríen. le morphinomane néophyte est comme le collégien qui

fome son premier cigare ei s'en est très mal trouvé; il n'en a pas moins recommencé le lendemain. Ainsi font les futurs morphinomanes.

Si la morphine ne donnait que la sédation de la douleur. el!c ne ferait pas autant de victimes. Malheureusement un de ses effets les plus imme-diats et en même temps les plusremarquables, est l'excitation des tacultés intellectuelles. Hile produit une diminution de la tension artérielle, mais cette diminution n'est ras égale sur tous les points de l'appareil circulatoire, elle atteint principalement les capillaires cérébraux, de là une hyper-hémie assagère, a bquello il faut attribuer cet état moral d'anesthesie et d'excitation qui caractérise le morphinomane. 11 est content de lui. Au moment où il se pique, il est tourmenté par des soucis, des craintes, des remords: grâce à l'aiguille libératrice, toutes ses idées noires s'envolent.

Il y a. chez ces malades, une sorte de déviation de l'axe moral. Le bon-heur n'est qu'une disposition spéciale du cerveau, ou, comme me le disait un jour, une dame française « le bonheur dépend de La façon dont le sang circule. » On peut appliquer cette maxime a la lettre aux morphinomanes.

H semble que sous l'influence decepoison, il se fasse une orientation descellules cérébrales. Un journaliste me disait: «j'aibeaucoup à travailler et quelquefois le travail me répugne. Je me fais alors une piqûre et desque je suis en puissance de morphine, je produis tout ce que je veux et tant que je veux. « Un grand nombre de savants, de membres de l'Institut, de littérateurs, n'ont pas d'autres stimulants que la morphine. Hprésident anglais raconte que. se rendant à un rendez-vous avec un Nabab, il vit arriver quatre porteurs transportant sur une civière une masse inerte envel >ppée de couvertures. Au bout d'un instant, ce qui paraissait être un cadavre s'agita et se leva : c'était le ministre du Nabab qui venait de pr.mdre sa ration d'opium. Et le diplomate ajoute qu'il fut vaincu par l'astuce de cet opiophage. Or. pour qu'un Anglais avoue s'être laissé dépasser par un Indien, il faut qu'il ait eu affaire à un homme vraiment fort.

Le bonheur engendré par la morphine est donc tout à fait intellectuel. La malade que je vous ai montrée, nous dit: « Quand je suis triste je n'ai qu'à me piquer, immédiatemenr je deviens joyeuse, bavarde, j'aime tout lemonde et j'ai envie d'embrasser tout le monde. »

Dans un salon élégant, vous voyez une femme charmer toutes les oreilles. parson esprit e: sa gaite. Tout-à-coup une ombre passe sur son front, elle disparait sans bruit et, au bout de cinq minutes, on la voit revenir l'œil brilla::; et .a figure animée. Elle est allée se faire une piqûre. 'Voilà l'état psvch ¡que des morphinomanes: c'est un état physiologique du à l'hyper hernie du cerveau. Un point connexe à celui-ci est la question du sommeil chez les morphinomanes. L'hyperhèmie cérébrale f-it tenir, tout d'abord, ceux qui n'y sont pas habitués, mais l'insomnie succède bientôt à ce sommeil passager. Il en est de même du café pour certaines personnes: aussitôt après l'avoir pris, elles éprouvent le besoin de dormir; puis, au bout de deux heures, elles se réveillent et il leur est désormais impossible de se rendormir.

Je ferme cette parenthèse ouverte à propos du sommeil, et je complète

l'étude des troubles de l'intelligence en vous décrivant les troubles morbides, que détermine 1?. morphine du côté delà faculté maîtresse, do côté de la volonté.

Si l'on voulait résumer en un mot l'action de la morphine en général ee serait le terme * anesthésie » qu'il tau irait ch.dsir anesthésie, physique, anesthésie morale, anesthésie de la volonté. Les morphinomanes perdent tellement toute espèce d'énergie et d esp:t d'initiative que beaucoup sont incapables d'accomplir par eux mêmes une action.: quelconque. Jamais un morphinomane n'aura la tentation de se lever pourremplir un devoir; il n'a pas le courage de s'arracher d.- son lit ; c'est la. manie lectuaire qui fait partie de la physionomie deces malades.

Tous sont pleins de repentir à l'endroit de leur vice Le. et c'est d'eux: qu'on peut dire avec vérité que l'enfer est pavé de bonnes intentions. Tous ont l'intention formelle de se guérir, et mêmes les gens d'une valeur inorale très'minime sont sincères, quand ils affirment leur résolution bien arrêtée de cesser les piqûres. Mais il y a loin des promesses aux. actes.

Nous avonsen ce moment comme Je vous l'ai dit. une femme récidiviste qui, ayant déjà réussi à se déshabituer de la morphine, es; denou-. veau retombée dans les errements passés. Cette femme me conjure tous les I matins de commencer au plus tôt s an traitement, qu: consiste à la privés du slimulant favori: voilà pour la théorie. Quant à la pratique, elle I supplie toute la journée la surveillante de lui faire une piqûre.

Ainsi le manque de volonté des morphinomanes es: l'une des condi-lions premières de la morphtnomanie. Vous rencontrerez des gens qui ont la prétention de s'être corrigés eux-mêmes de leurs habitudes : en bien, je disque c'est là un audacieux mensonge de leur part, car ils se vantent d'un acte de courage qui est au-dessus de leurs torces. Soyez certains que ces gens là continuent à se faire des piqûres.

Cette perversion de la volonté étant bien établie nous ne devons pas. nous étonner qu'on accuse les morphinomanes de plusieurs vices, parmi lesquels il faut citer en première ligne le vol et l'assassinat. Or, il est intéressant de chercher dans quelle mesure la kleptomanie est bien et effet de l'intoxication morphinique.

A chaque instant, tout homme appelé à voir des malades devant les tribunaux se trouve en face d'inculpés qui allèguent une impulsion irré-sistible? l'appui de leur irresponsabilité. J'ai vu récemment un employé du 'Bon marché qui avait volé constamment dan? les magasins pendant une quinzaine d'années et j'ai pu prouver que cet homme plaidait la monomanie pour se soustraire à la justice.

Sachez que nombre de morphinomanes usent du même procédé, mais soyez convaincus que la morphine ne donne pas la kleptomanie. La seule chose qui pourrait dans une certaine mesure excuse: le morphinomane c'est qu'il vole pour se procurer de quoi acheter de la morphine. connu une dame charmante qui était en traitement dans un asile : jour, poussée par un besoin invincible, elle pénétra chez le médecin, et'

pour avoir sa seringue, commit un vol avec effraction. Htait-ce bien un vol ?Dans tous les cas, il me semble que, dans cette circonstance, la responsabilité du voleur était singulièrement atténuée.

En somme, si j'étais juré, j'écouterai avec mépris un prévenu qui me dirait qu'il a volé parce qu'il était morphinomane, mais je l'écouterais avec indulgence s'il me prouvait qu'il a volé pour se procurer de la morphine.

H y a hélas, au dossier des morphinomanes, des cas plus graves, voire même des assassinats. Chacun sait qu'en Orient il n'est pas rare de voir des Malais sortir d'un cabaret, une arme au poing, et, se précipitant dans les rues en criant « à mort ! » assommer coup sur coup cinq ou six personnes. C'est la manie aigùe de l'opium.

Mais on a vu aussi des crimes commis avec préméditation, par des morphinomanes, dans des circonstances qui prouvaient que leurs auteurs n'avaient pas été en pleine possession de leurs facultés..

Le docteur Lamson en a fourni un saisissant exemple : depuis longtemps ce médecin, de nationalité anglaise, commettait des insanités, tirant par exemple des coups de pistolet dans la lune. Ses excentricités écartant la clientèle, lui et sa femme tombèrent dans la misère. Or il avait un beau-frère qui possédait une grande fortune. Un jour, il lui montra comme une invention nouvelle, des cachets médicamenteux et finil par lui persuader d'en avaler un; après quoi il se retira prompiernent. «Je suis convaincu, s'écria la victime, que ce misérable vient de m'empoisonner, » Effectivement il mourut quelques minutes plus tard, avec tous les symptômes de l'empoisonnement par l'aconit. Lamson avait gagne le continent, mais quand il lut dans le Times le récit de son crime, il commit l'inconséquence d'aller se mettre, à Londres, entre les mains de la justice. En prison on s'aperçut qu'il était morphinomane, ce dont il guérit par privation forcée, et, quand il eut recouvré l'exercice de ses facultés, il raconta qu'il avait agi sans avoir conscience de ce qu'il faisait.

11 fut pendu et véritablement on peut se demander si le jugement a été conforme aux règles de l'équité, car, bien certainement, Lamson était un demi-aliéne atteint de paralysie du sens moral et de la volonté.

Après les fonctions cérébrales, il n'est pas sans intérêt de suivre les fonctions génitales chez le morphinomane, car vous connaissez les rapports intimes qui existent entre ces deux ordres de fonctions.

Cest ainsi que dans les haras on a remarqué que les baudets vigoureux, destinés aux juments mulassiéres, se distinguaient généralement par une grosse tête.

Quelle est donc l'influence de la morphine sur cette fonction qui semble faire concurrence aux fonctions cérébraies?

Tout d'abord, pendant la période de sommeù qui suit immédiatement h piqûre, on constate chez l'homme une impuissance absolue. Mab» lorsqu'il se réveille, il se trouve dans un état d'érection incomplète, d'érection molle, qui peut cependant lui donner les satisfactions qu'il désire et cela autant de fois qu'il le veut. Sur ce point, le morphinomane obéit au proverbe chinois : « quand on dépense son argent, on n'en saurait trop prendre pour son argent, a

Ccl état, qui dure indéfiniment, sans être jamais complet, m'autorise à dire qu'au lieu de l'orage physiologique qui se calme après l'averse, c'est une pluie fine qui tombe toute la journée. Le sperme d'ailleurs est fertile. Ce qui caractérise le morphinomane au point de vue sexuel, c'est qu'il ne conclut jamais ; il n'y a donc pas de motif pour qu'il s'arrête dans le raisonnement sans fin.

Toutefois, après un certain temps de morphinomanie, il survient à la longue une impuissance absolue. La fonction équivaut à zéro et rien ne peut plus la réveiller.

Dans le sexe opposé, la morphine détermine un état analogue, une semi-anesthésie voluptueuse qui fait rêver la femme de scènes plus délicieuses encore que la redite. C'est surtout dans les combinaisons galantessi fréquentesà Paris qu'on recherche la morphine, pour l'ivresse qu'elle prête à des plaisirs factices. Il y a même à Paris des clubs de morphinomanes; leshommes y sont reçus mais non recherchés : on peut se passer d'eux C'est dans le secret de ces orgies féminines qu'on trouve l'expl irai ion de cette fureur de presque toutes les morphinomanes à faire du prosélytisme.

Cependant là aussi finit par s'établir une indifférence complète, l'absence de toute sensation voluptueuse.

je demandais un jour à un voyageur qui avait étudié de près les mœurs orientales, s'il ne s'élevait pas des jalousies féroces entre les femmes de harem qui font toutes plus ou moins abus de lopinin. Il me répondit que ces rivalités étaient tiès fréquentes et se terminaient même souvent dans le sang, mais il ajouta qu'elles n'avaient jamais d'autres motifs que les cadc.iux :ccque l'on donne à l'une il faut le donner a toutes. Pour le reste, ces femmes, ont, parait-il, une indifférence absolue. Et comme j'en paraissait surpris, mon interlocuteur se servit de cette comparaison : dans un château où il y a de nombreux domestiques, c'est à celui qui fera le moins d'ouvrage possible ; de même dans un harem, la femme la moins favorisée se rejouit d'avoir moins de travail a faire. 11 est probable que l'opium joue aussi un rôledrns cette anesthésie sexuelle.

UN ACCOUCHEMENT SANS DOULEUR SOUS L'INFLUENCE DE L'HYPNOTISATION (¦)

Par le docteur FAXTON. de Marseille,

La nommée L. Caffo, domestique, âgée de dix neuf ans, bien conformée, de taille au-dessus de la moyenne, ne présente dans ces antécédents personnels ou héréditaires aucun de ces faits particuliers aux névropattes, réglée depuis l'âge de douze ans, elle l'a été très régulièrement tous les 25 jours.8 usqu'au 22 mai, dernière époque à laquelle remontent dit-elle, ses premières relations et sa grossesse. Elle se présenta donc ù nous le 16 déc.

(il binait 1>-u co aim Baie*lion fatta au íoojiíad* l'.MMiaiii» ií".jii'. — Ln~(tt iSDa.

i88q.enceinte de b moisi 2 environ.les symptômes du début ont été assez insignifiants, l'auscultation des bruits du cceur confirme le diagnostic et le maximum se trouvant dans la fosse élliaque gauche nous annonce une première du sommet.

Dès le lendemain, j'essaie la fascination par la fixité du regard qui dure pendant 35 minutes sans résultai, puis la friction des globes occulaires sans plus de succès.

Le 18 décembre même tentative même insuccès j'emploie alors le choréop. tismt (1), qui produit le mal de mer et les nausées. la fille Caffo sortait de table : ce n es; que le surlendemain qu'un nouvel essai de choréoptisme produit la léthargie : il n'est cependant pas encore possible par quelque manœuvre que ce soit de transformer la léthargie en catalepsie ou en somnambulisme, la parole n'aboutit qu'à la réveiller consciente de ce qui s'est passe pendant le sommeil, si Ion peut déjà désigner ainsi l'état vague dans lequel elle est demeurée pendant 4 ou ^ minutes.

Jusqu'au 20 déc l'hypnotîsation par les procédés ordinaires est essayée chaque jour et chaque fois sans résultat. 1 Je me vois toujours obligé d'avoir recours choréoplisme.

La fille Caffo n'a été apte à recevoir une suggestion un peu compliquée que le 31 décembre.

Le 4 janvier 90 pendant qu'elle est en état suggestif, elle est absolument insensibilisée : à daler de ce jour les séances de sommeil sont espa-ées et nous attendons l'époque du 24 ou 26 févirier. à laquelle s'achève le neuvième mois. Pendant ce laps de temps, j'ai à plusieurs reprises constaté que par la , tboriopti^alic::. la tille Caffo devenait suggestionnable sur les faits indépendants de la volonté, tels que suppression de la vue. de l'ouïe transfert des sensations, tandis que des suggestions portant sur des faits d'ordre volontaire n'é aient exécutés que lorsqu'elles étaient fort simples.

Le 8, le 10, le 1^ et le 18 février, devant divers confrères nous avons à plusieurs reprises suggestionné à la fille Caffo d'avoir des contractions utérines répétées à intervalles réguliers pendant 10 ou 1* minutes exactement comme si elle était en travail d'enfantement, et chaque fois la suggestion a été parfaitement suivie d'effet. Chaque fois les confrères présents ont pù constater le durcissement progressif du globe utérin sa projection en avant : le toucher vaginal à chaqne fois permit de reconnaître que la partie fatale appuyait sur le sigment inférieur.

Le 10 Février â b heures du soir la patiente accuse de légers fourmillements : à 10 heures le travail commence franchement, les contractions douloureuses s'accentuent. Nous faisons une première expérience de suspension du travail, qui souslinlluencc de lasuggestion s'arrête pendant une heure, de onze heures à minuit. Le travail reprend ensuite mais les souffrances sont supprimées.

A une heure du matin les contractions se succèdent régulièrement et trèssoutcnues.a 70U S minutes d'intervalle, à une heure 1 anouuelessai

1}. Chor*a»iiaa>«. i*l 4tn 4*mt* toi «+/«1 «•«, !•*• «¦» min* arité.

de suspension du travail. la suggestion est suivie d'effet pendant 2 heures, le travail reprend sa marche naturelle jusqu'à onze heures du matin.

A onze heures, devant les D^Jourda^Lieutaud. Fournad, Audiffrent. et quelques sages-femmes une suggestion est donnée pour supprimer les douleurs, pour obtenir l'apparition des contractions à intervalle de to minutes, cette suggestion s'exécuta jusqu'à deux heures.

Placée devant le miroir, la patiente est de nouveau endormie pour recevoir l'ordre de contractions utérines 1res soutenues et renouvelées de deux en deux minutes ce qui a lieu jusqu'à 5 heures 1 2 du soir. A ce moment MM. les professeurs Mazaïl et Lojan. les Audiffrent, Jourdan, Rubino, Pourrière, Fournad, Lieutard et de nombreuses sages-femmes constatent à l'unanimité que les souffrances de l'enfantement sont totalement supprimées et que ce mode d'insensibilisation par le cborèopttsme est absolument inoffensif.

Ils désirent cependant connaître jusqu'où peut s'étenJrc l'action de l'accoucheur dans la suspension du travail, à ce moment la dilatation est complète la tête est couronnée par le col utérin, la parturiente est endormie et reçoit la suggestion de n'avoir plus de contractions utérines, de cesser le travail de l'enfantement, cette expérience a réussi a suspendre la marche de l'accouchement pendant trois heures, les contractions dernières reparaissent en s'accéicrant progressivement, la patiente couchée en position horizontale, inconsciente de son état, prend à chaque contraction la plus commode et la plus favorable, à chaque poussée du laix sans souffrance des efforts analogues a ceux de la défécation. Après quelques contractions expuisives, la tête se présente à la vulve, les poussées se soutiennent, enfin le dégagement se fait. Pendant la période d'expulxion le Dr Robino faisait prendre au bras de l'accouchée toutes les positions fantaisistes. La parturiente répète constamment : « Je ne souffre absolument pas, je pousse seulement. »

Au moment de l'expulsion, la mère est restée impassible et reposée, elle est demeurée inerte sur son lit conservant la position qu'elle avait eu pendant les derniers efforts, formant avec ses cuisses un berceau a un gros garçon de 5.100.

La délivrance s'est effectuée cinq minutes après. La contraction de l'utérus a été si complète que l'écoulement sanguin a été totalement supprimé pendant près de 1 /2 heure ; il n'y avait pas trois minutes que le placenta et les membranes étaient retirées que déjà l'utérus ne formait plus qu'une tumeur à peine grosse comme la tête d'un petit entant. La délivrance faite pendant la catalepsie a été complètement indolore, la fille Caffo n'a pas eu plus conscience de l'un que de l'autre de ces faits. Interrogée après l'accouchement, elle répond exactement comme si elle n'était point encore délivrée, elle ne se rend réellement compte de son état que lorsqu'on l'invite a se palper le ventre. Alors elle, s'écrie : « J'ai donc accouché, faites moi voir mon enfant. »

Le lendemain j'ai donné à la fille Caffo une suggestion d'avoir dans la journée trois selles purgatives à 4 heures d'intervalle pour atténuer la fièvre du troisième jour, cette suggestion a eu son plein effet.

Us suites de couches ont été très heureuses et le cinquième jour la fille Caffo reprenait doucement ses occupations domestiques.

J'ai signalé avec un soin minutieux les moindres détails de mes observations, pour pouvoir en détruire les conclusions, qui à mon humble avis militent en faveur de l'application du eboréoptisme dans l'obstétrique.

Notons tout d'abord la difficulté très grande éprouvée au début pour c plonger les sujets en eut hypnotique, résistance qui n'a pu être vaincue que par le eboréoptisme; ce qui s'explique très bien par ce fait que l'influence de la fascination dépend de la volonté ou de l'intelligence du sujet, tandis que par la puissance de l'éblouissement cborèoptiques"exerce malgré lui dans une certaine limite au moins.

Il n'est certainement pas nécessaire d'être névropathe pour demeurer ébloui; en tout cas si nous admettons que les hystériques seules peuvent l'être de façon â tomber en état hypnotique, il est incontestable que la femme enceinte étant dans un état hystérique passager, ce qui est "démontré par les divers signes du début de la grossesse, doit forcément relever de cet ncent thérapeutique.

L'influence de fréquentes séances de eboréoptisme est absolument nulle au point de vue des conséquences fâcheuses possibles, car si l'accoucheur se rencontrait par hasard avec un iujet impressionne péniblement, cette action serai: vite annulé* par des suggestions appropriées.

Je préfère le eboréoptisme à tout autre procédé d'hypnotisation. parce que. ainsi que e l'ai déjà signalé à plusieurs reprises, c'est un moyen doux. Jamais je n'ai vu à la première séance un sujet être d'emblée en état complet d'insensib lité.

Ce n'est que progressivement que disparaît d'abord la sensibilité; la SUggestibilité ne se développe que lentement après un assez grand nombre de séances : 1.1 catalepsie n'est complète qu'après un entraînement prolongé ; l'état somnambulique lui même n'atteint toute son accuité que par phases.

Après avoir indique l'action constante du eboréoptisme sur la femme à l'état de gestation et son innocuité, je veux m'appliquer à faire ressortir le secours puissant qu'il doit prêtera l'accoucheur.

Le fait de la suppression absolue de la douleur qui ne laisse â la mère que les joie*; de l'enfantement serait sulfisant pour faire adopter le cboréo~ ptisme dans la pratique.

Ce moment si redouté par la femme perd toutes ses horreurs et toutes ses transes : l'attention de la femme souffrante sera sans doute attirée par cet avsntagc. oui pour clic est immense.

L'accoucheur appréciera aussi ce précieux élément de la disparition des souffrances ; mais le eboréoptisme a pour lui une action bien plus précieuse ' encore dans la régularisation des contractions.

En effet les contractions utérines apparaissant ou dist, araissant à la volonté de l'accoucheur, ces: la vie sauvée pour la patiente dans presgue tous les cas graves qui viennent compliquer l'accouchement ; C'est même la vie sauvée pour l'enfant dans bien des circonstances ou il eut été sacrifié sans cela.

La contraction se produisant sous l'influence de la suggestion, c'est

tout d'abord la suppression de l'inertie utérine et la marche de l'accouchement régularisée sans avoir recours au seigle ou aux auires excitants d'une action souvent infidèle ou tardive.

L'application du forceps à la vulve pour résistance des parties molles ou ralentissement du travail n'ont plus raison d'être il suilit d'une suggestion et la poussée vaincra facilement cet obstacle.

L'hémorrhagie post-partem externe et surtout interne due à une atonie de la matrice n'est plus à redouter ; ses terribles et foudroyantes conséquences sont éloignées d'un mot. Que le globe utérin tarde a revenir sur lui même, que des symptômes inquiétants se manitestent, la suggestion à l'état de veille suffira bien souvent pour les dissiper.

Si l'eflct tardait par hasard, certainement il ne manquerait jamais de se produire pendant le sommeil hypnotique et l'hémorrhagie sera certainement plus vite arrêtée que par quel autre moyen thérapeutique ou chirurgical que ce soit.

Si le cborèoptism» a une action efficace dans le cas d'inertie de la matrice et dans leur conséquence, son action n'est pas moins énergique dans les circonstances contraires de convulsions et même de tétanos de cet organe.

Les expériences nombreuses que j'ai faites, à plusieurs reprises, d'arrêt prolonge dans la marche du travail n'ont eu pour but que d'établir ce fait.

Le relâchement utérin momentané est certes précieux dans le cas d'en-chatonnement placentaire, l'opérateur peut alors sans difficultés aller détruire les adhérences qu'il pourrait y avoir et retirer l'arrière faix et les membranes retenues.

Pendant les applications de forceps, alors que la poussé' chasserait le fœtus en avant, que la tète enclavéedans le détroitsupéricur gênerait pour la pénétration de la main et des branches et entourerait cette opération-de difficultés qui quelque fois paraissent insurmontables, l'inertie utérine factice créée par l'hypnose permet le refoulement de la tète et l'opération devient d'une facilité extrême; sans compter qu'au moment des tractions, la suggestion aidant, les contractions reviennent tenaces et le dégagement se fait avec rapidité.

Je ne mentionnerai que pour mémoire l'avantage de la suspension des contractions lorsqu'il s'agirait de modifier une position vicieuse. Mais l'opération dans laquelle non-seulement l'arrêt complet du travail, et même le relâchement utérin absolu sont d'une incontestable utilité, est sans contredit la version. Là. par le fait du choréoptisme plus de lutte entre l'utérus qui veut expulser l'enfant et l'accoucheur qui veut ie refouler; plus d'enclavement dans le détroit et le fœtus facilement remonté dans le bassin supérieur, évolue sans encombre pour présenter à la volonté de l'opérateur soit les pieds, soit la tète.

L'une des complications les plus effrayantes de la grossesse et de l'??-; couchement, d'après l'éclampsie.ne nous a point encore fourni d'exemple, mais les observations recueillies il me paraît permis de croire que s'il n'en supprime pas tout à fait les fâcheux effets, du moins le choréoptisme pourrait en atténuer grandement les conséquences.

Dans une dernière observation j'ai plus particulièrement voulu mettre à jour un nouveau et remarquable service que l'on peut demander à cette puissance inconcevable, qu'on l'appelle hypnotisme ou eboréoptisme peu importe, le nom ne variant qu'avec le moyen de la développer.

Dans mes expériences précédentes j'avais à plusieurs reprises suscité en cours de grossesse un commencement de travail d'enfantement, chaque fois je l'avais interrompu pour attendre l'heure fixée par la nature. Cette fois-là dans le cas de la fille R. X. l'occasion se présentait trop belle, et les circonstances m obligeant à recouru à un accouchement provoque, je voulus d'abord employer ce procédé que je considérais comme inoffensif avant que d'en tenter un autre ; le succès a couronné ma tentative il est venu confirmer ce que j'avais prévu par mes essais antérieurs.

Ce serait, ce me semble, une banalité que de vouloir établir l'avantage qu'il y a à préférer en pareil cas un moyen aussi anodin que le eboréoptisme aux divers procèdes de dilatation du col, de douches utérines, perforation des membranes, et autres, qui peuvent offrir des accidents, engendrer des péritonites et entraîner la mort de la mère et de l'enfant.

Mais celui là serait criminel qui dans une circonstance semblable ayant à sa portée un moyen si simple et si innocent ne le tenterait pas, se "laisserait acculer aux termes de la grossesse dans l'inévitable dilemme d'une mutilation de la mère ou de l'enfant.

Voilà, Messieurs, les conclusions que m'ont suscité les nombreuses expériences qun j'ai faites et plus particulièrement les trois observations que je viens de vous rapporter.

J'espère que vos savantes discussions jetteront un jour nouveau sur ces données, que de nombreuses expériences ultérieures viendront en généraliser l'exactitude et faire admettre l'inonensif eboréoptisme dans la pratique courante des accouchements.

SOCIÉTÉ DE MÉDECINE VÉTÉRINAIRE DE PARIS

L'hypnotisme étudié chez les animaux

M. Joiy. — Apre» avoir fait l'historique de la question. M. Joly cite de nombreuses observation» qu> démontrent que les animaux divers pttsentent, dans certaines condition* déterminées, des modifications importantes de leurs facultés de relation, modifications qui ont des rapports avec les phénomènes hypnotiques.

Il trouve des analogies et même de l'identité entre l'extase des serpents et l'hypnotisation de l'homme sous l'influence de sons lents et monotones. L'homme hypnotise, comme le serpent, prend des attitudes avec le genre de musique.

Un bruit subit peut causer une attaque de catalepsie chez certains animaux. Ainsi daprfc» M. Trastot, les jours de tir au canon sur le polygone de Vincennes, de petits oiseaux tombent foudroyés lors de» premières détonations. L'auteur pense pouvoir rattacher ce fait à l'hypnotisme it non A l'epi-lepsie, comme le croit M. Trasbot. Il relate ensuite des faits qui démontrent

les effets produits par quelques excitations brusques cl fortes ou faibles et prolongées du sens delà vue. La lumière intense exerce une fascination sur beaucoup d'animaux : sur les poissons, les ècrevisses. les papillons, les chauves-souris, les oiseaux et même l'homme. Il suffit parfois de mettre en présence d'un miroir à alloucttcs en' rotation un sujet névropathique quelconque pour voir se développer chez lui, quelquefois instantanément, d'autres fois dans l'espace de huit a dix minutes, un état de sommeil spécial et progressif qui diffère du sommeil naturel en ce que les sujets tombent en catalepsie avec anesthésie du tégument cutané.

Cet état de sommeil engendré par l'excitatiou lumineuse est d'autant plus profond que l'on prolonge plus longtemps l'action du miroir en rotation. Le réveils'opère d'une façon très simple: en soufflant légèrement sur les yeux du sujet.

L'auteur rapporte à la même cause l'arrêt de la caille et de la perdrix par le chien de chasse, ainsi que le pouvoir fascinateur exercé par les grands oiseaux de proie ou par les serpents sur leurs victimes.

D'après Prcycr, un oiseau se trouvant immédiatement en face d'un serpent reste immobile comme pétrifié el devient une victime sans detense.

Apres avoir énumére un grand nombre de cas de fascination exercée par les animaux sur leur proie, il conclut que la même fascination peut être exercée sur l'homme.

Le DP Brémand a. le premier, produit chez des jeunes gens sains, en apparence, des phénomènes de fascination par la seule action vive cl brusque du regard de l'opérateur. « Le sujet est comme frappé de stupeur, sa volonté est paralysée et il suit l'opérateur et imite servilement tous ses mouvements. »

Les excitations brusques et fortes du sens du tact produiraient des effets analogues. Les cailles, les chevreuils ei les cerfs, atteints légèrement par un ou plusieurs grains de plomb, se laissent lomber comme subitement paralysés quoique n'étant pas mortellement aMcints. Certains insectes, lorsqu'ils sont saisis, tombent immobiles cl perdent leur sensibilité, car ils conservent leur immobilité si on les embroche au bout d'une aiguille et qu'on les broie.

La compression de certaines parties du corps, et particulièrement dans le voisinage du crâne déterminerait des phénomènes cataleptiques rapides sur les serpents et les petits oiseaux. C'est, dit-on, en leur comprimant la tète que Moïse et Aaron changeaient les serpents en bâtons.

A l'état pathologique, l'aitaque de catalepsie a été observée par Frohncr sur les chiens, par Hering sur le cheval et par Lcisering sur le loup. Les animaux demeurent immobiles cl incapables de mouvement, semblables à des statues, dans la position qu'ils occupaient au moment de l'attaque.

Il parait que c'est un Français dont on ignore le nom qui, le premier, étudia l'état d'extraordinaire immobilité obtenue chez les poules par différents moyens.

Voici un procédé indiqué par Kircher en 1671. On réunit par un lien les picJs d'un coq et on le placs sur un plan quelconque ; l'animal cherchera d'abord par des coups d'ailes et des mouvements de tout le corps i se délivrer de ses entraves. Après d'inutiles tentatives, il deviendra tranquille. Si, pendant que ic coq est immobile, on trace,Sur le plan, a portée de l'œil, un trait de craie qu'on laissera après l'enlèvement de ligature des pieds, on verra que l'animal, bien que non lié. ne cherchera pas à s'envoler même si on l'y incite.

L'auteur rappelle les expériences de magnétisme animal de F.schcmcycr, de Kicsscr et de Vasse, et qui consistaient à appliquer ses pouces sur la tète ou dans la région de l'estomac de divers animaux placés sur une table. Ils purent obtenir, de cette manière, une sorte de sommeil plus ou moins durable chez le chat, chez le singe, chez le pigeon.

dermack a expérimenté sur les ècrevisses. Ces crustacés, placés sur la tèle, restent indéfiniment immobiles si on s'oppose a leurs premières défenses et si on les tient ferme jusqu'à ce qu'elles soient au repos complet, et qui arrive rapidement. En répétant l'expérience de Kirchcr, Czermack vit

l"immobilité persister chez la poule et les autres oiseaux après l'effacement du trait de craie.

Ce trait n'est donc pas nécessaire- Pour obtenir l'état hypnotique et le maintien de l'animal dans une position antinaturelle, il suffit d'allonger le cou dee l'oiseau sur un plane et de l'abandonner ensuite graduellement.

Preyer fit un grand nombre d'expériences sur divers animaux et reconnut l'exactitude des rese. tais annonces -intérieurement ; mais il diffère de Czermack dans ieu- inierpretition. Pour Crermack, l'état hvpnotique csi voisin et proche pare;*. Ju sommeil naturel- Pour Prever, au'eontraire. l'è-tat d'immobilité ou la cataplexie, comme il l'appelle, est plutôt de l'angoisse, de la stupeur, de la crainte, de l'horreur, que du sommeil. De nouvelles r.-.-:icrcr>es entreprises par Heubel sur les grenouilles, les pigeons, les poules. etc.. ont fait admettre que l'état hypnotique est un phénomène physiologique entièrement normal qui n'est autre chose qu'un plus en moins profond sommeil déterminé par la privation ou la diminution d'impressions périrhériques.

preyer, ayant récemment soumis tous les faits à une étude nouvelle, est arrivé à conclure que deux choses sont necessaires pour produire la cataplexie chez les animaux : 1° la fermé. volonté, chez l'expérmentiteur. de subjuguer les animaux et de leur faire sentir toute sa puissance ; 4° la promptitude de la prise et la fermeté du maintien obtenu sans plus d'at-touchements et de mouvements qu'il ne faut pour empêcher toute tentative de délivrance- D'après lui, la cataplexie est sous la dépendance d'une irrita-bon extérieure, inattendue, subite, forte, inhaDiiuellc. Cette irritation peut agir sur le sens du tact, ou sur le sens de la vue, ou sur le sens de l'ouïe. Dans tous les cas. elle anéantit la volonté et la réflexion et produit une paralysie des centre- rérlexes de la moelle et du cerveau. La cataplexie n est donc ni du somm-ii dans le sens propre du mot, m un état hypnotique.

Dans un dernier chapitre, M. Jo'.y expose ses recherches personnelles. Il a reproduit a peu près toutes les expériences rapportées par les auteurs en opérant exclusivement sur les poules, les codions d'Inde, les oiseaux, (tourterelle, mésange, moineaux, verdiers, etc., les grenouilles, les crapauds Il a constaté que les animaux affaiblis sont plus licitement plongés en cataplexie et s'y maintiennent un temps plus long que lorsqu'ils sont en pleine vigueur. Jamais la cataplexie n'a pu être produite chez le rat.

L'auteur a cherché à produire la cataplexie chez le chien, animal qui, d'après Preyer, est réiractalrc a l'hypnotisme. Il n'a obtenu aucun résultat en employant la fixité du regard et ia tenue ferme de la tête devant un objet brillant ni à la suite de coups répétés sur les lianes au moyen du plat de la nain et de frottements de la colonne vertébrale au niveau des reins, de la pression continue et de la titillation de la région de l'oreille moyenne ou de l'ébranlement de la masse encéphalique.

Pour l'auteur, le meilleur procédé pour hypnotiser est le suivant: l'opérateur se place en face Ju sujet couche et se sert de ses pouces pour produire ta compression, les autres doigts entourent la portion inférieure de la tête et la fixent fermement. La pression doit se'faire sur la paupière de façon a mener la convergence forcée des globes oculaire* être ferme au début pour faiblir progressivement, Quand le caime complet a été obtenu, les pouces diminuent leur pression avec la plus grande circonspection. . Il conclut de si séries d'expériences qu'on peut obtenir sur les chiens jeunes et sains, soumis à la compression oculaire pendant huit minutes :r.-tiron :

1° Des tremblements musculaires vers la troisième ou la cinquième minute: 3° Une atténuation de la sensibilité extérieure; 3° Un court som ;.el. artificiel qui peut quelquefois se prolonger; 4° Une prédisposition âu sommeil naturel succédant au réveil et consécutif » premier.

Voulant tirer un avantacc pratique de ses recherches, l'auteur a essayé de «servir de rhypno;is::ic"pûur suppléer à l'éthèrisation toujours très difficile du chien. Sur un premier chien, il a pu exciser un lambeau de la partie

DfSCUSSIOM -

m. Caony. — II est un certain nombre de faits que l'on pourrait rapprocher de ceux signales dans le ira va il précédent et qui.peut-être, s'y . tachent même étroitement. Je veux parler de ces faits d'habilité surprenante exécutés par quelques.-i individus- De ce moment, par exemple, il est un cerain Américain nomme lœffler, que l'on pourrait presque quahûer de dentiste vé-térinalre. puisque sa spécialité est d'arracher les dent» aux chevaux, et qui, dans les écuries de courses, jouit d'une réputation mérité:, p. . Il opère sans aides, s'enferme seul avec les chevaux même les plus difficile, et après un temps variable d'une demi-heure à quelques heures. il arrive, à l'aide d'instruments délicats et sans pas-d'lnc. i extirper les molaire ca-duques, qui. comme on le sait, apportent pendant quel.; . .s une gêne marquée a la mastication i l'approche de leur remplacement.

Comment peut-il réussir a calmer et a maîtriser Jes chevaux irritables, au point de leur faire subir, sans moyens de contention, une opération relati-vement douloureuse, on se le demande.

Chez les bètes bovines, j'ai souvent employé, pour la contention , un moyen qui, pour paraître banal, n'en est pas moins efficace. Il consiste a frapper doucement et en mesure sur la base de la corne avec un objet quel-conque. Quel est l'effet qui en résulte? Je ne saurais l'expliquer mais, ce qui est certain, c'est que l'on peut faire subir une opération légère sans que la bétc réagisse avec violence.

M. Sanson. — Il serait bon de s'abstenir de parler de magnétisme à pro-pos des faits que M. Cagny vient de nous communiquer, et qui peuvent s'interpréter de bien des façons. Cela ne pourrait que compromettre les re-cherches très importantes et irts délicate! qui se poursuivent sur les phé-nomenes d'hypnotisme et qui n'ont rien de commun avec le magnétisme, comme étant "seulement des états particuliers du système nerveux.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

inférieure du doigt d'un pied postérieur et pratiquer le pansement sans pro-du ire ni douleur ni mouvements de défense. Sur un deuxième chien, il a pu laver, desinfecter et suturer une longue plaie sans observer autre chose que quelques faibles plaintes.

_ Comme conclusion, l'auteur pense qu'on pourra peut-être utiliser l'hypno-tisme comme agent de dressage et d'anesihesie. Ces essais seront peut-être le point de départ d'applications pratiques en

chirurgie vétérinaire, au moins chez les petites espèces animales.

Leçons sur l'Hypnotisme a Gènes

M. le professeur Henri Morselli qui. depuis décembre 1889. est passé de l'Uni versilo de Turin a. celle de Gènes, et qui occupe les chaires de

clinique des maladies mentales et d'anthropologie, accueillant l'invi-talion de ses nombreux élèves, a fait, pendant les mois de mai et juin une serie de leçons sur l'hypnotisme et la suggestion.

Ce cours était le premier sur ce sujet dans Ics univérsités italiennes; il fait beaucoup de hruit parmi la jeunesse. universitaire qui s'est rendue avec une toule d avocats, de médecins et de iMinnalisles pour assister aux expérience? dans l'amphithéâtre du cirque de Gênes.Nous trourons dans les journaux italiens un compte-rendu détaillé du cours de M. Morselli avec les sujets de ses leçons :

1re Leçon. — Aperçus historiques sur le magnétisme animal et l'hypnotisme. Récents travaux scientifiques de Biraid à Richet, de Charcot à Bernheim.

11e Leçon. — Les -eux écoles de la Salpètriére et de Nancy. Conciliation entre elles sur le terrain des faits positifs. Le grand hypnotisme

de Charcot est l'hypnotismr des grandes hvstcriques ou hystéro-épi-

leptiques- Expériences.

IIIe Leçon. — De- la suggestion, Sa supériorité mécanique, physio-

psychologique sur les procèdes hypnotiques. Présentation de sujets. Expériences.

IVe Leçon. — Elude des phénomènes hypnotiques, tous démontrés reduisibles aux lois physio-psychologiques de la suggestion.

1e Leçon. — Les suggestions criminelles. Leur rôle, leur importance pour le Droit et pour la sociologie. Expériences.

VIe Leçon. — Les prétendues merveilles de l'hypnotisme. La c lecture de la pensée » et la suggestion mentale.

VIIe Leçon.- Présentation et étude expérimentale d'un « lecteur delà pensée ». Démonstration des mouvements inconscients. Histoire de la question, de Chevreul à Preyer.

Leçon. — Sur les dangers de j'hypnotisatioa répétée sur les sujets nerveux. Thérapeutique suggestive, ses avantages et ses limites. Espérances et illusions.

On voit que chaque leçon était divisée en deux parties : une partie thérapeutique sur l'histoire et les principes scientifiques de l'hypnotisme et une partie expérimentale avec présentation de sujets. Notons que c'est '..i première fois qu'on a fait dans une université italienne une leçon sur la lecture de la pensée et sur la divination, en la réduisant aux lois physiologiques découvertes principalement par Mil.Chevreul, Richet, Gley, de Varigny et autres savants français.

Un cas de grossesse nerveuse

Le docteur Luigi Cortella-, public le cas suivant dans la Gazetta degli

ospitali, n° 43.—Une jeune lemme, mariée depuis trois mois, voil à

cette époque la disparition des règles accompagnée de nausées, de vomissements et de tous les symptômce J'un commencement de grossesse. Un mois après les régles reparaissent, puis cessent pendant une période de huit mois qui présente toute la série des signes objec-

tifs la plénitude utérine par le produit de la conception ; développement du ventre, des seins avec le mamelon coloré, présence de liquide sérieux dans les mamelles, etc.

A la palpaton en, le ventre présente une résistance marquée dans toute sa superficie ; il est impossible de limiter aucun corps dur que l'on poisse présumer être le fonds de l'utérus; la percussion donne un son tympanique général; la région ovarique est douloureuse. A l'auseul-tation. aucun souffle ni aucune pulsation fœtale. L'exploration vagi-Mire fait constater vagin légèrement gonfle, le col se trouve sur h ligne médiane. il est long de 3 centimètres environ et de dureté

moyenne. Par l'cxploraiion rcclalc, on trouve le corps Je l'utérus en légère retroflexion, mais pas douloureux et nullement ;u ¦_• mente dé

volume.

Il s'agissait donc d'une laussc grossesse^ d'un état ncne-ix spéciale hystérique, où la suggestion du sujet désirant ardemme;:; :n enfant] avait fait tous les frais et devait seule être incriminée.

Il existe de nombreux cas semblables dans la science, ils sodi toujours instructifs à rappeler. 1

NOUVELLES

Cours — CLINIQUES DES MALADIES DU SYSTÉME NERVEUX. —M. le professeur

Vendredi, a 9 h, l/j (a la Salpétricre),

CLImqct m payholOg f mintale. — m. le profci>cu* Bail. — Dimanche. j io heure»

(> 1'a«Ue Sainte-Anne).

C'mfirrmea. — patholooii mixtau. — M. Balutt, abrégé. — Mardi, jeudi, lamcdi. à 4 heures (Amphiteàirj Laénnee). ï

PaTmcKocc* xi «ta li. — m. le dscletr Macïai. — Dimioehe. m*''- "¦ ¦ asJt

Saint-Anne. 2

Coevi litri. — nTCMUTin et siitococu. — a^x«catto» • cunoaVO m i itvvnoT i sut — M. fl docteur Bùiuo*. - 1« aamedi ¦ io bearci (Cl.mqce de» maladie» ceneuie». * ~' AaaVé: on A-t». ïj

Ecnt-tn* ne» Irai* moasbus. — M. le protesica' GtAïa. — Jraii . - -;rr«ae).

A«:.ii(.now niTHOLoeac»-!- — M. le pesScuc-sr Ma*ccybiu. — Vendredi â 5 bearci, a lEcafl d"ar.th*epotof m*. "M

Sncmioof. — M. le prefcsieur I ITcmjnAL. ïamcdi a 4 h«." - - ri.: 'oologie). ,

connaît*) ne mmcn xutau m lv-k. — Les médecin* aliérntes de Lyon viennent de M réunir en une G-m million ayant ponr but loreaniiation lœale du prochain Con g rei françd^H médecine mentale oui doit le tenir en 1S91 dan* celte ville, tb o ¦'. . .r . e-tre cttD

MM. le» docteur» Mai-Simon. Albert Carrier. Henry Ceatscnc. Brun et Chaum.r-. ? centrafian

de» a prêtent li correspondance cl Ici antre» documenti relatif» à ce congrét.

iairlki luaoAi tu ia mimcm. — La * chambre correctionnel^ de l'an*. rTCiidee par se |ule Meleui. a jagé hier pour ciercicc illégal delà médecine ui Individu de 13 an*> Ê^^H

Didier, don'. Ici aventure» aont attei curieuse*.

r>nceei*ivemert marchant de jaarnaux, marchand Je ticket*, marchand de coitrem,- v-r*, oa-vreUrd* rodicrea et gatçoi de café, II « mit on beau jour a ewrserb 'e aoai

de docteur ii .Vaacr. -1

Le fju» ilocteur de Nancy n avait pa* h**:té. a mainte* repr «*«. 1 fi iter lt i"J!matÊÊmM

nueijuei-un* dis -air* client* crai etiient venni !e coni ulte' ^

Il n'avait que do balbutacoient» a donner pour m déleste. Le tribu-, il lui a ii.Cgé 1} ¦*a^H pnion et 300 franc» d'amende.

Bn,«. — Le Conseil général ds S bone a vaté dan» une de *ei .-.-cr« « lljnâoatjj de la pcmio-i de M. le D Mai-Simon, médecin ta eOef du tcriic* le» homme» a laStsV^j Pron. Kn émettant ce vote, '.e Conseil général a adressé à M Mai-S 1 *es féïeits-

tire» peur le détioesoect. 1« téle ct b compétence dont il - - . pcsdaat>

les tre ire années qu'il a passées à rasile de Brea et se» .tir: ion icrrâatH

L'Admâùstrattur-Gèrant; FmiU BOUKKfM

liniUIII Cl-A MAC OS -c9aft, BCt DS Vu .:Hk". — rAtll,

REVUE DE L'HYPNOTISME

EXPÉRIMENTAL ET THERAPEUTIQUE

HYPNOTISME, SUGGESTION, PSYCHOTHERAPIE (1)

Par M. le Dr BERNHEIM Professeur à la Faculté de Nancy.

Dès la plus haute antiquité, chez tous les peuples, la suggestion thérapeutique était pratiquée consciemment et inconsciemment par les prêtres, les charlatans, les magiciens. Envisagée d'un point de vue général, la suggestion a dominé toute l'histoire de l'humanité. Depuis le péché originel suggéré à Eve par le serpent et à Adam par Eve jusqu'aux grandes guerres engendrées parle fanatisme religieux et politique, jusqu'aux horreurs sanglantes de la Révolution et de la Commune, la suggestion a joué un rôle. Tantôt une idée noble et généreuse circule dans les masses et met tous les cœurs à l'unisson : nobles, prêtres, ouvriers, bourgeois, tous fraternisent sur l'autel de la Patrie; les uns apportent leurs privilèges, les autres, leur sang et leur travail. C'est la Fête de la Fédération. Tantôt des idées de haine, de méfiance, de trahison, sont répandues par des tribuns populaires : les masses, suggestionnées pour le mal. deviennent féroces; c'est l'anarchie, c'est la violence, ce sont les orgies meurtrières de la Terreur! Le peuple est ange ou démon parce qu'il est suggestible.

Nous avons défini la suggestion dans le sens le plus large : l'acte par lequel une idée est introduite dans le cerveau et acceptée par lui.

L'idée arrive au cerveau par un des cinq sens ou par les sensations internes, musculaires ou viscérales. Chaque cerveau transforme l'impression en idée, suivant son individualité psychique; car, à côté de l'impression première qui est le germe, il y a l'élaboration de cette impression : c'est le terrain psychique qui la féconde. Autant de cerveaux, autant de suggestibilités diverses par des impressions identiques.

Toute idée suggérée et acceptée tend à se faire acte; c'est la loi psychologique fondamentale qui domine toute la doctrine de la suggestion, loi de ridèo-dynamisme. L'idée devient (douleur, démangeaison, froid, etc.) image (hallucination, rêve) sensation viscérale (coliques, vomissements, etc.) acte et mouvement (phénomènes ducumberlandisme, actes divers de la vie.

Le médecin utilise la suggestion dans un but thérapeutique ; car le cerveau, actionné par l'idée, actionne à son tour les nerfs qui doivent

il) Co»ïlu«ioii riT.iir d'une icrie de levoa» publiée» sot» le litre : HypnetUme. lU^oHon, perebethérapie, à li librairie Dam. In-S. Pari..518 p.

réaliser cette idée ; il peut, par des phénomènes de dynamogénie ou d'inhibition, exalter eu modérer les fonctions organiques dans un sens utile à la guérison des malades. En effet, le cerveau commande tous les : organes, toutes les fonctions. Chaque point de l'organisme a son aboutissant dans une cellule cérébrale qui est son primum movens. Les sécrétions, les excrétions, la nutrition, la respiration, la circulation sont sous -la domination directe du centre encéphalique.

Pour que l'idée devienne suggestion, il faut qu'elle soit acceptée par le cerveau. Elle l'est dans une certaine mesure, grâce à la crédivité inhé- rente à l'esprit humain. Mais à l'état normal, celle-ci est limitée, la cré- divité qui fait la suggestion, et l'automatisme cérébral qui transforme l'idée en acte, sont modérés par les facultés supérieures du cerveau. l'attention, le jugement qui constituent le contrôle cérébral. Tout ce qui Supprime le contrôle cérébral renforce la crédivité et exalte l'automatisme : cérébral, c'est-à-dire l'aptitude à transformer l'idée en acte. Tel est le I sommeil naturel qui. engourdissant les facultés de raison, laisse l'imagination maîtresse; alors, les impressions arrivant au sensorium sont accep- : tées et deviennent images, c'est-à-dire rêves, hallucinations.

Nous avons vu que divers moyens, accidentels ou provoqués, peuvent ; renforcer la crédivité, et, facilitant la suggestion, être utilises dans un but thérapeutique.

Telle est la suggestion religieuse (guérisons miraculeuses) : telle est la suggestion médicamenteuse fguérisons par le protoxide d'hydrogène, les pilules de mie pain, etc. ; telle est la suggestion instrumentale ;élec-trothérapie, hydrothérapie, métallothérapïc, suspension, etc )

Parmi ces moyens adjuvants de la suggestion, le plus efficace est l'hypnotisme.

Nous avons défini l'hypnose : un état psychique particulier, susceptible d'être provoqué, qui met en activité ou exalte à des degrés divers la suggestibilité, c'est-à-dire l'aptitude à être influencé par une idée et à la réaliser. L'état hypnotique n'est autre chose qu'un état de suggestibilité exaltée; nous avons vu que cet état peut être produit avec ou sans sommeil.

Nous avons déjà décrit les divers procédés employés pour obtenir artificiellement cette suggestibilité exaltée ou état hypnotique et nous avons conclu que tous se réduisent en réalité à un seul ; la suggestion. -Impressionner le sujet par la parole, le geste ou une pratique quelconque, de façon à faire pénétrer dans son cerveau l'idée qu'on veut réaliser. Le ! sommeil n'est pas nécessaire à la suggestion : mais il est bon de chercher 1 à l'obtenir, car il facilite lesautres suggestions, en exaltant la suggestibilité.

Après avoir défini l'hypnose et la suggestion, après avoir cherché à donner de ces termes une conception théorique aussi nette que possible, nous avons abordé le champ expérimental et démontre devant vous les ; phénomènes que la suggestion peut produire. Vous avez vu des suggestions de motilité; la catalepsie n'est autre chose que l'attitude passive des 1 membres, due à l'absence d'initiative intellectuelle; vous ave/vu des para-lysies.des contractures, des mouvements suggérés. Nous avons réalisé des suggestions de sensibilité : anesthésie, analgésie, hyperesthésie, illusions ; sensitives et sensorielles ; nous avons créé des images sensorielles : hallu- ¦

cinations visuelles, accoustiques, olfactives, complexes; nous avons suggéré des actes, des vols, des assassinats; nous avons réveillé des passions bonnes ct mauvaises : nous avons insisté sur le phénomène des suggestions post-hypnotiques, immédiates ou â longue échéance: vous avez assisté à des hallucinations négatives; nous avons créé des souvenirs fictifs et fait des faux témoins de bonne foi.

Vous avez vu combien notre pauvre raison humaine, dont nous sommes si fiers, est fragile, et combien nous tous sommes suggestibles, halluci-nables. automnes à nos heures.

Nous avons établi une classification schématique des divers degrés le l'état hypnotique, depuis l'engourdissement simple jusqu'au somnambulisme avec haltucinabilité et amnésie au réveil. Et, cependant, l'automatisme n'est pas complet: l'homme n'est jamais automate : la conscience est toujours présente, les souvenirs de l'état hypnotique peuvent toujours être réveillés: c'est une conscience modifiée par la prédominenec des facultés d'imagination sur les facultés de raison engourdies, c'est un état physiologique tel qu'il existe normalement, sous l'influence des émotions suggestives, d'une idée impérieuse dans le sommeil naturel. Ces expériences si intéressantes ont soulevé les questions les plus graves que l'homme puisse se poser. Les grands problèmes du libre arbitre, de la reponsabilitc morale se sont dressés devant nous. Quelle est la part de la suggestion expérimentale, de la sug-g^stïbilité héréditaire, native.de la suggestion par l'éducation, par le milieu, par les lectures, par les incidents de la vie. sur nos actes? Quelle est la part du libre arbitre dans le crime r* J'ai exposé mes doutes. Et nous avons conclu, avec humilité, que pour juger les autres et souvent, nous-mêmes, les éléments d'appréciation nous font souvent défaut, que la justice humaine n'est pas toujours la vraie justice!

Nous avons consacré, un chapitre á l'étude de l'hystérie éclairée par la doctrine de la suggestion. Nous avons établi que la suggestigilité est un fait général, une propriété de l'esprit humain, qu'elle n'est pas "dévolue aux névropathes seuls, que l'état hypnotique n'est pas un •Symptôme de l'hystérie. Nous avons montré que l'nystérie est souvent l^émmincmmcnt suggestïble, que la succession des phases qui constituent "-ce qu'on appelle grande hystérie n'offre pas spontanément la régularité que l'école de la Salpétrière lui a assignée: que cette évolution régulière est reflet d'une culture suggestive, que beaucoup de phénomènes hystériques, l'ovarialgie, les zones hystérogènes, les troubles de sensibilité, la tympanile, In provocation et l'inhibition des crises, obéissent à la suggestion. Nous avons vu combien la suggestion médicale consciente ou inconsciente peut intervenir dans l'examen des malades, créer des manifestations d'origine psychique et dérouter le diagnostic. ""Ces considérations nous ont ramené sur le domaine de la médecine pratique: nous avons abordé la suggestion thérapeutique, la psychothérapeutique suggestive.

La suggestion ne" s'adresse pas directement à la lésion, mais au trouble fonctionnel : elle peut, en tant que l'étal organique le permet, calmería douleur, restaurer le sommeil et l'appétit.augmenter la force motrice, rétablir la sensibilité et le mouvement perdus, supprimer les

spasmes, les crampes, l'angoisse nerveuse, régulariser les fonctions diverses. Les age ri us thérapeutiques de la matière médicale, n'ont pas d'ailleurs plus que la suggestion une action spécifique contre la lésion : ils sont, comme elle symptomatique>. La fonction fait l'organe: la restauration fonctionnelle peut faire la restauration organique. Vous avez vu, par de nombreux exemples, la puissance de la suggestion comme agent thérapeutique ; vous avez vu des hystéries, des contractures d'origine psychique, des paralysies fonctionnelles, des névroses diverses, des douleurs rhumatismales, des arthralgies, des névralgies, des gastralgies, des troubles liés à des lésions organiques, dyspepsie, diarrhée, ténisme, coliques, oppression, céphalalgie, vertiges, titubations. etc., plus ou moins rapidement guéris ou amendés par la psychothérapeutique suggestive. Vous avez vu quel rôle le système nerveux et l'élément psychique jouent dans toutes les maladies. Le trouble fonctionnel peut dépasser le champ de la lésion organique : il peut lui survivre : la suggestion restaure ce qui peut être restauué. Elle ne fait pas de miracles; elle guérit conformément aux lois de la biologie qui régissent l'organisme humain.

Vous avez vu combien la suggestion doit être variée pour être adaptée à chaque individualité: ce n'est pas la parole de l'opérateur, c'est le cerveau de l'opéré qui fait la guérison. Je vous ai montré les insuccès à côté des succès ; j'ai cherché loyalement à dégager la vérité.

La suggestion, telle que nous la pratiquons, dans un but thérapeutique presen te-t-e Ile un danger quelconque ? On le dit : l'hypnotisme fait de l'hystérie, l'hypnotisme fait de l'aliénation mentale. Mais ceux-là seuls le disent qui n'ont pas l'idée exacte de ce que c'est que la suggestion, qui substituent leur idée préconçue à l'observation des faits, qui, sans avoir vu et observé, tranchent la question du haut de leur incompétence. Voici, par exemple ce que dit un de nos maîtres, M. Germain Sèe, aussi instruit sur bien des choses que peu éclairé sur celle-ci. « Toutes ces merveilles suggestives et surtout les procédés hypnotiques ne manquent pourtant pas de présenter de graves inconvénients : le Ministre de la guerre a agi avec vigeur et sagacité en interdisant ces pratiques aux médecins militaires, notre armée deviendrait hystérique. La même proscription devrait s'étendre aux pratiques de ce genre sur les enfants qu'on rend fous ou idiots en les hypnotisant sous prétexte de faire changer le caractère.

Pour les candidats à l'hystérie.Gilles de la Tourette, de l'école de la Salpétrière, déclare que l'hypnotisme ne manque pas de révéler les stigmates et de provoquer une manifestation de la maladie : c'est augmenter le contingent de l'hystérie ; quant aux hystériques avérés si on parvient à transférer une contracture ou une paralysie, c'est pour mieux la loger ailleurs ou la remplacer par une attaque sérieuse. On fait ainsi sortir du corps le diable pour le livrer à Belzébuth qui y reste. (Réal Encyclopédie t. X).

Passons à un sujet plus sérieux, etc. (Médecine moderne N" 11, 1890.)

Ht voilà la question tranchée !

Chose singulière! il y a nombre d'années, je m'en souviens, quand une pratique plus sanglante que l'hypnotisme. l'ovariotomicmson entrée

dans la chirurgie moderne, il se trouva à la société de chirurgie, d'émi-nents professeurs qui dirent : « Cette opération rentre dans l'attribution de l'exécuteur des hautes œuvres n Aujourd'hui l'ovariatomie n'a plus d'ennemis. Que- dis-je rOn va jusqu'à ovariotomisé, les hystériques sous prétexte de les guérir. Aucune voix ne s'élève contre ces pratiques et l'on jette l'anaiheme à l'inoffensîve suggestion qui guérit l'hystérie.' B&ulier revirement de l'esprit humain !

J'en appelle aux nombreux élèves et confrères qui depuis plusieurs années m'ont i";dt l'honneur de suivre ma clinique. Si vous avez vu un Seul fait qui atteste un inconvénient sérieux de la méthode suggestive Ken appliquée, dites-le! j'ai vu bien des névroses guéries, je n'en ai vu aucune provoquée par lu suggestion ! J'ai vu bien des intelligences restaurées et rendues à elles-mêmes, je n'en ai vu aucune affaiblie par la suggestion. Sans doute elie ne prémunit pas contre toutes les affections nerveuses éventuelles. Parmi les nombreux névropathes qui réclament ce traitement, il est, par exemple, des candidats à I aliénation mentale, que la suggestion ne prévient, ni ne guérit. Parmi ces névropathes, il y en a de prédestinés chez qui, plus tard, peut éclater le germe natif et latent de maladies cérébro-spinales ou de l'aliénation mentale. Attribuer à la suggestion ce qui est dû à l'inncité. c'est commettre une erreur clinique contre laquelle proteste ma longue expérience. Parmi les névropathes traités par le bromure, la valériane, il en est aussi, et en aussi grand nombre, qui un jour ou l'autre paient leur tribut au vice originel de leurorgainisation. Accusera-t-on la valériane, le bromure, l'hydrothérapie de faire de l'hystérie, de faire de la folie ? Ni M. le Dr Liébeault de Nancy, ni MM. Dumontpallier, Déjerine, Auguste Voisin, Bérillon à Paris, ni MM. Fontan et Ségard, à Toulon, ni M. le Dr de Schrenck N'otzing (de Munich), ni le professeur Forel (de Zurich), ni le 1> Ladame (de Genève), ni le professeur Kraft Ebing (de Vienne), ni le professeur Hirt(de Brcslau), ni le D-* Tuckey (de Londres), ni les Van Rcnterghem et Van Eeden (d'Amsterdam), ni le Dr Moll (de Berlin), ni le D* Wetterstrand (de Stockholm), ni tant d'autres qui suivent les errements de notre école et font de la suggestion thérapeutique n'ont vu, sur des milliers de sujets, le moindre inconvénient sérieux en résulter.

La suggestion guérit souvent, soulage lorsqu'elle ne guérit pas, est inonensive lorsqu'elle ne peut soulager.

En dépit des accusations incompétentes des uns, de la routine et du parti pris des autres qui craignent de s'intéresser à cette étude, qui ne peuvent se dégager de leurs conceptions à priori, ou qui n'osent braver le discrédit séculaire qui s'attache enore malgré tout à ce mot de magnétisme que l'Académie avait conspué, faute d'avoir su reconnaître la bonne graine dans l'ivraie, malgré tout, la psychothérapeutique suggestive a lait son chemin comme tant de vérités. J'en reçois tous les jours de nombreux témoignages qui me consolent de bien des sourires dédaigneux.

Je proteste, dit le professeur Ewald. contre la qualification de médicale donnée à la pratique de l'hypnotisme. Pour qu'un traitement soit médical, il faut un art médical, une science médicale. Mais ce que le premier pâtre, te premier savetier peuvent faire, pourvu qu'ils aient assez de confiance «eux-mêmes, ccianc saurait mériter le nom de traitement médical.

Autant dire que l'application d'un vésicatoire, l'administration d'un lavement, la compression d'une blessure pour arrêter hémorrhagi-ne constituent pas des traitements médicaux.

Je crois avoir démontré d'ailleurs dans les pages qui précèdent que la suggestion thérapeutique est un art et une science qui exigent une expérience longue, et des notions de médecine et de psychologie profondes.

La doctrine de la suggestion et ses nombreuses applications constituent une des grandes conquêtes scientifiques du sciécle. A cette découverte qui émane de l'école de Nancy se rattache un nom qui •• ivra dansja reconnaissance des hommes; c'est le nom d'un médecin modeste et d'un homme de bien, j'ai nommé le Dr Liébeault.

SUGGESTIONS CRIMINELLES ET RESPONSABILITÉ PÉNALE

par le Docteur E. BÉRILLOX (1)•

« Il n'y a ni crime ni délit, lorsque le prévenu éitait de démence au temps de l'action, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister (Code pénal, art. 64). »

Tels sont les termes dans lesquels la législation française spécifié qu'un accusé ne peut être tenu de rendre compte d'un acte criminel 00 délictueux qu'autant qu'il aura été libre de le faire ou de s abstenir.

Dire qu'un accusé est coupable, c'est donc affirmer qu'il a été la cause libre et consciente d'une violation de droit.

Dans toutes les législations les mêmes principes ont prévalu. L'article 71 du Code pénal belge et l'article 40 du nouveau Code pénal des Pays-Bas, évidemment inspirés par l'article 64 de notre Code, déclarent a peu près dans ies mêmes termes « qu'il n'y a pas d'infraction lorsque l'accusé a été contraint par une force à laquelle il n'a pu : lister ». L'article 51 du Code pénal allemand exprime la même intention : * Il n'ya pasd'acte punissable lorsque son auteur était. lors de la perpétration de cet acte, privé de connaissance ou clans un état mental qui excluait le libre exercice de la volonté ». D'après l'article 70 du Code pénal hongrois, promulgue en 1878 : «Un acte n'est pas imputable à celui qui le commet en état d'inconscience ou dont les facultés intellectuelles étaient troublées au point qu'il n'avait plus son libre arbitre. »

Comme le fait remarquer avec beaucoup de précision un jurisconsulte eminent (2) « il n'y a pas, en philosophie, de question plus obscure, plus controversée que celle du libre arbitre; par contre, il n'y a pas en légis-lature de question plus claire et moins discutée ».

«Pendant que les théologiens et les savants s'efforcent péniblement de concilier la liberté humaine avec la prescience divine . déterminisme de la nature, et que plusieurs, vaincus par les difficultés du problème, aboutissent, les uns à la prédestination et les autres au déterminisme

(l) Leçons professées à la clinique des maladies nerveuses, 55, rue Saint-André-des Arts. (2)PEGAL; La responsabiilité morale des criminels (Revue philosophique) 1790, t. I. p? 384

scientifique, tous les législateurs, aussi bien chez les peuples anciens que ma les peuples .nxicrnes. admettent, comme un fait indiscutable. «Brome unc vcriI^ évidente, le libre arbitre et font dépendre !a responsa-IpBJté pénale de la responsabilité morale. »

Le législateur ayant posé en principe qu'il n'y a aucun crime ni délit Mque le prévenu aura subi unc contrainte, lorsqu'il aura agi sous l'influence d'un,- force à laquelle ¡1 n'a pu résister, il restait aux commentateurs ? dë:in r ce qu'on doit entendre par contrainte. Tous sont d'accord pour admettre que la violation de la liberté peut résulter aussi bien d'une contrainte morale que d'une contrainte physique.

A la rigueur, on pourrait prétendre que la contrainte physique est la Seule qui rentre dans la définition de l'article 64. car c'est la seule qui mette réellement l'homme dans l'impossibilité de résister ; cependant tous les jurisconsultes, faisant une large part à la faiblesse humaine, considèrent comme contraints par une torce supérieure ceux dont la volonté a été dominée par la teneur qui peut résulter, par exemple, d'une menace de mort. Celui qui n'a pu se soustraire à la mort ou à une violence grave qu'en commettant un acte délictueux n'est pas en réalité ^Rwré- te principe - de cet acte, suivant l'expression d'Aristote. Il n'est Hplebras, l'instrument dont on s'est servi. Le véritable auteur du crime estcelJi qui l'a fait commettre; c'est lui qui en est seul responsable, ainsi l'a déclaré la Cour de cassation dans son arrêt du 27 juin 1846 (1).

Nulle part jusqu'ici, dans les livres classiques de droit, on n'a envisagé ^possibilité ou-- la foret à laquelle le prévenu n'aura pu résister soit, â l'exclusion de toute violence ou de toute menace de violence matérielle, d'ordre purement psycologique, en un mot que la contrainte soit psychique !

Cependant, s'il est exact, comme le professent actuellement un grand nombre de savants autorisés, que toute personne plongée dans un degré assez profond de l'hypnose devient, entre les mains de celui qui Ta endormie, un véritable automate, prêt à accomplir d'une façon impul-rfveet irrésistible les actes qui lui sont suggérés, il y aurait une grande illégalité à ne pas tenir compte des conséquences juridiques que peut entraîner la constatation médico-légale d'un tel phénoméme. ?n effet, ne serait-ce pas aller à l'encontre des intentions formelles du législateur et commettre une suprême injustice, que de ne pas faire bénéficier le prévenu qui a agi sous l'influence d'une suggestion, de l'acquittement imposé par l'article 64. lorsqu'il se trouve dans la condition exacte-¦ent prévue par ! : loi ; c'est-à-dire qu'il n'a commis le délit ou le crime qui lut est imputé que contraint par une force à laquelle il n'a pu résister. BlBporte que Cette force réside dans unc suggestion hypnotique ou qu'elle ait une autre origine !

La seule objection qu'on puisse apporter à l'admission de la contrainte psychique comme excuse légale, c'est de dire que la démonstration de l'action irrésistible qu'une suggestion hypnotique exerce chez certains sujets n'a pas encore été faite d'une façon évidente. ^'Cependant si l'on se place uniquement au point de vue expérimental, h possibilité de suggestions criminelles n'est plus discutable. Trop d'ex-

*? FMil. ?* j i-

périences concluantes ont été faites dans ce sens pour que l'on puisse désormais, de parti-pris, refuser d'admettre qu'il est possible, dans certains cas, de faire commettre un crime par un sujet sans qu'il soit mu par aucun intérêt personnel, sous la seule influence d'une suggestion hypnotique.

Les expérimentateurs qui se sont occupés de la question peuvent}'

d'après leurs affirmations, être rangés en trois catégories :

i* Ceux qui admettent sans réserve la possibilité de faire réaliser d'une façon inconsciente et irrésistible, parcertains sujets, des suggestions criminelles ou délictueuses ;

2" Ceux qui pensent que les sujets en accomplissant la suggestion cobv' servent dans une certaine mesure la conscience de l'acte accompli ;

3°Ceux qui nient résolument la possibilité de toute suggestion criminelle, ou délictueuse.

Se basant sur ce fait que les annales judiciaires ne contiennent pas. encore de jugements établissant d'une façon formelle que des accusés aient agi sous l'influence d'une suggestion étrangère, faite dans l'état d'hypnotisme, ces derniers déclarent que ces suggestions criminelles ne; seront jamais constatées dans la vie réelle. «Ce sont là. disent-ils, des crimes de laboratoire, que le sujet réalise parce qu'il a cofinance dans l'expérimentateur, mais qu'il n'exécuterait pas s'il y avait pour lui un danger réel à le faire. »

Bien que l'historique de la question ait été fait d'une façon magistrale par M. le professeur Liégeois dans son livre si instructif, à tant d'égards, sur la Suggestion et le Somnambulisme dans leurs rapporti avec la jurisprudence et la médecine légale, nous pensons qu'il peut y avoir quei-qu'intérèt, avant de reprendre la discussion sur les suggestions criminelles, de rappeler les opinions émises à différentes époques par des hommes dont l'autorité en la matière est des moins discutables.

Armé de ces appréciations, d'autant plus autorisées qu'elles reposent sur l'observation de faits plus nombreux, il nous sera plus facile de déterminer le degré de résistance que lessujels les plus sensibles peuvent opposer aux incitations de leurs hypnotiseurs, et de mesurer l'étendue du danger que les suggestions criminelles peuvent faire courir à la société.

Déjà Mesmer, à la fin du siècle dernier, malgré le peu de rigueur scientifique qu'il apportait dans ses expériences, avait pressent: que la vulgarisation excessive des phénomènes du magnétisme pourra:! donner lieu à des faits regrettables. C'est probablement l'idée qui l'inspirait lorsqu'il écrivait les lignes suivantes :

« Depuis que ma méthode de traiter et d'observer les maladies a été mise en pratique dans les différentes parties de la France, plusieurs personnes, soit par un zele ;:imprudent. soit par une vanité déplacée, et sans égards pour les reserves et les précautions que j'avais jugées nécessaires, ont donné une publicité prématurée aux effets, et surtout ii l'explication de ce sommeil critique, je n'ignore pas qu'il en est résuite des abus, et je vois avec douleur les anciens préjugés revenir à grands pas. »

Charpignon avait admis aussi la possibilité des suggestions criminelles, mais craignant le tort que ses craintes, si elles eussent été prises trop à la lettre, eussent pu faire aux applications thérapeutiques, i! s'était empressé

de les atténuer par les réserves suivantes: «Ces dangers effrayants au premier aspect perdent pourtant beaucoup de leur gravité quand on considére les conditions nécessaires pour qu'ils puissent frapper de leur puissance. S:, en, effet, les relations précédentes ont montré une action presque subite, le plus souvent l'influence n'est pas instantanée. Il faut du temps, bien du temps, pour qu'une âme honnête reçoive une dévia-non sensible de ses devoirs; ct si une faute grave arrive en quelques jours.sous la volonté d'un magnétiseur immoral, c'est, à n'en pas douter, qu'il existait déjà une tendance violente à cette satisfaction et que la moralité du sujet n'était pas des meilleures. »

. « On remarquera aussi qu'il est beaucoup plus lacile de rendre morale une somnambule qui à dévié delà sagesse que de pervertir une femme vertuense ( 1 ). »

Mais il faut arriver à M. Liébeault qui, sur ce point, comme sur tant d'autres, a été un véritable initiateur, pour se trouver en face d'une dénonciation précise des dangers qui pourraient résulter de suggestions faites chez certains sujets, dans un but délictueux ou criminel.

Dans le dernier chapitre de son livre Sur le sommeil et les états analogues, paru en :û66. il écrivait les lignes suivantes, dans lesquelles sont indiquées déjà toutes les données du problème :

« On peut poser en principe, qu'une personne mise en somnambulisme, est à la merci Je celui qui l'a mie en cet étal. J'ai tenté des expériences qui m'ont confirmé dans celle opinion. J'ai fait souvent enlever leur coiffure a des dormeurs, fouiller dans leurs puehes, tirer leurs bagues des doigts. défaire leurs chaussures, etc., sans qu'ils parussent se douter de quelque chose ou qu'ils fissent la moindre résistance; l'isolement dans lequel je les avais mis était cause qu'ils paraissaient n'avoir conscience de rien. Que d'abus graves de toutes sortes il peut sortir de là? Ce que j'avance résulte, pour moi, d'expériences que je tentai sur une jeune fille très intelligente, cl qui, en état de sommeil profond, était la plus revéche et la plus indépendante de caractère que j'eusse rencontré. Cependant je parvins toujours à m'en rendre maître. J'ai pu faire naître dans son esprit les résolutions les plus criminelles, j'ai surexcité des passions à un degré extrême; ainsi il m'est arrivé de la mettre en colère contre quelqu'un et de la précipiter a sa 'encontre le couteau â la main ; j'ai déplace en elle le sentiment de l'amitié, et avec le même instrument tranchant, je l'ai envoyée poignarder sa meilleure amie qu'elle croyait voir devant elle, d'après mon affirmation : le couteau alla s'émousser contre un mur. Je suis parvenu . déterminer une autre jeune fille, moins endormie, à aller tuer sa mère, ct elle s'y dirigea, en pleurant, il est vrai. Eh quoi! un tomme sain d'esprit jusqu'alors entend une voix qui, pendant la nuit, lui répète : tue ta femme, tue tes enfants; il y va. poussé par un mouvement irrésistible, et un somnambule, toujours disposé â recevoir des hallucinations, ne serait pas capable d'un même entraînement involon-tare?J*ai l'intime conviction, d'après d'autres expériences encore, qu'un somnambule même auquel on aura suggéré de commettre des actions mauvaises après son réveil, les exécutera sous l'influence de l'idée fixe

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imposée ; le plus sage deviendra immoral, le plus chaste impudique ! Si l'en a pont de cette façon une femme publique à abandonner son infâme métier, pourquoi ne pervertirait-on pas, pour l'avenir et par le même; moyen, la fille la plus vertueuse? L'endormcur peut plus encore, sug-gérer â son somnambule, non seulement d être médisant, calomniateur voleur, débauché, etc., pour une époque ultérieure au sommeil, mais il peut remployer, par exemple, â accomplir pour lui des des actes de ven-gence personnelle, et ce pauvre rêveur, oublieux d'une telle :::citation au crime; agira pour le compte d'autrui comme pour le sien, entraîné qu'il sera par l'idée irrésistible et fixe qu'on lui aura imposée ! Quand le crime sera commis, quel es! le médécin-.-légiste qui viendra éclairé la justice et faire soupçonner d'innocence un homme qui n'aura jamais montré de signes de folie, qui cura garde toutes les apparences de la raison, et qui, convaincu de sa mauvaise action, avouera de bonne foi l'avoir accomplie de son propre mouvement.

(A suivre.)

LE SOMMEIL SIMULÉ CHEZ LES ALIÉNÉS

Par le docteur G. BALLET

Professeur agregé oàla Faculté de Médecine

Médecin des Hôpitaux.

L'histoire du sommeil morbide est presque à faire- tout entière; c'est à peine si elle est aujourd'hui un peu mieux connue que la physiologie, encore fort obscure, du sommeil normal. Les récents travaux sur l'hypnotisme, les tout récents surtout, n'ont guère êclairci la question.. On peut même se demander s'ils ne l'ont pas, à certains égards, obscurcie, en faisant jouer à la suggestion un rôle que l'observation attentive des laits montre être singulièrement exagéré. La simplification systématique peut satisfaire l'esprit, mais elle ne projette pas toujours Sa lumière quand elle ne répond pas rigoureusement à la réalité. Dernièrement encore, dans une de ses leçons cliniques de la Salpêtrière. M. Charot avait l'occasion" de l'établir, à propos d'un cas qu'il eût été facile d'étiqueter sommeil somnambulique. Si l'on veut donc décidément voir clair dans cette patho logie compliquée qui c-ncerne les différentes modalités du sommeil morbide ou les étatsanalogues, le mieux est de prendre chaque fait ou au moins chaque groupe de faits, et de l'étudier patiemment s.ms idée pré-conçue, abstraction faite de toute idée théorique. L'heure de la système tisation n'est pas encore venue

Lorsqu'on se propose d'explorer un domaine, il ne suffit pas. d'ailleurs, de le parcourir on tous sens. Il est utile d'en bien connaître: les frontières;

A ce litre, l'etude des états voisins du sommeil morbide. qui peuvent objectivement lui ressembler, ne nous paraît pas moins instructive que

celle du sommeil lui-même. C'est à cet ordre de faits que se rapporte la courte note qui va suivre. Je l'ai intitulée : le sommeil simule chez les aliénés. Ce n'est pas que l'expression me satisfasse pleinement. Je l'ai

choisie faute d'autre meilleure. Simulation a. dans le langage courant. Signification qui pourrait donner le change sur la véritable nature que e vais indiquer. On admet généralement qu'elle résulte d'une tendance simplenîem perverse ou malicieuse de l'esprit et qu'elle n'a rien â faire avec la maladie. On va voir. par Li suite, que la simulation, dont il est ici question est. au premier chef, la conséquence d'un état morbide. J'arrive immédiatement au fait.

Le samedi :10 mai. on nous montrait un jeune malade. Constant G...., âge de vingt-six ans, . couché au ,n°11 de la salle Saint-Charles, à l'Hôtel-Dieu, service de- M. le professeur Proust (1). Cet homme avait été apporté la veille à l'hôpital. On l'avait trouvé « dormant » dans sa chambre ; on avait vainement cherché a le réveiller, et les efforts faits dans ce sens étant restes sans résultat, on avait redouté un état grave et Ton s'était décidé â transporter le malade dans un service hospitalier. Lors du premier examen, nous trouvions G... dans l'état suivant : il était étendu au lit. le corps reposant sur le dos. Les paupières étaient abaissées et animées de petits mouvements oscillatoires, se succédant avec une certaine irrégularité. Le tronc et les membres étaient dans la résolution. Lorsqu'on soulevait la poitrine, elle retombait lourdement sur le lit dès qu'on cessa:t de la retenir. Il en était de même des membres. Il n'y avait donc ni contracture, ni état cataleptique des muscles. Toutefois. les masséters étaient assez fortement contractés; ce dont on s'apercevait aisément en cherchant à ouvrir la bouche du malade. La sensiblité paraissait abolie : il n'y avait aucune réaction lorsqu'on se contentait de toucher ou de pincer légèrement une partie quelconque du tégument externe. Il n'en était plus de même si l'on pinçait vigoureusement la peau ou si l'on approchait de la surface cutanée la pointe d'un thermocautère. Alors on observait des réactions assez analogues à celles qu'on constate chez certains individus plongés dans le coma à la suite d'une hémorrhagie cérébrale.

L'aspect du malade était celui d'un homme dormant d'un sommeil calme et tranquille. Li respiration était régulière, ni précipitée, ni ralentie, sans caractère stertoreux. Le pouls n'accusait aucun trouble notable de la circulation. La température était normale.

Cet ensemble symptomatique ne permettait pas de s'arrêter à l'idée d'un état comateux consécutif à une lésion cérébrale (emboli ou hémorrhagie). On était plutôt amené à penser qu'il s'agissait là d'une des nombreuses variées du sommeil pathologique. Et le malade avait été étiqueté « dormeur . dans le service.

Mais certaines particularités, que révélait une observation attentive. nous portaient bien vite à rejeter l'hypothèse d'un vrai sommeil. Nous étions, tout d abord, frappé de ce tait (déjà mentionné plus haut), que le malade insensible, en apparence, aux légères excitations, retirait, au contraire, les membres dès qu'on le pinçait ou piquait un peu fort. D'autre part (et c'est la surtout ce qui nous frappa), lorsqu'on observait patiemment la physionomie de G. . .. on voyait de temps en temps certains muscles de la face se contracter façon à esquisser une sorte de sourire. Bien

WL'ihw,.!,, -uladcaete recaeillic «oui la directioa de H. Bour*.». lalcene d- »-r.

?a» M. Lan ratafnatle* Ixlpitaas.qai a e* roblig eaace de mi e&»m-.oiq«-r «M oo'.-.

que très peu accusée, cette particularité n'en avait pas moins une grande valeur au point de vue du diagnostic- Et elle nous suffisait pour affirmer que nous étions en présence, non du sommeil vrai, mais d'un sommeil apparent. Dans le sommeil vrai, en effet, on observe jamais (sauf dans le sommeil somnambulique) de contractions musculaires volontaires. El celles que nous constations du côté .íes muscles d i ;s.:ge. quelque légères qu'elles lussent, avaient tous lescaracètres de contractions commandées par la volonté.

Dès lors, nous n'hésitions pas affirmer que nous avions affaire à un faux dormeur, et nous émettions l'avis que le sommeil devait être simulé sous l'influence d'idées morbides probablement de nature mélancolique

'avenir ne tarda pas à montrer le bien fondé de ce diagnostic.

Le 11 mai, le malade était encore dans l''état où avions trouvé la veille. Le 12, on le plongeait dans un bain. 11 se laissa choir au fond de la baignoire. Il ne lit aucun effort pour sortir la tète hors de l'eau, et 9 fallut le soulever pour prévenir un accident.

Le 13, on faisait une application de pointes de feu. sans que G.;l manifestât de la souffrance autrement que par lestrèslégers mouvements du bras et des cuisses dont nous avons parlé plus haut.

Enfin, le 14, on se décidait à alimenter artificiellement le malade, qui. jusque-là, avait été nourri de quelques gouttes de liquide versé entre les arcades dentaires. On introduisait une sonde par la narine et on versai! du lait dans le tube digestif. L'opération parut être to't desagréable i G... 11 exécuta des mouvements violents de déglutition, sans se réveiller toutefois, Mais le soir, au moment où on allait recommencer l'opération, le malade desserra les mâchoircâ, jusqu'alors contractées, et se mit í causer.

Le lendemain, 14 mai, il était complètement sorti de sa torpeur, et consentait à répondre aux questions qu'on lui adressait. Il nous réveil alors ce qui suit : durant les quatre jours, pendant lesquels on venait de l'observer, il n'avait pas dormi. Il avait simplement simulé le somme! afin de s'isoler du monde extérieur. C'est qu'il a besoin . de se justifier vis-à-vis de lui-mâme pour comprendre et éclairer sa situation». Il est tourmenté par divers scrupules. A deux reprises, il a donné â un camarade un litre de vin de son patron. Il a signé un papier en blanc qu'il a remis à son beau-frère. D'autre part, il se croit incapable « moralement » d'accomplir quelque travail que ce soit. Tout céla le préoccupe et l'obsède. Aussi « avait-il contracté vis-à-vis de lui-même l'engagement de faire semblant de dormir, dans le but d'élucider si situation et d'être tout entier à ses méditations ». Il ne devait se réveiller que lorsqu'il aurait trouvé sa justification (on ne peut savoir ce qu'il entend par ces mots). Ce n'est, d'ailleurs, pas lui seul qu'il veut justifier : c'est encore son père, puis sa mère, son frère, tous ses parents. Et il faut qu'il le fasse, car il sent peser sur lui un poids qui l'écrase. G. a songé d'abord à se faire arrêter comme voi:ur ou vagabond. On l'eut jeté en prison où il eût pu réfléchir tout à son aise. Mais il a préfère dormir. « Une fois à l'hôpital, il a oublié ses méditations et pris plaisirs tromper tout le monde. Son courage a été assez grand pour résister aux pointes de feu ; mais l'introduction des aliments par le nez lui était par

trop désagréable. Il s'est donc réveillé, mais en le réveillant on a porté atteinte à sa liberté morale, et l'on n'en avait pas le droit. Il a, d'ailleurs, l'intention de reprendre à la première occasion ses méditations. »

J'ai laisse parler le malade, car les lambeaux de phrases que je viens de rapporter, peignent mieux son état mental que n'eût pu le faire une simple description. On retrouve là de vagues idées mélancoliques; une ébauche de systémation délirante, mais une ébauche seulement. G... en effet ne jouit pas d'une intelligence suffisante pour coordonner logiquement les éléments de son délire. C'est un débile intellectuel: l'incohérence de ses idées, la puérilité de ses conceptions maladives le prouvent suffisamment. Cette incohérence et cette puérilité se manifestent plus encore dans les écrits que dans le langage oral du malade. G... à notre sollicitation, a rédigé un long factum, ou il nous a exposé ses préoccupations et ses idées morbides. Ce factum est un tissu illisible de propositions sans suites, de phrases à sens vague, de conceptions délirantes mal reliées entre elles.

La faiblesse cérébrale qui a préparé et facilité la germination des idées mélancoliques, parait tenir, chez G... à une double cause : à son hérédité défectueuse d'abord, car il est fils d'une mère hystérique qui a eu des « attaques de sommeil » ; en second lieu, à son passé morbide. En effet, en 1888, G... a eu la fièvre typhoïde. Depuis, sa mémoire est allée en s'affaiblissant progressivement, à ce point qu'il a été obligé de renoncer a son métier de garçon marchand de vin. « Actuellement, ce métier ne lui est plus possible, car il ne se souvient plus des plats commandes par les clients, il oublie tout. » Il va de place en place, comme employé, domestique. Partout, on le congédie promptement. En dernier lieu, il a échoué comme figurant à l'Eden et aux Folies-Bergères. Le caractère de G... paraît étranger lises tribulations, car il est doux et tranquille. Toutefois, depuis quelques mois, il est devenu sombre, peu causeur, ami de la soliiude.

J'abrège ces détails. Ils n'ont, dans l'espèce, qu'un intérêt secondaire. Je tenais toutcfois à bien préciser l'état mental de G... Or. on peut caractériser cet état de la façon suivante : G... est un débile intellectuel, et sur le fond de débilité sont venues se greffer des idées mélancoliques, incohérentes, mal systématisées, peu adhérentes, comme elles le sont d'ordinaire en pareil cas.

Chez lui, on l'a vu, le sommeil était apparent, non réel. Il ne s'agissait, dans l'espèce, contrairement à ce qu'on eût pu supposer, à un examen superficiel, ni d'état comateux, ni d'état somnambulique, mais simplement d'un sommeil simulé sous l'influence de suggestions morbides.

Les cas de cet ordre ne sont probablement pas très rares. Morel, notamment, déclarait, en 1869, à la Société médico-psychologique, en avoir observé plusieurs à l'asile de Maréville. L'un des plus remarquables est celui que Legrand du Saulle a rapporté il y a quelques années (1).

11 s'agit d'un individu âgé de trente-deux ans, d'origine italienne, dont le cas fit quelque bruit dans la presse extra-scientifique. Cet homme avait été interné à l'hospice de Bicêtre, et l'on avait constaié chez lui des

Ji Lzcvakd DC Sadlul Se*iét4 nté*ko-piTchol©ï;i(oe. «éuee d> ti térr'Kt iS6u, ia Âmmk '»iék^ptf{tthgitm,hyééri*.i.x, P. 454.

idées mélancoliques, avec préoccupations religieuses. Le io septembre, en arrivant à son service, Legrand du Saulle trouva le malade dans l'attitude d'un homme profondément endormi. « Il était placé dans le décubitus dorsal, ses membres étaient raides et contractures, sa respiration rapide, plutôt diaphragrnitique que costale; le pouls battait 72: les paupières étaient abaissées et légèrement clignotantes, les maxillaires fortement serrés l'un contre l'autre. La sensibilité paraissait obtuse. » Sauf la raideur des membres, c'était, on le voit, le mêmetableau symptomatique que dans notre cas. Au reste, du 12 au 20 septembre, cette raideur disparaissait pour faire place â la résolution : en même temps, l'ancsthésie cutanée augmentait, le nombre des respirations s'élevait de 24 à "S, et le pouls descendait de 72 à 58. Cet état persista peudant plusieurs mois, et i! durait encore au moment où Legrand du Saulle lit sa communication à la Société médico-psychologique, le 22 février 1869.

Une intéressante discussion s'établit à la suite de cette communication au sujet du diagnostic, et les membres qui y prirent part furent d'accord pour penser qu'on n'était pas en face d'un cas de véritable sommeil. « Certains actes du malade, remarquait très justement Foville. notamment le soin qu'il prend, lorsqu'il est découvert, de rejeter les draps sur sa tête, la contraction de ses muscles, etc., indiquent suffisamment que cet homme ne dort pas d'une manière continue. L'on ne peut pas dire non plus qu'il soit atteint de catalepsie, les membres ne conservant pas la posture qui leur est donnée. Ce n'est pas non plus un cas de stupidité, si l'on entend par là la suppression de toutes les opérations intellectuelles, de toutes les fonctions de relation. » Et Foville profitait de l'occasion pour rapporter un autre cas analogue à celui de Legrand du Saulle, à ceux de Morel et au nôtre. Il s'agissait d'un jeune malade entré h Charenton, en 1868, dans un état de mélancolie profonde et qui, par l'aggravation progressive des Symptômes, avait présenté, pendant huit à dix semaines, un tableau semblable à celui que nous avons retracé plushaul. Durant les dix semaines, il était resté couché, immobile dans son lit, ne prononçant aucune parole, tenant les yeux fermés, ne faisant aucun signe, ne manifestant aucune idée, ne prenant volontairement aucune nourriture. Lorsqu'il sortit de sa torpeur, le malade avoua que, pendant toute la période du sommeil apparent, il n'avait cessé de se croire damné, et qu'il pensait accomplir un devoir en sabitenant de toute manifestation intellectuelle extérieure.

On pourrait, sans aucun doute, réunir un grand nombre de faits semblables aux précédents. Ce qui ressort nettement de ces divers cas. c'est que. chez certains aliénés, on peut observer un état fort analogue au sommeil, mais qui n'a du sommeil que les apparences. Cel état, de durée fort variable, comme on l'a vu, peut persister plusieurs jours comme chez notre malade, plusieurs semaines comme dans le cas de Foville, plusieurs mois comme dans le easde Legrand du Saulle. Il se rencontre chez des aliénés mélancoliques, dominés par des scrupules de diverse nature, souvent en proie à des préoccupations religieuses ou mystiques. H est la conséquence des conceptions délirantes de ces malades qui cherchent à s'isoler du monde extérieur et, comme le disait Morel,

se donnent volontairement, par esprit de pénitence ou par remords, toutes les apparences d'une mort anticipée.

L'on doit bien se garder de confondre ce faux sommeil des aliénés, soi! avec le sommeil prolongé, tel qu'on l'observe chez certains narcolepti ques, soit avec le sommeil hypnotique, soit enfin avec les crises d sommeil hystérique.

LES VARIATIONS DE LA PERSONNALITÉ DANS LES ÉTATS

HYPNOTIQUES

Par le professeur A. Pitres, doyen de la Faculté de Bordeaux.

Dans le langage philosophique, on appelle personnalité ce qui fait qu'un individu *st lui et non pas un autre (Littré).

L'homme sain de corps et d'esprit a la notion très nette de sa propre personnalité. Il sait qui il est et qui il a été : il a des idées, des penchants, des sentiments qui lui sont propres ; il se sent lui et non un autre; il ne se méprend pas sur son identité. Cette notion consciente serait, d'après M. Ribot, le résultat de deux facteurs : la constitution dn corps avec les tendances et les sentiments qui la traduisent, et la mémoire ( i ). En fait, le premier de ces deux facteurs donne surtout la notion de l'existence et de la personnalité physique, le second celle de la personnalité morale. M. Richet a très nettement établi cette distinction. D'après lui, le moi et la personnalité sont deux choses distinctes. La notion consciente du moi dépend des excitations extérieures actuelles, de ce qu'on voit, de ce qu'on E sent, de ce qu'on entend, des ordres qu'on peut donner à ses muscles; la notion consciente de la personnalité dépend dts souvenirs anciens. Le moi est un phénomène de sensibilité ct d'innervation motrice, la personnalité est un phénomène de mémoire (a). »

Dans le sommeil hypnotique, la notion de la personnalité est habituellement conservée. Les sujets savent en général qui ils sont ; ils se sentent eux-mêmes ; ils ne se méprennent pas sur leur identité physique ct morale ; le moi de l'état de sommeil reconnaît pour sien le moi de l'état de veille : la personnalité n'est pas changée.

Quelquefois, cependant, les choses se passent autrement. Le lien qui doit rattacher en un seul taisceau le souvenir du passé aux impressions du présent est rompu ; le moi de l'état de sommeil ne reconnaît plus pour sien le moi de l'état de veille; la notion de l'identité morale est altérée : la personnalité est changée.

Les altérations de la personnalité qui se produisent dans le sommeil hypnotique. .,u dans les états analogues, peuvent être rangés sous trois types spéciaux : 1°l' aliénation; 2° l'alternance ; 3° la reversion. Dans le premier t aliénation), une personnalité nouvelle s'installe à côté : ou à la place de l'ancienne ; dans le deuxième (alternance), deux person-

¦ÛH. Raor. 1» m*U4iu U tin*. lliS, p. Si.

Ck Rjcmt. t'Ummt tt ruuatfin. PaïU. i*s. ». »'o.

nalités distinctes ou deux manières d'être d'une même personnalité se succèdent â d.-> intervalles plus ou moins éloignés et se partagent la vie du sujet; dans le troisième (reversion), lu personnalité qui surgit durant le sommeil n'est que la reproduction de celle qu'avait le sujet k une époque antérieure de son existence.

Quelques exemples vous feront comprendre, mieux que des définitions abstraites, les caractères de chacun de ces types.

I

Variation de la personnalité par aliénation. — 11 n'est pas très rare 1 de rencontrer des sujets qui, pendant les accès de somnambulisme spon- \ tanéou provoqué, parlent d'eux à la troisième personne. Au premier abord, cela paraît être une bizarrerie sans importance: en réalité, c'est le résultat d'une perturbation profonde dans la conscience de la personnalité. Les personnes qui s'expriment ainsi ont perdu la notion exacte des rapports de leur moi du sommeil avec leur moi de la vie ordinaire. Endormies, | elles se croient autres qu'éveillées.

Une jeune femme que j'ai pu étudier à loisir, Marguerite X..., présentait nettement ce phénomène. Quand elle était endormie, elle ne parlait d'elle qu'à la troisième personne : a Marguerite est souffrante aujourd'hui, disait-elle ; elle n'est pas contente ; elle a été contrariée ; il faut la laisser tranquille. — Mais qui êtes—vous donc, lui demandai-jc un Jour, pour parle ainsi au nom de Marguerite? — Je sais son amie. —lit comment vous appelez-vous, s'il vous plaît?—Je ne sais pas. mais J'aime beaucoup Marguerite, et quand on lui fait de la peine, cela m'attriste. »

Dans cet état, elle reconnaissait toutes les personnes avec lesquelles elle était en relations quotidiennes : mais elle ne leur parlait pas avec la même familiarité qu'à l'état de veille. Elle ne tutoyait plus ses parents. Son mari était le mari de son amie Marguerite et non pas son mari à elle. Elle aimait beaucoup les liqueurs et s'en privait d'ordinaire pour ne pas contrarier sa mère, c Voulez-vous un verre d'anisette? lui dis-jc après l'avoir hypnotisée. — Oh ! oui, répondit-elle, cela me fera grand plaisir. Marguerite n'en boit pas parce qu'on le lui a défendu ; mais moi je suis libre. Donnez-moi vite un verre. •

En somme, elle conservait ses idées, ses penchants, ses sentiments de l'état de veille; sa personnalité seule était aliénée. Un moi nouveau se substituait à l'ancien et présidait, pendant toute la durée du sommeil, aux opérations de l'intelligence et de la conscience.

Dans certains cas, l'aliénation de la personnalité est encore plus complète : le moi de la veille et celui du sommeil sont absolument étrangers l'un à l'autre ; ils n'ont ni les mêmes idées, ni les mêmes goûts, ni les mêmes aspirations. Ils ne se connaissent pas. M. Ribot en rapporte quelques exemples : « Une jeune servante, pendant trois mois, croyait tous les soirs être un évêque. parlai et gesticulait en conséquence. —Un pauvre apprenti se croyait, aussitôt qu'il tombait en état de sommeil, père de famille, riche, sénateur, et reniait son eut d'apprenti quand on l'interpellait â cet égard (i). » Dans ces cas, l'aliénation de la personnalité était

(t; Rimt. i ..i . p. Ci.

totale : il n'y avait aucun rapport entre le moi du sommeil et celui de la veille.

Il est à peine besoin le vous rappeler à ce propos qu'on observe souvent chez les fous des modifications analogues de la personnalité. Les délirants chroniques qui s'imaginent être Jésus-Christ. Napoléon. Rothschild, etc.. ne sont pas rares. D'autres, moins nombreux mais tout aussi intéressants, sont à peu près dans le même état d'esprit que la jeune femme, dont 'e vous racontais l'histoire il va un instant : ils se figure qu'une autre personne sent et pense à leur place. M. Azam a vu, à l'asile des aliènes de Bordeaux, une femme de trente-quatre ans. atteinte depuis plusieurs années de manie tranquille avec tendance a la tristesse, qui offrait les symptômes de cette singulière altération de la personnalité, Elle avait une tumeur au sein droit, et prenant à part le médecin de l'asile, elle lui dit : - J'ai à vous consulter pour une tumeur qu'elle porte dans le sein droit elle en souffre beaucoup et désirerait savoir ce qu'elle doit faire. - Il fut impossible de lui démontrer que c'était elle-même qui ava.: une tumeur «Jen'ai rien, opposai t-e ?? à tous les arguments, je me po: ;e irés bien ; mais elle a une grosseur dans le sein qui la préoccupe (1),»

La même particularité s'observe quelquefois dans les délires fébriles. Un malade de M. Galicier, atteint d'accès de fièvre pendant la convalescence d'un anthrax, croyait être transformé en Chinois (a). Un officier supérieur, auquel j'ai donné des soins dans le cours d'une pleuro-pneu-monic aiguë, s'imaginait qu'un dragon grossier et malpropre s'était emparé de son corps : il ne pouvait agir et parier sans le consentement de ce personnage parasite et il était exasperé d'être obligé de se soumettre aux caprices d'un intérieur.

Les possédées d'autrefois avaient de semblables illusions de la personnalité. Elles disaient que le diable s'était installé dans leurs membres, qu'il pensait par leur esprit, qu'il dominait leur volonté. C'est lui qui blasphémait par leur bouche, injuriait les prêtres, répondait aux exorcistes; c'est lui qui leur faisait commettre toutes sortes d'actions reprehensibles dont elles n'étaient pas responsables, puisque leur personnalité était aliénée ou tout au moins subjuguée par celle du démon.

L'aliénation peut être provoquée artificiellement chez les sujets hypno-tisés et suggestibles. M. Ch. Richer (3) l'a démontré, le premier, par une série d'expériences qui ont été répétées avec des résultats identiques par MM. Benheim (4). Liégeois (5), Beaunis (6), Féré et Binet (7), ? Lombroso (8) de Rochas (9), etc.

Vous dites à une personne hypnotisée; « Vous êtes une religieuse....

(i) tu*- HiP*Xûl: JtutU ,1 aûi'*:«» il U ptntnêlili, ParU 184;, p. 4j.

M Gaucili. La ?«??1«??« du mot, ?»?4 fUbteftof», laS;, I. IV, f. ;t. OJO. R««t. /tK.ifUtM+Hf4.as¡.

W Baa-em Di ¿1 -tp :w if Ji ? * U (-*•'-. ** #d«. Pari* 18S6.

tarta (S*

? luna. U ??????úiw »*vrof*. Pari* 1m6. (7/ Feu rt Bt.it. il >u|>M.w twimml. Pari» ? Catara Lokkou. S.'aA' i-Ui' ??????, Toriao la*. ' MDi Roc***. ,-Sii» >»>(ju., 1?7.

une petite fille..., un matelot..., un généra)...» Par le fait seul de votre affirmation, cette personne, si elle est suffisamment suggestible, perd la notion de sa propre personnalité; et se créant une personnalité nouvelle, elle parle, pense, agit absolument comme elle se figure, avec tes res-sources de son imagination et de sa mémoire, que devrait parler, penser et agir une religieuse, une petite fille, un matelot ou un general ne se contente pas, ainsi que le ferait une personne à l'état normal, ce concevoir idéalement le type dont on lui parle ; elle le réalise avec une remarquable intensité d'expression.

Au fond, ces transformations, en apparence si étranges, s'expliquent par la provocation simultanée de deux phénomènes élémentaires, analo-gues à ceux que nous connaissons déjà pour les avoir études séparement, à propos des suggestions : 1° un phénomène d'amnésie partielle qui fait perdre la notion de U personnalité réelle ; 2° un phénomène d'hallucination psychique qui s'objective fortement, comme c'est la regle pour toutes les hallucinations hypnotiques, et substitue à la notion perdue de la personnalité ancienne celle d'une personnalité nouvelle.

Ajoutons qu'on observe quelquefois, dans ces expériences, des résis-tances semblables à celles que je vous ai signalées à propos des suggestions d'actes. Lombroso, par exemple, raconte qu'une de ses malades, hystérique d'une moralité douteuse' obéissait très vivement quand on lui. suggérait qu'elle était un filou, un souteneur, un colonel ; mais elle se révoltait quand on lui ordonnait de devenir un savant ou un moraliste.

lui répugnait plus, dit Lombroso, de changer de caractère moral que de sexe.

Deux étudiants, à qui le même expérimentateur vonlait suggérer qu'ils étaient des voleurs, plutôt que d'obéir. s'échappèrent en courant comme des fous hors de la chambre ou avait lieu l'expérience. Ramenés de force et sommés impérativement de voler un objet de valeur place à leur portée ils se cachèrent le visage dans les mains; puis l'un d'eux se réveilla en-disant : « Non, je ne veux pas être un voleur. » L'autre se saisit de l'objet, mais aussitôt après il le rejeta loin de lui. Ce dernier finit, cependant, par jouer le rôle de grand chef de brigands, ce qui flattait, sans doute, davan-tage ses instincts de grandeur (a).

Il y a donc une limite à la suggestibilité; mais, ainsi que le fait remar-quer Lombroso, cette limite est variable d'un sujet à l'aune, et, chez un même sujet, elle varie avec le degré de l'éducation hypnotique.

(A suivre).

(1) L'écriture elle-même est modifiée dont les sens de l'objectivaion suggéré MM. Héricourt et

ch Richet ont fait, à ce propos, de très curieuses expériences (La personnalité et l'écrituer; essai

de graphologie espérimente, société de psychologie biologique, séance de 22 février, 1826

démontré qu'un même sujet écrit d'une façon différentes quand on lui suggère qu'il est jeune ou

vieux, paysan ou général, professeur d'écriture ou docteur en médecine, etc? « En même temps

quu'on voit le traits de la pysionomie et les allure générales du sujet se modifier et se mettre en harmonie avec l'idée du personnage suggéré, on observe que son écriture subit ds modifications

parallèles non moins accentuées et revêt egalement une physionomie spéciale,particulière à chacun

des nouveaux états de conscience. En un mot, le geste du scripteur s'est transfirme comme le

geste en général. « Ces expériences prouvent bien que l'écrituer est sous la dépenndance directe des étas permanents qui

parallel"* non mola* ???entueca el rciíl également une phr.ioootrii¿ .pe. ini-, ;? 11 ult-i- a ??????? dea aoa\eau«*iat* de ? on .ciance. En un «noi. In (-ai- du aeripienr »'i*,t ita*.(orme tona*** kt grate cn ge*fral.a Ce* expérience* oro*.*ni hi.n que - l'eoìtate cat aoj* la d'pcndaiwc otreBanJ ¿tata permanent* 00. paaaagei* de la pn bob natile, aa mime ture qacln grate -n -fanal, dant ¦ ¦Ut pa**t «'.'• eoaaadrcc*comme nor van«' partkultorr. ?? «??? r-. reinar*, 1- . ? meni* aal ' ¦filia», la «ti ?? I"humine qavi ii*af ut» pinna* a«ratent lamente oiigiae, la natane naiurr atlfl ¦ ti. 1 fi: -ti 1 ine cccxqni déterminent Ha aitare* generale* co «a Iste ni aon nanfe potra* . eoa*itn*e aa ????????? partie ulte r*.

,i| Lfi—a in Op. ciu, p. is.

RECUEIL DE FAITS

Métrorrhagies consécutives a des fibromes utérins.—Guérison

par l'hypnotisme.

Mme C......, demeurant a Etoile, me fait appeler, pour la première fois, le 25 mars 1883. Elle 46 ans, est veuve ct n'a pas eu d'enfants. Sans avoir fait de maladies sérieuses, elle prétend avoir toujours été chétive. Règles normales jusqu'à ces dernières qui sont détenues profuses et se sont prolongées. A la palpation., l'hypogastre est distendu par une tumeur globuleuse, assez volumineuse pour remonter à trois doigts au-dessus l'ombilic et s'enclave dans e bas, dans l'excavation. De Caque coté, elle atteint la ligne verticale passant par les épines iliaques antérieures ct supérieures. Cette tumeur est plurilobée ct presque indolore. Au toucher vaginal : col nn peu dilaté, non hypertrophie ci un peu mobile.

La palpation et le loucher combinés font constater que la tumeur Appartient a:: corps utérin ct qu'elle est immobile, comme si elle était adhérente au squelette du bassin.

Le cathétérisme de la vessie démontre le peu de capacité de ce réservoir et sa déviation dn coté gauche.

La malade ne s'est jamais aperçue du développement de cette tumeur qui a l'aspect d'une grossesse de sept mois. Ni douleur, ni sentiment de pesanteur dans le bas-ventre, seule la miction est un peu plus fréquente.

Les bosselures peu distinctes les unes des autres, l'absence de dou-leurs, le volume de la tumeur, son identité avec le corps utérin, les métrorrhagies, me font poser le diagnostic de fibromes utérins interstitieles.

Le repos et l'ergotîne eurent raison des pertes ainsi que d'accidents pareils qui survinrent trois ans après, vers le 26 avril 1886. 21 juillet 1886, suspension brusque de l'écoulement sanguin pendant le cours des règles. Douleurs atroces, pas d'hématocèle. Injection de morphine. Tout rentre dans l'ordre.

21 novembre 1886 , nouvelles métrorrhagies, mais plus abondantes; le repos l'ergot et le perchlorure de fer, les injections d'eau chaude deviennent impuissants.

Le 30. Malade très anémiée, manque totalement d'appétit et vomit ce qu'elle réussi à ingérer. Jambes œdématiées; visage jaunâtre et boursouflé: pas d'albumine dans les urines. Douleurs gastralgiques contre lesquelles je tentai sans sans succès d'administrer de la cocaïne à l'ntérieur, espérant que les vomissements s'arrêteraient en même

Avant de faire tamponnement, je résolus d'essayer l'hypnotisme. En une ou deux minutes je réussis endormir Mme C... et lui sug-gérai que ses pi-rtcs s'arrêteraient immédiatement, qu'elle pourrait à son réveil prendre lesaiimenis qui lui plairaient parce qa elle les digé-serait parfaitement. Et de fait, la métrorrhagie s'était arrêtée au réveil, et la malade mangea avec plaisir. Je me retirai enchanté du résultat. Mais pendant la nuit on vint me quérir en toute hête. Mme C... avait repris ses pertes, vomissait tout ce qu'elle avait pris, était en proie à une grande frayeur présentait un tremblement rapide et rythmique

de tout le corps. Ce tremblement paraissait nettemet être de nature hystértque. Le lendemain, j'employai de nouveau le sommeil provoqué Les métrorrhagies n'ont plus reparu. Il n'en fut point de même des

vomissements cl des douleurs gastralgiques qui persistèrent au point que la malade ne perdant plus paraissait néanmoins exsangue et ne pou-

vait plus se lever. A chaque séance d'hypnotisme, je lui suggérais qu'au réveil elle mangerait de bon apétit , ce qu'elle faisait en effet,

mais chaque fois la digestion était impossible â cause des vomissements.

J'usai alors d'un subterfuge qui réussit parfaitement. Comme nu malade perdait au réveil le souvenir de ce qui s'étai fait ou dit pendant

le sommeil, c'est pendant celui-ci que je lui fis prendre ses repas. Au réveil elle ne se rappelait pas avoir mangé. Dès ce moment,le vomis. sements ainsi que les douleurs gastralgiques cessèrent. Après une dizaine de séances, la malade put se lever, mais la convalescence dura un mois pendant lequel, de temps en temps, j'employai la suggestion à l'état de veille pour éloigner les symptômes qui alarmaient la malade, tels que névralgies diverses, digestions douloureuses ,-: pénibles. Il étail merveilleux de voir celles-ci reprendre leur cours normal dès que j'avais persuadé la malade qu'elle digérait parfaitement.

Actuellement, septembre 1890, Mme C... jouit d'une santé excellente. Ses règles se sont supprimées sans accident il va quelques mois.

Les fibromes utérins ont diminué énormément de volume : le bord supérieur qui, au mois de mars 1SS3, dépassait l'ombilic de quelques travers de doigt se trouve maintenant à quatre travers de doigt au-dessus du bord supérieur de la symphyse pubienne La tumeur est mobile dans l'excavation, ct il està espérer que les fibromes diminueront encore de volume.

Dr Bugney, Etoile (Drôme).

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIUUE

Séance du 27 octobre 1890. Présidence de M. Ball.

D'une forme de mélancolie chez les prévenus et les condamnés.

M. Charpentier. — J'ai eu l'occasion d'observer chez un certain nombrede prévenus et de condamnés une l'orme spéciale de mélancolie non antérieure au délit, sans rapport avec lui et liée intimement a la crainte des effets de la condamnation Elle n'apparaît pas. en pér.éral. chez les vieux criminels, mais chez des sujets d une conduite habituellement régulière ct a proses d'une première prevenuon pour des faits délictueux de faible importance, tels que outrages aux mœurs, abus de confiance.

Ces accidents se développent sur un terrain névropathe, chez des per-sonnes qui présentent des maux de tête habituels, une impressionnabilité excessive et ont eu des convulsions pendant leur enfance.

La forme qu'affecte leur mélancolie est un mélange de sincérité ct de men songe; à l'examen, ils sont timides, craintifs et inquiets; ils répondent difficilement aux questions qu'on leur pose semblent ne pas les comprendre,

ci affectent des; mouvements d impaUcnce quand on les interroge sur ta cause de leur prévention. Us se plaignent d'être accusés d'un délit qu'ils n'ont pas commis, ou n en comprennent pas la portée; ils ont donc une atténuation du sens moral, un certain degré de confusion intellectuelle à laquelle se surajoutent quelquefois des idées mystiques et de suicide. Ces dernières nécessitent alorsleur séquestration, et dés lors ces sujets cherchent a tirer part, de leur étal de mélancolie: ils I exagèrent dans l'espoir d'en bénéficier, et présentent une atténuation de leurs symptômes dès qu'on parait compatir à leur situa-non ou qu on leur fait entrevoir une ordonnance de non-lieu.

Ces accidents survenus pendant la détention ne supppimênt pas l'action de la justice; elle reprend son cours dès que le désarrofmora! ci la fourberie qui s'y est |ointe ont pris fin. Ils guérissent assez rapidement quand le malade croit avoir trompé le médecin et obtenu du fait de son état une atténuation de sa peine; ils se prolongent assez longtemps si l'on montre de la défiance & 1 égard de leurs symptômes. La séquestration n'exerce pas sur ces sujets d'influence moralisatrice; aussi faut-il éviter de les laisser s'éterniser dans les asiles et doit-on les restituer le plus tôt possible a la société, l'nc fois guéris. ;ls n'éprouvent d'autres sentiments que la satisfaction d'avoir trompe les médecins: ils deviennent des maniaques raisonnants manifestent de la haine contre les institutions sociales de leur pays et ont un goût très prononcé pour les idées révolutionnaires.

Suicide à deux. Responsabilité du survivant.

M Garxieb. — Aujourd'hui nos lois criminelles absolvent le suicide, mais la jurisprudence punit la complicité.

Ayant été plusieurs fois commis a l'effet d'examiner l'état mental de sujets avant survécu a un double suicide auquel ils aviîent collaboré, !e me suis demande si cette survie, qui n'est en général que le fait du hasard, entraîne réellement la responsabilité du survivant et si l'on ne se trouve pas en présence d'un désarroi moral, d'un véritable état de mélancolie. J'en prendrai pour preuves deux observations dans lesquelles j'ai conclu à une irresponsabilité complète, en me basant sur l'état mental qui a accompagné la tentative de suicide. -

Une femme est accusée d'avoir tenté de donner la mort à son enfant avec lequel elle a cherché à se suicider. Très nerveuse, très émotive, elle avait antérieurement éprouvé de grands chagrins a la suite desquels son état moral s'était profondément troublé. Avant l'acte qui lui est reprochê.cllc n'a jamais manifesté l'intention de se suicider; elle se plaignait seulement de troubles névropalhiques, céphalalgie opiniâtre, éblouîssements, vertiges, insomnie, accès de découragement pendant lesquels elle éprouvait un entraînement invincible à boire.

Cet état !a préparait à réagir plus vivement que d'autres sous l'influence d'un excitant qui tut dans la circonstance une dose exagérée d'alcool. Son enfant lui avant dit qu'il aimait mieux mourir que de vivre avec son père, elle accepte'cette résolution, absorbe une certaine quantité d'alcool, et depuis lors ses souvenirs s'arrêtent et elle n'entrevoit plus qu'à travers un épais brouillard la nuit passée au bord de la Marne, ses longues hésitations dans la matinée, son entrée simultanée dans l'eau avec son fils, son sauvetage Dans de semblables conditions, il ne semble pas que cette femme ait pu apporter dans l'accomplissement des actes qui lui sont reprochés cette lucidité et cette volonté réfléchie que comporte la sanction pénale. Au moment où elle a agi, c'était une malade régie par des impulsions morbides et non une personne consciente d'elle-même. Son amnésie démontre qu'elle était sous l'influence d'une exaltation maladive, d'une obnubilalion d'origine alcoolique qui lui enlève toute responsabilité. Mes conclusions furent acceptées, et il y eut une ordonnance de non-lieu.

La seconde observation a trait à une femme inculpée d'homicide sur la personne de son fils âge de 10 ans avec lequel elle a voulu se suicider- Mon rOle consistait dans ce cas à préciser sa situation intellectuelle au momeot de la préparation de son double suicide, a établir dans quelle mesure les fonctions cérébrales ont pu se ressentir de la longue période comateuse dans laquelle elle a été plongée A la suite de sa tentative. Les renseignements que j'ai obtenus sur son compte la représentent comme une personne indolente, apathique, intempérante, d'un caractère susceptible, ombrageux, irritable. Au moment de mon examen, elle présentait une physionomie morne et attristée, des traits fatigués, un regard fixe.Tout en elle traduisait une sorte de torpeur physique et morale. Interrogée sur les causes qui l'ont poussée à cet acte de désespoir,elle répond qu'elle n'a pu supporter les difficultés de la vie, que le découragement s'est emparé d'elle quand clic s'est vue rebutée par ses parents qui auraient dù lui venir en aide. Son fils lui aurait demandé à mourir avec elle et rien ne s'oppose, étant données l'exaltation e: la sensibilité particulières à cet âge, 4 ce qu'on admette cette étrange complicité entre la mère et l'enfant.

Quant à la mere, elle ne s'était livrée, jusqu'au moment de son suicide et tout en abusant des boissons alcooliques, à aucun acte extravagant. Incapable de réagir contre les duretés du sort, elle a versé peu à peu dans un état de mélancolie qui a fini par vicier son iugement. C'est sous l'empire de ses appréciations erronées et d'une véritable perversion des facultés affectives, car clic aimait beaucoup son enfant, qu'elle s'est livrée à sa tentative de suicide. J'ai donc cru pouvoir conclure de mon examen qu'a ce moment elle était bien réellement sous l'empire d'un trouble mental qui ne lui laissait pas l'entière liberté de ses déterminations. Atteinte de dépression mélancolique, livrée à des interprétations imaginaires qui toutes convergeaient vers la tristesse, je considère qu'elle a cédé sous la pression de son désespoir et qu'elle n'encourt du fait de sa tentative d'homicide aucune responsabilité pénale. Ces conclusions ont été confirmées par la mort de cette temme qui a succombé quelques mois plus tard a l'asile Sainte-Anne dans le marasme mélancolique.

REVUE CRITIQUE

L'aphasie et la localisation du langage articulé

Par F. BATEMAN'. M. D„ seconde édition. - Churchill, 1800, inS»,4So pages»

Dans ce livre, le médecin anglais donne une élude complète de l'état-actuel de nos connaissances sur une maladie connue surtout par les travaux des palhologistcs français.

L'ouvrage du docteur liateman a déjû reçu un accueil favorable de l'Académie dçs sciences et de l'Académie de médecine de Paris. En le présentant à la Société de Biologie, le Président, M. Brown-Séquard, a fait un éloge mérité de ce remarquable ouvrage aussi savant qu'original, mais il me semble que l'éminent physiologiste s'est trop pressé de ranger M. Bateman au nombre des adversaires de la théorie des localisations cérébrales. Quoique M. Bateman pense avec Hughltngs Jackson et d'autres que les phrases et les diagrammes souvent employés pour définir les centres delà parole et '• les centres motcurs"sont tr'opprécis pour donner une idée exacte de la complexité réelle des actions cérébrales, il ne s'ensuit pas qu'il rejette la doctrine de Paul Broca sur la localisation de la parole. Le médecin anglais pense plutôt que, quoique

certaines parties Oc Pêcorce cérébrale aient pour (onction première une relation intime avec certaines actions motrices, cependant je ne peux ero.rc que ce soit U leur seule fonction. En effet, d'autres parties du cerveau participent, à des degrés divers, de l'exercice de la Verne faculté, et, dans certaines conditions, peuvent suppléer 1 la mime (onction. C'est par ce fonctionnement supplémentaire des parties svmètriqms de l'hémisphère opposé, ou d'autres parties du même hémisphère, agissant pour une partie détruite que l'on peut expliquer les cas décrits par M. Batcman, dans lesquels des lésions de la troisième convolution ircntalc ne turent pas suivies d'aphasie.

Dans un chapitre nouveau et intéressant, l'auteur décrit des cas de troubles fonctionnels de la parole, causés par l'ischémie cérébrale, par des irritations reilexes. des maladies constitutionnelles ct des poisons HfeMnrae La belladone, le stramoinc, etc. En étudiant des expériences hTpnoiiqec f.tilcs pour apporter quelques éclaircissements sur les troubles de la parole. M. Batcman arrive à croire que l'on n'a pas réussi à éliminer l'influence de la suggestion dans les procédés des hypnotisent s. A l'appui de cette opinion, il cite une lettre de M. Bernhciui. M. Batcman croit que le langage articulé est l'attribut distinctit de l'homme, thèse qu'il a soutenue dans son livre : Dartct-nistn teste I l»j Lingnate. Mes études sur l'idiotisme m'ont porté A penser que ie langage est l'apanage d'une certaine hauteur d'intelligence. La parole manque cher les idiots parce qu'ils n'ont pas le degré suffisant Je l'esprit. Il y en a qui peuvent comprendre les phrases simples quoiqu'ils ne parlent pas. Cher quelques animaux 'même, la faculté Je langage existe, quoique les manifestations en soient élémcnlairo. En augmentant le degré de leur intelligence. la parole viendrait.

Le livre du docteur Batcman apporte une contribution précieuse i la médecine psychologique. Son analyse de la nature de la parole est instructive pour le psychologue, ct ses éludes des troubles de cette faculté son: aussi complètes que possible. En effet, M. Batcman a compulsé toute la littérature scientifique de l'Europe et de l'Amérique sur le sujet qu'il a traité, et ses études faites pcndanl plus de vingt années sur les cas qu'il a rencontrés à l'hôpital de Nom ich ct dans sa clientèle privée lui ont permis d'arriver â des conclusions véritablement pratiques.

1> WlLLIAX W. Irelaxd.

VARIÉTÉS

Etude anthropométrique de la prostitution.

Uocopinùa - ni prévaut même parmi des historiens philosophes tels que Leckv est que la prostitution, non seulement un açent nécessaire dans la société est de plus indispensable et salutaire, C est l'égout par lequel s'écou-:lent les brutales passions de l'homme. ICI le est utile a la société comme un systems de sauvetage et empêche les instincts vicieux d'envahir l'intérieur du foyer. C'est pourquoi la prostituée est considérée comme un agent protecteur de la famille.

Sans vouloir discuter sur Ia justesse de cette opinion, nous conseillons aux philosophes d'étudier le curieux et intéressant ouvrage du Dr Dauline, Tar-noswki intitule; Elude anthropométrique des voleuses ct de» prostituées.

Les observations du Dr Tarnowski s'étendent à une période de quatre ans pendant lesquels 150 protituées furent reçues à l'hôpitale de Kalnikine ct

100 prisonniers àLitowski Jamok.

Les études de Tarnowski le conduisent à cette conclusion que, physiquement et psychiquement. les prostituées appartiennent à !a classe des dégénérées et qu'elles sont victimes des lois de l'hérédité. Leur état est la conséquence ocs excès alcooliques, de la syphilis, de la phtisie, e;e Pour supprimer la prostitution, il faut d'abord supprimer les vices de la société Scion le> vues de l'auteur, elle n'est pas tant le résultat de l'excitation des passions sexuelles que la conséquence de tous les vices sociaux.

Les criminalogistes affirment que les hommes commettent quatre ou cinq fois autant de crimes que les femmes. Ceci est nié par Tarnowski. il dit que 1a prostitution d3ns les femmes appartenant a la même catégorie: Je défectuosité éthiques que le crime établit, par cela même une juste balance entres les hommes et les femmes.

L'œuvre du D' Tarnowski contient un cranj nombre de faits relatifs a l'anthropométrie et à la dégénérescence physique ou mentale. Son livre est la preuve évidente d'un travail laborieux et d'un esprit essentiellement scientifique. Nous n'en pouvons donner ici que peu de détails cl offrir aux lecteurs que les conclusions les plus essentielles:

Les prostituées, dit ¡1, présentent toutes une hérédité morc-ide plus ou moins marquée. L'alcoolisme surtout semble dominer. Sur 134 femmes 50 étaient nées de parents ivrognes et sur 1*0. 95 se livrent d des excès alcooliques. La phtisie est moins souvent observée chez les parents. La svphilis héréditaire se montre dans quatres cas sur cent, l'épilepsic et les maladies mentales en dix cas sur cent.

Les prostituées présentent, à un très haut degré, les signes physiques de la dégénérescence tels que déformations crâniennes, anormalités de visage, défauts dentaires, oreilles mal conformées ou mal placées.

Les prostituées présentent aussi un notable a tïai bli s sèment intellectuel et une perversion du sens moral. Un grand nombre d'entre elles arrachées à leur misérable condition y retournent le plus tôt possible. Réglées, généralement, plus tôt que les autres femmes, on remarque en elles un développement prématuré du sens sexuel, et, comme les dégénérées, elles sont ordinairement stériles. Sur 150 prostituées, 93 étaient atteinte de syphilis.

Malgré tous les efforts tentés pour instruire les masses la prostitution reçoit chaque jour de nouvelles recrues, elle reçoit chaque jours de nouvelles recrues, elle se maintiendra dans la société aussi longtemps que les causes qui la produisent : abus de l'alcool, diathèse syphilique, phtisie, néviôses, etc.

Ceux qui essaieront la cure radicale de la prostitution devront attaquer le mai dans sa racine. La prostituée est un type spécial et morbide de l'humanité, le résultat de ses vices, non de ses nécessités.

Le D* Tarnowski a étudié les femmes et peui donner des renseignements scientifiques sur la classe des prostituées. Quant aux hommes débauches, sur 150 la proportion est la même relativement aux vices héréditaires, aux troubles intellectuels, à la perturbation du sens moral.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Hommage au docteur Liebeault

souscription (1er liste)

Comme nous l'avons annoncé dans notre dernier numéro, un comité de médecins éirange-s s'est formé pour offrir au Dr Liebeault, à l'occasion de sa retraite, un témoignage d'admiration et de reconnaissance.

Les cotisations sont centralisées chez le Dr Lloyd-Tuckey, 14, Green street, Grosvenor square. à Londres.

Nous publions ci-dessous la première liste de souscription qui nous a été adressée par notre confrère, et nous sommes convaincus qu'un grand nombre de nouveaux souscripteurs s'empresseront de répondre a l'appel du comité :

Liv. st. s. d. fr.

2 2 0 53

Dr Cruise. Dublin........... 2 2 0 53

Dr KNosnuRY, Blackpool....... 2 2 0 53

Dr Roth, Divonne, France...... 2 2 0 53

Dr tuckey, London 2 2 0 53

Dr van ernteronem, Amsterdam 2 2 0 53

Dr Van Renterohem, Amsterdam . . . 2 2 0 53

Dr steer. Penzance 1 1 0 26

Dr Arthur, London i 1 0 36

Dr A.Myers I 1 0 26

Dr Bérillon. Paris 2 3 0 53

LV Prof. FoRrx, Zurich........ 2 2 0 53

Dr Prof. Forel, zur 2 3 0 53

Dr Cribb. Bishop, Stortford...... l 1 0 36

Total de la 1re liste...... 634 francs

Un vol dans l'état d'hypnotisme.

Ou lit dans le Hirlap, de Pesth, que c'est à Londres que l'on a retrouvé le voleur des bijoux d'une valeur de 60,000 francs, vol commis sur Mme la Baronne de Rothschild lors de son récent voyage a Cologne.

Le père du voleur, ancien comptable d'une des plus grandes assurances américaines, est maintenant très bien établi a Boston. Le fils, nommé Pitt, est médecin et s'occupait depuis longtemps de l'hypnotisme. Il a fait paraître sur ce sujet, à New-York, un livre qui aurait eu plusieurs éditions.

Il avoue te vol, mais prétend ne l'avoir commis que pour se rendre compte de l'aptitude que la baronne avait à être sujet. Son intention aurait été de renvoyer les bijoux de Londres après avoir laissé Mme la Baronne de Rothschild'dans la peur de ne plus les revoir, et cela parce qu'elle n'avait pas l'air de prendre ('hypnotisme au sérieux. Voici ce qui serait arrivé. L'on causa d'hypnotisme. II n'y avait que lui et la Baronne dans le coupe, — et Mme la Baronne doutait de son pouvoir d'hypnotiseur. Alors, il se fit tort de prouver le contraire. Il l'hypnotisa facilement et lui intima l'ordre de lui remettre sa cassette de bijoux, ce qui fut fait Il n'y aurait donc pas à propre-Beat dire eu de vol de sa dans Ce cas extraordinaire a été l'objet de beau-coup de conversations dans le monde instruit.

Le père de Thomas Pitt a consigné par dépêche télégraphique une caution de plusieurs milliers de dollars, et son fils, après un emprisonnement d'un jour fut mis en liberté.

Au pays do spleen.

Le nombre des aliènes en Angleterre, d'après les statistiques, s'est accru de 55,000 à 111,000. Comme cause principale de la folie, l'on mentionne U boisson; l'on se plaint surtout de ce que dans les classes bourgeoises les femmes s'adonnent de préférence a ce vice, beaucoup d'entre elles succombent au delirium tremens, et souvent le man ne se doute aucunement de la passion de sa femme.

C'est lui qui paie les notes du fournisseur, mais celui-ci, qui est presque touiours marchand de thé, met l'alcool livre sous la rubrique thé ou café. Grâce à cette ingénieuse complicité, le secret absolu est gardé. Lord Rose-berry posait tout récemment la première pierre d'un grand asile Je fous a Londres. A cette occasion, l'on mentionna que le nombre des fous croissait annuellement de 400.

Cet établissement peut contenir 200 fous. Si le nombre des fous continue à s'accroître dans les mêmes proportions, Londres aurait besoin, tous les cinq ans, d'un nouvel asile d'aliénés.

Les femmes diplômées en France

D'après la dernière statistique publiée par les soins du ministre de l'instruction publique, il a été délivré, depuis 1886, 202 diplômes à des dames ou à des demoiselles. Ces diplômes se divisent ainsi : 3ô de docteurs en médecine, 69 de bacheliers es-sciences et es-lettres, 13 de licenciés et 2 de pharmaciens. Sur les 202 candidates diplômées, 102 se sont présentées devant les Facultés de Paris : Lyon vient ensuite avec 16, Aix avec 13, Nancy avec 12, Bordeaux avec 11, etc. Parmi les dames ou demoiselles étrangères qui ont obtenu des diplômes le plus grand nombre appartient aux nationalités russe et roumaine. On compte aussi plusieurs polonaises et quelques anglaises.

L'opinion d'un députe sur l'hypnotisme.

Voici comment M. Lockroy s'est exprimé devant la commission relative à l'exercice de la médecine :

« Notre collègue M. David considère l'hypnotisation comme un procédé d'exercice illégal de la médecine et dirige contre celui qui, sans être muni d'un diplôme de docteur, se livre â cette pratique, l'article 12 de sa proposition portant une amende de 100 à 500 francs.

« Le temps n'est pas loin où tout docteur en médecine qui osait parler de magnétisme animal était gourmande par ses confrères. Déconsidéré par les exhibitions publiques, le magnétisme a failli succomber sous le mépris des savants.

«Aujourd'hui que sous les noms de suggestion, d*hypnotisme science accueille les faits, les contrôle, en recherche la loi, est-il juste et sage d'en tarir la source et d'en décerner le monopole a ceux-là mêmes qui. obligés de se défendre par une critique rigoureuse contre les effrontés et les charlatans, se montrèrent hostiles aux manifestations physiologiques nouvelles dans la crainte d'être dupes de faits mal observés ou falsifiés ?

« Nous ne l'avons pas pensé, laissant a chacun !a liberté et la responsabilité de ses actes.

«Sans doute, il serait désirable que nul ne se livrât a es-; procèdes que dans l'intérêt de la science ou de la santé du sujet. Mais où commencera le îdélit? Frappera-t-on ceux qui souvent, par le seul sentiment de curiosité, essaient sur le premier venu, dans une maison particulière, une pratique dont ils ont constaté les effets? Se rctournera-t-on contre les exhibitions publiques ? Pour constater les premières, il faudrait se départir du respect du domicile ; les secondes peuvent être doublées de supercherie qu'on s'exposerait à frapper l'expérimentateur convaincu alors que le saltinoamque ne pourrait être atteint par la loi.

« Enfin, pour revenir à notre première question, où commencera le délit ?

« Nous croyons que le moment n'est pas venu d'enlever ces expériences aux profanes et de les confier exclusivement aux médecins. »

Bien entendu, il ne fallait pas s'attendre à trouver dans la bouche de M. Lockroy des idées bien profondes sur la question de l'hypnotisme L'honorable député qui a eu longtemps la réputation d'un journaliste spirituel a tenu sans doute à prouvé une fois de plus qu'à la Chambre des députés, il était permis de traiter les questions les plus graves au pied levé, sans s'être donné la peine de les étudier.

Le bon médecin

M. le DrK. Monin dans une chronique du Gil Blas, décrit ainsi le bon médecin :

« Le bon médecin est celui qui, en face d'un malade, subit une sorte de réflexe, qui le conduit â une intuition thérapeutiqve secrète et soudaine. Le bon peintre, le bon musicien, le véritable écrivain procèdent d'un réflexe très ana-logne. Caria médecine est un art, au même titre que la peinture et la musique : elle existe en dépit de toute érudition, indépendante mémede tout esprit scientifique... On peut dire de l' ordonnance du médecin ce que disait du paysage je ne sais plus quel critique pictural : C'est un état d'esprit. Or. dans la pratique, cet état d'esprit se dégage sur nos clients C'est une sorte d'électricité par influence, une force neurique rayonnante, qui fait bientôt du malade le pouet, la chose au médecin. Dans ces conditions d'inhibition de la volonté, j'absorption médicamenteuse s'approprie, bien plus complète et bien plus efficace . Voilà ce qu'il faut faire comprendre au jeune médecin, et il le comprendra sans doute, parce qu'il a appris à mieux fouiller que nos anciens les mysté-rieurs arcanes de la suggestion mentale.

A propos du congrès de Berlin

M. le rédacteur en chef du Progrès médical.

En attendant la publication de mon travail sur la « folie du doute et le délire du touchet », qui montrera â quel point de vue je me suis placé dans celle question, je tiens cependant â vous demander une légère rectification de votre compte rendu. Je n'ai jamais pensé que ces psychoses étaient des * maladies distinctes », comme votre correspondant me le fait dire à tort. J'ai demandé seulement qu'on leur lasse une place â part, plus peut être que M. Magnan ne parait disposé à l'accorder, comme variétés cliniques, dans la folie des dégénérés héréditaires. Les observations que j'ai données au Congrès de Berlin prouvent que les formes peuvent exister isolément et évoluer sans mélanger leurs svmptômes. 11 convient, dès lors, â mon avis, de leur conserver, au point

de vue clinique, une importance qui n'est pas suffisamment reconnue lorsqn'on se borne â les mentionner parmi les autres syndromes épisodiques de la folie héréditaire.

Permettez-moi d'ajouter que ma pensée n'est pas non plus exactement rendue à propos de l'influence du traitement de ia dipsomanie par l'hypnotisme. J'ai cite sans doute la récidive comme régie, cependant j'ai obtenu une rémission complète de quinze ans de durée dans un cas de dipsomanie confirmé.

Veuillez agréer, etc. Dr Ladame.

Le mage Papus à la société de Biologie.

Qui ça. Papus? Le magnétiseur émule de Donato, Robert, etc.; le fondateur-directeur du journal mesméro-spirite l'Initiation : le donneur d'horoscopes-primes de l'Echo de Parisi — Eh ! mon Dieu, oui ! c'est lui, lui-même, qui a fait une communication ic S novembre à la Société de Biologie. 11 est vrai que c'est sous le nom d'Encausse et comme col aborateur d'un membre de l'Académie de médecine. Nous croyons rendre service a la fois a l'honorable académicien et à la Société de Biologie en leur révélant l'identité de Papus-Encausse. Nous rendons service aussi A nos lecteurs qui ainsi comprendront peut-être mieux la promenade des hémiplégies.

(Journal des Sciences médicales de Lille.)

Le martyrologe des médecins aliénistes.

Les médecins des asiles d'aliénés ne sont pas toujours à la noce. II y a trois mois, M. le docteur Ritti terminait sa visite, lorsque le dernier malade, le prenant par le bras, l'interpella vivement pour lui demander sa sortie. Avant qu'il eût pu prononcer un mot, il recevait du malade un violent coup de poing â la figure. La main était armée d'un caillou. Le coup porta à quelques millimètres au-dessus de l'angle externe de l'œil gauche. M. Ritti en fut quitte pour une plaie, une forte ecchymose de la paupière inférieure, un gonflement très prononcé de la joue c; l'inconvénient de voir une moitié de la face passer par les diverses couleurs de l'arc-en-cicl. Mais il peut dire qu'il l'a échappé belle.

Huit jours après cet accident, M. le docteur Mordret, médecin en chef de l'asile d'aliénés du Mans, a été frappé a sa visite du matin, par un aliéné, de deux coups de tranchet de cordonnier bien emmanché; deux à trois centimètres de fer pénètrent dans les muscles du dos et externes de la cuisse.

Heureusement aucun organe important n'a été touché, et, après quatre jours de repos, notre confrère a pu reprendre son service.

La Société des neuropathologistes de Moscou.

Nous enregistrons avec plaisir la nouvelle de l'inauguration, à Moscou, de la Société des neuropathologistes et des aliénistes de Moscou. Cette société, fondée sous le patronage de l'Université, comprend vingt et un membres fondateurs, auxquels se joindront un certain nombre de membres honoraires et correspondants.

Les membre:, de la nouvelle société ont choisi comme président M. le professseur A.-J. Kojewnikoff, le fondateur de l'école neurologique cî osy-chiatrique de Moscou, et le maure direct de tous les membres fondateurs de a nouvelle société.

Dans la dernière séance ont eu lieu les communications suivantes : 1°M.le Dr V. Boutzke : Description du nouvel asile d'aliénés de Moscou ;

M. le Dr L. Minor : Sur les progrès réalisés dans le traitement des maladies nerveuses; 3° M. 1e Dr G. Rossolimo : De l'hypnothérapie contemporaine. Nous serons heureux de tenir nos lecteurs au courant des éludes qui seront faites par les membres de la nouvelle société.

Sueurs locales reflexes.

Le docteur Du courneau de Bebesse (Landes) adresse à la Gazette Hebdoma daire l'observation. suivante qui présente un grand intérêt.

« Au mois de juin 1879, je suis appelé auprès d'une jeune femme accouchée depuis deux mois environ. Elle allaite son enfant qui se porte fort bien et elle-même jouit d'une bonne santé, mais depuis une quinzaine de jours elle éprouve un accident qui l'alTaiblit beaucoup et lui fait redouter de donner le sein à son enfant Dès que l'enfant prend le sein droit, il se produit immédiatement une sueur qui, partant de la fesse droite suit la partie postérieure de la Guisse de la jambe jusqu'au pied. Cette sueur extrêmement abondante dure autant que l'allaitement, pour cesser avec lui. Le même phénomène se produit gauche dans les mêmes conditions.

A plusieurs reprises je me rends compte de ce fait. Je fais changer l'enfant de sein, et toujours la sueur commence et cesse en même temps que la succion du sein du même coté par l'enfant. Le liquide sudoral reçu dans une assiette placée sous le pied la remplit très vite

Je prescris des toniques et des frictions sur les seins avec une pommade fortement belladonée, et au bout de quelques jours de traitement je constate à ma grande satisfaction que la sueur diminue pour disparaître complète-ment.

J'ai perdu de vue cette femme, qui a eu depuis plusieurs enfants: mais je trai pu savoir si le même phénomène s'était produit pendant leur allaitement.

Une action réflexe pour moi difficile à comprendre peut seul expliquer une pareille sueur locale. »

BIBLIOGRAPHIE

Physiologie de la Veille et du Sommeil, par S. SERGUEYEFF (2 forts vol. grand in-8°, 20fr., Félix Alcan. éditeur.) — Parmi les accomplissemenls à la lors nécessaires et périodiques auxquelles se livrent les individualités vivantes, ceux qui jusqu'ici nous sont connus appartiennent tous sans exception à l'ordre des œuvres fonctionnelles dites organiques ou végétativesives; l'auteur s'est demandé, et c'est en cela qu'il diffère de tous ceux qui ont traite cette importante que*t;on, si les alternances quotidiennes de veille et de sommeil ne cachent pas quelque réalisation directement indispensable au maintien de lavie. Il conclut à un accomplissement végétatif qu'il appelle. l'assimilation dyna-mique venant prendre place à coté dt l'assimilation semi-liquide et de l'assimilation gazeuse. Aux fonctions de nutrition proprement dite et aux fonctions de respiration et de circulation s'ajoute une troisième œuvre : l'innervation végétative ayant pour objet

l'impondérable, pour organe l'appareil ganglio-épidérmique et pour phases alter-

nantes d'emprunt ou de rejet les orientations centripètes ou centrifuge» des influx gan--

gionnaires qui viennent périodiquement se substituer l'une - l'autre.

Fixé sur cette nature assimilatrice, il s'agit de distinguer son son mécanisme fondametal, c'est la part du second volume. Celte distinction devient.il est vrai. de plus en plus difficile aux bas degrés de l'échelle vivante, mais il en est autrement chez les espèces

supérieures douces d'un système nerveux cérébro-spiral ; li se produisent dans les exer-cices de la vie animale des modifications très appréciables et caractérisant parfaitement les deux états quotidiens de veille et de sommeil. Si ces modulations peuvent logique. ment se rattacher, les unes à l'emprunt, les autres au rejet dynamique, il est clair que leur nature cesse d'être inintelligible et, du même coup. se trouve encore confiance l'œuvre végétative qui seule recèle leur véritable cause determinante.

Le Monde comme volonté et comme représentation, par A. Schopenhauer (1)

La traduction de l'œuvre capitale de Schopenhauer, Monde comme volonté et comme représentation, entreprise par M. A. Burdeau;, député, agrégé de philosophie, vient d'être achevée : le troisième des volumes dont elle so compose, paraît en ce moment à la librairie F Alcan.

Sous n'avons pas à recommandera nos lecteurs ce livre doublemen classique, et par le fond, qui reste a la base de b doctrine pessimiste aujourd'hui si fort en vogue et à discutée, et par la torme, dont l'élégance et l'agrément donnent ceux qui en sont ratés a la vieille réputation de lourdeur et d'absurdité de la philosophie allemande.

Dans ce troisième volume, on trouvera les suppléments aux trois derniers livres du Monde comme volonté. La, sous une forme plus lifte que celle .du développement didac-tique, Schopenhauer épanche, sur les questions les plus diverses de métaphysique, d'art

et de morale, un flot d'anecdotes, de citations curieuses, d'idées paradoxales. On retrouve, à le lire, l'impression d'éblouissement et d'inquiétude que M. Challemem-

Lacour rapportait en 1858 de la table d'hôte de Francfort, où il était allé visiter l'illustre philosophe dont l'Europe entière connaissait déjà le nom, et qu'il révéla dans un article fameux de la Revue des Deux-Mondes. On peut affirmer que ce volume, d'une lecture plus aisée encore que !e» précédents, rencontrera un accueil empressé de la part du public. Schopenhauer, avant la traduction de son œuvre principale par M. Bardeau, n'était guère connu en France que par des comptes-rendus incomplets et par les interprétations souvent infidèles de ceux qui se croient ses disciples. Il sera désormais connu plus direc-tement, et il y gagnera.

Le courant continu en gynécologie;par le docteur G. Gautier. Paris, A. Miloine, 1890 — Cette brochure renferme les communications que les docteurs G. Aponoli. G. Gautier. Brose Mac Ginnis, L. Meyer. La Torre ont faites au Congrès de Berlin sur l'emploi du courant continu en gynécologie. L'un des deux mémoires du docteur Gautier renferme- les indications nécessaires pou- le choix et l'emploi des instruments. la technique opératoire. etc. On sait que notre confrère étend l'application de l'éléctricité jusqu'au traitement des ovaro-salpingites catarrhales et con-gestives; pur contre, il admet qu'une collection suppurée ou hystique-contre indique toute galvano-crustique intra-utérine prolongée et à haute dose.

NOUVELLES

Cours. — mm. Joffroy et Jules Voisin. médecins de la Salpêtriêre, commmenceront des confé rences sur les maladie nerveuses et mentales, le jeudi 4 décembre 1890, à ,neuf heures trois quarts, au petit amphitéâtre de l'Infirmerie, et les continueront les jeudis suivants, à la même heure.

Cours libres — Psychiatrie et neurologie. — applications cliniques de l'hypnotisme. docteur BÉRILLON. — Le samedi à 10 heures (clinique des maladies nerveuses, 55 rue st André des Arts.

— M. Alpy. conseller municipal vient de déposer sur le bureau deu coneil générale une pro-position ayant pour objet la création , à Paris, d'un Institut de médecine légale. On ne saurait

trop désirer les succès de cette initiative. Les études médico-légales pourraient enfin être digne-

ment poursuivies.

(1) (5volume in-8°; 22 fr. 50, Bibliothèque de philosophie contemporaine, Félix Alcan, éditeur)

MÉFAITES DE SOMNAMBULES,-«Nous trouvons- dans l(Echo de Paris du 26 novembre le fait suivant: Une Jeune artiste désirant connaître l'avenir qui lui était réservé va trouver une somnambule celle-ci lui décore que les beaux jours. sont inutiles, car sa mort est proche La consultante s'en retourne che. elle très .impressionée; depuis lors son caractère s'altère,, elle devient sombre et au bout de quelques jours tente de se jeter par la fenéta.. — Voilà an exemple de sugges-lion qui devrait ouvrir les yeux ces pouvoirs publics sur l' urgence extreme qu'il y ., de suppri-mer ces sortes d'industries.

Les progrès médicale en reproduisant les lignes qui precedent leur donne pour titre : Hypnotis--me.l — ses dangers. Notre honorable confrère nous permettra de lui faire remarquer qu'il n'y a dans la mauvaise action de la somnambule n'en qui ait le moindre rapport avec l'hypnotisme. Dans l'espèce la somnambule en question a agi auusi mal que le ferait un médecin qui a hésiterait pas à révéler à un malade impressionnable la gravité de un état

Société d'antropoligie.. — Le comité central de la Société d'Anthropologie vient d'attribuer, à l'unamiteé, le prix Broca. d'une valeur de 1.500 fr. M. le Dr Adolphe Bertillon. chef du service d'identification ds la préfecture de police.

— RUSSIE Le département de médecine du ministère de linteneura adressé dernièrement une Circulaire aux gouverneurs de province pour les engager à prohiber dans les limites de leur admi-nistration toute séance, publique ayant l'hypnotisme pour objet. Le. motif* de cette défense sont : le nul que fait l'hypnotisme aux sujet que l'on met à l'épreuve et le danger qu'il peut y avoir de b part des.gens mal intentionnés, qui peuvent étudier pendant lesdites séances les moyens à emplyer pour endormir le* sujets et s'en servir plus tard dans un but immoral ou criminel.

Les médecin au cambodge. — Un correspondant du Temps raconte se qu'il a vu à Pnom-Penh. la capitale du Cambodge:

« Il y avait fichées au haut des trois pieux. trois têtes de Cambodgiens qui avaient été decapités- la veille. à la suite d'une condamnation prononcée par la justice indigène

« Les trois misérables avaient été condamnés pour un crime horrible . Ils avaient ligoté la femme d'un d'entre eut. enceinte de trois mois, pour lui ouvrir le ventre et prendre le fœtus, qu'ils ont fait cuire avec certaines qui n'est

• Voilà un crime qui n'est point banal et qui peut donner une idée de la passion de nos protégés pour le jeu. L'un des assassins était médecin. »

OUVRAGES REÇUS A LA REVUE

-- Dr Baillrger. — Recherches tur les maladies mentales. : vol. in 8,750 pages chaque, G. Masson éditeur, 120 Boulevard Saint-Germain, Paris. 1890.

Dr J. Christian. — Epilepsie, Folie épileptique, in-8, 160 pages, G. Masson, éditeur, boulevard Saint-Cermain. Paris. 1800.

M. Raux. — Nos jeunes détenus. in-8. 263 pages, G. .Masson, 120, boulevard Saint-Germain. Paris, 1890.

G. Tarde : — La Philosophie pénale, in-8, 566 pages. G. Masson, 120, boulevard Saint-Germain. Paris 1890.

Dr. Bernheim. : — Hypnotisme, Suggestion,. Pychothérapie. Etudes nouvelles, in-6, 518, juges. O. Doin éditeur, S, place de l'Odéon, Paris. 1891.

S.serguéyeff : Le sommeil et le système nerveux 2 volumes, in- 8, 1750 pages. f. Alcan, 108. boulevard Saint-Germain. Paris, 1890.

Dr. P. Bruant: — De la mélancolie survenant à la ménopause. in-8, 84 pages. H.Jouve.23, rue Racine Paris. 1888.

Dr E. Monin. — Misères nerveuses. in-8, 324 pages. P. Ollendorff, éditeur, 28 bis rue de Richelieu Paris .1890. 1

Dr. Emile laurent. — L'Amour morbide in-8. 286 pages 4. rue Antoine-Dubois. Paris, 1890.

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de la SlàtU Remante. Mar» IS90. X. p. I7S. BTMFHY ROLLEST01V La «Ufgeslion hypnotique au poir.r ce thérjpeoïiqiîe >St Bar».

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feu a ce Bd. »>x*i, a\rd liVo 1 SCHMITZ (A): Der Kjpnoti.mut in lôremiteher Beiiehung. .Hypso'.ifme et médecine légale)

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TABBl'RlSl • Sulla ratura dei (erxmeni «orretici nell' ipnotismo. [Pr. ¦-.¦risentale dì frenit-

Iria. Fate. HI. 1S90). TABZI: Solla «ura raggatin del mortlmimo. [La terapia moderna. Napoli, 1SS9). TARDE - 1« de rîmiution. Etude lociologique, «31 paget. Parii, ?90.

L'Administrateur-Gérant : Énite BOURIOT.

PAUS — - '¦¦«.. CLA ¦'. r.. , , ; . i : f IS VAwCOAKO.

Ai ai :¦ ¦ Bo -. s — L'ljOBC!'nn~. ses rapports avec le.iroit ella thérapeutique. În-S, 316 pafjes. F. Alcsn. 10» boulevard Saint* Germain, Pans, 1S00.

L. Roir»F*u et L. Gufs»ifir. — Manuel praVcie r*- Jurisprudence metiica.lt. in-ffl a]oo pages. C. Mïjîon, éditeur. 120 boulevard Saint-Germain, Paris. 1890.

D* J. R00MI».—Rei ut Internationa lo de Siblîigraphtr midictJt, D^tiiinztutiaut tt M tintiti'». În-S. «46 pages. V» J. Lechevalier. 23. rue Racine, Paris. tSoo.

Dr Ono WrTTWsYJtAKD: — Dtr Hyo'ot-smut wrfs'ir.t an* my? .¦¦> --nrsktisehtm mtdiçin. in-S, HZ pages, Wien und 1-eipzîg, L'rban und Schwarzeuberg.

REVUE HE i:HYPNOTISME

EXPERIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE

BULLETIN

L'HYPNOTISME A LA COUR D'ASSISES

Un récent procès criminel est venu, fort mal i propos, remettre sur le tapis la question de l'hypnotisme. Pendant plus d'un mois, les lecteur* des journaux ont subi l'obsession de U lutte homérique engagée entre l'École »|e Paris et celle de Nancy. Tout le monde a donné son avis et des flots d'encre ont été versés. Il ne reste plus actuellement qu'à établir le bilan du nombre incalculable d'assertions erronées, d'absurdités, d'illogismcs, de contradictions débitées à ce sujet. En spectateur impartial, nous allons nous efforcer de résumer les débats : Deux criminels, an homme et une femme, se sont associés pour commettre un assassinat. Ils sont arrêtés et, ce qui doit simplifier la procédure, tous les deux avouent leur participation au crime. Seulement, pour atténuer sa culpabilité, chacun, comme cela arrive en général en pareil cas, rejette sur l'autre l'idée première du forfait. Rien ne parait moins compliqué. Cependant, un beau jour, on apprend qu'un des accusés, la femme, a été soumise, a différentes reprises, à des expériences d'hypnotisme «qu'elle est parfaitement hypnotisable. L'hypnotisme a toujours eu le don regrettable de passionn-r les esprits, au grand détriment de l'évolution rationnelle de cette science. Le mot de suggestion hypnotique était â peine prononcé que les reporters étaient déjà en campagne. Tous les hommes compétents sont intenwiévés. Des opinions contraires sont émises. On parle de responsabilité atténuée. L'avocat de l'accusée devine tout le parti qu'il peut tirer de cette intervention de l'hypnotisme dans une affaire où il complètement étranger, et pour tenir compte des doutes émis sur 1a responsabilité de l'inculpée;, le parquet commet trois experts pour l'examiner.

Dans un savait: rapport, MM. les Dr Brouardel, Motet, Gilbert Ballet,

exposent les expériences auxquelles ils se sont livres. Ils racontent que le sujet a présenté, au début de la séance, une attaque d'hystérie avec contractures et hallucinations terrifiantes. Pour l'endormir profondément il a suffi de le regarder fixement et, ensuite, ils ont pu lui faire accom-plir automatiquement des actes varies sons l'influence de la suggestion. Cependant ils déclarent, ce qui n'a jamais été mis en doute par personne, qu'ils n'ont jamais pensé que l'hypnotisme et la suggestion hypnotique aient pu intervenir comme élément determinan: des actes reprochés 1 Gabrielle Bompard. Fille-même, pour se disculper, n'a jamais eu recours à ce moyen de défense. Le rapport des experts, malgré leurs constatations de l'état d'hystérie, se termine par les conclusions suivantes :

« Gabrielle Bompard n'est pas malade, c'est un être incomplet dont la caractéristique est l'arrêt de développement du sens moral sans arrêt parallèle du développement intellectuel.

« Si profondes que soient les lacunes du sens moral, l'intelligence est assez nette pour que Gabrielle Bompard sache ce qui est bien et ce qui est mal. Lille n'est pas atteinte d'aliénation mentale; rien n'établit qu'elle ait subi une contrainte de quelque nature qu'elle soit.

« Gabrielle Bompard ne saurait être considérée comme irresponsable, des actes qui lui sont imputés. »

C'est ici qu'on peut commencer â relever d'évidentes contradictions. Les experts, dont les tendances, en matière d'hypnotisme, sont conformes à celles de l'École de Paris, concluent comme l'aurait fait des représentants de l'École de Nancy. En effet, l'École de Paris considère l'hypnotisme comme une névrose, et voit dans tout sujet facilement et profondément hypnotisable un malade atteint de grande hystérie, un dégénéré, un détraqué, en un mot. L'École de Nancy, au contraire, affirme que le nombre des hypnotisables est considérable, que, sur. cent personnes, quatre-vingt-dix peuvent être influencées et que cinquante, au moins, sont susceptibles d'être plongées dans l'état de somnambulisme. Pour elle, le fait d'être très suggestible et très hypnotisable ntf constitue nullement une tare nerveuse; c'est simplement la manifestation d'un phénomène naturel. Pour Paris, l'hypnotisme est un eut pathologique; pour Nancy c'est un état psvchologique. Or, les experts concluent comme Nancy : Gabrielle Bompard est hypnotisable et suggestible, nuis ce n'est pas une raison pour qu'elle soit considérée comme une malade.

Parcelle conclusion, en desaccord évident avec l'opinion emise par M. Charcot et ses élèves, l'École de Nancy recevait une certaine satis-taction. N'ayant jamais prétendu que les milliers de sujets hypnotisés par elle fussent des êtres à part, pourvus d'une responsabilité atténuée., on aurait pu ctoire à priori qu'elle pencherait vers la responsabilité complète de l'accusée. Au contraire, l'Ecole de Pans, proférant que les hypnotisés de l'espèce de Gabrielle Bompsrd sont .de véritables névro-.

pallies boas à être cri fer mes i la Salpetrièrc, aurait dû tendre vers une atténuation de la culpabilité. C'est le contraire qui s'est produit. Alors, le public n'a plus rien compris, d'autant plus que le différend entre les deux écoles s'est compliqué tout à coup d'un élément nouveau.

Tout d'abord, il n'avait été question que de discuter sur le degré de responsabilité de l'accusée. Mais bien qu'à aucun moment elle n'eût prétendu avoir agi sous l'influence d'une suggestion hypnotique, la défense a en; devoir demander à un représentant de l'École de Nancy de venir démontrer la possibilité des suggestions criminelles. Elle eût pu taire appel au concours d'un des hommes compétents, médecins des hôpitaux ou professeurs agrégés de la Faculté, qui, i Paris, se sont ralliés aux doctrines de l'École de Nancy, mais cela ne faisait pas son affaire: « Opposer à M. Brouardel un savant qui ne vînt pas directement de Nancy, vous n'y pensez pas sérieusement Ce qu'il fallait, c'était un nancéen de Nancy, né à Nancy ou tout au moins dans les environs. Le jurv n'aurait jamais admis une substitution, ni compris qu'on pouvait être de l'École de Nancy en résidant à Paris. H parait même que M. le professeur Beaunis, que ses travaux retiennent a Paris pendant plusieurs mois de l'année, ne fut pas pour ce motif jugé assez nancéen. Voili pourquoi M. Liégeois n'a pu refuser de mettre sa compétence et son éloquence au service de Gabriellc Bompard et de son défenseur.

Après avoir voué le boulangisme, — cet autre produit de suggestions manifestement criminelles — aux dieux infernaux et placé l'École de Kancv sous l'invocation des dieux immortels, M. Liégeois a fait aux jurés et aux membres Je la Cour un long exposé des faits rassemblés dans son livre. Son intervention a-t-elle été utile à l'accusée? sur ce point les avis sont partagés. Mais l'impression générale est que les doctrines de l'École de Nancy ont essuyé, sur le terrain juridique, une défaite d'autant plus regrettable que rien ne justifiait, en cette occurence, la nécessité de livrer la bataille. Sur le terrain clinique et thérapeutique, clic a gardé ses positions. Elle n'a plus qu'à attendre qu'une occasion favorable, un crime qui soit manifestement le résultat d'une suggestion criminelle, lui permette de prendre une revanche éclatante. Jusqu'à ce moment, elle doit se recueillir, compléter ses recherches par de nouvelles expériences, affirmer son existence et sa vitalité par des travaux qui défient toute critique. Pour nous résumer, l'hypnotisme est sorti de ce procès criminel légèrement diminué; mais aussi qu'allait-il faire dans cette galère?

Dr EDG. BÉRILLON.

TRAVAUX nRICI.YUX

DES VARIATIONS DE LA PERSONNALITE DANS LES ÉTATS

HYPNOTIQUES

Par M. le professeur A. PITRES, doyne de la Faculté de Bordeaux Suite et fin (1)

II

Variations de la personnalité par alternance. — Supposez une personne sujette à des accès de somnambulisme revenant périodiquement, tous les mois, par exemple, et durant chacun quinze jours. Pendant le sommeil somnambuliquc, cette personne se rappellera toute son existence; mais, durant l'état de veille normal, clic ne se souviendra absolument que des laits survenus en dehors du sommeil. Elle aura donc deux mémoires distinctes, d'une portée inégale, lui servant alternativement. A la longue, il en résultera qu'elle aura, dans l'état de sommeil, des souvenirs, des idées, des sentiments qu'elle ne connaîtra pas à l'état de veille. Sa manière d'être sera différente dans l'un ou l'autre de ces états; sa personnalité ne sera plus la même.

La supposition que nous venons de faire se trouve réalisée dans un certain nombre de cas pathologiques qu'on a décrits sous les noms d''amnésie périodique, de double conscience ou de dédoublement de la vie. Le plus connu est celui qui .1 été étudié par mon collègue, M. le professeur Azam (2), sur une malade de Bordeaux, àgèe aujourd'hui de quarante-six ans et nommée Félida X... M. Azam la vit, pour la premièie fois, en 1858. Elle avait alors quinze ans. C'était une fille assez robuste, intelligente, laborieuse, peu affectueuse, d'un caractère triste. Elle était déjà sujette à des accidents hystériques variés, mais elle se préoccupait surtout d'une altération périodique de la mémoire qui se reproduisait sous forme de crises presque chaque jour.

(l) V. Revue de l'Hypnotisme. p. 175

(2) Les travaux de M. Azam sur cette cette questîon ont élu réunis en un volume intitulé : Hypnotisme, double conscience et altération de la penonnalité, l'aria, 1887.

Les autres observations de double conscience ont été publiées par MM. Mac Nisli (philosophy of sleep. 1830), Mesnel (Mémoire sur l'automatisme de la mémoire, etc, Paris, 1874.).Dufay (La notion de la personnaité, Revue scientifique15 juillet 1876) Verriest (Congrès de psychiatrie et de heuropathologie d' Anvers, 1885). Ledame(Observa-lion de somnambulisme hystérique, de 'l'hypno.,30 janvier 1888) Bourra et Burot (Les Variations de la personnalité. Paris. 1888)».Bonnmaison (Un cas remarquable d'hyp-nose spontanée, Rev. de l'hypn., 1800, p. 234).

Ces crises survenaient toujours de la même taçon. Elle ressentait aux tempes une douleur constrictive et perdait tout i coup connaissance, comme cela arrive dans le petit niai. Puis, une ou deux minutes après, elle ouvrait les yeux et communiquait librement avec le monde extérieur. Elle pouvait aller, venir, travailler; elle n'avait aucune idée délirante, aucune hallucination; mais son état intellectuel était modifié. Au lieu d'être sombre et concentrée comme auparavant, elle était gaie, souriante, causeuse, aimable, turbulente. Elle restait dans cet état pendant trois ou quatre heures, puis, tout à coup, elle perdait de nouveau connaissance et se réveillait telle qu'elle était avant la crise, mais n'avait aucun souvenir de ce qui s'était passé pendant sa durée. Dans la crise, au contraire, ou, comme l'appelle M. Azam, dans l'état de condition seconde, elle se souvenait de toute son existence.

Après des alternatives d'amélioration et d'aggravation, les crises sont devenues plus longues et plus fréquentes. Elles ont peu à peu empiété sur l'état normal, au point de l'envahir presque complètement. Dans ces dernières années, certaines crises ont duré trois mois; mais les symptômes fondamentaux sont restés les mêmes, et, en particulier, la perte du souvenir de tous les événements survenus pendant la condition seconde est aussi complète, aussi absolue qu'elle l'était en 185S.

Cette amnésie périodique a causé à la malade des désagréments de toutes sortes. Devenue enceinte avant son mariage, pendant une période de condition seconde, elle ignorait, dans l'autre condition, la véritable cause du développement de son ventre, bien qu'elle la connût fort bien et en parlât librement quand elle retombait en condition seconde.

Une de ses parentes étant morte pendant une de ses crises, elle-assista à ses funérailles et prit le deuil; mais revenue à l'état normal, il fallut qu'on lui expliquât pourquoi elle était vêtue de noir.

On lui donna un chien pendant qu'elle se trouvait en condition seconde : elle le soigna, l'éleva, s'attacha à lui. Quand elle repassa à l'état de condition première, et qu'elle aperçut l'animal dans ses appartements, elle le chassa comme un chien errant qui aurait pénétré chez elle par hasard.

En 1S78, étant en condition seconde, elle croit avoir la certitude que son mari la trompe avec une maîtresse. Prise d'un affreux désespoir, elle se pend. On arrive heureusement assez tôt pour la rappeler i la vie. A quelque temps de là, elle revient en condition première : elle n'a plus connaissance des soupçons qui l'ont tant alarmée et comble de prévenances et de bonnes paroles la femme que, dans Pautre état, elle accuse d'être la complice de son mari.

En somme, elle a deux manières d'être distinctes, se succédant à intervalles irréguliers : l'une, dans laquelle elle est triste, morose, égoïste et ne se rappelle qu'une partie des événements de sa vie; l'auire, dans laquelle elle est gaie, expansive, affectueuse et se souvient de tout ce

qui lui est arrivé depuis qu'elle a l'âge de raison. A la vérité, cela ne constitue pas deux personnalités différentes et absolument étrangères l'une à l'autre, putsqu'à aucun moment Félida n'a méconnu son identité; mais cela fait, si l'on peur s'exprimer ainsi, une personnalité à double jeu et à mécanisme alternant. Dans la condition première, la malade est autre que dans la condition seconde, sans être pour cela unie autre personne. « Elle paraît avoir deux vies, dit M. Azam: en réalité, elle n'a que deux mémoires ».

Les changements qui se produisent périodiquement dans son esprit tiennent sans doute à ce qu'elle a des accès de somnambulisme spontané. 11 est probable que sa condition première correspond à l'état normal, et que sa condition seconde est une forme particulière de l'hypnose spontanée. Ce n'est pas assurément l'état hypnotique vulgaire. Ce serait plutôt un état analogue à celui dans lequel les sujets éveillés accomplissent les suggestions qu'on leur a données, état que M. Liégeois, qui en a le premier étudié les symptômes, appelle condition seconde provoquée (i}, et M. Beaunis, veille somnambulique (2). Il est caractérisé par les apparences extérieures de l'état de veille et par la perte du souvenir des actes accomplis pendant sa durée. Il se rapproche certainement des états hypnotiques francs; mais il ne saurait être légitimement confondu avec eux, et l'une des meilleures preuves qu'on en puisse donner, c'est que les sujets en état de veille somnambulique peuvent passer à l'état de sommeil hypnotique vulgaire quand on les soumet à l'action des procédés hypnogènes.

Il serait très intéressant de savoir ce que donnerait lTiypnotisation pratiquée, dans les états de condition première et de condition seconde, sur des sujets atteints d'amnésie périodique spontanée. M. Azam a endormi autrefois Félida par la fixation du regard. Il décrit, très brièvement, les résultats qu'il a obtenus. Il ressort cependant de son récit que la malade pouvait être hypnotisée avec la même facilité pendant ses crises ou dans leurs intervalles, et qu'une fois endormie, elle était dans un autre état que dans si condition première et dans sa condition seconde (3).

Les expériences faites par M- Verriest conduisent à des conclusions identiques. Sa malade pouvait être hypnotisée par le passage des mains sur les globes oculaires. Quand on l'hypnotisait en condition première, elle se retrouvait, après le réveil, en condition seconde et vice versa. Mais, dans tous les cas, tant que durait le sommeil provoqué, elle présentait d'antres symptômes que dans les états alternants qui se succédaient chez elle par le seul fait de sa maladie. Xous pouvons ajouter que M. Ladame a profité de l'hypnotisatioii pour guérir, par suggestion, une

p (1)J. Litutoif.. /M la tuyjetlion et du *«mflout*vtVff*r ilan> Irui- rapport* avee U juritprudem-e et la mr.Wmr Uyale, Paris, |Nï*, p. :2»..

'Biuiai*. a* .-wu'in''inlitwe provoque, l'an», 18cV. p. Itï!.

(3) AXtM. U;-. CÎI..JI.

personne atteinte d'accès de somnambulisme spontané, avec variations alternantes de la personnalité.

En résumé, les phénomènes de double conscience, d'amnésie périodique ou de personnalité alternante, observés par M. Azam chez Félida X... et par d'autres auteurs chez quelques malades dont l'histoire est analogue à celle de Félida, paraissent dépendre d'une forme particulière du somnambulisme spontané, dans laquelle le sommeil somnambulique vulgaire est remplacé par l'état de veille somnambulique. Des deux états qui se succèdent alternativement chez ces malades, l'un, la condition première, est l'état de veille normal; l'autre, la condition seconde, est l'état de veille somnambulique.

Cette interprétation n'est pas applicable à tous les cas d'amnésie périodique sans exception. Il y a, dans la science, une observation célèbre connue sous le nom « d'Histoire de la dame américaine de Mac Nish (1) », dans laquelle le jeu des deux mémoires alternantes n'était pas le même que chez la malade de M. Azam.

Voici les détails de cette observation :

Une jeune dame, instruite, bien élevée et d'une bonne constitution, fut prise tout d'un coup, et sans avertissement préalable, d'un sommeil profond qui se prolongea plusieurs heures au delà du temps ordinaire.

A son réveil, elle avait oublié tout ce qu elle savait; sa mémoire était comme une tabula rata, et n'avait conservé aucune notion ni des mots ni des choses; il fallut tout lui enseigner a nouveau; ainsi elle dut réapprendre a lire, à écrire, à compter; peu à peu. elle se familiarisa avec les personnes et avec les objets de son entourage, qui étaient pour elle comme si elle les voyait pour la première fois; ses progrès furent rapides.

Apres un temps assez long — plusieurs mois — elle fut, sans cause connue, atteinte d'un sommeil semblable a celui qui avait précédé sa nouvelle vie. A son réveil, elle se trouva exactement dans l'eut où elle était avant son premier sommeil, mais elle n'avait aucun souvenir de tout ce qui s'était passé pendant l'intervalle; en un mot. dans l'état atteint, elle ignorait l'état nouveau. Cest ainsi qu'elle nommait ses deux vies, lesquelles se continuaient isolément et alternativement par le souvenir.

Pendant plus de quatre ans, cette jeune dame a présenté a peu prés périodiquement ces phénomènes.

Dans un état ou dans l'autre, elle n'a pas plus souvenance de son double caractère que deux personnes distinctes n'en ont de leurs natures respectives; par exemple, dans là période d'état ancien, elle possède toutes les connaissances qu'elle a acquises dans son enùncc et sa jeunesse; dans son état nota-eau, elle ne sait que ce qu'elle a appris depuis son premier sommeil. Si une personne lui est présentée dans un de ces états, elle est obligée de l'étudier et de la connaître dans les deux pour en avoir 1a notion complète. Il en es: de même de toute chose. Dans un état ancien, elle a une très belle écriture, celle qu'elle a toujours eue. tandis que, dans son étal nouveau, son écriture est mauvaise, gauche, comme enfantine; c'est qu'elle n'a eu ni le temps ni les moyens de U perfectionner.

Ainsi qu'il a été dit plus haut, cette succession de phénomènes a duré quatre années «Mme X... é;jit arrivée a se tirer très bien d'affaire, sans trop d'embarras, dans ses rapports avec sa famille.

(1) Cette observation a été publia- pour la première fois par Mitchell et Nott (Medica Repository, janvier 1816). reproduite par Mac Nish (Philomphy of sleep) et traduite par Azum (Op. cit.. p.270).

Dans ce cas, vous le voyez, la séparation entre les deux existences était beaucoup plus profonde que chez Félida X... De plus, !.i malade de Mac Nish n'avait pas, comme la malade de M. Azam. une mémoire commune aut deux états et une mémoire propre a l'un deux. Les deux mémoires étaient limitées chacune aux événements accomplis dans l'état correspondant; elles s'ignoraient réciproquement et donnaient naissance à deux personnalités distinctes complètemem étrangères l'une a l'autre.

Peut-être n'y a-t-il là que des différences secondaires, des degrés plus ou moins profonds d'une même maladie. Il est même très probable qu'il en est ainsi; mais il est prélérabled'attendre, pour trancher la question, que des observations nouvelles aient été recueillies.

III

Variations de la pntsovxAUTt. car réversion-. — Les éléments qui constituent notre ptrsonnalité psychique se renouvellent et se modifient incessamment comme ceux qui composent noire corps. Un homme, 1 quarante ans, n'a plus les mêmes idées, les mêmes penchant, les mêmes tendances, la même mémoire qu'il avait à vingt ans. Ces; le même individu, parce que sa manière d'être actuelle est rattachée à sa manière d'être ancienne par une série ininterrompue d'états intermédiaires qui se relient entre eux de façon à former une chaîne continue; mais, si on pouvait supprimer ces intermédiaires et comparer sa personnalité de viugt ans à celle de quarante, elles apparaîtraient, fort différentes l'une de l'autre.

Cette induction se trouve pleinement confirmée par l'étude de certains troubles de la mémoire et de la personnalité qui se rencontrent assez fréquemment chez les hypnotisés. Quelques sujets, en état de somnambulisme spontané ou provoqué, perdent complètement le souvenir de ce qu'ils ont appris pendant une longue période de leur existence, pendant les cinq ou six dernières années de leur vie par exemple. En même temps et par le fait de cette amnésie partielle rétrograde, ils perdent la notion de leur personnalité actuelle et reprennent celle qu'ils avaient au moment précis où s'arrête leur mémoire.

C'est 1 ces phénomènes complexes à'amnésie partielle rétrograde avec rfv.rsioti de la personnalité que j'ai donné, d'après, les indications de M. le professeur Espinas, le nom d'eemmene.

Mes premières observations sur reemnésie datent de 1S82. Une des hystériques les plus intéressantes qui aient passé entre nos mains. Alber-tïne M..., était alors dans le service. Elle avait des attaques convulsivc* fréquentes qui se terminaient habituellement par une phase délirante prolongée. Le délire, comme c'est la règle dans ks ca, de .e genre, se rapportait presque toujours à un des épisodes saillants de la vie passée de la malade. C'était, selon l'expression très juste de Briqet. un délire

de réminiscence; mais je remarquai, en outre, une particularité qui avait échappé jusque-là à Briquet et aux autres historiographes de l'hystérie, c'est que, tait que durait son délire, la malade avait absolument perdu le souvenir de tout ce qui était advenu depuis l'événement quioccupaitson esprit, tandis qu'elle se rappelait très bien les faits antérieurs à cet événement.

Exemple : Un jour qu'Albertine avait son délire post-convulsif habi-tuel et qu'elle paraissait s'entretenir avec son ancien amant, j'essayai de lui faire des questions et des réponses en rapport avec ses conceptions délirantes du moment. Il me tut très facile d'entrer dans son délire. Je causai longtemps avec elle comme si j'étais réellement M. X..., et elle répondait à mes questions comme si elle était encore en relations suivies avec M. X... Mais quand je voulus reprendre vis-à-vis de la malade ma personnalité réelle, je me heurtai à une résistance imprévue. Albertine me prenait toujours pour M. X... et ne voulait pas en démordre. «Votre insistance est absurde, lui dis-je enfin un peu impatienté; vous savez bien que vous n'êtes pas chez votre ancien maître, vous êtes à l'hôpital; ce n'est pas M. X... qui vous parle, c'est M. Pitres. » Alors Albcrtine, éclatant de rire, demanda ce que signifiait cette plaisanterie. Elle! à l'hôpital Mais elle n'y avait jamais mis les pieds, et quant à M. Pitres, elle n'en avait jamais entendu parler. Je la pressai de questions et je m'aperçus qu'il était impossible de rappeler à son esprit aucun des événements survenus depuis le jour où se passaient les faits reproduits dans son délire. Sa conversation avec M. X... avait lieu a. une date déterminée, et tout ce qui s'était passé depuis cette date était complètement effacé de la mémoire.

Plus tard, les attaques convulsives de notre malade furent remplacées par des attaques de délire, durant lesquelles le phénomène de l'ecmnésie avec réversion de la personnalité prit une netteté parfaite. Dans ces attaques, Albertine se croit revenue à une période antérieure de sa vie :

!. tantôt elle se querelle avec son ancien amant, comme elle le faisait i vingt-trois ans; tantôt elle se perd dans un bois avec une de ses amies,comme cela lui es: arrivé à dix-huit ans ; tantôt elle garde les vaches de sa mère nourrice, comme c'était son habitude à six ou sept ans, etc. Dans tous les cas, elle reprend la personnalité qu'elle avait au moment où est survenue réellement la scène qu'elle reproduit dans son délire. Elle parle, pense, agi:, comme elle parlait, pensait, agissait à cette époque. Elle ne se rappelle rieu, absolument rien, de ce qu'elle a appris depuis. Bien plus, les tram-iormarions psychiques caractéristiques du délire eemné-stque s'accompagnent de modifications organiques correspondantes.

Î* Ainsi, quani la malade est reportée par son délire à l'époque où elle avait six ou sept ans, non seulement elle s exprime et s'amuse comme un enfant, m;:s /.'e n'a p!u; d'iiémiancsthésie et ses zones hystérogènes, très actives en temps ordinaire, ont perdu leur excitabilité.

En 1886, je constatai qu'il était possible de provoquer le délire ecmné-sique par trois procédés différents :

1° En affirmant à la malade en état de sommeil hypnotique, qu'après son réveil elle aurait tel âge, ou qu'elle exécuterait tel acte se rapportant à une période bien déterminée de son existence;

2° En fixant fortement son attention sur un événement quelconque de sa vie passée et en l'endormant brusquement pendant qu'elle pense à cet événement;

3° En excitan: certains points du corps agissant comme zones idèo-gènes.

Tous ces faits ont été décrits, en 1S87, par un de mes élèves, M. Blanc-Fontemlle, dans sa thèse de doctorat (1); nous aurons occasion d'y revenir quand nous nous occuperons des attaques de délire hystéro-hypnotique.

Pendant queje poursuivais assidûment mes recherches, MM. Carauset, Voisin, Bourru et Burot, Mabille, etc., eurent successivement l'occasion d'étudier un malade, qui présenta à diverses reprises, dans le cours de sa carrière pathologique, des phénomènes tout à fait remarquables d'ec-mnésie avec réversion de la personnalité. Je dois vous raconter brièvement son histoire :

Louis V..., actuellement âgé de vingt-cinq ans, est né a Paris de père et mère inconnus. 11 parait avoir eu. dès son enfance, des accidents névropathiques. Abandonné par ses parents, privé de toute direction morale, il devint vagabond et. à ta suite d'une condamnation pour vol. il fut enfermé, de 187} à 1ss0, dans la colonie pénitentiaire de Saint-Urbain (Haute-Maroc), où on l'occupait aux travaux des champs.

Un jour, en mai 1879, pendant qu'il était occupé .1 lier des sarments de vigne, une vipère s'enroula, sans lé piquer, autour de son bras. Il fut épouvanté, perdit connaissance, eut de grandes attaques de nerfs et devint paraplégique.

En mars 18s0, il fut transporté a l'asüe de Bonneval, dont M. Camuset était alors le médecin. 11 était toujours paraplégique; son caractère était doux, affable; il se souvenait très bien de son enfance ainsi que de son séjour a Saint-Urbain; il déplorait ses fautes et déclarait qu'à l'avenir, il ne commettrait plus de vols. Pour occuper ses loisirs, on lui lit apprendre le métier de tailleur. Il travaillait, du reste, avec zèle et, à l'atelier, on était très content de lui.

Deux mois après son arrivée a Bonneval, il eut de grandes attaques d'hystéro-épilepsie i la suite desquelles il guérit tout i coup de sa paraplégie. Mais en même temps on constata qu'il avait oublié tout ce oui s'était passé depuis le moment où avait débuté la paraplégie des membres inférieurs, c'est-à-dire depuis un an. Il se croyait encore à Saint-Urbain; il ne reconnaissait pas les personnes qui l'entouraient et lui donnaient des soins, il ne savait plus coudre, il ne se souvenait pas d'avoir été paralyse. En Outre, son caractère était transformé : au lieu d'être doux, affable, poli, laborieux, comme il l'était les jours précédents, il se montrait mechan:, taquin, querelleur, arrogant, groisier, cynique (aj. M. Camuset a noté avec beaucoup de soin les détails de cette transformation de la volonté du sujet,_ don: U fut obligé de reconnaître la réalité après avoir cru, tout d'abord, qu'elle était simulée.

(1) Henri Blanc-fontenille Étude sur une forme particulière de délire hystériqui (délir avec eemnesîe). Thèse de doctoral, Bordeaux, 1887.

(2) camuset. Un cas de dédoublement de la personnalité. Période amnésique d'une année chez un jeune hystérique, Annales médico-psychologiques, janvier 1882.

Quelques jours plus tard, le malade s'évada en volant 60 francs a un infirmier; on le rattrappa au moment ou il achetait des effets pour faire le voyage de Paris.

En 1881, il quitta l'asile de Boaneval. Il passa quelque temps a Chartres, tomba malade a Micon. entra a 1 asile de Saint.:-Gerorges et finalement revint a Paris où il fut joigne pendant dix-huit mois (d'août 1883 à janvier l883), dans le service de M. Jules Voisin, à Bicètre.

Il eut là des accidents très variés, dont un au moins rappelle l'incident précédemment observé par M. Camuset. Le 26 janvier 18S4, Louis V... se réveilla avec une contracture hémiplégique des membres du côté droit, qu'il conserva jusqu'au 16 avril de la même année. Ce jour-la, à la suite d'une légère attaque, la contracture disparut. Le lendemain ma:in on s'aperçut que le malade avait oublié tout ce qu'il s'était passé durant les trois mois qu il était resté contracture. Il se croyait au 26 janvier : il fut ébahi quand or. lut fit remarquer que les feuilles poussaient aux arbres. De plus, son caractère s'était modifié. Pendant la durée de la contracture, il cuit doux et laborieux; depuis sa disparition, il était redevenu taquin, voleur, indiscipliné (1).

Il s'évada ce Bicêtre, !e 2 janvier 1885. en volant des effets d' habillement et de fargent a un infirmier, s'engagea. on ce sait trop comment, dans l'infanterie de marine, commit des vols, passa en conseil de guerre et fut envoyé en observation, en mars 1885, à l'hôpital de Rochcfort, où MM. Bourru et Burot (a) purent l'étudier a loisir. Ces observateurs firent sur lui des recherches fort intéressantes, dont la partie la plus originale est: relative i la provocation artificielle de l'ecmnésie avec réversion de la personnalité par application des agents esthésiogénes.

Exemples : Lors de son arrivée a Rochefort. Louis V... était hémiplégique e: hémia-nesthésique du coté droit. En outre, il avait son caractère de mauvais jours : il était grossier, bavard, violent. Indiscipliné, menicur et voleur. Il se rappelait assez bien son existence depuis la seconde partie de sou séjour a Bonneval, mais pas avant.

Tout cela étant bien constaté. MM. Bourru et Burot appliquent un aimant sur son bras droit paralysé. Quelques secondes après, le sujet est transformé : l'hémiplégie et l'bémianesthésie sont transférées à gauche: la physionomie, le langage, le caractère, sont profondément modifiés. Louis V... est devenu doux, timide, poli, correct: ce n'est plus le même personnage. Il ne reconnaît plus les personnes qui 1 entourent; il se croit à Bicètre; il ne sait pas qu'il s'est engagé et ne comprend pas comment il est arrivé i l'hôpital de Rochcfort.

L' application Je l'aimant sur la nuque provoque une paraplégie avec contracture: le Sujet interrogé se croit a Saint-Urbain, il ne connaît ni Rochefort, ni Bicètre, ni Bonneval, mais, en revanche, il peut raconter les événements survenus pendant son enfance, les circonstances qui ont précédé son admission dans la colonie pénitentiaire ; il veut aller aux champs travailler avec ses compagnons de détention.

L'électrisation statique fait disparaître toute paralysie. Le malade se figure alors être a Saint-Urbain, à l' âge de quatorze ans, jouissant de toutes ses facultés et n'ayant jamais été gravement malade, car ses souvenirs s'arrêtent au moment précis où eut lieu l'accident provoqué par la vipère. Il a, d'ailleurs, toutes les allures d'un charmant jeune homme, doux, intelligent, convenable, bien élevé.

Ces expériences sont tris importantes parce qu'elles démontrent, dans une certaine mesure, la liaison intime d'un état physique déterminé avec un état mental concomitant. Je vous ai déjà dit que, chez Albertine M..., la réversion de la personnalité, à une époque antérieure au développement des accidents hystériques, fait disparaître l'hémianesthésie et les zones hystérogenes. Chez le malade de MM. Bourru et Burot, la reproduction artificielle de certains accidents paralytiques évoque, ipso factot l'étal mental qui avait autrefois accompagné ces accidents. Les deux

(1) J. Voisin.Note sur un cas de grande hystérie chez l'homme avec cdédoublement de là personnalité. Archives de neurologie, 1885 t.1. p. 212.

(2) H. Bourru et P. Burrot . Variation de la personnalité, Paris 1838, p.28 et suiv — L'observation de Louis V... est rapportée- avec de longs développements dans la thèse de M. Berjon : La grande hystérie chez l'homme thèse de doctorat. Bordeaux

observations se complètent réciproquement. Dans la première, la* transformation psychique amène le changement physique correspondant; dans la seconde, c'est la modification physique qui précède et commande la transformation psychique. Dans les deux cas, les choses se passent comme si toutes les impressions arrivant simultanément aux centres • nerveux restaient étroitement associées dans les profondeurs de la mémoire inconsciente, de telle sorte que la reviviscence de l'une d'elles dût entraîner aussitôt la reviviscence de toutes ses contemporaines.

Il serait fort intéressant de rechercher dans quelle mesure ces observations concordent avec les différentes hypothèses émises par les philosophes sur la nature du moi. Mais, pour porter la discussion sur ce terrain, il faudrait avoir des connaissances très ¿tendues en psychologie. Je préfère m'arréter et laisser 1 qui de droit le soin de tirer, des faits cliniques sur lesquels je viens d'appeler votre attention, les conclusions qu'ils comportent.

MÉMOIRE RELATIF A CERTAINES RADIATIONS PERÇUES PAR LES SENSITIFS

Par M.-A. DE ROCHAS.

On sait que le baron de Keichenbach, né à Stuttgart en 1788 et mort à Leipzig en 1869, après avoir fait de belles découvertes en chimie, et acquis une grande fortune dans l'industrie, a fait de très nombreuses observations sur certaines radiations qui s'échappent de tous Wr corps, comme les radiations calorifiques, mais qui diffèrent de la chaleur, notamment en ce qu'elles sont polarisées comme les radiations électriques.

Ce mode spécial de vibrations de l'étber n'est pas perçu par la plupart des hommes. II a cela de commun avec une inanité de radiations dont l'existence nous est démontrée, non seulement par le raisonnement, mais encore par des action» mécaniques ou chimiques; tels sont, notamment, les rayons ultra-violets qui ne sont vus que par certaines personnes et par certains animaux, ainsi que cela résulte des expériences de M. de Chardomiet et de sir John Lubbock.

Le fluide des magnétiseurs et la force neurique rayonnante, du Dr Baréty, seraient constitués par celles de ces vibrations qui prennent naissance dans l'organisme humain. On conçoit, dès lors, quel intérêt présente leur élude pour les lecteurs de cette Revue.

Quelque considérable, en effet, que soit le rOle que Ton attribue à la suggestioa, c'est-à-Jire l'influence de la pensée du sujet sur ses propres nerfs, il n'en faut pas moins, quand on veut aller au fond des choses.

expliquer pourquoi le même individu n'est point toujours en état de suggestibilité; du reste, si la suggestion suffit pour reproduite les premières phases du sommeil somnambulique, elle est généralement impuissante pour amener les états profonds fi). La conception d'un agent physique s'impose donc pour rendre compte d'un effet physique, et c'est à la détermination de cet agent que doivent tendre maintenant les efforts de ceux qui veulent rattacher les pratiques hypnotiques au domaine des autres sciences positives.

Le mémoire suivant a été lu, en 1865, devant l'Académie des sciences de Vienne, par Reichenbach; il n'avait jamais encore été traduit de l'allemand. Jusqu'à présent, on ne connaît, en France, qu'une très médiocre version des Lettres odigues-magnétiques, du même auteur, publiées en 18.., par Cahagnet, et c'est dans cet ouvrage qu'ont pillé, sans en indiquer la source, certains individus qui exercent, à Paris, la piraterie dans la science comme dans la médecine, donnant effrontément comme des découvertes personnelles (2), les expériences qu'ils ont lues, sans toujours les avoir bien comprises. En faisant connaître, dans notre pays, les travaux du savant autrichien, nous faisons donc à la fois acte d'utilité et de justice.

Lt-Colonel de Rochas,

Administrateur de l'École Polytechnique.

HISTORIQUE Façon dont présente le phénomène:

En 1844 et 1845, il y a donc vingt ans de cela, plusieurs personnes haut-Sensitives me dirent qu'elles percevaient nettement les effluves lumuneuses au bout de leurs doigts, non seulement dans l'obscurité de la chambre noire, mais même dès le soir, alors qu'il faisait encore assez clair. Je ne donnai d'abord que peu d'attention à ces déclarations et je n'examinai pas la chose de plus près. Je ne pouvais m'imaginer que l'on pût voir avec certitude, en plein crépuscule, des lueurs aussi faibles que

(1) Voir mon articles surles É.tats profonds de l'Hypnose, publie, dans cette Revue, en I888.

(2) Dans une récente conférence à la Salle des Capucines, l'un de ces personnages exposaif, aux applaudissements de l'auditoire. la découverte capitale qu'il venait de faire, du moyen d'enlever les suggestions par des actions en héteronome. Or. voici ce qu'on peut lire à la page 247 de mon livre sur les Forces non définies, publié en I887 : « Un voit, comme première conséquence de ces lois, qu'un sujet peut se donner à lui-même toute espèce d'hallucinations et de suggestions, en lisant sa pensée sur ce qu'il désin- et en se mettant, en même temps, en état de crédulité par l'un quelconque des procédés propres a amener cet état, qui sont a sa disposition. — Inversement, il peut, à Caide d'une action en héteronome ou de frictions énergiques sur le crâne, s'ôter, lui-même, les suggestions ou hallucinations qu'une autre personne lui aurait données. — (Je rappelle nue le plus grand nombre de sujets présentent l'anestmHie cutanée, au moment où ils sont sous l'Influence d'une suggestion.) Je n'ai pas besoin de faire ressortir l'importance considérable de pareilles constatations, au point de vue moral, si l'on tient k en reconnaître la généralité. • •

les lueurs odîques. Mais c'était de ma part une méprise, qui ne s'éclaircit pour moi que vingt ans plus tard : ce n'était pas la lumière odique que l'on voyait ainsi, mais un phénomène corrélatif. Ce fut à Berlin, en 1862, qu'un étudiant d'une vingtaine d'années. le sieur Zôller, sensitîf instruit et excellent observateur, me rendit attentif à ce fait pour la «econde fois. Ce n'était pas dans l'obscurité seulement qu'il voyait des lueurs émanées du bout de seâ doigts, même en plein jour il en voyait jaillir quelque chose de ténu et d'incolore qui se mouvait. Dès lora, je me mis en quête d'autres haut-sensitifs : le sieur Wiebach. la dame Sophie Fritzcheu, sa fille Élise, la demoiselle Scheibe, le sieur Durieu, le *ienr Kuhui et bien d'autres. Tous aperçurent, en plein jour, quelque chose de subtil s'élever de leurs doigts, sur une longueur de un quart de pouce à deux pouces. D'une voix.unanime, ils décrivaient ainsi le phénomène : effluve montant, légèrement incliné vers te sud ;aàiforint?, non lumineux, et s% attachant aux doigts, dans quelque direction qu'on les tournât. A en juger par les peintures qu'ils en font, ce n'est ut de la fumée ni de ta vapeur plus ou moins légère ; cela a l'air d'une espèce de flamboiement ténu |Lohe] (1) analogue (mais notablement plus subtil que lui? à l'air échauffé qu'on voit s'élever autour d'un poêle en ignition.

A Vienne, je réitérai ces observations auprès do sens!tifs nombreux, et tout d'abord auprès de mes propres gens, dont une bonne moitié est plus ou moins sensible aux influences odiques; puis j'opérai sur de* savants, sur des amateurs de sciences naturelles. J'ai pu, avec raison, je crois, m'en rapporter ainsi ouvertement aux observations du Dr Bilhuber. médecin en exercice; du sieur J. Fichluer, fabricant à Atzgersdorf; du menuisier Joseph Czapecfc; du jeune Charles Schelm-berger et de bien d'autres. Actuellement, il y a quarante-six personnes en bonne santé, des hommes pour la plupart, à qui j'ai posé des questions au sujet de la Lobée, et qui toutes, unanimement, m'ont répondu de la même façon. .

Le résultat, le voici: Des personnes sensitives aperçoivent très bien ce flamboiement vaporeux, non seulement en plein juur, mais même è la lumière des lampes, et à l'éclat des bogies. Et je dus bientôt reconnaître ceci: il s'en faut de beaucoup que l'effluve se borne aux doigts; il émane aussi des autres membres, eu particulier des doigts de pied et de toutes les parties saillantes du corps vivant, même des cavités des oreilles. D'autres corps organiques : les plantes, les cristaux ; des subs-

(I) Pour plus de commodité. j'adopterai désormais le mot Lobe sous la forme fran-cisée. Lohée pour désigner l'effluve spécial dont il est question dans ce mémoire.

tances inorganiques : les diamants, par exemple; des matières, enfin, complètement amorphes: barres métalliques, mercure, eau. etc., participent à ce phénomène de production de la Lohée.

Le haut intérêt scientifique auquel ces observations courantes peuvent prétendra, par leur importance intrinsèque comme par l'extension considérable dont elles sont susceptibles, m'imposait, de toute nécessité, une enquête méthodique plus attentive. J'en fis mon étude de prédilection, j'y consacrai toute ma persévérance, et je vais maintenant en analyser ici les résultats avec précision. Je demande qu'on fasse bon accueil a celte étude. Ce sont les premiers débuts dune branche d'une science naturelle qui. vraisemblablement, un jour sera fort étendue; la nouveauté du sujet fera pardonnera ce volume ses imperfections.

Comme première question, je veux traiter ici de la faron dont se présente le phéromène, et faire sur ses sources une enquête aussi approfondie que possible ; comme question connexe, j'examinerai si la production de l'effluve ardent est simplement le fait de la matière en elle-mèine ou si cette production est subordonnée aux formes que revêt la matière. Je traiterai ensuite des propriétés essentielles, et enfin des propriétés relatives de la I^ohée.

CORPS SOLIDES

Je commence par l'étude des masses amorphes, petites et grandes, en premier lieu des matières simples. Parmi celles-ci. les métaux offrent, au premier abord, des effluves de nature vaporeuse, flamboyants et visibles. Si les deux extrémités d'une baguette de plomb se montrent garnies d'un flamboiement haut de 4 lignes, si d'autres baguettes: en bismuth, en cuivre, en zinc, en antimoine, en étain, en argent, donnent 5 à 6 lignes, on voit flamboyer des morceaux de fer, d'acier et de laiton (de 5, 12 et 20 livres de poids}, sur une hauteur de 50 a 120 lignes. Même phénomène au pourtour d'un poêle en fer, aux coins de grandes feuilles de tôle, d'acier ou de cuivre, aux extrémités de cylindres de fer. longs de 6 pieds ; la hauteur varie alors de 6 à 24 lignes Elle est de :

48 lignes pour une enclume de forgeron ;

• _ ' I épaisseur 2 pouces.

60 - poar un cylindre de ter tourné. j imgaear , „ ^

104 pour un morceau de fer forgé, pesant 5 quintaux;

228 — (cad plus d'un pied et demi;, pour une colonne de fonte grise, pesant 10 quintaux.

J'avais installé devant ma maison de campagne, une reproduction, en

fonte, d'uno œuvre antiqae remarquable : le colossal molosse florentin ; il pesait près de 15 quintaux avec les accessoires. Sa gueule, soufflait un effluve de 36 lignes de long; à la pointe de chacune de ses oreilles, l'effluve avait 27 lignes.

fluides

J'expérimentai alors des fluides. Je remplis de mercure, a le faire déborder, un récipient de verre de 2 pouces de profondeur, le faible ménisque que l'on connaît dépassait le bord du verre, ce qui me rendait possible et facile l'inspection de profil de sa surface; il se développa une bordure flamboyante de 31 lignes de hauteur.

De l'eau, versée de même dans un récipient de 10 pouces de profondeur, montra à sa surface une vapeur de 6 lignes d'épaisseur.

On plaça ensuite à côté l'un de l'autre deux flacons égaux, de 1 pied de profondeur : l'un fut laissé vide; l'autre, rempli d'eau jusqu'au bord, sauf un faible ménisque, et on les examina tous deux de profil. Le bord du flacon vide ne présentait qu'une frange de 2 lignes de haut; mais dans le flacon plein, l'eau fournissait un flamboiement de S8lignes. Pareille expérience répétée

sur de l'acide acétique donna une lohée de 6 lignes de haut, sur de l'alcool — 8 . —

sur de l'éther — 6 —

[A suivre.)

SUGGESTIONS CRIMINELLES ET RESPONSABILITE PENALE

(Suite)

Par M. le Dr Edgar Bérillon (1).

II semble que les idées exprimées avec tant de force et de précision par le Dr Liébeault eussent dû, dès l'apparition de son livre, appeler l'attention des criminalistes et provoquer soit un contrôle, soit une réfutation. Il n'en fut rien. Soitque la portée du problème psychologique, soulevé par ses affirmations, ait dû échapper à ses contemporains, soit que les esprits ne fussent pas encore disposés à aborder des éiiiules aussi ardues, personne ne songea à entamer une discussion à leur sujet.

Ce n'est que vingt ans après qu'on les retrouve exprimées avec la

{1} V. Rttut de IHypnotitme. p. 166.

même netteté, non seulement par des savants qui se sont inspires directe-: ment des idées de M. Liébeault, mais aussi par un élève de M. Charcot. M. Botter appuyait son opinion sur les faits expérimentaux assez caractéristiques, parmi lesquels on peut citer les suivants (1) :

c Nous avons provoqué par la suggestion des suicides sous différentes forme.* et ù échéances diverses. Quelques sujets, sur rio're ordre, pendant l'état hypnotique, se sont tiré des coups de revolver, soit immédiatement après le réveil, soit quelques heures après. D'autres se sont empoisonnés. S. L.. , a avalé, deux jours après la suggestion, un breuvage noirâtre que nous avions fait recouvrir de la suscriptinn poison sur étiquette rouge, avant d'accomplir ce suicide présumé. Elle avait eu soin d'écrire une lettre dans laquelle elle annonçait qu'elle allait se donner la mort et qu'il ne fallait en accuser personne. Le plus curieux fut que, lorsqu'elle eut ingurgité ce poison, qui n'était autre chose que de l'eau colorée, elle ressentit de violentes coliques dont nous eûmes toutes les peines du monde à la dissuader.

« a certains sujets nous avons fait tirer des coups de revolver sur « des personnes, tant amies qu'inconnues, soit aussitôt après le réveil, soit même plusieurs heures et plusieurs jours après que l'ordre en avait été intimé. II est très intéressant, dans ce cas, d'étudier l'état de l'esprit dans lequel se trouve le sujet lorsque l'ordre doit être accompli peu de temps après le réveil, celui-ci n'a pas le temps de raisonner et l'exécute avec la fatilité d'un automate poussé .par une force irrésistible. Quand, au contraire, l'acte suggéré doit être accompli à une échéance assez longue plusieurs heures ou plusieurs jours; le sujet se rend compte de la gravité de l'action qu'il va commettre; il essaye de réagir, mais le plus souvent, il succombe dans cette lutte, car une force plus puissante que sa volonté le domine. Comme on l'a dit parfaitement: «C'est la reproduction expérimentale de l'altération de la volonté qu'on retrouve chez certains aliénés qui, eux aussi, voudraient bien, mais ne peuvent pas vouloir ».

«Le fait suivant montrera jusqu'à quel point les sujets sont persuadés de leur propre responsabilité: L... reçoit de nous, en somnambulisme, l'ordre de tirer à son réveil un coup de revolver sur une personne imaginaire qu'elle verra devant elle. L'action est ponctuellement exécutée par 1..... revenue à l'état do veille, et nous feignons

d'emporter iisi cadavre hors de la chambre. Une heure après cette scène, nous revenons auprès de L... avec un de nos amis qui, se faisant passer

(I) Bonn. U Uar.iUtmt animal, étude critique et taptrimttvalt »ur ChypnMiime. * édition, ISifc, p. 136.

pour un juge d'instruction, lui demande quels sont les motifs qui l'ont poussée à tuer une personne qui ne lui voulait aucun mal, et si, par hasard, ce ne serait pas M. Bottey qui l'aurait endormie et lui aurait ordonné, pendant son sommeil, d'accomplir cette action. L... répond alors « qu'elle ignore absolument si M Bottey lui a donné un ordre semblable; mais .ce dont elle est persuadée, c'est que, lorsqu'elle a tiré sur la personne inconnue, elle était comme une folle et que toutes les puissances humaines n'auraient pu l'empêcher d'accomplir cet acte. »

Il n'est pas douteux que M. Bottey n'ait été inspiré dans ses recherches par les écrits des professeurs de l'Ecole de Nancy. Lorsque son livre parut. M. le professeur Liégeois avait déjà communiqué à l'Académie des sciences morales et politiques un important mémoire qui fut le point de départ d'une discussion sur laquelle nous aurons lieu de revenir. M. Bernheim avait aussi, dans une communication faite à la Société de Biologie, appelé l'attention sur la facilité avec laquelle il pouvait faire commettre de faux témoignages, même par simple suggestion à l'état de veille, par des sujets très sensibles.

Si nous avons tenu à citer, en première ligne, les expériences de M Bottey, c'est qu'elles nous paraissent avoir acquis une valeur considérable, parce qu'elles ont été instituées à une époque où les discussions n'avaient encore ni envenimé ni obscurci le débat.

Dans son mémoire pour établir la possibilité de faire commettre des crimes par des sujets agissant sous l'influence d'une suggestion aussi irrésistible qu'inconsciente. M. Liégeois s'appuyait sur un certain nombre d'expériences qui, au premier abord, semblerait devoir de piano entraîner la conviction. Parmi ces faits, un certain nombre, qui ont trait à la provocation de faux témoignages, ne rentrent pas dans le cadre de cette étude. Par contre, dans d'autres, il s'agissait de suggestions ayant pour but la réalisation de crimes, de suggestions criminelles dans le sens le plus exact du mot.

Voici quelques-unes des plus frappantes, telles qu'elles étaient racontées par M. Liégeois :

a. a Je présente à Th .., une poudre blanche dont il ignore la nature. Je lui dis: * Faites bien attention à ce que je vais vous recommander. Ce papier contient de l'arsenic. Vous allez, tout à l'heure, rentrer rue de chez votre tante, Mmc V..., ici présente. Vous prendrez un verre d'eau; vous 3' verserez l'arsenic que vous ferez dissoudre avec soin; puis vous présenterez le breuvage empoisonné à votre tante — « Oui, monsieur ». — Le soir, je reçois, de M130 V.... un mot ainsi conçu:

« Mme V... a rhonneur d'informer M. L...que l'expérience a parfaitement réussi. Son neveu lui a versé le poison. »

« Quant au criminel il ne se souvenait de rien, et l'on eut beaucoup de peine à lui persuader qu'en effet il avait voulu empoisonner une tante pour laquelle il a une profonde affection. L'automatisme avait été complet. »

b. « Je m'étais muni d'un revolver et de quelques cartouches. Je ne Toulais pas que le sujet mis en expérience, et que je pris au hasard parmi les cinq ou six somnambules qui se trouvaient ce jour-là chez II. Liébault, pût croire qu'il s'agissait d'une simple plaisanterie. Je chargeai donc un des coups du pistolet et je le tirai dans le jardin ; je rentrai ensuite, montrant aux assistants un carton que la balle venait de perforer.

« Eu moins d'un quart de minute, je suggère àMM G... l'idée de tuer M. M... d'un coup de pistolet. Avec une inconscience absolue el une parfaite docilité. Mmc G... s'avance sur M. M..., et tire un coup de revolver. Interrogée immédiatement par M. le commissaire central, elle avoue son crime avec une entière indifférence. Elle a tué M. M.... parce qu'il ne lui plaisait pas. On peut l'arrêter, elle sait bien ce qui l'attend. Si on lui ôte la vie, elle ira dans l'autre monde, comme la victime qu'elle voit étendue à terre, beignant dans son sang. On lui demande si ce n'est pas moi qui lui aurait suggéré l'idée du meurtre qu'elle vient d'accomplir. Elle affirme que non; elle y a été portée spontanément; elle est seule coupable; elle est résignée à son sort; elle subira, sans se plaindre, les conséquences de l'acte qu'elle a commis. »

C. * Mn* C.... trente-cinq ans. reçoit, aussi docilement que M"* G— toutes mes suggestions. Je fais dissoudre une poudre blanche, dans de l'eau, et je lui affirme que c'est de l'arsenic. Je lui dis : * Voici M. D... qui a soif ; il va tout à l'heure demander à boire ; vous lui offrirez ce breuvage » — « Oui, monsieur «. — Mais M. D... fait une question que je n'avais pas prévue, il demande ce que contient le verre qu'on lui présente. Avec une candeur qui éloigne toute idée de simulation, M"" C... répond : t C'est de l'arsenic! > Il faut alors que je rectifie ma suggeslion. Je dis : « Si l'on vous demande ce que contient ce verre vous direz que c'est de l'eau sucré >. Et M0"* C... répond à une nouvelle question: • C'est de l'eau sucrée ». Très bravement, M. D... absorbe le prétendu poison.

Interrogé par M. le commissaire central, M0" C... ne se souvient de rien. Elle n'a rien tu, rien lait, n'a donné à boire à personne; elle ne sait pas ce qu'on veut lui dire. »

De ces faits, véritablement saisissants, M. Liégeois croyait pouvoir déduire la conclusion, en apparence indiscutable, qu'il était possible d'arriver à la réalisation de suggestions criminelles. Nous verrons plus loin que son avis, loin de rallier tous les suffrages, s'est heurté à des objections très variées dont nous aurons à discuter la valeur.

Pour être complet dans cet exposé, nous ne devons pas omettre que d'autres observateurs qui se sont livrés, chacun de leur côté, à des recherches personnelles sur le même sujet, sont arrivés, malgré des divergences d'interprétation, à des conclusions à peu près identiques. Ainsi, M. le professeur Beaunis, qui a étudié avec beaucoup de soin le degré de résistance que peuvent présenter les hypnotisés aux impulsions suggérés, a résumé son opinion en quelques lignes concluantes (1) : -

« En tous cas, même quand le sujet résiste, il est toujours possible, en insistant, en accentuant la suggestion, de lui faire exécuter l'acte voulu. Au fond, l'automatisme est absolu et le sujet ne conserve de spontanéité et de volonté que ce que veut bien lui en laisser son hypnotiseur; il réalise, dans le sens strict du mot, l'idéal célèbre : il est comme le bâton dans la main du voyageur!

« Aussi, contrairementà l'opinion de Pires, je seraisdisposè à admettre en principe l'irresponsabilité des somnambules. On a bien signalé et on trouvera dans les mémoires de Hernheim et de Pitres des exemples de résistances à l'impulsion suggérée; mais ces exemples sont rares et je suis convaincu que. par exercice gradué et une sorte d'éducation, on pourrait toujours arriver à faire exécuter à nn somnambule l'acte qui répugne le plus à son caractère. Aussi, Pitres lui-même est-il forcé d'admettre que « le médecin appelé1 à donner son avis sur le degré de responsabilité d'un sujet convaincu d'avoir accompli un acte délictueux ou criminel sous l'influence de suggestions hypnotiques, devra toujours conclure à l'irresponsabilité légale de l'accusé ».

Dans des leçons récentes, M. Bernheim, reproduisant devant ses auditeurs des expériences faites dans le même ordre d'idées, s'efforçait de leur démontrer que des suggestions criminelles non seulement peu\ent être provoquées, mais aussi naître spontanément à la faveur de l'état de conscience modifiée.

Nous nous trouvons donc déjà en présence d'un assez grand nombre d'auteurs, ayant beaucoup expérimenté par eux-mêmes, qui sont arrives à accepter comme possible la réalisation de suggestions criminelles.

{I) Bt\v*is. U Soanambulùmeprovoqué. ? êdii., 1887, p. 131. (2) Hitrf-S. /tes Suggeilions hypnotiques.

SL-GGBSTIOSS CMMIXBLLSS 1t «««FO-cSABILirB rtCCALK 213

Pendant assez longtemps, nous devons le reconnaître, nous avons eu une tendance à penser que les expérimentateurs dont nous venons de citer l'opinion avaient pu céder trop facilement à l'attrait des généralisations hâtives. Tout en ayant été frappé de la facilité avec laquelle un grand nombre de sujets se trouvaient mis dans un état d'automatisme absolu, nous n'avions pas été tenté de nous convaincre nous-mêmes de la réalité de ces faits impressionnants. Il nous répugnait d'avoir à constater une telle fragilité de l'être moral et nous étions* retenu au seuil de ces expériences par la réserve naturelle qu'impose aux esprits philosophiques le respect de la personnalité humaine.

D'ailleurs, divers accidents dont nous avions été témoins, à In suite d'expériences faites à une époque où une connaissance approfondie de l'influence de la suggestion ne nous donnait pas les moyens de les éviter, avaient au-si contribué a augmenter cette réserve. On peut en juger par l'observation suivante, communiquée par nous a M. Gilles de la Tourette, et qui se trouve dans son livre sur l'Hypnotisme et les États analogues au point de vue médico-légal, para en 1886 :

• Le Dr Brémaud, médecin delà marine, étant venu, dans le courant de l'année 1884. présenter plusieurs communications sur l'hypnotisme à la Société de Biologie, pria le D* Bérillon de vouloir bien collaborer a ses démonstrations en lui facilitant l'entrée d'un cercle où se trouvaieut des jeunes gens.

€ Us se rendirent au café Procope où se tenaient alors les séances du Cercle Diderot. Là. plusieurs jeunes gens do vingt à vingt-cinq ans. qui n'avaient jamais été préalablement hypnotisés, se soumirent aux manœuvres de M- Brémaud. Sur une dizaine, il put en trouver trois ou quatre sur lesquels il répéta, séance tenante, les expériences qu'il avait présentées à la Société de Biologie.

• L'un de ces jeunes gens, nommé H.... âgé de vingt-deux an», employé à la comptabilité de la Compagnie du Gaz, se montra particulièrement sensible. Aussi le Dr Brémaud. pour convaincre ses auditeurs, s'appliqua-t-il à provoquer chez lui toutes les périodes de l'hypnotisme, et à déterminer toutes les contractures spéciales à ses différentes phases. - « Dans l'état de somnambulisme, il provoqua aussi, chez ce sujet, un grand nombre de suggestions. Il lui suggéra, notamment, l'idée qu'il était devenu femme et qu'il allaitait son enfant. Puis il lui suggéra d'aller s'emparer de l'argent contenu dans la caisse de l'établissement. Le sujet, garçon d'une probité reconnue, n'hésita pas à se soumettre à l'injonction de l'expérimentateur, au grand étonnement de ses nombreux amis.

c Réveillé après les nombreuses expérieuses auxquelles il venait d'être soumis, il déclara ne se souvenir de rien, et il rentra chez lui sans accuser d'autre impression qu'une certaine fatigue musculaire et un léger mal de tète.

« Quelques jours après, la mère de M. H... qui ignorait complètement ce qui s'était passé, raconta au I»r Bérillon que, dans la nuit qui avait suivi les expériences, elle avait été très étonnée d'entendre un bruit insolite dans la chambre de son fils. S'étant levée et étant entrée dans sa chambre, elle assista avec stupeur aux scènes les plus extraordinaires.

€ Elle le vit, en proie à un véritable accès de somnambulisme, faire le simulacre d'allaiter un enfant, puis, fouillant dans un tiroir, faire semblant d'y puiser des sommes imaginaires. En un mot, elle a-qsta à la répétition exacte de toutes les scènes dont le Dr Brémaud avait déterminé l'exécution chez son fils, le soir même. Ces scènes se répétèrent un certain nombre de fois pendant la nuit, puis M. H... finit par se recoucher et s'endormir. A son réveil, le lendemain, il était brisé de fatigue et ne se souvenait de rien.

« Dans la suite, il présenta, a plusieurs reprises, des exemples semblables de somnambulisme spontané. >

Hàlons-nous d'ajouter qu'un peu plus tard, mieux initié au maniement de la suggestion, nous nous empressâmes, conformément aux préceptes si judicieux de M. le Dr Liébeault. de dêsuggesiionner M. H... et de le débarrasser de ses troubles nerveux et de ses crises de somnambulisme. Depuis lors, il a eu l'occasion de nous demander de le plonger dans l'hypnotisme pour subir une opération douloureuse. L'anesthésie hypnotique fut assez profonde pour qu'il pût subir l'incision d'un abcès sous-maxillaire et l'avulsion de trois dents sans éprouver la moindre douleur. M. H... nous fournissait ainsi la démonstration que l'hypnotisme, comme toutes choses en ce monde, peut, alternativement, être employée pour raccomplissement du mal ou utilisée pour le bien.

(a suivre.)

DISCUSSIONS ET POLÉMIQUES

AFFAIRE GOTJFFÉ

Réponse de M. le prot' Kern lie l m à M. le profr Brouardel.

1« Dans sa déposition au procès Gouffé, M. le professeur Brouardel dit ce qui suit : - Nous avons lu. dans le journal C Hypnotisme (i), une consultation du Dr Beruheim, qui déclare que celle jeune fille (G. Bompard), qu'il n'avait du reste jamais vue, avait certainement agi sous l'influence de l'hvp-Dotisme ».

Le lecteur qui voudra bien relire le passage en question dans le numéro du 1" mars 1890, verra (pie je n'ai pas dit cela. J'ai dit, au contraire, que € l'hypnotisme a'étaiipas nécessaire pour éveiller sa suggeslibilité ».

2* M. Brouardel dit encore : « J'ouvre le livre de M. Bernheim et qu'est-ce que j'y trouve? Que Troppmann avait commis son crime sous une autosuggestion, parce que, dans son enfance, il avait lu une scène semblable dans un roman de Ponson du Terrail ».

Ceux qui voudront, à leur tour, ouvrir mon livre {Hypnotisme, Suggestion, Psychothérapie) ou la Bévue de l'Hypnotisme (!•* avril 1890). verront que je n'ai pas dit cela. Examinant le cas de cel homme qui, sans antécédents mauvais jusque-là, accomplit la chose infernale que l'on sait, je me suis demandé s'il n'avait pas agi sous l'influence d'un obsession, d'une autosuggestion morbide, qui aurait pris son germe soil dans la lecture du roman, soit ailleurs, et j'ajoutais : « Je n'affirme pas que telle, soit la vérité, je Cignore. Mais je dis >,ue cela est possible ».

3» M. Brouardel dit encore : « Dans le même livre, je vois, au sujet de l'affaire Fenayrou, que M"* Fenayrou a agi d'abord sous la suggestion d'Aubeit. puis sous la suggestion de son mari... Et la conclusion, c'est qu'elle n'y était pour rien. Elle cédait d'un côlé, elle cédait de l'autre. Voilà toute la suggestion (rires). » {Gazettedes Tribunaux des 19 el 20 décembre.)

Je supplie le lecteur de relire ce que j'ai dit de celte affaire dans mon livre (chapitre des Suggestions criminelles) et dans la Revue de C Hypnotisme (mars 1890) ; il appréciera. Ce sera toute ma réponse.

On nous reproche de faire nos expériences sans contrôle scrupuleux ; on (ail dire à M. le Procureur général : « L'École de Nancy ne procède pas par expérience, mais par affirmation. Credo quia absurdum, telle parait èlrc la devise de l'École de Nancy ». Les nombreux médecins étrangers qui sont venus étudier à Nancv la question de l'hypnotisme, el qui affirment hautement, qui afàrmaieul récemment au Congrès international de l'hypnotisme tenu à Paris qu'ils étaient de noire école, qu'ils acceptaient notre doctrine,

(1) Lisez la fU-cur l- CHypnolismt.

seront étonnés d'apprendre comment on traite en France les hommes de science qui recherchent la vérité, quand cette vérité n'a pas été proclamée à Paris.

Toutes les assertions que j'ai émises sont basées sur des faits expérimentaux. Toutes mes expériences sont rigoureuses et vraies; je m'engage à les reproduire sur des sujets nouveaux dans tous les hôpitaux.

Je délie nos contradicteurs de reproduire sur des sujets nouveaux, dans des conditions telles que la suggestion ne puisse être en jeu, leurs expériences sur les trois phases de l'hypnotisme, sur rhyperc-xcitabilité névro-musculaire, sur les transferts par les aimants, etc. Je fais appel a tous les expérimentateurs de France et de l'étranger pour dégager la vérité.

Dr BKRMtKIU.

I.'*>; ; ¦.].,!¦. de M. le professeur DcIIkciiI.

Vous me demandez mes idées sur le cas de Gabrielle Bompard 1 ). Je vous avoue que je suis peu tenté, — à cette distance, — de mêler mon nom dans cette affaire, que je ne connais que.par les comptes rendus des journaux.

Lorsque tout le monde en parlait, de auditu. j'ai exprimé mou opinion dans le Journal de Liège, des 28 janvier, 1" février et 4 février de celle année; et aujourd'hui encore, il me serait difficile de retrancher une ligne de ce que j'ai écrit alors.

Cependant, j'aurais roq^isàpeu près dans les mêmes termes queM. (Juesnay de Beaurepaire, parce que, d'après moi, la société n'a pas pour mission de punir le crime ou de redresser le criminel, elle a uniquement a se défendre. Or, les ¿1res comme Gabrielle Bompard, qui vont au crime aussi facilement qu'au plaisir, sont dangereux, et il serait dangereux surtout d'en encourager l'espèce par l'indulgence ou l'impunité.

Comme vous venez de le lire, je ne partage pas les vues de l'Kcole de Nancy sur la possibilité de transformer des somnambules en instruments commodes de crime.

Je me suis déclaré contre elles à plusieurs reprises. En mai dernier, je suis retourné à Nancy, et Ton pourra lire prochainement, dans la Bévue de Belgique, le récit et la critique approfondie d'une expérience faite, devant moi et quelques amis, par M. Bertiheim.

Depuis, M. Liégeois m'a fait l'honneur de venir passer avec moi a la campagne une dizaine de jours, et nous nous sommes pris aux cheveux, — ceci est une métaphore, — à plusieurs reprises, toujours à projios de celle même question, — et sans résultat. Car lui soutient que ses expériences sont probantes, et moi je soutiens le contraire.

Notez bien, je vous prie, que je me borne à nier la portée des expériences,

(1) Cette même demande vient de in'être faite par un illustre magistrat français, mou ami, et ami de M. Liégeois, M. G. Tarde.

puisque, par la force des choses, elles ne peuvent aboutir à des crimes. C'est une comédie que l'on joue et rien de plus.

Que l'on puisse frire tuer quelqu'un par un hypnotisé, je ne voudrais pu le nier. Je crois même la chose possible.

Je ne vois pas pourquoi on ne ferait pas croire à un médecin légiste que l'homme vivant qu'il a devant lui est un cadavre dont il doit frire l'autopsie, ou à un boucher que ce même homme est un bœuf qu'il faut assommer. (Voir mon livre sur le Magnétisme animal, p. 113.)

Mais ui voit la différence qu'il y a entre une expérience de cette espèce, si elle était réalisable, et un crime'*

Je crains vraiment d'être trop long; et pourtant il me faudrait bien des feuilles pour exposer toute ma pensée.

Seulement ce n'est pas ici le heu, et je oe voudrai* pas être, comme M. Liégeois. en butte aux sarcasme* pour avoir accepté d'essayer de faire la lainière sur cette question troublante de la suggestion criminelle.

Comm-tii v.iudrail-ûo que le public des cours d'assises, les lecteurs de journaux politiques ou de revues mondaines, que les savants même, étrangers a l'hy; n >tisme et à la psychologie, puissent se faire une opinion raisounée, quand un assiste aux conflits des écoles et que l'on voit des académies se prononcer à l'aveugle, en dehors de toute expérience de contrôle, tantôt pour, tantôt contre, suivant les époques, les lieux, les passions ou les intérêts.

Si quelque chose m'a profondément attristé, c'est de voir un homme de la valeur de M. Liégeois, hautement considéré pour sa science et son éloquence, plus digne de renom encore pour son austère moralité et son courage, qui. sachant à quoi il s'exposait, n'a pas craint devenir soutenir l'irresponsabilité de la Bompard devant le public de Paris, enclin à la gouaillcrie cl hypnotisé lui-même par les hommes delà Salpélrière; devoir cet homme, donll'amitié m'honore, devenir un objet .universel de railleries pour avoir accompli ce qu'il regardait comme un devoir, pour avoir tenté de frire prévaloir une thèse qu'il estime, avec d'illustres collègues, être la vérité.

Mais son échec passe par dessus la tête de Gabrielle Bompart. II jette le discrédit sur l'Ecole de Nancy. Mais toute l'École de Nancy n'est pas dans les opinions de MM. Lîébâuld, Liégeois, Beaunis et Bernbeim, touchant le* suggestion.- criminelles.

Elle soutient que tous les phénomène* hypnotiques sont des phénomènes de suggestion, tandis que l'École de 1» Salpêtrière prétend que ce sont des phénomènes organiques, pathologiques, physiques.

Or, sur ce point, le monde savant, sauf à Paris, et encore dans le seul quartier de la Salpêtrière. eu Angleterre, en Allemagne, en Hollande, en cmède. eu Suisse, en Russie, en Italie, A Lyon, a Lille, à Bordeaux, a Marseille, a Montpellier, partout, le monde savant a donné raison à l'École de Nancy. La Revue de l'Hypnotisme elle-même, qui, dans ses débuts, était toute salpethèrienne, a fait maintenant sa conversion, et ne défend plus, que de loin en loin et faiblement. ses ancienne» convictions.

Certes, à mon avis, les Nancéeus se sont exagéré le pouvoir de la suggestion. Ils jetteol l'alarme dans les esprits en proclamant qu'elle peut transformer | l'honnête homme eu méchant. Je pense qu'eu ceci ils se trompent. Mais que ne rassureut-ils la société en prouvant qu'à l'inverse, on peut faire d'un méchant un bon ? Ici, la matière à expérience ne manque pas. Les prisons en sont encombrées.

Moi, vieil adepte du magnétisme, qui, il y a aujourd'hui vingt et un ans, ai appliqué au cas de Louise Lateau les vrais principes de la science, je ne relève d'aucuue école; mais, quaud j'ai expérimenté par moi-même, je suis tombé spontanément sur les phénomènes qui se produisent et les théories qui ont Cours à Nancy. (Voir mes aitîcles de la Révue philosophique, entre autres celui sur l' Influence de l'imitation et de l'éducation dans le somnam-bulisme provoqué; août 1886).

D'abord séduit par les expériences. — si ingénieuses, si couscieucieuses, à première vue, si irréfutables de M. Liégeois. — mais toujours peu disposé à jurer sur la parole d autrui, j'ai fait de mon côté des expériences, j'ai recueilli des ubservaUons précieuses (consignées en partie dans mes ouvrages récents, notamment mes lettres à M. Thiriar) et je me suis rallié à la thèse de l'École de Paris.

Ce n'est pas qu'il y ait entre les savants de la Salpètrière et moi, sur ce point précis, encore bien des divergences; — je ne voudrais pas signer le rapport des experts, ni souscrire a toutes les assertions de M. Bouardel, — mais je n'aurais pas hésité à condamner Gabrielle Bompard, parce que, socialement parlant, elle est coupable.

Sans doute, donnez-lui un autre amant qu'Eyraud, elle aurait pu être une honnête maîtresse ; mais si l'avocat Bernays avait été emporté par une maladie naturelle, les Peltzer n'eussent pas été des assassins. Qui oserait assurer qu'il n'y a pas en lui un meurtrier, uu voleur, un faussaire en germe.

Voilà, cher monsieur, l'espèce de consultation demandée. Puisse-t-elle ne pas endormir vos lecteurs et ne pas être pour moi une cause de privation de sommeil. J. DElbœuf.

causerie bibliographique

A propos du livre récent du Dr BErnheim, intitulé Hypnotisme, Suggestion, Psychothérapie, Études nouvelles (1).

On parle plus que jamais d'hypnotisme, surtout depuis le procès Gouffé, qui a mis directement en présence l'École de la Sal pétri ère et l'École de Nancy. Mais plus on en parle, moins ou s'y retrouve, car le magnétisme est

(1) Paris. Doin. 1891l. un.volume in 8° de 518 pages, 9 francs.

une de ces siences, comme U politique ou la sociologie, qu'on peut posséder sans les avoir étudiées et qui livrent leurs secrets an premier veau. C'est ce qui fait que chacun trouve fréquemment dans l'un ou l'autre des journaux auquel il est abonné, à côté d'un article oh l'on expose le» principes d'un bon gouvernent,. une dissertation sur le magnétisme, ses bienfaits et ses dangers, ses mystères et ses révélations signes du docteur X., de l'avocat Y., ou de l'ingénieur Z. Et pourquoi pas ? M. Quesnay de Beaurepaire ne vient-il -pas de déclarer qu'il est compétent dans cette science « pour avoir reçu des leçons de M. Charcot ».

Je crains que la matière ne suit un peu plus difficile qu'elle ne le paraît à première vue. Je crois même que. en ceci comme en beaucoup d'antres choses, on ne peut se faire une opinion raisonnée et scientifique —je ne dis Pas exacte — que par l'étude et 1a pratique. Le désaccord des écoles et d'hommes comme MM. Charcot et Beraheim en est la preuve. Quant à moi, adepte du magnétisme depuis quarante ans, et ayant, il y a aujourd'hui vingt et un ans. appliqué au cas de Louise Lateau les vrais principes de celte science, je suis inféodé ni à l'une ni a l'autre école, nées toutes deux dix ans plus tard, mais je suis allé les étudier sur place, j'ai écouté les maîtres, et j'ai passe toutes leurs assertions au creuset d'une expérimentation sévère, scrupuleuse et attentive.

Mes expériences, qui n'ont jamais été contredite» ni réfutées, ont mis au grand jour les erreurs — je dirais volontiers les fantaisies — do l'Ecole de la Salpéfrière. qui semble avoir visé à étonner le monde et qui « aujourd'hui n'a plus un seul adepte hors de France ou peut-être hors de Paris ».

Sur un point seulement je ne partage par les opinious de l'École de Nancy — qui avaient d'abord été sur le point de me séduire — c'est sur l'esclavage absolu des somnambules à l'égard de l'hypnotiseur. Depuis que j'ai porté mon attention sur ce point, je me convaincs tous le» jours de plus en plu* que c'est là un dogme d'école, pas autre chose, dogme fondé sur le sophisme qui consiste à assimiler des choses absolument dissemblables.

Sans donc vouloir prétendre a l'infaillibilité, et me réservant de rejeter demain ce que j'avance aujourd'hui, si les faits viennent me donner tort, voici en résumé les résultats auxquels je suis arrivé :

1° D'abord, quoi qu'en puisse affirmer le R. P. J. J. Franco S. J. dont l'ouvrage inlitulé : l''Hypnotisme revenu à ta mode, vient d'être traduit par l'abbé Moreau. le diable n'est pour rieu dans les phénomènes hypnotiques, à moins Que l'un ne puisse être le diable sans le savoir.

2) On ne peut eudormir une personne contre sa ferme volonté. Toutefois, l'habitude d'être endormie affaiblit en elle la résistance. Mais eu ceci, il n'y a rien que de très naturel. Toutes les habitudes, celle du tabac. du jeu. du cabaret. affaiblissent les résistances contraires.

3* L'hypnotisme peut faciliter les attentats contre les personnes et les cap-lalions de Micceosious. Mai- contre ces danger*, des précautions de sens commun suffirent. 11 faut se méfier du tête a tête prolongé, d'une jeuue tille ou

d'une jeune femme avec un jeune homme, d'un moribond avec un de ses fa milliers, parent, domestique ou notaire. Mais u'oublions pas que les fausses promesses de mariage, l'or ou le champagne, le confessionnal, les obsessions, les Qalleries ou les menaces de toute nature, ont favorisé et favoriseront toujours ces crimes plus sûrement que l'hypnotisme.

4* L'hypnotisme en ihérapeutique peut produire les plus merveilleux, effets parce que, dans toute maladie, il y a toujours une part plus ou moins grande dont la cause est psychique et réside dans la préoccupation ou l'imagination du malade. De sorte que,' s'il n'apporte pas guérison, il peut apporter soulagement, ou tout au moins repos.

5* Les suggestions criminelies sont, à tout le moins, hautement invraisemblables, en ce sens qu'une personne d'une honnêteté vulgaire ne se laissera pas amener à commettre un crime ou un délit réel. L'hypnotisme n'obtiendra d'elle que ce qui est couforme à son caractère et qu'elle ferait, les circonstances étant données, par voie de conseil ou de menace. D'ailleuis, renversant les positions, qu'on essaie donc de faire avec un gredin un honnête homme ! Les sujets ne manquent pas, et le but en vaut la peino.

Que de braves gens ont subi 1 ascendant d'une mauvais connaissance, ou se sont laissés tenter par l'appui du gain, ou ont voulu satisfaire par des moyens reprehensibles le goût du luxe, qui, arrachés à leur milieu, auraient eu une vie sans tache!

6° Eufîu, l'hypnotisme, appliqué sagement, ne présente absolument aucun ni physique ni moral, dans le présent ni pour l'avenir. Appliqué même brutalement, comme dans les théâtres, il n'en offre guère. Jamais je n'ai eu l'ombre du moindre accident dans ma pratique; je puis ajouter : ni vu dans la pratique des autres, si ce n'est des accidents sans graude importance. Quand ils ont revêtu une certaine gravité, la cause en a été dans l'émoi de l'entourage, les pronostics effrayants d'un docteur, et souvent dans les remèdes prescrits pour guérir un mal qui n'existait pas.

L'hypnotisme supprime facilement et instantanément le tout petit malaise qu'il pourrait causer, céphalagîe, vertigfie, hallucination prolongée ou même rétroactive.

On peut le prévenir infailliblement en annonçant au sujet qu'à son réveil il se trouvera très bien; et si on avait oublié cette prescription, si un léger trouble se produisait, la parole l'enlèverait sans aucun effort.

Comme on le voit, ces remarques sont de nature à rassurer tout le monde. Seulement, il faut que celui qui se mêle d'hypnotiser sache hvpnotiser.— et cet art n'est pas commun ni facile à acquérir— et surtout, s'il s'agit d'une maladie organique, il est désirable qu'il soit médecin ou fe fasse assister d'un médecin.

Mais, à ce sujet, je ne puis assez recommander .à tous ceux qui hypnotisent ou aux médecins qui, sans hypnotiser eux-mêmes, prescrivent l'hypnotisme, d'en savoir quelque chose. Ceci a l'air d'uue épigramme, et malheureusemeut ce n'eu est pas une. Il m'est arrivé, nombre de fois, de voir mou intervention

contrariée maladroitement par le praticien lui-même qui l'avait reclamée. Or, toute tentative infructueuse est une cause d'insuccès pour U suite. D'une façon générale, un peut avaucer que tout malade manqué est par lâ-méme rendu refraclaire ou, i tout le moins, difficile à toute suggestion ultérieure.

Aussi, j'engage vivement tous ceux qui veulent faire usage de la jeune science, les médecins principalement, à lire et a étudier le nouveau livre de M. Bernheim. annoncé en tète de cet article. Ils y trouveront tout ce qu'ils ont besoin de savoir, exposé avec une rare méthode, dans un style lucide et attachant, sans phrases, sans polémiques odieuses. C'est un traité à la fois théorique. pratique et clinique. On y trouve l'explication des phénomènes, l'indication des procédés usités pour les produire, et la relation détaillée de plus de cent observations cliniques, véritable trésor. Je n'en dirai mot. A chacun prendre connaissance dans l'original.

Je ne veux pas clore celte brève annonce sans citer un fragment de chapitre qui vient confirmer avec éclat ce que je n'ai cessé de soutenir depuis que je m'occupe du magnétisme. Il est tiré des dernières pages du volume (p. 503 et suiv.) :

« La suggestion, telle que nous la pratiquons, dans un but thérapeutique, présente-t-elle un danger quelconque? On le dit : l'hypnotisme fait de l'hystérie, l'hypnotisme fait de l'aliénation mentale. Mais ceux-là seuls le disent qui n'ont pas l'idée exacte de ce que c'est que la suggestion, qui substituent leur idée préconçue à l'observation des dits, qui. sans avoir vu et observé, tranchent la question du haut de leur incompétence.

• Voici, par exemple, ce que dit un de nos maîtres. M. Germain Sée, aussi instruit sur bien des choses que peu éclairé sur celle-ci : « Toutes ces tner-« veilles suggestives et suitoul les procédés hypnotiques ne manquent pour-« tant pas de présenter de grands inconvénients; le ministre de la guerre a « agi avec vigueur et sagacité en interdisant ces pratiques aux médecins « militaires notre armée deviendrait hystérique, etc. Passons a un sujet « plus sérieux, etc. (Médecine moderne, n°11, 1890 ) »

« Et voila la question tranchée!

« Chose singulière! Il y a nombre d'années, je m'en souviens, quand une pratique plus sanglante que l'hypnotisme, l'ovariotomie, fît son entrée dans la chirurgie moderne, il se trouva, à la Société de Chirurgie, d'émiueuts professeurs qui dirent : Cette opération rentre dans les attributions de l'exécuteur des hautes œuvres. » Aujourd'hui l'ovariotomie n'a plus d'ennemis. Que dis-je? On va jusqu'à ovariolomiser les hystériques sous prétexte de les guérir. Aucune voix ne s élève contre ces pratique-, et l'on jette l'anathème à l'iniffensive suggestion qui guérit l'hystérie. Singulier revirement de l'esprit humain '

« J'en appelle aux nombreux élèves et confrères qui, depuis plusieurs années, m'ont fait l'honneur de suivre ma clinique. Si vous avez un seul fait qui atteste un inconveénien sérieux de la méthode suggestive bien appliquée, dites-le. J'ai vu bien des nevroses guéries, je n'en ai vu aucune provoquée

par la suggestion. J'ai vu bien des intelligences restaurées et rendues a elles-mêmes; je n'en ai vu aucune affaiblie par la suggestion. Sans doute elle ne prémunit pas contre toutes les affections nerveuses éventuelle». Parmi les nombreux névropathes qui réclament ce traitement, il est, par exemple, des candidats à l'aliénation mentale, que. la suggestion ne prévient ni ne guérit. Parmi ces névropathes, il y ea a de prédestinés chez qui. plus lard, peut éclater le germe natif et latent des maladies cérébro-spinales ou de l'aliénation mentale. Attribuer à la suggestion ce qui est du à l'innéité, c'est commettre une erreur clinique contre laquelle proteste ma longue expérience. Parmi les névropathes traités par le bromure, la valériane, il en est aussi, et en aussi grand nombre, qui, un jour ou l'autre, paient leur tribut au vice originel «le leur organisation. Accusera-t-on la valériane, lo bromure, l'hydrothérapie, de faire de l'hystérie, de faire de la folie?

« La suggestion guérit souvent, soulage lorsqu'elle ne guérit i>as, est inoffensive lorsqu'elle ne peul soulager.

« En dépit des accusations incompétentes des uns, de la routine et du parti pris des autres, qui craignent de s'intéresser â celte étude, qui ne peuvent se dégager de leurs conceptions a priori, ou qui n'osent braver le discrédit séculaire qui s'attache encore malgré tout à ce mot de magnétisme que l'Académie avait conspué, faute d'avoir su reconnaître la bonne graine dans l'ivraie, malgré tout, la psychothérapeutique suggestive a fait son chemin comme tant de vérités. J'en reçois tous les jours de nombreux témoignages qui me consolent de bien des sourires dédaigneux. »

J. Delbœuf. :

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

La Suggestibilité de Gabrielle Bompard. — Rapport des experts.

Nous extrayons du rapport de MM. les Dr Brouardel. Motet, Gilbert Ballet, le passage suivant, qui a trait aux expériences d'hypnotisme faites sur Gabrielle

Bompard :

« Nous avons appris, disent les médecins, par plusieurs dépositions;, que Gabrielle Bompard était aisément hypnotisable; qu'a plusieurs reprises elle avait servi de sujet à des expériences plus ou moins légitimes du magnétisme; nous avons dû. pour nous éclairer complètement, chercher a hypnotiser l'inculpée, mais non pas sans nous être assurés au préalable de son assentiment.

« Or, voici ce que nous avons observe chez certaines personnes susceptibles d'être hypnotisées: le sommeil s'obtient d'ordinaire d'autant plus site, plus aisément, que les eujeis ont été plus souvent et plus récemment endormis.

« Bien que Gabrielle Bompard n'ait pas été hypnotisée depuis plusieurs mois, on a provoqué assez facilement cbei elle le sommeil artificiel. Il a suffi à l'un de nous de la regarder fixement eu exerçant au niveau des poignets une légère compression pour déterminer en moins d'une minute tes phénomènes anormaux que nous allons décrire.

- L'inculpée n'a ??s été d'emblée plongée dans l'hypnotisme elle a été

prise tout d'abord d'une .attaque d'hystérie avec raideur des membres et hallu-cinations visibles; ces hallucinations étaient terrifiante»; elle te déballait comme pour écarter l'objet de ce» visions. Les troubles de cette nature observebt courammentt dan* la grande attaque hystérique,

« Une fois ! attaque calmée, Gabrielle Bompard est restée endormie ; elle a pu répondre, d'une manière quasi automatique, aux question- que nous lui «von* adresses. Il est à peine besoin de dire qu'aucune de ce* question* n'a eu de rapport ave- les fais* de l'instruction.

« Nous avons ensuite provoqué chea l'inculpée la suggestion de divers actes que nous lui avons ordonné d'exécater après «on réveil, et ce» acte» ont été exactement réalisés au moment voulu.

« Nous n'avons pis jugé à propos de répéter les séances d'hypnotisme. Si nous avions eu à préciser an point de vue scientifique les caractère* cliniques dn sommeil provoqué chez Gabrielle Bompard, de nouvelle» expériences eussent été nécessaires. Mai* il ne s'agissait pour nous que de vérifier la réalité de la susceptibilité hypnotique, afin do pouvoir tirer de cette vérification les eonsé-quences qui en découlent au point de vue de la caractéristique d- son état névropathique.

« Il résulte pour nous des faits que nous avons observés, qu'on provoque aisément cbez l'inculpée le sommeil hypnotique et la suggestion hypnotique expé-rimcniale.

« Mais il n'est pas entré. il ne pouvait pas entrer un instant dans notre pensée que l'hypnotisme et la suggestion hypnotique aient pu intervenir comme élément déterminant des actes reprochés à GabrieUe Bompard. »

La Réforme do renseignement médical.

M. Huchard vient d'entreprendre une campagne pour la réforme de l'ensei-gnement médical, qu'il trouve en décadence, et des concours de médecine qui, tels qu'ils sont, lui paraissent aboutir à l'immobilisation des intelligences el au découragement des vrais travailleurs. Voilà des accusations bien graves, et notre très distingue collègue de la Revue générale de clinique et de thérapeutique appuie sur de nombreux arguments qne nous aurons à discuter. Voici, pour commencer, les réformes qui lui paraissent les plus urgentes :

L — dans les hôpitaux : 1° Suppression du concours de l'externat : concours inutile, le nombre des places à donner dépassant souvent celui de* candidats. Economie : 2O0.000 francs sur le budget des hôpitaux.

2° Comme en Allemagne, en Russie, en Autriche el partout ailleurs, choix des chefs ou aides de clinique (docteurs en médecine) par les chefs de service.

3° Nomination de chefs de laboratoires ou d'assistants, pour démontrer et enseigner dans les hôpitaux, l'anatomie pathologique, la bactériologie, la pro-pédeutique el la clinique, la thérapeutique expérimentale et clinique, etc.

4° Rerutement des médecins, chirurgiens et accoucheurs des hôpitaux par des concours différents de ceux qui existent et qui sont réellement illusoires, car les élus se trouvent trop ordinairement désigne» avant les épreuves.

5e Les chefs de service dans les hôpitaux n'ayant pas seulement des devoirs à remplir envers les malades, mais encore envers les élèves, devraient se consacrer a renseignement, et utiliser les énormes ressources clinique» mises à leur disposition Ainsi, la médecine pratique, qui ne s'apprend qu'au lit dn malade, se trouverait largement enseignée sans charge» budgétaire* nouvelles.

II. — Dans le facultés de médecins : 1° Pour les professeurs, remplacer le traitement. qui fait d'eux de simples fonctionnaires, par une indemnité fixe a

laquelle s'ajouterait, comme traitement éventuel, la rétribution scolaire de leurs élèves.

2° Séparation absolue du corps enseignant et du corps examinant.

Le projet de il. Huchard, soumis à la Société médicale des hôpitaux, a fait l'objet d'un rapport de la part de M. Rendu, destiné 1 être discuté en comité

secret.

bibliographie

L'Affaire Gouffé. Acte d'accusation. — Rapport de MM. les D™ Paul Brrnard, Lacassagne. Brouardel. Mottet et Ballet. — Documents divers, par A. Laçassions.— Paris et Lyon, G. Massou, 1391.

La brochure que vient de publier le Dr Lacassagne. sur l'affaire GoulTé, contient, avec l'acte d'accusations tous les documents relatifs à cette cause criminelle désormais célèbre, plutôt par les démonstrations apportées par la science que par les conditions de perpétration du crime lui- même. Il est. en effet curieux de voir ce problème de l'identité d'un cadavre résolu avec u;ie rigueur et une précision presque mathématiques. C'est ce qui ressort de la lecture des rapports du Dr Lacassagne. Vient ensuite le travail de MM. Brouardel, Motet et Ballet, dans lequel la question de la suggestion criminelle est posée et l'examen de l'état mental de Gabriette Bompard magistralement traité.

Ajoutons que la publication est accompagnée de nombreuses photogravures représentant les inculpés, les lésions du squelette de Gouffé et une longue lettre de Gabrielle Bompard. véritable régal pour les graphologues.

NOUVELLES

Faculté de droit de Paris — Court libre de médecine légale. Des Caractères disr-tinctifs de l'aliénation et da la criminalité. — Le Dr Dubuisson. médecin en chef à l'asile Sainte-Anne, commencera ce cours, le jeudi 8 janvier 1891, à quatre heures et demie, dans l'ancien amphithéâtre de la Faculté, et le continuera les jeudis suivants,

à la même heure.

Hôpital Saint-Antoine. — Clinique médicale.— M. le Dr Brissaud. Conférences cliniques tous les mercredis, à neuf heures trois quarts.

Cours libre.— Psychiatrie et Neurologîe. — Applications cliniques de l'hypnotisme.

— M. le Dr Bérillon. — Le samedi, à dix heures (Clinique des maladies nerveuses, 55, rue Saint-André-des-Arts).

— Notre collaborateur. M. le Dr Barety, est nommé membre du Comité d'inspection et d'achats de livres près la Bibliothèque de Nice.

Congres néerlandais des sciences médicales. — Ce Congrès aura lieu le 3 et le 3 avril 1891, à Utrecht.

— Par décret, en date du 31 décembre 1890. et sur la proposition du grand-chancelier de la Légion d'honneur. M. le Dr Le Sourd, ancien chirurgien de la marine, directeur de la Gazette des hôpitaux, est nommé chevalier de la Légion d'honneur.

Cette distinction couronne trente-cinq années de services militaires et civils, quatre campagnes et une vie consacrée tout entière à la science-. Nous adressonsà M. Le Sourd nos vives et sincères fêlicitalions.

Paris- — Imprimerie brevetée MICHELS et Fils passage du Caire. 8 et 10

L'Attministrttleur-GcrwU : Emile BOURlOT.

REME DE L'HYPNOTISME

EXPÉRIMENTAL «-ÏHÉRAPEDTIQCE

HYPNOTISME ET SUGGESTION

Par M. le D" DÊJËBJNE, profewor agrégé i la Faculté de Médecine.

On sait que la question de l'hypnotisme est envisagée sous des aspects très différents à la Salpètrière et à Nancy, et que les opinions de ces deux Écoles sont dans un désaccord complet quanta l'interprétation des phénomènes que l'on observe chez les individus hypnotisés.

Pour M. Charcot et ses élèves, l'hypnotisme est un état pathologique, ne se rencontrant pas en dehors de l'hystérie, et qoi est caractérisé par trois périodes : la catalepsie, la léthargie et le somnambulisme, périodes par lesquelles on fait passer successivement le sujet, à l'aide de certaines manœuvres. La catalepsie peut être produite par un bruit intense, une lumière vive, ou simplement par l'ouverture des yeux chez l'individu endormi. On fait passer le sujet de l'état précédent dans l'état de léthargie par la simple occlusion des yeux. Dans cette période, on constate l'exis-tense de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire, et le malade n'est pas suggestible. Enfin, par la fixation du regard ou une simple friction sur le vértex, on fait entrer le sujet dans la troisième période, la période somnambulique, période où ce dernier est éminemment suggestible et présente de l'hyperexcitabilité cotano-musculaire. Ces trois périodes, ainsi que les caractères matériels qu'elles présentent chacune, constituent pour l'Ecole de la Salpëtrière des caractères somatiques fixes do premier ordre, indépendants de toute suggestion antérieure, caractéristiques de l'hypnotisme véritable, et dont l'existence seule permet d'atfirmer que l'on est bien en présence d'un hypnotique et non d'un simulateur. Lorsque les périodes manquent ou sont incomplètes, on a affaire alors au petit hypnotisme et, dans ce dernier cas, on n*a pas de moyen certain de déjouer la simulation.

Pour l'École de Nancy, représentée par MM. Liébeault, Bernheim.

Beaunis et Liégeois, les phénomènes somatiques dn grand hypnotisme ne sont pas spontanés, ils n'existent pas par eux-mêmes, ils sont un produit artificiel dû à la suggestion, et les auteurs précédents ne les ont jamais constatés, lorsqu'ils ont expérimenté en se mettant à l'abri de tcute cause d'erreur de ce genre. Pour l'École de Nancy, enfin, l'hypnotisme n'est pas un état pathologique, mais s'observe aussi bien chez les sujets sains que chez les hystériques, et relève purement et simplement, dans toutes ses manifestations, de la suggestion.

La lutte entre l'École de Nancy et celle de la Salpètrière se poursuit depuis plusieurs années, et tout dernièrement encore, à l'occasion d'un procès célèbre, la question du crime par suggestion a été soulevée devant la Cour d'assises. Laissant de coté pour le moment la partie médico-légale de la question sur laquelle je reviendrai tout à l'heure, il faut reconnaître qu'à l'étranger les idées de MM. Liébeault et Bernheim ont été adoptées par la majorité des médecins qui s'occupent d'hypnotisme.

A quoi peut bien tenir la différence de vues, si profonde, qui existe entre ces deux Écoles? Il est assez difficile de répondre d'emblée à celte question. Ce n'est certainement pas à une différence dans l'état psychologique des sujets sur lesquels on opère, car des observateurs tels que Forel, Moll, van Renterghem, van Eeden, Wetterstrand, Delbceuf, pour ne parler que de ceux qui ont publié le résultat de leurs expériences, n'ont jamais constaté l'existence des phases du grand hypnotisme, et cependant leurs observations réunies portent sur plusieurs milliers de personnes.

Est-ce à une différence dans le tnodits faciendi des opérateurs, comme l'admet M. Bernheim, et les phases du grand hypnotisme ne seraient-elles autre chose que le résultat de suggestions pratiquées inconsciemment par la parole ou les gestes de l'expérimentateur, agissant sur un sujet en état de somnambulisme, c'est-à-dire dans un état où les fonctions psychiques et sensorielles acquièrent un état d'hype recuite extraordinaire? Ce qui vient à l'appui de cette opinion c'est que, lorsque le grand hypnotisme fut décrit en 1882, à la Salpètrière, on ne songeait nullement an rôle immense que pouvait jouer la suggestion dans la production des phénomènes observés, rôle que l'École de Nancy et M. Ch. Richet ont si bien mis en évidence au cours de ces dernières années. Enfin, on peut encore avancer en faveur de l'opinion précédente, un fait que reconnaissent du reste les partisans du grand hypnotisme, à savoir que les caractères des trois périodes regardées comme caractéristiques de cet état ne sont guère nets en général dès le début, qu'on les perfectionne par entraînement, et en répétant l'expérience un plus ou moins grand nombre de fois.

On peut, en effet, par la suggestion, chez beaucoup d'hypnotiques, produire à volonté les trois périodes précédentes, avec leurs caractères classiques; on peut produire aussi les phases intermédiaires décrites par M. Dumontpallier et son élève M. Magnin ; on peut inverser ces périodes, en modifier les caractères, créer, par exemple, la catalepsie les yeux fermés, rendre suggestible le malade dans la période de léthargie, produire l'hyperexcitabilité neuro-musculaire dans n'importe quelle période, etc. En un mot, il est facile, chez un sujet très suggestible, de produire pour ainsi dire ce que l'on veut, dans le domaine psychique, sensoriel ou moteur.

On peut objecter à cela que le fait de pouvoir produire ces phénomènes chez certains sujets, uniquement par la suggestion, ne prouve pas qu'on ne puisse les rencontrer spontanément en dehors de toute suggestion antérieure. A cela je répondrai que, du moment qu'ils peuvent relever de la suggestion, ces phénomènes perdent par là déjà ce caractère de fixité auquel on a attaché tant d'importance, en disant que leur présence seule permettait d'exclure la simulation.

Je ferai, en outre, remarquer ceci, c'est que, conformément à la grande majorité des observateurs, il ne m'a pas encore été donné d'observer ces phénomènes chez des sujets vierges de toute hypnotisation antérieure, bien que je les aie recherchés avec grand soin chaque fois, et en me mettant à l'abri de toute suggestion possible. J'ai actuellement, en effet, par devers moi, un nombre déjà assez considérable d'expériences d'hypnotisme sur des sujets hystériques ou non, dont le résultat à cet -égard a toujours été absolument négatif. Par contre, dans plusieurs de ces cas, j'ai obtenu, par suggestion, toutes les phases précédemment décrites, et réalisé chez ces sujets le type complet du grand hypnotisme, parfois dès le début et après un très petit nombre d'expériences, d'autres fois après un nombre plus considérable, suivant la suggestibilité plus ou moins grande du sujet.

En un mot, dans ce dernier ordre de faits, les sujets reproduisaient à volonté, soit le type de l'École de la Salpètrière, soit le type de l'École de Nancy. En d'autres termes, je n'ai jamais rien obtenu qui fût spontané, personnel pour ainsi dire, au sujet en expérience, rien qui, pour moi, ne relevât du domaine de la suggestion. Je ne crois pas, du reste, que dans le très petit nombre de cas de grand hypnotisme publiés jusqu'ici, oa puisse toujours dire, que toute influence suggestive ait été complète-I ment et soigneusement éliminée.

J'ajouterai enfin, et ceci me parait avoir une certaine importance, — actuellement surtout où l'on étudie la suggestibilité à l'état de veille, — que j'ai observé deux sujets n'ayant jamais été hypnotisés, qui étaient

suggestibles à l'état de veille à un degré aussi prononcé que peut le réaliser l'hypnotique le plus suggestible. Il s'agissait, dans ces deux cas, de jeunes campagnards 'dont un est encore actuellement dans mon service) fraîchement débarqués à Paris, au sortir du service militaire. Le jour où je les examinai pour la première fois, j'obtins chez eux, par simple suggestion verbale, dans le domaine psychique, sensoriel on moteur, des résultats qui ne s'obtiennent pas souvent d'emblée, même chez les hypnotiques très suggestibles (contractures, paralysies, anes-thésies, hallucinations sensorielles, dédoublements de la personnalité, suggestions à échéance plus ou moins lointaine et qui se réalisèrent à l'époque fixée, etc., etc.; En d'autres termes, j'obtins chez eux le premier jour, par suggestion à l'état de veille, les mêmes résultats que j'obtins le lendemain, en employant alors la suggestion pendant le sommeil. Je n'ai pas besoin d'insister sur l'importance que présentent, au point de vue social, de pareils faits.

L'hypnotisme et l'hystérie sont-ils toujours associés? en d'autres termes, les hystériques seuls sont-ils hypnotisables ? Ici encore et d'accord avec la majorité des observateurs, les recherches q»e je poursuis sur ce sujet depuis plusieurs années me conduisent à formuler une réponse négative. Pour moi, l'hypnotisme n'est pas une névrose spéciale ou un état ne se rencontrant que chez des hystériques ou des névropathes. J'ai souvent rencontré des personnes hypnotisables et suggestibles à un très haut degré, et qui ne présentaient aucun symptôme d'hystérie. Je ferai remarquer, en outre, que, si la plupart des hystériques sont hypnotisables, tous ne le sont pas. Règle générale, on peut d'autant mieux hypnotiser quelqu'un, que l'on peut facilement concentrer son attention. Je serais, en effet, volontiers, tenté de dire avec Forel (de Zurich), que « les cerveaux sont d'autant plus faciles à impressionner qu'ils sont plus sains >. C'est ainsi, selon moi, qu'il faut expliquer pourquoi on rencontre si souvent des sujets hypnotisables dans l'armée et dans la marine, et pourquoi aussi les enfants sont, en général, si faciles à hypnotiser.

On échoue, en effet, quelquefois chez certains nerveux, chez ceux, en particulier, qui ne peuvent suffisamment concentrer leur attention; le fait n'est pas très rare dans la neurasthénie, et je l'y ai rencontré plus d'une fois. C'est pour la même raison encore, que l'on rencontre parfois des hystériques absolument réfractaires à l'hypnose, et je ne suis pas le seul qui ait été à même de constater ces faits.

J'arrive maintenant aux conséquences sociales et médico-légales qui découlent de l'étude de l'hypnotisme. 'Ici encore s'accusent les différences de vues entre les Écoles de la

Salpètrière et de Nancy. La première ne croit pas n la réalisation d'un acte délictueux ou d'un crime par suggestion post-hypnotique, ello admet que la personnalité de l'hypnotisé ne disparaît jamais complètement, et que le snjet peut manifester sa volonté en résistant aux suggestions. Enfin, elle ne croit pas que l'on puisse violer une femme pendant l'état somnambulique. si celle-ci n'est pas consentante. L'École de Nancy, au contraire, admet que l'on peut, chez certains sujets, produire par suggestion, l'accomplissement d'actes délictueux ou criminels à échéance plus ou moins lointaine. Pour cette École, le somnambule obéit fatalement et aveuglément à la suggestion. « Au jour fixé, à l'heure dite, l'acte s'accomplit et le sujet exécute mot pour mot ce qui lui a été suggéré; il l'exécute convaincu qu'il est libre, qu'il agit ainsi parce qu'il l'a bien voulu et qu'il aurait pu agir autrement ». (Beaunîs.)

En résumé, la question se pose snr le terrain suivant: Peut-on. oui ou non, chez certains sujets, et A l'aide de la suggestion hypnotique, détruire toute espèce de personnalité, de volonté et de liberté, les réduire en un mot à l'état d'automates, obéissant aveuglément et fatalement à la suggestion, qnel que soit le domaine dans lequel on exercera cette dernière? Je n'hésite pas pour ma part à répondre que la chose est possible chez certains hypnotiques, et j'ajouterai môme que, beaucoup plus rarement, il est vrai, on peut obtenir les mêmes résultats, par la suggestion à l'état de veille.

La démonstration du crime par suggestion n'est pas encore faite, je suis le première le reconnaître. Il n'existe pas encore, en effet, dans les annales judiciaires, d'exemple d'assassinat ou de vol. dans lequel il ait été prouvé que le criminel ait agit en automate obéissant A une suggestion hypnotique antérieure. Mais cette objection est loin d'avoir la valeur que lui prêtent certaines personnes. Nous ne pouvons en effet expérimenter que dans les limites du possible, et s'il faut pour convaincre ceux qui doutent encore une expérience réelle, il est évident qu'on ne les convaincra jamais. Pour moi, ma conviction est faite à cet égard. Je crois que chez certains hypnotiques, je ne dis pas chez tous, ou peut faire commettre à échéance phis ou moins éloignée, n'importe quel acte, dant n'importe quel domaine, et je crois anssi. que chez certains sujets, très rares d'ailleurs, on peut obtenir des effets analogues, par seule suggestion verbale et sans avoir besoin de plonger l'individu dans le sommeil somnambulique.

Je sais bien que l'on fait à ces expériences l'objection suivante, et qui consiste à dire que, si les hypnotiques exécutent les actes délictueux qui leur sont suggérés, c'est qu'ils savent bien que ce n'est pas sérieux, « que ce n'est pas pour de bon ». Cette objection est facile à réfuter. Je

ne crois pas en effet que, parmi ceux qui nient on qui doutent encore, il en soit un seul qui, de propos libere, se prêterait à une expérience de ce genre, avec des sujets analogues à ceux que j'ai actuellement dans mon service, même lorsque cette expérience serait réglée de manière à lui faire courir le minimum de danger. Pour ma part, je l'avoue, je ne consentirais guère à nue expérience semblable, trop convaincu d'avance combien en seraient désastreux les résultats.

On s'est beaucoup demandé, an cours de ces dernières années, si les pratiques de l'hypnotisme étaient dangereuses. A cela je répondrai qu'il faut d'abord s'entendre sur ce que l'on entend par « pratiques de l'hypnotisme ». Pour ce qui concerne les représentations publiques d'hypnotisme, je suis d'avis qu'il faut les proscrire, et il serait à désirer que l'on fit chez nous à cet égard ce qui a été fait récemment dans d'autres pays. Ces représentations sont dangereuses, surtout par le fait que les personnes qui y assistent, viennent encore augmenter le nombre déjà trop considérable de celles qui, s'amusant chez elles à faire « de l'hypnotisme en famille », se suggestionnent les unes aux autres. Or. l'hypnotisme, comme toute autre branche des sciences expérimentales, a sa technique et ses méthodes, et n'est inoffensif que s'il est manié par des gens expérimentés. Comme dans l'hypnotisme, tout est dans la suggestion, il faut avoir grand soin, dans chaque expérience, d'enlever chaque fois toutes les suggestions que l'on a faites chez le sujet hypnotisé. C'est en ne suivant pas ces préceptes, que l'on est arrivé plus d'une fois à déterminer, dans le domaine de l'intelligence, de la motilité ou de la sensibilité, des troubles souvent graves et persistant plus ou moins longtemps. Il n'est pas indifférent, en effet, de laisser persister, pendant un certain temps chez un sujet, une contracture, une paralysie, une anesthésie. une zone hypnogène, ou un dédoublement de la personnalité, créés par suggestion. Il arrive un moment, dont l'époque d'apparition varie suivant les individus, où l'on ne réussit pas toujours à faire disparaître complètement ces troubles. Les cas de ce genre ne sont pas malheureusement extrêmement rares, et, ils n'existeraient certainement pas, si l'hypnotisme était toujours sérieusement et convenablement pratiqué.

Jusqu'ici je n'ai parlé de la suggestion qu'au point de vue purement expérimental et médico-légal, sans m'occuper de son action en thérapeutique. Cette dernière est très grande, et nous devons la démonstration de ce fait principalement à l'Ecole de Nancy. La suggestion à l'état de veille suffit dans bien des cas. et il est plus d'une méthode de traitement, dans laquelle l'élément suggestif joue le rôle principal, unique même parfois. La suggestion hypnotique rend aussi des services considérables, et compte déjà à son actif des succès nombreux et extrêmement

remarquables- Quant aux dangers qui peuvent résulter de l'emploi de l'hypnotisme en thérapeutique, j'avoue que, pour ma part, je ne les ai jamais constatés, bien que l'ayant employé déjà un grand nombre de fois. Dans le domaine expérimental comme dans celui de la thérapeutique, l'hypnotisme, je le répète, est inoffensif lorsqu'il est manié par des personnes compétentes.

APPLICATIONS DE LA SUGGESTION HYPNOTIQUE AU TRAITEMENT D'AFFECTIONS CHRONIQUES

Par SI. le D' LLOYD-TL'CKEY (de Londres).

Les observations suivantes, relatives à quelques malades atteints d'affections chroniques, qui ont été soumis au traitement hypnotique pendant un certain laps de temps, offriront sans doute quelque intérêt parce qu'elles tendent à rectifier des opinions erronées émises sur ce sujet. On objecte fréquemment que si l'hypnotisme fait disparaître certains symptômes d'un caractère nerveux et hystérique, c'est seulement en substituant un nervosisme à un autre et que le malade retombe bientôt dans un état pire que le précédent. Je publie ces nouvelles observations, non parce qu'elles offrent, en elles-mêmes, un intérêt particulier, mais pour prouver que l'hypnotisme est souvent applicable dans le traitement des maladies chroniques, qu'il n'offre aucun danger lorsqu'il est judicieusement employé comme moyen thérapeutique pendant un certain temps.

1» Observation. — Mme H..., âgée de trente-huit ans, fut soumise au traitement hypnotique au mois de novembre 1888. Elle était restée dix ans avec son mari et avait un enfant. Mmc H... s'était séparée de son mari, dont la mauvaise conduite l'avait rendue très malheureuse. Elle présentait les symptômes suivants: insomnie, manque d'appétit et douleurs presque continuelles dans la région occipitale. Ces symptômes s'aggravaient au moment des époques, qui revenaient tous les vingt jours avec des métrorrhagies abondantes. Le pouls était faible, irrégulier ; les extrémités froides, la circulation ralentie. Tous ces symptômes résultaient évidemment de troubles nerveux, et elle en souffrait ainsi depuis environ deux ans. Je la trouvai extrêmement difficile à hypnotiser, et ce ne fut qu'après huit ou neuf séances qu'elle atteignit le second degré du sommeil hypnotique. Son état commença à s'améliorer presque immédiatement, et, en trois semaines, elle recouvra les forces et l'appétit. Ses douleurs ayant, en même temps, presque complètement disparu, elle

se trouva mieux qu'elle n'avait été depuis plusieurs années. Depuis, cette dame a continué de se bien porter, malgré plusieurs événements fâcheux qui lui sont survenus, et je l'ai hypnotisée à différentes reprises pendant les deux années qui se sont écoulées depuis le commencement du traitement.

2e Observation. — T. S..., figé de quarante-six ans, est un ancien soldat dont le cas a été publié dans The Lancet, il y a dix-huit mois. Il est encore en traitement, et. malgré mes soins, sa maladie, le tabès dorsalis. s'aggrave. Maintenant, il est presque entièrement aveugle à cause de l'atrophie des nerfs optiques. Cependant, après avoir été hypnotisé, une fois par semaine, ses souffrances sont moins vives, la constipation, les nausées diminuent, et il se trouve mieux. H atteint ra-DÎdement le troisième degré de l'hypnotisme et, toujours, la séance lui jToduit un effet salutaire.

3e Observation. — Mmo H. T..., âgée de vingt-six ans, mariée, sans enfants, est en traitement depuis décembre 1888. Somnambule et très délicate, elle a été presque toute sa vie entre les mains des médecins. Je l'ai trouvée extrêmement hypnotisable et lui ai donné mes soins pour une toux laryngée chronique, un rhumatisme, une sciatique, pntritns vtdtœ, aménorrhée, et différentes formes de migraines et névralgies. L'hypnotisme l'a toujours soulagée et, généralement, en une ou deux séances, mais elle n'en éprouve de bons effets que lorsqu'elle demande elle-même à être endormie. Jamais le plus léger inconvénient n'a résulté pour elle du traitement hypnotique et jamais elle n'a cessé d'être une excellente maltresse de maison.

4* Observation. —T. H..., âgé de trente-six ans, vint me trouver au mois de février 1889. Il était dipsomane et alcoolique depuis plus de dix ans. Très hypnotisable, à la troisième séance, il se trouva dans un profond état de somnambulisme. Je l'hypnotisai tous les jours pendant quatre semaines, et une fois par semaine pendant six mois. Pendant l'année dernière, il fut hypnotisé environ vingt fois et s'en trouva toujours très bien. C'est un homme exceptionnellement fort, courageux et intelligent. II ne présente aucun trouble nerveux et s'est entièrement abstenu d'alcool, qu'il a toujours détesté depuis la première ou la seconde séance.

Les cas précédents n'ont aucun caractère particulier, et mon seul but en les publiant est de réfuter quelques-uns des arguments soulevés contre l'hypnotisme par les ignorants et les gens mal informés. Dans aucun cas je n'ai vu la pratique de l'hypnotisme être suivie de résultats fâcheux lorsqu'elle est employée par des praticiens compétents ; mais, d'après certains faits dont j'ai été témoin, mon opinion est qu'il ne faut pas abuser

de ce traitement, et qne la trop fréquente hypnotisation de sujets hystériques on névropathes peut provoquer des troubles nerveux et affaiblir l'intelligence. Cependant, je ne puis comprendre comment nn médecin sensé peut se laisser influencer contre l'emploi de l'hypnotisme par crainte de suites funestes que Ton peut éviter et qui résultent aussi de tout autre traitement médical. La malade dont j'ai rapporté le cas dans l'observation 4. se plaint toujours de maux de tête, d'insomnie, d'agitation, après avoir été soumise aux expériences de suggestions posthypnotiques.

Une infirmière d'hôpital, sur laquelle j'ai fréquemment opéré, se plaignait toujours d'abattement, de fatigue, d'étourdissement, après avoir été soumise à l'hypnotisation. Il me semble que l'état de sujets hvpno-tisés au moins deux fois par jour par des magnétiseurs de profession pour gagner de l'argent et amuser le public, doit être déplorable.

Les médecins hypnotiseurs anglais regardent avec envie les règlements salutaires dont la pratique de l'hypnotisme est entourée en France, en Belgique, en Italie et dans plusieurs autres contrées.

MÉMOIRE RELATIF A CERTAINES RADIATIONS PERÇUES PAR LES SENSITIFS

Par M. A. DE ROCHAS. Suit* (1)

corps composés

Enfin, des coiflpositions comme le bois, furent soumises à l'épreuve. Une règle de hêtre, longue d'une toise, suspendue dans la direction du parallèle terrestre, donna des effluves de 4 à 6 lignes de longueur à ses deux extrémités. Une poutre en sapin, de 7 pieds de longueur et de 2 pouces d'équarrissage, donna 9 lignes. Bien mieux, des meubles d'appartement, une table de cerisier, par exemple, laissèrent échapper de leurs encoignures des effluves de 12 à 16 lignes ; nn secrétaire à ses deux coins, 12 et 25 lignes. Le faite de ma maison était garni sur toute la longueur d'une émanation do 108 lignes; la voûte d'une cheminée en pierre, refroidie, 144 lignes.

Tout ce que j'ai pu me procurer: corps simples et corps composés, «olides on fluides, matières brutes de toate espèce, tout cela a fait preuve d'aptitude à la production de l'effluve ardent. 11 était clair que la matière.

(1) V. Reçut Je CJl-j,-noiùme, p. *>l.

une ou composite, suffisait, en tant que matière môme et abstraction faite de toute forme, à produire les ondes flamboyantes dont les dimensions étaient liées avant tout à la masse et à l'étendue de la matière brute.

Cela m'amenait naturellement, considérant la matière dans les formes . qu'elle affecte, à expérimenter l'influence de celle-ci sur la conformation de l'effluve. J'avais à m'adresser d'abord aux cristaux.

CRISTAUX. — CORPS CRISTALLISÉS

On était justement en hiver et j'habitais ma maison de campagne en pleins champs. Je me pris donc à considérer d'abord ces cristaux tout neufs que le ciel m'envoyait sous forme de flocons. La neige, tombée depuis plusieurs jours déjà, qui couvrait au loin la campagne, laissait voir, à sa surface, un voile flamboyant de 3 lignes de haut. Vieille seulement de quelques heures, mais épaisse de 2 pieds, son tapis flamboyant avait 25 lignes de hauteur. Un pied de neige toute fraîche, où tombaient encore les derniers gros flocons, était couverte de 36 lignes de flammes.

C'est un cristal diamantin héxaédriqne de 3 lignes de côté, qui offrit, à proportion de sa grandeur, le maximum de flamboiement, très supérieur à ses propres dimensions. J'examinai ensuite une tournaline du Brésil dont les effluves furent plus longs que ce petit cristal lui-même. La castine (spath fusible) et le spath lourd donnent des effluves plus longs que ceux du spath gypseux ; comme celui-ci les donne plus longs que ceux de cristal de roche, plus courts encore parurent celles du spath calcaire, toutes ces pierres étant sensiblement de la même grosseur. Quelque? parcelles limpides de sel de cuisine portaient des effluves dont la longueur allait jusqu'à 26 lignes; grisâtres à leur base et bleuâtres au sommet Ou pouvait, en les juxtaposant, augmenter les dimensions de cristaux. De gros cristaux de roche, du poids de 10 à 25 livres, furent disposés sur une seule pile, en plaçant, l'un contre l'autre, les pôles de nom contraire, et formèrent, de cette façon, une espèce de colonne cristalline de a pieds de longueur, c'est-à-dire de la taille d'un homme. Plus on ajoutait d'éléments à cette série, pins l'effluve grandissait aux extrémités ; et lorsque cet effluve eût atteint son maximum, les sensitifs les virent s'épanouir sur la longueur d'un bras, avec 4 à 5 pouces d'épaisseur à sa base, et se prolonger, en forme de cône, dans la direction du grand axe.

PROPRIÉTÉS DES POLES

On reconnut, en même temps, qu'il y avait contraste entre les pôles, 'était aux deux extrémités de l'axe longitudinal des cristaux que la avait de beaucoup le plus de force et de longueur. On en mesura un certain nombre, et voici les chiffres que donnèrent les mensurations opérées par divers opérateurs :

A L'EXTRÉMITÉ POSITIVE (La base par où les cristaux sont nourris.) A L'EXTRÉMITÉ NÉGATIVE (par où les crustaux croisent pointe)

Spath gypseux de 6 pouces de long*.. 3 ligne*. 6 lignes.

Spath gypseux de 10 — — 3 — 8 —

Spath gypseux de 9 — — 3 — 7 — !

Tourmaline do 2 — — 4 — 12 —

4 — 6 —

6 — U —

8 — M —

Colonne cristalline de 3 pieds de long' 9 — 0*» _

Cristal de roche .,.¦¦!;............. 10 — 2« —

Asbette, même durcie .............. 12 - 20 —

17 — * 36 -

Colonne cristalline de 5 pieds de loue/ 36 — 78

113 lignes. 251 lignes.

Ainsi, la longueur des Lohées, pour les cristaux, était à peu près dans le rapport de 1 à 2, suivant qu'il s'agissait du pôle positif ou du pôle négatif. En se basant sur ces chiffres, qui ne sont approximatifs, voici tout ce qu'on peut dire : le pôle positif des cristaux fournit en général des effluves plus courtes; le pôle négatif des effluves plus longs et proportionnellement plus épais et, par suite, tout compte fait, de beaucoup les plus considérables.

SURFACES PLANES

Les arêtes des cristaux, dans des morceaux de spath gypseux de 1 pied de long, se montrèrent flamboyants sur une hauteur de 1 à 2 lignes, avec un minimum au milieu; de ce point, les effluves se partagent vers les deux pôles, en se renforçant graduellement en route; elles viennent enfin se joindre aux effluves des angles et des pointes. Les plans latéraux portaient un duvet flamboyant d'une demi-ligne et au-dessous. — Un cristal de roche, de môme longueur, mais d'épaisseur plus grande, était

garni sur les arêtes d'un flamboiement de 9 lignes de haut, qui se perdait vers les angles, et, réuni aux effluves de ces derniers, rejoignait la pointe polaire sur les plans latéraux ; le duvet s'élevait à 3 lignes.

ORIENTATION

En.plaçant dans la direction du méridien une colonne cristalline de grande dimension, en sens direct, c'est-à-dire le pôle négatif tourné vers le nord, les effluves des deux pôles allaient en augmentant. La longueur au pôle positif monta à 40 lignes, au pôle négatif à 84; dans un autre cas, de 56 à 144; dans un troisième cas, elles montèrent à 86 et 165 lignes. Lors même que les cristaux étaient disposés dans le méridien en sens inverse (le pôle positif vers le nord), le pôle négatif conservait toujours sur le positif l'avantage de fournir la Lohée la plus considérable, bien que la proportion diminuât. — Du reste, le flamboiement au pôle négatif était toujours plus pur, plus net, plus délicat, plus transparent; au pôle positif, il était notablement plus sombre, plus brouillé, plus compact, plus dense.

PRÉCAUTIONS a prendre

Quant aux mensurations elles-mêmes, il faut se garder de négliger les précautions que réclame la délicatesse du sujet. Le sensitif qui observe doit toujours s'affranchir, autant que possible, de toute influence extérieure; dans ce but, il doit s'efforcer, autant qu'il le peut pratiquement, de se maintenir au milieu de la chambre, en tout cas se tenir assez également loin de tous les gros objets, des gros meubles, des poêles et des murailles, des lustres et des appareils métalliques. Nul ne doit se tenir à proximité; on doit lui tourner la face du côté du nord; les observerons doivent toujours se faire dans la matinée, après un déjeuner aussi frugal que possible; mais surtout l'observateur ne doit opérer que s'il n'a pas auparavant séjourné au soleil. S'il s'agit d'observer des phénomènes uù les pôles jouent un rôle, les attouchements manuels sont toujours très nuisibles à l'exactitude des résultats; ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de fixer au plafond un léger cordon de laine et d'y suspendre les objets, doués de pôles, sur lesquels on veut travailler. Si l'on ne se propose pas absolument d'apprendre à connaître leur rapport avec le magnétisme terrestre/on peut encore les placer dans le sens du parallèle terrestre et prendre la moyenne de deux observations, chaque pôle se trouvant dirigé successivement à l'est ou à l'ouest.

Dans l'examen du susdit phénomène, l'observateur doit se placer de façon à apercevoir l'objet se détachant sur un fond obscur ; il doit en

même temps ne pas s'en tenir trop près; c'est à chacun de mesurer la distance qui convient à l'adaptation de sa vue; pour beaucoup, le maximum de visibilité correspond à la distance d'une toise, par conséquent, la chambre ne doit pas être trop claire et ne doit pas recevoir directe-tement la lumière solaire. Il ne faut pas non plus fixer trop longtemps l'effluve, mais on doit promener l'œil, tantôt sur un objet, tantôt sur l'autre, de façon à le délasser, Enfin la puissance visuelle des^sitifs n'est pas la même pour les deuxMeux ; j'y ai trouvé une différence de plus de moitié! Un cristal de roche, examiné avec l'œil gauche, présentait, au pôle positif, une effluve de 15 lignes de hauteur et de 40 lignes au pôle négatif; dans le même temps, l'œil n'indiquait que 16 a 18 lignes, et, en usant les deuxjeux réunis, on obtenait 36 et 83 lignes. Les yeux ne se comportent donc pas, vis-à-vis de l'effluve ardente, comme des spectateurs purement passifs; mais ils concourent activement, en raison de leur propre dualisme sensitif, à la création de l'image sur la rétine.

DES AIMANTS

Nous voici amenés, par notre enquête, à l'étude des aimants, dont les effluves sont également visibles le jour et an crépuscule, ou à la la lumière. Un puissant aimant en forme de barre, librement placé dans le parallèle terrestre, laissait échapper à ses extrémités, absolument comme font les cristaux, une vapeur flamboyante. Le fait se produisait aussi bien sur une petite aiguille aimantée que sur des barreaux d'acier de plusieurs pieds de long. Un barreau aimanté de 2 pieds de long, avec un pouce carré de section, disposé dans le méridien, en sens direct (le pôle négatif vers le nord}, donna une effluve ardente de 30 lignes de long a son pôle positif, tandis qu'elle n'était que de 12 lignes ù son pôle négatif.

Pour un barreau aimanté de 5 pieds de long, dans les mêmes condi-tisns, les effluves à l'extrémité négative étaient de 23 lignes, et de 48 à la positive ; renversé bout par bout dans le méridien (sens inverse), l'aimant donnait 40 lignes à l'extrémité négative et 18 à la positive.

Quand on chauffait les barreaux aimantés près du pôle à l'aide d'une lampe, l'effluve s'allongeait; un barreau de 2 pieds, placé en sens direct, donnait alors à son extrémité négative échauffée, 48 lignes; à son extrémité positive, restée libre, 16 lignes; un barreau de 5 pieds, i son extrémité négative échauffée, 50 Agnes; à son extrémité positive restée froide, 18 lignes; placé en sens inverse, au bout négatif échauffé, 55 lignes; au positif, 7 lignes. L'od négatif du feu ajoutait donc en général à l'effluve négative.

Les aimants en fer à cheval donnent des résultats correspondants. En le plaçant debout, dans le parallèle, les pôles en haut, la branche positive à l'ouest, on obtenait d'un fer à cheval de 4 pouces : du côté négatif, 14 lignes; du côté positif. 18 lignes d'effluve. — Un aimant formé de cinq plaques de métal, le pôle positif du côte* du sud, donna, au pôle négatif, une flamme bleuâtre de 17 lignes; au pôle positif, une flamme grise de 20 lignes, avec une pointe rouge. De toutes ses arêtes, les effluves montaient vers les pôles, pour former sur la section de chaque branche, aux quatre angles, des effluves plus puissantes, plus hautes, qui montaient doucement; elles se prolongeaient entre ettie par un flamboiement moins haut, affaibli, délicat au plus haut degré, qui couvrait la section. Les quatre courants extérieurs étaient tous plus puissants que les quatre intérieurs; par conséquent, pas d'attraction polaire,mais plutôt une sorte de répulsion eu égard au principe d'où découlaient les effluves. — Un autre fer à cheval, formé de cinq plaques métalliques, donna : dans le sens direct, au pôle 24 + lignes ; au pôle — 21 lignes dans le parallèle terrestre.

A l'ouest, an pôle (+), 25 » au pôle {—), 23 » A l'est, au pôle [+). 18 » au pôle (—), 21 »

Un fer à cheval de neuf plaques, pesant 24 livres, placé en sens direct dans le méridien, donna à sa branche positive dirigée au sud, 84 lignes; à la branche négative, dirigée au nord. 72 (effluve moins nette). — Avec un aimant en fer à cheval, placé debout, les deux pôles en haut, en sens direct dans le méridien, une légère inclinaison des branches (environ 12» sur l'horizon} modifiait aussitôt les longueurs des effluves. Si le pôle positif restait en-dessus, l'effluve s'y allongeait environ de 3 lignes; au pôle négatif, qui se trouvait légèrement en contre-bas, l'effluve se raccourcissait d'autant. Si au contraire le pôle négatif se trouvait en-dessus, l'effluve s'y allongeait d'autant à peu près, tandis qu'à l'autre pôle elfe se raccourcissait. Tant sont assez souvent délicates les circonstances qui modifient les effluves (les Lobées].

Une masse métallique, en forme de fer à cheval, debout dans la direcc-tion du parallèle et pesant 5 quintaux, donna à chacune de ses branches des vapeurs de hauteur égale, 54 lignes, en raison sans doute de l'égalité d'action qu'exerçait alors sur les deux branches l'induction du globe terrestre.

MAGNÉTISME TERRESTRE

Pour expérimenter la coopération du magnétisme terrestre à la formation des effluves, on prit un rouleau de fil de fer de 8 toises de Ion-

guenr et 3 lignes d'épaisseur, dans l'état où le livrent les fabricants. On le plaça sur le plancher et on en considéra les deux extrémités : l'effluve était aux deux bouts de 4 à 5 lignes. On le déroula alors de toute sa longueur et on suspendit librement dans le méridien le fil obtenu : à son extrémité négative, tournée vers le pôle nord terrestre, il donna une effluve de 8 lignes; à l'extrémité positive opposée, une de 16 lignes. La première était d'une épaisseur inusitée. Le magnétisme terrestre, dans cette expérience, n'avait donc exercé qu'une action relativement modérée. — Le sol nu, dans un champ fraîchement labouré, hersé et aplani, la terri* en un mot, récemment remuée, se montra recouverte d'une effluve de 6 à 12 lignes de haut; cela ne pouvait être mis qu'au compte de la fermentation végétale. Un couteau pointu, assujetti horizontalement dans un support, fut soumis à un mouvement lent de rotation dans un plan horizontal.

II donna : dans la direction du nord, 9 lignes d'effluve.

— — à lest, 6 —

— — au sud, 17 —

— — à l'ouest, 11 —

Une lourde enclume, amenée dans le plan du méridien, la pointe vers le sud, donna 60 lignes d'effluve à cette pointe et 36 sur la face oppoaée au nord; sur la surface polie, 3 lignes de fumée seulement. — Un cylindre de fer forgé de 10 pieds de long et de 2 pouces d'épaisseur, les bouts appointés, fut plaeé dans le méridien et donna : au sud, 114 lignes; au nord, 78. La partie supérieure de la surface cylindrique était couverte d'une sorte de duvet, qui se partageait au milieu du cylindre; de là se dirigeait au nord et au sud. en se renforçant graduellement pour se réunir aux effluves terminales. — Un tube de fonte qua-drangulaire pesant 2 quintaux, qui prenait appui sur deux chantiers en bois, donna, aux quatre angles tournés vers le sud, 6 lignes; aux quatre angles nord, 4 lignes ; le long des arêtes, 3 lignes d'effluves.—Une colonne en fonte de 9 pieds de long, pesant 6 quintaux, avec î pouces de diamètre aux extrémités, et placée dans le méridien sur deux chantiers en bois, donna, au sud, 216 lignes, au nord, 168, c'est-à-dire des effluves de 18 et 14 pouces de longueur. Une colonne semblable, en fonte, du poids de 10 quintaux, donna lieu à des effluves massives qui, à l'extrémité sud, atteignaient 264 lignes, et au nord 192 lignes, c'est-à-dire 22 et 16 pouces de longueur, avec o pouces d'épaisseur à la base du cône qui formaient les vapeurs.

Cette masse de fer, sans propriétés magnétiques, pouvait se retour-

???; on pouvait la déplacer bout par bout dans le méridien, sans influencer le phénomène; l'effluve attachée à l'extrémité tournée vers le nord se révélait toujours plus courte que celle du sud. Comme le magnétisme en général, le magnétisme terrestre a partout une influence considérable sur tes effluves et sur les principes dont elles découlent. La puissance de celle-ci dépend de la nature du pôle que l'on considère. ^

Si l'on considère les effluves de l'ensemble des cristaux à certes de l'ensemble des aimants, sous le rapport de la grandeur et en particulier de la longueur, on arrive à cette conclusion inattendue : les cristaux, sans exception, donnent naissance, au pôle positif, à mis, effluve plus court\ que celi&du pôle négatif; les aimants, au contraire, portent au pôle positif l'effluve ItX plus longue, et lit plus courte, au pôle négatif; différence qui, en grande moyenne, s'élève jusqu'au double. Si l'on considère maintenant qu'en substance le cristal est formé de matières od négatives, comme ici le spath gypseux ou le quartz; que l'aimant, an contraire, est formé d'une matière od-positive, sa masse métallique; on s'explique cette visible anomalie : on découvre, en effet, dans ces expériences que. par l'active émission des effluves, la substance à elle seule prend puissamment part aux émanations odiques de ses pôles; que, par suite, Tod négatif de la substance du gypse et du cristal de roche, pour le pôle négatif de ces cristaux; que l'od positif de l'acier pour le pôle positif des aimants, ajoutant respectivement aux effluves de ces pôles et leur assurant la supériorité, tant en ce qui concerne les quantités d'od qu'en ce qai touche aux effets de ce principe inconnu. Les valeurs intrinsèques des pôles d'un corps se présentent donc toujours comme les résultats de diverses composantes odiques appliquées aux mêmes points : magnétisme propre, magnétisme terrestre et od terrestre, genre d'od propre aux substances dont sont formés les corps, et autres causes accidentelles plus ou moins efficaces. Ces valeurs ne sont pas la conséquence d'un fait simple, mais celle de plusieurs faits juxtaposés, et l'on en trouve l'expression sensible dans la grandeur relative des effluves dont elles sont la source.

[a suivre.)

DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE

l'Epilogue d*un procès célebre

* __

Et maintenant que la tragédie est terminée, qu'Eyraud et Gabriclle Bom-pard ont « payé leur dette à la justice humaine », il nous sera permis, croyons-nous, de résumer la partie scientifique de ce procès célèbre, aux débats duquel nous avons assisté. Nous avouons d'ailleurs, saus détours, qu'il nous est agréable d'intervenir, car nous aurons à proclamer — et définitivement cetlo fois, nous l'espérons — le triomphe des idées do nos deux maîtres, MM. les professeurs Charcot et Brouardel, à la défense, desquelles, depuis plusieurs années, nous avons consacré toute noire énergie.

Bésumons rapidement le crime. Le 13 août 1889, on trouvait à Milleryun cadavre, qu'après bien des péripéties M. lePp Lacassagne, do Lyon, parvenait à faire reconnaître pour celui de l'huissier Gouffé, disparu de son domicile, à Paris, depuis le 26 juillet. Quelques mois plus tard, spontanément, l'un des auteurs de l'assassinat, la fille Bompard. venait se livrer à la justice ; puis Eyraud, son complice, ne lardait pas à être arrêté.

A la vérité, le crime qu'ils avaient commis tous les deux présentait quelques particularités dans son accomplissement ; mais, en le réduisant à ses justes proportions, on ne comprenait guère comment il avait pu passer à l'état • d'événement sensationnel ¦.

Eyraud, sorle d'aventurier à bout de ressources, s'était servi d'une fille galante, sa maltresse, pour attirer Gouffé dans un guet-apens et le détrousser. L'huissier avait été pendu, peut-être étranglé; puis les assassins avaient placé son corps dans une malle, précipitée deux jours plus lard dans les fourrés do Millery; de là ils s'étaient enfuis en Amérique.

En somme, pour nous, le drame n'était que médiocrement intéressant, mais il le devint bien davantage par suite de circonstances nées spontanément ou provoquées au cours de rinstruction.

Ce n'est pas sans un certain étonnement qu'on avait vu Gabrielle Bompard venir d'elle-même se constituer prisonnière. Son état mental devait dés les premiers interogatoires, paraître suspect à M. le juge d'instruction. « Tout était étrange dans les récits de l'inculpée, dans son langage, dans sa tenue ; elle se présentait, moins comme la complice de l'assassinat de Gouffé que comme un témoin surpris par la rapidité d'événements qui dépassaieDt les pires prévisions.

• Elle racontait les détails avec une indifférence complète cl sans remords, elle paraissait sans conscience de la valeur morale des actes qui s'étaient passés sous ses yeux. Ne devait-on pas regarder comme l'indice d'un trouble mental son retour à Paris, son imprévoyance su se mettant elle-même entre

les mains de la justice (1). » Aussi, M. Dopffer rendait-il, à la date du 19 février 1890, une ordonnance aux termes do laquelle MSI. Brouardel, Motel et Ballet étaient chargés d'examiner l'état mental de l'inculpée.

Les savants experts se mirent aussitôt à l'œuvre et constatèrent chez Ga-brielle Bompard un arrêt de développement du sens moral, sans arrêt parallèle du sens intellectuel. ¦ Si profondes — disaient-ils — que soient les lacunes du sens moral, l'intelligence esi assez ncllo pour que Gabrille Bompard sache ce qui est bien et ce qui est mal. EUe n'est pas atteinte d'aliénation mentale; rien n'établit qu'elle ait subi une contrainte de quelque nature qu'elle soit. Gabrielle Bompard ne saurait donc être considérée comme irresponsable des actes qui lui sont imputés >.

Chemin faisant, les experts avaient constaté qu'elle était atteinte de « petite hystérie» se formulant de temps en temps par des attaques légères, • très rares », elle nous l'a dit elle-même (2). Ils se disposaient à déposer leur rapport concluant, comme nous l'avons vu, à la responsabilité, lorsque, subitement, un élément tout particulier d'appréciation s'introduisit dans le débat.

Mais laissons la parole à M. le professeur Brouardel : • Nous aurions pu, dit-il, nous arièter là, mais le lendemain du juur où nous avions terminé notre examen, nous avons lu dans le journal la Revue de r hypnotisme (3), une consultation du D'Bernheio, qui déclare que cette jeune fille, qu'il n'avait du reste jamais vue, avait certainement agi sous l'influence de l'hypnotisme. Nous avons su, de plus, que certaines personnes l'avaient hypnotisée. Nous avons donc été obligés de l'examiner à ce point de vue ».

Gabrielle Bompard est une c petite hypnotique » qui entre dans le sommeil par une attaque d'hystérie; rien n'indique qn'elle ait obéi à une suggestion dans la perpétration d'un crime longuement mûri et prémédité, pour lequel elle a fait preuve, à plusieurs reprises, de véritable initiative; enfin elle a répété à satiété, l'instruction en fait foi, que jamais Eyraud n'a pu parvenir à l'hypnotiser. De semblables raisons, émises par de telles autorités, devaient suffire pour écarter au plus loin l'hypothèse même de la suggestion. Mais il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

Eyraud a été arrêté sur ces entrefaites ; tout le roman inventé par Gabrielle Bompard s'est écroulé; sa complicité consciente éclate à tous les yeux... et son avocat se raccroche désespérément à cette branche de salut que M. Bern-heim vient lui tendre au moment où il s'en doutait le moins : On plaidera la suggestion!

Et pendant ce temps, M. Beruheim et son École sont dans la joie. Enfin! on va donc pouvoir se relever du lamentable échec éprouvé au Congrès de ÍHypnotisme. Le voilà, ce crime par suggestion tant rêvé, tant désiré, dont la réalité doit confondre à tout jamais les sceptiques de Paris.

(I) Rapport de MM. Brouardel, Motel, Ballet; in VA/Taire Gouffé, par Lacassagne, In*, 1891, p. 67.

(£)Gazett*des Tribunaux, 10 déc. lSyO.p. 1,210,3" col. Déposition dt M. Brouardel. (3) !• année, 1839-1&U, p. 226.

Les journaux politiques, enchantés de l'aubaine, exploitent cette nouvelle mine et se préparent à servir à leurs lecteurs un vrai régal, un spectacle à la Molière : doux Ecoles rivales s'apprêtent à s'entre-déchirer, et cela dans le prétoire!

Pour l'intelligence de ee qui va suivre, il est utile d'ouvrir une parenthèse ; nous venons de parler d'Écoles ; il est nécessaire de s'entendre.

Depuis 1860, un homme éminent, dont nous sommes fier d'être l'élève, a fondé, par un labeur opiniâtre, dans ce vaste asile de la Salpêtrière, qu'il n'a jamais quitté, un enseignement connu du monde entier. Avec les années, les élèves sont groupés autour du maître, formant une Ecole ayant ses doctrines, presque déjà ses traditions, qu'elle s'efforce d'appliquer à l'étude des maladies nerveuses, si mal connues avant l'intervention de son chef.

Entre temps, dès 1878, M. Charcot, rompant en visière avec les préjugés les plus ridicules, n'a pas craint d'aborder le redoutable problème de l'hypnotisme. Procédant avec la rigueur scientifique qui l'a conduit dans l'interprétation des maladies organiques du système nerveux à tant de mémorables découvertes, il reconnaît, dans l'hypnose, une véritable névrose provoquée, i déterminisme spécial caractérisé, dans ses formes typiques, par l'hyperexci-bilité neuro-musculaire, les tracés respiratoires et musculaires de la catalepsie, les modifications des excréta urinaires et bien d'autres phénomènes impossibles à simuler. Du même coup, il insiste sur l'existence des formes frustes imparfaites, symplomalologiques de ee qu'il a appelé le grand hypnotisme (1).

Lentement, patiemment, il en fixe les symptômes, fait le bilan des quelques avantages (2) qu'on peut en retirer dans la cure des affections dynamiques et place eu regard le tableau des dangers qu'offre le sommeil provoqué entre des mains inexpérimentées. Enfin il l'applique avec te plus grand bonheur à l'interprétation, à la compréhension rationnelle d'un grand nombre do phéuumèucs Uislériques.

Au point do vuo médico-légal, il existe un crime, le viol commis par l'hypnotiseur sur lo sujet endormi, ainsi que le démontrent péremptoirement les si remarquables l'appris de M. BrouardeL Quant au crime par suggestion.

(1) Dans un article du Temps (29 janvier l891),paru depuis la composition du présent Bulletin, il. Bernheim. appréciant les opinions de la Salrvirière en matière d'hypnotisme, dit on peu dédaigneusement : « Cest un ensemble de faits expérimentaux plutôt qu'une doctrine, car tes faits sont exposes sans interpretatum théorique. Singulière appréciation pour un homme inféodé, loi aussi, nous l'espérons, à la science expérimentale. D'ailleurs, après la discussion, nos lecteurs jugeront de la valeur des théories de Nancy, comparées aux faits expérimentaux de la Salpêtrière.

(2) L'École de Paris n'a pas tiré d'applications pratiques de son enseignement. L'Ecole de Nancy emploie la suggestion dans on but Thérrapeutique. (Temps, toc., cit.). M. Bernheim sait pourtant bien le contraire. Pratiquement. M. Charcot s'est servi de l'hypnotisme pour interpréter la majorité des phénomènes hystériques. U n'ignore pas que nous avons consacré le chapitre IX de notre travail, inspiré par M. Charcot, '('Hypnotisme), etc. 1887, aux applications thérapeutiques de l'hypnose. Il est vrai que cet applications doivent paraître bien timides à M. Bernheim, qui guérit la dysenterie par suggestion (Hypnotisme, 1891, p. 458). Noos choisissons ce cas parmi un grand nombre d'autres de mémo signification.

les investigations les plus minutieuses montrent théoriquement et pratiquement môme qu'il ne franchit pas la porte des laboratoires. Violentez, si vous le pouvez, l'esprit du sujet endormi au point de lui faire accepter une suggestion criminelle ; au moment de l'échéance fatale, le physique cédera et une attaque d'hystérie se substituera à la volonté de l'hypnotiseur. Car, il ne faut pas l'oublier, les sujets, chez lesquels il existe les stigmates insimu-lables de l'hypnotisme, sont tous des hystériques. Pratiquement, chaque fois que l'hypnose a été portée devant les tribunaux, ses victimes, hommes et femmes, étaient tous des hystériques caractérisés.

Pendant que M. Charcot poursuivait le cours de ses travaux, et qu'au point de vue médico-légal, chaque nouvelle cause donnait raison à ses doctrines, M. Bemheim, professeur à la Faculté, fondait à Nancy, vers 1882, une École d'hypnotisme et émettait des théories dont l'application était extraor-dinairemenl séduisante par les résultats qu'on en pouvait tirer; nous allons en juger. Ces théories étaient, du reste, le contre-pied de l'enseignement de Paris.

L'hypnotisme n'est plus une névrose, une modification de l'organisme dans un sens pathologique; c'est un étal physiologique et le sommeil provoqué ne diffère de l'état normal qu'en ce qu'il rend le sujet plus apte à recevoir la suggestion (1).

La suggestion ! ce mot magique explique tout. Vous endormez un sujet malgré lui, en frappant un coup de gong à l'improviste : suggestion; pendant l'état léthargique, vous faites contracter les muscles de l'avant-bras en pressant exactement sur le nerf curbital : suggestion ; les tracés respiratoires de la catalepsie, les-modifications des excréta urinaires : suggestion (2), auto-

(1)« Il ne faudrait pas croire, dit M. Bernheim.que les sujets impressionnés soient tous des névropathes, des cerveaux faibles, des hystériques, des femmes; la plupart de rues observations se rapportent à des hommes que j''ai choisis à dessein pour répondre a cette objection. » (De la suggestion, 2e éd. I888). Comme si les hommes ne payaient pas un lourd tribut à l'hystérie Quo M. Bornheim relise donc h ce propos son observation VI ! 11 est donc bfea entendu que les observations rapportées par M. Bernheim sont démonstratives et que la majorité des sujets qu'il endort ne sont pas des névropathes. Analysons donc ces faits probants. Us sont au nombre de 150, comprenant 61 hommes et 44 femmes, et se répartissant ainsi qu'il suit, d'après M. Bernheim lui-même : A. Affections organiques du système nerveux, 10. — B. Affections hystériques, 17. — C. Affections névropathiques. 18. — D. Névroses diverses, 15. — E. Parésics et paralysies dynuriques, 3. — F. Affections gastro-intestinales, 4. — G. Douleurs diverses, 12. — H. Affections rhumatismales, 19. — I. Paralysies, 5. — J. Troubles menstruels, 2. Et M. Bernheim, après une telle énumérauon, affirme que ses sujets ne sont pas des névropathes, puisqu il veut bien employer cette expression. Est-ce que 70 sur 105 de ses malades ne sont pas des nerveux au premier chef? Que serait-ce donc si les sujets navaient pas été • choisis à dessein pour répondre à cette objection?

(2) 11 est singulier de voir que jamais, dans ses nombreuses publications, M. Bernheim n'a dît un mot sur les troubles de la nutrition dans Chypnose (Ströbing : Archiv, fur kl. Med., Bd 27. p. 3. — Brock. Ueben stoffliche Veranderungen bei der Hypnose. Deut, med. Woch.,1880, n° 45. — Gürtler- lieber Veranderungen im Stoffwechsel unter dem Einfluss der Hypnose. Inaug. Diss., Breslau. I8S2. — Gilles de la Tourette et Caihe-lineau. Za .Nutrition dans l'Hypnotisme. Progrès medical, 26 avril 1890 et Ibid. 20 décembre 1883. réponse à MM. A. Voisin et Harant). Il est, en effet, fort difficile de soutenir que l'abaissement du taux du résidu fixe, de l'urée et des phosphates, et l'inversion de ta formula de ces derniers sont des phénomènes d'ordre suggestif.

suggestion; tout est suggestion, à commencer par l'hémianesthésie hystérique, les zones hystérogènes et les quatre périodes de la grande attaque (1).

Et ce n'est plus par les seuls hystériques, comme â la Salpêirière, que la suggestion agit. M. Bernheim se fait fort de suggestionner les 9/10 des malades de son service de clinique (2) : tuberculeux, brightiques, rhumatisants, etc., etc.

Entre les mains du professeur de Nancy, la suggestion acquiert une portée énorme; le domaine désaffections dynamiques ne lui suffit plus. Les élèves accourent de toutes parts et volent sur les traces du maître qu'ils devancent peut-être, et alors, dans tous les coins du monde, de l'Ancien et du Nouveau, se fondent des Écoles où sont traitées avec un égal bonheur la chaude-pisse et les phlegmons (3), les bronchites et les hémorrhoïdes (4), l'hydropisie, le mal de Brigh, l'aphasie, l'atrophie du nerf optique (5), etc., etc. Enfin, la panacée universelle est découverte, Mesmer est ressuscité, l'hypnotisme détrône le cubèbe et moralise les jeunes détenus (6) 1

Au point de vue médico-légal, le seul qui nous intéresse véritablement aujourd'hui, l'École de M. Bernheim ne reste pas inactive ; elle a pour représentant attitré M. Liégeois, professeur à la Faculté de droit de Nancy, qui, lui aussi, dans son domaine, tient haut et ferme le drapeau de la suggestion. Sous son influence, on peut conjmettre des actes délictueux et criminels sans nombre, faire signer de faux testaments, empoisonner toute une famille. La suggestion estl'épée de Damoclès constamment suspendue sur nos tètes. Qu'on en juge plutôt : « En attendant que la lumière se fasse, dît M. Liégeois (7), les personnes qui rêvent à haute voix et qui semblent a priori plus

(1) Voy. Bernheim : Hypnotisme, suggestion, psychothérapie, in-8° 1801, passim et particulièrement Leçon IX.

(2) M. Bitot, chef de clinique de M. le prof. Pitres, de Bordeaux, écrit (Note sur l'hystérie mâle. Mercredi médical, 21 janvier 1891, n° 3, p. 26). L'hypnotisation a été tentée chez tous les malades (nommes hystériques). Pour l'obtenir, noua avons fait appel aux divers procédés indiqués. Grande s été notre déception de voir l'inefficacité de nos tentatives réitérés chez 21 malades sur 22! Si nous n'avions auparavant hypnotisé pas mal d'hystériques femmes, quand nous prenions leurs observations, nous eus* sions volontiers" mis nos insuccès sur le compte de notre inexpérience. Néanmoins, voulant n'avancer que des faits précis, nous avons maintes fois livré nos malades à d'auu-es mains plus habiles que les nôtres. Elles ne réussirent pas davantage. Dés lors, notre opinion fut arrêtée et nous considérâmes comme trop hasardée ta doctrine de ceux qui accordent à tous les tempéraments, même en dehors des névropathes, la possibilité d'être hvpnotisés. Nous n'aurions pas mieux demandé, d'ailleurs, que d'arriver à un résultat, car c'eût été une grande satisfaction que de guérir par suggestion plusieurs sujets dout l'état est resté stationnai»

(3) Fontan et Segard (Toulon). Éléments de médecine suggestive, Paris, 1887, p. 110 et suivantes.

(4) Osgood (Boston).The therapeutic value of suggestion during the hypnotic state; with an hystorical sketch of hypnotism and reports of hyrty four cases. The Boston médical and surgical Journ., nos 18 el 19, 1890, cas 10,14,15, etc.)

(5) Wetterstrand (Stockolm), van Renierghcm, van Eeden (Amsterdam). (Revue de l'Hypnotisme, 3° année, 1859, p. 146 et Comptes rendus du 1er* Congres internal de l'Hypnotisme, p, 60, 79, etc.)

(6) Bérillon Comptes rendus du 1" Congrès de l'Hypnotisme, p. 157.

(7) De ta Suggestion hypnotique dans ses rapports avec le droit cicil et criminel. Paris 1834, p. 60.

hypnotisâmes que les autres, agiront prudemment en ne regardant pas trop longtemps et avec trop grande fixité des étrangers, des inconnus, avec lesquelles elles se trouveraient seules, par exemple, dans un compartiment de chemin de fer. »

Le nombre des hypnotiseurs-amateurs augmentant tous les jours, on s'étonne véritablement comment on ose encore sortir de chez soi.

Pendant ce temps, et sans se laisser déborder par l'enthousiasme qui accueillait les doctrines si faciles de l'École de Nancy, la Salpétrière poursuivait le cours de ses travaux, essayant de guérir (1) les victimes des Hansen et des Donato, auxquels M. Liégeois (2) pense « qu'on doit une certaine reconnaissance pour la pari qu'ils ont prise à la propagation de l'hypnotisme ».

Restant uniquement sur le terrain scientifique, contrôlant au point de vue médico-légal ses théories par les faits qui lui étaient fournis par M. Brouar-del, elle répondait à M. Liégeois : t Mais tous ces crimes commis par les somnambules, dont vous parlez tant, montrez-nous-en donc un seul, un véritable, par exemple, et alors nous verrons à être convaincus. »

Et M. Liégeois de répondre, poussé dans ses derniers retranchements : « En vérité, faudrait-il donc, pour faire prendre au sérieux la suggestion, apporter à nos contradicteurs un crime réej, un cadavre véritable? Gela, nous ne pouvons le faire, on le sait bien, et alors on s'empresse d'en triompher (3). »

C'est sur ces données que s'ouvrit le premier Congrès de l'Hypnotisme qui se tint à Paris, au mois d'août 1889.

Là encore, pas de cadavre, des expériences, des crimes de laboratoire. On eut beau épiloguer, sur l'affaire La Roncière Le Noury, Dlysse X., Emile D., tous les sujets hystériques agissant spontanément (4) dans une période som-nambulique de leur affection, il sortit net des débats que le crime sur l'hypnotisée, le viol, était seul démontré dans l'état actuel de la science hypnotique.

M. Liégeois affirma bien que certaine Annette G... — son avocat le lui avait dit — avait volé par suggestion une couverture de trois francs; mais la malade, hystérique comme toujours, et do plus morphinomane, placée en observation dans le service de M. Charcot. fut reconnue comme étant réfrac-taire à l'hypnotisme.

(I) Charcot. Accidenta hystériques graves survenus chez une femme à la suite iChypno-lisaiions pratiquées par un magnétiseur dans une baraque de féte.— {Revue de l'Hypnotisme, 1888, p. 3, etc.)

De ta suggestion et du somnambulisme dans leuri rapports avec la jurisprudence et ta médecine légale, 1889, p. 728.

(3) IbttL, p. 637.

vl) 11 est singulier de voir la confusion que M. Liégeois établit sans cesse pour soutenir ses théories avec les états spontanés (états seconds ou accès spontanés do somnambulisme hytériques) qui n'ont absolument rien A. faire avec l'hypnotisme et la suggestion, et'les états provoqués, les seuls dout il devrait légitimement se préoccuper dans la matière. Ce n'est pourtant pas faute de le lui avoir fait remarquer a plusieurs reprises.

C'était un échec, à n'en pas douter. Enfin, la suggestion — au criminel — n'éttit peut-dire pas aussi terrible que Nancy l'avait faite. Débarrassé de ce cauchemar, on allait pouvoir respirer un peu, lorsque, fortune inespérée, l'affairo Gouffé vint remettre toute la question sur le tapis. Et quel public on allait avoir : le grand public, qui juge sainement, lui, à l'inverse des médecins qui, eux, sont « remplis de préjugés (1). » Et là, on ne pouvait le nier, il y avait un cadavre véritable, à moins que H. Lacassagne. suggestionné a son tour, n'eut disséqué un huissier fictif.

Le thème adopté pas l'École de Nancy était, suivant le canevas, rempli par M. Bernheîm lui-même (2) :

c Gabrielle Bompard est éminemment suggesiible : elle est certainement hvpnotisable. Mais le sommoîl provoqué n'est pas nécessaire pour éveiller sa suggestion lté, celle-ci est naturellement développée. Elle s'est donnée corps et ime à Evraud, hommes d'affaires vermoulu, beaucoup plus âgé, vivant d'expédients: elle qui est jeune, agréable et faite pour réussir dans le demi-monde, elle reste sous la domination d'un être qui l'exploite, qui la bat, peut-être. Docile à ses suggestions, elle se laisse aller a lui amener l'huissier qu il veut assassiner; elio assiste au meurtre, elle y collabore, elle aide à le ficeler, à coudre le sac où on met le cadavre; elle passe la nuit arec le cadavre... »

Et sur la demande du défenseur de l'inculpée, M. Liégeois — au caracière el à la conviction duquel nous sommes heureux de rendre un public hom-- mage — accepte de se rendre à Paris, aux lieu et place de M. Bernheîm empêché. En pleine communauté d'idées avec ce dernier, il le prétend, du moins (3), il va s'efforcer de confondre le rapport des experts qui ont conclu que la suggestion n'avait que faire dans ces débats et que Gabrielle Bempard était parfaitement responsable du crime qui lui était reproché.

Il vient el, devant la Cour et le jury, réédite dans ses grandes lignes le plaidoyer qu'il avait déjà infructueusement prononcé au Congrès de l'Hypnotisme sur la suggestion criminelle. Des faits probants, il n'en a pas à exposer plus qu'à cette époque; des crimes de laboratoire, par exemple, ses mains en sont pleines. Puis il se livre à une dissertation — que nous nous permettrons de trouver scientifiquement fantaisiste — sur la condition seconde qui est « el je suis, dit-il, je crois le premier (4) qui s'en soit aperçu, l'état spécial dans lequel des crimes ont pu être commis, soit dans la sug-

(1) Ibid. introduction, p. V.

(2) Revue de l'Hypnotisme. 1880.1890, 3e année, p. 266.

(3) M. Bernheim semble depuis avoir complètement renié M. Liégeois, car il prétend maintenant « qu'en réalité, dan» le procès bouffé, la question n'a nullement porté sur les doctrines divergentes des deux Écoles » (Temps. 29janvier 1891). Cette affirmation paraîtra-absolument extraordinaire à tous ceux oui ont tu ou suivi les débats ; nous apprendrons bientôt que M. Liégeois était venu pour soutenir ce rapport des experts de Paris

(4) Il est singulier de voir la façon dont on écrit parfois l'histoire. L'Ecole de Nancy daterait de 1866, époque à laquelle un modeste praticien de cette ville, M. Liébeault publia un livre, véritable code de la suggestion. Il est vrai que jusqu'en 1881-1883, les assertions de M. Liébeault ne trouvèrent que des incrédules.» (Bernheim. De ta Suggeston, 1886, p. II) Cesl à peu près comme si M. Liébeault se disait le continua -tear de l'abbé Faria, auquel il a emprunté sa doctrine el se* procédés suggestifs. Au point de vue médico-4égal. l'Ecole de Nancy reconnaît d'abord M. Liébeault (186b;, pats... M. Liégeois, (Ac. des Sciences, 1884) Impossible d'obtenir de M. Liégeois, dans

gestion hypnotique, soit dans la suggestion à l'état de veille (1). » Gabrielle Bompard a été mise en état second par Eyraud, c'est pourquoi elle ne se souvient pas d'avoir été hypnotisée par lui ; c'est en condition seconde qu'elle a commis son crime, qui est un crime par suggestion dont elle est irresponsable. Ainsi s'effondre le rapport des experts.

Ah! vous parlez de condition seconde, répond M. Brouardel, avec cette éloquence nette et incisive qui lui est si particulière, mais, puisque vous avez si bien étudié cet état, vous ne devez pas ignorer que c'est un véritable somnambulisme provoqué ou spontané.

El le somnambule, — c'est votre École qui l'enseigne — n'est-ce pas un véritable automate qui, s'il a accepté une suggestion, va droit au but « comme la pierre qui tombe » sans ambages, avec l'abnégation entière de sa personnalité, indépendamment de toute initiative. Le crime en somnambulisme! mais c'est plus encore que dans le drame antique l'unité de temps, de lieu et d'action qui doit présider à sa consommation, sous peine d'échec absolu. Aussi, pour ma part, « je ne connais comme ayant été accomplis sous l'influence de la suggestion que des actes très simples ».

« Or Eyraud part dans les derniers jours de juin pour Londres. Gabrielle Bompard reste à Paris, va louer un petit rez-de-chaussée, rue de Berne; elle débat les conditions du louage, verse des arrhes; elle va à Londres; elle retrouve Eyraud ; elle revient seule, puis retourne à Londres, ramène Eyraud. va louer avec lui rue Tronson-Ducoudray... Ne voyez-vous pas là des faits admirablement combinés et soutiendrez-vous sérieusement que, pendant tout ce temps, elle était dans un eut second?

« Maintenant on dit : « Il est possible que Eyraud, fort au courant des pratiques hypnotiques, lui ait défendu de se souvenir (2) ».

Pourquoi alors raconte-t-elle avec une précision si extraordinaire tous les deuils du crime. Eyraud, si suggestion il y a, aurait au moins commencé par lui suggérer qu'il n'était lui-même pour rien dans son accomplissement.

« La vérité, c'est que, lorsque deux personnes vivent ensemble, l'une a sur l'autre une ceruine influence.

« Voyez jusqu'où l'on peut aller avec vos théories. J'ouvre le livre de M. Bernheim. Qu'est-ce que j'y trouve? Que Troppmann avait commis son crime sous l'influence d'une auto-suggestion, parce que, dans son enfance, il avait lu une scène semblable dans un roman de Ponson du Terraîl. Dans le même livre, je vois, au sujet de l'affaire Fenayron. qne M— Fenayro, a agi d'abord sous la suggestion d'Aubert, pois sous'la suggestion de -on mari... Et la conclusion c'est qu'elle n'y était pour rien. Elle cédait d'un eôté, elle cédait de l'autre. Voilà toute la suggestion. •

Gabrielle Bompard est dans ce cas. — « Vous ne nierez pas, m'a-l-on dit, qu'elle ail été autrefois endormie et hypnotisée ». Ceriainement non. —

ses diverses publications, ainsi que le lui a reproché publiquement il. Guemionprez. (C. R. Congrès de l'Hypn., p. 208), do citer l'œuvre de Charpignon : Rapports du magnétisme avec la jurisprudence et la médecine légale, 1860. Il est vrai que les opinions de cet auteur vont juste, la plupart du temps, à l'encontre de celles de M- Liégeois. Nous pouvons cependant concéder à ce dernier que personne ne lai contestera la priorité de l'idée qu'il se fait de Mal second.

(1) Gazette des Tribunaux, 20 déc. 1990.

(2) Gazette des Tribunaux, 20 décembre 1890, p. 1,.214,3° col.

M. le Dr Sacreste lui suggérait de se bien conduire; vous voyez combien la suggestion a été efficace. — « Mais, répond le témoin, si elle n'obéissait pas, c'est qu'il y avait en présence deux influences contraires : la mienne, qui cherchait à la ramener au bien, et celle du négociant de Lille qui l'en détournait ù.

I « Cest cela, répondrai-je : Elle a été tout naturellement à la suggestion qui lui était la plus agréable. Je n'ai jamais dit autre chose (1) ».

La cause était entendue, et dans un magnifique réquisitoire que nous n'apprécions qu'au point de vue scientifique, M. Quesnay de Beau repaire, établissant entre les doctrines de l'École de Paris et de l'École de Nancy un parallèle qui n'était pas à l'avantage de celte dernière, adoptait complètement les opinions de nos éminents maîtres.

Phénomène singulier, la défense, qui avait elle-même amené les experts et l'accusation sur ce terrain mobile de l'hypnotisme médico-légal [lequel a beaucoup mieux à faire de se recueillir que de se livrer en pâture à un public incompétent), jetait à son tour par-dessus bord les théories de l'École de Nancy sur lesquelles elle avait fondé tant d'espoir. Qu'on en juge plutôt :

t Vous avez tous demandé à la fille Bompard, s'écriait l'honorable défensour (2), comment les choses se sont passées. Moi, je vais vous le dire. Gabrielle Bompard a voulu exécuter l'ordre quelle avait reçu. Elle avait entre les mains la cordelière, elle s'est avancée, mais elle n'a pu réaliser l'acte criminel— A ce moment elle a eu une attaque de nerfs, et alors Evraud s'est Jeté sur Gooffe et l'a élran-glé. »

L'attaque d'hystérie terminale, mais c'est là l'enseignement de la Salpe-trière!

Conclusion : vingt ans de travaux forcés de la pari du jury réfraclairc aux suggestions de M. Liégeois. Et un auteur, que l'Ecole de Nancy ne suspectera pas en pareille matière, résumant les débals (3), s'exprimait ainsi: « L'intervention de M. Liégeois a-t-elle été utile à l'accusée? sur ce point les avis sont partagés. Mais rimpression générale esl que les doctrines de l'Ecole de Nancy ont essuyé, sur le terrain juridique, une défaite, d'autant plus regrettable que rien ne justifiait en cette occurrence la nécessité do livrer bataille. Elle n'a plus qu'à attendre qu'une occasion favorable, qu'un crime qui soit manifestement le résultat d'une suggestion criminelle, lui permette de prendre une revanche éclatante. Jusqu'à ce moment elle doit se recueillir, compléter ses recherches par de nouvelles expériences, affirmer son existence et sa vitalité par des travaux qui défient toute critique. »

Sages conseils, car la science n'a rien à gagner à de pareils débals!

Gilles db; la Tourette.

(1) GautU dsi Tribunaux, 19 décembre I8W, p. 1,211, s* col. (!) GaulU da Tribunaux, 21 décembre 1890, p. 1-219. 3* col.

(3) «rtw de rHypnotitm*, t? ann*«h 407, janvier lfcVl : L'Hypnotisme à la Cour *~attuai, par E. Berrulon.

sociétés savantes

SOCIÉTÉ DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE (Séance de décembre 1890. — Présidence de M. Gilbert Ballet.)

Impressions visuelles notées par des sensitifs.

M. de Rochas communique à la Société une série d'aquarelles représentant les lueurs odiques émises par des aimants, des cristaux, des végétaux, des animaux et des sources diverses de lumière.

L'auteur de ces dessins est un jeune peintre qui voit (ou croit voir) des effluves, diversement colorés, s'échapper de la plupart des corps lorsqu'il est mis dans un état déterminé de l'hypnose qui a été désigné sous le nom d'état de rapport (1).

M. de Hochas rappelle que ces lueurs ont été étudiées, dès la ûn du xvin0 siècle, par Trady de Montravel, puis, au milieu du xix* siècle, par un chimiste autrichien, le baron de Reichenbach. Mais, jusqu'à présent, on avait dû se contenter des descriptions, plus ou moins vagues, données par les sujets; aujourd'hui on a, grâce aux dessins en quefiion, qui sont exécutés d'après nature et sans questions suggestives, des documents nouveaux permettant d'analyser, avec moins de chance d'erreur, ce curieux phénomène.

Si l'on conduit, en effet, les expériences avec méthode et conscience, on n'est plus exposé à rejeter, comme entachées d'erreurs fortuites, toutes les manifestations qui ne cadrent pas avec une théorie préconçue. Les dessins sont des pièces précises, invariables qui s'accumulent jusqu'au moment ou l'on pourra en dégager une loi physique ou reconnaître quo le sujet est sous l'empire d'une hallucination persistante du ressort de ta physiologie.

M des Rochas, qui poursuit ses recherches depuis une dizaine d'années, en est arrivé à considérer, comme à peu près certaine, l'existence d'un mode spécial de vibration de l'éther perçu par les senitîfs; mais, jusqu'à présent, il a trouvé de telles discordances entre les phénomènes décrits par les différents sujets, qu'il ne croit pas qu'on puisse encore formuler des lois générales. Ce serait déjà un grand progrès si l'on arrivait à déterminer les causes qui produisent ces divergences.

chronique et correspondance

Un Précurseur lyonnais de l'Hypnotisme.

La Société des Amis de l'Université de Lyon a organisé une série de conférences fort goûtées du public érudit de cette ville.

La dernière conférence était faite à la Faculté de Médecine par M. Bertrand, professeur à la Faculté des Lettres. Elle avait pour sujet: « Un précurseur lyonnais de l'hypnotisme ».

M. Bertrand avait trouvé par hasard, à l'étalage d'un bouquiniste, un livre du

(1) Ut Étale profonds de Chypnose, par 31. de Rochas. (Revue de C Hypnotisme. 1888.)

Dr Petetin, «t il t'était aperçu que le médecin lyonnais irait précédé d'un siècle tout ce qui s'était dit ou écrit sur l'hypnotisme, soit par l'École de Paris, soit par celle de Nancy.

Petelin naquit à Lons-le-Saunier en 1744 et mourut à Lyon en 1808. D fit ses étude* à Lyon, les continua a Besançon où, comptant faire sa théologie, il entra, par erreur, dit-il. dans un cours d'anatomie et trouva sa vocation dans la médecine.

Reçu docteur k Montpellier, il s'établit à Tournut. puis a Lyon, publia dans celte ville le Journal dot Maladies régnantes, fut agrège au Collège des Médecins, président de la Société de Médecine et membre de l'Académie de Lyon.

Ses ouvrage* sont nombreux : ils ont été publiés par non fil*. On remarque un Mémoire sur l'k'tabtissement des cimetières hors de la ville, tels qu'on tes établit plus lard ; un autre où il fait la psychologie des Lvonnais.

On lit dans ce dernier, k propos des Lyonnaises, cette phrase qui montre qu'elles n'ont pas démérité : « La bienfaisance, vertu ches les hommes, cesse d en être une chex elles, tant elle leur est naturelle ».

Au sujet de l'hypooiisme. il publia, en 1785, un Mémoire sur la Catalepsie, et son fils publia en 1808 : De l'Électricité animale.

M. Bertrand prouve par des citations du docteur Petelin, que celui-ci signala le premier tous les phénomènes de transfert des sens, d'alternance de la mémoire, de dédoublement de la personnalité, de suggestion enfin, que d'autres examinèrent plus tard. Si les deux écoles de Paris et de Nancy se disputent l'honneur d'avoir découvert la suggestion, elles peuvent se mettre d'accord, car ce n'est ni l'une ni l'autre, c'est un Lyonnais qui fut l'auteur de cette remarquable découverte.

C'est k Petelin qu'une cataleptique répondait à la question : « Que pensez-vous de la médecine ? — C'est un bel art. Le ciel éclaire ses succès et la terre couvre ses bévues ».

Lui-même déclarait, dans une pièce en vers, avoir trouvé le remède à toutes les maladies. Il racontait qu'appelé par un malade à Trévoux el s'étant arrêté en roule par suite d'une chute dans la Saône, le malade ne s'en était pas moins trouvé guéri. El il ajoutait :

De ce fait nous devons conclure. San* trop troubler notre cerveau. Ou* pour faire une belle cure U tout jeter docteur i l'eau :

Le docteur Petelin ne fut pas un cas isolé à Lyon; il y existait parfaitement alors une véritable Ecole lyonnaise d'hypnotisme !

On a pour preuve le temple de Cagliostro, les expériences de Mesmer reproduites fréquemment.

Un des adeptes les plus connus fut l'avocat Bergasse. Ampère fui, toute sa vie, partisan du magnétisme. Laurent de Jussieu. un autre Lyonnais, refusa de signer avec ses collègues de l'Académie des Sciences, la condamnation du magnétisme el fit même un rapport favorable, en 1784, l'année même où paraissait le livre de Pdtelin sur celle question. Petelin était un homme d'un grand caractère, de beaucoup d'esprit, et il rendit aux Lyonnais de grands services.

M. Bertrand demande qu'on donne son nom à une rue de Lyon ou qu'on lui élève du moins un buste. Il le mérite d'autant plus qu'il lut en quelque sorte le patron de l'Université de Lyon, puisqu'en 1804 il fit un rapport très éloquent pour démontrer que le Gouvernement devait fonder à Lyon une école de médecine : il s'appuyait sur ce que Lyon était habile par d'illustres médecins, qu'on y trouverait un corps de professeurs tout désignés, que la ville avait de splendides hospices, un Jardin botanique, une bibliotbèque très riche, une campagne très fertile.

Ces raisons sont encore les nôtres. Si M. Peietin revivait parmi nous, il serait heureux do voir fondera Lyon une Université, mais il le serait moins de voir son nom oublié et ses livres inconnus.

Notre devoir est de faire revivre see idées en célébrant sa mémoire et réimprimant ses ouvrages.

La conférence de M. Bertrand, bute avec beaucoup d'érudition et d'esprit, a été très goûtée des auditeurs.

Hôpitaux de Paris.

MM. Charcot, Potain. Mesnet, Vidal, Laboulbène, Féréol, nés en 1825, sont atteints par la limite d'âge commo médecins de* hôpitaux; mais MM. Charcot et Potain. qui ont leur service à l'hôpital à titre de professeur de clinique à la Faculté, conserveront ce service tant qu'ils seront professeurs, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de 70 ans. et même M. Charcot, qui joint à ces titres celui de membre de l'Institut, aura le droit de conserver ses fonctions jusqu'à Page de 75 ans, c'est-à-dire Jusqu'à la fin de l'année 1900.

MM. Mesnet. Vidal. Laboulbène et Féréol deviennent médecins honoraires des bôpitaux. B j avait déjà seize médecins honoraires, MM. Maruiie, Barthez, Boger. Malice, Moissenet. Bourdon, Bergeron, Bouchut, Hervieux, Hérard, Guiboul, Hardy, Moutard-Martin (Kugèno|, Laillier, Empis ét Labrie.

Parmi les chirurgiens des hôpitaux, aueun n'est atteint cotte année par la limite d'Age, fixée pour eux à 62 ans. Il en sera de memo l'an prochain; M. Tarnler. né en 1828, et M. Le Fort, né en 1829, étant tous deux professeurs de clinique à la Faculté, peuvent garder leurs services pendant huil ans de plus.

Il y a actuellement hull chirurgiens honoraires. MM. Maisonneuve, Marjolin, Dé'ormeaux, Alpb. Guérin, Cusco, Cruveithier fils (démi-sionnaire en 1887), Richet et Marc See.

Chose singulière, alors que les meilleurs de nos médecins des hôpitaux sont immédiatement mis à la retraite dès que la limite d'âge est arrivée, un médecin de l'Hôtel-Dieu, M. Germain Sée, âgé de beaucoup plus de 70 ans, semble planer au-dessus de tous le« règlements. M. Sée, qui n'est pas membre de l'Institut et qui a d'ailleurs peu de chances de le devenir, n'a aucun titre à rester on fonctions. Est-il indiscret de demander les causes de cette inexplicable autant qu'injustifiable anomalie?

C'est avec regret que les nombreux élèves de M. le Dr Mesnet apprendront ta retraite prématurée de ce maître si bienveillant

Malgré les longs services qu'il a rendu dans les hôpitaux de Paris. M. Mesnet est resté Jeune. Espérons que nous aurons souvent l'occasion de l'entendre à l'Académie de médecine, où sa parole fait autorité dans toutes les questions qui relèvent de la médecine legale et de la médecine psychologique.

Le Crâne de Mozart

On sait que Joseph Kirtl, le grand anatomice autrichien, âgé de quatre-vingt-onze ans, a reçu des mains de son frère le crâne authentique de Mozart

Une information relative à cette précieuse relique, publiée par le Nouveau Tagolatt, de Vienne, il y a quoique» jours, avait été miso en doute per un certain nombre de lecteurs de la feuille viennoise.

Pour meure tin à leur incertitude, le rédacteur adressa au savant vieillard ont lettre dus laquelle il le priait de lui donner quelques détail* relatifs au crâne de Mozart; et lui demandait si, réellement, il avait l'intention de l'offrir au musée de la ville de Vienne.

Mme Kyrtl vient d'écrire au rédacteur la lettre suivante, datée de Pcrchlolsdorf, où le savant demeure une parlîe de l'année :

c Vous pouvez affirmer que le crâne de Mozart, remis à mon mari par son 4 frère, se trouve effectivement en sa possession ; mais tous les vceux tendant à sa « cession à la ville de Vienne peuvent être considères comme inutiles, mon mari * « avant légué, par testament, le crâne de Mozart à la ville de Sabbourg. »

Interdiction des séances publiques d'hypnotisme à. Lyon.

M. le maire de Lyon vient de faire afficher l'arrêt suivant sur le» murs de cette ville :

« Considérant que les séances d'hypnotisme et de suggestion, données dans les esies-concerta de Lyon, sont parfois indécentes, provoquent des incidents scandaleux et jettent la perturbation dans une partie des spectateurs :

« Arrêtons :

« Article premier. — D est interdit aux directeur» on propriétaires de cafés-concerts de donner des séances d'hypnotisme, de suggestion on autres spectacles analogues. »

A un moment donné, des esprits sérieux ont cru devoir, au nom du principe de liberté, protester contre l'interdiction des séances publiques d'hypnotisme. Noos ne pensons pas que leur condescendance paisse aller jusqu'à tolérer que l'enseigne ment de l'hypnotisme soit propagé par la voie des cafés-concerts, comme cela avait lieu à Lyon et dans un grand nombre de localités.

Les Spiri tes guérisseurs de Braïne-le-Château

Nous avons, jadis, narré les exploits des frères Vanderoir et de François Destré, les spirites guérisseurs do Braîne—le-Château.

Sur les plalules très vives des médecins de l'arrondissement do Nivelles, le parquet se permit d'aller rendre une petite visite à Detré et aux frères Vanderoir. Ceux-ci furent traduits devant le tribunal correctionnel de Nivelles, lequel, après les avoir acquittés une première fois, le» condamna, le 2 mai dernier : Sylvain, le sujet, à douze peines de quinze jours d'emprisonnement ; Detré. à sept peines de quinze- Jours, et Gustavo, à un moia de prison. Cos deux derniers endormaient Sylvain.

L'affaire est venue lundi dernier devant la sixième chambre de la Cour d'appel de Bruxelles, présidée par M. de Bavay. Les prévenus avaient confié leur défense à Mes de Barlay et Deleener.

MM. Masoîn et Delbœuf, respectivement professeurs à l'Université de Louvain et à celle de Liège, se sont livrés à une Joute très intéressante. Le premier, convaincu que le sommeil de Sylvain était simulé, affirmait que, ni au point do vue de l'École de la Salpètrière, ni au point de vue de l'Ecole de Nancy, le sujet ne présentait aucun caractère de l'état hypnotique. M. Delbœuf soutenait le contraire.

Le tribunal s donné ton avis aujourd'hui. Le jugement est confirmé pour Sylvain, sauf en ce qui concerne la contrainte parcorps; Gustave est condamné à deux peines de on mois d'emprisonnement chacune; Detré à sept peines de on mois chacune. L'arrêt, fortement motivé, est très sévère pour les prévenus.

Les médecins de l'arrondissement de Nivelles peuvent illuminer ce soir. Voilà leurs ennemis définitivement condamnés.

On annonce que des poursuites vont être faites contre d'autres spirites guérisseurs. L'affaire étant bonne, les pseudo-guérisseurs avaient fondé une succursale à Oiskerque. Le parquet va également intenter une action contre le Dr Carlier.

BIBLIOGRAPHIE

Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses. — Les Aliénés et les Asiles d'aliénés, par le Dr J. Falrbt, médecin de la Salpê-trière. 2 vol. in-8°. — Paris, J.-B. Baillière, 1890.

M. Jules Falret a eu l'heureuse idée, à l'exemple de son père, le Dr Jean-Pierre Falret, de réunir en deux volumes la plupart des mémoires qu'il a publiés au cours de sa longue el laborieuse carrière, sur les maladies nerveuses et mentales, sur l'assistance, la législation et la médecine légale des aliénés.

Le premier volume, consacré à la clinique, renferme les articles suivants : Principes à suivre dans la classification des maladies mentales. — Séméiologie des affections cérébrales. — Recherches sur la paralysie générale. — De la catalepsie. — Théorie physiologique de l'épilepsie et état mental des épileptiques. — Troubles du langage et de la mémoire des mots dans les affections cérébrales. — Folie raisonnante ou folie morale. — Folie circulaire et folie à formes alternes. — Folie à deux ou folie communiquée (en collaboration avec La«ègae).

Celte rapide nomenclature montre la quantité et la variété des sujets irailés; j'ajoute que la plupart de ces mémoires n'ont pour ainsi dire pas vieillis, quelques-uns semblent écrits d'hier el l'on est étonné quand on voil la date relativement éloignée a laquelle ils ont été publiés pour la première fois. Tous ces travaux sont empreints de cette finesse et de cette vigueur d'observation, de celle précision et de celte clarté d'exposition qui sont les qualités dominantes du savant médecin de la Salpêtrière.

Le second volume renferme surtout des travaux sur l'assistance, la législation et la médecine légale des aliénés; ou y trouve une élude sur la Coloras de Gheel, en Belgique, sur l'Asile médico-agricole de Leyme (Lot), sur les Asiles d'aliénés de la Hollande et enfin sur les Divers modes de l'Assistance publique applicable aux aliénés.

A propos des réformes de la loi de 1838, à laquelle ¡1 rend un juste hommage, M. Falret fait une élude intéressante des Législations étrangères sur les aliénés.

Golden Bullets (Boulels d'or;, par William W*. Irbl.\nd, M. D. Edimbourg.

Dans cet ouvrage, l'auteur choisit pour héros ceux qui, les premiers, allèrent de l'Angleterre aux Indes. La carrière de l'aventurier qui, embarqué a Grave-sand, débarqua à Surat en 1599, esi un aperçu des chances de fortune de l'Anglais aux Indes. Les principaux personnages sont : Alcber, le plus grand des empereurs Mogols; ses fils, Dan val el Selim; puis l'empereur Jehangir et quelques-uns des plus fameux généraux et hommes d'Elat de ce temps mémorable. Les jésuites missionnaires à la cour d'Akber jouent aussi, dans celle histoire, un rôle très important. Parmi les caractères féminins, on remarque deux grandes dames qui se sont rendues célèbres dans l'histoire de leur temps. Quoique ce livre n'ait que 304 pages, il contient une grande variété d'incidents el de scènes de la vie orientale.

NOUVELLES

Ecole d'Anthropologie. — M. le docteur J.-V. Laborde commencera le coure d'anthropologie biologique le mercredi 28 janvier, a l'École d'anthropologie, 15, rue de l'Ecole-de-Médecine, et le continuera tout le» mercredis, à la même heure. Il iraî-tera des fonctions intellectuelles et instinctive».

Association generale des Etadiants de Paris. — L'Association générale des Étudiants de Paris vient de procéder an renouvellement intégral annuel de son Comité. Le bureau du Comité a été constitué, pour l'année 1891, de la façon salvante : président, M. Henry Berenger; vice-présidents, MM. Emile Merwart et Marcel Lené; secrétaire*. MM. Ueorges Schielz et Maurice Picard; trésorier, M- Henry Meuret; bibliothécaire. M. Paul Wirlath.

—Un Comité de médecine américains offre un prix de 2,000 francs au meilleur mémoire sur la question que voici : — L'usage habituel de l'opium, sous une forme quelconque, provoque-t-il des troubles organiques du rein ? Comment se produisent les lésions et quelles sont-elles?

Adresser les mémoires avant 1893. à M. Alfred L. Lomis, à New-York; le mémoire récompensé deviendra la propriété de l' American Association for the Cure of Inebriety, ani le publiera dans tous les journaux.

Mission scientifique. — M. le docteur Edouard Chantre est chargé d'une mission en Allemagne et en Autriche, à l'effet d'y étudier l'organisation et le fonctionnement des policliniques.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE INTERNATIONAL

Nous Invitons nos lecteurs à completar, ?ar leurs indications, les lacunes et les omissions de l'Index bibliographique.

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Le Paris, 11 janvier 1891.)

L'Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT.

Paris. — Imprimerie brevetée MICHELS rr Fils, passage du Caire. 8 et 10

REVUE DE L'HYPNOTISME

EXPÉRIMENTAI THÉRAPETIQUE

RECHERCHES SUR LA COMPOSITION DE L'URINE DANS LA LÉTHARGIE HYPNOTIQUE DURANT DE 8 A 20 JOURS

Par"MM. AUGUSTE VOISIN. Méedecin de la Salpêtrière et HARANT. Interné« Pharmacie de Service.

Les Comptes rendus de la Société de Biologie (2 mai 1890J contiennent un travail de MM. Gilles de la Tourelle et Cathelineaa. intitulé : De la nutrition dans l'hypnotisme, dont les conclusions sont :

1° Que l'hypnotisme est incontestablement un état pathologique provoqué;

2° Qu'aux points de vue chimique et clinique, l'hypnotisme et l'hystérie ont de nombreux liens de parenté.

Ce travail est fondé sur les recherches suivantes : A savoir, que lorsqu'on plonge pendant une heure ou pendant huit heures un sojt>t dans une période de grand hypnotisme, on note : la diminution de volume de l'urine, l'abaissement du taux de tous les excréta urinaires. résidu fixe, urée, phosphates, avec inversion de la formule de ces derniers.

Les conclusions des auteurs du travail me touchaient d'autant plus que j'ai fait entrer l'hypnotisme comme agent thérapeutique dans mon service d'aliénées de la Salpétrière. et que je ne saurais en conscience donner à mes malades une affection qu'elles n'ont pas.

L'occasion se présentait de vérifier l'exactitude des conclusions de ce travail, puisqu'au moment où il paraissait, j'essayais sur des maniaques l'influence du sommeil hypnotique prolongé pendant plusieurs jours de suite.

Les analyses d'urine ont été faites dans le laboratoire de pharmacie de la Salpétrière par M. Harant, interne en pharmacie de mon service, qui avait assisté aux analyses de son collègue, M. Cathelineau.

L'une des malades, la nommée R..., âgée de vingt et un an, est atteinte de manie intermittente qui a succédé à des attaques comitiales. J» l'hypnotise aux époques menstruelles, parce qu'elles déterminent des

accès maniaqoes. L'agitation est remplacée par nn sommeil calme pendant lequel la malade prend les aliments ordinaires et fait ses besoins.

Les urines de la malade ont été analysées à trois époques différentes d'un sommeil hypnotique qui a duré du 23 mai au 24 juin. A chacune de ces époques, qui comprenaient chacune trois jours, nous avons fait recueillir les urines de vingt-quatre heures : de onze heures du matin à onze heures du matin du jour suivant; et elles ont été analysées aussitôt par notre interne en pharmacie. M. Harant. Les résultats sont consignés dans les tableaux ci-joints. Pendant l'état de veille, nous n'avons pu nous procurer les urines trois jours durant, la malade étant souvent très surexcitée et ne voulant pas donner de ses urines. Nous ne les avons analysées que lorsque celle-ci était plus calme et que nous étions absolument certain de posséder les urines des vingt-quatre heures.

L'alimentation, qui n'a pas varié dans les deux états, se composait en moyenne de : bouillon. 25 centilitres; lait, 30 centilitres; vin, 16 centilitres; viande, 50 grammes; potage, 30 centilitres; pain, 200 grammes.

L'urine de la malade, aussi bien pendant le sommeil qu'à l'état de veille, était limpide, d'odeur nulle, d'une couleur jaune légèrement verdâtre; nous nous sommes assuré qu'elle ne renfermait ni indica, ni principes bilieux; de môme, nous n'avons jamais constaté ni sucre, ni albumine. Elle possédait une acidité franche au tournesol. La densiW oscillait entre 1012 et 1018. L'urée et l'extrait sec, pendant le sommeil, ont marché de pair et suivi à peu près les mêmes variations. La quantité d'acide phosphorique totale a peu changé, étant restée comprise entre i gr. 25 et 1 gr. 75.

En examinant le tableau où sont consignées les moyennes de nos analyses, on voit que pendant le sommeil. les excréta urinaires n'atteignent pas tout à fait le taux normal de ceuxsd'un individu sain; mais, néanmoins, loin de présenter une diminution sur la moyenne de l'état de veille de la malade, ils accusent, au contraire, une augmentation de tous les principes: volume, urée, résidn fixe, acide phosphorique total.

La seule différence à noter, c'est que, à l'état de veille, les phosphates terreux (chaux, magnésie, etc.) ont été aux phosphates alcalins potasse et soude) dans la proportion de 35 à 100 en moyenne, tandis que dans le sommeil hypnotique nous constatons une inversion de la formule: 59 à 100, la proportion normale étant: 25 à î i de phosphates terreux pour 100 de phosphates alcalins.

C'est donc, en résumé, un point intéressant dans l'observation de cette malade, à savoir que la nutrition s'est mieux opérée pendant l'état de léthargie hypnotique qu'à l'état de veille, c'est-à-dire à l'état normal.

M h u -w a 3 ¦u S MM»! PHOSPHORIQUE S 8 S 2 S 3 t B MOYENNE tôt Al .B

¦ h o BJ TOTAL AL1'\UX 11 III1HX S* |*ï UIMI ' Il Mit hiiil

23 mai Sommeil liypnoliquo 1200« 27» 8 50« 32 l«80 U26 0S8 44 à 100 Volutno,.. 1363« l01ftM

24 — 1000 10 62 23 30 0 61 0 40 0 21 82 à 100 Urdc______ 18*1 13*08

2B - — 878 15 OU 28 70 1 32 0 43 0 49 59 u 100 Késidti.... 45 2 40 45

Mo va une — 1025 18 00 34 1 1 24 Si à 100 Ph.OH.... 1 40 0 91

4 juin U - - ¦— 1780 1080 21 10 13 20 85 0* 40 13 1 26 1 34 0 69 0 98 0 57 0 3» 83 a 100 42 a 100 I :.¦¦..!¦¦ ( alcalins tuxtorreux 1 59 a 100 33 M HO

6 - - 1200 20 61 44 73 1 67 1 06 0 57 53 a 100

Moyen no — 1533 18 3 48 6 1 42 59 a 100

17 juin 1200 16 21 42 00 1 71 1 34 0 37 27 & 100

18 — 1900 19 00 57 60 1 67 1 30 0 37 30 0. 100

19 - — 1800 18 54 59 40 1 47 0 98 0 49 50 à 100

Moyenne — 1533 18 00 53 00 1 61 35 à 100

("juillet Etat normnl 780 9 12 30 00 0 38 0 108 0 273 261 a loo

2 — — 1000 10 00 32 62 0 43 0 32 0 11 34 n 100

18 - 1200 13 23 48 00 1 14 0 82 0 34 41 à 100

10 - 1100 20 00 51 2 1 81 1 29 0 52 40 à 100

1 Moyenne 1012 13 08 40 45 0 94 35 ¦ 100 pour les (mis ¦Irnikrwjnuri

Une antre malade, Gén.... atteinte d'hystérie, avec manifestations erotiques et dépravation morale, est sujette à des accès d'agitation maniaque pendant les périodes menstruelles.

En dehors de ces accès, elle recouvre son état physique normal et, chaque mois, elle va passer quinze jours dans sa famille.

Je l'ai endormie du sommeil hypnotique pendant une de ces périodes et j'ai fait durer le sommeil quinze jours 'état léthargique).

Pendant ce temps, la malade a mangé comme dans le cas précédent les aliments ordinaires et. chaque jour, elle sort de son lit pour aller faire ses besoins dans la salle et prendre des soins de toilette an lavabo qui est dans une autre salle.

L'urine a été recueillie comme dans le précédent cas, pendant un sommeil de quinze jours et analysée comme suit :

Etat de vrille-. Sommeil.

Volume...........1.150 gr. 1.050 gr.

Crée............ 10 jrr. 30 20 gr. 20

Résidu........... 40 gr. 20 51 gr. 37

( TouU..... 1 gr. 17 1 gr. 76

Ae. pbosph. Alcalin. ... 1 gr. 34

! Terreux.... u gr. 42 Proportion des alcalins oux terreux : 32 à 100. normal.

Une troisième malade. Gn____atteinte de grand mal hystéro-comitial,

compliqué d'hallucination de la vue et de l'ouïe et d'agitation maniaque des plus intenses, est endormie par moi. pendant un de ces accès maniaques, du sommeil hypnotique. Je fais durer le sommeil trois jours (état léthargique).

Les accès passés, la malade reprend possession de son intelligence et elle a toutes les apparences de la meilleure santé physique.

Le calme le plus profond succède à l'agitation (pendant son sommeil, la malade obéit à ma suggestion de se lever pour aller faire ses besoins et faire sa toilette}.

Au moment où la malade a été hypnotisée, elle était atteinte d'embarras gastrique, déterminé par son état de manie qui durait depuis trois jours.

Aussi, les caractères de l'urine sont-ils un peu différents des deux précédents pour l'urée et le résidu sec. mais l'acide phosphorique est. comme dans les deux autres analyses, en quantité supérieure à l'état de veille:

Eut de veille. Sommeil.

Volume........... 1.001 gr. 1.060 gr.

Créo............ 11 gr. 31 7 gr. 66 »

Réîidu kc......... 39 gr. G0 32 gr.

| Total. .... 0 gr. 964 I gr. 19 i

Ac phospb. 4 Alcalin. ... 0 gr. 97

| Terreux ... 0 gr. 22 Proportion des alcalins aux terreux : 23 p. 100.

Une conclusion intéressante ressort de ces chiffres, c'est que la nutrition s'est mieux opérée pendant l'état de léthargie hypnotique que pendant l'état de veille; cette conclusion est absolument contraire à celle du mémoire qui a provoqué ce travail.

Ces analyses m'ont paru présenter cet avantage sur celle du mémoire de MM. Gilles de la Tourette et Cathelineau, que mes sujets ont dormi hypnotisées :

2 pendant 3 semaines de suite, 1 pendant 1 semaine de suite,

tandis que les sujets de ces deux observateurs n'ont dormi que une heure ou huit heures.

Si le sommeil hypnotique avait dû produire un état pathologique, c'eût été assurément bien autrement chez des malades qui dorment de huit à vingt jours que chez des sujets dont le sommeil ne dure que une heure à huit heures.

Je tirerai de ce travail ces conclusions:

1° La nutrition n'est pas troublée dans le sommeil hypnotique; 2* L'hypnotisme n'est pas un état pathologique; 3* L'hypnotisme est un moyen thérapeutique dont nous pouvons nous servir sans risquer de nuire à la nutrition de nos malades.

SUGGESTIONS CRIMINELLES ET RESPONSABILITÉ PÉNALE

Par M. le D' Edgar BÊRILLOX (1).

Longtemps avant que les « suggestions criminelles • eussent passionné l'opinion, un savant, dont les études feront époque dans le mouvement psychologique dont nous observons l'évolution, avait appelé l'attention sur l'importance médico-légale que présente l'automatisme dans le somnambulisme pathologique. Etudiant avec une grande sagacité les impulsions instinctives qui se manifestent souvent dans le cours de ces névroses cérébrales, M. Mesnet écrivait {2} :

c Le trouble que ces perversions fonctionnelles du système nerveux apportent dans l'exercice de la vie de relation s'étend non seulement aux organes des sens et aux actes intellectuels proprement dits, mais il réveille aussi parfois des excitations instinctives qui livrent l'homme,

(1) Leçons professées a la Clinique des maladies nerveuses, 55, rue Saim-André-dcs-Aru.

(2) De C Automalitme de la Mémoire et du Souvenir dan* le tomnamoultsme patko !'>;/i;-u..\ par le D" E. Mesnet, page 29. 1871.

sans défense, privé de discernement et de raison, aux entraînements les plus déplorables. Il agit avec une apparence de liberté qu'il n'a pas; il semble préparer et combiner certains actes, alors qu'il n'est, en réalité, qu'un instrument aveugle obéissant aux impulsions irrésistibles d'une volonté inconsciente.

• Dans chacune de ces crises, nous voyons F... dominé par le besoin du vol ; il dérobe tous les objets qui tombent sous sa main et les cache avec dextérité.

« Tel autre combine le suicide, et prépare mystérieusement, au milieu d'une nombreuse assistance, les moyens de se détruire. J'ai assisté à deux tentatives de suicide : l'une par empoisonnement, l'autre par pendaison, que j'ai laissées se poursuivre jusqu'à la dernière limite de l'expérimentation ; j'ai coupé la corde au moment où l'asphyxie commençait (1).

€ Tel autre est homicide; tel autre, incendiaire ; et après l'accomplissement de ces actes malheureux, la crise cesse, le malade se réveille, reprend les habitudes de sa vie normale, sans garder aucun souvenir de la période pathologique qu'il vient de traverser. Conduit devant la justice, il nie le fait accompli, qu'il ignore réellement, alors que sa participation est évidente pour tons. »

Un peu plus tard, en 1887, M. Mesnet établissait les analogies qui existent entre les manifestations antomatiques du somnambulisme spontané et. celles du somnambulisme provoqué. Il montrait que, soit qu'il agisse sous l'impulsion d'une idée spontanément éclose dans son cerveau, soit qu'il obéisse à l'influence d'une suggestion hypnotique ou post-hypnotique, le sujet.accomplit l'acte coupable avec la même irrésistibilité.

Ces remarquables expériences instituées par M. Mesnet à l'Hotel-Dieu, en collaboration avec M. le professeur Tillaux et M. le Dr Garnier, prouvaient qu'il est facile de faire commettre un vol par un sujet mis en état de somnambulisme, M. Mesnet acceptait donc la possibilité de suggestions criminelles et, par des expériences concluantes, il faisait passer sa conviction dans l'esprit des médecins et des magistrats qui l'entouraient.

Presque tous les hommes qui ont eu l'occasion d'expérimenter sur des sujets très sensibles sont arrivés aux mêmes conclusions. Nous avons souvent entendu exprimer à M. Dumontpallier, qui, à la Pitié, pendant plusieurs années a eu à sa disposition des hystériques présentant les modalités les plus variées de l'hypnose, l'idée qu'il considérait ces sujets

tl) -iT'iir'i 'jènrialtt de Médecine, ("Trier 1860 : Etwi" sur !e icmnambutieme pathologique, par le D* Ueuieu

si impressionnables comme capables d'agir dans certains cas avec une irresponsabilité complète. Il résulte de ses déclarations qu'il s'est, comme tous les auteurs dont nous avons tenu à citer les déclarations écrites, rangé à l'opinion du Dr Li^beaalt, qui considère que, chez l'individu plongé dans l'état de somnambulisme, la conscience, ce flambeau divin, est non pas étouffée mais suspendne.

Un assez grand nombre de savants étrangers ont abordé les mêmes études. Parmi ceux dont les travaux méritent une mention particulière, nous devons citer MM. les professeurs Forel, de Zurich ; Masoin, de Louvain; MM les Dr> Ladame. de Genève; Campili, de Turin; Semai, de Mons; Lefebvre, de Louvain; Kraft-Ebing, de Gratz. Ces auteurs admettent d'une façon plus ou moins absolue qu'il y a un danger à laisser la pratique de l'hypnotisme entre les mains du premier venu, et. pour eux, un des dangers réside dans la possibilité des suggestions criminelles.

Les expériences de M. Forel, faites devant les membres de la Société des juristes Zuricois. confirmaient pleinement celles qui avaient été rapportées par M. Liégeois; et lors de la discussion soulevée en 1888, à l'Académie royale de Médecine de Belgique, M. le professeur Masoin, à l'appui de son rapport sur l'Opportunité d'interdire les séances publiques de Magnétisme animal, citait le fait suivant, qui est peut-être un des plus frappants parmi ceux qui ont été rapportés (1) :

« Voici un fait qui s'est passé â Bruxelles même et qui est raconté ainsi par notre honorable collègue, M. le Dr Warlomont père :

« A quelques jours de distance, le même impressario (on ne nous dit pas de qui il s'agit) hypnotisait le même sujet et lui disait : « Demain, à midi, vous irez, 80, rue Bosquet; vous entrerez; vous pénétrerez dans une grande chambre ; dans cette chambre il y a un lit, dans ce lit il y a un homme : c'est le roi d'Angleterre ; à coté de ce lit une table de nuit; sur celle-ci un revolver; vous vous en saisirez et vous tirerez trois coups sur l'homme au lit ». A l'heure dite, l'homme arriva; toute la scène se déroula ainsi qu'elle vient d'être indiquée ; puis l'assassin figuré rentra en possession de ses esprits; vingt personnes assistèrent à ce réveil et à la stupéfaction du sujet, s'éveillant au milieu d'un cabinet de travail et d'une assemblée dont aucun visage ne lui était connu. »

Si l'on se reporte anx travaux publiés par les plus autorisés des élèves de la Salpètrière, avant que la division qui sépare les deux écoles ait acquis le caractère d'aigreur qui s'est manifesté au Congrès de l'hypnotisme, et, plus récemment, à l'occasion d'un retentissant procès criminel,

- (1) D* Masoin. ÏH T opportunité d'interdire les séances pu/digues de Magnétisme animal, rapport communiqué a l'Académie royale de Médecine de Belgique, dans sa séance du 25 février 1SS8, nage 23.

on verra qu'alors rien ne pouvait Caire supposer que les deux écoles en arriveraient à de telles divergences d'opinion.

Ainsi, au début, la seule différence qui existait entre les expériences des disciples de l'École de la Salpêtrière et celles des représentants de l'Ecole de Nancy, c'est qu'au lieu de porter sur des sujets hystériques, elles étaient faites sur des sujets considérés comme normaux.

En effet, dès 1883, M. Féré, dans une note communiquée à la Société médico-psychologique, après avoir démontré la précision et l'exactitude avec laquelle certains somnambules accomplissent les actes qui leur sont suggéré*, ajoutait: « Un acte criminel serait exécuté avec la même ponctualité ». Il faisait aussi remarquer que l'acte est accompli avec d'autant plus de rapidité et d'énergie que la suggestion a été faîte avec plus de rapidité.

Rappelant ces faits dans son étude si remarquable sur la « Grande hystérie >, M. Paul PUcher y ajoutait le commentaire suivant : « L'hypnotique est donc bien dans ces cas le sujet de l'expérimentateur et sa responsabilité morale est nulle *. Pour prouver que les idées émises par lui dans sa communication n'étaient pas le résultat d'impressions superficielles, M. Féré, dans nn livre publié en collaboration avec M. Binet, accentuait encore cette opinion dans les termes suivants qui ne laissent aucun doute sur sa croyance à la possibilité des suggestions criminelles (1) :

c D est possible, disait-il, dans l'état de somnambulisme provoqué, de suggérer des idées fixes, des impulsions irrésistibles auxquelles l'hypnotique réveillée obéira avec une précision mathématique. On pourra faire écrire au sujet des promesses, des reconnaissances de dettes, des aveux, des confessions de nature à lui faire le plus grand tort. On peut encore, en l'armant, lui faire commettre tel crime que l'on voudra bien imaginer. Nous pourrions citer un certain nombre d'acte*, au moins inconvenants, commis par des hystériques, et qui n'étaient autre chose que des miniatures de crimes expérimentaux accomplis par un sujet inconscient, dirigé par un coupable resté inconnu. Un grand nombre de fois, à la Salpètrière, on a mis entre les mains d'une hypnotique un coupe-papier, en lui disant que c'était un poignard, et on lui a donné l'ordre d'assassiner un des assistants. A son réveil, la malade tourne autour de sa victime, et la frappe tout-à-coup avec une violence telle qu'on hésite à se prêter à ce genre d'expérience. On a également suggéré au sujet l'idée de dérober, par exemple, des photographies, etc.

t Ces faits montrent que l'hypnotisme peut devenir un instrument de

(1) U Maonétinta animât, par 5IM. Binei et Féré, 1887, page 279.

crime d'une effrayante précision et d'autant plus terrible que, immédiatement après l'accomplissement de l'acte, tout peut être oublié : l'impulsion, le sommeil et celui qui l'a provoqué.

€ Il faut noter quelques-uns des caractères de ces actes suggérés qui les rendent particulièrement dangereux. Ces impulsions sont susceptibles de donner lieu i des actes délictueux ou criminels dont la nature peut varier pour ainsi dire à l'infini, mais qui conservent le caractère à peu près constant d'une impulsion irrésistible avec conscience ; c'est-à-dire que le sujet parfaitement présent et ayant la conscience de son identité ne peut lutter contre la force qui le pousse à exécuter un acte que. d'ailleurs, il peut réprouver. Poussé au but par une force en quelque sorte fatale, l'hypnotique n'a pas ces doutes et ces hésitations d'un criminel qui agit spontanément; il se comporte avec une tranquillité et une sûreté qui assureraient, le cas échéant, le succès de son crime. Quelques-unes de nos malades n'ignorent pas cette puissance de la suggestion; et lorsqu'elles veulent absolument commettre un acte pour lequel elles craignent que le courage ou l'audace leur manquent au dernier moment, elles ont soin de se le faire suggérer par leurs compagnes.

« Enfin, ce qui augmente le danger de ces suggestions criminelles, c'est que l'acte peut, à la volonté de l'expérimentateur, être accompli plusieurs heures, plusieurs jours peut-être après la suggestion ; les faits de cet ordre, qui ont été rapportés pour la première fois par M. Ch. Richet. ne sont point exceptionnels, nous en avons observé un assez grand nombre. »

L'opinion de M. le professeur Charcot, si l'on s'en tient au texte exact de ses déclarations, ne serait pas sensiblement différente; interrogé récemment sur le même sujet par des journalistes, il leur répondait en effet textuellement: « J'ai à la Salpètrière des malades particulièrement sensibles qui m'ont fourni des expériences fort intéressantes et dont j'ai obtenu absolument tout ce qu'il est possible d'obtenir à mon avis. En effet, le cerveau de l'hypnotisé plongé dans le sommeil peut être considéré comme absolument vide et incapable par lui-même d'aucune volonté ; il est alors possible à l'opérateur d'y imprimer à son gré des sensations, des images et d'y faire naître la volonté d'un acte quelconque; ces sensations, ces images et cette volonté se reproduisent photographiquement par des actes correspondants, mais sans aucune modification.

c Par exemple : je montre à un sujet, sur le parquet absolument net, un serpent ou un lion supposés, et l'hypnotisé manifeste immédiatement tous les signes de la terreur ; si je lui dis une minute après que c'est un colibri, il l'admire et le caresse.

t

,. Je peux même lui ordonner d'aller voler un porte-monnaie dans la poche d'un assistant; il le fera, non sans toutefois résister d'abord, s'il est honnête : il peut même obéir à cette suggestion après son réveil, le lendemain ou plusieurs jours après, au moment précis que je lui ai indiqué. »

De toutes les citations que nous avons faites, il semble, si l'on ne se place qu'au point de vue strictement expérimental, qu'il est universellement admis par tons les auteurs, qu'ils s'inspirent à l'enseignement de l'École de la Salpêtrière ou de celui de l'École de Nancy, qu'il est assez facile d'obtenir d'un certain nombre de sujets la réalisation de suggestions délictueuses ou criminelles. Personne ne discute le fait, personne même n'invoque l'argument d'une simulation possible des sujets. La division ne résidé donc que dans l'interprétation des phénomènes. Tandis que les uns professent que chez certains sujets l'automatisme est absolu, que la conscience est complètement annihilée et que l'impulsion à l'action est irrésistible, les autres affirment que l'abolition de la liberté morale n'est que fictive, que le sujet discute la valeur et la gravité de l'acte suggéré, qu'il reste le maître de l'accomplir ou de résister à son gré, en un mot qu'il est, malgré les apparences, compos sut, et que sa responsabilité est entière.

Les auteurs qui ont surtout soutenu cette dernière appréciation sont SIM.Brouardel etDelbœuf. (A suivre.)

MÉMOIRE RELATIF A CERTAINES RADIATIONS PERÇUES PAR LES SENSITIFS

Par le Baron DE REICHENBACH. — Suite (1).

LE SON

Le son est une source très importante d'effluves. Un simple diapason qu'on fait vibrer se voile déjà d'un brouillard vaporeux et ténu. Les cordes d'un piano-forte, dans lequel, après avoir mis la sourdine, on poussait une forte exclamation, donnaient une effluve de 1 ligne de hauteur; mais en frappant rapidement l'une après l'autre un grand nombre de cordes et en répétant rapidement le mouvement, on obtint plus de 6 lignes sur tout le tableau des cordes. — Une cloche métallique renio V. Revue de l'hypnotùme, p. 204 cl 233. — C'est par erreur que dans le numéro précédent, on m'a attribué ce mémoire dont je ne suis que l'éditeur. — A. de Hochas.

versée, de 10 pouces de diamètre, frappée avec un marteau en bois dur, se couvrit sur ses bords de franges de 42 lignes de haut. Le flux du côté du nord, c'est-à-dire do côté le plus négatif, était un peu plus fort que sur le reste du pourtour. Il ne s'élevait pas bien exactement dans la perpendiculaire, mais s'incurvait de tons côtés vers le centre, et se réunissait à la partie supérieure, de façon à former une espèce de voûte au-dessus de l'ouverture de la cloche. — L'ne cloche d'église en métal, pesant 7 quintaux, suspendue dans le clocher de la chapello du château de Reisenberg, donna, pendant qu'on en sonnait, un effluve annulaire de 7 à 8 pouces de hauteur, sur tout le pourtour de son rebord, et cet effluve s'élevait après s'être retourné.

LA CHALEUR

L'action de la chaleur se fait sentir d'une façon très nette. Un cristal de roche de 18 livres donna, en hiver, à 8° C au-dessous de zéro, à la pointe négative, 20 lignes; à sa base positive, 8 lignes. Transporté dans une chambre chauffée à 20°, les émanations furent de 25 et

10 lignes de haut. — La colonne cristalline de 5 pieds de haut, donna, en hiver, dans une chambre froide à 5° C au-dessous de zéro ; au pôle négatif, 108 lignes; au pôle positif, 3G lignes. Portée à la température de + 15", elle donna 120 et 50 lignes. — Un barreau de fer cylindrique de 5 pieds 1/2 de long et 4 lignes d'épaisseur, placé sur deux chantiers en bois dans le méridien, donna, dans une chambre d'habitation, à température normale, un effluve simple de 10 lignes à son extrémité sud. Mais quand, avec une lampe d'Argand, on eut chauffé cette extrémité, l'effluve y monta à 32 ligues, tandis qu'à l'autre bout

11 disparaissait presque. Il se fit en même temps une scission de l'effluve en deux parties : la plus forte s'incurva vers le haut, et la plus faible vers le bas. — Un certain nombre de barreaux de fer de 3/8 de pouce, de 1 pouce et 3 pouces de diamètre, et de 4 à G pieds de long, furent portés au feu de forge et placés de façon qu'une des extrémités se trouvât en pleine chaleur, et que l'autre, hors du feu, demeurât froide; lorsqu'ils se furent échauffés au contact des charbons, sur lesquels on soufflait, l'effluve se mit à décroître à l'extrémité froide, à tel point qu'en atteignant enfin la température du fer suant, on la vit ne plus conserver que le quart à peine de sa grandeur primitive. Plus la température s'élevait, plus l'effluve froide s'affaiblissait. L'expérience est incomplète en ce sens qu'on n'a pu examiner ce qui se passait à l'extrémité chauffée. Mai» nous avons vu plus haut qu'en général réchauffement renforce l'émission odique, et qu'en particulier, dans les barreaux longs, elle la renforce surtout au point où se trouve la source de chaleur; nous

sommes donc fondés à admettre que l'effluve se développait d'autant plus aux extrémités rougies au feu, qu'elle s'affaiblissait davantage aux extrémités froides opposées.

ÉLECTRICITÉ

En développant, avec une peau, de l'électricité négative sur un élec-trophore, on obtient une importante émission de Lohée. Laissé à lui-môme, le gâteau de résine n'en possédait pas; en le battant, on fit s'élever une vapeur de 36 lignes de haut, qui tendait de la circonférence au centre et s'élevait à la façon d'une flamme. — En développant de l'électricité positive sur un disque de verre, on obtient sur le conducteur, sur le verre, sur une pointe, sur les pieds en verre de l'appareil, môme sur les fils conducteurs négatifs, partout en un mot, un effluve lohique rougeâtre. — Une bouteille de Leyde chargée s'en montre tout enveloppée. — Une pile voltaïque, chargée d'après la méthode de Smée, avec six doubles éléments à o % d'eau sulfureuse, donna, pendant l'action chimique, sur tous les rhéophores, t2 lignes d'une Lohée montante; les bords des récipients en verre de l'appareil en étaient garnis et la hauteur en était aussi de 12 lignes.

LUMIÈRE. — COULEURS

Une pointe de coloration, des traces de décomposition de lumière, des reflets, avaient été déjà assez fréquemment remarqués par les sensitifs moyens. La longue colonne cristalline, qui avait presque o pieds de haut, donnait au pôle, du côté négatif de la Lobée, une pointe de bleu ; du coté positif, on pouvait percevoir des traces de coloration rougeâtre. Ce contraste était plus frappant lorsqu'on amenait la colonne dans la direction de la ligne d'inclinaison magnétique. — Un spath gypseux de 1 pied de long donna, au pôle négatif, 6 lignes de Lohée d'apparence bleuâtre; au pôle positif, 3 lignes gris rougeâtre. Sur ses faces latérales, un duvet gris. Une tourmaline brun sombre dégageait de la Lohée d'aspect bleuâtre. — Un aimant à cinq plaques paraissait comme recouvert d'une gaze bleuâtre au pôle négatif, gris rougeâtre au pôle positif. — Une pœonïa arborea, qui venait de fleurir, présenta 24 lignes de Lohée d'un bleu intense inusité. — Le cône intérieur, ou la base moins nette de la Lohée, se montra toujours gris avec une pointe de rouge ou de jaune, tandis que l'enveloppe extérieure ou la couche plus subtile qui enveloppe la pointe, avait toujours une tendance au bleu. — Tous ces phénomènes de coloration ont été perçus avec une grande netteté par les haut-sensitifs. La dame Rueff voyait le soir, lorque déjà le jour tombait, la Lohée s'élever rougeâtre de sa main gauche, et bleue de sa main

droite. Elle voyait toat aussi bien les mômes phénomènes se produire sur ses doigts de pied. Pour les narines même, elle remarqua qne la Lohée, à chaque temps de la respiration, en émanait rouge à gauche et bleue à droite. On amena devant elle une jeune fille de quinze ans : elle la vit tout enveloppée d'un brouillard bleuâtre; la netteté maxima correspondait à la tète.

Ainsi partout, même en plein jour, la Lohée od-positive a paru rou-geàtre, l'od-négativo bleuâtre.

RAYONNEMENT SOLAIRE

Un bâton de bois et un bâton de verre, fixés dans un support, furent tirés à moitié, de l'ombre an soleil, dans une chambre fermée. Aussitôt, des extrémités restées à l'ombre, s'élevèrent 6 et 7 lignes de Lohée; puis on ouvrit les fenêtres, laissant les bâtons exposés à l'influence directe de la lumière solaire : la Lohée s'éleva alors à 12 lignes snr le bâton de bois et à 15 lignes sur le bâton de verre. — On prit deux barres de fer que l'on fixa sur une planchette, de façon qu'une de leurs moitiés dépassât le bois; ils étaient placés parallèlement l'un à l'autre, à de 1 ponce 1/2. A l'ombre, les deux extrémités libres donnèrent chacune 3 lignes de Lohée.—Au moyen d'un prisme de verre, on projeta sur la table le spectre de la lumière solaire; des portions des barreaux de fer fixés sur la planchette, l'une fat plongée dans la lumière bleue et l'autre dans ta lumière ronge. Dans la lumière bleue, le flamboiement du premier barreau se renforça de 8 lignes; dans la lumière rouge, sor le second barreau, de 5 lignes.

Ces expériences eurent lieu en janvier, le matin, à dix heures, avec un ciel un peu couvert; en opérant en été et à midi, on aurait obtenu des effets incomparablement plus forts.

Si délicates et si extraordinairement faibles que puissent être ces Lohées diurnes, elles portent cependant toujours en elles comme un soupçon de coloration, et pourtant les observations qne l'on consigne ici ont été faites en des jours de soleil et seulement par des sensitifs moyens.

(a suivre.)

DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE

L'ËPILOQUE D'UN PROCÈS CÉLÈBRE (1J

RÉPONSE DE VI. BF.RNHE1Ï1 A M. OÏLLKS DE LA TOURETTE

L'article t Épilogue d'un procès célèbre », publié dans le numéro du 31 janvier, dirigé contre moi, appelle une réponse. Dans ce procès, M. Liégeois a exposé avec courage son opinion et non la mienne. C'est à tort qu'on a transformé une question de fait en une question d'Ecole. Que l'accusée, dénuée de sens moral, ait agi sous l'influence de manœuvres hypnotiques, qu'elle ait obéi & des suggestions faites à l'étal do veille, ou qu'elle ait cédé aux impulsions de sa nalure vicieuse, aux suggestions de ses propres instincts pervers, c'est là une question de fait que les débats n'ont pas éclair-cie ; ce n'est pas une question de doctrine.

Quand le défenseur de Gabrielle Bompard me demanda mon avis, je lui dis formellement que, si je pouvais déposer devant la Cour, j'éviterais toute discussion doctrinale relative aux Ecoles de Paris ou de Nancy ; je prononcerais à peine le mot hypnotisme. Voici, lui ai-je dit devant M. Liégeois, comment je parlerais (2).

Deux choses sonl admises par tout le mondo en ce qui concerne l'accusée; elles ressortent du rapi>ort des médecins légistes. La première, c'est que l'accusée est dépourvue totalement de sens moral : c'est « une cécité morale, un arrêt du sens moral, une lacune », diseul les experts. La seconde, c'est qu'elle est très suggestible, c'est-à-dire très facile à être influencée par quiconque sait prendre de l'ascendant sur elle, acceptant les idées suggérées et entraînée par sa nature à les réaliser. Absence native du sens moral et sug-gesiibilité extrême, telles sont les deux dominantes psychologiques de l'accusée.

Ces deux caracteres, ces deux infirmités dans la nature morale et psychique de l'accusée devaient certainement la rendre plus aple à aller vers le crime, soil en suivant ses propres instincts non rectifiés par le sens moral absent, soit en suivant une impulsion reçue d'autrui.

Mais, dit-on, elle est extrêmement intelligente, elle agit eu connaissance de cause, elle juge la portée de ses actes, elle a la notion du bien et du mal, elle distingue par l'esprit, sinon par le sentiment, le fas du nefas. Elle est donc responsable.

Son intelligence est-elle suffisante pour lui permettre de reagir contre les

(!) Sons ce titre. M. Gilles de la Tourelle avait dirigé dans le Progrès mèdkai, contre l'Ecole de Nancy, des attaque* que nous avons reproduites dans notre dernier numéro. Voici la réponse que M. Bcrnheim a adressée au même journal.

(2) Cette appréciation a para dans le Temps dn 29 janvier. Je crois qu'il est Intéressant de la reproduire dans un journal de médecine, car elle appelle l'attention sor OB point de vue nouveau que devront envisager dorénavant les médecins legisles.

mauvais instincts et les mauvaises suggestions? Suffit-elle à faire contrepoids à ces deux infirmités, absence de sens moral et suggestibili lé? Voilà toute la question. Et c'est sur ce point que toute la discussion doit porter.

La question est, je l'avoue, difficile à résoudre. Mes honorables confrères ont répondu, par l'affirmative, trop catégoriquement, à mon avis.

C'est une question de psychologie. Or, voici ce que disent les psychologues : - Sans doute les aveugles moraux connaissent encore la distinction du bien et du mal. Ils savent fort bien qu'il faut faire telle chose et qu'il faut s'abstenir de telle autre, lis le savent mais ils ne le sentent pas ; et dès tors il est presque inévitable qu'ils agissent comme s'ils ne le savaient pas, car « la connaissance pure ne détermine pas l'action > ; c'est une loi que la psychologie contemporaine, surtout la psychologie anglaise, a mis hors de conteste. Jamais nous ne sommes entraînés à agir par une idée pure, par la conclusion logique d'un raisonnement, etc. Ce qui nous met en branle, c'est l'attrait exercé par une idée et par une personne, les désirs ou les répulsions qu'elles font naître en nous. » (Lcvy-Brùhl. La Responsabilité des criminels. Revue politique et littéraire, 22 novembre 1890.)

Si j'examine d'autre part la conduite de Gabrielle Bompard, je constate qu'elle a suivi Eyraud, réduit aux expédients, et qui la maltraitait; qu'elle a suivi M. Garanger et a facilement accepté l'idée de se livrer à la préfecture de police ; qu'elle a avoué, au moins en partie, sa culpabilité avant l'arrestation d'Eyraud, alors que rien ne l'obligeait à le faire, alors que son intelligence et son intérêt devaient lui conseiller de ne pas le faire. Son intelligence n'a donc pas suffi à la prémunir contre l'idée dangereuse de dénoncer le crime ; elle n'a pas suffi, en présence du magistrat instructeur, pour l'empêcher, docile aux suggestions habiles de l'interrogatoire, d'avouer sa complicité.

Sans doute, elle est extrêmement intelligente. Mais qu'est-ce celte intelligence spéciale, « plus superficielle que profonde », dit le rapport ? Sans doute, en présence du magistrat elle parle avec volubilité, elle est rouée, elle est roublarde, comme on dit ; se sentant menacée, elle se décharge, elle travestit vivement la vérité.

Mais bientôt, à mesure que l'interrogatoire continue, il se peut que le magistrat la captive et qu'alors elle s'oublie; docile aux suggestions d'un interrogatoire habile, elle se laisse aller à avouer son rôle, plus ou moins complètement. Elle subit l'impression du moment. Cesi une intelligence vive, niais toute d'instincts, d'impressions, mobile, qui peut s'oublier el se ressaissir, qui n'a pas de suite, qui n'est pas maltresse d'elle-même, comme celle des gavroches parisiens.

Je n'ai pas vu Gabrielle Bompard, je n'affirme pasque telle soit exactement la vérité. Mais c'est l'impression qui résulte pour moi de ce que j'ai lu sur eUe; cl, d'après cette impression, moins affirmalif que mes confrère», j'eusse conclu en ce sens :

1* L'absence native de sens moral et la suggesiibililé extrême de l'accusée,

diminuant sa capacité de résistance aux impulsions criminelles, sont de nature â atténuer dans une certaine mesure sa responsabilité morale.

2* Il n'est pas démontré que la nature et la portée de son intelligence soient suffisantes pour faire contrepoids i ces deux infirmités et leur permettre de résister aux impulsions ou suggestion? mauvaises. Voila pour la question du procès :

Parlant de là, M. Gilles de La Tourette, un vaillant athlète, pan en guerre pour achever de pourfendre l'École de Nancy, à laquelle il croit ou dit avoir déjà imprimé ¦ un lamentable échec au Congrès de l'hypnotisme ».

Assertion audacieuse/ — Parmi les nombreux médecins français et étrangers qui se pressaient au Congrès, l'immense majorité était acquise à notre doctrine. Deux seules voix discordantes se faisaient entendre : Gilles de La Tourette et Guermonprez. Il suffit de lire le volume des comptes rendus du Congrès pour s'assurer que presque touies les communications ont été faites dans le seos de notre Kcolc. Le lecteur vérifiera.

Je renonce à suivre M. Gilles de La Tourette dans le dédale de son argumentation tortueuse cl humoristique. A quoi bon rectifier des assertions erronées, des idées travesties, des citations tronquées? Aucune discussion ne tranchera le différend qui nous sépare. Les boutades spirituelles peuvent amuser la galerie; elles ne transforment pas l'erreur en vérité.

Or, j'affirme, contrairement à M. Gilles de La Tourette, que l'hypnotisme n'est pas une névrose, réalisable chez les seuls hystériques ; j'affirme qu'il peul être obtenu, dans lous ses degrés, chez beaucoup de sujets absolument sains, nullement névropathes, aussi bien que chez les hystériques; j'affirme que la conception de l'hypnose, telle que notre contradicteur l'expose dans son article du Dictionnaire encyclopédique, est absolument erronée, que la plupart des fails expérimentaux sur lesquels il s'appuie sont inexacts et entachés d'erreur, que la division en trois phases du grand hypnotisme, les caractères somaliques, rhyperexcitabilité neuro-musculaire de la période dite léthargique, rhyperexcitabilité cuianc-musculaire de la période dite somnaxnbulique, le transfert par les aimants, la douleur do tête localisée au moment du transfert, etc., j'affirme que tous ces phénomènes sont de purs effets artificiels de suggestion; et je défie M. Gilles de La Tourette de trouver une seule hystérique, vierge d'hypnotisations anléricures, chez laquelle il puisse réaliser ces phénomènes dans des conditions telles que la suggestion ne soit pas enjeu.

J'ai dit et je répèle: la suggestion est la clef de tous les phénomènes hypnotiques scientifiquement établis jusqu'à ce jour. A tous ceux qui voudront visiter ma clinique, je m'engage à démontrer expérimentalement la vérité.

J'ai été longtemps, hélas! avant M. Gilles de La Tourette, l'élève de M. Charco:, et je m'en honore. Je rends hommage à ce maître éminenl, notre maître à tous en neuro-pathologie. Si, cependant, dans cet immense domaine, agrandi par son impulsion féconde, je rencontre quelque vérité, fut-elle contraire à sou enseignement, je ne crois pas manquer de respect au maître en affirmant cette vérité. Bbrnhedi.

Dans le même numéro du Proorès médical, à la suite de la réponse de M. Bernheim, M. Gilles de la Tourelle a cru devoir ajouter les lignes suivantes :

« Nous croyons la question doctrinale vidée ; nous nous réservons de revenir sur l'application qu'on fait à Nancy de la thérapeutique suggestive à la guérison des maladies organiques, mais il nous choque de voir M. Bernheim rejeter encore une fois sur M. Liégeois une responsabilité qui lui appartient lout entière.

« Dans ce procès, dit M. Bernheim, If. Liégeois a exposé avec courage son opinion et non la mienne. Cest à tort qu'on a transformé une question de fait en question d'École. » C'est donc à tort que M. Liégeois s'exprimait ainsi {Gazette des Tribunaux, 20 décembre 1890, p. 1214,2" col.) :

• M..., je tâcherai d'être aussi court que possible, mais je tiens à établir la situation qui m'est faite. Je n'ai pas recherché le périlleux honneur de vous adresser la parole. C'est M. le D* Bernheim qui devait venir; mais, victime d'un accident, il n'a pu répondre au désir du défendeur de Gabrielle Bompard et l'on s'est adressé à moi. Jai considéré comme un devoir d'honneur et de conscience de venir exposer devant vous les doctrines de l'École de Nancy. »

Les doctrines de l'École de Nancy ne sont donc plus celles de M. Bernheim ! Nous rappellerons encore qu'il est établi par l'instruction, par la déposition de M. le professeur Brouardel, que c'est à la suite d'une consultation de M. Bernheim sur Gabrielle Bompard [Bévue de C Hypnotisme, 1890, p. 226), qu'il n'avait jamais vue, que l'hypnotisme s'introduisit dans un débat où il n'avait que faire. M. Bernheim aura beau écrire; les faits restent les faits et aucune argumentation ne saurait prévaloir contre eux.

Gilles de La Toceette. ¦

M. Bernheim nous prie d'ajouter la note suivante qui termine le débat : » Un dernier mot de réponse, puisque M. Gilles de La Tourelle revient à la charge:

¦ I. M. Liégeois, dans sa déposition au procès, a exposé : 1° une question de doctrine, qui est celle-ci : La suggestion hypnotique peut conduire certains sujets à des actes criminels. Ceci est admis par l'École de Nancy, ou au moins par beaucoup de ses adeptes. 2° Une question de fait : C'est l'application de la doctrine au cas spécial de Gabrielle Bompard. Ceci appartient en propre à M. Liégeois qui en accepte la responsabilité, car il a le courage de son opinion.

« U. M. Gilles de La Tourelle dit qu'il est établi par l'instruction, par la déposition de M. Brouardel, que c'est à la suite d'une « consultation • de M. Bernheim, dans la Bévue de l'Hypnotisme, que l'hypnotisme s'introduisit dans le débat. Les lecteurs de la Bévue (numéro de janvier 1891] vérifieront et constateront que l'insinuation contenue dans cette phrase est absolument contraire à la vérité.

" Il ne me convient plus d'ailleurs de suivre M. Gilles de La Tourelle sur le terrain des insinuations personnelles, peu dignes d'une plume scientifique.

RECUEIL DE FAITS

Huit observations d'accouchement sans douleur sous l'influence de l'hypnotisme, par M00 le Dr Marie Dobroyolsky.

I. — accouchement indolore par suggestion post-hypnotique

M. L., de Lucerne, 24 ans, primipare. Lymphatique, peu intelligente, peu nerveuse, se moque de 1'hynolisalion, mais se prête volontiers à l'épreuve. Fixe ma montre pendant 10 m., puis ferme les yeux et s'endort. Léthargie. Sensation abolie par suggestion. Je la laisse dormir pendant 10 m., puis je lui suggère de ne pas souffrir à son accouchement. Elle répond : « Oui, madame ». Alors je dis : « Je veux vous réveiller », et aussitôt elle ouvre les yeux. Seconde séance le 9 novembre, sommeil profond pendant 1/4 d'heure. Même suggestion. 13 novembre la dernière séance, même suggestion, dort 20 m. Le 22 novembre au soir, la femme sentit certains malaises, se coucha pendant quelques heures. Vers 3 h. matin, se sentant mouillée, elle se leva, changea son lit et ne pouvait plus dormir. Elle éprouva de temps en temps une forte pression dans le ventre, mais cela ne lui faisait presque pas mal. A 7 h. m. elle dit À sa voisine : ¦ Allez chercher l'inûr-mière, je sens que quelque chose sort de moi ». Et au moment où l'infimière arrive, l'enfant était dehors. Après qu'on eut fait la ligature du cordon, la femme se leva et descendit seule dans la chambre d'accouchement où eut lieu la délivrance. Elle m'a raconté après qu'elle a eu très peu mal dans la nuit el pas du tout au moment de l'accouchement.

II. — accouchement indolore. sommeil léger

M. M., 31 ans, Genevoise, peu intelligente, très anémique, nerveuse, la moindre contrariété la fait sangloter, elle a des contractions fréquentes des doigts. Elle est très épuisée, étant souffrante tout le long de sa grossesse. Présente des stigmates d'hystérie. Elle a eu trois enfants, dont l'un est mort d'hydropisie et l'autre a souvent des convulsions. A son entrée, le 15 septembre, la femme se plaiat de fortes douleurs qui durent 99 h., se répétant chaque 10-15 m. La dilatation n'a pas commencé. Vers le matin, les douleurs cessent pour recommencer à midi; elles sont très fortes, très irrégulières, mais n'avancent pas le travail. Dans la nuit, les douleurs, toutes les 5-10 m., la femme s'agite, gémit. Le 17 au matin, elle est très faible, pale, pas de douleurs; la journée se passe ainsi, mais à 7 h. s. les douleurs ont reparu; elles sont fortes et se répètent à chaque minute. La femme est très excitée, crie, pleure, réclame ma présence. Je lui ai promis la veille de l'hypnotiser. A mon arrivée, à 8 h. du soir; je l'ai trouvée dans une excitation extrême. Je lui fais fixer ma montre disant que j'allais l'endormir. Elle fixe pendant 2 m., puis ses yeux se ferment, elle soupire profondément et reste immobile. Les contractions se régularisent (chaque 5 m.), elles sont intenses, mais

indolores. La respiration se ralentit, les joues se colorent, la figure est calme. A 9 h., la dilatation est comme *2 fr., les contractions chaque 4-5 m., très inienses, durent 40-50 s., nullement douloureuses. A 10 h., dilatation comme 5 fr., la femme ne souffre plus. Pendant une contraction très forte, elle laisse échapper un cri, je presse sur les yeux en lui ordonnant de dormir plus fortement, puis je lui donne à inhaler une compresse trempée d'eau, lui disant que cela enlève la douleur; elle respire profondément, se calme et demande à chaque contraction sa compresse. A II h. la dilalation est complète, la tète s'engage dans le canal, la malade pousse faiblement. Je suggère de dormir mieux et de pousser plus énergiquement ; la malade pousse de toutes ses forces, ne veut plus de compresses, mais lient ma main sur ses yeux. Contractions chaque 2 m., pas de douleurs. A minuit, pendant une contraction qui dure *2 m., la tête balaie le plancher, se montre à la vulve et se dégage, la femme ne bouge pas. Après l'expulsion de l'enfant, elle ouvre les yeux et s'étonne d'avoir accouché. Les suites de couches bonnes.

111. — accouchement indolore. sommeil leger

J. B.. Genevoise, 35 ans. couturière, primipare, enceinte depuis fin décembre, femme petite, maigre, tempéraraenlnerveux, n'a jamais eu de crises, caractère timide, intelligence peu développée, s'est toujours bien portée, sa grossesse a bien marché. Après lui avoir expliqué ce que j'attendais d'elle, elle se laisse volontiers hypnotiser. 24 septembre, première séance. Je lui fais fixer ma montre pendant 20 m., on remarque le clignotement des paupières, des secousses nerveuses légères dans le bras gauche, les yeux se tournent en haut et se ferment. Alors je presse *ur les jeux et je lui commande énergiquement de dormir; 2 m. après, la femme s'endort, les membres en résolution, la figure tranquille. Je touche légèrement son bras ce qui occasionne une secousse. Je lui défends de reprendre ses crises el lui ordonne de dormir, elle murmure « oui » et se rendort. Je lui suggère l'idée)de ne pas souffrir pendant son accouchement, puis je la réveille en soufflant sur ses yeux. Elle se trouve bien et n'a pas conscience du temps de son sommeil. 26 septembre, à 8 h. m., la femme est inquiète, très agitée, pleurant, les douleurs ont commencé à minuit, elle n'a pas reposé et se plaint de douleurs de reins et de bas-ventre. Les élèves du service me direntque la femme avait beaucoup crié, qu'à 7 h. la dilatation était comme une pièce de 5 fr.; les douleurs, très fortes et très douloureuses, continuaient. Je passe à l'examen de la parturiante el je constate une première position céphalique dans un bassin légèrement rétréci. Je lui fais fixer ma montre, ce qui n'arrête pas ses cris; je lui donne à respirer une compresse avec quelques goulles d'éther; elle se calme, les contractions continuent, la femme s'endort. Quand elle se réveille, je lui fais fixer la montre, lui ordonne de ne pas souffrir, mais elle exige sa compresse, sur laquelle on verse un peu d'eau claire; elle se tranquillise, ne crie plus. A 9 h. 1/2, la dilalation est complète, la malade ne souffre pas, fixe la montre et respire sa compresse pendant les contractions,

dort dans les intervalles. La sensibilité cutanée est augmentée, le moindre attouchement la tait trembler convulsivement. A10 h., la tôle est à la vulve. Je lui conseille de pousser, elle pousse fortement et 1/4 d'heure après accouche sans souffrance.

IV. — accouchement indolore. sommeil léger

A. D., Française (Saône-et-Loire), quatrième grossesse, anémique, nerveuse, sensation d'une boule à la moindre contrariété. Son père a des crises nerveuse. Grande, bien conformée, bien portante. 23 février, première séance. Elle dit qu'elle souffre de la tète et qu'elle ne pourra pas dormir, mais au bout de 2 m. de fixation, les veux se ferment, la tête retombe en arrière, la respi-salion se ralentit et elle dort, quoiqu'elle continue à causer; entend tout ce qui se passe autour d'elle. Catalepsie du bras suggestive, hyperesihésie cutanée. Après 5 m. de sommeil, demande que je la réveille, que cela lui fait mal. Jela réveille au bout de 10 m. ; réveil difficile, les yeux se referment et il faut lui répéter plusieurs fois et très énergiquement : « Réveillez-vous! » pour qu'elle revienne à elle. Je fais en tout six séances, suggestionnant chaque fois qu'elle ne souffrira pas à son accouchement et qu'elle me demande de l'endormir dès qu'elle sentira les douleurs. Son sommeil est habilellement léger, elle entend tout ce qui se passe autour d'elle, mais ne peut pas ouvrir les yeux et cause continuellement, se fâchant contre elle-même de ne pas pouvoir s'arrêter. Elle exécute pendant son sommeil toutes les suggestions possibles, elle ne sent pas les piqûres, ses bras lui sembleDlcollés l'un contre l'autre ou elle les croit morts. Elle pense que j'ai un * pouvoir magnétiqne » sur elle, que je peux faire avec elle tout ce que je veux. Les premières douleurs ont eu lieu à 8 h. s. le 12 janvier, 56" répétant d'abord tous les 1/4 d'h puis toutes les 3 m. Depuis 9 h. elle souffre beaucoup. Dilatation comme 3 fr. A 10 h. 1/2 je l'endors par fixation d'une montre et après 30 m. elle ferme les yeux, ne souffre plus, dit qu'elle est très bien : € Cela presse, mais ne fait pas mal ». Mais à chaque contraction, qui sont très fortes et durent 50-35 s., elle me demande de lui tenir le ventre et le dos, que cela lui Ole les douleurs. Elle ne peut pas ouvrir les yeux, mais répond à toutes les questions qu'on lui adresse. A H h. 1/4 la tète se montre, fait sa rotation et se dégage sans que la femme laisse échapper le moindre gémissement. Elle est toute contente d'avoir accouché, me remercie infiniment. La délivrance se fait spontanément, 1/4 d'heure après je la réveille.

V. — accouchement indolore. sommeil léger

M. B. (Haute-Savoie), 25 ans, deuxième grossesse. Enceinte de s mois. Petite taille, bien conformée, tempérament sanguin, non nerveux. Fixation d'un objet brillant pendant 5 m., se rend compte de tout ce qui se passe autour d'elle. J ai fait en tout 4 séances en suggérant chaque fois de ne pas souffrir pendant son accouchement et de me demander de l'endormir dès qu'elle aura des douleurs. Les premières douleurs le 11 février. A 3 h. s. la

dilatation est comme 2 fr., la tête mobile. Les contractions toutes les 5 m, très douloureuses. La patiente demande qu'on la soulage. Je l'endors au bout de '2 m. par fixation d'une montre; elle reste tranquille pendant les contractions, gémit légèrement, mais se tranquillise dès que je lui dis qu'elle n'a pas mal, que j oie les douleurs. Elle se plaint d'avoir mal au cœur Je lui suggère que cela est passé, elle répond « oui » et reste tranquille. Je la réveille au bout de 3/4 d'h. Elle dit avoir bien dormi et n'avoir presque pas eu mal. Pendant 1/2 h. elle reste tranquille, se plaignant légèrement pendant les contractions, qui se répètent toutes les 5 m. et durent 40-48 s. A 4 h. 1/2 la dilation est comme 5 fr., les douleurs augmentent d'intensité, la malade souffre beaucoup. Je l'endors de nouveau, elle se tranquillise immédiatement. Les contractions toutes les 2 m. durent 50 s. De temps eu temps elle gémit et dit que cela lui Tait mal. Alors je lui donne une compresse trempée d'eau; la malade dit que cela la soulage, que cela fait passer les douleurs. A 5 h. 1 /2 la dilatation est complète, la tête entre dans le canal, la malade commence à pousser énergiquemeut pendant les contractions, mais reste calme. A 6h. 1/2 la poche se rompt et la malade ouvre les yeux, maïs continue â pousser sans gémir. A 6 h. 1/4, la tête se montre et eu eix contractions ae dégage sans que la malade pousse un cri.

L'enfant pèse 9 livres. La délivrance se fait 1/4 d'h. après l'expulsion. L'accouchée se porte bien et dit qu'elle n'a pas souffert.

[A suture.)

REVUE BIBLIOGRAPHIQUE

G. Taju». — La Philosophie pénale, 1 vol. in-»8. Dans la Bibliothèque de Criminologie, chez Slork et Masson, 1890-

Jusqu'ici, l'école d'anthropologie criminelle, aussi bien en France qu'en Italie, s'en était tenue à la statisliquo et à l'élude des faits ; c'était de l'analyse et de l'observation. M. Tarde a pris les choses de plus haut. Il a, en quelque sorte, jeté un vaste cuup-d'ceil sur toutes les données de la science nouvelle, et il a condensé, dans une synthèse magnifique, les conclusions philosophiques de tous ces faits, de toutes ces doctrines, de toutes ces hypothèses. Mais ces déductions sont liées avec une largeur de vue remarquable et avec une originalité îare. On a publié sur cette question des livres plus riches en faits, en documents personnels et inédits, mais aucun ne présente autant d'horûtons nouveaux. Le livre de M. Tarde marque une étape dans la marche de la science pénale. On pourrait l'appeler la synthèse philosophique de l'anthropologie criminelle en 1889. Quand, dans quelques siècles, on voudra savoir où en était cette science à notre époque, c'est certainement le livre de M. Tarde que l'on consultera.

Je u'entreprendrai pas d'en faire ici une analyse détaillée ; il me faudrait

des pages et des pages, tant il y a de choses et d'idées entassées dans ce compact in-octavo. Je me contenterai d'en indiquer les grandes lignes.

Les théories que développe M. Tarde ont trait à trois pieoccupalions différentes. Il y a d'abord une tentative de conciliation entre la responsabilité morale et le déterminisme, entre la conscience et la science, que la nolion du libre arbitre avait paru séparer par un gouffre infranchissable. 11 y a aussi, et surtout, une explication du coté criminel des sociétés, conformément à à un poinl de vue général qu'il s'est efforcé d'appliquer dans un autre ouvrage sur les Lois île l'imitation (1), aux divers aspects de la vie sociale. Il y a enfin l'indicalion de quelques réformes législatives ou pénitentiaires qui sont la conclusion pratique de ces prémisses théoriques.

Après un exposé rapide des doctrines de l'école positiviste, M. Tarde aborde immédiatement la question de la responsabilité.

Pour lui, la responsabilité morale est fondée sur l'identité personnelle el la similitude sociale. La responsabilité d'une personne envers une autre personne suppose deux conditions réunies : !• II faut qu'il existe un certain degré de similitude sociale entre les deux personnes. Si l'état ordinaire d'un homme n'est en rien semblable à l'état ordinaire de la moyenne de ses coassociés, il y a irresponsabilité de sa part ; il n'y a de sa part responsabilité complète que lorsque son étal ordinaire, sous l'empire duquel il a agi, est aussi semblable que possible i l'eut moyen en question. 2° Il faut que la personne, cause de l'acte incriminé, soit restée ou paraisse être resiée identique à elle-même.

S'il n'y a plus similitude sociale ou identité personnelle, le coupable devient irresponsable.

Or, le champ de l'irresponsabilité s'est démesurément agrandi de nos jours. Très petit au dix-huitième siècle encore, limité aux cas de folie à grand orchestre, il s'esl accru par une série d'empiétements, grilce aux observations de Pinel, à la doeirine des monomanies d'Esquirol, & celle des dégénérés héréditaires de Morel, enfin aux recherches récentes de nos hypnotiseurs et de nos anthropologistes.

M. Tarde trouve qu'il y a là une tendance peut-être exagérée, et il limite nettement les différenles causes d'irresponsabilité.

D'abord la folie, parce qu'elle nous désassimile el parce qu'elle nous aliène, parce qu'elle nous fait étranger à notre milieu el parce qu'elle nous fait étranger à nous-mème. Toute folie est une extravagance qui nous isole, et elle nous isole d'auiant plus qu'elle est plus ûxéc, consolidée, chronique.

L'épilepsie, l'ivresse, l'hypnose sont également des altérations ou des alié-naiions accidentelles de la personne; enfin l'exirême vieillesse en est la décomposition fatale, ou plus souvent l'ampliation. « La vieillesse est le ír d'il ridé de la vie; une mauvaise vieillesse est un certificat de mauvaise vie;

(1J 1 vol. in-8*. Chez Alean.

ainsi les passions auxquelles le vieillard succombe le font ressembler au cocher qu'écrase le char lancé par lui ».

Telles sont les causes morbides qui ont pour effet de transformer plus ou moins profondément la personne en altérant son identité.

L'auteur se demande ensuite s'il n'est pas des transformations internes, des régénérations morales de soi par soi. aussi salutaires que les précédentes sont funestes, et qui, sans avoir rien de pathologique, rivalisent parfois avec celles-ci. Pour lui, ces transformations sont possibles, mais elles sont lentes. ¦ Le jour où, combattue par une inspiration nouvelle, notre idée-mai tresse, notre passiou-mère nous apparaît a nu et perd de sa force, le jour où, chirurgien de nous-mème, nous parvenons à l'extirper, et, par exemple, à semer sur les ruines de la vanité la résignation au néant propre, sur les ruiocs de l'illusion chère, la vérité dure; sur les ruines de l'égolsme, de la haine et de l'envie, la pitié, la bonté, l'abnégation, ce jour-là, une personne toute neuve se lève en nous, et nous pouvons chanter, comme Dante, notre vila nuova. Seulement il faut plus d'un jour pour que ce jour luise, et, pas plus ici qu'ailleurs, le cours de La vie n'admet de tournant brusque ».

Quant aux régénérations morales subites, elles sont rares. « Réduite à ses seules forces, la volonté de l'individu est toujours impuissante, sauf la très rare exception de quelques grands hommes, à changer le versant de son cœur. 11 y faut l'aide de la grâce, disent les chrétiens, c'est-à-dire le secours d'uue émotion subite et profonde, enthousiasme ou douleur; amour ou déchirement; il y faut surtout le concours suggestif des exemples, l'entraînement réciproque des néophytes rassemblés dans une même foi et sous uno même règle, cl dont chacun est fortifié de la force de tous ».

M. Tarde ne veut voir dans le criminel ni un fou, ni un dégénéré, ni un sauvage, ni un épileplique, mais un professionnel. Selon lui, le criminel est l'œuvre de son propre crime, autant que son crime est son œuvre; le criminel esi en partie aussi l'œuvre de la justice criminelle. Par elle, excommunié aux yeux de tous, il s'isole encore davantage à ses propres yeux, se gloriûede sa mauvaise action et s'y complaît.

Après avoir montré comment le criminel urbain diffère essentiellement du criminel rural, l'auteur en arrive à l'étude du crime. Il se plall à reconnaître que la statistique, malgré ses errements, a pu rendre quelques services et éclairer l'étude de ce problème complexe, eu y apportant pour la première fois la précision et la certitude, altquid inconcussum. Mais ce n'est cependant qu'un œil rudimentaire. • Quand, dit-il, au fond des mers, le premier œuf rudimentaire est éclos, jadis, permettant à peine de discerner la lumière de l'ombre, ou les contours vagues d'un ennemi ou d'une proie, l'animal qui s'est laissé guider par ces imparfaites indications, a dù souvent commettre des butes grossières et se reprocher de n'avoir pas continué à tâtonner comme ses pères. Il n'en était pas moins dans la voie féconde où ses chutes mêmes préparaient des élans. Eh bien ! la statistique est en quelque sorte un sens social qui s'éveille; elle est aux sociétés ce que la vision est aux animaux, et, par la netteté, par la célérité, par la mulliplité croissante de ses

tableaux, de ses courbes graphiques, de ses cartes coloriées, elle rend celte analogie plus frappante ».

Néanmoins, selon M. Tarde. le fait révélé par la statistique que telles saisons ou telsclinuls coïncident avec telle recrudescence ou telle diminution de certains crimes, ne prouve pas pins la réalité des causes physiques du délit, que le fait révélé par l'anthropologie d'une fréquence plus grande d'ambidextres, de gauchers, de prognathes, etc., parmi tes malfaiteurs, ne démontre l'existence d'un type criminel dans le sens biologique du mot.

Les vraies causes du crime sont les causes sociales, et, parmi celles-ci, l'imitation, dont l'influence serait toute puissante. Car, pour l'auteur, tous les actes de la vie sociale sont exécutés sous l'empire de l'exemple. L'exemple part généralement d'en haut ; les vices et les crimes se sont jadis propagés de la noblesse au peuple. Tels l'ivrognerie, l'empoisonnement, le meurtre par mandat, la fausse monnaie, le vol et le pillage. C'est de la même façon qu'actuellement les crimes se propagent des villes aux campagnes, par imitation. Les capitales n'envoient pas seulement à la campagne leurs goûts ou dégoûts poliliques et littéraires, leurs genres d'esprit ou de sottise, leurs coupes d'habits, leurs formes de chapeaux, leur accent, elles lui expédient leurs crimes et leurs délits. Les attentats à la pudeur sur les enfants sont un crime essentiellement urbain, comme le montre leur carte; on les voit, en se répandant, faire tache d'huile autour des grandes villes. Chaque variété de meurtre ou de vol que le génie du mai imagine, naît ou s'implante à Paris, à Marseille, à Lyon, etc., avant de se répandre en France. La série des cadavres coupés en morceaux a débuté en 1876 par l'anaire Billoir et s'est longtemps localisée A Paris, à Toulouse, à Marseille, mais elle s'est continuée dans la Nièvre, dans le Loir-et-Cher, dans l'Eure-et-Loir. L'idée féminine de jeter du vitriol à la figure de son amant est toute parisienne ; c'est la veuve Gras qui, en 1875, a eu l'honneur de cette invention, ou plutôt de cette réinvention ; mais je sais des villages où cette semence a fructifié, et les paysannes maintenant s'essaient elles-mêmes au maniement du vitriol. En 1881, une jeune actrice, Clotilde J..., à Nice, vitriole son amant. Comme on lut demandait à quelle époque elle avait songé a. se venger : — Depuis un jour, a-t-elle répondu, où j'ai lu, dans un journal de Paris, un article relatif aux vengeances des femmes. Un autre instrument de haine féminine est le revolver. Son emploi à Paris, dans un procès retentissant, a été bientôt suivi d'une détonation pareille à Auxerre. En 1825, à Paris, Henriette Cornier lue cruellement un enfant qu'elle gardait ; un peu après, d'autres bonnes d'enfants ol>éissent, sans plus de raison, i la passion irrésistible de couper la gorge aux enfants de leurs maîtres. Pour les vols, il en est de même. Il n'est pas un procédé de filouterie, usité dans les foires des villages, qui ne soit né sur un trottoir parisien.

En somme, le crime, comme tous les actes sociaux, est soumis aux lois de l'imitation. 11 est une branche gourmande de l'arbre national, mais une branche nourrie de la sève commune et soumise aux lois communes. Et celle branche parente grandit en se conformant à la règle de l'imitation, de haut

en bas, comme toutes les autres branches fruitières et utiles du même tronc.

Quelques pages sont ensuite consacrées a l'influence de l'instruction sur la criminalité, et l'auteur la considère, avec tous les savants, comme néfaste. Le Lravail. au contraire, régénère et aide à supporter la pauvreté, pendant que la richesse démoralise. El il conclut que le délit est un acte émané, non de l'individu vivant seulement, mais do l'individu personnel tel que la société seule sait le créer et le faire croître à son image ; de la personne d'autant plus identique à elle-même qu'elle est plus assimilée à autrui ; d'autant plus volontaire et consciente qu'elle est plus impressionnable aux exemples, comme le poumon est d'autant plus fort qu'il respire mieux. « On a dit que notre corps est un peu d'air condensé, vivant dans l'air; ne pourrait-on pas dire que notre âme est un peu de société incarnée, vivant en société? ».

Nous arrivons maintenant aux déductions pratiques, au chapitre des réformes.

M.Tardecritique vivement, et avec jusloraison, cette institution surannée du jury, donl nous pouvons apprécier lous les jours les déplorables résultats. Sévérité excessive dans certains cas, indulgence inexplicable dans d'aulres. 11 ne craint pas de soutenir que le jury a fait plus de mal à la société que la torture elle-même, a L'ignorance, la peur, la naïveté, la versatilité, l'inconséquence, la partialité, tour à tour servile ou frondeuse des jurés, sont, dit-il, prouvées surabondamment ». Le jury est un peu à la justice ce que la garde nationale est à l'armée.

C'est aux magistrats qu'il appartient de juger les causes criminelles, et non à des bourgeois ignorants et imbéciles qui, souvent, ne comprennent rien aux questions qu'on leur pose et répondent au petit bonheur, même quand ils jouent la tête d'un homme. Mais il faudrait des magislrals spéciaux et, avec eux, un nombre égal d'experts. C'est dans l'expertise qu'est l'aveuir de la procédure criminelle.

M. Tarde n'est pas tendre pour ses collègues, et il avance avec Garofalo que les juges actuels sont peut-être, parmi lous les fonctionnaires du gouvernement, ceux qui sont le moins aptes à amener la solution des affaires criminelles. Accoutumés, par le genre de leurs études, à faire abstraction de l'homme, ils ne s'occupent que de formules. ¦ Nous ne devons être que des machines qui appliquent la loi », médisait un jour l'un d'euxàqui je reprochais l'ignorance de sa corporation en matière de criminalité et leur peu de goût au travail. Alors on pourrait remplacer les juges par un code phoné-tone qui débiterait les formules. Et en effet, le juge n'est souvent que cela. Àvet-vous assisté quelquefois a une audience correctionnelle a Paris? Ça n'a rien d'imposant du tout. Trois hommes noirs, alignés corn mes ces pantins qu'on s'amuse à renverser avec des boules à la foire, avec des mines ennuyées. On amène les prévenus par fournées. Le juge du milieu bredouille entre ses dents des formules inintelligibles. El vlan ! quinze jours à celui-ci, trois mois à celui-là, six mois à cet autre. Pourquoi? Les pauvres diables

n'y ont jamais rien compris et les juges s'en moquent. Ah! la décision n'a

pas été pesée longtemps dans la balance de leur conscience. Us distribuent les mois de prison comme des noix. Eh bien! ces juges-là font de la mauvaise besogne, de la besogne immorale, lis démoralisent la société et envoient au crime des gens souvent inouensifs, des vagabonds ou des mendiants. Aussi je comprends et j'approuve la sévérité do M. Tarde, qui a certainement vu les choses de plus près que moi. « Voyez, dil-il, ce môme juge siéger à l'audience civile : là il retrouve son pôle. Il n'est si mince et si byzantine question de procédure qui ne le captive, où il ne soit charmé de découvrir un côté délicat ; si par hasard, la question est neuve, ce qui, à cette heure, signifie oiseuse et insignifiante à un degré éminent, son intérêt se transforme en passion, et, entre l'avocat et lui, c'est alors une émulation fiévreuse de recherches et de subtilités, de fouilles dans les arrêts et les auteurs, pour parvenir à résoudre un cas si rare, à enrichir la collection judiciaire de cette variété non classée ».

La conclusion de tout cela, c'est qu'il faut diviser le travail et séparer nettement la magistrature civile et la magistrature criminelle. « Spécialisons et localisons chacune d'elles dans sa tâche propre; dispensons, par exemple, le ministère public d'assister à l'audience civile,où il perd son temps d'ordinaire, sauf quaud il couclut,et fait perdre à ses collègues le leur, et où des raisons historiques, — oserais-je ajouter un certain besoin inconscient de symétrie qu'il satisfait en faisant face au greffier?— expliquent seules sa présence; enfin ayons, non pas des chambres correctionnelles, mais des trîbuuaux correctionnels spéciaux, comme nous avons des commissaires de police spéciaux, qui ne sont pas en môme temps des juges de paix ou des arbitres ».

Dès l'École de Droit, on devrait préparer des juges criminels qui seraient tenus d'étudier les malfaiteurs dans les prisons, transformées ainsi en cliniques de criminologie. C'est le vœu de M. Lacassagne et de tous les crimi-nologisles. Mais il est loin de pouvoir se réaliser. M. Herbette considère comme suspect tout ce qui est médecin ou peut ressembler à un médecin, et ferme sournoisement et petit à petit les prisons aux études médicales. Cependant, il ne faut pas désespérer tout à fait, et nous devons continuer le bon combat. M. Herbette n'est pas plus inamovible qu'un ministre, et, une fois le directeur général parti, l'homme de science qui en restera tiendra bien peu de place.

Nous arrivons au dernier chapitre : à la pénalité et à l'efficacité des peines.

A ce propos, M. Tarde proposo encore quelques réformes qui paraissent assez facilement réalisables. 11 voudrait, avec M. Garofalo, que le condamné â lu prison y reste jusqu'à ce que, par son travail, il ait économisé une somme déterminée, jugée propre à désintéresser sa victime. Il réclame également l'institution d'une maison de santé criminelle, tenant le milieu entre l'asile d'aliénés et la prison. L'urgence s'en fait de plus en plus sentir.

Enfin il considère comme pernicieux le mélange, dans les prisons, de condamnés socialement hétérogènes, dont les moins mauvais ue peuvent

qu'empirer au contact des pires. 11 réclame, comme moi, une sélection des criminel* dans les prisons. Et, pour lui, on devrait prendre pour base l'origine sociale des délinquants et séparer le» criminels des villes des criminels des campagnes.

Un dernier mol sur la peine de mort. M. Tarde s'en montre partisan, avec réformes toutefois. Mais il voudrait un aulro genre de supplice que la guillotine, qui mutilo trop hideusement le condamné. • Il y a un degré, dit-il, où la profanation, mémo non douloureuse du corps humain, est intolérable, invinciblement repoussée par le système nerveux du public civilisé, aussi bien que du paiieni. Et ce degré, la guillotine à coup sûr le dépasse. Bien ne sent plus la barbarie que ce procédé sanglant, et. fùt-il prouvé qu'il est sans douleur, ce genre de décapitation n'en resterait pas moins la plus violente et la plus brutale des opérations, une sorte de vivisection humaine et horrible... Quand la réalité concrète surgit devant les yeux ou devant l'imagination, l'échafaud dressé, la dernière toilette, ce malheureux qu'on garrotte sur une planche, ce triangle qui tombe, ce tronc qui saigne, et la frivolité cannibale de la populace accourue pour se repaltro de cette scène d'abattoir solennel; il n'est pan de statistique ni de raisonnement qui tienne contre l'écceurement qu'on éprouve ». Quant à la publicité des exécutions, aux manifestations organisées par le Tout-Paris vicieux ou criminel au pied de l'échafaud. il leur fait leur procès en quelques mots.

Telles sont les grandes lignes de l'ouvrage de M. Tarde. J'ai peut-être dépassé les bornes d'une analyse bibliographique ordinaire, mais il y a tant de choses dans ce livre. Dr Emile Laussm.

?. '1 ¦ — La Criminalité comparée. î' édition. 1 vol. in-18. Dans la Bibliothèque de Philosophie contemporaine. Alcan. Paris, 1890.

Ce livre n'est que le résumé, ou mieux l'embryon du précédent.

Dans le premier chapitre, M. Tarde établit le type criminel tel que l'entend l'école italienne. Il n'a pas de peine à le démolir ensuite et à nous montrer que ce n'est qu'un fantôme.

Pour lui, l'explication du crime est avant tout sociale.

Le second chapitre tout entier est consacré a. des question» de statistique crimiuelle. Celle-ci montre, depuis un demi-siècle, une progression rapide et réelle du nombre des délits et une baisse du nombre des crimes. Mats cette baisse n'est qu'apparente ; elle est due à la correctionnalisation progressive, aux égards croissants du parquet pour la mollesse du jury, à la distinction entie les vrais eûmes et les crimes nominaux ou secondaires. Les crimes, comme le» délits, suivent une marche ascendante, et cela parce que toutes les circonstances se sont réunies do notre temps pour favoriser l'industrie particuli'Vre qui consiste à spolier les autres. » Pendant que la quantité des choses bonnes à voler ou a escroquer et des plaisirs bons à conquérir par vol, -escroquerie, abus de confiance, faux, assassinat, etc., a grossi démesurément depuis un demi-siècle, les prisons ont été aérées, améliorées sans cesse

comme nourriture, comme logement, comme confortable; les juges et les jurés ont progressé chaque jour en clémence; les circonstances atténuantes ont été étendues aux crimes les plus atroces, et la peine de mort s'est transformée, par degrés, en une sorte de mannequin do paille armé d'un vieux fusil rouillé qui ne tue plus rien depuis longtemps ».

L'influence de la religion et de l'instruction est mise en lumière avec beaucoup de sagacité en quelques pages très substantielles.

Le troisième chapitre aborde les questions de criminalité : le degré requis de conviction judiciaire, les conditions essentielles do la responsabilité, le rôle de l'hypnotisme et de l'imitation dans la vie sociale.

Enfin le quatrième chapitre touche aux problèmes philosophiques de la criminalité.

Pour M. Tarde, la géographie criminelle de Garofalo n'est qu'une illusion. La prépondérance des homicides dans le Midi et des vols dans le Nord doit s'expliquer, non par des causes physiques, mais par les causes sociales qui font marcher la civilisation du Midi au Nord et de l'Est à l'Ouest, dans les temps modernes.

Quant au rapport inverse établi entre le suicide et l'homicide, il se refuse absolument à l'admettre.

Les dernières pages, consacrées à l'avenir du crime et au rôle du mensonge dans la vie sociale, sont d'une grande élévation et dignes tout à fait des meilleures et des plus belles de la Philosophie pétiole.

Dr ÉiiiLE Laurent.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Lettre de M. Delbceuf au sujet de l'affaire des guérisseurs de Braine-le-Chateau.

Mon cher rédacteur,

Je recois à l'instant le numéro de la Revue de l'Hypnotisme de février. Mon nom y est cité à propos des Spirites guérisseurs de Brainc-lc-Chdleau. Votre correspondant écrit ceci : * MM. Masoin et Delboenf, respectivement professeurs à l'Université de Louvain et â celle de Liège, se sont livrés & une joute très intéressante. Le premier, convaincu que le sommeil de Sylvain était simulé, affirmait que, ni au point de vue de l'E:ole de la Saipêtrière, ni au point de vue de l'École de Nancy, le sujet ne présentait aucun caractère hypnotique. M. Del~ baruf soutenait le contraire. »

Le contraire de quoi?

J'ai soutenu uniquement que Sylvain Yandevoir était bypnotisable, pour la bonne raison que je l'avais hypnotisé, immédiatement, malgré une défiance marquée envers moi, en qui il semblait voir un nouveau médecin expert requis par un juge d'instruction. Hypnotisé, il avait donné tou3 les signes de l'hypnose, y compris l'insensibilité absolue, que, d'après leur rapport, MM. Masoin et Schoofs n'avaient pu nullement obtenir.

N'étant pas homme à me lier à ma seule expérience, j'engageai le D' Cartier,

le protecteur de Vandevoir,à aller à Nancy avec son protégé. C'était d'ailleurs son intention, et il en est revenu ???? les deux certificat suivants :

« Je soussigné, Ambroise-Auguste Liébeault, résidant à Nancy, certifie avoir mis dans le sommeil M Sylvain-Joseph Vandevoir que m'a amené M. le Dr Carlier. M.. Vandevoir présente tous les signes du somnambulisme provoqué, et, en outre. Je puis par sugfrestion produire sur ce sujet tous les signe caractéristiques invoquées par l'Ecole de 1a Salpétrière. Les erreurs de l'École de la Salpôtrière sont dues ? ce qu'on y but des suggestions sans s'en douter. Nanev, le 17 juin 1890; (signé]: A. Liébeault. »

Certilicat de M. Liégeois :

« Je soussigné, professeur à la Faculté de Droit de Nancy, après un examen sommaire du sujet et après plusieurs expériences faites par lui, s'associe entièrement ù l'avis formulé par M. le Dr Liébeault. Nancy, le 17 Juin 1890 (signé) : Liégeois. »

Voici enfin la lettre que M. Beraheim m'écrivait en date du 21 juin suivant : « Je ne désirais pas intervenir directement dans le procès, ne connaissant ni les bits ni les personnes intéressées (1). Mais je vous donne volontiers mon opinion sur le sujet dit Vandevoir que le D' Carlier a soumis à mon examen. Il est, à mon avis, tres suggestible à l'état de veille et hypnotisable ; il ne simule pas ; il se comporte, en état hypnotique, comme presque tous nos sujetse.

« Dans cet état, qui n'est qu'un état de seconde conscience, il m'a paru présenter une certaine exaltation nerveuse se traduisant par quelques secousses musculaires et quelquefois par de l'anxiété qui le fait demander à être réveillé. Dans cet état, il se croit le pouvoir de diagnostiquer et de traiter les maladies. Quand je lui ai dit, en état hypnotique, de renoncer a ses consultations et de reprendre son métier, il a dit, comme un illumine: « Jamais ! Je vois les malades! je dois « les guérir. C'est Dieu qui le veut, etc.!» Sa physionomie prend un a«pect comme extatique: Il s'exalte dans sa foi 1 C'est, à l'état hypnotique, un visionnaire, un fou (de bonne foi), qui prend pour des réalités toutes les visions Incohérentes de son imagination. Car il est inutile d'ajouter qu'il n'a aucune vision claire sur la nature des maladies, il ne voit que par l' auto-suggestion d'une imagination délirante. 11 m'a dit, dans cet état, que son frère, je crois, l'a endormi pour la première fois il y a quelques années. Je suppose qu'alors cet hypnositeur ignorant s'est imaginé pouvoir lui faire traiter les malades et lui a ainsi, sciemment ou insciemment, suggéré qu'il en avait le pouvoir. Cette idee fixe s'est ainsi enracinée dans ce pauvre cerveau hypnotisé. S'il a servi dans un but de lucre, ce que j'ignore, à donner des consultations médicales, lui, en tous cas, n'a été qu'un instrument irresponsable. Tel est, cher collègue, mon avis sor le sujet que j'ai vu. »

Quant à moi, j'avais donné le 20 juin (2), à M. le I)r Carlier, un certificat analogue. Voici ce certificat : • Vous me priez d'ajouter mon témoignage à celui des professeurs de Nancy en ce qui concerne le sieur Vandevoir. Lorsque vous m'avez quitté le 16 Juin, vous dirigeant vers Nancy, je n'ai pas hésité à vous assurer que j'étais prêt a certifier que le nommé Vandevoir que vous m'avez présenté,avait été parlaitement hypnotisé par moi, et avait présenté les caractères les plus incontestables et les plus incontestés de l'hypnose. Au surplus voici ce

qui s'était pa-se..... Vous m'avez donné à lire le rapport de MM. les experts

requis par l'accusation, et je n'ai pu vous cacher une stupéfaction à l'égard des motifs invoqués par eux pour établir que le sujet en question simulait l'hypnose. Cest tout au plus si l'un ou l'autre de ces motifs aurait justifié uno présomption.

? -O) Céttil U ?? moa ImpnMoa et ce ?'?? qe"i mon cí-rjn dcfcudani que J ai d-??? me* ItmoteBsge daa« rrtle artairr. (S) Donc avant la Mu* J- M- H'nh-im.

Ku ce moment je ne ¦avais pas que vous voas étiez fait accompagner du sieur Vandevoir. Ce n'est qu'ensuite que vous m'avez informé de sa présence et offert de l'introduire, ce que j'ai accepté. Il fut endormi par moi instantanément et j'ai acquis la plus complète conviction que le sujet était plongé dans l'hypnose. Il a suffi pour cela de quelques expériences élémentaires faites dans les conditions scientifiques requises en pareil cas. Voilà, monsieur, le point essentiel sur lequel vous avez réclamé de moi un certificat.....C'est pourquoi je vous écris aujourd'hui celte lettre dont vous pouvez faire usage au besoin. »

Ainsi donc le point était bien délimité : le sieur Vandevoir était-il hypoolisable ou non? On vient de lire les certificats de l'Ecole de Nancy et le mien. Devant le tribunal j'ai simplement affirmé que le sieur Vandevoir était hypnotisable et avait été hypnotisé par moi. M. Masoin a soutenu qu'il simulait l'hypnose. C'était donc one question de fait et facile à résoudre.

Eh bîenl le tribunal, au lieu de faire faire une expérience très simple et qui eût été concluante — îe doute à cet égard n'est pas possible — a préféré clore brusquement le débat, qui n'a pas été long, ni, par conséquent, très intéressant, quoi qu'en dise votre correspondant. C'était un débat en paroles où l'on s'est borné à dire oui, tandis que l'autre a plaidé longuement non.

Votre correspondant, toujours bien informé, ajoute que l'arrêt est fortement motive. En effet, le voici. Le juge d'appel déclare tout simplement : « que les faits déclares constants par le premier juge, comme constituant le délit d'escroquerie, «ont demeures établis devant la Cour..... » et aucun des arguments présentés par la défense n'a été même visé dans l'arrêt.

De sorte que la grande victoire remportée par les médecins de Nivelles et • pour laquelle ils doivent illuminer (!. > consiste à avoir fait condamner comme escroc un irresponsable, un innocent:

La question a une importance beaucoup plus grande qu'elle n'en a l'air. Dans une foule d'affaires criminelles, les défenseurs s'appuyant sur les opinions de médecins, plus ou moins compétents, tendent à plaider l'irresponsabilité de leurs clients sous prétexte de suggestion et d'hypnotisme. Ici les rôles sont renversés. Nous voyons un suggestible, un hypnotisable, s'il en fût jamais, — il ne faut pas avoir eu en main un hypnotisé pour le nier, — déclaré simulateur par des médecins; et cela pourquoi? yu'on le dise!

Au surplus, mon cher rédacteur, veuillez ouvrir vos colonnes au rapport de MM. Schooffs et Masoin ; vos lecteurs auront devant les yeux les pièces du procès.

Agréez, mon cher rédacteur, l'assurance de mes sentiments bien dévoués.

J. Dblbœl-p, . Professeur a l'Université de Liège.

Un mot sur l'affaire La Boncière.

Paris, 20 février 1891.

Monsieur le Rédacteur en chef,

Il n'appartient pas a un profane d'intervenir dans la lutte entre l'École de la Salpêtrière et celle de Nancy. Je veux seulement rectifier un fait que je vois rappelé encore dans le numéro de février de la Revue, fait avancé dans un rapport de M. Liégeois, lorsqu'il cite parmi les erreurs judiciaires qu'il porte à l'actif de l'hypnotisme l'affaire La Roneière (1835). dans laquelle un officier de l'armée française fut condamné à dix années de réclusion, sur les accusations d'une Jeune fille hystérique, somnambule et hallucinée ».

L'affaire La Roneière fut célèbre en son temps à Sanmur, et ceux de mes compatriotes qui ont. comme moi, le désagrément d'être fort vieux, en ont gardé le souvenir. Berryer plaidait pour le général de M"". Le procès laissa des

doutes dans l'esprit de ceux qui ne le connurent que par le récit des journaux. Il y eut bien des • dessous de cartes, » bien des sous-entendus; » les deux parties semblèrent se ménager réciproquement, car il y avait certains détails que l'on n'osait pas dire, liais pour noas qui savions le fond des choses, il fat toujours incontestable que La Roncière avait voulu, par un attentat odieux, forcer le général à lui donner sa tille en mariage.

Mlle de M* était tort jeune, elle ne devait pas avoir plus de seize à dix-sept ans. Elle Jouissait d'une bonne santé et d'une excellente réputation. J'assistais an bal. vers la fin duquel elle tomba évanouie, après de trop grands efforts pour garder un visage souriant quand tant de larmes étaient accumulées dans son cœur. A partir de ce moment, toutes les nuits, à l'heure où elle avait été attaquée, elle tombait en somnambulisme et en attaques de nerfs. Le général eut voulu étouffer l'affaire, mais les lettres anonymes, les menaces ne cessaient pas de pleuvoir autour de lui. C'est alors qu'il se décida, bien malgré lui, à en appeler à la Justice.

Telle est la vérité vraie. la jeune Marie n'était pas natirement € hystérique, somnambule et hallucinée », et je crois que M. Liégeois se trompe lorsqu'il trouve dans ce fait une preuve a l'appui de sa thèse.

Un lecteur assidu do la Révue,

E. Bonnemère

9 bis, rue de Moscou.

Enseignement de l'Hypnotisme.

M. le Dr Déjérine, professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris, a fait à l'Hospice des Enfants assistés, dans le service de clinique de M. le professeur Grancher, une leçon sor les applications pratiques de l'hypnotisme et de la (oggestion. Ses démonstrations ont vivement intéressé l'auditoire de médecins et d'étudiants qui l'écoutaient.

— Le Conseil supérieur des Facultés, par décision en date du 23 février, a autorisé le Dr Bérillon à faire, pendant le semestre d'été de l'année 1890-1891, à l'École pratique de la Faculté de Médecine de Paris, un cours libre sur les matières suivantes: Psychologie physiologique et pathologique. Applications cliniques de l' Hypnotisme.

Le Dr Bérillon commencera ce cours le mardi 11 avril, à cinq heures, dans l'amphithéâtre Cruvelhier, et le continuera les mardis et samedis suivants à ta même heure.

NOUVELLES

Congrès annuel des médecins aliénistes de France et des pays de tangua française*, session de Lyon 189!. — Ce Congrès se réunira à Lyon, le lundi 3 août 1891. les questions de programme sont :

l° Du rôlede l'alcoolisme dans l'étiologie de la paralysie- générale. — Rapporteur, M. le Dr Brun.

2° De la responsabilité légale et de la sequestration des aliénés persécuteurs. — Rapporteur. M. le Dr Henry coutagne.

3° De l'assistance des épileptiques. — Rapporteur, M. le Dr P. Lacour.

Les rapports sur ces questions seront envoyés à chaque membre adherent un mois avant la réunion du Congrès.

Tout document concernant le Congrès doit être adressé au docteur Albert Carrier, médecin des hôpitaux, rue Laurencin, 13, ft Lyun.

Asiles d'Aliénés. — M. le Dr Dubiau. directeur-médecin do l'alile d'Armentières. est nommé directeur-médecin honoraire. M. le Dr Taguet est nommé directeur-médecin de l'asile d'Armentières. M. le Dr Chambard est nommé directeur-médecin de l'astle de Lesvellec M. le Dr Maisnier est nommé di recteur-médecin de l'asile de Pierrefeu. M. le Dr Rousset est nommé médecin adjoint de l'asile de Bron. M. le Dr Dupain est nommé médecin adjoint de l'asile de Bailleul.

Hospice de la Salêtrière. — Clinique de» maledite nerveuses : N. Charcot,

mardi, à 9 h. l/2.

Hospice do Bicête. — N. Burneille, visitedu service, samedi à9 heures.— M. Charpentier, le mercredi afin. 1/2. — M. Déjerine, leercredi i 10 heures.

OUVRAGES REÇUS A LA REVUE

?érillon (Dr ?dgar). — Hypnotisme et Suggestion, in-8°. 39 pages. — Société d'éditions

scientifiques, 4. rue An loi ne- Dubois. Paris. 1891.— Prix 1 .fr.25 Bernheim— (Dr). — De la Suggestion et de ses applications à la thérapeutique, 3e édition.

corrigée et augmentée, avec figures dans le texte; in-7°, 608 pages. — Octave Doin,

8 place de l'Odéon. Paris. 1891. Crouigneau (Dr G.). — A travers l'Exposition, Souvenir de 1889, Promenades d'un

Médecin; in-8°. 514 pages.— Société d'éditions scientifiques, 4. rue Antoine-Dubois.

Paris. 1891. - Prix :7 fr. 50. Damlkwsky (?.). — L't'nité de (Hypnotisme de l'homme et des animaux (en russe), discours fait au Congrès des médecins russes, 10 janvier 1891,19 pages. — Moscou, 1891. Dobrovolsky (Mme Marie). — Contribution A l'étude de l'Anesthésie obstétricale, in-8°,

115 pages. — Imprimerie Taponnier et Studer. route de Caroufre, Genève, 1890. Duval (D- E.). — Traité pratique du Pied bot, in-tf, ?71 pages. — Chez ??????.?, rue

du Dôme, avenue Victor-Hugo. Paris, 1891. Fessler (Dr Julius). — Klinisch-experimetelle studen uber Chirurgische Infectionskran-

kheiten.in-8°, 176 pages, en allemand. — München. 1891. Freiheren von scerenck-Notzing (Dr Albert). — Experimentelle Studien auf dem gebietê

der gedankenübertragung und des sogenannten hellschens von Charles Richet. —

Stüttgard, verlag von Ferdinand Enke. 1891, -.'M pages. Gérard (Dr). — Guide de l'Hypnotiseur, illustrations de Le Roy, in-8°. 249 pages. —

Librairie académique Didier, Perrin et Cie, 35. quai des Grands-Angustins. Paris. 1891. Godon (CH.). — L'École Dentaire de Paris et son ancien Directeur, in-8° 41 pages. —

Association générale des Dentistes de France. 57. rue Rochechouart. Paris, 1890. Laurent (Dr Émile). — Les Suggestions criminelles, in-8°, 56 pages. — Société d'éditions

scientifiques, 4, rue Antoine-Dubois. Broch. Paris, 1891. Levillain (Dr fernand). — La Neurasthénie, avec une préface du professeur Charcot,

et suivie d'une Notice thérapeutique, par le Dr Vigouroux; in-8°, 354 pages. —

A. Maloine. libraire-éditeur, 91, boulevard Saint-Germain. Paris, 1891. Lrvuarie (L. de). — Délais Judiciaires usuels, aide-mémoire alphabétique, 80 pages. —

Société d'éditions scientfiques, 4, rue Antoine-Dubois, place do l'Ecole-de-Médecine.

Paris, 1891.

Lieseault (Dr A.-A. — Thérapeutique suggestive, son mécanisme; Propriétés diverses du sommeil provoqué et des états analogues : in-8°, 308 pages. — Octave Doin. éditeur, 8, place de l'Odéon. Paris, 1891.

Ménon (Dr Wesser-Clément ). — La Lèpre au point de vue de la Contagion, in-8°. 83 pages. — Ollier-Henry, librairie-éditeur, 11 et 13, rue de l'Ecole-de-Médecine. Paris, 1890

L'Admmistrateur-Géant ; ÉMILE BOCRIOT.

Paris. — Imprimerie brevetée MICHELS ET FILS, passage du Caire. 8 et 10.

REVUE DE L'HYPNOTISME

EXPERIMENTAL_JJT THÉRAPEUTIQUE

ACCOUCHENT DANS L'HYPNOTISME

Par M. le Dr F. FRAIPONT, Chargee du cours de Gynécologie à l'Université de Liège et M. J. delbœuf , professeur à la même Université

La patiente qui fait le sujet de cette intéressante communication est une femme mariée, grande et robuste, ardennaise, âgée de prés de vingt-neuf ans, primipare, qui, avant son mariage, a été souvent hypnotisée en l'année 1886 par M. le professeur Delbœuf. en vue d'expériences sur la mémoire et la veille somnambulique (2). Depuis lors, elle ne l'a plus guère été et toujours à de longs intervalles.

M. Delixeuf m'avait fait demander antérieurement si je serais disposé à tenter un essai de l'hypnotisme appliqué à l'accouchement. J'avais, comme on le pense, accepté cette proposition avec empressement. Malheureusement, l'accouchement eut lieu beaucoup plus tôt que l'accoucheuse et la femme ne l'avaient calculé. Je ne fus appelé par M. Delbœuf que quand le travail était déjà commencé. C'était le -a janvier dernier. U était cinq heures du matin. Les premières douleurs avaient été ressenties vers deux heures. A trois heures et demie, la poche des eaux s'était rompue spontanément.

M. Delbœuf m'attendait pour hypnotiser la femme si je jugeais la situation favorable.

La patiente était très agitée et se plaignait d'éprouver de vives souffrances dans le bas-ventre et dans la région lombaire. Les douleurs, qui paraissaient assez fortes, revenaient toutes les trois ou quatre minutes.

A la palpation de l'abdomen, je constatai une inclinaison latérale droite de l'utérus, une présentation du sommet en première position. Les contractions utérines se suivaient régulièrement. Un sentait à ce moment la matrice se redresser et se durcir très fort pendant que la femme s'agitait et se plaignait beaucoup. Le maximum d'intensité des sons du cœur fœtal était à gauche en dessous de l'ombilic et sur une ligne allant

(Il Lu rédacu'on de ce travail, sauf les notes et le posl-acripluui, appartiennent ù M. Fraipont.

(t) C'en aussi la m*m* qui, en 1896 et commencement de IW7, a servi aux fameuses expi-ri-Lo-s des brûlures sjmctriqaos aux bras et au dos. relatées dans mou opuscule sur VOrijine da Effet» curmtifi de Cllypnciûme. (Paris. F. Alean, 1887.) — J. D.

du nombril à l'épine iliaque antérieure et supérieure. Les sons du cœur étaient très nets et réguliers.

Au toucher, je constatai que le col utérin avait une dilatation correspondant à la grandeur d'une pièce de cinq francs. Le sommet plongeait fortement dans l'excavation et on sentait la petite fontanelle à gauche à l'extrémité du diamètre transverse. L'examen était manifestement désagréable à la femme, mais elle s'y soumettait parce que c'était nécessaire. Elle ne se plaignit que quand je voulus tendre le col avec le doigt pour m'assurer de sa souplesse.

Elle accusa alors une vive douleur dans les lombes et immédiatement se produisit une forte contraction de la matrice, pendant laquelle je pus constater que la tète fœtale descendait et venait s'appliquer complètement contre l'ouverture du col.

Cet examen fut fait en présence de la sage-femme qui, était arrivée quelques instants avant moi et qui avait à peine eu le temps de faire les derniers préparatifs, du mari, qui déclara vouloir assister à toutes les phases de l'accouchement, et de M. Delbœuf.

Je donnai à celui-ci l'assurance que tout se présentait bien, qne le travail marchait normalement et môme avec une certaine rapidité et qu'il pouvait dans ces conditions hypnotiser la femme sans aucune crainte. Le mari était assez inquiet, mais nous n'eûmes pas de peine à le rassurer et à obtenir son consentement.

Fermant alors les yeux de la patiente et pressant sur ses globes oculaires, M. Delbœuf lui enjoignit de dormir. Il lui dit que ses douleurs allaient se calmer, qu'elle ne sentirait plus rien et qu'elle s'accoucherait quand même aussi vite qu'elle l'avait espéré. Pendant ce temps, j'avais la main placée sur le ventre de la femme pour surveiller la matrice. La patiente résistait et il survint alors une contraction utérine assez forte accompagnée d'agitation et de mouvements de déplacements latéraux du haut du corps, pendant lesquels la femme dit à plusieurs reprises : « Il est trop tard; vous ne sauriez pas m'endormir, je souffrirai quand même - (1). Mais le calme revint avec la cessation de la douleur et M. Delbœuf, continuant la compression des globes oculaires et la suggestion verbale, parvint en une minute, à endormir la patiente. Ses paupières étaient closes, les yeux convulsés en dedans, la respiration calme, les membres presque inertes. Elle parlait cependant, répondait aux questions qu'on lui posait, mais sans ouvrir les yeux.

Il était environ six heures du matin. Assis à côté de la femme, d'une main placée sur le ventre, j'observais les contractions de la matrice, de l'autre, je suivais les progrès de la dilatation du col et j'aidais même à cette dilatation en le tendant par moments. Les contractions revenaient

(1) Pour comprendre ces paroles de découragement, il faut savoir que je lui avais parlé, quelques mois auparavant, de ??? Intention de Ut faire accoucher a l'état d'hypnotisme. Je crois bien qu'elle y comptait. Mais les premières douleurs, 1res intenses ce qu'il parait, l'avaient surprise et démoralisée.— J. D.

régulièrement an bont de trois à quatre minutes et leur durée était aussi longue qu'avant le sommeil hypnotique.

Lorsque le muscle utérin commençait à se durcir, la figure semblait se crisper un peu, la patiente agitait les bras en cherchant à empoigner quelque chose et au moment de l'acmé, elle déplaçait le haut du corps de droite et de gauche en même temps qu'elle allongeait ou retirait l'un des membres inférieurs ou les deux à la fois. M. Delbœuf ne cessait de lui répéter qu'elle ne souffrait pas. Elle ne se plaignait nullement, mais elle disait par moments : « C'est votre main qui est sur le ventre qui me gône ».

La contraction finie, elle rentrait dans le calme et avait l'air de dormir. Les petites manœuvres de dilatation du col que je faisais avec le doigt ne paraissaient pas l'incommoder, alors qu'auparavant elles avaient été très désagréables et très douloureuses.

Vers six heures et demie, je demandai à M. Delbœuf d'enjoindre à la parturiente de rester tranquille pendant la contraction. A la première qui survint, M. Delbœuf, plaçant la main sur la poitrine de la femme et appuyant quelque peu, ordonna de ne plus bouger, de ne plus déplacer le haut du corps, tout en affirmant qu'elle ne devait rien sentir, qu'elle n'avait pas mal. A partir de ce moment, la patiente n'agita plus le tronc pendant les contractions utérines qui continuaient à se suivre avec régularité. Elle disait ne pas souffrir. Seulement elle relevait encore parfois les membres inférieurs et étendait les supérieurs en cherchant à saisir les liens placés aux côtés du lit de camp : la figure devenait un peu plus rouge, comme plaquée (i), et se crispait encore légèrement.

Vers huit heures du matin, la dilatation du col avait à peu près la grandeur d'une petite paume de main. La tète plongeait davantage et se rapprochait du périnée.

Depuis quelque temps, je constatais que les douleurs n'étaient plus aussi fortes, ni aussi longues, et qu'elles étaient beaucoup plus espacées. L'enfant ne souffrait nullement. Il était visible que le travail se ralentissait. I.a patiente ne parlait plus et semblait dormir plus profondément. J'en avisai M. Delbœuf qui me demanda s'il pouvait faire revenir les douleurs par suggestion. Je lui dis qu'il pouvait essayer et les commander toutes les quatre minutes. A partir de ce moment et montre en main, nous pûmes nous assurer que les douleurs revenaient comme 7ious l'avions demandé, alors qu'auparavant elles étaient plus espacées. On commanda à la femme de pousser quand elle aurait des contractions. C'est ce qu'elle fit ; elle cherchait un point d'appui, et elle poussait quand la matrice entrait en action.

Cet état persista jusque neuf heures moins le quart.

La dilatation du col avait encore progressé : elle était presque

(1) La personne devient très facilement d'an rouge-violet, principalement A lentour des pommettes. Elle est très vive, impatiente et encline i la colère. La sage-femme, ooi ignorait qoe je comptais appeler Si. Fralpont, connaissant ton caractère bnuque dan» les contrariétés, avait, a mon insu, prévenu un autre médecin de venir à *on appel. — J. U.

complete. L'enfant continuait à ne pas souffrir. Je dus alors m'absenter et M. Delbœuf ne voulut pas continuer seul l'expérience.

Quelque temps après mon départ, la femme se réveilla peu à peu, elle recommença à se plaindre et, tout à coup, elle dit éprouver une violente douleur dans la gorge rt comme une sensation d'étouffement, ce qui la fit revenir complètement à elle. La luette était gonflée et cela était vraisemblablement le résultat d'efforts de vomissement au début du travail. Cela agaçait beaucoup la femme qui sentait de plus en plus les douleurs de l'accouchement.

Je revins vers onze heures moins le quart. La sage-femme m'apprit alors que les contractions tendaient de nouveau à s'espacer et à s'affaiblir. Elle avait engagé la femme à se lever, à se promener et, finalement, l'avait fait asseoir sur un vase rempli d'eau chaude, ce qui semblait vouloir réveiller les douleurs.

La parturiente semblait encore avoir sommeil. Elle avait de la peine à ouvrir les paupières et les yeux étaient encore un peu convulsés en dedans. Elle penchait la tète de cOté sans pouvoir la tenir droite. Les joues étaient rouges et même cyanosées. Elle me reconnut, me dit que je l'avais examinée une fois, mais qu'elle ne se souvenait pas de ce qui s'était passé à partir du moment où elle avait été endormie, qu'elle n'avait pas souffert, mais qu'elle venait d'être prise d'un violent mal de gorge, qu'elle croyait étouffer et que, depuis lors, elle souffrait de nouveau dans le ventre et dans les reins.

Je la fis remettre au lit après avoir constaté qu'elle n'avait qu'un léger gonflement de la luette. Puis M. Delbœuf l'endormit encore en continuant à affirmer qu'elle ne souffrirait pas, qu'elle devait pousser comme auparavant, qu'elle aurait des douleurs au bout de trois minutes, mais qu'elle ne les sentirait pas.

La dilatation était complète. Le col à peu près franchi, sauf à droite où il résistait encore un peu. La tète reposait sur le plancher périnéal. La petite fontanelle était resté à l'extrémité gauche du diamètre transverse.

Cette fois encore les contractions utérines, qui languissaient, obéirent à la suggestion et revinrent toutes les trois minutes. Au moment où le muscle utérin commençait à se durcir, la patiente poussait parfois très fort, parfois plus faiblement. La tète descendait et faisait tomber le périnée. Bientôt on put voir le cuir chevelu sur lequel il y avait un commencement de bosse séro-sanguine. La patiente était très calme; elle disait ne pas souffrir et avait oublié l'accident de la luette.

Comme l'effort de la presse abdominale ne secourait pas favorablement l'effort utérin, je dis à M. Delbœuf de recommander à la femme de ne pousser qu'à son injonction. Dès que la contraction utérine était en train, je faisais un signe et M. Delbœuf disait à la femme de faire tout son possible pour pousser éuergiquement et elle poussait sans crier, sans se plaindre le moins du monde. Elle était beaucoup plus calme qu'au début du travail.

A midi moins le quart, la petite fontanelle était revenue en avant, la tête continuait à se dégager régulièrement. Le périnée était très souple et n'opposait qu'une résistance ordinaire.

Je dus encore m absenter à ce moment-là et, quand je revins, vers I heure tout était terminé. L'accouchement avait eu lieu vers midi et demi. M. Del-bœuf avait bien voulu continuer la suggestion et tout s'était passé sans le moindre cri, sans la moindre agitation, ce qui avait fortement étonné la sage-femme qui, connaissant la patiente comme une femme nerveuse, avait beaucoup redouté la dernière période de l'accouchement. L'enfant, une petite fille, pesait 3,300 grammes, un peu plus que la moyenne.

Détail caractéristique. Le mari pleurait et joignait les mains, dans des angoisses inexprimables, parce que, à son gré, l'accouchement n'allait pas assez vite. A un certain moment il voulut embrasser sa femme, comme pour l'encourager: « Allons donc, tais-toi, dit-elle, tu m'ennuies à pleurer », et elle dit cela en riant. D'ailleurs, à plusieurs reprises, M. Del bœuf put la faire rire pendant les dernières contractions, alors que la tète avançait de plus en plus (I).

La délivrance se fit sans encombre, moins de dix minutes après la sortie de l'enfant et sans que la femme s'en aperçût. Le périnée était resté absolument intact, car la téle s'était dégagée lentement et posément, puisqu'il n'y avait pas eu lieu, à la fin, de ces efforts violents que les femmes les plus énergiques ne peuvent réprimer.

Quand tout fut fini, M. Delbœuf réveilla la femme. Elle ne pouvait croire qu'elle s'était acccouchéc. Elle ne se rappelait rien, si ce n'est la demi-heure entre 10 b. et 11 h., pendant laquelle la suggestion avait cessé et où elle avait été réveillée en grande partie par l'accident de la luette.

Je revis la patiente le lendemain dans la matinée. Elle allait très bien, n'éprouvait aucune douleur, avait des pertes sanguines modérées. Elle avait passé une très bonne nuit. Elle me dit encore qu'elle ne se rappelait rien, qu'elle n'avait pas souffert. M. Delbœuf l'endormit encore et pendant qu'elle était hypnotisée, lui dit qu'elle allait se rappeler tout ce qui s'était passé et qu'elle pourrait le raconter. Quand elle fut réveillée, elle se mit à nous narrer tout ce qui s'était fait, tout ce qui s'était dit. Elle nous avoua qu'elle avait résisté tout d'abord parce que son mari avait peur et qu'il lui avait dit que cela ne lui faisait pas plaisir qu'on l'endormit. Mais elle avait fini par s'abandonner, et à partir de ce moment-là ses souffrances avaient disparu pour ne lui laisser qu'une sensation de constriction dans le ventre. Elle se

(i) ??? moment,Un'yavaitauiourde la parturienie, que l'accoucheuse. le mari, une servante et moi. Celle-là, en apparence bien éveillée (voir mes articles sur la veille somnambulique), se tenait immobile sur son lit, obéissant à toutes les Injonctions que je lui transmettais de la part de l'accoucheuse: • Poussez ! poussez moins fort! arrêtez! recommencez ! - Elle gonflait ses joues comme une personne qui a une selle difficile. C'est, du reste, la recommandation qu'on lui avait faite. Pas la moindre trace de souffrance, puisque j'ai pu la faire rire et sourire, pour rassurer le mari, un cultivateur, sans instruction aucune, adorant sa femme, et ayant une répugnance ?????'? pour ¦ ces nouveautés •, malgré les bons effets qu'il en avait vus dans une circonstance rappelée plus loin.

rappelait parfaitement que j'avais parlé, vers 9 heures, d'une application de

forceps, mais cela ne lui avait pas fait peur.

Il était intéressant de voir quelle influence l'hypnotisme pouvait avoir sur la montée du lait. Les seins n'étaient pas très développés, ils étaient plutôt flasques, et la pression à la base du mamelon n'en faisait sourdre qu'une goutte ou deux de colostrum.

La patiente fut endormie de nouveau et je dis à M. Delbœuf de fixer le moment de la montée du but au mercredi 28, à 11 h. 1/2 du matin, c'est-à-dire à la ûu du 3e jour après l'accouchement. L'enfant devait être mis au sein de temps en temps. Le mardi soir seulement les seins so mirent à gonflor, mais d'une façon modérée. Il y avait plus de colostrum. Le mercredi, versOheures, les seins étaient très gros et durs, mais l'enfant ne put presque rien en faire sortir. Vers 11 heures, à ma visite, les seins étaient énormes, tendus, saillants, le mamelon érectile et la pression à sa base en faisait sourdre du lait en abondance. La patiente éprouvait de la gèue jusque sous les bras, mais il n'y avait pas l'ombre de fièvre. Le lendemain, les seins étaient un peu affaissés, ils n'étaient plus sensibles, mais ils continuaient à sécréter du lait en abondance. Il était évident qu'il y avait eu le mercredi, pendant quelques heures, une exagération très manifeste d'une fonction physiologique qui devait s'accomplir à ce moment-là.

Nous avons répété l'expérience vers !e 7* jour en fixant au lendemain une plus forte montée de lait. Le lendemain les seins étaient de nouveau plus gonflés, plus tendus et douloureux, mais cela n'a pas été aussi marqué que la première fois.

Enfin le 9* jour, quand la femme se leva pour la première fois, elle recommença à perdre du sang, bien que depuis plusieurs jours les lochies sanguines se fussent supprimées complètement. L'écoulement sanguin continua le lendemain, et était même devenu plus fort que la veille.

M. Delbœuf endormît encore une fois la patiente et lut dit qu'elle ne perdrait plus de sang, que le lendemain ce serait fini. Nous avons continué à la laisser se lever et se promener comme les jours précédents. Le soir déjà la quantité de sang avait assez notablement diminué, et le lendemain il n'y avait plus de lochies sanguines mais des pertes blanches tout à fait modérées.

On pourrait peut-être nous objecter que la femme qui fait le sujet de cette observation a ressenti toutes les douleurs de son accouchement, mais que pour des motifs quelconques, le désir de nous être agréable et surtout à M. Delbœuf, à qui elle doit beaucoup de reconnaissance, elle a eu assez d'énergie, de force, de volonté pour paraître ne pas souffrir et nous laisser croire ainsi que notre expérience avait réussi.

Je pense à celte objection en me rappelant l'accouchement d'une jeune dame auquel j'ai assisté il y a quelque temps. C'était une primipare, très nerveuse, très impressionnable.

Alors qu'elle était encore au milieu de sa grossesse, on avait parlé un jour dans son entourage d'une de ses amies dont l'accouchement avait été très long, très laborieux et surtout très douloureux. Elle avait pendant presque

une journée entière poussé des cris vraiment effroyables. Il avait fallu faire une application de forceps : on avait recouru au chloroforme, mais elle n'avait pas été assez endormie, de sorte qu'elle s'était beaucoup déjetée pendant l'opération et l'avait ainsi rendue très difficile. Ma cliente avait entendu ce récit et elle s'était bien promis de ne pas crier quand le moment serait venu. Elle se répétait tous les jours qu'elle ne savait pas ce que c'était qu'un accouchement, mais qu'elle saurait souffrir et qu'elle aurait assez d'énergie et de courage pour ne pas se plaindre.

Le moment venu, on me fit appeler, alors que la dilatation du col était déjà assez avancée. Les contractions utérines étaient très fortes et très rapprochées. La figure de la femme devenait rouge et exprimait la souffrance, mais il n'y avait pas une plainte, pas un cri. Cela dura trois ou quatre heures. Le mari encourageait sa femme qui paraissait souffrir beaucoup, mais se taisait. A la dernière période, je m'aperçus que la jeune dame faisait des efforts inouïs pour ne pas crier, et qu'ainsi elle ne poussait pas et ne secondait pas l'effort utérin. Je l'engageait fortement à pousser et même à crier, en lui disant que cela la soulagerait, et que c'était bien permis à ce moment. Elle suivit mon conseil, et au bout de quelques douleurs, l'enfant était né. La délivrance se fit facilement, et quand tout fut fini, il y eut comme une détente : la femme se mit à pleurer, puis à' rire, et elle m'avoua tout ce qui s'était passé, la résolution qu'elle avait prise de ne pas crier, et m'affirma qu'elle n'aurait pas poussé le moindre cri si je ne lui avais pas affirmé que cela activerait la marche de l'accouchement. Elle avait cependant beaucoup souffert et ne s'en cachait pas.

Je m'en étais du reste parfaitement aperçu et il y avait entre l'aspect de cette dame et celui de la femme dont je relate l'observation une différence énorme. Celle dernière ne paraissait guère souffrir et devenait de plus en plus calme, au fur et à mesure que l'accouchement avançait.

La période la plus tranquille a été précisément celle de la fin, celle des douleurs conquassantes, celle où l'énergie la plus forte, où le courage le plus grand succombe presque toujours. Comme le disent Auvard et Secheyron {!), les douleurs de l'enfantement sont un critérium peu trompeur. Il parait bien difficile de dissimuler les douleurs, de paraître sommeiller en un moment si cruel.

Mais il esl dans notre observation un point plus intéressant et qui n'avait pas encore était signalé. Dans les quelques faits qui onl été rapportés d'accouchement en état hypnotique, on s'est borné à constater quelle était la marche du travail, mais sans faire de suggestion relativement aux contractions utérines.

Dans l'accouchement le plus naturel, il arrive souvent des points d'arrêt. La matrice semble se reposer, pour reprendre ensuite sou travail avec plus d'énergie. Quand cela ne se prolonge pas trop, l'accoucheur ne s'en inquiète guère. Mais si cet état de repos continue, il excite directement la fibre

(1) L'hypnotisme cl la suggestion en obstétrique. Archites de tocologie, p. 27. — 1888.

utérine, soît en frictionnant la matrice, soit en faisant prendre des bains de siège, soit en faisant taire des irrigations vaginales très chaudes. Si cela échoue et si les parties font bien préparées, il recourt au forceps qui vient en aide à l'effort utérin el termine l'accouchement.

A deux reprises différentes cela s*est présenté chez notre patiente, et les deux fois il a suffi de la suggestion pour ramener les contractions utérines et pour les faire revenir après un laps de temps fixé d'avance et avec une régularité presque mathématique. Cela exclut, me semble-1-il, tout idée de tromperie de la part du sujet.

La conclusion du /> G. Chaigneau (1) et d'autres accoucheurs, que le travail, la délivrance, cl les suiles de couches, ne sont pas influencés d'une façon notable par l'hypnotisme, n'est donc pas exacte dans sa généralité. Cela n'esi vrai que si on se borne, comme l'ont fait jusque maintenant les expérimentateurs, à observer quelle est la marche de l'accouchement dans les différents étals hypnotiques.

Mais il semble, d'après ce que j'ai rapporté plus haut, qu'on puisse, par suggestion, ranimer des contractions utérines qui faiblissent, les faire revenir plus souvent, et de cette façon activer même le travail de l'accouchement. Par suggestion, nous avons pu aussi provoquer dos contractions dans les suites do couches et mettre fin à un commencement d'hémorrhagie secondaire. De même, à un moment donné, la sécrétion lactée semble avoir été assez bien exagérée.

Je me hâte de dire pourtant, en terminant, qu'à moins de circonstances tout à fait exceptionnelles, comme quand on a affaire à un sujet très sensible, ou qui a subi antérieurement une sorte d'entraînement, l'hypnotisme ne peut guère avoir d'imporlance pratique en accouchement. Le moment est bien mal choisi, en effet, pour tenlcr l'expérience et la réussir. La femme esl inquiète, agitée, elle souffre dès le début du travail. Il est le plus souvenl impossible par conséquent, dans ces conditions, de fixer suffisamment son attention et d'obtenir d'elle la passivité voulue pour arriver à un bon résultat.

P.-S. — On a pu voir que cette femme, qui s'endort instantanément sur un signe, comme on a pu le lire dans mes articles de la Revue philosophique, a résisté quelque temps à mes injonctions. Cependant, d'après la confession du lendemain, je dois attribuer sa résistance bien plus à la crainte de déplaire à son mari, qu'aux douleurs elles-mêmes.

Puisque l'occasion se présente de reparler de celle que, dans mes écrits, je désigne par l'initiale J..., je consignerai ici deux observations intéressantes. Elle avait depuis l'âge de huit ans un kyste tendineux au poignet, contre lequel on employa nombre de remèdes inutiles, et à plusieurs reprises, l'écrasement. Il reparaissait toujours. Un jour qu'il était devenu volumineux (comme une demi-noiselte) el lui paralysait même les mouvements du bras, M. Von Winivarter, mon collègue, professeur de clinique chirurgicale, le lui

(I) G. Chaigneau. — Etude comparative des différents ètttt aneslhesiques. employés dans les accouchements naturels. — Paris, 18».

écrasa dans l'état hypnotique, en même temps que je lui annonçais qu'il ne reviendrait plus. Et il n'est plus revenu. 11 y a de cela quatre ans.

J'ai écrasé, dans les mêmes conditions et avec le même résultat, un kyste semblable, chez une jeune demoiselle que je traitais pour une affection grave de l'oreille, et dont je n'ai pas encore eu le temps de rédiger l'histoire, hautement instructive.

Voici la seconde observation. L'année dernière, un soir au commencement d'avril, J .. tomba sur l'escalier la tète en avant, et son pied se prit entre le nez et le giron d'une marche. Elle s'était fait une entorse terrible. Je bandai provisoirement le pied, comptant profiter de cet accident pour faire une expérience. Le lendemain, je Gs appeler M. Von Wini varier. Le pied était fort gonflé ; du côté de la cheville il y avait une bosse a peu près du volume d'un demi-œuf de poule. Non seulement le moindre mouvement était impossible, mais le toucher même était extrêmement douloureux et lui arrachait des cris.

Je l'hypnolisai, et peu à peu on put lui toucher le pied sans la faire souffrir, puis le remuer el faire jouer les articulations. Après quoi mon collègue lui mil un pansement compressif au liquide de Burrov ; et nous lui ordonnâmes de marcher. Elle le fil sans souffrance, bien qu'en boitant. Le lendemain soir, commandée par une nécessité absolue, elle faisait une grande course dans la ville. Quelques jours après, elle ne ressentait plus rien.

Je racontai ht chose à M. le D* Henrijeau, assistant de M. Von Wini varier, comme un cas remarquable. Mais il faut croire que ma conversation fut rapportée a M. Von Wini varier comme si j'avais fait trop grande la part de l'hypnose, car M. Von Wini varier crut devoir rectifier mon récit dans la lettre suivante :

- Liège, le 19 avril 1890.

¦ Cher collègue,

« Je viens de causer avec M. Henrijeau sur le cas de votre servante, et il « m'a paru important de rectifier de suite un malentendu dont jo suis proba-« blement la cause involontaire. Je ne crois pas que les lésions analomiques t de l'entorse aieni été influencées par l'hypnotisation. 11 y avait le premier

• jour un gonflementqui avait diminué le lendemain, mais sous un pansement « compressif exact, el l'effet de ce traitement a été ce que l'on observe d*ha-« bitude. Ce qui m'a paru particulier, c'était la disparition de la douleur,

• que vous avez obtenue par l'hypnose ; el. sous ce rapport, la patiente a « évidemment été plus vile débarrassée des conséquences de son accident « que si l'on n'avait employé que des moyens locaux. La guérison des « entorses demande souvent plus de temps, et l'on ne saurait prévoir, dès le « début, qucllo sera, dans un cas déterminé, la durée de la convalescence.

• Donc, dans le cas de J..., je n'aurais pas osé affirmer, le premier jour,

• qu'elle serait remise au bout de la semaine, parce qu'elle aurait pu tout « aussi bien ôlro malade plus longtemps.

« Le cas en question ne peul être considéré comme une expérience pour

« contrôler l'action de l'hypnose sur la lésion, parce que vous aviez déjà

• Bien entendu, la comparaison n'est pas tout à fait juste, mais vous com-« prendrez ce que je veux dire.

« Votre dévoué, etc.. »

Il va de soi que je souscris de tout point à ce qu'écrit ici mon éminenl collègue, d'autant plus que, dans ma pensée, — ainsi que je l'ai exprimé nettement dans ma brochure sur l'Origine des effets curatifsde l'hypnotisme — en supprimant la douleur, on supprime toujours l'une des causes, souvent la cause principale, et parfois la cause unique du mal organique.

Un mot encore ; des expériences, comme celle de l'accouchement de J..., me confirment dans ma manière de voir sur le rôle du cerveau, que je regarde comme un organe modérateur et inhibiteur, et, par contre-coup, dans l'opinion que j'ai énoncée sur l'essence de la liberté (voir mes articles de la Revue philosophique) qui, selon moi, a pour effet d'arrêter cl non pas d'inciter. Mais ce n'est ici ni le lieu ni le moment de repreudre l'examen d'une aussi grave question. J. Dklbœuf.

ACCOUCHEMENT PENDANT LE SOMMEIL HYPNOTIQUE «

Par il. G. 0. KIXGSBURY, M. A., M. D., Black] ..

Un certain nombre de cas, dans lesquels l'hypnoiisme a été employé avec plus ou moins de succès, comme anesthésique pendant le travail de l'accouchement, ont été rapportés par Liébeault, Pritlz, Mesnet, Dumontpallier, Auvard, Secheyrou, de Jung et d'autres observateurs ; mais je pense que celui que je vais relater est le premier qui ait été observé en Angleterre, au moins durant ces dernières années.

V. S..., âgée de quatorze ans et sept mois, me fut amenée en novembre dernier. Elle était alors dans le septième mois de sa grossesse. Sou médecin habituel avait déclaré qu'il craignait que l'accouchement de la malade ne lui fût fatal. En effet, à cause de la jeunesse de la malade el surtout des arrêts de développement qu'elle présentait, il était à craindre que le travail ne pré-

(1) Traduit de l'anglais par le D'E. Bérillon.

sentit de sérieuses difficultés. Aussi, je résolus de tenter si l'hypnotisme pourrait lui être de quelque utilité. Les parents consentirent facilement à l'expérience et la jeune femme fut facilement hypnotisée. Je constatai aussi une anesthésie assez profonde des téguments et je lui suggérai de dormir pendant son accouchement.

Après ces épreuves préliminaires, je la fis hypnotiser régulièrement une fois par semaine, — en tout douze fois, — jusqu'à l'accouchement. La dernière fois, lanesthésie était si profonde, qu'on pouvait toucher la cornée avec le doigt sans provoquer la moindre sensation.

Le 17 février 1891, je fus appelé près de la malade à sept heures trente du malin, et je la trouvai en travail ; le col était dilaté et les douleurs revenaient environ toutes les quinze ou vingt minutes ; dans l'intervalle des contractions, elle se levait et se promenait dans la salle.

Je la fis coucher el l'hypnotisai, lui recommandant de rester endormie jusqu'à ce que je lui ordonne de se réveiller; je lui suggérai, en outre, de faire des efforts pendant les douleurs.

Obligé de m absenter, je revins vers elle à neuf heures trente. Elle avait dormi durant mon absence, cependant les contractions n'avaient cessé d'augmenter de fréquence. Pendant chacune contraction, on la voyait faire des efforts pour aider la descente du faix.

La garde lui commanda de sortir de son lit pour l'évacuation des eaux el elle le fit sans s'éveiller. Peu de temps après, elle eut quelques vomissements et les secousses faillirent l'éveiller.

Pendant les douleurs, qui devenaient de plus en plus violentes et de plus en plus fréquentes, elle poussait des gémissements el criait même assez fort. Mais pendant toute la durée de la douleur, elle s'aidait et même, quand arriva la douleur finale, elle cessa de crier, serra les lèvres et aida puissamment les efforts de la nature à l'expulsion.

Il était onze heures, quand elle accoucha d'une fille pesant 8 livres 1/4, sans qu'on cùl besoin de faciliter la sortie par des manœuvres.

Le placenta suivit au bout de dix minutes. La malade, ayant recules soins antiseptiques que nécessitait son état, je l'éveillai à onze heures en lui soufflant sur les paupières. Elle ouvrit les yeux immédiatement et dit qu'elle se sentait assez bien. Elle déclara qu'elle ne se souvenait de rien de ce qui s'élait passé depuis le moment où elle s'était endormie. Elle ne se rendait pas compte du temps pendant lequel elle avait dormi et affirma qu'elle était certaine de n'avoir ressenti aucune douleur.

Depuis, elle s'est rétablie 1res rapidement el l'enfani est en bonne santé.

Si ce cas avait été absolument livré à la nature, il est probable que le travail aurait duré beaucoup plus longtemps, car la malade se serait épuisée à pousser des cris, comme cela arrive d'ordinaire, el ceci l'aurait empêché de s'aider ainsi qu'elle le faisait.

Si on avait donné du chloroforme, on aurait aussi supprimé la douleur, mais la malade n'aurait pas été capable d'exécuter toutes les suggestions aussi intelligemment qu'elle le fil jusqu'à la fin.

Avec ou sans chloroforme j'aurais probablement été amené à appliquer le forceps cl j'aurais pu ainsi déchirer le périnée. Tandis que, dans l'état d'hypnotisme, la malade resta parfaitement tranquille et l'orifice externe fut garanti de tout soupçon de déchirure.

Que la malade soit restée, dans uno certaine mesure, consciente de ses douleurs, c'est ce qui semble résulter de ses plaintes et ses efforts, mais il n'en subsiste pas moins ce fait intéressant, qu'elles ne l'éveillèrent pas et qu'olle n'en avait gardé aucun souvenir après le réveil. De plus, il est évident que l'hypnotisme n'a eu aucun effet nuisible pour la mère ni pour l'enfant.

Je conseille donc à quiconque serait tenté d'expérimenter ce procédé d'anesthésie, de provoquer l'hypnotisme au moins pendant six séances préliminaires, de façon À accoutumer sa malade à l'hypuotisation, et aussi de se rendre un compte exact du degré de sommeil dans lequel il peut la plonger.

Je suis pleinement convaincu que l'anesthésie hypnotique ne pourra être obtenu dans tous les cas ; mais toutes les fois qu'on saura qu'une femme est susceptible d'être hypnotisée au point d'arriver à l'anesthésie, je pense qu'il sera indiqué d'appliquer ce procédé, si les circonstances font prévoir quoique obstacle au travail de la nature.

MÉMOIRE RELATIF A CERTAINES RADIATIONS PERÇUES PAR LES SENSITIFS

Par le Baron DE REICHENBACH. Suite et fin (1)

ACTION CHIMIQUE

Le travail chimique nous fournit partout d'abondantes effluves.

Un professeur de chimie de Vienne, sensitif, et qui. malheureusement, ne veut pas être nommé, a observé cette action sous cent formes différentes, sur ses verres, ses tasses et ses agitateurs. Un petit morceau de sucre, suspendu dans l'eau, développait déjà, pendant sa dissolution, une Lobée abondante; au fond, où s'amassaient les parcelles de sucre, on voyait une couche grisâtre de 4 lignes, tandis qu'au-dessus du verre, qui était plein d'eau jusqu'au bord, formait voûte une Lohée bleuâtre de 18 lignes de haut. Un verre sans pied, empli d'eau, au fond duquel se trouvaient de petits morceaux de spath calcaires, développa, lorsqu'il y eut versé de l'acide muriatrique étendu, 6 lignes de Lohée sur tout son pourtour; une autre fois, pendant qu'on y versait de l'acide sulfureux

0) V. IUrue «V rHypnotisme, p. a>|, 233 et 3UU

étendu, 12 lignes; une troisième fois, en versant une proportion plus forte d'acide, 36 lignes sur le bord du verre et 72 lignes à l'extrémité d'une petite baguette de verre qu'on y avait plongée; un jour môme, 108 lignes d'une part, et 120 de l'autre.

La respiration provoque, en partie dans les bronches, de puissantes réactions chimiques. Pour expérimenter son action sur la Lohée, je pris un tube de verre de 1/2 pouce de largeur, dont on avait fermé au chalumeau une extrémité; dans ce tube, j'en glissai un autre plus étroit, ouvert aux deux bouts, que j'enfonçai jusqu'au fond, puis je soufflai à travers le petit tube, dans le tube plus large, en poussant le souffle jusqu'à la partie bombée. Aussitôt s'y manifesta, extérieurement au tube, une Lohée qui atteignit 9, puis 12 lignes de longueur.

Que la combustion, pendant la période chimique, puisse provoquer l'émanation lohique, on peut s'en convaincre facilement après examen. Il suffit, pour en faire la preuve, de ficher un copeau dans un support et de l'enflammer à une de ses extrémités; tandis qu'il brûle à sa partie inférieure, une Lohée vaporeuse s'y développe sur trois lignes de hauteur tqut le long de ses arêtes, pour se réunir à celle qui émane de la partie supérieure, avec 18 lignes de hauteur. En couvrant latéralement la flamme d'une lampe ou d'une bougie, au moyen d'un petit écran qui donne une séparation précise, on pouvait distinguer nettement le développement de la Lohée de l'air chaud qui se produisait en même temps. L'air s'élève verjicalement immédiatement au-dessus de la flamme; la Lohée, un peu plus terne, sort perpendiculairement au feu et s'incurve ensuite vers le haut, de sorte que les sensitifs pouvaient parfaitement se rendre compte de la différence des deux mouvements.

CRISTALLISATION

Que l'acte de la cristallisation soit perçu par la main sensitive, et comment il l'est, c'est un sujet que jadis j'ai développé déjà. Mais c'est aujourd'hui seulement que nous en arrivons à constater la visibilité au jour de son effet dynamidique. Prenons une solution de sel de Glauber, saturée à chaud et ramenons-la à se cristalliser : dès que la solidification se produit de la façon rapide que l'on connaît, le récipient de verre se frange incessamment d'une Lohée de 15 lignes de hauteur, qui, sur une baguette de terre plongée dans la masse, s'élève à 40 et 42 lignes; elle est, en bas, un peu brouillée, et plus claire en haut.

FROTTEMENTS

Le frottement est une source puissante de Lohée. Le seul fait de frotter un crayon de plombagine sur du papier, en retroussant un peu

celui-ci, fait apparaître aussitôt la Lohée sur une hauteur de 18 lignes. — l'a bâton en bois de 1 pied 1 "2 de longueur, appuyé fortement par une de ses extrémités contre la meule d'un tour, laissait s'écouler, à son autre extrémité, un courant lohique de 26 lignes de long. L'n tube de verre long de 2 pieds et soumis au môme traitement, donna 38 lignes de Lohée. — Pour opérer le frottement par l'air, on prit un tube de verre que l'on plaça horizontalement dans le parallèle, et l'on y fit passer, an moyen d'un soufflet, un violent courant d'air. On donna ainsi naissance, à l'extrémité dn tube, à 21 lignes de Lohée, que le courant d'air, malgré sa violence, n'empêchait pas d'observer. De cette Lohée, 3 lignes étaient imputables au tube même, qui les eût fournies à vide et au repos; le frottement de l'air dans le soufflet et dans le tube augmentaient donc de 18 lignes la hauteur du Lohée.

, condessations gazeuses

Nous connaissons les délicates condensations qui se font sans cesse à la surface des corps, et dont les variations constantes correspondent à celles de la température. Puisqu'il y a là de continuelles modifications des groupements moléculaires, il est hors de doute que cette activité permanente de la nature, si délicats et si subtils qu'en puissent être les effets, ne peut manquer d'apporter son petit contingent au développement incessant de la Lohée dans tous les corps; nous avons le devoir de ne pas les passer sous silence, bien qu'ils ne puissent être que d'une importance presque négigeable. •

la vie. — vie végétale

La source la plus riche de Lohée est l'activité vitale. En premier lieu, celle du monde végétal. Lorsqu'aux premiers jours du printemps, la chaleur atmosphérique agit déjà sur eux, et bien avant qu'ils ne s'épanouissent, les bourgeons des arbres laissent déjà sourdre de la Lohée en abondance. Un observateur vint à passer, à midi, par une neige épaisse, au commencement de mars, à travers nne allée de jeunes érables, a Grinzing; le soleil chauffait dans les branchages. Pas un bourgeon n'était encore ouvert; cependant, le soir du même jour, à son retour.il vit que les branches des arbres étaient tout enveloppées d'une sorte de nuage de Lohée. Des prunelliers, des églantiers aux mille ramifications, des plants de seringas et de genévriers, des cerisiers, des hêtres, des chênes, semblaient couverts d'un brouillard de Lohée. Le phénomène était moins sensible sur les bois de pins. Des prairies, sous la première poussée de la germination, étaient couvertes, sur tontes leurs surfaces, de 3 à 6 lignes de Lohée. Des brins d'herbes isolés en donnaient 9 lignes,

et bientôt après, les herbes en pleine croissance donnaient -îO lignes. Un beau champ de luzerne alla jusqu'à 72 lignes. Au-dessus du limbe des pétales ou de l'ombelle et des grappes de leurs fleurs, on remarquait : sur des seringas en fieur, 12 lignes de Lohée; sur des rosiers, 18 lignes; sur des cerisiers à grappes [Pr.Padtts) et sur la staphilea pinneta. 20 lignes; sur la pceonia arborea, 24 lignes; sur des tulipes, 5 lignes; sur des jacinthes, 6 lignes; sur une primula sinensis, 4 lignes.

On prit des croefus et des jacinthes, que l'on transporta d'une chambre chaude dans une chambre froide; en moins d'une demi-heure, la Lohée doubla de hauteur. Des aiguilles d'if, à deux rangs, donnèrent des filets ténus de Lohée, de 8 lignes de longueur; le pin unilatéral, à la pointe de ses nombreuses aiguilles, seulement 2 lignes.

VIE ANIMALE

Elle donne lieu aux observations les plus variées. La première observation s'applique à tous les hommes; ¡1 s'agit des doigts; c'est la plus proche de nous, la plus commode et la pins expressive. Chez tous les hommes, les doigts laissent, pour ainsi dire, bouillonner abondamment la Lohée : l'effluve est plus puissant chez les hommes, plus faible chez les femmes; plus haut chez les adultes bien portants et forts, plus bas chez les enfants, les vieillards, les malades. Au prorata de ces différences, varie la hauteur des effluves, lorsqu'on élève les doigs le bout en l'air; chez les enfants et les malades, on ne l'a souvent trouvé que de 1 à 2 lignes; chez les adultes, il s'élève de 4 à 6 ; chez les hommes vigoureux et actifs, à 8, 12, 20 lignes et plus. Mais j'ai cependant rencontré une femme de soixante-dix huit ans, bien portante, mère de onze enfants, dont les doigts donnaient encore 10 lignes. — On pouvait de bien des façons renforcer et affaiblir les effluves. Je faisais lever une main au sujet et, si je plaçais ensuite les doigts de ma propre main de même nom, de façon que les bouts de mes doigts arrivassent à l'articulation des premières phalanges de la main du sensitif, la Lohée s'allongeait de moitié environ. En répétant l'expérience avec les doigts de mon autre main, les effluves se raccourcissaient jusqu'à s'évanouir parfois complètement. En appliquant le même procédé à la réunion des mains de même nom de plusieurs personnes, les mains disposées les unes au-dessus des autres, à la façon des tuiles d'un toit, les Lobées grandissaient à chaque adjonction, et, avec cinq personnes, hommes et femmes, on obtenait des Lobées qui, s'élevant tout droit, atteignaient en longueur le double du médius. — Les rayons solaires opèrent des modifications analogues. En plaçant ma main droite au soleil, on voyait s'épaissir et augmenter la Lohée émanant des doigts de ma main gauche, maintenue

à l'ombre, jusqu'à doubler de grandeur. Au contraire, si je maintenais à l'ombre ma main droite et plaçais la gauche au soleil, la Lobée sur ma main droite diminuait jusqu'à s'effacer presque. — En hiver, les doigts refroidis ne donnaient qu'un faible développement de Lohée; mais, dès qu'en passant dans une chambre chaude, les doigts se réchauffaient, la Lohée doublait et triplait de longueur. — La façon de tenir la main avait sur le phénomène une influence essentielle : en laissant mes mains pendre le long du corps, la Lohée était toujours plus longue aux doigts de ma main droite qu'à ceux de ma main gauche, 5 lignes d'un côté. 1 ligne 1/2 de l'autre; mais, si j'élevais les mains, les doigts en l'air, les Lohées s'inversaient : celle de ma main droite devenait la plus courte, et celle de ma main gauche la plus longue, 4 lignes d'une part et 9 de l'autre. Peu importait, dans ces circonstances, ma position dans le méridien : sens direct ou sens inverse. La Lohée qui prenait sa source dans mon corps avait une prépondérance très marquée sur l'influence du magnétisme terrestre. — L'afflux, plus ou moins considérable du sang dans mes mains, n'amenait aucune différence dans la grandeur des Lohées. Après avoir placé mes mains horizontalement, je les élevais verticalement et j'en laissais descendre le sang autant que possible; puisje les abaissais, je laissais revenir le sang. Il ne se produisait pas de différence sensible ; les Lohées avaient seulement un peu plus de ténuité et de clarté ; quant à la hauteur, elles n'étaient ni plus courtes, ni plus longues. — Chez un sujet réchauffé par la marche, les vapeurs des doigts s'élevaient au double et même triple. — Dans un bal, une dame sensitive, que la danse avait échauffée, remarqua avec étonnement, et cela en pleine lumière du gaz, que ses doigts, garnis, en temps ordinaire, de quelques lignes de Lohée seulement, donnaient alors des effluves d'une hauteur de 6 à 7 pouces. — Si l'on prenait un peu d'une boisson spiritueuse, les Lohées gagnaient encore en grandeur et s'élevaient de G à 7 pouces. En se frottant les mains, les bouts des doigts ou leurs jointures, la Lohée allait croissant en hauteur. 11 suffisait d'entourer un bras avec ses doigts et de le comprimer en progressant pouce à pouce, de haut en bas, aussi fort qu'on pouvait, pour voir la Lohée croître graduellement à l'avant des doigts. — J'expérimentai la question sur un tube de verre de i pouce. Livré à lui-même, il ne montrait à son extrémité que 3 lignes de Lohée; il me suffisait de le tenir entre mes bouts de doigts pour lui faire donner G lignes. En le comprimant fortement avec le bout de mes pouces et ceux de mes doigts, il donnait 9 lignes; si je l'entourais simplement de mes deux mains, la Lohée montait à 12 lignes, et si je le comprimais entre mes mains, aussi fort que je pouvais, elle était de 26 lignes. La Lohée suivait donc le développement de la force vitale. Si j'étendais ma

main et mon bras droit, en poussant l'effort jusqu'à la crampe, la Lobée des bouts de doigts s'en augmentait jusqu'à doubler sa longueur habituelle.

La Lobée des bouts de doigts se montrait plus dense que celle des cristaux et des aimants ; par conséquent aussi on la voyait mieux. Les sensitifs qui n'apercevaient plus la Lohée sur les deux matières susdites les voyaient encore jaillir de leurs doigts et de ceux de leurs voisins.

Un sensitif se plaçait devant le médium, de façon qu'une de ses mains fut dirigée au nord, l'autre au sud ou inversement; dans les deux cas, la Lohée se montrait plus longue à sa main droite qu'à sa main gauche.

Je fis examiner les doigs de mes deux pieds. Ils se comportèrent comme ceux des mains. Ils donnaient, tout comme eux, naissance à de longues Lohées, chaque doigt de pied nettement différencié des autres. Le gros doigt du pied gauche donna une effluve de 9 lignes, les autres seulement 5 et même 4 lignes.

Le souffle, dans les jours chauds de l'été, qu'il vint de la bouche ou des narines, fut reconnu vaporeux; celui qui sort de la bouche est décrit comme peu net, comme trouble; il y a là, en effet, un mélange de bleu grisâtre et de rougeâtre. Mais la Lobée qui accompagne le souffle, à la sortie des narines, est rougeâtre à gauche et bleuâtre à droite, obéissant en cela à la loi générale qui régit le dualisme odique dans le corps des animaux. Les cavités des deux oreilles donnèrent lieu à la même remarque : la Lohée qui en sort est rougeâtre à gauche, bleuâtre à droite et s'élève haut.

On reconnut aussi que ma chevelure était vaporeuse : chaque poil blanc isolé émettait à sa pointe un courant ténu de 3 à \ lignes de long. Mes cils eux-mêmes laissèrent apercevoir de légers fils de Lohée.

Tous ces phénomènes étaient visibles pour des sensitifs moyens.

Pour les hauts sensitifs, comme M™0 Bueff, tous ces phénomènes étaient également perceptibles, mais avec une acuité qui répondait à leur sensitivité plus grande. Tout leur paraissait plus net, plus grand, plus coloré, plus développé. La Lohée colorée des doigts, cette dame "l'observait sur une longueur de 16 à 18 pouces. Chez un chien, elle vit les deux pattes gauches en Lohée rougeâtre; les deux droites, bleuâtres; même observation pour les yeux. A la queue pendait tout un panache de Lohée, formé sans doute des émanations de tous les poils isolés. En observant un canari, elle remarqua qu'il était tout enveloppé d'une vapeur de Lohée; les ongles de sa patte gauche se terminaient en fines émanations rougeâtres, tandis qu'elles étaient bleuâtres à droite. A chaque temps de sa respiration, sortait de son bec une Lohée visible. Plongée dans l'état de somnambulisme, Mrae Rueff voyait s'accroître bien davan-

tage encore la puissance de ses sens. J'ai plusieurs fois indiqué, dans mes précédents écrits, que les émanations odiques atteignaient le plafond; des hauts sensitifs pour qui les Lohées étaient visibles sur tout leur trajet dans la chambre, voyaient celles-ci aussi atteindre à la même hauteur, semblables à de la fumée.

Plus on s'étendait sur ce sujet, plus on se rendait compte que toute activité vitale a sa part dans l'émission de ces Lohées.

Voilà quelles sont, jusqu'à présent, les principales sources de Lohée qu'on ait observées. Dans un autre mémoire, nous étudierons les propriétés particulières à cette Lohée.

fin du premier mémoire

DISCUSSIONS ET POLÉMIQUE

La Nutrition dans l'Hypnotisme, par MM. Gilles db la Torettb et II. Cathelineau.

Monsieur le Directeur,

Voulez-vous nous permettre de faire connaître à MM. A. Voisin et Harant la réfutation que nous avons faite, il y a plus de trois moisc. de Biol.. 13 décembre 1890, et Progrès médical, 20 décembre 1890;, des opinions qu'ils avaient exprimées, le 6 août, au Congres de Rouen, el qu'ils ont rééditées dans le numéro de mars 1891 de votre excellente Revue.

Dans le Progrès médical du 26 avril 1890, nous avons exposé le résultai de nos recherches faites dans le service de M. le professeur Charcot sur la nutrition dans l'hynoptisme. Celles-ci, nous le rappellerons, avaient eu pour objet trois femmes hystériques n'offrant, en dehors des stigmates permanents, au moment de nos investigations, aucun des phénomènes pathologiques de la névrose. Chez elles — ce qui, nous l'avons établi (1), est de règle dans l'hystérie normale — les excréta urinaires rapportées au poids étaient, à l'état de veille, indentiques a ce que l'on observe chez l'individu sain.

Par contre, chacune des trois phases de l'hypnotisme produisait, dans la période d'expérience des vingt-quatre heures, un abaissement du taux du résidu fixe, do l'urée et des phosphates avec inversion de la formule de ces derniers. La catalepsie est l'état où ces phénomènes sont le plus accentués. Ces résultats confirmaient, en les précisant el en y ajoutant de nouveaux éléments d'appréciation, les recherches de Strübing (2), de Brock (3) et de Gürtler (4).

(1) Voyez Gilles de la Tourette et Catheclineau. La Nutrition dans l'hystérie. — Progrès médical, 1889, 1890..

(2) Deutsch. Archiv. für. Médecin, Ed 27, p.3

(3) Jeter Stoffliche Veranderungen bei der Hypnose. — Deut. Med. H ornent., 1880, a*4h.

(4} L'eber Veranderungen im S'offtrtchtel unter dem Einsfluts der llypnote uni bei der Paralytit agitant. — Inaug. Dtn. Breslcau, 1682.

Nous nous croyions donc fondés à admettre comme conclusion : que l'hvpnotisme est un état pathologique, lorsque MM. A. Voisin et Harani, dans une communication faite le 6 août, au Congres de médecine mentale de Rouen, exposant le résultat de leurs recherches personnelles, affirmèrent, au contraire : « Io que la nutrition n'est pas troublée dans le sommeil hypnotique; 2" que l'hypnotisme n'est pas un état pathologique». Désireux de vérifier nos investigations, ils leur opposaient des resultáis contradictoires.

Cette communication, et surtout ses conclusions, étaient faites pour nous étonner, car les expériences de ces auleurs, instituées à la Salpètrière. nous étaient parfaitement connue'. M. Harant, auquel nous avions communiqué notre technique, avait bien voulu nous mettre au courant de ses recherches chimiques, très soigneusement faites, et il nous avait semblé, à celte époque, que ses résultats étaient confirmalifs des nôtres.

Nous possédons ces résultats communiqués, disons-nous, par M. Harant, lui-même, et nous allons montrer que la premièro impression qu'ils nous avaient faite était certainement la bonne. Les recherches ont porté sur une seule malade du service de M. A. Voisin, hystérique et aliénée; ce sont justement ces troubles mentaux qui avaient nécessité son admission à la Salpètrière, dans un service consacré au traitement de l'aliénation mentale.

L'état, dit normal par M. A. Voisin, n'était donc — nous le saurons désormais — qu'un état mental fort troublé, et les recherches de'ilaircl nous ont appris que les excréta urinaircs sont loin d'être normaux dans ces conditions.

Dans cet état dit normal, jamais tes urines ne purent être recueillies en totalité, la malade refusant toujours, par suite de son intraitable disposition d'esprit, de se prêter à rexpérienec. Dans ces conditions, la moyenne (que nous appellerons approximative) des vingt-quatre heures, pour une période de quatre jours, a été : volume, 1,012c.c; résidu fixe, 40gr.45; urée, 13gr.08; acide phosphrique total, Ogr.94; les rapports entre les acides phosphoriques terreux et alcalins étant de 35 à 100, ce qui est normal.

La malade n'a pas été pesée; on ne pourrait donc, si on le désirait, rapporter les précédents résultats au kilogramme d'individu saiu. Le sujet fut alors plongé en somnambulisme pendant trois périodes, chacune de plusieurs jours consécutifs. On lui suggéra alors d'être raisonnable et en particulier d'uriner dans un bocal spécial, ce qui fut volontairement exécuté.

La moyenne de ces trois périodes, telle qu'elle nous a été communiquée par M. Harant. fut, pour les vingt-quatre heures : volume, 1,363 c. c; résidu fixe, 45gr. 2; urée, 18gr. 1; acide phosphorique total, 1 gr. 47; les rapports entre les phosphoriques terreux et alcalins étant comme 48 est à 100. Retenons ce dernier chiffre ; il nous montre que. comme nous, MM. A. Voisin et Harant ont obtenu pendant le somnambulisme l'inversion de la formule d s phosphates, la moyenne physiologique étant de 25-10 à 100; le chiffre 35 étant celui présenté d'ailleurs par la malade à l'eut dit normal par les auteurs.

Il convient de dire que, dans les conditions où ont été faites les premières expériences (état normal] de MM. Voisin et Harant. ce rapport des phosphates

esl le seul à l'abri de toute cause d'erreur, car il est totalement indépendant de la quantité d'urine recueillie ou émise; c'est un rapport entre deux acides et non une quantité variable, comme le taux du résidu fixe, de l'urée et des phosphates, qui varie suivant le volume de l'urine excrétée dans les vingt-quatre heures.

Reste le fait que, pendant l'état somnambulîque, le résidu fixe, l'urée et les phosphates semblaient augmentés par rapport à l'état sain. Nous répondrons que, les urines n'ayant pu être recueillies en totalité pendant ce dernier étal, il est impossible d'établir, entre celui-ci et la période somnambulique où elles le furent complètement, un rapport exact s'appuyant sur des données qui ne pourraient èlre qu'approximatives.

Nous concluerons donc en disant : Qu'en admettant, avec les auteurs précités, qu'une seule observation soil probante; que l'aliénation existante ne vicie pas par elle-même les résultats, il demeure ce fait que les seuls éléments sérieux d'appréciation tirés des rapports des phosphates entre eux nous prouvent que les recherches de MM. A. Voisin et Harant confirment les nôtres, à savoir que l'hypnotisme, à ne s'en tenir qu'aux caractères tirés des excrétions urinaires, esl un véritable état pathologique.

Depuis cet article, MM. A. Voisin et Haranl onl examiné deux nouvelles malades, ce qui porte à trois le nombre de leurs sujets. Or, chez la première malade, il y à pendant le sommeil inversion de la formule des phosphates telle qu'on nous l'a formulée; celle inversion manque chez les deux autres. En revanche, il y a chez le deuxième, pendant le sommeil, augmentation de l'urée et du résidu fixe, et diminution chez la troisième. Et c'est sur ces trois faits, aussi peu comparables entre eux chez des sujets qui, comme les n" 2 et 3, donnent à l'état de veille les chiffres pathologiques de 10 gr. 30 et il gr. 31 d'urée, que MM. A. Voisin et Harant se fondent pour établir que la nutrition n'est pas troublée pendant le sommeil hypnotique, voulant infirmer ainsi les recherches de Strûbine, de Brock, de Gûriler et les nôtres, qui démontrent absolument le contraire!

Que MM. A. Voisin el Haranl, qui expérimentent dans un service fermé à tous autres malades que des aliénés, nous permetteut encore de leur signaler les recherches de M. Mairel (1); ils y trouveront peut-être la clef de phénomènes qui n'ont rien à faire conlre l'hypnotisme.

Recevez, etc.

Gilles de la Tocsette et H. Catheuneau.

(i) Recherches sur [élimination de [acide phosphorique che: [homme tain, [aliéné, [épileptique et [hystérique, in-S". Paris, Masson, 1S34.

RECUEIL DE FAITS

Contribution à l'application de la thérapeutique suggestive,

par le D'PftospR* van Vblsen, do Malins* [Belgique].

En publiant quelques-uns des résultats les plus frappants qu'il m'a été donné d'obtenir dans ma pratique journalière par l'application de la suggestion hypnotique, je veux seulement contribuer à démontrer que ce procédé thérapeutique n'est pas seulement applicable à des symptômes isolés et de peu de gravité, mais qu'il est aussi très efficace contre des troubles chroniques ayant résisté à toutes les autres médications. Ces courtes observations tendent aussi à prouver que les effets de la suggestion sont durables, contrairement à l'opinion souvent exprimée à tort par des médecins incompétents ou inspirés par un inconcevable parti-pris.

!• Paralysie hystérique totale. — Hortense D..., 17 ans. ayant eu, après des chagrins de famille, une violente crise d'hystérie, se trouva paralysée du corps entier. La paralysie était complète, il n'y avait plus d'autres mouvements possibles que ceux du cou et de la lace; de plus il y avait aneslhésie générale. Il y avait environ trois ans que la malade se trouvait dans celte pénible situation, quand on me proposa d'entreprendre sa guérison. Tous les moyens avaient été épuisés, électricité, douches, massage, etc. L'hypnotisme lui-même avait été tenté ; mais les opérateurs, probablement peu expérimentés, après deux séances, avaient renoncé à ce traitement en déclarant que la malade tombait dans la léthargie profonde, dont il n'y axait pas moyen de la faire sortir pour l'amener dans l'état aomnambulique, seule période, disaient-ils, dans laquelle la suggestion était possible. De plus, le sujet ayant accusé de violents maux de tète, ils avaient trouvé que l'hypnotisme ne pouvait faire que du tort. Malgré ces conditions défavorables, je repris le traitement psycho-thérapique. Les maux de tète furent rapidement combattus par la suggestion. Le sujet tombait dans un sommeil profond, il n'était pas hallucinable, mais la suggestion devait cependant agir, car. en moins de six semaines, tous les symptômes avaient disparu graduellement, de façon qu'aujourd'hui, c'est-à-dire quatre mois après la guérison complète, la malade a pu reprendre ses occupations, et qu'elle peut être considérée, étant donné son étal actuel, comme complètement guérie.

2" Névralgie rebelle. — M"' j..., 35 ans, très nerveuse, souffrait depuis douze ans d'une névralgio sus-orbitaire rebelle, qui l'obligeait de rester au lit au moins trois jours par semaine. De plus, elle était sujette à l'insomnie.

En une seule séance do sommeil profond, j'obtins une guérison complète qui ne s'est pas démenlio depuis, c'est-à-dire depuis trois mois.

De plus, l'insomnie a fait place à un sommeil tellement profond et prolongé, que M— J... m'a demandé de la faire dormir moins ; ce qui fut facilement obtenu.

3» Troubles menstruels. — M0" H. M.... 28 ans. Époques irrégulières,

accompagnées chaque fois de douleurs très pénibles dans la région utéro-ovarienne. Dès le deuxième mois, la régularisation était obtenue ainsi que la disparition complète des douleurs. L'effet ne s'est pas démenti depuis sept mois.

4" Névralgie vésicalr. — Mlu J:.., 22 ans. Souffre depuis huit ans d'une névralgie très pénible du col de la vessie, qui a résisté à toutes les médications. Guérison complète non démentie en dix séances. Au sujet de cette malade je dois faire une remarque.

Aux deux premières séances, d'une heure chacune, je n'avais obtenu aucun degré de sommeil. C'est alors que je donnai à la malade une dose de 50 centigr. de chloral. En dix minutes le sommeil fut profond. Je donnai la suggestion que le sommeil devait désormais s'établir plus rapidement. Le lendemain nouvelle administration de chloral. Sommeil obtenu en cinq minutes. Alors je suggérai que le chloral n'était plus nécessaire pour amener un sommeil rapide. Le jour suivant, sans chloral, rien que par suggestion, il y eut sommeil en deux minutes ; et les autres jours sommeil instantané.

M. Bernheim croit que le chloral agit ici comme suggestif ; comme suggestion « matérialisée ». N'agirait-il pas plutôt eu diminuant la résistance involontaire du sujet ?

J'obtiens journellement, par application de la suggestion, des résultats les plus favorables analogues à ceux que j'ai constatés à Nancy, chez le docteur Bernheim, el à Paris, à la clinique du docteur Bérillon. J'ai choisi quelques-uns de ces cas remarquables surtout parce qu'ils s'étaient montrés particulièrement rebelles. Je dois faire aussi remarquer que dès que j'entreprenais le traitement, toute autre médication était supprimée afiu d'obtenir, d'une façon intégrale, l'action de la suggestion.

Huit observations d'accouchement sans douleur sons l'influence de l'hypnotisme, par M** le Dr Marie Dobrovolsky. Suite et fin (1)

VI. — accouchement isdolore. SUOOBSTfOX a l'état de veille

C. R., 21 ans, Genevoise, première grossesse, phlysique, très grandes cavernes à gauche, dans le lobe supérieur, infiltration dans les lobes moyen et inférieur à droite. Silence respiratoire dans les fosses sus et sous-clavières. Les derniers temps de la grossesse, forte hémoptésie. Taille moyenne et bien conformée. Bassin normal, bruits du cœur du fœtus faibles. Premières douleurs à 2 h. du soir, le 8 février; à 4 h. les eaux s'écoulent; dilatation de i fr. A mon arrivée à 6 h. soir, la femme crie sans cesser, et cela dure depuis le début du travail. Dilatation complète. Je lui propose de l'endormir disant qu'elle ne souffrira plus. Elle consent, fixe la montre, mais les douleurs revenant à chaque minute, l'empêchent de fixer, alors je fais l'occlusion des yeux et je l'engage énergiquement à dormir, en disant que les douleurs passeront.

(1J V. Revue de CHypnolùme, p. ï74.

Mais La contraction arrive, elle cric. Alors je lui donne a respirer une compresse d'eau, disant que cela la soulagera. Elle respire profondément, se calme et dit que cela lui fait beaucoup de bien. En même temps je liens ma main sur ses veux, à chaque coi;traction (elles reviennent toutes les 2 m. et durent 30-40 s.), elle demande k respirer la compresse et pousse, ne se plaint pas, puis elle pose sa main sur la mienne. A 6 h. 3/4 la tête franchit le canal et commence k se montrer, la femme pousse, reste calme. A 7 h. l'expulsion est finie, jute ma main de ses yeux et elle les ouvre de suite, demande le sexe de Sun enfaul et dit qu'elle ne l'a pas senti venir, qu'elle ne donnait pas, qu'elle pouvait ouvrir les yeux, mais que si je mettais ma main sur ses yeux, elle se sentait bien et cessait de souffrir. L'enfant est en eut de mort apparente cl revient k la vie, grâce aux injections sous-cutanées d'éther. Après l'accouchement la femme se sent faible, tousse, gémit, se plaint d'avoir mal à la poitriue, crache de l'écume sanguinolente.

VIL — ACCOUCHEMENT INDOLORE. SOMMEIL LÉOER

F. IL, 22 ans, Strasbourgeoise, primipare, enceinte depuis le mots de janvier, varices aux jambes, bonne santé habituelle, taille grande, bien conformée, le bassin légèrement rétréci, caractère gai. tempérament sanguin, intelligente. J'ai fait deux séances d nypnotisation en lui faisant fixer ma montre pendant 1/2 h. sans aucun résultat, la femme assure qu'elle ne peut pas dormir et à la fin refuse de ce soumettre à rbypnoiisaiioo ; mais quelques jours plus tard, l'exemple de ses compagnes, qui s'endorment facilement, La décide, quoiqu'elle ne croit pas k tout cela. Au bout d'un 1/4 d'h. de fixation, elle s'endort profondément, ne sent pas la piqûre, lient le bras en l'air. Je suggère de ne pas souffrir pendant l'accouchement et je la réveille en souillant; elle se frotte les yeux, s'élonue d'avoir dormi et se plaint d'une pesanteur de tête. Le 1* octobre, deuxième séance, fixation 7 m., sommeil profond pendant 10 m., à la fin je suggère de ne ne pas avoir mal k la tête à son réveil. Au réveil, la femme dit qu'elle est très bien. J'ai fait en tout sept séances, chaque fois l'hypnotisalion était de plus en plus facile (3-4 m. de fixation). Je lui ai suggéré do ne plus souffrir pendant son accouchement. Ses premières douleurs ont commencé Le 12 octobre et durèrent toute la nuit. A fi h. matin, le 13, la dilatation est comme 5 fr., la poche des eaux se rompt, les douleurs toutes les 5 m. 1res fortes. Je lui ai fait fixer ma montre, mais dès que la douleur vient, elle cesse de fixer; La douleur passée, fixe de nouveau, et après 2 m. ferme Les yeux et dort. A ma question : « Dormez-vous? » elle répond : « Oui, madame, un peu s. Pendant les coutraclious suivantes, elle ne crie plus, se plaint k peine, regarde autour d'elle dans Les intervalles, ferme les yeux cl dort. Les contractions se répètent toutes les 3-4 m., elles sont intenses, régulières. A 9 h. 30, la femme commence à pousser très fortement pendant les contractions, mais ne souffre pas. A 10 h. m., vu le rétrécissement du bassin, on s'est décidé à terminer l'accouchement par l'application du forceps. A La première introduction de La branche du forceps, La femme se réveille et cesse d'être hypnotisable. L'extraction a duré S m., la

femme gémissait, criaii. L'enfant est né virant, la mère est en très bon état. Le lendemain, elle m'a dit que depuis mon arrivée elle ne souffrait point, sauf quand on lui applique le forceps.

VIII. — ACCOUCHEMENT INDOLORE SOMMEIL LEGER

J. R., multipare. Les accouchements précédents ont été difficiles. Enceinte * depuis décembre. Bien conformée, bassin normal, maigre, nerveuse, mais pas hystérique. Les premières douleurs ont commencé le 2 octobre, à 10 h. m.; très intenses dès le début, se répétaient tous les \ jk d'h. Le soir, la dilatation était comme 1 fr. Vers 9 h. s., la femme souffrait beaucoup, douleurs toutes les 5 m. Je proposai à la malade de l'endormir, disant qu'elle ne souffrirait point et lui fis fixer ma montre pendant 20 m. ; au moment des douleurs elle crie, mais continue à fixer, puis les yeux se ferment, la respiration se ralentit, devient plus profonde, les membres sont en résolution. Les contractions viennent toutes les 5 m., le ventre se durcit, mais la malade reste tranquille, fronce à peine les sourcils. A minuit, les contractions deviennent plus fréquentes, toutes les 1-2 m., la femme pousse très fort, puis soupire et reste calme, plongée dans le sommeil. A minuit 3/4, la tête se montre, fait sa rotation et en trois contractions se dégage.Ace moment la femme se réveille et crie. Après l'accouchement, la femme se sent bien. Elle m'a raconté que depuis 10 h. du soir elle ne se rappelle de rien, sauf les trois dernières douleurs. La suite des couches bonne.

revue bibliographique

La Neurasthémie (maladie de Beard), par le D' F. Levillain, ancien élève de la Salpètrière. — Avec une préface du professeur Charcot et suivie d'une notice thérapeutique par le DT Vigocroux (lj.

Voici une maladie qui, pour être venue tard, n'en pas moins fait son chemin : le livre de notre confrère et ami, le Dr Levillain, nous parait appelé au môme succès.

C'est un exposé méthodique et complet de la question, c'est une étude tout à la fois pratique et scientifique de cette maladie nerveuse, aujourd'hui si fréquente, et qui passe si souvent inaperçue aux yeux d'un grand nombre de médecins non encore prévenus de son importance.

11 est néanmoins capital de la dépister sous les aspects multiples qu'elle peut révéler ou même à côté des autres affections qu'elle peut accompagner : son traitement spécial suffît, dans certains cas, pour améliorer et même guérir les désordres divers qui tourmentent le plus les malades.

Ace point de vue, son étude nous intéresse particulièrement ici, parce que, un peu en opposition sur ce point avec M. Levillain, nous croyons sîn-

(1) Librairie Malgine, in-t',:£4 p., 1891,91, boulevard Saint-Germain, Paris.

cèrement que l'hypnotisme ou mieux la psychothérapie, constitue un agent très favorable à la thérapeutique de cette névrose.

L'auteur a d'abord fait acte de justice scientifique en proposant le nom de maladie de Beard pour cette affection, que l'habile clinicien de New-York a si finemeut découverte dans le pays, par excellence, du surmenage, qui en est le principal fauteur.

Ce qui n'empêche que les principaux symptômes neurasthéniques n'aient été de tout temps observés et décrits, même dans les livres d'Hippocratc.

L'histoire de cette affection est vraiment intéressante; elle est d'ailleurs traitée d'une manière très érudite particulièrement dans celle longue bibliographie, avec citations de textes anciens à l'appui, qui termine l'ouvrage. L'évolution de la neurasthénie s'est faite en trois périodes : la première, qui est très longue, ne comprend que la description des symptômes sans description nosologique; dans la deuxième s'opère toute la série des groupements qui ont pris les noms les plus variés, depuis « les vapeurs » jusqu'au « nervosisme ¦ ; enfin la troisième est la période moderne, qui date du livre de Beard (1880).

Rien d'étonnant d'ailleurs à ce que la maladie de Béard n'ait été précisée que dans les derniers temps ; c'est bien, si l'on peut transporter le mol en médecine, une maladie fin de siècle par excellence. Ses causes, sur lesquelles M. Levillain s'est apesanti avec raison, sont plus que jamais nombreuses et diverses, et la description de l'influence manifeste que joue le séjour des villes sur la détermination de cette névrose nous paraît très exacte. Le surmenage nerveux de tout ordre, tant physique que sensoriel ou psychique, telle est, d'après M. Levillain, la cause dominante, fondamentale des désordres neurasthéniques : l'hérédité joue sans doute son rôle ordinaire comme dans toute la neuropathologie; les maladies avec affaiblissement général de l'organisme, et enfin le traumatisme, apportent aussi leur contingent; ce chapitre de l'éthiologie est traité très consciencieuse meut et contient des notions originales ei suggestives.

La discussion des théories « qui se disputent l'honneur d'expliquer le mécanisme palhogénique de neureslhénie * en découle tout naturellement. Le surmenage provient de l'épuisement par excès d'excitation, que L'excila-tion soit d'ordre extérieur ou intérieur, elle aboutit au même résultat, fatigue et épuisement nerveux (asthénie neurique). De là à jeter lestement à l'eau les hypothèses auaiomiques et mécaniques de M. Glénard, il n'y avait qu'un pas; M. Levillain a sincèrement examiné et discute ces interprétations avant de les renier, au moins en thèse générale.

Nous voici à la partie clinique proprement dite, la symptomatologie et le diagnostic.

Il est juste de reconnaître que l'auteur a apporté dans ses descriptions une méthode qui fait loujours honneur au maître dont il se reconnaît l'élève, H. le professeur Charcot, el une richesse de détails qui dénote une grande sagacité d'observation.

Les sympiomalologiesjusquelà proposées avaient l'inconvénient d'être ou

théoriques à l'excès et parfois inexactes (Glénard, Arndt), ou non complètes et par suite confuses. La neurasthénie ¦ n'est pas ce qu'un vain peuple pense », c'est à dire l'agglomération vague et illimitée de tous les accidents névrosiques qui ne rentrent dans aucune des séries classiques ; il ne faut pas comprendre sous ce nom tout ce qui peut en recevoir un autre. C'est là une erreur facile et trop commune contre laquelle M. Levillain s'est élevé et qu'il a essayé de détruire. •

C'est au contraire une maladie précise à type bien défini, constituée toujours par les mêmes symptômes en plus ou moins grand nombre, plus ou moins importants et groupés de manière diverses.

M. Charcot a donné le nom de stigmates neurasthéniques à tous ceux qui forment en quelque sorte le fonds de la maladie de Beard; ce sont les symptômes essentiels les plus fréquents et les plus caractéristiques : ainsi la céphalée, les troubles dypspeptiques, l'insomnie et les troubles du sommeil, qui, selon M. Levillain, jouent un rôle important dans l'évolution du mal; Yamyosthénie douloureuse, la rachialgie et l'hypperesthésie spinale, les troubles génitaux et Vital mental des neurasthéniques auquel l'auteur a consacré un chapitre à part, par analogie avec l'état mental des hystériques.

Ces phénomènes capitaux, qui peuvent ne pas exister tous ensemble, sont en général accompagnés d'autres moins importants, c'est-à-dire moins fréquents et spécifiques, mais non moins précis et limités. Tels les étourdisse-ments et vertiges, les troubles oculaires (asthénopie, troubles pupillaires et palpébraux), quelques troubles auditifs (hyperacousie et bruits d'oreilles), les troubles de la sensibUité générale (byperesthésies, névralgies, sensations morbides), certains troubles de la mobilité (parésies, crampes, secousses musculaires), des désordres de la circulation (palpitations, syncopes, variabilité du pouls), les troubles secondaires de l'appareil digestif (dilatation, ptôses abdominales, colite), des altérations de la nutrition générale et des sécrétions.

Il nous est impossible d'insister davantage sur celte description méthodique et minutieuse qui occupe la partie la plus importante et peut-être la plus utile de ce travail ; il nous faut y renvoyer le lecteur qui désire connaître à fond le tableau symptomalique de la neurasthénie. Et encore ce tableau si complet est-il épuré. M. Levillain n'y admet qu'à titre de symptômes de complication certains phénomènes psychopatiques et moteurs qui dénotent le plus souvent une influence héréditaire, en dehors du simple épuisement par surmenage et qui, d'ailleurs, sont loin de dominer la scène.

Quant aux sigtuis objectifs, il faut avouer qu'ils sont encore à l'état embryonnaire ; mais c'est déjà un progrès qu'on doit à l'auteur d'avoir esquissé ceux qui sont déjà connus et d'avoir indiqué l'utilité de leur étude.

Cest de cette série de symptômes et de leurs combinaisons cliniques variées que vient la diversité des formes cliniques de la neurasthénie qui constituent la forme cérébro-spinale, la plus commune, puis Vhémi-neurasthénie, la êérébrasthénie, la myélasthénie, la neurasthénie sexuelle et enfin

les variétés décrites autrefois sous le nom de névropathie cérébro-cardiaque et de maladie cérébro-gastrique.

Les variétés étiologiques sont encore plus importantes à connaître, en raison de la différence de leur pronostic : c'est la neurasthénie traumalique, Yhys-téro-neurasthénie et les formes héréditaires dont l'étude classique n'avait pas encore été faite avec tant de précision; enfin c'est la neurasthénie mâle et che: les ouvriers, également intéressantes à bien diagnostiquer.

C'est qu'en effet le diagnostic est ici l'élément capital : que de maux de tète, de vertiges, de troubles digestifs et circulatoires, que de manifestations médullaires et psychiques ont été attribuées à des lésions organiques graves, qui relevaient simplement de la névrose nemaslhénique! Il y a des symptômes morbides de tout siège qu'on a pu considérer comme menaçants et incurables, et que le simple repos ou un traitement hygiénique ont fait disparaître, parce qu'ils étaient d'ordre neurasthénique.

La thérapeutique exposée à grands traits par l'auteur, dans ses principales méthodes, est magistralement traitée dans une longue notice communiquée par le D* Vigouroux, l'éminent électro-thérapeute de la Salpétrièrc. Qu'il nous soit cependant permis à ce sujet, bien que nous n'ayons pas été oubliés, de faire remarquer que MM. I.evillain et Vigouroux nous paraissent avoir une certaine défiance et en tout cas accorder trop peu de place, dans cette élude, aux procédés psychothérapiques qui nous ont si souvent réussi chez les malades de cette catégorie.

En somme, pour son premier essai en neuropathologie, M. Levillain peut espérer un succès que lui assure encore une élogieuse préface du professeur Charcot.

Mais ce n'est pas tout : le neuropathologue cultive aussi la médecine légale, et c'est à ce litre qu'il nous présente en appendice, à la fin de son livre, de très curieuses et originales considérations sur les questions que peul soulever ¦ ta neurasthénie au point de vue médico-légal. •

Aussi souhaitons-nous le meilleur accueil au remarquable travail de notre collègue et ami M. le Dr Levillain. E. B brillos.

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE (Séance du lundi 16 mari.— Présidence de M. Gilbert Ballet.)

Mesure des perceptions olfactives.

M. Charles Henry présente à la Société un instrument nouveau qu'il appelle olîactomètre, destiné à déterminer par centimètre cube d'air le poids de vapeur odorante correspondant au minimum perceptible. Cet appareil est fondé sur un cas de diffusion qui n'avait pas été considéré jusqu'ici : la diffusion à travers une membrane flexible comme le papier. Celte diffusion présente ce caractère remarquable que la membrane diminue dans un rapport constant, le même pour tous

les corps, l'évaporation des liquides. L'olfaclomëtre, construit par G. Bertemoot, consiste essentiellement en un tube de verre gradué, glissant à l'intérieur d'un lobe de papier qu'il découvre plus ou moins, laissant ainsi parvenir aux fosses nasales des quantités de vapeur qu'il est facile de calculer grâce à la théorie, si l'on connaît le temps cl la hauteur de soulèvement, la surface et le volume du tube, enfin le poids de substance évaporée à l'air libre dans l'unité de temps par unité de surface. Pour pouvoir déterminer rapidement (ce qui est indispensable vu l'altération facile des odeurs à l'air) celle dernière donnée, M. Charles Henry a dû recourir à un aréomètre très sensible appelé pèse-vapeur, qu'on gradue empiriquement et qui pèse au 1/50* de milligramme près, si l'on maintient la température bien constante. C'est par ces méthodes que l'auteur a trouvé des minima perceptibles très différents suivant les sujets et suivant l'odeur, variant par exemple de 1/1000° de milligramme pour un sujet avec le Winter green à 2 milligrammes avec l'éiher pour un autre sujel. En général, les nombres croissent avec le caractère agréable de l'odeur pour chaque sujet; à ce point de vue l'olfactomèlre est un explorateur remarquable des caractéristiques individuelles. Son importance pratique pour le parfumeur est évidente.

Sur la proposition de M. Ch. Richet, secrétaire général, la Société remet à la prochaine séance la discussion sur les hallucinations lélépathxques.

Elle désigne ensuite les membres qui composeront les commissions chargées de faire au prochain Congrès de Psychologie physiologique, qui aura lieu à Londres en 1892, des rapports sur les deux questions suivantes: 1- Hérédité; 2° Hallucinations télépalhiques; 3a Sens musculaire.

CHRONIQUE ET CORRESPONDANCE

Lettre de M. le professeur Masoin au sujet des guérisseurs de ? raine-le- Cnate au

Mon cher Rédacteur eu chef.

J'ai lu avec éionnement dans la Revue de [Hypnotisme (livraison de mars 1891) la lettre dont M. Delbœuf vous a demandé l'insertion.

Cette lettre, rendue publique, renferme à mon avis, à coté d'inexactitudes, des impertinences vraiment intolérables. Aussi j'ai cru qu'il convenait de porter l'affaire devant l'Académie royale de Médecine de Belgique. J'ai donc mis sons les yeux de mes honorables collègues, entre autres pièces, le rapport rédigé par M. le docieur Schoofs et par moi, dans le procès des magnétiseurs de Braine-lc-Chateau, rapport duquel il résulte que Sylvain V... n'étail nullement hypnotisé par 6es compères. Quant au point bien délimité, dont parle M. Delbœuf, quant à son expérience concluante, savoir si Sylvain V... était hypnoli-sable; c'est une autre question dont la solution, affirmative sans doute (puisque en Belgique tout le monde est hypnotisable », d'après M. Delbœuf lui-même!) n'aurait pas éclairé le débat. Mais n'anticipons pas sur une réponse détaillée : prochainement, soildans quelques semaines, je pourrai vous envoyer le fameux rapport tout imprimé qui ne méritait

Ni cet excès d'bonaeur. ai ces indignités, avec les commentaires qu'appelle l'attitude de M. Delbœuf.

Agréez, etc.

E. Masoin. Professeur & l'Université de Louviin.

Enseignement de l'Hypnotisme.

cours a l'école pratique

M. le Dr Bérillon,. directeurde la Revue de l'Hypnotisme,commencera, le mardi 14 avril, à cinq heares, dans l'amphithéâtre Cruveilhier. à l'École pratique de la Faculté de Médecine, un cours libre sur le sujet suivant: Psychologie physiologique et pathologique. — Applications cliniques de l'hypnotisme. Il continuera le cours les samedis et mardis suivants,à cinq heures.

Le Dr Bérillon, après avoir indiqué les récents progrès réalisés dans le domaine de la psychologie physiologique, étudiera particulièrement les indications et les contre-indications de l'hypnotisme et de la psychothérapie dans le traitement des maladies mentales et nerveuses.

Hospice de la Salpètrière (service de M. le Dr Auguste Voisin;. — Let médecins et les étudiants pourront suivre dans ce service, consacré aux aliénés (femmes), les applications de l'hypnotisme faites sur un certain nombre de malades atteintes d'aliénation mentale.

Cours a l'Université- de LYon. — Après les conférences de médecine légale, faites à la Faculté de Droit, par M. le professeur Lacassagne et M. le Dr Henry Contagne, M. le Dr R. Dubois, professeur à la Faculté des Sciences, va continuer la série en ouvrant ft la Faculté des Lettres un cours de psycho-physiologie.

Institut pstchiatrique de Gênes. — M. le professeur Morselli a créé à Genes un institut psychiatrique dans lequel il donne l'enseignement de l'hypnotisme.

Institut psycho-physiologique dE Paris (49, rue Saint-André-des-Arts). — Des consultations gratuites ont lieu à l'Institut, les mardis, jeudis et samedis, de dix heures à midi. Les médecins et les élèves régulièrement inscrits à la clinique j sont exercés à la pratique de l'hypnotisme et de la psychothérapie (1).

Hommage au Docteur Liébeault.

M. le Dr Lloyd-Tuckey, secrétaire du Comité de médecins étrangers qui s'était formé pour offrir au Dr Liébeault, à l'occasion de sa retraite, nn témoignage d'admiration et de reconnaissance, nous fait parvenir la liste des premiers souscripteurs qui ont répondu à son appel.

Allemagne. Angleterre iiuitet.

?1 SCUBBNlC-NOTZ£nc(Municbl. 53 > Anfielen*. D' Mi!.nk-Bh*vweu. (Goole).. 53 > Dr A.-J. Myexs 'London).---- S3 -D' Mac Lbnnan (Glasgow).... 12 » IV Llotd-Tucksy (London,... 53 » D' Crib ?. Bishop (Slortfort]... !2 » Autriche. Prof. ? . . . 53 »

(1) Nous invitons nos correspondants et nos collaborateurs à nous faire parvenir tous les renseignements qui concernent l'enseignement de l'hypnotisme et de là psychologie physiologique. Noos publierons la date et le programme des cours qui seront faits sur ces questions, aussi bien en France qu'à l'Etranger.

Belgique.

Prof. Dblbœcp (Liegeî........ 25' »

Dr Van Vblsbn (Malines,----. 53

Brésil.

Ptof. JOACHIÏl DI FlGUBlBAS

53

Canada.

Dr NBILSON, LljU»l).

États-Unis.

Dr Angell (îiew-York)....... 25

Dr Hasolton-Osgoqd (Boston). 53 ¦

France.

Dr Bériixon (Paris)........... Prof. Bbrnubui (Nancy)...... 53 s

53 S

53

D' Roth (Dironne)........... 53

hñ:

Dr Lb Menant des Chbsnais. . 10

5

3

E. L:;................. 5 »

Hollande.

Dr Vax RBXTBRGirsM (Amster-

53'

Dr Vax Ebdex (Amsterdam)... 53 s

2

Dr Pii.-E. i. médecin-ma-

jor (Amsterdam)............ 10 »

Italie.

D' Sinclair-Thomson (Flo-

12 i

Bnaate.

53

53

iv Kbllbr (Ekaternenstad-s.-

53

Suède.

D' Wbttbrstrasd (Stockholm) 53 ¦

Dr Vblaxdbr ( Yonkopingf.... 53

Dr Bacc.nbbrg (Upsala)....... 53 s

Suisse.

Prof. Forbl (Zurich) ........ 53

La remise du souvenir offert à M. le Dr Liébeault aura Heu dans le courant du mois de mai. On nous annonce qu'un certain nombre de médecins étrangers se proposent de se rendre à Nancy à celte occasion.

Jusqu'à ce que la date de cette fétc soit fixée, les souscriptions continueront à être reçues chez le Dr Uoyd-Tuckey, U, Green-Street, Grosvenor-Square (Londres).

L'Hypnotisme à la Conférence des Avocats.

Nous trouvons dans les journaux judiciaires la note suivante :

« La conférence des avocats de Paris a discuté lundi dernier la question suivante : L'individu non médecin, qui se livre sur un tiers à des expériences hypnotiques, peut-il être poursuivi pour exercice illégal de la médecine? > La conférence a adopté l'affirmative.

Nous aurions été heureux de connaître â la suite de quelles considérations juridiques la conférence des avocats a été amenée à se prononcer dans ce sens. U nous semble que, sous la législation actuelle, ce délit ne saurait être constitué qu'autant que les expériences d'hypnotisme auraient été instituées dans un but curatif par une personne n'ayant pas qualité pour exercer la médecine.

Si la conférence des avocats a voulu dire que les individus qui se livrent à l'exercice illégal de la médecine n'ont pas plus le droit de recourir à la pratique de l'hypnotisme et du magnétisme que tout autre agent thérapeutique, nous ne pouvons que l'approuver. La loi doit être égale pour tous. Mais si la conférence entend dire que des expériences laites au point de vue des recherches psychologiques peuvent constituer ce délit d'exercice illégal de la médecine, nous pensons qu'elle a fait une mauvaise interprétation de la loL

Revision de la législation sur les Aliénés.

M. Joseph Reinach a déposé une proposition de loi tendant à réviser la législation sur les aliénés.

M. Reinach propose l'abrogation de la loi de 1838, qu'il remplace par un texte qui reproduit les parues essentielles du projet voté en 1887 par le Sénat, sur le rapport de M. Théophile Roussel, et qui n'a pu être examiné par la précédente Chambre avant l'expiration de ses pouvoirs, bien qu'elle fût saisie du rapport de sa Commission.

M. Reinach adopte les principales conclusions de celle-ci — qui s'était elle-même appuyée sur l'opinion émise par Gambetta dans le projet qu'il déposa avec M. Magnin en 1S69; mais il propose de substituer, selon le texte du Sénat, à l'intervention du jury pour l'internement des aliénés, que demandait Gambetta, celle du tribunal réuni en chambre du Conseil.

C'est également le tribunal qui statuerait, après rapport des médecins alie-uistes, sur les demandes de sortie qui pourront toujours lui être adressées, à quelque époque que ce soit.

Enfin, d'après le projet de M. Reinach, des quartiers spéciaux seraient réservés aux épileptiques, idiots et crétins, ainsi que des maisons spéciales aux aliénés criminels, lesquels ne pourront être rendus & la liberté qu'avec un certificat du médecin affirmant non seulement qu'il y a goérison, mais guérison sans crainte do rechute — comme le presentía loi anglaije de 1800.

L'Association médicale mutuelle.

L'Association médicale mutuelle du département de la Seine a tenu sa quatrième assemblée dimanche 8 février, dans le grand amphithéâtre do la Faculté de Médecine, sous la présidence de M. Lagoguey.

Depuis sa fondation, l'Association a payé, pour indemnités do maladie : en 1887, 0 fr. pour 67 membres; en 1SSS, 3,290 francs avec 121 membres; en 1S89, 3,559 francs avec 151 membres, et enfin, en 1S90,7,920 franesavec 191 membres; ce qui donue, pour les quatre années, un total de 11.760 francs.

L'avoir de l'Association, au 31 décembre 1890, est de 43,219 fr. 25.

A la prochaine réunion du Conseil, dans huit jours, le nombre des adhérents sera de 200, soit une recette de 24,000 francs assurée pour 1891.

Les progrès de l'Association ont donc suivi une marche régulièrement ascendante.

NOUVELLES

Société de Psychologie physiologique. — On sait que, dans certains cas, mal déterminés encore, il est arrivé qu'on ait cru voir ou entendre une personne absente. La Société de Psychologie physiologique a nommé récemment une commission pour s'occuper de celte question. Cette commission est composée de MM. Sully-Prudhomine, de l'Académie française, président ; G. Ballet, agrégé à la Faculté de Médecine de Paris; Beaunis, professeur a la Faculté de Médecine de Nancy; L. Marinier, maître de conférences à l'École pratique des Hautes Études ; Ch. Rlcbet, professeur à la Faculté de Médecine de Paris, et le colonel A. de Rochas, administrateur de l'École Polytechnique. Les personnes qui ont observé des faits pouvant intéresser cette commission d'étude sont priées d'en informer un des membres de la commission ou le secrétaire. M. L. Marinier, 7, rue Michelct. 11 est bien entendu que leur nom ne sera publié sans une autorisation formelle.

Réorganisation de la médecine légale. — La Société de la Gironde, consultée par le Conseil général de l'Association des médecins de France, relativement à la pratique de la médecine légale, approuve : 1' Qu'il soit créé un diplôme spécial conférant le titre de médecin expert ; 2* Est d'avis : Que. dans les cas qualifiés crimti, l'expertise médico-légale soit conlléc à deux ou trois médecins expert* désignés d'un commun accord par la justice et par l'inculpé; 3" Qu'un régulaiif uniforme soit adopté dans les

premières opérations de toute expertise médicale; 4* Qu'en attendant un nombre suffisant de médecins munis de diplôme visé ci-dessus, il soit établi tous les ans, par chaque Cour d'appel et après avis préalable de la Faculté de Médecine et des tribunaux de première Instance de la région, une liste de médecins auxquels on pourra confier les expertises médico-légales.

Diminution de l'alcoolisme en Horwège.-- - M. Dahl constate dans une brochure

sur ce sujet, que dans ces dernières années le nombre des aliénations mentales dues a l'abus de boissons alcooliques a diminué. Tandis qu'en 1856 jusqu'à 1860 13,7% des entrants dans l'asile de Gaustadt, près Christiana. accusaient la boisson comme cause de leur trouble mental, ce nombre est graduellement tombé jusqu'à i *.'. pour les années 1886 à 1868. 11 en est de même pour les autres asiles d'aliénés de la Norvège. La statistique de la mortalité indique également que le deirium tremens joue nn rôle moins grand dans la mortalité et que le nombre des suicides dus à l'alcoolisme va en décroissant.

La mortalité dos enfants en Russie. — L'organisation sanitaire de l'Empire russe et les conditions sanitaires de la vie de la plupart des habitants laissent beaucoup à désirer. La mortalité en Russie est beaucoup plus élevée que dans les autres pays. Sur 1,400,000 enfants du sexo masculin nés en 1855, dans vingt-et-un ans, en 1876 (époque de la circonscription), 610.000, soit 43 seulement, sont restés vivants. Sur 1,512,503 garçons nés en 1881, en ISSi (époque de la circonscription), 777,769, soit 51 %. furent trouvés vivants. Sur 382,109 appelés en 1884, 71,697 hommes, soit 19 */., furent trouvés à l'examen médical, incapables pour le service militaire. L'incapacité militaire est le plus souvent déterminés (dans 32,9 de cas) par les affections des os, des articulations et des muscles. Os tristes chiffres n'ont pas besoin de commentaires et montrent que, si la France est menacée par la dépopulation à cause de sa faible natalité, la Russie, dont la natalité est considérable, est menacée à son tour par la dégénération physique de ses habitants, dégénération qui fut constatée de toutes parts et à plusieurs reprises par les dernières recherches statistiques des hygiénistes russes.

(Lyon Médical.)

OUVRAGES REÇUS A LA REVUE

Momk(Dr E.). — Formulaire de Médecine pratique, avec une lettre-préface de M. le professeur Peler; in-8°, 566 pages. — Société d'éditions scientifiques, place de l'Ecole-de-Médecine, 4, rue Antoine-Dubois. Paris, 1891.

Radziszewski (D* S.). — Études Cliniques et Bactériologiques, in-S", 66 pages. — Olller-Henry, libraire-éditeur, 11 et 13, rue de l'Ecole-de-Médecine. Paris, 1890.

Robkkt (Mr Henri). — Affaire Gouffé, Plaidoirie pour Gabrielle Bompard, in-8°, 77 pages.

— Librairie Muzard et Fils, 26, place Dauphine. Paris, 1891.

Sollier (Dr Paix}. — Psychologie de l'idiot et de [imbécile, avec 12 planches hors texte;

in-8°, 276 pages. — F. Alcan, 108, boulevard Saint-Germain. Paris, 1391. SPIVAKOFF (Dr Z.). — Traitement de la Tuberculose pulmonaire, in-8°, 113 pages. —

Ollier-Henry, libraire-éditeur, 11 et 13. rue de l'Ecole-de-Médecine. Paris, 1890. TOKARSKY (Dr A.-A.). — L'Application thérapeutique de (Hypnotisme, rapport présenté

au quatrième Congrès des médecins russes, tenu à Moscou du 3 au 10 janvier 1891

(en russe), in-8*, 89 pages. — Moscou, 1891. Tokarski {Dr A.-A-). — L'Hypnotisme dans la pédagogie (en russe). in-8°, 30 pages. —

Moscou, 1891.

Tokarsky (Dr A.-A.). — Myriachit et Maladie des Tics convulsifs(en russe), in-8°,99pages.

— Moscou, 1890.

L'Administrateur-Gérant : Émile BOURIOT.

Paris. — Imprimerie brevetée MICHELS et Fils, passage du Caire. 8 et 10-

REVUE DE L'HYPNOTISME

EXPÉRIMENTAL ET THÉRAPEUTIQUE

OBSERVATIONS Dfc'^fRAPEUTIQUE SUGGESTIVE

Pv M. 1« !>' nrn'irn^iiij-jatuifi a U FaculW d« Ntnej.

Depuis que j'ai, en 1883, appelé l'attention du monde médical sur la thérapeutique suggestive dont le Dr Liébeault, de Nancy, est l'initiateur, la méthode nouvelle a fait ses preuves et conquis de nombreux adeptes dans tous les pays du monde. Et cependant, il faut le dire, la plupart des médecins, sans nier les faits, restent étrangers à ce mouve-vement. Quand un médicament nouveau, la lymphe de Koch, par exemple, ou une pratique instrumentale nouvelle, telle que l'appareil à suspension, est annoncé dans le public médical, patroné par un clinicien connu, tout le monde expérimente à l'envi, môme les sceptiques, car ils considèrent comme un devoir de ne rien négliger de ce qui peut soulager les souffrances de l'humanité.

La thérapeutique suggestive trouve moins d'expérimentateurs, bien qu'elle ait fait son chemin dans ces derniers temps. L'impulsion ne se ralentira pas, malgré l'indifférence de beaucoup. Mais pourquoi cette indifférence?

Il existe à cela des causes multiples. Je ne parle pas des sceptiques distingués qui nient de parti pris, qui refusent systématiquement de voir et d'essayer, qui jugent péremptoirement sans savoir : ceux-ci n'existent plus, j'aime à le croire.

D'autres, tout en admettant la réalité des faits comme possible, croient devoir laisser aux spécialistes le monopole de ces recherches. La science est si vaste; leur attention est absorbée par d'autres préoccupations scientifiques, ils suivent une autre voie, craignant peut-être de s'égarer dans celle-ci. Nul, il est vrai, ne peut embrasser tout le domaine des sciences médicales. Mais lorsqu'il s'agit, non pas d'une spéculation purement scientifique, purement expérimentale, mais d'une méthode thérapeutique qui se vante d'être éminemment utile et pratique, n'est-il pas à désirer que tous les praticiens possèdent cette méthode? il en est qui reculent devant la défaveur qui, malgré tout, s'attache

n

encore aux mots d'hypnotisme et de magnétisme. Le charlatanisme a trop longtemps travesti et exploit»' ces pratiques; tant d'ivraie s'est môlée au bon grain! Tant de falsifications ont masqué la vérité, que celle-ci a peine à se dégager de sa gangue. Le médecin qui se respecte craint de passer pour un vulgaire magnétiseur. Les mots magnétisme et hypnotisme effraient le public et môme une partie du public médical. Si ces mots étaient supprimés, si on ne parlait que de thérapeutique psychique, thérapeutique suggestive, en réalité ce n'est que cela, les esprits seraient moins timorés et plus enclins à l'accepter : le mot fait tort à la chose.

Il existe cependant, dans le corps médical, plus peut-être que dans les autres professions, beaucoup d'esprits indépendants qui ont le courage de leur opinion, qui ne craignent pas les préjugés, lorsque la question d'humanité est en jeu. Ils ne reculent certainement pas devant une thé-rapeuthique qui trouve des détracteurs, eux qui affrontent mille morts dans les épidémies. Leur scrupule est plus honorable. Il résulte d'une conception erronée de ce qu'est l'hypnotisme. « C'est, dit-on, une arme qui peut être dangereuse; elle détraque le cerveau, elle déséquilibre le système nerveux, elle réveille l'hystérie latente. Les mots hystérie, hypnotisme, léthargie, catalepsie, somnambulisme, sonnent à leurs oreilles comme des termes équivalents. L'hypnose est une névrose; l'état hypnotique est une maladie artificielle. On supprime peut-être quelques troubles nerveux chez quelques-uns. mais on en crée chez d'autres. La thérapeutique suggestive n'a que de rares applications ; son domaine est très restreint; les dangers de l'hypnotisme sont plus grands que ses bienfaits.

Rien n'est plus erroné que cette conception. Sur des milliers de sujets que j'ai traités par suggestion, je n'ai pas observé le moindre inconvénient, et tous ceux qui appliquent la méthode du ûr Liébeault sont unanimes à le dire.

La psycho-thérapeutique suggestive n'est, au fond, que de la persuasion facilitée par un certain état psychique qui existe naturellement chez quelques-uns, qui peut être obtenue de la façon la plus simple du monde par somnolence ou sommeil chez d'autres. Ce sommeil n'est pas plus dangereux que le sommeil ordinaire ; cette persuasion n'est pas plus dangereuse qu'une parole réconfortante ordinaire. Ce n'est que cela, et ceux-là qui voudront suivre quelques jours notre clinique, en seront vite convaincus.

Beaucoup de médecins reculent encore devant les pratiques dites hypnotiques, parce qu'ils voient qu'elles sont difficiles. Fixer avec persévérance les yeux du sujet, faire des gestes, des manipulations, des passes.

ce sont là des procédés qui répugnent à leur caractère; ils craignent de compromettre leur dignité médicale en s'affublant d'allures charlata-nesques, à la Mesmer, à la Cagliostro ; ils éprouvent une certaine pudeur, ou au moins an manque d'assurance En réalité, rien de tout cela n'est nécessaire.

L'hypnose et la suggestion s'obtiennent sans geste, sans passes, sans fixation des yeax, ni d'objet brillant, sans éclat de voix, sans pose, par la parole seule, douce et câline, mais sûre d'elle-même; tout chacun acquiert l'aptitude à la faire avec succès, s'il vent bien s'exercer, sous la direction d'un homme expérimenté; tout le monde peut arriver, dans un service d'hôpital, à influencer neuf malades sur dix. n faut plusieurs semaines d'expériences pour arriver à ce résultat; et je répète ce que j'ai dit ailleurs : tant qu'on n'y est pas arrivé, tant qu'on n'a pu hypnotiser cette proportion, on doit se dire qu'on procède mal, qu'on n'a pas l'expérience nécessaire, ou qu'on a été mal dirige1. L'art de suggérer s'apprend, par l'habitude, comme la percussion, l'auscultation, l'ophtal-moscopie, la laryngoscopie, etc. Tous ces procédés exigent un apprentissage. Au début, on ne réussit pas; on voit mal, on entend mal; on croit qu'on n'arrivera jamais à voir et à entendre. Avec de la persévérance, on percute, on ausculte, on voit d'emblée la rétine et l'intérieur du larynx, très vite, sans aucune peine; l'œil et la main s'y font seuls. On procède automatiquement pour ainsi dire. Il en est de même de l'hypnose; on est tout étonné d'arriver avec tant de simplicité, alors qu'auparavant on dépensait tant de temps et d'efforts pour ne pasy arriver. C'est une affaire de quelques secondes ponr la plupart des sujets, d'une minute on deux à peine pour quelques récalcitrants. Ceux qui manquent d'expérience, manquent d'assurance et de coup d'oeil ; ils passent à côté de l'hypnose, sans s'en douter.

Chez presque tous les malades de l'hôpital, un peu déprimés, sur lequel on a de l'autorité, sur ceux surtout qui ont vu leurs voisins endormis, l'hypnose est d'une facilité extrême. J'ai décrit ailleurs nos procédés; je n'y reviens pas. Je veux seulement indiquer une manière de faire qui m'est devenue assez habituelle. En interrogeant le sujet, j'appelle son attention sur on symptôme spécial, tel que douleur, insomnie nocturne, malaise dont il a le vif désir d'être délivré. Je dis: € Vous avez une douleur au côté, je vous l'enlèverai tout à l'heure >; on bien : « Vous ne donner pas la nuit; cela vous affaiblit; si vous pouviez dormir, vous guéririez beaucoup plus vite. Je vous ferai dormir tout à l'heure ». Après cette première insinuation, je continue à l'examiner doucement, expliquant sa maladie aux élèves, leur montrant, de façon à être compris du malade, combien la souffrance, l'insomnie agissent sur le système

nerveux, augmentent l'impressionabilité, déprécient le moral. Le patient écoute avec intérêt; il s'agit de lui; il est tout yeux, tout oreilles. J'ajoute : « Il est certainement suggestible, comme tous ceux qui sourirent. Vous allez voir comme il est facile à endormir, d'un sommeil calme, comme le sommeil ordinaire ». Les paroles dites doucement, sans affection, constituent ce que j'appelle la suggestion préparatoire. Quand je vois le malade impressionné, je m'adresse à lui : c Maintenant je vais vous enlever la douleur, ou bien je vais vous donner le sommeil pour la nuit. Vous allez dormir d'un sommeil très calme, et en quelques minutes vous serez délivré ». Quelques-uns commencent d'emblée par fermer les yeux. Je dis: « Voici le sommeil ». Ils sont pris, cataleptisables, quelquefois hallucinables, et amnésiques au réveil.

D'autres, captivés, prennent un air étonné et rigide; je montre aux élèves leur regard fixe et immobile. J'ajoute simplement : « Les yeux se ferment. Dormez ». L'apparence de l'hypnose est complète. Mais ils sont déjà hypnotisés avant l'occlusion des yeux.

Il en est qui n'ont plus l'initiative nécessaire pour fermer les yeux. J'ai beau dire : c Dormez », ils restent les yeux ouverts. On les croirait rebelles, si on n'avait pas l'habitude d'observer et de discerner cet . aspect particulier. On croit qu'ils ne sont pas pris ; on passe à côté, on cesse de les influencer ; on les déshypnotise, sans se douter qu'ils ont eu une hypnose fugitive qu'on n'a pas su maintenir, parce que le sujet, suivant dans cet état de conscience nouveau l'hésitation de l'opérateur, se ressaisit bien vite. Ordinairement il suffit de fermer les yeux pour qu'ils restent clos. J'ajoute : c Vous êtes complètement endormi et vous ne pourrez pas vous réveiller avant que je ne vous le dise ». Ceci, je veux dire la prolongation de l'hypnose, n'arrive cependant pas toujours chez tous les sujets, dans les premiers essais. 11 faut chez eux une suggestion continuée, une certaine éducation facile pour les habituer à maintenir l'hypnose.

Chez le plus petit nombre seulement, surtout chez les neurasthéniques, la chose est un peu plus longue ; il faut provoquer l'hypnose par quelques gestes devant les yeux, tenir les paupières closes, suggérer les phénomènes du sommeil, l'immobilité, le calme, la chaleur dans les membres, l'isolement du monde extérieur; je commence d'emblée la suggestion thérapeutique, avant que l'hypnose ne soit certaine, je captive son esprit, je le grise, pour ainsi dire, par une parole douce et insinuante, pour empêcher son attention de se distraire; quelquefois, je l'impressionne par une certaine brusquerie pour réprimer les velléités de résistance. Si le sujet cherche à se ressaisir, comme cela arrive, et rouvre les yenx, je les tiens clos, suggérant la continuation du som-

meil. L'expérience individuelle seule, je le répète, apprend à devenir maître du sujet.

En procédant ainsi, j'arrive, à ma clinique, à hypnotiser presque tous les malades, indifféremment, de mon service; certainement 9 sur 10; et presque tous, 7 sur 9. en sommeil profond avec amnésie au réveil (en suggérant cette amnésie).

Dans la pratique civile, lorsqu'on agit isolément sur des sujets qui n'ont pas été suggestionnés par l'exemple, et sur lesquels aussi l'autorité du médecin est moins grande, on est loin d'arriver au même résultat. Cependant, en procédant avec patience, on arrive généralement à influencer la grande majorité. Seulement, le degré de l'hypnose est moins profond; on n'arrive le plus souvent qu'au second degré de Liébeault (catalepsie suggestive, persistance du souvenir au réveil; souvent le sujet ne croit pas avoir dormi, mais il a été influencé). L'hypnose profonde avec amnésie au réveil ne s'obtient, dans ces conditions, que 1 fois sur o ou 6. d'après M. Liébeault. Je l'obtiens, cependant, plus de 3 fois sur 10, en suggérant cette amnésie.

Il est facile, d'ailleurs, dans la pratique civile, de créer autour des malades une atmosphère suggestive et de faire intervenir la contagion de l'exemple. Voici, par exemple, comment procède le Dr Wetterstrand, de Stockholm, d'après la relation que donne le professeur Forel, de Zurich, dans un livre dont je ne saurais trop recommander la lecture :

Dans deux grandes pièces communiquant par une porte, recouvertes de tapis qui amortissent considérablement les bruits, sont de nombreux sophas, fauteuils et chaises longues. De 9 heures à i heure, chaque jour, les malades affluent, sont examinés avec soin, et, s'ils sont reconnus justiciables de la suggestion, on les fait pénétrer dans ces chambres. On commence par hypnotiser quelques malades qui l'ont déjà été. Les suggestions leur sont faites à l'oreille par le Dr Wetterstrand, si doucement que celui-ci seulement les entend, auquel elles sont destinées. Ainsi, Wetterstrand obtient l'influence suggestive considérable produite par la vue de tant de personnes qui s'endorment vite; et il évite la confusion produite par les suggestions en masse, c'est-à-dire de chaque suggestion qui ne convient qu'à un malade, mais qui. par exemple à Nanc3r, est entendue aussi par les autres malades. Quand Wetterstrand veut faire une suggestion pour deux ou plusieurs malades, il élève la voix en conséquence. Le nouveau venu regarde autour de lui avec étonnement ; il voit comment tous les autres s'endorment au moindre signe et se réveillent, il voit aussi les effets favorables. Quand ensuite, après un temps'plus ou moins long, le D' Wetterstrand vient à lui, il est déjà tellement suggestionné, que l'hypnose n'échoue presque

jamais chez lui. C'est à cette méthode que notre collègue doit ses résultats exceptionnels : sur 3,148 personnes soumises à l'hypnose, 97 7. furent influencées ; 3 % seulement restèrent rebelles.

J'emprunte encore à M. Forel la statistique suivante, due au \y Riogier '1J qui a, je crois, étudié l'hypnotisme sous la direction de Wetterstrand :

Sur 209 sujets soumis À l'hypnotisme,

16 arrivèrent à la somnolence (influence légère; le sujet peut encore, en appliquant son énergie, résister à la suggestion et ouvrir les yeux);

116 arrivèrent à l'hypotaxie (le sujet ne peut plus ouvrir les yeux; il obéit à une partie des suggestions, ou à toutes, sautTamnésie);

77 arrivèrent au somnambulisme et sommeil profond (amnésie au réveil et suggestibilitë posthypnotique};

12 furent réfractaires.

Ce qui donne la proportion suivante pour cent : Réfractaires, 5,43./*; Somnolence. 7,24 •/•; Hypotaxie, 52,49 •/.;

Somnambulisme et sommeil profond, 114,84 •/..

Je ne saurais trop insister sur ce point d'une importance capitale en pratique : La suggestibilitë hypnotique appartient à l'immense majorité des sujets ; ce n'est pas un fait exceptionnel ; les réfractaires forment l'exception. La thérapeutique suggestive hypnotique peut donc être essayée sur presque tous les malades.

On a constaté que la plupart des observations de thérapeutique suggestive que j'ai publiées se rapportent à des affections nerveuses, et on en a conclu que. contrairement à ce que j'affirmais, je ne pouvais hypnotiser en majorité que les nerveux. La seule conclusion vraie est que la thérapeutique suggestive s'adresse surtout à l'élément nerveux. Mais les 220 ou 230 observations que j'ai publiées ne constituent pas la statistique des personnes soumises par moi à l'hypnotisation. Leur nombre est de plusieurs milliers; soit dans un but expérimental, soit dans un but thérapeutique. Car, si le traitement suggestif curaof s'applique principalement, je ûe dis pas exclusivement, aux maladies nerveuses, il faut bien le savoir, ce traitement peut rendre des services comme palliatif dans presque toutes les maladies. Il n'y a pas de jour où je n'enlève une douleur rhumatismale, un point de coté, une insomnie, une céphalalgie. Sans doute, Ja suggestion ne tue pas le bacille de Koch,

(1) Riv.ti-r. Rrfolre des thenpeatischer hjpnotiunus in d>r Laudprasis, Munich; chez LehmsoD, 1801.

elle n'arrête pas l'évolution d'une ataxie. elle ne coupe pas une fièvre typhoïde, elle ne remédie pas à l'emphysème pulmonaire. Mais si j'enlève les douleurs de poitrine, si je modère la toux, si je restaure le sommeil des tuberculeux, si je calme la céphalalgie d'un typhique, les douleurs fulgurantes d'un ataxique. si je modère les oppressions d'un emphysémateux, si j'atténue le ténesme d'une cystite ou d'une dysenterie (je ne dis pas que je réussis toujours), n'ai-je pas fait chose utile? Le tuberculeux qui dort, qui tousse moins, qui a de l'appétit, n'est-il pas dans des conditions meilleures pour que l'évolution de la maladie se ralentisse ou s'arrête? Le ténesme vesical et rectal n'est-il pas une circonstance aggravante qui irrite le rectum et la vessie, qui entretient l'irritation, qui contrarie la nature dans sa tendance curatrice? Voici une chlorotique qui ne mange plus, qui a des douleurs, de la leucorrhée, de la dépression physique et morale ; je lui enlève ses douleurs, je la reconstitue moralement, je restaure son appétit, je supprime la leucorrhée, je la guéris. La suggestion n'a pas refait directement les globules sanguins, mais elle a pu. en neutralisant en tout ou en partie les troubles fonctionnels qui entravaient l'hématopoïëse, permettre à l'organisme de les reconstituer; car, le plus souvent, la guérison est due à la nature, c'est-à-dire aux lois de la biologie qui tendent, en vertu de notre organisation, à reconstituer sans cesse l'état physiologique, quand rien ne s'y oppose. En connaissons-nous beaucoup de médicaments spécifiques qui guérissent directement la maladie, qui aient la propriété de restaurer par leur vertu pharmacodynamique, les organes altérés ou de tuer l'agent pathogène? Et faisons-nous autre chose le plus souvent que delà médication symptoraatique ? Et les mêmes médecins qui admettent volontiers que l'iodure de potassium, par exemple, guérit l'artério-sclérose, les anévrysmes, la syphilis, les tumeurs diverses, l'emphysème pulmonaire, les myélites, etc., qui s'acharnent à donner l'inévitable bromure contre tout ce qui est nerveux, se refuseraient à utiliser cette arme si souvent efficace, la suggestion. Agir sur l'esprit, c'est agir sur le corps, car tous les organes et toutes les fonctions sont commandés par les centres nerveux. La fonction psychique agissant par l'intermédiaire des cellules cérébrales est susceptible de retentir sur l'organisme tout entier, par voie d'exhibition et de dynamogénie, comme l'a si bien démontré notre illustre physiologiste, Brown-Séquard. Pourquoi méconnaître en thérapeutique l'influence prépondérante de l'élément psychique et ne pas utiliser dans un but curateur les lois incontestables de la psychophysiologie. Ce n'est plus aujourd'hui une simple vue de l'esprit, c'est une vérité cliniquement démontrée : la thérapeutique suggestive doit entrer dans le domaine de la médecine usuelle. C'est pour arriver à ce

bat que je poursuis depuis plusieurs années, que je continue à publier des observations nouvelles.

Observation ï.

Vomissements nerveux depuis trois ans par intervalles prolongés, en dernier lieu depuis deux mois; Céphalalgie lancinante; Crises hystériques depuis un mois. Guérison par une seule suggestion hypnotique.

B... François, âgé de 15 ans, écolier, entre dans mon service le 15 janvier 1891; il m'est adressé par M. le profosecur agrégé Schmitt qui, l'ayant traité infructueusement par les moyens thérapeutiques ordinaires pour des vomissements incoercibles nerveux de longue date, avait pensé que la suggestion serait peut-être utile.

L'afTection remoDte au 10 novembre 1887. Elle débuta par des douleurs dites rhumatismales dans les deux cuisses; ces docteurs, sans être très aiguës, durèrent d'une façon continue pendant près de deax mois; il resta alité pendant huit jours, puis marcha, mais avec une sensation de gêne douloureuse, en se forçant. Il existait une teinte rouge, puis du gonflement dans les membres érythème noueux). Les douleurs disparurent au bout de deux mois, mais revinrent à plusieurs reprises: environ tous les trois ou quatre mois, durant chaque fois plusieurs joursjju semaines; la dernière fois, c'était en novembre dernier, pendant deux ou trois jours. Deux mois après ce début, survinrent les vomissements: l'enfant vomissait, aussitôt qu'il avait ingéré, tout ce qu'il prenait, même l'eau, le lait, les potions. Ils persistèrent quelques semaines. A la fin, de grandes promenades à la campagne semblèrent le guérir; il se remit à manger sans vomir, redevint bien portant. Mais, quelques semaines plus tard, sans cause connue, les douleurs reparurent de nouveau dans les mombres inférieurs, avec les vomissements incoercibles, et persistèrent derechef pendant un mois. Les grandes promenades amenèrent de nouveau une guérison passagère. Puis il fut repris une troisième fois; et cela continua ainsi depuis le début.

Actuellement, il vomit depuis deux mois tout ce qu'il prend; une simple cuillerée à café de liquide est immédiatement rejeté. On avait fini par remarquer qu'on pouvait lui donner le lait la nuit pendant son sommeil ; quelquefois, il se réveillait et le vomissait; mais le plus souvent il continuait à dormir et alors le gardait. Les promenades à la campagne ne réussirent pas cette fois à le guérir.

De plus, depuis le début de sa maladie, depuis trois ans, l'enfant accuse une céphalalgie frontale lancinante qui le quittait très rarement; elle persistait mémo pendant les périodes où il était débarrassé da ses vomissements. Enfin, le sommeil est très léger; il dort à peine trois heures dans la nuit.

En outro, depuis deux mois, il accuso une douleur consirictive au thorax et à l'épigastre. Cette douleur dure souvent deux ou trois Jours; elle se répète quelquefois deux fois ou même trois fois par semaine ; d'autrefois, il reste une semaine sans la ressentir. Il a. d'ailleurs, bon appétit et mangerait sans dégoût; on lui fait prendre environ 1 litre de lait par nuit; ses selles sont régulières.

Depuis un mois, l'enfant a eu, de plus, cinq crises hyslériformes au plus. La première succéda à une admonestation faite par son père. Elle débuta par un sommeil calme; il se réveilla au bout d'un temps qu'il ne peut préciser, et alors ressentit des battements de cœur, eut des secousses convulsives telles qu'il fallut quatre personnes pour le tenir ; en même temps, pleurs, cris, alternant avec du délire et des divagations. Il n'a, d'ailleurs, aucun souvenir de ce qui s'est passé pendant cette crise ; il relate ces détails par oui-dire des personnes qui l'entouraient. Elle dura deux heures. Revenu à lui, il était bien, sauf la constriction thoracique qui persistait. La seconde crise eut lieu trois à quatre

Jours après, débuta comme la première- par un sommeil, «e continua par des tremblement* eonvulsifs. Ce* crises se répétèrent tons les deux on trois jonrs.

La dernière eut lieu le 12 janvier; elle commença à huit heures du matin par un sommeil qui dura quelques minutes; au réveil, il ressentit une secousse, puis perdit connaissance, eut des convulsions violentes qui se répétèrent jusqu'à midi, alternant avec des périodes de sommeil. A une heure de l'après-midi seulement, la erise était terminée, après une heure de sommeil calme qui avait succédé aux convulsions, Au réveil, il ressentait encore la constrictlon thora-cique.

Deux Jours avant cette dernière crise, il avait en des cries plus légères ébauchées, caractérisée* seulement, dit-il, par du sommeil et des frissons.

Comme antécédents héréditaires, il nous dit que sa mère est vive et impressionnable, sans avoir de crise* nerveuse* ; son père, ancien marin, souffre de rhumatismes.

Etat actuel : 13 Janvier. — Face pile, anémiée, amaigrie". Tempérament lymphatique. Apyrexie. Mains fraîches. Pouls 80, régulier. Le matodo présente un léger tremblement. Accuse toujours sa céphalalgie frontale ; mais la pression sur les émergeux nerveuses n'est pas particulièrement douloureuse. La pression de l'abdomen détermine de la sensibilité partout, sans douleur notable, si l'on n'insiste pas. Au-dessus de l'aine droite, on détermine facilement une pseudo-ovarialgie, eu la cherchanL A une douleur à la pression des membres. La sensibilité à la douleur est diminuée partout, la sensibilité traclile e*t normale. Il n'y a pas d'hémianestbésie, pa« de boule, pas de strangulation; les organes sensoriels fonctionnent bien. Quand une crise commence, il ressent une constrictlon thoraciqne. L'examen de la poitrine ne dénote rien d'anormal, ni du côté du cœur, ni du côté de la respiration. L'enfant est intelligent, mai» impressionnable; il parait doux et docile; cependant, il dit que quand son maître d'école lui faisait une observation, il ne pouvait s'empêcher de répondre. J'essaie de lui faire avaler un peu de tisane; il la rend presque instantanément, avant qu'elle n'ait eu le temps de franchir l'oesophage.

J'essaie immédiatement la suggestion à 11 heures du matin; je suggère le sommeil. L'enfant résiste d'abord, il est inquiet ; il rouvre à chaque instant les jeux. Je le calme. J'éloigne de son esprit tonte inquiétude, Je lui dis qu'il va dormir du sommeil ordinaire pendant une heure, tout seul, et qu'il sera guéri ; qu'il ne vomira plus, n'aura plus ni erises, ni douleur. Les yeux restent clos; je lui dis de continuer à dormir tranquillement et je le laisse.

H parut dormir jusqu'à midi. Vers midi et demi, il eut une crise de pleurs qui persista jusqu'à trois heures, avec douleurs cpigas.triquo* ot abdonùnales qu'il ne peut définir. Après cela, il déclara avoir faim, mangea un oeuf, du fromage, deux morceaux de pain, et but un verre de vin sans vomir. Il n'avait pas mangé depuis 65 jours; il n'avait pris que du lait pendant son sommeil. Une heure après, il prit dn bouillon et un morceau de viande ; il dormit toute la nuit.

Je le vois le 13, au matin. Il a pris son café au lait, se trouve bien ot n'accuse aucune douleur. Je lui demande pourquoi il a pleuré. II me raconte qu'un médecin qu'il avait consulté récemment lui avait dit que quand U pourrait pleurer, il serait guéri, li avait donc associé la suggestion involontaire faito par le médecin à celle que je loi avais faite; son imagination, actionnée par ce souvenir, avait évoqué ce mécanisme do guérison.

Je l'endors pour la seconde fois et Je suggère la guérison persistante. II tombe en sommeil profond avec amnésie rétroactive au réveil; c'est-à-dire qu'il ne se rappelle ni avoir été endormi ni m'avoir vu avant son sommeil.

A u réveil, il n'a plus ni tremblement léger, ni secousse* nerveuses, comme la veille, pendant les premières tentatives de suggestion.

10 janvier. — Le poids du malade, pris hier, est de 52 kilogr. Hier, il a mangé des légume* et de la viande comme tout le monda; il ne se plaint plus de rien. Son teint est plus rose. Le dynamomètre donne 28 de la main droite, 23 de la gauche. Suggestion tous les jours.

17 janvier. — Continue à bien aller; mange et dort bien. 19 janvier. — Va bien; 3 ou i selles diarrhéïques depui* hier. 2ù janvier. — La diarrhée est arrêtée. Va bien. Poids, 53 kilogr.

21 janvier. — Va bien. Le dynamomètre donna 30 A droite, 23 à gauche. Dans la journée, le malade va patiner et se trouve très bien.

22 janvier. — N'accuse plus qu'un tremblement dans la main qui l'empêche d'écrire. Noua le faisons écrire son nom; il le fait lentement, arec uu certain tremblement. Après la suggestion, il écrit beaucoup plus vite et en caractères plu* fermes. Le dynamomètre, avant la suggestion, donnait 34 a droite, 2* à gauche; après suggestion hypnotique, il donne 36 et 27; après une seconde sugge*lton, 36 et 31 «L'écriture devient de plus en plus ferme; il trace une ligne droite qui ne présento plus le moindre tremblement.

Le malade quitte l'hôpital. Nous l'engageons à se présenter a la consultation.

11 vient le 21 Janvier; se sent très bien.

Le 27 janvier, il dit avoir eu quelques inquiétudes hier (sans douleur ni crise). Suggestion.

29 janvier. — Il n'a plus rien ressenti depuis avant-hier. Suggestion à chaque visite.

31 janvier. — Se sent très bien. Poids, 56 kilogr. 1/2. 7 février. — Idem. Poids 59 kilogr.

10 février. — Quelques selles diarrhéïques hier.

11 février. — La diarrhée est arrêtée.

17 février. - Va très bien. Poids 59 kilogr. 1/2.

21 février. — Accuse depuis deux ou trois jours de la céphalée irontale, se répétant deux ou trois fois par jour, dorant parfois une heure. Suggestion.

28 février. — Depuis la dernière séance, les maux de tête ne «ont pas revenus. Le malade mange bien, dort bien; ne songe plus aux vomissements, n'est plus impressionnable comme il l'était. La guérison se maintient.

En résumé, il s'agit d'un tout jeune homme affecté de vomissements hystériques se répétant depuis trois ans; durant, en dernier lieu, depuis deux mois. La céphalalgie lancinante, la constriction thoracique. les crises hystériques venant, en dernier lieu, se surajouter aux vomissements, ne laissent pas de doute sur le diagnostic; les vomissements sont certainement d'origine psychique; la moindre goutte de liquide est rejetée avant d'avoir franchi l'œsophage; l'impression produite parle liquide sur le pharynx réveille dans le sensorium l'idée du vomissement, et la suggestibilié du malade transforme l'idée en acte.

Pendant le sommeil naturel, l'action psychique provocatrice du phénomène fait défaut et les aliments passent. Toutes les médications organiques restèrent sans effet. La suggestion seule, neutralisant l'idée du vomissement, a pu réaliser, dans une seule séance, l'acte inhibitoire nécessaire à la guérison. Les autres symptômes hystériques se sont dissipés rapidement.

L'hystérie mâle, contrairement à ce qu'on a dit, m'a paru, en général,

très justiciable de la suggestion thérapeutique. Sans doute, les symptômes neurasthéniques, lorsqu'ils sont d'origine héréditaire, ou lorsqu'ils sont, par une longue habitude, incarnés dans le système nerveux, sont souvent difficiles à déterminer. Mais les manifestations franchement hystériques, crises convulsives, vomissements nerveux, paralysies, sont souvent faciles à désuggestionner. J'en rapporte de nombreux exemples dans mes deux livres.

__ (A suivre.)

NOTE SUR UN CAS D'AUTOMATISME DES CENTRES GÉN1T0-SPINAUX ("

Par H. le D' Pave1 SÉRIEUX, médecin des Asiles de l, Seine.

Les arrêts de développement, les malformations diverses des organes génitaux, comptent parmi les plus importants des stigmates physiques de la dégénérescence ; de même, les anomalies, les aberrations, les perversions sexuelles sont parmi les plus caractéristiques des stigmates psychiques. L'observation suivante est intéressante au point de vue de l'étude de ce chapitre de l'histoire des dégénérés. Chex ces malades dont les centres cérébraux et spinaux sont déséquilibrés, les perversions d'origine cérébrale sont fréquentes; plus rares sont les anomalies qui relèvent d'un trouble fonctionnel de la moelle. C'est un cas rentrant dans cette dernière catégorie que nous voulons étudier.

M. Magnan a insisté dans ses leçons cliniques sur les troubles fonctionnels relevant de la déséquilibration des divers centres de l'axe cérébrospinal. Pour ce qui concerne la moelle, il a cité d'intéressants exemples de l'automatisme des centres spinaux. Le savant médecin de Sainte-Anne a présenté à la Société médico-psychologique [séance du 18 mai 1885| (2) une femme qui perd par moments, tout en restant consciente, la libre direction de ces mouvements. « Tantôt c'est un mouvement limité d'un membre, d'autres fois ce sont des mouvements combinés, tels que le frottement d'une main contre l'autre, la marche en avant sans pouvoir s'arrêter; d'autres fois encore ce sont des phénomènes d'arrêt qui se produisent : étant debout la malade ne peut plus s'asseoir ; assise elle ne peut plus se lever. La moelle est donc émancipée et n'obéit plus à l'influence psycho-motrice. »

Le fonctionnement harmonique des diverses régions qui servent aux

(1) Lae i la SocUté de Psychologie physiologique.

(S) Maniiaii. SixDes physiques, intellectuels et moraus de la t-ulie. (Anm. t*eJ. ptych., KDX. 1**.)

manifestations de la vie génitale peut de même être lèse par suite de l'état d'éréthisme de tel ou tel centre et dans l'espèce des centres génito-spinaux. On peut, on le sait, distinguer dans la sphère sexuelle trois régions: la moelle (centres de l'érection et de l'êjaculation), le cerveau postérieur 'siège de l'instinct sexuel proprement dit et des sensations \isuelles, tactiles, olfactives qui le mettent en jeu), le cerveau antérieur avec les sentiments supérieurs qu'on y localise (sentiment du beau, affection, sentiment d'admiration, amour de l'approbation, sentiment de l'estime de soi, de la possession, de la propriété, etc.) C'est de cette association de sentiments et d'instincts, de cette action synergique, des divers centres corticaux et médullaires, que ressort la puissance irrésistible de l'amour. (Herbert Spencer.) Sur cette base anatomique et physiologique repose la classification de M. Magnan que nous devons brièvement résumer, car elle nous permettra de classer les cas que nous étudions en ce moment. Cette classification comprend quatre groupes de malades suivant que l'intervention de telle oa telle région manque au consensus physiologique :

1° Les spinaux. Ils sont réduits au réflexe simple ; leur domaine est limité à la moelle. Tel est l'onanisme automatique chez l'idiot complet que • des lésions cérébrales, irrémédiables, relèguent dans la moelle >. Rentrent aussi dans ce groupe: le priapisme, certains cas de frigidité, les crises génitales survenues spontanément chez la femme, tous phénomènes se produisant en dehors de toute participation du cerveau. a L'orgatvsme génital se produit sans manœuvre extérieure, sans influence morale d'aucune sorte >.

2° Les s pi-taux cérébraux postérieurs. Chez eux le réflexe part de l'écorce cérébrale postérieure pour aboutir à la moelle; la région antérieure a perdu la haute direction fonctionnelle : c'est la région postérieure qui intervient celle qui est le siège des appétits et des instincts. C'est l'acte instinctif purement brutal. La nymphomanie et le satyriasis rentrent dans ce groupe. .

3° Les spinaux cérébraux antérieurs. Comme à l'état normal, c'est une influence psychique, idée, sentiment, qui agit sur le centre génito-spinal; seulement l'idée, le sentiment sont pervertis. Dans ce groupe se rangent les perversions proprement dites et l'inversion du sens génital. Dès la plus tendre enfance, l'homme est porté vers l'homme, la femme vers la femme.

A" Les cérébraux antérieurs : Us répondent à certains des éroto-manes d'Esquirol; ici, l'instinct de la génération n'existe plus. La moelle et le cerveau postérieur restent silencieux; tel cet élève des Beaux-Arts, amoureux d'une étoile, tels ces amants de statues.

C'est, comme on va le voir, dans le premier de ces groupes que doit être rangée notre malade.

Parmi les centres localisés dans la moelle et présidant à divers actes réflexes, Budge a établi l'existence de centres préposés aux fonctions sexuelles. A l'état normal, ces centres de l'érection et de l'éjaculation entrent en action sous une influence centrale (vue ou souvenir réveillant l'appétit sexuel), ou sous une influence périphérique (sensation provenant des muqueuses génitales}. Chez les spinaux, ces centres fonctionnent isolément, indépendamment de toute participation cérébrale : tels ces idiots dénués de toute manifestation intellectuelle ou instinctive; chez eux persistent seuls les réflexes médullaires et l'on observe l'onanisme machinal, automatique, réflexe. Nous avons constaté des cas de ce genre chez des idiots, même très jeunes (à deux et à trois ans). Cet éréthisrae. localisé aux centres génito-spinaux, peut se montrer chez des dégénérés supérieurs; la coordination de sentiments, d'instincts, de réflexes médullaires et cérébraux qui sont les éléments de la vie génitale, est chez eux troublée. Un priapisme persistant s'établit, des sensations voluptueuses se produisent, la moelle entre en action, sans que le cerveau ait provoqué ou partagé l'excitation de celle-ci. Nous n'insisterons pas sur le priapisme, que caractérisent des érections intenses, prolongées, ne s'amendant point par le coït ; qu'il nous suffise d'avoir dit qu'il se montrait souvent sur un terrain névropathique. En revanche, il est un trouble fonctionnel sur lequel M. Magnan a attiré l'attention et qui, survenant chez la femme, est comparable au priapisme^Il cite le cas d'une déséquilibrée de trente-cinq ans en proie par périodes à un éréthisme génital se traduisant par du prurit vulvaire, des sensations voluptueuses et sur lequel les causes morales, les approches conjugales n'ont aucune influence.

Sous le nom d'èrotisme de la ménopause, Guéneau do Mussy avait décrit des troubles analogues (1). « Des femmes... qui avaient de l'indifférence pour les rapports sexuels sont parfois tourmentées par des excitations génésiques violentes, insupportables... Elles se font sentir pendant le jour, en dehors de toute provocation extérieure, de tout entraînement de l'imagination. C'est au milieu de leurs enfants, d'étrangers.... que ces sensations irrésistibles viennent chercher les malades, accompagnées ou suivies d'impressions voluptueuses. Ces crises erotiques... peuvent durer plusieurs heures..., épuisent les malades et sont habituellement accompagnées de troubles névropathiques,... la tristesse, les scrupules, le dégoût de la vie en sont la conséquence habituelle >.

(1) Gaiel/e hebdomadaire de Médecine el de Chirurgie, 1871.

Nous avons observé un cas analogue chez une dame de cinquante-cinq ans. Cette malade, dont les ascendants et les descendants présentent des tares nerveuses, a manifesté dès renfonce, une émotivité excessive. Elle a déliré sous l'influence d'une fièvre typhoïde. Des obsessions, des impulsions sont survenues à l'occasion de ses grossesses et à la ménopause ; impubion à crier, à laisser tomber les objets, à frapper, à boire, à compter, mouvements irrésistibles. Enfin, les centres spinaux s'éman-cipant. éclatent les crises génitales en question qui sont suivies d'un état de dépression mélancolique et de troubles neurasthéniques.

OBSERVATIONS

Résume : Tares héréditaires. Dégénérescence mentale. Emotivité excessive. Fièvre typhoïde avec délire. Impulsions diverses pendant la grossesse. Hallucinations conscientes. Ménopause depuis sept ans. Crises génitales d'origine spinale. Mouvements irrésistibles. Intégrité complète de la conscience. Peurs morbides. Dépression mélancolique. Tentatives de suicide. Etat neurasthénique.

M™4 P. Pauline G..., figée de cinquante-cinq ans, est entrée à Saint-Anne le I" février 1888. dans le service de notre maître M. Magnan.

Le certificat du Dr Gilles de la Tourette constate qu'elle est atteinte de la dégénérescence mentale avec dépression mélancolique, perversions sexuelles, idées et tentatives de suicide.

Antécédents héréditaires : Père, homme sobre, rangé. Un oncle paternel était « rfn peu braque • ; il est mort d'une maladie qui s'est accompagnée de délire. La fille d'un autre oncle est morte d'une « maladie nerveuse ». Une tante paternelle était contrefaite. — Du coté maternel, la grand'mère avait des attaques convulsives, sans doute hystériques. A cinquante-six ans elle a eu, à la suite d'une discussion, une c fièvre cérébrale * qui a duré trois ou quatre mois, pendant laquelle elle gâtait et dont elle est morte. La mère, encore vivante, migraineuse, âgée de quatre-vingt-un ans. A cinquante ans, à la ménopause, elle a éprouvé des troubles cérébraux : elle avait des appréhensions, elle s'imaginait qu'on lui faisait du mal, devenait méfiante, redoutait de se trouver seule. Comme sa fille, elle avait des hémorrhoïdes ; comme sa tille elle a eu une envie irrésistible d'eau-de-vie pendant qu'elle était enceinte de la malade : elle se cachait poux aller boire à même la bon-teille.

La malade a eu huit enfants dont cinq sont morts en bas âge; un autre est mort à quatorze ans d'une fièvre typhoïde avec délire : dans la première enfance il avait eu des accidents convulsifs (méningite1). Jusqu'à sept ans, il avait uriné au lit, et eu des attaques. La nuit, rêve»

terrifiants. Céphalalgie habitaelle. Deux filles sont très mobiles et très impressionnables. L'aînée semble débile, est très émotive ; la face est asymétrique, la bonche grande, le nez est anormalement développé, le lobule de l'oreille adhérent. Pendant sa grossesse elle a en une envie irrésistible d'oranges. L'antre a toujours été insociable, autoritaire; elle ne supporte pas qu'on lui résiste, s'évanouit quand on la contrarie. A l'âge de deux ans elle avait de violentes colères, pleurait et tombait à terre. Pendant sa grossesse, elle a eu des envies impérieuses de vin pur.

G. est une femme de petite taille, à face asymétrique ; le lobule de l'oreille est adhérent ; légère blésité. La malade est en proie à une vive émotion et pousse des soupirs par intervalles. Plus d'une fois dans son récit, ses lèvres se mettent à trembler et elle pleure. Pas de maladies graves dans l'enfance. Déjà, à cette époque, elle était très impressionnable, réjouie ou attristée par des faits de peu d'importance. L*n jour, à l'école, elle entend dire : « Voilà la grande! » elle en est bouleversée et en fait une maladie. Une autre fois, ayant failli casser un verre, survint un ictère émotif; le moindre chagrin arrêtait ses règles. Elle avait la tète dure, surtout pour le calcul. Pas d'onanisme.

Jeune fille, sans être triste, elle manquait d'entrain, elle n'avait pas la coquetterie de son âge. Paresseuse, elle restait volontiers chez elle, pour s'éviter l'ennui de ranger ses affaires à son retour; il fallait la forcer à sortir. A dix-huit ans, survient une fièvre typhoïde grave; elle a des hallucinations : Sainte Geneviève lui apparaît, et, encore aujourd'hui, elle a attribué à la sainte sa guérison et veut loi offrir un tableau représentant son apparition. A dix-neuf ans, elle a des périodes de surexcitation, elle est agacée, énervée, elle a des besoins d'exécuter de grands mouvements; elle a des impulsions à se démener, à se balancer dans l'espace.

Elle se marie à vingt-trois ans, tout à fait ignorante des choses du mariage. Elle éprouve du plaisir dans les rapports conjugaux; en neuf ans de mariage, elle a huit enfants. Pendant l'une de ses gros-seses, survient un épisode que nous avons vu se produire chez la mère et la fille de la malade. M™ G... se sent poussée à boire de l'eau-de-vie : une nuit, après avoir résisté, elle reste inquiète, irritée, obsédée par l'idée de prendre un doigt d'eau-de-vie, et ne peut retrouver le calme et le sommeil qu'après avoir satisfait son envie impérieuse. Cette impulsion à boire, survenue à la faveur de la grossesse, chez une prédisposée, a été remplacée, aux grossesses suivantes, par des actes analogues; ayant acheté un quarteron de grosses pommes, Mm* G... en mange une, deux, puis davantage, et ne s'arrête que quand le panier est vide ; elle

en mange ainsi treize, sans pouvoir résister à son impulsion. Une autre fois ce sont des noix, dont elle ne peut s'empêcher de manger plus de deux douzaines.

Lasse d'être battue par son mari, un ivrogne, elle s'en sépare et se trouve alors avec les trois enfants qui lui restaient, dans une situation plus que modeste. C'est depuis les chagrins du ménage qu'elle a perdu la joie. Elle devient taciturne, misanthrope, s'isole, fuit même sa mère, pour aller travailler dans une chambre voisine où on pouvait l'entendre causer toute seule.

D y a quatorze ans, son fis, âgé de quinze ans, meurt; cette mort la plonge dans un désespoir profond ; elle s'enferme, refuse de sortir, et parle de se jeter par la fenêtre. Elle a des hallucinations conscientes ; elle voit son fils, elle l'entend lui parler. Deux ans après se manifestent des impulsions à taper, à sauter, mais elle y résistait sans trop de peine.

Depuis sa séparation, sa conduite a été irréprochable; elle affirme avoir cessé toute relation sexuelle, bien que, dans les premiers temps, la continence lui pesât. Peu à peu le calme s'est fait et, depuis une dizaine d'annés, l'appétit génésique avait disparu. H y a sept ans, à l'occasion de la mort de son père, les règles se supprimèrent et n'ont pas reparu. j

Le début des accidents qui l'amènent ici remonte à cette date. C'est alors qu'elle a ressenti les « premières excitations, » mais à cette époque les crises étaient très éloignées les unes des autres. Voilà comment la malade les décrit; elle était occupée à faire son ménage quand survenait tout à coup, au niveau de la vulve, des sensations absolument identiques à celles du coït; en môme temps elle éprouvait un besoin de crier, auquel elle ne résistait pas. Cette crise n'était en rien pénible pour la malade et la laissait gaie; elle se mettait ensuite à chanter. Tout s'exécutait sans qu'elle eût à intervenir : elle ne se frottait pas les cuisses, comme elle le fait maintenant d'une façon irrésistible, pour augmenter l'intensité des sensations. Pendant plusieurs années, les choses ont duré ainsi. De plus en plus émotive, il36 G... pleurait souvent; elle avait des périodes d'énervement, entendait que tout le monde lui cédât, s'entêtait dans des discussions interminables sur des sujets futiles, ressassant les mêmes histoires à quelques minutes d'intervalle, s'emportant quand on lui en faisait l'observation. Par moments des envies de frapper lui venaient; elle aurait eu plaisir à déchirer ses vêtements o Si j'étais seule, je taperais », se disait-elle; elle éprouvait un malaise de ne pouvoir se contenter, une angoisse avec des irradiations dans les bras, les jambes et les reins.

Depuis deux ans, les crises deviennent plus fréquentes, ainsi que les

impulsions; quelquefois, en travaillant, l'idée de donner un coup de poing sur la table lai vient, ou encore de ramasser tons les objets de l'appartement, de les mettre en un tas et de les jeter par la fenêtre; elle aurait éprouvé grand plaisir à le faire, mais elle se retient, non sans éprouver € A l'estomac » une sensation désagréable qui se propage jusqu'aux organes génitaux. Il lui vient également des impulsions à donner des coups dans le vide, à sauter, à danser; elle a des spasmes, dit-elle, quand elle ne peut exécuter ces mouvements. L'idée lui vient de prendre la table, de taper sur elle, de la serrer avec énergie, de danser avec elle, mais elle y résiste.

Enfin elle a des impulsions A crier; en dehors de ses crises, elle y résiste, mais alors * ça se passe en dedans, elle est comme quelqu'un qui n'a pas satisfait son idée >; elle éprouve un malaise général, plus accentué au creux de l'estomac, à la vulve, aux reins. Parfois, tenant un objet A la main, l'idée lui vient de le laisser tomber A terre, mais, dans ce cas. elle résiste à son désir, sans éprouver ni malaise ni angoisse. Depuis un an, les crises génitales se répètent, jusqu'à deux fois par jour, durant trois heures environ, s accompagnant de troubles qui rendent à la malade l'existence intolérable.

Le plus souvent, les crises éclatent le matin, sans cause apparente; parfois elles sont provoquées par la sensation d'agacement produite par les hémorrhoïdes que la malade porte depuis douze ans; cette sensation anale se propage A la fourchette et dans le vagin et amène une surexcitation très vive des organes génitaux, ainsi qu'un état d'énervement. La crise se montre souvent quand M™ G... est encore au lit, A six heures du matin, ou quand elle vient de se lever. Elle est en proie à un malaise général, des sueurs apparaissent aux pieds et aux mains « elle ne sait pas ce qu'elle a >; elle geint, se retourne dans son lit, éprouve des crispations dans les mollets et dans les orteils, qui sont agités de tremblements. Puis viennent des mouvements de propulsion du bassin et elle ressent toutes les sensations d'un rapprochement sexuel, sensations qui s'irradient dans les reins et à l'anus. En même temps surviennent des besoins irrésistibles de taper, de crier, d'exécuter des mouvements désordonnés. Elle pousse des cris inarticulés qui mettent la maison en émoi, ou des exclamations de désespoir: « Mon Dieu! j'aime mieux mourir! Quel malheur! » tout en éprouvant des sensations voluptueuses et en entrecoupant ses lamentations de soupirs.

Bien qu'elle éprouve au moment de sa crise un besoin génésique très vif, elle y résiste; jamais elle ne porte la main A la vulve, se bornant A geindre, A serrer les cuisses, parfois A frictionner le bas-ventre, ce qui produit un frottement des lèvres. Elle ne peut également s'empêcher de

se frotter les reins et les cuisses. Quelquefois, espérant faire avorter la crise, elle se lève, s'babille : peine mutile; les sensations génitales continuent ; elle se cramponne alors i sa fenêtre et éprouve, au milieu des cris et de mouvements désordonnés irrésistibles, la sensation du coït avec sécrétion des glandes vulvo-vaginal es.

La crise est suivie d'une prostration et d'un anéantissement extrêmes. La malade reste parfois au lit, n'ayant pas l'énergie suffisante pour s'habiller, dans un état de malaise qui dure tout le jour. Notons qu'elle ne s'est jamais livrée à l'onanisme et que chez elle l'appétit sexuel n'existe plus.

(-4 suivre.)

SUGGESTIONS CRIMINELLES ET RESPONSABILITÉ PÉNALE

Par M. le D' Edgar BÉRILLON (1). — son—

M. Brouardel, à plusieurs reprises, a professe' dans son cours l'opinion qu'on n'obtiendra jamais d'une somnambule que la réalisation « de suggestions agréables ou indifférentes qui lui auront été faites par une personne agréable ». (2) Dans ces conditions, le sujet ne ferait que ce qu'il v«--ut bien faire, que ce qui n'est pas en opposition avec ses habitudes, son éducation, son caractère. M. Brouardel, si l'on prenait à la lettre ses déclarations, en arriverait donc à nier l'automatisme psychologique, qui, pour tous les auteurs, semble être la caractéristique de l'état hypnotique.

Les conclusions de l'éminent professeur de la Faculté de Paris lui ont été évidemment inspirées par des expériences personnelles dans le cours desquelles les sujets n'ont pas exécuté avec le même automatisme toutes les suggestions qui leur ont été faites. Nous regrettons que M. Brouardel n'ait pas cru devoir publier un compte rendu détaillé des expériences auxquelles il s'est livré, et qu'il ait ainsi rendu fort difficile la vérification de ses assertions.

C'est également à la suite d'un certain nombre d'expériences négatives que M. Delbceuf, qui s'était d'abord rallié à l'opinion des expérimentateurs de Nancy, a modifié son opinion. Après avoir cru d'abord & l'obéissance passive des hypnotisés, M. Delbceuf s'est posé les questions suivantes : « L'hypnotisé ne sait-il pas qu'on lui demande de jouer une

(1) Leçon» professée* à la Clinique de» maladies nerveascs, 55. rue Saint-André-de»-Arts. — V. Revue de rilypnotûme, p. S61.

(2) Gazette dei HopUaus, 8 nov. 1887, p. 11S.

comédie f ne sait-il pas que ce qu'il tient en main n'est pas un poignard, mais bien un objet inofiensif ? et comme il est complaisant, ne joue-t-il pas la comédie, comme loi seul sait la jouer, avec une perfection inimitable (1) ». M. Del bœuf, en fin de compte, se déclare convaincu que si. on mettait dans la main d'un somnambule un vrai poignard, il ne frapperait pas.

M. Delbceuf trouvait dans sa propre appréciation un argument qu'il croyait décisif pour empêcher l'interdiction des séances publiques d'hypnotisme. Mais la forme de plaidoierie, empreinte d'une certaine passion, sous laquelle il présentait ses expériences, nous a paru nuire à la rigueur scientifique de son argumentation.

Néanmoins, s'armant des objections présentées par MM. Iïrouardel et Delbœuf contre les doctrines de ceux qui croient à la possibilité des suggestions criminelles, s'appuyant aussi sor une déclaration de M. Char-cot, le procureur général, requérant dans an procès retentissant a cru pouvoir affirmer que la suggestion criminelle était une chose impossible à réaliser.

Voici dans quels termes précis il s'exprimait :

« Quand l'hypnotiseur veut exprimer à un sujet honnête un acte délictueux, il rencontre une résistance invincible. Si le sujet obéit, c'est non point parce qu'il est dominé, c'est parce qu'il consent.

¦ On ne peut lancer quelqu'un sur un crime, comme on lance un chien de chasse sur une piste. Tout au plus obtient-on, après une préparation, après un long entraînement, ce qu'on appelle des crimes de laboratoire. Un hypnotiseur peut persuader à un malade, depuis longtemps en traitement, qu'un morceau de bois est un poignard, il peut l'entraîner i son réveil vers un infirmier pour le tuer, mais il n'en arrivera à rien de plus. Le malade, au moment d'accomplir l'acte, tombera en catalepsie. >

Le procureur général ne « dissimulait pas qu'il restait indifférent à toutes les considérations scientifiques ou philosophiques et qu'il n'était guidé que par le désir de défendre la société, car accepter l'irresponsabilité d'un homme qui aurait commis un acte criminel sous l'influence irrésistible d'une suggestion, ce serait plonger la société dans l'anarchie des crimes impunis. »

Si l'on dégage de ces phrases ronflantes l'idée maltresse du magistrat, à savoir qu'il considère comme littéralement impossible d'obtenir la réalisation de la part d'un hypnotisé d'une suggestion criminelle, les malfaiteurs qui seraient tentés de recourir à ce procédé pour assou-

(lj Delbœof. L'Hypnotitmu a la libcrUda rrpréitnlaiionjpvàiùptet, Liège, 1888, p. 54.

vir une vengeance ou faire assassiner quelqu'un, auront beau jeu. S'ils se fiaient sur les paroles du procureur général, ne pourraient-ils se croire assurés de l'impunité. En effet, si demain un hypnotisé était accusé d'avoir abusé de son influence sur un sujet pour lui faire commettre un crime,.M. Brouardel, appelé à se prononcer comme expert, viendrait déclarer, conformément à ses principes, que l'inculpé n'est pas coupable, le crime dont on l'accuse étant impossible. H devrait donc bénéficier immédiatement d'une ordonnance de non-lieu,«à moins que, M. le procureur général, toujours inspiré par l'unique préoccupation d"assurer la défense de la société, ne vienne déclarer que les doctrines professées par l'École de la Salpêtrière sont surannées et qu'il passe avec armes et bagages du coté de l'École de Nancy. Nous ne serions pas surpris d'assister quelque jour à cette volte-face qui prouverait, une fois de plus, le peu de fonds qu'il faut faire sur les théories émises an tribunal par les avocats ou par le ministère public.

Dans tous les cas, ces divergences d'opinions ont eu pour heureux résultat d'appeler de nouveau l'attention sur un des côtés les plus intéressants du grave problème psychologique qui nous préoccupe, à savoir le degré de résistance que peuvent apporter les hypnotisés dans la réalisation des suggestions criminelles du délictueux.

Déjà MM. Beaunis, Pitres, Féré et plusieurs autres avaient été frappés de ce fait caractéristique que, alors même que le sujet accomplit l'acte suggéré d'une façon irrésistible, comme poussé par une force supérieure à sa volonté, il ne le fait qu'après avoir donné le spectacle d'une sorte de discussion mentale.

« Cette lutte intérieure (1), écrit M. Beaunis, est plus ou moins longue, plus on moins énergique, suivant la nature de l'acte suggéré et surtout suivant l'état même du somnambule. Quand le sujet a été souvent hypnotisé et surtout qu'il l'a été par la même personne, cette personne acquiert sur lui une telle puissance que les actes les plus excentriques, les plus graves, les plus dangereux même s'accompUssent sans lutte apparente et sans tentative appréciable de résistance.

« Les sujets ne se trouvent pas toujours, du reste, dans des conditions identiques; il est des jours dans lesquels ils obéissent moins facilement et résistent aux suggestions. Cela arrivait quelquefois à Mn* A. E... « Vous êtes récalcitrante, aujourd'hui >, lui disais-je. Cela se présente surtout quand on est resté quelques jours sans endormir le sujet; il semble, dans ce cas, que le rapport étroit qui existe entre l'hypnotiseur et l'hypnotisé soit affaibli.

(I) Beaunis. Le SomruimùuiUme provoqué, p. 100 et suiv-, 2* édition. 1888.

¦ Par contre, quand on l'a endormi plusieurs jours de suite et plusieurs fois dans la môme journée, les suggestions se réalisent avec la plus grande facilité. »

Plus loin, il ajoutait :

« Dans certains cas. cette lutte intérieure peut durer très longtemps, mais le sujet finit toujours par céder. >

« Ainsi, il a observé un fait analogue sur MBÏ H. A... Il lui avait été suggéré (à l'état de veille) qu'elle irait prendre le porte-monnaie dans la poche de SI. L... Elle résista, et, plus d'une demi-heure se passa sans qu'elle exécutât la suggestion. Elle paraissait môme n'y plus penser et causait tranquillement avec les personnes présentes; mais, au moment de partir, et quand elle avait déjà le pied sur le seuil de la porte, nous la voyons tout-à-coup revenir brusquement sur elle-même, aller à M- L... et prendre son porte-monnaie. Ce fait se passait deux jours après le vol de la cuillère. La lutte avait duré plus longtemps, mais elle avait été certainement moins violente, et le sujet avait cédé encore cette fois; l'impulsion irrésistible de la suggestion avait été plus forte que sa volonté ».

Dans son étude sur les suggestions hypnotiques, à côté de certains sujets qui présentaient un automatisme absolu, M. Pitres en a signalé d'autres qui trouvaient le moyen' de résister aux suggestions par des modes très variés.

Ainsi, dans un cas, une jeune femme à laquelle il avait suggéré de s'emparer d'une pièce d'argent placée sur une table, après avoir accompli la suggestion, lui rendit sa pièce en lui disant : « Je ne veux pas garder cet argent, ce serait un vol, et je ne suis pas une voleuse, jj Chez une autre jeune femme, on pouvait provoquer, sans aucune difficulté, les mouvements d'imitation, les phénomènes de la prise du regard, les illusions et les hallucinations sensorielles. Mais il était impossible d'obtenir d'elle qu'elle frappât quelqu'un. Si on le lui ordonnait énergiquement, elle levait les mains et tombait aussitôt en léthargie. M. Pitres a pu noter, mais chez une seule malade, un mode de résistance particulier. Cette somnambule ne voulait plus se laisser réveiller quand on lui avait ordonné d'exécuter, après le réveil, un acte qui lui était désagréable ou qui révoltait sa conscience.

M. Beaunis a observé chez un de ses sujets un procédé de résistance tout différent :

Lorsque je lui faisais une suggestion à l'état de veille, il lui arriva plusieurs fois, soit que la suggestion lui fût désagréable, soit qu'elle voulût simplement essayer de résister, de s'endormir spontanément au

moment où elle aurait dû exécuter Pacte suggéré. Dans ce sommeil spontané, elle était en rapport avec l'expérimentateur seul, comme si je l'avais endormi lui-même. Ce moyen lui réussit d'abord; mais, une fois connu, M. Beaunis prit ses précautions; lorsqu'il voulait lui faire une suggestion et qu'il craignait une résistance de sa. part, il n'avait qu'à ajouter : « Et je vous défends de vous endormir », pour que la suggestion s'exécutât sans aucune tentative de sa part pour s'endormir.

Nous avons nous-mêmes été témoin assez fréquemment, chez des sujets cependant très suggestibles, de résistances tout à fait inaccoutumées en présence de certains actes qu'on leur ordonnait d'accomplir; alors qu'elles continuaient à en accomplir d'autres qui n'étaient ni moins désagréables pour elles, ni moins délictueux.

Une observation plus rigoureuse ne tarda pas à nous donner la clef du phénomène. À une époque où on ne tenait pas autant de compte des causes d'erreurs qui résultent de suggestions faites inconsciemment par l'expérimentateur, il arrivait souvent que la résistance du sujet pour l'accomplissement de tel ou tel acte avait son point de départ dans un doute émis ou dans une contre-suggestion faite involontairement.

Combien de fois n'avons-nous pas entendu tenir, par certains expérimentateurs devant leurs sujets, les propos suivants ou d'autres analogues : « Tenez, nous pouvons faire commettre facilement à ce sujet telle action, mais nous sommes impuissants à lui en faire commettre telle autre. » — Si nous insistons pour obtenir la réalisation d'une suggestion délicieuse, par exemple, le sujet tombera infailliblement en léthargie, ou bien il aura une attaque de nerfs. — « Prenez garde, lorsqu'un autre que moi s'occupe de ce malade, on provoque chez lui une crise d'hystérie, etc., etc. »

Ces observateurs, qui voyaient se réaliser les phénomènes annoncés, ne semblaient même pas se douter qu'ils en avaient été les agents provocateurs. On ne saura jamais le nombre de déductions fausses, d'interprétations erronées qui ont été le résultat du manque de précautions à l'égard de la suggestion inconsciente...

{A suivre.)

cours et conférences

Du somnambulisme spontané avec double personnalité,

par M. le professeur Chabcot (1).

M. le professeur Charcot a examiné à sa clinique deux malades extrêmement intéressantes au point de vue de la question obscure du somnambulisme et de l'état mental qu'on appelle la double personnalité. Pour bien faire comprendre cet état singulier, il est nécessaire d'entrer dans des détails assez minutieux.

Voici une jeune fille qui se présente avec l'apparence d'un état absolument naturel, travaillant, parlant, répondant bien aux questions qu'on lui pose, au moins dans un interrogatoire superficiel, et cependant, il y a en elle deux personnalités séparées; elle est dans l'état qu'on a appelé condition seconde, état que pour la facilité de l'étude on peut appeler l'état B pour l'opposer à l'état A qui est l'état naturel et qu'on peut faire reparaître par certains moyens artificiels, ainsi qu'on le verra un peu plus tard. Cette malade dans l'état où elle est (état B) marche très bien, sans boiter; elle est hystérique et présente des stigmates tels qu'une analgésie superficielle complète; elle n'a pas perdu le sens musculaire, mais le goût, l'odorat sont atteints, et le champ visuel est rétréci.

Si on l'interroge avec un peu d'attention, on voit que ses réponses sont un peu incomplètes sur certains sujets; elle a oublié son âge et ne sait plus où elle a été élevée. Dans cet état, elle est un peu engourdie; et bien qu'elle travaille facilement à des ouvrages de broderie, elle écrit difficilement et est incapable de faire la moindre opération arithmétique. Elle est liée d'amitié avec une jeune malade du service, avec laquelle elle sort souvent et a été récemment au théâtre voir une pièce dont elle se rappelle assez bien les détails. Tous ces points sont importants à noter pour les comparer avec ce qu'on observera un peu plus tard.

Dans cette condition, et sans qu'on n'ait jamais rien fait pour l'y amener, elle présente tous les caractères de ce que M. Charcot appelle le grand hypnotisme. Si, au moment où elle ne s'y attend pas, on donne un coup de poing sur la table, elle tombe en catalepsie et présente la raideur cireuse de cet étal qui permet de lui donner les poses les plus variées qu'elle conserve indéfiniment. On la fait ensuite sortir de cet état cataleptique en lui soufflant sur les yeux. Elle présente aussi ce que M. Charcot appelle la contracture somnatnbulique, c'est-à-dire qu'en soufflant sur la peau, on détermine une contracture des muscles sous-jacents. Ce caractère, à lui seul, suffirait pour écarter toute idée de simulation, car il est impossible à un sujet normal de reproduire celte contracture.

Les caractères psychiques de cet état B sont aussi exactement ceux que

tl) Journal de médecine et de chirurgie, IStfl, toute LX1I.

Toa observe dans le somnambulisme obtenu artificiellement. C'est ainsi que la suggestion est des plus faciles chez elle : on la rend ivre en lui persuadant qu'elle boit du champagne dans un verre qui pourtant reste vide; on la ramène à la raison en lui donnant de l'ammoniaque par le même procédé ; on lui fait voir un oiseau, un serpent, etc..., toutes suggestions qu'on produit très facilement dans le somnambulisme provoqué, mais pour la réalité desquelles on n'a pas de critérium certain, et qui pourraient à la rigueur être l'objet d'une simulation.

U n'en est pas de même pour la suivante : on lui montre une carte blanche sur laquelle on lui fait voir, par suggestion, une croix rouge, puis, à cette carte, on substitue une autre carte blanche et sur celle-là elle déclare voir une croix verte, c'est-à-dire la couleur complémentaire du rouge. En multipliant les expériences, on lui fait voir de même les autres couleurs complémentaires qu'elle indique avec une parfaite assurance ; il est donc impossible d'admettre qu'il ne s'agisse pas, chez elle, d'une image bien réelle qu'a produite la suggestion, car on ne peut supposer qu'elle connaisse aussi bien la loi du contraste des couleurs.

La suggestion du portrait n'est pas moins intéressante. Sur une carte absolument blanche, mais à l'envers de laquelle on a noté un point de repère, on suggestionne à la malade l'existence d'un portrait; elle le voit bientôt avec tous ses détails et si, après lui avoir pris cette carte, on la lu1 rend après avoir eu soin de renverser l'image figurée, immédiatement elle la remet dans le sens primitif, et si on met cette carte au milieu d'une série de cartes entièrement semblables, elle la retrouve toujours avec son image figurée. Pour expliquer un pareil fait, il faut admettre une hyperacuité visuelle singulière qui permet à l'œil de saisir dans le papier les moindres défauts qui lui échapperaient à l'état normal et qui font alors corps, en quelque sorte, avec le portrait supposé, en servant de points de repère.

Tous ces caractères étant bien établis, que se passera-t-il chez celte malade si on peut la faire passer à l'état A, c'est-à-dire à l'état normal, à l'état de condition première? Ce passage, qui dans quelques cas se fait spontanément, on peut l'obtenir par une manœuvre très simple qui consiste à la presser avec insistance de se réveiller; il se fait par une très légère attaque hystérique qui passerait très facilement inaperçue, si on ne l'observait pas très attentivement.

Le tableau est alors changé du tout au tout. Dans l'état A, la malade, qui tout à l'heure marchait parfaitement, marche péniblement et est astasique abasique, trouble ambulatoire essentiellement hystérique, ainsi qu'on sait. L'analgésie, au lieu d'être totale, n'est plus que partielle; le champ visuel est modifié ; la catalepsie n'est plus possible à déterminer, non plus que la contracture somnambulique.

Au point de vue psychique, la mémoire est revenue, la malade se rappelle tout son passé, les maisons d'éducation où elle a été ; elle fait facilement une opération arithmétique. En revanche, elle a complètement oublié ce qui s'est passé dans l'état B. Lorsqu'on lui montre la personne à qui elle faisait

tout à l'heure des démonstrations d'amitié, elle la considère comme une étrangère, ne se rappelle nullement avoir été au théâtre avec elle, non plus que la pièce qu'elle a vu jouer. Les suggestions sont devenues impossibles, et si on cherche à lui en faire au moyen des cartes de tout à l'heure, on ne fait que l'irriter. Cependant, chez elle, cet état A ne dure pas longtemps et, au bout d'un quart d'heure à vingt minutes, elle a une tendance invincible à retomber dans l'état B qui parait lui être plus agréable et dont on ne la tire pas sans qu'elle proteste. Une fois revenue à cet état B, tous les phénomènes précédents se déroulent de nouveau, en même temps qu'elle oublie entièrement ce qui s'est passé dans l'état A.

Telle est la double condition dans laquelle se trouve celte malade : quant à son histoire antérieure, elle peut se résumer en quelques mots : son père était alcoolique et sujet à de grandes attaques hystériques ou épilepliques ; la mère était émotive, un oncle a été aliéné. Elle-même eut une fièvre typhoïde à 15 ans et, quelque temps après, à la suite d'une impression morale très vive, commença à. avoir de grandes attaques hystériques, un jour, sans qu'on puisse bien préciser à quelle époque, on remarqua qu'à certains moments ses allures étaient bizarres et la rendaient toute différente d'elle-même; peu de temps après, il y a un an environ, elle rentra à la Salpêtrière.

Actuellement, elle se réveille généralement le matin dans l'étal A, mais, bientôt, passe dans l'état B, où elle reste toute la journée; lorque vient le soir elle repasse à l'état A avant de s'endormir. On voit qu'il s'en faut de peu qu'elle ne reste perpétuellement somnambule ou vigilambule, suivant l'expression qui a été proposée, car elle n'a nullement l'aspect d'une personne endormie.

Les états de ce genre, si bizarres qu'ils soient, ne sont pas absolument isolés; on en a cité quelques-uns qui, sans être absolument semblables à celui-là, s'en rapprochent à beaucoup d'égards. M. Charcot a pu en présenter un second cas tout à fait comparable au premier, mais qui, jusqu'ici, avait été très difficile à étudier, parce qu'on n'avait pas trouvé de procédé pour laire passer la malade de l'état B à l'état A; ce passage ne se faisait que spontanément et à de rares intervalles; mais depuis que ce procédé a pu être mis en œuvre, son étude est devenue beaucoup plus intéressante.

H s'agit aussi d'une hystérique, entrée à la Salpêtrière il y a dix ans et qui vit presque constamment dans l'état B depuis 1885. Dans cet état, elle présente une anesthésie générale absolue, et la perte du sens musculaire est si complète chez elle qu'elle s'affaisse aussitôt qu'on lui ferme les yeux. Elle a conservé à peu près l'ouïe et l'odorat, mais elle est achromatopsique et ne distingue aucune couleur sauf le rouge, fait, pour le dire eu passant, assez fréquent dans l'hystérie chez la femme, mais assez rare chez l'homme. Elle a, en outre, des attaques d'hystérie de temps en temps, mais beaucoup moins fortes et moins fréquentes qu'autrefois.

Cette malade dans l'état B, son état maintenant habituel, ne sait son nom que parce qu'on le lui a appris de nouveau, car elle ne sait rien de son

histoire, ne sait pas où elle est née, ne sait rien de sa famille. Elle se rappelle bien l'Exposition qu'elle a visitée, mais ne se souvient pas des services hospitaliers par lesquels elle a passé avant son entrée ici, ni de tout ce qui s'est passé depuis 1885. Elle a appris à lire, écrire et calculer dans son état B et c'est une jeune malade qui lui a servi d'institutrice; la môme personne lui a appris, non sans difficulté, à faire du crochet.

Dans cet état qui, comme chez la précédente malade, a tous les caractères du grand hypnotisme, la catalepsie est provoquée instantanément par un coup de poing sur la table et toutes les suggestions sont des plus faciles à produire. Mais ici, en raison de lachromatopsie, l'expérience des couleurs complémentaires a un intérêt tout particulier. En effet, comme elle ne sait reconnaître que la couleur rouge, on lui fait voir par suggestion une croix rouge sur une carte blanche; quand on substitue à celte carie une autre carte blanche, elle y voit immédiatement une croix verte, complémentaire du rouge, et pourtant, si à ce moment on lui montre du vert véritable, en raison de son achromatopsie, elle n'en reconnaît pas la couleur. Ainsi, ceUe malade ne peut voir le vert que sous forme d'une couleur complémentaire et consécutivement a une suggestion.

Tels sont les principaux caractères présentés par celte malade dans l'état B. On arrive maintenant à la faire passer dans l'état A par une sorte d'objurgation, et la transition se fait encore par une attaque hystérique ébauchée, mais un peu plus forte que dans le cas précédent. Elle s*1 reporte alors immédiatement cinq années en arrière et les cinq dernières années disparaissent complètement de son existence; sa vie s'est arrêtée en 1885, moment où elle est passée dans l'état B. et elle donne alors tous les détails sur le lieu de sa naissance, sur ses parents, sur les services dans lesquels elle est passée autrefois, reconnaît le médecin d'un de ces services qu'elle n'a pas vu depuis cette époque et que loul à l'heure elle avait devant elle sans le reconnaître étant en étal B. Elle se rappelle aussi les noms et les visages du personnel de la Salpêtrière de ce moment, mais ne reconnaît pas celui qui y est actuellement et qu'elle voit tous les jours. La malade qui lui sert d'institutrice lui est bien connue, mais elle pense qu'elle n'est à la Salpêtrière que depuis un mois, et en effet lorsqu'elle s'est endormie en 1885, il n'y avait qu'un mois que cette malade était entrée dans le service. Mais, de plus, en même temps qu'elle a oubliée son institutrice, elle a oublié tout ce qu elle lui avait appris, et elle ne sait plus ni lire, ni écrire, ni compter, ni travailler à l'aiguille; tout ce qu'elle a appris dans l'étal B a disparu de son cerveau et elle est revenue à son état normal d'autrefois, l'état A, dans lequel elle ne savait ni lire ni écrire. Elle a oublié aussi et l'Exposition et la tour Eiffel dont elle parlait tout à l'heure, en un mot toute cette phase de sa vie qui s'est écoulée depuis 1885.

En outre, elle n'est plus achromatopsique que de l'œil -droit: de l'œil gauche, elle reconnaît toutes les couleurs; la sensibilité qui était complètement disparue, dans presque tous ses modes, est revenue du côté droit et elle peut se tenir debout les yeux fermés.

Enfin, on ne peut pins produire ni catalepsie ni suggestion. Dans cet état À, cependant, il est bien remarquable que certaines suggestions de tout â l'heure persistent : c'est ainsi qu'où lui a fait voir par suggestion sur la tele d'un des «lèves du service un casque surmonté d'une plume rouge; or, aussi bien dans l'état A, que lorsqu'elle est revenue à l'étal B, celte suggestion persiste et elle ne peut se tourner du colè de cette personne sans se mettre à rire, en la voyant si ridiculement accoutrée. Tout cela s'est fait instantanément.

L'état A, d'ailleurs, ne dure pas longtemps chez elle et au bout d'un quart d'heure environ, elle repasse dan» l'état B à la suite d'une petite attaque d'une durée de quelques secondes. Alors tous les phénomènes que l'on observait tout à l'heure se reproduisent instantanément aussi : elle sait de nouveau lire, écrire et travailler, reconnaît les personnes du service actuel, est suggestionnante, cataleptisable, etc... Mais tout ce qui est antérieur à 1885 disparaît de son esprit.

Il est à noter aussi que, ainsi que cela se passait chez la précédente malade, celle-ci résiste lorsqu'on veut la faire passer de l'état B à l'étal A ; elle parait se complaire dans la première de ces conditions. Cet état exceptionnel est devenu en quelque sorte normal chez elle, car, depuis cinq ans, elle n'en est sortie spontanément que très rarement.

L'histoire de cette malade est à peu près calquée sur celle de la première et c'est à la suite d'une série d'attaques violentes qu'elle est passée dans l'état de condition seconde en 1885. Ce sont des cas extrèmemnnt curieux, car ils sont simples et relativement faciles à étudier, mais il en existe de beaucoup plus complexes.

chronique et correspondance

Enseignement de l'Hypnotisme.

Cocas a l'Ecolb pratique. — M. le D'Bérillon (ait, les mardi» et samedis, à 5 heures, dans l'amphithéâtre Cruveilhier. à l'Ecole pratique de la Faculté de Médecine, un cours libre sur le sujet suivant : Psychologie physiologique et pathologique. — Applications cliniques de l'hypnotisme.

La leçon du mardi 19 mai sera consacrée à l'étude de l'hypnotisme dans ses rapports avec la médecine légale et, en particulier, des suggestions criminelles.

Hospice de la Salpétrière. — Cocas. — M. le D' Auguste Voisin commencera, le dimanche 24 mai, à 9 heures 1/2, une série de leçons clinique* sur les Maladies mentales. — 11 continuera son cours les dimanches suivants, A la même heure.

M. Voisin fera, pendant le eours, un certain nombre de démonstrations pratiques de l'application de l'hypnotisme au traitement des maladies mentales.

Clinique de psyco-THerapeutihique suggestive de Bruxelles. — M. le Dr Peelers vient de fonder, â Bruxelles, une clinique destinée anx applications cliniques de la suggestion hypnotique.

Ecole paratique des Hautes-Etudes. — M. Jules Soury, maître de confé-

renées, fait, à la Sorbonne, les lundis et vendredis, à 4 heures 1/2, un cours de psychologie physiologique. Il étudie spécialement le développement des localisations cérébrales.

Institut psycho-physiologique de Paris (49. ruo Saint André-des-Arts).— L'Institut psycho-physiologique de Paris est consacré aux recherches expérimentales sur l'hypnotisme et à l'étude des applications cliniques de cette science. — Des consultations gratuite; on: lieu à l'Institut, les mardi», jeudis et samedis, de 10 heures à midi. Les médecins et tes élèves régulièrement inscrits à la Clinique y sont exercés à la pratique de l'hypnotisme et de la psychothérapie.

Un cours pratique commencera le samedi 23 mai, à 10 heures du matin (I).

Hommage au Dr Liébeault.

Le Comité de médecins étrangers qm s'en formé pour offrir au vénéré Dr Liébeault, de Nancj, à l'occasion de sa retraite, un témoignage de reconnaissance, a fixé au lundi 25 mai la date de cette touchante manifestation.

Un assez grand nombre de médecins français et étrangers doivent so rendre à Nancy à cette occasion. Le soir, après la remise du souvenir, les donateurs se réuniront dans un banquet. Les adhésions à ce banquet doivent être adressées à M. le professeur Liégeois, à Nancy, avant le 23 mai.

Nous avons publié, dans notre dernier numéro, la première liste de souscripteurs, qui comptait environ quarante noms. Nous publions aujourd'hui la seconde, que nous adresse le dévoué secrétaire du Comité d'organisation, M. le D'Uovd-Tuckey, 14, Green stret, Grosvenor square, Londres, chez qui sont reçues les souscriptions.

deuxième liste de souscription

Dr Morselli, prof, à l'Univer-

sité de Gênes............... 10 fr.

Prater, prof, à l'Université de

25 .

Hbkrbro, prof, à la Faculté de

25 »

25 •

LV Pbbtbrs, dir. de la clin, psy-

eho-thérapique dî Bruxelles. 25 -

D- David, de Sigeau (Aude)... '25 -

D' Braunis, prof, à la Faculté

de Nancy.................. 50 >

MK'leLVGnnsoNÍSan Franciv.nl 10 »

Dr D l* ii oxtp allier, médecin de

l'Hôtel-Dieu de Paris....... 50 fr:

Dr A. db Jong (La Haye)..... 20 -

Dr Dèjerinb, méd. de Bicêtre,

prof, agrégea la Fae.de Paris. 20 •

10 »

M A- db la Nardb Paris)____ 10

D'George Ringibb de Combre-

ment-le-Grand (Vaud-Suisse) 20 >

Dr Aug. Voisin, médecin de la

50 ?

D'Hubert NaiLSON.de Kingston

(Canada]................... 20

Les Hypnotiseurs font-ils des miracles?

Tel est le titre d'une série de conférences qu'a fait, pendant tout le Carême, le P. Lemoigne, de la Société de Jésus, à l'église Saint-Merry.-

Ces conférences s'adressaient particulièrement aux hommes, mais les dames n'en étaient pas exclues.

Voici, d'ailleurs, le programme de quelques-unes de ces conférences :

1° L'Hypnotisme: Son passé, son présent, son avenir. — Phénomènes expli-

(1) Nous invitons nos correspondants et nos collaborateurs a nous faire parvenir tous les renseignements qui concernent l'enseignement de l'hypnotisme et de la psy-cologie physiologique. Nous publierons la date et le programme des Cours qui seront faits sur ces questions, aussi bien en France qu'a l'Etranger.

qués. phénomènes inexpliqués par la science, phénomènes merveilleux. — Conséquences de l'hypnose au point de rue de la santé, de la moralité, de la criminalité. — Prétentions des hypnotiseurs: Font-ils des miracles? — 2° L'Hypnotisme dans ses rapports avec le miracle. — Qu'est-ce que le miracle?

— Les lois de la nature, tout en étant régulières, sont-elles nécessaires? — Le miracle détruit-U l'ordre des mondes et compromet-il les certitudes de la science? — Miracle de Josué: Folles prétentions de Féeoie critique matérialiste.

— 3° Contre les médecins matérialistes et hypnotiseurs. — Miracle* dans l'ordre inorganique: L'eau changée en Tin; la multiplication des pains, etc. — Miraeles dans l'ordre physiologique : Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux font guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent. — Miracles dans l'ordre spirituel : Les possédés du démon sont délivrés. — Miracles à distance : Le fil* du prince de Capharnaum, le serviteur do Centenier, etc. — La puissance de l'Imagination suffit-elle 4 expliquer les miracles du passé et les miracles de notre temps ? Miracles de Lourdes.

La circulaire par laquelle un grand nombre de personnes ont été conviées à ces fermons, portait, en outre, que tous ceux, même les étrangers à la paroisse, qui:

1° Auront assisté au moins cinq fois aux instructions de la deuxième série;

3° Auront prié aux intentions du Souverain Pontife ;

3° Se seront confessées avec une sincère contrition de leurs péchés;

4° Auront fait la communion à l'église Saint-Merry; pourront gagner une indulgence plénière.

Bit-ce a ces promesse» qu'il faut attribuer l'affluence inaccoutumée qui se pressait dans la nef de l'église Saint-Merry ? nous u'oierions pas l'affirmer. Mais ce dont nous avons pu nous assurer, c'est que les illusioos que le» auditeurs avaient pu se faire sur la compétence et la sagacité du couférencier ont été promptement déçues. Dans un langage emphatique ot tout A fait hors de saison, il s'est appliqué à démontrer que l'église catholique avait lo monopole des miracles et qu'elle entendait le conserver. Si les médecins hypnotiseurs veulent bien se borner à appliquer l'hypnotisme au traitement des malade» fans se permettre d'en tirer des déductions philosophiques, le père Lemoigne se déclare prêt à les tolérer. Mais il n'est pas sans inquiétude à l'égard du diable qui pourrait bien quelque jour revêtir un costume d'hypnotiseur. Les démons qui opèrent aux abords de la Salpêtrière lui ont paru d'assez bons diables, mais il se défie beaucoup do ceux de Nancy et. ea particulier, de celui qui s'est logé dans le corps de M. Liégeois.

Tout cela est-il bien sérieux et les sincères amis de la religion ne seront-ils pas les premiers à regretter que des sujets scientifiques soient traités avec autant de légèreté?

Nous voyons très bien ce que l'Église peut perdre en abordant l'élude de pareilles questions, nous ne voyons pas ce qu'elle peut y gagner.

Amnésie rétrograde.

Notre éminent collaborateur, M. le professeur Azam, de Bordeaux, communique le fait suivant à la Revue Scientifique:

« Les cas d'amnésie rétrograde étant encore très rares dans la science, je crois devoir publier le suivant. Je le dois à l'obligeance du père du blessé et à celle de mon collègue et ami, M. Démons,qui a donné ses soins au malade :

« Philippe S..., Agé de vingt ans, bit, le lundi 9 février 1891, vers deux heures de l'après-midi, une chute de cheval. Il est renversé en arrière et tombe sur un sol uni. Son père et d'autres personnes se précipitent et le relèvent. Il a une

perte de connaissance qui ne dure que quelques secondes, une sorte d'étourdis-semeut, et ne se plaint qae d'une contusion à une jambe. A ce moment, sa mémoire parait complète, car il se rend parfaitement compte de la façon dont sa chute est arrivée. Mais environ dix minutes après, son père l'avant conduit à pied dans une maison voisine, sa physionomie s'altère; il pâlit, rougit, et ne se rappelle plus aucun des nuls, ni du jour, ni de la veille, ni des trois jours qui précèdent. Ainsi, l'accident étant arrivé le lundi, il a oublié que le dimanche, ayant eu quelques amis à dîner, il est allé à la cave choisir du vin fin. 11 en est de même de son existence du samedi et du vendredi : tout ce qu'il a fait, tout ce qui s'est passé pendant ces jours, n'existe pas pour lui. Pour le jeudi, ses souvenirs sont brouillés et confus. Pour le temps qui précède, sa mémoire est entièrement nette. Ainsi, reconduit chez lui, il ne manifeste aucun étonnement à la vue de sa mère et des objets qu'il avait l'habitude de voir. La perte de mémoire n'est complète que pour les quatre jours qui ont précédé sa chute.

«Cinq à six jours aprè* l'accident, qui n'a eu du reste aucune suite, Philippe X... a vu sa mémoire revenir. Elle s'est rétablie graduellement de la façon suivante :

« Les souvenirs du jeudi sa sont complétés, et ceux du vendredi, du samedi et du dimanche sont revenus. Cependant sa mémoire était encore bien faible ; elle était comme un piano auquel il manque des cordes, et il fallait insister pour rappeler ses souvenirs. Ainsi sa mère, lui parlant de son précepteur, qu'il voyait tous les ans, il cherche, fait comme un effort et dit : « Ah! oui! M. X...? C'est vrai! je me souviens ». L'impression existe, mais elle est mal conservée.

«Aujourd'hui, près d'un mois s'est écoulé, et la santé de Philippe X... est devenue parfaite, j'entends sa santé intellectuelle. U n'a plus aucun trouble dans ses souvenirs. U y a cependant une lacune, c'est la matinée du lundi. Il se souvient qu'il a mis des bottes, sans doute pour monter à cheval. Mais il ne sait rien de plus, jusqu'au moment où on l'a relevé.

« Cette lacune, insignifiante, de quelques heures, disparaîtra certainement.

« Je ne ferai aucune réflexion sur ce fait d'amnésie rétrograde, n'ayant rien à ajoutera ce que j'ai dit ailleurs (1). Je redirai seulement que, si j'étais juge d'instruction et qu'après son retour à la connaissance, un homme qui aurait été battu accusât un autre homme, et entrât dans les détails do l'événement, j'aurais des doutes, certain que, si cet homme avait perdu connaissance, il devrait avoir oublié ce qui a précédé immédiatement cette perle, et pourrait bien accuser un innocent.

« A propos du fait qui précède, je ferai seulement uoe remarque, c'est que Philippe X... n'a eu qu'une perte de connaissance de quelques secondes, une sorte d'étourdissement, tandis que, dans les cas connus jusqu'ici, la perte de la connaissance a été longue et complète, et que Philippe X... n'a tu se manifester !'amnosic que huità dix minutes après l'accident.

a L'amnésie rétrograde peut donc être la conséquence d'un traumatisme relativement léger, et ne pas se manifester immédiatement après le retour à la connaissance. »

Médecins et Compagnies d'assurances.

Pour la première fois, la Cour d'appel de Paris vient d'avoir à se prononcer sur la question du secret professionnel imposé aux médecins, & l'occasion d'un procès entre une Compagnie d'assurances sur la vie et le bénéficiaire de l'assurance. Les médecins ont-ils le droit de refuser un certificat constatant la cause de la mort d'un de leurs clients assuré sur la vie ? Ce refus n'est-il pas préjudi-

(1) Voir les Troubles intellectuels consécutifs aux traumatismes du cerveau (Archives de Médecine, février 1881).

ciable aa bénéficiaire de l'assurance, à qui la Compagnie peut reruser de payer le montant de la prime stipulée par ee contrat ?

La réponse à cette question en certainement 1res délicate, car si, d'une part, le médecin peni «e retrancher derrière le secret professionnel, d'autre part il peut, en le faisant, nuire aux intére*.* de ses clients. Il est, en effet, nettement stipulé dans la police d'assurance, que la Compagnie exige, arant de payer la prime, un certificat du médecin ayant soigné l'assuré au cours de «a maladie. Ce certificat doit nettement «péciîler la nature de l'affection qui a déterminé la mort.

Or, Toici le cas qui vient de se présenter : Un M. X... s'assure sur la vie pour une somme de 20.000 francs, payable après son décès, a sa femme, en faveur de laquelle l'assuranee était consentie. M. X... se soumet à l'examen des médecins de la Compagnie, il est reconnu exempt de touto affection pouvant s'opposer a l'assurance. Quelques mois après la signature du contrat, M. X... succombait.

A la requête de la Compagnie, la veuve demande au médecin un eertiticat établissant la cause du décès. Pour certaines raisons, notre confrère refuse, se retranchant derrière le secret professionnel. La Compagnie d'assurances, se retranebant derrière ses statuts, te refuse alors à payer la prime : d'où procès. Le tribunal de commerce condamne la Compagnie, qui en appelle, et voici le jugement que la Cour de Paris vient de rendre en eette circonstance :

i Considérant que si, aux termes de la police d'assurances sur la vie, contractée entre X... et la Compagnie, il était stipulé que le bénéficiaire de l'assurance serait tenu de fournir, a l'appui de la demanda en pavement, un certificat de médecin constatant le genre de mort qui avait donné ouverture à cette assurance; il est établi et reconnu d'ailleurs que la dame X... a demandé un certificat au docteur qui a soigné son mari dans sa dernière maladie;

c Que celui-ci a opposé un refus absolu motivé sur le socret professionnel ;

« Oue, dans ces circonstances, ayant fait ee qu'elle pouvait pour accomplir son obligation, elle est réputée en droit l'avoir accomplie, la cau*e du contrat n'impliquant pas par ses termes une obligation plus étendue.

« La Cour condamne la Compagnie. *

Sous ne pouvons qu'applaudir à ce jurement qui affirme une fois encore l'invio labili té absolue du secret professionnel. (Gasetu* des Hôpitaux..

Société française de Tempérance.

La Société française de Tempérance a tena sa séanee solennelle le 26 avril 1891, sous la présidence de M. Yves Guyot, ministre des Travaux publics, et de M. le LV E. Vidal, de l'Académie de Médecine, président de la Société. Après avoir entendu l'allocution de M. le Dr E. Vidal, le rapport sur la situation morale et financière de l'Œuvre, par M. le Dr A. Motet, l'allocution de M. te ministre des Travaux publics, le rapport de M. le Dr Philbert sur les récompenses, la Société a décerné : un prix de 1,000 francs offert par la veuve de notre premier secrétaire général, le D' L. Lanier, 4 M. 10 D*r Legrain; des mentions trè» honorables avec médailles d'argent, à MM. les D" Lardier et Xicouleau, et une mention honorable a M. le D- D --brandy;

241 diplômes de membre associé honoraire; 14 médailles d'argent; 346 médailles de bronze; 134 diplômes de témoignage de satisfaction; 10 livrets de caisse d'épargne postale d'une importance totale de 100 francs, avec dî verses pubUcaiions de la Société et 1,250 exemplaires de VAvit de rAcadêmie d* Médecine.

Elle a déclaré, en outre, un prix de 100 francs à M. Georgin, instituteur à Moyvillers (Oise), au nom de l'ancienne Société contre l'abus du tabac et des boissons alcooliques.

NOUVELLES

Société médico-psychologique. — La Société médico-psychologique a tenu sa séance solennelle, le lundi 27 avril, sous la présidence de M. Bouchcreau, médecin en chef à l'Asile Sainte-Anne. Le prix Et. d'une valeur de 200 francs, plus les œuvres dEsquirol, a été, sur le rapport de M. Arnaud, décerné à M. Bonnet, interne de l'Asile d'aliénés de Villejuif (Seine), pour son mémoire manuscrit Intitulé : • Contribution à l'élude de la paralysie générale chez l'homme et plus particulièrement dans ses rapports avec la syphilis et l'alcoolisme Le prix Belhomme, djune valeur de 800 francs, avait pour sujet: « De la vision chez les idiots et les imbéciles ». Deux mémoires ont été envoyés. Sur le rapport do SI. Pichon, le prix a été décerné i MM. Marie et Bonnet, internes des asiles de la Seine; une mention honorable a été accordée à M. Armand Guibert, interne des hôpitaux. Le prix Aubanel, de 2,500 francs, destiné au meilleur mémoire sur : » La folie chez les vieillards -, n'a pas été décerné. Sur le rapport de M. Collineau, une récompense de 1,200 francs a été attribuée i l'unique travail envoyé, dont les auteurs sont MM. Mabille, médecin-directeur, et Lallemant, médecin adjoint de l'Asile d'aliénés de Lafont, prés La Rochelle. La séance s'est terminée par la lectnre faite par M. Ritti, secrétaire général, de l'éloge du Dr Achille Foville, inspecteur général des asiles d'aliénés et secrétaire général de l'Association générale des médecins de France.

La médecine légale au Missouri. —Il est probable que, même dans celle branche des sciences médicales, nous serons obligés d'aller chercher un exemple a l'étranger, au point de vue de la législation. Au moment même où notre Chambre des Députés décidait, malgré l'avis si compétent de M. Brouardel, que tout médecin pourrait être requis comme expert, le Parlement de l'État de Missouri votait on bill enjoignant à tous les « Médical collèges » de cet Eut d'exiger des docteurs des épreuves sérieuses de médecine légale à leurs examens, ceux-là seuls pouvant faire de bons experts, qui auraient donné la preuve de leurs connaissances spéciales. Évidemment, ce n'est pas encore l'organisation des médecins légistes spécialisée, mais, du moins, c'est un pas dans la voie indiquée par M. Brouardel.

OUVRAGES REÇUS A LA REVUE

Bolvsrev (L.). — La Neurasthénie, Epuisement nerveux, in-S*. 480 pages, deuxième

édition. — J-B. Baillière et lus. 19, rueHauiefeuille (près le b' Saint-Germain), 1891. Forel (Dr Augusteì). — Der Hypnotismus seine psychophysiologische, medicinische, stra-

frechlliche bedentung und seine handhabuugg, 172 pages, en allemand. — Stuttgart,

vertag von Ferdinand Enke, 1891. Delbeuf. — Les Fites de Montpellier, Promenade à travers les hommes et les idées, In-

8°, 75 pages. — Félix Alcan, éditeur, I0S, boulevard Saint-Germain, Paris; P. Weis*

senbruch, éditeur, 45, rue du Poinçon, Bruxelles; Ch.-Aug. Desoer, éditeur, 9, place

Saint-Lambert, Liège, 1891. ka*\ah (Dr T), ancien interne provisoire des hôpitaux de Paris. — HEPI YHNQ

Tiemot, in-8° en grec, 250 pages, avec illustrations. — Athènes, 1891. Ribot (Th.). — Les Maladies de la personnalité, troisième édition, in-12, 172 pages. —

Félix Alcan, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain, Paris, 1889. Ribot (Th.). — Les Maladies de la volonté, septième édition, in-12, 180 pages. — Félix

Alcan, éditeur, 108, boulevard Saint-Germain, Paris, 1891. Ribot (Th.). — Les Maladies de la mémoire, septième édition, in-12, 170 pages. — Félix

Alcan, éditeur, 103, boulevard Saint-Germain, Paris, 1891.

L'Administrateur-Gérant : Émile BODRIOT.

Paris- — Imprimerie brevetée MICHELS et fils. passage du Caire. 8 et 10.

REVUE DE L'HYPNOTISME

EXPÉRIUENT^t'ir THÉRAPEUTIQUE

15 Q : "¿1

LA MANIFESTATION\EN f"HONNEUR DU Dr LIÉBEAULT

le^25 mai 1891

Le docteur Liébeault ayant manifesté l'intention de prendre un repos bien mérité et de fermer, cette année, la clinique de psychothérapie où tant de praticiens sont venus, de tous les points du monde, s'instruire à ses leçons données avec tant de bienveillance et de désintéressement, un groupe de médecins étrangers eut l'idée de lui offrir, à l'occasion de sa retraite, un témoignage d'admiration et de reconnaissance.

L'appel adressé aux médecins qui avaient suivi la clinique de M. Liébeault était signé par plusieurs de nos confrères anglais et hollandais. M. le docteur Lloyd-Tuckey, de Londres, voulut bien se charger de centraliser les souscriptions dont le montant ne devait pas dépasser cinquante francs par souscripteur. Dans l'esprit des organisateurs de cette manifestation internationale, les médecins étrangers devaient seuls être admis à collaborer à cet hommage rendu à notre éminent compatriote. Néanmoins, ils durent céder au désir exprimé par plusieurs Français de s'associer à cette marque de respect et d'estime.

La date de la remise du souvenir offert à M. Liébeault ayant été fixée au lundi 25 mai, un certain nombre de médecins français et étrangers se sont rendus à Nancy à cette occasion.

Dans la matinée, ils ont assisté à l'hôpital civil, dans le service de clinique de la Faculté, à une démonstration des doctrines de l'Ecole de Nancy, faite par M. le professeur Bernheim. Le soir, ils se sont retrouvés dans un banquet présidé par M. Dumontpallier, médecin de l'Hôtel-Dieu de Paris.

Au milieu du banquet, après avoir communiqué les télégrammes et les lettres par lesquelles MM. les docteurs Cruise, de Dublin; Lloyd-Tuckey, de Londres; van Eeden, d'Amsterdam; de M. le professeur Beaunis, de Nancy; de M. le professeur Forel, de Zurich; de MM. les

docteurs Bertin. de Nancy; Brullard, de Gondreville; Peeters. de Bruxelles, etc., etc., exprimaient leurs regrets de ne pouvoir assister A cette réunion. M. le professeur Liégeois a montré toute la valeur de la flatteuse manifestation dont M. Liébeault était l'objet, en donnant lecture de la liste des souscripteurs. Voici cette liste complète :

Allemagne : Dr Mol), de Berlin. — Dr Schrenk Notzîng, de Munich. _

Dr Prayer, professeur a l'Université de Berlin. —Dr Schuster, d'Aix-la-Chapelle.

Autriche : Dr Krafft-Ebing, professeur à l'Université de Vienne.

Belgique : M. Oelbceuf, professeur à l'Université de Liège. — Dr Van Velsen, de Malines. — Dr Bartholeme, de Liège. — Dr Peeters, directeur de la Clinique psycho-thérapique de Bruxelles.

Brésil : Dr Joachim di Figueiras, professeur à la Faculté de Rio—de—Janeiro.

Canada : Dr Hubert Neilson, médecin-major à Kingston.

Espagne : D' Herrero, professeur à la Faculté de Vallado !îd.

États-Unis : Dr Angelí, de New-York. — Dr Hamilton-Osgood, de Boston.— Mme le Dr Godson, de San Francisco.

France : Dr Bérillon, directeur de la Revue de l'Hypnotisme. — Dr Bemheim, professeur a la Faculté de Nancy. — Dr Beaunis, professeur à la Faculté de Nancy. — Dr David, de Sigeau (Aude). —- Dr Dejérine, médecin de Bicêtre. professeur abrégé a la Faculté de Paris. — Dr Dumontpallier, médecin de l'Hôtel-Dieu de Paris. — A. de la Narde, de Paris. — Lv Gascard. de Paris. — Dr Le Menant des Chesnais. de Paris. — Dr Simeray, de Seine-Port. — Dr Paul Magnin, de Paria. — Dr Roth, de Divonne. — M. Liégeois, professeur à la Faculté de Droit de Nancy. — M. Legall, de Paris. — Df Bespaut, de Paris. — LV Auguste Voisin, médecin de la Salpètrière, de Paris.

Grande-Bretagne : IV Arthur, de Londres. — Dr Milne-Branwell, de Groóle. — D' Kingabury, de Blackpool. — Dr Habgood, de Banstead. — Dr Nicol, de Londres. — Dr Steer, de Penzance. — Dr Cruize, de Dublin. — Dr A.-J. Myers, de Londres. — Dr Mac Lennon, de Glasgow. — Dr Lloyd-Tuckey, de Londres. — Dr Cribb, do Bishop-Stortfort. — Dr C.-E. Fitz-Gerald, de Dublin. — Dr R.-A. Haves, de Dublin. — Dr J.-J. Murphy, de Dublin. — Dr J. Redmond, de Dublin. — Dr E. O'Turreil, de Dublin.

Hollande : Dr Van Renterghem, directeur de la Clinique psycho-thérapique d'Amsterdam. — Dr Van Eeden, d'Amsterdam. — D' A. de Jong, de La Haye. — Dr Ph--E. Costar, médecin-major, d'Amsterdam. — Dr de Jong.

Italie : Dr Morselli, professeur à l'Université de Gènes. — Dr Sinclair-Thomson, de Florence.

Russie : Dr Tokarsky, de Moscou. — Dr Dal, de Moscou. — Dr Keller, d'Eka-ternenstad-sur-Volga.

Suède : Dr Wetterstraod, de Stockholm. — Dr Velander, de Yonkoping. — Dr B uunberg, d'Upsala.

Suisse : Dr Forel, professeur à l'Université de Zurich. — Dr George Ringier, de Combrement-le-Grand (Vaud).

Après avoir offert à M. Liébeault, au nom du Comité international, un bronze magnifique, le David vainqueur de Goliath, de Mercié, et lui avoir remis un magnifique album contenant les photographies des souscripteurs, M. Dumontpallier a prononcé le discours suivant :

Messieurs,

Vous m'invitez à prendre U parole en cette réunion. C'est pour moi on honneur et en même temps un plaisir de me faire l'interprète de nos sentiments d'admiration et de vive sympathie envers le docteur Lièbeault, — le médecin modeste qui, mû par le seul désir d'être utile, a réussi à soulager, à guérir grand nombre de malades et a doté l'art de la médecine d'une méthode thérapeutique nouvelle : « la Suggestion >. Certes, le docteur Lièbeault avait eu des précurseurs : Braid, de Manchester, Puel, de Paris, s'étaient engagés dans la ?même Toie thérapeutique en reconnaissant la part de l'idée dans l'étiologie et la guérison de divers états morbides. Cabanis et beaucoup d'autres médecins avaient constaté les lapports du moral et du physique; de tout temps on avait reconnu la pari do l'âme, de l'esprit avec les états physiologique et pathologique du corps. Mais c'est à Lièbeault qu'il appartenait de erèér la psychothérapie et de la généraliser. C'était au modeste praticien de campagne que devait revenu* le mérite d'avoir fondé la grande méthode thérapeutique à laquelle on donne aujourd'hui le nom de Suggestion thérapeutique. Pendant près d'un quart de siècle, Lièbeault répandit sa science en prodiguant gratuitement ses soins aux pauvres, et ses bienfaits devaient seuls le consoler des railleries du public et de ses confrères. C'est donc pour nous, messieurs, une grande satisfaction d'avoir été des premiers à reconnaître le mérite du docteur Lièbeault, et c'est pour moi un grand honneur d'être invité dans cette réunion à lui dire notre admiraûon et notre reconnaissance ¦

Mais je manquerais â tout sentiment de justice si, dans celle même réuni on, je ne disais la part, et elle est grande, qui revient au professeur Bernhtin dans la vulgarisation de la doctrine thérapeutique du docteur Lièbeault. — Qui de cous ne se rappelle les remarquables travaux du professeur Bernheim sur la suggestion à l'eut de veille et dans l'état d'hypnose, oit, pour mieux dite, dans l'clat somnambulique provoqué. Le traité : De la Suggestion, du professeur de clinique médicale de Nancy; ses savantes : Leçon* cliniques sur ta psychothérapie, ont vulgarisé la doctrine tbérapeutiquo de la suggestion, et, dans le monde entier, l'enseignement du maître a répandu la parole du créateur de la méthode. Lo professeur Bernheim a donc bien mérité la reconnaissance des médecins indépendants par caractère, et qui n'ont d'autre mobile que les progrès de la science médicale et l'intérêt des malades.

A. cèle de M. Bernheim, nous devons réserver au professeur de l'Ecole de droit de Nancy, M- Liégeois, un tribut d'éloges, parce qu'il a compris que la médecine légale avait a puiser de grands enseignements dans l'étude de la suggestion. 11 a montré la pari qui pouvait être faite A la suggestion dans les actes délictueux et criminels, il a montré combien la sentence du juge devait êiro réservée dans les cas où la suggestion pouvait être soupçonnée; et son livre sur : « La Suggestion et U Somnambulisme dans leurs rapports avec la jurisprudence et ta médecine légale s, est un travail érudit et consciencieux, dont la lecture et la meoiiauon s'imposent à celui qui a pour mission de juger les hommes et d'appliquer les lois.

Hommages soient donc rendus a Lièbeault, à Bernheun et à Liégeois, dont les noms resteront étroitement unis dans la fondation et les progrès de la science de la Suggestion.

Permettez-moi aussi de vous demander de voler par acclamation des remerciements â M. le Dr Bérillon. directeur de la Revue de t'Hypnotisme, qui, depuis cinq années, s'est consacré avec activité et intelligence à la publication mensuelle de loules les questions qui intéressent l'hypnotisme et la psychologie, phjsiologiquo ei thérapeutique.

Après l'allocution vivement applaudie de M. Dumontpallier, M. le Dr Van Renterghem, d'Amsterdam, s'est ensuite exprimé dans les termes suivants :

Messieurs, collègues, hommes de science Tenus de tous les pays pour participer à cette fête remarquable,

Cbers convives 1

Peu de fêtes de ce genre m'ont paru revêtir un caractère aussi remarquable, aussi exceptionnel, aussi digne de considération que celle-ci. Car cette fête a* une lignification caractéristique et mémorable.

Je suis venu ici en pèlerin ; le sol qui me porte est pour moi terre sainte. Car nous tous. Etrangers ou Français, nous sommes venus ici non seulement pour honorer un véritable savant, pour lui rendre nos hommages, — mais surtout pour réparer un tort à son égard. Oui, surtout pour réparer on tort I

11 est arrivé souvent, trop souvent, — et l'histoire de la civilisation est là pour nous le rappeler, — que les pionniers, les ira rail leur* de la première heure n'ont eu pour récompense de leurs efforts et de leurs sacrifices, leur vie durant, que le mépris et l'outrage. Elles sont rares, elles sont à compter, les existences admirables ayant été à la longue couronnées d'honneur et do gloire 1

Mais ce fait si rare se produit ici. Aussi, nous souvenant des injustices dont l'humanité a fait souffrir ses bienfaiteurs, nous nous sentons heureux d'être en état de réparer l'injustice dont un de ces bienfaiteurs a été la victime pendant de longues années. D'autant plus que le poids de l'injustice a été porté de la manière la plus noble.

La plupart du temps, les grands esprits méconnus se laissont aller au découragement, à la muanthropie.

Mais, disons-le franchement, peut-on se figurer un homme moins acerbe, moins misanthrope que le vénéré M. Liébeault T Alexandre de Humboldt a dit quelque part que la condition première du génie est la patience. Vous conviendrez avec moi que quant à la patience, M. Liébeault a surpassé tous les génies de son temps.

Qui de nous aurait supporté avec autant de mansuétude, avec autant de douceur, d'être — pendant plus de vingt ans — la risée de ses collègues, et de passer pour avoir l'esprit dérangé aux yeux du monde scientifique?

Qui de nous n'aurait eu le coeur rempli d'amertume et ne se serait serti de mots acerbes, ou plutôt, qui n'aurait pas abandonné la tache et renoncé au combat, désespéré ?

Cependant, le premier mot acerbe n'est pas encore sorti des lèvres de M. Liébeault. et s'il parle avec quelque ironie des méprises de ses collègues, il l'en parle jamais avec malignité. L'épreuve prolongée n'a pas su altérer son caractère.

Des ennemis! il n'en a point. Et saTex-vous pourquoi t II n'a jamais connu l'ambition, qui a rendu tant de gens malheureux. 11 n'a été inspire que par deux mobiles : la philanthropie et la confiance immuable dans le triomphe de la vérité. Voilà des qualités que l'on ne trouve que chez les hommes d'un caractère exceptionnel.

Cette même patience, ce même coite de la vérité, un manque d'ambition analogue ont permis à Darwin d'exécuter son œuvre.

C'est pourquoi nous sommes venus pour honorer Liébeault, homme d'an mérite vraiment exceptionnel 1

Kl nous sommes heureux de pouvoir lui offrir nos hommages si mérités, de son vivant, au lieu d'adresser nos tributs respectueux à sa mémoire, comme cela n'arrive que trop souvent.

La date du 25 mai 1891, messieurs, marquera dans l'histoire de la science.

Pendant plus de vingt ans, Lie-beault a gardé pour nous un trésor, dont maintenant seulement nous savons apprécier la valeur.

Et ce trésor n'est pas un médicament, une préparation chimique, une lymphe quelconque, mais c'est un principe; un grand principe, un principe considérable qui exercera son influence £ur la science médicale entière.

En formulant ce principe, il nous apprend que les maladies de l'homme peuvent être combattues par l'âme, par l'organe psychique.

Dans la seconde moitié do notre siècle, ce principe a été presque entièrement méconnu. La science officielle de ces derniers temps ne sait (aire que des opérations; elle ne reconnaît que les agents mécanique?, physiques et chimiques. La puissance de l'âme est tombée dans l'oubli, on ne l'étudié plus, on ne l'applique jamais systématiquement.

Un revirement commence à se faire. Ou vient de s'apercevoir qu'on a fa,it fausse roule en partie- Une réaction se dessine, qui amènera une révolution complète dans l'art de guérir. Voilà pourquoi ce jour marquera dans l'histoire de la médecine et de la science.

Je ne veax pas exagérer le mérite de notre cher Liébeault. Lui-même ne le voudrait pas. Je ue veui pas davantage rapetisser la gloire et la valeur de ceux qui ont étendu et perfectionné son œuvre, qui onl su faire pénétrer ses idées dans le monde scientifique.

Mais personne ne me contredira lorsque j'affirme que sans lui, sans sa persévérance, sans sa défense vaillante de la vérité — telle qu'elle était comprise par lui, — ce trésor, cette idée sublime el féconde de la psychothérapie, fût restée enfouie de longues années encore dans l'erreur et le préjugé!

Il y a-t-il, messieurs, quelque choso de plus agréable que de réparer un grand tort, que de témoigner sa reconnaissance à un homme auquel nous devons personnellement une belle carrière et à qui la science e*t redevable d'une grande idée, et enfin que de fêter un grand homme qui est la modestie en personne ?

Mais d'être ainsi prôné ne doit guère lui plaire, je pense. H se trouve assurément plus à l'aise dans son milieu habituel, parmi ses bons Nancéens qui l'aiment, le vénèrent et qui réalisent si fidèlement ses suggestions.

Voilà que noire tour est arrivé d'eue suggéré, cher M. Liébeault! A nous maintenant de sentir cette chaleur tonte spéciale — celle de l'amitié, de l'admiration, de la reconnaissance émanant de tous nos coeurs. Sentez-la bien, vénéré maure 1

Messieurs, Je vais finir en me résumant.

Nous accomplissons aujourd'hui un pieux pèlerinage, nous louchons ici noire Mecque, et nous avons le bonheur de voir parmi nous, son bon, son modeste prophète.

Mais ce qui est remarquable surtout et ce qui nous remplit le cœur d'allégresse, c'est que, généralement, les pèlorinages n'ont lieu qu'après la mort du prophète et qu'on ne visite guère que leurs reliques et leurs tombeaux, taudis que notre prophète vit et qu'il nous est réservé la faveur extrême de pouvoir l'honorer de son virant.

Chers convives, joignez-vous lousàmoi qui émets le vœu : qu'il vive longtemps encore, une gloire de son pays, un élu de la science, un bienfaiteur de l'humanité !

De vifs applaudissements remercièrent M. van Renterghem d'avoir été le fidèle interprète des sentiments qui animaient l'assemblée.

M. le docteur Bérillon, faisant ressortir l'intensité du mouvement scientifique qui entraîne un grand nombre des esprits les plus éclairés

???? l'étnàe de l'hypnotisme, a porté un toast aux médecins étrangers qui ont en l'idée de cette touchante manifestation internationale, et en particulier à M. le docteur Lloyd-Tuckey, de Londres, dont l'initiative a été couronnée d'un succès si éclatant. Il a associé à ce toast les noms des docteurs van Eeden. d'Amsterdam; Cruise, de Dublin, et Kingsbury, de Blackpool.

M. le professeur Bernheim a ensuite levé son verre en l'honneur de M. Dumontpallier, le dévoué Président du premier Congrès international de l'hypnotisme, et il a exprimé le vœu que bientôt un nouveau congrès réunisse tons les médecins qui s'intéressent à la science si féconde de l'hypnotisme.

Pais M. Roth, prenant la parole au nom des médecins anglais, a retracé les services rendus à la médecine et à la psychologie par la doctrine de la suggestion; il a reporté à M"" Liébeault, présente au banquet, une partie des vœux de santé et de bonheur formés en faveur de M. Liébeault.

Virement touché de tons les témoignages de sympathie dont il venait d'être l'objet. M. Liébeault a remercié en ces termes :

Messieurs,

M. Liégeois, en constatant dans ces derniers temps le développement rapide de la ; hysioi >gie, ?'? répété souvent qne J'éiais un homme heureux. C'était

vrai. Le bonheur queje ressentais, je ne pouvais manquer de ?????????? la suite des adhésions qui, de toates parts, venaient à celte science presque nouvelle. Mais aujourd'hui, messieurs, à ta vue de cette œuvre d'art et, après le* toasts qui viennent de m'ètre portés, je suis un homme plus qu'heureux.

El en voyant ici, surtout, M. Dumontpallier, un de* maîtres de la science médicale française, s'associer aux témoignages de sympathie qui me sont donnés dans cette fête de famille; en entendant les parole* elogien ses pour moi qui viennent d'être prononcées, cette manifestation devient la marque la plus complète de l'honneur insigne quejo reçois.

Aussi je remercie de tout cœur M. Dumontpallier; avec effusion, je remercie tous mes collaborateurs de la première heure qui — soit en expérimentant, soil en ouvrant des cliniques de thérapeutique suggestive, ainsi que l'a fait M. van Rcnterghem tout après nous — avaient concouru grandement aux progrès de la doctrine de la suggestion.

Je remercie particulièrement M. Malinas Roth qui a saisi, l'on des premier*, l'importance de nos principes et a amené a les accepter M. Charles Lloyd-Tuckey, son compatriote, le dévoué promoteur de la souscription internationale dont colle fête est l'expression finale.

Mes remerciement* los plus chaleureux, et à M. Dumontpallier, sous le patronage duquel a été créée la Revue de l'Hypnotisme, et ? M. Bérillon, rédacteur en chef de cette revue. Grâce à M. Bérillon, dont le mérite égale l'activité, U nous a été rendu de grand* el signalés services dans ce journal.

Enfin, mes remerciements pleins de gratitude à M. Bernheim qui, dan* renseignement officiel, lorsqu'il y avait pour lui bien des risquos a courir, m'a tendu le premier la maiu courageusement, ainsi que MM. Liégeois et Beauni* qui, chacun dans leur spécialité, ont marché sur ses traces.

Et maintenant, à mon tour, messieurs. Je lève mon verre et je bois à vous et i vos adhérents de tous les pays qui avez bien voulu m'offrir ce souvenir précieux de votre estime et de votre sympathie.

Je bois à votre succès futur, car il y a beaucoup à trouver dans le vaste champ que nous avon« commencé à défricher; je bois â l'avènement d'une nouvelle ère scientifique.

Messieurs, Je ne puis vous quitter sans vous répéter de nouveau combien je suis fier et reconnaissant que de? hommes, ayant rang parmi les plus distingués de la science, soient venus de tous côtés m'apporter leu's félicitations, et je ne vois rien au-dessus de ces confraternels témoignages.

Avant de se séparer, M. Liégeois a annoncé que la souscription avait laissé un reliquat assez important et que M. Liébeault, consulté sur l'emploi de cette somme, avait exprimé le désir qu'elle fût employée à une œuvre scientifique.

Après discussion, la réunion a décidé que la somme restante serait consacrée à la fondation d'un prix périodique, destiné à récompenser des travaux publiés sur l'hypnotisme, et que cette fondation aurait pour vocable celui de c Prix Liébeault >.

En outre, sur la proposition de plusieurs des membres présents, la date de la prochaine réunion de la Société d'HypnoIogie a été fixée au 20 juillet prochain.

L'organisation du deuxième Congrès international de l'hypnotisme figurera à l'ordre du jour ainsi que plusieurs communications importantes.

Ces résolutions prises, les assistants se sont séparés après avoir voté des félicitations aux dévoués organisateurs de cette manifestation, si méritée, en l'honneur de M. Liébeault, et ils ont joint à leurs noms celui d'une vaillante russe. M"* Hemmerlé, de Nicopol-sur-Dnieper, qui, la première, en avait émis l'idée.

ÉTUDE MÉDICO-LÉGALE SUR UN CAS DE SOMNAMBULISME NATUREL, AVEC PRÉDICTIONS ET LUCIDITÉ

Par il. le docteur a- i >t PoREL, professeur i l'Université de Zurich.

Je fus chargé par les autorités du canton de Zurich d'examiner une somnambule accusée d'escroquerie et de charlatanisme.

Cette femme avait été préalablement condamnée en Allemagne pour les mêmes faits, étant donné que l'on considérait que son somnambulisme était simulé, et par conséquent devait être regardé comme une tromperie.

Il est certain, que la femme Fay, cette somnambule, a su tirer de nombreux profits de ses prétendues prédictions, qu'elle a pour ainsi dire

pratiqué la médecine et qu'avec les revenus qu'elle en tirait elle entretenait son mari, ainsi que sa nombreuse famille.

Nous ne voulons pas affirmer non plus que la femme Fay et sa famille soient des modèles de vertu, étant donné que l'on rencontre chez eux de nombreuses imperfections. Dans tous les cas, il est certain que le somnambulisme existe réellement chez elle.

Je relate simplement l'opinion que j'ai émise en tout ce qu'elle contient d'essentiel. Je n'y ajouterai que deux choses : Le dimanche 26 janvier 1890, sur ma demande, elle se présentait à nouveau chez moi et me faisait part que depuis qu'elle avait quitté l'établissement elle n'était plus tombée en état de somnambulisme. Ceci était certainement très préjudiciable au bénéfice qu'elle avait l'habitude d'en retirer. Elle se porte en général bien, seulement elle souffre d'une névralgie de la jambe droite, dont elle avait autrefois souffert à plusieurs reprises. Elle me racontait en outre que son dernier accouchement s'était accompli pendant qu'elle était en état de somnambulisme et qu'elle ne s'était pas du tout aperçu de l'opération, ce qui avait étonné la sage-femme au plus haut degré. En se réveillant l'enfant était au monde.

La femme Fay est complètement anesthésiée, tant en état de somnambulisme spontané qu'en état de somnabulisme provoqué.

Enfin, pendant sa prévention, la femme Fay fut à nouveau hypnotisée par moi. L'esprit Ernst, c'est-à-dire sa deuxième personnalité, réapparaissait et essayait de me résister; malgré cela, il fut facilement vaincu et même après des efforts désespérés il ne pouvait plus parler lorsque par la suggestion je le rendais muet.

De deux suggestions post-hypnotiques, une seule fut suivie .l'effet avec grande difficulté; les contractions de la figure ne se produisirent pas, le sommeil et le réveil eurent lieu comme auparavant.

La femme Fay, à l'état de veille, ne s'est pas décidée à me demander de la mettre en état de sommeil somnambuliquc; cela doit provenir de la profession qu'elle exerce, ou bien le sommeil se reproduira spontanément par auto-suggestion.

Rapport au Parcjuet de Zurich.

(Burb*u in.)

En réponse aux questions que vous m'avez posées par votre honorée du 10 courant, relatives à l'état mental de la femme Madeleine Fay, de Badenweuler (BadenJ, après avoir eu occasion de l'examiner pendant trois jours dans rétablissement de Burghûlzli, je témoigne selon mon meilleur savoir et ma conscience ce qui suit :

À. — PREFACE.

D'après les détails qui nous ont été donnés par le mari, qui concordent parfaitement avec ceux de la somnambule, nous avons constaté les faits suivants :

La femme Madeleine Fay, née en août 1833, mariée à Jean-B. Fay. domicilié, Brauergasse 90, a Aussersihle, ne doit pas accuser d'antécédents héréditaires. Son mari fit sa connaissance en 1855, i Bâle. où elle était domestique. Déjà a cette époque elle tombait journellement, de neuf heures à trois heures, en sommeil somnambulique; cet état remonte & sa quinzième année, mais dès son enfance, elle avait des crises de nerfs (véritables crises d'hystérie).

Ce sommeil apparaît aussitôt qu'elle s'assied; et peut disparaître lorsqu'elle se lève et se promène ; elle a en général grand'peur de tomber, cela lui étant déjà arrivé. Peu de temps avant elle a des espèces de vertiges, puis elle s'endort tout d'un coup en poussant nn soupir tout en s'allongeant et en devenant raide. Le sommeil ne dure que très peu de temps (quelques minutes seulement) si on la laisse tranquille; mais si des personnes arrivent pour la consulter, il dure un quart ou une demi-heure. Alors elle parle haut, en bon allemand, et répond aux questions qui lui sont posées.

Elle ne se promène pas en dormant. Une seule fois son mari la vit debout près de lui. A la suite de cet état particulier, elle fut souvent examinée et questionnée par des médecins et des magnétiseurs, surtout dans le courant de l'année où elle fut consultée par beaucoup de malades comme lucide. Elle refusa constamment de se laisser magnétiser : ce qu'il y a de certain, c'est qu'on lui a mis dans la tète des idées superstitieuses en lui racontant des histoires de clairvoyance. Étant endormie, elle donnait avec volubilité aux malades qui venaient la consulter, les moyens et remèdes pour les guérir, ainsi que des renseignements sur leur maladie.

D'après les renseignements fournis par son mari et par elle-même., elle diagnostiquait juste et indiquait parfaitement le traitement à suivre, ce qui a été prouvé par les résultats : de sorte que grand nombre de personnes vinrent la trouver, mais cette affluence, dans les dernières années, a sensiblement diminué.

Très importants sont les détails qui suivent : . 1° En se réveillant, e\\e ne se souvient jamais de ce qui s'est passé pendant son sommeil, mais elle ressent une douleur dans la région temporale gauche (depuis que l'on a ouvert un gros abcès, dont la cicatrice est encore visible,.

u.

2^ Interrogée dans son sommeil sur la nature de son état, elle répond qu'elle est somnambule, qu'elle est sous la domination d'un esprit qui l'endort, la réveille et lui commande ce qu'il faut qu'elle réponde aux questions qui lui sont posées.

3* Elle et son mari affirment qu'elle n'a jamais exigé d'argent, mais qu'elle acceptait ce qu'on lui donnait, et que môme elle fut consultée par des médecins (par exemple : le Dr Zimmermann, à Bâle, qui, en réalité, était le sieur Z.... docteur en philosophie, non médecin, et un dentiste de Fribourg-s/-B.), alors qu'Us ne pouvaient plus rien faire pour soulager leurs malades.

Je n'ai pas besoin d'ajouter que le mari et la somnambule ont été interrogés séparément et que surtout il était interdit au mari d'aller la voir.

Pour ce qui concerne ses antécédents judiciaires, ils affirment tous les deux qu'elle a été condamnée innocemment.

Une fois, un pasteur de Bâle a essayé de la délivrer de son état de sommeil; ce fut en vain, il la surexcita au contraire et la rendit presque folle.

B. — NOS OBSERVATIONS.

La femme Fay est actuellement d'un certain âge, trapue, facultés intellectuelles bonnes, et encore bien conservée.

Elle ne fait pas précisément une mauvaise impression ; elle a l'air de redouter les conséquences de la plainte au parquet dont elle est l'objet, probablement à la suite de l'expérience qu'elle a dû acquérir précédemment dans des cas analogues, et puis aussi â cause des observations qui lui ont été faites par l'agent de police qui l'accompagne, lesquelles ont le don de la terroriser.

Nos premiers soins furent de tranquilliser la femme Fay et de gagner sa confiance, en la traitant avec affabilité et en la transportant dans un milieu paisible.

La femme Fay ne présente rien d'anormal sur les parties du corps.

Au moral, elle se montre assez bonne personne et assez déposée à être gaie, un peu peureuse et assez nerveuse, sensible, mais elle n'est pas plus rouée que menteuse; ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle est dans la catégorie ordinaire.

Son degré d'éducation et celui de son instruction sont absolument inférieurs. Elle a l'air, ainsi que son mari, d'être très superstitieuse. Si l'on tient compte de tout cela, ses dépositions se trouvent justifiées autant qu'il est possible de les contrôler. On ne rencontre pas chez elle de restrictions, de contradictions, ni les petits moyens ni l'aplomb que l'on

remarque chez les aventurières. Son attitude était modeste. Elle aidait volontiers au travail et se montrait très reconnaissante du bon traitement dont elle était l'objet.

Elle entra le 16 décembre, avant midi. J'arrivai dans son quartier, sans être annoncé, vers trois heures. La femme Fay, qui était assise sur une chaise près de la fenêtre, n'avait pas encore été remarquée par son entourage (bien que cinq ou six malades fussent assis dans la salle) et était tombée en état de sommeil somnambulique.

Les bras étaient en état de contractions, les globes oculaires convulsés par le haut et les paupières fermées. Immédiatement, je me mis à lui parler, en m'etforçant de me faire obéir par suggestion. Ce n'est pas sans résistance que je réussis à lui lever le bras et à le lui fixer. Elle commença alors à parler en bon allemand, très haut et avec volubilité, d'abord d'une façon confuse, puis plus clairement.

Elle parla d'elle à la troisième personne « cette femme » et me parla en me tutoyant.

Demande (de moi) : Combien d'enfants ai-je?

Réponse : Je ne sais pas.

Demande ; Qu'est-ce que j'ai?

Réponse : Tu n'es pas malade, tu es bien portant, intérieurement et extérieurement.

Demande : Comment est ma femme? Comment sont ses cheveux? Réponse : Pas noirs. A part cela, elle ne sait pas dire autre chose. (Les cheveux de ma femme sont châtains.)

Ensuite je signifiai catégoriquement à la femme Fay (endormie), comme je l'avais déjà fait à l'état de veille, qu'il fallait que son sommeil m'appartint et que, sur mon ordre, elle s'endormit et se réveillât immédiatement. Puis je lui dis qu'après trois craquements d'ongles de ma part, elle se réveillerait aussitôt. Au troisième craquement, la femme Fay se réveilla en sursaut, la figure empreinte d'un air d'angoisse qui n'était assurément pas simulé. Elle resta pendant quelques minutes dans ce semi-état d'engourdissement et se plaignit de maux de tète. Je lui expliquai alors tout doucement que j'allais l'endormir et que j'allais les lui faire disparaître.

En une minute, elle fut hypnotisée d'après la méthode ordinaire de la suggestion de Nancy, et elle montra, dans le sommeil hypnotique, les mêmes contractions que dans le sommeil somnambulique spontané. Je lui suggérai la disparition de ses maux de tête et, au réveil, ils avaient totalement disparu. De ce qui s'était passé pendant son sommeil, elle n'avait aucun souvenir. Au reste, le réveil s'opéra comme la première

fois qu'il s'était agi de la faire sortir du sommeil somnambulique spontané. Après cela, je m'en allai.

Je revins à 5 heures et trouvai la femme Fay en train de pleurer, parce qu'une autre malade lui avait fait des reproches de son somnambulisme. Je pus tout de même la tranquilliser. Elle me pria, si cela était en mon pouvoir, de la délivrer de ce sommeil et d'avoir pitié d'elle. Qu'elle avait été autrefois condamnée innocemment et qu'actuellement elle était encore injustement accusée, que d'ailleurs ce sommeil était pour elle un tourment; qu'elle devenait suspecte, déconsidérée, qu'en outre, les nerfs la fatiguaient tellement qu'en partie elle était incapable de travailler, de sorte que le gain qu'on lui reproche ne compense pas pour elle le tort que lui fait son état nerveux. Elle se montre inquiète, et l'injuste accusation d'aventurière parait la rendre malade et lui aigrir le caractère. Elle jure devant Dieu qu'elle ne peut pas dormir autrement et qu'après elle ne souvient plus de rien; qu'elle ne connaît que par les racontars qui lui sont faits ce qu'elle a pu dire en dormant. Je la pris avec moi dans diverses divisions, j'hypnotisai plusieurs personnes en sa présence et lui expliquai que je pouvais faire sur elle exactement la même expérience, que son sommeil ou son non-sommeil étaient entièrement dans ma main. Que je pouvais, selon mon désir, prendre le sommeil ou le donner, en même temps faire disparaître la peur et les douleurs et lui reprocurer immédiatement le sommeil nocturne perdu. Tout cela lui ô©7 imposait beaucoup, et surtout la rapidité avec laquelle diverses personnes avaient été hypnotisées.

À la suite de cela, en présence d'un seul témoin, je l'hypnotisai à nouveau. En peu de secondes, elle s'endormit en poussant un soupir, immédiatement (à l'instar de l'auto-suggestion d'autrefois) les contrac-tions en flexions des bras et des mains se reproduisirent.

Cependant, par des suggestions énergiques, je parvins à l'en délivrer en partie et à rapprocher le bras dans sa position préférée, par suite de mouvements automatiques qui, chez elle comme chez les somnambules d'un haut degré, prennent un caractère intensif et impulsif. Je suggérai la tranquillité {du calme), sommeil nocturne, une bonne disposition, etc. Elle se réveille exactement à l'heure qui lui est suggestionnée, toutefois en poussant un cri et avec effroi. Une suggestion post-hypnotique donnée ne réussit que d'une façon très rudi-mentaire (elle verrait la personne présente, vêtue d'une robe bleue). Elle ne vit que pendant un instant après le réveil une auréole dorée autour de la personne présente (précisément cette sensibilité rudimen-tatre a une suggestion post-hypnotique est tellement typique et caractéristique pour les personnes sur lesquelles on l'essaye pour la première

fois que, seules, celles connaissant exactement la méthode de Nancy, peuvent simuler). La femme Fay, qui fut nourrie de superstitions, de spiritisme, est dans tous les cas absolument incapable de saisir de pareilles nuances: simuler le mutisme.

Je m'en allais à la suite de cette expérience. La femme Fay dormit presque toute la nuit. Cependant la surveillante (capable et do confiance., rendit compte qu'elle avait eu le sommeil agité.

Le 17 décembre, à huit heures trois quarts du matin, elle fut conduite dans une chambre et mise sur un canapé. Nous avions alors (les médecins de l'établissement) un certain nombre de malades que nous connaissions exactement, mais que nous voulions qu'elle diagnostiquât après avoir eu bien soin de ne prévenir personne. Un peu avant neuf heures, nous fîmes pénétrer les malades en question dans la chambre à coté.

A neuf heures, après l'avoir un instant fixée, la femme Fay s'endort tout d'un coup; elle s'allonge avec les contractions déjà mentionnées. Le tout rappelait un commencement de crise d'hystérie. Peu après elle se met à parler le même langage dont il a déjà été question, se plaint de mauvaise position et demande un oreiller qu'on lui donne. Je lui déclare que j'ai des malades à lui montrer. Elle demande qu'on la laisse un instant prier, ce qu'elle fait rapidement et à haute voix. Les malades lui furent amenés l'un après l'autre. A la plupart, elle tâtait le dos avec la main gauche, tout à fait à la manière des somnambules, rêvant d'une façon impulsive, incertaine; puis elle émettait son opinion toujours sur le même ton.

1° Une femme mélancolique tuberculeuse des poumons. Explications:

« Je ne lui trouve pas de maladie interne, je la trouve fatiguée physiquement et moralement. »

2« Un fou qui, par suite d'un coup de fusil, était devenu entièrement aveugle (un œil enlevé par le projectile et l'autre fondu).

Explic. : « N'est pas atteint de maladie interne ».

3° Un gardien atteint au plus haut degré d'un emphysème pulmonaire.

Explic. : « Poumon bon, cœur bon, foie bon, quelque pus passe par les reins, il n'y a pas d'infection, la digestion s'opère lentement et iirrégulièrement ».

4» Un alcoolique avec'phlegmon du pied.

Explic. : « Extérieurement je ne trouve rien. Poumons un peu engorgés, poumon gauche fatigué, mais pas précisément malade; foie, rate, reins, bons; en général, lassitude; moral non attaqué ; sang vicié.

bilieux ». Sur le dire que le patient avait un phlegmon au pied, elle dit: « Cela provient du sang vicié ».

5° Le médecin adjoint entre alors dans la chambre en simulant une marche irrégulière (boitant) et s asseyant avec difficulté et lenteur.

Explic. : c Je ne peux rien trouver intérieurement. Extérieurement, membre pas bon, a les nerfs fatigués ».

La femme Fay tutoyé tout le monde en dormant. Elle redevient suggestive en l'éveillant, avec trois légers grincements d'ongles. Elle fait nn effort pour se réveiller, mais elle n'y réussit pas et se rendort. Elle ne se réveille de suite qu'après une suggestion énergique et réitérée, raidit les bras, a l'air anxieux, confus et se plaint; regarde les médecins d'un air effaré et demande ce que l'on a fait avec elle: elle ressent une espèce de lassitude dans les doigts.

Là-dessus on l'hypnotise pour lui enlever par suggestion la fatigue qu'elle ressent dans les doigts et on la réveille après lui avoir suggestionné qu après avoir compté jusqu'à quatre, elle devra se réveiller. Exactement, elle compte jusqu'à quatre sur le môme ton qu'elle prononce les diagnostics.

Plus tard, elle manifeste également au médecin auxiliaire le désir d'être délivrée de son sommeil.

Peu avant trois heures de l'après-midi, nous allons la retrouver dans la salle des concerts, où elle est en train d'aider à garnir l'arbre de Noël. On place un canapé dans la chambre à côté. Elle nous remercie et nous dit qu'elle avait eu peur de tomber, étant donné que personne ne se trouvait là et qu'il n'y avait pas de pendule ; elle s'assied et regarde droit devant elle. Nous causons sans faire attention à elle. A trois heures précises (nous constatons à nos montres; elle-même ne pouvant voir l'heure), elle s'endort de la façon que nous avons déjà indiquée.

Cette fois, je me mets à la suggestionner d'une façon méthodique; premièrement, elle deviendra raide, engourdie; elle montre ici une tendance à vouloir reprendre sa propre volonté. Puis viennent les mouvements automatiques (contorsions des mains) se répétant avec une rapidité vertigineuse. Je lui suggère la sensation d'un fluide magnétique entre mes deux mains, sur lesquelles sa tète est appuyée (elle répond à ma question, si elle les sent? par un signe de tète) et déclare que, de cette façon, je trouble son sommeil. Demain, elle ne sera plus endormie; à la suite de cela, elle dormira la nuit tranquillement, se sentira à son aise, se montrera gaie, et il faut absolument que ses nerfs obéissent, que dorénavant elle ne s'endorme plus qu'avec ma permission.

Là-dessus, elle répond avec vivacité : « Si tu veux prendre le som-

meil à cette femme, elle perdra la raison ». Je lui réponds : « Non, tu te trompes! Cette femme deviendra, au contraire, plus raisonnable, plus lucide d'esprit et tout à lait bien portante; ce sommeil nerveux est un état de maladie et n'a jamais fait qu'être nuisible à son esprit ». Ensnite je lui expliquai, pour mieux la convaincre de mon pouvoir, qu'à son réveil elle se lèverait, prendrait une chaise et irait la poser sur la table. Cette fois, elle se réveilla sans bruit au commandement exécuté par un craquement d'ongles suggestionné et répété. La suggession post-hypnotique ne réussit pas.

Puis on l'hypnotise à nouveau, en renouvelant la suggestion. Alors, en se réveillant, elle a l'air atone, fixe la chaise, pois elle allonge tranquillement le bras du côté de la chaise, sans se lever; et, tout d'un coup, elle se lève, empoigne convulsivement, avec une force peu commune, la chaise et la pose avec énergie sur la table. Ce faisant, elle offre le tableau typique de la veille somnambulique de Beaunis. Immédiatement après, elle devient tranquille et lucide et se montre aussi époavantée que honteuse de sa manière de faire; s'excnse à différentes reprises d'un air inquiet. « N'ai-je pas été inconvenante? Pourquoi ai-je posé cette chaise sur la table? » Elle explique qu'une force irrésistible l'a poussée à cette action ; qu'elle a fait tout son possible pour y résister, mais qu'elle a été tout de même obligée de s'exécuter.

Tout ce qui vient de se passer démontre d'une façon typique et classique, à tous ceux qui ont pu l'observer, qu'il faut rejeter toute espèce de simulation. Elle était ensuite contente, tranquille et devint de plus en plus confiante. Dans la nuit du 17 au 18, la femme Fay dormit tranquillement (confirmation de la garde-malade); mais au réveil, elle avait des vertiges si accentués, qu'ils la poussaient à se jeter par la fenêtre, et elle se plaignait, en outre, de ressentir quelque chose d'anormal dans la main. Puis tout se passait.

A neuf heures, elle se rendormit ; elle passa la journée calme et contente en s'occupant.

A trois heures de l'après-midi elle ne se rendormit pas et n'eut pas les vertiges du matin.

A trois heures un quart je la repris et l'hypnotisai de nouveau.

Je lui suggérai la disparition de la peur et de toutes les sensations maladives, sommeil calme, l'obéissance entière à mon égard; elle se rend compte maintenant que je peux à ma guise lui prendre et lui ôter le sommeil.

Là-dessus la somnambule me dit de sa voix connue :

/-a somnambule. — J'ai une prière à l'adresser, veux-tu m'écouter?

Moi. — Oui.

La somnambule. — Puisque tu m'as pris mon pouroir c'est au sujet de cette femme que s'adresse la prière, justement cette femme n'a plus que quelques années A vivre et je voudrais que tu me permettes encore, pendant ce temps, de l'assister et de la protéger.

a/os. — Qui es-tu qui parles ainsi?

La somnambule. — Je suis un esprit et m'appelle Ernst, et mes os sont enterrés à Bâle et je prie de laisser mes*os en paix.

Moi. — Eh bien ! c'est bon. Je veux te dire quelque chose. Tu te trompes. Cette femme vivra bien plus de deux années tout en restant saine de corps et d'esprit. Je veux bien te permettro de rester auprès d'elle, mais maintenant tu ne peux plus lui faire de mal, mais rien que du bien. Tu ne peux plus lui faire avoir d'attaques de nerfs, tu ne peux plus l'endormir. Moi seul puis les provoquer sur le désir de cette femme et avec cela c'est fini.

A la suite de cela « l'esprit » resta muet. La femme Fay fut réveillée, resta gaie et me remercia avec effusion de ce qu'elle n'avait pas pu dormir aujourd'hui. Le soir elle réitérait la même chose au médecin auxiliaire.

Pendant la nuit du 18 an 19 la femme Fay dormit tranquillement, ne se réveilla qu'une seule fois, échangea quelques mots avec la garde et se rendormit presque immédiatement.

Le 19 au malin elle était calme et contente, n'eut pas peur, ne dormit pas à neuf heures et fut renvoyée à dix.

Elle me fit encore la déclaration suivante : A vingt ans elle s'endormit sous un arbre et eut le rêve suivant : comme si deux esprits s'étaient disputés à cause d'elle.

A une de mes questions elle répond qu'elle ne veut pas entendre parler de spiritisme.

0e semblables faits ne se produisent que lorsqu'elle se trouve dans le second état de lucidité.

Le pasteur von Brum, à Bâle, s'est donné toutes les peines possibles pour la délivrer de ce sommeil, mais n'est parvenu qu'à l'exciter.

Un magnétiseur lui a offert de la magnétiser pour la transporter dans des zones plus élevées, mais elle s'y est refusée.

11 magnétisa devant elle une autre somnambule qui faisait des merveilles.

Étant éveillée elle ne veut pas entendre parler de l'esprit « Ernst ».

Elle a su par d'autres personnes ce qu'elle dit en dormant.

Elle croit fermement que les gens sont guéris par son traitement somuambulique, et qu'en état de sommeil soranambnlique elle voit à travers des corps malades.

C. — CONCLUSION S.

De l'examen attentif de ce cas très intéressant de somnambulisme spontané, il ressort plusieurs constatations importantes.

La femme Fay, d'une nature légèrement hystérique depuis sa jeunesse, a eu des accidents névrosiques qui, à un moment donné, assumèrent le caractère régulier d'un sommeil somnambulique profond, se renouvelant, par auto-suggestion, deux fois par jour à heures fixes.

De cette façon, il se forma en elle une seconde personnalité complète, ou, si on peut l'appeler ainsi, une double conscience, dont les associations de pensées, par suite d'une périodicité prolongée et par suite de l'amnésie totale qui, dans l'état de veille, domine l'état de somnambulisme, se sont condensées en nn moi quasi indépendant et personnel. Le ton, la voix, les manières, l'arrogance consciente de cette seconde personnalité contrastent d'une façon frappante avec la timidité, la modestie et la simplicité de la femme Fay examinée à l'état de veille. Que cette seconde personnalité, désignée comme un esprit, sente et se conduise comme esprit, cela peut provenir d'idées superstitieuses ou spiritistes qui lui auraient été inculquées par quelqu'un pendant les premiers temps de son sommeil somnambulique.

Le sommeil somnambulique de la femme Fay est si typique, si classique; sa façon de s'endormir et son réveil sont si naturels; les contrastes sont si frappants, que toute personne, tant soit peu au courant de ces différents états, peut avec sûreté exclure toute idée de simulation. Ce qui pourrait passer pour de la simulation aux yeux des profanes — et malheureusement aussi aux yeux des savants qui ne veulent ou ne peuvent pas comprendre les phénomènes de l'hypnotisme, — n'est absolument qu'une action suggestive typique. Nous sommes d'accord avec l'École de Nancy (du Dr Bernheim; sur ces points, que les somnambules spontanés ne sont autre chose que des êtres auto-hypno-tisés ; que ni eux ni les personnes hypnotisées par des tiers ne possèdent une seconde vue réelle ; que les faits désignés comme tels reposent sur une suggestion ignorée autant par le médecin que par le croyant. Le somnambule possède un puissant esprit d'observation qui lui permet de deviner bien des choses au moyen de signes perceptibles pour lui seul, et il finit par croire lui-même à son don de divination. Le croyant, surpris par le surnaturel apparent du phénomène, aide, sans le savoir, le somnambule, et il est souvent guéri par l'action suggestive, ou son état en est amélioré subjectivement, si toutefois son mal est accessible à la suggestion. Ceci explique jusqu'à un certain point les résultats thérapeutiques obtenus par les somnambules, et qui peuvent être com-

parés à ceux de l'homéopathie ou à ceux de l'imposition des mains de Maennedorf ; à mon point de vue, ceux-là ne sont donc pas plus punissables que ceux-ci.

Par suite de la simulation du pseudo-médecin Hinken, la femme Fay subit une certaine suggestion et diagnostiqua une paralysie. Si un véritable paralytique l'avait consultée, sans la moindre simulation, le diagnostic eût été à peu près exact. Dans les cas que nous avons examinés, la femme Fay a signalé de faux diagnostics, car nous avons empêché avec soin tout signe et toute manifestation de la part des malades, ce qui naturellement ne se produit pas toujours, car généralement les malades veulent être guéris et non être pris pour des sujets d'expériences. Dans beaucoup de cas, les prescriptions de la femme Fay ont pu guérir des malades, même par suggestion, comme du reste il est arrivé d'en guérir par l'imposition des mains ou par l'homéopathie. Naturellement, il n'est possible pour cette femme que de formuler des diagnostics grossiers et approximatifs. Il est vrai que, pour les somnambules comme pour tous les autres industriels, c'est « la pratique qui fait le maître >, et qu'en exerçant, ils acquièrent une espèce de routine, comme du reste tous les charlatans et les rebouteurs; d'un autre côté, il arrive aussi que beaucoup de médecins, possédant un faux esprit d'appréciation malgré leurs études et leurs connaissances acquises, diagnostisent à faux et emploient une thérapeutie erronée.

Tous ces faits connus suffisent pour nous éclairer sur les résultats médicaux obtenus par la seconde personnalité de la femme Fay, surtout si on réfléchit tant soit peu à la facilité avec laquelle l'humanité se laisse souvent influencer ou suggérer par des choses prétendues surnaturelles.

Un fait qui est encore important à signaler, est la facilité avec laquelle je réussis, avec le consentement de la femme Fay à l'état de veille, à amener sa seconde personnalité sous ma puissance, quoique toutefois celle-ci offrit une certaine résistance. On a vu comment cette soumission a été décrite d'une façon supertioso-spiritiste. Il reste encore à voir si le résultat de cette expérience sera durable. Mais déjà celui-ci est suffisant pour démontrer combien tous les phénomènes de l'hypnose et du somnambulisme spontané reposent sur la suggestion et combien l'Ecole de Nancy est dans le vrai.

Abstraction faite de l'apparence générale des somnambules que le meilleur acteur ne saurait imiter, il y a encore d'autres symptômes, tels que la tranquillité du sommeil nocturne, la physionomie au moment du réveil et les impulsions au moment de l'évacuation des suggestions post-hypnotiques, qui sont absolument inimitables et qui excluent absolument le soupçon de simulation.

Donc, aux questions qui m'ont été posées, je répondrai de la manière suivante :

1° Il est parfaitement exact que la femme Fay est tombée tous les jours, a neuf heures du matin et a trois heures de l'après-midi, dans un sommeil somnambulique, et qu'alors elle a répondu à diverses questions qui lui ont été posées sans pouvoir, à l'état de veille, se rappeler les demandes et les réponses.

2° Il faut admettre que la femme Fay croit de bonne foi à son don de seconde vue, d'autant plus qu'elle n'a pu être que fortifiée dans cette croyance par des malades guéris par suggestion. Ses facultés intellectuelles ne sont nullement troublées à l'état de veille.

3" Par contre, dans l'état de somnambulisme, les facultés intellectuelles de la femme Fay peuvent être considérées comme troublées au même point que celles d'une personne ivre-morte endormie. Donc l'exemption de pénalité, contenue dans le paragraphe 44 du code pénal zurichois, relatif à l'état de sommeil somnambulique, est absolument logique.

En général, selon mon opinion, le véritable état somnambulique n'est pas susceptible d'une responsabilité pénale.

(Traduit de l'allemand par MU. Mat el H. SrBaxBaxG, officier d'Académie)

OBSERVATIONS DE THÉRAPEUTIQUE SUGGESTIVE

Par M. le D* BERNHEIM, profea-enr * I» Faculté de Nancy. sut! Si nx (1)

Dysphagie nerveuse depuis une année; Crises hystériques. Guerîson par suggestion hypnotique en trois séances.

Clarisse L..., âgée de 22 ans, nous est adressée de Nomeny par un confrère, pour une névrose cesopbagienne et stomacale qui l'empêche de s'alimenter. Elle entre au service le i mars 1891. L'affection a commencé il y a un an par des tiraillements douloureux à la région epigastrique avec sensation de faim; de plus, elle ressentait comme un nœud à la partie inférieure du sternum qui empêchait la passage des aliments. Ceux-ci passaient quelquefois ; d'autre fois elle était obligée de faire un mouvement d'épaules, de les hausser à plusieurs reprises pour les faire passer. Depuis six mois ils ne passent plus du tout. Quand elle avait mangé, elle ressentait une sensation de gêne et d'arrêt, vers le milieu du sternum, durant deux ou trois heures, quelquefois moins. Depuis trois mois, la gêne est continue ; la malade prend depuis cette ét>oque, dans les vingt~tjuatre heures, une tasse de bouillon et trois petits verres de Séalaga en tout; le reste, même le lait, ne passe pas; elle n'a d'ailleurs jamais vomi. Mais la sensation de gêne produite est tellement intense et s'accouple d'une anxiété telle qu'elle ne

(1) Voir p. 321.

peut avaler autre elione. Depuis six mois, oUe prend chaque jour un lavement.

Il y a trois mois, elle eut une première crise d'hystérie qui dura une demi-heure ; quinze jours plus tard, survint une seconde. Puis les crises se suecédèreut ton* les quatre jours pendant six semaines. Elle resta quinze jours sans en avoir, puis fut reprise il y a huit jours; la dernière eut lieu il y a cinq jours. Les crises sont déterminées par l'ingestion des aliments liquides qu'elle peut avaler. Elle ressent une gène rétro-sternale avec sensation d'étouffemeni ; cette gêne est suivie bientôt de grandes convulsions pendant laquelle il faut la maintenir; elle perd connaissance. Depuis cinq mois la malade ne dort presque pas du tout la nuit.

Comme antécédents, elle relate qu'il y a sept ans elle a eu, pendant un an, des élouffemonts continus, sur lesquels elle ne peut donner de renseignements précis. — Elle a un père très nerveux, un frère nerveux, une mère très impressionnable. Elle n'a d'ailleurs eu aucune autre maladie antérieure.

Sa constitution est délicate et débilisée ; son tempérament lymphatique ; elle est très amaigrie et ses muqueuses sont décolorée?. Les muscles du cou sont allongés ; les creux sus-claviculaire marqués. Àpyrexie. Pouls régulier, normal. Le* fonctions respiratoire et cardiaque sont normales.

Le ventre est un peu sensible, surtout à droite. L'estomac n'est pas dilaté. La • sensibilité est normale partout. On ne constate pas d'ovarialgie, n> de strangulation. Depuis trois mois, elle n'a plus eu ses règles.

Le 4 mars, j'essaie la suggestion hypnotique; son impressione abilité nerveuse rend la concentration d'esprit assez diffìcile. Cependant, en insistant avec douceur et m'attachant à éloigner toute émotion, j'arrive au sommeil profond (avec amnésie au réveil) ; j'affirme la disparition de la gêne rétro- sternale, la possibilité d'avaler, le sommeil de la nuit, etc.

5 mars. — La malade a pu prendre dans la journée deux tasses de bouillon avec un œuf, et une tasse de café au lait le matin. Elle dit que le lait seul ou le café seul ne passait pas. La gène sternale était beaucoup moindre. Elle a très bien dormi la nuit. Continuation de la suggestion tous les jours.

6 mars. — La malade a pris deux œufs, du bouillon, du café au lait. Elle se sent moins gênée.

7 mars. — A mangé hier de la viande, un œuf, des potages, du lait ; un petit morceau de pain ; n'accuse presque plus de gêne après l'ingestion des aliments.

9 mars. — La malade a mangé un grand morceau de pain, de la viande, du potage, de la confiture et un verre de vin pour son souper; elle n'accuse plu* aucune sensation douloureuse. Depuis cinq mois, la malade ne dormait pas la nuit; actuellement elle dort très bien.

10 mars. — Continue à manger de tout, sauf des légumes. — Suggestion.

11 .mars. — Elle a mangé de tout, de la viande et des légumes.

12 mars. — Elle mange absolument comme les autres malades et n'a plus aucune gêne.

13 mars. — Elle va tout à fait bien et demande sa sortie.

Il s'agit, dans cette observation, d'une sensation hystérique de nœud ou gène rétro-sternale, produite par le passage des aliments, datant de un an. Cette sensation dégénère parfois en étouffements et en crises convulsivo^. Depuis trois mois la malade n'a pris qu'une tasse de bouillon par jour et trois verres de Malaga. Elle ne peut prendre autre chose ; cependant elle ne vomit pas ; mais la sensation de gène est telle qu'elle ne peut rien prendre de plus. — La suggestion hypnotique l'a guérie en trois séances.

Douleur abdominale vive, nerveuse, avec incurvation du tronc en avant, guérie en quelques jours par suggestion hypnolique.

Emilie Ch..., ouvrière en chaussures, âgée de 17 ans, entre à l'hôpital pour la seconde fois le 26 mars 1891, pour des vomissements avec douleur épigaslrique.

Elle y était entrée pour la première fois en janvier 1391, pour des douleurs hypogastrique et sus-inguinale gauche très intenses datant de plusieurs jours.

La pression de l'hypogastre était excessivement douloureuse; même le simple attouchement de cette région faisait jeter dos cris. Elle ne pouvait se tenir debout sans se courber fortement en avant, incapable de se redresser à cause des douleurs. En outre, elle avait des points douloureux à la région précordiale. Les diverses fonctions étaient normales; l'appétit médiocre, la digestion bonne; la miction non douloureuse. Petite de taille et ne paraissant que 15 ans; elle n'était pas réglée. Par le toucher, nous constations qu'il n'y avait pas de rétention menstruelle. Pensant qu'il s'agissait d'une (impie douleur nerveuse, j'essayai la suggestion et j'obtins facilement l'hypnose profonde avec amnérie au réveil. Après suggestion faite en hypnose, l'hypogastre n'était plus douloureux à la pression superficielle; il fallait comprimer assez profondément la région pour la réveiller; la sensibilité à la région précordiale avait disparu définitivement. La douleur hypogasirique reparut dans la soirée, moins intense. La suggestion fut continuée tous les Jours. Après trois ou quatre séances, la douleur avait à peu près disparu au repos, mais elle se réveillait par la marche, et la malade continuait & se tenir inclinée en avant. Je l'hypnotisai alors el la ûs marcher pendant son sommeil, lui suggérant l'absence de douleur pendant la marche et la possibilité de redresser le corps, de s'incliner en arrière. A chaque séance, elle se redressa mieux; et après trois nouvelles séances, elle était tout à lait guérie. Elle resta encore quinze jour» au service et sortit bien portante.

Le lundi 23 mars, après avoir eu des symptômes d'embarras gastrique et pris, sur l'ordonnance d'un médecin, quatre grains d'émétique en quatre jours, les douleurs recommencèrent, mais, cette fois-ci, à la région épigastrique; elle dut garder le lit le 25 et vomit toute la journée jusqu'au jour de son entrée à l'hôpital, le jeudi 26.

Son père est bien portant, sa mère a abandonné le domicile conjugal avec un autre homme; elle a quatre frères et sceurs bien portants; elle est l'aînée et s'occupe de tous le3 soins du ménage; elle va en outre travailler au dehors pour gagner quelque argent. Malgré sa douleur épigastrique, elle lave encore les planchers et lit la lessive jusqu'au mercredi 2i, où elle dut s'aliter. Il y a un an, elle avait fait un séjour à l'hôpital d'un mois pour un mal de ventre ot des points douloureux disséminés ; sortie de l'hôpital, elle dut encore rester trois mois au lit, mais ne peut donner des renseignements précis sur son état d'alors.

État actuel. — Constitution affaiblie. Tempérament nerveux. La malade e>t très impressionnable, vive; assez intelligente, paraissant obéir au premier mouvement. Apyrexie. Pouls régulier, égal. Elle dit avoir beaucoup maigri depuis l'année dernière. Le" fonctions respiratoire et cardiaque sont normales. L'appétit est conservé; la digestion est bonne. Insomnie habituelle. N'a pas eu de selles depuis deux jours; n'y va d'habitude que tous les deux ou trois jours.

La douleur épigastrique est localisée à une zone du diamètre d'une pièce de 10 centimes sur la ligne médiane, à i travers de doigts do l'appendice xiphoïde. Une autre zone douloureuse du diamètre d'une pièce de 5 francs, existe autour de l'ombilic. Les doulours, plus fortes la nuit que le jour, sont continues, gênent la respiration ot s'exagèrent par le simple toucher. La malade marche courbée en deux et ne peut pas se redresser, comme à son dernier séjour. Les autres régions de l'abdomen ne sont pas douloureuses. Il n'y a ni ovarialgie, ni boule, ni strangulation ; la sensibilité cutanée est partout normale. Elle accuse

en outre un peu de céphalalgie gravative fronto-syncipitale. (Lavement purgatif le jour de son entrée; deux selles consécutives.)

Le 28, je commence les suggestions hypnotiques. Au réveil, la douleur a disparu, mais revient dans la soirée. La lourdeur de "tête a disparu définitivement.

Lo 29, seconde séance. La douleur disparaît et ne reparaît pas. La malade a encore vomi hier et avant-hier.

30. — Depuis la suggestion d'hier, elle se trouve bien; a bien dormi la nuit; a pu manger sans vomir. On peut toucher et presser assez profondément la région épigastrique et ombilicale sans déterminer de douleur. Mais la malade marche encore courbée en deux, et si on veut la redresser, la douleur réapparaît. Je fais de nouveau une suggestion et la fais marcher pendant son sommeil provoqué. Mais je ne puis immédiatement déraciner la douleur pendant la marche. Aussitôt qu'elle veut se redresser, soit pendant, soit après l'hypnose, l'impression douloureuse auto-suggestive se manifeste, plus forte que la suggestion. Je la rendors et lui suggère de dormir une demi-heure, affirmant que la douleur disparaîtra spontanément et qu'elle marchera droit.

31 mars. — Dans la journée d'hier la malade a pu se tenir droit et marcher saos aucune douleur. Elle ne vomit plus et se porte très bien.

1« avril. — Continue à aller bien. Elle a encore eu dans la Journée (deux ou trois fois) de petites douleurs passagères. — Suggestion.

2 avril. — N'a plus eu la moindre douleur ; mange et dort bien.

3 avril. — Continue à marcher très bien. Les règles apparaissent pour la première fois, dans la journée, très peu abondantes. Son pèro est venu la voir. L'enfant quitte l'hôpital pour reprendre la direction du ménage.

H s'agit, dans ce cas, de douleurs purement nerveuses ; les douleurs peuvent être liées, soit à un peu d'embarras gastrique, soit à un effort musculaire dù au travail pénible de l'enfant. Elles sont exagérées et retenues par l'impressionnabilité nerveuse excessive. La suggestion hypnotique en triomphe facilement en quelques jours.

Des douleurs de cette nature, persistantes, tenaces, existant souvent sans autre stigmate classique d'hystérie, peuvent en imposer au médecin non familiarisé avec la suggestion et l'auto-suggestion. On les traite comme rhumatismales, comme névralgiques ; on soupçonne une lésion latente ; on dirige contre elles un traitement vigoureux qui va quelquefois à rencontre du but, en incarnant dans l'imagination du sujet l'idée qu'il s'agit d'une lésion organique difficile à déraciner. La douleur peut devenir chronique et réagir sur les fonctions gastro-intestinales sous-jacentes. Nous avons vu des dilatations de l'estomac avec dyspepsie succéder, incontestablement, à des douleurs simplement nerveuses, qui eussent pu être réprimées d'emblée par la simple suggestion.

Une autre réflexion s'est présentée à mon esprit, et je l'ai développée devant les élèves en présence de cette enfant, si impressionnable, si docile au premier mouvement. La pauvre enfant travaille comme une adulte ; elle dirige tout le ménage, elle va laver les planchers en ville, pour rapporter à la maison quelque argent. Franche, honnête, mais brusque

dans ses allures, abrupte, impulsive, toute d'une pièce, elle obéit sans se douter qu'elle fait acte d'héroïsme, à la dure nécessite qui la suggestionne ; elle est actuellement héroïne inconsciente du devoir. Si on l'étudié, on constate bien qu'elle agit d'instinct, plutôt que de cœur, sans calcul, mais sans sensibilité. Elle ne comprend pas qu'elle puisse agir autrement; les circonstances la poussent.

Que sera-t-elle dans quelques années ? Ce que les nouvelles circonstances de la vie la feront. Aura-t-elle assez de force d'âme pour lutter contre les suggestions mauvaises qui pourront l'atteindre ? Sera-t-elle responsable, si sa suggestibilité excessive, et sa nature impulsive et primesautière l'entraînent, inconsciemment vers le vice, comme elle l'entraîne actuellement à la vertu. Une éducation morale ou religieuse, agissant par une suggestion persévérante et coutume, arriverait peut-être à la prémunir contre les éventualités dangereuses dont elle sera, je le crains, la victime inconsciente. L'hypnotisme, sagement employé, pourrait venir en aide, en la renforçant, à cette suggestion pédagogique prophylactique, sur laquelle le Dr Bérillon a le premier appelé l'attention.

Douleurs lancinantes, avec impossibilité de marcher, dans la cuiste gauclte, datant de douze jours. Guertson en deux jours par suggestion hypnotique.

B..., âgé de 60 ans, serrurier, entre à l'hôpital le 15 mars 1891. pour un emphysème pulmonaire arec sciatique ou pseudo-sciatique droite.

Il tousse et crache depuis une dizaine d'année*; l'expectoration est abondante et purulente; depuis la même époque, accès d'asthme, avec orthopnée. durant de trois à quatre heures, survenant à des époques irrégulièreî, toutes les trois semaines environ.

Depuis une douzaine de jours, sans cause coanue, il a aussi des douleurs à la partie supérieure, postérieure et externe de la cuisse droite; ces douleur; lancinantes n'exiftent pas au repos, mais sont réveillées très vives par les mouvements et la toux. Depuis huit jours, il ne peut marcher sans bâton. Il y a six ans, il aurait déjà accusé des douleuri semblables dans la même cuisse pendant une quinzaine de jours. La digestion est normale. Le sommeil est bon.

État actuel : 16 mars. — Constitution prim choc bonne; tempérament mixte. Apyrexie. Pouls 84, régulier, exact, dépressible. On constate des signes de bronchite atoe emphysème; le thorax assez bien conformé, une légère voussure sous-claviculaire gauche, la respiration costo-abdominalc en plastron; le son peu ample en avant des deux côtés, le bruit vésiculaire affaibli en avant à gauche; l'inspiration un peu rude et sèche avec sibilantes expiratoires prolongées à droite; en arrière le son faible dans les fosses sus et soûVépineuses; la respiration faible partout avec sibilances lointaines; le choc du cœur peu perceptible; les bruits du cœur sourds et éloignés; pas de signes de dilatation notable du cœur droit.

A la partie aotéro-supérieure de la cuisse droite cl à la face postérieure et externe, sensibilité vive à la pression; groupe de vésicules d'herpès desséchés à la fesse droite, au niveau de l'échancrure sciatique. La douleur n'est pas localisée sur le trajet du sciatique; pas de fourmillements ni d'engourdissements. Le malade peut soutenir la cuisse en l'air; la flexion de la cuisse et de la jambe sont possibles, mais les mouvements sont douloureux. Le malade marche très

péniblement, le eorpt fortement incliné à gauche et en avant, les deux mains appuyées sur un bâton ; pendant la marche, le membre reste dans l'extension, en abduction, et la jambe ne peut s'appuyer que sur ta pointe du pied. Cette altitude particulière qu'il ne peut raodilier eu déterminée par la douleur.

Le malade a. en outre, une hernie inguinale gauche et un hydroeèle peu considérable à droite. Le 16 mars, au soir, la température est de 37,8; le 17, au matin, 37,3.

Le 17, au matin : suggestion. Sommeil profond avec amnésie au réTcll. Je surgère la disparition des douleurs et la possibilité de marcher normalement.

Au réveiL il marche sans bâton, à peu prés droit, penchant beaucoup moins le corps en avant et à gaucho II n'accuse presquo plus de douleurs et appuie les trois quarts de la plante du pied sur le sol.

18 mars. — Il marche aujourd'hui sans canne et appuie toute la plante du pied sur le sol. Le corps est encore un peu incliné du cftté gauche. Il fléchit mieux la jambe el la cuisse en marchant. La pression de la cuisse ne détermine plus de doulour.

2* suggestion. — Au réveil, il marche tout à faii bien.

19 mars. — Idem. N'accuse plus qu'une légère sensibilité au sacrum. Troisième suggestion.

20 mars. — Va tout à fait bien, sans aucune douleur, sans canne, sans incliner le corps en avant et à gauche. Quitte l'hôpital, guéri.

En résumé, des douleurs diffuses dans la caisse rendant la marche presque impossible, datant de douze jours, ont été radicalement enlevées en deux jours par suggestion hypnotique.

S'agit-il d'un rhumatisme musculaire, ou d'une névralgie dans un rameau du sciatique. sur laquelle se seraient greffées, en raison de l'expression abstraite nerveuse, des douleurs diffuses, en dehors du domaine da nerf malade?

J'ai appelé l'attention sur la facilité avec laquelle, chez les impressionnables, on crée inconsciemment, lorsqu'on n'est pas prévenu, les points douloureux dits classiques de la sciatiqne.

En ayant soin d'examiner le malade sans idée préconçue et sans porter son attention sur les points douloureux de la sciatique, nous avons pu éliminer l'idée de névralgie dans le tronc du nerf. Nous pensons qu'il s'agissait d'un rhumatisme diffus occupant les muscles, les tissus fibreux et peut-être quelque filet nerveux. La rapidité de la guérison complète vient en aide au diagnostic et montre qu'il n'y avait pas de névrite ni d'altération organique persistante. La douleur d'une vraie sciatique avec névrite peut disparaître ou s'atténuer momentanément par suggestion; mais elle récidive souvent, bien que, atténuée, il reste quelque chose, et co n'est qu'après plusieurs jours ou semaines de traitement, lorsque la lésion organique a eu le temps de se résoudre, que la douleur a définitivement et radicalement disparu.

C'est ce que démontrent les nombreuses observations de ce genre, que j'ai relatées dans mes livres.

NOTE SUR UN CAS D'AUTOMATISME DES CENTRES GÉNITO-SPINAUX

Par M. h D* i'ivi SÉRIEUX, mMeon dea AíüW d«"u Selnt. Suífí tl fin (1)

Le retour quotidien de pareils accès la plonge dans le désespoir et amène un état neurasthénique : elle mange à peine, elle est incapable d'aucun travail, des idées sombres la tourmentent, ses jambes sont engourdies, fléchissent sous elle; elle n'a plus la force de tenir une aiguille; elle a les idées abasourdies, ne cause plus: t Je n'ai plus de goûta ríen, dit-elle, je n'ai plus de sentiments, toutes mes émotions au lieu d'influencer mon cœur, retentissent sur le creux de l'estomac et les organes génitaux.» Elle éprouve des douleurs au niveau du sacrum et de l'abdomen. Il lui semble que son côté gauche est paralysé; quand elle fronce le front, tout son être est électrisé. Les bruits, et particulièrement les cris d'enfant, lui sont pénibles. Elle rêve parfois, croit tomber dans des précipices. Elle est d'une irritabilité excessive, parfois même d'une violence qui contraste avec les sentiments affectueux qu'elle a pour les siens : un jour, elle prend sa mère à la gorge. Elle n'a plus aucune énergie volontaire: auparavant méticuleuse, elle laisse depuis un an son appartement en désordre; elle se dit bien: « Il faudrait ranger tout cela », mais elle n'en reste pas moins inerte. Sa fille habite près de chez elle, et cependant elle ne va la voir que tous les deux mois ; seule, lui reste quelque confiance dans la Providence et dans sainte Geneviève. Parfois, elle ne peut s'empêcher de compter et de recompter les carreaux des fenêtres, les fleurs du papier des murs; elle les compte dans tous les sens, en long, en diagonale, etc.; à l'asile, son premier acte est de compter les carreaux. Souvent, après avoir soigneusement fermé sa porte, elle se couche, puis l'idée lui vient de vérifier si celle-ci est bien fermée: elle est tourmentée et ne peut s'endormir avant d'avoir été le constater de nouveau. N'est-il pas permis de voir dans ces obsessions comme une indication de ces syndromes qui revêtent dans d'autres cas une intensité si grande: 1 arithmomanie et la folie du doute; de même, l'incapacité d'agir, signalée plus haut, semble être une forme fruste et seulement ébauchée d'aboulie. Mae G... appréhende enfin des malheurs imaginaires; elle n'oserait pas faire une course un peu éloignée, elle craindrait de se trouver seule, de ne pas revenir. Pas d'agoraphobie.

Auparavant, elle s'occupait de son ménage sans se soucier outre

(1) Voir p. 331.

mesure du contact des choses sales, mais, depuis quelque temps, elle ne peut toucher un torchon malpropre sans ressentir une impression désagréable : elle a mal au bout des doigts et ne peut s'en servir.

Enfin, des idées de suicide apparaissent; elle préfère la mort à une existence pareille, mais le courage lui manque pour se tuer. Les crises devenant de plus en plus violentes, dans un accès de désespoir, elle veut se jeter par la fenêtre, puis finit par se décider à entrer à Sainte-Anne.

L'examen des organes génitaux ne nous a rien fait constater qui put servir de prétexte à ces crises, sinon un col de l'utérus effacé, sillonné de brides, recouvert de mucus. Pas de rougeur de la vulve, sinon au méat; pas de développement exagéré des petites lèvres; pas de sensibilité anormale. C'est au niveau de la fourchette et du vagin que se localisent les sensations génitales les plus intenses. Notons la présence d'hémor-rhoïdes peu développées. Pas de pertes blanches ni de métrorrhagies.

Nous avons en vain recherché les stigmates de l'hystérie : jamais d'accidents conv'ulsifs, de sensation de boule. Pas de douleur à la pression de l'ovaire, pas de zones hystérogènes, pas d'anesthésie. De même, il n'existe pas de symptômes que l'on puisse rattacher au tabès, point de douleurs fulgurantes, point de troubles de la sensibilité, point d'incoordination des mouvements, pas de troubles vésicaux, etc., etc. L'examen de la vision, pratiqué par le Dr Kalt, chef de clinique de la Faculté, fait constater une amblyopie due à nne hypermétropie totale, égale à quatre dioptries. L'acuité visuelle est de un quart sans correction. Le champ visuel est normal pour le blanc et le vert; les couleurs sont bien reconnues. La pupille gauche est plus dilatée qae la droite.

Il n'y a pas lieu, croyons-nous, d'accorder une importance exagérée au rôle des lésions signalées plus haut: métrite, hémorrhoïdes, dans la pathogénie de ces phénomènes ; l'insuccès du traitement local, l'absence d'amélioration même passagère par les suppositoires à l'opium et à la belladone, enfin l'existence de crises analogues, en l'absence de toute lésion, tout porte à croire que ces troubles ne sont pas d'origine sympathique et que si les centres cérébraux n'y sont pour rien, les altérations périphériques y sont pour peu de chose.

Examinons rapidement les troubles génitaux qui présentent quelques points de communs avec ceux que nous venons d'exposer. Notre observation offre de très grandes analogies avec des faits forts intéressants, étudiés pour la première fois par MM. Charcot et Bouchard, en 1866, (1J et sur lesquels M. le professeur Pitres a de nouveau attiré l'attention

(1) Charcot et Bouchard. Douleurs fulgurantes de rataxie tans incoordination des mouvements. Comptes rendus de la Société de Biologie, 1666.

dans ces dernières années (1). Nous roulons parler des crises clilori-dietmes du tabès. Dans l'observation de MM. Charcot et Bouchard, il survenait spontanément chez la malade des sensations voluptueuses qu'elle comparait à celtes du coll. M. Pitres rapporte trois observations très instructives; la description qu'il donne des crises clitori-diennes est presque identique au tableau que nous avons essajéde tracer plus haut. L'une de ses ataxiques est une femme de quarante-huit ans, qui, il y a une quinzaine d'années, a travaillé dans un atelier de confection où elle cousait à la machine. Le mouvement des cuisses nécessaire dans ce genre de travail provoquait souvent chez elle des sensations voluptueuses avec spasme erotique et éjaculation. Après avoir renoncé à sa profession, elle n'en continua pas moins à éprouver tous les huit ou quinze jours des a sensations voluptueuses violentes, qui la surprenaient à l'improviste sans cause connue, sans aucune provocation artificielle, ni aucune pensée lubrique. Cela débutait par une sorte de chatouillement, de vibration dans l'intérieur du vagin. La sensation gagnait le clitoris qui entrait bientôt en érection, puis survenait un véritable spasme erotique avec éjaculation absolument comme dans le coït régulier. Ces crises voluptueuses, spontanées, se répétaient presque toujours trois ou quatre fois dans une même journée, puis restaient une ou deux semaines sans revenir >. Ajoutons qu'à cette époque la malade avait régulièrement des relations sexuelles avec son mari. Trois années après le début de ces troubles génitaux apparurent les douleurs fulgurantes, et, en 1884, les crises clitoridiennes survenaient tous les deux ou trois mois, annon-. çant presque toujours l'explosion prochaine de douleurs fulgurantes ou de crises gastriques.

M. Pitres insiste sur ce fait que les crises clitoridiennes peuvent survenir tout à fait au début du tabès et en constituer pendant longtemps (dix années dans un cas) le seul symptôme subjectif.

Des cas analogues ont été observés chez l'homme dans le tabès et dans la paralysie générale. Trousseau, le professeur Charcot ont signalé parmi les troubles gënito-urinaires des ataxiques, le satyriasis, caractérisé par des érections fréquentes et incomplètes, avec éjaculation prématurée (2).

Dans notre observation s'agit-il du tabès ? Rien ne peut nous le faire soupçonner : il n'existe chez notre malade, qui souffre de ses crises génitales depuis sept années, ni trouble oculaire, ni douleurs fulgurantes, ni anesthésie; et nous estimons jusqu'à preuve du contraire que nous

(1) Pmu», Des Crise» itoridiennes au début ou dam le tourt de Cataxie locomotrice progretsive. Progrès Médical, 13 sept- 1884. (!) Ch «cor. Œuvres complètes, U a, p. 60.

avons affaire chez elle, comme chez les malades de Guéneau de Mussy et de M. Magnan, à des troubles fonctionnels des centres génito-spinaux simulant les crises clitoridiennes de la sclérose des cordons postérieurs. Chez l'homme, d'ailleurs, le satyriasis ou mieux le priapisme s'observe très communément en dehors du tabès ou d'une lésion médullaire quelconque, et cela surtout chez des névropathes.

Nous ne citerons ici que pour mémoire les troubles de la sensibilité génitale qui jouent un rôle si important chez les délirants chroniques et les dégénérés persécutés, surtout dans le sexe féminin (succubes et incubes du moyen 8ge). Ces malades se plaignent (1) des outrages dont elles sont l'objet la nuit, même dans leur lit, à côté de leur mari. Elles prennent toutes sortes de précautions : l'une s'emmaillotte tous les soirs pour échapper aux attouchements, l'autre se couche sur le côté, plaçant tout le bassin dans une marmite pour se protéger contre ses exécrables tourmenteurs qui. toutes les nuits, dit-elle, lui introduisent des corps étrangers dans les parties sexuelles et le rectum. Schûle insiste, dans sa Description de la forme cérébro-spinale du délire des persécutions, sur les troubles génitaux de ces malades. On observe d'après lui des pollutions répétées, se produisant parfois dans la journée, même en l'absence de tout désir vénérien. « Les femmes sentent qu'un liquide s'écoule spontanément de leurs parties génitales, en même temps que se produit un sentiment de jouissance; auparavant, elles ont éprouvé une hallucination qui leur a fait croire à un coït ou à un contact imaginaire ». Mais, dans tous ces cas, la question est assez complexe et il est difficile de faire la part de ce qui revient au cerveau et à la moelle dans l'ensemble symptomatique. L'éréthisme, qui s'est généralisée tous les territoires sensoriels et sensitifs (centres de la vision, de l'audition, du goût, de l'odorat, du tact, de la sensibilité viscérale), donne à penser que la couche corticale du cerveau ne reste pas étrangère à la genèse des troubles génitaux. On comprend aisément, d'autre part, que des crises génitales de la nature de celles que nous avons étudiées peuvent, lorsqu'elles surviennent chez des aliénées hallucinées, fournir un nouvel aliment à leur délire et donner lieu anx interprétations les plus fausses.

Si nous nous reportons aux travaux d'Esquirol, de Marc, de Foville, nous restons embarrassés pour mettre une étiquette sur ces crises génitales d'un caractère si.particulier. Pour ces auteurs, il y a chez la femme deux formes bien tranchées de délire erotique : d'une part, l'érotomanie, amour excessif purement intellectuel, culte idéal, exagéré, où n'entre

(1) Maosax. Leçon* clinique* sur le délire chronique à étolulion systématique, publiées par Journiac et Sérieux. Progrès médical, 15 février 1890.

pas une pensée charnelle; d'autre part, la nymphomanie, exaltation morbide du sens génital ; les gestes provoquants, les propos obscènes, les regards hardis de ces dernières malades révèlent la violence de désirs que rien ne peut satisfaire. * Dans l'érotomanie, dit Esquirol, l'amour est dans la tète ; la nymphomane est victime d'un désordre physique ».

Notre malade est-elle une érotomane? certes non; chez elle rien de psychiqne, rien même de cérébral, tout se passe dans la moelle. Est-ce une nymphomane? pas davantage. L'appétit sexuel n'existe plus. Ces sensations génitales, loin de les rechercher, elle les subit, elle demande qu'on l'en débarrasse, elle en souffre au point de vouloir mourir. Les troubles génésiques de notre malade se produisent « spontanément sans manœuvres extérieures, sans influences morales d'aucune sorte », se montrant ainsi sous l'étroite dépendance de l'irritation des centres gônito-spinaux, en dehors de toute influence cérébrale. M"* G... rentre donc, avec les malades de Guéneau de Mussy et celles de M. Magnan, dans le groupe des spinaux, groupe naturel, légitime, qui permet d'interpréter la physiologie pathologique de ces troubles, et de ne pas confondre sous un même nom des malades que la Clinique nous montre foncièrement dissemblables.

De cette observation nous pouvons tirer cette autre conclusion : à savoir que ces anomalies fonctionnelles, tout comme les aberrations et les perversions sexuelles, ne constituent pas des formes particulières de maladies mentales. Loin de voir en elles des entités morbides, des monomanies instinctives, loin d'admettre une folie erotique, nous sommes le plus souvent amenés à ne les considérer que comme des épisodes dans l'existence des dégénérés, comme des syndromes analogues aux obsessions et aux impulsions, et ne pouvant comme elles se développer que sur un terrain prédisposé. C'est ainsi que l'anomal, au point de vue sexuel, ne sera plus qu'une des multiples manières d'être du dégénéré, et que derrière le symptôme on trouvera la maladie.

Remarquons, en terminant, l'intérêt que présentent de pareils sujets au point de vue physiologique. « lis réalisent, comme l'a dit M. Gley, de véritables expériences », et. pour ne parler que de l'instinct de la génération, ils montrent qae ce dernier n'est pas une entité, mais bien le résultat d'un consensus, comme tant d'autres phénomènes psycho-physiologiques.

COURS ET CONFÉRENCES

Les Suggestions criminelles post-hypnotiques

par M. le D' Auguste Voisin, médecin de la Salpélrière j1 '.

M. Auguste Voisin a consacre La seconde partie de sa première leçon clinique à l'étudo expérimentale des suggestions criminelles. La question de savoir si un sujet peut commettre un crime ou un délit sous l'influence d'uno suggestion est encore à l'étude. Tandis que beaucoup d'observateurs, en particulier les représentants de l'Ecole de Nancy, prétendent que des suggestions criminelles peuvent être réalisées par certains sujets, d'autres, au contraire, affirment que le sujet tombera toujours dans une attaque de nerfs ou de catalepsie lorsqu'on voudra lui faire exécuter un acte désagréable ou dangereux. M. Voisin, après ses expériences personnelles, s'est rallié à l'École de Nancy. Il a seulement observé que les sujets pouvaient, dans certains cas, avoir la conscience do l'acte accompli, tandis que dans d'autres ils semblaient ne pas l'avoir. Une de ses premières expériences faites devant trois magistrats, d'un ordre élevé de La Cour de Paris, consistait à ordonner à un sujet d'aller, après son réveil, frapper d'un coup de couteau une malade dormant dans son lit. Les magistrats, cachés derrière un rideau, virent, avec élonnemenl le sujet, qui ne soupçonnait pas leur présence, venir donner un grand coup de couteau sur le but indiqué. Heureusement, la victime désignée était simplement un mannequin donnant l'illusion d'une malade couchée. Le sujet avait reçu La suggestion de ne pas se souvenir de l'ordre reçu, et malgré leur insistance, les magistrats ne purent obtenir de lui l'aveu de l'acte ni le nom du complice qui l'avait suggéré. Cependant, trois jours après, le sujet revenait à la Salpélrière. Sa physionomie portait les traces d'une souffrance morale et de l'insomnie qu'il se plaignait d'éprouver depuis ce temps. II so plaignait de voir La nuit l'apparition d'une femme qui lui reprochait de l'avoir frappée d'un coup de couteau. Quelques suggestions le débarrassèrent facilement de celle hallucination.

Depuis, M. Voisin a fait exécuter, au même sujet, une suggestion criminelle d'un autre ordre. Il lui a ordonné d'aller à Passy, dans un hôtel particulier, à une distance très éloignée de sa propre demeure, et à un jour fixé, mettre le feu a un las de copeaux placés contre la maison d'habitation.

Les habitants de La maison, prévenus par une lettre de M. Voisin, assistèrent à la réalisation de cet acte criminel. Ils s'empressèrent de lui répondre que l'expérience leur semblait concluante et qu'ils ne tenaient pas à la voir recommencer. Cette fois le sujet n'éprouva aucun remords de l'acte qu'il avait commis et ne semblait pas- en avoir eu conscience.

Pour montrer a ses élèves une expérience du même ordre, M. Voisin avait ordonné à ce même sujel, dans le courant du mois de février, de revenir à la

(1) Leçon faite à la Salpélrière, le 31 mai 1891.

Salpêtrière le 31 mai, à dix heures, jour de l'ouverture du cours. Le sujet, qui habite Belleville, était arrivé a l'heure fixée, s'élant levé à cinq heures et déclarant qu'il arrivait parce que l'idée lui en était subitement venue le matin. Endormi devant les assistants, il reçut l'ordre d'aller mettre le feu à l'une des petites cabanes qui avaient été construites, a celte intention, dans le jardin maraîcher de la Salpêtrière. La suggestion se réalisa comme elle avait été indiquée. Le sujet, immédiatement après sou réveil, se leva comme mu par ressort, se rendit dans le jardin et, frottant une allumette, mil le feu à des copeaux qui remplissaient l'intérieur de ta petite cabane. Revenu dans la salle et interrogé par un des assistants, il déclara qu'il n'avait pas mis le feu et qu'il n'en avait reçu l'ordre de personne. Mais, interrogé par M. Voisin lui-même, il répondît, se conformant en cela à la suggestion qui lui en avait été faite précédemment, qu'il avait reçu cet ordre de M. Voisin.

De cette expérience et de celles qu'il avait instituées auparavant, M. Voisin se croit autorisé a conclure qu'il n'est pas exact que les sujets aient toujours une crise de nerfs au moment d'accomplir une suggestion délictueuse ou criminelle. Il en conclut aussi que ces faits méritent, a beaucoup d'égards, d'appeler l'attention des crimioologisies et des médecins légistes.

Récemment commis, par le Parquet, à l'examen d'une femme accusée de vols nombreux dans les grands magasins, il acquérait la certitude que cette femme u avait accompli ces vols que sous l'influence de suggestions qui lui étaient faîtes quotidiennement par trois malfaiteurs. Devenue leur complice inconscient, elle accomplissait, avec l'automatisme le plus complet, les actes qui lui étaient suggérés et dans les conditions dans lesquelles il lui était enjoint de le faire. Lorsque les magistrats, chargés de l'enquête, voulurent faire enlever du lieu de recel les objets de toutes sortes volés par cette femme, ils constatèrent qu'il y en avait de quoi remplir une grande voilure de déménagement. M. Voisin a pu, par son examen, arriver a démontrer la complète irresponsabilité de cette femme, qui a bénéficié d'une ordonnance de non-lieu, tandis que les trois véritables auteurs des délits tombaient sous la juste application de la loi. U est donc à craindre, eu présence de faits semblables, que la possibilité des suggestions criminelles ne soit plus disculée par personne, pas même par les esprits les plus prévenus, et que la démonstration en soit bientôt faite dans l'ordre judiciaire, après avoir été indiquée au point de vue expérimental.

chronique et correspondance

Société d'Hypnologie.

La Société d'HvpnoIogie se réunira le lundi 20 juillet, à Paris, sons la présidence de M. le docteur DumontpaLUer.

Conformément aux résolutions volées au Congres international de l'Hypnotisme, les adhérents au Congres, qui en feront la demande, seront, de droit, membres fondateurs de la Société. Us recevront une convocation indiquant le

lieu de !a réunion de la Société et l'ordre du Jour détaillé des travaux, qui rempliront plusieurs séances. Parmi les principales questions mises à l'ordre du jour, se trouvent les suivantes :

1* Election du bureau. — Présentation de nouveaux membres;

2° Organisation du deuxième Congrès international de l'Hypnotisme en 1892;

3° Questions mises à l'étude :

?. « Des rapports de l'hystérie avec l'hypnotisme. »

?. « Les suggestions criminelles et la responsabilité pénale. » c. « De la réalité des influences maternelles sur le fœtus. »

4° Communications diverses.

Adresser les titres des communications à M. le docteur Bérillon, 40 Où, rue de Rivoli, Paris.

Enseignement de l'Hypnotisme.

Hospice db la Salpetribbb. — Cours : M. le Dr Auguste Voisin a commencé le dimanche 31 mai, à neuf heures et demie, une série de leçons cliniques sur les Maladies mentales. — Il continuera son cours les dimanches suivants, à la même heure.

M. Voisin fera, pendant le cours, un certain nombre de démonstrations pratiques de l'application de l'hypnotisme au traitement des maladies mentales.

Clinique db psycho-thbbapectiqub suggestive db Bruxelles. — La clinique dirigée par M. le Dr Peelers est destinée aux applications cliniques de la suggestion hypnotique.

Clinique db psycho-thbrapbutiqub suggestive d'Amsterdam. — La clinique d'Amsterdam, dirigée par Mil. les Drt Van Renterghem et Van Eeden, est libéralement ouverte aux médecins qui désirent s'instruire sur la pratique de la suggestion hypnotique.

Institut pstcho-physiologique db Pabis (49, rue Sain t-André-des-Arts). — L'Institut psycho-physiologique de Paris est consacré aux recherches expérimentales sur l'hypnotisme et à l'étude des applications cliniques de cette science. — Des consultations gratuites ont lieu à l'Institut, les mardis, jeudis et samedis, de dix heures à midi. Les médecins et les élèves régulièrement inscrits à la clinique y sont exercés à la pratique de l'hypnotisme et de la psychothérapie.

Une série de conférences pratiques commenceront le mercredi 10 juin, à quatre heures et demie.

Société allemande d'Études psychologiques.

La i Société Psychologique >, de Munich, et la « Société de Psychologie expérimentale de Berlin » te sont fusionnées, en novembre 1890, pour former une « Société allemande d'Etudes psychologiques *. Cette fusion a été faite pour concentrer, dans la mesure du possible, les forces des deux Sociétés anciennes, et aussi celles d'autres Sociétés qui pourraient s'adjoindre à elles.

La nouvelle Société publiera des Bulletins Schriften), qui seront communs à tous ces centres d'élu ies. Ces bulletins d'études psychologiques {Schriften der Gesellschaft für psychologische Forschung) peuvent donc être considérés comme la continuation des cahiers publiés jusqu'à ce jour par la Section de Berlin et paraîtront k la librairie Ambr Abel, à Leipzig.

L'Administrateur-Gérant : Emile BOURIOT.

Paris. — Imprimerie brevetée MiCHtLS *t Fils, passage du Caire. 8 et 10.

TABLE ANALYTIQUE DES MATIERES

Accouchement dans l'hypnotisme, par

Fraipont et Delbœuf, 289. Accouchement pendant le sommeil

hypnotique, par Kingsbury. 298. Accouchement sans douleurs (huit ob-

servations d'), par Marie Dobrovolsky,

274. 309

Accouchement sans douleurs sous l'influence de l'hypnotisation, par Fan-ton. 150.

Affaire Borras, (victimed'une erreur judiciaire), 8

Affaire Gonffé (l'), 224.

Affections chroniques, traitées par l'hypnotisme, par Lloyd-Tuckey, 231.

Affections organiques du système nerveux, traitées par suggestion, 107.

Aliénés (révision de la législation), 316.

Aliénés (sommeil simulé chez les), 170.

Aliénés et le asiles d'aliénés (les), 254.

Amnésie rétrograde, 347.

Animaux (l'hypnotisme étudié chez les), 155.

Anthropologie et de psychologie criminelle (élude d'), par E. Laurent, 21.

Aphasie et localisation du langage articulé, par Bateman, 182.

Aphonie hystérique, traitée par suggestion. 106.

Asile national pour les aliénés criminels (création d'un), 126.

Asphyxie locale, traitée par suggestion, 106.

Association médicale mutuelle, 316. Assurances (compagnies d'), 347. Astasie-abasie, 86.

Automatisme des centres génito-spi-naux (un cas d'), par P. Sérieux, 331, 337.

Auto-suggestion cause d'hystérie (de 1'), 90.

Blépharospasme hystérique, traité par suggestion, 101.

Caractère des hystériques (le), 26. Castration comme pénalité (la). 26. Chloroforme et la production du sommeil hypnotique (le). 126. Chorée, traitée par suggestion, 103. Choréoptisme (le), loi. Congrès de Berlin (à propos du), 187. Congrès international de 1890 (le), 33.

Cour d'assises (l'hypnotisme à la). 193-Criminalité comparée (la), par G. Tarde,

277.

Crises d'hystérie (les), 26.

Délire chronique à évolution systématique (du), 86.

Délire du loucher (le), par Ladame, 130.

Démences précoces, 90.

Déontologie médicale, par Eug. Hubert. 54.

Développement de la puberté, par

Axel Key, 69. Dipsomanie, traitée par la suggestion.

par E. Bérillon, 47. 73. Dysménorrhée, traitée par suggestion,

par Journée, 18.

Enfants (maladies nerveuses des), 109. Enseignement de l'hypnotisme, 284,

316, 347, 384. Enseignement médical réforme de 1') 222.

Épilepsie, traitée par suggestion, 105.

Epilepsies et les épileptiques (les), par Ch. Féré, 75.

Eut social naissant, 6.

Etude médico-légale sur un cas de somnambulisme naturel, avec pre-

diction et lucidité, par A. Forel, 359.

Études cliniques sur les maladies mentales et nerveuses, 254.

Excitabilité de- nerfs et des muscles dans l'état hypnotique, par Stembo, 67.

Femmes diplômées en France, 186.

Fibrômes utérins (métrorrhagies consécutives à des), traitées par l'hypnotisme, par Bugney, 180.

Folie à Paris : étude statistique, clinique et médico-légale, par Paul Garnie r, 52.

Folie dans les prisons (sur la), 126.

Folie du doute el le délire du toucher (la), par Ladame. 129.

Polies intermittentes (les), 86.

Folie puerpérale, idées délirantes communiquées, 90.

Fonctions intellectuelles, morales et génitales chez les morphinomanes, par Ball, 146.

Fous régicides (les), 44.

Golden Bullets. 254.

Gouffé (affaire),réponsede M. Bernheim à M. Brouardel; opinion de M. Delbœuf, 215.

Grossesse (hypnose pendant la), 18.

Grossesse nerveuse (un cas de), 156.

Guérisseurs de Braine-le-Château (les), 250, 284, 316.

Habitués des prisons de Paris (les), par

E. Laurent. 21. Hommage au Dr Liébeault, 129, 185,

316, 347, 334. Hôpitaux de Paris, 250. Hypéresthésie prœordiale circonscrite,

traitée par suggestion, 10. Hypnotiseurs font-ils des miracles (les) ?

347.

Hypnotisme à la Faculté de Médecine (l'). 60.

Hypnotisme à Gênes (leçons sur), 158. Hypnotisme à la Cour d'assises (l'), par

E. Bérillon, 65. Hypnotisme dans le roman (l'), par

L. Achille, 25. Hypnotisme et le Congrès (l'), par

E. Bérillon, 65.

Hypnotisme et l'église (l'), 122. Hypnotisme en thérapeutique, 83. Hypnotisme (publications récentes sur

l'), 118.

Hypnotisme roi du monde (1'), 94. Hypnotisme étudié chez les animaux (l'), 155.

Hypnotisme à la conférence des avocats (1'), 316.

Hypnotisme, suggestion, psychothérapie, par Bernheim, 161,218.

Hypnotisme et suggestion, par Déjé-rine, 225.

Hystérie provoquée par une maladie aiguë [leçons sur deux cas d'), par J. Grasset, 82.

Hystérie, traitée par suggestion, 103.

Illusion de la matière (l'). par A. de Rochas, 43.

Imitation (somnambulisme de l'), 7.

Impressions visuelles notées par les sensitifs, 250.

Indications formelles de la suggestion hypnotique, en psychiatrie et en neuropathologie (les), par E. Bérillon. 97, 124.

Intimidation (1'), 6.

Inversion sexuelle (traitée par suggestion), par Schrenk-Notzing, 15.

Ivresse au Congrès pénitentiaire de Saint-Pétersbourg (l'), 26.

Leçons sur l'hypnotisme, à Gênes, 158.

Législation de l'hypnotisme, 26. Lois de l'imitation (les), par Tarde, 4. '

Mage à la Société de Biologie (un), 188. Magnétisation-coutume. 4. Magnétisation-mode, 4. Maladies mentales, traitées par sugges-

tion, 109. Martyrologe des médecins aliénistes,

188.

Médecin (le bon), 187. Médecins et compagnies d'assurances, 347.

Mélancolie chez les prévenus (une forme

de), 180.

Métrorrhagies, traitées par l'hypnotisme, 179.

Monde comme volonté et monde comme représentation (le). 190.

Morphinomanes (les fonctions intellectuelles, morales et générales chez les), 146.

Morphinomanie par la suggestion hypnotique (traitement de la), par Otto Wetterstrand, 14.

Mozart (le crâne de), 250.

Mutisme hystérique, traité par suggestion, 100.

Neurasthénie (la), par Levillain, 312. Névroses, traitées par suggestion, 99. Névroses traumatiques (les), 86. Nutrition dans l'hypnotisme (la), par

Gilles de la Tourrette et Caihelineau

306.

Observation de thérapeutique suggestive, par Bernheim, 10.

Obsession chez un héréditaire forme d'). 90.

Opinion d'un député sur l'hypnotisme, 190.

Paralysie agitante, traitée par suggestion, 103.

Paralysie générale conjugale, 90.

Paraplégie hystérique, traitée par suggestion, 102.

Paraplégie totale de deux ans, guérie par suggestion, 92.

Perceptions olfactives, par Henry Charles, 315.

Personnalité dans les états hypnotiques (les variations de la), par A- Pitres, 175, 196.

Petite hystérie, traitée par suggestion.

par Journée, 18. Philosophie pénale (la), par G. Tarde,

277.

Physiologie de la veille et du sommeil, par Seygueyeff, 189.

Précurseur lyonnais de l'hypnotisme (un). 250.

Procès célèbre (épilogue d'un). par

Gilles de la Tourette, 241. Procès célèbre (épilogue d'un), par

Bernheim. 270. Prostitution (étude anthropométrique

de la), 183. Psychologie expérimentale de Berlin

(société de), 94. Psychologie physiologique (société de),

250.

Psychothérapie, par Bernheim. 161.

Régicides dans l'histoire et dans le présent (les), par E. Regis, 37.

Régicides (les faux), 40.

Responsabilité des deséquilibrés .(la), . 26.

Responsabilité pénale suggestions criminelles et). 166.

Révision de la législation sur les aliénés, 316.

Recherches psychologiques (société

pour les), 60. Roman (l'hypnotisme dans le), par L.

Achille, 25. Roncière affaire La), 234.

Schylock médecin, 94.

Séances publiques d'hypnotisme (interdiction des), 250.

Sensitifs (radiations perçues par les), par A. de Rochas, 204. 223.226. 300.

Société allemande d'études psychologiques. 384.

Société des neuropathologistes de Moscou, 188.

Société de psychologie physiologique, 250, 315.

Société d'hypnologie, 383.

Société française de tempérance, 347.

Société médico-psychologique, 180.

Société pour les recherches psychologiques, 60.

Sommeil dogmatique. 4. Sommeil simulé chez les aliénés, par Ballet, 170.

Somnambulisme (cas remarquable de).

par W. Ireland, 35. Somnambulisme nocturne, traité par

suggestion, 207. Somnambulisme social (le), par Tarde, 1. Somnambulisme spontané avec double

personnalité (du), par Charcot, 343. Somnolence (un cas curieux de), par

L. S. Sharp, 121. Sorciers limousins (les), 92. Spirites guérisseurs de Braine-le-Châ-

teau (les). 250, 284, 316. Spleen (au paya du), 186. Sueurs locales réflexes, 189-Suggestibilité de Gabrielle Bompard,

Suggestions criminelles et responsabilité pénale, par E. Bérillo,, 166,208,

261,338.

Suggestions criminelles post-hypno-liques, par A. Voisin, 382.

Suggestion dans les témoignages (du rôle de), par Bernheim, 8.

Suicide à deux, 181.

Suicide des hystériques (du) par A. Pitres, 111.

Syndrome amour (le), par E. Laurent. 44. Syphilis chex les anciens (la), 30. Syringomyélie, traitée par suggestion,

102.

Témoignages rôle de la suggestion

dans le), 8. Tempérance (Société française de), 317. Thérapeutique suggestive (applications

de la), par P. Van Velsen, 309. Thérapeutique suggestive (observations

de), par Bernheim, 321, 371. Troubles mentaux tabagiques, 86.

Urine dans la léthargie hypnotique (composition de l') par A. Voisin. 257.

Variations de la personnalité dans les états hypnotiques, par Pitres, 175.

Vol dans létal d'hypnotisme, 186.

Vomissements hystériques traités par suggestion, 102.

FIGURES CONTENUES DANS LE VOLUME

Fig. I. — VERGER (Jean-Louis), régicide. Fig. II. — AUBERTIN (Nicolas), régicide. Fig. III. — Passanante (Jean), régicide.

table des auteurs et des collaborateurs

Achille, 25. Axel Key. 69. Azam, 349.

Bailleul. 127. Ball, 146.

Ballet (G.). 170, 222. Baleman (F.), 182. Benedick, 87.

Bérillon. 45. 65, 73. 97, 125, 166. 193,

208, 261, 312. 338. Bernheim, 8. 10, 29, 161, 215, 270, 321,

371. Bertrand, 250. Bitot,111.

Bonnemère (E.), 287. Boucher, 92. Brouardel, 27, 222. Brunet, 127. Bugney, 180. Burdeau. 190. Buret, 30.

Cagny, 158. Cathelineau. 306. Charcot, 312, 313. Charpentier. 99, 180. Collineau, 82. Cortella (Luigi), 159. Coste de Lagrave, 92. Cullerre, 91.

Dejerine, 62, 225. Delbœuf, 118. 216, 218, 284. 289. Dobrovolsky (Mme le Dr), 274, 310. Ducourneau, 189. Dumontpallier, 355.

Eddison, 85. Eeden (Van), 122.

Falret, 254. Fanton, 150 Féré, 79.

Font Beaux (De), 93. Fore], 28, 359. Fraipont, 289.

Gaidner, 85. Garnier (P.), 52. 181. Gautier (G.) 190.

Gilles de la Tourette, 241, 273, 306. Grasset, 82.

Haraut, 127, 257. Hack-Tuke. 85. Henry (Charles). 315. Hitzig, 87.

Hubert (Eugène), 54. Huchard, 223.

Ireland (W.), 35, 183, 254.

Joly, 155. Journée, 18, 96.

Kingssbury, 84, 298. Kjellberg, 88.

Lacassagne. 224. Ladame, 124, 129. 188. Laurent. 21, 44, 277. Levillain, 79. 312. Liébeault, 358. Lloyd-Tuckey, 84, 118, 231. Lowenfeld 124. Luys, 118.

Magnan, 87. Marillier, 62. Masoin, 316. Mierzejewski. 87, 124. Moll, 118. 125. Monin (E.). 187. Morselli, 158. Motet, 222.

Neech, 85. Normann Kerr, 83.

Oppenheim, 86.

Pitres, 111. 175. 196.

Raymondaud, 93.

Régis, 37.

Reichembach. 300.

Renterghem (Van), 356.

Rochas (A. de), 43, 204, 223, 260.

Sanson, 156. Seeligmuller, 87. Sérieux. 88. 331. 337. Schopenhauer, 190. Schrenk-Notzing, 15. Séglas, 91. Sergueyeff. 189. Sharp (L.-N.), 21. Schultz, 86. Sollier, 91. Stembo, 67. 124.

Tarde, 1, 277. Tarnowski. 184. Thijssen, 87. 89.

Velsen (Van), 309.

Voisin (Aug.), 126, 127, 257,382.

Wetterstrand, 141.

Paris. — Imprimerie brevetée MICHELS e? FILS- passage du Caire, 8 et 10.